ee TE eI 和 تسن ل EIE E m <= TE OTT sr x a " DA i E n ye i 4 m abi, PUN nm RELATIONS VOY AGES CURIEUX: QUI NONT POINT ESTE PUBLIEES: Et qu'on a traduit ou tiré des Originaux des Voyageurs Fran- cois, Bfpagnols, Allemands, Portugais, Anglois, Hollandois, Perfans , Arabes & autres Orientaux , données au public par les foins de feu M. MELCHISEDEC THEVENOT. LE TOUT ENRICHI DE FIGURES, DE PLANTES non décrites, d'Animaux inconnus à l'Europe , & de Cartes Geogra- phiques , qui n'ont point encore été publiées. | NOPYELLE “EDITION, Augmentée de plufieurs Relations curieufes. TONTE PREMIEBR. 6:0 N DE NUAANOD T OISE TEL" SPARE, A VAR 1 SE Chez Thomas MozrTz Libraire, rue de la Bouclerie, à faint. Alexis, Mi DG. -XCVI. hes AÑEC: PRIVILEGE DE- SA MATESUE,. ve Su ἀπά AUN PER CR A ^ An a a ter - E usi De: en 5 e die Pis 10 mira ni "v o y ἀξ τὰ asie "wo سجن‎ o alle! cuta οὐ υἱκξ ob 1 لويم‎ Ta ea SEDE sti fpa dic da vU MAS s. od pat Semis Mos 7209 ¿abrio HB ptite ped x τς o cdi bt MD τ. ) NOR. AS — "ra 1 i $ ATIONS VOY AGES CVRAR V. QVI NONT POINT ESTE PVBLIEES; O V QVI ONT ESTE TRADVITES DHACLVYT; de Purchas , & d'autres Voyageurs Anglois , Hollandois , Portugais, — Allemands , Efpagnols; EB T DE QVELQVES PERSANS, ARABES, ET AVTRES Auteurs Orientaux. Enrichies de Figures de Plantes non décrites, d' Animaux inconnus à l'Europe " & de Cartes Geographiques de Pays dont on n'a point encore donné PREMIERE PARTIE De l'Imprimerie de |: covss Lancer 015 , Imprimeur ordinàite du Roy ; au Mont Sainte Gencuiefue ; Et en fa Boutique à l'entrée de la grande Sale du Palais; à la Reyne de Paix, cGAsPARD MET y k A sPercë Fils, à la Trinité; y Simon PiseT,àlaPrudence, | Aes : EMANvEL LaNGLO:s,àlaReyneduClergé, — | prue Saint Jacques: È: E i 3 Chez4 THomaslozrLry,dans la Gallerie des Merciers,à la Palme, & aux Armes) de Hollande, pP A Y | & LoOvyysBILLAINE, au fecond Pilier de la grand’ Salle; à la Palme & au 人 au Palais: Ex dde grand Cefar. i ^ Ln M DC LXILL AVEC PRIVILEGE DV Ror, Y — A — ^ - “Ma » ^ DI Le 00 Y ١ F 7 ἀν n J ^ - Ve 3d s M uam ua iTi GA AT wert ruo. € en: ‘ dobcsloBl rivi pos e seg iib e eni: ir 7 = E^ - i CHA NaTyA T1.2104 m ML onecoontt xii c Mo 9109119 oc si not salt vb dLiL DIE y "mur cade al AN iui Ron de ga د م‎ MATA Tm À um i sous ci CATS 12 i τω Dubia Alá À disc —— "m $a: re agli. sera: Aii I is e. ues 4 2 alli ‘bassa al 2073485): À Lco») gu UEM sed. 学 SD SÓN: Pea m J : | πα ^w سيم‎ t em o me Rete اللو‎ .- A 5 : odi Te ل‎ 生性 dt dci E. : q a . ux N^ Tu a , " hi di 4 : | ^ x i E 4 PL ^ D 4 T Sa Y N 5 - + A ar - x= E 5 a P. RELATIONS DE" DIVERS VOYAGES CVRIEVX. QVI NONT POINT ESTE PVBLIEES, ou qui ont efté traduites d'Hacluyt ,de Purchas , & d'au- tres Voyageurs Anglois , Hollandois, Portugais , Ale- mands, Italiens, Efpagnols; & de quelques Perfans , Ara- bes, & autres Autheurs Orientaux. Enrichies de Figures de Plantes non décrites, d Animaux inconnm à l'Europe, de de Cartes Geograpbiques de Pays dont on n'a point encore donné de Cartes, DEDIEES AU ROY, I PARTIE. A: PARIS, Chez ANDRE CraMo1sY, ruë de la vieille Bouclerie ; au Sacrifice d'Abraham. _—— —_——1_y Cc, s rtt. a mt “ND MDCLXXII «AVEC PRIVILEGE DU AOT. aot Sas! 1 ir. 0 et ES Ὗ ve m ens ae MR SANT LATE e ne tre! كي‎ ohne À AS NW ECE2<& ESSEN WOO As /] Ns È NAN TANT NT T IN YES EZIO RIA PTT PE SES LA AMEN RE AN NAO GIR = E IRE; | Je prefente à V offre Majefé «n recueil de Relations des In- des Orientales & des Voyages de long cours , dans le temps que la gloire de Voftre Nom a remply toute l'Europe, & que vos Sujets font fur le point de la porter auce voflre Empire au dela de l'Ocean: Ils trouneront dans les Rontiers x dans les Cartes des Portugais tont ce que prés de deux cens années de Naurgation & 2 i) 4 ERIS TRE. 1 dla naufrages leur ont apris pour trouuer fur la Mes la route es les traces dun fi long chemin. Les lettres des Generaux eo des Prefidens des Compagnies d'Angleterre & de Hollande leur découuriront les fautes qu ils ont faites, en eftabliffant leur Com- merce , 27 la maniere dont les François s'y doiuent prendre, pour le faire auec plus d'auantage. Us y trouueront la connoiffan- ce des terres que les Hollandois croyent 412027 intere de cacher au refte du monde. Ces Relations leur feront voir que les autres Peuples de l'Europe qui ont entrepris de peupler quelque partie de ces. valles terres و‎ fe font eputfez, d'hommes en executant ce de[- fein. Que la France feule y peut fournir , que fenle elle peut enuoyer afjez de monde pour y planter la Foy, e pour entretenir des Colo- uies qui les cultiuent. IL femble que la poffeffson luy en appartienne par ce droit naturel , & qu elle luy ait cflé veferuce au temps de Vo- fire vegne , fous lequel il n'y a point d'exaltation qu elle ne fe doiue prometire. La gloire, δὶ RE, d auoir gaigne des batailles, conquis des Prouinces و‎ € donné la loy aux Princes del Europe , vous fera commune auec d autres Conquerans , dont il n'y aque le nombre | €7 la grandeur de vos victoires qui vous diftingue. Mais celle d'o- bliger tout Voftre fiecle , on pluftoft tout le Genre humain y eft digne del Jc d'un Prince, autant éleué au deffus de fonts les autres que vowsl'eftes. C'oft AV . M. à prendre le foin d'en faire le bon-keur,comme elle en eff tout l'ornement € toute la gloire. C'eft à Elle à le rendre plus riche, plus abondant , plus fcauant , c» mieux informe de tous les fecours que les hommes peuuent tirer des Arts ou de la Nature. Ce fera par Vos ordres que l'on acheuera de defcouurir laT erre que les hommes habitent il y a ff long-temps, fans la connoiftre toute entiere. Lanouuelle Zembla, le Cabo Mendoct- no , €? la terre dlezo , ne feront plus les dernieres terres du Monde du cofté du Nord; e? du cofté du Midy on deura aV.M.la décom- uerte de toute la terre Auftrale, qui en fait one cinquitme Partie, aufi grande peut-effre que pas vne des autres. V M. tirera ces deux extremitez, du Monde du chaos où l'ignorance des hommes les a te- nues infques à cette heure enuelopées. Ceux qu'elleemployera à faire ces décommertes , rapporteront de nouueaux fecours pour la Vie EUPT.S TRE. bumaire de nouneanx vemedes [Pecifiques inconnus à nos Mede= cins , Cr pour les autres Arts ils feront les mefmes recherches. Ainff P Art de la Soye fut tranfporté de la Chine dans l'Europe ; le mefine eft arriné de | Artillerie & de l'Imprimerie 5 car cent ans auant qu elle en ἐμ} Pofage, cinq ou fix de fes Voyageurs eftoient retour= nez, de la Chine, ou ces Arts eftoient en pratique il y auoit long- temps. Enfin ces Entreprifes rendront voftre nom adorable a tout ce qu'il y aura jamais d hommes ; Peclat des actions de cette nature a ait tous les Dieux del Antiquité, c elles vous attireront les vœux er l'Ádmiration de tout le monde. Cependant ce tranail me fernira pour vendre on meilleur compte à V. M. done vie que ie luy dois confacrer, e de l'employ que d'en ay fait depuis mon retour d'Ita= lie, on comme en d autres occafions de fon fernice, ic me fuis 5 cé de luy donner des preuues de mon zele & de ma fidelité. C'eft SUAM E, DE VOSTRE MAIESTE, Le tres-humble tres-obeiffant , & tres= | fidele feruiteur & Sujet, | THEVENOT: * + v Tes a Po pà Nut UD. i i Bm n ١ x Ae dv 4 s i 1 [E tel 和 γα ἀντ A : TES cadi wi. V | δ | L'AS NET J Y 时 YA apte IN / £ * 1 Le ^ Es ud 5 À 3 saio 10-19 eld 和 4 A reputation de Μ' Thevenot toit fi Bien établie chez tous les gens de Lettres, & le foin qu'il apportoir à ramaffer tour cc qu'il yavoic de rare &de curieux non fculemenz dans l'Europe, mais auffi dans les autres paruesdu Monde, éroit i connu, qu'on fera furpris de voir qu'il luy für encore refté entre les mains quelques-uns des exem= plaires des Voyages qu il avoit fait impri- mer, & qu'on donne dans ces deux Vo- lumes. Cependant quoique cet Ouvrage fe fili acquis l’eltime de tous. lcs Curieux par les exemplaires qui s'en étoient répandus dans le pu- blic , & qui n'étoient qu'en perit nombre il n'en étoit pas luy- méme entierement fatisfair; & ceux qui; le connoifloient particulierement, fcavent toutes les difficultés qu'il fe formoit pour donner la derniere main à ce Recueil : car il recouvroirtous les jours quelques nouvcau- tés qu'il vouloit joindre à ce qu'il avoit déja fait, tant pour donner des éclaircillemens aux difhcultés qui sy rencontroient, que pour le mettre dans une plus grande perfection. On nc peut pas dire que tous les rerardemens qu'il apportoit à rendre fon Ouvrage entierement parfait, vint d'uncenvie quil corde conferver pour luyce qu'il avoit de plus rare & de plus curieux, ρα qu'on connoiffoit affez le zele qu'il avoit pour faire part au public de ce qui etoit entre fes mains; les correfpondances qu'il entrerepoic par tour pour en tirer ce qu'il y avoit d'extraordinaire afin de le pu- - blier, le juftifient aflez de cette jaloufie qui n'cft que trop commune entre les Curicux. Mais l’efperance qu'ont ordinairement tous les hommes d'avoir allez de loifir & de vie pour executer les grands projets qu'ils font, avec la fanté dont Μ' T hevenor jouiffoit en particulier, le faifoiene differer de jour en jour de publier ce. qu'il avoir. Il étoit fi fort occupé par les traductions quil faifoit luy-méme, & par celles dont il prenoit le foin outre la correction des impreflions à laquelle il travailloit con- tinucllement, & mème dans le temps qu'il eft mort ,qu'il étoit prefque impoffible qu'il pàt fatisfaire l'impatience du public, δὲ qu'il n'y εξ quelque confufion dans tous fes Ouvrages. Lc grand nombre de dif: ferentes Relations, les interruprions dans la fuite d'une Impreflion, & plufieurs Ouvriers qui travailloient quelquefois chacun en par. Li - AV E RAS: RENTE ENT. ticulier fur un mefme Ouvrage pour des raifons qu'on nc peut pas dite, y apportoient unc efpece de defordre , qu'il étroit bien difficile d'éviter. Cependant la rareté des exemplaires qui éroient entre les mains des Curieux, & une cinquieme Partie qu'il faifoit efperer apresavoir achevé la quatrieme , ne failoient qu'augmenter le defir de voir cet Ouvrage tout entier & dans fa perfetion. C'eft pourquoy Pon a cru que le public feroit bien =aife de trouver dans ces deux Volumes tout ce que M* Thevenot avoit fait imprimer de Voyages } & de Relations quand il eft mort, & de pouvoir êrre afluré que l'Ouvrage eft complet, comme on le pourra reconnoître parla Tal ls fuivante: ce qu'il cft fort difficile de rencontrer dans ces fortes de Recucils, qui n'ont point de fuite déterminée par les faits ny pat les temps. 5. 1 On a trouvé de grandes difficultés à rendre cet Ouvrage parfait & ^ complet ; il a falu faire rimprimer plufieurs feuilles qui ne fe trou- - voient plus, & méme quelques Relations toutesentieres, dont on ne trouvoit qu'une premiere épreuve avec quelques corrections; & l'on a été auffi obligé de faire graver pluficurs planches au lieu de celles , qui ont été perdues. 3 Maison n'a pas jugé à propos de rendre deux Relationscompietes, dont on n'a pu ramaffer que des feuilles fans fuite, quand melme on auroit pu avoir les originaux fur lefquels on avoit imprimé ce qu'on: en a trouvé: c'elt pourquoy on lesdonne feulement icy comme des fragmens, afin de ne rien laiffer perdre de ce que Μ' Thevenor avoit fait. Et ces deux pieces n'étant pas écrites en Francois, on n'a pas cru. que le public y eût pris affez de part, pour y faire une dépenfe confi., derable. On ne féra donc pas furpris, fi parmy ce Recueil on trouve de fauffes fignatures, & des chifres qui nc fe fuiyent pas; & l'on pourra. avoir recours à la Table, pour fcavoir fi l'on a tout ce qu'on peut avoir de ces ouvrages. à On a auffi ctu qu'on pouvoit renfermer en deux Volumes cc qui étoit divifé en quatre Parties, avec les pieces qui ne font raportées à aucune Partie, & qui devoient compoler la cinquieme. Pour ce qui eft de l'ordre, on a fuivi celuy que M* Thevenot avoit fair imprimer il y a quelque temps dans unc fcuille volante. Outre ces deux Volumes in folio, il y a encore un petit Recucil particulier in 8°. qui comprend le Voyage d'un Ambafladeur Mof- covite à Pckin, & une Découverte dans l'Amerique Seprentrionale, avec un Difcours fur la Navigation , & quelques Diflcétions d'In- fcétes de M. Svamerdam , & une nouvelle Maniere de Niveau. Il y a auffi deux petits Traités in 12° avec des figures, de l'Art de nâger & de lutter. ΄ i doy, ὦ D D M ع«‎ ὧν, ع«‎ meom i. Va av » VR WV RTS "OEC D 19 £ 0 v OT MS » ΟΝ Y ^ E a A Se MS ud و‎ me 00 pope 1 ἐδ ὃ 19 139 US كر‎ US شرج مزح‎ CL 1123 Pi 143 US IA tid كن الا‎ 5 τ v4 5 IA A τ كن كن‎ 1 党 党 ocio Sia So a cd 219 0195919 Na Na dia Gia SQ BCE SEE EER La Qe Sa io cl. DADA GUESS DES RELATIONS ET DES VOYAGES '^'vrecüeillis ou traduits par TOME PREMIER. I. Partie. DEStipior des Pyramides d' Egypte , com- .,mme ellesétoient Pan 1638. & 39. de, Notre Seigneur ,par Jean Greaves , traduite de l'Anglois; avec ¡une Lettre du Sieur Tito Li- vio Burauni , contenant une defcription des Momiesd'Egyptc, craduite de l'Italien, l'une & l’autre enrichie de figures fort exactes ὃς fort curieufes. Relation des Cofiques , avec la Vie de Kmiel- niski,tirée d'un Manuferit. Relation des Tarrares du. Crim, des Nogais, des Circaífes; & des Abaffas, par Jean de Luca; traduite d'un Manuferit Italien avec quelques Notes d'un Gentilhomme Polonois . qui ace long-temps efclave dans le pais. Relation de la Colchide ou Mengrelie. Informatione della Georgia di Pietro della Valle, tirée; d'un Manufcrit , avec l'Oraifoa funebre de Sitri Maani fa femme. À Voyage d'Antoine Jenkinfon au Cathay. Extrait de la>Relanon de l'Ambaffide que les -Hollandois envoyetent en 1656. & 1657. au Tarrare qui eft prefentement Maître de la ¿Chinée. : [ 50 à Relarion,de la Prife de ] Ifle Formofa par les Chinois le s. Juillet 166. Relation de la Cour du: Mogol par le Capi- 5taine Hawkins. ١ : Memoires de Thomas Rhoé Ambaffadeur du Roy d'Aneletetre prés du Mogol, traduits ida Recueil Anglois de Purchas, Voyage d'Edouard Terry aux Etats du Mogol, ttaduit du Recueil de Purgas. — Defeription des Plantes. & des Animaux des ; Indes Orientales par Kofmas Monachos, autrement Indopleuftes , tinte d’un Manu- fcrit de la Bibliotheque de S. Laurent de Florence, le texte Grec, & la traduction Francoife. Les Climats Alhend & Alíend de la Geogra- | ١ عتظم"‎ d'Abulfeda , traduits d'un Manufcrit Arabe du Vatican, Relation des Antiquités de Perfepolis , tra. ^ duite d’Herbert & de Figueroa, Commencement d'un Livre des Caldéens de Baffora , autrement appellés les Chrétiens de S. Jean; ἐσεῖς en cara&eres ucs- anciens, non encore vus cn Europe avec l'Alphabet Melchifedec Thevenor. de ces mêmes caracteres, & une Carte Afabe du país. Relation des Royaumes de: Golconda , Tan- naffari , Arecan, par Wilhem Methold Pre- fident de-la Compagnie Angloife; 1112 Relation de Flotis: Villiamfon ; du Golfe. de Bengale. À Relation du Royaume de Siam par Schouten, traduite de 1'Hollandois. Voyages aux Indes Orientales de Bontekouë, traduits de l'Hollsndots : Découverte de la Terre Auftrale, traduite de l'Hollandois, avec une Carte de cette cin- quieme Partie du Monde, Routier des Indes” Orietales par Aleixo da Motta, traduit d'un Manufcrit Portugais, II. Partie, Avis d'un des Facteuts de la Compagnie Hol. landoife fur le commerce des Indes. Autre Avis fur le commercé du Japon. Autre Avis fur le commerce des Indes Orien- tales, | 3 Le Routier d' Aleixo da Motta , traduit du Por- tugais, Carte Portugaife dela Cartera ,ou Navigation des Indes Orientales: Vuës des principales côtes des Indes Otien- tales. Memoire ou Voyage de. Beaulieu, François, fait aux Indes Orientales, Se dreffé par luy- meme. Trois Relations des Ifles Philippines ; avec une grande Carte de la Chine, du Japon, de la terre de Jezo, & de toutes les Ifles de l'Afie avec la Peninfule aa delà dà Gange, des Ifles des Larrons ou Mariannes, & de la Nouvelle Guinée. Relation du Japon par François Caton , avec les Remarquesd' Hagenar defavouces par M.Ca- ron. : Relation des Martyrs du Japon par Reys Gy 人 bertz Hollandois & Calvinifte, traduite de l'Original Holiandois, CARE ἢ Relation de la Découverte de la Terre d'Iefo, avec une petite Carte, 2 1: Flora Sinenfis, ou Defctiption des Plantes تق‎ Fleurs: de la Chine, leur maniere deles cul- tiver, avec les figutes des Plantes, ' Monumens antiques de la Religion Chrétienne, trouvés dans la Province, de Xenfi à la Chine; Ey e e dde TOME SECOND. JII. Partie, “Arte des Hollandois à la Chine. Route du Voyage des Ambaffadeurs Hol. landois à Pekin, avec plufieurs grandes fi- gures des habillemens , & de ce qu'il ya de plus confiderable dans la Chine. L'Atlas Chinois , ou Defcription Geographique de l'Empire de la Chine, par le P. Martini, avec une Carte qui convient tres-cxictemenc à fa defcripion; & à la fin une Addition au Royaume du Japon. Rapport que les Directeurs de la Compagnie Hollandoife des Indes Orientales ont fait de ‘état de leurs affaires aux Indes en 1664, IF. Partie. L'Indien, ou Portrait au naturel des Indiens, Fe Dom Jean de Palafox Evéque de la Pue- la de los Angels, Relation des Voyages du Sicur Acarete fur la Riviere de la Platte, & de la par terre jul ques au Perou & au Potofi. Voyage à la Chine des PP. Grueber & d'Or- ville, avec la Relation du Voyage par terre de ces mémes Peres, depuis Pekin jufqu'en Europe , où il fe trouve au 全 des remarques - curieufes fur la Langue Chinoife. Le méme en Italien. La Science Morale des Chinois , ou Íe fecond Livre de Confucius, traduit de la Langue Chi- noife par le P. Intorcetta, Hiftoire de la Haute Ethiopie, écrite fur les lieux parle P. Manuel d'Almeïda Jefuite, ex- traite & traduite de la cepic Portugaife du P. Balthazar Tellez, avec une grande Carte de l'Ethiopie, de l'Empire des Abyflins ,au- trement du Piétre- Jan , faite furles lieux par ccs mêmes Peres, & de petites Cartes de quel- ques Ports de la Mer Rouge. Remarques fur les Relations d'Ethiopie des PP. Jeronimo Lobo & Balthazar Tellez Jefuites. Relation du P. Jeronimo Lobo del’Empire des Abyflins , des Sources du Nil, de la Licorne. Découverte de quelques pais qui font entre l'Empire des Abyffins & la córe de Melinde. Relation du Voyage du Zaid ou de la The- baíde, fait en 1668. par les Capucins Miffion- naires en Egypte , avec un Itincraire de Montfalout au Caire. Hiftoire de l'Empire Mexicain reprefentée par figures , avec leurs explication litterale. Relation du Mexique, avec l’Hiftoire de la Nouvelle Efpagne , par Thomas Gages. Relations qui n'ont point encore pare. Oute d'Abel Tafman autour de la Terre Auftrale,avec la découverte de la Nouvelle Zelande & de la Terre de Diemens. Inftruction fur la route & fur les vents qui fe rencontrent otdinairement dans les voyages qui fe font des Païs bas jufqu'à Barravics dans l'Ile de Java, & au retour. L’Ambaffade de Schahrok fils de Tamerlam, & d'autres Princes fes voifins, à l'Empereur du Katay. ١ Autre Relation d'une Ambaffade du Czar à l'Empereür du Katay Bogdi l'an 1653. écrite en Latin, Synopfis Chronologique de la Monarchie Chi- noife depuis l'annéa 275. aprés le Deluge, jufquàl'année de N. Seigneur 1666, écrite en Latin, où l'on remarquera que la partie de cette Chronologie qui commence à la παῖς lance de J. C. à pour titre, Decas fecunda , fans qu'il y ait de Decas prima, Il faut voir la remarque de M. Thevenot au fujet de cette Chronologie, qui eft en apoltille à la ‘page 22, du Voyage des PP. Grueber & d'Orville. L'Añe de Barros, ou l'Hiftoire des Conquétes des Portugais aux Indes Orientales, Relation des Chrétieus de S. jcan faite par je P. Ignace de Jefus Carme Déchaux, Mi 人 fionnaire à Baflora. Voyage de la Tercete fair par le Comman- deur de Chafte. Elemers de la Langue Tartare, en Latin. Fragment contenant la defcription des Ifles de Salomon, Autre Fragmentfervant à l'hiftoire de quelques Princes Orientaux. Dans le Volume in 8°. Vis d'un Ambaffadeur que le Tzaar de Mofcovie envoya à la Chine l’année 1653. dont il eft parlé dans la Relation du Voyage des Ambaffadeurs de la Compagnie Hollan- doife à Pekin. Découverte de quelques Païs & Nations de l'Amerique Septentrionale, & de la grande Riviere de Mitchifipi , avec une Carte dc fon cours. Diícours fur l'Art dela Navigation , avec quel. ques Problèmes qui peuvent fuppléer en par: tie ce qui manque à un art fi neceflaire, avec une nouvelle conftruction de Niveau; Les Hiftoires naturelles de ΓΕ phemere & du C ancellus ou Bernard l' Hermite , décrites Se reprefentées en figures par M. Swamerdam, pour fervir de fupplément à ce qu'Ariftote & les autres en ont écrit. Volume in 12°. L'Art de Náger, & celuy de la Lutte , avec des figures. —rà A Paris, chez Thomas Motte, Libraire. 1696. SS GONO S UOC YI Stk CNY عن‎ OS هاه‎ us 012 AOC qiu did PIE 200000 LDUIT RD. PES Los aio m Sur le deffein y & [ur l'ordre de ce Recueil. 'ENTREPRENS de donneràla France les Voyagés Anelois Ad Haciluyt & de Purchas,quiil y a fi long- “temps qu elle fouhai- 2 ce d'auoir en fa Langue. Pen adjoufteray à ceux-là plufieursau- 2 3 tres non moins curicux ; qui ἢ ont 1amais veu le 10ur, & beau- : dI coup quiayant cfté publiez en d'autres Langucs, viennétd'eftre NP] traduits en la noftre pour en enrichir ce Recucil.I'ay encore eu; RIE: en le faifant, la veué de rectifier ὃς d'accroiftre le peu de con- noiffance que l'Europe a euë jufqu'icy de l’Afie; & pour cela; ie me fuis refolu d'y | joindreles Traduétions de quelques Auteurs Orientaux , qui en ont fait ou l'Hi- ftoire ou la Defcription. Sans me renfermer toutcfois dans cette feule Partie du Monde, mon intention cft d'en faire autant pour lcs autres Parties, & de donnct γῆς Relatió de tous les Eftats & Empires, & d'autant-plus fidele & plus cxacte,que 1c laferay fur de meilleursOriginau x,& fur la foy de Perfonnes choifiesentre ceux qui les ont courués ὃς obferutes auec plus de foin. Pay voulu auffi fauuer de l'ou- bly quantité de Voyages& de memorables actions de nos Francois, qui femblent auoir cu plus de cœur pour les faire, que de foin pour lesécrire. Ce n’eit point, au refte , afin d’eftablir le merite de cét Ouurage; que J'arrefte icy le Leéteur; pour luy faire connoiftre la difficulté qu'on a euë à ramaffer toutes ces Pieces, & àles tra- duire d'onze cu douze Langues differentes. Mais ie ne puis mempefcher de dire quelque chofe de la fin que ie m'y fuis proposée, parce que ie fuis perfuadé qu'il ny aura point d'homme raifonnable qui ne l'approuuc: Il acíté remarqué dans lestutnemensde ces deux derniers Siecles, que la Naui- gation & le Trafic ont eu leur part dans toutesles grandes reuolutions qui y font arciuces.Car fans parler du bouleuerfement de l'Empire des Yncas & du Mexique; auili-bien que de celuy de tous les Eftars des Indes Orientales, il eft certain que les . Peuples qui font nos plus proches voifins fe font enrichis, par le moyen de ces Arts, & infinimentéleuez au deflus de leurs propres forces. Par la l'Efpagne feft trouuée eneftac de di(puter de grandeur aucc la France. Par là les Portugais, qui eftoient refferrez dans ' vn des plus petits& plus fteriles cantons de l’Europe, fe fonteftendus par toute la Terre; & les Prouinces Vnies, qui jufquà la fin du Siecle precedent, Peftojent contentées de la Pefche, & d'vn Commerce de Porten Port, fe font mifes en poffeflion des Indes d’Orient,onten- tre les mainsle plus riche Commerce de la Mer, tiennent plus de licués de pays dans ces contrées fi reculces, qu 'ellesn'ont d'arpens de terre dans la bafle Allema- gne,& par là font arriuécsà traiter d' égalauec desPrincesqu'elles reconnoiflojene auparauant pour leurs Souuerains. Mais les Efpagnols fe fontépuifez de foldats pour armer ces riches Flottes , & pour garnir و16‎ Places de leurs nouueaux Eftablif femens; & peur-eftre que l'or & l'argent duPerou & du Mexique ne les ont pas enrichisà proportion dece que cét épuifement d'hommes lesa affoiblis. LesPortugais n'ont pù fournir à ces Armemens, &il ne leur refte prefque plus rien de leurs s Conqueftes des Indes Orientales, quela gloire des bellesaétions que leurs Conqueransy ont faites. LesHollandois font tous lesiours obligez de fe feruir d'Eftrangers pour ces Nas uigations, & principalementde nos Francois, qui vont chercher chez eux vn em- ploy auquel ils fontfi propres , & qu'ils nctrouuent point chez nous; & ils ont قاعم‎ μον AVES. de Placesen ce pays-là , où il n'y ait plus d'Eftrangers que de gens de leur Pays, ὃς plus de François que de pas vne autre Nation. Ἐς me fuis imaginé que les exemples de ces Conqueftes, & des richeffes que nos Voilins en tirent,pourroient exciter yn iour ceux de noftreNation à entreprendre la meíme chofe, & à nauiger dans ces Mers éloighées, fous le Pauillon de France; & que la le&ure des Voyagesquilesexciteroit à en faire de parcils, leur feruiroit encore pour les inftruire de la conduite qu'il y faut tenir. On a écrit que la connoiffance de la Nauigation d'vn Bafque,qui auoit efté jetré par la tempefte fur les Ifles de l'Amerique , tut caufe que Colomb en entreprit la découuerte , & que dix-fept mille écus que coufta fon Armement, & qui furent auanccz par vn particulier ( car le Roy Ferdinand ne voulut pas hazarder cette fomme ) auoient vallu aux cinq derniers Roys d'Efpagne dés l'année 1645. plus de quarante-cinq mille millions d'or, en barres d'argent, & en lingots d'or , comme il fe void dans les Regiftres de la Cafa de Contratacion de Seuille ; & bien dauan- tage en Droits & en Marchandifes. IcanII. Roy de Portugal , quelques années auparauant , entreprit la décou- uerte des Indes Orientales, fur la lecture du Voyage de Marco-Polo, & fur la Re- lation de deux hommes qu'il auoit enuoyez par terre pour les reconnoiftre ; & fes Sujetsqui auparauant n'ofoient pafler vn Cap cloigne de deux cens lieuës de Lifbonne » qu'ils appelloient;par cette raifon,Cap de Non, ont rangé depuis,toutes les Coftesdu Monde, & en ont fait le tour. La Relation de Houtman , qui feftoit informé en Portugal de l'eftat des Indes Orientales , & la propofition qu'il fit de cette Nauigation aux Marchands d'Am- fterdam, fut caufe de l'Eftabliffement de la Compagnie Hollandoife, qui les pof- fede maintenant auec tant de reputation & d’auantage. Le recit mal-affeuré des richeffes du Perou,en gagea Pizarre, Almagre,& le Mae- ftre Efcuela de Panema , à faire vne Cópagnie pour y aller, auecfi peu d'apparence de (uccés , qu'ellefut d'abord appellée ها‎ Compañia de los tres locos; & cependant c'eft aces trois Fous que l'Efpagne doit les richefles du Perou,& la dépoüille des Yncas. Ie voy tous les iours citer Linfchot par les Pilotes dans leurs Nauigations ; & jay remarqué dans beaucoup de voyages Anglois, que la le&ure d'Hackluyta fou- uent tiré leurs Nauigateurs , & des Flottes entieres, de fort mauuais pas. Les raifons & les exemples precedens m'ont fait croire que mon Trauail pour- roireftre vn ¡our vtile à ceux de mon Pays, quand l'amour de la Gloire ou celuy. de l’intereft, leur feroit rourner les yeux de ce cofté-là. C'eft en leur faueur que J'eflayeray de mettre en ce Recueil tout ce que lesautres Peuples ont de meilleur en ce genre, & tout ce qui pourra feruir d'inftru&ion pour la Nauigation, pour le Commerce,ou pour l'Eftabliffement des Colonies,d'oü l'vn & l'autre dépédent. Età caufe qu'vne des chofes qui femblent refroidir le plusnos François de fai- re de femblables Entreprifes, eft le peu de fuccés qu'ont eu toutes celles de cette nature, qu'ils ont faites iufqu à cette heure, & qu'à caufe, par exemple, que Ville- gagnon, Monluc, Ribaut & Rauardiere n'ont pas long-temps conferué dans PA- merique les Poftes qu'ils,y auoient occupés, & que ceux du Cap de Nord dans ces derniers temps n'y ont pas cfte plus heureux : ils tirent de là vne confequence que la Nation n'y eft pas propre; Te tafcheray de les defabufer de cette opinion : car ils pourront voir dans les Relations de l'Eftabliffement de toutes les Colonies desautres , & principalement des Anglois, des Hollandois, des Efpagnols & des Portugais, qui feront vn Volumeà part,d'vne iufte groffeur , que ce qui eft aue- nu à nos François, leur eft auffi auenu au commencement de leurs entreprifes , té- moin les reuoltes& les diuific ns des Pizarres & desAlmagres au Perou,& des Cor- tés & des Naruacs au Mexique. La difference qu'on trouuera entre-eux & nous, & ce quia fait rcüffir nos Voi- fins, cft que nous nousfommes rebutez dés la premiere difgrace qui cftarriuceà AVE LEX nos Colonics, au lieu que les autres, principalement les Anglois, onteu la con- ftance de voir ruiner dans la Virginie ,lescinq ou fix premieres des leurs, Lars defefperer comme nous de sy eftablir. | MaislaNauigation, le Commerce, & les Colonies, ne font pas 5 feuls auanta- ges qe j'eftime qu'on peut tirer de ces Voyages. Car fans mettre en confideration que Pelprit & le Jugement fe perfeétionnent dans cette forte de lecture , & qu'ils y acquierent vne certaine eftenduë qui les empefche de condamner legerement tout ce qui n'eft pasícion la maniere de leur Pays,ou felon la leur particuliere; Il eft encore vray que la perfection des Arts peut eftre fort auancée parce moyen, & par la communication que les hommes ont les vns auec les autres,de ce qui fe pratique chez eux. On n'a peut-eftre pointencore fait affez de reflexion fur le profit qui peut produire cette communication des pratiques dans les Arts, ny pense com- bien elle peut apporter de commodité à la vie humaine. Entre ces Arts; Jay crû que le principal foin deuoit eftre pour ceux qui font les lus vtilesau bien de la Socicté. Par cette raifon, ie me luis efforcéautant qu'il m'a efté pofl. bl=, de perfeétionner la connoiffance que nous auons de la Geographie; de la Nauigation, du Commerce, de l'Hiftoire naturelle, & de tous les autres Arts qui cont:ibuéntà cette fin, Pay recherché curieufement tout ce qui pouuoit don- ner lumiere des Pays inconnus jufquà cette heure : & pour l'Hiftoire naturelle; jay ramafsé auec le mefme foin,lesnouuelles decouuertes de Plantes, d'Animaux, de Mineraux, & de leurs propriétez , qui nous peuuent cftre de quelque vfage. Ie continuéray à recueillir tout ce que j'en trouueray chez les Eftrangers; & comme Hackluyt ὃς Purchas ont inferé dans leurs Liuresles Inftru&ions que l'on donnoit de leur tempsà ceux qui faifoient de longs voyages, ie les imiteray dans ce Re- cueil. Ie mettray tantoft les inftruétions du General d'vne Armée Naualle ; tan- toft celle d'vn Nauigateur que l'on enuoye pour faire vne découuerte ; quelque- fois des Memoires de Marchands pour vnFa&eur, & pour eftablir yn Commer- ce cn Mofcouie,ou aux Indes; d'vn Teinturier qui fera le voyage de Leuant pour apprendre les fecrets de fon Art; ou d'vn Medecin pour en rapporter ce que ces Peuples éloignez ont de meilleurs remedes ou de plus feures experiences con- tre les maladies. Don trouuera, en premier lieu, dans ce Recueil ; les Relations des Pays qui Pé- tendent depuis les bords du Pont-Euxin jufquesà la Chine و‎ & en fuite les Pieces qui regardent la Perle, les Eftatsdu Mogol, & les Indes. La Relation des Cofacques fera donc la premiere ; ie n'en {gay point l'Autheur; mais il ne faut pas que le Publicignore qu'il en a l'obligation à Monfieur Iuftel puifque le Manufcrit ena efte tiré de fon Cabinet. Celles des Tartares, des Circaffes, & des Abcaffes, &c. eft dvn Miflionaire. Olearius qui le rencontra dans fon voyage, luy donne la qualité d'Ambaffadeur du Roy de Pologne. i L'on n’a pointencore vù, en noftre Langue, de Relation de la Colchide ou Men- grelie ,ny de Carte de ce Pays-là. Ie pourrois dire la mefine chofe de la Relation de la Georgie de Pietro della Valle, que l'on n'a point voulutraduire , de peur de faire tort à fon ftile, fi propre pour ce genre d'écrire. La Nauigation de lenkinfon, & fon voyage dans le Turkeftan & le Maural- nahar, nous donne aufli connoiffance d'vn Pays dont nous en auons cu fort peu jufquesà cette heure, & confirmele difcours que l'Ambatfadeur de Mofcouic fit aux Hollandois, que la diftance entre la Mer Cafpienne & la Chine n'eft pasfi grande qu'on la fuppofe. | L'Extrai& du Voyage desHollandois à la Chine en 1656. & 1657.a eftc inferé icy sen attendant que l'on en donne la Relation toute entiere auecfes Figures. A la Prife del’IfleFormofa par les Chinois, l'ona joint vne Defcription de Me, faite par Monficur de la Moriniere, qui a porté les armes quatre ou cinq ans en à li) ἘΌ au temps de l'Empereur Iuitin. AVIS. ces Pays-là , & que Pon mettra plus eftendué, auec fon voyage , dans le Volume de la Chinc. Hawxins Rho£, Terry, Methold, ont demeuré lon g-temps,auec autorité, dans les Pays qu'ils décriuent, & par cette raifon, leurs Relations en font plus exactes & plus croyables. Le Fragment Grec du Cofmas vient de Monfieur Bigot, qui l'a copié dans la Bi- bliotheque de Florence, il eft fort court; mais cependant , il nous donne la verita- ble caute de l'inondation du Nil, la defcription de l'Animal d'où vient le Mufc; & d'vnautre quiauroit pafsé pour vn monitre ou pour vne chimere; fil'on n'en auoit trouué vne tcfte dans le Cabinet de feu Monfeigneur le Duc d'Orleans, qui cft maintenant au Louure , dont on a fait grauer la figure aufli grande que le naturel , pour la mettre dans vnautre Volume où Pon aura fujet de le decrire. Les Chreftiens de Ceilan, dont les Preftres receuoient en ce temps- *là les Ordres fa- crez en Perfe : les Nations de l'infcription de Ptolomée Euergetas ; là date de la 27. année de fon Regne, contraire à la fuppofition d'Eufebe & des autres Chro- nologics quenous auons des Roys d Egypte; L'autorité qu'elle donne à Marco- Polo; qui dit que Cublaican enuoya des Ambafladeurs au Roy de Ceilan pour avoir cette Efcarboucle qui y eft décrite ; & l'eftime de la longueur & de la largeur de la terre, felon les Brachmanes, rendent cette piece tres-confiderable ; & tres- grande l'obligation que lePublic en a à celuy qui l'a copie. C'eftoit icy le rang d'vne Relation des Chreftiens de Baffota ; apres les Tables d’Abulfeda & les Antiquitez de Perfepolis : mais comme il me manque quelques Pieces que j'ay deffein dy joindre, ic mc fuis contente de donner vne Carte par- ticuliere des enuirons de Baffora, en cara&teres Arabes ; où l'on a marqué dans chaque lieu le nombre de leurs Familles, &le commencement d'vn Liure qui eft dans la mefme veneration parmy ces Peuples, que la Bible entre les autres Chré- tiens ; mais qui a cela de fort curieux , qu'il eft écrit en caracteres tres-anciens; que l'on n’a point encore veusen Europe. Pour la tradu&tion , on ne l'apoint vou- lu mettre icy , à caufe que la perfonne qui y atrauaillé n'a encore pú f'éclaircir de quelques doutes qui l'auroient rendué imparfaite. On doutera d'abord de la verité du voyage de Bontekoé; mais en Hollande, où J'on a examiné beaucoup de gens de fon Equipage, qui Peftoient nourris de ces poiffons qu'ils prenoicnt en volant par deffus leur Batteau , elle paffe pour tres- autrée; & enfin, le faut de Bontexoé n'eft pas plus difficile à croire que celuy du P q y Capitaine d'vn Vaiffcau Hollandois , qui ayant efte attaque par les T'urcs versle Ὁ Détroit, & reduit à la neceffité de fe rendre, fatisfità fon ferment; & mit le feu aux poudres;ilen futenleue en l'air auec tout fon Equipage; & retomba fur le Til- lac d'vn des Vaiffeaux qui l'attaquoient, où fon Ennemy luy fit mille careffes,le fit traiter, & luy donna la vie auec la liberté. Cependant, la verité de cette auenture cft conftante, & il n'y a pas long-temps que la chofe eftarriuée. * La Terre Auftrale , qui fait maintenant vne cinquiéme Partie du Monde, a cfté découuette à plufieurs fois; la Partie nommée de Vvitlandt en 1628.1a cofte que les Hollandois appellent la Terre de P Nuyt,le 16. lanuier1627. la Terre de Diemen le 24. Nouembre 1642. celle qu'ils ont nommée la nouuelle Hollande en 1644. Les Chinois en onteu connoiffance il y a long-temps; car l'on void que Marco-Polo marque deux grandes Itles au Sud-Eft de Iaua, ce qu'il auoit appris apparemment des Chinois , auec ce qu'il dit de l'Ile de Madagafcar; car ces Peu- ples ont fait autrefois ce que font maintenant les Nations de l'Europe , & ont cou- ru toutes les Mers des Indes jufques au Cap de Bonne-Efperance, pour le Com- merce & pour faire de nouuellés découuertes. Pelíart , dont ona mis icy la Rela- tion dela terre Auftrale ; y fut jetté, pluftoft qu'il ne la découurit; mais l'on don- neraen fuite les Voyages de Charpentier & de Diemen , à qui ondoit le principal honneur de cette Découuerte ; Diemen en rapporta de POr, de la Porcclaine , & Suy y mille autres richeffes , qui firent croire d'abord que le Pays produifoitroutesces chofes;L'on a fçeu depuis,que ce qu'ilen rapporta venoit d'yne Carraque qui auoit ¿choiié für ces coftes;le myftere qu'en font les Hollandois , & la difficulté de per- mettre que l'on ne publie la connoiffance que l'on en a; faitcroite que ce Pays eft riche. Comment auroient-ils cette Jaloufie pour vn Pays qui ne produiroit rien de ce qui merite qu'on l'aille chercher fi loin? L'on fcait d'ailleurs qu'ils y en- uoyerent des trouppes pour fy cítablir , & qu’ils trouuerent des Peuples fort re-, folus qui fe prefenterent aux Hollandois fur la gréve où ils deuoient débarquer, & les vinrent receuoir iufques dans l'eau, les atraquerent dans leurs chalouppes; nonobltant l'inégalité de leurs armes; Les Hollundois difent qu'ils trouuerent des hommes qui auoient bui& pieds de haut; Pelfart ne marque point cette gran- deur extraordinaire ; & peut-eftre que la peur qu'ils firent aux Hollandois, qui les obligea à fe retirer , les fit paroiftre plus grands qu'ils ne font en effet. Quoy qu'il en foit; prefque toutes les coftes de ce Pays-là ont efte découuertes, & la Carte que Pon en a mile icy,tire fa premiere origine de celle que l'ona fait tailler de pieces rapportées , fur le paué de la nouuelle Maifon-de- Ville d'Amfterdam. Le Routicr eft la piece la plus exaéte qui ait paru en ce genre; mais on ne le donne pas icy tout-entier, parce qu'il auroit ttop retardé la publication de ce Vo- lume; Comme il eft diuisé par Voyages,on a crá qu'on le pouuoit feparers & en la place de ce que l'on ena ofte; l'on a mis la Deícription des Pyramides d Egypte. Il n'y a rien à dire de l'exactitude auec laquelle elles font décrites; car le difcours le Fera mieux connoiftrc que tout ce que l'on en pourroit dire icy. Au refte , ceux qui liront ce Recueil , ne fe doiuent point eftonner de voir les noms propres des chofes de l'Orient écrites fouuent autrement par vn Hollan- dois que par vn Anglois, & quelquefois miles diuerfement dans vn meíme Au- teur; ceft vn changement qui arriue toufiours lors que les mots d'vne Langue fonten la bouche,ou fous la plume d'vne perfonne à qui elle eft eftrangere : mais c'elt vie neceffité, que la chofe arriue de la forte dans les Langues Orientales, puif- que les Orientaux mefmes, à qui elles font naturelles, les prononcent diuerfement lorsqu'ils les lifent. Ces Peuples, pour la plufpart, ne marquent point les voyelles des mots qu'ils écriuent; Ainfi, par exemple, en lifant Mogol ,les vns diront Ma- gol, les autres Mogul. Cela eft fi vniuerfellement vray, qu'Abulfeda fe plaint qu'entre les Geographes qui l'ont precede , les plus exacts n'auoiét point eu le foin de marquer la veritable prononciation des noms des Pays qu'ils decriuent; & il ad- jétite;que c'eft par cette raifon qu’il fait vne Colonne dans fa Geographie , où il marque toutes les voyclies de chaque mot. Dansces Langues,ce défaut a fon auan- tage ;car il rend leur écriturc quafi vniuerfelle à diuerfes Nations qui la lifent dif- fcremment. Mais c'cft vne grande difficulté pour nous autres; auec cela, imaginez- vous quel changement doit faire , dansces termes écrits auec tant de diuerfité, le manquement que nous auons de lettres dans noftre Alphabet, pour expri- mer ces mefmes termes , & la difficulté du cofté de la difference des orga- nes de la voix pour les prononcer. Il eft vray que fi les Europeans eftropient leursnoms,ils nous rendent bien la pareille ; & il y en afort peu, dans leurs Hi- ftoires ,que nous puiffions reconnoiftre. Si de leur Zaraduft nous auonsfait Zo- roaftre , ils ont déguisé auffi le nom d'Heraclius qu'ilsappellent Arcol ; celuy d'A- lexandre qu'ils nomment Alcandhar ; & ainfi du refte ; "eft pourquoy on doit ex- cufer ce changement quand on le rencontrera dans ces Voyages, puif-qu'il eft de meilleure foy de mettre les noms comme ón les trouue , que de lescotriger fans les voir écrits en la Langue du Pays, qui feroit le feul moyen de le pouuoir faire auecquelque fondement. Les Figures que Pon trouuera dans ce Recucil د‎ (eront toutes copices fur des ori- ginaux, & non pointrirées du caprice du Graueur & du Peintre; car celles-là don- nent pluftoft vne fauffe idée de la chofe;qu'elles n'aidétà en éclaircir la Defcriptio. TUE L È DES RELATIONS DE CETTE PREMIERE PARTIE. Relation des Cofacques, anec la V ie deKmielniski , sirée d'un Manufcrit. Relation des Tartares du Crim , desNogais , des Circalles, gg des Abaffas , par Iean de Lucca; traduite dur Manufcrit Italien, auec quelques Notes d'un Gentil-hommePolonois qui a eflélong-tempsefclaue dans lepays. Ὁ Relation de la Colchide, o4Mengrelie ; traduite de | Italien. Informatione della Georgia di Pietro della Valle; zirée d'un Manuferit, Oraifon Funebre de Sitti Maani ifafemme, qu'il recita luy-mefme. | Voyage d Antoine Ienkinfon au Cathay ; traduit de l Anglois d Hackluyr. — Extrait de la Relation de l'Ambaffade que les Hollandois enuoyerent en 1656. €7 1657. au T'artare qui efl prefentement M aiftre de la Chine; tra- duite d'un Manufcrit Hollandois. | Relation de la Prife de l'Ifle Formofa par les Chinois , Je y. Iniller 1665. Relation de la Cour du Mogol , par le Capitaine Havukins ; traduite de l'Anglois de Purchas. Memoires de Thomas Rboé, Ambaffadeur du Roy 4 Angleterre prés du Mo- gol s traduits du Recueil An lois de P urchas. 17 d'EdoúardT erry aux Eflats du Mogol;zraduit du Recueil de Purchas. Defcrip:ion des Plantes ¿y des Animaux des Indes Orientales par Cofmas Monachos autrement Indopleuftes; tiré d'un Manufcrit de la Bibliothe- que de S. Laurens de Florence , le texte Grec auecla Traduction Frangoife. Les Climats Albendgg Alfend de la Geographie ἀ Abulfeda ; traduits d'un Manulcrit Arabe du Vatican. | Relation des Antiquitez de Perfepolis , traduite d'Herbert, eo de Figueroa. Commencement d'un L inre des Chaldeens de Baffora , autrement appellez les Chreftiens de S. Iean , écrit en caraclerestres-anciens non encore veusen Eu- rope, auecl Alphabet de ces mefmes caracferes eo une Carte Arabe du Pays. Relation des Royaumes de Golconda, Tannaflari, Arecan,par Vwillem Me- thold , Prefident de la Compagnie ot straduite de l Anglois de Purchas. Relation de Vruillismfon Flors,du Golphe de Bengale traduite dePurchas, Relation du Royaume de Siam par Schouten , traduite de Hollandois. Voyage aux Indes Orientales de Bontexoé; traduit aufsi de Hollandois. Découuerte de la terre Aultrale ; traduite auffi de la Langue Hollandoife , auec une Carte de cette cinquiéme Partie du Monde. Routier des Indes Orientales par Aleixo da Motta, Cofmographo Mor da Carrera das Indias traduit don ManulcritPortugais, Defcription des P yramidesd'Eg ypte, par lean Greaues ; traduite del'Anglos; elle ne dépend point des autres Pieces dece Volume, ainfî elle fe pourra mettre au commencement ou à la fin. c. fo )gements des Prestres Épptiens = O TEO 7 rc DE la fronde Lyramide. D non Décrit. vel Piramidal Qi. T L'entrée dirne grotte creusee dansla 1 Montagne qui nestpas en cet endroit | E de Roche eiue mais de grawser attache | | fortement ensemble . 5. +.Entree dune Descente large de deux più 4 poulcahaute de deux piéds et deny x: ER ' Hacé Exterieure LIT de la premiere, et de la plus ¿grande Des A Pyramides , A! Lentree de la Fyramide 4 be La monte dela premiere gallene ce L a premiere gallerie. REL S dr Le puto, | EE dhL i conduit ala Chambre Voutee | hi La se e E i [| | | LU IM n Laprenuerre anti chambre ^S = N nq La Jeconde antichambre S S i op La chambre ou est le tombeau Y p Lin Nr “τὶ , a5 NS YS. τοῖν RR SIE "^r MP. D ^ * h worse. 23 » 3 د ا À ee 1 E &X^ Si 7 A m "Ae NAN "ne ve " M un Z2. UR. AME P ER ia d p Ó E. MT re En vcf E E SE RE RE PP OO DO OR DESCRIPTION DES PYRAMIDES D'BGTPTE, par Lean Greaues , Profeffeur en Aftronomie en l'V ninerfité d'Oort. A quelle fin les Pyramides ont efté bafties > & de la maniere des Egyptiens d'embatime les corps. SM gas Es Anciens qui ont parlé des Pyramides font tous d'accord qu'elles 2 by; ont efté bafties pour feruir de Monumens; Diodore & Strabon le di- WES (ent clairement, les Arabes confirment la mefme chofe; & le tom- "RW. beau qu'on void encore aujourd'huy dans la plus grande Pyramide; foit qu'il foit de Cheops, comme dit Herodote , cu de Chemmis felon Diodore, inet la chofe hors de doute. C'eft vne recherche curicufe ,de fcauoir pourquoy les Roys d'Egypte entre- prirent ces grands Baflimens. Ariftote dit que g'a efté pour exercer leur tyrannie: Pline croid qu'ils les ont baftis en partic par oftentation de leur puiflance, & auffi pour tenir leurs Sujets occüpez , & les diuertir des pensées de reuolte. Quoy que laraifon que Pline rapporteait pú entrer en confideration , toutesfois felon mon Íens , elle n'a pas efte la principale. Pour moy, ie croy l'auoir crouuée dans la Theologie des Egyptiens; Seruius lors qu'il explique cc vers de Virgile animamque Sepulchro condimus dit que les Egyptiens croyoient que l'ame demeuroit attachée au corps tant qu'il demeuroit en fon entier ; Que les Stóiciens eftoient de la mefme opinion; les Egyptiens; ce dit-il, embaúment leurs corps, afin que lame nefen fepare pas fi- toft pour paffer dans vn autre corps. Les Romains au contraire les brülent afin que l'ame puiffe pluftoft retourner à fon principe , & fe reünir à fon Tour. C'eft . pour conferuer les corps plus long-temps, que les Egyptiensont inuenté ces pre- cieufes compofitions dont ils les embaüment , & qu'ils leur ont bafty de fi fuper- bes Monumens , efperant parlà les preferuer de la pourriture , & les rendre en quelque façon eternels. Herodote , parlant en fon troifiéme Liure de là cruauté de Cambife, qui fit ti- ter du tombeaule corps d'Amafis Roy d'Egypte, pour le faire foüetter & le trai- ter aucc route forte d'ignominie , dit qu'on le brüla;ce qui eftoit contraire à (a Religión : car les Perfans adorent le feu comme vn Dieu, & tiennent qu'il y ade l'irreligión de luy faire confúmer le cadavre d'vn homme. Les Egyptiens au con- traire ; croyent que le feu eft vne creature viuante, qui deuore ce qu'on luy pre- fente, & meurt apres auec ce qu'elle a deuoré. Ils les embaüment ou fallent;pour empefcher que les vers ne les confomment ; le mot Grec dont il fe fert eft Taeie Ver Bah ἃς Platon fen font feruy dans la mefme fignification; & Lu- Baruch 6.1. cien en vn endroit dit , les Grecs brülent leurs morts, les Perfans les enterrent, Plato. Phz- les Indiens les oignent de graiffe de porc, les Barbares les mangent, &les Egy- ro a. ptiens les fallent δὲ lesembaüment: C'eft delà que vient l'allufion que Marc- Aurelle fait fur le mot de Tecno» ; ce qui eftoit hyer , ce dit-il, vn excrement, dcuient Ταεῖχος , vn corps embaümé , ou eft reduit en cendres. Outre que l'em- ba&ümement rendoit le corps auffi dur que du marbre; l'ame, felon leur Religion, y demeuroit vnie :ce qui donna fujet à Platon ; qui demeura en Egypte auec Eu- Stab. Liz: doxus l'efpace de treize ans, de tirer vne induction de cette longue durée des corps > pour prouuer l'immortalité de lame; fon argument auroit encore plus de force en ces temps, car deux mille ans apres luy ie les ay trouuez fort entiers & fort durs, Saint Auguftin affeurc là deflus , que les Egyptiens cftoientles feuls A ij DESCRIPTION Dans la quicreuffenrla Refurreétion; ils. preparent; ce dit-il ; foigneufement leurs corps os morts, & les rendent aufli durs que fils eftoient de bronze; ils appellent dans dition de lcurlangue ces corps ain preparez > Gabbares. Vulcanius. Leur maniere d embaümerles corps و‎ autant que j'en puis juger par ceux que nee ΤΑΥ͂ veu cft décrite fort curieufement & fort fidelement dans Herodote & dans * Ayant fait Diodore, c'cft pourquoy ie rapporteray icy tout ce qu'ils en ont dit. epu Leur ducil & leurs fepultures fc font en cette maniere: Sileft mort en quel- ces corps que maifon queique perfonne confiderable, toutes les femmes du logis fe frot- embaîmez, tent de boué la tefte & le vifage, & puis ayant laiffé le mort à la maifon;elles cou- 16 trouuay dans le cr. Tent par toute la ville ceintes parle milieu du corps & la gorge defcouuerte. Ainfi ne deuxli- .avancaucc elles leurs plus proches parentes ; elles pleurent, elles font des lamen- τῆς cdd cations, elles fe batrene la poitrine. D'vn autre cofté les hommes fontla mefme o auoient ja chofe, & font ccints parle milieu du corps, & defcouuerts comme les femmes. confiflance, . A pres cette ceremonie ils portent embaumer le corps, car il y acertains hommes la noirceur & l'odeur de qui en font mefticr. Quand on leur apporte le corps,ils montrent à ceux qui l'ont Sui ou porté des images de morts faites de bois peint; & difent que celle-là eft 1a mieux my faite, dont il ne feroit pas bien-feant de dire le nom ; que la feconde qu'ils mon: doità la cha. trenteft moindre pour l'ouurage & pour le prix , & que la troifiéme eft la moin- icr da S°- dre qui fe falle. Lors qu'ils ont fait cette montre , ils demandent aux parens fur loir necer. «quel modelle ils veulent qu'on falle le mort; & apres auoir conuenu entre-eux & UnA du modelle & du prix; les parens du mort fe retirent, Alors on embaufme le corps emn Bio. le plus premptement qu'il eft poflible:* Premierement on tire la ceruelle parles ter, comme marines , auec des ferremens propres pour cela ; & a mefure qu’on l’a fait fortir,on dit Herodo- رع‎ : . i 1 REI fait couler en la place des parfums : En fuite, ils couppent lc ventre vers les narines ,la Mancs aucc vne pierre Ethiopique bien aiguisée, & en tirent les entrailles qu'ils peo: nettoyent & qu'ils lauent dans duvin de Pálme. Quand ils ont fait cette opera- mienepe- tion, ils les font encore paffer dans vne poudre aromatique ; & en fuite, ils les foit que fept rempliffent de myrrhe pure, de caffe; & d'autres parfums; excepté d'encens , & grains, taut eltoit legere 165 remettent dans le corps qu'ilsrecoufenc. Apres toutes ces façons , ils fallent le cette partie corps auec du Nitre , &le tiennent dans le lieu ou il eftfalle durant l'efpace de E Aeree foixante & dix iours , n'eftant pas permis de Py tenir plus long-temps. Lors que mal-heurs. lesfoixante & dix iours font accomplis , & qu'on 4 encore laué le corps, ils l'en- 4D4s Is ueloppentauec desbandes faites de finlin , & qu'ils frottent par deffus auec vné gloifede cé gomme » dont les Egyptiens fe feruent ordinairement au licu de fel. * 'endroit Ces Bandes , autant que j'en ay pú juger par cellesque ay veuës ; eftoient de lin, & de la mefme matiere qué d'Hercdote, l'habit des Preftres d'Egypte ; car Herodote en fon fecond Liure dit , que les Egyptiens auroient fait fcrupule de il y aau lieu fe faire enterrer auec des habits de laine, ou dc s'en feruir dans leurs Temples; & Plutarque dans fon Liure deGluz. — d'Izis & d'Ofris , remarque que les Preftres d'izis portoient des habits de lin , & eftoient rafez ; c’elt par cette *l’ay tronué mefme raifon qu'Ouide dit; dàs vne Mo- mie vne Quaferis 一 一 一 一 一 一 pierre d'ai- — Pay veu de ces bandes auffi fortes & auffi entieres que fi elles euffent efté nouuellement faites * ils lioient Ies mant qui re- corps morts auec ces bandes, commengans parla tefte & finiffans aux pieds, & puis en mettoient encore d'au- | prefentoit tres par deflus, tellement qu’il y en auoit plus de 1000. aulnes pour chaque corps. ES va elcarbor, b Pay auffi veu beaucoup de ces coffres ou Bierres taillées fur la reffembláce d'vn hóme;ou pluftoft fur celle de que Plutarg, ces Mommies ; car l'on n'y peut remarquerque la figure de là tefte fans autre diftinétion de membres,le refte du: ditauoiréré corps eftant reprefenté comme vn tronc qui fe termine en vn pied d'eftail ; fur lequel , comme rapporte Hero- adoréparles dote, ils les tenoient dreffez. Ces coffres font peints auec plufieurs Hieroglyphiques; J'en ouury deux, & ie Egyptiens :, trouuay fur les corps qu'ils enfermoient deux petites figures attachées aux bandes de lin , & peintes auec leurs. molle appel- caracteres facrez ; les couleurs en cítoient fort viues عق‎ fort fraifches , & entre ces peintures j'en remarquay qui leleursdieux reprefentoiét des hómes,des femmes,auec dés reftes de faucós & de chié,entre lefquelles il y aucit de ces mefmes ftercorcos, figures affifes fur des chaifes ; elles eftoient la plufpart arrachées vers le ventrejà l'endroit des genoux & des jam- l'aymát n'a- bes:fur les pieds j'y trouuay vne couuerture de lin peinte;qui eftoit auffi de la melme matiere.Ce lin qui couuroit uoit point les pieds eftoit peint d'Hieroglyphiques , & auoit la facon d’vn foulier ou d'vn patin fort éleué : (ur perdu fa la poiétrine cftoic vne efpece de cuiraffe , faite auffi de lin mis en plufieurs doubles : au milieu de ces bandes vertu ma- — vers le haut , eftoit reprefentée vne femme les bras eftendus , & au bout des bras de chaque cofté eftoit la tefte gnetique, ' d'vn Faucon bien peinte & dorée. Ils reprefentoient par là la Diuinité, comme dit Plutarque dans fon Liure d'Y- Ce que Zis &d'Ofiris. Pour l'ame, ils la reprefentoient par vn ferpent * qui auoir dans fa gueule la pointe de fa queuë Greaues Pay beaucoup vcu de ces reprefentations grauées dans des pierreries qui fe trouuent en Alexandrie; ils mar- prend pour qe auffi par des Croix l’efperance qu'ils ont de la vie eternelle , comme Ruffin l'explique : Pay veu beaucoup des Croix, de ces Croix entre leurs Hieroglyphiques , les vnes peintes , les autres grauées » ὃς quelques-vnes melme dou- eft le Siftre δὶς & triple faites de terre- cuire. Sur vns ftatut d'Ofiris qui c(t à Roms, elles font grauées de la forte. T desEgipriés. Nec tu linigeram fieri quid poflit ad Lfim DES PXRAMIDES'D'EGYPTE. iij Quand les parens ont repris le corps, ils font faire comme vne ftatuë d'hom. me de bois creusé , dans laquelle ils enferment le mort; & apres l'y auoir renfer- mé, ils le mettent comme vn trefor dans vn coffre,? qu'ils dreffent de bout contre la muraille. Voilales ceremonics qu'on fait pourles riches :quantàceux qui fe contentent de moins, & quine veulent pas faire tant de depenfes, ils les traitent en cette maniere. Ilsrempliffent vne firingue d'vne liqueur odoriferante qu'on tire du Cedre , qu'ils pouflent par le fondement dansle corps du mort fans luy fai- rc aucune incifion , & fans en tirer les entrailles, & le tiennent dans le fel autant de temps que Ics autres. Quand letemps eft expiré, ils font fortir du corps du mort la liqueur de Cedre quilsy auoient mile; & cette liqueur a tant de vertu, qu'elle fait fondre les inteftins , & les entraine auec elle. Pour le Nitre, il mange & confomme lcs chairs , & ne laifle que la peau & les offemens du mort. Alors, celuy qui l'a embaümé le rend à fes parens,& ne fen met pas dauantage en peine. La troifiéme façon dont on fc fert pourembaümer les morts cft celle qui re- arde ceux de la moindre condition; car on fe contente d'en purger & d'en net- toyerle ventre par deslauemens, & d'en faire fecher le corps dans le fel durant le meíme temps de foixante & dix iours , afin de le rendre cn fuite à fes parens. Pour les grandes Dames, & celles qui ont efté belles; ou en quelque confidera- tion, on ne les donne pas ἃ embaümer auffi-coft qu'elles font mortes ; mais on at- tend trois ou quatre iours apres , de peur que les embaümeurs n'en ayent con- noiffance : Car on dit quautrefois on en furprit vn dansce crime, auec vne fem- me qui venoit de mourir, & qu'il fut accusé par fon compagnon. Quand ona trou- ué quelque mort , foit Egyptien, foit Eftranger , foit qu'il ait efté tué par vn Cro- codile , foit qu'ilait efte noyé dans le Nil, la Ville ou le corps a cité jetré eftobli- gée dele faire embaümer , de luy faire de magnifiques fumerailles, & de le faire enterrer enlieu faint. Il n'eft permis à qui que cefoit de le toucher, pas mefme à fes parens & a fes amis , excepté aux Preftres du Nil qui le touchent & l'enfeuc- liffent comme fi ceftoit quelque chofe de plus grand & de plus corrfiderable qu'vn homme mort. Au refte , les Egyptiens rcJetcentles couftumes des Grecs; & pour tout dire en vn mot د‎ ils ne veulent point receuoir les couftumes des au- tres peuples, ce quieft inuiolablementobferué par toute l'Egypte. | Diodore dit le mefme , mais fort diftinctement, felon fa couftume ; lors qu'il meurt quelqu'vn chez les Egyptiens , fes parens & (esamis fe jettent de la boue fur la tefte , & courent par les ruës les rempliffant de leurs cris , Jufqu'à ce que le corps foit enterré; ils Pabftiengent cependant du bain, de l'vfage du vin, & de toute autre delicatefle ; obferuant mefme durant ce temps-là de ne porter que des habits fort fimples ;ils ont trois manicres de preparer le corps de leurs morts, l’vne qui eft de tres-grande dépenfe ر‎ l'autre qui coufte moins, & vnetroi- fiéme qui fe fait à fort peu de frais: la dépenfe de la premiere eft d'vn talent d’ar- gent, la feconde cft de vingt mines, & la troifióme coufte fort peu de clrofe : Ceux qui preparent les corps cn font vn meftier qu'ils ont appris de leurs pe- res;ils prefentent aux parens du deffunt vn memoire de la dépenfe de chacune deces manieresde preparerles corps; & quand ils en font conuenus , & du prix, on met le corps entre les mains de ceux de cet Art; celuy qu'ils appellent le Scri- be Peftend fur terre , & marque à l'endroit du ventre fur le cofté gauche, l'endroit où il faut faire Pincifion; vn autre qu’ils appellent le Couppeur vient apres, & couppe autant de la chair que Pon luy commande, & cela auec vne pierre Ethio- pique ; Poperation faite;il Penfuytle plus vifte qu’il peut; car ceux qui y ont affi- {πὲ courent apres luy , &luy jettent des pierres , & le fuiuent auec mille impreca- tions : car ces peuples croyent que quiconque fait violence ou quclque injure que ce foità vn corps femblable au fien , merite la haine de tout le monde : au contraire , ils rendent de l'honneur & du refpe& aux embaümeurs و‎ ils con- ucrfent auec leurs Preftres , & ont l'entrée des Temples libre, comme eftanf A ij Voyez lesNo3 tes à la fin de ce Chapitre, $y1.ir.1.3. Diod. Ls. Tac. lib. s. Sponde Coem. iv DES CAMP ME TON erfonnes facrées: Pyn d'cux trouuant le corps diffequé, y enfonce la main & en tie lesentra llosa l'exception du cœur & des reins; vn autre en ofteles ordures,les pettoye & leslauc auec du vin fait de palme, & autres odeurs ; enfin , tout le corps ayant cffé foigneufement frotté de fuc , de cedre , & d'autres compofitions , Pelpace de trente iours; ils y mettent apres de la myrrhe & du cynamome » & femblables chofes qui ont la vertu non fenlemene de les conferuer long-temps; mais au 位 de leur donner vnc agreable odeur :ils le mettent apres entre les mains des parens, toutes los partiesdu corpsdemeurans cn leur entier, les foureils, mefmes les pau- picres & les cheucux Py peuuent remarquer, auffi bien que la proportion du corps δὲ lataille , tellementqu'on les peut reconnoiftre: aiafi les Egypticns gardent les corps عل‎ leurs anceftres dans des bati mens magnifiques, & font voir tous ceux qui les ont precedez; on y peurreconnoiftre leur taille, & lestraits deleursvifages;ce qui leur cft vne grande confolation d'efprit, & leur reprelente ces perfonnes com- me encore viLantes parmy eux. Cet e deferipuion & celle dHerodote nous expliquent le raffage de Ciceron, où il dic; Les Egyptiens embaüment leurs morts, δὲ lcs gardent dans leurs maifons ; Sextus Empi:icus dit, qu'ils les gardoient hors de terre; Pomponius Mela, qu'ils les tenoient iz lcéfulis comme dit aufli faint Athanafe dans la vic de faint Anthoine; Lucien yadjoüte dans le traité qu'il a fait du Dcüil. Ils portét ces corps deflechez au milieu de leurs feftins;ils y tiénctleur place entreles autresCómis;ie m'y fuis crou- ue, & j'enpaile par cette raifonaucc plus d'afleurace,&quand ils ont befoin d'argér, ils mettent quelquefois en gage le corps deleur pere ou deleur frere : Sylius Itali- cus dans les vers, confirme la me(me chofe ; & pour ce qui eft de mettre les corps en gage, Diodore adjoufte que c'cít yne chofe ordinaire, & qu'il n'y a pas de plus gran- de honte que de manqueràles dégager , qu'on refufe la fepulture ¿ceux qui font tombez dans ce manquement :c'cít pat cette raifon dit-il en vn autre endroit, que ceux defquels ou pour leurs crimes ou pour leurs debtes n'ont point efté enterrez, font gardez dansle logis fans cftre mis dans vn coffre, jufqu'à ce que leur pofterité eftant dcuenvé plus riche , acquitce leurs debtes eu donne de largent pour effaccr la honte de leurs crimes ; carles Egypticns croyent qu'il y vade l'honneur de leurs familles, de faire enterrer leurs patens aucc (plendeur. L'on voit quelofeph pratiqua cette mefme maniere, cn faifant embaûmer le cor. sde lacobfon perc; & fi nous en voulons cioite Tacite , les Ivifsapprirent des Foypricnsà enterrerles corps de leurs mortspluftoft que de lesbrúler. Sponde lit autiement ce paffage, comme files Iuifs auoient eu decouftumc de lesembaümer; Nous voyons bien qu'ils les lauoient , & qu'ils les graiffoient de quelque onguenr, comme la veufue de Dorcas lc pratiqua. La mefme chofe auoit efte long-temps au- parauanten vlage chez les Payens, comme on le lit dans Homere lors qu'il parle des luncrailles de Patrocle, dans Virgile & dans Ennius parlant de Tarquin. Au-ccelail faut confeffer que la maniere d'embaümerles corps qui eftoit prati- Payex τες εἷς quee par les Egyp iens, telle que nous la lifons dans Diodore & dans Herodote, tat:eni & la f». n cítoit point en vage parmy les Iuifs, autrementla fœur du Lazare n'auroit pas eu fujet d'apprehenderla mauuaife odeur du corps de fon frere trois jours apres qu'il auoit efte enterré. Ceux quiveulent eftablir le contraire par l'exemple des fune- railles d'Afa Roy de Iudee, n'eftabliffent pas leur affertion. Nous lifons bien qu'ils l'enterrerent dansle fepulchre qu'il &cítoit bafty dans la ville de Dauid, & qu'on J'auoit cftendu fur vn li& qui eftoit parfumé d'odeurs agreables , & remply de diner- fes fortes d'aromats preparez par ceux qui faifoient profeffion de cet Arr ; qu'en fui- te ilsauoient dic{sé vn grand bucher : Mais ce bufcher dont on parle en cét endroit, cft fort contraire à la pratique des Egyptiens que nous venons de lire dans Herodo- te & dans Diodore ; & celi& remply d'odeursa fi peu de rapport aux drogues dont ils rempliffoient & embaümoient les corps, que la chofe ne merite pas vnc plus longue confutation. Pour ce qui cft deloteph & de lacob,qui auoient vefcu & qui DES PYRAMIDES D'EGYPTE. v eftoient morts en Egypte , le texte y eft clair, &ils furent embaümez ala maniere, . h des Egypuens. Ces patfages Paccordent fort bien auec les traditions d'Herodote & banda à fes de Dioiore , & font voir l'vage qu'on peut tirer des Autheurs prophanes pour l'in-. gens de Fi. tellig ence de l'Efcriture Sainte. Diodore dit que leur couftume eftoit de couurir le e à corps de fuc , de cedre , & d'autres chofes, l'efpace detrente jours, & d'y employer Medecins le aptes la myrrhe, & le cinnamon ou canclle » عة‎ chofes (emblables; c'eft à dire, qu'ils EU y mettoient les dix autres iours, zinfi ils les embaümoient en quarante jours; on qu'ils rene, doit conter ces quarante iours depuis le ¡our de la mort jufqu’à ce que ceux qui Ἢ y em- auoient le foin deles embaúmerles euffent remis entre les mains des parens. Le POR ἘΠ: texte de la Sainte Efcriture porte que Iofeph fut mis dans vn coffre ; Herodote re- l'on en em- prefente bien la chofe, en difant que les parens receuoientle corps des Embauf- qe d meurs, qu'ils £ufoientfaire vn coffie qui auoit la figure d'vn homme , & qu'ils le va corps, & mettoicnt dedans. Il y a plus d'appa ence qu'il eftoit de bois, que de marbre, com. ls Pg) priés mc Cajctan l'a voulu affeurer , contre la couftume des Egyptiens: outre qu'eftant eoe wa de cette mat ere, il efloit bien plus aisé à porter dans la terre de Canaan; car les If Το. iours. raclires marchojent fans Chariots. dub wes La Tradition des anciens Iuifs confirme ce que ie viens de dire ; ils difent qu'on tur âgé de rtoit dans le defert deux Arches; l'vne de Dieu, & l'autre de loleph; c eft à dire 110. E ils l'Arche d'Aliiince, & le coffie où eftoit le corps de loleph. Emir-cond Hiftorien ES USE Perfan dit, qu'on le mit dans vne chále faite de verre; mais ie trouue que la pluf- porterene > 0 E ^ E E part de ces coffres qu'on trouue dans les Momies , font de bois de vray ficemorre نينر‎ : j à MATE 1 2 dans vn cof- & jay trouné par experience que ce-boisa refifté jufqu'à cette heure à la pourri- fre. Gen.;0.2 ture, ceft à dire Pelpace de plus de trois mille ans. Cc ficomor- re eit fort Lors que lofeph prit ferment des enfans d'Ifraël qu'ils retireroiét de là fes os,c'eft different du vne maniere de parler figurée; comme aufli cer endroit del'Exode quidit , Moyfe »9:r5voycz prit aucc luy les osde Iofcph, difant ; Dieu vous vifitera fans doute ,& ie retireray e ue d'icy mesos d'entre vos mains. Car fon corps ayant cfté embaufmé à la maniere des Plantes des Egypucns ; non feulement fes os, maistout fon corps;à l'exception des inteftins S En de qu'on Jettoit dans le Nil; comme a dit Plutarque ,deuoit eftre demeuré en fon en- NS MES tier bien plus long-temps qu'il ne Pen eftoit paíse entre le ¡our de fa mort & celuy quamque: dela fortie de l'Egypte. Lan Les Egyptiens ayant ainfi rrouué le moyen de rendre leurs corps de tres-longue duree , & de faire parlà que l'ame y demeuraft attachée plus long-téps,laquelle au- tremét feroit pafsce dis vn autre corps,felon leur opinió:d'oü Pytagorc a pris fa Me- tempficofe , & qui a feruy de fondement à la deffenfe qu'il faifoit à fes Difciples, de ne mangeriicn qui cult eu vie, de peur que comme dit plaifamment Tertullien, qu'en mangeant du bœuf ils ne mangeaflent leur pere. L'autre foin qu'eurent les Egypriens, tut de drefler au corps de leurs mortsdes Monumens qui peuffenc durer auffi long-temps que ces corps embaufmez, & où ils les peuffent conferuer contre l'injure des hommes & destemps. Ce fut par cetteraifon que les Roys de Thebes, comme dit Diodore, baftirent en Egypte des Monumens ; cc font, ce dit-il; lcs Mo- Diodore.l.yy numens de cesanciens Roys, dont la magnificence ne pourra iamais eftre imitée parla pofterité. Dans lesfacrez Commentaires de ces peuples, il ef fait mention de quarante-fept de ces Monumens; mais il n'en reltoit plus que dix-fept dés le temps de Ptolomeus Lagi; & au temps de la cent dix-huitiéme olympiade que j'e- ftois en Egypte, ils cftoient fort ruinez, Les Egyptiens ne font pasles feuls qui en ayent fait mention dansles Commentairesque ic viens de dire. Les Grecs affeu- rent!a mefme chofe; ceux-là nommément qui furent à Thebes du temps de Prolo- mcus Lasi, & ont écrit l'hiftoire du pays, entre lefquels Ecateus. Ces tombeaux que vid Strabon proche deSiené, dans la partic fupcricure de l'Egypte ,auoient so. tr eftébaftis pour cette mefme fin. Il dit que paffanc en chariot de Siené , a Philé dans bs vnegrande plaine qui pouuoit auoir enuiron cent ftades,1l auoit veu fur les deux coficz du chemin destermes ou tombcaux,c'eftoit de grades pierres polics prefque A ii) Clement Alexandrin. vj DESCRIPTION fpheriques dece marbre dur & noir dontonfait les mortiers placées fur vnc au- tre pierre plus grande, & couuertes d'vne troifiéme en quelques endroits ; en d'autres ele eitoit à cofté de la fpherique, la plus grande de ces pierres auoit bien douze pieds de diametre. Long-temps apres la refidence des Roys de Thebes, ayant cfté tranfportée à Memphis , & la meíme Religion continuant dans l'efprit des Egyptiens, que l’a- me demeuroit auecle corps tant qu'il demeuroit en fon entier ; non pas pour Fa nimer, mais pour le feruir & pour le garder, & comme fi elle cuft eu peine à quit- ter fa premiere habitation, Il ne faut point douter que l'amour de la gloire n'ait eíte leur motif, & n'ait porté les Roys de Memphis a entreprendre cesexcefliues dépenfes & ces fuperbes baftimens. Les Egyptiens de moindre condition fai- foient la dépenfe de faire tailler ces caucs que nous voyons encore aujourd huy dans les deferts de Lybie, & que les Chreftiens appellent Momies. Diodore explique fort particulierement leurs pensées fur ce fujer ;les Egy- ptiens , dit-il, content pour peu de chofe le temps de la vie deshommes qui e[t limité à peu d'années; maisilseftiment infiniment cette memoire de vertu & dc gloire, qui dure dans la pofterité; Ils difent que leurs maifons {ont des Hoftcl- leries, pource qu'ils y demeurent peu detcmps; mais que leurs Sepulchres font leurs veritables demeures , à caufe qu'ils y demeurét des efpaces infinis de temps: Ils font peu foigneux par cette raifon de baftir de belles maifons ; mais ilsne croyent point pouuoir faire trop de dépentes à fe dreffer des fepulchres. Sil'on vient à chercher la raifon de la figure qu'ils ont donnée à leurs monu- mens, & celle de cestermes dont parle Strabon , fans m'arrefter à ce qu'ena dir l'auteur Anonyme qui cít à la fin de Pierius, & fans me jouër comme luy de la verité ie croy qu'ils les ont bàty de la forte , à caufe que cette figure de baftia ment eft fort durable, le haut ne chargeant point le bas comme il arriue aux au- tres; & la pluye qui ruine ordinairement les autres baftimens ne la pouuant pas gafter , à caufe qu'elle ne Py arrefte pas. Peut-eftre auffi qu'ils ont voulu repre- fenter par là quelques-vns de leurs Dieux,car l'on fçaic qu'ence temps-là les Egy- priens & les Payens les reprefentoient par des colomnes & des obelifques. Ainfi nous voyons dans Clement Alexandrin , que Callithoé Preftreffe de Iunon, mit au haut dela colomne de fa decífe des couronnes & des guirlandes , c'eft à dire, comme l’aexpliqué Scaliger dansfon Eufebe au haut de l'image de fa DeelTe; car en cc temps-là les ftatuës des Dieux auoiét la forme de colomnes Y d'obelifques. Suidas rapporte que les vns cenoienc que les colomnes qui finiffent en pointe, oules Piramides, reprefentoient Apo lon; les autres qu'elles eftoient faites pour Bacchus, & qu'il y ena eu mefme qui croyoient qu’elles auoient ferui fi indiffe- remment pour réprefenter l'vn & l'autre de ces dieux. Ifidore tient qu'elles دع‎ ftoient dediées au Soleil, que les Egypriens ontadoré fous lenom d'Ofiris, & la Lune fous Je nom d’Ifis ; & que comme Ifis eftoitreprefentéc auec des cornes pour exprimer le croiffant de la Lune, les Piramides & les Obelifques reprefen- toient leur Ofiris ou les rayons du Soleil. | Paufanias dit que dans la ville de Corinthe , Iupiter Me'ichius eftoit repre- fenté par vne Pyramide, & Diane par vne colomne ; ccft là deffus que Clement Alexandrin appuye fa conjecture, que ç’a efte là la premiere idolátrie; ce qui Paccorderoit affez bien auec l’antiquite de ces baftimens Egyptiens : ainfi aupa- rauát que l'art de tailler les ftatuës eut eftt crouué , les hommes dreffoient des co- lomnes , & lesadoroient comme lesimages de leurs Dieux. Les autres Nations ont quelquesfois imité ces baftimens des Egvptiens , & ont drefse des Pyramides pour leurs Sepulchres. Lors que Seruius expliquece paffage de Virgile —— Fuit ingens monte fib alto Regis decenni terreno ex attire buftum 5 Antiqu laurent:s opacaque ilice teclum. 8 DES PYRAMIDES D'EGYPTE. vij Il dit qu'anciennement les perfonnes de condition fe failoient enterter fous des montagnes , & qu'ils fe failoient drefler fur leur Sepulchres des colomnes & des pyramides. C'eít peut-eftre la raifon pour laquelle Abfalon fit dreffer cette co- lomne ou ce pilier dont il cft. parlé dans Samuel chap. 18. & Paufanias lors qu'il décrit les funerailles des Sicyoniens dit, qu'ils couuroient les corps morts de ter- re, & qu'ils drefloient deffus descolomnes ; mais apres auoir décritles Pyramides d'Egypte, ie ne croy pas qu'il y en ait aucune qui merite qu'on fy arrefte, que celles de Porfenna Roy d'Etrurie , qui meritent pluftoft d’eftre eftimées par leur nombre que par leur groffeur. Varron dit qu'il fut enterré au dehors de la ville de Clufium , qu'ils luy drefferent vn monument de pierres quarrées, que chaque cofte eltolt de trois cens pieds, qu'il en auoit cinquante de hauteur, & quia deflous de la bale eftoic vn labirinthe dont onne pouuoit fortir; qu'au haut il y auoit cinq Pyramides, quatre für les angles & vne au milieu ; qu'elles auoient foixante & quinze pieds par en bas ,'& cent cinquante de hauteur ; qu’elles finif- foicnt en pointe , & qu à leur pointe ou fommet il y auoit vncercle de bronze, à l'entour duque! eftoitvne chaine qui portoit des fonneites attachées ; que le vent donnant deffus ,le fon Pen faifoit entendre bien loin de là ,commefil’où euft cíté dans la foreft de Dodonne; que fur cette plaque de cuiure , il y auoit quatre autres Pyramides de cent pieds de haut; lefquels portoient vn fecond plan qui fouftenoit cinq Pyramides, dont il ne dit point la hauteur. Les fables des Etrufques difent , qu'elles eftoient auffi hautes quele refte de l'ouurage. Ce Roy chercha de la gloire par cette vanité, fans confiderer qu'outre qu'il épuifoit dans «e trauail laricheffe de fon Royaume ; la gloire de l'Archite&e ; au jugement de Ja pofterité , auroit toufiours efte plus grande quela fienne. PS OSI eee DESCRIPTION DES PYRAMIDES DEGYPTE, comme ieles trouuay l'an 1048. de l Hegire, on l'an1638. es 1639. de Noflre — 5 Seigneur , felon le calcul de Dionyfrus. letemps qu'elles ont efté bafties, & à quel vfage elles ont efté deftinées,‏ اسك Jen feray icy la Deícription ; ie commenceray en prenant les mefures de la face exterieure de la principale & plus grande des Pyramides , j'examineray apresles dedans, & toutes les differentes diuifionsde l'efpace qu'elle enferme. La premiere & la plus belle des trois grandes Pyramides, cft fituée fur le haut Deferifeio» d'vneroche quieft dans le defert de fable d'Affrique , à vn quart de lieuë de di- de la premie- ftance versl'Oüeft des plaines d'Egypte; cette roche Féleue enuiton cent pieds au om de fus du niueau de ces plaines ; mais auec vne rámpe aisée & facile à monter : la Pyramides. dureté de la roche fert de fondement proportionné à fon édifice, outre qu'elle contribué quelque chofe à la beauté & à la majefte de l'ouurage. Chaque cofté decette Pyramide ; (uiuant la defcription d'Herodote; a hui& cens pieds de lon- Herod. 1.22 gucur ; fclon Diodore Sicilien , fept cens. Strabon dit qu'elle a quelque chofe de Diod.1. 1. moins de fix cens pieds de Grece ou fix cens vingt-cinq pieds Romains ; Pline luy uu E 3 «en donne huiét cens quatre-vingt-trois ; entre toutes ces mefüres celle deDio- ¿y °° dore, felon mon jugement د‎ approche plus de la verité, & peut feruir en quelque facon pour confirmer la proportion que j'ay donnée en vn autre difcours aux me- fures de la Grece ; car ayant mefuré le cofté qui regarde le Nord à l'endroit où el- le pofe fur fa baze,auec vn excellent inftrument de dix pieds de diametie par deux differentes ftations , comme les Mathematiciens ont accouftumé de faire dans les diftances inacceffibles ie trouuay qu'il auoit fix sens nonante-trois pieds A Pres auoir rapporté ce que jày pü fçauoir des Fondateurs des Pyramides, viij DESCRIPTION d'Angleterre, c'eftà direvn peu moins que Diodore ne luy endonne. le pris d'v- ne autre maniere la mefure des autres coftez , à caufe que 1c n'auois point de di- ftance commode pour faire la mcíme operation que jauois faite de l'autre coftés & que la campagne eftoirinégalementhaute de cecofté-la,au lieu que ducofté du Nord elle eft fort vnie. Thales Milefius auoit mefuré long-temps aüparauant la hauteur de cette Py- "ratiani ora- Yamide ; il viuoit, finous en deuons croire Tarianus Affirius, vers la cinquantié sio contre me Olympiade; maisfesobferuationsne fe trouuent point: Pline nous rapporte "Gres. feulement la maniere dont ilfeftoitferuy pour ce deffein , qui eftoit d'obferuer l'heure à laquelle l'ombre ducorps eft égale a fa hauteur; methode fort incertai- ne & fujette à erreur, à caufe que l'extremité de l'ombre d'vn corps fi haut. n'eft Diogene iamaistaillée bien net. Diogenes Laerce, lors qu'il rapporte la vie de Thales, Ec dit la mefme chofe;& il larapporte fur l'authorité de Hieronymus : car felon luy, Thales liare Thales mefüra la Pyramide par fon ombre, remarquant l'ombre de la Pyramide premier. — lorsque les ombres fontégalesàleurs corps; mais ie ne m'arrefteray point da- uantage à fes obferuations parla raifon que ic viens de dire. Pour moy, jay trou- uc que fa hauteur eftoit yn peu moindre que fa largeur à l'endroit de la bafe,quoy que Strabon dife le contraire. Pour Diodore و‎ il faccorde auec mon obfcruation, 82 dit que fa hauteur eft moindre que le cofté de fa bafe : enfin, cette hauteur me: furce par la perpendiculaire;eft de quatre cens quatre-vingt dix-neuf pieds ; mais fi nous prenons cette hauteur fur vne ligne qui pafferoit du pied jufqu'au haut ὃς toucheroitles angles de tous les degrez, cette ligne feroit égale au cofté de la bafe de la Pyramide,& elle auroit fix cens quatre-vingt treize pieds; c'eft par la raifon Andacia sa. de cette grande hauteur que Staceles appelle les roches hardies des Pyramides. xa Pyrami- Solin pafle outre ,les Pyramides, dit-il, font des tours pointuës en Egypte, qui nó furpaffent toutes les hauteurs que les humains peuuent éleuer: Ammian Marcel- lin les élcue auffi haut ; elles font plus larges par en bas, paren haut elles finiffent en pointe : les Geometresappellent cette figure vne Pyramide ; à caufe qu'elle fi- niten pointe comme le feu Properce auec la liberté des Poétes,les éleue encore plus haut: la dépenfe des Pyramides élcuces jufques aux Cieux, & les Epigram- mes de l'Anthologie ne luy cedét point dansle defir de les élewer. Ie n'examine- ray point icy d'ou ilsont tiré ces opinions qu'ils ont eués de la grandeur de cette Pyramide ; maisic fuis affeuré que le clocher de Saint Paula Londres ; aupara- uant qu'il cuft efté brülé, eftoit plus haut que cette Pyramide, quoy qu'il ne futt Cambdeni pasdebeaucoup plus haut quela tour qui y cft encore auiourd'huy ; car il auoir Elixsbetha. cinq cent vingt pieds de hauteur. , Mais pour auoir vne parfaite connoiffance de là grandeur de cette Pyramide ; il fe faut imaginer yn quarré, & fur chacun de fes coftez vn triangle Equifateral ; que ces quatre criangles f'inclinentl'vn vers l’autre, jufqu'à ce que leurs fommets fe rencontrent en vn point qui eft auffi le fommet de la Pyramide; car à la voir d’embas, il femble qu'ils fe rencontrent à vn point: le Permetre ou tour du quarré de la baze aura deux mil fept cens foixante dix-neuf pieds, & tou- te fon aire ou fuperficie quatre-vingt mil deux cens quarante-neuf pieds ; ou pour accommoder la chofe à nos mefüres , onze arpens de terrain; ou quatre cens qua- tre-vingt mil deux cens quarante-neuf pieds quarrez. Ce que nous aurionsde la peine à croire , fi nous n'auions le témoignage des anciens , entre lefquels il y en a qui luy donnent encore plus d’eftenduë. Herodote donneà chacun colte du quarré de la bafe huit cens pieds ; & felon ces mefüres , l'aire de ce quarré deuroit eftrc'encore plus grande que ie ne la donne icy ; car elle feroit de fix cens quaran- te mille pieds quarrez. Selon les mefures de Diodore Sicilien, elle comprendroic quatre cens quatre-vingt dix mille pieds ; &fuiuant les mefures de Pline,le quar. ré de hui& cens quatre-vingt trois , qui eft la mefure qu'il donne à l'vn de fes có- rez, feroit fept cens foixante dix-neuf mil fix cens quatre-vingt neufpicds د‎ c'eft à dire AS DES PYRAMIDES D'EGYPTE. ix à dire beaucoup plus qu'Herodote & que Diodore ne luy donnent ; mais il ne faut pas douter que Pline ne fe foit trompé ,en ne donnant à la bafe de la Pyra. mide que huit arpens de terre ; car finous demcurons d'accord que l'arpent Ro- main contienne en longueur deux cons quarante picds & fix vingts en largeur و‎ comme on peut prouuer éuidemment par l'authorité de Varron & par celle de Quintilien qui le difenc clairement, l'atpent Romain contiendroit vingt-hui& mille hui& cens pieds Romains; &fi nous diuifons par ce nombre les {cpt cens foixante & dix-neuf mille fix cens quatre-vingt neut pieds, il en viendra vingt- {epr arpens de terre, & la deux mil quatre-vingt neufiéme partie d'vn arpent, qui en contient, comme nous yenons de dire, vingc-huict mil huic cens. C'eft pour- quoy fi nous fuppofions que le nombre qu'il donne de hui& mille bui& cens qua- trc-vingt trois , il fe feroit trompe dans le calcul de la baze de la Pyramide; c'eft pourquoy ie croy qu'il auoit mis vingt-huiét arpens aulieu de hui. L'on peut monter de tous coftez par degrez jufques au haut de la Pyramide; le premier degré a quatre pieds de hauteur & trois delargeur,il tourne tout au tour de la Pyramide , & eft de niueau partout; & quand les pierres eltoient enticres (car elles font maintenant vn peu ruïnées ) il faifoit vn chemin eftroit tout au tour de la Pyramide; le (ccond degré eft femblable au premier, ayant autant de hauteur & de largeur ; maisil eft en retraite de trois pieds ; & tourne autour de la Pyramide comme le premier; le troifiéme cft femblable en tout aux premiers, ez ainfi desautres qui continuent jufqu'au haut. Le haut de la Pyramide ne finit pas en vn point comme la Pyramide Mathematique; mais en vn petit plan quar- ré. Herodote en auoit donné les dimenfions ; mais elles ne fe trouuent point dans fesLiures,& Henry Eftienne les voulut fuppléer dans le Commentaire qu'il a fait, il veut que ce quarte foit de hui& orgies : fi nous prenons l’orgie, & que nous l'entcndions comme Hefichyus & Suidas l'ont entendu , c'eft à dire, pour l'efpa- ce que peuuent comprendre les deux bras quand ils font eftendus, ou pour fix pieds, le cofté de ce plan qui finit la Pyramide feroit de quarante-hui& pieds ; mais la verité eft, qu Henry Eftienne qui a voulu corriger en cét endroit l’inter- p'etation de Valla, a befoin luy-mefme de correétion; car il felt trompé en don- nant à ce plan la largeur qu'Herodote donne au Pont admirable qui eftoit au bas des Pyramides, ὃς dont il ne refle maintenant aucun veftige : Diodore ne luy donne que neuf pieds, Pline luy donne vingt-cinq pieds de largeur ; .4ltirudo (j'aymerois mieux lire Latitudo ) è cacumine pedes 25. pour moy, i'ay trouué qu'elle eftoitde 13 pieds, & deux cens quatre-vingt parties d'vn pied Anglois diuisé en mille partics. Si nous en voulons croire Proclus, les Egyptiens faifoient leurs -obferuations Altronomiques fur le haut de ce plan ou de la Pyramide, & que ce fut la mefme ou fort proche qu'ils obferuerent la canicule , & autrement qu'ils eftablirent les pedes de leur année caniculaire , l'année Heliaque ou l'année de Dieu , comme Cenforinus l'appelle, & qui elt composte de 1460. années, dans lequel efpace de temps leuts Thor vagum & le fixum reuiennent à vn mefme poinét ou commencement. Le lieu éleué ,ou la roche fur laquelle la Pyramide eft fondée , eft à la verité fort propre pour faire des obferuations Aftronomiques. Le voifinage de Mem- phisle rendoit aufli fort commode pour ce deffein ; mais on ne doit pascroire le feui rapport de Proclus cependant qu'on peut prouuer par les paffages de tanc d'autres Authcurs qu'ellesont efté bâties pour des Sepulchres : y a-t-1l apparen- ce de croire que ces Preftres Egyptiens euffent pris la peine de monter fibaut و‎ pouuans 21111 bien faire leurs obferuations A ftronomiques au pied de la Pyrami- de où ils eftoient logez; car toute l'Egypte n'eft qu'vne plaine; & du haut de cet- te roche qui eft vn peu plus éleute , ils suoient la veué du Ciel auffi libre que du haut de la Pyramide : c'eft pourquoy Ciceron dit auec beaucoup de verité, Es)- prú y aut Babylony jin camporum patentiun: AE quoribus habitantes و‎ cum exterra nibil emine= A A Procl Comz mentary in 1 l.1. in Trio= menm Pla- Fonts. ١ Cenforinas de die natali; ij ¿DESCRIPTION vet quod contemplationi celi officere poffet omnem. coram. in fiderum cognitione pofuerunt. Le baut de cette Pyramide n'eft point compose d'vne teule pierre, ny de trois, com- me Pone dit Villamont & Sands dans les relations de leurs voyages; mais de neuf pierres , fans compterles deux qui manquent à deux des Angles. Lors que iy montay , ie meluray beaucoup de degrez de la Pyramide , ie rrou- uay qu'ils n'eftoient pas tous de la mefme hauteur, il y en auoit quelques-vns qui auoient prés de quatre pieds, & les autres vn peu moins de trois ;ccux qui cftoient les plus hauts dela Pyramide , n'auoient pas tant de retraite ou largeur que les autres, & leur largeur n'eft pas toufiours la meíme ; & felon ma conie&u- re ils ont autant de largeur que de hauteur, ὃς ainfi yne ligne droite qu'on tireroit dubas de la baze iufqu'au haut, toucheroit les angles de tous les degrez. Les anciens demeurent tous d'accord quel'Egypte eft fouuent pleine de vapeurs , qui fe voyent fenfiblement dans les grandes rosces quiarriuenr apres l'inondation du Nil , & qui durent l'efpace de plus d'vn mois; comme aufli en ce que j'obferuay en Alexandrie danse temps de l'Hyuer , plufieurs Eftoilles del'Ourfe Majeure qu'on ne void point en Angleterre, & que l'en ne pourroit pas voir en Alexandrie fi la réfraction n'y eftoit plus gran- de qu'en noftre pays. Ce quieft vne marque que l'air ou medium y eft plus condensé; mais ie ne fçaurois allez admirer l'antiquité, qui a toufiours dit qu'il ne tomboit point de pluye en Egypte. Platon, quoy qu'il y ait demeuré p'ufieurs années, dit dans fon fhymée qu'il ne tombe poiut de pluyes fur la terre qui puillent ay der les peines & le trauail de ceux quil'a cultiuent ; Pomponius Mela dit, qu’elle ne laiffe pas d'eftre fort fertile, quoy qu'il n'y pleuue point. Pour moy Jay trouué que dans les mois de Decembre & de Ianuier , il y pleut plus conanucllement qu'il ne faità Londres dans ces cemps-là. Les vents eftoient Nord Nord-Oüeft ; ce qui m'obligea d'en tenir vn Journal , où ie marquois les changemens de l'air & mes autres obferuations Aftrenomi- ques ; & dans le mefme tempsle Sieur Guillaume Pafton qui cftoit au Caire, obferua la me(me chofe ; & fur la fin du mois de Mars de la mefme année, eftantau lieu où font les Mommies vn peu en deca des Pyramides en ti- rant vers le Sud, il y pleüt vne journée toute entiere ; ainfi il faut que les anciens ayens entendu parler de la . partie Superieure de l'Egypte , entre la ville de Thebes & celle de Siené, où fontles catadoupes ou caícades du Nil ; car ceux du pays m'affeuroient qu'il y pleuuoit fort rarement : ce qui fait voir que Sencque a efté verita- ble , lors qu'il a dit que dans la partie qui touche à l'Ethiopie , il n'y pleut point du tout ou fort rarement: mais quand apres il affeure qu'il ne tombe point de nege en Alexandrie ,ilne dit pas vray ; car j'y ay veu neger pen- dant vne nui& du mois delamuier : les Abyffins que ie trouuay au Caire, m'ont 20111 afleuré que plus haut vers le Sud, entre la ligne & le tropique,la pluye y duroit fouuent des femaines entieres: Acofta confirme affez cette Relation; car ila chferué dans Le Perou , & dans les terres qui fon: entre ces mefmes Parallelles , qu'il y pleu- uoit fort fonuent. C'eít là la veritable caufe de l'inondation du Nil dans la faifon"de l'Efté, & qui fair qu'il a plus d'eau dans vn temps auquel toutes les autres riuieres en ontle moins: c'eft là la veritable raifon de l'inon- dation du Nil , & non point les raifons qu'en alleguent Herodote, Diodore , Plurarque, Ariftote , ὃς Heliodore, & d'autres ; les vns l'imputansàla nature particuliere de cette riuiere , les autres aux vents Etefien, qui fouf- flans contre le cours de l'eau la font refouller; les autres, les neges qui fe fondét en Ethiopie, lelquels doiuent «ft c fort rares dans vn Pays où la chaleur du Soleil noircit le corps de ceux qui l'habitent , où ils font l'argent, comme dit Seneque. Le trouue dans les Efcrits de Diodore , que Agathitchides Cnedius en donne la mefme rat. fon que j'en rapporte icy : níais de fon temps il ne fur point crü : Diodore auoit bien approuué [on opinion dans fon premier Liure ; car il dit, Agatharchides a approché plus prés de la verité que les autres , car il dit que tous les ans depuis le Solftice d'Eité jutqu'à l'Equinoxe de l'Automne , il tombe des pluyes continueliesen Ethiopie qui caufent les inondations du Nil ; & le temps de cette inondation cit fi certain, que j'ay veu les Altro= nomes de ce pays là predire long-temps dcuant dans leurs Epheraerides , qu'à tel ¡our d'vn tel mois le Nil doit commencer à bauller, Ie ne peux pas prendre de tous vne mefure exa&e pour le dedans de la Pyra- mide il eft auili entier que Fil yenoit d'eftre fait; mais ces degrez qui font ex- pofez à la pluyc & à l'air en ont cfté gaftez, tellement qu'on ne les fçauroit mon- ter que par du cofté du Sud,ou du cofte du Nord vers l'angle qui regarde l'Eft. Herodote dit que ces degrez font faits en forme d'Autels , car ils font efleuez les vns fur les autres en forme d'autels ; ils font faits de pierres maffiues & bien .- polies , lefquelles (clon Diodore ὃς Herodote , ont efté taillées dansles monta- gnes d'Arabie qui regardent l'Egypte du cofté de l'Oüeft au deffus du Delta, comme les montagnes de Lybie l'a terminent du cofté de l'Oücft : ces pierresou matches font fi grandes , qu'vne feule pierre fait toute leur largeur & leur hau- teur : Herodote & Pomponius Mela difenr, que la moindre de ces pierres à tren- te pieds; ie demeure d'accord qu'il y ena bien quelques-vnes qui ont cette lon- gueur , mais cela ne fe peut pas dire generalement de toutes, fi cc n'eft que l'on entende des pieds cubiques; car dans ce fens, j'en demeureroisfacilement d'ac- cord , y enayant mefmes beaucoup de celles qui fe voyent qui en contiennent dauantage. Les anciens ne nous ont pointlaifsé le nombre de ces degrez ; les mo- dernes ne faccordent point dansle nombre qu'ils en donnent, & j'ay efté par cet- tc raifon plus foigneux de les compter aucc deux autres perfonnes qui eftoient DES PYRAMIDES D'ECYPTÉ.. &j auec moy; Bellon dit qu'il y ena deux cens cinquante د‎ qu'ils ont quarante-cinq poulces de haut & deux pas de large; Albert de Leuwenftein en compte deux cens foixante , & leur donne à chacun vn pied & demy de hauteur; lean Helfric deux cens trente : gerlio deux cens dix, ce qu'il dit fur la Relation du Patriarche d'Aquilée qui les auoit mefurez, & que chaque degré ἃ trois palmes & demy de hauteur. | Ie ne m'arrefteray point icy à rapporter la diuerfité des autres Relations, ie diray feulement quc Jen ay compté deuxcens fept, quoy qu'vn de ceux qui m'ac- compagnoit en defcendant en ait compte deux cens huic. Il y ena qui difent qu'vne fléchetiree du hauc de la Pyramide par le plus habi- le Archer de la Turquie, retomberoit furles degrez dela Pyramide : ce que ic ne croy pas aisément ; car nos arcs d'Angleterre portent plus de deux cens pas qui font cette diftance, & ay veu des Turcs percerdeleurs fléches des planches de fix poulces d'épafleur ; ce qui me faitcroire qu'vn arc porteroit encore bien plus loin,ce que rapporte Solin, Aulone, Ammiam Marcelin ἃς Cafliodore , n'eft pas plus veritable. Ils difent qu'elle confomme & porte clle. mefme fon ombre : ce qui n'eft point vray en hyuer ; car dans ce temps-là en plein midy, j'y ay re- marqué de l'ombre ; & quand mefmeie n'aurois pas fait cette remarque ,ic n'au- rois pas laifsé de venir en connoiffance de cette verité parles Regles, qu? enfei- gnent aux Geometres à connoiftre & mefurer les hauteurs des corps par leurs om- bres, & les ombres par la hauteur de leur corps.Ec comment eft-ce que Thales Mi. lefius auroir pú méfurer les Pyramides par leurs ombres, comme Pline & Laerce Pont écrit, fi elles n'en ont point. Pour reconcilier ces Autheurs, & faire dire vray à Solin , Aufone , Ammiam Marcellin & Caffiodore , il faut fuppofer qu'ils ent entendu que prefque durant toute l'annéeàl'heure du midy elles ne font point d'ombres. Deferiprion du dedans de la premiere Pyramide. ¿A Presauoir décricle dehors de la grande Pyramide avec fes dimenfions, j'en- vicam icy la defcription du dedans, dont les anciens n'ont point parlé ; ce que fattribué à la Religion qu'ils auoient pour les Sepulchres, puis qu'elle ne leur permettoit pas d'entrer dans ces Palais dela mort confacrez au filence & au repos Grimani qui auoit efté Conful des Venitiens en Alexan- drie , & fut depuis Car- dinal. Pietro della Vallé , dic que celles qu'il fit tirer retomberér fur la Pyra- mide. Solin c. 45; Aufo edyl.3, Am. l. 22. Caff. var. σὰ 0213: 15» des morts : Herodote dit en deux mots, qu'il y auoit au dedans des Pyramidesgs. à). des voûtes fecrettes taillées dans la roche; Diodore Sicilien n'en parle point du tout, quoy qu'il foit fouuenc trop prolixe dans les chofes qui ne font pas fi curicü- fes. Strabon en dit peu de chofe; à 40.ftades, ce dit-il, de la ville de Memphis, il ya vne roche fur laquelle ont efté bafties les Pyramides, Monumens des Roys anciens ; trois de ces Pyramides font fort remarquables; mais fur tout, deux qu'on met au rang des fe pt Merueilies du Monde; elles ont quatre ftades de hauteur, & chacun de leurs quatre coftez a prefque autant d'eftendué que toute la Pyramide ade hauteur. L'vne deces deux Pyramides eft vn peu plus grande que l'autre ; (ur le fommet dela plus grande de ces Pyramides a l'endroit où abouciffent fes qua- tre coltez ; ilya vne pierre qui pouuant eftre aisément détournée , découure vne entrée qui meine par vne deícente à viz jufquau tombeau : Pline n'en d'écrit autre chofe que le puits qu'on y void encore aujourd'huy , il dit qu'il a quatre-vingt fix coudées de profondeur; il femble quil ait crü que par quel- jues conduits foufterrains , on y euft deriué l’eau du Nil. Ariftides dans l'oraifon intitulée 'Egypticn, dit que le fondement des Pyramides defcend auffi bas en terre qu'elles ont عل‎ hauteur; en quoy il auoit efté mal informé parles Egyptie ns, car elles n'ont point d'autre fondement que la roche; voicy comme il en parle: Nous regardons auec admiration la hauteur des Pyramides, & nous ne fongeons A A ij Stra.l.i7. CUENVE ehe Ala. xij DESCRIPTION pas que leurs fondemens font auffi profonds qu'elles font hautes , comme ie l'ay appris de leurs Preftres. Voila ce que i'ay ] chez les anciens, & que ie rap- porte icy feulement par la veneration qu'on doit auoir pour Pantiquité Les Au- theurs Arabes, principalement ceux qui ont entrepris de décrire les chofes re- marquables d'Egypte, nous en ont donné vne Relation plus particuliere; mais ils ont mélé ce quils en ont dit de tant de fiétions,que le peu de verité qui fe trou- ue en leur Relation en eft tout à fait obfcurcy:ie rapporteray icy la R elatio qu'ils eltiment la meilleure: la plufpart des Chronologiftes demeurent d'accord que ps Efe ces Piramides ont efté bâties par vn Roy d'Égypte Saurid trois cens ans de l'Arabe auant le deluge; que ce Prince ayant eu vne vifion que la terre f'eftoit renuerfce de Iba Abd fens deffus deflous, ayans veu les hommes couchez la face contre terre, & les é- Alkoxm. — coilestomber du Firmament ; eftant troublé de ce fonge ille tint fecret. Il vid tomber en fuite les eftoiles fixes fur laterre en forme d'oyfeaux blancs, qui fer- uoient de guide aux hommes &les conduiloient entre deux grandes montagnes y: que les fommets de ces deux montagnes feftoient approchez , & auoient écrasé ces hommes, que les eftoiles cependant eftoient deuenués obfcures. Il fut fort eftonne de cette vifion ,ilaflembla les Preftres de toutes les Prouinces d'Egypte, illesaffembla au nombre de cent trente ; entre lefquels le plus fameux eftoit yn nommé'Aclimon ;le Prince luy expofa fon fonge ,1ls drefferent la figure du Ciel au temps de ce fonge ; & par le iugement qu'ils en firent ; ils conclurent qu'il de- uoit arriuer vn grand Deluge : & leur ayant demandé fil Peftendroitiu(qu'en Egypte, ils refpondirent qu'oüy, & que le país couroit rifque d'eftre abimé. Comme cette mauuaife direction deuoit faire fon effet quelquesannées apres; il fit cependant efleuer les Pyramides, & y fit baftir vne cifterne ou conduit (ous- terrain pour deriuer & deftourner le Nil dans la partie d'Egypte qui eft vers Voyex Seldon 1 Oüeft, & dans vne prouince nommée Alfaida : il remplit ce conduit de Tali- de Dis fyris mans, & mit au dedans de la Pyramide fes trefors: Il y renferma auffi des Re: mr cueils de tout ce qu il auoit appris des plus habiles gens de ce temps-là ; entr'au- tom Ma- tres yn Traitté de la Vertu des pierres pretieufes, les Secrets de l'Aftrologie ; les vis demonftrations de la Geometrie, la Phyfique , & les autres fciences , lefquels [15 ures ne peuuent eftre entendus que par ceux qui connoiffent leurs carraéteres: Il fit apres tailler des pierres & des colonnes d'vne prodigieufe grandeur,les pier- res furent apportées d' Ethiopie , illes fit mettre dans les fondemens des trois Pyramides, on les lia les vnes aux autres auec des liens de fer foudez de plomb: A&'entrée des Pyramides eftroit enterrée & bouchée de terre à la profondeur de 40.coudées.La hauteur des Pyramides eftoit de cent coudées de Roy,qui en font cinq cens de ce temps-cy ; chaque cofté de cette Pyramide auoit cent coudées de Roy; cette fabrique fut commencée fous vn afcendant fauorable : apres les auoir acheuées , il les fit couurir d'vn fatin de belle couleur, & y folemnifa vne fefte à. laquelle tous fes Sujets fe rendirent ; il baftit apres dans la Pyramide qui eft vers l'Occident ; trente chambres qui furent remplies de trefors & αν grand nom- . bre de pierreries Talifinaniques , de machines toutes fortes d’inftrumens & du. casis verre malleable;il y mit toute forte de Alakakirs, il y en auoit de fimples,de dou- fignificaiós bles , des poifons » & mille autres chofes ;il fit mettre dans la Pyramide qui eft. o τας vers Et; des fpheres , des globes celeftes, les eftoilles du Ciel auec des écrits fur ticae, Abu. leur nature & leurs afpeëts, les parfums dont il eftoit à propos de fe feruir pour x inen corriger leurs influences ; il mit auffi dans la Pyramide qui eft colorée les com. bis, ὃς fgni- mentaires de fes Preftres, dans des coffres de marbre noir; ces Liures conte- fic appari- noient les fecrets de la fcience de ces Preftres , leur profeffion, leurs actions , leur ehe temperamment) l'hiftoire de tout ce qui f'eftoit fait en leur temps, & celle de quelque en- tout ce quiarriuera jufqu'àla fin du monde; il eftablit dans chaque Pyramide vn "ARE Treforier; celuy de la Pyramide qui eft vers l'Occident, eftoit vne ftatuë de mar- E: pierres. Dre noir qui tenoit vne lance; eftoit debout ; & auoit vn ferpent entortillé au tour: de fa tefte ; quand quelqu'vn en approchoit , le ferpent fe jettoit deffus luy , fai- DES PYRAMID:ESDEGYPTE. — xiij foit plufieurs tours à l'entour de fon col, & retournoità fa place apres l'auoir tué. Le Treforier de la Pyramide qui eft vers POrient, eftoit γῆς idole faite d'yne agathe noire qui auoit les yeux ouuerts & brillans; eile efloitaflife dans vn Trône la lance à la main, celuy qui enapprochoit entendoit vne voix qui luy oftoit le . fentiment ; il tomboit àtetre;& mouroit prefque fubitement. Pour Treforier de la Pyramide coloréc;il fit vne ftatué d'vne pierre nommée Albut;c'eftoit vne figu- re affife qui attiroit vers elle ceux qui laregardoient ,& ils mourroient attachez deffus fans qu'on les en pút feparer : les Cophtes ccrinent dans leurs Liures, qu'il ya vie infcription fur cette Pyramide qui porte; LeRoy Saourid a bafty les Pyramides en tel (5 tel temps y il les a acheuces en fix ans; que celu) qui viendra apres moy , € qui fe corra. aufsi pus /Jant que ra eflé > entreprenne de les détruire en 6 oo. ans ,quoy qu'il foit plus aisé de démoliv un édifice que de l'éleuers re les ay fait cou- urir de fatin د‎ quil entreprenne de les courir denatte. Apres que le Caliphe Almamon fut entré en Egypte ; il euft la curiofité de fcauoir ce qui cftoit enfermé dans ces Pyramides ; il les voulut ouurir, on luy dic que la chole eftoit impoflible, il dit qu'il en viendtoit à bout ; & en effet, le trou qu'on y void aujourd'huy fut fait par fonordre, par le moyen du feu & du vinai- gre , & de fers trempez d'vne maniere particuliere dont on fe feruit; la dépenfe en futfort grande ;l'ontrouua que la muraille auoit 20. coudées d épaiffeur ; & ‘quand ils l'eurent percée , ils trouuerenc d’abord vn vaze d'émeraude ; dans le- quel il y auoit 1000. pieds de monnoye fort pefantes. Almamoun fit fairele compte de la dépenfe & de l'argent qu'auoit coufté cet- tc ouucrture ; & il fe rencontra qu'elle auoit coufté juitement autant d'argent qu'ils en auoient trouué dans la Pyramide ; ils y tróunerent encore vn puits quar- τέ. & (ur chacun de fes coftez ,des portes qui feruoient d'entrée à des voûtes, où ils trouuerent des corps morts enueloppez dans de la toile, & vers le haut de la Pyramide, ils rencontrerent vne ftatué dans vne pietre creufe quireprefentoit vin homme ; & dans cecte ftacué ils y crouuerent vn corps auec vne plaque d'or en- richie de pierreries & mife fur la poi&rine de cecorps,vne épée d'vne valeur in- eftimable , & fur fa tefte fn efcarboucle dela groffeur d'vn œuf brillant comme le Solcil; 1 y auoit fur cette pierre des caracteres écrits ala plume , mais perfonne men fceut dire l'explication, Depuis qu'Almamoun a fait faire cette ouuerture, plufieurs y font entrez, entre lefquels 11 en eft mort quelques- vns. Voila ce qu'en difent les Arabes; mais comme cette tradition tient beaucoup de la fable, ie ne m'y arrefteray pas dauantage; jen rapporceray icy la defcription quej'en ay faite; y eltant entré ance deffein de l'obferucr exactement. Ducofté dela Pyramide qui regarde le Nord; apres auoir monté vn petit certre qui Péleué au deffus de la campagne de la hauteur de 58. pieds, & qui femble auoit efté fait à la main de terre rapportée : on trouue vn paffage eftroit & quar- ré juftement au milieu de ce cofté de la Pyramide, nous y entrámes , noustrouuá- mes que le chemin qui conduifoit au dedans eftoit vn plan incliné, ou defcente qui faifoit vn angle de 26. degrez ; l'ouuerture cft de trois pieds & de 463. parties du pied Anelois , que ie fuppofe dans toutes fes mefüres diuisé en mille parties : pour la longueur, a la prendre de l'endroit où commence la defcente , Cefta dire à quelques ro. palmes au dchors de l'ouuercure , jufques à l'extremité de la def cente , elle eft de 92. pieds & demy , également large par tout , mais de la moitié plus baffle vers le bout, qu'elle n'eft à l’encrée : Cette entrée mar- que Pexcellence des ouuriers qui y ont trauaillé ; la pierre en eft extremé- ment polie ; elles font fi bien jointes les vnes auec les autres , qu'il cft diffi cile d'en connoiftre la feparation , Diodore auoit defia fait cette remarque dans rout le corps dela Pyramide. Apres auoir 2156م‎ par cetteouuerture eftroite auec beaucoup de peine ; car fur là fin il nous fallut coucher fur le ventre, & nous con- duite à la lumiere des torches que nous auions ala main, nous entrámes en VDE AA 11) xiv D. ES/CRIP/.EDLO'N place plus large & qui auoit peu d'exaucement , mais qui eftoit toute en defordre ; car on auoit creusé en diuers endroits par auarice , par curiofité , où pluftoft par le commandement d'Almamoun , fameux Caliphe de Babylone; la chofe ne merite pas quon examine dauantage à laquelle de ces trois caufes on doit attribuer ce defordre. Pay parlé icy feulement de cette place, pour faire voir que ie ne veux rien obmettre; car ce n'eft maintenant qu'vne retraite de Chau- ue-fouris , entrelefquelles en ay veu qui auoient plus d'vn pied de longueur: cette place obícure a quatre-vingt neuf pieds de longucur, fa hauteur & la largeur ne font pas égales par tout , & ne meritent pas qu'on les décriue plus parti- culierement ; à la main gauche de cette place, & tout proche de cetre entrée eftroite par laquelle nous auions paíse, nous trouuámces vn degié , ou pluftoft yn gros bloc de pierre qui auoit 8. ou 9. pieds de hauteur ; & nous feruit de degré pour entrer dans la premiere allée ;cette allée cft yn peu inclinée, & panche vers l'entrée ; elle eft baftie d’yn marbre debeau grain & bien poly, qui paroift auffi net & au 但 blanc que de l'albaftre quand on en a netroyé l’ordure quile couure ; la voüte & les coftes font baftis d’vne pierre qui n'cft pas fi polie ny fidure que celle qui eft employée pour le paué de cette allée, comme l'obferua Titoliuio Buratini et Buratini jeune homme Venitien , fort fpirituel , qui eftoit en ma compagnie; el- maintenant Je a du moins cinq pieds de largeur , & eft auffi haute que large, fiie ne m'y fuis we point trompe aufh bien que mon compagnon , qui remarqua auec moy quelque du Roy عل‎ irreguiarité en la largeur de l'allée la trouuanten des endroits plus large, & en POETE & d'autres plus eftroite , quoy qu'àla veué elle paruft également large :)'ay trouué que l'on Ya en mefürantaüec vne toile, qu’elle auoit 110. pieds de longueur ; ala fin de cette il}y a dix ou galerie,noús en tiouuâmes γῆς feconde quine cede pointàla premiere en l’ex- molde cellence de fa ftruéture ,ny en la matiere des pierres qui y font employées ; elles d'une ma- font feparées Pyne de l’autre par vn fofsé ; apres lauoir 2156م‎ , nous cs Pour trouuames vn trou quarré dela mefme grandeur de celuy par lequel nous eftions *vAnglos entrez dans la Pyramide , il conduit dans vne autre allée de 'niueau, drave:vh ἃς au bout de cette allée fur la main droite eftle puits dont Plinea fait men- UU" tion. Il eft rond , & non pas quarré comme les Arabés l'ont defcrit: ces mus railles ou coftez font de marbre blanc , il a plus de trois pieds de diametre : on y defcend en mettant les mains & les pieds dans des trous qui font faits dansce marbre, & qui fe refpondent les vnsaux autres. Ces trous eftans tous à plomb les vns fous les autres , prefque tous les puits & les defcentes des cyternes d Alexandrie font faites de la forte, & l'on y defcend aifément en Cifternes aidant en mefme temps des pieds & des mains. Ces Citernes font fouftenués d'Alexädrie, par des doubles Arcades. L'arcade d'enbas porte fur des pilliers de marbre the- baïque , furle haut defquels font dreffez d'autres piiliers qui portentla derniere ὃς la plus haute Arcade. Ces voûtes & leurs murailles font enduites par dedans d'vn plaftre fort blanc, & dvne matiere, que ny l'eau, ny l'air ne peuuent gas fler. Apres auoir deícrit ccs Cifternes & ces Puirs d'Alexandrie , ie retourneray y à celuy de la Pyramide; ila 86.coudées de profondeur ,felon le calcul de Pline, عع‎ peut-eftre qu'il feruoit de paffage à ces voûtes fecretes & cachées dont Hero- dote fait mention fans les décrire , & qui auoient efté taillées dans laroche viue qui fcrt de fondement à la Pyramide: pour moy , ie trouuay qu'il n'auoit que 20. pieds de profondeur. La raifon de la difference qui fe trouue entre l'obferua- Plin. 136.2. tion de Pline & la mienne , vient peut-eftre de ce que depuis fon temps le puits a efté remply d'ordure & de vuidange ; en effet, i'yjettay quelque matiere com- *Dece bultible allumée , ὃς ie vis beaucoup d'ordure au fonds. Ἐν} ie Nous quittàmes le puits,& apres auoir marché la diftáce de rs.pieds toufiours de j'y parléen niueau , nous trouuàmces vn paffage ou ouuerture quarrée , qui répondoit iufte- WE. ment à la premiere , & cftoit de la mefme grandeur, les pierres en eftoient fort d'Alexädrie, maffiucs , & exacte ment jointes : ie ne peux pasdire files ioints eftoient remplis A DES PYRAMIDES D'EGYPTE. vij de cette matiere luilante dont Ven parle en d'efcriuant les Cyfternes d'Alexandrie. Ce chemin eft de niueau, comme i'ay defia dit , à iio. piedsde long, & porte dans yne voûte ou petite chambre dans laquelle ie ne m'arreftay pas beaucoup à caufe de fa puanteur & de l'ordure dont elle eftoic à demy pleine ; elle n'a .guere moins de 20. pieds de longueur & de ro. de large, les murailles regardent Eft ἃς Oücft , elles font fort entieres & enduittes de ftuck , le plancher d'en haut, eft compolé de grandes pierres qui en s'auancant font vn angle au milieu du cofté de l'Eft de ce champ ou efpace , il femble qu'il y ait eü autrefois vn paffage pour entrer dans vn autre ; peut cítre que c'eftoit le chemin par lequel les Sacrificateurs en- troient dans le creux de ces Phinx dont Strabon & Pline, ou Andros Sphincz,com- me Herodote l'appelle. Plineluy donne 102. pieds de circuit, à le prendre vers la tefte 600. pieds de hauteur & 143. de longueur : Pour moy ie croy que le Sphinx eft d'uncfeule pierre pofée au Sud-Eft de la Pyramide dont elle n'eft pasfort efoi- gnéc.Peut eftre aufli que cette ouuerture conduit dans quelque autre appartement; Je ne puis rien determiner en cela, & s'il fe peut faire mefme qu'elle feruit de niche pour y mettre que!que Idoie , ou pour quelque autre ornement qui eftoit alors en víage, & qui nous clt maintenant inconnu aulli bien quela raifon de ces propor- tions Bizarres qui fe rencontrent dans les paflages & partiesinzerieures de la Pyig- mide; de là je recournay fur mes pas, & quand icfus iorcy dece paffage eltoit quar- τέ, qu e(tproche du puits, nous grinpafmes pour gagner la leconde gallerie qui montoit [clon l'inclination d vn angle de 25. dégrez; La longueur de cette gallerie de puisle puits iufques à vn retour, eft de 154. pieds, mais fi nous en prenons la mefure par en bas (urlé paué , elle en fera moindre à caule 'd'vne efpace vuide de prés de 15. pieds que nous auons defcriptes cy-deuant entree puits & le trou quar- ré par laquelle nous grinpafmes. Et pourrefaire la recapiculation de ce que nousauons dit, fi nous confiderons l'entrée efcartée de la Pyramide par laquelle nous defcendifmes , & la longueur de la premiere & derniere gallerie par lefquelles nous montaímes, qui fonc fur vne mefme ligne & conduifent prefque au milieu de la Pyramide ; nous pourrons par lá aysément rendre raifon de cét eftrange Echo qui repond 4.ou 5. fois, dont Plu- tarque a parlé dans fon 4. liure des Opinions des Philofophes, maisi'ay trouué que c'eftoit pluftoft la continuation d'vne mcíme voix qu'vn Echo, & i'en fisl'experien- cc en faifant tirer vn coup de moufquet à l'entrée de la Pyramide; carle fonoul'air €mcü entrant dedans ces ouuertures comme dans des tuyauxraifonne long temps, s'affoibliffant toufiours à mefure qu'il s’efloignoit du lieu où il auoir commence : 'Tov:ce Corrido ou allée eft bafty de grandes pierres de marbre blanc exactement tailles par carreaux , les murailles de la galleric & le bas eftant de mefme matiere δὲ fi bien cimentez enfemble, qu'à peine on peut connoiftre les ioints,mais fi cette iufteffe donne de la grace à cét ouurage, elle en rendle chemin plas gliffant & plus difficile. Ccttegallerie a 26 pieds de haut; 6. pieds & 870 parties d'vn pied de large, avec dcux bancquettes des deux coftez , & vn chemin au milicu qui peut auoir de large 435. pareils d'vn pied; les banquettcsont vn pied & 717. parcies d' vn pied de largeur & autanz de hauteur au deffus de cesbanquettesà l'endroit del'angle qu'el- les font auec les murailles de la gallerie ; il y a de petitstrous des deux coftez vis à. vis l'en de l'autre dela forme d'vne figure oblongue, qui femble n'auoir pas efte feulement faits pour feruir d'ornement. Il y avne chofe qui merite d’eftre obfer- uée en la.ftru&ure de ces pierres qui compolent les murailles del’allée, à cauto qu’elle en augmente beaucoup la grace, c'eft qu'il n'y en a que 7.aflifes, tant elles font grandes & qu'elles pofent les vnes fur les autres auec vne auance chacune de 3. powlces; le l,& de deffous de la plus haute de cespierres excedantle li& de deffus de celle, fur laquelle il pofe de cette quantité ; &'ainfi du refte à melure qu'elles de- fcendenr. Ce quela figure fera mieux entendre que la defcription que ren pour- rois faire ; Apres auoir paffé ces galleries nous entrafmes dans yne chambre quatz τὴ + xvj DESCRIPTION , . réequiales mefmes dimenfions que cetre aut: e chambre que nous auons delia d'é- crite ; ele [ere d'entrée à deux petites feparations ou antichambres, vous me permettrez de me feruir de ce mot pourexpliquer yne chole à laquelle ie n'en ay point trouué de plus propre ; elles font couuertes d'vn marbre thebaique fort lui- fant toutes deux de mefme grandeur , le plancher eft de niucau , fait vne figure oblonque رع‎ dont vn cofte a7. pieds de longueur fur trois pieds & demy de largeur ; La hautcur eft de 1o.pieds : fur les coftez qui regardent PEft & Oüefta 2. pieds & de- my du haut du plancher qui eft yn peu pluslarge parle haut que parle bas; il y a Ὁ Poyexlafi- 3. cauites faites de cette figure. * Cette antichambre eft feparéc dela premiere par Fe" vne pierre de matbre rouge iafpé, laquelle et pote dans deux encaftremens faits dans les murailles comme les portes d'vne efclufe;ils’en faut trois pieds quelle ne defcende iufques für le paué de l'antichambre , & deux pieds qu'elle ne touche en haur; Au fortir de cette antichábre nous entraímes dans vne ouuerture quarrée, das laquelle j'y vis cinq lires paralles de plomb, comme la figure fuiuante le reprefente Poyex ta fi- graucesdansles murailles. Ceft-là la feulc fculprure & la graueure que i'ay re- D T marquée entoutc la Pyramide, m'eftonnant beaucoup de ce queles Arabes ont ef ' — erit des Hieroglyfiques qui contenojent les fecrets detoutes les fciences, & ie ne fçay pas auffi fur quelle authorité Dion;ou pluftoft Xiphilinus,qui ena fait! Abre- ‘ gé,rapporte que Cornelius Galuanus que Strabon nóme plus à propos Ælius Gallus qu'ilauoit fuiuy en Egypte comme fon compagnon د‎ auoit graué fur ces Pyramides fes viétoires و‎ fi ce n'eft qu’il l'ait fait (ur des Pyramides qui ne fe voyent plus; Ce paffage quarré eft de la mefme ouverture & dimenfion quele refte ; il à 9. pieds de longueur, & eft de marbre thebaique exa&ementzaille ; il conduit à l'extremi- té qui regarde le Nort, d vne falle magnifique & bien proportionnée ;la diftance.du bout de la fecondegalleric iufquesà cette entrée eft de 24. pieds; le chemin qui y mene eft de niucau, Cette chambre eft au milieu de la baze de la Pyramide & quafi €gallement diflante de fon fommet & delabaze. Lepaué,les murailles & le hauc , de cette falle font de carreaux d'vn marbre thebaïque extremement bien taillez; luifant & poly ; maisla fumce des torches qu’on y a apportées en cache & en rernit l'efclat. Sixaffifes de pierres égalles des deux coftez font toute la hauteur de fes murailles; elles font toutes d'egale hauteur & tegnent tout autour de cette falle; les pierres quida couurent paren haut font d'vne grande portce ; elies crauerfenc d'vne murailleà l'autre , & cependant quoy qu'elles ayent cette grande portée có me autant de grandes poultres,clles femblent eitre chargées de tout le faix de la Pyramide qui pefe de fuite neuf de ces pierres, la couutent coute entiere ; il y ena deux qui font moins larges que lesautres; Pyne au bout du cofté de l'E(t , & l'autre à celuy de l'Oücf; la longueur de cette chambre du cofte qui regardentle Sud eft de trente quatre picds Anglois , & de la trois cens quatre-vingriéme partie d'vn pied diuife en mille parties ) ceftà dire trente-quatre pieds , & de la troiscens vingt-quatriéme partie d'vn pied) : ie Pay prifedu ioint de la premiere 20112 au ioint de l'autre muraille.qui le regarde ; fa longueur du cofté du Couchant à l'endroit du ioint de la premiere affife eft de dix-fept pieds , & de cent nonan- te parties d’vn pied diuifé en mille (C'eftàdire 17. pieds, 82190. des mille parties ,¿efquelles i'ay diuifele pied. ) Mais la hauteur de cette falle eft de 19. pieds, comme eftant vn fuperbe Monument eft le tombeau de Cheops, ou Chemis; il eft fait d'vnefeule pierre de marbre ouuert par en haut & fonne comme vnecloche : ce que ic nerapporte pas comme beaucoup d'autres ont fait comme vne rarcté de l'art ou de la Nature : cari'ay obferué la mefme chofe aux autres tombeaux de marbres. Penféede — l'ay mefuré ces proportions de la chambre & celle de la longueur & de lalargeur de la partie inferieure de Greaues d'c- la tombe auec le plus d'exa&titude qu'il m'a efté poffible , ce que i'ay fait auec d'autant plus de diligence que ftabir vnei'ay creü que c'eftoic là l'endroitle plus propre pour eftalir vne mefure quipuiffe feruir à la pofterité pour fca- mefure fixe. uoir exa&tement celles de ce temps- cy. Chofe qui a roufiours efté fort defirée par les gens fçauans , mais pas vn que ie fcache n'a penfé à la maniere de l'executer;ie confideray qu'il y aau moins 3080, ans que certe Pyramide a clté baftie,& que cependant il n'y a rien que de fort entier en çét endroir,tellement qu'on doit prefumer qu'elle a encore DES PYRAMIDES D'EGYPTÉ xvij doit durer encore pluficurs milliers d'années , ὅς qu'ainfi ayant mefuré les chofes qui s'y voyent , la pofterité y pourra non feuiement trouucr les melures du pied Anglois, mais auffi les mefures dont les plus fameufes Na- tions feferuent maintenant ,que i'ay pris auec grande iuftefle fur les originaux , & que i'ay comparé apres cftant de retour en Angleterre auec nos-mefurcs ;fi quelqu'vn des anciens Math ematiciens eut cü cette penfée; les Sgauans de ce temps-cy nc feroient pas fi empefchez qu'ils font à trouuer les mefures des Iuifs, des Babyloniens , des Egyptiens, des Grecs & des autres Nations. Sil'ondiuifele pied Anglois en 1000. par- ties ; Le pied Romain qui fe void furle monument de Coffutius que les Efcriuains appellent Pes Coflutianus en contiendra 967. Le pied de Paris mil foixante & huir. Le picd d'Efpaigne neuf cens vingt. Le pied de Venife mil foixante deux. Le pied de Rhein-land , ou celuy dont s'eft feruy Snellius ; mil trente-ttois. La braffe de Florence mil neuf cens treize. La braífe de Naples, deux mil cent. Le derab au Caire mil huit cens vingt-quatre. Le pic de Turquie à Conftantinople deux mil deux cens , i'entens le plus grand, 6 Les obferuatiofis de Bellon confirment ce que ie viens de dire,quand il décrit la pierre d’où Moyfe fit fortit de l'eau :c'cít, ce dit-il, vne grofle pierre maffiue, droicte , de mefme grain & couleur que la pierre the baïque. « Le Fuft de cette Colonne d'Alexandrie à l'endroit où il eft joint à fa baze, a vingt-quatre pieds Anglois de circonference; celles de Rome n'en ont que 15. & 3. poulces. Sur ces proportions & en fuiuant les regles d'Archi- te&ture que nous auons dans Vitruue , le Lecteur pourra fupputerles vrayes dimenfions des Colonnes qui font au Portique du Pantheon & de celle d'Alexandrie ; qui font, felon mon calcul, les plas magnifiques Colonnes qui ayent iamais efté faites d'vne feule pierre. î Quelqu'vn peut eftre s'ennuyera de ce que i'exprime ainfi ces nombres ,ie m'en iuftifieray , me feruant de l'exéple d'Vlag Beg, neueu du Grand Tumuilan EmpereurdesMogols ouTarcares,que nous auós tort d'appeller Barbares ; car ie trouue en ces Tables Altronomiques,les plus exactes qui ayent iamais efté faites en Orient il y a plus de deux cens ans,qu'il obferue la mefme chofe lors qu’il a εἴ à parler de "Epoque , des Grecs, des Arabes و‎ des Perfans,& des Gelaleans,comme auffi de ceux du Cathay & du Turqueltan; il exprime au long ces nombres, come i'ay fait,puis les exprime vne feconde fois par des chiffres que nous appellons Arabes,à caufe que nous les auons receus de ces peuples , mais les Arabes reconnoiffent qu'ils les ont receus des Indiens, & les appellent fi- gures Indiennes,& enfinilles rend apres de nouucauen des Tables particulieres ; i'ay creu que cette maniere meritoit d'eftre 1mitée dans les nombres Radicas , & qui feruentà d'autres chofes qu'à l’vfage ordinaire; car fi on ne les auoit exprimées qu'vne fois , il pourroit aysément par la negligence des Copultes , s'y gluler quelque faure, & on feroit en peine de fgauoir auquel des deux nombres il taudroit s'arrefter , mais eltant ex- primés trois fois, cef vn grand hazard li deux ne le rencontrentles mefmes,& cc rapport feruiroit à connoiftre 1 ’erreur du troifiéme. nar d 434, Il y ena qui difentque fon corps ena efté tiré: Diodore qui viuoit il y a plus de 1600. ans , à vn paffage fort remarquable furle fuiet de ce Chemis Fon- datcur de cette Pyramide,& de Cephren qui fit baftir celle qui eft toute proche ; quoy que, ce dit-il, ces Roys cuffent fait baftir ces Pyramides pouren faire leur fcpulchre , il eft vray neantmoins que pas vn d'euxn y a efté enterré : car le peu- ple S'eltant reuolté contre eux à caule de l'oppreflion qu'il auoit fouffert en les baftiffant,les menacerent de mettre vn iouren piece leurs cadayres, & de les tirer de leurs fepulchres, ce quiles obligea de recommander en mourant à leurs amis de les enterrer dans quelque lieu inconnu au peuple. Le tombeau & la falle font d'vne mefme matiere ;i'en rompis vn morccau, & y trouuay que cette forte de marbre auoit des tachesblanches , rouges & noires , & également meflées enfemble ; quelques-vns l'appellent marbre thebaique ; pour moy ie croy que c'eft cette forte de Porphyre quePline décrit fous le nom deLeucoftychtos, ou marbre rouge iafpé de blanc. Il y auoit ; & il y a encore auiourd’huy en Egy- pte beaucoup de Colonnes de ce marbre. Vn Venitienqui eftoitauecmoy sis magine qu'il a efté tiré du Mont Sinai ,b où il a vefculong temps, & pour mele perfuader il me difoir qu'il auoit veu das ces mótagnes vneColóncà demy taillée aufli grande que celle d'Alexandrie, c qui eft bien quatre fois auffi grande , fe- lon la mefure que i'enay prife , que les Colonnes du Portique de la Rotunde de Rome, ce marbre eft de mefme couleur que celuy du monument, & femblable à celuy des Obelifques qu'on void à Rome. Sonopinion s'accorde bien auec la relation d'Ariftides , qui dit qu'en Arabie il y a vne carriere de beau Porphyre. La figure de cette tombe reffemble à deux cubes ioints enfemble, & creufez par dedans; elle cft vnie, fans aucune graueure ny relief ; fa fuperf- cie extcrieurea 7. pieds 5. poulces & demy de longueur : Bellon luy en donne 12. & Monficur de Bréues 9. mais ils la font plus grande qu'elle n’eft ; elle a 3. pieds 3. poulces, & + de poulces de profondeur & autant عل‎ largeur, La face ia- AAA xviij DESCRIPTION tericure du coftedel'Oüefta fix pieds, & quatre cens quatre vingt-huit parties du pied Anglois 4 c'eft à dire 6. pieds & 488. parties du pied Anglois diuifé en mille parties ; fa largeur du cofté du Nord-Eft eft de deux pieds , & de deux cens dix-huit particsdu pied Anglois. ἃ La profondeur eft de deux pieds; & huit cens foixante parties du pied Anglois ; petite efpace à la verité, mais af- {és grande pour loger Le corps du plus puiffant Monarque du monde : ie pourrois tirer vnc induction de ces mefüres , & des Mommies que i‘ay mefurées en Egy- pre, & faire voir par-là queles hommes ne diminuent pas de taille comme plu- ficurs l'ont affeuré, & que ceux de ce temps-cy font aufli grands que ceux qui vi- uoient il ya trois milans; quoy que Saint Auguftin foit d'autre opinion, & que Aug. de ciu. Solon ait dit il y a defia long-temps , les hommes d’auiourd’huy ne font-ils pas H3 -9- plus petits que leurs anceftres. On pourroit demander auec raifon ; comment tq. ona peu faire entrer ce tombeau en ce lieu ;les chemins qui y conduifent eftant fi eftroits , ce qui me fait croire qu'onla efleué aucc quelque machine, & qu'on l'a defcendu par en haut auparauant que le plancher de la chambre fuft fer- mé ; il regarde exactement le Nort & le Midy, également diftant de tous les coftez de la chambre, fi ce n'eft de celuy de l'Eft , duquel il eft affeurément plus efloigné que de l'Oüeft. Ie vis au deffous de ce Tombeau yn endroit où on auoit creusé,& une des grandes pierres qui font le paué, qui auoit efte tirée d'vn des coins du Tombeau.Sand fe trompe qui dit qu'il y auoit là vn paffage pour entrer dans l'autre chambre; ce trou apparamment ayant efté fait par quelqu'vn quia creu qu'il y auoit là quelque trefor caché. C'eftoit la couftume des anciens d'en mettre dans leurstóbeaux : ce qui fe pratique encore auiourd*huy dans les Indes Orientales. La mefme chofe eftoit en pratique au temps de Salomon. Iofephe deferit de cette maniere les funerailles du Roy Dauid; fon fils Salomon, ce dit- ille fit enterrer magnifiquement dans Ierufalem,& outre les folemnitez qui fe pratiquent d'ordinaire aux enterremens des Roys , il mit encore dans fon monu- ment de grandes richeffes , tellement que le Grand Preftre Hircanus fe voyant afliegé par Antiochus fils de Demetrius, entira 3000. talens qui furent trouuez «dans vne des voutes de cetombeau , & les donna à ce Romain pour luy faire le- uerle fiege , comme ie Pay dit ailleurs. Herodelong-temps apres fit ouurir vne iof li.7.^2- autre voute où iltrouua aufsi beaucoup de richeffes ; mais ny l'vn ny l'autre ne trouua point la biere où eftoit le corps du Roy Dauid ,jcar elleauoit efté cachée auec beaucoup de foin , comme fion auoit apprehende dés lorsles diligences de ceux qui font entrez depuis dans ce fepulchre. Le Le&cur excufera ma curiefite lors qu'il verra que pour ne rien obmettre, ie mefuis arrefté à defcrireicy deux ouuertures à l'oppofitel'vne de l'autre;l'vne au cofté du Nord, l’autre à celuy du Sud de cette Chambre : l'ouuerrure qui eft au cofté qui regarde le Nord ,a de largeur 700. parties du pied Anglois, & 400. de hauteur. La pierre y cft taillée fort foigneufement,& elle entre de la lógueur de fix picds ὃς dauantage dans l'efpaiffeur du mur : celle qui eft au cofté du Sud, cft plus large , & approche dela figure ronde , & n'eft pas fi profonde que celle que ie viensde defcrire:la noirceur qu'on y remarque fait croire qu'on y aye mis autrefois deslápes allumées. Burratini croid qu'il y auoit quelques- vncs de ces lampes perpetuelles qui furent trouuées en Italic dansle tombeau de Tulliola, & en Angleterre aufli, fi Camden ne s'eft point trompé; pour moy ie ne croy pas l'inuention fi ancienne que ces Pyramydes , toufiours faut-il auoüer quelle eft fort belle;& que c'eft yne pitie ‘que la negligence des Efcriuains ayt laiffe per dre vne fi belle chofe : fi Pline l'euft connu il n'euft pas manqué de la defcrire , & fa diligence eut eftt bien mieux employée qu'elle ne l'a efté à defcrire le linum asbefhinum,où la thoille qui ne fe brufle point,faite, come quelques-vns affeurét, de certaines pierres de l'Ifle de Chipre, que 12y veu fouuent dans mes voyages, quoy que Saumefe vcüille dans fes Exercications fur Solin; que le vray asbefti- ^ DES PYRAMIDES DEGYPTE. xix num cítoit le linum viuum, oule linum Indicum, Pancirole met l'art de faire ces : thoiles entre les chofes perdués , mais il eft encore de beaucoup inferieur Pancir 4. à celuy des lampes que nous venons de dire , qui pourroient eftre d'yn grand vfage. : ; | 3 . Ic finiray donc icy la Defeription du dedans de cette Pyramide que Pay acheuée fans auoir eu aucune lumiere pour l'examiner,ny des anciens Autheurs, ny des Voyageurs decetemps ;au fortir ic trouuay mon Ianiffaire & vn Capi- taine Anglois fort impatient d'auoir efte 3.heures à m'attendre dehors,fort per- fuadé que tout ce qu'il n'entendoit point eftoit yne impertinente & vaine cu- riofité. | — Herué s'eftonnoit que i'euffe pù demeurer fi long-temps auec ceux de ma compagnie dans cette Pyramide ; “ui car, ce difoit-il, nous ne pouuons point refpirer deux fois le mefmeair, quenous n'en foyons incommodez, Herué pre il en faut toufiours de nouveau pour la refpiration , ὃς nous fuccons del'airà chaque fois que nous refpirons, mier Mede- cc qu'il a de propre pour noftre nature, ὃς cítans dans vn lieu fermé nous deurions auoirbien-toft épuifé cér air, Cin du Roy ἃς concluoit de là qu'il falloit qu'il y euft quelque ouuerture par laquelle l'air libre peuft entrer dans cette ca. d Angketct- uité:ma refponfe fur, qu'on pouuoit douter fi le mefme air ne pouuoit pas eftre refpiré plus d'yne fois ,&fice IC fuc ou nourriture qu'il fuppofoit eftre dans l’air,eftoit confumé à chaquerefpiration,puis que nous voyons que ccux qui fe plongent dans la mer Mediterranée pour en tirer les efponges, dans la mer rouge & dans le golphe Perfique pour pefcher des perles, demeurent prés d'vne demie heute fousl'cau, δὲ qu'ainfi ils refpirent pluficurs fois le mefme air:1l me repliqua qu'ils Ie faifoient auec le fecours des éponges remplies d'huile qui Corrigcoient &nouriffoiét l'air. Que cette huile cftant vne fois éuaporée ilgne pouuoiét pas viure long-temps,mais cftoient obligez de remonter en baut. Ie repliquay qu'il fe pouuoit faire que cét air remply de la fuye qui fort de noftre corpsaucc la refpiration, pouuoit pafler au trauers de ces galeries par lefquelles nous eftions venus , & de là avoir communication aucc l'air libre parla mefine ouverture par où nous cftions entrez. Ie luy en apportay cér exemple: Au Deltroit de Gilbraltar il y en a beaucoup qui difent qu'il y a vn courant d'eau qui yentre du cofté de l'Europe , & qui reuient apres en fuiuantla cofte d'Afrique, de mefmes qu'en ce Paflage qui n’a pas plus de trois pieds de largeur , l'air libre pouuoit entrer d’vn cofté & fe retirer de l'autre ; & qu'ainfi celuy que nous auions refpiré ne reuenoit point , non plus que les eaux du Rofne ne fe meflent point auec celles dü Lac de Genéue,au trauers duquel elles pafsét;car bp n'a point trouué qu'il y euft d'autre ounerture en céte chá- bre. Il me repliqua qu'elle pourroit eftre fi petite qu'on ne l'auroit pas pú apperceuoir, & que cependant el- le auroit cfté fuffi'ante pour donner paflage à l'air , qui eft vn corps fort fubtil. Ie luy refpondis qu'eftant fi petite, elle auroit eftébien-toft bouchée par ces fables que les vents font voler en ce Paîs-là, & qui bou- chent fouuent mefme l'entrée de la Pyramide ; en forte qu'on nela void point. On pourroit appeller ces fables la pluye des Defertsz Nous fufmes obligez d'employer des Mores pour en déboucher l'entrée, mais pour moy ie ne fuis pas fatisfait de l'opinion de ceux qui veulent qu'au Deftroit deGilbraltar la mer entre d'yn coftég forte de l'autre ; car i'ay paffé deux fois ce Deftroit, & n'y ay rien remarqué عل‎ femblable ; l'ay bien obferué que l'eau y entre, mais non point qu'elle en refforte i vie m'informay d'vn Capitaine qui commandoit vn des fix vaiffeaux qui compofoient noftre Flotre,cér homme fort intelligent, ἃς qui auoit fait fouuent ce voyage auec les Pyrates d'Algier,me difoit qu'il n'auoit iamais obferué que l'eau fortift du cofté de la Cofte d'Afrique, & que ἢ ces Pyrates fuiuoient ordinairement la Cofte d'Afrique pour entrer dans l'Occan, ce n'eftoic pas pour fuiure le courant de l'eau , mais pour éuiter les vaifleaux Chreftiens & ceux du Port de Gilbraltar , qui les auroienc pú furprendre au Paffage: Pour moy quand ie fonge à la quantité d’eau qui entre par ce Deftroit , & à l'impe- tuofiré du courant auec laquelle l'eau du Pont-Euxin entre dans la Mer Mediterranée » & que Y y adioufte la grande quantité d'eau que les riuieres y apportét , ie ne puis m'empefcher de croire que la merMediterranée ou le pot de chambre,comme lcs Arabes P'appellent,á caufe de fa figurejen deuroit auoir efté remplie il y a long- temps, & inondé roures les plaines d'Egypte, & quede ce qu'elle ne EE fair, on en doit tirer vne conle= quence que la terre cít pleine de tuyaux , & qu'il y a communication du fonds d'yne Mer à l’autre. Ce qu'e- ftant accordé, on n aura point de peine à conceuoir pourquoy la mer Medirerranée ne hauffe point, ny la mer Cafpienne, quoy que ces Mers n'ayent point de communication vifible auec les autres, pourquoy elle cft roufiours fallée , ὃς qu'elle ne furmonte point fes bornes , nonobftant la grande quantité d'eau que le Volga & les autres riuieresy portent ; & ce qui me donna fuiet à cette penfée, fur qu eftans en la latitude de 41. deg. Se enleng 12. ayant mis à bout l’vne de 'autreles cordes des fondes de fix vaiflcaux , ὃς qu'ayant ietté vne fonde qui pefoit bien zo. liures vn iour qu'il faifoic grand calme, gouuernant en forte le barteau que la fonde fuft à plomb, ie ne trouuay point dc fonds à 1045. brafléés , qui foncd' vn mil & vn quart de mille x Defeription de la deuxiéme Pyramide. NE la Pyramide que nous venons de décrire, nous páfferons à la feconde; qui E. e(t cloignée que dela portée d'vn arc; le remarquay en chemin faifant,& l'Oücft de la premiere, la maffe d vn Baftiment ancien de pierre quarréc & bien polie, femblable à celle que Pline a appellée Bazaltes, qui ala couleur & la dureté du fer, & a feruy peut-eftre autresfois de logement pour les Preftres ; ou de mo- nument : à la main droite de eette antiquité en tirant vers le Sud, on trouue cette 3 1 AAA) e | xx DESCRIPTION feconde Pyramide ; de laquelle les añciens& les modernes ont laifsé peu de chofe: Herod ote dit que Cephren l’auoitbaftie; à l'imitation de fon frere Cheops; mais qu’elle feftoit trouuce de beaucoup infericure en grandeur à la premiere :car ,ce dir-il, nous l'auons mefurée. ILauroit eftt à fouhaiter qu'il nous cuft dit fes melti- res, &la maniere dont il Peftoit feruy pourles prendre. Il adjoufte, il n'y apoint 9 dans celle-là de Baftimét foufterrain; il n'y paffe point de fources ny de canaux pour Diod.Lr, l'eau du Nil, comme fousla premiere. Diodore l'a décrit plus particulierement , & dit que l'Archicectureen cft femblable à la premiere ; mais qu'elle cft bien plus pe- tite ; que chacun de fescoftez à vn fade de longueur : pour reduire ce fade à d'au- tres melures,ellea6oo. pieds Grecs, 625. de ceux qui eftoient en vfagea Rome; teliement quefelon cette fupputàuon , chaque cofté auroit ceht pieds Grecs moins Pl.13663* que la premiere Pyramide. Pline en fait la difference plus grande; car il donncà chaque cofté dela premiere $85. pieds, & n'en donne que 737. à celle-cy. Pourmoy ,jay trouué que ces pierres eftoient blanches, & qu'elles n'cftoient point fi gran des ny fi maffiues que celles de la premiere Pyramide ; outre qu'elle n'eft point par degrez comme la premiere :toute cette fabrique eft encore fort en- tiere (ansfiftule, fice n'eftdu cofté qu'elle regarde le Sud ; fa hauteur, autant que j'en peus juger à l'œil; ce qui eftoit file à caufe que d'vne mefme plaine on les void Stra.1. 16. toutes deux, cft égale à la premiere. Strabon en a aufli fait cc jugement: les coftez de leur baze font aufli égaux; & le Do&cur de Venife me confirma la mefme chofe apres l'auoir mefurée fort exactement. Il n'y a point d'entrée pour penetrer dedaris comme à la premiere, ainfi ielaiffeà la conje@ure des autres à juger;fi fon dedans eftfemblable au dedansde la premiere. CMM | Du eofte du Nord & de l’Oiieft, fa baze cft composée de deux pieces admirables; mais iene fçaurois affez m'eftonner des anciens qui n'en ont point parlé: ce font des pierres qui ont 30. pieds de large, & plus de mil quatre cens pieds delongueur : y ona taillé dans ces pierres à la pointe du marteau , comme ic m'imagine ; les loge- mens des Preftressils font tirez à l'alignement des coftez de la Pyramide, & font vno perípe&tiuefortagreable : l'entrée en eft quarréc,taillée das la roche,& de la mefme ouuerture queleslogemens de la premiere Pyramide. le laiffeà determinerà ceux qui ont écrit des Hicroglyfiques, fi la figure quarréc des portes , leur peu d'exauce- Li Thes, ENG peurauoir quelque rapport à l'égalité عل‎ l'humeur des Pre&res, & à l'opinion οἷς desChre Mediocre qu'ils auoient de leurs perfonnes :le dedans de ces logemens eft vne ftiens confi- chábre quarréc,le haut cft en voûte taillé dás la roche; ily a vnpaflage d'vn de ces D : "Ee lógemensa l’autre : mais Pordure &Pobfcurité qui y eftoient, m'empefcha de Pexa- Hero.l. 1. myfterica- Miner dauantage. Du cofte du Nord, jy remarquay vne ligne de caracteres Egy- fes. ptiens , tels qu'Herodote & Diodore les décriuent, & difent auoir efté pratiquez par lcsP reftres,& cftre fort differens de ceux dont les particuliers fe feruoicnt dans leurs affaires. Ce font ccs caracteres que luftin Martyr dit auoir efté connus à Moyfe; quel'Efcriture dit ailleurs auoir fceu toutesles fciences des Egyptiens. Ils ne defcendent point de baut en bas comme ceux des Chinois de noftre temps; mais font continuez en γῆς ligne comme nous ccriuons maintenant, & fion peut le dire des caracteres qu'on n'entend pas; ls vont de la main droite vers la gauche, Pomp. Mel. comme pour imiter le mouuement des planettes. Herodote le confirme, & Poma Lt c9. ponius Mela,mais par vne expreflió affez obfcure.Certe maniere d'écrire a efté fui- uie par les Juifs,par les Egypriens, & par les Chaldeens ; & il y a bien de l'apparence qu'ils l'ont prife des Egyptiens, puifque c'eft d'eux que lesChaldeens mefmes recon- noiffent d'auoir appris l'Aftrologie , & les Grecs la Gcometrie : Diodore confirme cette premiere affertion , & Proclusla feconde. C'eft aufi d'eux que les Iuifs & les Arabes de noftre temps ont appris leur maniere d'écrire , & l'ontcommuniqué pat leurs conqueftes aux Períans & aux Turcs. DES PYRAMIDES D'EGYPTE. xxi Defcription de la troifiéme Pyramide. E cette Pyramide, nous pafsàmes à la troificme, que nous trounàmes eftre eloignee de la feconde d'vn jet de pierre, cleuce fur yn éminence que fait vne A fur Ae roche fur laquelle elle eft fódte,elle paroift auffi haute que la feconde mais engene- ل‎ Lire ral, fa mafle eft plus petite & plus baffe. l'auoistant mis de temps auxobferuations que i'auois faices aux precedétes,que ie ne peus pas obferuer cette derniere auec au- tant d'exaíticude que i'aürois voulu , & qu'elle meritoit ; ie l'obferuay neant- moins affez د‎ pour pouuoir refuter les erreurs des autres ; auparauant , il faut queic rapporte ce qu'en ont ditles anciens, & les Relations de deux ou trois de nos plus exacts voyageurs : Herodote dit que Mycerinus dreffa vne Pyramide plus pe- tite que celle qu'auoit bafty fon pere, ayant vingt pieds moins fur chaque cofté, c'eft à dire 300. pieds de chaque cofté : Diodere f'eftend dauantage , & dit que cha. que cofté de la bafe de la Pyramide de Mycerinus aucit3oo. pieds en long; quil ya I$.affifes de pierre noire femblable au marbre Thebaique , & quele refte cft balty de mefmes pierres dont font composées les autres Pyramides : cét ouurage , dit-il, quoy qu'il ne foit pas fi grand que les autres, ne laifle pas de les furpañler de beau- coup par la beauté de fa ftru&ure, & par la magnificence defon beau. marbre : du có- τέ du Nord, le nom de Mycerinus le Fondateur y cft graue , Jadioufteray au re- moignage de Diodore celuy de Strabon: Plus avant, dit-il, fur la roche plus eleuéé en cét endroit, eft la troificme Pyramide bien plus petite que lesdeux autres, mais de bien plus gráde dépenfe;car depuis la baze iufqu’à la moitié de fa hauteur, elle cft de ce marbre noir, dont ils font des Mortiers en ce pays-là » & qui cft fort difficile à tailler. Pline quil décrit par ouy dire , & pluftoft en Hiftorien qu'en témoin ocu- laire. La troifieme Pyramide, dit-il ; eft plus petite que les autres, mais bien plus belle; elle eft de marbre Echiopique, & chacun de fes coftez a 363. pieds. Voilatout cc que i'ay trouué dans les anciens de cette Pyramide ; mais entre les modernes, il faut premierement examiner ce qu'en dit Bellon, ou pluftoft Petrus Gilius; car Mr de Thou dit dans fon Hiftoire, que Bellona efté vn plagiere, & qu'il a dérobeà Pe- trus Gilius, à qui il feruoit de Copifte; les Obferuations que nous avons fous fon nom. Giliusacfté vn homme fort exa& & fort fçauant dans Pantíquité, comme on void par vn Liure qu'il nous alaifsé du Bofphore de Thrace , & de là Topo- graphic de Conftantinople. La troifiéme Pyramide eft bien plus petite que les deux autres; mais elle eft d'vn tiers plus grande que celle qui fe void dans les murailles deRome proche du Mont-Teftace, elle eftauffi entiere que ἢ elle venoit d'eftre bä- tie; car cllc eft bâtie d'vne efpece de marbre appellé Bazaltes ou marbre Ethiopi- que plus dur que le fer. Il feroit inutile de rapporter icy les Relations des autres, qui f'accordent τοὺς dans le fonds: pour moy ,ic croy que Diodore auoit prisce qu'il *T'ay confe- enaécrit d'Herodote,& que Pline & Strabon fe font arreftez à ce qu'ils en ont trou- S dd. uè das Diodore;tz que les plus fçauans des modernes ont accómode leurs Relations icy auec và à Pauthorité des anciens : car comment autrement pourroient-ils Faccordet tous Vin CiU dire vne chofe que ic puis affeurer eftte fauffc , fila memoire & mes yeuxne m'ont aur AA txtremément trompe ; * il Pen faut peu que ie n’afleure qu'ils n'ont iamais veu cet. fois à Ale- tecroifiéme Pyramide, & qu'il lcureftarriué la mefme cliofequi arriuoit toufiours CU de mon tempsa ceux qui les alloient voir; qui eftoient tellement remplis de la fois a veu. grandeur de la premiere, qu'ils n'auoient plus attention pour obferuer les autres, à dés 8 caufe que cettetroifiémea la mefme figure , & qu’elle ale dcfauantáge de paroiftre affcuré que la derniere, & d'eftte la plus petite : Enfin , ils fe font trompez dans la couleur du i ne me marbre & dans fa qualité. Ie commenceray par Herodote ,qui dit que chacun des βάξης τὸ coftez de (a baze eft de 300. pieds, & que cependantil ne fen faut que 20. qu'il n le rap δ pport foit aufli long que celuy de la premiere Pyramide ; au cofté de laquelle il à donné 277 ^ πε A icy, AAA 11) xxij DESCRIPTION a uparauant 800. pieds de longucur, ainfi on ne peut pas douter qu'il n'y ait faute en cét endroit ; mais ie ne puis pas cxcufer de mefme ce qu'il dit , qu'elle eftbâtie iufqu’à la moitié de fa hauteur de marbre Ethiopique ; fi ce marbre , comme le décrit Pline , Diodore & Strabon cft de la couleur de fer tirant fur le noir ,& qu'il viéne du fond de l'Ethiopie chez des peuples qui font de la mefme couleur:puis que cette Pyramide eft cout d'vne pierre blanche, qui a vn peu plus d'éclat que celle des autres; &ic ne me fçaurois aflez cftonner de ce que Diodore, Strabon, Pline, Bel- lon & Gilius , ayent tous fuiuy Herodote dans cette faute, puis qu'il leur eftoit fi facile de ladécouurir : On dira peut-eftre pour les deffendre , qu'ils ont entendu que lc dedans de la troifiéme Pyramide eftoit bafty de cette pierre; mais il n'y a point d'entrée non plus qu’à la feconde ;ce qui rend cette deffenfe infuffifante. 11 elt vray qu'au cofté de [ἘΠῚ de cette Pyramide > l'on void les ruines d'vne malle de pierre d'vne couleur obícure ; fort femblableà celle que nous auons décrite entre la premiere & la (econde Pyramide ; qui peut auoir donné fujet à cét erreur. Ie nc fçaurois excufer les anciens , & ¡ele pardonnerois encores moins à Belon ou à Gillius qui ont fuiuy leur rapport; puis qu'ils fen pouuoient éclaircir par leurs propres yeux : Ce n'eft pas qu'on düt attendre d'eux , comme dit Tite-Liue; ue les Eícriuains modernes apportent toufiours quelque chofe de nouueau, & fur- paffent dansleurs Relations le peu de politeffe de lantiquité. Nos modernes font tout le contraire, & ont corrompu ce que les anciens auoient dit auec beaucoup de verité , Herodote ὃς Diodore font la cofte de la baze de cette Pyramide de 300. pieds, Pline la fuppofe de 363. & ces Autheurs au contraire la font fculement d'vn tiers plusgrandé que laPyramide de Seftius qui eft proche du Mont-Teftace; ὃς ain: fi, ou ils ont beaucoup augmente celle de Rome , ou accourcy celle. cy ;car celle de Rome eftant mefuréc du cofté qui cft dans la Ville, ajuftement 78. pieds d'Angle- terre , aufquels fi nous adiouftons la troifiéme partie, elle aura cent quatre pieds; c'eft à dire, qu'elle fera égale à la Pyramide d'Egypte, felon le fens de Bellon; c'eft à dire, qu'il y aura vne erreur de 200. pieds fur vn compte de 300. ainfi fondé fur l'authorité d Herodote & de Pline alleguée cy-deuant;ie foütiens que la hauteur & la largeur de cette Pyramide font égales. l'aurois fortfouhaité de voir dans cette Pyramide le nom de fon Fondateur, dont Diodore fait mention, & cette autre infcription de la premiere dont Herodote tafche de nous donner l'interpretation ; mais l'vn & l'autre ont efté effacées parle temps : Il y a ce dit-il, fur cette Pyrami- de,des caracteres Egyptiés,qui marquent la dépenfe qu'on auoit faite pour la nour- riture des ouuriers , en ail & en oignons; vn Interprete me dit que cette dépenfe montoit à la fomme de fix cens talens d'argent : fi cela eft ainfi, combien doit-on croire qu'onait dépenfé en fer , en habits, & dans les autres depenfes de l'entre- tien de ce grand nombre d'ouuriers. Si iauois veu cette infcripcion , peut-eftre que ie pourrois determiner quelque chofe de ces anciens cara&teresd'Egypte, non pas de ces caraéteres facrez qui eftoient des emblémes , & qui reprefentoient les conceptions de l'efprit par des reprefentations d'oyfeaux , de-beftes , ou d'au- tresobiets plus connus, maisde ceux dont ils fe feruoient dans leurs affaires parti- culieres ; enfin ie fuis fort contraire à l'opinion de Kircher qui croit , tout habille homme qu'il eft ; que les cara&eres des Copht ; font les mefmes qui eftoient en vfage entre les anciens Egyptiens, car ce que jay veu d'anciennes (culptures dans les pierresqui fe trouuent tous les jours en ce pays-là & dansles Momies, me fait affez connoiftre que le langage Copht n eft quvne corruption du Grec. DES PYRAMIDES D'EGYPTE. xxiij Des autres Pyramides qui font dans les deferts d'Afrique. Es deux premieres des Pyramides que ie viens de décrire, font mifes au nom- T des merueilles du Monde : les autres qui fe trouuent dans le defert , fem- blent n'en eftre que des copies, ou pour mieux dire de petits modeles; c’eft pour- quoy ie ne m'embarrafferay pas beaucoup, ny le Le&ear aufli, de leur defcri- prion. Les anciens & les modernes ne laiffent pas d'eftre inexcufables de la negli- gence aucc laquelle ils les ont paffcz fous filence , & principalement vne entreles autres, qui eft auffi merucilleufe que pas vne des premieres ; elle eft éloignée de quelques zo. milles des plus grandes ;elle eft fur yne roche comme les pre- mieres , & affez proche du village par où on entre dans les Mommies. Le Do- éteur de Venize me confirma dans le jugement que j'en faifois, & me dit qu’elle auoitles mefmes dimenfions que la premiere & la plus belle de toutes; que parle dehors on y montoit par degrez; que fes pierres eftoient de la mefme couleur, auec cette feule difference , qu'elle eftoit plus ruïnée parle haut, &que l'entrée eftoit du cofte du Nord; ainfi tout ce que nous auons dit de la premiere, fe peut appliquer à celle-cy : Bellon eft exceffif dansle nombre qu'il en fait, il dit quil y enacent autres difpersées cà & là dans ces plaines : pour moy, ie n'en peus compter plus de vingt , & Ibn Almatoug dans fon Liure des miracles d'E- gypte , n'en compte que 18. 11 ya , cedit-il , au cofté de l'Oüeft , des baftimens auffi fameux que les autres Pyramides : on en compte 18. defquels|il y en a 3. du cofté opposé à Foftat , appellé autrement le Caire. De quelle maniere ces Pyramides ont effé bafties. Pres auoir acheué mon difcours des Pyramides ,il me refte a examiner la maniere dont elles ont cfté bafties, & comment d’aufli grandes maffes de pierres que celles qui fe voyent dans la premiere) ont pù eftre portées jufqu'au haut de ces Pyramides : Herodote qui a efté le premier a mouuoir ce doute , ex- plique la chofe de la forte : Ils éleuoient, dit-il; les autres pierres auec de petits engins faits de bois qui les tiroient fur le premier rang , de là vne autre machine les cleuoit jufques fur le premier degré, d'ou elles eftoient portées fur vn autre fecond degré par vne machine placée fur le premier; & autant qu'il y auoit de matches & de rangs de degrez autant il y auoit de machines pour les éleuer ,où ils cranfportoient la machine autant de fois qu'ils auoient à éleuer les pierres. Ce qui fuit fait voir qu'il y a de l'erreur dansle texte; c'eft pourquoy ie n'en diray pas dauantage ; mais la premiere partie de cette Defctiption d'Herodote , eft pleine de difficultez; car en plaçant & en dreflant ces machines qui deuoient €leuer des pierres auffi maffiues , elles deuoient déplacerdes degrez (ur lefquels «elles eftoient postes, ou y faire quelque brefche ; ce quiauroit efté vn grand de- faut dans vne fabrique auffi magnifique. Diodore fe l'eft imaginé autrement; les pierres, ce dit-il , eftoient taillées en Arabie; & comme en ce temps-là on n'auoit pas encore l'inuention des machines pour éleuer des fardeaux, on éleuoit de la terre à la hauteur où ces pierres deuoient eftre posées, & on les rouloit def- fus; & ce qui eft le plus admirable, c'eft qu'à l'endroit où toutes ces Pyramides fontdrefsées, on n'y void aucun veftige de cette terre, ny dela taille des pierres; fibien qu'il femble que c'eft pluftoft l'ouurage de quelque Diuinité que deshom- mes. Les Egyptiens en difent merucilles , & nous voudroient faire croire ie nc fcay quelles fables , que ces chaufsées auoient efte faites de Nitre & de Sel, & qu'elles auoient efte détruites par le moyen de l'eau qui les auoit fait fondre / Foftat Mc- tzr,& le Ca- ira que neus appel- lons le Cai- re,font trois noms diffe- rens d'vne mefmeVille, comme on le void dans Abulfeda & dans le Geo- graphe de Nubic. A- bulfedaá la verité , dé- criuant l'Al- caire , dit qu'elle eft au Nord de Foftat, & que Foftar eft fur les ris ues du Nil, | “Si l’on re- çoit cette fuppofition, on n'aura pis dc peine à compren- dre commét onaéleuéces rades male És de pier- res , y em- ployant les machines dont on fe fert pour le- uer les far- deaux,& ce- la plus aysé- mét que pat les moyens dcs ponts de briques ou de nitre que Diodo- re & Pline rapportent, xxiv IPELSAAE UP TION [ans autre trauail; vais il y a plus d'apparence à croire que ce grand nóbre de gens qui auoiét trauaillé à les batir & à les drefler, auoiét cite employez à la fina ofteî tout ce qui ne feruoit de rien à la beauté de la future ¿car on y auoit employé 360000.hommes, & à peine cét ouurage fut il acheué en vingt ans de temps: Pline Paccorde en quelque facon auec Diodore , & dit; on eft en peine de fga- voircomment le mortier fe pouuoit poiter fi haut; il auroit eu meilleure grace de demander comnient on auroit pú porter fi haut les pierres. Quelques-vns, dit-il, ont crü qu'on auoit fait des digues de fel & de Nitre qu'on auoit apres fait diffoudre , faifant tomber deffus l'eau du Nil; d'autres , qu'on auoit fait des chaufsées de brique qui auoient efté détruites apres, & employées à baftir des maifons ; car ces derniers confideroient que les eaux du Nil eftans plus bafles que l'édifice , elles n'auroient pas pú aisément détruire ces montagnes de Nitre & de Sel : pour moy,fion me permet d'en dire mon jugement, ie croy qu'elles ont efté *tleuccs tout autremét qu'Herod.Doid.& Pline ne fe le sót imaginé, que premie= rement ils auoient fait vne large & fpacicufe tour au milieu du quarré delabaze dela Pyramide ; cette tour cftoit aufh haute que le deuoit eftre toute la Pyrami- de: Ie m'imagine qu'aux coftez de cette tour on y auoit appliqué les autres par- tics de cette fabrique piece à piece ; jufqu’à ce qu'ils fuffent venus Jufqu'au pre- mier degré, la plus difficile piece de ce baftiment ayant eité fait par cette voye qui femble la plus aisée , & il ne faut pas feftonner fi cela n'a pas cité imité par les anciens, ou fi Vitruue ne l’a pasrecommandée ; cependant, à juger des chofes par leurs éuenemens, l'intention de ceux qui dreffent des Monumens eftant de per- petuer la memoire des morts il ny a point de gente عل‎ baftimens plus propre à le fare que la Pyramide: ainfi nousvoyonsà Rome, qu'encore le Mauzolée d'Au- gufte foit quafi tout ruiné , qu'il ne refte plus de veftiges du Septizone de Seuere, qu'on reconnoiffe à peine les veftiges de ces baítimens ,la Pyramide de Ceftius cependant a refifté à la force du temps, & paroift encore entiere, quoy qu’elle nc fuft pas comparable parla grandeur de fes pierres à celles qui compofoient ces Monumens. l'ay dit ce que j'auoisà dire de cét ouurage ,il me refte à parler de ceux qui y ont trauaillé : On demeure d'accord , ce dit-il , qu'elles furpaffent tout ce qu'il y a en Egypte, pour la beauté & la magnificence de la ftruéture,& la fcience de ceux qui l'ont entrepris; & les Egyptiens croyent qu'on doit admirer dauantage les artifans que les Princes qui en ont fait la dépenfe. Li A. GIONE VS 1 ON I: finiray icy par vne obferuation que rapporte Strabon. 1l ne faut pas, ce dit-il, paffer fous filence vne particularité que nous auons obferuée proche de ces Die ramides ; l’on y void destasde pierres & des recouppes des pierres qui compo- fent les Pyramides ; entre celles- là il y en a qui ont la figure de lentilies d'autres qui reffcemblentà des grains d'orgeàdemy hors de leurs épics ; ils dd fent dans le pays que ce font les reftes des prouifions qui feruoient pour la nour- riture des ouuriers, & qui ont cfté perrifiées depuis : Si elles eftoient du temps de Strabon , il faut qu'elles ayent efté depuis confumées par le temps ou couuertes de fable ; cependant Diodore qui l'a precedé de peu, n'a pas remar ué cette curiofité ; ce qui mc feroit douter de la verité de fa Relation, fi n venoit d'vn autheur 211111 judicieux, quoy que nous trouuions des exemples de femblables petrifications. Pay veu à Venize les os & la chaird'vn homme entie- rement petrifiez , & à Rome vn tuyau où l'eau f'eftoit changée en vn parfait al- bätre. le croy qu'on pourroit dire la mefme chofe de ces morceaux de pain que l'on dit que l'on trouue proche de la Mer-rouge , changez en pierre , & que les Habitans difent que les Ifraglites laifferent apres eux enfuyant la perfecution de Pharao;on les véd au Caire taillées en forme de pain,ce quien marque affez l'im- pofture ; car PElcriture Sainte dit, que le pain de ces peuples eftoit fait en Forse de ΤῊ e vis ou 20. pieds; & au milieu de chacun u^ ER Fons de la Mo ‘onen rencontre encore d' autres plus Petires qui font à terre, & princip. ment des 7 de ces chambres: ou grotte gui يد‎ ἘΠῚ DES.PYRAMIDES-D'EGYPTE. -xx« de gafteaux fans leuain ; ou la Relation de Strabon feroit femblable à vne tradi- Va François tion que quelques Chreftiens tiennent en Eg gypte » de la Refurre&ion de certains qui s'eftoic J trouué au corps mortstousles ans ;il y a des Giclee qui la croyent, & leurs Preftresl'au- Exe δὰ thorifent par ignorance ou par politique; mais cette difgreflion eft defia trop lon- temps de cé- guc. La defcription des Momies, le refte des Sepulchres d'Egypte, & les Hiero- a pore elurre- glyphiques que 1 ay copiez là & ailleurs > 35 feruiront vniourd' argument à VD AU- tion, m'a tre difcours. monftré va bras qu'il en auolt apporté, décharné & fec comme vne Momie ; il auoit remarqué que le miracle s’eftoit toufiours fait derriere luy ; s'é- tant retourné par hazard ,il apperceut vn Egyptien qui tenoit des offemens fous fa vefte, ὃς découurit par là le myftere. Sand dit daas fes voyages, que l'on les void reffufciter le Vendredy Saint. Metrophanes Patriarche d'Alexandrie, a creu qu'onla pouuoit prouuer par ce paflage d'Efaye 66. 24. Ils verront les car- calles: de ceux qui n'ont pas obferué mes Onde ; leur vers ne mourrera iamais , ny leur feu ne ceflera de les brûler, & feront en execration à tous Les hommes. * Pauois cu deffein de traiter de cette matiere ; mais le Recueil que l'auois fait de ces autiquitez durant le temps de mes voyages, s'elt perduen ma mailon dans les defordres de ces derniers temps; & pleuft à Dieu que ie n'y euffe pas fait d'autres pertes. Lettre du ὅτι Iito-Liuio Burattini , contenant une e defcription des Momies d'Egypte , traduite de l'Italien. A tires croyent que les Momies fe ccouuent dans les deferts de l’Arabie de- ferte , & que ce font les corps de perfonnes qui ont efté cítouffez dans ces 位 = bles lors que le vent de Midy fouflle ; mais ceux qui ont efte en Egypte fçauent ; que ce font les corps embaümez des anciens Egyptiens : on en trouue grande quantité proche des ruines de Pancienne ville de Memphis , dans des grottes foú- terraines où ces Peuples enterroieni leurs morts; on y entroit par yn puits quarré 4, dot l'ouuetture eftoit telle qu'on y pouuoitdefcendre en metrantles pieds dans des trous creulez aux deux coftez oppolez de cette defcente B, comme onle void” dansle deffein : ces puits ne font pas d'égale profondeur; mais les moins: profonds font de la hauteur de fix hommes. Vous remarquerez que les puits & les grottes font raillez dans vne pierre blanche & fort cendre ; que dans tous ces Deferts on trouue cette forte de pierre quand ona creusé γῆς braffe dans le fable ;' deffous & tous les enuirons de la ville de Memphis eftoit creux: le deféendis vne de ccs caucs ou grottes par vn de ces puits quatrcz ; au bas du pui Ὑπὸ ouuerture quarrée , & vn paffage qui n'cft pas par tout de mefinele ngucur, c en - quelques endroits le maflif de la roche ou pierre où ces paffages«fonr tailles > a 10. pieds de longueur ;*en d'autres 15. ces paflages feruent d y d des chambres quarrées faites en voûte , dont chaque coftécft ordinaizemenr de IS 11 ١ C, de zig e de pierre ur quei ic viens js dad ire : ce ont la figure d'vne ftatué aucc les brasa dans D;ontrouue anse lo corps f fous lalangue,vne petite placque d’c ot de la valeur de deux pi bes, pour auoir ces placques , gaftent toutes les Momies qu'ils tre &cn gaftent fouuent plufieurs: fans rien trouucr; ils vendent apres ces cot marché aux Mahometans , qui les reuendent aux March s Ch here Caire, à la tefte de toutes ces Momies on void vne IdoleE, & aux pieds vn, Il y a des Hieroglyphiques taillez en la muraille, qui feruoient peut-eftre ἢ ١ PE di one taphe : outre ces quatre bicrres qui font les principales qu'on void dans ces canes, es i PUES enfans. Vous remarquerez quel vn de feruoit E TY... παρ, E I———À 5H === ===> === 4 «LARA ZELLE ERES TES uL | | 1 777 “ re a e] PS pedi ARRE AN AA τὶ jas n PEPE DN D AM tee “urina AA ON AA Se PRESTATA ring PIDEN ES 5 RELATION DES COSAQVES. E nom de Cofaques a efté donné à ces Peuples , à caufe de leur agilicé & del’adreffe qu'ils ont d'aller en des lieux de difficile accez , tels qu'eft l'emboucheure du Boriftene , pour faire la guerre aux Turcs & 7 aux petits Tartares : car Cofa veut dire en Polonois Chevre. Autrefois & auant l'inftitution de leur Milice , qui fut eftablie par le Roy Eftienne Battori , c’eftoient des Volontaires des frontieres de Ruffie, Volinie, Podolie , & autres Prouinces de Pologne qui f'attroupoient , ainfi qu'ils ont con- tinué depuis, pour faire des courfes fur la Mer-noire , où ils remportoient fouuent des auantages confiderables , & faifoient de riches butins, tant de Galeres Tur- ques qu'ils rencontroient fur cette Mer, que dans les defcentes qu'ils faifoient dans la Natolic , où ils ont pillé & faccagé fouuent des Villes; comme T rebizon- dc & Synope , ayans cu mefmesla hardieffe de fauancer jufques à la veué de Conftantinople , & d'y faire des prifonniers & du butin. Lors que l'arriere faifon venoit , chacun fe retiroit chez foy ; fe donnans ren- dez-vous pour fe raffemblcr au Prin-temps aux Ifles & efcueils du Boriftene , & de là retourner faire leurs courfes. Le Roy Eftienne Battori , à qui la Pologne eft redeuable de beaucoup de beaux Reglemens , confiderant l'vtilité qu'il pourroit tirer de ces coureurs pour la garde des frontieres de Ruffie, en forma vn corps de Milice, en leur donnant la Ville & territoire de Tetrimirou fur le Boriftene, pour leur feruir de Place-d'armes , & leur creant vn General auquel il donna pou- uoir de creer les Officiers fubalternes ,neceffaires pour les commander fous fon authorité ; leur accordant de plus outre leur paye, des priuileges & exemptions ' d'impofts & de corvees à peu prés en la mapiere que Charles VII. Roy de Fran- ce inftitua en 1449. les francs Archers par toutes les Parroiffes de fon Royaume. Le Roy Eftienne joignit à cette. nouuelle Milice deux mil Cheuaux , pour l'entretien defquels il deftina la quatriéme partie de tous les reuenus de fon Domaine, d'où vient qu'on les appelloit Quartani , & par corruption Quar- tiani. Ces forces ainfi eftablies pour la garde de la Frontiere , l'affeurerent tellement contre les irruptions des Tartares, que tout le pays defert, au de- là des villes de Braflaw, Kiouie & Bar, fe peupla en peu de temps, chacun y menant des Colonies de toutes les Prouinces du Royaume, & y bâtiffant des Villes & Chafteaux. Cette Milice reglée de la forte , feft toufiours mainte- nué,& a rendu de bons feruices à la Pologne , & beaucoup plus qu'aupara- uant qu'elle eftoit difpersée , & n'agiffoit point de concert , & fous le com- mandement d'yn Chef dont l'authorité fut établie : mais comme fon vnion d'vn cofté fit yn tres-grand effet contre les Tartares, en mettant la frontie- re à couuert de leurs incurfions , elle fe trouua d'ailleurs tres-dommageable à la Pologne, contre laquelle elle f*eft foüleuée fort fouuent. En effet, les Co- faques fe voyans fi neceffaires à cét Eftat-là , en deuinrent infolens à tel point, qu'ils n'en voulurent prefque plus receuoir les ordres, ny reconnoiftre les Sei- gneurs particuliers dont chacun d'eux pouuoit releuer, Leur premiere rebellion fut fous lean Podokoua leur General en 1587. qui y fuccomba , & eut enfin la tefte trenchéc. En 1596.1e Roy Sigifmond fucceffeur d'Eftienne ; ayant deffendu aux Cofaques de continuer leurs courfes fur la Meta 1 RELATION 2 M rand Seigneur , ils fen ab. >: oit receuës du 多 c yne partie de la Li- intes quil en au ì Ruflie & fur vne p iko leur 1 itte des plain (c ruer fur la ite de Naleuaiko leur noire, emfuitce. é : mais ce fur pour fe ru fous la conduite de r chacun à la 76216 : È es inouys ‘mer & retourne ftinrent à la ve: firent des rauag s pour defarm leufiChe£ ie , où ils fire -on des ordres p étroitement fous leu chuanic د‎ in leur enuoya-t ' vnirent plus étro E igé de me- ان‎ ες epriferent, & 11 icuski fut obligé General. En ils les méprife eral Tolkicu : ricca; : ifons ; ils ife ,que le Gen és de la ville de Bialacer 4 en leurs ma "Armée Polonoife د‎ q Ξ résdela v icuski ὯΣ rmee d ferme P 57 Tolkicuski, refifteràl 'attendirent de pic iueríes rencontres , POSE Ils l'arte fin, apres diue : {sé dans des -eux. c. Enfin, ap , rés & poufsé ner contrc-cu uec auantagc. nt ferré de p e fin , battirent a erre , les aya : iko , qui fit vn &l ne yn grand homme de 2 de luy liurer Naleuaiko, ود‎ i eftol ١ : ent ἢ Abas defauantageux , ils d : : mais auec vn auffi Maiale a blable à celle de fon 1 : cuolterent pareillement : i: de ce que plufieurs Sei- iem aques fe r ^ ent yin - tiere les Cofaqu e foüleuem ‘es fur cette fron > En 1637. is. La caufe de c don, des terres fu ne È ‘autrefois. is ou obtenu par don, lans pour augmen= Hücccz quatre acquis ou obte: Cofaques; & vou PR ayans aeq rs des Cofaq harges & coryée rs Polonois les quartie : efmes cha 8 BERE deftinez pour Sujets aux m sala Re- x de ET uucaux rent au Roy dansles lieu ffujettir leurs no ils perfuaderen a tier l'info- “leurs reuenus , affujetti la Pologne, ils perfuac de chátier l'info ter leurs reu Prouinces de la ien de l'Eftat, ‘es Prou & au bien apables de ux des autres Fi ant au repos $ mme gens cap ; ique ; qu ile ἢ ient fujet d'app : le faifoit porter p publiq esquils auo ; dontl exemple ftir vn Fort E des Cofaques q libertins, & il fut refolu de bafti * Poroiis font lence À freins eftans forte qu'il fut our x 'sdefleins, fans; de for q ; fort propre p desrocheso% rrauerferlewr tres paylans; fituation i auxau dans vne *Poroüiou chaifnes de > ent le joug Boreftene, he des À atiemm ; lak fur le Bo t plus proc , ا‎ B | elle Kucla ir,commce eftant p ils défirent d'a- duës as tra- en vnlieu app £ leur deuoir 7 inai 以 parce ua 1 ¡[sé : à ues cn ordinaires ; : 121156 auec mers de la ri- tenir les Co aq A rsretraltes 3 lski auoit xm yn Kis de ce fleuue, qui font jen ue le General E h E. vne bonne 4 quelques- roc l Marion Frango د‎ q fortereffe ; 11 y V iu eans wnes fous bord le Colone t faire baftir cette d ffenfe. Les Cofaques j 8 > l'ean , d'an- deux cens hommes, ques AA qu'elle fut en de Ἧς ἘΠΕ ΠΕ ;cn prirentl'a- tres à fleur 3 1 upes , Ju sd rtauec tan is eftant entrez, es troup foit ce For IRA s mais eftan d'eau, d'au- partie de Hein conftruifo "ils pürent 51  x 11102 bre qu P 2 fi ce de leur tres hors de à quel deffe s grand nom : Α 3 is, en defhan Pus de plus oie p faffemblerent en bam. f befoin d eftre 5 د‎ ultuairement en fa E D st le moment qu'ils ci maffacrerent , & éleurent D ل‎ auffi Wm le cours General Sawaltonowick h^ "ix de peu de E ew ayant efté rencontrés de la riuiere, in Paulurus ho de ce choix; REC ouifte & certain folle enchere fun ,à l'impr laquelle apres place,vn : E fta res la fo lle de Cor un; ΕΠ en-toltap i prés de la vi t de Chariots, fa:t vn fant payerent-ils bi C PotosKi pre 1 tranchemen amp r Faboroure LC. fuyards quelquefois le Marefchal de ifir de faire leur Ta vi t défaits ,lesfuy de7.a8 pieds, panac n (f. uleloifir de AE. ε ffez aisémen t 1116116 e ;ils furenta er;& dautan Pan A Ant qu'ils et 3 de Caualerie ; i : lla auffi-toft afficger ; E le Bore- 1 1611 peu - ski les y alla , 3 obligez de que 3 c ils auo itza : mais Poto : ls furent : comm za: ma nitions , 115 Lorie : ent dans Borow: fortes de mu trc autres as Prin- trerent E v outes lor oc ds rer اع‎ pr np μὰ τὰ place eftoit uper leur General ANS Ἔ a nilo ,lan- i es 3 uper la DP ME, te LE nuce lesgains de fquels l’on fit coup : uoit efte donné indent, vs mettre entre Ì fficiers , aufquels | arole qui leur au lotos Qu leur Pr aea dod es ἐν δι oint tenir. La perte do n V n£e fuiuante SMS 4 Il : la Republique ne inn P la place de T ertimirou, d'eau, excepté ie fauue و‎ laque rs priuileges de ἐπ : و 121111 ع‎ de leurs priuileg la fuppreffion le feptiéme d 21011 la VI : ie de celle c / ez enfin de a PP x ge lle 'aux fut fuiui a = accordée 》 bat ea fes Er لا‎ uM uoit autrefois Pologne donna cbatg Nienafhites, Rov Eftienne leur a : lle le Roy de Polog (Lone ME oy sli laquelle lus obeyfla Ode cesfauss que le ien de leur Milice , àlaq la rendre p il n'y 4 qu'é- cur forme pour la faire des der- jl ود‎ > 45 l'ordre ancien nouuelle fo E oulans faire I ne leraces ; & v bx ds e] tre Budilon, urs de donner v res ces di gr ir eprouué le i eftle di- Gouuerne t courage apres ces dii encore auoir ép qui eftle dirent pas pourtant col leur liberté ; apres de diuers com- xieme © ne perdiren P feruation dc cu ff ibli de tant de T 0 1D11S CS ft n- Tauwolzones ^; fforts pour la con ski: enfin > AO οὗ ils fou 1 τ 111 15 e General Poto fleuue Stareza, i le onxiéme, cs contre le X ftene fur le leu t perdu auffi où les Tarta- (ort des arm au delà du Bore is, lefquels y ayant p : 'errancherenr dece o uer & de leur Ae M C era : s affautsdes Po efefperez, | paferanige, ba PR مس‎ iria: de capituler auec si d : Milicé remife (ur s canje des “CONEA de monde, furent cont leurs priuileges , & leu dos pn Mac. n ‘ils feroient reftablis dans leurs pi d'un tres fa- re qu 15 col asce, — promctt E DES COSAQVES. lc pied qu'elle eftoit auparauant de fix mil hommes fous le commandement d'yn General qui leur feroit donné par le Roy : mais la foy ne leur fut pas mieux gar- déc qu'auparauant , & la plufpart en fe feparant furent deualifez ou tuez par les foldats Polonois ; leur Milice ne fut pas non plus remife : mais on encompofa vne prefque nouuelle , en y changeant fouuent le General, & en banniflant les veri- tables ὃς anciens Cofaques , l'on fentit bien-toft apres le tort que fit ce change- ment. Les Tartares qui firent vne courfe deux ans apres , eftant entrez fort auant; & ayans rayagé les territoires de Periflaw , Corfun , & Vifnowieck , d’où ils n’a: uoient pas accouftume d'approcher auant cette reforme. Ils (e remirent neantmoins quelque-temps apres ; & le feu Roy Vladiflas qui auoit dans l'efpritle deffein de la guerre contre les Tartares , qu'il pretendoit al- ler chercher jufques dans lePercop & les en chaffer, ne contribua pas peu à leur entier eftabliffement : car outre les autres forces qu'il faifoit eftar d'employer pour l'execution de cette entreprife il auoitrefolu de fe feruir des Cofaques, d'en accroiftre le nombre ordinaire fous la conduite de Bogdan Kimielniski vieil Offi: cier parmy eux, de la valeur & fuffifance duquel il témoignoit faire affez d'efti- me. Cette entreprife que le Roy de Pologne meditoit contre les Tartares , ayant cíté empefchée par la Republique fans le confentement de laquelle ce Prince auoit leué des troupes confiderables, dont elle entra auffi-toft en Jaloufie , appre- hendant que fa Majefté Polonoife ne couurit de ce pretexte quelque autre deffein prejudiciable à fa liberté. Kimielniski demeura par confequent fans employ apres le licentiement de l'armée que le Roy auoit leuéc ; mais fon efprit ambitieux & inquiet luy fit bien-toft naiftre de l'occupation: car ayant eu vn demélé auec le Lieutenant de Konispolski, fils du grand General du mefme nom, pour les bor- nes de quelques heritages ; & fon fils mefme ayant efté mal-traité par ledit Ko- nispolski , il penfa auffi-toft aux moyens d'en tirer raifon. 11 fe rendit pour cét effet aux Porouis ou Ifles du Boriftene , retraite ordinaire des Cofaques; où il en amaffa le plus qu'il عنام‎ pour fe fortifier contre fes ennemis ; & comme il eut receu aduis que le General Potoski fe preparoit à le venir pouffer jufques dans ces lieux éloignez , ne fe fiant pas entierement à fes forces, il faddreffa à Thamb General des Tartares , homme à peu prés de fon humeur & de pareille condition, feftant fouuent foùleut contre le Cam fon Maitre. Kimielniski fgeut fi bien le gagner par fon addrefle, en luy faifant efperer vn grand butin en Pologne, que nonobftant cette haine & antipathie naturelle d'entre les Cofaques & les Tarta- res, & les guerres cruelles que ces deux peuples feftoient toufiours faites, il fit amitié, & entra enligue auec luy. Le General Polonois voulant preuenir l’execu- tion de ce traité, & la jonétion de leurs forces , détacha quatre mil Cofaques en- tretenus , qui eftoient demeurez au feruice de la Republique ,auec quinze cens foldats Polonois و‎ pour aller chercher Kimielniski jufques dans fon repaire du Po- roui ; mais apres qu'ils y furent arriuez , les Cofaques ayans tuc leurs Officiers , fe rangerent du cofté des rebelles; fi bien qu'il ne fut pas mal-aisé à Kimielniski de deffaire les quinze cens foldats Polonois reftans , qui pourtant firent toute la refiftance poffible pendant quelques iours; de là il faduanga auec fept mil hom- mes, & quarente mil Tartares , versle gros de l'Armée Polonoife ; laquelle ayant apprisla nouuelle du mauuais fuccez de l'expedition du Potoski, & de la defe- &ion des quatre mil Cofaques qu'elle y auoit enuoyée , ne peníoit plus qu'à fe re- tirer auec ce quireftoit, qui pouuoit faire enuiron cinq mil hommes, marchant au milieu de fes Chariots : mais eftans arriuez dans vn bois marcícageux ;la file des Chariots y fut aisément rompuë;l’armée fut enuironnée de toutes parts, & ac- cablée par cette multitude d'ennemis , defquels elle eut pú encore échaper fansle grand defilé & la perfidie de dix-huit cens Cofaques qui luy reftoient,qui au come mencement du combat l'abandonnerent , & fe jetterent du cofté dés leurs. Cette deffaite furucnué dans le temps de la mort du Roy, caufa vne exrréme confternas tu 4 RELA TION tion dans l'Eftat , & facilita à Kimielnisxi l'execution de fes pernicieux deffeins. En effet, prefque tout le plat-pays de la R uffic fuiuit fa rebellion à laquelleles peuples n'eftoient que trop difpotez il yauoit long-temps, pat l'aduerfion naturelle qu'ils ont de la domination Polonoile,á caufe de la difference de Religion, la Ruffie eftant quafi coute Grecque Schifmatique , & du pouuoir tirannique & inhumain que les Gentils-hommes ont toufiours exercé fur leurs Sujets, d'autant plus difficile à fupporter que les priuileges & la liberté des Cofaques leur donnoit d'enuie. Dans cette conjoncture fi fauorable , Kimielnisxi fit ce qu'il voulut, & f'empara auec af fez de facilité de toutes les places dela frontiere, que la défaite de l'Armec Polonoi- fe auoit remplie d'épouuante, & d'ailleurs d'épourueuës d'hommes & des chofes ne- ceffaires pour leur deffenfe. Le Senat affembla le plus de troupes qu'il عنام‎ dans la confufien qui eft ordinaire dans vn interregne, pour arrefter les progrez des foùle- vez : l'on forma en peu de femaines vn corps confiderable, & qui pouuoit agir vtile- ment (il y eut cu vn General pourle commander: car Potoski qui eftoit pourueu de cette charge, ayant efté fait prifonnier dans la derniere deffaite, & le Roy eftant mort en fuite , le Senat nc pouuoit pas en donner la commiffionà vn autre, fans que les autres Chefs y trouuaffent à redire , & fiffent difficulté de le reconnoiftre , perfonne ne pouuant conferer les charges en Pologne que le Roy. C'eft ce qui arriua aufli , & d’où fenfuiuit la déroute & la diffipation de cette Armée , que l'on auoit eu tant de peine à afembler pour parer la perte de l'autre : car ayant cfté refolu dans le Confeil , que l'on éuiteroit de fengager dans vn combat aucc les rebelles, pour ne point hazarder les forces de la Republique dans le rencontre de l'interre- gne; & les ordres ayansefté donnez pour la retraite jufques à la ville de Conftanti- now, vneterreur panique faifit aufli-coft la plufpart de l'Armec, qui fans eftre prefsée des ennemis qui eftoient à vne journée de là, & au lieu d'attendre Ie lendemain ma- tin que l'ondeuoit marcher en ordre pour fe retirer, ainfi qu'il aueit efté concerté, luficursdés la nui& plierent bagage, & gagnerentle deuant auectant d'épouuante & de defordre , queles plus affeurez furent contraints d'en faire de mefme. Kimiel- nisxi ne (ceut rien de cette déroute , & la croyoit fi peu poffible, qu'il ne pút adjoufter foy aux premiers aduis qu'onluy en apporta, & fe fut en quoy fa bonne fortune Pa- bandonna; car £ il cútefté aduerty à temps , prefque perfonne de cette Armée, dans laquelle cftoit la leur de l'Arriereban , ne luy cur échapé. Il ne laiffa pas d'en profiter beaucoup, & ayant eu.tout le bagage & tout le canon, dont il f'eft depuis feruy fort vtilement. L'éle&ion du Prince Cafimir , qui fut proclamé Roy fur ces entrefaites, arrefta le cours de fa vi&oire , & le fit condefcendre à vne fufpenfion d'armes pour quelques mois; laquelle ne fut pas pluftoft expiré , que la guerre recommenga auec autant de chaleur qu'auparauant. à Le nouueau Roy, en attendant que le gros fut eneftat de marcher, enuoya vne Armée de neuf mil hommes fous le commandement du General Firley, & Staniflas Landskron,pour obferuer la contenance & les aétions des Cofaques. Ils vinrent pout cet effet fe pofter à Zbartas lieu jugé le plus propre pour ce deffein : ils n'y furent pas pluftoft retranchez, que Kimielniski parut auec les Taftares. Iamais il ne feft veu d'armées (i nombreufes , depuis celles des Huns & de Tamerlan; car on y comptoit cent mil Cheuaux Tartares , commandez par leur Cam en perfonne, & deux cens quatre-vingt mil Cofaques & payfans foüleuez. Les troupes Polonoifes furent ainfi afficgécs dans Sbarras, où ellesrefifterent pendant fix femaines à tous les affauts des Tartares & des Colaques, & auxincommoditez que ne peut éuiteryne Armée re- ferrée dans vne place. T Au bout de ce temps, & commeils cftoient dans les termes ἐς perir ou de fe ren- dre al'ennemy, le Roy fe mit en campagne, quoy qu'auec des forces tout à fait iné- gales & difproportionnées au grand nombre des ennemis qu'il auoit à combattre ; car il n'auoit que quinze mil hommes de foldc ; & environ cinq mil autres amenez DEIS ΟΡ A QUE E S. 5 par les Scigneurs. Le Roy ne fut pas pluftoft arriué à Zborrow, petite ville de Ruflie , que Kimielniski ὃς le Cam ,defia aduertis de fa marche ,ayans 121156 au blocus de Zbarra quarante mil Tartares, & prés de deux cens mil Cofaques ou payfans foüleuez ; vinrent fondre fur les troupes du Roy ; qui n’eftoient pas enco- fe entierement retranchez. Les Tartares attaquerent par vn cofté , &Kimielniski par l'autre : mais tous leurs efforts furent rendus inuules, par la braue refiftance des Polonois , qui animez par la prefence du Roy, firent par tout tefte ade fi puif- fans ennemis. La nuit qui fuiuit ce choc, il penfa arriuer yn pareil defordre à ce- luy de l'Armce precedente , lors que l'Armée faifie d'vne terreur panique, fe reti- ra en confufion de Pilaueze ; fi bien que le Roy fut obligé de fe monftrer par tout le Camp, pour détromper vn chacun du bruit qui auoit couru de fa fuite. Cepen- dant , dans le Confeil qui fut tenu, le grand Chancelier Ozolinski fur d'auis que l'on fift vnc tentatiue pour defvnir les Tartares d'auecles Cofaques, en leur pro- , pofans des conditions aduantageufes , lefquelles fembloient eftre d'autant mieux receués, qu'ils n'auoient en leur particulier aucun fujet de fe plaindre. Le Roy ayant donc enuoyé faire vn compliment au Cam, & luy ayant remis en memoire les faueurs qu'il auoit receuës du Roy Vladiflas pendant fa prifon en Pologne, & de la liberté qui luy auoit donnée en fuite,luy fift entendre qu'il feftonnoit qu'ou- bliant tant de biensfaits, il eut voulu fe joindre à des rebelles , & appuyer leur crime; qu'il عط‎ deuoit point attendre du Ciel aucun bon fuccez;tant qu'il foütien- droit vne caufe fi injufte:qu'au refte,Pil eftimoit de voir preferer só alliance à vne autre fi honteufe & fi infame, il luy offroit fon amitié. Le Cam fit vne réponfe forc ciuile à ce compliment ر‎ apres lequel vne conference du Chancelier auec fon Vi- firayant eftérefoluë ,ces deux Miniftres conclurent la Paix, dans laquelle l'on promit au Cam le fubfide ou tribut ordinaire de trente mil róles de peaux de Mouton , qui n'auoient point efté fournis depuis quelques années ; auec quelque argent comptant, moyennant quoy il fobligea de rappeller fes troupes de deuant Zbarras , & de feretirer inceffamment des terres de la Republique. Il ftipula auffi par cét accord, l'accommodement de Kimielniski, auquel fon Generalat fut con- firmé auec plus de prerogatiues & d'authorité qu'aucun de fes predeceffeurs n'a- uoit eu en la Milice des Colaques, il n'auoit iamaisefté que de fix mil hommes, & fut accreu jufques au nombre de quarante mil; pour l'enrólement defquels l'on deputeroit au premier ¡our des Commiffaires. C'eftoit proprement le moyen d'entretenirle feu au lieu de l'efteindre , & raffermir la rebellion au lieu de l'aba- tre : mais il falloit ceder au temps , & fauuer la perfonne du Roy & les deux Ar- mées afliegtes en mefme temps , qui ne pouuoient pas échaper de la main de cette multitude effroyable d'ennemis, fans la legereté des Tartares gens inconftans, qui aymetent mieux vn peu d'argent comptant , que de trauailler àl'eftabliffemenc de Kimiclniski , n'eftans pas accouftumez d'ailleursà vne guerre dc longue halei- ne, telle qu'eft celle des fieges, pour lefquels ils font auffi fort peu propres,n'ayant que de la Caualerie. Kimielniski doutant que les Polonois vouluffent garder vne paix fi defauanta- geufe pour eux, & à laquelle ils auoient efté obligez de confentir و‎ par Pextréme neceffité de leurs affaires , fappliqua à rechercher les moyens de fe maintenir par des alliancesauec les puiffances voifines , ne jugeant pas que celle des Tartares luy fur affez affeurée. Ilenuoya donc à la Porte, & au grand Duc de Mofcouie , dont il eftimoit l'amitié beaucoup plus que celle des autres Princes, à caufe de la conformité de la Religion : mais ces Enuoyez n'en rapporterent que de belles pa- roles, qui n'eurent point de fuite. Le grand Seigneur luy promit l'inuefliture du Duchéde Ruffie ; pourueu qu'il fe rendit fon V affal & tributaire ; mais foit qu'on apprehendáta la porte d'irriterle Roy de Pologne dans la conjoncture de la guer- re aucc la Republique de Venize ,ou foit que l'on y fut dans l'impuiffance de fe- courir Kimielniski, ou que Pobítacle y fut apporté par quelque Miniftre de la io o E MU x i ij 6 RELATION Porte , pour des intere (ts particuliers. Toutes ces promeffes n'eurent point d’ef: fet , non plus que celles du grand Duc de Mofcouie : car quoy qu'il fut bien-aife de la propagation de la Religion Grecque , qui feroit auancée par les progrez des Cofiques, il voyoit d'ailleurs que leur foüleuement & des payfans de Ruflie fer- uoit d'vn fort mauuais exemple ; & jettoit des femences de diuifion dans l'efprit de fes Sujets. Kimielniski rechercha auffi l'alliance du Prince de Valachie ; mais ce fat par la furprife & par la force , voyant bien qu'eftant confidere de la Pologne; à laquelle il donnoit aduis de tout ce qu'il ncgocioit auec les Tartares ; il ne luy feroit pasfacile de l'engager autrement à fon party. Il fufcita donc les Tartares و‎ aufquels il joignit quatre mil Cofaques d'élite ; qui vfant à leur ordinaire d'vne extréme diligence د‎ furprirent fibrufquement ce Prince , qu'il n'eüt que letemps de fe fauuer de Sotzuna fa Ville capitale , auec fa famille & fes meublesles plus precieux , dans le plus ¿pais de la forcft voifine , où pour preuenir fa ruine entiere, il fut obligé de donner vne fomme d'argent aux Tartares, & la fille vnique à Ti- mothée fils de Kimielniski. Cette violence exercée à l'endroit d'vn allié dela Re- publique de Pologne, eftoit yne contrauention manifefte à la paix , qui d'ailleurs n'eftoit pas mieux executée danse reftabliffement de la Nobleffe dans fes terres, où leurs payfans ne voulurent point les receuoir ; & Kimielniski auquel on enfai- (oit tous les iours des plaintes , ne les y contraignoit pas autrement ; afin de f'ac- querir dauantage l'affc&ion de fes peuples » qui auoient peine de renoncer à la li- berté qu'ils commengoient de goûter pendant la derniere rebellion. Ainfi,i] fut refolu d'enuoyerle General Potoski و‎ reuenu peu auparauant de fa prifon de Tar- tarie versle Nieftre ; afin qu'eftant plus proche de la Valachie ; il eut mieux l'œil fur les déportemens de Kimielniski. Kimielniski;à qui la valeur de ce General eftóit affez connué, conçeut auffi- τοῦ del'ombrage de l'approche de fes troupes; & comme il en eut enuoyé faire des plaintes , on luy repartit qu'il ne deuoit point f'eftonner que l'Armée fur fur la frontiere, puis que f'eftoit pour fa garde ordinaire , & on luy reprocha en mefme temps la guerre qu'il auoit fait mal-à-propos à fes voifins, les infultes & les vio- lences qui auoient efté faite à la Nobleffe qui penfoit retourner dans fes maifons; les alliances fufpe&tes qu'il recherchoit de toutes parts. Ces reproches & menaces des vns & des autres , eftoient les auant-coureurs d'vne nouuclleguerre à laquelle chacun fe difpofoit auec beaucoup d'application. Le Roy de Pologne, dans la Dié- tc tenué pour ce fujet à Varfowie für la fin de 1650. propofa de faire γῆς leuée de cinquante mil Eftrangers ; & quoy que quelques Seigneurs las dela guerre prece- dente, 8 apprehédans les cuenemens incertains d'vnefeconde, preferaffent la paix auec les conditions les plus dures , à vne guerre heureufe : toutefois, la pluralité des voix l'emporta pour recommencer la guerre ; & pour faire les derniers efforts pour exterminer vne puiffance ; qui fe forcifiant dans le fein de l'Eftat ; n'en re- connoiftroit plus d'autre à la fin, & ne tiendroit iamais de paix que lors qu'elle luy paroiftroit vtile pour l'auanccment de fes deffeins. Il fe fit en fuite de puiffans pres paratifs par toute la Pologne , pour executer la refolution de la Ditte; & au mois de Iuin , le Roy fe vint camper à Sokal furle Bog, auec plus de cent mil hommes; tant des troupes entretenués que volontaires, & de l'arriereban, le Pofte de So- kal n'ayant pas efté jugé propre , ny pour y ranger toute l'Armée en bataille en cas de befoin,ny mefme affez abondant en fourage pour l'y faire fubfifter lon-gremps: Pon endécampafur la fin de Iuin , & l’on fe vint pofterà Beresxo Ville fur la riuie- re du Ster, où l'Armée auoit vn terrain fuffifant pour vn champ de bataille , & où ils auoient plus de fourage. Là, on eut aduis par les partis que le Roy auoit enuoyé pour prendre langue des ennemis , que les Tartares auoient joints les Cofaques, & qu'ils fapprochoiét enfemble à grandes journées,qu'ils faifoient trois cens cin quante mil hommes. Sur cét aduis, l'on refolut au Confeil de guerre de décamper, & d'aller gagner Dubro, ville du Prince Dominique Duc de Taflaw; & les baga- D 55 00 S. A © 7 E S. e i ges commençoient defia à filer, lors que des coureurs rapporterent que l'ennemy n'citoit pas à demye lieué de là ; de forte que ceux qui eftoient partis furent aufli- tot contre- mandez ; & l'on rangea l'Armée Polonoife en bataille hors du Camp qu'elle auoit defia retranché , ayant la riuiere de Sterà dos :la premiere journee fc paffa en quelques elcarmouches auec les Tartares ; ὃς dansle Confeil qui fut te- nu la nuiét fuiuante , où quelques-vns eftoient d'aduis de ne point hazarder la ba- taille , le Roy la fit refoudre , reprefentant que fi l’on differoit dauantage , l'enne- my marchant auec fon Tabor , qui eft, comme j'ay dit, vn retranchement de Cha- riots ,occuperoit tout le terrain que les Polonois auoient pour fe mettre en ba- taille, & les acculeroit dans Beresko ; où ils combattroient auec defauantage. Ainfi le vingt-neufieme Iuin fur les deux heures apres midy ,le combat com» menga auec les Tartares , qui feftoient rangez en forme de croiflant fur les hau- teurs voifines ; ayant les Cofaques à leur gauche ,oppofez àla droite de l'Armée Polonoife. Iamais il ne felt veude plus grandes forces enfemble : car il y auoit dans les deux Armées quatre cens cinquante mil hommes ; qui occupoient quatre lieues Francoifes de plaine : les Tartares foütinrent affez bien le choc de l’aifle droite de l'Armée Polonoife ; mais le refte de la premiere ligne où eftoit toute l'In- fanterie auec le Canon à la tefte ; ayans marché contre-eux , ils ne firent pas gran- de refiftance , & làcherent bien-toft le pied ; quelques remonftrances & quelques prieres que عنام‎ faire Kimielnisxi , pour les faire retourner à la charge ; au contrai- re le Cam f'aigrit fi fort contre luy , de ce qu'il luy auoit fait entendre que l'Ar- mée Polonoife n'eftoit que de vingt mil hommes, qu'il courut danger de fa per- fonne , & fut obligé pour appaifer le Prince des Tartares,de l'accompagner en fa retraite , laiffant fon Armée,qui eftoit encore de deux cens mil Cofaques & pay- fans expofez à l'infulte du vangeur. Ces rebelles ne perdirent pas pourtant coura- ge dans cette conjon&ure dela fuite des Tartares & de l'abfence de leur General, ils éleurent vn de leurs Colonels pour commander en fa place , nommé Bohun و‎ & le recrancherent auec tant de diligence, ayans autour d'eux des marefts & vne riuicre à leur front, qu'ils fe maintinrent en cet eftat prés de quinze iours, quel- ques efforts que les Polonois fiffent pour les forcer, jufques à ce queleur nouucau General eftant allé auec des gens choifis , pour faire fortifier quelques endroits du Camp les plus proches de l'Armée Polonoife;qui luy paroiffoient trop foibles. Ils prirent cette fortic qui fe fit la nui& pour vne fuite , & aufli-toft vne confter- nation generale f'eftant mile parmy eux, chacun ne penfa plus qu'à fe fauuer,laif- fans dix-hui& pieces de canon auec tout leur bagage; les Polonois en tuerent trente mil dans la pourfuite , ὃς euffent dés-lors terminé cette guerre , fils euffent fçeu fuiure leur pointe dans ce defordre general des rebelles : mais la Nobleffe de l’arriereban qui faifoit vne bonne partie de l'Armée, reprefentant qu'elle ne pou- uoit pas eftre plus long-tempshors de chez elle, & que cette guerre fe pourroit aisément acheuer auec les troupes de folde ; aufli bien quefice grand nombre dcgens demeuroit plus long-temps enfemble , & fçauançoit dans ces pays de- ferts,ou tout y periroit bien-toft , quoy que les autres qui eftoient d'aduis auec le Roy de demeurer pour recueillir le fruit entier de la vi&oire , peuffent dire au contraire; il fallut ceder au plus grand nombre, & le Roy mefme Ge 化 ant conten- té de fauancerdeux outrois journées dans le pays, pour diffiper lesreftes de l'Ar- mée rebelle;& empefcher le ralliemét des fuyards,retourna peu apres à Varfowie, apres auoir laifsé le commandement de l'Armée au General Potosxi, lequel fa- ancant dans l'Vkranie, y prit & rauageár quelques places ; & f'eftant joint au Prince de Ratziuil , General de Lithuanie , qui auoit auffi de fon cofté remporté de grandsauantages fur les Cofaques. Les Generaux poufferent Kimielniski juf- ques à Bealacierkew ,l'vne de leurs principales fortereffes , où il auoit affemblé fon Armée, à laquelle quelques Tartares feftoient venus rejoindre, à quoy il n'auoit pas eu peu de peine, les efprits de ces peupleseftans merucilleufement E 9 : RELATION troublez de la derniere défaite. Il fembloit que les Polonois deuffent acheuer la guerre des Cofaques certe année-là : mais les maladies contagieufes l'eftans mi- {es dans leur Armée , ils preftoient l'oreille à la paix que Kimuelniski leur propo- fa. Les Seigneurs qui auoient leur bien fur cette frontiere > & qui pourtant ne de- mandoient pasla continuation de la guerre, ne contribuerent pas peua y faire donner les mainsselle ne fut pas fi auantagcufe que la precedente , puis qu'au licudes quarante mil Cofaques qui deuoient eftre entretenus,on n'en laiffoit plus que vingt mil au General Kimielnisky , d'où leur regiftrement fe deuoit faire quinze 1ours apres qu'ils n'auroient leurs quartiers que dans le Palatinat de Kio- uie;que dans les lieux où lefdits quartiers feroient eftablis,les foldats Polonois n'y pourroient auoir les leurs; que Kimielniski retiendroit Lzerin pour place de feu- reté; que luy & ceux qui luy fuccederoient dans le Generalat des Cofaques;prefte- roient ferment de fidelité au Roy & à la Republique ; qu'il auroit la difpofition de toutes les autres charges de cette Milice ; qu'on ne pourroit rechercher ny in- quieter aucun Gentil-homme Catholique Romain ou Grec, pour auoir fuiuy le party des Cofaques ; qu'ils feroient maintenus dans l’exercice de la Religion Grecque , & dans la poffeflion de leurs Eglifes , Monaftercs & Colleges;que les Tartares qui eftoient encore auec eux , vuideroient inceffamment du Royaume 5 que Kimielniski effayeroit de lier les Tartares au feruice de la Republique : mais que n'en pouuant venir about auant la Diéte prochaine .1} renonceroit à leur al- liance; que la Nobleffe des Palatinats , de Kiouie , Braclauie, & Cremichouie, rentreroit dans fesbiens: mais qu'elle ne pourroit pourtant exiger aucunes cor- uces ou autres redeuances de fes Sujets , auant la confection de la matricule des Cofaques & auparauant qu'ils fuffent enrólez. RIRE Cette feconde paix a efté depuis rompuë par l'vfurpation qua faite le nouucl Hofpodar de Valachie fur le Hofpodar Bafile, beau-pere du fils de Kimielniski, le premier eftant porté par le Roy de Pologne & par les Princes de Moldauie & de Tranfiluanie; ainfi leurs Armées feftans rencontrez, celle du vieil Hofpodar qui eftoit composte en partie de Cofaques auxiliaires, fut défaire , & fa ville de Soc- zana , où le débris de fes troupes fe retira; auffi-toft afliegée, Timothée Kimiel- niski fy renferma pour la defendre ; mais il y fut tué en vn affaut , les Cofaques y tinrent jufques à l'extremité; & quoy qu'ils fuffent reduits à y viure de la peau * des cheuaux , & autres animaux qu'ils auoient eo s ilsne laiflerent pas d'ob- tenir yne compofition fort honnorable.Le Roy de pue vint fur la fin del'Efté de 1653. fe camper vis-à-vis de la fortereffe de Cochin fur le Nieper, pour fauo- tifercefiege & Kimielniski de foncofté employa tous fes foins pour fecourir la place, ayant appellé derechef les Tartares pour ce fujer ; mais ils y vinrent vn peu tard , & fe contenterent de camper à trois ou quatre lieués de l'Armée Polonojfe, fans qu'il fe paffa que desefcarmouches entre les deux partis. Sur la fin de l'Au- tomne ,le Cam ne trouuant plus à fubfifter, fit des propofitions de paix aux Po- lonois,qui les receurent affez volontiers,leur Armée fouffrant aufli beaucoup. Les conditions de ce traité furent,que le traité fait en 1649. à Zborow, feroit entrete- nu ; que l’on compteroit quarante mil liures aux Tartares, pour les obliger à fe retirer fans piller; & pour les Cofaques qui ne furent poitit compris dans ce dernier traité , les Tartares intercedorent en leur faueur , à ce que le pafsé leur fut remis, à condition qu'ils feroient les premiers ¿les exterminer auec fa Majefté Polonoife, f'ils entreprenoient rien contre-elle & la Republique , & fils empefchoient mef- me les Gentils-hommes de r'entrer enleurs biens. Et parce que cette paix ne fuc point fignée ; mais feulement verbale, on ne la prit que pour vne furfeance d'ar- mes , dont les deux partis eftoient conuenus , ne pouuant plus ny les vns ny les au- tres tenir la campagne; de forte que les troupes Polonoifes , pour contenir les Cofaques & les obferuer de prés , prirent en fuite leurs quartiers dans TV- kranie. Cette DES CO SAVE S. 9 Cette année derniere ,la guerre feft renouucllée auec plus de chaleur que ia- mais, les intelligences que KimicIniski auoit entretenués de longue main aucc les Mofcouites ayant enfin éclaté & Peftant mis fous leur prote&ion ; apres auoir reconnu que l'amitié & l'atliftance des Tartares,qui fe feparoienttoufiours de luy, pour le premier auantage dont on les leuroit , luy eftoit peu vtile & fort incer- taine. Il a mis entreles mains du grand Duc de Mofcouie, Kiouie, & Bialacierkew, deux de fes meilleures places pour gages de la fidelité qu'il luy a jurée ; apres quoy le grand Duc ayant pris pour pretexte , que quelques Seigneurs Polonois nc luy auoient point donné les titres qui luy eftoient deüs , ὃς que l'on auoit im- primé en Pologne quelques libelles contre luy , il adeclaré la guerre aux Polo- nois à laquelle il le preparoitil y auoit deux ans; & eftant entré auectrois cens mil hommes dans lesDuchez deScuerre & deSmolensko;il feft emparé de cette place, de Sklow. Dombrouna,Polesko,V vitpefiko, & autres furle Boriftene & le Tanais qui luy donnent entrée dans vne bonne partie de la Lithuanie , & commence à mettre les Suedois en vne fi forte jaloufie contre luy د‎ qu'ils font en termes d'en- trer en ligue auecla Pologne , pour fe garentir de l'orage dont leurs Eftats font menacez. Kimielniski feft tenu pendant [ἘΠ dernier dans la R uffie, pour empefcher la jon&ion des Tartares auecles Polonois, en fuite du traité qu'ils ont fait enfem- ble , dont l'executiona efté retardée par le credit que le grand Duc a eu à la Por- te ;c'eft ce qui a obligéles Armées Polonoifes de fe tenir (urla deffenfiue, n'ayant paseu, principalement depuis l'efchet qu'elles ont receu en Lithuanie, affez de forces pour tenir la campagne deuant les Mofcouites. Il paroift par ce recit de la guerre des Cofaques,que ce n'eft qu'vnc Milice,& non pas vne Nation, comme plufieurs l'ont crü; on ne les peut mieux comparer qu'aux francs-Archers eftablis autrefois e n France par Charles VII. lefquels eftoient des hommes choifis dans toutes les Paroiffes du Royaume habiles à porter les armes : qui , au premier mandement du Roy , dcuoient fe trouuer en équipage au rendez-vous :au 但 eftoient-ils exempts de toutes charges & impofts. Les Co- 但 ques font de mefme , choifis & enrollez dans la Ruflie-Noire,frontiere des Tar- tares, & qui ayans les mefmes franchifes , font pareillement obligez, de mar- cher où on les commande و‎ comme il a efté dit cy - deflus. Ils n'auoient au- trefois qu'vne Ville pour place d'armes, & pour Azile les Porouis du Boriftene , d'où ils ont efte appellez Cofaques Zaporouski. Poroui, eft vn terme Ruffien, qui fignifie pierre de Roche ; ce Fleuue , à cinq lieuës dc fon embouchure و‎ eft tra- uerfé de Roches, qui Sentretenant, forment comme vne efpece de digue au mi- lieu de Peau, c’eit ce qui en rend la nauigation impoffible , & ofte le moyenàla Ruffie de s'enrichir , par le commerce qu’elle pourroit faire à Conftantinople de {es bleds & de toutes les autres denrées,dont elle abongf autant que pays du mon- de. Il y adeces roches qui font à fleur d’eau, d'autres qui en fortent de la hauteur de fix, huit و‎ & dix pieds; de forte que cette inégalité fait diuerfes cafcades, que les Cofaques ne peuuent paffer dans leurs barteaux qu'auec peine & beaucoup de danger ; il a treize de ces cafcades, quelques vnes defquelles font de douze & quinze pieds quand les eaués font fort baffes: & pour eftre reconnu pour vray Co- faque Zaparouski , il faut les auoir paffé, & auoir par confequent fait yn voyage fur la mer Noire ; de mefme que pour cftre receu à Malthe aux digni- tez de l'Ordre, il fauc auoir fait fa carauane contre les Turcs. Par de là les Porouis du Boriftene il y a diuerfes Ifles, defquelles il y ena vne entr'autre, au deffous de la riuiere de Chertomelick , enuironnée de plus de deux mil au- tres petites iles , dont les vnes font. feches & les autres marefcageufes & toutes couuertes de rofcaux, ce qui fait qu'on ne peut pas difcerner les canaux qui les feparent ; c'eft en cér endroit & dans tous ces détours que les Cofaques font leur retraitte , qu'ils appellent Skarbucca Vvoyfcowa , c'eft à dire trefor de ii 1654 Les Ruffes nomment le TanaisDon, les Tartarca Tes, 1o RELATION l'Armée, y ferrant leur butin qu'ils font dans leurs courfes de la mer noire, & l'ac- cez en cit fi difficile & fi dangereux ; que plufieurs Galeres Turcques, les pour- fuiuant,s y font perdues. C'eft auti leur place d'affemblée quand ils vót en courfe;car apres auoir e(leu en- tr'euxvnGeneral pour les códuire & cómander en cette expedition, ils trauaillenr à faire leurs Batteaux , qui font de foixante picds de long & de dix ou douze de largesils font fans quille & baftis leulement fur vn canot de bois de faulx ou de til- ler,bordé & rehautlé de planches qu'ils cheuillent les vnes fur les autres.Ils y met- tent deux Auirons pour les mieux virer lorfqu'ils font obligez de fuir : & gar- niffent le cofte de cordons ougerbes de rofeaux , gros comme vn Baril , pour fouftenir leur Bateau fur la vague. Ils ont ordinairement douze ou quinze rames à chaque bord, & vont plus vifte que les Galeres des Turcs. Ils ont vne mefchan. tevoile,& ils ne s'en feruentencoresque de beau téps,ay mant mieux ramer,quand il fait grand vent. Pour ce qui eft des prouifions qu'ils portent auec eux , ils pren- nent du bifcuit dans vne tonne , & l'en tirent par le bondon à mefure qu'ils en ont: befoing ; auec cela ils ont vn baril de milet boüilly & vnautre de pafte leuée & détrempée δος de l’eau, qu'ils mangent mefléesauec le milet, cela leur fert de manger & de boiretout enfemble , & d'vn gouft fort delicieux. Ils ne portent ny eau de vie, ny aucune autre liqueur forte, car quoy que cette Nation foit auffi fujette à Pyurognerie que les autres du Septentrion, elle ne laiffe pas de gar- der vne extrême fobrieté dans fes entreprifes. Ils faffemblent ordinairement cinq ou fix mil hommes, & apres f'eftre mis vne foixantaine à faire yn Bateau, ils en mettent quatre-vingts ou cent en état en trois femaines ; Ils fe mettent cin- quante ou foixante dans chaque Bateau , chaque Soldat à deux Fuzils & vn Sa- bre, & cinq ou fix Fouconneaux pour leur Artillerie , & la munition neceffai- re. L'Anurala vne banderolle à fon maft pour le diftinguer : ils marchent enfem- ble , & fifort ferrez , que leurs auirons fentretouchent. Ils attendent , pour for- tir du Boriftene , la fin de la Lune, pour n'eftre point, pendant yne nuit fombre و‎ apperceus des Galeres Turquefques qui fe tiennent à Oczakow ville du Turc fur l'embouchure dece fleuue où elles fe tiennent ordinairement pour les ob- feruer. Si toft qu'on les a defcouuerts l'alarme court en mefme temps par tout le pays, & va iufques à Conftantinople , d’où l'on depefche des Couriers fur toutes les Coftes de la Natolie , Romanie & Bulgarie , afin que cha- cun fe tienne fur fes gardes : mais la diligence des Cofaques eft telle, qu'ils. preuiennent fouuent tous les Couriers qui portent la nouuelle de leur venu, prenans fi bien leur temps , & la faifon fi à propos د‎ qu'ils fe rendent en 4o. heures en Natolie. Quand ils rencontrent quelques Galeres ou Vaiffeaux, qu ils peuuent defcouurir bien mieux deloing qu'ils ne font defcouuerts ; leurs bat- teaux n'ayans que deux (Beds & demy fur l'eau ; ils en approchent iufques au foir , à la diftance d'yne lieuë ou enuiron ; puis , apres auoir bien re- marqué l'endroit ouils ont veule Vaiffeau, ils recommancent à ramer furla mi- nuict à toutes rames, & en vn moment fe trouuent deffous & le prennent d'emblée, n'eftant pas poffible qu'vn Nauire fe deffende contre cette multitude de batteaux qui l'attaquent en mefme temps; ils en enleuent l'argent, le Ca- non & toutes les marchandifes qui fe peuuent aifément tranfporter , puis cou- lent le Vaiffcau & les hommes à fonds, n'eftans pas affez habiles Mariniers pour l'emmener:mais fi ils ont cét auantage fur les Galeres & fur lesVaiffeaux de nuiét, auffi ceux-cy leur rendent bien le change de iour , car les rencontrant ils les eícartent à grands coups de Canon & leurtuent beaucoup dc monde , lorf- qu'ils fe veulent acharner au combat , d’où ils ne ramenent fouuent que la moitié de leur équipage : il eft vray qu'ils ne peuuent iamais eftre attrapez , fc retirans , quand ils font pourfuiuis, vers les bords de cette mer pleine عل‎ rofeaux, où les Galeres ne peuuent aller. Le grand Seigneur s'cft fouuenc DES CO S'AIQUIE S. ii plaint de leurs pirateries; au Roy de Pologne, qui ne luy en a jamais fait plus de raifon qu'il en a eu du Turc fur lesincurfions des Tartares, aufquels Dieu ne pouuoit pas fufciter d'ennemis plus fortables que les Cofaques. Apres auoir parlé de leur maniere de fairela guerre fur mer, fuit de tou- cher quelque chofe de celle de terre, de leurs mœurs & Religion. Les Cofaques font meilleurs hommes de pied que de Cheual ; ils font fort patients & de gran- de fatigue , obeiffans à leur Chef, & extremement adroits à remuer la terre & à fe retrancher , non feulement de cette façon , mais auec leurs Chariots, lorfqu'ils marchent : & ils font fi forts derriere ce retranchement ambulatoire, dont l'víage eft ablolument neceffaire dans ces grandes Plaines defertes , où les Tartares fodent toufiours, que mil Cofaques, ainfi couuerts de leurs Cha- , riots , feront tefte à fix mil Tartares , lefquels ne defcendans guere de Che- ual, font arreftez par la moindre barricade ou foffé ; Il eft mal-aifé de faire, en d'autre pays qu'en Pologne, ainfi marcher vne Armée au milieu de ces Chariots, n'y ayant point de pays plus plat & auec moins de foffez, que ce- lu y-la. Le pays habité par les Cofaques s'appelle Vkraine ; qui veut dire * Fron- tiere , c'efttout ce qui f'eftend au de-là de la Volbinie, Ruflie Podolie, & qui a efte peuplée depuis foixante ans. Dans cette derniere guerre ils fe font rendus Maiftres de la Ruffie-noire ; Tout ce pays commence depuis le cin- quante-vn degré de latitude, & defcend iufquesau quarante huit,oú il ne fe trou- ue plus que des Plaines defertes,iufques à la mer Noire,qui font toutes couuertes d'herbages , fi hautes و‎ que "on n'y peut pas à peine eftre veu à Cheual. L’Vkraine eft vn pays tres-fertil, ainfi que la Kuflie & la Podolie, & la terre auec vn peu de labour produittant de grains de toutes fortes , qu'ilsne fcauenc qu'en faire la plus part du temps, leurs Riuieres n'eftant point nauigcables ; Ils ont aufli de toutes fortes de betail و‎ de gibier & de poiffon en abondance, il ne leur manque que du vin, & du fel: Le premier leur vient de Hongrie, Tranfiluanie, Valachie, & Moldauie, & puisleurbiere, &l'eaude vie qu'ils font de grain, y fupplée;pour le fel ils le tirent des mines d'aupres Crakouie, où du Poccofiche,qui cft vne contréc des appartenances de Pologne ; tenant à la Tranfiluanie où l'eau de la plufpart des puits eft falée ; ils lafontboüillir comme l'on fait en France le fel blanc, & en font de petits pains deux fois gros comme le poulce; ce fel eft agreable à manger, mais il ne fale pas tant que le fel de Broijage; Toutes les mai- fons de ce pays-là font de bois, de mefme qu'en Pologne ὃς Mofcouie ;les murail- les de leur ville nc font que de terre,qu'ils fouftiennent de pieux auec des planches à cofté, comme nous faifons les Baftardeaux ; cela cft vn peu fujet au feu , mais el- les refiftent mieux aux coups de canon,que les murs maconnez.Les principales ri- uieres de ce pays font le Nieper ou Boriftene, le Boy,le Niefter autrefois ap- pelle Tiras, quiborne la Valachie, la Defna, le Rec, le Ster; & autres peti- tes riuieres dont la quantité fait affez iuger de la bonté de ces pays. Les villes les plus confiderables,que les Cofaques occupent à prefent, font Kiouie ville ancien- ne de Ruflie , où ily a vn Palatin , vne Eglife Metropolitaine Grecque , & vne Vniuerfite , Blala cerkieew , Corfun, Conftinowa , Bat , Civkaffi , Czivin qui eft la derniere place du cofté de la perite Tartarie , Sampol paffage für le Niefter, Braclaw fur le bas Palatinat , Czernichow, autre Palatinat fur la fron- ticre de Mofcouie , & il n'y a point de bourgade qui ne foitfortifiée, & qui du moins n'ait vn foffe pour refifter aux Tartares, qui les viennent vifiter fouuenr. Ils font fort incommodez en ce pays-là des mouches , qui picquent tellement que Pon en ale vifage tout enleué ; fil'onne f'accouftume à coucher fous vn Pol- lené , qui eft vne efpece de hute que l’on fait exprés, à peu pres comme celle de nos Soldats , & que l'on couure d'vn drap de toille de cotton , dont on fenucloppe, & qu'on fait reborder fous le matelas, afin qu'il n'y refte au- tu * En langue Ruffe. 12 RELATION cune ouuertüre , maisils font bien plus incommodez des fauterelles; qui leur vien- nent en quelques années ; mais principalement quand le remps eft fort {ec ; elles font pouflées par vn vent d'Ett ou Sudeft de la Tartarie , Circaflie & Mingre- lie, qui n'en font point prefque 1283215 exemptes ; elles vont par nuéesqui ont cinq ou fix lieux de long & trois ou quatre de large, & qui obfcurciffent tellement Pair, que le plus beau temps en deuient fombre aux endroits ou elles s arreftent 2 elles moiffonnent les bleds en moins de deux heures, ce qui caufe la cherté, δὲ quelquefois la famine dansle pays; ces animaux-là ne viuent que fix mois aux lieux où ils demeurent ; en Automne ils pondent leurs œufs, dont chacun en fait bien trois cens , qui efclofent au Printemps enfuiuant, lequel eftant fec , ils font par cette multiplication; encore plus de rauage que l'année d'fuparauant; les grandes pluyes les font mourir & empcíchent les œufs de s'efclore ; les cochons ayment fort ccs œufs, & feruent àen purgerles champs ; ces œufs fe ciennent par tóufes, comme l'efpy du bled de Turquie,dont ils portent la couleur & figure; & il n'y a que ce moyen-là pour en déliurer les contrées,ou bien le vent lors qu'il vient du Nordoueft ou Nort ; & qu'illes chaffe dans la mer Noire ; quand ces faute: relles ne font que naiftre & qu'elles n'ont point encore les aifles affez fortes pour voler و‎ elles entrent dans les maifons , fe mettent dans les lits , fur les tables & dans les viandes, de forte que l'on ne peut manger faris en aualer; la nuit lors qu'elles fe repofent tous les chemins en font couuerts de plus de quatre pouces, & quand la roué d'vn chariot vient à paffer. deffus , il en fort vne odeur fi puante, qu'à peine la peut-on fouffrir, principalement quelque temps apres lors qu'elles fe font corrompuës. La Langue des Rufles & Cofaques eft vh diale&e de la Polonoife, clle cft pleine de diminutifs, ὃς paffe en Pologne pour fort delicate & mignarde. Les Ruffes font affligez d'vne maladie qui leur eft particuliere; appellée par les Me- decins Plica, & en langue du pays Gofcheft; ceux quien font attaquez demeu: rent vn an perclus de tous leurs membres; comme paralitiques , fentant de grandes douleurs dans les nerfs ; apres cc cemps-là illeur vient en. vne nuit vne grande fueur de tefte, de forte que le matin en fe leuant ils trouuent tous leurs cheucux collez enfemble , alors ils fe fentent fort foulagez ; & quelques tours aprés font entierement gueris de certe paralifie; mais leurs cheueux de- meurent entortillez, & fi dans ce moment ils fe les faifoient couper, l'humeur qui fe purge par les pores de la tefte;& ces cheueux leur tomberoient fur la veuë, & les rendroit aucugles:cette maladie eft eftimée dansle pays incurable,mais des Fran- çois qui y ont efté en ont guery, en lestraitrant comme de la verole, quelques vns s'en gueriffent auffi imperceptiblement, & par le changement d'air en paffant en yn autre pays. Leur Religion eft la Grecquc Schi(matique, receué en ce pays-là en l'an 942. du regne de Volodomir Prince de Ruffic. Les deux Ruflies obeyffoient pour lors au mefme Seigneur : la plus part de la Noblefle fait profeflion de la Religion Ca- tholique Romaine; il y a auffi beaucoup de Caluiniftes; & quelques Lutheriens. . Les principales erreurs de la Religion Grecque font qu'ils n'aámettent point laproceffiondu S. Efprit, du Pere & du Fils, mais du Pere feulement, parce qu'ils croyent que le faifant proceder du Pere & du Fils tout enfemble , cela fuppofcroit en luy vne double volonté & vh double intelleér. Ilsnient le Purgatoire ; difant qu'aprés cette vie chacun felon fes a&ions va attendre le ¡our du lugement, les bons dans les lieux agreables & delicieux auec les bons cfprits, & les mefchans dans les demeures affreufes & terribles auec les Demons, fe fondant fur ce paffage s Venite benedicli Patris mer pofsidete reonum celorum, (yc. site maledicli in 1gnem eternum , qui marque qu'il n'y a pointeu, & n'y aura point d'autre iugement que celuy-là, puifque l'on ne prononce pas deux Sentences aux meímes criminels. ¡DEIS OCIO:S ARMY ES. 13 Ils reiettent le celibar des Preftres, & n'en regoiuent point qu'ils ne foient mariez , croyant que les Preftres Catholiques Romains foient Anathémes ; par le Concile tenu à Gangre οἱ 1 eft dit au 4. Canon , Qui Ferie facerdorem fecun- dum legem wxarem habentem dicens quod mon liceat de manibus eius. facramentum fumere, anathema firs & en vn autre endroit, Opis facerdos aut Diaconus propriam. vxorem dimit- tens facerdotio priuetuv ; & ilstiennentle mariage fi effentiel à la Preftrife , qu'yn Preftre deuenant veuf ne peut faire aucune fonétion Sacerdotale ; les Pre- ftresfonttirez ordinairement des Cloiftres; où l'on prend les plus capables ,& ceux qui ont le plus de temps feruy à l'Eglife. Ils ne veulent point receuoirles Conciles d'autres que ceux qui fe font tenus de- uisle 7. oecumenique,qui fut affemblé fous le Pape Adrian,dans lequel ils difene quil fuft arrefté, que les chofes decidées & refoluës dans les precedens Conci- les iufques à celuy-la demeureroient fermes & ftables à perpetuité, & qu'à l'aduenir quiconque tiendroit d'autre Concile, ou fy trouueroit, feroit Anathé- me ; de forte qu'ils trouuent tout ce qui f'eft fait dans l'Eglife depuis ce temps- là pour heretique & corrompu; les Doéteurs, dont ils fuiuent la doétrine , font S. Bafile le Grand, S. Gregoire de Nazianzene, & S. lean Chryfoftome : ils lifencaufliles Morales de S. Gregoirele Grand, & ont en veneration & opinion de fainteté rousles les Papes qui ont precedé le 7. Concile. Ils celebrent leur Meffe en langue Efclauonne, y entremeflans quelques Hym- nes Grecques : ilsconfacrent du pain auec leleuain , & trouuent eftrange que les Preftres Romains vfent de pain fansleuain, & fuiuent en cela les Iuifs , defquels n'ayant retenu ny le Sabat, ny la Circoncifion , il femble ; difent-ils , que nous ne deuons pas les imiter en ce point, outre qu'il eft dit formellemét, que quand I. C. fitla Cene ; accepit panem, & que cela ne fe doit entendre que du pain ordinaire; & non du pain fans leuain, puifque les Iuifs ne le mangeoient qu'eftant debout, lors qu'ils faifoient leurs Pafques,dont, adjouftent-ils, noftre Seigneur qui eftoit couché, Recumbentibus duodecim , &c. ne mangeoit point de pain fans leuain ; ny nc faifoit point la Pafque ; mais vn autre repas. Ils inuoquent les Saints comme les Catholiques; la Vierge &les Apoftres, dont ils (olemnifent les Feftes , mais fur tout S. Nicolas qu'ils honorent auec vn culte tout diuin, & qui va iufques à l'Idolatrie. Leurs autres Sacremens different peu des noftres, 12 difference qu'il y a dans l’Euchariftie; c'eft qu'ils communientle peuple fous les deux efpeces, & don- nent ce Sacrement aux enfans dés Paage de trois ans: ils ont des Hofties à pare pour les malades, qu'ils confacrent la Semaine Sainte : leurs ieufnes font plus fre- quens & plus aufteres que les noftres, fabftenant non feulement de chair, mais de beurre, laict, fromage , œufs, & melme de poiffon , & ne viuant que de choux,raues, champignons, & autres legumes ;il y ena de fi deuots, qu'ilsieu- nentau pain &à l'cau;ilsont quatre fortes de jeünes durant l'année ; le premier qui refpond à noftre Careíme , dure fept femames , le fecond commance depuis l'O&aue de la Pentccofte;& finit à laVigilede S.Pierre ἐς S.Paulile rroifiéme dure depuis le premier Aouft iufques à l'Affomption de la Vierge, & le dernier eft pen: dant l’Aduent ; qu'ils commencentiquinze iours pluftoft que le noftre : ils obfer- uent auffi vne parcille abftinence tous les Mercredys & Vendredys del’année, car ils ne ieufnent point le Samedy comme nous, mais le Mercredy ils f'abftien- hent de viande; COLD iar DO etat nc كه‎ ΩΣ > dint ^x AI A RAEE AEREA RELATION DES. TI AR Lois PERCOPITES ET NOGAIES, DES CIRCASSIENS, MANGRELIENS, ET GE ‘GREENE PARIEAN DELVCA RELIGIEVX DE LORDRE de Saint Dominique. g E fais icy vne Relation fuccinte des pays que i'ay parcouru ΠΝ à l'occafion d'vne Miffion en Tartarie , & aux Circaffiens; QA où iay efté employé. Le peu de temps qui me refte de mes occupations ne me permet pas de faire cctte Relation auffi Les poftil- les & ce qui eft comme en caractere italique, sot des eu ABS f cftenduë & particuliere que ie l'aurois fouhaitté : maison ques dyn j > ΠῚ - . ES x Polonoisqui [44990] Mi ess fe peut affeurer que la verité, qui eft la partie la plusim a efté long- ND) portante , fe trouucra dans celle-cy ; car ie n'y mettray que temps dans ATA legs. . les chofes dont ie feray afleuré par le témoignage de mes yeux: On appelle Tartares Percopites ceux qui habitent cette prcíqu'Ifle ; que la mer Majeure ou la mer Noire fait d'vn cofté, &le Limen ou mareft Meotide de l'autre ; Ils la nomment Crim , elle tient à la terre ferme par vn Ifthneou gor- ge de demie lieué de largeur , a 700. milles de circuit, & contient 80. mil- Perckop ea les Coi : Coi fignifie vn Village, ou pluftoft vn Puits, car chaque Village a le ee des fien, Il y a fept Villes dont la principale eft Caffa , les autres font Criminda, ulles figni- : 1 È : , fie vne vile: Carafu, Bachafarai, Giufleue,Baluchelaua, Chierche, * Maucop, qui obeiffent tou- Oren lága- tes au grand Can des Tartares ; on appelle fon Fils Deule-cehere Sultan ; σε Tartare ONES . . 4c . fignifie la Deule eft fon nom propre Zirei celuy de la famille tres-ancienne » ΚΘ" qui regne depuis long- mefme cho- remps dans ce pays; Sa mere s appelle Anna Bei, fa femme Banibichife. Le grand duele Turc met yn Bacha dans la Ville de Caffa , mais il n'a que voir hors des mu- tire l'éimo- failles ; le Can de Tartarie eftant reconnu dans toute la Campagne. Ce Prin- pes de ce prend entre fes titres celuy de Roy des Tartares, des Nogayes, de la Cir- eu 9177 caflic, de Malibafe, & de la grande Tartarie. Les bornes de la Tartarie *-mi- * Les Geo-. neure font d'vn cofté partie de la Ruffie , où le Danube entre dans la Mer: rene de l'autre la mer Noire , & du cofté du Leuant , le Limen ou mareft-Meo- partie de la-tide & la Mofcouie vers le Nort. in. C'eft vn pays de Plaines fort froides, à caufe des vents aufquels elles font cpenfs, CXpoíces , n'y ayant rien qui les couure ; Il y a quatre riuieres , mais elles ne font pas fort confiderables , l'on ne conte au nombre de ces ri: * Les Tar- Uleres l'Exi* , qui cft hors de la prefqu'Ifle, & paffe au de-là de Percope ou de rares le nó- la Ville parlaquelle onentre dela Terre ferme dans la prefqu'Ifle. L'Exij n'a Eis c point de Ponts; pour les autres Riuiereson les peut paffer à gué fort aifément , Nicper; les mais non pas au temps des grandes caués. L'yne de ces petites riuieres fe nome J]UESV*T*AR'TTARES. 15 me Alma, l'autre Cabarta , la troifiefme Beiefula, ou Kacia:la quatricfme Cara/y , Latios Beri- qui a vn Pont de bois, & paíle dans la Ville de Carafu, laquelle, depuis peu d’an- nées , a cfté endommagée du defbordement de cette Riuiere. Les Tartares font labourer les champs parleurs Efclaues, receüillent du froment & du millet en grande quantité ; la charretée de bled, autant qu'en peuuent tirer deux Bœufs, n'y vaut que deux Efcus. Il y a de fort beaux paíturages , force beftail, Vaches, Brebis , Cheuaux , grands Chameaux à deux boffes , & quantité de Volailles ; les viures y font à fi grand marché, qu'on donne quinze œufs pour vn afpre ou deux liards, & yne Poule pour deuxíols. Les eaués y font bonnes , mais encore meil- leurs prés de la Mer que dansla Plaine. Il fe pefche vne merucilleufe quantité de poiffon le long de la cofte de la Mer, & dans le Marefts: fi bien qu'il eft encore à meilleur marché que la viande. Le Cauial ne vaut que deux fols la liure; & l'on a l'Efturgcon د‎ qu'ils nomment Morona, & qui pefera quelquefois plus de 80.li- ures , pour vn Sequin. Ils ont auffi des fruits, comme des Poires , des Pommes, desPrunes , des Ce- rifes , & des Noix ; mais c'eft pres de la Mer, caril ne croift point d'arbres dans la Plaine, fi ce n'eftle long des Riuieres. Le Sel dont ils fe fevuent [e congele dans les Marefts, € on l'amaffe fans aucun trauail, cha- cun ayant la liberté d'en prendre ce qui luy en faur On y fait grande quantité d Hui- le de terre ; que nousappellons Huile de Caillou. Les Tulippes, qu'ils nomment Lalc, (ont les fleurs les plus communes deleurs pres Il n’y a point de beftes feroces, mais bien, grande quantité de Liéures , qu'ils prennent auec de fort bons Leuriers, qu'ils efleuent dans le pays; Ils les prennentaufli auec des Dogans ou Faucons, ment Dogan, qui leur viennent du pays des Abaffa.Le yin à la vericé y eft fort cher, aufli-bien que l'Huile d'Oliue. Les Tartares Percopices mangent peu de pain, mais beaucoup de chair, prin- cipalement de celle de Cheual; fi vn Murfe ou Seigneur du paysfair vn feftin , la chere ne feroit pas entiere, fi Pon n'y feruoit vn jeune Poulain; cette chair eftanc auffi ordinaire parmy eux, que le Bœuf & le Mouton le font ailleurs. Leur breu- uage eft fait du 1216 de Caualle, qu'ils nomment Chimus ou Boza , qui eft vn breuuage faitauecfarine de Millet ; l'vn & l'autre enyure comme noftre vin: le Chimus , ou Boza, fe prepare dela maniere fuiuante. * Apres que la Caualle a mis bas, ils laiffent tetter fon Poulain vn mois durant, & apres ce temps ils attachent fur le nez du Poulain des pointes de bois, afin que lorfqu'il veut tetter , la Caualle en foit piquée , & ne le puille fouftrir : cependant ils tirent le lai& , &le mettent dans vn vaiffeau où il y a cu du vin ( loríqu'ils en pcuuent auoir ) on paffe le laictenle mettant dans ce Vaiffeau , & on le bouche Íoigneufement ; on y met apres 20.0u 3o. grains d'Orge auec vne ceüillerée de lai& aigre de Vache, ou bien vn peu de leuain. Il faut mettre le Vaiffeau , durant ce temps, proche du feu, ou au soleil, afin que le lai& boüille & qu'il s'efclaircif- fe : ce qui arriue dans l'efpace de deux ou trois femaines ; & fi vous y adjouftez vn peu de vin la boiffon en fera plus agreable. Le lai& eftant épuré de la forte, vous le ferez paffer par vne toille fine auparauant que d'en boire ; Celuy que l'on fait au printemps , eft meilleur quen quelqu'autre temps de l'année. Cette boiffon vous durera long-temps, car à mefure que vous entirez,vous pouuez toü- jours adjoufter dulaiét nouueau. Remarquez auffi, que file lai& ; de luy-mefme, vous femble affez aigre , il ne fera pasneceffaire d'y adjoufter du lai& aigre de Va- che, ou du leuain و‎ mais feulement des grains d'Orge ; pour le plus feur il en faut faire en differens Vaiffeaux. Vous pourrez mefme, dans quelques-vns mettre vn noüet de racines de violette, ou de feüilles de coriande. L'on peut traire la Caual- le dix fois par iour , mais il la faut nourrir cependant de bonnes herbes. Dans leurs feftins,ils choififfent vne perfonne de la trouppe pour donner à boire ; ils nomment celuy qui a ce foin Cadax ; il commence par le principal de la compa» T M] Jicnes. Il y aenco- re des Peí- ches & d'au- tres fortes de fruits à Bachafarai. Ils eftimene principale- ment , dans leurs feftins les Cheuaux fauuages dont il y a beaucoup dás le pays, Komiis Boza enlá- gue Tartare, Braha en Ruffiene. *La maniere de preparer le Chomus eft vne des additionsdu Getil-hom- me Polonois qui a cíté long-temps Efclaue en Tartarie : il tenoit cette boiffon fort faine & d'vn gralfecours pourles pere fonnes ims puilfantes, La graine de Coriande a meilleur ouft que la ant 16 RELATION *Les Nogais font des fro- mages dc lai& de Iu- ment, mais fort peu. Leurs ma- pages, Coggia Dcéteur ou Preftre de leur Loy. Iis la nom. ment Pekli- net. Ils Pappel- lent Tolum- bas. gnie » faifant apres la ronde , auec la taffe efgalement plaine , afin que tous f'en- yurent efgalement, 115 mangent à terre arrangez cn rond fur des Tapits, ou Nattes : leurs Tables font rondes , couuertes de cuir. Entrautres plats , on leur fert des Potages faits de farine de Millet & de lai& aigre, qu'ils nomment Cha. chiche ou Katuk , fans herbes, car l'herbe , difent-ils , eft pour les Cheuaux ; quoy qu'ils ayent beaucoup de lai& ils font mal leurs fromages:* & les gardent dans des Outres. Ils reçoiuent bien les Eftrangers ; quand quelqu'vn arriue dans vn V illa- ge ;il va droit à la Mofquée, où on luy porte des viures : & fi c'eft vne perfonne de leur connoiffance, ils le logent chez eux, y ayant en toutes leurs maifons,quelque lieu deftiné pour receuoir les Eftrangers. Quand ils prennent vne fille en chapin , ou mariage, le Coggia y affiite auec trois refmoins: la fille choifit & demande ce qu'elle veut pour fan doüaire,le mary & fes parens tafchent de luy donner le moins qu'ils peuuent: le Coggia ef- crit les chofes qu'ils ont promis de donner , & prend le nom des tefmoins 5 les réjoüiffances de ces mariages durent trois iours : ils les accompagnent d'inftruments de Mufique , qu'ils nomment Ciongur , & qui reffemblent affezà nosCuitaires.Ils prennent autant de femmes qu'ils en peuuent nourrir, & auec ce- la leurs Efclaues , qu'ils appellent Cuma; Celta dire, Concubines ; les perfonnes de baffe condition traffiquent mefmes fouuent desenfans qu'ils ont de ces fecondes femmes ou Concubines. Ils font ordinairement en guerre auecles Polonois , lesRuffes , les Mofcouites, les Circaflias, les Moldaues & les Hongrois, & font beaucoup d'Efclaues fur ces Nations : ils ne connoiffent point d'autre meftier que celuy de la guerre , la longue experience qu'ils en ont leur a appris tous les fecrets de cét art. Ils font quelquesfois plus de cent mil Cheuaux & font des marches de 4. mois fans bagage, toufiours dansles deferts , car ils trouuent tout le pays abandonné و‎ tout le monde s'enfuit deuant eux ; auec cela, ils font ces marches,ou courfes;auec grande facilité , chacun portant fur fon Cheual de la farine d'Orge , ou de millet, qu'ils nomment Tolcan ; ilsle mettent premierement au four, & puis en font de la farine qu'ils gardent dans vn fac de cuir : ils Pen feruent pour faire leur breuuage, y meflant yn peu de fel auec de l’eau : ce breuuage reflemble à yne pan- nade , & dans la neceflité, il leur fert aufli de nourriture ; ils portent encore leur prouifion de bifcuit auec du Cufcum , qui eft vne pafte en forme de petit bifcuit, fritte dans du beurre ; ils prennent garde, fur tout, à ne point trop charger leurs Cheuaux , dont ils ont plus de foin que de leur propre perfonne ; c'eft vn prouer- be entr'eux, que perdre fon Cheual c'eft perdre fatefte. Leurs Cheuaux font fort accouftumez à la fatigue, petits & maigres , pourla plufpart, fi ce n'eft ceux des Murfa ou Seigneurs du pays, qui en ont de tres-beaux & de grande vigueur ;ils ne les tiennentiamais dans les Efcuries, mais les laiffent toufiours à la Campagne , mefme l'Hyuer , quand tout eft couuert de Neige & de Glace , car les Cheuaux la détournent auec leurs pieds, & paiffent l'herbe , ou les racines qu'ils trouuent def- fous. Leurs felles font fort legeres & leurs feruent à diuers vfages ; le deffous qu'ils nomment Turghicio , eft d'vne etoffe de laine preffée ou feutre qui leur fert de Mattelas , ou liét ; le fond de la felle leur fert d'oreiller , & leur Manteau, qu'ils nomment Capsgi ou Tapunci, de pauillon ou tente; car chaque Cauallier por- te des piquets, qui eftant dreffez , & le Manteau eftendu deffus , leur fert de cou- uert & de maifon. | Ils font diuifez par dixaines , chaque dixaine a vn chaudron pour faire boüilir fa viande , vn petit Tambour , qu'ils portent à largon de la (elle chacun vn fiflet pour fe raffembler dans les occafions , & vne jatte ou efcüclle de bois ou de cuiure , pour boire , & qui eft affez grande pour faire boire auffi fon Cheual , dans la neceffité ; vn foüet , vn coufteau , vne alaine ر‎ auec de la fiffelle , du fil, des eguillettes de cuir pour fen feruir au befoin , fil fe DES ΤΑΝ T ABRE S. 17 fil fe rompoit quelque chofe à leur felle ou à leurs eftriers , & des cordelettes de cuir preparé en forte qu'elles ne rompent que tres-difficilement , pour lier les Ef- claues qu'ils font; ils font fort bien à Cheual , cheuauchent court , afin, difent- ils, qu'en appuyant micux deflus les cftricrs , ils foient plus fermes à Cheual, Leurs armes {ont l'Arc & le Cimeterre ; ils le feruent de Cafques faits de mailles, qui font fort eftimez en Tartaric ; tiennent la bride de leur Cheual auec yn doigt de la main gauche ; leur Arc de la mefme main, & de la droite ils tirent les Fleches: ce qu'ils font deuant & derriere fort promptement. Leurs courfes fe font en Hyuer, parce que dans ce temps , les riuieres eftant glacées, elles ne leur em- pefchent point de feftendre ; ils nelaiffent pas deles paffer en 8146 , car ne pou- uant trouuer de Batteaux , ils lient des faiffeaux de paille , fe mettent deffus aucc leur felle & leurs hardes , & fe font tirer à nage de l'autre cofté dela riuiere par leurs Cheuaux , aufquels ils les attachent :la veille du ¡our qu'ils commencent leurs courfes ; ils nedonnent point à manger à leurs Cheuaux, cítant perfuadez qu'ils en fupporteront mieux la fatigue. Ne vont pas tousen mefme temps à la petite guerre; mais de dix; par exemple, il n'y en ya que cinq , les autres demeu- rentàla garde ou du Chan, ou du General. Ils partagent également le butin au re- tour, & en donnent la dixiefme partie au Chan, le Cham n'a point de trouppes en- tretenués, fi ce n'eft soo. Semen; ou Arquebufiers , qui luy feruent de Gardes ; les perfonnes de condition portent vne tente : ils font yeftus comme les Polonois, & portent des bonnets d'Efcarlarte doublez de quelque fourure , qu'ils nomment Barchi ou Burk. Les riches en ont de Renard noir, & de Marte, les Princes en ont de Martes Zebelines, chacun felon fes facultez. Leur plus grand trafic eft d'Eíclaues des Nations auec qui ils ont la guerre , grande quantité de vin, de beurre , & de fuif, & prés de la mer, beaucoup de poiffon & de Cauiale. Les Villes des Percopites les plus marchandes, & de plus grand abord , font Caffa , Corafu, Turlerie ١ Koxlou & Bachaferai : il y a toufiours en ceslieux des Efclaues à vendre ;les Turcs, les Arabes, les Iuifs, les Armeniens &les Grecs les achetent; car il y a de toutes ces Nations en ce pays ; qui payent tribuc au Roy Tartare, & au Bacha. Ils empälent les Affaffins , l'on pend les Lar. rons. Leurs procez, cn matieres ciuiles, fe decident par tefmoins, & par les Sentencesde leurs Cadiflers ; c cft à dire , luges generaux; ces Sentences f'execu- tent fur le champ fans appel; il y a cela de bon dans certe Iuftice militaire, que l'on empäle fans remiffion les faux-refmoins. Les Percopites font fort grands Obferuateurs de leur Religion , & vont à leur Namas ou Mofquées cinq fois le jour : tafchent d'obliger leurs Efclaues à fc faire Mahometans , leurs promettant la liberté à cette condition, & par ce moyen ils en attirent plu- ficurs. Font beaucoup de charitez aux Voyageurs. Ils enfeucliflenc leurs morts dans les Tabus ou Breres de bois , leur couurantle vifage d’vne forte de toille, qu'ils nomment Chefi : & quand ils lcs portent en terre, le Coggia les accom- pagne auec les parents, & les mettent dans vne foffe profonde ; les affiftans jettent deffus vn peu de terre , difant Alla rahamet bila ,c'eft à dire ; que Dieuluy pardonne : & puis ils mettent yne grande pierre fur la tefte du morc, & vne autre à fes pieds, & par deífus des Efpines & des pierres , de peur que les beftes ne le deterrent. Aux filles, ils mettent aux pieds & à latefte des bran- ches d'arbres auec des rubans de diuerfes couleurs,ou des bouquets de fleurs. Pour monnoye ils ont des Afpres , qui font moitié d'argent , & moitié de cuiure, des Reales d'Efpagne , & des Thalers de l'Empire ; ils fe feruent auffi de mon- noye de Pologne & de Mofcouie ,des Hongres , des Sequins de Venile, & des monnoies d'Or qui ont cours en Turquie. Leurs Baftiments ne valent pas grand chofe , les meilleurs font faitsordinai- rement de pierres & de mortier : il y en a beaucoup de bois & cou- uercs de planches ; d'autres. de pieux fichez en rerre , aufquels on entrelaffe T 18 RELATION des branches d'arbres, & qu'on couure de paille ; mais ils ont de plus vne efpece de maifons pour l'Efté;qui fe vendent au marché;ce font desCabanes d'Ofier rondes, qui le mettent fur des roués, car l'Eftéils n'ont point de demeure fixe & charient ils les ap- ces maifons où ils trouuent de l'herbe. Ils parlent Turc, il eft vray qu'ils ont quel- ER ques mots particuliers , & qu'ils parlent plus vifte que les Turcs. Le Roy a cinq cantare? Serails, &le Sultan deux; l'vn en la Ville ou il fair fa refidence , qui eft Baccrafarai, ont deux — l'autre à Tullada, vn autre à Sinirenda, vn dans Alma, & vn autre à Beieplada. Cha- E x cun de ces Serailsa enuiron vn mille de circuit, & eftentouréd'vne haute mu- au haut vne. raille, mais peu forte ; les portes en font de fer ;les appartemens qu'elles fer opa ment font dorez & peints au dedans de belles couleurs. Les Serails du Sultan de feutre font à Achemaciate. qu'ils toar — Les plus beaux Villages font prés de la mer; les Canculi ; qui font les domefti- nent ducofté duventpour ques du Roy, demeurent dans les creux ou cauernes des montagnes ; là eft yne facilicer ها‎ Ville imprenable , nommée Mancup baftie fur vne montagne; qui eft habitée de EL d Iuifs, le Gouuerneur eft Tartare ; c’eft là où font toutes les richeffes des Chams, le grád Froid & où ils fe retirent , quand il fe fait quelque reuolution dans le pays; ce qui arriue ils le cou- affez (ouuent ,carle grand Turc, parles intelligences qu'il a dans le pays, leura urent d'vn feune مومع‎ fouuent enuahy par là vne grande partie de ce pays, & lestient à fa difpofition. PERSA Loríque quelque Prince du fang royal, qui eft la famille de Zierei , vient pius ong- Pros la chi- à mourir il fait venir tous fes enfans , & les tient comme prifonniers à Rhode, leur. leur donnant vne certaine penfion par mois, pour leur entretien : & quand le Roy Tartare ne veut pas obeir à fes commandemens, il enuoye vn de ces Princes 2 Ka auec des trouppes par mer & par terre , & le defpoüille de fon Royaume : & en- core qu'il fe puiffe deffendre quelque temps , neantmoins à la fin le grand Turc demeure toufiours le Maiftre ;il tient ainfi ces Roys en fubjeétion , leurfaifant faire ce qu'il veut; auec tout cela ils ne luy payent point de tribut , au contraire le grand Seigneur lehr enuoye tous les ans le chilcice & caffeta ; pour les obliger, par cét intereft , à demeurer à fon feruice, & nelaiffe pas de leur demander des Efclaues en recompenfe. Si le Turc ne poffedoit point la principale Ville de cer Eftat و‎ qui eft Caffa, le Tartare ne le craindroit guere , fe deliureroit aifé- ment de cette fubje&ion, & ne fe foùmettroit pas à de fi dures loix. Caffa eft plus grande que Meffine , & a cfté baftie par la Seigneurie de Gennes, lorfqu'elle poffedoit la mer-Noire , comme auffi Baleuchelaua & Chirce 31l y a 150. ans qu'ils en font fortis, fuiuant l’infcription qu'on voit fur fa porte; elle eft forte د‎ enceinte de bonnes murailles , & bien garnie d'artillerie, auec vne bonne garnifon de Turcs, fcauoir de Spais , lanniflaires , & deux autre forte de milice que le grand Turc tient en garnifon dans fes Fortereffes ;les habitans Grecs, Armeniens, Des Tarta- & Juifs payent tribut. sesNogais, — Les Tartares Nogayes habitent hors de cette prefqu'Ifle , & confinent auec la on Ruffie,la Mofcouie , & la Circaflic. Leur pays eft grand, dont vne partie eft en des Tartares l'Europe , & l'autre dans l'Afie ; car les vns font en deçà du mareft-Meoride, Nogayes » عع‎ ceux d'Afie font au de-là des mefmes marefts-Meotides. ceux de Oc- à ; : È 4 zaxou & de — Les Tartares n'ont point de Villes, mais grand nombre de maifons, ou caban- cire 1. Pes qu ils mettent fur des Chariots; ils obeiflent à des Princes particuliers qu'ils clon ic Gentilhom- NOMMENT Cantenier ; Columbei و‎ Chanache-murfa. Les Nogayes peuuent faire en me Polonois tout cinquante mil hommes de Cheual , font Mahometans , mais ils n'ob- les Tartares στῆς. οὐαρῖν feruent pas religieufement les Loix de cette fede ; ils ne font ny jeufnes ny ftoient diui- Oraifons ; les Coggia & les Treuiggi, qui font les Docteurs de cette Loy, rope ne vont point parmy eux , parce quils ne fe peuuent accouftumer à leurs fa- de δὲ perico Fons de viure ; ils fe nourriffent de chair & de lai& , qu’ils ont en grande abon. Nogaye ; la dance , mais ils ne fe feruent point de pain, non plus que de miller cuit, comme Poe gel font les Circaffiens; ils ne gardent aucune politeffe dans leur manger , y em- plus, parce- ployent leurs cinq doigs , leuentlatefte en haut , & jettent dans leur bouche DIENCOR A m FARE S. 19 ‘dedans leur viande comme des beftes ; ils boiuent de l'Iran, qui eft du laiét ajgre ‘de Vache, qu'ils mellent auec del’eau , il defaltere & nourrit. Aux jours de fe- ftes ils boiuent du lai& de Cauale , qu'ils nomment ( Komisx ) ils le laiffent bien bouché pendant dix iours, & enyure cOme le vinjauec cela ils font auffi fecher du lai& caillé au Soleil; le mangent auec la viande au lieu de pain, & s'en feruent principalement dans leurs débauches; ils ont auffi quelque peu de miller, qu'ils prennent des Circafles;à qui ils donnent du bettail en efchange. Ils font de ce mil- let vne forte de potage qu'ils nomment Scorba , auec du beurre & dulai& aigre ; ils mangent de la chair de Cheual demie cuire; & ont fort grande quantité dc beftail. Lorfque i'eftois à Balutte-Coij en Circaflie , ie fus appellé par Demir- Murfa , & comme ie demandois combien il pouuoit y auoir de teftes de be- ftail en vne harde que ie voyois paiftre au tour de fa Cabane و‎ on me dit, qu'il y auoit plus de quatre cens mille beftes, & de-ià vient qu'ils ne font ia- mais arreftez en vnlieu , & qu'ils vont continuellement cherchant de nouueaux pafturages. Ils campent ordinairement entre le Tanais & le Nieper , campant fur les nues de l'vn ou de l’autre de ces fleuucs : ils fe forcifient fur leurs bords; quand ils font prés de quelque foreft , ils retranchent leur camp de Palliffa- des; depeur que leurs troupeaux ne fouffrent quelque dommage, & ne foient enleuez parlesbeftesSauuages ou par les Circafles : ils font bonne garde depeur d'eftre furpris par ces ennemis , ou par les Tartares و‎ Percopites , & Maliba- fes, qui font peuples de la grande Tartarie auec lefquels ils confinent : ils combat- tent vaillamment, ne laiflent point approcher l'ennemy de leurs maifons, mais vontloing au deuant de luy ; ils fe font Efclauesles vnslesautres, & fe rachetent apres pour vn certain nombre d'Efclaues ou de beftail. On ne punit point de mort le larcin , maison met la chaifne celuy qui y eft lurpris, iufques à ce qu'il fe ra- chepte , & s'il nele peut faire il demeure Efclaue, & on le vend. Il n'ya point de pauures parmy eux ; fi quelqu'yn n'a rien à manger, il va où l'on mange, & saflied librement fans rien dire , puis fe leue , & fe retire fans autre ceremonie : ils n'ont aucune ciuilité , font gens tout à fait champe- ftres & fauuages. n : Ils ont quantité de bons pafturages dans leurs Plaines & grande abondance de beftail, Cheuaux fauuages, Loups , Ours, Renards , Certs , Loups-ceruiers & Elans. Les Nogays en tusnt quantité & vendentleurs peaux, qui font leur plus ordinaire marchandife , comme 211111 les Efclaues, du beurre en tres-grande quantité ; les Marchands Turcs & Armeniens y en viennent faire prouifion, & en fourniffent Conftantinople, leur donnant en troc : Pour le prix de leurs marchan- difes ils ne veulét point d'argent,mais de la toille de coron,des draps,des peaux de Maroquin, des couteaux, & autres merceries : mais la pratique de ce pays n'eft pas aifée aux Marchands qui ont beaucoup de peine à paffer les Riuieres, parce qu'il n'y a point de Ponts; ils shabillent de peaux de beftes,& ne portent point de che- mifes. Erc'eftbeaucoup pour eux ; s'ils peuuent auoir des hault-dechauffes de toille de Cotton; & pour les plus riches des hault-dechauffes de drap. Ils fe feruent de Bonnets faits de peaux : les vns en ont de peaux de Brebis, d'autres de Renard , & les Murfes de martes zibellines, qu'on leur apporte de Circaffie. Ils font difformes à voir; ils ont la face large & pleine, la tefte groffe ; [es yeux petits & le nez enfoncé ; leurs enfans font long-temps fans voir clairen naiffant ; à caufe qu'ils ont les yeux petits, enfoncez, & les joués fore grofles : ils n’obferuent autre ceremonie en leur mariage, que de prendre des tefmoins; ils fe marient auec leurs parents ; ils n'en exceptent que la Sœur & la Tante : ne donnent point de doüaire àleurs femmes; mais [ἐς matis font des prefentsà leur pere & à leur frere, fans le(quelsils ne trouueroient point de femmes ; ils obferuent les meímes cere- monies pour enfeuelir leurs morts, que les Tartares-Percopites ,auec cette diffe- rence feulement, qu'ils amaffent beaucoup de terre par deffus pour empefcher que iu 1 qu'elle a efté faccagéepar le Cham du Crim ; fes peuples fu- ret cotrains de fe rendre dansla pref qu'Ifle : là petite No- gaye fubfi- ite encore. & recônoitt le Cham;ces Peuples fonc vagabós sás tetraitte a feurée entre le Percop, & l'Ocrakou , & au tour du marefts- Meotide ; autremenc Donciuk , c'eft à dire; petit Tanais. Ils ne font gucres plus de 12. mille, mais ce fonc les meilleurs foldats d'en- tre les Tar- tares : leur chef e(t Or bei , c'eft à dire le Gou- uerneur de Percop, qui lugede leurs differends,8z les meine A la guerre, Le Gentil= homme Po- lonois dit,qÿ lerfqu'ils dorment ca campagne ; 115 fichent en terre vh pi- quet auquel ils attachens la bride de leur Cheual, & qu'ils dor- ment s'ap- puyaat la te- fte far leurs mains & (ur eme(me pi- quer pour e- 在 re plus prompts à fauter en fel. le en cas da fürprife, 20 RELATION les beftes ne les déterrent. Ils n'ont point d'efcriture , ny aucune forte de caras &eres ; la juftice eft adminiftrée par leur Chef , ils ne font mourir perfonne , fice n'eft pour auoir tuc de fang froid, ce qui n'arriue que fort rarement. Leurs femmes font patfablement belles, quand elles font jeunes , mais les vieil- les font fort laides : ilsontordinairement deux petites hurtes ; la plus petite eft ourle mary & la femme ; leurs enfans occupent la plus grande : & pour ce qui elt de leurs Valets , ils dorment toufiours à l'air, quelque froid qu'il faffe , lors mefme que la terre cft couuerte de neige. » Nota. Dansladiuifion que ce Religieux fait des Tartares, il ne parle que des » Tartares du Crim & des Nogais. Le Gentil-homme Polonois la donne plus , exactement dans cestermes. Les peuples de la Tartarie mineure fe diuifent en si Tartares du Crim - Nogais que l’on appelle .au 但 Percopites, Tartares d'Ocfa- رو‎ hou , autrement Dziankirmen, & ceux qui habitent le pays de Akkirmen, autre- در‎ ment appellez les Tartares de Bilogrod , Budziais ou Dobrus. » Les Tartares du Crim occupent toute la Penjufule Taurique dont la Vil- دو‎ le principale eft Bachafarai, refidence ordinaire de leur Cham : ils font bien foi- »xante mille hommes. . » Les Nogais tiennent le pays qui eft entre leur principale Ville nommée » Perecop; &la Ville d'Oczakou : ce pays eft fermé d'vn cofté par le Pont Euxin, » & des autres par le fleuue Nieper ou Borifthene , & par le Limen ou Palus » Meotide. Ceux-cy n'ont point de demeure arreftée & font toufiours errants » &vagabons,s’arreftant où ilstrouuent la commodité de l’eau & des herbes pour » leur beftail; Pon fait eftat qu'ils font bien 12000. » Ceux d’Oczakou habitent la Ville qui porte ce nom; font à la folde de m repa » l'Empereur des Turcs : ils appellent la folde qu'ils tirent de luy Vlafe ; & ant rar » onles appelle Befleï, comme qui diroit gens payez, ilsfont enuiron2000. bornes 12 ,, On appelle Tartares de Budziais ceux qui demeurent aux enuirons de la V ille nc a Pe" de Bifarabiam ouBilogrod fcituée fur les Frótieres de la Valachie entre les riuie- chant leMór ,, res du Tir & du Danube, & les coftes du Pont Euxin leur principaleV ille eft cel. Camafe, au le de Bilogrod , autrement Akkiermen : ces derniers-là peuuent faire enuiron midy leFicu- : 5 ue Buftro » quinze mille hommes. qui les fepa- des Tar- taresdi Da- RELATION DES CIRCASSES. gcítan, & au 2 1 Dada Es Circaffes reffemblent fortaux Tartares Nogais que ie viens de delcrire, Brycres de A-aucc cette difference neantmoins,que les Circafles n'habitent que dans les en- Altracan. — droitsles plus forts des bois , où ils fe retranchent ; ils confinent auec les Tartares Capifigni. Nogais du cofté du Nort: versleleuant ils ont les Cornuchi , aufli Tartaressquoi- fic en Turc que d'vne autre Religion & d'autres façons de viure; vers le midy les Abbafía, & Temi 4, du cofté du couchant,des Montagnes fort hautes,qui les feparét de la Mengrellie : Fer. Derbene ainfi la plus grande eftendué de leur pays eft depuis Taman iufqu'à Denur-capi, peso autrement Derbent Ville fcituée furle bord de la mer Cafpienne ; ce pays a bien qui fignifio 26. iournées de chemin. Entre Taman ὃς Tomeruchi, il y a vne langue de terre, IA fur les bords de laquelle il y a plufieurs Villages. Ils parlent la langue Circaflien- 1 ne & la Turque, ils font meflez, les vns font Mahometans, les autres du Rit Grec, P e ine mais il y a plus grand nombre de Mahometans ; car encore que le Preftre , qui eft a Tei, qui È Terki leur aille quelquefois adminiftrer le Sacrement du Baprefme, il les in- ct mainte- ftruit peu dans les chofes de la Religion, fi bien qu'ils fe font Turcs tous les M eor iours , & il neleur refte plus riende la Religion Grecque quela couftume de por- Duc demof. Ter des viures fur les foffes de leurs morts, & l'obferuation de quelques icünes. «ouic, CesVillages obeïflent au Tzaar des Mofcouites,& à quelque Murfas ouScigneurs particuliers de fa Cour,aufquels ils les a donnés pour recompenfe de leurs feruices. Depuis les Montagnes ; qu'ils nomment Varrada , iufqu'à Cudefcio le pre- DESÙVYGIER CASSE S. 2t mier des Villages que les Circafliens ont le long de la marine , il y a 300. mille; mais toute cette cftenduë de pays , quoy que tres-ferrile , eft inhabitec , l'on con- te cent quarante mille depuis Cudofcio iufqu'aux Abbaffa. Les Peuples qui font dans ces Montagnes fe difent Chreitiens , comme auffi ceux qui habitent les Forèrs qui font dans la Plaine ; ils obeiffent à des Princes particuliers. Ie feray mention des principaux & dela diftance des lieux qui font fous leur obeiffance. De Tomaruchi iufques à Carbatei; il y a dix-huitiourntes :le pays eft fort peu- plé, & eft fous la dominationde Schaban Ogoli ; il y a deux autres iournées de 'Tomaruchi à Giana , & autant de Giana à Codicoï, de Giana a Bolettecoi qua- tre autres, Giancofobey eft Seigneur de ce pays , de-là à Befinada huit iour- nées , de Befinada à Carbatai huic autres, 82 de-là à Derbent dixiournées. Les Princes Scaence Temircas , Parens du Can des Tartares , font Maiftres de ce pays. Les Princes Cafibei & Sancaícobei freres, & commandent à tous les Villages qui font le long de la mer ; ces pays font fort agreables , quoy qu'ils foient peu habitez , car il n'y a point d'habitation aux lieux où les Forêts ne font pas efpaiffes. , Ils n'ont point de Loix écrites ny d'exercice de Religion , ils fe contentent de la profeflion qu'ils font d'eftre Chrefti ens ; font traffic d'Efclaues, de peaux de Cerfs,de Bœufs , de Tigres, & de cire qu'ils trouuent en abondance dansles For; labourent à la Houé leurs terres labourables; n'ont point de monnoye, les marchandifes fe vendent par echange , leur habit n’eft pas fort different des noftres ; ils portent des chemifes de toille de Coton teinte en rouge , & vn Manteau de Laine preffée , ou de feutre, qu'ils tournent du cofté d'où viencle vent ; car il ne leur couure que la moitié du corps. Il n'y a point au monde dc plus beau peuple que celuy- là,ny qui recoiue mieux les Eftrangers : ils feruent eux-mefmes ceux qu'ils ont logez chez eux pendant trois ¡outs ; les garcons & les filles les feruent tefte قباط‎ , ἃς leur lauent les pieds, cependant que les femmes prennent le foin de leur faire blanchir leur linge. Pourleurs Maifons, elles fonc faites de deux rangs de pieux fichez en terre, entre lefquels on entrelaffe des branches d'arbres ; ils rempliffent l'entre-deux de mortier , & les couurent de paille; celles du Prince font bafties de mefme matiere mais plus grandes & plus hautes , leurs Villages font dans les Forèrs les plus épaif- fes;ilsles entourent d'Arbres entrglailis les vns auec les autres, afin d'en ren- dre l'entrée plus difficile à la Caualerie Tartare. Ils font fouuent aux mains aucc eux, car il ne le paffe guere d'année que les Tartares nc faffent quelque courfe enleur pays pour y faire des Efclaues , attirés principalement par la beauté de ceux de cette Nation. Les Nogais y font auffi fouuent des courfes par cette mefme rai- fon, & l'exercice continuel dans lequel ces ennemis les tiennent , lesa fortaguer- ris & rendu les meilleurs hommes de Cheual de tous ces quartiers : ils fe feruent de leurs fléches deuant & derriere , & font braues le cimeterre à la main; ils far- ment la tefte d'yne jaque de maille, qui leur couure le vifage, & pourarmes of- fenfiues , outre Parc, ilsont des Lances & des lauelots. Dans les bois vn Circaf- fienfera tefte à vingt Tartares ; ils nc font point de conícience de fe dérober les vns &les autres, & le vol y eft fi ordinaire, qu'on ne chaftie point ceux qui y font furpris , ayans mefme quelque forte d'eftime pour ceux qui le fçauent faire auec addrefle. Les vicillards & les plus confiderables du pays ne prefentent point àboireaux jeunes gens dans leurs feftins fils n'ont fait quelque larcin aucc ad- dreffe ou quelque meurtre de confideration. Le breuuage le plus ordinaire de cette Nation eft de l’eau qu'on fait boüillir avec du miel & yn peu de millet; ils laiffent cette matiere enfemble l'efpace de dix iours 8z les font boüillir apres. Cette boiffon ala me(me force d'enyurer que le vin , mais ces Peuples ne font pas fort fujets à I yurognerie. Au lieu de verre, ils fe feruent de cornes de bufles fau- uages ou d'autres animaux : ils boiuent ordinairement tour de bout. Il y a dans Poet tuj Lintenanì adjoufte, Lafcianoma? neggiare le foro fáciul- le vergini dal capo ai piedi faluo latto vener- eo maflime in prefentià de parenti. Depuis u'ls font fous la do- nation des Mofcouites ils font plus prauçables: Ils piquent la tefte du Belier ou Mouton au haut d'yne Croix&cíte- dentla peau fur lesautres branches. Abcalla, A- bazza. 22 RELATION le pays des Cudofci , c'eft à dire ; lieux facrez , où l'on voir quantité de teftes de Bé lier reftées-des Curbans ouSacrifices qui yont efté faits.On voit pendu aux Arbres qui font dans ces licux, des Arcs, des Fleches , des Cimeterres , qui marquentles vœux dont ilsfe font acquittez ;'& la veneration dulieu eft fi grande , que les plus rands Voleursn'y touchent point. La parole que le donne le mary & la femme & l’affirmation de quelque tefmoin font toute la forme de leurs mariages; ils ne prennent iamais d'autre femme fila premiere ne meurc,ou qu’ils y foient obligez par quelque raifon puiffante.Le pere qui donne fa fille en mariage,en reçoit en res connoiffance quelque prefent , ὃς les hommes ne trouuent point de femmes fils n'ont dequoy faire ces prefens. Ceux qui doiuent accompagner les morts àlafepulture commencent leurs cris & leursgemiffemens auparauant que d'arriuer en la maifon du deffunt :les Pa- rens fe fotiettent, les femmes fe déchirent le vifage , cependant que le Preftre chante certaines paroles qu'il fçait par cœur furle corps ;l'encenfe ; & met fur là fepulture de pafla & du boxxa c clt à dire , à manger & à boire. Ils amaffent apres de la terre fur la foffe , ὃς l'éminence qui refte , marque le lieu de leurfepulture. Ces Peuples ne connoiffent point d'autre art que celuy de la guerre, qui les oc- cupe tous. Les Efclaues de cette. Nation fe vendent bien plus cherement que les autres; à caufe de leur beauté, & de la reuffite qu'ils font ordinairement dans les chofes ou onles employe, car naturellement ils font fort fpirituels. Les Che- uaux de Circaffie font plus eftimez que les Cheuaux Tartares, a caufe qu'ils font plus vifs. Ils ont deux fleuues confiderables , l'vn defquels fencmme Pfi, qui fe rend dans la mer Calcane , & l'autre nommé Sil, qui paffe proche de Cabarta ;这 y a encores beaucoup de petits ruiffeaux peu renommez , à caufe qu'on les palle facile ment à gué. 1 RELATION DES ABBASSA. Es Abbaffa habitent les Montagnes qui tiennent à la Circaffic. Ils ont à main droite le riuage de la mer-Noire, & au leuant la Mengrellie. Ce pays eft fous l'obeiffance de deux Princes, l'vn fe nomme Pufo & l'autre Carabei;ce pays a 150. milles d’eftendué : il n'y apointde Villes,mais beaucoup d'habitations furces Montagnes qui font les plus hautes que i'aye iamais veu, elles feftendent iufques fur le bord de la mer; ilsontles mefmes façons de faire que les Circaffiens , auct cette difference feulement qu'ils mangent la chair prefque toute crué. On fair beaucoup de vin ence pays;leur langue eft fort differente decelle de leurs voi- fins ; ils n'ont point de Loix efctites & ne connoiffent pas mefme l’vfage de PER criture ; font Chreftiens de profeflion fans faire aucun exercice du Chriftianifme. Pay veu beaucoup de Croix dans ce pays, font grands larrons & fujets à mentir. Ils ont deux riuieres ; Southefu & Subafu ; Ce paysefttres-agreable & l'airy eft fort fain ; leurs bois leurferuent de retraitte & de Villes, mais quand ils ont choi- fi leur demeure en vn lieu , ils ne le quittent point. Ils ont pourricheffes ou mar- chandifes ; toute forte de Peaux, de la Cire, du Miel , & des Efclaues, &illeur eft ordinaire de vendreleurs fujetsaux Turcs en efchange d'autres marchandi- fes , carla monnoye n'a point de cours parmy eux :ilsont vn fort. beau port : il y vient tous les ans des Vaiffeaux de Lazi , de Trebifonde , de Conftantinople , & dc Caffa, qui quelquesfois y paffentl'Hyuer. Ce Port fe nomme Efchifumuni; les Marchands qui y viennent ne paffent point à leurs habitations ; tout le traffic fe fait au Port où dans le Vaiffeau : ils prennent mefme fermentl'vn de l'autre qu'ils ne fe feront aucun mal, où fe donnent desoftages. Ils ont guerre auec les Circaffes & les Mingrelliens , font bons hommes de pied & de Cheual , fçauent bien manier les armes à feu: portent le Cimeterre, l'Arc ὃς les Fleches; s'habillent DES AB B À SAS. 23 de mefme façon que les Circaffes, maisils portentles cheueux autrement qu'eux. Ces Nations fe laiffent croiftre les mouftaches & le rafent le menton : leurs Pa- ari au contraire fc laiffent croiftre route la barbe; on appelle ainfi ceux qui ont le foin d’enfeuelir les morts & qui prient Dieu pour leurs Ames; ils les mettent dans destroncs d' Arbres creufes qui leur feruent de Bierre, & lestiennent apres attachés en l'airà quatre pieux : comme ils n'ont point d'autre habitation que les bois; ils ont peu de troupeaux & peu d'eftoffes pour fe faire des habits : ils le con- tentent de leur vin de miel, de la venaifon & des fruits fauuages de leurs bois: ilsn'ont point de froment , ne fe feruent point de fel, ne prennent point la peine de pefcher du poiffon , quoyque leurs Coftes foient fort poiflonneufes tant ils font areffeux : la chaffe & la vollerie font toute leur application; ils ont vne infinite d'Efpreuiers & de Faucons qu'ils dreffent en huit iours ; Conftantinople , la Per- fe & la Georgie f'enfourniffent en ce pays-là, & font fibien dreffez,qu'ils reuien- nent auec leur proye , au bruit qu'on leur fait auec γῆς fonnete. Ic ne m'eftendray point icy à defcrire la Mengrellie, carie fcay qu'on en a fait vne defcription fort exacte ; i'adjoufteray feulement ; à ce que ¡en ay veu, que le Sené, la Scamonée , & l'Hellebore-noire croiflent en ces quar- tiers ,auec beaucoup d'autres fimples de grand víage > & que les Euefques δὲ autres Ecclefiaftiques du pays fuiuent le Prince à la guerre le Cafque entelte, & le Cimeterre au cofté. PES UV d. GE. GV Add Les Lazi autrement Curti, font Mahometans , confinent auec la Georgie, & le pays de T rebifonde : ils habitent des Montagnes fort hautes fur les Coftes de la mer-Noire;ce font gens nourris dans lesbois,de grande fatigue;& qui paffent leur vic à conduire des troupeaux ; & quand ils peuuent derober ils ne fy efpargnent as. Il yadansle pays quantité de Loups, de lacals, Animal qui tient de la na- ture du Chien & du Loup, l'abondance de ces animaux eft caufe que les Turcs les appellent Curti, qui veut dire Loup. Tout ce pays eft Montueux,mais fort agrea- ble, couuert d'Arbres furlefquels ils font monter leur vigne. Ie n'endiray pas dauantage , à caufe qu'il eft aflez connu d'ailleurs. Dans υἱὲ autre rela- tion l'on re- marque qu'ils fufpé- déc ces croc& d'arbres ou Bicres auec des fermens de vigne. 24. IL] ADDITIONS A LA RELATION PRECEDENTE DE LA TARTARIE, ET PRINCIPALEMENT lA gorge de laPeninfule du Crime n'a que demie lieué de largeur; ' Ces addi- be ifficette gorge ou iftme eft occupée par vne mefchante ville fans Sons font tr M “murailles qui a feulement vn foffé de vingt pieds de large, & de récs desme- {PN peg dl =, à - x DI oer du/ τ 网 fix a fept pieds de profondeur àdemy comblé,auec vn rampart de Sr, de Bcau- Bx 0 0 AU) pler. A melme hauteur, & large de quelque quinze pieds. Elle eft afife à js ESS) 3 o o.pas de la riucOrientale,elle a dans fon enceinte vnChafteau pierre, qui a doubles murailles , ou pluftoft vn autre Chafteau qui l'enferme : de-là iufques à la rive Occidentale , ona tire yn 20116 qui va iufques en la mer ;il ne peut auoir dans cette Ville plus de quatre cens feux :les Tartaresla nomment Or, & le Polonois Perecop, c'eft à dire, en noftre langue, terre folloyée : c'eft pourquoy les Geographes appellent cette partie dela Tartarie , Tartaria Perco- penfis. Les lieux les plus remarquables du Crim font, du cofté del'Orient, Kofe- low Ville fort ancienne, qui appartient au Cham , qui peut auoir deux mille feux; & a vn Port. Topctorkan ou Cherfonne eft vne ruine antique, Bacieferay eft la refiden- ce du Cham des Tartares, il y peut auoir deux mille feux. Alma ou Eoczola eit vn Village d'enuiron cinquante feux, auec vne Eglife Catholique dedite à Saint Ican. Baluclawa Port & Bourg ou l'on fait les Nauires , Galeres & Gallions du grand Seigneur , l'emboucheure du Port a jenuiron quarante pas: & a enui- ron huit cens pas decircuit, & eftlarge de quatre cens cinquante ; ien'ay ceu apprendre de quelle profondeur, ny quel eft le fond, fi c'eft (able , vafe ou roche; mais il y a apparencc qu'il y a plus de quinze piedsde fond, puifqu'il y entre des Vaiffeaux chargez de plus de cinq cens tonncaux ; il n'y a pas dans ce Bourg plus de douze cens feux : ce lieu eft vn des plus beaux & meilleurs Ports qui foient au monde: car vn Vaiffcau y eft toújours à flot;à quelque tempefte qu'il faf- fc »il ne branle point, les hautes Montagnes qui enferment ce Havre, le met- tant à l'abry de tous vents. | Mancup eft vn mefchant Chafteau fur yne Montagneappellée Baba ,les habi= . tans font tous Iuifs , & font enuiron 60. feux. Caffa eft la capitalle Ville du Crim , il y a vn Turc gouuerneur pour le grand Seigneur. Les Tartares habitent peu dans cette Ville ,les habitans font pour la plufpart Chreftiens , ils fe feruent d’Efclaues qu'ils acheptent des Tartares , qui les ont enleuez de la Pologne & Mofcouie. Il y a douze Eglifes Grecques, tren- te-deux d'Armeniens & vne Catholique de 5, Pierre ; il y peut auoir cinq à fix milfcux » mais il y a bien trente mil Efclaues: car ils ne fe feruent en ce pays que de ces fortes de feruiteurs ; cette Ville eft grandement marchande, & trafique de tout à Conftantinople,Trebifonde, Sinope, dans toute la mer- Noire & Archipel. Crimenda eft fort ancienne , appartient au Cham, eft enuiron de cent feux. Karafu appartient auffi au Cham, & a enuiron deux mil feux. Tufla DE LA TARTARIE. 25 Tufla, en ce lieu font les falines, il y peut auoir 80. feux. Corubas peut auoir 2000. feux. Kercy enuiron 100. feux. Ackmacety enuiron 150. feux. Arabac ou Orbotec eft vn chafteau de pierre, auec vne tour fcituée fur le col d'vne Peninfule , qui eft enfermé entre la mer de Limen * ὃς Tincka V voda. Cette gorge n'a pas plus d'vn quart de lieuë,elle eft trauerfée d'yne palliffadequi ftend d'yne mer à l'autre ; la Peninfule eft appellée par nos Cofaques Cola, à cau- fe qu'elle a la forme d'vnefaulx ; c'eft en ce lieu où le Cham tient fon haras qui cft bien de foixante & dix mille cheuaux. Tinkawoda eft vn deftroit entre la terre ferme & Cola, il n'a que 200. pas de large, eft gayable quand il eft calme ; les Cofaques le paffent en tabort quand ils vont defrober des cheuaux du haras du Cham ; comme nous dirons cy- apres. Depuis Baleclawa iufques ἃ Caffa , la cofte de la Mer eft fort haute & efcarpée, toutle refte de la Peninfule eft baspays; dans la plaine du cofté du Midy vers Or, il y a force villages de Tartares, ou pour mieux dire force hutes , qu'ils mettent fur deux roijes comme celles des Tartares du Budziak. Les montagnes de Balaclawa & Carofu s'appellent montagnes de Bada , ilen fort 7. riuieres qui arroufent toute la Penin(ule, elles font bordées de bois. Surles riuesde la riuiere de Kabats il y ades vignes. La riuicre de Sagre a quantité de iardins & de fruits. Lc deftroit de Kercy à Taman , n'eftla rge que de trois à quatre lieuës Fran- coifes. Taman eft vne ville appartenant au Turc dans le pays des Circaffes ; cette villa- cca vn mefchant chafteau où il y peut auoir quelques 30. lanniflaires qui y font garde comme auffi à Temeruk , qui garde le paflage de Oczakou au Zouf qui cft yne ville d'importance, fur l'emboucheure de la riuiere du Tanais. A PO- rient de Taman cit le pays des Circaffes qui font Tartares Chreftiens. Les Tartares reftent plufieurs jours apres eftre nez fans pouuoir ouurir les yeux comme les chiens & la plufpart des autres animaux; ils font dvne taille pluftoft petite que grande, mais trapus & fort gros de membres, l'eftomach haut & lar- ge; les efpaules releuées, le col court, la tefte grofle;la face prefque ronde,le front large, les yeux peu ouuerts, mais fort noirs & beaucoup fendus, le nez court, la bouche affez petite , les dents blanches comme yuoire , le teint bafané , les che- ucux fort noirs & rudes comme crin de cheual; enfin ils ont vne autre phyfiono- mie que les Chreftiens : ils fonc tous foldats braues & robuftes , durs à la fatigue, & fouffrent aifémentles iniures de l'air: car depuis Paage de 7. ans qu'ils fortent de leursCantares,c'elt à dire,maifons que l'on peut mettre fur deux rouës, ils dorment toufours à Pair, & depuis cet aage on ne leur donne iamais à man- get qu'ils nel'abbattent auec la flefche, & apres qu'ils ont atteint 12. ans , ils les enuoyent à la guerre ; leurs meres ontle foin quand leurs enfans font ieunes de les baigner chaque iour vne fois dans de l'eau ou l'on a diffout du fel , afin deleur durcir ع1‎ cuir & de les rendre moins fenfibles au froid , lors qu'ils font obligez de le fouffrir & de paffer à nage les riuieres en Hyuer. Nous confiderons de deux fortes de Tartares , les vns nommez Nahaysky , & les autres Crimsky , ceux-cy font comme nous auons dit de cette grande Penin- fule , qui eft dans la mer-Noire, vulgairement appellée Scythie Taurique : maisles Nahaisky font diuifez en grand Nahaisky & petit Nahaisky , tous deux habitent entre la riuiere du Don & la riuiere de Kuban و‎ maiserrans & comme fauuages; les vns font fuiers du Cham ou Roy du Crim, & les autres des Mofcouites : il y en a mefmes qui ne reconnoiffent ny l'vn ny l’autre. Ces Tartares ne font pas fi braues queceuxdu Crim, mais les Crimski cedent encores en vaillance à ceux du Budzaik. 6 * La Palus Mcotides, Ce qu'il die icy du pays des Circafles s'accórde a- uec la rela- tion prece- dente , & changer les bornes que l'on a don= mé iufques à cette heure à leurs pays. “Ces Tarta- res que ع1‎ Sicur de Bcauplan appelle Na- haisky font nómcz No- gais dans /a relation pre- cedente. 26 RELATION Ces Peuples ont pour habit vne chemife courte de toille de cotton , qui ne leur defcend que demi pied au deffous de la ceinture , vn caneçon & des hauts de chauffes de draps en eftrié : le menu Peuple porte des chauffes de toille de cotton picquée par deflus, & les plus riches ont vn iufte-au-corps de toille de cotton pic- quée;& fur cout vne robbe de drap fourrée de Renard , ou de Martre zubline, le bon- net de mefme auec des bottines de Marroquin rouge fans efperons : au lieu de cette robbe fourée le peuple fe couure les efpaules d'vn hoqueton de peau de Mouton , ils mettent la laine dehors en temps de chaleur ou de pluye , mais au temps de froid & d'Hyuer ils retournent leur hoqueton, remettent la laine dedans, & en font de mefme du bonnet, qui eft fait de mefme eftoffe : ils font armez d'vn Sabre, d'vn Arc, aucc fon Carquois garny de dix-huit ou vingt Fleches , vn couteau à leur ceinture, vn fuzil pour allumer du feu, vne aleíne auec cinq ou fix braffes de cordelettes de cuir , pour lier les prifonniers qu'ils peuuent attrapper en cam- pagne : ils ont auffi chacun vn quadran au Soleil, il n'y a que les plus aifez qui por- tent des chemifes de mailles, les autres font fans armes deffenfiues, font fort adroits & vaillans à Cheual ; ils cheuauchent court, les jambes courbées ; & ce- pendant nc laiffent pas d'y eftre fort adroits , & ont vne telle addreffe , qu'en che- minant au grand trot , ils fautent de deffus leur Cheual , lorfqu'il cft hors d'aleine, fur yn autre qu'ils meinent àla main, afin de mieux fuir lorfqu’ils font pourfuiuis; & le Cheual qui ne fent plus fon Caualier,vient auffi tot prendre la main droite de fon Maiftre, & le fuit toufioursen rang pour eftre mieux difpofé loríqu'il you- dra monter : au refte c'eft vne certaine forte de Cheuaux mal-faits & laids, mais bons au poffible pour la fatigue : car pour faire des courfes de vingt à trente licués d’vne traite;il n'appartient qu'à ces Baquemares (αἰ πῇ appellent-ils ces for- tes de Cheuaux ) qui ont le crin du col fort touffu & pendant iufqu'en terre ; & la queué de mefme. Leur nourriture ordinaire n'eft pas du pain s'ils ne font parmy nous, la chair de Cheual leur eft plus appetiffante que celle de Bœuf, de Brebis ou de Bouc; car pour des Moutons ils ne fçauent ce que c’eft : & encore lorfqu'ils efgorgent vn Cheual , il faut qu'il foit fort malade, & tout à fait hors d'efperance d'en pou- uoir plus tirer de feruice , auparauant qu'ils fe refoudent à letuer; & meíme quand le Cheual feroit mort de quelque maladie que ce fuf , ils ne laifferoient pour cela de le manger : ils font diuifés par dixaines lorfqu'ils yonta la guerre, & quand il fe trouuc dans la trouppe vn Cheual qui ne peut plus cheminer, ils l'ef- gorgent , & Pils trouuent de la farine, ils y meflent le fang auec la main , comme Pon feroit celuy de Pourceau pour faire des boudins; puislefont boüillir & cui- re dans vn pot, & en mangent par grande delicateffe: pour la chair ils l'appreftenc ainfi : Ils la coupent en quatre quartiers , ils proftent trois de ces quartiers à leurs camarades qui n'en ont point ; & ne retiennent pour eux qu'vn quartier de der- riere , lequel ils coupent par roüelles les plus grandes qu'ils peuuent à l'endroit le plus charnu , & efpaiffes feulement d'vn à deux poulces, le mettent furle dos de leur Cheual qu'ils fellent deffus , le fanglant le plus fort qu'ils peuuent, puis mon- tent à Cheual , courent deux ou trois heures en chemin faifant, car toute l’armée . va de mefme train , apres ils redefcendent , le defellent , retournent leur roüelle de chair , & auecle doigt recueillent l'eícume du Cheual , & en arroufent ce mets de peur qu'il nefe deffeiche trop ; cela faic ils le reffellent & reffanglent bien fort comme deuant , recourant de nouueau deux ou trois heures, & alors la chair eft cuite à leur gré, comme fi c'eftoit vne eftuuée;voilaleurs delices & leursragoufts. Pour les autres endroits du quartier qui ne fe peuuent couper par grandes roücl- les, ils les font boüillir aucc vn peu de fel fans Pefcumer : car ils eftiment qu'efcu- mer le por, c’eftjetter hors toute le meilleur fuc & faueur dela viande. L'eau cft toute leur boiffon , s'ils en rencontrent ; car l'eau mefme leur eft fort rare, & tout le long de l'hyucr ils ne boiuét que de la neige fondué; ceux d'entr'eux qui sótles DE LA TARTARIE. 27 plus accommodez, comme les Morzas, c'eftàdire, Gentil-hommes , & autres qui ontdes lumens,en boiuent le lai&;qui leur tient lieu de vin & d'eau de vie;pourla graiffe de leurs Cheuaux 115 en affaifonnent du miller & du gru d'orge & de fara- zain , car ils ne perdent rien, & dela peau des Cheuaux ils fçauent tous la manie- re d'en faire des brides, des cordelettes , d'en couurir desSelles & d'en faire des foüets , dont ils chaffent leurs Cheuaux, car ils ne portent point d'efperons ; pour le Pourceau ils n'en mangent non plus que les luifs. S'ils peuuent rencontrer de la farine ils font des galettes fous les cendres, & leur plus ordinaire manger eftle millet,le grain d'orge & de farrazain ;ces fortes de grains fe cultiuent chez eux; ils fe nourriffent aufli de Rys qu'on leur apporte de dehors; pour des fruiéts ils en ont, le miel y eft fort commun; ils l’aiment fort; & en font auffivn breuuage, mais fans boüillir : de façon qu'il caufe de furieufes tranchées. Ceux qui habitent les Villes font plus ciuils, ils font du pain approchant du noftre ; ils ont auffidu Bre- ha, qui eft compofé de millet boüilly ; ce breuuage eft efpais comme laiét, & ne laiffe pourtant d'enyurer : ils boiuent auffi de l'eau de vie qu'en leur apporte de Conftantinople ; il y a vn breuuage que les pauures font, quin'ont pas moien d'achepter du Breha; voicy comme ils font. Ils mettent dans yne barrette du lai& de Vache, de Brebis, de Cheure , le battent & en tirent vn peu de beurre ; ils gardent le refte dans des c ruches, cebreuuage s'aigrit; c'eft pourquoy ils en font prefque tous les iours. La Nation cft affez lobre, elle vfe peu de fel; mais beau- coup des efpices, entr'autres du Piment. Ils font encore vne autre forte de breuuage, comme font ceux de Madagafcar ; lors qu'ils ont fait boüillir leur viande auec vn peu de felfans efcumer, comme nous auons dit , la chair eftant cuite ils en gardent le boüillon; ils appellent cette boiffon ou boüillon fchourba , & le font chauffer, quand ils en veulent boire. Lc Cham, qui eft leur Roy, ayant commandement du grand Seigneur d'en- crer dans la Pologne , mettra quelquefois fur pied vne Armee de quatre-vingts mil hommes و‎ lors qu'il y eft en perfenne : car autrement leurs Armées ne font d'ordinaire que de quarante à cinquante mil , lors que ce nc 人 qu'vn Morfa qui les commande. Leur entrée dansle pays ennemy n'eft d'ordinaire qu'au commancement de lanuier & toufiours en Hyuer, afin que les Marefts & lesri- uieres ne les puiffent empefcher de f'eftendre. La montre eftant faite ils font ad- uancer l'armée : mais il faut remarquer qu'encore que le Crim foit com- pris entre les paralelles de quarante-fix & quarante-fept degrez de hauteur, neant- moins les campagnes defertes qui font au Nord de leurs pays , font l'Hyuer tou- tcs couuertes de Neiges, iufques en Mars : c'eftce quileur donne hardiefle d'en- treprendre vne fi longue courfe , car leurs Cheuaux ne font point ferrez , & la Neige leur conferue le pied: autrement la dureté de la terre , en temps de ge- Kc leur gafteroit la corne. Les plus riches ferrent leurs Cheuaux aucc de la corne de Bœuf , & la coufent aux pieds de leurs Cheuaux auec du cuir, ou clou, mais cela dure bien peu & fe perd facilement : c'eft pourquoy ilsapprehendent fort : vn Hyuer qui n'eft point neigeux, comme auffiles verglas. Pourleurs marches ilsne font que petites iournées, d'ordinaire de fix lieuës de France, & reglent fi bien leur temps & leurs mefures qu'ils puiflent eftre de retour auant que les glaces foient fondués,prenant leurs routes par des Valons qui femblent fe bailler la main Ivn à l'autre , & cela pour fe couurir & n'eftre cfuentez des Cofaques qui font aux cícoutes en diuers lieux , pour apprendre leur route , & en donner l'alarme au pays. Le foir quand ils campent, ils ne font point de feux pour la mefme rai- fon, & enuoyent deuant battre l'eftrade & taíchent d'attraper. quelque Cofa- que , afin d'auoir langue de leurs ennemis. Ilscheminent cent Maiftres de front, ceft à dire trois cens Cheuaux, car chaque Tartare en meine deux en main qui luy feruent de relais; leur front peut bien auoir huit censà mille pas, & de hau- teur ils font bien de huit censà mil Cheuaux, qui tiendront plus de trois grandes ty 24 RELATION lieués , voire quatre de file quand ils fontainfi preffez , car autrement ils filent vns queuë de plus de dix lieués; quatre-vingt mil Tartates font plus de deux cens mil Cheuaux : lesarbres ne font pas plus efpais dans les bois , que les Cheuaux font pour lors dans la campagne ; femblables, quand on les voit de loin ; à quelque nuage qui fefleue fur l'horifon, & qui va croiffant à mefure qu ils cfleuc ; ce qui don- ne de la terreur aux plus hardis, qui n'ont pas accouftumé de voir de telles legions enfemble ; ainfi cheminent ces grandes Armées , qui font des ροίέες d'heure en heure, enuirond'vn quart d'heure de temps pour donner loifirà leurs Cheuaux d'y- riner, lefquels font fi bien dreflez, qu'ils n'y manquent fi toft qu'ils font arreftez ,& lorsles Tattares defcendent de deflus, & fe mettentauffià faire de l'eau : puis ils re- montent incontinent & pourfuiuent leur chemin ; tout cela fe fait au feul coup d'yn fifllet , & fi toft qu'ils approchent de la frontiere , enuiron de trois ou quas tre licués, ils font vn alte de deux ou trois iours , toufiours en vn lieu choifi , où ils penfent eftre à couuert:alors ils font prendre haleine à leur armée;qu ils difpofent de cette forte. Ils la diuifent en trois ; les deux tiers font deftinez pour faire vn corps, & l'autre tiers ils le diuifent encore en deux ; vn de ces corps f'auance fur la droite & l'autre fur la gauche; ainfi difpofez, ils entrent dans le país : le corps d'armee va lentement auec les aifles و‎ mais continuellement , iour & nuic , fans donner plus d'vne heure à repaiftre à leurs Cheuaux fans faire au cun dommage iufques à ce qu'ils foient bien entrez 60. ou So. licuës dans le pays. Lors qu'ils font fur la retraitre , le Corps de l'armée va toufiours le meíme train que le refte,& alors le General detache les aifles:elles courét chacune de leur cofté iufques à cinq ou fix licués loin de leurs Corps. Poubliois à dire, que chaque aifle qui peut eftre de hui& à dix mil fe diuife derechef en dix ou douze troupes , qui peuuent eftre chacun de 5.4 600. Tartares,qui vont par cy par là dans les villages, les alliegent en faifans quatre corps de garde autour du village , auec de grands feux toute la nuiét, de peur qu'aucun payfant ne leur efchappe;puis pillent & brü- lent, & tuent tous ceux qui leur font refiftance, & prennent ceux qui fe rendent; hommes, femmes, enfans à la mammelle, beftiaux;cheuaux, boeufs,vaches,mou- tons, chevres, &c. Pour les cochons ils les affemblentle foir les enferment dans vne grange ou autre lieu , puis mettent le feu aux quatre coins, pour l'horreur qu'ils ont de fes animaux. Ces aifles, comme nous auons dit, n'ayant pas ordre d'aller plus loin que cinq ou fix lieués Pen retournent aucc leur butin trouuer leur Corps qui eft facile à trouuer ; car ils laiffent yn grand Eftrac, d'autant qu'ils che- minent plus decinq cens cheuaux de front ; de facon qu'ils n'ont quà fuiure la trace, & en quatre ou cinq heures ils rejoignent leur Corps d'armée, où eftant ar- riuez,il fort en mefme temps deux autres aifles de pareil nombre que les premiers; Pyna la droite, l'autre à la gauche, & vontfaire le mefme rauage queles pre- miers, puis retournent, & laiffent la place à d'autres troupes fraifches,fans que ia- mais leur Corps foit diminué, faifant toufiours les deux tiers de leur armée, qui ne va, comme nous auons dit, qu'au pas; afin d'eftre roufiours en haleine, & preft à combattre l'armécPolonoife.Ils ne retournent iamais par où ils font entrés,ils fen Ccartent au contfaire, & font vne efpece de ronde , afin de pouuoir mieux éuiter la rencontre de leurs ennemis : mais quand ils font rencontrez des Polonois, ils leur ioüent beau jeu, & les font retourner plus vifte que le pas; au refte apres auoir bien couru & rodé & faitles courfes, ils rentrent dans les campagnes defertes de la frontiere, qui ont trente à quarante lieuës d'eftendué, & fe voyant enlieu de feureté font vnc grande alte, reprenent leurs efprits, & le remettent en ordre, principalement lorfqu'ils ont efté pourfuiuis par les Polonois. Dans le temps de cette alte, qui eft d'vne femaine , ils mettent enfemble toutle butin, qui confifte en beftiaux & en efclaues , & partagentle tout entr'eux :les plus durs feroient touchez de voir en ce temps-là la feparation d'vn mary d’auec fa femme , d’vne mere d’auec fa fille , fans efperance de fe pouuoir iamais re- DE LA TARTARIE. 29 uoir:car les vns font deftinez pour Conftantinople ; les autres pour le Crim, & les autres pour la Natolie : ils violent les filles و‎ forcent les femmes pre- fence de leurs peres & de leurs maris ; circoncifent leurs enfans deuant eux : Enfin le cœur des plus infenfibles fremiroit d'entendre les chants , les pleurs & gemiffe- mens de ces mal-heureux Rus. Carcette Nation chante & hurle en pleurant; voila en peu de mots comme les Tartares font des leuces & des rafles de peu- ples, quelquefois de plus de cinquante mil ames, en moins de deux femaines. Difons maintenant comme les Tartares entrent l’Efté dans la Pologne , ilsne font d'ordinaire que dix à vingt mil hommes د‎ d'autant que s'ils eftoient plus grand nombre ils feroient trop toft delcouuerts. Quand ils fe voient à vingt ou trente lieuës de la frontiere , ils divifent leur Armée en dix ou douze trouppes, chaque trouppe peut eftre de mil Cheuaux: ils enuoient la moitié de leurs trouppes , qui font cinq ou fix bandes, à la droite, cfloignées les vnes des autres d'yne licué 82 demie, ὃς de mefme en font-ils de l'autre moitié de trouppes qui tiennent la gauche à pareille diftance ; faifant ainfi vn front-dc dix à douze lieués, & auec des coureurs quivont deuant de plus d'vne lieué pour prendre langue & mieux dreffer leur route. Ces Tarta- res entrant auec cét ordre dans la frontiere , courent entre deux fleuues, & vont toufiours par le plus haut pays & au deflus des fources des riuieres , & par ce moyen ne trouuent point d'obítacles dans leurs courfes; pillent & raua- gent comme les premiers , mais ils n'entrent point dans le pays plus de fixà dix lieuës , ny demeurent que deux iours , & s'en retournent chacun en fon quartier ; ces Tartares là font libres ; & ne reconnoiffent ny le Cham ny Je Turc; font leurs demeures dans Budais , qui cft vne plaine entre la bou- che du Nieper & celle du Danube, oü ils eftoient de mon temps bien vingt mil refugiez , ou banis : ces Peuples font plus vaillans que ceux du Crime , plus aguerris ; eftans tous les iours dans les occafions. Ils font auffi mieux montez que les autres, dans ces plaines qui font comprifes entre le Budziak &l Vcranie 5 Il y a ordinairement huit à dix mil Tartares ذ‎ feparez en trouppes de mil chacune, cfloignées les vnes des autres de dix à douze lieués pour chercher leur fortune , & ne le point nuire les ynes aux autres. Il eft difficile de les éuiter pour le peril qu'il y a à trauerfer ces campagnes : Les Colaques les voulant paffer, vont en Tabor, c'eft a dire, qu'ils cheminent au milieu de leurs Chariots, mettant huit ou dix Chariots de front, & autant für le derriere & cux au milieu, auec des fuzils & demi-picques, & des faulx enmanchées de long , & les mieux montez au- tour de leurs taborts , auec fentinelles auancées d'vn quart de lieuë , à la te- fte, à la queue , &auffi fur chacune aifle pour defcouurir de plus loin ; & s'ils voient les Tartares ils donnent fignal, lors le Tabort s’arrefte : Siles Tartares font defcouuerts, les Cofaques les battent : mais auffi fi les Cofaques font defcouuerts les premiers,les Tarraresles furprenanc,les attaquent daas leurs taborts: Enfin ce- luy qui defcouure le premier a toufiours l'aduantage. le les ay rencontrez plu- fieurs fois : cinq cens Tartares nous vindrent charger en queué dans noftre Ta- bort , & bien que ie ne fuffe accompagné que de cinquante à foixante Cofaques ; ils ne nous peurent rien faire , & auffi nous ne peûmes rien gagner fur eux, car ils n'approchoient pasde nousà la portée de nos armes : mais apres auoir fait plu- fieurs feintes de nous attaquer, & de nous enuoyer des nués de fleches fur la tefte , car ils tirent par arcade, bien le double de la portée de nos armes; ils fe retirent , fe cachent , afin de furprendre quelquautre trouppe. Ces campagnes font couuertes d'herbes efpaifles de deux pieds de hauteut; pour empefcher que l'on ne les puiffe reconnoiftre à l'eftrac ou pifte د‎ qu'ils laifferoient s'ils cheminoient en corps: ils fe diuifent en petites trouppes , de dix Cheuaux , & marchent au grand trot ; tellement que l'herbe qu'ils ont foiillée fe releue du ¡our à l'autre ; fe rendent ainfi au rendez-vous. Si les T uj Le Genril- homme Po- lonois dit, qu'illeur a vcu conduire leurs Chc- uaux dans ces ren- contres jet- tent dc la main ع4‎ l'eau aux yeux د‎ les faifans ainfi tourner du cofté oppo- fé. 30 RELATION Polonoisou Cofaques les defcouurent ils montent à Cheual, les Tartares ne les attendent gueres fils ne font de beaucoup plus forts; lors mefme qu'ilsle font , ils ne les attendent point de pied ferme ; ils f'efparpilleront comme Mouches, c'eft à qui fuira de fon coité, & tirent en retraitte auec l'arc, à bride abbatué, fi dextrement qu'ils ne manquent point de foixante à cent pas d'attrapper leur homme : les Polonois nc les peuuent pourfuiure , car leurs Cheuauxne font pas de fi longue haleine que les leur : Les Tartaresfe raffemblent de nou- ucau à vn quart de lieuë de la, & recommencent àfaireleur décharge de front fur les Polonois; & puis quand on les enfonce ils s'efparpillent de nouueau. & tirent toufiours en retraitte fur la gauche , car fur la droite ils ne peuuent, & ainfi fatiguent tant les Polonois qu'ils les contraignent de fe retirer. Lors que l'Armée veut paffer le Boriftene, qui eftla plus grande riuiere de ce pays ; ils cherchent des lieux ou les riues foient acceffibles de part & d'au- tre , cependant chacun d'eux fait prouifion de jong ou rofeaux, & en fait des petits fagots longs chacuns de trois pieds, & gros de dix à douze poulces , ef- loignez l'vn de l'autre d'vn pied auec trois baftons mis de trauers au deflus bien liez , & au deffous vn de coin en coin auffi bien lié, qu'ils atrachent à la queué de leurs Cheuaux ; puis le Tartare met la felle de fon Cheual fur fon flottant , fe defpoiiille , met fes hardes fur fa felle , fon Arc, flefches & fabre , le tout bien lié & attaché enfemble , puis tout nud , vnfoüct en fa main entre en la riuiere , chaffe fon Cheual la bride für le col, laquelle il tient toutesfoisd'vne main, & tantoft de l’autre auecle crin du col , & ainfi faifant aduancer fon Cheual le fait nager , & nage aufli toufiours d'vne main , & de l'autre tient le crin & la bride qu'il ne lafche iamais, & conduit ainfi fon Cheual , le fait aduancer auec fon foüet , tant qu'il ait paflé & trauerfé la riuiere : quand fon Cheual prend pied à l'autre riuage, & qu'il n'a plus d’eau que iufques au ventre; il l'arrefte& deftache fon flottant de la queue de fon Cheual qu'il porte à terre , & a meíme temps qu'vn paffe , tous les autres paffent auffi : car ils font bien yn front de demic licué le long de la riuiere ; tout le beftail paffc de mefme. : E) ἢ Tad tr a SE SONS GT ΠΣ RT eee] e N] e i S i 5 E ra) sò e E rro ^ n i e ἐπ dua e = cet e M Aa os e ἮΝ s bae ESSE o o now 6 x | e dy, Aquiles alle NW Ca se “ils gelllal Le de 一 一 一 一 4 vec MT er T EI, ks iU MAR ١ ie AE عبد لله‎ οἷς Solto مروانحمار‎ ele APE A die IS معاي‎ | peine τ مدا‎ voir - del, ἘΠ ἘΠ | os UN | Wr Mis بك‎ Er e Li loe cil a E 55 RAGE. à TES -一 一 一 一 一 , eni eno Ὁ E A ol lu والبد‎ pe ER — | “ie rl a» is P. its Xem c ἀν ابوحعفرهارون:‎ rel P AS 5 حمدمعتصمبالله‎ ue | 2 alles RUN. | dada ex 3 | d x gm LO» bino y) : IATA) È | ini. : CUBE. È co “ἢ He | UR FA | MUTET. Besos! RE FREU us E dl eS All لعا‎ ἘΣ | alles: 1 ἐπ ais. I ALI 5 9 ji cy de NIC ον, Carrà 11 7 si A COTES SS INE ^ δ CARTE DE LA COLCHIDE | APPELEE MAINTENANT | MENGR ELIE. ET PAR cevx Dv pays , ODISCI. Abbaschi hodie Abbassa LY, À ١ CAVCASVS M al À S'rirante È ii io e a —— Este t فلل‎ a y ^5 لا‎ 3 Y ὡς PD a (j ( Lo » f e ar da L eg one A m pone لد‎ ade) STRA 4 una? i ^ E sso. NN ? Turcs trafigue Nez. SISIVI 4 MENE REL LITE. Wefk. ILE. P. ARCH ANGE 1. ل‎ 74 8 ERES Miffionnaire de la Congregation de la Propagation de la Foy. E pays que les anciens ont appellé Colchide cft nommé Odifci par ceux qui l'habitent maintenant , ὃς Mengrellie par les autres ; La Mengrellie au Leuant eft bornée par le Royaume d'Imereti , autre- e ment Balaciaciuch, & au Nort parles Ábcaffes. La riuiere du Fafe que ceux du pays appellent Rione, les fepare du pays d'Imereti, & de Gu- riel, & le fleuue Coddors, qui ie croy eftre le Corax des anciens, les fepare des Abcaffes; Au Ponant elle pour bornes le Pont Euxin, & le Mont Caucafe entre le Leuant & le Septentrion. Ammiam Marcellin croit que ces Peuples tirent leur origine des Egipriens, fondé peut eftre fur le rapport de Diodore Sicilien , qui dit, que le Roy Sefoftris ayant fubjugué la Schytie , 121112 fur les bords de la Palus Marotide vne Colonie d’Ægiptiens, qui obferuoient encore de fon temps la Circoncifion , & femoient beaucoup de Lin comme les Agipriens. Pour moy i'y adjoufteray cette conue- nance, qn ils font comme eux attachez à l'interpretation des fonges, tout leur ene tretien du matin eftant des fonges qu'ils ont cu en la nuiét. Lc Chefilpes ou Roy Dadian eftle plus puiffant des Princes de ces quartiers. Chefilpes fignifie Roy, Dadian eft le nom de fa race , elle ne vient point des Rois de Georgie , mais d'vn de leurs Miniftres , qui víurpa la partie de cér Eftat dont il citoit Eriftaue ou Gouuerneur ; les anciens Roys de Georgie fai- foient refidence dans la Ville de Cottatis , ὃς gouuernoient leurs autres Eftats par ces Eriftaues. Le plus confidere de tous eftoit l'Eriftaue d’Odifci ou Colchide, nommé Dadian. Vn de ces Roys de Georgie, quitenoient alors tout le pays qui eft entre la mer Cafpiene , & le Pont Euxin iufques à Tauris & Arzeram, & du cofté du Nort iufques à Caffa , diuifa fes Eftats entre plufieurs Enfans qu'il auoit, ne retenant pour luy que les Prouinces de Bafciaciüch , d'Odifci, de Samíche ὃς de Guriel : lefquelles il laiffa mefme gouuerner à les Eriftaues. Le Turc d'vn cofté profitant de fa foibleffe, luy prit la Ville de Teflis à huic iournées de Arzerun ,le Perfan luy enuahit Tauris & toute cette partie de fon Royaume, qui eft entre Tauris & Gagueti ; cét Eltar eftant écorné de la forte , les Eriftaues , ou Gouuerneurs des autres Prouinces, fe trouuerent quafi auffi puiffans que luy , & ne fongerent plus qu'aux occafions de fe rendre Maiftres abíous de la partie de 'Eftat, dont ils eftoient les Gouuerneurs. Vn ¡our que tous fes Gouuer- neurs eftoient à fa table , l'E(chaníon prefenta à boire au Roy furla fin du difné, & aux autres grands du pays eníuite , felon la couftume , qui veut aufh que tous =, CA XM a JS È a) ANA ANG. 7 ZA Des Princes qui regnent maintcnant dans la Cole chide. 32 RELATION ceux aufquels le Coupier en prelente, luy faffent apres quelque regale fel on leur condition; apres le Roy ; on prefentale verre à Dadian > lequel auparauant que de faire fon prefent , demanda à Artabeg, vn de ceux qui cftoient aupres luy & qui paffoit pour le plus magnifique & le plus liberal de cette Cour , quel pre- fent il auoitrefolu de faire au Coupier : Artabeg luy dit qu'il luy donneroir cent efcus d'OF, & Dadian regla fon prefentlà-deffus. On prefente enfuitte le verreà Artabeg , qui promità cet Officier , non pas cent cfcus, mais mille; Dadian s’en offence & fansauoir efgard au refpe& qu'il deuoit à fon Prince fe jette fur Artabeg & luy couppe la barbe auec fon Poignard : Artabeg ne püt pas s'en reffentir par refpe& qu'il portoitau Roy, & le Roy mefme n'ofa pas entreprendre de punir l'infolence de Dadian, qui eftoit prefque auffi puiffant que luy dans fes Eftacs. Mais quelque temps apres Dadian ayant fuiuy vn Cerf iufques fur les terres du Gouuernement d'Artabeg , les gens dArrabeg , qui le trouuerent feparé de la trouppe , le prirent & le menerentà leur Maiftre, qui le fit mettre dans vn Ca- chot; on crut que Dadian eftoit tombé dans quelque precipice, & on le pleura comme mort. Apres auoir efté quelque temps dans cette prifon , Artabeg le vinttrouuer , & dans les autres conuerfations qu'ils eurent enfemble , Dadian luy fait confidence de la penfée qu'il auoit euë de fe rendre Maiftre de fon Gouuerne- ment, & luy reprefenta la facilité qu'il auroit à faire la mefme chofe. Artabeg luy faitla mefme confidence , luy dit qu'il auoit eu le mefme deffein : ils concer- tent enfemble les moyens d'y reüffir, &les Peuples de leurs Gouuernemens , qui cftoient accouftumezà leur obeir , n'eurent point de peine à reconnoiftre pour Roys,ceux qui en auoient def-ja la puiffance,fous le tiltre d'Eriftaues. Le Roy mé- me fut obligé, pour n'hazarder pas le refte de fon Eftat , de receuoir les Miniftrés pour fes Compagnons , iufques-là que fes fucceffeurs ont fait des alliances auec cux , mais ces alliances n'ont pas empefché depuis, qu'ils nayent fait fouuent la guerre au Roy d'Imereti. | Le Prince qui regne aujourd'huy dans la Mingrellie,fe nomme Leuan Dadian & cftle cinquiefme Roy de farace & Fils de ce Prince Munacchiar,qui eftant vn iour à la Chaffe heurta fi rudement contre vn Caualier, que fon Cheual s'eftant ren- uerfe, il y perditla vie. Le Prince d'aujourd'huy eftoit alors fort jeune, & vn de fes Oncles du cofté de fon pere ; nommé George Lipardian, gouuerna durant fon basaage. Il efpoufa depuis la fille d'vn Prince des Abcaffes de la famille de Sciarapfia fort aimée de ces Peuples. Lipardian,quoyque fort aagé,le maria aufli & prit vnejeune Dame nommée Dareggian de la Maifon de Ciladze:Cette Prinz ceffe prenoit plus de plaifir ala conuerfation de Dadian qui eftoit de fon aage, qu'en celle de Lipardian fon mary , & cependant que Dadian ne fongeoit qu'à fe fatisfaire dans la paflion qu’il auoit pour elle ; fon premier Miniftre ou Vuifir nommé Paponia f'infinua dans l'efprit عل‎ 12 Reine auec vn fi grand éclat dans toutle pays, que Dadian la repudia, conformément aux loix de l'Eglife Grecque, & luy ayant fait couper le nez, laremena à la tefte dvne Armée iufques fur les terres de fon Pere. Pour fon Miniftre il fe contenta de le tenir en prifon & de le mettre entre les mains duPrince de Guriel fon Coufin.Dadian plus amoureux que iamais de la femme de fon Oncle, l'enleua de fa Maifon, & la fait reconnoiftre de tous fes fujets pour Dalboda ou Reine.Cependant que dans le PalaisdeDadian on cclebroit , auectoutes fortes de réjoüiffances , cesnopces inceftucufes , Lipar- dian fit faire chez luy les funerailles de fa femme, comme fi elle fut morte: il fhabilla de deüil auec toute fa Cour , & la pleura quarante iours, felon la couftu- me du pays. Chacun prend party dans cette querelle, & Lipardian fe trouua fui- uy de forces tres-confiderables: mais ayant efté empoifonné dans ces prepara- cifs, fa femme demeura Reine, & le pays auroit efté en repos, fice Vuifir que ie viens dedire ; pour le mettre à couuert de la vengeance de Dadian , n'eut porté le Prince de Guriel à luy faire la guerre, n'euft traittévne ligue entre luy,lesA bcaf- fes &le DESLA MENGRELLIE 33 & le Prince de BafciaciucK ; le deffein des ligues eftoit de faire mourir Dadian & mettre en fa place yn de fes Freres nommé lofeph. On pratiqua, pour executer la conjuration , vn de ces Abcas, qui donna yn ¡our vn coup de Lance par derriere à Dadianlorfqu'il eftoit appuyé contre vneBaluftrade.L’atfaflin fenfuit,& l'on n'en a iamais entendu parler depuis. On arrefta yn des Officiers qui eftoit derriere le Prince dans le temps que le coup luy fut donné , il confeffela conjuration. Le Vi- fir fut eftranglé & fon corps diuife en plufieurs pieces, fut mis dans vn Canon chargé , & le feu y ayant efté mis, fut ainfi brifé en mille pieces. Il fit creuer les yeux à fon Frere , que les Conjurés vouloient mettre en fa place, & ne luy laiffa qu'autant de reuenu qu'il en falloit pour furuiure à fon mal-heur & à fon crime. ll prit prifonnier le Prince de Guriel د‎ luy fit creuer les yeux , luy ofta fa femme, fon fils, & donna fes Eftats au Patriarche fon Oncle, nommé Malachia : Guriel fut ainfi puny non feulement de ce crime ; maisauffi de la Scelerateffe auec laquelle il auoit fait mourir fon propre pere. Latradition du pays veut que Dadian ait fait aufli mourir en ce temps-là les enfans qu'il auoit eu de fa premiere femme, por- té à cela parle confeil de la nouuelle Reine , qui vouloit mettre les fiens enleur place. Dadian fait apres la guerre aux Abcaffes , qui durant le temps de ces troubles auoient fait des courfes dans fon pays pour vanger l'affront fait à fa premiere femme fille de leur Prince. Il fubjuga ces Peuples , & comme il ne pouuoit tirer d'eux aucun tribut d'or ny d'argent, il fe contenta d'yne cer- taine quantité de Chiens de Chaffe & de Faucons, qui cft ce qu'il y a de plus rare dans leur pays. Dadian eftant venuainfi about dela guerre ciuille, tour- na toutes fes penfées à fe rendre Maiftre d'Imereti , dont le Prince a efté autrefois fon Souuerain : il luy fait la guerre, & quoiqu'il n'ait pas encore pü fen rendre entierement Maiftre , à caufe que ce Prince a vne retraitte affeurée dans le Cha- fteau de Cottatis, qu'il n'a pas pú forcer iufques à cette heure, ila neantmoins tel- lement ruiné fesEftats qu'il fera toújours plus puiflant que luy. Le Prince qui regne maintenant a de grandes qualitez , & fil auoit efté nourry dans vn pays plus ciuil auroit efté vn des plus grands Princes de fon fiecle;il eft fort efloigné de toutes les debauches de bouche aufquelles ceux de fon pays font fort fujets,quitte méme fouuentle manger pour fes affaires & pour la chaffe,infatiga- . bleaureftedans les occafions de la guerre;prompt, fecret;braue;aimant fes fujets, les fecourát en toutes leurs neceffitez;l'on neparle plus dans fesEftats des violences qu'on y faifoit autrefois, & tout le monde y vit dans vne grande quietude ; il fe gouuerne fort fagementauecles Turcs, & Sultan Murat, au temps de la guer- re qu'il faifoit au Perfan luy ayant enuoyé dire qu'il le vint trouuer au Siege de Kerauan د‎ il refpondit que luy ny fes Anceftres ne feftoient jamais engagez ἃ le fuiure, & que le tribut qu'il luy payoit eftoit volontairc : l'autre addreffe dont il fe ferc aupres d'eux eft de leurfaire croire que laMengrellie eft le plus mauuais pays du monde. Quandilreçoit des Ambaffadeurs de Conftantinople , il enuoye des gens fur la frontiere de fes Eftats qui fe chargent de leur conduite, & les font paí- fer par des rochers, de grands bois , de mauuais chemins , & aux paffages des ri- uieres choififfent roufiours les Guésles plus mauuais ; la nuit on les fait loger dans de pauures Cabanes , où pour tout regale ils n'ont qu'yn peu de paille & de fro- mage. Quand ces A mbaffadeurs font conduits à fon Audiance د‎ il lesregoit au pied de quelque Arbre, affis fur vn vieuxtapis ; mal habillé, accompagné d'vn rand Cortége , maisde gens tout mal veftus. Au fortir de l'audiance on loge l'Ambaffadeur dafs vne mauuaife maifon, où à peine il peut eftre à couuert, & on le traitte fi mal que lorfqu'il eft à Conftantinople, il parle de ce pays comme du plus difgracié pays du monde. Il fit creuer les yeux , il n'y a paslong-temps, è vnde fes Miniftres , qui machinoit de faire foufleuer fes fujets ; il a attiré dans fes Eftats des Iuifs & Armeniens,& par leur voyelecommerce.La monnoye y a main- tenant cours; il tire beaucoup de profit de celle qu'il y fait battre: fait venir des Ar- ji Qualitez du Prince qui y regne maintenant. Diuerseftats de ceux du pays. Maifons , Baftimens. 34 RELATION tifans de tous coftez, & pour les y arrefteril les marie & leur donne quelque efta= bliffement. Il fait auffi tous les iours de grands dons aux Eglifes & aux Ecclefia- ftiques , & il n'y manque que de bons Architectes pour baftir de grandes Eglifes; car de luy mefme il y feroit fort porté. | Les Mengrelliens font diuifez en Seigneurs Gentil-hommes, Saccurs ou riches perfonnes, Y gens du peuple qu'ils nomment Moinali. Les gentil-hommes qui ont quelque titre Pappellent Ginafca , les autres Ginandi. ll ny a que les Gi- naíca qui puiflent auoir des Gentil-hommes à leur feruice. Les Gentils-hommes ordinaires ou Ginádi fe feruét desSaccurs& des Moinalli;il n'y a point de Nobleffe confiderée que celle-là : le Prince mefme prend fouuent alliance dans leur Mai- fon : perfonne ne peut f'auancer au de-là du rang dans lequel la fortune l'a fait naiftre : celuy qui eft né dans la derniere claffe du peuple » n'en fçauroit for- tir quand il feroit le plus riche homme de tout le pays. Les Ginafca ou Sei- gneurs ont les mefmes Officiers que le Prince , mais non pas en pareil nom- bre. Les Saccurs feruent les Gencil-hommes , leur font la Cour , les fuiuent à cheual dans leurs voyages & à la guerre ; & dans leurs autres beloins. Enfin les derniers du peuple leur portent du bois, les fuiuent à pied & portent leurs hardes fur leurs efpaules lorfqu'ils voyagent. Outre ces couruées ils les doi- uent encore traitter ; qui deux , qui trois fois l’année felon la quantité des terres qu'ils tiennent de luy : les plus riches doiuent vne Vache de recon- noiffance auec vne Charette chargée de Millet, de pain, de vin , & de vol- laille. Outre cela ils doiuent loger tousles Eftrangers que les Gentils-hommes leur enuoient, & les receuoir eux-mefmes chez eux toutes les fois que l'en- uie les prend d'y aller. Ils font Iuges fouucrains dela vie & de la mort de leurs fujets. Quand vne famille eft efteinte , ils heritent de fes biens , & fouuent quand elle eft reduitte à vne feule perfonne , ils la vendent au Turc pour en profiter ; ainf leurs plus grandes richeffes confiftent à auoir beaucoup de Vaf- faux, c'eft fur ce pied-là qu'on iuge de leurs puiffances, & ceux-là font eftimez , les plusriches de tous, qui ont tant de vaffaux qu'ils leur fourniffent tous les jours tout ce qui eft neceffaire pour l'entretien de leur maifon. À Leurs maifons ordinaires ne font point diuifées par appartemens;elles cófiftene en vne grande Salle , dans laquelle maiftres , valets , hommes & femmes viuent enfemble fans eftre feparez l'vn de l’autre. Il y a toufiours du feu l'hyuer au mi- lieu de la Sale, & la muraille eftant de bois & le toiét de paille , il n'y a perfonne qui fe puiffe affeurer que fa maifon doiue durer tout vn iour; le feu les reduit quelquefois en cendre en vn moment , oule vent les découurc. Ces Sales font enfumées & obfcures , car elles n'ont point d'autre ¡jour que celuy qu'ellestirenc dela porte. Ilsontles plusbeaux payfages du monde , & quittent fans regret ces Maifons;d’vne architeéture fi facile,toutes les fois qu'ils veulent changer de Pofte. L'Hyuer ilsfe mettent dans les bois,qui les couurent du vent,& où ils ont le plaifir de la chaffe.L'Efté ils cherchent leurs de meureg fur lescollines: & dans les moyen- nes faifons ils choififfent des lieux où ils puifsét ioüir des plaifirs de l’vne & de l'au- tre des deux faifons ; mais ilsf'efloignent toufiours des bords de la mer à caufe du mauuais air de ces lieux, & de la crainte des Pirates. Le Prince a plus de cinquan= te Palais, entre lefquels celuy de Zugdidi eftle plus beau: il eft bafty d'vne fort belle pierre , les dedans en font ornezàla Perfanne ; ils ont tous ordinairement deuant leurs maifons vn pré fermé d'vn fofsé & d'vne haye ; ils y plantent poura- uoit del'ombre desarbres , dont les branches font la figure d’vine pomme de pin. A l'entour de ce pré , ils dreffent des chaumieres auec quelque diftance l'vne de l'autre , de peur que le feu neles brúle toutes en mefme temps. Celle qui eft la plus proche de l'entrée du pré, fe nomme Ochos, où ils reçoiuent les Eftrangers: Apres fuiuent les autres «qui font deftinez ou pour celliers ,ou pour garderobbe; & celles-là font plus fortes que les autres, & faites en forme de tour. Le premier DE LA MENGRELLIE. 35 planche en eft enleué de terre;car autrement on y pourroit entrer crenfant au def. fous des murailles , outre que l'humidité gafteroit les meubles : Toutes ces chau. micres font difposées de la forte àl'étour de la haye qui ferme le présdans les mai- fons des Gentils-homunes, l'on baftit vne Chapelle au milieu du pré , pour n’eftre point obligez d'aller chercher la Meffe plus loin. On ne fçauroit croire combien d'auantages ils tirent de cette maniere d'habitations ainfi éloignées les ynes des autres, y trouuant en mefme temps la liberté de la vie de la campagne, & les com- moditez du fejour de la V ille. Ce Peuple cy eft fi pauure qu'il eftreduita vn lambeau de drap de laine , qui leurdefcend depuis la ceinture iufques fur le genoüil ; les perfonnes de condi- cion Phabillent d'eftotfes eftrangeres , mais à leur ceinture de cuir qu'ils portenc couuette de plaques d'argent, ils attachent , outre l'efpce , toutes les chofes qui peuuent eftre neceffaires dans vn voyage , vn Couteau, la pierre pour l'efzuifer و‎ vne efguillette de cuir large de trois doigs & longue de demie aulne, vn fufil our allumer du feu, vne petite bourfe pleine de fel, vne autre pleine de poivre & d'autres efpices , vne alaifne , du fil, vne aiguille , & iufques à vne petice bou- ie de ciré. Leurs chemifes font trauaillées auec de Por à l'endroit du col, & par enbas: & afin que l’on voye cette brauerie,ils la tirent hors de leurs chauffes,& la veíte qu'ils portent deflus eft plus courte que la chemife. Pendant les grands froids ils mettent vne efpece de iuft'au-corps doublé de fourrures , leurs bonnets font en pointe , ils 101111016121125 de nos chappeaux fort commode,mais com- me 1l n'y auoit perfonne dans le pays qui les عنام‎ imiter, ils en firent auec de l'ofier, couuert de toile cirée ; d'autres les faifoient de drap auec yn carton dedans, il yen euft mefme qui en firent de menuferie , mais tous mettoient ces chappeaux fur leurs bonnets, & ne Pen feruoient qu'en temps de pluye ر‎ ou contre l'ardeur du Soleil. La pauurete du pays pluftoft que leur vertu & leur abftinence, a banny toutes fortes de luxes deleursteftins , cela n'empefche pas qu'ils ne faffent excez du peu qu'ils ont : pour regale les iours de Feltes,1ls pillencdu Millet dans vn Mortier, en oftent Peícorce, le lauent , lecuifent , & l'ayant reduit en confiftance de paíte molle , le leruent fur vne pelle à leur conuiez ; cette patte leurtient lieu de pain, dont l'víage eit rare parmy eux : ils ne fe feruent point de fieges , & fi l’on fert vne lanche de bois outable deuant eux , elle fait aufli le feruice de plat, car onjette deffus la viande, & quand ils ont à feruir quelque chofe de liquide , ils font yn trou dansla pafte du Millet , & la mettent dans cette cauité ; au lieu de table on eftend deuant le Prince vncuir qui a trente ou quarante palmes de long , fi graif- feux & fi fale qu'ildegoufte ceux quile voyent. Dans les grands repas Pon fait toftir des Bœufs, des Porcs & des Moutons entiers, ils les feruent fur des Ciuieres : pour la volaille , apres quelle eft cuitte , ils la portenttoute embrochée à l'entrée du lieu où onla doit manger, & arrangent ces broches comme le feroientles ar- mes d vn corpsde garde ; on fert premierement le gomo ou millet ; celuy qui ena le foin court d vn boutde la table à l'autre auec vne pelle, & en fert à chacun : ils donnent apres aux plus honneftes gens,de la paíte de gomo ou miller plusfine,auec عمو‎ petite pallette , cependant que le Cuifinier met le rofty en pieces. On ferc toufiours à la perfonne la plus confiderablel'efpaule. Pour faireleur brindis lorf- que le Coupier leur prefente la taffe, ils le prient de la prefenterà celuy auquel ils le font; qui l'approche de fes levres ,en goufte vn peu, & apres auoir nettoyé l'éndroit où il a portéla levre , la renuoye a celuy qui luy a fait le brindis, qui la boittoutentiere. Ilsont en grande eftime ceux qui boiuent beaucoup fans fen- urer. Ilsauoient vn homme dansle pays, firenommé par cette vertu, que Se- phy Roy de Perfe le demanda au Prince Dadian : il fut en Perfe , & feftant ct prouué pluficurs fois auec les plus braues du pays, il en remporta toufiours la vi- toire & le prix de ces combats. Le Roy mefme voulut yn ¡our mefurer 1} Habits, Leur nour- riture. Leurs dé bauches. 36 RE LAMIRO:N Agricultu- rc. , Ghaffc. Leur ma- nicre d'en- terrer les morts. fes forces anec luy, & beur, ce difent-ils, auec tel excez qu'il en mourut; & Scedan Cilazé ce fameux beuucur retourna en grand triomphe & fort riche en fon pays. Tousles Mengrelliens fappliquent à l'agriculture, auec d'autant plus de raifon qu'on ne leur apporte point de grain d'ailleurs :la plus grande fatigue apres que lc grain eft femé,eft de le ferfoüer,pour empefcher que l'herbe ne l'eftouffe; elle y croit en grande abódance à caufe de l'humidité du pays. Toute la cápagne cft plai- nc dans ce temps-là de gens qui trauaillent, la fatigue en eft grande à caufe de la chaleur , mais ils la rendent moins fafcheufe parla bonne chere qu'ils font à ces ens de trauail & par de certaines chanfons qu'ils chantent & qu'ilsles tiennent de belle humeur ; outre que l'airen eft accommodé au trauail & comme dans la danfe les pas faccordent à la cadance , auffi dans ces chanfons leurs airs fac- commodent aux coups qu'ils donnent; dans vne trouppe de quarante hommes Pon en choifit deux qui battent cette Mufique ruftique , & afin que les battués foient plus couttes, & qu'ainfi le trauail fauance d'auantage ; ces Maiftres de Mu- fique ont double pitance le trauail de la iournée eftant finy, ils marchent en files toufiours chantant vers la maifon de celuy qui les employe , où on leur fait vn grand repas , on leur donne du vin, & afin de n'en pas manquer en ce temps-la, ils confacrent au temps de la vendange quelque tonncau de leur meilleur vin à S. George, luy promettant de n'y point toucher qu'au temps de la Fefte de Saint Pierre & de Saint Paul, qui eft le temps de ce trauail ; perfonne n'oferoit y tou- cher, leurs Preftres leurs ayans fait croire qu'il y va dela vie à rompre ce fer- ment, & cc iour eftant venu , ils menent yn de leur Preftre dans leur cellier, le- quel eftant veftu de fes habits Sacerdotaux, recite quelques Oraifons fur ce vin, perce le tonneau & en enuoye vne bourcille à l'Eglife de Saint George. La terre , comme lay dit , εἴ fort humide , les pluyes feroient fouuent verferle bled, fi elle eftoit en labour , ainfi ils fement quelquesfois fur la terre ainfi trem- pec fans la labourer , ce qui leur reüffit : Entr'autres herbages ils ont beaucoup de Choux , i'en ay veu dont letronc pefoit bien dix liures ,ils les gardent ainfi pour le Carefme , ilsleur font boüillir vn boüillon, puis ils les mettent auec du Sel dans vnMuid où il y a eu du vin,ils y adjouftent des herbes de bonne odeur,jettene de l’eau deffus , qui en moins d' yn mois deuient auffi forte que du vinaigre; les pauures gens n'ont point de nourriture plus ordinaire que celle-là. Comme ces Peuples paffent toute leur vieàla campagne; auffi n'ont-ils point d'exercice plus ordinaire que la chaffe , tout le monde en prend le plaifir : & c'eft yn prouerbe dans le pays, que la felicité des hommes confifte à auoir vn Cheual , vn bon Chien & vn excellent Faucon. Aulieu detournois le Prince faic des Chaffes folemnelles , où tous les Grands du pays font inuitez , mais celle que Dadian aime le plus, fe fait au temps du rut des Cerfs , ils entrent dans lo plus fort des bois au lieu où ils les entendenr & les tirent à coups de Fleches : dans le temps quil portoit le deüil de fa femme , & que la bien-ícance l’empefchoit de prendre ce plaifir ; il alloit aux lieux où il pouuoit entendre le bruit que font les Cerfs dans ce temps-là fe confoler par cette mufi. que , dc la contrainte qu'il fouffroit. Quand vn de leurs parents ou amis eftàl’agonie , par vne charité barbare, ils luy oftent le cheuet de deffous la tefte; & tout ce qui la peur fouftenir, & la laif- fant pendre de la forte , le malade eft promptement eftouffé : alors tout le monde de la maifon fe defchire le vifage ; f'arrache les cheueux , & cette crierie fans ordre eftant finie, ils fe preparent en cette forte à le pleurer plus reguliere- ment ; les parens, ceux mefmes de la premiere condition, oftent leurs habits , pa- roiffent nuds iufquà la ceinture. La trouppe fe diuife en deux chœurs, qui fe re- pondent l'yn à l'autre repetant plufieurs fois Ohi Ohi ; durant le temps du deüil, qui dure quelquefois iufqu'à trois ans, leurs perfonnes & toute leur mai- fon portent les marques de leur trifteffo : l'Euefque dit vne Meffe folemnelle DE LA MENGRELLIE. 33 Pour le deffunt, & tire grand profit de ces Meffes ; ellesluy valent ordinairement plus de cinq cens efcus : & comme le Roy profite de la dépoüille des Eucfques quand ils meurent, fon intereftfait qu'il tent la main à entretenir cette couftu- mc. Apres la Meffe on fait νὴ feftin al'Eue(que , & on donne de belles veftes à tous les Ecclefiaftiques qui y ont 20116. La plus grande defpenfe que font ces Peuples , (e fait dans ces occafions, car elle paíle plus loin, l'on inuite le Prince à venir pleurer le deffunt : l'on met fous vn Pauillon fes Chiens, fous vn autre fon Cheual , pour fon efpée on en dreffe vntroificfme , & ainfi des autres chofes dont il Peft (eruy. Le Prince ayant le corps nud iufqu'à la ceinture , & les pieds nuds, fe met à genoux fous chacun de ces Pauillons, fe donne quelques coups par le vifage ; pleure , fait fes oraifons, & à la fin trouue vn grand fcftin àla maifon de celuy quil'a inuité, & vn prefent pour finir cette fefte. Le lendemain de Pafques, eft leur iour des Trefpaffez ; ils portent à manger fur la tombe des morts; ils y mettent vne cage couuerte de fleurs auec des cierges allumez ; le Pre- ftre benit les viandes , qu'ils portent en fuite à l'ombre de grands Arbres qui font deuant l'Eglife ; chaque famille ayant le fien ,ils paffent le refte de la iournée à fe prefenter les vns aux autres ce qu'ils ont de meilleur, croyant que la chere , auec laquelle ils fe regalent de la forte;eft fort meritoire,& tientlieu de fuffrages pour les ames deleurs parens morts. | ١ Ces Peuples font fort cruels , & ceux du pays qui ont de l'authorité, fen fer: uent fans aucune humanite contre leurs fujets. le me fouuiens qu'vn de ces Sei- gneurs , qui auoit vn prifonnier qui luy feruoit de Tailleur , luy fit couper yn des pieds, de peur, difoit-il, qu'il netenfuit. Entretousles chaftimens dont ils pu- ni(fent les Criminels , ils tiennent que d'ofterla veuéà vn homme, eft yn des plus gtands : ils le font de cette forte. On plante quatre pieux en terre , Pon y at- tache le Criminel par les pieds & parles mains, en forte qu'il ne puiffe faire au- ‘cun mouucment : ils ont deux petits laftres ou plaques deferdelagrandeur d'vn fol, attachées au bout de deux ferremens qui s'vniffent en vn manche de bois : ils les fencrougir au feu, & lesappuyans furles yeux du Criminel, ils luy oftentain- fila veut auec vne douleur extrême , qui paroift affez dans fes effets , car tout le vifage & la poitrine leur enfle, ils font trois ou quatre iours fans pouuoir manger; quand ils coupentle poing aux Criminels , ils le font auec vn fer rougy, difant que cela empefche le fang de fortir des veines, & oftent auec vn bafton]a moüclle des os , depeur , adjouftenc-ils , qu'elle ne pourriffe. Lorfque le crime eft leger, que le Volleur a efté furpris , par exemple , en prenant quelque Vache, il en eft quitte pour payer quinze fois la valleur dela chofe vollée , dontle Roy a vntiers, l’autre la Iuftice, &le refte celuy quia cfté volé. Si le crime n'eft pasaueré, on met vne Croix au fonds d’yne chaudiere pleine d'eau , on la fait boüillir en fai- fant vn grand feu deffous, y employant dubois de ferment : l'accufé eft obligé de mettre le bras dedans & d'en retirer la Croix , au fortir on luy metle bras dans vn (ac , onle lie, onle cachete, & trois jours apres on le defcouure; fil n'y paroift point de marque de bruflure , il eft declaré innocent. Quand les preuues font moins fortes & lcs crimes de moindre confequence, on les fait iurer fur les ima- ges de leurs Saints , mais il eft ordinaire de manquer à ces ferments : & quand ils fçauent fur quel Saint on les doit faire iurer, ils vont auparauant deuant cette Image, luy confeffent leur crime, & l'aduertiffent que le lendemain ils diront tout le contraire de ce qu'ils ont confeffé ; qu'ils ne Pen fafchent point, qu'ils leur facrificront vn Mouton par exemple. C'eft pourquoy ceux qui font reduits à Pen rapporter à leur ferment, fe gardent bien de leurdire fur quelle Image ils ont deffein de les faire iurer. i On fait quelquefois combattre enfemble ceux fur lefquels tóbe le foupgon d'yn crime, ils courent lalance en arreft l'vn contre l'autre, & celuy qui eft bleffé le premier cft puny comme coupable. Les veufues qui fe ape. fi elles fonj ii) Punitioà ' es Crimi- nels. Maniere 5 d’auerer leg Crimes, 38 RELATION groffes de leur premier mary ; ne font point de fcrupule d'enfeuelir tous vifs les en- fans qui en viennent: ce qui cft encore ordinaire aux pauures gens, loríqu'ils ne fe croient pasaflez riches pourles nourrir. Ie reprefentay au Prince l'horreur de cet- te action , fa refponfe fut qu'il n'y frauoit point de remede, & qu'il ne pouuoit pas tenir regiftre des femmes qui accouchoient dans fes Eftats. di Ducofté de la terre, la Mengrellic eft fermée du Mont Caucale , & la ferocité des peuples qui l'habitent empefche que les prifonniers ne puiffent fortir de ce cofte-là. Le Pont Euxin le ferme d'yn autre ,& les riuieres du Phafe& du Corax, qui ne font pas guayables rendent des autres coftez la fortie du pays fort difficile : ainfi les Efclaues ou Prifonniers n'en peuuent quafi fortir , & ilsfe contentent, mefme d'o- bliger les Perfonnes d'Eftat de porter vne groffe chaifne. Les Mengrelliens n'ont point de loix efcrites, & la luftice ne laifle pas d'y eftre Leur Inti mieux adminiftrée , car par tout où il y ades loix, chacun tafche de les expliquer à ce en caules fn aduantage : le fens commun eft la loy deces Peuples; dans les affaires qui ne E fontpas de grande diícuffion c'eftle Prince quien cftle Iuge qui les decide à table, à la chaffe, & par tout où il fe trouue ;les plus difficiles fe terminent de la maniere fuiuante. Les parties choififfent chacune vn Iuge , entre les mains de qui ils com- promettent de leurs interefts , 8cles Iuges prennent vn Rapporteur: on f'affemble à la campagne, le plus fouuent à l'ombre d vn grand Arbre ;le demandeur paroift le premier, expofe la demande & fes moyens , apresauoir acheué il fe retire & laiffe la place à fa partie, à laquelle le Rapporteur expofe fes prerentions;le deffendeur fait fa refponfe auec la mefme liberte : l'on fait reuenir le demandeur , qui f'eftoit efloi- gne , & le Rapporteur luy communique la refponfe & la deffenfe qu'on a fait à fes demandes , & n'ayant plus rien à dire ny I vn ny l'autre, les Iuges prononcent. Cet- te maniere de iuger meriteroit d'eftre pratiquée par des Nations plus ciuiles , auffi- bien qu'vneautre couftume qu'ils ont dans leurs affaires, de ne f'addreffer iamais dire&ement à la perfonne à qui ils ont quelque chofc à demander, mais fe feruir toufiours de l'entremife d'vnde leurs amis communs:caril fen termine toufiours de laforte, là où l'aigreur aueclaquelle l'on fait ailleurs fes demandes en fait nai- ftre de nouuelles, Toute la difficulté du traitte de leurs mariages, fe reduit aux prefens qu'on eft o- 2138. bligé de faire aux parens de la femme. De mon tempson traitta le mariage du Prin- ce d'Odifci auec vne Fille du Prince de Circafles nommé Cafciach Mepe :le Prince demandoit pour fa Fille cent Efclaues chargez de toutes fortes de draps& de tapis, cent Vaches, cent Bœufs & cent Cheuaux. Quand le futur efpoux va voir fa Mai- ftreffe il eft oblige dy faire porter du vin & quelque bœuf, lesParens en font bonne chere; le ¡our des nopces,fi l'Euefque ou le Curé ne fetrouuc point pour les celebrer, ils vont dans leurs Caues, lieu qui n'eft pas moins reueré chez ces barbares que les Eglifes. Le Preftretient deux couronnes, & en mettant vnefur la tefte du mary, il dit,foit couronne N.feruiteur de Dicu, pour la feruante de Dieu N.il met l'autre fur la tefte de l'efpoufe, & dit foit couronnte la feruante de Dieu N. pour le feruiteur de Dieu N. Il cout les habits du mary auec ceux de la femme: Ilprend enfuite vn ver- re plein de vin,le prefente aux elpoux,leur Parain tenant cependát leurs courónes, & apres qu'ils onc beuleParainleur coupe le fil qui tenoit leurs habits attachés; & c'eft- là toute la forme de leurs mariages fans qu'il fe parle du confentement des mariez, Leurs guer- Tous les Mengrelliens vontà la guerre;& quoyque le pays foit petit, le Prince mer res. aifementtrente mil hommes fur pied. Ordinairement chaque trente Maifons four- niffent vn hó mc,mais toute la Nobleffe fe croit obligée de fuiure fonPrince;& com- me ces Peuples aiment fort la guerre, ils y portent auec ce qu'ils ont de meilleur, la nui&, pendant lequel tempsil n’eft pas ordinaire à ces Peuples de faire des entrepri- fes, ce ne font que réjoüiffances & que feftins , "eft dans leur Carap à qui fera plus rande dépenfe ,& c'cít pour cette occafion auffi qu'ils gardent leurs plus beaux ha- bus & leurs plus fuperbes meubles. A la Diane & au foir ils battent leurs tambours j e faits à la Perfanne : ils font de cuiure, femblablesà des Tymbales: ils ont auffi des Trompettes droites , longues de cinq pieds ; ils en mettent toufiours deux en- femble qui fe reípondentl'vn à l'autre auec yn (on plus terrible qu'agreable. Celles du Prince Dadian fonnent les premieres, apres celles du Prince Guriel puis celles de Lipardian le plus puiffant d'Odifci; & ainfiles autres felon le rang de leurs Maiftres: mais quand ces trouppes fe font rencontrées auec celles du Prince d'Imereti ; à cau- fc que fes anccítres ont efte les Maiftres de ceux de Dadian, il luy read ce refpcét de ncfaire fonner les fiennes qu'en fecond lieu. Les Mengrelliens ne gatdent aucun ordre ny difciple dans leurs combats, chacun choifit fon ennemy, & la bataille eft terminée en vn quart d'heure ; auectou: cela ils ne laiffent pas de remporter tous les ioursde fignalées viétoires {ur les fujets du Pria- ἐς d'Imereti ou Bachaciuck , quoique la nature; en les faifantles plus forts, & les mieux proportionnez Peuples du monde, femble les auoir formez auec intention de lesen rendre Maiftres : le Prince d'Imerety eft coufiours fur la deffenfiue , & lorf- que Dadian entre dans fes Eftats il fe retire dansla Ville de Cottatis , & aduertit fes fujets de fe retirer dans les Montagnes. Dadian entreprit dans ces derniers temps dc fen rendre le Maiftre ; il y fic rouler de PArtillerie ; mais comme il n'auoit pasde gens qui la fçeuffent feruir; il fut contraint de leuer le liege. Entr'autres jeux & exercices ils ont le jeu du Ballon à Cheual,les Ioueurs font ran- gez en files;celuy qui eft à la tefte jette en l'air le Ballon , & ceux qui le fuiuent taf- chent de luy donner vn coup d'arriere-main auecleur Raquette , de quatre ou cinq palmes de long ; le dernier quile prend fe metà latefte de fa file & recommance cet exercice. 4 : S INR Il n'y a pás de pays au monde où les Medeciñs foient mieux receus : ils efti- ment principalement les Medecins Italiens & Francois, & quand ils en rencontrent quelqu'vn و‎ ils font ce qu'ils peuuent pour le marier & l’arrefter dans le pays; poureux ils n'ont poiht d'autres Medeciris que certaines femmes à qui l'experience a eníeigne ce qu'elles fcauent de remedes : ellesne donnent point d'autre nourritu- re à leurs malades que du Millet, d'o ils ont ofte Pefcorce en le pilant dans vn Mor- tier; yadjóuftant quelque fcüillede Coriande, & quelque goutte de vin. Dansles plus grandes fievres ils couurent leurs malades de feüilles de Saulx ; ils ne purgent jamais leurs málades, mais à ceux qui (c veulent purger par precaution ils donnér du fuc de titimale;qui eft vn purgatif fort violenr; Ils fe feruent de l'infufion de rubarbe pour guerir lafiéure ; & ie me fouuiens que comme on cur ordonné ala Princeffe de prendre de la confe&ion de Iacinthe , l'ignorance du Medecin fut fi grande , qu'il prit vne pierre de ce nóm& fe mit à la frotter contre vnc pierre ordinaire , fi-bien que la Princeffe prit pluftoft de la raclure de pierre qué de la confc&ien de lacinthe. C'eft allez pour pañler pour grand Medecin en ce páys-lá, d'auoir des purgatifs qui pürgent beaucoup. Plus grande ء‎ l'éuacuation qu'ils font, & plus oneftime ceux qui l'ont ordonnée; ie ne fcay fi Pair du pays y fait quelque chofe, mais ie voiois fouuent que les remedes de nos Italiens , dans la dofe ordinaire, n'auoient pas affez de force pour nous purger en ce pays-là. Pourlaficure ,ils ont appris des Abcaf- fes ce remede : ils mettent le febricitant tout nud dans l'eau la plus froide du pays, & le font tenir-là par deux hommes; fort long-temps , difant que c’eft vn temede Ípecifique pour ce mal. P ioci TE Les Dames àuffi-bien queles hommes vont àcheual dans leurs voyages, les Da- ¿nes ont vn Chappeau de drap qui a la forme pointuë , eft fourré عل‎ Zibellines auec des Brodequins fort propres & brodez. Elles fe font fuiure de toutes leurs Da- imoifelles fort leftes: vn Valet porte vn marche-pied couuert de velours & garny d'argent , pour leur feruir à monter & defcendre ; & quand là Cour fait voyage, il nc fe peut rien voir de plus galand ; que ces diuerfes trouppes de Dames qui fuiuent la Princeffe , & font fi bien à cheual , qu'onles prendroit pour des Amazones. Ils font fort charitables enuers les voyageurs, les plus grands Seigneurs fe croient Leurs jeux & exercices. Comment la Medecine fc pratique chez eux. Leur mà- niere de guerir la fiéure. 40 RE BAWIMINO N Facens de faire. Eftat Ec- clefiaftique du pays. obligez de feruir ceux qui ont befoin de leurs aydes danscerencontre; & la Princef- fc vn iour ayant erouue ya pauure qui fe mourroit de froid, fes Courtifans faifans difficulté d"obcir à l'ordre qu'elle aucit donné, de le prendre en croupe, elle le fit. mettre derriere vne Fille naturelle du Prince. Lorfqwils fe faluent ; ils mettent vn genoüil en terre les vns deuant les autres, & Pay remarqué encore cette particularité ; qu'ils donnent vnc ccüillere plei- , ne de fucre à ceux quileur apportent quelque bonne nouuelle : le Prince mefme la met de {a main dans la bouche de fes:Couriers; mais aucc cela de plus د‎ que le Courier en fauançant vers luy marche fur vn tapis de vcloursque l'on eftend ex- prez pour le receuoir. i : 1 Ces Peuples reconnoifloient autrefois le Patriarche d'Antioche , ils reconnoif- fent prelentement celuy de Conftantinople , mais cette reconnoiflance ne confifte qu'à donner quelques aumofnes au Preftre quil enuoye pour lesramafler. Ils ont du refte deux Patriarches de leur Nation , qu'ils appellent Catholiques. Celuy de la Georgie a fous luy les Prouinces Cartuli ou Cardueli, Gaghetti , Baratra- lu, & Samsché : celuy d*Odifci les Prouinces d'Odifci , d'Imereti , de Guriel , des Abcaffes & des Suani. Dadian feft vfurpe auec l'Eftar d'Odifci, l'authorire d'efli- . re des Patriarches de cer Eftat ; ce Patriarche a prefqu'autant de reuenu que le Prince mefme : il eft continuellement en vifite des lieux de la dependance , & au lieu d'auoiríoin de fon troupeau, il le ruine par ces vifites fi frequentes : il ne fait point d Euefque qu'il n'en tire cinq ou fix cens Efcus. Le grand Vuifirluy donna vn iour quatre-vingts Efcus pour vne confeflion, il ne fen contenta pas, & comme le meíme Vifir eftant malade au lit de la mort l'enuoya querir pour fe confeffer vne autre fois , il fit refponfe qu'il ne meritoit pas qu'il prit cette peine, l'ayant auffi mal reconnu qu'il auoit fait la premierc : il Pobligea par-là luy promettre vne plus grande fomme: & ce qui cft de plus eftrange, c'cft que tousles trois ou quatre ans il porte au S. Sepulchre de Ierufalem tout largent qu'il a amafe , par des voies fi honteufes : croyant que ces prefents & ces offrandes l'affeu- rent du Paradis. Il y auoit autrefois douze Euefques dans le pays , il n'en refte plus maintenant que fix, car fix de ces douze Euefchez ont efté conuertisenAbbayes. D'Andra eftle premier de tous les Euefchez , il eft fcitué fur la riuiere du Corax; Moquis eftle fecond , Bedias le troifiefme , Ciais le quatriefme ;quitirefonnom de la Montagne où il cft fcitue , Scalingicas eft lecinquiefme , l'Eglife principa- le cft dedite à la Transfiguration de noftre Seigneur, & c'eft-là que font les fepul- tures des Princes du pays. Scondidi eftle fixiefme , l'Eglife eft dedite aux Martyrs. Les Abbayes font Chiaggi, t pus ; Copis, ou Obbugi où eftoient autresfois les fepultures des Princes qui ont efté transferez depuis Scalingicas. Sebaftopoli eft la cinquicfme , mais les eauës l'ont ruinée; la fixiefme eftoit Anarghia, autrefois appellce Heraclea. Ces Eucfques font plus riches que pas vn Seigneur du Pays, ils viuent dans yne diffolution fort grande , il y en a qui tiennent trois & qua- tre femmes chez eux و‎ & de mon temps vn d'eux vendit Elclaue au Turcle ma- ry d'vne femme qu'il aimoit , pour en ioüir auec plus de liberté. Ils font tous les iours le mefme pour fe rendre Maiftres des richeffes de leurs Diocefains , & cependant à caufe qu'ils ieufnent fort exactement le Carefme , ils croient eftre infiniment plus reguliers que les Prelars de l'Eglife Romaine. — Ils croient qu'il n'y a point de figrand peché que Pon ne puiffe effacer en faifant vno bonne ceuure , ainfi ils nc fe confeffent que rarement : mais quand ils fe trou- uent chargez de quelque crime , ils font vn prefent à l'Eglife , & fen croient par-là ablous : ce qui leur eft bien plus facile que de fatisfaire à la rigueur des Canons de l'Eglife Grecque où à l'auarice de leurs Confeffeurs , qui exigent de grandes fommes pour l'abfolution qu’ils demandent. Ils ont vne autre maniere encore plus aifée de purger leur confcience , c'eft jetter vn grain d'encens dans le feu apres Pauoir porté trois ou quatre fois à l’entour deleurtefte. Leurs Ab- bez & DE LA MENGRELLIE. 41 bez & leurs Preftres imitent les Eucfques dans leurs debauches & dans leur igno- rance. l'ay montré plufeurs fois à leurs Preftres vn Alphabet de la langue Geor- gienne, danslequel ils difent la Meffe, & Pay trouué que la plufpart n'en connoif foient pas vne fcule lettre. Cette ignorance ; commune à tous leurs Ecclefiaftiques, leur a fait perdre la for- me des Sacremens , ils ne baptifent les enfans qu'à l’âge de 3. ou 4. ans, ils les conduifent dans le Cellier , quieft le lieu où fe doit faire la ceremonie ; le Preftre veftu de fes parements ; benit vn grand vaiffeau plein d'eau felon le Rituel des Grecs , & fe contente de lire ce qui eft cfcrit dans ce Rituel , fans faire rien de ce quil prefcrit , & laille à faire le refte au Parain , lequel prend vn peude leur Miron ou Huille facrée au bout d'vn bafton , en marque l'enfant , les affiftans le las uent apres dans l'eau benifte parle Preftre. Quand l'Eglife cft fermée , ils ne font point de difficulté de dire la Meffe fur le feüil de la Porte de l'Eglife, leurs Calices fontde bois, vne courge leur fert de burettes & il n'y a perfonne qui ne fut (can- dalifé de l'irreuerence auec laquelle ils la celebrent. Cependant on leur paye lar- gement cesMeffes on les regale d'vn repas, & de quelque baril de vin, mais leur plus grand reuenu leur yient des Sacrifices. Ces Peuples croient que c'eftle {cul moyen d'obtenir de Dieu tout ce qu'ils luy demandent , on conduit de bon matin yne victime deuat le Preftre, qui recite fur elle quelques oraifons,en faifant mention des Sacrifices de l'ancienne Loy, de ceux d'Abel , d'Abraham, de Salo- mon, & d'autres. Ilbrufle auec vne Chandelle en cinq endroitsle poilde la befte, en forme de Croix, on faittourner trois fois la victime à l'entour de celuy qui la prefente, tous lesaffiftansluy fouhaittant durant ce temps-là vne longue & heu- reufe vie. Cette ceremonie faite, on porte la victime à la Cuifine , cependant le Preftre dit la Meffe, apres laquelle il fe rend à la maifon de celuy qui la prefentée, on donne à chacun des affiftans yn petit Cierge auec vn grain d'Encens, tout le monde eft debout , le Maiftre du logis eftant feul à genoux, deuant la vi&ime, les afliftans portent à l'entour de luy le petit Cierge & le grain d'Encens allumé, luy fouhaittent encores vne heureufe vie, & le jettent apres dans vn brafier, on le met enfuiteà table, y en ayant vne particuliere pour le Preftre , fur laquelle on fert certaines parties de la yiétime qui luy font deftinées, comme la poitrine, le dos le foye & la ratte , & à caufe que c'eft chair de facrifice , il n'y a que le Preftre qui en puiffe faire porter le refte en fa maifon auec lateíte & la peau de la befte. Ils tirent encore de grands profits des predictions qu'ils font par le moyen de leurs liures,ou de petites boulles d'argét (ur lefqnelles il y a vne croix marquée : ils font paffer pluficursfois le liure àl'entour de la tefte de celuy qui les coníulte , & l'ouurant apres au hazard, & mettant de mefme le doigt fur quelque endroit,ils di- fent qu'ils ont trouue la refponfe à l'interrogation qu'on leur a faite, que S. Geor- ge par exemple a enuoyé la fievre au malade qui les confulte , qu'il eft refolu de le faire mourir , mais qu'il pourra appaifer fa cholere , en luy facrifiant yn boeuf. Ils font le mefme aucc lcs petites boulles, iugeant, ce difent- ils; fclonl'endroit ou le rencontre la Croix qui y eft marquée. Ils croient auoir fatisfait à tous les preceptes du Chriftianifinfe en obferuant exactement les jeufnes qu'il prefcrit. Le iour de Pafques on ne parle point deCon- feffion ny de Communion. Ils vont ce iour-là 2. heures deuant le iourà l'Eglife, mais c'eft pour en fortir de meilleure heure;& commencer plütoft la débauche par laquelle ils le folemnisét,& les autres feftes pour lefquelles ils ont plus de deuotió. Leur plus grande Fefte eft celle de Saint George le 20. Octobre, le Prince fe rend à Ilori pour y affifter ; il y vient toutes fortes de Peuples, iufques aux Aba- calles & aux Soüans. L’Eglife de S.George eft fermée d'yne enceinte de murail- les qui ont bien quinze palmes de hauteur. La veille de la Fefte, le Prince y va fur le foir accompagné d' vn grand Cortége , appofe fon fcellé fur la Porte de l'E- glife 16 lendemain, apres auoir reconnu f on n'y a point touché, il leuc le fcellé, Μεῖνε. Sagrifices: La Fefte du Bauf, Superftitios desMengrel- liens. 42 RELATION & lon ne manque point de trouuer vn Bœuf dans cette enceinte » le Peuple croyant fermement que Saint George ly a fait entrer par vn miracle, & baftit fur cette fuppofition mille preiugez del’aduenir, fi le Bœuf le deffend de ceux qui le veulent prendre , il y aura guerre cette annéc-là ; Sil eft fort crotté , c’eft yne marque que l'année fera ferrille > $ il eft plain de rofte, la vendange fera bonne ; sil a le poil roux , il s'enfuiura vne grande mortalité d'hommes & d'animaux , & auffi-toft toutes ces particularitez s’efcriuent de tous coftez com- me γῆς chofe de la derniere importance. Il y a vne famille qui ale priuilege de tuer ce Bœuf, ceux-là gardent dans leur maifon comme vne relique, la Hache auec laquelle ils les tuent ordinairement : le mefmea le priuilege de le couper en pluficurs morceaux , la tefte auec les cornes fe portent au Prince; illes enrichit d'or & de pierreries, & aux plus grandes Feftes de l’année il boit dedans , il en enuoye yn autre morceau au Prince d'Imereti, lors mefme qu'il eft en guerre auecluy: Le Prince d'Imereti regale liberalementle porteur d'yn fibeau prefent, chaque far mille du pays en ade mefme fa part, & tout le refte eft diuifé par pluficurs petits morccaux au Peuple, quiles feche & les garde pour vn fouuerain remede dans fes infirmités.Sur cette opinion que le St dérobe vnBœuf cette nuit-là,ils croient qu'il leur eft permis de faire le mefme, & il m'en coufta 2. Cheuaux qu'ils m'enleuerent: la yerité eft,cóme ie lay appris de quelquesGrecs quife voulurent éclaircir dufait, & veillerent toute cette nuit , que les Preftres tirent le Bœuf auec des cordes dans l'Eglife, ce qu'ils font d'autant plus facilement;qu'ils ont fait accroire à ce Peuple trop credule qu'il y vade la vie à tournerles yeux dans ce temps-là vers ces mu- railles , & que Pon feroit percé de certaines pointes ou Fleches que l'on voit dans l'Eglife de ceSaint.Ils obferuent fort exa&ement leCarefine, & à l'aufterité dujcü- ne desGrecs;ils y adjouftent la penitéce d'aller à pied pour ceux qui vont ordinai- rement à Cheual;les femmes vont nuds pieds, les trois derniers iours de Carefine ils ne prennent aucunc nourriture , leur Carefme dure fept femaines entieres ; ils le commencent le Lundy de la Quinquagefime ; les Samedys & les Dimanches ils mangent deux foisle iour, obíeruant les autres iours du Carefme en la maniere des Grecs , & ne mangeant quc lorfque les eftoilles paroiffent. Il n'y a point de Peuple plus fuperftitieux que les Mengrclliens , cela fe voit af- fez dans l'apprehenfion qu'ils ont de la Lune , qu'ils croient eftre la caufe de tous leurs mal-heurs , ils s'abftiennent en fon honneur, de manger le Lundy de lá vian. de ; s'ils font en voya ge ils fe gardent foi gneufement de puifer de l’eau, difant que ce iour-là elle et infectée. Le premier qui découure la Lune nouuelle en aducrtit les autres,ceux qui ont l'Efpée au coité la tirent toute nuë,ou leur cou- fteau , lesautresla falüent en mettant yn genoüil en terre , auec mille autres fu- perftitions , gardant par cette raifonle Lundy comme les Iuifs le iour du Sabbat : ils chomment auffi le Vendredy , & il ya apparence qu'ayans receu le Chriftia- nifme autemps de Conftantin, c’eft de uy auffi qu'ils tiennent cette deuotion, car Conftantinle faifoit chommerà l'honneur du ¡our de la Paffion de noftre Sei- gneur. A la naiffance de leurs enfansils confultent le Curé & luy demandent ce quil deura faire poureftre heureux; le Curé, pour les entretenir dans cette creance , fait femblant de confulter fes liures , & lear donne pour confeil de sabftenir , par exemple , de manger des animaux qu'on mange auec la peau, & autres auis de cette nature. Ils ne portent point les corps de leurs morts àl’Eglife, mais tout droit au Cimetiere; on fait enfüuite le Seruice dans l’Eglife,mettanten place du Corps , au lieu du mortuaire , la Pelle quia feruy à faire la Foffe. Ils parent les Façades de leurs Eglifes desteltes des Cerfs & des hures de San- gliers qu'ilsont tuez : ils croient que cét ornement eft fort agreable à Dieu , que le bon-hcur de leur chaffe en dépend , & qu'il importe fort pour faire vne bonne pefche,que la barque du Pefcheur ait efté faite en temps heureux, & que tous ceux qui y ont trauaillé ayent cfté payez largement de leur falaire. Ils nous obligerét vn ' DE LA MENGRELLIE. 43 ioür de jetter de l'Eau benifte für yne de leur Barque furle point d'aller à la Pel che ; & comme il s'y prit beaucoup de poiffon , ils ont toufiours voulu depuis que nous fiflions la mefme chofe. Quand ils font en mer) & que le vent leur manque, ils chiflent tous pour le faire reuenir ; & quand il eft fauorable ; ils ne fouffrent point que l'on coule rien dans le vaiffeau, ny que l'on fe ferue de fil ny d'aiguille;difant que le vent demeure pris dans les tours & retours que fait le fil. Ils attribuent fouuent les difgraces qui leur arriuent, aux imprecations & aux enchantemensde leurs ennemis; Jufques-là,que jay veu vndes principaux du pays , faire porter deuantluy quantité de petites Images & de Reliques au bout d'vn bafton , pour purger l'air , ce difoit-il ,de tou- tes ces malignitez , quand ils font quelque marché , outre le prix de la chofe, ils donnent encore quelque regale au Marchand, afin qu'il la beniffe. Ils ne mettent jamais entre lés mains de l'acheteur ce qu'ils vendent : ils le jettent deuant luy ; car [115 faifoient autrement, ce difent-ils , tout ce qu'ils ont dans leurs maifons en fortiroit , & feroit perdu, fans qu'ils y puffent apporter de remede. Quand les hommes font amitié enfemble ; ils fe touchent l'un àl'autre le front aucc vn peu de Miron ou huyle fainte ; & quand l'amitié fe fait entre perfonnes de different fexe , l'homme preffe auec les dents le bout du tetton de la femme; & font per- fuadez qu'vne amitié faite auec cette ceremonie doit eftre eternelle. Nous confeillàmes vn iour vn des Principaux du pays de manger de la viande ; quoy que ce fut en Careíme , pour r'auoir fes forces abbatués par vne longue ma- ladie ; dans le temps que Pon luy feruoit vn Faifan,on luy vint dire que le Patriara che luy enuoyoit yne Image miraculeufe ; il crcác que fi elle voyoit le Faifan , elle acheueroic de le tuer ; au lieu de le guerir ; il fit reporter bien finemenc dans vne autre partie de fa maifon fort éloignée , le plat qu'on luy auoit feruy, re- ceuft auec veneration l'Image ; luy fit fon oraifon; & quand elle fut fortie ; il fe feruit du confeil que nous luy auions donné. Mais ie craindrois d'ennuyer le Le- éteur d'vn plus long recit de ces foibleffes qui font infinies parmy eux. Ie rap- porteray feulement vne maniere particuliere qu'ils ont à deuiner l'aduenir. Celuy des conuiez , à qui l'on a feruy Pos d'vne efpaule de Mouton , par exemple , apres en auoir bien ofté la chair ; confidere diligemment cét os: & fur lesremarques qu'il-y fait à fa mode, il dit ce qu'il fçait de l'aduenir ; fon iugement ainfi fait, ille redonne à celuy d'aupres de luy , & cet os fait ainfi tout le tour de la table. Vniour que ie me rencontray à table auec eux, furla fin on examina à l'ordinaire l'os d'yne efpaule de Veau qu'on auoit feruy , cét ostom: ba enfin entre lesmains d'vn jeune Efclaue Abaffa de Nation, lequel, l'examinant comme lesaurres , dit qu'il falloit que l'on eut brufléla maifon de celuy de qui ye- noit ce Veau, & en effet la chofe fut trouuce veritable ; fans qu'il y eutaucunlieu de foupçonner qu'il eut pú auoir apprisla chofe d'ailleurs. Quand ils ont à fouhaitter de la pluye pour leurs grains, ils prennent quel: que 1mage de grande deuorion,& la mettent tous les jours dans l'eau iufques ace qu'il pleuue , & croient qu'ils luy ont l'obligation de la premiere pluie qui vient en fuitte. | Ils n'auoient aucune monnoye auparauár que lePrince Dadian eut attiré le com- merce des Armeniens dans le pays,elle ne (ert méme prefentement que pour cfgaz ler les efchanges qu'ils font de leurs marchandifes; ce Prince en a fait battre dans fes Eftats aucc des Caracteres Arabes, fernblable à celle qui a cours dans la Perfe, nommée Abafli ; mais ceux du pays efliment d'auantage les reaux d'Efpagne & les monnoyes eftranges:elle leur cít d'autant moins neceffaire,qu'il n'ya point de pau- ure homme quince tire de fon lardin ou de fon beftail ce qui eft neceffaire pour fa nourriture,& pour leurs autres neceflitez,ils les ont par troc des Turcs,ou aux Foi- res du pays,dont la plus grande cft celle du mois de Seprembre,qui fe cient deuant, noftrcEglife de Cipourias:l'autre;que ie ne dois pas oublier, (e fait dans l'Eglife de ti Qui eftl'en- droit que l'è ferttoüjours au plus hon- nefte de la compagnie. Marchan= dife & mon noye du pays. 44 RELATION : Saint George le iour de la ceremonie du Bocuf. Les Turcs portent de Conftantino- ple destapis, des couuertures de lit , des felles , des harnois de Cheuaux , des arcs, des fleches, des draps, du fer و‎ du cuiure , de la laine , des toiles de coton ; & en rap- portent du micl , de la cire, dufil, des peaux de Boeuf, des Martres , des peaux de Caftor , des Efclaues, & du bois de buys: Ils gagnent beaucoup fur ce bois, & pour la valeur de quatre cens cícus de fel qu'ils apportent dans le pays, ilsen tirent pour plus de cinquante mil efcus de buys: les Seigneurs vendent fouuent leurs fubjets pour Efclaues, & de mon temps, vn de ces Seigneurs, qui vouloit auoir quelque chofe des Marchands Turcs , qui luy demandoient dix Efclaues, pour les auoir plusaifement, car la chofe s'eftoit refpandué dans fon pays, & perfonne durant ce téps-là ne paroiffoit deuant luy:il fit entendre auxEcclefiaftiques qu'il vouloit faire cclebrer vne Meffe folemnelle, apres laquelle il les regaleroit fort bien:il y vint12. Preftres, il fic fermer l'Eglife apres qu'ils eurent dit la Meffe , leur fit razer les cheueux & leur grande barbe, & les liura aux Turcs. Pay veu les maris vendre leurs femmes aux Turcs fur vn imple foupçon, en ce rencontre le Seigneur du lieu ale tiers du prix de la vente, les parents de la femme en ontvn autre, & le mary le refte. On ma dit mefme qu'vn Gentil-homme, pour auoir vn Cheual Turc qui luy plüt, donna en efchange fa propre mere. Tempera- — Lairdece payseft fort humide, & cette humidité vient de fafituation : car d'yn ture dupays. cofté il a le Mont Caucafe , d’où il fort quantité de riuieres , les boisdontil eft cou- uert empefchent que l'air ne foit agité , & le voifinage de la mer & les vents qui en viennent y apportent continuellement du broüillard & de la pluye. Les rofées y font aufli fort grandes,& cét air humide & renfermé venátà fc corrompre durant la chaleur de l'Efté , engendre beaucoup de maladies, principalement à craindre aux Eftrangers , qui deuroient pendant l'Efté quitter les Vallons, demeurer fur les hauts & ne manger point de fruits, quoy qu'il sy en trouue en grande abondance. Ceux du pays font ordinairement tourmentez du mal de ratte, qui fe conuertit en hydropifie fi Pon n'y remedie de bonne heure. Lesficures tierces & la quarte y font fort ordinaires , & durant l'Automne il y a force ficures continués. Les Gens aagtes y meurent ordinairement de catarres & de difficulté de refpirer ; la jaunifle & la letargie fait mourir les plus ieunes. Lesfroids y font aufli fort grands , & quoy qu ils ne fe faffent fentir que fur la fin de Decembre;il ne laiffe pas d'y tomber beau- coup de Neiges quelquesfois mefmes iufqu'au mois d'Avril. Le pays cft vaft & marefcageux du cofté de la mer , mais plus auant vers les Ter- resil eft fort boffu , le Mont Caucafe l'affeure de ce cofté-là des courfes des Barbares qui l'habitent , & aux endroits où la Montagne fembloit auoir laiffe quelque paf- fage, ils y ont tiré vne muraille qui a plus de foixante mille pas de longueur,laquel- le eft flanquée de fes Tours, gardée par des Moufquetaires, qui fe releuent tous les mois, & que les principaux Seigneurs de la Ville d'Odifci ont accouftumé d'en- uoyer tour à tour. Les endroits du pays du cofté dela mer , où il n'y a point de Ma- tais pour en deffendre l'entrée , font auffi fortificz de Chafteaux de bois: le pays va sefleuant auec vne pente douce depuis la marine iufques aux plus hautes Mon- tagnes du Caucafe. Ie fcay bien que Quintecurce & Pline mettent le Caucafe dans lesIndes, maisPtolomée & Pline le mettent entre la mer Cafpiene & le Pont Euxin , & Strabon remarque que Quintecurce en a parlé de la forte pour latter Alexandre. | MontCavei. Le Caucafe eft habité par des Peuples fort fauuages de differentes langues, qui ne fe eftlesheu- s'entendent point; les plus proches de la Mengrelie font les Suanes, Abcatfes, les ples qui l'ha. : : 0 > bitent. Alans,Circaffes, les Ziques,& les Caracholi. Ils fe vantent d'eftre Chreftiens د‎ quoy qu'il n'y ait ny foy ny pieté parmy eux, les plus ciuilifez font les Suani, qui ayment a fe faire inftruire; ils occupent vne grande partie des montagnes qui font vers Odifci & celles d'Imereti ; ceux-cy feruent le Prince d'Imereti , & ceux-là le Prince Dadian. Ils font d'yne taille extraordinaire, bien proportionnez, mais affreux de ; DELA MENGRELLIE, 45 vifage,braues Soldats,bonsArquebufiers,ils ont méme l'art de faire desArquebufes & de la poudre:au refte fi fales qu'ils font peine à ceux qui les regardent.Ils ne man- quent point des chofes neceflaires à leur nourriture,mais la neceflité d'auoir des ha- bits & toute forte de mercerie , les oblige à venir par troupes en Georgieau com- mencement de l'Efte,loüent leur trauail & leur induftrie, trauaillent à la campagne, & sen retournent apres la recolte, remportant pour leur falaire,non pas de l'argent, ui leur feroit inutile, mais des plaquesde Cuiure , des Chaudrons, du fer, des toi- les, des draps, des tapis, & dufel. Ilsreuiennent au commencement de l'Hyuer à Odifci, où ils fourniffent les habitans de bois, dont ils ont grand befoin à caufe du grad froid & de la qualité de leursMaifons mal fermées;& quand ie les interrogeois pourquoy ils ne vouloient point d'argent pour leur falaire , ils me refpondoient qu'en prenant en payement les chofes qui leur eftoient neceffaires, ils s'efpar- gnoient la peine de receuoir de l'argent puifqu'il le falloit remployer apres en ces mefmes marchandifes.Ces habitans du Mont Caucafe ny les autres Peuples qui font entre la mer Cafpienne & le Pont Euxin, ne fe feruent point de monnoye , & quoy que Strabon ait dit qu'ils ont beaucoup d'or & qu'ils le ramaffent dans des peaux de Mouton, ie puis neantmoints affeurer qu'il ne leur refte rien de ces richeffes fuppo- fees, ny mefme aucune memoire dans le pays qu'il y en ait eu autrefois. Les Peuples du Caucafeles plus auancez vers le Nord que les Turcs nomment Abaffas ou Abcaffes , font bien faits, bien proportionnez, ontle teint beau , adroits de leurs perfonnes, forts & propresà toutes fortes de fatigues. Leur pays eft fain, agreable, entrecouppé par des collines fort fertilles & fort riches. ls ont de grands trouppeaux , & viuent de la Chaffe, & de laiterie ; ne mangent point de poiflon quoy qu'ilsen ayenten grande abondance, & fur tout ont en horreur les Efcreuif- fes, fe raillant fouuent de leurs voifins de Mengrellie, qui en font vn de leur meil- leurs morceaux. Ils n’habitent point dans des Villes ny dans des Chafteaux , mais 15. ou zo. familles s'attroupent enfemble , & ayant choifi le fommet de quelque Colline y dreffent des Chaumieres & les fortifient de Hayes & de bons foffez ; ce qu'ils font pour n'eftre point furpris de ceux mêmes de leur pays ; ilstafchent de s'enleuerles vns les autres, & de faire des Efclaues pour les vendre aux Turcs, qui cftiment beaucoup ceux de cette Nation à caufe de leur beauté. Entr'autres façons de faire qui font particulieres à ces Peuples, ils n'enterrent ny ne bruflentle corps de leurs morts , ils mettent le corps dans vn tronc d'Arbre qu'ils ont creufe & qui fert de bierre , & l'attachentauec du ferment de vigne aux plus hautes branches de quelque grand Arbre , ils fufpendent de mefme les Armes & les habits du def fun& , & pour luy enuoyer fon Cheual en l'autre monde , ilsle font courir à tou- te bride proche de cét Arbre iufques à ce qu'il créue. S'il meure bien-toft, ils difent que fon Maiftre l'aimoit fort, & fi au contraire il refifte long-temps , ils difent qu'il atefmoigné par là qu'il ne sen foucioit pas beaucoup. le ne diray rien des Alains & des Zichi, à caufe que dans leurs façons de faire ils tiennent partie celles des Soüani & des Abcaffes. Les Cofmographes mettent les Amazones en ces quartiers & dás cette eftendué de pays qui eft entre lePontEuxin & la merCafpiene,vn peu plus vers la merCafpiene, le ne m'eftendraypoint furice que dit Plutarque qu'elles tinrent tefte à Pompée lors qu'il pourfuiuoit Methridate. Ie diray feulement que du temps que ry eftois on efcriuitau Prince de la Mengrellie , qu'il eftoit forty des Peuples de ces Montagnes qui seftoient diuifez en5. troupes, que la plus forte auoit attaqué la Mofcouic, & que les deux autres s'eftoient jettées dansle pays des Suaues & des Caracholi,autres Peuples du Caucafe , qu'ilsauoient efté repouffez , & qu'entre leurs morts on auoit Atrouué quantité de femmes,ils apporterét même à Dadian lesArmes de ces Amazo- nes,belles à voir & ornées auec vne curiofité de fémes; ceftoit des Cafques,des Cui- raffes , & des Braffars faits de plufieurs petites laftres de fer ,couchées les vnesfur les autres;celles de laCuiraffe & des Braffars r'entroientles vnes fur les autres & obeif- ti) Abcaffes; Amazones. Caratcholi ou ;Karaki- nes. “Riuieres du pays 46 RELATION foient ainfi aifement aux mouuemens du corps ; à la Cuiraffe eftoit attachée vite el: pece de cotte qui leur arriuoit iufqu'à my-jambe , d'vne eftoffe de laine femblable à: noftre ferge, mais d vn rouge fi vit qu'on l'eut prife pour de tres-belle efcarlatte : leurs brodequins ou bottines eftoient couuertes de petites papillottes non pas d'or mais de leton, percées par dedans & enfilées enfemble auec de petites cordes de poil de Cheure, fortes, delices, & tiffués auec vn artificeadmirable. Leurs Fleches de 4: palmes de longueur toutes dorées & arméesd'yn fer d'acier tres-fin, qui ne finif- foient pas en pointe,mais larges par lebout de trois ou quatre lignes comme le tail- lant d' yn cifeau. Voila ce que i'ay appris de ces Amazones , lefquelles, felon ce que m'enont dit ceux du pays, font fouuent en guerre auec les Tartares appellez Cala- mouchques.Le PrinceDadian promit de grandes recompenfes auxSuanes & auxCa- ratcholi pour auoir yne de ces femmes vie, fi iamais en vne pareille rencontre il leuren tomboit quelqu'vne entre leurs mains, Ces Caratcholi habitent auffi vers le Nord du Caucafe ; il y en à qui les appellent Caraquirquez, c'eft à dire Circaffiens-noirs ; ils font fort blancs de vilage, & cenom leur a peut-eftre efté donné à caufe que Pair de leur payseft toufiours fombre & cou« uert de nuages : ils parlent Turc, mais fi vifte qu'on a de la peine a les entendre. Pay fait quelque fois reflexion fur ce qu'ils ont conferué au milieu de tant de Na- tions differentes, la pureté de la langue Turque ; & ayant trouué depuis dans Ce- drenus , que les Huns, d'où viennent les Turcs, eftoient fortis de la partie du Cau- cafe la plus Septentrionale ; i'enay tiré cette induétion que ces Peuples tirent leur origine des Huns. : ... Tousles plus grands Fleuues de l'Afie tirent leur origine du Mónt Caucafe & du Taurus; nous ne parlerons icy quede ceux qui ayant leurs fources dans le Caucafe; trauerfent la Mengrellie pour fe rendre dans la mer-Noire. Ces Fleuues font le Phafe , lc Phafe eft le premier de tous, Procope a crü qu'il entroit dans la mer auec -vne fi grande impetuofité , que vis-à-vis de (on emboucheure ; l'eau n'eftoit point falée, & qu'ainfi on y pouuoit faire prouifion d'eau douce fans entrer dans l'embou- cheure de cette riuiere. Agricola atfeure au contraire que fon coursn'a aucune im- petuofité و‎ pour moy ie puis dire ; apres l'auoir veu plufieurs fois, quau commen- cement de fa courfe il cft fort impetueux , ὃς qu'apres eftre arriué à la Plaine , fon cours eft fi imperceptible qu'on a de la peine à remarquer de quel coftè ilcourt. Il cft vray auffi que ces eaués ne fe meflent point auec celles de la mer, ce qui leur ar- riue à caufe qu'eftant beaucoup plus legeres elles nagent au deflus : ces eaués font comme plombées à caufe, comme dit Arian, de la terre qui y eft meflée. Mais quand on les a laiffé repofer quelque temps, elles ne cedét point en bonté aux meil- leurescaués du monde. Les Anciens, par cette raifon, vuidoient leurs vaiffeaux & les rempliffoient de cette cau , qu'ils croyoientfort importante aux bons fuccez de leur nauigation. Lariuiere de Phafe fe defcharge dans la mer par deux bouches; entre lefquelles elle forme vne He où les Turcs baftirent l'année 1578. yne Forte- reffe. Amurat auoit en ce temps-là pris au Perfan la Ville de Teflis; & creut que cè Port feroit fort propre pour faire paffer plus aifément fes Trouppes à la conquefte de laPerfe qu'il auoit dans l'efprit, & à fe rendre Maiftre de la Ville de Colatis l'en- trée & la Clef du pays, de ce cofté-là. Ses Galeres remonterent bien auant dans la ri- uicre , mais ces Georgiens qui lesattendoient à l'endroit du fleuue le plus eftroit, les traitterent fi rudement qu'ils les firent retourner à l'endroit du fleuue où ils bafti- rent cette Fortereffe ; le Prince d'aujourd'huy la demolie, & en a enleué vingt-cinq pieces de Canon. Les Officiers qui la tenoient pour le Turc n'ont point efcrit à la Portela prifede cette Place; & en tirent encore aujourd'huy les mefmes émo- lumens, qu'ils tiroient lorfque leur garnifon eftoitfur pied. Au deffus de Plfle le Phafe a bien vn demy mille de largeur. Sesriues font bordées de beaux Arbres; & frequentées de pefcheurs qui y font heurcufement la pefche de l'Efturgeon. Plus baut dans cette riuiere on trouue plufieurs petites Ifles, l'vn à l’autre de cesIfles ha» DE LA MÉNGRELLIE. 47 bitez. Toutes ces maifons ont yne petite Barque faite yn tronc d'Arbre creufe que les femmes peuuent conduire : la riuiere eftant fort aifée à trauerfer en céten- droit; Arrian, quila fut reconnoiftre par ordre de l'Empereur Adrien, dit dans vne de fes lettres,qu'il auoit veu au cofté gauche de fon embouchture vne ftatué de la Deelle Rhea. Ce Temple fut confacré à l'honneur de la Vierge du temps de l'Em- pereur Zenon, & c'eft peut-eftre l'etimologie du nom Recas, que les Mengrelliens donnent aux riues des riuieres; Ven tire encore cette conjecture, que les Eglifes qui fe trouuent maintenant dedices à la Vierge, & fe voyent fur les Montagnes, peu- uent auoir efté autresfois des Temples dediez à Rhea, car on baftiffoit fur les Mon- tagnes les Temples de cette mere des Dieux, à l'imitation du changement que ie viens de dire de ce principal Temple dedié à la Deeffe Rhea, ils ont efté depuis con- àla Vierge Marie. Apres le Phafe vient le Skeni-Skari, c'eftà dire, le Aeuue Cheual , à quiles Grecs auoicnt donné le mefme nom à caufe de fa viteffe. Arrian , & tousles Geo graphes qui l'ont fuiuy, mettent d'autres fleuues entrele Phafe & le Skeni, en cela ils fe font trompez , & ie puis affeurer que le Skeni eft le premier des fleuues qui fe rendent dans le Phafe. le corrigeray icy beaucoup d'autres fautes queces Autheurs ont fai- tes dans la defcription des fleuues de ce pays; la riuiere Abbafcia & le Tachur en- tre encores dans le Phafe , l'Abbafcia eft le Glaucus de Strabon, & le Tachur ne peut cftre autre que le Sigamé d'Arrian, quoy qu'il le mette apresle Copo. Il y aen- «ore aujourd huy vn lieu nommé Sinagi par où cette riuiere paffe duquel elleauoit pris fon nom ancien. Pour la riuiere Cobo,ceux du pays l'appellent aujourd'huy Ciani Skari,elle eft ap- pellée dans les Cartes Cianeus, nommé ainfi d’yne Nation qui en habite les riues, ὃς qui vient fouuent traffiquer en Mengrellic. L'Enguria fera l'ancien Aftelphe, car Arrian le met proche du Cianeus, il def- cend aucc rapidité des Montagnes qui font habitez par lesSouani, & la chaleur faifant fondre les neiges dans ces Montagnes, il croiften forte qu'on n'y fcauroit paffer fans Barque , plus il fait chaud plus fes eaués font fraifches , & courant entre des Caillous elles fe purifient , & font excellentes. Il sy pefche grand nombre de Truites queceux du pays prennent auec des Hamecons faits de bois ; quand fes caués font fort crués on y prendaufli beaucoup d'Efturgeon. L'Heti, que l'on rencontre apresl'Engutia , n'eft point marqué dans les Cartes, peut-cftre à caufe de fa petiteffe , mais il eft fort connu parla pefche qui s’y fait d'vn poiffon qui luy eft particulier, il entre dans la mer en vn lieu nommé Gaghidas. L'Ochums paffe par vn lieu nomme Tarfcen, & c'eft peut-eftre delà que vient le nom de Tarfura fous lequel il eft marqué dansles Cartes. Apres l'Ochums l'on trouuc le Moquis, qui prend fon nom de la Ville & l'Euefché de Moquis qu'il tra- uerfe. Le dernier eft le Coddors ou Corax, il fepare la Mengrellie des Abcaffes, comme le Phafe la fepare de Guriel, où l'on parle la langue Georgienne : auff quand on a paffé le Coddors ou Corax l'on parle la langue des Abcafles, ce qui fait aflez voir que le Coddors eft l'ancien Corax, puifque felon les Anciens il feruoit de bornes à la Colchide de ce cofté-la. Il me refte à dire fur le fujet de ces mers, qu'en beaucoup d'endroits de la Men- grellie , & principalement dans les Plaines, la terre refonne quand on les paffe a Cheual, comme fi elles eftoient creufes par deffous: ce qui rend plus probable l'opi- nion que l’on a euë de la communication de la mer Cafpiene auec l'autre. Adjou- ftez que l'on trouue dans ces deux mersles mefmes efpeces de poiffons , Pon pef- che beaucoup d'Efturgeons dans la mer-Noire, & dans la mer Cafpiene, il yen a vne fi grande quantité , que le Roy de Perfe tire plus de cinquante mil efcus tous les ans de la pefche qui s'en fait à l'emboucheure de la riuiere Cirus, Polibe croit que lesriuieres quientrent dansle Pont Euxin y apportans tous les jours de nowuellesmatieres, il fe doitremplir enfin & eftre change en lac quand. Sxeni en lágue Geor- giene figni- file vne ri- ulere. Voyez la Carte Gca- graphique qui eft lapre- miere carte de ce pays, qui ait pa- ru au public. Sentimens de l'Autheur fur la com- munication de la mer Cafpiene a- uec le Pont Euxin. Pol. liu/4? 48 RELATION ellesauront bouché le Bofphore de Trace , mais la rapidité auec laquelle courent fes eaués nettoye fon lit plus haut que celuy de l'Archipel , cependant l'on voit par les Coquilles qui fe trouuent aux murailles d'vne petiteChappelle antique proche de Caffa , nommée le Cherci, que la mer seft autrefois eftenduë iufques- là dans le temps peut-eftre que le deftroit du Bofphore f'eft trouue bouché, dont les Turcs difent auoir quelque tradition entr'eux. Le Pont Euxin cft fort fujer aux tempeftes, principalementl'Hyuer; la Tramon- tane, ou vent du Nort eft fa trauerfie , & dans cette mer elle couure l'air de nuages | Ilicombr= & d'obfcurité, au lieu que dans les autres pays elle le purge & le rend plus fe- fefemper fé? rain; & Celtauecbeaucoup de raifon qu'Horace a dit , des nuages obícures cou- aguoremmbes iirent toufiours ces mers » de-là vient le nom qu'on luy donne de mer-noi- O incerta 5 : > diu, re pluftoft que de fon fable , ou fonds : Il n'y a point d'Ifles dans cette mer, fi 1 l'on ne conte pour Ifles quelques petits rochers qui fe trouuent proches de fes Co» ftes , mais il n'y aquelesglaces qu'il charie quelquesfois, quiayent pú donner lieu à ce que dit Ámniam Marcellin des Ifles flottantes , en effet il Sy voit quel- quesfois de fort grandes glaces, & du temps de l'Empereur Conftantin Copronime ces glacesabbatirent vn grand pan des murailles de Conftantinople , car l'Hyuer de l'année 766. ayantefté fort rude toute la mer-Noire fe glaça , & les Neiges qui vinrent apres feftant endurcies par le froid , on y vit des glaces de cinquante coudées d'époiffeur qui fe feparerent au prin-temps , en autant de maffes de glaces DesPoif- flottantes affez femblables à des Iflespour auoir donné fujetà ce qu'en dit Ammian pue Marcellin. Elian dit que l'on y prend beaucoup de Thons » pour moy dans tout le temps que Pay demeuré dans le pays » ie n'en ay veuqu vn feul qui fut feruy comme vn poiffon fort rare fur la table du Patriarche , & les Pefcheurs du pays ne le reconneu- rent point, mais peut-eftre qu'il a pris l'Efturgeon pour le Thon, qui y eft fort commun, on le pefche à l'emboucheure du Phafe & du fleuue Enguria depuisle mois d'Auril iufques à la my-Aouft, ils en connoiflent de 3. fortes , le Zutki, qui eft le noftre & qui ne pefe iamais plus de cinquante liures, il eft de meilleur gouft que les autres, on porte au Prince ceux de cette efpece , & on les met dans des Re- feruoirs , où i'ay obferué qu'il eft vray, comme le dit Aldrouandus, que ce poiffon ne mange point des chofes que l'on jette aux autres poiffons » & qu'il vit du limon qu'il léche & qu'il ramaffe le long des bords du lieu où il fe trewue ainfi il ne mord point à l'hamecon , & on nc le fçauroit prendre qu'auec des filets. Ils nomment la feconde cfpece d'Efturgeons Angiakia, clle n'eft guere differente de la premiere fi ce n'eften ce qu'elle a la tefte differente, la chair moins bonne, & qu'il eft beaucoup plus grand , mais les Efturgeons nommez Poronci qui font vue troifiefme efpece , font encore plus grands , & de mon temps ils en pri- rent yn qui eftoit vne foisplus gros qu'vn Bufle leur chair n'eft pas fi delicatte que celle des autres ; ils les taillent par tranches , grandes de deux palmes, COMETE qu'ils falent & font fecher au Soleil; ilsappellent ces tranches Moroni, des oeufs de faire le Ca- ces trois efpeces d'Efturgeon Pon fait le cauxal, ils les faupoudrent de fel apres les uia]. auoir mis dans quelque vaiffeau de bois, les expofentau Soleil , & les remuent plu- fieurs fois le ¡our , & quand ils ont pris vn peu de corps, ilsles mettent dans d autres vaiffeaux. L'efpece la plus petite, nommée Zutchi, rend plus d'œufs que les autres, on nc jette rien de ce poiffon fi ce n'eft certains petits os plats qui font attachez fur fa peau : il n'a point d'arreftes , mais en fa place vne cartilage tendre &:groffe d'vn doigt, qui seftend depuis la tefte iufqu'au bout de la queué , & fouftient tout fon corps. Quand on a mis en pieces l'Efturgeon & qu'on luy ofte cette cartilage, elle seftend comme vn boyau : on la feche apres au Soleil; & on la garde comme la meilleure chofe que l'on puiffe manger en Carefme. On fait du ventre de l'Eftur- geon cette colle qu'on appelle colle de poiffon ; les Pefcheurs ont des marques cer- taines pour connoiftre le temps de cette pefche , ils en iugent fur la crué des caués. ELE dëte DE LA MENGRELLIE. 40 dece fleune. Les eauës de ces riuieres viennent de neiges fondués, les Efturgeons en aiment la fraifcheur, & quittent les autres endroits de la mer pour la venir cher- cher , on les voit quelquesfois fauter la hauteur de cinq ou fix pieds hors de l’eau, fi bien qu'il eftaifé aux Pefcheurs de iuger, par le nombre de ceux qu'ils voient fauter hors de l'eau, fila peíche fera bonne. Ilsles pefchent de cette maniere. Chaque Pefcheur a {a Barque & fon filet: ils fortent à l'emboucheure de la riuiere auec leur filet qui a toute la longueur de leur Barque , ceft à dire ; enuiron quarante palmes, ils le laiffent pendre au fonds de l'eau, les pierres qui y font attachées au lieu de plomb ع1 و‎ tenant en céteftat. Les deux bouts du filet font attachez à deux cordes que deux hommestiennent l’yn fur lc deuant, l'autre fur le derriere du batteau, & quand ils fentent que PEfturgcon ἃ donné dans le filet, ils en releuent promprement la partie inferieure parle moyen de ces deuxcordes, & ayant tiré le poiffon dans leur Barque ilsluy paffent vn cor- deau à la gueule; le rejettent en mer, & le tiennent long-temps en vie attaché de la forte. Ils ont la pefche d'vn autre poiffon appellé Suia ; les Turcs le nomment Calcan Baluch , c'eft à dire poiflon Bouclier , caril en ala figure, eft plat, rond , couuert de petits os applatis, ales deux yeux d'yn mefme cofté , qui eft d'yne cou- leur qui tire fur le gris , de Pautre cofté il eft prefque tout blanc. L'on prend cette forte de poiíTon en pleine mer auec des rets qui n'ont que la hauteur d'vn homme, máis qui font fort longs , on les fait defcendre iufqu'ai fonds de la mer où ce poiffon fe plaift , fa pefche dure depuis le mois de Decembre iufqu'aù mois de May. — Ils ont vn autre poiffon appellé Cephalo ; l'Hyuer cft le temps de {a pel che, il y en a de deux efpeces ; le Cephalos, & le Cocoba , n'y ayant point d'autre difference finon que le Cocoba eft beaucoup plus petit. Il y a encore d'autres petits poiffons, mais trop communs pour qu'on fe donne la peine de les pefcher. "on voit quelquesfois dans cette mer beaucoup d'harans , & ces années-là ils 'entirent vn prefage que la pefche de l'Efturgeon doit eftre fort abondante, & en font vn iugement contraire lorfqu'il n'en paroift point; l'on en vit vne fi grande quantité l'année 1642. que la mer les ayant Jettez furla Spiage ; qui eft entre Tre- bifonde & le pays d'Abcaffes ; clle s'en trouua toute couuerte , & bordée d'vne digue de harans qui auoitbien trois palmes de haut.Ceux du pays apprehendoient que l'air ne s’empefta de la corruption de ces poiffons , mais l'on vit en mefme temps la cofte pleine de Corbeaux & de Corneilles , quiles deliurerent de cet- te crainte; & mangerent ces poiffons. Ceux du pays difent que la mefme chofe eft arriuée d'autrefois , mais non pas en fi grande quantité. Pour ce qui eft des Huitres,quand ilstes trouuent dans leurs filets ils les rejettent en mer , i'en ay ouuert de noires, & 1y ay trouué quelquesfois des Perles rouffes, femblables à celles que Pline dit auoir veué dans le Bofphore de Thrace. Lesritieres abondent en Truites , & ils ont vn prouerbe parmy eux, que dans les riuieres , furlesriues defquelles fe trouue vn certain Arbre qui porte des Efpi- nes , on y trouue auffi des Truites. Ils connoiffent deux fortes de Truites , l'vne qu'ils appellent Calmacca fort petite, & l'autre plus grande qu'ils nomment Ara- güli ces plus petites fe pefchent aufli dans la mer , mais la plus grande efpece ne fe trouuc que dans les riuieres. | Il y atoute forte deGibier dans laColchide,mais c'eft principalement le pays des Phaifans. Cét Oyfeau tire fonnom de la riuiere du Phafe für les bords de laquelle onle tronue,comme auffi dans tout le refte du pays; c'eft de-là, fi nous en voulons croire Martial, que les Árgonantes le tranfporterent dans la Grece, comme il le dit dans ces deux vers ; m Cephalo eft le méme que celuy qui eft connu en I- talie fous ce nom-là. Des Oy- fcaux. 50 u c REPBAXTON Argiua primum [unt tran fportata carina y e ante mihi motum mi mifi phafis erat. ilsle prennent πος l'Autour. Quoyqu'il y ait grande quantité de Perdrix dans la Georgie; il nc s'en voit point dansla Colchide, car elles ne Py pourroient pas con- feruer à caufe que la Colchide eft pleine d'Oyíeaux de rapine , le voifinage du Caucafe on ils font leurs nids en produifent de toutes les elpeces; peut-eftre aufli que le mefme Ciel qui porteles hommes de ce pays au Brigandage,influë les mef- mes impreflions fur les Oyfeaux. Il y ena de toutes lortes , mais principalement des Epueuiers qu'ils dreffent ordinairement en 8 jours, apres lefquels ils leur fonc voller la Caille;& les laiffent aller fur leur foy : ils ont tous des Epreuiers au temps des Cailles , & au commencement de l'Hyuer, pour ne point faire la defpenfe de les nourrir, ilsleurs donnent la liberté. Entre diuerfes fortes de Faucons qu'ilsont, il y ena de blancs plus eftimés que les autres, mais le Prince feul en peut auoir, les autres font permis à tout le monde, ainfi ils ne manquent point de Faifans ny de Canards.Les Aigles y font fort communs,ilsles prennent feulement pour auoir de leurs aifles , car ce font les feules qui puiffent feruir pour mettre au bout de leurs fleches fortlongues. Comme ce pays eft fur le bord de la mer, & plein de riuieres; il y paroift fouuent de nouuelles efpeces d'Oyfeaux. Le Prince en eft fort curieux, ila des Oyfeleurs en diuers lieux pour les prendre, &a fait dreffer yne volliere a- uec de l’eau au milieu, oül'on met les plus rares : dans le temps que i’eftois à fa Cour, il arriua que tenant confeil auec les principales perfonnes de fon Eftar, où eftoit le Patriarche auec plufieurs Euefques ; on luy vint dire qu'il auoit paru vn Oyfeau fort extraordinaire , ie luy vis quitter le confeil & monter à cheual pour l'aller prendre ; comme il fit, & apres l'auoir fait voir à toute l'Affemblée , le fit mettre dans la volliere qui cft cres-belleà voir à caufe dela grande diuerfité d'Oy- feaux qui y font. y iss "peas. Iln'ya point d'homme fi pauure dans la Colchide qui n'ait vn Cheual , car il ne. maux à qua- coufte rien a entrerenirsentre les Gentils-hommes il y ena qui en nourriffent deux tre pied cens , & le Prince en a cinq mil, on les laiffe toute l’année à la campagne. Ils ne s'efloignent point des lieux où ils ont accouftumé de paiftre , & ils y retour- nent quand ils peuuent efchapper des mains de ceux qui les ont pris, on ne les fer re point qu'en temps de guerre, autrement dans ce pays plat & où il ny a point de pierres cette diligence feroitinutile. Les Moutons n'y multiplient pas beaucoup, peur-eftre à caufe de l'humidité du pays, ils ont la laine fort fine; on trouuc vers les Montagnes des Leopards,dont ils eftiment beaucoup la peau pour parerles Har- nois de leurs Cheuaux. Il fe trouue aufli dans les Montagnes vn animal qui tient de la Chéure & du Cerf, il a le poil plus brun que celuy du Cerf, auquel il ne ced- de point en grandeur de corps, mais il a les cornes approchantes de celles de la Chéure & retortes en arriere, d'vne couleur entre le noir & le cendré , elles ont bientrois palmes de longueur. La chair de cec animal eft fort delicate & cft beaucoup plus eftimée que celle duCerf , i'enay veude cette mefme cfpece en j la Circaffie. Ils ont encores de toutes les fortes de beftes fauuages que nous auons en Europe & beaucoup d Ours 91} y ena mefme de blancs, & principalement fur le MontCyais, quoy qu'il foit feparé des autres & qu'il n'y tombe point de nei- ge ,ce qui me fait croire que les Oursblancs font vne efpece d'Ours particuliere & que la blancheur neleur vient point des neiges, puifque dans le Mont Cauca- le qui en eft toufiours couuert , il ne Pen trouue point de cette forte. Ils difent qu'il y a des Bufles fauuages fur la frontiere des Abcaffes ; auec cela beaucoup deLoups,& les Harats desCheuaux en feroient tous les iours ruinez fils n'auoient l'induftrie defe ferrerles vns contre les autres pour fen defendre, de mettre leurs Poulains au milieu, & de leur tourner la crouppe , les Loups n'en pouuant pas venir about à force ouuerte , fe cachent dans les herbes pour les fur D DE LA MENGRELLIE. $i prendre, & fe iettenc für ceux qui font efcartez de la troupe ,les eftranglent & les viennent manger la nuit. Lc Renard eft trop fin pour fe coufler auec tant de beftes fauuages , auffi il n'y en a point, mais bien vn animal quiluy reffemble,fi ce n'eft qu'il eft vn peu plus grand , ils l'appellent Toutra , a le poil rude, ils vont par trouppe , & fur le foir ils commencent a faire des cris, qu'ils continuent toute la nui& , affez femblables à la voix d vn homme, ils font encore plus de mal que les Renards , & emportent mceíme , à ceux qui dorment à la campagne , leurs Souliers & leurs Bottines. On trouuc aufli desCaftors dans les riuieres & {ur la cofte de la mer,ce quicít con- traire à l'opinion d'Ariftote , qui dit qu'il n'y a point d'animal à quatre pieds qui viue dans la mer. Les Mengrelliens quicroient que c'eft νης felicité de changer quand ils veulent d'habitation , ne fçauroient fe refoudre à faire de la defpenfe en leurs baftimens » quoy qu'ils ayent tous les materiaux propres à en faire de tres magnifiques , prin- cipalemeñr vne pierre blanche femblable à celle de Malthe , & qui peut rece- uoir toutes fortes dornemens. Isontauffi vne autre pierre grife que le torrent, qui defcend de la Montagne qui eft au deffous d'Arama , roule en bas. Ils Pen feruent pour faire des meules de Moulin, des Mortiers , & des fours pour cuirele pain, car on la peut efchauffer beaucoup fans qu'elle fecaffe. On croit auec beau- coup d'apparence qu'il y ait de l'or & del'argent fur le Caucafe, mais ceux du pays tiennent la chofe cachée pour ne pas s'attirer l'enuie & lesdeffeins des Tures. le n'allegueray point la fable de la Toifon d'or,ny l'authorité de Pline, qui dit qu'il y en a eu autrefois beaucoup. L'on tirede l'or encore aujourd'huy proche dela Vil- le d'Aradan dans la Prouince qui aapparcenu autrefois au Prince Artabegi. Il y a auíli de l'Antimoine , l'on ma dit quele Prince d'Imereti fait trauailler des Mines dans fes Eftats , mais il tient la chofe la plus fecrette qu'il peut ; & vn des fubjets de Dadian ayant porté a Conftantinople vne Montre d'or & d'argent des Mines d'Odifci, le Prince à fon retour luy fit couper vn pied & vne main pour le chaftier de cette intelligence auecles Turcs. Il y a des Mines de fer fous la Montagne d'Imerety , & des peuples entiers qui Ὡς font autre chofe que la trauailler, il y en a aufli à Odifci , mais ils ne veulent pas mefme que leurs voifins fçachent que le pays ait cette richeffe. On a aufli def couuert dans les Montagnes de l'Eucfche de Cauis vne Mine d'Ocre. Pyay veu le Plane; maisil y eft rare ;il fe trouue de la Regalifle fur les riues du Phafe , les Racines n'en font pas groffes, il y enabeaucoup d'auantage en Georgie ; ie n'y ay iamais veu de la grande Centaurée ; mais beaucoup de la peti- te, aufli-bien de celle qui ales Beurs rouges que de celle quiles a blanches. Les herbes qui ont beaucoup d'odeur en nos quartiers n'en ont point en ce pays-là à caufe de fa grande humidité. | .. Quoy que Strabon & quelques Autheurs anciens, ayent dit que le Micl de Colchide eft fort mal fain & fait tournerla ceruelle à ceux qui s'en feruent, ie ne lairray pas d'affeurer que c’eft le meilleur miel du monde , & qu'il a toutes les marques que Matthiole donne au bon miel , ce qui vient de la grande quan- rite de Meliffe qui croift dans le pays. Ils ont encore vn autre Miel fort blanc € dur comme du Sucre ; il ne fattache point aux mains loríqu'on le manie, & ic croy que fa couleur a donne (ujct à l'erreur de Pline , qui dic que vers le Pont Euxin on trouue des Abeilles blanches. Ceux du pays au contrai- re affirment que les Abeilles qui le font font jaunes comme les autres, mais que cette couleur luy vient de ce qu'il y a beaucoup de Rofeaux dans le pays d’où elles le tirent. Pour celuy-la il eft fort eftimé dans le pays, mais il ne va pas iufqu'à Conftantinople comme le commun , car le Miel blanc fe receiiille Arift. Iii; $. Hift. des animaux cap. s. Des Pier res , Mines & mineraux, Des Arbres & des Plan- tes, Du Miel dela Colchi> de. dans le temps de l'Hyuer, pendantlequel ils n'ont point de commerce auce Con. ftantinople, la mer cftanc fermée dans ce temps-là. 了 2 RELATION rofe eften fleur fait vomir ceux quien prennent, fibien que les Paiíans ; faute d'autre remede , fen feruent pour fe purger. , o rte E LU EI TELLO SILLA INFORMATIONE DELLA GIORGIA DATA ALLA SAN TITA DI NOSTRO SIGNORE PAPA VRBANO VIII PLE RO DELLA VALEEILPELLEGRINO | l'anno 1627. PADRE,‏ 740 1 3 ل 7 241 ل Ez A terra che hoggi fi chiama Georgia comprende tutto quello , che RIT gli antichi chiamarono Colcho ΩΣ Iberia » con parte anco dell’- ANALES Armenia,e forfe dell'Albania ; fra quai termini fecondo Strabone | fi rinchiude la regione de popoli Mofchi ; perche ftendendofi pet lunghezza dalle riue più Orientali del mare Euflino, doue comincia ; infin quafi al mar Cafpio , hà dall'Oriente folamente certe poche terre maritime dell’- Albania , foggette hora al Perfiano ; doue fono le città di Bako , è di Der- bend , ὃ come dicono i Turchi , Demicarpi , cioè Porta ferrea ; è per ven- tura declinando alquanto al mezzo giorno ; qualche cofa anco della terra di Sceruan > la cui metropoli è Sciumachi ; che à mio parere è parte della Me- dia Atropetana. Dall'Occidente poi hà il mate Euflino. Dà Settentrione i mon- ti Cafpij rami del Caucafo , che corrono da vn mare all’altro , è fono al pre- fente habitati da certi popoli Barbari , ὃ ladroni 9 chiamati Lezghi, o Legzi, dè quali la maggior parte fon Maomettani ; & alcuni forfe anco Idblatri , O Atheifti ; è faranno facilmente i Saoni ὃ i Phthirophagi di Strabone. All'Auftro finalmente hà parte dell'Armenia, doue con la Media confina : E più ἃ baffo nelle parti più Occidentali verfo Trabifonda , fe non m'inganno , qual- che parte anco della Cappadocia. Tutta quefta terra, che hoggi parla vna fo- la lingua , à quei popoli propria ; è commune ; detta da noi Georgiana , mà da loro Cardueli , fu gia dominata come effi riferifcono ¡da vn folo Rè , fin- che vno di quefti diuife poi lo ftato in quattro figli , che haucua , è gli fece tutti equalmente Principi affoluti ; lafciando però al primogenito , à chi die- de il centro , è la maggior parte della Terra, vn non sò che di preminenza fopra gli altri : onde infin hoggi è quel Principe da tutti gli altri riuerito , è come maggiore honorato con titolo di Mepet-mepé ; che in lingua loro quafi Ré de Re fignifica , contentandofi gli altri d'effer femplicemente i Principi della Georgia : fono hora fei, perche oltra de quattro già detti del fangue reale; due altri che erano prima Miniftri del Mepet-mepè , € Gouernatori di due gran parti del fuo ftato fopra il mare Euffino , occupando ciafcun di loro le Terre che haueuan in Gouerno ; è ribellatifi fi fecero effi ancora Principi affoluti è crefciuti col tempo in autorità, ὃ reputatione vennero non folo ad agguagliar- fi, mà anco ad apparentarfi con tutti gli altri : onde hoggidi fi trattano tutti equalmente come pari , è ben fpeffo apparentano infieme , conferuandofi pe- rò fin hora memoria che al Mepet-mepè, quando faliua à cauallo , quei due Principi, che erano gia fuoi vaffalli , è Miniftri , qual hora fi trouauano alla corte, come àlor fignore gliteneuano vno il cauallo , è l’altro la ftaffa. 4 2 INFORMATIONE DELLA GIO IA Quanto alla diuifion della Terra dopó che i Principi furon fei , è tutti pa- rimente affoluti il Mepet-mepé hà dominato , è domina infin hoggi vna regio- ne che chiamano in lor lingua Imereti ch’è il centro, come diffi, è la parte piü interiore و‎ è più forte di tutta la Terra; ed è fenza dubbio Iberia. Il Principe che iui regna al prefente fi chiama Ghiorghi cioè Giorgio ; è con titolo più breue del Mepet-mepè che fufa folo nelle fcritture ; lo chiamano commune- mente parlando Ghiorghi Mepe , cioè il Ré Giorgio د‎ mà i Turchi cof il Principe , come la Terra, ἃ la gente di quella terra , non só perche lo chiama- no Baíciaciue , che in lingua Turchefca fignifica Capo aperto , ὃ Capo Ícoperto. AlbOriente di quefti giace vn'altra Prouincia detta Kacheti, che , fe non fallo, è pur parte dell’Iberia, è forfe anco dell'Albania, &*era quefta lo ftato del defcendente del minor fratello de% quattro del fangue reale;& haucua la fua fede in vna città chiamata Zagain , benche quefti Principi ; come anco i Nobili del paefe (che fuor del coftume d’altri barbari Orientali , hanno i Gior- giani nobiltà certa , è la riconofcono , è differentiano dalla plebe; come apun- to facemo noi altri Europei, per difcendenfa di fangue , € per vfo continuato d'apparentar con equali ) fi compiacciano più i Rè, dico, & anco i Nobili , che chiamano Afnauri , d’habitar più tofto in campagna, & in cafe campeftri, come i Nobili di Francia, che nelle città » quali tengono per habitationi conuenien- ti à plebei, & à mechanici د‎ per ridurfi iui à i mercati, & al contratto de nego- tij: e fon tanto tutti i Giorgiani di quefta opinione , che infin quelli, ché non fono Arnauri, ne Nobili, purche poffano farne di meno , fi fdegnano d’habi- tar nelle città, è d’eflercitare arti mechaniche, ὃ mercantie ; mà lafciando far quefti efferciti) à ftranieri, come ad Armeni , a Giudei, de quali hanno molti nelle lor Terre ; & ad altri fimili, effi foccupano folo o alla guerra , quando bifogna, à allo ftato Ecclefiaftico , quei pochi che à ciò fi danno, ὃ per lo più alla cultura de lor proprij campi fertiliflimi cofi d'ogni forte di frutti , come per la molta feta che iui fi raccoglie, de quali quafi tutti ὃ poco O molto, ale cuna parte poffedono ; onde con ragione dagli antichi Greci furon Georgi, cioé cultori della terra, chiamati ; quindi e che le città jn quel Pacíe fon po- che, è di poca confideratione , ma le campagne per tutto fono habitate frequen- tiffimamente , è popolate non men di buone cafe, fatte pero la maggior parte di legno al lor modo: non mancano di varie, € ben fabricate Chieíe mà mal tenute fecondo il lor coftume. Il Principe che àdi noftri ha regnato nella Pro» uincia di Kacheti , di chi parlauo, è che viue ancora, mà priuo del ftato , co- me poi dirò , fi chiama Teimuras, alquale quando era amico del Perfiano Ab. bas Ré di Perfia ; che hoggi regna, con occafione d'effergli morta la fua prima moglie , mando, perche fe ne condoleffe in fuo nome, il Padre fra Giouan Thadeo di fanc Elifeo Carmelitano fcalzo , che hora ftà in Perfia, & all'hora era fuperiore di quella miffione, al qual Padre il Prencipe Teimuras, non folo per effer mandato dal Ré di Perfia, mà per effer chi era , è Religiofo Chri- ftiano de noftri, moftró amoreuolezza, è cortefia incomparabile , gli fece cele- brar meffa publicamente nella fua Chiefa principale, affiftendoui il Merropo- lita della Terra , è voleua anch'effo Prencipe affifterui, mà non so da che fu impedito ; gli offeri loco , è terra per farfi della fua Religione in quel Paefe Conuento , è Chiefa fe voleuano , anfi gliene fece pigliare il poffeffo , & in fom- ma cofi il Prencipe , come il Metropolita Allahuerdi, che all'hora viueua huo- mo molto prudente, & affcttionatiffimo alle cofe di Roma, per quanto il me- defimo Padre riferifce, fi moftrarono verfo la Chiefa Romana tanto deuoti ; che più non puó dirfi. De gli altri due Principi defcendenti da gli altri due fratelli del fangue rea- le, vno al mezzo giorno di Kacheti , è d'Imereti; domina la terra che chiama- no Cardel ὁ Carducl, parte d'Armenia maggiore » la cui fede principale è Tcf- DI PIETRO DELLA VALLE 3 lis; quiui dominó già nell'eta de noftri Padri il Prencipe Simone ; che mori poi prigione in Coftantinopoli , tanto famofo per le guerre, che fece à Turchi nelle noftre hiftoriè ; étanto deuoto di quefta fanta fede Romana, quanto ben moltrano le fue lettere ( fe pur eran, come io credo, del medefimo Simone ) fcritte à Papa Paolo terzo di Fel. Mem. Vna delle quali; con la nota anco di quella; che 11 detto Pontefice haueua prima fcritta à lui, và impreffa nel libro del Padre Fra Tomaffo di Giesù Carmelitano fcalfo de procuranda falute omnium gentium. A tempi noftri fignoreggiaua in quella Tetra Luarfab Prencipe giouane, ἃ di grand'cípettatione nipote ; cioè figlio del fopradetto Simone ; mà pochi an- ni fà trouandomi io in Perfia, fini colà miferamente i (uoi giorni , vccifo in vna prigione; oue più anni era ftato ritenuto , fenza lafciare alcuna prole; per- che non haueua ancor condotta la moglie , che folo di parola haueua fpofata, ela fua Terra fu poi dominata da viYaltro Prencipe della fua cafa nipote ; ò cu- gino di lui; però Mahometano , è non più affoluto ; mà quafi Vaffallo fotropo- Ito al Re di Perfia, come apprefto fon per dire. L'altro Prencipe pur difcendente del fangue reale ; haueua il fuo ftato all'Oc- cidente , come parte del Carduel, participante , come io penfo , è dell'Armenia; è della Cappadocia; ne confini della Media, Mà quefto hora non è in piedi, come appreffo fintenderà. Degli vltimi due Principi defcendenti dai Miniftri, è non dal fangue Reale antico ; i cui ftati cadono ambidui fopra lmar Negro à Euffino, vno più al Set- tentrione domina la prouincia congiunta coi monti Cafpij ; & anco co i Dadian, cioè caminatori ὃ erranti ; perche anticámente andauano errando come Ara- bi in tende fenza cafe ; mà mutato poi ftile , è hoggidi quella prouincia vna delle migliori, € piu ben popolate di tutta la Georgia. Quefta è il Colcho de- gli antichi, & da i Turchi è detta Mengrelia. Vi domina hoggi vn Prencipe giouane chiamato , fe ben mi ricordo , Leuan. L'anno 1615. vn Padre Giefuita, di quei di Coftantinopoli, che era andato nella Mengrelia à riconofcer quel- la Chriftianità ; tornato di là , mentre anch'io in Coftantinopoli mi trouauo ; in tre ò quattro giorni; che foli ν , è quelli ammalato dopo il fuo ritorno; ( perche à pena arriuato, fu fubito affalito da vna gran pefte ; che iui all'hora regnaua Y contó à bocca füccintamente d'hauer veduto quel Prencipe ; d'etá in quel tempo, di circa dodici anni; onde perciò lo ftato era goucrnato dalla Madre ; che viucuano femplice an 五 rozzamente alquanto ; come genti di campagna, è che lo vide vn giorno venire ad offerire in vna Chieía la tefta d'vn gran Cinghiale, che haucua ammazzato nella caccia; che fecero al Padre molte careffe; è dimoftrationi d'amore ; mà che non fapendo egli la loro lin- gua, non fi poterono intendere ; ne trattare infieme. Più di quefto della pere- grination del Padre in quelle parti , non potè all'hora faperfì ; fi perche egli mori , come ho detto , fi anco perche le fuc fcritture in vna rempefta di mare feran perdute : mà voglio fperare che i Padri Giefuiti di Coftantinopoli ; co- me fon tanto vicini à quella terra, che di la in otto giorni, è manco; con buon tempo, vi fi può commodamente nauigare, non habbiano abbandonato quella miffioné ; mà v'habbiano forfe gia mandato altri ; ò fiano per mandarui per l'auuenire. Al mezzo giorno di quefta prouincia ὃ pur fopra il mar Negro nei confini della Cappadocia, è di Trabifonda ; domina l'altro Prencipe non defcendente dà i Re antichi vna regione; che chiamano Guriel; parte al mio parere à del- la fteffa Cappadocia; ὁ del Colcho. Il Prencipe d'hoggi, fe non fallo , fi chia- ma Iefe, è credo che della fua Cafa fia il Metropolita, che al prefente gouer- na tutta la Chiefa de Giorgiani ne pacfi , che non fon fottopofti al Perfiano ; o - LES perche nelle parti piu Orientali, & doue il Perfiano comanda, v'è vn altro Me- “ἢ 4 INFORMATIONE DELLA GIORGIA tropolita fatto à fao beneplacito, che dopo la; morte!di quell'Allahuerdi, che xò di fopra nominal), gli era fucceffo , è viueua al mio.tempo. Vn altro pur " Aliahuerdi chiamato (fe pure tal nome non è di quella Cathedrale, chiunque vi feda ) vna forella del quale, che hoggi viue in Perfia condotta iui con gli altri in quella notabil trafmigratione de Gcorgiani , di che pur toccaró qual- che cola, fu gia moglie d'vn figlio d'vna forella del vecchio , è morto Alla- huerdi , di cui pur quella forella, è due altre, ad vna dellequali io ho tenuto tre figli à battefimo, condotte fimilmente in Perfia nella traf(migration che diffi, viuono hoggi in Spahan, & han viuuto molti anni, come io fteffo hó vedu- to, per non perder la fede, molto miferamente in grandiflima neceffità ; per- che come à Chriftiane 11 Ré non daua loro mai niente, né ne faceua conto أو‎ come ne haurebbc fatto fe l'haueffero rinegato ; ma elleno con tutto ciò pa- tientiffime , benche educate nella Georgia in abbondanza di ricchezze , è gran- dezze, non effendolor permeffo di ritornare al lor paele, foffriuano di viuere in Perfia poucriffimamente , è dopo hauer confumato, è venduto quanto dal lor paefe haueuano potuto portare , fi foftentauano humilmente de lor lauori, € ben fpeffo delle limofine de noftri Religiofi ; che ftanno in Sphahan, che no teneuano di continuo protezione , € d’altri Europei ancora , che quanti do noftri iui erano , non mancauano fecondol loro potere di foccorrerle. Nello ftato che di fopra ho detto è ftata la Georgia fin quafi à di noftri, quanto al temporale è fe mantenuta fempre , che certo è marauiglia , è none ftaco pocoilloro valore, cffendo effi fi pochi, è Signori di cofi poca terra, per refiftere à tanta potenza ; maflimamente effendo diuifi in più capi ben fpeflo, ‘come il più fuole auuenire, frà di loro difcordi; in oltre fenfa vfo quafi d’ar- tegliaria, con poco, à quafi neffuno vfo d’archibugeria : con tanto difauuantage gio, dico, fi fon mantenuti intatti , & illefi, & han mantenuto infin hora , la Fede con effer circondati da ogni parte da Infideli, è da nemici, è fopra tut- to foli fenfa aiuto alcuno, che polla loro altronde venire, in mezzo de due جوم‎ centiffimi Imperij de Perfiani,e de Turchi , che fempre hanno hauuto intentio- ne gli vni , è gli altri d'eftinguergli , è diftruggergli , più per odio della Reli- gione; che per altro: onde mi par che non folo fian degni di lode, ma che in vn certo modo la Chiefa tutta fia loro obligata di tanta virtu, & di tanto va- lor moftrato nelle guerre, che più volte gli efferciti integri hor di Perfiani, hor di Turchi han diftrutto, à han fatto lor voltar le fpalle , è finalmente di tanta coftanza, che più importa ,con che fempre hanno difefa , & conferuata , quanto hanno potuto , la Fede di Chrifto; di che per non effer lungo non ad - duco effempi. In quefto noftro fecolo à fia {το per qualche loro peccato ; à per altra giufta permiffion di Dio fono ftati i Georgiani molto oppreffi è più .per cagion delle lor proprie difcordie , che han dato a ció occafione , che non per altra caufa; hanno perduto molto del lor potere, benche non poco anco- ra gliene refti. Perche عل‎ fei Principi ch'io diffi, cherano , vno del fangue an- tico Reale , cioè quello che haueua lo ftato fra l'Armenia ,ié la Cappadocia non lunge da Tabril , € da confini della Media nelle continue guerre che più anni fono fi fecero tra Perfiani , è Turchi , feguendo à forfa le armi à degli vni , ὃ degli altri, come quello il cui ftato era più aperto , è quafi fra le terre del Turco, & incorporato poco à poco , fu confumato affatto; è gli fu occupata da i Turchi la terra forto pretefto ; come io penfo, che foffe la occafionedi quelle turbolenze. Mi dicono che della fua cafa viue hoggi appreffo i medefimi Tur- chi ramingo vn giouane , tentando, mà in vano , come pare infin hora, d'otte- ner da loro in cambio del perduto ftato , alcun'altra terra da comandare. Que- fti anni àdietro poi, è pur con occafione d'vn altra guerra che tra Perfiani, è Turchi fi fufcitó, poco prima ch'io andaffi in Perfia, caddero due altri Princi- pi Georgiani pur dell'antico fangue reale ; € benche non eftinti affatto , (tan DI PIETRO DELLA VALLE. $4 pero ridotti molto a mal termine; almen fintanto che con nuoua fortuna pof- fano vn di riforgere , di che non difpero. Quefti furono il Prencipe Teimuras, el Prencipe Luarfab ; quali, come haucuano 1 ftati loro ne confini delle terre di Perfia, furono quafi fempre dependent de Perfiani , anzi la maggior parte di quei Principi foleuano nella Corte di Perfia educarfi, come in effctto gli vlti- mi Luarfab , è Teimuras ambidue da fanciulli vi Perano molti anni educati. Hor nella Guerra, che dico , trattandofi fra Turchi, è Perfiani di pace ,men- tre à punto gli efferciti degli vni, è degli altri molto vicino alle terre loro fta- uano quafi à fronte ; è ventilandofi tra le altre cole di quefti due Principi Geor- iani da chi doucuano dependere; perche i Turchi pretendeuano che doueffe- ro effer della lor fattione , il Re di Perfia diffe all Ambafciador Turco che trattaua la pace,che Teimuras, è Luarfab erano, & erano ftati fempre fuoi , eche in fegno di cio, gli hauerebbe fatti venir nel (uo Campo ogni volta che haueffe voluto. L'Ambafciadore, che quefto non voleua concedere ; rifpofe che "ferano fuoi, prouaffe à fargli venire. I] Ré dunque gli chiamo , mà effi vedendo l'effercito Turco tanto vicino, non ardirono dichiararfi,e tergiueríando con gli yni,e con gli altri, é fcufan- dofi colPerfiano in bel modo, infomma non andarono al fuo Campo ; di che egli refto fopra modo fentito , è coi Turchi con vn poco di vergogna : diffi- mulò con tutto ciò ilRè di Perfia, è per all'hora non fece altro و‎ perche non poteua , mà fatta poi la pace, è ritirato , € difarmato l’effercito Turco, comin- ci prima con ftrane inuentioni; à^metter Luarfab , è Teimuras in difcordia fra di loro. E tanto f'adopró con le fue folite aftutiè , che quafi gli fece venire in- fieme alle mani, con tutto che foffero cugnati, hauendo già Teimuras prefo per feconda moglie vna forella di Luarfab , è fenza dubbio haurian combattuto in- fieme , che già fi trouauano con gli eflerciti in campagna vn contra l'altro , fe finalmente col mezzo d’alcuni Nobili fedeli, è lor Vaffalli, che f'interpofero à acificargli, non haueffero fcoperto , che le loro inimicitie erano tutte trame delRè diPerfia, per rouinargli ambidui , effendofi trouato che à ciafcun di lo- ro à parte haucua ilRè mandato in fecreto vna lettera ὃ comandamento , co- me coftuma, mà d'vn medefimo tenore, cioé che procuraffe d'yccider l'altro , è di torgli lo ftato, che egli l'hauerebbe aiutato , è l'haueria mantenuto in pot- feffo di quella Terra, moftrandofi à chi fcriueua molto amico , & all'altro per diuerfe caufe , che allegaua , molto inimico : mà con tutto ciò non bafto quefto à fargli bene accorti, tanta è la femplicita, è facilita à creder de Giorgiani. Oltra di quefto meffe anco il Re di Perfia in difcordia, ὁ almeno in diffi- denza Teimuras con la fua: Madre: chiamata Keteuan Dedupali, cioè laRegina Keteuan, Principeffa di molto gouerno و‎ parente , è della cafa di Luarfab , che più anni, effendo Teimuras fanciullo , & ella yedoua, haucua amminiftrato lo ftato , è l'haueua anco difefo valorofamente da Coftantin Menfa fuo cugnato Mahometano, che dopo la morte di Daud marito di lei, è fratello di lui am- mazzando empiamente il vecchio fuo Padre Aleffandro, & vn'altro fratello ten- τὸ d'occuparlo , è l'hauria occupato fenfa dubbio,'Pella non fe gli foffe oppofta virilmente , è non l'haueffe uccifo in battaglia, è vinto infieme con molti Per- fiani , che lo fauoriuano ;ond ella da fuoi popoli fu fempre fopra modo amata, è ftimata : la meffe dico 11 Re di Perfia in diffidenza col figlio , perche logge- ria Teimuras ch'ella haueua intento di rimaritarfi con un gran Capitano , di chi per lo fuo valore , è prudenfa nelle cofe del gouerno molto fi feruiua , è che in tal cafo hauerebbe procurato di leuarfi lui dimanzi, per ferbar lo ftato à gli altri figlioli, che hauria fatto col fecondo marito. Da che indotto Teimu- ras fece ammaffar quel Capitano che era la meglior tefta del paefe : leuo il gouerno di mano à fua Madre , & egli poi molto giouanetto ancora poco ef perto,è manco ftimato da fuoi Nobili; fi trouò inuolto in gran confufione : e 1 Mourza. 6 INFORMATIONE DELLA GEORGIA perche il Perfiano lo metteua anco in difcordia di continuo, è quafi come fan- ciullo lo rendeua difprezzabile à i fuoi nobili, quali qual'hora andauano in Per- fia, il Ré gli honoraua, gli accareffaua con molta domefticezza ; daua loro pre- fenti di valore, in materia della fede faccommodaua con tutti , in modo che ne haucuano gufto : onde effi per quefto modo di procedere alienati dall'amor del lor Prencipe naturale, & affezionati alPerfiano, lo defiderauano per lor fi- gnore , ftimando che ciò douefle effer lor fomma felicità. ; Dopò hauer qualche tempo il Re di Perfia effercitato lc arti fopradette an- dò finalmente l'anno 1615. fe non fallo, all'improuifo con effercito potentifüi- mo fopra la Georgia, è piglió per pretefto, che Teimuras haueua prefa per mo- glie, fenfa fua licenza, la Principeffa di Chaurafcian forella di Luarfab ch'era. itata prima à lui promeffa : però giunto à i confini delle lor Terre chiamò am- bidui Teimuras , è Luarfab ; che veniffero nel fuo Campo à dargli conto di que- fto farro ,ë che gli conduceffero la fpofa ; che in ogni modo la voleua per fe, è che fi disfaceffe il matrimonió con T'eimuras ; ben che già molto tempo prima foffe confumato , quafi che tra Chriftiani ancora foffe lecito quel che tra loro Mahometani facilmente fi coftuma. I Principi Georgiani furon colti fprouifti, è quando ogn'altra cola penfauano , è quel che è peggio eran traditi da molti de lor nobili, che fpontaneamente dauano ftrada al Re, è l'andauano introdu- cendo dentro alla Terra , fenza il che forfe perla fortezza del fito , è de pafli non hauerebbe mai potuto entrarui. Onde confufi,e non fapendo effi che farfi Luarfab più femplice fi rifoluè d'ubbidire , & ando alla chiamata del Re, è fi meffe in lua mano. Il Ré lo mandò nella Prouincia d'Efterabud fopra'l- mar Cafpio , dalla Georgia affai lontana, doue il Chan che colà gouernaua , lo tenne qualché tempo guardato fi mà honoreuolmente , é con libertà di poter caminare doue voleua, più tofto ritenuto , che prigione; & al gouerno della fua terra, fenfa entrarui ,ne danneggiarla punto, mefle il Ré vn certo Rairei ὁ Ba- gred Mirfa, che era pur di quella cafa, Zio,ò cugino di Luaríab , ma rincgato in Perfia,e dà più anni fatto Moro د‎ di cui gouernaua al mio tempo yn figliò pur Moro, è nato in quella fetta , non come Prencipe affoluto , mà come vno de gli altri Chani Vaflalli,è fottopofti , anfi ferui del Re di Perfia. E ben ve- ro,che la fua militia la maggior parte era comandata da Capitani Chriftiani, de quali alcuni io conofco , come anco Chriftiano è la maggior parte del fuo popolo. Però il Prencipe Luarfab dopo effer ftato alcuni anni , nel modo ch'io diffi in Efterabad , il Ré per afficurarfi meglio della fua perfona ; lo fece traf- portar nella prouincia di Fars, ò Farfiftan, che è la Perfia propriamente detta, pur lontaniflima dalla Georgia , è quiui in vna forteffa poco lungi dalla Città Metropoli chiamata Sciras lo renne qualche tempo rinchiufo in più ftretta pri- gione. Finalmente l'anno 1621. in circa quando i fuoi haueuano più fperanza della fua libertà ,è che vn giorno il Ré haueffe da vederlo , è fauorirlo , fuc- ceffe tutto il contrario ; perche effendo al Ré foggerito da vn certo Moura Gior- giano principale, è potente difguftaro di Luarfab , perche nè tempi à dietro ha- ucua promeffo di pigliar per moglie , € forfe anco fpofata vna fia forella : mà dopò quafi ripudiandola non l'haueua più voluta, onde in vendetta di ciò era oi ftato à Luarfab & à tutta la Georgia il detto Moura occafione col Ré di uia delle ruine che racconto ; & per la fteffa caufa appreffo del Re fempre di molta autorità. Effendogli , dico, dà coftui foggerito , che non haurebbe poffe- duto mai in pace ,ne ficura la terra del detto Luarfab , finche efto viueua, per- che quei popoli amauano il lor fignore , & ftando, mentre ota in vita, in conti- nua fperanza di rihauerlo vn giorno , haueuano fempre il core ; è l'intento in lui;ò foffe per quefto , ὁ perche temeffe di certe congiure , che quafi nel mede. fimo tempo fcoperfe d'alcuni Georgiani , che voleuano ammazzarlo ; fi rifoluè di tor loro.quefto ftimolo , che à nouita haucrebbe potuto incitargli sè fece ftran- DIORIETRO! DE I LX WA IE: 7 golar con vna corda d'arco il mifero Luaríab dentro la medefima fortezza 1 douc ftaua prigione. : Teimuras fu più accorto ; è non volfe in modo alcuno fidarfi di venire ;quan- do fu chiamato; mà fi fcusò col Ré con dir, che non veniua perche temeua l'i- ra lua, già che fi teneua offefo da lui;è che la moglie ne anco era poflibil che mandaffe , non potendofi fra Chriftiani disfare vn matrimonio già fatto; ne potendo con fuo honore dare altrui la propria moglie; mà perche vedefff quanto gli era offequente, che gli mandaua , come in cffecto gli mando , la propria Madre , infieme con le fue forelle ancor donzelle, è due piccioli figlio- lini che haueua della propria Moglie. E fece quetto Teimuras fperando che la Principeffa Keteuan fua madre come perfona prudentiffima ch'era , ὃ che più volte ftando anch'ella in Perfia, haueua trattato col Rè , è fapeua 1 fuoi modi, potefle in qualche maniera placarlo , & impetrargli pace; mà tutto fù in vano, perche moftrandofi il Re inefforabile, è quafi che fofle innamorato oftina- to in voler la Principeffa Chuarafcian , fapendo ben ch'era domanda impertinen- te, in che Teimuras non haurebbe mai potuto , ne voluto condefcendere , dice- ua pur tuttauia che veniffe Teimuras à darfi in poter [πο ; è perche non obbediua, ritenne la Principeffa Keteuan, fenza lafciarla più tornare in dietro , anfi la man- dò poi co’ i nepoti in Sciras nella qual Citta ftaua al mio tempo honoreuolmente ritenuta. Egli col campo feguiro ad entrar nella Georgia , cioè nella prouincia de Kacheti , à Teimuras log getta , introdotto da molti nobili infedeli, che fperan- do dal Re gran cofe ,e fatti della fua fattione, l'andauano mettendo dentro la Terra facilitandogli i ρα]. è le ftrade pericolofe. Teimuras vedutafi d'improuifo la piena fopra , non hauendo effercito pronto ad opporiegli , he tempo da metterlo infieme ; ne fi fidando de fuoi , de quali con ra- gione haueua la fede fofpetta, poiche non wera altro rimedio و‎ prouidde à cali fuoi con la fuga, & infieme con la moglie , è con molti fedeli che lo feguitarono و‎ pafsò nelle terre più interiori, è più forti d'Imereti , doue appreflo à quel Prencipe prima, ὃ poi anco più oltre appreflo quel d'Odifci;ó di Dadian fi ricoueró. De no- bili molti tratti da vane fperanze fpontaneamente fi diedero al Rè, è quel che è peggio,rinegata la fede fannouerarono nel fuo effercito : Alcuni altri che di fare il fimile non haueuano voglia, non hauendo tempo di fuggire , furon per forfa forprefi ; el popolo tutto d'innumerabil quantita reftò in preda al Vincitore. Il Perfiano entrato nel paefe , è confiderato la forteffa de luoghi , è quel che haurian potuto i Georgiani , fe foffero ftati vniti , è fi foffero nelle lor Cafe con ordine go- uernati, non folo non fi curò ditenere quella terra , ben conofcendo, che non po- teua in modo alcuno tenerla : mà anzigli parue mill'anni d'vfcirne fuori col fuo effercito , è ridurfi quanto prima in ficuro ; però gia che la terra non poteua tene- re ,non volfe perdere cofi bella preda, che haueua fatta di tanta gente , che forfe più che ja ftella terra valcua. Onde fattigli fubito trar tutti à forza fuori delle pro- prie habitationi (che fpopolandofi vna prouincia intiera ; ben fi può confiderare, che confufione fuffe ) Y huomini , è donne , è nobili, è plebei, grandi, è piccioli, d'ogni eta; d'ógni ftato , è conditione con le lor robbe , quanto poterono porta- re , li meffe innanziall' effercito; ὃ marciando in fretta verfo le fue terre, col Cam- po dietroà loros gli conduffe tutti in faluo ne fuoi paefi; doue poi gli diftribui per quelle prouincie , che eran della Georgia più lontane, è che d'effer popolate ha- ueuan piu di bifogno : ond’è che hoggidi la Perfia propriamente detta , il Kirman ò Carmania , il Mafandran fopra il mar Cafpio . è moltaltre terre di quell'Impe- rio, fon tutte piene d'habitatori Georgian: , è Circafli, che molti Circaffi ancora paffati già tempo fi da Circaffia à viuer nella Terra di Teimuras, da loro non lon- tana , è fari già fuoi vaffalli infieme co'i Georgiani , con chi viueuano apparenta- ti, & inuolti , furonanch'effi in quella riuolutione in Perfia condotti , è come di- co, diftribuiti in diuerfe parti, viuendo hoggi liberi nè paefi del Perfiano ¿come 9 INFURMATIONE DELLA GIORGIA gli altri fuoi Vaffalli , & habitano in più luoghi maflime del Farfiftan,e del Mafan- dran ,non folo lc Ville , e le Terre, ma le prouincie integre , doue non fi troua quafi altri che loro , foftendandofi delle medefime Terre, che coltiuano, che il Ré hà loro affegnate, delle quali pagano al Ré, come gli altri Mahomettani, qualche Tributo , mà non graue. Di quefti i popolari , che fono i più; fi conferua- no infin hoggi quafi tutti Chriftiani , mà molto roffamente ; perche ὃ non hanno facerdori , è Miniftri, che gl'inftruifcano ; non baftando quegli che hanno,a tanta multitudine,in táti, è fi diuerfi luoghi difperfa,o fe pur gli hanno fono rato inctti, che non fcruono quafi à nulla. Mà de nobili ch'eran poco auuezzià patire;é de fol- dati la maggior parte , con molti anco del popolo, parte tirati da ambitione , par- te da auaritia , per hauer ; cambiando fede ; qualche cola dal Re, che in quefto è liberaliffimo € per tirar genti alla fua fetta ; fpende di continuo largamente; par- te anco coftrecti da neceflità per non morir di fame fi fon fatti Mahomettani ; è fe ne fanno ogni giorno, è di queftil'effercito Reale fé tanto empito ; è per indu- ftria del Ré Abbas; che hà hauuto lempre mira d'humiliare ; è tenere à freno i fuoi Quifilbafci alquanto fuperbi , con queft'altra fattion contraria di ftranieri, che chiama ferui , fi ya ogni di più canto empiendo ,che hoggidi ἢ contano nell- Effercito del Rè più di trenta mila Georgiani , con qualche numero di Circaffi , & alcuni pochi Armeni pur rinegati, che van come ftranieri, è ferui , mefcolati frà diloro , alcuni de quali hanno commando principale tanto nell’Effercito,quanto nel gouerno politico del pacfe , è fon già arriuati ad effer Sultani , Chani د‎ & ad ogn altra fuprema dignità. Màoltra de fopradetti Georgiani , che fon quelli che in Perfia viuono liberi, vn'altra quantità infinita di loro, è non folo è plebei , mà anco alcuni de nobili ; in quella confufione dell'entrata del Perfiano nel lor Paefe, è nella forza che fece l'Effercito per cauargli fuor delle lor terre,cadde miferaméte in feruitu de Perfiani. Edi quefti fu tanto il numero che hoggi non v'è cafa in Per- fia, cioè in tutto l’Imperio, che non ne fia piena, è d'huomini ,è di donne. Non ν᾿ ὃ grande che non voglia hauerle fue Donne tutte Georgiane , perche fon bellif- lima gente , el Re fteffo ne hà pien il fuo palazzo, che d'huomini , è di Donne, quafi non fi ferue d'altri. Ma quefti infelici, che capitarono in feruitú quafi tutti ò per amore, ὃ per forza han rinegato la fede ; ò almeno nell'efteriore moftran d’ha- uerla rinegata : che in fecreto molti ne ho io conofciuti che ancor la tencuano , jn- gannati dà vna falfa opinione certamente molto familiare ; che con Dio ciò bafti. Quai cafi poi fuccedeffero in quella miferabil trafmigratione, che vccifioni che imorti di pura neceffità , che rapine ; che ftupri , che violenze, che bambini da pro- pri Padri affogati , à buttati ne fiumi per difperatione, altri da foldati Perfiani perche non erano atti à viuere, fuelti à forfa dal petto delle Madri, è gettati per le ftrade , lafciati iui alla ventura ad effer pafto di fere , ὁ calpeftati da'i Caualli ; è Cameli dell'Effercito و‎ che più d'yn giorno camino fempre per fopra a'i Cada- ueri ; che feparationi di Padri da figli , di Mariti dalle Mogli, di fratelli da forel- le condotti in diuerfi Paefi lontani fenza fperanza di ritrouarí mai piüinfieme ; vendendofi in quell'occafione per tutto il Campo huomini , è Donne per la gran quantità, che ve n'era, affai più à buon mercato , che le beftie. E che altri fimili fucceffi accadeffero degni di molta compaffione farei lungo à raccontare. Dirò fo- lo che Teimuras dopo effer andaro più giorni ramingo per le terre de gli altri Principi Georgiani firiduffe al fine nel Pacfe de Turchi, doue quefti vltimi anni viueua , & effi gli diedero; fel vero mi fu detto , la Città di Cogni con alcune al- tre Terre della Cappadocia , che fon tutte habitate in gran parte da Chriftiani Greci, doue fi cratteneffe , è foftentaffe. Hà procurato vendicarfi, è lo procura di continuo, & egli fù quello che con la fua molta iftanza l'anho 1618. fece venir contra Perfia quel grand’effercito di Turchi , è di Tartari che venne , quale egli ancora accompagnò & entro dentro alle terre di Perfia più di quant’alcri efferciti di Turchi vi fiano mai venuti , che arriuo fin quafiad Arde bil, qual Città perche é DI PIETRO DELLA VALLE. 9 è fantuario de Perfiani, douc ftanno anco le (epoltyge della cafa Reale che hoggi regna , Teimuras defideraua fopra modo abbruggiarla in vendetta delle fue Chiefe diftrurce nella Georgia. In quefta guerra che fu la più pericolofa in che mai il Ré Abbas infin hora fi fia vifto io mi trouai con lui, ὃ viddi il tutto , mà in fomma i Turchi, non sd per qual loro melenfagine, & in effetto per vna gran perdita del valore , è del buon gouerno antico , che à noftri tempi inloro fi {cor- ge ,benche poteífero far molto ,al fin, fecondo il folito da molti anni in quà , non feccro nulla, anzi fe ne andarono quafi fuggendo , ributtati con morte di molti di loro. Onde il Perfiano fe ne torno, nella Corte triomfante, è Teimuras ritirato nelle terre che haueua in gouerno , nonfece più alcun moriuo , afpettan- do, comio credo, miglior tempo, è miglior occafione , che al più lungo alla mor- re d'Abbas, ch'è affai più vecchio dilui, non potrà mancargli : perche i Georgiani che ftannoìn Perfiarinegati, è fin quei ftefli Nobili che già ingannati volfero il Rè, & a Teimuras furono infedeli, non hauendo trouato quel che imaginauano, perche ne hà dato il Re loro quel che penfauano, nè in Perfia ne ha fatto , ne fà quel conto ; che prima, quando non eran fuoi vaffalli, ne faceua;è nella Religione, contra quel che credeuano, gli hà , fi può dir, violentati , perche non ha riceuuto alcuno al fuo feruitio , ne hà dato mai dà viuercad alcun nobile, ὁ foldato , fenza farfi Moro, ftan perd quafi tutti difguftati, è pentiti del fatto , in modo che à boc- ca piena confeffano d’effer ftati ingannati, & che fe haucífero à rifarlo di nuouo, farebbero altrimenti. Di modo che non dubito punto che morendoAbbas;il qual; come prudente, è tanto temuto, che in vita fua facilmente manterrà le cofe quie- te conforme all'ordinario, ( che come ho fcritto altroue, l'effequei de i Ré di Per- fia non fogliono mai celcbrarfi fenza fpada, è fenza grandiffimi tumulti ) maffima- mente fe morirà in tempo , che fiano ancor viui , come facilmente faranno quei Georgiani che fi ricordano il lor Paefe,è che hanno veduto la rouina di quello, non fia Teimuras per poter far nella Perfia gran motiui , non fiano i Georgiani er correre vna gran lancia all'acquifto di quell'Imperio , purche fiano vniti fra di ES & habbiano Capo, di che, per vna certa natural loro leggierezza, dubito al- quanto. Ne faria gran cofain tale occafione, che anco lo ftato di Luarfab tornaffe di nuouo in mano d'alcun Prencipe Chriftiano , ὁ abiurando la legge di Mahome- to quel medeffimo che gouerna, ὁ introducendofi alcun altro Prencipe Chriftia- no in quella terra , è cacciandone il Mahometano con l'aiuto de Chriftiani vaffal- li; cofe che nella Georgia più volte in fomiglianti reuolutioni fono accadute. La Principeffa Keteuan Madre di Teimuras fü come hó detto condotta in Sci- ras, inficme coi piccioli nepotini ,è quiui al mio tempo viueua ben trattata : co- ftantiffima ella con tutta la fua caía ( che haueua molti huomini , ¿donne al fuo feruitio ) nella fede di Chrifto, quale offeruaua per quanto fapeua , poteua con molto zelo , tenendo di continuo vna cappella piena d'imagini, è di pretiofi vafi , libri, è vefti facre , che conferuaua con molta riuerenza ; mà non haucua all'hora appreffo Sacerdote , ò Religiofo alcuno de fuoi atto à quefto : perche vno,che già ne haueua , & era , credo , di qualche Ecclefiaftica dignità , per effer molto buon Chriftiano,è parere à Mori ch'egli foffe quello,che manteneua la Principeffa nella fede , volendo leuarglielo da canto, oppoftogli non so che delitto graue, con falfi teftimonij, glielo fecero morire ; è moribrugiato in Sciras con gran coftanza nel- la fede, è con gran patienza. Vn altro Sacerdote che haueua appreffo quan- do io di la paffai, & era come fuo maggiordomo, che gli gouernaua tutta la cafa, era più tofto cortegiano , che altro ; è non sò fe per faper poco ,oO perche, non diceua mai Meffa. Haueua anco yn Monaco , mà femplice Idiota , è vn Laico, che in ció non poteua feruire. Credo ben che dopó che i noftri Padri Carmelitani fcalzi , & anco gli Agoftiniani hanno hauuto cafa , è Chiefa in Sci- fs non mancaffero di confolarla in quefto , € di fomentarla con ogni forte d'aiuti fpirituali come anco ho intefo che ella non mancò mai, mentre ville, ᾿ E το INFORMATIÓNE DELLA GIORGIA di fouuenir ben loro fpeffoicon larghe limofine , è temporali fufidij. Dico mentre vifle , per che paffando io li mefi à dietro per Bafora di ritorno dall'- India, hebbi colà nuoua , come la detta Principeffa Ketcuan l'anno 1624. alli 22. di Settembre nella medefima Città di Sciras ,doue tanti anni era ftata ri- tenuta, per non rinegar la fede di Chrifto, à che vltimamente-per ordini del Ré di Perfia, non sò à che effetto volcuano sforzarla , fin, coraggiofamente la vita con vn penofiffimo ; è gloriofiffimo Martirio ; de cui particolari mi rimet- to alle relationi del R. Padre Frà Gregorio Orfino Domenicano Vicario Ge- neral d'Armenia , che effendo ne fuei viaggi paffato poco prima per la Perfia, doue di frefco il cafo era fucceduto ; fü quello che in Bafora , doue io l'incon- trai, ne diede à me la prima nuoua , € ne porta anco à Roma copiofa relazio- ne. I Nepotini della Principeffa fopradetta chiamati, fe ben mi ricordo, vno Leuan, è l'altro Aleffandro ; perche il Ré ha hauuto fempre intentione d'edu- cargli , i Mori non gli li lafciauano mai vedere , benche fteflero nella mede- fima Città , accio che ella dall'amor di quell'empia fetta non gli diftraeffe :'è l'anno medefimo che fù vccifo in prigione Luarfab , il Ré con ftrana crudeltà gli fece fare Eunuchi ambidui , volendo in quefto modo afficurarfi delle lor períone ; è tor loro affatto con la fperanza della prole , ogni fpirito ر‎ & ogni defiderio , che col tempo haueffero potuto concepire ,di ritornare nello faro paterno. L'Aua non fapeua quefto almio tempo , che per non affligerla fouerchio د‎ non gli è l’haueuano detto; è quando io fui in Sciras , & hebbi occafione d'ha- ucr con lei feruitù , la prima cola che 1 fuoi m’auuertirono ,fu che non le fa- cefli (aper fi mala nuoua. Però Teimuras della feconda moglie hà già altri fi- gli mafchi, è femine , non volendo forfe Dio, che la caía tua del tutto roui- ni, è fe fon verc le nuoue che la fama fpargeua in Aleppo , mentre io li mefi à dietro di la paflauo , partitofi vltimamente dal paefe de Turchi ; perche effi ancora ad effer Mahometano voleuano alla fine indurlo , è ricouratofi in Mofcouia appreflo quel Prencipe , che è pur Chriftiano , è come lui di rito Greco, dopò hauer tentato, mà in vano ,Per mezzo di quello, che era amico del Perfiano ; è gli mandaua fpeffo Ambafciadori , la liberation di fua Madre ( il che vogliono alcuni ; è forfe non male ; che deffe occafione al Rè di Per- fia, che non voleua renderla, di volerla ò fare à forza Mora, con che dal ren. derla fi farebbe fcufato , O di farla, come fece, morire ) riuolto in vendetta di tal mortc à gli antichi penfieri d'inimicitia , è di guerra, con aiuto de Mofco- uiti , che in cafo d'vn fi giufto sdegno fara lor parfo conuenienza , è pietà l'ai- utarlo, per la via de Circaffi ; è de monti Cafpi) , che frà le terre de Mofco- uiti, è de Georgiani finterpongono ; è tornato di nuouo nella Georgia , è non folo il fuo paefe , mà anco quello del già defonto Luarfab , hà felice mente affalito , con fperanza di gran progrefli , hauendogli à ciò aperto la ftrada , con ftrage di molti Mahometani, il medefimo Moura Georgiano principale, è ri- negato , di chi di fopra raccontai cílere ftato cagione di tanti danni , che per lo Giouanetto Prencipe foggetto al Perfiano lo gouernaua. Qual Moura ve- nuto al fine in difidenza del Ré di Perfia, forfe per la fouerchia autorità ch'ef- feruitaua , hauendo fcoperto, che quegli perciò gli tramaua la morte, pentito del già commeffo errore , è de torti riceuuti da Luarfab vendicato più che à baftanza , dicono , che hora habbia abiurato la mal prefa fetta, profeffando di nuouo la fede di Chrifto, è che vccife con ftratagemma alcuni Capitani prin- cipali del Perfiano mandati vltimamente in quella Terra , è fcacciato anco il giouanetto Mahometano di fede, fe non eftinto , procuri di far di tutti quei aefi Teimuras padrone, è dalla tirannide del Perfiano, è dalla empia fetta di 50 la fua gente totalmente liberare. Peró quefte nuoue non per certe, € ficure le affermo, má come le ho intefe incerte ancora,è confufe, cofi le riferifco. DI PIETRO DELLA VALLE. 11 Nella quifa adunque che diffi caderono già i due Principi Teimuras, è Luar. fab morto, reftando pero il fuo ftato in piedi come prima, ΕἾ gouerno anco di quello nella fua Caía mà in man di Prencipe infedele, & al Perfiano fog- getto , fe pur adeflo , conforme alle fopradette nuoue , non fe n'è fottratto. Teimuras viuo , mà priuo dello ftato paterno, la {ua gente ; è fuoi figli in Per- fia catciui, la Madre vecifa, è la fua Terra fpopolata ; è diftrutta , che ne egli, ne il Perfiano l'ha poffeduta infin adeffo د‎ afpettando quel che farà per l'auuc- nire la fortuna, ὁ per dir meglio la prouidenza Diuina. Reftano gli altri tre Principi Georgiani, cioè d'Imereti , d'Odifci, è di Gu- riel, quali han fempre fiorito, è fiorifcono più che mai, conferuando i lor pae- fi infin hoggi in buoniflimo ftato , è nella fede di Chrifto , fenza difturbo al- cuno de Mahometani nellá loro terra. Quei due d’Odifci, è di Guriel , come hanno i ftati loro fopra l'mar Negro, & etpofti per ciò alquanto all'armate de Turchi, oltre all'utile d'vn groflo traffico di feta , e d'altre cofe, che hanno con la vicina Corte di Coftantinopoli , è con tutta la Grecia , profeffano però per non hauer danno , d'effer amici, è dependenti del Turco , è con prefenti, € con continuo oflequio fimpetrane pace, ἃ quieto viuere, non permettendo però ; ch'entrino mai Turchi ne loro paefi, ne à comandare, ne pur à paffar con efferciti per andar altroue ; anzi fi conferuano in tanta liberta , che non oftante che 1 Cofacchi di Polonia, che hanno la lor fede alle bocche del Fiu- me Nyeper fopra'l mar Negro, fiano tanto nemici de Turchi, quanto fono, ἃ facciano loro, come fanno ogni giorno , tanto danno, effi con tutto ció, fenza rifpetto de Turchi, gli riceuono come Chriftiani né lor paefi amoreuolmente, anzi, per quanto ho intefo, apparentono infieme , è l'ifteffo Re di Polonia, fi dice, che tiene con quei Principi amicitia , € corrifpondenza ,eche fpeffo yan- no vafcelli con traffico da vn paefe all'altro, il che può effere à Georgiani di gran confequenza ; perche i Cofacchi hoggidi fono Signori del Mar Negro, € molto potenti, & il Ré di Polonia ancora per quella via , che è tanto bre- ue, in ogni trauaglio و‎ che effi haueffero à col Perfiano yo col Turco و‎ potreb- be molto aiurargli ; come anch'effi ,co' i lor porti , è ficuri ricetti in quella op- ofta riua ,poffono fomentar molto le Imprefe de Cofacchi, è cofi anco folle- uandofi ogn'altra grande impreía, che i noftri contro il Turco, è maffime cone tra Coftantinopoli per terra, ὃ per mare in alcun tempo tentaffero. 1 Il Prencipe d'Imereti, perche hà il fuo ftato, come difli, nel più interior della terra ,lontano è da Turchi, è da Perfiani, è ben fortificato d'ogni intorno da montagne, da fiumi , è da 2111م‎ difficili و‎ non depende però più che tanto ne da Perfiani , ne da Turchi, mà moftrandofi nell'efteriore à gli vni د‎ & à gli altri amico و‎ in fecreto non fi fida di nefluno , ne ammette effercito d'alcun di loro nella fua terra; ἃ molto bene, perche gli vni, è gli altri, lolo per la con- trarieta della fede,lo deftruggeriano fe poteffero;che i Mahometani benche fi moftrino altrui, è paiano tal volta molto àmici, non conferuano però mai Chriftiani in piedi, quando poffono fe non è per qualche gran loro intereffe, ὃ neceflita , che non poffano farne di manco, è di ciò fi fon ben vifti in ogni tempo infiniti effempi ne fucceffi d'alcuni Principi Chriftiani, che fi fon fidati di loro , è della loro protettione , che tutti gli hanno al fine eftirpatt , come fecero de Greci di Coftantinopoli,degli vltimi Re d'Vngheria , più moderna- mente, è d'altri molti che fon noti al Mondo. 1 Hora dato conto à pieno dello ftato temporale della Georgia in che fi truo- ua , al prefente dirò alcuna cola ancora dello fpirituale. Riceuerono i Geor- iani fin da tempi antichi la fede di Chrifto , è furono à quella conuertiti da vna fchiaua ftraniera in quella Terra, di chi effi raccontano molti, è gran mi- racoli: mà fin adeffo non ho potuto faper come fi chiamaffe , effi ne anche effi ne fanno , benche fappiano l'hiftoria , è folo ne noftri Martirologij la tenemo è 4 τ INFORMA TIONE DELLA GIORGIA nominata per la Santa Ancella Chriftiana ; è come credo , che riceueffero la fede da i Greci , è nel tempo degl'Imperadori di Coftantinopoli , coli anco prefero da principio il rito Greco, che infin hoggi offeruano , officiando però . nella lor propria lingua, quale fcriuono con due forti di caratteri diuerfi , vno detto Cudfuri , che l’vfano folo nella Chiefa , è ne i libri facri , l’altro detto Chedroli , che è commune per tutti gli altri negotij ; è benche nella Chiefa non fvfi; tuttauia 1 libri facri in quello ancora , per i fecolari و‎ fi fcriuono. Ha- vendo i Georgiani feguitato fempre il rito , è la Chiefa Greca è forza anco che fiano incorfi co'1 Greci negli errori ; che quelli hanno nella fede, de qua- li in vero la natione Greca ne hà forfe manco di tutte le altre nationi Orien- tali. Et ardirei dire che forfe i Georgiani ne habbiano anco affai meno de Greci fi perche fon huomini poco dati à lettere il più deb tempo occupati in guerra , è però per lo più idioti , che poco fanno. و‎ è poffono faper di que- ite cofe ,è viuono come Chriftiani in buona fede : onde fra loro affai più che frà Greci molto inclinati à riuolgere i lor libri, fara facile à trouare vna fem- plice ignoranza inuincibile , che in quefte cófe molto fcufa , fi anco perche in certi vltimi Concilij , in che i Greci reftarono pur oftinati in non sò che crro- ti, i Georgiani non vi fi trouarono د‎ ne di quegli errori hebbero parte ; come ben appunto Baronio nel fuo Martirologio , & anco Gabriel Prateolo , nel fuo Elencho Alphabetico degli Heretici ; aflai più che i Greci da gli errori gli dif. colpa. Di più non hanno la prefuntione che hanno gli Greci del primato della Chiefa ,è benche riconofcano in non sò che il Patriarca di Coftantinopoli , non gli fon però immediatamente foggetti ; perche i loro Metropoliti gli crca- no efi fteffi , ne sò che il Patriarca Coftantinopolitano efferciti nella Chiefa della Georgia alcuna forte di Giurisdittione. Hanno in oltre gran deuotione à Roma,& à San-Pietro,è San-Paolo, riuerifcono molto il Pontefice Romano, ne hanno da quello و‎ come hanno i Greci per la contention del primato , yn non sò che d'auerfione. Non fon fuperbi come i Greci, non oftinati, ne falfi, ò doppi nel trattare ,anzi fon piani ; docili, di buon cuore , femplici é tanto fa- cili ad effer perfuafi , che , come قط‎ raccontato , folo per quefto hanno patito da Mahometani molti danni, Oltra di quefto , hanno ; come ho detto , Principi . Chriftiani , hanno Republica , è Goucrno tañto nel temporale , quanto nello fpirivuale ,'cofa che importa molto , perche da vn popolo fenza capo و‎ è fenza Republica , fenz’ alcuna forma di gouerno , è foggetto , come fon quafi tutti gli altri Chriftiani Orientali ; à Principi infideli; che in intrinfeco fon tutti ne, mici noftri , che reduttioni vniucrfali fi poffino fperare? che Concilij? che buo- ne rifolutioni in quelli? è quando pur le facciano, chi le offeruerà ? è chi po- trà farle offeruare ? Anzi più tofto in yn cafo fimile il minimo di loro è’Ipiù cattivo ,che da gli altri diffenta , con vna auania ; come dicono, à calunnia à i Mori baftarà à diftruggere il tutto, & à fare à tutti gli altri molto danno. Fra i Gcorgiani fi che fi può fare ogni cola , perche hanno gouerno, hanno Rèdel- la lor natione, è Religione, € Ré che gouernano con comando ; al modo d’O- riente , affai più defpotico, à affoluto ; che i noftri Re d'Europa ; onde gua- dagnandogli fe ne poffono fperar ne lor paefi maggiori effetti. Cofe tutte in vero che promettono non poca facilità alla lor ridutrione , quando ció con ar- dore fi procuraffe , è foffero eli inftrutti dà perfone idonee delle noftre , che Andaffero ,è viueffero nè loro paefi, fapendo ben la loro lingua. Má con tut- to ciò , non sò per qual particolar loro difgratia ( forfe per lo poco tratto, che hanno in Europa ,è per là loro lingua à noi altri poco nota ) infin à que- fti cempi , con hauer la fede Apoftolica víato fempre tante diligenze , per la, riduttione di tutti gli altri Orientali, è fpefo per quefto ; tanto con Greci, è con altri ,non vi fia pero ftato infin hora, chi fi fia ricordato piú che tanto de Gcorgiani , quali però non fon più lontani; pe più inacceflibjli degli altri, ue DI PIETRO DELLA VALLE 15 àDio men cari,ne appreffo la Chiefa Romana di manco merito. Da quefta freddezza dé noftri, che , à dire il vero, fé vfata co” 1 Georgiani infin qui, fti- molato io, che ero delle cofe loro informato alquanto , & à loro obligato, è per parentela fpirituale , è per amicitia , che ho con molti di quella natione, m'è parfo effer debito mio di rapprefentare à voftra Santita lo ftato , è’ bifo- gno di quelle genti, come ho fatto ; è di più fupplicarla , come fo con ogni iftanza , che intenda alquanto l'animo al lor aiuto : che quanto men tentata da altri errori hora , tanto piü fara à voftra Santita di merito appreffo Dio, è di gloria appreffo'] mondo. à; Ma perche fia anco informata de mezzi di poterfi in ciò vfare, è delle vie perlequali poffa loro foccorrere , le dirò , che per tre camini poffono andar genti noftre nella Georgia. Il primo, el più breue, è per Coftanzinopoli , d'on- de fi può andar colà per terra paffando à Scutari in Afia con Carauane ficu- re, ὃ compagnie di mercanti, che vanno ogni giorno per la via di Trabifon- da in vn mefe in circa : mà affai più facilmente , è con più breuità per mare in otto, & anco in cinque giorni più, ὃ manco, fecondo 1 tempo ; è di la fa- ranno attiffimi à far quefto i Padri Giefuiti , & anco i Frati Domenicani , e Francefcani , che hanno pur iui Chiefe, è conuenti ; mà à dire il vero i Gie- fuiti più di tutti, per quel loro particolare inftituro d'attendere al proflimo, d'infegnare , € di tenere fchuole , è Collegij, che come l'efperienza moftra , è mezzo fopra tutti gli altri eccellentifimo. Però l'andar diCoftantinopoli nel- la Georgia, credo che habbia folo in quefto vn poco di difficoltà, che i Tur- chi non vi lafciaranno andar facilmente genti delle noftre ; è maflimamente fe fapeffero effer Religiofi , è Sacerdoti al fine che pretendemo. Tutta via huomini prudenti , prattichi alquanto della Turchia » è che fapeffero alcuna cosà delle lingue , con habito mutato, fingendofi mercanti, ò cofa fimile , non credo che haurian gran difficoltà à poter paffare nafcofti, di quando in quan- do in poco numero. Il fecondo camino è per la Perfia, d'onde più facilmente con Cafile, ὁ Ca- tauane di mercanti nè paeñ di Luarfab prima , che fono foggetti hora al Per- fiano , vi farà più libero traffico, è di la poi ne gli altri , è per tutta la Geor- gia potriano andare i noftri Religiofi Carmelitani fcalzi, & anco gli Agofti- niani Portoghefi, che hanno parimente in Perfia Chiefe; mà i fcalzi per ven- tura farian migliori , perche con la loro aftinenza dal mangiar carne, imitan- do molto i Monachi Orientali, è con l'afprezza maggiore della vita , fariano à i Georgiani, & à loro Religiofi,& Prelati molto accetti, è di grand eflem- io. Potriano anco in Perfia hauer per quefa impreía molto fauore dalle genti della Martire Principeffa Keteuan ; che reftano ancora in Sciras , è che fanno ;il corpo della Principeffa appreffo de noftri Padri Agoftiniani , come dicono , trouarfi ; dalli parenti del Metropolita Allahuerdi , € da molti altri Georgiani principali con chi hanno amicitia : mà peró cosi l'andar loro cola; come il trattar quefte cole , haurebbe da efler fecretamente con prudenza , à con molta cautela , per non dare al Re di Perfia qualche fofpetto d altri ma- chinamenti , che non doueffeto piacergli ; onde à loro fteffi , & à gli amici Georgiani ne poteffe nafcer danno. Il terzo, & vltimo camino, è per Polonia; dalle cui terre che arriuano fopra il mar Negro, fi puó pur facilmente, & in pochiflimi giorni paffar nella Geor. gia, come anco facilmente venir dall'interior della Polonia al detto mare per do fiume Nijeper » paffando per Kiouia , che vogliono effer Tomi di Ponto, doue Ouidio ftette rilegato. Dalla Polonia poi non mancariano Religiofi à quefte effetto, & in particolare i Giefuiti , 6 1 Domenicani , & i Carmelitani Scalzi , che pur iui hanno luoghi. Non mancaria il fauor di quel Ré tanto Cattolico,é tanto Pio, che aiutarebbe à promouere il negotio con ogni cal» ١ 1 | i b ἢ 14 INFORMATIONE DELLA GIORGIA | deffa. Non mancariano i vafcelli de Cofacchi , co’ i quali i noftri potriano paffar nella Georgia ficuriffimamente , è non folo femplici Religiofi πιὰ quan- -do anco bifognaffe, vn Veícouo, vn Nuntio, vn Ambafciator, con apparato, per quella via, potrebbe paffar molto commodamente. Finalmente 1 Ruthe- ni Cattolici di Polonia fariano forfe in quefto negotio di non poca importan- za, perche effendo effi ancora del rito Greco, è tuttauia alcuni Cattolici , fe pur quei che fi fecero tali , hanno in ció perfeuerato, co i Georgiani , che il medefimo rito offeruano d'effer fimilmente Cattolici ; fariano per ventura è d'effempio è di molta autorità. A voftra Santità, che oltre d'effer prudentiffi- ma è anco infpirata dallo Spirito Santo, non mancheranno di fouuenire altri infiniti modi , è vie migliori. Da me la prego che riccua folo quefto poco, che ha poruto dare il mio poco conofcimento, in fegno della mia deuotione verfo quefta fanta fede , è del defiderio che hò della propagation della fede, ع‎ del feruitio di Dió. Con che finifco baciando à voftra Santita humilmente 1 fancti piedi. E | dr das د‎ τὴς ili . do 一 一 = 7 NN GIOERIDA N ᾿ τ 7 1 MORAN $; tti Maani Gioerida dellaVallé prit naiffance dans Mardin Ville capitale de la Mefopota= ده‎ ΤΕ mie, dans la marfon Gioeridæ; fort connu£ en ces quartiers par la gloirede fes Anceftres : elle fut fon fanebre nommée Maani > cefta dire en la langue du Pals و‎ Penfee Spirituelle , comme fi dés le temps de dit, quila- 5 : AC EDGE : ATE : it fait vn fa naiffance fes parens eu[femt eu quelque préiugé de l'excellence de fon eSprit. Sitti eft un titre Recueil des d'honneur que l'on donne en ces pais-la aux Dames de qualité. Dés l'âge de quatre ans elle fut belles pen- tranfBovtée auec toute fa famille dans la ville de Bagdet fur le flcune du Tigre éloigné de douxe fes ac lieuésde l'anciéneBabylone qui eft fur lEuphrate; La reuolte des Curdes contre le grid T uvcyoblizea rendu dire. T ELOGE DE SITTI MAANI GIOERIDA. M pat fes parens à cette tri migration :* Maany sappliqua 4 apprendre toutes les connoi (fances qui pou- plirla feuil- worent ferurr d'ornement à une perfonne de fa condition s ce qui luy reti ste fi beureufement , & fa le عل‎ laRe- beauté d ailleurs fit tent debrutt dans le paissqu elle y attiva Pietro della Valle Gentilbomme d'v- radi "ne des meilleures Masfons de Rome: la correspondance qui fe trowus dans leurs eSprits les enga- Pietro della ges d visre toufiours enfemble il la prirà la vevité fans autre forme de mariage » fe refernantà T p 1 en füre comme il dit » laceremonie in tempo più oportuno, ce qu'il feit s cependant elle femme , à quitta fon país & fes pavens pourlefuiureen Perfe , @ dans tous [es autres voyiges, me[mes dans wk. les armées , &g en deux ou trois rencontres fe feeit pour la defenfe de fon mary, des armes amec carattere — lefquelles elle efl veprefentée dans fon pourtrait. d'vne belle — Cette Vie errante O tumultueu[e nel'empefcha pas d'attirer auprés d'elle en Perfe ceux de fa αἱ ἜΣΤΙ , Maifonscroyant qu ils y pourroient exercer plus librement la Religion C atholique dans les E flats Pappeloi ع‎ d V2 Prince dont fon mary auoit déia mevité la faueur. Les Chrefhens d'Ifpaban reffentirent au «fre Rome dios les effets de fa pieté selle les fecouroit dans leurs necefSirextemporelles, les edifiort par fon exemple, tm inftruifoit ceux à qui l'ignorance auoit fait perdre la puveré du Chrifhan: fa me CT quoy que les cere- monies des Chrefhens Chaldéens ne forent pas condamnées parl'Eglife, netmois auf&-toft quelle eut veu celles del'Eslife Romaineselle les embraf]a de tout fon cœur, & fut Un pui[fant moye pour obliger les autres de (a Religio à faire le mefme. Enfin fon mary fut touché du defi de veuorr. Ro- me. Et come ils eflotent à Mina. fortere[fe principale de la Prouince de Mogoftan proche d Ormus و‎ €? qu'ils y attendoient L'arrinée desvaiffeaux pour paffer aux Indes, & de là par mer en Europe» la fiévve la prit, €7 la tvifle[fe d'une fauffe couche achewa de tuy oflcv la vie en.la 2.5. année de fon âge : Elle fut fort vepvettée de tout le monde,mais fon mary en fut incenfolable : il fit accom moder. das une quaiffe le corps de fa femme &' le porta par toutes les Indes & en tous fesvavagesl'efpace de quatre ans iu[qu à Rome,oú il le mit dans la fepulture de fes Anceftres,27 quelque temps apres our dernier deuow, luy fit des funerailles fort magnifiques. Car le 23. de Mars de l'année 1617. dans l'Eglife de Sainte Marie d' Aracels deuant la Chapelle de Saint Paul, qui eft celle de la fa- mille della V alle , o9 l'on auoit porté quelques iours auparanant le corps de cette Dame, on dre[Ja. vn theatre couuert de deiiil,les principales Dames de la Ville efloiét d'un cofléles premiers de Ro- me de l'autre, au milieu on auoit éleué vn Catafalques douze pieds d'eflaux fou[lenotent autant de figures qui portoient Une couronne : Ces douze figures veprefentorent la Foy,la Piete, l'Efperances la Religion, la Charité , l'Humilité, la Force , la Iuflice > la Prudence la Liberalite هار‎ Chafte- té, @ la Temperance. Sur chacun de ces pieds-d'e[laux > on auott mis des Epitaphes en diuerfes Langues , qui auotent 6/16 connues à cette Dame, en Chaldéen;Frangois , Arabe , Portugais, La- tin , Perfan, Turc, Grec, Efpagnol, "Armenien , Grec vulraire, O en Italien Cette Couronne fernoit de Corniche & de Couppole à tout le Catafalque , @* eftoit conuer- te d'un nombre infini de lumteres : Elle efloit reprefentee d'or mafúf, ornee de pierreries de dif- ferentes couleurs, mifes en œuure 10s , ET qui eftans efclurées par dehors fasforent un fort bel effets l'ornement de la Couronne néffoit non pas en une boule a l'ordinasre; mais il y auoit am haut un Cygne les aifles ejtenduës comme fur le point de s'enuoler, & un enfant deffus qui te- noit Une Croix; pour reprefenter l'ame de Maani ; al un des coftex des pieds d'eftanx eftorent les armes della Valle, efcartelees auec celles de Maani Gioerida : les Orientaux n'ont vien dans leurs armes de ce que fait celles des Maifons de l'Europe, elles font femlement cope[ées des lettres de leur nom,ou tout feul;ou auec le nom de leurs predece[[eursyou auec quelque dewife. Le cachet de Maa- ni efloit compofe de lettres ; qui fignificient en langue Chaldéenne , Maani fcruante de Dieu. Les dames 4 Milieu du Catafalque eftoit une Vrne fouflenuc par quatre autres figures , qui de l'autre main qu'il ne peut tenoient Un Cyprés auquel eftorent attachées les Vers que tous les Academiciens de Rome auoient po 5 fait fur la mort de cette Dame, (9) dont on a faitun velumede iufle groffeur : Ces figures repre-‏ يد l'Oraifon où Jentoientl Amour coniugal,la Concorde la Magnanimité, 7 la Patience. La Meffe fut chantée il parle dela uec vneM ufique des meillenves voix de Rome s’y fit Un concours de monde incroyable; (Fil n'y Hi: » » manquavien de ce qui pounoit rendre cette ceremonte plus remarquable , mars rien nele fit mieux pécherent de quePretro dellaValle;car pour faire paroiftre dawantage fon amowryil fit luy-mefmel'Orarfon fune- la recicer bre de fa femmes il feroit difficile de latraduire en noftre Langue fans luy faire tort, & luyofler m RE Pn certain carattere de douleur ζ' detendre[Je qui fe voit mieux dans l'original Italien. NEL 1 he Ub NN UE TN NN NEAL NEL ICE Pe O e esente FRAIS 282878438849144 لجع‎ 213379141297411 DI SITTÍ MAANI GIOERIDA {ua conforte. Pietro della V alle il Peregrino. Anima, che dal ciel forfe m'afco!ti, con quai concetti , con quai pa- Apres anoir re= role , farò mai baftante a fpiegar le tue lodi ? con quali dimoftrationi cité cette Orar- Y - d'amore ,e di pietofo affetto , potrò, non dico ‘pagare vna minima Je» aes parte del molto che i’ ti deuo , che quetto è impoflibile :ma monftrarti ραν ἐς ες almeno vn picciolo fegno di gratitudine, a tuoi gran meriti douuta, Sit imprimer & a gli oblighi infiniti, che ti tengo? Dondecomincerd gli Encomi), quelque copies che per eccelf che fieno, faran nondimeno auanzati fempre di gran. qu'il donna è lunga dalle immenfe tue doti ? Diró per auuentura della tuanobilità? 4% 2^2 _ che nafcefti nell'Affiria , douc fu il primo Imperio del mondo: nella ενώ τῷ μὴ regione di Mefopotamia,celebre infin da primi fecoli per tante perfone;famofe,che ha prodotte: يرز‎ celle-cy. nella Città di mardin, antichiffima, e principale in quella regione,doue la tua cafa Giocrida, per xonfenfo commune , datempo immemorabile, è la prima fra i Chriftiani della natione Sira : è la cuiantica nobilrà, quando poco, non può effer di men tempo, chedi pin di mille anni , cioè prima della venuta del feduttor Mahometto , e de” Saraceni fuoi feguaci in quelle parti ; per- ‘chè dopo che forfe quella empia fetta , e che fin dal fuo principio di quei pacíi s’appoderd,chia- ra cofa e , che mai più famiglia alcuna di Chriftiani non potè inalzarfi, nè s'inalsó di nuouo: anzi le antiche tutte, ὁ s'eftinfero , ὁ s'abbaffaron molto : ond'é , gran merauiglia , come in tanta riuolution di cofese fotto sì dura tirannide, la caía Gioctida in quella terra ancor duri, e ritenga infin' hoggi quel che ritiene dell’antico fplendore. Però quefto nobil pregio della chiarezza, & antichità del fangue , benchè dono eccellentiffimo di Natura ; à per dir meglio, di Fortuna, & infeparabile per fempre da chi dal cielo l'hebbe in forte :tuttauia, in quanto dalla virtù altrui, cioè de’ maggiori , procede, e più ne gli altrui meriti , che ne’ proprij di chi Tha , confifte ; può numerarfi al mio parere fra quei beni efterni , che fi confideran di fuori dal- l’huomo ; & anco è comune a chi lo pofliede con altri, come comune è ate Maant, la tua no- biltà con tutti i tuoi; Siché, venendoa cofe più intrinfeche, & a quei particolari, che la tua propria perfona , fola per fe fteffa, rendon chiara come Sole,e non come Stella;che dall’altrui lu- me riceua fplendore;potrei lodarti di bertà rara: di gratia fingolare , nel parlare, nel ridere, nel conuerfare, nel caminare , ne” moti, ne” gefti in tutte le tucattioni: potrei lodare il portamen- to altero, che i Poeti foglion tanto celebrare : la grauità , e difpoftezza infieme della tua perfo: na,non men maeftofa, che fnella, non men robufta per ottima compleffione , e fanità , che gen- tile, e delicata per natura, e perfettiffima in fomma in tutte le (ac parti,tanto per rara compo: fition di colori , quanto per mirabil proportione di tutte le membra, c perleggiadriadi moui- menti ; delte quali cole pollo giurare (elo giuro, hor che non viui più in terra, e che me lecito dirlo ) che in tante parti del¿Mondo, che ho caminate , in tutto’l tempo della mia vita, non ho ‘veduto mai donna più bella di te : nè più leggiadra, ὁ di più macità, ne più gratiofa in tutte le cofe ,almeno gli occhi miei , che fe pur occhi d'Aquila non ho nel corpo, non gli πὸ ne ancô di Talpa nell’intelletto. Dellabellezza potrei aggiungere, che in tenon era artificio fa à ap- € 15 NEL FVNERALE arente , non finta, ὁ fucata; ma folida. e vera; che in tutto'l breue corfo di tua vita, che nella più frefca ctade , pur troppo per tempo ahimé fin , benché in anni cosi fioriti,quando ilpiacere alrrui vien che alle done fia pi caro, non fapefti però giamai, che cofa fuffe imbellettarti, né trasfigurarti il vifo, come fan quafi tutte le altre donne , con artificiofi ornamenti , che a gui- fa d'incanti le altrui vite ingannano: non fapefti mai, dico, che cofaciò fuffc, fuor che quei primi tre , o quattro giorni, che fpofa ti condullero alla mia cafa ; che all'hora , come delle fpofe è coftume,le tue parenti , ma contra tua voglia, e ricufandolo tu fin con fde- 2no e con lagrime ,a forza t'imbellettarono alquanto. Ma dopo che meco nella mia cafa atua voglia viuefti, i tuoi lifci, i tuoi belletti non furono altro giamai , che acqua chiara, c pura , del fonte , © riuo più vicino alla noftra tenda , s'eramo in campagna per cami- no, o la prima , che dalle tue donne vera miniftrata, s'erauamo in caía ; non mirando punto, © fulfe di ftate, o di verno, s'era calda, o fredda, & , o fuffe per i capelli , o per le mani , el vifo , Sera acqua di pozzo , di fontana, o di fiume , in che le altre donne foglion porre tanta cura ; ma qualfiuoglia t'era meffa innanzi , con quella ti lauaui , non ritirata in fecreti camerini, ma a vifta di chiunque era in cafa, e di chi anco di fuori in cafa veniua, c ben fpeflo dopo hauer fatto mille altre facende , che Verano più a cuore, poco curandoti di lafciarti vedere و‎ come a punto forgeui dal letto > incolta, & inornata si, ma tale و‎ che ben fi conofceua , che la tua bellezza non haueua bifogno d'aiuti, Non men della bellezza, e della gratia potrei lodare in te la politezza efquilita : che non fo- lo non eri contenta , che nella tua perfona ; ne gli habiti, nelle camere, e luoghi , doue dimoraui , non fi vedeffe mai pur vna minima immonditia و‎ occupando in cio più hore del giorno molte perfone della tua famiglia ; ma volcui, che tutte le cole riluceffero , per così dir, d’vna mondezza ftraordinaria, ben conforme a quella dell'animo tuo : che tutte fpi- taffero odori , i panni tutti profumi ; tutti acque nanfe د‎ le menfe , i letti , fempre pieni di fiori: infin i pavimenti, infin le mura و‎ nel tempo della primauera , empieui tutte , e ricamaui di role; onde a ragione foleuan dire in Sphahan , che quando tu con le tue don- ne entraui nella Chiefa و‎ parcua ch'entraffe vna maeftà , vna fragranza celefte. Ma, inua- Ro, troppo a lungo mi tratterei fopra quelle, e mille altre doti del tuo nobil corpo, che, come della parte inferiore و‎ fon tutta via però di manco ftima. Che potrei dir del tuo ingegno peregrino, congiunto con chiaro, e fottiliffimo giuditio ? con che non era cola , per alta, e per difhcil che fuffe , che con molta facilità non comprendeti : non arte, non difciplina , non coftume , non fcienza ( quanto puó faríi naturalmente, fenza aiuto di {chuole ) di che non intendeti , e difcerreti a merauiglia و‎ giudicandone perfettamente : non lingua, per ftraniera che fufle , che non apprendeti in breuiffimo tempo : onde , non folo la materna, e matiua, ch'era l'Arabica , fatta hoggidì volgare a tutta la Siria , & à molti altri paefi , ma e la Turca , e la Perfiana parlaui molto bene : della Caldea , ch'è l'anti- ca, e letterale della tua natione : della Curda , dell'Armena , e della Giorgiana, dopo che meco in Perfia venifti , haueui non poca cognitione : l'Italiana , l'Indiana , la Portoghefe vlata pur in India, per doue penfauamo far viaggio , già cominciaui ad apprendere : e perche, haueui intefo che la Latina era fra noi la letterale , in che fi fcriucuano i libri, e s'infegnauano le fcienze , víata anco dalla Chicfa nel culto diuino , tu , fde- gnando quafi ció , ch'era volgare , e commune , voleui in ogni modo la Latina , co- me più profitcuole , molto bene , e prima dell’Italiana , imparare; e già in latino mi falutaui , in latino refpondeui a mici faluti , quando tal hora ( ma rare volte per mia negligenza, e per la commodità , che haueuamo d'intenderci in altre lingue ) in quelle de noftri paeli cominciauo ad efercitarti. Pari all ingegno , & al giuditio era in te am- mirabile la memoria , che di quanto mai haueui veduto , ὁ letto , così felicemente ti ricordaui , che folo di fetenze d'autori di prouerbij, e di veríi di Poeti famofi in diuerfe lingue a te’ note, che in propofito di varij raggionamenti , ben fpeflo و‎ e molto a pro- polito m'haueui addorti e recitati , voldendone io tener memoria , come di cole de- gne , ne haueuo già empito più fogli, ehe poi per mia fuentura , partendo da Perfia verfo India , nello imbarcare infretta vna notte perdei infieme con altre robbe , e con molte altre fcritture à me cariflime. Non poco ornamento accreceua allegià dette doti leloquenza naturale , fenza aiuto d'artificiofa rhetorica , che era in te , che nella tua lingua materna auanzauii Ciceroni , i Demofteni : e nelle altre, che aueui apprefo و‎ eri in guifa pronta, e faconda , che le genti di quei paefi , ὁ non ti riconofceuano per ftraniera , ὁ fe pur ti reconofceuano , ti afcoltauano con meraglinia و‎ e diletto , veden- do quanto ben parlaui i loro ἃ te peregrini, idiomi. Più dirò , ma vero ; che in più lingue, c lingue à te non naturali, ma acquiltate , tho veduto fin compor verfi; cola , a che t DI SITTI MAANI GIEORIDA DELLA VALLE. io difficilmente fogliono arriuar gl'ingegni più fublimi , e quei che ne’ ftudij delle Mufe han confumato più tempo. Taccio la dolcezza del canto , la foauità della voce , là leggiadria ne” balli vfati in Oriente ; la maeftria , con che toccaui diuerfi barbari ftru- "menti و‎ che in quelle terre fi coftumano : che quefti efercitij , come in quelle parti non fon tenuti per nobili , rariffime volte ti lafciaui veder fare e folo in fecrete conuer(a- tioni di noi altri parenti , che per noftro diporto di quando in quando t'importunauamó a fargli. Quindi era , cioè dal concorfo in te di tante parti amabili , che di rado in mol- ti, non che in vn folo foggetto fi trouano; che la tua conuer(atione fu femprea tutti fo- pramodo gioconda, da cutti fopramodo defiderata; nè perfona fu mai, di qualunque fta- to, ὁ conditione fi fuffe , che vna fola volta ti parlafle , che non ti reftaffe oltra modo affettionata. Le matrone nobili ti cercauano a gata : Le Principeffe t honorauano : ع1‎ per- fone humili ricorreuano à te, come a lor proprio rifugio: di chi ti feruiua , eri l'idolo : de” ouerila madre : de’ parenti , le delitie. Co i maggiori n fapeui effer graue , e rifpettabi- j^ ico i pari, cortefiffima : con gl inferiori ; in eftremo affabile , manfueta , & amore- üole.) La tua cafa fempre era piena, & honoreuolmente a tutti aperta : la menfa a tutti ‘commune : la faccia à tutti allegra ; e ferena : a tutti eri hofpitale , con tutti officiofa, a tutti larghiffima benefattrice ; e però con ragione tutti t'amauano , tutti ti benediceua- no ,tutti predicauan le tue lodi, tutti ti pregauan dal cielo vita lunga , e felice; e non sò per qual mio peccato le orationi di tanti, e con tanto tuo merito , fuffero cosi'poco cfau- dite: fe pur non fù, com'era in effetto , per farti Dio , conforme eri ben degna, più prefto poffeditrice di maggior felicità, di gloria perfetta , di vita eterna, e beata in Paradifo, ‘che in quefto Mondo goder non poteui, Gran cofe ho dette : ma poco, a quel che ho da Yoggiungere : nulla attatoi, a quel che trapaffo per breuità , & a quel che haurci da di- rc , fe voleffi , à poteffia pieno le tue perfertioni defcriuere. Quefte, che hà raccontate fin qui , benche fian Gratie', che a pochi il ciel largo dekina, pur tuttauia fon dal cie- lo, € per gratia altrui conceffe, ben fpeflo anco fenza adoprarüifi punto , nè metrerui co- fa alcunadel fuo chi le poffiede : onde a ragione pitrd'effere inuidiate, & ammirate paion ‘degne , che d'effer celebrate con vere lodi, che folo a quei beni deuon dará , che gli huomini s'acquiftan da fe fteffi, & a quegli atti virtuofi, in che per clettione di libera vo- lontà , più che per naturale inftinto, e per facile inclinatione ; anzi con difficoltà il più delle volte , e contra quel che più piace , gloriofamente s’efercitano. Solleuando adunque il mio patlaré a quelle altere, e fourahumiane doti, che ornarono già in terra, & hor vie più che mai otnano in cielo ; & orneranno in eterno la bell’ anima tua; che ammi- reró in te MAA NI? la Prudenza forfe, ch'è madre, e regina di tutre le altre virrudi ? della quale fofti in tal guifa dotata , che giouanetta ancora ; a diciotto anni a pena giun- ta, quando di neffuna cola haueui pur anco efperienza, e fuor delle paterne mura quafi al- tra cofa non haueui mai vedato , venuta nella mia cafa, e prefo fubito di quella il gouerno , non folo mi fgrauafti di tutte le cure; adempiendo con total mia fodisfat- tione, e de gli altri ; ogni parte di perfetta madre di famiglia mentre dimorammo in Baghdad ,'ch'era terra a te nota, e douc pur da bambina eri'ftata nudrita : ma facefti anco il medefino , quando , dopo non più che due mefi , di là partimmo , & andammo in Perfia 5 doue in terre cosi ftrane , e da te non mai vedute : fra genri , di cui ne pur la lingua all'hora intendeui : à che fteffimo in Città fermi , ὁ che andaffimo pet viaggio : in tempo e di pace , edi guerra; fin nel campo fra le turbulenze delle armi, e de gli efferciti : fra le battaglie , e le ruine de popoli , quando vn' anno integro fegui- tai contra Turchi le infegne del Re Abbas vittoriofe ; e te conduceuo meco, come ir Perfia è de nobili antice coftume ,'che né anco alla güerra vanno mai fenza le donne loro ; in sì duri frangenti; in quei dubbiofi accidenti di fortuna , mentre ogni cofà an- daua foffopra , mentre le Città, & i pacf integri fi fpopolauano, in difficoltà così grande di tutte le cofe ; tà pur nondimeno; c fempre me feguifti ; e di quanti mi feguiuano, e di tutta la famiglia, che pur numerofa haüeuamo appreffo , volefti hauer di continuo la cu- ta, moftrando ogn'hora in gouetnarla fomma prouidenza , fomma notitia di tutte le co- fe : informandoti ouunque andauamo , e pigliando in vn tratto perfetta. cognitione dc coftumi delle terre : di ciò , che in-effe abbondaua , ὁ mancava, de’luoghi و‎ € tempi a propofito , da fare ogni forte di prouifione : delle monete , de prezzi, delle mifure و‎ de’ peli , c di quanto altro bifognaua , che né anco i pacfani più di te ne in- tendeuano ; con ritener in te ftelfa così efatta notitia di tutte le cofe in diuerá luoghi pratticate , & offeruate , che fe Roma haueffe hauuto forte di vederti viua, non dubito punto, che non hauefii. arricchito il Latio della cognitione di mille Semplici peregrini, del: € 1] 20 NE LEVINE RAE lvfo di mille droghe ftraniere , & in medicamento , & in cibo : dell'efercitio di mille arti, a noi incognite, e di mille altre curiofità , non men d'vtile al publico, che d'ornaz mento, & a’ curiofi di gufto. Nel marciar poi, nell’accampatci و‎ nel diftribuir le hore del giorno, el pelo alle perfone de'feruitij neceffarij , che ordine? che vigilanza? che auedimento in allegnare il tempo da muouerci , à pofarci ? che accortezza 1n eleggere i fiti da piantar le noftre tende ? Delle cole publiche , che giudirij , che difcorfi faceui ? in tutti mici negotij , de'quali fempre gran parte mi togliefti : in affari affai graui , c publici,e priuati , in che più volte m'occorfe hauer le mani, che configli , che auuifi , che aiuti con parole, e con opere mi daui ? che poffo dire in fine? fe non che in si tencra età ti moftraui ben degna di comandare, ben'atta a gouernare , non che vna priuata fameglia , ma gli eferciti numerofi , i popoli integri , le Corti, le Prouincie , i Regni. Ma, che non dico più tofto , per proua del tuo maturofenno in cosi acerba etade , di quando , contratto a pena fra di noi il matrimonio , in quel modo , che co- lì civilmente fi poteua ; ricufando io di riceuer le benedittioni della Chiefa da i Sacer- doti di quella terra, sì perche n'erañ fofpetti di fcifma ( il che perd , per non offen = der loro, & i tuoi parenti a loro additti non voleuo dire) si anco per vn'altra graue; & importante cagione , che all’hora pur taceuo : & adducendo friuole fcufe di voler riferbarmi a far le facre cerimonie co i noftri religiofi Latini in Sphahan , doueprefto cro perandare ;natiperció, econ ragione,a' tuoi parenti non leggieri fofpetti della mia fede, che ancho a te ftefla poteua cffer dubbiofa , fe più alle opere apparenti ; che alle parole mie bene intentionate ; fe più a quel ch'io moftraua di fare ; che a quel che ti parcua ch'io potefi , e doueffi voler fare, hauefci hauuto riguardo : dopo che riufcì va- na, per disfare il noftro matrimonio , ogni diligenza, che alcuni de’ tuoi fecer co i miniftri Turchi , per altretante , e maggiori , ch'io ne feci in contrario , perfuadendoti tutti, che almeno non venifci con me in Perfia , a fin che partendo da Bagdad lontano da loro, la vita, & la riputation tua, e di tutti i tuoi, per qualche mia impietà, di che pare- ua poterá fofpettare , non venifle a pericolo; non folo ricufafti di ció fare , con dir che ; poiché per moglie mi t'haueuano già data, e non haucuano a quefto perifato prima; non conueniüa a te difobedire a tuo marito né negar di feguirlo ; ouunque condurti haueffé voluto : ma quando vedefti perciò foffopra tutto’! parentado , e che fin la mia vita, fen- za io faperlo و‎ correua non poco pericolo , non mancando perfona infedele , che per tor gli altri d'impaccio , s'offeriua a tor facilmente me dal Mondo: rifoluta di patire ogni male, più tofto che per tua cagione alcun mal fi commetteffe : non folo ouuiafti ad ogni finiftro intento , che in tal cafo ne’ tuoi , con ombra di ragione; a miei danni hauria po- tuto nafcere: ma anf pietofa della mía innocenza ( che conforme alla fchiettezza dell’ani- mo tuo, nè anco inaltri poteui creder maluagità prima di vederne gli effetti) e fopra tutto gclofiffima della mia vita, come quella; che gia , quanto cra tuo debito, finceramente l'amaui , mi guardafti con fomma vigilanza , non fidandoti in ció né anco delle perfone a te più care, e più congiunte, nè anco della fteffa tua madre, per tema, che vn rigorofo zelo d’honore, con le altrui male , & efficaci perfuafioni , non poteffe a cafo indurla a far cons tradi me;qualche opra ftrana; offeruando con gran diligenza chiunque in cafa veniua , che faceua , doue andaua , fenza fare altri di ciò accorto : offeruando i cibi ; le viuande, chi le condiua , infin l’acqua, infin i vañ doue io haucua da bere , non lafciaui che alcuno , fen- za tu vederlo , poneffe in quelli le mani; finalmente , tacendo a me, & a gli altri quel che conuenina : riferendo folo a tutti quel che poteua giouare ; afficurando i tuoi da vna parte, «attiuando me dall'altra con maniere efquifite : e per l'altrui falute و‎ e per la riputation di tutti, te fteffa fola , e la tua vita efponendo a pericolo , partifti meco da Baghdad con buon animo, prouifto alla tua ficurezza al meglio che poteui, con condur teco iltuo mag- gior fratello : ch'a me peró,non per diffidenza, ma per altro honefto , & a me grato fine, moftraui di farlo. E quando poi per viaggio più chiara t'aperfi la mia mente ; e t'efpofi a pieno di ام‎ πὴ ἢ l’altra graue cagione : perchè vola più tofto parerti infedele con quel che ti diffi, ch'efferti veramente infedele con tenerlo celato : tu nondimeno , all'hor che con più ragione poteui di me diffidare ; all'hor che più poteui penfare d'effer tradita: con animo , non meno inuitto, che pio , premendo nel tuo cor la doglia , che folo vna notte in Ghiulpaigan con abbondanti, e fecrete lagrime sfogaíti : e di canto affare a te fo- la riferbando la cura , a te fola di tanto. trauaglio facendo parte ( che per non turbar la pace, né anco al tuo proprio fratello conferir volefti quel ch'io haueua a te conferito ) fenfa moftrarti, a me giamai turbata , ne moftrarmi pur mai men che amorcuole il vifo con rammentarmi folo il mio debito , & attribuire il rutto alla fortuna, à al diuino yo-* DI SITTI MAANI GIEORIDA DELLA VALLE. i lere, e non mai ad alcuna mia colpa , fcufaui il fatto, e compatiui le mic giufte pres tenfioni , che vn'altra più appaffionata ben ingiufte hauria potuto chimare ; e confidata in Dio prima , e nella tua ragione : poi anco nel mio amore ( di che tanto.ti deuo ) nella mia fede, benche poco ancora fperimentata:e quel che più ammiro; nella qualità della mia perfona , per la quale fola non ti poteui indurre a credere , ch'io fuflî mai per fare atto villano , lafciandoti a me tutta in abbandono: alle promefle; alle parole mie, a miei giufti defiderij ‘commettendo te ftefla , la vita, la falute , e riputation tua , e di tutti i tuoi , onde maggiórmente m'obligafti : giunta al fine in Sphahan , con la tua fola prudenza , con la tua fola diligenza , fuperato ogni intoppo , fpianate tutte le dif ficoltà, riducefti il negotio ad ottimo , € fcliciflimo fme , confermandofi in faccia del- la Chiefa il noftro matrimonio, in quel modo a punto, e con tutte quelle giuftificatio- ni , ch'io tanto bramaua ,e con fodisfattione vniuerfale ; e gufto di tutti i tuoi parens ti, che, cefíati i vani sì; ma giufti fofpetti, fcoperti i mici modi e nobili , e leali, c chiarita in fine la mia buona intentione , che giamai non mi mancò , non folo. ne fa- ΤΌΠΟ a pieno contenti , ma reftarono poi comme legati per fempre connodo ftrettiffimo , non men d'amore , che della contratta parentela. Nella quale attione non faprei dir che cofa fuffe in te maggiore, à la prudenza in faper così ben guidare , c difpor tutte le cole : ὁ la grandezza dell'animo , che in turbolenze sì grauigiamai non fi perdè, né ven- ne meno : ὁ la conftanza, e la patienza , in fofftir quanto fofftifti , preparata ancora à fofftir cofe molte maggiori , che la fortuna pareua minacciarti : à l'amor grande , che all’hora ancora, come fempre, mi moftrafti : à la confidenza ; che hauefti nella mia fe- de a te douuta ; a difpetto di tanti inditij, che infedele mi ti faceuano parere : à la fin- cerità, con che fempre mi credefti , e con che interpretaui , e giudicaui tutte. le mie at- tioni ; 9 infinite altre virtudi , che tutte in grado altiflimo moftrafti in quella Si graue occorrenza. Ma non poflò in poche parole comprender tanto ;nella tua Vita, che ; piacendo a Dio, fcriuerd vn giorno , le merauiglie di quefte , e di mille altre heroiche tue virtudi , più diftintamente farò palefi al Mondo ? Qui , che ferue altro ? Non baftano a fare affai chiaro teftimonio della tua prudenza i detti fagaci , le rifpofte auui- fate , che si fpelfo in diuerfi propofiti dalla tua bocca all'improuifo víciuano ? de quali pur, volendone io tener memoria , perché degni me ne pareuano : notando , quando po- teuo fenza farne te confapeuole , alcuni di più auuifo , che ti fentiuo dire , in men di due anñi ne haucuo ráccolto in vn libro vn gran numero , che pur con le altre fcritture ; che già diffi , in quel porto di Perfia la mia fuentura mi fece perdere ; ma tuttauia di quei tuoi Detti fagaci ( che tali gli chiamauo , con animo di lafciargli alla pofterità in perpetua memoria ) alcuni pochi , che più de gli altri reftarono a^ mente , e che dopo la perdita del libro pottei pur mettere infieme, a fenfo almeno , fe non con quelle: precife ; & cfprefliue parole, con che vie più leggiadra, e più elegantemente da te fentiti dire , ha- ticuo già nell'hora propria feritti : e che hor , benché laceri, e fcemi in gran parte della lor natitià viuezza, come pretiofe reliquie , appreflo di me conferuo ; baftano a far indu- bitatà fede à chiunque gli leggerà, del tuo molto fapere ; e dell'alta prudenza ; con che; e nelle humane, e nelle diuine cofe; fofti fempre a merauiglia fingolare ; E tanto più fingolare, quanto manco era il concetto ; che di te fteffa faceui : che dotata; a pari delle altre virtà , d'vna profondiffima humiltà , che di tutte le altre fenza dubbio è il fonda- mento , € di prudenza ,e d’ogni altra cola ti ftimaui fempre minima fra tutti ; e fa- cendo affxi più cafo dell'alrui, che del proprio parere ( benché il tuo, fra i buoni , io lo trouaffi quafi fempre il migliore ) non folo prendeui da altri configlio con molto gu- fo, ma, quafi che fenza l'altrui guida ti pareffe d'errare ; ne” cali dubbi, e difficili, & iri ogni altra occorrenza , pregaui con molto iftanza dalle perfone , che più ftimaui; e da me in particolare, d'effer di continuo ammonita ; $ infegnata. Rara docilità , mera- uigliofo difprezzo delle proprie doti , clie in quelli , che tante ne hanno quante tu nc haueüi , poche volte fi troua. La giuftitia poca occafione havefti d'efercitarla , e folo hell'angufto campo delle proprie habitationi , fra le poche genti ; che iui eran fottopofte al tuo gouerno : pur tuttauia ben chiara in te riluceua , e non era poco in via famiglia compofta di gente di varie nationi , varie infin di riti, e di religione, non che d'humori; e di coftumi ( che vna volta offeruai , che dieci lingue diuerfe fi parlauano d'ordinario nel- la noftra cafa ) mantener con tutto ciò fra tutti pace : tenergli tutti fodisfarti, e contenti : diftribuendo con retta vgualitá gli vfficij le fatiche , i premij e le correttioni anco a fuo tempo , far sì, che non folo di te giamai neffuno fi dolfe , ma tutti, come lor Nume ; ti tiueriano; e non come a Signora , ma come a lor propria madre, vbbidienti ; 22023 c dj 22 NEL FVNERALE uano. Né folo dentro alle domeftiche mura la tua ginftitia fi facetià éonofcere , mi fuori ancora : tanto commutatiua in trattar con altri con fomma rettitudine ; che quant- mai con la noftra caía hebbero negotio , contentiffimi di te fempre , a loro pro la tua “integrità a tutte le hore cfperimentauano : quanto diftributiua , à legale fra vn buon su- mero di Chriftiani di diuerfe nationi, e riti , che habitano in Sphahan , de’ quali tutti la noftra cafa era l'afilo , tu ; l'oracolo. Quante differenze componefti, fatra arbitra di quela le genti? quante mogli; e mariti difcordi riconciliafti inficme 2 a quanti difordini defti rimedio > di quante buone opere fofti cagione ? dicanlo quelle genti ftefle , che non fen- za caufa pianfero il tuo. partir di là con tante lagrime. Di fortezza, e di magnanimi- tà innumerabili efempi defti fempre in tutte le tue attioni : già فط‎ detto quanta ne mo- ftrafti ne” fucceffi del noftro matrimonio 3 ma , oltre di quello , hauere animo d'intrapren- der con me tanti , € sì lunghi viaggi , come facelti , e tanti altri ; e maggiori , ché fe più viueui ti reftauano a fare ; non folo non ftimandogli graui , ma facendogli parere a me foaui , ἃς efortandomiui , accioché più prefto arriuaffimo al defiderato ripofo della patria + foffrir con tanta patienza il feparatti da” tuoi, e non vna volta fola , ma due ; cioé in Baghdad prima , quando di là partimmo, e poi anco in Perfia , doue tütti eran venuti, quan- to pur iui o gli lafciafti , Ὁ contra tua voglia ti lafciarono : ftaccarti per fempre da fra- edli, da forelle , da padre , da madre , € per andare in pacfi tanto lontani : feguirmi 9 come già diffi , fin nelle guerre tral fangue , e le morti : vedermi più volte , ma con core inttepido , e con faccia non turbata , fra nemici a pericolo con l'armi in mano , e non folo non temere , ma più tofto inanimarmi, e dare a me in vn certo modo aiuto : nelle funtioni militari, non folo feguitarmi, ma precorrermi , come altroue hò fcritto ; e con ragione ; poichè, marciando vn giorno , in quella confufion dellefercito , diuifi * tu con tuo fratello, & i cariaggi da vna banda ,io con altri de? mici a cauallo da vn'rltra : quando poi nell'accamparci , occupando l’efercito grandiffimo tratto di paefe, penfauo d'ha- uerti molto adietro , trouai , che diligentiffima al folito , c più Ícaría di me al ripefo, benchè più graue per gl'impedimenti, che teco conduceui , m'eri con tutto ciò paffata buona pezza in- nanzi. E nella guerra d'Ardebil, all'hora, che defperando il Ré di Perfia di poter difender le fepol- ture de’ fuoi maggiori , che iui ftanno , per effer quella città aperta fenza mura , ne mandò fuori tutta la robba, c tutti gli habitanti : e fatto anco ritirar quafitutto'] fuo campo con le tende, e le bagaglie in vn'altro luogo più ficuro fra monti ; doué penfaua far tefta a i nimici : egli folo con poca gente alla leggiera reftò nella città, per non abbandonarla fe non co- ftretto da eltrema'neceflita , e per arderla in tal caf , accioché gl'inimici d'arderla effi non haueffero gufto : ma di donne nefluna altra vi reftò , fuor che quelle della mia cala per par- ticolar priuilegio ; e quelle della cafa reale , quali pero , perchè il Ré non molto le ftima, in cafo d'yn difaftro hanno ordine gli Eunuchi di tagliarle tutte a pezzi و‎ afin che non ‘vengano viue in man de gl'inimici ; io, chete nen volcuo vedere a tal pericolo , ti pre- gauo con grand'inftanza , che n compagnia del tuo fratello , co i carriaggi e con tutte le genti di feruitio ti ritirafli in ficuro , à almeno nel campo fra monu , doue ftauano «pur le altre donne di tutti i grandi و‎ mentre io , com'era douere , con tré , o quattro foli de” miei huomini a cauallo haurei feguitato il Ré in ogni cafo , che in due, dere giorni fi faria veduto di quei grandi atti il fine. E benchè non io folo, má vn buon vec- chio tua fida compagnia , e tutti gli altri ancora con molte raggioni ti perfuadeffero a farlo , non volefti però mai compiacermene ( fola cola al Mondo , che in turto'l tempo della tua vita mi negafti ) e lo negaui dicendo , che doue ftaua la mia tefta و‎ poteua ben flare ancor la tua -: che andallero pur le fome , e la famiglia , s'io così voleuo , ma che tu a me voleui ftare appreffo : e che tu ancora a cauallo , alla leggiera, e come fuffe bifognato , con velte anco mutata, c con le armi in mano , fel tempo così ricer- aua , hauerelti faputo in ogni cafo feguirmi , come ben conofceui effer mio debito , che anch'io il Ré feguiffi. O virtù incomparabile , e come potrò io chiamarti? fortezza ma- gnanimità 2 valore > ardir generofo ὃ temerità virtuofa ? o pur con tutte quefte infie- me , ccceffo di vero, é legitimo amor coniugale , com'era in effetto ? Ma , che va- do riferendo i particolari ? tutta la tua vita, maflimamente quegli anni, che viuefti me- co in tante peregrinationi , in tanti difagi, che'l peregrinar fempre apporta per com- modamente , che fi faccia: in terre di barbari, lunge pià volte da i tuoi , lunge da i miei : in luoghi ben fpeffo , in douce fin le nuoue ,finfin le lettere de’ noftri ne man: cauano ( che vna volta da Roma , donde il noftro viuer dependeua , in più di due an- ni nè pur vna lettera potè arriuarne)tutto quel tempo dico tutti ituoi giorni non furono altro gia- mai , che vn'ato perpetuo di continuara fortezza , di coftantiffuma patienza 3 E fina DI SITTI MAANI GIEORIDA DELLA VALLE. 33 giotni eftremi , fin alP vltimo fpirito , nella mortale infermità , onde al fine, gettato prima l'immaturo parto , concedefti poi al fato , grauida , inferma , in luogo si tmife rabile , nel paefe di Moghoftàn a pena al Mondo noto : fotto la fortezza di Minà, humile, & incognita prima, ma hora per la tua morte fin nel Latio conofciuta , ἃ fa- mola : inferma dico , fenza aiuto di medici, ὁ di medicine : fenza confolatione alcu- na , ne corporale, per la mifera condition del pacfe , nè fpirituale per effer terra d’infide- li : in così gran male con tutto ciò , che patienza? che rifegnatione nel diuino volere? che animo tranquillo > che perfeueranza , che coftanza inuincible ? Io fteflo , atterrito dal tuo male , perché temeuo , che quando ben te ne fufli liberata , in viaggio cosi lungo altri fimili te ne potcffero auuenire , ti diffi vna volta poco inanzi al tuo. morire che fe Dio ti daua falute , tornaffimo a viuere in Sphehan co i tuoi parenti , onde non eramo molto lontani , ch'io mi contentaua di priuarmi per fempre d’Italia , e del> la patria , purché non refponefli in viaggi così lunghi a pericolo. A che, con voce languida , come poteui , ma con animo pm vigorofo che mai, mi rcfpondefti , rim- prouerandomi quafi pufilanimità : E che diran le genti , fe non andamo alla noftra ca- fa per paura di fare vn viaggio ? la cafa della donna non è quella del padre , ma quella del marito ; da 1 mici già mi fcparai , non bifogna tornar più a rinouar quei dolori ; quando vengono le naui , che afpettiamo , imbarcatemi pur, à fana , ὁ inferma ch'io fia : ché fe Dio vorrà , in Roma , e la folo voglio andare à ripofare : ὁ almeno arri- ucró à morire in qualche terra di Chriftiani, e tanto mi baita ; e fe nè anco quefto Dio mi concede , fia fatto il fuo volere. Cosi fu a punto ; che chiamandoti ià proprio Dio , . per liberarti forfe da mille altri affanni del Mondo fenza pena, fenza dolore, fenz'alcuna tur- batione , ὁ paura, con fomma pace , con quiete d'animo , e di corpo, dopo d'efleti molto a Dio raccomandata , e dopo d'hauer auifato me , che perdeui la parola , il tuo fpirar non fà altro , che vn faciliffimo fofpiro , con gli occhi a me riuolti , e con la bocca a rifo : qual che allegra mi diccfli و‎ Amico , rimanti in pace; io vò contenta. O felice , che folti fem- pre di tua forte contenta ; tanto contenta in vita , € di tanta temperanza, che pollo affermar con verità , di non hauer mai veduto in quefto Mondo perfona contentarfi di manco intut- te le cofe , che te. Moderatiffima ne’defiderij : difprezzatrice d'ogni caduco bene, e d’ogni, benche lecito, diletto : parciffima nell'vfo di quelli و‎ quantunque neccflario. Di quanto Dio ne haucua dato , che tutto era in tua mano, fempre la minor parte per te pigliaui , e rifer- baui. Di ciò che vera nella noftra cafa di commodità, edi feruitio , il meglio prima, el شام‎ fempre per me volcui : follecitiffima nella cura della mia perfona ( per la quale volcui , che nulla mai mancafle, tutto fempre auanzafle) e difficiliffima in ciò a contentarti, non paren- doti mai di far tanto , che baftaffe ; ne che gli altri faceflero quanto conueniua Dopo me, per fare altrui bene , e maflimamente a'poueri > amaui d'hauer de’beni del Mondo : e per fartene honore co i parenti , e con le altre perfone amiche , & amorcuoli, che la noftra cafa frequentauano ; co i quali tutti , è che’ haueffi aflai و‎ è che poco, haueui gran gufto d'víar di continuo non folo quei termini di liberalità , che fon proprij de'nobili : ma quelli , che fon d'animo regio, e della mageior munificenza, che poteui ; mancando , oue bifognaua و‎ più tofto à te fteffa, che a gli altri, & impiegando ben fpeffo in quefto tutto quello , che le al- tre donne tue pari fogliono impicgar più volontieri ne’lor vani, e fuperflui ornamenti ; de’ quali τὰ si poco ti rammentani , che più volte, per quello che conueniua al decoro del tuo ftato, ero io coftretto a ricordartegli , & ad importunarti, per che ti faceffi feruir meglio, € con pii , non dico fplendore , ma commodità , che non faceui. E tempo qui di parlare della tua efemplare honeftà, della immaculata pudicitia , accompagnata mai fempre da opere caftiffime, c caftiflimi penfieri. Virtudi , che pur della Temperanza fon figlie و‎ e per Je quali hai meritato quà in terra quella , che già godefti in vita, e che hora godi dopo ¿morte , candidiffima fama. Gloriofa fama , in che nè la Inuidia , che a i più virtuofi mai non perdonó ,ne la Maledicenza di perfone , che per loro misfatti da qualche tuo giufto ri- gore fi teneuano offefe , feppe, ὁ potè mai trouar pur vn minimo neo da appuntare. Dono; douuto per certo al tuo fourano valore, ma pur con tutto ció fingolare del cielo poiche vedemo, e ne gli antichi tempi , e ne moderni, che a molte donne d'alto ftato non han baftato le opere buone, perche di loro alcun mal non fi fia detto. Sian di ciò teftimonio la pudiciffima Didone, e nelle facre hiftorie la innocente Sufanna, tanto à torto infama- te, quella dal Poeta , e quefta da gli empi vecchi , e molte altre , che potrei numerar di queíta guifa. Ma à te quefto ancora il fommo Dio volfe concedere , che con publico ap- plaufo ouunque eri conofciuta, la tua buona fama fi ceiebrafle ; e fin quelle perfone , che, come bà detto , da qualche loro ingiufta paflione acciecate , t'odiauano, e per odio ti male- 24 NEL FVNERALE diceuano , Chiamandoti fouente rigorofa , dura, crudel co i vitiofi , troppo zclante del Paltrui ben fare (ah notate per Dio, che male taccie ) in quefta parte però donde l'honor donefco tutto depende anche , mallor grado eran coftrerte a predicarti pur fempre per vn'altra Syra Zenobia ; per vna moderna Romana Lucretia , per Piftella Pudicitia , che” con tanta beltà congiunta , è cofa rara al Mondo. Pudicitia non afferrata con rigida ru- ftichezza , non con inciuil difcortelia, à col nafconderfi , e fuggir dalPalerni prefenza , modi plebei : ma che , fenza celarti a gli occhi de mortali, con fembiante alle genti giocondo infieme è modefto , con parlar non men foaue و‎ che graue a chiunque bifogaa- ua , con moftrarti a tutti honeftamente cortefe , e nobilmente affabile , imprimeua tutta- uia di te, nell'animo di chiunque ti mirana , tal riuerenza , che n'era a vn tempo amata la tua pianezza , lodato il nobil tratto, temuta la feuerità folo dou'era bifogno di maniere fchiue , e la honeftà, per vltimo , venerata come facra 3 La quale in te procedeua , non da vil timore di pena , ó d'infamia, ma da vna intentione rettiffima , che hauefti fempre in «tutte le cofe, c da vn defiderio tanto eccefíuo di fomma perfettione in quefta و‎ & in tutte le altre virtù , che foleui dir fpeffo , che douëndo tú andare à viuere in vna Ro ma, non ti baftauano parti , e virtù ordinarie ; perché fe non fufli ftata fe non come vna “delle altre, haurian potutó qui dir di me , e con ragione و‎ che di tali ve n’erano molte nella mia patria : a che effetto dunque hauer prefo te per moglie in paefe cos) lontano? che bifognaua a te peró effer tale , che in vn teatro cosi frorito , com'é quefto , del Mondo , m'aueffero tuti à lodar l'elettione, a inuidiar la ventura. Generofo intento , al- tiffimo penfiero , che haurebbe ben hauuto felicifimo effetto , fe là morte non l’hauefle inuidiato, E che merauiglia adunque , fe confcia a te fteffa di tanta bontà , m'era perà il tuo cor fincero, come fu fempre , tanto aperto, e con fchictiflima femplicità , fenz'al- cuna diffimulatione , fenza alcun riguardo , à cuoprimento di fecreti , in tutte le, cofe manifefto? che merauiglia fe fra tante virtudi, e fra quefte in particolare ; fioriua anco per te nel noftro matrimonio la Concordia, & vna ftrettiffima vnion d'animi , in ogni tempo , in ogni accidente infeparabili , onde non fapemmo mai fra di noi che cofa foffe hauer l’vn dell'altro difgufto , ne put differenza alcuna di parole , fe non folle fta- to ὃ da fcherzo, à di qualche nonnulla: ma , contentiffimi vn dell’ altro , e fempre con- formi in vn volere , non penfauamo , ne ftudiauamo in altro , che in far ciafcunoa gara quel che conofceua, ὁ poteua imaginari , che più all’altro piacefle ; onde poi ne nacque, econ raggione, quello intenfo ; vero , e reciproco amore, che in noi, infieme con le anime noftre , viuerà in eterno , e che quei foli cinque anni che tu in terra con me viuefti (ah non più me ne conceffero i cicli) ne fecero viuer fopra tutti gli altri altri huomini felici. Beata vita , dolciffima vita , che pochi nel matrimonio hanno in forte, la cui perdita da chi l'ha prouata tanto fi fente ; c perché mi fuggì si tofto dalle mani? Mi fugge anco il tempo, per dir di tante cofe. Hor alzifi horamai , alzifi più fublime il mio raggionamento, e voli dalle virtù morali alle Diuine , che folo il fommo bene han bene per oggetto. Qual fuffe in te , ὁ mia MAANI, la fede : quale la deuo- tiane verfo la facrofanta Chiefa Cattolica Romana , domandifi a a tutta la tua cafa Gioe- rida, & a tante altre perfone , e del parentado , e conofciute , e ferue , col tuo folo mezzo ritolte alle oftinate fcifme , alle empie hercfie di Neftorio di Iacopo, di Diofco- ro, € de gli altri, che hanno infettato tutto l'Oriente. Qual fufle l’afferto alla Religio- ne , el zelo di propagarla con tutte le tue forze , dicalo il Collegio delle lingue di Sphahan , da i Religiofi Carmelitani Scalzi in Perfia ercrto ; & a i Santi Apoftoli Pietro, e Paolo dedicato, folo a fine di coltiuare in quello tenere , e vigorofe piante , che hab- biano poi da dare alla Perfia, & à tutta l'Afia abondanti , e foauiffimi frutti di cattolica religione, e di virtù. A] qual Collegio , de i fei primi alunni , con cui al noftro tempo; enon fenza noftra inftanza , fi cominciò , tré tú ne defti, e tutti tre del tuo fangue , vno fratello, c due nipoti , facendogli quiui folo à quefto effetto infieme«co i loro geni- tori, e con tutta la lor cafa , d’affai lunge venire : vno de” quali già , di quella facrata Religione prefo l'habito , commincia a produr fiori di foaucodore , e dara fpero, col tem- po di quei frutti, che tu tanto in vita bramafti , e che hora con più efficaci preghiere, gli deui per certo procurare , & impetrar dal cielo. Quanto fuffi affidua , e diligente nel- la offeruanza del culto diuino : quanto deuota alla beariffima: Vergine, a tutti i Santi, & Angioli del Cielo, e particolarmente a quelli, che per tuoi più fpeciali auuocati haué- ui eletti : quanto finalmente vbbidiente a tutto ciò, che la noftra facra legge infegna, fede ne faccian la Perfia , l'Arabia , ela Turchia, che fra tanta infedeltà ti veddero fempre, non folo adempir quanto deue vnbuon Chriftiano , ma dare a? migliori Chriftiani efempio di DI SITTI MAANI GIEORIDA DELLA VALLE. »; di ftraordinaria pietà ; di pietà non fondata in vana apparente hippocrilia , ma in fo- lida , e vera virtù intrinfeca : non cfercitata con inquietare a tutte le bore i Religio- fi in fentire importune c lunghe confeflioni , non sò si dica di fcrupoli impertinenti, ò di friuoli ragionamenti , come il più delle donne hoggidi fanno ; ma con offeruan- za inuiolabile della Diuina legge , con abhorrire in eltremo ogni fotte di vitio , e con preferuarti con fomma cura intatta da ogni contagio di colpa , c di peccato , di che poi douefli pentirti , & accufarti. Pietà , non moftrata nell'efteriore , con oftenta- tion di fuperba humiltà in habiti abictti , e fordidi , facendo poi vita, con che quelli mal s'accordano : ma rifplendente d'entro nella humilrà dello fpirito , nell'animo fince- ro و‎ e puro : e fuori nello efercitio indefeffo delle virt, e delle opere buone, e partico- larmente di. quelle della Mifericordia, che'l figliuol di Dio tanto ne raccomandò , & è per domandarcene conto il giorno del Giuditio. La Perfia dico , l'Arabia , e la Turchia della tua Fede faccian fede, che ti videró tanti anni , non folo profeffat publicamente la noftra Fede la , doue infiniti altri la rinegano ogni giorno : ma infegnarla anco a gli ignoranti , e predicar la bene fpeffo a gl'infideli ; che non contenta d'efferne , con- forme al detto di Chrifto ncl Vangelo , in quelle infelici Samarie teftimonio , voleui anco cfferne ( ne in quei paeli era abfurdo ) infin propagatrice , infin macftra. Della fida, e firmiflima fperanza , che hauefti fempre in Dio , non fuperba , nè vanamente appoggiata in proprij meriti, ma humile, e pia, fondata ful forte fallo angolare del tuo Redentore , c foura la falda pietra della pura fede di Pietro, c della Chicía fua , mi baftano per teftimonio quelle parole , che vna notte inanzi al tuo feliciffimo tranfi- to mi dicefti ; quando in vn grauiflimo accidente , che ti fece fuenire , dopo effer tor- nata in te, dicendoti io , che ti raccommandafli a Dio, e che non temefli , mi rifpon- defti con molta ficurezza : E di che hó io da temere ? Non hó San Pietro , e la Chicfa del Papa per me ? quafi che volcfli inferire , come inferiui nel tuo modo di parlare , Di che ha da temere ? à che non può fperare chi e del gregge eletto di Chrifto , e tanto a quello denota , come io fono ? Spcraui , e con ragione , che vna tal chuftiana confi- denza giuftamente douea feguire a tanta fede , & a tante tue buone opere paffate ; del- le quali , come fra le virtà è la prima , così anco fu fempre in te fuprema , & emi- nentiflima fra le altre , l'atdente Charità , in che di continuo vefercitaui , e co i prolli- mi, e quello, che importa più , con Dio. Co i prollimi, per chè » come già diffi quel ch'era tuo , non era tuo , ma quanto haueui , era a tutti i bifognoft comune ; e non fo- lo non negalti giamai cola che ti futfe domandata ; mentre’l darla fuffe fato in tuo pote- re, ma prevenendo le altrui domande , daui ogni giorno fpontanca , € liberamente : e diligente in inueftigar le necefütà di chi tal volta , à per vergogna , à per altro era negligente in {cuoprirtele , a molte perfone conofciute , e che te ne pareuano de- gne , fenz'hauerne pur vn minimo cenno (onde più le obligaui ) fecretamente focco- reui. Quanti poueri abbandonati , e pellegrini raccogliefti in cafa? quanti infermi, e maflimamente s'eran della tua famiglia , voleui feruir da tua mano ? quanti morti altro- ue in neceflità facefti fepellire ? quanti prigioni , e cattiui aiutafti a liberará ? compran- do talhora fchiaue Chriftiane da infedeli, in man di cui ftauano a rifchio di rine- gare , folo perché appreffo di te viueffero coftanti nella fede , e in libertà. E tanto in fomma le altrui miferie d'ogni forte compatiui , che fin con quefte tali , e con altre fanciulle , e donzelle , che ti feruiuano , quando per qualche errore occorreua dar lo- ro alcun materno , e legoicrifiimo gaftigo, mi ricordo più volte d'auerti veduta in quell- atto piangere per dolor di loro ; compatendo la mifera condition feruile , e fen- tendo in te ftefía quel che vna di loro , ὁ per fe fteffa , à per vna (ua cara figliuola hauria potuto fentire di vederla in tale ftato in forza altrui ; e foleui dirmi cof gran pietà , che molto contra tua voglia t'induccui a correggerle , che fe ben in minima cofa , era pur nondimeno acctefcere afflittione a perfone , che Dio cotato haueua af- face : ma che forzata da i loro mancamenti , e dall obligo , che haueui d'educarle bene, di che doueui a Dio dar conto, lo faceui tal volta, per non far loro, con ef- fer medica troppo pia , danno maggiore. Tal’era l'amore, che a'tuoi proffimi portaui: E di quell’altro più eccelfo , e Diuino , che verlo il tuo creatore in viue fiamme di vera charità contanto Paccendeua , che più euidenti dimonftrationi pollo addurre , che le continue , lunghe , e non mai tralafciate orationi , che con tanta cura faceui à tut- te le hore? in che non men per altri viui , e morta , che per tc fteffa pregando, e del giorno, & della notte, confumaui gran parte : e con tanto feruor di fpirito, eon “tanta eficacia di parole , e tal folleuamento di mente, fenz'haucr letto alcuna fcuola A 3-9 om y Ule 26 NEL FVNERALE doratione: che i più riformati , € più iltrutti religiofi te nc poteuano hauere inuidià, 10:1 só, che più volte deftaro innanzi giorno, 'fentiuo , che già forta oraui dentro alla propria camera a porte chiufe , e tal volta anco, s'era di verno, mezzo veftita fu’l pro- prio letto 5 c fentiuo , che con cal'affetto parlaui con Dio, c con tal efficacia » come fe viübilmente , e molto familiare l’hauefli hauuto prefente , gli efponeui con humili, e deuotione i tuoi bifogni, c giufti defideri) , che ne prendeuo infieme diletto , c mard- uiglia : e quante volte per non turbati , e non darti faftidio , fingendo di dormire ; moftrauo di non me ne accorgere, Potrei dire ancor più dellé fpirituali gratie à te concelle , e de'gran fauori , chel buon Signor fempre ti fece. E lafciara la protet- tione tanto particolare , e ftraordinaria , che in tutto] tempo della rua vita , infin da’ primi anni moftió chiaramente di tener di te conto come di cofa fua cletta , € cara per le vie si difufate , e rare , per lequali tanto ftranamente ti chiamó و‎ e trat- tate dalle tenebre gli errori , & ignoranze de’ tuo maggiori ; nella rozezza del la Oriental Chriftianità confufamente inuolti , ti raccolfe illuminata con infolita lu- ce di pura verità al più intimo grembo della Chiefa Cattolica Romana : in che ma- nifefto fegno apparue dcll'effer tu con alta prouidenzza ab eterno predeftinata. Porrei dire anco , e con verità , di crè vifioni ; che in diuerfi tempi ; facendone tu pochiffi- mo caío , mi racontafti hauer vedute ; le quali , che foflero ; non vane fantaíme, non illufioni del padre Dinganni & di Bugia, auuifi certi, e veraci del cielo, la verità , & im- portanza delle cofe c gli effetti fuceeduti ben me hanno confermato. Potrei dir di molte cole da te predettemi , € non sò و‎ siò mi dica con più che humana prudenza preuedute , ὁ pur conofciute per qualche fecreta , e fopranarurale illumination del two intelletto , nell’ oratione forfe , che per ventura tu per tua modeflia mi taceui. Ma, a che più m'affatico ? non può raccoríi in vna picciola conca il grande Oceano : quanto mai po- trei di” io di te in tutto’l tempo della vita mio , farebbe dell’ immenfo pelago de’ tuoi meriti vna minutiflima ftilla, Diró dunque folo , ch'effendo ftata tu tale , a gran ragio- ne a pena nota, con tanta fmania ti bramai : a gran ragione poffeduta , damai con ran- to affetto : a gran ragione lontana , amaramante ti fofpiro و‎ e perdura ; ahimè , ti pian- go a tutre l'hore. E ranto più che ti perdci nel fior di gli anni tuoi : nel bel principio de miei contenti , a pena , pollo dir , cominciati a guítare : in tempo , in luogo ; in modo tanto difgratiato , per te tanto miferable , per me di tanta afflittione ; che fola tà , che m'ami quanto io t'amo , e che ogni giorno pregaui Dio , che non ti facefle veder la mia morre , per non fentire in quella quei tormenu , ch'io nella tua قط‎ fentito , puoi cre- dere , & intender bene quanta folle : e quel ch'è peggio , fenza hauer'io in quell’a- maro calo , né per gran tempo dopo , pur vna perfona appreffo , che con parole almeno potelle aiutarmi, e inanimarmi a {offrir con patienza vn sì gran male. Ti perdei , quando a punto di te più confolatione fperauo : quando nc afpettauo in breue vn già concetto figliuolo , che la ftirpe noftra hauria tenuta in piedi : quando penfauo trà pochi di vederti contenta , come tu tanto defideraui و‎ e in terra de” Chriftiani , & in Roma, e come io pur molto bramauo , nell'alma mia patria, dentro alle dolci mie paterne mura. Ti per- dei sfortunato , ع‎ te perdendo a vn tempo jc l'afpettata infieme و‎ e tanto in vano delidera= ta prole; che fe pur alcuna di te me ne fuffe reftata : fe pur mi vedeffi fcherzar nella lala alcun picciolo fanciullino , che te folamente nella faccia mi rapprefentafle ; non mi parcbbe d'effere affatto , come fono , (olo , e abandonnato : non vedrei hora و‎ come ve- do , l'antica mia Cafa già cadente و‎ hormai diftrutta rouinare : né vederebbe quefto Cam- pidoglio , come forfe a di noftri vedrà , de” fuoi amati Patritij ; la gente Cosi fiorità vn tempo, e cosi numerofa della VALLE , fenza fucceflione hormai eftinta. Corrano pur dunque in abbondanza , corrano , che ne hanno ben ragione ; le mie lagrime : e poi- ch'io folo non bafto a piangere vna tanta fuentura , aiutimi , prego , a farlo tutto quefto nobiliffimo auditorio ; E le pur pretiofi del mio male , per non farlo maggiore , a pian- gerlo non vogliono aiutarmi , e mi daran per ragione , che pianger non fi dè per chi vi- ue beata in paradifo : fia com’efli vogliono ; ma almeno per confolarmi , poichè altra con- folatione in quefto Mondo riceuer non pollo , m'aiutizo con le preghicre loro , che fenza dubbio faran delle mie più efaudite , e più degne ; ad impetrar da Dio , a te anima benc- detta eterna pace: & ame, che fciolto quanto prima da quefto Carcere terreno , libere ( che pur tempo horamai ) da i trauagli di quefta penofa mortal vita , de’ quali , a dire il vero , fon già ftanco , e fatio ; Me ne venga , come tanto bramo , a te a canto : & a godere immortale infieme con te quella eterna beatitudine ; alla quale , come ben fai , à mia deletta , ch'io di continuo afpiro , cosi , fe m'ami , come ben só che m'ami UE ancora da Dio m'intercedi, che fenza più indugiare mi eonduca. Hà derto. 4 / I gpitithtihfiribiikth MOR Sbterinercara NEM S Sur la Nauigation d'Anthoine Ienkinfon en la Mer Cafpienne. 2, A Mer Cafpienne efl vn de ces endroits du monde qui ont efté iufqu à gii 97 cere heure mal connus , eg: qui merite par céte raifon quon en recher- ÊTES che de nonuelles defcriptions و‎ e principalement de [a cofle Septen- كا trionale , qui na point eflé connue des Autheurs modernes ny des anciens , ce qui eft caufe de la diuerfivé qu'on void dans les mefures qu'ils donnent de l'eflenduë de céte Mer. Herodore és Ariflote [cauoient de leur temps qu'elle n'avoit point de communication apparente anec les autres Mers ie cependant du temps de Pli- ne, comme on le void dans fes Efcrits; mefme autemps de l'Empereur luflin , eo bien long-temps apres , on croyoit encore que ce fuf! on Golphe éx une partie de la mer Sepientrionale : la rasfon de céte erreur efloit quelle eft falée , d'ou ils ri- roient unefaufJe con fequence quil falloit quelle cuft communication anec les au- tres Mers qui ont céte qualité, [ans confiderer que céte qualité pouuoit venir d'v- ne autre caufe ; e qu il y a de grands lacs dont les eaux font fallées : Pour ce qui ef? de cescofles , onconnoift affez celle qui s'étend depuis l'emboucheure du Volga infques à Ferabat ; tous ceux qui paffent de Mofconie en Perfe fontcére Naui- gation , e le paffage en efl fortordinaire. Olearius dans fon voyage de Perfe, nous donne exactement céte cofte; ¿y l'eflendue qu'il luy donne de Jix-vingts lieués d'Allemagne, reuient affez a l'effime qu'en fait Herodote; mais il veut en futte corriger tous les anciens ¿y toutes les Cartes modernes, fuppofant que la plus grande eflendué de cette mer foit du Nordoüefl au 3ud-Ostefl , éx non pas de l'Occident à l'Orient, comme la met Herodote auec tous les anciens eo auec les * Geographes Orientaux , j'entends le Prince Abul-feda ex le Geographe de Nu- bie- Alderift; ex cependant Olearius ne fonde vn chan gement de céte importan- ce, que fur ce que depuis la Prouice de Choraffen qui eff le long de la coffe Orien- tale de céte Mer,infquen Circafie , 1l n'y a que (ix degrez de longitude, éeft à di- requatre-vingt dix lienés d Allemaene : Or il eff conflant entre ceux qui enten- dent la matiere des longitudes,que nous n'auons point encore de pratique exacte, pour connoiftrecembien il y ade degrez de longitude entre deux lieux qui font Ef ey 01:7 l'un de l'autre y éx il y a peu d'apparence que dans des pays ΓΟ peu polis que ceux-la , il y aitmefme des gens qui puiffent faire céte obferuation auec les circonffances nece/Jaires : Il s'en faut donc felon mon fens, tenir feulement à. ce qu'il dit de la cofte qu'il a couru depuis le Volga infqua Ferrabat; eg pour le refte des coftes de cette mer , en croire les anciens, ceux ds pays , ex Ienkinfon principalement un des plus grands N auigateurs de fon fiecle, e quia couru céte mer depuis l'emboucheure du Volga iufqu'à Mingiflavve,er qui nous a laifsé la feule deferiprion que nous en ayons car Erafloflenes,dont nous auons les mefures des coftes de céte mer, v auoit point connu la coffe S eptentrionale : Selon Tenkin-. fon, comme on le verra dans fon voyage, la plus grande eftenduè de cette Mer eff a peu prés de l'Effa l'Oteft, comme les anciens l'ont mife. Ienkinfon l'a fait de, deux cens lieñes d'Allemagne ; car il compte foixante ¿5 quat.rze lieries depuis la 2 18 AVIS. bouche dí Volga jufqu'an Cap de Boghelatan : Olearius au comtrairé , dans fé Carte de l'édition Allemande , ne met que la moitié de cette diffance; eg ain[i j comme l'a fort bien remarqué le [çauant MA. Voffins , il coupe la moitié de cette mer; ce que caliger auoit fait au[fr deuant luy. Outre cette raifon qu'on a euë d'inferer cette Relation dans ce Recueil, on l'a encore fart à caufe qu'elle nous donne connoiffance des pays qui font fur la coffe Occidentale de cette mer, qui iu[qu à prefent nous font fort inconnus, e quidans la plufpart des Cartes font remplis de Figures de Monfires, dont les Geographes ont taché infques a cette heure de couurir leur ignorance. Pour la mer Cafpienne roche de la Chine , on verra dans la fuite de ce Recueil que cette mer efl bien plus proche de la Chine qu'on ne l'a crä par le pafsé. d vefle la Relation de Ienkinfon s'accorde fort bien anéc celle d Abulfeda,le plus exact de tous les Geographes,eg le feul de qui nous denos efperer la pofitio des Villes d'Orient,il l'a décrir de la forte : Cette Mer cft fallée, quoy qu'elle n'ait point de communication apparente auec l'Ocean; elle a huit cens milles de longueur , & fix cens de largeur , a la figure d'vn ouale : Ce n'eft pas qu'il n'y ait eu des Autheurs qui luy donnent celle dvn trian- gle; elle a trois noms differens , la mer de Cozar , de Georgian, & de Taberftan; la partie de cette Mer la plus auancée vers le Couchanr, cít fous le foixante-fixic- me degré de longitude, & fous le quarante-vniéme degré de latitude; le fleuue Elcur , que Ptolomée appelle Cyrus, entre dans cette mer, a cent cinquante-trois millesau Midy de Derbent ; de là en tirant vers le Sud-Oiieft, on trouue la ville d'Arduyl dans la Prouince de Mogan plus auancée vers le Midy : (i de ce point l'on marche deux cens trente-vn milles le long de la cofte Meridionale , on rencontre les pays de Taberftan , & les Prouinces d'Elgel& de Deilun;la cofte court apres vers l'Orient & versla ville d’Abferon fous le foixante & dix-neufié- me degré quarantc-cinq minutes de longitude, & fous le trente-feptiéme degré vingt minutes dc latitude ; elle continué de f'eftendre vers l'Orient jufques fous le quatre-vingriéme degré de longitude; & quarante de latitude ; elle monte apres vers le Nord jufques à ه‎ . degrez de latitude, & au mefme endroit elle ena foi- xante & dix-ncuf de longitude : c'eft dans ce retour qu'elle fait yers le Nord, que font les Prouinces de Turkeftan & la montagne de Scachuat ; on trouue plus auant la riuiere Elatach,la plus grande de toutes les riuieres de ces quartiers ; ellé Tnfepiima fé rend par pluficurs emboucheures dans la mer, inonde & fait des marclts des parte climaris Terres qui en font proche : Ceux qui habitent ces quartiers , & qui y nauigent, di- quarti. ^ fent que les eaux de cette riuiere fe meflant auec l'eau dela mer, celles dela mer sone deuiennent de differentes couleurs, & qu'ony peut nauiger quelques iours à basti l'endroit de l'emboucheure , fans que ces eaux fe trouuent fallées. elle mare feparacam, 4 Sherif Alderifi, Cité iufques à cette heure [ous le nom de Geographe de milicztes— Nybje, [uy donne auf fa plus grande eflenduë du Couchantà l'Orient , fait fa rorum ma- ziumcon- /onguewr de buit cens milles, es la largeur de fix cens. nexum , & o εἴας Ιου. Oatrela connoiffance que 1 enkinfon nous donne de la mer Cafpienne, il décrit tudinem pottipiah auf]; fon voyage dans les Prouinces qui font le long du laxartes eg de l'Oxus,eo* Occidente Je peu qu'il en dit donne de grandes lumieres pour l'Hiftoire eg pour la pofition de inOrientem s AE ac E 1 À aliquanco ces Pays; cen eff pas qu'il éclairci[fe tous les doutes que l'on a infques à cette heure c exu » 3 A ». 4 ad Spiare fur le fujer du cours de l'O xus , fur celuy de la rimiere qu'il appelle Ardock., qui trionem , TES ei apparamment lelaxartes;car ce des Gcographes Orientaux qu i! faut atten- cQingento- dre cér entier éclaircifJement, que l'Autheur de ce Recueil ne defefpere pas de pou- rum millia- rium , lati- goir mettre uniour dans la fuitede ce Recueil : on y auroit defia ph mettre la Pro- ver lese wince de Mauralnabr,eo le C horrafen,que Grauius a traduit de Abulfeda;mais centorum ? . 5 0 ^s. D Y . ona, on ne l'apointfaita canfe que cette traduction a defía efféimprimieen Latin. 19 VOYAGE DUNTHOINE IENKLI SON; Pour découurir le chemin du Cattay par la Tartarie, écrit par Ὺ £y-mc[me aux Marchands Anglois de la Compagnie de Mofioww, qui l'anoient obligé de farre Ce "voyage. ¿$ E m'embarquay à Aftracan le fixiéme iour du mois d'Aouft de l'année mil & cinq cent cinquante-huit , auec les deux Iohnfons Anglois, & quelques | & Tarrarcs& Perfans : l'eftois chargé auecces deux Anglois, de la PA de cette Nauigation: Nous courúmes le long de la riuc Orientale du Volga, δὲ nousen débouquámes à à vingt licuës d' Atrae fous la hauteur de quarante- fix de- grez vingt- -fept minutes. Le Volga entre dans cette mer par dix-fepremboucheu- res;au Fortis > Nous rangcämcs la cofte qui court Nord-Eft, auec yn vent fauorable. Le onzième nous fifmes fept l1eués , la courfe eft Nordeft, & nous arrivàmesen vne Ifle où l'on void vne haute montagne appellée Accurgar, qui la fait connoiftre de loin :de la, nous courümes dix licués vers l'Eft jufques à Bawhiata , autre Ifle plus haute que la premiere: Entre ces deux Ifles du coite du Nord, il y a vn Golphe qu'ils appellent la Mer-bleué : de là noftre route fut Eft-quart au Nord dix licués; & le vent Peltant tourné contraire , nous moüillàmesà vne brafle d'eau , & demeu- rámesal'Ancre jufqu'au quinziéme , qu'vne rempefte qui venoit du Sud-Eft nous obligea de nous mettre à la mer : le vent fe tourna au Nord, & nous primes noftre courfe vers le Sud-Elt, & filmes ce jour-là huit heuës. Le dix-fepriéme, nous per- dimes la terre de veué , & fifmes trente lieuës. Le dix-huitiéme nous fifmes vingt lieués, noftre courfe eftoit vers l'Eft, & nous nous trouuámes par le trauers du pais de Baughleata qui cft à foixante & quatorze licués de l'emboucheure duVolga fous la hauteur de quarante-fix degrez cinquante-quatre minutes, la colte court Eft-au-Sud : Sur vne pointe de cette cofte , eft le Sepulel we d'vn Prophete Tartare, que tous ceux de ce pays vifitent auec grande deuotion. Le dix-neufiéme, le vent Oüeft, noftre route Eft-Sud- Eft, nous auancámes dix licués, & pafsàmes deuant l'emboucheure d'vne grande riuiere appellée laïc, dont lafource eft dansla Prouince de Siberia; cette riuieie trauerfe le pays des Tartares Nogais: On me.dit quà vne journee de chemin en remontant cette riuiere , il y auoit vne ville nommée Serachick fujette à Murfa-Smille Prince des Tartares, qui eft maintenant en paix auec les Moícouites, que la monnoye n'a point de cours dans ce pays; & comme ces peuples font continuellementen guerre, ou occupezà la conduite de leurs beftiaux , il ne Py fait point de commerce. NôtreVaifleau eftoit al'Ancro;3l'emboucheure de la riuicre dulaic;tousnos gens a terre. Pour moy ie metrouuois mal, & eftois demeuré par cette raifon dans la bar- que atec cinq Tartares , l'vn defquels nóme Azi paffoit auprésd' eux pour vn Saint, à caufe-qu'il reuenoit du voyage de la Méque : Dans ce téps, vn Batteau armé de 3o. hommes nous aborda,noftre Pelerin de la Meque leur demanda ce qu'ils vouloient; & fe mit à faire des pricresàfa mode : Sa prefence arrefta ces voleurs ; ils dirent qu'ils eftoient Gentils-hommes , bannis de leur pays, & qu'ils venoient voir Pil ny auoit point de Mofcouites ou autres Infideles dans ce Batteau ; il leur répondit auec vne contenance fort affcuree , qu'il n'y en auoit point, & leur en fit de grands fermens: ils fenallerent là deffus ὃς la fidelité de ce Tartare nous fauna, δι toutes nos Marchandifes. Nos gens reuinrent au bord ; & le vent eftant bon, nous parti- mes le vingtiéme Aouft , fifmes feize lieuës, noftre courfe Et-Sud-Eft. Le vingt- yniéme nous palsámes γῆς Baye de fix licués de large , fermée par vn Cap fort aisé à reconnoiftre , à caufe de deux Iles qu'il a au Sud- Eft. Nousle doublámes, la cofte retourne apres au Nord-Eft, & fait vne autre Baye ou Golphe dans lequel tombe la grande riuiere de lem, dont la fource cft dans le pays de Colmacx. Le vingt- deux د‎ vingt-trois, & vingt-quatriéme , nousdemeuràmesà l'Ancre. Le vingtain- cy ^» bis .V.O Y: AGE uitme ; le vent fut fauorable, & nous fifmes vingt lieuës ce jour-là, & vimes en affant vne Ifle dent la terre cft baffe , & quiaà l'entour d'elle quantité de battures & de bancs de fable. Au Nord de cette Hle;il y a yn Golphe ; maisnous nous enéloi- gnàmes pour faire la route du Sud, & fifmes dix licués, aflez empefchez à nous dé- méler de fes bancs & de fes battures: Nous filmes apres vingt licués, courant Eft- Sud-Eft, & découurimes la terre-ferme , dont la cofte nous parut coupée de mon- tagnes : Nous courümes vingt lieués le long de cettecofte ; & plus nous auancions, lus la terre nous paroiffoit haute. Le vingt-feptiéme nous trauersámes vn Gol- phe, la cofte de ce Golphe qui eft au Sud eftoit plus haute que l'autre : noustrouuá- mesapres vn Cap, dont les terres eftoient fort hautes ; & l'ayant double, il furuint vne fi furieufe rempefte du cofté de l'Eft , que nous crümes y deuoir perir , elle dura troisiours: de ce Cap, nous allàmes chercher vn Port nommé Manguflaue ; place où nous deuions aborder,elle eftà douze licués de l'emboucheure du Golphe;& du cofté du Sud ; mais la tempelfte nous jetta fur lacofte qui eff au Nord; au delà de Manguílaue; & à fon oppofite, la terre eftbaffe , le lieu peu feur pour les Vaifleaux, & il n'y eftoit peut-eftre iamais arriué de Barque deuant lanoftre. . Nous enuoyâmes nos gens à terre pour traitter auec le Gouucrneur ; auoir des viures & des voiétures pour charrier nos marchandifes à Sellizure à vingt-cinq iournées de nôtre terriffement : nos Enuoyez retournerent auec beaucoup de bel- les promeffes ; & le troifiéme de Septembre fur leurs afleurances nous déchargeá- mes nótre barque : Le Prince me reçeut bien; mais eftant venu à traiter pour des voiétures & pour des viures, ils nous rangonnerent; nous firent achepter iufqu'à l'eau, & en payer deux fois plus qu'il ne falloit; il nousfut force de donner ce qu'ils demandoicnt, & pour chaque Chameau qui ne porte que quatre cens pefant ; nous leur donnàmes trois peaux de Ruffie, quatre plats de bois, & au Prince ou Gouuer- neur du país vne neufaine & vne feptaine ; Celta dire yn prefent de neuf chofes particulieres, & vne autre de fept, car ilsne fe feruent point de monnoye. Le quatorzieme de Septembre nous partimes auec vne Carauanne de mille Cha- meaux ; & ayant fait cinq journées de chemin , nous nous trouuâmes fur les Eftats d'yn autre Prince Tartare; noustrouuâmes fur le chemin quelques Caualiers de la maifon de Sultan Timer Prince de Manguflaue , ils nous firent commande- ment de la part de leur Prince de demeurer là, firent ouurir nos caiffes, & prirent fansnous payer, ce qu'ilscreurent pouuoir eftre plusà fon gré. Ie pris la refolu- tion de l'aller trouuer ; & luy ayant demande fa prote&ion, & vn palle-port pour eftreen feureté dans fes Eftats, 1 me l'accorda , me reçeut bien :on me regala par fon ordre de viandes& de lai& de Caualle ;car pour du pain, ils n'en ont point: á & en payement des Marchandifes que fes gens m'auoient enleuées, qui pouuoient ci mia bien valoir quinze rubles de Mofcouie, il me donna vn paffe-port;& vn Cheual qui. foir cent valoitbien fepttubles; car l'argent n'a pointde cours parmy eux. Bien m'en prit de er de luy auoir rendu cette ciuilité; car on m'affeura que l'ordre eftoit defia donné de me noye. faire détroufler; fij y euffe manque. Cc Prince eft toufioursen campagne ,n’a ny Chafteaux ny Villes; le le trouuay fous vne petite loge ronde faite de rozeaux , couuerte de feutre par dehors, & de tapis au dedans : le vis auec luy l'Euefque de ce pays fauuage , reueré entre-eux come le Papel'eft à Rome; l'vn & l'autre me fit diuerfes queftiôs de nos Pays,de nos Loix, & de noftre Religion, & du deffein de mon voyage; il me parut affez fatis- fait desréponfes que ie luy en fis. Pallay retrouuer les gens de la Carauanne , auec laquelle ie voyageay vingt iours dans le defert fans voir aucune ville ny habita- tion: Nous auions fait prouifion de viures; mais comme ils nous manquerent , nous mangeámes vn de mes Cheuaux,le refte de la Carauanne ayant paye les iours fuiuans fon écot de mefme maniere : Nous fufmes trois iours fans trouuer d'eau ; & cellesque nous trounámes les iours fuiuans ; il la falloit tirer de certains puits fort creux, encore eltoit-cé de l'eau falles. D'ANTHOINE IENKINSON. 2i ‘ Le cinquiéme ieur du mois d'Oétobre , nous noustrouuámes fur les bords dv Golphe de la mer Cafpiene, où les eaux font fort bonnes: ceux qui y tenoient la Doüane pour le Roy des Turquemens, prirent quatre pour cent de nos Marchan- difes, & vn prefent de fept chofes differentes pour le Roy; nous n'y demeurámes qu'vn iour, & partimes apres nous y cftre vn peu rafraichis: vous remarquerez que la riuiere d'Oxus fe rendoit autrefois dans عه‎ Golphe; mais que maintenant clle ne vient pas jufques-là ; qu'elle tombe dans vne autre riuiere nommée Ar- dock, qui a fon cours vers le Nord ; qu'elle paíle fous-terrel'efpace de plus de cinq cens milles, qu'elle en refforc apres, & qu'elle fe rend dans le lac de Kitay. Nous artimes de ce Golphe le quatriéme d'O&obre , & arriuámesa vn chafteau nomme Sellizure le feptiéme du mefme mois. Vn Prince nommé Azimcan y tefide, auec trois de fes freres; j'eus ordre de l'aller voir, & ie luy prefentay les Lettres de l'Em- pereur de Mofcouie, auec vn prefent de neuf chofes: il me regcut bien, & me fit manger en fa prefence : on meregala d'vn Cheual fauuage & de lai&t de Caualle : il me renuoya querir vne autre fois, & me fit diueríes queftions fur les Eftats des Mofcouites, & me donnaapres vn pafle-port. Le Chafteau de Sellifure refidence du Can ; eft ficuc fur vne haute montagne. La maifon du Prince eft baftie de terre, le peuple eft pauure; & na point de Marchan- dife. Au Sud de ce Chafteau c'eft yn bas pays; maisfort fertil, où il croift beaucoup de bons fruits, & entre-autres vri qu'ils nomment Dynié, fort gros & plein de fuc; les peuples le mangent à la fin du repas, & leur tient lieu de boiffon ; ils en ont vn autre nommé Carbufe, de la groffeur d'vn gros concombre; il eft jaune & fucre, ez outre cela vne efpece de grain qu'ils appellent Iegur, dont la tige reflemble à la cane de fucre ; car elle eft auffi haute & le grain cft femblable au Rys, & vient par grappe. Toute l'eau dont ils fe feruent dans le pays eft tirée par canaux de lariuiere d'Oxus , & c'cft auffi par cette raifon qu'elle ne fe décharge plus dans la mer Caf- pienne; & ce pays court rifque d'eftrevn ¡our defert, quand ces peuples auront acheué de ruïner par leurs canaux le cours de cette riuiere. Le 14. du mois, nous partimes deSellifure , & nousarrinàmes le feiziéme àvne ville appelléeVrgence,où nous payâmes vn impoft par tefte;& autant pour celles de nos cheuaux,que pour lesnoftres : nous y demeurámes vn mois,le Prince du pays fe nomme Aly-Sultan frere d'Azimcan dont ie viens de parler : il reuenoit de la ville de Corafan qu'il auoit depuis peu conquife fur le Perfan; car ils ont continuelle- ment la guerre auec le Roy de Perfe : Peus ordre de l'aller trouuer, ie luy prefen- τὰν vne lettre de l'Empereur de Mofcouie, & il me donna vn patfe-port. Vrgence eft dans vne plaine, elle a plus de quatre milles de circuit; les murailles font de terre, fes maifonsauffi de terre & mal bafties. Py remarquay vne grande rue couuerte par en haut qui fert de marché, elle a efté prife quatre foisen 7.ans qu'ont duré leurs guerres ciuile. Les Marchands y font fort panures par cette raifon, & 1e ne trouuay à y vendre que quatre pieces de ferge. Il y a fort peude trafic à faire; l'on n'y trouue point d'autres Marchandifes que celles qui viennent de Boghar & de la Perfe. Le paysquieftentreles bords dela mer Cafpienne & cette Ville, eft appellé le paysdes Turkemans. Azimcan y commande auec cinq de fes freres ; le plus puif- fant porte le nom de Can; mais cette fuperiorité n'eft reconhuë qu'au lieu où il fare Ce qu'il dit icy de l’Ar- dock & de l'Oxus ett fort ebícur. Seflzzute: Sclon cette defcription, ce doir eftre quelque ef- pece de Sor- gho ou de Millet, Vrgence; fa refidence ; car chacun des autres veut eftre Souuerain dans fesEftats j& ne fonge - qu'à détruire fon voifin : ils viennent de differentes femmes; & ainfi ils n'ont point les fentimens que les aütres ont pour leurs freres. Chacun de fesSultans à quatre oucinq femmes , auec plufieuts concubines & de jeunesgarcons, & menent vne vie fort déreglée. Ces freres font prefque toufiours en guerre , les vaincus fe retirent à la campagne auec leur beftail , & viuent des pilleries qu'ils font fur les Carauannes & fur les Marchands qu’ils attaquent au lieu où ils fcauent qu'ils doiuent fe fournir d'eau, continuant cette vie vagabonde jufqu'à ce qu'ils ayenttrouué quelque oc- cafion de rentrer dans leurs Eftats. Le peuple n'a point de demeure arreftee, & paffe ἐ τῇ L'obfcurité Qui cft dans Ta defcri- prion de ces deux riuic res, cft auffi dans le tex- te Anglois. 22 VOYAGE d'vn lieuà vh autre auec les troupeaux de Moutons; de Chameaux , & de Che- uaux. Leurs Moutons font fort gros , auec des queues qui peferont quelquefois quatre-vingt liures. Ils ont grand nombre de Cheuaux fauuages , que les Tarta- res prennent fouuent aucc leurs Faucons de la maniere fuiuante. Ces Faucons font dreílez à Fabbatre fur les teftes de ces beftes ;ils les battent de leurs aifles, & les embara ffent en forte quele Chaffeur a le temps de les joindre, & lestué à coups de fiches ou d'épée. Il n'y a point d'herbe dans tout le pays; mais de certains arbrif- featx dontle beftail fe nourrit & deuient fort gras. Ces Tartares n'ont ny or ny argent ; ils troquent de leur beftail contre les chofes qui leur font neceffaires ; ils ne connoiffent point l'vfage du pain ; mais font grands carnaciers, & ayment prin- cipalement la chair de Cheual ;leurboiffon cft de laiét aigre de Caualle ; dont ils fenyurent fouuent auflì bien que les Tartares Nogaïs. Depuis le lieu où nous dé- barquámes jufqu'à ce fecond Golphe,nous ne trouuâmes point d'autre eau que de l'eau de puits. Le vingt-fixiéme de Nouembre nous partimes d’Vrgencey& apres auoir fait cent mille long de la ritiere d'Oxus, nous trauersámes vne autre riuie- re nommée Ardock,où nous payámes quelques petits droits. Ardocx eft vne gran: de riuiere fort rapide qui vient ἐς l'Oxus ; & apres auoir couru mille milles vers le Nord, fe cache fous terre ; & cinq cens mil apres elle reparoift 82 tombe dans le lac de Citay. Le feptiéme de Deceinbre nous arriuámes a vn Chafteau nommé Kait , qui appartient à Sultan Saramet ; il n'y euft que la crainte du Prin- ce d'Vrgence qui l'empefcha de voler noftre Carauanne; 1l fe contenta de nous obliger à luy faire yn prefent , nous luy donnámes vne peau de vache de rouffy pour chaque Chameau , & d'autres petits prefens à fes Oficiers. La nuict du dixiéme du mefme mois , comme nous cümes posé nos gar- des ¿nous primes quatre Caualiers qui nous auoücrent qu'il y auoit quantité de voleurs dansce pays. Nous les liàmes , & les enuoyàmes au Sultan de Kayté qui vint auffi-toft auec crois cens hommes , auquel ils confefferent qu'ils eftoient de la troupe d’vn Princebanny ; qui nous attendoit à trois iournées de là auec qua- rante hommes pour nous voler. Le Sultan nous donna quatre-vingt hommesaucc. vn Capitaine pour nousefcorter , & mena auec luy nos quatre prifonniers. Cette elcorte confuma vne grande partie de nos viures ; & le troifióme ¡our au matin ils fe détacherent de la Carauanne , pour aller, ce difoient-ils , reconnoiftre le defert: nous les vimes reuenir quatre heures apres à toute bride, & nous dirent qu'ils auoient veul'eftracde quantité de Cheuaux , nous demandans ce que nous leur voulions donner pour nous tirer du danger où nous eftions. Nous n'en pümes pas conuenir , & ils fen tetournerent vers le Prince, qui affeurément eftoit d'intelli- gence auecles vole urs que nous deuions trouuer. Ce pendant, quelques Tartares de noftre troupe qui paffoient pour Saints à caufe qu'ils auoient efté à la Méque, firent arrefter la Carauanne , fe mirent en priere, & en füite à deuiner fi nous fe- rions vne mauuaife xencontre ; la deuination fe fit de la forte , ils tuerent vn Mou- ton, en ofterent les os, les firent boüillir, puis brûler ;11s mélerent de la cendre decesos auec du fang du Mouton , & en écriuirent quelques caracteres auec cere - monies و‎ & pluficurs paroles : le jugement fut, que nous ferions attaquez , mais quie nous viendrions à bout de nos ennemis; pour moy, 16 n'auois aucune crcance à cette forte de deuination ; mais le matin quinziéme Decembre nous dé- couurimes de loin quantité de gens dc Cheual ; nous eftions bien quarante en eftar de combattre : nous fifmes nos prieres , T artares , Perfans, Chreftiens, cha- cun à noftre mode , & nous iuràmes de ne nous point abandonner. Ils eftoient trente-fept Caualiers , & à leur tefte ce Prince banny;ils nous crierent que nous nous rendiffions , & nous commengcàmesa tirer, l'efcarmouche dura depuis le ma: tin iufqu'à deux heures de nuiét. Ils eftoient mieux armez que nous, &fe fer- itoient plus adroitement de leurs féches; mais i'auois fur eux l'auantage de qua- tre harquebufes , aucc lefquelles ie leur tuay du monde, Nous traitànies enfin vne | D'ANTHOINE IENKINSON. 23 ttéuc , & nous nous campámes für vne éminence , faifant vn retranchement de nos Chamcaux & de nos Marchandifes. Ils firent la mefme chofe, fe retranchans aufii à la portée d'vn arc; maisauec cer aduantage , qu ils nous auoient couppé le chemin de l'eau dont nous auions grand beloin. m la minuit ر‎ vn de fes gens s'auanca,de- mandaà parler au Boma ou Capitaine de la Carauanne ; il répondit que file Prince luy promettoit (ur la Loy de ne luy point faire de tort و‎ il enuoyeroit deux des fiens pour crairer auec luy : Le Prince fit ferment auec tous ceux de fa troupe à haute voix, en forte que nousles pümes entendre, Nous enuoyámes vn de la Carauanne qui paffoit pour vn Saint; le Prince, dit fon Enuoyé, veut que vous autres qui cítes la plufpart Buflarmans , c'eftà dire circoncis , luy remettiez entre les mains les Ca- phres ou Infideles qui font dans vofte troupe auec lemrs Marchandifes ; ce faifant , il vous laiffera aller en liberté ,autrement il vous traitera comme ces Infideles. Le Capitaine de la Carauanne répondit , qu'il n'auoit point de ces Caphres ou Infideles dans la troupe ; & que quand il en auroit ; il periroic pluítoft que de les remettre entre fes mains : qu'au refte, il verroit bien quand il feroit iour , qu'il n'apprehendoit pas; & cependant , fans auoir égard à leur iurement, ils enleuerent noftre Enuoyé ; crians Ollo , Ollo, qui elt parmy eux vn cry de vi&oire. Nous ap- prchendions fort que cer Enuoyéne nous découurit ; mais il nele fit pas, & garda la mefme fidelité pour toute la troupe, n' ayant point dit combien nous auions per- du d hommes dans cette efcarmouche. Le matin, on efcarmoucha de nouueau; on traita vne feconde fois, les gens de noftre Carauanne , eftans las d' expofer fi fou- vent leur viesnons demeuràmes d'accord de donner à ces voleurs 20.prefens de 9. chofes chacun , & vn Chameau pour le porter, & ils fe retirerent de noftre cofte. Nous continuámes noftre chemin , & arriuàmes fur la mii& au bord de la ruiere Oxus ; ce nous fut vn grand rafraichiffement , car il y auoit trois iours que nous nauions trouué d'eau ; nousy demeurámes yn iour entier, ἃς y fifmes bonne chere des Chamcaux & Cheuaux qui auoient efté tuez : nous quit- tames apres le grand chemin qui alloit le long de la riuiere , pour éuiter la rencon- tre des voleurs, Scrrauersámes le defert, où en troisiours de temps nous ne trou- uames qu vn puits, dont l'eau eftoit e$ fallée , ὃς fümes obligez de tuer de nos Cheuaux & de nos Chameaux pour viure vne nuit que nous eftions dans ce defert. Des voleursenleucrent vn de nos gens qui s'eftoit écarté de la Carauanne, on en prit aufli-toft l'allarme ; & quoy que la nuict fut fort obícure ,on chargea , & par- τίς ἃ minuit, & marchámes iufqu'à ce que l'on euft gagné l'Oxus , où nous primes quelque repos apresnous eftre fortifiez le long de fes riues. Le vingt-troifiéme Decembre ,nous arriuámes à la ville de Boghar, fitute dans la Bachtriane pays le plus bas de tous ces quartiers ; clle eft fermée d'vne baute muraille de terre, ὃς diuisée en trois quartiers : le Roy auec fa Cour en oc- cupe deux; le troifiéme eft pour les Marchands & eflrangers; & dans ce troifiéme chaque art ou marchandife a fon département particulier : la ville eft fort grande, leurs maifons font bafties pour la plufpart de terre; maisles baftimens publics : les Temples, par exemple, & leurs monumens font fort fuperbes , fort dorez par de- dans; mais fur tout ,les bains qui fontles plus beaux du monde; la defcription en feroit trop longue pour l'inferericy. Il y a vne petite riuiere qui court au milieu de cette Ville, mais l'eau en eft fort mal-faine ; car il vient ordinairement des vers d'yne aulne de long aux iambes de ceux qui en vient ; ce qui arriue principale- ment aux eftrangers. Ce vers fe forme entre lachair & la peau , eft roullé en plu- fieurs cercles. Les Chirurgiens du pays ont vne grande addrefle àle tirer; car s’il rompoit enletirant,lapartie où fe trovue le refte du vers deuient morte ou gangrainte ; cet pourquoy on le tire petit à petit chaque ¡our la longueur d'vn poulce ; cependant , il ne leur eft point permis de boire du vin ny d'autre boiffon forte ; on punit feuerement ceux dans la mai- fon defquels il fen trouue ; cette feuerité vient de celuy qui eft chef de la Reli- 24. VOYAGE | gion, dont l'authorité cft fi grande , quil depofe quelquefois le Prince , comme if epoíaccluy qui regnoit de noftre temps : 11 auoit fait le mefme à fon predecefleur pofa celuy qui regnoit de noftre | me à fon predecc qu'il auoit affaffiné de nuict dans fa chambre ; ce Prince aymoit fort les Chreftiens. Boghar a efté fujette autrefois au Perfan , & fait maintenant vne Prouince ou Royaume feparé ;ces peuples font continuellement en guerre aucc les Perfans; & vne des raifons de cette guerre, eft que les Perfans ne veulent pas coupper les mouftaches de leurs barbes, comme font les Tartares, qui croyent que c'eft vn TE EU lai = grand crime d'en vfer autrement , & appellent par cette raifon les Perfans infide- les, quoy qu'ils &faccordent auec eux dans tous les autres points de la Religion Ma- nem dra P اع‎ hometane. Le Roy de Boghar n'a point عل‎ plus grand reuenu que celuy quil tire de cette Ville , où toutes lesMarchandifes qui fe vendent luy payent le dixième ; outre que quand il a affaire d'argent , il prend par force des Marchandifes dans les. boutiques ,commeil fit pour me payer dix-neuf pieces d'étoffe d'Angleterre qu'il me deuoit. Ils ont de la monnoye d'argent & de cuiure ; leur monnoye d'argent vaut enuiron douze fols;celle de cuiure eft appellée pole, & il en faut fix-vingt our faire douze fols ; cette monnoye de cuiure y eft plus ordinaire que celle d'argent , elle change de prix felon le caprice du Prince: de mon temps; elle hauffa sz baiffa deux fois cn vn mefme mois:ce defordre , le droit du dixiéme que tire le Prince, &les frequens changemens qui arriuent dans le pays, où vn mefme Prince ne regne gueres plusde deux ans, eft caufe de fa pauurete & de fa ruine. Le vingt-fixiéme ; j'eus ordre de me prefenter deuant luy auec mes lettres de l'Empereur de Mofcouie ; il me receut bien, me fit manger en fa prefence, & me fic diuerfes queftions fur les Eftats de l'Europe;& principalement fur lesMofcouites;&] voulut que ie tiraffe au blanc de l'harquebuze deuát luy;il tira luy-mefme quelques coups: il partit enfin fans me payer ce qu'il me deuoit, fe contentant d'en laiffer l'ordre , qui fut fortmal execute : le fus obligé de prendre des nippes& des mar- chandifes en payement. Ce n'eft pas que ie ne luy doiue cette loüange , d'auoir en- uoyécent hommes dans le defert pour prendre les voleurs dont ay parle: ce qui fut execute, & onluy en amena quatre en vie ; il me les fit voir, & les fit pendre aux portes de fon Palais pour vn plus grand exemple. Il vientà Boghar beaucoup de Marchands tous les ans, des Indes, de Mofcouie , de Perfe, & de Balgh ; mais ils y apportent fort peu de Marchandifes, & y demeurent quelquefois deux ans pour les vendre; fi bien qu'il n'y a pas grand fondement a faire fur ce commerce. Les In- diens y apportent des toiles de cotton blanches, dont les Tartares fontdesturbans; . leurs habits font aufli faits de cette eftotfe & de crasko. Ils ny apportent ny or, ny argent و‎ ny pierres precieufes ny épiceries ; leur retour eft de foye trauaillée; de peaux de vache de ruffie ; d'efclaues & de cheuaux :j'offrisà ces Indiens ,entre lef- quels il y en auoit des riues duGáge & duGolphe de Begale,desKreflez & des draps, mais ils n'en firent aucun cas. Les Perfans y apportent du craska, des draps de laine, des toiles, des cftoffes de foye, & de l'argomack : ie connus qu'ils fe fourniffoient de drap par la voye d'Alep;les Mofcouites y portent des peaux de Ruffie, des peaux de Mouton , des brides, des felles , des plats de bois, & en rapportent des eftoffes delaine , du crasKo , maisen petite quantité. En tempsde paix, que le com- merce auccle Catay eft ouuert , on leur apporte du mufc , dela rhubarbe, du fatiny du damas. Il y auoit trois ans; me difoient-ils, que deux Princes Tartares qui font fur le chemin du Catay eftoient en guerre ; les pays de ces Princes fe nomment Taf- kent & Cafcar , ceux de TafKent auoient auffi guerre auec les Caffaks qui font Ma- hometans, & ils appellent les Roys ces peuples qui ont guerre auec le Prince de Cafcar ; les Roys font Payens & Idolátres. Ces deux Nations barbares font fort nóbreufes,n'ont point de Villes & auoient tellemét barré les chemins des villes de "'Taf&ent & de Cafcar , que les Carauannes ne pouuoient aller au Catay : quand le chemin eft libre, c'eft vn voyage de neuf mois. Pay crú qu'il eftoit plus à propos de vousinformer de bouche de ce que j'ay appris du Catay, que de le mettre icy en ayant " 5 D'ANTHOINE IENKINSON. 25 ayant eu vne information fort ample dans lc temps de tout vn hyuer, que ic de- meuray à Boghar. L'aduis que i'eus que le Roy auoit efte deffaic, ὃς que la ville eftoit iur le point d'eftre afliegee , m'obligea à en partir. La Perfe eftanclors en guerre, ic Fus obligé à m'en retourner pat la mer Cafpienne. Te partis de Boghar le 8. Mats 1659. auec yne Carauanne de 60. Chameaux,& bien nous en prift : car dix iours apres le Roy de Samarcand affiegea Boghar auec vne puiffante armée, cependätque fon Prince eftoit alle faire la guerre à vn autre de fes parens. 11 eft ex- traordinaire qu'vnPrince dure trois ans entier tátles reuolutiós y font frequétcs. Le عل. و2‎ Mars nous arriuámes aVrgenfe,apres auoir euire vne troupe de 400. voleurs qui nous attendoiét , & qui eftoient de mefme pays que ceux que nous a- uiós rencotrela premiere fois, conie nous l'aprimes de quatre cfpiôs qu ils auoiét enuoyez : Peftoischargé dela conduite de deux Ambaffadeurs que le Prince de Boghær sz celuy de Balk enuoyoientà l'Empereur de Mofcouie. Le Roy d'Vr- gence y en enuoya áuffi deux autres, auec la réponfe aux lettres que ic luy auois apporté de la part du Mofcouite. Ie leur promis qu'ils feroient bien receus , auec tout celails ne venoient quauec crainte , à caufe qu'il y auoit long-temps que les Tartares n'auoient point enuoyé d'Ambaffadeurs en ce pays-là. Nous partimesle 4. d'Auril d’Vrgence,& arriuâmes le 1. furles bords de la Mer Cafpienne,ou nous trouuafmes nôtre barque fans ancre fans funin,&fans voiles.Nous auiôs porté du chanvre,nous en filmes vn cable:nòtre toille de coton nous feruit à faire des vol- les. Come nous {ongions à faire vn ancre d yne rouë de chariot,il arriua vne bar- que de Mofcouites d'A ftracan,nous leur en achetafines vne. On fe mit à la voile, les deux Iohufons & moy faifions toute l'equipage du vaiffeau , ayant auec nous ces fix Ambaffadeurs & 25. Mofcouites qui auoient efté long-temps efclaues en Tartarie.Le 13.May nous eúmes le vent contraire,nous motillafmes à 3.lieués de la cofte;il fe leua vne cempefte qui dura 44. heures. Le cable que nous auions mal. filé rompit : Nous mimes noftre voile pour tafcher d'¿uiter lacolte fur laquelle la. tempefte nous jettoitsnous efchoüámces enfin dans vne anfe de fonds vafeux, ce qui nous fauua la vie. La tempefte paffce;nous remimes noftre barque en mer; Y come par le moyen de la bouffole nous auions marqué precifément le lieu ou nous auions moüillé , Nous retirafmes noftre ancre , ce quieftonnoit fort les Mofco- uites,qui ne pouuoient f'imaginer comment nous l'auions pú trouuer:c'eftoit fait de nous file vaiffeau fe for perdu à la colte; carles peuples qui l'habitent viuént : comme des beftes. Deux iours apres nous cúmes vne autre grande tempelte du cofté du Nordeft ; nous courufmes grand danger de perir tant les vagues e- ftoient hautes:nos Tartares apprehedoient fort d'eftre jettez fur la cofte de Perfe, & de tomber entre les mains de leurs ennemis. Nous gaignafmes à la fin la riuiere du Yaik, durant noftre nauigation nous arborafmes le Pauillon d'Angleterre & la Croix rouge de 5. George qui n'auoit point encore efté veu dans la Mer Cafpien- ne;& apres auoir couru pluticurs fortunes nous arriuafmes enfin le 28. May à A- ftracan , ouie demeuray iufqu'au 10. du mois fuinant, cependant que l'on prepa- roit des barques pour les Ambaffadeurs qui deuoient aller à Mofcou. . La mer Cafpienne a enuiron 200. lieués de longueur, & 150. de largeur. La co- fte Orientale de cette mer eft habitée par des Tarrares nommez Turkémen: à pefeription l'Oüeft elle ales Circaffes & le mont Caucafe,& le Pont Euxin qui en eft éloigné de up de quelques centlieuës. Au Sud ellea la Medie & la Perfe,8c au Nord le Volga & der les Nogays. Les eaux de la Mer Cafpienne font douces: en quelques endroits , & falées aux autres comme celles de l'Occean: Elle reçoit plufieurs riuieres qui fy Les Rabis déchargent , la plus grande cft celle du Volga, les Tartares l'appellent Edel, (a lappellene fource eft efloignée de quelques deux cens licués de fon emboucheure: Lariuie- ^'^ re du Yaïc& du Y em viennét de la Syberie و‎ pour le Cyrus & l'Arax , ils delcen- dét du Mont-caucafe.Le 8. de [uin nous partimes d'A ftracan pour aller à Mofcou.. auec yne e(corte de cent moufquetaires. Nous y arriuafmes le 2.de Seprembre;on iX d 26 | VOYAGE fac prefenta à l'Audiance de l'Empereur; icluy baifay la main , & luy fis prefent d’vne queué de vache de Tattaric,& d'yne tymbale du mefme pays, qu'il receut comme vne chofe fort curieufe. Ie luy prefentay les Ambaffadeurs qu'on auoic inis fous ma conduite, & ce iour-là le Prince voulut que l'on mc feruit à difner en fa prefence, & me fit diuerfes queftions fur les pays où i'auois efté. le demeuray à Mofcou pour les affaires de la Compagnie iufqu'au 17.de Feurier,elle m excu- fera fi ic l'ay ennuyee par cette relation que ie n'ay pas püfaire pluscourte. Les latitudes ou hauteurs de certaines places prin- cipales de Mofcouie , & autres pays. degrex. minutes. cMofco 155 > risk * Nouogrod le grand 58 26 Nouogrod le petit $6 33 Colmogro 64. A τὸ | Vologhda $9 lu Cazan 55 33 OweKe $1 40 ‘| Aftracan | و‎ | : 4 Noftre entrée dans la, mE > | mer Cafpienne fous 246 72 la hauteur de ] | | | Manguflaue dans la mer Cafpienne p45 | τῷ f Vrgence en Tartarie , à* | nes journées de la pa? | | 18 | mer Cafpienne | Boghar ville de Tartarie 1 | A NO, FRE RE 9 à vingt journces d'Vr- / ^ gence NS δ Sl Remarques faites par Richard I obnfon (qui efloit à Boghar auec M. Anthoi- ne lenkinfon ) fur le rapport des Moftouites ex autres eftrangers , des che- ,] mins de Mofcouie au Catay où il eft fait mention de diuers peuples qui | n'ont point efléencore connus. Route donnée par un T artare nommé Sarnichoke Suiet du Prince de Boghar. (O pro à Scrachick parterre, en faifant petitesjournées comme font cel- les des Carauannces , 10.de ces journées. T De Serachik à vne ville nommée Vrgence, 15. journées. D'Vrgence à Boghar, 15. journées. De Boghar à Cafcar, 30. journées. De Cafcar au Cathaya, 30. journées. Autre Route donnée par la mefme perfonne , qu'elle di foit eftre la plus feure. D’Aftracan au pays des Turkemens par la mer Cafpienne , 10. journées. Des Turkemens auec des Chameaux qui portent cinq cens de charge, 10. jour- nées iufques à Vrgence. D'Vrgence à Boghar , 15. journées. 1 Nota. La ville de Boghar eft le lieu où les Tartares traitent auec les Cathayens & autres Nations de ces quarticrs-là. L'ony paye deux & demy pour cent des Marchandifes. ; *Y V | D'ANTHOINE IENKINSON. 2:7) De là à Cafcar , ville dela frontiere du Grand Can vn moisde chemin ; il difoir qu'il y auoit plufieurs places entre deux. De Cafcar au Catay vn autre mois de chemin. Adjouftoit auoir entendu dire: (car il n'yauoit point efté ) que l'on pouuoit paffer de là par mer aux Indes, mais il ne Ígauoit pas comment gifoit la cofte. Relation d'un. autre Tartare, Marchand de la ville de Boghar, felon qu'il auoit eflé informé parun homme de fon pays qui auoit efté au Cata). D'Aftracan par mer à Serachick , 15. journées;il confirme que l'on pouuoit faire le chemin par terre, marqué cy -deffus. De Serachick à Vrgence, rs. Journées. D'Vrgencea Boghar , 15. autres iournées. Nota. Il nous faifoit remarquer que dans ces is. journées de chemin on ne trou- uoit point d'habitation ; mais feulement des puits de iournée en iournée, De Boghar à Taskent beau chemin ,14. journées. Ce Reshit- De Taskent à Occient , 7. journées. | can ft peut D'Occient à Cafcar , 20.journées. Cafcar eft la ville principale d'vn Royaume E _quieft entre Boghar & le Catay , dont le Prince fe nomme Reshit-can. Ic3n que De Cafcar à Sowchick , 30. journées de chemin. Sowchick eft la premiere place de l'onaplacé la fronticre du Catay. RUM Uu. DeSowchick à Camchick ς. iournées de chemin , & de Camchick au Caray deux comme le 7 mot de mois de chemin au trauers d'vn pays fort peuplé , fort tempere ,abondant en nni toutes fortes de fruits , dont la Ville principale fe nomme Cambalu, & eft à dix iti Rc iournées du Catay. mer l'Em- Ces gensnous affeurent qu’au dela du Catay qu'ils difent eftre en vn Pays fort i polys & plusriche qu'on ne le fcauroitcroire il y a vn autte Pays nommé en lan- Preftre-Tan, gue Tartare, Cara-calmack , habitée par des Négres; car pourle Catay,comme il Boe en tire vers l'Orient les peuples font blancs, & bien-faits de leurs perfonnes : leur fanne finie Religion, felon le rapport de ce Tartare, eft celle des Chreftiens, ou en appro- fie i che beaucoup, & leur langue fort differente de la langue Tartare. EE E On ne trouue point d'Ours dans cette route,mais des loups blancs & des noirs, letitre d'A- ce qui vient peut cítre de ce que les bois du pays ne font point fi forts que ceux e da de Mofcouic qui en nourriffent beaucoup. L'on y trouue,íclon leur rapport,vn prince, animal que les Mofcouitesnomment Barfe, autant que i'en puis iuger par la peau qu'ils me monfrerent,il cft aufi grand qu'vn lyon,la peau tachetce;& ic croy que c'eft vn Tigre ou vn Leopard. | Vous remarquerez encor’ qu'à 20. iournées du Catay eft vn pays nommé An- grim,où fe treuuc l'animal qui porte le meilleur mufc; la plus grande partie fs tire des genoux du mafle,le peuple eft Oliuaftre,& à caufe que les hommes ne portent point de barbe,8z font du refte fort femblables aux femmes; pour les diftinguer, les hommes portent fur leurs efpaules vn rond de fer, & les femmesle portent au deflous de leur ceinture:lls fe nourriffent de chair crué auffi bien que dans yn au- tie pays nommé Titay,dont le Prince fe nomme Canices derniers adorent le feu, & font à 34. iournécs du grand Catay. Entrele Titay &le Caray ,on trouue des ' peuplesde bonne mine qui fe feruent de coufteaux d'or; on appelle ces peuples Comorom font, felon leur rapport,plus prés de Mofcouie que du Catay. EXTRAICT DE DEVX LETTRES ESCRITES DE Petfchora à Monfieur Hacluit par lonas Logan du 24. Feurier 1611, EC. 1 ette piece ب‎ L vienticy ordinairemét dans la faifon de l'Hyuer deux milles Samoydes entre dela dent | lefquels il envint vn qui nous apportaft vn morceau de dent d'Elephant qui Miis - dit auoir acheptéc d'vn homme de fon Pays : Il nous parla de certains peuples èn Angie. appellés Tinguffi , qui habitent vn Pays qui eftau dela dc la riuiere d'Oby & celle terre, 28 VOYAGE du Tas; leur pays feftend le long de la riuiere Ieniffe , riuiere fort grande & qui | tombe dans la Mer Naronzie : Il femble que ce Pays ne doit pas eftre fort efloigne de la Chine ; & que l'on pourra par là en découurir le cheminfions'y prend de bonne maniere. à Autre Lettre de Petfchora du 16. Aouft 16...... L vient icy deux ou trois milles Samoydes qui y apportent diuerfes fourrures, des Sables, des peaux de Caftors, des Renards noirs و‎ des Efcureuils , des Loups , des Rofomacs & des Hermines; on y trouue au mois de Septembre beau- coup de Saumons, d'huyle d'vn grand poiffon nommé Bcalotga,d'huyle de Mors- {es , & cn efte de l'huyle de Balleinc aucc des peaux de Renard blanc & des plumes: i'ay eu quelque conference auecvn Mofcouite , qui m'a dit qu'il auoit ap- Martinius pris des Samoydes qu'ils auoient trouué fur leurs frontieres des tombeaux de dit que les Minchins, c'eft à dire d'eftrangers qui auoient efté enterrés dans des bieres les Due bras croifés fur leur poitrine: ils adiouftoient qu'il pouuoit bien y auoir foixante Minchin les ans qu'ils auoient eflé enterrés, qu'ilsauoient trouué dans ces bieres des tablettes’ eftrangers, &quecep ÉCrites & d'autres bagatelles, que le paffage du V veygas eft quelquesfois fermé par de lì عدو‎ lesglaces& quelquesfois ouuert : que lè proche il y a du chriftal de montagnes,que : vient Man- ¡ent Man- Jes Mofcouites & les Permaquestrafiquertous les ans fur la riuiere d'Oby & en de- gi.&lenom | 4 5 ^ εἰς Re x queles Tar- GÀ;quiils vontquelquesfois pat Mer dans vn grád Golphe qui eften deçà de Petcho- tares &Ma- ra, ilsl'appellent en lcurlangue yovvgorsky shar : qu'il y a quatre riuieres qui s'y ὑπὸ id rendent, que celle qui cft plus vers l'Orient s'appelle Cara reca, ou la riuiere noire, Chine, ce qu'il y ena vneautre nommée Moetnaia Reca;quede là ils trouuent vn Volock ou d م‎ δ nez de terre , ils entendent vn promontoire qui s’eftend en Mer l'efpace de trois quable au Vert]; qu'ils le traueríent & tranfportent parterre leurs marchandiles8z batteaux, pica pe E '& qu'ils trouucptapres vne autre riuiere nommée Zelana reca , c'eftà dire, la ri- dinem uierre Verte ;qu'en fuiuant cette riuiere ils defcendent dans l'Oby; que la riuiero Leur. —— du Tasy entre du cofté del'Eft & (c rendauecl Oby dansla Mer. Ces deux riuie- res n'ayant qu'vne mefme emboucheure, qu’il y a beaucoup d'Itlesà l'emboucheu- re & que d'vn bord on peut voir l'autre. 1 Il nous parla d vne autre riviere nomée Yeniffy au deçà du Tas plus grande & plus profonde qucl'Oby, qu'elle entre bien avant dásles terres; que perfonne d'entr'eux' ne connoift (a fource;qu'ils l'auoient remontée à la ramel'efpace de quatorze iour- nées. Les Finguffy qui demeurét le long de fes bords;neleur peurent dire iufqu'oit elle Peftendoit ;ilslaremonterent iufqu'à vneville dontla muraille & les maifons leur parurent bláches, ce qui leur fit croire qu'elle eftoit baftie de pierre detaille; car ils n'oferent pas Pen approcher de plus prés ; qu'ils y entendirent vn grand bruit de cloches, & virent des beftes qui n'auoient point de reffemblanceàleurs Elans; car elles ont,ce difent-ils,vnclogue queué, n’ont point de cornes,la pifte de leurs pieds . e(t ronde,& v'e(t point fenduë comme celle des Elans.Ces peuples,adioútoient-ils, * montent fur le dos de ces beftes ,& ne s'en leruent point à faire tirer destraineaux commenous;ie m'imagine que cesbeltes eftoient des cheuaux ; ces mefmes Sa- moydes dirent encore. qu'ils virent des hommes tout veftus defer ; leurs teftes, leurs bras, en forte que ny les efpécs, ny les fiéches ne leur peuuent faire mal; & que deux cents de ces hommes pourrojent conqucrir tout leur pays; vous voyez parlà qu'ils ne font pas fort efloignés de la Chine & du Cathay ; ie στοῦ vous auoir rcuclé vn grand fecret que ie vous prie de communiquer au Comte de Sali buny » & vous {ouhaittant toute forte de profperites , ie demeüre Ü 29 EXTRAIT DF VOYAGE DES HOLLANDOIS, enuoyez és années 1656. e9* 1657. en qualité d'Ambaffadeurs Vers l'Empereur des Tartares , marntenant AM aiffre de la Chine, traduit du Manufcrit Hollandois. , >» 7 Es Hollandois enuoyerent yne Armée nauale des l'année i. fur les Co- ftes de la Chine pour obliger les Chinois à traitteraucc eux; il nya Ripa qu'ils n'ayent tenté depuis pour les faire venir àce poinét , mais quoy qu'ils foient Maiftres maintenant de toutle commerce des Indes, ils n'ont encore pà mettre le pied dans la Chine. | À | | Lors Ps. Bontkoë les vid , fe traifnant à genoux fur le tillac de fon ὑπὸ ἢ È & le regardant auec admiration, on luy dit qu'il couroit parmy eux vne p hc- tic , que des hommes qui auoient les cheucux tirant fur le roux & s yeux bleus, d i i 1s; tini È rement fe deuoient vniour rendre Maiftre de leur País; Martinius en par Sans ment, & dit qu'ils onten horreur ceux qui font de ce poil : Enfin ,foit de s ayent cet- te prophetie ou cette auerfion ,1] eft certain que l'intereft que les Ha ent εὖ iufqu à cette heure de leur empefcher ce commerce & ipid Marc dns | iui È chemens qu'ils Chinois de lariuiere de Chincheo, onr efté les plus grands empe q ; : ont trouué dans ce deffein. n: Y - Les Tartares du Kin, qui font à l'Orient dela Chine, s en eftans rendus les Maiftres dans ces derniers temps, les Hollandois creurent qu'il leur feroit plus facile d'y entrer; ils enuoyerent vne folemnelle Ambaffade de Battauia dr i HORE 1 à de prefens , pour obtenir de ce Prince la liberté du commerce. Onles me i p» Ba eit iufqu'à Peking , qui cft maintenant la refidence de conduifit toufio > ui pa مر‎ ee ; | ne place femblable à la Place Royale, p ir f; l'Empereur ; il les receut dans v i & pour la fimetrie de fes baftimens:les coftez de cette Place 0 ien de fes Gardes tous habillez de rouge; ils eftoient à pied, & dcn DEA rangez fous les Portiques de la Place. On fit venir les prefens que les Ho 2» 015 عه‎ pas encorc tirez des quaifles; l'impatience de les voir fut fi gran eque les Principaux de fa Cour fe ietterent deffus pour les deballer & les ouurir ; ce ui ne fe fit quauecbeaucoup de peine; & f'eftant fait apporterà Range apres ced fatigue,on leur feruit du lard qu'ils mágerét tout crud & degouttàt de SE Ils eurent facilité de fe faire entendre, car outre qu'ils auoient auec dd es Interpretes , ils trouuerent aux coftez de ce Prince vn vieillard couuert d'vne ἢ كوه‎ > 1 ERE de brocatd d'or, & razta la Tartare, qui à la fin de l'audience les vint i ileftoit Iefuite. leur diten bas Allemand qu'i | AA qe pre AA Relation qui parle des lefuires eft remarquable , puis que ceux qui l'ont faite ne peuuent enar "RETI "ü li de pärtialité. as eftre foupconnez d'inteliigence ny de p 1 i | r Y P Lal τς difent que PEmpereur eft entre vne fois ie l'Eglife qu di di i i rtoute la Chi- i ; | tbien venus & fort confiderez pa Chi Peking. Il eft vray qu'ils font for : di b i ١ rauprés de ce Prince, qu'i Schaall eft en fi grande faueur aup ce È neo qued d i al eft ala Chine, il eft de Co- ces li re;ilya 46. ansquile > 5 entrées libres à toute heure ; TR & la principale caufe de la confideration en laquelle font τὸ e en ¿Par vient de la connoiffance qu'ils ont de l'Aftronomie à laque de jm xls Principaux de fa Cour font fort adonnez, & fy exercent mefmes quel- 165 fois. i 1 | A ps Martinius dit qu'ayant efté arrefté que l'on corrigeroitle Calendrier vu isl remiere année du regne de il commanda aux le(uites cn ois,la i Wear 3 at correction , ὃς qu'elle fut acheuée de fon regne. Vn autre le rapporte que ce P.Adam Schaall en eutle foin y La Relation des Philipi- nes qu'on donnera dás le Volume fuiuant , af- feure auffi que les Chi. nois ont cette Pro- phetie. La Tartarie Oriérale eft appelléeKin parles Chi- nois , c'cíftà dire عل‎ l'or, on appelle comunemér ces Tartares lesfeigneurs des monta= gnes d'or, parce que leurs país en ont fort ri. ches. Cette Tartarie eft bornée au Nord & au Nord'Eftpar vn autre Royaume de Tartarie nomé Niul- bàn, au Le- uant de cea luy d'Yeffo auMidy;elle touche à la Peninfule Chorea : le grandfleuue Linohang la borne du co. té de l'Où- eft; Ces Tate tares font ceux qui font main» tenant Mai= ftres de ]a Chine, *resChinois font diuifez en 3. Se&es, la plus an- cienne cít cell: desPhi- lofophes , la fecode celle des Idolà- tres, la 5. eft celle des E- picuriens; la premiere eft 12 plus con- fiderable , à caufe que les Philofo- phes ont en» tre leurs mains le Gouuerne- ment del'E- ftat: Ces Phi- dolophes re- connoiffent vn premier Principe, vn premier & Souuerain Empereur qui gouuer- ne tout le monde 5 ils auoüétqu'ils ne fcauent pas quelle elt fa Natu- re & fon El- fence , ny qu'ils ne Ícauét point de culte qui luy puiffe cftre agrea- ble ; c'eft pourquoy ils. ayment anicux ne luy tefidre poin: de cul- te que de luy en rédre qui foit indigne de luy : ainfi ils fe coren- tent de rap- porter toute leur eftadc à ce que le gouuerne- ment de la Republique foit jufte & parfait, & à pratiquer cliacun en fon particu- lier les ver- tus morales, & à regler les deuoirs rcfpc&ifs de la vie hu- maine, du EXTRALCA® DV VO VARE Peking eftla principale Ville de cét Eftat , l'Empereur y tient fa refidence, & c'eftle veritable Cambalu , & la partie dela Chine ou elle eft fcitute, eft ce Ca- thay qu'on cherche il y a i long-temps: car les Mahometans appellent ainfi les fix Prouinces de la Chine qui font vers le Nord. Pcking fignifie la Cour du Nord; elle cft vn peu auancée dans les terres, fa latitude eft de 40. degrez; au forcir de la ville fur la main gauche ; il y a des collines , du haut defquelles on peut voir la grande muraille & remarquer comment elle eft tirée entre les mon- tagnes. 1 AA jx Les murailles qui ferment le circuit de la ville interieure ont des boulleuarts fort présles vnsdesautres, & des courtines entre-deux fort courtes, auec yn foffé tout au tour , dans lequel paíle vne eau coutante ;lesruésne font point pa- uces, tellement que l’Efté la poufliere y eft infitpportable ; les perfonnes de condition pour éuiter cette incommodité , fe couurent fouuent le vifage d'vn voile fort delié, qui leur tombe dulhaut de la tefte iufques fur la poitrine,au tra- uers duquel ils voycnt fans eftre veus, & en ont encore cét auantage de pouuoir aller par tout fans eftre obligez à aucuncs de ces bien- feancesaufquelles doiuent aucir égard les perfonnes de condition auxlieux ou elles font connués. Le Palais du Prince eft iuftement au milieu de la ville ; fa figure eft quarrée و‎ il eft fermé d'vne double enceinte de murailles ; l'interieure a 12. ly de cir- cuit, Ceftá dire trois quarts d'heure de chemin. Les Tartares ont tenu cette vil- | le l'efpace de 80. ans; mais en ces derniers temps vn volleut nommé Ly s'en ren- dit ic Maiflre , & les Chinois pour s'en deliurer fe foümirent au Tartare du Kin; qui eft maintenant Maiftre de toute la Chine. Ce Tartare n'eft point le grand Cham ; mais Pvn dés moindres Princes de la Tartarie : Elle eft di- uifée fous la domination de huit Princes differens , chacun defquels eft Souue- rain en fon Canton: ils font tous fort pauures , & viennent fouuent rendre vifi- ce à celuy qui eft Maiftre de la Chine pour en receuoir des prefens.* Le Confeil' d'Eftat de cct Empire eftoit auparauant compofé de fix perfonnes , chacune def quelles outre cét employ auoit encor fon departement patticuliet, & vn Confeil: où il prefidoit. Le premier de ces Confeils auoic la direction des affaires d’Eftat; le 2. celle des affaires de la Guerre; le 3. la Sur-intendance des Baftimens; le 4. celle des Impofts & destreforsdu Roy le s. la punition des crimes; le 6. la Sur- Ὁ intendance des Offices qui regardent la police du Royaume; dont ce Confeil dif- pofoit: Le Tattare n'a rien changé danscét ordre; & s'eft contente de donner à chacun de tes Officiers vn de fes Tartares pour Collegue : chacun defquelsa aufli fous luy vn Confeil de fa nation. Nos propofitions & nos demandes furent - examinées dans le premier de ces Cénfeils ; il eft compofé de Tartares Orien- taux,d'Occidentaux,& de Chinois;les refolutions s'y prennent du confentement de tous ccux qui compofent ce Confeil , vne feule voix pouuant atrefler vne dez liberation dont tous les autres feroient demeurez d'accord و‎ comme il fe prati- que aufli dans les autres Colleges. vand l'Empercur fort;le bruit des tymbales,des trompettes,des fanfares,& la foule quil'accópagne, fait qu'on nc peut rien voir ny entendre, il eft toújours fuiuy de 2000. cheuaux Tartarcs,& marche au milieu de quatre des principaux Seigneurs de fa Cour : il a dans fes ports plus de mille vaiffeaux au deflus du port de cent tonneaux: il ale quint de toute la porcelaine,& l'impoft de tous les vaif- feaux qui entrent dans la Prouince de Canton; n'a point maintenant d'autres ennemis que le Pyrate Coxinga qui fait quelquefois des defcentes dans la Pro- uince de Chincheu. Le pere de ce Pyrare, nómé Itquam, a efté arrefté à Pcking, on a muré les portes de fa maifon , onl’y tient chargé de chaifnes au col & aux ieds ; on les luy augmenta dansle temps de noftre fejour iufqu'au nombre de ES. à Poccafion de quelques mauuaifes nouuclles qui vintent de fon fils, Nous trou- uafmes en cette Cour vn Ambaffadeur de Mofcouic qui y eftoit venu par terre ἢ è 26 5 > DES HOLLANDOIS. is 7 en fix mois;il nous dit qu'en Efte il auroit pú faire ce chemin en 4. mois:* il vou. pcm lut faire plus de bruit qu'il n'eftoit à propos dans cette Cour, le 14. Septembre AR 1656. ils le renuoyerent fans luy auoir donné audience , & fansluy faire aucun fs enfans, prefent : Il prit congé de nos Ambaffadeurs , & les T'artarcs s’adrefitrent à nous eR pour eftre informez de l'eftat de la Mofcouie : Le plus puiffant des Princes Tar- Sujets; & en tares qui tient fa refidence dans la ville de Samarkand, auoit donné à cét Am- Lope baffadeur de Mofcouie trente perfonnes pour luy feruir d'elcorte, qu'on renuoya ἐδ οὐ ρέμα aucc prefens. ceremonies Les Mahomcetans ont tafché il y along-temps d'introduire leur religion dans Minà la Chine, ils y, eftoient entrez du cofte des Eftats du Mogol ; 'Empereur des gardent les Tartares ayant efté auerty qu'ils eftoient deuenus fort puitfans dans vne ville Noon τς de la Prouince de Kenfi, leur commanda d'en fortir, fans leur permettre d'en les ads emmener leurs femmes; les Mores fe mirent en eftat de fe defendre, 8zfureno ἢ doiucnt tous tuez. Ilarriua auffià Pexingle 3. Aouft de l'année 1656. vn Ambaffadeur unes. qui fe difoit enuoyé du Grand Mogol, & quiauoit amené pour prefent 3000. - E cheuaux communs, 2.cheuaux Períans, 10. picols de pierresde Coldrin, 2. Au- RE ftruches ,20. couftcaux Morefques , 4. Dromadaires , 2. tapits, 4 arcs, vne fel- apporter va: le auec fon harnois, 8.cornes de Rhynoceros : il vient tous les ans des Ambaf- 80d chan= < ἐξ gement dis fadeurs de cette partie de Tartaric Septentrionale, qui eft versle pais d’Efo, les Cartes ils apportent toutes fortes de pelletries , & dansle temps de noftre fejour, nous de l'A. vifmes arriucr30oo. pauurcs familles de ces quartiers, tôus habillez de peaux “Colin, à de poiffon marin, on les diftribua à Canton & ailleurs. Ceux del Me Coréaluy pierre Ros! enuoyent aufñ faire compliment cousles ans. | RR Ra , - . crite fous On enterre les morts en la Chine auecdes ceremonies prefque femblables à ce nom. celles de l’Europe ; le corps eft fuiuy d'vn grand nombre de gens, tous habillez 一 - de noir; mais leur maniere de fe marier eft bien differente. Les Chinois fe ma- O ‘rient fans connoiftre en façon du monde leurs maiftreffes , les parens du garçon répond à cer & de la fille traitrent le mariage ; & quand ils font demeurez d'accord des con- ded y ditions , on enuoye la mariée dans vne chaife fermée à clef; à fon futur Efpoux n quine l'a jamais veué ; on l'accompagne aucc quantité de flambeaux , quand meíme ce feroit en plein ¡our : on luy preíenze la clef lors que la chaife eft arri- uée chez luy, & il tire au hazard fa maiftreffe dela chaife , void fi elle eft gran- de ou petite, brune ou blonde, & iuge en l'examinant plus particulierement de fabonne ou mauuaife fortune. - L'Empereur n'a eu iufqu'à cette heure que 21. femmes , maisil a efté refolu dans fon Confeil d'augmenter ce nombre 1uíqu'à cent fept; car les Empercurs de la Chine en ont toufiours euautant.. Le Pere quia donné fa fille à l'Empe- reur, peut faire fon compte qu'il ne la reuerra iamais , tant elles font gardées efttoitement ; & celles qu'il ne trouue pasa fon gré, font mifes a mortdesla pre- miere nuit. Nanking eft la feconde place de cét Empire, fous la hauteur de 32. degrez à 15. milles de la Mer 51e tour de l'enceinte interieure de la ville eft de s. heuresde chemin; mais la feconde enceinte eft de fix de nos milles, fans y comprendre les fauxbourgs,dont nous n'auons pas veule bout ; fes rués font tirées en droite ligne,larges de 28. pas,pautes de pierre; les maifons font mal bafties , peu efle- uées , mais les boutiques fort propres & bien fournies de toutes fortes de mar- chandifes : Ils difent qu'il ya dix millions d'hommes dans cette ville. ‘Nota.Il faudroit que fes fauxbourgs fuffent infiniment plus gráds que la ville,puis que les maifons n'ont qu'vn \eftage : & cependant il eft conftant que les Chinois feauentexaétement ce qu'il y a de peuplé dans leurs villes, le maiftre de chaque maifon e(tant obligé de mettre fur la porte vn eferiteau qui contienne le nóbre des homes qui y fonrlogez , outre que toutes les maifons font diuifées par dix , auec va Dixenier qui a le foinde leur faire executer cét ordre & tous les autres ordres qui regardentla police de la ville. Le Pais parut fort peuplé aux Hollandois,& les riuieres autant habitées que la terre, car il y a des familles entieres qui viuent dellus dans des batteaux , y ont leur mefnage , y font toutes fortes de nourritures , qu'ils mettent à ter- re du cofté qu'ils veulent و‎ comme fi ne pouuant point trouuer de place à terre pour s'eftablir, ils auoient cfté di 28 LA PRISE DE LISLE FORMOSA reduits à fe retirer fur cét Element. Le grand nombre de peuple a fait dire à Martinius , que toute la Chine eltoit comme ÿne grande ville, & que la grande muraille & la montagne qui la fepare du refte du Monde, cftoient des murailles proportionnées à la grande ur de certe ville. La Campagne où Nanking eft (cituée, eft fort abondante , Nanking fignifie la Cour du Midy; les Empereurs de la Chine y ont autrefois fait leur refidence,vn des coftez du Palais qu'ils y ont, a 2000. pas de longueur; fur l'vne* des portes de ce Palais eft vne cloche quia deux fois la hauteur d’vn homme, elle 432. braffes de circonference & vn quart d'aunc d'épaiffcur , le (on n'en eft pas bon : au cofté du Sud de la ville eft le grand Temple , ou Pagod Paolinxi;il cft feruy par 1000, Preftres, & on y void plus de 1000. Idolcs : au milieu de la place dela Ville eftyne Tour dcPor- tour de porcelaine qui y a efté baftie il y a plus de 7 oo. ans par les Tartares, clle celaine. a neuf cítages ou voutes l'vne fur l’autre ,184.degrez portent iufques au haut de la tour ; à tous les coins de laquelle font de petites cloches de cuivre عل‎ diuerfes grandeurs , qui font vne fonnerie fort agreable quand il fait du vent. 1 VuautreRe- Les Portugaisde Macao & les principaux Marchands dela Chinetrauerferent en lion din, forte la negotiation des Hollandois, qu'ils ne peurent obtenir la liberté du com- que e Ho” merce qu'ils demandoient : ils firent entendreaux Tartares que les Hollandois dépensé plus eftoient vn peuple qui n'auoit point trouué de Place dans l'Europe où on les vou- a luft receuoir,que pour cette raifon ils cftoiét toufiours fur leurs vaiffeaux,& qu'ils autres frais demandoient la liberté du cómerce dans le Pays,pour s'y eftablir fous ce pretexte. de certe Am- — Le Tartare leur demanda combien ils auoient fait de lieués de chemin depuisla baffade. x AR S : i Hollande iufques à la Chine; ils dirent qu'ils en auoient fait plus de cinq mille, car par mer il y en a bien autant ; mais ils fe trouuerent fort embaraffez lors qu'on les obligea de tracer vne carte du Monde, & d'y mettre leur País, auec ceux qui font entre la Hollande & la Chine ; car apprehendant de ne pouuoir pas faire com» prendre à ces Peuples qu'ils euffent prisle plus long, il fallut dans leur Carte re- prefenter la Chine éloignée de fix mille lieuës de la Hollande. RELATION DE LA PRISE DE L'ISLE FORMOSA par les Chinois, le cinquiefme Iniller 1661. traduite de l'Hol- landois. cio ternate la Chine eft maintenant foúmife aux Tartares, à l'exception de quel- nois ies Bs puise ques Chinois, qui n'ayant point voulu couper leurs cheueux, ny paffer fous apprennent Jeur joug, fe font retirez dans les Ifles qui en font proches, & s'y font maintenus DITO par les courfes qu'ils ont faites dans ces mers, vn * Tailleur de "Me de Taywan eftre que ce- nommé Equam ,auoit acquis authorité parmy eux, les auoit alliez, & s'eftoit SEE rendu Maiftre de ces mers, pillant fans diftin&ion tous les vaiffeaux qu'il ren- eté choif COntroit. Equam eftant mort , Cocxinia fon fils fucceda à ce commandement, il pigro: fe vid en ces derniers temps fuiny d'vn grand nombre de Chinois , que Pefpe- PExrrait de tance du butin,ou l'auerfion dugouuernement faifoit paffer tous les iours de fon la Relation Cofté , & fon armée nauale augmétée iufques au nóbre de fix cens vaiffeaux;auec pret cela fa fortune luy paroiffoit mal afícurte, tant qu'il n'auroit point d'autre re- nommé Ir- traite que les Ifles,ou la mer & fesvaiffeaux : il apprit parle moyen des intelli- quam. gences qu'il auoit dans l'Ifle de Formofa , que la fortereffe nommée Zelande La Relation QUE les Hollandois y ont baftie, & les autres Fortseftoient en affez mauuais del'Idzet eftat : & apres auoir mefuré fes forces,il creut qu'il deuoit renter cette entreprife 2 ha quiluy prometroit vn pofte le plusauátageux qu'il عنام‎ choifir pour fon deffein. M. dela L'IfleFormofa eft (ciruée à 22.deg.& 1 de latitude, fous le tropique de Cancer, à HERES l’Orient de la Chine,& en eft éloignée de 24. licués & de cét cinquáte du Japon. meurés.ans, Le Fort Zelandia & la ville de Theouan, font baftis fur vn petit banc de fable PAR LES CHINOIS. 23 enuiron de deux licués de long, & efloigne de l'Ile de Formofe, d'vn bon quart de Tayvvanen lieué ; lc fort cft vn peu plus eflcué que la ville a quatre baftions, & au deffous vers WT la mer font encore deux autres baftionsauec le logis du Gouuerneur, les maga- fic vn banc fins & quelques autres logemens tout entouré de bonnes murailles, qui s'attach@c de fable. & tiennent à celles du fort. Il y a auffi autour du Fort vne fauffe-braye auec quatre demy-lunes: la ville eft à vne portée de moufquetde la forrerefle ; elle n'a pas plus d'vne demy heure de tour, mais fort bien baftie , peuplée de quantité de riches marchands Chinois & de quelques Hollandois ; les vaiffeaux peuuent en- trer dans le havre qui et coufiours plein de vaiffeaux Chinois, qu'ilsappellent Yoncs,les plus grands qui y viennent font du port de quatre cens tonneaux,ce n'eft pas qu'il n'y عند مع‎ à prefent de bien plusgrands; ils apportent là leurs marchan- diles & y en viennent querir ;car les Chinois ne permettent pas aux Hollandois d'aller trafiquer chez cux ; les marchádiles des Chinois sót toutes fortes d'ouura- ges de [oye fort bié trauaillez , del'oren lingots & quelques porcelaines, ils en ré- portent de toutes fortes d’épiceries, de toiles de cotton;des draps d/écarlatte & de l'argent; il y aordinairement vingt-cinqoutrente mille Chinois qui demeurent partie dans vn quartier de la ville ; &lerefte dans l'Ifle; où ils trauaillent tous à cultiuer la terre, & principalement le fucre, y eftans fort experts. Sót tributaires de la Cópagnie, & font obligez de payertousles mois 13. fols par tefte , taxe qu'elle fait mefime payer aux enfans des l'âge de feptans ; ce qui leur rapporte prés de deux cens mil liures par an. Les Chinois font fort adonnez au tra- fic & aPetude de leurs lettres , ils ont prés de 60000. caraéteres , qui figni- fient autant de mots ; ils efcriuent de haut en bas ὃς de droit à gauche; font fort fubtils & trompeurs ; portent pour habit tant hommes que femmes, de lon- gues robes, les manches tort longues & larges; laiflenc croiftre teurs cheueux, Re & Pen trouue quantité entr'euxa qui Les cheueux delcendent plus bas que le ge- font fort 16- noüil ; ils les noüent derriere la tefte, ὃς paffent vne aiguille d'or ou d'argent au du acus trauers aucc vn peigne pour les tenir; ont diuerfes fortes de coeffares , fclonla pieds, & pré- differente qualité des perfonnes ; oncle vifage plat ἃς bazane , labarbe fort lon- dem deme gue & claire; il sen trouve auffi entr enxde fort blancs, & principalement parmy (55, tal- lcs femmes, lefquelles font ordinairemét fort belles,les maris en font 20111 fort ja- ἰός, de façon loux , quoy qu'ils en ayent autant qu'ils en peuuent nourrir, & s'en défont quand Suede des ils veulent , car fouuent ils les changent ou vendent, mais s'en refeiuent roufiours couuert que vne entre les autres qu'ils époufent & de qui lesenfans herirent ; les tiennent laface. — toufiours enfermées, elles nc fortent point que voilées , & font mentes parde pe- Flles otia tits garçons و‎ ont toutes le pied extrémement petit ; elles fele bandent fi fort ieu mains des leur ieuneffe , que cela leur apporte vne grande incommodité à marcher. Ao ara Pour ce qui eft de leur religion;ils y sot fort opiniaftres,& de cousles Chinois qui n'eft pas leur sót dans l’ifle Formofa;il n'y en a aucun qui foit Chreftien ; ils croyent qu'il ya vn mee. Dieu qui cft tout-puiffant, 115 l'appellenten leur langue Ishy:ils croyent auffi qu'il ¿e n Ns yades Diables qu'ils appellent Kouy, ils luy facrifient ; difant que le Diable eft des hômes ; mefchant,qu'il leur fait du mal;& qu'ils l'appaifent par leurs facrifices;que Dieu ne ^f ed leur fait point de mal, auffi ilsne luy facrifient que rarement 3 ilsont fur leurs Au- اك‎ tels l’image d'vn Chinois, qui difentauoir efté vn grand períonnage , que par cet- yn erg te raifon ils appellent Yoffe ,a qui ils facrifiene, &luy adreffent leurs oraifons. beoe lis en ont vn autre qu'ils appellent Chekoua , qu'ils reclament coufiours quand ils couurent la fe voyent en danger. Ils n'ont aucun licua Theouan où ils fe puiffent afembler SAR ὃς: pour y faire leurs deuotions & leurs facrifices, chacun les fait en fon particulier qu'on leur dans fon logis:car les Hollandois ne leur permettét pas d'auoir de lieu deftiné pour prefente. cela: quand ils font leurs facrifices à Y olle, ils preparent l'Autel furlequelil eft , & mettent aux deux bouts deux vales d'airain dans lefquels ils bruflent leurs bois de lenteur qui fume continuellement ; & vn autre vafe qu'ils mettent. iuftement dcuant leur Idole, dans lequel font quantité de petits baftons, gros comme vn fer d iij 30 LA PRISEDE LISLE FORMOSA d'eguillette , faits d'vne certaine pafte composte de toutes fortes de parfums, ces baftons quand ils font allumez, bruflent comme de la mefche, nc font qu'vn char- bon, & rendent vn parfum fort agreable ; pour l'Autel , ils le couurent de vian- des cuittes , comme de chevreau , de cerf ,de porc, & de volailles, feruies dans de beaux plats de porcelaine , puis fe mettent tous àl'entourdel'Autcl, & vn d'eux fait l'oraifon , qu'il ne prononce pas tont haut, mais en recite la moitié entre fes dents , & de fois à autre il s'encline la face iufques à terre, & tous les autres en fontautant ; ilsont auffi du papier qu'ils preparent expres , le couurant de fcüilles d'or, & le decoupant en ondes le bruflent & le iettent en l'air difant , Camchia Yofle, qui fignifie, c'eft vn prefent ou oftrande que nous te faifons Yoffe 7 puis quand toutes leurs ceremonics font faites , ils oftent toutes les viandes & les fer- uent fur vne autre table, à l'entour de laquelle ils fe rangét & en font bone chere; les femmes ne viennent iamais à leurs facrifices ; ils ont vne place où ils enterrent leurs morts , les mettans dans vne foffe qu'ils maffonnent par deffus en forme de voùte, & y font vne petite porte enuiron d'vn pied de haut, & apportent auec le corps mort des viandes cuittes & de leur boiffon auec du ris qu'ils mettent deuanc. la £offe,& le laiffent là,difant que c'eft vne offrande qu'ils font au Diable;ils loüenc des femmes exprés pour pleurer quand on porte le corps en terre , & luy, vont criant ; Pourquoy es-tu mort? as-tu cu faute de viande, de ris, &c. luy nommane tout ce quicft neceffaire ala vic, & puis crient & hurlent, pourquoy es-tu donc mort. Les femmes dansleurs repas ordinaites ne mangent pas auec eux : quand ilsne trouuent pas de femmesdans Plíleá leur fantaifie ; ils en font venir dela Chine, cn efcriuant à leursamis qui leurs en cnuoycnt, & en font negoce com- me dvne marchandife ordinaire : dans l'Ile Formofaily a quantité de Chinois qui y demeurent toufiours, & font cultiuerla terre qu'ils prennent à ferme de la Compagnie : les Sauuages del Ifle ne les aiment gueres, mais ncantmoins ils font contraints de les fouffrir. Il y ena dans chaque village qui y demcurent,que nous appellons Pa&ers, ils y font pour acheter les Cerfs que les Sauuages prennent, & pour en faire feicher les viandes qu'ils enuoyent puis apres en la Chine;pour les peaux, ils les reucndent à la Compagnie pour enuoyer au lappon, tous les villages font affermez; ic nommeray icy les principaux , du cofté du Nord eftSinkam و‎ Baklouam , Soulan , Mattaw , Touliffant, Takays , &c. & plus loin vers le Nord font encor deux pctites fortercíles éloignées de douze licués Pyne delau- tre, à fçauoir Quilam & Tamfuy , qui ont efté autrefois bafties par les Portugais, & prifes par les Hollandois enuiron l'an 54.00 55. 1 y a ordinairement dans chacun quarante foldats de garnifon : ces deux Forts font à 60. lieués de Theouan, du cofté de Sud-Eft;Farbrou eft éloigne de 25.lieuës de Theouan,il y a ordinairemét 30. foldats & vn Lieutenant, Plus loin eft Panfoy, Akaw, Etné, Soutenaw , & Ti- &ayan ; qui eftle plus éloigné & le dernier des villages qui reconnoiffent les Hol- landois ; dans chacun de ces villages, & principalement dans ceux qui font versle Nord ,la Compagnie y entretient toufiours fept ou huit Maiftres d'Efcolle qui in- ftruifent la ieuneffe en leur propre langue , leur apprenant à lire & à efcrire nos caracteres, & ont auflicranflaté vne partie de la Bible qu'ils ont fait imprimer en Hollande, & quantité d'autres petits livres pour apprendre àlire. T'ous ces villages font fort peuplez ,& dans chacun la Compagnie y eftablit yn ou deux Capitaines choifis entre ceux du País qui ontle commandement ab- folu fur tous ceux du village ; on leur donne pour marque de leur commandement vne canne ferrée d'argent aueclesarmes de la Cópagnic grauécs deffus. Tous les Sauuages de Formofa s'excrcent à bien tirer de l'arc; ἃ lancer le jauelot,8z à nager; ils sexercentaufli fur tout à Ja courfe , & ie croy qu'il n'y a nation au monde qui les furpaffe و‎ il n'y a point de cheuaux qui puiffent courir fi long-temps qu'eux: quand ils courent ils portent à leurs deux bras vn morceau de fer fort luifant & qui rend yn fon comme γῆς groffe fonnette , auec lequel ilss’animent à courir. | PAR LES HOLLANDOIS. i ‘Le Gouuerneur fait cenir tous les ans vne Affembléc qu'on appelle Lantdag,ou grands Iours , tous es Capitaines & Principaux de chaque Village font obligez dc s'y trouuer & de rendre compte de leur conduite : on interroge le peuple s'il m'a point de plainte à faire contre fes Gouuerneurs, & s'ils ont entr'cux quel- ques differens, on les met d'accord; apres qu'onles a tous ouys on les exhorte derechef à le bien comporter, fe maintenir dans leur deuoir, & ἃ ne rien entre- prendre contre la Compagnie , quiles afleure de les maintenir toufiours en bon- ne paix, & de les defendre contre leurs ennemis, puis on leur fait de petits pre- fens & principalement aux Capitaines , à qui on donne de belles robbes du Ia- pon & des chapeaux ; ce qui les rend les plus contans du monde : on leur fait apres vn feftin de toutes fortes de viandes en abondance dans vn lieu prepare pour cela, où ¡ble trouue quelquefois fept ou hui& cens Sauuages à cable; ainfi fai(ant,la Compagnie s'entreuent toufiours en bonne intelligence auec eux ; & quand on en a cu affaire ils ont toufiours efté prefts , & ne manquent point de ye- nir aux premiers commandemens , & mefme on les fait fouuent aller à la guerre contre ceux de leur propre nation, lors qu'il s'en rencontre qui ne veulent pas ‘obeir. C'eft pourquoy les Chinois n'oferoient rien entreprendre enayans efté delia bien chaftiez l'année que i’y arriuay , qui eftoit en 53. Iis firent vne confpiration d'exterminer tous les Hollandois qui eftoient dans VIfle;& defe rendre Maiftres du Fort, par vne trahifon affez bien cócertée ; outre que la garnifon eftoit alors vn peu foible; pour cét effet ils s'afemblerente dans lle iufques aunombre de hui& mille hommes , vn nommé Fayet en de- uoit eftre le Chef, & tous ceux qui eftoient dans la ville de Theouan deuoient aufli eftre de la partie, & auoient ordre de commencer les premiers : le complot eftoit de prier le Gouuerneur à fouper ; auec la plufpar des Officiers; ce qu'ils faifoient lors affez fouuent, & durant le feitin ils deuoient tout tuer , chacun d'eux deuant cacher fous fa robbe vn poignard pour cet effet; & pour les douze foldats qui fuiuent ordinairement le Gouuerneur, ils les deuoient enyvrer, & apress'en eftre défaits , prendre leurs habits & leurs armes , fe prefenter à la por. tc de la fortereffe en mefme ordre que le Gouuerneneur y vient ; s'en rendre les maiftres , & afleurer entrce au refte de leurs gens qui auroient efté prefts pour donner en mefme temps : deux iours deuant que l'entreprife fe deuft exe- uter , ils prirent trois ou quatre des noftres dans l'Itle qu'ils firent mourir cruel- lement : nous en trouuaímes yn quiauoitlatefte coupée, & les parties honteu- fes dans labouche; nous trounafmes auffi vne Hollandoife à qui ils auoient fen- du le ventre, & luyenauoient arraché vn petit enfant qu'on trouua coupé par morceaux aupres d'elle. L'entreprife ayant efte découuerte par le frere mcfme de celuy qui en eftoit l'autheur ; fe doutant bien que fi clle ne reüffiffoit pas و‎ “on nauroit donné quartier à pas vn , ilaima micuxsen tirerde bonne heure, ef- perant auffi vne bonne recompenfe ; qui luy fut en effet donnée : On cnuoya auffi toftà tous les villages d'alentour faire commandement à tous les Sauuages de fe trouuer auec leurs armes dans vn lieu afhgné pour le lendemain ; & on nouscom- manda enuiron deux ceñs pour aller au devant ; nous paffafmcs dans l'Ifle dans des chalouppes; ils eftoient fur lebord de la mer prés de hui& mille qui nous atten- doient de pied-ferme ; ils auoient pour armes des picques , des (abres , des jauelots & peu de leurs moufquets bien plus petits que les noftres:ilsparurentau commer: cementaffez affeurez; mais quand nous fufincs plus prés, & que nous commen- çafmes ales cfcarmoucher en bon ordre, ils fe retirerent dans le village qui eft à deux portées de moufquet du bord dela mer, il y en auoit quantité des leurs qui prenoient des couuertures picquées auec du cotton par dedans ; qu'ils met- toienten trois ou quatre doubles deuant cux pour s'exempter descoups de mouf- quet ; mais cette defenfe leur fat inutile, nous mifmes le feu dansle village, d'où ils fe retirerent; le lendemain-nous eufmes prés detrois mille Sauuages aucc nous 36 LA PRISE DE LISLE FORMOSA qui ne nous feruirent pas beaucoup que quand nous eufmes mis les ennemis en déroute; car alors ils donnerent deflus, & en firent l'cfpace dc trois iours vne cruel- le boucherie, on leur auoit promis de chaque tefte vne braffe de toile ; ils ap- ortoient tant de teftes ; que pourlesfoulageron leur fit fculement apporter les oreilles : il y en cut en 5. iours plus de 6000. tucz par les Sauuages; & fion les euft laifTé faire ilsen euffent en peu de temps dépeuple l'Ile. Tous ceux qui demeurerét fans fe foüleuer dans la ville de Theouan furent exempts de ce mallacre, mais il leur en coufta quantité d'argent ; latefte de leur General fut mife fur le gibet ; on prit aufli trois de ceux qui auoient maflacré quelques-vns des noftres , qu'on fit mourir dans la place publique à la yeué de tous Ics Chinois qui eftoient demeurez dans la ville : on fit premierement entourer la Place de foldats en armes, puison fit faire vn grand feu , auprés duquel on dreffa vn pilier & vn banc ; on en prit vn destrois qu'on defpoüilla tout nud, & on l'attacha tout vifau pilier, puis Les Chinais On luy coupa les parties honteufes, defquelles le bourreau luy en ayant donné par ont traité ]e nez les ietta dansle feu, apresilluy fendit le ventre & luy aracha le cœur qu'il quecla me mit encore tout groüillant fur la pointe de fon coufteau , & le monftra ainfi à les Hollan- tout le monde, & apres le ictta aufli dans le feu: illuy arracha en fuite les entrail- an les qui furent pareillement mifes au feu, puisle deflia du pilier & le mit fur le banc, dans laRe- & aucc vne hache luy coupa premiere ment la tefte, puis les quatre quartiers, & lation dela ainf aux deux autres à qui on fit vn pareil traitement : ils endurerent la prife. mort tous conftamment fans dire mot; le premier s’écria feulement vne fois ou deux Ah Chekoua , tous leurs quartiers & leuts teftes furent miles fur des roües patles chemins: ceux qui refterent enuoyerent des Deputez au Gouuerneur qui eftoit pour lors vn nommé Nicolas Verbeug d’Amfterdam, à qui ils firent de grands prefens & demanderent pardon, s’excufansle mieux qu'ils pürent , & pro- mettantde nerien entreprendre d’orefnauant contre la Compagnie : lc Gouuer- ncur euft pú faire tout tuer, mais cela euft caufe grand preiudice pour le commer- ce, & la Compagnie cuft perdu vn grand reuenu que les Chinois leur apportent .£ousles ans. ١ ;L'annee d'apres on commanda encor deux Compagnies de fuziliers de foixante hommes chacune, ou ic fus auffi commandé , pour aller dans le Pais faire reueuë A de tousles villages » & pour en ranger quelques-vns qui s'cftoient reuoltez; ce dit,quietane qu'on pratique ordinairement tous les trois ou quatre ans, afin de tenir toufiours entrévniour les Sauuages en crainte : nous fufmes par mer iufquesà Panfoy , qui eft à vingt- dans tam. cinq licués de Theouan, où nous prifmes deux cens Sauuages pour porter nos vi- Habitans de ures, & fufmes vifiter tous les villages d'alentour , qui nous receurent fort bien Pide, il ME nous traittans par tout où nous venions,de viande,de cerfde porc fauuage, & d'v- au coin du . 2 DA 4 N - A feu la Moi ne certaine boiffon qu'ils appellent Machiko, laquelle eft faite auec du ris; c'eft trefle quive- yn breuuage foit commedu vin, dont legouft cft agreable, principalement lors iu e qu'il y a18. on 20. ansqu'il e(t fait : Ils le conferuent dansde grands pots couuerts fon mary au de terre, & fetrouue deslogis οἱ il y ena iufques à trois cens; ilsle gardent quel. ae quefois trente ans, eftant meilleur tant plus il eft. vieil : ils en font deux ou quartierslà. trois pots lors qu'il leur naiftvnenfant,* & ne les boiuent que quand ils le mariét; font en PA ils font tous fort adonnez à cette boiffon, & c’eft auffile plus grand regale qu'ils Bd. * faffent lors qu’on les va voir : nous fufmes iufques dans les montagnes où leurs fem- les Sauuages nous eftoient ennemis, ils nous drefferent beaucoup d'embuf- UM cades ; & dans les chemins qui sót la fort eftroits, ils plantoient dans terre de pe- l'impatience IES piquets.d’yn certain bois fort dur & pointu comme vne aleíne , ce qui bleffa prità Le quantité de nos gens, & lesbleflures en eftoient dangereufes ; nous m:fmes le EAE fon feu dans leurs villages & bruflafmes toutes leurs campagnes de ris, qui eftoitle ia pour le plus grand mal que nous leur püffions faire ; nous fûmes ς. ou 6. femaines à cou- deus rir ainfile País, mais furla fin nous fümes contraints de nous retirer , parce que la remirapres. plufpart de nos gens tomboient malades; on trouuoit par tout fi grande abon- dance PAR LES HOLLANDOIS. 37 dance de frui&s les meilleurs du monde , & principalement d’Ananas, le Cocos , & la plufpart en mangerent tant que cela leur caufa prefque à tous la dyffenterie :le remarquay que parmy ces Sauuagesils ont de diucrícsfortcs de langues,& quelquefois nous trouuions que 2. villages éloignez de 3. ou 4. licuîs l'vn de l’autre ne s'entendoiét plus, $ deuant que lesHollandoiss en fuffent ren- dus mailtres , ils cftoient continuellement en guerre, village contre village, & principalement ceux des montagnes auec ccux qui habitent le plat pais; Nous trouuions encor dans leurs logis des teftes & ofiemens de leurs ennemis qu'ils gardent commedes trophées à la pofterite; & quand ils fortoient les vns contre les autres , ils ne le battoient pastous , mais ils fe faifoient. des défis les vns aux autres ; il s'en prefentoit vn d'vne troupe qui demandoit le combat , armé dvne rondache & de deux petits coutelats d'enuiron vn pied ὃς demy de long ,d”yn dard lequel eft fait en forte qu 'eftant bande illeur fert aufli d'arc & de cinq ou fix fléches; vn autre fe prefentoit aufli-toft du party contraire auec les mefmes armes, & fe battoient ainfi tant qu'vn d'eux fuft vaincu, & le vi- &orieux luy coupoit la tefte qu'il apportoit à fes gens, qui s'en retournoient comme en triom phe , & mettoient cette tefte roftir fur les charbons , puis en mangcoient la ceruelle en grande ceremonie en beuuant de leur machiko ; mais à prefent ils viuent tous en paixi& quandils ont quelque different on les accor- de aufli-toft. La Compagnie ne peut enuoyer de foldats dans l'Ile que dans vn certain temps de l’année, comme au mois de Nouembre;D ccembre د‎ Ianuicr & Feurier, qui cft lors que les riuieres font baffes , & quel'on les peut paffer aguay , parce quedans les autres faifons elles font fi larges & fi rudes qu'il nous feroitimpolli- ble de les pafler : nous en paffaímes vne auprés de Soutenau,qui n'auoit pas pour lors vne portée de piftolet de large, ὃς quia en Efté vne grande lieué ὃς demie de large en beaucoup d’endroits 5 & fi profonde que les plus grands vaiffeaux y pourroient nauiger. Le courant de l'eau en eft extrcmement rapide ; ce font des caux qui defcendent des montagnes, où il pleut quelquefois trois mois durant; cela n'empeíche pas que les Sauuages ne la paflent à nage , auffi bien les femmes que les hommes; car ils font tous fort bons nageurs, & lors que quelqu'vn des noftres eft obligé de paffer ces riuieres , nous prenons quatre de ces Sauuages qui nous paffent fur de petites chaifesqu'ilsfont, & peuuentainfi pafler de l'au- tre cofté des plus grandes riuieres vn foldat auec fes armes fans qu'il foit moüil- lé : le País eft tout plein de cesriuieres , mais non pastoutes fi grandes. L'Itle Formofa eft fujette à de grands tremblemens de terre, qui fe font ordi- nairement fur la fin de année :en l'an 5. nous en eufmes vn fort grand & qui dura plus de trois femaines : ce qu'on pouuoit voiraisément en mettant de l'eau dans vn baffin qu'on voyoit continuellement mouuoir : la premiere fecouffe fit vn grand degaft dans la ville, ἃς mefme aux murailles du Fort, on n'entroit dans les maifons qu'en crainte, craignant toufiours qu'elles deuffent tomber :les pie. ces de canon qui eftoient en batterie fur les baftions rouloient auec leurs affufts hors de leurs places. Il y cut vne fort belle tourauec vne platte-forme en haut, ui fut toute creuée, ὃς dans le Païsil y eut des montagnes qui furent fendués de- puis le haut iufques en bas. Les Chinois difent de cela que c'eftle Diable qui eft en colere & qui remué la terre , &le croyent appaifer par leurs facrifices qu'ils font lors en grande deuotion , & toutes les raifons naturelles qu'on leur en peut dire ne leur fçauroient perfuader le contraire. Il ον fait auffi fouuent des vents & des orages horribles : 1] s'enfit ynenl'an 56.le7.d’O&obre fifurieux que les plus vieils habitans del Ifle n'en auoientia- mais veu vn pareil:i'eftois pour lors moy quinziéme à yne garde auancée fur vne petite Ifle proche de la cofte, efloignee de cinq lieuës de noftre Fort, où nous nous trouuafmestous en grand peril , quoy que nous fuffions fur vne petite émi- 1 38 LA PRISE DE L'ISLE FORMOSA nence , où la mer en fes plus hautes marées, n'approchoit iamais ; furles quatre ou cinq heures du (οἷν la mer commenga à monter , & vn grand vent de Nord s éleua cn mefme temps, & le Ciel tout obicurcy de nuages cn- trecoupez d’efclairs , nous prefageoit vne furicufe tempelte ;1c vent fe tournant à l'Eft amena vne orage de pluye , & augmentoit toufiours de plus en plus, & la mer montoit de mefime ; fur les 9. à 10. heures le vent nous empor- tala maifon où nous faifions noftre corps de garde , nous fuimes contraints de defcendre vn peu plus bas dans vne petite cuifine où nous nous mifmes à labry ; nous auionsauffi vne chaloupc qu'il nousfuc impoflible de fauucr, la mer conti- nuoità monter extraordinairement; & vint iufques où nous cítions,ce qui nous eltonna fort; nous regagnaímes aufli-toft nolire petite butte, craignans que l'eau ne nous coupa chemin ; nous nous vifmes bicn-roft apres tout en- tourez d'cau, & dans l'obfcurité de la nuit, fans voir aucun moyen de nous pou- uoir fauuer: le vent & l'orage eftoit fi forte que nous cftions contraints de nous tenir tous les ynsles autres craignans que le vent ne nous emportaft ; nous de- ineurafmes ainfi coute la nuict fur cette petite butte, & la mer toutaurour de nous,&voyonsletetrain oü nous cftions,diminucrà vcué d'acil;tombant de gros morceaux de terre , à mefure queles vagues donnoient contre;de Íorte que nous fufmes reduits à vne petite οἴραος qui eltolr rout ce que nous pouuions faire de nous y tenir, en attendant toufiouis que tout vine à creuer fous nous ;le vent fic tout le tour de la Bouffole cette nuit-lá, & la mer monta depuisles cinq heures du foir iufquesà cinq heures du matin qu'elle commengaa baiíler, & le venia cefler en meíme temps.N ous fceümes depuis à Theoná que cetre nuit làilciioit peri plus dedcux mille perfonnesquiauoient eite fubmergecs, que toutcs les, petites barques desChinoiseftoient toutes peries & briftes;il y anoitdcux naui- res dás le hayre,l' yn fut renuerfé ὃς perdu,& l'autre fut oblig ede couper tous fes mafts , qui eftroit vne chofe qui ne s’eftoit jamais veuë dans vn havre. Le Fort fuc auflien grand danger, n'eftant bafty que fur le fable : on futle lendemain af- {cz occupé à enterrer les corps morts qui eftoientiettez (ur lc bord de lamer; cent cinquáte desnoftres y parirent & beaucoup de Chinois, 11 y cut vne redou- te qui cftoit baftie fur le bord de la merde l'autre cofté du havre à vne portée de canon de Theouan , qui abyfmaauec tous ceux qui eftoient dedans, quoy que les murailles euffent plus de vingt pieds d'épais , il y auoit trente ans qu'eile eftoit baftie ;iamaisles habitans de Plíle n'auoient veu la mer monter fi haut qu'cllefit cette nuit-là ; la ville en fut fort endommagée, & il y eut quantité de. maifons qui tomberent.. Ic diray icy deux mots de ce que ray pi apprendre à Theouan des affaires de. la Chine auccles Tartares , lefquelsentrerent dans le Pais enuiron l'an 1650. ou sr. aucc γῆς puiffante armée, & le rendirent maiflres en peu de temps de beaucoup de País; ilsauoient auec eux quantité. de Chreftiens, comme ic 上 ay fceu des Chinois. Quand ils eurét gagné quelques Prouinces , les Tartares fi- rent prendre les armes aux Chinois , & ilsles forçoient d'alleràla guerre con- vela ze tre leur propre nation y & ainfiils conferuoient toufiours leur armée. Dans ce COS temps-làle Roy de la Chine mourut; quelques-vns croyent qu'il sem poifonna, xinga diffe- 1] auoit auffi vne puiffante armée fur pied, commandée par vn nommé Teko, RAS x lequel apres plufieurs batailles où il auoit toufiours du pire,fut enfin tue & tou- des autres, te fonarmeée défaite. Ce qui augmenta encore lesconqueftes des Tartares. 1 y eee us auoit dans vnc des Prouinces maritimes nommée Chinchen vn Gouuerneur ἃ la pronon. nommé Koefinia , lequel voyant toutes les affaires en fi mauuais eftat fe refo- xe bs luc de conferuer ce qu'il auoit , & pour cét effet lena vne puiffante armée dans a " Prou nce, & raffembla cout ce qu'il püt des reftes de l'armée , & marcha ainfi au deuant du Tattare qu'il arrefta ; ils fe donnerent diuerfes batailles , où il auoit ncantmoins le plus fouuent du pire, Sur ccs entrefaites Coxcinia enuoya vn PAR LES CHINOIS. 19 Ambaffadeur à noftre Gouuerneur , fçauoir de luy s'illuy vouloit permettre qu'en cas qu'il fuft battu du Tartare ; qu'ilfe puft retirer auec le reite de fon monde dans l'Ile Formofa,quoy qu'il fe fentit encore affez fort pour luy refifter long-temps ; ce qu'on ne luy voulut accorder pour fes gens, mais pour luy on répódit qu il y pouuoit venir en fcureté, Il renuoya derechef {on Ambafladeur,& fit commádement à tous les Chinois qui eftoict dans 'Tle;que dans vn moisils cuffent tous à fe rédre auprés de luy , furpeine de confifcation de tous leurs biens qu'ils pouuoient auoir dans la Chine , & quand il les pourroit attraper deleurfaire couper latefte. 11 y en eut piefque la moitic qui obcirent ; & le refte demeura. ἢ] fivaufli defenfes que pas vn lonck n’euft à venir à Thcouan ; & en mcíme temps nous declara la guerre , telle- ment que nous fufmes vn an & demy fans qu'il nous vint aucun Ioncx de la Chine, nousen prenions quelquefois fur leurscoftes.Coxcinia fit dans ce temps. là fon der- nier effort fur les Tartares, où il eut quelque auantage dans vne bataille qu'il don- na :enfinil leur demanda la Paix, qu'ilsluy accorderent ; auec des conditions affez bonnes, fe referuant encore prés de trois Prouinces pour luy , mais au defauantage de toute fa nation; car par l'accord qui fe fit entr'eux, les Chinois eftoient obli- ez de fe couper les cheucux , au. lieu qu'ils les portoient fort longs د‎ & mefme il s'entrouuoit quantité enti'eux à quiles cheueux defcendojent au def 10115 du genotiil ; ils en faifoicnt vn tour qui fe lioit derriere la tefte ; à prefent ceux qui viennent dela Chine ne portent qu'vn petit coupet de cheucux fur le fommet de la tefte; ὃς le refte cft ralé à la facó des Tartares, qui eft vne marque de fujcttion, & la chofe qui leur rédic joug des Tartares plus rude, cela a eftécaufe que tous ceux qui font demeurez dansl'Ile ne veulent plus retourner en la Chine, afin feulement de conferuer leurs cheucux qu'ils feroient obligez de couper s'ils y retournoient; ce qui fait croire qu'ils eftiment fort leur grande cheuciure , c'eft que comme ils font grands ioüeurs , apres qu'ils ent perdu tout leur bien; i'sioüent leurs femmes & en- fans,& apres fe ioüct eux-mefmes,& leur cheuelure cn dernierlieu qu'ils font razer & c rendent ainfi efclaues les vns desautres pour vn certain téps. Apres que Coxci- nia eut fait fa paix auec le Tartare,lesChinoiss qui cftoient demeurez à Formola iup- plierent noftre Gouuerneur de faire paix auecluy , & deluy enuoyer vn Ambafla- deur en fon nomauec quelques prefens qu'ils s'obligeoient de payer & de four- nir à tous les frais de l'Ambaffade, c'eftoient tousriches Marchands qui eftoient dc- meurez , & cherchoient de continuer leur commerce ; le Gouuerneur le fouhaittoit autant que les Chinois,mais il vouloit que cela vint d'eux-meímes:c'eft pourquoy il les fit tous affembler,& en deputa vn d'entr'eux des plusapparens;à qui il donna fes lettres cícrites en Portugais : il enuoya auffi pour prefent deux beaux cheuaux auec leurs felles & équipage en broderie ; & deuxbelles paires de piftolecs aufi garnis d'argent , dix ou douze pieces de fines ecarlattes , quelques dentelles d'argent aucc vn grand miroir: d'abord Coxcinia renuoya l'Ambafladeur avec fon preient , fai- fant difficulté (ur quelquesconditions qu’on luy demandoit : on le renuoya vne fe- conde fois, il fit la Paix comme on le fouhaittoit , & permit àtous fescens de venir librement trafiquer auec nous comme par le ,2116م‎ ὃς à ceux de Thcouan ¡a mefme li- berté pour venir enla Chine;ce qui apporta vn grand contentement à tous les Chi- nois de Thcouan , ayant eftt prés de deux ans fans qu'il vint aucun lonck de la Chine, E Chinois qui trouuoit dans cette Τῆς tout ce qui manquoit à fes autres retrai- tes, tourna toutes fes penfees de ce cofté-là , d'autant plus qu'il eftoit aduerty, comme nous auons dit,que les Forts eftoient en mauuais eftat; le Gouuerneur qui có- Suite de la Relation de la Prife de l'Ifle Forme: mandoit dansl'Ifle pourles Hollandois, auoit aduerty de fon deffein le Confeil ge- fa. neral de cette Compagnie qui fe tienta Batauia; maiscependant qu'on luy prepare le fecours qu'il demande , Coxcinia fe prefente fous la Place au mois de Mars de l'an- néc 166r. auec fix cens lonques ou vaiffeaux bien armez , & bien garnis d’artillerie; prend d'abordle Fort de Stegan, & les autresde lle, ferend maiftre de la Ville, ὃς 4o LA PRISE DERPISLE FORRMO SA de l'habitation des Sauuages; mais cóme il s'attendoit bien qu'il ne trouueroit pas la melme facilite à prendi rela Fortereffe principale nommée la Zelande; il fit vcnirles MiniftresHollandois, & les Maiftres d Efcolle qui eftoient tombez entre {es mains; il s'adieffa à vn nommé Hantbrocx, & le charge d'aller auec les autres Miniftres trouuer de fa partle Gouuerneur dela Place, & de luy porter parole que s'il la ren- doit, il netouchcroit ny aux biens ny aux perfonnes des Hoi ilandois » &quilleslaif feroit viurc en paix dans lle , qu'autrement il ne pardonneroità perionne , & met- troit tour à feu & à lang ; Coiet refpondit quil eftoit engage patfer ment de defend fa Place : les Miniftres luy reprefentent quela vie de tons les Hollandois dé pendoit de fa refponfe ; illes renuoye leur difant qu'il cftoit fort touché de l'extremité où il le: voyoit ; mais qu'il n'y auoit point de confideration qnile puft empetcher de fatis- faire au feruice qu'il deuoitàla Compagnie. Coxinga (ur cette retponfe donna or- dre de faire main-baffe fur tousles Hollandois, & de n'efpargner nyles femmes ny les enfans ; ce qui fut executé fur le champ auec mille cruautez, * Sur ces entrefaites neuf vaiffeaux de la Compagnie ariiuent pour fecourir la Pla- ce les Trouppes qui eftoient deflus fe ioignentà celles du Fort , attaquent de con- cert auec ceux du Fort vne Redoute que les Chinois faifoient éleuer dans vnlieu nommé le Baxenboy pour y loger du Canon, & battre de là la Forterefle, ils ytrou- * semp. Werent fix mille Chinois qui les attendoient en fort bon ordre,tous armez depuisles bles à celles pieds iu(quesàla tefte;&couuerts d'armes bláches & luifantcs;fi bien qu'à les voir de 0 loin,cetre Trouppe paroiffoit come vne mótagne d'eftain. *Les Chinois les receurét fait mourir auec tant de rcfolution, qu’ils furent contraints de fe rctirer , apres auoir laiffé 460. les Chinois de leurs hommes fur la Place, Les vaiffcaux voulurent aufli faire vne autre tentati- reuoltez dás l'ile come ΠΕ; ils fe meflerent entre les loncques Chinois, mais ceux qui fe meflerent le plus nous auons auant , eurent bien de la peine à s'en retirer, car ils fe virent inueftis d'vn grand عفد ل‎ nombre de ces petits vaiffeaux d'où il fortoit vne multitude incroyable d'hommes; & * L'Hollan- d'ailleurs les Ioncques eftant fort legers, & prenant peu d'eau, «ils fe logcoient iuf- do di Tin- ques fous le Fort & efchoüoient fans danger furles bancs qui y font ;*où les vaiffeaux vigile de Hollandois n'ofoient pas les fuiure ; car l'yn desneuf s'y eftant engage, il échoüa, & . flan, Pon y perdit quatre cens hommes, qui tombetent entre les mains des Chinois, nom- obftant les efforts que fitle Gouuerneur pour les dégager ; le feu prit auffi au vai(- feau nommé Hc&tor , & lacques Cauwn qui commádoit le fecours voyant que les vi- uresluy manquoient, fe tefolut de retourner à Batauia auec deux cons femmes & enfans , qui s'eftoient fauuez des mains des Chinois; ils y arriuerent auec beaucoup dc bon-heur en quatre fepmaines & fix iours , car s'ils euflenttardé plus long-temps ils euffent couru rifque de mourir de faim; (ur les nouuelles qu'ils porterent, on prepare vn nouucaufecours; l'on dépefche quatre vaiffeaux auec des A mbaffadeurs au Cham des Tartares pourluy demander fecours contre ces Chinois fes rébelles, mais Coiet qui n'auoit pas crü qu'on le deuft preffer de fi prés, rend cependant fa Pla- ce par capitulation, & s'en vient à Batauia, où on l’aretenu prifonnier; la Compagnie des Indes Orientales nclaiffe pas d'auoir toufiours l'efpcrance de rentrer dans fes Conqueftes, & de reprendre cette lle ; les Tarrares d'ailleurs ayant telmoigné de la difpofition à les fecourir dans ce rencontre , & à leur accorder lecommerce dans la Chine ; cette liberté du commerce qu'ils fouhaittent il y afi long-temps , releueroic infiniment plus les affairesgde la Compagnie,que la perte de l'Ifle ne luy fait de pre- iudice, PAR LE CAPITAINE HAVV KIN 5 A dépenfede laCour du Mogol fe monte tous les iours à vingt quatre- mil efcus : on en conte feize mil pour la dépenfe de fes femmes; il a deux treforsl'vn à Agra & l'autre à Lahor , où font ces immeníes ri- cheffes quiluy viennent principalement du bien de fes fujets donc il qu'ils meurent ; il eut de mon temps la defpoüille d vn Prince Indien nommé Raya Gaginat, qui auoiten pierreries & autres richeffes là yaleur de trois mil fept cent dix marcs d'Or. St: On luy fait voir tous lesiours quelque partie de fes chrefors,tantoft fes Elephas, fes Lions & {es Dromadaires , tantoft fes pierreries ; il ne voit chaque chofe qu'y- ne fois l'an , car tour lethrefor cft diuifé en autant de parties qu'il y a de iours en l'année ; il a trois cens Elephans qui feruent pour fa monture ,on les fait paroiftre quelquesfois deuant luy en grande pompe , accompagnez chacun de vingt-cinq ou trente hommes qui ioüent des inftrumens ;couuerts de drap d’or, de velous & d'autres eftoffes fort riches : les grands Elephans ont toufiours auec cux leurs fe- melles & font fuiuis de cinq ou fix autres petits Elephans , qui (emblent n'eftre là que pour les feruir. Ces Elephans font entretenus dans la maifondes Grands auf quelsle Roy paye leur entretien: & quoy qu'il donne moins qu'ils ne defpenfent, car ils couftent bien dix efcus par iour, en fucre, en beurre » en grains & en cannes de fucre, c'eft à qui fera plus de defpenfe pour les entretenir ; car fils eftoient en mauuais eftat , celuy qui lesa en garde courreroit rifque de perdre fa fortune, & la faueur du Prince; il ne fe peut rien voir de plusadmirable que cesbeftes εἰς Roy commanda vn ¡our en mà prefence à vn de fes fils nomme Sultan Sariar, qui n'auoit que fept ans,de fapprocher de fon Elephantil le pritauec fatrompe,& le, mit entre les mains de celuy qui le montoit , il fit le mefme à beaucoup d'autres enfans qui eftoient-là. Les Tentes du Mogol, lorfqu'il eft en campagne pour quelque expedition de guerre , ou pour quelque partie de Chaffe , ont prefque autant de circuit que la Ville de Londres, on y conte ordinairement deux cens mil hommes, & cc camp eft fourny de routes les commoditez que l'on peut defirer dans les meilleures Vil- les. Il n'y a point de Prince en Europe fi puiffant en richeffes ny en troupes ; il y a dis fes Eftats quarante mille Elephans, dont vne partie eft dreffée pour la guerre عق‎ pour le cobat,& les autres pour fcruir das le bagage.Ie ne fcaurois m'empécher derapporter icy ce qu'on m'a dit d'vn de ces Elephans ; il auoit efté mal traitté. par celuy qui en auoit la conduite , il l’auoit fait trauailler dans vn voyage plus qu'à l'ordinaire;vn iour que ce fácheux maitre f'eftoit endormy affez proche de, luy,màis toutesfois hors de la portée de fa trompe, l'Elepbant prit yne Canne ou ين‎ See A id L'Anglois du cinquan- te mille Roupias & felon Mr Tauernier le Roupias ne vaut que vingt-huit de nos fols; L'Anglois dit Co. mods & chaque moon pefe si. liures. felon de laet. Rhôe ne dit point qu'ileut per- du la vcuc 2 RELATION Rofeau,car c'eft leur nourriture la plus ordinaire ; il fendit le bout de cette Canne; & adroittement la pafla entre les chcucux de fon gardien endormy , dont le Tur- ban eíioit combé ; les hommes dans cette partie des Indes portent les cheucux longs comme des femmes, & ainfiil luy fut aifé de les entortiller au bout de fa Canne, & attira vers luy fon ennemy qu'il tuaquandilfutàla portée de fa trom- E: Il a auffi grand nombre de Dromadaires , animaux fort viftes & fort propres pour cette raifon , à enleuer vn quartier, à furprendre vne Ville و‎ & aux autres ex- ploirs de guerre. Le pere du Roy d'aujourd'huy fe fçeut bien preualoir de cét ad- uantage ; il vint d'Agrad Amadauas en neuf iourncesauec douze mille hommes montez fur ces animaux, Chancanna commandoit alors fon Armée contre les Gu- zarates: le ¡our que fe dettoit dóner la bataille,la nouuelle cftant venué que le Roy cítoit arriué auec ces douze mil Dromadaires , en vn temps que les ennemis le croyoient à Agra. Cette nouuelle porta vne fi grande confternation dans les Troupes des Guzarates,que leur Armée fe diffipa fans donner de combat, & leur paysdemeuraconquis,&reduitenProuince. — — 1 | Lc Roy d'aprefenta licencié fes anciens Capitaines Rafbouts de Nation ou Indiens, & a mis enlcurs places des Mahometans, fans confiderer la perte qu'il fait dans ce change , carles Mahometans font gens fans cœur & peu propresàla guerre , tellement qu'il a perdu depuisla plufpart des conqueftes que Ecbar fon pere auoit fait dans le Royaume de Decan;il luy refte à la verité quelques-vns de fes anciens Officiers Indiens qui auoient feruy fon pere,mais ils ne font point con- fiderez de ce Prince qui n'a iamais oublié que lors qu'il fe reuolta contre luy ; ils refuferent tous de prendre fon party, difant qu'il cftoic iniufte & qu'il alloit en» treprendre fur fa vie ὃς fur fa couronne ; en effet il auoit mis fur pied huit mil che- uaux à Artabaze lieu de la refiderice de l'ancien Porus , auec deffcin de furpren- dre Agra, & de fe rendre Maiftre du chrefor du Mogol, qui eftoit alors embaraffe dans les guerres du Decan. Cette nouuclle luy fit quitter fon entreprife & les deffeins de cette conquefte pour venir Pafleurer cette Place & couurirfesEftats: En effer Ecbar le preuint;& eftant arriué à Agra deuát luy,il luy enuoya dire qu'il fe preparaft ou à luy douner bataille ou à fe venir jetterà fes pieds ; Selim, quire- doutoit la valeur de fon pere, prit le dernier party, vint à la Cour, fut fait prifon- nier, & peu de temps apres remis en liberté, ala priere de la Mere & de fes Sœurs. Durant là reuolte de Selim, Ecbar auoit declaré pour fon fucceffeur l'aifné des fils de Selim nommé Corferonne, car les autres freres de Selim eftoient morts dans les guerres du Decan & du Guzeratte. Eckbar mourut quelque temps apres, & quoy qu'il pardonna à Selim aulit de la mort, Corferonne ne laiffa pas de trou- uer des Partifans & de fe faire proclamer Empereur; il prefenta la bataille à Se- lim fon Pere, fut pris,& de mon temps il eftoit encore en prifon ; le bruit commun cft que fon pere luy a fait perdre la veuë : il ya neuf ans qu'il y eft, il a fait mourir tous ceux qui auoient pris le party de ce Prince ;les vnsontefté pendus , & les autres mis en pieces par les Elephans : fon regne a efté depuis fort tranquil- le, il eft fort hay de fes fujets, mais ilsle craignent ; il paffe ordinairement le temps àla chaffe. 1 Quand il fort de fon Palais à quelque expedition de guerre , il fort à Cheual,& fe fait porter fur vn Elephant ou dans vn Pallanquin , quand c'eft pour quelque partie de chaffe ou de plaifir. Dans le temps que i'eftois de fa Cour, ray veu fouuent combatre fes Elephans, & plufteurs de fes fujets perdre la vie dans ces combats:loís qu'il arriuoit que quelqu'vn y eftoit blefse , il commandoit quon le jettaft dans l'eau;il vaut mieux qu'il meure, difoit-il , car autrement tant qu'il vi- uroit il feroit tous les iours des imprecations contre ma perfonne. Ic luy ay veu faire beaucoup de femblables cruautez , ὃς prendre fouuent plaifir à voir executer & mettre en piece par fes Elephans les Criminels condamnez à moit : de mon Du 51:0: 9 L 3 temps fur yn fimple foupgon il donna vn coup d'épée à fon Secretaire, & le fit ache- uer par fes Elephans. Vn de mes amis, qui auoit le foin de fa garde-robbe & de fes curiofitez , trouua yn iour vn plat de Porcelaine cafsé par la cheute d'vn Chameau fur lequel on l'auoit mis ; l'Officier qui fçauoit combien le Roy eftimoit cette pie- ce, enuoya auffi-toft vn de fes gens a la Chine Machina pour en rapporter vn au- tre, efperant qu'il feroit reuenu auparauant que le Roy l'euft demandé: deux ans apresle Roy demanda cette piece de Porcelaine , & cét homme n'eftoit pas encore de retour , on fut obligé de luy dire qu'elle eftoit rompué; il fit battre à coüps de cordes ce Maiftre de fa garde-robbe, & apres qu'il en cut receu fix-vingts coups, il commanda aux Huifliers de fon Palais, qui font ordinairement ces executions, de rompre fur luy lcurs baftons, fi bien que dix hommes Cpuiferent leurs forces à bat- tre ce mal-heureux Officier. Leiour d'apresle Roy leur demanda fil eftoitencore en vie, & commanda qu'onle mit en vne prifon perpetuelle. Le fils du Roy obtint fa liberté, & la permiflion de le faire traitter chez luy : & comme il fut vn peu re- uenu de cescoups; & qu'onl'euft prefenté au Roy ,11 luy deffendit de reuenir en fa prefence qu'il ne luy euft apporte vn femblable Plat, auec ordre d'aller luy-mef- me en querir vn à la Chine : il luy donna prés de quatre mil écus pour la dépenfe de fon voyage, & luy promit de luy rendre la quatrieme partie des appointemens qu'il auoit auparauant, Quand ie partis, il y auoit quatorze mois qu'il eftoit en voyage, & i'apprisque le Roy de Perfe, qui auoit vn femblable Plat, luy auoit don- né pour d'autres curiofitez , & que mon amy eftoit fur le point de retourner. | Vn Soldat de Patan , homme bien fait, prefenta vne Requefte à vn des fils du Roy, nomme Sultan Paruis ; ce Prince luy demanda fil le vouloit feruir, l'autre luy dit que non, pource qu'il ne croyoit pas qu'il fut d'humeur à luy donner les appoin- temens qu'il pretendoit ; le Prince prit plaifir à cette liberté, & luy demanda quels appointemens il vouloitauoir ; l'autre répondit qu'il ne vouloit pas moins de mil écus par ¡our : on luy demanda furquoy il fondoit cette pretention ; le Soldat ré- pondit qu'on fit épreuue de fa brauoure,& dela connoiflance qu'il auoit de Part mi- litaire , & qu'ontrouueroit que ce n'eftoit pas fans raifon qu'il croyoit meriter de fi ráds appointemés:vn foir que le Roy auoit 2112 debauche,le.Prince le trouuátde belle humeur,luy parla de cet homme; on lefit venir,& en mefme téps vn Lion fort rand enchaifné & conduit par douze hommes ; Je Roy demanda au Soldat de quel paysil eftoit, de quelle famille, & pourquoy il demandoit de fi grands appointe- mens ; fa refponfe fut que le Roy ne f'en eftonneroit pas quand il auroit efprouuë don courage.Le Roy luy dit qu'il l'éprouuât contre ce Lion; le Soldat fe voulut ex- cufer , difant que c'eftoit vne befte fauuage , & que de s'expofer à cette befte fans armes, en l'eftat où 1] eftoit , ce n'eftoit pas vne occafion où il peüt faire connoiftre ce qu'il valoit : le Roy reitera le commandement ; le Soldat fe mit en eftat de l’executer, le Lion ayant efté abandonné par ceux qui le conduifoient, qui ne uy auoient pas toutefois ofté fes chaifnes ,emporta de fes griffes la moitié du vifa- ge de ce braue Soldat & le mit apres en pieces: le Mogol fit venir dix de fes Caua- liers, qui eftoienten ce temps-là en garde, car ceftla couftume du pays, que tous ceux qui tirent appointement du Roy entrent en garde vne fois la Semaine,& les o- bligeales vnsapres les autres de combatre aucc le Lion : trois y perdirent la vie, les autres en furent fort bleffez ;cette humeur cruelle luy dura trois mois, durant lef- quelselle coufta la vie à quätité de gens,& en fit eftropier pluficurs autres. Sur la fin du fejour que ie fis dans le paysson auoit appriuoifé dans fon Palais 15. jeunes Lions, que l'on faifoit paroiftre fouuent à la Cour , & deuantle Roy; ils eftoient fort pri- uez , & fe méloient parmy ceux عل‎ 12 Cour fans faire mal à perfonne. 4 Le plus grand des crimes dans cette Cour eft d'auoir quelque pierre precieufc & de confequence & de ne la pas prefenter au Roy; fon Ioaillier,qui eftoit vnBanjan, nomme Herranand, auoit achepté vn Diamant de trois Methegales, & en auoit done cét mille roupias;la chofe vint aux oreilles duRoy,& ce Banjan en fut aduerti: A 6 ij Cét endroit explique le mot Mang? employé fi fouuent dis le Liure de Marco Polo. Chine Ma- chin fignifie es Prouin- cesMeridio= nales de la Chine, L'équinoque qut eft dans latradutlioh eft an(f dans l'Anglors MonficurTa” wernser dit que fix Me- segales font vi pes plus d'une once, que ceftun prix vfité en Perfe , que le Raty ouRatie eft vn autre poids > felon lequel on «fti- me les pierre- ries dans les Eftats du Mogol. que le Raty fast dross grains e demy de mos Carats, qui font de quatre grains. Il done les Gouuerne- mens à fer- me au plus offrant,mais pour ce qui eft des terres qu'illeur do- ne pour leur entretian ou à tiltre de penfion , ils a'en rendent au Prince que le tiers du profit qu'ils en ti- sent. 4 RELATION il fe prefente au Roy en mefine téps, le fit fouuenir qu'il luy auoit fouuént proinis de venir fe diuertir en fa maifon;que c'eftoitle temps de luy faire cer honeur, ρα qu'il auoit vn prefent àluy faire digne de fa Majeftè ; vous aucz bien fait de me preuenir, ditle Prince, & fut chez luy : cette crainte fait qu'on luy apporte tous les Diamans au deffus de cinq Carats, & il ne paye pas ordinairement le tiers de ce qu'ils vallent:vn Orphéure de mes amis,en reputatió de bientailler les Diamants, fut appellé pour entailler yn qui pefoit 3. oncesou methegales,il demáda quelque Diamantimparfait pourle mettre en poudre & pour Pen feruir à tailler Pautré: on luy apporta vne caiffe de trois palmes de long, large d'vn palme & demy, & haute de mefme, toute pleine de Diamans de toutes fortes & de toutes gran- deurs; il n'en trouua point qui fut plus propre poursó deffein qu'vn de cinq róties, encore eftoit-il affez parfait. Il eft fort riche en Diamans & en pierreries ,il en porte toufiours quelqu'vn , & celuy quil a porté yn ¡our il ne le reporte qu'vn an apres : car comme i'ay dé-ja dit; fonthrefor & fes pierreries font diuifées en autant de parties qu'il y a de iours en l’année:il portera yn iour des chaifnes de fort grof- fes Perles,vnautre des chaifnes d'Emcraudes,puis des Rubis.Il ne faut pas f'eiton- ner fil eftfi riche en pierreries,en or & en argét ; car ila enfemble tous les chrefors & les pierreries de quantité de petits Princes fes voifins , dont les Anceftres, qui auoient vefcu long-téps dans cette curiofité,auoientfait amas; outre que tout l'ar- gent & toutes les pierreries des grands Seigneurs de fa Cour retournent dans fon threfor lorfqu'ils meurent ;il ne donne àleurs heritiers & enfans que ce qu'illuy plaift , car il eft heritier vniuerfel de tous ceux quitirent de luy quelque penfion. Son pays cít fort riche ,1l y a quantité d'argent à caufe que toutes les Nations y enapportent, & qu'on ne permet point d'en tirer dchors; toutes les terres du pays font en fa difpofition,il les donne & les ofte felon qu'il luy plaift ; & par exemple;fz 1 211015 des terres proche de Lahor & qu'on m'enuoyaft pour feruir das les Armées contre le Decan, on donneroit à vn autre mesterres, & en efchange on m'en donneroit d'autres en ce pays-là. Il faut que fes Courtifans prennent bien garde à leur conduite ; car fur la moindre chofe on leur ofte tout ce qu'ils ont. Il eit prin- cipalement fort feuere à punir ceux qui fouffrent des Bandits dans leurs Gouuer- nemens ; de mon temps huit Capitaines, dont la penfion eftoit aflignée fur la fronticre de Bengale, & fur vne Ville nommée Patena, la laifferent forcer par des Bandis ou Rebelles & s'enfuirent ; vnde fes principaux Officiers reprit cette pla- ce عق‎ enuoya ccs Capitaines à la Cour ; ils fe prefenterent chargez de chaifnes; le Mogol commanda qu'ils fuffent rafez, qu'on les habillaft en femmes, & quon les promenaft en fuitte par toute la Ville; & au retour on les ramena apres deuant le Roy ou ils furent foüetrez cruellement. Quand ceux du Peuple ont quelque plainte àfaire au Roy contreles Gouuer- neurs, ils viennent à vn lieu du Palais , oüil y a vne corde tendué entre deux Co- lonnes,á laquelle il y a plufieurs clochettes d’or attachées; ellesfonnentloríqu'on tire vne corde , & le Roy qui en eft proche en entend le bruit & enuoye pour en fcauoir la caufe; mais fila plainte eft jugée fans fondement , il en coufte la vie à celuy qui a fonné mal-à-propos. Au commencement de fon regne il eftoit encore plus feuere qu'il nel'eft maintenant ;il a remarqué que cette feuerité auoir fait reuolter plufieurs Grands du pays, fi bien qu'il ena encores destroupes entieres qui tiennent la campagne & pillent les voyageurs. : Entre Agra & Amadabar eft l'Eftat d'vn Prince nommé Ranna qu'ils difent eftre fucceffeur de ce Porus , qui fut vaincu par Alexandre : il peut mettre $o000.hó- mes fur pied & vingt mil Cheuaux; fes Eftats feruét de retraitte à tous les R ebel- lesiil y en aauffi beaucoup versCandahor,Cabul,Mettan,Sinde,& vers le Royau- me de Bolac. Le pays du Decan & de Gufferat en eft plein, fi bien qu'il y abeau- coup de dáger à voyager dansle pais;ce defordre viét principalement de l'auarice des Gouucrneurs,qui ne deuant demeurer qu'vne année dans leur Chargeou Fer- me,rangonentles peuples,en tirétle plus qu'ils peuuét, & les reduifent das vne ex-. p TS DV MOGOL! : $ treme mifere. Les terres changent tous les iours de Maiftre ; & ceux qui ont affez «de faucur pour y eftre conferuez cinq ou fix ans, amaffent des richeffes immenfes. Les peníions que le Roy donne, f'eftiment par le nombre de Cheuaux qu'il entretient : l'entretien d'vn Cheual fe paye fur le pied d'enuiron vingt-deux toupias par mois, & outre cela deux jócque par chaque Cheual pour la table duCa- pitaine ; ainfi celuy dont la penfion eft de cinq mille Cheuaux , reçoit du Prince, outre l'entretien des cinq mille Cheuaux prés de cinq mille efcus par mois pour fa table , & c'eft (ur le pied que ie viens de dire enuiron dix mille roupias. Il faut que ie dife icy quelque chofe des manieres de ce Prince, de fa Religion sz des façons de faire de fa Cour. Il prie Dieu à la pointe du iour ; à genoux و‎ fur vne pierre de Getz , couuerte d'vne peau de Marroquin,la tefte tournée vers l'Occident, tenant entre fes mains huit chaines ; les vnes de perles, les autres de Rubis ballays, de Diamans de bois d'Aloés,d'Hefchen & de Corail; il en faifoit pafler les grains entre fes doigts, & difoit vne parole fur chacun , de la meíme maniere que les Catholiques difenc leur Chapelet ; & jobferuay qu'il auoit deuant luy la figure d'yn Chrift & d'vne Vierge en relief de pierre. Sa priere faite , il fe montre apres au Peuple qui vient en grande foule pour luy donner le bon-jour, il auoit couftumc d'aller dormir apres l'efpace de deux heures ; on luy feruoit en fuite à difner , & paffoit de-là chez ces fem- mes. Sur le midy il fe montre yne feconde fois au Peuple, & prend le plaifir de voir combatre fes Elephans, & autres diuertiffemens. Sur les trois heuresapres midy ce qu'il y a de grands Seigneursà la Cour fe rendent aupres du Roy ; qui eft aflis prés de fon Throne ; les Grands du pays font placez fur vn. Efchaffaut cílcué de trois degrez plus haut que tout le refte de la Cour : le Licutenant gene: ral de l'Eftat place tous les Grands chacun felon fon rang ; les premiers font admis dans vne place qu'ils appellent la Baluftrade de Rofeaux , c'elt vne E- ftradc efleuée dc trois degrez :onleur marque la place qu ils y doiuent tenir, iy auois ma place entre les plus grands Seigneurs ; ceux de moindre condition de- meurent dans vn autre retranchement fort grand, & qui eft auffi enfermé d'vn baluftrade,& tout le refte dela Cour eft dehors. Ces baluftrades ou retranchemés dót ie viens de parler,ont plufieurs portes,a chacune defquelles il y adesHuifliers auec desCannes blanches.L’Executeur Major de la haute Iuftice a fa place au mi- lieu dela Cour deuant le Roy, il en a 40. autres fous luy tous diftinguez par vn ha- billement particulier, les vns ont des verges;& les autres des haches,tous atrentifs à executer lesordres duRoy,qui y rend tous les iours la iuftice,& puis va faire fes prieres ; fes prieres acheuées on luyfert cinq ou fix plats de boüilly & de rofty;dót al ne mange ordinairemét qu' vn morceau de chacun & boit vn coup de ces boifsôs fortes qui font en vfage dans le pays; il paffe apres dans vn Appartemét fort retiré, où perfonne n’entre que ceux qu'il y appelle; iy ay efté admis l’efpace de deux ans: là il fait vn autre repas,& boit reglement cinq coups par Ordonnance de fes Me. decins;il prend apres de l'Opium, & quad le vin & l'Opium cómencent à faire leur effet; toutle monde le quitte. On l'efueille apres qu'il a dormy deux heures, & on luy porte fon fouper: pour ce repas il y a des Officiers qui luy portent les morceaux iufqu'à la bouche;il le fait ordinairement à vne heure apres minuit, ὃς dort le refte dela nuit. Lors mefmes qu'il eft retiré dans cét Appartement que ie viens de dire, il y a des Efcriuains qui écriuét tout ce qu'il fait, iufqu’à marquer cóbien de fois il ya à laGarderobbe;auec quelles femmes il fe diuertit , afin, ce difent-ils, que l'on puiffe mettre dans les Chroniques du pays, l'hiftoire particuliere de fa vie. Il fit de mon temps fes Neveux Chreftiens , non pas par aucun zele qu'il cut pourle Chriftianifme , comme les Peres lefuites & les autres Chreftiens fe l'imaginerent,mais furla prophetie de certains Gentils qui luy auoient predit que fes Neveux víurperoient yn ¡our la Couronne fur fes propres fils; ilsles fit Chre- e IN IT Δ δι y Pe 5633) 71 L' Anglois porte que chacune des chaines eft de quatre cent grams , e quanf fa priere eft مومع‎ jours de trois mil deux cent T5255. La plufpart des Roys des Indes fontie me 人 me» ὃς ren- dent Iuftice tous les iours àleurs Sujets. Nouroux. MonfieurT4- uernier dit que c'eft ce qui fit fi bié vendre aux Marchands leurs coriofi "Fez qu'ils portent dans le pays. 6 * RELANHMON ftiens pour leur attirer la haine des Mahometans, & les exclurre, par-là , de la fuc: ceflion à la Couronne. Le Roy entrautresenfansena vn de fept ans appellé Sul- tan Sariach , fon pere luy demanda yn iour fil vouloit fortir auec luy ; l’enfantluy refpondit qu'il feroit ce qu'il luy plairoit ;le Mogolluy donna vn foufllet à caufe, difoit-il, qu'il ne luy auoit pas teímoigné aflez d'enuie de Ie fuiure , il luy deman» da enfuite pourquoy il ne crioit point ; fa refponfe fut que fa nourrice luy auoit dit que la plus honteufe chofe que peut faire vn Prince eftoit de crier ou de fe plain- dre, & quand on mc couperoit la gorge ; continua-t- il; ie ne crirois point : fon pere luy donna vn autre coup, & apres luy fit pafler yne aiguille au trauersde la ioüe. Le fang en fortit en quantité,mais cela mefme ne le peût obliger de fe plain- dre, l'ona vne grande opinion dans ce pays de la reüffite de ce ieune Prince. Entre les Feftes qu'ils folemnifent dans le país il y en a vne qu'ils appellét Nou- roux, ou premier ¡our de l'année , elle dure dix-huit iours; il n'y a rien de plus ad- mirable quela richeffe qui paroift ce iour-làdansla Cour du Mogol. Au milieu d'vne grande place on dreffe yne Tente fi magnifique & firiche que ¡e ne crois pas qu'on en عنام‎ dreffer γῆς femblable danstout le refte du monde; de grandes piéces de velours en broderie d’or,font rédués pour faire ombre ἃς empefcher quele So- leil ne donne fur la Tente: elle occupe bien deux arpens de terre, le bas eft couuert de Tapis trauaillez auec de l'or, i'y vis des Tapifferies de velours brodées de Perles , & d’autres enrichies de mefmes :il y a cinq Chaifes ou autant de Throfnes fous certe Tente pour le Roy , & desretranchemens pour {es femmes, d'où elles voyentla Ceremonie fans pouuoir eftre veués; le refte de l'enceinte a bien cin arpens : cette cfpace eft diuifée à tous les Seigneurs de la Cour, chacun d'eux dreffe fa T ente felon fa condition & fes richeffes ; le Roy vifite les Tentes de ceux àqui il veut faire faucur, il y eft receu auec beaucoup demagnificence, & au fortir lacoütume eft de luy faire vn prefent:mais à caufe qu'il a femblé à cesPrinces qu'il y auroit quelque honte à receuoir des prefens de leurs fujets د‎ le Threforier vient apres qui en eftime la valeur , mais ordinairement il ne l'eftime que la moitié de ce qu'il vaut. Les Grands du pays cherchent de tous coftez des chofes curieu- fes pourles prefenter ce iour-là , & on remarque que tous lcs ans cette fefte va en augmentant de magnificence & de richeffes ;ils commencent leurs années au pre- mier iour dela Lune de Mars. L'autre fefte fe fait quatre mois apres, c'eft celle du iour de la naiffance du Prince , les Courtifans paroiffent alors à l'enuy l’vn de l'au- tre; c'eft à qui aura les plus rares pierreries : apres toutes fortes de diuertiffe- mens quon trouue ce iour-là dans le Palais, le Roy paffe a l'Appartement de fa Mere,& chacun des Courtifansluy prefente quelque pierrerie (clon fa condition. Apres fouper le Roy entre dans vn Appartement où on dreffe vne Ballance d'or maffif و‎ vn des plats de la Ballance cft remply d'or, d'argent, de plomb, de diuerfes fortes de grains,vn peu de tous les metaux,& de toutes fortes de pierreries: le Roy fe met dans l'autreBallance qui eft yuide,8zon le pele corre ces chofes qu'on dóne le jour fuiuant aux pauures : ils difent dans le pays queces chofes,contre le(quelles onle pefe, vallent bien cent mille francs ; mais ceiour-làlorfqu'il entre dans l'Ap- partement de fa Mere, chacun des Grands luy fait vn preíent qui vautdix fois plus que ces 10000. francs. La couftume du pays eft de luy faire toufiours quelque prefent quand on a quelque chofe à luy demander ; car foit que la reque- fte foit efcrite , ou qu'elle fe doiue faire de bouche , la feule maniere de fe faire entendre au Prince eft de luy faire yn prefent, ainfi ceux qui n'en peuuent appro» cher le mettent fur leurs teftes. i Les Indiens bruflent les corps de leurs morts les femmes le font brufler fur le corps de leurs maris pour meriterla gloire dans les regiftres qu'ils en tiennent d'a- uoir efté fort fages & fort affe&ionnéesà leur mary. Pay veu fouuent des Da- mes fort bien faites fe prefenter deuant le Roy pour obtenir la permiffion de fe brufler , carelles ne le peuuent faire fans fa permiflion. Le Roy tafchoit toú- DV MOGOL. 7 jours de les diuertir de cette refolution par promeffes; mais danstout le temps que yy ay cfté,ie n'ay pas veu vne de ces femmes qui fe foit renduë à les prometles: le Roy neles pouuant perfuader, à la fin leur donnoit la permifion ,& elles Palloient brúler fur le corps deleur mary. Apres auoir efcrit iufques icy cette Relation, ie me fuis fouuenu d'vne autre Fe- fte qui fe fait à la memoire de fon pere, en vn lieu où eft fon Tombeau ou Sepulchre. Ce Sepulchre eft vn des plus beaux Monumens du monde, il y a delia quatorze ans qu'on y trauaille , & il en faut encore plus de fept ou huit pour l'acheuer,quoy qu'il y ait trois mille hommes qui y trauaillent continuellement , mais ic puis dire qu'vn de nos Ouuriers fait plus de befongne que trois de ces pay-là; ce Monument ou Se- pulchre eft carré, ila bien trois ou quatre mille de circuit و‎ il yà fept cftages baltisen retraite, en forte quele dernier eft le plus petit de tous, & dans ce dernier eftage cft le corps du Prince. Deuant que d'arriuerà ce Sepulchre on trouue yn grand Palais qui peut auoir trois millesde circuit, & dont les cours feruent comme d'aducnué à l'entréc de ce Monument, ileft à quelque quatre licués dela Ville d’Agra. OE AR IESO III DISCO VERS Sur les Memoires de Thomas Rhce. | Homas Rhoë auoit eflé enuoyé au Mogol en qualité dA mba[[adeur du Royd'An- £leterre;mais fuv la bourfe des MauchandsAnglois de la Compagnie desIndesOrien- tales , le negoce de cette compagnie eflant d'affez grande confideration pour fouffriv L * wnefemblable dépenfe. | Letraficeftostle fuier de fon voyage, c'eftoir au ffi des affaires de cette nature que fes memoi-. ves efloient pleins ذ‎ mais la Compagnie Angloife , auffi bien que la Hollandoife les tient encor auourd buy les plus fecretes qu'elle peut, € Purchas auouë quil a ofté de cette piece (pour me feruirde fes termes >) les myfteres de ecommerce. Ὁ Cependant ces retranchemens , outre qu'ils interrompent la fuite de cette piece , la rendenten- core obfcure en quelques endroits 5 & ie diva) icy » pour fernir d'éclaiveifTement à ce qu'il rapporte des manieres de cette Cour & de lbifforre du Pays ; Que les Mocols qui font maintenant Maifhres de la Partie del'Afie communément appellée Indoflan , ne font point originaires du Pays où ils commandent , ce font des Monguls ou Tartares d'origine; € leSceau du Grand Mogol Selim (comme on le peut voir dans la Carte Geographique in[evée en ce recueil) contient fa Genea logie depuis Teimurleng. | Teimurleng, au vefte n'efloit point, comme nous auons long-temps cri dans l'Europe; homme de bafe nai[[ance s cav les Hiftoriens du Pays , e leb Tarich dont l'on mettra dans ce recueil la Traduction le fait defcendre de Kinghiskan. Kinghifkan efLU Alexandre des Ovientauxs @ nous eftencore moins connu que Teimurleng,ce- pendant, ceft peut eflve le plus grand Conquerant dont l'hifloire nous ait conferué la memoire. Car il conquift toute l'Afie €9* plus de Pays que l Alexandre des Grecs, Prince d'ailleurs d'une fi. grande suftice > que les conftiturions qu'ils appellent iafs kingis chan font encor au- sourd'huy dans la mefme veneration aupres de ces peuples ; que les loix des douze tables Peftorent chex_les Romains. — : L Indoflan , lors que les Princes de cette Mai fon le conquirent (carie ne [gay point d'Autheur qui en aye décrit l'bifloive deuant ce temps-là ) eftoit diuisé fous la domination de plufieurs Prin- ces particuliers , entre lefquels, felon la tradition du pays » il y en auoit de Maifons fort ancien- mes, @* tous fort reSpeltes de leurs fusets. Ilem refte mefme encore auourd buy quelques uns qui payent tribut au Mogol, e d'autres dont les Eftars font dans les montagnes y € dans des pays de fi difficiles accés, qu'ils confernent leur liberté au milieu de cér Empire, &* dans les reuolutions qui y font fort frequentes fortent de leurs bois , ou de leurs montagnes , (7 font des courfes fur les Prosinces du Megol.eftans affeurés de la vetraitte toutes les fois qu'ils font pouffez par [es armées. 8 RELATION Eckbarveur Celal-Eddin > le Grand-Pere du Mogol d'aprefent qu'ils nomment plus communément dire, grand, Eckbar , s'a[fuiettit plufieurs de ces Princes, & c'eftceluy des Mogols qui a le plus eftendu les dus epi E bornes de cérEmpire 3 caril latffa à fes fucceffeurs les Prouinces ou Royaumes de Kandahar, c'eftvndes Kabul, Caffamier, Cha[fenie , Benazard, Guxgratte, Sinda où Tatta د‎ Gandhees د‎ Bram- - NM de por » Bavar, Bengala, Orixa, Ode, Malowwv , Agna & Delly , dont sl depoisilla autant de Kebar — Princes: Ceux dentreux qui ontconfcrné leur liberté, comme ie viens de dire, dans les bois (7 Eckbar. dans les montagnes » font ces Radgias > ou Rayas, e ces Rasboutes , dont Rhoë parle dans [es Leap, Memoires > qui pillent fi founent les Caravannes appellces Cafilas par les Perfans. du Raya de Eckbar > apres auolrreduit en Pyowinces les E flats de ces Princes; entreprift la conquefte da “rie, Royaume de Decans pendant qu'il y eftost occupé, fon fils Selim à qui il auoit donnéle Comman- Radzia-Rá- dement d'une autre Armee, pour fubiuguer Radzia Rana Mardour, fit veuoltev fes troupes Eienden at- eg. Je declara contre [on Pere; mais il fit fa paix peude temps auparanant [a moves car Eckbar ET 2 | refolu d'emporfonner vn Mirza-Gazia® s eflant fait preparer deux pilules , dont l'une recherche- — 6Jfoit v purgatif (7 l'autre un porfon د‎ auecdef]ein d en empoi[onner ce Mirza ou Prince, il fe -而 enne trompa dans le choix qu'il en fit & semporfonna luy-me[mes eftant an lié de la mort, il mitfon duMogol,& Furban fur la tefle de Selim , & luy donna l'épée de Homayon , le declarant par là نزم‎ ει, pour D neanimoins د‎ apres fa mort ,qui arriva la [oixantre[me année de fon Reigne & l'an mil quatorze feureren de l'Egire > les Principaux du Pays fe pavtagevent en deux faétions, dont l'une pritle party de uoyerent Sultan Corforonne fils aifné deSclim, pretendant > à ce que vay ven dans une autre relations mu ἘΠ: qu Eckbar l'auoit declaré fon fucceffeur dans le temps de la renolte de Selim 3 mas il fe foñmir كو‎ Serrail , ce feit fa paix : la mefme Faction l'obligea. quelque temps apres à reprendre ne autre. fois les qu da armes ; auec au ii peu de fuccés; cav fes troupes furent défaites, il fut pris prifonnier (o conduir coreà cere 1M/qu au Chiftean de Labor fur un Elephant ; on le fit pa[fev le long d'une route des deux coflex, heure. de laquelle on auor fait abbatre les branches des arbres afin qu'il put mieux voir les tefles de ceux Heber di, Jen party د‎ qu'on y auoit mifes pour luy en vendre le Jpeétacie plus affreux et luy faire apprehen= qu'il seftoit der dauantage la colere de fon Pere : Les Principaux Seigneurs de la Cour entroient tour touvem i feruy Gayde auprés de ce Prince, ceux d'une mefme Faé£hion s» eflans rencontrez, Mirza Fetulha; Mir- ulicurs foisdece Χά Charief, fils dEthamandauler, Mirza-Mourvadin » Mirza Ziafferbeck (7 plufienrs autress poizó,& qu’ conSpirerent contre le Roy firent deffein de l'affafiner dans les montagnes de Cabul par où il de x ل‎ see «οἱ τ ρα ον, (o de mettre Sultan Corforonne en fa places mats ils n'en trouuerent pas l'occafion. Quel- du corps de que temps apres > cette con[puration fut veuelée au Roy 5 1l fit mowrir les complices , a l'exception Crea Ξ d Etbamandaulet ; qui vacheta fa vie de 2000. lek de Rupias qu'il promit de payer. sic Lay del Εν Roy fe refolur par le conferl de Mirxa Ombravve de faire perdre la venta fon fils Sultan Cor- quiil tiene foronne auec le fuc d'une herbe appellée Atck, il n'en perdit qu'un œil, € il luy vefla quelque esttettadio ef σε de l'autre. Ethamandaulet auec fa fille Meer Merzia venfue de Cheer- Affoban fut conduit Homayon quelque temps apres à Agra pour trouner l'argent qu'il auoit promis. Mer-Mcetzja alloit fouuent rede. chez laSultana Rock4 Mere du Mogol» qui ne fe pousore paffèr d'elle ;le Mogol la rencontra un Homayon ?oMrdams fon Serrail où la Sultane l'auoit fait entver auec fa fille qui n auoit que cinq ou fix ans: le por pend Mogol luy lena fon voile € luy dit qu'il vouloit eftre le Pere de fa fille, luy declarant ainfi fa paf- lim,&fa d E MY È moirecften. femme anec les folemnitex ordinaires changeant. fon nom de MeersMetzia en celuy de Nour= dcr iam-Begem y Cefta dive la lumiere du monde ; Eshamadauletde prifonnier qu'il e[loit fut fait ; s qd premier Miniflre en la place de Mirza Ombravwe, qui eftoit mort quelque temps anparanant, دق‎ ples. fit tomber les premieres charges de la Cour entre les mains de fon fils Afaph-Can & de fes autres. Rhosle = parens. C'eft la l'hiflorre de cette Princeffe Nourxiam. Begem que Rhoë appelle Nourmabals c eft à nomme Eti- dire lumiere du Serrail, dont il eft fi founent parlé dans [es memoires ; ce que 1 ay cri deuoi vappor- mó Doulet ser pour les rendre plus intelligibles. | Lek fignite Ónwverra dans un fragmentdelhi[loive de ce Pays, traduit du Perfan', c qui peut fernirde pur ii nd ^ Continuation 4 celle de Leb Tarik, ques ultan Coronnele croifiefme des fils du Mogol ft eftran2ley ler em. 46 121/161 Sultan Corforonne fon frere aifné donton luy auoir confié la garde equ apres s'eftre afeuré blableà celle pay cé crime la fuccefsion de l'Empire impatient de l'attendveplus long-zemps ν il s'unir plus étvoi. des Hollan- nent auec Afaphcan dont il e£foufa la fillestafcha d'enleuer les threfors du Mogal & les ayant: dois,qui 4 E Api x. AAN 5 , 1 pour dire Manqués.luy déclara la guerre, quil continuaiufqu'a fa morti Selim mourutl'an 1617. Normahal 410 fion: peu de temps apres il l'enuoya demander en mariage à E thamandaulet fon Pere, € la prit pour Dv MOGOL. 9 14 3 auvit enuoyé auparauant Sultan Sheriar fon fils ὰ Labor > pour le mettre en ra "de ἌΝ €7 tafcha d'attirer dans fon party les trouppes 5 mais A Japh-chan qui auoit del pe: tre entre les mains de Coronne , luy donna auis de ce changement; € cependant ; pon do al dn zrouppes dans [a dépendance; perfuada Sultan Bolack fils de € حصب‎ 0 H^ pu pereur par les principaux C hefs del Armee quilanost gargnez, c Mig ES noue Sheriar fut defarranparanant | arriuée de Coronne > ce 0n lu» fit a i: ميا‎ 3 E que temps apressauecs sean Bolack e les autres Princes du Sang ἢ al. Coronne o pou. Mahamet, donna fa principale confiance à Afaph-chan , € par 4% en fa m hi Normahal.' Les dernieresnouuelles que nous en auons , {ont celles que a À maintenant Medecin du Mogol;à écrites à M. de Meruilles fon genereux IA | Vous fcaurez dit-1lqu'il s'eftiotie τον Une horrible Trasedie,que 1 aurais de la E TES m'en voyors encore la fuite de mes yeux scar tout y tengu er fec 7 armes. vie Y de autrement le Roy Schagehan » AHOIT quatre fils » Darachakour, Mora adr: È; À n si Sugas, al fit Oranzebe Roy , ou pluftojt Viceroy de Decans Sultan S pde engale; amd du Guzarat5 (7 pour Darachakour ; qui efluit l'afné s il le verint aupres de luy pour j e n tier de la Couronne. Il) a enmiron deux ans que Shagehan tomba malade au n. un 1088 quil auoit fait vers Afemeer, en forte que le bruit courut par tour le Rog qui 2 x Ces quatre Princes armentchacun de leur cofte s celuy de Decan (7 «elio 5 d f i È trent à Brampour, & s accordentenfemble d attaquer iufques dans Agra a 4 € 2 7 verdel Empire, Oranzebe promettant 4 Moradbak de le luy teles. Due es d 5 pe د‎ te raifon, ce dsfort-1l, qu'il auoit renoncé au monde , Y quil vouloir Sr ans la e 2m Deruis ou Religieux : ils marchent donc auec leurs grotppes > @ gagnent la premiere A 0 ؛‎ tre vne Armee que D archakour auoit enuoye au deuant d'eux , pour s polo un pre do e js steve qui eft ἃ trente ou quarante lieus d'icy, € auancent vers Agra οἷ j pù Us » 5 ce 7 marcha dii [st 41466 01011 «Armee Cot CRE 0 cependant que fon fi $ iae fond Di donne bataille à Sultan Sugas du cofté d Elabat , le défaits & le poule neues ans È ^ CR Pays, €? fe hafte de venir cromuer fon frere Darachakour pour donner P ca Jos ; 0 bes fur Moradbek : mais il ne pitt venir a[Jex, tof 5 ae e pe f idu : voyoit auee de tres grandes forces contre des gens qui venotent de és do e 9 s ἐξ d morts de fatigue «7 de l'excefstue chaleur, fut trop grande. 1 Ldonna es 9 7 en Diis τς me fut tué sil perdit le combat, e fut contraint des enfuiren tres gran Sus Snc 5 * efloit Chagehan qui fe portoit bien- Shagchan fans le Vis a مدع‎ is : "i vis tre fes ordres ; luy ouurit fes trefovs د‎ G:luy commanda de s en allerwers De 9 τ ; cal τ leuer de nouuelles trouppes > ayant deffein d artrapper adroitement e fous jm te 3 ἰ n deux victorieux : mas quand ils furent à Agra ils differerët 06 10111 4 ab 4 e e Lehan qui fei foit encore le malade pour les atiirevdedans la F ovtere[e ir EN y p i a rentadrorrement entrer de leurs gens difant qu ilw'eftit di E 2 ; p ipm ἐς 1 f LUE quen quatre ou cinq Tours ils s'en rendirent maiftves , en c Eon EM i»: Shagehan »€7 sa [feurerent auec aine τ sn de js pe μ 9 jt en , de sa ἘΦ ils vinrentvers Dellz pourfuiuant Darachakour. D ans le 58 l'un des PME qui finn > € le plus fin و‎ fe faific de وا‎ er le jum 1 Go salcors & fe veyant fortifié de fes trouppes qui privent party dans les fenes n LA τίς. iS Darachakour fut oblige de fe retirer de Lahor das la Fort: ve[fe de Pakarsqui eft » ha 1 ma milieu de la riuieredel’Inde; € de la fans 5 arrefter beaucoup 5 pal]: 4 auec Pune e ME à Tatta C7 de Tarta ἃ Amedabat,dont il fe vendit maiftre fans dea are a 7 1 "s des gens; de forte quen peu de temps auec fon avgent c la reputation de bien 3 ij A DE une fort bonne A rméesmais fans C bef capable de la faire ag ^O fans autre cor 3 x y 0 s: tefle Prince d'ailleurs fans experiences qui anoitt affaire à Un ms de n q Ps p toutes les forces de l'Etat en main.CependatS Voto e endo an dit 0 yapa ri i tie de fon Armee ; qui prit le party d Oranzebe; il eut bien de 4 pena: 4) τ ii i s dans les Montagnes du Ragia deSerenagar,on il eft encore à prefent, Daracha oh E gagner temps » C de fortifier fon party dans le Guxarat د‎ $ aitanga x ie AM 4i ud n Oranzsbe fait la moitie du chemin , la Bataille fe donne à Affemere : Dara de cent milles francs di- lent Yne tonne d'ar- gent, Coronne époufa quelque temps apres la fille d'A- faph-Can. Nourmahal fignific la lumiere du Serail. Afaph- Can عامط‎ fils d'Ethimon- Doulet. *Chagchan fignifie le Roy du monde, c'eft le titre que prit Sultan Coronne a- aucc celuy de Bedin Mahamet, lorsqu'il fuc affeuré de "Empire. M. Bernier corrompt affeurement les uoms de tcs Princes; mais il n'y aura poinr de rcmede à ce defaut iufques à ce que l'on les aye écrits en caracte- res de lala- gue du pais, 10 RELATION contraint de fe fauuer vers Amedabat auec quatre on cinq cens Canalrers Jeulement, comme ay veu moy-me[me m flant rencontré fur fa route dans cette fuite, c efloit veritablement vn [Petta- cle digne de compafton. Quand il fut à Une tournée d Amedabat y il ent nowselle que les portes en efloient fermées I que le Gouuerneur de la Ville Gr de la © itade!le s'eftorent declavez pour Ovsnxgbe : de forte qu'il fut contraint des enfuyr à grande hafte du cofté de Tata > pour poutoim gagner Bakar où 1l avoir lar fse de Pa "gent : mais lay fut pasa temps > B akar eftoit defia af legó par ne Armée d'Oranxçbe. Il eftore refolut de paffer l'Indus, σ᾽ ἃ alle» en Perfes lors qu il fe fous uint quil auoit autrefois fort obligé un Patan qui eft puiffant ds cofté de Bakar, € crat par fon moyen ; de faire lenerleStege de Bakar,comme il luypromertoir, & prendre là fon argent aupa- vauant que de paffer en Perfe s mais céringrat le mit entre les mains de fes ennemis : on l'amena jl y aenusron fix mois 1cy prifonnier auec fon fils 5@ apres auoîr trauersé la ville de Dell» fuv an Elephant, on luy couppa la tefle à une lieué de cette ville. Dans ces entrefaites ,Sulzam Sugas du cofte de Bengale a eu quelque relafche , Lo à fait one Armee affez bonne. Oranzebe cfl party d'icy 1ly a 4. mois € eft allé vers les Montagnes de Sevenapav auec toute fon Arméespour obliger le Ragia qui y commanded luy vemettre entre les mains Solimanchakours ce qu'ila infques icy refusé de faire. Auf Oranzebe n ant Ml point encore voulu rifquer d'entrer dans ces Montagnes , prefque inaccefSibles, & entendant dire que fon Armée qui effort contre Su- gasn efloit pas a[fex, forte, & que fon fils mefme Sultan Mahmone Seftoit tourne du coflé de Su- gas ; de peur qu'il auott de fon pere. IL Je refolut de s'en aller à Bengale ; quand il fut à moitié che- min »fon General luy manda qu'il n eftoitpas neceffaire qu'il vinti de forte que dans la crainte qu sl ne fe fiL icy quelque partie contre luy pour retirer de prifon le Roy Chagehan fon pere , ou que Solimanchakour ne defcendit de la montagne sil Sen efl veuenu icy depuis quinze tours auec toute l'Armée. Depuis huét iours le bruit court que Sultan Sugas a efté battu , & quil s'enfuyt, € nous auons nowuelle queSultan Mahmone l'a quitté, G7 qu'il venient icy vers fon pere. Voyez, vn peu quelles intrigues ; il y en a beaucoup qui difent qu'il n’efloit allez; vers Sugas que pour le prendre , tout fe découurira. La fortune iu[qu'icy femble s'eftre declarée pour Oranxébe. Il auoit courw Un grand bruit quele Pey[an venoit auec Une forte Armée , € quel'Artillerse eftort defia à Kandahar; mais cela ne continue pas : sl efl bien vay quil y aun Ambaffadenr de Perfe que eft arriné è Labor; mais l'on commence à croire que ce n'eft pas pour declarer la guerre : en tout cas, l'on fait icy des prepavatifs pourle recewotr: Verlà o& nous en fommes. Par ma premiere, se vous écrirdy tout par le menu ce qui arriuera , UD ce que eft que de la farce C?" des épouwentables Armées de ce Grand Mogol: Cependant ; ie vous divay qu'il ne faut plus trouver incroyable ce qu'a fait Alexandre; car te fuis a[feuvé qu'une. Armée de vingt-cinq mille Francois bien conduits vont pa [fer fur le ventre à toute l'Inde ; fans difficulté. Ce ne font pas des foldats و‎ mais des va- ches; non Une Armée , mais vn chaos G vne confufion plus facile à deffaire que ie ne le vous ffaurois dive. Dans la feconde lettre dur. Oétobre de la mefme année1660. qu'il luy a en- uoyée par Baffora & par Álep;illuy repetcles mefmes chofes, àtoutes fins, pour fuppleer au defaut de la premiere qu'illuy auoit efcrite parla voye d'Angleterre; ft elle ne luy auoit pascfte rendué , & y adioufte feulement ce qui feftoit pañle de- puis. A ícauoir que durant les mal-heurs de Dara- Chakour, [a mort E la prifon de fon Fils dans la Fortereffe de Gowalcor » où Moradbakche auoit aufti eflé conduit > Sultan Supas s'efloit defenda comme il auoit pú dans le Royaume de Bengale , 0% il seftose don- ne plufieurs Combats; iufques à ce que Oranzebe deffast de [es autres Freves ; auoit en- woyé de prands renforts à fes . Armées è €9* anort entierement deffaie celuy-cy. Il conti- nuë ainfi: Ileft maintenant duec troisou quatre Vaiffesux fur le bord de la mer s l'on ne عتهعل‎ quel party il prendra > sil s'enfuyra en Perfe , ou sil ne fe iettera point auec le Roy de Golconda , à quila puiffance d'Oranzebe donne de grandes apprebenfions. La grande épine qui tient à prefent Ovanxeba, cefl Solimanchakour qui efl dans les montagnes inacceftibles de Serenagar. Le Ragia nel ayant point voulu liurer infqu'109 , quelque prome[[e €? menace que luy fa[fe Ovanzebe : On dit qu'il tva cette année 5 mais il 9 a gueres d'apparence qu'il veüfaffe par la force , à caufe de la difficulté des Montagnes , & qu'on a couppe les asenuës de tous coftez. Ils'eftrewesllé vnpetit Raya nommé K arne , qui fait grand bruit : cen'eftpas vn Raya fortpuf- DV MOGOL. 1i fants ©" cependant on void qu'il a une fort bonne Armée, cela fait [oupgonner qu'il y en quel- qu'autre plus puiffant qui [ous mam l'afeifle ; on foupçonne Ranna ou Yafumfingua ; de forse wOranzebe a e[le obligó d'y enuoyer ces 10urs paffez, une Armée. D'autre cofté on a nouvelle que le Gouuerneur de E aboul vers Kandahar ne veut pornt receuoir les ordres d'Oranzebe, Nous autons encore nomuelles que du cofte de Decan y Un tres-pur/Jant Raya nommé Sausagi»efllà aucc ne Armée confidevabie 7 qu'sl pretend entrer dans le Decan s de.forte que tout n'eft pas encore finy. Cependant; Oranzebe tient en prifon fon propre fils arfnéSultan Mahmone, dans la crainte qu'il a qu'il ne fe veuo'te contre luy , (7 qu'il ne fe tette anco le Roy de Golconda fon beau pere, qui luy a promis le Royaume de Gol conda apres fa mort, n ayant point d'enfans mafles. La fa- mine fera grande cette annce ; à cane qu'il a fait vnterribleEfle, €? qu'il n'a pas a[fex ρ ἢ. Dien mous garde de la pefte. Outre ce que se Viens de dive (o qui peut feruir d'eclatrciffement à ces Memoires, se dois encore adioufter ce que 4y trouué dans les écrits d'un Anglois domeftique de Rbo? , il dit que le Mo- ol paye un million de Cheusux, & qu sl donne par an pour chaque cheual dix. huit Iacobus ; ain- fi Ueflat des penfioms que donne ce Prince ferait de plus de deux cens millions de liuves. Qu'il n'y a point de Courtifans qui faf]ent leur Cour aucc plus de [umifStons qu'ils fe vafent vous les tours lors qu'ils font à la Cour 5 mais qu tls ladffent croiftre leur barbe lors qu ils font employer dans les Pro- minces, pour tefmoigner parla le de[Plaifir qu'ils ont d'eflve elorgncx de leur Prince, E qu'ils ne la coupent point qu apres leur tetour. Thomas Rhoë fe trompe; auec les autres Autheurs qui ont efcvit dece Pats, lors qu'il explique le nom de Nouroux ,comme ssl figmifroit neuf iours; [a Fejte du Nouroux tire fon origine du Perfan (7 merite qu onl' explique » a caufe qu'elle nous donne connoi[[ance d vneopaquedont pas un de ces Chronologiftes ne [cache , n'a parle. Les Perfans ont long-temps compré leurs années pay detemps du vegne de leurs Roys ils ont conferué cette couflume iu[ques an temps d'I/defcherid, il commença à reoner en Perfe la onziéme année de la fuitte de Mabomet , & les Arabes s'eftans vendus maiftres de la Perfe yils y imtrodusfirent leur Hegire pour Epoque; onl'a fuinte Lefpa- ‘cede quatre cens forxante-quatre ans. tu[ques au temps de Sbelal- Eddim : il commenga fon ve- ne l'an del' Egire 475. le 8. sour du mois de Rumankan ; auquel iouràl'heure de Midy precife- ment le Soleil entra felonla fuppofitson de ce peuple > dens le fi some du Belier: Comme il veceuoit les complimens des principaux du Pais , 7 que l'on vint a parler de l Hegive (7 des autres Epo- ques, Un Aftronome nommé O menchiamus;, qui eftort de cette conuev[ation و‎ propofa de faire dece iouv-là leur Hegire € le premier tour de leur année , Y de fatisfarre en cela à la veneraitors de ces peuples auoient pour le premier our du vegne de leur Prince & à la Nature mefine » felom laquelle en effetil femble que les années deurorent commencer de ce porntt. Ainfi le mot Nouroux figrsfie nouveau tour ou nounelle année. Durant le vegne de ce Prince on celebrost tous les ans cet- te Fefte auec de nouuelles folemnitex.Ses fucceffeurs ont continué de mefme,C c eft pav cettevai- fon quel: PocteSady dans fon Guliftans d'os r ay tiré cette evudition , appelle ces annes , les an- nées Sebalienes s car ce Feraviin fe nommort auf Sehaal. C'eftla veritable origine de la Fefte du Nowroux que les Mogols tiennent des Perfans. La racine que Rhoë nomme Ningin efl appellée par les Chinois Gifeng, & comme elle n'eft point marquée dis nos Liuves des Plantes;te raporteray tcy l'endroit de lbifloive naturelle où elle eft décrite. Les Sauuages du Cap l'appellent Cannaïelle ne fait que commencer à pon/Jer fa fucille vers le vingrióme de May & le temps le plus propre pour la ramaffer eft les mois de Decembre, Ian- wier (7 Feurier: ce que 1 ay tiré d'autres Relations Angloifes, l'on m'a dit qu elle commensoit & efire connu en Hollande. Martinins dans fon Atlas de la Chine la décrit de cette forte : , Ceux du Tapon l'appellent Nifi ;les Chinois la nomment Ginfeng , à caufe qu'elle a 1a forme d'vn homme qui ouure Jes jambes ( car ils appellent vn homme Gin) vous croiricz que c'eft noftre Mandragore, fi ce n'cft qu'elle eit plus petite, toutefoisie ne doute point que ce n'en foit γῆς efpece , car elle en a la figure & la vertu; ic n'en ay iufques icy encore pù voir des fueilles , la racine deuient jaune lors qu'elle eft feiche ; elle n'a prefque point de fibres ny de filamens, par lefquels elle puiffe tirer fa nourriture; elle cft toute parfemée de petites veines noi- raftres , comme fi on les y auoit tirées fubtilement auec del’encre ; lorsqu'on la mafche elle eft defagreable , à caufe de fa douceur meflée d'vn peu d'amertume ; elle augmente beaucoup les efprits viraux ; combien que fa dofe ne foit qu'à peine que de deux {crupules ; fi on en prend vn peu dauantage , elle redonne lesforces aux de- biles , & excite vne chaleur agreable dans le corps ; on s'en fert quand elle eft paffée parle bain Marie , car cllc rend yne odeur fuane comme les fenteurs aromatiques ; ceux qui font d'vne conftitution plus robufte & plus chaude, font en danger de leur vie s'ils en vfenr, à caule de la grande efferuence qu'elle excite dans les cfprits; mais elle fait miracle pour les debiles & trauaillez , & pour ceux qu'vne longue maladie ou quelqu'autre acci- 12 RELATION dent a épuifé de forces ; elle refticué tellement les efprits vitaux aux moribons, en forte qu'ils ont fouuent affez " A : 。 . à y de temps pour fe feruir d'autres remedes & recouurer leur fanté.Les Chinois eu difent merueille ; pour vneliure de cette racine , on en donne trois d'argent. La defcription de cette plante eft fi 'mparfaite dans Martinius, que Pay creu en denoir mettre 1cy la veritable figure ; tirée de l'Hi- loire des chofes naturelles non dé- crites , qu'on mettra ds la fuite de ceRecueibon fi elle a quelque re [sc blance à la Madragore par fa vaci- ne » fes fueilles font bien veirquil la faut mettre fous vn autre genre. | Les terres oi efbla Baye de Sal- datene ne font point une Ifle com me le croid Rhoé, carles Hollan= dois qui y ont maintenant vue دوج‎ | bitation, ont trouué que le Rio- dolce ne Sauancoit pas fort anant | dans les terres. | Ilva pen d'apparence quil n'y ait point ew d'interruption dans la Defcendance de ce Prince Ran- nas qu'il dit eftre venu en lignedi= |. recte de Porus qui fut vaincu par Alexandre. b La charge de K utvuala plus de rapport à celle du grîd Preuoft qu'à celle du Lieutenant Ciuil > comme la expliqué le Tvadu£teur. Pour ce qui efl de. la váleurde la monnoye du Pais & principa= | lement des Rupias, MonfieurTaz | &ernier dit qu'elles ne vallent que 28. fols de noftre monnoyes (Θ᾽ cependant dans quelques en: | droits de ce Difcours le Tradu&leur les fait valoir enuivon vn efu cinq fols. mè Les Coffes, Cour[es, ou Cos ( car ces trois mots fignifient une meme chofe) font plus grands en des Prouinces (7 plus petites en des autres ذ‎ les plus grandes font une de nos lieués de France, & les moindres vne demie. dpi ce y Le Liure que le Pere Hieronymo Xauier Iefuite Nauavrois efermit de la verité de la Reli Zion Chreftienne ; &* dont parle Rhoë , auoit pour titre , Le Miroir qui veprefente la verité: Az labedin Perfan y a fait de nos iours Une ReFponfe en fa Langue, ©" a rama ff tout ce que les Ma- hometans di fent contre noftre Religion : Le Pere Guadagnoli depuis pen a re$pondu au كياد‎ | fa ReSponfe a efle imprimée en Arabe à Rome > par ordre de la C ongregation de P ropaganda : Som Liure commence parquantité d'imprecations contre Mabomet. Des perfonnes informées des maa mieres du Leuant luy divent que c eftoit vendre fon liure inutile aux Orrentaux que de mettre dés | le commencement ces imprecations > qui empefcheroient que ceux pourqui il auort principalement efte fait ne le leuffent : le Pere en fit one feconde imprefSion pour corriger cette faute que | on aot trouuée dans la premiere; mais cette fois-là il parla fi bien de Mahomet que fes Superieurs ) y trouuerent à redire, & on luy en fir me[mes une fenere correction » dont il fe plarenoit à fes | amis lors qu'ils luy parloient de fon Ouurage. no Les Firmans dont Rhoé parle fi founentdans fes Memoires > font lettres Patentes du Prince | appellées de la forte , à caufe que leur [ble ordinaire eft de commencer par la parole de Ferman, € | Rhoe a efté le premier qui ait eftabli dans l'Indoftan ces Firmans eg les conditions du commer= | ce entre ces peuples ;@ les Agens Cg Fatleurs de la Compagnie Angloi fe des Indes Orientales. | «Au retour de cét employ il fut enuoyé كب‎ mba[Tadeur. à Conflantinople , d'ou il a. eferir plufieurs | dépefches que i efpere mettre vn jour dans la fuste de ce Recueil. > $e "D dU AU e / i b (f INDIENNE i GoLFE DE BENGALA ds eu — H De Bis مأبرعى‎ e) | quer priuifege du R UHELFLEEFLFLPEPEPEET ET. x = i * KA AP +. E 3 LANI الب ا‎ MAE. AE ES 67 1 人 FON SE wu ui. ἘΠῚ e CERFLIRTLTE NE DR ias PO iat P irta DE THOMAS RHOE. AMBASSADEVR DV ROY D'ANGLETERRE AVPRES DV MOGOL, Pourles affaires de la Compagnie Angloife des Indes Orientales. s. L. Sa Nanigation jufques à Surat. >= 3] OsTtREembarquementfe fit à Grauefende , & nous arrivàmes | τ | le 5. du mois de luinala rade de Saldaigne , où jéprouuay que DO la variation de l'Ayman , que l'on tient eftre vne des plus feures ON: methodes pour fçauoir combien on cft proche de terre » n'eft pas | ll fi certaine qu'on l'a croid, & qu'elle ne peut feruir que comme vn SEE] auertiffement pour fe tenir fur fes gardes. En effet, la variation de PAyman ne diminué point proche des terres , dans la proportion qu'elle dimi- nué lors qu'on en eft plus loin. l'en pourrois donner vne raifon bien claire ; mais elle eft d'vnc trop longue difcution pour la rapporter icy. Enfin, ie ne croy point que par cette methode on puiffe s'affeurer d'vne eftime à zo. lieuës prés, puis que le mouuement du Vaiflcau & celuy de l’aiguille , font que l’on s’y peut 2156- ment tromper d' vn degré. Saldaigne eft vne Ifle , à ce que ie croy. Sa pointe qui eft vers le Midy » faitle Cap de Bonne-Efperance.Elle eft feparée de la terte ferme de l'Afrique ; par vne . Baye profonde du cofté du Zudeft ; & de celuy de l'Eft ; par vne riuiere que nous auons remarquée de deffus la montagne nómee la Table,a caufe qu'elle eft platte parle haut. La terre y eft fertile & couuerte d'vnc herbe baffe & épaifle. Le con- tinent eft coupé par des mótagnes fort hautes, pleines de rochers couuerts de nei- ge & impenetrables, fi ce n'eft qu'on y entre en remontant le Rio-dolce. Cette ri- uiere eft fort grande, & fe rend dans la mer au cofté Orientalde certe Baye. Il y a dans cette Ifle 5. à 600. hommesles plus barbares gens du móde. Ils fe nourriffent de charognes,de beftes mortes,& portent entortillez à l'entour de leur colles en- trailles & les inteftins de ces beftes, qu'ils croyent feruir beaucoup à cóferuer leur fanté. Ilsontle poilfrisé comme les Negres. Ils fe le frottent de l'ordure de ces beftes , dont la peauleur ferc d'habits. Ils en couurent leurs épaules » & metteng 2 SE=98 RN cum ΕΝ Saldaigre? \ Tous les 213 tres voya- geurs l'ap- , pellent la Baye deSalj daigne. 2 MEMOIRESDE THOMAS RHOE, le poil en dedans ou en dehors, felon qu'il fait chaud ou froid. Leurs maifons font couuertes d'vne efpece de natte, & ont la forme d'vn four. Ils les tournent à mefure que le vent change, car l'endroit par où ils entrent ne fe ferme point. On ne fc plaint plus tant de leurs voleries depuis que nous traitons auec eux. Ils font fans Religion, & n'ont aucune connoiflance dc Dieu. L'air de ces quartiers. là eft forr fain & fort fubril; les eaux font aufli fort bonnes , & paffent aisément. Cette Ifle abonde en Taurcaux , en Vaches, en Singes , en Faifans ,en Perdrix, en Oyes fauuages, en Canards, & en grand nombre d'autres Oyfeaux. Dans l’Ifle de Pynguin , l'on en void γῆς forte qu'on y appelle des Pynguins. Ils marchent droits fur leurs pieds , ont des ailerons fans plumes qui leurs pendent comme des manches, barrées ou rayécs de blanc ; ne volent point, & fe cantonnent en yn des coins de cette Ifle , fans fe méler auec les autres oyfeaux. E C'eft vn cftrange Oyícau, ou pour mieux dire vn Monftre , qui tient de l'hom- me,cn ce qu'il eft droit fur fes pieds, de l'oyfeau & du poiffon. Mais il tient plus de l'oyfeau que de tout autre animal , pouuant feruir d'exemple contre la definition de l'homme , que quelques-vns ont definy vn animal à deux pieds , qui n'a point de plumes. On nc fait point de trafic en ce Pays-là ; que de bœufs & de moutons, qu'on ne doit prendre que dans la faifon où ils font fort gras,c'eit à dire, au temps que le Soleil £cft retiré d'eux , pour retourner du cofté du Nord. Il y a de certai- Larras, pesracines qu'ils appellent Maugin , nos Marchands croyent qu'il y a de le croy fermement y auoir découuert vne roche, qui tient du vif argent & du vermillon , parce que les pierres de cette roche font par tout marquetées d'yn rouge fort pur, & auffi vif qu'aucune peinture rouge que nous ayons , mais qui Pefface quand il eft mis fur du papier. Cette matiere eft parcillement fort pelan; te, & clle brille en quelques endroits comme yne Marcaifite; ce qui fe rapporte fort à la defcription qu Acofta nous 2121156 de la nature de cette forte de mine. La monta- La table ou la roche ainfi nómée, eft dela hauteur de onze mil huit cens cinquan« able te-rrois pieds. Il y a beaucoup de Balleines & de Loups marins dans cette Baye. la Table LesHollandois y font venus fouuent pour en faire la pefche dansl'Ifle des Pyn- 1 guins. Elle eft à 33.degrez 45. minutes de hauteur, & a 28. degrez 3o. minutes de longitude prife du meridien de Lifart.L'on doute fi l'aiguille y varie vers PE ou vers l'Oüeft : pour moy ie tiens que la variation eft de 30. minutes vers l'Oüeft , & qu'il y a quelque chofe dans les terres qui fait varier l'aiguille , & que c' eft de là que viennent les frequens changemens que l'on obferue dans la varia- tion de l'aiguille , en allant depuis le Cabo-falfo vers l'Oüeft. Si iamais il fe ren- contre quelques Vaiffeaux qui ayent affez de loifir pour découurir les terres yne centaine de licués plus vers le Nord, ce qui fe peut faire auec facilité, ie fuis cer- tain qu'on y trouuera beaucoup de beftail & d'autres marchandifes. On pourroit aufli laiffer là des gens pour traiter plus auant dans le Pays, & peut-eftre qu'ils découuriroient ces Peuples qui ont de l'or, & qui le portent aux Portugais du cofté de Cuama.L'on pourroit traiter auec eux de la méme maniere que l'on trai- te auec les Mores de Gago en Barbarie. Il ne faut point f'attendre que les An- gloisexilez qu'onalaiffez au Cap de Bonne-Efperance, faflent aucune décou- ucrte , ny rien de femblable ; mais bien qu'ils fe feruiront de la premiere occafion qui fe prefentera pour retourner en Angleterre. Aurefte, ils ne font pas en vn lieu où ils puiffent deuenir meilleurs, & ils ne profiteront pas beaucoup parmy LetextcAn- des gens qui font hommes que par ce qu'ils parlent. glois pore Molalia eftl'vne des quatre Ifles de Gomarra Angazefia, luanny & Majotta e t E font les trois autres. Ces trois dernieres font fous vne mefme ligne, Angazefia eft mexeridien YR peu plus auancée vers le Nord. Molalia à douze degrez 20. min.de lat. Auftr. Ee la variation eft de 16. degrez 40. minutes. Midi. Angazefi eft au Nort quart àl'Oüeft de Molalia, & en eft éloignée de fept licués. La pointe la plus auancée cft fous le 11, degré 55. minutes, & la plus proche c AVPRES DV MOGOL. 3 de la ligne ur. degrés 6. minutes. C'eft la terre & la cofte la plus éleute que j'aye 1amais veué. Elle eft habitée par les Mores qui trafiquent de leur beltail & de leurs fruits en diuers endroits de la terre ferme,& auxlfles qui leur font à l'Ett.ils changent leur beftail & leurs fruits contre des Callicoos & autres fortes de toiles & étoffes de cotton dont ils font leurs habits. Ce Pays eft fous la domination de. 1o.Seigneurs differens. Il eft affez abondant en Vaches, Bœufs, Cabrys , en noix de Cocos, en Oranges, & en Citrons. Ils firent des feux lors que nous paísá- mes, & nous parurent auoir grande enuic de traiter auec nous de nos marchandi- fes, pour en auoir les premiers , parce qu'ordinairement il faut qu'ils lesaillent a- cheter des Habitans de Molalia,où nosVaiffeaux ont coütume de farrefter. Cet- te Nation eft fort décrite du cofté de la fidelité & de la bonne foy , il y a mefme quelquc-temps que les gens de l'équipage du Capitaine Lancacítre y furent tra- his; mais peut-cítre que la communication qu'ils auront eue depuis auec ccux de noftre Nation, les aura rendus plus traitables & de meilleure foy. Iuanny eft fi- tuée àl'Eft de Molalia & de Majotta.Les coftes de ces deux Ifles font fort feures. Cestrois Ifles ne manquent d'aucune chofe neceflaire à la vie; mais fur tout, celle de Majotta , comme ie Pay appris des Arabes trafiquans à Molalia , & des Hollandois qui s'y arreftent quelquefois. L’Ifle Iuanny ne cede de gueres aux trois autres, pour la fertilité de fon ter- roir, Ses Habitans font gouuernez par vne vicille Sultane qu'ils reconnoiflent pour leur Souueraine. Molalia eft maintenant diuisce fous la domination des enfans d' vn Sultan. Ses trois enfans , deux garçons & vne fille gouuernent chacun dans vn canton de cette Ifle. Le Sultan de qui dépend le canton où nous eftions à l’Anchre , tient fes Sujets dans vne fi grande feruitude, qu'ils n'oferent pas nous rien vendre fans fa permiffion. Le Capitaine Keyling enuoya pour cette raifon quelques-vns de nos gens dans la Ville, pour demander qu'il luy fuft permis de negocier auec eux. Le Gouuerneur nous permit de mettre àterre quarante de nos hommes, auec le Capitaine Nevvport. Ce Gouuerneur nous reçeut, eftant affis fur vne natte de paille, accompagné d'enuiron 5o. hommes. Son habit eftoit d'yne toile rouge & bleuë , qui le couuroit jufqu'aux genoux, les jambes & les pieds nuds, la tefte couuerte d'vnturban. IH auoit des truchemés qui parloientArabe,& vn peu Portugais. Le Capitaine Nevvport le regala d'vne petite piece d'Artillerie, & d'vne cpée.Le Gouuerneur de fon cofté luy fit prefent de quatre Taurcaux,& luy donna la permiflion d'acheter & de vendre ,la faifant publier aux Habitans de ce licu. Il promit mefme d'y faire conduire fon propre beftail , adjoütant qu'il ne vouloit point prefcrire aux acheteurs ny aux vendeurs ,le prix de leurs marchan» difes ; mais que c'eftoit vne chofe qu'il laïfloit à la difcretion des vns & des au- tres. Il enuoya querir des noix de Cocos, pour en faire prefentàla compagnie, pendant que de fon cofté il famufoit à mácher d’vne certaine compofition fai- te d'écailles d'huyftres brülées , & d'vne noix qu'ils appellent Areca , aflez fem- blable à noftre Glan. Cette compofition pique fur lalangue , elle arrefte les de- fluxions, rafraichit le cerueau, & raffermit les genciues. Elle feroit tourner la te- fte à ceux qui n'y feroient point accouftumez ; elle fait cracher, & à la longue elle teint en rouge les dents de ceux qui en vfent; ce que les plus propres d’entre- Majotta, Iuany,d'au- tres l'appel lent Iean d& Caftro. Molalia. Pour habit il auoit vne toile rouge & bleuë, eux tiennent pour vn grád ornemét. Tout le móde de ce pais fe fert de cette dro- ue à toutes les heures du jour, & ne connoift point d'autre remede que celuy-Jà. De chez le Gouuerneur on côduifit nos gens en la máisó d? yn maiftre Charpen tier. Cette maifon eftoit baftie de pierre ὃς de mortier. Les murailles eftoien enduites de chaux , le toi&t fort bas, couuert de bardeau, & pardeffus de fue; les. La maifon eftoit au milieu d'vne autre , enceinte faite de rofeaux : Leurs ja - dins font fermez de mefme. Ils y ont du Tabac & des Platanes ou figuiers d’A- dam.Pour nous feruir à difner on mit vne planche fur des Treteaux; & onla coua T^ ἡ | di "RE Fautes des Cartes ma- gincs, 4 MEMOIRES DE THOMAS RHOE, urit d^vne natte fort propre. Les bancs eftoient couuerts de mefme. L'on appor: ta d’abord de l'eau pourlauerles mains dans vne coquille de Cocos, vn plat de bois feruoit de baflin , & pour fefluyer on prefenta de la pleure ou de P'efcorce de ces mefmes arbres de Cocos. Onleur feruit apres du Rys boüilly, du frui& de Platane rofti qui fut feruy fur yn plat de rys, des poules & de la chair de Che- ureau. Leur pain eftoit fait de farine de noix de Cocos cuite au four auec yn peu de miel. Le vinde Palmites & le fuc du Cocos eft leur boiffon. l'enuoyay vn de ceux de ma compagnie, &auecluy mon Chappellain vers le Sultan. Il fait fa refidence plus auant dans le país à trois lieuës de Fambone , où ils le rencon- trerent. Il lesreceut auec grande ciuilité , &les retinta la table, qui fut feruie prefque de la mefme maniere que celle du Charpentier. Ilsle nomment Sultan Amar-adel,il fe dit parent de Mahomet. Ses habits ne differoient gueres de ceux du Gouuerneur, exceptéque l’eftoffe en eftoit plus fine; mais fa maniere & fes facons de faire n'eftoient pas accompagnées de tant de bien-feance & de graui- té. Il nous fut fort facile de l'enyurer de noftre vin. L'autre Sultan fon frere vint auec trois efclaues pour traiter au lieu où eftoit noftre vaifleau, ie le yis X loifir : Il auoit apporté vn certificat du Capitaine Sayers, comme il auoit bien traitté les Anglois dans l'eftendué de fon reflort. Il eft Xerif & Sultan tout en femble. Il vint à nous aucc affez de grauité , ὃς f'offrit de traitter pour du vif ar- gent. Nous luy demandâmes la quantité qu'il en auoit. Il fit refponfe qu'il en a- uoit pour quatre ou cinq pieces de hui& ; & en fin ce Sultan & Xerif en yint iuf, ques à nous demander vne paire de fouliers. Ce peuple eft Mahumetan , obferuant exa&ement les anciennes Loix de leut Prophete ; & parce que les iours de leur Randam ou Quarefme approchoit , ils faifoient vn grand crime de boire du vin. Ils ne laiffent point voir leurs femmes ny leurs Mofquées : ce qui nous parut affez à l'allarme qu'en prit vn de leurs Prétres.Comme il eut apperceu wa de nos gens qui Papprochoit d'vn vilage;il fit auffi-toft renfermer toutes les femmes,& cria que fi nous approchions de la Mof: quée ils feroient tirer fur nous. Le Xerif appaifa l'emportement du Preftre, عع‎ nous permit ce que l’autre nous deffendoit auec tant de bruit. Il y ena beaucoup parmy eux qui fcauent parler ὃς efcrire l'Arabe ; quelques-vns aufli ont appris le:- Portugais à Mofambique , où ils tra&quent auec leurs Ionckes ou Barques de trente ou quarante tonneaux. Noftre flotte prit là des rafraichiflemens ;& y fit prouifion de beftail choi- fiffantlesbeftes les plus jeunes;dót la chair eft excellente. Nos gens y trouuerent auffi des moutons d'Arabie , des poules , des noix de cocoss des oranges & des citrons en grande abondance. Leshabitans leur donnoient ces rafraichiffemens en cfchange de toiles, d'épees » de pieces de hui& , & leurs fruiéts,pour des coü- reaux , pour des grains de verre, & femblables merceries. Vn Vaiffeau Marchand de Madagafcar chargé d'Efclaues, fe trouua à l’Anchre en ce mefme endroit. Le Pilote parloit Portugais ; & me dit que du cofté de l'Ile de S. Laurens, il y auoit quantité d'Ambre gris & de noix de Cocos. Il auoit vne connoiffance particuliere de ces coftes ; il me fit voir vne Carte marine en parchemin fort bien grauée ; quand il eut và la mienne, il y trouua à redire en lufieurs chofes , que ie corrigeay fur fon rapport, & particulierement la diftan- ce qu'il y a de Soccatora à la cofte de la terre ferme , & certaines autres Ifles que ma Carte metroit au Zud de Molalia, m'afleurant qu'elles ne s'y trouuoient . point. Il me difoit que fon Pays eftoit fitué depuis le s.degré so. minutes;jufqu'au 4.degré:Que le Port du Pays eft fous 2.degrez 10.min.de latit.Sept.& eft souuer. né par vn Roy. Il m'affcura qu'il y auoit dans ce Port affez d'yuoire , de tinta- roxa , & d'ambre gris, pour la charge d'vn Nauire. Ie ne fçay ce quil'empefcha: de me reuenir voir , & de m'apporter , comme il m'auoit promis, vn échantillon de cette tinta-roxa , ou ancre rouge auec yndeffein de l'entrée de ce Port; car AVPRES DV MOGOL, : jauois táché a l'obliger de reuenir par de grandes promeffes. Que les Ports qui font le long de cette cofte au Zud de Magadoxa jufqu'à Mofam- bique , font tenus par des Seigneurs particuliers , Mahometans de Reli- ion. Ce Pilote me vouloit faire croire que nous y pourrions trouuer de l'or en fable mélé de terre, & de l'argent; dont les Habitans ne faifoient aucune eftime. ue les toits des maifons de Magadoxa eftoient dorez. Pour ce qui eft des Pla- ces qui font plus auant dans le Pays, il me fit bien voir qu'il n'ch auoit pas beau- coup de connoiflance ; il m'en nomma feulement quelques-ynes qui eftoient en- tre Magadoxa & les terres du Preftre lean, comme Odela, Mahefa, Rohamy, & Gala ; que Odela & Gala font habitées par des Caffres ou Infideles. Ie nc [cay s'il entend par là les Payens ou les Chrefliens , puis qu'ils comprennent auffi bien les Payens que les Chreftiens & Abyffins fous ce nom.Au regard du Prefte lean, il ne m'en fçeut dire autre chofe,finon que c’eftoit vn grand Prince & vn Caphar. Mais pour ce qui eft des contrées de Magadoxa jufqu'à Cambaya ; il en eftoit fort bien informé. Son frere qui eftoit venu enfa compagnie , f'eftoit trouué au combat des Portugaiscontre vn de nos Vaiffeaux nommé l’Efperance. Il difoit que les Portugais y auoient efté battus , & quc trois de leurs Vaiffeaux ayans efté brülez , les autres auoient pris la futte. Il nous affeura que le Roy de Dabul, ani- me par cer auantage , auoit armé puiflamment , & qu'il auoit puis fur les Portu- gaisles Ports de Chaul , de Damon, & autres Places maritimes. Que pour lors il marchoit du cofté de Goa; qui manquoit de viures. l'efperois bien en apprendre dauantage de luy,mais on l'empécha fous main d'auoir auec moi vne plus longue communication. Le temps que l'on mettroit à reconnoiftre ce Pays-là ; ne feroit peut-cítre pas mal employé; mais ie doute de la difpofition des Peuples qui l'ha- bitent, à égard de ceux de noftre Nation. Le 22. d'Aouft ,les vents furent fi grands fous les coftes de Abad-elcora, & le fonds où nous eftions cftoit fi plein de roches, que ie dois auertir ceux de noftre Nation,que lors qu'ils fe trouueront fous cette cofte;ils fe gardent bien de moiiil- ler les Anchres en cét endroit; car ilsles perdroient de nuit; & décendroient fi bas qu'ils ne pourroient plus regagner]'Ifle : maisfile mauuais temps les obligeoit de jetter l'Anchre , ils doiuent choifir vn lieu qui foit à couuert des vents qui yiennent dcs montagnes. Nous y moüillàmes l'Anchre au fecond quar- tier de la Lune; elle fe leuoit alors fur l’horifon , à heures , & le couchoit à minuit. Ces grands vents foufllent aufli long-temps qu’elle eft fous l'horifon ,& ceflent aufli-toft qu'elle commence à paroiftre deilus; tellement qu'il faut auoüer que la Lune eft la maiftreffe du temps en ce Pays-là, & qu'il faut obferuer foigneufement fon cours & tous fes changemens. Le 23. nous mimes à la voile, & fúmes moüiller l'Anchre à la rade de Tamara, à 10. braffes d'eau , nous eltrons à vne lieué de la Ville ;en forte que la pointe la plus baffe , & l'éminence des montagnes qui font vers PEft,fe trouuoit fur vne mefme ligne aucc noftre Vaiffeau. Le Sultan qui y fait la refidence , nous fit en- tendre que les vents qui viennent des montagnes eftoient fi furieux , que nous aurions de la peine à y demeurer , & que nousferions mieux d'aller jufqu'à Baya- delicia, deux lieués plus vers PEft, où il nous viendroit trouuer. Le Port en eft fort commode, & merite le nom d’agreable; à caufe des collines dont il eft entouré, & qui le mettent à couuert des grands vents: la latitude de ce lieu cft de 13. degrez $. minutes, & la variation 18. degrez 2. minutes. Le fond eftde fable blanc; mais plein de roches : c’eft pourquoy il faut bien prendre garde aux cables: car fi elles les touchent, ellesles coupent. . Soccotora eft vne autre Ifle à P'emboucheure de la Mer-rouge ; c’eft la Diofcu- ria ou Diofcorida des anciens. Elle eft fous la hauteur de 12. degrez $5. minutes. Vn Sultan appellé Abar-ben-feid y commande, il eft fils de Seid-ben-feid , Roy de Fartaque dans P Arabic heurcufe, & luy doit fucceder, Soccotora eftant com: Fio ΤῊΣ FAA] Magadoxà; Les vents dépendent de la Lune- Sóccotorá; Tamara. Maifon du Sultan de Soccotora. Habi:ans de Soccotora. Bedvvins. Chrefticns Jacobites. Vn Geogra- phe Perfan dit qu'il y a des Chré- tiens dans cette Ile, mais il ad- joúte qu'A- lexandre les y auoit traf- portez, 6 MEMOIRES DE THOMAS RHOE, me l'appanage des ainez de ces Roys. Le Royaume de Fartaque a fon eftendué & fa ficuation , depuis le 15. degré jufqwau 18. le long de la cofte d’Arabie; & du coíté du Nord, il &eftend versles montagnes. Il eft en paix auec le Grand Sei- gneur , à quitoute PArabie paye tribut , excepté ce Pays-cy ; qui n’eft obligé à autre chofe qu’à luy enuoyer cinq mille hommes quand il les demande, à condi- tion toutefois du cofté du Grand Seigneur , de les payer & de les entretenir. Amar-ben-feid nous dit auffi qu'il y auoit vn autre Seigneur particulier proche de Dozar,qui eft fous la protection de la Porte.Ce Sultan deSoccotora fit dreffer fes tantes à Baia-delicia , & vint trouuer noftre General, auec vne fuite de 300. perfonncs ; il le receut bien, c’eft vn Prince fort fage , comme il nous parut au dif cours qu'il nous fit, & à fa maniere de gouuerner. Il vit & fhabille comme les Arabes, & eft Mahometan de Religion. La ville de Tamara,où ce Sultan fait fa refidence,eft affez bien baftie.Les mai- fons font crépies de chaux ; tellement qu'enles voyant du Port auec les terraffes de leurs roiéts , elles font vne perfpeétiue affez agreable : mais les dedans ne ré- pondent pas à cette apparence exterieure. Le Sieur Boughton emprunta vn cheual de PEfcurie du Roy, & euft permiflion d'aller faire le tour de fon Palais. Le Roy enuoya vn Sheck pour l'accompagner ; mais Boughron fut bien furpris detrouuer ce baftiment fi different de ce qu'il auoit crù. Il n'eftoit pas neant- moins fi mauuais, qu'vn petit Gentil-hóme d'Angleterre ne f'en عنام‎ bien paffer. Il entra dans la Mofquée , & il y trouua yn Xerif occuppe aux Ceremonies de fa Religion.Cóme Boughton eût tiré fa monftre de fa poche pour voir quelle heu- re il eftoit, le Xerif fen vint promprement a luy ; & confiderant cette monftre,il n'en pouuoit affez admirer la beauté. On luy feruit pour fon diner trois Poulets & vn peu de Rys,& pour boiffon du Cahiié: le Roy luy fit des excufes fur le trai- tement qu'on luy auoit fait, & luy dit que cette Place ne meritoit pas la curiofité qu'il auoit euë de la voir. Nous vimes de loin vn Château bafti en quarré fur yne môtagne à vne lieué de Tamara,où Pon ne voulut point nous permettre d'étrer. ll y a quatre Nations differentes dans ce Pays. Les Arabes qui n'en font pas originaires , mais qui y font paffez auec les anceftres du Sultan qui y regne aujourd'huy , lors qu'ils en firent la conquefte : ceux-là luy bai- fent la main quand ils fe prefentent deuant luy. La feconde forte , c'eft yn Peuple traité en Elclaue , qui luy baife les pieds , ὃς trauaille continuellement à fon feruice & à preparer fon Aloë. Les Bedvvyns qui font la troifiéme forte,font plus anciens dans le Pays que ceux que nous venons de dire.Le Roy de Soccotoa a eu de longues guerres auec ces Bedvvyns.Ils yiuene dans les montagnes où ils font en grand nombre , & l'onles laiffe maintenant en paix, à condition qu'ils ne remuéront plus, & qu'ils éleueront & feront inftruire leurs enfans dans la Religion de Mahomet : ce que neantmoins ils ne font point, & n'ont aucun coma merce auec les Arabes. Ie tiens que ces gens-cy fontles anciens Chreftiens Iaco- bites;& ce quiarriua à Boughton me confirme dans cette croyance.Comme il al. loità Tamara il apperceut vne de leurs anciennes Eglifes; la porte en eftoit mal fermée , & Boughton auoit grande curiofité d'y entrer. Ce Sheck qui l'accompa- gnoit, luy dit qu'il y reuenoit des efprits. Cela augmenta la curiofité qu'il auoit d'y entrer,cóme il 2.11 y trouua vn Autel & des Images;& furl'Autel vne Croix qu'il emporta. Le Sheck luy dit que c'eftoit vn Peuple dvne autre Religion; & dela maniere qu'il en parloit, il faifoit bien voir qu'il ne prenoit pas plaifir qu'on luy en fit tant de queftions. Ie m'imagine que ce Sheck fcauoit bien qu'ils eftoient Chreftiens, & qu'il apprehendoit par cette raifon que nous ne priflions le foin de les tirer de l’oppreflion des Arabes. La quatriéme forte de ces Infulaires cft vn Peuple groffier د‎ miferable , qui n'a. point de demeure arreftée , qui couche le plus fouuent dans les bois ; tout nuds, défigurez , portant de longs cheueux , qui viuent de racines , qui n'ont point de AVPRES DV MOGOL. 7 communication auec lesautresà qui la moindre chofe fait peur, & qui meine vne vie peu differente de celle des beftes brutes. le tiens que ces Sauuages font les Habitans originaires de cette Ifle.La terre en eft fort fterile & pleine de mons tagnes. On y trouuc des Bœufs, des Cabrits, & des Moutons, mais en petit nombre. Pour fruits, ils ont des Datres & des Oranges; il yaaufli vn peu de Rys & عل‎ l’Aloë pour toute marchandife. Le Roy auoit du lang de Dragon, de l'Indigo de Lahor, & de la Ciuerte; mais il eftimoit ces drogues bien chere- ment, fe referuant à luy feul ce Commerce, & le deffendant au refte de fes Sujets. lla yne petite Galiotte ou lonck , auec quelques Rameurs de Suratte qui le feruent à l'année. Ce Prince a connoiffance du Prefte-Ian, il nous dit que c'eftle plus grand & le plus puiffant Prince du monde ,le mettant au deffus du Grand Seigneur, & du Sophy de Perfe. Ils ont en grande veneration les tombeaux oü leurs morts font encerrez. Il y a beaucoup de ces tombeaux dans le Pays ; mais leur plus grande deuotion eft pour celuy de Serdy Hachim qui eft enterré à Ta- mara. Il fut tué il y a prés de 100. ans parles Portugais. Il leur a apparu depuis, & les auertit,à ce que difent ceux du Pays,de tousles accidens qui leur arriuent. Ils attribuént au mouuement qu'il faitlors qu'il marche, la force des vents, &luy rendent tout le culte dont ils fe peuuent auifer Ce que J'en ay mis icy , iel'ay ap- pris des autres qui mirent pied à terre. Pour moy, ie croy que nos Flottes feront mieux deformais de paffer de Molalia , droit au Cap de Guarda-fuy , fy rafrai- chir, y attendre le Mouffon, & tirer en fuite vers Suratte , fans farrefter à Soc- cotora. Si quelqu'vn me replique qu'elles manqueroient de rafraîchiffemens, ie répondray que les viures que l'on prend à Soccotora, font fort mal conditionnez, & couftent 211111 cher, prix pour prix,qu'en Angleterre, outre qu'il faut aller que- xir l’eau bien loin , & auec beaucoup de danger; en forte que nos Vaiffeaux y ont perdu fouuent de leurs gens. Au Cap de Guarda-fuy , au contraire , toutes chofes fy trouuent en abondance & à bon marché. La rade y eft fort feure , & quoy que nous n'ayons pas traité auec ces Peuples, tontesfois il y a toute forte d'apparen- ce qu'il feroit aise de le faire. | HS MS ἢ Son voage du Port de Suratte à la Cour du Mogol.Sa reception, er les manieres de cette Cour. We chands de noftre Flotte. Le Capitaine Harris fut commandé pour me faire efcorte , auec 100. Moufquetaires. L'équipage des Vaiffeaux parut en bon ordre quand ie paffay , & ils me falüerent de toute leur Artillerie. Le 15. Nouembre j'arriuay à Brampour. Cette place , felon ma conje&ure , eft à l'E. de Suratte , & en eft éloignée de 223. miles. Le Pays eft pauure , & peu ha- bite. Ses Villes & fes Villages font bafties de terre ; fibien qu'on n'y trouue pas vne maifon raifonnable. Le mefme iour j'arriuay à Baterpore , qui eft vn village éloigné de deux miles de Brampour. C’eft l'Arfenal du Mogol, j'y vis des pieces de fonte de diuers calibres, mais generalement trop couttes & trop pauures de métail. Kutevval vint au deuant de moy, accompagné d' vne grande fuite, & pre- cedé de 16. Drappeaux que l'on portoit àla tefte de fa trouppe. Il me conduifit jufques à Serralia , où l'on auoit marqué mon logement. Il me quitta à l'entrée de la place ; ie n'y trouuay point d'autre logement que quatre petites chambres, ou pluftoft quatre fours, car elles en auoientla figure, à caufe de leurs voûtes baffes qui touchoient quafi au plancher , comme celles des fours de nos quartiers. Cet- L: 26. Septembre , ie mis pied à terre auec le General & les principaux Mar- Serdy Ha chim., Purchase marque icy qu'il a ofté de cette Re- lation, ce qui fe palla à Suratte. Kutevval fi- gnifie le Magiftrat dela Police; ou Lieute- nant Ciuil, te demeure me fembla eftrange ; mais j cus recours à mes tentes que ie fis dreflezi. Sultan Par- n'es. 8 MEMOIRES DE THOMAS RHOE, l'enuoyay dire à Kutevval que ie voulois partir àlinftant, & me plaignis de la maniere dont on me traitoit. Il me pria d'auoir patience Julqu'au lendemain ma- tin. Sultan Peruies , le fecond fils du Roy, refide en cette Place, comme Lieute- nant de fon pere, auec Chan-Canna le plus puiflant des Sujets du Mogol. Il eft General de fes Armées, & a toufiours aupres deluy 4000. Cheuaux. Le Prince à bien le titre & le train d'vn General, mais Chan-Canna en a toute l'authorité. Le 18. jallay voir le Prince, & luy portay vn prefent. lele fis pour plufieurs raifons: car j'eftois bien aife de voir les manieres de cette Cour, & ie croyois qu'il importoit de m'affeurer de fa faueur, pour le deffein que j'auois d'y eftablir vne Factorie. l'auois trouué par experience , que nos lames d'épces fe vendroient fort bien dansfon Armée. Kutevval me mena à l'Audiance ; ie trouuay cent Ca- ualiers qui atrendoient le Prince pour luy fairela reuerence, & qui faifoient haye dcs deux coftez de Pentrée de fon Palais. Le Prince cítoit dansla feconde Cour, fous vn Daix, & vntapis deuant luy , dans vn équipage de grand Seigneur, mais d^vn grand Seigneur Barbare. Comme ie m'auancois vers luy àtrauers du peu- ple qui faifoit haye des deux coftez , Pyn de fes Officiers vint au deuant de moy; & me dit qu'il falloit que ie baiffaffe la tefte jufques à terre. Ie luy répondis que ma condition me difpenfoit de cette maniere feruile, de falüer fon Maiftre. Ainfî ie m'auangay jufques à la balluftrade,& au pied d’yne eftrade de trois degrez. le m’aireftay là pour luy faire la reueréce.Il me fit vne inclination de corps.Pentray, en fuite dásla balluftrade,où ¡e trouuay tousles principaux Seigneurs de la Ville, dans vne pofture & dans vne foümiffion d’efclaues. Le Daix qui couuroit cette place eftoit fort riche, & le bas eftoit couuert de beaux tapis. Quand ie fus en= τες, ic ne fçauois où ie deuois prendre place : mais dans ce doute ie me prefen- tay droit dcuant luy : Son Secretaire eftoit fur les degrez d'vne fcconde eftrade أو‎ fur laquelle ce Prince cftoit affis comme vn Roy de theátre. Ie luy expo- fay que le Roy d'Angleterre m'ayant enuoyé pour Ambafladeur auprés du rand Mogol fon pere : & paffant par vnlieu où il eftoit, 'auois crú eftre obli- 56 de luy faire la reuerence. Il me répondit que j'eftoisle tres-bien venu, & me, fit plufieurs queftions fur le fujet du Roy mon Maiftre ; aufquelles ie répondis felon que ie jugeay à propos. Mais me trouuant de certe maniere placé au bas ie luy demanday permiflion de monter les degrez ; & dele pouuoir entretenir de plus prés. Il me répondit que file Roy de Perfe &le grand Turc eftoient la, ils n'y feroient pas admis. Ie repliquai , que ie meritois en cela quelque excufe, puis que ie ne doutois point qu'en femblables rencontres il n'euft efté au deuant d'eux jufques à la porte , & qu'enfin'ie ne pretendois point d'autres traitemens que ceux qu'il fait aux Ambaffadeurs des Princes qu'il m'auoit nommés, puis que ie ne deuois leur ceder en quoy que ce für. Il m'affeura que jeftois traité comme eux , & que ie le ferois en toute fortc de rencontre. Ie demanday en fui. te vne chaife. On me répondit, que iamais perfonne ne f'eftoit affis en ce lieu; & Pon m'offrit comme par vne grace particuliere,la liberté de m'appuyer contre vne colomne couuerte de placques d'argent , qui foütenoit fon Daix. Ieluy de- manday la permiffion d'établir yn magazin dans fa Ville,& d'y tenir des facteurs. Il me Paccorda , & donna ordre fur le champ au Buxy , de dreffer les Patentes pour faire receuoir mes gens, & pour y pouuoir établir leur refidence. Ie le priay aufli de donner ordre qu'on fift trouuer des voitures pour les prefens que jallois porter à fon pere. Il en donna la charge à Kutvval, receut de bonne maniere les prefens que ie luy fis; & apres quelques queftions, me dit que pour me fa- tisfaire 5 il me receuroit en yn autre lieu, où ie pourrois eftre plus proche de luy; ce qu'il ne me pouuoit pas accorder alors. Entre mes prefens , il y auoit yne caif fe pleine de bouteilles de vin; عق‎ j'appris apres auoir attendu quelque-temps, uil ne me pouuoit tenir fa parole ; parce qu'il s'eftoit enyuré de mon vin. En effet, vn de fes Officiers me vint faire excufe de fa part, & me prier de remettre ma AVPRES DV MOGOL. 9 ma vifite à vne autre fois. La nuitde ce jour-là , la fiéure me reprit. Le 6. Decembre, nous pafsàmes la nuit dans vn bois qui n'eftoit pas fort éloi- gné du fameux Chafteau de Mandoa. Il eft firué fur vne montagne efcarpée , & toute clofe de murailles, qui ont bien fept lieuës de circuit. Ce Ghafteau cft bcau , & d'vne grandeur eftonnante. Le 22. Edoüard Terry vint au deuant de moy accompagné de Thomas Co+ riat, qui auoit fait le voïage d'Angleterre aux Indes, toüjours à pied. A cinq cof- fes de là, nous trouuámes fur vne montagne la ville de Chicor , dont la gran- deur patoift encore dans les ruines dans lefquelles elle a efté enfeuelie. On void les reftes de quantité de Temples baftis fuperbement de pierre de taille, plufieurs belles tours , quantité de colomnes, yn grand nombre de maifons,dont il n'y ena pas vne d'habitée. Il n'y a qu'vn endroit par où Pon y puiffe monter, encore eft-ce par vn precipice. On paffe en montant quatre portes, auant qu’on arrive à celle dela Ville , qui eft magnifique. Le fommet de la montagne à huit coffes de circuit; & du cofté du Zudoüeft,ily a yn vieux Chafteau qui eft .affez bon ;1e logeay dans vn petit Village qui eft au pied dela montagne. Cette Ville eft dans les Eftats du Prince Ranna , qui eft nouuellement foùmis au Mo- gol ;ou pluftoft quia regeu de l'argent pour fe dire fon tributaire. Eckbarf ha pere du Mogol d'aujourd'huy, a tait cette conquefte. Ranna vient enligne dire&e de Porus ce fameux Indien, qui fut vaincu par Alexandre. Pour moy,ie crois que la Ville de Chitor a efté autrefois la refidence dePorus,quoy que Delly,qui eft bien plus auancée vers le Nord,ait efté la Capi- tale de fes Eftats. Delly n*eft maintenant fameufe que par fes ruines. Proche de laVillejil y a vne colóne qui fut mife parAlexandre;auec vne longue infcription. Le Mogol d'aujourd'huy & fes anceftres,qui defcendent de Temurlam ont ruiné toutes les Villes anciennes , & ont deffendu de les rebaftir. Ie ne fçay par quelle raifon , fi ce n’eft qu'ils ayent voulu abolir la memoire de tout ce qu'il y a eu de plus grand & de plus ancien que la puiffance de leur Maifon. Le 23. jarriuay à Afmere, à 209. coffes de Brampour, qui font 418. miles d'Angleterre. Les coffes font plus longues en ces quartiers-là que vers la coftc. Le 10. Ianuiet ; j'arriuay àla Cour à 4. heures apres midy. Ie fus au Durbal, qui eft le lieuoùle Mogol donne Audience aux Eftrangers & à fes Sujets. Ily donne aufli les ordres pour le gouuernement de fes Eftats. Deuant que de vous décrire ma reception, ie diray quelque chofe des façons de faire de cette Cour. Il my a que les Eunuques qui entrent dansles Apartemens du Roy. Ses femmes y font la garde armées de toutes fortes d'armes. “Tous les matins le Mogol fe pre- fente à vne feneftre tournée vers l'Orient, appellée le Iarneo. Elle a veué fur vne grande place qui eft deuant la porte de fon Palais, où tout le peuple fe rend pourle voir. Sur le midy il y retourne, & y demeure quelque-temps pour voir les combats des Elephans & des beftes fauuages. Les perfonnes de condition de fa Cour font au deffous de luy fur vn échaffaut. Au fortir du larneo , il fe retire Ville de Chitor. RannaPriü- ce de la ra: ce de Porus» Cour du Mogol. dans les appartemens des femmes. Apres midy il y retourne, & furles hui@&heu= , rcs. Apres foupper il defcend au Gouzelcan, qui eft vne grande Cour ; au milieu. de laquelle il y a vntròne éleué de pierre de taille , fur lequel il faffied , ou bien, fur yne chaife qui eftà cofté du throfhe. Il n'y a que des perfonnes de grande qualité qui y foient admifessmèmes entre celles-là il n'y ena pas vne qui y ofe ene trer fans y eftre appellée. On n'y parle point d'affaires d'Eftat , & elles fe traitent toutes au Durbal, ou au larneo , comme nous auons dit. Les refolutions les plus importantes, fe prennent en public, & fenregiftrent de mefme. On peut voir ce Regiftre pour vn tefton ,fion ena la curiofite. Ainfile menu peuple fçait autant des affaires du Prince que ceux de fon Confeil, & chacun fe dóne la liberté de les sxaminer & céfurer felon fon fentimét. Tous les jours fe paffent de la mefme ma: E E 5 " REV PS FX 3 +* B Audiance de Rhoë. io MEMOIRES DE THOMAS RHOE, niere.LePrince ne máque point à fe trouuer en ces lieux;f'il n'eft yvre ou fil n'cft malade.Encore dans ces rencórres;faut-il qu'il le faffe fçauoir.Ses Sujets sór bien fes efclaues ; mais de fon cofté , il eft oblige enuers eux , de fafiujertir à ces heures a& d’obferuer ces couftumes fi precisement; que fil auoit manqué vniour à fe faire voir, fans rendre raifon de ce changement, le peuple fe foù- leueroit, & il n'y a rien qui le puifle excufer fil y manque deux fois de fuite. Quand la necefhté Py oblige, il faut qu'il falle ouurir fes portes, & qu'il fc mon- tre à quelques-vns d'entr'eux pour fausfairc les autres, Le Ieudy ; il rend les Iu- gemens au Iarneo. Il entend patiemmentles plaintes des moindres de [es Sujets, & prend quelquesfois trop de plaifir à voir les fupplices des criminels, qui font cxecutez parfes Elephans. Mais pour en reuenir à ma premiere audiance , ie fus conduit au Durbal. A l'entrée de la premiere balluftrade , deux de fes principaux efclaues vinrent au deuant de moy pour me conduire àl'audience.Tl'auois deman. dé la permiflion de luy rendre mes refpeëts & mes foùmiflions; àla maniere de mon Pays. On me l’auoit accordé. En entrant dans la premiere balluftrade , ie fis vne reuerence ; dans la feconde , vne autre; & vne troifiéme , quand ie me trou- uay au deffous du lieu où eftoit le Roy. Ce Durbal eft vne grande Cour, où tou- ces fortes de gens fe rendét. Le Roy eft affis en vne petite gallerie ou loge,éleute au deffus du rez de chaufsée de la Cour. Les Ambaffadeurs , les premiers de fon Eftat,& les eftrâgers de códition,font admis dans l'enceinte d'vne balluftrade qui eft au deffous du lieu où il eft. Le plan de cette balluftrade eft éleué vn peu plus haut que le refte de la Cour; & tout l'efpace qu'elle enferme, eft couuert parle haut de grandes pieces de velours , & le plancher de beaux tapis. Les perfonnes de códition mediocre font dans la feconde balluftrade. Le peuple n'y entre point, & eft dans vne Cour plus baffe ; mais difposée en forte , qu'ils peuuengrous voir le Roy. Cette maniere de feance a beaucoup de reffemblance à vn theátre. Les principaux de fon Eftat y font placez comme les Acteurs dvne Comedie fur vne Scene, & le peuple plus bas comme dansle parterre. Le Roy preuint mon Inter- prete qui eftoit fort groffier , & me dit; Tu fois le bien-venu, traitant dans la fui. tc du difcoursle Roy d'Angleterre de frere. Ie luy prefentay les Lettres du Roy mon Maiftre , traduites en la langue que l'on parle dans les Eftats du Mogol : ma Commiflion qu'il examina curieufement, & enfin, les prefens qui furent fort bien regeus.Il me fit quelques queftions; & me témoignant cftre en peine de ma fanté , il m'offrit fon Medecin, & me confeilla de garder la maifon jufques à ce que j'euffc repris mes forces.Que fi das ce temps-là jauois befoin de quelque cho- fe ,ie pouuois librement le luy faire fçauoir , auec affeurance qu'elle me feroit accordée. Il me licentia auec plus de demonftrations de faueur , qu'il n'en ait iamais fait aux Ambaffadeurs du Turc, du Perfan, ny de quelqu'autre Prince que ce foit. Au moins و‎ les Chreftiens qui eftoient là prefens, en faifoient ce juge- ment. Le 14.j'enuoyay versle Prince Sultan Coronne fon troifiéme fils , felon le rang de la naiffance, mais le premier dans la faueur du pere. Ie luy fis fçauoir que ie fouhaitois de luy rendre vifite , ne doutant point qu'il ne me dút receuoir fe- lon ma qualité. Ie crús eftre obligé de faire demander l'Audience en ces termes, car j'auois efté aduerty qu'il eftoit ennemy de tous les Chreftiens. Il me répondit que ie ferois le bien-venu , & que ie receurois de luy les mefmes fatisfactions que jauois receu£s de fon perc. Il eft Seigneur de Suratte;noftre principale refidence; & pour cette raifon, il importoit beaucoup d’auoir fa bien-veillance & fon appuy. Le 22. ie luy rendis ma vifite furle midy , qui eftle temps auquelil donne Au- diance , & fe fait voir aux gens de fa Cour. Il eft fier de fon naturel, & j'apprehen- dois pour le traitement qu'il me deuoit faire,Ie ne [gay quelle rencontre l’empef. cha de venir ce jour-là au Durbal ; mais fi-toft qu'il fçeut mon arriuée ,这 enuoya vn de fes principaux Officiers au deuant de moy. Cét Officier me conduifit dans vnlieu où perfonne anant moy n'auoit efté admis , & m'entretint fur le fujet de AVPRES DV MOGOL: ii nes affaires durant vne demie-heure , en attendant que le Prince fuft vifible. JI furuint comme nous parlions ; il me traita encore mieux qu'il ne m'auoit pro- mis. le luy fis vn prefent, que Paccompagnay d'excufes , que le Roy mon Mai- ire ne {çauoit pas qu'il fuft Seigneur de Suratte , mais que ie ne doutois point que fa Majefté ne luy en enuoyalt vn digne de luy : que pour celuy-là ; ie le priois de le receuoir comme vn refpect que luy rendoient les Marchands, qui fe recom- mandoient à fa faueur & à fa protection. Il le receut en bonne part; ie luy fis en fuite quelques plaintes du mauuais traitemét que fes Officiers nous auoient fait à Suratte, & luy dis que le refpe& que jauois pour luy m’auoit empefché d'en faire mes plaintes au Roy fon pere. Il me promit d'en faire vne própte juftice,& d'efta- blirnoftre feureté dans cette place ,en nous accordant toutes les conditions que nous pouuions fouhaiter de luy, m'affeurant qu'il ne fçauoit rien de ce qui Peftoit .pafsé , que ce qu'il en auoit appris parle moyen d'Afaphchan qui l'en auoit infor: més fur tout, qu'il ne fçauoit rien du commandement qu'on nous auoit fait de artir de la Ville: qu'il falloit que le Gouuerneur l'euft fait de fon chef, sz qu'illuy en répondroit. Sur cela, il me congedia, & me laiffatont plein d'efpe- rance , qu'ils’eftabliroit la reputation de nos affaires; que ces mauuais traitemens nous auoient fait perdre à Suratte ; ὃς cela par le moyen d'vn Firman qu'il me promettoit. Le 24. ie fus trouuer le Roy au Durbal; Comme il me découurit de loin , il ane fit figne de la main que ie n'auois que faire de demander audiance , & que ie pouuois fans autre façon m'approcher de luy. Il me fit donner place au def dus de tous ceux qui y eftoient. l'ay toufiours crú depuis , me deuoir conferuer la -poffeffion de cette place. La couftume eft , que tous ceux qui ont affaire àluy, Juy doiuent faire quelque prefent. Ceux qui ne peuuent pas en approcher و‎ luy enuoyent leurs prefens , & les luy monftrent, les éleuant au deflus de leurs teftes, quand le prefent ne vaudroit pas plus d'vn écu. Ie luy fisdonc vn petit prefent, qu'il confidera auec beaucoup de curiofité ; & apres m'auoir fait plufieurs que- ftions fur le fujer de ce prefent , il me demanda; Que voulez-vous de moy ? Iufti- ce luy répondis-je , fur l'affeurance du Firman que voftre Majefté a enuoyé en Angleterre au Roy mon Maiftre. Il n'a pas fculement donné permiffion à fes Su- Jets, de faire vn filong & fidangereux voïage , & d'apporter leurs biens & leurs marchandifes dans vos Eftats ,il m'a encore enuoyé exprés vers voftre Majefte, pour luy témoigner la joye qu'il a de l'amitié qui comence à f'eftablir fibeureufc- «ment entre deux Nations fi puiflantes. Cependant ie trouue que les Anglois qui «font à Amadabas, recoiuent tous les jours mille mauuais traitemens en leurs per- Sonnes & en leurs biens.Le Gouuerneur de ce lieu leur impofe des chatges extra- ordinaires,lcur fait des auanies, les met dansles prifons. En chaque ville de ce Gouuernement on leur fait payer de nouuelles Doüanes des marchandifes qu'ils portent à Suratte , & cela contre toute Juftice & contre les articles du commerce arreftez cy-deuant. Il me répondit qu'il en eftoit fafché,quil y apporteroit reme- de, & donna ordre fur le champ pour deux firmans fort exprés & dreffez enla ma- iere que ie pouuois defirer : L'vn Padrefía à Amadabas pour nous faire rendre Targent que le Gouuerneur auoittiré de Mr Kerridge , & pour luy faire fcauoir qu'il eut à traiter noftre Nation auec plus de douceur. Le fecond portoit , que l'on ne nous demandaft d'orefnauant aucune Ga- belle; & que fi l’on nous en auoit fait payer aucune parle palle ,on εὖτ à nous rendre.ce quePon aufoit exigé de nous, & nous fatisfaire. Il adioufta que fi le Gouuerneur n'y apportoit promptement remede , ie luy en fifle de nouucau mes plaintes و‎ & qu'il enuoyeroit expres fur les lieux vers le Gouuerneur pour luy en faire rendre raifon. Ie fus congedié la deffus : Le premier jour de Decembre ,ie fus voir vne maifon de plaifance , que Afaphchan auoit donnée au Roy. Elle eft. Maifoa de à deux miles dAfmere entre deux roches fort hautes, quila couurent tellement plaifance, | E ang Fefte du Nou-roux. 1 MEMOIRES DE THOMAS RHOE, du Soleil, qu'à peine y trouue-on yn endroit d’où on le puiffe voir. La roche tail- lée en quelques endroits,fert de fondemét & de muraille ; le refte eft de pierre yi- uc auec vn petit Jardin qui a cinq fontaines & deux grands cítangs , dont l’yn eft de 30.marches plus éleué que l'autre. Le chemin pour aller à cette maifon,eft forc eftroit ; & vnc ou deux perfonnes tout au plus y peuuent paffer de front. Ce che- min eft fort roide & ferré , c'eft vne folitude tres-agreable & tres-feure. On n'y trouue point d'autre compagnie que celle des Pans fauuages , des Tourterelles, & autres oyfeaux & des Singes , que l'on void detous coftez fur les pointes de ces * rochers. Le 2. de Mars dés le foir, on commenga la Fefte du Nou-roux. Ils ont coú- tume de folemnifer par cette Fefte , le commencement de leurs années. La cere- monie Pen fait ordinairement à la premiere nouuelle Lune de Pannée. Les Per. Voyezledif- fans font le mefme ¡our vne femblable ceremonie. Nou-roux en leur langue fi- cours fur le voyage par en haut, gnifie neuf iours, parce quanciennement cette Fefte ne duroit pas dauantage; maintenant elle dure dix-huit iours. On auoit éleué vn thróne quatre pieds plus haut que la Cour du Durbal : Pefpace d'entre ce trône & le lieu par lequel le Roy doit entrer eft vne eftrade de 56. pieds de long, & de 45. de large, fermée de balluftrades des deux coftez , & couuertes de draps d'or, de foye , & de velours, joints enfemble , & qui eftoient fouftenus par de groffes cannesreucítués de mel. me eftoffe. Au bout de cette place , eftoient les portraits du Roy d'Angleterre, de la Reyne , de Madame Elizabeth, des Comteffes de Somerfet & de Salisberry, ᾿δζ celuy de la femme d'vn Bourgeois de Londres. Au deflous de ces portraits, eftoit celuy du fieur Thomas Smith Gouuerneur de la compagnie des Indes Orientales. On auoit eftédu fur cette eftrade des tapis de Perfe d'vne grande lar- geur. Dans cette place eftoient toutes les perfonnes de qualité de la Cour, exce- pté fort peu qui eftoient dans vne autre petite efpace , enfermé de mefme d'vne balluftrade ; mais tout deuant le tróne du Prince pourreceuoir de plus prés fes commandemens. Dans cette petite place , onauoit mis en parade plufieurs curjo- fitez de prix, & entr'autres vne maifon d'argent. Du cofté gauche, eftoit le pa- uillon du Prince Sultan Cofronroé; les pilliers qui le fouftenoiét eftoient couuerts d'argent , comme auffi ceux qui eftoient proche du trône du Roy. La forme de ce thróne eftoit quarrée , les quatre pilliers portoient vn Daix de drap d’or;la frange ou crépine de ce Daix , eftoit enfilée de perles fines, & d'efpace en efpace il y auoit des Grenades, des Poires , des Pommes, & autres fruits d'or maffif. Le Prince eftoit aflis fur des couffins couuerts de perles & de pierres precieufes. Les premiers de fa Cour auoient drefsé leurs tentes le long de la Cour du Durbal. La plus grande partie de ces tentes eftoient de taffetas, lesautres de damas, & quel. ques-vncs couuertes de drap d'or, mais en petit nombre. Ils étallenttoutes leurs - richeffes fous cestentes. Le Roy anciennement auoit accoütumé d'entrer dans chaque tente,& d'y prendre ce qu'il luy plaifoit. Maintenant il reçoit en fa place, les prefens & les eftreines que chacun des grands luy porte. Il paroift en public, & vient au Durbal à fon heure ordinaire , & Pen retourne de mefme. On luy fait là routes fortes de prefens ; & quoy qu'ils ne foient pas peut-eftre fi grands qu'on vous l'a rapporté autrefois, ils ne laiffent pas d'eftre beaucoup au deffus de tout ce qui fe pratique ailleurs. Le Roy en recompenfe des prefens qu'il a receu, avan» ce fes Courtifans dans les charges qui font vacantes, & augmenteles appointe- mens qu'illeur donne. Le 12. j'allay à l'audiance du Roy و‎ où ie luy fis mon prefent qu'il attendoit, & : qu'il receut auec beaucoup de fatisfaétion. Il commanda qu'on me fit entrer dans fa balluftrade , afin que ie peuffe eftre plus preft de luy. Mais comme on ne me permit pas de monter fur l'eftrade où eftoit fon trône , ie ren voyois qu'vne par- tie, à caufe que la balluftrade qui le fermoit par deuant eftoit haute , & couuerte de tapis. Ic nc laiflay pas à la fin d'en voir la partie la plus enfoncée. Onne peut —— CÓ τς ueno —À— A VPRES DV MOGOL. 13 pas dire que le dedans ne fuft richement paré ; mais il Peftoit de tant de diuerfes pieces , & qui auoient fi peu de rapport l'vne à Pautre , que ce mauuais ordre en diminuoit beaucoup l'éclat.Il fembloit qu'ils euffent prisa tàche de monttrer en ce lieu tout ce qu'ils auoienr de plus riche , fans confiderer fi ces pieces deuoient eftre miles en parade en vne femblable Fefte. L'aprefmidy , le fils de Ranna fon nouueau vaffal , fe prefenta deuant luy auec beaucoup de ceremonie , fe mettant à genoux trois fois, & frapant la tefte contre terre. Son pere l'auoit enuoyé auec vn prefent. On le fit entrer dans la petite balluftrade. Le Roy en le remer- ciant , luy preffa la tefte entre fes bras. Son prefent eftoit vne grande caiffe toute d'or;onle mena en fuite yersle Prince. On fit paroiftre ce jour-là quelques Ele- phans , & quelques courtifannes finirent la réjouyffance de certe Fefte parleurs fauts & par leurs danfes. | Lezo.furle foir,ie fus au Guzalcan,qui eft le lieu le plus propre pour parler d'af- faire; ie menay auec moy l'Italien;eftat bien refolu de ne demeurer pas dauátage dans l'incertitude où j'eftois , mais d'apprendre du Roy mefme ce que ie deuois attendre , ayant efté toufiours jufques alors remis & refufé. On me fit entrer auec mon vieil Agent ou Fa&eur : pour mon Interprete, on ne luy permit pas d'entrer, & cela par l'addreffe d'Afaphchan qui auoit peur que ic ne diffe quelque chofe qu'il n'auoit pas enuie d'entendre. Quand ie me prefentay deuant le Roy , on me fit place vis-à-vis de luy. Il m'enuoya demander plufieurs chofes fur le fujet du Roy d'Angleterre, & du prefent que ie luy auois fait le ¡our precedent. Ie ré- pondis à quelques-vnes , mais enfin ie leur fis entendre que ie ne fçauois pas af fez bien parler Portugais, pour fatisfaire à fa Majefté fur fes demandes, fil'onne faifoit entrer mon Interprete qui eftoit dehors. Onle fit entrer mal-gré Afaph- chan, ie luy commanday de dire au Roy que ie defirois l'entretenir. 11 répondit qu'il m'entendroit volontiers : le fils d Afaphchan ne luy en laiffa pas dire dauan- tage , & le tira par force. Cependant que ceux de fa faétion Peltans mis deuant moy, m'empefchoient de me faire voir du Roy, & mon Interprete d'en appro- cher. Ie commanday à mon Interprete d'éleuer fa voix, & de dire au Roy, que ie luy demandois audiance. Ille fit; ie fus appellé, & ils furent obligez de me faire place. Afaphchan eftoit à vn des coftez de mon interprete , & moy à l'autre. Ce- pendant que ie luy failois entendre ce qu'il deuoit dire, Afaphchan tafchoit de l’embarraffer en l'interrompant : ie luy commanday de dire qu’il y auoit deux mois que i'eftois en cette Cour; que r'auois 2116م‎ vn de ces mois dans yne mala- die faícheufe ; que l'on m'auoit fait paffer l'autre en ceremonie , & que cepen- dant on rrauoit rien executé des chofes pour lefquelles le Roy mon Maiftre m'a- uoit enuoyé; qui eftoit de conclure vne conftanre amitié entre les deux Nations, d’eftablir la feureré du commerce, & de la refidence des marchands Anglois qui y viendroient trafiquer. Sa refponfe fut que la chofe nvauoit defia efté accordée. Ie repliquay qu'on me l'auoit accordée en effect, mais auec des conditions, ou onereufes, ou mal expliquées ; & que la chofe eftant de cette importance, il en falloit mieux expliquer tous les articles, & les faire executer par quelque autre voie que celle des firmans , qui font des ordres qui fe donnent de iour à autre, & - qui auffi font executées felon les temps. Il me demanda quel prefent ie luy appor- terois, ie luy refpondis que noftre trafic ne faifoit encor’ que de commencer; qu'il eftoit mal eftabli , mais qu'il y auoit quantité de curiofitez dans nos país que le Roy luy enuoyeroit,& que les marchands en feroient chercher de tous coftez, fil leur accordoit auec fa protection vn commerce tranquille & affeuré:Que cet- te prote&tion leur eftoit fort neceffaire , puis qu'ils auoient efté mal traittez en plu&eurs rencontres : Il me demanda de quelles fortes de curiofitez i’entendois parler, ἢ c'eftoit de diamans ou de quelques autres pierres precieufes. leluy re- pliquai que ie ne croyois pas que ces fortes de curiofitez qui venoiét d’yn país dót ll eftoit le maiftre,fufsér propres pour luy faire vn presét;que ie ووه‎ de troy» 1y Audiance au Guzal- Can, 14 MEMOIRES DE THOMAS RHOE, uer pour fa Majefté les chofes qui n'auoient point encore efté veués dans fes E- ftats ; comme d'excellentes peintures , de belles fculptures, & de belles figures de fonte ou de pierre; de belles broderies, de riches eltofres a'or & d'argent. il dit que cela e ftoit bien, mais quil aimeroit micux vn cheual Anglois; le luy ref pondis qu'il cftoit impollible de le faire venir par mer, & que par terre le Turc ne le permettroit pas ; 11 me repliqua que la chofe n'eftoit pasimpotlible par mer : Ie luy expofay la difficulté qu'il y auoit à caufe des tempeftes & de la longueur de la Nauigation ; il me dit quc fil'on en mettoit fix dans vn vaifleau , il Pen pourroit fauuer quelqu'vn; & que quand meíme il feroit fort malgre, On trous ueroit bien le moyen de l’engraiffer. Ie continuay de luy dire que ie ne croyois pas que cela peúr reüffir, & que neantmoins pour fatisfaire fa curiofité i'efcrirois en Angleterre, & que Pon en fcroitl'experience. Il me demanda ce que ie you lois de luy ; ie luy dis que ie le voulois prier qu'il luy pleút m'accorder quelques conditions raifonnables , que ie croyois neceflaires pour mieux eftablir noftre li: gue,la feureté de nos persones, & la liberté du cómerce de ceux de noftre Nation; que cela leur eftoit tout à fait neceffaire apres auoir efté fifouuent mal traittez; que la chofe ne pouuoit pas demeurer en cet eftat ; que ie n'entrerois point dans le detail de ce qui f'eftoit paffe, efperant que par d'autres moyens on y mettroit ordre. A ces mots Afaphchan fauanga pour pouffer moninterprete, mais ie le retins, luy laiffant feulement la liberté de le menacer par fignes. Le Roy fe mit en colere, dit qu'il vouloit (cauoir qui nous 21101 fait tort, & cela auec tant de fu- rie, que ie creus ne deuoir pasl'exciter dauantage. Ie commanday à mon in. terprete , en mauuais Efpagnol, de dire que ie ne voulois point importuner fa — ined pour les chofesqui feftoient paffées, mais que ie m'addrefferois au Prin- e fon fils pour en tirer juftice , ne doutant point qu'il ne fuft fort bien intention- né enuers nous, & fort difpofé à nous la faire. Le Roy n'attendit pas que mon in- terprete eu 人 tt acheué, mais comme il nommoit fon fils, il fimagina que ie me plai- gnois de luy, il repeta deux fois mio filio, mio filro.& le fit appeller. Il vint en fin, la peur & la fumiflion eftoient peintes fur fon vifage. Afaphchan trembloit aulfi , & tous ceux qui eftoient prefens eftoient fort eftonnez. Le Roy traita fort mal le Prince qui fexcufoit du mieux qu'il luy eftoit poflible. Pour moy connoiffant l'e- quiuoque que le Roy auoit prife ,ieluy fis entendre par le moyen d'vn Prince Perfan qui euftla bonté de fuppléer au defaut de mon interprete, qui ne parloit pas fort bien la langue Perfane , & de faire connoiftre qu'il feftoit mal expliqué, ie remis l'efprit du Roy & du Prince, en difant que ie n'auois iamais fongé à ac- cufer le Prince, mais que ie pretendois (culement avoir recours à uy pour me fai» re juftice dans les chofes qui fe pafferoient dans fon Gouuernement. Le Roy ap- prouua la chofe, & luy commanda de l'executer. Le Prince dit pour fa fatisfa- &ion,qu'il m'auoit offert vn Firman que i'auois refufé, me preffant de dire quelle raifon J'auois eu de le refufer. Ieluy refpondis que ie le remerciois de cet offre, mais qu'il fgauoit bien qu'il contenoit des conditions que ie ne pouuois pas acce- pter; que ie prefenterois vn memoire danslequelie mettrois toutes les demandes que i'atfois à leur faire de la part de mon Maiftre,afin de n'eftre point obligé tous les iours à leur venir faire de nouuelles plaintes , & qu'en mefme temps ie m'en- «gagerois dela part de mon Maiftre à correfpondre à ce bon traitement » & ceux de noftre Nation à les contenter dans les chofes qu'ils pourroient raifonnable- ment attendre d'eux. ἷ Que pour cet effect ie ferois dreffer trois copies dvn mefme Firman; que Sa Majefté en figneroit vne fi elle l'auoit pour agreable , que le Prince figneroit l'au- tre , & moy la troifiéme aunom de mon Maiftre. Le Roy me preffa de luy dire quelles efto:ent Ies conditions du Firman du Prince;aufquelles ie ne voulois point m'affujettir. le les dis, & l'on fe mit à difputer là deffus auec chaleur; Mocrebchan "prenant la parole, dit qu'il ne pouuojt abandonner l'intereft des Portugais, & fe AVPRES DV MOGOL. 15 mita parlcrauec mépris de noftre Nation, & à fouftenir que le Roy ne figneroit jamais aucun article àleur defauantage. Ie répondis que mes propofitions n'al- loient point contre la Nation Portugaife,mais bien à deffendre la juítice de nos in- terefts, & que ie maurois pas crú qu'il euft efté fi fort engagé dans les leurs. Les Iefuites & ceux qui tenoient le party des Portugais, appuyerent tant furce difcours de Mocrebchan, que le fus obligé de m'expliquer plus amplement dans les chofes qui les regardoient. Cét éclairciffement fut en fubftance , de leur offrir vne paix conditionnelle , & de leur témoigner que leur amitié ou leur haine nous eftoient prefque indifferents. Le Roy prit la parole, & dit que mes demandes eftoient Juites , ma reponfe genereufe , & me preffa de faire mes propofitions : Afaphchan qui auoit efté müet pendant tout ce difcours , & qui auoit de l'impa- tience d'en voir la fin, prit la parole, & dit que quand mefmes nous difputerions . toute la nuit, il faudroit enfin que la chofe en vint à ce poinét , de mettre mes دعل‎ mandes par écrit, & deles prefenter au Roy. Que fi elles eftoient trouuées raifon- nables le Roy les figneroit. Le Roy prit la parole, & dit que oüy. Ie témoignay fouhaiter la mefme approbation du Prince. Il me répondit qu'il le feroit. Le Roy fe leua ; & comme ie continuois à parler, il fe tourna vers moy, & ic luy fis dire par mon Interprete, que le iour precedent j'eftois venu pour voir Sa Majefté , & les ceremonies de la Fefte. Que j'auois efté placé affez proche de luy و‎ auec beaucoup d'honneur à la verité ; mais aucc ce regret toutefois , de n'auoir pú bien voir toute cette magnificence. Que ie priois Sa Majefté pour cette raifon , de me per- mettre d'eftre vne autre fois auprés d'elle proche de fon trône. Le Roy comman- da à Afaphchan , qu'en ce rencontre on me laiffatt choifir la place où ie voudrois eftre. : Le 14. j'enuoyay au matin chez Afaphchan , pour luy faire comprendre que le Roy feítoit fafché fur vne équiuoque, par la mauuaife expreflion de mon In- terprete ; que mon intention n'auoit point efte de me plaindre du Prince ny de luy; que ic n'enauois eu aucune pensée. Mais que j'auois efté obligé de luy faire voir que ie ne voulois point me feruir dauantage de fon entremife و‎ pour parler au Roy de mes affaires; & que fil continuoit fon procedé à ne rien dire au Roy de ce que ic luy difois , & de ne luy en rapporter que ce qu'il luy plaifoit , ie trouuerois yn autre entremetteur. le faifois cét office pour les éclaircir de ce foupçon fils l'euf- fent eu encore; & ie m'eftois perfuadé qu'en ayant efté éclaircy 91} auroit toü- jours feruy a rendre le Prince plus fauorableànos pretentions pour Suratte. Sa réponfe fut , que ny luy , ny le Prince, n'auoient aucune raifon de croire que j'euf- fe eu deffein de me plaindre d'eux ; que l'equiuoque eftoit toute éuidente , que pour luy il auoit toufiours aymé les Anglois ; & qu'il conferueroit toufiours les mefmes fentimens pour cux. | Le 26. d’Auril , ie fus auerty que le Prince auoit fait demander au Roy au Dur- bal, par yn de fes Officiers , pourquoy il receuoit fi bienles Anglois ; que ces car- reffes eftoient caufe queles Portugais ne venoient plus à Suratte ; que leur com- merce apportoit au Roy beaucoup plus d'vtilité que celuy des Anglois : que ceux-cy n'y venoient que pour fy enrichir , & n'y apportoient que des marchan- difes de peude valeur? Comme des draps, des épées, & des coufteaux ; au lieu que les autres y apportoient des perles, des rubis , & toutes fortes de pierreries. Le Roy répondit que cela eftoit vray , mais quil n'y auoit point de remede. Ce difcours me fit connoiftre le peu d'affe&tion que le Prince auoit pourl'Angleter- re, & me feruit d'auertiffement d'eftre fur mes gardes , & de fonger aux moyens deme conferuer la faueur du Roy en quoy confiftoit noftre efperance. Ie refolus de ne point diflimuler l'auis que j'en auois , & d'éprouuer fie ne pourrois point mettre dans l’efprit du Roy, vie meilleure opinion que celle qu'on luy vouloir faire prendre de noftre Nation. - Le 22, de May, ie fus au Durbal, & luy fis entendre que jauois Intrigues des Portu- gais pour décrier la Nation Añ= gloife. Il femble que la fuite du Iournal foit icy in- terrompue , & que Pur- chas ou l'Autheur en ait ofté quelque chofe. Alaphchan, 16 MEMOIRES DE THOMAS RHOE, recours à luy , pour retirer des mains. d'vn Italien vn Jeune garcon Án- glois qui feitoit enfuy » & auoit quitté mon feruice , le s Italiens le prote- ccant , & fe feruans de l'authorité de Sa Majefté au grand dés-honneur de noftre N ation.Le Roy donna ordre qu'on nous le remit entre les mains.Le Prince d'ail. leurs qui n'attendoit que l'occafion de nous faire quelque piece, & cela à caufe que ie m'eftois broüillé auec fon fauory , fur vn difcours que nous auions eu en- femble,& que ie luyauois fait entendre que ie ne tarderois pas dauátage d'en fai. re mes plaintes au Roy, perfuada au Roy de faire venir deuant luy ce jeune hom- me. Il vint en effet au Gouzalcan; & fe voyant appuyé du Prince,il eût la hardiefz fe de paffer deuant moy , & de demander au Roy qu'il luy fauuát la vie. Le Ro touché de compaflion , au lieu de me le remettre entre les mains, l'enuoya prifon. nier à Suratte. Le Prince pour me brauer , le demanda au Roy pour fen feruir ; ce qui luy fut accordé , quelques raifons que ie peuffe dire au contraire. Le Prince: luy donna auffi-toft 150. Rupias, & la paye de deux cheuaux , me deffendant d'a- uoir aucun commerce auec luy. Le 23. cejeune hóme me vint trouuer de nuit,fe jetta à mes pieds, & me demáda pardon de fa faute & de fon extrauagáce, foffrant à la reparer par toutes fortesde foùmiflions. Ie luy dis que ie ne voulois point le retenir , puis qu'il eftoit au ferui- ce du Prince; & qu'auant de luy rendre aucune réponfe , ie voulois qu'il me fit vne fatisfaétion publique. Le 24.iltrouua moyen d'entrer au Gouzalcan , où il demanda pardon au Roy de fa fourbe , defauoüant tout ce qu'il auoit dit, adjoü- tant qu'il l'auoit fait pour fe mettre à couuert du chaftiment qu'il meritoit, & fuppliant le Roy de m'enuoyer querir, afin qu'en fa prefence il me عنام‎ demander pardon. Le Roy l'approuuoit affez , mais le Prince en parut fort picqué. Le 25.ie fusau Gouzalcan, le Roy me fit plufieurs proteftations qu'il n'auoit jamais cu la penfce de proteger ce ieune homme ; que c'eftoit vn coquin, mais qu'il n'auoit pas pù moins faire que de le receuoir lors qu'il f'eftoit jetté entre fes bras. Onl'enuoya querir,& il me demanda pardon à genoux , & jura en prefence du Roy qu'il n'auoit pas dit vn mot de verité : qu'au refte il faifoit cette declaras tion volontairement , & fans qu'il luy reftaft aucune efperance de retourner en AngleterresLe Roy luy fit quelque reprimande, & luy dit que ny luy ny perfon- ne de bon fens ne l'auoit creu. Le Prince fechauffa fort; & luy dit plufieurs chofes pour l'obliger à perfifter en fa premiere depofition. Mais il y refifta toújours, & eût ordre de fe retirer. Le Prince le rappella publiquement, & luy commanda auec beaucoup de baffeffe;de luy rapporter les 150. Rupias qu'il luy auoit donnés, difant que cette fomme luy auoit efté donnée pour Pen feruir , eftant hors de mon feruice ; ὃς que puis qu'il auoit fait fa paix, il vouloit que cét argent luy fuft ren- du. Le compagnon luy promit qu'il l'auroit fur le champ;& pour le r'auoir,le Prin- ce enuoya vn de fes Officiers à la maifon où il eftoit logé, car ie n'auois pas voulu fouffrir qu'il miftle pied dans la mienne. Le 27.ie fus obligé de faire femblant d’eftre content, à caufe qu'il ne mereftoit point de moyens pour demander fatisfaétion. Ie n'auois plus de prefens, & le Ro ne reçoit iamais bien aucune requefte , fi elle n'eft accompagnée de quelque re- gale , & il les demande fouuent fans en faire la petite bouche. Le Prince fe feruoit de cét auantage en faueur des Portugais, les preffant d'apporter des pierreries, des rubis , & des perles. Le 29. les Portugais fe prefenterent deuant le Roy, auec yu prefent & vn rubis Balay à vendre ; il pefoit 15. tolles , deux de cestolles & demy font yne once. Ils en demanderent au Roy cinq Leckefde Rupias. Le Roy en of- frit yn. Afaphchan eftoit auffi leur folliciteur. Ils luy firent vn prefent de pierre- ries. Ilsauoient des rubis ballais, des emeraudes , & autres pierreries à vendre’; ce qui les rendoit fi agreables au Roy & au refte de la Cour, que nous n'ofions quafi paroiftre durant ce temps-là. l'auois jugé jufques alors de ce Pays-là fur le rapport d'autruy; mais ié commen- say Fer 0 x 4 v n E AVPRES DV MOGOL. 1 gay alors à connoiftre par experience la difference que l'on y fait entre lesPor- tugais & nous. Toutle monde court apres eux ; aulicu que quand ils acheptent nos marchandifes , ils croyent nous donner l'aumóne. Outre l'auantage qu'ils ont d'eftre voifins du Mogol, ils peuuent encore empefcher le trafic de la Mer- rouge. Noftre trafic n'eft de nulle confideration , fion le compare auec le leur; & il n’y a que l'apprehenfion de nos Vaiffeaux qui oblige le Mogol à nous rece- uoir. M EM e Memoires de ce qui fe palla aux mois de Inin و‎ Imiller, er Aouft 1616. E 12.10ut de Iuin, la refolution fut prife que Sultan Coronne iroit com mander les Armées qui deuoient faire la guerre dans le Pays de Decan.' Tousles Bramenes furent confultez pour le choix du ¡our de fon départ, qu; iut à l'ordinaire arre(té felon leur jugement. Le Prince Paruis eût ordre de venir en Cour. On dit qu'il écriuità fon pere, que fil enuoyoit fon frere aif- nc pour commander fes Armées, illuy obeyroit fans aucune repugnance ; mais qu il y iroit trop de fon honneur fi on luy preferoit Sultan Coronne , & qu'il fe- roit obligé d'en tirer raifon en f'attaquant à fa perfonne , pour aller apres mettre fin à cette guerre. Tousles principaux Officiers fe declarerent qu'ils demande- roient leur congé, fi on les vouloit obliger de feruir fous le General Coronne ; fi grande cftl'auerfion que les gens de guerre ont pour luy. En effet, tout le mon- de le craint plus que le Roy mefme ; cela n'empefchera pas qu'il ne commande l'Armée. Le Roy ne pouuant changer la refolution qu'il en a prife ; il doit partir d'icy dans trois femaines, & la precipitation de ce départ m'obligera à mettre fin à nos affaires, & à tafcher d'en tirer vne refolution finale : Car lors quele Roy fera party auec fon fauory Sulphekcarcon; il n'y aura point de moyen de tirer vii fol de ce qui nous eft dà. . Le18. vn des fils du frere du Mogol,qui f'eftoit conuerty à la Foy Chreftienne, à quoy le Roy l'auoit porté pour attirer fur luy la haine de fes Peuples , eût ordre du Roy de faller mettre fur le col d'vn Lion qu'on auoit amené en fa prefence.La peur qu'en eüt ce Prince, l'empefcha d'obeyr. Le Roy commanda la mefme cho- 1eà fon cadet, qui l'executa ; fans que le Lion luy fift aucun mal. Le Roy prit oc- cafion de là ;d’enuoyer l'aifné dans vn cachot; d’où apparamment il né fortira jamais. Le 24. la femme du Prince Coronne accoucha d'vn fils. Il faifoit cepen- dant fes preparatifs pour la campagne. Tous les Grands le fuiuoient , & luy fai- foientla Cour, non pas par affection qu'ils euffent pour luy ; mais partie par flat- tcric , partie auflià caufe de l’vtilité qu'ils en pouuoient efperer. On luy donna pour fes appointemens la valeur de deux cens mille lacobus;1l commença à en faire largeffe. Mais nonobftantl’affe&ion que fon pere faifoit paroiftre pour luy, vn des principaux Seigneurs du Pays ne laiffa pas d’auertir le Roy quele voyage feroit dangereux ; qu'il pouuoit auoir de fafcheufes fuites. Que le Prince Peruis, dont l'honneur eftoit offense par ce choix , ne reuiendroit jamais fans fen reffen- tir. Qu'ils fe battent, dit le Roy ; j'en fuis content; celuy qui fe monftrera le plus vaillant , continuëra à commander mes Armées; . Abdala-Haffan eft comme Lieutenant general ;il tire de grands appointemens de Cour, & eftle Treforier de l'Armée. Ie le vis auant que de partir. Il me re- €cut auec beaucoup d'honnefteté. Il m'entretint, & fit tirer au blanc fes foldats en ma prefence. La plufpart auec leurs fléches ou leurs moufquets pages d’yne. , Dansl'An- glois, il y a vingt Leks de Rupias. Lek (ignifie cent mille, & laRoupia, vaut enuiro vn écu cing fols de nó- tre mónoye» Abdala- Haffan, Supplice d'vne des filles de la princeffe Normal. 18 MEMOIRES DE THOMAS RHOE, fcule balle, donnerent dansle blanc, qui eftoit de la largeur dela main. Nous nous feparàámes , apres quelques difcours fur l'vfage desarmes dont nous nous feruons cn Europe. me Le 30. deluillet au matin, J'enuoyay à Sultan Coronne trois bouteilles de vin d'Efpagne, & vne Lettre fur le fujet des differens que nous auions auecles Portu- gais pour noftre trafic > 82 pourobtenir la ferme des droits quc neus deuions payer pour les marchandifes. La coppie de cette Lettre cft enregiftréc. Le Princela fitlire deux ou trois fois en public par fon Secretaire ,felon la couftume du Pays, qui eft tour à fait Barbare. Et apresl'auoir interrompu par des queftions qu'il luy fit fur cet- te Lettre, il promit que fur le foir il la liroit luy-mefme ; qu'il la confidereroit, & que fon Secretaire Merze Sorcolla y feroit réponfe, Ce mefme foir , ie fus au Dur- bal pour voir le Roy. Auffi-toft que ie fus entre , il me fit dire par Afaph-chan qu'il auoit appris que j'auois chez moy vn excellent Peintre, qu'il auroit fouhaitté de pou- uoir voir quelque chofe defes ouurages. Ie luy répondis que ie n'auois point de Peintre ; mais bien vnjeune homme Marchand de profeffion , qui faifoit pour fon diuertiffement des figures à la plume , mais fort groffierement , & qu'il eftoit fort éloigné dela perfe&ion d'vn bon Peintre. Le Roy adjoufta que ie ne deuois point apprehender , qu'il ne me vouloit point ofter par force aucun de mes domeftiques ; qu'il ne me vouloit point faire de tort , ny fouffrir que l'on m'en fit, & qu'il fou- haitoitde voir cet homme & de les ouurages, tels qu'ils peuffent eftre. Ie luy dis que jamais ce foubgon ne m'eftoit entré dans la pensée ; & que pour fatisfaire à fon or- dre,ie meneroisce jeune homme au Gouzalcan , qu'il y portetoit ce qu'il pouuoit auoir, cóme,le deffein d'vn Elephant;d'vn Cerf, ou chofe femblable;fur du papier. A cette réponfe ,le Roy fit vne inclination , & me dit que fij'auois la curiofité d'auoit vn Elephant, ou fa figure, ou quelqu'autre chofe qui fuft dans fes Eftats , ie n'auois quefaire de Pachepter, ny chercher d'autres moyens pour Pauoir, que le fien; qu'il me donneroit tout ce que ie pourrois fouhaiter. Que ie luy pouuois parler libre- ment, & qu'il eftoit mon amy. Icluy fisyne rcuerence; & le remerciay tres-hums blement,luy difant que ie ne me feruois point d'Elephant , que ce n'eftoit point la couftume de ceux de mon Pays, encore moins de ceux qui eftoient en ma place de rien demander. Que quand mefme Sa Majefté ne me donneroit que lavaleur d'yn telton ie la receurois, & l'eftimerois infiniment comme vne marque de fa bien-veil- lance. Il me dit qu'il ne fgauoit pas ce que ie defirois, qu'il fe pouuoit faire qu'il cuff dans fon pais des chofes qui cfteient rares en Angleterre; Que ie ne deuois point faire de difficulté de dire ce que i'aurois aimé dauantage, parce qu'il me l'auroit don- né trcs- volontiers; qu'il aimoit ceux de noftre nation;& moy principalement; qu'il nous vouloit proteger enuerstous & contretous; & enfin que ie le vinffe trouuer le foir auec ce jeune homme & fes peintures. A(aph-Chan prit delà occafion de me prier de venir chez luy , & de donner ordre que Pon y fit venir ce peintre; adiou- flant que ie poutrois ainfi attendre plus commodément l'heure à laquelle le Roy deuoit fortir; ie pris ce party. le n'auois point encore rcceu tant de faueur du Roy qu'il m'en fitceiour-là. Toute la Courle رع تاع؟1‎ & changcaen vn moment de ma- nicre d'agir enuers moy ; & il fe rencontra fort plaifamment que le Roy voulut que le Icfüite noftre ennemy fut l'interprete de toutes fes careffes.. Ce iour-là vne da- moifelle dela Princeffe Normal fut furprife auec vn Eunuque dansla maifon du Roy, par vn autre Eunuque qui l'aimoitauffi.Il perga d'yn coup fon riual. Pour la fille elle fut enterrée iufques aux aiffelles ع1‎ bras attaché à vn poteau, & condamnée à دعل‎ meurer là trois iours & deux nuiéts fans receuoir aucune nourriture, la tcfte & les bras expofez à la chaleur du Soleil ; fi elle ne mourroit point dans ce temps-là on luy pardonnoit (a faute.L'Eunuque fut condamné à eftre mis en pieces parles Elephans: On trouua que cette damoifelle auoit en perles, en pierreries, & en argent, pres dc deux millions d'or. Le 22.ie receus des lettres de Brampour, enrefponfe de celles que i'auois ccrites y A B ١ ١ RR E AVPRES DV MOGOL. 19 à Mahobet Chan. Il m'auoit d'abord accordé ma priere, & vn Firman bien exprés pour le Gouuerneur de Baroch , luy commandant de reccuoir auec ciuilité ceux de noítre Nation , & de leur donner vne maifon proche de la fienne , auec deffenfes que perfonne ne nous fift aucun tort, ny par mer ny par terre; qu'on n'exigeaft de nous aucune impofition , & que l'on ne nous fift aucune auanie fous cc pretexte ; Qu'enfin on nous 1214121112 liberté d'achepter , vendre & tranípor- ter toutes fortes de marchandifes , fans aucun empefchement ; Qu'il ne luy efcri- uit pas dauantage fur ce fujet , mais qu'il eût à executer ponctuellement cét ordre. Ic receus en mefme temps vne lettre de Mahobet , qui en vía en cela plus ciuilement que nauoient fait les autres Indiens. Cette lettre cftoit pleine de ciuilitez & de marques du refpcét qu'il auoit pour moy, m'affeurant qu'il defiroit me contenter , & que ic n'auois qu à luy faire connoître les chofes queie fouhaitte- rois de luy, pource qu'il le feroit auec foin & plaifir. Les copies de ces lettres meri- tent d'cftre νοις, a-caule que la phrafe & les expreflions en font extraordinaires. Par cc moyen,la ville de Baroch fera noftre azile, & vne bonne retraite pour nous mettre à couuert de l'oppreffion du Prince و‎ & cette exemption des droits que payent les marchandifes nous épargnera bien par an la valeur de 1500. Iacobus ; fans compter les extorfions & recherches qui fc font en faifant payer ces droits. Pour ce quieft de l'execution de ce qu'il nous promet;perfonne n'en doute icy. Tout le monde fçait qu'il ne fe foucie point du Prince, qu'il ne l'apprehende point, & qu'il na befoin de l'affiftance de perfonne, eftant vn des plus confiderés du Pays, & peur-eftrele feul quele Roy aime. Du refte ; ila toufiours efté fi liberal & fi reli- gicuxàobíeruer fa parole , qu'il en eft eftimé de tout le monde. Le Roy ne prend au- «cun de ces droits. Les Gouuerneurs en font leur profit, & Mahobet difoit hautemét qu'il y va de la reputation de fon Maiftre, de vendre ainíi la liberté qu'il promet à ceux qui hantent fes Ports. Le 6. d'Aouft, on m'enuoya querir pour venir au Dur- bal, fur le fujet d vne peinture que j'auois depuis peu donnée au Roy, l'affcurant qu'il ny auoit perfonne aux Indes qui en pút faire vne femblable. Auffi لامع‎ que ic fus arriué; Que donnerez-vous, dit-il, au Peintre qui en a fait vne coppie fi femblable, que vous ne la pourrez pas difcerner d'auec voftre Original.Ce Peintre;répondis-ie, aura 20. piftoles. Le Roy repliqua, il eft Gentil-homme , & ce que vous luy promet= tez eft crop peu de chofe. Ie donneray ma peinture de bon cœur, dis-je alors, quoy que ie l'eftime tres-rare , ne pretendant point au refte faire de gageure. Car fi voftre Peintrea fibien reüffi, & qu'il nefoit pas content dela recompenfe que ie luy don- neray , Voftre Majefté adequoy le recompenfer. Ainf apres plufieurs traits de rail- lerie,fur le fujet des Arts qui fe pratiquent en ce Pays+la,il fe mit à me faire des que- ftions , me demandant combien de fois ie beuuoisen yniour, combien à chaque fois, & quel eftoit monbreuuage ; ce que ie beuuois lors que j'eftois en Angleterre ;ce 4 que ceftoit que de la bierre ; comment onla fait, & fij'en pourrois faire en fon Pays. Ie répondisdu mieux qu'il me fut poffibleà toutes ces demandes importantes. Sa conclufion fut, quc ie retournerois au Gouzalcan,& que là il me feroit voir les pein- tures. Sur le foir il m'enuoya querir , dans l'impatience de triompher de l'excellence de fon Peintre. Il me monftra fix peintures entre lefquelles eftoit mon Original. Elles cítoient toutes fur vnetable, & fi femblables, que ic fus affez empefche de le difcerner à la chandelle d'auec les copies; & il faut que ie confeffe que ie ne croyois pas qu'elles peuffent en approcher de fi prés. Ic ne laiffay pas de luy monftrerl'Oriei- nal;& de luy faire remarquer la difference qu vne perfonne vn peu intelligente dans les chofes de l'Art , n'auroit pas eu peine à connoiftre. Il ne laiffa pas d’eftre fort ré- jouy , de ce qu'au premier abord ie n'auois pas connu cette difference, & en fit grand bruit. Ieluy en donnay tout le plaifir,en loüant l'excellence de fon Peintre. Hé bien! qu'en dites-vous,me dit-il: Ic dis queV.M.n'a pas befoin qu'on luy enuoye des Pein= tres d'Angleterre. Que donnerez-vous au Peintre, repris-je? Ie luy répondis , Que puis qu'il auoit furpafsé عل‎ filoin mon attente;ie luy doneroisle ES de ce que ja- Jy L'art de la peinture pratiqué dans les [n= es. E Entretien duRoy auec l'Ambaffi- deur Rhoé Regale que Gemaldin Vffain faità Rhoë, MEMOIRES DE THOMAS RHOE,‏ مه uois promis; & que fil venoit chez moy;ic luy dónerois cent rupias pour achepter vnbider.Le Roy receut bien cela;mais il me dit en continuant,qu'il auroit mieux aymé quelqu'autre chofe que de l'argent ; & il me demanda en fuite quel prefent luy ferez-vous: Ie luy dis que cela deuoit dépendre de ma difcretion. Le Roy en demeura d'accord , mais il voulut neantmoins que ie luy diffe le prefent que ie voulois faire. Ie luy donneray vne bonne épée ; vn piftolet , & vn tableau. Enfin, me ditle Roy, vous demeurez d'accord que c'eft vn bon Peintre, faites-le venir chez vous , monftrez-luy vos curiofitez , ὃς laiffez-le choifir ce qu'il voudra. Ji vous donnera vne de fes copies pour la faire voir en Angleterre , & faire connoiftre à ceux de voftre Pays, que nous ne fommes 2511م‎ ignorans dans cét Art, qu'ils fe l'imaginent. Il me preffa de choifir vne des copies; ce que ie fis: il la prit, l'enueloppa luy-mefme dans du papier, & la mit dans la boéte qui auoit feruy à mon Original, paroiffant fort content de la vi&oire qu'il fuppofoit que fon Peintre auoit remportée. Ie luy monftray vn portrait que j'auois de Sa Maje- fté ; mais il eftoit d'vne maniere bien au deffous de celle du Peintre qui auoit fait les copies. Te luy dis que g’auoit eftélà la caufe de monerreur, & que parce por- traic-la qu'on m'auoit donné pour eftre de la main d'vn des meilleurs Peintres du Pays;j'auois jugé de la capacité des autres. Il me demáda oü ie l'auois eu; Ie le luy dis. Hé , comment, repliqua-il ! vous achetez de femblables chofes ὃ Ne fçauez- vous pas bien que jay ce qu'il y a de plus parfait en ces gére-là,& ne vous auois-je pas dit que ie vous donnerois tout ce que vous pourriez fouhaiter de moy? Ie re- merciay Sa Majefte , luy difant que j'auois crü qu'il y auroit eu del'indifcretion à luy faire de femblables demandes. Il me dit qu'il n'y auoit point de honte à luy demander, qu'il vouloit que ie luy parlaffe toufiours librement, & me preffa de luy demander quelque chofe. le luy répondis que ce n'eftoit pas a moy à choifir; que tout ce qui viendroit de Sa Majefté ,ie le receurois comme vne marque d'honneur. Si vous voulez mon portrait, répondit-il ie vous en donneray vn pour vous, & vn autre pour voftre Roy. Ie luy dis que fi Sa Majefté en vouloit enuoyer vn au Roy mon Maiftre, ie ferois fort ayfe de le luy porter, & que j'eftois affeuré qu'ille receuroit auec plaifir, & l'eftimeroit beaucoup; mais puifque Sa Majefté me permettoit de prendre quelque hardiefle , ie prendrais celle de luy en demander vn pour moy-mefme , que ie garderois & que ie laifferois à ceux de ma maifon , comme yne marque de la faueur que Sa Majefté m'auoit faite. Il repli- qua, voftre Roy ne fen foucie point. Pour vous, 16 vois que vous ferez bien- aife d'en auoir vn, c'eft pourquoy vous l'aurez. Il donna ordre furle champ qu'on m'en fit vn , & fe mit à railler. Apres qu'il eut continué quelque-temps dans cette belle humeur , ie pris congé de luy. Le 12. d'Aouft , j'allay rendre vifite à Gemaldin Vffain , Vice-R oy de Pantan. Ce Gemaldin eft vn vieillard de foixante & dix ans. Il eft Seigneur de quatre Villes qui font dans la Prouince de Bengale ; mais ce qui le rend plus confidera- ble ,c’eftla longue experience qu'il feft acquife dans Ics affaires , ayant efté em- ployé toute fa vie dans les plus grandes Ambaffades & dans les plus importans emplois de cét Eftat. Il a auec cela plus d'efprit & de politeffe, que ceux de fon Pays n'en ont d'ordinaire. 11 m'auoit prié plufieurs fois de le venir voir. Py fus en» fin, & il mc receut auec de grandes demonftrations d'amitié , jufques à m’offrir trente mille piftoles, me disát que ie pouuois difpofer du credit qu'il auoit auprés du Roy, me feruir de fon confeil, 82 de tout ce qui pourroit dépendre de luy. Ces offres venant d'vne perfonne venerable comme il l'eftoit pour fon Âge , me paru- rent fort finceres. En cffet, ie Pay connu depuis pour vn homme d'honneur, & qui cftoit fort genereux. Il m'entretint fort particulierement des fagons de faire du Pays, & de leur efclauage; qu'ils manquoient de Loix. Il me par- la de l'accroiffement de cec Empire, & me dit qu'il auoit feruy trois Roys , auprés defquels il auoit efté en faueur & me monftra vn Liure de l'hiftoire de fon temps A i t AVPRES DV MOGOL. 21 qu'il auoit cóposé,marquant iour par ¡our toutes les chofes qui eftoiét yenués à fa connoiffance. Il m'offrit de m'en dôner vne copic,fi ie la voulois faire traduire. II me parla des reuenus du Mogol,qui cófiftét en cófifcations,en presés, quil exige, & en taxes qu'on leuc fur les perfonnes riches. Il me difoit que le Gouuerneurde chaque Prouince payoit tous les ans au Roy vne fomme, comme fil en eftoit le Fermier : quil donnoit au Roy pour celle de Pantam dont il eftoit Gouuerneur, vn Lek de roupias. Auec cela , les Gouuerneurs ont yne authorité abfoluë de leuer fur les peuples de leur Gouuernement tout ce qui leur plaift, & qu'il tiroit biende profit de fa Prouince, l'entretien de 4000. Cheuaux;c'eftà dire 200000. roupias. Outre ce reuenu , il tiroit du Roy la paye de $000. Cheuaux ; qu'il en auoit 1500. fur pied, & profitoit du refte, comme d'autant de morte-payes. Qu'il auoit encore vne penfion d yn millier de roupias par iour , & les profits de quel- ques autres petits Gouuernemens.Et comme il vid que j'eftois eftonné de la gran- deur de ce reuenu , il me dit qu'il y auoit dans cette Cour plufieurs perfonnes vne fois aufli riches que luy , & qu'il m'en pouuoit bien nommer vne vingtaine qui auoient pour le moins autant de reuenu. Il parloit auec reuerence de la Religion Chreftienne & de Tefus-Chrift, comme dvn grand Prophete :但 conuerfation eftoit folide & fort agreable. Il y auoit defia quelques iours que cette vifite f'eftoit paísée , & ie croyois que fa ciuilité ne deüt pas aller plus auant lors qu'il m'inuita d'allerà vne maifon de plaifance qu'il auoit empruntée du Roy pour m'y regaler. Cette maifon eftoit éloignée d'vn mille de la Ville. Il me prefla fort d'y venir; ce que ie luy promis : & furla minuit, il y alla luy-mefme , y faifant porter fon équipage & fes tentes qu'il fit drefler le long d'vn des coftez de l'eftang. Py fusle matin, & il vint au de- uant de moy auec vne ciuilité extraordinaire ; il me conduifit dans l'appartement qu'il m'auoit fait preparer. Il auoit à fa fuite cent perfonnes de condition qui luy faifoient cortege , entr'autres deux de fes fils. On me dit qu'il en auoit trente ; il m'entretint en me monftrant les lieux où le Mogol fe plaifoit dauantage. Ses ca- binets, où ie vis diuerfes peintures, & entr'autres les portraits des Roys de Fran= ce & d'autres Princes Chreftiens, & beaucoup de fort beaux meubles, me difant que pour luy il eftoit vn pauure homme efclaue de fon Roy , qu'il auoit fouhaité de me faire bien pafler le temps; & qu'il m'auoit pour cela engagé à vn mauuais repas; afin , ce difoit-il , que nous peuffions manger enfemble du pain & du fel, ἃς feeler ainfi la promeffe d'yne amitié reciproque ; que dans cette Cour il y auoic beaucoup de perfonnes puiffantes qui m'auroient pú faire plus de complimens و‎ mais que c'eftoient des perfonnes fuperbes & grands fourbes , m'aduertiflant de ne me fier à pas vn d'eux ; que fi jauois des affaires d'importance à traiter auec le Roy, foit qu'elles regardaffent les Portugais ou d'autres, ceux qui me feruiroient d'interpretes n'expliqueroient iamais fidelement mes fentimens; qu'ils parle- roient pluftoft felon leur fens que felon le mien,ou qu'ils ne diroient que ce qu'ils croiroient deuoir eftre receu plus agreablement du Mogol; que par cette raifon ie ne pourrois iamais parler de mes affaires fans y eftre trompé , ny iamais fgauoir au vray en quel eftat j'eftois en cette Cour , jufqu'à ce que 'eufle yn homme de mon Pays qui fceuft parler Perfan , & qui püt expliquer mes paroles fans fe feruir d'vnautre. Que le Roy m'accorderoit volontiers la permiflion de me feruir d'vn Anglois, & quil eftoit fort bien difposé en ma faueur , adjouftant que la nuit pre- cedente on luy auoit porté au Gouzalcan les pierreries du Gouuerneur de La- hor, qui eftoit mort depuis peu. Que le Roy feftoit reffouuenu de moy ,& qu'ayanttrouué entr autres chofes vn de fes portraits , qui luy auoit femblé bien fait , il l'auoit remis entre les mains d'Afaph-chan, luy commandant de me le porter , & me dire que iele gardaffe pour l'amour de luy , accompagnant cét or- dre de plufieurs paroles obligeantes ; ce qui feroit que les principaux dela Cour ic confidereroient dauantage à l'auenir. Là deffus on couurit la table; nous | 1 ne **D ij : Lek fignifie cent mille Roupias, vaut vn peu plus dvn écu 5. fols, Autre rega- le deGemal- din, en vne maifon de campagne, Gemaldin propofe a l'Ambaffa- deur d'en- uoyer vn de fcs Gentils- hommes en Angleterre, Le grand Mogol don- ne à Rhoë fa medaille, 22 MEMOIRESDE THOMAS RHOE, cítions affis fur des tapis; on eftendit deuant nous yne piece de drap, qui fut aufli - roft couuerte dc plufieurs plats ; & au bas , il y auoit vne autre table qui fut feruie en meíme temps, pour des Gentils-hommes de 但 fuite, auec lefquels il alla Paffeoir ; car ils font {crupule de manger auec nous. Ie luy dis à cette occafion , quil m'auoit promis que nous mangerions du pain & du fel en- femble , que ic n'aurois point d'appetit fi ce meftoit en fa compagnie. Il le leua, & fe vint feoir auprés de moy , & nous commengàmes à difner. On feruit d'abord des raifins , des amandes , des piftaches , & autres fortes de fruits. Aprefdiné il fe mit à joücr aux Efchets. Ie m'allay promener durant ce temps-là ; & eftant retourné , ie vins prendre congé de luy ; apres vn peu de conuerfation, il me dit qu'il m'auoit prié de venir manger chez luy; que ce qui f'eftoit pafsé n'eftoit qu'vne collation , que.ie ne m'en retournerois point que ie n'euffe foupés ce queie luy accorday fort aisément. Vne heure apres , vn des Ambaffadeurs du. Roy de Decan luy vint rendre vifite ; il me le prefenta , & luy fit beaucoup de ci- uilité و‎ mais beaucoup moins qu'il ne m'en auoit fait. ll me demanda file Roy mon Maiftre ne trouucrroit point mauuais qu'vn aufli pauure home que luy د‎ luy fift offre de fon feruice , & fil pardonneroit à vn eftranger la liberté qu'il pren- droit de luy enuoyer vn prefent ; que fi ie l'approuuois , il enuoyeroit yn Genril- homme auec moy pour faire la reuerence à $a Majefté. Ayant enuoyé querir fur le champ vn de fes Gentils-hommes, il luy demanda fil vouloit fe hazarder à fai. rece voyage; & comme ce Gentil-homme parut refolu d'encourir le rifque,il me le prefenta , & me dit qu'il vouloit faire mettre enfemble quelques curiofitez du Pays pour les enuoyer à Sa Majefté par ce Gentil-homme , qui feroit le voyage auec moy. Ce Gentil-homme me parut à fa mine homme d'efprit. Cependant qué nous paffions ainfi le temps le fouper vint. On étendit deux pieces de drap, comme on auoit fait le matin. On feruit diuerfes falades, diuers plats de viande: roftie , fricaflée & boüillie , & du Rys preparé de diuerfes façons. Il me pria de l'excufer,de ce que la couftume du Pays l'obligeoit à manger auecles fiens,qu'ils auroient trouue mauuais fil en vfoit autrement: & ainfi nous filmes bonne chere, > luy de fon cofté auec les Indiens ; & moy du mien avec mon Chapelain & yn Mar- chand,qui eftoient en ma compagnie. Les viandes n'y furent pas épargnées ¿mais l'ordre & la maniere dont elles eftoient feruies , faifoit encore plus eftimer fa bonne chere. Ses gens faifant chacun leur charge , auec beaucoup de foin & de refpe&.Il me donna pour presét,cóme on fait toufiours en ce Pays-là à ceux qu'on a inuitez , cinq caifles de fucre candy preparé auec du mufc ; vn pain de fu- cre qui pefoit bien 5o. liures , fort fin & aufli blanc que de la neige ; me priant d'en receuoir .هو‎ autres de la mefme façon quand ie m'en irois ; & me dit, Vous faites peut-eftre difficulté de le receuoir à caufe que vous voyez que ie fuis vn pauure homme ; mais vous deuez fcauoir qu'il ne me coufte rien, & qu'il fe fait dans mon Gouuernement. Ie luy répondis que ie luy eftois defia trop obligé ; que ie ne refuferois point cette grace lors que ie ferois preft à partir. Il me répondit qu'il fe pourroit faire qu'il n'en auroit point en ce remps-là, & que par cette rai- fon il me prioit de le receuoir dés cette heure,afin que cette offre ne couruft point rifque de demeurer fans effet. Et enfin,faifant profeflion d’eftre mon pere & moy fon fils, & quelques autres complimens , ie pris congé de luy. i Le feiziéme ie fus voir le Roy ; aufli-toft que i’entray il appella fes femmes, & fic apporter fon portrait ou medaille d'or : Cette medaille eftoit atta- chée à vne chaine d'or, & auoit au bas vne groffe perle en forme de pendant : 11 mit lc portrait entre les mains d'Afaph-Chan , l'aduertiffant de ne m'obliger point à faire d'autres foùmiflions en le receuant, que celles que ie luy rendrois de moy-mefine. Quandils recoiuent quelque faueur du Prince; la couftume veut que celuy qui la reçoit fe mette à genoux, & baiffe la tefte iufqu'à terre: On a- uoit exigé cette foümillion desAmbaffadeurs de Períe,Lors qu'Afaph-Chan m'as | A VPRES/DV MOGOL .. 23 borda, ie me prefantay pour receuoir le Prefent : Il me fit entendre que j'oftaffe mon chappeau, & mir le portrait à mon col; me conduifant deuantle Roy. Ie ne fçauois à quel deflein il le faifoit , mais 1eus quelque crainte qu'il nc vouluft exiger de moy vne foümiflion qu'ils appellent Sizeda. l’eftois retolu de luy ren- dre {on Prefent , pluftoft que de me mettre en cette pofture. Il me fit figne dc re- mercier le Roy, ce queie fis à ma maniere. Quelques Officiers m'aduertirent de faire le Sizeda,mais le Roy dit en langue Perfane, Non, Non, & me renuoya auec beaucoup de paroles fort ciuiles, puis ie m'enretournay cn ma place. Vous pou- uez par là iuger de la liberalité du Prince:Son prefent ne valoit pas en cout trente lacobus; quoy que ce prefent füt de peu de valeur , il eftoit toutesfois plus riche que ceux de ce genre qu'il fait ordinairement, Y que l’on reçoit pour vne faueur tres-grande.Car tous les grands Seigneurs qui portent la medaille du Roy;ce que as vn d'eux n'oferoit faire fil ne Pa receuë du Roy mefme , n’ont qu'vne me- daille de la grandeur d'vn Ecu d’or, auec vne petite chaine longue de quatre poulces pour l'attacher fur leur turban. Ils l'enrichiffent apres de pierreries, ou la garniffent de pendans de perles ; mais tout cela à leurs dépens. Le 19. Gemaldin V fin ayant efté fait Gouuerneur de Sinda vint diner chez moy auec deux de fes fils, & deux autres perfonnes , fuiuis d'vne centaine de va- lets. 11 mangea de quelques viandes qu'vn cuifinier Mahometan auoit apreftcess mais par ie ne fçay quelle fuperftition , il fabftint de toucher aux autres viandes qui eftoient accommodées à noftre maniere, quoy qu'il eut grande enuie d'en manger. Il voulut que ie luy en enuoyaffe chez luy quatre ou cinq plats qu'il a- uoit choifis; C'eftoit des pieces de four qu'ils ne fcauent point faire en ce país-la, difant qu'il lestmangeroit en só particulier. L'ordre en fur dôné,& à la fin du repas il nous offrit la ville de Sinda;& toutes les chofes qui pouuoient dépendre de fon authorité. Ie luy fis yn petit prefent conformément à la couftume du pais. Ce iour-là monficur Hal, Chapelain, mourut de mort fubite. C'eftoit vn homme d'vne humeur fort douce د‎ grand obferuateur des chofes de fa Religion, & d'vne viefansreproche. * | Lezo.aumatinil vint vh deluge de pluie qu'ils appellent Olifan, affez ordi- haire dans ce pais;mais celuy-cy tut fi grand qu'on le compta pour vne chofe fort extraordinaire. Il en tomba das l’eftang vne fi grande quantité qu'elle en rompit la chauffée ; quoy qu'elle fut de pierre, ὃς d'vne ftru&ure extremement forte. OncutPalarme bien chaude, & grand fujet de craindre que l'eau n'emportaft toute la partie de la ville où ie demeurois : Tellement que le Prince auec toutes fes femmes abandonna fon Palais. Vn voifin que j'auoistirahors de chez luy fes meubles ,les chargea fur vn Elephant & fur vn Chameau, & fe tint preft poúr fe fauuer vers la montagne. Ilsauoient tous leurs cheuaux feellez à leurs portes و‎ pour en faire autant; de forte que nous fufmes dans vne grande apprehenfion jufques à minuiét,pource que nous nous croyons dans la neceflité de nous enfuir, sz d'abandonner ainfi tout ce qui eftoit chez nous de meubles & de marchandifes. Ils difoient que l'eau monteroit plus haut de trois pieds que le roi& de ma mai- fon ; & comme elle n'eftoit faite que de terre & de paille qu'elle l'emporteroic fans doute. Que 14.ans auparauant ils auoient fait vne trifte experience de ces torrents; le fond de l'eftang ayant efté niuelé auec noftre maifon , il feftoit trouuc plus haut que la couverture. Elle eftoit fituée dans vn fond, & au milieu du courant del'eau. La moindre pluie faifoit ordinairement vn figrand torrent à ma porte ; que ie puis dire que l'eau ne court point plus vifte fous les arches du. pont de Londres. Quelquesfois on n'y pouuoit paffer ny à pied ny à cheual l'ef- pace de quatre heures ; Le Roy pour y remedier , fit ouurir vne éclufe pour faire paffage à l'eau; Auec tout cela la pluye auoit tellement lauc les murailles de ma maifon , & l'auoit tellement affoiblie par diuerfes bréches qu'el- le auoit faites ; que J'apprehendois dauantage fa cheute que le danger de l'eau; 24 MEM.DE TH. RHOE, AVPRES DV MOGOL. €|le l'anoit tellement gagnée, qu'il n y auoit point d'endroit qui peüt eftre à fec; ce- la m'obligeraà faire de nouuelles reparations. Ainfi nous n'eftions iamais fans quel- que affüiction , c'eftoit tantoft du feu ,tantoft la pluye , tantoft vn torrent, & toú- jours vnc chaleur & vne poufliere infupportable , & auec tout cela vn air extrémc- ment mal-fain. - Le dix-ncufiéme, le Roy fut à Hauas Gemal, & de làil fut à la chaffe. La refolu- tion y fut prife de fe retirer à Mandoa,qui cft yn Chafteau tout feul,proclie duquel il n'y auoit point de Ville. Le Sultan Peruys cftoic retourné de l'Armée; & cftanc- aucc fon train proche d’Afmeerc; le Roy luy enuoya vn ordre d'aller à Bengala, & de ne point venir à la Cour, éuitant ainfi les fuites qui eftaient à craindre, fi les deux. freres fe fuffent rencontrez. Il refolut en luy-mefme de donner le commandement de l'Armée de Decana Sultan Coronne. Tousles principaux Officiersluy eftoient fi contrairés, que la mefme refolution ayant efte prife vn mois auparauant, le Roy n'auoit osé l’enuoyer à l'Armée, & auoit efté obligé de cacher ce deffein iufqu’à ce que l’autre Prince fut éloigné, & qu'il eût crauaillé luy-mefme à luy regagner Pak fc&ion des gensde guerre. Ce changement de demeure nous donna bien de l'em- barras, & nous obligea à vne nouuelle dépenfe. Il fallut baftir vne nouuclle maifon pour nous y loger , & y faire vn magazin pour nos Marchandifes ; car Mandoa eft vn Chafteau bafty fur le haut d vne Montagne, fans qu'il y eut aucun logement aux en- dirons. n = Le3o.le Roy vint fort tard dela chaffe. Il m'enuoya für les onze heures du foir vn Sanglier fort gras, & fi grand qu'il en voulut garder les deffenfes par curioficé, On mel'apporta aüec ce meffage ; qu'il l'auoit tué de fa main, & que pour cette rai. fon j'en mangeaffe de bon appetit, & que j'en fille bonne chere. C&luy qui auoic efté enuoyé de la part du Roy pour me l'apporter ; fe chargea de dire à Afaph- Chan que ic faifois eftat de luy rendre vifite le lendemain;& que i'efperois de rece- voir de fa main les priuileges que Sa Majefté m'auoit accordez. Il répondit qu'il ne les pouuoit pas expedier fi-toft ; mais qu'ils feroient expediez & fecllez dans deux ou trois iours , & qu'il auroit de la confufion de me voir deuant que de m'auoir donné la fatisfa&tion que Vattendois de luy. LS ME ; SENA La maniere dont on folemnife le ¡our dé la Naiffance du Roy. Li deuxieme ¡our de Septembre , eftoit celuy de la Naiffance du Roy ; ils le folemnifent comme leur plus grande Fefte. On pefe le Roy dans vne ba- lance ; onle met d'yn cofté , & de l'autre des pierreries , de l'or , de l'argent, des eftoffes du Pays, dufrui& , ὃς beaucoup d'autres chofes, vn peu de chaque: forte. La ceremonie eftant achcuce jon diftribué toutes ceschofes aux Bramans. Le Roy commanda à Afaph-Chan de m'enuoyer querir pour aflifter à cette Fefte. - Il me marqua la place où ie deuois attendre l'heure d’eftre introduit ; mais celuy qu'il enuoya entendit mal fon ordre, & ie ne peus entrer qu'au temps du Durbal: ainfi, ic manquay à voir vne pattie de cette ceremonie , eftant venu trop tard. Le Roy en fortant m'apperceùt, & m'enuoya demander pourquoy ie n'eftois point entré, puis qu'il en auoit donné l'ordre. Ma réponfe fut fur l'équiuoque qu'on auoit prife. Il en parut fort en colere , & en fit des reprimandes publique- ment à Afaph-Chan. Le Roy ce jour-là auoit tant de pierreries fur luy ; qu'il faut que j'aduoué que ie n'ay iamais veu enfemble tant de richeffes. Le temps fe paffa: à faire paffer deuant luy fes grands Elephans ; les plus beaux auoient leurs chaî- nes ر‎ leurs fonnettes, & tout le refte de la ferrure de leur harnois , d'or & d'argent. On portoit deuant eux des drapeaux; chacun de ces principaux Elephans en auoic acuf ou dix autres petits qui ne parroiffoienteftre auprés d'eux que pourles fer- A 4 d 7 ? 9 1 5 AVPRES DV MOGOL 25 gir: leurs couuertures eftoient d'étoffes de foye en broderie d'or & d'argent ;il y enauoit douze Compagnies richement harnachées. Le premier qui parut , eftoit vnc befte d'vne prodigieufe grandeur : les placques qui couuroient fa tefte & fon poictrail , eftoient femées de rubis & d'¿meraudes. En paffant deuant le Roy , ils plioyent tous le genoüil , luy faifant la reuerence fort ciuilement; & en matiere de befte ; il ne fe peut rien voir de plus curieux. Les gardiens de chacun de ces Elephans firent vn prefent au Roy ;il fe leua en fuite, ἃς r'entra dans fon Palais apres m'auoir fait quelque compliment. Surles dix heures du foir, le Roy enuoya à mon logis ; l'on me trouua cou- ché. Le meffage fut, qu'il auoit appris que Jauois vne peinture que ie ne luy auois point monitré ; qu'il fouhaittoit que le le fuffe trouuer, & que 1e la luy por- taffe ; que fi ie ne 70111015 pas luy en faire vn prefent ; quau moins illa püt voir, & en faire prendre des copies pour fes femmes. le me leuay , & ic Pallay trouuer auec cette Peinture. Il eftoit affis les jambes croisces,fur vn petit Trône tout cou- uert de diamans , de perles, & de rubis. Il auoit deuant luy vne table d'or maflif, & fur cette table cinquante placques d'or enrichies de pierreries : les ynes forc grandes & fort riches; les autres de moindre valeur, mais toutes couuertes de pierres fines. Les Seigneurs de fa Cour eftoient à l'entour de luy , dans leur meil- leur équipage. Il commanda que l'on beüt gayement; & pour cela , il y auoit de diuerfes forces de vins dans de grands flacons. Quand ie m'approchay de luy , il me demanda des nouuelles de la Peinture ; ie luy monftray deux portraits, yn defquels il regarda auec eftonnement, & me demanda de quiil eftoit. Ie luy dis que c'eftoit le portrait d'vne de mes amies qui eftoit morte. Me le voulez-vous donner, adjoúta-il ? le luy répondis que ie l'eftimois plus que quoy que ce foic que J'euffe au monde , à caufe que c'eftoitle portrait d'vne perfonne que J'auois aymée tendrement ; mais que fi Sa Majefté vouloit excufer ma patlion , & la li- berté que ie prenois , ie l'aurois price d'accepter l'autre qui eftoitle portrait d'y- ne Françoife , d'vne main tres-excellente. ll m'en remercia, & me dit qu'il n'ay- “moit que celle qu'il me demandoit, & qu'il l'aymoit autant que 16 la pouuois ay- mer: que fi ie la luy donnois il l'eftimeroit dauantage que la piece la plus rare qui fuft dans fon trefor. le dis alors que ie ne. pouuois auoir cant d'amitié pour quoy que ce fuft au monde , que ie la vouluffe refufer à Sa Majelté ; que j'eftois extrémement aife de luy rendre quelque feruice , & que 1116 5 luy donner quelque meilleur témoignage de mon refpeét & dela paflion que jauois de le fer- uir , Jaurois efté rauy de le pouuoir faire. A ces paroles, il finclina vn peu, & me dit que le témoignage que ie luy en donnois en eftoir vne preuue fuffifante ; qu'il auoüoit qu'il n'auoit iamais rien veu de fi bien peint;nyvne fi belle persóne.Il me conjura en fuite de luy dire de bonne foy en quel Pays du monde eftoit cette belle femme. Ie répondis qu'elle eftoit morte. Il adjoüta qu'il approuuoit fort ma pat- fion pour cette perfonne,& de ce que ie luy auois donné de fi bonne maniere yne chofe que j'eftimois tant qu'il ne vouloit pas me l'ofter, que feulement il la fe- roit voir à fes femmes , qu'il en feroit faire cinq copies par fes Peintres ; & que fi entre ces copies ie reconnoiffois mon Original, il me le rendroit. Ie répondisque ie l'auois donné de bon coeur, & que j'eftoisfort aife de l'honneur que Sa Majefté m'auoit fait de l'accepter. Il repliqua qu'il ne le vouloit point prendre, qu'il m'en aymoit dauantage , de ce que j'aymoisla memoire de monamie ; qu'il connoif- foit toute l’injuftice qu’il y auroit à m'en priuers qu'il ne l'auoit prife que pour en faire prendre des copies; qu'il me l'auroit rendue luy-mefme, & que fes femmes auroient porté les copies fur elles. En effet, pour vne Mignature, il ne fe pouuoit sien voir de plus acheué : & pour l'autre peinture qui eftoit en huyle, il ne la trou- Auoit pas fi belle. I! me dit en fuite que ce jour-là eftoit celuy de fa Naiffance, & quetoutle monde en faifoit des rejouyffances. Il me demanda en fuite fiie ne voulois pas boire auec luy. Ie répendis;ce qu'il plaira à Voftre Majefté , & luy i ** E Débauche du grand Mogol. Prefent que lc Mogol fair à l'Au- xheur, fl entend les Portugais. 26 MEMOIRES DE THOMAS RHOE, fouhaittay de longues & heureules années, & que cette mefme ceremonie peuit cftre renouuellée encore dans cent ans. 11 me demanda quel vinie voulois boire, fi amois mieux du vin de grappe ou du vin artificiel; fi 1e Paimois fort ou autre= ment: le refpondis que ic ferois ce qu'il me diroit, efperant qu'il ne me com- manderoit point d'en boire trop ny de trop fort. Il fe fit apporter vne coupe d'or pleine devin meflé,moitié de vin en grappe, & moitié de vin artificiel.Il en beut, & l'ayant fait remplir me l'enuoya par vn de fes gentils-hommes auec ce meffage quil me prioit d'en boire 2. 3. 4. ou 5. fois à fa fanté ; & d'accepter la couppe qui en dependoit comme vn prefent quil me faifoit. Ie beus yn peu de vin, mais ia- mais ie n'en ay beu de fi fort : Il me fit efternüer, dequoy le Roy fe prità rire : IL me fit prefenter en fuitte des raifins, desamandes, & des citrons coupez par trans ches dans vn plat d'or, me priant de manger & de boire à ma liberté fans aucune contrainte. Ie luy fis vne reuerence à ma mode;pour le remercier du prefent qu'il m'auoit fait:Afaphchan auroit voulu que ie me fufle mis à genoux, & quei'euffe frappé de la tefte contre terre ; mais Sa Majefté fe contenta de la reuerence que ie luy fis. La Coupe eftoit d'or enrichie de petites turquoifes & de rubis ; le couuer; cle eftoit de méme;mais les émeraudes,les rurquoifes & les rubis qui y étoiét mis en œuurc;cftoient plus beaux, auec yne fous-coupe également riche. Iene peux pas dire ce qu'elle vaut;à caufe que la plufpart des pierres font petites, & que les plus grandes ne font pas parfaites: Il y en a bien deux milles,& elle poife enuiron vn marc & demy d'or. Le Roy deuint de belle humeur, & me dit qu'il m'eftimoit dauantage que pas vn Franc qu'il euft connu; & me demanda fi i'auoistrouué bon le Sanglier qu'il m'auoit enuoyé peu de jours auparauant, à quelle faulce ie l'auois mangé, quelle boiffon l'on m'auoit feruie ¿ce repas, & femblable queftions, qu'enfin qu'il ne me manqueroit rien en fon país. Cette demonftration de faueur parut aux yeux de toute la Cour. Il jetta en fuittc à ceux qui eftoienc affis au def fous de luy deux grands baffins pleins de rubis, & à nous autres deux autres gtáds baffins d'amandes toutes d'or & d'argent meflées enfemble , mais creufes par de-. dans:le ne creüs pas me deuoir jetter deffus comme faifoient les principaux de fa Cour;car ie remarquay que fon fils n'en prit point: il donna apres aux muficiens & autres de fes courtifans,des pieces d'eftoffes fort riches pour faite des turbans & des ceinteres,continuant toufiours à boire, 8: commandant que les autres en fiffent de mefme; tellement que Sa Majefté & tous les principaux Seigneurs de (a Cour parurent dans vne diuerfité d'humeurs admirable , àl'exception de fon fils, d'Afaphchan , عل‎ deux vieillards, du Roy de Candahar , & de moy , qui ne m'en enyuray point. Quand le Roy ne fe peüt plus fouftenir ,il (e mit à dormir. Nous nous retirámes tous. Au fortir ie priay Afaphchan pour l'expedition des priuileges que ie pourfuiuois , l'affeurant que Sa Majefté ne me pouuoit pas faire de presét plus agreable que cette expeditió, que ie ne m'en mettrois point en pei- nc fila chofe eftoitentierement en fon pouuoir, mais que ie me doutois bien que quclqu'vn en auoit trauersé l'expedition; que le lendemain matin i'en parlerois à Sa Majefté Il me dit qu'il n'ettoit pas neceffaire que ie le fiffe , que le Roy m'ai- moit, qu'il en auoit defia donné l'ordre, que les preparatifs de cette fefte auoient empefché mon expedition, & que fans cela il me l'auroit enuoyée & qu'il me fe- roit toute forte de feruice. i Le 4. de Septembre ie fisvne nouuelle experience de la peine qu'il y a à nego- cier auec les gens de ce País; ilsdile tiennent iamais leur parole : depuis fept mois. Afaphchan me promettoit cette expedition de femaine en femaine, & de ¡our en iour; mais comme il vid que i'auois porté les chofes à cel point que ie me pouuois paffer du Prince, il defaduoiia fa parole auec vn emportement extréme de colere & de rage : ie n'ofois rompre auec luy , ny publier fon manquement de Foy : Il feftoit au commencement engagé auec nous, promettant d'eftre noftre folliciteur dans nos affaires; cependant il protegeoit nos ennemis , de T AVPRES DV MOGOL. 27 Peftoit rendu leur efclaue pour des bagatelles qu'ils luy donnoient, ie tenois alors le Loup par les oreilles comme l'on dit, pour me tirer de ce mauuais pas; le difli- mulay ia connoiffance que 121015 de la mauuaife foy ; ie fis femblant de croire que l'ennuy de la lecture de noftre Lettre & de só mauuais ftile,eftoit la feule cau- le de cér emportement ; & fur cette fuppofition ie luy en enuoyay vne autre pour mieux expliquer ma penfée,auecvn memoire des chofes que nous fouhaitions, & won nous auoit promifes , le priant de faire dreffer vn Firman fur ce memoire, dans la forme qu'il luy plairoit, & de le faire feeler ; qu'autrement fi il en faifoit difficulté , il ne trouua pas mauuais que j allafe demander la mefme gra- ce au Roy د‎ ou vn Pafle-port , pour fortir du Pais!, fi il me la refufoit. Ces deux eícrits font dans mon Regiftre en ordre ; dans lequel ils ont efté dreflez. Le 8.Afaphchan me fit réponfe qu'il ne pouuoit en rien auancer mes affaires au- prés du Roy ; que fi ie defirois quelque chofe qui regardaft le gounernement du Priñce,ic la deuois attédre immediatemét de luy; que fes Firmás fuffifoict,& ain- fi il me fit connoiftre le deffein qu'il pratiquoitil y auoit fi long-temps;de faire en forte que ie dépendiffe abfolument du Prince. Peus alors vn iufte fujer de prendre d’autres mefures , perfonne ne pouuant trouuer mauuais que ie fongeaffe à faire de nouueaux amis, apres auoir cfté abandonné par les premiers. Ie refolus donc d'efprouuer ce que ie me pourrois promettre du Prince , & de faire femblant de dépendre abfolument de luy. l'enuoyay à lon Secretaire quatre articles, pour- quoy ie luy demandois vn Firman,afin qu'il me peuft feruir dans ce mefmetemps à Suratte à l'arriuée de la flotte qu'on attendoit de jour en iour , ce que fon Al- teffe m'accorda. Le 10.ic me prefentay deuantle Prince, qui dicta à fon Secretaire le Firmant que ie defirois, & qu'il m'auoit promis; fi bien que ie croyois lors cftre venu à bout de mes deffeins. Le 11. on me l'enuoya, mais quand ie vinsàle lire ,ie trou- uay qu'on auoit changé deux ou trois articles que l'auois demandez , & qu'on m'auoit promis > & mcímes qu on en auoit retranché vn tout entier. le 1 tournay difant refolument que ie nc le receurois point en cette forme, que ie ne fouffrirois point qu'on mift à terre pas vne des marchandifes de la flotte. Iamais homme n’a eu à combattre tant de fauffetez,d'auarice & d'orgueil. La nui& i'al- lay trouucr le Secretaire du Prince pour luy faire mes plaintes ,& pour luy decla- Ter que i'eftois refolu de partir > il me fit voir que le Firmant n eftoit pas tel qu'on me l'auoit expliqué ; quil contenoit toutes claufes que i auois defi- xées;les termes dans lefquels elles eftoient exprimées ne me plaifoient pas; mais le Sectetaire leur donnoitle bon fens, & me declaroit, que l'intention du Prince eftoit que ic fuffe plainement fatisfait, & que ce Firman me deuoit fuffire. Ie le preflay fur Pobícurité de quelques poinéts, & le priay de les éclaircir , & me donner vne lettre pour le Gouuerneur de Surat ; ce qu'il m accorda ,auec ordre pour celuy qui tenoit la Doüane , de payer à nos Facteurs cinquante pieces de drap qu'il auoit achepte d'eux depuis pluficurs mois » & qu illeur vouloit rendre alors à leur grád preiudice. Enfin,le Secretaire fe découurit à moi du defirque le Prince auoit depuis long-téps que ie n'euffe point d'autre recours qu'à luy,& que ie ne le crauerfaffe point aupres du Roy só pere dansles affaires de sé Gouuerne- ment; que ic l’efprouuerois meilleur amy que ie ne l’auois efperé, & enfinil me donna fatisfaétion fur tous les poin&s conreftez. Ie commengay alors à auoir meilleure efperance du fuccés de nos affaires, me fondant principalement für cc qu'il n'eft pas fi afpre aux Prefens que l'ordinaire des gens de ce pays, qu'il paffè our eftre honnefte homme,& qu'il fe faifoit fort d'auoir affez de credit pour em- pefcher qu'on ne nous fift aucune iniure , ny le moindre tort du monde. Ie feceus donc le Firmant que ie trouuay fort exprés & en bonne forme, lors qu'on m'en seur fait la tradu&ion. REN. ΞΜ ΣΕ ** E ij Dans toute la fuite de ces memoi- res , Rhoë ouPourchas qui en a fait l'extrait, n'explique point les conditions ou priuile- ges, ce qui rend les en= droits où il en'eftparlé vn peu ob- feurs, > MEMOIRES DE THOMAS RHOE, Le feiziefine ie rendis vifite au Prince , auec la refolution de continuer toufiours dans le mefme chemin que j'auois pris , de faire croire que ie ne vou- lois point auoir dans cette Cour-la d'autre dépendance que de luy, & cela jufques à cc que j'euffe desnouuelles de nos Vaiffeaux , & que j'euffe (ccu de quelle maniere ils feroient reçeus cette année-là. le luy trrouuay l'efprit embarafsé, ilapprehendoit quc Sultan Paruis fon frere ne vint à la Cour, caril n'en eftoit éloigné que de huit coffes, & faifoit inftance d'eftre admis à baifer les mains de fon pere : Ce qui luy auoit defia efté accordé ; mais Normal eut affez de credit fur l'efprit du Roy pour le faire changer, & pour luy faire enuoyer yn contre-ordred'aller droit à Bengale. Le Roy cótinué cepédant dás fa retraite,fans qu'on fçache precisément le lieu où il eft. SPUR, ví Arrinee d Abdalacan à la Cour du Mogol. Reception de LAmba[[adeur du Roy de Perfe. E το. d'O&obre, Abdalacan Gouuerneurd’Amadauat , qui auoit eu ordre de Le rendre àla Cour, pour rendre raifon de la negligence qu'il auoit apportée à Pexecution de quelque commandement du Mogol fe prefenta au larneo. Il [toit demeuré jufques là fur fes gardes, & auoit refusé de venir à la Cour. Le Prin- ce Sultan Coronne qui tiroit auantage de toutes fortes d'occafions , voulut profiter de ladifgrace d'Abdalacan. Ille connoiffoit pour vn homme de grand cœur, d'yne haute eftime , & de la premiere qualite. Il jugea qu'eftant tel, il ne le pouuoit ac- querir fans fortifier beaucoup fon party; c'eft pourquoy il luy auoit fait dire quel- que-temps apres, qu'il vint hardiment àla Cour, & quil y trouueroit des amis. Ab- dalacan le crüt , & fe refolut d'obeyr aux ordres du Roy. Il partit donc d'A madauat n habit de pelerin ; accompagné feulement de quarante perfonnes. Il fit vne partie du chemin qui eftoit de foixante milles à pied , & arriua à la Cour en cét équipage. Il cft vray qu'il faifoit marcher apres uy , mais à la diftance d'yne journée de chemin, deux cens cheuaux pour fen feruir , fil'occafion l'y obligeoir. Il fe prefentadeuant le Roy, entre deux perfonnes de condition qui furent fes Introducteurs. Il parut les pieds nuds & chargez de chaines, le vifage abbatu , les cheueux negligez, & le tur- ban enfoncé fur les yeux; ne voulant pas, difoit-il, paroiftre autrement deuant la face irritée de fon Prince. Apres qu'il luy eut fait fes foümiffions , & qu'il eut répon- du à quelques demandes que le Roy luy fit ;il obtint fon pardon. Le Mogol luy fit ofter fes fers, & luy donna vne vefte de drap d'or, auec vn turban & vne ceinture fe- lonla couftume du Pays. D'ailleurs, le Prince Coronne qui auoit gagné Abdalacan, tournatoutes fes pensées à l'eftabliffement de la Grandeur, & ala ruine de fonaîné. Il crút que fil pouuoitobtenir du Roy fon pere le commandement de (es Armées, il fe rendroit le plus puiffant de l'Eftar, La guerre qu'on vouloit continuer contre le Roy de Decan luy en fut yn pretexte fort fpecieux. Son frere aîné y auoit mal rcüf- fi,& Cham-cannale plus grand Capitaine dc "Empire n'y auoit pas cíté plus heureux. Il fe promit vn meilleur fuccez, & parla facquerir vne gloire qui le mettroit au def fus de l'vn عق‎ dc l'autre. Dans cette efperance ,il preffe le Roy fon pere, & l'obligeà rappeller Cham-canna; non feulement pource qu'il auoit efté mal-heureux, mais parce qu'il eftoit foubgonné auec raifon de fauoriferle Roy de Decan , & d'eltre fon penfionnairc. Le Mogol confentit ¿tout ce que le Prince defira de luy. Ilenuoycà Cham-canna vn ordre exprés de venir à la Cour; mais Cham-canna refufa d'obeyr, disát qu'il ne pouuoit pas quitter l’Armée;fans l'expoferau dáger defe perdre. Il pria le Roy par Lettres, qu'ilne luy donaft point pour Succeffeur dans le Cómandement Sultan Coronne ; mais en fa place, que £il luy plaifoit de luy enuoyer le plus jeune dc fes fils qui n'auoit que quinze ans, il ne manqueroit pas d'obeyr. Coronne offen. - AVPRES DV MOGOL. | dg sé dela declaration de Cham. canna, prit la chofe à cœur, & crüt qu'il ne fe pouuoit micux vanger de luy , que d'emporter fur Pefpric du Roy fon pere la refolution de la guerre de Decan. Il promit en mefme temps à Abdalacan le commandement de l'Armée fousluy , & de luydonner le Gouuernement de Cham-canna, Le Roy ap- prehendant les troubles qui pouuoient naiftre dans fes Eftats par Pambition de Sul- tan Coronne , parle mécontentement de fes deux fils ainez , & le credit de Cham- canna, auoit enuie d accommoder toutes ces broüilleries ,en faifant la paixauec le Roy de Decan. Peur y paruenir ; 11 confirma Cham-canna dans fon Gouuernement, & refolut de luy enuoyer vne vefte, qui eft la marque d'yne veritable reconcilia- tion. Auant que de l'enuoyer , il en donna aduis à νης des parentes de ce grand Ca- pitaine qui eftoit dans le Serrail. Cette femme , foit qu'elle fult gagnée par Sul- tan Coronne , ou qu'elle euft du reflentiment du mauuais traitement qu'on auoit fait au Chef de fa famille , apres les grands feruices qu'il auoit rendus, répondit har- diment qu elle ne croyoit pas que Cham-canna vouluft rien porter de ce qui luy fe- roit enuoyé de la part du Roy ; qu'il connoifloit que SaMajefté le haiffoit; qu'vne fois ou deux il auoit tafché de l'empoifonner. Que cela eftoit fi vray , qu’ilauoit en- core le poifon , & quil l'auoit adroitement détourné au lieu de le porter à fa bouche. Qu'apres de fi Juftes défiances, elle ne croyoit pas qu'il vouluft fe ha- zarder à porter {ur luy aucunes des chofes que le Roy luyauroit enuoyées. Le Roy répondit à cette femme, que pour ofter tout foubgon, il porteroit luy-mefme la vefte qu'il luy veuloit enuoyer l'efpace d'vne heure, à la charge qu'elle luy écriroic la maniere dont il en auoit vsé, pour luy retrancher tout füjet de craindre. Elle re- pliqua qu'elle ne croyoit point que ny le Roy, ny Cham-canna en deuffent venir à cette épreuue. Neantmoins , que file Roy luy permettoit de viure en repos dans la charge qu'il luy auoit donnée , il continuéroit de rendre à Sa Majefté tout le fidel feruice qu'il cítoit en poffeflion de luy rendre. Le difcours infolent de cette femme fit changer de deffein au Mogol, il refelut à l'heure mefme de donner le commande- ment de l'armée dc Decan, à Sultan Coronne; & pour donner plus de reputation à fes premieres entreprifes, il publia qu'il vouloit fuiure l'Armée de fon fils en per- fonne , auec d'autres troupes & vne autre Armee. Cham-canna ayant découuert de loin cette tempefte qui fe formoit contre luy, & qui menacoitía fortune auffi bien que celle des Roys de Decan, ne manqua pas de preuenir le mal, & de prendre dcs liaifons encore plus eftroites auec les Roys de Decan, qu'il n'auoit cués pat le pafsé ; afin de fe guarantir de l'oppreffion. Ce fut par fon confeil que ces Roys refolurent d'enuoyer γῆς Ambaffade au Mogol, & dc luy offrirla paix. Ils choifirent deux hommes capables de negocier, &les enuoyerent en meíme temps au Mogol. Ces Ambafladeurs luy prefenterent des Cheuaux ri- chement harnachez. D'abord le Roy ne les voulut point voir; & apres auoir refusé de leur donner Audiance ; & mefme de receuoir leurs prefens, les renuoya à fon fils, & leur fic dire qu'il (c remeccoir à luy de la refolution de faire la guerre , ou de con- clurre la paix. | Le Prince connoiffant par là qu'il eftoit fort bien dans l’efprit du Roy fon pere; leur declare qu'il luy feroit honteux de confentir à la paix, apres les defauantages paffez. Il conneu& bien neantmoins que les conditions que les Ambaffadeurs luy propoferent , eftoient fort juftes & fort auantageufes , & que le Roy fon pere les au- roit volontiers acceptées. Pour laiffer auffi quelque efperance aux A mbaffadeurs , il leur dit que quand il (c porteroit à la paix, il n'en vouloit point traiter que fon Ar- mée ne fuft en campagne, & que Cham-canna ne fuft hors d'eftat de luy difputer l'honneur d'auoir mis fin à la guerre. L'ambition de ce jeune Prince cft connué & fi publique, que tout le monde en parle. Mais lc perc le fouffre par ie nc fcay quelle raifon d'Eftat, quoy que fon in- tention ne foit pas d'en faire fon Succefícur. Il referue l'Empire pour Sultan Corfo- ronne fon fils aîné, & quia Pamicic & la veneration de tout le monde. Il l'ayme ** E iij “Ce Cham canna eft toufiours vn des prin- cipaux Au- theurs dans toutes les intrigues décrites dás les memoi- res. 30 MEMOIRES DE THOMASRHOE, aufli beaucoup. Il connoift ce qu'il vaut. Il en eftime toutesles qualitez ; mais il feft imaginé que fille mettoit en liberté, fa gloire enferoit diminuée. Il ne void as cependant que les intrigues ambitieufes de Sultan Coronne , terniffent bien lus l'éclat & la reputation dont il eft fi jaloux, que ne feroient les actions les plus vertucufes de Sultan Corforonne. Par cette mauuaife politique ; il nourrit vne fecretre ὃς dangercufe diuifion entre ces freres, & rend le cadet firedoutable , croyant qu'il pourrabien toufiours luy ofter Pauthorité qu'il luy donne pour yn temps. Les plus fages apprehendent les fuites de cette conduite; & le danger que court le Pays de tomber dans vne guerre Ciuile apres la mort de ce Prince, La varieté des cuenemens qui fe rencontrent dans l'Hiftoire de ce Pays-là, & principalement fous le Regne d'Eckbaría pere du Roy d'aprefentjjointe aux dera nieres intrigues dont ie parle, meriteroient bien d'eftre écrites ; mais les vns n'en feroient point de casa caufe qu'elles fe font pafsées dans vn Pays fort éloigné ; & les autres auroient de la peine ale croire, dans l'opinion qu'ils ont que ces Peu- ples-là font des Barbares. le me contente par cette confideration, de ne les cou- cher qu'en paflant. Ie ne puis toutefois m'empécher de rapporter icy ce qui fe 2115م‎ il n'y a paslong-temps au pays du Mogol,faire voir iufqu'où peutaller la pa- tience & la fageffe d'vn pere, la fidelité d'vn Miniftre , les fourberies d'vn frere, & l'imprudence d'vne Faction qui efe tout entreprendre , & qui abufe in- folemment de l'authorité du Roy, fans eftre retenus ny par la crainte des chá- timens , ny parle bien de l'Eftat , ny par aucune autre confideration. Le Prince Sultan Coronne , Normahal fa belle-fœur , Afaphchan & Etimon Doulet pe- re de Normahal qui font le Parti le plus puiffant de cette Cour; apres f'eftre af- femblez pour trouuer les moyens pour fe maintenir dans leur fortune prelente, demeurcrent tous d'accord qu'ils ne fy pouuoient conferuer fils ne fe defai- foient du Prince Corforonne:ils voyoient qu'il eftoit aimé des grands, & qu'il n'y auoit point de feurcté pour cux fil eftoit iamais en liberté. Ils fe mirent done à penfer par quel artifice ils le pourroient faire paffer entre leurs mains , afin dele pouuoir empoifonner fans qu'il y paruft.S'eftant refolus là deffus,chacun fe fepa- ra pour y trauailler. Normahal fut la premiere. Elle n'oublia rien pour Pinfinuer dans P'efprit du Roy, & pour le gaigner. D'abord elle fe jetta à fes pieds toute en larmes, & luy reprefenta que Sultan Corforonne ne changeoit point de fenti- ment; & qu'ayant toufiours la mefme ambition, il eftoit capable de fe porter aux dernieres extremitez. Le Roylalaiffa dire, δὲ ne fit pas femblant d'en entendre dauantage que ce qu'elle en difoit. Cette premiere attaque ne luy ayát pas reüfli, les conjurez n'en demeurerent paslà. Ils prirent letemps que le Roy auoit beu. par excez, & luy prefenterent par la bouche d'Etimon Doulet, ὃς Afaphchan, qu'il feroit plus de la dignité, & tout enfemble plus de la feureté de Sultan Corforonne, que Sa Majefté le mit en la compagnie & enla garde du Prince fon frere , que fi elle le laiffoit dauantage entre les mains dvn Rafboot, qui pou- uoit eftre gaigné par promeffe ou par menaces; Ces confiderations(adioufterenta ils )lesobligeoient de fupplier Sa Majefté de ne laiffer plus le Prince Corforonne en de mauuaifes mains,mais de le conferer aux foins & à l'affection du Prince fon frere. Le Roy accorda leur demande , & fe mit à dormir. Ces confpirateurs ayant l'ordre du Mogol,& eftans appuyez parle Prince Co» ronne,& d'ailleurs eftant en grande confideration en cette Cour,ils crurent qu'ils ne trouucroient point de difficulté à retirer le Prince Corforonne des mains de celuy qui le gardoit. A (aphchan fe prefente à la porte de fonlogis auec les Gardes du Prince, & demande par ordre du Roy fon perc;qu'on lui mette entre les mains Prince Ra- Sultan Corforonne.Anna Rafboot luy répód qu'il eftoit tres-humble feruiteur de boot. Sultan Coronne;mais que le Roy luy ayant mis entre les mains le Prince fon fils, il ne luy pouuoit pas obeir : Qu'il le prioit d'auoir patience iufqu'au lendemain, | pource qu'il Pen déchargeroit en ce temps-là entre les mains de fa Majefté , qui A AVPRES DV MOGOL... 31 en difpoferoit felon fon plaifir. Cette réponfe changea l’eftat de leurs efperanccs; car Annarah ayant rendu compte au Roy dela réponfe , &ayant adioufté qu'il peri- roit pluftoft auec les quatre mille Cheuaux que le Roy luy auoit donnez, que de mettre jamais le Prince entre les mains de fes ennemis. Le Roy luy répondit qu'il en auoit vsé en homme d'honneur , que fa réponfe auoit efté prudente, & qu'il con- tinuaftà en vfer de mefme ἃ l'auenir, fans Parrefter aux ordres qui luy pouuoient ve- nir , mefme de fa part. Ie veux faire femblant d'ignorer la chofc;adioufta-il ; & pour vous ,ic vous commande de n'en faire pas dauantage ἐς bruit. Continuez feulement âeftre fidele, & nous verrons jufques où les autres poufferont leurs deffeins. Les amis du Prince voyant que le Roy ne parloit point de ce qui f'eftoit pafsé la nui& precedente, creurent qu'il l'auroit oublié, ou qu'il n'auroit pasígeu leur tenta- tiuc , ny le refus qu'on leurauoit fait; mais ne laiflerér pas de demeurer en défiance d'yn cofte & d'autre. Ce que ie rapporte icy, peur vous aduertir qu'il faut bien pren- dre garde de ne fe pas engager trop auant dansle Pays ,& ne pas difperfer vos mar- chandifes en de differens lieux: car l'on verra dans peu de temps tous ces Pays en combuftion , & vne partie engagée contre l’autre, dans vhe guerre & dans vne que- relle de longue difcution. S: Sultan Corforonne auoit le deflus, le Royaume du Mo- ol feroit vn azile pour les Chreftiens; car il ayme & fauorife les fciences, la valeur, & la difcipline militaire, & a de l'horreur pour l'auatice & pour les auanies que fes anceltres & les grands du Royaume ont fait de tout temps aux eftrangers. Ce fera tout le contraire fila faction de fon frere l'emporte. Ce Prince eft ennemy des Chreftiens, fuperbe, fourbe , de mauuaife foy , & tyran jufqu'à l'excez. L'on attend tousles iours l'Ambaffadeur de Shabas Roy de Perfe. Lc30. Decembre vers le foir,le Roy retourna,& m'enuoya vn Sanglier. l'eus nou- velles cc 1our-lá del'arriuée de quatre Vaiffcaux au Port de Svvaly, & i'appris parles Lettres des Commandans la rencontre qu'ils auoient faite de laCaraque , Vice. Ad- mirale des Indes ; laquelle apres vn long combat feftoit échotée & brûlée fous la cofte des Ifles de Gazedia. Le ¡our fuiuant, j'allay faire vn compliment au Mogol de là part du Roy mon -Maiftre. Ille regeut auec beaucoup de ciuilité , mais il tomba aufli-toft à me deman- der des nouuelles des prefens. Au lieu de répondre à fa demande, ie luy contay le dernier combatdes noftres. Il fembloit prendre parta noftre gloire, & donner dcs applaudiffemens à la valeur de ceux de neftre Nation; mais il paffa vne feconde fois à me parler des prefens, & à demander; Qu'eft-ce , me dit-il, que le Roy m'a en- uoyé? Icluy repondis qu'il luy enuoyoit plufieurs marques de fon amitié ; qu'il fça- uoit affez qu'il cftoit maiftre de la meilleure partie de l’Afie, & leplus riche Prince detout l'Orient; que d'enuoycer des prefens à Sa Majeftè , il auroit cr que fçauroit efté porter des perles dans 'Ocean d'où elles viennent. Que le Roy d'Angleterre, par cette raifon, n'auoit pas jugé à propos dele faire; mais qu'il luy faifoit prefent de fon amitié , aueequclques pctitescuriofitez que j'efperois luy deuoir eftre agrea- bles. Il mé parla de la panne ou velours de France. Ie luy dis que toutes mes Let- tres n'eftoient pas encore arriutes, mais que j'auois defia quelque chofe de ce qu'il fouhaitoit. Il me fitauffi mention des dogues que ie luy auois promis, & ie luy dis quc quelques- vns auoient efté tuez dans le combat; mais que l'on en auoit fauué deux pour Sa Majefté. Il en témoigna de lajoye , & me dit que fiie pouuois luy pou- uoir faire avoir vn grand Cheual de la taille des Cheuaux d'Allemagne; tels que ic les luy auois décrits, il auroit cu ce prefent plus agreable que fion luy auoit donné 'yne Couronne. Ie luy répondis que ie ferois mon poflible pour le fatisfaire, mais quc j'apprehendois de n'en pouuoir pas venir à bout, Il adjoufta quefiie luy en fai- foisauoir vn, il m'en donneroit dix milleTacobus, Ie luy demanday vne Lettre & vn ordre pour faire venir à la Courlesprefens du Roy mon Maiftre, fans qu'ils fuffent ouuerts, & pour le bon traitement de nos gens. Il me repliqua que le Port de Surar- te cftoit à fon fils; & l'ayant auffi-toft enuoyé querir,il luy commanda exprefsément Voyex lè Voyage de Terry. 33 MEMOIRES DE THOMAS RHOE, en prefence de tout le mo nde , de m'accorder ce que j'auois demandé, qui eftoir, que l'on n'ouuriroit point nos balles ; que celles que jauois auoüécs ne payeroiéc point d'impofition ; que l'on nous expediroit promptement دع‎ ὃς que l'onne trou- bleroit point le tranfport qui fe deuoit faire des prefens , dont ie ferois apres la diftribution comme ie voudrois ; que ceux de noftre Nation feroient bien receus à Surate , & que j'y receurois yne entiere fatisfa&tion. Cette faueur neantmoins ne f'cítendit pas juíqu'à nous accorder le Fort que nous demandions car A faph- chan fy oppoloit. Le Prince fit appeller Afaph-chan, & promit en prefence de fon pere & de toute la Cour, de me donner fatisfaétion , tant eft grande la force des nouueaux prefens, : Le 15.l'on me manda de Mafulipatan que le Capitaine Keeling auoit pris en la cofte de Cochin vn vaiffeau Portugais & deux Barques, dont l'vne eftoic chargée d'Eftain , & l'autre auoit efté chargée à Bengale : Que le fieur Robert Sherly eftoit forty mal contant de Goa, & qu'il &eftoit mis en chemin pour paf- fcr à Mafulipatan parterre, ce qui ne me fembla peu croyable. Le 17.le Prince Coronne qui auoit toufiours en tefte de faire de fon chef la guerre à Decan,diffe- roit à rendre refponfe aux Ambaffadeurs de ce Pays-là : mais croyant auec ceux de fa Faction , qu'il n'y auoit point de fcureté pour luy , fi Sultan Corforonne de- meuroit entre les mains d'Annarah,parce qu'il pourroit faire fa paix pendant fon abfence, renuerfer par là tous les deffeins, & fe mettre en eftar de vangerl’iniure qu'on luy faifoit : il alla faire donner yne nouuelle tentatiue fur l'efprit du Roy: il luy fit propofer fous main de donner à Afaphchan la garde du Prince fon frere, & luy voulut perfuader que f'il luy faifoit l'honneur de fe fier à luy dela vie & de la liberté de ce Princc,il eftoit tout certain que Cham-canna & ceux de De- can n'auroient pas pluftoft appris que Sa Majefté luy auoitfait cette grace extra- ordinaire, qu’ils le craindroient dauantage;& fen mettroient pluftoft à la raifon. Ce iour-là il eft à croire que le Mogol confentit à cette trahifon: car les foldats d'Afaphchan entrerent en garde auprés de Corforonne ,auec deux cens cheuaux des troupes du Prince fon frere. Sa foeur & la plufpart des autres femmes du Ser- rail deteftant la cruauté du Roy, refufent de manger, & proteftent que fi le Prin- ce Corforonne meurt, ellesluy facrifieront tous les enfans qui eftoient dans le Serrail.. Le Roy leur donne de belles paroles, leur protefte qu'il ne luy arriuera rien de.mal, les affeure de fa liberté, & leur enuoye Normal pour les appaifer.On la menace dans le Serrail. On refufe de la voir: Le peuple fémeüt, & dit tout haut que le Roy a mis só fils entre les mains d'vn Prince ambitieux, & à la mercy de gens lafches & fanguinaires. Qu'il ne fouffrira pas ce parricide. Que Coronne en veut apparament à fon aîné ; mais que la verité eft qu'il attente indire&temenc ala vie du Roy fon pere , & que par l’affaflinat del'vn & de l’autre, il vouloir fe faire des degrez de leurs corps,pour monter fans peine fur le Thrône.Cependant le peuple fatroupe. On feme par les places des bruits de reuolte ; on dit qu'il faut penfet à affeurerla vie du Prince. Enfin chacun en parle felon fa crainte , ou fe- lonfon defir. Le pauure Prince Corforonne eftcependant au pouuoir d' vn T ygre; il refufe de manger ,'8z enuoye prier Le Roy fon pere de luy faire ofter la vie , plu- ftoft que de le faire feruir au triomphe de fes ennemis. Toute la Cour en eft εἴ. meué , les Grandsen témoignent delatrifteffc. Le Peuple renouuclle fes cla- meurs , mais il n'a ny pied ny tefte. Les fuites de ces troubles font fort à craindre pour nous. NC Le 19. l'Ambaffadeur de Perfe Mahomet Roza Beg fit (on Entrée dans la ville rAmbafü- fur le midy, accompagné d'vn grand Cortége, dont la plus grande partie auoit deur de — eft& enuoyée au deuant de luy pour l'honnorer; mais fans autre perfonne de mar- Perle. que que celles qui ont accoütumé dans ces rencontres d'aller au deuant des eftrá- (e On luy auoit auffi enuoyé la Mufique , & vne centaine d'Elephans. Son Train eftoit composé de cinquante cheuaux couuerts de houffes de brocard d'or. Les AVPRES DV MOGOL 35 Les Arcs, les Boucliers ὃς les Carquois;eftoient richement garnis. Quarante moufquetaires & quelques deux cens perfonnes conduifoient fon bagage. On le mena repofer dans vn appartement de l'auant-cour du Palais. Il fut au Durbal. Py enuoyay mon Secretaire , pour obferuer comme il feroit receu. Comme il fe fut approché du Roy, il fit au premier balluftre trois Teffelines & vn Syzeda, en fe proiternant & fe coignant la tefte contre terre. Il fit le mefme en entrant, & prefenta la lettre de Shaabas. Le Roy la receut,en Finclinant vn peu,& demanda feutement comment fe porte mon frere fans le traitter de Roy;& apres luy a- uoir dit peu de paroles, 11 fut placé aufeptiéme rang visà vis de j proche la porte ; les rangs du deflus citans occupez par les premiers Seigneurs de la Cour. Cette place felon mon fens, eftoit indigne de luy , maisil meritoit bien ce traitte ment, puis qu'il f'eftoit foubmis à faire ce Syzeda ou reucrence , ce que tous ceux qui l'auoient precedé en cette qualité auoient refufé de faire. On l'ex: cufoit en difant qu'il auoit ordre de fatisfaire en toute maniere le Mogol; & l'on tiroit de là conietture qu'il eftoit venu pour luy demander quelque fecours d'ar- ent contre le Turc, comme il en auoit tiré fouuent en de pareils rencontres. L'Ambaffadeur difoit qu'il eftoit venu feulement pour traitter de Paix entre le Mogol & le Roy du Decan. Chabas aufli en prenoit la protection, & la prenoit par la jaloufie qu'il àuoit de l'accroiffement de l'Empire du Mogol. Le Roy felon la couftume le regala d'vn beau Turban, d'vne vefte & d'yne ceinture. Il le re- mercia en faifant trois reuerences δὲ vne Ricedas qui eft encore yne autre reuc- rence iufqu'à terre. I luy fit fes prefens à trois fois differentes, & à chaque fois luy prefenta neuf cheuaux Perfans ou Arabes. Le nombre de neuf eft myfterieux parmy eux. Il luy donna auec cela neuf mulets fort beaux ; fepc chameaux char- - gezde velours, deux tentures de tapifferie , des pieces de velours trauaillé auec de l'or , deux caiffes de tapifferies de Perfe , vn cabinet fort riche ; quatre mouf- quets , cinq claches , vn chameau chargé de drap d'or fait en Perfe , huit tapis de foye , deux rubis ballays, vingt & vn chameaux chargez de vin de grappe , qua- torze chameaux chargez de diuerfes eaux diftillées , fept chameaux chargez d'eau-roze , fcpt poignards enrichis de pierreries , cinq épées de mefme , fept mi- roirs de Venife, fi riches, que j'auois dela honte de les comparer auec les noftres. "Ces Prefens ne furent pas faits à la premiere Audiance du Perfan, ilne fit qu'en donner le memoire. Son train eftoit magnifique ; on luy mengit en main huit Cheuaux harnachez d'or & d'argent. Diuers rangs de perles, de rubis & de tur- quoifes faifoient le tour de fon Turban. Auec tout cela , ayant fait obferuer dili- gemment le traitement qu'on luy fit, lors que ie le comparois auec celuy qu'on m'auoit fait, ie ne trouuois pas qu'il euft efté traité plus fauorablement que moy. 1 y auoit mefme cette difference, qu'on luy auoit donné yne place àl'Audiance bien au deffous de la mienne. Pour ce qui cft de la ceremonie qu'on luy fit d'aller au deuant de luy , on m'auroit fait le mefme fiie ne me fuffe point trouué mala- de, ou que ie l'euffe demandé. On remarqua au 位 que le Mogol ne reçeut point la Lettre du Perfan aucc tant de refpe& , qu'il auoit receu celle du Roy d'Angle- terre que ieluy auois prefentte. En parlant du Roy d'Angleterre il dit le Roy mon Frere; δὲ parlant du Perfan, il dit feulement mon Frere, fans y adjoufter au- tre chofe ; comme obferua le Iefuite qui fe crouua à cette Audiance, & qui en- rend fort bienla langue du Pays. ; $. VI. Entrée 27 reception de l Ambaffadeur de Perfe. iù E 21. d'OGobre , ie fus chez le Prince Coronne pourles affaires de la compa» gnie ز‎ il me parla des prefens, & me voulut mener auec luy au lieu où eftoient : 号 ** E Premiere Audiance de l'Ambaffa- deur de Per- fc. 24 MEMOIRES DE THOMAS RHOE, les caiffes pour les faire ouurir & les voir sie luy dis que ie ne le pouuois pas faire que ie n’eufle auparauant prefenté au Roy ceux qui luy eftoient deftinez , qu'im- mediatement apres il auroit les fiens. Il me demanda fi ie luy voulois donner yne plume blanche qu'il vit fur mon chapeau ;ie luy dis que tout ce que auois eftoit à fon feruice : mais que ie ne pouuois pas fans quelque confufion , luy prefenter yne chofe que j'auois portée. Il la prit;& m'en demanda d’autres,difant qu'il n'en auoir pù crouuer » & qu'il en auoit à faire ; à caufe qu'il deuoit paroiftre deuant le Roy auec tout fon équipage dans deux ou trois iours. Abdalacan furwint ; il eftoit ce iour habillé en homme de guerre , & tous ceux de fà fuite fort leftes. Il fit prefent au Roy d'vn Cheual blanc, dont la felle & le refte du har- nois citoient couuerts de mailles d'or. Le Cheual auoit vn fort bel air & eftoit d’vne belle taille , & ce Prince luy donna vne épée & vn baudrier. On portoit de: - uant luy diuers autres prefens , des gardes d'épées d'argent auec les fourreaux couuetts de pierreries , des boucliers couuerts de velours ; quelques-vns peints, les autres releuez en or & en argent. Il en donna à fes Courtifans. Il y auoit auffi plufieurs felles & harnois d'or enrichis de pierreries , qui deuoient feruir à fes Cheuaux de main. Des bottes en broderie, & de toutes fortes d'autres habits ma- gnifiques. Il faut que i'aduoüe que la dépenfe de ces gens-là pafle tout ce qu. on a iamais và de plus magnifique en toutle refte du monde. Toute la nuit fe- ftant pafséc en ces fortes de fpeétacles, on me dit le matin que fix des Officiers du Prince Coronne eftoient venus pour affaffinerle Prince Corforonne ; mais que le Portierleurauoit refufé l'entrée, & que la Reine Mere eftoit allée trouuer le Roy, ὃς luy auoit fait entendre toute cette coniuration. On n'en fcait point la ves rité, & il y a du danger à fen enquerir. Surle fuit ie fus voir le Roy au Durbal. Py rencontray l'Ambaffadeur de Perfe » qui deuoit ce iour-là faire la premiere montre de fes Prefens. Il auoit plus la mine d'vn Saltin Banque que d'vn Ambaf- fadeur. Tl couroit haut,bas,& accompagnoit toutes fes paroles de geftes & de ma- nieres plus propres à vn Comedien , qu'à vne perfonne graue, & à l'Ambaffadeur d'yn grand Roy. Il donna luy-mefme fes Prefens,& le Roy les receut de fes mains auec vn foufris & des paroles qui témoignoient quil en eftoit content. Ce luy eftoit vn grand auantage d'eftre entendu dans fa langue : I] parla toufiours a- uec tant de fubmiflion & de flatteries,que fes paroles furent encor’ plus agreables que fes prefens, Il appelloitá cout proposle grand Mogolle Roy & le Comman- deur de tout le Monde, & ne fe fouuenoit pas que fon Maiftre y auoit quelque part. Sur la moindre parole que luy difoitle Roy, il faifoit des reuerences à la mode du país. Quand il eut fait tous les prefens qu'il deuoit donner ce iour-la, il fabaiffa iufques en terre , & heurta de la tefte fort rudement. Ses Pre- lens de ce jour-là eftoient vn Carquois , vn Arc, & des fleches ; toute forte de fruiéts de l'Europe faits artificiellement dans des differens plats ; des bottines brodées & couuertes auec des lames d'or;des grands miroirs auec des bellesbordures;vne piece de velours quarrée auec vne haute broderie,fur laquel- le il y auoit des peintures. L'Ambaffadeur dit que ces peintures eftoient les por- zraits du Roy & dela Reine de Venife. Ie croy qu'elles auoient feruy de tapiffe- rie. Quoy qu'on n'en monftraft qu'vne piece il y en auoit fix aulnes de la melme facon, auec cela plufieurs autres broderies de peu de valeur. On fit paffer en fuite trois petits cheuaux & trois petits mulets. Les mulets eftoient beaux : Pour les cheuaux ils deuoient auoir perdu leur embonpoint & leur beauté ; car il ny'ena- uoit qu'vn qui mcritaft d'eftre prelenté à vn Prince.Apres auoir presété auec cela plufieurs autres bagatelles , il retourna à fa place qui eftoit bien au deffous de la miéne;Car dás ce rág-là j'eftois au deffus de tous les Sujets du Prince. A(3phchan au cómencement me voulut mettre aupres du Perfan,mais ie me cóferuay la pof- feffion de la place que i'auois prife dés les premiers iours de mon arriuée. Ce ne fut que lé premier Adte des prefens : Cét Ambaffadeur en fera fans doute yne tr ra rt AVPRÉSDV MOGOL 35 Comedie qui durera plus de dix iours. Surle foir i'enuoyay vers la focur du Prin- ce Coronne pour en tirer l'efcrit qu'il m'auoit promis , mais le Prince ne fe pou: uoit refoudre à laiffer pafler le prefent fans en prendre fa part; & comme il auoit changé de volonté, il refufa de fecller la lettre qu'on luy demandoit pour moy. Le 22. à monarriuée , ie luy donnay deux plumes & deux oyfeaux de Paradis, qu'il receut agreablement. Ayant parlé de mon affaire, & ayant fait entendre la refolution que i'auois prife de ne fouffrir point qu'on ouurit mes caiffes, ny qu'el- les paffaffent par d'autres mains que par celles de mes gens, il me l'accorda en fin, عق‎ commanda à fon Secretaire de m'expedier. La nuit ie vins au Durbal pour ob- feruer l'Ambaffadeurde Perfe.Ie trouuay qu'il occupoit le meíme rang où on Pa. uoit mis la premiere fois; ἃς qu'il eftoit fouuét obligé de changer de place,& de la ceder aux'grands de la Cour quand ils entroient. Le Roy luy parla vne fois,dont il parut fort vain. On ne luy fit point de prefent, & le Roy commanda feulement aux principaux de fa Cour de luy faire careffe. Le temps fe paffa à voir des felles, des garnitures pour le voyage quife deuoit faire au premier iour. Le Roy en dóna à ceux qui le deuoient fuiure.Ses Tentes eftoient à quatre iournées de che- min de fa Cour. l'enuoyay chez le Secretaire pour auoir mon Firman : il me re- mit, m'en fit des excufes. Le 24. le Roy falla diuertirà l'Hauar Gemal. Il y ap- pella l'Ambaffadeur de Perfe. Il mangea en prefence du Roy auec les Seigneurs de fa Cour, comme i'auois faitle iour de fa naiffance, auec cette difference feule- ment, que le Roy luy donna 10. mille Rupias pour fa dépenfe , dequoy l'Ambaf- fadeur luy fit vn nombre infiny de remercicmens ; accompagnez de foubmiffions عق‎ de reuerences. Leurs a&es d'adoration appellent Syzeda , & pour les faire on demeute vn aflez long-tempsla tefte contre terre. Cela plüt extremement au Roy. Il efttres-vray que ce fut vne baffeffe à cér Ambaffadeur,mais cette baflef- fe luy fut profitable. Pour moy ic ne pis obtenir du Prince Coronne ce que ie luy demandois. Le 25. quelques-yns par hazard ou par malice parlerent de la debauche que le Roy auoir faite la nui& precedente, & dirent que plufieurs Seigneurs de la Cour auoient bcü du vin;ce que perfonne n'oferoit faire fans la permiffion du Roy. Le Roy ne fe fouuenant pas que c'auoit efté par fon ordre,demanda qui auoit donné du vin à fes Seigneurs. On dit que c'eftoit l'Officier qui l'auoit en garde. V ous معنا‎ marquercz que perfonne n'ofoit dire que le Roy l'auoit commandé: car il feftoit enyuré cette nui&t là , & l'on apprehendoit qu'il eüt oublié cét ordre. Quand le Roy fait la débauche, il la commence ordinairement tout feul; & fur la finil com- mande à ceux de fa Cour de prendre les verres. L'officier qui a le vin en fa garde, écrit le nom de tous ceux qui en bojuent, ils font obligez de faire vn T effelim ou remerciment au Roy pour la permiflion qu'illeur en a donnée. Il arriue fouuent que dans le temps qu'ils fontle Teffelimle Roy a.tant beu qu'il ne les void pas. Or dans la débauche dont ie parle;il fit appeller le Sommelier,& luy demanda fil luy auoit donné l'ordre de bailler du vin à ceux qui enauoient beu; il dit que non; quoy que dans la verité,il l’eùr receu;& que le Roy cut nommé ceux qui deuoiét boire auec l'Ambaffadeur. Le Roy en demanda la lifte, & les taxa, les vns à mille , les autres à deux mille, & quelques autres à trois mille Rupias; & pour ceux qui eftoientles plus proches de fa Perfonne, illeur fit donner cent trente coups d'vne efpece de foüet compofé de quatre cordes , au bout defquelles il y a de petits fers comme des moletres d'efperon ; tellement que chacun de ces coups de foiict fait quatre playes. A pres qu'onles cütlaiffe comme morts eftendus par terre, le Roy commanda à ceux qui en cftoient proches de leur marcher fur le corps. Enfuitteil fit figne aux Portiers de rompre fur eux leurs baftons. Apres cette execution , on les porta dehors tous brifez de coups, & il y en eut vn qui en mourut fur la place. Quelqu'vn voulut excufer la chofe & la rejetter fur PAmbaf- fadeur,mais le Roy dit qu'il auoit cómandé qu'ealuy dónár feulemét 2.013. vere 3 * * F y 36 MEMOIRES DE THOMAS RHOE, res de vin. Quoy qu'en ce pays Pyvreffe foit vn vice fort commun,& que les home mes en faffent gloire, & que ce foit mefme Pexercice le plus ordinaire du Roy, elle eft neantmoins fi exprcffement deffendué , que les Portiers qui font au Gouzal- can, refulent la porte quand le Roy y eft; à ceux qui fe prefentent pour y entrer,f'ils fentent à leur haleine qu'ils ayent beú du vin; & file Roy en a connoiffance, c'eft yn hazard fils (c (auuent dufoüct. Au refte , quandle Roy ct en colere, le pere n'oze- roit auoir pris la hardieffe de parler pour fon fils. Ce fut ainf que le Roy fit payer l'efcotà ceux qui fefteient trouuez à fa tableauec l'Ambaffadeur de Perfe. Le vingt-fixiéme ,J'enuoyay chez Sorocolla pour auoir le Firman; il m'en en- noya yne copie où il y auoit autant d'ambiguite & d'apparence de mauuaife foy que dans la premiere. le le refufay, & copiay moy-mefme les articles qui m'eftoient fufpe&ts. Ie renuoyay apres la copie; on me promit que le lendemain elle feroit feclée. Le 28. le Roy eftant fur le poin& de partir pour vn voiage , j'enuoyay demander à Afaphchan vn ordre pour auoir des Chariots. Nos Marchands en auoient cherché par toute la Ville fans en trouuer ; & cependant ils cftoient obligez de tranfportez leurs marchandifes à Agra, On m'enuoya vn ordre pour auoir vingt Chameaux,qua- tre Chariots, & deux Carrofles , au mefme prix que le Roy les paye : l'en donnay aux Fa&eurs autant quil en falloit pourleurs marchandifes. l'aurois tort fi j'oubliois icy vne rencontre qui doit faire connoiftre ou la baffeffe de l'ame du Mogol ou l'enuie qu'il auoit d’éprouuer ma liberalité, Il auoit fait condamner à la mort pluficurs vo- leurs, entre lefquels fe trouuoient quelques jeunes garçons; & il n'y auoit point d'autrc voïe de leur fauuerla vie , que de les achepter pour efclaues. Ce Prince coms manda à Afaphchan de m'en offrir deux pour de l'argent; donnant ordre à Kutvval d'en faire lc prix. Mon Interprete répondit à mon infceu , que les Chreftiens ne te- noiét point d'cíclaues; & que puifque j'auois mis enliberté ceux que le Roy m'auoit dónez auparauátil eftoit inutile de me faire vne femblable propofitió.Ic foubcónay que le Roy auoit eu la pensée d €prouuer par là fi j'eftois home à denner quelque ar- gent pour fauuer lajvie à ces miferables. Soit que la chofe fut ainti,ou non,ie fis refle- xion que ie deuois hazarder ce peu d'argét pour faire vne bone aio. C'eft pourquoy 535 vouloir penetrer dauátage dis la pésée du Mogol, ie cómanday à mon Interprete d'aller trouuerAfaphchan,de luy dire qu’il m'auoit rendu cópte de fa propofitió,& de la réponfe qu'il y auoit faite de luy-mefme:que j'auois trouué fort mauuais qu'il euft eu la prelomprion de répódre pour moy. Que mon fentimét & ma réponie eftoient, que fi ie pouuois par argent fauuer la vic à ces deux garçons, foit qu'on le deuft don- ner à ceux qu'ilsauoiét volez, ou que ce fut feule mét pour les fauuer du fuppliceau- quel ils eftoient códamnez,j eftois preft à le faire pour le refpe& queie portois à tout ce qui venoit du Roy,& pour lacharité qui m'y obligeoit; mais que ic ne les voulois en façon du môde acheter pour efclaues;& qu'auffi-toft que j'aurois paye leur rancó, ie lcs mettrois en liberté ; que fil luy plaifoit de fçauoir du Roy Fil auroit agreable que ic les miffeainfi en liberté;j'eftois tout preft de le faire. Afaphchan répondit que jen pouuois difpofer comme ie voudrois , & que c'eftoir vne grande bonté à moy d'en vouloir vfer dela forte.Il accepta doncla fomme que j'en donnay,en continuant fes loiianges, & voulut que j'enuoyaffe l'argent à Kutvval. Qu'au refte ie pouuois difpofer de ces jeunes hommes comme il me plairoit ; ne parlant en façon du mon- de , d'en informer le Roy, qui eftoit vne des fins pour laquelle ie faifois cette libera» lite. Il y auoitlong-temps que j'eftois las d'eftre pris pour Duppe , & ie ne fçauois fi ce commerce-là n'alloit point au profit des Officiers du Prince. le refolus done de payer l'argent ; mais afin que le Roy n'ignoraft pas quc j'auois plus d'humanité que luy , & qu'il fceuft qu'vn Chreftien eftimoit dauantage la vie d' vn More que de l'argent ,j'enuoyay mon Fa&eur& mon Interprete à Kutvval , pour luy dire cc qui f'eftoit pafsé auec Afaphchan , & luy faire entendre que fil vouloit fur le foir infor» mer Sa Majefté de l'offre que j'auois faite de rache pter ccs prifonniers par charité , & AVPRES DV MOGOL. 37 que le Roy confentift que ie les mile en liberté , ie luy enuoyeroisl'argent;mais que pour ce qui cft de les achepter en qualité d'efclaues , quand ce n'auroit efté que pour vne heure , ie ne le pouuois pas faire. Ainfi , ie mis les Officiers du Mogol dans la neceflite de m'expliquer plus clairement leur propofition. Ils me demanderent dix Iacobus pour ces miferables. Kutvvalà qui j'auois enuoyé , me répondit qu'il ap- prendroit là deflus les fentimens de Sa Majefté, & qu'il m'en donneroit aduis, Les Indiens me vouloient perfuader que c'eftoit vne des plus fignalées faueurs du Grand Mogol,de choifir quelqu'vn entreles principauxde fa Cour pour vne fembla- ble action , & de luy donner cette occafion de faire vne bonne ccuure , en racheptant des prifonniers ; Que quant à l'argent que ie donnerois pour le rachapt dont il Pa- giffoit il feroit employé pour fatisfaire la perfonne qui auoit efté volée par cesjeu- nes garçons; & que ceux à quile Roy faifoit de femblables faueurs , luy en faifoient de grandes fizedas & remercimens,comme ils font lors qu'ils reçoiuent de luy quel- que grace confiderable. Auec cela il me fembloit qu'il y auoit quclque chofe contre l'honnefteté , qu'vn Prince taxaft ainfi vn Eftranger qui ne tiroit de luy ny appointe- mens,ny gages. le fus au Durbal,pour voir fi le Roy he m'en parleroit point,auec re- folution aufli de luy faire moy-mefine ces offres, Kutvval luy parla plufieurs fois, & fit entrer l'Executeur de la Iuftice,à qui on fit quelques commandemens que ie n'en- tendis point. E Le premier de Nouembre , Sultan Coronne prit congé du Roy fon pere pour fc rendre à fon Camp. Le Roy eftoit au Durbal, lors que le Prince y vint fuiuy d'enui- ron fix cens Elephans richement harnachez, & de mille Caualiers. Plufieurs d'entre- euxauoient des habits de drapd'or,auec des bouquets de plumes fur leurs turbans ; ilfautauoüer qu'ils eftoient tousfort leftes & fort braues ; Coronne auoit vn ha- bit d' vn drap d'argent brode de groffes perles & de diamans.Le Roy en l'embraffant, le baifa , & luy témoigna beaucoup d'affe&ion. Il luydonna vne épée, dont le four- rcau cftoit d'or,couuert de perles de la valeur de cent milleRoupiassyn poignard qui en valoit bien quarante mille, vn Elephant, & deux Cheuaux, dont les felles & leur garniture eftoient de placques d'or , couuertes de pierreries; auec cela vn des Carroffes qui auoient cfte faits à l'imitation de celuy que le Roy mon Maiftre luy, auoit enuoye. Sultan Coronne entra dans le Carroffe , & commanda au Cocher qui cftoit Anglois, dele conduire jufques à fes tentes. Il cftoit aflis au milieu,les rideaux ouuerts des deux coftez ; fa Nobleffe le fuiuit à pied ;jufquesà fes tentes qui eftoient éloignées de quatre milles. Par le chemin, il jettoit des quarts عل‎ Roupias au peuple qui le fuiuoit auec acclamations; & eftendant fa main jufques au Cocher,1l mit dans fon chappeau vne centaine d’écus. Le deuxiéme, le Roy alla au Camp auec fes femmes & toute (a Cour. Ie le trou- uay au Farraco. Ie montay fur l’echaffaut qui eftoit au deffous de luy,eftant bien aife d'auoir occafion de voir celieu-là que ie n'auois peü voir auparauant. Il y auoit deux Eunuques aflis fur deux treteaux , qui luy chaffoient les mouches auec des plu- mes mifes au bout de deux longues perches. Il fit beaucoup de prefens ce jour-là, & en reccut de toute forte de gens. Il auoit à cofté deluy ceux qu'il youloit faire. C'eltoient des eftoffes roulées fur vne piece de bois tournante. Vnc vieille & hy- deufe Matrone prenoit ceux qui luy eftoient prefentez. A vne laloufie qui eftoit à colté, ie vis deux de fes principales femmes qui augmenterent les trous de la Ialoufie, derriere laquelle elles eftoient pour me voir mieux. l'appergeus | premierement leurs doigts qu'elles pafferent par ces trous , & qu’elles aug- menterent à tel point , que ie peüs à la fin leur voir tout le vifage. Elles n'é- toient pas fort blanches ; ellesauoientles cheueux noirs comme jaix , les yeux fort yifs. Le lieu où elles cftoient eftoit peu éclairé ; mais quand ie n'aurois point cu d'autre lumiere pour les voir que celle de leurs diamans, elles en auoientyne quan- titéfi grande , que j'euffe peúles découurir à leurs feuls brillans. Apres lesauoircon- fidertes quelque-tcmps , elles fe retirerent, & fe mirent à rire, ie m'imaginay mo TE Le Prince prend con- gé de luy pour aller à l'arméc. La Roupias vaut vn écu cing fols, Femmes da Mogol. MHabillemés du Mogol. Equipage du Mogol qui marche “en campa- gnc. 38 MEMOIRES DE THOMASRHOE, que c'eftoit fur mon füjet. Le Roy fe leua fubitement, & nous fúmes au Dur- bal pour attendre l'heure qu'il deuoit fortir. Il y vint quelque-temps apres, & y tint fa feance vne demie heure, pour dónerle téps à fes femmes de monter fur les Elephans qui les attédoient à leur porte. Il y en auoit 5o. tout richemét couuerts; mais principalement 3.dont les petites tours eftoient couuertes dc placques d Or. Les grilles des fencítres des tourelles eftoient de la mefme matiere, & yn daiz dc drap d'argent couuroit toute latour. Le Roy defcendit les degrez de fon trofne auectant d'acclamation & tant de voix de Viuele Roy,qu'on n'auroit pas enten- du le bruit du canon. Ie me preffay pour me trouuer proche de luy au bas du dez. gré. I y euft vn de fes courcilans qui luy prefenta dans vn baflin vne Carpe fort | grande , & vn autre yn plat plein d'vne matiere blanche comme de l'amidon. Le Roy y portale doigt;ilentoucha apresle poiffon , & fen frotta le front. Cette . o - , = ceremonie cft en Indoftan , vn prefage de bonne fortune. Vnautre de fes erands Officiers paffa fon épée dis les pédans de só baudrier. L'épéc & les boucles eftoiét couuertes de diamans & de rubis , ὃς le baudrier de mefme. Vn autre luy mit fon carquois auec trente fléches & fon arc aufli, dans le mefme eftuy quel'Ambaffa- deut de Perfe luy auoit prefenté. Son turban eftoit fort riche. Il y paroifloir des bouts de corne. D'vndes coftez pendoit vn rubis hors d'ceuure, aufli gros qu'y- nc noix; & de l'autre , vn diamant de pareille groffeur , & au milieu vne émerau- de bien plus grande raillée en forme de caur. Le turban eftoit entortillé d'vne chaine de groffes perles, de rubis & de diamans qui faifoient pluficurs cours. Il auoit autour du col vne chaine de perles, trois fois plus groffe que les plus belles que Paye iamais veuës. Au deffus du coude il auoit des bracelets de mefme forte, qui faifoient trois tours à l'entour du poignet. Ilauoit la main nué, & à chaque doigt vn anncau. Ses gands cftoient d'Angleterre. Ils eftoient paffez dans fa cein- ture. Son habit eftoit de drap d'or fans manches. Ses brodequins eftoient brodez auec des perles. Le bout des brodequins eftoit en pointe, X tourné en haut. IL entre en cét équipage dans fon Carroffe. Vn Anglois feruoit de Cocher, habillé auffi richement que iamais Comedien Part efté , & menant quatre Cheuaux cou- uerts ὃς harnachez de-velours d'or. C'eftoitla premiere fois que ce Prince feftoic feruy de ce Carroffe , qui auoit efté fait à l'imitation de celuy d'Angleterre , & eftoit fi femblable, que ie n'en connus la difference que parla houffe , qui eftoit d'yn velours trauaillé auec de Por qui fe fait en Perfe. A pres qu'il y fut entró, deux Eunuques marcherent aux deux coftez du Carroffe , portans de petites malles d'or enrichies de rubis , & vne queué de cheual blanc pour luy chaffer les mou- ches. Il y auoit beaucoup de trompettes, de tambours, & autres femblables in- ftrumens , & des gens qui marchoient deuant auec des daiz & des paraffols , la plufpart de drap d'or ou de broderie , enrichis de rubis , de perles & d'é- 4neraudes. L'Ambaffadeur de Perfe luy prefenta vn Cheual. Derriere luy fui- 'uoient trois Pallanquins , dont les pieds eftoient couuerts de placques d'or; & les bouts de la canne à laquelle ils eftoient attachez , ornez de perles auec γῆς crépi- ne d'vn pied de hauteur, aux fils de laquelle il y auoit grand nombre de perles enfilées. Le bord du Pallanquin eftoit couuert de rubis & d'émeraudes. Vn des Officiers du Prince portoit vn marche-pied d'or auec des pierreries. Les deux au- tres Pallanquinseftoient couuerts de drap d'or. Le Carroffe que j'auois prefenté fuiuoit apres ; on y auoit fait vne nouuelle couuerture ὃς de nouueaux ornemens, 8zle Mogol l'auoit donné à la Reyne Normale qui eftoit dedans. Ce Carroffe eltoit fuiuy d'yn troifiéme fait à la maniere du Pays; mais qui n'approchoit point, «c me femble , de la beauté de l'autre. Les plus jeunes de fes fils eftoient dans ce dernier. Quatre-vingt Elephans les fuiuoient , c'eftoit ceux qui eftoient deftinez pour la perfonne du Roy. Il ne fe peut rien voir de plusriche que la garniture de ces Elephans qui brilloient de tous coftez des pierreries dont ils eftoient cou- uerts. Chaque Elephant auoit fes banderoles de drap d'argent, & d'autres. Les AVPRES DV MOGOL. 39 principaux de fa Cour fuiuoient à pied. Ie le (uiuis de mefine jufques à la porte de la Ville. Ses femmes venoient en fuite à la diftance d'yn mille portées fur leurs Elephans. Quand il fut deuant la porre où fon fils aîné eftoit prifonnier , il fit ar- refter le Carroife , & le fit appeller. Il vint, & luy fit la reuerence, ayant vue épée & vn bouclier à la main. Sa barbe luy defcendoit jufques à la ceinture, qui eft vne marque de difgrace. Le Roy luy commanda de monter fur vn de fes Elephans, & marcher a coíté de fon Carroffc. Il le fir; auec vn grand applaudiffement de toute la Cour que le retour de ce Prince remplit de nouuelles cíperances. Le Ro luy donna vn millier de Roupias pour en faire largeffe au peuple. Afaphchan qui l'auoit gardé & fes autres ennemis eftoiét cepédant à pied:le pris vnCheual pour éuirer la preffe,& ie l'allay attendre à l'entrée de fa tente. I'y trouuay yne longue hayc d'Elephans qui portoient chacun yne tour. Aux quatre coins destoursil y auoit quatre banderoles de taffetas jaune , & deuant la tour vn fauconneau mona té fur fon affuft, qui portoit vn boulet auffi gros qu vne balle de jeu de paüme ;le Canonier eftoit derriere. Il y auoit troiscens de ces Elephans, & quelques fix cens autres de parade qui eftoient tous couuerts de velours trauaillé auec de Por, & deux ou trois banderoles dorées. Plufieurs perfonnes à pied couroient deuant auec des outres pleines d’eau pour arrofer le chemin par où il deuoit paffer. On ne permet point d'approcher de fon Carroffe de plus prés d'vn quart de mille ; tellement que ie fis diligence pour aller à fes tentes, & attendre qu'il mift pied à terre. Les tentes auoient bien deux milles:de circuit. Elles eftoient entourées d'yne écoffe du Pays, rouge par le dehors, & qui par le dedans eftoit peinte de diuerfes figures, comme le font nos tapifferies. Toute l'enceinte auoit Ja forme d'vn Fort, auecíes bouleuards & fes courtines. Les pieux qui portoient ces tapifferies , auoient au haut vn gros bouton de cuiure : la foule eftoit gránde à l'entrée des tentes du Roy. Py voulus entrer , mais on n'y laiffe entrer perfonne. Les grands du Pays f'arreftent à la porte. Ie donnay quelque chofe à ceux qui la gardoient , & j'y fus admis. L'Ambaffadeur عل‎ Perfe ne fut pas fi heureux que moy : Car ayant tenté d'entrer, il fut refusé. Ce fut en cette rencontre que ع6‎ Ambaffadeur me falüa pour la premiere fois, fanstoutesfois me parler. Au mi- lieu de la Cour de ce Palais portatif , eftoit drefsé yn trône de Nacre de erle ; deux piliers en foútenoient le daiz de brocard d'or. Les bouts ou les chapiteaux de ces piliers eftoient d'or maflif. Lors que le Roy appro- cha de la porte de latente, quelques-vns des Seigneurs du Pays entrerent dans l'enceinte , & auec eux l'Ambaffadeur de Perfe. Nous nous trrouuámes vis-à-vis Lc Roy fair fortir de prifon le Prince Cor- foronne fon aifné. Tentes du Mogol. I'vn de l'autre. Le Roy en entrant , jetta les yeux fur moy: Ie luy fis la reuerence. : Il porta 12 main fur fa poidtrine , & f'inclina vn peu. Il fit le mefmeàl'Ambaffa- deur de Perfe. Ie demcuray immediatement derriere luy jufques à tant qu'il euft monté fur fon Trône ; il füt accompagné des acclamations de tout ce qu'il y auoit de gens en ce licu-la. Apres que nous eufmes pris nos places, il demanda de l'eau, fe laua les mains, & fe retira. Ses femmes entrerent par vne autre porte dans l’A- partement qui leur eftoit deftiné. Ie ne vis point le Prince fon fils dans enceinte que 1e viens de dire. Il eft vray qu'il y auoit plus de trente A partemens faits auec des tentes. Les Seigneurs de la Cour fe retiroient chacun a leurs tentes. Elles : eftoient toutes de differentes formes & de differentes couleurs : les vnes blan- ches les autres vertes ; mais toutes drefsées dans vncaufli belle difpofition , que les Apartemensde nos plus belles maifons; ce qui me parut vne des plus belles chofes & des plus magnifiques que j'euffe iamais veués. Tout le Camp paroiffoit comme vne belle Ville.Le bagage & les autres embarras de l'Armée n'en gaftoiét point la beauté ny la fimetrie. Ie n'auois point de Chariot, & j'auois quelque honte de me voir en l'eftat où j'eftois : mais à cela il n'y auoit point de remede, & d'ailleurs cinq années de mes appointemens n'auroient pas fuffi pour me faire vn équipage approchant de celuy des moindres Seigneurs de la Cour du Mogol. p Defcription dcs tentes du Prince. 40 MEMOIRES DE THOMASRHOE, Mais ce qui eft encore plus furprenant, c'eft qu'ilsont tous de doubles tentes & vri double équipage , & pendant qu'ilsfont campez en vn lieu, ilsenuoyent aulicu où ils fcauent qu'ils doiuent camper, lestentes & les meubles qui ne leur feruent point;& tout cela fe trouue tout dreísélors qu'ils y árriuér. La cofufion où j'eftois de me voir en fi mauuais équipage , me fit retourner bien vifte à ma pauure caze. Le cinquiéme de Nouembre ; ie vis la mefme magnificence chez le Prince Co- ronne. Son Tróne eftoit couuert de placques d'argent, & en quelques endroits de fleurs en relief d'or maflif. Le daiz eftoir porté fur quatre piliers 211111 couuerts d'argent. Son épee , fon bouclier les arcs, fes leches, ὃς (a lance, eftoient fur vne table deuant luy. On monta la garde lors quil arriva. l'obferuay qu'il eftoit fort. maiftre de luy-mefme, & de fes actions; & que mefmes il prenoit foin de lescom- pofer auec grauite. Il reçeut deux Lettres, & les leur debout auant que de remon- tcr à fon Trône. Ie n'ay iamais veu yne contenance d'homme fi arreftée ny fi gra- uc. Ie ne peusremarquer {ur fon vifage le moindre foufris , ny la moindre diffe- rence dans la reception qu'il faifoit à ceux qui fe prefentoient à luy. Ses actions me paroiffoient pleines d'vne fierté rebutante ; & d'vn mépris general pour tout ce qu'il voyoit. l'obferuay neantmoins quelque trouble interieur , & quelque ef- pece de diftraétion dans fon efprit. Ce qui le faifoit répondre peu à propos à ceux qui luy parloient , voire mefmes qui l'empefchoit de les entendre. S'il m'eft per- mis d'en juger , ou ie me trompe fort, ou ع1‎ croy qu'il auoit 121156 fon cœur dans l'entretien qu'il auoit eu auec les femmes de fon pere. Il luy auoit efté permis de les voir. Normale l'eftoit venu voir le ¡our auparauant dans fon Carroffe aPAn- gloife ,& enprenant congé de luy د‎ elle luy auoit donné vn manteau tout couuert de broderie ,releué de perles, de diamans, & de rubis. Cette vifite eftoit fans doute caufe qu'il n'auoit point de prefence d'efprit pour les affaires dont onluy parloit. ‘ i Le fixiéme de Nouembre ; ie reçeus vne Lettre d'Amadaat ; par láquelle on me donnoit auis d'vne rencontre qui f'eftoit pafsée entre les Portugais & ceux de noftre Nation. Cinq Portugais ayant attaqué yn Jeune Anglois à Camboya ; luy auoient ofté fes armes. Deux Anglois eftoient accourus au bruit pour le tirer de leurs mains, & auoient efté attaquez par fept autres Portugais. lean Brovyn fuc blefsé àla main d'vn.coup de piftolet. Nos gens fe deffendirerit brauement, & en Anglois. Ils tuerent vn Portugais fur la place en blefferent quelques-autres , & leur donnerent la chaffe d'vn bout de la Villeàl'autre. Les Portugais fe mirent à fuyr deuant eux comme des beftes , auec beaucoup de honte pour cette Nation; & beaucoup de gloire pour la noftre. Les fregates Portugaifes eftans depuis arri- uces , plufieurs des ennemis vinrent à terre pour fe vanger de cét affront. Il n'y auoit alors dans la Ville quelestrois Anglois dont ie viens de parler. Le Gouuer- neur en ayant efté auerty , enuoya le Kutvval auec des gens pour garder noftre maifon, fit fermer les portes qui font du cofté de l'eau , chaffa les Portugais, leur deffendant fur peine de chaftiment de fe méler auec les Anglois ر‎ & fit fortir aue feureté les noftres de la Ville, qui retournerent à Amadauat. Le neufiéme , ie trouuay le Prince Coronne joüant aux Cartes auec grande át- tention. Il me fitexcufe de fon peu de memoire, & mit la faure fur fes Officiers, me témoignant au refte plus de ciuilité qu'il ne faifoit ordinairement. Il m'appel- la mefmes quelquesfois pour me monftrer fon jeu , & m'addreffa fouuent la paro- le. l'attendois qu'il me parleroit de faire le votage auec luy ; mais comme il ne m'en touchaèrien , ie luy dis que j'eftois feulement venu pour luy obeyr, & pour prendre mon congé ; que ie le priois de m'excufer fi ie n'eftois pas dauantage au- prés de luy., mais que j'eftois obligé de retourner à Adímeer, & que ic n'auois point d'équipage pour demeurer là cette nuit. Il me dit qu'il m'auoit voulu voir deuant que de partir, & que ie ferois expedié furle champ. Il m'enuoya vn Eunu- que ; & pluficurs dc fes Officiers me vinrent trouuer,& me dirent en لد‎ e vta gere eme AVPRES DV MOGOL 41 le Prince me vouloit faire yn grand prefent ; que fi j'auois peur de faire vojage de nuit, on me donneroit dix Cheuaux pour me feruir d'efcorte. Ils me firent vne aufli grande fefte de ce prefent, que file Prince m'euft deú donner la plus belle de fes chaines de perles. Le prefent vint enfin; c'eftoit vn manteau de drap d'or,qu'il auoit porté deux ou troisfois. On me le mit fur les épaules, & ce fut à contre- cœur que ie luy en fis la reuerence. Si on auoit à reprefenter fur vntheárre le grand Tamerlan fon deuancier , cét habit auroitefté forc propre pour vn tel per- ionnage. La plus grande faueur que le Prince fait en ces quartiers-là , eft cel- le de donner vn habit apres l'auoir porté vne fois ou deux. Le 16. le Roy fit commandement qu'on mift le feu à toutes les tentes du Camp proche d'Afmeer , pour obliger par là le peuple dele fuiure. La chofe fat execu- τές fur le champ. Py demeuray bien embarrafsé , aufli bien que l' Ambaffadeur de Perfe. Il avoir crie , il feftoit plaint ,il auoitfait des brauades , & auec tout cela il n'auoit pù obtenir les voitures ny les Chariots qu'il auoit demandez. Ie me refo- lus à fon exemple d'en achepter, puifque ie n'auois pù en trouuer à loüer au prix que le Roy les paye. Ilseftoientàla verité bien chers d'achat; mais aufli en les loüant au prix qu'on en vouloir, leloijage de trois mois de temps égaloitla va- leur des Chariots. Enfin, ce fut yne neceflité d'en vfer ainfi,carla Ville eftoit auffi brûlée , & ie me trouuois exposé au danger des voleurs , dont il y a toufiours grand nombre dans le voifinage des armées. On n'y trouuoit point mcíme de pain. le renuoyay à la Cour, & me refolus à fouffrir toutes ces incommoditez. Le17.Jappris parla voye de Goa, que Dom Emanüel de Menefez , auec en- uiron trois cens foldats du Vaiffeau de l'Admiral, f'eftoit fauué à terre ; que ceux du Pays les auoit volez & mis en chemife ; que mefmes ils en auoient tué quel- ques-vns ; qu'ils en auoient contraints d'autres à fe faire circoncir, & que le refte eftoit arriué à Goa dans yn pitoyable eftar. Le 2 4. O&obre , il n'y eftoit encore arriué aucun Vaiffeau de la Flotte qui eftoit artie de Lifbonne; ce qui les eftonnoit beaucoup. Le Gallionde Mozenbique 1: عزمطاء‎ battu auec vn Vaiffeau Hollandois :ce Gallion eftoit fort riche, & fe fau- ua à la faueur de ce Fort. Remarquez, ie vous prie, l'audace des Hollandois,d'at- taquer ainfi auec vn feul Vaiffeau, vn Gallion plus fort qu'eux, à la veuë d'vne des principales Villes que les Portugais ayent dans les Indes. Le 18. ie ne püs auoir de Chariots : on me remettoit d'yn jour à l'autre , & j'ap- prehendois d'eftre oblige de demeurer à pied. Il fallut enfin achepter des Cha- riots. Pour des Chameaux و‎ on continuoit toufiours à m'en promettre ; Meftre Bidolff demeura dans le Camp du Prince , pour recouurer l'argent qui luy eftoit deü : le Roy n'eftoit qu'à douze courfes d'Afmeer. Ce fur là que le Iefuite prit congé de moy. Il fut obligé d'achepter auffi des Chariots , bien qu'il euft vn or- dre pour en auoir de ceux qui font au feruice du Roy. Tout ce cemps-là ne me donnant point d'occafion de vous parler de mes propres affaires, ie croy qu'il nc fera point mal à propos de vous entretenir de l'eftat où fe trouuoient alors celles de Sultan Corforonne. Tout le monde prenoit part à fa difgrace , & on ne parloit que de fa détention entre les mains de fes ennemis. Le Roy qui y auoit confenty en partant , pluftoft pour fatisfaire l'ambition de fon cadet, que pour egpofer l'ainéaux mauuais deffeins que fon frere pouuoit auoir fur fa perfonne, penfa à affeurcr la vie de ce Prince , & à contenter par melme moyen le peuple qui com- mencoit à murmurer de fa prifon , & qui témoignoit hautement qu'il apprehen- doit qu'on ne luy fift quelquetrahifon. Il prit de là occafion de declarer luy-mef- me fes fentimens fur ce fujet و‎ Afaphchan auoic vifité fon nouueau prifonnier; & comme fil euft oublié qu'il eftoitfon Prince, il eftoit entré inciuilement dans la chambre contre fa volonté , & fans luy faire de reuerence. Quelques-vnscroyent qu'il auoit tafché à luy faire vne querelle , croyant que le Prince qui n'eftoit pas d'humeur à fouffrir vn affront ; auroit misla main à l'épée, ou auroit fait quelque ** جح‎ 42 MEMOIRES DE THOMAS RHOE, autre violence , dont les foldats de fa garde fe feroient vangez fur luy ; ou qu'au moins il en auroit trouué vne occafion de plainte; & de porter la chofeau Roy có: me vne infulre que le Prince luy auroit voulu faire , pour fe fauuer des prifons oúle Roy l'auoit Faitmettre. Il trouua que le Prince eitoit plus patient qu'il ne fe l'eftoit promis : Caril fe contenta de faire auertir le Roy par vn de fes amis, de la maniere que fon Geolierle traitoit. Le Roy appella Afaphchan au Durbal,& luy demanda combienil y auoit de temps qu'il nauoit veule prifonnier qui eftoit en fa charge. 11 luy répondit qu'il y auoit deux iours. Le Roy continua à luy deman- der qu'eft-ce qui fe paffa l'autre 10ur dans fa chambre? Afaphchan repliqua qu'il n'y auoit efté que pour luy rendre vifite; mais le Royle preffant fur la maniere dont ill'auoit rendué ; Afaphchan connut que le Roy eftoit auerty de ce qui Péz toit pafse. Il luy dit donc qu'il eftoit allé voir ce jour-là le Prince pour luy offrir fon feruice , mais qu'il luy auoit refusé l'entrée de fa chambre; là deffus. qu'il -auoit crú qu'eftanc refponfable dela perfonne du Prince ; il eftoit du deuoir de la charge qu'on lüy auoit commife , de vifiter la chambre de fon prifonnier comme il auoit fait, y eftant entré dedans mal-gré luy. Le Roy luy dit (ans fémouuoir; Hébien ? Quand vous fuftes entré , que luy dites-vous? Et quel refpe& sz quel- les foûmiflions reridites-vous à mon fils? Ce Barbare demeura fort confus; & con- feffa qu'il ne luy auoit fait aucune ciuilité. Le Roy fur cela luy dit, qu'il luy fe- roit connoiftre que le Prince eftoit fon fils aîné & fon heritier. Qu'il eftoit fon Maiftre & fon Prince; ὃς que fil entendoit parler vne autre fois qu'il luy euftman- qué de refpe&, il commanderoit à fon fils de luy mettre le pied furla gorge, & de J'écouffer. Payme Sultan Coronne , adjoúta-il; mais ie veux que tout le monde (cache, que ie n'ay pas mis mon fils & mon fücceffeur entre fes mains & en fa gat- de pour le perdre. Le 24. ie demeuray à la Cour pour les affaires des Marchands ; & j'y receu ré- poníe d'Ifpahan, que mes Lettres auoient efté enuoytes à Alep, & que nous eftions attendus en Perfe ; mais fous des conditions que le Roy auoit jugées ad- uantageufes و‎ au deffein qu'il auoit de diuertir le trafic des foyes des terres du Turc. Quele General des troupes du Grand Seigneur eftoit auec vne puiffante armée à Argeronne à fix journées de Tauris , & qu'il marchandoit fil deuoit at- taquer cette place, & entrer dans le pays de Gorgeftan & de Gilan , d’où vient la foye , & conquerir ainfi parles armes ce que l'onleur vouloit ofter parle com- merce. Le Roy de Perfe eftoit campé à Salmas lieu fort propre pour f'oppoferà P vn ou à l'autre de fes deffeins : Car ce village eftoit également éloigné de l'en- trée de la Prouince de Gorgeftan , & de laville d'Argeronne. Mais files armées n'en viennent point aux mains entre-cy & deux mois, l'approche del'hyuer & la difette qui fuit roufiours, vn fi grand amas d'hommes les diffipera Pyne &l'au- tre , fansqu'elles puiffent rien faire de confiderable. Si elles Papprochent, quoy ue le Perfan ait cent quatre-vingt mille Cheuaux , onne croid point qu'il ha- zarde la bataille, maisil fe contentera de tirer aduantage de la facilité qu'ont fes troupes à faire delongues marches , eftans fans bagages & fans artillerie. AVPRES DV MOGOL, 43 一 ΄ A , τῇ Cette > figure represente 9rn etranchement,que ri les 2 Vars. O'oflan9o ال‎ oM Ma parle Ape ΤΡ re ا ا SOS‏ V oyages de l'Ambafladeur à la [uite de la Cour. Defcription du Camp du Mogol. .E premier ¡our de Decembre, 'auancay jufques à Brampore. Ie trouuay für le chemin lescorps de cent voleurs qu'on auoit fait mourir par l'ordre du Roy. La Carauanne partit fur la minuit pour Afmeere. Le quatrième, ic fis cinq coffes; ic rencontray vn Cliameau chargé de trois cens teftes de Rebelles, que le Gouuerheur de Candehar enuoyoit au Roy comme vn prefent. Le fixiéme , ic fis quatre coffes. Ie trouuay le Roy dans vne Ville fermée de mu- tailles, nommée Godah ; fituéc dans le plus beau pays du monde. C'eft vne Ville des plus belles & des mieux bafties de toutes celles que jay veués dans les Indes. Il y a force maifons qui ont deux eftages ; ce qui cft fort rare dans les autres. Il y ades rués pleines de boutiques de toute forte de marchandifes ,auf riches que celles de nos meilleurs Marchands. On y voit plufieurs baftimens fuperbes,& faits d'vne belle pierre de taille, qui feruent pour rendre lajuftice , ou pour les autresaffaires publi- ques. Il ya auffi des eftangs enuironnez de galeries, fouftenues d'arcades de pierre de taille,& reucftuës de la me(me pierre auecdes degrez auffi qui regnent tout autour; & qui defcendent jufqu'au fond de l'eau pour la commodité de ceux qui en vont pui- fer,ou qui veulent prendre le frais, Sa fituation cft encore plus belle; car elle cít dans yne grande campagne , où de courfe en coutfe on trouue des villages. La terre y eft extremement fertile en bleds,en cottons,& en pafturages. l'y vis vn beau jardin qui a bien deux milles de long,& vn quart de mille delarge,& plâté de mangas,de τᾶς marins, & d'autres fruits, & diuisé par allées. Il y a de tous coftez de petits Téples ou : PUR "Gg 44 MEMOIRES DE THOMAS RHO E, Pagodes : plufieurs fontaines des bains, des eftangs, & des pauillons de pierre de taille baftis en voûte; & fi agreablement , qu'il faut que j'aduoué qu'il n'y a point d'hommes au monde qui ne fût rauy d'auoira paffer la vie dans vn fi beau lieu. Le feptiéme iour ,le Mogol paffa par cette belle Ville auec toute fa Cour. Elle eftoit autrefois beaucoup plus floriffante qu'elle n'eftà prefent , parce qu'elle eftoit la demeure ordinaire du Prince Raia ou Rafboot auant qu'Ecbarsha l'cuft conquife, auec le refte de fes Eftats, Ie remarquay mefme en pluficurs endroits, que les plus beaux baltimens de cette Ville Pen vont en ruine. La raifonen eft,que les polfefleurs des maifons & desautres heritages les negligent; parce que deuant de retournerau Roy apresleur mort, ils ne veulent pas prendre le foin de les conferucr. Defcriprion | Le neufiéme, ie vis le Camp du Roy, qui eft vne des plus admirables chofes que cun du Faye jamais veués. Cette grande Ville portatiue fut drefste cn quatre heures de “© temps: elle auoit de circuit présde vingt milles d'Angleterre. Les rués & les tentes y font tirées à la ligne, & les boutiques fi bien ordonnees, que chacun Ígait où il doit trouuer ce qui luy eft neccflaire. Chaque homme de qualité & chaque Marchand fçait à quelle diftance de l’Atafikanha ou Tente du Roy ,la fienne doit eftre drefsée. Il fcait auffi de quel cofté il fe doit pofter , & quelle quantité de terrain il doit occu- per, fans que iamais en cela il y ait aucun changement. Et cependant,ces tentes ainfi dreístes , enferment vne efpace plus grande que la plus grande Ville de l'Europe. On ne peut approcher les pauillons du Roy qu'à la portée du moufquet ; ce qui eft main- tenant obferué fiexaétement , qu'on n'y admet perfonne que ceux qui y font man- dez. Pendant que le Prince elten campagne, il n’y tient pointle Durbal apres midy, mais il employe cetemps-là àchaffer ou à faire voler fes oyfeaux fur les eftangs, Il fe met mefme quelquesfois tout feul dans vn batteau pour tirer. Il yen a toufiours à fa fuite que l’on porte fur des Chariots. Il fe laiffe voir le matin au Farraco ; mais il y a deffenfe de luy parler d’affairesen ce lieu-là. Les affaires fe traitent la nuit au Gou- zalcan: ce n'cft pas que ce temps-là qui eft deftiné pour les affaires , ne foit bien fou- uent employé à boire auec excez. Il faut que ie dife en paffant, que l'on parloitfort a la Courencetemps.là d'vne nouuelle alliance entre Sultan Corforonne & Afaph- chan, & que l'on y efperoit fa liberté. Le feiziéme, j'allay chez le Roy. Ie le trouuay au retour de la chaffe, ayant deuant Chang di luy le gibier &lepoiffon qu'il auoit pris. Il voulut que ie choififfe ce qui m'en plai- arité du 4 E eram 2 : s i A grand Mo- 2016 dauantage , & apres il diftribua le refte à fa Nobleffe. Il auoit au pied de fon tró- gol versles ne vnpauure miferable vieillard fale & hideux. Le Pays où il eftoit, abonde envne PHUUT certaine forte de gens, dont celuy-cy eftoit, qui affecte en faifant profeflion de pau- ureté, la reputation de perfonnes faintes. Ces mandians-là font en vne grande ve- neration : & en matierc de penitence & de mortification volontaire, ils paffent cout. ce quia jamais cfté fait ailleurs. Le vieillard dont ie parle, eftoit 21115 auprés du Mo- gol, en vn lieu où le Prince fon fils n'auroit pas osé f'affeoir. Il donna au Roy pour prefent vn petit gafteau couuert de cendre, & brüle fur les charbons , qu'il 2uoit ; ce difoit-il , fait luy-mefme. Le Roy le regeut benignement, en rompit vn morceau, & le porta à fa bouche , encore qu vne autre perfonne vn peu delicate en euft cu mal au cœur. Il enuoya querir vne centaine d'ecus, & de fes mains propres non feulement illes mit dans vn pan dela vefte de ce pauure homme, mais il en ramaffa quelques- vns qui eftoient rombez à terre. Quand on euft feruy fa collation, il ne mangea rien dont il ne donnaft vne partie à ce gueux; & voyant qu'à caufe de fa foibleffe il auoit dela peine à fe leuer, il le prit luy-mefme entre fes bras pour l'ayder. Vne perfonne vnpeu propre nel’auroit pas voulu toucher ; mais ce Prince l'embraffa étroitement, porta trois fois la main fur fa poiétrine pour luy faire honneur, & l'appclla pluficurs foissó pere.Nous demcurámes fort eftónez de voir tant de vertu en vn Mahometan, Le26. nous traucrsámes des bois & des montagnes couuertes de halliers. Beau- e coupde Chameaux perirent dans cette marche.Beaucoup de gens quitterécle Camp; ne pouuant paíler outre, tout le monde fe plaignoit. Py perdis ma Tente & mon AVPRES DV MOGOL. 44 Chariot. Versla minui&, ie rencontray le Roy qui Feftoit arrefté deux iours au bas de la montagne , à caufe qu'il falloit ce temps-là pour donner loifir à fon Camp de fe remettre du defordre de ce fafcheux paffage. Des milliers de Carrofles , de Chariots & de Chameaux , & mefmes beaucoup de Dames du Serrail, demeurerent dans ces montagnes couuertes de bois, fans eau & fans viures, Pour le Roy;illesauoit pafsées fur vnpctit Elephant, qui auroit grimpé fur des rochers où iamais Chameau ny Chc- ual , ny quelque autre befte que ce foit , ne l'auroit pú fuiure. Le 24. de lanuier , on cult nouuelles à la Cour que le Roy de Decanne prenoit pas l'épouuante pour la marche du Mogol; qu'il l'attendoitde pied ferme fur la frontie- reauec cinquante mille Cheuaux, apres auoir renuoyé fon bagage dansle milieu de fes Eftats. Que Sultan Coronne n'auoitosc pafler Mandoa, eftonné de la fermeté des ennemis , & de l'approche de Cham-chana. Afaphchan & Normahal quiauoient fait entreprendre ce voiage fur vne faufle fuppofition , changerent d'auis aucc tous les autres qui auoient cité de ce mauuais confeil. Ils dirent au Roy qu'ils auoient crü que le Roy de Decan fe feroit rendu , fur la feule apprehenfion de l'approche de fes troupes ; mais qu'éprouuant maintenantle contraire, Sa Majefté feroit mieux de changer fon voïage en vne partie de chaffe , & tourner tefte vers Agra: parce que, difoienc-ils ,le Decan n'eftoit pas vn ennemy qui meritaft qu'vn fi grand Monarque l'allaft combattre en perfonne. Le Roy leur répondit, que cette confideration ve- noit trop tard; que f'eftant engagé fiauant dans cette entreprife, il y alloit de fon honneur dene l'acheucr pas; qu'il vouloit fuiure le premier confeil qu'on luy auoit donné , & en courir la rifque. Il détachoit tous lesiours des troupes fraîches, pour enuoyer des recreués à l'Armée,& les prenoit quelquesfois entre celles qui l’accom- pagnoient. Il en auoit fait tirer aufli des Prouinces circonuoifines ,jufqu au nombre, difoit-on , de trente mille Cheuaux; mais peut-eftre que fion leur euft fait faire monftre , on enauroit trouué moins. Le troifiéme Feurier , ic m'éloignay vn peu de la route du Camp, pour me mettre à l'ombre d'vn grand arbre. Sultan Corforonne , fils aîné du Roy, y vint auffi monté fur fon Elephant pour y chetcher la mefme commodité. Il n'auoit quafi point de gardes ny de fuite. Ses gens euffent voulu que ieluy euffe cedé la place. Pourluy, il metraita aucc beaucoup d'honneftete. C’eft vn forc bon Prince, & qui àl'air d'yn galant homme. Il auoit laifsé croiftre fa barbe dans la prifon;& clle luy defcendoit juf- ques à la ceinture. Les queftions qu'il me fit, monftroientaffez qu'il ne fçauoit rien de ce qui Peftoit pafsé à la Cour, & qu'il n'auoit iamais entendu parler qu'il y cult vn Ambaffadeur d'Angleterre; ny des Marchands de noftre Nation. Lc fixiéme ¡our fur la nui& , nous arriuâmes àvne petite Ville nouucllement rc- baftie. Lestentes du Roy furent drefsées affez prés de cette Ville, dansvhlicu agrea- ble, fur la riuierede Septa, & à vne coffe d'Vgen ,quicftla principale Ville dela Pro- uinee عل‎ Mulvva. Cette place eftappellée Calleada;c'eftoit autretoisla refidence des Roys de Mandoa, Gentils de Religion. On dit qu'vn de ces Princes cftant tombé dans la riuiere; & ayant efte pris par les cheucux par vn de fes cíclaues qui nágeoit fort bien,lors qu'il fut retourné de cér eftonnement, & qu'on luy dit leferuice que luy auoit rendu cét cfclaue,pourluy en faire donner quelque recompenfe ; Il luy de- manda comment ilauoit cu la hardieffe de mettre la mainfur la tcfte de fon Prince, & le fit mourir. Quelque-tempsapres feftant enyuré; & eftant feulaffis auprés d'vne de fes fem- mes fur le bord d'vn batteau, il tomba dans l'eau. Cette femme le pouuoit aisément fauucr , mais elle fe garda bien de le faire, difant qu’elle Feftoit (ouucnué del'hiftoi- re del'efclaue, & qu'elle auoit eu peur que lc Prince ne luy fit couper la tefte pour recompenfe de ce feruice. Lonziéme,le Roy fur à Vgen pour y voir vn Deruis ou vn Saint qui vit dans la montagne , & que l'ontient eftre âgé de trois censans ; maisie crois que cette mer- ucille ne merite pas qu'on P'examine. Apres midy , ie regeus vne — que m ap» 3 7 ; n ** M) Jl ne dit point com- ment il for- tit de prisó, foit que Rhoe l'ait oublié , ou que Purchas l'ait obmis; ce qui fe verra mieux dans l'hi- ftoire de ce pais que das ces memoi- res, Mort d'va Roy de Mandoa; 46 MEMOIRESDE THOMAS RH OE, porta vn homme de pied و‎ aucc nouuelles que le Prince , nonobftant tous les Fir- mans & tous les ordres de {on pere , auoit pris de force les prefens que l'on m'en- uoyoit. M: Terry, entre les mains de quion les auoit mis, luy reprefenta inutile- ment que les preíens eftans pourle Roy, il n'y deuoit pas toucher, il n'y eut au: cun égard ; & obligea ceux qui les conduifoient ; de retourner auec luy à Brampo= re. Il deffendit à la verité qu'on n'ouurift pasles caiffes, mais il preffoit les An- glois de le permettre. Ceux-cy le refufoient , fclon l'ordre que ie leur auois don= né. Il crát en pouuoir venir à bout, en les traitant mal. C’eft fon ordinaire de vou- loir voirtous les prefens & toutes les marchandifes , deuant que le Roy les ait veués , afin de choifir le premier. Deuant que ie peuffe auoir connoiffance de la violence qu'il faifoit à mes gens ,ilécriuit au Roy qu'il auoit fait arrefter certaines marchandifes apparte- nantesades Anglois, fans faire aucune mention des prefens, & qu'il le prioit de luy permettre de faire ouurir les caiffes ; & d'acheter les chofes qui feroient à fon vfage. l'en eus auis, & ce procedé ne pouuanteftre appuyé de perfonne ,le refo- lus d'en demander juftice. Ie crüs d'abord qu'il me falloit addreffer à Afaphchans car fi j'euffe pafsé par d'autres mains, ill'auroit pris pour vne injure. D'vn autre cofté , ie n'ofois m'y fier, & apprehendois qu'il ne preuint le deflein que j'auois de m'addreffer au Roy. Enfin, 1€ me refolus de luy enuoyer dire feulement que ie fouhaittois auoir audiance du Roy au Gouzalcan. Ce prerendu Prophete que le Roy eftoit allé voir peu auparauant , m'en fit naiftre l’occafion. Pinformay mon nouucl Interprete , de ce qu'il deuoit faire; & eltant monté à Cheual و‎ ie pris le chemin par où le Roy deuoit reuenir. Ie le ren- contray fur vn Elephant. le mis pied à terre, & luy fis connoiftre que ie luy vou- lois parler. Il fe tourna vers moy ; & preuenant la plainte que ie luy voulois faires ic [gay , me dit-il, que mon fils à pris voftre marchandife & mes prefens. Ne vous en mettez point en peine , il n'ouurira point vos caiffes, & ne touchera point aux coffres. Ce foir , ie renuoyeray vn ordre de vous les remettre entre les mains. Il accompagna cette promeffe d'autres difcours fort ciuils ; ὃς comme il connut que jauois fujet de me plaindre ; il commengale premier pour m'appaifer. Durantle chemin, ie n'en pús tirer dauantage ; mais la nui& eftant yenué , ic fus au Gou- zalcan , fans m'addreffer à Afaphchan , auec refolution de continuer à me plain- dre de l'arreft de mes marchandifes , & de tous les autres mauuais traitemens que nous auions receus a Surate. Auffi-toft que ie fus entré, le Roy appella mon Interprete, Y luy dit qu'il auoit écrit , & qu'il auoit enuoyé vn fecond ordre, δέ que ie ne perdrois pas la moindre chofe. Ie luy fis dire que l'affront qu'on nous auoit fait, & les mauuais traitemens des Officiers du Prince , auoient mis noftre patience à bout. I] me répondit que pour ce qui eftoit pafsé , il le falloit oublier. Íe vis bien que tant que Ala phchan feroit mon entreietteur , ie n'en tirerois fa- tisfaétion qu'en des paroles. C'eft pourquoy ie me refolus de ne pas porter la chofe plus auant ce iour-là, & d'attendre quelque occafion de parler au Roy lors que mon Infidelle mediateur n'y feroit pas. Le Roy fe mit à entrer dans les con- trouerfes de la Religion, & à parler de celles des Iuifs, des Chreftiens, & des Mahometans; le vin l'auoit rendu de fi belle humeur, qu'il fe tourna vers moy; & me dit, ie fuisle Roy; vous ferez tous les bien-heureux dans mes Eftats , Mo- rcs » Juifs, Chreftiens. Ie ne me mefle point des Controuerfes de vos Religions, viuez tous en paix dás mes Eftats,vous y ferez à couuert de toute forte d'injures, vous y viurez auec feureté; & j'empefcheray que perfonne ne vous opprime. IL repeta plufieurs fois ce mefme difcours ; & enfin eftant tout à fait yvre , il fe mit à pleurer, & à fe laiffer emporter à d'autres paffions , nous tenant ainfi iufques à minuit. Chacun peut iuger la peine où j'eftois, de ce que les Fa&eurs auoient gardé 4. moisles marchandifes pour les voir apres tant de temps entre les mains du , ÀVPRÉS DV MOGOL: 47 Prince. Il arriua deux iours apres de Brampore : ce nous eftoit cependant vne nouuclle injure,de voir qu'on ne nous taiíoit point de Juftice de la premiere.Mais confiderant qu'enfin l'atraire n'eftoit plus en fon entier, que j'auois commencé à me plaindre du Prince, & qu Al eftoit defia beaucoup aigry contre moy de ce que j auois fait; ie creus , puis qu'il le falloit perdre tout à fait, qu'il fe falloit refou- dre à tout, & faire nos derniers efforts auprés du Roy. l'attendois l'occafion dele pouuoir faire à propos, & à l'heure mefme ie renuoyay le meffager que le Sieur Terry m'auoit dépeché , auec ordre de demeurer ou il le rencontreroit, & d'y attendre la réponte du Roy, que ie luy enuoyerois en toute diligence. Cepen- dant,le Roy feftoit fait apporter fecrettement les caiffes, & les auoit fair ouurir, ie pris en moy-mefme larefolution de m'en yanger; & dans vne audiance qu'il me donna , ie luy en fis mes plaintes. Il me reçeut auec des flatteries baffes, & cn- core plus indignes de fa qualité , que l'a&ion qu'il auoit faite. Ie crois qu'il le fit pour me donner quelque fatisfa&tion , voyant à mon vifage que J'eftois outré au, dernier point. Il cómenca donc à me dire qu'il y auoit trouué diuerfes chofes qui luy plaifoient extrémemét; entre-autres,deux couflins en broderie, vn verre tra- uaillé à iour , qu'il auoicauffi retenu les dogues; que fi entre ces chofes-là il y en auoit quelqu'vne que ie ne luy vouluffe pas dóner il mela rendroit, & qu'il vou- loit que ie fuffe content.Ie luy dis qu'il y en auoit peu que 1e ne luy euffe deftiné; mais que c'eftoit vn proce de tort inciuil àl'égard du Roy d' Angleter re mon Maja tre,& que ie ne fcauois coment luy faire entendre que les chofes qu'il donnoit en prefent auoient efté faifies, & non point prefentées par mes mains à ceux à qui el- les eftoient addreístes. Que quelques-vns des prefens eftoient pour le Prince & pour la Reyne Normahal. Que les autres deuoient demeurer entre mes mains pour m'en feruir dans lesoccations , & difpofer par là Sa Majefté à à nous proteger contre les injures que les eftrangers nous faifoient tous les iours. Qu'il y en auoit pour mes amis , ou pour mon vfage particulier. Que le refte apparte- noit aux Marchands, & qu'ainfi ie n'en pouuois pas difpofer. Il me pria que ie ne trouuaffe point mauuais qu'il fe les euft Fait apporter ; qu'il auoit trouué ces cho- fes fi belles , qu'il n'auoit pas cula patience d'attendre que ie les luy prefentafle. Qu'en cela il ne m'auoit point fait de tort , pource qu'il croyoit que mon inten- tion cftoit , que dans la diftribution des prefens il fuft feruy le premier. Que pour le Roy d' Angleterre و‎ il luy en feroit fatisfaction & mes excufes. Aufli, que le Prince, la Reyne Normahal & luy, n'eftoient qu'vne mefme chofe ; & quant aux prefens qui deuoient eftre referuez pour les occafions où Jaurois befoin de fà fa- ueur و‎ ce n'eftoit qu'vne ceremonie tout à fait inutile ; parce qu'il me donneroit audiance en quelque-temps que ce fuft ; & que ic ferois bien recen, quand mef- mesie viendroisle voirles mains vuides, puis qu'il voyoit bien qu'il n'autoit pas tenu à moy d'y venir autrement. Dela, il fe mit fure difcours de fon fils; & me dit qu'il me rendroit quelque chofe de ce qu'il auoit pris, & qu'il feroit conten- ter mes Marchands fur les marchandifes qui leur appartenoient. Il cohclud enfin cette longue fuite de raifons , en me priant que ie ne priffe point en mauuaife pare la liberté qu'il feftoit Amate fans aucune intention de me faire tort. Ie ne répon- dis rien à tout cela ; fur quoy il me preffa de luy declarer ma pensée ; me deman- dant diuerfes fois ἢ l'eftois content ou non. Ie luy répondis que i'eftois fort fatis- fait, de voir que Sa Maiefté le fut. Il tourna les yeux fur le Sieur Terry و‎ que i'a- uois amené auec moy à l'audiance; & luy dit, Padre ; vous foyez le bien-venu. Cette maifon eft à vous; vous deuez faire voftre compte là deffus. Toutes les fois que vous me voudrez parler ; vous aurez les entrées libres, & ie vous feray toutes les graces que vous me pourrez demander. Apres luy auoir ainfi parlé; il faddreffa à moy derechef , auec tout l'art dont les plus finsfe peuuent feruir, & fe mita faire le dénombrement de toutes les chofes qu'il m'auoit fait enleuer. N Terry eftoit vn Miniftre; Vn Satyre qu'vne fem- me meine parle nez, dont on fait grad bruit. 48 MEMOIRES DE THOMAS RHOE, commença par les dogues, les coulfins , & l'eftuy de Barbier ;& en foüriant , VOUS ne voulez pas, me dit-il , que ie vous rende ces chofes ; car ie fuis bien aife de les auoir. Il en faut demeurer d'accord, luy répondis-je. Pour les verres de ces deux caiffes , adjoufta-il ils font fort communs, pour qui les auiez-vous fait venir? Ie dis que Pyne des caiffes eftoit pour Sa Majefté, & l'autre pour Normahal. Hé bien! ce dit-il, ie n'en retiendray qu'vnc. Et ces chappeaux, adjoúta-1l, à qui font-ils ? Ils plaifent fort a mes femmes. Ie répondis qu'il y en auoit trois pour Sa Maiefté, & que le quatriéme cftoit pour mon vfage. Pour ceux-là, vous ne me les voulez pas ofter ; continua-il , car ع1‎ les trouue beaux. Pour le voftre ; ie vous le rendray fi vous en auez befoin ; mais vous m'obligerez beaucoup de me le don- ner. Il cn fallut demeurer d'accord. Et ces peintures, difoit-il , à qui font-elles ? Elles m'ont efté enuoyées , luy dis-ic , pour en difpofer felon les occafions & l'e- xigence de mes affaires. Il commanda qu'on les luy apportaft ; & ayant fait ouurir la caiffe où elles eftoient,il me fit plufieurs demandes fur les femmes qui y eftoiét peintes ; & d'autres queftions femblables. Il fe tourna fur ceux de la Cour qui eftoient les plus prefts de luy ὃς les preffa de luy donner l'explication d'yn tà- bleau dans lequel il y auoit vne Venus & vn Satyre. Il deffendit à mon Interpre- te de m'expliquer ce qu'il difoit fur ce fuier. Ilfaifoit remarquer à fes courtifans les cornes du Satyre , {a peau qui eftoit noire, & diuerfes autres particularitez de cctte peinturc. Chacun d'eux l'expliqua felon fon fens; mais le Roy leur dit apres les auoir ouys , qu'ils fe trompoient , & qu'ils en iugeoient mal. Pour luy il ne declara point fa pensée , & commanda de nouueau à l'Interprete de ne me point expliquer cc qui f'eftoit dit fur ce tableau , mais de m'en demander mon fenti- ment. Le luy répondis que ie croyois que c'eftoit vne inuention du Peintre , pour faire paroiftre ce qu'il fçauoit , & que c'eftoit la couftume de tous ceux de fon Aït, de fe feruir ordinairement des fiétions des Poétes pour en tirer le fuiet de leurs tableaux. Que ie ne luy pouuois rien dire dauantage fur l'explication de cette peinture, puifque c'eftoitla premiere fois que ie la voyois. Il demanda auffi au Sieur Terry le iugement qu'il en faifoit , qui confeffa comme moy fon igno- rance. Le Roy luy demanda, pourquoy donc m'apporter vne chofe dont vous ne Ícauez point la fignification? Ie pris la parole, & dis au Roy que noftre Miniftre ne le méloit point de femblables chofes ; qu'on ne les luy auoit pas données en garde , mais qu'il eftoit feulement venu auec nos marchandifcs , pour en auoirla conduite par le chemin. Ie rapporte cecy pour l'inftru&ion de nos Meffieurs de 12 Compagnie desIn- dcs, & de tous ceux qui fuccederont à ma place,les aduertiffant qu'ils n'enuoyent point en ces quartiers des chofes qui foient fuiettes à mauuaife interpretation ; car en ce poinét ils font fort foupçonneux. En effet; quoy que le Roy ne vouluft pas dire fes fentimens, ie creus neantmoins auoir connu parles propos qu'il auoit tenu, qu'il fimaginoit que cette peinture eftoit faite en derifion des peuples de l'Áfie , & qu'il auoit opinion qu'ils y eftoient reprefentez par le Satyre , com- mc cftans d'yne meíme complexion; & que la Venus qui menoit le Satyre parle nez , reprefentoit le grand empire que les femmes de ce Pays-là ont fur les hom- mes. Pour moy, il ne me preffa pas dauantage d'en donner mon iugement ; & comme il eftoit perfuadé quc ie n'auois jamais veu ce tableau , il crût que l'igno- rance fur laquelle ie m'excufois eftoit fans artifice. Ce foubçon que ic viens de di. re; luy demeura toutefois dans l'efprit ; & fans témoigner d'en eftre offensé , il me dit qu'il receuoit cette peinture comme vn prefent que ic luy faifois. Pour ce qui eft de la felle & des autres bagatelles ر‎ adioufta-il ; ie veux qu'il les enuoyeà mó fils à qui elles font propres. Ie luy écriray auffi fuiuant la promeffe que ie vous en ay faite, auec des ordres fi exprés, que vous n'aurez point befoin auprés de luy de folliciteur. Il accópagna ces offres de tát de côplimés,d’excufes,& de protefta- ti6s,& qui ne pouuoiétyenir que d'vne ame,ou fort genereufe,ou fort baffe,il n°é È ) 8 demeura AVPRES DV MOGOL. 49 demeura pas là. Il demanda ce que vouloient dire les figures de cesbeftes, & fi on me les auoit enu@yées pour les luy prefenrer. On m'auoit auerty qu'elles eftoient fort ridicules & fort mal-faites, ἃς que la peinture mefme Cen eftoit écaillée en plufieurs endroits. En vn mot, à les bien prifer, ce n'eftoit rien que de vilaines maffes de bois. Ie luy répondis qu'on n'auoit pas eu intention de luy fai- re prefent d'vne fi mauuaife chofe; mais que ces beftes auoient efté enuoyées pour faire voir la forme des animaux qui font les plus communs en nos Pays. Il me repartit aufli-toft ; Hé quoy ! penfoit-on en Angleterre que ie n'euffe point encore veu de Cheual ny de Taureau? Rien moins que cela, luy répondis-Je ; mais celuy quiles a enuoyez eft vn homme d'vne condition ordinaire , qui m'a voulu témoigner fon affe&ion , en me faifant prefent de ces bagatelles. Et bien, bien, dit le Roy ,1eles veux garder ; mais il faut que vous m'aydiez à me faire auoir vn grand Cheual de ceux de voftze Pays. C'eft tout ce que ie vous veux demander,auec deux de vos Lévriers d'Irlande, vn mafle & l'autre femelle, & des autres efpeces de Chiens dont vous vous feruez pour la chafle. Si vous me les faites venir, ie vous jure en parole de Prince que ie 70115 en recompenferay, & que ie vous accorderay plus de priuileges que vous ne m'en pourrez demáder. Ma réponfe fur, que ic ne manquerois pas d'en faire mettre für les Vaiffeaux de la premiere Flotte ; mais que ie ne pouuois pas répondre qu'ils peuflent refifter à vn filong voyage, & qu'en cas qu'ils vinffent à mourir, pour marque de mon obeyffance ,ie luy en ferois voir les os & les peaux. A cc difcours il inclina plu- fieurs fois , il porta la main fur fà por&rine, & me témoigna sant de faueur, de fa- miliarité,& de bié-veillance, que tous ceux qui fe trouuerent prefens, afleurerent qu'il n'en auoit iamais tant fait à perfonne. Cefur la ma recompenfe. Il me dit encore , qu'il vouloit reparer Pinjure qui m'auoit eflc fait, & ime renuoyer à mon, Pais comblé de graces & de faueurs dignes d'vne perfonne de ma condition Mais voyant qu'on ne me donnoit que des paroles pour les marchandifes qui auoient efté faifies, ie redemanday à Sa Majefté les pieces de yelours & les pieces de foye , comme marchandifes appartenantes aux Marchands , luy faifant croire quc les Marchands ne les auoient fait mettre dans mes coffres , que pour cui ter les mains des Officiers du Prince. Il fit appeller Maiftre Bidolph pour en faire le prix auecluy , & le contenter. Ie luy prefentay alors vn Memorial où eftoient eftendus au long les priuileges & les franchifes que nous efperions de luy , luy di- fant que fiil ne me les accordoit , ie feroisobligé de retourner vers mon Prince, auec le déplaifir de luy auoir efté inutile en cer employ , & d'auoir par là merité fa difgrace. Ieluy demanday aufli juftice pour le payement de ce que nous deuoit Sulpheckarkon qui eftoit mort depuis peu ; il me dit qu'il. en parleroit à fon fils, & de nos affaires de Surat; que nous n'aurions deformais aucun füjet de nous en plaindre , ny des Officiers de fon Gouuernement. Il donna mef- mes pour cét effet quelques ordres {ur le champ, & me promit de me mettre en- tre les mains des ordres pour les Gouuerneurs des autres places» Enfin, dit-il , ie vous monftreray en toutes rencontres que ie vous aime beaucoup, & que ie yeux que vous retourniez auec honneur en voftre país. Il ajoüta qu'il enuoyeroit en meíme temps vn magnifique prefent au Roy d'Angleterre; qu'il l'accompagne- roit d'vne lettre où il luy rendroit témoignage de mes bons feruices; & me "des en fuitte de luy dire quel prefent ie croyois deuoir eftre le plus agreable au Roy Le Mogol répondit à cette diffi- culté qu'on luy faifoit fur le traní> port des cheuaux ; qu'il nc fe Íoucioit pas qu ils fufsek cn mauuais eftat lors qu'ils arri- ucroient, 8 qu'il les au- roit bien- toft remis enles nour- riffant de beurre & dc fuccre, d'Angleterre. Ie luy refpondis qu'il me figeroit mal de luy demander vn prefent; que ce n'eftoit point la maniere de noftre País, qu'il y iroit de l'honneur du Roy mon Maiftre d'en vfer de la forte , mais que ie l'affeurois que quoy qu'il en- uoyaft, ille receuroit auec beaucoup de ioye , comme venant d yn Prince qu'il eftimoit & qu'il aimoit beaucoup.Il me dit que peut-eftre ic croyois qu'il me fai- foit cette demande en raillant ; quil voyoit bien parla que i'cftois mal fatisfair 3 mais qu'il me conjuroit de croire qu'il eftoit mon amy. Que ie owe s àla 1 CP EY E 1 * * 50 MEMOIRES DE THOMAS RHOE, fin, & iura par fa tefte que c'eftoit tout de bon , & qu'il vouloit enuoyer vn pre: fent en Angleterre. Ilfallut par force luy nommer quelque chofe digne de- ftre enuoyé filoing. Icluy dis que felon ma penfee ,les grands tapits de Per- fe feroient fort propres, parce que mon Maiftre n'attendoit pas des prefens de grande valeur. Il dit qu'il en feroit mettre enfemble de toutes fortes de gran- deurs & de façons, & qu'il y adioufteroit ce qu'il croyoit eftre le plus propre pour faire voir au Roy d'Angleterre combien il l'eftimoit. Onauoit mis deuant luy diuerfes pieces de venaifon. Il me donna la moitie d'vn Dain, & me dit en mele donnant, qu'ill'auoit tué de fa main propre , & qu'il auoit deftinél'autre moitié pour fesfemmes. En cffet cette autre moitié fut coupée fur le champ en plu- fieurs pieces de quatre liures chacune. Ecàl'inftant mefme,le troifiéme fils du Roy & deux femmes vinrent du Serrail , & prirent ces morceaux de viande entre leurs mains, & les porterent dans le Sertail comme des gueux à quion les auroit dohnez par charité auroient pù faire. Si l’affront qu'on m'auoit fait, euft pú eftre reparé par des paroles, ie deuois eftre content de celles que ce Prin- ce me dit ce jourlà ; mais ie crú que ie deuois continuer à me plaindre, craignant qu'il ne m'cuft fait toutes ces auances pour m'éprouuer , & pour voir f1j'eftois fa- tisfait. Il me demanda fi ie n'eftois pas content deluy ;Ie luy répondis que fa fa- ueur pourroit aisément remedier aux injuftices qu'on m'auoit faites dans fes Eftats. Ie n'ay qu'vne queftionà vous faire , me dit-il, quand ie fonge aux pre- fens que vous nous auez apportez depuis deux ans. le me íuis eftonné plufieurs fois que le Roy voftite Mailtre vous ayant enuoyé auec la qualité d'Ambaffadeur; ves prefens neantmoins fe foient trouuez fi inferieurs en qualité & en nombre à ceux qu'vn Marchand quiaefté deuantyous icy ر‎ y auoit apportez, & auec lef- quels il auoit gagné l'affe&ion de tout le monde.le vous recónois pour Ambaffa- deur ; voftre procede me femble eftre d'vne perfonne de condition, & cependant ic ne puis comprendre que l'on vous entretienne icy auec fi peu d'éclat.Ie voulois répondre à cette interrogation , mais il m'interrompit. Ie fcay affez bien; con- tinua-il', que ce n'eft ny voftre faute ny celle de voftre Prince; ie veux vous faire voir que ie fais plus d'eftime de vous, que n'en font ceux qui vous ont en- uoyé. Lors que vous retournerez en Angleterre , le veux que ce foit auec honneur & auec recompenfe , & vous charger d'vn prefent pour voftre Maiftre, fans auoir égard à ceux que vous m'auez prefenté , vous priant feulement d'vne chofe,que ic ne voudrois point cómettre aux Marchands. C'eft de me faire faire en vos quartiers vn carquois pour mettre des fléches, vn eftuy pour monarc, dont ie vous feray donner le modele , vn couffin à ma maniere pour dormir def- fus , vne paire de brodequins que vous ferez broder en Angleterre le plus riche- mét que faire fe pourra , & vne cotte de mailles pour mó víage. le fcay qu'en vos quartiers on trauaille mieux qu'en lieu du monde , & fi vous m'enuoyez ces cho- fes , vous Íganez que ie fuis vn puiffant Prince, & vous éprouuerez que vous n'au- rez rien perdu à vous charger de cette commiflion. Ie l'affeuray que ic l'execute- rois foigneufement. Il commanda à Afaph-chan de m'en enuoyer les modeles. Il me demanda en fuite fi ie n'auois point de vin de grappe ; Ie luy répondis que Jen auois. Il me dit qu'il en vouloit tafter la nui& fuiuante , & que fille crouuoit bon il fep vouloit donner au cœur-joye. La foirée Peftant pafséc dans cette longue conueríation , le Prince fe leua ; & me donna congé. Le 3. de Mars ,'j'arriuay à Mandoa, le Roy y deuoit faire fon Entrée , mais le jour n'eftoit point encore arrefté ; car on attendoit que les Aftrologues luy euf- fent marqué l'heure la plus fauorable pour cette ceremonie ; tellement que nous demeurámes dehors en attendant ce moment bien-heureux. Le fixiéme , jentray à Mandoa. Mes gens que j'y auois enuoyez pour me chercher vn logement و‎ auolent pris poffeflion d’vne grande enceinte fer- mée de bonnes murailles , où il y auoit vn Temple & vn Monument. AVPRES DV MOGOL. SI Quelques gens de la Cour fy eftoient aufli logez ; mais ie ne laiflay pas de m'en contcrucr la poffeffion , comme du meilleur logement qui fuft dans toute la Ville; en y faifant fort peu de dépenfe , on l'auroit rendu tour à fait commode , l'air y eltoitbon, & la vedé fort agreable ; car cette maifon eftoit fur le haut d'yne éminence. Il eft vray qu'il y auoit cette incommodité, quelle eftoit éloignée de deux milles du Palais du Roy. Le 11. ie me mis en chemin pour aller trouuer le Roy, mais on me dir qu'vn Lyon ayant tué quelques cheuaux de l'équipage, il luy auoit voulu donner la chaffe , & qu'il eftoit forty pour ce deffein là. l'employay quelque-temps pout faire chercher de l'eau ;car la Ville eftant fur vne hauteur & aux enuirons » il n’y auoit ny puits ny autre referuoir d'eau , tant eft grande la preuoyancc des gens de ce pais. Toute cette multitude de monde qui y eftoit , fe vid en danger de perir de foif :les principaux Seigneurs de la Cour auoient pris poffeffion du peu de puits qui le trouuerent en la campaghe voifine , de l'eau; il ne me fut pas pôfible d'en auoir. Tous les pauures gens furent obli- gez de quitcer la Ville, Pon publia mefme vn ordre, par laquelle il eftoit com- mandé de mettre dehors le beftail & les Chameaux. Tous ceux qui fe trou- uerent fans faucur, furent obligez d'aller chercher d'autres demeures à trois ou quatre lieuës de là: ce qui cauloit vn defordre incroyable dans la Cour, & ren- doit les viures fort chers. En mon particulier »Jeftois affez en peine de la refolu- tion que ie deuois prendre; car ma maifon eftoit fort bonne : & quoy que ic fufle éloigné des marchez aufli bien que de l'eau, ie m'imaginois neantmoins que j'y pourrois demeurer auec plus de commodité que ie n'auroisfait à la campagne , où ilauroit fallu camper. Ie montay donc à cheual pour chercher de l’eau moy-mef- me ; ie trouuay vn puits que l'on gardoit pour vn Cham à qui le Roy l'auoit don- né. le luy fis connoiftre le befoin que i'auois de fa courtoifie , il m'accorda quatre charges d'eau pariour. Ic regeus cette faueur comme ie deuois, & ie m'en xetournay à mon logis fort fatisfair ; & lesiours fuiuans , ayant vendu quelques marchandifes, & m'eftant défait de quelques-vnes de mes voitures, ie me fau- way de la mifere publique. Ie ne laifferay pas de dire que ay fouffert dans des voiages que i'ay faits à la fuite de la Cour du Mogol,toutes celles qu'yn mauuais gouuernement & vn climat intemperé peuuent faire fouffrir aux hommes. Sa VIIL Affaires des Marchands Anglois. Fefte du ¡our de la Naiffance du Roy. E 12. de Mars, ie prefentay au Roy pour Eftreines vne belle paire de coú- À teaux & fix verres , de la part de la Compagnie. Il reçeut bien l’excufe que ie luy fis fur la petiteffe de ce prefent; & me témoigna beaucoup de bon- té, ce quieftoit toute ma confolation; il me dit que ie ne luy pouuois faire de prefent, quelque petit qu'il fut, qui ne luy fuft tres-agreable; qu'il y confideroit principalement l'affe&ion auec laquelle ie lc faifois, & que C'eftoit maintenant a luy a medonner quelque chofe. l'apperceusà cofté du Prince vne perfonne de laCour qui s’eftoit bien acquittée de la promeffe qu’elle m'auoit faite ; car ie trouuay que le Royauoit cftéinftruit par fon moyen des chofes que ie defirois. Il commanda aufi fur le champ à vn de fes Officiers, de faire venir Maiftre Bidolff, & qu'on luy payaft l'argent qu'il demandoir. Tous nos autres debiteurs curent ordre de payer ce qu'ils deuoientàla Compagnie. Cela ainfi ordonné, le Roy me commanda de monter fur les degrez de fon Trone, & de m'approcher de luy. le luy obeys, & trouuay dvn cofté 'Ambafladeur de Per- fc; & del’autre le vieux Roy de Candahar. A peine auois-je pris ma place prés de ce m Ξ cane στὸ عدج‎ H ij C'ett le fire- de ou la manfere du Pays,de fai- re la reucré: ce au Roy. 3? MEMOIRES DE THOMAS RHOE, Prince, qu'il me demanda yn coúteau que ie luy enuoyay le jour fuiuant. Le Roy appella en fuitte l'Ambaffadeur de Perfe ; & luydonna des pierreries & vn icu- nc Elephant. Il fe mit à genoux, & donna de fatefte contre les degrez du Thròne pour le remercier. Ce Trône là eftoit le mefme qui auoit feruy l'anncepaffte , & a- uoitlesmefimes accompagnemens, Au haut du Thrône cftoient les portraits du Roy mon Maiftre , de la Reine , de Madame Elizabeth , du fieur Thomas Sunth, a- uec quelques autres peintures. Au deffousil y auoit deux pieces d'vnetapifferie de Perfe cres-fine. Ce Thróne, comme lay defia dit , eftoit d'or femé de rubis, d’efme- raudes & de turquoifes. A cofte fur vn petit échafaut eftoit vne troupe عل‎ Muficien- nes Courtifanncs. l'écriuis ce jour-là à nes Fa&teursà Surat les nouuelles que jauois regeués de Perle , & les negociations du nouuel Ambaffadeur Per- fan en cette Cour: Ie leur manday aufli de faire fouuenir Abraham-Chan Gou- uerneur de Surat dela promeffe qu'il m'auoit faite .Il m'eícriuit كاعم‎ apres , & me mandoit par fa lettre; que durant fon abfence noftre Nation auoit receu à la verité quelques mauuais traittemens , mais que fon pouuoirfyant cfte augmenté par le Prince, il vouloit que ie demeurafle perfuadé que tant qu'il feroit en credit ,mon feulement il nc fouffriroit point quel'on nous fift aucun tort, mais que l'on nous ac- corderoit plus de libertez & de priuileges que nous n'en auions cüs par le pafse. Lc 5o. j'enuoyay faire vn cóplimenca Afaph-Chan.Ie l'accompagnay d'vn bónet de nui@bien trauaillé, ὃς d'vne paire de gans: L'vn & l'autre luy furent prefentez de ma part. Pour les gaads il lesrenuoya comme vnechofe de nul víage en ce país, Il receut bien le bonnet, & me fit demander vn peu de vin d'E(pagne que ie luy en- uoyay leiour fuiuant. Sur le foir Aganor m'enuoya vn Banjan fon Secretaire, pour me dire qu'il auoit ordre d'expedier l'affaire des marchandifes; & qu'il enuoyeroit exprés vn de fes gens pour acheuer cette affaire auec Maiftie Bidolff; que Pon m'en- uoyeroità mon logis les patrons des chofes que le Roy defiroit de moy , & qu'il me voulait donner vne vefte & de l'argent pour la dépenfe du voyage que i'auoisà faire vers mon Prince. Ie luy dis que ie ne me feruois point de ces veftesàl'Afiatique, & que ie n'auois point affaire d'argent.Que fi il plaifoit à fa Majefté de cófiderer les ink jures qu'on nous auoit faites,& de jetter les yeux fur le memoire que ic luy en auois prefenté, & nous faire juftice , ou nous la faire faire par le Prince, c'eftoit la feule grace que i'attendoisde fa bonté. : Le 21. ie nc peús pas prefler dauantage le Roy fur les affaires de la Compa- enic. Ie découuris feulement le foubcon qu'i] auoit que nous n'euffions deffein 5 | de quitter fon paisa la dérobée. Pour ce quieftdu Prince, foir qu'il euften effe& ap- prehenfion de nos Vaiffeaux ; ou qu'il fe voulut feruir de cette crainte pour fes fins particulicres, il auoit donné à entendre au Roy dés l'année precedente, que les An- lois auoient deffein fur Surat. A quoy il faut auoüer que la folie de quelques- vnsde noftre Nation donna quelque fujet. Car il ny a paslong-temps qu'à l'occafion d'vnc de leurs querelles ordinaires, ils firent defcendre à terre deux cens moufque- taires, & les firent marcher vers Surar. Et ces foldats eftant rencontrez par des gens du Pais leur dirent en raillant , qu'ils marchoient pour prendré la ville. Quoy que «cette menace fut ridicule , & qu'il n’y euft point d'apparence qu vne poignée de gens peüt entreprendre de paffer douze mille de Pays enncmy و‎ & attaquer vne ville fer- mec où il y auoit plus de mille cheuaux , & autant de mouíquetaices; qu'il y euft de , plus vne riuierc à paffer, que peu de gens aurojent pú deffendre contre vne gran- dearméc: La chofe nelaiffa pas de donner du foubçon, & de patfer aupres des plus fages pour vn mefpris & pour yne iniure faite à toute la nation. Le Prince s'en fer- , uit pour vn deffein qu'il auoit en tefte depuis long-temps, qui eftoit de fortifierla ville & le chaftcau ; ce qu'il fit,& commença parla fortification du Port, où il fit def cendre de l'artillerie pourle deffendre. Ces fortifications luy pouuant feruir vn jour, pour luy affeurer cette place, & γῆς porte de derriere ouuerte s'il eftoit jamais obli- ge de fuir la vengeance de fonfrere. Cette rencontre, les mefcontentemens que ie à AVPRES DV MOGOL. $5 reccuois dans le pais , quelques paroles libres qui m’efchapperent, l'empreffement quc j'auois d'aller à Brampore ; les nouuclles qui couroient que nous auions pris Goa, & que nous preparions yne grande Flotte en Angleterre, augmentoient ce foubgon dans l'efprit du Roy. Ill'auoit tenu long. temps caché; enfin, il Pen ouurit apres dans vn difcours qu'il me fit; & il demeura fatisfait de ce que ie luy en dis. Pour moy ie nel'eftois point, car il y auoit long-temps qu'on me repaiffoit de paroles; & ie connoiffois aufli bien que luy-mefme , que la feule appichenfion qu'il auoit do nos Vaiffeaux l'obligeoit à nous retenir. Les plaintes que l'on fait des mal-verfations des Officiers, font fi odienfes en cet: te Cour-là, qu'elles attiroiét contre moy tout ce qu'il y auoit de perfonnes de condi- tion qui finterreffoient dans cette affaire ; comme dans yn iptereft qui leur eftoit commun. En cffet , ils tiennent à Ferme tous les Gouuerne mens du Pays, où ils pra- tiquent toutes fortes de tyrannies contre ceux qui font fous leur dépendance , & ne fçauroient íouffrir que l'on f'ouure vn chemin pour faire paruenir jufques aux orcilles du Roy leurs injuftices. Ils preflent fouuent les poulces à ceux de leur Gouucrnement pour tirer d'eux de l'argent , ils apprehendent tous que le Roy n'en foit informe ; & c'eft ce qui me faifoit confiderer δέ hayr en la Cour du Mogol, comme vn rapporteur. Le 25. d'Auril 1617. ie reçeus vne Lettre de la Rade du Port de Dabul écrite pat le Capitaine Papy vcl, par laquelle il m'écriuoit conformément aux aduis que j'en auois defia regeus ; qu'ilauoit arreftc le Ioncq qui eftoit fretté pour le Port de Moca; mais qu'ayant fait reflexion depuis fur l'ordre que ic luy auois donné d'examiner en cela la correfpondanee qui eftoit entre le Prince, & celuy qui commandoit dans Matulipatan, où eftoit vn de nos Vaiffeaux nommé le Salomon, & d’où il ne pou- uoit fortir fansfon congé ; & trouuant qu'il y auoit amitié entre ces deux Princes, il auoit mis le Ioncq en liberté fans en rien prendre. Que cette courtoifie luy auoit fait receuoir vn meilleur traitement dans cette cofte ; que le Pays ne porte, outre lali- berté du trafic & l'affcurance de prendre de nous tous les ans trois cens pieces de drap , vne bonne quantité de plomb qui feroit payé en argent, & quelques pieces d'Artillerie. Ce que ie n'approuuay pas fort, à caufe qu'elles deuoient eftre em- ployées pout le feruice des Indiens & des Princes alliez des Portugais , qui font ennemis du Mogol;j'aurois conçeu de ces offres que le Gouuerneur me fit fai- re, quelque efperance de pouuoir eftablir noftre trafic dans ce Port, ἢ ie n'euffe crú qu'elles venoient feulement del'enuic que j'auoisde rauirle Ioncq ou Vaiffeau qui eftoit en la difpofition de Papvvel. Cette facilité à rendre le Ioncq , m'affeuroit d'autre cofté que ce Capitaine Papvvel qui l'auoit pris , n'eftoit pas perfonne à rien entteprendre dans fes courfes qui fuft au prejudice de la Compagnie ; il me fembloit mefme que celale deuoit mettre à couuert des foubgons & des jaloulics qu'onauoit euës autrefois de fa conduite, Le 27. j'appris par vn homme de pied, que l'on m'auoit dépefché de Mafulipatan, que le Salomon f'eftoit mis en mer; que le Vaiffeau Ofiander eftoit arriué de Ban- amd où il nous apportoit la mauuaife nouvelle de la perte de deux Vaiffcaux nom- mae Hector & la Concorde, dans le temps qu'on leur donnoit Carencàla Rade de laccatra dans l'Ifle de lava; ὃς quele Vaiffcau du Dragon ,celuy nommé le Clou de Girofle, & la Deffenfe, eftoientarriuez en Angleterre, apres auoir chargé à Ban- tam. Ie pris cette occafion pour faire tenir vne Lettre par terre au Gouuerneur dc Dabul, afin عل‎ fçauoir ce qu'il y auoit à efperer de Pouuerture qu'il auoit faite 0 ἐ- tablir noftre crafic dans fon Porc. Ie m'imaginay que c'eftoit vneoccafion qu'il nc falloit pas negliger , & que ie deuois mefme exciter ceux de la premiere Flotte de donner jufques-là. l'écriuis qu'il eftoit bon qu'ils y miffent à terre quelques marchandifes, pourueu qu'ilspuffent tirer de ces peuples de meilleures affcurances que les offres d'amitié qu ils nous auoient faites lors que nous auons eu entre nos mains leur Ioncq. Cette Lettre contenoit la raifon que nous auions cué " artefter ce 7 FA Ys MI TP A EE ur # * iij Tyrannie des Gouuez- neurs, Toncq eft vn efpece de Vaiffeau Ort leger, dont ils (e feruent le long des cé tes de la Chine, Bangam fi- gnifie Inter- jrete. 54 MEMOIRES DE THOMASRHOE, * Yoncq , qui eftoit fondée fur la difficulté & le refus qu'on fait de traiter auec nous. Que fi en effet ce Gouuerneur eftoit maintenant mieux difposé en noftrc endroit, & dans le deflein de faire amitié & alliance auec ceux de noítre Nation: que fifes offres eftoient accompagnées d'autant de fincerité qu'on en doit fup- pofer dans vn homme d’honneur,ie le priois d'écrire au Roy fon Maiftre pour ob» tenir de luy vn Firman, & les autres priuileges neceffaires pour cftablir noftre Commerce dans fon Port; l'affeurant que de mon cofté, il y auroit vne bonne correfpondance entre nos Anglois & ceux de fon Gouuernement ; que j'en- uoyerois tous les ans vn vaiffeau Marchand à Dabul; & que ceux qui fortiroient de fon Port , n'auroient point à craindre comme ils auoient fait par le paíse,la rencontre de nos Flottes. Ie vois affez de facilité à eftablir vne Factorerie dans ce Port; mais ie crains qu'il n'y ait pas dans le Paysaffez de marchandi(e pour 'em- ployer l'argent que nous aurions tiré de la vente des noftres. le garday en cette affaire vne conduite qui deuroit poflible eftre fuiuie de ceux qui viendront apres moy. le ne fis point paroiftre vne grande enute de faire reüflir la propofition que ie luy faifois ; & ie tiens qu'il faut cftre fort ferré auec ces gens dans les premiers eftabliffemens , à caufe que noftre condition y empire toufiours. C'eft vne regle generale ence païs-là, qu'il ne faut point efperer de rendre meilleures les conditions de noftre feiour & de £y eftablir mieux que l'onn'y a efté receu d'abord. Il en faut attendre le contraire : noftre meilleure heure eft cel. le de noftre arriuée. En ces premiers temps on nous confidere comme des perfon- nes nouuellement venués : le naturel de ces Barbares eftant d e fennuyer de ceux quine leur apportent aucune nouueauté. Ie mis cette depefche entre les mains de noftre Bangan , & le chargeay de fenquefter foizneufcment des commoditez & desauantages qu'on pouuoit tirer de ces pais-là, de leurs mœurs, de leurs fa- cons dc faire; & de penetrer le mieux qu'il luy feroit poffible, comment ils font difpofez à noftre égard. Le 30. on me vint faire des excufes dela part de l'Ambaffadeur de Perfe , fut ce qu'il eftoit party fans me faire ciuilité. l'appris de fon Enuoyé que cer Ambaf- fadeur n’eftoit point malade comme ille vouloit faire accroire;mais que ne rece- uant aucunc fatisfa&ion du Roy dans fes negociations il en auoit pris congé lors que l'on fy attendoit le moins, & luy auoit donné en partant trente beaux che- uaux. Le Roy en recompenfe luy fit prefent de crois mil écus, l'Ambaffadeur fit connoiftre qu'il eftoit mal fatisfait de ce prefent. Le Roy Pen voulut iuftifier , & fit deux liftes , dans l'yne defquelles eftoient efcrits les prefens de cét Ambaffa- deur,& à chacun de ces prefensil y auoit mis le prix bien plus bas qu'ils ne valoiét en cffe&. Dansl'autre eftoient marquées iufques aux moindres chofes que le Roy luy auoit données, iufqu'à y mettre les melons , les pommes de pin , & le vin qu'il luy auoit enuoyé,auec leur prix, mais qui eftoiét bié au deffus de leur valeur. En luy prefentant ces deux liftes on luy offritle furplus en argent pour égaler fon compre à celuy del'Ambaffadeur. Ces mauuais traittemens & ces mefpris firent que le Perfan feignit d'auoir la ficvre, pour ne point faire de ciuilicé à Afaph- Cham & à Ethimon Douler. Que par cette raifon il n'auoit peù trauerfer lA Le pour me venir voir fans defcouurir fa feinte ; qu'il auoit voulu que r'en fceulfe la verité, qu'il repareroit cette inciuilité forcée, par le bon traitement qu'il feroit en Perfe à tous ceux de ma Nation. Ce qu'il accompagna de queiques paroles de plaintes contre lc Roy; que l'Enuoyé me fit affez librement; cependant que de mon cofté ie faifois femblant d'auoir de la peine à les entendre. Ie luy fis prefent d'vn peu de vin d'Efpagne, ὃς de quelques coufteaux. Le 12. de May ic receus nouuelles d'vne grande défaite des armées de Perfe parle Turc. l'appris que Tauris auoit efté razéc, & que Sha-Abbas n'eftoit pas en eftat de tenir la campagne. Le 25. vn Lion & vn Loup vinrent de nuiét dans mon logis ils fe jetterent fur des moutons qui eftoient dans la Cour. l'enuoyay, * AVPRES DV MOGOL: T : 55 demander la permiffion de le pouuoir tuer. Carence païsil n'y a quele Roy qui puiffe faire la chaffe au Lion. On me la permit, ie courus dans la Cour, le Lion quitta fa proye, & fe Jetta fur vn petit dogue d'Írlande. Pour le Loup vn de mcs yalets le tua, & ic l'enuoyay au Roy. i Le 14. iourde Iuin on apporta au Roy vn coffre que les Iefuites auoient enuoyé de Cambaya, dans lequel il y auoit quelques medicamens & vne lettre.Ils furent trahis par celuy à qui ils l'auoient configné pour le porter; caril mit le tout entre les mains du Roy. Il ouuritle coffre, fit venir vn lefuite qui eftoit dans fa Cour pour lire la lettre, fe fit ouurir toutes les boctes : mais n'ayant rien trouué qui fuft à fon gouft, il le remit entre les mains du Iefuitte. Ce que ie remarque icy comme vn aduertiflement à ceux qui traittent en ce paîs-là , de bien prendre garde à ce qu'ils efcriuent & à ce qu'ils enuoyent. Car l'humeur de ce Prince eft de vouloir voir iufqu'aux moindres chofes. Les moindres bagatelles courent rifque lors qu'elles tombent fous fes mains. Le 18. ie receus des lettres des Officiers du vaiffeau nommé l'Efperance; on me- criuit qu'il n'y eftoit point venu d'Índigo;à caufe que la Carauanne ou Caphila de Goa auoit manqué de venir cette annee ; que l'on auoit rendu la Corne de Licor- ne; dautant que dans l'épreuue qu'on en auoit faite, on l'auoit trouué fans vertu. le regeus aufli deux Lettres de Brampore , par lefquelles j'appris que la debte de Baffe eftoit peu affeurée,& que Sprage eftoit reucnu de l’armée de Decan ; que le General Melic-Amber en ma confideration auoit fait chercher dans fon Camp vn Perían qui f'eftoit enfuy de ma maifon, mais qu'on trouua qu'il eftoic allé a Vi- fiapore ; ce qui fut caufe qu'on ne continua pas cette recherche ; que ce Gene- ral l’auoit fait faire auec beaucoup de foin ; témoignant par là l'eftime qu'il fai- foit de ma perfonne ; qu'on auoit écrit vne Lettre fur ce fujet au Refident d'Hol- lande qui demeuroit en cette place. Que ce General auoit prié Sparge de faire en forte qu'on apportaft dans fon armée des draps d'Angleterre, & de nos lames d'é- pées ; il campoit alors à fix journées de Brampore. C'euft efte felon mon fens, vne bonne occafion d'employer quelqu'vns de vos gens qui vous eftoient alors inuti- les, & de nous défaire des marchandifes dont nous n'auions pas trouué le debit. Le 30. de Iuillet on m'écriuit de Surate, que deux Vaiffeaux Hollandois f*é- toient échoüez fur la cofte de Damon; ils venoient du cofte du Sud chargez d'épiceries & des foyes de la Chine pour la Mer-rouge ; mais que le mauuaistéps leur auoit fait perdrela faifon propre pour y entrer. Qu'ils auoient tanté plufieurs fois d'aller ancrer ou à Soccotora , ou dans les autres Ports qui font fur la cofte d'Arabic ; mais que n'en ayant pú venir à bout, ils feftoient refolus de courir iuf- qu'à Surat, auec efperance d'y pouuoir demeurer à la Rade aufli feurement qu'ils ancient fait les années países; mais qu'ils auoient trouué que toutes les années ne fe reffemblent pas; car apres y auoir jetté l'ancre ; la tempefte les obligea de couper leurs mafts; & leurs chables fe rompans en fuite, ils aucient échoiié à la cofte fur vn banc de fable. Le Vaiffeau demeura droit; mais ayant per. du fon Efquif, & n'y ayant point d'efperance qu'vn fi grand équipage fe puft fau. uer pat le moyen des radeaux , quatre de leurs Mariniers fe jetterent dans la mer, ala náge gagnerent la terre ; vn peu apres la marée ayant mis le Vaiffeau a flot , ils fauuerent la plus grande partie de leurs marchandifes , & tout leur monde : Leur Fregatte qui eftoit de cinquante tonneaux, fut brisee en mille pieces. Le 21. d’Aouft, Matre Ruftan Roy de Candahor me vint rendre vifite ; ie fis ap- porter du vin-& des fruits. Il demeura aflis auec moy vne demye heure, ὃς la fin dela conuerfation fut qu'il me demanda vn baril de vin. Le Prince Sultan Corforonne fortit ce iour-là de fa prifon , & vint prendre l'air en νης maifon qui eftoit affez proche de la mienne. Le Prince Coronne auoit fait yn mariage à Brampore contre la volonté du Roy qui en auoic témoigné de la Viyex, cy-d= pres l'Hiftoi= re de ce nati frage. Auec quel- les ceremo- nies l'on pe- zc lcMogol. 56 MEMOIRES DE THOMAS RHOE, - fafcherie , & l'on auoit découuert en mefme temps quelque pratique qu il auoit faite contre la vie de fonfrere;il reçeut ordre de venir en Cour pour Pen iuftia fier. Normal & Afaphchan,par l'auis d Ethimon leur pere;traiterét de faire alliàce auec Corforonne. A cette nouuelle , on vit paroiftre vne ¡oye vniuerfelle parmy le peuple ر‎ qui commenga dés-lots à efperer l'entiere liberté de ce bon Prince. Le 22.]c Roy falla diuertir chez Afaphchan. l'appris dans ce temps-là, que le Mogol auoit fort prefsé Sultan Corforonne de fe marier ; qu'illuy enauoit témoi- gné yne grande paflion. Toute la Cour auoit les yeux tournez fur ce Prince , & l'on croyoit que ce mariage feroit le commencement de la ruine de Sultan Co- ronne fon frere. Le 1.de Septébre;iour de la naifsice du Roy; & celuy de la folénité auec laquelle on le peze; l'on me mena dans vn beau jardin,ou entre-autresyl y auoit vn grand quarré d'eau bordé d'arbres, & au milieu de ce quarré yn pauillon ; fous le- quel eftoit la balance ou le Prince deuoit eftre peze. Les plats eftoient d'or maffif enrichis de petites pierreries ; de turquoifes & de rubis, des chaifnes aufli d'or fouftenoient les plats de ces riches balances; & outre les chaifnes il y auoit des cordons de foye pour vne plus grande feureté. Le fleau de la balance eftoit cou- uert de placques d'or. Les principaux Seigneurs de la Cour efteient aflisà l'en- tour du Tróne du Roy fur des tapisen attendant qu'il vint. Il parut enfin tout chargé de diamans, de rubis & de perles. I1 en auoit plufieurs rangsau col; aux bras», fur fon turban, aux poignets,& deux outrois anneaux à chaque doigt; fon épée,fon bouclier & fon throfne eftoient auffi couuerts de pierreries. Ie luy vis en- tre-autres des rubis qui eftoient aufli gros que des noix, & des perles d'vne grof- fcur prodigieufe. Il fc fe mit dans vn des coftez dela balance aflis fur fes tallons comme vne femme. On mit de l'autre coftè pour le contre-pefer des balots que l'on changea fix fois. Ceux du pays me dirent qu'ils eftoient pleins d'argent, & me firent entendre que le Roy auoit pezé ce iour-]à neuf mille Roupias, qui font enuiron quinze mille francs en argent. On mit apres dans ce mefme cofté de la balance de l'or & des pierreries; mais comme elles eftoient empacquetez , ie ne les vis point. On le pefa apres contre dés draps d’or, contre des eftoffes de foye, contre des toiles, contre des efpiceries , & contre toute forte d'autresricheffes د‎ fi il faut croire ce que m'en dirét ceux du Pays; car toutes ces chofes eftoient em- pacquetez ; on pefa enfin le Roy contre du miel, du beure, & du bled د‎ & J'appris que tout cela deuoiteftre diftribué aux Banians ; mais ie remarquay, ce me fem- ble, que cette diftribution ne fe fit point , & qu'on remporta tout auec beaucoup de foin. On me dit que tout l'argent eftoit referué pour les pauures, le Roy ayant accouftumé d'en faire venir quelques-vns la nui&,& de leur diftribuer cer argent de fa main propre , auec beaucoup de charité. Cependant que le Roy eftoit dans P yn des coftez dela balance , il tourna les yeux fur moy, & me fit vn foüris ; mais il ne me dit mot, peut-eftre à caufe qu'il ne voyoit point mon Interprete qui n'a- uoit pú entrer aucc moy. A pres qu'on l'euft pesé, il monta fur fon Trône. ll auoit deuant luy des baffins pleins de noix ; d'amandes , de toutes fortes de fruits ar- tificiels d'argent. Il en jetta vne grande partie ; les plus grands Seigneurs qui eftoient les plus proches de luy , fe traînoient par terre pour en pren- dre. le creus qu'il n'y auroit pas de bien-fcance à les imiter. Le Roy fen apper- çeut ; & ayant pris vn des baflins qui eftoit quafi plain, le renuería dans mon man» teau. Ses courtifans eurent bien l'effronterie d'y porter la main aucc tant d'aui- dite, que fi ie ne les euffe preuenus, ils ne m'en auroient pas laifsé yn feul. On m'auoit fait entendre auant que ie fuffe entré , que ces fruits eftoient d'or maffif; mais ie trouuay par experience , qu'ils n'eftoient que d'argent , & d’argent file- ger, que mille de ces fruits-là ne pefent pas la valeur de deux cens frans. Pen fauuay bien la valeur de dix ou douze écus , & il y en auoit affez pour remplir vn plat d'yne bonne grandeur. le les garde pour marque du fafte de ces Peuples. Ie ne + ÀVPRES Dv MOGOL. $7 iie «ΤΟΥ͂ pas que ce jour-là le Roy en jettaft pour la valeur de quatorze ou quinze cens liures. Le Roy 2113م‎ toute la nui& d vniour fi folemnel à boire auec les prin- cipaux de fa Cour. l'y fus inuité , mais ie m'en excufay;à caufe que ie n'aurois pas pü me difpenfer de boire ; & leurs boiffons font fi chaudes, qu'elles font capa- bles de brüler les entrailles. l'eftois alors malade d'vne diffenterie, & n'ozois pas hazarder ma fanté dans vn femblable éxcez, Le 9. de Septébre, le Roy fortit pour f'aller diuertir fur la riuiere de ΠΣ dat; il deuoit paffer par deuant mon logis. le montay à Clieüal pour aller au deuant deluy. La couftume du Pays eft; que tous ceux deuant les maifons defquels il patfe , font obligez de luy faire quelque prefent; ce prefent f'appelle Mouba- rech , qui veut dire bonne nouuelle ou bon fuccez : le Roy reçoit femblables prefens, comme vn bon augure de l'atfaire qu'il eft fur le point d'entreprendre. le n'auois rien à luy donner ; cependant, il eftoit honteux de paroiftre deuant luy fans prefens ; & d'ailleurs , il y auroit eu de la rufticité à ne me point trouuer ce jour-là à mon logis. Ie me refolus de luy prefenter vn Atlas bien relié , & de luy faire des excufesde ce que n'ayant rien trouué chez moy qui füt digne d'eftre prefenté à à vn figrand Prince, ie luy offrois tout le monde dont il commandoir vne partie fi grande, fi riche , & fi confiderable. Il receut mon prefent auec beau- coup de ciuilité , portant fouuent la main à fa poiétrine, & m'affeurant que tout ce qui viendroit de moy, luy feroit toufiours fort agreable. Il me fit quelques qucítions fur Parrmée des Vaiffeaux , i ie luy disque ع1‎ les attendois de ¡our en * 3our. 11 repric le difcours ; & me dit qu'on luy auoit enuoyé de Goa des Sangliers qui eftoient fort gras; & que fij'en voulois manger,il m'en enuoyeroit quelques. viis à fon retour. Ie luy fis vne grande reuerence , & luy répondis que ie réçeurois auec beaucoup de refpe& & de Joye, tout ce qui viendroit de Sa Majefte. Il mon- ta fur fon Elephant; ὃς Peftant yn peu arrefté deuant mon logis il le trouua fort beau. En effet, c'eftoit vn des meilleurs du Camp: s1e l'auois pratique dans les rui- nes d'yn Temple, & celles d' vn Monument ancien. Il me dit adieu plufieurs fois; & àcaufe que le chemin eftoit fort mauuais , il voulut que ie retournaffe à mon logis. Ieluy obeys, apres auoir pris congé de luy. Le 16.ie montay à Cheual ; pour rendre au Prince de Candahor la vifite qu'il m'auoit faite. Il me fit dire à l’entrée de fonlogis و‎ qu'il ne pouuoit me voir fans €nauoir eu auparauant permiffion du Roy; ou en auoir aduerty Ethimon Doulet ou Afaphchan ; ce qu'il feroit au Durbal. Ie luy fis dire que ce feroit vne peine inutile , & que ie me garderois bien de retourner vne feconde fois à la porte d'v- ne perfonne fi inciuile. Ie connus fur le champ le peu de fondement qu'il y auoic à cette excufe , & ie jugeay bien que le Roy n'auroit point rronué mauuais qu ^l m'euft réceu chez luy , puis qu'il n’auoit pas trouué àredire ala vifite qu'il m'a- uoit faite. Ses gens me vouloient obliger à à demeurer ; & attendre la réponfe de leur Maiftre ; maisie m'en retournay, ez furle foir ie fus à la Cour. Le Roy me fic diuerfes queftions fur mon liüre de cartes;1e luy en donnay cout Péclairciflement que ie pús ; ie le trouuay fort diftrait, & ie ne crús pas qu'il fuft à propos de luy parler de nos debtes. Le sie retournay àla Cour , quoy que ie fuffe fort foible » poúr voir fil y auoit quelque chofe à efperer du Roy fur le fujet de nos debtes. Vn de nos debi- teurs m'auoit fait entendre depuis peu, qu il ne nous pouuoit payer qu’ en vene dant fa maifon. Ie prefentay donc au Roy la Requefte des Marchands ;.il la fit lire tout haut, & voulut entendre le nom de nos debiteurs ; quelles eftoient leurs cau- tions , & les fommes qui eftoient deués. Afaphchan en fila lecture ;le Roy fit aps peller en fuite Arader-Chan Grand Maiftre de fa maifon, auec le Cutval, & leur donna quelque ordre que ie n'entendis pas. Comme on lifoit les noms de ces per= fonnes , il finforma de leurs qualitez & des marchandifes qui leur auoient efté vendués. Il fe trouua qu'ilen eftoit mort quelques-vns, que d'autres n'eftoieng xf Les Maiftres des maifons deuant lef- quelles le j Roy paffe , font obligés de luy faire vn prefent, 58 MEMOIRES DE THOMAS RHOE;, pas fes fujets, pour la partie de Rulphe ; Afaph-Chan foffrit d'en parler au Prin: ce, & de terminer cette affaire,quandil feroit arriué. On fit alors entrer mon In- rerprete; & le Roy fe tournant vers moy, me dit que nos Marchands auoient pre- fte cer argent felon leurs caprices, & à qui ils auoient voulu ; qu'ils ne luy auoient point prefenté de memoire de leur marchandifes, & que par cette raifon fi leurs debiteurs n’eftoient pas foluables, c'eftoit leur faute, & qu'ils ne deuoient pas at- tendre qu'il leur payaftles debtes des particuliers. Ie m'imaginay qu'il vouloir parler de celle de Ergon vn de fes Officiers,le quel eftoit mort depuis peu, & dont on auoit fait faifirles cffe&ts de la part du Roy. Le Roy adioufta, que pour la pre. miere fois il me tireroit de cette affaire, & me feroit payer : mais que fi àl'adue- nir nos marchands vendoient leurs marchandifes à fes officiers fansl'en aduertir, Avis pour Que ce feroit à leurs perils & fortunes ; que fiau contraire , lors que les Vaiffeaux lesmarcháds Anglois arriuent, ils luy apportoient vn memoire de toute leur marchandife ;这 = IE prendroit ce qui luy feroit propre , & diftribueroit le refte aux vns & aux autres; Cour. & que ft entre ceux-là il fen trouuoit quelqu' vn qui manquaft à les payer, il y {a- tisferoit de fa bourfe. Il eft vray que c'ettla couftume des Marchands de Períe de porter tout ce qu'ils ont au Roy, lequel apres auoir pris ce qui luy agrée dauanta- ge, diftribuë le refte à ceux de fa Noblefle.Ses efcriuains marquent à qui les cho- fes ont elte diftribuées,& vn autre Officier y metle prix. On donne au Marchand vne coppie de ce memoire, & il n'a autre diligence à faire qu'à aller querir fon ar- gent à leur logis. Que fils ne payent pas, il y a vn Officier, qui felon la couftume de leur pais, a charge deles faire payer par force. On fit entendre alors à mon Interprete, l'ordre que le Roy auoit donné, qui eftoit qu'Aradcan deuoit faire venir nos debiteurs en fa prefence, & les faire payer. Nos marchands ne fe con- tenterent point de cette refponfe. Pour moy ie la trouuay fort iufte, & plus equi- table que celle que des períonnes particulieres peuuent attendre d'vn grand Prince en de femblables rencontres. Le Roy ayant appris que i'auoisefté malade, & que i'auois fait chercher du vin, m'en enuoya cinq bouteilles, auec ordre que quand ¡e les aurois beués , on m'en donnaft autant que i'en pourroisauoir befoin.Il m'enuoya auec cela yn San- glier des plus gros quei'ayeiamais veu. On l'auoit enuoyé dé Goa à Mocred- cam. Celuy qui me l'apporta de la part du Roy, me dit que depuis qu'il auoit efté prefenté au Roy, on ne l'auoit nourry que de beurre & de lucre. Ie receu ce pre- fent du Prince comme vne grande marque de fa faueur, & eneffe& en eft yne bien particuliere, & qu'il ne fait que rarement. On me rapporta apres de fa part. le liure de cartes que ie luy auois donné, & celuy qui mele rendit me dit de la part du Roy, qu'il l'auoit fait voir à fes Molas, qui font les {çauans du pais, que . pas vnd'eux n'y auoit pù rien entendre. Le 26. le Roy enuoya deux V mbras (ce font des premiers Officiers de guerre) auec quelques trouppes,paur aller prendre vn Raya-Rafboot qui feftoit reuol- Ente ou té dans des montagnes quieftoient à vingt courfes du Camp. Mais ce rebelle fe cos, comme QCffenditfort bien, atrendit de pied ferme ces trouppes,& dans vn rencontre tua on le trou- vh de ces Vmbras, & douze autres Capitaines. On porta cette nouuelle au Roy, pera dans quijugea que l'affaire meritoit bien qu'il enuoyaft fon fils pour le mettre à la rai- prions des on. Indes, dfi- — Le. iour d'Octobrele Prince Coronne fitfon Entrée dans la Ville , accompa- Srfmo me. gné des plus grands Seigneurs du País, qui parurent auec beaucoup de magnifi- fure de che- cence. Le Royle receut comme fiil euft efté fon fils vnique, en quoy nos conje: demie luc. دع طقال‎ fe trouuerenttres-faufles. l'enuoyay faire mes excufes à Afaph-Chan de de France. Ce que n'eftions pas monté à cheual pour luy rendre mes ciuilitez , la foibleffe ou i'eftois ne me permettant pas de le pouuoirfaire. Tous les principaux Seigneurs de la Cour, عق‎ la mere du Roy elle-mefme frent cinq courfes pour aller au deuang du Prince & du fauory. Ke RÉF: +, PA. cst AVPRESDV MOGOL. 59 Le 5. ¡e receus des nouuelles de nos vaiffeaux ; on me mandoit que l’admiral n'eftoit point encore arriuc. Que nos gens auoient fait vne prife vers le Mofam- bic, & que deux Corfaires Anglois que l’on rencontra en Mer donnant la chaffe au vaiflcau de la Reine mere qui reuenoit de la Mer Rouge , fut rencon- tré par les varfleaux de la Compagnie fort heureufement, pour le fauuer de leurs mains , & l'efcorter iufques à Surat. Si ces Pirates l'euffent pris , nous en cuffions efté icy fort en peine. Ie receus auec ces mefmes auis les lettres de la Compagnie; ὃς {es inftruétions, pour les affiires de Perfe. Ceux qui commandoient les yaif- {eaux ne fcauoient quelle refolution prendre pendant l'abfence de Admiral, fur le fait de ces Pirates Anglois. l'en expediay les ordres neceffaires, que i'ehuoyay à Surat, comme on les peut voir dans les regiftres de mes lettres. Le fixiéme i’allay pour voir le Prince, àl’heure à laquelle il a accouftumé de donner des Audiances ; ie luy deuois vn compliment fur fon arriute, & il impor- toit de luy parler de l'eftat de nosaffaires, & de le tenir bien difpofé en noftre endroit.lauois fait deffein d'accompagner ces offres du feruice de noftre Nation d'vne chaifne d'or faite enla Chine. l'enuoyay pourauoir Audiance,on me fit ré- ponfe que ie vinffe le lendemain à la pointe du iour, qui eftoit le temps auquel il la donne, ou qué r'euffe la patience d'attendre qu'il fortift pour aller chez le Roy. Vous remarquerez qu'il l'auroit fallu attendre à la porte. Ie pris cette réponfe pour vn affront;car fon pere ne m'auoit iamais refufé l' Audiance.Ié ne pús m'em- peícher d'éclatter , & de dire refoluément que ie weftois point fon efclaue, mais perfonne libre & Ambaffadeur d'vn Roy ; que ie me garderois bien de luy rendre vifite yne autre fois, ny de luy aller faire la Cour; qu'il m'auoit refuté juftice ; que ie le verrois ce foir là mefme chez le Roy, à qui i'eftois refolu deformais de m'ad- dreffer fans paffer par d'autres mains. La nui& eftant venué ; ie fus chez le Roy ; il me receut auec beaucoup de cour- toifie. Ie fis vne reuerence au Prince; il ne fit pas fculement femblant de me voir. le rendis compte au Roy de ce qu'il mauoit ordonné, & luy disque conformé- ment à fes ordres i'auois fait vne lifte de toutce qui eftoit arriué fur nos vaif- feaux, & que ie la luy apportois pour receuoir fes commandemens. Il me fit di- ucrfes queftions fur cette lifte, & me parut fort conftant des chofes qui y eftoient contenués , principalement des tapifleries. Ce memoire ayant efté leu; le Roy promit toutes fortes de faueurs, & tous les priuileges que ie pouuois fouliaitter. Il me demanda fi celuy qui auoit pris ces vaiffeaux n'auoit point apporté de perles & de pierreries. Ie luy refpondis que les nierreries eftoient plus cheres en Angle- terre que dans fes Eftats. Il me parutt fatisfait de cette refponfe. Ie n’ozay pas luy dire qu'il y auoit des perles; car ie craignois que cela n'attiraft fur nosgens la peïfecution du Prince. D'ailleursie me figurois que ces perles feroient d'autant plus eftimées, qu'elles autoient furpris ceux qui ne les attendoient point. l'efpe- rois mefme d'en faire quelque amy, & ce fut pour cette raifon que lors qu'Afaph- Chan me preffa de luy dire , fiie n'auois point de pierreries; ie luy refmoignay que ie fouliaittois deluy qu'il appuyaft la réponfe que i'auois faite , qu’elles c- ftoient plus chères en Angleterre qu'aux Indes, & que Pauois à luy parler en par- ticulier. Il entendit a demy mot ce que ie voulois dire, & fe τεῦς, Le Roy me pa- roiffant alors bien difpofé enuers nous; ie creus que le temps eftoit propre pour luy patler de ios debtes : & comme i'auois fur moy ma requefte en eftat, ie la prie à la main, & la tins éleuée pour laluy prefenter. Le Roy qui peut-eftre fon- geoit alors ¿autre chofe n'y prift pas garde : mais fes Courtifans fe douterent auffi-toft de ce que fe pouuoit eftre , iugeant quele Roy auroit trouué fort mau- uais que l'on euft negligé fes ordres : Il y en euft vn qui fapprocha de moy, & ad- droittement me tira la main en bas, me priant que ie ne prefentaffe point au Roy la requefte que ie tenois. Ieluy dis qu Aradeth m'auoit refufé Iuftice. Araderh qui l'entendit en ehtra dans vnc grande inquietude ; & Paddreffa à Afaph-Chan; ١ "EM - o MEMOIRES DE THOMAS RHOE, & le pria de m'empeícher de faire mes plaintes. Ie luy refpondis que nos vaiffraux c- ftoicnrarriuez , & que nous nc pouuions pas diflimuler dauantage toutes lesremifes . & les pertes de temps que nous auions fouffertes. Ilsconfulterent enfemble ce qu'ils auoient à faire ; & ayant fait venir Cuteual, ils luy dirent qu'il falloit executer les ordres du Roy. On afliegea cette mefme nui& les rentes de nos debiteurs;on en cou- ruft quelquesautres; fi bien que ie m'affeurc que cette fois icy nous en tirerons rai- fon. Ic receusde grands remercimens de la courtoifie auec laquelle nos gens auoient traitté ces pallagers qui s'cftoient trouucz fur le vaiffcau de la mere du Roy, & de la procc&ion que nous leur auions donnée contre ces vaiffeaux Angloisarmez en guer- re. Ilsen parlerenrau Roy qui reccut bien la chofe , & les principaux de la Cour me dirent à cette occafion, qu'ils eftoient obligez d'aimer la nation Angloiíe;qu'ils nous rendroienttous les feruices dont ils feroient capables, mais qu'ils ne ponuoient allez s'cftonner de ce que noftre Roy ne pouuoit pas retenir fes Sujets, & qu'il y en culteu d'affez hardis pour fortir de fon Royaume auec des vaiffeaux fans'fon conge. Afaph- Chan me mena auec luy dans fon departement apres que le Roy fe fult retiré; & nous traduifimes enfemble en langue Perfane le memoire des marchandifes qui e- ftoient arriuées pour le faire voir au Roy vne heure apres. l'augmentay vn peu l'ar- ticle de l'argent, afin de luy donner bonne opinion du profit que fes Eltars regojuent de noftre commerce. l'auois mis en fuite les draps & les ferges, & il y auoit vn article pour la marchandife fine, & vn autre pour la plus grofliere. Le memoire finiffoit par la (upplication que ie faifoisà fa Majefté , de nous donner la liberté de vendre le rc- fte. Apres que ce memoire fut dreflé, Afaph-Chan me fit reflouuenir que i'auois quelque chofe à luy dire en particulier, Il me pria de le faire en toute liberté ,6 me fit plus de proteftation d'amitié que ie n'en deuois attendre de luy. Ic luy dis que i'a- uois fouhaitté عل‎ luy parler en particulier , pour prendre confeil de ce que i'auois à faire : Qu'il eftoit vray qu'il m'eftoit venu quelque chofe de rare, mais que ie m'e- ftois fi mal trouué l’année paílce de la confidence que i'auois fait d'vn femblable fe- cret, que ie n'ofois maintenant me fier à perfonne qu'à luy, Que ie luy dirois done, fur la parole qu'il me donnoit عل‎ tenir la chofe fecrette ; que 1'auois vne perle de grand prix, & d'autres chofes fort curieufes. Que i'eftois en peine dc fçauoir fiie le deuois dire au Roy, puifque le Prince pourroit peut-eftre prendre de là occafion de rompre tout à fait auec nous. Ie luy dis que i'auois efté au matin pour luy rendre vi^ fite ; l'inciuilité aueclaquelle i'auois eíté receu, & la refolution que i'auois prife ; mais qu'apres tout, ie connoiflois combien fa faueur & fes bonnes graces nous e- ftoient neceffaires ; Que i'auois efperé de me pouuoir remettre bien aupresde luy , en luy gardant cette perle: l'auoüay que c'eftoit lá mon deffein , & la raifon du fecret que j'auois gardé, que neantmoins i'en vferois come il le iugeroit le plus à propos, & fuiureis fon confeil comme fort feur , puifque eftant beau-frere du Prince عق‎ fauory du Roy, il connoiffoit mieux que perfonne ce qu'il y auroit à faire dans cette rencon- tre pour contenter l'yn & l'autre, Il m'embraffa là deffus, & me dit que i'en auois νίέ fort fagement, Qu'il falloit continuer à tenir la chofe fecrette; qu'zutrement el- le m'attireroit bien desaffaires. Que le Princecftoit yn Tyran, qu'il mal-trajrtoit tous les Eftrangers; Que pour le Roy ilne m'auroit pas voulu faire en cela d'iniufti- ce; & ic vis que la conclufionalloit à me tirer des mains la perle , me confeillant de la faire traníporter des vaiffeaux , & de ne me fier à perfonne,& malleguant l'exem- ple des mauuais traittemens que les Portugais auoient receus en femblables occa- fions, ; us fiic luy voulois vendre cette perle,il mettroit en depoft entre les mains d’vne perfonne tierce l'argent que ie l'aurois eftimée , qu'en reuanche de cette con. fiance que i’auois euéen luy , il fe rendroit le folliciteur de nos affaires , dans lefquel- les ie nc pourrois iamais rien aduancer fans fon affiftance. Ie connus que c'eftoit là le temps de faire vne amiticfi vtile. Ieluy dis donc queie le feruirois; mais que j'ap- prehendois qu'il ne découurift ce fecret. Il me fit ferment de le garder ; & afin que ce {crmétfuft plusauthentique, nous nous ferràmesle poulce l'vn à l'autre, (clon lacoú- - AVPRES DV MOGOL. 61 tame du Pays. Ie luy promis de mon cofté que ie me mettrois entierement entre les mains, & que ie ferois tout ce qu'il ordonneroit dans cette affaire & dans les autres, Il me dit qu'il prendroit l'ordre de me faire expedier des Firmans , auec deffenfes de toucher à nos marchandifes, & auec ordre qu'elles me puffent eftre addrefsées dire&temét pour en difpofer à ma volonté;qu'il me vouloit reconcilier aucc le Prince , & que la premiere fois qu'il luy iroit rendre vifite, il me mene- toit 2116 ع‎ luy.Qu'il feroit en forte qu'il me traitetoit autrement qu'il n'auoit fait iufques à cette heure ; qu'il ne feroit pas en fon pouuoir de nous trauerfer dans d'autres affaires; que fil Pentreprenoit,il nous feroit donner dans fon Gouuerne- ment mefme vn Scindic auquel nous nous pourrions addreffer fans paf- fer par fes mains ; que mefme on nous donneroittel autre port pour nos vaiffcaux que nous voudrions ; & qu'enfinil nous feroit toutes les fatisfa&ions que nous pourrions fouhaitter. Il m aduertit qu'il ne feroit pas mal à propos de faire quel- que prefent à fa fœur Normale : Elle fera en forte, me dit-il, que le Roy vous donera de l'argét.Ie luydis que ie ne defirois rié de séblable,& que i'aurois mieux aimé qu'elle euft eftendu fur tous ceux dc noftre nation les effe&s de fon credit, , que fur moy en particulier.Il me mena en fuite chez leRoy,auquel ie prefentay la tradu&ion du memoire. Il me receut fort bien,8 me demanda fi i'auois les tapil- feries ; Ie luy dis quon me les auoit enuoyées, fi on ne les auoit faifies par les che- mins par ordre du Prince qui eftoit apres pour les auoir. Pour conclufion, il me dit qu'il prendroit vne bonne quantité de nos draps, & plufieurs autres marchandi- {cs, me commandant de donner ordre qu'onles fit venir, & à Afaph-Chan de fai- re dreffer le Firman, qu'il falloic enuoyer au Prince, afin qu'il les laiffaft paffer libremenr. Ie fortis fort fatisfait de cette Audiance , & de la negociation de cet- te iournée-là ; Car quoy que j'euffe reconnu par le paísé, qu'il n'y auoit point de fidelité entre ces barbares, ie n'auois rien à apprehender d'Afaph-Chan en yne rencontre dans laquelle il eftoit de fon'intereft,de me garder fidelité,iulques à ce qu'il euft eu la perle, autrement elle luy auroit pú échaper; & apres mefinequ'il l'auroit euë, ie pouuois efperer qu'il me garderoit le fecret, puis qu'il n'y pouuoit pas manquer fans découurir qu'il auoit trahy le Prince. $504: 358 Jugement de Thomas Rhoë , fur diuerfis propofitions qui auoient e[lé faites à la Compagnie Angloife des Indes Orientales. E 12. Afaphchan felon la promeffe , m'accompagna chez le Prince. Il me re- ceut dans fa chambre. Ic luy fis prefent d'vne petite chaine d'or de laChine; ie la prelentay fur vne fous-coupe du mefme Pays. Il me reçeut allez bien; Ataphchan luy perfuada de changer de maniere de faire enuers nous, luy reprefen- tant qu'il profiteroittouslesansde plus de cent mille écus, fur le Commerce que nous faifions à Surat. Que noftre Commerce augmentoit tous les iours, & qu'auec le temps il luy apporteroit vn profit confiderable : que Fil continuoit à nous traitter mal, nous quitterions fon Port & le Pays; que nous eftionsfes Sujets (il crüt deuoir nous appeller de la forte) & qu'il tireroit de nous plusaisément les curiofitez qu'il vouloitauoir , parla douceur و‎ que par touteautre voye. Que la qualité que j'auois d'Ambaffadeur , l'obligeoit à me traiter auec ciuilité lors que ie luy rendois vifite. LePrince donna ordre fur le champ à fon Secrctaire , de dreffer le Firmant,en la forme que nous le defirions,auec vne lettre au Gouuerneur pour luy en recomman- der l'execution : & adioufta, que fi nous auions befoin de quelqu'autre lettre, on me l’accorderoit aufli-toft que ic l'aurois demandée. Cela mc fit voir la mM & l'in- 20 ** 1 iij 62 MEMOIRESDE THOMAS RHO E, dignité decesgens. Afaph-Chan pour vne fordide cfperance de pouuoir achepter quelques bagatelles, eftoit tellement reconcilie auec nous, qu'il auroit trahi fon propre fils en noftre faucur,& me rendoit les foubmiflions d'vn valer, & cepédant la caufe de toutes ces amitiez, eftoit l'efperáce de pouñoir acheter des marchádifes qui auoient efté prifes dans vn vaiffeau , & quelques bagatelles, Il vouloit enuoyer pour cet cffc& vers nos vaiffeaux vn de fes gens, ce que ic ne luy pús pas refufer ; fans perdre vne perfonne queic rafchoisil y auoit fi long-téps de gagner.La عامط‎ n'eftoit pas defaduantageufe pour nous, car il paye bien, & ilnousefpargna ainfi la peine que nous euffionseué de vendre ces marchandifes en détail, & les frais qu'il euft cou fte à les faire charier. Il obtint du Prince la permiffion de faire cette emploite fous vn faux donné àentendre , & efcriuit au Gouuerneur yne lettre pleine de té- moignages d'amitié pour ceux عل‎ noftre Nation. Ona icy befoin de foncredit qui eft fort grand.Ces bonnes qualitez firent que ie paffay par-deffus beaucoup d'autres mauuaifes dans l'efperáce de le gaigner, & au pis aller que i'entireroisde l'auantage dans les affaires prefentes, Cette occafion me feruit encore à tirer du Prince vn au- tre Firmant pour Bergala, qu'il me promit fur le champ, quoy qu'auparauant il n'en euft point voulu entendre parler. l'efprouuay depuis qu'il preffoit nos creanciers commeil auroit pú faire les fiens proprcs;& paffant fur fon Elephant deuát la maifon عل‎ Kutual, il le fit appeller, luy commandant de nousexpedier au pluftoft,ce qui fut vne faueur inouic; Gró fut misen prifon en fuitte, ὃς Múekshú ne veut que deux tours de temps pour nous payer; ic ne defefpere pas tout de nos creanciers, entre cy & dix jours, quoy qu'on nous doiue prés de cinquante mille cícus. L' 11. Afaphchan m'¿uoya vn des fiens de la part de la Princeffe,pour me dire qu'elle auoit obtenu du Prince yn autre Firman; que toutes nos marchandifes feroient d'o- res-en-auát en fa protection; qu'elle l'auoit obtenu, & qu'elle eftoit fur le poin& de l'enuoyer par vn des fiens qui deuoit prendre connoiffance des chofes qui reftoient à faite pour noftre eftabliffement, & prendre garde qu'on ne nous ff point de tort. Afaph-Chan nous fit dire qu'il auoit fait tout cela, craignant l'efprit violent du Prince & la longueur en femblables affaires ; que maintenant nous nous en pou- uions affeurer , puifque fa fœurauoit bien voulu eftre noftre protectrice; que le Prin- ce ne s'en meflcroit plus, & que fur fon honneur on me remettroit entre les mains toutesles chofes qui m'auoient efté addreffées; qu'elle en auoit enuoyé vn ordre fort exprés, enjoignant à la perfonne qu'elle auoit euuoyée;d'affifter nos Faéteurs en for- te que nous n'euffions plus de fujet de nous plaindre des mauuaistraitemensdes Of- ficiers de Surat. Elle defiroit au refte que j écriuiffe au Capitaine du Vaifleau , & aux Fa&curs, afin qu'ils reçeuflent bien fon Enuoyé, & qu'ils luy permiffent d'acheter quelques bagatelles de celles qui ancient efté mifes à part. le ne pùs pas luy refufer cette demande; mais ce ne fut pas fans remarquer la paffion qu'elle auoit d'auoir ces chofes. Ic luy en donnay vnc lite , à condition qu'elle me feroit voir la copie du Fir- man, lequel eftoit feclé. | Jugez de là cóbien il cft aisé de trouuer icy le debit de ces marchädifes.L’année paf- sécon ne nous rcgardoit pas; maintenár,a caufe que j'ay fait traduire la lifte ou fa&u« rc des marchandifes fines, fans toutesfois y mettre les peiles, que i'auois donné au Roy , vn chacun court pour les acheter. Normal & Afaphchan f'eftudioientà me rendre de bons offices. La plufpart des Grands de la Cour me demandoient des Let- tres pour enuoyer leurs gens pour traiter auecnos Fa&eurs;tellemét que fifeuffe eu trois fois autant de marchädifes que j'en auois,elles auroiét cfté vendués dansleVai£ feau mefme » & on auroit fauué le payement des droits, la dépenfe du charoy , &les auanics que nous auions fouffertes auparauant. l'auois efcrità nos Faéteurs de ven- dre aux gens de Normal & de fon frere lesmarchandifes qu'ils voudroient, dc celles- là mefme qu on auoit mifes à part, & cela afin d’eftre appuyé de leur fauear dans les affaires que i'auois à traitter à la Cour. Le Prince eft maintenant de noftre cofté; nous nous fommes raffeurez nosamis , & il me femble que nous pouuons defor, AVPRES DV MOGOL. 65 mais nous promettre beaucoup du Roy & de fon fils. Afaph-Chan fe fait fort d'obtenir du Roy le Firman pour Bengala & pour les autres ports , & auec cela vne exemption de toutes fortes de peages dans toute l’eftenduë de fes Eftats;mais il veut auparauant auoir entre les mains les marchandifes pour lefquelles il a de- efché vers nos vaiffeaux. Le 244e Roy fefloigna de quatre courfes de Mandoa, Il alloit d'vn cofté & d'autre dans les montagnes; & comme perfonne ne fçauoit {on deffein , nous cftions fort empefchez de larefolution & du chemin que nous deuions prendre. Le 26. Pobtins vn ordre pour me faire donner dix Chameaux au prix que le Roy les paye: Le 29.ie me misen chemin, eftant obligé de fortir de ce lieu, à caufe de l'incommodité de fon fciour. Le 31. l'arriuay aux tentes du Roy,ie trouuay qu'il eftoit allé auec peu de fuite àvne chaffe qui deuoit durer dix iours, perfonne de la Cour ne l'ayant fuiuy que ceux qui auoient ordre de le faire. Son Camp eftoit diuifé & difperfé cà & là; les eaux y eftoient mauuaifes , & les prouifions fort cheres , beaucoup de maladies & toutes fortes d'incommoditez; mais il n'y a point de confideration qui l'empefche de prendre fon plaifir où il le trouue. l’apris que le Roy n'eftoit pas encore bien refolu fil deuoit aller à Agra ou à Guzarat, le bruit commun eftoit pour le dernier; mais le premier eftoit plus probable, à caufe que ceux de fon confeil trouuoient ce feiour plus agreable & plus commode que l'autre :la chofe m'eftoit indifferente ; car ie n'auois rien en tefte finon d'expedier mes affaires. Voyant donc qu'il pourroit encore demeurer là vn mois , ie penfay qu'il eftoit mieux d'y faire venir mes prefens , & tafcher de terminer là toutes mes affaires » m'imaginant qu'eftant forty de cét ambaras, & ayant nettoyé le tapis,ie pourrois efperer quelque repos.Peftois d'ailleurs trop foible pour me traifner plus long-temps dans ces voyages, & il y auoit fort peu d'efperance de recouurer fa fanté dans les incommoditez de la fuite de cette Cour,& en yn pays où on ne crouue le plus fouuét que de l'eau creüe & mal-faine. Le 2.de Nouembre Richard Steel € Iakfon arriuerent auec les perles, & quel- ques autres petites marchandifes qu'ils auoient tirées du vaiffeau en cachette par mon ordre. le les receus & leur en donnay quittance. l'eus auec eux quelque con- ference fur leurs deffeins : Ie ne voulois pas rejetter d'abord leurs propofitions > ny ceux qui les auoient appuyées,mais ic leur fis entédre par degrez le peu de fon- dement qu'il y auoità en efperer du profit, & cela à caufe de l'humeur de ces peu- ples; que fi on entreprenoit ces machines pour efleuer de l'eau qu'ils propofoient; illes faudroit commencer à nos dépens; que la chofe reüffiffant nous n'en aurions point le profit, mais bien ceux du pays qui en auroienc bien-toft compris l'ar- tifice ; que .pour la vente de nos marchandifes , cela ne l’aduanceroit pas beaucoup > que le plomb tripleroit de prix fil le falloit porter parterre, & qu'on ne le pourroit pas donner à Agra à fibon marché que celuy du pais, neant- moins i'éftois bien aile qu'ils en fiffent l'épreuue pour fe fatisfairc : Ie leur dis qu’ ils me vinffent trouuer auec leurs ouuriers à Amadabar; que là auec l'affiftance dd Mocredcam, le feul de ce pais qui aime les nouuelles inuétions, i’ offrirois au Roy leur induftrie , & ie verrois quelles conditions on en pourroit tirer و‎ quoy que fe- lon mon fens ἐς fuft vne peine, & de l'argent perdu. La Compagnie ne de: uroit pas prefter fi aisément l'oreille à ces entrepreneurs,qui fongent plus ἃ Parti: ter de l'employ ; qu'au profit de ceux quilesemployent. Bien fouuent les chofes qui femblét faciles dans le difcours & dans laT eorie, font plus propres pour fatis- faire l'imagination d'vne perfonne curieufe,que pour eftre mifes eh pratique ; car alors on les reconnoift pour chimeres , principalement quand elles vont à chan- ger quelque chofe dans les vfages des pais. Il y ena où Pon ne boit que del'eau de puits , d'autre de celle de riuiere , d'autre où onla fait venir de loin. La fecóde penfée d'obligerles cafilas & les marchands de Lahor & d'Agra, qui vont ordinairement en Perfe par le chemin de Candahor , de changer de route, & de tranfporter leur marchadifes fur la riuicre de l’Inde,& puis de les recharger Propofitiós que l'on a- uoit faite à la Compa- gnie des Indes. 64 MEMOIRES DE THOMAS RHOE, . fur nos vaiffeaux , pour lcs tranfporter dans la Golphe Perfique. C'eft vne pure refucrie quine pourra iamais reuflir dans la pratique. La riuiere eft affez aifée à nauiger en defcendant , mais les Portugais ont vne refidence à fon emboucheu- re; remóter cotre le cours de 'eau,cela eft fort difficile: Enfin il faudroit affeurer leurs marchandifes. A peine vne flotte entiere le pourroit faire ; & les Portugais mefmes ne fe chargent point des marchandifes de ces quartiers , mais feulement de celles de Sinda & de Tara; encores ces marchands Indiens tranfportant leurs marchandifes dans leurs propres Ioncques ; les Portugais ne faifant autre chofe que de leur donner paffe-port و‎ dont ils retirent vn droit fort mediocre pour eftre affeurez contre leurs fregates,& auoir la liberté de ce commerce.lamais les mar- chands de Lahor ne voudront defcendre auec les marchädifes la riuiere de l'Inde, car ces caphilas ou carauanes font compofées au retour de marchands Perfans & Armeniens , qui fçauent fort bien que le paffage du Golphe eft auffi dangereux que celuy de Candahor. Il feroit bon que les auteurs de ce deffein appriffent par leur propre experiéce l'erreur où ils font, pourucu queja dépenfe ne retombalt point fur la compagnie, mais ie m'imagine qu'ils abandonneront l'entreprife, ne fcachant par oú fy pren- dre pourla commencer. Le 3. deflein de joindre le trafic de la Mer Rouge auec ccluy-cy eft vne chofe que: i'auois toufiours recommandée, & qui auoit defia commencé à eltre mife en pratique. Le danger des Corfaires dans ces Mers eft grand , c'eft pourquoy ie ne doutay point que beaucoup de marchands ne peuf- fent eftre perfuadez de charger leurs marchandifes à fret dans nos vaiffeaux, & quc par là nous pourrions rendre noftre amitié neceffaire à ces peuples, & i'eftois mefmes d'auis qu'on y employaft vn vaiffeau dés cette année , qui retourneroit au mois de Septembre. Pour ce qui eft de ce deffein i'en auois fait l'ouuerture à nos facteurs , Ven 211015 prellé l'execution ; i’auois monftréle chemin d'y reüflirs & iel'auois recommandé au Capitaine, au principal marchand, & aux faéteurs auec beaucoup de chaleur, comme vous le pouuez voir par mes lettres ; pour la confequence vous l'éprouuerez à voftre profit, fils fuiuent le confeil qu'on leur a donné : fil y alloit de mon intereft propre;& files vaiffeaux eftoient à moy; comme ils le trouuent le plus fouuent vuides & fans charge, à caufe du peu dé vo: lume & du peu de place qu'occupent les marchandifes qu'on enuoye icy; & qu'on en rapporte , ic les enuoyerois en la Mer Rouge , quand mefmes il'ne le trouue- roit point de marchandifes pour les charger, ny de gens pour les fretter.Il y a mil. le bonnes fortunes à courir dans cette Mer ; vous auez icy deux vaiffeaux qui ont efté pris depuis qui y feroient fort propres ; & quand vos vaiffeaux ne feroient autre chofe que d'en rapporter les marchandifes que vous auez au Mocca & aux autres Ports de cette Mer , ils gaigneroient bien la dépenfe de leur voyage. T'ay trouué Steel,Kerrigde, & les autres fort perfuadez deleurs imaginations. Il me fembla mefmes qu'ils auoient oublié le refpe& qu'ils me deuoient. Ce dernier efttouslesiours aux efpées & aux coufteaux auec le Miniftre. Ie me mis en deb- uoir de les accommoder; mais pour ce qui eft de fa femme ¡e luy en parlay claire- ment , & ie luy dis qu'elle ne pouuoit pas demeurer dans le País fans nous attirer des affaires, & eftre caufe de fa ruine ; Qu'il falloit la renuoyer en Angleterre,au- trement ie ferois obligé de prendre quelque refolution fur ce fujet contraire à mon humeur ; & l'ayant rendu capable de ces raifons ; ie reprefentay aufli au Ca- pitaine Tannerfon ع1‎ peu d'apparence qu'il y auoit de retenir la fiénne dansle Pays. Vous ne fcauriez croire combien font grandes les fuittes que la permiffion de femblables chofes attirent apres elles ; il me femble fort difpofé à fen retour- ner, & pour cét effe& i'efcriuis à voftre principal Fa&eur qu'il fe chargeaft des marchandifes qu'il auoit apportées, & qui eftoient bornées pour le pays; & que pour payement il luy en donnaft yne lettre de change , auec le profit qu'il en pouuoit railonnablement efperer. ^ 0 MIO" où ne Ie AVPRES DV MOGOI. 65 Ie treuue dans voftte lettre vn ordre bien exprés contre le commerce des parti- culiers , aufli bien à l’efgard de ceux qui font employez à voftre feruice, que des autres. le vois bien par là que voftre penfee n'eft pas qu'on accorde à ces der: niers venus toute la liberté qu'ils fe promettent. | Les marchandifes qu'à Tovverfon vallent plus de quatorze ou quinze mille liures , & celles de Steelle vne fois autant ; & cependant il pretend que rendoyant fa femme en Angleterre ; & vous déliurant ainfi de عم‎ embarras , le merite de cette action , & ceux qu'il a acquis au feruice de la Compagnie, luy doiuent faire efperer quelque grace. Pour moy ie ne m'en veux point mefler, mais bien donner ordre que l'on vous enuoye yn memoire cacheté de l'eftime qui a efté faite de fes marchandifes de Steelle, vous laiffant ainfi la liberté de luy en donner ce que vous voudrez. Vousoftez le courage de vous bien feruir à tous vos vieux feruiceurs : Quelques-vns óbriennent de vous tout ce qu'ils veulent par de belles paroles, les bonnes actions des autres n'em- pefchent point qu'ils ne foient refufez en toutes fortes de rencontres. Pen pour- rois nommer quelques-vns qui font partis d'icy depuis deux ans, qui ne pre- noient point autre foin que de faire valloir leur propre capital, & qui jouifienr maintenane dans leurs maifons d'vn bon eftabliflement qu'ils fe font faits. D'au- tres qui ont fait fortune en traficquant auec les deniers de la Compagnie de port en port, & qui font retournez en Angleterre auec de grandes richefles , fans ia- mais les auoir fait rechercher de la maniere dont ils les ont acquifes. L'année paffée vn de vos Mariniers auoit pour fa part vingt-fix balots d'Indi- go: Pen ay νοῦ vn autre qui auoit ramaffe toutes fortes des plus riches marchan- difes qu'on apporte des Indes. Vn troifiéme cinq ou fix iours deuant que partir, employa plus de fix mille efcus pour fon compte: Et comme il en acheptoit aufi tous les iours pour le compte de la Compagnie, il y a grand fujer de croire qu'il ne prenoit pas les pius mauuailes pour luy. l'écriuisà Pring , & luy manday qu'il fit vn Inuentaire de tout ce qui Peftoittrouué danslesvaiffeaux de guerre, & de vendre & difpofer de ces vaiffeaux felon l'occafion;que l'argent qui en reuien- droit fi on les ved en fera mis auecvôtre capital ; quil donne paffage à quelques. vns des officiers de ces deux vaiffeaux,d'entretenir le refte,& de les réuoyer,pour ce qui eft de la decifion de leurs affaires ; à la Compagnie; difant que vous trait- terez en Angleterre auec ceux qui ont fait l'armement de ces vaifleaux. Mon o- pinion eft qu'ils font de bonne prife, que leurs biens doiuent eftre confifquez. Si vous leur voulez rendre quelque chofe , ils le doiuent receuoir comme vne cour- toifie que vous leur ferez:Enfin vous ne les fçauriez traitter auec trop de rigueur; plus elle fera grande, & plus grád fera l'exemple du traitement que meritent de fi dangereux pirates. Car fi vous permettez ces courfes & piratteries , vous pouuez dire adieu au commerce de Surat, & à celuy dela Mer Rouge. La Compagnie du Leuant en fouffrira de fon cofté; le Turc fen vengera fur eux , & nous ferons ex- pofez icy à vn pareil traittement. Le 6. 1211237 trouuer Afaph-Can, apres auoir re- ccu fon Paffe-port ; Ie luy monftray les Perles , conformément à la promeffe que ic luy en auois faite; il me dit qu'elles n'eftoient pas propres pour ces pays-là , comme ie l'appris depuis des autres : ncantmoins cette exactitude à tenir la paro- le que ie luy auois donnée luy plút tant,que ie croy pouuoir dire comme Pharaon, cette terre eft a voftre difpofition , demeurez y à l'endroit où vous voudrez auec tous vos gens. Nous ne parlámes point du prix de la groffe perle ; il me promit de me garder le fecret ; m'affeuramt que pour l'amour de moy,& de la confiance que i'auois eué en luy , il en donneroit dauantage qu'elle ne valoit , qu'il la payeroit en argent comptant, qu'il en auoit beaucoup, & que mefme il m'en prefteroic fi Yen auois affaire. Enfin iereceus de luy toute la fatisfa@ion qu'on peut. receuoit en paroles , & auec cela quelques bons effects. Quand les Prefens & vos Vaiffeaux arriueront ,ic vous affeure que fi ie fuis * ** I È x Le Mogol fiit rache- ter les cri- minels par les plus | grands de la Cour. Priganic و‎ mot Perfan ou Indien, dont on n'a pú fçauoir la fignifica- tion, 66 MEMOIRES DETHOMASRHOE, liberal, ce fera pour voftre profit, & à bonnes enfeignes. Afaph-Chan m'aduer. tit luy-mefme qu'il y auoit en ce pays peu de difference entre donner ou vendre. Les experiences qu'en ont faitles autres m'ont fait approuuér cette do&rine, Apres cette confidence qu'il me fit dans la chambre où eftoit fon li& il fe leua pour aller diner , & me pria d'en eftre , auec ceux de ma fuite : On feruit vne table à part pour moy ; car ils font fcrupule de manger aucc nous. Ic ne fçaurois m'empefcher de faireicy mention d'vne baffeffe ou d'vne faueur , comme on la voudra appeller , que le Roy fait en ce Pays-cy , quand fes prifons font pleines de criminels. Il commande que l'on en execute quelques- vns; ilenuoyc les autres aux principaux de fa Cour, afin qu'ils les racheptent , & qu'ils payent le prix auquel ils fonttaxez. Il croit en cela leur faire vne grande faueur, leur donnant,ce difent-ils,le moyen d'exercer leur charite : mais il prend l'argent, & ainfiil fait trafic de leur vertu. Vn mois enuiron auparauant le voya- ge,1l m'enuoya trois criminels qu'il (uppofoit eftre Chreftiens , afin que ielesra- chetaffe de la fomme de cinquante écus chacun.le répondis que ie ne pouuois pas achepter des hommes pour en faire mes efclaues, comme d'autres faifoient, ti- rant profit d'vn commerce inhumain ; mais que par charité 1e donnerois vingt ef- cus de chacun de ces miferables pour leur fauuer la vie, & les mettre engiberté. Le Roy prit en bonne part cette refponfe ; & commanda qu'ils me fuffent enuoyez : il Patcendoit que ie luy enuoyafle de l'argent. De moncofté , comme ie n'en en- tendois point parler, i'efperois qu'il l’auroit oublié, & ie n'auois point de hafte de l'enuoyer. Vn foirles officiers du Roy amenerentles prifonniers chez celuy qui faifoit mes affaires, & prirent de luy vne promeffe de foixante efcus, ie la payay à mon retour, & ie les mis en liberté, Le το. ie vifitay Afaph- Chan, fur ce que i'auoisappris que l'on auoit deffendu à nos gens de tenir des Vaiffeaux à terre , & cela fur vn auis qu'on auoit donné an Prince que nous auions deffein de baftir vn fort à Svvally , & que nos vaiffeaux eftoiét chargez de briques & de chaux pour ce deffein. Ce foupgon leur vint de ce. qu'on auoit mis tous les gens de l'equipage à terre, pour nettoyer le fonds de cal- le du vaiffeau. ls en prirent l'allarme fi chaude , que 'eus ordre d'allerà la Cour pour me iuftifier. Ie leur reprefentay que cette peur eftoit ridicule, qu'il eftoit meíme hôteux de l'auoir euë; que cette place n'eftoit point propre pour nous,fans cau, & sas havre. Ils en auoient ncantmoins congeu vne telle jaloufie, à caufe que jauois demandé peu de temps auparauant vne riuiere qui pouuoit feruirà ce def- (ein, que i'eus toutes les peines du monde à en guerir l'efprit du Roy. Vous pou- uez voir par là fi il feroit facile d'obtenir d'eux vn fort, qui d'ailleurs vous feroit inutile, & que vous ne pourriez pas deffendre. Toutes les remonftrances que ie pets faire n'empefcherent pas qu'ils n'enuoyaffent vne compagnie de cauallerie pour faire démollir vn four à brique qui eftoit là proche. Ils defarmerent nos gens , les armes neantmoins ne furent point mifes ailleurs que dans Ja Doiiane, & on ne les ofta quà ceux de l'equipage. Ic dis à Afaph-Chan que nous ne pouuions fouffrir l'eíclauage , ny demeurer dans vn pays; où vn iour le Prince enuoyoit fon Firman,afin que nous y fuffions bien traittez; & le re- uoquoit le lendemain; quil n'y auoit ny fidelité ny hóneur ence procede; & qu'on me blàmeroit fii'y demeurois dauantage. Il me dit qu'ille reprefenteroit au Roy lc (oir en prefence du Prince, & qu'il m'en feroit fçauoir la réponfe. Le 3o. il me compta merueilles de l'atfe&ion que le Mogol témoignoit a- uoir pour le Roy mon Maiftre;pour ceux de noftre Nation, & pour moy en parti- culier. Il adjoufta qu'il feftoit mis en hazard de perdre la faueur du Prince pour l'amour de nous; qu'il feroit bien-toft en eftat de nous rendre d'autres feruices, cftant furle point d'auoir la Priganie de Surat ;que le Prince eftoit obligé de quitter à caufe qu'onluy auoit donné le Gouuernement de Amandauat , de Cambaya ; & pour me faire connoiftre qu'il agiffoit de bonne foy ; il mg AVPRES DV MOGOL. 65 pria de me trouuer ce foir-là chez le Roy, de luy porter la lettre de mon Maiftre traduite en Perfan; que Poccafion eftoit fauorabie, me chargeant furtout de con. tinuer à faire des plaintes , & de témoigner que ie voulois prendre mon congé; que ie verrois , fi il faifoit fon deuoir. Sur le foir ie fus chez le Roy. Py trouuay toute fa Cour ; ie luy pre- fentay ma lettre, laquelle on mit deuant luy , mais comme il auoit d'autres affaires, il n'y fit pas grande reflexion. Afaph-Chan parla à Ethimon Doulet fon pere à l'oreille, le priant de lire la lettre, & de nous eftre fauorable, pource qu'il cftoit plus à propos qu'il fift cette ouuerture que luy. Echimon pritles deux ler- tres, il prefenta celle qui eftoit en Anglois au Roy, & leutla tradu&tion. Le Roy farrefta principalement fur l'endroit dela lettre qui parloit de la paix auecles Portugais. Il demanda file Roy d'Angleterre vouloit en cffe& la Paix.Ie dis qu'il y auait long-temps qu'on f'en cítoit remis à luy,& que l'on efperoit qu'il en feroit l'entremetteur Il dir qu'il vouloit nous mettre d'accord, & nous faire viure en paix dans fes Mers ; qu'il refpondroit au Roy d'Angleterre , & qu'il fatisferoit de meíme à toutes les autres articles de cette lettre. Ces bonnes paroles ne m'em4 pefcherent pas de luy demander mon congé pour retourner en Angleterre. Le Roy & le Prince entrerent en difpute fur ce lujer. Le Prince fe plaignoit qu'il na tiroit aucune vtilité du fcjour que nous faifions à Surat, & que pour luy il eftoic content que nous en fortiflions. Afaph-Chan prit la parole, & dit hardiment au Roy que noftre commerce apportoit beaucoup de profit à fon Royaume, & contribuoit mefme quelque chofe à fa feureté ; que les officiers du Prince nous traittoient fort mal,& qu'il n'cftoit pas poflible que nous y demeuraffions dauan- tage fion n'y apportoit quelque remede : Que fa Majefté feroit mieux de nous donner noftre congé, que de nous retenir pour receuoir à toutes heures de nou- ucaux mécontentemens ; qu'il en faudroit venirlà à la fin. Le Prince rcípondit tout en colere , qu'il ne nous auoit iamais fait de toit, & qu'il nous auoit encore dernierement accordé vn Firman par fonentremife. Il eft vray, repliqua-t-il, yous leur donnaftes vn Firman tel qu'ils le pouuoient fouhaiter, & dix iours apres vous en enuoyaftes vn autre pour le reuoquer ; que la confufion de ce manquement de parole retomboit fur luy ; qu'il ne me deuoit rien, ny moy à luy ; qu'il parloit fans intereft; qu'il ne confideroit rien en cét affaire que la Juftice & l'honneur duRoy.Pour le traitement qu'on nous auoit fait, Afaph-Chan fen rapportoit à moy, qui me plaignois fouuent que nos marchandifes auoient efté prifes par force depuis deux ans; que nous n'auions iamais pú nous en faire payer, & que fes officiers vfoient toufiours dela mefme vexation à l'arriuée de chaque flote ; que file Prince eftoit Jas de nous, il feroit mieux de nous chaf- fer; & qu'il pouuoit bien f'affeurer que nous en tirerions raifon fur Mer. Lo Prince , difoit-il , ou le Roy; donnent-t-ils à manger à cét Ambaffadeur ὃ ceft yn eftranger qui fuit la Cour à fes defpens; fi on luy ofte par force fes marchandifes , & qu'il neles puiffe retirer, ny l'argent qu’elles vallent, com- ment pourra-t'il viure, & comment pourra-t'il fentretenir > Cela fut dit auec beaucoup de chaleur, & le Roy repeta deux ou trois fois force, force, & fit γῆς feue« re reprimande au Prince. Le Prince entra dans vne longue iuftification de toutes les plaintes que ie faifois de luy : Cette rupture ouuerte auec le Prince eut l'effec qu Afaph-Chan feftoit imaginé : on nous fit payer tour ce qui nous eftoir dei à Surat ; & on ordonna à ceuxde la Doijane, de nous traiter mieux à l'auenir. Ie fuis affeure que fi ie n'en fuffe venu à vne rupture auecle Prince, ie n'en aurois jamais rien tiré, le dis à 'Enuoyé du Prince en prefence des marchands Anglois, que fi il faifoit ancune violence où à moy ou à mes marchands,il luy en coufteroitdu fang; que ic mettroistoute ma boutique fur fes vaiffcaux; quc ie prendrois 8 dans fes Ports, عق‎ que ie les emmenerois en Angleterre. ve ἐμ Ta dit exi vn autre qu'il auoit cfté caution des chales quele Prim- ce auoit promifes. 68 MEMOIRESDE THOMASRHOE, Le 30. Ianuier les Holandois vinrent à la Cour auec vn riche Prefent de curio- Dans l'Ori- fitez dela Chine. On ne leur permit pas d'approcher la troifiefme baluftrade. Le ginal An- Prince me demanda qui ils eftoient. Ie luy dis qu'ils eftoient Hollandois,& qu'ils de- glois, ilya le troifiéme meuroient à Surat. Il me demanda s'ils eftoient nos amis. Ie luy dis que c'eftoit vne NC nation dependante du Roy d'Angleterre qui n’eftoit pas bien reccué par tout; que cins, , : : “qye 8 - 3 SE è aus fai. Pour l'affaire qui les amenoit làie ne la fçauois point, puis qu'lis font vos amis appel- uera cy-a- [62 los. le fus obligé de les enuoyer querir pour donner leurs prefens; on les placa xd T proche de nos Marchands fansauoir auec eux aucune conference. droit dela Cour du Mogol Reds Rayle. Purchas finit icy les Memoires de Rhoë, ex dit que ce qui refte ne regarde que le détail des comptes de la Compagnie, éx de leur commerce. 一 一 一 一 一 Purchas adioufte : Il n'cft pas hors de propos de mettre icy ce que le Sieur Steel dont il eft fait mention dans ces memoires , m'a autrefoisdit des femmes de cc pais-là. Steel auoit à fa fuite entr’-autres perfonnes vn Peintre : Le Mogol eut la curiofité de luy faire faire fon portrait; ὃς commc il ne fgauoit 2512م‎ langue du país, Steel pour luy feruir d'Interprete fut introduit dans l'appartement des femmes du Mogol ; Ce qu'on ne permet iamais à vne perfonne de fon fexe: à l'entrée le chef des Eunuques luy jetta vn drap fur la tefte, afin qu'il ne peütpas voir les femmes qu'il auroit peù rencontrer dans cet appartement ,où il y enauoit grand nombre. Le ha- zard ou fa curiofité luy en firent voir quelques ynes.L'Eunuque qui s'en apperceut luy jetta furlatefte vne autre piece de drap plus épais que le premier. Pour ce qui eft dc fa femme, clle auoit les entrées plus libres chez Chan-Channa : La fille de ce Sei- gneur auoit autrefois efte mariée au plus age des freres du Mogol; elle eftoit alors veufue, & viuoit dans vne grande retraitte : Elle eútla curiofité de voir yne femme Angloifc , & fon pere pria Steele de permettre que fa femme la fut voir. Elle y fut conduite fur vn charriot fermé de tous coftez, tiré par des bœufs blancs, fuiuy de plu- fieurs Eunuques. Elle entra premierement dans vne Cour, au milieu de laquelle il y auoit yn grand quarré d’eau; plufieurs femmes cíclaues de toutes fortes de nations eftoient affifes fur des tapis fort riches autour de ce quarré d'eau; il y en auoit entr- autres de Negres , qui ne laifloient pas d'eftre fort agreables; des blondes, des In- diennes brunes, & toutes efclaues de cette Dame. L'Angloife eftant entrée habillée à la maniere de fon país, toutes ces femmes fe leuerent & luy firent la reuerence en baiffant la tefte. L'Angloife fit vn prefent à cette Dame : car en ce Païs-là on ne fait point de vifite fans regale 212 perfonne à qui elle fe rend. La fille de Chan-Channa la fitfeoir aupres d'elle, & apres vn peu de conuerfation on couurit latable; elle commença ainfi à faire amitié auec cette Princeffe, qu'elle cultiua depuis par de fre- quentes vifites qu'elle luy rendoit. La Princefle reconnut fes foins, & luy fit diuers Prefens, luy donnant fouuent des rubis,& autres pierreries qu'elle m'a fait voir à fon retour en Angleterre. Son pere Chan-Channa enuoya vn iour fon tailleur chez le fieur Steel, qui l'ayant veu yne feule fois, fans prendre autrement fa mefure, luy fit vn habit & vn manteau de drap d'or ala mode d'Angleterre, qui le trouua fort jufte; dont cc Prince le regala. ® ἥν AVPRES DV MOGOL. 69 Lettre qui a effé trouuée entre les papiers de Mre Hakluyt, eg qui auoit efte tiree du Regiftre des Lettres de Thomas de Rhoë, Ambaffadeur d'Angleterre auprés du Mogol. ONSIEVR; l’auoüe que ray efté long-temps fans vous efcrire; mais auffi il ne Ceft rien paf fc depuis mes dernieres lettres , qui mait deü obliger àle faire; & quand il y au- τοῦτ eu en cela quelqu: manquement de ma part, l'aime mieux en attendre le par- don de voftre generofité , que de vous donner la peine de lire les excufes que ie vous en pourrois faire. c Ie vous diray puifque vous voulez que ie vous dife quelque chofe de ce pais; que les pcuples qui l'habitent n'ont point de loix efcrites. Le Roy regle tout pax ordres, & les Gouuerneurs parl'authorité qu'ils tiennent deluy. Ilala patience vne fois la femaine d’efcouter les plaintes de fes fujets , de leur rendre juftice,& da prononcer les fentences aufli bien dans les affaires criminelles,que dans les ciuiles. Il eft heritier vniuerfel des plus riches de fes fujets;ce droit de leur fuccederleréd infiniment riche , & eft caufe que ceux du pais prennent fi peu de foin d'embellir leurs maifons. Ceux qui tiennentles premieres places aupres du Roy n'y font point paruenus par leur noble ffe: la faueur eft le feul moyen d'y paruenir,fans que Ja naillance y entre en confideration : On compte les richeffes des plus grands du país, parle nombre des cheuaux que le Prince leur entretient: la plus grana de penfion cft de douze mil cheuaux د‎ c eft celle des enfans du Mogol, de fa fem- me, & de quarre autres principaux officiers de fa Cour. Le moindre penfionnaire al'entretien de 20. cheuaux, ce n'eft pas que pas vn de ces penfionnaires foit tenu, d'en entretenir ce nombre : Maisle Roy leur affigne autant de terre qu'il en fau- droit pour les entretenir ils les auoient en effe&. On compte la defpenfe de cha- que cheual par an à vingt-cinq Iacobus;ces penfions fe montent à vne fomme im- mente ; elle eft prife fur le domaine du Prince qui eft fi grad, que tous fes fujets en viuent , à l'exception feulement des Marchands , des artifans , & deslaboureurs s mais quand ces penfionnaires meurent;les penfions retournent au trefor du Prin- ce, auec les autres richeffes que les penfionnaires ont amaffé par leur propre in- duftrie. Le Prince laiffe d'ordinaire à la femme du deffunét & à fes enfans quel- que partie de cette penfion و‎ comme feroit celle de cinq censou mil cheuaux à ceux dont le pere en auoit fix ou fept milles : ainfi il les met en eftar de cómencer vne nouuelle maifon , les aduance fuiuant les feruices qu'ils luy rendent, ou fclon les prefens qu'ils luy font: c'eft leur maniere de faire la Cour à leur Princes c cft à qui luy fera des prefens plus magnifiques; iufqueslà qu'il en reçoit quel- quesfois qui valentbien cent mille piftoles. Outre fes concubines, il a quatre femmes, mais celle des quatre qu'ilaymé Je plus le gouuerne abfolument. Le Roy de Vifiapour luy enuoya dernierement vn Ambaffadeur, pour luy deman derla paix; cét Ambaffadeur baiffa trois fois la gcíte iufques contre terre, & luy fit vn prefent de trente-fix Elephans. Il y en a- uoit deux dont les chaines & toute la garniture eftoient d'or maflif, elle pefoic bien en tout huit cens marcs. La garniture des autres eftoit d'argent de la met- me façon, cinquante cheuaux richement harnachez , dix leques de Rupias en pierreries , groffes perles & rubis. Chaque leque vaut cent mille roupias, & cha- que roupias répont à vn écu cinq fols. | | x ١ xu ET Cette Lettre eft traduite de l'An- glois. 70 MEMOIRES DE THOMAS RHOE, Les Eítats du Mogol ont beaucoup plus d'eftendué que ceux du Perían, & font plus grands ou égaux à ceux du Turc ; il eft plus riche en argent que le Turc & le Perían enfemble : ces grandes richeffes fe tirent du reuenu de festerres , des pre- Havykins fens qu'on luy fait, & de la dépoüille de tous ceux qui meurent dans fes Eftars. Ils ἜΣ comme f'eftendent du cofté de l'Occident, iufques au Sinde ; iufques à Candahor, & iuf- caps, ques au mont Taurus vers le Nord du cofté de "ἘΠῚ, iufques aux Frontieres du qu'ilnela Royaume de Bengala au delà du Gange, & du cofté du Sud, iufques au Royau- and es mede Decan; l’eftenduë d'vn bout à l'autre cft bien de deux milles milles. Îleft penfionnai. vray qu'il y a beaucoup de R oys particuliers enfermez dans cét eftendué, mais m ils luy font tributaires. Ran fj, Ranna quidefcend de ce Porus qui fut vaincu par Alexandre; fut dernieremenc Eu de rangé fous fa domination pluftoit par accord que par force. Le Mogol l'achepta 2 pluftoft qu'il ne le vainquit; & cette conquefte au lieu d'augmenter fon reuenu, le diminua dela penfion qu'il luy donne. l'ay trauerfé les Eftats de ce Prince; ils font fituez entre la ville d’Afmere & celle de Brampore. à; Chitor en eftoit autrefois la Ville principale,elle auoit efté baftie fur le haut d'ya ne roche ou montagne efcarpéc. Le circuit de cette montagne eft de quinze mil- les; la ville eftoit dans cette enceinte, & ne pouuoit eftre abordée que par vn feul chemin ; deuant que dy arriuer , il falloit paíler cinq portes admirables pour leur ftru&ure; elle eft maintenant ruïnée & fans habitans. On y voit les reftes de cent Temples, pluficurs tours & de fi belles ftatués antiques, qu'il n'y a rien en ce genre qu'on leur puiffe comparer: En vn mot toutes les villes anciennes de ce pais ont efté démolics, ie ne fçay pas quelle politique , fi ce n'eft que le Mogol aic pensé qu'il y alloit de fa reputation de laiffer dans le País des monumés de Prin- ces qui n'eftoient point du nombre de fesanceftres; fibien qu'en tout le Pays il n'y a pas vne feule maifon raifonnable. Entre les Villes qu'il affe&ionne, Surat eft la mieux baftie. Autrefois on faifoit en ces quartiers de fort beaux ouurages mais l'Art s'en perd tousles iours. Il y a vnreferuoir à Surat; qui eft bafty de pier re de taille en forme d'yn Poligone qui a plus de cent coftez, chaque coftéa de longueur quatre-vingt-quatre pieds ; & ales degrez & les defcentes pourles Che uaux ; c'eft yn ouurage admirable pour fa grandeur & pour fa ftru&ure. i Il faut que ie dife quelque chofe de cette Cour, &de la maniere dont j'y vi- uois. Iamais le Mogol n'a traité Ambaffadeur aucc plus d'honneur qu'il m'en fit, m'accordant la permiffion d'y pratiquer les façons de faire de mon Pays; & n'exi- geant point de moy les mefmes foümiffions que l'Ambaffadeur de Perfe auoit cfté obligé de luy rendre. Il me donna la bien-yenué deuant que j'euffe commen-, cé à luy parler. Il dit que le Roy d'Angleterre & luy eftoient freres, auec beau- coup d'autres paroles de ciuilité. Quand ie fus malade, il m'offrit fon Medecin. Il receut auec eftime les prefents que ie luy fis; & entre-autres,le Caroffe luy plùt tant, que deux ou trois fois la nuit il fe mit dedans, & fe fit tirer par quelques- vns de mes domeftiques. Il reçoit auec douceur & affabilité ceux qui l’abordent. Il eft fans fafte. Il tient fa feance hors de fon Palais trois fois leiour ,en trois differentes places : fur le midy il fort , pour voir le combat des Elephans & des autres beftes : depuis quatre jufques à cinq & fix heures, pour don- ner Audiance ; & fur le foir depuis neuf heures jufques à la minui& , auec les prin- cipaux Seigneurs de fa Cour و‎ auec qui il paffe le temps dans vne grande familia- ricé. l'eus ma premiere Audiance au Durbal. Il me receur dans vne Cour fpa- cieufe fur vn efchaffaut , comme vn Roy de theátre. Pour moy, j'eftois auec la. nobleffe fur vne eftrade plus baffe couuerte de tapis. Il eftoit fous vn daiz, & à fes deux coftez il y auoit deux hommes aflis fur la tefte de deux Elephans de bois, pour chaffer les mouches qui le pourroient incommoder ; ces Chaffe-mouches ne font habillez que de toille,mais leur charge ne laiffe pas d’eftre confiderable dans céte Cour.Les perfonnes de condition fe font porter das des Palanquins aucc vne Monumens Antiques, AVPRES DV MOGOL. "X gráde magnificence: Quelques-vns ont deux cens,quelques-autres jufques à cing cens hommes de pied, & quelquefois jufques à deux cens Cheuaux qui les fui- vent, aüec quatre cítendards que l'on porte deuant eux; voila en quoy confifto leur fafte. Ils nourriffent leurs Cheuaux fort delicatement : Ils les engraiffent auec du beurre & du fuccre : Ils ne font pas fort grands. Outre ceux du Pays, 1l y enade Períe & d'Arabie que l'on eftime infiniment. l'oublicis de faire icy remarquer la faufleté des Cartes que Mercator'& les autres Geographes nous ont données iufques à cette heure de ce Pays. Premicrement la fameufe riuiere de l'Inde n'entre point dans la mer à Cambaya ; fa principale «mboucheure eft à Synda; en voicy la preuue. La ville de Lahor eft fur le fleuue In- dus, & de làil vaiufques à Sinda. Quand lescaux font hautes, les enuirons de Cam- baya font couuerts d'eau iufques à la mer;ce quia poffible donné fuiet à l'erreur dans laquelle ils font tous tóbez. Lahor dans ces Cartes cft mal placée ; elle eft firuée au Nord deSurar, à la diftance de mil milles. La refidence ordinaire du Roy eft à Agra, qu'ils n'ont point marque dans leurs Cartes; elle cítau Nord Nordceft de Su- rat, fur vne riuiere qui tombe dans le Gange : le Roy refide maintenant dans vne ancienne ville où il n'y a point de maifons qui ne foient bafties de boüc , & qui ne valent pas mieux que les mailons couuertes de chaume de nos payfans. Il n'y a que le Palais du Roy qui foit bafti de pierre ; les grands Seigneurs de fa Cour vi- uent fous des tentes, & on baftiten vn moment auecdes Rofeaux & du mortier, vn appartement où il y a quelquesfois iu(ques à douze chambres: cette ville eft à dix iournées d'Agra; elle en eft efloignee de deux cens milles du cofté du Nord Nordeft ; elle eft au Nord de Brampore quatre cens cinquante milles. Bram- pore cft à deux cens mille à ΕΠ; fon efleuation eft enuiron de vingt-vn degréz. {e vous ay dit, Monfieur , quelque chofe du Pays, & qui peur-eftre n'eft pas forc confiderable. Ie ay pas oublié les liures que vous m'aucz demandez de pierre d'aimant : Il n'y ena pointicy, on lestrouue plus loing vers l'Orient; ils n'onc aucune correfpondance auec ceux de la Chine; il y a bien des Carauannes qui yonten Perfe & en Alep, maisil n'y ena point qui aillent au Catay. Les nouuelles que nous auons de Perfe font que le Royaoftél'eau & lesra- fraichiffemens à ceux d'Ormus ; Il a chaffe de fes terres les Portugais, & a depuis cu mis à feu & à fang le Pays des Georgiens. L'on dit qu'il a en tefte la coquefte des V (becques;qui eft vne nation entre Sam- marcand & fon pays. ll coupa dernierement luy-meíme la tefte à fon propre fils. Le Mogollecraint , & cette nation guerriere cft terrible au peuple de ce Pays, dont la plus grande partie eft de Bramens;c'eft à dire, de gens d'vne Religion qui ne leur permet pas de tuer la vermine quand elle les mord. Pour les Mogols, font peuples tout à fait effeminez ; le Turc luy enuoya vn Ambaffadeur l'année paf- fee, pour le prier de n’aflifter pointle Perfan. Il le receut aucc toute fotte de de- mónftration d'eftime. Illuy fit la reuerence iufques à terre; & auffi-toft qu'il fut party, il enuoya au Perfan trois millions cinq cens mil liures. Ie m'eftimerois heu- reux de pouuoir rendre feruice à voftre Grandeur en Angleterre ; car ce pays eft fi peu agreable que ie fuis mefine las d'en parler; & ic croy que vous aurez le mef- me ennuy delire ce que ic vous en efcris : Ie fouhaiterois que Voftre Grandeur permit au fieurHackvvel de voir mó Iournal;car ie luy en ay promis vn,& n'ay pas le loifir de luy cícrite ; ainfi auec toutes fortes derefpe&s, & peu de ceremonie, ic finiray, en vous difant que i'efpere de retourner bien-toft pour vous rendre de meilleurs feruices ; Ie mencray cependant vne vie miferable, puifque dans l'éclat de la place oùie fuis , ie fuis priué dela conuerfation & de la prefence desamis | que l'aime ὃς que ‘honore. Voftre grandeur a bien voulu que la prefomption de la mettre de ce nombre, & de me dire fontres-humble feruiteur pour luy faire feruice. D'.A [mere ; Ville où fe trouue prefentementla Cour du Mogols ley7. Iantieryér7. tante sico Cartes de ocographie. 72 MEMOIRES DE THOMAS RHOE, Extrait d'une Lettre du 23. INouembre 1616. écrite aux Mar- chands à la Compagnie des [Indes Orientales. Es TRES-HONOREZ AMIS, Payreceu voftre Lettre du 22. OGobre 1618. Elle m'a efte rendué parle Capitaine du vaiffeau nommé Charles, qui arri- ua {ur la bare de Surat, auec quatre autres vaifleaux le 26. du prcient mois : Ie ne doute point qu'on ne vous ait enuoyé vne ample Relation de ce qui felt paffe fur mer pendant leur voyage : le vous diray quelque difference qu'u y a dans le rap- port que les Portugais ont fait de noftre flotte : ce fut nous, felon leur dire, qui commençâmes le combat; & comme on n'auoit point enuoyé de Vice-R oy, va vieux Soldat nommé dom Emmanuel Menefes, qui auoit efté deux fois General de leurs armées , commandoit l'Admiral: Ils adiouftent qu eltanc percé de plu- ficurs coups, il efchoüa proche de la côte de Mofambic, que Menefles eft main- tenant arriué à Goa : ce recit ne fe fouftient pas ce me femble ; car 1e fçay qu'ils tirerent les premiers coups de canon, & qu'il eft impoffible de pafler d'Agazefia au Mofambic dans vn Canot comme ils fuppofent que Menefes auoit fait. Ilya aufli peu d'apparence de croire que les Habitans apres les auoir pillez fe foient hazardez à les tranfporter dans leur Pays; & quand mefme cela feroit, comment auroit-on pù en fi peude temps auoir nouuelle de Goa de leur arriuée. Mon opi- nion eft , qu'ils conforment leur R elationle plus qu'ils peuuent ala noftre, & que tout ce qui fait la difference eft , qu'ils ont de la peine à auoüer la verité : mais en- fin, foit qu'ils y foient tous demeurez , ou que leur Vice-Roy foit demeuré dans le combat, qui eft la plus grande perte & Ie plus grand des- honneur qui leur pou- uoit arriuer dans l'Inde. Il n'eft pas befoin de vous écrire vn plus long recit de vos affaires, ny les lentimens que j'en ay : Pay écrit tout ce que j'en pouuois dire dans le Journal que ie vous ay enuoyé , auecla copie des Lettres addrefstes à vos Fa- &eurs , dans lefquelles Jay traité & éclaircy ce qui regarde voftre commerce & vos interefts en ces quartiers : Mais parce qu'à mon arriuée à ce Pays, ie m'arré- tay au rapport de quelques perfonnes, lefquels j'ay trouué depuis fans fonde- ment, & qu'il y a quelques poinéts qui n'ont pas efté bien éclaircis dans mon dif cours general. fe les parcoureray tous icy en peu de mots; car ie fouhaite fort qué vous puiffiez entendre vne fois pour toutes,l'eftat de vôtre cómerce; cóment i| le faut eftablir & le gouuerner , de peur que fur d'autres rapports vous ne vous en- gagiez à des dépenfes inutiles , & ne tombiez dans de groffes fautes & des pertes confiderables. L'offre d'ayder le Mogol, ou de conuoyer fes Sujets jufques à la Mer-Rouge, eft vn offre inutile. Ie ne laifferay pas de la faire pour marque de voftre affcétion ; mais quand ces gens-cy n'ont point befoin des offres qu'on leur fait, ilsles regardent comme vn mátin regarde du pain quand il en eft fioul. Ce Roy a la paix auec les Portugais, & ne leur fera point la guerre que nous ne les ayons déplantez des places. Tant qu'ils feront en paix,ils fe mocqueront de voftre affiftance ; quid la guerre les prefferoit , ils n'oferoient fe mettre fous la prote&tion d'vn Eftranger; & pour rien du monde, ils ne la voudroient payer. Il faut fe defabufer de toutes les pen- sées que vous pouuez auoir de faire aucun trafic autre part que dans cc Port, ce fera affez que vous foyez en eftat de vous y pouuoir deffendre : Quelque feruice que vous leur puiffiez rendre, ils ne vous en feront jamais obligez ; Ils vous crain- dront toufiours , & ne vous aymeront iamais. Pour ce qui eft d'auoir icy vn Refi- dent pour vos affaires , c'eft vne dépenfe qu'il faut continuer auffi long-temps que vous ferez en guerre auec les Portugais : les autres dépenfes و‎ vousles pouuez retrancher comme inutiles , elles peuuent mefme vous apporter du prede our Dn "d AVPRES DV MOGOL! 23 Pour ce qui eft d'yn Fort, i'ay crú à mon arriute que c'eftoit vne chofe fort ne- ceffaire;mais l'experiéce m'a fait voir depuis que ceftoic vn grád auátage d'auoir elté refufé alors. S’ilsmel’offroient maintenant, ie ne le voudrois pas accepter. Premierementaux lieux où fe rencontre la commodité des riuieres dont on vous a parlé,le pays eft defert; & l'on n’y peut negocier ny couerfer. Les paffages qui sot les plus aisés,sortellemér réplis de voleurs,que l'authorité mefme du Roy ne les ena pú chaffer.La force des mótagnes où ils demeurent les affeure cótre les deí- feins que l'on peut faire fur eux;& Pil y auoit des lieux propres pour le trafic,ceux du pais les auroient pris. Ces peuples fentent tous les iours l'incommodi- té qu'ils recoiuent d'auoir vn havre qui n'eft point habité; ce feroit ce me femble vne affez forte raifon pour faire voir que lelieu que l'on vous a propofé n'y eft pas propre; puis qu'ils ne fen feruent point; & quand mefme le havre auquel vous penfez feroit fermé de murailles ; il n'eft pas aise de diuertir le commerce, & le ti» rer d'vn lieu où les marchands ont accouftumé de trafiquer , lors principalement que le trafic eft de marchandifes qui le vendent en détail. L'autre raifon eft que la dépenfe feroit plus grande que la qualité de voftre commerce ne la peut porter ; & le payement d'vne garnifon abforberoit tout le profit de voftre com- merce. Cent hommes ne fuffiroient pas pour deffendre ce Fort imaginaire. Les Portugais feront vn extréme effort pour vous en chaffer. La guer- re & le trafic font incompatibles felon mon fens; & fi vous m'en croyez, vous ne vous hazarderez point à la faire autrement que fur mer, où on peut au 位 -to 化 gagner que perdre ; c'eft la caufe de la pauureté des Portugais. Ils ont à la verité des colonies dans des pais quifontfort riches, mais les garnifons qu'ils tiennent pour les conferuer en confument tout le profit; quoy que leurs garnifons foient foibles; en vn mot remarquez fil vous plaift ce que ie vous dis,ils ne profi- teront jamais des Indes tant qu'ils feront obligez à faire ces dépenfes. Les Hollandois font auflitombez dans la mefme faute,lors qu'ils ont tafché de £y eftablir parla force ; ils en rapportent vne grande quantité de marchandifes; ils font confiderez dans toutes les places, & font mefme maiftres de quelques vnes des meilleures; auec cela leurs morte-payes confument toucle gain d'vn figrand عق‎ d'vn fi riche trafic. Il eft certain que Cil y a quelque fortune à faire en ce païs- là, vous la deuez attendre du cofté de la Mer, & d'vn commerce paifible. à C'eft vne erreur d'affe&er d'auoir des garnifons & des places de guerre aux In- des. Si vous auiez feulement à faire la guerre à ceux du pais, peut-eftre que cela vous rei Titoit; mais de la faire à d'autres pour leur deffenfe, ils ne le meritent pas: outre que voftre reputation courroit grand rifque. Il eft plus 2116 de faire y- ne bonne attaque en ce païs,qu'vne bonne retraite.Il ne faudroit qu' vn mal-heur pour vous faire perdre le credit , & pour vous engager dans vne guerre de bcaucoup de dépenfe, dont le fuccez feroit incertain ; outre qu'vne aétion fi fu- jette au hazard que font les euenemens de la guerre ne peut pas eftre entreprife auscraifon, quand l'éloignement deslicux d'où on peur tirer du fecours & du. confeileft fi crand , qu'il vous expole à vne perte irremediable. Nous voyons tous Les iouts que ceux qui ontces auantages-lá tout proches , ont bien de la pei- ne à apporter les reniedes neceffaires.En Mer,vous pouuez prendre ou laiffer.On ne publie point vos deffeins. La rade de Svvally y 8% le port de Surat font les deux places de toutes celles du Mogol qui vous font les plus propres. C'eft vne chofe que Pay bien examinée, & ie croy qu'on ne defaprouuera iamais ce que i'en écris maintenant. 11 n'eft pas befoin d'en auoir dauantage. Le grand nombre de ports de fa&oreries & de refidences n'augmenteront pas voftre trafic & voftre com- merce à l'égal de ce qu'ils en augmenterót la dépéfe & les charges. On ne trouue- ra pas en mefme lieu vn portfeur pour vos τος , & vne place propre pour les décharger. La Rade de Svvally dansla faifón eft auffi feure qu'vn eftang. Cam- baia, Barochia, Amadauat,& Surat, font les places du plus grand trafic T le falfe 74 MEMOIRES DE THOMAS RHOE, dans les Indes, & les mieux fituées. Vous auez deux difficultez , les Portugais en Mer & le debarquement de vos marchandifes. Pour furmonter la premiere , il faut faire en forte que la charge de vos vaiffeaux foit dans voftre Port vers la fin du mois de Septembre ; ce que l'on peut faire ayant toufiours des marchandifes deuant foy , ou empruntant de l'argent pour trois mois. Ainfi vous pouuez char- ger & décharger en mefme temps en yne faifon fort propre pour retourner en Angleterre, & voftre ennemy n'aura pas le temps ny la force de vous faire du mal; car à peine pourra-til arriuer en ce temps-là ; ou fil a pris fes mefures de plus loin, nous en aurons efté auertis. Et pour le fecond poin& qui eft de charger les marchandifes fans courir le dan- ger des fregates , & pour épargner la dépenfe du charroy par terre , il faut que yous cnuoyez yne pinaffe de foixante tonneaux , auec dix pieces de Canon, qui prenne fept ou huit pieds d’eau, afin qu'clfe demeure dans la riuiere qui eft entre Syyally & Surat , pour affeurer le paffage de vos marchandifes qui feront ainfi en feureté,& qui demeureront à laDoüane à voftre difpofiti6.Elle feruira de Maga- zin,d'oü vous les pourrez tranfporter où il vous fera plus commode.Les marchan. diles que vous cherchez principalement font de l'Indigo, & des étoffes de cotton. Il n'y a point de place qui foit également propre pour l'vn & pour l'autre. Enfin il faut chercher celle où il y a moins d’inconuenient. l'en dis mon opinion & mes raifons dans le difcours que i'ay fait à vos Fa&eurs.Quelques-vns peut-eftre y fe- ront contraires, mais ie ne me trompe point, ie n'ay aucun deffein particulier d'a- uoir des Faéteurs à ma difpofition, ny d'auancer ou employer mes amis, & enco- res moins d'ambition d'auoir des gens au deffous de moy. Il me feroit bien plus facile de faire connoiftre à la Compagnie toutes lesfautes qu'on a faites par le paffé que d'y remedier.La Riuicre de Sinda donc vous me parlez eft tenue parles Portugais, ὃς quand mefme elle nele feroit point, elle n'eftny plus propre au commerce, ny plus feure quc celle de Surat. Vos Fa- &eurs m'ont enuoyé quatre ou cinq articles de vos lettres qui regardentla Perfe & le deffein de faire baftir vnFort & vne colonie à Bengala, ce qu'ils iugent de nul vfage. Ils ne m'ont fait fcauoir que cette partie de to dont vousleur auez écrit,8z de tous vos deffeins. le fer pour aduancer vos affaires à la Cour ; mais ie veux journal & dans mes lettres comment ils en y(ent enuers moy; ce que ie ne puis at- tribuer àautre chofe qu'à quelque jaloufie que vous auez eué de ma conduite, mais qui vous coúrera bien cher. Pour ce qui eft d'écablir icy voftre commerce, Je crois auoir affez de credit pour obtenir du Roy tout ce que vous pourrez rai- fonnablement fouhaitter; & quand il m'aura promis vne fois vne chofe, la confi- deration de vos vaiffeaux l'obligera à vous tenir parole. Vous n'auez pas befoin d'vne fi grade faucur à laCour cóme vous vous l’imaginez,Il fau tiez icy d'autres marchádifes. Ne yóus laiffez point tromper à ceux que vous em- ployez. Le drap,le plomb, Pyuoire & le vif argent font les meilleures marchádifes pour ces quartiers , & le feront toufiours : j'ay fouffert l’année paffée beaucoup de trauerfes de Sultan Coronne qui ale gouuernement de Surar.le n'ay pas peu ob- renir que le Traité pour le Commerce fut dreffé auec des conditions égales pour les deux Nations. Le manquement de prefens m'a fait perdre vne partie de la fa- ucur que 121015 à la Cour. Ie n'ay pas laiffé d'en tirer vne grande partie de ce que ie defirois , & quelque fatisfaction furtoutesles extorfions & auanies qu'on nous auoit faites parle paffé. Ie tâcheray de rendre nos conditionsimeilleures en l'abfence du Prince, & de faire yn nouueau Traité, en donnant au Mogolles pre- miers prefens que vous m'enuoyerez. Parchas marque ¡cy qu'il m'a pas fait imprim er le refte de cette Lettre , à caufe qu elle ne con- tient que les chofes qui regardent le dérail des affaires de la Compagnie Angloife des Indes Orien- tales, utes les propofitions ay ce qui dépendra de moy; que vous voyez dans mon t que vous a3por- Len AVPRES DV MOGOL: 5 VR. ADDITION DE PVRCH.AS. E T Ambaffadeur en partant demanda au Mogol vne recommandation au- Bic du Roy d'Angleterre fon maiftre , ill’obtint aisément : mais le Mogol fe rrouua embaraffe de l'endroit où il deuoit mettre le fceau de fa lettre;enle met- tant au bas, il croyoit faire quelque chofe indigne de luy ; fil l'euft mis au haut, il fimaginoit que lé Roy d'Angleterre auroit pei fen offenfersil fe refolut d'vfer de temperamment. Il donnala lettre fans eftre fcellée,& fon grand fceau à part;afin que Sa Majefté d'Angleterre, difoit-il , le mit où il luy plairoit. Ce fceau eft d’ar- gent, l'empreinte contient la Genealogie du Mogol depuis Temur-lam , dans des cercles feparés; vous le pourrez voir cy-deflus dans la Carte que Rhoë a fait faire des Eftats du Mogol. Extrait. d'une Lettre du 30. Octobre 1616. E Mogol d'aujourd'huy eft d'yne humeur fort douce & bien-faifante; mais d'vn autre cofté nous auions de continuels démeflez auec vn de fes fils, fier, intraitable , & entre les mains de qui il feft défait de tout fon pouuoir & du gouuernement de fes Eftats, dont il n'eft pas capable. Il eft maiftre du Port où nous trafiquons , & nous donne mille trauerfes ; ila vne ambition fi déreglée, qu'il ne voudroit pas que ie reconnuffe fon pere, que ie m'adreffatfe à luy, ny que ie luy fiffe aucune priere ny aucun compliment ; il voudroit qu'on rendift à luy feul ces defferences , cc que ie n'ay iamais voulu faire, & ie me maintiens dans cette pretention parla confiance que me donne ma qualiré, & par la faueur du Roy;vn Ambaffadeur qui fera en céte Cour,qui conoiftra Pobligarió de fa charge, & qui voudra loútenur l'hóneur de fon Maiftre, & fon rang,fera pluftoft des enne- mis, qu'il n'y acquerrera des amis. Les Indiens font trop fiers pour foufirir icy des €gaux ;les perfonnes & les qualitez ne font eftimées que felon la dénenfe que Pon fait ; tellement que pour fournir à celle qu'il faudroit faire pour foütenir celle d Amballadeur en cette Cour, il coufteroit beaucoup plus que le peu de profit de noftre commerce ne permet d'y dépenfer : Et d'autre cofté celuy qui manquera à faire céte dépenfe fera tort à fon rang, & tombera dans le mé- pris. Le fais tout mon poflible pour le fouftenir, auec le peu de moyen que i'en ay; mais ie fuis d'opinion qu'vne perfonne qui pourroit diflimuler & fouffrir quelques affronts, ce que le rang d'Ambaffadeur ne permet pas de fouffrir feroit plus pro- pre qu'vn Ambaffadeur; ie croy que le Roy d'Efpagne ne fe refoudroit iamais d'en enuoyer en ces quartiers, connoiffant bien qu'il n'y feroit pas reccu auec l'honneur qui eft deub à fa qualité: Et pour moy ic tiens qu'en retournant en Ans gleterre,& en dónant à la Cópagnic les auis des chofes que lay cónués par expe- riéce,ie la feruirois plus vtilemét, qu'en demeurát icy.Pour ce qui eft de la Perfe, le Turc a fait vne brauade,les Paffages fe font trouuez occupez;& le Roy de Per- fe ayant fait aduancer fon armée jufques fur les frôtieres , prit occafion de dópter vne Nation qui f'eftoit reuoltée,& qui eft ἃ ’ER de Babylone Les peuples de céte Nation fe nomment Curdes : le ne fçay pas où les Geographes mettent leurs Pais, ny fous quel nom ils ont efté connüs parles anciens. Le fieur Robert Sherly ayant employé beaucoup de temps à pafferà Goa, a perdu l'occafion de fe pou- uoir embarquer fur la flotte qui alloit à Lifbonne , & il fera obligé d'y demeurer encore vn an; tellement que fa negociation n'ira pas fi vifte que ie l'apprehendois, & nous aurons le temps d'y trauailler , felon les ordres que vous nous enuoyerez d'Angleterre , ou felon l'intereft des marchands que cét affaire regarde principa- TK EAGE Cg 76 MEMOIRES DE THOMAS RHOE, lemét. Il eft arriué icy vn Ambaffadeur de Perfe; il ne nous a pas appris beaucoup de nouuelles ; car il y a neuf mois qu'il eft party de fon país. Ses prelens font ma- nifiques : En faifant la reuerence au Mogol; il fe profternaäterre, & la heurta de fa tefte , dont ie croy que fon maiftre ne l'aduoüera point; fi ce n'eft qu'il luy ait commandé expreflement d'en vfer ainfi pour flatter le Mogol par cette foümif- fion, & le rendre plus facile à luy accorder le fecours d'argent qu'il luy demande pour faire la guerre au Turc. Ila fait la mefme chofe pluficurs fois en d'autres rencontres : On dit auffi qu'il cft venu pour eftre mediateur de la Paix entre le Mogol & le Roy de Decan, de qui le Roy de Perfe prend la prote&ion, à caufe de la jaloufie qu'il a du trop grand accroiffement de cét Empire. le croy qu'on le contentera auec de l'argent, & qu'il fouffrira qu'on dépoüille fes:alliez: On ne luy a point donné le rang que i'ay tenu dans céte Cour, & que ie me conferue mal-gré beaucoup de gens. Le Roy mefme ne reccut point fes lettres auec les de- monitrations d'eftime qu'il fit paroiftre en receuant celle du Roy, & en. parlant du Roy de Perfe il ne le traitta iamais de Majefté comme il auoit plufieurs fois traité le Roy d'Angleterre, ce que i'obferuay auec beaucoup de fatisfa&tion : il a- uoit à la verité quelques aduantages fur moy, car il parloit la langue du Pays; les Eftats de fon Prince en font voifins. Il auoit des amis en céte Cour. Le Roy eft preft de marcher du cofté de Decan. Son fils doit commander fon armée, & nous aurons beaucoup dc fatigue à fouffrir à la fuite de la Cour. Noftre flote de cet- te année 1616. rencontra en fon chemin vne carraque qui alloit à Goa ; elle la rencontra proche del'Ifle de Mozalia fous le douziéme degré de latitude Se- prentrionale , la falüa, & luy rendit la ciuilité qui fe pratique en mer. Les Portugais au contraire leur tirerent huiét coups de canon;les noftres ne re- fuferent point l'occafion la combattirét, l'obligerent de Péchoüer à terre, & de fe brúler elle-mefme. Elle eftoit de 1500. tonneaux,& il y a apparence que le Vice- Roy qu'on attendoità Goa a pery auec elle, ce qui eft vne des plus grades pertes & des plus grandes difgraces qui foit iamais arriute aux Portugais en ces quar- tiers , & vne iufte recompenfe de leur temerité & infolence. Le Commandant des Anglois y fut tué, celuy qui luy fucceda fut eftropié; Voila ce que ie vous puis dire des affaires de ces quartiers; il faut que ie dife maintenant quelque chofe de celles qui regardent le fpirituel , fi vous voulez auoir la patience deles lire. 4 Deuant que Temur-lam eût inondé ces País, ils eftoient gouuernez par diuers petits Princes qui n'auoient aucune Religion; mais chacun vne idolatrie par- ticulicre, adorant diuerfes fortes de creatures ;les delcendans de Temur-lam apporterent dans le Pays la connoiffance du Mahometifime, mais ils ne for- cerent perfonne à le receuoir, laiffant aux peuples conquis la liberté de confcien- cc tellement , que ceseftrangers fappellerent Mogols, ou Chefs des peuples cir- concis. Ils fuiuent Haly gendre de Mahomet, ont leurs Mofquées , leurs Molas, leurs Cheriffes, des vœux, des prieres , & vne infinité de ceremonies. En matiere de penitences , il n'y a iamais cu de religionaires qui en ayent fait de plus aufteres; ceux d'entre-eux qui ont voulu paffer pour Sain&s , ont foutfert des pauuretez volontaires, des mortifications, & des aufteritez extrêmes. Il y a vne grande diuerfité entre les Se&es des Gentils ; quelques-vns font vail- lans , bons foldats, boiuent du vin fans fcrupule , mangent de la chair de porc, & adorent la figure d'vne befte. Il y en ἃ d’autres qui ne veulent point manger de viande fi elle n’eft fan&ifice auparauant à leur mode: D’autres n’en veulent point manger du tout; quelques-vns feroient fcrupule de tuer la vermine lors mefme qu'elle les incommode. Il y en a qui ne voudroient pasauoir beú dans vn verre,ou d'autres qui neferoient pas de leur Religion auroien: bei. Ils ont la fuperfti- và AVPRES DV MOGOL. 55 tion de fe lauer fouuent. Ils attribuent tous vne efpece de diuinite à la riuiere du Gange, & dans vne mefme faifon de l’année, on les void quelquesfois au nombre de quatre ou cinq cent mil fur fes bords. Ils y jettent dedans comme par offiande de l'or & de l'argent. Ils font des charitez à leur maniere. l'ay veu vn troupeau de pourceaux dans vn de leurs Temples proche de céte ville, qu'ils nourriffent par principe de charité auec nombre de vaches, & d'autres beftes de toutes fortes. Ils ont des Synagogues , des Prophetes, des Deuins » & tous les autres inftrumens des impoftures du diable : les Molas de Mahomet ont quelque connoiffance de la Philofophie & des Mathematiques : Ils font grands Aftrolo- gues ; ils ont veu quelque chofe d'Ariftote , d'Euclide , & d'Auerroes. La langue des fçauans eft la langue Arabe. Ces peuples ont efté jufques au temps d'Ecbarsha pere du Roy d'aprefent,fans auoir entendu parler de la Re- ligion Chreftienne: Echbar eftoit vn bon Prince, & fort équitable , amateur & curieux de toutes fortes de nouueautez. Il auoit de grandes vertus ; principa- lement vne finguliere pieté & reuerence pour fes parens. Il appella auprés de luy trois Iefuites de Goa,dent le principal eftoit Hieronymo Xauier du Royaume de Nauarre. Il prit plaifir à entendre fes raifons & fes difputes; Il l'obligea mefme d'écrire vn Liure pour la deffenfe de fa Religion οὔτις les Mores & les Gentils. Il le lifoit fouuentla nui& ; & enfin le fit examiner, & luy accorda par Lettres Pa- tentes la permiffion de baftir ,de prefcher , d'enfeigner, de conuertir , & d'exer- cer toutes les ceremonies de fa Religion, auffi librement qu'il l'euft pù faire à Rome, luy donna de l'argent pour baftir des Eglifes : Si bien qu'en quelques- vnes de ces Villes, ils commencerent à avoir pluftoft des Eglifes que des Chre- tiens. Dans cette mefme conceffion , il permet à tous tes Sujets de fe fai- re Chreftiens; il l'eftendit jufques aux Princes du Sang Royal. C'eftoit là vn beau commencement, & vn Printemps bien aduancé , pour vne recolte auffr maigre que celle qui f'eft faite depuis. Pour luy , il n'a iamais efté forc attaché à la Religion Mahometane , confiderant que Mahomet 21101 efte yn homme & vn Roy comme luy , & qu'on luy auoit porté refpeét ; & par cette raifon, il fimagina qu'il pouuoit deuenir aufli grand Prophete que Maho- met. Ce changement neantmoins ne parut pas; vne certaine bien-feance le re- tinc, & il mourut dans la profeflion de fa Foy. Son fils, quiregne à prefent, mit en pratique ce que fon pere Peftoit imaginé. Il ne fur point circoncis, & fut Cleué fans aucune Religion, & a continué Jufquesà cetre heure dans l'eftat d'vn par- fait Atheifte. Quelquefois il veut faire la mefme profeflion que les Mores , & ce- pendant ne laifle pas d'obferuer les ¡jours de Fefte des Gentils,& de faire auec eux toutes leurs ceremonies. Il f'accommode à toutes fortes de Religions, & ne té- moigne de la haine qu'à ceux qui changent celle dans laquelle ils font nez. Il eft tombe enfin dans les fantaifies de fon pere, & a paflé mefme plus auant que luy, Jufques à fe declarer pour le Chef de fa Religion, ὃς pour eftre 1 grád Prophete que Mahomet , il feft fait vne nouuelle Loy , mélée de toutes les autres. Beau- coup de fes Sujets l'ont receuë , avec tant de fuperftition , qu'ils ne veulent point manzcr jufques à ce qu'ils l'ayent falüe le matin. Il fe prefente pour ce fujer à la pointe du iour, à vne feneftre ouuerte quia veué fur vne grande plaine de- uant fon Palais , où vne infinité de gens lattendent. Quand les Molas luy loüent Mahomet, il les mal-traite , & au contraire il leur témoigne de la joye quand ils en difent du mal. De Iefus-Chrift, il n'en a iamais parlé qu'a- uec reuerence , ny pas vn de fa Secte ; ce qui eft vn admirable effet de la force de la verité diuine. Pour ce qui eft des Eglifes des nouueaux Chreftiens , il leur cori- firme & augmente tous les jours leurs priuileges;Il employe depuis deux ans deux heures de la nui& pour les entendre parler de la Religion Chreftienne , & a dit fouuent des paroles qui donnoient efperance de fa conuerfion ; mais cela a efté jufques à cette heure fans effet. Il mit quantité de jeunes hommes entre les "b dy 78 MEMOIRES DE THOMASRHOE, mains de Francois Corfi » qui eftoit alors Refident du Roy de Portugal, pour les enfeigner à lire & à écrire la langue Portugaife,& les inftruire dans les lettres hu- maines & dans la Loy de Iefus-Chrift. Ce Icfuite a tenu école quelques années. Le Mogol a enuoyé à cette école deux Princes fes neveux. Ceux-cy ayans efté éleuez & inftruits dans la Religion Chreftienne , furent baptizez auec beau- coup de pompe dans la nouuelle Eglife d'Agra , ayant auparauant pa- ru comme en triomphe fur des Elephans par tous les endroits de la Ville : & cela, par vn ordre exprés du Roy , qui prenoit la peine de les examiner fouuent fur le progrez qu'ils faifoient , & fembloit en eftre fort content. Cela fit que pluficurs fuiuirent ce mefme chemin, croyant que le Roy mefme n'en eftoit pas beaucou éloigné. D'autres qui le connoiffoient mieux penetrerent qu'il faifoit cela par politique , pour attirer fur ces Princes la haine des Mahometans , qui font la prin- cipale force de fes Eftats ; mais ils fe trouuerét tous trompez en leurs conjectures, car apres que ces Princes & quelques-autres enfans eurent appris les principes de la Religion Chreftienne » & quelques-vns de fes preceptes; comme de n'a- uoir qu'vne femme,& de n'en époufer point qui ne fút Chreftiénc.Le Roy fit de- mander aux Iefuites par ces Princes , des Portugaifes pour femmes. Les Iefitites qui croyoient que cela eftoit venu de leur propre mouuement , leur firent quel- que reprimende, & ne foubconnerent rien dauantage ; mais comme cette de- mande eftoit le deffein pour lequelle Roy auoit auancé leur conuerfion, efperant par ce moyen auoir des femmes Portugaifes qu'il fouhaittoit fort. Cesdeux Prin ces retournerér trouuer les Iefuites,leurs remirent encre les mains leurs Croix,& les autres marques de la Religion qu'ils auoient receuës d'eux ,difants qu'ils ne vouloient pas demeurer plus long-temps dans le Chriftianifme , puifque le Roy de Portugal ne leur enuoyoit ny prefens ny femmes; comme on leur auoit fait efperer. Le Iefuite eüt quelque foubçon alors, qu'il y euft dans cette affaire quelque chofe de plus que ce que ces jeunes Princes ne difoient. La confiance a- uec laquelle ils faifoient cette declaration, luy donna fujet d'examiner dauanta- ge le motif de cette demande. Il trouua qu'en effet le Roy leur auoit commandé de la faire. Les lefuites refuferent de receuoir les Croix qu'ils auoient données, difant qu'elles auoient efté données par l'ordre de Sa Majefté,& qu'ain- fiils ne deuoient pas les receuoir que par fon ordre : qu'ils les prioient qu'ils Pad- dreflaffent au Roy, & que Sa Majefté leur fit entendre (à volonté par la bouche de ceux qui portent ordinairement fes ordres. Les Peres connoiffoient l'efprit de cc Prince , & fçauoient fort bien qu'il ne voudroit pas fe découarir luy-mefme pour l'autheur d'vn deffein fi bas à fes Officiers. Les Princes luy firent le meffage; il en demeura picqué au vif contre les Iefuites; mais comme il vouloit ruiner cé- te cfcole, il leur commanda de faire venir les Icfuites à la porte de fon Se- rail , où il leur fit dire par la bouche d’vne de fes femmes, que c'eftoit par fon ordre qu'ils changeoient de Religion ; ils font maintenant Mahometans , fans auoir rien retenu de la profeflion du Chriftianifme ; ainfi toutes ces belles efpe- rances font 611211011165 , & quelque diligence que i'aye pù faire , ie May point veu dans le Pays vn feul conuerty que l'on peút dire eftre veritablement Chreftien, & fort peu qui en faffe la profeffion, fi ce n'eft vn petit nombre qui a efté baptisé pour de l'argent, & eft entretenu par les Iefuites : de cette forte on en pourroit ac- croître le nombre; maisles Iefuites connoiffent la mauuaife foy de ce peuple , & ne peuuent pas fournir a vne defpéfe fi inutile. C'eft là lc veritable eftat du Chri- ftianifme en ce Pays, & celuy عل‎ l'Eglife qu'ils ont tafché d'y eftablir; mais afin que vous puifhez mieux iuger de l'efprit du Roy, & de la conduite des Iefuites, ie vous yeux dire ce qui feft 2116م‎ depuis peu fur ce fujet , & vous me ditez apres fil y a beaucoup à efperer de la conuerfion de ce Prince. Il n'y a pas long-temps que l'Eglife des Iefüites, & leur maifon fur brûlée, le Crucifix nele fut point; ce que l’on publia comme yn miracle ; pour moy qui euffe efté AVPRES DV MOGOL. 79 bien auifé , que de quelque accident que ce foit , on en euft tiré l'auanta- ge d'cftendre la Religion Chreftienne. le n'en parlay point. Le Iefuite foupcon- nant que ie n'eftois pas perfuadé de miracle , me dit que la chofe eftoic ar- riuée naturellement , & me fit entendre que les Mahometans mefmes fans fa par- ticipation, auoient fait pafferla chofe pour vn miracle ; m'aduoüant neantmoins qu'il eftoit bien aife d'auoir trouué cette occafion de le faire croire.Le Roi qui ne laiffe paffer aucune occafion de parler des nouueautez qui viennent à fa con- noiffance , appelle le Iefuite , & luy fait diuerfes queftions ; le Icfüite refpond auec ambiguité. Sur cela Le Roy luy demandant fi il ne defiroit pas de fe conuer- tir le Religieux dit que oüy:. Vous me parlez pas,dit le Roy,des grands miracles que vous auez faits au nom de voftre Prophete. Si vous voulez jetter l'image de Icfus- Chrift dans le feu en-ma prefence, & qu'elle ne brúle point , ic me feray Chreftien. Le lefuite refpondit , que cette experience n'eftoit pas raifonnable; que Dieu n'eftoit pas obligé d'en faire toutes les fois que les hommes luy en de- mandoient ; que ce feroit le tenter; qu'il fait des miracles quand il trouuc à pro- pos d'en faire, mais qu'il offroit d'entrer luy-mefme dans le feu pour preuue de la verité de fa Foy, ce que le Roy ne voulut pas confentir. Ses courtifans en firent grand bruit, & dirent qu'il falloit efprouuer noftre Religion par cette experience ; adiouftant que fi le Crucifix brúloit, le Iefuite feroit obligé de fe faire Mahometan. Ce Prince apporta des exemples des mira- cles qui auoient efté faits dans des occafions moins importantes , que n'eftoit la coucrfion d'vn Prince fi puiffant,que fi ceux qui adoroict Iefus- Chrift refufoient cette experience, il ne croyoit pas eftre obligé de leur adioufter Foy. Le Roy en- tra dans la difpute ; dit en faucur de noftre Religion, que noftre Seigneur eftoit vn Prophete;qu'il eftoit fans comparaifon plus grand que celuy qu'ils adoroient, fi l'on en iugeoir par fes miracles, fe feruant pour le prouuer de fa R efurrection , ce que pas vn d'eux n'auoit iamais fait. Le Prince repliqua ; que d'auoir donné la vcué à vn aueugle , c'eftoit vn auffi grand miracle que celuy de la Refurre- étion. Cette queftion ayant efté chaudement agitée de part & d'autre , vn troi- fiéme entra dans la difpute, & dit que le Roy & le Prince auoienttous deux rai- fon; que veritablement donner la vie à vn corps mort,;cítoit le plus grand de tous les miracles ; mais de donner la veué à vn homme né aueugle , c'eftoit la mefine chofe , & vne efpece de R efurre&ion, Ie ne me fçaurois empefcher de rapporter encore icy les merueilles du Singe, & ce qui fe paffa fur ce fujet. Pour ce qui eft de la verité du fait; il n'en faut point douter. Vn Charlatan de Bengala, dont il ye na beaucoup icy, prefenta au Roy vngrand Singe,difant qu'il eftoit diuin. Et il y a en effet en ce Pays des Sectes qui attribuént à cét animal quelque diuinité. Le Roy fe tira du doigt vn anneau, & le fit cacher dans les veftemens d'vn jeune gargon qui eftoitlà auec douze autres perfonnes de fon âge. Le Singe qui ne l'auoit point veu cacher, Palla prendre au petit garçon a qui on l'auoit donné. Le Mogol, non contant de cela, fit écrire en douze billers differens, les noms de douze Legiflatcurs , mettant enfemble ceux de Moyfe ,de Iefus-Chrift, auec ceux de Mahomet, d'Haly & d'autres: & les ayant mélez dans vn vale , demanda à ce Singe laquelle eftoit la ve- ritable Loy. Le Singe mit fa main dansle vafe , &tira celuy où le nom de I efus- Chrift eftoit marqué. Le Roy en fut eftonné.Il euft quelque foupcon que le maiftre du Singe fcauoit lire les caracteres Perfans, 8: qu'il euft inftruit fa befte. Il récriuit les mefmes noms, auec les chiffres dont il fe feruoit ordinairement quand il vouloit écrire quelque chofe de fecret à fes Miniftres. Le Singe ne manqua point, il prit vne feconde fois le billet de Iefus-Chrift , &le baifa. Vn . de fes principaux Officiers en entra en colere ; il dit au Roy qu'il falloir qu'il y eût quelque fupercherie, & luy demanda la permiflion de méler vne autre foislesbil- $0 MEMOIRES DE THOMAS RHOE, x à OO NME NE ON MR NS x ors Ὁ κα $ * Dix à * T. dA 3 x $ x $ * "x È x 5, JE TE Loops dob ا‎ eub an qoi de 5 ES }, CERTES de O px x RA EAE ἜΦΥΣ ex - + GR RUN MM MORE ES ع‎ AREAS AE * x * R AMA MOM MENCIONO Ν O III D E EDOVARD TERRI, AV INDES ORIENTALES. 5.1. Sa Nauigation jufques à Surat. E n'eft pas mon deffein de preuenir le jugement de mes Lecteurs par vne Preface cftudite, & de m'ac- querir de la creance dans leurs efprits parles orne- mens du difcours. le fcay que tes charmes de la verité 77 font pluspuiffans que ceux de l'éloquence ; & qu'vne ἐξ Relation toute fimpie & toute nuë fait plus d'impref- 2 fion fur les perfonnes raifonnables , qu'elle ne feroic auec des beautez eftrangeres & des graces emprun- €, tees. La mienne cftant faite auec exactitude & fince- Wy rité, fe promet le mefme fuccez; ὃς les Le&curs me ^ rendront juftice, s'ils ne doutent point dela bonne foy auec laquelle ie leur fais le rapport des chofes que j'ay veués. Noftre flotte qui eftoit compofée de cinq bons vaiffeaux, le Charles, la Licor- ne, le Iacques;le Globe, le Cigne & la Rofe, leua l’ancre de Grauezende le 3. de Feurier 1615. fousle E du Capitaine Benjamin lofeph : Le 9. de Mars nous quittámes la rade de Til-burye-Hope, & nous commençâmes noftre voyage auec vn vent de Nordoüelt. Ce vent nous fut fauorable iufques à la nuit du 16. du mefme mois. Cette nuit-là vne tempefte furieufe nous 'furprit vers les coftes de Portugal, qui emporta deux de nos Vaiffeaux ; le Globe & la Roze, & nous dura jufquau 21. de Mars. Le 22.le Globle rejoignit noftre efcadre: Pour la Roze,nous ne la vimes plus de tout le refte du voïage; & nous apprimes que fix mois apres noftre feparation ; elle eftoit arrinée à Bantan. Le 28. nous eufmesla vent de la grande Canarie & du Pic de Teneriffe , qui eft fi haut , que les matiniers affeurent qu'on le voit en mer de plus de 40.lieuës quand le temps cft ferain. Ces Ifles font fitutes fous le 28. degré de latitude Ses prentrionale; A Peiffonsvo- lans. Baye de Saldaigne. 2 VOYAGE DE TERRI Le 31. nous pafsàmes le Tropique de Cancer ;&le 7. du mois d'Auril nous trouuámes que le Soleil eftoit à noftre Zenith. Depuis ce jour-là jufques au 14. le temps fe calma, & nous foufrimes des chaleurs extrémes durant ce calme. © Le 16. nous eûmes des vents que lcs mariniers Portugais appellent Trauados; ces vents font fi inconftans , qu'en vne heure ils font les trentc-deux pointes du compas. Ils furent accompagnez d'éclairs, de tonnerres, & du deluge d'vne pluye de telle nature, qu'elle pourriffoit en vn inftant les habits de ceux de nos gens fut ui elle tomboit.Elle a encore cela de particulier,qu'en quelque lieu qu'elle tom- be, il le forme de fa corruption diuerfes fortes d'infe&es fortincommodes. Nous fümes battus de ces vents fous le 12. degré de latitude Septentrionale , & ils ne nous quitterent point que fous le 21. degré de l'autre cofté de la ligne. Nous la pafsàmesle 28. d'Auril. | Le 18.de May nous pafsâmes le Tropique du Capricorne, tellement que nous fümes fept femaines entieres entre les deux tropiques fous la zone-torride. Pendant ce temps-là ر‎ nous voyons prefque tous les iours quelque nouuelle ef. pece de poiffons , & en plus grand nombre qu'on n'en voit en quelqu'autre mer quc ce foit; comme des Balaines , des Dauphins, des Bonites, des Albicores, des poiffons volans , & de diuerfes autres fortes. Nous vimes auffi entre-autres des Balaines d'vne grandeur prodigieufe. Elles paroiffent au deffus de la mer quand. elle eft calme, & à les voir de Ioin;on les prendroit pour quelques grands rochers, Elles ronflent par vn éuant qu'elles ont fur la tefte , & jettent par là vne grande uantité d'eau , qui en retombant reffemble à la cheute d'vne groffe riuiere. Le Dauphin cft nommé la fléche de la mer; à caufe de fa grande viteffe. 11 eft agrcable à la veué , & d'vne couleur qui change felon les differens mouue- mens quil fait.Les écailles qui le couurent font fort petites.On trouue en le man- geant, qu'il a ie ne fcay quoy de plus agreable au gouft, que n'ont la plufpart des autres poiffons. Les Dauphins fuiuent les vaiffeaux , ce qu'ils font à mon jugement pluftoft pour profiter de ce que l'on jette horsle bord, que pour l'amour que quclques-vns ont écrit qu'ils ont pour les hommes. Il arriuoit fou- uent que nos gens auec vn harpon de fer attaché à vne corde en dardoient quel- ques-vns, lors qu'eftant proches du vaiffeau ils fe trouuoient à leur portée , & les tirojent dans le bord par le moyen dela corde qui tient à ces harpons. Les Bonites, & les Albicores, font d'vn gouft ὃς d'vne couleur affez appro- chante de celle de nos Maquercaux , fi ce n'eft qu'ils font fort grands; mais. entre tous les poiffons,il n'y en a point de fi mal-heureux que les poiffons volans. Si ils demeurent dans l’eau, les Dauphins, les Bonites, & les Albicores leurdon- nent 12 chaffe ; & lors qu'ils fe feruent de leurs ailes , ὃς feleuent en l'air pour fuir cette perfecution , ils y rencontrent d'autres ennemis , & des oyfeaux fembiables à nos hyrondeles de mer qui les prennent. Ces miferables poiffons reflemblent à ces gens qui ont deux profeffions , & qui neantmoins ne peuuent profiter ny de Lvne ny del'autre. - Le 12.de Iuin de grand matin nous découurimes la Baye de Saldaigne que nous cherchions, elle eft à quelque douze lieuës en deçà du Cap de Bonne Efperance, nous y entrafmes heureufement auant midy, & nous y trouuàmes yn Vaiffeau de la Compagnie des Indes, nommé le Lion , qui eftoit party de Surate pour retour- ner en Angleterre. Il fe remit en mer pour continuer fon voyage. La nui& du 14. Nous demcurámes dans cette baye jufques au 28. du mois fuiuant , nous en par- times ce iour-là apres en auoir tiré toute l'eau & tous les rafraichiffemens qui nous manquoient ; le Cigne fe fepara de noftre flotte , pour prendre la route de Bantam oü il deuoit aller. Le29.nous doublámes le Cap de Bonne-Efperance qui eft fous le 55. degré de latitude Auftrale ; on tronue toufiours à la tefte de ce promontoire yn courant d'eau qui roule vers le Ponant; & quand ce courant eft repouffé par yn SA NEO G OIL 3 vent contraire , la Mer y cit cellement agitée , que plufieurs vaiffcaux y ont efte engloutis, & il arriue peu qu on le paffe {ans tempefte. Le 22. de Iuillet nous découurimes la grand [fle de Madagafcar, appellée communément l’Ifle de S. Laurent; noftre route eftoit entre cette Ile & la cofte d'Affrique ; nous la continuámes fans y toucher non plus qu'aux Ifles de Comora qui font fous le 12. degré de latitude Auftrale. Le 16. de grand matin nos mate- lots qui eftoient attentifs à voir f'ils ne découuriroient point la cofte , virent vn vaiffeau qui cftoitfelon leur eftime à trois ou quatre licués deuant nous; ὃς jufte- ment fur noftre route.Surle midy le Globe,qui eftoit celuy de nos vaiffeaux,qui alloit le mieux à la voile, fe trouua au deffus du vent de ce vaiffeau,& l’ayantfa= lüc felon la couftume de la mer en iffantla grande verge, demanda au Ca pitaine d'où 1] eftoit. Il répondit auec mépris , de la Mer, adiouftant à ce mefpris des in- iures , lesappeliant voleurs, heretiques ; diables, & pour conclufion luy lafcha fept volées de canon , il en fut percé en fix endroits, & beaucoup de ceux de fon équipage en furent bleffez. Le Globe luy répondit de mefme à coups de canon, & fe retira versie corps dela lote. Le Charles noftre Admiral (urles trois heu- res apres midy l'aborda de fi prés, que nous nous trouuâmes à la portée du pi- ftolet. Le Capitaine lofeph qui le commandoit , en vía micux que luy ; & au lieu de fe vanger d'abord de Pinfule qu'on auoit fait àl'vn de fes vaifleaux و‎ offrit d'entrer en traitré auec ceux و‎ quien auoient fi mal 7716. Nos trompettes fonnerent,& falüerentle vaiffeau. Il répondit de mefme.T out noftre équipage parut à découuert fur le tillac; le Capitaine lofeph dit à ceux de ce vaiffeau , qu'il falloit que le Commandant vint à fon bord luy faire fatisfaction du mauuais traittement qu'ils auoient fait à nos gens ;leur réponfe fut qu’ils n'a- uoient point d'efquif pour paffer d'yn vaiffeau à l'autre. Le Capitaine Iofeph repliqua , qu'il leur en enuoyeroit vn , & commanda qu'on armát le fien, & leur enuoya fur le champ. Il reuint incontinent auec vn de leurs officiers ; accompagné de deux autres perfonnes, qui luy dirent de la part de leur Ca- pitaine , qu'il eftoit de ferment de n'abandonner iamais fon Vaiffeau , & qu'il wobeyroit que parla force , au commandement qu'on luy en avoit fait. Le Capitaine lofeph traitra auec toute forte d'bonnettété celuy qui luy porta le meffage ; il commanda qu'on luy fit voir le bon eftat de nóftre Vaiffeau, & combien il nous eftoit facile de nous vanger. Cét Enuoyé noustémoignoit ع‎ par fa contenance & par fon eftonnement qu'il en eftoit perfuade , & pria noftre Commandant d'écrire yn mot à fon Capitaine ; afin qu'il Sen puft feruir pourle faire refoudre à obeyr. Le Capitaine Iofeph pour vne plus grande juftification, & pour cuiter la neceffité de répandre du fang,y confentit, & luy écriuit ces mot$; Pourquoy eft-ce que celuy qui commande la Caraque , a fait tirer {ur yn de nos Vaiffeaux, qui ne luy en a donné aucun fujet , ie veux qu'il vienne prom- ptement à mon bord, & qu'il me rende raifon de cette violence, autrement il senrepétira.Il fit enfuite rébarquer les Portugais, & enuoyát auec eux vn de nos maiftres Matelots, fit dire au Capitaine; Que fil refufoit d’obeyr, il le cou- leroit à fond, adjouftant comme par vn efprit prophetique , qu'il ne le quit- teroit point qu'il ne s'en fuft rendu maiftre ; ou qu'il n'euft perdu la vie dans le combat ; ce qui arriva en effet, car il y fur blefsé , & mourut d'yn coup de ca- non qui fut tiré de cette Caraque. د‎ Le Capitaine de la Caraque demeura ferme dans fa premiere reponfe , &le Capitaine Iofeph tira luy-mefme les trois premieres volées de canon; qui par- tirent de noftre bord. Elles leur firent affcurément beaucoup de dommage , car nous entendimes de grands cris immediatement aptes. Le combat eftant en- gagé de la forte , les boulets commencerent à voler des deux coftez ; noftre Ca- pitaine pour difpofer fes gens au combat, eftoit monté fur le demy-pont , & il n'y | auoit pas vn demy quart-d'heure qu'il y eftoit , lors qu'il fut emporté d'vn coup A ij Les Mes de Mohiha , Gazidia, 8£ de S. Ican de Caítro, font com= prifes fous ce nom, 4 VOYAGE DE TERRI de canon qui le prit parle milieu du corps. Le maiftre du Vaiffeau luy fucce- da, & continua le combat pendant l'efpace d'vne demy-heure ; mais fcachanc ue le Capitaine Henry deuoit fucceder au Capitaine Iofeph , il difcontinua Par. taque de la Caraque ; & ayant fait le fignal qui auoit efté concerté entre ceux de la Flotte pour affembler le confeil, il appella ie Capitaine Henry qui eftoit Vicc- Admiral, & les autres maiftres des Vaitfeaux » qui vinrent à bord pour refoudre, ce qu'ils auoient à faire dans cette rencontre.Il eftoit nuit, & durant ce temps+la il fallut abandonner la Caraque , qui continua fa route fans y rien changer, ayant mefme mis vn fanal fur fa poupe , afin que nous euffions plus de facilité à la fui- ure , & versla minuit elle Jetta l'Anchre fous l’Ifle de Mohilia. Nous la fuiuimes de prés, & jettàmes l'Anchre auffi au mefme lieu tout proche d'elle. Le 17. de bonne heure deuantla pointe du iour, nous nous preparámes à luy donner yne nouuelle attaque , ayant fait auparauant la priere. Le ¡our eftant ve- nu , la Caraque eftoit fi proche de la cofte , & nos autres Vaiffeaux fi loin de nous, que nous trouuâmes à propos d'attendre , qu'elle euft Ieué l'Anchre, & qu'elle fe fuft mife en mer, oú nous l'aurions pú combattre auec plus d'auanta- gc. Apres midy nous mimes dans vne biere le corps de noftre Commandant, & le jettàmes hors le bord fans aucune ceremonie ,de peur que nos ennemis n'en euffent connoiffance , & n'en tiraffent auantage. Vn peu deuant la nuit, la Cara- que fe mit à la mer, nous leuámes nos Anchres , nous déployámes toutes les voi- les, & l'on continua à la fuiure Le ¡our nous manqua , mais noftre ennemy qui ne vouloit pas échapper de nos mains, mit encore comme il auoit fait la nuit pre- cedente, vn fanal fur le derriere de fon Vaiffeau , afin que nous le puffions fuiure lus feurement. La nuit eftant pafsée on fit la priere , & nous recommandámes à Dieu la juftice de noftre caufe. Vous pouuez croire que nos quatre Vaiffeaux eftoient bien refolus de prendre leur place l’yn apres l'autre;& de forcer ce fuper- be Portugais à fe rendre , ou à le couleràfond. L'Admiral fut le premier à don- ner deffus. A peine y auoit-il yne demye-heure,qu'ils eftoient aux prifes ; que les éclats que fit réjallir vn boulet des ennemis, qui auoit donné contre vne des pie- ces de fer qui eftoient fur le demy tillac de noftre Vaiffeau و‎ blefferent dangercu- fement noftre nouueau Commandant, auec le maiftre de noftre Vaifleau, & trois autres Mariniers qui eftoient auprés de luy. Ces éclats auoient emporté l'œil auche à noftre Capitaine. Il auoit receu yne autre bleffure à la tefte; & vne troi- fiéme à la jambe, où vn éclat de bois qui luy eftoit demeuré entre Pos & la chair, luy faifoit plus de mal que fes autres bleffeures. Telle fut l’yvelcome ou bien- venué de noftre nouueau Commandant. Quoy que Pon jugeaft dés-lors fes blef- feures mortelles , 1] furuécut neantmoins quatorze mois, ὃς mourut dedans fon lit en retournant en Angleterre. Noftre Capitaine &le Maiftre du Vaiffeau eftant comme ie viens de dire, hors de Prado , ils remirent le commandement aux quartier-Maiftres , qui s'en feruirent auec refolution & prudence. Nos Vaiffeaux continuerent ainfi de tirer les vns apres les autres contre la Caraque, comme s'ils euffent tiré contre vne butte. Surles trois heures apres midy , nous auions abbatu fon grand mas, le mas de Mizaine & le Trinquet ; & nous l'auions tellement percée, qu'il falloit de neceffité , ou qu'elle fe rendift , ou qu'elle coulaft à fonds. Dom Emmaniiel Me- nezez qui la commandoit , prit refolution d'échoüer contre la cofte de Plíle de Gazedia qui en eftoit proche. Nous la pourfuiuimes d'auffi prés que nous pümes fans nous mettre au hazard de nous brifer contre les Rochers de cette Ifle, & nous enuoyámes noftre Efquif auec vn fignal de paix, pour parler à ce braue Ca- pitaine. Il refpondit au fignal, & noftre principal Marchand entra hardiment dans fon Vaiffeau , & luy porta cette parole ; Qu'il le venoit trouuer auec des of- fres d'amitié & de paix , s'il les vouloit receuoir ; Qu'on auoit conceu yne fi grande eftime de fà valeur parmy nous, que s’il fe remettoit entre nos mains , og AV MOGOL. 5 luy rendroit les mefmes refpeéts que nous rendons à nos Capitaines. Cette pro= pofition ne l'ébranla en façon du monde; & témoignant n'apprehender point le mal-heur qu'il voyoit deuant fes yeux, il répondit qu'il ny auoit rien qui le puft obliger à changer fa premiere retolution , qu'il tácheroit de fe remettre en Mer s’il pouuoit , & de recommencer le Combat auec nous; que le feu & le fang le pourroient peut-citre faire tomber entre nos mains , mais qu'il ne fe rendroic jamais; & qu'en ce cas, il efperoit bien de trouuer parmy ceux de noftre Nation; lestraitemens qui font deubs aux perfonnes de fa forte. Noftre Enuoyé retourna aucc cette réponfe ; & peu de temps apres, ce mal- heureux Vaifleau , dont tous les Manœuures auoient efté emportez, fut jetté par les vents& les vagues entre deux Rochers qui font fur la cofte de 1 Ifle de Gazi- dia. Ceux de fon équipage qui n'eftoient que bleflez,gagnerét la erre à la faueur de leurs Efquifs, & mirent le feu à la Caraque pour confommer les richeffes qu'ils ne pouuoient pas fauuer de nos mains. Mais ils n'en furent pas quittes pour cette perte, car les Habitans de 1 Ifle leur ofterent tout ce qu'ils auoient porté à terre pour leur fubfiftance. Il y en eut mefme quelques-vns de tuez à la premiere refiftance qu'ils firent , & apparemment pas vn d'eux n'en feroit échappé ; fi deux petits Vaiffeaux Arabes qui eftoient venus 13 pour traiter auec ces Infulaires , ne les cuffent receus dans l'efperance qu'ils auoient,côme ie m'imagine,que le V ice- Roy des Indes les recópenferoit bien du foin qu'ils auroient pris de les remener à Goa.Nous ne perdimes dans ce combat que cinq hommes qui furent tuez fur nos quatre Vaifleaux,il y en eut trois de tuez fur l Admiral, deux furle Globe,& vne vingtaine de bleffez fur toute la Flotte ; mais de fept cens hommes qui eftoient dans la Caraque, il n'en reuint pas deux cens cinquante à Goa, comme nous l'ap- primes depuis. Noftre Vaiffeau, felon le rapport des Mariniers, tira dans ce com- bat trois cens foixante & quinze volées de canon, & auec cela cent Moufquetai- res qui firent toufiours grand feu. Nos Ennemys n oublierent auffi rien pour leur deffenfe. Noftre Vaiffeau receut pluficurs coups , entre lefquels il y en auoit de tres-dangereux ; 10215 ie m'arrefte trop long-temps fur vn difcours fi funefte. Il eftoit minuit lors qu'on mitle feu à la Caraque, nous y courümes pour voir fi on ne pourtoit rien fauuer de cét embrafement ; mais cn ayant perdul'ef- perance , nous ne fongeàmes plus qu'à chercher des rafraichiffemens pour ceux de noftre équipage qui eftoient ou bleflez ou malades. Certe Ifle cft haute, & la Mer qui la bat eft fort profonde. Nous fümes dix jours deuant que d'y trouuer vn Havre pour nos Vaiffeaux. Le Payfage en cft fort agreable, elle eft pleine d'arbres verds , & fort fertile ; nous y vimes ed grands trouppeaux de Bœufs, beaucoup de Volailles, du Ris,des Orangers , des Plantanes, des noix de Cocos, des Cannes dont on fait le fuccre , & quantité d'autres rafraichiffemens. Nous y fifmes toutes les prouifions qui nous eftoient neceffaires , & elles ne nous coüte- rent qu’vn peu de papier blanc, quelques grains de verte, & quelques coufteaux d'vn fol piece : & pour preuue du bon marché de toutes ces chofes, ie vous diray, que nous eümes autant d'Oranges qu'il en peuttenir dans vn chapeau; pour le quart d'vne feüille de papier blanc; & ainfi du refte à proportion. Les Infulaires nous apportoient leurs fruits dans leurs petits Batteaux د‎ qui font faits du tronc d'yn arbre creusé. Pour leur beftail , nous l’achetions à terre , où ie remarquay que ces Peuples font fort bien faits de leurs perfonnes, robuftes ὃς adroits. Ils vont tout nuds pour la plufpart , mefmes les femmes n’ont prefque rien de couuert. Ceux qui auoient des habits, eftoient habillez de long comme les Ara- bes, dont ils parlent la langue. Ils font Mahometans , & fort attachez à leur Res ligion : ce que ie jugeay » parla refiftance qu'ils faifoient lors que nous voulions approcher de leurs Temples. Leurs maifons font affez commodes. Les fepulchres qu'ils dreffent à leurs morts font magnifiques. Ils viuent fous l'obeyffance d’vn Koy qui demeure quelques milles plus auant dans le pays. Ils luy demanderen» it) Figuier d'Ay dam , où Mauz de profpers Alpin. 6 VOYAGE DE TERRI permiffion de traiter auec nous auparauant que de nous vouloir rien vendte. Le Roy ayant efté auerty de noftre arriuce و‎ complimenta noftre Commandant, & le regala de Bœufs , de Chévres, & des plus rates fruits de fon pays. Il fut fort fatisfait des prefens qu'il receut de noftre Commandant, qui fe reduifoient à du papier, & à quelques-autres bagatelles d'Angleterre. Nous vifmes entre leurs mains quelques pieces de monnoye d’Efpagne , dont ils faifoient fi peu de cas, que quelques-vns de nos gens eurent des pieces de 58. fols pour de petits morceaux de papier, & quelques grains de verre. Nousne pümes iamais deui- nerà quel vfage ils pouuoient employer noftre papier. Les Cocos qui font en abondance dans cette Ifle ; emportent à mon jugement l'auantage fur tous les autres Arbres du monde. Ces Arbres feuls fuftifent pour baftir , équiper, & charger vn Vaiffeau preft à mettre en mer , & à trafiquer par toutes les Indes. On fait des planches du tronc de cét Arbre: on en fait des Mats, & tou- tes les autres pieces de charpenterie qui entrent dans le baftiment d'vn Vaif- feau : la Gomme qui en fort ferc à le calfeutrer : on fait les cordages & les voiles de fon écorce:la noix qu'il porte contient vne liqueur & vne amende tres- agreables, qui peuuent feruir de nourriture & de boiffon à tout l'équipage d'vn Vaiffeau , & pour fa cargaifon. On peut remplir les magazins de cette mefme noix, dont on trouue le debit par toutes les Indes. Apres auoir ramafsé grande abondance de ces noix , & nous eftre arreftez fix iours dans cette Ifle pour reparer les débris de noftre Vaiffeau , & faire penfer ceux qui auoient efté bleffez dans le combat, nous nous mifmes en mer pour continuer noftre route des Indes Orientales. Nous partifines ler6.le vent nous fut fauorable , & nous repafsámesla ligne fans reffentir aucune incommodité de la chaleur. Nous cherchions l'Ile de Socotra , mais vn vent qui fortoit de l'em- boucheurc de la mer-R ouge ; nous empécha d'y pouuoir arriuer. Nousla paf sámes le 1. de Septembre , noftre Flotte ayant touché l’année precedente à cette Ifle. Le Roy du pays vint für la cofte , & ayant entendu le fon de quelques-vns de nos trompettes, il demanda fi elles fonnoient les Pfeaumes de Dauid , dont il auoit entendu parler, quoy qu’il fût Mahometan : vne perfonne qui fe trouua là proche, luy répondit que ouy. Le Prince adjoufta que ç’auoit cité vne mauuaife inuention , de méler ainfi la Mufique dans les chofes de la Religion, au lieu qu'autrefois , difoit-il; on adoroit Dieu du coeur, on en fait maintenant des chanfons : ce que ie ne rapporte pasicy pour condamner la Mufique qui cft en vfage dans les Eglifes. Comme nous eúmes manque le port de Socotra , nous continuámes noftre voyage, & le quatriéme de Septembre nous fimes auec folemnité les funerailles de noftre Commandant. Elles finirent par vne décharge de toute l'artillerie & de toute la moufqueterie des Vaiffeaux. La nuit du 6. Septembre, nous fúmes fort eftonnez de voir l’eau de Ia mer auffi blanche que du lait. D'autres perfonnes de noftrc Nation en faifant la mef- me routte , auoient obferué la mefme chofe : mais ie n°ay encore pú m'imagineg quelle peut eftre Ia veritable caufe de cct effec, car nous eftions fort éloignez de τὰ la cofte : & la mer en cét endroit eft fi profonde,qu’onn’yrrouue point de fonds. — Le 21 nous découurimes la cofte de l'Inde Orientale. ' Le 22. nous eúmes la veuë de Diu ὃς de Damon, qui font des Villes fortes, & habitées parles Portugais. ov Le 25. nous arriuámes heureufement à la rade de Soally dans la Baye de Cambaye , qui eft le Havte où s’arreftent nos Vaiffeaux, lors qu’ils font fejour dans les Indes.Maintenant que jay conduit le Lecteur jufques aux Indes Orien- tales, il eft temps qu'il fe repofe, & que ie luy faffe voir la Cour du Mogol & fes ON , auffi confiderables pour leurs richeffes que pour leur grande eften- “due. ; INDIENNE "a Ee | De AA real, auec priuilege - Γ᾿ os M, Lo T 4. jh d ΜῈ er ὍΝ y Hi i + 1312) nent ren -— Fm AV MOGOL. SS “PE Defcription Geographique des Eflats du Mogol. "Empire du grand Mogol eft borné du cofté de "ἘΠῚ, par le Royaume de Maugh. 112 à l'Oüeft,la Perfe,& la Mer. Au Nord, le mont-Caucaze , & i ^ la Tartarie. Au Sud, le Royaume de Decan, & le Golfe de Bengalla. Ce Pays cft appellé Indoftan par les Habitans, & cft diuisé en 37. grandes Prouinces , qui eftoient autrefois autant de Royaumes. Ie tàcheray icy a rap- porter les noms de ces Prouinces , auec leurs principales Villes , leurs Riuie- res , leur fcituation, leurs frontieres , leur eftenduë, & ic commenceray par les Prouinces qui font au Nord. La Prouince de Kandahar eftla premiere. Sa principale Ville porte le mefme nom. Elle confine auec la Perfe , dont elle a autrefois efté vne partie. CasyL. Sa principale Ville porte aufli le mefme nom. C'eft la partie des Eftats du Mogol, qui eft la plus auancée vers le Nordoücft , où elle confine auec la Tartarie. La riuiere Nilab y prend fa fource ; & courant du Nord au Sud , elle fe décharge dans la riuiere d'Inde. Mvttan. Eftle nom d'yne Prouince & de fa principale Ville. Elle eft au Sud de Cabul & Candahar , & confine du cofté de l'Oücft à la Perfe. HAIACAN. Prouince habitée par vn Peuple aguerry , qu’on nomme Ballock. Il n'y a point de grande Ville. La riuiere d'Inde, que les Habitans appellent Skinde , la borne du cofté de l'Eft ; & la Prouince de Lar qui eft au Perfan; luy fert de borne du cofté de l'Oüeft. : : Bvckon. Dont la principale Ville fe nomme Buckor-Suckor. L'Inde tra- uerfe cette Prouince , & la rend fort fertile. TATTA. Sa Ville principale porte le mefme nom. L'Inde fait pluficurs Mes dans ce Pays-là, & en rend le Payfage fort agreable. Le principal bras de cette riuiere fe rend dans la mer à Siuda, place fort renómée parmy les Geographes. Soret. Sa principale Ville fe nomme Ianagar. C’eft vne Prouince fort petite; mais fort riche : elle eft àl’Oiieft de Guarrate و‎ & al'Ocean du cofté du Sud. IEsELMEER .Ce nom cft comun à la Prouince & laVille principale.Elle eft frótie= re aux Prouinces de Soret;,Bukor, & de arta,à l'Oüeft defquelles elle eft fituée. ATTACH. C'eft auffi le nom de la principale Ville de cette Prouince. La riuie- re d'Inde la fepare de celle d'Ayachan. Pin-GAB. Qui veut dire cinq eaus ; à caufe que cette Prouince eft fcituée au milieu de cinq riuieres,qui fe rendent toutes dans l'Inde ; & toutes ces riuieres fe reüniffent en vn feul canal au Sud dela ville de Lahor. C'eft vne Prouince fort grande & fort riche. Lahor en eft la Ville principale, elle eft fort bien bá- tie , fort grande, & la premiere de route l'Indoftan pour le Commerce. CHismeer. Sa Ville principale fe nomme Syranacar,la riuiere de Faat paffeau milieu ; & apres auoir fait plufieurs Mes, elle fe rend dans l'Inde. BANCHISH. Dont la Ville principale eft Pishur , eft à 1 81 de Kifineer, vn peu vers le Sud; & eft feparée de cette Prouince , par la riuiere d'Inde. Iencapor. C'eft le nom de la principale Ville, auffi bien que de cette Prouin- ce. Elle eft fur la riuiere de Chaoul , qui eft vne de ces cinq riuieres qui fe ren- dent dans l'Indc. GENBA. Cette Prouince eft àl'Eft de celle de Pengab; ὃς fa principale Ville porte fon nom. DeLLY. Qui eft auffi le nom de fa principale Ville, eft fcituée entre Gemba & Agra.La riuiere Gemini y prend fa fource; & apres auoir pafsé par Agra fe rend dans le Gange. Cette def- cription ef conforme à celle que Thomas- Rhos auoit tirée de la Secretairie du grand Mogol, & C'eft par cé= te raifon que Pon a toint icy la Carte qu'il afaite de l'Indoftan. On dit que le Perfan la reprife de- puis, La lieu? ou mille d'An- gleterre, eft € $000. pieds de Roy. Ceux du Pays nom- ment le Gá- Be, Ganga. 10 VOYAGE DE TERRI DELLY. C'eft yne Ville fort ancienne & fort grande,qui a efté autrefois la de: meure du grand Mogol, & où la plufpart de fes anceftres ont efté enterrez. BANDO. Confine auec Agra du coité del'Oüeft. MazLove'. Prouince fort fertile, dont Rantipor eft la principale Ville, Curror. Prouince fort ancienne , & des plus grandes de cét Empire. C'eftauffi le nom de fa principale Ville. GyzERATE. C'eft vn Royaume extrémement riche. La Biye de Cambaye en dépend. La riuiere de Tapté paíle a Surrat,& luy donne ie trafic de la Mer-rouge, d’Achen, & d'autres places. : Canpis. Qui a vne Ville fameufe nommée Brampor. Sur la frontiere de cette Prouincesil y a vn petit Prince nommé Partabza, qui ett tributaire du Mogol. Cette Prouince eft la plus auancée de tous fes Eftats vers le Sud. BERAR. Borne auffiles coftes du Sud. Shapore cft la premiere de fes Villes. Narvar. Dontla Ville principale le nomme Ghehud. Il y paffe vne belleri- ' uiere qui entre dans le Gange. Govatiar.Le Roy tient fes trefors dans faVille principale ; qui porte ce mefine nom. Il y a yn Chafteau bien f. ortifié , où l'on tient les prifonniers d'Eftat. Ara. Eft vne des plus grandes de ces Prouinces. Depuis la Ville principale nommée Agra, jufqu'à Lahor, qui font les deux plus belles Villes de tout cét Em- pire, il y a vne allée d'arbres plantez des deux coftez,qui a bien 400.milles d' An- gleterre de longueur. Ce Pays eft plat & fans aucune montagne ou éminence. — . Sampat. Quela riuiere de Gemini fepare de la Prouince de Naruar;& qui tom- be dans le Gange proche de la ville Halebak. DS Bakan. La Ville principale eft appellée Brianée, & eft a l'Oüeft dii Gange. NacraKvr. Il y a dans fa Ville principale, qui porte le mefme nom, vn petit Temple fort riche رع‎ qui eft paué de carreaux d'or maflif. Il y vient toutles ans vn nombre infiny d Indiens en Pelerinage pour voir l'Idole de ce Temple , appellée Matta; & entre-eux ; il y ena quelques-vns qui fe couppent vn peu de la langue pour luy en faire yn facrifice. Cette Prouince eft aufli famcufe, par vn autre Pele- rinage qu'ils font à vn lieu nommé Iallamaka ; où ils adorent des flammes qui Íortent du creux d'vne roche & d'vne fontaine , dont l'eau eft tres-froide. SyBa. Sa Ville principale cft Hardoïüaire,où il femble que le Gange prenne fon origine. Les Indiens fe font imaginez quela Roche doù il fort , ala figure de la tefte d'vne Vache , quieft de tousles animaux celle qu'ils eftiment dauantage. Ils vont là tous les iours en grande trouppe pour s’y baigner. Kakaner. Dont les principales Villes font Dankalée ὃς Purhola;eft vne Prouin: ce fort grande & fort pleine de montagnes. Le Caucaze la fepare dela Tartaric. C'eftla partie de l'Empire du Mogol ; la plus auancée vers le Nord. Gon. Eft yneProuince pleine de montagnes. La riuiere Perfilis qui fe décharge dàns le Gange, y prend fa fource. PITAN. La plus grande de fes Villes porte le mefme nom. Lariuiere de Canda Parroufe, & entre dans le Gange, à l'vne des extrémitez de cette Prouince. KaANDvvANA. La riuiere de Perfilis la fepare de Pitan. Sa Ville principale eff. Karhak , ou Kerakatench. Les Prouinces de Pitan & de Gor bornent l'Eftat du Mogol verslc Nordeft. Parna. Eft vne Prouince fort fertile. Sa Ville principale porte le mefme nom. La riuiere du Gange l'enferme du cofté de l'Oüeft : & le Perfilis du cofté del'Eft. IEsvAL. Dont la Ville principale fe nomme Ragepor. Elleeftà l'Eft de Patua. ‘ Mriiar. Eft yne Prouince fort montagneufe,fa Ville principale fe nóme Narnol. VDEssA. Eftla partie de tout cét Eftar la plus auancée vers l'Eft: Iokanat cft la plus fameufe de fes Villes. BenGaLA. Eft vn Royaume fort fertile, & fort grand. Il donne le nom à ce Golfe fameux , dans lequel le Gange fc décharge par quatre embouchures. 7 Auant AV MOGOL. ir Avant que de paffer plus auant dans la defcription de ce grand Royaume ,ie feray remarquer yne fautc qu'ont faite tous nos Gcographes. Ils fuppofent que le Pays du Mogol & la Chine font contigus,quoy qu'en effet il y ait plufieurs Faute des Royaumes entre-deux, & vn grand chemin à faire pour paffer de l’Inde à la Chi- i: ne. Ce qui fe voitaffez , parles deux ans de temps que les Marchands mettent à ^ — aller d'Agra à la muraille de la Chine; & ἃ reuenir de cette muraille à Agra. Les Eftats du Mogol ont deux mille lieuésAngloifes d'eftedué.La partie qui ap- proche le plus du Nord, va jufques fousle 45. degré de latitude Seprentrionale: & la plus auancée vers le Midy , eft fousle 20. degré du Sud : Ce Pays eft le plus fertile & le plus puiffant de toute l'Afie , pour ne pas dire de tout le Monde. On y trouve en fi grande abondance toutes les chofes neceflaires à l'vfage de la vie; qu'il peut fubfifter & entretenir deluy-mefine, fans auoir befoin du moindre fecours de fes voifins. Le ris & le bled y font excellens. Onen fait vn pain de fi bon gout, que j'en puis dire ce quon a dit autrefois du pain qui fe fait dans E pays du Liége; que le pain de ce Pays eft quelque chofe de meilleur que upain. -— Le menu peuple lefait enforme de gâteaux, fur des plaques de fer qu'ils portent toufiours auec eux dans leurs voyages , & dont ils fe feruent fous leurs tentes. Cette couftume femble eftre fort ancienne , & auoir efté pratiquée dés le temps de Sarah, dont il eft fait mention dans le dix-huictiefme Chapitre de la Genefe. Les grands trouppeaux de Vaches & de Brebis que ces Indiens nour- riffent , y rendent le beurre & le fromage à fort bon marché. Ils ont auffi des Bufles , dont ils tirent dulaiét. La chair de ces animaux approche affez de celle de nos Bœufs; mais elle n'eft pas fi faine. La Venaizon eft fort com- mune dans tout le pays. Ily ades Cerfs, des Daims, des Sangliers, & grand nombre d'autres Beftes fauuages. La Chaffe en eft permife à tout le mon- de, & entouslieux ,fice n'eft en ceux où le Prince demeure. Il y a grand nom- bre de Liévres , & vne grande diuerfité de Gibier; & pour rendre les feftins plus beaux , la couftume des perfonnes de condition eft d'y faire faire des feruices de poiffon auffi bien que de chair,fe trouuant par tout prefque également vneabon- dance prodigieufe de l'vyn & de l'autre. Vn Liévre ne s'y vend que deux fols. Ona trois Perdrix au mefme prix ; & le refte à proportion. Pour des Chapons, il ne f'en fait point. Les Bœufs font differens des noftres, en ce qu'ils ont furle dos entre les épaules , vne boffe fort groffe, fort graffe, & fort charnué. Les Moutons ont la queué large & pefante , & la laine fort courte , mais fort fine. La chairen eft auffi bonne que celle des Moutons d'Angleterre. Il y a du fel en abondance. Il y croift aufli des cannes de fucre. Le plus fin ne fe vend que quatre fols la liure ; & on l’a mefmes quelquesfois à meilleur marché.Les fruits y font aufli fort bos. Les Melons, les Melons d'eau, les Grenades, les Citrons,les Limons, les Oranges, les Dates, les Figues , les Kaifins , & les Plantanes, y font en abondance. Et pour finir par ce qu'il y a de meilleur en ce genre-là, l'on y trouue des Ananas qui font Ananas fucrez و‎ qui ont vn gouft vineux, lequel tient quelque chofe du jus de Cerifes, & qui laiffe dans la bouche l'odeur d'vne excellente eau roze. Du cofté du Nord, ontrouue yne grande quantité de Poires & de Pommes. Et du cofté du Midy, toutes fortes de racines & d'herbes que l'on mange en Europe. Le gingembre y croift. Mais ie ne trouue rien de meilleur, qu'vne liqueur que les Habitans du pays appellent Taddy. Elle fort de l'incifion de la tige d'vn arbre qui croift fort Taddy] haut. Cet au haut de cette tige que l'on incife l'arbre , & qu'on y lie de petits : pots de terre pour receuoir la liqueur qui en découle. Ce qui s'y trouue au matin, eft auffi agreable au gouft que quelque vin blanc que ce foit, fi onle boit de bon ne heure. Car quand la chaleur du Soleil a donné deffus,il perd cét agrément, s'aigtit , & deuient mal-fain. Cette boiffona vne grande vertu, quand elle cft prife à propos. Quelques-vns de nos gensl'ont éprouuée heurcufement ; & par Fertilité dia pays م‎ 12 VOYAGE DE TERRI 1 I'vfage frequent de cette liqueur; fe font trouuez foülagez des douleurs de la ierre. Saiíon de Danstoutle pays qui eft depuis Surate jufques à Agra, il ne pleut quen yne» Famée — ‘faifondel’année. Les pluyes y commencent vers le temps que le Soleil appro- che du Tropique de Capricorne ; & y durent jufques à l'Equinoxe fuiuant. El- les commencent & finiflent auec des tempeftcs, des éclairs, & des tonnerres fort terribles.Le tonnerre neantmoins y tombe tres-rarement,ce qui vient peut-eftre: de la fubtilité de l'air. Durant ces trois mois , il pleut tous les iours ; ὃς quelque-; fois mefme la pluye dure tout ce téps-là fans aucune interruption. Ce perit delu=» ge joint à la chaleur du Soleil, rend la terre aufli fertile & aufli riche que celle de: l'Egipte le deuient par l'inondation du Nil. Quand ce temps de pluie cft paíse,” l'air deuient ferain & clair; & pendantles autres neuf mois de l’année, c’eft vne chofe extraordinaire de voirle moindre nuage, A la fin de cette belle & longue: faifon , la terre paroift entz'ouuerte par tout, & tellement brálée de l'embraze- ment de l'air , qu'elle eft femblable à ces deferts de fable qui ne produifent rien. Mais apres qu'il a plú cinq ou fix iours feulement, on la voit toute verte. Ie n'ay point veude terres dans tout ce pays, où le bled ne vint beaucoup plus épais & Ils fement plus fort qu'il ne fait en Angleterre. Les terres qui ont efté labourees fe fement, beaucoup . 21] mois de May , & au commencement de Tuin. La recolte s’en fait en Nouem- ES ᾿ς bre & en Decembre,qui font les mois les plus temperez de toute l’année. fçauent ps Le pays eft tellement peuplé, que les Villes & les Villages fe touchent pref- is «que les vns les autres, quoy que dansles Cartes on ne les marque point faute: certe force d'en fçauoir les noms. Les Habitans ne coupent point leurs prés comme nous fai- qu'on luy fons en Angleterre, lors que l'herbe ne profite plus; mais ils la coupent lors qu'ils omn oU en ont befoin, fans confiderer ἢ elle eft encore verte , ou fi elle eft defia feche... dentales. Ils fement beaucoup de tabac , mais ils ne fcauent pas l'apprefter, & luy donner; cette force qu'on luy donne aux Indes Occidentales. : Il y a plufieurs beaux bois dans ce pays-là, & vne fi grande diuerfiré d'ar- brestous differens des noftres, que ie n'en ay pas remarqué yn feul de ceux Arbre de-que nous auons en Angleterre. Ces arbres pour la plufpart ont beaucoup de racines. ^ (eue , ce qui vient de la bonté & de la graiffe du terroir qui les nourrit. Tenay và vn d'vne efpece bien particuliere. Il fort de fes branches des fila- mens qui pendent en bas ; & quand ils ont touché la terre , ils pouffent des raci- nes, & auecle temps fc fortifient, & feruent de foütien aux branches dont ils font fortis. Cela fait auffi que ces arbres auecle temps s'éleuent extrémement haut, ὃς portent leurs branches fi loin, qu'elles couurent yne grande eftendué de pays. Ceux qui viennent dansla partie del’Inde qui eft vers le Midy , ne quit- tent point leurs feüilles , & font verds toute l'année. Pour les fleurs, elles font ordinairement plus agreables pour leur beauté que pour leur odeur. Pay mefme | remarqué qu'il y ena fort peu qui en ayent ny de bonne ny de mauuaife. Le pays eft arrosé de pluficurs belles riuieres. Celles de l'Inde & du Gange} Eau du — fontles principales; & c’eft vne chofe digne de confideration, qu'vne pinte de 8 — l'eaudu Gange cft plus legere d'vne once , qu'vne pinte de quelqwautre eau que ce foit. Pour cette raifon ,le Mogol n'en boit point d'autre ; & l’on eft obligé de | luy en porter en quelque lieu qu'il foit. Outre les riuieres , les Indiens ont quan. cité de referuoirs qu'ils rempliffent d'eau de fontaines; ils retiennent auffi l'eau, | dans des referuoirs quarrez. Pen ay veu qui auoient bien deux milles de cir- cuit, & qui eftoient reueftus de pierre de taille , auec des degrez tout autour de mefme matiere, pour la cómodité de ceux qui y veulent décendre & y puifer de” l'eau. Ces referuoirs fempliffent aux téps des pluïes,& leruét à ceux du pays qui” máquent de fources d'eau viuc. Céte premiere boifs6 des hômes,eft fort en vfa-" ge parmyles Indiens;& ceux des noftres qui en boiuté;la trouuét beaucoup meil- leure que celles de l'Europe:Elle leur eft auffi fort neceffaire; car ils ne pourroiét, AV MOGOL 12 pas , fans fe perdre ; boire du vin ou d'autres femblables boiffons, dans vn cli- mat fi chaud. Ce n'eft pas qu'ils foient entierement fans vin, puis qu'ils cn font en diftillantle fuc tiré de l'écorce aromatique d'vn arbre qu'ils nomment lagra: 115 y mettent du fucre , & appellent cette boiffon Arack : C'eft vne boiffon fort faine , quand on en vie moderément. Il y a aufli beaucoup de perfonnes en ce país, à qui la Religion ne permet pas de boire du vin. Ccux-là fe feruent d'vne liqueur qui eft plus faine quelle n'eft plaifante à boire. Elle s'appelle parmy eux Cahüa , & cft faite d'vne feye noiràtre que Pon fait boüillir dans de l'eau , à la- quelle elle ne donne quafi point de gouft,quoy qu'elle ne laiffe pas d'auoir beau- coup de vertu pour aider à la digeftion , pour réuciller les cfprits , & pour puri- fier le fang.Ceux à qui le vin eft deffendu; prennent auffi du Betel,dont les feüil- les reffemblent fort à celle du Lierre , fi ce eft qu’elles font beaucoup plus ten- dres. Ils broient cesfeüilles auec vne noix affez dure & fort approchante de la noix mufcade ; ils y adjoütent vn peude chaux, & quand ils ont fuccé le (uc de ces feüilles , ils les crachent ; cette compofitiona plufieurs bonnes qualitez : car elle fortifie les genciues , conforte le cerueau , donne dela force à l'eftomach, & fert de remede & de preferuatif contre l'aftme. Leurs maifons ont pour la plufpart peu d'exauffement, fi ce meft dans les Villes où jay mefmes veu de fort belles colomnes. Le haut de leurs mai- fons eft ordinairement couuert en terraffe. Ils y vont prendre l'air vers les fept heures du foir, que la chaleur du ¡our eft paísée : Ils n'ont point de che- minées , aufli le feu ne leur eft-il neceffaire que pour accommoder leur viande. Lesappartemens d'en-haut font percez de tous coftez pour auoir plus d'air ;les plus beaux baftimens font de briques & de pierres bien taillées & bien mifes en œuure ; comme ie l'ay obferué à Amadauad. | C'cft vne des plus grandes & des plus riches Villes du pays; elle a douze belles portes, & eft enfermée d'vne forte muraille. Les Indiens ont coútume de plane ter aufli bien dans leurs maifons de Ville que dans celles de Campagne, plufieurs grands arbres pour en tirer de l'ombre & de la fraîcheur : ces arbres font plantez ordinairement fi prés à prés, & font en fi grand nombre dans les Villes, qu'à voir ces lieux de quelque éminence , on les prendroit plütoft pour des forcfts, | que pour des Villages ou des Villes. L'indigo & le coton font les Marchandifes principales du pays. On feme le coton , & il vient par buiffons comme les rofiers | viennent en nos quartiers ;la fleur en eft jaune ; quand elle cft tombée ; il fe for- me en fa place vne groffe goufle comme le poulce , pleine d'vne fubftance humi- de & jaune. Ce fruit en meuriffant s’enfle & groflit toufiours de plus en plus ,juf- ques à ce qu'il rompe fa gouffe , ὃς que le dedans foit blanc comme neige : c’eft alors qu'il eft temps d'en faire la recolte. Ils font de ce coton diuerfes fortes de toiles, en ay veu d'auffi fine que les plus belles qui fe font en Hollande. Ils met- tent à la teinture celles qui ne font pas fi fines, ou ils les font peindre de diuerfes figures. Le Vaiffeau qui va ordinairement de Surate à Mocha dans la mer Rou- ge, eft du port de 14. ou 15. cens tonneaux, mais mal bafty ; & quoy qu'ils y meta tent beaucoup d’Artillerie , ils ne fcauent ny s’en feruir ny s'en deffendre. I! ya ordinairement beaucoup de paffagers. L'année que ie partis des Indes, ils eftoient pour le moins dix-fept cens;la lus grande partie ne faifoit point ce voiage pour en retirer du profit, mais par ha feule deuotion de vifiter le Sepulchre de Mahomet, qui eft à Medina proche dela Mecque , à 150. milles de Mocha ; on tient en opinion de fainteté ceux qui ent fait ce volage. Ces Pelerins de la Mecque fe mettent ordinairement en . mer le 20.de Mars, & reuiennent fur la fin de Septembre de la mefme année : le voyage cft court, & il fe pourroit faire en deux mois : mais pendant la faifon des pluies , quelque-temps mefmes deuant qu'elles commencent, & quelque-temps apres qu'elles ont cefsé, les vents font fi grands, qu'on n'oferoit fe hazarder dans : 7 x i 2001 B 3j Arack, Cahiia; Voyez cy= apres la defcription du Betel dás l'Hiftoire naturelle du Pays. Cotton; Volage à la Mecque. Monneyc. Ce remede eft infailli- ble, & a fon effet pref- que au mef- me temps ^il eft pin 14 VOYAGE DE TERRI ces mers. Ce Vaiffeau rapporte ordinairement la valeur de deux cens mille Ta? cobus,la plus grande partie en or & en argent.le ne {çay pas quelle quantité d'ar- gent eft tran{portée d'ailleurs dans les Indes , mais ie {Gay bien qu'il y en vient de toutes parts dans les Eftats du Mogol.Qu'il eft permis à toutes ces Nations d'y en apporter, & d'en acheter des marchandifes. Mais il nya point quafi de plus grand crime , que de le faire fortir & tranfporter ailleurs. LE argent que l'on porte, foxt qu’il foit monnoyé ou en barres , eft tout aufli-toft mis à la fonte. On le rafine, & on en fair de la monnoye nouuelle au coin du Mogol, où le nom de ce grand Prince & fes titres font grauez en caracteres Períans. Cette. mon- noye eft la meilleure que jay iamais maniée , n'y ayant aucun mélange ny aucun alliage. Enfin, elle eft beaucoup meilleure que ne font les anciennes pie. ces de 58. fols faites en Efpagne ,&qui paffent neantmoins pour la meilleure monnoye de l’Europe:leurs pieces de mónoye les plus courátes s'appellent Rou- pias, il y ena de diuerfe valeur; la moindre vaut 30. fols, & la plus haute 42. fols ; leurs payemens fe font auec cette monnoye. Ils en ont encore ync autre ef pece à Gufarate qui ne vaut que quinze fols , & qu'ils appellent Mamoudis : Il y a d’autres pieces au deffous des Mamoudis & des Roupias > qui ne va- lent que le quart ou la moitié ; celle qui vaut le moins د‎ eft à peu prés de la va- leur de 4. fols. L'on en fait encore d'autres qui font de cuiure » & font appellez Pices, les trois font vn fol ou enuiron. Les pices font fi épaiffes , que lors qu'on fond pour d'autres vfages, l'on trouue qu'il y a pour autant de métail que le prix pour lequel elles auoient cours. Leur monnoye d'argent cft quarrée ou ronde , & eft fi forte qu'elle ne fe rompt ny ne fe fauffe point. . Le pays rend beaucoup de foye, les artifans en font de fort belles eftof3 fes , y mélans quelquefois de l'or & de l'argent ; ils en font auffi des ve- lours , des fatins , des taffetas , mais qui ne font pas fi riches ny de fi bonne fa- brique que ceux d'Italie; ils ont beaucoup de drogues , de gommes, & la gom- me lacque principalement , de laquelle ils font leur cire dure. La terre produit du plomb, du fer, du cuivre jaune & rouge; on dit aufli dans le paysqu'il y ades mines d'argent. Quand cela feroit vray, ils n'auroient que faire de les ouurir, puis que les autres nations leur en apportent de toutes parts. Les efpiceries ne croiffent point dans l’Indoftan, onles y porte de Sumatra ; de Iaua, & des Mo- luques : l'on y voit des clos d'arbres frui&tiers , & des jardins de fleurs qui durent prefque route l'année ; il y a des fontaines où ils fe baignent, & où ceux qui y viennent chercher le frais pendant la chaleur du iour و‎ s'endorment douce- ment au bruit de l’eau, & y demeurent iufqu'à la nuit. Enfin, ce pays vous pafleroit pour vn Paradis terreftre , fi ie ne vous en difois les incommoditez ; les voicy. La plus confiderable eft celle des beftes cruelles . des ours, & des jacars, qui font‏ و fauuages , comme font des lions , des tigres‏ عق γῆς cfpece de chiens fauuages ; il y aauffi des crocodiles & des ferpens d'vne ef-‏ froyable grandeur. Nous auons trouué fouuent dans nos maifons des fcorpions,‏ dont la picqueure eft mortelle, fi on n'y remedie bien-toft, en appliquant deffus‏ de l'huile dans laquelle on ena fait mourir. Il y a auffi vne fi grande quantité de‏ mouches dans la chaleur du jour , qu'elles ne vous laiffent point en repos, & l'on‏ n'a pas plucoft feruy fur la table, qu’elles fe jettent furles viandes, & nos valets‏ n’eftoient pas peu empefchez à les chafler auec des feruiettes; les mofchitots y,‏ Y font aufsi fort incommodes. - 4 Dans les villes il y a tant de rats, fi gros & fi affamez , qu'ils s'attaquent mef- mes aux hommes lors qu'ils font dans leurs 1165. Les vents de ces quartiers-là ne font pas moins incommodes , cat ils font fixes & fouflent toufiours de mefme cofté dans la mefme faifon. On les appelle Moufons, & ils durent ordinairement fix mois du cofté du Nord, & fix autres mois du cofté du Midy, fans changer prefque iamais. Les moisd'Auril & de May, & le commencement de Juin, iufa AV MOGOL ds ques à ce qu'il commence à pleuuoir, font extremément chauds; & les petits vents qui regnent durant cette faifon , reçoiuent de forte l’imprefsion de la cha. Jeur, qu'ils brülent au lieu de rafraichir. Ces vents quelquefois deuiennent plus forts »& c'eftle (cul remede que la Prouidence de Dicu a donné à ce pays contre l'excez de la chaleur. Il arrive encore pendant ce grand chaud que les vents fouf- flent de haut en bas, & forment des tourbillons de poudre & de fable, qui s’éle- uant en l'air reflemblét a d’épaifles nuées, dont ceux qui s’y crouuent enucloppez recoiuent beaucoup d'incommodité. Enfin, il my a point de pays qui n'ait fes _efpines aufsi bien que fes rofes , & la Prouidence diuine a meflé dans toutes les chofes du monde ; l'incommode aucc le commode, pour apprendre aux hom- mes qu'il n'y a que le Ciel oü les delices foient toutes pures. i Le pays du Mogol a de tres-excellenscheuaux, & fes fujets les fçauent fort bien dreffer ; onleuren ameine de Perfe, de Tartarie, & de l'Arabie mefme. Les cheuaux Arabes ont la reputation d’eftre les meilleurs de tout le monde , ils font à peu prés de la taille desnoftres, & onles vend aufsi cher ou plus que l'on vend les Anglois les plus eftimez. 115 les entretiennent auec grand foin, chaque cheual a yn palefrenier pour le penfer, on les nourrit dvne efpece de legume qu'on appelle Donna ; elle eft prefque femblable à nos pois ciches. On fait boüillir ces legumes, & apres les auoir laifsé refroidir, on y mefle du fucre, & on les donne aux cheuaux. On leur donne encore deux ou trois foisla femaine du beurre pour les purger: Ils ont auec cela grand nombre de chameaux, de dromadaires, de mulets, d’afnes, & de rinoceros, qui font aufsi grands que les plus grands bœufs d'Angleterre. Pour ce qui eft des Elephans; le Roy en a quatorze mille. Tous les grands Seigneurs du pays en ont plus ou moins, felon leur qualité. Encore que l'Ele- phant foit le plus puiffant animal de tous ceux quifont connus; il fe laiffe neant- moins fi facilement gouuerner qu'vn petit garcon peut mener les plus grands. Ten ay veu qui auoient treize pieds de haut; ay trouué bien des gens qui m'ont dit en auoir veu de plus de quinze picds de haut. Leur peau eftnoire & dure à percer , auffi eft-elle fort époiffe ; on la fent douce au toucher, & fans poil : Céc animal prend vn grand plaifir à fe baigner, ὃς nàge mieux que quelque autre animal que ce foit. Il fe couche & fe leue auec la mefine facilité que font les au- tres beftes. Il fait à marcher au pas trois milles en vne heure. De toutes les montutes, il ny en a point qui ait le pied plus feur que cel- le-là.Il ne fait iamais vn faux pas. Et quand le grand Mogol doit paffer des Mon- tagnes ou quelque chemin difficile , il monte fes Elephans. È - Pay plufieurs fois obferué , quel'Elephant fait beaucoup de chofes qui tien- nent plus du raifonnement humain, que du fimple inftin& naturel qu'on luy at- tribue. Il fait tout ce que fon Maiftre luy commande ; s’il veut qu'il faffe peur à quelqu'yn, il s'aduance versluy auecla mefme fureur , que sil le vouloit met- tre en mille pieces, & lors qu’il en eft tout proche il s’arrefte tout court fans lu faire aucun mal. Si le Maiftre veut faire affront à vn autre, il parle à l'Ele- phant , qui prendra auec fa trompe de l'eau du ruiffeau ou de la boué, & la luy Jettera au nez. Sa trompe eft faite d'vn cartilage,elle pend entre les dents; Quel- ques- vns l'appellent fa main, à caufe qu'en plufieurs occafions elle luy rend le mefme feruice que la mainfait aux hommes. Vn Marchand Anglois digne de foy , affeure qu'il a veu vn Elephant a Afmere à qui vne femme auoit accouftu- mé de donner des herbes lors qu’il paffoit par le marché. Cét animal eftane en chalcur , rom pit fes chaifnes , & courut au trauers du marché. Tout le monde senfuit pour l’euiter, & entrautres cette vendeufe d'herbes , qui toute fai- fie de frayeur, laiffa dans la place où elle vendoit , vn petit enfant ; l'Ele- phant courant de toute fa force, apperceut cét enfant couché fur les herbes: ille prit adroitement auec fa trompe fans luy faire aucun mal; & le mic fur UH UM B iije ^ Cheuaux; L’E.deC.dit qu'ils les engraiffent avec mouel- le de mou= ton, beurre, fuccre,& de painà demy, euit, ilsen petriffent vne pafte qu'ils met- tent dansla bouche du chaual. Elephant» 16 VOYAGE;PDLIDVCTIERRI l'auuent d’vne maifon qui eftoitlà proche, & apres, il continua fa courfe auec la meíme fureur. Le Iefuite Acofta dans fon Hiftoire naturelle, dit qu'ila veu la mefme cho- fe à Goa. Le Mogol en 2 qui feruent de bourreaux aux criminels lors qu'ils font condamnez à la mort. Si leur Condu&eur leur commande de depefcher promptement ces miferables ; lls les mettent en pieces en vn moment auec leurs pieds, & au contraire s'il leur commande de les faire languir,ils leur rópentles os les vns apres les autres, & leur font fouffrir yn fupplice auffi cruel que celuy de la roue. Ce Prince ayme fort ces animaux, & bien fouuent lors qu'il paroift en public, il fait venir les plus beaux qu'il a. Ils font inftruits à s’incliner & à luy faire vne efpece de reuerence en s'approchant de fon trofne,comme s'ils auoient le jugement de le diftinguer entre les grands Seigneurs de fa Cour. Il les fait quelquefois combattre. Ils courent lors ficrement l'vn contre l'autre; fe bat- M tent auec leurs trompes, & le heurtent de leurs dents cóme les taureaux de leurs cornes. Dans ce grand choc, ils ont vn fi grand foin d'empeícher que celuy qui les monte ne foit blefsé , que cela n'arriue que rarement. Celuy qui les gouuer- ne eft affis fur leur col, & en les picquant de la pointe ou du crocd' vn fer qu'il porte , il les fait auancer ou reculer comme il veut. i Le Roy ena plufieurs qui feruent pour la Guerre , ils portent vne piece d'Ar- tillerie de fer, de fix pieds de longueur, qui eft couchée fur vnaffuft. L'affuft eft attaché fortement fur le dos de Elephant auec des cables ou des fangles. Aux quatre coins de cét affuft , ils dreffent quatre petits eftendarts femblables aux Cornettes de noftre Caualerie ,le Canonier monte l'Elephant pour feruir le ca- non & le tirer. Ces pieces d'Artillerie portent vn bouletde la groffeur d'vne petite balle de jeu de paulme. Quand le Roy marche en campagne, il a pour fa garde plufieurs Elephans armez de la forte. Il enaauffi d'autres que l'on fait marcher deuant luy par grandeur,dont les Harnois font couuerts de placques de cuiure;quelques- vns mefme en ont d'argent & d'or 1221114 où pendent des fonnettes , dont cesani- maux ayment fort le bruit; leurs couuertures font de velours ou de brocat d'or 82 d'argent , ou de drap fimple auec des eftendarts de foye qu’on porte deuant eux, « dans lefquels font les armes du grand Mogol; chacun de ces Elephansaau M moins trois ou quatre hommes qui le feruent :le Mogolena aufli pour fa mon- — turc & pour fes femmes ; elles y font affifes comme elles le feroient dans yne chambre, & fous vn daix d'vne étoffe fort riche;qui eft porté par quatre pilliers — vernis , & faits au tour; quatre perfonnes y peuuent eftre commodémentaffi- fes. Il y ena d'autres qui feruent pour le bagage ; j'en ay veu vn beau par excel- 1 lence , qui fouffre bien que l'onl'enchaine ; mais qui n'aiamais voulu porter ny M homme ny quelqu'autre charge qu'onluy ait voulu donner. ; Nourriture Quoy que dans le pays les viures foient a grand marché, ces beftes ne laiffent des Elcphás. pas de coûter beaucoup à entretenir. Ils dépenfent bien vn écu dix fols ou qua- tre francs par iour ; on les tient enchaínez par le pied de derriere, &on les atta M che à vnarbre ou à quelqu'autre chofe qui ne foit pas facile à ébranler : lors que le Soleil donne deffus eux , les mouches les tourmentent beaucoup. Pour s'en deffendre , ils font de la pouffiere auec leurs pieds , & la jettent auec leurs trom- pes fur les endroits de leurs corps où ils fentent les mouches. Lors qu'ils font en chaleur (ce quileur arriue yne fois l'an & dure peu ) ils renuerfent tout ce qu’ils trouuent en leur chemin ; & il n'y a pas mefme de feurcté pour leur Gouuerneur s'il s’y rencontre. Ils font fi forts , qu'ils tuéront d'vn coup de trompe vn Cha- meau ou vn Cheual. Pour preuenirles defordres qui en pourroient arriuer , on les tient en ce temps-là feparez les vns des autres; & onles enchaîne mieux qu'ils ne font en yn autre temps. Que s'ils échappent;il ny a point d'autre moyen pour les arrefter ; que de leur preíenter quelque feu d'artifice ; à ce feu ils s’arreftent κα πον gy tout court; & font voir la crainte qu'ils en ont par leur tremblement. On donne à chacun de ces Elephants , quatre femelles ou femmes, comme ils les appellent dans le Pays. | La femelle porte fon petit vn anauant que de le mettre bas. Ces animaux croiffent jufques à trente ans, & viuent jufques à l’âge ordinaire d'yn homme. 5. 11]. De la Religion des Indiens 27 de leurs mœurs. Portraits ; ^ ; Ξ Peintre ol Magso PP per E Lol? ريسل‎ »*21j ^! Pb Î furent fubjuguez par Temur-lan, beaucoup de Mahometans fe mélerent parmy eux. On y trouue aufli des Perfans, des Tartares, des Abyflins, & des Armeniens , & prefque de toutes les autres Nations de l'Afie , & mefme de celles de l'Europe. Lon y voit des Juifs qui font fi haïs, & font en celle abo= mination , que leur nom pafle pour vne injure dans le Pays. Quant à la taille des Indiens, ils ne font pas fort; differents des Europeens. Ils font forts, & ie ny ay point veu de boffus. Leur teint eft oliuátre.Ils ont les cheueux noirs comme gets, mais ils ne font point frifez. On ne fait point de cas entre eux des femmes ny des hommes qui font blancs , & qui pafferoient pour beaux chez nous. Car cette blancheur que nous eftimons , eft parmy eux vne marque delalepre qui y cft allez commune.La plufpart des Mahometans;fi vous en exceptez les Preftres & les vieilles gens qui viuent dans la retraite , fe rafent foigneufement le poil ; als laiffent feulement croiftre les mouftaches de la lévre d'en-haut. Ils ont auff la tefte toute rafe , ne laiffant qu'vn petit toupet , par lequel ils efperent que Ma- homer les prendra pour les mettre dansle Ciel. Le peuple fe baigne fouuent , & fe frotte le corps auec des huiles. Il y a peu de difference entre l'habit des hom- mes & celuy des femmes, les vns & les autres font faits de toile ou de drap de coton. Ils font fort étroits vers la ceinture , & larges par en bas, defcendans juf- ques à my-jambe. Mais la Figure fera bien mieux conceuoir cette forte d'habil- lement, que la defcription que l'on en peut faire. Al Es habitans de l'Inde eitoient autrefois tous Idolátres:mais depuis qu'ils Mogol Selim WE da Grand urent d'é- toffes ou nattes fai- tcs de ro- feaux. 18 VOYAGE DE TERRI Ils ont les pieds nuds dans leurs fouliers ; ou plátoft dans leurs pantoufles, Ils; * fe feruent de cette chaufleure ; pour l’ofter plus aisément lors qu’ils entrent dans: les maisós, où les planchers sót couuerts de beaux tapis qui fe font en ce païs-là:, Les perfon- On les y fait auffi beaux qu'en Perfe & en Turquie. D'autres les couurét d'autre , τος Nene eftoffe felon leur condition. Ils s’afifent fur ces tapis les jambes en croix , comme. ou- font nos Tailleurs. Ils n'oftent point leur turban quand ils font la reuerence ; ils font feulement vne inclination du corps, & portent leur main droite fur le haut dela tefte apres en auoir touché la terre; donnant à entendre par cette action, que ceux qu'ils falüent peuuent marcher far eux fil leur plaift. Entre égaux, ils fe prennent la barbe ou le mentonl' vn à l'autre , qui eft vne efpece de falutation 3 cb. de Sam, dont il eft parlé dans la Bible, où Ioab falüa Hamafa de la forte. 2. Sam. 20. Y, 20. Femmes. Voyex_ la Figure. Langue du pays. τεῆς du COmprentla leur du moment que les Aftrologues ont obferué que le Soleil entre | Ils employentiamais ces demonftrations exterieures d'amitié pour tromper perfonne , & ont des maniercs toutes particulieres de fe fouhaiter du bien les vns aux autres. L'expreffion la plus ordinaire eft Grecb & Nemoas, c'eftà dire qu'ils fouhaitent que les pauures faffent des prieres pour ceux qu’ils falüent. Leshonneftes femmes ne fortent point de leurs maifons. Elles font bien fai- tes, On ne peut pas neantmoins dire qu'elles foient belles. Elles ont la tefte cou- uerte d" vn voile ;les cheueux leur pendent derriere , entortillez auec de la foye. Celles de qualité portent plufieurs pierreries au col & aux bras. Elles n'ont pas feulement des pendans aux oreilles, elles fe font toutes percer vne des narines, où - elles paffent yne bague. Ce qui a efté pratique auífi par d’autres Nations, comme on le voit dans la Bible.Ef.3.21.Cette bague fe voit das le portrait d'vne Sultane, qui a efté copite fur l'Original fait dansl'Indoftan. Ie ne crois pas qu'il y ait fem- mes au móde qui mettent plus aisémét leurs enfans au iour. Il cft ordinaire de les voir aujourd' huy groffes , & demain porter leurs enfans entre leurs bras. Lelan- gage commun du Pays eft appellé Indoftan , qui eft vne langue affez douce & fa- cile à prononcer. Ils écriuent comme nous, tirant les lignes vers la main droite. Tous les fçauans parlent le Perfan & l'Arabe, qui s'écriuent au contraire de nó- tre maniere, en tirant vers la gauche. Il y a peu de gens doétes parmy eux, & ie crois que cela vient de ce qu'ils ont fort peu de liures ; & ce qu’ils en ont, eft écrit à la main. Ce n'eft pas que cette Nation ne foit capable d'eftre inftruite , & qu'il my ait de fort beaux efprits qui pourrotent reunîr dans les plus hautes fciences و‎ s'ils auoient la facilité que nous auons deles apprendre. Ils ont entendu parler d'Ariftote. Ils le nomment parmy eux Apli, & ont quelques-vns de fes Liures traduits en Arabe. Auicenne ce grand Philofophe , eftoit originaire de Samar- | cande , qui eft auffi la patrie de Temur-lam. Les maladies de ce Pays-là font les flux de fang , & les ficyres, contre lefquelles les Habirans ne trouuent point de remede plus fouuerain que la diete. Les mas ladies que nous voyons arriuer parmy nous , del'incontinence des hommes auec les femmes font communes parmy eux. 115 ne viuent cómunément pas plus long- temps que les Europeens; mais on y voit yn plus grand nombre de vieillards que parmy nous. Ils ayment fort la mufique,& ont plufieurs inftrumens; les vns mon tez de cordes;& d'autres qu'ils font fonner parle moyen du vent ; maisien’enay jamais trouué l'harmonie agreable. Ils fçauét faire des vers, ils trauaillent à l'hi- ftoire,ou plùtoft aux Annales de leur pays; & font profeffion particuliere d'eftre habiles hommes en Aftrologie. Le Roy a tant de creance à ces fortes de fcauans, qu'il n'entreprendroit pas vn voïage ny autre chofe de confequence fans les con- fulter , & fans apprendre d'eux l'heure la plus fauorable pour Pexecuter. | Les Gentils commencent l'année au premier iourde Mars. Les Mahometans Nou-rous, dans le figne du Belier. Ce moment auffi eft le commencement de la Fefte que le Roy folemnife, & qu'on appelle Nou-rous, c'eftà dire Neufuaine , a" i q ure € dee d A 8, MS rr RO at hp p emi “A Yi SMOG 19 dure autant de iours. Tous les Seigneurs du Pays faffemblent, & fe rendent à la Cour dans le meilleur équipage qu'ils peuuent, & font ἃ l’enuy l'vn de l'autre des prefens au Roy, qui de fon cofté les recompente en les auançant dans les charges, ou en augmentant leurs penfions. Ie me fuis 1011116 à cette Fefte,& ie n'ay iamais veu enfemble tant de richefles, de diamans, de perles , & de pierres precieufes,que jenvisence temps-là. Elle fe fica Mandoa, où le Roy a vn fort grand Palais, | dont les arcades & les belles voûtes font bien voir que fes Sujets ne font pas igno- rans en Architecture. Le Palais qu’il a à Agra eft encore plus magnifique. ya Palais dA: deux tours de dix pieds en quarré , couuertes de placques d'or maflif. Ils ne fe fer- gia. ‘went point de tapifleries dans leurs apartemens, à caufe de la chaleur du Pays.Les murailles font peintes & enduites d'vne chaux plus blanche que le blanc d'Efpa- gne; les plan chers y font couuerts de tapis. Perfonne ne loge dans les apartemens du Mogol , que fes femmes, fes Eunuques , δὲ quelques jeunes garcons qu'il gardent pour vn vfage abominable. Il mange toufiours en particulier auec fes femmes. On luy prepare vne grade diuerfité de viandes,apres qu'on en a fait l'ef- fay. Onles dreffe das des plats d'or couue:ts que l’on cachette,& que l'on met en- tre les mains de fes Eunuques pourles feruir. Il y a toufiours des viandes preftes, afin qu'on puiffe couurir fa table toutes les fois que l'enuie luy en prend. Le rys auec des viandes boüillies,eft leur nourriture la plus ordinaire.Ils n'ont point cet- tc variete de rofty & de patifferie que nous auons: Ie taftay entr'autres viandes, d'vn de leurs ragoufts qu'ils appellent Deüpario ; ce ragouft fe fait de venaifon, qu ils font cuire auec certaines racines , des oigaons , des hetbes و‎ & vn peu d’épiceries Y de beurre ; felon mon gouft, il ne fe peut rien manger de meil- leur. Il n'y a point d’Hoftellerie pour les eftrangers dans tous ces Pays-là. Il ya Voyages. feulement dans les grandes Villes , & de diftance en diftance dans la campagne, de grandes maifons ou Carauannes-faras pour les reccuoir. L'on n'y trouue que le couuert , & il faut porter auec foy fon li&t & tout ce qui eft neceffaire pour l’vfa- gc de la cuifine. Le bagage fe porte ordinairement für des Chameaux , ou für des Chariots qui font traiínez par des Bœufs. Les voyageurs portent auffi destentes ‘dont ils fe feruentlors qu'ils ne trouuent point de ces maifons. Les femmes auffi | bien que les hommes, ne font leurs voyages que fur des Chameaux ou fur des Dromadaires. L'on y a aufli pour voyager , la commodité d'vne maniere de Car- roffes à deux roués, fermez par le derriere & ouuerts par le deuant,fi ce n'eft qu'il 5 57 ait des femmes; car alors ils font fermez partout. Ces Chariots ne peuuent te- dedu nir que deux perfonnes, & on guide les Bœufs qui y font attelez auec des cordes ra bien en- qu'on leur paffe dans les nazeaux & entre les cornes. Ces Bœufs font plus petits bg xi i que les noftres , & fi bien dreffez pour ce trauail 5 qu'ils peuuent faire 20. mil par e iour & dauantage. Les perfonnes riches fe font porter fur des Elephans ou dans des Palanquins fur les épaules de leurs efclaues. Ie ne fgaurois vous mieux reprefenter ces Palanquins , qu'en vous figurans vn li& de repos auec des cordes au cheuet & aux pieds du li&t ; parle moyen defquel- y, client les il eft attaché à vne longue perche ou canne, car ils en ont d'affez fortes pour ces cannes et vfage,deux hommes portent aysément fur leurs épaules,les deux bouts de cet- Bamba, te perche ou canne. Pour ce qui eft des Elephans, quoy qu'il fy en trouue yn grand nombre, ils ne laiffent pas d'y eftre fort chers , & les beaux fe vendent qua- tre ou cinq milles écus , & quelquesfois dauantage. Les diuertiflemens de ces Peuples fon:,la chaffe à l'Oyfeau,celle du Liéure, du Cerf, & autres beftes (auuages. Les Chiens qui leur feruent pour la Chaffe و‎ font faits quafi comme nos Leyriers finon qu'ils font beaucoup plus petits; ils n'appellent point fur les voyes. L'on chaffe encore en ce Pays-là aucc des Leo: pards, qui prennent à la courfe les beftes les plus viftes. = Chaffes, cC I: ay encore remarqué vne maniere bien adroite de prendre les Oyfeaux de rid | uiere ; le Giboyeur fe met dans l'eau jufquau col > apres auoir mis fur {a tefte || vne peau femblable à celle de ces oyfeaux. Ainfi déguisé , il Pauance parmy, | eux ; il les tire par les pieds fous l'eau ; où il leur tord le col. Ces Peuples ayment fort à tirer de l' auec leurs fléches des oyfeaux en volant. Les autres paffent le temps à drefferi leurs cheuaux qu'ils montent toutes les fois qu'ils veulent fortir, quand ils n'aus: roientà faire que deux ou trois ccns pas. Les perfonnes de qualité parmy eux αὶ croyant qu'il y a dela honte d'aller à pied. Ils joüent fouuent aux Dames,aux El chets , & aux Cartes , mais leurs Cartes font fort differentes des noftres. Dans la partic Auftrale de FIndoftan il y a quantité de Singes tous blancs و‎ δὲ qui font aufli grands & auffiforts que nos plus grands Lévriers :les autres anis maux les craignent ; & c'eft apparemment cette cfainte , qui a appris à quelque ‘oyfeaux du Pays, a attacher auec vn filet leurs nids au bout des plus longues bran« ches des arbres, & aux Perroquets à les faire dans les creux des arbres où les Sin- es ne peuuent entraîner. | Ie fuis obligé par juftice , de donner aux Gentils & aux Mahometans , que nous prenons en ces quartiers pour nous en feruir , la loüange qu'ils meritent. Ils n'ont. ordinairement que 4. francs de gages par mois, & cependant ils nous feruent & les autres eftrangers, auec vne extrême fidelicé. Ils fuiuent leur Maiftre à pied dans leurs voyages , & mourroient pluftoft que de leur auoir fait tort, & leur ren dent tout le feruice qu'ils en peuuent defirer. A l'égard de leurs parens » c'e ‘vne chofe merueilleufe de la reuerence & du refpe& qu'ils leur portent. Ils ne deliberent point pour aflifter ceux de leurs proches qui font dans la neceffité » عق‎ ayment mieux tomber dans le mefme mal-heur dont ils ont tiré les autres,ques de manquer à vn deuoir fi pieux & fi raifonnable. Parmy ces Mahometans & ces. Gentils, il y a des gens de la derniere Brauoure , ils les appellent Balock ; ce nom | leur vient d'vne Prouince du mefme nom fituée au Royaume de Bengale οὐ il y ena beaucoup. Il y ena auffi dans la Prouince d'Hayachan. Ils ont auffi d'autres. foldats qu'ils appellent Rafboutes;ceux-cy ne viuét que de brigandages & de vo- arc; aufli y font-ils fi adroits ; qu'ils 636126 | AV MOGOL 21 Jerie ils fe mettent pluficurs de compagnie , & attaquent les Carauarines les plus nombreufes. Le relte des Indiens eft vne pauure cípece d'hommes , gens fans cœur femblables à des femmes, qui terminent toutes leurs querelles à fe dire des injures. Et cette poltronnerie eft fi generale, que le grand Mogol luy-mefme en a fait plufieurs fois raillerie, difant qu'vn Portugais bartera 20131101015 trois Indiens, & vn Anglois trois Portugais. Leur infanterie fe fert de moufquets ; quoy qu'ils foient vn peu lents à les ma- Leursarmes nier, ils ne laiffent pas d'eitre fort bons Mouiquetaires. Leur poudre eft exccllen- te ; ilsont encore des lances, & portent des arcs & des ficches. Pour leurs épées, elles font courbées comme nos fables, & le tranchant cit foit bon, mais les gens u Pays ne fçauent pas leur donner la trempe comme 11 faut pour les rendre plian- s. Pay veu des Caualiers qui portoient toutes ces armes, & qui cependant fe font laiffez battre par de nos gens qui n'en auoient aucune, Ils fe {eruent de tyms “bales dans les armées, & de trompettes plus longues que les noitres. 115 n'ont au- cune difcipline militaire; les premieres attaques le font de part & d'autre auec beaucoup de chaleur, mais ils ne fe rallient jamais, & n'opiniaftreuc pas long- 'tempsle combat. Les Mofquées des Mahometans font ordinairement bafties de pierre; du cofté de l'Occident elles font tout à fait fermées de murailles, mais 'ouuertes du cofté duLeuant, & embellies de quantité de colomnes ὃς d'arcades,82 £eftendent en longueur du Septentrion au Midy. Ils mettent auffi dans cette fi- tuation les corps morts lors qu'ils les enterrent. Il y a des tourelles aux coins de leurs plus grands Temples. Leurs Molas ou Do&eurs de leur Loy; y montent à certaines heures du iour , ὃς crient à haute voix en Langue Arabe و‎ Za alla ila alla Mahomet Rafil alla. 35 Il n'y a qu vn feul Dieu, & Mahomet eft l'Ambaffadeur de Dicu. Ce cry fert pour aduertir le Peuple de venirà la Mofquée, & ils l'entendent comme nous faifons nos cloches. Le Sieur Coriat entendant fouuent ccs clamcuis à Agra, fe ‘mit en tefte de monter aufli dans vne de ces Tours vis-à-vis du Molas, & dele contredire , en criant à haute voix; La alla illa alla Haxarer Eefa cb alla C'eft à dire ; il n'y a qu'vn feul Dieu, ἃς Iefus-Chrift eft le Fils de Dieu, y ad- joûtant que Mahomet eftoit vn Impofteur. Cette temerité luy auroit couite la vie dans vne autre Ville plus attachée 212 Religion de Mahomet ; mais dans les ¿Pays du Mogol, chacun a l'exercice libre de fa Religion; & Jay obieruè que Pon auoit mefmes toute liberté de combattre celle dont iis font profeflion. Pour ce ‘qui eft de leurs Sepulchres ,1l n'y a gueres de perfonnesde condition parmy les sepulchres, Mahometans, qui ne faffe dreffer vn fepulchre dés fon viuant pour luy & pour les fiens. Ils ayment à les auoir prés de quelque bel eftang ; & Jay remarqué que la -plufpart de leurs tombeaux font aflis prés de ces cftangs , ou bien prés de quelque fource d'eau viue. La maniere dont ils les font eft , qu'ils enferment d'vne bon- nc &épaiffe muraille, vn grand efpace de terre; & au milieu , ils y éleuent vn tombeau d'vne forme quarrée ou en rondeur. Ce tombeau à deux eftages, celuy d'embas eft voûré, dans lequel ils mettent les corps morts, & (e ferme auec des portes fort épaiffes. L'eftage de deffus eftà iour, & compof? d'vn grand nom- “bre de colonnes qui foûtiennent la couuerture.IIs plantent des arbres & des fleurs àl'entour du tombeau sí dans tout l'enceinte , comme fils vouloient y faire les champs Elifces des Poétes. On n'enterre perfonne dans leurs Mofquées, &l'on voit en beaucoup d'endroits des tombeaux femblables à ceux que 1ay décrits, qui ont efté dreflez pour eternifer la memoire de ceux qui paffent pour Saints parmy eux. Ils ont yn Catalogue fort ample des noms de ceux qu'ils honorent pour leur faintete. Dans ces monumens on y void des lampes qui brúlent toufiours, & vne conti- Peires, nuelle proceflion de gens qui y viennent faire leurs deuotions & des meditations fur le bon-heur dont jouiffent ces Peires; c'eft le nom qu'ils leur oss Mais x ij Molas. Prieres. Mahometás & les Gen- tils , grands obferua- teurs de leur Loy. Icuíne , ou Eam-Jan. 22 VOYAGID DE: TERRE entre les monuménts qui font dreffez à l'honneur de ces faints ;le plus beau εἰ ἃ, trois milles d' Agra, en vn village nommé Secandra : 1] fue commencé par Eck= | bar-sha grand Mogol pere de celuy qui regne aujourd'huy.C eft là ou ila efte en rerré , & fon fils l'a fair acheuer en intention d'en faire le lieu de fa fepulture. Leurs Molas foccupent la plufpart du temps à faire des eferitures pour les. affaires des vns & des autres. Ils ont la mefme liberté de fe marier que le refte du peuple, & leurs habits n'ont rien qui les diftingue du commun. ly ena entre eux | qui viuent dans la folitude, & qui em ployent toutleur temps à mediter oua don- | ner aux autres des precepres pour la conduite de leur vie. Ceux-là {ont en grande repuration, aufli bien que d’autres nommez Scayds, qui fe difent eftre delcendus de Mahomet. Leurs Preftres ne font ny inftruétions, ny leótures,ny predications dans Jeurs Temples. Ils fe contentent d'y lire à haute voix yn liure de prieres, écrites en Arabe, que le peuple repete auec le Molas, quoy qu'il ne les entend c point. Ils ont aufli coürume d'inuoquerle nom de Dieu & celuy de Mahomet, en maniant des grains de metail ou de verre femblables aux grains de Chapeler des. Cacholiques. Ils n'entrent iamais dans leurs Temples qu'ils ne fe foient lauez les pieds, & laiffent leurs fouliers à la porte. Pour bien commencer leurs deuotiot ils fe bouchent les orcilles , & attachent fixement leurs yeux fur quelque objet, afin que rien ne puiffe divertir leur penfee. En fuite ils fe mettent à prier Dieu cout bas; Ils fe feruent en leurs prieres de pluficurs mots qui fignifient parfaite ment bien fa toute-puiffance , fa grandeur , & fes autres attributs. Apres faifane icBexion fur eux-mefmes, ils confeflenr leur baffeffe , & tem oignent la connoizi ihe & la fentir par milles actes d'humilité & de foúmillion; ils fe jetrenr {ou uent le vifage contre terre,& reconnoiffent qu'ils n'en font que des fardeaux inu-- cils, qu'ils font le poifon de l'air, & que la connoiffance de leur balle ffe les empé-" che de leucr les yeux vers le Ciel, & finiflent toufiours par l'efperance qu'ils ont" en la nufericorde de Dieu, & en l'interceffion de Mahomet. i Plufieurs d'entr-eux a la honte de nous autres Chreftiens prient cinq fois le iour, faifant leurs pricres de trois heures entrois heures , & n'y manquentiamais | pour quelque cmpefchement quileur furuienne. Ils partagent les ¡jours autre ment que nous ne faifons : ls le diuifent en quatre parties qu'ils nomment Pores, 7 & lanui& de mefme. Ces pores font encore diuifées chacune en hui& autres pai- tics qu'ils appellent Grées; Toutes ces differentes diuifions du iour font meíürces par vne quantité d’eau qui tombe d'vn vafe dans vn autre : aupres de ce vafe il y a toufiours quelqu'vn qui marque ces portions du iour , frapant auec yn marteau fur vne piece de metail concaue faite en forme de plat. On y frappe autant de coups qu'il y a de grées ou de pores écoulez. | Entre les Mahomctans & les Gentils on voit des perfonnes d'yne fiextraordi- naire temperance , qu'ils a1mcrojent mieux mourir, que dc manger ou de boire quelque chofe qui leur foit deffendué par leurs loix, & qui mangent pluftoft pour fatisfaire aux befoins de a Nature,que pour cótenter leur appeat.Les débauches" dela bouche font abominables parmy cux. Ils tiennent que l'yurognerie eft vne È cfpece de rage, & dans leur langue le mot qui fiynifie vn yurogne;qu ils appellent | Meft,fignifie encore yn enragé.Les Mahometans font vn jeûne folemnel enuiron - le mois d’Aouft,& le continuent toute la Lune. Ceux qui obferuent eftroitement les preceptes de leur Religion n'ont point de communication durant tout ce | temps-là auec lcurs femmes, & ne boiuent ny ne mangent Jufques apres Soleil È couché. Quand le temps du Ieufhe finit ils donnent vniour pour celebrerla ποτοῦ moire de leurs amis trefpaffez.T'en ay veu beaucoup parmy le peuple qui les pleu- |. roient à chaudes larmes. Outre ce ¡our de trifteffe & de commemoration des. DE 5 . f | ; - Ἢ morts , que tous celebrent fans exception, il y a des femmes qui vont pluficurs | fois l’année pleurer {ur les tombeaux de leurs maris & de leurs enfans. Au com- 7 mencement de la nuit de ce jour des Trépaffez , on allume par tout vne grande LI AV MOGOL. | 23 quantité de lampes & de lumieres qui font attachées contre les murs de leurs maifons. Quand ces lampes & ces lumieres font cfteintes » ils rompent leurs jeú- nes, maisles plus deuots vont Paffembler dans quelque Mofquée, où leur Preftre leur lit publiquement quelque endroit de l'Alcoran, auquel ils ne touchent ia- mais qu'auec vne extréme veneration. Ils ont encore vne fefte au mois de No- uembre qu'ils appellent Bucarce ; c'eft à dire la felte du Belier: Car ce iour-là ils en tuent yn auec grand foiemnité , & le font rótir pour le manger en memoire de celuy dont [fmaël, comme ils difent, für rachepté , lors qu'Abraham eftoit {ur le poinct de le (acrifier. Il y a encore plufieurs autres feftes qui fonc expreflément commandees pour celebrer la memoire de Mahomet, & de ceux qu'ils appellent leurs Picres ou Saints. Ils ont les liures de Moyfe , qu'ils appellent Moofa cavym-alla , c'eft à dire Moife le Iufte deuant Dieu ; Ibrahim Calim- alla; Abraham le hidele de Dieu, Ifinael le vray facrifice de Diew,Dahoode Dauid Prophete de Dieu $elmon,Salomon,la fa- gefle de Dieu; ils celebrent la memoire de ces grands hommes en chantant tous les iours quelques vers à leur loüange. On remarque que meline les plus groffiers d'entr'-eux ne font iamais mention de N.Seign. iefus-Chrift,qu'ils appellent Hafaret Eefa د‎ qu'ils n'en parlent avec rcuerence & refpect ; difant que c'eitoit vn bon homme quieftoit Juite, & qu'il viuoit fans peché; qu'il a fait de plus grands miracles que períonne qui l'ait pre- cede. [Is patfent plus outre , & l'apellent Rhahovalla ; l'haleine ou l’Efprit de Dieu. Mais ils ne peuuent pas conceuoir qu'il foit fon fils. En ce poinét ils demeurent dans l'erreur de tous les Mahometans. Cela n'empéche pas qu'ils ne nous croyent tous fi prophanes qu'ils ne voudroient pas auoir mangé auec nous, ny d'aucune viande qui cult efté preparée dans les plats dont nous nous feruons. Il y a entre eux des Deruis qui quittent le monde, & paffentleurs jours dans la folitude, en attendantla recompenfe qu'ils fe promettent dans vne meilleure vie. Ils Pengagent volontairement à fouffrir des mortifications qui égalent celles que l'on vante tant dans la Vie des Saints. ΠῪ ena qui viuent tous feuls fur les fommets des montagnes, & qui n'ont jamais de commerce auec lc refte des hom- mes. Ts paffent toute leur vie dans la contemplation, & fe laifferoient pluftoft mourir de faim que de fortir de leurs retraites. Les peuples qui en sócles plus pro- ١ ches leur portent à manger par deuotion. D'autres qui gardentle jeufne jufques à ce que la nature foit entierement abbatuë. Quelques-vns vont nuds, & n'ont que les parties honteufes couuertes, & queftent leur vie par les maifons comme font les Religieux Mendians : Ils fe logent ordinairement dans les faux-bourgs des grandes villes. Ils tont yn peu de feu le iour, & dorment la nuit dans les cen- dres,dont ils ont le corps tour couuert. Ils Ὡς fe rafent jamais , & laiffent croiftre leurs ongles comme fit Nabucodonofor lors qu'il fur chaffé de la focieté des hommes. Il y ena entr'cux d’vne forte appellez Mendez,femblables aux Preftres pus n + de Baal, qui fe coupét fouuét la chair auec des coufteaux & des lancettes. l'enay veu d'autres qui portoient en leurs jambes par deuotion des chaifnes de fer fi pe- fantes , qu'à peine pouuoient-ils mettre vn pied Pyn deuant l'autre. Mais apres feftre quelque temps accouftumez à les porter, ils font des pelerinages de plu- ficurs lieués chargez de toutes ces chaines & nuds pieds fur la terre qui brufle de l'ardeur du Soleil pour vifiter les fepulchres de ceux qu'ils ont en eftime de Sain- τοτὲ; ceux-cy ne le marient pas. Pour ce qui eft des Mahometans leur loy leur ermet d'auoir quatre femmes , & prennent mefmes la liberté d'en auoir autant qu'ils en peuuent entretenir ; mais les Preftres fe contentent d’vne feule. Ces Mahometans qui ont plufieurs femmes ne laiffent pas d'en eftre tellement jaloux , qu'ils ne peuuent fouffrir qu’elles parlent ny à leur pere,ny à leurs freres qu'en leur prefence. Cela fait que celles qui paffent pour honneftes femmes en- tre eux, ne fe laiflent point voir du tout par les eftrangers. Si vne femme manque C iy Liures. C'eft à dire le Seigneur Chrift, Deruis, Mendez, ! Mariages. 3 I è È > 4 0 ١ E E VOYAGE DE TERRI, à la fidelité qu'elle doit à fon mary; ou fi vne fille qui fait profeffion de chafteté tombe dans vne femblable faute, leurs freres les en chaftieroient pluftoft que de fouffrir qu'elle demeurafient impunies ; & bien loin de craindre que la Iuftice les recherche pour auoir fait ce chaftiment , ils en font eftimez dauantage. On ne laiffe pas d'y voir force courtifannes dans les villes, aufquelles on permet l'e- xercice de leur meftier. 7 Les femmes de condition font feruies par des Eunuques, aufquels on a ofté dés la ieunefle tout ce qui pourroit donner de la jaloufie à leurs maris. Leurs maria- M ges fe font auec grande pompe. Apres que le Preftre leur a fait prendre la main l'vnàlautreauec quelque ceremonie & quelques paroles de benedi&ion: La nopce commence à Soleil couché : Le mary de quelque condition qu'il foiz,mon- te à cheual: Sesamisl'accompagnent. On porte plufieurs torchesàla tefte dela trouppe , fuiuie des trompettes, & d'autres femblables inftruments. L'Efpoufée vient apres auec fes amies dans vn chariot, & apres auoir ainfi paffé par les princi- paux quartiers de la ville, ils retournent au logis, où Pon fait vn feftin, & oùles hommes font feruis dans vn appartement, & les femmes dans vn autre. Ils le ma- rient pour l'ordinaire àl'aage de douze ou treize ans. pectet Sabe VS Des Sectes des Gentils, & de leurs Ceremonies. L faut que ie dife quelque chofe de plus particulier des Gétils.Il ya parmy eux 847 Se&es differentes les vnes des autres en plufieurs points. Ie m'en fuis fouuent eftonné , quoy que ie fcache que Sathan qui eft le pere de diuifion ; ena efté l'au- theur. Leurs Preftres Pappellent parmy eux Bramens : ils font fi ignorans, fi ftupides, & fi peu fermes dans leurs opinions, qu'ils fçauent à peine ce qu'ils croyent. Ils ap- pellent leurs petits Temples des Pagodes, ils font baftis en rond: il ya des Idoles qu'ils adorent , quoy qu'elles reprefentent des Monftres. Quelques-vns d'entre- eux ont fôngé qu'ily ades champs Elisées; que pour y arriucr , il faut pafler vne riuiere femblable au Stix ouàl'Acheron , & qu'ils y doiuent prendre de nouucaux corps. D'autres tiennent que le monde finira bien-toft ; & qu'apres ce changement, ils doiuent retourner en vie, & là paffer dans vne nouuelle terre. Quelques Bra- M mens m'ont dit qu'ilsreconnoiffent vn Dieu , & Pimaginent qu'il a mille bras, mille M yeux, & autant de pieds; donnant à entendre par [à , l'opinion qu'ils ont de fa toute- M puiffance. Ils difenc qu'ils ont quatre Liures que Dieu leur aenuoyez ilvafix mille — ans, par le moyen de leur Prophetc Ram. Qu'il y en a deux qui font cachetez, & qui j ne feront iamais ouucrts. Que les deux autres ne doiuent eftreleus que par ceux de | HI VUES no deli EA a one علا‎ A leurprofeffion.Qu'il y afept Cieux ; que Dieu eft affis für le feptiéme ; Qu'il ne prend point connoiffance des a&ions particulieresdes hommes, à caufe qu'elles ne lemeri- tent pas. Ils luy affignent vnc place où l'on le peut voir, comme au trauers d'vnnua- ge & deloin. Ils croyent qu'il y a des Diables; mais qu'ils font tellement enchainez, qu'ils ne leur peuuent faire de mal. Ils appellent parmy eux vn homme Adam,en me- moire du premier Pere. Ils difent que fa femme cftant tentée de manger du frui& deffendu, en prit & en mangea; & que comme fon mary en mangcoit auffi la main de Dicule prit au gofier , & empécha le morceau de paffer plus bas; que c'eft de là | que vient vne boffe queles hornmes ont en cét endroit; qu'ils appellent en leurlan- gage pomme d'Adam , & que les femmes en font exemptes. La Preftrife parmy eux eft hereditaire , comme elle l'eftoit anciennement parmy les luifs. Le filsd'vn Bra- > men eft Preftre,& fe marie auec vnc fille de la mefme condition. Auffi entre les Gen- cils , les mariages fe font entre perfonnesde mefme Tribu, de mefme Seéte, & de mefme vacation. La fille d'yn Marchand, par exemple, fera mariée à yn Marchand. À Celle d'vn homme qui vis de fon trauail, fera mariée auec yn autre qui fera du mef- — E * == DRE - v3 1 AV MOGOL. 25 . ime órdre ; ce qui eft caufe qu'ils demeurent toufiours dans le mefme rang. Quoy que ccs Gentils n'ayent qu'vne feule femme, ils n'en font pas fijaloux que les Ma- hometans qui en ont vn grand nombre. Ils fouffrent qu'elles aillent par la V ille. Ils fe marient dés l'âge de fix ou fept ans.Les parens font lesContra&s du mariage,quine fc confomme point qu'à l'âge de douze ans. Leurs nopces fe font auec beaucoup de réjouyffance , comme celles des Mahometans. Il n'y a pasauffi beaucoup de differen- cc entre les habits des vns & des autres, la plufpart de leurs femmes portent des an- ncauxaux doigts des pieds ; & pour les faire voir, elles vont nuds pieds. Elles ontauffi des anneaux fort larges, de cuiure ou d'autre métail, felon leur qualité, qu’elles por- tent au deffous du gras de la jambe, c'eft vn ornement qui femble auoir efté en vía- ge entre les femmes des luifs. Elles fe font percerle bout de l'oreille dans leur jeuneffe , & en augmentent lc trou en y mettant tous les iours quelque chofe de plus grand; fi bien qu'àla fin elles y peuuent pafler vne placque de la largeur de cinq ou fix doigts. Les hommces&les femmes fe lauent tous les iours , & apresle bain fe mettent à table. Les femmes f'y mettent toutes nuës, ne couurant que ce que la modeftie leur deffend de laiffer paroiftre. Elles demeurent en cét eltar jufquesà ce qu ellesayent acheuéleur repas, Les vns & les autres croyent que l'eaué dont ils fe font lauces , fert auffi à les nettoyer de leurs pechez. C'eft de là d’où vient cette opinion de Diuinité qu'ils ont pourles riuieres, & principalement pour lc Gange.Ils y vont tous les iours à grande trouppe ; ils jettent dans cette riuicre des pieces d'or & d'argent و‎ felon leurs moyens & leur deuotion.Ilsfe baignent apres; & fe peignent le front auec du rouge ou du jaune. Ils font trop grofliers pour pouuoir croire la Refurre&ion. Ils brülent par cette raifonles corps mortsprés de quelque riuicre ; lors qu'ils le peuuent faire -“commodément, & jettent les cendres dans l’eau. Leurs veufues ne fe remarient "point ; mais apres qu'elles ont perdu leurs maris, elles coupent leurs cheucux , & paffenc leur vie dans latrifteffe & dans le mépris. Il arrive fouuent que les plus jeu- “nes ayment mieux mourirauec honneur, que de languir dela forte. C'eft pourquoy llesíc jettent furle bücher & dansle feu qui eft allumé pour confommer le corps de leur mary , & fe laiffent brûler le tenant embraísé. Ce qu'elles font volontairement, - & fansy eftre obligtes. Les parens& les amis de celles qui doiuent mourir de la for- te, les accompagnent auec beaucoup de joye. Et quand le bücher commence à brú- ler; le peuple qui eftautour fait grand bruit, afin qu'on n'entende point les cris de ‘tes mal-heureufes perfonnes. ESAS Ily ayne forte de Seétaires entre les Gentils , qui n'enterrent hy ne brúlent les morts ; onles appelle Parcées; ils choififfent quelque lieu fort écarté, où ils éleuenc des terraffes qu'ils foùtiennent auec des murailles de pierres. Ils mettent deflusles cadavres de leurs morts, qui n'ont point d'autre fepuiture queles oyfeaux quiles déchirent. Les Gentils pour la plufpart font fort induftrieux. Ils labourent la terre, & font foigneufement ce qui eft de leur vacation. Ilsont entr'eux des artifans fort ha- biles, qui imitent fort bien tout ce qu'on leur prefente. Pour les Mahometans ; ils font gencralement parefleux : Sila paíse en prouerbe , qu'ils viuent du trauail des Gentils. Les Gentils feroient fcrupule de manger d'vne chofe qui autoit cu vie. Ils fc nourriflent de lai&, de beure, de fromage ; d'herbes, & de confitures ; qu'ils preparent diuerfement, La plus faine eft le Gingembre verd , que l'on confit mieux “en ces quarticis-ta qu'en lieu du monde. Il y avne autre forte de Gentils, qui ne mangentrien que du poiffon. Les Rafbuts mangent de la chair de Pourceau , pour laquelle les Mahometans ont tant d'auerfion, Entre ces Se&es, les vns Cabftiennerit d’yne forte de viande les autres d'vne autre ; mais elles conuiennent toutesáne point manger de Bœuf: & ce fcrupule vient de la grande veneration qu'ilsont pour les Vaches. Outre les autres charges qu ils payent au Roy ,ils payent encore vn prix tous les ans pour la rançon de leursBoeufs; ce qui monte vne fomme confiderable: Ces Idolátres qui ont le plus d'eftime pour lesVaches,fappellent Banians.Ils croyent Femmes des Gentils, Au 3. Chap d'Ifaye. Le mot An- glois dit va Saucicre. En quoyils reffemblent aux Phari- fiens dc la SainteEfcri< ture,qui fai. foient fcru- pule de mà- ger fans s'e- ftre laué les mains, Cette coi tume a cfté pratiquée par les Ami monites , © dontil eft parlé dan& la Sainte Efcritute; Bariangg 26 VOYAGE DE TERRL Metempfy- latranfmigration desames , comme lc premier article de leur foy. Ils croyent que cole. les ames des plus honneftes femmes, & des hommes de plus grande probité, paffent apres leur mort dans le corps des Vaches pour y viure cn repos,comme eftant les meilleures detoutesles creatures; qu'au contraire les ames des mechans paffent dans les corps des autres beftes. Celles des gourmands & des yurongnes dans le corps des Pourceaux. Celles des hommes qui ont ay me le plaifir des femmes, dans le corps des Singes & des Marmots. Les ames des perfonnes coleres, cruelles , & vindicatiues , dans le corps des Lions, des Tygres & des Loups. Celles des enuieux, dans celu des Serpens, & ainfi du refte. Croyant aufli que cesameslogtes de la forte, fe per- petuént en paffant toufiours du corps d'vnc befte en celuy d vne autre de la mcíme elpece; & cela, julqu'a l'infiny ; & fc figurent par là , que le monde fera eternel. S'ils voyent vne Mouche,ils vous diront qu'elle acfté l'ame de quelque perfonne, peut- eftre celle dvne femme coquette : & ils (ont tellement enteftez de ces opinions, qu'on ne leur en fçauroit faire connoiftre l'impertinence. Pour cette raifon , ilsne veulent pas tuer les befles mefmes qui leur font le plus de mal. Les Serpens les peu- vent picquet impunément ; fils leur font du mal, leur nature, ce difent-ils, eft den faire, & ilsadjoütent qu'illeur eft bien permisde les éuiter , mais non pas de les dé- cruire, Les plus riches, par principe de charité, bátiffent des Sarays pour loger les voyageurs,ou des referuoirs d'eau proche des grands chemins pour la commodité des pañlans. Ils donnent quelquesfois mefme des penfions à de pauures gens, pour les obliger de demeurer furles grands chemins, & de prefenter de l'eau à ceux qui pal Le Lundy eft fent, le Mardy eft leur iour de fcfte ou ac repos. cluydesPe- — Ils ont outre celaiplufieurs jours de réjouyffances & de Feftes , qu'ils obferuent guans, T aucc béaucoup de folemnité. Ils font des Pelerinages , dontles principaux font mar- yes J quezdansla Carte du Pays. Ils difent que le peuple de ce Pays-là fe coupe par deuo- ceuxdela tion vne partie de la langue: & fil eft vray ce qu'en a ecrit vn de nos Anglois nom- Moses ne, mé Coriat , ces langues coupées , en peu de iours retournent cnleur premier eftat. le Je Vendredy, poutroisdire beaucoup d'autres chofes de leuridoläcrie, fi ie n'apprehe الم‎ bed E dus duloifir des Le&curs, Enfin, les Mahomctans & les Gentils n'ont point d'autre fon- Purchasad. dement de leurs réucries , que la tradition de leursAnceftres. acd ques Ces Mahometans & ces Gentils font tous Sujets du Grand Mogol. Le mot de Mo- es Chreltics de Iaua 5 i : = jeufnert le le Chef&le Roy de tous les Circoncis. Il vient de pere enfils de Temur ce fameux E tini conquerant de l’Afie. Ce fecond Alexandre, vn ¡our qu'il eftoit à la chaffz, mencéquel- tomba mal - heureufement de fon cheual , & füt eftropié de cette cheute qui mures auangafesiours,& fut caufe qu'on le nomma depuis Temur-lam; c'eftà dire, Temur entreprile. Dans les le boiteuxoul'eftropié. Le Grand Mogol d'aprefent deícend de luy en ligne dircéte, gol fignifie vn homme Circoncis; & on l'appelle le Grand Mogol, pour dire qu'il eft | Pro nces &cftle 9. Roy de fa race. Il prendentre fes titres celuyde Roy delIuftice;de lumiere | Far à de la Loy de Mahomet , & de Conquerant du monde. 1l eft le feul & le Souuerain Iu- | Cyba. ge de toutes lesaffaires d'importance qui fe paffent dans fa Cour. Elles y font veués terminées en fort peu de temps, les criminelles auf bien que les ciuiles. L'exe-‏ & عات يم erian 11-‏ =p gnificboi- cution des coupables n'eft pas moins prompte. On coupe la tefte à quelques-yns. M cia On en pend d’autres, & fouuent on les expofe à la fureur des Chiens , des upplices. tions font faites ordinairement dans la place du marché. Les Gouuerneurs des Vil- les & des Prouinces gardent la mefme forme de Iuftice. Ien'ay iamais entendu dire qu'il y cut entre eux aucune loy efcrite. La volonté du Prince & celle de fes Officiers. Yiceroi, — eftlaloy qui regle tout. Les Vicerois ne demeurent paslong-tempsen leur charge, de peur qu'ils ne gaignent l'affe&ion des peuples, & neleur faffent perdre la fide- lité qu'ils doiuent à leur Souuerain. Ilschangent ordinairemenr tous lesans. Ils re- çoiuent les ordres du Prince auec beaucoup de marques de refpe& , & ils ne trauaillentà rien dauantage qu'à faire venir de tous coftezles chofesles plus rares sour luy en faire des prefens.S'ils y auoicnt manqué , le Roy ne manqueroit pas de 1 x : SES a Ni vei leur Elephans, des Serpens, & d'autres beftes felon la qualité des crimes, Ces ^xecu- - _ AY MOGOL: 27 leur en faire des reproches; & quand les prefens qu'on luy fait ne luy font pas agreables , illes refufe ; & les renuoye à ceux qui les luy ont faits pour en tirer deux de plus confiderables. Le Cady ou luge fait emprifonner ceux qui doiuent , lors quils fe font obligez par écrit ; & les perfonnes qui ont du pouuoir dans le Pays , vendent quelquesfois ceux qui leur doiuent, auec leurs femmes & leurs enfans, la couftume du Pays authorifant cette forte de vente. Le Roy fe monitre trois fois le iour. La premiere, àla pointe du iour; fc prefentant à vn balcon qui cft du cofté de l'Orient, fouslequel il y atoufiours beaucoup de monde qui f'affemble pour luy donner le falam و‎ & pour crier, Padsha Salament. C'eit à dire, Viue le Roy. Sur le midy, il void le combat de fes Ele- phans , & prend d'autres diuertiflemens femblables. Vn peu auant quele Soleil fe couche , il fe monftre à vne feneftre quieft du cofté du Couchant; & le Soleil eftant couché, il rentre dans fon Palais accompagné de trompettes , & des accla- mations du peuple. Á ces trois temps ceux qui pourfuiuent quelque affaire و‎ en tiennent les memoires efleuez haut fur leur tefte,qui cft la maniere dont ils vfent pour demander Iuftice. Depuis les fept heures du foir iufques à neuf il fe diuertit en particulier auec les principaux de fa Cour. Ses fujets n'ont aucun fonds de ter- re en proprietc. Ceux qui en poffedent ne le poffedent par aucun autre tiltre que par don gratuit du Roy : Ce qui fait que la plufpart des grands Seigneurs con- fumment tout leur bien en des dépenfes exceffiues ; les marchands font de mefme & cachent leurs richeffes de peur d'eftre preffez comme des éponges. Le Roy ne manque jamais d'auoir égard aux enfans que les grands Seigneurs laiffent en mourant. Il leur donne des penfions , mais clles font infiniment au deffous des biens que les peres poffedoient , fi ce n'eft que les enfans futcedent à leur cre- dit, car pour lors ilsfuccedent ordinairement à leurs richeffes. Tous les appoin- xemens & les penfions que donne ce Prince ر‎ font comptées par la quantité des "Cheuaux qu'ils en peuuent entretenir, felon l'eftat de fa .علص مغل‎ Ces penfions montent à vh million de Cheuaux. L'on compte l'entretien d’yn Cheual par an; fur le pied de vingt-cinq lacobus د‎ ou de trois cens liures enuiron , qui fe leuent fur les terres que le Prince a affeétées pour Le payement de ces penfions. Il a dans fa Cour 20.Seigneurs à qui il donne des penfions pour nourrir qui 500 o.cheuaux, qui quatre mil;qui trois mil,& ainfien diminuát toüijours.Celuyqui eft payé pour entretenir cinq mille cheuaux eft oblige d'enauoir toufiours deux milles effe- @&ifs, & en eftat de feruir; & les autres à proportion. Ce pouuoir defpotique ὃς fouuerainement abfolu qu'à le Mogol fur fes Sujets , eft caufe qu'ils luy font leur Cour comme des Efclaues ; ὃς que pour gagner fes bonnes graces, ils employent toute forte de baffeffes & de flateries. Quand il aduance quelqu'yn, il luy donne vn nouucau nom qui fignifie quelque grand tiltre , ainfi que Pharaonle pratiqua en la perfonne de Iofeph. Par exemple, il en nommera l'vn Mahober chan, qui veut dire Seigneur bien-aimé ; l'autre Can Iabaun è c’eft à dire Maiftre du mon- de. ᾿ς Ses principaux Officiers font ceux-cy. Le grand Treforier le Maiftre des Eu- nuques qui eft le Grand Maiftre de (à Maifon; Le Secretaire d'Eftat ; Le Maiftre des Elephans ; Celuy qui ale foin dé fes Tantes; & le Maiftre de fa Garderobe. Le Can eftle premier tiltre d'honneur. Mirza fuit apres ; puis Vmbra; & Haddee, qui fignifie vn fimple Caualier ou Soldat. La chaleur du pays ne leur permet pas de porter des habits chargez d'or & de Broderie. Le Roy fhabille ordinairement d'vne toile de coton blanche , comme on la voit dans la figure qui eft mife cy-deffus. Le bleu eft la couleur de ceux qui ont quelque aflli&tion : On n'oferoit paroiftre deuant le Mogol auec cette couleur ; & on fe garde bien mefme de parler de la mort en fa prefence, Quand ils font obligez d'apprendre au Prince la mort de quelqu'vn des fiens , ils l'expri- ment par circonlocution; & difent par exemple, vn tel f'eft facrifié aux pieds dé Penfioniss Gén. 41; Officiers, Vmbra fi- gnifie vn Capitaine, 28 VOYAGE DE TERRI, Voftre Majefté. La chaleur du país fait que nos draps d' Angleterre n'y font pas: en grand vfage. Onne les y employe que pourla couuerture de leurs Elephans, de leurs Cheuaux, ὃς de leurs Caleíches. Il n’y a point de Prince aumonde qui: ait plus de richeffes & de pierreries que le Mogol: Dansle Palais d'Agrail y a vi Throfne fur lequel on monte par plufieurs degrez. On void au haut quatre Lions: d'argent.vermeil doré,enrichis de pierres precieufes.CesLions foütiennét vn dais d'or maflif.Les pierreries que le Mogol porte {ur fa perfonne,foit à fa tefte; l'en- tour de fon col, foit aux poignets,ou fur la garde de fon efpée & de fon poignard;! | font d'vn prix que l'on.ne peut eftimer.Onle peze le premieriour de Septembre; & fes Medecins marquent curieufement combien il apezé, parce qu'ils croyent: que parce poids ils peuuent tirer des conie&ures certaines de l'eftat.de fa fante. : Lettre du grand Mogol au Roy d Angleterre , adicto du Perfan. | KY VV and Voftre Majefté ouurira cette Lettre , Que fon cœur [oit aufi frais que l'ombre d'un beau lardin. Que tous les hommes viennent faire la reue- vence à-voflre porte. Que voftreThrofne foit éleué an deffus decenx des autres Roys quireconnoiffent le Prophete Tefus. Que V oftre M ajeffé foit la plus grande . de celles des Mónarques Chreftiens. Qu'ils viennent prendre confeil de Vous. - Que laprudence de leur, conduite deriue de vos confeils ex de voftre tefle , comme d'une fontaine ¿y d'une feurceitres-pure. Que la Loy de la M ajeffé de Iefus puiffe viure eo fleurir fous voftreprotettion. lay recen des mains de voftre Am- bajJadeur le Sieur Thomas Rho£ , qui merite bien la confiance que vous auez de vous feruir de luy , les Lettres d'amitié ét de confederation que vous m auez en» aoyées ,e les prefens anfti , qui font des marques de voftre affection. Il me les a prefentez en une heure fort heureufe ; mes yeux effoient arreftez fi fixementà les confiderer , que i eus de la peine à les en retirer pour voir d autres objets , eg. Autre Lettre du Mogol au Roy d'Angleterre, traduite auf | : du Perfan. Ve la Lettre de V. M. que Dieu preferne' , m'a efté agreable? Mes Nee yeux fe font arreflez à la confiderer , auec le me[meplaifir qu'ils auroient eu u avoir une 70/6 dans un Iardin. Que Dieu vous conferue dans l'eflat où «vous. eftes. Que voftre Monarchie pro[pere , qu elle saccroiffe, e que vous puiffiez venir a bout de tous les deffeins que vous formerez dignes de la grandeur de vos tre renommée. Et comme voftre cœur ef? noble ¿y grand, que Dieu comble de gloire le temps de voftre Regne, puifque vous deffendez couragenfement la Maz jefté de Iefus. NU n. AV .MOodGdOtLUi-. | 29 Ce qui fuit dans cette Lettre contient des témoignages & des affeurances de Paffeétion qu'il auoit pour les Anglois. Ces Lettres ayans efté efcrites, l'on en enuoyales coppies à l'Ambaffadeur , l'original eftoit vn papier roulé: & couuert de drap d'or, cacheté aux deux bouts à la façon des lettres du pais. Nous voya- cámes deux ans à la fuitre du grand Mogol, durant la faifon la plustemperée qui eft entre les mois d'Octobre & celuy d'Auril. Il y auoit bien dans fon Camp deux cens mille bouches, fans y compterles cheuaux, les elephans, & les autres beftes qu'on nourrit de grain. Cependant l'on ne manqua iamais de viures; non pas mefme dans la marche de dix-neuf iours que nous fifmes depuis Mandoa iufques à A madauat, au trauers du defert du Sud , par γῆς route qu'on auoit coupée pour nous faire paffage au milieu des bois. Les Tentes eftoient de diuerfes couleurs, & lors qu'elles eftoient dreffées , elles reprefentoient vne vil- le de grande eftendué ; & faifoient vne fort belle perfpectiue. Les Tentes du Roy eftoient rouges fort hautes , & placées au milieu du Camp; Elles tenoient vn grand efpace fermé de draps de cotton rouge ; fouftenus par des cannes d'efpa- ce en efpace àlahauteur de neuf pieds. Les Soldats y font la garde toutes les nuits. La marche de chaque iour eftoitde dix ou douze milles, plus ou moins, pour faccommoder aux diftances des lieux où l'on peut trouuer de l'eau. Ses femmes & fes concubines , qui font bien au nombre de mille ; font portées dans des Palanquins fur des Elephans , ou dans vne efpece dc panniers entiere- ment couuerts , & portez par des Dromadaires. Elles font feruies par des Eunu- ques, & ont leurs tentes dans l'enceinte de celles du Roy. Dans le choix qu'il fait de fes femmes, il a plus d'égard à leur beauté qu'à l'alliance des Princes fes voifins. Celle qu'il ayme le mieux à prefent,fe nomme Nour-mahal ; c'eft à dire enlangage du Pays ; la lumiere de la Cour. Elle a beaucoup auancé fesamis و‎ & les a éleués au deffus de leur condition, par l'empire abfolu qu'elle a fur l'efprit de ce Prince. Les Mogols & les principaux Seigneurs de la Cour, gardent à la - yerité toufiours leur femmes; mais ils ne les ayment gueres quand elles ont pafsé trente ans. Quoy que le Roy qui regne aujourd'huy ait yn fi grand nombre de femmes, il n'a que fix enfans , cinq garçons & vne fille. On donne à fes fils le ti- tre de Sultan ou Prince ; l'aifné à nom Sultan Cofron le fecond Sultan Parueys, le troifiéme Sultan Caroon, le quatriéme Sultan Shahar , le dernier Sultan Taucht. Le Roy luy donna ce nom,àcaufe qu'il eut nouuelle de la naiffance pre- cisément au temps qu'il commença à eftre paifible poffeffeur de fon Empire. L'aifné de ceux qui viennent des femmes qu'il a épousées , luy fuccede par prerogatiue d'aineffe.'On l'appelle le grand Frere. Quoy qu'on ne faffe pas mou- rirles cadets comme en Turquie , on n'a pas laifsé de remarquer qu'ils ne viuent pas long-temps apres leurs petes, car ordinairement on les employe à quelque expedition dangereufe. Achabar-sha auoit menacé de dés-heriter celuy qui re- gne aujourd'huy , à caufe de fes amours auec celle de fes femmes qu'il aymoit le plus, nommé Anar-kalée ; c'eft à dire pepin de Grenade ; mais eftant au liét de la mort, illuy pardonna. . L’ona dit de ce Prince, que lors qu'il eftoit mal fatisfait de quelqu' vn des Sei- gneurs de fa Cour, il auoit accoütumé de leur donner certaines pillules ; pour purger , ce difoit-il , leurs ames deleur corps. Comme il vouloit vn iour prati- quer ce remede , & qu'il tenoit vne pillule d'vn contraire effet pour luy-mefme, il prit l'vne pour l'autre pendant qu'il entretenoit cette perfonne de belles paro- les; & Peltant empoifonné de fa propre main, mourut peu de ioursapres d'vn flux de fang. Le Mogol d'aujourd'huy eft d'vne humeur fort inégale , & fujet à paffer d'yne extremité à l'autre. Il fenyure fouuent , & punit feuere- ment ceux qui tombent dans cette mefme faute. Il eft quelquefois fort ciuil , & end'autres temps fort rude. Les Sujets ne fçauent ce que c'eft de luy dés-obeir. Il fait tous les jours beaucoup d'aumónes; ὃς quelquefois pour donner des exem- Camp du Mogol. VOYAGE DE TERRI, AV MOGOL.‏ وو ples de pieté ; il porte le Palanquin de fa mere fur {es épaules. Il parle auec ref- pe& de Noftre Seigneur Iefus- Chrift ; mais fa pauureté & le genre de fa mortle choquent ,ne pouuant accorder Pyn & l'autre auec la Majefté Diuinc , & ne fe rendát point à tout ce qu on luy peut dire pour luy faire cóprendre cette profon- de humiliation νη Dieu. Toutes fortes de Religios sor permifes das só Eftatiles Preftres y font fort refpeétez ; il m'appella pluficurs fois Padre , me faifant pren- dre place entre les premiers de fa Cour, Les Iefuites n'ont pas feulement beau- coup de facilité pour parler au Prince,il les fecoure mefines fouuét dans les rencó- tres,& leur fait des liberalitez.Il ne trouue point mauuais qu'on cóuertiffe fesSu- jets & ne les ayme pas moins pour Peftre faits Chreftiens. Il voulut éprouuer vn de fes nouueaux conuertis , luy faifant plufieurs menaces pour le dérourner de la Religion qu'il auoit embraísée; & voyant qu'il n'en pouuoit venir à bout par cet te νους > il effaya celle de la douceur & des promelles ; celle-cy luy ayant manqué comme l'autre , il l'exhorta à continuer ; & le renuoya auec des marques de fon eftime & de fa liberalitésapres luy auoir dit que Fil fe füt laifse vaincre d'v- nc façon ou d'autre,il en auroit fait vn exemple. Le plus confiderable des Iefüites qui eftoiét en cette Cour fe nommoit FrançoisCorfi,il eftoit Florentin de nation, ἃς faifoit les affaires des Portugais. Ie voudrois pouuoir confirmer aucc verité و‎ les relations qu'ils enuoyent dans l'Europe des progrez & des conuerfions qu'ils font dans ces païs-là. La verité eft qu'ils en ont baptifez quelques-vns, mais ces gens-là ont efté portez à fc faire Chreftiens , pluftoft par pauureté & mifere , que par vnvray zele ou vne bonne inftruétion. l'aurois bien aufli fouhaitté de pou- noir trauailler à vn ouurage auffi Saint qu'eft la conuerfion des Infidelles , mais il m'a toufiours paru qu'il y a fort peu de profit à en efperer,non feulement à cau- fe dela pluralité des femmes à laquelle les Mahometans font accouftumez,mais encore dauantage pour le mauuais exemple que les Chreftiens leur donnent و‎ vi- uans dans vne effroyable diffolution , fabandonnans à toutes fortes de débau= ches. abo Oj +9 DÈ Ho 1 #0 rd OX 3450 ok FO S op 20 OR O Me TO E xt i RE o AE e et ἧς à ATA LE 0 $ 9) O ἊΣ BO Ὁ Ὁ RE: d ders y D A RED ERES P SUE ال‎ AE RUIN Mt 485 EK THZ KOZMA MONAXOY X PIXTIANIKHZ TOIIOTPA9IA Y, ΠΕΡῚ ΖΩΩΝ ON, KAI FEDI AENAPQON Ἱνδικῶν,, x, DEL ms Tampobans νήσου. PLNOKEP OX. ini 7] DET 5 Calor و‎ καλεῖται Pi. τ Zt γόκερως. Διὰ ὦ ca oic μυυκτῆρσι τὰ EL. El χέρᾳτα ἔχήν' "ὅτε δὲ αξεπατεῖ, 0 以 - τὰ κέρατα. ὅτε 3 deg "o Su, Sand αὐταὶ αὶ y arm Ad Tx δ) οἰσκονταν" Ox x, δένδρα. dut cSu, CAL £A Cot Tu CJ dois pause ا مجه وموس‎ κάτω «Bini; pap eV. qu Sepa δὲ 621 ma- Pu, μάλιςα, 3 τῳ! ἐλέφλμτι πῶς ANTE UE γον" οἱ modes ὃ) χαὶ © δέρμα qo sumo. εἰσι m ἐλέφαντὶ ἔχη δὲ 3 πείχος Ty Spese UT) Enparonduor , δακτύλους πέοσω- ess. 11, 4 ei ἔνιοι βαΐλλοισιν αὐτὶ om- ον Εἰς a a ἄργτρα x2) deyreida + καλούσι δὲ αὐτὸ οἱ Αἰθιόπες T ἰδία da λέκτω &egu ἢ ὥρισι, dura Ὁ δυῦτε- دوم‎ ἄλφα xj οὕτω asesores © pia. iva 2g τῷ Mb degu ^ © ϑυρίον. RAT dea, اداع 0م<‎ ἐκ τῷ χήματος T ati ms podras aus δὲ αὶ 7 F δέρματος, È 0 eum mure. τεῦεα μα! Ne à X Cdi يدور‎ οὖ τῇ Alfzia y | انودع‎ isa uns D νεκρὸν οὶ cx- “δαρὲν à Y E Loud dues , ¡stoy c» οἴκῳ βασιλιχώ, δεν axpiGds Ka meal, TAYPEAA?OZ. Τοῦ» È Cow ὁ 0 Ταυρέλαφος ب © و‎ τῇ Ἰνδίᾳ rg) c» Ti 1 Αἰδιοπία &eioxemu. Dal TX n T Ia "pe Cia. xs) cy bois mean c) doaxxiols و‎ βαςαγας πεπέ- peus XF) ἑτέρων φορτίων, x γάλα ἀμέλ- «θέσιν dE amd xd βούτυρον. d'ua δὲ x) È κρέας ἐοϑίομϑυ. οἱ للم‎ Xesami, palos, ol δὲ EME, κοτεαφίζοντες, Ti 3 ms Al horas dz تملع‎ 601 为 aun uten. KAMHAOTIIAPAAAIZ. Η δὲ καμηλοπαρδολις,, cy τῇ Αἰδιοπία pam &eicxemu. x αὖ Tt παλιν a لمعل‎ e ἀεί εἰσιν. de δὲ Tal παλατίῳ Εἰς 29951 βασιλέως ἡ وع 6ن‎ σιν 2m مانام‎ 09١ , μίαν da ado ca NIE S e Cora αὐτῇ πιεῖν لوقه هموس‎ T βασιλέως εἰς λεκούζω 9 yag. À ὕδωρ. sl UM amd هه‎ mu ἐμιωροοϑεν δύο πόδας, οὐ Sujara Peioey X, πιεῖν εἰς Ὁ ولد .نشو‎ 3 ds X 3 eus € my τράχηλον ὑψηλοὶ A a? yir. αὐαλόγως dun Ag λέζυσα ποὺς ¿Us apor mods, 7076 dup acm) πιεῖν. y Gu qu ὡς cid μὰν RAA ATPIOBOYZ Aero 61 μέγας, τὸς rds τῷ» ὦ do. 4E où a m Aegs mn TU Qa. 7 wo- podar τοῖς ἵπαοις X T Bard oi sys εἰς mu καιμιπους" Daci o تا‎ dr. ὅτε ea) a δένδρου ἢ οὐρᾷς, Cen κλίνε- MP feum ajos è ἔχων ἐάσα! μιίαρ rob & are. λοιπὸν ἔρχονται οἱ ea d 2 siro À edge. Y TOTE QUA, 5 πὸ “οὐρὰς Bm αὗτη n Φύσις rl ζῴῳ. 2 Su EK ὦ δὲ puxpoy Cor ἔς!ν ὁ pans. xx2sda "ἢ dom τῇ ἰδία 2] متت جنع‎ οἱ ἐξγώριοι καςούρι. διώκοντες δὲ αὑτὸ, méd orar. à Ὁ στευαιρ9- ἄϑρον عوبر زه‎ EL τὸν ὀμφαλον.. δεσμιδύοντες Sme. e فحتو‎ 601 © μέρος eut) Φ ἀϊώδεε" ζουπεςῖν ὁ mp. 2200 93و26‎ ue ps Ὁ δὲ λοιπὸν αὐτο σῶμ: ἔξω piro MONOKEPOZ, Τούρ» © Co و‎ καλεῖται μονόκερως. ¿hacelo δὲ αὑτὸ. has δὲ any‏ مح yas arar as وك‎ τῇ Αἰδϑιοπία cy οἴκω τετραπύργω βασιλιχῶ πέοσωρᾳς EG - esa Sa καὶ οὕτως ratmeata. φασὶ δὲ dEi αὐτο" ori 4066 راوع‎ 6d1 x) ANATLUA= TW. CJ τω وح م‎ ἔχον Tl INI ir yu. x Lina Seed che mond d\w- xtodaj x) LAN , Εἰς xpnupor ἐ- PAMETY. καὶ p 3 ἑαυτὸν CH TE ὕψοις. χαὶ κα τερηόνϑμον αἰτιςρέφεται. xg) È xe ess δέχεται Tl ¿Alo opule. xs) dere Ces وله‎ «ed miaora δὲ y γραφὴ dinpai- - qu ae and λέγουσα. σῶσον ue ὧν 50- E ματος λεῦντων. καὶ 60 NEGATO) poroxe= ? paru τίωὐ ζαπείνωσίν pou 1) πάλιν, x3) "ὁ my armibos ὡς uos μονοκερώτων, xg) πά- "du cy ταῖς Δ᾽ λογίαις τῷ Βαλααμ αἷς 8)- " λόγησε my IoegnA و‎ Quà ἐκ TEC. ? οὕτως ὁ Θεὸς ay αὐτὸν dE Αἰγυπῆου »»ὡς δόξαν μονοκέρωτος eur] A grrr » سردأ‎ x9) πεποίθησιν χαὶ Lar εἷδτυρούσα ود‎ τω Coe. » XOIPEAASO Y, Toy δὲ X oipé pa por x) Cid فى‎ ἔφα.- .وو‎ τὸν δὲ imamrapuy يو‎ Ei jy. THE KOEMA MONAX OY XOIPEAA$ OZ Le Pourceau Ce. #90 δὲ ¿Sas da dry وعم‎ Xeug。 o vu el A ! La DY | λιπρών δεκατοιὼν ou 1) rapa lv. qoot δὲ Εἶδὸν χαὶ cy πῇ Αἰθιοπία χαὶ فك‎ τὴ Αἰγυτίῳ. PTE Τούρ 3 δένδρον 64 ὃ «g πιπεέρεως Enasor δὲ δένδρον, ἑτέρῳ ὑψηλῷ αἰκαρπω δένδρῳ jarama. Ag Ὁ Aly b) πά- yu χαὶ Agus" عون‎ χαὶ τοὶ κλήματα τῆς d'urto Aemla. ἕκοιςος δὲ Bores j d- Φυλλον €x]. σκέπον. χλωρὸν δὲ arduo 64 ¿a ἡ λεία TV mayo. APLIEAAIA, To δὲ ἀλλο لزاب‎ Αργελλίων 621 PU Atc 954a , τουτές! TY μεγοίλων καρύων TI LU. ama] δὲ TE φοίνικος Cr. ml da mAMemese 651 19) cy i, cy mad, ταὶ c» τοῖς Bajos. οὐ Band δὲ καρπὸν 3 €i un δυο ἢ Tia aha 2m ae: d Αργολλίων, ἔς! δὲ 5 24614 γλυκεῖα, rdv, © ἡδεῖα ὡς τὰ καρυα τὰ UTA SE Φρχὴς Mp τῷ ὕδωτος. γέμει y γλυχέος πόρυ. ὅθεν χαὴ eL duro πίνοισιν οἱ Dd αὐτὶ οἴου, λέγεται δὲ È vo boy po 厂 بوعل دومج‎ ἡδὺ uv. ونام‎ por 3 χαὶ o Da (doy «um Ὁ Αργέλλιον πήγνυται Ὁ دن‎ Dop and XV mescanr È mn È ogpa- xo y du. χαὶ add Ὁ ὕδωρ Εἰς © μέσον ἀπήκτον y! Mare ὅτου 19 αὐτὸ ἐκλίπῃ, ¿du δὲ καὶ πλέον Da el 5 (a DG o καρπὸς αὐτῷ ὁ πεπηγώς. X9] οὐ "ندري ةلال‎ ἔπι D pu Ta. gut ies MR LC A 3 N,‏ 81 84 ذه QKH,‏ د XEAONH. Φώκζω Tu Msn i my AA Pira xà XeAeW L2 6 υ x 7 Paar بع‎ me “πιαεϑέωαι. τὸν Se VA cal ra ἃ τίω سارف ع‎ σφάζοντες La oru, rl ἢ Parto où opalorrs, Aa DEA altr: ὡς 22 TW Ever SA xa) © #80 Xp ας τῆς χελώνης, ὡς وج‎ 621 moa uto r, © 3 ag AcAQWs , ὡς gplegu LE Aulos δὲ qu Begues. È δὲ τῆς puras εἰς χοίρφυλθυκὸν x, ἀξρφμον. 11821 THE ΤΑΠΡΟΒΑΝΗΣ ΝΗΣΟΎ. τῇ Con νῆσος ذا‎ μεγοίλη ἐν πῶ εὐκεορῶ. à c d TEALIA xat dum a mu Incdis Asu run XieAcdYGa. j ae 5 5 Enna Τ᾽ ατροξανη, εν ἢ ἀλοίσκεται ὁ λίθος DI var oc" a ay τέρω 3 κεῖ τοὶ τῆς es τῷ πιπέρεως. πέριξ D αὐτῆς, εἰσὶ νῆσοι μικραὶ πολλαὶ πόρυ. ma: αἱ 3 γλυκὸ sip E 29094 ὁ Αργώλια, ecco ca) ὡς Xi È 76101 maso εἰσιν. مو‎ Ὁ n νῆσος ἡ MEyd An cos Φασίνα οἱ eo, vavdia S6 tax 9 oa εἰς TE μῆκος ὁμοίως ἡ ALTOS PUTE μέλια, عه الاك‎ ! ! .\ e » v E e I octal, δὺο ἢ βασιλεῖς εἰσίν ch TI Wow, set » ! 2 1 J Charrior SA nA, ὁ εἷς ἔχων τὸν ὑάκινϑον, χρὴ ec ^ ' ^» "Ya 1 ' oETEe9s Ὁ ووم عدر‎ © ἀλλο, C ὦ 691 DEUTOELV » χαὶ o Aulo, μέγα. δὲ 651 χα] Ὁ لو‎ cado € jme Gy. ἔχ 5 # αὐτὴ νῆσος X, ARANA TW Ἐχεδυμοιίύτων Περσὼν Xersiduor. χαὶ pec ou τερον 3m [Περσίδος des modos, x da rri care τίω ὀκκλιαςκίω Ad- οἰ οἱ 35 oem χα οἱ | βασιλῴς, Dono- Φυλοί εἰσιν. leg 9 πολλὰ ἔχουσιν oy αὐτὴ τῇ νήσω Εἰς è 5 ἱέρϑν av» ἐφ᾽ ὑψηλοῦ κεί- Ho , éciv ἕν Uni Qu. ὡς φασὶ TUfpoud xd pera. ὃν ὡς φρόζιλος μέγας 5 ταὶ λάμπει us - MON اموا امنا‎ τῷ ἡλίου αὐτὸ ELA A MOTS οἰτίμητον aux ὃν. ἐξ ὅλης ἡ τῆς [νδικῆς È Περσίδος Ὁ y A eras, diera # moe πτλιοίοι- πολλὰ «μεσίτης olo. mo δὲ Deer à LE Qmd T Οὐδοτέρων. λέγω راك‎ è Tévigas y D 全 Pray ἐμπορίων δέχεται μεταξιν, PEUT os. oie qund ξυλοκαρυόφυλλον, τ rabia Cora κτ' χώραν sin y وم‎ ξαλλή ἵ (sie 42 - τέρω, NIMES m 11 vi ἡ maa yas). X, τὴ D pe 多 和 ὁ anis γένεται. x on- PIATT Eure و‎ ila, la X abi μέγα ἐμυπόφιον. ὁμοίως ع‎ νδοδ, trt ὁ 0 pa ومو‎ CO καςύσιν, € È apesar Yi γίνεται" x) τῇ HAN € È Ouneir, c. TH AdbvAn. È Aa τ πάλιν TX TO ἐχόσου Y Elo ἐμιποσλων Jta ud. X, τοῖς نامج ول وك‎ emba Nous. È ide duo DEL ἐμπορίῳ حل لبمار‎ TOUTE. End Nr اروصت‎ À Ἰνδικῆς. dia] γὸ c Ire more is τὺ τοῖν 0 © .الهو‎ Els τὸν OA TY T Περσικὸν ἔχων (à Mejias. Tlwte ΠΕερσί de X Dar. εἰσὶν cio ra λαιμιωραὶ ἐμπόοοκα, À 1» δικῆς Gora, Edo, Οβῥοθαὶ, Kama, 三 Eap , ἢ Mare. πέντε éumera EDO βάλλοντα 3 Direi, Tert 3 Mayaggu? , Zansrarduae , Nadorazaya , House TAUX. Λοιπὸν ἔξω ὡς DU) TETE γυ θη epa > cepta , εἰς T cxedpdy 6y n ZiereNCa ay: rest ἡ TampsCdun. εἶτα λοῖπον معدل نك‎ εἰς 学 ζερεαν y ἐμπόδιον ἡ Maesmeo. BaMyra 20 Alote. ἔς; KaGep βόνλουσα 3 Arg Gdu- Svdv εἶτα ἐφεξῆς erm 2 ei Ὁ λοιπὸν ἡ T Orem T teria Basra, ἡ ἧς مجنل رك‎ ix fav ἔτερϑι PA ὃ ὠκεανὸς γὸ TU rue xL aj ToAde, αὗτη ὃν ἡ Ec λεδίζα HEm πῶς سونال مزاسد‎ À lydyane. Dum y T- Ua xor. SE GAY TE ἐμποείων dex) 59 ὅλοις p Sd è y pta È An TOC4OY πυρά. ποτε ptu Santa DEPYAd- Tevom لاه‎ ovo al E wma E 96 oV ἴσμεν nes TEL- a XoyTa 7E VTE ἐτῶν τε λϑδυτήσθμτα. cindy وك‎ μεταῖ- les rodas τῇ TaapoGayn naa apaluarias OS © Sm l'epardds ὃ pun πλοῖον. d د‎ euo οἱ مود‎ Αδούλης, «ἴθ᾽ ὧν nv 02 ὠπαΐξος ua AJO € ei ¡San Περσίδος de art € مج‎ 666 0- “ἢ 4 EK THE τῆς Depor. εἶτα KT πὰ ὦ ¿dos ol Spy à οἱ TE- λῶώνω debardco τούτοις, mpiesto es ἢ βασιλέα" ὁ ὃ βασιλάς Jit auduos ἢ pes - quus A xA adu aia εἶτα ἐρωτὰ “τὼς αἱ χώραι ὑμὴν. x, y πῶς τὰ TES para, db δὲ εἶπον, «Ade. εἶτα as ον τῷ pila E) ἠρώτησεν ὁ BanAde, ποῖος T Ru σιλέων ὑμῶν μειίζότερος © Suvaroriess. ὁ δὲ Πέρσης dp TAG τὸν 23931 ἔφη. ὁ ὡς μέτερος È duna Tess Ta μιειζότερος y στλοισιώτερος 4 5 6 Ai βασιλέων Ci. ἡ εἴτι ϑελᾷ duwara. ὁ 5 Σωὠπαΐξος ἐσιωπα, εἶτα Quoi 0 βασιλάφ,, σὺ ῥωμεὺ. . الأ‎ Xe- λεῖς. 0 δὲ Σὠπαίΐος. al ἔχω εἰπεῖν. τούτου Tora εἰποντος" εἰ KAds μαϑεῖν leo aan dày, £s ا نه‎ mu farias , cA (gue. κα- Trent XAO. X eos 210 λαμιωρότε- ess È Suuardress 6511. Cros ἀκούσας, ὠξενίοϑη λέγων. πῶς ἔχω ποις αἰμφοτέροις βασιλέας ergo ἔχής agar € pori Gs. 12188 È γομισμα. Tg δὲ τίου ! parulò πρυτές!ν È μιλιαράσιον. xr ondo» τῇ exon duis € ees τίω aA (das. ὁ ἢ ἐπαιμέσεις xz à 57, مده ل‎ ὀκέλθυσεν ye به سأكو‎ ἐμφὸ- Tea. hà à sio È νόμισμα Leto, λαμφρὸν, ἄμορφον ا‎ CMCA 和 AEXT es eesd- σιν Cz, ζῶ 5 xs) © μιλιαράσιον dat εἰ- i, ! y apyuess. x2 ud μὴ συϊκρινόμδρος lr agn. «ptas ὁ βασιλάς χαὴ ai ripe" das, ὁ κατανοῶν ἀμφότερα" èrreyvi ¿cu rho Ὁ γόμισμα ἔφη. ὄντως οἱ Paucis x) λαμνωροὶ, È Sari, È φρόνιμοι, ἀν ἐλόυσεν co my Loro unida pera os. © καϑίσας αὑτὸν εἰς ἐλέφαντα UY πυμπόμων πίω πόλιν ديعت‎ c» TUN πολλὴ. Gora ὁ Σ ب وج ل‎ ἡ μὲν δὲν γήσοαι θ᾽ xg) ol μετ᾽ da ὕντεφ" cy τῇ νήσῳ κείνη, Sm Αδούλης ὠπελθόντος, τούτων 3 ρονϑβων ὡς ἔφησὸμ و‎ ὁ Πέρσης ONU ἐνετράπη. Meat 3 لوم‎ λαμωρον ἐμπορίων TH πσοοῤῥηϑέντων, εἰσὶ C ἕτεροι ἐμυπόρια πολλὰ 1) OIR a χαὶ 167244. , x mon 5929. αὐώτερφι δὲ τουτές! نوع 10م20)‎ τῆς [ν-- δικῆς εἰσὶ Alora Θύνοι. ὁ NESS duos Tomac, KOSMA MONAXOY 9 0 ef , / lame, εἰς πόλεμον ὡς Φασιν, O ἔλαιον TW διοαλίωνἐλεφατων X) 17701 TON. na regi 3 ὦ τῆς 1113016 و‎ καΐα δυωμα DIDA Duests darum. ποτὲ 99uo ὡς Φασὶ βουλό- pos πόλιν "PH Lido» eso dor ap Oca" τῆς Ὁ πόλεως LU XA Udan φρουρουμϑμης. AUTOS ixdas ἡμέροις ىع‎ imus X, pgpnoms x9) ajañoras © ὕδωρ Ae TW ¿ADT , X) ἵππων. à GPATORE .نا(‎ es als Enpas DPATO TUN πόλιν Peras. οὗτοι Él τὸν quasi Aldo» ἀγαπῶσι. € εἰς τὸν ξεφα.- γον eura] Questa. Mi de D οἱ Aifto7res cuvVaMazas moioudres ML T βλεμμύων ἐν τῇ Alhozia, τὸν αὑτὸν λίϑον ἕως εἰς rl) Iy- δίδω" χαὶ aoi τὰ χουλλιίςεθοντα dose gov, È Cuore m Tut τὸ e rules usu ἐϊξηγη-- coul 19 Ye ea da re 3 È ¿lu TW Tom JMuorduos, b LR ras ely, Oi δὲ xv τόπον βασιλεῖς Ινδικῆς ἔχου-- σιν AQU. δ΄ ὁ ὦ Offeta. x) ὁ Καλ- Aya) 20 ὁ τῆς وذو‎ Cor EiGop, ἡ ὁ 72 Made op oZaxona , ὁ 3 πεντακόσια, ἕκαςος πλέον À CAR TO. 6 δὲ T الست‎ y τοῖς e 2240 eu s sind» xy τοῦς IT" mu È £AcQau a πηχίσμιῷ aed ere D Ὑπὸ χαμαὶ Ὁ dos αὐτῷ" € ὅτω συμφωνᾷ È πηχᾷ Pig Φέρε و ممما‎ πεντήκονται ἢ € 3.70) vo AL TTA. ται. ἢ È 7A oy τοῖς 3 Varas à Sm F'epaidte peste aum) ἃ dosex q, xS mue gas τοῖς Es. Οἱ 3 καὶ εἰς T. cute) βασιλᾷς, ἡ μερφίϊσιν مث‎ T T لومونه‎ mes ἐλεφωνίᾷς C χτώντω ou eie TOA anclas ¿id συμίφαϑλοισι 3 È ua سار‎ ἐλεφαήτων TOMAS و‎ 0 ÿ 3 Ba- σιλέως. μιεσοίζοισι D mes δύο ξύλον Meza πλαγιον. δεδεέμϑμον εἰς ἀλλα, Sue Eva 0, -م0‎ - Ha φϑούνοντα dare εἰς Ὁ gnjos αἰτῶν, 19) 和 feu) πολλοὶ ἔγθεν κἀκεῖθεν Ades, μὴ édyres deu συμμίξαι δλήλρις 2 sut | pau ets , i + eae eoniin τὐτῆουσιν AMAS ا‎ 0 apre duri παραυτής | σεται. «Dorras o و‎ oi [doi ἐκ ἔχυ- σιν و‎ d Ma 3 ¿ay σχῶσι, epi Go An Tots has Bal 'egs. iva. μὴ Bapn «ums ἐν τῷ πο- XPIETIANIKHSE TOTO EP:A IA Y. λέμωῳ. οἱ dA Dieses CY ig ot) ἡμέρωσαι ¿Ab Days. Da εἰ τύχοι Pena TY βασιλέα ua. n DA resi ares Rar μικροῖς a Cot à Y dracpe go. ἔχει D # χώρα αὐτῶν TN 706 καὶ Moyano ὄδογτας È Germ. CA, τῆς γὸ Αἰ οπίας χαὶ εἰς Ii Nay كيت‎ ἐδὸγτες € ἐν Περσίδι x94 ἐν τῷ Omni ἐν τῇ Ρομα- una Y ταῦτα t παρειληφως a Tichpj Fides) Tg ay, Aaupé ὁ 0 por ποταμὸς. καλεῖται 99 لوجتي‎ τῇ n λεία yea. » yn τὴς Ἰνδικῆς χῶρας, Ευϊλοὶτ € GC γὸ γέγραπῆαι cA q γενέσῳ, ποταμοὺς δὲ ἐποπορόύται ἐξ εδὲμ y mr εἰ γὸ de ἀάταξιν Εἰς Ge ἔλατα T yis Tires ἐμπορίας Ag ST ix ougna διελτεν πὼς ἀν EL À Jas ant S È abs dels ὠκνησὸμ πυρά εοϑαν' duty 9 n Mops aV peratis Sv cy Th ἐσωτέροι πάντων ἵν- δια" x È delen Μέρος Giovi τῷ Ινδικ ὃ ms yos سين‎ πολὺ 8 D'ep- NZ MATE X τῆς νη στῶ τῆς και λϑ Le me as" ade Indbis ه26 224 و‎ es 3 3 mis EMna, TaresBarns Τζυιτᾷ $ ὅτω CUS κυ XAS 4E m πάλιν ἐξ LUTO AA TE MEA - 13: oantp X, n Baplaera κυκλῶτοη de δὲ- ξιῶν “مه‎ eun à φασὶν οἱ Iri. φιλόσο- Dar οἱ xx AQU املعم‎ Begxusis 011 cy βά- Ans SM Tévir(as emu prior διελτειν Dig Περσίδος è ἕως Poperias, SM κανόνος © με- eof Tum y TE X909 bol" X Ce a Ax S eus E. y) ποτίζην TY aveo. € EX EI TE a Poetry εἰς 1 > NOT € 中 00 >> TAGS 以 PX95 rote. τῷ em Φάσων" Ce € نم اي ^ بم‎ TS 1 3 990 XUXAGW mado T γὴν Évina T" éxd $ 7 " li P. 1 mv me / > 591 Ὁ peuaor © 2) ¿Quo τὴς ms ἐκείνης, και-- »» ASP اقلاث‎ ἐςὶν ὁ Ay Spa καὶ ὁ λίθος ὁ E daos" ym Eviagt σαι φέφερον αὐτὴν ὀγομασας" نان‎ me δὲ ὁ Evinar ὧν τῷ Xap ¿str ὅτὸ D πα- Alu 6502712) uoi Xau, Xotzxa] Μεσειὶμ»" PES «καὶ X naa qol?) 3> فده‎ σαβα καὶ Evi- ART. Tr O μεμείται καὶ Ly So) ᾿ἡσαβά γὸ c» τῷ Qunetri κειται)" 9 Evingr c» T» n Lydia 621 Gu δυο Pim Mess y 0 Depor, κὸλ- γῆς διαιρεῖ" ἔχε! 3 καὶ ἢ y ἐχείνη Ὁ eo” σίον xU Til روما‎ Dee ME ἔχει. καὶ Th πε- Espora λίδον. αὐτὸν D quM. di Spas ἔχε καὶ T isa Tm γὸ εἶπε Aida EG cuor, σαφέφερον ὃν ἡ ia γραφὴ ὦ ὡς ὄντος λεία, dinyciry ἃ “Ὡ-ραγμαΐα Xt τὶ χα πασὰ ἡ «E s'y paria δηλοῖ El d mo ag ros c) onm n yn Dí dui οἱ πολλοὶ QUa aou ubt) E دده‎ πολὺ Νὴ نوم عواصة‎ 6214 ὡς δὲ ὀλίγου at ys Raçayas peres med ἐκ ν᾽ cx. ὧν eda X46 ἑτέρων ἐδοναν, οὗ Περσίδι dle: τῆς VAS! 21g δὲ Φ JUL AGL o3 TU πολλαὶ Ign uale dr نام(‎ 0 dm È Περσίδος" ὅσον D ene ed ὁ 0 X3A7TD4 0 Περσικὸς € ἐϊ- PX cy Fa, qom Oj gsiua πά.- Any Dm τῆς Tacegcans x نه‎ ποιεῖ ὁ Ski (o. o Etape meros ὡς οὖν αὖ τῇ Pm Τζυΐτζα' "a ᾿Ὁ καὶ gusta πολιν ino Lago Dm τῆς exe ec TZ Pepe xor y ὅλον Ὁ Lir πέλαᾳ- 995 ἕως Ταιαξοθάνης è X ἐπεκῴνα: Δ δ τεμ-- νᾷ do mare ema ὁ Ag τῆς ὁδῷ (n cm Tir ba Περσίδα; TE o πλῆθος miss del CX τὴν Περσίδω deir): περαιτέρω 5 πῆς 1 اي‎ A vrAeemu , GIA oucel(ou* So γόϊζυ È Tä- viré ὡς Tm ασαρτία àpOws Ea τὴν δύσιν de μετρῶν le denas. τῷ me τῆς yns ; Giprori «Cle ἔλαιον, μονῶν À m μιλιὼν A, MeTeLTEOI B ceu zu) πῆς Tüeton ὃ ἕως τῆς vens Περσίδος Tcu. " gmia Τυδία. el 7 Baxrçor mer, Ein «e mà para pr Εἰ un m πλῴοις Che ie χαὶ πάσα À Περσῶν eo. Hora] T. y 3m τὸ y NínG a Σελέυκήαν y Mora) "y. 4 ij EK TH2 " vun Σελδυκείας 5 Pa un 2 Eu χαὶ 16 “gras τοῖς νῶν وزع‎ μένοις arrete ἕως De δεῖ pr ἔξω © zie my dx > paa] pr. ei πλέον ὡς yo duel 0 πᾶν μοναὶ τετραχό- ot πλέον ἢ Rede Ὁ δὲ πλάτος αὐτῆς Sr TW su pop 4 τόπωνξω; TZ كان‎ y PNEU Cia μοναὶ y. ὧν» ὃ à κοιασίας Üangoms τῆς Εἰσξαλλόσις ἐκ E ὠκεανῷ, δυνατὸν conecuoday x9 Ta cixov uda. μερῶν ἐκεΐνων" χαὶ “Στὸ τῷ Βυζαντία مادم‎ ἕως AncEdudpelas , μοναὶ v. χο! δ πὸ Αλε- Eayipcias ἕως TI καζοιρακτῶν, pre X. xs) zero TI κατα ρου rl ἕως نتن‎ pues pora As È zu) ἀξωκεως ἕως ἄκρων τῆς Αἰθιοπίας τῆς Λιξαγοτοφορου yns τῆς κα λουλϑμης Bap- (χείας" ἥτις € apost τῳ ὠκεόμώ: ὁ πλυσίον Spa X, μακχραν ἔχουσαι À σασου .-- Aes! ὑςτί τίωυ ὅσον τῆς Al ὁπὼν γῆς, μόνω u'. πλέον ἢ ERO ὡς $1) ὁμοῦ po νας c. πλειον ἢ egeo ace © xL ul ὠληϑένειν Y δείδω eaqui A TAG يو‎ πλά- nu, © μῆκος τῆς ns eara ie doo" roms Pr τίω CT UC D ὡσὸμᾳ rw Var pal Ty Ys Unos mix «ὦ πλάτος πήχεις ptas? (2151 ges Al atom oegs eia ἀκρᾳ Us A Bora καεσθγήος rd à dra: nv δὲ xeayoy ἐπέκφα tg von: ey € oi + + Βαρθαρίαν οἰκρεῦς πες ὡς ἐγ[υϑενοντες. er Quel, ST τὰ Jue oo - ya © west Bou 5 κομίζωσιν ἐξ e G 2001 ἡδυσμαίτων' λίξανον, nare day" ALA MOV xe) ἕτεροι πολλά" € αὐτοὶ πά-- Alo Sg θαλοίοσης κομίζασιν cy τῇ Α δούλη € cy τῶ © ملع سد‎ , καὶ © τῇ ἐσωτέροι 19- da © cy τῇ Περσίδι" n 3 αὐτὸ È c, À βασιλείαις Uprods γεγραμμένον ὅτε ἡ βα- alos Lala τῦτες! τῷ Oumeirs ἣν πά- ساح‎ καλεῖ ὁ Κύρμος y δ) γελίοις βασίλισ:- dp voti, Tal σολομώῶντι ἡδυσμαΐῳ ἔφερε Tos Sm αὐτῆς τῆς Baplaeras ὡς γήτνιῶσω Els Ὁ env € pat ἐξεννίνους € πιδηκοις xj οι valor ὧν P Αἰθιοπίας" ὡς ATI WIE 0 mv D 了 Th Αἰθιοπία 4 ni meg TY Appalencs X9 入 - 78" دوع‎ duo πάλιν € ὧν TI λόγων τῷ Ku- eis ior ds om πέρατα γῆς καλεῖ, αὐτοὺς KOZYMA MONAXOY T τοῖς TV وم‎ Yrws λέγων" 8 يله‎ 61 Ade et vorg ἐγέρ: ce Su) C» τῇ xplad UY À γενεας uti X9) ce καζοκρινεῖ auris ¿mn ἦλθεν Coo TN mesi ce των Φ MS dir T σοφίας Σολρομώνος: CEA ce drid yo ms Baplaetas ὁ Ounerms: τῆς duros erals σης > πορείας ἡμερῶν de Ono» δυο" εἰς λοιπὸν inedia. ὁ ὃ ὠκεαγὸς 6: Ὁ xx. 29 mue) ἐκεῖ Ciypior ἡ δὲ دقوع‎ edv. σαΐσου Cala πλησίον rd τῷ ὠκεα- V ὡς È τῆς" λιζφαγοτοφόρου MS, πλησίον ὁ cdueduds Pa χφμέάλλα πολλαὶ χρυσίῳ ξηουσα" ἕνα, δὲ TS d ἐνα, ἐνιαυτὸν. ὁξασιλεὸς TW our نو بد‎ τῷ apy ms ὃ Αγαῦ, mm ὀκεῖ albe mous ἰδίους ἕνεκεν DEPY: parias agus و‎ στευεξέρη5ν.} ὃ > amis i ἕτεροι πολλοὶ qup tr Cg parti vo uo ἐς di) éme TEVTANI ONOY dép" χα) mé - equa δὲ ὠχεῖ Goa و‎ È ὥλας, X σίδηρον" ὡς 5 éyyus Thé ates toy, TOO le me πον madodp* φέροντες Se divi πλῆθος, ποιῶσι pued φραγμὸν © ἔσωνι Di]. γϑυσι € usar Θόας xs) μελίζασι, ἢ are 6201001 Edu TW. ἐχόμθῶν Gore x9) τοῖς ὥραις, χαὶ τὸν σίδηρον" per 3 ὠκεῖνοι οἱ ἐγχώειον pe CONTES o eus ὡς Seppia Tie θρῆνο v Jar € amar ἢ ἕν λέρμιον ἢ a ua à à πλέον edo Y recon) puedo" ἢ Εἰς mts λας» n Εἰς Ὁ σι dvegi € ἑιςήκει m pelo" eyyQ 8 ὁ Κύριος Tg 6005 καὶ ¿ay ἤρεσεν αὐτῶ ἔλᾳ- GG; “χρυσίον, seite ἐλθὼν ἔλαθε ὃ netos Amis dg, " © adwelor Es δὲ CÉX à ἤρέσεν ar” "Q4 m ze uato xe) ἦλθε x sc xelvog ϑεω-- parón cars 1 76و ممه‎ 7 nubes perio ag x9 aer ie d 6 καὶ "n rua ἣν ἐ ἐκεῖσε" "d 19 ἀλλόγλωςοι Εἰσὶ xs) ἑρμηνέων μοίλιςτι πολλῶν TUmteg9uci* moda?) x τῦπον Εἰς trento πίω χώρφν," ue eos TENTE" πλέον ἢ Enter XT T esca املد ورم دنع‎ x Xj POM HN (tM Tg Sym esa terra. ον το ἢ روت‎ φῷ πάλιν" opa uua dor ἔνοπλοι ope © uon نوك‎ © e e) mas μεταξὺ T γύρο ς᾽ ὀπηρεα Corm dii. xy ἀφελεῖν Caron dr avi È γευσίον" Ese sU ποιοιοῦπες δὲ ἐξα ms € ا XPIZTIÁNIKHEZ TOHOFLIPAS9IA:Zz > ποιῶσι Tl) ¿meras ἐν Ta) ὑπαάγάν x) ةمه‎ - ἐρέφᾷν αὐτοις (ρφιδυτέρως «XE mu Two τες εἰν τῷ ara μαλιςα نوك‎ (a. ἀλογα" NAO = φςρέφοντες ἢ amudalorregv iva uy οἱ Ye ves xa) οἱ δετοὶ xa a2 a any aso ἐν Th ὁδιῷ- ae; pp (a. κεῖ. δεὶν " κορυφὴ T9 Νείλου ποταμοῦ" X9) x Micra cod T πολλῶν ve, πολλοὶ ποζαμοὶ de avg لسابو‎ odii Jom ἔς! δὲ ὁ χεΐμων T magi xL 3 MP ἡμῖν "ege ou TE κατ᾽ Alyoztlions 57101 μῆνας Sun ἕως πέλοις τῷ Hb σῷο- pos xs Te ope oy τοῖς τρεῖς μῆνας ὧςε πλῆθος ποταμῶν ποιεῖν πόρτες δὲ 57 τὸν Νεῖλον Cx- κέοισι Cura 3 Te mm oli πρελαῦον. Gi δὲ ἀκηκοὼς de avi! TW ᾽ ἐχεῖσε mesa "EVO JA CV اف‎ γέγραφα" βόλομαι δὲ ἢ ἑτερϑιν ser διηγήσοι gay TA σῇ dU» Gela 0zLO- τελουσορ (63s TW رفون ومهع‎ aja. E τὴ ἀδουλὴ τὴ Adan TV. Αἰθιόπων πό- Ad Tue IQ τυγχόρμϑσῃ ὡς Sm μιλίων δυο Ad ὑπαρηύσῃ τῷ AËouril ἔϑνοις" ἔν- θα, € rw ἐμπορίαν mod ua e" à] dm Αλε- ξλυδρείας xs) Ande ἐμποράν o doi | ess 021 xeludpos co τῇ >eyi τῆς πόλεως" XU Ὁ δυτικὸν ME £96 ATEI ἐχὼν Ha سا‎ ὁδὸν ἀξω. عم‎ users" ἐνὸς TM Candy rev Sada Soreuali. Sm unas 外- is λϑυκοῦ" οἷα Εἰσὶ @ name τὰ A4- xa' Y AUTO rgesxomoes ἔχων Gay Te- ραΐγωνον xs) Troswea XioVid, Nera pungs Εἰς € πέοσαιρᾳς γωνίας" x) ἕνα παχύτε-- Q3! μέσον )eyAu voy eoim € ¿mua Y xuovicor © καϑισμα" χαὶ © αὐακλιτὸν τὸ OT QE Ty Sess € Ce RPTE rAÓU- ون‎ δεξιὰ xd “وم جات‎ ὅλος ὁ ووم اك‎ #Ca- as x) @ €. mona, χαὶ © xs ipaa , x) Ὁ αὐακλιτὸν, χα τὰ T pexs mies πλδυρᾳ È 2g. Εἷς λίθος γεγλυμιϑμος" ἔχων ὅλος ὡς ms ولك‎ ἥμισυ ὡς αἱ MP Y diy oa κα- Kip. omo 5 ayy τῷ diQegu, amo م‎ εἶδον Sm Gacærirs λίθου 62]y ¡cubos ὡσεὶ EIZI AE KAI TA lPEFPAMMENA EN ETKONI x πηχῶν qeid TEA yuver ὡς Εἰκῶν" ἧς » re Quin 8 tà pr ap ὀξὺ aio" (a. ment meg δὲ, μικρὸν ةسمه‎ ves ὡς TUTI TE Soils TY λάμδα" ὅλον A τὸ σῶμα Tered- peros: νυνὶ δὲ alti n Εἰκῶν "redox tja. 6210 omo τῷ δίφρου" Orar "Tuv μέρος سه‎ τῆς κλαοϑὲν χαὶ ιπολεθεν" 07 δὲ Ὁ D μαρον o δίφρος TE TA npo M ac »σαμμά = τῶν ἑλληνικῶν" qe pov dùv μοι cy τοῖς 14 caes τούτων TI. cyiao Th Eiwa rev TE σιλέον À بورع‎ ov: c» τῇ ἀρχὴ τῆς ξασιλείας lo. ورك‎ TÉ ρωμαΐων ζασιλέως" ὁτηνικαυτα CanAdle TW Aza لود‎ Ἐλεσξα αὐ μέλλων ἐξιέναι Cds πύλε μον mess 14 Ones mu DA, yea pá τω apo αἰδούλης" αὐαλαξεῖ, Ta ἴσοι TH γεγραμυϑύων c» τω di dpa Tu ax - Acuario x τῇ Chou à vmquAa sur. Xs AS ae δὲ sue ὃ TOUTE ἄρχων srouar Aa Gaz χαὶ 4 λλον ἔνα ara rd ¿ropa Mn- va) ὃς γένομϑρος μοναζων cy τῇ pate d ae πολλοῦ τὸν Giov erimate: 1e AU? Yu e TAI χαὶ rape ey Ta 240.4 Ud &'Ag.- Cortes δὲ 5 Se wx du Tu] apro KA TR = - δὲ ἑαυτοῖς (a. ἰσα" & x; vuo now يوت‎ ζω- τὴ τῇ OUy eun συμξαλλονῦυα ἡ μὲν mess πίω Δ τόπων χα] TF. οἰκϑιοῦτων χαὶ TW tri μάτων Elma ÁJegudu? xa) c» quis 071691016 TZ δίφρου A yA Mos: TOP TE Yeu ca. 3 épuia "ot 0 “دهم‎ ἐμοῦ μαχᾳοίτης Mnraÿ Lc) τὸν j£. egi a, , σύμξολον 24) duva= pens" τὸν 5 épusa ANETO" κοίγω δὲ uyn- Ses PY ποράζεων TM BIAC! , 26ت‎ - 991 αὐτῷ ess È ἕν λέγων" ὅτι τὸν ἑρμέα μᾶλλον συμίξολον 29790 621 Ag Ger Gu Py γέγρατῆω ἐν ταῖς σραξεσιν S Tl Cxsc- Aouv TOY À Capra Gap a δία " τὸν δὲ παῦλον, epu. od αὐτὸς ἦν ἠηϑύμϑρμος τῷ 2595» ἔς; ¿ús Ὁ Neg; καὶ τὸ /加 kxegy, aux καὶ αὐ- τὸς 2 alos : ὁ δὸς ἀπασρυσα zm A fovans الهم لع بكرو تبج‎ : TH TAPPA 8 EK THE KOZMA MONAXOTY. . Βασιλέϊς με; ναὶ ano AE 406 dos. ζασίλεως πολεμία, y χαὶ Gua Apordre, 3 ar ASADO, TW 626104 or ILreAuatv و‎ 19) Galen; Βερενίκης, θεαῖν cu σωτήρων m- > ENT (a. 3m Lp 1 TY διὸς Ὁ δὲ xm μέξος Διονύσου TE dis, ruega 3 Cor ar TE و وعم‎ rl ) ζασιλείαν Αἰγύπηε κα x AiGins-à y X uejas" χαὶ i Bonne, Οὐ Κύκσεϑυ- È x Aura. χαὶ à Kaelag PA y TW Κυκλάδων νήσων" ἐξεςράτδυσιν εἰς lv da ud Sura secov 7r rm 1 Cray καὶ $i ἱππιχῶν" τὴ ναυτικοῦ ξύλου" X) ÉAEQai Tor πρωγλοδυτικῶν È Ÿ Αἰλιοπικῶν d 0 πε Mp ALTE x, «los exeo ms , x للم‎ χορῶν: τούτων pd KL TR a5 Tis εἰς Ayo rra odo «aes leo ΠΊολεμαϊκξων χρείαν. werden δὲ τῆς τε ἐντὸς Εὐφράτῃ χω mune à Κιλικίας ὁ Γαμφιλίαρ καὶ à [Ιωνίας x CAE Y Encore y egos: 5 Te Soya uscar € T ولد لماعو لور‎ πασῶν" ὁ ἐλεφαύτων Ἰνδικῶν" χαὶ mt وا به اقلم‎ τοῖς ἐν τοῖς τόποις ri NT nX0Y6 CE Aen τὸν Εὐφρᾳ vla ποταμὸν, y τών Μεσοποταμίαν. ῥὁβαζυλων y Eounarw y Περσίδα Mandela καὶ y Tus Λοιπὴν mich , ἕως Barelayñs. UT a mince vos è ὀἀὐαζιτήσας È ὅσαι an لزه‎ Περσῶν ἱεροὶ dE Αἰγύπῆου Eng: χαὶ aj 9 μίσας MU "s ἄλλης γαζις τῆς Sn TW. τύπων Εἰς iur > Muauus ἀπέτειλε CM. ὀρυχλώτων ποταμῶν". Ad dd der Ku Gore ἃ à 4 τὴ ἢ ἐικένιὀγόγρατβο ἃ ἃ Leordu cà SEU ETT Sed (a. xis 7 Gr D πολὺ ἦν T τὸ χκεκλασμένον μόρος αὐτῆς" εἶτα ὡς 2 αἰκολουλίας,, € εἰς τὸ Dogs ὃ Wm. Me ἃ αὐδρειῶσαις, 2 NE ἔγγιςα, Ty Band, μου TA tipe Te Acunia È ὑπέταξα . لعر/صا‎ τὰ i yea pda. cd Ta ¿Sn ἐπολέμιησα, Aun: Σιγύην é eriam τίω ἡ μίσειδν TI i αὐτοῖς dur È αὐτῶν EC A ja e Tue mu rega edite Τζαμῶ: καὶ τοις Γαμβελα" x3. ὴ ᾧ € ἐγγὺς dn eoo. T πέραν TS γεΐλου' ux) ) Eye “هروث ىس‎ ê Tia qaa C Αλαγαοιζ' a) ) Kar ὃ Σεμῆναι" ἔϑνος περαν τῇ νείλφυ" ELLE χεονώδεσιν ἢ opeon, answos'e &voig ms ngeni È: xpun à χίονες βαϑύτατοι" ὡς Map) orar καταδέωειν apa: τὸν πὸ μὸν 21g. Gas إن‎ v ‘mirata à ἐπειτο Ago" X y Ca" x2) id ¿ans a è, operi Sepia 0 τῶν Beer © te ῤῥύτοις" Δταλμῶ y Biza: X Wow αὐτοῖς ¿Son ποτα" Tay) Ka τοις mz TÉ τῆς TAS Apyzjev è ὀείων οἰκογίᾷς latas, Πεζάυ εὐ ἐποίησαι rl ὁδὸν, 37 TV τῆς € ἐμῆς βασιλείας TT) MEM Aid ; ener Alive: x) Menive ἐ ἐν zm ἐμφοὶς > cu open E ota, ἔϑνον ἐπολέμησα" ὃς Ἢ DT Yo ϑυφβατωζωτον ὃ ces d si Peg pron TI apor" Y ἐπελεξώμέω ipai mel" - TUA τε νέους «old à Ὁ was ὁ TY A / ni E ex x APR χαὶ πάσὸμ πίω الو دراه معن"‎ αἱ αὐτοις κτῆσιν" "Paucis ¿Svn taie Nen 1 Iu dr γωτοφόρων Βερθάρων' oho as c cms. NON ENT aj Spar: à Ὁ Σωλάτε È Gpos Ure » Za. ois οἷς X mu ad Udi هلود‎ Φυλρίοσειν. ANT Gora ὃ ὃ TANTA (©) ¿Sun dien v ieuegis πεφρρυφιμᾷύα. αὐτὸς ¿yw ὧν T rd mapa» E νηκήσεις Y amas »ἐγαρισεὶ-. μῶν au mis mimus Gi aene a Qoesis ἄλλᾳ δὲ πλεῖςα ¿Sm, Ex9rra TETE M Do 57 1 Doegis” xd πέραν ὃ τὴς ἐρυ,ϑρας dao ne elsa Ae as È و ؛ ونم سدم يعمد‎ Tune ναυτικὸν y mna dere aduos xod ra are me βασιλέας peu τῆς 2 γῆς τελεῖν Gu A oou: καὶ ὁδευεαῖ, MP € ἐἰιρήνηρ xe) Te today 2m τε Alis iuis م‎ ?Ea- a Cecov ess ¿masa πόρτα A Gori ¿Sm , DEPT 0 puros βασιλέων TY y ἐμοῦ ὑπέταξα" δὶ ἣν ἔγω τὸν μέγιςον ϑεὸν μοί cpl مويله‎ ὁ 06 [LE ἢ ἐγέννησε. Nu πόρτα τὰ ὁμοροῦντα τῇ cun yr Sm de αὐατολῆς Mere τῆς λιξανωτοφέρου. Sm xm ὃ 3 Morse | μέχρι 9H ms Arias: κα X, Σ᾽ σου Tomy UT ἐμαυτὸν ἐπόιησαι" dí αὐτὸς, ἐγώ DU À νικήσεις" à 3 ١ lero nópos* yo Eiprvn ecran πόρτα my ὑπ᾽ ἐμοὶ κόσμον" xx" 1 9» Εἰς du A dày AL τω Ai X τω A" pd ^ τῳ" Ποσειδῶνι. Juanan] co + T rail toon. di Sesion δὲ pau (epe miuste: i LO ὃν ποιήσεις ὄχι τούτῳ τω TU καϑισας, my de me "det abad à ape ἐποίησοι" ἕτει τῆς ἐμῆς βασιλεία مومع‎ E È + XPIZTIANIKHZ TOTMOTPAJIA Y, Καὶ om (a ὦ πο epa γέλξαμι- SIAE ἕως Se τῆς σήμερον ἱμέροις, cy ἐκείνω πῶ τόπῳ" ἔνθα κεῖται ὁ δι (Pese, Evae s tr αὐὖ- my ποὺς κοι τα δίίκοις Φονδυσσιν" Εἰ coe τῷ جد‎ - 2218 τῷ xa o τὸν σπηολεμαῖον ἔθοις aS (o κε- κροατεχός , εἰπεῖν Co ἔχω" Cura δὲ TESINA δεῖζαι Budsaduos ὡς ALTOS πίω E α'ἷσου E τίω Βαρβαείαν, πέλος τῆς Αἰθιοπίας dicio: ἔπίσαται" mcs (Es ¿Sun ἐχεῖνα, ramitas ἡὶ τὰς ess ἃ x9) vica. el aoTW ar - pdas τὰ ὃ doma € ὡς ἐγγυς PI muy ῦντες, expiDdis teat ϑήκα μϑν" τοὶ γὸ πλεῖσαι لزاه‎ αἰ δροπύδων Τὴν ἐρχονϑύων CE αὐ δ ἢ ἐϑγων Ein à © &eicorry Pg τοῖς ἐμυπορθυ.- 人 or ἐχεῖσε" Dra (€ Zee CA Danae yd e eras xs) Te xpun 163 €x E OE 0 Baia TW a) opu nixa. "ira Eois κασει mx p ey cy “مه برع هيك‎ mu j RES A ppa D as 为 gx x2) vl Za- βέων year, τοις Ομ εἰς λέγη" ἔςιν xo È ὧν Boms τῆς isoelas | αἰκριβῶς conse بعوذيهه‎ τὸ πλάτος τῆς 715° Sm TN sar ep- βορείων TTUV ἕως τῆς La σου ᾧ τῆς λιβανο-- mese BevoBaejee 9 πλείω لو‎ κοσίων pora ἐξ) αχριβεῖς D ἐπισάνδμοιὰ αὶ πολὺ 和 [iniores Tis anfrlas τὰ jx 应 birds xg) Nerd @ Se Pass pus aree, ατεγφαφαυϑν" GE xa) κα τῷ LE À lay 22m ἀἰλη)ευειν" mu 3 9 Eco QU Sasa coz, dote μᾶλλον χαὴ 07410 ore" DUI x; γραωώδεῖς يو للم‎ نو و١ اك‎ por, ess انمو له‎ τὴς نولم لوم‎ Tu ὦ Τὴ τὸς x αὔτ AAT 18 pete E TEC PET yo T: G'TE eg V τῆς κεχαυ Ad Ms" ousicw τῇ vi) ὑφ᾽ "ud οἰκου, δι ς "d Go ὃ à dfus € ἑω نوع‎ κε πώποτε ὅτε ἀἰχήκοε' πῶς y» ἐροιοϑείη" y αἰκωνοϑείη, © μὴ τὴ e Ama, αἰεϑητὼς لب هن‎ νϑυον" did Y | Test δεκτίον τοῖς co PAnræ Que TTE. τινῶν σοφιζο δίων @ τοι- Ue τυγγανέι ὦ καὶ أ‎ magia διτίνες συφίομα.- σι πιθανοῖς, ἔδοξαν mares nu ces αὐτῶ vero adv amis د بيد‎ τες "eda C» τῶ ares τούτου λόγω τὸν ἔλεγ-- χὸν ὡς Ch Beaxiar ἐποιησου μεθα, PAPA ا‎ E El. TON 7702 أونا‎ ل٠”.‎ Καὶ 3Ò ᾧ τῇς ὁ Πτολεμζαῖος. εἷς 619 Ba- σιλδυσόμτων ΚΦ λέξον Spov τὸν Μακεδόνα, Forester ali ὧν ὁ πσροφήτης Δανιὲλ (ae sque 2e Opec εὗρ. dC ajpé TQ? , ca v cromo , TY ἸΝαθουχοδονόσυρ' € τω ὁράματι I πεοσωρων Oreicor DI αἰκξαι- Voy των SID τὴς θαλαίοσης, ὦ ὧν εἶδεν αὐτὸς ὁ Δανιήλ نت‎ de menon χεφαλζω avene ἐν ces ματι, λέαμαν" σημαίνων rl TU Ba -‏ لج أذ Buds» ap yluo TOUTISI τὸν NaGouyodbioop, Dr ANNE ANA AR AREAS DI qa‏ 5 ع2 AE LE‏ 36 35 32 3 9زم 8ج doen ds PRIOR HE TR ATER SER τιν LIL rana (5d DUE P e SCRIPTION DES ANIMAVX. ET DES PLANILES.DES INDE S, "AVEC VNE RELATION DE LISLE TAPROBANE, tirée de la Topografie Chreftienne de Cofmas le Solitaire. WUEOCRHINIOC€U'RGOS. Ce manul- N la nommé ainfi à caufe descornesqu'ila furlenez , quand i ΕἸ : 4e 5] marche, ces cornes vont d'vncofté & d’autre,& ne sot point ar- , Ea Al reftés ; mais quid il entre en colere,elles deuiennét fi roides&fi que de (aint | iq dures , qu'il ny a point de tronc d'arbre qu'elles ne déracinent, | Hard. sel principalement quand il les heurte de front. Il ales yeux pla- ff cez fort bas, proche des machoires; c'eft vn animal terrible & A al l'ennemy de PElephant, auquelil reffemble par les pieds, ὃς par à ¿ad de 12 peau; quand elle eft feiche ; elle eft epaiffe de quatre doigts, & fidure , que quelques vns s'en feruent au ica de fer, & en fontle foc de leurs charrués; Les Ethiopienslesappellent enleurlangue Arouharifi, nom compo- fc d'Arou , qui eft le nom de cette befte, & d'harifi, qui marque leur fituation (ur le nez, & l’vfage que Pon tire de fa peau pour labourerla terre. Pay ved de loin en Ethiopie cét animal, & là mefme ie vis dans le Palais du Roy la peau d'vnautre qu'onauoit emplie de paille; c’eft là deffus que ray fondé la defcri- | ption fort exaéte que ien faits icy. LE TAVREAF CERF. Cet Animal fe trouue en Ethiopie & dans les Indes, il eft priué, ils fen fez- uent pour voiturerleurs Marchandifes, principaicment le poivre , qu'ils tranf- portent d'vn pays à l'autre dansdes facs faits en forme de befaces. Ils rirentdu lai& de ces Animaux & en font du beurre. Nous en mangions au 全 la chair, apresles auoirégorgez , comme fontles Chreftiens. Pour les Payensils lesaf- fomment. Cette mefme befte dans l'Ethiopie cft fauuage, & ne f'appriuoife point. Las GU S AE الا‎ Le Giraffe ne fe trouue point ailleurs qu'en Ethiopie. Il eftfort fauuage , & ne f'appriuoiíe que tres-difficilement;i'en ay veudeux dans le Palais du Roy ‘qu'on y auoit appriuoifez delongue main pour luy en donner le plaifir; Illes fai- foit venir en fa prefence, & i'obferuay que lorsqu'ils vouloient boire, & qu'on leur prefentoit de l'eau ou du laiét; pour y atteindre, il Falloit qu'ils écartaffent les iambes ; autrement , comme ces beftes font hautes de deuant , elles ne pourroient pas boire; quoy qu'elles ayent le col fort long. Pay obícrué de mcs yeux ce que j'en rapporte icy. BOEVF SAVVAGE. Le Bœuf fauuage des Indes eft fort grand. C'ett de cét Animal qu'ils tirent le Touffa, dont les Officiers d'arméc parent leurs drapeaux, δὲ qu "ils mettent fur | la tefte de leurs cheuaux par ornement ; Ils difent que quand cét Animal fe trou- πα πα πε Lies! joke ETDESPLANTES DESINDES. r9 ue la queue embarrafsée àl'entour d'vn arbre, & qu'il ncfen peutdeffaire (ans y perdre quelqu'vn de fes poils, pluftoft que de foutfrir cette forte de honte,il de- meureli, & donne le temps aux Indiens de venir, & de luy couper la queuë; qu'il Penfuic apres l'auoir perduë. DEMT SIC, Le Mufc eft vn petit Animal, ceux du pays Pappellent Caftoury. Ils le Vee la fi 3 x , ^ Y x re chaffent , le tuent à coups de flefches, & luy oftent vn amas de fang qu'ilaàl'en- ra droit du nombiil , apres l'auoir lié; car c'eft la partie de l'Animal qui fent bon, le texte & ce (ang cft ce que nous appellons le Mufc; Ils 1ettent le refte des chairs com- po me inutile, » LA LICORNE. Pour moy ie way point veu de Licorne , mais bien quatre figures de Bronze de cet Animal en Ethiopie dans le Palasi du Roy, nommé les quatre tours; Ils difencque ceft vn Animal terrible, & indomprable ; que toute fa force con- fifte enfa corne ; que quand il eft pourfuiuy par les Chafleurs و‎ & qu'il le void furle point d’eftre pris, il fe precipite duhaut des rochers , & tombe fur fa corne qui fouftient tout l'effort de fa cheute, & ne fe fait point de mal. llen fait mention dans la fainte Efcricure , lors qu'elle dit Sauuexzmoy de la gueule عنطق معز‎ . des Lyons & des cornes des Licornes ; & eri vn autre endroit, Son Bren-aymé, comme le mention dés ls de la Licorne : & danslesbenedictions que Balaam donne au peuple d'Ifraël: es Dieu l'a conduit de l'Egypte, € luy a donné la force des Licornes , &c. l'Efcriture rendant r tcímoignage par tout a cer Animal d'yn courage & d'vne force merueilleufe, LE POVRCEAF GERE. Pay veucet Animal, & i'en ay mangé. Pour le Cheual Marin, ie n'en ay Voyez le Fi point veu ; mais Pay achepté de fes dents qui pefoient bien treize liures : il fe gure dans le tiouue beaucoup de ces dents en Egypte & dansl Ethiopie. FES LE P 0 117 RKTER. L'on appelle Pipe l’Arbre qui porge le poivre. Les Poivriersfattachent τοὺς jours tur vne autre elpece d’arbre qui ne porte point defruit, & quialatige fort haute,autrement ils ne fe pourroient pas fouftenir, leur bois eftant foible &fem- Où bien blable au ferment de la vigne. Chaque grappe de poivre a trois feifilles quila cta de couurent ; tout cn cft verd, & d'vn vcrd fort femblable à celuy delaRue. poinis a 1 eux écor- ΡῈ OO 9:5. ces, Les autres arbres qui portent les grandes noix des Indes, que les Grecs ap- Les Petfans pellent Argellia, font fort femblables aux Palmiers , fice n’eft qu'ils font plus VELA . bauts & que leurtronc & leurs branches font beaucoup plus groffes que celles Nargel, des Palmiers. Le fruit ne paroit point d'abord ; Ces arbres iettent premierement deux ou trois guaines, ou enueloppes ,lefquellesfe rompent à mefure que pouf- fele fruit qu'elles cachent عق‎ qu'elles enferment ; Ces noix font auffi agreables au gouft que les cerneaux des noix vertes, elles font pleines d'vne cau fort douce quand elles font noupelles. Ce 人 le vinjdes Indiens, & leur principaz - le boiffon ; Ils l'appellent enleurlangue Roncho Sours. Mais fi onlaiffe durcir ces Tics aie noix, ou qu'elles foient vieilles cueillies, la partie de cét eau qui eft contre la pele encore | b ij maintenant Soura,& vn autre Voya- gcur dit qu'ils nom- mét Oracca Soura cette boiffon lors qu'elle a efté cirée par diftila- tion. Les Geogra- phes Perfiés l'appellent Saranl , qui εἴ le mef- me, car L. & . R. fe chan- gent louuét. On l'appel- le Ceilan communé- ment. Deux cos font vne Lieué de France. Les Chrériés de la colte de Coromá- del, autre. ment deMe- liapour , ou de S. Tho- mas , recon- noifloient le Parriarche de Babilone, aucremec dic lePatriatche des Karami- tes ; & il re- fte encore aujourd'huy quelque marque de €etre recon- noillance. Monfieur Vollius re- marque das fon Pompo- nius que les Indiens onz par tradiciò, γ 20 DESCRIPTION DES ANIMAVX coquille fépaiffit & fe caille,8z Pattache à la coquille de lanoix, le refte demeu- ὦ re long-temps en confiftance d'eau au milieu du fruit & fe perd àlafin, le fruit en dewientaigre, & n'eft plus bon à manger. LE VEAV MARIN, LE DAVPHIN, LA TORTVE. Pay mange cftant fur la Mer du V eau marin ὃς du Dauphin,nous mangions auffi de aTortué,quand il s'en rencontre de fort graffes; pour le Dauphin & la T ortué, on les euentre ; mais l’on affomme le Veau marin, enluy donnant vn coup furla tcíte , comme l'on fait aux gros poiffons. La chair dela Tortué eft femblable au Mouton;celle du Dauphin refséble plus à la chair de Porcielle ett tendre & agrea- ble au gouft comme celle de la Tortué, mais elle eft plus falée , &a yn goult de fauuagine. La chair du Veau marin tient dela chair du cochon de laiét,car elle eft blanche, n'eft pas fi falée, & ne fent pas fi fort la fauuagine. EIUS DE ¡DARRO BN E La Taprobane eft vne des plus grandes fles de POccean; elle cft dansla Mer Indique. Les Indiens Pappellent Siele-diba, &les Grecs Taprobane; on yrrou- ue des lacinthes; elle eft au dela du Pays oüjcroitle poivre. Il y aquantité de pe- tites Ifles proche de celle-là, quionttoutesde l'eau douce & des noix de cocos dont on tire yne cau qui fert debreuvage. Le fond de la plus part de ces Ifles'eft de fable : L’Ifle de Taprobane felon le rapport de ceux du pays, à trois cens cos de longueur & autant de largeur , ainfi clle a de circuit vn peu plusde 900. mil les. Elle eftfousia domination de deux Princes qui fe fontla guerre. L' vn cft Maiftre de la partie de l’Ifle où fe trouuentles Iacinthes , & l'autre de celle où cit le port le plushanté , & qu’on peut dire eftre le plus gus de toutes les Indes. Il y a dans l'Ile vne Eglife pourles Chre(tiens Perfans qui y abordent fouuent. Elle eft feruie parvn Preftre &vn Diacre qui ont receu les Ordres facrez en Perfe. Ils ont toute la Liturgie Ecclefiaftique. Pour ce qui cft des peuples qui habitent cette Tíle, & des Roys qui les commandent , ils font Payens , ont plufieurs temples , & vn entrautres ficue fur vnc eminence où il y a vn Iacin- the ou Rubis de la figure d'vne groffe pomme de pin d’vn prix ineflimable. , Lors que le Soleil donne deffus ,iliette vn grand feu qui efblouyt & furprend. IP aborde dans cette Ifle quantité de Vaiffeaux, principalement des Indes & de l'E- chiopie : Il en fortauffi beaucoup de fes ports,il y en vient dela Chine & des au- tres pays quiluy fonc al'Eft. Les Infulaires traittent auec les Chinois des foyes de bois d’Aloë,ou dAquila,de Clou de Gitofle, de bois de Girofle , de bois de Sandale & d'autres Marchandifes. Ceux عل‎ 1١1116 en trafiquéc auffi auec ceux de Maléd'oü viétle poivre ; mais prin- cipalement auec les Marchands de Calliana d’où vient le cuiure, le bois de Sezem femblable à l'ebene & autres matieres dont on fait des eftoffes. Calliana eft d'vn fort grand commerce, auffibien que Sindou ; on y trouucle Mufc , le Ca- ftoreum & la Spica Nardi. Ceux de Sielediba enuoyent fouuent leurs Mar- chandifes iufques en Perle, dans l'Omiritis, & à Adouly ; ils en recoiuencen efchange d'autres de ces mefines ports qu'ils tranfportent plus auant dans les Indes. ١ Sindou eft le commencement des Indes ;le fleuue Indus ou Pheifon ; qui fe rend dans le Golphe Perfique fepare la Perle des Indes. Les ports les plusfa- meux des Indes font Sindou, Orrota , Calliana, Sibor & Male, & les cinq ports οἱ fe fait la traitte de poivre, Parti , Mangarouth , Saloupatana, Nalopata- na & Poudapatana. Sielediba ou la Taprobane cft éloignée de Terre ferme d'enuiron cinq iour- ET DES: PLANTES DES. INDES. 21 nées de chemin, elle a vne ville de grand commerce nommée Marallo , où il fe que certe trouue quantité d'huifties; le port de Macer , où on charge beaucoup de noix de Ml dl muícade , defoye, & de clou degirofle. Les autres Marchandifes viennent du n Tfin: au delà du Tán, il ny a point de terre habitée ; car l'Ocean l'entoure & qu'vne du cofté de l'Orient. Sielediba eftant ainfi au milieu des Indes, & ayant des Bos pue picrreries, & des lacinthes qui y attirent les Marchands; il y vient des Vaif- méc. 3 fcaux de tous coftez ; elle en enuoye aufli par cout, & elt maintenant vn lieu de ed: grand commerce. A Vn Marchand nommé Sopater , qui viuoit encore il n'y a que trente cinqans, ^«s «tro cftanc arriué dans l'Ile, fur vn Vaiffeau qui eftoit parti du port d'Adouly; Vn a Ambafladeur du Roy de Perfe y afriua en mefme temps : ceux qui comman- quelle vient doient dans le port, & qui auoient la ferme de la Doüane, les ayant prefen- A tez aux Roy, illesreceut ciuilement, les عط‎ feoir, & leur demanda quelles nou- x ١ uelles ils apportoient de leur pays : ces Eltrangers luy répondirent que tout y al- loit bien; mais comme dans la fuitte de l'Audiancele Roy leur euft demandéle- quel de leurs Princes eftoic le plus puiffant , le Perían pritlaparole, & dit que le Roy fon Maiftre eftoitle plusriche &le plus puiffant , que rien ne luy eftoit impoflible , & qu'enfin e'efloitle Roy des Roys. Sopater cependant gardoit le fi- lence, le Roy fetouina versluy, & vous Romain vousne dites mot? Qu'au- rois-ie a dire,répondit Sopater, apres ce qu'a dit cet homme ; mais fi vous voulez vous éclaircir de la queftion que vous auez faite, vous auez icy nos deux Roys, coníiderez-les , & iugez lequel des deux eftle plus riche & le plus puif- fant : ع1‎ Roy fut furpris, & n'entendoit point le lens de cette refponfe. Sopater continua ; voilales monnoyes de l'vn & de l’autre, & luy prefente vn efcu e ones où eftoit PEfligie de fon Prince , &vne petite monnoye de Perfe : Pécu eftoit dpi ἄγη belor, & la figure du Prince y eftoit grauée auec Art ; carles Marchands ne dragme, choififfent toufiours la plus belle monnoye pour la porter en ces quartiers. La monnoye de Perfe au contraire efloit d'argent, & ne pouuoit pas entrer en comparaifon , ny pour fon coing, ny pour fa matiere auec l’ecud’or:le Roy en connut aulli-coft la difference; il faut aduoüer, dit-il, que les Romains font magnifiques , qu'ils font puiffants, & qu'ils excellenc.en cout. Il commanda en fuite qu'on rendit de grands honneurs à Sopater, le fit promener par toute la vil- le fur vn Elephant aufon des ty mbales. Ie tiens cette Relation de Sopater mef- me , & de ceux qui eltoient auecluy. Ses gens qui l'auoient accompagné en ce voyage, & qui eftoient partis auec luy du Port d'Adouly, me difoient quele Per- fan auoit cu vne grande confufion de ce qui fe pafla en cette Audiance. . Ilnyaencore d'autres Portsde mer & d'autres Villes plus auant dans le Pays, de grand trafic: entre ces peuples, ceux qui font au plus haut des Indes, i'en. tens les plus auancez versle Nord, font les Hunsblancs, le Gollas qui les Com- mande peut mettre en ca mpagne, comme ils difent, iufquesà deux mille Ele- phans, & beaucoup de Cauallerie ; il eft Maiftre d’yne grande partie des Indes, & pluficurs Peuples voifinsluy payene tribut:Ils difent qu'ayanr affiegé vne Vil- le qui eftoit toute entourée d’eau, il y vintauec tant d'Elephans, de Cheuaux, & vn fi grand nombre d'Hommes , qu'ilépuifa toute l’eau; & que l'ayant ainfi mile à lec, il furmonta la plus grande difficulté qu'il y auoic à s'en rendre maître. Ces Peuples ayment les émeraudes, ilss'en parent la tefte ;les Ethiopiens quien trafiquent iufques dans les Indes leurs portent les plusbelles de celles qu'ils ont troquécs auec les Blemmyes autres Peuples d Ethiopie. L'experience m'a enfei- gné la plufpart deschofes que ie viens de rapporter, & i'ay appris les autres fur les lieux de perfonnes dignes de foy que i'ay interrogé curieufement. Tousles Roysde cette partie des Indes ont des Elephans ; ceux d'Horrota , de Calliana , les Roysdu Sinde , de Siuor, & de Malé; celuy du Sinde en a fix mil- les, & celuy de Malé enuiron cinq milles: Le Roy de Sielediba a des Cheuaux b iij Gencf*. Cc 22 DESCRIPTION DES ANIMAVX & des Elephans, il achete ceux-cy felon le nombre de pans qu'ils ont de hauteur, & en donne quelquesfois iufques à cent pieces d'or, plus ou moins, felon qu'ils font grands. Pourles Cheuaux, on les amene عل‎ Perfe;& les Marchands qui font ce trafic ont de grands priuileges, & ne payent rien dans fes Ports. Les Roys qui font plus auant dans la terre-Ferme , font appriuoifer les Ele- phans fauuages qu'ils ont pris à la challe; les dreffent pour la guerre , & les £onr combattre fouuent les vnscontre les autres pour en auoir le plaifir. L'on dreffe vne barriere entre deux ; on plante deux poteaux ou pieces de bois droites qui en portent ene trofiéme de crauers mife à la hauteur de la poitrine des Ele- phans;il y edes hommes à droite & à gauche , pour les empefcher dele pon- uoir ioindre , ny fe feruir d'autres armes dans ce combat que de leur trompes ; ils fen donnent de grands coups iufques à cequel vn d'eux cede à l'autre ; Les Ele- phans des Indes n'ont pas les dentsfort grandes : & quand il s'en rencontre on les leur faitfcier de peur que leur pefanteur ne les furcharge , & ne les rende moins propres pour la guerre : Pour ce qui eft des Erhiopiens ils ne prennent point la peine d'apriuoifer les Elephans ; mais lors que le Royen veut auoir quelqu'vn, ilsen prennent desieunes, & les Cleuent , ce qui leur eft aife à caufe dela grande abondance qu'il y en a dans le pays, & de cette efpece qui ont les dents Fort grandes. L'Echiopie enuoye des Vaiffeaux chargez de ces dens iufques dansles Indes, en Perfe en l'Arabie, & enl'Europe. Le Fleuue Pheifon trauerfe toute l'Inde & le Pays des Huns;la fainte Efcri- ture appelle l'Inde Euilat : Il fort vn 8euue d'Eden ; apres auoir arroufe le * Paradis, il fe fepare apres en trois bras, l'vn fe nomme Pheifon, & ce brasentoure & embraffe tout le Pays d’Euilar, où il y a d'excellent Or; on y trouue l'Efcar- boucle & le topafe : Euilat qui a donnéle nom à ce Pays tiroit fon origine de Cham, car on void en vn autre endroit de la fainte Efcriture que Chameut pour fiis Chus , Mefaim Phered & Chanaan , que Chus eut Saba & Euilat; c'eft ἃ, dire les Omirites &les Indiens; car le Pays nommé encore auiourd'huy Saba eft 1 Omiritis, & Euilat eft Lefile pais des Indes: Le Golphe Perfique fepare ces deux Pays Pvn de l'autre, & ce Pays produitdel'Or, & l'efcarboucle , felon que le dé- crit l'E(criture fain&e qu'il appelle 2&«z2; &le Topale aufli qu'elle appelle λίθον moy. Ceft ainfi que la fainte Efcriture feule rapporte plus clairement les chofes que les Relations les plus curieufes ne le peuuent faire. Ce qui fuit a efté tiré du Chapitie qui a pour titre πὸ duo, Cefl à dire le Texte. Ile Paradis eftoit dans la terreque nous habitons, il n'auroit pas manqué de gens qui auroient entrepris d'y aller, puis qu'il y en a tant d'autres qui cou- rent iufques aux extremitez du Monde pour le feul deffein de trafiquer ὃς d'en rapporter des foyries:Le Pays d’où vient la foye eft dans la partie la plus éloignée desIndes, à la main droite de ceux qui entrent dans la Mer Indique, beaucoup au delà du Golphe Perfique & de l’ffle que les Indiensappellent Selediba;& les Grecs Taprobane. On appelle ce Pays Tfin. Le Pays du Tfin eft fermé à la main droite par l'Ocean, de mefme que la Barbaric, qui enelt aufli fermée dvn cofté ; Les Philofophes Indiens qu'on appelle Brachmanes , difent que fi l'on tiroit vn cordeau depuis le T fin iufques enGrecc;il pafferoit iuftement parle milieu du Monde;& ils ne s'éloignent pas de la verité ; car il y auroit encore bien des Pays au cofté droit de ce cordeau ou ligne imaginaire ; tellement qu'on tranfporte en peu de temps en Perle la foye par terre, en changeant de pluficurs mains des peuples quifont entr'deux ; maisle chemin par mer eftbien plas long; car depuis l'Ile de Taprobane iufqu'au Tfin,il y a 2111 loing que du fonds du Gol- phe Perfique iufqu'àl'Ifle de Taprobane;ainficeux qui vont pas terre abregent de beaucoup le chemin, & c'eft de cette facilité de porter des Marchandifes en Per- fe que vient cette abondance de Soyrie qu'on y trouue toufiours ; ce qui eftau delà | ET DES PLANTES DES INDES. 33 du Tfin n'eft point habité, & l'on n'y nauige point; & qui mefureroit l'étendue de Chaque 432 ce cordeau tire de là vers POccident,trouueroita peu prés la diftáce de quatre cent e Que flations ou journées; & voila, comme ie croy , qu'il la faudroit mefurer : depuis le min EN Tfin iufques aux frontieres de la Perle fe trouuc l'Ounia , l'Inde, & la Ba&riane, trentemille l'on traverfe ces Paysen .مود‎ ftations :toutela Perfe en 80. ftations; depuis Ni- x TA niue iufques à Seleucie on compte i5. ftacions:depuis Seleucie iufqu'à Rome, en fans les font France , & en Iberie, qu'on appelle maintenant Efpagne 150. Stations & da. DC uantage ; & fion l'cftendoit iufqu'au detroit de Cadis , il y auroit en tout enui- les. - ron 406. ftations, Conf. Porphir ogenetta parlant de quelques Tures qui s'eftoient habituez vers l'Orient de l'Europe, dit qu’ils aucien? deux Princes, vn nomé Gilas,& l'autre Kargan : que ces noms n'eftoiét point des noms propres, mais des nós de leur dignité, Pour ce qui cit dela largeur de la terre, à la prendre depuis ces Pays Septen- que Gilas eft trionnaux en tirant vers Bizance, l’on ne compte ordinairement pour ce chemin? ا‎ que tiente journées ; car il eft aisé d'en eltimer l’eftendué par la diftanco © qu'il ya depuis la Mer Cafpienne qui vient de l'Occean , iufques en ces Pays-cy : De Bizance iufques en Alexandrie cinquante ftations: On en com. pte. trente. autres. d'Alexandric iufqu'aux Cataraítes : depuis les Catara- Ces iufques à Axome3o. ftations , & d'Axome iu(qu'aux extremitez de l'Ethiopic δὲ aux fcontiercs du Pays nommé Barbarie d'où vient Pencens, laquelle ne touche point à l'Ocean ; cat entre la Barbacie & l'Ocean ر‎ il y ¿encore tout le Pays de Sal- fos qui eft la derniere terre de l’Echiopic,enuiron 40. ftacions , tellement que ce fe- raen tout 200. ftations , ce qui saccorde fort bien auec la fainte Efcriture , qui luy donne la mefme proportion, & faitla longueurdela terre double de fa largeur, qui eft la proportion de deux à vn. Le Pays qui porte l'Encens eft à l'extremité del'Ethiopie, entourré de terres de tous coftez ; mais auec cela il n'eft pas fort éloigné de l'Ocean : Delà vient que les Peuples de la Barbarie qui enfont voifins trafiquent auant dansles terres & en rapportét la plufpart des Aromas,l'Encens,la Canelie,le Calamus,& beaucoup d'au- tres, lefquels ils cranfportent apres par Mer au port d Adouly dans l'Omeritis, en Perfe & dans les licuxles plus éloignés des Indes ; vous trouuerez mefmes quelque chofe de cela dásles liures des Roys,où vous voyez que la Reine de Saba, c'eft à diro la Reyne d'Omiritis que noftre Seigneur appelle en vn autre endroit dans les E- uangiles la Reyne du Midy , apporta à Salomon des Aromas du Pays de Barbario dont clle eftoit proche , des branches d'Ebcne, des Singes & de l'Or d'Ethiopie, comme eftant proche des Pays qui portent ces raretez, & d'Ethiopie qui cft au de- là de la Mer Rouge;noftre Seigneur appelle ce Paysles extremitez de la terre,il dit; laR eine du Midy venuë des extremitezde la terre pour entédre Salomon;car il n'y a au plus que 2.ieurs de Nauigatió du Pays d'Omiritis iufqu'enla Barbarie;& au den lá de ce Pays on ne trouue quel'Ocean qu'ils appellét Zingium; Pour ce qui cft du Pays appellé Saffo, il eít aufli prochede l'Ocean : Le Paysqui porte l'Encens eft encore riche en metaux, & tous les deux ans le Roy des Axomites enuoye en ces quartiers.là, fousles Ordres du Gouucrneur d'Agau deshommes exprés, pour y trafiquer & en rapporter de l'or; plufieurs Marchands fe ioignent ordinairement à cette Troupe, fi bien quils font plus de cinq cens hommes ; ils menent en ce Paysdes Bœufs, ils portent du fer & du fel; & quand ils font proche de la Frontiere ilsfont alte, dreffent vne haye aucc des épines qu'ilsont portées pour cet effet , demeurent dans cette enceinte, tuentleurs Bocufs,8 en mettentles pies ces fur ces hayes d'¿pines aucc leurs autres marchandifes, leur fer, & leur fel. Les Habitans du Pays les viennent trouuerauec de petits pains d'or, en for- me de Lupins appelles Tancara , & mettent 2. ou 3. de ¡ces pains d'or fur la marchandife quileur plaift ; l'entends fur vne partie du fer ou du fel, & fe reti- rent aufli toft; L'autre Marchand enapproche alors, & s'il eft content de l'or qu'on amis pour fa marchandife , ille prend, & l'autre qui vient apres emporte la mars l vM 24 INSCRIPT. DV TROSNE DE PTOLOMEE. chádile : Siau cótrairele Marchan 1 n'eft pas content de Por qu'on a mis fut fa mat- chandife, il n'y touche point, &l'autre s’en eftant rapprocht ; ou enadioufte da- uantage, ou remporte ce qu il yen auoit mis, & fe retire; c'eftlàleur maniere de traiter eníemble; car ces Peuples ne s'entendent point, & n'ont point d'interpre- te parle moyen defquels ils puiffent communiquerles vnsauec lesautres ; Ils de. meurent ordinairement jo. iours dans le Pays; ilstrafiquent durant ce temps-là 82 sen retournentapres tous enfemble; car iiy a des gens en ces quartiers qui fe mettent en Campagne pour les voller & leur ofter l'or dont ils Ígauent qu'ils ont traité: Ils mettent ordinairement fix mois à faire ce voyage, i'entends à aller & venir ; en allant ils marchent plus lentement à caufe du beftial qu'ils condui- Cute de fent; au retour ils font plus de diligence, de peur d’eftre furpris par l'Hyuer & par Pinondarió la pluye ; car la lource du Nil eft en cc Pays-là , & en Hyuer les pluycsfont enfler les E Riuicres quife debordent & gaftent leschemins ; lis ontl'Hyuer dans letemps que. nous auons l'Efté depuis lecommencement du mois que les Egyptiens appellent E- piphi iufqu'àla fin de celuy qu'ils nomment Thoth; en cette faifonil y tombe des pluyes continuelles; il s'y fait des torrens qui fe rendent tous dansle Nil. Ie rap- porte vne partie de ces chofes fur le témoignage de mes yeux, & i'ay appris lesau- tres de ceux qui trafiquent dans le Pays; Mais il faut queie dife à voftre Reue- rence vne autre particularité qui n'eft pas cout à fait éloignée du (uiet dont ¡ay traité iufquà cette heure. Dans vnc ville d'Ethiopie nommée A douli fcituée fur le bord de la Mer,éloignée de deux mille du port des Axomites oü nous trafiquons fouuent, comme font, auffi ceux d'Alexandiie & d'Acla: On void vn Trofne de Matbre à l'entrée de la | Ville du cofté qui regarde l'Occident fur le chemin quimene à Axomi. Ce Throf- | ne acfté drefsé par vn Roy du Pays nommé Prolomée, de marbre blanc, fembla- | ble à celuy de PIfle de Marmara dont on fait les tables: Sa baze ef quarréc , & fut chacun de fes quatre coins fontéleutes autant de petites Colomnes, & vne ein- quiéme au milieu plus groffe que les autres ornéc de bas reliefs qui tournent tout autour enligne fpitale : Le Throfne eft fur ces Colomnesauec fon Doffier , & les ap. - puits à droite & à gauche ; Mais ce Throfne, fa Baze, fes cinq Colomnes , le Dof- fier & les appuits font d'vnefeule pierre taillée de la figure de nos chaifes, qui peut auoir de hauteur deux coudées & demie : Derriere le Trofne eft vn autre de marbre qui peut auoir trois condées de hauteur , la Baze en eft quarrée : La pierre finit en pointe, & cítantainfi plus éuasée par en basreprelente aflez bien la figure d'vn lambda ; elle a quatre faces, & eft maintenant couchée par terre der- ricre le Throfne;&la partie inferieure enclt frufte & fort ruin£e ;cette pierre auf- fibien que le Trofne eft remplie de lettres greques,& comme i'cfipisen ces quar- ticrs-là ily a enuiron 25. ans, au commencement du Regne de l'Empereur luftin; Le Roy des Axomites Elazuas qui regnoit alors, eftant fur le point d'aller faite la guerre aux Omirites de l'autre cofté de la Mer Rouge, enuoya vn ordre au Gouucr- neur d'Adoulide prendre vn E&ype,ou copie des lettres qui font fur le Trône & für cette pierre, & de le luy enuoyer. Afuas qui eftoit alors Gouuerneur de la ville d'Adouli m'enuoyaquerir pour cíteffer auec vn Marchand nommé Minas qui fe re tira dans la folitude quelque-temps apres , & y cft mort depuis peu. Nous executámes fon ordre, nousen portámes la copie à ce Gouuerneur ; nous en gat- dàmesvne autre que ie mettray icy come vne chofe qui peut donner connoiffance de beaucoup de lieux &de peuples. Derricrele Trofne eftoirla figure d' vn Hercu- le & d’vn Mercure enrclicf Minas me dioit qu'Hercule eftoit le fymbole dela for- | ce, & Mercure celuy de la richeffe : le fouftenois au contraire que Mercure eftoit pluftoftle fymbole de l'Eloquence, & cela fondé furle paffage des Actes des Apó- tres ; ils appelloient Barnabas Iupiter , & Paul Mercureracanfe de fon Eloquence. | INSCRIPTION. | | i] À 1 | 1 | | | 17 Le grand Roy? Ptolomée, fils du Roy? Ptolomée & de la Reyne Arfinoesspetit fils de! Ptolomée & de la Reyne Berenice , dont la naiffance du cofte du pere vient d'Heicule ye du cofte des fem- mes de Diovyfius fils de Inpiter, Roy de l'Egypte , dela Libie, de la Sivie, de la Phemicie , del'1fte de Cypre; de la Lycie , de la Carie, & des 1 fles Cyclades , Eftats qu'il a berité de fan pere ; il entra guec grand nombre de Caualerie حو‎ d'Infanterie, & une tres- puiffante ArméeNauale en Afic, auec beaucoup d'Elephans 'ل‎ Ethiopie , du pays des Troglodites, que fon pere auoit premiere ment pris en ce pays: la, & les auoit fait dre/Jer pour la guerre: il a fubiugue rout le pays que ef enfermé par V Euphrate & la Cilicie ; la Pampbilie 3 l'Ionie l'Helefpont & la Thrace, efl ve- nu à bout de toutes les forces de ce pays-la, s eftrendu maiftre de tous les Elephans des Indes a yeduit fous [a pur fJance tous les Roys du pays » a pafté l'Euphrére » a [nbiugué la Mefoporamie > la Babylonie, la Soufiane ; la Perfe > la Medie y a eftendu fes conqueftes iu[ques à la Bactriane ; (o apres auoiv retiró des mains des Pev(ans les chofes facrées qu'ils auotent enleuces aux Egyptiens, les a reporté en Egypte auec tout le butin de ces peuples conquis و‎ €9* y a ramené fon Armée er detournant les viuteves e fin fant des canzux on il efloit viece[[aive > pour vendre à fes troupes le palage plus aisé. Ces paroles eftoient infcrites (ur la Sratué de ce Prince, & il en manquoit fort eucn vn endroit où clic auoit cfté rompué ,la fuite de l'infcription cftoit graute fur le Thróne: "Ayant apres pacifié auec le mefme courage les Peuples voifins de mes Eflats 7a) fubiugué pir la force de mes armes ceux de Gaz g s d'Agamasr'ay vaincu ceux de Ziguyn 31 ay partagé auec eux la moitié de routes leurs v: che[fes 50 ay Ya npé fos mes Loix les Nations fuinantes: Aua, Tiamo, Tziamo,Yambela & les Legeys leurs worfins د‎ qui font au delà du Nils celles de Xin- gauine , d Anvauc de Trama. les Athagons , les Calais € les Zemenes s autre nation ficuée au delà du Nil dans des mont«?nes inatcefStbles toufiours couuertes de broii lards, & de nerves fe hautes que l'on en a au de[[us du genoiitl te les ay forcex dans les montagnes , apres auoir pa[se le fleuues c les auoirtenulons temps afsregez; lay dompté en fuite ceux de Lafine, de Za د‎ d'A als; qui demeurent dans d'autres Montagnes pleines de fources d'eauës chaudes s" ceuxd'Atal- mo > de Vega (σ᾽ tous les autres peuples de ces quartiers , auec les Tanchaites qui touchent aux Jrontieres de Ez ypte : 0 47 affeuréle chemin qui s'eflend depuis ces pays iufques em Egyptes vay vaincuen fuite ceux d'Annine (ceux de Meryne qui habitent dans des roches affreu fes s fe fuis venu à bout des Sefeans que 1 affiebex dans des montagnes difficiles où ils s'eflorent ve- tranchex » dont îe me fuis vefevaé les femmes ; leurs files le choix de lemrs enfans (7 de toutes Meurs viche[fes s comme aufsi les Rhefes > ceux des peuples qui vecueillentl'encexs » les plus auancex;, dans les terres, qui habitent des vaftes campagnes toufiours feiches er brülées de la chaleur: les Solates aufquels ἢ جه‎ latfeé le foin de tenir la cofte nette de Pyvates s αὐ forcé à la tefle de mes tvou- pes ces Nations qui fe cvoyotent inuincibles dans leurs hautes Montagness ie leur ay vendu leurs terres à condition de m en payer tribur s mais entre ces Nations ; plufieurs fe font vendues volon-- purement tributaies 145 fare paffer la mer-Rouge à mes trouppes fur vie puiffante Armée Natale (7 ay oblige les Roys des Arrabites € des Cinedocolpstes , dont les Eftars s'eftendent le long dela cofte, de fe declaver mes tributáives » anec obligation de renir les chemins de leurs pays Or leurs coftes nettes de voleurs. Enfin; 1 ay porté mes armes depuis la ville de Leucé inf: «ques aux pays des Sabeans, دق‎ ἀν fubiugue ces peuples qui # auoient point reconnu mes anceftres, aydé de l'affiftance du Dieu Mars de qui ay tire mon origine, c'eftà luy que vay l'obligation d'auorr cfrends les bornes de mes Eftats > partie parconqueftes, partie parle bien que s ay fait ces peuplessrufques en. Arabie du cofte de l'Orient, & du cofté du Couchant iufques au pays de Saffos: Enfin, ayanteftably la pai par mer حو‎ par terres ic fuis venu Adouli 0% yay facrifié à Iupi- ter, à Mars, (7 à Neptune y à caufe du bon füccex de mes Nauigations s Figueroa quante pas; vne roche de marbre fort dur feruoit de fondement à céc édifice , elle parer aenuiron deux fois le circuit du Chafteau de V vindfor ; quatre-vingt quinze mar de cette An- ches ou degrez portent au premier plan du Palais; cette montée eft taillée dans la De tias 1 roche,de marbre noir; & elle eft fi large,que douze cheuaux y pourroient monter aucun vefti- de front; ces degrez portent à la hauteur de vingt-deux pieds Geometriques;car 8° de cetre o 9 , /7 E or 1 le premier plan du Palais eft éleué de cette hauteur par deffus le rez de chaufsée dE E dela campagne ;tout le refte du roc eft taillé à plomb , on void encore les deux auoir etélà pieds droits ou coftez de l'entrée de ce Palais; l'entrée a enuiron vingt pieds d'ou- proche, finó que fes gens ucrcure, d'vn colté eft la figure d'vn Elephant, & vis-à-vis celle d'vn Rhinoceros luy direne haut de 30. pieds, & tous deux d' vn marbre? luifant; proche ces Animauxil y a Wilsy a- . x C > . 7 uoicnt veu deux Colomnes,& pas loin dela la figure d'vn Pegafe ;apres auoir 2156م‎ cette en- we autre ærée,on rencontre quantité de fragmens de colomnes de marbre blanc,dont les re- colóne auff ftes font encore voir la magnificence auec laquelle elles ancient efté bafties;les re Cicognes font aujourd'huy leur nid fur les chapiteaux dcs plus hautes , les moin- ies; & deux dres de ces colomnes ont quinze coudées,les plus grandes en ont dix huit de haut, aatres plus > » EON EY petites vn elles ont quarante cannelures larges chacune de trois gráds poulces,d’où l'on peut peu plus juger de toute leur grofleur & de leurs autres proportions : la matiere excellente lon&qu'ils ὃ ; : . 4. virent d dont elles font composées, le trauail de leurs ornemens, & leur difpofition, attirét aux de encore aujourd'huy l'admiration de ceux qui les voyent; de là, l'on découure vne marbre d'y- fort belle veuë; mais à voir la campagne des endroits de cette Antiquité les plus ne £randeur o prodigieufe, éleuez,ceux du paysaffeurent que la veué f'eftend à plus de dix lieuës. & des Col- loffzs qui reprefentoient des Geans ; que pour luy, iln’eùr pas le courage d'y aller, à caufe que route la plaine par où il falloit afler,eftoit route entrecoupée de canaux qu'on tire de la riuiere Araxes : La plaine où eft cette Antiquité , quoy qu'elle n'aic que dix lieués de large , eftoic affez fertile pour nourrir vne auffi grande Ville que Perfepolis ; il n'y refte plus maintenant qu' vne petite Ville de 400. maifous entourée de beaux pafturages , d'yne campagne fertile & de plaifans jardins » & arrosée d'vne eau fi faine , qu'il ne croy pas qu'elle ait fa pareille au monde. b Figueroa dit que rien neluy parut plus admirable que la qualité &le poly de ce marbre, qui reprefentoit des objets comme vn miroir. € Affez proche de l'entrée nous vimes vne Infcription grauée fur yn quarreau PTT TRE 22 110171 de marbre noir yny comme vne glace, elle auoit enuiron douze lignes ; mais les * lettresd'vne figure fi extraordinaire,que pas vn de ecux qui les ont veu neles ont pú entendre; elles onttoutes la figure de triangles ou Pyramides ; au refte d'vne fi belle fimettie , qu'elles monfirent bien que les peuples chez qui elles ont efté en vfage ,n'éroient point barbares, » € Figueroa adjoulte queces lettres luy parurent toutes femblables , & qu'il n'y anoit remarqué autre diffe- fence que danslcur ficuation , ce qui fe voir en efer dans l'Eétype de cette Infcription que M. Tauernier donne icy au public. 3 e Figueroa £oiinuë la mefme cho- ἔς ὃς dit; Les hommes qui y font rc- prefentez fent habil- lez comme Ies Nobles de Venife. Vous en voyez,dic- il les vns afíis furdes chai- es fembla- bles à celles -qu'on don: aux princi- paux Prelats dans nos E. glifes Me- tropolitai- nes, auec vn petit mar- che-picd qui peut auoir demy pied de haut fort propre; & ce qui m'efton- noit leplus, cft que ces habits n'ont gucun rap- port auec ceux que portent les peuples de ces Pays-là , ny mefmes ” auec ceux des anciens Affyriens , Perfans , ὃς des Medes ; lefquels có- me nous les voyons dé- crits chez les Grecs & chez lesRo- mains , por- toient la ve- fte, tunique, ou efpece de juíte au corps , qui cit encore maintenant en víage chez les Turcs & chezles Per- fans ; les Turcs l'ap- pellent Ca- baia, & les perlansAlio- ba, qui me fait croire que ce Mo- nument cft plus ancien que toutes les autres Aptiquitez dont nous auons con- noiffance, utes des Batailles, des Sacrifices, des Triomphes, des jeux Olympiques,d vn def. 24 ANTIQUITEZ DE PERSEPOLIS. Là proche eft vn autre compartiment quarré , dont chacun descoftezà quatre? ١ vingt dix pas ,auec huit portes ou entrées ; quatre deces portes ont fix pas d’ow- | uerture , les autres n'en ont que trois; elles tont bafties chacune de fept grands quarreaux de marbre fort exactement poly ; ces quarreaux ont quatre aulnes de 3 long , 8 cinq quarts d'aulne de haut و‎ relcuez de bas reliefs, qui reprefentent des Grifons, des Lyons, des Tygres; & en d'autresendroits de ces murailles font gra [ein & d'vne fculprure admirable ; fur chaque porte eft reprefenté vn homme ma- jeftueux ecouuert d'vne longue vefte auec vne Mitre ou T'iare , les cheueux longs,& qui luy defcendét par boucles jufques fur les épaules ; d'vne main il tient — vn Sceptre;& de l'autre vn Globe;ce quin a1amais,que 1e fçache,efté v fire parles R oys de Perfe ;ceux du Pays difent , que celt Samíon ou Aaron : à cét Apparte- ment eft joint yn troifiéme qu'ils nous difoient auoir efte vn Serrail; les quatre coftez font inégaux, il y en a deux de foixáte de mes plus gráds pas, & deux autres. de foixante & dix : عل‎ là ie paffay dans vn quatriéme Appartement , dont deux có- tez font de vingt pas,& les deux autres de ute, fes murailles affez entieres ὃς d' vn marbre noir fi poly,qu'on fe pouuoit mirer dedans: il y a des bas reliefstaillez das ces murailles.enrichisd'yne dorure qui fe void encore maintenant; les bas reliefs de cét endroit reprefentent des Geans: nous montámes apres fur des ruines , δὲ | atriuàmes au deffus de cét Edifice ; nous y vimes la figure d'vri Roy à genoux de, want vn Soleil,du feu tout proche,& vn ferpent ; toutes ces figures taillées dans lé cofté de la roche , qui eft par tout ailleurs entouré de precipices. Cette Antiqui. eft tellement ruinte, qu'on ne fçauroit determiner maintenant fi elle a eftéd'or= dre Dorique, lonique, ou Corinthien ; mais vn habile Deflignateut en trois mois de temps ne la pourroit pas deffigner toute entiere : C'eft vn grand dómage qu'on n'ait pas encore fait certe diligéce,car les peuples qui en sót proches la ruinét rows: | lesiours,& entirét des pierres pour feruir à toute forte d'víages dasleurs 12121565: A cing licués de là l’on void vne figure monftrueufement grande, que les Pera. | fans difent eftre la figure de No&a Ruftan ; il y a plus d'apparence que c'eft vne Statue d' Alexandre, qui auroit cula vanité de faire croire à la pofterité, quil eftoit plus grand que l'ordinaire des hommes ; ce qu'il vouluft faire croire mefme | defon temps, párles armes extraordinairement grandes & pefantes qu'il enuoyàt par toutes les Indes. Il y a vne Ville proche de cette Antiquité, nommée Marga= tean ; il n'y refte que deux cent maifons habitées par vn peuple fi füperftitieux و‎ qu'ils parfumerent leurs maifons apres que nous en fümes fortis ; il y ade la ¿Si ras dix farfangues ou licués de France. Gouuea dit que deux efcaliers fort proches P' vn de l'autre , porte jufques la principale entrée du Palais ; les pierres qui en font les degrez font d’vne groffeur extraordinaire : l'en remarquay qui auoient 25. palmes de long,dix ou douze de large,& fept ou huiét de hauteur. Les pierres des Colonnes eftoient les plus mafliues , & nous ne nous poüuions imaginer cominent on auoit pú porter fi haut de fi lourdes maffes : mais ce qui nous eftonna le plus, fut de voir des chambres en= ticres,le plancher,les murailles,& la couuerture, tout d'vne feule pierre, tres- noire & tres-dureg | & non point taillées dans la roche comthe l’eft le Pagode de PIfle de Salcite proche deTana,dont | la pierte cft fort tendre, Au haut de l'efcalieron trouue vne fale , d'où l'on découure vne grandé | eltendué de pays. Les murailles font couuertes de bas reliefs, & l'on y void les 46. colonnes qui | ont donné le nom à cette Antiquité, Trois pierres en font toute la hauteur ; leur baze a bien. 30. palmes de tour, & au plus haut il y a des figures de tout relief, Les murailles font fort hautes; | le Sculprenr y a reprefenté des Lyons, des Tygres, & d'autres Animaux , qui fortent en relief, fi | bien trauaillez,qu'ils font peur à ceux qui les voyent. De lì, nous montámes vii lieu plus éleué, | où nous trouuàmcs dans vn lieu taillé dans la roche mefme,vn fuperbe tombeau que ces peuples | ont cuiné,croyanty trouuer vn trefor; là proche cft vn autre rombeau,qu’ilsdifoient cftre lafe- | pulture d'vneReyne, perfonne n'a pú encore expliquer vne infcription que Pon void en plu- fieurs endroits de cette Antiquité, ainfi tout contribué à obfcurcir la memoire du Prince, qui croyoit par ce baftiment la rendre erernelle.Et à caufe que ces pierres font fi dures,que le temps tout feul autoit de la peine à les détruire , ces peuples y employent tous les ieurs le fer & le fedt pour les ruiner , & fc deliurer par là des eftrangers qui lesvienneñt voir. v MT DUNT. E NI £i oer e L yo S ep P Pos SR AA ἧς ES papi inizia. OI DA pz ddr soli Ax ah 47 vada 57 ado CSI att عه‎ + ( لع لله‎ om Bad as هلمعلا‎ oro scala ςτὸν ati Ear 42440 (ahy aos KA ppi كه كد‎ as ati pi UE 4,401 NG DT AU as dari, 414 y xy—lo δ, pa] aaa afjau ade a E dra (45 280] gati e Noa cues له مكريعد سن‎ wA algo + ay La? acia aa di a 4 AE ad oca ay HA € Lu ول رو اكإه‎ — A23 sto ES Att لخم‎ AGAIN ya du Yo<3 A7 VV fare aa er srt Aa | Ao TIA اخه‎ ar Zu ade ay cago arta ye] عم كم اسه‎ δι a saam) ويد صضده‎ τ᾿ (aa at cna اه‎ fe À ور‎ galclæw حم‎ 4S lo by An | AA Me DER dn 4| 4A S oA s + كمه‎ s («a7 ati € V E τ > مه‎ eSI et astas la astl ai MMI4 44% _ 4,40 ay Aa (ceu Iphabet dela langue des anciens Caldeens, dont les lettres fuiuent- lordre des lettres de Alphabet febraïque صه د‎ A/ له > 4% له جكه‎ (f « AU AAA MED C AO A 94A AS ay 4pw AS aos Lot My ny M4. € 1 ute Ww. E La d ME em لل‎ aded co X كد‎ a 2 ta SITÀ ep qo E MONA Ag ANS o cd RIAL qvid اكد‎ o 43 ترد د مه كه كا تكد اك‎ (apo) لك‎ 1 2H dco mo 7E ἘΞ» Ὁ a Ὁ IS / amos VL X hug e A ea: Y "NC de 4 - 4 à ١ Re ES tti De Ros A aa RA SED HE TAN 0 AA E Nomina Locorum | Arabica latini; carac teribus ca pressa (LE numerus HFamiba-= 2 raw il rum Chastianorum CN AAA mt 4 x , TEM πὴ o τε τ Sanch Johannas . auec priutlege du Roy . ἡ 1 Elaagi i 1 3 van . | È pre ὯΝ Infula 4x 1 Famil, x N her Anter Fami ar Effura Famil 1د‎ Errabaghie Famil-—. x Heibeni ,را‎ Oppidum Famil. هد‎ 5. Naber Omar Infula 41 Maaber 32 Keri 人 22 Elagqara 1 Vvadamie Xo ARE 7 RE 4 Efada Infula 43. Bovveiba 33 Bafora Ciuitas 23 Tina 15, Effagie 3. Elakraad Curdorum habitatio ..... S^ Sepulcbre Chriffianerusi 44 Hovveiza 2000 | 34 Dimus Magnatum 24 Elmanfurie 14 Elmanfarie 4 Mokejftef da V del CE Diftalteat 45 Giamaani 35 Hafaar 25 Seimarie و1‎ Skanderie 0 Caftrum Abd Allah t Carmilit. Difcalceat, | 46 Mohfenia 36 Elneneter 26 Dar beniSed 16 E lhamar 6 Bufodrab 47. Kamalavva 37 Qoban 27 Abd Elgiabbar 17 Elhamar 7 Zakie oppidum. 48 K ercha 38 Karun 23 Nahir Mohagena 18 Elhys 8. Qorna oppidum 49 Elchadr Infula 39 Séhaab 008 3 29, Naher Saleh 19 Elagrgia Fathie oppidum. so Elfeiadi Infula 40 Sovucib vari 3o, Medinab 20 Scialus cie 8 Qalaaa ER CA er adco p. v Fe e TU ti AE à arm tmi n 一 M LES 3 EX cr T t 1 ἃ ' PRO VARY à " da ET sat nord EM. TA 5 (ESAME 1 seras nn W ee Add A 9 siis iud ل‎ À ἂν | Y y Rino dor SE Aie hc dtd sitio ta: ne n : starti” ὃς Wise Lie o ! m ESSE GN SAC à qu 5 TROTA م‎ m sold RE 5 WA mua ست‎ ir y | ^ , I Et OK 23 Ho * C Tot i *: Sox." Koog*,* Lo ROO FOX, apo 0% * 00% ES ox SE عد‎ AS GR ai ie A RE iV E UR κι EAST ae RELATION DES ROYAVMES DE GOLCONDA, DINNASSERVAPECV, ARE CAN. & autres Eftats fituez fur les bords du Golfede Bengale ; &aufli du Commerce que les Anglois font en cesquartiers-là. ett ese da data tati LETALI Dal x OCR ROUE HOUR" DCE RON x ROCK AS A SE: par NT E LM 1200-1-1 3] E Golfe de Bengalc feftéd depuis le Cap Commorin qui eft fous Mlle huitiéme degré de latitude Septentrionale , iufques à Chatti: gnan,fous le 22. degré de latitude auffi Sepcentrionale.Cette co- ES Sal fte a bien mille lieués Angloifes d'eftendué, ὃς l'ouuerture du | EE Golfe neuf cens lieués. Le Cap de Sincapoura qui eft fous le pre- 0) mier degré de latitude Auftrale le ferme de l'autre cofté. Les Loyaumes de Zeilan,Biznagar,Golconda, Bengala, Arecam, Pegu & Tannaffa- ry font fur céte cofte, elle eft coupée de plufieurs petites riuieres dont on ne parle guieres, à caufe que leur nom eft obícurcy parle voifinage du Gange, fi faracux par les écrits des Geographes : On ne fçait point bien οἱ il prend fa fource , mais on fait en general qu'elle eft fort éloignée de l'emboucheure ; & les Gentils ont en fi grande yeneration céte riuiere , qu'ils croyent que leurs pechez leur font pardonnez lors qu'ils fe font lauez dans fes eaux. . Nos Anglois ont peu de connoiflance de l'Ile de Zeilan. Les Portugais y font les plus puiffans , & pretendent mefmes eftre affez forts pour en empécher l'entrée aux autres nations. Ilya vn Roy dans l'Ile nommé le Roy de Candy, auec lequel les Danois entrerent il y a quelque temps en Traité; & voyant qu'ils ne pouuoient pas cftablir leurs affaires par la Negociation;ils fe fortifierent dans le Pays proche de Negapatan , en vnlieu nommé Trangabay. Le Royaume de Bifnagar eftoit le plus ancien & le plus confiderable de tous les Royaumes qui font du cofté de la terre ferme. Il eft maintenant diuisé en plu- fieurs Prouincesou Gouuernemens , dont les Naickes ou Capitaines du Pays fe font rendus les Maiftres : car le dernier Roy eftant mort il y a quelque quinze ans, il féleua plufieurs pretendans à la Couronne. Les Naickes prirent party fous ces Chefs, ὃς Üengagerent en yne guerre ciuile, qui fut fuiuie d'vne fi grande de- folation & famine , que plufieurs peres portoient leurs enfans fur la cofte, &les vendoient pour la valeur d'yn écu ou quatre francs de Rys. Les Marchands qui les auoient à fi bon marché و‎ les reuendoient apresauec vn grand profit en d'au- tres endroits des Indes. La ville de S. Thomas eft dans ce Royaume ;les Portu- gais en font lesMaiftres,mais ne laiffent pas d'en faire quelque reconnoiffance au Nayck qui eft maiftre de ce canton. Il les affiegea il y a trois ans, & les obligea à luy donner quelque argent pour auoir la paix; car leur Ville eft feulement forti- - ++ A i Chattignan eft au fonds du Golfe. Ifle de Zei- lan. Royaume deBitnagar Ville de S. Thomas. La ville de Pallecatte, Comment les Hollan- dois fe font rendus les maiítres , & de fen Cha- &cau. Mafulipatà, V vill. Floris eftablit ces Fakteuries, come vous le pouuez voir dans só 2 R ELAT. DES ROYAVMES DE GOLCONDA, fice du cofté de la mer, n'ayant point d'autre deffenfe du cofté dela terre, que les maifons qui la ferment. La ville de Pallecarre qui eft dans cette Prouince , eft yn mauuais voifinage pourles Portugais, depuis que les Hollandois fe font rendus les maiftres de fon Chafteau : Car depuis ce temps-là, leurs Vaiffeaux n'o- zent paroiftre fur cette cofte ; & quand ils fy hazardent , ils choififfent des bá- timens qui aillentfort bien à la voile.Si bien que les Portugais y font maintenant fort pauures ,& ont efté bien punis de l'enuie auec laquelle ils empefchoient le Commerce aux autres Nations. Désles premiers voiages que les Hollandois fi- rent aux Indes , ils reconneurent que les marchandifes qui fetrouuent à S. Tho- mas , fc pouuoient tranfporter auec beaucoup de profit aux Molucques, à aua, Sumatra, Amboyna , & autres endroits des Indes. Ils obtinrent dà dernier Roy de Bifnagar, la permiffion de pouuoir trafiquer en ce Pays, & d’eftablir yne Fa- &orerie à Pallecatte , aucc fix où fept Hollahdois pour negocier. Les Portugais de S. Thomas qui ne pouuoient fouffrir qu'ils feftabliffent fi proche, fe mirent en mer, & vinrent attaquer la maifon des Hollandois. Ils fe rendirent , apres Pé- tre deffendus quelque-temps. On les mena prifonniers à S. Thomas; d’où quel- ques-vns fe fauuerent , & entre-autres le principal Facteur , de qui ie tiens cette Relation. pM UT i | Le Roy accorda depuis aux Hollandois la permiflion de baftir vn Fortpour f'affeurer des infultes des Portugais, à condition toutefois que la garnifon feroic my-partie, moitié d'Hollandois , & moitié de ceux du pais: Il arriuoit tous les jours quelque querelle entre deux nations fi differentes. Le Roy ennuyé d'en ‘entendre parler dauantage retira fes Sujets, & laiffa les Hollandois en pleine poffeflion de ce Fort : Ils ont accreü depuis cette Place, l'ont fortifite, 8ela nom- ment maintenant Gueldria,depuis le Traité de l'année 1619.Ceux de noftre Na- tion ont fait la moitié de la dépenfe de la Garnifon, & cependant ne jouiffent point des auantages qu'on atirez depuis de l'eftabliffement de cette Place. Ie n'oferois parler dauantage de l’injuftice de leur procedé ; de peur que Pon croye que ie parle auec paflion, & comme intereffé dans vne querelle qui m'eft commune auec tous ceux de noftre Nation. Ainfiles Portugais qui n'auoient pú au commencement fouffrir cinq ou fix Hollandois poche d'eux, font maintenant bridez par vne Garnifon qu'ils ne pourront apparamment iamais chaffer de ce pee là; car ils ne font pas affez forts à S. Thomas pour Pentreprendre, & le Vice- oy des Indes ne les aidera pas dás vn séblable deffein.Les Portugais de S. Tho- mas ne payent iamais rien pour les affaires generales des Indes; Ils ne feruent point le Portugal de leurs perfonnes, & paffent pour rebelles auffi bien que ceux de Bengale ; par cette raifon ils ne doiuent pas attendre de prote&ion de leurs Princes, ny de fecours de leurs V ice- R oys. 115 fe font contentez depuis peu d'exciter fous main quelques Naickes contre les Hollandois, ils les affiegerent dans la ville de Pallecatte , mais ces troupes n& demeurent pas long-temps fur pied. Ils leuerent le liege apresenauoir receu quelque atgent. Il faut auoüer que les Hollandois gardent vne conduite fort prudente ; ils n'entreprennent point fur ceux du Pays ; ils n'en tirent aucune contribution, & fe contentent d'y eftablirleurtrafic , ὃς d'empefcher celuy des Portugais. | Mafulipatan eft le principal Port du Royaume de Golconda, il eft fous le fei- ziéme degrétrente minutes latitude Septentrionale: La Compagnie Angloife. des Indes Orientales y tient yn Agent ou vn Prefident & des Facteurs , comme auffi à Petapoly. Py ay paffé hui& années en qualité de Prefident des affaires de cette Compagnie; c'eft ce qui m'a donné la hardieffe d'entreprendre de fatisfai- re la curiofité des Purchas, qui m'a prié d'écrire vne Relation de ce pays. Mafuli- patan eft yne petite ville mal baftie & encores plus mal fcituée, mais qui ne laiffe voiage. ¿Pas d’eftre fort peuplée : Toutes fes caux font falées ; car quand la Maréc hauffe TANNASSARY, PEGV, ARECAN, &c. à elle y monte prés d'vn mil auant dans le pays. C'eftoit au commencement vne pauurc retraite de pefcheurs, & c'ett delà qu'elle tire le nom qu'elle retient en- — Mefif ei core. La commodité de fa rade y attire les marchands, & fon trafic a toufiours d 0 he elté en augmentant depuis que ceux de noftre Nation ont commencé à y venir. Scifon ; δὲ Son climat eft fort fain; ils diuifent leurs années en trois faifons;les mois de Mars, Patan enln- d'Auril, de May & de luin font celle de l'Eté ; car en ce temps-là , non feulement SU l'approche du Soleil échauffe leur Pays, mais le vent au lieu dele temperer l'aug- mente : Il y fouflle ordinairement vers la my-May vn vent d'Oüeft qui efchauffe encor” plus le Pays que le Soleil mefme. La chaleur y eft auffi grande د‎ que l'on fentlors qu'on eft proche d'vne maifon qui brufle ; tellement que dans les chambres les mieux fermées, le bois des chaites & destables y eft tellement ef chauffé qu'on ne le peut toucher ; & que l'on eft obligé de jetter continuel- lement de l'eau deffus & fur le plancher des chambres; maiscét excez de cha- leur ne dure que fix ou fept ¡jours entoute vne année, & depuis feulement neuf heures du matin iufques à quatre heures apres iuidy;caril vient apres vn air frais Saifons de de la Mer qui la tempere agreablement. Ceux du Pais qui font obligez l'année. de voyager durant ces grandes chaleurs en font quelquefois eftouffez;ce qui eft aufli arriué à vn Hollandois qui voyageoit dans vn Pallanquin ; & à vn de nos Anglois qui ne fit quvne demie lieuë pour aller iufqu'à la Barre du Port. Les moindres chaleurs de leur Efté furpaffent encore de beaucoup les plus grandes chaleurs que nous auons en Angleterre , & dureroient tout le mois de luiller, d'Aouft, de Septembre & d'Oétobre, maisles pluyes continuelles rafraîchiffent lair ὃς la terre, & viennent en fi grande abondance qu'elles inondent tout le Pais. Leshabitans en reçoiuentle mefme auantage que les Ægyptiens tirent du Nil; car ils fement dans cesterres ainfi preparées leur Rys & les autres grains fans efperer d'autre pluye que hui& mois apres. Ils content leur Hyuer au mois de Decembre, Ianuicr, Feurier, mais il y fait auffi chaud qu'au mois de May eri Angletcrre ; ainfiles arbres y font toufiours verds ὃς toufiours chargez de frui&s murs. On y faic deux moiffons de Rys ;il y a mefmes des terres qu'on defpoüille trois fois, & celles quon ne feme qu'vne fois rendent extremement; ils fement vne efpecc de legume que nous n'auons point en Angleterre ; ils ont de l'orge; mais ilsen mangent peu; le Betle leur tenant lieu de tous les autres herbages dont nous nous leruons. Ce Pays eftfort fertile, tout y eft a bon marché, ce qui vient principalement de Pabítinence que font les habitans, & de ce qu'ils ne mangent d'aucune chofe qui ait vie. L'on y a hui& poules pour quatorze fols, vn mouton pour onze, & tout le refte à proportion, ces chofes eftant encore à meil- leur compte hors de la ville. | ; Ce Royaume aufli bien que les autres Royaumes des Indes,prend fon nom de Colconda; la ville de Golconda , lieu de la refidence de fon Prince. Les Mores & les Perfans l'appellent Hidraband ; elle eft efloignée du cofté de Mafulipatan de vingt- hui& lieués du Pays, dont chacune fait neuf de nos miles d'Angleterre. On Le mile fait cc chemin ordinairement en dixiours. Cette ville paffe pour la mieux fci- E CE tute detoutes les Indes à caufe dela douceur de fon climat, de la bonté de fes 5000. pieds caux, & de la fertilité de fon terroir. Le Palais du Prince furpaffe auffien magni- Roy. ficence tous les autres des Indes, Il a 12. miles de circuittout bafti de pierre; Sy aux endroits où nous employons icy le fer, comme aux barreaux des feneftres, Les Perfans c'eft de Por maflif. On tient ce Prince pour le plus riche des Indes en Elephans & [οἷς لاي‎ en pierreries. Il tire fon origine des Perfans,& a retenu leur Religion, qui differe Cotub en en beaucoup de chofes de celle des Turcs. Pen ay defcrit la difference fort au AES RE long dans mó voyage,& ie n'ay rien à y adioufter icy;finon qu'yn nommé Meéne coa fi ces qui fe vantoit d'eftre de la race de Mahomet,me difoit qu'il priroit pluftoft Dieu Rois ceu pour vn Chreftien , que pour vn Sunée ; c'eft à dire vn Mahometan heretique. (TTE Ce Prince & tous fes predeceffeurs ont gardé le tiltre de Cotubsha a Pai ie me Mahomer: , + = 7 A ju 1 7 «+ 1] RIS Sentiment du Roy de Golconda, furle ma- riage du Roy d'An- gleterre. Lc Pagode vaut à peu > ; pies vn ccu d'or de Fra- cc. Forterefle de Cunda- poly. 4 RELAT. DES ROYAVMES DE GOLCONDA, fouuiens d'auoir leu l'origine dans Linfchot. Il fe maria au temps que i'eftois dans le Pays auec la fille d'Adelsha Roy de Vifiapour. Il a trois autres femmes, & au moins mil concubines : Il n'y a rien de plus commun parmy eux que d'auoir plu- fieurs femmes; & de toutes les chofes que ie lay pouuois dire de l'Europe , il n'y en auoit point qui l'eftonna dauantage; & comme il difoit,qui fut plus honteufe & plus deplorable, qu'vn Roy d'Anglererre qui auoit trois Royaumes, fuft reduit à n'auoir qu'vne feule femme. Il eft engage dans vne ligue deffenduë auec del Sta, & Sha, contre lc Mogol, maisles meilleuresarmes qu'ils employent pour Pafleurer contre fes enrreprifes د‎ font les prefens qu'ils luy font tous les ans, & trouuent plus auantageux d'acheter le repos que d'entrer en guerre, Ila de reuenu 25. leck- ques de Pagodes qu'il tire de tous fes Sujets , qu'on peut dire eftre tous fes Fermiers. Ce Roy, comme prefque tous lesautres Roys des Indes eft maiftre de toutesles ter- resde fon Pais; elles font diuifées par Gouuernemens; que les Gouuerneurs tien- nent à ferme du Roy, & lcs diuifent en plufieurs portions qu'ils fousferment à d'au- tres,& ceux.là à d'autres inferieurs,tant que cette fubdiuifióvienne iufqu'au peuple qui eft fort miferable ; car lors qu'il ne peut pas payer fa ferme , il faut qu'il quitte le Pais; Sa femme, Les enfans, fes freres & les parens refpondent de fadebte: Pour cc qui eft des grands Fermiers & Gouuerneurs, quand ils manquent à fatis- faire à leur payement , ils font battus à coups de canne; comme il arriua au Gou- uerneur de Malulipatan,qui mourut des coups qu'il receut fur le col,fur le vétre, fur le dos, & fur la plante des pieds. Touslesans au mois de Iuillet , on expofe en vente les Gouuernemens on les donne au plus offrant; tellement que dans ce peu de temps que dure leur bail, iln y a point d'exa&ion ny de violence qu'ils ne pratiqué. Lon compte dans le Pays foixante & fix places fortes ; les foldats des Garnifons n'ont que cinquante fols par mois, & encore en font-ils mal payez. La plufpart de ces chá- tcaux ou places fortes font fur des rochers de fort difficile accez. l'en ay veu trois, Cundapoly , Cundauera , & Bellum-Cunda. Le mot de Cunda fignifie en cette lan- gue,vne montagne. Vniour que j'eus occafion de rendre vifite au Gouuerneur de la ville de Cundapoly , j'eus lacuriofité d'entrer dans le Chafteau. Il me dit que luy- mefme qui eftoit Gouuerncur du Pays, n'y pouuoit pas entrer fans yn ordre exprés du Prince , & que cét ordre ne f'obtenoit qu'auec beaucoup de peine. Il me dit que cette fortereffe eftoit composte de 6o. differens forts tellement fituezqu'ils fe commandoient l'vn l'autre, & qu'ils enfermoient des campagnes de grandes eften- dués , od il y atoutes fortes d'arbresfrui&iers, & où ils recueillent du Rys ; celle fût la Relation que m'en fit le Gouuerneur de Cundapoly. Pour moy,qui confideray de loin cette place, elle me a fur le haut dvne roche efcarpée de tous coftez, hor- mis du cofté du chemin tres-eftroit qui y conduit. Auec cela,elle ne 121116 pas d'eftre enferméc d vne muraille auec quelques tours & baftions qui la flanquent. Ceux qui ont bafty cette place, fe font feruis de l'auantage du lieu: & comme elle ne peut eftre minée , & qu'elle commande à tout le Pays qui eft autour; c'cftvn vraylieude retraite pour vn Prince qui auroit perdu vne bataille. Ce Chafteau entretient cor- refpondance aucc celuy de Cundauera,qui en eft éloigné de vingt-cinq milles, Parle moyen des feux qu'ils fe font de nuit, l'exercice de toutes fortes de Religions cftli- bre en ce Pays. Les perfonnes de qualité font de la Religion du Roy, mais celle des Maturels du Pays qui font Gentils , eft la plus fuiuie. le ne puis m'empefcher de dire quelque chofe de cette Religion des Gentils; leurs Preftres ou Do&eurs deleur Loy, font appellez Bramenes ; ils difent qu'au commencement il n'y auoit qu'vn feul Dieu; qu'il Cen eft depuisaffocié d’autres , les choififfant d'entre les hommes quiont vefcu fur la terre; ils érigent des Temples ou Pagodesàleur memoire, & leurs addreffent leurs prieresdans leurs neceffitez. , Ilstiennét lame immortelle , & qu'elle paffe d'vn corps dans yn autre, felon qu'a vefcu le dernier hóme, dans lequel elle fcfttrouuce ; & c'eft de là que vient cette crainte qu ils ent de rien manger quiait eu vie. Pour ce qui eft des ceremonies qu'ils | | | [ | | | 3 TANNASSARY,PEGV, ARECAN,&c. 5 -obferuent lors qu'ils fe lauent & qu'ils mangent, ils les tiennent de leurs predece(- feurs. Ils ont vne fort bonne morale, l'homicide & le vol font des crimes inconnus en cc Pays-là; mais ils prennent toutes fortes d'auantages dans les Traitez qü'ils font. La Poligamie ou multiplicité des femmes cit permife » cependant il y ena beaucoup quine fe feruent pas de cette permiffion fi ce n'eft lors que leurs premie- res femmes fe trouuent fteriles. Il ne {y parle gueres d'adulteres, & la couftume punit les femmes qui Pen trouuent conuaincuës. Pour ce quieft des filles & des vef- ues,il n'y aque la fcule modeftic qui les retienne. Ces peuples font diuifez par Tribus ou lignces. Ils difent qu'ily ena pour le moins quarante-quatre, Ils fe di- ftinguent par là les vns des autres, & tiennent leur rang {eion les prerogatiues de leur Tribu. Ainfile plus pauure Bramen precedera le plus riche des Comiti ἃ caufe que la Tribu de ces Bramens doit preceder l'autre. Ces Bramens font les Preftres du Pays, & les Do&teurs de leur Religion. Ils entendent fort bien 1 Arithmetique , & les Marchands Mahometans les e mployent ordinairement pour faire leurs comptes. Ilsécriuent fur des feüilles de palmites auec vne pointe de fer, 82 tiennent par tra- dition de leurs anceftres , les fecrets de la Medecine, de l'Aftrologie , & des autres Arts qu'ils pratiquent, & ne les communiquent iamais à ceux des autres Tribus. Ils font affez bons Aftrologues, & ne reüffiflent pas mal dans les predictions des écli- píes: ce qui leur a acquis vnefi grande reputation parmy les Gentils & parmy les Mores, qu'ils n'entreprennent point de voyages ny de grandes affaires fans lesauoir confultez auparauant fur l'heure à laquelle ils en doiuent commencer Pexccution, Pay veule Gouuerncur de Mafulipatan attendre dix iours] heure de faire fon en- trée en fon Gouuernement.Il y a deux Roys de cette race ou Tribu,le Samori n Roy de Kalecu,& le Roy de la Cochinchine. La lignée appellée Fágam,tient le fecód rág apres les Bramenes.Ils obferuent les ceremonies dcs Bramens, & ne prennent point d'autres nourritures que du beurre , du lai& , & routes fortes d herbages , excepté l'oignon , auquel ils ne touchent point à caufe de certaines veines qui fy trouuent, & qui leur paroiffent auoir quelque reffemblance auec du fang. Les Comitis compofent l'autre Tribu; font tous Marchands dans le Pays, & ra- uiffent d'vn cofte & d'autre les toiles de cotton pour les reuendre en gros aux Mar- chands eftrangers. Ilsfe mélent aufli de changer les monnoyes, cn quoy ils font tres- habiles ; & à la feule veuéd'vne piece d'or, ils en connoiffent la valeur interne à vn grain prés. Is jugent auffi fort bien de la bonté de toutes fortes de Marchandifes; fi - bien quel'aufterité de leur vie;& cette grande connoiflance qu'ils ont, me fait croi- re qu'ilstirentleur origine des Banians, qu'ils leur rcfleroblent dans l'vne & dans l'autre de ces qualitez. | Campo-varo cft la Tribu qui fuit apres : elle eft composte de Laboureurs,de gens - detrauail, & des foldats des Garnifons. Cette Tribu eft plus nombreufe que lesau- tres. Ils mangentde toutes fortes de viandes, à l'exception du bœuf; mais il nya oint de neccflité qui les peuft obliger de tuer vn Bœuf ou vne Vache. La raifon qu'ils en apportent , cft que leur Pays tire prefque toute la fubfiftance de ces ani- maux. Ils leurs donnét le lai & le beurre,& croyent que c'eft de luy qu'ils tiennent auffiles fruits de laterre , à caufe qu'ils feruent àlabourer ; tellement que fclonleur fens , Cell la plus grande inhumanité qui fe puiffe imaginer , de tuer tous les jours & dc manger va animal dont on tire tant de feruice ; tellement que pour rien du monde ; ils ne venderoient aux Anglois ny aux autres Europeens , vn Boeuf ny vne Vache, quoy qu'entre-eux elles ne fe vendent que quatre francs ou cent fols. L'autre Tribu eft des femmes de débauche. Il y ena de deux fortes; les vnes ne fe proftituent qu'aux gens qui font d'vne Tribu plus noble que la leur, & jamais à ceux d'vne Tribu inferieure; lesautres ne refufent perfonne , & tiennent ce genre de vic de leurs anceftres, qui ont fait le mefme meftier. En effet , leurs filles, fi el - les font belles , font éleuées dans ce deffein; autrement fi on ne les eftime pas affez bien faites pour y reüfhr, on les marie aucc des hom mes de τ T Tribu; Tous les Habitans diuifez par Tribus. Tribu des Bramens. Tribu des Fangams. L'E. de C. dit vne au- tre raifon, & que c'eft à caufe qu'eftät fuf- pendu au plancher & hors de ter- re,il germe, tirant de [à vne indu- “ion que c'eftvnani- mal. Tribu des Comitis. Tribu des Campo-va- IO, Tribu des femmes de débauche, de deux for- tcs, a Tribu des Artifans. Les Peinttes font vne rribu àpart; comme au{- fi les Sel- liers , les Baïbiers, & ceux qui portent les Palläquins. 6 RELAT. DES ROYAVMES DE GOLCONDA, & les filles qui viennent de ce mariage ; rcparent le dés-honneur de leurs meres qui n'ont pas efté jugées affez belles pour faire ce meftier tellement que cette (ucceffion n'eft iamais interrompué. On fait apprendre à ces jeunes filles à dan- fer, & leur principal foin eft de leur rendre le corps fouple des leur Jeuneffe: Apres auoir efté ainfi éleuées , elles font des poftures que Pon croiroit impoffibles. Pay veu quelquesfois vne fille de 8. ans, leuer ' yne de fes jambes auffi droite par def fus fa tefte , quej'aurois pù leuer mon bras, eftant cependant debout, & fe foufte: nant fur l'autre. Ie leur ay veu mettre les plantes de leurs pieds fur leurs teftes: Enfin,elles pafsét en cela nos plus habiles danfeurs de corde; elles ne doiuét point d'autre tribut au Roy , que de fe rendre vne fois l'année à Golconda , pour faire toutes fortes de poftures deuant ce Prince ; où celle qui y reüffit le mieux, reçoit vn prefent de 5a Majefté. Elles fatisfont de mefmes les Gouuerneurs des Prouin- ces,& danfent deuant eux lors qu'ils le commandent ; mais elles fe font payer de tous les autres qui les employent aux occafions des Feftes , des arriuées des Vaif- feaux, des Circoncifions , & des autres réjouyffances. Il y en a entre- elles de Fort riches, dc fortbien mifes, & qui ont fur elles quantité de pierreries. Pour leurs habits , ils font de toile de cotton, on de quelque eftoffe de foye fort legere ; el- les portent vn corps de farge ; auec des manches qui ne leur viennent que juf- quesau coude ;aux bras elles portent des bracelets d'or , auec des rubis & des émeraudes ; elles ont toutes des pendans d'oreilles;ily ena mefme quelques- ynes qui ont les narines percées > & qui y mettent yne bague auec vne perle ou vn rubis; elles ont àleur col des filets de perles ou de corail; & pour leur coéffure , elles releuent leurs cheueux auec vn nœud qu'elles font fur leur tefte. | Les Charpentiers , les Maflons , les Orfévres , & les Marchands , font vne autre Tribu. Les derniers de tous font les Piriaues;ils ne font regeus dans | pas vne des autres Tribus; on ne leur permet point de demeurer dans les Villes : & fi par hazard ceux des autres Tribus feftoient frottez contre-eux , ils feroient obligez à f'aller lauer tout aufli-toft, Leur meftier eft de preparer les cuirs, de fai- re des fouliers,d'emballer les Marchandifes.Ie n'ay iamais veu de gens plus fales. Il faut que j'adjoufte icy quelque chofe de ceux qui portent les Pallanquins: hui& de ces hommes vous porteront auec vn matelats & des couflins ; trente- fix de nos milles d'Angleterre en vn iour. Ils font toufiours quatre , & fe fuccedent les vns aux autres; ils faccouftument à ce trauail dés leur jeuneffe. Toutes ces Tribus ont vne meíme Religion & vn mefme Pagode ou Temple dT. doles οἱ ils fafséblent , mais dis ce Temple ils choififfent chacun leur Idole. Ces Pagodes font ordinairement fort obícurs,& n'ont point d'autre lumiere que celle qu'ils regoiuét des portes qui font toufiours ouuertes : ils feruét auffi de retraite à ceux qui voïagent ; carle Bramen qui y demeure , n'en occupe qu'vn petit coin. Ils n'ont en toute l’année qu'vne feule Fefte, à laquelle chacun fe rend aux pieds de l’Idole qu'il adore. On void ce jour-là des milliers de ce Peuple qui 7 y render, Ils jeünent 24.heures ; ils fe lauent; ils attachent des lampes le plus proche de PI dole qu'ils peuuent , & luy font des prieres chacun felon fes neceffitez ;il y ena mefme qui viennent pour voirleurs amis & leurs parens. L'on void fur le che- min des gueux qui ont des inuentions admirables pour exciter à compaflion les paffans ; car ceux qui n'ont point de défaut, fe roulent tous nuds fur des épines; d'autres Fenterrent dans vne foffe jufques au col. Sur la minuit on porte le Pago- de au fon des trompettes , & on tire quantité de feux d'artifices, que ces Peuples preparent fortbien. Entre ces Idoles, ils en ont:vne qui eft des plus adorces; c'eft vn bloc de pierres qu'ils difent reffembler d'autant mieux à la Diuinité, qu'il n'a aucune figure femblable à ces Atheniens qui auoient drefsé vn Templo au Dieu inconnu. Ils ont 4. autres Feftes principales , dont la folemnité fe paffe dans l'eau de la Mer. Ils fe rendent cejour-là fur fes bords: ils fy lauent fous la dire&ion deleurs Do&teurs ou Bramenes, qui prononcent certaines paroles PES TANNASSERY,PEGV, ARECAN, &c. » .'enleur jettant de l'eau. Le Bramen & ceux du Peuple qui regoiuent la Benedi- &ion , font dans ce temps-là dans l’eau jufques àla ceinture. Ils fe font tous les jours de nouuelles Idoles, leur donnant des figures qui leur font venués en fon- e; & font vœu quelquesfois de ne point manger jufqu'à ce qu'ils ayent acheué de les tailler ou de les fondre. Pen ay veu vne de pierre noire de quatre pieds de haut; elle reprefentoit vne figure humaine ; ils difoient que fil'on euft jetté fur fa tefte vn boifleau de R ys, tous les grains fe (eroient arreftez fur cette Idole , fans qu'il en tombaft vn feul grain à terre. Vn autre m'affeuroit qu'yn homme qui fe feroit coupé la langue deuant fon Idole;il luy en feroit reuenu yn autre en la pla- ce; mais il n'en voulut point faire l'experience. On m'en fift voir vne troific- me, ceux du Pays affeuroient,que fi on mettoit quelque quantité de miel de Sor- bec , ou de quelque autre liqueur que ce fuft, dans vn trou qui en eftoit proche, il ne Py en perdroit juftement que la moitié ; Que d'vne pinte le trou en auroit retenu vne chopine,& vn demy muid d'vn muid entier. Ils adorét vne autre Ido: le qui fait venir, ce difent-ils , les maladies , & particulierement la petite vero- le: Pour mieux exprimer les defordres de cette maladie , ils la reprefentent par la figure d'vne grande femme maigre; ou pluttoft d'vne Furie quia deux teftes, & quatre bras. En voïageant vn ¡our en ces quartiers,ie fus obligé de paffer Janüi&t dansle Temple dela petite verole : celuy qui l'auoit bafty , meraconta que cette maladie Peftant mife dans (a famille, il auoit fait vœu de luy baftir ce "Temple, & qu'elle auoit cefsé tout aufli-toft. Les plus deuots & moins riches, luy font vn autre vœu encore plus extrauagant ; Je fus exprés pour en voir l’exe- cution vn jour, qui fembloit eftre deftiné pour ces fpeétacles. i ᾿ς Onfaitdeux ouuertures auec vn coufteau dans les chairs des efpaules de celuy quia fait ce vœu ; on y paffe les pointes de deux crocs de fer; ces crocs tiennent au bout d'vn grárid'arbre ou piece de bois bofee fur vn eflieu, qui eft; porté par deux rouës de fer, en forte quela piece de bois a fon mouuement libre mee main il tient vn poignard , de l'autre yne efpée : on l’éleue enl'air, & par le moyen des roués on luy fait faire enuiron vn quart de lieuë de chemin. Il fait ce- endant mille actions auec fes armes, & il y a lieu de feftonner comment la pe- {anteur de fon corps ne fait point rompre l'endroit dela peau par laquelle il eft attaché : On en accrocha quatorze en ma prefence les vns apres les autres , pas vn defquels ne fe plaignit de ce martyre : on met vn appareil fur leurs playes, & retournent au logis auec vn fort mauuais vifage , & le corps en piteux eftat. Ils ont des dieux gardiens de leurs maifons; le chef de la famille en a le foin; ils leur font vnc fefte, & les enfans mangent ce qui leur a efté prefenté dans le Sacrifice. Les peres & les meres choififfent vn party à leurs enfans, ils le choififfent toufiours dans la mefme Tribu ; & autant qu'ils peu- ‘uent dans la mefme famille , & entre leurs plus proches parens , n'ayant aucun ef- gard entre-cux aux degrez de parenté. Ils ne donnent rien à leurs filles en les ma- riant :le mary mefme cft obligé de faire quelques prefens au peré & àla mere de la fille ; il y en a beaucoup qui ne fe marient pas و‎ à caufe qu'ils n'ont pas 21162 de bien pour faire cette dépenfe. Les perfonnes riches marient les garçons dés l’âge de cinq ans ;les filles dés l’âge de trois. Pay veu beaucoup de cesieunes mariez ; & ils croyent dans le pais que c'eft vne grande prudence deles marier de la forte: car, difent-ils ,ils font toufiours mariez du viuant de leurs peres, qui choific mieux leur party qu'ils ne feroient pas eux-mefmes. Quand le garcon ἃ douze ou trcize ans; & la fille dix ou onze, le mariage fe confomme,& l'en ay veu acou- cher qui n'auoierit que douze ans. Le ¡oir du mariage on porte les mariez dans vn Pallanquin ; on les promeine dans les places publiques de la ville auec des mu- ficiens , & la troupe des courtifannes qui danfent à la tefte du cortege, & farre- ftent aux portes des maifons des grands Seigneurs ou on leur fait quelques rega- les : quand ils font retournez au logis le Bramen cftend yn drap entre le mary Leurs Ido- les, & les miracles qu'ils fup- pofent. Tempie de la petite ve- role, Le vou qu'on luy : fait de fe faire accro= cher. Mariages, 8 RELAT. DES ROYAVMES DE GOLCONDA, & la femme , & dit quelques prieres : il commande apres au mary de paffer la jambe par deffous le drap, & de prefler de fon pied > qui eft nud, le pied de l'époufée qui e ft de mefme > comme vn prelude de la confommation du maria ' ge qui fe doit faire en fuite. S'ils (ont trop Jeunes , la confommation eft remife à yn autre cemps; fils font en áge, onlestemene à la maifon du pere du garcon,ou en celle du plus âgé de fes freres ; car les freres & ceux d'vne famille, quoy que fort nombrcufe , ne fe feparent guere ; ils rapportent en commun tout ce qu'ils gagnent, rendent grand refpeét à leurs parens, & viuent dans yne grande vnion. Sile mary meurt, la veufuc ne peut plus fe remarier, pas mefme celles qui ont cíté mariées à l’âge de trois ou quetre ans, & dont le mariage n'a pas efté confu- mé. C'eft vne malheureufe condition que celle de ces veufues qui ont leur puce- lage , on ne leur permet point de fortir; fil y a quelque fatigue à faire dans la maifon , elles en font toufiours chargées : on ne leur fouffre point de beaux habits و‎ de pierreries , ny d’autres ornemens : en fin on les tient de fi court, que la plufpart fenfuient pour mener vne vie plus libre; mais il faut qu'elles la paf fent loin de leurs familles, pour fe mettre à couuert du danger d'eftre empoifon- nées par leurs parens ; qui en feroient gloire dans ce rencontre. i Ils ne baptifent ny ne circoncifent point leurs enfans : Ils ne font point d'au- tres ceremonies à leur naiffance que de leur donner yn nom qui eft pris ordinai- rement dé leurs peres dela Tribu dont ils font ; ou quelque epitete qui marque quelque defaut ou qualité de leurs perfonnes. Les femmes en ce pais accouchent prefque fans peine, & fe lauent ordinairement deux ou trois jours apres feftre déliurées de leurs enfans:il y en a mefme qui le font dés le premier iour.Leurs en fans ne leur dónent pas plus de peine à éleuer,car iufqu'à l’âge de 7. à 8. ans elles les laiffent tout nuds ; ils fe roulent par terre iufques à ce qu'ils puiffent marcher, & enlesladant fouuent dans l'eau, elles les tiennent fort nets.Les enfans des per- fonnes riches font éleuez auec plus de foin,mais fans habits; & on ne leur en don- ne point que les jours de fefte : Les hommes qui font fortis de l’âge de l'enfance portent vne piece de drap de coton blanc , qui leur pend depuis la ceinture ¡uf qu'aux genoux , & vne efpece de manteau fur les efpaules , qui leur couure iuf- qu'au milieu du corps: Ils releuentleurs cheüeux , qu'ilslaiffent croiftre comme les femmes} portent le Turban, des anneaux aux oreilles ; auec de petites perles & des chaines de ginebra ou d'argent à leur col : carily ena peu qui puiffent en auoir d'or. 115 ne font pas tour à fait noirs, mais oliuaftres, les vns neantmoins plus blancs que lesautres , ἃς la plufpart bien faits de leurs perfonnes, robuftes, & affez ciuils dans leur cóuerfation.Ceux de noftreNation ont eu fujet de Pen loüer dans le temps de leur tefidence dans le pays. Les artifans d'vne mefme Tribu tra- uaillent tous pour mefme falaire , & ce falaire eft peu.de chofe. Le marchand & l'orpheure quoy que l’vn faffe des fers à ferrer, & l'autre des chaines d'or , ne ga- gneront que la valeur de cinq ou fix fols en vn iour, & dans nos maifons nous eftions fort bien feruis par des gens aufquels on ne donnoit qu'vne piece de cin- quante huit fols par mois fans les nourrir. Ceux qui portent les Pallanquins ne gagnent pas dauantage ; encore font-ils obligez de faire quelques coruées pour le Gouuerneur.La grande abondance du Païs,& la diette continuelle de ces peuples,fait que les viures y font à grád marché. Quand ils meurent on en brufle les vns, & l'on jette les cendres dans la plus proche riuiere. L'on enterre les autres affis les jambes croiftes, comme ils fafféent ordinairement. Il faut que ie rap- porte ce que i'ay veu de ces femmes qui fe font brufler fur les corps de leurs ma- ris. C'eft νης Traditionreceué entre ces Indiens, qu'autrefois les femmes de ce Femmes qui Pays eftoient fi portées à la débauche, qu'elles empofonnoient ordinairement ^ es leurs maris pour la faire auec plus de liberté ; ce fut l'occafion d'vne Loy que l'on ur le corps dcleu n, y eftablit, que les femmes fe brufleroient fur les corps de leurs maris, ce qui fe sis, - pratique encore maintenant dis l'Ile deBaly proche de laua,mais en ces derniers temps TANNASSERY, PEGV, AREC AN, &c. g | temps on a reformé la rigueur de cette Loy, & la veufue eft (culement obligée à ne fe point remaricr , on permet toutesfois à celles qui fe veulent brüler la liber- té de le pouuoir faire: Ce qui arriue quelquesfois;car elles croyent que mourant de la forte leurs ames tiendront compagnie à celles de leurs maris dans les tranf- migrations qu'elles ont à faire. Ie me fuis crouué à deux de ces fpeétacles; le pre- mier fut de la femme d'vn Tifferan âgée de vingt ans; elle fe para le mieux qu'elle püt, & fe fit accompagner de fes plus proches parens & amis ; elle fe repofa quelque temps furle bord de la foffe où elle deuoit eftre bruflée , entrete- nant cependant auec vn efpric fort tranquile ceux qui venoient prendre con- gé d'elle : Elle mangeoit quelquefois des feüilles de Bértele, marquant mef- me auec les mouuemens de fon corps , la cadence de la mufique qui eftoit là, & qui faifoit partie de ce fpectacle. Nous en fufmes auertis dans la Vil- le, & nous courufmes en grande diligence pour y arriuer à temps. Ils fimagi- nerent nous voyant venir auec cette hafte , que le Gouuerneur nous auoit en- uoyez pour empefcher cette femme de fe brüler ; & ils en prefferent l'execution, Quand nous arriuâmes,ils jettoient defia de la terre fur fon corps; Car chacun des parens tient vn pannier plein de terre qu'ils jettent tous en mefme temps. Nous remarquafmes qu'vn de fes parens fapprocha de la foffe , & l'appella par fon nom. Il nous voulut faire croire qu'elle luy auoit répondu,& qu'elle luy auoit dit qu'elle eftoit fort contente de la refolution qu'elle auoit prife. On éleua fur cette foffe vn peu de terre,& ils f'en retournerét fort glorieux d'auoir eu yne pas rente fi genereufe. L'autre eftoit yne femme dela Tribu de Campo-varo ; celle- cy apres f'eftre preparée comme la precedente , chantoit en f'approchant du bú- cher,Bama-N arina,Bama-Narisa, qui eft le nom d'vne de leurs Idoles, & fe jetta dis la foffe où fon mary brüloit : fes parés & amis l'eurent pluftoft couuerte de terre, que le fcu ne Peút brülée. La troifiéme eftoit la femme d'vn Orfévre ; fon mary eftant mort , clle fe refolut de le fuiure ; elle vint trouuer chez moy auec fes pa- sens, le Kutual ou Magiftrar de la Police , pour obtenir de luy cette permiflion. Le Kutual luy répondit qu'elle l'allaft attendre à fon logis, & qu'ils parleroient de cette affaire, taíchant cependant à la détourner de ce defefpoir, & luy difant qu'il auroit foin de fa perfonne. Cette femme témoigna faire peu de cas de fes of- fres,& parcit mal farisfaite,difant qu'il luy pouuoit bien refufer cette permiffion; mais non pas l'empécher de mourir de quelque autre genre de mort. Peu apres,on me dit qu'elle feftoir pendué;la chofe arriua àMafulipatan,où ils sot prefque tous Mahomctans, & ne permettét pas aux Gentils d'executer ces cruelles couftumes. Pour la quatriéme , ie rapporteray ce que jay appris d'vn de nos Faéteurs. Il me difoit, que voyageant à la campagne pour les affaires de noftre Compagnie, il vid de loin yn grand concours de Peuple ; que Pen eftant approché, il trouua que c’é- toit vne femme qui f'alloit brüler fur le corps de fon mary. Il mit l'épée à la main auec ceux de fa troupe ; & ayant écarté ceux qui affiftoient à ce fpecta- cle, il tafcha de perfuader de viure à cette femme qui eftoit demeurée toute feule, l'affeurant de la prendre en fa prote&ion , & de la deffendre de l'importunité des parens de fon mary ; mais elle ne fe laiffa point perfuader luy dit qu'elle ne fou- haitoit rientant que la mort :Si bien que l'abandonnant à fon defefpoir, il per- mit aux Indiens de fen r'approcher, & d'acheuer cette trifte ceremonie , dont il fut le fpe&ateur. - Tay entendu dire à beaucoup de gens, que la Mine des díamans auoit efté trouuée par hazard; & qu'vn Berger gardant fon troupeau à la campagne, & ayant donné du pied contre vne pierre qui luy parut auoir quelque éclat, il l'auoic ramaísée, & l'auoit vendué pour vn peu de Rys à vn Committy,qui ne la connoif- fant pas, l'auoit aufli reuendué à vn autre de fa Tribu, fans en tirer grand profit; qu'elle auoitainfi 2156م‎ en plufieurs mains, jufques à ce qu'enfin elle tomba en- tre celles d’yn homme qui en reconnut la valeur. Ce dernier marchand chercha 1 TAX B Femmes qui fe brutlent fur le corps de leurs ma” ris. Defcription € la Mine des diamans deGolconda to RELAT. DES ROYAVMES DE GOLCONDA, foigneufement les perfonnes par les mains de qui clle auoit pafsé ; & trouua en fin le lieu de la Mine. Lachofeayant efté diuulgée ; le Roy en prit poffeffion , & les Joaliers de tous les pays d’alentour fy rendirent.Pour moy,1e me refolus d'y faire vn voíagc auec le Sieur Soccore Gouuerneur du Fort, & le Sicur Thomafon Mars chand ; nous voulions voir principalement l'ordre que Pon garde en cette Mine; & confiderer l'endroit d’où l'on ire vne chofe fi precieufe. Nous fümes quatre jours en chemin, & trauersàmes vn Pays defertsfterile & plein de montagnes; tel- lement que nous trouuámes que la Mine eftoit à cent huit milles de Matulipa- - tan. Nous logeámes dans l'Hottellerie ; & d’abord pour fatisfaire à la couftume du Pays, nous allámes voir le Gouuerneur; c'eftoit vn Bramene nommé Ray Ravv;il eftoitlà par l'ordre du prince pourreceuoir fon droit & pour adminiftrer . la Iuftice à toutes les differentes Nations que l'auidité du gain y attire. Il nous re- La ville dót eft queftion icy cit celle dc'Golcode. Manicre de tirer l'eau de la Minc des Diamás- ceut fort bien , & nous fit voir de fort beaux diamans quiappartenoient au Roy, & vn entre-autres de trente quarats s qui fe pouuoit tailler en pointe ; mais qui n'eftoit pas parfait. Nous retournámes à la Mine le iour fuiuant ; elle eft éloignée de la Ville de deux lieués. Il y a bien trente mille perfonnes qui y tra- uaillene; les vns foüiffentla terre ;les autres en empliffent des baquets; lesau- tresen puifent l’eau: d'autres portent la terre dela Mine en vne place bien vnie ἃς quarrée, fur laquelle ils Pétendent à la hauteur de quatre ou cinq poulces; ils la laiffent feicher au Soleil, & le ¡our fuiuant ils broyent les mottes de cette terre en frappant deffus aucc des pierres:ils ramaffent apres les cailloux qu'ils ont trou: uez dedans ; ils les caffent , & y trouucnt des diamans, quelquesfois il ne fy en rencontre point du tout, & cela felon la terre qu'ils ont trauaillée : ce qu'ils con- noiffent à la veué; quelques-vns me difoient qu'ils le connoifloient mefme À l'o- deur de laterre ou morte : Quoy qu'il en foit و‎ il eft tres-certain qu’ils le connoif- fent fans rompre ces mottes عق‎ cailloux: Car ie voyois en quelques endroits qu'ils n'auoient fait qu'egratigner vn peu la terre, & que dans d'autres ils auoient foiiilz 1é jufqwa la profondeur de dix ou onze braffes. La terre de cette Mine eft rouge ; clle a des veines d'vne matiere femblable à de la chaux, quelquefois blatiche ἃς quelquefois jaune : Elle eft mélée de cailloux , lefquels fe leuent attachez plu- fieurs enfemble. Ces mottes fe feichent eftant exposées au Soleil ; ils les broyent comme j'ay dit auec des pierres ; je pris vne motte , que ie garde encore pour la fatista&ion des curieux. Ces Mines ne fe trauaillent point com: me celles de l'Europe , où Pon fait des allées fous terre ; ils creufent droit en bas, & font comme des puits quarrez. le ne puis pas affeurer fiils fuiuent cette maniere par la? cónoiffance qu'ils ayent du cours de la veine, ou f'ils]e font par ignorance ; mais ie puis bien affeurer qu'ils ont yne maniere de tirer l'eau de leurs Mines, meilleure que toutes les machines que nous y employons ordinairement: ilsle font auec des hommes qu'ils placentles vns au deffus des autres, & qui le . donnent l'eau de main en main jufqu'à ce qu'ils l'ayent tirée dehors ; la diligence eftant fort neceffaire à ce trauail : car l'endroit où ils ont trauaille à fec toute la nuiét, fe trouueroit le matin plein d'eau à ila hauteur d'vne braffe. La mine eftoit affermée à vn nomméMarcanda, qui eft de la Tribu des Orphévres;il en paye au Roy tousles ans 300. mille Pagodes , le Roy fe referuant tous les diamans qui paffent dix carats. Ce fermier general diuife la Mine en plufieurs portions par quarrez , & il la fousferme à d'autres. Le Roy pour εἴτε affeuré que l'on ne دعل‎ ftourne point les pierres qui font de fon droit, obligele Gouuerneur du Pays d'y eftre fouuent , & pour faire punir fort rigoureufement ceux qui entrepren- droient de le frauder de fon droit ; mais cette crainte n'empefche pas qu'on ne dé- tourne quelquefois des diamans de 40. carats. l'en ay veu deux qui appro- choient de 20. carats chácun, & pluficurs de 10. & d'11. mais ils fe vendent fort. cherement. La Mine cft fcituée au pied d'vne grande montagne affez proche d vnc riujere nommée Chriltena, Ce Pays eft naturellement fi fterile;qu'auparas TANNASSARY, PEGV, ARECAN,&.c. τι Want cette découuerte c'eftoit vn defert:il.eft maintenant fort peuplé,& il y a plus de cent mil hommes qui y trauaillent ou qui y trafiquent. Les viuresy font fort «chers,car on les apporte de bienloin. Les maifons mal bafties,comme ne deuant feruir que pour le peu de feiour qu'on y fait. L'année 1622. la Mine fut fer- mée; on fit retirer tous ceux qui y eftoient ; quelques-vns ont creú que c'eftoit pour faire augmenter le prix & le debit des diamans, ne voulant pas qu'on en ti- raft de nouucaux que les premiers qui auoient efté tirez ne fuffent vendus:d'au- tres affeurent que ce commandement fut fait fur vne Ambaffade du Mogol, qui demanda au Roy de Golconda trois liures pefanr de fes plus beaux diamans. On l'ouurit apres qu'ils fe furent accordez für cette demande ; mais à ce que i'ap- prens, elle eft prefque épuifée, & Pon y trouue à cette heure fort peu de diamans. Il y a en ce Pays beaucoup de criftal & beaucoup d'autre pierres tranfparantes qui n'ont pas la mefme dureté, & qui font de peu de valeur, comme des Grenas, des Ametiftes, des Topazes,des Agathes, & femblables pierres tendres. Il y a auff beaucoup de fer & d'acier qui fe tranfporte en pluficurs endroits des Indes: on vend le fer enuiron 30. fols le cent deliures, & 45. fols le cent d'acier pris furles lieux, & trois fchellings le bon acier : Et comme ille faut faire porter fur des boëufs jufqu au port de Mafülipatan , & qu'ils mettent hui& iournées de chemin en ce voyage, on l'y vend jufqu'à quatre francs ou cent fols; le refte de ce Pays ne produit ny or, ny cuivre, ny autres métaux. i Les pierres de Bezoar fy trouuent en quantité ; mais c'eft dans vn feul endroit du Pays. Hs tuént vne infinité de Chévres , & leur ouurent le ventre pour les chercher ; ils en trouueront dans quelques - vnes jufqu'à trois ou quatre, les vnes longues , d'autres rondes , mais toutes fort petites. Les plus groffes viennent d'autres Pays ; les meilleures le trouuent en Perfe. 115 difent que celles de Perfe fe trouuent dans le corps des Singesson Pen fert beaucoup dans lesIndes, & font fort:cheres par cette raifon ;il y a peu de profit à en apporter en Angle- terre. On a fait cette experience fur ces Chévres; on en prit quatre, & onles tranfporta à quelques cent cinquante milles de là : on en ouurit deux incontinent apres , dansleíquelles on trouue des Bezoars. On ouurit la troifiéme dix iours apres , on y vid quelque marque qu'il y en auoit eu: & dans la quatriéme qu'on ouurit vn mois apres, on n'y trouua ny Bezoar ny aucune marque ou veftige de pierre. Ils entirent vne confequence, qu'il faut qu'il y ait en ce lieu-là quelque arbre ou quelque plante; laquelle feruant de nourriture à ces animaux, eft cau- fe dela production du Bezoar. On y trauaille toutes fortes de toiles de cotton , mais qui fe diftinguent aisément de celles qui fe font dans tout le refte des Indes. La teinture , ou pour mieux dire la peinture des toilesde ce Pays, car ils peignent les plus fines auec yn pinceauseft la meilleure & la plus belle de toutes celles qui fe font dans le Leuanr. On a beaulauer ces draps ou toiles , la couleur dure autant que l'eftoffe. On tire cette teinture d'vne plante qui ne croift que dans ce Pays, ilsl'appellent Chay; & eft autant eftimée parmy eux , que la Cochenille l'eft dans l’Europe. L'on y fait aufli de l'Indigo, il eft à peu prés de la mefme qualité que celuy qu'on appelle Indigo de Lahor. Les Hollandois en ont acheté vne grande quantité; mais ceux de noftre Nation quien font de grandes experiences , le trouuent mieux de celuy qu'ils achetent à Surate. Ils ont commencé depuis quelques an- nées à planter du tabac, qu'ils tranfportent à Moca & à Arecan; mais il n'a pas la force du noftre : ce qui vient, comme ie croy, de ce qu'ils ne le Ícauent pas tra- uailler, n'y apportant autre foin que celuy d'en faire feicher les feüilles au Soleil. Ce font là les principales commoditez & marchandifes du Pays; ils les tranfpor- tent par toutes les Indes dans leurs Vaiffeaux qui font d'vn grand port, mais dont la ftruéture n'en eft pas fi bien entendué que celle des noftres. Ils trafiquent ordi- nairement dans la Mer-rouge au Mocha , dans l'Ile de Sumatra, à Arecan ; à een ἢ ecc ME د‎ "enr Β ἢ Pa-zahar fi. gnific jen Perfan la pierre du poifon. Teinture,ou pluftoft peiri ture des toi- les de coto. Indigo. Leurs naui- gations ou commerce, Mouffons. Royaume de Bengala. Caito. Moga. i RELAT. DES ROYAVMES DE GOLCONDA, l'Ile de Zeilan, & au Cap عل‎ Comorin. | Ils partent au mois de lanuier pour aller au Mocha , & retournent au mois de Septembre ou d'O&obre fuiuant. Le Roy y enuoye quantité de Rys comme yne aumoíne ; pour y eftre diftribuce aux pelerins qui font le voïage de la Meque. Il y enuoye aufli des marchandifes pour acheter des cheuaux Arabes; ils n'en met- tent que cinq ou fix dans vn Vaiffeau. Ils font fort eftimez dans le Pays; car ils n'ont point de cheuaux de bonne race; Pon y enuoye aufli du tabac en grande quantité , des fers de lance , des toiles dc cotton propres pour faire des turbans, du fer, de l'acier , del'Indigo ; du Benjoin, des gommes , & de la lacque ; ils en raportent des camelots,mais fur tout des Sultanins & des pieces de cinquáte hurt fols. Au mois de Septembre, leurs Vaiffeaux fe mettent à la voile pour Achin, Arecan, Pegu,& pour Tannaffary ;car dans toutes les coftes des Indes , les venss {ont continuellement fix mois d'vn cofté, & puis fix mois de l'autre , eftans feule- Ὁ ment vn peu changeans fur la fin de ces fix mois, & ne manquent point de fe fuc- ceder ainfi les vns aux autres au mois d'Auril & d'O&obre : ils portent à Achin beaucoup de fer, d'acier , des toiles blanches, des toiles teintes, & quelques dia- mans depuis que la Mine a cfte découuerte. Ils en rapportent du Benjoin, du Camfre de Barauffi , du poivre de Priaman, & de Tecoo, des Porceleines, & tou- tes fortes de marchandifes dela Chine. Ils portent à Arecan du tabac, du fer, vn peu de toiles de cotton peintes , & en tifent pour leur retour de lor, de la Lacque , mais principalement du Rys qu'ils rcuendent auec profit à Pallecatte , & le long dela cofte de Narfingue. | On charge pour Pegu des pieces de toiles de cotton peintes de diuerfes fortes, ils en retirent des rubis & des faphirs ; de l’or,la meilleure lacque qui fe trouue , de l'eftain , & du vif argent. | Ils trafiquent à Tannaffary des toiles de cotton teintes en rouge ; ils en portent mefine par terre jufqu'à Siam د‎ qui cft vn chemin de quatorze journées, & en reti- rent toutes fortesde marchandifes de la Chine, des Porceleines , des Satins , du Damas, de la Soye, du bois d'Aloés, du Benjoin de Camboya, beaucoup d'a- cier, & d' vn bois qui fert pour teindre en rouge , qu'ilsnomment dans le Pays Sa- pang, & qui eft le melme que noftre bois de Brefil. | “Ils nauigent le long de ces coltes,auec des petits Vaiffeauxqu'ils chargent de Rys & d'autres grains qu'ils vendent dans la coftc de Bifnagar auec grand profit; car on leurdonne en échange des enfans qui ncleur reuiennent qu'à quarante ou cinquan- tc fols la piece, & ilsles reuendent apres hui& ou neufécus. Ie finiray icy laRela- tion du Royaume de Golconda , dans laquelle ie me fuis peut-eftre trop eftendu ; mais toufioursl'experiencc de cinq années de relidence que j'y ay fait, m'affeurent que ie n'ay rien misdans cette Relation, qui ne foit veritable. | Le Royaume de Bengale eft frontiere à celuy-cy, & eft (ous la domination du Mo- gol, qui y tient fes Gouuerncurs, ce voifinage oblige le Roy de Golconda, d'é- tre toufiours furfes gardes, quoy qu'il y ait des deferts & des riuieres qui femblent l'aff-urer de ce cofté là. La cofte de ce Pays efttrop dangereufe, & nos vaiffeaux trop grands pour les hazarder entre les roches & les bancs qui y font, mais nous connoif- fons pat l'abondance des choles que le Pais produit, qu'il ny ena point de plus fercis le en toutes les Indes.Il y a vn an qu'ilarriua à Mafulipatan vnc flotte de petits vail feaux du port de 20.tonneaux gu enuiron , chargez des marchandifes du País. Les planches de ces petits baftimens eftoient coufuës les vnes auxautresauec du Cairo, qui eft vne cfpece de corde faite des racines de l'arbre que porte le Cocos, fans qu'il y eut aucune piece de fer employée dans ce petit baftiment. Ces Barques cítoient chargées derys, de beurre,de lucre, de cire,de miel, de gommes,de lacque,de poivre long, de toutes fortes d’eftoffes de cotton , de Moga qui le fait de l'eícorce d'vn cer- cain arbre. ll y auoit aufli quantité de tapis & de couucrtures faites de Mo- ga; & cependant ce qui fait voir l'abondance de leur Pays : ils trouuoient grand - TANASSARY,PEGV, ARECAN, &c, 13 τοῦς ἃ vendre ces marchandifes à Mafulipatan où elles font defia à grandiffime marché. Les Portugais qui ont efte obligez de quitter leur Pays fe retirent en ces quartiers , & y viuent comme des bandis fans govuernement, fans police, & fans cx- ercice de Religion. C'eft le meilleur Paysdes Indes, que l'on peut dire eftre habité parles plus méchans hommes du monde: On dit ordinairement que les hommes font vollcurs , & toutes les femmes débauchées. Le Gange entre dansla Mer en cét endroit;il y a quantité de Crocodils; i'enay veud yne grandeur extraordinaire dans les riuieres qui fe rendent dans ce Golphe : les bateliers qui hantent ces riuieres les fçauent charmer,& apres les auoir charmez paffent fans danger dans vne petite bar- que faite de troncs dc Palmites:Ie ne puis m'empefcher de rapporter icy ce qui m'eft arriué vne fois fur le fujer de ces charmes :eftát fur le bord de lariuiere,& fur le point de latraueríer, nous defcouurimes vn fort grand Crocodile; toute la tefte paroiffoit efleute au deffus de l'eau, il nageoit vers nous ; celuy qui me deuoit paffer entra dans la riuiere iufqu'aux genoux,& en ayant mis vn à terre, (e mit à dire en fa languc quelques paroles, & à faire fept nœuds fur vne petite corde qu'il tenoit entre fes mains, & ayant mis cette petite corde ainfi noüéc fur vn buiffon qui eftoit là tout proche, il nous paffa librement de l'autre cofté auec nos cheuaux, le Crocodile de- ameurant cependant fans mouuementà noftre veué; le marinier nousaffeura qu'il ne pouuoit point ouurir fa gueule : aufli-toft qu'il nous euft paffez il retourna en dili- gence pour défaire les nœuds de la corde , adiouftant que fi ce Crocodile fuft mort parla force de fon charme, il n'auroit pas peü luy feruir vneautre fois. Arecan cft frontiere au Royaume de Bengale & ne luy cede point en fertilité ny enla douceur de fon climat; le Roy de ce Pays eft Idolátre , mais il n’obferue point les meímes fuperftitions des autres en fon manger : Il fe marie ordinairement auec fa propre fceur : Ilsdifent pour raifon que dans le commencement du monde le pre- mier homme & fes enfans en vferent ainfi. Ils traitent bien lesétrangers, & permet- tent aux Mores, aux Perfes& aux Arabes, l'exercice de leurs fuperftitions. Ce Prin- cea pluficurs fois inuiteles Anglois & les Hollandois de s'habituer en fon Pays, NL Charme du Crocodile. Atecan| mais la connoiffance qu'ils ont du peu de profit qu'il y a à y faire , les a empefché de . reccuoir ces offres. Ils ne laiffent pas cependant d'entretenir bonne correfpondance auecluy & aucc fes Sujets, à caufe que le Pays eftant fort fertilc;ils en pourroient au beloin tirer beaucoup de prouifions. Il a continuellemét la guerre aucc le Mogol par mer & par terre:fe rient fur la defenfiue du cofté du Roy d’Arccan;& traite fi bién les étrangers qui feruét dans fes troupes, quei'en cónois quátité qui fly font faits riches. Les Terres du Royaume de Pegu confinent auec celles d'Arecan, c'elt vn Pays fort fertile & fort tempere » maisila bien dela peine à fe remettre de la pefte & de la famine qu'il a fouffert depuis peu d'années : Ce qui fe voit affez dans la campagne, qui a toufiours plus de peine à fe remctrre de la defolation qu'apportent ces deux fleaux , que les villes qui fe repeuplent les premieres; à quoy n'a pas peu feruy vn or- dre qu'ils ont eftably, عل‎ deffendre fur peine de la vie aux femmes d'en fortir, & de promettre quelque recompenfe à ceux qui en feroient venir dans le Pays. Le Roy cft de la meíme Religion que le Roy d'Arecan, de Tannaffari , & de Siam. Il femble qu'ils ayent pris les principes de leur Religion des Chinois ; en effet le voifinage de la Chine, laconformité de leur Religion , de leurs manieres de faire , & la reffemblance de leur vifage , font croire ce que quelques-vns ont dit deuant nous, que les Chinois ont efté autrefois maiftres de tous ces pays, & ont eltendu leur domination iufques à l'Ile de Madagafcar. Le Roy qui regne maintenant cft neycu du dernier mort, & a exclus fes fils de la fucceffion du Royaume. Ila retiré dans cesdernierstemps des mains du Roy de Siam quelques places qu'il auoit coquifes fur fon predeceffeur,& entre autres le Royaume & la ville de Zango- may; vn de nosAnglois nómé Samuc! fe trouua dans cette place lors qu'elle fut prife -& fut conduit à Pégu. Ce Royaume eftant mieux policé que tous les Eftats voifins, les marcháds s’y font eftablis, L'on fçeut par le moyen de quelques vns > Mafulipaa ; XA 11) Defcription du Royau- me de Pegn. Les Anglois enuoyent vers le Roy. de Pegu, » 2 » » دد Lettres des,, Marchads enuoyées 2 vers lejRoiyy de 'egu.* > 2) 2) ده > 2) 2) ^» » » رو » ود رد » à » » 293 33 ua 5 2 vw > 3 v » » » » >» » » » 5 i - 5 2 v 29 w ) 14. RELAT. DES ROYAVMES ,DE GOLCONDA, tan que cét Anglois qui s'cftoit trouué à Zangomay eftoit mort; que le Roy auoit pris les effe&s apres s'eftre declare qu'il les rendroità ceux de la Compagnie des In- des Orientales. Anthoniffon qui eftoit pour lors noftre Agent à Mafulipatan و‎ prit de là occafion de depefcher vers ce Prince auec quelques prefens & vn peu dc marchandifes pour faire les frais du voyage, & eflayer fil'on pouuoit eftablir quelque trafic en ce pays. Ses enuoyez s'embarquerent à Malulipatanle ro. Decem- bre, & arriuerentà Siriam , qui cft le Port du Royaume de Pégu lc 3. Octobre. Ie rapporteray icy le contenu d'yne lettre qu'ils efcriuirent fur le fujet de ce voyage. Le Roy ayant appris noftrearriute,enuoya quatre galeres auec des prefens pour no- ftre Ambaffadcur, & pour le refte de fa troupe,auec affeurance qu'il eftoit fort aife de nousauoiren fon Pais. Ces Galeres auoient cinquante rames de chaque cofte , hui& principaux Seigneurs du Pais eftoient deffus ; ils firent mettre à l'anchre no- ftre vaiffeau deuantla ville de Siriam. | Lc 7. Decembre le frere du Roy qui en eft le Gouuerneur , ous enuoya deux de fes Gentils-hommes pour apprendre nos noms, noságes, & le fujet de noftre voyas ge;nous luy dimes que nous eltions enuoyez de Mafuliparan auec des prefens, & vne lettre pour lc Roy, par laquelle Sa Majefté fçauroit le fujet de noftrearriuée, quand on nousauroit permis delaluy rendre. Le 10, d'O&obre nous debarquames, & le frére du Roy nous conduifit dans vne belle maifon qui eftoit fur le bord de la Mer; ce Prince elt bien fait de la perfonne, homme de bon fens, le teint affez blanc; il auoit des anneaux d'or àfes oreilles, & diuerfes pierreries à fes doigts: il nous ficla mefme demande qu'il nous auoit defia faite par le moyen de fes Gentils-hommes, & nous aufli la mefme réponfe que nous fifmes alors; nous y adiouftàmes vn prefent, afin qu'il facilitát noftre Audiance. : | Le 8. Nouembre le Roy nous manda, & le Gouuerneur de Siriam nous fit donner vn batteau aucc fix rameurs commandez par deux Gentils-hommes, pour nous conduire iuíqu'à Pégu ; nous filmes vn Prefent à ces gentils- hommes; car en ce paysil ne fe fait rien fans Prefens: Nousarriuámes à Pegu ἔτι. de Nouema bre; on efcriuit vne feconde fois nos noms,& on nous offrit le choix d'vne place pour y baftir vne maifon à nos frais & defpens. La maifon ayant efté baftic, nous recctü- mes yn ordre fort exprés de n'en point fortir, ny de parler à perfonne du País que nous n'euffions cu Audiance du Roy:Il nous enuoya des rafraichiflemens de peu de valeur à la verité ; mais ce qui nous confole le plus, cft l'affeurance que nous auons que le Roy cli fort aife de noftre arriuéc. Le 27. Decembreil enuoya querir noftre Prefent;& on nous donna des cheuaux pour le venir trouuer; on nous fit demeurer à la porte de la ville, pour attendre qu'il tortift. Vousaurez fceu d'ailleurs comment fe paffa cette Audiance , & qu'il ne nous parla point du tout de l’affaire pour laquelle nous cftions venus,perfonne de fa Cour ne fe vouloit charger d'en faire la premiere ouuerture : Nous enuoyámes noftre lettre parle moyen d'vn Portugais efclaue du Roy;qui parloit bien la langue du pays,& nous cufmcs bien de la peine àluy fairecó- prendre le contenu de cette lettre ; qui n'eftoit point efcrite en Portugais. Quelque temps apres nous donnámces à Bani-bram le Prefent qui luy cftoit deftiné, nous en reccufmes beaucoup de belles paroles, & rien autre chofe. Ce pays cft fort different de ce que vous vousl’eftes imaginé; car les eftrangers qui y arriuent, y font traittez & retenus comme autant d'e(claues, & ne peuuentíortir fanscongé ; car ilades gardes pat mer & par terre. Pour ce qui eft de l'affaire de cét Anglois qui auoit fait quelque fortune dedansle Pays, on luy auoit fait vne banqueroute l'année d'au- parauant fa mort, &le Roy feftoit mis en poffeffion de tous fes effeéts.On inter» rogea yn de fes aflociez nommé Mallajor; pour fçauoir lenom de ceux qui luy deüoient quelque chofe;ceux de fes creanciers qui eftoient du pays, furént con- traints de payer au Roy leurs debtes. Pour les Mores,ils dirent qu'ils pay eroient aux Anglois lors qu'ils feroient dans le pays. Nous nous addrefsámes à Nichefa pour l'obligerà parler au Roy de nos debtes,il nous fit entédre qu'ó nous remet- TANNASSARY,PEGV, ARECAN, &c. 15 troit tout entre les mains;lors que nos vaiffeaux viendroient dans fes Ports, & è qu'ils nous donneroient toute la fatisfaction que nous pouuions attendre.Il nous ce eícriuit yne autre lettre le 4. de Mars, qui portoit qu'on ne nouslaifferoit point « fortit du pays que les vaiffeaux d'Angleterre n'y fuflent arriuez: Nous auons de- « penfé cout noftre argent, & nous fommes dans vn fort miferable eftat , fans voir « aucun moyen d'en fortir. Le Roy ne nousa rien rendu des effe&s de Samuel ; il « ne nous permet point de nous faire payer de ce qui luy eft deub : Il ne prend « point nos draps, & nous [ommesicy comme des brebis efparées qui courentrif- « que d'eftre à toute heure menées à la boucherie : Nous vous prions, & tous « ceux de noftre Nation,d’eftre touchez de noftre mifere, & de confiderer le dan- > ger où nous fommes de demeurer efclaues d'vn Tyran, dans yn paysd'Idolátres. « Si le Roy nous permettoit de fortir, il nous feroit 2116 de nous faire payerdetout « ce qu'il a pris à ceux de noftre Nation. Le plomb & l'eftain font aflez rares icy; « mais fi on nous enuoye de l'argent , nous en pourrons acheter plus auant dansle « pays. La cofte du Pegu eft fort feure, & l'entrée du Port fort aifte, & il ne man- ἐς que pas de gens à Mafulipatan qui connoiffent fort bien cette cofte: Nous vous « rions encore vne fois de nous titer d'icy,en y enuoyant quelque vaiffeau. ce Ce font là les propres termes de leur lettre.Mais on a apris depuis qu'ils auoient “ trouué à bien vendre leurs draps, & quetout l'argent qu'ils en auoient tiré;ils l'a- uoiét dépenfé mal à propos à faire la débauche,& auoient mefmes chargé de plu- ficurs debtes la Compagnie des Indes, dont عا‎ fuis fort fàché. Le Roy en effect rendit vne partie des effe&s de Samüel, & onnele fit qu'à Pheure du departdes. vaiffeaux , comme fil cüt voulu empefcher que cela ne fu 人 diffipé comme le relte ; ces mauuais ménagers reuinrent à Mafulipatan l'an 1619. auec vne lettre du Roy efcrite fur vne feuille dePalmite:Cette lettre eftoit pleine du defir qu'a- | uoit ce Prince de voir le trafic de ceux de noftre Nation eftably dans fes Eftars, & auec cela yn prefent d'vne bagueauec vn rubis, de deux nattes,de deux boëtes pleines de Betle, & deux pieces de damas fort eftroites, qui pouuoient valoir en rout vingt nobles àlaroze. Les Rubis & les Saphirs qu'on apporte de ce Pays, fe trouuent dans le Royaume عل‎ Aua,qui eft fousla domination du Roy de Pegu; Ces pierres font fort eftimées dans toutes les Indes. Tanaffarieft yn petit Royaume qui confine à celuy de Pegu;il eft Tributai- Tab re du Roy de Siam ; Tanaffary eft le nom du feul Port qui foit dans ce Royaume. Nos vaiffeaux ont remonté depuis la riuiere de Siam, & ont trouué moyen d'e- ftablir vne habitation pour noftre Compagnie د‎ qui y tient à prefent fes officiers. Vous aurez appris par les Relations les particularitez de ce Pays;il y en a feulement vne que ie ne puis m'empecher de rapporter icy , & qui m'a efté con- firméc non feulement par tous ceux de ma Nation, mais auffi par le rapport des Hollandois qui faccordent tous à dire qu'il ya vne infinité de cochons en ce Cochós quí pays, & qu'ils fe multiplient fans qu'il fe trouue vn feul verrat ou mafle. Le ficur τ DUE | Drifft Hollandois homme fort fage , & qui y aefté long-temps , m'a affeuré que eu am pour en faire l'experience ; ilauoit mis des cochons de Lai& dans fon vaiffeau , & que fix mois apres ils en firent d'autres fans qu'il y euft aucun mafle; Voila ce que i'auois à dire des coftes du Golphe de Bengale, & ce que i'enay appris dans le temps du fejour que i'ay fait à Mafulipatan. Li 7 1$ ὃν 35 2110832 UU» slo 2651-3 > li icc 8 5:9» 1 40 2 " 3 5 A 2 i δὲ » - FISCO ΠΤ ἘΣ ΟΝ etr b A ol “Non 3 | eol dao شنم تومو‎ DR | | s» ago συ ES 01 105: TA ον saltat 1200:1512 m Vs a IT Age CLÉS PIED i y d $ 57 E 1948 e cda didt nb “خم 0000001 » .5u5 SI IS Ez π΄... m à br Tr αν Jones SI CON YU Ὁ}. Tis » ¿val :اذك كوت‎ MOMENT | Pio sd ‘indie A arden 3h inris, ἐπί doo ἐποτιτίος 15 jon ¿sy AE ITE ao 00 ub $915 » moy eno 'BMfoganáasma 6) JET » shiny vga HÉNOHNS Y né id T9] RUE L2t TUR i 2051904: Hv p: 211149 Dany SIRO PITE ΤΣ $ 17131 im HE cias. 111 ἣν 5 kou dvi fos n3 LN II Pot DI vam e sf teil esee ac OVA hou cL SE 29 AOL $ E". E 1 Adiisois 55 casn cr » 38 niet نا ا ادناه‎ 3 4i SAUAOS SONS ΠΟΤ ΘΗ pa 10 A noui» MILE vibo m E. ١ s. tls SE "RESTAR tn. DR gat ¿Maps ( i Sons m 1349) kw AR à p di MR pais ubs 4 | 5 vidit ED Or ID ¿DURO Ὁ daa Sp yo Ja” HOLA ded des ON 7 UR 95 uff no iub y? /H uevom ἡ juri ARSS 21055 Y OD dà tlie EL TUS ET iE 21109 3. Ka ip د‎ ΠΟΙ Pi ἐφ meqget 213 3 añ: è ἴων »7.1309 39.09. ع‎ à 35 3141 SUV. Y Se ica tfo ΕΣ Tis at ima 909011» dies. DAS AUD AA ANDO / me mme codsup er 3 πον | pate tup ¿EMO ἢ i ZIE pod "ins: nti so mio: RTE) mise ide ab 13% sq Its a dir am 5% HI et Let hé ss Stut cr de de #3) CE i de or Isrsdsod DA sif Si m 21 TINO TIMOR 271. sa a er SAI b 2 RT: LS e hate yn loai db oda ug" A Y» 3k rid d (rare Ἵ 3 cA: τὰ ds) 7 100 ΤῸ ati A ‘ + ed i po & SIT DO cane 5i natia at t 1 + 500 213) > RESET em IDEAS SA À tl de de UE (ES Hip d 901319 $4501 7 HUN 9062395 p SEE o pM Agr p nl 36 1 EE n my È 17 03 RSS AE 3 ete à 1 CD‏ و E insi hi 4 3 T'ES ^ عي‎ y : T xl Hp Dri agat pol ol os Wir} pa agri 3191 sul 320) Le: εἴ 3bisy f Orea 101 د‎ sk RR. + gir m , ϑυϊζοῖγης οὐ clio Msi ius fu Y ATP VE 24 Jus Bur gati PIPER Pe 11945 v209191p 22% ἡ e, alanpát ‘had dio 5221032351 07 f hein: cio T + PT rat > ap 9 ] TANTES T n. / p ETÀ 5 à TIAE VOU ef ò ; LT CO n) ΤῸΝ vit δὴ tar Fa de “ων CH ال‎ , M Lk ^» Y ks n ITE i ΒΥ ΠΥ iy dade τ ΠΌΝΟΝ ὁ κς.. uH > LL ال ار ام ار جام ا ا‎ ΤΥ, Stat LND RNB ND NO NE NAN IDAS A NE RER NN AP CUS QU ENV EN ا‎ Ode 1 0 7 1] NA DE PIERRE VVILL FLORIS SF: Son voyage à Patane نون‎ à Siam. === PRES m'eftre engagé auec le Gouuerneur & les Deputez de c uere] la Compagnie Angloife des Indes Orientales,ie m'embarquay e fur le yaifleau nommé le Globe le 25. de Ianuier1650. en qua- : Sali lité de Marchand. Le 21. de May 1611. nous arriuâmes à la Baye pn de Saldaigne. Nous y trouuàmes trois vaiffeaux, mais fort peu. pe iaa de rafraichiffemens. C'eftoit auffi la faifon de l’année la plus tácheute , pource que c'eft celle des grandes pluyes qui font tout l’hyuer en ce pays là. Le haut des montagnes nous parut 211111 couuert de neiges. Cette ine commodité ne nous empefcha pas de trauailler auec beaucoup d'affiduité pour RacineNin: trouuer la racine d'yne plante nommée Nyngin. Deux des trois vaiffeaux dont guin.Voyez iay parlé y eftoient venus pour fen charger, parce qu'ils auoient appris desha- MII” CER bitans du lappon l'eftime quel'on en fait. Il nous fut affez difficile de la décou- urir, à caufe que les premieres feuilles de cette plante ne commengoient enco- re qu'à pouffer , & nous nel'euffions point connuë, fi l’on ne nous eút marqué bien precifément les endroits où elle fe trouue. Les mois de Decembre, de lan- uier & deFeurier font les plus propres pour la leuer, & ceux du pays la nom- ment Canna. Apres auoir fait prouifion d'eau , & nous eftre rafraichis de quelques moutons que nous y trouuámes , nous partifmes de cette Baye, & y laifsámes la Barque d'Ifaac le Maire, qui trafiquoit de peaux auec les Sauuages, & y deuoit demeu- rer iufqu'au mois de Decembre pour faire de l'huile de Balleine. Le long de la cofte nommée T'erra de Natal , nous eufmes au mois de Iuin des vents , des ton- nerres,& des pluyes extraordinaires; & ce ne fut que par vne grande grace de Dieu que nous nous fauuâmes du danger de nous briler contre cette cofte. Le 1. d'Aouft nous viímes cette partie de l'Ile de Ceilan,qu'on nomme la Pun- ta de Galle. Le 6. nous nous trouuámes proche de Negapatan : vous remarque- rez que les Cartes de nauigation marquent mal la fituation de ce Pais-là; cat pure des felon elles nous en debuions eftre efloignez de plus de 28. milles. La mefine cho- Cartes de fe eftoit arriuce aux Hollandois, & cette erreur pourroitfaire perir des vaiffeaux Nauigatis. qui en approcheroient de nui&. Nous ne trouuámes point auffi cette Ifle fi gran- de qu'on la fait. Moullineux metla Punta de Galle fousle 4.degré, & elle eft fousle 6.Le 7.nous pafsàmes deuant le Port de Nagapatan. Les Hollandois y ont eftably vne Fa&urerie , mais ils n'y font pas grand' chofe. Le 8.nous arriuámes deuant S.Thomas,& le 9. à Palecatte. Deux batteaux y vindrent à noftre bord: : : - y EnPerfan, Celuy du Sabander nous apporta vn Chaoul , auec vne permiflion de defcendre à sabander h- terre.Ie me mis dedans; mais la Mer eftoit fi agitée, que le batteau fe renuería. Le gnific celuy Sabander vint au deuant de nous,& touché de cópaffion de noftre naufrage,nous 92° comme fit marquer vn logis.Le 11. Vuerfiche Prefident des Holládois,quia la dire@i6 de Port. à 3 p 3 FEA C [SIOOO) EE i ΄ Ce Roy fe nommoit Vvencapati Raya. Ilya peu d'ordre en quelques endroits de ce Iournal, mais on n'a pas crú de- uoir laiffer aü Tradu- éteur la li- beité d'y rich chager. * Suckadania dans l'Ifle de Borneo. 18 VOYAGE toutesleúrs affaires fur la cofte de Choromandel,me moftra vi Priuilege duRoy de Narfinga,qui portoit que les Hollandois feuls pourroiét trafiquer en ce Pays- là,& vouloit pour cette raifon , nous obligerà en fortir. Nous refpondifmes que nous tenions noftre commiflion du Roy d'Angleterre. On f'échauffa de part ez d'autre. Le Sabander fentremit de noftre different, & en remit la decifion à l'arriuce de la Gouuernante de céte Prouince,qui deuoit arriuer dans trois iours, Le dix-feptiéme ; la Gouuernante Conda-Maa approcha de la cofte. Nous voulions l'aller trouuer , lors que l’on nous fit entendre que le jour fuiuant elle nous enuoyeroit querir. Nous eúmes quelque foupcon que cét ordre auoit efté donné a la priere des Holládois,& nous enuoyafines chez le Sabander, pour nous cn efclaircir. Sa refponfe fut, qu'il eftoit vray que le Roy auoit accordé ce Pri uilege aux Hollandois, & que nous ferions obligez de nous addreffer à luy-mefz me pour auoir la permiffion que nous demandions. Ce voyage ne fe pouuoit fai- re qu'en deux mois de temps, & enle faiíant nous nous hazardions à perdre le Mouffon propre pour aller à Pantan , ourte que les Hollandois qui eftoient re- folus de traueríer noftre deffein , tenoient vn Elephant tout preft pour depefcher de leurs gens à la Cour de ce Prince. Cela nous fit refoudre de conti- nucr noftre voyage. TOY | Le 20. nous arriuafmes deuant Petàpoli : Le Gouuernetür nous permit d'y prendre terre; & apres eftre demcurez d'accord de luy payer trois pour cent de nos marchandifes, nous mifmes à terre. On y laiffa deux de nos gens, & vn nommé Lucas, pour auoirle foin des marchandifes, & ayant mis àla voile , nous allàmes moüillerl'ancre à la rade de Mafulipatan, qui eft bonne pour toute forte de vaiffeaux. Nous y arriuàmes le dernieriour du mois d'Aouft : on nous permit 211111 de mettre pied à terre, ce que nous fifmes ; & pour eftre mieux receus , nous filmes vn prefent à Mirfumela, qui tient les plus grandes terres de ce Pays. Noüs demeuràmes pluficurs mois ence lieu-là. Le 20. de Ianuier 1612. Cotobara Roy de Badaya,ou Lollongana & de Mafulipatan, mourur fans enfans. Il y auoit fujet d'apprehender de grands defordres dans cet eftat ; mais la fageffc de Mir Mafunin les preuint , & fit eflire Mahumed Vnim Cotobara neveu du Roy def. fun&, jeune Prince de grande efperance. Son oncle en mourant auoit 121156 le gouuernement de fon Eltar entre les mains des Perfans & de Mir Sumela و‎ auf quels celuy-cy a toüjours efté fort contraire. Le Gouuerneurtraitta auec moy de fort mauuaife foy. Nous eftions demeu- rez d'accord que ie luy donnerois 4000. Pagodes, c'eftoitenuiron 4. pour cent de nos marchandifes , & il en vouloit tirer douze pour cent, difant pour fes rai- fons, qu'il eftoit vn Mir,de la race de Mahomet, & que ce qu'il difoit deuoit plu- ftoft eftre crü,que la parole d'vn Chreftien. Pour moy ne voyant point d'autre moyen de tirer raifon de ce Barbare;i'eftois fur le poinét de la chercher par la for- -ce,lors que quelques Mores du Pays fentremirent de nous accommoder. | Apres 'auoir fait nos affaires à Petapoli nous partifmes pour Bantan, par vn vent qui e- ftoit fort propre pour certe Nauigation. Nous y arriuafmes le 28.d'Aurilr6r2. nous trouuámes que les Hollandois eftoient fur le poin& de quitter le Pays, & de faller eftablir à laccarra,á caufe des auanics que leur faifoit tous les iours le Gou- ucrneur. Apres quelque conteftation que nous eümes auec luy , nous demeurá- mes d'accord à raifon de 3.pour cent.On eftablit vne Fa&orie à Suckadania ; mais les marchands que nous y laifsàmes pour traitter auec ceux du Pays eurent plus de foin de leur intereft particulier, que de ceux dela Compagnie. Le 1. de Iuin nous partifmes de Bantan, & le 22. du mefme mois nous arriuá- mes à la rade de Patane , où nous trouuafmes vn vaiffeau d'Enchuyfe , qui nous informa des façons de faire du Pais. Le vingt-fixiéme nous defcendifmes à terre : noftre Prefent qui pouuoit valoir fix cens pieces de hui& , fut receu à la maniere du Pais, La lettre fut mife dans vn baflin d'or porté fur vn Elephant DV GOLPHE DE BENGALE. 19 «n grande pompe au fon d'vne mufique d'inftrumens , & precedé d'autres gens ui portoient deuant des lances & des Eftendarts. La Cour de la Reine nous parut magnifique : noftre lettre fut leue, & on nous accorda la liberté du commerce aux mefmes conditions qu'ón l'auoit accordée aux Hollandois. Nous partifmes de la Cour fans auoir veu la Reine, & l'on nous mena chez vn Officier , dont la Charge eft de receuoir les Eftrangers : on nousy fit vn feftin où l'on feruit beaucoup de fruits ; nous fufines 21111 traittez chez vn autre Officier nomméOrancaya Sirnona;& le iour d'apres Ja R eine nous enuoya des fruits qu'elle fit porter iufqu'à noftre vaiffeau. Le 5. luillet vne Pinaffe Hollandoife nommée le Levrier partit de ce port pour aller au lapon ; nous donnafmes au Quartier-Maittre de cette Pinaffe vne lettre pour Maiftre Adam. Cette occafion fe rencontra fort heureufement pour luy ef- crire ; carles Iaponnois font en guerre auec ceux de ce pais , & ont bruflé deux fois la ville de Pantam depuis 5. ou 6. ans. | Nous eufmes bien de la peine à obtenir la permiffion de baftir en ce lieu-lá vn Magazin quine fuft point tujet au feu; enfin l'on nous accorda vne place de 30. brafles cn longueur fur 20. de largeur ; nous y baftifmes vne maifon qui auoit 8. braffes de face fur 4. de profondeur: Ils nous firent des demandes exceffiues ; & nous fufmes obligez de leur donner pour cette permiffion & pour autres droits, quatre mille pieces de cinquante hui& fols. La maladie fe mit dans noftre equi- page. Le Capitaine Hippon en mourut le 9. Juillet. L’on ouurit dans le vaiffcau la boéte marquée du numero 1. M Brun y eftoir nommé pour fon fücceffeur ; mais comme 1leftoit mort auparauant ; on ouurit la bocte numero 2. dans la- quelle Thomas Eflinfton eftoit nommé pour luy fucceder. Peu de temps a- pres pour furcroit de mauuaife fortune nous fuímes volez :on prit 280. pieces de hui& dans mon coffre, quoy qu'il y euft vnelampe allumée , & quinze perfónnes dans la mailon;ce qui me fit croire que quelqu'vn de nos gens pouuoit bien avoir fait le coup;car yn grand dogue que nous auions ne fit aucun bruit. On me laiffa là auec fix autres pour auoir foin des marchandifes de la Compagnie. Le vaiffeau partit le 1. d'Aouft pour aller à Siam : Il cult eftéà propos d'auertir ceux de nos gens qui eftoient à Siam du peu de debit qui fe trouuoit de nos draps , mais ie ne trouuois point d'occafion de le pouuoir faire par Mer: & parterre, ilfalloiten- uoyer quatre ou cing perfonnes enfemble, à caufe du danger destigres,& de l'in- commoditéde plufieursriuieres qu'il faut paffer ; outre qu'ils me demandoient des fommes fi excellines pour faire ce voyage, que ie creús qu'il eftoit à propos d'attendre quelque meilleure occafion. Au mois de Septembre le Roy de lor attaqua le Fauxbourg de Pahan;brülant tout ce qu'il rencontroic deuant luy. Campon-fina efprouua la mefme fortune, ce qui caufa vne grande cherté dans Pahan. Les Portugais auoient auparauant fourny Malaca des marchandifes. Les Hollandois en firent de mefme à Bantam & aux Molucques;& y auoient porté toute la quantité de draps qui fy confument ordinairement; fi bien qu'eftant venule dernier, ie n’y trouuay aucun debit. Ge- la me fit refoudre à faire venir vne cargaifon pour Macaffar, & i'en donnay la conduite à lean Perfons , qui partit le 8. d'O&obre fur vn jonck d'Ampan. Le 9. j'eus nouuelles de Mr Effinfton & de fon collegue , qui me donnoient aduis du peu d'apparence qu'il y auoir de vendre leurs marchandifes , à caufe des guerres de ceux de Campoja,laniam, de Zangonay contre le Royaume de Siam. Le 25. il partit d icy des lonckes pour Bornéo, Iambi , Iaua , & autres places. Ie ne fcaurois m'imaginer quelle politique oblige les Hollandois à fauorifer le trafic des Chinois,des Mores,& des autres Indiens , cependant qu'ils le deffen- dent à ceux mefmes de leur Nation fur peine de la vie & de la perte de leurs biens, ce quine peut eftre que l'effe& d’yne grande enuic. : Les. Nouembrele Globe reuint de Siam; apres auoir efté huiétiours en che- y : . ***C ἢ La Cour de la Reyne de Patanc. Manieredes Anglois pour nómeg ceux qui fe doiuét fuc ceder dans ' € commans dement des vaifeaux. — Pahan, 20 VOYAGE min. Nos gens eftoient arriuez à la rade de Siam désle 15. d'Aouft. Ils y auoient | moiiillé l'anchre à trois braffées de haute marée ; mais le ¡0ur fuiuant l'eau ayant baiffé 13. heures durant,ils ne treuuerent plus que fept pieds d'eau, & vn fonds de vaze, qui par cette raifon ne leur faifoit point de peur. Ils leuerent l'anchre, & la moüillerent apres à 4. lieués de la Barre, oüils trouuerent trois braffes d'eau de baífe marte. La ville de Siam eft à 30. lieués de Pemboucheure de la riuiere. Le sabanderf- Sabander & le Gouuerneur de Mancok, place fcituée fur le bord de cette riuiere, Es l'A- vinrent pour receuoir les lettres du Roy,ou pluftoft pour receuoir les prefens qui mira ou E 3 5 maiftredes luy eftoient deftinez,& Effinfton fen alla auec eux. Il euft audiance du Roy lo Ports. Seprembre;il fut regale auec fes camarades chacun d’vne petite boëte d'or, & vne picce de drap. Les Mandorins trauerfoient fous main la liberté du trafic que le Roy nous auoit accordée , & vouloient mettre des impofitions à leur caprice fur nos marchandifes » & les payer de mcíme. Il falut fen plaindre au Roy, qui leur deffendit de len ingerer dauantage;auec tout cela le commerce eft encore moins libre dans ce Royaume là que dans le refte des Indes. Nos gens baftirent vne maifon de briques prés de celle des Hollandois, nous eftions alors en la faifon des pluies, & tout le País eftoit couuert d'eau. Le 26.d'O&obreil féleua yne fifurieufe rempefte,qu'il n'y a point de memoire dans ce païs-là d'y en auoir veu vne femblable. Elle arracha les arbresles plus forts ,.& abbatit le Monument que le Roy auoit dreffé à la memoire de fon pere. Noftre vaiffeau euft peine à fe fauuer. Nos gens auoient defia perdu deux an- chres,dont les cables feftoient rompus, & n'eftoiét plus quà vn mille de la cofte, BantamPa- lors qu'ils en jerterent vne troifiéme qui tint & arrefta le vaiffeau; fix des noftres tan &Siam,. furent noyez.La tempefte dura quatre ou cinq heures, & incontinét apres la Mer non parut auffi vnie & aufli tráquile,que fi elle n'euft iamais efté du tout agitée. Cette commerce place eft la troifiéme enrang pour le trafic des Indes , onla met immediatement cn ces qual apres Bantam ὃς Pantan, & cft prefque également diftante de l'vne & de l’autre. ' ς, 11 Relation des Euenemens eftranges du Royaume de Pegu , de Siam, d Loor , de Pantan , & autres Pays voifins. E Royaume de Siam eft fort ancien, & a efté tres-puiffant auant qu'il fut Tributaire de celuy de Pegu.Mais cettc feruitude ne dura pas long-temps; ΩΣ =—— car le Roy de Siam eftant mort, & (es deux fils ayans efte menez prifon- d pe niers à la Cour du Roy de Pegu, ils fe fauuerent de leur prifon; & l'aîné ayant langue Ma- 21010116 moyen de retourner à Siam;fy fit reconnoitre pour Roy.Le Roy de Pegu τ΄ Baja luy fit la guerre, عة‎ enuoya vne armée à Siam fous le commandement de fon pro- deri e pre fils. Ce jeune Prince fut tué » & fa mort coufta la vie à quantité de fes Sujets; pelloient le carle Roy fon pere fit mourir les principaux Officiers, & les meilleurs foldats Roy noir. de fon armée. Cette cruauté hors de temps fit reuolter plufieurs Princes qui luy | eftoient Tributaires, & donna le courage au nouueau Roy de Siam de luy faire la guerre. Il attaqua la ville capitale de fon Eftat qui fe nomme d'Onxa,ou Pegu, où il Peftoir. retiré, Il fut deux mois deuant , apres lefquels il leua le liege, & l'enretourna à Siam. Peu de temps apresle Roy de Pegufe rendit luy-mef- me auec tout fon trefor entre les mains du Roy de Tangu;la famine & la mortali- te qui auoient defolé fes Eftats l'ayant obligé à prendre cette refolution, ἃς à preuenir par là l'inuafion du Roy d'Arecan, qui eftoit fur le poin& d'y entrer auec vne puiffante armée. Le Roy d'Arecan fe rendit aifément Maiftre de tout le Pays, qu'il trouua prefque defert. Sa penfte eftoit de paffer delà dans les Eftats du Roy de Tangu,mais celuy-cy luy enuoya des Ambaffadeurs , & luy of- frt vne partic des trefors du Roy de Pegu ; & fur tout fon Elephant blanc & DV GOLPHE DE BENGALE. b fa fille. Il adjoufta à ces offres celle de luy mettre entre les mains la perfonne du Roy de Pegu,ou de le tuerice que ce barbare fit quelque temps apres luy ayant calséla tefte auec le pilon d'vn mortier,dont on a accouftumé dans ce pays-là de broyer le Rys. Tel futla fin de ce grand Empire, duquel il ne refte prefque plus de memoire mefme furleslieux. Le Roy d'Arecan donna la ville & la forte- reffe de Seriam en depoft aux Portugais , Philipo de Britto y mit gainifon. Ce Prince donna a ce Portugais le nom de Xenga, celta dire Galant homme : Le Portugais merita bien ce titre ;car 2. ou 3. ans apres il pritle filsde ce Roy pri- fonnier, & luy fit payer vnc rangon d'onze mille Tangans, & de dix Galeres chargées de Rys. Le Roy de Siam fe fortifia par la deftru&ion du Royaume de Pegu,&a depuis conquis les Royaumes de Cambaya,Lauiangh, Zagomay, Lu- gor, Patane , Theneferim , & diuers autres. Ce Conquerant que les Portugais appelloiér le Roy noir de Siam , mourut lan 1605.82 12111256 Royaume à fon Frere qu'ils appelloientle Roy blanc:C'eftoit yn Prince qui nauoit d'autres penfées que de joüir en paix de la Royauté : il mou- rut l'an 1610. & laiffa pluficurs enfans. C'eft par la que vinrent les troubles de cét Eftat; car ce Roy eftant au liét dela mort fit mourir l'aifne de fes hl s,qui eftoit vn Prince de grande efperance : Il fit faire ce meurtre à la follicitation & parle con- feil d'vn Seigneur du Pays, lequel fe trouuant fort puiffant & fort riche en Ef- claues , seftoit mis en tefte de fe faire Roy. Le Roy d'aujourd'huy eft le fecond fils du Roy blanc : il fit mourir peu de temps apres ce Traiftre : il auoit entre fes efclaues 280. laponnois qui coururent au Palais , fur le bruit de fa mort; & refo- lus d'en tirerla vengeance, ils fe rendirent maiftres des portes du Palais & de la perfonne du Roy, & l'obligerent de leur promettre de faire mourir quatre des principaux Seigneurs de {a Cour, de figner de fon fang la promeffe qu'il leur en fit; & non contens de fa fignature,ils voulurent auoir en leur puiffance quelques- vnsde fes principaux Palapos ou Preftres pour oftages, & pour affeurance de l'execution de fa parole. Ces Efclaues fatisfaits de leur vangeance , & chargez du butin , retournerent chez eux, laiffant par tout des marques de leur cruauté, fans que ceux du Pays ozaffent fe prefenter deuant eux. Cette mar- que de foiblefle , fit reuolter le Royaume de Cambaya & de Lauiangh. Il y εὖτ mefme vn Peguan nommé Banga-de-laa , qui fit yn party dans cét Eftar. Le Roy de Lauiangh entra auffi l’année fuiuante dans le Royaume de Siam, efperanc le trouuer en defordre à caufe de la reuolte des Iaponnois ; mais ils auoient defia quitté le Pays; & le Roy de Siam f'eftant mis en campagne, celuy de Lauiangh mofa l'attendre , & fe retira. On dit que les Princes voifins ont fait vne ligue د‎ & qu'ils doiuent entrer dans fon Pays auec vne grande Armée. Cc qui ne leur reüf- fira pas apparemment, fi ce n'eft qu'ils y ayent quelque intelligence. Nous refolümes que noftre vaiffeau pafleroit l’hyuer à Patane : Le 31. Decem- bre la Reine fortit de fon Palais pour fe diuertir , accompagnée de fix cens petites barques ; clle vint premicrement à Sabrangh oú nous allafmes luy faire larcueren- ce, عق‎ nouscufmesl'honneur de luy parler conjointement auec les Hollandois. El. le peut bien auoir foixante ans; mais cétáge ne luy ofte ny la grace ny la majefté : ie n'ay point veu de Prince dans les Indes qui ait vn fi bon air: elle auoit auec elle ne de fes fœurs qui paroift auoir quarante-cinq ans: c'eft la prelumpriue heritiere de la Couronne, & ceux du Pays l'appelle la jeune Reine. Ie visauffi auec elle yne petite Princcíle qui cft fille de la plus jeune de fes fœurs , qui auoit efté mariée auec RaïaSiack fils du Roy de Lahor. Apres quelques difcours , la Reyne laiffa tomber lo rideau de fon Trof- e , nous faifant entendre par là que nous nous pouuions retirer. Elle nous fit dise que lc lendemain elle nous donneroit encore audiance ; nous y fufmes , & elle nous receut parfaitement bien. D'abord 12. filles & 12. gargons commencerent γῆς danfe qui nous parut fort bien concertée , la Reine commanda à i fes Cour- i i #** € jjj Pay veul'E- lephant عة‎ cette Prin- celle dans Areca, l'an- re λαοῖς. Nommé Iockóvvay. 25 VOYAGE tifans de danfer , ou au moins d'en faire le femblant ; ce qui donna à toute la Cour vn grand fujet de rire. | Les Hollandois furent obligez de faire la mefme chofe & nous auffi, La Reine tit plaifir à noftre danle: il y auoit 7. ans qu'elle n'eftoit fortie de fon Palais : Cette fois elle fortit pour fe trouuer à la chaffe des Taureaux & des Buffles fauuages, qui fy trouuent en grand nombre. Comme elle paffoit aucc fon train entre noftre maifon & noftre vaiffeau, nous la falüafmes de l'artillerie du vaiffeau ; & les mouf- quetairesqui cftoient à terre firent la mefme chofe. | Durantles mois de Nouembre & de Decembre les pluyes furent fi frequentes, & l'inondation fi generale qu'on ne fe fouuenoit point d'en auoir veu de pareille : plu- ficurs maifons furent emportées, beaucoup de troupeaux de beftes noyez, & le Pays cn fut preíque tout defolé. Le 25. de lanuier nous eufmes nouuclles que le mar- chand que nous auions laiffé à Siam auoit vendu la moitié de fa marchandife,que le Roy cn auoit acheté vne grande partie : nous eufmes auffi nouvelles de Keda que les Portugais auoient pris la maifon que les Hoilandois ont à Paleacate ; qu'ils eftoient venus au nombre de 1500. hommes du cofté de la ville de S. Thomas; qu'ils auoient fait paffer au fil de l’efpée tous ceux quileur auoient refifté, & s'eftoient rendus maiftres de toutes leurs marchandifes. Penuoyay au mois de Mars vn vaif- fean à Siam auec des nouuelles marchandifes. Le Roy de Pahan auoit époufe la plus ieune des fœurs de la Reine de Patan; Il auoit vingt-huit ans que ces deux fœurs ne f'eftoient point veuës. La Reyne de Pa- tan auoit fait prier le Roy de Pahan fon mary, de luy permettre de faire vn voïageà Patan pour la voir; maiscomme elle vid que ce Prince n'y vouloit point confentir, elle fit arrefter tousles vaiffeaux de Siam, de Cambaya, Bordelongh, Lugor,& d'au- tres places qui eftoient chargez de Rys pour Pahan;& enuoya vne arméc de 7 o.voi- les, fur laquelle il y auoit 4000. hommes, auec ordre aux Generaux de luy amener cette Princeffe par amitié ou par force. Mais les reuolutions qui arriuerent dans les Eftats de ce Prince,come vous verrez cy-apres;l'obligerent à y venir de luy-mefme. Il arriua le dix-feptióme diuers vaiffeaux de Cambaya & de la Chine au mois d'Auril de l’année mil fix cens treize, ie receus deslettres de Siam au mois de May ; Vappris que noftre vaiffeau cftoit arriué, & que nos gens trauailloient à faire vne cargaifon pour le Japon où ils deuoient enuoyer des marchandifes à la Chine , Pempruntay trois mil écus de la Reine à intereft de fix pour cent par mois, & d'vn pour cent que ic deuois donner à fon Treforier. On m'éícriuit de Bantam que le Magafin des Hollandois & lc noftre y auoient efté bruflez , & que les deux Nations y auoient fait vne grande perte. Le 12. Juillet le Roy de Pahan arri- ua icy auec fa femme fœur de la Keine & deux petits enfans ; il auoit quitté fon pais defolé parla famine , parle feu, ὃς par.la reuolte de quelques-vnsde fes Sujets : il apporta nouuelle que ceux d'Achen auoient pris Lor, & qu'ils en auoient emporté l'artillerie les cfclaues, & tout ce qu'ils auoient trouuéde meilleur, Que le Roy mefme f'eftoit fauué à Bantam où l'onl'auoittenu affiege l'efpacede 29. jours , & que quelques Hollandois qui s'eftoient fauuez dans Ior y auoient perdu la vie & la liberté : pas vn des grands de la Cour de la Reine nc rendit vifite au pau- ure Roy de Pahan, & la feule chofe que l'on fit pour luy fut de tuer tousles chiens à caufe qu'il ne les pouuoit fouffrir. Il rcceut fort bien l'honneur que nous luy fif- mes en le falüant de noftre Moufqueterie lors qu'il paffa deuant noftre habitation; & nous tefmoigna vn grand defir que nous vinffions trafiquer dans fes ports. Le 16. de luillet nous cufmes nouuelles dela mort de Henry Middleton ; L'on creur qu'il cftoit mort de douleur d'auoir veu fon vaiffcau efchoüé , & prefque tout fon equipage ; malade d'vnc maladie inconnué, qui auoit fait mourir cent Anglois, & encor plus grand nombre de Chinois qu'on auoitlotiez pour feruir dans le vaif- feau; que le Capitaine Schot auoit pris le Chafteau & l'Ile deSolor, où il auoit trouué beaucoup de bois de Sanda Le 31. de Iuillet le Roy de Pahan nous vint Tu DV GOLPHE DE BENGALE. 25 Voir accompagné d'yne grande fuite, & nous promittoute forte de bons traitte- mens enfon Pays. | Le r. d'Aouftla Reine nous fit venir en fon Palais, où l'on deuoit faire vite gran- de fefte à caufe de la venué du Roy de Pahan : des femmes y reprefenterent vne Comedie à la maniere de celles de lana, que nous vifmesauec beaucoup de plaifir : Le .و‎ le Roy de Pahan partit apres auoir feruy de joiiet à ceux de la Cour de Patan, fa femme qui cftoit fœur de la Reine , ne le voulut point abandonner, Elle retour- paaucc luy ; & au lieu de remporter de grands prefens de cette Cour, elle y defpen- fa prefque tout ce qu'elle auoit de bien. Le 16. l'on m'efcriuit de Maccaffar , que le Faéteur que 1y auois laiffe eftoit deuenu fol. Lc 18. de Scptembre vn marchand qui cftoit party le 25. d'O&obre , apporta icy beaucoup de noix muícades : il auoit efté à Maccaffar & à Banda; Vappris par le moyen d’vne lettre qu'il me rendit,Peftar de nosaffaires de Banda, que lc General Pierre de Both auoit fait pendre quelques-vns de fes foldats , pour obliger les au- tres à garder micux la difcipline Militaire; mais qu'apres vn traitement fi rude plu- ficurs de fes gens s'cftoient retirez à Banda,& sy eftoient faits Mahometans,& qu'il n'y auoit point d'apparence de les pouuoir retirer de leurs mains.Le Chafteau rend à la yerité les Hollandois maiftres de la Mer; mais ils ne font poirft en eftatde rien en- treprendre du coflé de la Terre. Le 23.le vaiffeau nommé le Globe arriua de Siam : le Faéteur que nous 2uons en cette Place-là m'eícriuit qu'il n'auoit point de nouuel- les delacargaifon qu'il auoit enuoyécà Zagome,les guerres d'entre ceux d'Aua & de Laniangh ayans bouché les Paflages : le bruit courut quele Roy d'Haua auoit pris Siriam , &auoit fait mourir Ie Xenga Capitaine des Portugais. Le Roy dc Siam Patrend auec de grandes forces, & tient fa frontiere bien garnie : ie paiay à la Reine l'argent que r'auois emprunté d'elle. — Le 4. O&obrc , qui eft le 1, iour dujeufne des Mahometans, le feu prit fur les 8. heures du matin dans le Fort de Pattane : il y auoit là deux des principaux Sci: gneurs du Pays qui demeuroientl’yn présde l'autre, & qui eftoient les plusriches en Efclaues de aua, l'vn d'eux nommé Dato-Bezar fut menacé parfes Efclaues qu'ils le tuéroient , auec quelques autres: il fit venir fes Elclaues; & apres auoir cfté exa- minez , & auoirfouftenu qu'ils n’eftoient point coupables, leur Maiftre nelaiffa pas de faire mettre aux fers deux des plus fufpe&s. Le Pongola ou l’Officier qui com- mandoit ces Elclaues le voulut empefcher. Bezar le poignarda : Les E(claues enra- gez de cettea&tion fe jetterent fur leur Maiftre,qui fut fauué de leurs mains par d'au- tres Eíclaues qu'il auoit outre ceux-cy : ils fortirent de la maifon de ce Scigneur; 'tuérenttout ce qu'ilsrencontrerent fur le chemin, & mirent le feu par tout, Les EL clanes de l'autre Seigneur nomme Datolaxmanna , fe joignirentà ceux-cy, nonob- ftantles menaces & les defenfes de leur Maiftre : ils pouuoient eftre en tout cent perfonnes ; ils coururent à la porte nommée Punta-Gorbing ; mettant le feu à toutesles maifons qui eftoient des deux coftez de la tué , tellement que toutela vil- le brufla , à l'exception du Palais de la Reine ; d'vne Mofquée & de deux autres Pa- lais : ils prenoient par les ruës les femmes عق‎ les emmenoient auec eux & les retin- rent iufqu'à vne heure apres midy, perfonne n'ofant les approcher ; nous eftions ce- pendant dans vne grande inquietude en noftre quartier, carles Efclaues mena- çoient d'attaquer noftre maifon & celle des Hollandois : nous fifmes pour cette rai- fon bonne garde, & enuoyafmes querir les foldats de noftre vaiffeau , auec lelquels nous marchafmes pour rencontrer ces enragez. [15 en furent aduertis , & fans nous attendre, fortirent de la ville & gagnerent la Campagne; ainfi nous cuímes à bon marché lagloire d'auoir defendu ceux du Pays de l'infulte de ces Efclaues.Ce tumul- te appaisé Ón donna la chafle à ces fugitifs; mais iufqu’à cette heure on n'en a pris que 3. ou 4. C’eft pour la troifiéme fois que Patan a efté bruflte. Les deux premie- rcs par les laponnois, & cette rroifiéme par ceux de Iaua. Le 21, nous prifmes congé de la Reine : Elle fit prefent à Effingthon d'vn crisou Les Dames qui compo- fentla Cour de cctteRei- ne , ne peu- uent pas lc maricr fans fa permil- fion , mais clle leur laiffe la li- berté de choifir vn galland. Comedie reprefentés aux Indes. Il ne dit point le (us jet d'vn changemét fifubit dans l'efprit de la Reyne. 24 VOYAGE poignard d'or. Le mefme ¡our il arriva vn de nos vaiffeaux de lor: ils nous direnc qu'vne partie de leurs gens eftät entrez dasla ville de lor, elle fût en mefme téps > inueftie parle Roy d'Achen:ils écriuirét à ceux qui eftoiét reftez dás leVaiffeau, Ceslíles sot fous le fi- xiéme de- gré de lati- tude, Petra Blaca. auffi vn au Directeur V vaerner, ie fus obligé de l'accepter ; quoy que j'en cufe de leur enuoyer 25.0u 30. hommes par terre, & d'auancer auec le vaiffeau le plus auant qu'ils pourroient dans la riuiere ; maisles rochers qui y font, leur ofterent le moyen de les aflifter. Ainfila ville fur rendué par compofition apres vn fiege de 29. iours. V ingt-trois Hollandois demeurerent prifonniers,tous les autres ga- gnerent le vaiffeau,où il ne fe trouua perfonne pour le commander que le Cama- rade du Maiftre & vn affiftant : ils le refolurent de venir à Patane , mais la tem- pefte les jetta vers l’Ifle de Borneo fur vn fond de Corail. De là ils furent à Pulo. candor,& n'ayant plus d'efperance de gagner Patane, ils chercherent des rafraî» chiffemens aux V arellas;ils trouuerent vne bonne Baye,mais vne mauuaife cuifi- ne ;car ceux du Pays fontleurs ennemis, tellement qu'eftans venus long-temps apres à Patane,ils n'auoient plus que 58. hommes,encore eftoient-ils tous mala- des : ils ancient feptante mille pieces de 8. & 29. Balots d’eftoffes des Indes. B $. III. Voyage à Mafulipatan ; ce qui sy paffa dans le temps de leur fejour, € leur retour. E 25. nous nous trouuàmcs vers la point&Meridiane des Ifles de Ridang; elles font dix-neuf ou vingt ennombre. Le foir du mefme ¡our , nous vi- mesles Ifles de Capa; ce tont trois petites Ifles éloignées de trente-deux lieués de celles que nous venons de dire, & de 2. lieuës de la-terre ferme. Le 29. nous vinfmes par vn calme a Pulotyaman ; fi vous vous trouuez iamais en cette route à dix-huit braffes d'eau, vous n'auez rien à craindre que vous ne puiffiez découurir de la veuë. Le premier de Nouembre, nous vimes la pointe de lor, & la mótagne de l'Ile de Bintan.Le ¡our fuiuát au matin,nous vimes Petra Blanca; & (ur les dix-heures nous nous trouuámes dans ce fafcheux courant de l’eau, qui tóbe de la pointe de Lor jufqu'à quatre lieuës dans la mer. L'Infchoot décrit fort bien cette cofte, & ce ne fut pas fans danger que nous la paffaímes ; courant à l'Oüeft Sud-Oüeft de ces trois petites Ifles ; il eft bon de prendre du cofte de la mer,juíqu'a ce qu'elles foiét couuertes de la pointe de Ior,& que Petra Blanca ne couure plus l'Ile de Bintan. Petra Blanca eft vn rocher où il y a vn nombre infiny d'oyfeaux , il eft couuert de leur ordure ; fi bien que de loin; le fommet en paroift tout blanc. Nous employâmes jufqu'au dix-feptiéme pour paffer la riuiere de lor, & nous arriuámes à deux lieués de Sincapoura. Le 8. diucrs petits Vaiffeaux vin- rent à noftre bord. Ils eftoient Sujets du Roy de lor. On nomme ces Peuples Sa- lettes. Ils paffent leur vie dans les Vaiffeaux , où ils ont leurs femmes & leurs en- fans,& viuent de la Pefche. Nousapprimes d'eux que le Roy d'Achen auoit ren. uoyé le frere du Roy dor. Il luy auoit donné trente-fix V aiffeaux pour l'accom- pagner , & deux milles de fes Sujets pour rebàtir le Fort de la ville de lor ,auec beaucoup de pieces d'Artillerie & autres munitions. Ils adjoüterent qu'ils lu auoient donné fà fœur en mariage , & qu'on l'alloit inftaler en la place de fon fre- re qui commandoit dans le Pays. Nous primes là vn Pilote pour nous feruir de guide au trauers des détroits. Le 19. Decembre, nous arriuámes à Mafulipatan; nous y trouuámes trois Vaiffeaux , deux Anglois & vn Hollandois. Le 21. ie defcendis à terre, & y trou- uay le Sabander & d'autres Mahometans qui me reçeurent fort bien. Ils me f- rentbeaucoup de complimens; & me donnerent vn Cheual. Ils en donnerent peu DV GOLPHE DE BENGALE. δὲ peu d'enuie ; & que j'euffe fujet d'apprehender quelque trahifon de ces gens-là. Pen tiray vn Chaoul , ou periniffion dc veridre nos marchandifes; en payant qua- tre pour cént. | E Le 25. de Ianuier le Vaiffeau Anglois nommé le lacques, partit pour aller à Petapoly. Le 18. de Feurier, ic fus à Narfapur-Peta. Le 19. J'entray auec le Vaií- feau dans la ruicre, il prenoit plus de neuf pieds d'eau ; & ayant jerréla fonde, nous en trouuâmes dix pieds & demy ; ce qui eftoit fort contraire à ce quc nous auoient dit des gens qui ne nous veulent point de bien. Le 25. Jarriuay a Mafuli- patan , & J'enuoyay vn pieton à Suratte. Ce ¡our ; Corneille Franc y arriua fur vne petite barque de Pegu iil me dit que le Roy d'Aua auoit pris le Fort de Siriam , qu'il auoit fait paffer au fil de l'épée tous les Portugais , & entre-autres leur Capitaine Philippo de Britto ; que la chofe feftoit paíséc au mois de Mars, & que l'on auoit donné ordre pour farre rebaftir l'ancienne Ville ; auec force bel- les promeffes & priuileges pour ceux qui fy habituéroient. Les Mores qui font à Mafulipatan furent forts réjouys de cette nouuelle;efperant de remettre le Com- merce qu'ils auoient autrefois auec ceux de Pegu, & d'y enuoyer deux Vaiffeaux au mois de Septembre. Au mois de Mars, j'eus nouuelle de l'arriuée de onze Vaiffeaux de Loor, de huit de la Chine, & de trois de Malacca ; ce qui fit fort baiffer de prix des marchandifes, & bien m'en prit d'auoir vendu les miennes quelque temps auparauant. $ Le 18. de May fur les cinq heures du foir ,le Capitaine Hefeingthon mourut de mort fubite. Il auoit difné auec nous; il auoit fur le corps quelques puftules allez communes dans ce Pays,& principalement dans cette faifon de l’année,en- trc-autres vne fort grande fur l'épaule qui ne fuppuroit point; ce que ceux du Pays croioyent auoir efté la caufe de la mort. Pallay fur fon Vaiffeau pour y met- tre le meilleur ordre qu'il eftoit poffible.L'équipage ne voulut point reconnoiftre d'autre Cómandeur que moy; mais il me fembla qu'il y alloit trop de mó hóneur de prendre la place de Hefeingthon, dont la charge eftoit fubordonnte à la mien- nc; fi bien que ie commis vn autre en ma place; & m'en retournay à Mafulipatan. ly trouuay à mon retour trois perfonnes qui me dirent auoir efté enuoyées de la part de la Reyne de Palecate ; pour m'affeurer que fiie voulois venir dans fes Eftars, elle me donneroit vne habitation vis-à-vis du Fort de Palecatc ; auec tous les auantages & tousles priuileges que ie pourrois defirer : mais faifantre- flexion fur la maniere dont j'y auois efté traité, auffi bien que le Vaiffeau nommé le lacques, j'adjoütois peu de foy aux paroles de ccs gens-là ; neármoins, il fut re- folu que ie retiendrois auprés de moy vn de ces Enuoyez , & que ie renuoyerois les deux auttes auec des Lettres ; où apres auoir reprefenté à la Reyne le mauuais traitement que j'audis receu dans fon Pays, ie luy difois que fi elle vouloit que j'y retournaffè ; elle trouuát bon de me faire tenir vn paffe-port pour mon affcuran- ce. Le 29. de Iuillet ;arriuerent icy quatre perfonnes qui fe difoient enuoyées de la part du Roy de Narfinghe , autrement Velur;ils me prefenterent en fon nom vn paffe-port , auec vn abeftiam , qui eft vn drap blanc fur lequel fon nom eftoit imprimé en couleur de fandal ou de faffran.Ils m'en apporterent au 但 vn autrede la Reynede Palecate. La Lettre du Roy eftoit grauée fur vne placque d'or; il f'excufoit par cette Lettre du mauugis traitement qu'on auoit faità nosgens à Palecate , & promettoit de le reparer parles graces & les priuileges qu'ilaccor- deroit aux Anglois qui y demeureroient à l'auenir, leur permettant d'y baftir vne maifon ou chafteau , & finiffoit ; en me promettant le reuenu d'vne de fes Villes, qui montoit bien à quatre ou cinq mil liüres de rente. Au mois d' Aouft, il y eût vn grand deluge aux enuirons de Narfapur-Peta, l'eau couurit tout le pays à la hauteur de cinq pieds.Le torrent qui paffe à Golcó- da, emporta plufieurs maifons. Les deux Ponts de pierre, 'vn de quinze Arches, & l'autre de dix-neuf , qui font auffi bien baftis qu'il y en ait dans l'Europe, furent # *# *# D En quelques endroits l'Original porte Paleas cate, & aux autres Pale- cate,ce qu'ó a obferué dans la tras duction. 26 VOYAGE couuerts d'eau à la hauteur de trois pieds; fix Arcades de ce dernier Pont furent em- portées : ce Pont ne cede point en beauté a celuy de Rochefter. | Le vingt-cinquiéme nous eúmes nouuellesde la mortde Vvencatadrapa Roy de Velur,arriuée le cinquantiéme an de fon Regne : trois de fes femmes, dont la Rey: ne Obiama cftoit vne ; fe brülerent fur fon corps. 1 Ie connus en ce temps-là la mauuaife foy du Gouuerneur ; qui me remettoit toú- jours pour le payement de nos debtes; & comme cesremifes me pouuoient faire pers dre le temps de retourner cetteannée-là, ie refolus de l'enleuer, ou fon fils, & de le mettre dans mon Vaiffeau. L'entreprife à la verité eftoit hardie; mais tous ceux de ma troupe me promirent de my feruir au peril de leurs vies. Ie donnay donc ordre à ceux qui commandoient l'Efquifde noftre Vaiffeau, de cacher fix moufquets dans les Voiles, & de fe rendre le long du Quay de la Doiiane; & aux autres, d'attendre de mes nouuelles dans la maifon , & de fe faifir des armes qui eftoient au Corps de garde de la Doüanc ,lors que ie les y aurois fait venir, efperant d'y prendre le: Gouuerneur ou fon fils , & de le cranfporter dans mon Vaiffeau auparauant qu'on en cult pris l'allarme dans la Ville. Quoy qu'on euft tenu la chofe fort fecrette , les Hol. landois ne laifferent pas d'en auoir quelque vent : mais comme ils ne le pouuoient croire , ils n'en donnerent point aduisau Gouuerneur. Le vingt-vniéme Nouembre , les Gentils firent vne fefte foIemnelle; ils la fo lemnifent trois fois l'an, & toufiours lors quelanouuelle Lune fe rencontre le ¡our d'vn Lundy; les hommes & les femmesfe baignent ce jour-là , & croyent acquerir vn grand merite en le faifant, Le vingt-quatriéme ; jie preffay le Gouuerneur de me payer; ie luy reprefentay qu'il y auoit fept mois qu'il me remettoit de ieur en iour: Il tourna la chofe en railleric, & mc dit que nous parlerions de cette affaire à la Doiiane , lors que ie ne ferois plus en colere : ma réponfe fut , que ie ne voulois pas paffer dauantage pour duppc , & que les Capitaines qui commandoient les Vaiffcaux d'Angleterre , n'é- toient pas accouftumez à fouffrir de femblables traitemens. Pallay de ce pas à la Doüanc و‎ où ic trouuay fon fils : fes Gardes auoient 121/56 leurs picques à la porte; la marée eftoit haute , ce qui mc fit croire que ie nc pouuois pas mieux rendre mon temps. l'enuoyay querir mes gens, qui fe faifirent des armes du Corps de Garde de la Doüane ; & eftans entrez dedans, en fermerent les portes. l'arreftay lefils du Gouuerneur, & trois ou quatre de mes gens l'emporterent à force de bras, & le jetterent dans le Batteau. le m'y mis auccle refte de matroupe; & nouseftions defia loin du Port , lors que fon pere en fut aduerty : le vent eftoit fort , & nous obli- geoità ramer lelóg dela cofte , à la diftance de deux cables, pour en eftre àl'abry, & pour prédrele fil de l'eau du canal. Ceux du país accoururét;fe jetterent dans des Bat- teaux , & firent mine de nous vouloir attaquer : nous leur tirámes trois coups de moufquet , عق‎ enleuâmes noftre proye à la νει de plus de trois mille hommes. Pa- uoisdonné ordre au Fa&eur des Anglois de demeurer dans noftre logis aucc deux aucres,pour faire entédre apres à ces Peuples laraifon que nous auions eué d'en vfer ainfi; maisil executa mal mon ordre. Il fortit du logis, pour voir comment la chole fe pafferoit ; & le peuple l'auroit aflommé de coups , file Gouuerneur ne l'euft pris en fa prote&ion , apprehendant qu'on ne fift vn pareil traitement à fon fils, L'apresmidy , le Facteur des Hollandois me vint demander le fujet de cette hoftili- té ; ic luy dis qu'il n'y auoit gueres d'apparence de croire qu'il l'ignoràt, & que j'a- uois 121156 de mes gens àterre pour leur en rendre compte : qu'au refte, ie ferois pen- drele fils du Gouuerneur à la grande vergue dc mon Vaiffeau , fi on traitoit mal les Anglois qui eftoiér dasla Ville. Ie luy fis auffi entendre que ie ferois vn pareil traite- ment à ceux qui delormais aborderoiét mon Vaiffeau, fans m'apporter des Lettres do ceux que j'auois laiísé à terre. L'Hollandois retourna le vingt-feptiéme auec l’Inter- prete du Roy, & offrit de me payer ce qui m'eftoit deù par le Gouuerneur. Ie luy dis que ie pretendois qu'il me payaft outre fa debte celle d'vn nomme Callopas , dont il + DV GOLPHE DE BENGALE 2j auoit cfté caution ; & que pourlesautres debtes ie ferois fatisfait ; pourueu qu'il enuoyaft à mon bord mes autres debiteurs. L'Hollandois me fit yne proteftation du dommage qui pourroit arriuer à ceux de (a Nation, àcaufe de cette hoftilite. le luy répondis par écrit; V vencatadra cependant n'auoit ny bà ny mangé de- puis qu'il eftoit dans mon Vaiffeau. Il eftoit Bramene, & fa Religion ne luy permettoit pas de manger de viandes appreftées dans vn autre logement que le fien. l'en eus pitié, & luy offris de le mettre en liberté ; pourucu qu'il mc donnaft en efchange deux Mahometans de qualité. Il n'en trouua point qui vouluffent prendre fa place ; & fut ainfi obligé de continuer fon jeûne Jufqu'à ce que le Gouuerneur fon pere cuft payé les debtes ; & fait payerles autres. Le trentiéme de Nouembre, ie renuoyay mon prifonnier à terre ; diuers Mar- chands Mahometans me vinrent voir; me promirent d'écrire au Roy la yerité de ce qui Peftoit paíse, & me prierent de ne point faire detort à leurs Vaiffeaux. Ie leur répondis que J'eftois fatisfait ; mais qu'à l’aduenir ils priffent garde de traiter mieux ceux de noftre Nation. | Le feptiéme Decembre ,le Fa&teur que j'auois 12156 à terre , me vint trouuer dans mon Vaiffeau ;ie me mis à la voile , apres auoir offert au Gouuerneur d'aller prendre congé de luy à terre : il m'enremercia; car il apprehendoit que ie ne viffe quelques-vns des Marchands Mahometans, & que ie ne عالط‎ fçauoir à la Cour; par leur moyen, ce qui f'eftoit paísé. Purchas adtoufte pour finir ce Voyages que le trentiéme de Feurier ; ce Capitaine entra auec fon Vai[[caudans la Baye عل‎ Saldaignes & que le premier de Iuin il eftose en U1/le de fainte Helene. Relation du Royaume de eon: par Iooft Schuten , Directeur de la Compagnie Hollando:fe ,em ces quartiers-la. le dix-huitiéme degré de Latitude Seprentrionale, & cít frontiere de ce i cofté-la aux Royaumes de Pegu & d'Aua du cofté de i'Oüeft; il eft borné par le Golfe de Bengale : la cofte Peltend depuis Martauan juíques fous le feptié- me degré ; où il confine du cofté du Sud auec les Royaumes de Paran & de Que- da. Depuis Patan la cofte court yersle Nord ,jufques à treize degrez trente mi- nutes,où elle fe courbe en arc, & faitle fonds du Golfe de Siam. La cofte delcend apres vers le Sud,jufques fous le douziéme degré; & de ce cofté-la le Royaume de Siamaàl'Eft les deferts de Cambodia, & au Sud ies Royaumes de longoma, Tangou, & Langs-langh ; fi bien que ce Royaume a la forme d'yne demie- lune de quatre cens cinquante lieués de circuit ; il eft prefque par tout cou- uert de montagnes & de bois , fice n'eftle long du bord dela mer,où il eft plat, marefcageux, & a vn fond de glaife. Ie ne diray rien de fes coftes, de fes ha- vres , de l'entrée de fes riuieres , puifque toutes ces particularitez ont cité mar- quées fort exactement dans les Cartes qui en ont efté faites. La riuiere Me-Nam, c'eftà dire la Mere des Eaux; eft fort large : ceux du Pays n'ont point de connoiffance de (a fource ; qui doit eftre bien auant dans la terre ferme; elle eft fort rapide;& à fon coursdu Nord au Sud; elle crauerfe les Royau- mes d'Aua ,de Pegu, & beaucoup de Prouinces du Royaume de Siam; elle fe rend par trois emboucheures dans le Golfe de Siam, du refte fort femblable aux riuieres du Gange & du Nil ; car elle déborde tous les ans vne fois, & couure toutle plat-pays pendant quatre ou cinq mois de temps: la terre en deuient ex- trémement fertile. La plus grande des emboucheures de cette riuiere , eft cel- le qui eft la plus auancée vers l'Eft , fous le treiziéme degré trente minutes de La- títude Scptentrionale. C'e ft par cette emboucheure que les Vaiffeaux & les Ionc- #4 VET ἢ 1 Royaume de Siam eft dans le continent de lA fie ; il feftend jufques fous Efcrite en Hollandais l'année 1636. Il faut icy voir la Car- te, 28 R'EYL ANTON ques ont couftume d'entrer : il y a aufond du Golfe de Siam à l'entrée de cette ri- wiere vn Banc plat de fable , il a pourle moins vne lieuë d'eftendué , il fy trouue or- dinairement cinq ou fix pieds d’eau quand la mer eftbaffe, & quinze ou feize quand clle cft haute , mais lors quela mereft débordée ,c'eftà dire au mois de Septembre, d'O&obre , & de Nouembre, il y a dix-fept ou dix-huit pieds d’eau ; au dehors dece Banc, enuiron à deuxlieuës loin de terre ,1l y a ben Ancrage pour les grands Vaif- feaux, & pour ceux qui ne voudroient point entrer dans la riuiere ; car il Py trouue toufiours quatre, cinq à fix braffes d’eau, fonds de glaife & bonne tenuë. Pour ce qui cft de ceux qui veulent entrer dans la riuiere , ilsattendent que l'eau foit haute pour after fur ce Banc; ils peuuent apres faire voile, & là remonter jufques devant vne petite Ville appellée Bancop à fix licués de l'emboucheure ; au deflus de certe Ville, la riuiere eft moins large, & fon fonds eft fort inégal. Vn baftiment qui ne prendroit qu'onze à douze pieds d'eau , peut paffer & remonter vingt-quatre licués auant dans Je Pays , ju(qu'à la ville d’India, & cela en cinq ou fix iours de temps; mais quand l'eau eft fort haute , comme Jay dit qu'elle eftoit aux mois de Septembre, d Octo- bre, & de Nouembre , on met bien troisou quatre femaines à faire cette Nauiga- tion. Ce Pays en general eft fort peuplé, toutefois il y a des Prouinces qui le font les ynes plus que les autres , principalement celles qui font le long des riuieres dans le plat-pays, & où jl y a peu de montagnes; car dans celle-là on y void tant de Villes, dc Bourgs, & de Villages, qu'il feroit difficile d'en rapporter le nombre. Les prin- cipales Villes font, India, Picelouck, Sourckelouk, Caphengh , Soucethay , Ke- phinpet , Confeyvvan, Pijtsyay د‎ Pitfidi , Lydure, Tenou, Mormclon , Martenayo, Ligor , Bordelong, Tannaffary , Bankock, Pijpry , Rapry, Mergy , & autres. Ces Villes fontles Capitales des Gouuernemens 066 Prouinces οἱ elles font fituces : ce n'eft pas qu'il n'y enait vn grand nombre d'autres qui font fort peuplées; maisilfc- roit inutile d'en mettre icy les noms. La ville d'India, Capitale du Royaume de Siam, où le Roy fait fa refidence , cft fituec fur la riuiere de Me-Nam au milieu d'vne belle plaine fort fertile; elle eft bà- tic dans vne Ifle , dont la figure eft ronde de deux bonnes lieués de circuit. Les Faux- bourgs font baftis fur les bords de la riuicre qui regarde cette lle, &à proportion font auffi peuplez que la Ville mefme. On void dans cesFaux-bourgs quantité d'edifices publics, pluficurs Temples & lieux où les Sacrificateurs viuent en commun, femblables à des Cloiftres de Reli- gicux.Il ya des quartiers dela Ville qui font fort bien baftis; les rués en font larges, fort droites , aucc des canauxau milieu;ily ena d'autres où les maifons font mal bafties, les rues fort eftroites:ilya par tout des canaux; fi bien que lors que la riuiere cft débordée , on peut entrer en Batteau danstoutes les maifons. Les maifons font bafties à la maniere ordinaire des Indes , & couuertes pour la plufpart de laffers de pierre en forme de thuiles. Les lieux où les Sa- crificateurs viuent en commun, & leurs Temples, font la plus belle partie de cette Ville : il y a bien trois cens de cesbaftimens ornez de tours, de pyramides, & d'vne incroyable quantité d'Idoles & de Figures de toutes fortes de matieres. Le Palais du Roy eftà vne desextremitez de l'Ile, & de loin on le prendroit pour vne feconde Ville,tantil eft grand & magnifique. Ie ne connois point de fejour plus agreable en toutes les Indes , delieu où l'on viue à meilleur marché, ny où il fe trouue vne plus grande diucrfité de peuples. La fituation & les fortes murailles qui font vne Ville de cette lle , la rendent imprenable, outre qu'vne armée ne pourroit pasdemeurer de- uant plus de fix mois; car l'inondation qui reuienttoufiours dans ce temps د‎ oblige- roit les ennemis à leuer le Siege. Le Roy de Siam cft fort abfolu dans fes Eftats ; il eft d'vne maifon fort ancienne & fort noble , qui regne depuis long-temps en ce pays-là. Seulement dans les occa- fions les plus importantes dc l'Eftat , lacouftume du Pays eft , qu'il communique fes DV ROYAVME DE SIAM. 29 deffeins à quelques-vns des plus grands Seigneurs , qu'ils appellent Mandorins : ces Mandorins affemblent d'autres Officiers qui font au deflous d'eux, aufquels ils com- muniquentles propofitions que le Roy leurafaites, & tous enfemble concertent leur répotffe ou remonftrance. Il y atel égard qu'il luy plaift ; il difpofe de toutes les chargesde fon Eftat , fans confiderer le plus fouuent la naiffance de ceux à qui il lesdonne; il les ofte aufli fur la moindre faute qu'on leur puiffe reprocher ; fes Sujets par cette raifon le fecuent aucc vne foümiflfion d’efclaues. Son train eft magnifique ; il ne fe monftre prefque iamais au peuple, les grands Seigneurs mefmes le voyent peu fouuent, & cela à certains iours de l'année qui y font deftinez. Ces iours d'Audiance , fon Palais fe voit paré de meubles fort riches ; le Roy cft aflis fur vn Próne, tous les grands du Pays à genoux à fes pieds, les mains croisées & la tefte baiísee: fa garde cft composée de trois cens hommes; fes réponfes font receuës comme des Oracles, & fes ordres foigneufement executez. Outre la Keyne il a vn grand nombre de concubines, qu'on choifit entre routes les plusbelles filles de tout le Pays :fa cable eft bien couuerte ; mais fa Religion luy def- fend le vin, auec les eaux de vic & les boiffons fortes; ainfiilne boit ordinairement que de l’eau pure,ou de l'eau de Cocos,& ce feroit vn grand fcandale pour fon Peuple file Roy ou fes principaux Officiers auoient manqué àl'obferuance de cette Loy. . Quelquesfois il fe promenc fur la riuiere dans de petites Galleres, fur chacune def- quelles il y a ordinairement quatre-vingt ou cent Rameurs, outre les Praos du Roy qui font ordinairement fept ou huiét. Il eft encore fuiuy de trois ou quatre cens autres où font les plus grands Seigneurs du Pays ; ces petits baftimens ont au milieu vn pauillon tout doré fous lequel on Paflicd ὃς ordinairement il y a dans ce rencontre quatorze ou quinze cens peifonnes qui furuent le Roy. Quand il va par terre, des hommesle portent fur leurs épaules dans vne chaife dotte :位 garde & ceux de fa Cour le fuiuent en grand filence & en bon ordre; & tous ceux qui fe ren- contrent {ur le chemin font obligez de fe jetter le ventre contre terre. Il fe monftre tous les ans vers le mois d'Octobre à fes Peuples , vn ¡our fur l'eau , vne au- tre fois il fort du cofté de la terre ,& va aux principaux Temples de fes Dieux fui- uy d'vne grande Cour ; deux cens Elephans paroiffent à la teftc, ils portent cha- cun trois hommes armez ; ces Elephans font fuiuis de joücurs d'inftrumens,de trom- pettes , & d'vn millier de foldatsà pied bien armez. Les grands Seigneurs du pays viennent apres, entre lefquels il yen a qui ont quatre-vingt & cent hommes à leur fuite ; apres ces Scigneurs , on voit deux cens foldats du Tappon, les foldats qui com- pofent la Garde du Roy, puis fes Cheuaux de main & fes Elephans, & apres cuxles Officiers de fa Cour, qui portent tous des fruits ou quelque-autre chofe qui doit cftre prefentéc en Sacrifice aux Idoles ; apres ces Officiers, quelques-vns des grands Seigneurs du Pays, entre lefquels ilyena mefmes qui ont des couronnes fur leurs teftes, vn d'eux porte l'E(tendard du Roy,Pautre vne Efpée qui reprefente la Iuftice; Sa Majefte paroift apres eux furvn petit Tróne mis iur vn Elephant,tout entouré de gens qui luy portent des paraffols , & fuiuy du Prince qui luy doit fucceder: fes fem- mes fuiuent aufli fur des Elephans ; mais dans des petits cabinets fermez ; tellement qu'on ne les void point:fix cens hommesarmez ferment ce Cortége, qui ordinaire- ment cft de quinze ou feize mille hommes. Quand il fe met fur l’eau, deux cens Seigneurs du Pays paroiffent à la tefte chacun dans fon Prao ou Galiote ,auec foi- xante ou quatre-vingt Rameurs : quatre Batteaux des Muficiens les fuiuent , & cin- quante autres Praos du Roy fort dorez. Apresceux-là, il en paroift dix autres plus magnifiques que lcs premiers, tous couuerts d'or,les rames mefmes en font dorées : le Roy cft aflis fur vn Trône dansle plus beau de ces Praos; fur le deuant du Prao eft vn des grands du Pays qui porte fon Eftendard : le Prince fuit apres & les femmes du Roy, auecleur fuite; fi bien que j y contay jufqu'à quatre censcinquan- te Prauyvsou Praos. Le Peuple fe rend en ce temps fur les bords dela riuiere ; les mains joinces & la tefte baifsce;témoignát yn grád refpe& & veneration à fonPrince, Set Dua Dans les autres Re- ations on mer Man- darins, — Dans l'Ori- ginal Hol- landois , il cxplique la valeur de céte fomme par celle de cent mille كلك 6 Maniere de verifier les crimes. 30 RELATION Son reuenu cft de plufieurs millions d'or, il fe tire principalement fur le Rys que ce Pais produit en grande abódance,fur le Sappang,ou bois qui fert à teindre en rouge, fur l'Eftain, fur le Salpeftre, fur le Plomb , n'y ayant que les Fa&curs du Roy qui puiffent vendre ces marchandifes aux cftrangers,non plus qué l'or dela: uage qu'ils tirent du fable , & celuy qu'ils trauaillent dans les mines. Il y a encore des impofitions fur les marchandifes eftrangeres , les taxes des Gouuerneurs & le tribut des Princes fes vaffaux. Il tire auffi de grands profits du commerce que fes Facteurs font dans la Chine & à la cofte de Choromandel, d’où il tire bien deux mille cartys d'argét tous les ans.Ila beaucoup d'Officiers qui manient fes deniers, & les profits qui viennent de ce trafic font ordinairement appliquez à baftir quel- que Templeàleurs Idoles, & le furplus de la dépeníe eft mis dans le trefor du Prince, que l'on tient eftre fort riche. Quand le Roy eft mort, le plus âgé de fes freres luy fuccede : lors qu'il n'a point de frere, c'eft l'ainé de fes fils; & quand il a pluficurs freres, ils fe fuccedentles vnsaux autres, felonl'ordre de la naiffance. Les filles ne fuccedent point à la Couronne ; mais cét ordre eft fouuent interrom- pu; & les Princes qui ont plus de credit parmyle peuple; fe rendent maiftres de l'Eftat. Le Roy qui regne maintenant l'a vfurpé de la forte, & à fait mourir tous fes Cópetiteurs pour Paffeurer mieux la poffeffion de s6Empire.Ils ont desLoix écris tes, & vn Confeil de douze Iuges prefié par yn treiziéme, regle toutes les affaires Ciuiles & Criminelles. Il y a encore d'autres Iurifdi&ions fubalternes à ce Con- [cil , où les affairesfe traitent par le moyen de Procureurs & d’Aduocats, auec la mefme longueur qui fe pratique en Hollande : quand l'affaire a efté bien in- ftruite , on en dreffe vn procez verbal ou relation, on le cachete pour eftre ou- uert dans ce Confeil des douze. Dans les affaires Criminelles, lors que les delits ne font pasbien prouuez, ils ont diuerfes manieres d'en rechercher la verité و‎ quelquefois on oblige le denonciateur à fe plonger dans l'eau, & y demeurer quelque-temps , on oblige les autres à marcher les pieds nuds fur des charbons ardans , à fe lauer les mains dans de l'huyle boüillante , ou à manger du R ys char- mé.L'on plante dans l'eau deux perches,les deux parties fe plongent dedans, & ce. luy qui demeure plus long-tempsentre ces deux perches gagne fon procez. Lors qu'on les fait marcher fur des charbós ardans, vn hóme leur preffe fur les épaules; afin qu'ils appuyent dauátage en marchant : fils en fortent fans fe brúler,on tient leur innocence bien prouuée.Pour le Rys charmé,ce sótles Docteurs de leur Loy, qui le preparent & qui le leur donnent celuy qui le peut aualer cft declaré inno- cent; & fes amis le remenét come yiltorienx & en triomphe chez luy, & Pon punit feuerement fon Denonciateur ; cette derniere preuue eft la plusordinaire de tou- tes. Ce Princea des Mahomctans & des foldats de Malacca à fon feruice ; mais ceux du lappon y font eftimez pour leur Brauoure plus que les autres, & les Roys de Siam en ont toufiours fait leurs principales forces. Le Roy d'aprefent en auoit pris quelque jaloufie, & auoit fait mourir tous ceux de cette Nation qui fe trouuerent dans les Eftats ; mais ils y font retournez depuis quelques-temps.Ceux de Siam feruent leur Prince dans fes troupes,fans aucun fa: laire : on y leue quelquesfois le vingtiéme , quelquesfois le centiéme des Habi- tans , felonle befoin qu'on en ع1 زد‎ Roy leur donne des Officiers pour les com- mander : outre cela , les Seigneurs du Pays entretiennent grand nombre de Sol- dats, qui leur feruent dans les occafions de la guerre. Ce Roy peut mettre fur pied des armées de cent millehommes , auec deux ou trois milles Elephans, qui fer- uent partie pour le combat , & partie pour le bagage & munitions ; neant- moins fes armées ne paffent gueres cinquante mille hommes. Ces troupes gardent aflez bien leurs rangs & la difcipline militaire ; mais elles font mal ar- mées, ne portant la plufpart que l'arc ,la picque ; ayant peu de pratique à fe fer- wir du moufquet. La Caualerie n'eft pas mieux armée ;elle porte le bouclier,l’arc; DV ROYAVME DE SIAM. 3I & la lance.La principale force de leurs armées confifteen vn grand nombre d'Ele: phans de guerre , chacun monté par trois hommes armez : Ils ont v ne aflez belle Artillerie ; mais ils ne Pen fcauent pas feruir, & encore moins de celle qu'ils met- tent fur leurs Galleres & fur leurs Vaiffeaux; car ils ne sór pas des meilleurs Mari- niers. Ils ont yn nombre infiny de Praos ou petites Galiotes dans leurs riuie- res , mal-armées, & qui ne pourroient pas refifter aux Vaiffeaux ny aux Galeres de l'Europe : ils ne laiffent pas d’eftre fort redoutez des Peuples voifins. Les Roys de Siam ayans fouuent auecces mauuais Soldats fait de grandes conque- Îtes, & formé vn grand Eftat dans cette partie de l'Afie , dont ils font confide- rez comme les Empereurs. Les Roys de Pegu& d'Aua luy ont fait fouuent la guerre; car fe trouuant d'é- gales forces, ils luy difputent l'Empire : fi bien que les frontieres de ces deux Koyaumes , qui ne font 1amais deux ou trois ans en repos ,en font entiere- mét ruinces & defertes. Le Roy de Siam enuoye prefque touslesans vne armée de vingt-cinq ou trente mille hommes, durant les fix mois du Mouffon lec,qu'1ls appellent , ou pour mieux dire lors que les eaux ne font pas débordécs, fur les fronueres des Royaumes de langoma, Tangou , Langhs-langs : & dans cesder- niers temps il a fait la guerre au Roy de Cambodia fon vaflal , qui feft reuolté contre luy ; mais il fe deffend , & luy fait encore maintenant tefte. Depuis cet- te guerre de Cambodia, le Royaume eft demeuré en paix jufques à la mort du Roy. Son fils luy fucceda, contre la couftume du Pays, qui veut que les freres du Roy fuccedent à la Couronne ; tous les Princes du Sang qui y pouuoient preten- dre furent mis à mort, le Royaume a 2156م‎ dans la perfonne d’yn Prince de (ἃ maifon qui Pa vfurpé furluy, & l'a fait mourir, & qui apres de longues guerres Ci- uiles & eitrangeres,l’a pofledé depuis auec beaucoup de reputation & d’authorité. Il eft prefentement en guerre auec les Roys d'Aua , de Pegu, & les rebelles de Cambodia. Ce Prince ayme les cftrangers , comme fes predecefleursles ont roú- jours aymez ; mais il ayme dauantage les Hollandois que les Portugais. Ces derniers auoient en l'an 1624. pris vn petit Baftiment Hollandois dans la riuiere de Siam ; il fit arrefter la Gallere de Dom Fernando de Silua, fit dcpoüiller fes gens , nous fic rendre noftre Vaifleau & les Marchandifes. Les Efpagnolsdes Ma- nilles luy declarerent la guerre pour ce fujet, & arrefterent beaucoup de fes Sujets qui trafiquent à la Chine. Les Hollandois pour fe reuancher de cette obligation, luy prefterent fix de leurs Vaiffeaux l'an 1654. pour luy ayder à mettre à la raifon {es Sujers de Paran. Ce Roy a bien trois milles Elephans, chacun de ces Elephansa deux ou trois hommes qui le penfent: on drefle les vns pour la guerre , les autres pour porter P'Artillerie ; les viures, & les munitions de guerre : il y ena beaucoup de fauuages dans le Pays, voicy comment ils les prennent & comment ils les appriuoifent. On fait entrer dans les bois vne troupe de quinze ou vingt Elephans femelles, qui ayans efté prifes fort jeunes, font priuces & drefsées a cette chaffe. Les Ele- phans fauuages fe mélent parmy elles; ceux qui font cette chaffe , font entrer la troupe d'Elephans femelles dans vn lieu quarré fermé de murailles ; ils baftiffenc ce lieu dans le plus fort du bois, auec yne allée qui y conduit , ainfi petit à pe- ut les fauuages Pengagent dans cette allée & dans ce baftiment que l'on ferme aufli-toft qu'ils y font entrez , cependant l'on ouure vne autre porte par la- quelle on fait fortirles Elephans priuez ; fi bien que celuy qui eft (auuage demeu- re feul : à fix pieds de diftance de ces quatre murailles, il y a vne palliffade de grands pieux ; & entre vn pieu & l'autre, autant d'efpace qu'il en faut pour faire paffer vn homme. Au milieu de ce quarré ; ilyena yn autre , mais plus petit; & deuant tout ce baftiment eft vn pauillon auec vne gallerie qui regne autour, ou le Roy fe met ordinairement auec les principaux de fa Cour, pour auoir le plaifit Maniere de prendre les Elephans. 33 RELATION de cette chaffé: ón entre par les interualles des pieux pour mettre Elephant en furie: onlay tire desfusécs ; & quand il feft bien tourmenté en vain, & qu'il eft tout à fait las و‎ on ouure yne porte de cette enceinte, & onle fait entrer dans yn lieu plus cftroit où on luy lie auccde gros cables les pieds de deuant & ceux de derriere : on le met entre deux Elephans priuez ; & luy ayans 2156م‎ des cables & des fangles par deffous le ventre, onle guinde en haut , & on le laiffe à demy fuf- pendu quelques iours; tellement qu'en trois ou quatre mois de temps il deuient priué comme les autres, Ils ont yne autre maniere de les prendre , ils attaquent à la campagne l'Elephant fauuage , montez fur des Elephans priuez ; ils l'appro- chent , luy jettent des cordes dont ils luy embaraffent les jambes, & le pren- nentainfi. L'on void parlà combien les Anciens fe font trompez د‎ lors qu'ils ont arlé de cette chaffe. riephans CC Pays eftle fcul où il y ait des Elephans blancs. Ces peuples difent que l'Ele- blancs. phant blanc eft le Prince de tous les autres, & les Koys de Siam en ont eu long- + temps, qu'ils ont traitez comme ils auroient fait quelque Prince de leurs voifins qu'ils auroient receus dans leurs Eftats , les faifant feruir auec autant de pompe & de magnificence. Le Roy leur rendoit fouuent vifite ; la vaiffelle où l'on mettoit leur nourriture, & tout ce qui feruoit à leur vfage;eftoit d'or maflif. Il y a foixante ans que le Roy de Siam eütvne grande guerre aucc celuy de Pegu, pour auoir : vnde ces Elephans blancs; celuy de Siam fut vaincu, & rendu tributaire à l'autre. Le Roy d'aujourd'huy a cule bon-heur d'auoir deux jeunes Elephans blancs dans letemps de ma refidence , qui moururent bien-toft apres de trifteffe. Ces peuples croyent qu'il y a quelque chofe de diuin dans ces animaux, & en rapportent plu- fieurs preuues; fi bien qu'ilsneles eftiment pas feulement à caufe du feruice qu'ils en tirent; mais parla raifon de l'efprit qu'ils admirent dans cette befte. Ils croyent auoir remarqué qu'il fe réjouyt lors qu'il fe void traité comme il le merite ; & que les autres Elephans luy rendent le refpe& qu'ils luy doiuent ; qu'il eft trifte & me- lancolique au contraire , quand on le fert auec moins de refpe& & de foin. acligion de Ceux de Siam font Idolátres ; le Payseft plein de Cloiftres & de Temples , où pae dn l'on void des Idoles de tous coftez faits de diuerfes matieres : jay veu de cesIdo- *Ces Sacrifi- les qui auoient cinquante pieds de haut ;il y ena mefme vne d'vne figure affife ie qui en a fix-vingts.Leurs Temples & leurs Idoles sót feruis par des* Sacrificateurs, Religieux de QUI menent vne vie fort innocente ; ils reconnoiffent tous pour Superieur le Sa- l'Europe. Crificatefir du principal Temple de la ville d'India , qui eft la feconde perfonne de edere PEftar, & la plusrefpe&ée : il y a bien trente mille de ces Religieux dans le Pays. ale Curédu Ils n'ont prefque point de marque qui les diftingue du refte du peuple : ils por- Ua tent des habits de toile jaune tout fimples , & ont la tefte rasée. On choifit entre- ' eux les plus habils pour Sacrificateurs & pour Superieurs des Temples; ils prefe chent le Peuple, Pinftruifent, & font des Offrandes & des Sacrifices àleurs Ido- les ;il leur eft deffendu fur peine du feu, d'auoir commerce auec les femmes; mais lors qu'ils ne fe fentent pasaffez forts pour refifter à cette tentation , ils leur eft permis de quitter la vie Religieufe ;les Cloiftres (ont baftis proche des Temples; 115 chantent enfemble le matin & le foir des prieres; les Cloiftres & les Eglifes font fondées ; mais les Ecclefiaftiques tirent leur principale fubfiftance des aumónes qu'on leur fait, & il fort tous les iours des Cloiftres & des Eglifes des Quefteurs aucc des befaces , qui entretiennent leurs Communautez des aumofnes qu'ilsrap. | portent. Il y a auffi proche des principaux Temples, des maifons de Religieufesde vieilles filles, rasées , habillées de blanc, qui paffent là leur vie pour eftre plus affidués aux prieres , predications , & Sacrifices qui fy font; mais c'eft de leur bon gré qu’elles font cette vie, & auec la liberté de la quitter quand elles vculent. CesPeuples font diuifez en plufieurs Se&es; mais elles faccordent toutesà croire vn Dieu Sowuerain, qui en a beaucoup d'autres au deffous de luy , qu'il eft | AC ١ Creatcur A DV ROYAVME DE SIAM. 33 Creaceur de tout l'Vniuers ; que les ames font immortelles, & que dans l'autre monde elles font punies ou recompensées felon le merite de leurs a&ions. C'eft là le fondement de leur Religion , qu'ils difent eftre fort ancienne ; qu’elle a efté confirmée par le témoignage de quantité de faintes perfonnes , aufquelles ils dreffent des Images. Ils font des aumónes ; ils entretiennent les Doéteurs de leur Loy , عق‎ exercent des œuures de charité indifferemment à l'endroit des hom- mes, & de tout ce qui a vie. En effet, les iours de Feftes on porte à l'entrée de leur Temple des poiffons & des oyfeaux ; ils les achetent de ceux qui les ont pris, & leur donnent la liberté, croyant que cette charité feftende jufqu'aux ames de ceux qui ont vefcu auparauant eux. Ils ont des prieres publiques, des Prefches; ils vont entendre les leçons que leurfont leurs Do&eurs ; ils font des offrandes dans leurs Temples à leurs Dieux, qu'ils accópagnent de torches, de lumieres,de fleurs, & de feux d'artifice,croyant par là détourner leur colere & fe les rendre fauorables. Leur plus grande Fefte fe {olemnife dans de certaines faifons de l’année à certains quartiers dela Lune. Ils ont vn jeüne de trois mois , pendant lequel ils ne mangent de rien qui ait eu vie ; ils prient Dieu pourles malades ; ils rafent leurs morts, les falent auec beaucoup de fuperftition, & les portent proche de leurs Temples, où ils les brülent auec mufique , reprefentations de comedies, feux d'artifice, prieres de leurs Preftres, δέ autres magnificences. Ils ramaffent apres les cendresde ces corps brülez, y met- tent du fel, & les enterrentau mefmelieu. Les plus riches dreffent fur leur fepul- ture des pyramides & des monumens ; & la coütume du pays eft de faire de gran- des dépenfes dans ces rencontres. Leurs Do&eurs traitent humainement ceux des autres Religions, ne Pemportent point ¿les blámer, & foütiennent qu'on peut arriuer au Ciel par de differens chemins , que Dieu fe plaift àla diuerfité des cultes : c'eft ce qui les rend plus difficilesàreceuoirle Chriftianifme; & cette dif- ficulté paroi(t affez dans le peu de progrez qu'y ont fait les Portugais , auffi bien que les Mahomerans qui ont tafché de les attirer à leur Religion, & n'ont pú rien auancer de ce coftc-là , quoy que les vns & les autres y ayent toute la liberté de l'exercer. Ces Peuples d’ailleurs fort deüots, ne laiffent pas de facrifier aux Diables, qu'ils tiennent les autheurs de tout le mal qui arrive aux hommes, & c'eft princi- palement dans leurs affliétions qu'ils ont recours à eux, qu'ils fuppofent en eftre les autheurs. Il feroit honteux à vn Chreftien d'apprendre au monde les abomi- nations qu'ils commettent dans ces Sacrifices ; & c'eft le fujer le plus ordinaire des predications de leurs Ecclefiaftiques ; qui ne ceffent de prefcher contre ces abo- minations. Ils font affez bien faits de leurs perfonnes , ont le teint fort brun , tirant fur la couleur d'oliue , mauuais foldats , mais cruels vers leurs ennemis quand ils font en leur puiffance : ils ont l'air fier , viuent entre-eux fort ciuilement , naturellement portez à la legereté , timides, fourbes , infidels , grands menteurs; les hommes faineants ,les femmes affez belles , fortes , labourentla terre, & font tout le tra- uail qui occupe les hommes ailleurs : ceux-cy fe contentent de faire la Cour, & de (eruir dans les Armées : elles portent des habits fort legers, de toile peinte, ou pour mieux dire, imprimée, & vne vefte par deffus d'eftoffe qui a plus de corps, & qui leur couure le fein; & pour tout omement, quelque anneau aux doigts & quelque priam ou poinçon fur leur coéffure:les hommes ont de mefme vn habit d'eftoffe fortlegere, & νης efpece de jufte-au-corps auec des demyes manches. Les pauures & les riches font habillez les vns & les autres quafi de la mefme facon; mais onles connoift affez à leur fuite : car il y en a qui ont vingt- cinq ou trente perfonnes qui les fuiuent, cependant que les autres n'ont qu'vn ef- claue ou deux : leurs maifons comme la plufpart des maifons des Indes font bafties de charpente ou de rofcaux , ὃς couuertes de feüilles de Cocos ou de chuyles ;le Ἐπ Ἑ 34 RE LEAZIVIZONN plancher eft plus éleué que le rez de chaufsée de trois ou quatre pieds ; ils ne vi- uent que de Rys, de poiflon, & de legumes ; mais il eft ordinaire principalement entre ceux du menu peuple , de f'enyurer d'arac ou d'eau de vie les jours de Feftes. Les mariages entreles perfonnes riches, le font en mettant en commun yne certaine fomme de deniers ; ils fe font auec beaucoup de feftes & de magnificen- ces; mais fans qu'il y entre aucune ceremonie de leur Religion : les mariez ont toufiours la liberté de fe feparer en partagcant leurs enfans & leurs biens : le mary auec cela peut prendre autant de concubines qu'il en veut, qui doiuent neant- moins obeyffance à la premiere femme , dont les enfans heritent tout le bien de leur pere ¿ceux des concubines n'en ayant qu’yne partie fort peu confiderable. Les biens des perfonnes de condition, apresleur mort font feparez en trois parties, les Sacrificateurs ou Ecclefiaftiques en ont vne le Roy l’autre, & la troifiéme eft pour les enfans : mais les pauures gens en vfent autrement ; les hommes achetent leursfemmes par quelque prefent qu'ils donnent à leurs peres; ils ont la mefme liberté de les quitter que les grands; mais les diuorces ne fe font point legere- ment , & fans qu'ils ayent grande raifon de le faire. Les enfansdes gens du peu- ple partagent entre-eux également le bien de leur pere , laiffans neantmoins ordi- nairement quelque chofe de plus à l’aîné Ils mettent les enfans dés leur jeuneffe auprés de leurs Preftres & Docteurs, pour apprendre à lire, à écrire, & autres connoiffances : durant ce temps, ils ne viennent point en la maifon de leur pere, sz à la fin de leurs eftudes il en demeure toufiours beaucoup qui continuénta vi- urc le refte de leurs iours dans la Communauté de ces Do&eurs. Le plus grand traffic du pays eft d'étoffes qui viennent dela cofte de Choroman- del, & de Surat ; toutes fortes de marchandifes de la Chine , des pierreries , d'or, du Benjoin, de la Gommelaque , dela cire; de Sappangh, du Paó d'Aquila ou bois d'Aigle , d'eftain, plomb, & quantité de peaux de Cerf : car il en prend tous les ans plus de cent cinquante milles dans le pays ; & on les porte auec grand pro- fit au Iappon. Il Py fait aufli grand traffic de Rys , on en tire tousles ans plufieurs milliers de tonneaux , & ce commerce y attire toutes fortes de Nations des Indes. Le Roy cft le plus grand Negociant de tout fon Royaume ;il enuoye tous les ans de fes Marchandifes en la cofte de Choromandel, & à la Chine, oùil a efté de tour temps fort confideré. Il tire auffi tous les ans de grandes richeffes du traffic qu'il fait dans le Royaume de Pegu à langoma, Langhsjangh. La monnoye de ce pays cft d'vh argent fort pur, ils en ont de trois fortes , des Ticals qui valent trente fols , des Mafes qui ont cours pour lept fols & demy, & les Foanghs pour trois fols neuf deniers: ils font^ordinairement leurs comptes par cattys d'argent; chaque cattys vaut vingt Tayls , ou cent quarantc-quatre li- ures : car le Tail vaut fept francs, & quelque chofe dauantage. Toutle commer- ce fc fait auec cette monnoyc ; il ne fen bat point d'autre dans le pays; mais on y apporte des Manilhes de l’Ifle de Borneo, & de celle de Lequeo , vne elpece de coquille dont il en faut hui& à neuf cens pour faire la valeur d'vn Foanghs,& cet- te monnoye leur fert pour acheter les chofes neceffaires à la vie;qui y font à grand marché. Auparauant que les Hollandois vinffent en ce pays, les Portugais y eftoient fort confidercz : les Roys de Siam receuoient auec demonftration d’eftime les Enuoyez des Vice-Roys des Indes, & des Euefques de Malacca : ilsauoient exer- cice de leur Religion dans la ville d'India , jufques-là mefme que le Roy donnoit desappointemens à vn Preftre qui auoit foin de cette Eglife : mais ils commen- cerent à perdre leur credit auffi-toft que les Hollandois eurent mis le pied dans le pays;ils en vinrent enfin à vne rupture ouuerte , les Portugais trauerferent le commerce que ces peuples auoient à Santome & à Negapatan , & prirent l’année 1624. dans la riuyere de Menam, vne petite Fregate Hollandoife. Le Roy de Siam DV ROVAVME DIENSIAM 35 leur porta la guerre jufques dans les Manilhes; leurs Marchands ne laifferent pas de demeurer cependant dans le pays: mais fans confideration & fans credit; fi bien qu'il n'y refte maintenant que quelques Meftis ou Portugais bannis;Pannée 1631. le Roy de Siam par droit de reprefailles fe faifit de leurs Vaiffeaux , & fit arrefter prifonnier les Portugais qui fe trouuerent deffus; ils fe fauuerent deux ans apres par le moyen d'vne Ambaffade fupposée:l’on prit auffi dis les havres de Ligor & de Tannaffari desVaiffeaux Efpagnols & Portugais,mais leR oy fit mettre ceux del'Equipage en liberté , & les chargea de Lettres pour les Gouuerneurs de Manilhes , de Malacca, où il leur offroit la liberté du commerce, & de les receuoir dans fes Eftats , tellement qu'il y a apparence qu'ils y retourneront. Pour les Hollandois , il y a bien trente ans qu'ils fe font eftablis dans le pays ;le commerce qu'ils y font acíté jugé affez important par la compagnie des Indes Orientales pour y entretenir vn Gouuerneur , apresauoir bäfty dans la ville d'In- dia vn magazin , & y auoir fait vn grand commerce de peaux de Cerf, de Sap- pangh, &c. Ils enuoyent tous les ans ces Marchandifes au Iappon , toutefois auec plus de reputation que de profit, fi ce n'eft qu'on faffe entrer en ligne de compte les viures qu'on en tire pour Battauia, & la commodité de ct eflabliffement pour trauerfer le commerce des Efpagnols. l'y fis baftir en 1633. vn nouueau magazin ; & dans les quatre ans de temps que j'y ay eu la direétion des affaires de la Compa- gnie , j'y ay reduit les chofes à tel point, qu'elle en pourra tirer beaucoup de profit à l'auenir. L'année 1634.) y fisbaftir par ordre du General Brouwer & du Confeil des In- des, vne maifon de pierre auec fes magazins , des appartemens fort commodes & des foffez pleins d’eau, pouuant dire que ce 人 la meilleure maifon que la Com- pagnie ait dansles Indes. Voila ce que lay appris du Royaume de Siam, dans les hui& années de refidence que j'y ay fait dans la ville d'India capitale du pays. Di ele دم FQ A N 2 Q 3 i È y 3 5 = 5 c ἘΞ aa | è c3 È S SK © , L ce onte , autrement appelle 3 par las Hollando (Vj 5 τὰ S Lee ica à US A y == TS A = E MANI 中 Y & RIEN = iS. 4 بوه DV VOYAGE ᾿ DE BONTEKOE, AVX INDES ORIENTALE S. 1 E partis du Teffel le 28. Decembre 1618. auec vn vent d'Eft, dans le Traduit de PA Vaiffeau nommé la nouuelle Hoorn, en qualité de maiftre de Vaif- ls Pea) QUE “- E 3 : e feau. Son port cftoit de onze cens tonneaux, & il y auoit deffus deux dois, écrit "cens fix bouches. par Guillaus : È me Ifbrantz Le 29. du mefme mois , nous pafsàmes les Caps: Bontekoè. Le 30. nous eufmes fur le foir la yeué de Poortlandt, &le niefme ¡our nous pafsàmes Pleymuyen. Le premier Ianuier 1619. nous pafsämes Engelants End, oule bout de l'Angle- terre , le mefine vent continuant toufiours ; ce fut là que nous commengámes à dreffer noftre courfe Sud-Oüeft au Sud vers la mer. Le 20. le vent eftoit Sud-Eft noftre courfe Su-Sud-Oïüeft , auec vn bon frais: La nui& du 5. Feurier , nous receümes trois coups de mer ; le Vaiffeau en eltoit prefque couuert. Nos gens fe mirent à crier, nous coulons à fonds, nous coulons à fonds, les Sabords du deuant du Vaiffeau font ouuerts. Ie courus dans le Chafteau du deuant du Vaiffeau , & ie trouuay qu'ils eftoient fermez. Ie leur criay qu'ils n'auoient rien à craindre de ce cofté-la, courage , camarades, leur dis-je , qu onaille au fonds dc Cale, & qu'on voye fil'cau n'y entre point. Ils l'executerent auffi-toft , & trouuerent qu'il n'y auoit point d'cau. Ie donnay or- dre en fuite qu'on puisát l'eau auec des feaux de cuir, & qu'on la Jettát hors le bord : Mais nos gensauoient tellement embarafse le paffage auec leurs coffres, que la crainte de l'eau leur faifoit tranfporter de cofté & d'autre; que ceux qui eftoient employez à jetter l'eau ne trouuoient pas affez de place pour le pouuoir faire; il fallut de neceflité rompre les coffres qui fe trouuerent fur le paffage : on les mit en pieces, & on trouua aysément place pour fe feruir des feaux & execucer, l'ordre que j'auois donné. Apres οὔτε fortis de ce danger auecl'ayde de Dieu , nous nous laiffions aller au gré du vent fans voile ; Mais noftre Vaiffeau fouloit fi eftrangement , que nous fufines obligez de remettre la voile pour le tenir droit fur fa route qui eftoit versl'Oüeft. Le temps eftoit fort inconftant aucc pluye ; la mer fort agitec ;& lcs éclairs fi frequentes , qu'elle paro 1ffoit tout en fcu. ^ 4 À 0 3 V:OY AGE Le fixiéme ,le feptiéme, ὃς le huitiéme , le temps fe trouua encore fort mauuais; auec pluye. Nous vifmes ce jour-là beaucoup de Mauuettes ; ce qui nous fit croire que nous eftions proche de l'Ifle du Brefil , neantmoins nous ne vifmes pasla terre. Sur le midy du huitiéme iour, nous couruímes vers l’Eft ,le vent eftoit enuiron Oüeft Sud-Oücft , le temps toufiours fort inconftant. La tempefte dura long-temps; noftre Vaifleau fe tourmentoit fi fort, & nos haubans bandoient de forte, quoy que nous les euffions liez en deux endroits , que le grand Maft fe rompità cinq pieds en- uiron au deffus du Tillac. La crainte de perdre cout à fait noftre Maft , nous obligea à le fortifier, en y joignant le gros maftercau pour le tenir en eftar. Le voyage dé- pendoit de là : file Maft fut tombe hors le bord , nous euffions efté obligez عل‎ re- tourner en Hollande. On fit vnc ouuerture dans le Tillac pour y pafferlc bout d'en- bas du maftereau, & on le liale plus fermement qu'il fut poflible contre le Maft. Nous le mifmes ainfi en eftat de feruir , dont nous fufmes fort réjouys. La tempefte dura jufques au r9. nous tournámes tantoft noftre route vers le Sud, tantoft vers l'Oücft , pour nous accommoder au change ment du vent. Le20. le temps deuint beau & calme , & nous primes ce temps pour affeurer da- uantage noftrc Malt : & l'ayant fait, nous drefsámes noftre courfe vers les Canaries Su-Sud-Eft ; le vent eftoit à peu prés Sud-Oüeft ; & lc temps fort beau:ce qui nous donna moyen de trauailler encores à noftre Maft. Le 21. nous vimes derriere-nous vnc voile , qui faifoit fon poffible pournousap- | procher, Nous l'attendimes fur le cofte de noftre Vaiffeau , où les voiles portoient. Nous trouuámes que c'eftoic vn Vaiffcau des Indes Orientales , qui eftoit forty de Zelande le 29. Decembre 1618, le lendemain du ¡our que nous eftions partis du Tef- Le maiftre fel. Ce Vaiffeau eftoit en fort bon eftat, & ne manquoit de rien ; il fappelloit la nou- qui : ya uelle Zclande , c'eftoit vne bonne compagnie pour lesvns& pour les autres. Nous | ae allions aufli bien à la voile qu'eux, nonobftant l'accident qui nous cftoic arriué:on | PierreThii- continua ce jour-là la mefme route que le ¡our precedent. | E Le 25. du mefme mois, nous vimes yneautre voile au ftribord de noftre Vaiffeau , c'eftà dire à noftre main droite. Nous y courümes,& trouuámes que c'eftoitle Vaif- feau Enchuyfen, qui eftoit forty auec nous, & deuoit faire aufli le voyage des Indes Orientales. Nous eftions donc trois Vaiffeaux de Flotte; on paffoit fouuent d'vn bord à l'autre pour faire bonne chere , & nous nousentretenions de nos aduantures, Noftre courfe nous portoit proche des Ifles du Cap-Vert: nous en eufmeslaveué: | en les paffant, le vent eftoit Sud-Eft, & le temps fort beau ; fi bien que nous portions — | nos hunieresau plus haut qu’elles pouuoicnt monter. Nous táchames de gagner ا‎ 1:11» S. Anthoine , pour auoir des rafraîchiffemens; mais les broüillards & la pluye — nous en ofterent la veu , ὃς il fallut pour plus grande feureté aller chercher l'Ifle del Mayo ,eu celle del Fuego. Proche de cesIfles,iltomboit dela broüine , & les vents eftoient variables. Il nous fallut louier deuant que dy arriuer, les Vaiffeauxqui feftoient joints à nous fenfeparerent, & furent à l’Ifle del Mayo, qui n'eft pas loin de celle del Fuego , où nous cftions. Proche de cette Ifle , nous ne trouuámes point dc fonds qui fut propre pour anchrer; nous courufmes tout proche dela terre durant le calme. Nous auiósdás noftre Vaiffcau de petits Mats, on en fit fier vn en deux; nous accó- modâmes ces deux pieces auec deux autres que nousauions defia,pour fouftenir plus fortement noftre Maft. Eten effet, cela le rendit aufli fort qu'il auoit efte aupara- uant. Cependant , nous enuoyàmes noftre Chalouppe vers la terre pour pefcher ; & comme elle cftoit fous cette cofte , quelques Efpagnols parurent vers le bord de la mer, & tirctent furles gens qui eftoient dans noftre Chalouppe ; leur faifant con- noiftre par là qu'ils ne vouloient point fouffrir qu'ils vinffent à terre. Ainfi, la Cha- louppe reuint au Vaiffeau , & rapporta vn peu de poiffon quelle auoit pefché : le re- fte de l'équipage eftoit occupé à trauailler à noftre Maft. Et pour l'affeurer dauátage, on y adjoufta yn autre maftercau qu'on lia deffus, & on le remit encftatdeferuir.]ly — | | DE BON "PER O, E. 3 auoit du plaifir à le voir , il cftoit prefque auffi gros quele pilier d'vneEglife. Nous fortifmes le foir hors descal mes de cette Ifle , & prifmes noftre route pour paffer la ligne. Dansle temps que nous eftions fous cette Ile, il vint de terre vnc fi grande quantité de poufliere femblable à des cendres , que les haubans de noftre Vaificau en eftoient tout couuerts. Le ¡our fuiaant, comme on eftoità desjcüner, nous viímes derrierc nous deux Voiles; nous chafsámes apres, c cítoitle Vaiffeau de la nouuelle Zelande , & celuy dela nouuclle Enchufe, qui f'eftoient feparez de nous de nui& présdes Ifles del Mayo & del Fuego. Ils furent fort rcjouys de noftre rencontre. Ils auoient pris terre àlTtle del Mayo pour fe rafraîchir; mais ils n'y auoient rien trou- 116 , & deux de leurs gens y auoient efté tuez parles Efpagnols: le vent cftoit Sud-Eft, & nous courions vers la ligne; fous la ligne , nous eümes des calmes , & quelquefois auffi de fafcheufes trauades, accompagnées de vents & de pluyes. Les vents fouf- floient quelquefois en vn mefme temps de toutes les pointes de compas, ou de tous coftez ; fi bien que nous fufmes troisfemaines deuant que de pouuoir pafferla ligne. Lanui& la mer paroifloit toute cftincelante & pleine de petits brillans , qui i d bloient rejallir dela Poulaine , ou du deuant de noftre Vaiffeau , dont nous cítions fort eftonnez. Nous drefsàmes noftre route pour paflzr les Abrolhos auec vn vent Sud-Eft; mais le calme nous furprit comme nous en eftions affez proche : Nousapre- hendions de ne les pouuoir pafler. A la fin le vent Félargir, & nousen pafsämes fi pro- che , que nous eümes la veuë des Abrolhos ou rochers les plus aduancez vers la mer. Nous les pafsämes auec l'ayde de Dieu , & ce nous fut vne grande joye; car fi nous fuffions demeurez engagez entre ces rochers, il eut fallu retourner fur noftre route, & cela cut beaucoup allongé noftre voyage, non fans danger d' apporter beaucoup de maladies parmy noftre Equipage. Ce jour-là on donna double; portion à l'Equipage, & à chaque plat vne pinte de vin d'Efpagne. Nous allàmes chercher les Mes de T ri- ftan de Conde, Et quelques iours apres, nous nous trouuaimes fous la hauteur de ces Iles ; mais nous nc les viímes pas. Nous courúmes en fuite versi’ Eft, auec vn vent de Nordvveft, pour gagner le Cap de Bonne-Efperance. Apresauoir tenu quelque- temps cette route , nous vifmes des Mauuettes tachetées de noir; nous en prifmes auce des petits baftons , qu'on laiffoit flocter fur l’eau. Nous mettions vn hamegon & vn peu de lard au bout de ces baftons, & nous nous diuertiflions à les pefcher de la forte. La veué de ces oyfeaux que ie viens de dire, eft vne marque qu'on approche du Cap de Bonne- Efperance. Il y a encore vne autre marque peurconnoiftre ce Cap, ou pour fçauoir qu'on en eft proche , qui eft, lors que l'aiguille de voftre Bouflolle regarde precisément le Nord & le Sud. Nous l’épronuàmes, & nous cümes la vent du Cap de Bonnc-Efperance. Les vents de l'Oücft foufiloient fi violamment, qu'ils nous obligerent à faire petite voile. Nous n'ozions pas mettre piedà terre : & ayant affemble fur cela le confeil , il fut refolu que nous continuerions noftre voyage le long de cette cofte, puis que noftre monde eftoit encores en plaine fante, δὲ que nous n'auions aucune neceflité de faire eau; quoy qu'il y eut cinq mois que nous eftions partisde Hollande. Nousdrefsàmes donc noftre route le long dela cofte, jut- ques à la terre de Natal. Nous cümestoufiours beau temps le long de cescoftes; on paffoit d'vn Vaiffeau à l'autre, & nous y failions bonne chere. Le Vaiffeau nommé Enchuyfen و‎ eftoit deftiné pour aller vers Coromandel. Il fallut qu'il fe feparácde nous, & quil prit vne autre route entre la cofte d’Affrique & l'e de Madagafcar, ou de faint Laurent, pouraller fe rafraîchir aux * Mayjottes. Nous nous feparàmes donc , en nous fouhaitant bon voyage les vnsaux autres. Pour nous, nous prifmes noftre route au dehors de l’Ifle de S. Laurent ,auec le Vaiffcau nommé la novuelle Zelande. Faifant ainfi voile de Flotte, nous portions le Fanal chacunà noftre tour. Nous tombámes en difpute fur le fujet de la route, fans en pouuoir demeurer d'ac- cord. Lachofe alla fi avant, que nous nous feparámes, & chacun de nous fuiuit le chemin qui luy fembla le meilleur. Le Vaiffeau de la nouuelle Zelande, cingloit * 4 À ἢ * Autrement Ile de Coma- TA. A. V O^*YXDWAOGTE à deux pointes de la Bouffolle plus vers le Sud que nous, & il auoit dés ce temps-là beaucoup de malades. Apres auoir nauigé quelque-temps, nous les perdimes enfin de veuë fousla hau- teur de vingt-trois degrez Sud. Le nombre de nos malades augmentoit tous les jours. Nos gens obligerent les Officiers de faire prendre la route de l'Ile de Mada- gafcar pour fy rafraichir. Nous auions peur que tout noftre Equipage ne aeuint malade; car il y en auoit bien quarante au lit, & le nombre de ceux qui fe plai- gnoient de fe trouuer mal, eftoit encore plus grand. Tous ceux du confeil conclu- rent qu'il falloit aller droit àl'Ifle de Madagafcar chercher la Baye de fainte Lucie. D'abord , nous ne trouuà mes point de lieu pour moüiller l'Ancre. On mit PE(quif en mer, & ie paffay dedans pour allerà terre, cependant que le Vaiffeau fe tenoit fous les voiles fansfentloigner. Ie tronuay que la mer brifoit fi eftrangement con- tre la colte, qu'il eftoitimpefhble d'y aborder. Nous vifmes desSauuages qui vinrent furla Greue, Vn de nos Matelots fauta hors de l'Efquif,& les alla trouuer; mais il ne les pouuoit entendre. Ils nousfaifoient figne auec la main, & il fembloic qu'ils nous monftraffent qu'il y auoit là d'autres endroits où l'onauroit pù aborder. llsn'a- uoient point de rafraîchiffemens, au moins nous n'en viímes point, & cela nous obligea de ne nous y arrefter pas dauantage. Et quoy que cette necellité fut fafcheu- fe àtout noftre monde en general, les malades en eftoient encore plus affligez que les autres. Nous courúmes versle Sud ju(quesà la hauteur de vingt-neuf degrez. La sous changeámes de bord, & courümes ju [ques fous le dix-feptiéme degré de Lati- rude Auftrale. Ceux de l'Equipage firent de nouuelles inftances, qu'on les mitàter- re pour chercher quelques rafraichiffemens. Ce que nous leur accordàmes, à caufe que la maladie augmentoit tous les jours, & qu'il en eftoit defia mort quelques- vns. On refolut de toucher à l’Ifle Maurice ,ou à celle de Maskarénas. Nous drefsà- mes noftre courfe entre ces deux Iles , qui ne font pas beaucoup éloignéesl’vne de l'autre. Nous arriuâmes à la pointe del Eft de l'Ile de Maskarénas. Nous courúmes i long de cette pointe ; noustrouuâmes quarante brafles d’eau. On jetta l'Ancre; mais l'ancrage n eftoit pas propre pour noftre Vaiffeau;& eltoit trop proche de terre. Cependant tous nos malades fortoiét hors de leurs brádes ou li&s,& auoient gráde enuie d'allerà terre; mais come la mer y eftoit trop haute pour les y porter, nous auions quelque repugnance à Pentreprendre. Nous enuoyámes l’Elquifàterre, pour voir ce qui fe pourroit faire. Ils trouuerent des endroits où les Tortuésauoient remué laterre. Comme ils furent de retour, les malades prierent qu'on les y def- cendic. Ils auoient commencé à refpirer l'air de la terre, & difoient; $i nous lommes yne foisà terre, nous lommes à moitié gueris. Le Marchand Rol ne le vouloit.per- mettre cn facon du monde, & difoit pour fes raifons, qu'il y auoit du danger; que - nous pourrions facile ment eftre jettez loin de la cofte , & ainfi demeureraffoiblis du : nombre de nos gens que nous aurions defcendus. L'Equipage ne fe rendoit point à- fes raifens : ils mc prioient les mains jointes que ie les miffe à terre, & le firent avec tant dimportunité , qu’à la fin j'y confentis. l'allay trouuer le Marchand , &luy de- manday Pille vouloit permettre.Il me répondit que non,en facon du monde. Ieluy dis; hé bien, ie me charge deles mettre moy-mefme àterre. le courusà nos gens, & leur dis; ça, mes Camarades , ie vous veux faire porter à terre. Les Matelots porte rent les malades dans le Batteau , & ic leur fis donner vne Voile pour en faire vne Tente ; comme auffi de l'huyle , du vinaigre , des pots pour faire lacuifine, auecdes prouifions de bouche ,& vn Cuifinier pour les apprefter. Ie fus auffi-toft auec eux à terre. Y eltans,1ls commencerent à fe rouler fur l'herbe, & à dire; Nous fentons defia quelqueallegement. L'on y trouua quantité de Ramiers de cette efpece, quia les ailesbleués. 115 fe laiffoient prendre auccles mains و‎ ou bien on les affommoità coups de bafton & de canne, fans qu'ils fiffent aucun effort pour fenuoller ; en vn ¡our on en tua bien deux cens. Nos gens en faifoient boüillir vne partie, & faifoient roftir l’autre, auffi bien pour ceux qui cftoient en fante , que peur les malades, Ils 1 8 35 DE BONTEKOE e trouuerent 20117 grande quantité de Tortués de terre, qu'ils faifoient cuire auec des prunes de damas, dont nous auions fait bonne prouifion. Ie retournay au Vail feau , & laiffay à terre les malades aunombro de quarante ; auccle Cuifinier. Com- me ie fus arriué , ic jugeay qu il eftoità propos d'aller la nui& auec l'Efquif le long de | lacofte, pour vóir fion ne pourroit point trouuer quelque place plus propre pour mettre noftre Vaiffeau à l'Ancre ; car celle ou il eftoit eftoit dangercufe. Ce que ie fis, & trouuay vne Baye auec vn fonds de fable, qui c&oit cloigné enuiron cinq mil- | les du lieu où eftoit le Vaiffeau. l'entray dans la Baye , & j'y trouuay au fonds ym lac, dont l'eau n'eftoit pas tout à fait douce. Ce qui prouenoit د‎ felon monjugement, de ce qu'elle n'eftoit éloignée que de trois fois la longueur de noftre Vaiffeau du bord de la mer: ὃς ainfi l'eau falée y entrant àtrauers du fable ,luy donnoit ce mauuais gouft. Comme nous fufmes plus auant dans la terre, nous trouuámes grand nombre d'Oyes, de Ramiers , de Peroquets gris, & beaucoup d'autre gibier , aucc quantité de Tortués deterre. Nous en vifmes bien vingt-cinqenfemble à l'ombre d'vn arbre, & nous en prifmes autant que nous voulümes. Les Oyes ne f'enuoloient pas, quand eg oyfeau nous les pourfuiuions. Elles fc laiffoient tuer à coups de baftons. Il y aucir aufli des "a point PGR : : , : : fé décri Dod-Eerfen qui ont de petites ailes; & bien loin de pouuoir voler, ils eftoient fi parlesan- gras, quà peine pouuoient-ils marcher, DA ciens , c'eft Ù $ pourquoy l'on en a mis icy la f- gure tirée d'vn autre voyage Hob landois. Mais ce qui eftoit le plus admirable, quand vn de cés Peroquets où de ces autres oyfeaux que nous auions pris, faifoit du bruit , tous ceux de leur efpece qui eftoient auxenuirons,y accouroient ; comme fils fuffent venus pour les mettre en liberté, & fe laiffoient prendre eux- mefmes. Ainfi, ce feul gibier nous fournit ce qui eftoit neccflaire pour noftre nourriture. le retournay au Vaiffeau;ie leur dis que nous auions trouue vne Baye de fable ,& vn bon fonds, pour mettre le Vaiffeau en feurc- té, Nos gens en curent vne grande ioye ; ils enuoycrentaducrtirles malades, & ceux qui eftoient à terre , qu'ils fen allaffentà cinq milles de là, & qu'on les viendroit reprendre; dont ils furent fort fatisfaits. On Ancra dans cette Baye àtrente-cinq braffes de fonds. L’Ancre tenoit ferme , & on permit à l'Equipage M à terre, voir 4 A iij Anaen Macrtíz Biock. 6 VOYAGE fil pourtoit trouuer du rafraichiffement dans les bois. On commanda de plus huic&t hommes auec vnc fayne pour aller pefcher dans le lac dont nous auons par- lé cy-dcuanr. Ils y trouucrent de fort beaux poiffons, dcs Carpes, & vne autre forte de poiffons ,qui reffemble fort aux Saulmons;ils font fort gras & defort bon gouit. On trouua aufli de l’eau douce, & vne petite riuiere qui defcend du haut des Montagnes , & coule juíques fur la Greue. Ses deux bords eftoient plantez d'aibrifleaux ; qui en rendoient la veuë fort agreable , & fon eau clai- re comme vn cryftal ; nous inuita à y porter tous nos malades, qui ne pouuoient boire aflez de cette eau. Nous leur permimes d'y demeurer jufques à ce que nó- tre Vaiffeau fuft en eftat de partir. Nous trouuámes proche de cette eau vne plan- che, où on auoit graué des lettres, qui marquoient que le Commandant Block auoit efté là auec γῆς Flotte de treize Vaiflcaux ; qu'il y auoit perdu quelques Chalouppes ; aucc quelques-vns de fes Matelots. Dans le temps que nous demeuràmes en cette Baye ; la Mer ne nous parut point fi rude contre la cofte, qu'on le fuppofoit dans cette Relation. Il n'y a point de Peuple dans cette Hle. Nos gensla coururent de tous coftez , percerent au trauers de fes bois, & fe foülerent de gibier & de poiflon. Ils auoient trouué l'inuention de roftir les oyfcaux auec des broches de bois, & de faire dégoutter deffus, cepen- dant qu'ils rótifloientla graiffe des Tortués. Ce qui les rendoient fi delicats , que c'eftoit vn plaifir que d'en manger. Ils trouuerent auili vne eau courante , où il y auoit de groffes Anguilles. Ils fe dépoüilloient de leurs chenufes ; & les tenant ouuertes d'vn cofté dans le courant de l’eau, & liées de l'autre, ils en prenoient, & lestrouuoient d'vn fort bon gouft. Nous vifmes là vne chofe qui nous efton- na tous; les Tortués venoiétle matin de la Mer fur le fable ; & apres y auoir creu- sé vn trou, elles y mettoient leurs œufs en grand nombre ;les vnes cent, les au- tres deux cens ر‎ & grattoient apres le fable pour les couurir. La chaleur du Soleil qui cft grande fur le midy , les faifoit éclore. Nous voyons auec eftonnement les petites Tortués fortir de ces œufs , leurs coquilles n'eftoient pas plus grandes que des coquilles de groffes noix. Nous y trouuámes des Palmites, dont nous beu- uions le fuc qui fen tire ; ce fuc eft la douceur mefme. On vit auffi quelques Ca- brits ; mais ils eftoiéc fi fauuages , qu'ils ne fe laiffoiét point approcher. Nous n'en peúmes attraper qu vn feul , encore eftoit-il fi vieil, que fes cornes eftoient ron- gées de vers, & il nousfuft impoffible d'en manger. Les malades que nous auions laiffez , nous vinrent trouuer en parfaite fanté , à l'exception de fept ; qui ne pou- uoient encore marcher. On les porta dansle Vaiffeaulors qu'il fallut partir. Nous le nettoyàmes pardedans & par dehors. On ouurittous les Saborts, afin que l'air entraft entre les deux Ponts. On y jetta du vinaigre en quelques endroits, pour en ofter la mauuaife odeur. Pour noftre plus grande commodité, nous auions fait vn quadranà terre, où nous pouuions voir quelle heure du iour il eftoit. A force de chaffer, & de courir apres les oyfeaux;ils deuinrent enfin fi fauuages, qu'ils Penfuyoient lors que nous en approchions. Noftre maiftre Pilote ayant pris fon fufil pour tirer , il luy creuaentre les mains , ὃς vn éclat du canon luy don- na au deffus de l’œii » & Ie luy jetta hors de la tefte. Enfin, nous mifmes noftre Vaiffcau en eftat de partir. Nous appreftámesles Voiles;on fift prouifion d'eau; on enuoyale Trompette à terre, qui ramaffa nos gens, & on mit enuiron cent Tortués dansle Vaiffeau. Nous eftions bien pourueus de toutes chofes ,de Tor- tués , de Gibier, & de Poiffon fec, que nos gens auoient pris & fait feicher. Et de plus, nous auions dans la chambre vn baril plein d'Oyesala daube à demy cuittes , accommodez auec du vinaigre; Comme auffi vne bonne quantité de poiffon affaifonné dela mefme maniere, pour le garder plus long-temps. Nous nous mifmes à la voile, apres auoir efté là 21. iour. Noftre deffein eftoit de cingler le long del'Ifle Maurice ; mais nous defcendimes trop bas. Nous la pf- mes bien voir au deffus de nous, mais non pas enapprocher. Quoy que nous euf- DE (BON TE Q*E. ν fions cfté long-temps dans l'Ile Maskarénas , & que nous euffions fait prouifion de tout ce qu'elle a de meilleur, noftre Equipage n’eftoit pas en parfaite fanté ; & il y en auoit encore beaucoup parmy nos gens qui fe plaignoient: cela donna oc- cafion aux Officiers de demander au nom du peuple qu'on cherchát vne autre place de rafraichiffement; car nous auions encor beaucoup de chemin vers le Sud, deuant que de trouuer les vents, qui nous deuoient porter à Batauia ou Bantan, & danscéte longueur de temps, ileftoit à craindre que tous nos gens ne deuinflent malades: apres vne longue deliberation, le confeil du Vaifleau trouua à propos d'aller droit à fainte Marie , qui eft vne Ifle fort proche de Ma- dagafcar, vis à vis la Baye d'Antongil ; nous y dreflames noftre route; nous la vifmes, & nous courúmes vers la pointe d'Oüeft de cette Ifle fur fept & huit braffes d’eau, nous voyons le fonds aufli clair que le iour, nous courümes le long de la cofte de l'Ile, & nous iettafmes l'ancre à douze jou treize braffes bon fonds. Les habitans nous vinrent trouuer aufli-toft dans des petits batteaux faits du tronc d'vnarbre qu'ils creufent. Ils nous apporterent des Pommes, des Ci- trons , vn peu de Ris, des Poules, & nous faifoient comprendre qu'ils n'appor- toient ces chofes que pour monftre, & qu'à terre ils en auoient grande abondan- ce. Ilsnous faifoient au 全 entendre, qu'ils auoient des Vaches, des Moutons , des Veaux & des Poules & d'autres viures,& cela par vn langage yniuerfel,car ils contre-faifoient le cry de tous ces Animaux, au lieu de nous les nommer. Nous ne pouuions affez admirer ces Peuples; nousleur donnafmes du vin à boire dans vnetaffe d'argent: ils n'auoient pas l'efprit dela porter à leur bouche, mais ils mettoientle menton dans la taffe, & buuoient comme des beftes. Ce Peuple ya tout nud , fi ce n'eft qu'ils couurent leurs parties auec vnc peti- te piece de drap. Ils font d'vne couleur Oliuaftre, qui tire fur le noir, nous al- lions tous les jours àterre , & nous troquions auec eux des Clochettes , des Cüil- liers, des Coufteaux & de la Raffade ou grains de Verrede diuerfes couleurs: pour des Veaux, des Moutons, du Ris & du Laict. Ils apportoientle Laict au Marché dans des feüilles qui eftoient enuelopées les vncs à l'entour des autres, comme celles d'vn chou pommé : Nous faifions vine ouucrture dans ces feüiles en les coupant , & nous en tirions ainfi le Lai& ; cela nous obli- gea de faire voile encore deux ou trois milles plus haut , & de moüiller l'ancre en vne autre place. Nous y trouuaímes peu de Pommes, il y auoit des Melons d'eau , & des Porcs : On jugea à propos que ie fuffe auec PEL quif iufques à l'Ille de Madagafcar , pour voir fi ie pourrois, auec quelques marchandifes que i'y porterois , achepter des Pommes & des Citrons , ce que ie fis. l'entray dans vne Riuiere , où ie remontay bien la longueur d'vn mil& demy. Nous euflionsbien voulu la remonter plus haut ; mais les arbres eftoient tellement entrelacés des deux coftez , les vns auecles autres, & le Ca- nal fi eftroit, que nous fufmes obligez de retourner, fans auoir trouucaucun Peuple, ny aucune forte de fruit. Nous couchafmes vne nuitàterre, & apres auoir eftétrois iours dehors pource deffein, nous retournafmes heureufement à noftre Vaiffeau. Nous repaffamesle ¡our fuiuant à l'Ile, pres laquelle eftoit noftre Vaiffeau, & nous en rapportafmes quelques Citrons, des Pommes, du Lait , du Ris & des Bananas. Danscetemps , noftre Equipage fe trouua en aufli bon eftar, & en aufli parfaite fanté qu'il eftoit au fortir d'Holande: toutesles fois que nous allions à terre , nous menions auec nous vn denos gens, qui joiioit de la violle : la nouueauté de cette harmonie attiroit ces Infulaires. Ils fe ran- geoient à l'entour de luy , ils danfoient & marquoient la cadance , en faifant du bruit auec leurs doigts. Il ne nous parut point que ces peuples euflent aucune conrioiffance de Dieu , ny qu'ils luy rendiffent aucun culte ; nous remarquámes feulement deuant leurs maifons des teftes de Bœufs fichéesau bout de certaines perches, Le feu pred au Vaifleau. 3 VOYAGE deuant lefquelles ils fe profternoient à terre ; & femblosene tante des pricres. Ils nous parurent fort fauuages , & fans religion. Nous y demeurámes neuf iours; nos gens eftoient en parfaite fanté, nous mifincs noftre Vaiffeau àla bande le mieux que nous peuímes , & le nettoyafmes par deffous و‎ auec des broffes & des grattoires; nous mifmes apres à la voile, Se courufmes vers le Sud iufques à la hauteur de 33. degrés, là nous changeafmes de bord , & nous prifmes noftre route vers l'Eft pour gagner le détroit de Sunda. Eftans arriués ala hauteur de cinq degrés & demy , quieft celle de ce dérroitile 19. ¡our de Nouembre 1619. le Bouteillier eftant allé felon la couftume apres midy pour tirer de l'eaude vie auec la pompe de ferblanc, le feu fe prit à l'eau de vie de cette maniere : Il auoit vne chandelle , & auoit picqué fon chan- delier de fer dams la futaille d'vn baril qui eftoit d'vn rang plus haut que celuy où eftoit l'eau de vie; en ayant tiréauec fa pompe; autant qu'il en failoit pour emplirle barillet, quideuoit eftrele lendemain diuifé à ceux de l'Equipage; il voulut détacher le chandelier; & comme il eftoit enfoncé bien auant ; ilie tira auec force ; il y auoit à la mefche de la chandelle vne efteincelle , laquelle tom- ba par hazard dans lebondon de ce mefine tonneau d’eau de vie; l'eau de vie prit feu tout aufli-toft, ietta les fonds du baril, & commengaà courirle lon du bas du Vaiffeau : il y auoit par hazard en cét endroit du charbon de terre qui deuoit feruir à la forge ; on cria tout auffi-toft au feu, au feu; Veftois alors fur le Tillac, & ic regardois en bas au trauers des treillis du Pont. A ce bruit, ie cou- rus au fonds de Cale و‎ où ie ne vis point de feu, ie demanday ou eft le fcu, ils me dirent , regardez là, ileft dans ce tonneau; i'y misla main, & iene fentis aucu- ne chaleur. Ce Bouteillier qui y mit le feu eftoit de la ville d'Hoorn ; il auoit au- prés de luy deux bidons ou brocs pleins d’eau,qu'il auoit iettéc aufli-toft fur l'eau de vie ; il fembloit que le feu endeuft eftre cíteint ; ie ne 12111337 pas de faire ye- nir de l’eau, qu'on m'apporta tout aufli-toft dans des fceaux de cuir, & onen vería tant que nous ne voyons plus aucune apparence de fcu: Ic fortis du fonds de Cale ; mais vne heure & demie apres, on commença à crier de nouueau au feu, au feu: ce qui nous eftonna tous extremement : nous defcendimes dans le fonds, & nous vifmes que le feu venoit du fonds du Vaifleau; Il y auoit3. ou 4. rangs de bariques Pyn fur l'autre, & l’eau de vieauoit mis le feu au charbon qui eftoit deffous le dernier de. ces rangs : Nous entreprifmes vne autrefois de l'efteindre auec nos fceaux de cuir, & nous iettafmes vne tres-grande quantité d'eau. Il nous arriua vn autre incident, car à force de ietter de l’eau fur le char- bon qui brufloit, il en fortit vne fi groffe fumée , qu'elle nous étouffoit dans le fonds de Cale : i'y eftoisla plus-part du temps pour donnerles ordres, & ie chan- gcois de temps en temps ceux qui trauailloient pour les rafraifchir; Ie croy qu'il y en euft beaucoup qui y demeurerent étouffés pour ne pouuoir pas trouuer moyen dc fortir par les écoutilles : "y eftois moy-mefme fouuent bien empet- ché, & ie mettois ma tefte plus haut que les dernieres bariques pour prendre l'air, & me tournois fouuent vers les Efcoutilles : il fallut quei'en fortiffe à la fin : i'al- lay trouuer le marchand Rol, & ie luy dis, Camarade, nous ne pouuons pas mieux faire que de ietter hors du bord noftre poudre : Rol ne s’y pouuoit refou- dre, &difoit, finous iettons noftre poudre, & que nous rencontrions apres nos ennemis , nous ne pourrons pas nous deffendre ; le feu cependant augmentoit toufiours; perfonne ne pouuoit demeurer dans le fonds de Cale, à caufe de la fumée & de la puanteur qui en fortoit ; ie me tenvis à cofté des Ecoutilles, par où nous iettions beaucoup d'eau. Mais cela ne feruoit de rien; il y auoit bien trois fepmaines que nous auions mis dehors noftre grand batteau , & que nous le tirions apres nous; on auoit mis auffi la Chaloupe ala Mer, àcaufe qu'e- ftant fur le Tillac, elle nous empefchoit de porter l'eau ; l'étonnement eftoit grand dans noftre Vaiffeau , car nous voyons l'eau d'yn cofté & le feu de l'autre S DE BONTEK ΟἽ. 9 & nous n'auions aucun fœours à attendre de laterre, quelqu' vns de nos gens fe coulerent hors du Vaiffeau. Ils le tenoient cachés au deilous de la gallerie, afin qu on ne lcs vit point ; ils prenoient apres leur temps , fe iettoient à l’eau & nagcoient pour gagner l'Efquif oùils fe cachoient foubs le couuert , qui eft aux deux bouts & fousles aix, attendans qu'il y eût affes de monde. Le marchand Rol vint par hazard dans la gallerie, il eftonna de voir tant de monde dans le batccau & dansl'Efquif ; les gens qui y eftoient luy crierent qu'ils eftoient refo- lus de quitter le Vaiffeau ὃς de prendre la Largue, & que fil vouloit venir auec eux , il falloit qu'il fe coulaft le long dela corde; Ce qu'il fit, & entra auecles au- tres dans le batteau , & leur dit, Camarades , attendons que le Maiftre du Vaif- feau foit venu. Mais fes ordres n'eftoient pas écoutés; car aufli-toft qu'ils eurent Rol dans leur batteau , ils couperent la corde qui les tenoit attachés au Vaiffeau, & fen cfloignerent ote de rames. Pour moy, ie faifois cependant mon pof- fible pour donner les ordres pour efteindre le feu : ie vis venir de mes gens qui me dirent ;noftre cher Maiftre , quel remede, que ferons-nous , l’on emmeine la Chaloupe & le Batteau : le leur dis que puis qu'ils fefloignoient de nous, qu'afleurement ils auoient refolu de ne plus retourner; le courus fur le Tillac, & comme ie vis qu'en effet ils &enalloient : Ie criay à mes gens , mettés les voiles au vent, nous verrons fi nous les pouuons atteindre. & faire paffer def- fus eux la quille de noftre Vaiffeau ; nous fifmes voile vers eux; mais comme nous nous en eftions approchés à la diftance de quarante ou cinquante braffes , ils ramenerent contre le vent, & ainfi il leur fut 29:16 de nous éuiter , à caufe que noftre Vaiffeau qui alloit à la voile ne pouuoit pas faire Ja mefme chofe pour les fuiurc. Voyant donc que nous ne les pouuions ioindre,ie dis à mes gens; Camara- . des,apres Dieu,nous ne deuós plus attendre de fecours que de nous-mefimes; que chacun mette la main à l'œuure , ὃς qu'il tàche d'etteindre le feu. Ie fus aufi-toft dans la foute ou eftoit la poudre ; & 1e commengay àlajetter hors lc bord; carie voyois bienque c’eftoit fait de nous file feu y prenoit. Ie me Jettay mefine auec les Charpentiers horsle bord, & nous tachámes aucc des rariers & autres inftru- mens de faire des trous ; auec refolution de laiffer entrer l'eau dans le Vaiffeau jufques à la hauteur d'vne braffe & demye, pour cíteindre ainfile feu qui eftoit dans le fonds de cale : Mais nous ne púmes. 1211215 percer le Vaiffeau , à caufe de la grande quantité de fer que nous trouuions en pouffant nos tariers. Enfin , le defefpoir eftoit fi grand, que ie ne le puis exprimer ; on n'entendoit que gemifle- mens & que cris. Nous entreprimes encore vne fois d'éteindre le feu à force d'eau , il fembloit.que le feu fuft diminué ; mais quelque-temps apres il prità huyle, & alors nous vifmes que c'eftoit en vain que; nous trauaillions ; car plus on jettoit d'eau , plus le feu fembloit prendre de force. Ce nouueau mal-heur augméta le defefpoir & l'horrcur de l'eftat où nous eftios. Nous ne laiffions pas de toufiours jetter de l'eau & de tirer la poudre horsle bord. Nous enauionsdefia jette foixante demy barils, & il nous en reftoit encore trois cens. Le feu Py prit, & fit fauter en l'air le Vaiffeau , auec cent dix- neuf per fonnes de I Equipage qui eftoient reftées. Le Vaiffeau fe brifa en cent mil pieces. l'eftois alors fur le haut du Tillac; foixante perfonnes qui eftoient proche du grand Maft pour jetter de l'eau , furent emportez auec vne telle violence , qu'on n'en vit plus aucun. Pour moy Guillaume Bontekoé , qui eftois alors maiftre du Vaiffeau , i ie fus emporté aufli en Pair. Ie crüs eftre mort ;ie leuay les mains au Ciel, & ie dis; Voila vne partie du chemin fait, c'eft là que ie deuois aller ; Seigneur, faites rifericorde à vn pauure pecheur que ie fuis. Ie ne laiffay pas de conferuer le jugement dans ce fant , & J'eus quelque preffentiment que ie me pourrois fauuer d'yn accident ft eftrange: Ie retombay en cetemps-là entre les pieces du Vaiffeau qui eftoit en- Eu brisé. Ie pris vn nouueau courage dans l’eau. le regarday autour de moy, &ie vis que le grand Maft. flottoita vn de mes coftez ; j'apperceus àl'au- 4 Piece de bois cour- bée en for- me de cofte, fur laquelle l'on attache le bordage & planches du, Vailleav. 10 VO YY A-G-E tre le Maft de Mifaine. le mejettay deffus le grand Malt ; & ie dis, voyant l'effet & l'éclat dela poudre ; Seigneur و‎ comment éft-ce que ce beau Vaiffeau eft pers du comme Sodome & Gomorre. le ne voyois point d'homme viuantà l'entour de moy.Ily vint vn jeune homme porté fur des planches , qui faydoit le mieux qu'il luy eftoit poflible de fes mains & de fes pieds, & gagna enfinla Poulaine du Vaiffeau qui eftoit reuenué fur l'eau ; & Py eftant pris, il commence à dire ; Men voila dehors. Ie regarde de ce cofté-là, & commengay à dire; Seigneur , eft-il poflible qu'il y aye encore quelqu'yn de nos gens en vic.Ce jeune homme fe nom» moit Herman de Kniphaufen : Ie vis vn petit Maft qui flottoit proche de luy ; ὃς comme le grand Maft fur lequel j'eftois, rouloit fort rudement fen deffus dele fous ; tellement que ie ne m'y pouuois tenir qu'à peine. le dis à ce jeune homme; Faites aller vers moy le mieux que vous pourrez ce petit Maft qui eft proche de vous; ie me mettray deflus , & tàcheray de m'approcher de vous, & de me met- tte fur la mefme piece de bois für laquelle vous eftes. Ce qu'il fit; & fans cette ay- de , iamais ie ncl'euffe pù approcher; car j'eftois tout rompu du vol que la poudre m'auoit fait faire. l'auoisle dos tourécorche, & deux trous ala tefte. Nous nous affifimes donc enfemble, chacun tenant auec les bras le bout d'vne courbe du Vaiffeau , & les yeux tournez vers l’Efquif & le Batteau. Ils nous apperceurent à la fin; mais ils eftoient fi loin de nous,que nous ne pouuiops pas juger fils Pen éloi= noient , ou fils Pen approchoient. Le Soleil eftoir furl poin& de fe coucher , ie dis à mon Camarade ; Herman, il n'y a plus d'efperance pour nous; car il eft tard, le Soleil fe couche ;l'Efquif & le Batteau font fi loin, qu'à peine les pouuons-nous voir. Et d'ailleurs le Vaiffeau eft tout brisé ; nous ne pouuons pas demeurer long-remps icy; c'eft pourquoy prions Dieu qu'il nous tire de cette mifere. Il nous fit cette grace; car nous connümes aufli-toft que le Batteau & l'Equif Ceftoient approchez de nous. Cela nous réjouytfort, & ie commençay à crier; Sauuez le Maiftre , (auuez le Maiftre du Vaiffeau. Ils crioient de leur cofté ; & demandoient. fil eftoit poflible que leur Maiftre fuft en vie. Ils ramerent vers nous ; mais ils n'ofoient pas approcher du debris pour nous venir fecourir ; apprehendant de heurter contre quelque piece du Vaiffeau. Herman fe trouua auoir encore tant de force & de courage , quil fe Jetta à la nàge pour gagner le Batteau. Pour moy; ie leur criay ; Si vous voulez me fauuer د‎ il faut que vous me ve- niez prendre ; carie fuis tellement brisé, que ie ne puis nàger. Le Trompette fe jetta dans l’eau , & me donna le bout d'vne corde de meíche , qui luy eftoit reftée. le me lattachay au trauers du corps , & ils me tirerent ainfi par vn miracle dans le Batteau. Le Marchand & le Souspilote fapprocherent de moy fott eftonnez de me voir en vie. l'auois fait faire dans le derriere du Batteau yn peude couuert ,où deux hommes pouuoient bien tenir. le me mis dedans; & quoy que ie ne creuffe pas pouuoir viure long-temps à caufe de mes bleffeures و‎ & des deux trous que j'auois à la tefte ; ie nelaiffay pas de dire à Rol &aux au- tres; Demeurez la nui& proche le debris du Vaiffeau ; car demain quand il fera iour, nous en pourrons tirer quelques viures, & peut-eftre vne Bouffolle pour trouuer la terre; car dedans l'Efquit ny dans le Batteau , il n'y auoit ny Carte, ny Compas , ny Arbaleftre , & point du tout ou fort peu de nourriture, tant auoit efté grande la hafte auec laquelle ils ancient quitté le Vaiffeau. Ils difoient que le Maiftre Pilote auoit cité عل‎ l'Habitacleles Bouffolles , & il fembloit par là qu'il cult apprehendé que nos gens euffent quitté le Vaiffeau , & ne leseuffent empor- tées. Pendant que j'eftois fous le couuert du Batteau,le Marchand fans farrefter à ce que ie leur auois عقر 1ل‎ ramer,fimaginant que dés le lendemain matin il feroit à cerre. Mais quand le ¡our parut,nous nous trotuámes éloignez du debris & dela terre aufli. Ils en eftoient au defefpoir. Ils vinrent , & regarderent dans le lieu où j'eftois fi ie viuois encore, & me dirent ; Maiftre , que ferons-nous , nous fommes éloignez du debris, & nousne voyons aucune terre : Nous n'auons ny à boire, ny E DE BONTEKO É. i à manger , ny Arbaleftre , ny Carte, ny Bouffolle ; que faire à cela. Ie leur dis, Camaradcs , il falloit executer ce que 1e vousauois dit hier au foir. Si vousfuf- fiez demeurez proche du debris,vous y eufliez trouué beaucoup de viures.Quand jen fortis pour venir dans le Batteau,ie trouuay proche du Vaiffeau tant de barri- ques de lard, & autres prouifions,que J'auois peine à m'aduancer vers vous. Cher Maiftre , me dirent-ils , fortez vn peu. Ie leur dis que j'eftois tellement eftropié, qu à peine ie me pouuois trainer. Que fils vouloient que ie fortiffe ,il falloit qu'ils m'aydaffent. Ils vinrent, & m'ayderent à fortir. l'allay m'affeoir : ie Jettay les yeux fur les gens du Batteau , ie trouuay qu'ils ramoient. Ie leur demanday, mes Camarades , quels viures auez-vous dans voftre Batteau. Ils ne trouuerent en tout qu'enuiron fept ou hui& liures de pain. Nous auions deux petits ba- rils qui eftoient vuides ; on mit le pain dedans. Ie leur dis; Mes enfans retirez vos Rames, il faut aller d'yne autre maniere ; car autrement nous irions tro p len- tement pourle peu de viures que nous auons : qu'on mette les Rames dans le fonds du Batteau. Que ferons-nous donc ? dirent-ils. Que chacun ofte la chemi- fe leur repliquay-je , & qu'on les coufe enfemble pour en faire des Voiles. Ils mé dirent ; Nous n'auons point de fil pour les coudre. Prenez, dis-je alors, les bouts de cables qui pendent le long du Batteau , & en faites du fil. Ils firent le meme. dans l'Efquif. Nous compràmes noftre monde ; nous trouuámes quarante-fix per- fonnes dans le Barteau, & vingt-fix dans l’Efquif,qui faifoient enfemble le nóbre de foixante & douze perfonnes. Il fe trouua par hazard dans le Batteau yn couí- fin & vn gaban, qui eft vne cfpece de robe dont fe feruent les pefcheurs lors qu'ils vont à la pefche. Ils me donnerent l'vn & l'autre. Ie me couuris du gaban, & me misle couflin fur Ia tefte ; i'y eftois blefsé en deux endroits. Le barbier eftoit bien dans noftre Batteau; mais il n'auoit point de medicamens. Il mafcha entre fes dents vn peu de pain, & l'eftendit fur mes playes. Ie fus guery par cét emplaftre, ou pluftoft par la grace de Dieu. Ie m'offris auffi de dépoüiller ma chemife comme les autres; mais ilsne voulurent pas le permertre , & n'oublierent aucun des foins qui pouuoient feruir pour me guerir. Nous employámes tout vn jour à coudre nos chemifes enfemble. i . Le vingtiéme Nouembte; nous conduifimes noftre courfe parla veuë des eftoi- les, & par leur leuer & leur coucher. La nui& il faifoit fifroid, que nos gens en trembloient; & le iour fi chaud , qu'on ne pouuoit durer. Le vingt & vn, vingt-deux, & vingt-troifiéme du mefme mois, nous fifmes vne Arbaleftre pour prendre la hauteur. Nous tragàmes vn quart de cercle fur vne planche , & par fon moyen nous marquions les degrez fur l'Arbaleftre. Celuy de nos gens qui auoit efté loüé pour faire des coffres & des caiffes , auoit vn compas, & quelque connoiffance de la maniere dont il faut graduer l'Arbaleftre ; telle- ment que tous enfemble nous en fifmes vne qui nous feruit pour prendre la hau- teur. Ie ا‎ auífi vne Carte fur vne planche, y misl’Ifle de Sumatra , celle de Iaua , & le détroit de Sunda qui eft entre ces deux Ifles, fnppofant que le nau- frage feftoit fait à nonante milles de la terre. Ie fis auffi νης, Bouffolle , & tous les ioursie faifois mon eftime. le pointay ce jour-là ma Carte à feptan- te milles du détroit ; afin que quand nous viendrions à trouuer la terre , nous fçeuflions mieux de quel cofté il falloit tourner pour continuer noftre route. l'ay dit que nous auions fept ou hui& liures de pain ; i'en donnois tous les iours à chacun fa ration , autant qu'il pùt durer ; mais nous en vil mes bien-toftla fin,chacun en auoit vne petite tranche de l'épaiffeure dvn doigt. Nous n'auions point à boire; c'eft pourquoy auffi-toft qu'il pleüuoit ; nous abbat- tions nos Voiles, & ramaffions dedans le plus d'eau que nous pouuions pour la mettre dans les petits barils. Et quand ils eftoient plains , nous les mettions à part pour nous en feruir aux iours pendant lefquels il ne pleuuoit point. Ie coupay le bout d’ynfoulier, chacun de la troupe venoit à fon tour proche des barils & y 4 B ij 12 VOYAGE puifoit autant d'eau qu'il en pouuoit tenir dedans, & fen retournoit apres à la pla- ce qui luy auoit efté marquee; & quoy que nous fuffions dans ce grand befoin, Maiftre , difoient-ils ; prenez-en tant que vous voudrez; car enfin il n'y ena pas 21162 pour nous tous. Mais voyant par là leur affeétion,ie m'en croyois plus obli- σέ àl’epargner que les autres. Nous faifionsvoile de conferue auec l'Efquif;le Batteau alloit mieux à la voile. Et de plus dans l'Efquif, il n'y auoit perfonne qui entenditla Nauigation ; tellement que toutes les fois qu'ils Papprochoient de nous , ils nous prioient qu'on les receut dans le Batteau. lis me difoient , Maiftre; prenez-nous dans le Batteau , afin que nous puiflions eftre tous enfemble. Ceux du Batteau difoient au contraire ; Maiftre , ne les receuez pas; car fi vous les rece. uez nous fommes perdus, & le Batteau n'eft pas affez grand pour porter tant de monde. La mifere eftoit grande parmy nous; car nous n'auions point de pain; & nous ne voyons point de terre. Ie leur affeurois toufiours pour leur donner coura- ge,que nous en eftions proche. Ils murmuroient entre-eux, le Mailtre a beau dire que nous approchons de la terre ; mais peut-eftre que nous nous en éloignons. Vn iour que nous eftiós à l'extremité,& prés de mourir de faim, Dicu permit que des - Mauuettes vinrent voler dans noftre Batteau, comme fi elles euffent voulu fe fai- re prendre ; car elles voloient quafi dans nos mains , & fe laiffoient prendre. On les plumoit ; on les coupoit par petits morceaux, & on en donnoit vn peu à cha- cun. Nous les mangions toutes crués, & ie vous affeure que ie n'ay rien trouué en ma vie de fibon gouft : nous n'en auions qu'autant qu'il en falloit pour ne pas mourir de faim. Cependant on ne voyoit point de terre, nos gens refolu- rent de prendre auec eux ceux qui cftoient dans PEfquif, difant que puis qu'il falloit mourir de foif & de faim, qu'il eftoit encore mieux de mourir enfemble. Ils prirent donc les gens qui eftoient dans l'Efquif , auec leurs Rames & leurs Voi- les qu'ils mirent fur le Batteau. Nous auions donc trois Voiles, & trente Rames que nous mifmes fur les bords du Batteau, & qui faifoient ainfi vne efpece de Pont ou Tillac. Le Batteau eftoit fi creux , qu'vne partie de nos gens pouuoit ai- sément demeurer aflis au deffous des Rames , cependant que l'autre moitié eftoit aflife au deffus ; ainfi nos gens y eftoient affez à leur aife. Ces feptante-deux perfonnes fe regardoient les vns les autres auec des yeux où le defefpoir eftoit peint; car nous n'auions plus ny à boire ny à manger. Il n'y auoit plus de pain, les oyfeaux ne venoient plus, &le temps ne nous promettoit point de pluye. Quand par vne fpeciale mifericorde de Dieu; certains poiffons qui volent, gros comme nos plus gros Efperlans, fe leuerent de la Mer, & vinrent vo- ler par troupe dans noftre Batteau ; chacun fe mit en deuoir d'en prendre ; nous les diuisámes entre nous ; nous les mangeámes tous creus , & les trouuámes fort bons; mais ce fecours eftoit de peu de durée. Ce qui me donnoitle plus de cou- rage, eftoit de voir que perfonne ne mouroit : nos gens auoient defia com- mencé à boire de l'eau falée , contre la deffenfe que ie leur en auois faite. Ie leur difois و‎ Camarades , ne beuuez point d'eau falée;car elle n'eftanchera point vó- tre foif , vous donnera le flux de fang , & la mort en fuite. Quelques-vns te- noient dans leurs bouches des balles de moufquet; d'autres beuuoient leur vri- Dans d'au RE. Pour moy و‎ ie la beus auffi long-temps que ie la pús boire : Elle changea à la tres Rela- fin, de forte que ie n'en pouuois plus boire. Nous nous trouuámes fi preffez de E A la faim que nous nous vifmes fur le point d'arrenter les vns fur les au- force de le tres pour nous manger : quelques-vns en parloient delia , ὃς faifoient leur com- boire dans pte qu'il falloit commencer par les plus jeunes de l'Equipage. Ceux à qui l’âge ter, clle de- faifoit craindre ce rifque, fe leuoient, & fe vouloient jetter dans l’eau : l'en eftois uiét épaifle. extremement aflligé. Ie priay Dieu qu'il eftendit fur nous fa mifericorde ; & qu'il ne fouffrit pas que nous fiffions vn tel crime: qu'il ne voulut point éprouuer nó- tre patience au dela des forces de noftre nature , dont il connoiffoit la foibleffe. l'en vis mefme quelques-vns qui auroient commencé le maffacre des jeunes gens, ; 1 DE BO"N-TEK O E. 13 fiie ncles ἐπ retenus, ὃς que ie n'euffe prié pour eux, difant; Camarades, ne le faites pas encore ; Dicu noustirera du mal-heur où nous fommes ; nous ne pouuons pas eftre loin de terre, felon l'eftime & [ἐς obléruarions que j'ay faites. Ils me répon- doient ; il y along-temps que vous nous dites la mefine chofe ; & cependant nous ne voyons point la terre ; & peut- δες que nous nousenéloignons. Ils ne fe rendoient point à ce que ie leur ponuois dite : Enfin, ils me donnerent le téps de 3. iours,difant que ficiitre-c & ce temps-là ils ne trouuoient point la terre; il n'y auoit rien qui les عنام‎ cinpefcher de manger les mouffzs de l'Equipage; ce qui eftoicàla verité vne tefolution de gens defefperez. le priois Dicu de tout mon cœur, qu'il voulut re: garder des yeux de fa mifericorde noftre mifere , & qu'il nous voulut conduire dans ce temps-là à terre, afin que nous ne rombaflions point dans vn crime fi execrable. Je táchois de confoler les autres; mais dans lc fonds j'auois le cœur fi abbatu, que J'a- uois bien befoin de confolation moy-mefme. 1 A peine auiós-nous la force de nous tenir debout; Le Marchand entre-autres eftoit fi abbátu; qu'il ne pouuoit fc leuer de fa place. Pour moy; j'auois encore affez de cou- rage pour aller d' vn bout du Batteau à l'autre. Nous fuímes ainfijufque: au deuzic- me Decembre 1619. qui eftoit le treiziéme iour depuis la perte de noftre Vaiffeau. Le teimps fe broüilla; il fe mic à pleuuoir & à faire de la broüine : nous deffiímes nos Voiles, nous lesétendimes fur le Batteau , & nous nous mifmes à couuert deffous, & nous remplimes nos petits barils de l'eau que nous recucillimes dans nos Vois Y les. Nos gens n'auoient prefque point d habits ,à caufe de la hafte auec laquelle ils €[toient fortis du Vaiffeau , outre qu'ils auoient donné leurs chemifes pour faire des Voiles. La plufpart eftoiét en caleçon,& auoiét la moitié du corps découuerc.Ils fe te. noient preflez les vnscontre les autres à couuert de la Voile, pour eftre pluschaude- ment. Pour moy, ietenoisen ce temps-là la barre du gouuernail ; & felon mon efti- me, j'eftois fort proche de terre. l'efpereis que le temps s'eclairciroit bien-toft ; mais le broüillard l'en empefcha. le fentis enfin tant de froid ; que ie ne pús demeu- ter dauantage au gouuernail. Pappellay vn des Quartier-maiftre; ic luydis, Prend ma place ; car ie n y peus pas demeurer dauantage. le me mélay au milieu de nos gens pour me réchauffer yn peu. Le Quartier- maiftre n'auoit pas efté vne heure en cette place ; que le temps séclaircic , & qu'il vitla terre. Il secta de toute fa force, debout , Camarades la terre eft tout proche de nous. Nous nous lcuá mes tout auffi- toft ; nous yirámes pour gagner cette terre que nous voyons, & nous y arriuámes le mefme ¡our : que Dieu en foit loü£ , il exauga nos prieres, nous lesauions faites dés le matin, & nousauions chanté vn Pféaume apres la prieré : car nous auions en- core yn Liure de Pfeaumes aucc nous ;la plufpart du temps j'eftois le Le&eur. Quad notis approchámes de la terre, nous trouuámes que la Mer rompoit fi rademenc contre la cofte,que nous n'ozámes nous hazarder à y defcendre. Enfin, nous trouuá- mcs vn recoin de la cofte,qui eftoit à l'abry du vent:nous y jettámes noftre Áncre, & nous en mifmes encore vne autre à terre qui nous reftoic , plus petite que la premie- rc: Nous fautàmes du mieux que nous púmes à terre , tous nos gens fe mirent à coutre vers lesbois. Pour moy, auffi toit que ie fus defcendu, ie me mis à ge- noux; iebaifay la terre de joye ,remerciay Dieu de ce que fa mifericorde nous auoit fauucz , & nous auoit tirez du mal-heuroü nouscftions. Le iour de noftre débarque. ment eftoit le dernier de ceux apreslefquels noftre monde auoit refolu de tuer les jeunes gens & les manger. Il parut en cela que Dieueft le meilléur de tousles Pilo- tes, & que luy fculauoit conduit noftre route. On trouua dans l'Ifle beaucoup de noix de Cocos; mais quelque diligence que nous peuflions faire, nous ne trouuá- mes point d’eau ; nous nclaillions pas d'étàncher noftre foif auec le fuc des noix de Cocos les plus nouuelles, qui nous eftoit vne boiffon fort agreable. Pour les vieil- les, dont l'écorce eftoit dure , nous les mangions ; mais nous ne fongions pas que nous en faifions excez ; & la melme nui& nous en fufmes tous fort malades, auec de fi grandes douleurs de ventre & de tout le corps, qu'il fembloit que nous en deuf- : 7 È ١ du TE NU Du ὃς 14. VOYAGE fions cteüer ; mais ces douleurs ne durerent pas long-temps. Le ¡our fuiuant, nous nous trouuámes en bonne fanté , & nous courümes toute l'Ifle. On ne trouua point de peuple ; mais bien des marques qu'il y en auoit eu. Pour tous viures , il n'y auoit que desnoix de Cocos. Nos gens me difoient qu ils auoient veu yne couleuure qui auoit bien yne braffe de grofleur ; pour moy ie ne la vis point, Cette Ile eft à quatorze ou quinze milles de Sumatra ; nous y trouuámes autant de noix de Cocos qu'il en falloit pour la prouifion de noftre Batteau; nous man- gions les plus feches & des nouuelles noustirions dequoy boire. Surle foir nous quittàmes l'Ile , & tirámes droit vers la terre de Sumatra. Le iour fuiuant nous en eümes la veuë : nous courümes la cofte vent derriere , en tirant vers "ΕΠ. Quand on cut acheué de manger la prouifion , nos gens vouloient retourner à terre ; nous faifions voile proche de la cofte ; mais nous ne trouuions point de lieu propre pour defcendre ; à caufe que la Mer y rompoit trop rudement. Enfin, on refolut que quatre ou cinq hommes fauteroient hors le bord , & qu'ils táche- roient denâger à terre au trauers des vagues ;quils iroient le long de la cofte pour voir fil n'y auroit point quelque ouuerture où on عنام‎ faire entrerle Batteau. Ce qu'ils firent, & coururent le long de la cofte, comme nous faifions auffi àla voile. Apres auoir bien couru, ils trouuerent enfin vne riuiere ; ils tirerent leurs caleçons, & nous firent figne que nous euffions à venir. À ce fignal nous cinglá- mes vers eux; mais en eltant proche nous trouuámes qu'àl'emboucheure de cet- te riuiere , il y auoit vn banc fur lequel la Mer brifoit auec grande force : c'eft pourquoy ie leur dis, Camarades, ie n'entreprendray pas de paífer ce banc & ces brifures , fi vous n'en demeurez d'accord ; & qu'au moins file Batreau efchoué, vous ne puifliez pas vous plaindre que j'aye manqué à vous faire fçauoir le dan- ger où ie vous mettois. Ie leur demanday les vns apres les autres, ce qu'ils en pene foient : Ils me dirent qu'ils eftoient refolus d'en courir le hazard. O bien, leur dis-je , J'hazarderay ma vie auec les voftres. Ie donnay ordre que furle derriere du Batteau il y euft vn auiron de chaque cofté , & deux hommesà chaque auiron pourtenir le Batteau droit contre la vague ; pour moy j'eftois au gouuernail. La pre- miere vague emplic le Batteau à demy plain d'eau. le leur criay , Camarades , vui. dez l'eau, vuidez l'eau; ce qu'ils faifoient auec leurschappeaux & les deux petits ba- rils vuides que nous auions dans le Batteau. Il en vint vne feconde qui le remplit quafi jufques au haut du couuert des deux bouts , & le jetta de telle forco fur le cofté , que le Barreau en enfonga, & fembloit qu'il allát eftre englouty. Ieleur criay ; Camarades, tenez-vous fermes , vuidez l'eau , vuidez l'eau, autrement nous fommes tous perdus. Nous redrefsámes le Batteau, & nous vuidàmes l'eaule mieux que nous pümes. Il vint vn troifiéme coup de Mer; mais il ne rompit pas fi proche de noftre Batteau , & ainfi ne nous jetta pas beaucoup d'eau. Apres cela, noustrou- uâmes fort peu d'eau , & ainfi nous nous tirámes de ce danger. Nous goútámes de cette cau, elle fe trouua bonne à boire; ce qui nous donna bien dela joye. Nous mi- mesnoftre Batteau du cofté droit de la riuiere. L'herbe y eftoit fort haute, nous y trouuámces quantité de feverolles. Tous nos gens fe mirent en cucillir & à en manger:pour moy iefisla mefme chofe.lls y trou- uerent auffi du feu & vn peu de tabac ;ce qui leur fut vne grande joye; car nous voyons par là qu'il y auoit des Habitans dans l'Ifle. Il y auoit dans lc Batteau deuxha- ches; nous nous en feruîmes pour abbattre des arbres , & nous employámes ce bois à faire du feu en fept ou hui& endroits : nos gens eftoient aflis deuant ces feux dixà dix, douze à douze, & prenoient du tabac. Sur le foir nous fifmes de grands feux, & nous mifmes des fentinelles en trois endroits, de peur d’eftre furpris par les Sauua- ges; carla Lune ne luifoit point. La mefme nui& nous nous tróuuàmes tous fi mala- des des feves que nous auions mangtes, & nous en reffentions de fi grandes dou- leurs & tranchées , que nous en croyons mourir : la mefme chofe nous efteit arriuée auparauant pour auoir mangé des noix de Cocos. Comme nous eftions encét cftat, 5 DE BONTEKOE. i$ les Sauuages vinrent à nous auec deffein de nous furprendre , & de nous égor- ger. Les fentinelles les apperceurent ; elles nous vinrent trouuer , & nous di- rent, Camarades, que fcrons-nous , ils approchent ; nous n'auons point d'autres armes que deux haches , & vne épée roüillée ; la plufpatt de nos gens font mala- des de féves qu'ils ont mangces. Nous ne laifsàmes pas de refoudre de ne nous point laifferaffommer de la forte; & e(tans armez de baftons allumez par le bout; enousaduangámces vers eux dans Pobícurite de la nui&. Le feu de ces baftons & les cftincelles qui en fortoient ; cftoient affcz propres à donner del'épouuante dans yne nui& obícure. Les Sauuages d'ailleurs ne fçauoient pas que nous n'auions point d'armcs ; ils Penfuyrent dans vn bois, & nous rerournámes vers les feux que nous auions faits, demeurans toute la nui& dans cette inquietude, Le Marchand Rol & moy, nous nous mímes dans le Batteau , croyant y eftre plusen feureté qu'à terre. Le matin comme le Soleil commengoit à paroiftre , trois des Habitans fortirent du bois & vinrent vers la Greue : Nousdétachámcs trois de nos Matelots vers eux, qui entendoient vn peu la langue de Malaca; car ils auoient efté auparaudht aux Indes Orientales. Comme ils Pen approcherent , les Sauuages leur demanderent quels 5 gens nous eftions. On leur répondit que nous eftions Hollandois; & que le feu Pé- tant pris ànoftre Vaiffeau par mal-heur , nous eflions là venus chercher quelque ra- : fraichiffe ment. Leur réponfe fut, qu'ils auoient des Poules & du Ris. Ils Papproche- : rentalors du Batteau, & nous demanderent finous auions encore des armes ; nous ’ leur difmes que nous en auions vn bon nombre , des moulquets, de la poudre, & des balles. l'auois fait eftendre les voiles fur le Batteau, qui en eftoit couuert, tellement qu'ils ne pouuoient pas voir le mauuais cftat où nouscítions. Ils nous apporterent du Rys qui eftoit cuit auec quelques Poules. Nous fifmes vne recherche entre nous;pour fçauoir quel argét nous pouuiós auoir. Il y en auoit qui apportoient cinq pieces de cinquantc-hui& (olsd'autres fixid'autres douze; les vns plus, les autres moins; fibien que nous mifmes enfemble la valeur de quatre-vingt pieces de cinquante-hui&t fols. Nous payámes de cct argent leurs Poules, & le Rys qu'ils nous auoient apportez, Apres auoir mangé, nous tinímes confeil de ce que nous deuions faire; & come nous nc fçauions point où nous eftions, nous leur demandámes comment ils nommoient leur pays; mais nous ne pümes en facon du monde entendre f'ils le nómoient Sumatra, ou autrement. Ils nous mon- ftroient bien auecla main que [aua eftoit là proche ; & mefme nous nommoient lan- Coen noftre General , qui faifoit alors fa refidence en l'Ifle de lana. Enfin , à force de les interroger , & de leur faire des fignes , nous vinímes à connoiftre que nous eftions au deffus du vent de l'Ifle de laua. Nousauions nauigé fans Bouffol- le , & ainfi nous ne fçauions point precisément la route que nous auionsfaite. Nous commencámes dés. lorsà en auoir l'efprit plus en repos. Nous auions befoin d'vne plus grande quantité de viures pour acheüer noftre voyage; c'eft pourquoy il fut re- folu que j'iroisauec quatre Mariniers jufquesau village qui eftoit vn peu éloigné, & que j'y porterois l'argent que nous auions pú mettre enfemble, pour achepter la plus grande quantité de viures qui nousferoit poffible. Ce que ie fisen remontantlari- uicre dans yn petit Batteau fait du tronc d'vn arbre creuse à la façon du pays:T'y acheptay du Rys & des Poules ,& ie l'enuoyay cout auffi toft versle Batteau au Mar- chand Rol, auecordre qu'onle partageàt fur le champ entre nos gens ; afin qu'il n'y euft point de difpute. Pour moycependant ; auec mes quatre Marinicts , j'auois fait tuer dans le village deux où trois Poules ,& ie les auois fait cuire auec du Rys. Il y auoit aufli dans le village vne efpece de boiffon , qu'ils font'de l'écorce de certains ar- bres: elle eftoit fi forte , qu'on fen feroit enyure fort aisément. Nous n'en bümes qu'une fois chacun , & cependant cette boiffon commengoit defia de nous monterà la tefte, ΤΣ ) Apres difne ; jacheptay vn Buffle pour cinq pieces de hui& & demy ,ic le payay ; mais quand mes Mariniers le youlurent conduire , il fe trouua fi fauua- 16 VOYAGE ge, qu'il s'échapa de leurs mains; nous perdimes bien du temps pour le reprenz dre. Comme la nui& venoit , ie refolus de m'en retourner vers le Batteau, penfant qu'il feroit plus ayséle lendemain de reprendre noftre Buffle. Ces quatre Mariniers f'offrirent de demeurer là la nui& fi ie leur voulois permettre , Pafleurant dele pou- uoir reprendre lors qu'il feroit eftable. Quoy que ie n'approuuaffe point cette pen- ٠ ste, ie nclaiffay pas de leur permettre , & de me laifler vaincre à leur importunité. de pris congé d'eux, & nous nous difmes bon foir les vns aux autres. Comme j’apæ+ prochay du bord de la riuiere , où eftoit le petit Battean dans lequel j'eftois venu, ie vis là proche vne troupe de Sauuages , & ie remarquay qu'ils eftoient en difpute en- tre-cux. Il me fembloit que les vns vouloient qu'on me laifsát aller, & que les autres infiftoient fur le contraire: l'en pris vn ou deux de la troupe par le bras, & ielestiray vers le Batteau pour venir aucc moy , auec autant d'affeurance que fi j'euffe efteleur maiftre. Ils eftoient affreux de vifage ; comme des Spe&res. Ils ne laifferent pas de fc laiffer perfuader , & vinrent auec moy dans le Batteau : l'vn fe mit à fe feoir fur le derriere du Battcau , & l'autre fur le deuant , chacun auec fon auiron à la main. Nous nous mifmes à l’eau ;ils auoient chacun à leur cofté, vne arme qui cftoit faite com- me vn poignard. Comme nous cümes fait vn peu de chemin , celuy qui eftoit derrie- re vint à moy ; car jeftoisau milieu du Batteau , & me dit qu'il vouloit auoir de l'ar- ent.lc misla main dans ma poche, j'en tiray vne piece de quatorze fols , que ie luy dorinay. Il fe mita la regarder , & me parut n'eftre pas bien refolu de ce qu'il de- uoit faire, Illa prità la fin, & la mit dansle petit morceau de drap qu'il auoit deuant luy. L'autre qui eftoit fur le deuant du Batteau , voyant que fon camarade auoit eu quelque chofe و‎ vint auffi à moy , & me dit qu'il vouloit que ie luy en donnaffe au- tant. le tiray vne autre piece de quatorze fols de ma poche ; ie luy donnay. Il Par- relta, & fe mit auffi à regarder cette piece. Ie كناك‎ qu'il eftoit en doute s'il deuoit prendre l'argent , ou s'il medeuoit affaffiner : Ce qu'ils pouuoient faire aisément; car ie n'auois point d'armes , & chacund'eux auoit fon poignard au cofte. Dieu fçait où i'en cftois. Nous voguámes contre les vagues, lefquelles cftoicnt grandes en cet- te riuicre. Quand nous fùmesà moitié chemin , ils fe mirent à parler & difputeFen- femble و‎ ie crüs auoir reconnuátoutes leurs manieres, qu'ils me vouloient affafG- mer; le cœur m en battoit de peur. l'eus recours à Dieu ; ie luy demanday mifericor- de, & qu'il m'ouurit l'efprit, & m'infpirát ce que ie deuois faire dans ce rencontre : il me fembla auoir efte infpiré alors de me mettre à chanter; ce que ie fis; quoy que dansl'extremité où j'eftois ,ie n'eneuffe pas beaucoup d'enuie. Ie chantay vne chanfon , qui commence, J4rbres , ruiffeaux , &c, En effet, il y en auoit beaucoup le long dela riuiere : comme ils entendirent que ie chantois, ils fe mirent à rire, & ou- uroient la bouche , de telle façon qu’on leur pouuoit voir iufques dans le gozier, & ie reconnu par là qu'ils eftoient perfuadez que ie ne me deffiois point d'eux. Ie crou- uay ainí par experience, qu'vn extreme danger & vne grande crainte peuuent fai- re chanter vn homme. Enfin nous aduangámes tant,que ic découuris noftre Batteau. l'appellay nos gens qui en eftoient proches, ils vinrent aufli-toft vers moy le long, de la riuiere, ic fis entendreà ces Sauuages qu'ils euffentà me mettre à terre ; car ie croyois par là me mettre à couuert de leurs deffeins.Comme ie fus forty de ce dan- ger, auec l'affiftance de Dieu , & que r'approchois de noftre batteau,les Sauuages nous demanderent où nos gens pafloient la nuit ; nous leur difmes, qu'ils la paffoient fous destentes & fous des fcüillées qu'ils auoient faites, Ils nous demanderent cn- core où nous couchions , le Marchand Rol & moy. Ie leur dis que nous couchions dans l'Efquif deffousla Voile; ils s’en retournerent apres vers le village. Ie contay à Rol, & au reftede nos gens, ce qui m'eftoit arriué; commei’auois achepté vn Buffle dans le village, qui s'eftoit échappé für le foir , & que nous n'auions pas pú le pren- dre: que les quatre Matelots qui eftoient venusauec moy, s'eftoient offerts de le res prendre ,8 dele ramener à bord , fiie leur permettois d'y paffer la nui& : ce que ie Jeur auois enfin accordé par importunité, à condition qu'ils fe rendiffent le lende- main DE BONTEKO E r7 main de grand matin à bord auec ce Taureau. A pres que ie leur eus rendu com- te des accidens qui m'eftoient arriuez , nous nous allàmes coucher. Le ¡our fuiuant,le Soleil eftoit defia affez haut, que nous n'auions point de nou- uelles de nos gens, ny du Taureau, qu'ils deuoient amener : nous commengámes alors à foupconner , qu'il leur eftoit arriué quelque chofe de fafcheux : quelque- temps apres nous vifmes deux Sauuages,qui venoiét à nous auec vne bette qu'ils chaffoient deuant eux : comme ils furent proche ; ie leur dis, que ce n'eftoit pas la mefme befte que j'auoisacheptée , ὃς que ie leur auois payée. Noftre Bouteil- lierentendoit vn peu leur langage , & leur demanda où eftoient les quatre Ma- telots, qui auoient efté en leur village, & pour quoy ils n'anojent pas amené la mefine befte que nous auions acheptee. Leur réponfe fut, qu'ils nauotent pas pù la reprendre ; & que nos gens venoient auec yn autre Butte; de laquelle réponfe nous demeurámes en partie contens. Comme ie vis que le Taureau que les Ne- gres auoient amené, eftoit fort fauuage & difficile à tenir ; ie dis à noftre Sergent, donne vn coup de hache à cette befte , de peur qu'elle ne Penfuye, & que nous ne la perdions comme l’autre : ce qu'il fit , & la Jetta par terre. Ces deux Nc- gres fe mirent à faire des cris épouuantables , & à ce bruit accoarurent enuiron deux ou trois cens hommes , lefquels &cftoient mis en embufcade derriere yn bois , & croyoient nous couper le chemin de noftre Batteau ; & nous affommer tous enfemble ; mais ils furent apperceus affez à temps par trois de nos Matelots , qui auoient fait vn peu de feu à quelque diftance du lieu où nous eftions. Ils coururent vers nous,pour nous aduertir que nous allions eftre attaquez. Pen découuris enuiron quarante, qui fortoient du bois; ὃς ie dis à nos gens, demeurez fermes, nous lommes encore affez forts de monde pourles at- tendre ; mais comme ie vis qu'ils groflifloient toufiours, & qu'ils venoient à nous auec vn vifage terrible comme des Speétres ;ie me misa crier ; Camarades, que chacun faffe le mieux qu'il pourra pour gagner le Batteauscar fils nous en coupét le chemin , nous fommes morts. Nous nous mifines donc en deuoir de gagner tous enfemble le Batteau ; ceux qui ne pürent pas y arriuer,fe jerrerent à náge dans la riuiere. Les Negres nous fuiuirent jufques au Datteau , qu: eftoic mefme vne mauuaife refource y pour nous; car l'empreffement aucc lequel nous y cftions accoutus , ne nous auoit pas permis dé remporter nos Voiles ‘que nous à ulonsten- dués à terre pour nous feruir de tantes. Les ic i eftoient à nos talons, lors que nous nous Jettions dedans le Batteau و‎ & pergoient nos gens à coups de aze- gayes : nous nous deffendions le mieux qu'il nous eftoit poflibile , auec les deux haches qui nous eftoient reftées , & noftre épée roüillée ne nous fut pas inutile ; car vn Boulanger , qui eftoit vn homme puiffant', fen feruit btauement fur le derriere du Vaifleau. Nous tenions à deux cordes, vne à terre, & γῆς autre epu eftoit celle de l'Ancre que nous auionsiettée en mer. Comme ie Ἐπ arriué vers le pied du Malt, ie criay au Boulanger ; hachez la corde de l'Ancre qui eft à terre. Il fe mettoit en deuoir de le faire, maisil n'en püt venir à bout: cela fit que ie paí- fay fur le derriere du Batteau où ileftoit ; x pris la corde, &la tenant éten- dué fur le bout de la quille, ie luy dis, couppe- là maintenant; ce qu Ἢ fit ἀ vn feul coup. Nos gens en tirant fur l’autre, qui tenoit àl'Ancre, faifoient aduancer le Battcau vers la mer : les Negres les fuiuent iufques dans l’eau ; mais comme ils commengoient à perdre pied fort proche du bord, ils abandonnerent noftre Bat- teau , & nous nous mifmes à repefcher nos gens qui eftoient a nàge dans la riuie- te. Ce fut par vne grace fpeciale de Dieu, que le vent, qui auoit foufHé iufques alors du cofté de la mer, fe tourna tout à coup du cofté dela terre. Nous employà- mes le peu de Voile qui nous reftoit, & vne bouffée de vent nous tira du mauuais pas où nous eftions, & nous jetta en mer. . Nousn'eümes point de peine à paffer ce banc , où nous aujons couru fi grand danger en arriuant , à la fortie nous le pafsámes fort aysément. Les Negies 4 18 VOYAGE eftoient accourus vers la partie de la terre la plus aduancée; & comme ils ne croyojent pas que nous püfhons iamais nous tirer de ce banc , ils efperoient auoir bon marché de nos vies ; mais Dieu ne vouloit pas que nous nous perdiffions en ce rencontre : le Batteau fe trouua citre haut du deuant, & féleua ainfi plus aysé- ment fur les vagues, contre lefquelles le vent nous pouffoit. Le Boulanger qui fe fceut fi bien feruir de l'épée , comme nous auons dit , auoit efté blefsé au deffus du nombril d'vne arme empoifonnée ;les bords de la playe eftoient dvne couleur bleuë : le coupay & cernay tout autour la partie qui me paroiffoit empoifonnée, pour empefcherle poifon de gagner dauantage ; mais ce fut inutilement, car il mourut fur le champ ; nousle jetrámes hors le bord. Nous comptámes apres nó- tre monde, & trouuâmes que nous auions perdu feize hommes ; onze qui auoient efté tuez à terre , le Boulanger qui eftoit mort dans le bord, & ces quatre pre- miers Matelors qui n'eftoient point reuenus du village , comme Jay dit. Cette perte nous affligeoit extrémement , quoy que nous cuflions fujet de remercier Dieu, de ce que nous n'eftions pas tous peris en cette occafion. | Pour moy ie croyois auoir obligation à ces quatre Matelots , de la confer- uation de ma vie; car ie croy que f'ils fuffent retournez auec moy vers le Batteau, * les Negres nous euffent tuez tous cinq, car quand ie me trouuay furle bord de la riuiere , ieleur dis que le ¡our fuiuant ie retournerois auec plus de monde. Etily a apparence qu'ils refolurent entre-cux de me laiffer aller pour faire vn plus grád coup, & nous auoirtous enfemble , f'affeurans que ie ne manquerois pas de re- tourner pour reuenir querir les quatre Matelors qui demeuroient entre leurs mains , comme vn gage qui n'obligeroit à retourner. 11 nous fut pourtant bien ficheux d'eftre contraints de les abandonner; car ie croy qu'ils les egorgerent tous quatre. Nous primes noftre routc-vent derriere le long de la cofte ; il nous reftoit encore hui& Poules, & vn peu de R ys, & tout cela pour cinquante-fix perfonnes que nous eftions; c'eftoit à la verité bien peu de chofe pour tant de bouches, chacun en eut fa part, & on demeura d'accord qu'il falloit retourner à terre ; car la faim commencoit defia à nous preffer , & il n'y auoit point d'efperan- ce de pouuoir trouuer en mer aucune nourriture. Nous tournámes donc yers la terre , où nous découurimes yne Bayc. Nous entrámes dedans, & y vifmes plu- fieurs Sauvages qui eftoient enfemble. Nous courümes à eux ; mais ils né nous atcendirent pas, & fenfuyrent de nous. Nous ne trouuámes aucun viure ; mais bien de l'eau fraiche, dont nous bümes à noftre ayfe , & en remplimes nos deux petits batils. Nous trouuâmes dans les roches des petites huîtres , & des moúles, chacun en emplitfes pochettes. l’auois achepté àl'endroit où nous auions perdu noftre monde , plain le creux d'vn chappeau de poivre. Ce qui vint fort à propos pour manger les huítres. Nous fifmes voile , & fortimes de la Baye pour conti- nuer noftre voyage ; & comme nous cftiors defia affez loin de terre , il commen: ça à Péleuer vne grande tempefte , qui nousobligea de baiffer toutes les voiles; & nous eftans mis à couucrt de ces mefmes voiles, nous nous laifsàmes aller au gré du vent, n'efperant qu'enla mifericorde de Dieu. Deux heures auant iour, la tempefte commença à diminuer ; le temps fe fitbeau , & nous nous feruimes de nos voiles pour aller à la bouline ; car le vent eftoit contraire , nous nous éloi- gnions toufiours de la cofte , & il parut bien que Dieu auoit foin de noftre confer- uation; car fi nous n'euffions point eu cette tempefte, &le vent contraire , nous euffions continué d'aller le long dela cofte , & fans doute nous nous fuffions ar- Te 化 ez en quelqu'vn des endroits proche de Sumatra, où lesnoftres ont accouftu. mé de farrefter pour faire eau. Les peuples de ces quartiers eftoient deuenus grands ennemis de noftre Nation; & peu de temps auparauant , ils en auoient af- fafliné plufieurs, qui eftoient venus pour chercher de l’eau; il y a grande apparen- ce qu'ils nous auroieng fait le mefine traitement. DEIBONTERO.E 19 A la pointe du ¡our , nous découurimes trois Ifles ; & quoy que nous les creullions inhabitées ; nous ne laifsàmes pas d'efperer qu'il f'y pouuoit trouuer quelque chofe pour noftre fubfiftance : Nous y arrruámes le mefme iour, & y trouuámes de l'eau bonne à boire , & des cannes aufli grofles que la jambe d'vn homme ;onles appelle des Bambus : on fe mit à en couper auec les haches; & apres auoir percé tous les nœuds qui fe trouuoient au dedans, hormis le der- nicer, onempliffoitle creux de la canne ou bambu d'eau , & on bouchoit apres je bout d'en-haut ; fi bien que nous en ramafsàmes dans ces cannes , autant qu'il en auroit pú tenir dans deux tonneaux de mer. Nos gens coururent toute l'Ile, fans trouuer dans ces bois rien quinous fut propre. Ie me feparay d'eux ; & eftant fur le fommet d'vne montagne la plus haute qui foit dans l'Ifle و‎ l'efpric fort abbatu, de voir que n'ayant iamais efté aux Indes Orientales, & eftant dé- pourueu de toutes les chofes qui font necetfaires à vn Pilote, & fans Bouffolle , ie me voyois chargé de la conduite de ce peuple ,ie ne trouuay point de meilleure rcfolution » que de me remettre entre les mains de Dieu : Ie me mis à genoux, & le priay qu'apres m'auoir fauué par le moyen des oyfeaux, que fa mifericorde nous auoit enuoyez ;de m'auoir preferué du danger de l’eau, du feu , de la faim, de la (οἱ, & des Sauuages, entre lcs mains de qui 'eftois tombé ; fa bonté pater- nelle voulut encore f'eftendre jufques à me tirer du danger ou j'eftois, & de m'ou- urir les yeux de Pentendement pour trouuer le chemin de noftre pays. Iele priois du fonds du coeur ; Seigneur , monftre-moy le chemin , & conduits-moy ; & fi cu ne Juge pas à propos que ie doiue arriuer en ma patrie,permets au moins que quel qu vn de noftre troupe fe puiffe fauuer , afin qu'on fçache ce qui feft 2156م‎ d ans noftre Vaiffeau. Ayant ainfi parlé auec Dieu 1e me leuay pour m'en aller ; & comme ie jetrois les yeux de tous coftez, lc Ciel eftant deuenu ferain ; ie dé- couuris des montagnes de couleur bleué; ce que j'auois entendu dire a ue rcfois à Guillaume Scoten me reuint dans l'efprit. Il auoit remarqué en deux ou trois voyages qu'il auoit faits aux Indes , que vers la pointe de l'Ile de Iaua , il y auoit deux hautes montagnes de couleur bleué. Ie voyois ces montagnes fur ma main droite ; nous eftions venus le long de la cofte de Sumatra qui eftoit à la gauche, & au milieuie voyois vne ouuerture de mer, au delà de laquelle ie ne voyois au- cune terre. Te fçauois d'ailleurs que le détroit de Sunda eft entre l'Ile de laua, & celle de Sumatra ; cela fit que ie m'imaginay que nous n'eftions pas cloignez de noftre chemin. Ie defcendis de la montagne tout plain de joye; & de cette efperan-' ce , j'allay trouuer noftre Marchand , & luy dis que Jauois veu ces deux monta- gnes. Les nuages cependant auoient de nouueau obfcurcy le Ciel ; de forte qu'on ne les pouuoit plus voir. Ie contay auffi au Marchand ce que j'auois ouy dire à Guillaume Schouten,& la conje&ture que ie faifois fur fon rapport, qui eftoit que nous eftions deuant le détroit de Sunda. Le Marchand dit; Hé bien, noftre Mai- tre , puifque vous eftes de cét aduis , raffemblons nos gens, & prenons noftre rou- tc de ce cofte-là; car voftre coniecture me femble 213111 auoir beaucoup de fonde- ment. Nous raliàmes donc nos gens, qui nous apporterent de l'eau dans les can- nes Bambus. Nous trouuámesle vent fauorable, & cinglámes droit à Pouuerture, qui eft entre les deux montagnes; vers la minuit, nous vifmes de loin du feu; nou s creü- mes d'abord , que ce fut quelque Vaiffeau. Nous changeámes noftre route pour en approcher; mais eftans proche , nous rrouuámes que c'eftoit νης petite Ifle, qui eft dans le detroit de Sunda nommée Duars-Inde-V vegh. Nous pafsàmes cet- te Ifle ; & quelque-temps apres,nous vifmes vn autre feu de l'autre cofté ; ie creus, que c'eftoit des pefcheurs. Le matin le temps fut calme ; nous eftions proche de la cofte interieure de l'Ile de Iaua : nous fifmes monter vn homme au haut du Maft pour découurir de plus loin. Il fe mit à crier, qu'il voyoit des Vaiffeaux qui eftoiét àl'Ancre , & qu'il en comptoit jufques à vingt-trois. Ces paroles nous firent trel- 4 C ij 20 Vio rice E faillir de joye : nous nous mifmes tous à ramer vers cux ; car comme ie vous ay dit, lé temps cftoit calme; fi nous n euffions point trouué ces Vaiffeaux , nous euffions fans doute efté vers Bantam , où nous euflions pris terre. Et comme les peuples de ces pays-là eftoienten guerre auecnos gens, ce fut vne grande grace que Dieu nous fit de nous en décourner, Tous ces Vaiffeaux que nous auionsdécouuerts eftoient Hol. landois , Frederic Hout-man d’Alckmaerles commandoit : lors que nous les décou- urimes, il eftoit dans la gallerie de fon Vaiffeau auec vne lunette d'approche, ne pouuant allez admirer la façon extraordinaire de nos voiles و‎ ny f'imagi- ner dequoy elles eftoient faites. Il enuoya fa Chaloupe, qui nous vint à la rencon- tre, pour fçauoir qui nous eftions. Comme nous fümes proche les vns des autres, nous nous connümes d'abord; car nous eftions fortis enfemble du Teffel,& ne nous cítions point feparez que dans la mer d'Efpagne. Ie paffay auec le Marchand dans leur Chaloupe , qui nous porta au Vaiffeau du Commandant. Il nous cria de loin que nous fuflions les bien-venus ; il nous fit feoirà fa table, & manger auec luy. Comme ie vis apporter le pain & les autres viandes, ie fentis le cœur qui me bartoit, & j'en pleuray de joye ; tellement que ie ne pouuois manger. Le refte de nos gens eftant arrive en fuite , on les partagea dans les autres Vaifleaux; Hout-man fit met- tre auffi-toft en ordre vn petit Vaiffeau pour me porter aucc le Marchand à Batauia: & apres luy auoir conte les accidens de noftre voyage, & le mal-heur qui nous eftoit arriué ; nous nous miímesa la voile, & nous arriuâmes à la ville de Batauia. Les amis que nous auions rencontré {ur les Vaiffeaux , nous auoient donné des habits à l'Indicnne ; fibien que nous cftions habillez à la mode du pays, deuant que d’arriuer dansla Ville. Nous fümes au Palais , où le General faifoit fa refidence. Nous deman- dàmesà fes hallebardiers, fi nous pouuions voirie General. Ils monterent en haut; & cftant retournez, ils nous firent entrer dans (a chambre, Il ne {çauoit rien de nó- tre atriuée ; maisnous eftant fait connoiftre , il nous dit que nous cftions les bien- venus. Il fallut l'entretenir de noftre voyage ;ieluy dis, Monficur le General, nous fommes fortis du Teflel en tel temps, auec le Vaiffeau nommé la nouuelle Hoorne , qui par mal-heur a efté brülé & jetté en l'air par l'effort des poudres fous vne telle hauteur. Nous luy contámes auffi en détail comment cét accident nouseftoit arriué; comment nous auions perdu nos gens, qui auoient efté emportez en l'air auec le Vaiffeau ; & que par la grace de Dieu, ie m'eftois fauué auec vn homme feulement, Le General fur cela , dit , que c'eftoit yn grand mal-heur. Il nous demanda plufieurs particularitez , & nous luy dimes comme tout s'eftoit .2156م‎ C'eft vn grand mal-heur , ce dit-il pour la feconde fois. Enfinil dit, lacquais , qu'on m apporte cet- te taffc d'or , qu'on l'empliffe de vin d'Efpagne. Courage, Maiftre , ie bois à voftre fanté, vous deuez faire voftre compte, que vous auczdefia vne fois perdu la vie, & que Dieu vous ena donné vne feconde. Demeurez icy » & mangez à ma ta- ble; car jay deffein de partir cette nui& pour aller à Bantam eftablir quelque ordre dans l'Armée Naualle. Demeurez icy jufques à nouuel ordre, & jufques à mon re- tour. Il bit apres cela à la fanté du Marchand ; nous parlámes encore d'autres chofes, Nous Patrendimes felon fon ordre , & mangeámes à fa table l'efpace de hui& iours. Apres cela, il nous manda de l'aller trouuerà Bantam , où nousletrou- uámes dans le Vaiffeau nommé la Pucelle de Dort. Il m'appella le premier, & me dit; Maiftre Bontcko£ , il faut que par prouifion, & en attendant vn nouuel ordre, ‘vous alliez fur le Vaiffeau Bergerboot , pour y commander l'Equipage, comme vous auez fait dans l'autre. le luy dis; ie Vous remercie , Monfieur le General , de la grace que vous me faites. Deuxou trois iours apres, il fit venir le Marchand Rol, & luy dit; Marchand, il faut que par prouifion, & en attendant vn nouucl ordre, vous alliez fur le Vaiffeau nommé le Bergerboot, & que vous preniez le foin des marchandifes qui y font, comme vous auez fait cy-deuant. Ainfi , nous nous trouuámes enfemble auec le mefme commandement que nous auions fur le premier Vaiffeau. | — CeVaiffeau qu'on nous donnoit , eftoit court de quille , monté de trente-deux DE BONTEKO É. 21 pieces de canon en vne feulc batterie , mais elle auoit plus de cinq pieds de haut. Au commencement de l'année 1620. nous fúmes vers Ternate ;noftre Vaifleau eftoit chargé de viures , de lard ,de Rys, & de beaucoup de munitions de guerre, pour mettre dans les Forts de ces quartiers-là. Nous faifions vne efcadre de trois Vaiffeaux. En paffant ; nous approchámesde Greffe. Vn Marchand de Riga nommé Vvolter Hudden , nous y regala de beaucoup de Vaches ر‎ de Poules ; de Canards, de fucre noir : le fourage & la nourriture pour les beftes qu'on nous auoit données, eftoit du Rys quin'eftoit point battu , & cíloit encores en getbes ; ils l'appellent en ces pays-là Pacdie. Nous partimes de Greffe, & nous rangeámes la cofte tout pro- che du détroitde Baly , pour gagner la hauteur de la terre de Soloor; car le Mouf- fon eftant defia pafsé , nous efperions que prenant cette route, nous ferionsvoile vers Amboin ; & come nous eftions au detroit de Soloor;le Marchand qui eftoit dans noftre Fort nous vint trouuer, & nous dit qu'il y auoit là proche vne petite place nommée Lantocken, qui eftoit tenué par des Pyrates de Soloor, quiapportoient vn grand empeíchement à noftre trafic , & que ceftoit maintenant le vray temps pour les en dénicher, puis que nous nous rencontrions trois Vaiffeaux de Flotte. Nousl'entreprimes; nous y fúmes accompagnez du peuple du pays dans leur Cor- rakorren ou Vaiffeaux, qui venoient auec nous pluftoft pour voir comment la chofe fc pafferoit , que pour nous y ayder. Nous aduangàmes fous le Fort, & filmes grand fcu fur eux; ils nous répondirent de mefme. Dans ce temps-là , nous miímesater- re noftre monde à la faucur de noftre moufquetterie; ceux du Fort firent vne fortie fur nous , & mirent nos gens en fuite : tellement que nousy perdimes vingt-cinq hommes ,auec vn plus grand nombre de bleffez; cela nous obligea de partir fans auoir rien fait. Nous fifmcs cau, & primes congé du Marchand, prenant noftre courfe vers le Nord-Eft , pour atteindre le haut de l'Ifle Batamboer. Nous en cûmes la veuë, & la laifsàmes à noftre main gauche, dreffant noftre route du Nord-Eft au Nord, pour gagner les Ifles de Boere & Blau. Nous les laifsàmes auffi à main gau- che, & cinglàmes vers l’Ifle d Amboin; mais le grand temps nous empefcha d'en ap- procher. Nous prifmes le deffous de cette Ifle , pour paffer entre deux autres petites {fles qui font vis-à-visl'vne de l'autre, & gagnámes vne anfe nómce Hiero, vis-à-vis de Combello, où il y a beaucoup de clouds de girofle, On peut en fort peu de temps paffer à cheual de Hiero à Amboin : Nous trouuámes là trois Commandans, fçauoir le Gouuerneur Hout-man d'Alckmaer ,le Gouuerneur Lam, qui cftoit de la ville d'Hoorn,& le Gouuerncur Speult. Lam faifoit fa refidence à Maleyen,Speult à Am- boin , & Hout-man eftoit deftiné pour paffer auec nous à Baets Ian , où nous arriuámes ; & en partimes apres y auoir efte quatre ou cinq iours. Le Mar- chand qui auoit la direction de ce Fort, en fortit, à caufe que fon temps eftoit expiré , & Rol noftre Marchand fut mis en fa place. Nous fúmes au Fort des Moluc- kes, pour les auitailler de viande, lard , Rys, vinaigre, & autres chofes neceflaires à la vie, & touchámes l'Ile de Maleye , où Lam faifoit fa refidence. Nous y demeurá- mes trois femaines; & apres auoir pris congé de luy, nous retournàmesà Baets- Tan; où nous auions 121156 Rol noftre Marchand , comme ie viens de dire. Il nous donna bien deux cens tonneaux de clouds de girofle : nous primes congé I'vn de l'autre, tous deuxles larmes aux yeux: cette feparation nous toucha fort; à cau- fe de tant de dangers & de miferes que nous auions foufferts enfemble , comme Jay dit cy-deuant. Depuis ce temps-là ie ne l'ay point veu ; mais j'ay appris que peu de temps apres noftre départ, il eftoit mort dansl'Ifle de Maleyen, & qu'il y eftoit en- terre. Ie prie Dieu qu'il falle mifericorde à (fon ame, & que ie le puiffe reuoir en l'au- tre monde. Nous drefsämesnoftre courfe versle détroit de Buton ; & pafsämes l’Ifle de Beggcrones, pour fortir des terres, & gagner laua=minor , & de là le long des terres , jufques à Greffe. Le Gouuerneur Hout-man eftoit dans noftre Vaifleau. Eftant à Greffe, nous chargeámes autant de Vaches & de Poules qu'il y en pút te- nir. Il y auoit bien nonante teftes de beftail, & feize cens Poules ,auec quelques 4 C ἢ) Ceux de Riga ont des Facto- rerics aut Indes. 22 VOYAGE Oyes. Nous donnions à nos beftesaulieu de fourage ; du Rys en herbe. Ona en ce pays-là feize Poules pour vne piece de cinquante-huit fols. Nous primes con- gé du Marchand Gautier Hudden, faifant noftre courfe le long de laua, & pal sámes proche de Iapara ; mais nous ne nous y arreftàmes point, & arriuámes heu- reufement à Batauia. Nous y parlámes vne feconde fois au General Koen, sz dé- chargeámes là noftre Vaifleau ; puis on m'enuoya à lanbay , pour y aller querir yn autre Vaiffeau qui eftoit chargé de poivre. Nous moüillàmes en paffant à Pa- limbam , & nous amenámes vn Vaiffeau charge de poivre à Batauia. Le General m'enuoya apres à des Ifles qui font entre Bantan & Batauia, pour y aller querir des pierres qui fe trouuent au fonds de la mer. Il me donna quarante Laskaris;ces Laskaris fe plongent dans l’eau; ils lient les pierres auec des cordes, qu'on tire apres dans vn Batteau : ce font de gtofles pierres , qu'on taille en fuite à Batauia, our en reueftirle Fort que nous y auons : Certe pierre eft extrémement blan- che, plus blanche encore que la pierre dure de Hollande. Le Fort eft quafi tout bafty de ces pierres , depuis la fuperficie de l'eau de {es foffez jufques au cordon du Parapel, & fait vne fort belle perfpectiue. Nous fifmes trois voyages pour charger de ces pierres. Lc Vaiffeau nommé Groeningen arriua en ce temps-là d'Hollande ; & à caufe que le Maiftre & le Marchand de ce Vaiffeau n'auoient pas pú faccommoder enfe mble, ils furent mis par ordre du General & du Confeil, fur le Vaiffeau nommé le Berger Boot, & moy fur celuy de Groeningen , auec vn fous- Mar- chand nommé lean Nicolas d'Amfterdam. Ie ne perdis point dans ce change; car dans le Vaiffeau nomme le Berger Boot, il n'y auoit, comme on dit, ny à man- ger,ny àboire; & le Vaiffeau Groeningen eftoit nouuellemét venu des Pays-Bas, & ne manquoit de rien. Ie fus en fuite cómandé pour aller à lanbay querir du poi- vie , & y porter quatre caiffes plaines d'argent. Nous auions ordre de toucher à Palimbam en paflant ; ce que nous fifmes. Nous y trouuámes vn Marchád d'Alck- maer nommé Hooghlandt : nous luy mîmes entre les mains vne caifle d'argent, & partimes pour Ianbay. Il y auoit aufli vn Marchand de Delff nommé Abraham Vander Duffen, entre les mains duquel nous mifmes vne autre caiffe d'argent. Nous fümeslà quelque-temps à la rade ; on nous apportoic la marchandife à bord: fur de petits brigantins. Nous auions de plus noftre Batteau , auec lequel nous allions tous les jours querir du poivre , en remontant la riuiere. Noftre Maiftre Pilote feftant mis vniour dans la Chaloupe pour aller vifiter les amis qu'il auoit dans vn Vaiffeau qui eftoit à la rade ; on luy fit fi bonne chere, & il en reuint fi yure , que feftant couché & endormy fur le haut du Tillac, il roula enuelopé de fes couuertures dans la Mer, & fe noya; ce qui nous affligea fort. Quand nous eümes noftre charge , nous primes congé du Marchand Vander-Duffen, pour allerà Batauia. Nous déchargeámesauffi-toft noftre Vaif- feau , & nous fifmes apres deux autres voyages, pour aller querir de la pierre aux Illes dont Jay defia parlé. Apres l'auoir fait, nous retournámes à Ianbay pour charger du poivre; nous retournàmes encore vne autrefois à Batauia;j'employay deux ans à ces voyages ;tantoft dans le Vaiffeau du Berger Boot , tantoft fur ce- luy de Groeningen. I'eus ordre apres d'aller auec le mefme Vaiffeau à la Chine,auec fept autresVai(- feaux de Flotte fousle commandement de Cornelis, pour nous rendre Maiftres, fi nous pouuions , de Macao , ou pour aller vers l’Ifle du Pifcador , & tàcher d'établir par toute forte de moyens quelque commerce auec les Chinois ; ce qui eftoit eftendu plus amplement dans l'inftru&ion que le General nous auoit donnée. Il auoit écrit pour ce deffein en plufieurs lieux, que les Vaiffeaux qui y eftoient euffent à nous joindre , leur donnant pour rendez-vousles lieux par où nous deuions paffer ; & entre-autresà ceux qui eftoient vers les Manilles fous le commandement de Vvillem Iansz , auec quelques Vaiffeaux Anglois qui y attendojent l'occafion de faire quelque prife fur les Efpagnols. DE “BON TOEWO E, 23 Ce que ce Commandant executg ; & nous donna quelques-yn5 de fes Vaif feaux. Le dixiéme Auril 1622. apres auoir efté quelque-temps deuant Batania , nous filmes voileauec noshuict Vaiffeaux: nous drefsàmes noftre couríe pour paíler le détroit de Balimbam. L'onziéme , nous vifmesla terre de Sumatra. Nous nous trouuámes plus ad- uancez versle Sud , que nousne croyons: ce qui nous fit juger , que nous auions cité emportez par vn courant d'eau , qui fort du détroit de Sunda. Le douze, treize , quatorze , & quinziéme, le temps & le vent furent incon- ftans , & nous pafsámes l'Ile de Lucipara. È Le fciziéme ἃς dix-fepuéme , nous arritàmes proche de celle de Banca. Le dix-huitiéme , nous rencontrâmesle Vaifleau de la nouuelle Zelande, qui venoit du lapon jauec deux brigantins Portugais, que nos Vaiffeaux auoient ris deuant Malacca. Depuis le dix-neufiétne jufques au vingt-cinquiéme ; nous fifines fort peu de chemin, à caufe que nous eúmes la plufpart du temps le vent &la marée con- traires. Le vingt-neufiéme fur le midy ,nous nous tronuâmes à la pointe Septentrio- nale du dérfoit de Balimbam. L’Ifle Banca eftoit Sud-Elt de nous entiron vn mil- le; nous courümes au Nord , vers l'Ile Polepon: Le trentiéme , nous moüillàmes l'Ancre à la pointe Sud-Eft de Polepon, à dou- ze braffes , fonds de fable, la terre de la cofte eft fort haute. Le premier May, nous moüillàmesau cofté de l'Oücft de cette mefme Ifle, ἃ dix-neuf braffes fonds propre pour Áncrer, juftement vis-à-vis la Baye de fable qui eft du cofté du Nord, ilya yn peu d'eau fraifche dans vn fonds ou val- léc au milieu d'vn bois. Depuis la pointe du Nord de l’Ifle de Banca, jufquesà cette Ile que ie viens de dire, le cours cft Nord, & il y a dix-neuf milles de di- ftance. Le mefme iour; nous nous mimes à la voile, & nous primes noftre cours Nord- Eft , & Nord-Eft au Nord pour paffer au deffus , ou à l'Eft de l'Itle Linga. Le deuxiéme , nous courúmes douze milles Nord-Eft au Nord. L’aprefmidy, la pointe Orientale de l'Ile Linga nous eftoit au Sud- Oiieft vers Oücft, à quatre milles de diftance. Cette terre paroift fort haute du cofté du Nord, depuis le cofté Occidental de Polepon, jufques au cofte Oriental; & àla pointe de Linga les terres courent Nord Nord-Eft l'efpace de neuf milles, tirant vers le Nord dix- huit , dix-neuf, & vingt braffes de fonds. Le troifiéme , l’Ifle Poele Paniang nous paroiffoit à Oüeft , & Oiieft au Sud. Le quatriéme nous primes hauteur, & nous trouuames vn degré quarante- huict minutes du cofté du Nord de laligne. E'aprefmidy و‎ nous vifmes l’Ifle Laur, qui eftoit Nord-Oüeft de nous, à vn mille de diftance felon noftre eftime. La terre de cette Ifle eft haute ; elle nous paroiffoit comme vne haute montagne , le fonds à trente-cinq braffes. Le fixiéme , l'Ile Pocle- Timon eftoit à Oüeft de nous, à la diftance d'enuiron fix milles. Nous primes noftre route Nord Nord-Eft ; pour gagner l'Ifle Poële Candoor. Le neufiéme ,on ordonna que nous irions aucc nos trois Vaiffeaux vers l'Ifle Poele Ceceer , celuy de Groenigen fur lequel jeftois, l'Ours Anglois , & le fainc Nicolas. - Le dix-hui& au matin, nous vimes l'Ile Poéle Candoor au Nord Nord-Eft de nous, à la diftance d'enuiron neuf milles. C'eft vne terre fort haute , auec des petites Ifles , qui font pour la plufpart au cofté du Sud-Eft de la grande Ifle. On tiouue de l'eau au cofté du Sud-O üeft. Depuisl'Itle Poële-T imon jufques à cette Ifle »lecours eft juftement Nord Nord-Eft ¿le fonds molaffe à trente-cinq , qua- Pole en Ia- dien fignifie Ile. 24 VOYAGE rante , cinquante , & foixante braffes , fuiuantles Cartes : mais lors qu'on appro- che de Poéle Candoor, on trouuc trente ; vingt-cinq , ou vingt brafles, fonds de (ble ferme. Le foir nous courümes autour de l'Ile, nous en tenans le plus prés que nous pümes du cofté d'Eft , enuiron à vne grande demy-lieuë de l’Ifle qui eft à la pointe Orientale ,le fonds eft de dix-hui& & vingt braffes : nous primes nó- tre cours versle Nord-Eft, le long dela cofte de Champey. Le vingt-vn au foir, nous voyons encore Poéle-Candoor du haut de noftre grand Matt. Le vingt-deuxiéme nous vifmes la terre de Champey ; elle paroift de loin,com< me fi c'cftoient des Ifles qui fuffent à fept ou hui&t milles de la terre. à Le vingt-quatriéme , nous reuimes nos autres Vaiffeaux. Nous eftions fous la hauteur de dix degrez trente-cinq minutes, à vn mille & demy de la terre. La partie de cette terre qui eft proche de la mer eft baffe , auec vn fable blanc; mais celle qui en eft plus éloignée eft haute. Le long de cette terre jufques à trois milles en mer, il y a fonds de fable à dix-fept , feize ; quinze ; quatorze, & treize braf= fes. Le foir nous moüillàmes tous enfemble l'Ancre fur quinze braffes , vis-à-vis d'yne pointe qui eft fous la hauteur de dix degrez & trois minutes. Ce Cap fe nomme Cap de Ceceer: vers le Nord de ce Cap, il ya yn grand Golfe, où les Dunes fauancent de part & d'autre, du cofté dela mer. La terre qui Paroift eftre plus auant dans le pays eft haute ; elle gift depuis cette pointe Nord-Eft à l'Eft. Le vingt-cinquiéme , nous eftions proche dela petite Ifle qui eft plaine de ro- ches nommée Poele Ceceer de Terre. AuNord de cette terre, on voit vn goul- fe quifemble vne riuiere. C'eft là que les Dunes dont il a efté parlé,commencent à diminuer, & où elles finiffent ; & en fuite on voit de hautesterresles ynes ders riere les autres : la profondeur eft de trente , quarante , & cinquante braffes. | Le vingt-fixiéme , nous moüillàmes l'Ancre à Malle-Bay , les Habitans Pap= pellent la Baye de Panderan. Noftre Maiftre Pilote Abram Thiis nous quitta la, & paffa fur le Vaiffeau de faint Nicolas, qui eftoit enuoyé aux Manilles ; pour voir fil pourroit trouuer quelque Vaiffeau de ceux de la Flotte de Guillaume lansz. Il y a en ct endroit le long de la riue de grands arbres auec des maifons. Le ¡our fujuant , nous nous mîmes à la voile auec nos Vaiffeaux, pour trouuer vne autre Baye nommée Canberiin. A fix milles au delà,nous trouuámes du bois, de l’eau , & des rafraichiffemens en abondance. Nous en tiràmes dix-fept teftes de beftail, & beaucoup de Poules : vn Porc f'eftant échappé & enfuy versles Sau- uages, nous ne pùmes plus apres tirer aucuns rafraichiffemens d'eux. Le quatriéme Iuin ,ie fus trouuer auec mon Batteau le Vaiffeau qui eftoit de conferue aucc nous , pourluy rendre compte de ce qui fe paffoit. Ie m'en retour- nay le 6. du mefme mois : nous reuîmes le Brigantin nommé le fainte Croix. Le ¡our fuiuant, nous nous mifmes à la voile : nous joignimes le Brigantin de Haen, qui auoit pris vn lonque du lapon : nous trouuámes 211111 nos autres Vaif- feaux. Le vingtiéme , nous vimes diuerfes Ifles dans noftre chemin , & deux Voiles, juftement deffousla cofte. Surlefoirnous en approchàmes; c'eftoient des Vaif- feaux qui alloient aux Mauilles , l'yn nommé l'Efperance , & l'autre le Taureau; Vaiffeau Anglois : nous demeurámes proche d'eux toute la nuit. Le vingt-deuxiéme , nous nous trouuámes deuant Macao : nous moüillàmes l'Ancre à quatre braffes fonds mol. Nous eftions quinze Voiles de Flotte ; tant Brigantins que Vaiffeaux ,dont il y en auoit deux Anglois. Nous fifmes faire monftre à nos gens ,en les faifant tourner à Pentour du Maft pour les com- pter , comme on fait dans les Vaiffeaux de Guerre. Ils firent le mefme dans les autres Vaiffeaux. Le ving-troifiéme apres midy , nous moüillàmes auec nos trois Vaiffeaux , à Tgauoir celuy de Groeningen , le Galias, & l'Ours Anglais, à trois braffes de EC Ξ E € DE BONTEKO E 25 fe marée, juftement vis-à-vis de la Ville; en eftans éloignez enuiron là portée d’vn canon. Nous tirámes ce foir là cinq coups fur la Ville : la nui& nous aduan- càmes auec le Vaifleau de Groeningen & le Galias, Jufques à la portée du mouf- quet des murailles de la Ville, à trois brafles de fonds mol. On trouua à pro- pos que j'irois auecle Marchand & vne partie de noftre monde à terre , pour fur- prendre la Ville , & l'emporter d'embiée ; mais cette refolution fut changée, pour ne pas ofter en mefme temps le Maiftre & le Marchand d'vn mefme Vaif- feau. Il fut refolu que ie demeurerois dans le Vaiffeau pour en auoirle foin , & que noftre Commandant pafferoit à terre pour conduire cette entreprife. Le matin vingt-quatriéme د‎ lors que le iour commença à paroiftre و‎ noustirà- mes toute noftre bordce fur la Ville; & quelque-temps apres, noftre Comman- dant alla mettre pied à terre , auec enuiron fix cens hommes. Deux Brigantins rafoientlaterre à l'endroit de la delcente , pour fauorifer le Commandant en fa retraite en cas de befoin, & auffi pour feruir de deffenfes aux Chaloupes & aux Batteaux qui deuoient porter nos gens à terre. Les Portugais aucient drefsé vn rempart à l'endroit où fc faifoit la defcente : ils firent mine de l'empefcher ; mais les noftres ne laiffans pas d'auancer, ils Penfuyrent fur vne éminence, où il y auoit vn cloiftre. L'attaque de noftre cofté fc faifoit auec beaucoup de refolution : les Portugais faifoient quelquefois des forties ; mais ils eftojent coufiours repouffez auec perte , jufques à ce quele feu prit par mal-heur ànos barils de poudre : ce qui fit perdre courage à nos gens; car ils fçauoient bien qu'on ne leur en pouuoit pas apporter fi-toft des Vaiffeaux. Ils fe mirent en deuoir de faire leur retraite en bon ordre ; mais les Portugais aduertis de ce mal-heur , par le moyen de quelques deferteurs Iaponnois , qui auoient pafsé de leur cofté, vinrent fondre fur les noftres , lefquels faute de poudre ne pürent faire de refiftance. Ils en tue- rent beaucoup ;le refte fe retira auec confufion dans les Batreaux, & tàcherent de gagner les Vaiffeaux. Nous trouuâmes que nous y auions bien perdu cent trente hommes, & autant de bleffez ; entre-autresle Commandant, qui à la pre- miere defcente auoit cfté blefsé au ventre ; mais il en guerit par la grace de Dieu. Nos gens eftans retournez dans les Vaiffeaux ; nous fifmes voile, & nous nous éloignâmes de la Ville de la diftance d'enuiron vn mille. Nous fifmes cau à vne Ile qui eft au Sud de Macao, & nous reprimes noftre Maiftre Pilote qui eftoit tombé du Vaiffeau dans la mer. Le vingt-feptiéme ; les Vaiffeaux Anglois partirent pour le lapon, auccle Vaifs feau nommé le Trou; le Vaiffeau nommé l'Efperance fe joignit à noftre Flotte. Le vingt-huitiéme ,le Vaiffeau nommél Ours, & celuy de fainte Croix, firent voile vers l’Ifle de Lemon, & au dc là verslescoftes de la Chine. Le vingt-neufiéme , nous parrîmes tous pour alleràl'Itle de Pifcador ,àl'ex- ception du Vaiffeau nommé l’Efperance , du Brigantin nommé faint Nicolas, & de l'autre petit Brigantin nommé Palicatten , qui deuoient demeurer là juíques à la fin du mois d'Aouft , pour y attendre nos Vaiffcaux , qui pourroient venir de Malacca. Le trentiéme, nous pafsàmes Idelemo , autrement les Oreilles de Liéure. Nous courümes vers l'Eft, & eft au Sud pour gagner l'Ile de pierre Blanche. Elle paroift de loin comme vn grand Vaiffeau , ou Caraque. Le quatriéme Juillet, nous voyons du haut de nos Hunes celles des Ifles Pifca- dor, qui eftla plus auancée versle Sud-Oücft. Le fixiéme , le Vaiffeau nommé l'Ours nous vint retrouuer apres auoir couru la cofte de la Chine : nous fifmes voile enfemble à l'entour des Mes. Le dixiéme , nous moüillàmesl'Ancre prés d'vne Ile qui paroiffoit comme vne table, c'eft vne des plus hautes Ifles de Pifcador. Nous vifmes entre ces Ifles quelques pefcheurs Chinois ; mais ils fenfuyrent, & le ¡our fuiuant nous leuà- mes l'Ancre , & entrámes dans vne Baye bien feure à hui& ou neuf braffes fonds 4D ' Fautes des Cartes Gco- graphiques, & de Naui- gation. 26 V OY AG E d'ancrage. Cette terre cft platte , fon terroir pierreux; elle n'a point de £ros bois, mais beaucoup d'herbes & de l'eau fraiche qu'on tire des puits; elle tent pourtant la marine quand il a efté quelque-temps fans pleuuoir :on trouuc de l'eau au bout des deux anfes , où les Vaiffeaux ont coütume de fe mettre : on n'y trouue point d'autres rafraichiflemens , il les y faut porter d'ailleurs. Et comme on nous auoit donné ordre de garder cette place, & d'en faire noftre rendez-vous , nous nous poftàmes fur la pointe de l'Ile Formofa , où les Chinois crafiquent dans yn Havre, qu'ils nomment Tayouuan. Noustiràmes de là quel- ques rafraichiffemens , auec nos Brigantins. Ce Havre eft à treize milles de Pif cador ; on ne trouue qu'onze pieds d'eau à fon entrée , qui va fort en ferpentant; tellement qu'on n’y peut pas entrer auec de grands Vaiffeaux. Le dix- neufiéme , nous nous miímes à la voile auec le Vaiffeau Grocningen; l'Ours, pour paffer vers la cofte de la Chine; nous rencontrámes le Brigantin‏ جع fainte Croix. Le iour fujuant , dansle Vaiffeau de l'Ours fe rompit la trauerfe du‏ trinquet ; ce qui nous obligea de porter moins de Voiles pour aller de conferue.‏ Le vingt-vniéme , nous vifmes la terre ferme dela Chine : Nous nous trouuá-‏ * mes deuant la fameufe riuiere de Chincheo ; cette riuiere eft facile à connoiftre,‏ comme dit Linfchot : du cofté du Nord-Eft, il y a deux terres, dont l'vne ref-‏ femble au pillier d'vne Eglife : du cofté du Sud-Oüeft , la terre eft baffe ; atiec de‏ petites colines de fable. Vn peu au dedans de la pointe du Sud-Oïüeft, on void‏ vnc tour,ou au moins quelque chofe qui reffemble vne tour.Noftre deffein eftoit‏ de courir du cofte du Sud-Oiieft, fous vne petite Ifle qui eft ronde; mais à caufe‏ que le Vaiffeau l'Ours auroit couru rifque en f'approchant fi prés de la cofte , en‏ l'eftat oùil fe trouuoit , n'ayant point encore raccommode fa grande yergue,‏ nous fümes obligez par cette raifon de nous en éloigner , δὲ de prendre la largue‏ vers la mer. Il féleua ce jour-là vn grand vent, qui nous fit perdre vne de nos‏ voiles. Nous nous fouftinfmes le mieux qu'il nous füt poflible,8z ne laifsàmes pas‏ d'eftre emportez bien loin versle Nord.‏ Le vingt-cinquiéme , eftans fous la hauteur de vingt-fept degrez neuf minu- res, nous vifmes vne terre fort entrecouppée, que nous creümes eftre l'Ifle de Lanquin : nousle jugions ainfi fur la defcription de Linfchot , & par la Carte que nous auions : nous y moilillàmes l’Ancre à quinze braffes , & y vifmes pluficurs pefcheurs Chinois qui ne Peloignoient point de plus de trois, quatre, cinq & fix milles de la terre : nous fifmes auffi-toft tout ce que nous púmes pour gagner vers le Sud; mais nous eftions emportez du cofté du Nord: ce qui fait voir qu'il y alà vn fort courant d’eau. Le vingt-feptiéme ; vn pefcheur nous vendit du poiffon fec. Le neufiéme Aouft, nous nous trouuámes proche des Ifles de la Chine, qui. font en grand nombre : nous moüillàmes à quinze braffes ر‎ (clon noftre Carte & la hauteur que nous auions prife. Nous deuions voir le Cap de Somber; mais nous ne découurimes point de terre , & nousjugeámes par là que ce Cap deuoit eftre plus vers le Nord, que]es Cartes ne le mettent. L'onziéme nous leuámes l'Ancre, & nous courümes vers l'Ifle de Lanquiu, qui eft fous la hauteur de vingt-hui& degrez & demy de Latitude Septentriona- le : elle a du cofté du Nord vne rade qui eft affez bonne : nous l'auions reconnué en cherchant des rafraîchiffemens ; nous y en trouuámes fort peu; il y auoit feule- mét vn peu d'eau douce. Cóme nous y eftions, quelques Chinois vinrent à noftre bord auec leur Scampan , & donnerent à chacun de nos Vaiffeaux cinq corbeilles plaines de fucre blanc : c'eftoient à ce que nous en púmes juger , des Pirates Chi. nois , qui pirattoient mefme fur leurcompatriotes. Le ¡our fuiuant, nous fifmes 11011111013 d'eau, & nous nous mifimes à la voile, mais nous aduancions fort peu. Le dix-huitiéme , nous moüillàmes l'Ancre au cofté de l'Oüeft de la mefine Ifle, & en vne meilleure rade que n'eftoit la premiere; c'eftoit vn Hayre oú nous eftions à couüert quafi de tous vents. Il feruoit de retraite à ces pirates , dont DOG > DE BONTEKOE. 27 ic viens de parler. Tous lesiours ils nous apportoient quelques rafraichiffemens qu'ils fcauoient bien trouucr ailleurs que dans cette líle; mais c'eltoit vn petit fecours pour vn aufli g grand nombre d'hommes que nous eftions. Ils Poftritent de fuiure noftre Eftendard , fi nous voulions faire voile auec euxle long de la cofte de la terre ferme , & nous afleuroient qu'ils nous y feroiét trouuer dcs rafraichif- {emens en abondance, & que nous ne m: anquerions point de places pour mettre pied à terre ; mais nous ne crúmes. pas à propos de receuoir cette offre. Ils met- toient divers pauillons fur leurs petits Vaiffcaux , comme fils euflent efté Sujets de Princes eftrangers, pour piller ainfi ceux mefmes de leur pays. Nous nous remimes à la voile, pour nous rcjoindre ànos autres Vaiffeaux qui eftoient vers l'Itle de Pifcador : nous y arriuàmesle vingt-deuxiéme de Septembre ور‎ auec vn temps fort inconftant : nos gens clioicne occupez à y faire vn Fort, nous y trouuàmes deux Gallions & vn petit Vaiffeau qui eftoient venus de Batauia pen- dant noftre abfence ; à fçauoir , le Gallion du Lion d’or , le Samplon, ὃς le Bri- gantin Sinckepure. Leiour fuiuant, il y vint deux Brigantins dela cofte dela Chine : ils en auoienc laifsé vn troifiéme derriere eux qui fe perdit fur cette meime cofte ; mais on en auoit fauué le monde & le canon : en quoy les Chinois les auoient fort aydez. Ces Brigantins auoient efté commandez pour eftablir le commerce auec ceux de la Chine, & les Chinois les auoient renuoyez aucc de grandes efperances , & auoient promis de dépefcher vnAmbafladeur aux Ifles dePifcador pour traiter de plus prés. Ce qu'ils firent ; les Ambaffadeurs vinrent auec quatre petits Vaiffeaux qu'ils appellent des Ioncqués ,&traiterent du commerce auec noftre Comman- dant & le Confeil des Indes : mais on n'y auança rien ;car ils ne tenoient aucune des paroles qu'ils nous donnoient, ne cherchant dans ce traité qu'à nous faire fortir desIfles de Pifcador ; ce qui eftoit dire&ement contraire à l’ordre que nó- tre General nous auoit donné. Le dixiéme Octobre, le Vaiffeau du Lion d'or fe mit ala voile pour aller à lamby. Le dix-huitiéme , nous fúmes commandez auec deux Gallions & cinq petits Vaiffeaux , pour aller à la riuiere de Chincheo à la cofte de la Chine, pour voir fi nous les pourrions obliger a traiter auec nous parla crainte denos forces & de nos armes; mais nous defcendimes dix milles plus bas qu'il ne falloit. Troisde nos Vaifleaux feftoient feparez de nous; il nous en reftoit encore cinq. Nous entrámes dans vne Baye , & nous brùlàmes foixante & dix Ioncques , tant grands que petits. Il faut que ie rapporte 1cy vne chofe qui merite d'eltre fçeuë. Partie de noftre Equipage 2101 efte commandée pour amener à noftre bord deux petits loncques ou Vaiffeaux Chinois و‎ le vent les empeíchant d'en pouuoir venir a bout. Ils moiiillerent l'Ancre, ayansauec eux le Batteau de noftre Naui- re & l'Efquif. Ils perdirent la nuiét leurs Ancres, &le vent emporta vn de ces Ioncques , danslequelil y auoit vingt-trois de nos Matelots & deux Chinois. Le Brigantin Fiétoria Peftoit approché d'eux pour les fecourir : ce qu'il ne púr faire , à caufe du mauuais temps & de l’obfcurité de la nuiét. Ceux de nos gens qui PRAE dans l'autre Ioncquc ; fauterent dans leur Batteau 1 & mirentle feu au loncque qu'ils deuoient amener; mais comme ils ne fe pouuoient feruir que difficilement dela voile , ils refolurent de moüiller l'Ancre. Deux heures apres, leur cable fe rompit , & furent jettez de nuit fur la cofte auec grand danger de fy perdre ; leurs mefches eftoient efteintes , & dauantage les peuples de cette cofte leur eftoient ennemis , & eux en trop petit nombre pour leur refifter , n'eftans en tout que quatre hommes & deux moufles. Ils attendirent auec beaucoup d'in- quietude qu'il fit iour : les Chinois vinrent à ceux ils prirent leurs armes, & fe mirent à faire du bruit و‎ comme fils euffent eu la refolution de leur aller au de- uant. Les Chinois qui ne pouuoient pas connoiftre leur foibleffe dans Pobícurité 4Ci 28 VoOUX AMGYEL de la nui& , fen retournerent , & les noftres qui mouroient de peur leur en firent beaucoup. Ce leur fut yne marque affeurée de la protection de Dieu; & le ¡our eftant venu, ils fe refolurent, d'abandonner leur Batteau, à caufe qu'il feftoit échoüé en vn lieu d’où il eftoit difficile de le tirer pour le mettre en mer, & crü- rent qu'il leur feroit plus facile de paffer par terre le moufquet fur l'épaule &l’e- pécau cofté , jufques à la riuiere de Sammitiu , où il y auoit deux de nos Brigan- tins. Pour ce qui eft des vingt-trois Matelots qui auoient cfté emportez dans l'au- tre Ioncque , furent pris prifonniers. τ Ces quatre Matelots que ie viens de dire; & qui auoiét pris refolution d'aller par terre , n'entendoient point la langue du pays, & ne voyoient point de Ioncques, nyaucune marque qui leur püt enfeignerle chemin qu ils auoient à faire, pour gagner nos Brigantins. Ils furent apperceus par des Chinois, qui detacherent deux hommes pour leur parler ; mais nos gens qui eftoient toufiours fur leur gar- de , leur prefenterent la bouche de leurs moufquets, firent mines de vouloir tirer für eux,& Pouurirent ainfi le paffage. 115 crouucrent en chemin vne petite maifon, où il y auoit yn homme & vne femme: ils y entrerent, y allumerent leurs mef- ches, & lesnettoyerent; car en prenant terre 5 elles feftoient moiiillees. Ils trou- uerent à manger dans cette maifon ;l'homme qui y eftoit leur donna du R ys : & apresauoir remercié leurs hoftes , ils continuerent leur chemin en diligence. Ils virent le long de la cofte les corps de fix ou fept Chinois qui eftoient expofez aux chiens & aux oyfeaux : ils auoient efté tuez parles noftres, & il eftoit aysé à nos quatre hommes de juger le traitement qu'on leur eût fait Pils euffent efté pris. Voyansquil n'y auoit point de quartier à efperer il$ refolurent de fe deffendre jufques à Pextremité. Ils furent découuerts en fuite par vn gros de Chinois, quí eftoit bien de deux cens hommes; ces gens fe mirent à fuyr aufli-tott qu'ils les eurent apperceus. L’apresdinée , ils vinrent prés de nos Brigantins , & cirerent auec leurs moufquets , pour faire entendre qu'ils eftoient là, & que ceux des Bri- gantins les vinffent prendre. Sept ou huit cens Chinois vinrent au bruit de cette moufquetterie , armez de coufteaux & de picques : les noftres leur tirerent quel- ques coups , ne croy ant pas en deuoir attendre autre chofe que la mort : mais les Chinois eftónez de leur refolution de mourir lesarmes à la main,Íe retirerét:il en demeura pourtant quelques- vns de cette troupe , qui Parrefterenta quelque di- ftance de nos gens, & fe mirent à leur jetter des pierres. Il paroiffoit bien qu'ils n'auoient jamais entendu tirer d'armes à feu ; car ilsen auoient grand” peur. En- fin, ils parlerent à nos gens, leur offrirent la paix, &les menerent dans vn vil. lage : ilsy trouuerent quelque deux mille Chinois quiles regardoient auec efton- nement , & fembloient n'auoir iamais veu d'Hollandois. Ils menerent nos gens à leur Temple , leur donnerent à boire & à manger, & vn peu de tabac : nos quatre Hollandois ne fe feparoient point l’vn de l'autre , & tenoient toufiours leurs ar- mes en eftat, apprehendans la furprife. Toute leur mefche eftoitbrülée ; ils dé- chirerent leurs chemifes , & en accommoderentles morceaux en forme de mef- che ,le mieux qu'ils pürent. Ils fortirent du village , & remercierent leurs hoftes de l'honnefteté auec laquelle ils les auoient reccus , fort aifesd'en eftre échapez fi heurculement, & de voir que perfonne ne les fuiuoit ; car à peine leur reftoit-il affez de poudre pour tirer quatre coups. Comme ils furent versla cofte,ilstrouue- rent vn petit Batteau Chinois , qu'ils détacherent pour le mettre en mer; mais il eftoit tellement rompu, qu'il coula à fonds. Ils fe fauuerencà náge, & entrerent dans la maifon d'yn pefcheur pour y paffer la nuiét. Ils entendirent pendant la nui& , le bruit d'vn party de Chinois qui eftoit proche dela maifon :le matin ils firent des radeaux le mieux qu'ils púrent, & pafferent par ce moyen jufques au Brigantin , qui fe mit auffi-toft à la voile : S'ils euffent tarde vn peu dauantage , ils euffent efté obligez de demeurer dans le pays. Ces accidens font affez voir qu'yn homme peut reuenir de bien loin ; quand il eft affifté de la prote&ion - DE BONTEKOE. 29 de Dieu ; car fans vn grand miracle و‎ quatre hommes n'auroient pas pú fe fauuer d'entre les mains de tout vn Peuple ennemy. Le deuxiéme Nouembre ; le Brigantin nommé faint Nicolas , paffa proche du lieu où leur Batteau eftoit demeuré, trouuerent que les Chinois en auoient ofté la Voile ,le Maft,les cordages, le fer qui eft au bout, & deux pierriers : Ils le mi- rent en mer ; & fen eftans feruis pour aller à terre,ils en rapporterent dix Cabrits, & trois ou quatre Pourceaux , & reuinrent ainfi auec le Battcau à noftre bord. Le quatriéme ,le Batteau du Vaiffcau nommé l'Ours, prit deux Ioncques & vingt-cinq hommes dedans : on mit le feu aux Ioncques , & les gens qu'on auoit trouué dedans furent mis fur le Brigantin de faint Nicolas. Le neufiéme , noftre Maiftre Pilote mourut en mer; nous l'enterràmes dedans vneT(le qui eft fous la hauteur de vingt-troisdegrez. Le mefme ¡our , le Batteau du Vaiffeau nommé l'Ours , donna la chaffe a plufieurs [oncques ; mais il Féleua vne fi forte tempefte , que la mer Pemporta و‎ auec dix-huiét hommes qui eftoient dedans,& entre-eux vn de nos meilleurs hommes; ce qui nous aflligea beaucoup. On enuoya le Brigantin Fictoria pour les chercher ; mais ils n'en apprirent point de nouuclles : rellement qu'eftans à l’Ancre en ce lieu, nous fifmes perte fur nos deux Vaiffeaux de quarante de nos meilleurs hommes ; ce qui nous affligeoit ex: trémement. 3 Le vingt-cinquiéme ; nous vinfmes deuant la riuiere de Chincheo , & nous mî- mes fous l’Ifle proche d'vn village que les Habitans abandonnerent. Nous y trou- uàmes quarante teftes de beftail entre lefquelles il y auoit des Pourceaux : nous eufmes aufli des Poulles ; ce qui vint fort à propos pour nos gens , parmy lefquels la maladie auoit commencé à fe mettre; vn femblable ratraichiffement ayant beaucoup feruy àleur guerifon,on commanda trois Brigantins pour entrer dans la riuiere. Hs mirent leurs gensàterreproche d'vn village qu'ils prirent, & efcar- moucherent brauement auec les Chinois. Ceux du pays, apres auoir ainfi mefuré leurs forces, attacherent enfemble neuf loncques, y mirent le feu, & leslaiflerent defcendre fur nos Vaiffeaux, efperans par ce moyen y mettre le feu; mais la chofe ne leur reüffit pas. Le vingt-huitiéme nous approchàmes d'eux ; auec deux Vaiffeaux ; nous tirámes noftre groffe Artillerie vers vn endroit, d’où ils auoient tiré auce Íept pieces de fonte fur nos Brigantins:cinquante de nos Soldats qu'on auoit mis à terre , firent tefte auec beaucoup de refolution, quoy qu'ils euffent affaire à plu- fieurs milliers d'hommes: leur Artilleric & les noftres retournerent à bord, apres auoir brülé quatre de leurs Ioncques qui eftoient deuant le village. Le vingt-neufiéme , vn Chinois 2113م‎ vers nous ; mais il nous parut eftre à de- my fol. Nous leuámes l'Ancre , &tiràmes en paffant fur vne Ville; & ceux de la Ville nous répondirent auec des pieces de fonte : Nousreceümes quelques coups dans noftre Vaiffeau ;nous brülàmes vn loncque : Le Vaiffeau nommé l'Ours auec vn Brigantin , couroit de l'autre cofté del’Ifle , où ils virent deux grosvilla- ges ὃς deux grands Ioncques qui Py eftoient arreftez. En paffant, nous refolümes d'attaquer ces deux villages; ce que nous entreprimes le trentiéme du mefme mois, auec foixante & dix moufquetaires. Nous trouuámes que les Habitans abandonnoient leurs villages, & fe retiroient dans le Fort qui en eftoit pro- che, jufques où nous les fuiuimes. Ils firent deux forties auec des cris fi horribles, qu'il fembloit que le monde allât fabîmer. Ils vinrent hardiment à nous ; nous les attendimes de pied ferme , nousnous mélámes auec eux l’épéc à la main; ils tinrent ferme quelque temps, jufquesà ce que nos moufquetaires eurent fait feu fur eux , & en euffent tué quelques-vns ; car alors ilslàcherent le pied , & táche- rent de gagner leur Fort jufques où nous les menámes toufiours battans: ils y per- dirét la meilleure partie de leurs gens,des noftres nous ne trouuâmes à dire que le Barbier du Vaiffeau nómel' Ours; nous n'auós iamais pú fçauoir fil auoit efté tué; 4 D uj 30 VOYAGE ou fil auoit efté pris prifonnier: nous mimes le fcu à leurs Ioncques & au Village, & nous retournámes le foir au bord auec vn bon butin, de Porcs , de Cabrits , de Poulles, & beaucoup de meubles : Nous tuámes ces beftes la nuit, afin d'en man- ger le iour füiuant , & reprendre nos forces abbatués par le trauail & la fatigue de cette entreprile. Le deuxiéme de Decembre , nous retournámes à terre; nous pillámes vn autre Village, & nous y mifmes le feu. On y trouua dans yn magazin vingt balles de foye, & onles porta auec d'autre butin à bord. Le ¡our fuiuant, nous fifmes voile pour gagner vne autre Ifle , où il y auoit vne tour; nous n'y trouuâmes perfonne. Nous moüillàmes à cinq braffes & demie , la marée eftant haute : comme elle fut baffe,nous nous trouuàmes à fec ; ce qui nous fic juger que les marées de ces colles font grandes. La mefme nui& , comme la mer montoit , les Chinois nous enuoyerent deux loncques oü ils aucient mis le feu, & les laifferent aller fur le Vaifleau nommé l'Ours, qui auoit moüille au def- fus de nous. Il fembloit qu'vn des deux deüt tomber fur la prouë de noftre Vail feau, nous en eftions en grand peine : les regardans venirde deffus le T illac;cha- cun en difoit fon aduis. Pour moy ,ieles affeurois qu'il ne nous feroit point de mal :le Marchand Nieuvven Roode qui eftoit proche de moy;me difoit; Maître, coupons le cable. Ieluy disque c eftoit vn fort mauuais party, & qu eftant proche de la cofte , nous y perdrions noftre Vaiffeau , qu'au contraire nous ne receurions aucun dommage du loncque. Comme il fut tout proche de nous,ceux qui eftoiét perfuadez come le Marchand qu'il ne manqueroit point de nous brúler, criojent coupe la corde , coupe la corde. Ie criois au contraire ; Gardez-vous bien de la couper; car fi vous la coupez;le Vaiffeau eft perdu, ne faites pas cette faute. Quand le Marchand vid que les Matclots qui ancient defia commencé à hacher la corde , ceffoient de la couper, & m'obeytloient, il crüt que le Ioncque eftoir defia attaché à noftre bord, & me dit ; Maiftre , ce fera voftre faute , & vous en ré- pondrez : cela me fit peur, & les Mariniers qui fen apperceurent, vouloient cou- per la corde. Ie ne laiffay pas de leur crier; il ne nous touchera point, ne coupez pasla corde. Ce qui arriua en effet ; car il paffa fans nous faire autre mal , que de brúler vn petit Batteau qui eftoit attaché derriere noftre Vaiffeau ; carie tournay de gouuernail d'vn bord à l’autre, & ie fis faire vn tour entier au Vaiffeau , qui éuita ainfi la rencontre du Brülot ; & ce fut apres Dieu la caufe de noftre falut. Le quatriéme du mefme mois, nousleuámes l'Ancre , & nous fifmes voile vers PTíle qui eft à l'emboucheure de la riuiere d’où nous auions remporté quarante teftes de beftail, comme ie viens de dire ; nous y primes de l’eau, & nous en par- times le fe prieme du mefme mois pour aller vers l’Ifle de Pifcador :le vent eftoit fi grand , que nous ne pouuions porter de voiles, & ainfi nous ne pümes entrer dans l'emboucheure. Nous moüillámes fous l'Iflc la plus proche, à quinze braffes de fonds, qui cft àl'Oüeft de l'emboucheure dela riuiere. | Le neufiéme , nous perdimes noftre Ancre , & nous en jettâmes vne autre : le cable apres auoir tenu quatre heures rompit auffi : nous fámes emportez par la tempefte vers le Nord-Eft & le Nord Nord-Eft. Le dixiéme , noftre Vaiffeau fe trouua fi plein d'eau , qu'on auoit affez à faire àla tirer auec deux pompes. Il y auoit bien fept pieds d'eau dansle Vaiffeau , la pompe de derriere eftoit falle, & ne pouuoit fernir; car il y auoit dans la chambre fur le derriere du Vaiffeau de la paille ou gerbes de Rys, les grains du R ys en- troient par vntrou dans la pompe , & l'auoient prefque rendué inutile : nous fuf- mes obligez dc jetter le R ys horsle bord ; car nous apprehendions qu'il ne bou- chát tout à fait les conduits par lefquels l'eau entroit dans la pompe. Le treiziéme & quatorziéme, le temps fe trouua propre pour faire noftre voya-. ge : nous nous trouuâmes juftement fous la cofte de la Chine, & approchámes du Vaiffeau nomme Haerlem,dont mon frere eftoit maiftre : il auoit aufli ràché dal. - D EFB-O'N T-E'R O E. 21 ler à l’Ifle de Pifcador ; mais la tempefte Pen auoit empefché. Il venoit du Iapon ; nous nous tinfmes compagnie quatre iours, ἃς fufmes enfin obligez d'aller cher- . cher vne rade le long de la cofte de la Chine ; car nous auions efté emportez plus bas que nous ne voulions. Le vingtiéme ,le Vaiffeau Haerlem prit fept petits Batteaux Chinois , auec trois loncques & trente-fix hommes dedans : ils eftoient chargez de fel, de poif- fon fallé, & autres marchandifes. Le mefme iour, on trouua à propos de prendre dans noftRe Vaiflcau les marchandifes que le Vaiffeau d'Haerlem auoit appor- tées du Japon; car ce Vaiffeau eftoit foible , & en tel eftat, qu'il ne pouuoit pas durer long-temps fans eftre radoubé , au lieu que le noftre eftoit encore bon. Nous fifmes donc place dans le noftre, & nous commencámes le ¡our fuiuant à charger. Deux Chinois vinrent de terre dans vn petit Batteau au Gallion d'Haers lem, & y apporterent bon nombre de Pommes; de Poules, & de Pourceaux : ceux du Vaiffeau leur rendirent en recompenfe leur loncque;on fit prouifion d'eau. Le premier lanuier, il fut trouué à propos que le maiftre Pilote Iean Gerritsz de Naeyer pafsac auec enuiron fix perfonnes du Gallion de Haerlem dans le nó- tre , & noftre fecond Pilote nommé Geleyn Corneliflz paísàt auec quelques au- tres dans le Vaiffeau Hacrlem pour aller à Batauia , & de là en Hollande. Les Marchands eftoient ce jour-là occupez à écrire des lettres, les vnsà Batauia , les autres aux Itles de Pifcador : nous mifmes aufli quarante-huit Chinois fur le Gal- lion d'Haerlem , qui partit le quatriéme pour aller à Batauia. La nuit les Chinois reprirent vn de leurs lIoncques;qui eftoit tout proche de noftre Vaiffeau; & quoy que nous tiraffions deffus , ils nelaifferent pas de paffer outre; car nous n'auions point de Chaloupe pour courir apres. : : Le cinquiéme , quelques Chinois vinrent pefcher proche de nous;nous con- númes par là qu'ils eftoient aduertis que nous n'auions point de Chaloupe : les Charpentiers trauailloient tous les iours pour en faire vne ;nous auions eu du Gallion d'Haerlem vne voile à demy vsée; nous nous en feruimes pour r'accom- modcr celles de noftre Batteau & de noftre Vaiffeau ; nous faifions bonne garde la nui& , de crainte des Brülots que les Chinois nous auroient pú attacher. Le feptiéme , nous mifmes à la voile pour nous mettre en mer; mais le vent cftant contraire, nous fufines obligez de relâcher , & de nous remettre en noftre ancienne rade : nous primes eftant à la voile vn Ioncque ; dans lequel nous trou- uámes trois cables & d'autres cordages; apres les auoir oftez, nous y mifmes lé feu, les Mariniers fen eftoient enfuys; ces cordages gous vinrent fort à propos. Ec neufiéme & dixiéme , nous trouuámes que la voile de noftre Efquif, fon Malt , & fes autres apprefts , cftoient en bon εἴξας : nous ne laifsàmes pas de de- meurer à l'Ancre , à caufe que le vent n'eftoit pas propre. L'onziéme , nous vifmes fur le foir deux loncques fur la cofte : le Marchand vouloit qu'on leur donnát la chaffe ; mais ie crú qu'il n'eftoit pas à propos, dcau- fe qu'il eftoit tard ; que le temps eftoit mauuais , & qu'il y auoit apparence qu'il deuiendroit encore plus rude ;car le Ciel eftoit couuert de tous coftez. Ie dis aufli qu'il ne falloit pas hazarder fi aysément fon monde : ces raifons les arrefte- rent; & en effet, il it figrand vent la nui&, que nous eüraes fujet de nous ré- jouyr de ce que le Batteau cftoit demeuré dans noftre bord. Le matin du ¡our fui- uant , nous fufmes apres vn Ioncque qui louioit fur la Baye ; mais auant que de le pouuoit joindre, quatre Ioncques armez en guerre vinrent à fon fecours, & firent grand feu fur nous. Ils cftoient tout proche de la terre , & nous vifmes fur la riue enuiron mille hommes en armes ; ce qui nous obligea de le quitter و‎ & de retour- ner à noftre bord. i La nuiét du quatorziéme à la premiere garde, ie do nnay la chaffe auec lc Bat- teau, à ynautre Voile. Ils fe mirent en eftat de fe deffendre , tirerent l'efpace 32 V OY AUGE de deux heures fur nous ; & comme nous apprehendions de nous éloigner trop du Vaiffeau , & qu'il y auoit peu d'apparence d'en venir à bout, nous y retournàmes fur le matin. Le quinziéme ,le Pilote alla attaquer vn Ioncque qui venoit de Teyfing : il l'atta- qua chaudement ; mais il fallut enfin l'abandonner , trois de nos gens y furent blef- lez, & entre ceux-là yn, d'vne bleflure mortelle ; car l'arme dont il aucit cfté blefsé eftoit empoifonnéc. Lc dix-huitieme, ie donnay la chaffe auecle Batteau à cinq Ioncques Mn des cinq continua fa route, les quatre autres vinrent à Pabord de nous, & mirent en ordre leurs armes & leurs Artilleries; car c'eftoient desIoncques armez en guerre. Apres les auoir vn peu taftez, nous nous en retournámes : les Ioncques nous fuiuirent , ceux de noftre Vaiffeau apprehenderent qu'ils ne nous attaquaffent ,& mirent en cítat de pouuoir tirer fur cux les deux canons qui eftoient 212 poupe ; car ils appro- choient du Vaiffeau : mais quand nous fümes à quelques mille pas du Vaiffeau , nous pliámes nos Voiles, & nous nous mifmes à ramer droit contre le vent; les loncques qui ne pouuoient pas faire la mefme chofe , nous quitterent. Sur le foir ; nous re- tournámes à bord , & fifmes voile la mefme nui& auec vn vent Nord-Oüeft. Lc dix-neufiéme au matin, nous nous trouuâmes éloignez demy mille de la terre; j'entends de la pointe du Teyfing ; Petra Blanca eftoit au Sudeft de nous, enuiron la diftance de cinq milles : ce lieu eft fous la hauteur de vingt-deux degrez & vingt mi- nutes; nous fifmes voile le long de la cofte. Le mefme iour, on reglala ration de P'E- quipage à vnc pinte d'eau par ¡our, Le vingtiéme, le vent nous eftoit contraire. Surle foir , nous jettàmesl'Ancre à dix-feptbraffes enuiron fix milles hors de la terre Nord à [ἘΠ de Catsje:ce que nous filmes , à caufe que nous voyons que nous nc pouuions aduancer auec la voile. NO- tre cable fe rompit en cét endroit, il fallut remettre les voilesau vent, & le mauuais temps nous obligeale ¡our fuiuant de recourner à la rade ,enuiron hui& milles à PER du Teyfing, Le vingt-deuxiéme وع‎ nous enuoyàmes noftre Vaiffcau versla terre , pour voir fil ne pouuoit point trouuer yne mcilleure radc. Nous fifmes voile fur leur rapport , & nous Ancrámesa la portée d'vn canon en vne bonne rade. Le vingt-troifiéme au matin, le vent fut encore contraire : il eftoit Nord-Eft, & faifoit grand froid. Le vingt-quatriéme , celuy qui auoit efté blefse neuf iours auparauant , mourut ; il Pappelloit Henry Bruys de Bremen. Le vingt-cinquiéme ,nos Charpentiers acheuerentla Chaloupe. Le vingt feptiéme , noftre Marchand fut à terre aucc la Chaloupe & le Batteau; pour voir fil ne pourroit point trouuer d’eau ; mais ce fut inutilement. Nous vifmes quelques loncques qui cftoient dans la riuiere , & fifmes tirer fur eux noftre mouf- quctterie ; mais ils nous répondoient auec leurs canons de fonte, & alloientàla voile; tellement que nous reuinfmes fans rien faire. Le vingt-huitieme, noftre Pilote prit vn petit loncque qui eftoit chargé de poif- fon fec & de poiffon falle : les hui& Chinois qui cftoient dedans fe rendirent , fans faire aucune refiftance. Le vingt-neufiéme & le trentiéme , nous filmes diuerfes entreprifes fur des Tonc= - ques & fur des Batteaux de pefcheurs; mais nous n'en prifmes qu'vn aucc cinq hom- mes. Nous cherchámes de l'eau , & j'en trouuay qui eftoit fort bonne & fort aysée à charger. Lesiours fuiuans jufques au feptiéme de Feurier , nous chargeàmes noftre eau: le temps continuoit toufioursà eftre inconftant , &le vent à eftre contraire à noftre voyage. Le huitiéme Feurier , nous fu(mes ¿terre auec le Batteau & la Chaloupe, & vingt- fept moufquetaires, pour vne entreprife que nous deuionsfairc à terre : nous entrá. mes dans vn village ; d'où les Habitans feftoient enfuys; nous marchámes yn peu A | MT NEN E DE ΒΟΝΤΕΚΟ f. 33 dans le Pays, & trouuámes vn troupeau de Buflles ; nous en ramenámes dix-fept à noftre bord , auec quatre Pourceaux, & quelques Poulles ; le temps eftoit toü- jours 1nauuais.. Le dixiéme, le Marchand retourna à terre auec le Batteau & l'Efquif, & vingt- cinq moufquetaires. Ils Pauancerent dans le Pays, & entrerent dans vn village, dont tous les Habitans eftoient fortis; ils retournerent à bord apres y auoir mis le feu. , — L'onziéme, noftre petit loneque fut renucrsé & coulé à fonds; nous en (auuá- mes ie Maft de cinquante-neuf pieds de long ; noftte Batteau retourna à terre pour apporter des gerbes de Kys qui nous feruoient de fourage pour les 了 Bu 但 cs. — Le douziéme,nous fifmes vne autre entreprife auec cinquante hommes: ils cou- rurent dans les villages voifins, où ils virent quelques Buffles ; mais ils ne les pú- rent prendre. Ils rapporterent feulement quelques facs pleins d'aulx & d'oignons, & rerournerent à bord apres auoir couru bien deux milles auant dans les terres. Le quinziéme, noftre maiftre Pilotte fut mis aux fers , à caufe que le feu auoit gris dans fa chambre. Le foir on le mit en liberté : nos Charpenticrs raffeurc- rent noftre grand Matt. - Le 18. nous jettámes hors le bord vn de nos hommes qui eftoit mort la nuit precedente. Il ne fe pafloit gueres de iours que nous ne fiflions quelque entreprife aucc nos Ioncques , noftre Chaloupe & noftre Batteau , tantoft fur les peícheurs, tantoft fur les Ioncques Chinois ; mais le plus fouuent auec peu de fuccez. Le temps eltoit toüjours vilain & fafcheux. Le vingtiéme , nous prifmes vn Ioncque auec quatorze Chinois; ils nous di- rent qu'ils venoient de la riuiere de Chincheo, & que le Commandant des Hol- landois auoit conclud le traité auec les Gouuerneurs du Pays; nous ne laifsàmes pas de le prendre, & de mettre fa marchandife dans noftre Vaiffeau. | Le dixiéme Mars, vn Oyfeau paffa fur noftre Vaiffeau , & fut tué en volant. ' Lequatorziéme , nous miímes quafi tout noftre monde à terre ; noftre Batteau eftoit tur; la Greue pour le nettoyer & le calfader , & retournámes le foir dans le Vaiffeau. Ee dix-{eptiéme, vn de nos Mariniers mourut. Lc dix-huitiéme ,le temps fut inconftant , auec tonners , éclairs, 82 pluyes. Le fecond Pilote mourut la nuit de ce iour ; il n'y auoit que cinq femaines & demie qu'il eftoit entré dans cette charge. Le vingtiéme و‎ trois de nos Chinois prifonniers fauterent hors le bord, efpe- rans fe pouuoir fauuer aucc le Batteau ; mais la fentinelle les découurit :on en re- prit vn , les deux autres fe noyerent. Le trentiéme » nous prifmes deux Ioncques & vn Vaiffeau de pefcheurs ; auec vinot-fept hommes. Le deuxiéme Auril , nous mifmes à terre deux Chinois, qui nous ptomirent de nous apporter des rafraichiffemens pour leur rangon; l'vn eftoit blefsé, & l'autre fort vieil & fort cafsé. Le cinquiéme , nous vifmes deux Chinois qui crioient qu'on les vint prendre, pour les porter dans le Vaiffeau ; nous enuoyámes noftre Scampan pour les pren- dre , & ilfe trouua que c'eftoit vn de ceux que nous auions mis en liberté deux jours auparauant. Ces deux Chinois apporterent de nuit dans noftre Joncque, des Poulles , des Oeufs , des Porcs , des Citrons, des Pommes, des Cannes de fu- cre; & du Tabac,vn peu de chacune de ces chofes qu'ils nous donnerent en recon- noiffance dela liberté que nous leur auions rendué. Grande vertuá la verité, & qui deuroit faire honte ¿beaucoup de Chreftiens qui ne fongent gueres à tenir leur parole , lors qu'ils font fortis de la neceffité qui lesa obligez de la donner. Le fixiéme , nous refolümes de mettre en pieces vn Ioncque, & charger le bois 4 E 24 NV الا‎ AGE fur vn autre pour le porteràl’Ifle de Pifcador ; car nos gens auoient befoin de bois à brüler. Le feptiéme » nous mifmes àterre les deux Chinois dont nous venons de par- ler. Le huitième , il vint vn petit Batteau auec deux autres Chinois , qui nous ap- orterent comme les autres auoient fait, quelques rafraichiffe mens د‎ des Oeufs, des Poulles , des cruches pleines d'Arac ou vin. Nous leur promifmes en recom- penfe de mettre enliberté deux hommes, dont l'vn eftoit blefse. Ils nous firent cípcrer qu'ils nous apporteroient d'autres rafraîchiflemens ; ils nous donnerent encore vingt-cinq pieces de cinquante-huit fols , & en retournerent à terre. La nuit , ce loncque que nous voulions mettre en pieces , coula à fonds. : Le neuficme & dixiéme , nous allàmes querir de l’eau pour noftre Ioncque & our noftre Vaiffeau; nous mifimes dix-fept hommes de nos gens fur le Ioncque; afin qu ‘ils pùffent faire voile auec nous vers les Iles de Pifcador, aufli-toft que le! vent {croit propre pour cette Naui gation. 3: L'onziéme , les deux derniers Chinois qui eftoient venus à noftre bord , y re- uinrent aucc cinq Porcs , quelques Ocufs , des Raifins, des Pommes, des Figues,! & femblables rafraichiffemens. : Le douziéme , nous eümes vne grande tempefte, & nous abbatimes toutes nos Voiles; vn petit Vaiffeau Chinois fut emporté d'auprés le noftre , auec vn de nos Matclots. Nous enuoyàmes noftre Chaloupe apres; elle fauua noftre homme; mais elle ne püt pas ramener le petit Batreau, elle tàcha de le remorquer à for- ce derames, l'abandonna enfin, & retourna au Vaiffeau. i Le treiziéme , nous permimes de retourner à terre aux deux Chinois qui nous auoicnt apporté des rafraichiffemens , & nous leur donnámes les deux hommes que nous leur auions promis. Le quinziéme , nos Mariniers voulurent éprouuer deux pieces de fonte qu "ila auoient mifes fur de nouucaux affufts ;ils les chargerent auec double charge DÌ bouche tournée vers le Ioncque. Dansle temps qu'ils y mettoient le feu و‎ yn jeu- ne homme fe trouua par hazard vis-à-vis pour faire de l'eau , ne fçachant rien de ce qui fe paffoit derriere luy ; la piece tire, & emporte les jambes à ce jeune hom: me : ce fuc à la verité vn grand mal-heur & vne grande imprudence à celuy qui y mit le feu. L’ apresdinée nous tuámes dans noftre Vaiffeau vn Taureau & vn Porc, pour folemnifer le iour fuiuant, qui eftoit le ¡our de Pafques; & cependant que Pon eftoit occupé à cette befogne , noftre Miniftre & fon Affiftant furent volez.. Le feiziéme , qui eftoit le ¡our de Pafques ; on ofta les fers à ceux qu'on y auoit mis , à caufe du vol que ie viens de dire , pourentendre la predication, & mange: rent auec nous leur part du Taureau. Le temps fut coufiours inconftant, & le vent fort variable. Le dix-neufiéme , on coupala jambe à cejeune homme qui auoit efté blefsé par. inaduertante , & il mourut vne heure apres. Le vingtiéme,'le temps demeura toufiours inconftant ; le vent Eft Nord-Eft; nous abbatimes nos mafloteaux ou petits Mafts ; nous jetrámes vne autre Áncre, & les deux Chinois qui f'eftoient feparez de nous le treiziéme , retournerent è noftre bord, & nous apporterent quelques rafraichiffemens. Ils nous dirent qu'il y auoit deux cens Ioncques qui deuoient venirpour noustafterle poulx. Sur cét aduis , nous nous miímes en eftat de les bien receuoir. Le vingt-feptiéme , noustiràmes dans le Vaiffeau noftre petit Scampan; nous auions grande enuie de nous mettre à la voile, car nous n'ozions pas demeurer plus long-temps en ce lieu; maisla tempefte & le vent, touta fait contraire, nous empefchoit d'executercetre refolution. Le vingt-huitiéme , nous mifmes vingt Chinois dans noftre loncque, pour les tranfporter dans l’Ifle de Pifcador. | DE BON'T.E RO E: 35 Le vingt-neufiéme, nous nous mimes à la voile auec noftte Ioncque; le vent coit ER Nord-Eft. : i.i Le premier May, le temps fut inconftant , & le matin noftre Ioncque fe fe- para de nous, nousle vifmes affez loin; la voile auoit efte empottéc , c'eft pourquoy nous trouuàmcsà propos, comme le ventcroiffoit toufiours , de recirernos gens qui eltoient deffus. l'y fus à ce deffein auec mon Batteau & en retiray feize hommes, & auec eux dix Chinois feulement; car le refte Peftoit caché.Le téps f'éleua fi fort;qu'il l'emporta;aucc dixChinois qui y eftoiét reftez Nous retournámes fur le midyà bord; & felon noftre eftime, nous eftions à quelque huit milles des Ifles quifont à l'Orient de Macao. En ces Pays ; le vent fouffle fix mois de l’année d'vn cofté , & fix mois de l'autre, on l'appelle le Mouffon ; tellement que ceux qui ne prennent pas bien ce temps,foit qu'ils cherchét l'vne des pointes des [les du Pifcador, ou l’autre, il leur eft quafi impoflible d'y arriuer jufquesà tant que le Mouffon foit paíse, En effet , nous perdimes beaucoup de téps,tätoft nous mettant à la voile;& rátoft l'abbaiffant. Nous fouffiimes auffi vne grande incommodité, à caufe de la tempefte & des maladies qui commencoient à afliger noftre équipage faute de rafraichiffemens : Enfin, de qua- trc-vingt dix hommes, nous n'en auions pas cinquante qui fe portaffent bien. Nous. rencontrámes vn Ioncque de la Chine fur noftre route; il eftoit chargé de marchan- difes precieufes, & valoit plufieurs milliers d'écus. Il eftoit party pour aller aux Manilles; de deux cens cinquante hommes qui eftoient dedans, nous n'en laifsàmes que vingt ou vingt-cinq. Nous primes les autres dedans noftre Vaiffeau; & à leur | “place, nous y laifsàmes quinze ou feize hommes; apres auoir attaché le Ioncque au derriere de noftre Vaiffeau. Nous auions bien alors cent Chinois dans noftre borda عق‎ comme nous n'aüions que cinquante de hos gcrís en cflat de feruir,ileftoit à crain- dre queles Chinois rie conjuraffent contre nous; & ainfi , nous permitmesà tous nos gens de porter l'épée à leur cofté, n'y ayant en autre téps que les Officiers feuls qui Pa portent. La nuit, nous faifions decendre tousles Chinois dafis le fonds de cale. Nous aulons mis à l'entrée de l'ecoutille vne efpece de chandelier qui portoit pluficurslam- es, & qui éclairoit téllement cette partie du Vaiffeau , qu'on voyoit clair proche de Pécoutille. Nous auions cinq ou fix hommes qui y faifoient fentinelle le fabre à la main. Le matin, nous ouurions l'éceutille , & permettions aux Chinois de venir en haut pour les befoins qu'ils en pouuoientauoir ; tellement qu'on y voyoit fourmil- ler les hommes de tous coftez. l'allois quelquesfois dansla chambre pour dormir; mais ie n'en peuuois venit à bout à caufe du bruit que faifoient nos prifonniers. Ils fe trainoient le long du bord du Vaiffeau , & marchoient les mains & les genoux en terre, comme fils effent efté eftropiez. On me dit fur ce fujet , qu'ilsauoicnt entre. eux vne prophetieque leur Pays deuoit eftre conquis par des hommes quiauoient la barbe roufle; & comme ie l'auois de ce poil, ie remarquois qu'ils me regardojent auec plus d'admiration que les autres; ce qu'on me rapporta comme vne tradition uils ontentre-eux ; Dieu (gait ce qui eneft. Le matin, ils alloient le long des berds du Vaiffeau & furlesbancs: ils fc tenoient propres, & fe peignoient fouuent ; leurs cheueux eftoient filongs , que beaucoup d'entre-cux les auoient jufques au deffous des genoux: ilsles releuent für leursteftes auec vn ruban, en forme de treffe,& met- toient au milieu γῆς efpece de plume qui les tenoient droits. Nous les portàmes tous à l'Ifle du Pefcheur , comme onauoit fait auffi tousles autres qui auoient efté pris par les autres Vaiffzaux & Brigantins ; lá on leslioit deuxà deux, & onles obli- gcoit de porter la terre an Fort; & lors que le Fort fut acheué, on en porta bien qua- torze cons à Batauia , où ils furent vendus. Cette Me du Pefcheur eftoit noftre ren- dez-vous ; cepcridant que nous y eftions , nous fúmes furpris d'vn fi grand houragan outempefte, quela prufpart des Vaiffeaux efchoüerent; entre-autres , noftre Ionc- que futjerré bien avant fur la terre. Eftanc daus l'Ile du Pefcheur , ie receus vne Lettre de Batauia: & mon frere qui eftoit, comme j'ay dit, maifte fur le Vaifleau Hoerlem , m'écriuoit qu'vn trojifiéme frere que j'auois nommé Jacques , eftoit forty 4Eij 36 V-Q.Y AGE d'Hollande l'année precedente , auec la mefme qualité de maiftre furle Vaiffeaü Maurice ; qu'il eftoit arriué à Batauia auec vn autre Vaiffeau nommé les Armes de Rotterdam, en vn eftat tour à fait miferable ; car il auoit perdu en chemin en- uiron deux cens foixante & quinze hommes. Le Vaiffeau des Armes de Rotter- dam n'auoit pas aflez de monde pour fe pouuoir feruir de fes Voiles ; plufieurs fa- milles entieres d'Hollande vinrent fur le Vaiffeau nommé les Armes d'Hoorn, pour fhabituer à Batauia ; pluficurs Hollandois au 位 fy marierent pour fy établir leur demeure. | Le vingt-cinquiéme d'Oétobre ,le Commandant Cornelis Reyerfz ordonna que nous irions auec cinq autres Vaiffeaux vers la riuiere de Chicheo , pour late- nir blocquée , & empefcher que les loncques n'en fortiffent pour aller aux Ma- nilles & autres places de nos ennemis. Ils prefferent ceux de la Chine ; comme nous auions delia fait pluficurs fois, d'entrer en commerce auec nous à Tajoüan, De noftre cofté , nous leur offrions la paix & noftre amitié; & en cas de refus, nous leur deuions declarer la guerre par mer & par terre , fi nous eftions en eftat de la faire auec aduantage pour la Compagnie, comme il eftoit exprimé plus au long dans l'inftru&tion que nous auions receuë du Commandant & de fon Con- feil. o Le vingt-huitiéme, nous vinfmes deuant cette riuiere ; nous moüillàmes fous l'Ile des Pagodes, d'où les Habitans fen eftoient fuys, à l'exception d'vn vieil- lard que nous y trouuâmes : nous arborámes vn pauillon blanc fuiuant noftre in- ftru&ion , efperanc que quelqu'vn viendroit du lieu nommé Agymuy pour trai- ter auec nous. Le vingt-neufiéme, nous trouuâmes à propos qu'on trauaillàt dans chaque Vaiffeau à faire trente ou quarante petits Vaiffeaux de bojs pour puifer de l’eau, & lc plus grand nombre de feaux de cuir qu'on pourroit , & qu'on y trauaillát tant uc les Vaiffeaux demeureroient à l’Ancre, afin de fen feruir pour efteindre le feu, files Chinois nous enuoyoient des Brülots. On ordonna aufii qu'on feroit bonne garde, & que toutes les nuits deux Efquifs fe trouueroient deuant les Vaiffeaux à la diftance d'vn tiers de mille, pour y feruir de fentinelle , ὃς auffi pour aller querir de l'eau : & comme il ne vint perfonne d'Aymuy , nous écriui- ames le trentiéme vne Lettre au Totock de cette place, & nous la fifmes tenir par le moyen de ce vieillard Chinois que nous auions trouué dans l'Ifle. La fubftance de noftre Lettre eftoit,que nous eftions venus là pour traiter de la paix & du com- merce, comme nous auions fait dans la conferance qu'on auoit eué auec eux :le refte eftoit des complimens felon le ftyle de femblables Lettres. Nous publiàmes auffi le mefme ¡our le fuiuant Reglement dans tous les Vaiffeaux. Ordonnance, felon laquelle les gens qui font dans les Vaiffeaux qui fe tronuent maintenant dans la Riviere de Chincheo, fe doiuent conduire. D nous fommes venus dans la riuiere auec quatre Vaiffeaux , pour em- pefcher autant qu'il nous fera poflible les peuples de la Chine d'aller aux Ma- nilles & autres places, qui font tenués par nos ennemis ; & qu'il eft à prefumer, que les Chinois n'obmettront rien de ce quileur pourra feruir pour nous chaffer de là. Il eft de la derniere importance, que dans nos Galions,dans nos Batteaux & nos Chaloupes auffi;foit qu'elles foiét proche du bord desVaiffeaux,ou qu'elles en foient éloignez , on faffe vne garde fort exa&e : & comme nous trouuons que les Mariniers ont fouuent manqué à vfer de cette precaution, fans confiderer le dom» mage & l'affront qu'ils en pouuoient attendre; le Commandant & fon Confeil ordonnent & commandent , comme nous ordonnons & commandons à tous les Officiers des Vaiffeaux & Mariniers , fans en excepter aucun, que chacun fera fa garde en la place ou il aura efté pofté ; fur peine, pour celuy qui manquera , ou DESBIOUN TOEK OE. 37 qui fera trouué endormy ; d'auoir trois fois la cale; & cent coups de corde au pied du Maft : Que chacun penfe à cuiter ce chaftiment; car certe Ordonnance fera executée contre ceux qui y contreuiendront , fans aucune exception l'eftat des chofes le requerant ainfi. Fait dansle Vaifleau de Groeningen dans la riuiere de. Chincheo, le 30. O&obre 1623. | Le premier Nouembre , vn Chinois nommé Cipzuan vint à noftre bord, & nous dit que fi nous eftions venus pourtraiterde paix & de commerce auec cux, que nous y trouucrions beaucoup de correfpondance de leur cofté; que ceux du pays y eftoient fort portez , & nous fit efperer que nous en fortirionsauec vn heu- reux fuccez , adjouftant que trois cens Marchands Chinois f'eftoient affemblez, & auoient refolu de prefenter Requefte au Kombon de Hocckzieu , afin quilleur fut permis de traiter auec nous; & que fil leur arriuoit de perdre leurs biens, la guerre continuant , on leur permit aufli d'armer. Qu'ils auoient refolu de demander auec inftance la permiflion de traiter auec nous : céthomme adjoütoit que dans le lieu où il eftoit , il y auoit vn Hermite qui demeuroit dans la montagne ; homme fort riche; d'vne grande naiffance ;qu'il auoit efté Gouuer- neur d'vne Prouince ; qu'il Peftoit retiré dans cette folitude apres la mort de (a femme qu'il aymoit fort; & qu'il n'auoit plus d'autre occupation que celle d'ay- der les pauures , & ceux qui manquoient de moyens pour aduancer leurs affaires auprés des plus puiffans ; que cét homme eftoit en grande veneration auprés des grands aufli bien qu'auprés des peuples ; quil eftoit tenu pour yn Prophete, & que {es paroles eftoient receués auec la mefme veneration. Il difoit dauantage quil auoit fait entendre à cét Hermite le differend qui eftoit entre nous & ceux de la Chine ; & qu'ayant appris qu'on faifoit de grands preparatifs pour nous faire la uctre , il auoit predit à ceux du pays, que fion nous faifoit la guerre ; ils met- toient l'Eftat en danger de fe perdre. Chriftianfranz demanda à Cipzuan, fi on ne pourroit point parler à cét Hermite و‎ pour luy faire entendre plus particuliere- ment le deflein de noftre venué ; Cipzuannous promit de faire en forte que nous le pourrions voir. Ie le feray , adjoufta-il , afin que vous connoiffiez que Jay def- {ein de vous feruir. Il partit là deffus , nous difant qu'il nous eftoit venu trouuer à la dérobée. Le troifiéme, il vint à noftre bord auec cét Hermite & yn autre Chinois; nous leur declarámes le fujet de noftre arriute, & le deffein que nous auions. Apres quelques raifonnemens d'vn cofté & d'autre , ils nous promirent de faire vn der- nier effort pour porter l'affaire au point que nous foubaitiós. Nousluy donnámes, vne Lettre de la mefmefubftance que celle que nous auions enuoyée par le vieil- lard Chinois au Totock ,ou Gouuerneur de la Prouince ; il promit de la luy met- tre entre les mains. Deux ou trois iours apres, Cipzuan nous vint trouuer , auec la réponfe du Totock ou Gouuerneur ; qui portoir; qu'il auoit appris que nous eftions arriuez fous l'Ile des Pagodes ; que nous leur demandions la liberté du Commerce, qu'il la fouhaitoit de fon cofté, fi nous la demandions fincerement, $c non pas comme nous auions fait auparauant ; auec fauffeté ἃς deffein de les tromper ; qu'il feroit bien-aife de faire vn bon accord auec nous; que dans la der- fiiere conferance qu'il auoit ο aucc les noftres , il nous auoit monftré deux che- mins pour y paruenir;l'vn de mettre en liberté les prifonniers Chinois ; Pautre d'abandonner l'Ile du Pefcheur ; qu'ils appellent en leur langage Pehoé; que nous n'auions point voulu accepter ny l’vn ny l'autre : ce qui auoit efté caufe de la tupture de ce traité. Nous répondimes que nous n'auions jamais eu que de bon- nes & finceres intentions. Il repliqua qu'il auoit appris , que nous n'eftions venus 2autre deffein que pour piller les Chinois ; & que nous n'auions apporté ny argent ny marchandifes pour traiter. Que fi en effet noftre intention eftoit bonne, & telle que nous la fuppofions , nous euflions donc à enuoyer vers luy vn Capitai- he pour traiter & conclure yn accord à longues années; ou yne paix pour toû- 4 E 13 f OX AG E 38 M jours. Nous luy demandámes qu'il luy plút nous permettre de venir jufques à Aymuy auec vnde nos Brigantins ἃ caufe que cette forte d affaire le traiteroit mieux eftant proche qu'eftans plus éloignez. Il nous donna permiflion quelques jours apres de venir Juiques-là , auec vn ou deux de nos Vaifleaux. s: Le trciziéme , ontrouua à propos que noftre Commandant fit voile vers cette place ; auec deux Brigantins. e Lc quatorziéme , nos Brigantins partirent & arriuerent le jour fuiuant à Ay- muy , & nous demeurámes auec deux Vaiffeaux fous l’ffle. La nuit du dix-fept au dix-huit, j'allay auec le Batteau jufques aux Brigantins; pour fçauoir comment les chofes fe paffoient ;car nous commencions à nous en- nuyer dela longueur de ce Traité : mais comme j'eftois en chemin , & allez pro- che des Brigantins , j'en vis vn qui cftoiten feu, & que l'autre auoit trois Brülots attachez à ton bord, cependant que toute l'Artillerie des petits Vaiffeaux Chi- nois & celle de leurs loncquesarmez en guerre tiroit fur cux. Nous vitmes cin- quante Brülots qui defcendoient fur le Brigantin nommé l’Erafme : ils auoient auec vne ardeur extraordinaire cíteint le feu d'vn de ces Brülots, & en auoit ofté deux autres aux Chinois, dont les hommes fe fauuerent , tellement qu'ils feftoient tirez de ce danger par vn miracle ; mais l'équipage du Brigantin Muy- den n'eüt pas tant d'adreffe ; car ils ne púrent empefcher que le feu ne prit à leurs voiles, & il nous fembloit qu'ils ne Faydoient pas beaucoup. Il brúla, & fut em- porté en l'air auec tout fon monde ; ce qui nous fut vn pitoyable fpe&acle. Nous allàmes tout auffi-toft crouuer nos Vaiffeaux , auec le Brigantin nommé l'Eraf: me; ceux de ce Brigantin nous conterent comme lachofe feftoit pafsée ; & nous dirent qu'auffi-toft qu'ils furent arriuez devant Aymuy, quelques deputez vin- rent à leur bord; qu'ils firent inftance que de noftre cofté on enuoya vers le Gou- uerneur de nos Officiers pour traiter de certe affaire de bouche: Le Comman- dant le refufa,leur difant qu'il n'auoit perfonne qui y fut propre; mais qu'il prioit le Gouuerneur de luy enuoyer quelqu'vn des fiens anec yn plain pouuoir de éon- clure l'accord. Les deputez retournerent à terre; & eftans reuenus, ils nous dirent que le Gouuerneur leur auoit donné entiere authorité & vn plain pouuoir ; & que tout ce qu'ils auroient arrefté auec nous, feroit de fon cofté obferue inuiolable- ment. On commença à traitet , & oh demeura d'accord qu'ils nous viendroient trouuer en vn lieu nommé Teyoauan , & qu'ils y apporteroient autant de foyes que les marchandifes que nous auions pouuoient valoir; qu'ils n'iroient point à Manilla , Combodia, Siam, Patany ; Ianby , & Andrigerry , fans auoir yn paffe- port de nous; qu'ils enuoyeroient cinq ou fix Toncques à Batauia pour traiter auec noftre General, fur le fujet de l'affaire de l'Ifle duPifcador, d’où ils nous vouloient chaffer: ét accord ayant efté fairfolemnellement, ils Pen retourne- rent à terre. Ils reuinrent yne autre fois à noftre bord , & firent inftance que quel. ques-vns de nos Capitaines vinffent trouuerle Torock ou Gouuerneur, afin qua l'accord fut écrit & juré en Chinois & en Hollandois; que le Totock fouhaitoit d'écrire au Combon , que l'accord auoit efté juré en fa prefence. Ils nous amene- Les Manda “ent trois * Mandarins pour oftages,auec trois Fléches, felon leur couftume, pour riñs oncles feureté de leur promeffe. Le Commandant & le Confeil des Brigantins trouue- rita rent à propos d'y enuoyerle Commandant en perfonne , auec d'autres Officiers : Chef des comme ils furent atriuéz à terre auec enuiron trente perfonnes, ils furent fort Prouinces, bien receus. Les Chinois drefferent des tables fur la Greuc » pour traiter les Ma- dues — telots. Le Commandant donna ordre au Maiftre du Brigantin Erafme , d’auoir mandarins l'œil fur les Matelots, & qu'au pluftoft il les renuoyát à bord. Pour luy, il fut cons PNE duit au Palais du Totock ou Gouuerneur : il parut qu'ils auoient deffein d'eny- "nes. urer les Matelots. Les Mandarins feruoient à table , 821 youloient à toute force que le Maiftre de l'Erafme , qui auoit commandement fur les Matelots, vint vers le Totock. Il fut ¿branlé d'y aller; maisil cult foubçon que les Chinois auoient DE BONTEKOE. 39 quelque mauuais deffein. Il fit lcuer de table fes Matelots, les enuoya au Vaiffeau , & y pafla auec eux. Vers le foir , le maiftre Pilotte du Brigantin Muyden fut à terre aucc vne Chaloupe armée, pour ramenerles trois Officiers qui eftoient allez versle Gouuerneur; cftant arriué à terre , les Chinois l'arrefterent , les hommes qui eftoient demcurez dans les Brigantins ne pouuoient deuiner ce quiauoit pù retenir leurs gens à terre, ny pourquoy nos deputez de mcuroient fi long-temps. 115 deman- derent à ceux qui cftoient auec eux pour oftages , d’où venoit ce retardement: ilsré- pondoient qu'il falloit que la bonne chere les eut. retenus ; mais la mefme nuit, ils vinrent quatre heures deuantle ¡our auec cinquante Brülots , pour perdre nos Brigantins; ce qui leur reüflit pour vn feulement. Ils auoient auffi enuoye de la bier- re faite à la mode de la Chine, dans laquelle ils auoient mis du poifon ; mais ils le reconneurent , & fe garderent bien d'en boire. Ces nouuelles nous aflligerent tous au dernier point; car la perte que nous faifions eftoit tres-confiderable : c'eftoit du cofté des Chinois vne infidelité execrable, & Dieu en fera le chaftiment dans fon temps. Le dix-huitiéme, nous tirámes des maifons qui eftoient dans l’Ifle des Pagodes , du bois pour brûler. Nous relolúmes apres cela de faire voile vers le cofté Septen- trional de la riuiere ; pour eftrelà plus affeurez contre le danger de leurs Brülots; car nous eftions bien perfuadez , que bien loin de rechercher noftre amitié, ils n'auoient | autre pensée que de nous faire du mal. Le dix-neufiéme le Vaiffeau nom mé l'Ours Anglois qui venoit du lappon, nous vint trouuer; nous luy contámes ce qui feftoit paíse : & le Confeil des Vaiffeaux ayant elte affembléà cette occafion dans ce Vaiffeau ,on dreffa yn écrit de la refolu- tioh qui y fut prife, en cestermes. Refolution prife par les principaux Officiers des V aiffeaux l'Ours Anglois, le Samfon es l'Erafme, le 24. Nouembre 1623. deuant la Riniere de Chincheo. ¿A Pres eftre partis l'onzieme Nouembre du Iappon , nous jugeámes à pro- ΓΝ pos d'approcher de la cofte de la Chine, pour faire auec plus de feureté no- fire voyage à l'Ifle Pifcador : nous arriuámes le dix-neufiéme du mefme mois dans la riuiere de Chincheo , où eftoient les Vaiffeaux Groeningen, le Sam- fon, & l'Erafme; nous apprimes d'eux aucc douleur la perte du Brigantin Muyden , la detention. de leur Commandant , & de leurs autres deputez qui eftoient paffez vers les Chinois pour traiter de la paix; d’ailleurs, comme l'inftru- &ion du Commandant Cornelis porte, que foit que l'on continué la guerre, ou qu'on faffe la paix, les Vaiffeaux doiuent tenir la riuiere toufiours blocquée. Les équipages de ces Vaiffeaux fe pleignant d'auoir beaucoup de malades , nom- mément ceux du Samfon, qui à peine auoit affez de monde pour leuer fon Ancre , cftant pour cette raifon obligéde quitter la cofte , pour effayer de mettre fes mala- des fur d'autres Vaiffeaux,& les enuoyer à l'Ile du Pifcador. On a trouué à pro- pos de diftribuer à ces trois Vaiffeaux partie des rafraichiffemens que nous auions apportez pour la Flotte; d'autant plus que le Commandant Cornelissauec la plufpart des malades qui eftoit dans l'Ifle Pifcador, eftoit party auec eux pour Teyouan;tel- lement qu'il y alieude croire qu'il y eft refté fort peu de malades dans l'Ile Pif- cador. Nous leur donnámes donc dix milles groffes Pommes , dix milles Mykans. vinot Porcs , deux cens Melons, & trois Vaches; afin que faute de rafraichif- fcmens on ne leuát pointle blocus de la riuiere ; ce qui ne fc pourroit faire qu’en manquant auxordres & au grand détriment de la Compagnie ; & à caufe que pen- dant la prifon du Commandant Chriftiaen-Fransz , la Flotte n'a point de Chef; on a conclud que par prouifion jufques à vn nouuel ordre du Commandant Cornelis; Guillaume Bontexoé auroit authorité d'affembler le Confeil , qu'il y prefideroit ; & quc fon Vaiffeau porteroit lc Pauillonà fon grand Maft. Ainfi fut fait & arrefté dans le Vaiffeau l'Ours Anglois,le 24. Nouembre 1625. 40 VOY AGE Ce rafraîchiffement rendit les forces & la vie à nos gens; ils tinrent la riuiere blocquéc le mieux qu'ils pürent, tellement que les Chinois ne pouuoient fortir pour aller aux Manilles ny autre part. Nous primes plufieurs de leurs loncques , & autres grands Vaiffeaux. Enfin, ie fis voile vers l'Ile du Pifcador ; dans ce temps, le temps de mon fcruice expira , ie n'auois point de pensée de m'engager da- uantage. Le Commandant Cornelis m'en preffoit beaucoup; il m'offroit des condi- tions bien plus aduantageufes que celles aucc lefquelles j'auois feruy jufques alors. 11 hauffoit notablement mes gages ; enfin, il m'obligea de monter fur vn Vaiffeau nommé Bonne-Efperance : ce Vaifleau eftoit preft de partir pour Batauia, & la com- million eftoit conceuë en ces termes. (on nos Supericurs & noftre General defirent que fur tousles Vaiffeaux il y ait vne perfonne qui ait authorite d'affembler le Confeil , & d'y prefider dans les occafions. Nous auons nommé pour cét effet Guillaume Bontekoé Maiftre de ce Vaiffeau , pour y affembler le Confeil pour les affaires qui regardent le feruice de la Compagnie, & auffi pour y prefider & donner fa voix le premier. Donné au Fort de Pifcador lezo Feurier1624. Signé i JEAN DE MOR, Marchand. Le Maiftre du Vaiffcau. "QIEANDENAYER, Pilote. Lefous-Pilote. Les perfonnes cy-deffus nommées, quicompofent le Confeil du Vaifleam recom- mandent la diligence dans les chofes qui regardent l'intereft de la Compagnie figné Cornelis Reyersz. Le vingt- vniéme Feurier, ic fis voile auec ce Vaiffeau vers Batauia ; mon inftru- &ion portoit, que ie courerois auparauant le long de la cofte de la Chine:ce que nous fifmes ; mais nous eúmes fur cette cofte vnefirude rempefte , & noftre Vaif- feau efteic en fi mauuais cftat , & tellement ouuert , qu'il nous falloit cftre conti- nuellementà la pompe ; cela me fit refoudre à ne demeurer pas dauanta ge le long do cette cofte, & à pourfuiure noftre voyage jufques à Batauia. Entre le vingt-quatre & le vingt-cinquiéme, nous pafsàmes les Ifles de Macao auec vn temps variable. - Le fixiéme Mars, nous joignimes le Vaiffeau homme l'Ours Anglois; fon Mar- chand & fon Maiftre vinrent à noftre bord, & nous dirent qu'ils auoient fait quel- ques cent foixante prifonniers Chinois, en comptant hommes ر‎ femmes, & enfans. Nous les voulümes prendre fur noftre Vaiffeau , & les obliger de demeurer auec nous, comme portoit noftre inftru&ion ; mais ils nous declarerent que leur Vaif- {eau cítoit fifoible , & qu'il faifoit tant d'eau , quà peine pouuoient-ils l'empeícher de couler à fonds, & qu'ainfi ils eftoient obligez d'aller à Batauia fans perdre le temps ailleurs. Le huitiéme ,le Maiftre du Vaiffeau del'Ours nous apporta deux Bœufs pour fer- uit de rafraichiffement à noftre équipage. Le neufiéme, nous fùmes ἃ fon bord; nous en tiràmes deux autres Boeufs , des feves, quelques cruches d'huyle , & autres prouifiens. Le dix-feptitme , nous moüillàmes l'Ancre fous Poelpon ; nous nous y pourueü- mes d'eau, & ceux de l'Ours firent entrer dans noftre Vaiffeau foixante-quatre Chi- nois; nous fúmes terre pour couper du bois ἃ brüler. Le vingtiéme, nousnous mifmes à la voile. Le vingt-cinq & vingt-fixiéme , le Vaiffeau de l'Ours fe fcpara de nous. Le trentiéme, nous moüillàmes l'Ancre fous l'Ile Meních-cters , ou des Man: geurs dhommes. Le premier Auri], nous leuâmes l'Ancre, &le iour fuiuant nous arriuámesa la rade de Batauia. Nous fifmes encores apres d'autres voyages pour apporter des pierres des Ifles qui font entre Bantam & Batauia, l'auoistoufioursdans l'efprit de retourner en mon Pays, à la premiere occafion qui fen prefenteroit. Ie trouuois par experience quele RAM. se Li CV ^ prouerbe DE BONTEKOE. 41 prouerbe cft veritable, qui dit qu'il n'y a point d'oyfeau qui n'ayme só nid; car en- fin, quelque beau pays ou Ponte trouue , & quelque profit & aduantage qu'on en puiffc attédre, on n'auroit aucun plaifir à y eltre ny à les voir, fi on n'auoit efperá- ce d'en pouuoir parler vn iour en fon pays;autremet ces lógs voyages,sás efperice de retour و‎ ne feroient en rien differents d'vn banniffement veritable. Comme Jallois & venois de Batauia pour tranfporter des pierres, trois Vaiffeaux fe trou- ucrent prefts pour aller en Hollande; ie pris cette occafion, & j'obtins du Gene- ral la liberté de m'en pouuoir feruir. On me mit pour Maittre fur le Vaiffeau nommé Hollande , qui eftoit vn excellent Vaiffeau, & bien monté d'Artillerie. Le Commandant Cornelis eftoit en ce temps-là reuenu de l'Ile de Pifcador à Ba- tauia , pour f'en retourner auffi en fon pays. Il eut le commandement de ces trois Vaiffeaux ; il fe mit fur le noftre ; c'eftoit vn homme fort agiffant , & d'vne gran- de experience, qui en plufieurs rencontres auoit rendu de grands feruices à la Compagnie. Ie vis alors à Batauia Guillaume Schouten qui eftoit de mon pays; jeus occafion de le gouuerner long-temps. Il fembarqua auffi fur le Vaiffeau Mildelburgh , pour faire auec nous le voyage. Le fixieme Feurier 1625. nous partimes auec ces trois Vaiffeaux de Batauia pour retourner en noftre patrie ; nous primes terre à Bantam , nous y trouuâmes quelqu'vns de nos Vaiffeaux à l’Ancre ; nous y primes vn cable qui nous man- quoit , nous nous mimes en fuite à la voile auec vn vent d'Oücft , qui nous eftoit tout à fait contraire ; nous louiâmes jufques futl'Itle de Sebbesée. Cette Ifle eft au dedans du detroit de Sunda proche de Sumatra ; nous demeurámes là trois ou quatre iours , en attendant le vent, pour forcer vn courant d'eau qui entre auec grande force dans le detroit. i Le quinziéme , nous nous mîmes à la voile auec vn vent de terre ; & le feizic- me , nous trouuámes que nous auions 2156م‎ le détroit ;le vent eftoit Oüeft , nous courümes vers le Sud auec yn petit frais , dans l'efperance de trouuer les yents de Sud. Le vingt-feptiéme , nous eümes les vents du cofté du Sud; fous la hauteur de dix-fept degrez Latitude Auftrale : nous tournàmes noftre courfe vers l'Oüeft, our aller auCap de Bonne-Efperance,Jufques fousle19.degré,od nous eümes des vents Sud-Eft, le vent tourna apres vers l'Eft, noftre courfe versl’Oiieft, auec vn bon frais, enforte que nous auancions autant qu'on le peut faire. Le quinziéme de Mars au matin , nous trouuámcs vingt-deux degrez de varia- tion Nord-Eft qui diminuoit ; ce jour-là noftre Commandant fe trouua fort mal. Le feize, dix-fept, & dix-huitiéme , il venta fi fort, que nous eúmes peur de heurter les vns contre les autres; noftre Vaiffeau ce jour-là eftoit Admiral; car, comme j'ay dit, nous portions le feu chacun à noftre tour ; j'allay trouuerle Com- mandant dans fa chambre où il eftoit malade , & luy dis que le Confeil du Vaif- feau eftoit dans l'apprehenfió de perdre deveué les autres Vaiffeaux,à caufe qu'on nc pouuoit,par vn fi grand temps,gouuerner affez pour fe tenir de conferue: qu'ils trouuoient à propos par cette raifon-là que le ¡our eftant venu on n'abbaifsát pas les voiles , & qu'on tirát quelques coups de canon pour aduertir les autres Vaif- feaux de faire la mefme chofe ; que j'efperois que certe nuit-là nous ne nous éloi- gnerions point tant les vns des autres que nous ne nous púflions voir le ¡our fui- uant : le Commandant me dit,Maiftre,fi vous croyez qu'il foit à propos,faites. le: ie l'executay , on tira, & en meíme temps les autres Vaiffeaux plierent au 但 les voiles, & prirent vers le Sud. A fix heures de nuit il venta fieftrangement , que ceux qui ne fe font pastrouuez en pareille rencontre, n'auroient jamais crù que le vent eut pù fouffler auec tant de force : le vent couroit toutes les pointes du compas; fi bien que nous ne pouuions juger de noftre route : noftre Vaifleau fut enfoncé dans l'eau fi auant, que les gens qui eftoientá la prouë en furent couuerts d’eau; il fembloit que toute la force du vent vint du haut enbas,& que le Vaiffeau | 4 F Dans ces τέ. contres , les Mariniers fe réjouyf- fent de voir l'eau fale & trouble ; car εἴ vne marquequ'il enrcíte peu dans le Vaif- lau. 42 CNO AG TE dcüt eftre englouty, nous en fümes quitte pour noftre grid Maft, que le ver emporta hors le bord, & le rópit quelques 3. pieds au deflus du Tillac: nous eftiôs aflez prés les vns des autres; mais nous nc pouuions pas nous faire entendre à caufe du grand vent; on appelle Houragan ces grands coups de vents, ils durent 7. ou 8. heures. Le vent commença apres à diminuer. Dansle temps qu'il fouffloit le plus fort , la mer eftoit vnie comme vne glace, commeficlle cut efte arreftée en cét eftat par quelque for- ce de dehors; mais quand le vent commengaà diminuer, elle dcuintfi orageufe, quil fembloit que le Vaiffeau falloit renuerfer Pen deffus deffous ; il en fut celle- ment remply d'eau, que nous en eúmes jufques à la hauteur de Ícpt pieds deuant que de nous en eftre apperceus : nous filmes trauailler toutes les pompes ; mais il fembloit qu'elle augmentoit pluftoft que de diminuer; nous nous crouuámes fort embaraffez , les pompes eftoient fi fales ر‎ qu'on ne pouuoit pomper , le poivre” les auoit bouchées; nous auions foixante pieces de canon de fer & de bronze dans le fonds dc cale , & au deffous du poivrc en grenier. Ces pieces, dans le grand mouuc- | ment du Vaifleau , en heurtant les vnes contre les autres, faifoient couler le poivre | le long de la calingue, & ce poivre bouchoit les conduits par lefquels l'eau deuoit fe rendre aux pompes; mais comme le Vaificau cftoit bon par deflous,nous ne perdimes pas courage , nous fifmes démonter les pompes pour les nettoyer, & apresa force de | pomper, l'eau commença d'en fortir plus trouble, & à diminuer , ce qui nous aug- menta le courage : noftre Maf nágeoit le long du cofte du Vaiffcau , ie le voulois conferuer ; mais i] fallut enfin ceder à l'imporcunité dela plufpart de mes gens, qui voulurent qu'on l’abandonnät. Atos A Lc matin nous regardámes de tous coftez , pour voir les Vaiffeaux qui nous fai- Íoient compagnie ; nous vifmes deuant nous le Middelburgh qui auoit perdu tous fes Mafts , hormis celuy d'Auant; nous eftions tous deux en fi mauuais-eftat , que nous ne púmes approcher νη de l'autre. Le Vaiffeau de Gouda nc paroiffoit point, & il y a bien apparence qu'il coula à fonds dans cette tempelte; car la nuit nous fümes portez vers vn endroit où l'eau nous parut fort noire; quelques-vns des noftres cn ayans puisé , nousdirent qu'ils y auoient trouue du poivre ; ce qui nous faifoit croire que nos deux Vaiffeaux f'eftoicnt perdus en ce lieu. Le Middelburgh enuoya fa Cha- loupe vers nous; elle arriuaàla pointe du ¡our fous la gallerie de noftre Vaiffeau ; leurs gens qui y eftoient nous appellerent , & nous fúmes fort eftonnez d'entendre leurs voix, ne croyans pas qu'il y eut du monde fi prés de nous; nous leur donnámes yn bout de corde, & le Maiftre monta aucc les autres : ils nous raconterent le mau- uais e(tat où ils eftoient , & nous le noftro ; ils fe plaignirent d'auoir perdu tous leurs Mafts , & que fi nous ne lesíccourions,ils ne pourroienr iamaisarriuer àterre: pour | nous , nous auions encore noftre Beau-pré & noftre Artimon , noftre Gaillardct & noflre grande Vergue رع‎ que j'auois fait defcendre jufques fur le bord du Vaiffeau ; de- uant que le Houragan fut venu ; au lieu que dans l'autre Vaiffcau , ilsl'auoient toü- jours tenué au haut du Matt, &ainfi l'auoient perdu; nous refolümes de donner à ceux de ce Vaiffeau noftre grande Vergue , noftre Maft de Hune & yn petit Mat de quatorze palmes que nous auions encore dans noftre Vaiflcau : ce qui leur donna du courage , & l’efperance de pouuoir gagner la terre. On demeura au 位 d'ac- cord , que chacun feroit la route qu'il pourroit pour arriuer à la Baye de fain- te Lucie dans l’Ifle de Madagafcar. Cela fut ainfi refolu, dans le Confeil qu'ontint dans la chambre du Capitaine; & à caufe que ie commandois l'Equipage, ce fut à moy à en porter le commandement ; les gens du Vaiffcau Py oppolerent, difans qu'ils auoient encore plus de neceflité de toutes chofes quele Vaiffeau de Middelburgh, عق‎ qu'ils ne fouffriroient point qu'on leur donnât ce qu'on leur auoit accordé : ie n'infi- Ray pas dauantage ; mais ie leur disauecdouceur , Camarados , prenez garde à ce que vous faites; fi nous laiffons icy le Vaiffeau de Middelburgh dans l’impuiffance où il eft , vous voyez bien qu'il ne peut pas faire le voyage, & qu'il faut qu'il periffe; car il n'a point dc voiles : nous faifons profeflion d’eftre Chreftiens, monftrons que nous DE BON TEKOLf:f. 43 le fommes par nos a&tions : Songez,ie vous prie, à ce que vous fouhaitteriez fi vous eftiez en leur place, δέ rendez-leur le mefme fecours que vous leur deman. deriez en pareille occafion. Ils &affemblerent ; & apres avoir delibere quelque- temps , ils me dirent ; Hé bien, noftre Maiftre, quand nous aurons rendu ce ferui- ce au Vaiffeau de Middelburgh , pourrons-nous nous feparer de luy : ie leur dis que [a chofe auoit efté ainf refoluë dans la chambre , ils ayderent alorsá tirer le Maft , & donnerent la grande Huniere aucc le petit Maft de quatorze palmes. Ceux de Middelburgh prirent congé de nous, & ramerent pour gagnerleur Vait- feau; apres auoir mis dans leur Chaloupe ce que nous leur auions donné; efperans qu'auec l'ayde de Dieu nous nous trouuerions enfemble dans la Baye de fainte Lucie. Nos gens me demanderent encore yne fois, pouuons-nous nous feparer d'cux :Ieleur dis و‎ ouy و‎ vous le pouuez. | Le vingt-deuxiéme , nous nous feparaàmes du Vaiffcau Middelburg , & tour- nàmes noftre route versl'Ile de Madagaícar د‎ qui eftoit la terre la plus proche. Le trentiéme nous en cúmesla veuè , & filmes voile le long de la terre : nous y vifmes quelques feux allumez : nous eftions felon noftre eftime ; à huirou neuf milles de la Baye de fainte Lucie du cofté de l'Eft, ὃς bien refolus de ne point quic- tcrla cofte à caufe du mauuais eftat de noftre Vaiffeau. Nous refolümes donc de Jetter l'Ancre à 25. braffes de fonds : la Chaloupe fut comandée cependátle long de la cofte, afin qu'allant ou à la rame ouála voile ; elle tàchát de trouuer cette Bayc. Ie me mis fur la Chaloupe ; & ie trouuay la Baye de fainte Lucie à neuf ou dix milles du lieu où le Vaiffeau auoit moüillé ; ie la fonday vers les pointes de la terre & de tous coftez , & trouuay que c'eftoit vne place fort propre pour noftre Vaifleau. Ie retournay au bord , où J'arriuay le iour fuiuant , & ie rendis compte de mon voyage. Onleual'Ancre, & on fit auffi-toft voile : nous arriuâmes dans la Baye ; ce qui nous donna beaucoup de joye, & nous obligea à remercier Dieu de la mifericorde qu'il nous auoit faite. rato! Le premier Auril, nous trouuámcs à propos de décharget le Vaiffeau ; & de drefler des tentes à terre pour y mettre les marchandifes à couuert,& pour débou- cher plus aisément les trous de nos pompes qui Peftoient remplies de poivre; mais comme j'allay à terre auec la Chaloupe 516 trouuay que la mer y brifoit fort rudement ; ce qui me fit croire qu'il n'eftoit pas à propos de débarquer les mar- chandifes,à caufe du danger qu'auroit couru la Chaloupe & noftre Batteau d'eftre brifez en pieces. On refolut de tirer du fonds de cale toutes les marchandifes qui y cftoient ; mais de ne les point tranfporter hors du Vaiffeau. Ce que nous fifmes: nous tirámes tout le poivre auec des facs; nous en emplimes la chambre de fainte Barbc,8z le haut du T illac;jufques à l'endroit du grad Maft;oü nous fifmes vne fe- paration,afin qu'il ne roulát point fur le dcuát du Vaiffeau. Nous nettoyàmes nos pompes, & les trous parlefquels l'eau y deuoit couler, faifans paffer des cordes du long de la calingue pour la mieux nettoyer : apres quoy nous remimes les marchandifes à fonds de cale. Nous primes apres celles qui eftoient reftées, ὃς les mifmes dans la chambre du Chafteau de deuant ; cependant nous traitions auecles Habitans, & nous leur demandions fiilsne nous feroient point trouuer quelque Maft : ilsnousle faifoient efperer; & les ayant pris auec nous, & nous eftant aduancez vers les bois ; ils nous monftrerent des arbres qui y eftoient pro- pres; & Poffrirent de nous ayder dans toutesles chofes qui auroient pú dépen- dre d'eux. I'y fus auec des Matelots , des haches & des fies : nous portàmes pro- che du Batteau la piece de bois qu'il nous falloit , & mifmes en befogne les Char- entiers : ils reclamperentle bout de cette piece de bois, qui auoit bien vingt- ibi pieds de long , fur le tronc du Maft que nous auions perdu. Nous eftions ainfi occupez à terre & dans le Vaiffeau à reparer les pertes que nous auions fouffertes : on trouua quelques fers propres pour faire des cordes. Le bruit f'cftendit bien auant dans le pays que nous eftions arriuez à Fa place; & 4 F1] 4 4. i VOYAGE E fur ce bruit , les Habitans accoururent de fort loin auec leurs troupeaux : ils dref- foientlcurs tentes proche de nous, & nous apportoient des pommes د‎ des citrons, & du lai&t , qu'ils faifoient boüillir deuant que de nous l'apporter ; de peur qu'il ne Paigrit; car en ce pays-làil fe corrompt en vn moment. Nous troquámes auec cux de leur beftail , & leurs pefcheurs nous apporterent à vendre & à troquer du poiffon : ce Peuple paroiffoit tout à fait affectionné à noftre Nation; ils nous fai. foient entendre qu'ils auoient des ennemis dans le pays, & que fi nous voulio ns lesayder à leur faire la guerre,ils auroiét fait pour noftre feruice tout ce que nous aurions defiré. Nous achetámes aufli d'eux de la cire & du miel, dont ils auoient abondance : ils nous dirent que leur Roy parloit Efpagnol, & qu'il demeuroit à vac journée de là : nous enuoyámes vers luy deux de nos Matelots auec vn jeune homme ,le Roy les receut bien; ils luy firent leur meffage, & luy demanderent du Rys à acheter : Il leur dit que cette année-là ils auoient efté fort tourmentez par les fauterelles , qui ancient mangé tout leur Rys : ce que ie crüs aisément; car eftant à terre;j en trouuay vnc fi grande quantité,qu'elles me vóloient de tous coftez fur le vifage, & m'empefchoient quafi de refpirer : ces Infeétes ont des ailes ; & eftans à terre, elles fautent comme-des autres faurerelles : les Habitans les prenoient , leur arrachoient les ailes , & les mangeoient apres les auoir fait brüler, nous inuitans à faire la mefme chofe ; mais noftre gouft ne Paccordoit point auccle leur. Le Roy vint auec nos deux Mariniers jufques à noftre bord ; il me fit prefent de quatre beftes à corne : ie luy donnay en recompenfe deux mouf- quets ; il nous dit qu'il ne nous pouuoit point fournir de Rys. Apres que nous cü- mes efté là onze ¡jours , noftre Commandant mourut : nous l’enterrâmes dans vne Ifle qui cft à l’emboucheurc dela Baye toute couuerte d'arbres , onle mit au picd d'vn des plus beaux & des plus verds , auec cét Epitaphe., La mort fuit les hommes par tout , perfonne ne fçait quand clle le doit prendre; ny fi on la doit rencontrer du co té du Midy ou de celuy du Couchant : Dieu feul le peut fçauoir ; mais celuy qui fe conforme à fa volonté, meurt content en quel- que lieu du monde où la mort le trouue. - Nos Moufquetaires firent trois fois leur defcharge fur fa foffe, & on tira du Vaiffeau cinq coups de canon. Cette ceremonie eftant acheuée ; nous nousmit- mes à trauailler à noftre Vaiffeau ; nos gens ne le faifoient pas aucc la diligence que noftre befoin le requeroit: & comme ie le connoiffois mieux que períonne,ie: les y exhortois tous les iours.Camarades,leur difois-je,faisôs du mieux qu'il nous fera potlible pour nous mettre en cftat de partir promptement ; ne perdons point de temps , puifque nous n'auons que pour huit mois de viures ; autrement, nous ferons obligez de retourner à Batauia. le fçauois bien qu'ils n'auoient. point cnuie d'y retourner ; il fallut enfin en venir aux groffes paroles & aux coups,com- meilarriue le plus fouuent en femblables occafions. 11 nous reftoit encore beau- coup à faire durant cetemps-là ; il me fembloit que j'eftois comme Scipion l'Af- friquain , lequel , ainfi que j'apprends, auoit accouftume de dire ; ie ne fuis jamais - plus occupé و‎ que lors que ie ne faisrien , & iamais moins feul que lors que ie fuis tout feul ; car toute la nuit n'eftoit pas trop longue pour fonger de quelle maniere J'employerois mes Matelots le ¡our fuiuant , fans leur donner fujet de fe plaindre : ic lesanimay de forte, qu'ilstrauaillerent de toutes leurs forces jufques au vingt- deuxiéme Auril , auquel temps nous nous trouuámes en eftar de pourfüiure noftre voyage. Nous emplimes nos bariques d'eau, & nos gens eurent autant de Pom. mes & de Cirrons qu'ils en púrent ferrer dans leurs coffres. Les Sauuages de ce pays-là font noirs pour la plufpart , quelques-vns ont les cheueux longs , d'autres les ont frifez comme la laine des brebis : les femmes les portent attachez fur leurs teftes par petites trouffes, elles les graiffent auec de l'huyle; ce qui fait qu'ils reluifent au Soleil. La plufpart des hommes en víent de la mefme façon, & n'ont rien qu'vn petit drap qui leur couure les parties hon- . DE BONN TEK O E., 45 teufes , quelques-vns mefmes vont tout à fait nuds. Le vingt-troifiéme , nous refolàmes de partir le ¡our fuiuant au matin ; auec le vent qui vient de terre ; mais la nuit à cette heure, deux de nos Mariniers qui fai- foient fentinelle , fen allerent auec noftre Efquif à terre, & pafferent du cofté des Negres, tellement que nous ne les púmes trouuer : cela nous eftonna fort; car ils nous auoient aydé à mettre noftre Vaiffeau en eftat de continuer le voya- gc & Peftoient enfuysla nui que nous deuions partir, pour viure parmy vn Peuple tout à fait barbare , qui n'auoit aucune connoiffance de Dieu ny de fes Commandemens : nous nous imaginámes qu'ils auoient eu commerce auec les femmes du pays, & qu'elles les auoient engagez à demeurer; car les femmes font de puiffans inftrumens pour perdre les hommes. Nous viímes là des petits enfans qui eftoient quafi blancs, auec des cheueux blonds ; nous crûmes qu'ils pouuoienc venir des Hollandois qui f'eftoient arreftez auparauant nous dans cette Baye. Les femmes auoient grande enuie de conuerfer auec nos gens; & fil eut. efté aufli fa- cile d'y auoir dela bierre & du vin que des femmes, nos affaires nc fe feroient pas trop aduancécs; car apres qu'ils auoient efté auec elles, ils retournoient à leur trauail (ans force و‎ comme fion leur eut rompu tousles os du corps. Ic peus dire cela de beaucoup, en exceptant roufiours ceux qui furent fages. Cette defertion de deux de nos Mariniers retarda encore noftre départ de deux iours, que nous employámesà les chercher dans le pays: nous les trouuámes enfin ; mais ils fen- fuyrent de nous; tellement que nous fúmes obligez de les là. Le vingt-cinquiéme Auril , nous fifmes voile aucc vn vent de terre : nous cou- rümes versle Sud , & nous cúmes affez beau temps jufques au dixiéme May , que le vent & le temps fe changerent ; le vent fe tourna vers l'Oüeft & le Sud- Oùcft. . Le vent Oüeft Sud-Oücft augmentoit toufiours de telle forte , que nous fuf- mes obligez d'abatre nos Hunieres , tirant au deffus de Madagafcar. Nous vimes le vingt-huitiéme de May la cofte de Terra de Natal ; nous y eümes beau temps: nous la quittàmes enfin , & nous trouuámes qu'vn grand courant vc- noit de la cofte , & nous portoit vers le Cap. Ce fut vne merucille de voir auec quelle vifteffe nous perdions la veuë de la terre; cela nous donna courage de paf- fer le Cap. La nuit, nous eúmes de l'orage , auec pluyes & broüillards; fi bien que nous fümes trois ou quatre jours auec vne feule voile ; le vent eftoit Oücft, auec de fi furieufes vagues و‎ que les membres du Vaiffeau en cra- quoient fouuent : fil euft efté moins fort , il ne feroit pas demeuré en- ucr. Le temps feftant vn peu appaisé , nous primes noftre chemin vers le Nord pour trouuer la cofte :le mauuais temps nous empefcha de pouuoir prendre la hauteur; & nous courúmes fi long-temps fur cette route, que nous vifmes la ter- re :le temps ffeftant éclaircy ; nous primes la hauteur, & trouuámes que nous eftions fous les trente-cinq degrez:ce qui nous fit juger que la terre que nous voyons eftoit celle du Cap des Aiguilles, qui eft fous cette hauteur. Nous nous éloignâmes aucc yn yent Oüeft Sud-Oücft و‎ accompagné de pluyes le vent de- uint fi fort, & les vagues rompoient en cét endroit fi rudement lcs vnes contre les autres, & contre noftre Vaiffcau , qu'il fembloit qu'elles le deuffent engloutir ; mais parla gracc de Dieu, nous nous en retirámes , quoy qu'il n'y eut pas d'appa- rence de l'efperer : cela dura quatre iours , au commencement nous n'auions qu'v- ne voile , nous en mifmes apres vne autre : noftre Vaiffeau eftoit fi rude, & rou- loit tant , que fans voile nous ne le pouuions tenir droit. Le fixiéme iour ,les vagues diminuerent , & nous eümes bon temps ; nous primes la hauteur, & latrouuámcs de trente-deux degrez feize minutes و‎ ce qui nous fit connoiftre que nous auions pafsé le Cap de,Bonne-Efperance ; caril eft fous les trente-qua- tre degrez & demy. Enfin , le temps deuint fi beau, qu'il nous fembla eftre paísés de l'Enfer en Paradis ; & au lieu qu'auparauant nous pouuions à peine efperer de 4 F ii] 46. VOYAGE paffer le Cap, que nous eftions dans vne grande tempefte le vent contraire, & que nous n'ozions porter que fort peu de voiles; nous les auions toutes alors , & nous les portiós le plus haut qu'on les puiffe porter: nous drefsàmes noftre coutfe vers l'Iflc de fainte Helene auec yn vent Sud-Eft, & eft Sud- Eft auec vn bon frais. Le quatorziéme , nous en cümes la yeué : nous cour(ümes tout pro- che de la coite, & découurimes la valée de l'Eglife où l'on fait eau. Nous vifmcs à la rade vne Caraque de Portugal : aufli-toft qu'elle nous eut découuerr, elle approcha de la terre à la diftance de la portée d'yn moufquet, ὃς débarqua du canon dont elle fit yne batterie : nous en approchámes auec le Vaiffeau nommé Hollande; mais la terre de cette Ile eft fi haute , qu'elle nous déroba le vent , & nous empefcha de l'aborder : nous auions deflein de couper fes ca- bles,& de l'attirer en mer : ce que nous euflions bien pú faire;car fa batterie eftoit fi haute , que noftre Vaiffeau fe pouuoit mettre deffous fans la craindre ; & fi nous euffions eu vn peu de bon-heur, nous nous en fuflions fans doute rendus les mai- tres: nous n'en púmes approcher plus prés que de la portée du moufquet ; nous armámes noftre Chaloupe , & noftre Marchand 2112م‎ vers eux auec vn pauillon de paix. Ils armerent leur Battcau , & vinrent au deuant de nos geps: ils nous demanderene d’où nous venions: nous leur dimes de laua , & que nous auions perdu noftre compagnie , que nous attendions d'heure en heure : ils dirent aux noftres qu'ils venoient de Goa. Nous leur demandámes en fuite fils nous vouloient permettre de faire eau en ce lieu, que nous en auions befoin: fur cela ils fe mirent à crier , anda pero ands canaglia و‎ & autres injures. Nos gens retournerent à bord auec la Chaloupe ; & nous raconterent ce qui feltoit 22156. Nous tinfmes confeil de ce que nous auions à faire; on trouua à propos de leur enuoyer vne feconde fois la Chaloupe , pour fçauoir d'eux fils nous vou- loient permettre de faire eau,ou non : que fils perfiftoient à nous refufer,la Cha- loupe reuiendroit au Vaiffeau : que nous tiendrions yn horloge de fable ; & que fi dans le temps qu'il fe feroit écoulé, ils ne nous accordoient point noftre demande, nous mettrions le feu à leur Caraque. Noftre Chaloupe y retourna auec vn fignal de paix; ils la vinrent rencótrer auec leur Batteau : vn Moyne qui cftoit dedans,le Froc enfoncé jufques fur les yeux,nous répódit;R etirez-yous d'icy,nous ne voulós point auoir de cómerce auec des heretiques.Les gens de la Chaloupe cftát retour. nez à bord,nous dirét ce qui f'eftoit :2156م‎ nous fifmes sóner la cloche,on fit la prie- re,on tourna l’horloge; & aufli-toft que la demye heure fut écoulée,nous nous mi. mes à tirer contre la Caraque auec nos onze demy canons : tous nos coups por- toient ; car fon Chafteau de deuant eftoit auffi haut que la Hune de noftre Maft de deuarit, quoy que noftre Vaiffeau fut de mille tonneaux : ils ne tiroient prefe que point de la Caraque ; mais la batterie qu'ils auoient drefsée à terre faifoit feu continuellement fur nous, & nous incommodoient beaucoup :tous leurs coups portoient au deffus de l’eau, deux, trois, & quatre pieds; tellement que nousap- prchendámes qu'à la fin ils ne nous coulaffent à fonds. Nous cümes quelques-vns de nos gens bleffez , & nommément noftre fecond Pilote, qui eutles deux jambes emportées. I] vefcut encore quelque temps apres; & voyans que nous ne pouuions demeurer là , nous refolúmes d'approcher de la terre , & de nous mettre à couuert des roches qui y font; nous en approchámes jufques à vn jet de pierre. La nuit cftant venue , nous fifmes venir dans la chambre tous les Officiers ; on demanda au Boutcillier combien nous.auions encore d’eau : nous filmes noftre compte für fa réponfe , & trouuâmes que nous ne pouuions pas donner dauantage que quatre demy-feptiers chaque iour. Les Officiers demanderent à nos gens ce qu'il leur fembloit , fils vouloient combattre comme des defefperez contre nos ennemys , qui eftoient maiftres de la feule place où nous pouuions auoir de l'eau, ou f'ils trouuoient mieux de continuer noftre voyage vers la Patrie , & fe paffer de quatre demy feptiers d’eau par iour. Ils répondirent tous d'yne voix;qu'il eftoit "AR DE BONTEKO E. 47 meilleur de continuer le voyage, & fe paffer de cette quantité d'eau : neus leuâmes noftre Ancre pour mettre à la voile; mais le matin comme nous eltions approchcz pour prendre quelques rafraichiflemens à terre, les Efpagnols parurent , & tirerent quelques coups de moufquet fur nous , fans toutesfois nous faire aucun dómage. Si nous cuflions demcurez vne heure pluslong-tépsíous la cofte, nous courions rifque dc perdre beaucoup de monde. Cette Caraque, à ce que Jay appris depuis; coulaà fonds des coups que nous luyauions donnez. Six Vaifleaux Hollandoisvinrentapres nous au mcíme endroit pour fe rafraichir, ils en virent le debris. Les Efpagnols auoient fauué à terre les marchandifes, le mieux qu'ils auoient pú, & auoient fait vne batterie de leurs canons: cette batterie fit fi grand feu fur les fix Vaiffeaux, qu'ils ne pürent point mettre leur monde à terre, & ils furent obligez de partir fans rafraî- chiffemens. Nous tournámes noftre route vers l'Ifle de l'A(cenfion , aucc vn bon vent , qui nous fit beaucoup aduancer. Nous ne vifmes point certe Ifle, nous apper- ccümcs feulement vn grand nombre d'oyfeaux de mer; ce qui nous fit croire que nous en eftions proche : le vent augmenta fi fort, qu'il fallut enfin nous en éloigner pour paffer la ligne: ceque nous fifmes fans aucune difficulté; au licu que dans le premier voyage , nous aujons employé fix femaines à la paflerà caufe des calmes , des trauades, des coups de vent, & dela pluye, dont nous fu(mestourmentez, Le douziéme de Septembre, trois mois trois iours apres auoir quitté lle de fain- το Helene , nous arriuámes fous la hauteur de vingt-quatre degrez trente-quatre minutes de Latitude Nord. Nous commengáàmes àauoir le temps mcilleur fous ce parage ; nous nous mifmes à nettoyer noftre Vaiffcau parle dehors ,où il feBoit at- tache du limon , efperant qu'eftant plus net il en iroit mieux à la voile. Le treiziéme ,nous eümcs beau temps & vn petit frais: le vent eftoic ΕΠ Sud-Eft, & noltre courfe Nord-Eltau Nord. Le quinziéme, le vent eltoit Sud Sud-Oiieft ; nous continuámes la meme courfe, & nous nous trouuámes fous le vingr-huitiéme degré. Le feiziéme , nous vifmes beaucoup de cette herbe qui croit dansla mer; noftre courfe eftoit comme auparauant , le vent Sud-Oücft; nousaduancions beaucoup. Le dix-feptiéme , nous nous trouuámes fous la hauteur de trente degrez quaran- τος huit minutes, le venteftoitinconftant ; la nuit il fe trouua Nord- Eft à ἘΠ, auec tonners & éclairs. Le dix huitiéme , nous ne púmes point prendre la hauteur, à caufe du mauuais temps. Lc dix-ncufiéme, il fit vn fi grand'vent Sud Sud-Oücft, que nous fümes obligez d'abbattre toutes nos voiles : nous pafsàmes ainfila nuit. Sur le iour, le vent dimi- nua , & nous fifmes voile. Le vingtiéme , hauteur trente-cinq degrez treize minutes. Le vingt-quatriéme , hauteur quarante-trois degrez douze minutes. Le vingt-feptiéme ,le vent fut Sud-Oüeft , noftre couríe Nord-Eft au Nord. Le matin, vn Pigeon vint vôler fur noftre Vaiffcau ; nos gens qui aucient grande enuie de le prendre,firent grand bruit; ce qui l’effaroucha, il 'enuola;& tomba affez prés du Vaiffeau dans la mer; la hauteur cítoit عل‎ quarante-quatre degrez 35. minutes. Le premier O&obrele temps eftoit beau, le vent Eft Sud- Eft; noftre route Nord- Eft au Nord; nous nous crouuâmes fousles huit degrez de hauteur, qui eft celle de l'Ile de Heyffant. Lc deuxiéme au matin , nous vifmes vne voile qui pouuoit eftre éloignée de trois milles de nous, du cofté du Nord-Eft. Nous miímes toutes nos voiles, & courümesa- pres. Sur le midy, elle vint à nous ;c'eftoit vn Anglois qui venoit de rerre- Neuuc : nous achetámes de luy deux milliers de mollués ; nous inuitàmes le Maiftre de venir à noftre bord, noftre route cftoit vers Eft; & Eft au Sud , letemps humide & difposé à la pluye. Lc quatriéme ,cét Anglois retourna encore à noftre bord ; nous le traitámes le 48. VOYAGE mieux que nous pümes ; nous trouuámes quarante-neuf degrez quarante-fix minu- tes de hauteur. Le cinquiéme, il fit grand vent de Sud Sud-Oiieft. Le fixiéme, nous vifmes deux voiles, vne deuant nous , & l'autre derriere; leur courfe eltoit Sud-Eft pour entrer dans le canal, la hauteur cinquante degrez vingt minutes, Le feptiéme , beautemps, le vent Sud ; noftre courfe Eft Sud-Eft. Le huitiéme ,la hauteur quarante-neuf degrez quarante-deux minutes,le vent comme auparauant; il fe tourna vers l'Oüeft , nous courümes Sud-Eft à l'Eft; nous jertámes la fonde; comme nous auions fait quelques iours auparauant ; mais nous ne trouuâmes point de fonds. Le Capitaine Strijcker mourut, il commandoit la Solda- tcíque , homme fage , aduisé, & fort experimente dansles chofes de la guerre, Le dixiéme au foir, nous trouuâmes fonds à foixante & dix braffes. L'onziéme , noustrouuâmes fonds à la mefme profondeur, & fur le foir à foixan- te braffes, le fonds.eftoit de fable : hauteur quarante-neuf degrez cinquante-cinq minutes, le vent Sud, la courfe Eft au Nord , cirant vn peu dauantage vers le Nord-Eft. Le douziéme , noustrouuámesle fonds à cinquante braffes, & nous continuámes de quatre heures en quatre heures de jetterle plomb ; nous eümes cinquante و‎ cin- quantc-deux , & cinquante-trois brafles, la nuit cinquante-fix & foixante ,le fonds partout d’vn fable gris blanc, & quelquefois noir. Nous vifmes vn Vaifleau qui ve- noit vers nous ; mais le broüillard eftoit fi grand, que nous le perdimes auffi-toft de veué. Le jour fuiuant ,le vent eftoit Eft, auec neiges, broüillards, & breüine. Deux ou trois jours aprcs nous vifmesla terre , que noustrouuàmescftre celle d'Irlande : nous entrámes à Kinfael , où nous rencontrámes vn Vaiffeau du Roy d'Angleterre; qui auoit deux batteries ou deux rangs de canon l’vn fur l'autre. Ie fçauois que la Compagnie des Indes Orientales eftoit en paix auec les Anglois ; mais ie ne laiffay pas pourtant d'auoir quelque repugnance de permettre à mes gens d'aller à terre,ap- prehendant quelque fupercherie du cofté de ce Vaiffeau : ie me mis proche de luy du cofté de la mer, aucc pensée, fil nous faifoit quelque infulte , de nous mettre plusfa- cilement en mer; & il nous fuiuoit de l'attendre:le mefme ¡our ie fus à fon bord; ie demanday au Commandant, fil n'auoit point d'ordre de nous faire quelque tort; il me répondit que non : le l'inuitay de paffer dans noftre Vaiffeau; il y vint & nous parut n'auoir point de deffein contre nous; neantmoins, ie ne my fiois pas; ie fisac- commoder à diner àterre , & le priay de fy trouuer : nous beümes enfemble ; & dans la gayeté de la bonne chere ; ie luy demanday encore vne fois, fil n'auoit point d'ordre de nous attaquer. Il me dit que non, & adjoûta qu'aufli toft que nous eftions arrivez dans ce Port, il auoit écrit en Angleterre, & qu'il n'auoit receu aucune ordre: auectout cela, ie ne m'y fiois point: cependant , deux Vaiffeaux de conuoy vinrentà nous; ils croifoient ces mers-là pour nous trouuer, fur ce qu'ils anoient appris que nous y eftions. Cette rencontre me raffeura fort ; mais mes gens fe trouuoient fi bien terre, qu'il n'y auoit point moyen de les faire retourner au Vaiffeau. l'employois toute forte de raifons pour les perfuader,ie leur difois que les iours eftoient courts,que l'Hyuerap- prochoit,que noftre Vaifleau eftoit fale: ieleur monftrois le danger qu'il y auoit d'ap- procher des terres dans ce temps,auec vn vaiffcau fi chargé qu'eftoit le noftre ; ils n'e- coutoient point mes raifons, & demeuroient à terre, faifant la débauche auec la met- me feurete que f'ils euffent efté dans leur propre pays. Ie m’aduifay enfin d'aller trou- uer le Maire de la Ville, & luy demanday fil ne fçauoit point quelque moyen de les obliger de veniràbord: il me dit qu'il n'en fçauoit point ; mais apres que j cus regale fa femme d'yne petite piece de toile fine, comme ie luy fisapres la mefine in- ftance , il me dit qu'il en viendroit bien à bout. Il fit fonner à fon de trompe dans la Ville, que fi quelqu'yn des Hollandois qui eftoient venus fur le Vaiffeau des Indes | εν ὦ .. Orientales, P DE BONTEKO E. | 49 Orientales deuoit à fon hofte plus de feptfchellings,il ne payeroit pointle furplus. La plufpart auoient dépensé dauantage, & leurs hoftes par cer intereft les chafle- rent hors de chez eux, auec cela ils auoient de la peine à fe refoudre à s'embarquer; pour les y obliger ic fis leuer les ancres, mettre les yoilesau vent, & auancer le Vaiflcau vers l'entréedu Port; vous leseuffiez vü alors venir de touscoftez à mon Vaiffeau; & leurs hoftes ὃς hofteffes courant apres, & demandant leur argent : Ie fis payer ce que chacun d'eux deuoit,& fis écrire en mefme temps la fomme deffus leur compte;ainfi ie me retrouuay auec tout mon équipage dans le Vaifleau,a l'exceptió de trois ou quatre qui seftoient engagez auec des femmes, auec qui ils fe marie- rent. le me mis àla voileauecles deux Vaiffeaux de Conuoy , & nousarriuámesle 16. Nouembre en Zelande, dont ie dois mille loüanges à Dieu qui m'a tiré de tous les dangers que ie viens de décrire,& où ie me fuis trouué l'efpace de fept ans moins vn mois qu'a duré ce voyage. Pen deuroisfinir icy la Relation; maisil faut aupara- uant que ie reprenne ce que j'auois dit du Vaiffeau le Midelbourg qui s'eftoit fe- aré de nous le 2. Mars 1625. en fort mauuais eftat , apresauoir concerté auec nous d'aller chercher la Baye de fainte Lucie ; nous y arriuâmes le31. & en partimes le 25. d'Auril,fans auoir appris aucune nouuclle de ceVaiffeau.Ie raporteray icy ce qu'on enaíceu depuis:Les habitansde la Baye de fainte Lucie nous firét entendre, qu'il y auoit vn Vaiffeau dans la Baye d'Antongil ; mais nous ne fçauions pas fi c'eftoit ce- luy-là ou vn autre. Nous partimes auec efperäce de le rencontrer en l'Ifle de fainte Helene:la Caraque d'Efpagne que nous y trouuámes, ne nous permit pas de nous y arrefter. On trouua depuis des Lettres au Cap de Bonne-Efperance ; que ceux du . Vaiffeau le Middelbourg y auoit laifstes; comme les Vaiffeaux ont couftume de faire; elles portoient qu'ils auoient tafché d'entrer dansla Baye de fainte Lucie, fe- lon le concert qui auoit efté pris auec nous; qu'ils eftoient defcendus trop bas, & auoient efté contraints d'entrer dans la Baye d'Antongile ; où ils auoient pouruú leur Vaiffcau de toutes les chofesneceffaires pour continuer leur voyagesque quel- ques-vns de leurs gens y cftoient morts,entre-autres Guillaume Cornelisz-Schou- ten. Telle fut la fin de ce grád Homme, qui auoit eu affez de refolution pour entre- prendre de découurir des Mers inconnus , & faire le tour du Monde. C'eft pour l'amour de luy , qui cftoit mon amy intime , que jay inferé ce que ic viens de dire du Vaificau le Middelbourg. Ces mefmes Lettres portoient d'autres particularitez de leur voyage, du temps | qu'ils y demeurerent,en quel eftat,& en quel téps ilsen partirent.Depuis,on n'en a point eu de nouuelles certaines. Ces Portugais ont dit qu'il fut attaqué à l’Ifle de fainteHelene par deux Caraques,qu'il fe deffenditbien,& mit le feu à l’vne à coups “de canon, que l'autre Caráque vint au fecours de celle-cy pour efteindre le feu, & l'efteignit eneffet ; maisque comme lesPortugais craignoient d'eftre jettez fur les roches qui font proche de l'Itle,la nuit arriuat, ils s'en feparerét, & le laifferet aller. “Quoy quil en foit, la confideration de fa perte m'oblige encore à rendre de nou- -uellesgracesà Dieu, de ce quil m'atirt auecle Vaiffeau Hollande de ces mefmes perils oú l'autre Peft perdu. G 50 LA TERRE AVSTRALE RARÉERENER SEE ER ERRREENEEENRRENENERLESES ENSENVERETS $2$ LA TERRE AVSTRALE DESCOVVERTE PAR LE Capitaine Pelfart, qui y fait naufrage. wn Es Dircéteurs de la Compagnie des Indes Orientales,animez par l'heureux LE retour des cinq Vaiffeaux du General Carpentier, richement chargez , fi- ET rent armer la mefme année 1629. vne Flotte de onze Vaiffeaux pour le mefme voyage; & entre-autres le Vaifleau nommé Battauia, fous le commande: ment de François Pelfart. Il partit du Texelle 28. OGobre del'année 1628. Ie pal feray fousfilence le Iournal de fa Nauigation jufqu'au Cap de Bonne-Efperance, de peur d'ennuyer leLe&eur par le recit d'vne chofe aufli connué que l’eft cette route. Ie diray feulement que le quatriéme Iuin de l'année fuiuante 1629. ce Vaifz feau Battauia qui auoit efté feparé des autres par la tempefte; fut porté fur des abrollos qui font fous la hauteur de vingt-hui& degrez latitude Sud, appellez p ar nos Flamands lesabrol Hos ou roches de Frederic Outman. Pelfart qui eftoit au li& malade, fentit d'abord que fon Vaiffeau touchoit : il eftoit nuiét, mais il faifoit | vn grand clair de Lune & vn bon temps; il court fur le tillac ; iltrouue toutes les | voiles hautes, la route Nordeft au Nord, & autant que la veüe le pouuoit eftendre | il fe voit enuiróc d'vne écume épaiffe : il crie le Maiftre du Nauire, il luy reproche | qu'il eft la caufe de leur perte; l'autre Pen excufe, dit qu'il a fait bon quart, & qu'ayant de loin remarqué la blancheur de cette écume , & demandé à fon Matelot. ou camarade ce que fe pouuoit eftrc , il luy auoit répondu que cette blancheur ve= noit des rayons de la Lune : On demande ce qu'il eft befoin de faire, & en quel en- | droit du monde cft le Vaiffeau ; il répond que Dieu feul le fcait , & qu'ils font fut vn banc inconnu :on Jette la fonde; on trouue au derriere du Vaiffeau dix-hui pieds d'eau, & au deuant beaucoup moins: ils tomberent d'accord de jetrer hors lel bord leurs canons, efperant que le Vaiffeau en eftant décharge, il fe pourroit met= | tre plus aisément à flot : cependant, ils jettent vn ancre ; mais dans ce temps, il séleua vne orage de pluye & de vent; ce fut alors qu'ils connurent tout le danger où ils eftoient, & qu'ils fe virent entre des rochers & des bancs, contre lefquels leur | Vaiffeau heurtoit à tous coups; cela les fit refoudre à couper leur grand Maft;qui- augmentoit la fecouffe du Vaiffeau ; mais quoy qu'ils l'euffent couppé vers le pied, | il'fe trouua tellement engagé entre les Manœuures du Vaiffeau ; qu'il y demeura ; toufioursattaché. Ils ne voyoient point de terre que la mer ne couurit,finon vne 和 Ifle, dont felon leur eftime ils pouuoient eftre éloignez de trois lieués, & deux au- 1 tres moins grandes, ou pluftoft deux rochers , qui en eftoient encore plus proches; Pon y enuoya le Maiftre du Nauire pour les reconnoiftre, il reuint fur les neuf. heures , & rapporta que la mer ne lescouuroit point; mais qu'à caufe desrochers 8 des bancs, l’abord en feroit difficile; ils fe refolurent d'en courir le rifque, & de. faire porterà terre les gens du Vaiffeau pour fatisfaire aux cris des femmes, des. La faute et enfans, aux plaintes des malades , & au defefpoir des plus timides: on les embarz- Lie A que dans la chalouppe, & dans l’efquif: fur les dix heures du 2 ἢ fapperceùt l'on mer le que le Vaiffeau eftoit entre-ouuert; ils redoublent leur diligence pour tirer le P affi águibe pain de la foute , &le porter fur le tillac ;car pour ce qui eft de l'eau, ils ne fon l'endroit où geoient pas qu'ils en peuffent avoir de befoin à terre dans l'extremite de ce . Pon met les danger ; ce qui le retardoit le plus fut la brutalité de plufieurs de l’equipa=. UNE ge , qui fe gorgerent de vin qui eftoit à l'abandon : fi bien que l'on ne pit lafoute des faire cette journée-là quetrois voyages, & porterà terre enuiron cent quatre- poudres, vingt perfonnes, vingt barils de pain, & quelques petits barilsd'eau. Le Maiftre À vint fur le foir au Vaiffeau , & dit au Commandant qu'il eftoit inutil de porter da uantage de viures dans l’Ifle , que ceux de l'Equipageles diffipoient ; Pelfart y paffe dansla Chalouppe pour y mettre ordre, il s qu'il n'y auoit point d’eau dans | n uh sx < > : CE de Wa lande deterüt 1629. 一 454 FRSITTITÀ Ue يي‎ Berrjle Anno by * Turtelduyf IGNE ؛‎ RE ges | Bias cuby هموك‎ GER can e cuy Fa S - por vargyl 7 no go zw. y SV Zen S soghcizjlande jt es‏ بع y vt ur «4‏ do Fes, 3‏ ير Daya uan: Diemen —f IR D c 5 712071071 DE de ma deett 1644. c t Landeuan P. Nugm, opgedaanmer her gulden zeepaerdt- uan Middelburgh 16.lanuarj Anno 1627 % os € e "a 1S: pd. Ist Franans n Riuizr Vanspeule Exe iu Patania \ "ater Planty Ruuter ven | PEN: \ Vercenigde Riuer \ vg Hier Nassau TARTA laten ΤῊΣ ater plaets \ È \ 8 Cote ] "i van Tiene Van Diemens Ria 1 À Mast ere - ! 10 zt er Con N o APRICORNE ed ag” " 5 Terre de Dicmens decouu erte le 24 nouembre 1 Teli, 7 7 ey, ANA ag Hope LTÉE pu du de werhan È E tera 0 D Yay pent GO gU a 2 QVINOC = os TERR \ decouuerte Lan 1644. . y TIADE - | E 7 Var TR ALE 7 A / ES / À ——— M Hi VA dial .. es | سلطانجم سلطانبايزيد Ob‏ | 和 一 -一 一 一 一 一 一 一 一 一 一 — —— سلطان يصطفي 三 一 一 一 Lol سلطان عبد الله سلطانعلمشاه سلطان سليمشاه سلطانعمودٍ سلطانقورقود سلطاناحمد‎ AGUA | سلطا نسليمانخانغازنى سلطانعبدالله ‏ سلطان رست od qu‏ سلطانسليمخان سلطانبايزيد سلطانخمد MS‏ 2 | سلطانسادخان! | سلطانخمدنخان ous OUS. dell‏ سلطان pe‏ سلطان سراد سلطان volte‏ | eas OL. 一 一 -一 一 一 一 一 一 一 一 人 all, llle ia οἱ hill) < blica! lalo ابورنصورفضي ل السترش د بالله‎ ver Ὡραία, راشدبالله‎ SOR ios lus les) É EE | dii ل لام‎ A Sela Di احمد الناصرلد ين‎ all اليه‎ pla البا رملا‎ dl ba, il o abl on balsa here Gitai hei O جاع حمدغياث النيأوادين بوالظفرقلس‎ il lies - [VPN EN REN TERRE e RECENTE i ^ Pa fa مسج‎ Allo e RENT bal el, ei de E i né Ξ e ——— +++fX. -΄------- —— — —— — ———— . ποὺς EY lu “as m Ja πὸ SE دعدا الدوله‎ sca lj ريملان سلطا الدوله‎ ERN Sem) droit eret DESCOVVERTE PAR LE CAP. PLESART. si Τῆς ; & comme il rcuenoit pour y en faire tranfporter aucc lesmarchandifes les plus precicufes du Vaiffeau il scleua vn grand vent qui l'obligea de relàcher au lieu d'où il cftoit party. B Toutle cinquiéme iour du meíme mois fut employé à tranfporter de l'eau & des marchandites à terre; le Commandant dans l'É(quit& le Maiftre dans la Cha- louppe voulurent retourner au Vaiffeau , mais ils trouucrent que la mer brifoit 11 rudement contre, qu'il cftoitimpoflible d'en aborder ;le Charpentier fe jetta hors du Vaiffeau à la nàge pour les venir trouuer , & leur dire l'extremité ou ils eltoient : on le renuoye او‎ auec ordre de dire à ceux qui y cftojent reftez, qu'ils ramaffaffent le plus de planches qu'ils pourroient » qu'ils les attachaf- fent enfemble, & les jettaffent à la mer afin qu'on les püt repefcher & faire des priollaà- nágcoiresa la Chalouppe ou à l'Efquif:mais le mauuais temps au gmentatoufiours, dois du & obligea le Commandant de retourner à l'Ifle,laiffant aucc vne grande douleur Le M ‘fon Licurenant & foixante & dix hommes dans le Vaiffcau à la vcille de fe per- planches ac- “dre : ceux qui eftoient paffez dans la petite Ifle, n'eftoient pas en beaucoup MET nei | leur eftat; car ayant fait le compte de leur eau, ils n'en treuuerent qu'enuiron qua- que ἢ a | tre-vingt pintes pour quarante perfonnes qu'ils eftoient : ils en auoient encore 12106 allet beaucoup moins dans la grande Ifle, où cent quatre-yingts hommes seftorent fat oft d !'uez : ceux de la petite Mie murmurent, & fe plaignent “de ce que les Officiers ne de l'autre, vont pas chercher de l'eau dans les Ifles voifines; on reprefente la neceflité de ie EU on P faire a Pelfarc : il fe rend à leurs remonftrances; mais il leur dit qu 'auparauant de plus droit - È partir , il veut communiquer cette refolution àl'autre pronppes s il euft dela peine conte la t à les y faire confentir car le Maiftre du Vaiffeau apprehend doitque ceux de cette ToC | trouppene le retinffent aueceux : ils luy accorderent enfin , apres qu'il le fut ex [ i pliqué qu'il ne pouuoit pas fans le confentement de cette Eouppe aller che eo i ide l'eau, &qu autrement il eftoic refolu de mourir auprés de fon Vaifleau ; mais quand il fut proche del’ Itle;celuy qui commandoit le Batteau luy dit,que fil auoit | quelque chofe à dire il le pouuoit crier, & qu'il ne fouffriroit pas qu'il fortit du Batteau: comme le Commandant fe voulut jetter à l'eau pour gagner l'Ifle;il le re- tint, & cómanda à les gens de ramer & de Pen éloigner;ainf il fut obligé de retour- | ner , apres class ces mots écrits fur la fucille d'vne tablette, qu'il partoit auec l'Efquif pour chercher de l'eau dans les terres ou Ifles qu'il trouucroit les plus proches ; 115 en chercherent d'abord le Tong des coftes des Tílés ; ils trouuerent - bien de l’eau dans quelques creux des roches de ces files, mais l’eau de la mer qui - brife contre Py eftoit melée , & par cette raifon elle n'eftoit pas propre à leurs be- foins, cela les fit refoudre d'en aller chercher plus loin. Ils firét vn pont à leur Batteauicar ils n'auroiét pas pù fairecette Nauigatió das vh Fiteanvà hi 3 b (t " bátimét decouuert. Il leur vint encore quelques-vns de l'Equipage qui fe joignirét » pont, c'cítà A | | i dire ils cou- à leur trouppe pour le mefme deflein : & apresqu ’ileut fait foufcrire cette refolu- 4,5. leur | tion par tous ceux de fa tr ouppe;ils le miret à la mer, δ prir ent hauteur qu'ils trou- bartean,ain= i uerét de vinge-hui& degrez treize minutes; Ils eurét quelque-téps apres la vent de s EN ١ lacerre-ferme, elle gifoitfelonleur eftimeà fix millesau Nord-quart-à-l'Oüeft du deux pouss; | lieu oi ilsauoient fait naufrage; ilstrouuerent vingt-cinq ou trente brafles d’eau; 2 ' & comme la nui& approchoit , ils féloignerent de la cofte qu'ils reuinrent cher- JN "cher apres minuit. Le neufiéme matin ils eftoient à trois millesde lacofte, felon leur eftime ; ils firent cette journée-là quatre oucinq milles en plufieurs bordées, à tantoft au Nord; tantoft à à l'Oüeft, la cofte gift Nord quatro à-l'Oüeft ; ale eft 0 Blc Ἢ Dire. : ip virent vne petite Li , & au fonds des GE : ils Eur "entrer dedans ; mais comme ils en approcherent, ils trouuerent que la mer brifoit ١ trop rudemét ; & le temps deuenät plus fâcheux;ils furent obligez de Pen cloigner. ^ Le dixiéme, ils fc tinrent fous le mefme parage; louianttantoft d'vne bordée, à tantoft de l'autre : enfin, la mer eftant fort agitée ; ils fe refolurent d'abandonner 4 G 1) Sauuages de la terre Au- rale. 52 LA TERRE AVSTRALE leur Chalouppe , & mefme de jetter vne partie du pain qui eftoit dans leur Bat: teau, qui les empefchoit de tirer l'eau qu'il faifoit de tous coftez. Il pleüt beau- coup cette nuiét-la , & ils efpererent que leurs gens eftans demeurez dans les Mes; entireroient yn grand foùlagement. Le onziéme, le vent f'appaifa; il eftoit Oücft- Sud-Oücft : ils prirent leur route versle Nord ; car la mer qui cftoit fort agitéc,les obligeoit à féloigner des terres. Le douziéme, ils prirent hauteur ,la trouuerent de vingt-fept degrez: ils coururent le long de la cofte par vn Sud-Eft ; mais ils ne l'a pürent aborder tant elle eftoit elcarpee, fans aucune anfe ny terre au deuant comme il f'en trouue ordinairement deuant les coftes ; de loin, la terre leur parut fertile & pleine d'herbes. Le treiziéme, ils prirent hauteur de vingt-cinq degrez quarante minutes,ce qui leur fit connoiftre que le courant de l'eau lesauoit portez versle Nord, la ils fe trouuerent vis-à-vis dvne ouuerture où la cofte gift Nord- Eft; leur courfe ce jour-là fut vers le Nord, la cofte eftoit dvne roche rouge tou- te d'vne mefme hauteur fans aucune terre au deuant,& à caufe des vagues qui rom- poient contre , il leur füt impoflible d'y aborder. Le quatorziéme bon frais au matin, qui calma fur le haut du iour, la hauteur vingt-quatre degrez, le vent Eft : les marées les portoient plus qu'ils ne vouloient vers le Nord ; car leur deffein eftoit de chercher vne defcente, ὃς faifoient par cet- tc raifon petites voilesle long de cette colte; & ayant de loin apperceu de la fu- mec , ils ramerent vers le lieu où ils l'a voyoient, efperant d'y trouuer des hom- mes, & par confequent de l'eau : ils trouuerent que la cofte eftoit efcarpée, plei- ne de roches, & la mer fort groffe , ce qui leur firent perdre l’efperance d'en pou- uoir aborder ; enfin , fix de leurs hommes fe fans fur l'addreffe qu'ils auoient à nà- ger ,fauterent hors le bord, & auec beaucoup de peine & de dangers gagnerent enfin la terre, le Batteau demeurant cependant à l'ancre à vingt-cinq braffes عل‎ fonds : ces gens employerent tout ce iour à chercher de l'eau ; & cependant qu'ils alloient d’yn cofté & d'autre pour en chercher, ils apperceurent quatre hommes qui Papprochoient d'eux à quatre pattes; vn de nos gens ayant paru proche d'eux fur yne hauteur , ils fe leuerent & prirent la fuite; en forte que ceux-mefmes qui eftoient dans 1 Efquif les pürent voir fort diftinétement. Ces hommes font fauua- ges, noirs, tout à fait nuds, ne couurans pas mefme les parties que prefque tous les autres Sauuagesfe couurent ; n'y ayant plus d'efperance de trouuer là de l'eau , ils rcuinrent au Batteau à la nage , bleflez & meurtrisdes coups qu'ils auoientreceus des vagues & des rochers; on leua l'ancre , on continua de faire petites voiles touf- iours le long de la cofte, fe tenant neantmoins hors des battures, & cfperanttrou- uer quelque lieu plus propre pour l'aborder. Le quinziéme fur le matin, ils découurirent vn Cap, & à fa pointe vn recif ou chaine de rochers qui pouffoient bien vn milen mer, & vn autre recif le long de la ' pe 5 colte; ils entrerententre ces roches à caufe que la mer leur y paroiffoit peu agitée; | mais ils trouuerent que ces rochers faifoiét yn cul de fac,& qu'il n'y auoit point de fortie.Sur le midy,ils virent vne ouuerture où la mer cftoit affez tranquille;mais il cftoit dangereux de f'y engager,car il n'auoit pas plus de deux pieds d'eau,& beau- coup de pierres; tout le long de cette cofte cít fur le deuant vne table de fable qui peut auoir yn mil de largeur. Eftans arriuez à terre, l'onfe mit à creufer des puits dans cette auant-cofte ; mais l'eau qu'ils y trouuerent eftoit fallée : à la finjon trou- ua dans les pierres creufes du rocher , de l'eau douce de pluye,ce qui leur füt vn grand fecours ; ils fe mourroient de foif, & n'auoienteu pour ration lesiours pre- cedens qu'vn peu plusde demy-feptier d'eau; ilsen ramaflerent bien cent foixante pintes durant toute la nui& qu'ils y demeurerent; il y auoit eu quelque-temps au- ——— NEUE, parauant desSauuagesen cét endroit, car ils y trouuerent des reftes d'écreuiffes& — des cendres. Le 16. au/matin , ils refolurent de retourner encore à terre , dans l'efperancede 4 rU] 0 可 2: sed pouuoir ramaffer vne plus grande quátité d'eau dans les roches puisqu'il ne leur res - “herbes ny arbressoù ils ne voyoient que degrands tas de fourmils: DESCOVVERTE PAR LE CAP. PELSART. 5 ftoit point d'efperance d'en trouuer ailleurs; mais il y auoit fort long-téps qu'il n'y auoit pleú,car ils n'en trouuerét point:8 la terre qu'ils découurirét au delà des ro- ches qui border la cofte ne leur en promettoit point:c’eft ou vneraze cápagne fans ; mais fi grands; qu'on les auroit pris de loin pour des maifons d’Indiés; ils y trouuerét vne fi ctrage quátité de mouches;qu'ils eftoiét fort empéchez à Pen deffendre.Ils virent dc loin hui& Sauuages,chacun d'cux auoit vn bafton à la main;ils en approcheréta la por- τές d' vn moufquet:mais comme ils virent que les noftres venoient à leur rencon- tre,ils prirent la fuite : enfin,voyant qu'il n'y auoit plus d'efperance de trouuer de l'eau, ils fe refolurent furle midy de quitter cette cofte , & fortirent par vne autre ouuerture de ce recif qui eft plus auancée vers le Nord ; car ayant pris hauteur vingt-deux degrez dix-fept minutes ,leur deffein eftoit de c riuiere de Iacob Remmeffens; mais le vent venant du Nord-Eft fuiure plus long-temps la cofte ; tellement qu'ayant confider plus de cent milles du lieu du naufrage, & qu'ils auoient trouué fi peu d'eau qu'à peine cn auoient-ils pour fubfifter ,ils fe refolurent de gagner le plus vifte qu'ils pourroient Battauia, pour aduertir le General de leur mal-heur , & folliciterle fecours pour leurs gens qu'ils auoient laiffez dans les Mes. Le dix-feptiefme, le broüillardles empefcha de prendre hauteur à Midy ; ils firent enuiron ce jour-là quinze millesauec yn vent Nord-Oüeft-au Nord, bon frais, temps fec;la route eft Nord-Eft. Le dix-hui&ticfme, ils ne peurent encore prendre de hauteur à Midy; mais felon leur eftime, ils firent dix milles par vn vent Oüeft-Nord-Oûeft ; le temps rude, grande pluye auec vn grand vent, lequel, fur le Midy, venoit du Nord-Eft yn peu vers le Nord; leur Courfe füt àl'Oüeft; Ce mefme temps dura encore le dix-neuf, tellement qu'ils ne peurent point encore prendre de hauteur,felon leur cftime, ils firent enuiron feptlicués, leur route Nord-Nord-Eft, le vent Nord Oücft à Oüeft. Le vingtiefine ils fe trouuerent fous la hauteur de dix-neuf de deux minutes ; ils auoientfait, felonleur eftime, vingt-deux mill Nord , le vent Oüeft-Sud-Oücft auec vn petit frais meflé de pluye. Le vingt-vnicíme ils creurent auoir fait vingt-trois millaroute Nord, le vent changeant quelquesfois du Sud. Oüeft au Sud-Eft , quelquesfois bon frais , apres de calme. Le vingt-deuxicíme hauteur feize degrez dix minutes, ce quiles eftonna ex- trémement , ne fe pouuant imaginer, comment en fi peu de temps ; ils auoient pù hauffer tant de degrez ;il y a apparence quela marée les portoit fortement vers le Nord ; felon leur eftime ils auoient fait vingt-quatre milles,la route Nord d’yn petit frais qui venoit le plus fouuent du Sud-Eft. Le vingt-troizicfme ils ne peurent prendre de hauteur, felon leur eftime , ils hercher la ils ne pürent pas € qu'ils eftoient à grez vingt- es, la route fuiuy , auoient fait feize milles, la route Nord à l'Oüeft, le vent, cc 1our-là, virant quelquesfois delEftàl'Oüeft, temps variable ; pluuieux, meflé de calmes; le vent fur le foir , Sud-Sud-E ft. Le vingt-quatriefme , temps fec, bon frais, le vent Sud-Eft au Sud ; ils fe trou- ucrentà Midy fousla hauteur de treize degrez dix minutes : la route Nord à l'Oüeft vingt-cinq milles. i i Le vingt-cinquiefme le vent Sud-Eft, le temps fec, bon frais; la hauteur vnze degrez trente minutes, felon leur eftime, ilsauoient auancé trente & vn mill Nord à l'Oüeft ; ils virent, ce iour, beaucoup de Varecx. Le vingt-fixiefme hauteur neuf degrez cinquante-fix minutes ; le vent Sud. Eft ,le temps fec ;ils aucientanancé Nord à l'Oüeft vingt-quatre milles, Le vingt-feptiefme le vent Sud-Eft, le temps pluuieux, tellement qu'ils ne peurent prendre hauteur: Apres midy ils virent les terres de Iaua , à la hauteur; 4 G ijj ej 54 ¡FLA TERRE AVS'TRMER 0 Ὁ comme ils fe l'imaginerent de huit degrez en eftant à quatre ou cinq milles : ils drefferent leur courfe, Oücft-Nord-Oüeft, le Long de la Cofte julqu'au foir qu'ils découurirent vne pointe au deuant de laquelle eftoit vne Me pleine d'ar- bres ; ils firent voile vers cette pointe, fur la brune ils trouuerent vn Golphe , ils y entrerene fuiuant la routedu Nord-Nord-Oüeft, y ietterent. Panchre à huit braffes d’eau, fonds dur & y pafferent toute la nuit. Ils leuerent l'ancre le vingt-huit au matin & ramerent vers terre pour cher- cher de l'eau ; car la foif Ies auoit réduits à l'extremité :lls trouuerent heureufe- ment vne cau courante , ils en eftancherent leur foif & enremplirent leurs barils, & apres midy reprirent leur route vers Batauia. Le vingt-neuf apres minui&, au fecond quart; ils virent deuant eux yne Ile: qu ils laifferent à leur ftir-bord ou main droite; à la pointe du iour ils fe trouuerent proche de l'anfe qui eft du cofté del'Oüeft,de là ils coururent Oücft- Nord-Oüefft: en faifant cette route l'on féloigne de la colte qui cft au fonds de cette anfe, qu'onretrouue auant que d'arriuer aux IflesTrowuens.Surle midyils fe trouue- rent fous la hauteur de fix degrez quarante-hui& minutres,& felon leur eftime ils auoiét fait trente milles,leur route Oüeft- Nord-Oüeftà trois heures apres midy: ils pafferent entre ces deux Ifles & virent fur celle quieft le plus al'Oücft beau- coup d'irbres de Cocos. Sur le foir , ils eftoient encore éloignez d'vn mille de la pointe du Sud de Iaua , & à la troifiéme horloge du fecond quart ils fe trouuerent Juftement entre Iaua &1'Ifle des Princes. Le trentiéme au matin ils eftoient fous la cofte de l'Itle des Princes , ie firent ce jour-là que deux milfes. Surle foir il Péleua vn petit vent de terre. Dyvaers-in- Le premier luillet le temps calma; & à midy eftoient encore bien éloignez den-vvegh, fizaifiel'Ifle qui ef au traucrs du chemin, de trois licués de l'Ile Dwaers-inden-wegh, les ventsinconftans : Surle foir, ils: feleuerent du cofté du Nord-Oüeft, fi bien qu'ils gagnerentl'Ifle que ie viens de dire. Le foir fut calme , & 1ls furent obligez de ramer, Lc deuxiéme au matin eftans au trauers de l’Ifle Toppers-hoétien, ils furent obligez d'y demeurer à l'ancre iufques fur les onze heures , & d'y attendre le vent dela mer, mais il Pen leua fort peu; fi bien qu'il fallut encore ramer , & au foir trouucrent qu'ils n'auoient auancé que deux milles :Sur le coucher du Soleil , ils virent derriere eux vne voile au trauers de l’Ifle Dwacrs-inden-wegh, ils gagne- rentla cofte , & y jetterentl'ancre ,refolus de l’attendre. Lc matin ils allerent aborder ce Vaiflcau ,efperant en tirer du fecours & des armes pour le deffendre de ceux de 12112, fi ils eftoient en guerre auec les Hollandois : Ils le trouuerent ac- compagnez de deux autres Vaiffeaux de la Compagnie , fur l'vn defquels eftoit Ramburgh Confciller de cette Compagnie : Pelfart 2112م‎ dans fon Vaiffeau , luy conte aucc douleur l'accident qui luy eftoit arriué , & fut aucc luy à Batauia. Cependant qu'il follicite le fecours , ie retournerayà ceux de l'Equipage qui eftoient demcurez dansles Ifles ; maisie vous dois dire auparauant que le fous- Marchand nommé Ierofme Cornelis, autrefois A poticaire de Harlem, auoit dés la cofte d'Affrique complotté auec le Pilotte & quelques-autres , de fe rendre maiftre du Vaiffeau, & dele mener à Dunkerque, ou de (*en feruir pour courre le bon bord : Ce fous- Marchand demeura dans le débris dix iours apres que le Vaiffeau cut échoüc,ne trouuant point de moyen de gagner la terre ; il paffa mef- me deux iours fur le grand Malt qui flottoit ; & delà Peftant mis fur vne yergue, gagna enfin la terre. Il deuoit commander en l'abfence de Pelfart, & crût que ce cómandement eftoit vne bóne occafion d'executer fon premier deffein , qu'il luy feroit aisé de le rendre maiftre de ce qui eftoit refté du débris, & de furprendre le Commandant lors qu'il arriueroit auccle fecours qu'il eftoit allé querirá Bata- uia , & de croifer ces Mers auec fon Vaiffeau: pour y paruenir, il falloit fe dé- faire de ceux del'Equipage qui n'cftoient point de fon party; mais auparauant que de mettre la main dans le fang,il fit figner à (cs complices vne efpece deCom- 1 上 | | | " ' j + è » DESCOVVERTE PAR LECAP. PELSART. ἐς plot, par lequel ils fe promettoient fidelité les vns aux autres. Tout l'Equi- page eftoit diuisé en trois Ifles ; dans celle de Cornelis, qu'ils auoient appellée ic Cimetiere de Battauia ; eftoit la plus grande trouppe : Vn nommé Vyeybe- hays auoit efté enuoyé dans vne autre pour chercher de l'eau, & en auoit trouué apres l’auoir cherchée vingt iours; V veybe-hays fit le fignal qu'il auoit concerté, par trois feux qu'il alluma , mais inutilement; car ils ne furent point apperceus parles gens dela grande trouppe de Cornelis , parce que durant ce temps-là , les conjurez égorgcoient ceux qui n'eftoient pas de leur party, ils en tuerent trente ou quarante ; quelques-vns fe fauuerent fur des pieces de bois qu'ils joignirent enfemble , & vinrent trouuer Vyeybe-hays; luy dirent l'horrible maffacre qui feftoit fait; il auoit auprés de luy quarante-cinq hommes, il fe refolut de fe tenir fur fes gardes, & de fe deffendre de ces affaflins fils vouloient attenter fur fa trouppe; comme en effet, ils en auoient le deffein, & de traiter de mefme vne autre troupe; car ils apprehendoient que ceux de la troupe d'Hay ou de l'autre qui eftoicnt dans vne troifiéme Ifle , n'auertiffent le Commandeur lors qu'il arrive- roit , & n'apportaffent quelque empeíche menta leur deffein. Ils vinrent aisément à bout de cette derniere trouppe qui eftoit la plus foible;ils y tuerent tout و‎ àl'ex- ception de fept enfans & de quelques femmes; ils efperoient venir à bout auec la mefme facilité dela trouppe de V veybe-hays,& cependät ouurirent les caiffes des marcháds qu'on auoit fauuées du vaiffeau.Ieróme Cornelis fit faire de riches étof- fes qui y eftoict; des habits pour la troupe, fe choifit des gardes qu'il fit habiller d'é- carlatte auec deux grandes dentelles d'or & d'argent;& comme (iles femmes euf- fent efté vne partie du butin, en prend vne pour luy, donna vne des filles du Mini- ftre à vn des principaux de fa trouppe , & abandonna à l'vfage public les trois au- tres;il fit mefme quelques Reglemens pour la maniere dont elles deuoient feruir. Apres ces horribles executions , il fe fait élire Capitaine general, par vn Atte qu'il fit figner à tous ceux de fon party ; enuoya en fuite vingt-deux hommes fur deux Chalouppes pour deffaire la trouppe de Vveybe-hays; mais ils furent re- pouffez : il y va luy-mefme auec trente-fept hommes; V veybe-hays le vient rece- uoir au débarquement jufques dans l’cau®8 le fait retirer, quoy qu'il n'eut poirit d'autres armes que des baftons dontil auoit armé le bout auec des cloux : la force ne luy reüffiffant point, ila recours à d’autres moyens;on propofe vn Traité de - Paix; le Domine qui eftoit du cofté de Vveybe en fit les allées & les venués: elle eft concluë, à condition qu'il laifferoit en reposlatróuppe de Vveybe, qui de fon côté luy feroit rendre yn petit Batteau auec lequel vn Matelot Peftoit fauué dcl'I- (le où eftoit Cornelis ; dans celle de Vveybc , & qu'on donneroit à V veybe de l'c- ftoffe pour habiller fes gens: cependant quel'on va & vient , Cornelis écrit à quel. ques foldats François qui eftoient de fa trouppe, leur offre à chacun fix mille li- ures pour les corrompre , efperant qu'auec cette intelligence il luy feroit aisé.de venir ¿bout de fon deffein. Les Lettres ne font point d'effet, on les fait voirà V veybe; & Cornelis qui ne fcauoit pas qu'elles fuffent découuertes , eftant venu le lendemain auec trois ou quatre autres trouuer V veybe, & luy porterles habits, Vveybe le fait charger, tué deux ou trois de fa trouppe , & le retient prifonnier. Vnnommé V vouter-los qui feftoit fauué de cette déroute, vint le lendemain pour luy donner vn nouuel affaut ; mais auec auffi peu de fuccez. Pelfart arriuc dans ces entrefaites fur la Fregate Sardam ; il approche du débris, ὃς remarqua de loin de la fumée dans l'vne des Ifles;ce qui luy fut vne grande confolation, voyant par là que tout fon monde n’eftoit pas mort : il jette l'ancre , & fe mer auffi- toft dansl'Efquif auec du pain & du vin, & va defcendre dans l'vne des Ifles; yn Efquif y aborde prefque en mefme temps armé de quatre hommes; V veybe qui eftoitl'vn de ces quatre court à luy , luy dit le maffacre , & l'auertit de retournet au pluftoft à fon Vaiffeau , que l'on auoit deffein de furprendre ; que les conjurez auoient tué cent vingt-cinq perfonnes ; & qu'ils le deuoient attaquer auec deux i 7 56 LA TERRE AVSTRALE Chalouppes; qu'il auoit efté le matin de ce iour-là aux mainsauec eux; Pelfart dé- couure en méme téps les deuxChaioupes qui venoient à luy;il fut pluftoft dans fon Vaiffeau qu'elles ne l'eurent abordé ; il void ces gens couuerts de dentelles d'or ὃς d'argent; & les armes à la main; il leur demande pourquoy ils abordent le Vaiffeau les armes à la main ; leur réponce fut qu'ils le luy diroient quand ils feroient dans le Vaiffeau ; il leur commanda de ietter leurs armes ala mer, autrementil les menace de les couler à fonds ; il fallut obeyr, ilsiettent leurs armes, on les fait en- — trer dans le Vaiffeau, où onleur mit aufli-toft les fers aux pieds : Vn nómelean de Brémen qui fut examiné le premier, confefla qu'il auoit misa mort, ou aydéàaf-. faffiner, vingt-fept perfonnes; le foir melme Vyeybe amena à bord fon prifonnier. Le dix-hui&iéme Septembre , le Commandeur auec le maiftre Pilote furenc prendre auec des Batteaux dix hommes de la trouppe de V veybe , auec lefquels ils pafferent àl'Ifle de Cornelis; ceux qui y eftoient demeurez perdirent courage, auffi-toft qu'ils le virent aborder , & felaifferent mettre aux fers; le premier des foins du Commandant fut defaire chercherles picrreries qui cftoient difperfées çà&là. On trouua tout dés la premiere recherche à l'exception d’vne chaifne d'or & d’yne bague,& encore trouua-t'on depuis la bague; l'on vient aprés au dé- bris , le Vaiffeau eftoiten cent pieces, la quille d’vn cofté efchoüée fur vn fable, vne partic du deuant du Vaiffeau fur vne roche,& d'autres pieces çà & là qui don- noient peu d'efperance à Pelfartde fauuer quelque chofe des marchandifes de la Compagnie :le Boutillier luy dit qu'il y auoit bien yn mois que d'vn beau ¡our qweftoit le feul qu'ils euffent et en tout ce temps-là,eftant allé pefcher affez pro- che du débris , il auoit auec le bout d'vne picque donné contre vne des caiffes pleine d'argent, La particu- — Ledix-neufiéme on portaàl’Ifle les autres Complices pour les examiner. larité de € — Le vingtième on enuoya àlatroupe dc V veybe diuerfes chofes dont elle man- remarqua- quoit, & on en rapporta de l'eau. Car apres auoir efté dix jours dans l’Ifle fansen M E trouuer , ils fauiferent de goufter de celle qui eftoit dans deux puits quils croyoient faléc,a caufe qu'elle hauffoit & baiffoit auec la Marée,& cependant elle fc trouua bonne à boire. 9 Lc vingt & vniéme ilstrouuerent que la Marce eftoit fort bafle, le vent d’Eft- Sud-Eft fi grand,que le Batteau ne peût fortir de tout ce iour-là. Le vingt-deuxié meils voulurentreconnoiftre de plus prés le debris;la mer bri. foit fi rudement contre,que lès Nageurs mefmes n'oferent en approcher. Le vingt-cinquiéme,le Maiftre du Vaiffeau & lc Pilote en approcherent par vn beau temps; ceux qui eftoientà terre remarquerent,;qu'ils eftoient empefchez à tirerquelque chofe;on leur enuoya du fecours ,le Commandant y va luy-mefme, ils avoient trouué vne caiffe pleine d'argent:On en trouua vne feconde,on mit ces deux à fec; & on n'en púr pas pefcher dauantage de tout ce iour-là à caufe du mau- uais temps, quoy que les Plongeurs du Guzarat affeuraffent qu'ils en auoient trouué fix autres qui fe pouuoient tirer aifément. Le vingt-fixiéme l'apresdinée, le temps eftant beau & la Marte fort baffe , le Maiftre alla au lieu où on auoit remarqué les caiffes , en rapporta trois, & mit vn anchre & vne piece d’artillerie pour marquer l'endroit où ils en laiffoient yne | quatriéme qu'ils ne peurent tirer,quelque effort qu'ils fiffent. Le vingt-feptiémeil fit vn vent de Sud fort froid. Le vingt-huiétiéme,le mefme vent;& comme il ne permettoit pas de trauail- ler aupres dudébris, le Commandeur fit affembler le Confeil pour déliberer fi l'on iugeroit les Criminels, oufi on les tranfporteroit à Battauia pour y eltre ju- gez par les Officiers dela Compagnie ; leur grand nombre, & la jaloufie des gran- des richeffes que l'on auoit tirées dunaufrage,& dontla fregate eftoit chargée,fit que lapluralité des voix alla à les iuger & faire executer fur le lieu, ce qu'ils fi- rent. : : -Prfcours— ات جه E‏ DES INDES ORIENTALES, AVECLA DESCRIPTION DESISLES, BARRES, entrées de Ports, & Baffes ou Bancs , dont la connoiffance eft neceflaire aux Pilotes: P AR ALEIXO DA MOTTA: YA NAVIGE DANS CES MERS L ESPACE . de trente-cinq ans en qualité de Pilote Major des Caraques de Portugal, traduit d'yn Manufcrit Portugais. Voyage de Lifbonne au Cap de Beune-Efperance , an mois de : Mars ou de Septembre. y, Ecommencement du mois de Mars eft le temps auquel on doit partir à de Lifbonne pour aller aux Indes Orientales; fupposé que le vent le permette : en partant plus-tard, comme fur la fin du mefme mois, ^ les Mouffons sz les vents ne fe trouuent pas fi fauorables , comme ils le font lors qu'on part depuis le premier jufqu'au dixiéme de Mars; & les Vaif- ' feaux qui font partis plus tard,ont efté fouuent contraints de relâcher, ὃς d'hyuer- ner au Mofambic , ou en la cofte de Melinde : mais ceux qui attendent jufques au. mois d' Auril à partir de Lifbonne , n'arriuent aux Indes qu'auec perte dela pluf- part de leur équipage , leurs Vaiffeaux en fort mauuais ordre, & c'eft yn miracle fi ce voyage leur reüflit. On peut auffi partir de Lifbonne durant tousle mois de Septembre, pour arri- uer en Mars a la cofte de Mofambique, ou en fa hauteur ; parce qu'en cette faifon les vents d'Oüeft commencent à regner, auec lefquels on peut continuer le voya- ge à Goa, & y arriuer auant l'Hyuer , qui y commence au mois de May, dans le temps de la pleine ou nouuelle Lune par des vents de Sud , & de grandes tour- mentes : & comme les vents qui regnent alors ferment les Barres ou entrées de tous les Ports, il faut tácher d'y eftre auant l'Hyuer. Dans la faifon de Seprembre, Pon trouue moins de trauades à la cofte de Gui- nte , & des vents plus fauorables qu'au mois de Mars. On trouue auffi ces mefines calmes autour de l’Ifle de (aint Laurens , ὃς à la cofte des Indes, lors qu'on y atri- ue au mois d'Auril. En quelque temps qu'on parte de Portugal, foit en Mars, ou en Septembre ; il - faut toüfiours faire la mefine route, & ainfi le mefme Routier pourra feruir en Pyne & en l'autre de ces faifons, jufques au Mofambique : mais-du Mofambi- 2 ROVTIER que à Goa, chaque faifon à fon Rourier ife: ; comme, ei verra cy- apres. . 1. Partant de Lifbonne, pour faire le voyage du Cap de Bonnc-Efperance , on prend d'ordinaire des Pilotes du pays, qui mettent le Nauire hors de certe Barre. OT "à WOW UR De la rade de Lifbonne il faut nauiger Sud-Qiieft quatre-vingt lieués , puis tourner Sud- Oücft quart au Sud , jufques à ce qu'on foit à la veuëde l'Ile de Por- to-Sanéto, qui eft à cent quarante lieuës au Sud-Oücít de Lifbonne ; & faifant cette route , on ne manque pas de pafferà la yeué de cette Ifle , ou decelle de Ma- dere du cofté del'Eft. 17 i 2 4 9 OY 2. Mais file yent ne permet pas de pafler du cofté de l'Eft de ces Mes, & qu'on foit contraint de paffer à l'Oüett , le meilleur fera de fen éloigner en prenant la route d'Oüeft-Sud-Oüeft , jufqu'à ce qu'on foit en la hauteur de trente-deux de- grez quarante minutes, & alors il fe faudra tenir enuiron vinot lienés loin de la pointe de Pargo; pour éuiter les calmes qu'on trouue d'ordinaire vets“eerte pointe. De là, il faut faire le Sud quart au Sud-Qiieft, pour paffer ala veué de l'Ifle de Palme. 3. Que fi on prend fa route à l'Itlede Madere , € qu'on en paffe à dix lieuës , on gouuernera vers le Sud-Oüeft, en forte qu'on puiffe paffer ala veué de l'Ifle de Palme , enuiron dix lieuës versl'Oüeft; & fien tenant cette route le vent venoit à changer, & à eftre moins fauorable pendant qu'on eft entre cesIfles, on pourra paffer entre T'eneriffe & la grande Canarie, fe donnant bien garde en ce NATI d'vne Bafle nommée les Saluages , fous la Latitude de trente degrez, où il eft fort dangereux de paffer la nuit ; c'e pourquoy il eft bon defie point paffer cette Baffe que de iour , & de faire bon quart. Ce Banc ou Baffe eft droit auSud de Porto-San&o. i - 4. Apres qu'on a 2156م‎ les Iles des Canaries; il faut prendre la route fuiuante, la corrigeant fi on fe trouue trop à Eft. uand on eft àl'Oüeft & en veué de l’Ifle de Palme , il faut tourner de fà au Sud-Sud-Oüeft, jufqu'à la hauteur de vingt-huit degrez , pour fe tirer d'entre ces Ifles, & cuiter les calmes que l'on y rencontre toufiours , puis nauiger au Su quart , au Sud-Oüeft , jufqu'à vingt degrez de hauteur. "e 6. Mais fi on n'a point la veuë de l'Ile de Palme,fi l'on eft fous la hauteur,& que par eftime l’on en foit éloigné de vingt lieués à l'Oüeft,il faut tenir la route versle Sud , jufqu'à la mefme hauteur de vingt degrez, afin de paffer par le milieu du ca- nal d'entre les Ifles du Cap- Verd & la terre ferme. ut 7. Ala veué de l'Ifle de Palme ,l'aiguille varie vn peu plus de cinq degrez Nord-Eft; & allant de là aux Mes du Cap-Verd; elle Nordefte dans ce canal tantoft quatre , tantoft trois, tantoft cinq degrez; fi on eft plus àl'Oücft que le milieu du canal , on aura plus grande variation, comme de cinq ou de fix degrez; parce qu'en tirant du milieu du canal vers l'Oüeft, la variation de Paiguille a “mente yn peu. Au contraire,en tirant du milieu du canal versl'Eft,la variation di- | minué : ce que j'ay remarqué par plufieuts obferuations que jay faites, de la var riation de l'aiguille en ce parage. Les vents qui y regnent le plus fouyent, font des Brifes de Nord-Eft , auec des pluyes douces. NS 8. Sientre vingt & dix-neuf degrez de hauteur, l'aiguille Nordefte de 6.degrez, & que vous prenicz la route de Sud au Sud-Oücft , & du Sud vous donnerez fur 0 l'Itle de faint Nicolas; ce que jay experimenté en faifant cette route , depuis cette hauteur pouraller auxIfles du Cap-V ليك‎ & foyez affeure que fi en la hauteur — de vingtdegrez l'aiguille Nordefte de fix degrez vous eftesàl’Oiieft du milieu * | du canal; & que vous voris'allez jetter fur ces Ifles.: pour les éuiter, il faudra fairé alors voftre route Sud-quart au Sud-Eft., عق‎ vous vous remettrez ainfi au milieu du canal, & paffercz entre les Mes du Cap-Verd & la terre-ferme , enuiron- f DES INDES ORIENTALES. 2 trente lieuës à PER des Ifles , & de là, vous tiendrez la route qui fuit. Dela hauteur de vingt degrez pour aller vers la ligne , il faut faire voltre‏ .و route au Sud , jufques à la hauteur de huit degrez Nord, ἃς vous * la drefferez fixi-‏ uant la variation de l'aiguille , à qui vous donnerez quatre degrez; & allant ainfi‏ pendant trois iours , la route vaudra le Sud-quart Sud-Oüeft: fupposé que vous‏ و ayez le venten poupe ; car fi vous allez à la Boulline, il y faut auoir égard‏ juger par voftre eitime & le fillage du Vaiffeau , quelle a elté votre‏ & route.‏ το. Failant cette route , vous pafferez trente lieuës ou enuiron à PER des Iles du Cap-Verd. En ce parage , on a ordinairement des vents de Nord-Eft, ὃς d'Eft Nord-Eít , jufques par les fix degrez de Latitude Nord, où l'on com- mence à trouucr des trauades ou grains de vent. Les fignes ou marques qu'on void dans ce canal, font des Alcatras * & quelquesfois des Rilheiros ou traces d'eau blanchátre , principalement fi on eft entre la terrc-ferme ὃς le milieu du canal ; car ces eaux blanchátres & Rilheiros approchent de la cofte. Quand on fe trouue engagé dans ces eaux;il faut fe tenir vers l'Oüeft pour corrigerle dé- chet du Vailleau. 11. Depuis le vingtiéme degré jufqu'au huitiéme عل‎ hauteur ,la meilleure route qu'on puiffe prendre eft d'aller vers le Sud , pour éuiter les courans; parce que lors qu'on a paísé les Ifles du Cap-Verd, tant plus on approche de la cofte de Guinée, tant plus les courans y portent : ὃς eftant parles huit degrez , à quelques nonan- tc licués de la cofte , les courans portent vers [ἘΠῚ Sud-Eft & le Sud-Eft ; & eftant plus prés de la ligne , à pareille diftance de la cofte de Guinée , les eaux courent au Nord-Eft & au Nord Nord-Eft,auec grande impetuofité; principalement au temps de la pleine ow nouuelle Lune : car aux autres temps, elles ne vont pas auec tant de viftefle: & à cenr cinquante lieués dela cofte, par les trois & deux degrez dc Latitude Nord, les eaux courent à l'Oüeft Nord-Oüeft & à l'Oüeft, 12. Enfin, j'eftime qu'il eft bon de tenir certe route ; parce que bien fouuent en la hauteur de huit degrez, & au delà vers les fept ; on trouue des vents de Sud- 'Oiieft & de Sud-Sud-Oúelt : & eftant à quatre-vingt dix lieués de la cofte de Guinée, vous pouuez encore faire voftre route au Sud-Eft & au Sud-Eft quart de VE, & vous approcher ainfi de la ligne : ce que vous ne pourriez pas faire, fi 'eftant en cette hauteur vous n'eftiez qu'à cinquante oufoixante licués de la cofte, ἃ caufe que les eaux vous porteroient deffus en peu de temps. 13. Si l'on eftoit party tard de Lifbonne, crainte d'arriuet vers la cofte de Guinée à la fin de May, il faudroit prendre fa route vers le Sud , depuis le ving- tiéme degré de hauteur jufques au douziéme ; & en cette hauteur, fe tenir à foixante & dix lieués de la cofte ; & de là il faudroit aller Sud-Ojieft, juf- qu'à ce qu'on rencontrát les vents generaux ; que vous rencontrerez à la hauteur dc cinq degrez : fous cette hauteur ; il fera bon de fe tenir vn peu plus prés de la cofte de Guinée, pour prendte mieux * le vent, afin de pouuoir doubler plus ai- sément le Cap de faint Auguftin de la cofte du Brefil. NT … 14. Arriuant à la cofte de Guinée en Auril ; onttouue lés vents generaux ; qui font des vents de Sud-Sud-Eft & de Sud-Eft و‎ depuis trois jufques à deux de- rez de la bande du Nord; & fi voustrouuez en ce parage que l'aiguille varie de uatre degrez ou peu plus, c'eft vie marque que vous auez fait bonne route; & vous ferez à foixante & dix lieués , ou enuiron; de la cofte de Guinée :& fi vous fic trounez que troisdegrez de variation, vous ne ferez qu'à quarante lieuës de certe cofte : mais fi l'aiguille varie de fix degrez quand vousferez par les deux de- prez de Latitude Nord ; alors, vous ferez à quelques cinquante lieuës ἃ [ἘΠῚ du 'Penedo ou rocher de (aint Pierre ; & il fera neceffaire de toutner vers l'Eft ; file | vent le permet, afin de Páuqir plus propre pour doubler le Cap de faint Augu- ἄν. udo "RUD DE SUN ill» ١ $3105 51 20985 € ' pli: 3. «UO 211311 I "à a * Dando o abatimenro que agulha Nordeftear no Cartcar4. grf. por ca- da fangra- dura ,c affi cada 3. dias fe dara o caminho a Nao doSul & a quarta do Suduefte, * Linfibos les appelle Aigles Ma 1111117 * Et as vc- ZcZ agoa brancafa com Rilhei« ros. p * Pari tem mais balrae uente. * Para coz brar balram Mente, ابض ا 4 i REOMTFER | τς. Cette remarque de la variation de l'aiguille , eft la meilleure addreffe qu'on puiffe auoir pour connoiftre combien on eít éloigne de la cofte de Guinée; & fil furuient des trauades ou grains de vent quand on eft en ce parage, ces obferua- tions de l'aiguille feront vn moyen fort affeuré pour bien prédre fes routes,& pour | fçauoir de quel cofté on doit tourner; & ainfi , quand vous trouuerezla variation | ‘de trois degrez , il faudra tourner à la bordée de l'Oüeft : & fi elle eft de cinq ἀς- grez , il faudra continuer à courir en la bordée de l'Eft ; maisfielle Nordefte de. quatre degrez , il faudra faire vos bordées courtes, & dans le temps de vingt- Ἢ quatre heures courir feize heuresàl’Otieft, & huit heures àl'Eft , & vous tâche rez de vous tenir éloigné de la cofte de Guinée de foixante & dix ou quatre-vingt ^ lieués , tant que les trauades dureront, ὃς que vous ne rencontrerez point les vents gencraux. | 16. Quand on eftá la hauteur de trois degrez ; ou moins, & qu'on entre dans. les vents generaux , il faut prendre la route du Brefil , fe tenant toutesfois au Lof, & le plus prés du vent quon pourra: & fil deuient Sud, il faudra tourner plus i | l'Eft tant qu'il durera , prenant cependant à la diftance où l'on croit eftre | de la cofte de Guinée : maisle vent general reuenant,il faut cingler au Sud: Oüeft quart-d'Oüeft , & à l'Oüeft-Sud-Oüeft , & ne fe point ennuyer des fuiure cette route ; parce qu'à cent lieués de la cofte de Guinée , ou enui ron, les eaux courent au Nord-Eft , & on f'en apperçoit bien 2113252286 quand la Lune eft pleine ou nouuelle. Or mettant le Cap au Sud-Oüeft , quart- «Para bal- d'Oüeft , on va droit àl'encontre des courans qui tiennent le Vaiffeau fous * le v Reno VEN : mais fi on ne fent point de courans, *1l faut nauiger auec beaucoup de cir de agoa. confpe&ion , & regler fa route fur la variation de l'aiguille; & fur le fillage du Vaiffeau , obferuant fouuent cette variation, & de combien elle change : auec ces obferuations , il fera facile de prendre la vraye route, & de {çauoir le chez min qu'on aura tenu. \ | 17. Quand on eftarriut à la ligne Equinoxiale auec les vents generaux, on trouue les vents plus propres & fauorables, & ils deuiennent quelquesfois Eft, Eft-Sud-Eft ; & fil'aiguille varie alors de fix degrez ; c'eft figne qu'ona pris la vrayeroute : mais fi on en troune fept , on eft tropàl'Oüeft ; & fi alors le vente Sud-Sud-Eft, & qu'il vous permette de tourner àla bordée d'Eft ,ie fuis d'aui$ e Pará co- qu'on le faffe afin de * prendre le vent auant que d'arriuerau parage dans lequel. deii les eaux courent vers l'Oüeft ; car pour ce qui cft du parage dans lequel les eaux 1 courent vers le Nord-Eft, il n'eft pas fi dangereux; parce que le vent 0027 * Voyex la trouue fert à vous en tirer. Etne vous fiez * pas aux R outiers,qui vous difent qua, remarque fieftant fous la ligne l'aiguille varie de fept degrez , vous eftes dans la yraye τοῦς fin di ce Rey- TE 3 Car iamais ie ne l'ay trouué ainfi à toutes les fois que ie l’ay obferuc eftant fous ter, furle la ligne : c’eft ce qui me fait connoiftre qu'ils fe trompent, & que ces routiers ne variato» rapportent pas la yericé. 7 18. Il eft fortà propos de faire bon quart dans la route que vous ferez vers le Brefil, & de prendre garde de prés aux vents qui fe leuent, remarquant bien auffi le fillage du Vaiffeau, & la variation du compas ; car ces obferuations impore tent beaucoup pour faire vne bonne Nauigation : ne vous laffez point d'aller au Lof , & le plus prés du vent que vous pourrez, jufqu'à ce que vous foyez pafsé les Ifles de l'Afcenfion & de la Trinité , qui fonr par les vingt degrex Sud. V ous trouuerez les vents d'Eft & d'Eft-Sud-Eft , jufqu'à quatre. de? grez de Latitude Auftrale ; δὲ quelquesfois apres cette hauteur, ils dewiennenî ¿chars & plus contraires, fcauoir de Sud- Eft , & continuent jufqu'à ce qu'on foit ala hauccur de huit degrez ; & apres les vents d'Eft & d'Eft-Nord-Eft font a | ordinaires. “A | 19. Depuis la hauteur de huit degrez en continuant le voyage, il ne faut point. approcher de la cofte du Brcfil que de quatre-vingt à sent licués , pour cenirla | DES INDES ORIENTALES. $ vraye route. En ce parage ,on a les yents d'Eft-Nord-Eft; & fe tenant éloigné do la cofte de cent trente lieuës , ils font plus fauorables & motns orageux ; mais ils font plus foibles : & ie l'ay trouué ainfi eftant à cette diftance de la cofte ر‎ jufqu'à ce que j'euffe en vcuéles Ifles de Martin-Vas. 20. Enla hauteur de dix-fept degrez allant à dix-huit, fi l'aiguille Nordefte de treize degrez & demy , vous eftes dans la vraye route, & vous pafferez entre les Ifles de l’Afcenfion & dela Trinité :que fi elle Nordefte d'onze degrez, vous cites prés del'Ifle de l’Afcenfion du cofté de l'Oüeft. 21. Si par vents contraires , ou pour n'auoir pas bien gouuerné ,on venoit à la hauteur de lle de fainte Barve , qui eft prés des Abrolles du cofté del'Oüeft , il n'eft pas abfolument neceffaire pour cela de relâcher en Portugal, parce que le vent de Sud- Eft qui eft le plus contraire au voyage , ne dure pas long-temps;il tourne ordinairement , & fe met au Sud-Sud-Eft & au Sud; & auec ces vents, on peut gagner la mer vers l'Eft , & fe fauuer ainfi des Abrolles : & pendant le temps que durera le vent contraire , on pourra louier Nord-Eft & Sud-Oiieft, jufqu'à ce que le vent gencral reuienne. 22. Les Abrolles font des Bants qui commencent à l’Ifle de fainte Barbe, δὲ feftendent vers l'Eft en la hauteur de dix-huit degrez & demy. Prés de certe Me, on a fonds à feize brafles; & tirant de là vers Eft, il augmente toufiours ; ainfi que l'ont trouué deux Carauelles qu'enuoya Diego Botelho , alors Gouuerneur du Brefil , par ordre de Sa Majefté, pour fonder ces Baffes & Abrolles. La mefme chofe a efté trouuéc par pluficurs Pilotes, en nauigeant de la Baye de tous les Saintsàla riuiere de Taneiro : maisj'eftime qu'il eft plus à propos de laiffer cette Ille au deffus du * vent, fi le temps le permet. bin 23. Quand on paffe entre l’Ifle de l'Afcenfion & celle dela Trinité,il faut veil- ler de prés à la conduite du Vaiffcau ; parce qu'on ne fçait pas bien encore com- ment font fituées ces deux Ifles à l'égard Pyne de l'autre ; comme J'allois vers YIfle de la Trinité, qui eft marquée en Latitude de 19. degrez & demy dans les Cartes faites fur le patron de celles du Roy ; apres auoir pafsé cette hauteur , j'ap- perceus vnelIfle ; & en eftant à deux lieués ὃς demie vers Oüeft, ie prisla hauteur au Soleil , & trouuay vingt degrez & plus : le Vaiffeau ne branfloit point alors , & le Soleil eftoit fort clair ; le fecond Pilote & pluficurs autres prirent auffi hauteur, & la trouuerent de mefme : de maniere, qu'il n’y a point de doute qu'el- le n'ait efté prile jufte : & ie tiens que cette 1116 eft celle de la Trinité ;combien que quelques-vns des noftres la priffent pour vne decelles de Martin-Vas, à cau fe de la hauteur qu'ils trouuerent, & que leurs Cartes la marquoient de la forte : mais ce n'eft pas mon opinion; parce que j'ay paísé plufieurs fois entre les Mles de . Martin-Vas, & les ay veuës de prés : ce font trois petites Klestoutes prochesl’yne de l'autre ; & celle dont ie parle eftoic toute feule : nous ἴα vifmes depuis le matin jufqu'au foir , que nous la perdifmes de veuë, le temps eftant fort ferain. C'eft pourquoy ie confeille ceux qui nauigeront par ce parage, de faire bon quart ; & de ne fe fier pas trop aux Cartes quand ils feront à la veuë de cette Ifle que io prends pour celle de la Trinité; l'aiguille y varie de quatorze degrez & demy Nord-Eft. : add 各 24. Apresauoir pafsé les Iles de l'Afcenfion & de la Trinité , on a des vents va» riables cantoft de l'Eft, cantoft du Nord-Eft, qui fe leuenc principalement au temps de la nouuelle Lune ; mais ils ne font pas de durée, & font fuiuis de vents d'Oüeft, d'Oüeft-Nord-Oüeft , d'Oücft-Sud-Oüeft , & de Sud-Oüeft. uot Quand on eft à la hauteur de vingt-trois degrez , il faut de là en auant faire la route Eft quart au Sud Eft ; jufqu'à ce qu'on foit Nord & Sud auec la plus grande des Ifles de Triftande Cunha; il faut dans cette route prendre garde de présau fil- lage du Vaiffeau, quels vents ona, leur force ; & auoir égard à la variation de la Bouffolleien pointant voftre Carte,ne dónez qu vn Rumb ou 11.{degrez de varia- si * Sera bem hir a Balra- uento delta Ida. " 6 ROVTIER tion à l'aiguille dans tout ce parage d'entre ces Iflesde l'Afcenfion & dela Trini té, jufqu'à ce que vous foyez Nord & Sud auec celle de Triftan de Cunha; don. | nant feulement cette variation à l'aiguille , & fuiuant cette route, vous nauigerez feurement , quoy qu'à cent trente lieués ou enuiron àl'Oüeft de cesIfles, l’a1- guille varie de dix-neuf degrez; car de la, la variation va toufiours en diminuant juíques au Cap des Aiguilles où elle eft fixe. 25. Touchant le voyage desIfles de l’Afcenfion & de la Trinité, à celles de Triftan de Cunha, j'ay remarqué que l'eftendué de mer qui eft entre deux, n'eft pas figrande qu'on la fuppofe dans les Cartes. Quelques Pilotes difent auffi que le chemin de Ile de l’Afcenfion au Cap de Bonne-Efperance ; eft plus court qu'on ne le fait: Ce qu'ils difent n'eft vray , du chemin delItle de l'Afcenfion au Cap, qu'en ce qui regarde la diftance de l'Ile de l'Afcenfion à celle de Triftan de Cuna ha,qui eft plus courte qu'on ne l'a fuppofe : & pour leur faire voir d’où vient leur erreur; ie dis que lors qu'ils courent fur leurs Cartes, ils ne marquent qu'yn quart de variation Nord-Eft ; & le (urplus de la variation qu'il y ales trompe, & leur dé- robe ce chemin qu'ils font autrement qu'ils ne croyent. ١ 26. Te tiens qu'il et plus feur de ne fapprocher point de ces Ifles de Triftan de Cunha; parce que la mer y eft toufiours fort groffe, & fujette à de grandes tem- peftes : c'eft pourquoy quand on fera arriué àla hauteur de trente-deux à trente^ trois degrez , il fe faut tenir Nord & Sud auec ces Mes. A foixante lieuës ou enui- ron au Nord de ces Mes l'aiguille varie de 15. degrez,qui eft la meilleure marque qu'on puiffe auoir pour connoiftre quand on ell juftement au Nord de ces Mles.En fai(ant certe route des Ifles de Triftan de Cunha au Cap de Bonne-Efperance, on trouue des Tenays , de grands Corbeaux quiont le bec gris, & des Faijoys,qui 5 Lis . font desoyfeaux grands comme ‘des Pigeons., & tachetez de noir fur les aifles: | mais il nefaut pas prendre ces oyfeaux pour vn figne affeuré; car ils vont de cofté & d'autre chercher leur pafture, farreftent où ils crouuent à pefcher , & fe met- tentàl’eau, car ilsont les pieds comme des Oyes; & aimfi on les trouue tantoft plus àl’Eft, rantoft plus a l'Oücft. - 27. Eftant par les trente-deux à trente-trois degrez Nord &Sud , auecles Ies de Triftan de Cunha; & trouuant la variation de l'aymant de quinzé degrez, il faut prendre fa route àl'Eftautant que le ventle permet, & la dreffer fuiuant la variation de l'aiguille fans en rien rabattre : que fil ne fait point de Soleil, & que — «vous vouliez fçaüoir combien voftre aiguille varie, il faudra diminuer vn degré de la variation pour chaque vingt-neuf lieués de chemin que vous aurez fait; car Jay ;obferué';cette. proportion pluficurs fois ; & ne donnant qu'yn quart de variation à l'aiguille depuis l’Ifle de l'Afcenfion jufques au lieu où l'aiguillene varie que de quinze degrez Nord-Eft;enrends à forxante lieuës an Nord de La plus grande des Ifles de Triflan de Cunha, & depuis ce lieu jufqu'au Prazel ou Banc du Cap des Aiguilles, luy donnant toute fa variation ; & la diminuant d'yn de- gré.à chaque fois qu'onauance fon chemin de vingr-neuf lieués; vous aurez toufiours la yeué du Cap, ou du moins vous trouuerez fonds fur le Banc :là où toutes les fois que ie me fuis conduit fuiuant les anciens Routiers dans la route de l'Ile de l'Afcenfion, & de celle de la Trinité au Cap, Jay toufiours pafsé de foixante ou de foixante & dix lieués loin du Banc ; ce qui m'a fair connoiftre qu'ilsefboient fauxien ce point.» . i vt ul mear 5. 20141? * 28. Apres qu'on apaísé les Mes de Triftan de Cunha;en allant versie Cap, on trouue des. monceaux de l'herbe nommée Sargaflo ¿que les Portugais appellent Mantas de Bovtáon ; 8 des tiges d'yne efpece de rozeaux qui ont plufieurs, racines | à l’un de leurs bouts ; qu'ils nomment Trembas on en trouue en d'autant plus grande quantité ; qu'on approche plus prés du Cap, & auffi felon que l'hyuer a elté 'plusoumoins grand dansle Pays ; parce qué les grands courans qui tirentvers le -S$ud-Qüeft les entraînent: d'où vient que lors qu'il a fait vn grand hyuera la coltez x 35 ^ DES INDES ORIENTALES. 7 ils Pen éloignent dauantage, & on en rencontre en plus grand nombre aux en- droits oú les couransles pouffenr. : 29. Proche du Cap & de la cofte, on trouue de ces trombas en grande quan- tité , &aufl le long dela cofte d' Angola & dans les Anfes du Cap, qui font vers Agoada de fan Bras :j'en ay veu plufieurs fois auec leurs racines toutes fraifches, fans * auoir de ce limon durcy qui reffemble à des coquilles ; marque qu'ils eftoiét fraichemét arrachés de terre : mais ceux que [ ay trouué plus auant en mer, en eftoient * tour pleins : ce qui eft vne preuue qu'ils viennent de la cofte,& qu ils ont efté portez en mer par lescourans qui fortent des Aníes , & non pas des Ifles de Triftande Cunha : car Fils en venoient ; on en verroit là autour en plus grande quantité, & auccles racines plus fraiches & plus nettes qu'on ne les y trouue; joint que les courans ne vont pas de ces Ifles vers l'Eft ; pour Les porter de là vers la cofte; & c'eftce quime fait dire qu'ils viennent du Cap, & non pas des Iles. 30. Quand on approche de cent licués du Cap de Bonne-Efperance du cofté d'Oüeft on commence à voirde grands * oyfeaux qui ont les ailes grifaftres ; & le refte du corps blanc; onles nomme Gayuotons ou Mauuis, & on les trouuc par troupes, & en bien plus grande quantité, entre le Cap 821 Agoada de lan Bras; mais quand on eft vis-à-vis du Cap; on rencontre d'autres oyleaux blancs, qui ont les bouts des ailes noirs; on les nomme Manche-de-velous; on les void par bandes flottans {ur l'eau , entre le Cap & l'Agoada de fan Bras; mais quand le vent yienr dc terre, ils ne fen éloignent pas beaucoup. On y trouue auffi des Loups-marins , qui font grands comme des Chiens, & ont le poil tirant für le gris : tous ces animaux fe voyent en plus grande quantité yers l'Agoada de fan Bras ἃ caufe qu'il y a beaucoup de poiffon , dont ils fe nourriffent. 31. Quand on approche du Cap d'enuiron cinquante licués du cofté d'Oücft, on rencontre des troupes de petits oyfeaux d'vn gris cendré; on les appelle Borelhos: & plus prés du Cap, & cout autour, on void fur l'eau des Corbeaux noirs * fort petits, qui ont le bec blanc : Comme aufli d'autres oyfeaux nommez Cagalhos, qui ont les aîles larges , courtes, X tachetées de blanc par les extremitez : quand * on verra quantité de ces oyfeaux en mer, c'eft figne qu'on cft prés du Cap & de la cofte ; mais on n'en rencontrera pas tant, fi on cit entrente-fix degrez de hau- tcur s vt | YS. COS A + 32. Pourallerau Cap des Aiguilles , il fe faut mettre enla hauteur de trente- cinq degrez quarante minutes; & fi vousauez moins de hauteur, vous irez droit à cerre; & aurez beaucoup de peine à vous en éloigner ; parce que la mer y eft our Pordinaire fort orageufe , & pouffe les Vaiffeaux vers la terre ;joint que le plus fouuent à la veué du Cap, il féleue des vents de Sud; qui font la: trauerfie de ce parage-là : de maniere que pour fe deliurer de ces dangers, il eft plus feur de fe mettre à trente-cinq degrez quarante minutes,ou à trente-fix degrez ; & eftant en cette hauteur , on ne fçauroit paffer deuant le Cap des Aiguilles fans trouuer fonds ; parce que le Banc qui eft deuant f'eftend fort loin vers le Sud, & on y au- ra foixante & dix & quatre-vingt Braffesmenu fabie blanc. 33. Au Cap-Falfo,* qui eft quinze lieués à "ΕΠ du Cap de Bonne-Efperance, on trouue le fonds de vaze molle, & comme delayée; & pour le connoiftre mieux; on cnueloppe le plomb d'vn linge auquel fatrache la vaze , & celaïfe fait aufli proche du Banc ou Prazel du Cap des Aiguilles.: plus prés de la cofte tout joi- gnant ce Banc, ontrouucra fonds dé menu fable noir & grisátre : & allant de ce Prazel ou Banc à la Baye de faint Scbaftien , onaurale fond de gros fable gris ; fi on cft éloigné de la cofte de quinze à vingt lieués : & n'en eftant qu'à enuiron fix * Sem حون‎ quas. * Vi cheas de craqua & de preíeucs. * Grandes com os co- tos das azas par dozas. * Muyto ne. deas & pi- quegñas. * Como fe achar muita a varia delta em quanti- tade de Cal” camares, * Ce Cap eft ainfi nom- mé, à caufe que plu- fieurs Pont pris pour celuy de Bonne-Ef- perance au retour des Indes. * Ce font de petits Limas licués; on trouue fond de menu fable noir. Depuisla haureur ἄς la Baye de faint sons longs سن‎ Sebaftien jufqu'à fan Bras, le fond eft\de gros fable grisátre mclé de peti- 2 coquilles & de burgalhaos ou caracoles de |mer. * Voicy les fondages de ce ads Pa i94 75 EV E et Nez fort menus , qui fim/Jens £p poinse, 8 ROVTIER Eftant fur le Prazel ou Banc des Aiguilles à la veué de la terre, on aura cins quante jufqu à foixante braffes : eftant à vingt lieués en mer, on trouuerra qua- tre-vingt braffes : & allant du Sud de ce Prazel ou Banc vers [ἘΠ᾿ à quinze lieués ou enuiron de la cofte , on aura foixante & quinze & quatre-vingt braffes fond “pure. de gros fable mélé de coquillages : * lors que vous ferez à vingt-cinq lieués hae. ^ — oucnuiron dela cofte en mer, le fonds fera de fix- vingt braffes jufqu'à cent tren- te, rant qu'on foit Nord & Sud auec la Baye de fan Bras; la veuë de laquelle, en eftant éloigné de huit lieués ou enuiron, on aura quatre-vingt dix braffes | fonds en partie de vaze; & plus prés de terre, on aura le fond de gros fable & de burgalhos ou carracoles : & fi vous ne voyez pointla terre de puisla Baye de fan Bras jufqu'à celle de la Lagoa, vous ne trouuerez point de fond. Si vous prenez bien garde aces fondes; & quand l'aiguille commence àtourner versle Nord-« Oüeft vous connoiftrez le parage où vous ferez, & fi vous eftes à ἘΠ ou à l'Oüett du Bancdes Aiguilles. ) qi :34. Il eftbon de paffer à telle diftance du Cap des Aiguilles , qu'on puiffe fon- der le fond fur le Banc, afin que felon le temps & la faifon où vous eftes ; vous | puifliez deliberer de voftre voyage pour Goa, & fçauoir fi vous deuez paffer « entre la terre-ferme & l'Ile de faint Laurens , ou parle dehors : fi vous arriuez — au Cap des Aiguilles dans le mois de luiller, il faudra paffer entre la terre-fer- me & l'Ifle ; mais fi vous n'y arriuez qu'en Aouft ; il vaudra mieux paffer par le de- | hors de cette Ifle , à caufe qu'en ce temps-là on y ttouue les vents plus forts & de ١ plus longue durée ; & ainfi, on peut arriuer en moins de temps à Goa, & auec plus de feureté que fi on paffoit entre l’Ifle & la terre. * ;: i Les fignes & connoiffances de la cofte du Cap de Bonne-Efperance jufqu'à la Baye dela Lagoa, font à la fin de ce Routier , amíi que les a écrits Emanüel de Mefquita en l'année 1575. ayant par ordre du Roy couru cette cofte dans vn Vaiffeau à Rames; pour la mieux reconnoiftre. rc acu ا‎ Ati - y oyage du Cap de Bonne-E/perance à Mofambique e à Goa, j quand on paffe entre la T erre-ferme e? V lH le de $. Laurens. Ion trouue fonds au Prazel ou Banc des Aiguilles , ou bien fi on a eu la veué S du Cap de Bonne-Efperance ou de la cofte ;.& qu'on foit à la findu mois de ἃ 7 Iuillet ou deuanc , il fe faut éloigner de la cofte pour fe garantir des vents de Sud , qui y regnent fouuent auec grande violence , & des grandes vagues qui fy brifent rudement, & jettent les Vaiffeaux fur la cofte : outre qu'cftant proche de terre, les marées vous portent dans les Anfes & bras de Mer qui font àla cofte; ” car elles courent vers le Sud-Oüeít , & vous empefchent d'auancer : d’où vient | qu'il eft plus feur de Péloigner de la cofte, & de voguer au Sud-Eft quart à PER les deux premiers iours , & puis tourner à [ἘΠῚ quart au Sud-Eft, tant qu'on ait auancé cent cinquante licués, & qu'on foit à quatre-vingt licuës ou enuiron de la cofte. 1 fo y 2. Eneftanta cette diftance , il faut prendre fa route vers l'Eft Nord-Eft ; ju(- ques à la hauteur de trentc-vn degrés , & obleruer exaétementla route du Vai£, {eau : quand on approche de la hauteur de 11116 de S. Laurens il faudra tourner au Nord-Eft quart-d’Eft, tant qu'on foit prés de cette Ifle, l'on en pourra prendre da veué depuis la hauteur de vingt-quatre degrez jufques à vingt-deux ; cartou-- te cette cofte eft fort nette.Dans toute cette route,on doit auoir grand foin de re- marquer les vents, le fillage du Vaiffeau , & la variation de l'aiguille , & on doit auoir égard à toutes ces obferuations en pointant la Carte. Dans toute cette route; Jay trouué que la variation eft Nord-Oüeft , jufques aux Iflettes T : tes, DES INDES ORIENTALES. 2 lées, ou Ilheos Quemados , iufques à la barre de Goa, i'ay trouué qu'elle Nor- Oiiefte toufiours , & en voicy les variations. Εἰ nt ro.licuésau Sud du Cap de Bonne Efperance , l'aymant varie vn degré Nord eft. A la veué du Cap Falfo l'aymant varie vn degré Nord-Eft. A la veuë du Capdes Aiguilles l'aymant eft fixe. A la yeué de la Baye de S. Sebaftien l'aymant varie d'vn degré & demy versle Noroüeft, A la veué de l'Ayguade de S.Bras, il varie de trois degrez Nord-Oüeft. Ala veué de la terre de Natal, de fept degrez Nor-Oücft, en la hauteut de 52. degrez : Eceftant en la mefme hauteur 6o.lieuës en mer,il varie 8.degrez & demy, - En la hauteur de 28. degrez à so.lieuës ou enuiron de la cofte varie 10. degrez Nor-Oiieft. ‘> Enlahauteur de2 ς. degrez 460.1. ou enuironde la cofte 12. degrez Nor-Oücft: Si vous allez plus en mer vous trouuerez dauantage de variation Nor-Oiieft. Ala veué del'Ifle de S. Laurent en la mefme hauteur de 25. degrez l'aymant varie quinze degrez Nor- Oücft Ala veué de la mefme Ile & fur fon * prazel,En la hauteur de 20.degrez,il varie dc 14. degrez 40. minutes Nor-Oücft. A la veuë de l'Ile de Juan de Noua de 12. degrez & demy; & paffant entre cette Τῆς & la terre ferme à peu prés par le milieu du canal,il varie 13.degrez Nor- Oücft. A la veué des Baffes de [udia du cofté del'ER , 13. degrez Nor-Oücít. Ec eftane enuiron 2o. licuésa l'Oücft de ces Bafles, il ne varie que 12.degrez ou peu plus Nor- Oücft. Et eftant enuiron 25. licuésà l'Eft; de ces Baffes14. degtez Nor-Oüeft. Sur le | prazel ou banc de Sofala à 18. degrez de latitude a veué de terre, varie 12. degrez Nor-Oüett. Alla veuë de Mofembicque de 11. degrez 30. minutes Nor-Oüeft. Ala veuédela pointe de Sud-Oücft de l'Ile de Comoro , l'aymant varie 13. de- grez 30. minutes Nor-Oüeft. A la veué du Cap Delgado de 10.degrez 40. minutes Nor-Oüeft. A la veué de Plíle de Zanzibar deonze degrez Nor-Oücft. — — À la veué dela cofte deferte , en la hauteur de 3. degrez 30. minutes , il ya 17. dcgrez de variation Nor-Oüeft. ᾿ A la veué عل‎ Plíle de Sacotora proche la pointe du cofté de l'Oüeft , il y a 18. de- grez de variation Nor-Oüeft. | : Ala veuë des Iflots bruflez, ou Ilheos Quemados & de la Barre de Goa, il y a 16. degrez ou peu Pen faut. Pay obferué moy- meíme toutes ces variations plufieurs foissle vaiffeau ne bran- lant point auec vne bouffole bien preparée, ع8‎ entemps fort ferain; de maniere quil ne faut point douter qu'elles n'ayent efté bien prifes , & jeles tiens pour cer- taines, les ayans obferuées aucctoutesles precautions requifes. éd يجا Banc de fable, vi Stet جود نجه دماج‎ Seld Bi وو‎ Ete opt teg Hentai tet dens dota d οὖν RAEE REO DQyOVYSPARTLAGRACEDEDIEV, ¡Roy DEFRANCEET DE NAVARRE; À nos amez! δὲ feaux Confeillers les Gens tenans nos Cours de Par / lement, Maiftres des R'equeftes ordinaires de noftre. Hotel, Baillifs, Senefchaux , Preuofts , leurs Licute- NED fous à fdit' remontret qu'il defireroit faire im- = | primer va Lire de Voyages ; contenant la Rela- 22 1117 73 tion" des Eftats du Mogol par Edouard Terry les Memoives de Thomas Rhoë A mba[fadeurdn Roy d Añolererse auprés du φρο! » Relation de. la Cour du Mo- gol par le Capitaine Havokins ; Relation dés Royaumes de Golconda, Degu > Tannaf]ary (y Arecan » parVoilhelm Merhold Prefident pour la Compagnie Anglosfe en. ces quartiers-là ; les Voyages de Bontekoë,deVerhouen.V'an den broeck, hagenar Z eygert der Rechterena. Defcription du Tapon de François Caron; Dive£teur en ces pays-a. des affaires des Hollandois; Relation de LA mba Jade que les Hollandois enuoyevent en la Chine l'an 1654. traduit de l'Hollandois; Re- lation du Royaume de Stam parIonftSchouten » traduit de l'Hollandois ذ‎ Topographie Chreftienne de Cofmas Indopleuftes ; tirée d'un Manufcrit de la Bibliotheque de Saint Laurens ; auec la tva- duction Françoife ; les Climats Alhend (o Alfends tivées de la Geographie du Prince I [mae Abulfeda , traduits du Manufcrit Arabe qui eft. dans la Bibliotheque du Vatican ; Relation des Sabaites ow Chreftiens de Saint Iean , auecle commencement du Liur: qu'ils appellent le Liure d Adam, &' qui eft écrit en caracteres Chaldeens tres-anciens , auec l Alphabet de ces mefmes caracteres; Grammaire (7 Di£lionaive des Mcgols ou Tartares > tirée traduite d'un Manuf- crit Arabe; Routier des Indes Orientales pav Alexis de la Mota , Cofmographo Maior de la Ca- vena dellas Indias , tirée cun Manufcrit Portugais; H 1ftotre des Mogols depuis Temurlan iufques en l'an 1661. tirée des Autheurs Orientaux; Vie € Pompe funebre de Siti Maani Giovida della V allé ; Relation des C ica faens , Geovpiens , Cc. par Pietro della Valle; Relation des T avtaves τὴς rée d'un Manufcrit Italien , auec quelques Remarques d'un Gentilbomme Polonois qui a efté long-temps E fclaue pavmy eux; Defcription des P yramides d'Egspre par Iean Greaues > traduite de l'Anglois Découuerte de la Terre Auftrale, traduite de l Hollandois ; Ianrnal de Vvilliam- fon Flovis و‎ traduit de UHollandois ; le Voyage du Commandeur de la Chate à la Tercere, (Θ' le Voyage de Gourgues à la Floride ; letout traduit de l Anglois, Hollandors, Gantres Langues, eg ennichy de plufieurs Cartes c» Figares : maisil craint qu'apres que luy ou tel Libraire ou Imprimeur qu'il aura choifi , en aura fait la dépenfe , d'autres entreprennent de l'imprimer , fil n'a fur ce nos Lettres neceffaires. A CES cAvsEs, Nousluy auons permis & permettons par ces prefentes , de faire imprimer ledit Liure en vn ou plufieurs Volumes le vendre & debiter en tous les lieux de noftre obeyf- lance, & ce en telles marges & caraétetes, & autant de fois que bon luy femblera, durant l'efpace de vier ans , à compter du iour qu'il fera imprimé pourla premie- re fois; faifans tres-exprefles deffenfes à toutes perfonnes de quelque qualité qu'elles foient , d'en ricn imprimer, vendre ny diftribuer en aucun lieu de noftre obcyffance , fous pretexte d'augmentation, correction, changement de titres, fauffes marques ou autrement , en quelque forte & maniere que ce foit , fans le confentement dudit Garnel , ou de ceux quiauront fon droi& ; à peine de confif- cation des Exemplaires contrefaits, & des Caracteres , Preffes, & Inftrumens qui auront ferny aufditesimpreffions contrefaites , de tous dépens dommages; & in» tercfts ,derrois milliuv:s d'amande, applicable vntiers à Nous, vntiers à l'Hoftel- Dieu de Paris , & l'autre tiers audit Sieur Garnel , à condition qu'il feramis deux Exemplaires dudit Liure en noftre Bibliotheque publique, vn autre en notre ^ | hans; δ ἃ cousáutres nos Iufticiers ὃς Officiers qu'il ap-. M "NI partrendra ; Salut. Noftte bien-amé GIRARD GAR= e LI ٠. Cabinet, & vn en celle de noftre tres-cher & feal Cheualier , Comte de Gien, Chancelier de France, le Sieur Seguier عة‎ de mettre és mains de noftre amé ἃς feal Confeiller & Grand Audiancier de France en quartier, les recepicez de nos Bibliothequaires & du Sicur Cramoify و‎ commis par noftredit Chancelier à la de- liurance a&uelle defdits Exemplaires ; auant que de l'expofer en vente. Enjoi- gnons au Scindic des Libraires , de faire faifir tous ceux qui pourroient auoir efté faits, faute d'auoir fatisfait aux claufes portées par ces Prefentes , à peine de nul- licé. Du contenu defquelles Nous voulons & vous mandons que vous fafliez jouyr pleinement & paifiblement ledit Garnel & ceux qui auront droit de luy, fans fouffrir qu'il leur foit donné aucun empelchement. Voulons aufli qu'en met- tant au commencement ou à la fin dudit Liure vn Extrai& des Prefentes , elles ' foient tenues pour deuément fignifices, & que foy y foit adjouftée , & aux Cop- pies d’icelles collationnées par vn de nos amez & feaux Confeillers Secretaires, comme à l’Original. Mandons au premier noftre Huiffier ou Sergent fur ce re- quis ,faire pour l'execution de cefdites Prefentes tous Exploits neceflaires, fans . demander autre permiffion. Car tel eft noftre plaifir ; nonobltant oppofitions ou appellations quelconques , & fans prejudice d’icelles, Clameur de Haro, Chartre- Normande, & autres Lettres à ce contraires. Donné à Paris le premier iour de Juin , Pan de Grace mil fix cens foixante -deux , & de noftre Regne le vingtiéme. Signe, Par le Roy enfon Confeil , Iv sTEr. Les Exemplaires ont effe fournis. m ar E “ca! È SA ERA iu PLA [ M Y. HS i dem o uv Bert dé 220 e der D ELA TIONS DOR DE V X, QVI NONT POINT ESTE PVBLIEES; OMM LM SUONI ESTE Í RADVITES DHACLVAT: Purchas, & d'autres Voyageurs Anglois , Hollandois, Portugais,‏ عل Allemands, Efpagnols;‏ Is Uds E OVELOVES PERSANS, ARABES, ET AVTRES Auteurs Orientaux. irichies de Figures, de Plantes non décrites, d' Animaux inconnus à l'Europe; de Cartes Geographiques de Pays dont on n'a point encore donné‏ عق de Cartes.‏ SECONDE PARTIE. A PARIS; ez SEBASTIEN CRAMOISY, & SEBASTIEN MABRE CRAMOISY 3 Imprimeurs & Libraires ordinaires du Roy, rué fainét Iacques د‎ aux Cicognes. = neon M. (DC EXxIV. | AVEC PRIVILEGE DE SA M AIESTE: EE LM edet γα aad A Lu d i DIRE UM JM te isi € ١ Ν᾿ RELA TIONS NO YAG Da CWRIEVx, QVI NONT POINT ESTE’ PVBLIEES; O V ΕΥΥ ΟΝ ΤΙ ESTE 4 RADVITES DHACLVYT;i de Purchas, & d'autres Voyageurs Anglois , Hollandois, Portugais, Allemands, Efpagnols; ENT DE QVELQVES PERSANS, ARABES, ET AVTRES Auteurs Orientaux. | Enrichies de Figures,de Plantes non décrites, d' Animaux inconnus à l'Europe; & de Cartes Geographiques de Pays dontonn'a point encore donné de Cartes. 8 SECONDE PARTIE. A PARIS, | Cheziacoves LancLOIS, Imprimeur ordinaire du Roy, au Mont Sainte Gencuiefue ; Et en fa boutique à l'entrée de la grande Sale du Palais, à la Reyne de Paix. AAA M DO LXIv. AVEC PRIVILEGE DE SA MAIESTE: si TIMIDO LM οἷ poda ἊΝ ὧν Gri pt | ie De: pw | rr NE AME "ifs pi va x E x (MEA 2 ka TE nus M ri b arte wobei (dh 7. dol Fiora Miglio n ane? nob ا :8( م‎ o. 5 mne dia LT. A 4 PA a Mb pisei ὁ ماد‎ i il LE ! pes Suas voice: 3 | TL Y uh "e CEE ἫΝ her 7 PUE FOR SRE ARR LES عم‎ si x A ou DUE Mob Ὁ v mint RELATIONS IE 111 VERS VOYAGES CVRIEVX. QVI NONT POINT ESTE PVBLIEES, ou qui ont efté craduites d'Hacluyt , de Purchas, & d'au- tres Voyageurs Anglois , Hollandois, Portugais , Ale- mands, Italiens, Efpagnols; & de quelques Perfans, Ara- bes, & autres Autheurs Orientaux. Enrichies de Figures de Plantes non décrites, d Animaux inconnus à l'Europe, do de Cartes is es de Pays dont on n'a point encore donné de Cartes. DEDIEES AV ROY. IL PARTIE. A PARIS, Chez ANDRE CnAMorsr, ruë de la vieille Bouclerie, au Sacrifice d'Abraham. RN — —— ez)‏ ست MDCLXXII. AVEC PRIVILEGE DU ROT. andava. STAR ἀπὸ ὁ TWO Hi MERA destin ab. renos Hb ددم اددج‎ 515 116 imp: ^ ño 2 bailo eiolua A. zussvoV. MBA ends T plo "p ab 35; «long Ajamil, eb ΠΤ τ τον usano, OS 291008 58. PV à cata cio, RES TN soit sel ad | Js RS uma mm sh d ra ed ^^ Mio avons ag ÓN δὰ EARS si bo yu Lari i VANS A critt " M ; + "AN 5 SON bic Ὁ T d^ "t E 2 be 7-722 7 TI e Y 4 ἀν 4 CA NYA: SM PCR 7 VER È ταῦ IRE, AS sf SES LL IAS EIN RES Je prefente è V offre Majefté un recueil de Relations des In- | des Orientales e». des V. oyages de long cours , dans le temps que la gloire de Voftre Nom a remply toute l'Europe , €? que vos Sujets font fur le point. de la porter auce voftre Empire au delà de l Ocean: Hs trouneront dans les Routiers & dans les Cartes des Portugais tout ce que prés de deux cens années de Nauigation c7 a ij EPISTRE. pluficurs naufrages leur ont apris pour trouuer fur la Mer la route ev les traces d'un fi long chemin. Les lettres des Generaux & des Prefidens des Compagnies d'Angleterre & de Hollande leur découuriront les fautes qu ils ont faites , en eflabliffant leur Com- merce , C9 la maniere dont les Francois s'y doinent prendre , pour le faire auec plus d'auantage. 1 i y trouueront la connoiffan- ce des terres que les Hollandois croyent auoir intereft de cacher au refte du monde. Ces Relations leur feront voir que les autres Peuples de l'Europe qui ont entrepris de peupler quelque partie de ces vaftes terres, fe font epui[ez, d'hommes en exccutant ce def- fein. Que la France fenle y peut fournir , que e fèule elle peut enuoyer affez de monde pour y planter la Foy , & pour entretenir des Colo- nies qui les eultiuent. IL fémble que la poffeffson luy en appartienne par ce droit naturel, ¿7 qu'elle luy ait efféveferuée au temps de Vo- fire regne, fous lequel il n'y a point d'exaltation qu elle ne fe doiue promettre. La gloire, SI RE, d auoir gaigne des batailles, conquis des Prouinces و‎ € donné la loy aux Princes de? Europe , vous [era commune auec d'autres Conquerans , dont il n'y a que le nombre €? la grandeur de vos victoires qui vous diftingue. Mais celle d'o- bliger tout Voftre fiecle , ou pluftoft tout le Genre humain» eff digne de l'application d'un Prince, autant éleué au deffus de tous les autres que vous l'eftes. Ο 6} AV . M. à prendre le foin d'en faire le bon-heur,comme elle en eft tout l'ornement e toute la gloire. C'eft à Elle à le rendre plus riche, plus abondant , plus ffauant , c7 mieux informe de tous les fecours que les hommes eun tirer des Arts ou de la Nature. Ge fera par Vos ordres que l'on achenera de defcouurir laT erre que les hommes habitent il y a fi long-temps,fans La connoiftre toute entiere. La nounelle Zembla, le Cabo Mendoci- no, € la terre d lezzo , ne feront plus les dernieres terres du Monde du cofté du Nord; & du cofté du Midy on deura à V . M. la décon- nerte de toute la terre Auftrale, qui en fait one cinquiéme Partie, auf grande pent-eftre que pas vne des autres. V M.tirera ces deux extremitez, du Monde du chaos oz li ignorance des hommes les a te- nues tuf ques à cette heure enuelopées. Ceux qu elle employera dfaire ces découvertes y rapporteront de nouueaux fecomrs pour la Vie | EPISTqdU humaine de nouveaux remedes fpecifiques inconnus à nos Mede- cins , € pour les autres Arts ils feront les memes recherches. Ainff P Art de la Soye fut tranfporté de la Chine dans l'Europe ; le mefine eft arriné de l'Artillerie & de l'Imprimerie 5 car cent ans auant qu elle en euft l'afage, cinq ou fix de fes Voyageurs eftoient retour- nez, de la Chine و‎ ou ces Arts eftoient en pratique il y auoit long- temps. Enfin ces Entreprifes rendront voftre nom adorable à tout ce qu il y aura jamais d hommes ; l'éclat des actions de cette nature a fait tous les Dieux del "Antiquité, er elles vous attireront les vœux co l’Admiration de tout le monde. Cependant ce trauail me fernira pour vendre n meilleur compte à V. M. d'une vie que ie luy dois confacrer و‎ €? de l'employ que t en ay fait depuis mon retour d’Ita= lie, où comme en d'autres occafions de fon fernice, 1e me fuis aper cé de luy donner des preuues de mon zele & de ma coi ^ eft SIR.E, DE 7031 RE MAIESTE, Le tres-humble tres-obeiffant , & tres- fidele feruiteur & Sujet, THEVENOT- ἐς 53 τὰς ἜΣ E À ΣΝ es OS ees LI 0 1 Ri od À vd ^ E io | 3 - ^ LIO, DI TW M ayer ὟΣ tor olas Y RET Vu jt ; DIETS δὲ i ἊΨ 3 م 1 pia KR A Lou 7 Us + 1X Ed DE ont gii dee È; t * و 5 ود‎ Ure: à a ^ vy apr P denti ἄν : E . y + ded 1 ا‎ ἢ bcnc co m x $$ ب‎ Im? 3 vm icti isi pu m (ipa AR qu : QE TER Ape 58 yet 1 Ir us E | vg ZO E uii! E gd ne E de, ΤᾺ M us ^. M vx "un vid Mu. τῇ 2 4 y! "WW p ww id he 4 EC “ne al ΟΣ x à e ἘΝ T VERI! 1 rho aram ^ 12 o udi lcs is M eM sine" RUES mil, plat fq ^ ἘΣ baie cifre 3+ 0984 δὲ cse pee Jii Toss io itte y js zy ete La Pi ation. ὧν ji p ar Me m. | Beca DIT y MN buses ال‎ s a a en { 7 Ἂν: pe Pre nami ies, dit mile «ias 1 VENT ie Scd Y jme m ad CAN IT TE i nos EN. i T? | do icon jj Soi i VE ὁ m سف‎ A “Mola: 7A 49 " à Aa à PTE PO EA pére cnrs A A Jos diio oou desfila ἘΝ iot امام‎ 2 uice su a [ 局 ADP JS ال‎ OR DRE" DEV ل ل‎ ES de la Seconde Partie. "Ay entrepris ce Recueil comme ie m'en fuis expliqué au commencement de la premiere Partie qui fut imprimée il y a deux ans pour l’vfage de ceux de ma Nation. Pay cren quel'Hiftoire du Commerce & de la Nauigation des autres Peuples de l'Europe luy feruiroit à mieux conduire de femblables entreprifes. De- puis on s'y eftappliquétout de bon, & il s'eft formé dans ce Royaume desCompagnies .tres- cófiderables : ie me fens obligé par là à vne di ligence encore plus particulieresde recherchertout ce qui peut feruir à vn deffein qui nous promettant d' veilité &tant de - gloire. lay inferé parcette raifon VNE RELATION.DE L'ESTAT PRESENT DES IN- DES, où font marquées les Places que tiennent les Portugais , celles que les Hollan- dois occupent, les lieux ou ces deux Nations trafiquent enfemble, & où elles le fonc 'àl'exclufionl'vne de l'autre: En füitte vN Avis D'vN DES FACTEVAS DE LA CoM- PAGNIE HOLANDOISE ; ENVOYE' AVX DIRECTEVRS DE CETTE COMPAGNIE, SvR LE COMMERCE DES INDES, où il leur márque de quelle maniere onle peut faire auec plusde profit: VN AVTRE AVIS, AVEC VN EXTRAIT D'vNE LETTRE Dv GOVVERNEVR GENERAL DES INDES ORIENTALES SVR LE COMMERCE Dv Ia- PON. Lr RovTIER D'ALEIXO DA MOTTA, le meilleur que les Portugaisayent,8z que tous leurs Routiers citent, fans qu'il aye iamais efté imprimé iufqu'à cette heure : Ie le donne icy dela Traduétion de Monficur de la Grand-Maifon qui a commandé qua- tre ou cinq ans des Vaiffeaux pour le Roy de Portugal en la cofte d'Angola:Onluy a auf l'obligation d'vne CARTE PORTVGAISE DE CARREIRA V NAVIGATION DES INDES ORIENTALES, qu'il trouua fur vne Carraque de Portugal,& que i'ay fait grauer detou- το fa grandeur, de peur qu'en la reduifant à vn autre poin& , on n'alterát en quelque facon fes mefures : Elleeft du patron de celles que l’on donne aux Pilotes des Vaifi fcaux qui vont de Litbonne aux Indes Orientales. Il ne fe peutrien de plus exa& que les cartons qui bordent cette Carte;les plans des principaux Ports y font dépeints , les ancreages où il faut moüiller, les braffes d'eau , les rochers & les baffes qu'il faut &uiter , ὃς lesentrées du Me-nam , du Gange & de l'Inde y font marquéesauffi exa- &ement que celles de la Seine ou de la Loire le font dans nos Cartes. Elle nous apprend qu'il n'y apointde Deftroir d'Anjan, & elle auroit peù fauuer aux Hollandois fi elle auoit paru fur la fin du dernier fiecle,plufieurs tonnes d'or qu'ils ‘ont employées pour nauiger à la Chine par le Nordeft & par ce Détroit d'Anjan, que tout le monde fuppofoit entre la Chine & le Iapon. Apres le Routier & les Cartes, la feule chofe que fouhaittent les Pilotes,eit la con- noiffance des Coftes. On atrouuéles DESSEINS DES PRINCIPALES COSTES DE LA NaviGATION DES INDES ORIENTALES, entreles papiersde Beaulieu , & dans le Iournal d'vn Matelot de fon Equipage nommé Varin dont la diligence deuroit eftre imitée par nous autres Mariniers François ; car il marque, auectout ce qui fe. paffoit ¡dans fon vaiffeau, non feulement le giffement des Coftes , mais auffi les particulari- tez qui peuuent feruir à les faire connoiftre à ceux qui ne les auroient iamais veués. Enfin vn Pilote trouuera dans ce Volume tout ce qui luy eft neceffaire pour entre- prendre de conduire vn Vaiffeau aux Indes Orientales (ans y auoir iamajselté. 。 + Le Vorace pns Beavr zv peut feruir de modelle à ceux de nos Francois qui feront deformais la mefme route. LesRerarions pes Partippines fontles premieres qu'on ait eu de ces pays-là.Celle qui a efté efcrite par vn Religieux qui y a demeuré hui& ans, a cfté traduite d'vn ma- Mulcrit du cabinet de monficur del Pozzo, Gentil-homme Romain,a quile public en À © 1 AVIS. aobligation, Pour les autres, ce ne font point des Relations faites feulement par cu- riofité, mais pour ainfi dire , les cahiers des eftats de ces Colonics Efpagnoles qui re- prefentent au Roy d'Efpagne leurs griefs, & les remedes que l'on y peut apporter : La Tradü&ion eft idelle , & on ne doit point foupçonner qu'en ce qui regarde leur mauuaife conduitte en ces quartiers-là,le Traduéteur ait chargé la main, & lestraite plus mal qu'ils ne l'auoüent eux-mefmes. Il a gardé la mefme fidelité dans l’hiftoire du Roy deTerrenate, dontil ne fera pas malà propos de mettre icy les propres ter- mes de l'Original. H ASE ofrecido aqui occafion, en que non puedo dexär de fignificar a Y. M ageflad una cofa tocante a efle Rey de Terrenate , para que lo mande reme- diar. Es verdad que mientras don Pedro V iuto , le trattó con decencia, mas en tiempo de Dom Iuan de Silua, yo le vi en un apofentillo que todaquanta aqua llouta le caia encima, y le matauan de H ambres tanto, que entrandole yo a ver , y la Crueldad con que le tratanan , me pidio hincado de rodillas, Rogaffe al Gouernador le mudafe demlli donde ne fe moiaffe, y le focorieffe, que morta de hambre : y algunos dias ft de limofna no lo pidiera , no lo comiera. He dicho efto por la reputacion de V . Mageftad con aquellas nationes que les pareccra manda a fus miniflros hazer aquel mal tratamiento , al que pocos annos atras le temian , y temblauan los Reyes todos de aquellas Iflas circunuezinas. | l'auroisauffi mis dans ce Recueil les ordres & Declarations du Roy d'Efpagne pour le Commerce des Philippines, fi ie n auois apprehendé que cette bigarure de differenteslangues ne fit de la peine à beaucoup de gens qui ont mefmes trouué à re- dire dans la premiere Partie, que l'on y eût misenfemble du Francois, del Italien , & du Grec. s La RELATION Dv Taro eft originale, & telle que ie Pay cué de l'Autheur mefme, ie n'en parle point icy à caufe que en ay fait vn difcours dansle corps duliure: i'y ad- ioufteray feulement que depuis qu'il en cftde retour, les Hollandois ont découuert cette terre d Ezo dontil parle. Pour les Maxrvnspv IArox;i'en ay inferé icy la Relation d'yn Caluinifte en la pla- ce d'vne infinité d'autres faiétespar des Religieux, & qui pouuoient eftre fufpectes " par Pintereft qu'ils femblent auoir d'eftablir la reputation & le merite de leurs or- dres, en efleuant les a&ions des particuliers qui ont efté employez dans ces Mif- fions. La RELATION DE LA DECOVVERTE DE LA TERRE D'Eso au N. dulapon eft fort curicufe,en ce qu’elle nous découure le Monde de ce cofté-là iufqu'au 49.d.que nous ne connoiffions point paíse la hauteur du Iapon : il femble à voir la Carte Portu- gaife queie donne dans ce volume ; que ceux de cette Nation en ayent euconnoif- fance ,toufiours approche-t-elle dauantage de la découuerte nouuclle de ce pays que pas vnc autre carte que nous ayons. a: SISI iix TE zem d St ἢ pre] A. πρῶ E, 0 FIOR x a OO OX y. AC ΗΕ ἘΣΤΕ PRIVILEGE. DF.ROX. E Roy, par fes Lettres Patentes, données à Paris, le 18. ¡our ] 4| de Feurier 1665.fignées,Parle Roy en fon Conteil, IvsTEL; & feellées du grand fean de cire jaune; a permis à Girard Garnier , de faireimprimer , vendre & debiter , entousles lieux de l’obeïflance de Sa Majetté, vn Recueil de diuerfes Relations de Voyages Curieux, qui n'ont point efté pu- [| bliées , ou qui ont efte craduites d'Hacluyr, de Purchas, ὃς d'autres Voyageurs Anglois, Hollandois , Portugais, Alle- mands , Efpagnols; & de quelques Perfans, Arabes, & au- tres Auteurs Orientaux : Enrichies de figures de Plantes non décrites, d'Animaux qui n'ont point efté veus , & de Cartes Geographiques de Pais dont on n'a point encore donné de Cartes, & ce conjointement ou feparément, en vn, ou plufieurs volumes, en celles marges & caracteres , & autant de fois que bon luy femblera; durantl'efpace de dix ans, à compter du ¡our que chaque volume fera acheué d'imprimer pour la premiere fois. Faifant Sa Majefté tres-expreffes deffenfes à toutes perfonnes de quelque qualité qu'elles foient, d'en rien imprimer, vendre,ny diftribuer, ny aucune carte ny figure, fousaucun pretexte que ce foit , fans le confen- tement dudit Garnier , ou de ceux qui auront fon droit ; à peine de confifcation des exemplaires contrefaits , des caracteres, preffes , & inftruments qui auront feruy auf- dites impreflions contrefaites, de tous defpens , dommages & interefts, & de trois mil liuresd'amande; A condition de fournir quatre Exemplaires dudit liure, felon qu'il eft porté par lefdites Lettres, àl'Extrait defquelles, mis au commencement ouà la fin de chaque volume, & aux copies collationnées par vn Confeiller & Secretaire de Sa Majefté, Elle veut que Foy y foit adiouftée comme à l'Original, nonobftant oppo- fitions ou appellations quelconque, Clameur de Haro, Ce e-Normande, & toutes autres Lettresà ce contraires , comme le contient plus amplement ledit Priuilege. Regifiré dans le Linre de la Communauté des Libraires , le 23. Sari! 1663. Dv BRAY, Syndic. Acheué d'imprimer pour la premiere fois, le 24. O&obre 1664. Les Exemplaires ont ef fournis: © iij VARAS عنم‎ Tus 1 ; : 634: ys 0 ρος hA s Ore I MITOS e fale s LINA de, tH Mibi 2 £e 16 [37.5 roii 2 MIRI : éd Tho hb : d qu | νά: Ex : s ab Ye ihn: 7 E È pe a n. p D We vw Miani ÉL o E: Ev 040 put: A n6 ieu" n Fi 254 "p UA. 8 ᾿ Tra 8 ISO! ASE οὐ δίγανα ΣΝ ἘΠῚ a T» 20090 à "nn ^m ΠΣ Mw Ioni n suli Pu Lo p | ERERERYRIRINERXRRIEKRERIIR EK K YYYPTI XRXSXSirrfrtiirrm RE PRE EPP FER AI iii RELATION DE EESTAT PRESENTS+DV Commerce des Hollandois 09 des Portugais dans les Indes , ; Orientales, om les places qu'ils tiennent font marquées, ES” les lieux om tls traffiquent. 5 | Ln y a que les Portugais qui traffiquent dans toute la cofte d'A ffrique ; conan LIRA 3 ἢ ofte dA£. ss | qui eltentre le Cap de bonnc-Efperance & la mer rouge, ils ont la for- frique de- ], | cereffe de Soffala a la cofte duR oyaume de Monomotapa , & des fa&o- puis le Cap *— reries & petits forts à Kilimane, Angofcia, Cabo dos corrientes, & au- tres maifons fortes aux entrées des riuieres de cette cofte. La ville & lafortereffe de Mofambique , vn grand village nommé Sena dansla terre ferme, le Fort de S. Marco & l'entrée de la riuierede Quama. La Fortcreffe de Monbafa & aux enuirons de cette place pas loin de là, le long dela cofte de Melinde les villages ὃς fa&oreries de Pate, Monfizgen Ber Am pat- fo, & autres lieux de moindre importancc. Ils touchent quelquefois à la cofte Occidentale de Madagafcar. On dit qu'ils ont deffein de baftir vn Fort dans l'Ile Maurice. Dans la cofte d'Arabie les Portugais ont lesfortereffes de Mafcate, le petit Fort cone d'Az de Iulfaer & celuy de Sears & traffiquent en pluficurs autres Places de cette cofte, 125i n'ont pas grande reputation. Les Hollandois ont tousfeuls le trafficde Mocha dansla mer rouge; mais les deux nations vont fouuent à lacofte de l'Arabie en l'Ifle de Sacatora,à Aden, à Morabathafartaque , & en diuerfes autres places. Les Portugais tiennent dans les Eftats du Roy de Perfe l'Ile de Baerem, ils y ont Eñars da vne fa@orerie & la:moitié de la Doüane: Tous les vaiffeaux Mahometans leur Roy de A > 1 E Perfe. payent vn droi& qu'ils exigent aufli des Arabes qui pefchent les Perles dans ces quartiers-là. Ilsfrequentent les places de Baffora, Bander, Congan, Cabode Iafques, Bander Recheer, & autres licux de moindre nom. LesHollandois n'y ont aucun traffic, fi ce n’eft à Bandaar & à Gamron oü ilsont des fa&eureries. | Les Portugais & lesHollandois traffiquent auecla mefme liberté dans lesEftats b | du Roy de Períe; mais on ne permet point aux derniers de defcendre à Gamron, à rii ct Areca, à Cifmy. dans ln: Les Portugais tiennéc l'Ile & la Fortereffe de Diu, la ville de Daman, les Forts dons de S. Ieronimo, & de S. lean de Daman & Tarapor qui en dépendent. Ils negotient. tout feuls dans l'Inde où ils ont la moitié des peages. Pour les Hollandois ¡ls ont la mefme liberté qu'eux de traffiquer à Suratte, à Brotia,Camabaia, Amadabat, dans tout le pays de Guzaratte ,à Agra & dans les autres Royaumes de l'Indoftan. Sur la cofte de l'Inde & de Malabar, les Portugais ont Goa auec fes fortercffes, cone de & les dépendances des terresde Bardezen, Salcedo, & au Nort de Chaul, & af rinac& de fez proche de Chaul, le Fort عل‎ Marra, Bombain, le Fort & le village de Caranga, Malabar. auecle village de Maffagan, La Ville de Bailfon , & aux enuironsle village de Tama, auectrois baftions, le Fort & le village de Bandora,le Chafteau d'A fiarim, fitué fur la montagne nommée Serra de Terryn, &les Fort de Manora & de Mainquelme. Etau Sud de Goa lelong dela cofte de Malabar, les forterefles & les villages d'Onor, de Batacalo, Barcelor, Cambolyn, Mangalor, Cananor& Cranganor. O 111] Relation de l'etat prefent Ils ont perdu depuis peu la ville de Cochin & fes dépendances,que les Hollandois leur ont prifc : Les Portugais pretendent que c'eft vne infraction du dernier Traité qu'ils ont fait auecles Hollandois,& fondent là-deffus la difficulté qu’ils font d’exe- cuter quelques-vnes de fes conditions. Les Hollandois tiennent vne fa&eurerie fortifice à Vvingurla & Hantent, à Schauvvel ville deMahometans,au Royaume de Vifia pour. à 1 alicont,Penany,Per- catty,& dans toute la cofte de Malabar; i'entens aux endroits où les Portugaisn'ont point de fortereffes. tM de L'Iflede Ceilaneft maintenant entre les mains des Hollandois, qui en tiennent CU touteslescoftes; & fe font par là rédus Maiftres de cout le traffic de cefte Ifle. Leurs places font Punta de Galle; Colombo, auee les fortereffes de Negombo, Saffanapa- tan,Manar, auec les terres qui en dépendent, ils ontdemoly les forterefles de T rin- que Mamelé, & de Batacalo. 1 Pour ce qui eft des Maldiues, les Hollandois ny les Portugaisn'y vont point. - Les Portugais ont dansla cofte de Coromandella ville de Negapatan, le village but Porto-nouo ; & la ville de S. Thome. Ilstraffiquent dansles Royaumes de Carná- del. tica & de Golconda. Le Fort de Trangoboye eft cenu par les Danois, Les Hollandois y ont le Chafteau nommé Geldria à Paleacate , & vn comproir à Mifilipatan , d'oü ilsont exclus les Portugais. Ilsont aufli des fa&teureriesà Tegnapatenan , Carical, Polefera , & en beaucoup d'autres lieux plus auant dansles terres. Ilstraffiquent aufli toutle long de la colte & danstousles Royaumes de Carna- | tica, d'Orexa, Bafnagan & Galonda. as Les Portugais ont dans le Golfe de Bengale le village d'Ongly ; dansla dépen- Bengale. dance du Mogol, & trafiquent danstoutle Bengale. Les deux Nations traffiquent à Arrecam, Peguy Thouuay,& Tannofary, qui fait vne partie du Royaume de Siam. didis Les Hollandois ont maintenant Malaca ville forte, fur la cofte de Malaca, auec tale & oc. toutes les dépendances de cette place; i'entens tout le commerce de la cofte Occi- cidentale dentale de Malaca &les Ports de Berach, Queda, Trange, Bangam, Odiam, Sa- pies lange, & toutes les les qui font le long de ces coftes. laca. lls ont pareillementtout le negoce des Royaumes de Iohor, Patany & de Pohan. " Les Portugais & les Hollandoistraffiquent dans la ville de Iudea, capitale du oyaume . . deSam. Royaumede Siam, au Royaume de Tygor, & dans les Prouinces de Sangora, Bor- delangh, & par toute la cofte du Royaume de Siam. LesRoyaumes de Cambodia, de Champa, celuy du Tontquin, recojuent égale- ment bien les deux nations. Les Hollandois font depuis peu en guerre auec ceux du de Cau-chin- china. Les Portugais tiennent la ville de Macao, fituée dans vne Ifle dépendante de la Prouince dela Chine nommée Quanton. Coxinga a pris fur les HollandoislesForts qu'ils auoient dans l'Ifle de Formo- τῆς Formo- fa, nommé Tayouan & Vanquam ; mais ils fe font depuis rendus Maiftres d'au- 4 tres lfles que tenoit Coxinga le long des coftes de la Chine, qw'ilsont rendu aux Tartare: La perte de Formofa tournera àleur auantage,s'il eft vray comme portent les dernieres Lettres des Indes, quele Tartare à qui ils ont rendu ces Ifles reprifes fur Coxinga, leur accorde le commerce dans la Chine , & qu'illeur ait donné du fe- cours pour chaffer Coxinga 1عل‎ 111 Formofa. Les Hollandois traffiquentfeuls au Iapon; à l'exclufion des autres nations de lapo» PEnrope,lesPortugais en ayant efté bannis pour toufiours par vne Declaration dé lEmpereur du lapon. τς PR — TesCaftillans font Maiftres des Ifles Manilles , les Portugais n’y ont aucun com- ques. merce non plus que les Hollandois, qui en reuanche croifent fouuent ces mers, des Indes Orientales. δὲ prennent leurs vaiffeaüx qui viennent de la nouuelle Efpagne aux Philipines; on dit mefmes que depuisle traité quils ont faitauec les Hollandois و‎ ils n'ont point voulu permettre qu'ils euffent aucun commerce dans ccs Iles. "١ LesHollandois font feuls dans l'Ifle de Iaua; où ils ont cftably la principale pla- ce de leur traffic nommée Batauia. Ils traffiquent dans le Royaume de Lacatra à Mes des _ Bantan, les Portugais n'ayant aucune entrée dans cette Ile. ALONE Dans l’'Ifle de Sumatra les Hollandois ontleurs factoreries,à Achin & à Iamby; font les feuls qui hantent les Royaumes & les Ports de Palembangh, d'Andragery, Campar, Bencalis, Raccan, Dellyticai, Priman, Indrapoura, Sillebhaer, &toutes les autres places de l'Ile. Les Hoilandois & ceux de Batauia traffiquent en diuers endroits de Plíle de Borneo, où les Portugais n'ont aucun traffic. Dans['ifle de Cellebes les deux nations traffiquent à Macfffar Le commerce des Ifles de Baly, Lombac, Saleger ; & de Bouton, eft entre les mains des fculs Hollandois; les Portugais traffiquent aufli bien qu'eux à Bima dans l'Ile de Camboua. Les Portugais ont le Fort &levillage de Larggrogue dans les Ifles de Solor; les Hollandois font en poffeffion du Fort Henrici Ws deux nations vont à Timor. Les Portugais font tout à fait exclus des Molucques. Les Hollandois ont des gat- Molucques, nifons dans les Ifles de Ternata, Macian, Batfian, Gilolo ; les Caftillans y onten- corel Hle de Tidore. L'Ifle 'Amboina & les autres Iíles voifines font maintenant entre les mains des Hollandois quis'en font rendus maiftres,partie par les Forts qu'ils y onc bafti; parue auffi par le Traité qu'ils ont fait auccceux duPays,dans lequel ils s'obligent de ne re- ceuoir chez eux que la nation Hollandoife. i L’Ifle de Banda eft aufli tenue pat la Compagnie des Indes Orientales,les autres nations en font exclufes, & les Hollandois pretendent eftre les Maiftres de toutes les autresIfles, qui font à l'Eft de Banda, à caule , ce difent-ils ; qu'elles leur font plus connués qu'aux autres nations de l'Europe. Les Hollandois pretendent encore auoir droit fur la terre Auftrale qu'ils ont découuerte, & qui eft comprife entrele 55. degré de longitude, & le 220. inclufi- uement, c'eft à dire, entre le meridien du Cap de bonne- Efperance, & celuy qui paffe par celle des Ifles de Salomon, qui cft la plusauancée vers Eft; & depuis la ligne equino&iale, iufques où s'érendent ces terres Auftrales, iufques au pole; ou iufques aux coftes de ces terres les plusauancées vers le Sud. Les Hollandois pre- tendent qu'elles n'ont iamais efté connués des Portugais ny des autres nations de l'Europe.ll eft à remarquer que toute cette étendué de pays tombe das la démarca- tion de la compagnie Hollandoife des Indes Orientales, 4 Pon en croitleurs Cartes, &que cer intereft peur-cftre leur à fait mal fituer la nouuelleZelande,de peur qu'elle netombaft dans la demarcation de la compagnie auffi Hollandoife des Indes Occi- dentales ; car ces deux Compagnies ont autant de ialoufie l'vne de l’autre, que des autres Nations de l'Europe. Il eft à remarquer, que quay que les Portugais ayent beaucoup. de places dans les Indes, «omine l'on le «oit par cette Relation , ls ne laiffent pas dy عمال‎ extrémement foibles , à caufe que leurs ennemis font les Maiftres de ces mers," du trafic qu'ils y faifotent autrefois. à Quoy qu'il en faits te la donne traduite fidelement fur l'Origimal manufcrit qui m'a effé enuoyé Δ Hollande, fans auoiv changé autre chofe que la prife de Cochin,la nouuelle de la veprife des Is- les que Coxinga tenoit le long des coftes de la Chine و‎ @ le doute de la fituation dela nouuelle Zelande dans la Terre Auftrale. Ie vemarqueray encores que Marco Polo auoit eu connoi(fance de ces Terres Auftrales plufieurs “centaines d'années deuant que les Hollandois enffent nawgé aux Indes Orientales, Bs s e s a e αἷς, e e sa oa حم‎ ὅς CIS بي لهي ا‎ CD :ريا لي لزيا بي ينا‎ ALI رن يي يي يدوا‎ ον بون‎ VAS يا جر لي‎ DISCOVRS SFR LE PROFIT ET SVR LES auantages que la Compagnie Hollandoife des Indes Orientales pourroit tirer du Commerce du Lapon, fi elle auoit la liberté de trafiquer à la Chine, Par LEON ARD CAMPS, Traduit de l'Hollandois. n ESS E S Portugaistiroient du lapon touslesans l’vn portant l’autte; 2 d 2 la valéur de 1500000. efcus, & y gagnoient iufquesà 75.pour cent; FACE] & cela en quatre ou cinq mois de temps; car ils ne font que vingt أذ‎ iours fur Mer à aller & venir de Macao au Japon, ileft vray que i leslaponnois auoient part d'vn cinquiefme à ce profit , ils ont eu 2) des Liftes de y 5 400000. laponnois, qui auoient embraffé τὰ tilsauoient tellement infe&é tout le pays qu'il; 7 leur Religion, neleur manquoit plus qu'vn Chef pour s'en rendre les Maiftres: ce qu'ils auroient entrepris , fi ce deffein n'euft efté détourné & empefché par le moyen des Hol- landois. Mais pour venir à noftre fujet, il fuffit d'alleguer à ceux qui mépri- fent le Commerce du Iaponaupres de Meffieurs de la Compagnie, de leur alleguer tout ce que les Portugais de Macao ont fouffert ; combien d'enti'eux y ont perdu la; vie, le vaiffeau d'André de Plafloa que le Roy dulapon fit prendre par force & cou- ler à fond à la vcué de Nangazaqy,le danger qu ils courrent d'eftre pris par nos vai feaux qui croifent ces mers, & cependant l'ardeur qu'ils ont à continuer cette naui- gation,& à la faire aucc de petits baftimens,maintenant qu'ils n'y peuuent plus aller auec des Carraques. Ceux de noftre Nation au contraire y ont toufiours cfté fort bien receus, la porte en eftant ouuerte à toutesles autres Nations: Dans tout le temps que nous auons efté dans le pays on ne nous y à faic aucun infulte ; mais au contraire beaucoup d'a- micié, 8 fi nous n'y auons pastant gagné que les Portugais, le gain a cfté proportion- né aux Cargaifons que l'on y aenuoycz : On nous y fait plus d'honneur qu'à eux; Nous auonstacommodé dans leurs Ports plufieurs de nos vieux vaiffeaux qui ne pouuoient plus feruir. Nousen auons tiré fouuenr des prouifions pour nos Armées naualles& pour nosPlaces: Nous auons vendu dans leurs Portsles prifes que nous: auons faites fur nos ennemis, fans payer d'autres droits que ceux qui font ordinaires dans le país, quifont de faire vn prefentà fa 5, M. dansles Eftats de quel Prince de l'Europe aurions-nous pú auoir cette liberté ? | / Si nous faifons reflexion fur la maniere dont les Hollandois fe font introduits: dans les Eftats des Princes des Indes Orientales, nous trouuerons quela crainte dui mal qu'ils pouuoiét faircauec leurs vaiffeaux,oùl’efperance du profit que l'on fe pro- mettoit de leur Commerce les ont fait receuoir chez tous ces Princes, hormis dans le Japon. Il faut auoüer quece Princelesa pluftoft receus par vne maxime generale! de bien reccuoir chez luy tous les eftrangers qui y abordent, que par aucun de ces autres motifs; ce qui fe void affez dans la maniere dontil vfe enuers les Chinois, qui! ont interdit l'entrée deleur paysà ceux du Iapon , & ont mis à prix la tefte des Ia- ponnois qui y feroiententrez :ce qui a fouuent coufté la vie à des Portugais, dont ont a vendules teftes pour teftes du Iapon , nonobftant cette cruauté, les Chinois font bien venus au Japon, quoy quele pays foit fourny de tout ce qui eft neceffaire pour la fubfiftance des habitans , & que le commerce des Chinois ny des autres na- Difcowrs fur le profit tions cftrangeres, ne foit point neceffaire à cettelfle, on peut dire mefines que Goa, Malacca, Macao & les Philippines fe font enrichiés par ce Commerce. Maintenant que nous auons tout à fait ofté ce commerce aux Portugais par la la- ge conduite de noftre General Piter Coen, il ne nousrefte plus qua fucceder à leur place pour le profit quilsentiroient & de fournir le pays de toutes les Marchandi- fes qu'ils y portoient ou plátoft dauantage , de bien traiter les Iaponnoistoutes les fois que nous les rencontrerons, &ainfi nousaurons entre les mainsnon feulement toutle commerce que ceux de Macao faifoient auec eux, mais celuy-là mefme que les laponnois font tous les ans aux Royaumes de Cambodia, de Siam, & de la Co- chinchine d'où ils tirent deux ou trois mil Picols de foye. Ce que ic dis icy de nous conferuer en bonne intelligence auecle Roy du lapon, eft vn des plus importans Auis qu'on puiffe donner àla Compagnie, car la puiffan- ce desEfpagnols ne nous cft point tanta craindre que celle de ce Prince , qui a beau- coup de braues foldars, & qui nous donneroit bien des affaires s'il entreprenoit de nous chaffer de l'Ile du Pefcheur, Pour ce qui eft du commerce qu'ils ont auec ceux de la Chine , nous pouuons auf- fi nous en rendreles Maiftres en leur renuoyantles Marchandifes marquées dansle memoire cy- Joint, & par là nous joüirons detoutle commerce des Portugais ; mais nous nous affeurerons aufli de la bien-veillance de ce Prince & du profit qui nous en viendra , nous tirerons de la Chine toutesles Marchandifes quela Compagnie en peut fouhaiter. La Cargaifon dont i'ay parlé, & du profit de laquelle ie pretends quela Com- pagnie aura affez d'argent pour tirer tout ce quelle pourra fouhaiter dela Chine, fans qu’il luy encoufte vn {ol , eftla fuiuante. Reaux 3000. Picols de foye blanche, cruë à 180, Reales le Picol. $40000. 260. Picols de loye fine boüillie, à180. R, le picol. $2000. 500. Picols de foye, qu'ilsnomment Poil, par écheueaux longs ou courts. 60000. 100. Picols de (oye crué, blanche, torfe, à 200.R. le picol. 20000. 100. Picols de foye platte, à 19. R. | LR 19000. 150000.Pieces de chiauvvel d'vnlez, 77500. 20000. Pieces d'armoifins decouleur, à 2. R. p. 30000. 2000. Pieces de fatin noir, plein à8.R. p. 16000. 5000. Pieces de bon Damas noir, à 6. R. p. 30000. '&ooo. Pieces de fatin noir plein , ou tout vny,4 Pordinaire, & bien condition- né. 30000, 2000. Pieces de Velous vny,beau & bien chargé, à 8. R. p. 16000. 2000. Pieces de belle Eltamine noire, tabizée , femblable à du Camelot, à 8. R. piece. 16000. 5000. Pieces de fatin blanc, vny plié plar, à 4. R.p. 20000, 2000. Pieces de Damas blanc, à 3.R. piece. 7000. 3000. Pieces de damas rouge cramoizy, à 5. R.p. 15000. ooo. Pieces de Lampers rouge, à 4.R. p. 20000. 3000. Pieces de Zayen à fleurs, à R. p. 15500. 3000. Pieces de Lampers blanc, à3. R. p. 9000. 2000. Pieces de Zayen à fleurs, à 3. R. p. 7000. 5000. Pieces de belles eftoffes noires de routes les fortes de couleurs, tiffués d'or & | d'argent, à 10. R. p. $0000, Que l'on m'enuoye cette Cargaifon tous lesansauTapon , & que Meffieurs mes Maiftres ne me payent point mes gages, fiie ne la leur fais profiter & valoiren cinq mois de temps vn million huit cens cinquante mille efcus, fomme que ie croy fuf- fifante pour tirer dela Chine toutes les marchandifes qu'ils en peuuent fouhaiter , fi Picoleft 125. liures» 8 du Commerce du Iapon. mefines ils ne font fatisfaits de cette fomme qu'ils enuoyent dauantage de ces fortes, & le profit augmentera à proportion, outre que i'ay mis plus haut l'achapt des mar- chandifes qu'elles ne peuuent valloir. Les Directeurs nous recommandent toufiours dans leurs Lettres que nous leur | enuoyons de grandes Cargaifons, pour les remettre des grandes defpenfes qu'ils font obligez de faire continuellement, ils ont en cela beaucoup de raifon: mais ce- | pendant leurs Places en font moins bien fournies que Monfieur le Gouuerneur ne 16 fouhaiteroit. 1 S'ils veulent faire de plus grands gains, qu'ils n'y employent point les feules mars chandifes de la Chine , mais qu'ils fe refoluent d'enuoyer aufli vn affortiment de draps de l'Europe, & outre cela du cloud de girofle, du poivre,des dents d’Elephant, car s'ils prennent cette refolution ils en tireront plus de profit que nousne venons de dire, leurs feruiteurs auront moyen de fe faire valoir à l'exclufion des autres. nations. : On pourra gagner en Une année de temps quarante-fix tonnes d'or, ou quatre millions cinq cens mille liures fur les foyes feules, fans le profit que l'on pourroit faire fur les autres marchandifes. E 1 ΝΠ EXTRAICT DVNE LETTRE DV GOVVERNEVR GENERAL des Indes Orientales , aux Dirc£leurs de la Compagnie, fur le fujer de 1 . Commerce du Iapon. E Cominerce à mal répondu cefte année , comme ie Pay déja écrit, à caufe des grandes pertes que nous auons faites fur Mer; Velpere vne meilleure fortune: dans l'auenir, principalement fi l'on m'enuoye icy quinze cens mil liuresen argent: & en marchandifes, car de mon cofté ie vous prepare vn retour de trois millions; le: Iapon nous vaudra tousfrais faitsonze ou douze cens mil liures, la perte trois cens. mille florins, vos nouueaux Fa&eurs trouueront dánsles autres Comptoirs ou Fa &oreries, trois cens mil florins , ainfi le profit des Indes ne fouffrira aucune di- minution, au contraire il augmentera, d'autant plus qu'on n'aura point d’occafioni defaire deformaisles dépenfes des fortifications & des baftimens qui ont montéfort haut cette année: D'vn autre cofté il n'y a pas lieu d'efperer de grands auantagcs fur l'engemy, ny de pouuoir croizer cette année du cofté de Spirito San&o, à caufe que lc Commerce des Manilhes & des Portugaisaucc la nouuclle Efpagne cft fort dimi- nué, mais fi nous venons à manquer de ce coftc-là, noustácheronsa nousrecompen- fer par vnnegoce plus profitable, dequoy les apparences font belles au Iapon, prin- cipalement fi nous pouuons ofter aux Chinois le Commerce de ce pays, car il ya tous lesans plus de cinquante tonnes d'or ou cinq millions de profit à faire; les mar- chandifes qu'ilsy portent rendent de profit quatre-vingt pour cent, Dieu veiiilll que nous puiffions joüir feuls de cet heureux Commerce, & que la Mine de Formofa fe trouue abondante & riche en or; fimesefperances & mes vœux ont lieu, les inte- reffez dans la Compagnie feront fatisfaits, car ils joüiront de tout le profit du Com- merce des Indes, fans enuoyer aucun argent d' Hollande, qui eft tout ce qu’ils demá- dent à Dieu dans leurs prieres. Ie vous enuoye cy-jointe la copie traduire de la Let: tre de Siragemondonne Chef du gouuernement del Tfle de Kifma dans Nagafacqui où demeurent lesCommiflionnaires de la Compagnie; conformémét à l'ordre qu'ils en ont del'Empercur, & y exercent leur trafic, comme ie vousl'ay écrit cy-deuant: Il vous plairade prendre garde à tout ce qui y eftécrit, & d'en conferer auec ceux qui entendent le Commerce du lapon; il y a apparence que pourueu que nous ne nous meflions point du Chriftianifme, & que nous nous gouuernions modeftement à cer égard, on nous y accordera toutesles immunitez & tous les Priuileges que nous pouuons fouhaiter: Nous ménagerons le tout pourle bien dela Compagnie, & tá- cherons de faire en forte que les intereffez foiét fatisfaits du profit qu'ils en rirerót. SS pce elc deg : RES kac TOO OR VOS LOS LITE يي‎ OT y TOUR LOR V A POCO Pk PO eg ae OTO VII UOIJICI DIO Di sedes eleel9elealoelael9eloel9cloalocloeloz CoA sse ذخ‎ TRES-HVMBLE REMONTRANCE DU FRA NACOMS PE LS ANA, principal facteur. de la Compagnie Hollandoife des Indes Orientales, prefente aux Directeurs de cette me[ie Compa- P P gnie و‎ für le {4701 de leur commerce en ces quartiers là s auec fon aduis de la maniere dont ils le dotuent continuerà ladue- niv, fondé fur la connot[[ance qu'il a acquife de ce pays en fept années de temps qu il y a demeuré & fait leurs affaires. + A ville d'Agracft exceffiuement grande, mais mal baftie & fans murailles : elle eft fous 28. degrez 45. min.delat; Sepr. Agra eftoit autresfois vn village, qui dépendoit de Bayana; le Roy Achabar le choifit pour fa refidence , & y fit baftirlan mil cinq cens foixantc-fix vn fupeibe Chafteau fur lesbords dela riuiere Ecbar: a] de Zemena; tousles grands Seigneurs de la Cour y baftirent à la haicc aux endroits qui leurs femblerentlcs plus aduantageux : de là vient que les rués ne font point droites, que les Genrils font logez pefle metle auec les Maho- mctans , les pauures auec les riches, & fi le Roy d’aprefent y eut demeuré comme fon pere, elle feroitdeuenué la plus grande ville du monde: en effc& les portes quele Roy Ecbar auoit fait baftir n'enferment pas la moitié dela ville, qui a bien maintenant trois fois aurant de circuit, qu'elle en auoit en ce cemps-là, eft plus longue que large, & comme clle eftbaltie le long de la riuiere, les plus grands Scigncursont choifi cette firuation pour y baftir leurs Palais: Ie remarqueray 1cy les principaux , en commençant parle cofté du Nort, & par celuy de Batorche , qui a elté autrefois Roy ou Seigneur du Chaltcau de Haffeer, fitué à 5. cos de Baram- poer; celuy de Radzia Botios pere de Ray-Rottang;à prefent gouuern ur de Bará- | poeríeigneur de cinq mille cheuaux ; Ebraham-Chan feigneur de3000. cheuaux; Roftom-Kandahari feigneur de .همهو‎ cheuaux ; Radzia-Kiffendas feigneur de 3000.cheuaux; Ethegact- Chan , le ρ΄ τις ieune des freres de Affoffchan feigneur de $000. cheuaux;Chazadi Chano fœur du Roy d'auiourd'huy , autresfois femme de Mados Chan, Roy de Guzeratte; Goulziaer Begem mere du Roy d'auiourd'huy; - Codzia-mamet Thahaar feigneur de 2000. cheuaux: Codzia Benziu ,Intendanc de Sultan Chorom,fcigneur de 1000.cheuaux,Ozier Chan feigneur de $000. che- - uaux.Tzoaech Poerazis,baftiment de grande enceinte, où font routes les femmes “du Roy deffun& Achabaer, Erhcbaer Chan Clootéloos autrefois Gouuerncur d'Agra : Bagher Chan feigneur de3000. cheuaux ; Mirfa Abouzayet feigneur de “I500.cheuaux : le fuperbe Palais d'Afofchan feigheur de 8000. cheuaux ;Ethe- “madaulet feigneur de 5000. cheuaux; Sultan Chorom, le puifné desenfans du — Roy Achabar , Prince de 20000.chevaux,Chan-zian feigneur de 5000. cheuaux, | Codzia Abdul Haffon fcigfir de sodo. ch. Rochia Sultan Begem, foeur du Roy d'auiourduy , mais qui n'a Point efté marice, fon Palais finitou commencent les “ bouleuarts du Chafteau royal, fes remparts font reueftusde pierres de taille rou- “ges, ont vingt-cinqaulnes de hauteur & deux cos de circuit; c'eftvn fort à quatre baftions, le plusfuperbementbafty que i'ayc veu : il eft fitué fur vne petite emi Seconde Partie. € A i. "ADVIS SVR LE COMMERCE nence, qui luy donne l'auantage d'vnc belle veuë ; mais principalement du cofté quilregarde la riuicie de Zemene ; les feneftres du logement du Prince qui re- gardentla riuicre , font entichics d'or : c'eft delà que le Prince voitordinairement combattre fes Elephans, Y latace du baftiment de ce cofte ef trauaillée à iour, fon Infial-ghana eft auffi de ce cofté là, vn peu plusenfoncé que ces feneftres & ces balcons , d’où il voit combattre les Elephans : il eft bafty de pierre d'albaftre, il eft quarré & enferme vne place vn peuclcuée pour s'affeoir, ce que l'onen vott de dehors eft conuert de plaques d'or; ainfi quand le Prince fe monftre à fes peuples. aflisen cet endroit , cet or & lesricheffes de ce lieu contribuent beaucoup à luy donner de la Maiefté; fous PInflial-chane eft le Serrail de Nourzian Begem femme du Roy d'aprefent : le dedans du Chafteau eft cout remply de baftimens & de plu. — ficuis Serrails ¡comme de celuy de Mariam-Makani femme d'Achabar & mere de | Ziangier , aucc trois autres Serrails pour les femmes de ce Prince, l'un nommé le Serrail du Dimanche, Pautre celuy de Mangel & du Lundy, le troifiéme appellé || Zenifler, ou du Samedy; ces Serrails ainfi nommésdes iours aufquels ce Prince auoit accouftumé d'y aller. Il y ena encore vn cinquiéme appellé Bangali-Maal, | où efloient les femmes de differentes nationsfi bien que cette place auec fes bafti- ὶ mens & fes boutiques, reflemble micux à vne ville qu'à vne place de guerre,quoy i qu'elle paroiffe imprenablea en iuger par le dehors. ‘4 Quand on a paffe le Chafteau on trouue vne grande place, où fe tientle marché | des bœufs & des chameaux ,des tentes, destoiles& de mille autres marchandifes qui s y vendent le matin. Là eft le Palais de Mirza Abduls fils de Chanafem fei- — gni de 3000. cheuaux, de Zehenne Chan feigneur de 2000. cheuaux,de Mahabor i Chan feigneur de 8000. ch. de Chan Alem fcigneur de sooo. cheuaux , de Radzia Bartfingh , feigneur de 3000. cheuaux,de Radzia Manfig ,feigneur de sooo:che- uaux,de Radzia Madotfingh, feigneut de 2000.cheuaux. De l'autre cofté de la ri- viere eft vne ville nommeeZekadra bien baftie,mais prefque toute habitée parles Marchands de Baiana ; car toutes les marchandifes qui viennent de Pourob,de | Bengale de Purles & de Boutom paflent parla,principalement toutes lestoiles de Bengale, les foyes crues de Patana,le fpicanardi, le borax , le verd de gris, le gin. gembre& mille autres fortesde drogues:toutes ces marchandifcs au paffage de la ri= uicre payent des droits aux Officiers deNourziam Begem,à caufe qu'elle leur a fait baftir le tZera : il y vient aufli vne quantité incroyable de grains , de beure & d’au- tres prouifions de bouche;que le pays de Pourob fournit abondamment,& fans le: quelles cette ville ne pourroit pas fubfifter ; elle a bien deux cos de longueur , mais clle n*cft pasfi large; c'eft vne ville de grand concours de Marchands & de peuple; | agreable pour la beauté de fes iardins, fuperbe en baftimens:SultanPeruis ya vn pas lais, Nourfian Begem en a vn autre,comme au ffi Echemadoulet pere d'Aflaph-Cá, & dela Reine Nourfian Begem:là eft auffi fon tombeau,qui a coufté iufques à 350; te nombre YOUPIAS 5 & qui encouftera bienle tiers d'autant auparauant que d eftre acheué: à Welt pas Le Roy a encor deux autres maiíons de plaifir au dehors de la ville; les grands exprimé de fonEftat y ont leurs iardinsqui leur feruent aufli delicu de fepulture,car ordinai- | pu rementils y fontbaftit leur tombeauauec beaucoup de magnificence. le me cons. tentcray de dire que tous les dehors de la ville font occupez de ces iardins, fans en- | treprendre de les nommer tous : pour ce qui eft du traffic de cette ville & de tourle. refte de cét Eftat,il eftoit fort floriffant du rempsdu regne d’Achabar, & melmes . dansles premieresannées du Roy d'auiourd'huy : il n'a commencé à defchoir que depuis que le Prince ayant quitté les affaires, pour s'abandonner tout à fait aux | plaifirs,les Gouuerncurs des Prouinces ont abufé de leur authorité,& ont ruiné fes 1 fujets , connoiffant queleut plaintes durant ce temps-R ne pourroient iamaisarri- | uer aux otcilles de ce Prince.Quoy que le trafic de cette ville ne foit pas dans fon ancien luftre , elle ne laiffe pas d'en auoir toufiours quelque partie, à caufe que toutos les marchandifes qui viennent , de Gufcratte ; de Tarta, du paysde rSinda DES INDES ORIENTALES. 3 dedahaar , Molthan, & qui vontau pays de Decan, ou que l'on tranfporte de ce melme pays & de Barampour aux pays que ic viens de dire, ou a Lahor, cu celles qui viennent de toute la cofte du Golphe de Bengale & de Poerob, font obli- gés de paffer parlà. L'on compte de Poerobó co.cosiufqu'à Ziagenaert; il y a plu- fieurs grandes villes fur le chemin; comme cit Elabas, qui el cloigné de cette ville de 0و1‎ cos.Ziaunpoer 25.cos audelà;on tire de certe ville quatite de toiles pour les turbans,& pour les mouchoirs,destapis de laine ὃς d autres lingeries qu'ils apellent chelaszielacltzey:5.cos plus loing eft la ville de Bonares, d'ou l’on cire destoiles pour les mouchoirs & pour lesturbans, & les eftoffes dont s’habillent les femmes de ce pays cy » aucc cela beaucoup de vaiffeaux de cuiure & autres meubles. Ouda eft a3.cos plus loing, l'on y trouue de groffes toiles, ἫΝ ont feize ges de longueur. Lahorcftà 15. cos delà; l'on y faic: ce qu'on appelle ambertis, qui eft - vn affortiment de toilc blanches, qui ont 14. ges de longueur, & fonr de dife rentes largeur , on les vend depuis 4.iulques à io. roupias la piece. Pettena à 300. cos, rend tous les ans 2. ou 300. maon de (oye, dont la meilleure fe vend 128. rou- pias;les cinquante liures; & cette foye fe debite principalement à Gufarate : les Anglois ont euautrefois vne faétorerie en cette ville, mais depuis fix ou feprans ils ont abandonné ce commerce ; partie faute d'argent pour le continuer , partie aufli à caufe qu'on a les foyes de Perle à meilleur marché ; on trouue aufli dans la mefme ville ce qu'ilsappcl/ent caffen, mais d'yne efpece qui cft fort groffic- ret qui fe vend quatre ou cinq rospias la piece, & des boucliers dont on fait icy grand debit ; pour ce qui eft de Chabafpoer & de Zonarchane auec tous les villages quien dependent & qui seftendene infqu' à Ziagenaet , ce font lieux où il fe fait grand nombre de toiles, & celles qui ont le plus de reputation dans ce pays, ils les nomment Callen tres-fines , Malley Malmos, qui font plus longues & plus larges que dans les autres lieux; car la calla ordinaire a au plus en- trc SI ou 22 ges de et vn ges vn huiétiéme de large, mais cellc-cy font Jon: gues depuis? 24. iufques à 25. & en ont vne & demy de large, & cette mefurere- uientà 30.aulnes d Hollande & vne & demy de large. Ziagenact qui eft éloigné de 600.cosiufques où s'cftend]a Prouince de Poe- rob, & ou celle de Bengale commence, rend aufli des Callen foit fines, & d’au- tres toiles nommces en leurs langues Malmols, hamaum;& tzchen , qui eft vne elpece de toile fort belle & fort large, qui {croit propio à faire des diaps; mais à caufe qu'elle eft trop fine & trop chere, l'on l’employe rarement à cet vfa- ge : Plus loing l’on troyue dackia , tzettagam , pipelu ; bandar , orixa. Les Portu- gais ont cu autresfois grand commerce en ces quartiers , ils y auoient Imefines des villes entierement habitées par ceux de leur nation; maisle Roy d'aprefenty a bafti des Chafteaux il lescient par là à fadeuotion. Les Portugais de Malaca;& Macao , auoient accouftumé d'y venir tous les ans auec beaucoup de vaiffcaux; dlsy apportoient des efpicerics,de la laque,du plomb,du vif argent, du vermillon, & en tiroient pour le retour de la toile blanche, & des Caffen de Bengale qui ne {ont point tiflués comme les autres, carle fil en cftrude & de mauuaife qualité, le debit en eft difficile par cette raifon. Ces pays au refte ont abondance de grains; de ris, de fucre & de beure, que l'on tranfporte ailleurs fur la riuiere Zemena; δ fur des bœufs, qui font la voiture ordinaire du pays. E On apporte en ces quartiers fur des vaiffeaux beaucoup de fel d’ynlieu nome “mé Tfamber; car il s'en fait fort peu dans ce pays: on y apporté auffi l'opium de laffa fetida , qu'ils appellent dans le pays Hing ; des chits ou toiles peintes, d'au- tres eftoffes rouges de Barampour, qu'ils nomment chalou, de l'Aarmoifin dé Labor, des cheuaux,grande quantité de cotton,qui croift en grandeabondance en: «tre Surrate & Bar ampour. On trauaille à Phetrapour , qui eft éloigné de douze cos de cette ville, “beaucoup de taffetas , l’on les peut faire trauailler aufli fins qu'on les commaride; Seconde Partie. X À 1 Bramport, 4 ADVIS SVR LE COMMER CE on les vend ordinairement deux roupias vn quart, ou trois roupias le ges en carré : il ne fe fait point d'autre traffic en cette ville & fi on ytrouue d'autres. marchandifes , elles y ont efte portées d'ailleurs; les artifans qui trauaillent à ces. manufactures, executent fort bien tout ce qu'on leur donne à imiter, mais ils ne pcuuent rien trouuer d'eux meímes, i Comme l’Indigo cft le plus grandtrafic des pays de Kohel;Meuwaet, & qu'il- sen fait danstous les villages de la Prouince d'Agra & Bayhana, & que delà on le porte partout le monde; ie defcriray icy la maniere de le femer , de le culti? uer , de le trauailler, & auflicelle de l'acheter. Ils fement leur Indigo au e de luin , qui cítle temps auduel il commence à pleuuoir,dans chaquebiga, qui eft. vne mefure de terre carrée de 60, aulnes d'Hollande ; de chaque cofté ils femene" 14.ou Is.liuresde graine;s'il pleut affez , en quatre mois de temps!'Indigo croit à la hauteur d'vne aulne, & on le couppe fur la fin de Septembre ou au commence-# ment d'Oétobre. Les feüilles de l'Indigo font rondes & affezfemblables au. | qui croit en nos quartiers: lors qu'ils tardent troplong-tempsà en faire lan recolte, les froids furuiennent & l'Indigo n'a pas tant de couleur, & lors qu’on a trauauaille il deuient brun & fans luftre, car il ne (gautoit foufftir le froid;c'elt vne bonne marque d'vne grande recolte quand il vient beaucoup d'herbes au lieu oil il eft feme, llssenreloiiifentyquoyquils ayent bien de la peine à l'arracher ; le. temps dela recolte eítant venu, ils couppent PIndigo à quatre doigts de terre,” & l'année fuiuante la tige qu'ils ontlaifféc repouffe,& produit cette autre efpeces d'indigo,qu'ilsappellent Ziarie : ilsne mettent ordinairement dans chaque puits. qu autant d'Indigo qu'ilsenont recueilly dans vne de ces mefures de terre, qu'ils? appellent biga, & ly laiffent pourrir l'efpace de dix-fept heures ; ce puits 238 pouces en carré & la hauteur d' vn homme de profondeur; aprés ce temps ils font couler l'eau de ce premier puits dans vn autre qui eft plus bas; qui 232. pieds de. circuit & fix pieds de profondeur , deux ou trois hommes qui font dedans la re= muent en battant des pieds & des bras,& par ce mouucment font prendre couleurs à l'eau , elle paroit chargée d'vnbleu obfcur; ils la laiffentapres repofer feize heu-# res, & dans ce temps-là la graifle & la faleté qui cft dans l'eau fe ramaffent dans: vntrou , en forme de cloche, qui eftau fond du puits : ils font écouler l'eau. par vn couloir, qui eft à la hauteur du fond du puits : ils prennent aprés l'Indi-- go qui eft demeuré au fond; l'eftendent fur des linges, iufqu'à ce qu'il deuienne. femblable à du fauon. C'eft de cette maticre qu'ils font les balles d'Indigo , cou- urant de cendrele licu où ils l'eftendent, afin qu'il prenne plus ayfement cette. figure :ils mettent dans vn pot de terre ce qu'ils ont ramaffé dans chaque puits; le bouchent foigneufement , de peur que Pair ou le vent venant à donner deffus. ne le deffeiche trop ; car ils ont l'experience qu'vne heure de ventle feiche dauan- tage qu'vne heure de Soleil: ils appellent Dadra cette quantité d’Indigo, quils ont tiré d' yn de leurs puits; il pefe ordinairement depuis douze iufques à vingt cecrs, & cela plus ou moins felon que l’Indigo à bien profité , i'entends quit pele ce poids lorsque les payfans nous le vendent; car il diminué bien de cing ceers par maon aprés qu'il acfté empaqueté.Cet Indigo qu'ils appellent Nouty è vne couleur brune,eft groflier, & eftaife à connoiftre enle maniant & cn le rom= pant : il eft propre pour teindre des draps de laine & de groffes eftoffes, car il court plus que celuy qu'ils appellent Ziarye. 1 (s Gette tige de quatre doigts, que nous auons dit qu'ils ont 121116 au mois d'O&o- bre, croit coufiours iufques au commencement du mois d'Aouft de l'année fui uante , & ordinairement en ce temps-là elle a vne aulne & demy d'hauteur ; ils la coupent & la rrauaillent comme nous auons dit cy-deuant du Nouty quand il a beaucoup plü : l'Indigo que nous auons appellé Ziarye, croit auec tant de force, que Pon en fait trois fois la recolte, vne fois au commencement du mois d'Aouft; عه‎ autre au commencement de Septembre , & yn autre fois au temps que l'on 7 DES INDES ORIENTALE S. $ couppe celuy que l'on nomme Nouty : ils appellent Catel celuy qui vient de «ette croificme recolte , quand les pluyes donnent de la forte on eft affeurc que l'Indigo fera à bon marché cette annce-la. L'Indigo qu'ils appellent Ziaric elt d'vne efpece plus noble que celuy qu'ils ap- pellent Nouty ; car il tire fur la couleur violette ,ce qui le fait affez diftinguer des autres; à la main,il eft plus leger que celuy qu'ils appellent Nouty; mais pour bien connoiftre Indigo ;il le faut voirau Soleil fur le midy ,car quand il eft doux & fin, il vous fait voir les couleurs de l'arc-en-ciel , qui changent en forte qu'on ne peut pas dire precifement de quelle couleur il eft, & s'il ef plain de fable ou d'autres i mpurctez qu'ils y mettent affez fouucnt pour en augmenter le poids, ou qui s’y attache , par leur negligence , lors qu'ils font leur plotted'Indigo en vnendroit où il yadu fable, ou qu'ils le tiennent expofé au vent; qui y en portes ce deffaut fe connoit auffi-toft en le regardant au Soleil. L'efpece qu'ils ap- ellent Catel, eft vne mauuaife marchandi(e , dure, morte, femblable a vnchar- bon, fans luftre & lans couleur , on le vendla moitié de ce que vaut le bou, ceux ui Pachetent le broyent & le mettent dans des paquets, aprésl'auoir meflé auec les meilleures efpeces d'Indigo, c'eftà quoy il faut bien prendre garde lors qu'on l'achete dans des facs ou dans des pots; car ceux qui l'achetent de la forte, cou- rent rifque deftre trompés, par ce meflange que nous venons de dire de l'Indigo Catel, qu'ils appellent autrement Nouiy huyleux ;ceux qui l'acheteront dans des pots , doiuent prendre garde que ce qui eft au fond foit de mefme nature que le deffus du pot; car bien fouuent ils en mettent à l'ocuerture de meilleure cfpece; & au fond de celle qu'ils appellent Nouty ; ou bien ilsen mettent de fec à l’ou- uercure du pot, & d'autre au fonds qui eft moiulle & pelant comme de la terre. Cer aduertiffement fera vtile à ceux qui en feront emplette :lors qu'on a la com- modité, il eft bon de le depaqueter pour le pefer, car en rompant les pelottes on vient à en connoiftre exaétement fa bonté : il feroit bon de faire roufiours cet- te diligence ,de rompre les pelottes, outre qu’il feiche dauantage à le pefer au Soleil; il ya maintenant beaucoup de ces gens qui font PIndigo, qui ne veulent plus couper celuy qu'ils appellent Catel ; car 11 y a autant de frais qu'à trauailler celuy de la meilleure forte outre qu'ils n'en tirent pas la moitié de teinture qu'ils en cirenc des bonnes cfpeces que l'on vend vne fois autant , c’eft pourquoy beaucoup le laiffent monter en graine ,& ne le couppent que l'annéc fuiuante. De ces trois efpeces d'Indigo,celle qu'ils appellent le Noury n'a pasencor toute fa force , le Ziarie l'a toute entiere, & lc Catel en a perdu la plus grande partie, auffinele vend-on quela moitié dece quel’on vend le Ziarie, & le Ziarie ; qu'vn roupias fur chaque maon dauantage que le Nouty. ᾿ς S'il pleut trop peu la graine de cette plante ne leue point , sil pleut trop& ne fait pasaffez de Soleil , la plante pourrit & verfe : il arriue quelquefois que le Nouty reuflit bié,mais que le Ziarie qu'on doit recueillir aprés au mois de Decem- bre, de Ianuier , & de Feurier , cft pris du froid , & tellement gelé, qu'il n'y a rien aen efperer : filespluyesne viennent que fort tard, comme au mois de luin ou à la-my Iuillet, la plante fe feche & ne profite plus. Ily a eu fi grande quantité de fauterelles ces trois dernieresannées , qu’elles oftoient la veuë du Soleil aux mois Juin, luillec عق‎ Aouft, & qu'elles ne laiffoient pas vne feüille dans les champs où 'elles s’arreftoient. Ellesaffligerent principalement les pays qui font vers Bayana, “ce qui fit monter de prix l'Indigo.L'année 16 1.11 tomba des pluyesfi continuelles au mois de Septembre, que tout le pays fut couuert d’eau, & les payfans qui ne ‘etoyoient pas trouuer le debit de leur Indigo à caufe de la grande quantité qu'il en “paroifloit ,à peine en purent ils recueillir 400. paquets, ce qui reduifit en vne ex- 'tréme pauureté beaucoup de gens qui viuoient de la culture de cette plante, le "pays s'en eft toufiours fenty depuis, & n'en recucilloient pas maintenant la moitié de ce qu'ils en retiroient autrefois. Seconde Partie. EAS) 6 ADVIS SVR LE COMMERCE On ne fait pas plus de 300. pacquets d'Indigo aux enuirons de la ville de Bayana, maisauffi eft il meilleur que celuy qui fe fait dansles villages qui en dez pendent, δὲ que ie marqueray cy-aprés; les puits où ils le mettent fe rempliffent d'eau falée , ce quifait paroiftreleur Indigo vn peu dur lors qu'onle rompr. Il fe rencontre quelquestois que de deux puits qui feront proche l'vn de Pautre, l’va fera d'eau falée & l’autre d'eau douce, & l'Indigo d'vne mefme terre qui aura eftés preparé dans vn puits falé,fe vendra vn roupias par Maon dauantage que celuy qui aura efté preparé dans vo puits d'eau douce. Les villages où on fait cet Indigo de- pendent de cinq places principales que ie nommeray icy > les fuivants dependent de Bayana,Ebrahamie-Debat 1.cos,Ferfo 4.cos,Otchin 6.cos.Patchionas.cos,tSous. oua 4. cos, Pinyora 6.cos, Naunava6.cos ر‎ Birampoer4.ces, Meick-Poera 4.08 Pererchas.cos, Azenaulie 4.c0s;Baziola 4.c0s;Pedaulit 4 cos, Gordaha 5. cos, Hels leck-zeos: Nade Bi] 10.cos;Pcheitzi 7.cos;Radauwe! Khera 4.cos,Mimbera 7.c08; Bcrouwas.cos,Ratziona 7.cos,Indi-ara 4.coss Tfiereer Panna s. cos, Pirampoer 4. cos, Catchioera 4. cos : Chanoua 10. cos à cofté del'Oeit , & dans la dependance de Bayana font les villages fuivás;Mahal 2.cos,Roubas 2:cos, T zeurtfouda :* cos,Daz ber 2.cos,Mahalpoer1.cos, Garalla 1.cos,Danagham 2.cos Bockolitt 1.cos,Barawæ 12 cos , Ordol de cos, Ziazewolia 14 cos , Phetrapoer s. cos . Bas-fawer à ro. così à ER de Bayana fontccs villages quien dependét, Wyrisz cos,Kactfoulpoer 4.cosÿ Heffaunda 4.cos, T zerres 2.cos, Barolu 12 cos, 21212 vhara 5.cos , Pantha 2 2 così "T zettolie 3.cos, Tlonoher 6.cos, Tfonheri 6. cos : Hindaun a 10.cos : Bayana ἃ fous fa iurifdi&ion Khera 2.cos, Ziamalpoura 2.cos, Kotropoeï 2. cos, Hatzianes pocr 2.005, Vanfier poer 6.cos, Tzeroots. cos, Ziotowali 6.cos د‎ Kardaufiz 6. coss Tora qui eft à 18. cos de Bayanaaauffi quelques villages qu: cn dependent, où om recueille bien 100.paquets d Indigo, qui eft d'vn violet fortbrun, m On tircencores beaucoup d'Indigo de Koheloffgoría , quieftà 30.cos ΔΑ στα, “de l'autre cofté de lariuiere. Les Armeniens & les Marchands de Laor & de Ca- bouffe achetent tout cet Indigo, qui eft fort bon, quoy qu'il n'ayc pas tant de res puration que celuy de Bayana, nousn'en achecons point par certe raton, ny le: Angloisauffi :il feroit à propos d'en acheter quelques paquets ,abn que Meflieurs de la Compagnie en peuffent faire l'effay , ὃς voir comment il reuilit à la ceintures! car s'il (c trouuc aufli bon que celuy de Bayana, nous ne fcrions point obligésde paffer par les mains de ceux Bayana ; ils en recucillent tous les ans yn portant. l'autre #00. paquets. Mecu wat depend d’Agra, ce quartier en rend tous les ans 1000. paquets; mais l’Indigoen eft builcux & ne vaut pas grand chofe :il y 2 ore dinairement du fable mefle, ilsne le font point en la maniere de ccuxde DA mais (uiuent celle de Sirchees , qui le pilent pour en tirer la fubftance des fcüilless le mettent dans vn puits, qui a laforme d'vn vaiffeau où on batle beure en Ho lande; le: remuent continuellement, en oftent ce qui vient au deflus; cet Indigo ne fevendque 20.roupiasle Maon, quand celuy de Bayana en vaut 5o. encore le meilléurne fort-il point du pays, & fe tranfporte par tout l'Indoftan;& aux autres JN places voifines où il n'en croit point. ١ i E | Pour ce qui eft de la maniere d'acheter l'Indigo ,Pexperiénce que Pen ay der plufieurs années, me fait croire qu’il faudroit garder cette conduitte ; l'entends: que lors que celuy qu'ils appellent Ziarye n'a point fouffert d’accident,& que l'as, tre qu'ilsappellent Nouty a eu les pluyes à propos,mon fentiment feroit qu'on en-. uoye vn homme ou deux à la fin d'Aouft , ou au commencement de Septembre à. Ghanoua & aux villages qui en dependent, & qu'ils achetaffent tout,a canfe qu'il eft fortbon ; mais sil n'y auoit pas apparence d vne grande recolte il feroit mieux. qu'il demeura à Ganoua , & qu'ils l'achetaffent de certains Marchands Payens ou, Mahometans qui y demeurent, & qui auancent de l'argent aux payfans, les obli-. geant à ne donner point leur Indigo , quand ilfera meur, à d'autresqu eux: ceux-là nous le donneroient volontiers pluftor qu'àd'autres;outre qu'ils en cultis DES INDES ORIENTALES 5; Went eux- mefmes beaucoup, autrement fi vos facteurs couroient de village en Village,peut eftre qu'au premier ils l'auroient à bon marché,maisau fecond villa- ge onleur voudroit augmenter de prix, dont ray veu pluficurs exemples. Les Armeniens l'achetent de cette manicre;& quand ilsen font fournis, de peur que les autresn'en profitent, ils donnent à entendre à ces peuples qu'ilsacheteront tout le refte , cequi nous fait bien du tort. On ne fçauroit empefcher que ces Mar- “chands que nous venons de dire , n'ayentle premier profit de l'Indigo ; car ils ont vne adrefle detraitter auec les payfans & deles perfuader, que nousn'aurons jamais. Onauoit accouftume de le pefer dans vn double fac, & d'en rabbatre cinq ceels pourle fac, maisil en faut compter vn cecr dauantage par maon; on don- noit encore 20.0u 30. plotte par deffus le poids, felon que l'Indigo pefoit; plus ou moins, ccla emportoit bien cinq ceers par maon; l'on comptoir auffi ancienne- ment 41. ceers pour vn maon , tous ces auantagcs enfemble faifoient bien fept iceers de plus que le poids, ainfi il eftoit à meilleur marché , & il y en auoic tant en ce temps-la, que les payfans n'en fçauoient que faire 5 & que ceux qui l'a- ‘cheptoient d'eux, eftoient obligez d'en garder des centaines de pacquets faute de Marchands ; mais depuis l'année 1621. que Indigo fut mange des fauterelles, ils n'enfcauroient fournir autant qu'on en demande, & il n’en demeure point d'vne annéeà l'autre ; ils ont fait cepuisles pelottes plus petites, & au lieu de les pefer auec des poids de cinq ceers , ils en employent de dix, il faut quelquesfois τς ou 16. pelottes pour faire le ceer, ainfice qu'ils donnentde plusque le poids eft fort peu de chofe ; d'ailleurs cette marchandife feiche plus qu'on ne fçauroit croire; car yn paquet qui aura pefé quatre maons dansle pays, n'en pefera que trois & demy en Hollande, ce qui a fort eftonné autresfois Meflicurs de la Compagnie; qui ne pouuoient comprendre vn fi grand dechet ;il feroit neceffaire aufli qu'il y euft vne perfonne expres à Bayana, car le marche s'y ouure plus tard qu'ailleurs, ilferoitaffez temps d'y aller au commencement d'Ottobre, outre qu'il y a des gens fort riches, entre autre vn Mirfia-Zadoch & vn Gazi fafel, qui recucil- lent la plus grande partie de l'Indigo de ce cartier là, & qui depuis quelques anncesn'en ont point vendu à d'autres qu'à nous: c’eft dans leurs maifons qu'on en arrefte le prix ordinairement, vn roupiasou deux par maon plus cher qu'aux autres villages, à caufe que leur marchandife eft meilleure: quand le prix cft ar- refté dela forte, chacun peut vendre fon Indigo à qui il luy plaift, tous les autres portant ce refpeët à Mirfia-Zadoch à caufe qu'il eftle plus ancien marchád du pays. Voila en peu de mots ce que icfçay de l’Indigo ; qu'on appelle de Bayana, nous l'auons acheté fort cher auffi-bicn que les Mogols & les Armeniens, ces quatre dernieresannées: les Armeniensle portent à [fpahan & de là en Alep;pourles An- glois, ils n'en ontachert que 600. paquets depuis fix ans ;car leur trafic eft fort de. cheu, partie par leur mauuaife fortune, particauffi par leur mauuais mefnage; mais s'ils s'appliquent à cetrafic,commeils le fouhaittent fort, & s'ils ont de l'ar- gent pour le faire, le prix del'Indigo montera apparemment bien haut. Amadauat eft vne ville de grand trafic,on y apporte d'icy beaucoup de foyes de Patana pour yeftre trauailléc & employée en armoifins ; panne; facins,& plufieurs fortes d'cítoffes curieules que l'on faifoit venir autrefois de la Chine , des couflins trauaillés auec du fil d'or;on y porte auffi du fpicanardi, du tziorela, de hingh ou "affafetida, & cent autres fortes de drogues, descaffen ou eftoffes de Bengale; -tomme aufli d'autres eftoffes de ce mefme pays & de Pourob , dont les femmes payennes s'habillent; vne autre marchandife qu'ils appellent Pomeris, qui vien- nen: de Caffamier & de Lahoor, & auf du kand de Bengale, qui eft vne efpece de fuccre blanc. Pour retour ils rapportent des efcharpes dont ils font leur turbans ; des or- nemens de tefte pour les femmes, trauaillés auec de l'or, qu'ils appellent Otnis; des velours , des fatins; des noix de cocos , dela cofte de Malabar, desdraps 8 ADVIS SVR LE COMMERCE de l'Europe, du plomb, de leftain,du vermillon, du vif-argent;beaucoupd'efpice- ries, particulierement dc mufcades,des cloux de girofle, de la canelle;du Macis,du bois de fandal,la plufpartdefquelles marchandifes ilsachetent de nousà Surate;& u'ilsauoient autrestois des Portugais à Cambaya;mais maintenant ce commerce eft prefque efteint, & au lieu qu'autrefois il y venoit trois carauanes ou cafiles; ceít à des flottés de vaiffeaux des marchands de Goa, Cochin, Beffiain, Do- man , & de toute la cofte des Indes, qui eftoient conuoyez par l'armée Por- tugalle, qu'ils appelloient armada de remos, & affeurés par là des courfes des Malabares, ennemis irreconciliables des Portugais. Cette année 1626.il n'cft venu quc quarante vaiffeaux encor de peu de valeur, qui eft la caufe dela decaden=« ce non'fculement de Cambaya, mais detoutle pays de Guzarate: en ceremps-la les efpiceries , les foyes de la Chine & de toute l'Europe pafloient par les mains des Portugais, qui fe contentoient d'vn gain mediocre & d'y gaigner dix ou quinze pourcent, & les Marchands du pays qui leurs donnoient en échange d'autres eftoftes, y trouuoicnt leur compte, toute la hayne de ce changements eft combee fur nous; ils difent que nous en fommes la caufe, & qu'au lieu ἀνα million de roupias, qui cft la fomme à laquelle peut monter tous les ans noftre trafic & celuy des Anglois, ils en faifoient autrefois vn,cent fois plus riche, non feulement dans ces pays,mais aufli en Perfe & en Arabic. Pour ce qui eft de noftre commefce en ce pays on l'auanceroit notablement fi Meflicurs les Directeurs vouloient efcouter ce que des gens, qui en ont vne longue experience, leurs en ont reprefente ; principalement pour le fait du coms merce des eípiceries, dont il femble qu'ils ne connoiffent pas encor toute la con= fequence : ces efpiceries font les fruits de certains arbres qui necroiffent que dans les país qui dependent de Mefficurs de la Compagnie ; comme dans les Moluques sz dans PIfle de Banda, par cette raifon Mefficurs les Direéteurs n'en deurojent point enuoyer autre- part, dans la cofte de Coromandel qu'à Karnataka, Golcon= da & lieux circonuoifins; 200. maon de clouds de girofle,autant de mufcades,& 20; fo cke!s de cannellcfourniroient ces places; car dans tout le pays de Carnataca ce font Payens,qui fe feruent fort peu d'efpiceries : ilen eft de mefme du pays de Gol- conda & de Kercka, & pour ce qui eftde ceux qui fuiuent le camp de Melckamber; ‘ce font peuples pauures & fuperbes,femblables en cela aux Efpagnols,& aufsi dans la fobrieté de leur viure: les Mogols au contraire, & les foldats de l'Indoftan ne different guieres des autres Nations de l'Europe , quiaymentà faire bonne chere. Outre que nous auons defcouuert parle moyen dediuers Bayannes qui demeurent, icy, & qui tiennent des fa&eurs à Golconda pour acheter des diamans & des efpi- ceries, ona traníporté à Agra parles chemins de Barampoure 300. maons, c'elt à dire 15000. linres de clouds de girofle, & beaucoup de noix mufcade ,de cannelle,. d'eftain, & defemblables marchandifes à proportion, ce qui a fait baiffer nos mar-- chandifesiufquesà dix ou vingt roupias par maon, ou pour mieux dire qui a tout. à faitempefché noftre debit; car comme nous n'auons point de gens à Golconda: & Barampour , aufquels nous nous puiflions fier, nous ne fcaurions prendre de fiance fur ce que les Payens oules Mahometans en efcriuent , & les Marchands dans cette incertitude ne fçauroient prendre à propos leur party ; peut= eftre que ceux qui ontla direction des affaires de la Compagnie a Mazulipatan ne Pont iamais aduertis qu'ils ne trouuoient pas en ce pays-là le debit du quart des marchandifes qu'on leur enuoyoit, peut-eftre aufsi que s'eftant acquitté عل‎ ce deuoir,on n'a pas fait le cas que l'ondeuoit deleurs remonftrances: cependant c'eft vnechofe qu'on pourroit efprouuer en deux ans de temps fans beaucoup hazar- der , ientends quc outreles 25000.liures de cloud de girofle que l'on a accoultu- mé d'enuoyer à Surate , on en enuoye encore 50000. & de mufcade,& de la can: nelle & du Macisà proportion, & que l'onne portaft à la cofte de Coromandel que la quantité que nous auons dit cy-deuant, Mrs de la Compagnie verroient pat leurs DES INDES ORIENTALES. 9 Teurs ljuresen la premiere feconde année fi ce changement que ie leur propofe leur eft vcile. Ce (croit affezde 700. maons de cloud de girofle pour Agra, qui reuiennent à 35000. poids d'Hollande, à 200. roupias le maon ou go. florins d Hollande. Six cens maons ou 30000, liures de noix mufcade à cent roupias le maon. Trente pacquets de Macis à300.roupias le maon, la vente detoutes ces mar- chandifesne s'efloigneroit guercs de ces prix,on en receuroit ce qui fuit. | De 700.maonsde c'oud de girofle à 200. roupias le maon. 140000.r0Up. De 600. maons de mufcade a 100.roupias le maon. 60000. roup. De 30. paquets de Macis , qui pefcront felon mon eftime $o.maons.15000.rou. s 215000. rouplas. Auec ce capital , nous tirerions d'icy tout ce que Meflieurs de la Compagnie fouhaittetoient, ou pour l'Hollande ou pour Batauia, & il leur en refteroit en- core quelque argent comptant : ils en tircro1ent 1000. 0t 1200. paquets d'Indigo de Bayana , beaucoup de lalpeftre,de Borax, de lacque, beaucoup d'eftoffes;celles qui viennent de Bengale, & toutesles efpeces de toiles qu'ils tirentd icy, comme celles qu'ils nommenttziouter, femianes, ambertis, & beaucoup d’efcharpesblan- ches: au lieu que maintenant nous traffiquons icy fans reputation pour ia Compa- gnie,qui y efttoufiours chargée عل‎ debres, àcaufc que celuy qui en ala direction à Surrat ne peut point enuoyer d'argét par les Cafilas qui portent les cfpiceries;car à peine les vaiffcaux font ils déchargez,que l'argent eft employé à faire leurrecharge ou retour;ainfi nous ne pouuons faire cftat que de 20000.liures decloud, de 15000. liures de noix mufcade;& de Macis 20. ou 3o. pacquets de cannelle : cependant que les Marchands du pays qui fçauent que nous en auons tous lesans cette quant τέ nous forcét à le donner au prix qu'ils y mettent;car ils fçauent auflibien que nous, “qu'il nous faut de l'argent comptant pour acheter lefalpeftre, les toiles & autres ‘marchandifes, qui nes échangent point; & fi nous faifons difficulté de le donner au prix qu'ilsle veulent, ils fe feruent des cfpicerics que leurs enuoyent les Marchäds Mahometans de Golconda, encore qu'elles ne foient pas fi bonnes que les noftres; car ils ont certaines addreffes de les moüiller , tellemér que non feulementla feche- reffe ne les fait point diminuer de poids parle chemin, mais mefme elle augmente de poids de 8. pour cent fur le cloud de girofle ὃς des .ou 4. pour cent fur les noix mufcade. Le mois de Septembre eftant venu , qui eft le temps auquel commence la moiffon de l’Indigo,nous fommes obligez fouuent malgré nous,de vendre nos épi- ceries , quoy que nous voyons clairement que ceux à qui nous les vendons, les reuendront vn moment aprés 14. ou 1$.roupias dauantage chaque maon : le reme- de feroit de faire venir icy 20000.roupias par la caffila ou carauanne, car pour cé ui eft deslettres de change que l'on enuoye, elles ne fe payent iamais, que lors que la Compagnie a defia (ouffert cette perte; l'autre remede feroit de n'enuoyer point d'efpiccrie fur la cofte , & de faire paffcr ce debit tout entier parles mainsde ceuxquiferoienticyà Agra. La cherté qui y eft maintenant ofte à ces peuples l'enuie du cloud de girofle, au . lieu que fi on le baiffoit de prix, le bon marché feroit que plufieurs en achete- | roient qui ne s'en feruent pasaniourd’huy:& ay entédu dire àbeaucoup de vieux * Marchands, que les Portugais dans le temps qu'ils eftoient les Maiftres de ce com- merce, en debitoient trois fois plus que lon ne fait maintenant; ils levendoienc depuis 6o. iufques à 80. roupias {eulement , ce bon marché faifoit qu'il s'en con- fommoit beaucoup , & il n'y auoit pointde payfan qui n'en fit porter des braffc- lets ἃς des colliers à fa femme & à fes enfans. Les Portugais apportent d'icy de Timor beaucoup de bois deSandal,de Timor ilsle portent à Ma laca, & de Mala- ca Goa & à Cambaya; c'eft pourquoy ie ne crouuerois pasa propos d'en enuoyer icy plus de 80. maons ou de 400. liures, qu'on ne peut pas vendre plus de 500, roupias le maon ;il y auroit beaucoup de profica faire lur la marchandife que nos Seconde Partie. x D 10 ADVIS SVR LE COMMERCE vaiffeaux apportent d Hollande, files Anglois n'en apportoient point fi grande quátité tous les ansyattires par le fouuenir du profit qu'ils y ont fait autrefois, lors pa qu'ils eftoient les feuisMaiitres de ce commerce ; ils apportent beaucoup de bran- ἜΡΩΣ 8° ches de corail,1000: aulnes de gros draps, iaunes,rouges,gris,que l’on a en Hoiláde aufncs pour 4. chelins;ou 4. chelins & < la gerde;& qu'ils vendenticy iufques à 8. roupias 4 Hollande. ja gefle:ilsy portent auíli beaucoup de vermillon,de vif argent, d’yuoire, diuerfes fortes de coufteaux, fur lefquels ilsgaignoient beaucoup.Ils ont enuoyé des vaif- {eaux entiers chargez de fabres&de coütcaux,mais la roüille en gaftoit autát qu'ils en pouuoient vendre pour la Cour du Prince ; ils apportent destapifferies de foye عق‎ delaine, où il y ales hiftoires du vieux teftament reprefentées,de groffes perles, ' des rubis , de rubis balays, des ouurages d'or enrichisde pierreries, toutes fortes. de nouueautez & de curiofitez, qu'on n'a point encore veu en ce pays-là , & | dontle Mogol d'auiourd'huy cft fort curieux : ils fe font rendus par là confidera- bles dans cette Cour, & fc font fait beaucoup d'amis entre les principaux, aufquels | ils vendent ces curiofitez plus qu'elles ne valent, & font pafferlachofe pour. vn trait d'amitié. Il eft vray qu'ilsontdela peine à en tirer de l'argent , & qu'ils. courent fouuent grand ri(que;à caufe qu'il n'y a point icy de fortunefieftablie, qui. ne fe puifle renuerfer du ¡our au lendemain. Les Anglois ont entretenu autre-- fois vn Ambaffadeurauec grande depence, maintenant le Marchand qui a la di- reétion de leur commerce en fait la charge , & follicite à la Cour les Firmanss & les ordres qui leurs font neceffaires : Tous lesiours ceux de la Cour nous de mandent pourquoy nous n'auons pas de fibons ouuriers que les Anglois, d'ou, vient que nous n'auons pas la mefme curiofité pour les pierreries; il feroit des la reputationde la Compagnie d'y enuoyer tous les ans pour 100000. liures de pierreries, qu'ils appellent toffa , entends de groffes perles , de grofles eme-. raudes, de la vieille roche, de beaux ouurages d'orfeurerie , dont la maniere. feroit plus ayféc à faire entendre de bouche, qu'il ne feroit facile d'en faire icy la defcription : ils eftiment beaucoup les pieces qui paroiffent tout autres au de 一 hors qu'au dedans,les coffres qui s'ouurenr auec denouuelles inuentions, & mille autres curiofitez , qui fe trouuent aflez fouuent à la foire de Francfort ; mais il faut que ce foit des ouurages de Maiftre ; car pour ce qui eft de ces bagatelles qui fe vendent à Paris chez les Merciers, ils n'en font pas de cas , & tout leur pays en eft plain:il faudroit enuoyerence pays-cy lesmarchandifes (uiuantes. M Dix ou 12. pieces de tapis de foyc ou de foie meflée aucc de la laine, longs depuis 4. iufques à fix auncs , & de deux aunes & demie, ou de trois aunes de large. À Quatorze ou 15. pieces de bon velours rouge, tanc ou vert, neuf ou dix pieces de beau latin des mefmes couleurs, il n'y faut point de drap d'or, car ils en tirent de Perfe plus large que lesnoftres, & à meilleur marché. ΝῊ Neuf ou dixliures de de toutes couleurs horf mis de noir, des peti- res cifeaux trauaillées curieufement à iour, des coufteaux de mefme, pour en faire des prefens, quelques (abres de cinq ou fix francs la piece : des miroirs auec | la bordure dorée du mefme prix; ces marchandifes font fort propres pour la Cour. du Prince ,& pour le Camp, & leur proffit redrefferoit la Compagnies des auas nics & des vexations qu'onluy faiten ce pays. o On pourtoit encore vendre icy à Agra,tous lesansgo. maons ou 2500.liures | de vif-argent,que i'eftime que l'on pourroit vendre 160. ou 180. roupiasle Maon. Cinquante maons de vermillion, depuis 180 iu(quesà 200. roupias le Maon. Trente Maons d'eftain à 58. iufques à 40. roupias le maon. Cinquante maons de dents d'Elephant,mais il ne faut pas qu’elles foient gerfces; \ car elles vaudroientla moitié moins; par cette raifon il les faudroit faire fier à S urrat de la hauteur de 4. doigts piece, faire fondre de la cire deffus , & les em- paqueter dans des corbeilles ,de peur que la chaleur ne le faffe fendre : les en- tieres pourront valoir depuis 70. iufquesà 80. roupias, celles qui feront. fen- dues ou gerfées, depuis zo. roupias iufques à 30. ilsen font au tour des anneaux Sumalierfel DES INDES ORIENTALES, 11 our lesfemmes des Payens : car c'elt Pornement le plus ordinaire de celles des Prouinces de Multan & de Pocrob: fort peu ou point du tout de ces draps rouges qu'on nous a enuoyés de dix ou douze francsl'aune , car l'on en trouue pcu de debit, comme les Angloisl'éprouuenttcus lesiours. Les Direéteurs seftonncront peut-eltre de ce qu'il ya fi peu de debit à faire dans vn fi grand pays ,ie leur diray fur cela, quele proffit du commerce feroit bien plus grand files Portugais & les Anglois n'y auoient point de part ; ie leur portera y cet exemple, que l'année que les Portugais donnerent la chaffe aux vaiffeaux Anglois, & qu'ils les obligerent de paíler aux Ifles Moluqucs , le vif-argent monta ¡ufqu'a deux cents cinquante roupiasle maon,&le vermillon a 3:0.roupias, le corail & lesautres marchandifes haufferentde prix à proportion , cc qui fait voir qu'enuoycr peu & vendre bien , vaut mieux que de fe charger d'yne plus grande quantité de marchandifes; car les Marchands de ce pays cy, corome ls ne peuuent pas fouffrir vne grande perte, aufli ne font ils pas fort entreprenans, & ne fe chargent pas de beaucoup de marchandife , ayant coufiours l'oeil au profit prefent, ourre que empruntant de l'argent à dix ou douze pour cent, cet intereft les con- fomme dauantege quilsne pourroient efperer de profit en gardant leurs mar- chandifes:les plus riches icy donnent leur argent ἃ cetintereft , ce qui n'eft point hontcux , mais fort ordinaire en ces quartiers. | Tous les poidsde ce paysíe reduifentà deux fortes, comme aufli toutesleurs “mefures, celles d'Agkbar & de Ziamger ; car le Roy d'auiourd'huy a augmenté tous les poids & toutesles mefures de vingt pour cent, de plus qu'elles n'eftoient au temps de fon pere, par exemple vnceer d'Agkbar pefe trente poids ou vne li- ure & vn cart, & celuy de Ziamger en pefe 56.ou vne liure & demyc;ainfile maon d'Agkbar pele 5o.& celuy de Ziamguir 6o. Voila vne difference qui fe trouue dans leur mefure qu'ils appellent gues & dontfix vingt font cent de nos aulnes, Les monnoyes du pays (ont des roupias de plufieurs fortes, les vicilles qui ont efte battués dutemps d'Agkbar, qu'ils appellent gafana, celle qu'ils nomment tzlene ont efte battués du temps du Mogol d'auiourd'huy ; les changeurs les efti- ment le double des premiers. Laroupia qu'ils appellent ziangri vaut 20. fur cent dauantage que la calama, & lorsque le marché a efté fait en monnoye d'Agkbar , lacouftume cft que l'on mc- fure auffi la marchandife a la mefure du mefme Prince. Tlsontpeu de monnoye d'or,les fimples valent 7. roupias & les doubles14.on en fait commerce à melure qu'elles fortent du trefor du Prince, & les grands Sei- gneurs en fontamas;ils appellent pifes leur monnoye de cwiure ; il en faut cin- quante-hui& pour faire vneroupia , il ya encor des monnoyes plus bafles pour les pauures gens, qu'ils nomment caurio. Le falpeftre fe ttouue en plufieurs endroits mais principalement à 15. ou 20. cos à l'entourd'Agra ὃς dans des villages qui ont efté cy-deuaric fort habitez, & font maintenant deferts,on le tire de trois fortes de terres noire,iaune & blanche; le meilleur eft celuy que Pon tire dela terre noire, caril eft fans (cl commun, ils le trauaillent de la maniere (uiuante ; ils font deux puits plats parle fond, cóme font ceux où l'on fait le fel commun , l'vn a beaucoup plus de circuit que l’autre, ils xempliffent le plus grand de terre fur laquelle ils font courir de l'eau, & à force “de monde ils le pietinent & le reduifent en vne confiitence de boulie,ils la laiffent “ainfi deux iours; afin que l’eau puiffe prendre tout le fel qui eft dans la terre ; ils fontipaffer aprés cette cau dans vn autre puits, dans lequel elle fe criftalife en fal- peftre, on le fait cuire vne fois ou 2. dans vne chaudiere felon qu'on le veut auoir plus blanc & plus pur,pendátqu'il eft fur le feuils l'efcument continuellement & le verfent dans des grands potsde terre, qui tiennent 25.0u 30.liures; ilsles expolent au ferain de la nuit, & sily eft demeuré quelque impureté elle tombe au fond: ils rompentles pots, & le feichent au Soleil ,on en pourroit tirer de ce pays cinqà Seconde Partie, | x B ij 12 ADVIS SVR LE COMMER CE fix mille maons; les payfans qui voyent que nous enachetons, & que les Anglois commencentà faire le mefme , nous vendent maintenant deux roupias & demy le maon de 64. liures, dont ils nous'faifoient auparauant meilleur marché de la moitié, . 34. d.20.m. Laor eft (ur la hauteur de 3300. cosd'Agra,entirantversle Nordoeft c'eftoit vne place de grand trafic; lors que les Armeniens & les Indiens portoient par terre à Alep les marchandifes des Indes;c'eftoit l’eftape de Indigo, caronle | portoit- la "Agra & de tous lesautres lieux où on le fait: les carauanes en par- toient en vne certainc faifon , & c'eft par cette raifon qu'on Pappelloit ancienne- | mentl' Indigo de Laor; mais dépuis que les nations de l'Europe font venus aux In-. | des auec leurs vaiffeaux,elles ont entierementfait changer de route à ce trafic; cat. | elles tranfportent ces marchandiles par Mer auec beaucoup moins de frais que les autres marchands ncle pouuoientfaire par terre. Il ne refte plus à Laor que la me moire de ce trafic, dans quelques familles qui fe font enrichics parce moyen, & la. ville feroit prefque deferte file Prince n°y paffoit cinq ou fix mois de l'année; du- rant les plus grands froids ; car il paffe les chaleurs à Cafimire ou à Cabul la riuicre de Rauy pafle deuant Laor , fa fource eft dans les montagnes de Cafi- mir,elle prend la courfe au trauers dela Prouince de Moltan,de Bacher & de Zara: on porte fur les vaiffcaux qui vont par flotte , beaucoup de marchandifes; principalement des armoifins & tafetas que Pon ا‎ à Laor, outre plufieur autres marchandifes que l'on tranfporte d'ailleurs par cette voye,comme les fruits | de Cabul, l'affa fetida, de Candaos, diuerfes marchandifes qui fe trouuent dans la Prouince du Multan. D'icy l'on porte en ces quartiers la plufpart des efpiceries que nous y auons vendués, toutes fortes detoiles blanches de Bengale ; & de Col- conda; del'yuoire, du vifargent, du vermillon, ducorail,desturbans, des cein-. tures, Milos de foye de Amadabat; dela foye de Patana, de la laque ; du poivre,st vne fi grande diuerfité de drogues, queie n'ofe entreprendre de lesnommer. 昌 Moltan cft la capitale de la Prouince, qui porte le mefme nom : elle eft à 1407 -lieués au Nord de Laor,le terroir en eft fertile , & elle eft fur le chemin de ceux qui vont à Candaar: trois riuieres qui y paffent rendent cette ville fort marchan= dc, celle de Raowileour,yers Bacher,8 vers Laor celle de Beerd, tire fon origine des montagnes de Calamir, auffi-bien quela riuiere du Zinde , dontles caux cou* rent auec vne viteffe incroyable proche de Moultan : elle ne taille pas d'eftre mar- chande plusbas. CetteProuince produit yne grande quantité de fuccre, dont il sen porte beaucoup vers Tata & vers Laor : il y croitauffi de l'oppiun ; on en tire beaucoup de fouffre : & les meilleurs Chameaux de tous ces pays: : elle eft renommée avfli par la bonté des arcs que l'on y fait : ony trauaille de toiles blanches, dcs feruiettes que l'on enuoye vers Candaor; la plufpart de ces. marchandifes fe vendent premierement, paffe aprés icy à Agra, & de lá par tout le pays de Syrof & de Laor : on v porte grande quantité de cotton, de pros fil , de toile de Bengale , de turbans , de toiles peintes , vne eftoffa. rouge de Barampoure , quils appellent tzaloup , & quelque peu d'efpicerie. | i Tata eft la ville capitale du Royaume du mefine nom, elle à et vingt cos de la Mer, eft appellée le port de Laor: c'eft là que tous les grands vaiffeaux iet- tent Pancre,mais ils font obligés de decharger leur marchandife dans de petits bat- teaux,qui font neufou dix iours à remonter iufquesà la ville à caufe de la rapidi té de l'eau : Acbar conquit cet Eftat par le moyen de Cancana : elle eft au Sud d'Agra ; dont elle eft efloignée de quatre centcos, à en prendre la diftance par le chemin de Zilleer: de Tata à Laer il y a 700.cos, & il faut paffer par Moltha & par Bacar, ville auffi autrefois &ameufe par le trafit des toiles blanches; | que les Portugais y faifoient lors qu'ils prenoient leur chemin pat le Mufc : les toiles qui sy vendeng, felon mon fens, valent mieux que celles qu'ils appellent. Baffas s ils y *Faifoiene auflibeaucoup d'autres eftoffes; du fil, de la foye y mais ce | i ἡ DES INDES ORIENTALES. 12 trafic ne fe continué plus , & ceux Difpour font obligez de venir trafiquer à Tara, depuis quilsont perdu le trafie d'Ormus; 115 Ὑ portent de la foye, mais en cachette, car cc commerce leur eft deffendu , beaucoup d'vne drogue qu'ils appellent fowa, que les Mahometans appellent Mafly , & dont ils tirent vne belle teinture rouge ; ils y portent auf des amandes , des raifins & femblables fruits fecs ; mais fur tout beaucoup de ducats d’or, à caufe que la defpence du tranfport des marchandifes en abfo:be le profit : pour retour ils prennent des toiles blanches, des eftoffes de fil, qu'ils appellent Taffacils , des cftoffes pour les turbans, des ceintures,des longis, des toiles de Bengale, de l’indigo,de coel, des eftoffes peintes , beaucoup de fuccre : auffi-bien de celuy que nous auons defcrit cy -dcuant fous le nom de Cande, que d’vne autre forte qu’ils appellent poyer, & que Pon tranfporte عل‎ Laor & de Moltan par eau. Caffamir eft fous la hauteur de trente degrez , cette Prouince s'eftend vers lOrient , entre le grand & le petit Tibet; Akbar sen rendit maiftre par ladreffc d'yn de fes Generaux nommé Radia-baguan. Cette ville cft plaifamment fituée au milieu d'vne grande plaine , enfermée tout autour de hautes montagnes, qui s'eftendent bien neufou dix cos vers le Nord: l'on en voit vncaffez proche de la ville οὐ les Mahometansont la fuperftition de croire que Fon voit encor les veftiges de Salomon , qui s'eft aflis deffus : ce pays pro- duit beaucoup de fruits, mais qui n'ont 2511م‎ bon gouft que ceux de Caboul ou de Perfe.Il y fait fort froid au mois de Nouembre, Decembre, & lanuier, pen- dant lequel temps il y pleut, & il y neige continuellement ;les montagnes font couuertesde neige ,& c’eft de là d’où viennentces grands torrens d’eau que nous auons dit cy-deuant. Le Mogol d'auiourd?huy qui cft roufiours incommode d'vne chaleur qui le brufle à caufe des liqueurs fortes qu'il a beù pendant fa ieuncffe , “prend grand plaifir à y paffer les chaleurs. Il part ordinairement de Laor au moisde Marsou d'Auril, & arriueà Caffimir au mois de May, & cela par vn chemin tres-dangereux, & de tres-grande dépence; «ar il n'y a point de befte de femme qui puiffe paffer ces montagnes, & il y faur tout porter à force d'hommes, les eaux auffi font mal faines, mais la cauíe qui fait mourir tant de gens dans ce voyage, cft pluftot le grand froid auquel les Indiens ne font point accouftumé ; enfin les plus riches mcímes fouffrent beaucoup dans ce voyage; qui fait bien voir que cc Prince ne confidere que fes commoditez ὃς qu'il ne compte pour rien les incommoditez de ceux de fa Cour. Il faut qu'il y ait plufieurs années que ces peuples foient Mahometans; car le Prince fur lequel Akbar conquit cet cftateftoir le douziéme qui auoit receu le Mahome- -tifme : ces peuples font fort fales , les habits de laines qu'ils portent & que leur pauuretez ne leur permet pasde changer : ils (ont d'ailleursfort fimples & de meil- - leurc foy que les peuples de l'Indoftan. On ne tire autre chofe de cette Prouince que du fafran, quife trouue de deux "fortes; l’vne qui croit aux enuirons de Caflimir, & que l'on vend icy iufques à 24. - roupias le ceer, l'autre qui croit à Cafteuarry, qui eft le meilleur, & que Pon ^ vend ordinairement à 32. roupias le ceer de 3o. poids: l'on y trauaille auffi - plufieurs Vomeris, qui font des pieces d'eftoffes longues de trois aulnes, & larges ¿de deux, faitesde laine de moutons, qui croit au derriere de ces beftes, & qui eft - auffi fine que de la foye : on tient ceseftoffes expofécs aufroid pendant l'Hyuer, “elles ont vn beau luftre , femblables aux tábis de nos cartiers;il y croit auflibeau- “coup de noix pour teindre que l'on porte d'icy à Agra, les groffes toiles font bonnes pour Caffimir, & celles de fil dont fe feruentles habitans;le poivre & l'o- | piun y font aufli de bon debit; pour la cannelle & la mufcade,ce leur font des mar- ١ khandifes inconnués , & on netrouueroit pasfon compte à y en porter, ficc n'eft “quand le Roy y fait fa refidence. | * Barampour cft efloigné d'icy de300.cos, en tirant vers le Sud, & eft au Nord Seconde Partie. € B nm 14 — ADVISSVR LE COMMERCE ' de Surate , dont il eft efloigné de 150. cos. Cette ville eftoit d'vn grand trafic, lors que Sultan Ceron l'auoit pour fon apanage; car ilcommandoit vne armée confi- derable contrele Decan, tenoit vne grande Cour, & n'auoit pas moins de curio-: fité que fon pere; il entretenoit quantité d'habiles ouuriers , & payoit auec plus de liberalité que luy les chofes qui luy donnoient dans la veuë ; mais aprés qu'il fe fut reuolté conire fon pere, comme on verra plus au long dans l'hiftoire de ce pays , l’on donna les places de fon apanage à Sultan Peruis fon frere, Prince fans cleuation d'efprit , qui paffoit les ¡jours à dormir, & les nuits à s'enyurer: | fans application pour le gouuernement de fon pays, qui ne faifoit point payer fes foldats ; qui par cette raifon defoloient les pays où ils eftoient logez. Les An- | gloisauoient accouftumé d'auoir en ce pays.là vne faétorerie , & yn magafin de | draps, de plomb, d’eftain, de vif-argent , de vermillon, de fabressde fatins, de ve- | Jours, de draps d'or, dont ils faifoient tenir l'argent par le moyen des lettres de change, à Agra & à Surate. Il feroit à propos que nous cullions là yne fadtorerie, 时 pour y vendre les meímes marchandiles & nos efpiceries, & pour retirer des” mains des Anglois cetrafic; quand mefmes nous ledeurions faire auec perte.Dans i la defcription que ie viensde faire ic n'ay fait aucune mention de quantité de places confiderables , àcaufe que ie n'ay pas creu qu'il importaft à Meffieurs dela Compagnie d'en 2uoirconnoiflance pour le peu detrafic qu’on y fait:ie n'ay pas auffi parlé de quantité de drogues de ces cartiers, ou qu’on y apporte des monta= gnes dela Prouince de Purbet & de Bouton; ie me fuis contenté d'en ecrire les noms & les prix dans vn memoire particulier, que i'ay enuoyé à la Compagnie auec vn efchantillon de chacune, parle moyen duquel il fera pius facile de les. connoiftre, que par la defcription que en aurois peu faire; pour ce qui eft du. Borax » du Spicanardi , & du Sel armoniac , ie m'arrefteray dauantage à les defcrire à caufe que ce font des marchandifes dont la Compagnie fe charge tous | les dns de 1 On trouuc le Borax dans les montagnes de Purbet , qui font fousl'obeiffance | de Razia Ribron, dontles Eftats s’eftendent iufques aux fronticres dela T'arra rie Blanche. Son pays a quantité de marchandifes de bon debit, comme le Mule, - la Ciuctte le Borax,le Spicanardi , le Vif-argent, le Cuiure , vne couleur rouge qu'ils appellent Mizelle , qui en teinture fait vn beau tanné. Toutes ces marchan- - difes fe portent à vnc ville quieft à 150. cos d'icy , nommé Donga, qui reconnoit | le Mogol; mais quicft gouuernée par vn Prince nommé Razia Beca. L'endroit où" le Borax croit fe nomme Taaquelcan, c'eftvn torrent qui paffeau trauersdes | montagnes de Putbet, & ferend aprés vne longue courfe dans yne grande Mer; qu'ils appellent Mafferout, qui doit eftre fort efloignéede la Mer Cafpiene;. pas vn ou fort peu de ces peuples, difent Pauoir veuë, & felon la defcription qu'ils en font, ce doit eftre la Mer Noire : le Borax croit au fond de ce Torrent cn forme de Corail, & on le ramaffe deux fois touslesans, fans y apporter autre. preparation, onen tire beaucoup car tout le monde s’en fournit là ; on le yend quatre ou cinq roupias le maon,de 8o. liures : ils l'empaquettent dans des peaux de mouton,dont chacune pefe quatre maons, nous faifons fouffler dedans lors nous Pauons acheté , & les faifons remplir d'huile & de beure, de peur que p longucur du temps il ne perde fa force. * Le Spicanardi croit de luy mefme dans les montagnes, c'eft vne plante dont | lestiges ne s’efleuent que quatre doigts au dellus de la terre: ces tiges s'embaraf= fent les vnes auec les autres, & c'eft ce qu'ils appellent Conquie ; ils tiennent | que ceft vn fouuerain remede pour les paralitiques, ilsle meflent auecdel'hui- | le, enfrottent les membres,iufqu’à ce qu'il ayt bienpenetré dans la chair,& qu'il ayt furmonté le froid , dont la partie eft affectée : la fleur du Spicanardi fort d'vnc tige qui reffemble à des cheueux , & en a la couleur; ils tiennent que la vertu de cette fleur eft contraire au Contquier, onle vend icy fix ou fept roupias ques ar la DES IN DES ORIENTALE S. 15 le maon , on n'en fait pas grand casdans le pays; maison le porte à Tata , au Mol- tan, dans la Perfe,pour micux dire par cout le monde. Le Sel-armoniaccroit a Thanafleri & a Tzerhind , fur le chemin de Laor, c'eft vne efpece d'eícume qui fort de la terre ,en des endroits où il y a des vieilles cauernes ou creux de roches ,on le tire de là,& on le cuit cóme on fait le Salpeftre, on lc vend iufques à fepr roupias le maon;mais depuis deux ans Meflicurs de la Có- pagnie ont deffendu de s'en charger, c'eft pourquoy ie n'en parleray pas dauanta- gc. Ce pays feroit encor plus abondant qu'il n'eit fil’on traitoit les payfans quile cultiuent aucc moins de tirannie quand ils ne peuueut pas fournir la fomme à laquelleils font raxez,le Gouuerneur en fait fes efclauesauccleurs fémes'& leurs enfans , & l'on punit de mort comme des rebelles ceux qui tafchent de fe fauuer dans les Eftats des Princes voifins , de là vient que les terres demeurent defertes, fans eftre cultiuées. L'année cft icy diuifée en trois faifons , durant les mois d'Auril, de May & deluin on y foutfrc vne chaleur infupportable , que les vents qui font chauds comme l'air d'vn iour augmententencor , outre qu'ils font voler vne poufliere qu'ils efleuent en paffant fur des terres legeres, fi noire & fi epaiffe, u'elle couure de tenebres le pays. L'année 1624. le quinziéme de luin aprés midy , il fc forma en l'air vne trauade de poufliere que l'on veid venir de loing; deux heures durant le Soleil en fut cellement couucrc, qu'on n'a jamais veu vne plus grande obfcurite ; & comme elle s'eftoit formée petit à petit , aufli s'en alla- t-elle de mefime : les mois de Iuillec , d Aouft, de Seprembre &d'O&obre , font les mois de pluye , pendant lefquels:l pleut continuellement, ce n'eft pas cependant qu'il ne faffe affez chaud. Au mois de Nouembre, de Decembre ,de Ianuier & de Feurier ; Pair y eft fort tempere , ainfi durant les mois d’Auril, de May , & de Iuin; laterreeftfeiche & dure, à caufe dela grande chaleur qui empefche de la femer de lalabourer : aux premieres pluyes qui tombent,1ls commencent à lemer leur Indigo : leurs grains dont les pauures gens fe nourriflent fe nomment fowar, baheri, hanguenis , diuerfes fortes de pois, dont ils nourriflent leur beftail, nommés moot, monghorb, ourdfaet,dont ils tirent de l'huile : aprés qu'ils ont fait la recolte de cesfemences , ils labourent la terre & la fement vnc fe- conde fois au mois de Decembre & de lanuier ; ils y mettent diucríes fortes de pois, comme tzonne., matíour, mathel , thertfo & alcfin, dont ils tirene de l'huile; ils font pluficurs puits dans leurs terres , par le moyen defquels ils les arroufent au temps qu'elles commencent à fe feicher : quandil tombe de la pluye & quele froid n'eft pas trop fort, l’année eft fort abondante, & produit toutes fortes de racines, de legumes & de grains; ils ont icy toutes les d'herbes que nous mettons dans nos falades , mais clles n'ont point fi bon goult qu'elles ont en nos cartiers , ce qui vient de la qualité de la terre trop maigre & trople- ere. La terreproduit beaucoup d'arbres, mais il y ena peu qui portent du frui&, a caufe que la terre eltíalée , ainfi tous les fruits que Pon y mange viennent dc Candahar ou de Caboul, comme poires,pommes , grenades, raifins, & de plu- ficurs autres fortes : des perfonnes curieules y ont fait apporter des raifins de Perfe, qui n'ont point de pepins, mais c'eftvn grand hazard quand de trois années il s’en rencontre vne pendant laquelle ils puiffent meurir ;les Mangas y font en rande abondance durant les mois de Iuin & de Iuillet;les oranges aux mois de Decembre, lanuier & Fevrier, elles font de fort bon gouft , principalement celles qui croiffenc au tour de Bayana , il y aauffi beaucoup de citrons :les autres fruits du pays ne meritent pas que l'on s'arrefte à en faire mention. 16 ADVIS SVR LE COMMERCE Defcription de leur maniere de iure , eg du dedans de leurs Maifons. A condition de ceux du menu peuple eft fort miferable fi on les compare auec les peuples de l’Europe, car leur εἴας ne differe guere de l’efclauage , d'ail- leurs ils n'ont point d'efperance de rendre leur condition meilleure : Ceux qui font nez artifans ; par exemple, ne peuuent s'efleuer à vne autre condition, ny: fe marier qu'à des femmes de cét ordre : tous les Artilans {ont payez également de leurs iournces,& l'Orphevre n'a pasdauantage que le Marefchal, c eft à dire, 5. ou. 6. tacha ou autant de fols pariour : encores quand le Bacha, le Gouuerncur ou quelques autres perfonnesde cette authorité les enuoyét querir, ils font Ae | dy aller fans en attendre aucune recompenfe; sordinairement ils fe nourriflent dem pois verts auec vn peu de ris cuit dans de l'eau & du beure, c'eft là leur fouper le lus ordinaire , le refte du iour ils prennent vn peu de kahüé & de legumes, leurs maifons font bafties dc terre , couuertes de chaume , ils n'ont point d'autres meubles que quelques pots de terre, ils n'ont point de tour deli, & comme il ny a point decheminées dans leurs maifons, pour fe deffendre du froid ils brú= lent deuant leurs portes de la fiente de vache, ce qui emplit les villes dvne | fumée ἃς d'vne puanteur infuportable. fi Les feruiteurs, dont le nombre cft fort grand, à caufe que c’eft dans leur. nombre principalement que confifte le fafte des plus grands du pays د‎ feruent fort foigneufzmentfelon leurs charges; le Scluidar quia le foin des cheuaux ne fe mefle que de l'efcurie, le frasqui doit faire drefler les tentes a le foin de faire. tendre la chambre de fon maiftre , le Mahauta foin des Elephans qui ont chacun 2 ou trois hommes pourles penfer, vn autre qu'ils nomment Zeruwan cft pourles Chameaux ; mais il n'y a point de place de plus grande ny plus importante que. celle du Zantel ou Courier ; car ils ont efté founent caufe de la difyrace de leurs Maiftres : leurs Superieurs iugeant fouuent de leur merite & de leur ex«titu- de par la promptitude auec laquelle ils font aduertis des chofes qui fe paflene dans l'eftendué de Icurs har ges ; ils courentlong-temps de grande vitefle & fe- ront fouuent en vn iour vingt ou trente coffes, principalement lors qu'ils fe font enyurez d'opion qu'ils appellent poft-bang. La condition de fes gens qui fer- uent dans vne infinité de differentes charges eft auffi fort miferable, car on leur compte quarante jours aumois, pour lequel on ne leur donne que 3. ou 4. roupias, & encores leurs retranche-t-on quelques vns de ces mois fous pretexte des habits que l'onleura donnés oude chofes femblables, la condition de ceux qui tiennent boutique de quelque marchandife que ce foit paroit vn peu meilleure;mais quand. ils ont fait quelque fortune il faut qu'ils la tiennent cachée depeur qu'elle n'attires l'enuie des Gouuerneurs ou de ceux qui font auprés de luy ; qui ont milles moyens. de leur ofter tout le frui& de leur negoce , ce leur eft mefme vne des plus mauuai- | fes rencontres qu'il leur puiffe arriuer que d'entrer en traiété & de vendre quel- que chofe au Seigneur du pays : caron les paye de cette monnoye du pays qu'ils. appellent petits roupias, & eux au contrairc ils font obligez de leurs donner leur marchandife au grand poids qui eft de vingt pour cent plus fort que l'erdinaire: il faut encorerabattre neuf pour cent pourle Tefturi, adiouftés à cela le droit de PEfcriuain & du Courtier Sc. tellement que le Marchand qui tient bou- tique perdra quelquefois à vn de ces marchés tout ce qu'il agagnéen vn mois de temps, la condition de ces peuples eft comme ie viens de dire tres-miferable: il femble au contraire que la magnificence, les richeffes & les plaifirs ayent choify les maifons des grands de ce pays pour y faire leur demeure, & quoy que leur for=, tune n'aytrien d'affeurée, & que le moindre rapport fait au Prince les puiffent fai- re tomber dans la derniere mifere, fi eft-ce que cette crainte ne les empefche point de fe feruir de leur bonne fortune prefente, & de prendre toute forte de plaifirs | DES INDES ORIENTALES. 1 «plaifirs auec la plus grande fecurité du monde. Ils efpoutent ordinairement3.0u 4. femmes , dont la premiere cft fort refpectéc des autres,elles logent toutes dans vn méme Mahal ouSerail fermé de hautes muraiiles, elles ont dans cette enceinte des bois,des eftangs, ont chacun des femmes cíclaues qui lesíeruent dont le nombre n’ett reglé que parla magnificence de leur mary, y a de fes Dames qui en ont jufques à 100. come il y apeud vnion enti'elles chacun à fon loge- ‘ment à part & la table auffi que l'on couure de viandes preparées das vne cuifine com- ‘mune,chacune de ces Dames fgait ce quelle à à dépéfer par mois, l'on ne fçauroit croi- xe Padrefle quelles ont & leurs efclaues , pour bien receuoir leur mary lors qu'il vient paflerla nuitauec elles, fic'eften Eftéles vnes apresl'auoir des-habillé le parfumenc dc bois de fandale & d'huiles de fenteur, les autres luy font de l'air auec des éuan- tails, on luy a preparé yn Concert de mufique & d’inftruments, elles tra- uaillent tous les jours à luy compofer des conferues ou Fambre n'eit point épar- gné ny toutes lesautreschofesquiluy peuuent nueux faire goufter le plaifir des Da- mes, ils mangentle jour à pluficurs reprifes & boment beaucoup de vin quand la fraifcheur de la nuit eft. venué, ils ne fe couchent gueres devant la my-nuit ; if y a ordinairement dans chaque Serail quatre ou cinq Enuques ciclaues de la Cofte de Bengale , les Dames du Serail leurs font millescarefiesà càufe que leur fortune dépend en partie du recit qu'ils font de leurs perfonnes à leurs marys, & que fi elles ont affaire de quelque chofe ; il faut quelles paffent parleurs mains, aufh ils arent de ces Dames tout ce qu'ils veulent;font fouucnt mieux couuerts & plus proprement que leurs Maiftres,car ils portent fouuét des habits faits des mains de leur maitticífes & nonobftant leur incommodite il n y en a gueres quine trouuent quelque bóne for. tune dans le Serail de fon Maiftre : ces Dames font reduittesà fe paffer d'vn fi mau- uaisdiuertiffement, & quoy qu'ellesayentles plus beaux habits du Monde, qu'elles faflent grande chere ; iln y ena point neantmoinsqui ne fe croye fort mal-heureu- fe & quinc voulut changer la condition auec la plus pauure de nos Hollandoifes. Les Maifons de ces pays font battiesd’vne maniere allez agreable, cllesont tou: tes vne terraffe oul'on va prendre l'air dans la fraifcheur cu jour, elles font accom- pagnées de jardins, de canaux, & de fontaines où ils ie baignent fouuent , quieft vn des grands plaifirsdespays chauds,& qui n'eft prefque point connu aux noftres : leurs baftimensà la verité durent peu; car les murailles font de mortier fans chaux ; mais il n'y a rien de pluspropre quelesdedans ; ilsfurpaffent en cela tout ce qui fe prati- queen Hollande; les murailles fónt crefpies de chaux viue meflée aucc du laic; & dufuccre qu'ils eftendencdeffus ὃς qu'ils poliflentauec vne agathe; ce qui les rend vnies & luifantes comme vne glace de miroücr. Les meubles de nos quartiers ne font point en vfàge icy ; ceux qu'ils ont font en- richis d'or &d'argent ; ils ont beaucoup de vaiflelle ; mais qui eft toufiours dans'leur Serail , la chambre ou ils donnent audiance cft la plus parée de toutes; ilss y rendent le matin & tout leurs gens leurs y viennent faire le falam, efpece de reuerence, qu'ils fonten fe courbant vn peu & portant leur main droite fur la tefte : les gensd'é- gale condition fe faluent en inclinant le corps, fans porter la main fur latefte ; à les Voir en conuerfation les vnsaueclesautres , on les prendroit pour les gens du mon- de les plus retenus, tant ils fçauent bien garder la bien-feance & la grauité : quand on leur fert à manger ; le Maiftre d'Hoftel ferc les plats deuant chacun, félonfa ‘qualité; chacun ne touche qu'au plat qui eft deuant luy ; toufiouts de la main droite; & jamais de la gauche ; ne boiuent point durant le difner; mais bien apres qu'ils onc fait leurs prieres & laué les mains: quelques-vns pour éuiter la defpence de latable mangent toufiours dans leurs Serails. (ME ا‎ La plufpart de ces peuples font Mahometans , de cette feéte quicroiren Maho- met ,& tiennentpour Heretiques les Perfans &les Tartares Víbecquesqui fuiuent la do&rine de Haly qui auoit efpoufé la fille de Mahomet:ils ont des Sainéts, beau- gii i. coup de traditions de leurs miracles, & font fort faciles à en croire de nouueaux. iamàa.— ^ Seconde Partie. eli & C 8 | ADVISSVRLE COMMERCE Sultan Courferou fut affaffiné par fon frere Sultan Cooron l'année 1621. l'on porta fon Corps à Agra, & de lá à Elabas où il deuoit eftre enterré; l'on dreffa vn monu- ment à tous les endroits où fon corps repoloit la nuiét fur ce chemin ; chacun de ces monuments auoit fatrouppe de gueux quis y arreftojent, & qui faifoient accroire au peuple que Dieu leur eftoit apparu enfonge, & lesauoit chargés de donner de diffz- rents aduis à ceux quiles confultoient & entiroientpar là beaucoup de profit: la chofe alla fi auant que l'on y venoit par proceffion auec trompettes & enfeignes, & celaen | figrand nombre que le Roy fut obligé de defendre femblables proccflions ; Pon | void par là la veneration qu'ilsont pour ceux qu'ils croient Saints; ils difent de leur Mahomet que fon corps ne iettoit point d'’ombre,que quand il auoit à aller d’vn lieu à l'autre, leslieux s'aprochoient pour luy efpargner la peine du voyage, &femblables 下 autres chimeres. Ce n'eftpasicy le lieu d'efcrire l'hiftoire des Roysde ce pays; mais ce fera affez de dire que le Prince alaiffé empieter fon authorité par vne femme qui eft bien plus con- fiderée dansfes Eftats que luy-mefme ; elle a remply les premieres placesde la Cour de fes creatures,& les graces que le Prince a accordées font fans effet, fi elle n'y a don- né fon attache ; toute la puiffance & toute les richefles de PEftar fonc entre fes mains, & entre celles de fon frere Afaphchan ; ils baftiffent partout des Palais, des Serails, auec vne magnificence fans exemple; pour le Roy il ne fonge qu'à la chaffe, il y va tousles jours; lors qu'il eftreuenu fürle foir & qu'il eft dans fon Gufialghana, tous les grands Seigneurs luy viennent faire la reuerence , & c'eftauffiletemps qu'il don ne audiance aux eftrangers ; c'eft-là qu'il boit trois couppes pleincs de vin , obferuant vne certaine interuale de temps, entre l'vn & l’autre coup ; à chaque fois qu'il boit, les affiftans luy fouhaittent toutesfortes de profperitez ; aprés qu'il a beuleétroifiefme coupil s'en và dormir, & les teftesles plus fortesrefifteroient difficilement à la for- ce desboiffons dont il fe fert ; c’eft là le temps que Nourziambegen prend pour luy faire figner tous fesFirmans. - Toutes les places de fon Eftat fontenregiftrées dans vn liure que le Diuan garde, auecla fomme qu'elles doiuent rendre au Prince ; il donne ces terresaux principaux de la Cour, & c’eft fur ces reuenus que leurs penfions de mille & de deux milles che- uaux font dfigates: ceux qui font obligez de feruir aëtuellement auprés du Prince les afferment à d’autres : ع1‎ paysen eft maintenant fi ruiné que le Ziagri ies quirendoit au- crefois cinquante mille roupias n'enrend pas maintenant la moitié , quoy que le pay- fan qui le cultiue ait à pine du pain pour viure, files terres ne rendent pas la moitié de ce qu'elles rendoient ; aufliles grands Seigneurs ou Capitaines n’entretiennent- ils pasle quart des cheuaux pour lefquels.ilsfont payez , & prodiguent ce qu'ils efpar- gnent de ce coftélà en valets, Elephans, Femmes, 3 paroiftre auec beaucoup de fefte & de fuitte ; quand ils marchent dans les ruës leur gens crient Beyrt-pheos, c'eft àdire, faite place, & chargent de coups ceux qui ne fe deftournent pas. Les Officiers du Prince affiftent à la mort des grands Seigneurs du pays, fontin- uentaire & enleuent tout ce qui eft dans leurs maifons iufques aux bagues de leurs femmes, & on ne leur laiffe ordinairement & à leurs enfans que autant de reuenu. qu'il en faut pour viure ; on s’eftoñnera fans doute qu'ils ne donnent point d'ordre pour leur eftabliffement , lors qu'ils fonten vie : maisde lamaniere dent ils viuent, ils ne le peuuent pas faire ; car chaque Seigneur à fon Diuan ou Officier, par les mains de qui paffe tout ce qu'ils ont de bien; ce Diuan a des Officiers fubalrernes qui fcauent autant des affaires de leur maiftre que luy-mefme; tiennent tout par compte , & font obligez de reprefenter leursliures; & quand on doute qu'ils avent d’eftourné quel- que chofe ,on leur preffe fieftroittementles poulces qu'on leur fait auoüer la verité. Quand on queftionne les Grands du pays fur cette auidité qu'ils ont à amafler par toutes fortes de voyes de l'argent qui ne doit point paffer aux leurs, ils dient que rien n'eftablit mieux leur memoire aupres de la pofterité que de voir dans les liures du Prince les richeffes que Pon trouuc apres leur mort. D'ESGINDES: DORA ENT A EJES: 19 Le Mogol d'aujourd' huy, ou pour mieux dire, fa femme quile gouuerne abfolu- ment, tient pour maxime d'auancer aux premieres chargesdes gens qui font de nulle confideration dans le pays, lors qu'ils luy ont rendu quelque feraice , & de re duire dans la derniere neccffité lesplus Grands de fon Eftar, (ur le moindre fijer qu'elle a de s'en plaindre ; il n'y a rien de ftable dans céc Etat, leursbattimens &leurs Palais mefmes ne durent guere plus que la vic d'vnhomme ;l'onne void point qu'aprésla mort de celuy quilesabaftis, pèrfonne prenne le foin de les entretenir, & encores moins de continuer les deffeins que les autres ont commencés ; chacun fongeant à . . . LES o eftablir fa reputation par de nouucaux deffcias, pluftoft qu'à conferuer celle de fes predeceffeurs. Ils onc desliures de Loys & de Couftumes, la plus generale eft celle du Talion, de faire creuer l'œil à celuy qui l'a creué à vnautre : mais dans la verité le luge don- ne toute liberté de decider feton fon caprice ; ou pluftoft felon fon interctt ; car ils ju, gent ordinairement en faueur de celuy quileur donne dauantage. Le Roy mefme ne reçoit point les requeftes de fes fujers, fils ne leur font quelque prefent. Chaque ville a vne place nommée Ket-Chari, ou le Gouuerneur, le Di- uan, le Baxi, le Coutewael, le Cazi & autres Officiers s'affemblent quatre fois la fe- maine pour rendre la Iuftice :on ne punit de mort que lesmeurtriers, encores elt-ce quand ils n'ont point d'argent pour fe racheter : les autres crimes fe puniffent ordinai- xement par la confifcation des biens du criminel au profit du Gouuerneur & du Cou- tcwacl : le diuorce eft fort ordinaire, & s'execute quelquefois fur des injures que le mary & la femme fe feront dires. 1 Les ordres & les depefches du Roy font portécsauec grande diligence par des cou- ricrs à pied,car de quatre coscn quatre cosil y a vn pieton qui fait cette cariere d'vne balaine , fi bien qu'en 24. heurcsils font jufques à 80. cos ; le Roy a aufli en beaucoup d'endroits des pigeons qui feruent à porter leslettres dans des occafions où il importe de faire vne diligence extraordinaire; cela s'eft fait autrefois en Hollande dans yne occafion de fiege , mais ilsont cela de particulier en ce pays, que ces pigeons portent leurs lettres d'vn bout de fes Eftats à l'autre, & cependant ce Prince eft vn des plus grands terriens du monde ; depuis Surarte jufquesà Cazamir Pon compte vnze cents cos, c'eft à dire, plus de fepz cens milles, car l'on compte trois cos pour deux milles; de Suratte à Baramprour ily a 150. cos, delà à Agra 350. d'Agraà Lahor 300.de Lahor à Caffamer 300. de Caflamer à Amadabar 5o. entirans de Lahor vers le Nordueft au trauers de la Prouince de Moltan à Candahar 600. cos: entirant vers l'Oeft on trouueles Prouinces de Pæroeb, de Bengala, d'Orxa jufques aux bords de lamer, & d'Agraen paffant par cesProuinces jufques à la meril y a mille coffes. Iltireroit aflés de richeffes de ces grands Eftats pour fe rendre maiftre de toute l'Afie; mais la plufpart du pays eft plain de montagnes de difficile accez, & ceux quiles habi- tent ne connoiflent point d'autre Prince que leur Radzias ou Princes naturels, fousle gouuernement defquels ils joüyffent des terres que leurs ont laiffé leurs predecef feurs ; ainfi l'on peut dire qu'il n'eft maiftre que de la moitié du pays, car dans ces Eftats qu'on luy attribué, ila prefque autant de rebelles que de fujets, lesfijets, par exemple, de Radia-Pipel viennent faire des courfes jufqu’aux portes d'A gra, affafi- nent les gens, mettent le feu aux villages, fans que le Gouuerneur fe mette en de- uoir d'y mettre ordre, & fansmefmes qu'ilspuiffent reprimerieurs courfes, ayans plus de foin de tenir leurs Serails bien fournis que leurs garnifons bien completes; (οἱ de mefmes aux enuirons de Baramprou, d'Amadabat, d'Agrá , de Delly, de Lahor, & mefme il n'y a pas feureté pour les voyageurs dansle plat pays. . lefiniray icy cette Relation que ie prie Meffieurs de la Compagnie de receuoir comme venant de "Au Comptoir de la Compagnie Hollandoife Leurtres-humble & tres-obeyffant. fei- en Agra ,le1$, Fevrier 1627. uiteur, FRANÇoIs PsisARrT. zò ADVISSVR LE COMMERCE i Ontrouue trois fortes d'Aloés de Socotra , PArabique &l' Aloé d Semenfchan «la Pelíarr pro premiere eftla moillcure , la 2. fuit apres, la 3. eftla. pire; le bon bois daloé fe connoift b B à l'odeur en lemetcant furlescharbonsardens, les éclats du bois doiuent eftre longs, gacs qui luy ronds, forc peíans, noirs auec des venes couleur de cendre, il eft amer au σου. ont pallé Le Benjoin cft vnc gomme que ceux de Malacca appellent Miniam, le meilleur d οἷς Viene de Siam, il eft fort pur,clair:& blanc,auec des traréts couleur d'ambre :Il y ena qu'il عزون‎ vnc autre efpece qui n'eft pas fi blanche , mais qui ne laiffe pasd’eftre auffi bonne, clle E. , vient de Sumatra : la troificíme forte fe recueille à Priaman & à Barofz & eft bien les Hollan- infericure de bonté auxautres, ‘en Angleterre on n'en trouucroit pas le debit, mais EDS clie ne laifle pasde fe vendre bien à Bantam. uode dis La meilleure Ciuette eft d'vn jaune fort chargé & approchant de la couleur de fon Manaf l'or, celle quieft blanche eft ordinairement fophiftiquée ou alterec auec dela graif- cad fe, ce n'eft pas que lors qu'elle a efté nouuellement tirée dela befte elle ne foi autre dla blanche, mais cn peu detemps elle prend cette coulcurjaune. abo Te L'on void trois fortesde Mufc,le noir,le brun, & le jaune; le premier ne vaut riens appellene ie le fecond eft meilleur , mais le jaune eft le meilleur dc tous : pour citre excellent, il 234 و‎ faut qu'il foit de la couleur de l'ambre bien jaune & couuert d vne feule peau, & non | bois vi pasde plufieursles vnes (ur les autres, comme il s en rencontre fouuent, il faut pien- nde dre garde auffi qu'il n'ait point efté moüillé pour le rendre plus pc fant, mais qu'il foit. jS enr mediocrement humide auec quelques poils ; qu'il n'en ait pas beaucoup, qu'il foit Garroo, le fans pierre , fans plomb & fans meflangé d'autre chofe qui le rende plus pefant; mellletr que l'odeur enfoir fi forte qu'on ne l'a puiffe fouffrir, & qu'en le mettant dans labou- Munelin. che, oule tenant ferrédansla main, il fe fonde auffi-toft, il ne faut pas le tenir au- res d'aucunes efpices , car il perdroit fon odeur. Il y a deux fortes de Bezoar , l'Oriental & celuy d'Occident,l Oriental vaut le dou- ble de l’autre, il y en a de diuerfes figures, les vnes de ces pieres font rondes, les au- tres reffemblent à des dattes; il y ena de grofles comme desœufs de pigeon la mef- me varieté eft dans leurs couleurs , les vnes d’vn rouge qui n'cft pas bien chargé, d'autres couleur de miel, quelques-vns couleur de cendre, d'vn grisobfcur , mais la | pluspart d’vn verd couleur d'eau. d Lc Bezoar d'Orient eft compofé de pluficurs pelures & enueloppes, comme fion lesauoit misles vnes fur lesautres par artifice, reflemblant en cela à vn oignon, fes peaux font luifantes & fion fe met à polir ces pierres, la le conde enueloppe fe trouue plus luifante que la premiere & ainfi desautres : ces enueloppes font plus & moins el- paiffes (cló la groffeur des pierres,les plusgroffesfe vendent mieux;la maniere certai- nc & affeurée pour connoiftre le bon Bezoar cft celle-cy ; peíez exa&ementla pierre mettez la apresdansde l'eau & laiffez là tremper l'efpace de quatre heures, voyez apres fi elle ne s'eft point fendué, effuyezlà & la pefez vne feconde fois ;fi elle ne ele vn peu dauantage qu'elle ne faifoit auparauant,tenez pour affeuré qu elle cft fal. cifiée : j'en ay fait plufieurs fois Pexperience; cftantà Bantan i'y ay trouué fouuent vn petit noyau tout couuett de chaux,qui pefoit iufqu'à deux onces & demie,les con: | trefaites viennent de de Borneo. Il y a del’ambre de plufieurs fortes,noir, blanc, & gris, le noir ordinairementeftle pire de tous & le grisle meilleur entre les fortes d'ambre grisil faut choifir celuy qui eft le plus pur & qui n'eft point meflé d'ordure , tirant fur le blanc & d'vne couleur de cendre meflée aucc des veines blanches & quinage fur l’eau, ce n'eft pasqu'on n'y puiffe eftre encores trompe , mais on fe peut toufiours affeurer que celuy qui va au fonds de l'eau eft toufioursfophiftiqué , la plus grande quantité vient de Sophala δὲ du Mofambic. Il n'ya point d'apparence qu'il vienne des Baleines , puis qu'aulicu où il y ale plus de Baleines, c'eft où il 'entrouuele moins, outre que l’on n’en trouue point dans cel- les que l'on ouvre tous les jours, il y a auffi peu d'apparence de croire qu'ils vien- ne de la vache marine’, d'autres ont creu qu'il venoit au fonds de la mer,comme le corailou le Bithume: pour mo ie tiens pour affeuré qu'il wient d'unInfette. R O ETE POVR LA NAVIGATION ; DES INDES ORIENTALES, AVEC LA DESCRIPTION DESISLES, BARRES; entrées de Ports, & Bafles ou Bancs , dont la connoiffance cft neceflaire aux Pilotes: ALEIXO DA MOTTA; QVI A NAVIGE DANS CES MERS EESPACE . de trente-cinq ans en qualité de Pilote Major des Caraques de Portugal, traduit d'yn Manufcrit Portugais. Voyage de Lifbonne au Cap de Boune-Efperance, au mois de Mars ou de Septembre. E commence merit du mois de Mars eft le temps auquel on doit partir $ de Lifbonne pour aller aux Indes Orientales; fupposé que le vent le تهرك‎ permette : en partant plus tard, comme fur la fin du mefme mois, FRE les Mouffons & les vents ne fe trouuent pas fi fauorables, comme ils le font lors qu'on part depuisle premier jufqu'au dixiéme de Mars ; & les Vaif- fcaux qui font partis plus tard,ont efté fouuent contraints de relâcher; & d'hyuer- ner au Mofambic, ou en la cofte de Melinde : mais ceux qui attendent jufques au mois d' Auril à partir de Lifbonne , n'arriuent aux Indes qu'auec perte de la pluf- part de leur équipage ; leurs Vaiffeaux en fort mauuais ordre, & c'eft vn miracle fi ce voyage leur reüffit. On peut aufli partir de Lifbonne durant tousle mois de Septembre, pour arri- uer en Mars à la cofte de Mofambique ; ou en fa hauteur ; parce qu'en cette faifon les vents d'Oüeft commencent à regner , auec lefquels on peut continuer le voya- ge à Goa, & y atriuer auant l'H yuer , qui y commence au mois de May, dans le temps de la pleine ou nouuelle Lune par des vents de Sud ; & de grandes tour- mentes : & comme les vents qui regnent alors ferment les Barres ou entrées de tous les Ports ; il faut tàcher d'y eftre auant l'Hyuer. Dans la faifon de Septembre, l'on trouue moins de trauades à la cofte de Gui- née , & des vents plus fauorables qu'au mois de Mars, On trouue auffi ces mefines calmes autour de l'Ifle de (aint Laurens, & à la cofte des Indes ; lors qu'on y arri- ue au mois d'Auril. En quelque temps qu'on parte de Portugal, foit en Mars, ou en Septembre ; il faut toufiours faire la mefme route, & ainfi le mefme Routier pourra feruir en Pyne & en l'autre de ces faifons, jufques au Mofambique : mais du Mofambi: 2 ROVTLER que à Goa, chaque faifon à fon Rourier different ; comme on verra cy: apres. τὴ Partant de Lifbonne, pour faire le voyage du Cap de Bonne-Efperance, on prend d'ordinaire des Pilotes du pays, qui mettent le Nauire hors de cette Barre. Dela rade de Lifbonne , il faut nauiger Sud-Oüeft quatre-vingt lieués puis tourner Sud-Oücft quart au Sud, jufques à ce qu'on foit à la veuë de l'Ile de Por- to-Sancto , qui eft à cent quarante licués au Sud-Oüeft de Lifbonne ; & faifant cette route, on ne manque pas de paffer à la yeué de cette Ifle ; ou de celle de Maz dere du cofté ἐς} ἘΠ. 2. Mais file vent ne permet pas de paffer du cofté de l'Eft de ces Ifles, & qu'on foit contraint de paffer à l'Oüelt , le meilleur fera de fen éloigner, en prenant la route d'Oüeft-Sud-Oüeft , jufqu’à ce qu'on foit en la hauteur de trente-deux دعل‎ grez quarante minutes, & alors il fe faudra tenir enuiron vingt lieués loin de la pomte de Pargo, pour éuiter les calmes qu'on trouuc d'ordinaire vers certe pointe. Dela, il faut faire le Sud quart au Sud-Oüeft, pour paffer à la yeué de l’Ifle de Palme. 3. Que ἢ on prend fa route à l'Ile de Madete, & qu'on en paffe à dix lieuës , on gouuernera vers le Sud-Oüeft , en forte qu'on puiffe pafler ala veué de l'Ile de Palme, enuiron dix lieués versl'Oüeft; ὃς fien tenantcetre route le vent venoit M à changer, ὃς à eftre moins fauorable pendant qu'on cft entre ces Ifles, on pourra paffer entre T eneriffc & la grande Canarie, fe donnant bien garde en ce chemin d'vne Bafle nommée les Saluages, fous la Latitude de trente degrez, où il cft fort dangereux de paffer la nuit ; c'eft pourquoy il eft bon de ne point paffer cette - Baffe que de iour, & de faire bon quart. Ce Banc ou Baffe eft droit au Sud de .Porto-Sanéto. | 4. Apres qu'on a paíse les Ifles des Canaries, il faut prendre la route fuiuante, la corrigeant fi on fe trouue trop à l'Eft. 5- Quand on eft àl'Oücft & en veué del'Iflede Palme ; il faut tourner de là au Sud-Sud-O cft , jufqu’à la hauteur de vingt-huit degrez , pour fe tirer d'entre ces Ifles, & tuiter les calmes que l'on y rencontre toufiours , puis nauiger au Sud- | quart , au Sud-Oücft , jufqu'à vingt degrez de hauteur. D 6. Mais fion n'a point la veuë de l'Ile de Palme,fi l'on eft fous fa hauteur,& que pareftimel'on en foit éloigné de vingt lieuës à l'Oüeftil faut tenir la route versle Sud , jufqu'à la mefme hauteur de vingt degrez, afin de paffer parle milieu du cas nal d'entre les Ifles du Cap-Verd & la terre ferme. 7. A la νει de l'Ile de Palme; l’aiguille varie yn peu plus de cinq degrez Nord-Eft; & allant de là aux Mles du Cap-Verd, elle Nordefte dans ce canal, tantoft quatre , tantoft trois, tantoft cinq degrez ; fi on eft plus àl'Oüeft que le milieu du canal , on aura plus grande variation; comme de cinq ou de fix degrez; parce qu'en tirant du milieu du canal vers l'Oüeft; la variation de l'aiguille aug- mente vn peu. Au contraire,en tirant du milieu du canal versl'Eft,la variation di- minué : ce que j'ay remarqué par plufieurs obferuations que j'ay faites, de la ya= riation de l'aiguille en ce parage. Les vents qui y regnent le plus fouuent, font des Brifes de Nord-Eft ; auec des pluyes douces. 8. Sientre vingt & dix-neuf degrez de hauteur;l'aiguille Nordefte de 6.degrez, & que vous prenicz la route de Sud au Sud-Oüeft, & du Sud vous donnerez fur l'Ifle de (aint Nicolas; ce que j'ay experimenté en faifant cette route , depuis cette hauteur pour aller aux Iles du Cap-Verd, ὃς foyez affeuré que fi en la hauteur de vingt degrez l'aiguille Nordefte de fix degrez و‎ vous eftesàl'Oüeft du milieu du canal, & que vous vous allez jetter fur ces Ifles : pour les éuiter, il faudra faire alors voftre route Sud-quart au Sud-Eft , & vous vous remettrez ainfi au milieu du canal, & pafferez entre les Illes du Cap-Verd & la terre-ferme ; enuirod DES INDES ORIENTALES. 3 trente lieuës à l'Eft des Ifles , & de là vous tiendrez la route qui fuit. 9. Delahauteur de vingt degrez pour aller vers la ligne ,il faut faire voftre route au Sud, jufques à la hauteur de huit degrez Nord , ὃς vous" la drefferez fui- uant la variation de l'aiguille , à qui vous donnerez quatre degrez; & aant ainfi pendant trois iours , la route vaudra le Sud-quart Sud-Oüeft : fupposé que vous ayez le vent en poupe ; car fi vous allez à la Boulline,il y faut auoir égard, & juger par voftre citime & le fillage du Vaiffeau و‎ quelle a elté voftre route, 10. Faifant cette route , vous pafferez trente lieués ou enuiron à PE des Illes du Cap-Verd. En ce parage, on a ordinairement des vents de Nord-Eft, & d'Eft Nord-Eft , jufques par les fix degrez de Latitude Nord, où l'on com- mence à trouuer des trauades ou grains de vent. Les fignes ou marques qu'on void dans ce canal, font des Alcatras * & quelquesfois des Rilheiros ou traces d'eau blanchátre , principalement fi on eft. entre la terre-ferme & le milieu du canal ; car ces eaux blanchátres & Rilheiros approchent de la cofte. Quand on fe trouue engagé dans ces cauxjil faut fe tenir vers l'Oücft pour corrigerle dé- chet du Vaiffeau. MY 11. Depuisle vingtiéme degré jufqu’au huitiéme de hauteur , la meilleure route qu'on puiffe prendre eft d'aller vers le Sud , pour éuiter les courans; parce que lors qu'on a pafsé les Ifles du Cap-V erd , tant plus on approche de la cofte de Guinée, tant plus les courans y portent : & eftant parles huit degrez , à quelques nonan- tc licués de la cofte ; les courans portent vers "ἘΠῚ Sud-Eft & le Sud-Eft; & eftane plus prés de la ligne, à pareille diftance de la cofte de Guince , les eaux courent au Nord-Eft ὃς au Nord Nord-Eft,auec grande impetuofité,principalement au temps de la pleine ou nouuelle Lune: car aux autres temps, elles ne vont pas auec tanc de vifteffe: & à cent cinquante lieués dela cofte , par les trois & deux degrez de Latitude Nord, les eaux courent à l'Oüeft Nord-Oüeft & à l'Oücft, 12. Enfin, j'eftime qu'il eft bon de tenir cette route; parce que bien fouuent en la hauteur de huit degrez ; & au delà vers les fept , on trouue des vents de Sud- Oüeft & de Sud-Sud-Oiieft : ὃς eftant à quatre-vingt dix lieuës de la cofte de Guinée , vous pouuez encorc faire voftre route au Sud-Eft & au Sud-Eft quart de YEft, & vous approcher ainfi de la ligne :ce que vous ne pourriez pas faire , fi eftant cn cette hauteur vous n'eftiez qu'à cinquante ou foixante lieuës de la cofte, à caufe que les eaux vous porteroient deflus en peu de temps. 13. Si l'on eftoit party tard de Lifbonne, crainte d'arriuer vers la cofte de Guinée à la fin de May, il faudroit prendre fa route vers le Sud , depuis le ving- tiéme degré de hauteur jufques au douziéme ; & en cette hauteur , fe tenir à foixante & dix licués de la cofte ; & de là il faudroit aller Sud-Oüeft, jul qu'à ce qu'on rencontrát les vents generaux , que vous rencontrerez à la hauteur de cing degrez : fous cette hauteur ,il fera bon de fe tenir vn peu plus prés de la cofte de Guinée, pour prendre mieux * le vent, afin de pouuoir doubler plus ai- sément le Cap de faint Auguftin de la cofte du Brefil. — 14. Arriuant ala cofte de Guinée en Auril , on trouue les vents generaux , qui font des vents de Sud-Sud-Eft & de Sud-Eft , depuis trois jufques à deux de- grez عل‎ la bande du Nord; & fi voustrouuez en ce parage que l'aiguille varie de quatre degrez ou peu plus, c'eft vne marque que vous auez fait bonne route, ὃς vous ferez à foixante & dix lieués , ou enuiron, de la cofte de Guinée : & fi vous ne trouucz que trois degrez de variation, vous ne ferez qu'à quarante lieués de cette cofte : mais fi l'aiguille varie de fix degrez quand vousferez par les deux de- grez de Latitude Nord; alors, vous ferez à quelques cinquante lieués ἃ Et du Penedo ou rocher de (aint Pierre ; & il fera neceffaire de tourner vers l'Eft , file vent le permet; afin de l'auoir plus propre pour doubler le Cap de faint Augu- &in. 3 4 i * Dando 9 abatimento que agulha Nordeltear no carrcar4。 grf. por ca- da fangra- dura ,ec affi cada 3. dias fe dara o caminho a Nao do Sul & a quarta do Suduefte. * Linfchoe les appelle Aigles Ma- TIues, * Et as ve- ZcZ agoa brancafa com Rilheix ros. 1 * Para rem mais balra- uentc. * Para cos brar balra- CRrey 4 ROVTIER 1$. Gette remarque de la variation de l'aiguille , eft la meilleure addreffe qu'on puiffe auoir pour connoiftre combien on eft éloigné de la cofte de Guinée; & fil furuient des trauades ou grains de vent quand on eft en ce parage , cesobferua- tions deVaiguille feront vn moyen fort affeuré pour bien prédre fes routes,& pour fcauoir de quel cofté on doit tourner; & ainfi , quand vous trouuerez la variation de trois degrez , il faudra tourner à la bordée de l'Oüeft : & fi elle eft de cina de- grez il faudra continuer à courir en la bordée de l'Eft ; mais fi elle Nordefte de quatre degrez د‎ il faudra faire vos bordées courtes , & dans le temps de vingt- quatre heures courir feize heures à l'Oüeft, & huit heures à Et, & vous táche- rez de vous tenir éloigné de la cofte de Guinée de foixante & dix ou quatre-vingt lieués , tant que les trauades dureront, ὃς que vous ne rencontrerez point les vents generaux. 16. Quand on eft à la hauteur de trois degrez ; ou moins, & qu'on entre dans les vents generaux , il faut prendre la route du Brefil, fe tenant toutesfois au Lof, * Para bal- rauento. * Rilhciros de agoa. © Para co- brar balra- uento. * Voyez, la remarque qui eft à la fin de ce Row- tier , fur la variation, & le plus prés du vent qu'on pourra : & f'il deuient Sud, il faudra tourner plusà VEft tant qu'il durera , prenant cependant à la diftance où l'on croit eftre de la cofte de Guinée : maisle vent general reucmant,il faut cingler au Sud- Oüeft quart-d'Oüeft , & à l'Oüeft-Sud-Oüeft , & ne fe point ennuyer de fuiure cette route ; parce qu'à cent lieués de la cofte de Guinée , ou enui- ron, les eaux courent au Nord-Eft , & on fen apperçoit bien dauantage quand la Lune cft pleine ou nouuelle. Or mettant le Cap au Sud-Oüeft , quart- d'Oüeft , on va droit àl'encontre des courans qui tiennent le Vaiffeau fous* le vent: mais fi on ne fent point de courans, * il faut nauiger auec beaucoup de cir- confpe&ion , & regler la route fur la variation de l'aiguille, & fur le fillage du Vaiffeau , obferuant fouuent cette variation, & de combien elle change: auec ces obferuations, il fera facile de prendre la vraye route, & de fçauoir le che- min qu'on aura tenu. 17. Quand on eftarriuc à la ligne Equinoxiale auec les vents generaux , on trowue les vents plus propres & fauorables, & ils deuiennent quelquesfois Eft, & Eft-Sud-Eft, & fil'aiguille varie alors de fix degrez, c'eft figne qu'ona pris la vraye route : mais fi on en trouue fept , oneft trop ἃ l'Oüctt ; & fi alors le vent eft. Sud-Sud-Eft, & qu'il vous permette de tournerala bordée d’Eft, ie fuis d'auis qu'on le faffe , afin de * prendre le vent auant que d'arriuerau parage dans lequel les eaux courent vers l'Oüeft ; car pour ce qui eft du parage dans lequel les eaux courent vers le Nord-Eft, il n'eft pas fi dangereux ; parce que le vent qu'on y trouue fert à vous en titer. Et ne vous fiez * pas aux Routiers,qui vous difent que fi eftant fous la ligne l'aiguille varie de fept degrez, vous eftes dans la vraye rou- te; car iamais ie ne l'ay trouué ainfi à toutes les fois que ie l'ay obferué eftant fous | la ligne : c'eft ce qui me fait connoiftre qu'ils fe trompent, & que ces routiers ne rapportent pas la verité. 18 Il eft fortà propos de faire bon quart dansla route que vous ferez vers le Brefil, & de prendre garde de prés aux vents qui fe Icuent, remarquant bien. auffi le fillagedu Vaiffeau, & la variation du compas ; car ces obferuations impots. tent beaucoup pour faire vne bonne Nauigation : ne vous laffez point d'aller au Lof , & le plus prés du vent que vous pourrez, jufquà ce que vous foyez pafsé les Ifles de l'Afcenfion & de la Trinité , qui font par les vingt. degrez,Sud. Vous trouuerez les vents d'Eft & d'Eft-Sud-Eft, jufqu'à quatre de- grez de Latitude Auftrale ; & quelquesfois apres cette hauteur, ils deuiennent ¿chars & plus contraires, fcauoir de Sud- Eft , δέ continuent jufqu'à ce qu'on foit ala hauteur de huit degrez , & apres les vents d'Elt ὃς d'Eft- Nord-Eft font plus ordinaires. | 19. Depuis la hauteur de huit degrez en continuant le voyage ; il ne faut point approcher de la cofte du Brefil que de quatre-vingt à cent lieués ; pour tenix la DES INDES ORIENTALES. $ vraye route. En ce parage , on a les vents d'Eft- Nord-Eft; & le tenant éloigné do la cofte de cent trente lieués , ils font plus fauorables & moins orageux; mais ils font plus foibles : & ie l'ay trouué ainfi eftant à cette diftance de la cofte, jufqu'à ce que j'euffe en vcuéles Iles de Martin-Vas. zo. Enla hauteur de dix-fept degrez allant à dix-huit, fi l'aiguille Nordefte de treize degrez & demy , vous eftes dans la vraye route, & vous pafferez entre Jes Ifles de l'Afcenfion & dela Trinité : que fi elle Nordefte d’onze degrez, vous eftes prés de 1 11 de l’Afcenfion du cofté de l'Oüeft. 21. Si par vents contraires , ou pour n'auoir pas bien gouuerné , on venoit à la hauteur de l'Ifle de fainte Barbe , qui eft prés des Abrolles du cofté de l'Oüetft , il n'cít pas abfolument neceffaire pour cela de relâcher en Portugal, parce que le vent de Sud- Eft qui eft le plus contraire au voyage , ne dure pas long-temps;il tourne ordinairement , & fe met au Sud-Sud-Eft & au Sud; & auec ces vents, on peut gagner la mer vers l'E(t, & fe fauuer ainfi des Abrolles: & pendant le temps que durera le vent contraire , on pourra louier Nord-Eft & Sud-Oüeft, jufqu'à ce que le vent general reuienne. 22. Les Abrolles font des Bancs qui commencent ἃ l’Ifle de fainte Barbe, & f'eftendent versl'Eft en la hauteur de dix-huit degrez & demy. Prés de cette Ifle, on a fonds à feize braffes; & tirant de là vers Eft; il augmente toufiours ; ainfi quel'ont trouaé deux Carauelles qu'enuoya Diego Botelho , alors Gouuerneur du Brefil ; par ordre de Sa Majefté, pour fonder ces Bafles & Abrolles. La mefme chofe a efte trouuée par plufieurs Pilotes, en nauigeant de la Baye de tous les Sainrsà la riuiere de Taneiro : maisj'cftime qu'il cft plus à propos de laiffer cette Ifle au deffus du * vent, fi le temps le permet. 23. Quand on paffe entre l'Ifle de l’Afcenfion & celle dela Trinité,il faut veil- ler de prés à la conduite du Vaiffeau ; parce qu'on ne fçait pas bien encore com- ment font fituées ces deux Ifles à l'égard Pyne de l'autre ; comme jallois vers PIfle de la Trinité, qui eft marquée en Latitude de 19. degrez & demy dans les Cartes faites fur le patron de celles du Roy; apres auoir 2156م‎ cette hauteur, j'ap- perceus vne Iflc ; & en eftant à deux lieuës & demie vers Oüeft, ie pris la hauteur au Soleil , & trouuay vingt degrez & plus : le Vaiffeau ne branfloit point alors , δὲ le Soleil eftoit fort clair; le fecond Pilote & plufieurs autres prirent auffi hauteur, & la trouuerent de mefme : de maniere, qu'il n'y a point de doute qu'el- le n'ait efté prife jufte : & ie tiens que cette Ifle eft celle de la Trinité ; combien que quelques-yns des noftres la priffent pour vne de celles de Martin-Vas, à cau. fc de la hauteur qu'ilstrouuerent , & que leurs Cartes la marquoient de la forte : mais ce n'eft pas mon opinion; parce que j'ay pafsé plufieurs fois entre les Ifles de + Martin-Vas, & les ay veués de prés : ce font trois petites Ifles toutes proches l'yne de l'autre ; & celle dont ie parle eftoit toute feule : nous la vifmes depuis le matin jufqu'au foir, que nous Ja perdifmes de veuë, le temps eftant fort ferain. C'eft pourquoy ic confeille ceux qui nauigeront par ce parage , de faire bon quart, & de ne fc fier pas trop aux Cartes quand ils feront à la veuë de cette Ifle que ie prends pour celle de la Trinité; l'aiguille y varie de quatorze degrez & demy Nord-Eft. | TN | 24. Apresauoir pafsé les Ifles de l'Afcenfion & de la Trinité , on a des vents va- riables rantoft de PEft,tantoft du Nord-Eft, qui fe leuent principalement au temps de la nouuelle Lune ; mais ils ne font pas de durée, & font fuiuis de vents d'Oücft, d'Oücft- Nord-Oüeft , d'Oüeft-Sud-Oüeft , & de Sud-Oüeft. E Quand on eft à la hauteur de vingt-trois degrez , il faut de là en auant faire fa route Eft quart au Sud-Eft, jufqu'à ce qu'on foit Nord & Sud auec la plus grande des Iles de Triftan de Cunha; il faut dans cette route prendre garde de prés au fil- lace du Vaiffeau, quels vents on a, leurforce , & auoir égard à la variation de la Bouffollesen pointant voftre Carte,ne dónez qu'yn Rumb ou 11. € Gr de varia- *Sera bom hir a Balra- uento delta Ida. 6 ROVTIER tion à l'aiguille dans tout ce parage d'entre ces Ifles de l'Afcenfion & de la Trini. té , jufqu'à ce que vous foyez Nord & Sud auec celle de Triftan de Cunha; don- nant feulement cette variation à l'aiguille , & fuiuant cette route , vous nauigerez feurement , quoy qu'à cent trente lieuës ou enuiron àl'Oücft de cesIfles, l'ai- guille varie de dix-neuf degrez; car de là, la variation ya toufiours en diminuant jufques au Cap des Aiguilles où elle eft fixe. 25. Touchantle voyage des Ifles de l'Afcenfion & de la Trinité, à celles de Triftan de Cunha, jay remarqué que l'eftendué de mer qui eft entre deux, n'eft pas fi grande qu'on la fuppofe dans les Cartes. Quelques Pilotes difentauffi quele M chemin de l'Ile de l'Afcenfion au Cap de Bonne-Efperance , eft plus court qu'on — ne le fair: Ce qu'ils difent n'eft vray , du chemin del'Ifle de l'Afcenfion au Cap, M qu'en ce qui regarde la diftance de l’Ifle de l'Afcenfion à celle de Triftan de Cun- y ha,qui eft plus courte qu'on ne Pa fuppofe : & pour leur faire voir d’où vient leur erreur, ie dis que lors qu'ils courent fur leurs Cartes, ils ne marquent qu'vn quart de variation Nord-Eft ; & le furplus de la variation qu'il y alestrompe, & leur dé- — robe ce chemin qu'ils font autrement qu'ils ne croyent. 1 26. le tiens qu'il eft plus leur de ne fapprocher point de ces Ifles de Triftan de 时 Cunha; parce que la mer y eft toufiours fort groffe, ὃς fujette à de grandes tem: M peftes : c'eft pourquoy quand on fera arriué ala hauteur de trente-deux àtrente- — trois degrez , il fe faut tenir Nord & Sud auec ces 11195. A foixante lieués ou enui- | ron au Nord de ces Iles, l'aiguille varie de 15. degrez,qui eftla meilleure marque | qu'on puiffe auoir pour connoiftre quand on ef juftement au Nord de ces Ifles.En M faifant cette route des Ifles de Triftan de Cunha au Cap de Bonne-Efperance, on trouue des T enays ,de grands Corbeaux quiont le bec gris, & des Faijoys,qui font des oyfcaux grands comme des Pigcons, & tachetez de noir fur les aifles; mais il ne faut pas prendre ces oyfcaux pour vn figne affeure ; car ils vont de cofté & d'autre chercher leur pafture , farreftent où ils trouuentà pefcher, & fe met- tentà l’eau, car ils ont les pieds comme des Oyes; & ainfi on les trouue tantoft plusàl'Eft, canvoft plus à l'Oüeft. 27. Eftant par les trente-deux à trente-trois degrez Nord & Sud , auec les Ifles de Triftan de Cunha; & trouuant la variation de l'aymant de quinze degrez, il faut prendre fa route à "ἘΠῚ autant que le ventle permet, & la dreffer fuiuant la variation de l'aiguille fans en rien rabattre : que fil ne fait point de Soleil, & que vous vouliez fcauoir combien voftre aiguille varie, il faudra diminuer vn degré de la variation pour chaque vingt-neuf lieués de chemin que vous aurez fait ; car Jay obferué cette proportion plufieurs fois ; & ne donnant qu'vn quart de variation à l'aiguille depuis l'Ile de l'Afcenfion jufques au lieu où l'aiguille ne varie que de quinze degrez Nord-Eft,/entends à foixante lienés au Nord de la plus grande des 1/les deTriftan de Cunha, & depuis ce lieu jufqu'au Prazel ou Banc du Cap des Aiguilles , luy donnant toute fa variation , & la diminuant d'yn de- gré à chaque fois qu'on auance fon chemin de vingt-neuf lieuës; vous aurez toufiours la veuë du Cap, ou du moins vous trouuerez fonds fur le Banc :là où toutes les fois que ie me fuis conduit fuiuant les anciens Routiers dans la route | de l'Ile de l'Afcenfion, & de celle de la Trinité au Cap; j'ay toufiours 2156م‎ de foixante ou de foixante & dix licués loin du Banc ; ce qui m'a fait connoiftre qu'ils eftoient faux en ce point. 28. Apres qu'on a paíse les Ifles de Triftan de Cunha; en allant versle Cap, on trouue des monceaux de l'herbe nommée Sargaflo , que les Ma appellent | Mantas de Bortaon , & des tiges d'vne efpece de rozeaux qui ont plufieurs racines. à Pyn de leurs bouts , qu'ils nomment Trembas , on en trouue en d'autant. plus grande quantité , qu'on approche plus prés du Cap, & auffi felon que l'hyuer a efté plus ou moins grand dansle Pays ; parce que les grands courans qui tirent vers le Sud-Oüeft les entrainent: d’où vient que lors qu'il a fait vn grand hyuer à la cofte, . ontrouucle fonds de Vaze-molle,& comme delayée; & pourle connoiftre mieux, DES INDES ORIENTALES. 7 ils fen éloignent dauantagc ; & on enrencontre en plus grand nombre aux en- droits où les courans les pouffenr. 29. Proche du Cap & de la cofte , on trouue de ces trombasen grande quan- tite, scaufli le long dela cofte d'Angola & dans les Anfes du Cap, qui font vers Agoada de fan Bras :)'en ay veu plufieurs fois auec leurs racines toutes fraifches, ; fans * auoir de ce limon durcy qui reffemble à des coquilles ; marque qu'ils * Seen cra- eftoiét fraichemét arrachées de terre:majs ceux que j'aytrouué plus auant en mer, 2927 en eftoient tout pleins : ce qui eft vne preuue qu'ils viennent de la cofte , & qu'ils , e ont efté portez en mer par les courans qui fortent des Anfes, & non pas des Ifles عل‎ due de Triftan de Cunha : car fils en venoient , on en verroit là autouren plus grande de preien- quantité, plus fraiches & plus nettes qu'on ne les y trouue ¿joint que les cou- “* rans ne vont pas de ces Ifles vers l'Eft; pourles porter de là vers la colte; & c’eft ce qui me fait dire qu'ils viennent du Cap, & non pasdes Iles. | 30. Quand on approche de centlieués du Cap de Bonne-Efperance du cofté d'Oüeft , on commence à voir de grands * oyfeaux qui ont les ailes grifaftres , & * Grandes le refte du corps blanc; on les nomme Gayuotons ou Mauuin, & on en trouue com os co- bien plus grande quantité, & par troupes , entre le Cap & l'Agoada de fan Bras; ros dasazas P 8 q و‎ XP pes; P 8 > pardozas, mais quand on eft vis-à-vis du Cap; on rencontre d'autres oyfeaux blancs, qui ont les bouts des ailes noirs; on les nomme Manche-de-velous; on les void par bandes flottans {ur l'eau , entre le Cap & l'Agoada de fan Bras; mais quand le vent vient de terre, ils ne fen cloignent pas beaucoup. On y trouue auffi des Loups-marins , qui font grands comme des Chiens, & ont le poil tirant fur le gris : tous ces animaux fe voyent en plus grande quantité vers l'Agoada de fan Bras, à caufe qu'il y a beaucoup de poiflon , dont ils fe nourriflent. 31. Quand on approche du Cap d'enuiron cinquante licués du coftéd'Oüeft, on rencontre des troupes de petits oyfeaux d'vn gris cendré ; on les appelle Borclhos: & plus prés du Cap, & tour autour , on void fur l'eau des Corbeaux noirs * fort * Muytone: petits, qui ontle bec blanc : Comme au 但 d'autres oyfeaux nommez Cagalhos, deas & pi- qui ontles ailes larges, courtes, & tachetées de blanc par les extremitez: quand "nas. * on verra quantité de ces oyfeaux en mer, c'eft figne qu'on eft prés du Cap & de s Como fe la cofte ; mais on n'en rencontrera pas tant fi on eit entrente-fix degrez de hau- achar muita teur. avaria delta > 1 : 5 1 em quanti- 32. Pour aller au Cap des Aiguilles ; ilfe faut mettre enla hauteur de trente- rade de Cal: cinq degrez quarante minutes; & fi vousauez moins de hauteur, vous irez droit camare.. à terre, & aurez beaucoup de peine à vous en éloigner; parce que la mer y eft pour l'ordinaire fort orageufe , & pouffe les Vaiffeaux vers la terre ;joint que le plus fouuent à la veué du Cap, il féleue des vents de Sud; qui font la trauerfie de ce parage-là : de maniere que pour fe deliurer de ces dangers, il eft plus leur de fc mettre à trente-cinq degrez quarante minutes,ou à trente-fix degrez ; & eftant à cette hauteur, on ne fçauroit paffer deuant le Cap des Aiguilles fans trouuer fonds; parce que le Banc qui eft deuant f'eftend fort loin vers le Sud; & en cette us Cap cft hauteur on aura fond àfoixante & dix & quatre-vingt Braffes menu fable blanc. mc, i caste 33. Au Cap-Falfo, * quieft quinze lieués à l'Eft du Cap de Bonne-Efperance, que plu- fieurs Pont x n È E 2 pris pour on enucloppe le plomb d'vn linge auquel f'attache la vaze, & celaïfe fait aufli celuy de proche du Banc ou Prazel du Cap des Aiguilles : plus prés de la cofte tout joi- M gnant ce Banc, on trouuera fonds de menu fable noir & grisátre : & allant de ce PS Prazel ou Banc à la Baye de faint Sebaftien , on aura le fond de gros fable gris, fi ΤῸ i on cft éloigné de la cofte de quinze à vingt lieuës : & n'en cftant qu'à enuiron fix Nw lieuës , on trouue fond de menu fable noir. Depuis la hauteur dela Baye de faint gos longs cj NE: zi; ah 5 Sebaftien jufqu'à faint Bras , le fond eftide gros fable grisátre mélé عل‎ peti- Apa tes coquilles & de burgalfos ou caraceles de mer. * Voicyles fondages de ce 5, poinee, fonds, dut i. told S MN m. ine 8 ROVTIER Eftant fur le Prazel ou Banc des Aiguilles à la veuë de la terre; on aura int quante jufqu'a foixante braffes : eftant à vingt lieués en mer, ontrouuerra qua- tre-vingt braffes : & allant du Sud de ce Prazel ou Banc vers [ἘΠῚ à quinze lieués ou enuiron de la cofte,on aura foixante & quinze & quatre-vingt braffes fond de gros fable mele de coquillages : * lors que vous ferez à vingt-cinq lieués ou enuiron de la cofte en mer, le fonds fera de fix-vingt braffes jufqu’à cent tren- te, tant qu'on foit Nord & Sudauec la Baye de fan Bras; la yeué de laquelle, en cftant éloigné de huit lieués ou enuiron, on aura quatre-vingt dix braffes fonds en partie de vaze ; & plus prés de terre, on aura le fond de gros fable & de burgalhos ou carracoles : & fi vous ne voyez point la terre de puisla Baye de fan Bras jufqu'à celle de la Lagoa, vous ne trouuerez point de fond. Si vous prenez bien garde à ces fondes; & quand l'aiguille commence à tourner versle Nord- - Oüeft , vous connoiftrez le parage où vous ferez, & fi vous eftes à l’Et ou à l'Oüeft du Banc des Aiguilles. 34. Ileft bon de paffcr à telle diftance du Cap des Aiguilles , qu'on puiffe fon: | der le fond fur le Banc, afin que felon le temps & la faifon où vous eftes, vous | puiffiez deliberer de voftre voyage pour Goa, & fçauoir fi vous deuez paffer I entre la terre-ferme & l'Ile de faint Laurens, ou parle dehors : fi vous arriuez au Cap des Aiguilles dans le mois de Iuillet, il faudra paffer entre la terre-fer- me & l’Ifle ; mais fi vous n'y arriuez qu'en Aouft, il vaudra mieux paffer par le de- hors de cette Ifle , à caufe qu'en ce temps-là on y trouue les vents plus forts & de plus longue durée ; & ainfi, on peut arriuer en moins de temps à Goa, & auec plus de feureté que fi on paffoit entre l’Ifle & la terre. Les fignes & connoiffances de la cofte du Cap de Bonne-Efperance jufqu'à la Baye dela Lagoa , font a la fin de ce Routier , ainfi que les a écrits Emanüel de d Mefquita en l'année 1575. ayant par ordre du Roy couru cette cofte dans yi Vaiffcau à Rames, pour la mieux reconnoiftre. Voyage du Cap de Bonne-Ejperance à Mofambique & à Goa, quand on paffe entre la T erre-ferme e l'Ile de S. Laurens. S on trouue fonds au Prazel ou Banc des Aiguilles , où bien fi on a eu la νει du Cap de Bonne-Efperance ou de la cofte, & qu'on foit à la findu mois de Iuillet ou deuant, il fe faut éloigner de la cofte pour fe garantir des vents de Sud, qui y regnent fouuent auec grande violence, & des grandes vagues qui fy brifent rudement, & jettent les Vaiffcaux fur la cofte : outre qu'cftant proche de terre, les marées vous portent dans les Anfes & bras de Mer qui font àla cofte 3 | car celles courent vers le Sud-Oücft, & vous empefchent d'auancer : d’où vient | qu'il eft plus feur de féloigner de la cofte, & de voguer au Sud-Eft quart a VER les deux premiers iours , & puis tourner àl'Eft quart au Sud-Eft, tant qu'on ait auancé cent cinquante licués, & qu'on foit à quatre-vingt licuës ou enuiron de la. cofte. 2. Eneftantàcette diftance, il faut prendre fa route vers [ἘΠῚ Nord-Eft , juf- ques à la hauteur de trente-vn degrés , & obleruer exa&tementla route du Vaif- {eau : quand on approche de la hauteur de l'Ile de S. Laurens, il faudra tourner au Nord- Eft quart-d'Eft, tant qu'on foit prés de cette Ifle, l'on en pourra prendre. la veué depuis la hauteur de vingt-quatre degrez jufques à vingt-deux ;cartou-- te cette cofte eft fort nette. Dans toute cette route, on doit auoir grand foin de re. marquer les vents, le fillage du Vaiffeau , ὃς la variation de l'aiguille , & on doit auoir égard à toutes ces obferuations en pointant la Carte. Dans toute cette route, Jay trouué que la variation cft Nord-Oüeft , jufques aux Iflcttes brü- A i à lées, DES INDES ORIENTALES 0 | lées;ou Ilheos Quemados jufques à la barre de Goa;j'ay trouué qu'elle Nordoiiefte, & voicy quelles font les variations. | Eftant ro. licuës au Sud du Cap de Bonne-Efperance, l'aymant varie vn degré | Nord-Ett. A la veué du Cap Falco, l'aymant varie d' vn demy degré Nord-Eft. A la veué du Cap des Aiguilles , l'aymant eft fixe. A la veué dela Baye de S. Sebaftien l'aymant varie d'vn degré & demy vers le Noroüeft. A la veué de l'Ayguade de S. Bras , il varie detrois degrez Nord-Oüeft. A la veué de la Terre de Natal , de fept degrez Nord-Oüeft , enla hauteur de32. degrez : Ec eftant en la mefme hauteur 6 o. licuésen mer, /pueir vers Efl ; il varie huit degrez & demy. Enla hauteur de 28. degrez à 5o. lieués ou enuiron de la cofte , l'aymant varie ro. degrez Nord-Oiictt. Enlahauteur de 25. degrez ,à 6o. lieués ou enuiron de la cofte , 12. degrez Nord- Oijeft:Et fi vous allez plus en mer,vous trouuerez dauátage de variation Noroüeft, A laveuë del'Ifle de S. Laurens, en la mefme hauteur de 25. degrez, l'aymant va- rie 15. degrez Nord-Oüeft. A la vcué de la mefme Ifle , ou fur fon prazel, en la hauteur 0620. degrez, il va- rie de14. degrez 4o. minutes Nord-Oüeft. A la veuë de lTíle de lean de Noua , de 13. degrez & demy ; & paffant entre cette Isle & la terre-ferme, à peu prés par le milieu du canal,il varie 53. degrez Noroüeft. A la veué desbaffes de Iudia du cofté de l'Eft, 53. degrez Nord-Oüeft. Ec eftant enuiron 2o. lieuës à l'Oüeft de ces baffes, il ne varie que 12. d.ou peu plus Noroiieft. Eftant enuiron 25. licuésa [ἘΠῚ des mefmes baffes; 14. degrez Nord-Oüctt. Sur le prazel ou banc de Sofalla en 18. degrez عل‎ Latitude à veué de terre ; il varie 12. de: grez Nord-Oüeft. 4 A la veué de Mofambique , de r1. degrez 30. minutes Nord-Oüeft. A la veué de la pointe de Sud-Oüeft de l'Isle de Comoro , l'aymant varie 13. des grezzo. minutes Nord-Oüeft. | A la veué du Cap Delgado, de dix degrez 40. minutes Nord-Oueft, A la veué de l'I(lede Zanzibar, de 11. degrez Nord-Oueft. : A la veue de la cofte Deferte , enla hauteur de trois degrez 30. minutes Nord, il y 217. degrez de variation Nord-Oucft. A la veue de l'Ifle de Sacotora ; & proche la pointe du cofté,de l'Oueft ou eft l'ancreage, il y a 18. degrez de variation Nord-Oueft. A la veue des Iflots brülez , ou Ilheos Quemados, & de la barre de Goa, il ya 16. degrez ou peus'en faut. Pay obferué moy-mefme toutes ces variations plufieurs fois, le Vaiffeaune bran: lant point auec vne bouflole bien preparée ; & en temps fort lerain; de maniere qu'il ne faut point douter qu'elles n'ayent efté bien prifes , & ie les tiens pour certai- nes, les ayans obferuées auec toutes les precautionstequifes. uand on va vers l'Isle deS.Laurent ; il arriue par fois, qu'en eftant 21162 pro- che Pon trouue les vents d'Eft-Sueft , qui ne font pas bien propres pour sen appro- cher fi prés qu'on en puiffe auoir la veue; & bien fouuent on ne rencontre qu'à grand’ peine 21162 de verit pour gagner jufques à 25. degrez, afin qu'y eftant on puiffe auoir la veue de l'Ifle auec ce vent. Et ftant arriué à la hauteur de 24. jufques à22. & fe tenant éloigné de το. lieues de l'Ile vers Oucft, on prendra fa route vers le Nord, jufques à la hauteur * de l'Ifle deIean de Noua, dont il fe faut bien donner + Cete 14 de garde , principalement de nuit , à caufe qu'elle cft petite & baffe, δέ toute entou- mous n 4 5 AS 5 & demie de. tée de bancs, & il (era bon d'en paffer à dix lieues vers Oueft; parce que lors que Lar. Sud, 10 RON OT LEUR vous en eftes a la veuë , les caux vous portent vers elle. 5. Eteftant par les 25. degrez, fi vous ne voyez point l’Ifle de S. Laurent, il fave gouuerner toute la nuit au Nord, ainfi qu'elle gift; & le ¡our eftant venu, on tà- chera d'en approcher & de la voir; en changeant fa route, & corrigeant le décher qu'on aura cu pendant la nuit, & vous gouuernant en cela fuiuant la variation de l'aiguille , laquelle eftant de 14.7 Nor-Oücft, vous ferez au milieu du canal d'en- tre l'Ile & les baffes de ludia: & quand vous ferez en la hauteur de 24. degrez , ἢ le vent vient de l'Eft, il n'ya point de tempsà perdre ; & fi on veut auoir la veug de l'Ifle, il faut tourner versle Nord-Nord-Eft, & on découurira l’Ifle de lean de Noua, dont il fe faut donner de garde,la variation eft de 15. Nor-Oueft,lors qu'on «en ala veuë. 4 6. Sion ne peut paffer entre l'Ile de S. Laurent, & les baffes de ludia, & qu'on. ne foit pasbien affeuré de quel cofté on laiffe ces baffes ; il faudra prendre garde de bien pres à la Nauigation , ne manquant pas de faire monter vnhomme de ¡our fur le matercau , & denuit furle beaupré , & bien regarder fi on n'apperceura rien en. mer,quand le Soleil eft preft de fe coucher; & apresauoir continué la route à l'ordiz naire danstout l'efpace de mer qu'on aura pú découurir au foir , il faudra baiffer les voiles , & Sarreftant, mettre le Vaiffeau de trauers, & demeurer ainfi jufques au matin ; & c'cít en cette forte qu'on doit ordonner fa Nauigarion, jufquesà ce qu'on ait pafsé la hauteur de ces Bancs. % 7. La pointe des Baffes deludia du cofté du Sueft, eft en la hauteur de 22. des grez ; &l'autre pointe qui cítdu cofté de Nor-Oüeft , eft en zt. degrés 10. minutes: & ayant paísé cette hauteur » & en trouuant moins, & ne découurant point ces. baíles, ny lle de S. Laurent ,il faut aller Nord-Eft ou Nord-Nord-Eft » felon le. cofté de ces baffes, par lequel vous croyez auoir 2156م‎ , &faire en forte que vous. laifficz LIfle de Ican de Noua enuiron 10. lieuésàl'Eft. On trouueraa la fin de ce Routier comme gifent ces bafles , & comment onles connoiftra. $ 8. Ces baffes fonc fort dangereufes; parce qu'en allantàl'Ifle de S. Laurent, 6 gouuernant au Nord-Eft elles fe prefentent droit; en trauers; & par le milieu; parce qu'vn de fes coftez gift Nord-Oüeft & Sud-Eft, & s'eftend bien loin ;ceft pourquoy il ne fait pas bon nauiger en (a hauteur que de iour , & il ne fe faut point hazarder de paffer parla, fi on n'eftau delà du 21. degré pour le moins; & il n'ya point de feureté, fi ce n'cft qu'on ait eu veué de 1111+ de S. Laurent. 9. Lescourans d'eau & le cofté où ils courent , font les marques par lefquelles on peut connoiftre dans ce canal fil'on eft entre la baffe ou banc deludia , & l'ifle de S. Laurent , ou entre la mefme baffe & la cofte de Sophala, les autres marques font peu confiderables: prés de l’IfleS. Laurent on trouue de grands courans qui pouffent les Vaiffeaux vers les terres. A l'Oüeft de la mefme lle enuiron 15. licués δε àla hauteur de 22. degrez,les eaux courent vers le Sud le long de l'Ifle. Par les! 20. degrez ou moins, &à 20. lieués ou enuiron de l'Ile, les eaux portent au Nord, Par le milieu du canal d'entre les baffes deludia la cofte de Sophala , les eaux: courentàl'Oüeft-Sud- Oücft , & au Sud-Oüeft , & ces courans font plus ou moins forts, felon les vents qui regnent & l’âge de la Lune; parce que fien la pleine ou nouuelle Lune ona des vents de Nord, les eaux coureront auecbeaucoup plus de violence vers ce Rumb en ce parage ; & file vent eft de Sud, elles iront par ce. Rumble long de l'Tfle Saint Laurent. j 10. Si onrencontre dans ce canal pluficurs petitsrofeaux entrelaffez & branches de SargafTe, qu'on nomme Queué de Regnard, parce qu'elles leur refflemblent , & auec cela beaucoup d'œufs ou de fray de poiffon: il faut regarder fouuét fi on ne dés couurira pointl’Ifle de S. Laurens ; parce que c'eft vne marque qu'elle n'eft pasbien éloignée : mais fi onrencontre peu de ces fignes م‎ on eft au milieu du canal d'entre 2 7 DES INDES, ὁ RIENTDAD ES. ἡ PIfle & les baffes ; & fi on en eft encore plus loin ; fçauoir à l'Oüeft des baffes, pas vn de ces fignesne paroiftra. Si vous prenez voftre cours prés la cofte deSofale ; rous rencontrerez plufieurs Baleines. Il m'eft arriué allant par cette route au mois l'O&obre; d'cftre emporté en demy ¡our par lescourans & le vent , depuis l'Iflerre de la Caldeira jufques à l’Ifle Raza, qui en eft éloignée de 25. lieués vers l'Eft; & le our fuiuant ie vistousles fignes de Sargaffe , dont ie viens de patlers mais ie n'y ipperceus point de Baleines. τι. I faut eftre bien attentifen ce parage , à confiderer la couleur de l'eau; & fi rous ne la reconnoiffez pas bien, jettez fouuentla fonde: que fi vouseftes au com- mencement du prazel ou banc delIfle de S. Laurens en Latitude de 20. degrez ou noins , vous aurez 40. braffes de fonds, de gros fable & de pierres; & quand vous iurez fondsà 3o. braffes ou moins, vous aurez la veuë delIfle,& irez donner au rauers des Alfaques, qui font fur le banc & font fort dangereux: en vn endroit τς - fous aurez rs. braffes d'eau , & incontinent apres vous n'en trouuerez que fept ou m. hi ncore moins, & tout à l'heure vous reuiendrez à plus grande hauteur. C'eft pour- ques l'iné- juoy depuisle lieu où vous aurez 30. braffes , n’approchez point plus prés de Plíle ds ES mec de grandsVaiffeaux.IL ne faut point louier fur ce bancà caufe de ces Alfaques, & parce que les courans pourroient en peu de temps pouffer leVaiflcau a terre;fi on le vent contraire, il n'en faut point approcher plus prés que de 25. jufqu'à 20. braf- es de profondeur. 12; Surle banc ou prazel de Sofala , qui eft en la hauteur depuis les 26. 2 iufqu'à 18. on trouue le fonds fans voir la terre , parce que le banc en cét endroit sé- end bienloin و‎ & quela cofte eft fort baffe ; & ainfi à 20. licués ou enuiron on a 3o. S 25. braffes de fonds, fable menu & blanc, & en quelques endroits il y ena de rou- caftre. A 15. lieués ou enuiron de la cofte ,on trouue 20. braffes & le fonds de mel me fable. A 12. licués ou enuiron dela cofte ر‎ on 213. & 12. brafles, le fonds eft de fa- ble grandement delié & blanchaftre , auec de petites coquilles : &a quelques 6. ou 7. licuës de la cofte , on trouue 9. & 1. braffes d'eau. Ilya auffi des Alfaques dans te parage , comme au prazel ou banc de S. Laurens ; ceftà quoy il (aut bien pren- dre garde. Quand vousadrez jo. braffes d'eau , ne paffez pas outrevers vn lieu od vous en ayez moins , principalement aucc de grands Nauires, tels que fontles Ca- raques de Portugal. Il faut alors gouuerner Eft-Nord-Eft pour fortir dehors en mer; & file vent ne vous le permet pas, moüillez l'Ancre,en arteridant vn vent plus fauorable. 1. Si vous ne voyez point la terre par les 20.degrez ou moins de Latitude ,la variation de l'aiguille vous fera connoiftre fur lequel des bancs vous eftes ; parce que fi elle varie de 12. degrez Nord-Oüeft, vous ferez fur celuy de Sofale ; & fi vous trouuez 14. degrez 40. minutes , VOUS ferez fur celuy de S. Laurens: c'eft la meil- leure marque qu'on puiffe auoir en ce parage ; pour connoiftre für lequel de ces bancs on eft; & ἢ vous vous y rencontrez ; obíeruez ce qui fuit. τ 14. Silevent eft Nord-Nord-Eft & Nord, qui cft le plus contraire qu'on puiffe auoir,& fil'aiguille Nordoüefte de 13.degrez,tournez à l'Eft;que fi clle Nordoüette de 14. degrez , tournez vers Oüeft , & loviez en cette maniere jufquà ce que le Vent deuienne fauorable:& ne vous hazardez point d'entrer plus auant fur ces bancs ; mais fuiuez la regle que ie vous donne : fur tout, obferuez foigneufement la variation. Le vous donne cét auis, parce que m'eftant trouué en la hauteur de 19. degrez auecce vent de Nord, & reglant ainf mes routes pendant 15. iours ie ne Bsrencontre d'aucun de ces bans , & leseaux me porterent hors du canal qui eft en- trela terre-ferme & l'Ifle de Iean de Noua. ‘15. Quandon paffe à l'Oüeft de l'Ifle deIean de Νουα, & qu'on eft en fa hauteur, il faut gouuerner au Nord-Eft jufques à la hauteur de Mozambique : & fi vous ssi I2 REO TP TEFR voulez aborder à la forterefle, il vous faut mettre en fa hauteur , faifant toufioür$ | bon quart, & prenant bien garde au cours des eaux, dont celles qui font plus à POúeft que le milieu du canal, portent vers le Sud-Oüeft durant tout le mois de Septembre ; & en O&obre elles vont quelquesfois au contraire vers le Nord-Eft: que fi vous nauez point affaireàla forterefle,quand vous eftes en fa hauteur, il faut gouuerner au Nord-Eft quart de Nord, & au Nord-Eft ; & faifant cette routes vous pafferezàla veué de l'Ile de Comoro. 5 16. Si vous auez trouué fonds fur le banc ou prazel de Sofala, en Latitude de 20" degrez ou moins, & que vous vouliez pafler de là au Mozambique, il faut vous donner garde d'vne baffe qui eft en la hauteur de 17. degrez 3o. minuttes , & à lens trée des premieresIfles d'Angoxa م‎ parce qu'elle eft fort dangereufe; elle eft au Sud-Oiicft de l’Ifle و‎ où Pon a couftume d'allumer des feux pour feruir de fignal aux; Napires de Portugal : cette Ile eft petite, & c'eftla premiere du cofté duSud.Oüe ἐν. elle cft couuerte de plufieurs grands arbres: C'eft au Sud-Oüeft de cettelfle qu'efi | cette baffz , qui a bien deux licués de long, & en baffe marée la mer brife fort dele: fus : de haute marée on ne void qu'vne couronne de fable qui eftàl'extremité dela baffe : du cofté de Nord-Eft & entre cette couronne & cette Ifle du Feu il y a vn cas nal, par lequel on peut paffer & lortir d'entre les premieres Ifles d'Angoxa , fans quil y ait autrelieu par où on puiffe déboucher en pleine mer. 17. On peur paffer par entre la terre-ferme & les premieres Ifles d'Angoxa , pat yn canal qui eft entre-clles & la cofte, qui s'eftend Eft-Nord-Eft ὃς Oüeft Suda Qücft , où ontrouue το. à 12 braffes d'eau , le fonds y eft fort net: fi vous auez ماعل‎ fein d'aller vers ces Hles ,approchez-vous-en plus prés que de la terre-ferme ; &fî vous y abordez de nuit, jettez l'Ancrefur huit braffes de profondeur. Quand vous aurez paísé l'Ifle des Palmeiras, qui eft la derniere de toutes , & au Nord-Eft des. premieres, vous ferez hors de ce canal; elle eft à quelques quatre licués de la terre ferme: ne vous approchez pas fi prés de terre, que vous n'ayez toufiours au moins 24. braffes d'eau. È 18. A l'entrée de ce canal il y a vne baffe dont j'ay defia parlé, qui eft ennironà huit licués en mer; à demy lieuë à [ἘΠῚ de cette baffe , il y a plus de 200. braffes d'eau , & à vne portée de moufquet enuiron 40.braffes , & tout contre il n'yaque Salam eft 11. braffes ;le fonds eft de Salam gris, auec quelques pierres : fi vous vous trouuez wneefpece fur lebanc de Sofala , en hauteur de19.à 18. degrez, éloignez-vous de la cofte; & degit vous mettez en mer enuiron 15. lieués , cinglant à l'Eft-Nord-Eft pour éuiter ces gumeaux baffes & Ifles. Ic fonday cette baffe l'an 1605. eftant fecond Pilote dans le Vaiffeau Lar Olucira, & ic courus toutautour dans vne Chaloupe. 1 la pieflant 19. Ayant pafséles Ifles d'Angoxa fur cette route, 30. lieués auant que d'arriueg | E au Mozambique , & continuant le voyage le long de la cofte, il faut gouuernera E Nord-Eft quarta l'Eft: de maniere qu'on nauige le long de la cofte , àla diftance | de quatre licués: & fi onne void point laterre, il faudra gouuerner au Nord-Eft. de nuit, & de iour s'approchet dela cofte , fe donnant garde d'vne roche & d'vn banc, qui cft fur la mefme route à douze lieués du Mozambique, on l'appelle Mo-- giucalle ; ce banc eftéloigne de la cofte de deux licués , & a trois braffes de fonds qui | eft de Salam dur. Vis-à-vis de cette baffe, on void à la cofte de terre-ferme de grands arbres femblables à des pins: il faut nauiger en ce parage fur 25. braffes ; car | fi vous n'en auez que 15. vous ircz droit donner fur cette baffe , comme il m'eft ar- | riucen l'an 1598. dans le Nauire nomméle S. Martin. » 20. Quand on cingle le long de cette cofte ,on voida fix lieuës de Mozambique. quelques collines couuertes de bois, qu'on appelle les Carraques ; il femble de loin. que ce foient des Iflets , à caufe que le refte de la cofte eft plat & vni. Cette. cofte n'cft pas bien nette , الع‎ pourquoy il n'en faut pas approcher fi prés,qu'on 41 DES INDE S OR TENTANLE S. 13 toufiours au moins 20. braffes d'eau ; & nauigeant fur cette profondeur, & fe دمع‎ nant éloigné de la cofte de quatre lieuës en mer , on fera bonne route. 21. Cinq lieués auant que d’arriuer à Mozambique, il y a vne pointe de terre baíle, au long de laquelle eft vne greve ou riuage de fable, & quelques arbres qui paroiffent comme des palmiers plantez dans l'eau. Il y a là νης riuiere nomine le Mocambo : quand on a 2156م‎ cette pointe ; la terre fe cache, & on n'en voit point d'autre que l'Ifle de Mozambique. 22. Voicy les marques & connoiffances de l'Ile de Mozambique: ellea vne montagne haute & ronde qu'on appelle le Pain,elle eft en terre ferme dans le Pays; & eltant dans Plíle , elle vous demeure prefque au Nord-Oücft. Ilya encore vne autre montagne fort haute, qui ala figure d'vne table quand on lavoit de front و‎ on l'appelle la Table: elle eft au Nord-Nord-Eft de l'Itle , & eftant en mer on voit “ces deux montagnes feparées l'vne de l’autre, & la Table au Nord du Pin, fion “vient du cofté du Sud-Oücft : mais venant du cofté du Nord, on verra le Pin au del. fus du milieu dela Table. 23. Laforterefle de Mozambique eft fous la hauteur de quatorze degrez 45. mi- nuttes Sud; elle a deuant foy deux lílers ras & à Heur d'eau, fur lefquels on voit quelques arbres: ces Iflets font éloignez dela fortereffe vers la mer d'enuiron de: my-lieuë, & font tout entourez de bafies du cofté dela mer: ils gifent l'vn auecl'au- tre quafi Nord-Nord-Eft & Sud-Sud-Oüeft: celuy * de Nord-Eft s'appelle l'Ile de S. Georges, & l’autre de S.Iacques. Entre ces Iflets il y a vn canal, par lequel peu- üent paller des Vaiffeaux de troisa ponts. Ie paffay par ce canal auec le Nauire nomméle 5. Martin. Les Vaiffeaux qui ont quatre ponts6 paffent par le canal qui à d'vn cofté l'Ifle de S. George & les Ifles des Arbres, & del'autre Cabeccira. c 24. Quand on veut paffer par le canal qui eft entre l’Ifle de S. George & Cabe- teira , il fe faut donner garde d'vn banc ou bas fond, qui de l'Ile de S. George fe jette affez auant en mer vers l'Eft-Nord-Eft : N'approchez point fi prés de cette Iflette , que vousayez moihs de fept braffes d'eau , & allez par huit braffes, fans approcher dauantage de la baffe qui eftà la Cabeceira : & allant par cette profon- deur , fi-toft que vous découurirez la Plage, qui eft du cofté de l'Oücft del'Ifle de S. George , vous auancerez ayant toufiours le plomb en main , & moüillerez l'An- cre en vn lieu ou il n'y ait point de pierre, mais du fable:& fi vn Pilote n'auoit ia- maisentré par ce canal , fi-toft qu'il aura découuert la fortereffe; qu'il faffe virer quelque coup de canon, afin de faire venir vn Pilote du Port, qui fcache l'entrée de la barrc. 25. Sivousauez befoin d'entrer dans la barre de Mozambique , mettez l'Ile de S. George fur celle de S. Iacques, en forte que ces deux ne femblent eftre qu'vnc feule Ifle; ὃς nauigeant fur huitbraffes , allez droit à vn Hermitage nommé faint Anthoine , qui eft à la pointe de l’Ifle de Mozambique du cofté du Sud-Oüctt, où il y a vne grande plaine couuerte de Palmiers, & quand vous trouuerez douze braf- Tes d'eau allant par le canal , tournez du cofté du Nord, prefque comme fi vous al- liez versla montagne qu'on appelle le Pain, & de cette façon vous cuiterez la bale le qui eft à la pointe de la Cabeceira, qui vous demeureta à main droite : & eftant deuant Noftre-Dame du Boullevert , qui eft vn Hermitage fitué au pied de la for- tereffe du cofté de l'Eft; il fe faut donner garde d'en bas fond, ou banc de fable qui Wa de cec Hermitage en mer, & auoir toufiouirs la {onde à la main parle milieu du canal: & paffant au de là de ce bas fonds , & eftant vis-à-vis de la pointe de la for- tereffe qui sauance vers le Sud-Oiieft, il vousen faut tenir éloigné de la portée du moufquet ; & apresauoir pafsécette pointe , & vous rrouuantàl’abry de la forte- reffe & deuant la porte, moüillez l’Ancre fur fix braffes. Mais comme ce canal a beaucoup de bancs de fables ou bas fonds ; dont on fc doit donner de garde , il faur 66 ij Praya de arca. * Dans lés Cartes de Luiícot ces Illes font posées tout au contrai- re; car elles mettét cel- le de faint Georgevers le Sud 3 & celle de S Iacquesvers le Nord. ade 7.a 800. Tonneaux. b Ce sot des Vaifleaux de 12.4 1400 tonneaux. e Cabeceira eft en terres ferme du cofté du Nord, affez auant dans le canal. 14 ROV ODE EGR beaucoup d'experience pour y entrer & c'eftle plus feur de prendre vn Pilote du Port, & y entrer à demie marée; parce qu'alors on apperçoit les pointes des baf * Reftinga les & * baturcs contre lefquelles la mer venant à brifer و‎ les fait plus aisément recon= noiftre. Il faut auffi eftre auerty que les eaux courent beaucoup vers cesIfletres de S. Georges & de S.Iacques : quand on les coftoye pour entrer dans le canal; il Sen faut éloigner & n'en approcher pas fi prés, qu'on n'ait au moins dix braffes d'eau, — jufqu'à ce qu'on foit à l'entrée & à la bouche du canal, qui eft entre l'Isle de faint. — George & la baffe dela Cabeceira. Ae ¿del 一 一 -一 一 一 一 一 Voyage de Mozambique à Goa dans la farfon du moss d'eAouf, jufques ala fin duquel il fera bon partir, éx non plus tard. | è 1. Y L fait bon partir dela barre de Mozambique pour aller à Goa, pendant tout le mois d'Aouft. Quand on eft hors de la barre ; il faut gouuerner au Nord: È Eft, prenant la route de l’Isle de Comor®, qui eft en Latitude de 11. degrez 40. miz nuttes. Cette Isle eft fore haute ,à ce quien paroift deloin, & au milieu de fa hau# De com- teur on voit comme vne feparation ; elle a 14. lieués d’eftenduë, A trois licués de fa) pudo. — pointe de Sud-Oüelt , il y a vne baffe für laquelle la mer ne brife point : il eft mieux? ١ de nc s'approcher point de cette Isle , & il faut gouuerner au Nord quand on la voit pour s'en éloigner , & n'eftre point embarafsé dans fes calmes. A fix licués où enuiz ron de cette Isle prefqu'au Sud, il y ena vne autre qui eft auffi fort haute ; & entre ces deux Isles il y a beaucoup de fonds; & tout y eft fort net. 1 warNO.D . 2. Ala veué de l'Isle de Comoro ; & vis-à-vis de fa pointe du Sud-Oüeft on dE dela trouue13. degrez & demy de variation :& à la veué de l'Isle de Querinba, l’aiguille | “2% ne varie que de 11. degrez; & par cette obferuation , encore que vousne voyez que * Certe علا‎ l'Isle de Coraoro , vous fgaurez fi vous eftes proche de l'Isle de * Querinba ou de. a ne celle de Comoro, parce que dansle milieu du canal d entre ces deux Isles, l'aiguille | d'Afrique , Nordoiiefte de1z. degrez; & fi le calme furuenoit, il vous faudroit donner de gar= prn de descourans qui viennent de l'Isle de Comoro , qui portent à l'Oüeft la plufpare meimenau- E tur que du temps. y a Comoro. 3. Et cftant àl'Oüeft de l’Isle de Comoro enuiron 20. lieuës, il faut gouuernet var τε q. au Nord-Eft quart Nord, pour s'éloigner de la baffe du * Patram, c'eftà dire du Pass eft. par les tron : & arriuant en fa hauteur de nuit ; il faut gouuerner au Nord quart au Nord: 5 deg. Sud Oiieft jufques au matin, afin de l'éuiter. Quelquesfois dans cette route , le vent dez. uient efcharsou vn peu contraire : mais lors qu'on a pafsé cette bafle, onletrouues var ἡ deg; PLUS fauorable. A l'Oüeft de la mefme baffe enuiron .هو‎ lieuës, l'aiguille Norda N.O.& 14. Oiiefte de 13. degrez ,& vn peu plus: mais quand on en eft plus prés, on crovue لهت‎ desrczi 1 i 4. Ayant paíséla hauteur dela baffe du Patram , il faut gouuerner à l'ER-Nord-- , Ce es Eft jufques à la hauteur desIslets Quemados* ou brûlés , qui font enla hauteur de font tout 16. degrez Nord, &ilfera bon, lors que vous arriuerez en cette hauteur, d'eftreá ode la 120. lieuës ou enuiron de la cofte d'Inde. à Goa. 5. Par cette route on voit quelquesfois vets la ligne , de l'eau fort blanche: mais il nes'en faut pas mettre en peine, car on ne troune point de fonds partout ce pas + Autreméc rage de la ligne: & eftantà PEft* d'Oybo enuiron 70. lieués , ona 14.degrez de vaz c ia riation Nord-Oüeft : & paffant plus àl'Eft , elle augmente beaucoup. Nor-otett. 6. Quand vous aurez 2156م‎ la ligne Equinoxiale , pourfujuant voftre route vers 'Eft-Nord-Eft , vous trouuerez que l'aiguille augmente de beaucoup fa variations jufques à la hauteur de 14. degrez Nord , & de lá elle continué encore àsaugmenter. jufquesà ce quelle foit de1g. degrez & plus, ce qui arriue à 80. licués a [ἘΠῚ de l'Isle Var. 19. d. Nort-eüeft. DES INDES ORIENTALES. à de Sacotora; & de là en auant la variation diminué jufques aux Islets Quemados ou brûlez ر‎ où elle n'eft que de 16. degrez, & jufquesa la barre de Goa, où elle n'eft var-r6. d.& que de 15. & demy : &c’eftla meilleure marque qu'on puiffe auoir , pour connoi io demy tre fi on eft prés des Islers brúlez. i 7. 1197 a encore d'autresmoyens& connoiffances par toute cette route de la li- ene allant vers Goa, qui font dcs Efcreuifles ou petits Cancresrouges ; des م‎ Rabos 4 Queués c Forcados, des Rabos deblonco ; des c Garagenes, des Francelhos, d'autres Oy- foarchuss, fcaux femblables à des Cailles , des d Alcatras qui ont la pointe des ailes noires, & d. i si des Aruclos : tous ces oyfeaux viennent de la cofte d'Arabie; & parce qu'ils fonc e Mauuer- toufioursen mer pour chercher leur vie, & qu'ils vont par tout où ils trouuentà de oy- repaiftre , & apres fe repofent lurla mer; ie nelestiens pas pour des marques bien (eauxicf- alleurées du lieu où on eft: maisie donne cét auis ; afin que ceux qui n'ont point en- SEE à core nauigé en ce parage ; fçachent ce qu'on rencontre en cette route, cantoft plus marines. vers l'Eft & rantoft plus versl'Oüett. 8. Quand on eft par les neuf à dix desrez de Latitude Nord, on trouue fou- uent des vents fort contraires, & dcs Mas qui vont vers le Sud-Oücít , quand on εἰξὰ 70. lieuës ou enuiron de la cofte : mais quand on en cft plus pres, les eaux courent à l'Oüeft-Nord-Oüeft : & ces courans font beaucoup plus forts en pleine ou nouucile Lune qu'en autre temps, & ils fuiuent le mouflon du vent qui regne: car lors que lesvents a'Oüeft commencent, les eaux courent vers le Nord-Eftà quarante lieuës ou enuiron de la cofte : mais dans le temps des vents d'Eft , elles vont vers Oüeft-Sud-Oüeft , & Oüeft Nord-Oüclt comme fay dit. Ie croy que ces courans fortent des canaux des Isles Maldiues ὃς des baffes des* Chagas, & de tous DesPlayes lesautrcs canaux qui forment la diuerficé des baffes & des Isles qui font dansle pa- rage des fept Hirmas, de Saya-de Malha , & des Isles de PAmirante, ὃς qui de là 4e. saure courent à l'Oüeft-Nord-Oüeft , jafquesà ce qu'ils rencontrent les autres courans qui font le long de la cofte de la Deferte, & courent felon les mougons des vents qui regnent , ainfi qu'il a efté dit. 9. Quand vous trouuerez ces courans eftant en la hauteur que ie viens de dire, & que la variation n'augmentera point , fcachez que vous eftes dans leur plus grande force; & pour vous en tirer , il faut gouuerner au Nord-Eft & au Nord- Nord- Eft: par cette route vous vous détournerez de ces courans , & vous trouue- rez incontinent que la variation de l'aiguille augmentera; car en cette hauteur & Cel i dire parage , elle varie prés de deux quarts ou Rumbs; & ainfi on fair le Nord-Nord-Eft pus & le Nord quart de Nord-Eft, jufqu'à ce qu'on ait pafsé l'emboucheure du * dé: ::. d. & de- troit, où cit la plus grande force descourans, lefquels ne portent iamais vers le dé- Ἐν troit* dela Meque, comme onverra par ce que j'en dis dansla defcription de l'Isle luy de la de Sacotoraà la fin de ce Routier , ou cela eftexpliqué exa&ement , & comme il eft MET en effer. mefine que 10. Apresauoir pafséla hauteur de douze degrez Nord, & n'ayant point eu la deuant. vcué de l'Isle de Sacotora, il faut prendre fa routc AVEft-Nord-Eft & à l'Eft quart de Nord-Eft jufquesà ce qu'on foit à la hauteur de feize degrez , & de là tourner à PER quart du Sud-E&t, & continuer ainfi toufiours en la mefme hauteur. Or enui- ron quarante lieuës auant que d'arriueràterre ,* on trouuera fonds fur vn banc * Sçauoir à qui s’eftend Nord & Sud, fur lequel on a cinquante braffes d'eau : mais incontinent A apres on n'a plus de fonds.Paffant outre vers la terre, on verra des * Couleuures für + Elles (out l'eau, ainfi qu'il m'eft arriué quelquestois , & j'en ay rencontré jufques à cent lieuës Etandescó- loinàl'Oücft dela barre de Goa : & felon que l'Hyuera efté grand dansle Pays , on ille: SE lestrouue plus prés ou plusloin de la cofte ; parce qu'elles en fortent auec les creués Hom de d'eau & lesinondations. Quand on eft à quinze lieués ou enuiron dela cofte ر‎ on a το τὸ fond de vaze en quarante braffes. DL 16 ROVER 11. Dans le temps de la pleine & nouuelle Lune, on a pour l'ordinaire de grandes tempeftes à la cofte d'Inde au mois de Septembre, & au commencement d'Otto: bre, &ce font des vents de Sud & de Sud-Sud-Oiieft, qui viennent auec grande impetuofité :ce qui pourroit mettre en danger vn Vaiffcau qui fe trouueroit pro- che de la cofte, ou qui feroit à l'Ancre auec fa charge : c'eft pourquoy fi on cft à telle | diftance de la cofte , qu'on y doiue arriuer l’vn de ces jours-là ; il fera bon des'ar- refter pour n'y aborder que lelendemain , afin d'éuiter cette tempefte. y E 12. Les meilleures marques qu'on puiffe auoir pour connoiftre quand on eft prés Το è dela cofte , font des Corbeaux noirs qu'on void fur l'eau par bandes , des. ٠ Cs vig. 05 ou écailles de Seche, de l'écume formée en rond qu'on nomme Toftoës, & * Vins tis foe teïs, vne cfpecede glaire auec des faletez de mer, عق‎ des œufs ou fray de poiffoni. de pets quandvous verrez ces fignes, vous pourrez cftre affeuré d'eftre auprés de la cofte E. Iles de Goa. — ainf nom- 13. LesTflets Quemados ou brülez font au nombre de onze; les vns plus grandi pU & les autres plus petits : celuy qui eft le plus en mer eft à vnelieué ou enuiron del femblent à cofte. De ces Iflets à la barre de Goa , il y a douze lieués :cette barre eften hauteu d de quinze degrez vingt minutes ; on la connoiftà vn Morro ou Rocher haut éleué reales, ou à qu'elle a ducofté du Nord: il n'y en a point de plushaut depuis les Iflers jufques à la me barre de Goa; & fur le haut de ce Morro ou Rocher, il y a vn fanal fort exaucé du Portugal. cofté de la terre; & plusal Eft, il y a vne Eglife de S. Laurens que fit baftir le Com te de Linhates en Pan 1633. lors qu'il eftoit Vice- Roy des Indes. Du cofté du Sud de cette barre, il y a deux Iflets qui fe nomment les Iflets de Goa la vieille. Les grandi Vaiffeaux peuuent hyuerner dans cette barre ,tout contre le Morro ou Rocher de Mormugao , qui les met à couucrt des vents de Nord-Oiieft, de Sud & de Sud- Oiieft. Entre cette barre & celle de Goa ; au milieu des deux il y a vne montagne; & prés de laterre , qui fait partic de l'Ile de Goa & fur la pointe, il y avne maifon. de Capucins, qui s'appelle Noftre-Dame du Cap , d’où on découure fort loin en mcer. 14. Les Nauires qui arriuent de fi bonne heure; qu'elles peuuent retourner e Portugal dans la mefme année , moüillent à vne portée de moufquet plus loin en mer quele pied de la montagne, qui eft contre la fortereffe & le fanal qu'on appelle. le Morro ou le Tertre de Bardes , οὐ eft à prefent l'Eglife de S. Laurens. Les Vaifz. feaux moüillent vis-à-vis de la fortereffe ; il n'y a que fix petites braffes d’cau,le fonds eft de vaze molle, & on ne trouue point en toute cette barre d'endroit " propre pour moüiller. ἐὺ, ὧδ DES INDES ORIENTALES. 17 A — —— — — — ——— —— 一 一 一 一 F. oyage de Mozambique ἃ Goa dans la faifon de Mars, quand on en part dans la fin de ce mots. I. Vand onahyuerné à Mozambique, qu'on veut partir dis la petite moll- Na mouçao fon pour aller à Goa : fi-toft que la Lune cft pleine ou nouuelle , & qu'on a pigueyua. les vents d'Oücft , il faut ortir dela barre auec le vent de terre, quand la marée ne commence qu'à venir , & qu'elle n'eft montée que d'vn quart ou d'vn cinquième ; fin de pouuoir mieux reconnoiftrele canal & les pointes de la Cabeceira , & des rochers qui s'auancent en mer depuis la fortereffe Noftre-Dame du Boulleuard ; lors que vousferez horsdela barre, gouuernez au Nord-Eft vers l'Ile de Co-‏ ع morro, dont ilfera bon d'auoir la veuë en paffane.‏ :2. Sia la veué de cette Ifle , & apres l'auoir paísé , vous auez des vents de Nord, comme quelquesfois il s'en leue en cette faifon ; il faut courir de ¡our du cofté de Oücft , & de nuit du cofté de l'Eft ; pour cuiter les baffes de S. Lazare, qui font en la hauteur de douze degrez ; & à quelques quinze lieuës de la cofte : & encore que les routiers difent qu'il y a par tout fept braffes d'eau, neantmoins y ayant pafsé vne fois dans vne petite Galliote en allant des Indes à la cofte de Mozambique, ie trou- uay le fondsà trois braffes en fondant auec vne longue perche; ceft pourquoy il ;en faut donner de garde & ne fe pas negliger pendant qu'on eft entre l’Ifle de Co- morro & celle de Querimba , qui n'eft pas filongue qu'elle eff marquée dans les , Cartes : & ainfi quand vous ferez obligé delouier , il fera bon de regarder pendant leiour , quelle route vous deuez tenir la nuit. 3. Ayant paísé la hauteur del'Ifle de Comoro, il faut prendre la route dont il cft parlé au Routier , qui eft pour le mois d'Aouft , & obíeruer les mefines aduertiffe- mens qui y font, gouuernant depuis la, hauteur de trois degrez de Latitude Sud à "Eft quart Nord, jufques à la hauteur de quinze degrez trente minuttes : *& de, p, tati zette hauteur on continuera vers la barre de Goa, gouuernanc à [ἘΠ quart Sud, Nord. üiuant la façon ordinaire de nauiger par cette hauteur , jufques à ce qu'on foit à la Sarre de Goa; où on moüillera l'Ancre, en attendant vn Pilote de terre pour faire entrer le Vaiffeau dans la barre, pour plus grande feureté du Pilote du Nauire. 4. En cette faifon, il eft plus feur d'aller par moins de hauteur; pour faire mieux le voyage vers la barre de Goa la vieille ; parce que comme l'on entre dansle mois de May, les vents de Nord & de Nord-Oüeft ceffent, & ceux de Sud-Eft viennent en leur place; auec lefquels tant que vous eftes en moins de hauteur que cette barre, vous y arriuez aucc plus de facilité. $. On trouue pour Pordinaire dans cette mefme faifon de Mars, des calmes qui font perdre beaucoup de temps; ce qui eft caufe qu'on n'arriue quelquefois à la cofte qu'à la fin du mois de May, auquel temps la barre de Goa fe bouche; & on doit craindre de la trouuer defia fermée ; quand on y arriue en ce temps-là : & pour ce fujet le Roy a fait commandement, qu'en telle rencontre on aille hyuerner à Bombaim : pour y aller il faut prendre fa route versles Iflers Quemados ou brülez : & fi l'Hyuer eft defia commencé ,ce qui arriue auec vn vent de Sud affez doux, il faut cingler versle Nord lelong dela cofte , s'en tenant éloigné detrois ou quatre lieués , jufqu'à ce qu'onfoit vis-à-vis de la barre de Chaul, qui eft par les 19. degrez de Latitude : & lors qu'on eft Eft ὃς Oüeft auec la Ville, on appergoit vne grande barre ; au Sud de laquelle on verra vn grand Morro ou Tertre feparé d'vne terre haute , qui continué dans le Pays vers Eft. 6. Au Nord de cette barre de Chaul on voit vnIflet quia vne feparation par le milieu ¿ce qui le fait paroiftre comme s'il y en auoit deux , il fe nomme Plíler de | Seconde Partie. « 4 q | | 18 ROW EPR Bombain: quand عل هه‎ voit, il faut Sapprocher de terre auecle vent de Sud ,juÉ ques à ce qu'on ait fept à huit braffes de tonds; & gouuernant par le mefme Rumb, on ira droit parle milieu du canal & de la baye d'entre Bombain & Carania: que file temps eftoit couuert , on ne verroit ny cét ler ny Bombain, ny Carania : mais gouuernant par ce Rumb & fur ce fond , on ira fort bien. 7. Sil'onalaveué de l’INler de Bombain, & de la cofte de Carania, il fe faur éloj= gner de cér Ifler, &lelaifferà eftribord , c'eftà dire à droit, & aller par fept brat fes d’eau : que fi vous en auez moins) il faut tourner vn peu versle Nord , &au E toft vous retrouuerez ce fonds. I] faut auoir grand foin de fonder lors qu'on dans cette baye; & quand on voit l'Ifler & la terre, il eft facile d'entrer dans ceti barre. ! 8. IInefautpasapprocher dela pointe de l’Ifle de Bombain qui s'auance en mer versle Sud , àcaufe qu'il y a vne longue chaifne de rochers, dont il fe faut don. ner de garde en tirant du cofté de Carania , & fuiuant toufioursle meíme fonds de fept braffes : & lors que vous ferez prés d vnecftacade ou rangée de pieux , qui eft dans cette barre , où lesPefcheurs vont ordinairement tendre leurs filets, vous au: rez la pointe du Sud de l'Ile de Bombain àlEft-Nord-Eft, & l'Eglife de Noftres Dame de la Penna , qui eft au haut de la montagne de Carania , au Sud-Eft quarti l'Eft , &l'Iflec des Patéques, qui eft tout rond , & eft vis-à-vis de Marfagao & de Bombain au Nord quart de Nord-Eft. 9. Dansce parage il faut ancrer fur fix braffes & demie , & fept brafles, le fonds eft de vaze fort molle & comme delayée , & il faut attendre la des Pilotes du lieu que les Gouuerneurs de Bombain & de Maríagao ont foin d'enuoyer tout à l'heure; pour conduirele Vaifleau à Turumba , où les Caraques ont couftume d'hyuerner.- 10. Enpaffant dece lieu dont ie viens de parler , où il faut moüiller pour atten= dre des Pilotes, & à celuy où il faut hyuerner ; on trouue vn canal fort fafcheux;. dans lequelil ya plufieurs detours & peu de fonds; de maniere qu'en Hyuer mef me , quand les vents pouflent le plus d'eau dans la barre, il n'y ena tout au plus que; fix petites braffes , ou cinq & demie , & en quelques endroits cinq feulement : il cf vray que le fondscft de vaze fort molle, par laquelle le Vaifleau fe fait voire, & on; eft contraint d'aller par là jufquesà ce qu'on foit vista-vis de la montagne de To- rumba, au haut de laquelle eft vne Eglife , &au pied eft l'habitation; & lors que cette Eglife vous demeurera à* l'Oüelft,il faut moüiller l'Ancreà cinq braffes & des mie :&encore qu'il vous paroiffe qu'il y ait trop peu d'eau , il n'y a toutesfois rien! à craindre; parce que le fonds eft de vaze fort molle, &eft de mefme bien auant fous l'eau; Jay hyuerné deux fois en ce lieu & fur ce fonds, auec des Vaiffeaux à à De dou; c Quatre ponts :* il ne faut pointauoir peur du fonds ; pourueu que vous foyez bien ou quinze amaré contre la marée , qui eften cét endroit fort impetueufe. í | ke e S'ilcftoit befoin de calfaderle Vaiffeau , ou de découurir la quille , On y au- roit beaucoup de peine dans ce Port ; principalement fion eft contraint de fe feruit des Charpentiers & des Calfadeurs du Pays; parce qu'ils dépendent tous du Gou-| ucrneur de Bombain : & fi on ne fait marché pour radouber le Vaiffeau و‎ on ne pent; auoir d'ouuriers : que file Gouuerneur de Bombain y enuoye ; illuy faudra donner tout ce qu'il demandera; ce qui porte prejudice aux affaires de Sa Majefté , & mef- mes le fer & le bray y font plus chers quà Goa :c'eft pourquoy il vaut mieux faire calfader les Vaiffeauxà Goa , où onale bray & les journées des ouuriersà meilleur compte , encore qu'il y ait plus de boisà Bombain & à Baffain د‎ qui Goa. È 12. Il faut fortir de ce port pour aller à Goa ,auec les vents de terre & ceux de Nord-Oueft, qui commencent à la fin d'O&obre & en Nouembre : mais afin que le Nauire forte à la voile , il faut des vents de terre de Nord-Eft & d’Eft-Nord-Eft: ceft pourquoy il faut auoir des barques pour remorquer le Vaifleau jufques Reftinga. + A Ocfte. DES INDIES|O RT. E ΝΑ BS. 19 hors la barre ; & ainf on pourra bien - toft fortir. 1. Il faut que le Nauire forte déchargé jufqu'à Bombain , où eftant oti moüille en fix ou fept braffes pour prendre fa charge, fielle y eft ; parce que de ce port & licu de Torumba jufques à Bombain, on ne trouue point, pendant le Printemps, dans le canal, par lequelles Vaiffeaux doiuent fortir ; plus de cinq braffes d'eau ; & en deux endroits ; il n'y en a que quatre, & trois & demy. Il faut fortir en morte marée ; parce qu'il faut attendre la marée aux deux endroits, où il y a fi peu d’eau ; & comme on ne peut allerà Bombain, qu'en deux marées, quand on fortiroit au temps des plus hautes marées & des caux viues , on ne pourroit non plus franchir ces deux mauuais pas, & deneceffité on fe trouuera entre les deux en baffe marée; & l'eau y deuenant fort baffe pendant les eaux viues, le Vaiffeau viendroit à tou- cher, & n'auroit plus d'eau pour le fouftenir : mais pour euiter tous ces inconue- niens , il faut faire fon poflible pour arriuer à la barre de Goa, en temps qu'on puif- fe hyuernerà Goa la vicille. 一 一 一 一 = 一 -一 —— — — + + . —À — .,.,,... — Àá — a Voyage du Cap de Bonne-E/perance , par le dehors de l'I/le de S. Laurens pour Goa ou pour Cochin. i, EAT au Cap de Bonne-Efperance au mois d'Aouft , qui eft vn peu trop tard , il faut pourfuiure fon voyage par le dehors de l'Ifle de S. Laurens, & gouuerner de forte depuisle prazel ou banc des Aiguilles , qu'en eftant à 180. lieués Vers Eft, on foit par lestrente-cinq degrez de Latitude. De ce parage il faut gou- uerner àl'Eft quart de Sud-Eft, afin que la route vaille l'Eft-Nord-Eft , à caufe que Taiguillea fa variation en ce parage vers le Nord-Oüeft. Il faut fuiure cette route jufquesà ce qu'on foit Nord & Sud, auec la tcfte de Plíle de S. Laurens, fçauoir auec l'extremité de fa cofte Orientale , & vous ferez bonne route fi vous eftes alors Seconde Partie. 64 646 jj 20 ROVTIER en trente-deux degrez de Latitude ; & que vous ayez dix-neuf degrez de variation Nord-Oüeft. E 2. Eftanc Nord & Sudauec la cofte Orientale de 11116 de S. Laurens , & en 32. de- grez de hauteur د‎ il faut gouuerner à l'E(t-Nord-Eft , jufquesàla hauteur de vingt= | fept degrez. Dans cette hauteur & ce parage on a les vents d'Eft & d'Eft-Sud-Eft,. encore que par fois on les trouue Nord-Eft & Nord-Nord-Eft , à caufe dequoy il faut prendre garde de présa bien faire la route conformément au vent; & il fe bon de vogueràl'Eft autant que le vent le permettra, afin qu'on le puiffe auo plus fauorable quand il dcuiendra plus contraire à la route. 3. Dela hauteur de vingt degrez en diminuant, ona des vents de Sud-Eft &de Sud-Sud-Eft; & eftant à vingt-fept degrez de Latitude, enuiron cent lieuës à PERS de l'Ile de S. Laurens ,il fera bon de gouuerner Nord-Eft quart-Eft file ventien Ou Dies, PCrmet » qui vaudra le Nord-Eft quart-Nord; afin de paffer par l'Ifle de Diego ten Rodrigues Roys, qui eft en la hauteur de vingt degrez , ou quelque peu moins, & ce fera bien fait d'en auoirla veuë. Dela veuë de cette Ifle ; ou de la hauteur; il faut gouuernef de façon , que l'on puiffe paffer entre les balles des Garayos δὲ celles de Nazarej | l'entrée de ce canal eft en la hauteur de feize degtez 45.minuttes Sud. A 4. Mais fi cftant ala veué de l'Ile de Diego-Roys, ou en fa hauteut ز‎ on trovuol | le vent fauerable , & qu'il donnaft lieu de paffer à l'Eft de l'Ile de Brandoa , ou pat le canal qui cft entre cette Ile & les baffes des Garayos, il faudroit hazarder de paf? fer par ce canal, & ainfi on iroit par le dehors de toutesles baffes : mais affez fouuent le vent eft efchars & peu fauorable entre cette Ifle & ces baífes , & quelquesfois il. deuient Eft: Ceft pourquoy il nc faut point prendre cette route fans beaucoup de à circonfpection : & fi on paffe à "ἘΠῚ enuirori trente lieués des baffes des Garayos il faut prendre fa route au Nord-Nord-Eft , jufques à la ligne, fe détournant de Ple de Roque-Pires, qui eft en la hauteur de dix degrez, ὃς d'vne autre; qui cft en. + Elie en Latitude de fix degrez Sud, & que Jay veuë * c'eft vne petite Ifle platte & raze com= marquée melamcer ,couuerte de quantité d'arbres , & a fix licués au Sud-Oüeft ; de cette Ifle dans 125" on voidtrois Iflettes plus petites , auec quelques atbres deffüus, qui font razes come mefimenom me la mer , elles gifent entre-elles Eft ὃς Oüeft. 1 AN τ 4 5. Si eftant à la veuë de l'Ile de Diego-Roys, ou en fa hauteur, vous trouuiez» aOnremar- plus à propos à caufe du vent, de faire voftre route entre les baffes des Garayos δὲ, Mu Νὰ celles de Nazare ; quand vous ferez arriué à l'entrée du canal d’entre ces baffes , qui. fs de Ga- eften feize degrez quarante-cinq minuttes de Latitude,il faudra gouuerner au rayos font Nord-Eft, de façon que la route vaille le Nord-Nord-Eft, pour paffer par le milieu. mort car. de ce canal tant que vousfoyez à la hauteur de treize degrez ; d'où il faudra goua tes , beau- nerner au Nord-Eft quart de Notd , pour faire que la route vaille le Nord quart: rode au Nord-Eft , jufques à la hauteur de neuf degrez : & de cette hauteur on gouuerne file de ra au Nord.Eft quart à Eft, de facon que la route vaille le Nord Eft quart a Ms Nord, qu'il faut continuer jufques ἃ la ligne. ἡ de Nazaré, 6. L'aymant change fort lentement fa variation en ce parage , & dans cetterou-- encore plus tc de l'Ifle de Diego-Roysjufquesà la ligne. Voicy ce qui en a efté obferué. à que celles : descaraios; b A la veuë de cetrelfle du cofté d'Oücft,la variation eft de vingt-deux degre de maniere Nord.Oüeft , & du cofté d'Eft elle eft de vingt-deux degrez & demy : & paffant ent que © ‘°° tre les baffes des Garayos& l'Ifle de Brandoa , on la trouueen cette route jufquesà brouffer la ligne de vingt-deux degrez & demy , puis de vingt & vn & de vingt : que fi ofi. EDO prend fa route entre les baffes des Garayos & celles de Nazaré ,on aura vihgt & vm atile d'aui- degrez vn peu moins de variation Nord-Oüeft , au milieu du canal qui eft entre-. ci fa. deux : & paffant de ce lieu à la hauteur de neuf degrez ;elle fera vn peu plus de vingés pour re- &vndegrez:& pourfuiuant fa route vers la ligne, la variation va en diminuañt pes TOI jufques à vingt ; dix-neuf & demy , & dix-neuf degrez. I j'a DÉS INDES ORIENTALES. 21 7. Quand on cf arriué à la hauteur de vingt-fept degrez de Latitude Sud , fui- pourroit Want les routes dont on vient de parler ; fi ona le vent d'Eft, il faut courir au Nord bien yauoir i ME De Jue : faute dans quart de Nord-Eft, pour aller vers l'Ile de cCirné , & il fera bon d'en auoir la les Cares; veus ; il dy a vingt degrez & demy de variation. De celieu ou de fa hauteur, vous carildirvn deuez faire voftre route en forte que vous alliez paffer entre les baffes de Nazaré & Due ie bal. celles des Garayos , file vent le permet , ou bien entre les deux prazels ou bancs de fes & les Nazare faifant route qui vaille le Nord-Nord-Eft , depuis la veué de l'Ifle de Cir- mr : x 5 mal mar- ne, jufques à la hauteur de dix degrez & demy ; & de cette hauteur, vous ferez rou- quées. te qui vaille le Nord-Eft jufqu'à la ligne. BIS iL : Yr EA y variations + 8. Danstoute cette route & parage depuis la tefte de l'Ifle de S. Laurens, il faut de l'aymät. veiller de prés à la conduite du Vaiffeau, tant de ¡jour que de nuit, jufques à ce qu'on : zu uon foit paruenu à la ligne Equinoxiale ; parce que dans les Cartes,les baffes & lesI(les mom ne font pas marquées dans leur vraye hauteur,& mefmes il y a beaucoup plus d’Ifles l'IMle de & عل‎ baffes que celles qui font marquées dans la Carte : c'eft pourquoy il fe faut dvi donner garde, faire bon quart, & de iour faire toufiours monter vn homme furle demy NO. matereau , pour découurir s'il n'y a point quelque baffe ou Ifle ; auoir continuelle- ment l'œil fur la couleur de l'eau, pour voir fi elle change : de nuit auoir toufiours la fonde en main, pour fgauoir s’il y a fonds; faire mettre vn homme für le beau- pré , ne voguer qu'auecla grande voile, fi ce n'eft jufques au lieu & diftance qu'on aura pú découurir en mer au coucher duSolcil, & ne prendre affeurance qu'en Dieu & à la bonne garde qu'on fera. 9. On trouue beaucoup d'oifeaux dans cette route & ce parage fcauoir quantité de Garayos ,de Garazines, d'Alcatras gris & blancsauec la pointe des aifles noires, & des Rabos Forcados ou queués fourchués: on trouue ces oyfeaux en grande quantité prés desIfles & des baffes: mais ie ne m'arrefte pasa ces fignes; parce que ces oyfeaux ayant bonne aifle, vont pefchant où ils trouuent plus de poiffon, ὃς c'cít là cà ils fe rencontrent plus ordinairement. Ie ne les tiens pas pour des mar- ques affeurées du lieu où on eft , & il y enatantoft plus, cantoft moins. τοὶ Bien fouuent par les dix degrezSudou enuiron, qui eftla hauteur de l'Ifle de Roque-Pires , onaura les vents d'Oiielt & d'Oüeft-Nord-Oüeft ; auec des pluyes, jufques par les fix degrez : en ce cas vous deuez faireen forte que vousarriuiez le pluftoft que vous pourrez aux Ifles des Maldiues. Si vous eftes fur l'arriere-faifon; & que vous n'ayez pafsé la ligne que dans le 15. de Septembre, vous gouuernerez Nord-Eft juíques à la hauteur de feize degrez Nord, & de là vous fuiurez voftre route vers la barre de Goa, ayant égard aux mefmes obferuations & remarques, qui font dans leroutier de Mofambique à Goa, dans la faifon d'Aouft, au 10.ar- ticle. ; 11. Si vous arriuez àla ligne Equinoxiale au commencement d'O&obre و‎ vous prendrez laroute de Cochin, & vous mettrez * au deffus du vent des Ifles de Ma- + A balrá: male, pour mieux entrer dansle canal qui eft enla hauteur de neuf degrez 45. mi- "nre. nuttes Nord. Or eftantà quelques foixante lieuës à l'Oüeft de ces les ; on trouue ‘beaucoup عل‎ * beftioles & de papillons qui en viennent, eftans emportez en mer + Muitos par les vents; ce qui cft caufe qu'on les trouve fi loin. Il ne faut point paffer plus bu x haut vers le Nord que cette hauteur ; parce que ces Ifles ont des* báffes & des chai- * Baixas & nes de rochers; & allant parle canal qui eften cette hauteur, il n'y a rien à craindre, etingas- 12. Ence parage, les eaux fortent de ces Ifles par leurs * canaux, & fuiuent les *Cefont les vents d'Eft & d'Eft-Nord-Eft,courans à l'Oüeft & à l'Oueft-Nord-Oüeft: mais dud proche des mefmesIfles & de celles des Maldiues,les courans vont par leurs ca- les feparenc faux auet les ventsd'Oüeft & deSud-Oücft. Quand on a paísé la ligne, l'aiguille 19° es des varie de dix-huit degrez Nord-Oücft ; & à caufe de cela, il faut tenir compte de Var. is. de deux quarts & demy , lors qu'on court fur la Carte, & fairela route fuiuant les cou- $665.) 22 ROVTFIER a Le décher rans que vous trouuerez , & le vent qu'il fera ayant αὐ égard à la Lune; a parce des 2. quarts que lors qu'elle eft pleine &nouuelle, les eaux courent auec plus d'impetuofké È. > & dem à . : A dont il a mais fi le vent dcuient fort, il ne faudra donner que deux quarts de déchet à voftre le, (e eue route; & s'il n'eft pas fort, luy en donner dauantage, parce qu'alorsle courant fait | Eus DA plus d'impreflion fur le Nauire. P parcequefi 13. Sienallant vers ce canal, qui eft enla hauteur de neuf degrez 45. minuttes, d rad ἫΣ on auoit le vent contraire , on feroit obligé de paffer à la veué des Maldiues: or il La variation faut fçauoir que prés de cesTíles , les caux courent auec grande viftefle vers leurs B s dur canaux & emboücheures, ὃς entraînent les Vaiffeaux vers leurs anfes ou plages. m ner quvn. c'eft pourquoy sil arriuoit que vous vinffiezàla veuë de ces Ifles, mettez dehors 1 y CURA voftre batteau b pour aller querir vn Pilote aux Ifles pour conduire voftre Vaiffeau va peu plus par les canaux; car tout contre ces Ifles il y a beaucoup de fonds: on peut louier vers le Sud: deca & de là en attendant vn Pilote. d'où vient que lorsque 14. Par les fix degrez de Latitude Nord, il y a vn grand canal entre ces Ifles , pat ice net lequel les Caraques de Portugal peuuent pafler, & il y en a encore d'autres plus au Subs Sud : mais du cofté du Nord, les les font plus refferrées, & il y a quelques c rochers que le vaif qui auancent en mer; & quand on paffe par quelqu'vn des canaux d'entre ces Ifles, ERI * il fautaller à Cochin enallant au Lof, & fur le ventle plus que faire fe pourra, jul 1 D i : ἊΣ x x / aux Cours, ques à la hauteur de dix degrez ou peu moins, & delà gouuerner à l'Eft pour aller il ne faut à la barre de cette Ville. |. pas tant de È n y VEI £ a 1 correétion 15. Si vous auez paísé par le canal quieft en Latitude de neuf degrez 45. minut= que lors tes, il faut prendre voftre route par la hauteur de neuf degrez so. minuttes, & cons qu'ils ¿font 7 foibles, & tinuez tant que vous découuriez la terre de Cochin:vous la connoiftrez à vne mon- 1 y vas tagne quientre dansle Pays, & qui reffembleà vne grande table, elle court Eft & € 1a1l= ve . . e cose Oiieft, droit parle trauers de la cofte , & au pied de cette montagne cft d Cranga- pls aifé- nor. Au deffus dela barre de Cochin, on voit dans le Pays vne montagne qu'on. P cé auis homme Aureille de Liévre , à caufe qu'elle en ala figure. Si-toft que vousapperce- n'eft point urez cette montagne , approchez-vous dela cofte , & tout à l'heure vous découuris 4 AL عل‎ rez la barre de Cochin :on en approche d’vneliené & demie, & Celt où les Cara te] .. Pirard fait ques moüillent fur fept ou fix braffes vis-à-vis de la riuiere qui entre dans cette sa duse barre: & fi vous voulezaller à Goa, il faut fuiure la cofte auec les vents de terre fans se bos la perdre de veué. — ' dá s'approcher E | de ces Illes, ————— ny mefmes ; 1 : i ia Voyage vers la cofte d'Afrique , lors qu'on fe trouse al Eft des Ga- Pilou di YAYOS Ey de Saya de CXCalha, quand la [atfon eft pa(fée , & que AVS و‎ 39 a . ‘ ala fou les viures manquent, de façon qu'il y ait apparence qu'on n uent font exprés كه‎ — puiffe arriuer à la cofte des Indes {σ᾽ qu'on foit contraint d'alle choüer les vaux Pyutraer à CMombafa ou à Mozambique , qui eft le plus cour! ui en ce . &hemin au on puille prendre. ios moron f P nent ak Roy. 1. Vand on fait le voyage par le dehors del'Ifle de S. Laurens , & qu'onales V cui vents fi contraires , qu'on ne peut faire fa route bien à propos, & que la fai nor eft au fon fe paffe, de maniere qu'il y aitlieu de douter qu'on puiffe gagner Cochin, 8 AME qu'ainfi on foit obligé d'hyuerner à Mombaza , ou à Mofambique , fuiuant les of | dres & reglemens du Roy, onfe pourra feruir dela route qui fuit. i 2. Sivous voustrouuez fur l’arriere-faifon, comme vers le τς. de Nouembre; par les 14. ou τς. degrez de Latitude Sud, & à [ἘΠῚ des baffes des Garayos, & que | vousayez peur de rencontrer des calmes, & que ce retardement caufaft des mala- | AA 4 + D'ES'INBES ORIENTALES. 23 dies parmy vosgens, ou que vous ayez neccflité de viures, vous pourrcz faire le voyage de Momtba za ou de Mc fambique , par entre les baffes des Garayos & de Saya de Malha , qui cft le plus court chemin, & qui demande moins de temps. Il faut gouuerner depuis cette hauteur à l'Oüeft-Nord-Oüeft, tournant quelquefois vn peu plus vers le Nord, afin que la route vaille l'Oücft jufquesà ce que vous foyez à quelques 30. lieuës au Sud-Oücft de la baffe de Saya de Malha, qui eft enla hauteur de onze degrez 30. minuttes Sud , & à quelques vingt licués au Nord-Eft, δ vis-à-vis du prazel ou banc de Nazaré, qui eft le plus prés des baffes des Ga- rayos: par ce canal les eaux courent auNord-Nord-Oiieft, & il y a vingt & vn de- Var. 21 d. grez de variation Nord-Oiieft. DEE 3. Eftant en cette hauteur & parage , il faut gouuerner au Nord-Nord-Oüeft & au Nord quart de Nord-Oücft, pour faire que la route vaille Nord-Oiieft jul ques à la veué de l'Ile de Galega qui eft en Latitude de neuf degrez 30. minuttes Sud. Ileft bon de la voir, afin d'eftre plus affeure de fa route :jy ay paíse, y eftant venu de la hauteur de 14. degrez ; c'eft vne petite Ifleraze comme la mer. A la veué de cette Ifle , l'aymant varie de 20. degrez 30. minuttes Nord-Oiieft : il y a en cette Vies Ifle quantité d'Alcatras blancs, qui ont la pointe de leurs aîles noire, de Garazines, — | de Garayos noirs qui ont le ventre blanc, & de Rabos Forcados. Pay pafsé à 30. lieués ouenuiron de cette Isle du cofté du Sud , où ie n'ay rien veu qu'on puiffe ap- prehender ; jeus en ce canal vn vent de Sud & Sud-Sud- Eft ; jufques à la hauteur de fix degrez Sud : & de cette hauteur approchant de la ligne ; ie trouuay des vents d'Eft & d'Eft-Sud-Eftà la fin de Nouembre. 4. Dela veuë de cette Isle , ou de fa hauteur ; il faut gouuerner au Nord-Oieft quart Nord, de maniere que la route vaille l'Oüeft-Nord-Oüeft jutques à la hau- teur de fept degrez 30. minuttes Sud: allant en cette hauteur par le milieu du ca- nal ,on découurira vne petite Isle raze & à fleur d'eau ,le long de laquelle il y a des fonds & rochers, qui font que la mer y brife ; mais fi on en paffe à vne lieuë ouenuiron, il n'y arienà craindre, parce que tout y eftfort net, & il n'y any baffe ny rien qui puiffe apporter dommage. Il ne faut pas pourtant laiffer de veiller foi- gneufementà la conduite du Vaiffeau , confiderant la couleur de l'eau & faifant monter de iour vn homme fur le matereau , & de nuit fur le beau-pré, faifant pe- tite voile de ¡our ,toufioursla fonde en main, & de nuit mettant le Vaiffeau de cofté àtrauers, en forte qu'il n'auance point plus pendant la nuit, que ce qu'on aura pù découurir en mer de deffusles mafts au coucher du Soleil : obferuant ces chofes, vous fortirez de ce canal auec plus d'affeurance. $. Il feroit bon de voir cette Isle qui eft en fept degrez 30. minuttes de Latitude Sud , pour s'affcurer dauantage que l'on paffe pat le milieu de ce canal, & qu'on ne courre point rifque de rencontrer la baffe de Patrao , ny le prazel ou banc de lean Martin. Or à la veué de cette Islette , l'aymant Nordoüefte de 19. degrez. eo o 6. Eftant en la hauteur de fept degrez & demy, ou à la veué de cette Islette, qui eft en pareille hauteur, fi vous auez deffein d'allerà Mozambique, il faut gouuer- ner au Nord-Oüeft quart Oüeft, afin que la route vaille l'Oüeft* jufques à ce que *il veu vous foyez Nord & Sud auec l'Isle de Natal, qui eft en Latitude Sud de huit degrez DSS Si 30.minuttes. Eftant au Nord de cette Isle enuiron 28. lieués,il faut gouuerner à lar Nord, l'O&cft quart Sud , afin que la route vaille le Sud-Oücft-quart Oüeft jufques par autrement les dix degrez Sud, d'où il faut gouuerner au Sud-Oüeft; de façon que la route ei vaille Sud-Sud-Oïüeft jufquesà eftre en la hauteur des Picos Faragofos: de cette le variaít de hauteur on prend la route de Mozambique fi les vents & les courans le permet- 2555774 'tent , faifant fon poffible pour arriuer ala cofte , vers laquelle les eaux courent en ellene varie ce parage. Dés qu'on l'apperceura ; illa faudra coftoyer, jufquesà ce qu'on ait la ¿ee e 2? à { à Ce qui faic veué dela fortereffe ou de la barre de Mozambique ,ou on entrera , fuiuant les voirquil y 24 ROO: VCT I ER ἃ erreur eft, auis qui ont efté donnez au voyage du Cap de Bonne-Efperance à cette barre, qui qu'il nepat- font au 23. article. 1 int de > 0 5 ans cn 7. Et parce quel Ordonnance du Roy porte qu'on ira hyuerner a Bombaza , fi ce Parage: on y trouue plus fa commodité; parce que le chemin en eft plus aisé en l’arriere-fai-. fon, joint que c'eft vn lieu plusfeur & queles viures & prouifions y font en plus‏ مانم pluitof à la grande abondance & à meilleur compte quà Mofambique. Quand on fera enla route vu hauteur de fept degrez & demy , ouala veué de l'Isle dont j'ay parlé, qui eft en au lieu du mefme hauteur , il faudra faire la route pour Bombazaà l'Oücft- Nord-Oüeft, en der ἊΣ forte qu'elle vaille l'Oüeft , & aduancer par cette route enuiron quatre lieuës, pou n droit faire euiter la baffe de Patrao. De ce parage il faut gouuerner au Nord-Oueft , afin que IO. N° 9: la route vaille l’Oiieft-Nord. Oücft jufques à la hauteur de quatre degrez Sud ; ou TO. ani peu moins, qui eftcelle de la barre de Monbaga, δὲ prendre garde qu'à vingt ou. qu'il ef trente lieués de la cofte, il y ades courans qui portent au Nord-Nord-Eft, cet pem pourquoy il fera bon de fe mettre parles quatre degrez quinze minuttes pour al= vant : car fi Jer à cette barre dans le temps queles vents viennent d'Oueft. pour allerè 8. EnLatitude de quatre degrez , cette colte eft terre baffe & verte auec des fa il fauc faire bles le long du riuage de la mer, & en Latitude de trois degrez 45. minuttes font les noue Amaxambas de « Mutuapa, qui font trois lieuës au Nord-Eft de Monbaca. Mutua: d'apparence pa eft vne pointe deliée ,au fommet de laquelle on voir dans le Pays vne haute e Ren i Lombade qui eft auprés de trois montagnes ou tertres: certe Lombade n'a past. zambique beaucoup d'étendué, & on ne voit en aucun autre endroit de ce paragetrois certrés ١ qui cft plus ou montagnes feparez les vns des autres , comme font ces trois-là ; ils gifent encre ben uw eux Nord-Oücft & Sud-Eft, cl'aiguille Nordoüefte de onze degrez vingtminuttes: route du à [a veuë deterre. i RAE. 9. La barre de Montbaza eft juftement en Latitude Sud de trois desrezso.mi=" eft vie ha- nurtes; c'eft vne terre raze le long de la mer, qui a quantité de fables du cofté du Pin xd Nord : & du cofté duSud , on voit vne Lombade dans le Pays, qui fait vne ouuer Ἢ cotte prés ture fur cette Isle, & demeure du cofte du Nord, où elle eft plus petite que celle de CES qui va du cofté du Sud. : plus au 10. Ceux qui voudront entrer dans cette barre auec de grands Vaiffeaux, comme AA m font les Caraques de Portugal , doiuent courir enuiron vne lieué en mer le long عل‎ et exc terre la cofte foit qu'ils viennent du cofté du Nord , ou du cofté du Sud, il faut venirà. fort inégale terre la fonde à la main jufques deuant la fortereffe : & quant on trouuera 12. braf- ace ph. fes, il faut attendre vn Pilote de terre ; ques'il n'en vient point, on gouuernera au lées. Nord-Oiieft en filantà la pointe où eft la fortereffe , & puis on fuiura par le milieu Gala du canal fur dix, neuf & huit braffes fonds de fable , jufques à eftre vis-à-visd'vn NO. Hermitage qui eft fur la pointe , dont il a efté parlé à Pentrée de la barre, qui conti nué jufques à la fortereffe &àla ville. Quand on eftàla portée d'vn fauconneau, ou enuiron , de cét Hermitage vers la mer, il faut mettre le Cap à l'Oueft-Sud Oueft pour aller à la barre de Tuapa, qui eft le lieu où les Nauires vont hy= uerner. Ἢ 11. Quand vous ferez vis-à-vis de l'Hermitage & d'vne roche qui eftrour au- * ملعيف‎ prés ر‎ vous verrez vn*amas ou quantité de fable en terre-ferme , qui doit eftre ἃς l'Oueft-Sud-Oueft de vous; il faut tourner le Cap droit deffus, ayant fonds deg 16. & το. jufques à ce que la barre de Tuapa paroiffe tout à découuert, & alors. vous ferez vis-à-vis de ce fable : delà il faut paffer parle milieu du canal, jufques à ce que vous foyez vis-à-vis d'vne maifon qui eft dans l'Isle , qui vous doit demeu- rer a ἘΠῚ. Il faut moüiller deuant elle fur 18. braffes d’eau, jufques à 15. & ne crai- gnez rien du cofté deterre-ferme ; car il y a bon fonds jufques auprés de la roche;j'y ay moüillé fur fept braffes d'eau. EC ' 12; Pour entrer dans cette barre, il eft bon que ce foit à vn tiers de flot; & quand | la E DES IMDIBiIORIENTAEES . 2 amet eft pleine ou qu’elle baiffe , il faut moüiller l'Ancre vis-à-vis de la fortereffe jurvingt brafles , & attendre en ce lieu cette hauteur d'eau outiers de flot; pour en- τοῦ dans la barre, parce qu'elle eft fort eftroite , & que dans le canal il y a deux bointes bien dangereufes qui ont des efceuils de part & d'autre; & fion entre aues peu d'eau , on apperçoit la pointe des rochers, & on entre auec plus de feureré. 1. Les marées lortent par le reflus auec grande force & impetuofité , & les eaux ront de deuant l'Hermitage;quand la mer baifle, vers ce fable dont Jay parlé, qui :t en terre-ferme ; il doit demeurer versl'Oüeft Sud-Oüeft quand on va de deuant "Hermitage, par le milieu du canal,à ce fable,pour entrer dans la barre, & de là on Va droit à la maifon de nobleffe de Tuapa , où il faut moüiller au milieu du canal & Me la riuiere. 14. Quand la marée fe retire ,les eaux courent dans ce parage de deuant cette na ifon vers ce fable , auec aufli grande vifteffe, qu'vne pierre qu'on jette de la nain: & de ce fable , elles vont par le milieu du canal νοῦς [ἘΠῚ Nord-Eft. Pour vien fortir de cette barre, il faut paffer pardeuant ce fable , fe feruant du vent de erre qui vient tous les matins, & prendre le temps qu'il y aitencorevn quart d'ebbe, c qu'il foit mortecaué : c'eft alors qu'il faut mertreà la voile,en gouuernant Eft Nord-Elt & Eft quart au Nord-Eft, ayant fond de vingt, dix-neuf & dix-huit brat- es : & quand vous ferez à vne portée de canon de la pointe delIfle où eft l'Hermi- age, il faudra gouuerner au Sud & au Sud-Sud-Eft, fortant en mer le plus que faire e pourra , à caufe que les marées courent aucc grande impetuofité vers le Nord, & iouffent les Vaiffeaux versla cofte: c'eft pourquoy il eftà propos de fortir en mer nuiron 30. lieués auant que de prendre fa route pour continuer le voyage vers 30a: ce qui fe fait comme il eft enfeigné au Routier fuiuant , qui cft pour la faifon u mouffon d'Auril. ας. L'entrée de cette barre ou canal eft fi étroite , & a tant d'efceuils, qu'en beau- oup d'endroits il n'y a pas plus de largeur pour paffer, que la longueur d'vn Vaif- eau; ie vous en auertis afin que vous y preniez garde. Voyage de Mombaza à Goa , dans la faifon de Mars er d Auril. 13h54 | : Vand on eftà 3e. lieuésen mer dela barre de Mombaza , il faut gouuerner ΟΝ ΚΙ ΕΠ quart de Nord-Eft pour aller à Goa, de facon qu'on fe tienne éloigné le la cofte de 4o.lieués ou plus; jufqu'à ce qu'on ait paísé l'Ile de Sacotora : ὃς quand on l'aura pafsée; ilfaudra faire la route quia efté enfeignée au voyage de Mofambique à Goa en la failon deMars , & fe feruir des auertiffemens qui y font lonnez , & aller moüiller deuant la barre de Goa la vieille ; ou à la barre de Bom- aim. | 2. Ie tiens qu'il feroit plus à propos d'aller hyuerner à l’I{le de Sacotora, qu'à Mofambique ou à Mombaza; parce que le climat eft meilleur , plus fain , & moins jet aux maladies, & qu'il y a vne barre,dont il ne faut point craindrel'entrée ; & quelque Nauire que ce foit qui arriuera à cette Ifle auec fa prouifion de bifcuit, ne máquera point de toute autre chofe, & à meilleur comte,qu'aux fortereffes cy -def- us; parce qu'en cette Ifle il y a beaucoup de poiffon , qu'on peut prendre fans for- irdu Nauire, & qui peut fuffire pour nourrir Péquipage: & dans l'Ile ¡ly a quan- ité de beftailà vil prix, & beaucoup de laitage. De plus, cette Ifle de Sacotora n'a dint de grands courans, comme on en trouue entre-elle ὃς Mofambique , joint qu'on peut aller de cette Ile à la barre de Goa en peu de temps, à caufe que les vents l'Oiieft commencent en ce parage au mois de Mars,& ainfi on fe peut rendreà Goa Seconde Partie. € € LE 一 -一 一 Var.16.417. 4. NO. 26 ROVTIER o dans le mois d'Auril, auquel temps l'Efté dure encore. Ces confiderations mefont | juger qu'il vaut mieux hyuerner dans cette Ifle , & j'en parle auec experience ; pat: | ce qu'ayant hyuerné à Mofambique , à Mombaza, & en cette Ifle aufli, j'ay pù con- | noiftre quel eft l'Hyuer ences trois lieux. On peut voir à la fin de ce Routier ce qu'on doit obferuer pour la fituation , la fonde , & le moüillage de cettelfle. — IA — Voyage qui fé peut faire en arrinant dans l'arriere-[aifon au Cap. de Bonne-Efperance, eg prenant fa route entre laterre-ferme | ez l'Ile de Saint Laurens. 1, £I l'on ne paffe le Cap de Bonne-Efperance que dansle mois d'Aouft ; & ju S qu'au vingtiéme , il faut faire fa route comme il eft enfeigné au voyage du Cap à Goa, quand on paffe entre la terre-ferme & l'Ifle de Saint Laurens, & o 7 feruer tous les auis qui font donnez dans le Routier, jufques à la veué de l’Ifle de Comoro. 1 2. Quand ona eu la veué del’Ifle de Comoro , & qu'on en eft à quinze lieués οἱ | enuiron au Nord, fi c'eftà la fin de Septembre, qui eft bien tard, il faut gouuernet au Nord-Eft de telle facon, que voftre route vaille le Nord-Eft quart Nord, juf ques par les quatre degrez de Latitude Sud. 3. De cette hauteur il faut gouuerner à l’Eft, en forte que la route vaille l'Ef- Nord-Eft jufqu'à la hauteur de quatre degrez Nord : & en faifant cette route, vous ne manquerez pas d'auoir les vents qu'on trouue lors qu'on vient par le dehors de: l'Ifle de S. Laurens, Ígauoir ceux de Sud-Elt & de Sud-Sud-Eft; & vous verrez qu'ils durent plus long-temps par cette route, que lors qu'on approche plus prés du dé croit del’Ifle deSacotora. T 4. Ence parage vous trouuerez queles couranstirent vers l'Eft-Nord-Eft : ὃς fe. lon que vous reconnoiftrez les courans, le fillage du Nauire , & felon le vent quc vous aurez , vous donnerez le déchetà voftre route en pointant voftre charte, ayant auffi égard à la variation de l'aymant : & fi par les quatre degrez Nord l'ai- guille Nordoüefte de 18. degrez , c'eft vne marque que vous eftes allez éloigné de la cofte Deferte vers le Sud. d s- Ie vousauertis que lors que vous entrerez dans la hauteur des baíles de Patrao, vous foyez bien fur vos gardes ; car elles font fort dangereufes : c'oft pure faut aller anec peu devoiles, & gouuerner au Nord-Oüeft pendant la nuit, faifant bon quart jufqu'au jour; & alors vous corrigerez voftre route, afin de vous re- mettre dans celle que Jay dit. Eftant en cette hauteur de quatre degrez Nord il faut faire l'Eft-Nord-Eft fur la bouffolle, afin que la vraye route foit Nord-Efl jufques au canal des Iles Mamaleque ou à leur hauteur, qui eft de neuf degrez 45 minuttes. Il faut paffer par ce canal pour aller à Cochin, obferuant les auis qui ont efté donnez aux articles 11.12.13. 14. & 15. du Routier qui conduit à Cochin parl dehors del'Itle de S. Laurens. E 6. Si vous allez par cette route, & que vous rencontriez les baffes de Parrao, δὲ le prazel ou banc de Iohan Martins, l'aymantNordoücftera de 16.417. degrez; δὶ en ce parage voustrouuerez beaucoup d'oyfeaux , comme des Garayos , des Gara- zines , des Alcatras blancs auec la pointe desaifles noire , & des Rabos-Forcados. 7. letrouue qu'il y a moins de danger en ce voyage, que lors qu'on paffe par le dehors de l'Iflede S. Laurens; parce que le vent venant à manquer , &la failon ft paffant ,on fera plus prés des ports où on fe pourra retirer & paffer l'Hyuer,é ainfi on ne perdra point le temps à retourner fur fa route, & on éparguera les vi: DES INDES ORIENTALES. 17 res ; parce que le chemin n'cft pas filong , que fi on paffoit par le dehors dele. . 8. Faifantle voyage par le dehors de l'Ifle de S. Laurens, on trouuc quelquefois en la hauteur de 30. degrez les vents Eft & Eft-Sud-Eft, & Nord-Nord-Eft, qui du- ent fi long-temps qu'on perd le mouffon propre pour aller ἃ Cochin : δὲ auant que 'arriuer dans vn parage où on puiffe trouuer des ports pour hyuerner , on court e grandes rifques, l'Equipage deuient malade, & ilen meurt la plus grand partie du mal de Loanda ou Scorbut : & par cette raifon ,ie n'approuuc pas la route cy- euant décrite. Pour ce qui eft des vents dont jay parlé, qui fe trouuent vers la tefte le l'Ifle de S.Laurens enla hauteur de 30. degrez, ie rencontray vn Vaiffeau qui 'ftroit party l'an 1619.qui retourna auec les mefines vents pour repaffer l'Tle de faint Laurens ; & ce ne fut pas fans beaucoup de trauail qu'il pútaller hyuerner à Mofam- pique. Ie trouuay ces mefines vents en cette hauteur l'an 1620. &ils me durerent ulques au moisd'O&obre: & parce que la faifonou mouffon eftoit pafsée , j'allay iyuernerá Mombaza paffant à trauers des baffes des Garayos & de celles de Saya le Malha , auec beaucoup de danger, Voyage de Goa au Cap de Bonne-Efperance par Mozambique, aont entre la terre- ferme e l'Ile de S. Laurens. 一 -一 -一 -一 一 一 —— Do bien faire le voyage de Goa au Cap de Bonne-Efperance , en palfant en- AA tre lle de S. Lautens ὃς Mofambique,il faudra fortir dela barre de Goa dans e mois de Decembre, & prendre fa route vers Oücft auec les vents de terre ,Juf- 'ariation , & fe tenir * fur le vent le plus que faire fe pourra : de maniere que lors Lé. uc vous ferez à certe diftance de la cofte , vous foyez en la hauteur des Iflers brú- ez, d'où il faut gouuerner àl'Oücft-Nord-Oüeft. r 2. Quand vousferez éloigné de la cofte , & que vous entrerez dans le vent ge- ieral عل‎ Nord-Eft, il faut gouuerner à l'Oüeft , prenant quelquefois vn peu plus au Nord ; de maniere que voftre route vaille l'Oüeft-Sud-Oüeft jufques par les neuf 'aymant y varie de 18. degrez : & cette variation jointe aux courans , fait abbatre e Nauire de plus de deux quarts: & eftant en cette hauteur de neuf degrez Nord, lfera bon d'eftreà 6o. lieuës ou enuiron du Cap de Guarda-Fuy. 13. De cette hauteur de neuf degrez , il faut gouuerner de ¡our àl'Oüeft-Nord- Düeft , & faire fon poffible de voir la terre, auant que de paffer la hauteur de cinq degrez Nord; & ce n'eft que pour en auoir la connoiflance : car fi-toft que vous "aurez découuerte, il vousen fautcloigner jufqu'à ce que vous la perdiez de veué, &faire voftre route au Sud-Oüeft juíqu'a la ligne ; mais pendant la nuit;il vous faut soufiours donner de garde d'approcher dela cofte , faire bon quart, & gouuerner comme elle siftjufqu'à la ligne. 4. Eftantala ligne Equinoxiale, vous gouuernerez de ¡our au Sud-Oüeft, & de nuit vous prendrez vn quart du Sud, en forte que vous foyez éloigné de terre ezo.lieués ou enuiron , & faires toufiours bon quart jufques à la hauteur de huic egrez du cofte du Sud, vous donnant garde des Ifles de Pemba, Zamzibar & Monfia : & fivousne découurez aucune de ces Iles, il faut gouucrner au Sud-Oüeft fins prendre plus au Sud, & faire voftre poffible pour auoir connoiffance de la terre par les dixdegrez de Latitude Sud,fçauoir prés du Cap Delgado : maisfi vous auez la veué de quelqu'vne de ces Ifles , il vous faut gouuerner de façon quevous puiffiez voir la terre en la hauteur de dix degrez de Latitude Sud. Seconde Partie. | ne 4666 ij x . he DES 1 < . : D 213 ques à 30. licués ou enuiron de la cofte : & en gouuernant il faut auoir ègardà la, o mais de legrez de Latitude Nord : parce que les eaux courent en ce parage au Sud-Oüeft, & y. s No; 28 RO VATI ER Lacoftene- $. Lesfignes& marques qu'on rencontre danscetteroute de la Deferte, jufques | ferte eft de- q yy Cap Delgado , font des Alcatras qui reffemblent aux Mangas de Veludo , & des | Sa bart RabosForcados ou queués fourchués : & approchant de la cofte ontrouue des G; Sud,jufqu'à razines & des Garayos , qu'on entend gazoililler de nuit: on y void au 全 des bran b am ves ches de Sargaffe , des Tortués , de petits rameaux qui ont des gouffes ou bourfer- le Nord. tes, des Candeinas de Mangues, & des branches d'vne herbe qui a trois peti 1 De ue, * gouffes qu'on nomme pieds de Poule : on trouuera toutes ces marques quand om follis. fera auprés dela cofte ; mais les autres fignes fe voyent lors qu'on eft plus auant € mer. 6. Dans la faifon des vents d'Eft faifant fa route a 3o. licués en mer ou enuirom. loin de la cofte de la Deferte , les eaux courent Sud-Oücft &Sud-Sud-Oüeft , c'elt pourquoy il eft bon de ne s'éloigner pas plus de 20. lieués dela cofte en mer; parce. que les eaux n'y courent pastant, ny auec tant de vifteffe : & fi on eft plus de trent lieués en mer, elles courent auec beaucoup d'impetuofité vers le Sud-Oüeft & Sud Sud. Oüeft, & portent les Nauires fur l'Ifle d'Aro ou fur celles de Comoro: mai on nauigeà 20. licués de la cofte , il n'y a rien à craindre; parce que la mer eft nett par tout en cette route, & il n'y aqu'en la hauteur de l'Ile de Mombaza jufques celle del']fle de Pemba, qu'il fe faut donner de garde d'approcher trop de terre; d peur de paffer entre ces Ifles & laterre-ferme, à caufe que ce paffage eft plein d baffes & de rochers : mais paffant plus en mer que les Ifles de Pemba, il n'y rienà craindre: & fi on fait voile du cofté d'Eft de cette Iflc , & à(aveue , ce fera y bon figne qu'on va vers le Cap Delgado en toute feureté. i 7. Quand on court de la ligne au Cap Delgado, fans s'éloigner de la cofte qu de 20. lieués , on appercoit que la variation de l'aymantva en diminuant: car vis à-vis de Oibo ; à ro. lieués ouenuiron en mer, il varie de 13. degrez Nord-Oüe LA à 15. lieués ou enuiron ἃ [ἘΠῚ de l'Ile de Pemba, il varie de 11. degrez 45. min tes: à la veuë de l'Ifle de Zamzibar, on ne trouue quem. degrez peu plus : & d lieuésàl'Eft del Isle de Monfia , qui eft par les huit degrez de Latitude Sud, il No doücfte de 10. degrez 40. minuttes, & cette variation continué jufques au Cap. Delgado. Si en cette hauteur & parage vous trouuez que l'aymant varie de 12.413. degrez , c'eft figne que vous eftes pres de l’Ifle d'Aro , & que vous pafferezà la ve desIfles de Comoro, fi vous ne corrigez voftre route. E 8. Arriuant à la cofte en la hauteur de το. degrez, vous ttouuerez qu elle gift Sud- Eft & Nord-Oüeft, & vous verrez par endroits des lieux où il y a du fable au bo de la mer & lesterres bafles le long de la mer; mais dans le pays elles font plus hai tes : par endroitsil y a des collines rondes: en la hauteur de neuf degrez 3o. minut tes, vous découurirez vne grande ouuerture quireffemble à l'emboucheure d'vne riuiere , & deux montagnes du cofté du Nord-Oüeft , qui femblent eftre deuxlIfle tes: quand on eft deuant le Cap Delgado, qui eft par les dix degrez & demy de Latitude Sud, on voit vne pointe de terre baffe ; & quand on cft vis-à-vis de cette pointe , on découure cing Iflesqui font de fuite, & tirent droit vers Querimba. ὦ 9. Deuantle Cap Delgado, les eaux courent au Sud.Oücft au commenceme des vents d'Eft , 824 la fin de cette faifon elles vont au contraire , & courent vers le Nord-Eft , & c'eft auec plus de force en pleine & nouuelle Lune. Il m’eft arriueà la | fin du mois de Tanuier, que la Lune eftant pleine le vent me manqua à la veué E | l'Ile de Querimba ;en eftant éloigné du cofté d'Eft d'enuiron vne licué;les eaux | me potterent de ce lieu jufques ala veué de l'Ile de Zamzibar , combien que j'euffe | toufiours le Cap tourné versle Sud-Oüeft , & que i'euffe quelques bouffées de Mi | de Nord-Eft pendant le jour; car pour la nuit, il n'en faifoic point du tout : & me trouuant à la veué de cette Ifle de Zamzibar,il Séleua vn grand vent de Nord-Eff; par le moyen duquelie furmontay la force des courans,& fus en 14. iours à Molam- bique. DES "ENDE S “OK DENTALES: 29 10. Dans vn autre voyage, comme j'alloisà Goa, ὃς que ie páffoisà la fin d'Aouft à la veué de l’Ifle de Querimba auecvn vent fort doux de Sud-Oiieft, lescourans me ramenerent vers Mofambique. Dans vn autre voyage que ie faifois allanc à Goa, ie trouuay ces courans qui portent au Sud-Qiiett; & vn vent de Nord-Eft m'ayant contraint de louier 12.iours durant à la veué desIfles de Querimba , ie me trouuay àla fina Mofambique: celta quoy il faut veiller de prés, & prendre bien garde quel vent ona , & en quelle faifon on eft : & quand on aura bien confideré le tout, il fera facile de donner le vray déchet au Vaiffeau fuiuantle courant des eaüx; & de connoiftre de quel cofté elles vont. rr. Silescourans, ou le vent contraire joule mauuais gouuernement, vous ont empefché de voir terre en la hauteur de ro. degrez , ou de 10. degrez & demy, don- nez-vous de garde de la baffe de S. Lazare, qui cft enla hauteur de 12. degrez , & vous éloignez de la cofte versl'Eft de 12. ou 15. lieués : & encore que quelques R ou- tiers rapportent que cette bafle a par tout fept braffes d'eau , ie puis pourtant affeu- rer que venant عل‎ Mombaza en coftoyant la terre & allant à Mofambique , ie paf. lay fur cette bafle , & crouuay le fonds auec vne perche longue de trois braffes : c'eft pourquoy il fera bon de l'euiter;car en l'année 1504. le Nauire de Pedro d’Araïde s'y perditen venant de Cochin , pour retourner en Portugal. 12. Ayant 2156م‎ la hauteur de cette baffe , qui cft par les douze degrez, vous pouuez vous approcher de la cofte ; mais remarquez que fi vous paffez 35. licuésa l'Eft du Cap Delgado, il faut vous donner de garde de l'Ifle de lean Martins qui eft prefqu'en mefme hauteur que ce Cap, & éloignée de luy vers Eft enuiron 35. licués; & toutesfois dans ma carte ;il n'y aque 25. licués. Ie la vis bien diftin&ement l'an 1600. comme jallois à Goa; parce qu'eftant à la veué de l'Ile de Comoro le vene ceffa ; & les courans me porterent à la veué de cette Ifle; & ayant pris en ce lieu hau- teur auSoleil; ic trouuay qu'elle eft en Latitude de 10. degrez 2o. minutes; & le jour fuiuant , ie découuris les Ifles de Oibo & de Querimba, ainfi ie couruslelong de ces Ifles jufques au Cap Delgado, fans les perdre de veué:c'eft pourquoy ie maintiens que cette Ifle de lean Martins eft veritablement dans ce parage, & que ceux qui difent qu'elle n'y eft pas fe trompent; elle eft petite, baffe ; & couuerte d'arbres. 1. Quand vous verrez le Cap Delgado &lesIslesde Quorimba, il ne vous faut pas approcher plus prés d'elles ny dela cofte , que de quatre lieués; parce qu'en cet- te diftance tour eft bien net, & il y a beaucoup de profondeur, tant le long des Ifles que le long de la cofte , laquelle cft baffe en cét endroit, &il ne fait pas bon s'en ap- procher de nuit enla hauteur derò. art. degrez , à caufe qu'elle eft fi baffe qu'on ne | la peut découurir qu'on ne foit deffus. 14. En coftoyant la terre apres auoir paíse lesIsles de Querimba , on verra des picsou pointes de rochers, les vheshautes & les autres baffes , qui reffemblent aux mulons de paille du champ de Santaren; on les nomme PicosFragofos ou Pics de roche. Ils commencent à Sirao Capa qui eft à 30. lieuës ou enuiron de Mofambique, .& courent jufques à Pinda finiflant à l'entrée dela barre de Pinda. A quelquestrois licuës en mer de cette barre, il y a vne baffe fort dangereufe dont il عا‎ faut donner de garde. 15. Ayant pafséces pics 2 baffe dePinda il fe faut approcher plus prés de la _cofte; & s'il eft neceffaire de moüiller l'Ancre depuis ce parage jufques à Mofambi- que, vousremarquerez qu'aux endroits où vous verrez du fable au riuage , ily en aauffi en mer , & que le fonds y eft fort net, de forte que vous y pouuez ancrer : maisaux endroits où vous verrez des pierres ou roches au riuage, affeurez-vous qu'il y enaura auffi en mer. | y $4668: jo ROVTIER Quifema- τ6. Au Sud-Oüeft de Quifemajugo , on verra vne pointe de fable, fur laquellé prat font des arbres reflemblans à de grands pins; & vn peu apres ,il y a vne autre poin. | de Mozam- te versle Sud , qui eft vne terre baffe: & paffant outre vers le mefme cofté, on trou bique ¿5 ue vn Port nommé le Port dos Velhacos; Ceft à dire des mefchans , qui eftà fix Es lieuës ou enuiron de Mofambique. Il y a dans ce Havre vne praye ou Greve fort | mar he {pacieufe : on peut moüiller en ce lieu, pourueu que ce foit bien prés de terre* par= | pr ' ce qu’en mer il y a grand fond. “À 17. Entre ce Port & Mofambique , il y a vne autre" plage où defcend vn ruift "TSY* feau qu'on appelle Quitangonc; on y va de Mofambique charger de l'eau , parce qu'elle y eft fort bonne : on y void beaucoup d'arbres, & entr'autres des Palmiers, - & y a fort bon ancrage ; parce que tout le fonds cft ner: que fi on veut moüiller à Mofambique ; il faut que ce foit au milieu de la barre, & vn peu plus prés de la Cabeceira que de l'Isle de Saint Jacques ,à caufe des vents qui regnent en cette faifon. E 18. Que fi quelques vents contraires, ou les courans, ou quelque autre accident, : y Vous ont empefché de voir la cofte depuis les 10. degrez jufques à 13. & que vous Eel ” trouuiez la variation de l'aymant de 13. degrez,c'eft vn 4 figne que vous eftes beau- doit عرق‎ coupàl'Eft & prés del'Isle de Comoro, & vous trouuerez en mer desb brins d'herz oe tum Desentortillez, & d'autres chofes faites comme des Cocos qu'on nomme Trefolist toutes les où Truffles, beaucoup d'Alcatras gris , de Mangas de Veloudo, & quantité den تتا‎ branches de Sargaffe. Quand vous verrez ces marques, prenez garde d'approcher noire le trop de cesIsles & de celles d'Aro; & fi vous en découurez quelqu'yne , mettez : Si DE o» vous fur le ventle plus que vous pourrez;car encore qu'il ne fut pas trop fauorable, quantité de Deantmoins , comme les courans qui fe rencontrent autour de cesIsles portent vets la variation l'Oüeft-Sud-Oücft , ils font capables d'emmener le Nauire jufques à la coffe de Mo- | voce fambique ; & pour cét effet ; il vous faut tenir le vent le plus que vous pourrez; Jeachangé, tournant la prouë fur le vent;8z fi l'aymant varioit c de 12. degrez, ce feroit vne & elle doit marque que vous feriez au milieu du canal d'entre les Isles de Quorimba & celles de | eftre à pre- ا‎ fent plus Comoro. i grande le ro. Dela barre de Mofambique, ou de (a hauteur , il faut gouuerner au Sud quart ido à l'Eft djufquesà ce que l'on foit éloigné de la cofte de quelques 18. lieués, & alors | tale d'afri- on tourne au Sud; de façon que la route vaille Sud quart àl Eft , & qu'on aille paf- D ie fer entre l'Isle de S. Laurens & la baffe de Iudia. Il fera bon d'auoir la veué de l'Isles temps d'A- de S. Laurens parles 22. degrez, ou au delà vers le Sud; & par cette route, vous. us de la trouuerez les vents de Sud-Eftauec de grandes pluyes, qui durent jufques en Fe- b Caniflos. vrier : & lors que les pluyes ceffent, le vent ceffe auffi: 'eft pourquoy il eft bon de: "SR me s'approcher de l’Isle, en fe donnant garde de fon prazel ou banc, & de l’anfe de faint. d Cette rou- Vincent ; qui eft enla hauteur de 20. degrez & demy ; allant toufiours le plomb 212 te cft celle main jufques à cette hauteur , fans s'approcher de l'Ifle plus prés que 12. lieues ou ue marque : 2 A : È A Taiguille , enuironà caufe des courans ; qui en ce parage tirent vers l’Ifle , & portent dans les” carla vr anfes. Si vous trouucz que l'aiguille e varie 14. degrez & demy ; vous ferez en ja eCes obler- 4 AE : que fi elle varie14. degrez 45. minuttes, 0u 15. degrez ; vousaurez lai üations de ycije de la terre. " d eme 20. Les fignes qu'on trouue en allant verscetce Me, font quantité de brins ou ras corrigées, meaux de Sargaffe en pelottons & en forme de queiies de Renard, & beaucoup: RED 112 d'herbes fentrelacées;comme auffi des Cannes femblables à celles dont on tirele عن‎ la variation cre auec quantité d'œufs ou fray de poiffon ; & tant plus vous verrez de ces fignes,- M tant plus prés ferez-vous del'Ifle : on commence ἃ voir tous ces fignesquand on eft augmentée à 25. lieües de l’Ifle : on verra auffi des Garazines, des Eftapagados, des Tinhofas, en ce para- des Alcatras & des Mangas de Velludo. Tous ces fignes ne fe voyent pointen fi E Muitos grande quantité en allant par le milieu du canal d'entre l’Isle &la baffe de ludia À caniffos. DES INDES ORIENTALES. 1 tomme j'ay remarqué dans le Routier fait pour le voyage du Cap de Bonne-Efpe- ranceà Mofambique en l'art. 8. & aux fuiuans : il faut auoir grand foin d'obferuer les aucrtiflemens qui font dans cet article. 21. Quand vousferezau dehors de l'Ile de S. Laurens, & en hauteur de 27. de- prez, il faut gouuerner au Sud. Oüeft , n'allant point par cette route en plusde hau- teur vers le Sud, que de 31. degrez; & eftant en cette hauteur , il faut tourner à l'Oüeft-Sud-Oüeft pour paffer à la veiie du Cap des Aignilles, fi vous eftes au mois de Mars : & de lá continuer le voyage, ainfi qu'il fera enfeigné en fuite du Routier, qui décrit le chemin de Goa ou de Cochin par le dehors de l'Ifle de S. Laurens. 一 一 一 一 = 一 一 一 一 一 = 一 一 一 一 Voyage de Cochin au C ap de Bonne-Efperance par le Mozambique. Ouraller de Cochin en Portugal, & faire le voyage par Mofambique en paf- fant entre la terre-ferme ἃς l'Isle de S. Laurens, il ne faut point partir plustard quele commencement de lanuier : & au fortir dela barre de Cochin, il faut pren- dre fa route à l'Oüeft quart du Nord-Oüeft, de façon qu'on aille par les neuf de- xrez 45. minuttes de Latitude, droit au canal d'entre les Isles de Palipenem & de Melique , & qu'on paffe entre ces Isles : & apres eftre forty de ce canal, il faut con- 'inuer fa route versl'Oüeft quart Nord-Oüeft , & ne prendre point plusà l'Oüeft, ifin que la route vaille l'Oüeft quart de Sud-Oücft;jufquesàla hauteur de 6.à 5. legrez du cofté du Nord. 2. Ilferafortà propos d'auoir la veué de la cofte d'Affrique, en la hauteur de 5.25. degrez Nord; & tant que vous ferez en la hauteur de cinq degrez Nord; vous deuez prendre garde de prés à voftre nauigation,fuiuant les auis portez par le Rou- ier precedent du voyage de Goa au Cap de Bonne-Efperance ; quand on paffe par a cofte de Mofambique :& fi vous auez la veué de la cofte en cette hauteur il faut “aire les routes felon que ce Routier vous enfeigne. | 3. Pour moy j'eftime qu'on peut tenir cette route, encore qu'on foit plus auan- -¿ dans la faifon , quand mefmes on ne pattiroit de Cochin qu'à la fin de Ianvier, δὲ qu'il eft meilleur d'aller par la Deferte, & qu'on perdra moins de temps que fi on partoit de Goa en cette mefme faifon ; parce que le chemin cft plus court par cette route , que lors qu'on part de Goa. 4. Cequi rend ce voyage plus facile , eft qu'apres auoir pafse le canal d'entre les Isles de Melique & de Mamalé , leseaux portent à l'Oücft & à l'Oücft-Nord-Oücft, te qui fait beaucoup auancer les Nauires; & on n'a pas le mefme auantage quand on part de Goa, joint que dans ce temps él en ce mois les vents font ordinairement Nord-Eft & Eft-Nord-Eft , qui font des vents propres pour faircle voyage. . Le Vice-Roy Dom Aleixo mit en queftion par ordre de Sa Majefté, fi ce voya- ze le pouuoit faire ; furquoy on appella au Confeil tous les Pilottes qui fe trouue- m alorsà Lifbonne : mon auis fut, qu'il eftoit bon de le faire fuiuant la route que ie viens de décrire , Simon Caftanho fut de ce mefme fentiment ;& s'il n'a point encore cité execute ; c'eft que depuis il n'eft point party de Nauites de Co- BENE S oov os à i | PEN 2 ROVTIER | ——l —s« — ——r—_——@——_n1_ò@òò@e_o__o_mm__——r — — | Voyage de Goa au Cap de Bonne-E/perance par le dehors del Ifle de Saint Laurens, qui ee la vieille route. pis de Goa pour retourner en Portugal, & voulant faire le voyage par le τῷ a Terrenho À dehors de S. Laurens , il faut partir au matin auec le vent ade terre , & gouuere eft le de de nant àl'Oüeft-Nord-Oüeft; & quand le Viragao fe fera fentir; il s'en faudra fi epe terre, quí en .- E S > LUN EA 5 25 | toe Dane uirle plus qu'on pourra jufqu'à ce qu'on foità 40.lieuésou enuiron dela cofte , & fe fait fen- qu'on trouue les vents de Nord-Nord-Eft, aueclefquels on fait fa route vers Quel | d 1 n » - minax jar Jufques à ce qu'on foit Nord & Sud auecles baffes de Achare Baneane , rafchant de ques à mi- les éuiter; comme anflicelles de Padua qui font fort dangereufes ,à caufe quela met ale les couure , & qu'on ne les peut voir qu'on nefoit deffus. | vétde mer, 2. À quelque diftance de ces baffes,b on verra l'eau trouble & beaucoup de limor d'imdy. Verd, auec quantité de petits poiflons rouges par bandes, & vn grand nombre d'oi- bSe verra a- feaux : mais quand on eftà l'Oueft de la baffe d'Achare Baneane , on ne voit rich: era E tos limos 3. Apresqu'ona país cette baffe d'Achare Baneane, il faut gouuerner au Sud- verdes € Sud.Oueft, & ne point prendre plus au Sud, donnant par eftime au Vaifleau la se mento Mefme route que vous luy voyez faire , à caufe que la variation del'aiguille qui eff uc em Cardu- c de 18.degrez Nord-Oueft;recompenfe le déchet que donnent les courans, lefque portent vers Oueft-Nord-Oueft.Il faut gouuerner ainfi iufques à la hauteur de neuf. mc vermel- tos palla degrez , & apresil faudra fuiure la route qu'enfeigne le Routier füiuant. hos é mui- ros. A e Var. 18. d, 一 -一 -一 一 一 一 一 -一 一 一 一 -一 一 -一 一 ~ 一 一 一 一 -一 一 一 一 一 一 Voyage de Cochin au Cap de Bonne-Efperance par la vieille route, fcanoir parle dehors del Ifle de δ. Laurens. I. Vandonretourne de Cochin en Portugal, & qu'on veut pafler pat le de: O hors de Isle de S. Laurens, qui eft la vieille route, il faut gouuerner de la barre de Cochin a l'Oucft-Nord-Oueft, iufqu'à ce qu'on foit enuiron à 30. lieués de la cofte ;& eftanta cette diftance , il faut gouuerner à l'Oueft quart du Nord, en Die la car 10156 qu'on paffe par entre les Isles de Palipper & celle de Melic, fe donnant gard te il mar- des eaux qui courent au Sud-Oueft iufqu’a cette Isle. È queCalippe — 2. Ayant pafsé ce canal, il faut aller par la hauteur de neuf degrez 45.minittes iufqua ce qu'on foit à quelques 30. lieues à l'Oucft de ces Isles, & dela il faut gou- uerner au Sud-Sud-Oueft , & eftimer le chemin du Nauire fuiuant lelieu où il aura le Cap, à caufe des eaux quia la fortie de ce canal viennent de cesIsles & de celles des Maldines,& courent à l'Oueft & àl'Oueft-Nord-Oueftàla fortie de ce petit i 5. canal, fcauoir du cofté d'Oucft , l'aiguille Nordouefte de 18. à 19. degrez. "d 3. Il faut fuiure certe route deSud-Sud-Oueft, iufques par les rs. degrez de Lat Sept Freres. tude du cofte du Sud, & on fera bonne route fi on paffe à [ἘΠ des fept Irmas , de maniere qu'on aille parle milieu du canal d'entre ces Isles & la baffe 1 Pedro dos Banhos ,fc donnant garde de l'Isle de Roque-Pires qui eft en ce canal, & à la hau- teur de fix degrez , comme i'ay dit dansle quatriéme article du Routier du Cap de Bonne-Efperance à Cochin, quand on paffe par le dehors de Plsle de faint Lau- rens. 4. Les vents de ce parage iufques à la hauteur de cinq degrez du cofté du Sud font fauorables, fçauoir de Nord-Eft & de Nord-Nord-Eft , & de là en auant on trouue les vents d'Oucft.Nord-Oueft , & de Nord-Oueft , quelquefois auec grandes pluyes; DES INDES ONIENTALES, 33 pluyes; &lors que vous trouuerez ces vents, il faut gouuerner depuis les quatre degrez au Sud-quart-Oüceft jufquesà la hauteur de huit degrez , & de cette hauteur il faut gouucrner au Sud-quart-Eft jufques par les12. degrez. f. De la hauteur de το. degrez Sud iufques à 12. degrez , on trouue des calmes, en- core qu'il arriuc par fois& en quelques années qu'il y ait des vents Oücft-Nord- Oücít & de Nord-Oücft iufques par les 15. degrez : & depuis la ligne iufquesà cette hauteur , en faifant la route que ic viens de dire, on trouuera que l'aymant varie de 20. degrez & de 20. & demy degrez; & quand on a cette variation, c'eft vne marque qu'on tient la vraye route : toutesfois il ne la faut pas dreffer (ur cette va- riation lors qu'on court fur la carte;à caufe des courans qui par tout cette route por- nea l'Oücft- Nord-Oüeft , principalement fion a des calmes , ou que le vent foit oible ; car il faut prendre gardeà tout , & recompenfer vne chofe par l'autre; & ainfi quand on a de grands vents, il faut auoir quelque égard à la variation de l'ai- guille ¿parce que le vent eftant grand , il empefche que les courans n'emportentle Vaiffeau , comme ils feroient s'il eftoitfoible; & en donnant le déchet au Vaiffeau, il faut confiderer fon fillage, la force du vent & des courans, &la grandeur de la variation ; & fi on balance bien toutes ces chofes, on pourra prendre la vraye routc. sette hauteur il faut gouuerner au Sud-Sud-Eft & au Sud- Eft quart de Sud, iufques ال‎ par les 12. degrez ; & en faifant cette route ,vous éuiterez ces baffes & pafferez au éuiter les qu'on doit tenir. Il faut bien prendre garde à cét auis, & à celuy de Particle prece- ene, aucc lequelon corrige la route qui eft enfeignée en l'article quatriéme de ce ese Woyage-cy. cedens ἘΠΕ 7. Quand ona paísé les douze degrez,on trouue pour l'ordinaire des vents Sud- neanmoins, Eft , & ce font les plus frequens dans ce voyage, iufqu'à ce qu'on foit à l'Ifle de (aint Ane Laurens: quand on rencontre ccs vents , il faut aller au Lofle plus qu'on pourra éuiter. 11 julqu'a ce qu'on ait غ215م‎ les baffes des Garayos, & fe donnant garde de l'Ifle de E OE SE Brandoa qui eft toute entourée de bancs : il ne faut point paffer de nuit en fa hau- les duitera teur , fi cen'eft en faifant bon quart , & faifant monter au foirà Soleil couchant fur aufi par Ps les Matereaux , pour voir fion découurira quelque chofe en mer, & ne faire pas deb pA lus de chemin la nuit que vous en aurez découuert, & apres il faut mettre le Naui- [ΑΝ ps re de cofté iufqu'au lendemain matin. MEA 8. Cela fe doit pratiquer toutesfois & quantes qu'on approche de quelque Ifle mais لاه‎ & baffe , & qu'on paffe par leurs hauteurs dans ce parage , où il fauttoufiours naui- Bas il fans igerauecla mefme vigilance, faifant la fentinelle fur les Matereaux :.& il ne fe faut faire larou- point trop fier aux cartes, parce qu'elles ne montrent pas au vray en quel licu font sepa. les baffes ὃς lesIfles, ny comme elles gifent l’vne à l'égard de l'autre en ce parage: cell pourquoy il ne s’en faut rapporter qu'à fa veué , par la bonne garde qu'on fait & au bon gouuernement. . 9. Voicy les fignes qu'on trouue en toute cette route. Quand on paffe prés des fept Irmaos ou feptFreres, qui font en la hauteur de 4. degrez Sud , on void grande quantité de Sargaffes amaflées enfemble; & fi on paffe loin de cette Ifle & baffe , on ne rencontrera que quelques petites branches de cette herbe: on y void auffi bcaucoup de Garafines , de Garayos, d'Alcatras gris, de Rabos Forcados , & dc Tinofos : mais le principal figne qu'on puiffe auoir quand on eft prés des baffes des Garayos & en fa hauteur , eft que les caux portent deffus , & quizo. lienés à ER de ces baffesT' aiguille Nord-Oüeft de 2r. deg. 30. m. & à 20. lieuës à l'Oüeft de 19. d. var.ar.d.36. o. τὴς TITTI Var. 20. d. terre du cofté de l'Oüeft. Cette Me n'eft pasbien haute, &à fa vcué on trouue 29. | & 22. d. & , demy ¿NO. Var. 18.d. NO. 34 ROVTIER το. Quandon paffe ces baffes des Garayos & l'Ifle de Brandoa; il faut gouuernet | de façon qu'on puiffe voir l’Ifle de Diego-Roys qui eft fort faine, & qui eft biem marquée dans les cartes : elle a feulement vne chaifne de rochers, qui eft prés de degrez de variation Nord-Oücft, & à ER Pelle 22. degrez 30. minuttes. + Ὁ 11. Dela veué de cette Ifle , ou de fa hauteur, & en eftanc al'Eft, il faut prendre | (a route au Sud-Oüeft-quart-Oücft; de maniere que quand vous ferez Nord & Sud | auccl'extremité de l'Ile de S. Laurens, vous en foyezeloigné de quelques 80. lieués: | Dansla route de cette Ifle de Diego-Roys ر‎ 212 tefte ou pointe de l'Itle S. Laurens» il faut donner le déchet en courant fur la carte , de la variation toute enticre, if faire vo(tre route de telle facon jufqu'à ce que vous foyez Nord & Sud auec les. baffes de Iudia : & foyez auerty qu'il arriue fouuent en ce parage ; que les caux con rent au Sud-Oüeft de ce [ieu ; au Sud des baffes de Iudia , il faut gouuerneren fort que la route vaille Oucft-Sud-Ouctt iufqu'à ce que vous foyez Nord & Sud aucc é | milieu de la baye de la Lagoa ; il fera bon que vous foyez alors à quelques 35. lieuë de terre. ' 13. Entre ce parage & le Cap deBonne Efperance, on eft fouuent contraint de plier lesvoiles à caufe des vents contraires de Nord-Oueft, d'Oueft , ὃς de Suds Oueft , qui viennent auec grande impetuofiré , & caufent fouuent des tourmentes# c'elt pourquoy j'eftime qu'il faut nauiger en forte , qu'on foit toufiours éloigné de terre de 35. licués ,& qu'en cas de befoin on n'en approche pas plus prés que de 25% ou de 20. lieuës tout au plus ; afin que s'il vient des vents de Nord-Oueft , on nauige. auecles grandes voiles feulement vers Sud-Oucft ; & file vent vient à rournoyerà l'Oucft & au Sud-Oueft, on cingle vers la bande du Nord jufqu'à ce qu'on foità 20% licuës de la cofte , & que pendantle temps que ces vents dureront on puiffe louier: fur vn bord, & puis (ur l'autre, & qu'on ne plie iamais toutes fes voiles; parce que cela feroit caufe que les grandes vagues & les balancemens du Vaiffeau le pour roient faire ouurir ; au lieu que les voiles le font tenir tout droit: & comme les Caraques reuiennent chargées iufques aux Chafteaux , ces balancemens font en- tr'ouurit les jointures & liaifons » & cela a eftécaufe que quelques Vaiffeaux fefont perdus; & ceux qui en réchappent reuiennent fi fracaffcz , qu'ils ne font plus pro- pres à faire voyage. 3 14. Cela m'eft arriué quelquesfois pour auoir füiuy les auis du Routier des anciens. Pilotes , dans trois voyages que jay fait en qualité de Pilote, dans lefquels lors que ie party de bonne heure , ie vis la terre à33. degrez 40. minuttes, & 434. degrez: mais à vn autre voyage que ic partis tard , j'en cusla veut à 32. degrez 30. minurtes,, & jay toufiours trouué la mer fort groffe eftantá la veuë de la cofte; &alors les vents de Nord-Oueft , d'Oueft & Sud. Oueft eftans furuenus, ie n'auois pas fi-cofl plié les voiles, que les grands balancemens me contraignoient de retourner en at+ riere , & de prefenter la poupe aux vagues, & ainfi ie perdois le chemin que i'auois fait: & jemployay vne fois 48.iours pour aller de la baye dela Lagoa , au Cap di Bonne-Efperance, & mon Vaiffeau fut mis en defordre à la veué de terre : & dans vn autre voyage ayant eu toufiours la veué de la cofte , depuis la terre de Natal juf- ques au Cap de Bonne- Efperance , ie fus cinquante iours à faire ce chemin: & vne autrefois du Cap de Talhado , ie ne püs allerau Cap de Bonne-Efperance qu'en 35. jours: c'eft pourquoy ie laiffay ces vieux Routiers, & me gouuernay de là ذا‎ comme ie vais dire. E 15. Quand ie me fus misa 80. lieués Nord & Sud dela tefte de S. Laurens en paf fant versle Sud , ie fis ma routevers Oüeft jufqu'à ce que ¡e fuffe Nord & Sud des baffes de Iudia , & de là jallay vers Oüeft-Sud-Oücft iufques à eftre Nord & Sud Jr DES INDES; ORIENTALES. 5 auecle milieu de la baye dela Lagoa; & paffant à 35. lieuës d'elle en merafinde me ouuoir feruir du vent, ic fis ma route à Oüeft-quart-Sud , me tenant éloigné dela cofte de quelques 30. licués. ‘16. Ec quandle vent dcuint contraire, j'allay toufiours courant mes bordées auec la grande voile,comme j'ay dit en Particle 13. & n'en fis déplayer que cinq braffes : & afin dene rien perdre, ie faifois mettre la Bonnette quand le vent eftoit bon, & l'oftois quand il eftoit contraire :ie me feruois auffi de la grande voile du mafte- cau ou maft d'avant ; & auec ces deux voiles troufsées jufquesà my matt, j'allois louiant quand 1 211015 le vent contraire : & nauigeant ainfi , iamaisil ne m'eftatri- uc d'auoir de fi grands balancemens, & mon Vaiffeau ne fe tourmentoit point tant; que lors que jauois plié toutes mes voiles , parce qu'auec les voiles on fouffré mieux les vagues; & aufli parce qu'eftant éloigné de la cofte de 30 lieuës,la mer n'eft pas fi enflée qu'elle l'eftà la veué de terre, & ainfi ie n'eftois point exposé ἃ receuoir des grands coups de vaguesfur la poupe de mó Vaiffeau,ny obligé à rebrouffer che- min & retourner d'ou Jeftois party; au côtraire,ie trouuay que le Vaiffeau fe foufte- noit mieux fousle vent; & j'employay bien moins de temps dans troisautres voya- ges que ie fis feruant de Pilote pour pafler de la baye de la Lagoa au Cap de Bonne- Efperance & pour le doubler , que ie n'auois fait aux crois premiers , aufquels ie e feruois des Routiers des anciens Pilotes que ie ne fuiuray iamaisen ce parage; mais ie me gouuerneray toufiours ainfi que ie viens de dire , & comme l'experience n'a monftré qu'il falloit faire. - 17. Ontrouuera par cette route que ie confeille de fuiure , depuis la baye de la ' Lagoa iufquesau Cap de Bonne-Efperance, en allant par la hauteur de 35. degrez s. minutes, & par 36. degrez 20. minuttes,que les eaux coürent'au Sud auec grande vifteffe , & principalement lors que lesvents viennent de l'Oüeft ; & tant plus le vent eft grand , plus lescaux courent au Sud-Oüeft : de façon que les Nauires qui pafferont la baye de la Lagoa pour aller au prazel ou banc des Aiguilles , ne peuuent manquer en quelque-temps que cc foit de doubler le Cap de Bomme-Efperance,anec Payde de Dis v, en louiant ; parce que les courans en cét endroit portent les Nauires vers le Cap. | 18. Quand on eft éloigné d'enuiron 25.lieuës Nord & Sud de la baye dela La- goa, on trouue cinq degrez de variation Nord-Oüeft : & fi depuis cc parage on cft foigneux de marquer chaque iour la variation ,on connoiftra aisément quand on fera vis-à-vis du Cap de Bonne-Efperance; foit qu'on aille enlouiant, ou qu'onait bon vent; parce quà 25. licués ou enuiron vers le Sud de l'aiguade S. Bras;l'aiguille varie de trois degrez & demy Nord-Oüeft ; & en pareille diftance de la baye de S.Sebaftien , de deux degrez feulement ; & furle prazel ou banc des Aiguilles, en 6.degrez de hauteur, elle eft fixe , & dela au Cap de Bonne-Efperance elle com- mence à Nordefter ; car eftant hors la veuë du Cap-Falco & vers le Sud , elle Nor- defte de 40. minuttes & 25. lieués ou enuiron au Sud du Cap de Bonne-Efperance, d'vn degré2o minuttes : & par cette variation , l'on pourra connoiftre à combien on eft de ce Cap, ὃς quand on l'aura pafsé ; car lors qu'on trouue deux degrez de va- Men das riation Nord-Eft; on peut s'affcurer d'auoir pafsé le Cap encore qu'on ne l'ait point befoin E veu. ce remps-ci 19. De plus, dansce parage depuis l'aiguade deS. Bras jufques au Cap des Ai- eee guilles ,on pourra connoiftre fi on approche de fon prazel ou banc , en jettant fou- N- E. pour went la fonde : car fi vous eftes au Sud de l'Agoada de S. Bras, vous ne trouuerez Apr Te oint de fonds, ἢ ce n'eftà veué de terre, & à huit lieués ow enuiron où le fonds eft Cap; parce de vale; & de cét endroit approchant plus de la terre, vous trouuerez 70.880. fune pur btaffes d'eau fonds de coquillage auec de gros fable, & Brugalao ou Caracols. puis que | 20.Maisallant de cette Agoada ou prazel des Aiguilles, on trouuera le fond à 7o. veni Seconde Partie. "EEELI ij eft fixe à 36 RO VAT LE R í l'OÜf de &à 65. braffes fans voir la terre, allant par les 35. degrez 40. minuttes de Latitude, وريه‎ & le fonds ne fera que de fable menu grifaftre ; mais au prazel, le fondseft de me qui eft plus nu fable blanc; & du Prazel au Cap-Falgo, il cft de menu fable noir, & en quelques Oecidenta- endroits eft mélé de vafe: & outre cela; on trouucra les fignes donc ilaelté parlé. le que le : È i Capde 8.E. dans le Routier de Lifbonne aux Indes Orientales, aux art. 30. 31 32. DE ^h wil Sion n elt point trop horsla cofte de la baye de la Lagoa allant au Cap des Ai-. variation guilles , & qu'en fondant par les 36. degrez on trouue le fonds à 70. & 80. braffes. et vers fable menu, ce fera vn figne que vous ferez fur le prazel des Aiguilles , & vous. NOS i’aurez aucune variation, & de ce lieu il faudra gouuerner par l'Oücft iufqu'à ce. que vous foyczà 2o.lieués du Cap de Bonne-Efperance vers Oüeft : & vous con- | noiftrez que vous eftes en cette diftance par la variation de l'aymant qui eft prés de deux degrez Nord-Eft en cer endroit. : 22. Et fivous auiez efté louiant entre le Cap des Aiguilles & celuy de Bonne? Efperance , & que le vent cult cité Nord-Oüeft, il faudroit courir fur leSud-Oüeft iuíqu'à ce que vous fuffiez à 35. licués de fa cofte , & comme le vent viendra à tour? noyer &àíe faire Oüeft-Sud-Oücft ὃς Sud-Oücft , il faudra tourner & courir fug le Nord-Oüeft; car par ce moyen vous doublerez le Cap de Bonne-Efperance. Eftant en certe diftance de fa cofte, on ne trouue point d'abry dans tout ce parage contre le vent de Nord-Oiieft, riy contre celuy d'Oüeft; ceft pourquoy il vaut mieux eftre en mer que proche de la cofte : & cét auis eft dautant plus affeuré , qué: tant prés de la terre tous ces vents ne peuuent feruir à moins qu'ils paffent duSud au Sud-Eft;& file vent de Sud vienta s’éleuer , la met s'enfle de telle forte, que: fi vous eftes prés de la cofte, vous ferez en grand danger d’eftre jette deflus, & ce ne fera pas fans beaucoup de peine que vous vous en pourrez éloigner. Toutes ces confiderations me font juger qu'il eft plus feur de fe tenir à la diftance de3o. ou 35». lieués de la cofte danstour ce parage, depuis l’Agoada de S. Bras iufques au Cap de Bonne-Efperance, que dela courir à la veué : & quand on fera pafsé le Cap de Bori- ne-Efperance, on tiendra la route qui fuit; 44 ! $ i y 1 3 2 fondeur , il faut faire route à l'Eft-Sud-Elt vers Puloparcelar , & prendre toufiours agreable, ὃς garde fi la mer monte ou fe retire > & faire voftre route fujuant la marée , failant en | sa) 4%. forte que vous n'approchiez pas plus d'vncofté que de l'autre, & ayant toufioursle te, feauoir plomb en main, faifant voftre poffible d'aller continuellement par fonds de vaze | e ἘΣΤῈ ou de menu fable noit : & fi vous trouuez le fonds de fable blanc & tres-menu, il n'y e . 1 99) 3 . Ἢ tend quero. a point encore de danger, & vous y pouuez aller; parce qu'il sen trouue bien fou- dpt uent de cette forte dans ce canal, & incontinent apres vous retrouuerez du fable | | spres midy Noir & de la vaze ; & quand vous fuiurez ce fond , vous aurez 14.15.16. ou 17.braf, comen- fes d'eau, & jufques à 20. mais le meilleur eft d’eftre par 14. ou 15. braffes; vous: ee pouuez fuiure voftre route rant que vous ne trouuerez point de gros fable ὃς de co, de mer qui quillage , où vous n'aurez que huit braffes & moins; car alors vous pafferiez &Oucn & Par deffus vn banc où la profondeur cft inégale, on y trouue 8. 9.jufques à10. braf-] fe nommét fes ; & vous n'aurez pas fi-toft jetté la fonde 3. ou 4. fois, que vous ne le recon- Viraffoun. noiffiez ; & tout à l'heure, vous rentrerez dans le fonds de vaze ou de fable € Linfcot ch. RE 3: : RARE : E 34. parlant OU noir ; il n'importe lequel des deux, pourucu qu'il Íoit menu , & il n'y a point des E: rifque : maislors que vous trouverez fonds de coquillage ou de gros fable don- ' nez-vous de garde. À 4. Quand vous apperceurez Puloparcelar, & qu'il vous demeurera ἃ l’Eftoua T'Eft-quart-Nord , vous auez fait bonne route :alors il faut faire voftre poflible. pour vousen approcher;& en ftant à vnelieuë & demie vers la mer & vers le rumb. que j'ay dit, vous eftes comme il faut. ! s. De Puloparcelar à Malacca , il faut gouuerner de forte que vous n'a pprochiez point dela cofte de plus d'vne lieué ou deux, de façon que vousne foyez point fi prés de terre que vous ayez moins de 16. braffes de fonds, & que vous n'alliez point. tant vers la mer que vous ayez plus de 25. braffes;il eft bon d'aller depuisles18. jufques à 25. braffes; & parce qu'en allant de Puloparcelar au Cap Rafchado, il y a. vne baffe fort dangereufe à6.0u7.licués vers le Sud , il y faut bien prendre garde; & auant que d'arriuer au Cap Rafchado en eftant à demie lieué ou enuiron , on. * Retinga trouue vne longue*chaîne de rochers qui s'eftend en mer vne grande demie licuë;il où bas S'en faut détourner : car en cétendroit le Nauire de Dom Georges toucha, &il luy. fallut couper fes mafts pour en fortir. ) 6. ll faut paffer du Cap de Refchado enuiron vne lieué & demie en mer enallant à Malacca, & fuiure le fond qui eft cy-deuant dit; or vous deuez fçauoir qu'entre ca fonds & Malacca à quelques 4. licués , il y a deux pierres qui s’auancent vne lieué en mer, qu'on appelle ranque del Rey, ou l'Eftang du Roy , il faut faire fa route en telle forte qu'on éuite toutes ces mauuaifes rencontres, eftant foigneux de jetrer, fouuent la fonde. Il faut fçauoir auffi qu'il y a de grands courans ; mais vous recon= noiftrez affez par la fonde ce que vous aurez à faire : & ἢ lePilote ne fçauoit pas bicn lechemin pour aller à Malacca , ie ferois d'auis qu'il ne nauigeaft point denuit par ce parage ; & en cas qu'il le veüille faire, il doit fonder continuellement pour demeurer fur le mefme fonds que nous auons dit , ayant toufiours les Ancres prefts pour moüiller s'il en eftoit befoin, & le bout du cable amaré au pied du grand maft; & ie donne cét auis,parce que plufieurs Nauires ont perdu leurs Ancres & leurs ca- blesen ce parage;à caufe des grands courans faute de les auoir bien amarez au maft; ¿zen paffant par les baffes, il fe faut coufiourstenir fur τς, iufquesà 18. braffes. DES INDES ORIENTALES. # i — —— — — ا‎ —_—_— — Routier de Malacca à Lifbonne. cav — ——_ 1. Y L faut partir de Malacca au mois de Decembre dans le temps des vents d'Eft, & voguer le long de la cofte , s'en tenant éloigne d'enuiron vnelieué & demie, & ayant toufiours la vcué des pieds des Palmiers jufqu'à Puloparcelar, & par toute cette route vous trouucrez fonds de 16.17.20. & 25. bralles, & quelquesfois der4. il ne faut pas aller ny plus versla mer, ny plus présde terre, mais fuiure.ce fonds. A quelques troislicués de Malacca il y a deux ou trois roches plattes qui s'auancenc vne bonne licué en mer tout deuant o Tanque del Rey oul'Eltang du Roy; ὃς eftantàl’anfe du Cap Rafchado, on s'éloigne en mer d'enuiron vne lieuë & demie, عع‎ on ne paffe point plus du cofté duSud-Eft que de celuy de Nord. Ett , & c'eft la Je principal canal pour aller à Puloparcelar. 2. Quand vous ferez vis-à-vis de Puloparcelar , 8 que vousvoudrez paffer les baffes,il faut que vous vous en teniez Cloigne de 2. ou 5. lieués, parce qu'aupresil y a vn banc de fable qui auance en mer entulron demic licué; & paffant ainfià 2. ou 5. licués de ces baffes pour les trauerfer;il faut que vous ayez Puloparcelar vers Eft s'il eft haute mer, & à l'Eft-Nord-Eft de baffe marée : ceft pourquoy vous deuez bien 11 vent dire prendre garde à la marce, & en tenir compte pour voftre route, & ne vous y pas que le for tromper. Voftre cours doit eftre Nord-Oücft en ce parage , & vous deuez vous ?'27 S gouuerner füiuantla marée autant d’vn cofté que de l’autre,& toufiours auec grand PEbbe de foin; & en cas que vous voyez Puloparcelar, il fera bon qu'il vous demeure à laure, it l'Eft-quart-Sud; & quand vous ferez au milieu du canal des flets de Daru, fi Pulo (ou m parcelar vous demeure d vn demy rumb plus àl'Eft que l'E(t- quarct-Sud , vous eftes pousse €n bonne route. suus a 3. Arriuant à Puloparcelar ; il eftbon que vousen foyez à z.lieués Eft-Nord-Eft roue. Ὁ & Oüeft-Sud-Oüclt; & quand vous ferez proche des Iflets de Aru, il vaut mieux 1 qu'il vous demeurea PEft-quart-Sud, fçauoir quand vous ferez à la veué de ces p. Sr DA. Iflets , & il faut continuer voftre route le long du grand Iflet de Aru, vous cn méme cho- tenant éloigné d vnelicué ou deux, tout cft fort net & bien profond le long de ces Le SS Iflets. proches de 4. Il faut aller parce canal fur 13. 14. 15. & 16. braffes; que fi vous en trouuez qucl- È Sete 46 quesfois 10. ou 12. cela ne durera que le temps de jetter la fonde 2. 0u3. fois; & fi le finan les fond eft de menu fable noir, ou de vafe و‎ vous faites bonne route, & vous retrouue- #15: rez incontinent apres12. 13. & 14. braffes ; & tant que vous irez comme cela, vous irez bien, encore que vous trouuiez quelquefois du fable blanc & menu; mais fi Vousveniez à trouuer du gros fable, & du coquillage, vous ne feriez plus dans le i canal, & il faudra retourner en taftant de tous coftez auecla fonde. $. Vous deuez fçauoir que trauerfant de Puloparcelar vers les Iflers de Aru, il faut que Puloparcelar vous demeure ἃ [ἘΠῚ jufques à my-chemin; & delà continuant vers les Islets , il vous doit demeurer à PEft-quare-Sud; & à l'Eft-Sud-Eft , quand vous ferez prés de ces Iflets: obferuant cela vous ¡rez parla vraye route, & vous | vous guarantirez des baffes. 6. Sivous paffez ces baffes de nuit, il faut auoir bien remarque deiourla balize qui eft deflus ; & (clon le vent que vous aurez, prendre garde à la marce, de peur qu'elle nevous trompe & qu'elle ne vous ¡ette de coftéou d'autre, vous tirant du canal; parce que la marée y court auec grande vifleffe , tant lors qu'elle vient que lors qu'elle s'en retourne, & faites voile felon le vent, & jettez continuellement la fonde pour vous affeurer du fond. 7. Lors que l'Ile de Aru vous demeurera au Sud-Oiiclt enuiron deux lieués , il 43 ROVTIER faut tirer vers Pulofambillao, & gouuerner de telle façon que vous ne vous en loi: gniez pas, & que vous ne vous approchiez pas dela cofte de Sumatra ;carau con- traire , Vous vous en deuez tenir prés, il ny a rien à craindre; & il faut gouuer- ner ainfià caufe des vents de terre : prés deslIflets de Aru,le fond eft de 40. 1ufques aso. braffes; & paffant de Aru à Pulofambillao , on trouue 27. braffes jufques | à 40. | 8. Des Iflets de Pulofambillao à Pulopinao , il faut gouuerner le long de la ter re fans s’en éloigner ; prenant garde pourtant de ne pas donner deffus ; comme auf à vn banc qui eff vis-à-vis de Brauas, entre Pulopinao & Pulofambillao. Il faut al- ler la fonde en main par tout ce parage, & en forte que vous ne vous auanciez pas | tant cn mer que vous ayez plus de 3o. braffes de fond; parce qu'on trouue par foi les vents generaux de Nord Eft & de Nord-Nord-Eft qui viennent de terre, Se. font tantoft plus fauorables, & d'autresfois quelque peu contraires; & fe tenants prés de la terre-ferme , on continuera fon voyage fans courir rifque de la cofte des p i Sumatra , & vous ferez voftre route le long de la terre jufques auprés de * Pulos fille Palo» fambillao. "1 pno au ^ 9, Lors que vous ferez vis-à-vis dePulopinao ou auprés , fi vous trouuez N lieu de Du- : o "np ἮΝ ARS losibillo, Ventsqui regnent d'ordinaire en cette faifon , vous aurez beaucoup de peine à dou- * à Balra- blerou paffer au deffous* du vent dePulopera , & il faut tafcher de le faire ; parce. vente. que c’eft la meilleure route que vous puifliez tenir : mais file vent eftoit tel que vous peufliez paffer à la veué de Pulobuton ,ce feroit encore mieux; parce que dez là vous pourriez aller droit au canal qui eft parles fepr degrez & demy ; enPlíle a Nicubar : mais fi vous trouuez le vent de Mouffom dont Pay parlé; encore qu vous foyez bien en arriere, il ne faut point perdre de temps; parce que dans le commencement on a les vents efchars , c'eftà dire vn peu contraires: mais apres ils viennent plus fauorablesà mefure qu'on s'éloigne dela terre, & delà vous ¡rez au canal qui eft parles fept degrez & demy. 10. Quand on va par les Mes de Nicubar pour paffer par leur canal , il faut faire la route de l'Oüeft par la hauteur de fept degrez 30. minuttes, & non pas plus au Sud : & ces Ifles eftant paístes , il faut faire en forte que voftre route vaille le Sud-Oücft jufques par les14. degrez du cofté du Sud, ou peu moins : or quand vous ferezhors desIfles de Nicubar, vous trouuerez les vents de Nord & عل‎ Nord-EfE, & les eaux courentauec ces vents versle Sud; & s'il fait grand vent, c'eftauec gran de impetuofité , mais elles vont plus lentement quand il eft foible. ) τι. De cette hauteur de 14. degrez Sud, il faut gouuerner auSud-Oüeft, afin que voftre route vaille Oüeft-Sud Oiieft; parce que les eaux en cette hauteur courent vers l'Oüeft- Nord- Oüeft ὃς que l'aymant Nordoiiefte vn quart & demy & plus, à quoy il faut auoir égard, obferuant foigneufement la variation &les courans, & il faut prendre telle route qu'elle vaille toufiours l'Oüeft-Sud-Oücft jufquesàla veué de l'Isle de Diego-Roys , ou à fa hauteur , & puis pourfuiure le voyage ainfi que l'enfeigne le Routier qui conduit de Cochin au Cap de Bonnc-Efperance. par le dehors de l'Ifle de S. Laurens ,obferuant tous les auertiflemens qui y font contenus. Remarques DES INDES ORIENTALES 49 O Remarques d Aleixo da Mota fur les Iles , Bancs, Baffes , Caps ὦ Riwseres, dont il a parlé dans les Routiers precedens. A baffe de S. Lazare , quicftà "ἘΠῚ des Ifles de Querimba, a fept braffes d'eau; AL, tuiuant quelques Routicrs: Pour moy;j'ay trouuc que cela n'eft passainfi que ie ay rapporté dans l'arc. 11. du Routier qui conduit de Goa au Cap de Bonnc-Etpe- rance par Mofambique,fcauoir quand on pafle entre la terre-ferme & l'Ile de fame Laurens. Cette baffe fut découuerte par Pierre Attaïda,qui fe perdit deffusl’an 1504. en ve- nant des Indes ;quelques-vns de l'équipage fe fauuerent à Melinde. L'Ifle dcl'Afcenfion qui eft parles 20. degrez de Latitude Sud fut découuerte pat [ean de Noua en allant aux Indes l'an 1501. & luy donna le nom. Le mefmelean de Noua découurit l'Ifle de fainte Helene en reuenant des Indes en l’annéersoz. & luy donna le nom. Diego Fernandes Percira fut le premier qui hyuerna dans l'Ifle de Saccotora en l'an 1503. Anthoine de Saldaigne allant aux Indes en qualité de Capitaine Major, décou- urit lle de 5. Thomas, & de là fut à l'aiguade de Saldaigne, & luy donna le nom en l'an 1503. Fernande Ioares venant des Indes en qualité de Chef & premier Capitaine de huit Nauircs , découurit l'Ifle de S. Laurens par le cofté de l'Eft, & luy donna le nom de S. Laurens en l'année 1506. | Triftan de Cunha allant aux Indesen qualité de General ou Capitaine Major, dé- couurit les Ifles qui portent fon nom l'an 1506. Le mefine Triftan de Cunha en la mefme année 1506. découurit l'Ile de S. Lau- rens par le cofté d'Oüeft, les Portugais n'en ayans pointalors aucune connoiffance. — ——— —— —— -一 一 一 一 一 一 一 -一 一 -一 一 一 一 一 一 -一 一 一 -一 -一 一 一 一 一 一 Les [ondes eg connoiffances du Cap de Bonne-E, Jperance jufqu'a le Baye de la Lagoa , fuinant le rapport qu'en afait Manuel de Mefquita,apres auotr coftoye toute cette cofte dans une petite F ufle Pan 1575. par le commandement du Roy. CP DE DONNE ESPERANUE: | E Cap eft par les 24. degrez 30. minuttes de Latitude Sud, & gift auec le Cap X des Aiguilles ΕἸ vn peu au Sud, & Oüeft vn peu au Nord , il y a 28. licués de l'vn à l'autre. Eftát Nord- Eft & Sud-Oiicft du Cap de Bone-Efperance du cofté de l'Oüeft,vous le connoiftrez à vne groffe montagne ou vn grostertre qui femble eftre vn Mer. Et fur ce tertre du cofté de [ἘΠῚ , il y avnegroffe montagne qui court Nord δὲ Sud,auec des pics deffus, & comme vne coupeure au milieu, & au delà de certe cou- peure il y a vne grande montagne qui parle haut reffembleà vne table; & allant de là versle Cap & vers la terre qui eft plusbaffe , on void enuiron 405. pics de di- merfes grandeurs. | Lelong du Cap de Bonne-Efperance du cofté de l'Eft, il ya vne grande anfe dont l'emboucheure cft de cinq licués, & du cofté de l'Oüeft il y a deux Morres ou Ter- اجا اطاط جردا Seconde Partie,‏ jo ROVTIER Ἢ tres joignant la mer,qui paroiffent eftre deux Ifles, & eette anfe eftenuirontiée tout autour de rochers efcarpez jufques fur le bord de la mer. CAP: FALCO: Ontinuant depuis cette anfe vers l'Eft ر‎ on en trouue vne autre petite, 82 vn pe deià eftle CapF icft vh eros Tertr d 1 au dela eft le Cap Falco qui cft vn gros Tertre au deffus duquel ii y a com cef ceqni la forme d'vn Chappeau, & * reffemble beaucoup au Cap de Bonnc-Efperance; & nee tout contre ce Cap vers l'Eft il y a vne autre petite anfe fans abry pour les Vai nom cau- (Caux; & paflant outre au Cap des Aiguilles, lesterres vont toufiours en abbaiffan fe que Plu- auec quelques petites collines le long de la mer. | ficurs reue- nans des wwe CAP.LDES AIGLI AES pris pour le Cap de Bounc-E ἘΠ E Cap des Aiguilles cft par less. degrez Sud vn peu moins, celuy do Infanté perance. EST 1 PER li 'à luy cft au Nord-Eft-quarcà 14. licués. 1 Ce Cap fe connoift, en ce que fes terres font baffes & grifes , & (e termine e deux poincesbaffes diftantes l'vne de l'autre Eft & Oüeft quatre lieués; celle qui e du cofté de l'Eft eft plusbafle que l'autre , la cofte qui eft entre-deux court auf E & Oüeft, & la terre s'auance jufquesà la mer eftant haute & baffe en lombades en forme de gros fillons oucoftes, & au haut il y acomme vn cercle blanc fembla. + Lomba- ble vnerondache de bois ور‎ & on void comme des * cofteaux qui entrent dans ] da eft pro- pa ys. prement v- me terre haute & CAP DO INFAN4- E. balle,cóm- posée de Mex. ; y E Cap do Infante eft parles34. degrez 5o. minuttes, il gift auec celuy das Va:‏ مدلا s.qui * Di (ene‏ 8 A chas Eft peu au Nord, & Oüeft peuau Sud 15.licués. Ce Cap eft vne terre haut ἰ τοῖς de & ronde qui entre dans la mer , & qui de loin femble eftre vne Ifle : il eft entre-deu terre Ja. tertres qui paroiffent aufli comme desIflets. En ce parage 7. ἃ 8. licués en mer bouree par on trouucra 60. & 70. brafles fond de fable menu. gros fillos. CAP DE S.SEBASTIEN. A Baye de S.Sebaftien eft à PER du Cap do Infante , fon emboucheurea troi licués de large; ily a bon abry du vent de Sud-Eft du cofté du Couchant, 8 + Apart. prefque jufqu'à l'Eft-Nord-Ef, le fond eft de neuf braffes , fort net & * fort égal lado. 8zyabonne tenué;il y defcend trois riuieres , la derniere defquelles a de for bonne cau, encore qu’il y ait vn peu de peine à defembarquer quand le vent eft di l'Eft. Pourentrer dans cette Baye, il faut s'approcher de la pointe du Cap, & fe don. net garde en paffant d'vne baffe qui en eft éloignéc dela portéc d'vn fauconnear versla mer; mais on peut paffer entre-elle ὃς la terre auec quelque Vaiffeau que « foit ; il vous faut pourtant donner de garde d'vne autre pointe que vous verrez at de là ;parce qu'il y a vnbanc de pierre qui s'auance en mer à vne portée d'arc, &i cft fort dangereux : mais cela paísé , tout ce parage cft fort net, & on peut ancre: fur neuf braffes. ΑἹ ἘΠ de cette baye , la terre eft haute & efcarpée le long de la mer. Cette cofk * Ruiuas. ἃ quelques 5. à 6. licuës de long; ce font des falaifes blanches* & rouffes , les vne: commengans dés le bord de la mer ou de la Greve عق‎ séleuans en haut, & les autre! s'eltendans comme la cofte : & plusauant il y a vne autre terre quin ell pas fi haute 一 r DES :'INDESSORIENTARES:. y τος d'autres falaifes faites comme les precedentes ; maisqui font toutes blanches : τ de là en auant , la cofte deuientroufiours plus baffe à meíüre qu'on s'approche du ap das Vaquas. RIO FORMOSO. Vant que d'arriuer au Cap das Vaquas , on paffe pardeuant la riuiere ou Rio Formofo quien eft éloignée d'enuiron vne lieué:ía pointe du cofté del'Eft eft affe , & s'auance plus en mer que celle qui eft du cofté de l'Oüeft:on y void vne tite marque blanche le long de la mer; les eaux courent beaucoup au dedans de ١ baye en cette riuiere. CAP DAS VAQV A5. E Cap das Vaquas eft en la hauteur de 34. degrez vingt minuttes , celuy de S. Bras luy eft au Nord-Eft quart àl'Eft, & en eft diftant de cinq lieués. n rangeantla cofte , on void que ce Cap à vne pointe baffe qui fe perden mer, & ne éminence de terre, au pied de laquelle eft vn banc de pierre : on diroità voir de jin cetteterre que c'eft vn Iflet: mais quand on en approche, on reconnoift incon- inent que ce n'en eft pas yn: enuiron vne lieué a l'Oüeft de cette éminence, eft 4o Formofo. Au dedans de ce Cap du cofté de l'Eft, on trouuela baye das Vaquas qui a enui- on vne lieué d'emboucheure ; c'eft vn bon Port pour fe tenir à couuert des vents "Oüeft: fon abry eft depuis le Nord jufques au Sud du cofté d'Oücft ; pour y entrer ineft pas befoin de fe garder d'autre chofe que de cequ'on void; & on peut moüil- :r en 8. & 9. brafles ; car ily aeu de grands Vaiffeaux qui y ont moüillé dans le ommencement de la Nauigation des Indes. Enl'année 1505. lean de Queiros qui eftoit de l'armée de Pedro deAttaidé , fut dé à cette baye auecla plufpart de fon monde , eftant entré dans le pays. A la pointe e ER de cette baye, & tout contre terre, il y ades bafles; & paffant outre, la cofte ‘eftend versle Nord-Eft, eftfort baffelelong de la mer, & faitvn arc qui finità les falaifesrouffes; & de là en auant, les terres vont en grofliffant & séleuant juf- jue s au Cap de S. Bras. COP DEUS, DURS RE Cap deS.Bras cft enla hauteur de34.degrez15. minuttes : de là au Cap Talha- do, laroute eft Eft quart Nord 18. lieués: on le connoift en ce que venant de la neron void d'abord vne terre qui fe termine en deux pointes éloignées l'vne de "autre de cinq lieuës: celle du cofté de l'Oüeft eft fort baffe le long de la mer, & ttc pointe finit à l'entrée de la baye das Vaquas; celle *du colté d'Efteftle Cap *Ea de rE- de S. Bras, auquel il y a vngros rocher efcarpé, au deffus duquel ily ena vn autre fte £o cabo ١ 1 s Ms de S. Bras qui reffemble à vnchappeau : on y void auffi des falaifes rouges, & tout contre la na qual fe jointe du Cap il y a des rochers entourez d'eau. fas hum ro- chedo grot- M Quandon a ce Cap au Nord-Eft, on void au deffus comme vn champ auec quel- fs tilha- E ¿minences , & des taches blanches, & d'autres obícures qui ont la façon de do comhum terres labourées. Les montagnes du Pays font fort hautes & rudes, & parmy elles pr ily atroispicsfort remarquables ;l'vn eft vis-à-vis du Cap das Vaquas , l'autre e prefque au Nord-Eft du Cap deS.Bras, &reffemble au pauillon d'vn Vaiffeau :le troifiéme eft auffi au Nord-Eft ; mais ¡left plus haut, & ila vne pointe qui s'abbaiffe du cofté de l'Eft , & entre ces trois pics il y a des montagnes hautes & pointués. Seconde Partie. 8464646646 ij $2 ΒΟΥ TIERE AGFADA DE S. BRAS. V long de la terre qui fait ce Cap, eft l'aiguade de S. Bras du cofté de l'Eft; Das feis c'cft vne baye qui a troislicués d'ouuerture , elle entre fix lieuës dans lester- pe pos res ع1‎ fond cft fort net & cígal; il y a abry du vent de Sud-Eft jufqu'au apparfela- Nord-Eft du cofté d'Oücft. Aprescette baye ou aiguade allant vers l'Eft, la cofte do o fundo. fair vne maniere d'anfe , en quelques endroits de laquelle on void des monceaux de fablelelongdela mer; &àla fin de cette courbeure qui a la forme d'anfe, la cofte n'eft plus fi éleuée, & ne paroift plus fi groffe selle eft platte par deffus & cli carpée auec des falaifes rouges le long de la Greve qui a fix lieués de tour; au bout defquelles il fe fait vn angle droit ou quarré, & tout contre il y a vne pierre A τές d'eau, aulong de laquelle paffe vnepetiteriuiere. — — : | Continuant de là fa route vers Eft,on trouue les terres fort baffes , & tout le riug- ge de la mer eft de falaifes blanches, & quelques-vnes rouges , & incontinent apre: onrencontre vn Iflet qu'on ne découure point qu'on ne foit tout contre; & de là er auant,la terre va de plus en plus groffiffant. Il y a vne pointe de fable blanc,laquelle «Fas tres. Cftant veué vers le Nord-Eft,* fait paroiftre comme 3. mottes de terre l'vne contre Medoens | l'autre;entre lefquelles il y a cOme des canaux,ou coulées,qui les feparét les vnes dei Pm Ri- autres, & celle du milieu eft plus groffe que les deux autres, il y a fur fon fommet gucirosque yne petite touffe d'arbres , & et plus prés de la Greve que lesautres : à demie licui Ho plusauant que ces mottes, on void vne pointe baffe ; puis la cofte ayant continui outros. — enuiron deux lieues, on void à la fin deux grostertresl'vncontre l’autre, & entre: deux cft vne petite anfe qui eft à 4. lieues du Cap Talhado. CALA STET Ὁ: b Cap Talhado eft en la hauteur de 34. degrez, & gift auec le Cap das Baixas El & Oücft fepr lieues. On le connoiftà vne pointe fort haute ; & foit qu'on le re gatde du cofté d'Eft , ou du cofté d'Oücft,il femble que ce foit vne Iíle;parce qu la terre de la cofte qui eft au dedans vers le Pays, eft fi baffe , qu'on ne la peut ap perceuoir qu'on ne foit tout contre. Ce Capa vne falaife rouffe ,ilen fort vne baffe qui auance vn quart de lieue er mer ; & tout contre du cofté de l'Oüeft , il y a vnIflet:il n'y a rien dans tout c qu'on découure de Pays, qui ait de remarque confiderable ; parce que de tous có 2 tez tout cft plein de montagnes fort hautes : enuiron fept lieues de ce Cap du coft il y a vn pic qui paroift parmy quelques-autres , lequel on prendroit pou.‏ د de l'Eft‏ وروي وير pointue. — vn pauillon ou pour vn mullon de paille ou de gerbes femblables à ceux qu'on voit aux champs de Santarem; quand on eftàtrois lieues ou enuiron de ce Cap vers I: mer; c'eftla plus haute montagne qu'il y ait danstoute cettecofte en ce parage. — BAYE DE SAINTE CATHERINE. D: cofté de l'Eft de ce Cap il y a vne Baye qui fe nomme la Baye de fainte Ca: therine ; c'eft vn bon Port pour fe garantir des vents d'Oüeft , & à cette fitua. tion on la pourra connoiftre. X CAP DAS BAIXAS. des Cap das Baixas eftàla hauteur de 34. degrez, il gift auec la Baye Formo : A_,Eft-Nord-Eft, & Oücft-Sud-Oücft 8. lieuës. On le connoift ence que c'eft vnt DES INDESORTENTALES. 53 profle pointe noire & efcarpée du cofté de la mer; & quand on vient de dcuers Eft, il paroiít deloin comme vn Iflet: ma Στ deuant vneterre blanche qui retlemble à Yn gros buiflon qui fort du riuage & va en mórant:autour de ce Cap il y a quelques bafles qui auancent cn mer enuiron demy licue, & du cofté d'Et il y avne anfe dont l'entrée cft fortétroite , & n'a prefque point d'abry au dedans: elle finita vne autre pointe du mefme cofté de 1 ἘΠΕ. cette pointe de l’Eft eft faire de grands mon- ceaux de fable : & paffant outre , la cofte deuient toufiours plus haute, & a des falai- fes blanches & rov ves: on y trouue aufli vne riuiere qui cft à quelques quatre lieues de la Ponta Delgada ou pointe deliée. PFNTA DELGADA. A pointe Delgada eften la hauteur de 5. deg. 45. min.elle gift auec le Cap das ae ou desMontagnesEft-Nord-Ett, & Oücft-Sud-Oücft,la diftance eft de 12. |. venant du cofté de l'Oücft.On la connoiftra en ce qu'elle paroift cóme vne pointe fort deliée qui finiten mer par vne montagne , au pied de laquelle il y a des rochers ui femblét eftre vn Mer jufqu'à ce qu'on foit tout contre: de là versla terre-ferme, ce font des fables fort vnis fans aucune verdure deflus,ils ont bien vne portée de ca- non de batterie de longueur : on void plus auant dansle Pays des rochers fort poin- tus , fort hauts & * raboteux, qui font fi égaux entre-eux ; qu'on n'appercoit point que l’vn foit plus haut que l'autre د‎ ala referue d'vn qui reffembleà la Roca de Cin- tra : à quelques trois lieues de là vers l'Oücft , on void cinq éminences, qui font au- tant de montagnes de fable fort belles à voir. BABE: DES OEAANGESCGO. I: long de cette pointe du cofté de "ἘΠῚ eftla baye de S.Francefco quia s-lieues, à fon emboucheure : c'eft vn fort bon Port pour fe garantir des vents d'Oücft : il fait abry depuis le cofté du Sud jufques au Nord-Eft. La meilleure marque que vous puifliez auoir pour le connoiftre , font des terres éleuées qui font au fonds de labaye, & font trois montagnes aigués و‎ dont celle qui eft vers le Nord eft la plus haute. Pour entrer dans cette baye رع‎ il faut que les trois montagnes demeurent à l'Oücft, & alors on fera à l'entrée de la baye ; & fion approche dela pointe du Cap, il fe faut donner garde d’vne bafle dont il acfté parlé cy-deuant , & moüiller en 15. braffes; le fond cft forc bon & net, & au dedans du Cap vous verrez des fables où lon peut faire aiguade. Dicgo Bottelho moüilla en ce lieu en l'année 1539. venanten Portugal fur vne fufte , & y firaiguade. Aude là de ce Cap & Baye, la cofte eft baffe le long de la mer, & on y void quelques monceaux de fable qui vont en grolliffant jufques au Cap des Areciffes ou des Rochers. QUID DES A RECIPFFES: Y ECapdes Areciffes ou des Rocherseft en la hauteur de 33. degrez 20. minuttes; AL il gift auec la pointe de Patrao quafi Eft- Nord-Eft & Oücft-Sud-Oüeft , il ya ας. lieués del'vn à l'autre. -Onle connoiften ce que c'eft vne pointe fort groffe , autour de laquelle il y a vn banc de pierre; il y a aufli quelques petits Iflets;àla portée d'vne albaleftre def. quels,il y a des roches où la mer rompt; du cofté de l'Oüeft on void des fables plats, & fur le riuageil y a des roches qu'on prendroit pour des Iflets. Entre ces pierres & le Cap il y a vne baffe tout contre terre, & dans le Pays on void comme vn bout de Sesonde Partic. 6866666 ij * Tem nó roltro hua filua de ter- ra brancä. * Efpinho- fos. Sinco man= chas que fao montes de arca muito ben feytos. Baftiment Portugais fort petis. $4. ; RIO MF E ER montagne coupée qui cft haute ; raboteufe , & plus éloignée du riuage que celles | qui font au deffus de la baye de S. Francois: delà tirant vers Eft, on n'en void point d'autre , & tout le paysn'eft que deferts , lombades & montagnes qui {ont | tout d'vn autre afpe& que celles que ic viens de décrire. B.AYE DE LJ EU OA: V long de ce Cap du cofté de l'Eft il y a vne grande anfe ou baye, àl'embou- | cheure de laquelle il n'y a point d'abry : onl'appelle la baye de la Lagoa, qui. vcut dire du Mareft : elle a douze lieués d'emboucheure ou d'ouuerture;& quand | on eft dedans, on void les montagnes qui font derriere & au Sud, vne autre montagne accompagnée de quatre ou cinq petites collines: du cofte de l'Oüeftil ya. quatre Iflets nommez les Iflets de la Croix : P vn de ces quatre eft plus grand que I@ autres, & quelque Vaiffeau que ce foity peut trouuer abry par tout le cofté du Couchant qui eft fort ner, on y trouue fonds de fable fur 12. ou 13. braffes; il gift. Eft & Oüeftauec deux autres Iflets qui font du cofté du Leuant, qu'on appelle les | IflersLamos ou plats , parce qu'ils font fort bas & vnis, & on ne les apperçoit point qu'on n'en foit à 2. lieués prés ou enuiron:au Sud-Eft de cesIflesil y a vne baffe qui en eftéloignée enuiron de demie lieuë: toute la terre au dedans de ces Iflets eft pleis ne de grands monceaux de fable auec des touffes d'arbres, & dansle pays on void des « Lomba- coftcaux a de terre noire , auec beaucoup de petites collines ; de là il fort vne ds. pointe vers le Nord-Eft , dont l'extremité demeure à l'Eft quart de Nord-Eft, qui pouffe iufques dans la mer : elle eft fort baffe & étroite , & au riuage il y b Antres a- aquantité de fableauec quelques buiffons ou ὁ arbres çà & là qui paroiffent noirs. chados de Au bout de cette baye eft νης montagne efcarpée du cofte de terre,qui a vne c fepa- Nodoas : S x E ἕ ; , 4 preras de. rationau milieu; & à demie lieué delà on en void vne autre: & dans la vallée qui mato. . eftentre-deux il y a quelques arbres qui reffemblent à des pins, ce font les pre=\ c Degolada 2 ”» . . : . > no meyo. Miersque j'aye veu le long de cette cofte depuis le Cap des Aiguilles jufqu'en ce arage. : de ou huit lieués de ces Iflets versla mer , eft vn prazel ou banc fur lequel ily 235. braffes d'eau; allant de ce banc vers la cofte, il y a plus de profondeur : on . trouuefept ou huit braffes à trois lieuës ou enuiron de terre , le fond eft par tout de fable menu , & en quelques endroits de vaze. | | πὸ -----ῤ---- - -- eM le, | Latitude e7 fituation de la baffe de India , [aimant ce que 75 Pilotes en ont écrit , & ce que j'en ay découuert es ob[erué en eftant a la vent. b ees: Roys dit dans fon premier Routier, qu'il a veu la baffe de Iudia aux années 1568. & 1570. & quà fa νει il prit hauteur ; & trouua 22. degrez, il cítoit au cofté de Sud- Eft de cette bale. FrangoisSedenho affeure qu'il a trouué cette mefme hauteur à la veué de cette baffe de Iudia. André Lopes dit qu'eftant du cofté du Sud-Eft à la veuë de la baffe, il a trouué 22. degrez ro. minuttes de hauteur. Gafpar Gonfalués, Pilote du Nauire S. lago qui fe perdit fur cette baffe , dit qu'il y a trouué 21. degrez 30. minuttes. Et moy eftantà vne lieuë ou enuiron de cette baffe par le coftédu Nord-Oüeft ie pris hauteur , & trouuay 2 1. degrez 12. minuttes. Le fecond Pilote ,le Maiftre & l'Efcriuain du Nauire Cabo où j'eftois Pilote ,trouuerent la meme hauteur ; & Pa DES INDES ORIENTALES. 5j plufieurs Mariniers quila prirenc 211111 , trouuercnt 21. dcgrez peu plus, le Vaiffeau eftoit alors bien en repos, le Soleiltort clair & le temps tans nuages , & cette hau- teur fut prife auec toutes les precautions neceffaircs, ce 做 pourquoy ie n'ay aucun doute que cc ne foit la vrayc. Ic fuppofe aufli que Vincent Roys, & les autres Pilotescy-deuant nommez , ont bien pris cette hauteur ; & la conferant auec celle que jay obferuée, ie trouuc que cette baffe doit auoir 16. lieuës de long, depuis la pointe duNord-Oüeft jufquesà celle de Sud-Eft ; parce qu'eftant enuiron vne lieuë loin de la derniere pointe de certe baffe, que j'auois alorsau Sud-Eft , ie trouuay 21. degrez 12. minuttes de hau- teur. Gafpar Gonfalvez eftant échoüé deffus ,trouua 21. degrez 30. minuttes , & les autres Pilotes dont jay rapportéles obferuations , ont trouué 22. degrez eftans à la veué de fa pointe qui eft du cofté de Sud-Eft, & elle leur eftoit au Nord-Oüeft. On void que la difference des hauteurs de la pointe du Sud-Eft,& de celle du Nord. Oüeft,eft cour au plus de 48. minuttes,qui font? de degré; & le degré pris du Nord. Oücít au Sud-Eft vallant 24. lieues & trois quarts les quatre cinquiémes vaudront en ce Rumb zo. lieues : donc depuisle lieu où ie pris la hauteur de 21. degrez 12. mi- nutres , jufques à celuy où les autresPilotes ont trouué 22. degrez ; il y a 20. lieues de diftance. Mais lors queles autres Pilotes trouuerent 22. degrez ; ils deuoient eftreà deux ou trois licues ou enuiron dela pointe du Sud-Eft de la bafle vers la mer; & mo quand ie trouuay 21. degrez 12. minuttes , J'eftoisà vne lieue ou plus de la pointe du Nord-Oüeft : & affemblant les lieues dont ie prefume que ces Pilotes deuoient eftre éloignez de la baffe auec celle dont j'en cítois diftant, on aura quatre lieues , qui - eftant oftées de la diftance qu'il y auoitentre les lieux, où nous auons obferué, il reftera 16. lieues pour la longueur de la baffe delIudia ; depuisla pointe du Sud-Eft jufques à celle de Nord-Oüett. uand ie vis cette baffe,ie fus tout vn iour à la paffer en eftant du cofté de l'Oüeft à la diftance d'enuiron vne lieue & demie , auec vn petit vent de l'Eft-Sud-Eft qui venoit de deffus le banc ; ce qui fut caufe que ie la rangeay de fi prés. Ce iour-là ic la vis de pleine & de bafle mer , & remarquay qu’elle eft en forme de triangle ; par- ce que quand ie la découuris , j'apperceus vne de fes pointes versle Nord-Eft , & de ce lieu ie courus auffi Nord-Eft lelong de cette baffe iufques à deux heures apres midy ; la voyant toufiours continuer vers le Nord-Eft auec fes roches, iufques à la pointe où elles finiffent , & cette pointe nous demeuroit au Sud-E ft quand ie fus vis-à-vis d'elle: & quand ie commengay à voguer le long de cette face, j'en vis vne autre qui alloit vers le Nord-Eft: on ne pouuoit découurir ny remarquer là aucun Cap de deffus le maftereau : & aufli quand on eftà la pointe qu'elle fait vers le Nord-Oücft ,on ne peut découurir de deffus les maftereaux la pointe qui eft vers le Sud-Eft ; & jay feulement remarqué que cette face court du Nord-Oüeft au Sud- Eft , où elle finit à vne Iflette qui eft vers leSud-Eft: ainfi cette baffeàtrois poin- tes, dont Pvne commence au Sud-Oiieft & court iufques à la pointe du Nord- "Oüeft ; & de là va vers leSud-Eft ou elle fe terminea la pointe du Sud-Eft, & ainfi elle eft triangulaire. Cette baffe eft affez étroite ; car de deffus la Hune on void la mer rompre del'au- trecofté : Japperceusen cette baffe vn fort grand efpace tout rempli de corail blanc, qui paroiffoit comme vne plaine de fable: ly remarquay auffi pluficurs pointes de rochers qu'on ΕἸΠῈ pris de loin pour des arbres; mais ie n'ay point veu de fable fur cette bafie , comme quelques Pilotes ont dit qu'ils y en auoient apperceu : & pour moy, ie croy que ce qu'ils ont veu cft l'endroit où eft ce corail blanc, qui de loin xeffembleà du fable dans le temps de la baffe marce; car de pleine mer on n'y void ; 76606 ii Remarque. * CeCap eft au Nord de lentrée de Ja riuiere de Lifbone. Remarque d'un Pilote qui a ven cette Baffeen l'année mil fix cens $6 ROVTIER ny corail, ny rien de blanc; mais bien dans le milieu de cette baffe ,jay remarqué vn grand efpace de mer qui eft de couleur tirant fur le verd comme de citron : cette cau eft fort calme & comme celle d'vn eftang , au lieu que le long de la baffe, la mer brife auec grande impetuofité : ie ne vis point d’oyfeaux allant par le cofté d'Oüeft, ileft croyable que c'eft qu'il n'y en a point dans l'Iflet qui eft du cofté de l'Eft. quarante. di A 2 Lexis da Motta a couru cette baffe du cofté de l’Oiieft allant vers le Nord-Eft en la hauteur de 21. degrez 12. minuttes: & moy ie lay veué en la hauteur de 22. degrez : & en cftancà trois lieuës, nous courümes vers le Nord-Eft; & parce qu'il nous fembloit que c'eftoit vne Ifle , nous cinglàmes vers [ἘΠῚ &l'Eft-Nord- Eft , & de nuit la pointe eftoit au Sud de nous; car il me falloit trauerfer en cette hauteur, ie ne vis point les rochers couuerts d’eau ; mais feulement vne Ifle de I fix ou feptlieués auec du corail ou du fable : j'y apperceus auffi des Caps en forme — de deux petites montagnes affez hautes auec vne infinite d'oyfeaux , encore qu'A- — lexis de Motta dife qu'il n'en a veu aucun de ce cofté-là : ces oyfeaux font des Gar- ١ razines blanches par le ventre , & d'vn gris brun fur le dos , des Rabos de Tonco ou queués de jonc , des Rabos Forcadosou queués fourchués, & auffi des AL catras ; & de toutes ces differentes efpeces en grand nombre;la mer ne me parut point brifer auec tant de furie qu'il dit, fi cen’eft à la pointe feulement. Ie n'apper- | ceus point aufli d'eau en pas vn endroit de ce banc; mais ie letrouuay de mefmefa- gon par tout depuisle matin jufqu'au foir , eftant dans le Nauire de Noftre-Dame de Galaya l'an 1640. où eftoitle Vice-Roy lean de Sylua Tello. 4 Ileft facile d'accorder Alexis de la Mothe auec cét autre Pilote dont les obíerua- tions femblent fe contrarier ; parce qu Alexis a pafsé par le cofté d'Oüeftde ces baf- fes , & ce dernier par le cofté de l'Eft , où ila veu des oyfeaux qui poffible ne 'adon- nent qu'aux enuirons del'Ifle qui eft au Sud, ne trouuant rien du cofté de l'Oüeft. du banc ; & c'eft ce qui a fait croire à Alexis, qu'il n’y en auoit point dans l'Ifle, la-. quelle felon le rapport du dernier a fix ou fept lieués de long; & ayant à trauerfer. en cette hauteur ,ainfi qu'il dit, il paffa outre cinglant à [ἘΠ & àl'Eft-Nord-Eft versl'Ifle de S. Laurens & ne vid point la baffe de Iudia ; mais feulement cette Me; ce qui peut eftre caufe qu'il l'a prife pour la baffe entiere. acm — — — Situation de l'Ifle de Saccatora , ainfi que ie Pay veu£ en l'année. 1612. que j y pafsay l'Hyuer dans le Nantre le Cabo. L DE milieu de l'Ifle de Saccatora eft en la hauteur de 12. degrez 30. minuttes Nord, fa longueur s'cftend de l'Eft-Nord. Eft à l'Oüeft-Sud-Oüeft , où elle fait face du cofté du Sud , il ya 16. licués d'vne des pointes à l’autre par ce cofte- là : cette Ifle eft fort haute & pleine de montagnes. 2. Quand on cft obligé d'hyuerner fous certe Ifle auec des Caraques de Portu- gal , il faut aller reconnoiftre la pointe d'Eft-Nord-Eft par le cofté du Sud de. lle : auant que de terrir , il en faut approcher jufqu'à ce qu'on trouue vingt braffes , & fur ce fonds il faut courir jufquesà la pointe d'Oüeft-Sud-Oücft qui eft fort haute, efcarpée, & reffemble affez au Cap* de Spicxel ; & continuant d'aller DES INDES ORIENTALES. 57 fur cette profondeur de zo. braffes , il n'y a rien à craindre, tout y eftant fort net & fonds de fable; mais plus prés de l’Ifle où le fonds n'eft que de 15. braffes il y a des bancs de pierre. 3. Lors que vous ferez vis-à-vis de cette pointe qui reffemble au Cap de Spicxel, vous découurirez vne autre face de l'Ifle qui gift Sud-Eft & Nord-Oücft, ou peu s'en faut, & qui aenuiron 10. lieuës de long. Deuant cette cofte , à quelques huit licuës en mer , il y a deux Iflettes qu'on appelle duasIrmas , ou les deux Sœurs, qui font éloignées l'vne de l'autre d'enuiron quatre licues & gifent entre-elles Sud-Eft & Nord-Oüeft. 4. Quand vous ferez au morro ou tertre qui reffemble au Cap de Spicrel, il vous faut approcher de terre & aller le long de la cofte fur 15. 20. & 25. braffes; & fi- toft que vous ferez vis-à-vis d'vnc montagne haute & ronde qui cft au milieu de cette face del'Ifle ; auprés de laquelle il yen a vne autre plus petite & pointué qui eft fenduë par le milieu , a caufe dequoy on l'appelle Oreille de Lievre, & que cette montagne vous demeurera au Nord , vous pouuez moiiiller à 18. braffes , & il faut que cc foit en fonds de fable. Là vous ferez à l'abry des vents d'Eft , & il n'y a point d'autre lieu en cette Ile où on puiffe eftre mieux à couuert de ces vents-là. $. Il faut * porter des Ancresàrerre à caufe qu'il y a beaucoup de fond & qu'il εἰς e eft de fable ; ce qui eft caufe que les Ancres n'y ont pas bonne tenué : & arriuant com ag. dansletemps dela pleine ou nouuelle Lune des mois de Decembre ou de Ianuier fe que les vents viennent du Nord, & qu'ils foient violens ; comme la mer en deuient fort groffe 8zorageufe,la refaque & retour des vagues fait arer les Ancres, qui mefme s'arrachent s'il n'y a beaucoup de cable dehors. 6. Deuant cette montagne où jay dit qu'il falloit moüiller , & au pied du cofté du Sud-Eft و‎ on trouue de l'eau dans deux puits qui font à deux portées de faucon- neau du riuage vers la montagne: l'eau en eft vn peu falée , mais c'eft la meilleure qu'il y ait de cecofté-là de l'Ifle : on y trouue auffi du bois pour la cuifine. 7. Et encore que de ce cofté-la il n'y ait point d'habitation, c'eft pourtant le meilleur endroit de l'Ifle pour fe garantir des vents d'Eft , & le plus fain. Et dés que le Xeque qui commande dansl’Ifle eft auerty qu'il y a quelque Nauireàl'Ancre , il Ἷ eft (oigneux d'y enuoyer tout à l'heure de toutes les fortes de rafraichiflemens qui fe trouuent dans l'Ile; comme font quantité de Chevres, de Moutons , & quel- ques Vaches & Poules, auec quantité de Poiffon, de Citroüilles , de Lait, de Beur- re , de Millet, quelque peu de Rys, & de fort bonne eau qui vient d’vne petite ri- uicre queles Habitans tiennent cachée ; & qui eft auprés d'vne anfe ou baye qui fe nomme Calancia. m - 8. Dans cette mefme face de l'Ile où j'ay dit qu'il falloit moüiller , & où font les "deux puits dont j'ay parlé, eftauffi cette baye de Calancia , où il y a vne petite habi- tation de * Bedoés, & c'eftlà qu'eftla riuiere d'eau douce qui prend fon origine de Br le deffus les montagnes , dans vne petite plaine toute verte fur laquelle font quelques Habitans。 Palmiers; elle fe va rendre dansla mer par deffous des pierres & au trauers du fable, ἢ d'où vient qu'on n'en fçauroit marquer l’éndroit : & ie donne auis de cela, parce “que les Mores ou Negres ne la veulent pas montrer pour tirer de l'argent de l'eau. “ 9. Du licu où jay dit qu'il falloit ancrer jufquesà Calancia, il y a dix lieuës : E l'anfe où eft Tamareté, qui eftla grande habitation du Xeque qui gouuerne Ple, il y ade fort bonne eau, des palmiers, & quantité de rafraichiflemens ; car le "Xeque amaíse en ce lieu tout ce qui s’en trouue dansT'Ifle. | - zo. Or iln'y a pas moyen d'hyuerner dansaucune des bayes de cetteTfle , de celles qui fontau cofte du Nord, dansle temps que regnent les vents d'Eft. Il y a beaucoup x “de fond tout autour de cette Ifle , de maniere qu'on ne peut moüiller que dans les 58 R QVUEER anfes ou tout contre les rochers dela cofte , fur 15.20. 8230. braffes. ur. Ceux qui hyuernent dans cette lle, doiuent partir pour Goa auec les pre- miers vents d'Oüeft & dés qu'ils commencent ;& s'ils ne permettent pas d'aller par le Sud de l'Ile, il faut fuiure la cofte , & s'en tenir le plus prés qu'on pourra jufques à Calancia: & de là il faut gouuerner à l'Eft fe tenant à deux lieués de terre: il + alcui- Dy arienàcraindre; parce que toute cette cofte cft nette; & il y a bon fond* par | lado. tour, mefmes jufques tout contre les roches. N 12. Eftant du cofté du Nord, file vent vous empefche de gouuerner à l'Eft,il > faudra louier allant tantoftvers le Nord & tantoft vers le Sud ; car en ce parage, - les eaux portent àl'Eft ὃς jay obferué cela dans le Nauire le Cabo : eftant party du lieu où y auoismoiiillé, ie fus à Callancia prendre mes gens qui y auoient hyuer- | né, & aufli pour faire aiguade dansla riuiere dont j'ay parlé:j’en partisle25.deMars, | & ie trouuay incontinent apres des vents d'Elt, qui m'obligerent de louier huit | iours durant, & de faire mes bordées Nord & Sud, & les courans me portoient toü- ١ jours fur le vent & à l'Eft, jufqu'à ce que l'Ile me demeurár derriere : ce qui arri. | ua le 10.d'Auril, &ie trouuay lcs vents d'Oüeft le 15. du mefme mois, qui me fi- — rent auancer auec les courans vers le Nord-Eft: & encore qu'en la nouuelle Lune jeuffe quelquesbouffées de vent d'Eft, neantmoins ceux de l'Oüeft reuinrent bien- ١ roft apres, & auffi ceux de Sud & de Sud-Sud-Eft ; & c'eft vne chofe certaine ; que les eaux courent au Sud-Oüeft auec les vents d'Eft , & au Nord-Eft auec ceux. d'Oüeft : j'en ay fait l'experience ; parce qu'en l'année 1600. ie paffay dans ν 4, Dofar Vaiffeauàrames depuisla veué des montagnes dea Dofar Jufquesàla hauteur de en veville dix-fept degrez courantá la veuë du Cap ὁ Frataqui auec yn vent Nord-Eft à la n l'Ar fin du mois d'O&obre, & ietrouuay que les eaux couroient vers le Sud-Oüeft; 82 fe de ce Cap de Frataqui ie trauerfay àl'Ifle de Sacatora , où j'obferuay que les eaux: b Ce Cap et courroient de la mefme fagon auec grande violence, de forte que ie faifoistrente-. uic cinq lieuésen vingt-quatre heures dans mon batteau, & ie n'auois pour toutes voix la mefme i coted’A- les qu'vn morceau de groffe toile accommodée à vn auiron; & ainfi j'arriuay 2 FOU aus l'Oüeft de la pointe de cette Ifle où ie trouuay que les eaux ceuroient fort versie Dofar. Sud. ; 13. En l'année 1601. comme ie venois de Montbaza dans vne Galiote, ie naui | geay tout le long de la cofte dela Deferte jufques à l’Ifle deSacatora au moisd'A- uril, auec vent deSud-Oüeft , & ie trouuay que les eaux faifoient beaucoup auan cer noftre voyage pour le peu de vent qu'il faifoit. Cela fait voir que les eaux cou- rent au Nord-Eft jufques au Cap de Guardafuy ; & lors que nous y fuímes, nous trouuâmes que les courans fortoient du Détroit, & alloient vers le Sud, & ils n nous permirent pasd'aller de l'auant auec le vent qu'il faifoit , qui eftoit vn peu ef chars,& cela dura jufques à ce que nous fuímes paffez les deux Irmas ou les2.Sceurs. 14. L’an1612. eftant en Latitude de quatorze degrez trente minuttes du cofté d Nord , & à 7o.lieués ou enuiron dela cofte d'Indeá la fin du mois de Nouembre, les vents d' Eft le leuerent , qui m'obligerent de relafcher àl'Ifle de Sacatora , où ie paffay l'Hyuer ; ayant moiiillé au cofté de l'Ifle qui giftSud-Eft & Nord-Oücft; quia versle Sud les deux Irmas dont j'ay defia parlé. à 15. En ce voyage, où ie fus contraint de relafcher à cette Ifle, ie trouuay de grandscourans,qui portoient vers l'Oüeft-Sud-Oüeft, & quand ie fus prés de l’Ifle, | ieremarquay qu'ils alloient vers le Sud-Oüefr auec vn vent fi efchars , qu'il nous fembloit eftre fur des baffes. 16. Eten allant auec le batteau de ce vaiffeau pendant les quatre mois que nous. fufmes à l'Ancre en cette rade, vers l’anfe ou baye de Calancia, qui en eft éloignée“ de dix lieués du cofté du Nord, où eft l'habitation & la riuiere où fe prend la bonn Ἢ cau , & qui fait partie de l'emboucheure du Détroit, ie trouuay toufours que les | DES INDES ORIENTALES. $9 eaux qui en fortoient couroient au Sud auec grande force ; parce qu'en allant du lieu où le Nauire eítoit al'Ancre a la baye de Calancia , il nous falloit deux ou trois iours pour y allerà force de rames & auec beaucoup de peine ; mais en retournant de là vers le Nauire , nous fommes quelquesfois venus en dix heures: & partant du matin de Calancia auecles voiles & les auirons, nous arriuions au foir du mef- mc ¡our à bord de noftre Nauire ; ὃς nous faifions le Sud Sud-Oüeft en venant par le dehors desanícs : cette experience & beaucoup d'autres que nous fifmes , mon- trentéuidemment que pendant ces quatre mois que nous demeuràmes prés de cette Tíle , leseaux fortent du Détroit & courent au Sud. 17. Pendant noftre fejour , le Xeque enuoya fa Galiotte à Quaixen pour que- Gide ad rir des viures, & s'en alla gagner le Cap de Guardafuy ; & de là paflant le long de à la cotte la cofte de Fuy , elle crauería l'emboucheure du Détroit pour aller à Cachem ; mais E le ce fut aucc beaucoup de peine, à caufe des grands courans : car bien fouuent quel- Gr Farta- que bon vent qu'ils cuffent, ils ne pouuoient pourtant vaincre le coursde l'eau qui ho E fortoit du Détroit , & ainfi ils employerent beaucoup de temps à faircleur voyage: ** i mais au retour , encore qu'ils n'euffent que quelques bouffécs de vent, ils vinrent de Quaixenàl'Ifle en deux iours : & cette experience fait voir la faufleré de ce que plufieursRoutiers afleurent fçauoir que leseaux entrent dans le Detroit,puis qu'au contraire elles en fortent & vont vers le Sud, paffant entre la cofte du Cap de Fuy & l'Ile de Sacatora. Ie donnecét auis;afin que les Nauires ne craignent point d'aller hyuerner à cette Ifle. 一 一 一 — 一 一 一 一 一 一 一 -一 一 一 一 一 Remarques fur le Routier precedent. Omme ce Routier a elté fait par vn homme de mer, auffi s'y eft-il trouué plu- fieurs expreffions affez difficilesà entendre, on a cotté en marge celles où il peut auoir quelque difficulté, afin que le Leéteur en puiffe micux juger: mais au- parauant il faut remarquer vne erreur qui n'eft pas tant de l'Autheur de ce Rou- tier , que du temps auquelila vécu 4 car il y a fort peu de temps que les gens de mer fçauenc que la variation de l'aymant change;l'aiguille n'eft plus fixe au Cap des Ai- guilles : & à Paris du temps d'Oronce , il y a enuiron fix-vingt ans, elle varioit de 8.ou 9. degrez: & en cette année 1664. on trouue qu'elle n'a plus aucune variation. On n'a pas encore allez d'obferuations pour donner des regles certaines de ce mouuement de la variation, afin de fçauoir combien elle peut auoir changé, tant à caufe qu'il y ena beaucoup où le temps auquel elles ont efté faites n'eft point cot- té, que parce qu'elles ont efté faitesen des licux differens ; & mefme quand on fçau- roit queleftle mouuement du point ou l'aiguille fetrouuc fixe, on ne pourroit pas juger pour cela combien doit auoir changéla variation par tous lesendroits oú on l’a autrefois obferué ; il faudroit auec cela fçauoir quelle eftla plus grande varia- tion dans le parallele où on fe trouue ,& où on veut fçauoit la quantité de la variation: mais pour expliquer tout ce qui feroit neceflaire fur cette matiere, il en faudroit faire vn traité exprés: en attendant, voicy vne regle generale pour Ígauoir fila variation aura augmenté ou diminué. . Aulicu ou elle a efté trouuée autrefoisla plus grande, foit vers le Nord-Eft ou vers le Nord-Oiieft, la variation a maintenant diminué, & de ce lieu allant vers Eft, elle diminué , & vers Oüeftelle augmente : & pour la quantité dela variation,il faut auoir égard fi elle augmentoit peu ou beaucoup allant dansle mefme parallele; car fi elle augmentoit peu, la difference n'en fera pas figrande ; mais il y aura pluficurs degrez de difference fi elle augmentoit ou diminuoit beaucoup en peu d'efpace ou dc chemin allant vers Eft ou vers Oücft. δ΄ ROVTIER DES INDES ORIENT: Dans la 2. page art.3. àlafin, ilcft parlé de Saluages comme d'vn banc & d'vne bafle; ncantmoins c'eft vne Ifle ou plufieurs petites enfemble : &illes appelle de ce nom; parce qu'eftant petites & entourées de rochers, on ne les confidere que com- ine vn banc.art. 8. ligne 2.lifez Sud quart au Sud-Oüeft. ligne fuiuante , il faut te” nir del'Oüeft. art. 15. lignes. lifez vouslesrencontrerez. Ala fin du mefme art.on ordonne de ne s'éloigner pas beaucoup de la cofte de Guinée, para tem mais balrauen= مع‎ : on l'a interpreté pour prendre mieux le vent; ce qui veut dire que nauigeant ainfi , on aura le vent plus en poupe quand il faudra doubler le Cap de S. Auguftin: | page 4. ligne6. 7. & ὃ. de l'art. 5. lifez il faudra couriràla bordée de l'Oüeft; &ft elle cft de cinq degrez il vaudra mieux courir à la bordée de Ef; mais fi elle Nor= defte de quatre degrez, il faudra dans letemps de vingt-quatre heures, &c. A la fin | dela 8. ligne, lifez rafchant de vous tenir. 1 Enlaligne 3. de Part. 15. on remarquera quele Routier ne parle que detrauades, | & non pas de grains de vent, qui cft autre chofe ; car trauade cft proprement ya tourbillon de vent qui fe rencontre d'ordinaire lelong des coftes d'Affrique ; il c fi violent, qu'on elt contraint d'abbaifler toutes les voiles , & ne dure qu'enui ron vne heure & demie ; il commence par vn nuage qui fe forme à l'horizon pena | dant le calme, & qui apres s'eftre grofli venant àcreucr excite vne tourmente, 8 fur la fin dela pluyc:art.16.lig.4.1. fc tenant cependät à la mefme diftance de la colte! Au mefine art. il eft dit queles courans tiennent le Vaiffeau para balranento l'auoit traduit riennent eV ai [] eau fur le veni mais il vaut mieux lire pow[fent le Χ vers le vent. art. 18. ligne 8. hiezauant cette hauteur ils deuiennent plus contrai fctournent au Sud-Elt. p.5 ligne 2.1} faut entendre la cofte du Brezil. art.21. ligne aulieu de hauteur,lifez veué. arc. 22.ligne 2.lifez jufquesen la hauteur. A la fin di mefme art. lifez laiffer cette Ile au deflous du vent. p.7. art.29. ligne 4. l. & cha encoquilles. On remarquera que Craquas font de petitescoquilles qui finiffente pointe par en haut, s'engendrent fur le bois quandil a efté long-temps dans Pear & qu'il cft preft de pourrir ; dans ces coquilles il y a de petits poiffons. art.30. ligne 2. lifezà voir desoyfeaux grands comme ceux que les Portugais appellent Coros, ligne 3. lifez Mauuettes. art. 31. ligne 6. lifez on verra grande diuerfité de ces oy? feaux en mer,/8z en quantité, c'eft figne, &c. ligne penultiéme lifez burgalhao. p. 8 ligne 1. lifezà veuë de terre. ligne s. Les coquillages dont il eft icy parlé, font des Burgalhaos,qui font de petites coquilles lógues,pointués & tournées en viffe.lig l.tant quevousfoyez Mefmelig.1. à la veué. p.9.lig.5.du dernier art.l.Eftant. p ligne $. au licu de [ἘΠῚ 'E(t-Sud-Eft. art. 9. ligne penultiéme , Le parage qu'il e tend cft celuy où les eaux coutent vers le Nord, dont il a efté parlé vn peu auparas uant. art. 10. ligner. pluficurs petitsrofeàux entrelaffez. Le Portugais mastos canigos p. ir. att. 12. ligne 4. &5.1.rouffcaftre; le Portugais porte rminsffz. * E Page 12. art. 18. & 19. il cft parlé d'vn fond nommé Salam, on l'appelle Teignanten quelques ports de France ; on diroit que c'eft dela vaze & du fable qui commencent à fe lier enfemble,& à fe peftrifier : c cft vn mauuais fond; car il a mauuaife renué, i ne laiffe pas de couper les cablesauffi bien quela roche. p. 13 enl’apoftille I. Linfcot, p.15. lig. 2. 1.16. degrez peu moins. art. 8.lig. 10.1. que forment. p.16. art.12. lig 3L. écaillesblanches de Seche :àla fin dela ligne l.& des Vineis. art.15. & ailleurs, Mor ro eft interprete rocher, & en d'autres Terres, & c'eft cette derniere interpretation qu'il faur fuiure;p.17.art.4.lig.3.1.de Sud-Eft & deSud.p.18.art.10.lig 6.l.fe faicvoyes à l’apoftille Laocfte p.20 art.4.lig 11.1.au Sud Oiieft de cette Ifle. art. 6. lig.3. l’origi nalne porte pas du cofté d'Oücft,mais ce qui fuit fait voir qu'ille faut entédre ainfi, page 24. art.1o. ligne 2. lifez s'en doiuent approcher enuiron vne lieué, foit qu'ils. viennent, &c. Aparcelado a eftè interpreté en quelques endroits clair ; mais c'eft proprement vn fond vny &égal. 1 S BA x. Paw) loso TEIXEIRA COSMOCRAPHO. DE Sva MAGESTADE Afez eur Lixboz 1) +0 de 1649 7: | "m ye A " Bassava In? Fin. pP M0. Guo cH PAN مجر ع ها 5; prev lizza Dall | Zangrozomo ERA NME 一 TI 0 à Pai 4 B. de Padua V e [3 * Ve " so achar VEE ae ورور‎ el - 22 bensano ? Ld qll a © Aro ' PRESTE 1040 Y aee ET 4 E de desafio docu A - - e > " Moliguò Se y‏ 9 د م * 0 SU Pro ١ - c Ls de Gute È Sa Tag. 5 von de Ponta i Maldita DIEN , τ ζ = = 2 —— "mun Lis MOSANBIQVE Cds Livi BOrINOCIAL — Tnt e a qui seperdeo | h Ἐξ... 187 9. 过 aFtele | F die AY . E HL Cu USE I Sn Lala m | 7 ἘΣ ΠΝ eio Ono Ro ΕΥ̓ ΤΩ Qr Form ro p ZhoPrco DE ΠΠΠΠΙΠΠῚ HH ANNO COCA AN, ; p Na Emo P? N dorbanhor CAPRI CORNTO E N \ Niza “go nz cit «> Jig ache atrae ال‎ Ponte | | ur MN ΓΗ Ν [DIT CI DIN 5 * WO 38 入 一 -一 -一 一 一 一 一 一 ol oss سلطان‎ OX: Lol ^ 0 —- n ——ss VE BULL. lol sol سلطان سليمشاه ماطانحمود‎ s سلطانعلمشاه‎ alle O سلطا‎ as سلطا‎ coe o oL lo LaL. سلطانباييد سلطانخمد سلطانمصطفي‎ ol opio alla la, | ὧδ OL, Ol ous سلطان‎ احمة‎ Obl, Bt; 2 mca سلطانعثمان‎ doll سلطان اتراهيم‎ ^ اس سس ص سس سب سس م 一 Rico‏ ابوحع رمد القايميامرالله iti, ابوالعا‎ i ssl al à Laos du a ; o allo rat ls sey Bt. E MY a CRISE em احمدالناصرادين‎ RM Ned orales il abati B usui دان رس‎ balai εἶ ble dois ¿ALLA Enola. odd OX. il] محمد غياث الدناوادين‎ plat ΞΕ EE CAF BTE بجاح محمد معزلا‎ pa الدنباوالدين‎ Sas لقاسم‎ "P pe ds LA proe cobi SiL الب‎ E clot: بادشادا‎ B. € dall, ot ie 1 | de غزنوى امين الدوله‎ css lil US ER UU ETE E o ET E : daret declara all p negl وله‎ bassa 1 em pa الدوله‎ cob ابوالفضل ف‎ or ed A Sou Dole ١ الدوله‎ rl, shall, yw ^ I ^ e È Dali, sols AN E x 1 ἘΠ. διό liüésloin d'elle, Baye dela Table. | Cofte de Madagafcar, ye COLLI L'yne des Ifles de Comorro; Terriffement de Madagalio. = ii | $T ES O : (3 ire qe qe code» ICA! n m reris 2 tet lino ata chen VI. “τ us , È n ١ 1 3 ب‎ AR vini 1 » فجي فم بالك ووم بد مر يه‎ rr n qe T. "i. m, nur, t | 4 AR "i M ار‎ een ع‎ one srt 5 Dec. N ἡ 1 ون‎ DNUS GN a ^. Murs. εἰ, p peram rd E ou P TN vemm 1208 mi ù Capo Falco fous ia tarde 35. degrezauS. S. w. e terre double, au def- sbas rerrage. Gros Morro qui fe range on Autre Morro. Teounousauonsterty fous uteur de 33: degrez 2.tiersà E tücsenuirona [ἘΠ du Cap Aiguilles. A 6. liciies dester- 3 sauonstrouué 5o bra(Tes fal gros fond gris & rouge , 82 leuxlicués desterres 40. braf- imme fonds. +Falaife de terres blanches é- sutetoutle long de la cofte. -- ὮΝ vet MD ty 7 πὰς LITT COLTI a A OMA TAN - ta, pe at 0 tm PALLA -— 一 LLLI 1 : f TA "x f CE À ss "در يوا‎ rs لياه‎ zd NI aa. Li + y o Pr apra è 0 S Wc où RCM ul E MA My pere TA UNA hi? 1 x ee din “δ μῶν PE! digi زح‎ o a te du T Ἢ e YS | À ) di A ori lo Ea Wi 7 dus م‎ bis 19 X AE het البرك‎ NT Beet dta iti son ifii it ein, sels ah ^ D Mp MW eoo dd pd A" 4 nM Fr PUSH Nei) عد مفاسف وب‎ à 1 G de Ile de Lencauy. E lurementPolo Canis en eftantà l'Oéft vn quarc Nort-Oéftd elle fous lahau- de6.degrez vntiers N.à enuiron 6. liguésal'Oéft vn quart du Nort-O éltde ail ya moiiillage par toutà l'Oéft &au Sud d'elle, maisla bande du Nord lpasfaine à caufe des baffeg ὁ yn RC RE ÈS LUE Nw.:n: L'Ilede Ste Helcneen ' - eftant à [ἘΠΕ enuiron triffement à la Cofte de Surnatra. neuf ou dix licués, D o Il faut ranger le Cap D pour aller querir l'an- creage. L'Ifle de l'Afcenfion en eftant efloigné de ro, lieües à PW. S. W. Autre vcüe de l'Ile de lAfcenfon, en eltane elloigné de 15. licücs à Iw.S.w. tre Terriffementála Cofte de Sumatra. Veüe de Plfle Pulo Bouton, eftanc à l'w. S. w. d'elle. Sous la hauteur de 6. degrez Nort. Cette Ifle cft à dix hiciies de celle de Queda, auec laquelle elle gift W.vn quart au $. w. V : a^ y * poule i Ww IE E Mgr 7T UM TAI 1 SN) ] y 1 الوم‎ m DN 5 عر‎ LTS رس‎ en le xw ihi 0 L Ta 1 101 xn rod ea i : 215^ σὴ δ Οὔ νος Wbytupnv $50" ME udi noii? cia ‘Lo sb obici unm è Di bue unu M 1303 nif 3 tina bas sa E qure. cb en L'Isle ἘΦ 7 umabra.. À Re na à ; NES y las cartis Hodara 1 UD, Test Tot Est Qt 2 br Figure Ve La Terra Saldagne . br. . فنا‎ E "T 1o br. De : È 2 = : Baye de la Table . gua jd a freno comine Pa naures a Lot. 27 2 c ferr. EVER ch E. m "re PN) de que don: void bien haut al Cat: Nord Eft demoy ٠ 9 ee b ano a. here. terre E 3 i ci pigna de la Fi Pp dy a des falla de terre IE ens a table E : y Figure des premieres terres que nous vifines de l'Ile 3 i : jo aio en eftant à cing lieués de l'OcftSur- = Oéftfous la hauteur de 25. degez & demy. 1 y 0 I i ai n . 7 -- Jr ١ E. un 1 E : 二 4 一 一 一 . 5 | C Figure de noftre — e $ : : premier ancrage > - nr == ^ au Nort du Cap | i amb 1 ax i LI D. Pointe de fable qui reluicà PER. $ Cofte de Malabat; ye p Deux veuësdu | - 1 Capde Como: n- : E. E 7 | m dee 0 trage de la terre de Sumatra du cofté du Nort de Malaca, à 30. lieuësd’Achen S'auons veuë dela forte en eftantloin de 7.lieués fous la hauteur de 5. ἀας m, N. de Mondely. ot ik P 4 sho. MA un fion 5‏ ا wt x copio Yo ne‏ ا ME — b. euh Lo‏ Te‏ X dattitibbbi A gigi iiir E MEMOIRES DV VOYAGE AVX INDES ORIENTALES Du GENERAL BEAVLIEV, DRESSE'SPAR LV Y-MESME. / "ΝΣ | πε: LEE à i . : E . ==] 26. piecesde canon, & 20. prerriers, & la patache l'hermitage de ===». 75. tonneaux, aucc 3o. hommes, 8. piecesde canon & 8. pierriers, ces vaiffeaux aui- tuaillez de tout pour deux ans & demy. Le Ieudy 17. auons veul'Ifle de Madere, & le foir la pointe de l'Occident nous " demeuroit au Sueft : d'Eft en pouuant eftre éloignez enuiron fepr licués. Le 18. au matin la pointe füfdite nous demeuroit au Nordeft enuiron 12. lieuës, auons misle Cap au Sud de vent d'Eft , à ladite route cíperons voir l’Ifle dela Palme: cette Ifle de Madere eft terre fort haute, & d'ordinaire embrunée comme elle l'a efté hier & aujourd huy , de facon que mal-aifement la pouuons-nous remarquer : Dieu nous a fauorifé de beau temps depuis que fommes partis , & en auionsde befoin , tant pour eftre noftre nauire Admiral fort chargé, que pour eftre fon gouuernail tres- rude , & auquel il conuient deux & trois hommes fur la barre, & fi à peine en peu- uent-ils venir àbout; parquoy auons deliberé d'aller au Cap Verdou Tagrin, pour en fairc faire vntout ncuf , ou bienracommoder celuy-cy qui eft par trop chargé de bois, tant pour les doublages, que pour vn exccffif faffran qu'on y a mis à Dieppe, affin que le Nauire fc fentit dauantage de fon gouuernail. Le Vendredy premier de Nouembre auons veu la terre d'Affrique qui eft entre lariuiere de Senegal & le Cap-Verd qui eft terre fort bafle & le riuage fablonnenx, &lefoir eftionsletrauers destrois mottes, cette cofte gift Nord-Eft & Suro-Eft. Le Samedy 2. fur les hui& heures du matin auons doublé le Cap-Verd , & couru le long dela cofte pour attraper la rade de Rufifque ,ou auons veu la releuée 3. nauires à l'anchre, & vne petite barque qui nous eft venu reconnoiftre que i'ay fait venir à i bord, & par iceux entendu qu'ils eftoient de Pequipage du Capitaine Droiier qu'ils attendoient auditlicu , & que les trois Nauiresl'vn eftoit celuy du Capitaine de la Mare de Dieppe, l'autre vne barque de S. Malo appartenant à vn nommé de la Mor- ite, & l'autre vne prife chargée de fel faite par Cattel. Le foir ay fait moüillerà vne portée de canon vers l'eau deídits Nauires, le vent n'ayant permis que puffions ap- procher plus prés , la faifon des pluyesne faifoit qu'acheuer en ce lieu. Le Ieudy 15. auons delibere d'enuoyerla patache aux Ifles des Idoles , pour nous acheter quelques rafraichiflemens,pour ce fujet luy ay fourny quelques raffades & couteaux qui font marchandifes propres pour ledit lieu, & renforçay l'équipage de ladite barque du Capitaine Soyer qui y auoit autrefois efté auec fix foldats, recom- mandant au Capitaine Ridel quicommandoit la patache ne traitter auec les Infulai- Seconde Partie. sA =" E Mardy 2. d'O&ob. 1619. ie fis mettre à la voile mes trois yaiffeaux zon I] (Gauoirà la rade de Honflour le Montmorancy Admiral du port de SA FIRE TI er = ΕΞ | 450. tonneaux, equipé de 126 hommes;22.pieces de canon,dontil y en auoit 6. de bronze,deux fauconneaux de bronze,& 20. pierriers. L'Efperance Vice-Admiralde 400. tonneaux, aueé 117. hommes, Cette Rela- tion a efté imprimée für l'erigi- nal du Ge- neral Beau- lieu. 2 VOYAGE DV GEN. BEAVLIEV resque moyennant oftages, & n’y fejourner au plus que troisiours , ὃς delà nous ve» nir retrouucr incontinent à Tagrin : eftions alors qu'elle nousa quitté parlesto. ! de hautcur ; depuis que fommes partis du Cap-Verd,auons eu peu de vent, & marées portantes au Oeft Noroeft qui nous eftoient contraires: Le 19. fur le midy auons veu les Ifles des Idoles éloignées de nous enuiron 8. lieués à l'Eft Nordeft,auons veu aufli noftre barque ou patache qui y eftoit arriuée plütoft que nous, & couroità terre : Lefdites Iles font par la haureur de 9.degrez : Nord de P'Equinoxial,font couuertes de bois & horsle terrage de Tagrin, font les plus hautes terres quil y ait depuisle Cap-Verd, iufques au Cap de Sierraliona : A la grande Idole qui cft celle qui cftle plusau Sud,il y a de l’eau,plufieurs fortes de fruitage & vo- laille , maisfe faut donner de garde des habitans qui font en bon nombre, & conuient traitter aucceux par oftages : En la petite Idole y a auffi de l'eau, le long d'icelles y a aufli quelques autres petites Iflettes , lefquelles pour n'eftre de confequence, ne font point denommez d'aucun nom particulier , ains e tout s'entend pour les Idoles, dont la plus grande cft celle que les Mariniers appellent grande Idole, & la plus grande: d'apres , petite Idole , & prennenttel nom d'vne riuiere qui cità rie TE letra- ucrsd'elle, ainfi nommée , & n'y a que 3. ou 4. lieuës de chemin; on trauerfe de fon Seconde Partie. $ Cy ١ 20 "VOYAGES DV GEN. BEAVLIEV ze , & auec le vent عل‎ la terre auons appareillé & misle cap au Norocft pour nous pa- rcr desbaffes, qui font de la bande du Sud, puismisle cap au Oeft Noroeft iufques fürle point du ¡our que nous pouuionseftre enuiron trois lieues de la baye, laquelle en cette faifon efttres-affeurée. De prime-face elle paroitt fort defcouuerte , mais les baffesla couurenttant du Nord que du Sud, & n'y aque l'Oeft Noroeft ὃς Noroeft qui y donne direétement; mais ie crois que le vent n’a la force de rendre la Mer beau- coup mauuaife dans cette baye , les riuages faifans paroiftre n'eftre beaucoup battus dcs ondes de la Mer : enfin en 15. jours que nous y auons efle , ie n'ay remarqué feule- ment vne feule nuée en noftre Zenit, & le Soleil fe leuoit & couchoit à l'horizon , les chaleurs n'y ont efté excefliues, eftant temperées par le vent de laterre qui ne man- que de fouffler depuis quele Soleil fe couche, iufques fur les dix à onze heures de matin, & les vents de la Mer depuis ledit temps, iufques à Soleil couchant; tellement qu'ay trouuc l'air en cette faifon parfaitement fain, n'y ayant euaucun des noftres ma- lade , encore que par l'abondance des viandes traifches qu'ils mangeoient ; & l'eau qu'ils beuuoient , i'eftimois qu'ils en receuroient lefalaire de leur intemperance : le pays dans la valée efteres-beau, y ayant de beaux pafturages , arroufez d’vne grofferi- uiere qui rendroit la terre abondante de tous biens fi elle eftoit cultiuce. La Mer enfle cette riuiere àl'emboucheure de dixà vnze pieds de viue cau, tellement que de mo- yens Nauircs y pourroient entrer. Les montagnes font aridesd' vne roche, quiaux endroits ou elle cft cauée paroift comme pierre de Caén, ouautre femblable facileà fier ;mais la fuperficie de ces pierres paroift comme fi elles eftoient bruflées;neant- moinsil y a vne infinité d’arbriffeaux & broffailles qui croiffent dans le plat pays; au- cunsreffemblansà ceux de l'Europe , fi ce n'eft destamarins , dont en y a le plus que i'aye jamais veu ailleurs : Il y a auffi del'ebene & des plantes dequoy fe fait Paloés won meten veffie : defruits,& en ay veu fort peutantentre les mains des Sauuages, que danslesbois. Lestamarins n'eftoient encore meurs, & ray troyué vn autre o reffemblantà vne groffe noix prefte d'eftre meure , ayant l'eícorce ainfi verde, & de la mefme groffeur ; l'ouurant elle a vne odeur tres-fuauc , & le fruit de dedans eft noir & plein de pierrettes comme la caffe fiftule & la pulpe د‎ quafi du mefme gouit & cou- leur, horfmis qu'elle n'eft fi efpaiffe , & crois qu'elle en a les meímes facultez. Ceux de S. Malo enleur premier voyage des Indes Orientales font mention de ces fruiéts, les appellanstambourions, les faifans reffembler à desteftes de Pauot , en quoy nya beaucoup de fimilitude , n’eftoit lors qu'ils font fecs. Entre les mains des Sauuages ay veu quelques petits concombres qu'ils mangent comme nous pourrions faire yne poire, & me femblent meilleurs que les noftres, quantité de courges ou calabaffes , desfebuerolles, de fort beaux pois , quelque peu de ris, & vn feul citron. Les Sauuages font Negres mais tres-beaux , ne fentans la mauuaife odeur de ceux de Guinée, le vifage bien fait, les cheueux plus longs que d'ordinaire n'ont les Negres , & lataille belle & droite, l'humeur bien gaye , & femble qu'ils fe portent beaucoup d'amitié les vns aux autres, obeiffent à vn Seigneur qu'ilsappellent .4prea, qu'ils font entendre refider en vne grande habitation ἃ mon la riuiere , que ie crois cftre autre & plus qualifié que celuy qui S'eft declaré pour tel , & auquel ie fis prefent d'vn coutelas , car ils nous faifoient entendre que leur .4prea auoit efté poignardé de- puis peu de temps, dequoy paroiffoient s’attrifter quand ils y penfoient: Ie n’ay re- marqué en eux aucune brutalité ny inhumanité, & traittoient auec nous aucc beau- coup de franchife & fidelité , ne dérobans aucune chofe quelque efgarée qu'elle fut: ils n'ont faittort àaucun des noftres, encore qu'ils en eufsent aucuncfoisle moyen, lestrouuans efcartez & fans armes. Vn ¡our qu'vn des Preftres difoit la Meffe , af- lez mal affifté encore que i'euffes enuoyé plufieurs pour l'accompagner , y furuin- drent 25. 0 3. aufquels leur ayant fait figne qu'ils s'agenoüillafsent ,ils le firent, le - monftrans refpeétueux iufques à ce que l'Office fut acheué : de Religion n'en ay pù remarquer en eux, encore qu'ils foient circoncis, du moins ne feftent-ils aucune journée de la femaine : Pourla Circoncifion ἃ mon aduis ils la tiennent des Maho- AVXINDES ORIENTALE S. 21 metens, quí traftiquent en cette Ifle;& me fouuiens d'auoirleu dans Oforius, que les premiers Portugais qui y mirent pied à terre, y vinrent fousla conduite d'vn Triftan d'Acunha qui y trouua des Sarrazius , & encore pour le prefent annuellement ceux de Melinde, Mombaze & autres Mahometans habitans le long de la cofte d'Ethiopie, viennent en cette Ifle du cofté du Noroeft , où ilsont vn trafic inconnu; ce qui me fait inferer que les Sauuages de cette baye , peuuent auoir eu depuis long-temps la Cir- concifion , & à prefent ont oublié l'inftruction. Leur langage à l'ouie paroift affez coulant, le prononcans auec beaucoup de facilité ,en voicy quelques mots , fpeciale- ment de leur compte qui ne paffe dix. - raga Anrea Roy, ou Seigneur. limba veftement. 2.roiia -Agoure mouton meina. Raflade rouge, de requife, 3. telo Anbos bois meleck lai&. 4. effad Agomba vache cor le nez. lime Caho garcon ranow eau de Mer.‏ .؟ ennin£ coha, ou rochoa fille foo miroir.‏ .6 7-frusto fun poiffon faba cuiure.‏ 8. vuvullo hanrow le ¡our farrana eau douce. 9. finay hamman manger offa cabrit. 10. foulo lcffo Affagayes ou Dardilles Voang gros pois. lacca canot ou bateau volo — cheueux. Vucou — Argent. wuoloula plomb. enger teinture reffemblate à indigo,ou Anil pour par la couleur non la forme. Rango grande habitation par eux ainfi nommée qu'ils difent eftre dans le pais. chelon forme de gingembre , felonaucuns fafran des Indes. Vij. grands coutcaux de leur facon. 3 De leurs femmesnon plus que de leurs habitations n'en fçaurois que dire pour ne lesauoir veues : àucunsdes noftres m'ont dit qu'ils laiffoient leurs femmes à enuiron vnc demie lietie dans les bois du lieu où ils venoienttraffiquer auec nous , & qu'ilsen auoient veutrois ou quatre qu'ils difoient trouuer belles, couuertes depuis le fein iufques aux genoux d’vne toille de cotton rayée de diuers couleurs, les oreilles.per- cées en plufieurs endroits où péndoient plufieurs ioliuetez & quancité de coliers & bracelets : apres donc auoir feiourné en ce lieu enuiron 15 iours & fait raccommoder noftre beaupré, fait porter le grand matt dela patache trois pieds auant, fait net- toyer les Nauires , & couroyerle plusbas poffible, empli nos fuftailles d'eaux douces, nouseftre fournis de bois, fait alliance auec les habitans , eu d'eux enuiron vne dou- zaine de boeuts , deux douzaines de moutons que cabris , autant de poules, & quan- tité de lait pour la valeur d'enuiron dix efcus , fommes partiscomme eft dit cy-deuant de cette baye de S. Auguítin fituée en l'Ifle Madagafcar , ou S. Laurens, fous le tropi- que de capricorne de la bande du Oeft, qui eft vingt-trois degrez trente minutes, en- core qu'àl'ancreage ou eftions y ait cinq minutes moins & l'aiguille y Norocite quin- ze degrez quarante cinq minutes; autres y trouuent feize degrez : En cette baye fe Var. 15 4. peíche auffi quantité de diuerfes fortes de poiffons , tant à la feyne qu'à la ligne: en Eo. fin Ceft vnlicu bien propre pour fe rafraichir des fatigues dela Mer, & qui ne ferui- roit moins que Mozambique aux Portugais , qui auroit vn traffic affermy ou enuie de Paffermir dans lesIndes. Toute la iournée auons eu calme ou fort peu de vent, & à ¡our faillátla Baye nous demeuroit au Sueft;quart d'Eft efloignée de nous enuiron dix lieües, & àl'Eft nous paroift vne autre Baye ; mais pour eneftreefloigné d'enuiron fix lieües nela pouuons bien remarquer :Ia cofte gift Nord & Sud tant que noftre veué peut eftendre toute plane & vnie & haute comme les coftes marines de Picar- dic, Normandie & Bretaigne : Auons eu vent de Sueft & Sufueft fait le Noroeft ὃς Seconde Partie. s Ci 22 ^ VOYAGE DV GEN. BEAVLIEV Norocft quart de Nort , pour nous parer des bafles de Iudée, ce que nous fifines le Samedy 6. dc Iuin , apresauoir fait le Nordnoroeft & le Nord, عاعة‎ Mardy neufiéme auons veu la terre ferme d'entre gofala & Mozambique , & la nui& faifant le Nord-Eft + d'Eft pour nous valoir le Nord-Eft , pouuans cftre par la hauteur de 17, degrez dix minutes د‎ euflions couru rifque d'vn malheureux naufrage , pour eftre en cet endroit nos cartes mal baíties, fans noftre patache à qui i'auois donné ordre le foir de faire fonde deuant nous, & que fi elle auoit apperceuance ou rencontroit aucun - danger, qu'elle fit fignal de trois feux , ce qu'auons apperceu durant la troifiéme or- loge du dernier quart, qui eftoit enuiron vnc heure & demie auantiour; que fi ne l'euffions fujuie d'affez loinjlors qu'elle nous fit fignal,euflions infailliblement abordé vnc batture , car le Nauirc fut fort long à virer , & en approchaímes bien prés , ayant viré ὃς efté parez d’icelle , ay fait moüiller Pancre attendant qu'il fut ¡our , lequel ne tarda guicres à venir, & veu que c’eftoit vn fort petit Iflet, qui n'eftoit qu'à vn quart de licué de nous, ayant vne grande batture vers l'eau de luy , faifant quafi la figure d'vn demy cercle, contenant bien vne lieuë, lequel Iflet à mon jugement ne peut auoir mille pas de circuit, ayant quelque broffaille ὃς verdure deffus , qui paroift peu àl'occafion de deux hauts arbres ioints enfemble qui font ala pointe du Oeft de la- dire Me, & au Oeft Noroeft d'iccluy qui cft versla terre ferme , y ena encore va autre enuiron de la mefme grandeur Fort bas & tout couuert d'arbres, puistant que la veué nous pouuoit eftendre voyons deuant & à cofté de nous la terre ferme qui pouuoit eftre efloignée du premier Iflet contre lequel nous eftions d'enuiron quatre lieués , paroiffant au Sorocftterre haute comme pourroient eftre les coftes de la baye S. Auguftin , le rivage fablonneux , & le dedansde la terre couuert de bois, & au Oeft enauant versle Nordlaterre baffe , auec de fort grands arbres deffus , tels qu'il paroiffoit qu'ils fuffent plantez dansla Mer; ie fus bien eftonné de voir la terre fer- me fi proche, ne m'y attendant pas, croyant que la cofte deuft aller à peu préscom- me elle eftbaftie fur les cartes, mais y a beaucoup de difference tant aux hauteurs, qu'à la fituation, ce qui fut caufe de nôtre etreur ; car ayanthier aufoir reconnu la ter- re ferme , &lesIfles, que fuiuant noftre hauteur eftimions eftre celles que les Por- tugais appellent Primeiras, & icelles nous demeurans au Ocft enuiron trois lieuës de nous , & regardans fur les cartes la route que nous dcuionsfaire la nui& , nous trouuafmes que de ces Iles iufques à vne baffe qui eft marquée fur nos cartes, à enui- ron douze lieuës vers l’eau de la terre ferme, qui eft par les feize degrez 1& qui eft marquée bien grande , le chemin n'eft que Nordeft & Sorceft, & des Ifles Primej= ras ,laderniere eftant marquée par les 17. degrez plus de dix lieués vers l’eau, cela nous fit refoudre de fairele Nordeft 7 d'Elt, puis qu'au Nordeft on euft paré de ladi- te baffe ) fuiuant la carte s'entend ) tellement que comptant qu'eftions vers l'eau cou- rans à ladite route , nous iugions de pouuoir approcher de ladite battüre plus proche que و1116 دعل‎ Primeiras , le trauers defquelles nous eftions, mais il en va bien autre- ment, car cesIflesPrimeiras ne font qu'à deuxou trois lieuës deterre ferme , & d'i- cellesla cofte refuit à [ΕΠ quart du Nordeft, ce qui nous trompa ; car quand nous vifimes ces Ifles, croyans queles cartes fuffent bien bafties, & qu'elles ne fuffent fi auancées qu'elles fontny nousnon plus, c'eftoit ce que craignions moins que la terre ferme, ny aucunes baffes , ou Ifles en la hauteur de feize degrez è comme efperions d'eftre le matin , n’y en ayansaucunes de marquées le long de certe cofte finon celles d'Angoxa , mais elles font par lesr6. degrez , fçauoir la plusau Sud , neantmoins nous nous vifmesle matina terre d’vne Ifle & de quelques autres qui fe voyent tou- tcs d’vne filiere diftantes l'vne del'autre de lieué ὃς demyc à deuxlieües , lefquelles ie ne peux iuger eftre autres que celles d'Angoxa ; qui font par les 16. degrez = comme auons prins hauteur ; feroit deux tiers de degrez de difference, ou faute qu'il iroit fürles cartes n'eftans pofées que parles τό. degrez. Ayant donc reconnu à l'entour de nous & auoir eu quelques conteftations fur la diuerfité d'opinions quelles Ifles fe pouuoient eftre, les cartes ne pouuans en cela nous mettre d'acord AVX INDES ORIENTALES. 24 pour n'y auoir en cét endroit nulle bonne conftruétion en elles ; me fuis réfolu ne tarder la dauantage, parquoy ay fait fignal à la patache d’apparciller & ayant recon- nu que pour fortir de cét endroit n'y auoit autre chemin que paffer entre les deux Ifles , luy ay ordonné de marcher deuant & fonder , & s'il faifoit feur de patler par là » qu'elle mift fon enfeigne hors, que fi il y faifoit mauuais qu'elle arriuaft pour pafler de terre de l'autre Ifle : peu de temps apresauons leuc l'ancre & appareillé pour fuiure noftre patache & paflé fort prés de LIflec où eftions encores ; il cft (ain du cofté de terre ferme , faifant auec la batture qui eft vers l'eau vne fort belle rade ou n'y anulleleuée & beau fonds de fable vafeux de 10. & 12. braffes, & auons paísé rangeantla batture fondans de το. à 13. brafles ; auons veu que la patache auoit mis fon enfeigne hors , parquoy auonsappareillétoutes voiles, & misle capà VE Sueft le vent eftant Sud à Paccouftumée, bon frais & beautemps : à ladite routte nous fommes auffi parez du fecond Iflet graces à Dieu; ila auffi vne batture de la mefine facon que le premier; & pluslongue, & ne doute nullement qu'il n'y aitauffi pal fage entre luy & la terre ferme , ny ayant remarqué aucuns hauts fonds ne bri- fans. Ce fecond Iflet pafsé en auons remarqué encore vn troifiéme de la grandeur des autres, couuert d'arbres , qui me fait affeurer eftre les Ifles d'Angoxa, joint que laterre ferme fait vn grand cul de fac , & que la cofte ne gift qu'Eft & Oeft. Le lendemain τι. c'eftoit tout ce que. pouuions voir que la terre au Noroeft de nous; que fi lescartesauoient efté bien bafties ne la pourrions voir dutout, car eftant baffe comme elle eft, n'en fommes à plus de fix lieües, & fuiuant lescartesen de- urions eftre a plus de 20. A midy auions moins de 16. degrez de hauteur ; ayans fat depuis hier au foir le Nordeft quart d'Eft, & à cette hauteur fommes parez du de- troit de Juan de Noua, & de la terre du Sud de Mozambique, ὃς drefsé noftre nauiga- tion ou coursau Nordeft pour trouuerles Ifles de Comorro, ce qu'auons fait le Sa- medy au (oir 13. de ce mois, ayans eu connoifsance d'vne d'icelles qui eft fort haute, & paroit autant que l’Ifle de Madere : fommes deliberez la pafser par la bande de lE. i Le lendemain matin en auons apperçeu vne autre qui n’eft fi baute , & nous de- meuroit au vent ,clle s'appelle la Majotte abondante en toutes fortes de victuailles & fruiétages, ie defirois tarder 2. ou 3. ioursen l'Ile de Comorro pour auoir quel- ques ris & legumes, dequoy auons befoin ; peut auoir diftance entre Majorre & cel- lc ou ie pretens aller dix licücs de diftace,& font eftablies Nordnoroeft & Sufueft. Le foir eftions proche de la pointe du Sud de Plíle de Comorro qui cft la plus proche de laterreferme de Mozambique :le lendemain cherchay ancreage le long d'icelle;ce que n'auons pú trouuer encore qu'elle Íoit habitée tout le long duriuage; cette Ifle elt fort fraifche , & fa hauteur attire grand nombre de nuages,quife creuants con- tre,la rendent fort humide , & par confequent pleine de verdure; d'en haut fe void defcendre pluficurs ruiffeaux d’eau, quià mon aduis font caufez par les continuelles vapeurs qui samafIent au haut, & ne fourdent de la roche. ; Le Mardy 16. au matin eftions le trauers de la pointe du Nord de ladite Ifle, & auons fait hier depuis la pointe du Sud iufques à celle-cy i5. à 16. lieuës qui eft lalon- gueur de l'Ifle; quelque peu apres auons apperceu que noftre batteau, que rauois fait mettre hors pour chercher Pancreage, nous faifoit fignal d'auoir trouue-fonds; ce que faifoit auffi la patache qui le fuiuoit , parquoy auons approché de terre,noftre bat- teau a couru versl’eau pour y faire auancer la patache , mais quand il a penfé y retour- ner, la marée qu'en cct endroit 2110135 trouuce fotte, l'ona mis auautle vent, comme auffi noftre patache , & nous, faifant route comme eux , en auons fait de mefme:ledit ancreage eft dans vne petite anfe de fable , & fe découure auffi-toft qu'on a doublé la pointe du Nord, il paroit comme quelque vieil chafteauruiné ; & audit ancreage y a 6. braffes d'eau fonds de fable , mais ne 人 plus éloigné qu'vne portée de moufquet deterre , & fi crois qu'il n'yait place pour deux nauires: auf tof qu'on a doublé la pointe de ladite anfe , qui eft vne groffe butte de terre, on treuue vne habitation ou I 24 VOYAGE DV GEN. BEAVLIEV paroiffent des maifons faites comme celles des païfans de noftre pais : nous penfafmes fürgir vis à vis, leshabitans nous en faifans fignal , &trouuafmesfonds à $9.40. puis” 30.braffes fonds de roche & tout contre vn haud fóds, qui brifoit terre de nous;ce qui. nous fir retirer & fifimes vne bordée vers l'eau penfans rattrapper ladite anfe de fable & couruímes aucc bon frais iufques à midy 5» mais ne gagnions rien vers l'eau & tom- bionstoufiours au Oeft, parquoy recouru à terre où auons trouué calme, qui ma oc- cafion né de faire reuenir incontinenr le batteau & quitter cette Ifle;detefperant y trouuerancreage :comme nous attendiósle vent pour nous retirer d'elle ;remarquaí- mes que la marée nous portoit le lóg de lacofte auOeft fur vne pointe;oü nous paroif | foit vne roche vers l'eaujmais nous aprifmes que c'eftoit vn nauire; ie fiséquipper la | [cutre auec ro.Moufquetaires foubs le commandement de Monteurier,afin qu’il allaft | reconnoiftre ce Nauire, & qu'en paffant il commandaft ala patache de le füiure, qui à l'heure venoitde tirer vn coup decanon pour nous en aduertir; quelque peu apres eft venu à bord noftre grand batteau , où i'ay fait mettre deux cfpoirs de fonte & vingt moufquetaires, & donné charge au Patron Beruille qui commandoit de- | dans, de me venir incontinent aducrtir s'il y auoit ancreage ou non, là où eftoit le- dit nauire: für cela y aeubon frais du Soroeft, & auons louié à petitesbordées, & ا‎ encore que le vent vint du lieu ou eftoit le nauire, neantmoins la marée nous portoit | toufiours vers ledit lieu; quelque peu apres auons veu que noftre fcutte áuoit abordé ledit nauire, encore que noftre parache & le batteau en fuffentbien efloignez; ce qui m'eftonna n'ayant donné charge audit fieur de Monteurier que de reconnoiftre & non d'aborder : fur les trois heures de releute eft reuenu noftre batteau amenant quant & foy deux Arabes, defquels ay fceu que ce nauire eftoit de la Mecque & pouuoit eftre du port d'enuiron 4o. tonneaux, & qu'ils eftoient de l'efquipage d'ice- luy , l'vn en qualité de Pilote , & l'autre de maiftre ou principal manouurier , & qu'ayant entendu quil y auoit nauires le long de l'Ifle ils auoient tout defchargé à ter re craignant que ne fuffions Holandois , m'apportoit auffi de la part du Roy deux lettres , l'vne d'vn Capitaine Anglois nommé Nathaniel Martin ; dattée du 18. d'Aouften l'an 1616. & l'autre du General Bannar du 8. d'Aouft 1618. lefquelles fer- uoient comme d'atteftation vers ceux deleur Nation; qu'ils ancient recouuert ic | diuers rafraifchiffemens , fpecialement de fruits, mais peu de beftail, & le Capi- taine Bannar n'y auoit point recouuert aucune eau, aduertiffant qu'on regardaft de contenter les Infulaires qui fe monftroientaffez amiables, & que fion lesmefcon- tentoit , ils pourroient caufer bien du mal, & que la thoile & le papier leur èftoit marchandife bien propre. Comme ie demandois au Pilote Arabe ( qui parloit quel- que peu Portugais ) ou eftoirl’ancreage, & qu'il m'eüt répondu que c’eftoit au vent de leur Nauire : Le maiftre me dit qu'encor qu'il fceutfortbien ou eftoit l'ancreage, ncantmoins pour plus grande feureté feroit expedient faire venir vn Pilote de terre, àl'occafion que ceux de l'Ifle eftoient de grands forciers, qui difpofoient du vent à leur volonté; de forte que l'ancreage cftant difficile, entant que quand on a trouué beau fonds, il conuientlaifser tomber l'ancre àl'inftant pour y auoir pluficurs hauts fonds & rochers tout à l’entour, qu'iceux en cette 4 faifans changer le vent, nous pourroient mettre en quelque peril, & s'offroit de nous en faire venir vn, pourueu qu'on le portátà terre, & que pour afseurance nous laifseroit fon compa- gnon en oftage , ce que ie luy accorday , & fis à l’inftanr equiper le bateau qui reuint enuiron vne heure apres midy auecle mefme Arabe & deux Infülaires, qui font Ne- gres; lefquels nous mirent deuant Soleil couché à l'ancreage , ou plus d'vne heure avant noftre patache auoit moiiillé fans Pilote; neantmoinsie ne laiffay de contenter les miens : Pour les Arabes ie lesaffeüray que ce n'auoit efté aucunement mon inten- tion, que de me vouloir approfiter de leur nauire , que ie ne defiroisautre chofe finon qu'ils m'aidaffent à me faire auoir ce qui me feroit neceffaire de ladite Ile en payant, que pour affeurance de cela ie lesalloisfaire remettre dans leur vaiffeau , & retirer les miens » qu'ils difent au Roy queie ne vouloisrien auoir de luy ny d'autres que par trafic AVX INDES ORIENTALES. 25 traffic, & que ¡eluy voulois faire vn prefent, pour luy tefmoigner que les François eftoientíesamis. Ledit Arabe meremercia, difant que fa fortune dependoit de moy, deluy donner & lesbiens & la vie, que pour le fait de nous feruir و‎ ille feroit auec toute diligence , me priant d'efcrire vn petit mot de lettre au Roy , ce que ie fisfaire en E{pagnol, affin que s'il y auoit là quelque Portugais, il luy en fit entendre le con- tenu. Ie renuoyay lefdits Arabes à bord de leur Nauire, & fisreuenir monfieur de Monteurier & ceux qui l'affiftoient. Le Mercredy 17. le Roy m'a enuoyé vnde fes principaux confidens m'affeurer qu'il auoit tres-agreable noftre venue en fes terres , & m'offrit toute afliftance & fecours de ce qui croift en fon país. Ie leur fis bon accueil, leur donnant au partir quelques coufteaux façon d'Angleterre qui leur eftoient fort agreables, & lors qu'ils defirerent s'en retourner , enuoyay Monfieur de Monteurier accompagné de 7. ou S.foldats pour faluerle Roy, le remercier de Poftre qu'il me faifoit, de laquelle غ1‎ me tenois grandement obligé, qu'en recompenfe ie le feruirois en ce qu'il luy plai- roit me commander, & le prier d'accepter le petit prefent que ie luy enuoyois, qui -eftoit vn coutelas Ia garde argentée, vne paire de fort beaux coufteaux , vne rame de papier , & vn miroir ; ce qu'il eut pour agreable, difant à monficur de Monteurier, que ie pouuois difpofer de fa terre , comme ἢ elle eftoit mienne , & commanda à ceux de fon obeiffance de traitter auecles noftres, & m'enuoya pour prefent vn cabric "auec quelques fruiétages. Au partir de chez le Roy monfieur de Monteurier fut voir le Capitaine Arabe qui eftoit malade , auquel ledit fieur fit entendre mon intention, de ne luy faire aucun ennuy ne dommage; qu'au contraire s'il auoit affaire de quel- ‘que chofe qui fut fous mon pouuoir que ie l'en affifterois ; que ie le priois feule- ament de m'acheter à terre quelques rafraichiffemens, dequoy ie luy en enuoyois vn memoire , & que ic luy enuoyeroisles marchandifes quil me diroit eftre propres pour les payer ; Il fit refponfe qu'en ce que ie le voudrois employer, il rafcheroit par tous moyens de me donner contentement , & que de ce qui eftoit en fa puiffance, comme du Ris , il m'en fourniroit quand ie voudrois , mais que pour le refte, eftant chofe de la terre qu'il luy falloit du temps pour l'amaffer , veu qu'auec ces Ne- gres cy, on ne pouvoir conclurre vn marché de demie realle en vne iournée , eftans de ce naturel : que s'ilsontaffaire d'vne coudée de thoile, ils ameneront tous leurs parents, amis & voifins, pour confulter fi ils la doiuent acheter, fi elle eftbonne , & àraifonnable prix, & conuient que vnanimement ils demeurent d'accord qu'elle eft bonne & à raifonnable prix, & par confequent qu'il la peut acheter : d'autre cofté ayant dés hier enuoyé le Portugais àterre auec Raclau qui y auoient couché, cux - eftansde retour, maducrtirent qu'il y auoit enuiron trois ans qu'il s'eftoit perdu en ladite Ile vne Caraque venant de Portugal, & qu'il couroitencor beaucoup de rea- les entre les mains des habitans, qui eftoit caufe qu'ils ne faifoient aucun eftat defdi- tes realles; & de faitie voyois à bord que nos foldats & matelots traittans auec eux des fruiéts dequoy apportoient grand nombre , n'en pouuoientauoir pour de l'argent, mais pour du papier , thoille blanche & coutteaux , auoient auffi-toft conclu de mar- ché, m'aduertiffoient auffi qu'il me falloir plusde 15. iours pour auoir deux pippes de pois que ie demandois ,nonobftant celaencor queje n'euffe deffein d'y tarder plus detroisou quatre jours, ne laiffay d'enuoyer au marchand Arabe des marchandifes, afin de commencer la traitte. - Leleudy 18. fur le midy a paru parla pointe du Oeft deux Pangayes ou Nauires du país, parquoy ay incontinent fait appareiller le grand batteau pour leur coupper che- min, & la patache pour les faire moüiller proche de nous, ce que le grand batteau a faiten peu detemps; & ayant fair venirles Capitaines qui eftoient Arabes, & leur ayant demandé d’où ils venoient, me dirent dela Maoutre, ou Majotte , Ifle qui eft à dix ou douze lieuës au Sud de celle-cy , qu'ils eftoient chargez de ris & de taffaige ou chair fumée, & qu'ils alloient à Lama lieu proche de Mombaze d'oü ils eftoient : Ic leur dis que i'auois affaire de vi&uailles & qu'ils m'en affiftaffent , ce qu'ils me Seconde Partie. sD Var. i5. d. NO. 5 26 VOYAGES DV CAP. BEAVLIEV |; promirent de faire , parquoy les ay laiffez aller à leur bord , & le lendemain fis venit des deux Nauires ce que rauois befoin , comme ris, pois, chair de bœuf & taffaige , & m'en fuisfourny pour enuiron 4. mois ; ces nauires en eftans entierement chargez,. fpecialement de ris en colle & beaucoup d'efclaues: cette commodité m'eftant furue- nué inopinement n'en voulus perdre l'occafion , fans m'attendre à ce que ie pourrois acheterá terre, ce qui ne pourroitcftre fans beaucoup tarder, encore que ie n’eufle. demandé que fix pippestant de ris, pois ,quefeves, & que i'efperois auoir en deux jours, & neantmoins depuis deux iours que ‘ay donné ordre de les acheter و‎ ne sez ftoit encore du tout rien fait ,ie commençois d'entrer en foupçon de la mefchancere deshabitans de cette Ifle , & ce qui m'y confirmoitle plus, eftoit que depuis hier ras uois remarqué vne longue pointe de rocher ; trauers de laquelle eftoient ceux quí nous faifoient fignal à terre ; auec vn drapeau blanc, lors que nous cherchionsancrea= ge; que fii'euffe fait mettre le Cap où ils nous faifoient ledit fignal , indubitablement: nous nous fuffions perdus fur cette pointe & ie croisqu'afriandez du naufrage de caraque , ilstafchent par tous moyens que pareil fuccez aduienne aux Nauires quiap= procheront de leur cofte. : Le Samedy 20.ie penfois recueillir des eaux ἃ terre ,maiseftans demy fallées ou fü- maches , les ay laiflez là, joint la difficulté qu'il y a de les embarquer, à l’occafion de la groffe vague , & du dangereux ancreage pour les Nauires , eftans fort proche des bri- zants , & le vent ayant ce iourd’huy Amari, ou venu de la Mer de deux rumbs de vent plus que de couftume,cela m'a fait reloudre de leuer les ancres pour fortir demain d'i- cy, auec la grace de Dieu; ainf jay fait reuenir les marchandifes que. i'auois ١ àterre. Parmy les incommoditez de cét ancreage fe trouue deux commoditez en. ce temps, l'vne que la marée porte toufiours au vent, maisen forte que le nauire; - quelque temps qu'il face, a fes amares molles ;l'autre que toutes les nuiéts le vent territ & ainfi auons calme ; fans cela n'oferions auoir tardé icy vne journée, & new confeillerois à perfonne de venir moililler Pancre icy,encor que d'autres que nous | y ont fejourné; mais ie trouue qu'vn lieu ne fe doit choifir pour fe rafraifchir où ya | manque de bonnes caux , joint que les chairs & fruits font icy difficiles ἃ traitter, | les habitans eftans deux heures à faire vn marché de cinq fols i'entens que la Major». re eftbien plus commode, y ayant quantité de bonnes eaux & autres rafraichiffe- | mens plus aisés à recouurer qu'en ce lieu, mais l’Ifle eftencore toute enuironnée de“ battures , & l'ancreage eftau Nord, ou il faut auoir biendela vigilance pour s'y met- tre , maisaufficít-il fans comparaifon meilleur que celuy-cy. Les Capitaines Arabes m'ayansenquis où ie defirois d'aller au partir d'icy , 82 m'eftant informé de leurs pi- LI lottes des faifons aufquelles reignent les tempeftes en lacofte de Malabar, & ayant | dit aufdits Arabes que ie defirois doubler ce Cap de Comorin, m'auertirent vnani- M mement qu'il me conuenoittarder en quelque lieu que ce fut, fix femaines de temps i x MM Emo ope premier que de me mettre en effe& de m'acheminer vers ledit lieu, & me confeil- | loient d'aller paffer ce temps en l'Ile Socotora;i'offrisparty à vn deídits Pilorres,mais | faifant difficulté fur la difference de Religion, &l'vfagedela chiar de porc parmy > nousautres, ne le voulus emmener outre fon vouloir,encore que j'en cuflescu bien J de befoin, pour nousenfeigner l'ancreage de cette Ifle. Jj Le Dimanche 21. désle point duiour auons deshallé de cet ancreage , & en eftions parez à feptheures de matin : cette Ifle de Nangafiia parle milieu eft fous la hauteur de 12. degrez au Sud de l'equinoxial, & à l'ancreage ou nous eftions, parles onze de- grez -quieftle bout du Nord, ὃς s'eftend droit Nord & Sud, ayant quinze à feize licués de long, & enuiron trois ou quatre de large ; l'aiguille y varie quinze degrez au Norocft , eft haute parle milieu , comme pourroit eftre Madere; nous en auonstour- noyé les deuxtiers,& n'y ay remarqué autre ancreage que celuy ou nousauons pofé, qui eft dela bande du Nord , tirantau Noroeft : il ne s’y void que fort peu de Ro- ches,encores fontellesbien proche de terre;mais à l'ancreage y a des fayes qui pouf. fent bien hors ou n’y a de baffe eau que deux pieds d'eau en quelques endroits, & en A AVX INDES ORIENTALES. . 35 d'autres vingt braffes tout fonds de roches و‎ comme celuy qui eft eftimé en France pour faire des grottes ou fontaines , & s'y entrouuent de fort belles : à vne portée de piitoler de ces cayeseftlàou on ancre à 25. & 50. braffesfonds de fable, qui eft dan- gereux ancreage , & ou ¡e ne metenois guieres affeure , & cft difficile à trouuer à des perfonnes qui n'y ont iamais efté. L'Ile paroit fort belle, fpecialement par le cofté du Nord: la montagne eftant aifée auec plufieurs groffes buttes , entre lefquelles y a diuerfes fortes d'arbres, & au pied le long dela Mer, paroiffent ( fur vne grande an- fe de fable; laquelle eft la plus grande que nousayons veuéen cette Me ) quantité de maifonsfous vn grand nombre d'arbres qui portent les cocos , & plus au dedans des bananiers , orangers & citronniers qui y fonten grande quantité & de diuerfes for- tes; l'vne deíquellesfcauoir des oranges font petites , bien douces & agreables, ap- prochantes en forme & faueur à celles de la Chine , que ie crois eftre les meilleures que laterre produife. Les habitans font Negres, & nomment cette Ifle Nangaziia: Ils ne font fibeaux & bien formez comme ceux de S. Laurens , ils font Mahometans tres-zelez enleur Religion, aufli leur eft-elle nouuelle : Ils font tous marquez d'vii fer chaud aux temples, ou proche d'icelles, & au milieu du front. Il y a quatorze ou quinze Roys ou Roytelets en cette Ifle , dont celuy de l'ancreage cft le plus puiffant & mieux allié : Ils fe fonc la guerre pour fe rendre efclaues les vns des autres, qu'ils vendent aux Portugais & autres nations : Ils ne fe battent qu'à coupsde pierre & à coups de bafton bruflez par le bout, & auec du fable qu'ils fe jettent aux yeux les vas des autres, & peud'iceux ont des armes, fi ce n'eftle Roy, encores en 2-11 bien peu, ileftoit bien âgé & maladif : Les Anglois luy ont donné parle precedent quel- ques arquebuzes à fuzil & piftolets , dequoy fait grand eftar: Ils trouuent fort eftran- ge & ridicule de voir vn homme vriner debout, & quand ils en apperceuoiuent quel- ques-vns desnoftresen cette action , ils luy faifoient vne merucilleufe زع غتاط‎ hors ce- la ils fe montrent aflez refpectueux & bonnes gens; ils font routefois eftimez grands forciers. Les Nauires Arabes qu'ils appellent Pangayes font baftis d'vne eftrange façon; les planches n'eftans clotices ne calfadées commes celles de nos nauires, mais - coufues les vnesaux autres auec du fil, fait d'efcorce de cocos,& gondrannées ou poit {6es par deffus la coufture,aufli font-ils beaucoup d'eau, & il y a continuellement ς. ἃ 6. períonnes à vuider l'eau , & faut qu'ils prennent bien leurs faifons pour naujger ; ayanttoufiours vent derriere : car ils ne pourroient prefter le cofté au vent, sil fur- uentoit quelque peu : Ils ne font rillacquez, & peuuent porter so.à 60. tonncaux. Au fortir de cetterade nous aucns misle cap au Nord Nordeft, & auons trouué de fort grandes marées à l'échappée despointes, qui portoient au vent qui cft Sufuroeft. La nui& nous auons veu vne autre Ile bien haute à tiebord de nous, qui doit eftre cel= le qui eft nommée fur les cartes de Iuan de Caftroual , ὃς elloignée de 15. licués au NordEft - de Nord de celle d'où nous fommes partis ce matin. Le Dimanche 28. auons 2116م‎ l'equinoxial pour la deuxiefme fois fans grains, ne pluyes , ne calmes, qui valent la peine d'en parler , ayanstoufiours cu depuis que fommes partis de l'Ile cy-deflus mentionnée grand vent de Sufuroeft: Le Mardy dernier de Iuin a commencé à venter Oeft Surocft grandtemps & conuenu mettre les huniers dedans. Le Mercredy premier de Iuillet le grand vent a continué, & tel que n'ayant que le Borfet & Baupré deparcillé , auons fait ss. licués en vingt-quatre heures, qui nousa fait connoiftre y auoir de terribles marées le long de cefte cofte , qui vont auaut le vent comme nousen cftions apperceus du precedent, mais non de fi vchementes ; nous auons couru à terre de peur de nous dépoüiller d'elle, & l'auons apperceué fur les quatre heures de releuée paroiffant comme celle de Barbarie : certe cofte paroift faine & fans roches , & porte fonde de bienloin ; car nousen eftimans à plus de trois lieués ,trouuions fonds à trente braffes beau fable blanc. - Le Ieudy 2.de Iuillet auons mis à la cappe fouftenant contre le vent ,efperant qu'a- pres cette nouuelle Lune le temps fe modereroit, mais parla hauteur qu'auons prife ; Seconde Partie. s Di 28 VOYAGE DV GEN. BEAVLIEV trouuons que la marée & la driue nous ont fait faire 58. lieués, encor que foútinflions ala cappe la nuiét vers l'eau , & le jour à terre , qui eft vne chofe émerueillable. LeSamedy 4. nous fommes treuuez le trauers du commencement des terres qui courent Nord & Sud en ladite cofte ; qui eft marquée fur lescartes parla hauteur de dix degrez , & nomme cap d'orpin , ayans trouué fonds auonslaifsé tomber deux an- cres; I'vn defquels nous atins encore qu'il ventát furieufement; nous auons inconti- nent affalé nos mafts de hunc , &ajufté 6. cables en deux amares pour mieux tenir, attendant que ce coup de vent fut paíse : la patache a auífi ancréà diftance de deux ca- bles au vent de nous. Le Mercredy 8.depuis que fommes ancrez en ce lieu la tourmente a toufiours augmenté, & ventoit de telle façon, fpecialement fur le haut du iour , qu'vn homme ne fc pouuoit promencr fur letillac , & eftoit à toute force que de pouuoir paíler de Parriere auant du grand maft; mefine il y en auoit qui n'y pouuoient paffer ; tellement qu'auons filé plus de 180. braffes de cable fur chaque ancre, & affalé nos matts de hu- ne tout bas, & mis le furain dans les hiines, les verguestrauerfées de long, en forte que nous n'auons oublié de pratiquer toutes inuentions humaines pour tenir à l'an- cre , car cestempeftes ont donné l'efpouuante aux pilotes, & fpecialement au pilote Metays, qui s'imagina que fi noscables ouancres failloient , qu'eftions infaillible- ment perdus. Le 13. fur le midy ay enuoyé à la parache noftre batteau, auec vn ancre & vn cable quia eu bien dela peine à l'attraper , encor qu'elle fut à vne portée de piftoler de nous, auoient perdu deux ancres , & leurs cables eftoient couppez au fonds fur le rocher, y en ayant, là ou ils eftoient premierement moüillez; comme ils ont eu lef- ditsancres & cables, ont mis leurs mafts de hune fur le tillac & leué l'ancre moyen- nant l'affiftance de 12. des meilleurs Matelots de ce nauire, que ceux du batteau leur ontlaifsé pour appareiller , & louier afin de courir plusäterre , mais n'ont peú rien agner , tellement que le foir ont efté moüiller l'ancre enuiron deux licués versla pointeduOeft. — Le 14.15. & 16. a venté encore plus fort que de couftume, ce qui m'a donné de grandes apprchenfions , craignant que la patache ne peüttenir, & n'ayant que deux M ancres , fut contrainte d'abandonner la cofte , & s'en aller auec mes douze matelots qui me faifoient grand befoin en ce Nauire. Maisle 17. l'auons veu fous voile, & voyant le vent quelque peu moderé, me {{|5 refolu leur enuoyer le batteau auec « encore vn ancre & vn cable, & retirer mes gens: ladite patache eft venuë iufques à terre de nous , mais n'y aancré , pour n'y trouuer beau fonds, ainfi a recouru versle — licu d’où elle eftoit partie le matin, & ayant approché de terre, a moüillé à fix braf M fes d’eau , beau fonds: depuis que nousfommes icy le vent a efté fi cruel, que ie May fceu trouuer moyen d'enuoyer le batteau vne feule fois à terre, encore qu'il foit des meilleursbatteaux de voiles & de naige que i'aye iamais rencontré. Lesgrands vents ont continué iufquesautroifiéme d' Aouft fans relâche, & fans pouuoir enuoycr noftre batteau à terre, ny euenter nos voiles, ny vifiter nos naui- res;enfin ila venté toufiours d’vne fi horrible facon, que quand nousaurionsvou- - lu fortir d'icy , nousne l’aurions pü faire, finon en quittant nosancres & cables; ie mc fuisneantmoins deliberé d'appareiller d'icy Samedy prochain pour aller au cap de Guardafu , tant pour voir en quel eftat font nosamares , qu'auffi pour treuuer quelques eaux auditlieu , ou bien parlant à ceux de la terre;s'enquerir de l'ancreage de Socotora ou pas vn de nous n'auoit efté , & qu'en attendant i'enuoyerois le barteau à bord de la patache; pour les aduertir de mon deflein, afin de fe tenir prefts à appareiller ladite iournée ; mais lestourmentes ont recommencé de telle forte , que n'ay pú enuoyer le barteau quele io. d'Aouft, l'ayant viétuaillé pour troisiours , & donné charge à ceux de dedans d'allerà terre en quelque façon que ce fut, pour par- ler à ceux de terre s’il y auoit moyen, & s’enquerir d'eux où y auoit del'eau : Er le Mercredy 12. dudit eft reuenu ledit batteau ; ils me rapporterent auoir efté à quel- \ | 1 [ A q.d PES. IA IN A - ques endroits de cette terre comme ie leur auoisordonné, & que la journée qu'ils partirent de ce bord furent de la bande de l'Eft , d'où nous lommes ancrez , qui {ont AVX INDES ORIENTALES. 29 talaifes hautes, comme pourroient eftre celles qui font proches de Dieppe , où ya 7. ou 8. braffes d'eau au pied, au deffus y virent plufieurs perfonnes qui leur (embloient Negres, neantmoins veftus aflez pauurement à l'Arabeíque , qui leur jetterent force pierres du haut de la montagne, tellement qu'ils furent contraints de fe mettre au large , & quelque fignal de paix ou d'amitié que les noftres peurent faire, ils faifoient | paroiftre par fignes aucc leurs efpées & affagayes, que s'ils defcendoient àterre , ils leur couperoient la gorge : dela furent visa vis d'où nous fommesancrez, & quel- ques-vns des noftres par vne creuafle monterent à mont la falaize, & virent que la terre d'au-deffus eftoit vne raze campagne à perte de veué fans aucuns arbres, finon quelques petites broffailles feiches, & quelques herbes bruflées par Pardeur du So- leil ; virent deux ou trois habitans de la terre quis’enfuïrent dans le pais: les noftres patferentla nui& fous cette falaize, & le lendemain furentle long de la cofte iufques ou eft ancrée la patache , qui eft à 2.043. lieués au Oueft de nous, où ils virent encore quelques habitans le long du riuage , maisauffi-toft que le batteau en approchoit gagnotentle haut. Ils furent donc à bord porter mes lettres, & trouuerent que tout fe portoit bien graces à Dieu; & apres auoir receu vnelettre du Capitaine Ridel pour moy,s'en partirent pour aller reconnoiftre vne anfe qui eft encore au Oeft de l'ancreage de la patache ; & qui a pour le moins 5. lieués d'eftédué iufquesà joindre la cofte qui court Nord & Sud : ayans doubléle cap qui fait ladite anfe , auquel y a vne chaine de rochers qui s'eftend bien demie lieué à la Mer; trouuerent que ladite anfe s'enfoncoit fortauant en terre ferme, & qu'il y faifoit fort plat; car à plusde deux lieues du fonds d'icelle netrouuoient que 3.2 4. pieds d'eau, fonds de fable & gros grauier ,auec du varecou herbe de mer, & vne quantité infinie de poiffon : virent deux habitans de laterre qui pefchoient, parquoy y furent auec le batteau, 111101165 à ce qu'il s'echoiia, qui eftoit enuiron à demie lieué de terre, laquelle en cet endroit cft baffe comme les dunes de Calais, & ainfi fablonneufe. Quelques-vns des no- {tres fe mirent à l’eau pour parler aux pefcheurs , lefquels auffi-toft s'enfuirent. Les noftres ne laifferent d'aller à terre, où ils trouuerent quantité deídits habitans qui, crioient de toute leur force la 1lach, sllalach, Mahomet reful alach, qui cftla confef- fion de foy des Mahometans. Mais comme aucun des noftres n'auoit iamais entendu ce jargon, ilsaduancoient toufiours , leur faifans fignal d'vn drapeau blanc; mais ils s'enfuirent tous dans le pais : les noftresfurent quelque peu dedans, & y virent quel- ques petitsarbres & vne loge où y auoit deux ou trois affez belles nattes aufquelles netoucherent: & fur le riuage trouuerent vn batteau de Nauire Arabe, oü il n'y auoit rien dedans: s'eftansrembarquez virent incontinent que ceux de la terre fe montroient, & vn d'entr'-eux plus aduancé qui faifoit fignal auec du feu, ou les no- ftresfurent , maiscn approchans s'enfuirent par des precipices ou les noftres n'ofe- rentaller : commeils virent qu'il n'y auoit apparence de traitter auec ce peuple , ny par amitié , ny par force, & qu'ils curent couru enuiron cinq lieués de cofte fansy a- uoir apparence d'aucunes eaux le long d'icelles ,ilsreuindrent m'apporter les lettres du Capitaine Ridel , parlefquelles me confeilloit de quitter à la premiere occafion cecancreage ; comme c'eftoitbien monintention , encore que ce ne futl'opinion du Pilote Metais. Le 14.15. & 16. duditle venta moderé, & ainfi durant cetemps, remis vn maft de hune haut , ragrée Ie Nauire و‎ & arrune le fonds du Nauire, & emply quelques fu- failles d’eau falée pour mieux porter voile, fiauions tel temps hors cet ancreage, comme auonseu y eftant. Etle lundy i7. d'Aouft (ürles 9. heures du matin, auons appareillé, comme auffi a fait la patache. Cét ancreage que nous auons trouué , ou lacofte gift quafi Ett & Ocft, & ou nous auons pafsé de fi fafcheufes tourmentes, & qui eft l'hyuer de ce paiscy gift par les dix degrez & demy de hauteur Nord, de l'Equinoxial; & y ayant Seconde Partie. 1 1 $ D üj Var. 17. d. 2 ticrs NO. 20 VOYAGES DV GEN. BEAVLIEV fait par pluficurs fois obferuation aux leuers & couchers du Soleil, trouuay que l'ai- guilic y Noroefte 17. degrez è le croy que nous fommes les premiers qui ayent hiuerné en cét endroit , & qu'aux cartes il n'eft autrement. remarqué, ren ay tiré à peu prés la fituation qui cft νης peninfule : Etencore que ie ne cofifeillerois | à perfonne de choifir ce eu pour attendre les faifons propres d'acofter la cofte de M Malabar ,aPoccafion que cette terre eft deferte ; & que mefines on n'y peut aller ἢ qu'à grand peine, pour la continuelle vehemence du vent, qui ne change ou varie M que du Sufuroeft iufques au Surocft;& où on ne peut efperer nulle eau, ny de la ter- reny du Ciel, entant qu'il ne pleut nullement: & ncantmoinsen quelque occafion M on s'en pourroit vne autre fois feruir. t Sur le midy eftions le trauers du grand cul de lacq , ὃς lerefte delà iournée cinglé le long de la cofte Nord & Sud. Le Mardy au foir 18. eftionsà vne lieué du Cap de Guardafu, & la nui& reuiré vers l'eau & couru a PEft: de Sueft ὃς Eft-Sueft pour voir fi aurions quelque connoiffance des Ifles Curia Muria , qui font entre l'Ile Sacotora & ce Cap ; mais n'en auons eu aucune connoiffance, & le Pilote Metais craignant que les vents & marées ne nous miffent auautle vent du Cap de Gardafu, fut caufe que nous reuirafmes versluy de meilleure matin que ie n'euffe defiré;parce que finous euffions continué icelle routte, infailliblement nous euflions eu connoif- lance de cesIfles, où nous poumons recouurer de bonnes eaux. Sur less. heures du {oir 19. de ce mois, auons terri enuiron trois licués auautle vent du lieu d’où nous | eftions partis hier au foir , & auons moüillé l'ancre au dedans du Cap de Guardafu où M la terre refuit au Noroef 2 d'Ocft, a neuf braffes d'eau, beau fonds, enuiron vn | quart de lieue de terre. | Le Icudy 20. d' Aouft au matin ay fait efquipper les deux batteaux, & donné char- | ge de mettre vingríoldatsà terre fous la conduitte du fieur d'Efpiné, auquel o rdon- nay de reconnoiftre au deflus de la montagne s'il y auoit quelqueruiffeau d’eau dou- ce qui defcenditen la Mer du coftédu Sud, comme nous nous eftionsimaginez, & M que s'iln'en voyoit d'apparence qu'ils'en reuint : & au grand batteau ou comman- doit le Patron Beruille, luy enchargey d'aller le long de la cofte du Noroeft7 d'Oeft, | qui court vers l’emboucheure de la mer Rouge,pour voir s'il y pourroit recouurer de 7 l'eau, ou parler à quelques vns des habitans pour fçauoir s'il y en auoit: Quand à ceux dela fcutte ou pctit batteau, ieles employay àrechercher vn lieu pourfeyner, ^ comme en y a de bclles apparences : la Ícutte eft reuenué enuironles 10. heures du 4 matin ; ceux de dedans m'ont rapporté que le long du riuage àenuiron 20.0030. pas | vers l'eau ,le fond eftoit rocher auquel ils n'ont ozé hazarder la feine. Pour le fait” de d'Efpiné ceux qui l'accompagnoient font reuenus les vns apres les autres extre- mement haraffez & demy morts de foif, difans auoir fait 4. ou s. lieués dans le Pays, qui eft extremement dezert & aride & infupportablement chaud, fans aucun om- brage, & qui plus cft, fans vent; comme de fait n'en auons eu aujourd'huy , & le Soleil eftoit droi& au Zenith, n'ayant trouué que force pas de cheuaux & autres animaux. Pour le fait du grand batteauil eft reuenu àtrois heures apres minuit, Ber- uille m'a rapporté auoir efté enuiron à trois lieues Ocft Norocft d'icy, & quilauoit veu vn endroit affez verd pour vn pays fiaride que celuy-cy , où il auoit defcendu — & tromué quelques vaiffeaux à mettre de l'eau ; puis 10. ou 12. Negres aufquelsil M auoit parlé, & leur fit entendre , au mieux qu'il luy fut poffible, de luy enfeigner où y auoit de l'eauà boire , & qu'vn d'eux demanda pour recompenfe vne panne ou lin- ge de coton qu'auoit vn de nosmatelots, ce quiluy fut incontinent deliuré : alors il montrades foffés qu'ils ancient fouys,ou y auoit de l'eauaffez bonne & en abon- dance : lefdits Negres luy demandoient , Sil eftoit Anglois, & promift d'amener force beftail, pourueu qu'on leur donnaft despannes. Ayant bien confideréles rai- fons que deflus, & que nous pourrionsauoir en cette cofte des eaux, prenant la pei- ne de faire des puits sie me fuis refolu d'aller auditlieu, pluftoft qu'en l'Ile Soco- . tora, laquelle nous pourroit efchapper; foit par grand vent ou faute de connoiftre, | | A CE de de τς Lio 4 0 ; N AVX INDES ORIENTALES. 31 - & füuis arriué audit lieu le Samedy 22.enuiron midy, & laif tomber l'ancre à fix braffes d'eau, mauuais fonds, a enuiron 4. lieücs au dedans du Cap Guardafu , le trauers de quelque broflaillesou verdures,quine font communes le long de cette co- fte:Tay enuoyé à l’inftant reconnoiftre la terre,monfieurMonteurier y eftantallé,m'a rapporté que les eaux n'y eftoient gueres bonnes; & m'en ayantapporté vn baril; l'ay fait goufter à plufieurs qui la trouuoient paffable ; en mon particulier elle me fembloit fumache ou demie falle. Le Dimanche 23. ay enuoyé monfieur de Monteurier à terre auec 30. hommes pour y faire vnetente & s'y retirer lanuiét, pourtrauailler la nui& à faire desfoffes pour auoir de l'eau. L'eau y venoitabondamment , mais falée comme celle de la Mer; comme l'eau commencoit à venir elle eftoit douce, mais auflitoft qu'on profondiffoit elle venoit falée , parquoy fis faire 25. ou 30. petites foffes qui ne tar- doienr à eftre faites fur le fable ; parce qu'il ne faloit creuzer vn pied que l'eau ne vint douce ; maisauffi-toft qu'on enauoit tiré vn barillet , elle deuenoit fallée , tellement quc pour emplir lefdits deux tonneaux de fuftaille , conuint fouir à plus de 70. en- droits , ce qui fut faiten moins de quatre heures. Tous ces iours il a fait d'infüppor- tables chaleurs & fans aucun vent; ay fait derechef relier noftre clan de baupré, & auois enuie d'y en faire mettre encore vnautre, ne me tenant trop affeuré d'iceluy : mais cela s'eltrreuué impoffible, fi on n'affoibliffoit par trop les fourcqs , ainfi ray - laifsé cétouurage , & fait reuenir tous ceux qui eftoientà terre, apres auoir eu tant pourla patache que pour nousenuiron 22. tonneaux d'eau, qui ne me femble guercs bonnes. Le Cap de Guardafu eft fitué par la hauteur de 12. degtez Notd de l'equinoxial , l'aiguille y Noroefte 17.degrez 3 , laterre du Cap eftla plus haute de cette cofte , fe 1 rognát en falaize. Toute cette côte cft merucilleufement deferte & brülte des rayons يوي‎ RA du Soleil , & ie ne croy pas qu'il y ait au monde vn lieu plus chaud que celuy-cy , il n'y a apparence d'aucunes habitations : neantmoins il fe void quelques hommes par cy par là le long duriuage ; qui à ce que ie croy font errantss& ce iourd'huy apres que les noftres font reuenus à bord, nous en auons veu vn fur leriuage qui me paroifloit extraordinairement grand; car du Nauire iauois remarqué queles noftres cftans à terre paroiffoient bien peu: mais celuy-cy ie l'euffes cren vneroche , fi ie ne l'euffes veu marcher : ceux quien ont veutant icy qu'ànoftre ancreage de dix degrez & τ, m'affeurent qu'il y a des hommes tres-grands , & qu'ils enont veu, que le plus haut d'entre nous feroit ce qu'il pourroit faire que de toucher de fa main le fommer de leur tefte. On m'arapporté ce iourd'huy vn de leurs arcs , quirend affez de témoignage qu'ils font grands & puiffans : on ne leur a rernarqué autresarmes que quelques afla- gayes , encore bien rares, & des pierres: le ne fçay quelle nation ce peut eftre, mais ils font Mahometans de Religion, & à ce que i'entends Negres de race. Durant no- ftre feiour proche de ce cap ie ne me pouuois allez emerueiller , qu'eftans clos d'ice- luy nous n'auions aucun vent, & que par lesto.degrez + qui ne differe en dittance - que de »5.à 5o. lieües, il y auoit fi grand vent, que c'eftoit chofe efpouuantable : con- i fiderant d’où en pouuoit prouenir la caufe , me fiis imaginé que cette pointe deterre - quieftparlesdix degrez ὃς deiny faifant vne peninfule , le vent venant du long dela | cofte quieft Nordeft & Surocft ; quandil vienta rencontrer ladite pointe quiet terre . raze,nefertau vent que pour luy donner pente à foufflertant plus fort, parce que la terre ne peut auoir 3. ou 4. lieuës de large;au lieu que ce cap deGuardafu efteres-haut, & le vent páffe par deffus beaucoup de terre qui eft tres-feiche & ardente, en forte qu'auec les rayons du Soleil, elle efchauffe tellement fa fuperficie, que le vent fe con- : fomme par deffüs, ce qui eft caufe du calme que nous auonseu, eftans clos d'iccluy ; ne doutant nullement que 20.lieués dans lesterres y aittel vent, &l'experience nous a fait foy de cela, entant que iufques à ce que nous ayons eu le cap de Guardafu ou- uert,n'auons eu que fort peu de vent, mais ledit cap ouuert n'en auions que trop, & là Mer bien enfiée, - VOYAGES DV GEN. BEA VLIEV‏ 2ه Le Ieudy 27. trois heuresapresle ¡our , nous auons deshallé ala faueur d' vn petit vent deterre , & au point du jour nous pouuions eftre enuiron deux lieues vers l'eau, d'où nouseftions ancrez : & comme nous aduancions vers la Mer, noustrouuions que le vent renforcoit , & fur les dix heures il ventoit bon frais, & nous fommes apper- ceus de grandes marées fortantes de la Mer rouge; & bien dauantage encore fur le midy que nous nous fommes trouuez dans vne Mer fort efineiie, & nousauons veu apres la Mer courir comme en vn raz , l'eau tachée par grandes placques rouges: quelques-vnsdifoient que c’eftoit haut fonds, toutefois nous n'auons rien trouuéà la fonde : En mon particulier ie croy que comme il eft auiourd huy conjon&ion de Lu- ne, & que nous fommes àl'ouuert de la Mer Rouge, quelques grandes aualaffes join- tes au reuifde la Mer , nous ont cauféces grandes Marées. La releuce Pay fait affem- bler les Pilotes & autres du confeil ; pour fçauoir quelle routte nous tiendrions pour laplusaffeuréc. A efté remontré par le Pilotte Metais que du vent qu'il fait nous fe- rions en peu de temps écoulez à la cofte de Malabar, à fçauoir en huiét iours & moins, qu'il fembloit eftre encore bien toft pour y terrir , & que cependant il feroit bon de laiffer paffer encore 7. ou 8.ioursà courir de borda autre à l'entrée de cette Merrouge. Ce quiaeftétrouué vnanimement bon de chacun , c’eft pourquoy i'ay fait mettre le cap au Nord, pourterrir à la cofte d' Arabie. Le Dimanche 3o. Aout nous auons veu la cofte d'Arabie : δὲ le lendemain en a- uons approché à deux lieues prés : nous eftions alors par la haureur de 14. degrez - le trauersd vne baye, & felon la carte nous ferions entre vne grande baye où il ya quelques Ifles nommées Caramberumma (7 Xaél, d’où vient grand nombre d'en- | cens : Et jentends qu'en ce lieu de Caramberumma , qui efttirant vers Aden, du lieu où nous fommes vient toutes les années grand nombre de Mahometans en-pele- M rinage, dont y en aaucuns qui y demeurent fort long-temps; c'eftoit mon inten- | tion deterrirenicelle pour voir que c'eftoit , mais les vents contraires m'en ont em- p-íché; comme 211111 les marées & à prefent les calmes : A l'entrée de ,cette mer rouge, &lelong de la cofte des Abiflins ou Gardafins y a quantité de poiffon, fpe- | cialement des rayes , entre lefquellesen y a d'extraordinairement grandes, qui ex- « cedentla longueur d'vn batteau, & larges à l'équipolent ; aucuns de nos matelots ont ictté le barpon deffus le dos d'icelles , maisne mordoit non plus fur leur peau que fi elle eur efté de fer. Ladite cofte d'Arabie , au moins en cétendtoit , eft areneuze fur le bord duriuage, & y a quelque plat pays; mais au dedans y a des montagnes tres-hautes qui ont esté embrunées durant le fejour qu'y auons fait, lequel a efté plus long que ie n’eftimois, par les calmes qui nous ont duré iufques au dixiefme de Sep- tembre , qui m’ont donné de grandes apprehenfions qu'il ne fuft iatrop tard pour doubler le cap de Comorin ; ainfi faifant feruir quelque peude vent d ἘΠ ὅς d'Eft- | Sueftà courir au Nordeft ; nous en fommes retirez & retrouué les vents de Surocít à la faueur defquels auons fait noftre route au Sueft. * Le Vendiedy 11. Ridel maître de la patache,me donnát le bon jour m'a aduerty que fon canonnicr qui eftoit Anglois venoit a Pinftár de mourir,qu'ilauoit encore 7.ou:8. — perfonnes de malades ; ce qui m'a occafionné en partie de faire affembler les pilotes de mes nauires &autres nauigateurs pour auoir aduis d'eux quelle route nous tien- drions , pour donblerle Cap de Comorin, foit de paffer par le canal de Mammale, ou bien terrir en la cofte de Malabar, ou leur ayant propofé quelques difficultez par l'vn & l'autre endroit, entr"-autres que fi nous paffions parle canal de Mammale en cette faifon , nous abregerions noftre voyage, entant qu'iceluy paíse nous nous trouue- rjonsen plaine Mer pour pourfuiure iufques à Achen , mais i'y trouuois vne difficulté, Ícauoir que les Marées portoientau Noroeft, & nous eftoient contraires, joint qu'il M faudroittenir au lit du vent pour aller au Sufueft, & ainfi le Nauireferoitpeude che- M min, tellement que ferions pluftoftterrisen la cofte de Malabar, que paruenus à la MW hauteur dudit canal. Que fi faifions noftre cours pour terrir enla cofte de Malabar, M il y auoit apparence d'y eftre en bref ; mais que ie craignois auffi que le long diga e ( 入 AVX INDES ORIENTALES. δ, le, nousne fuffions iprinsde calmes qui nous retardaffent , & qu'auions à nauiger cent vingt lieués pour le moins le long d'elle ; auant que de pouuoir doubler le cap de Comorin: leur ayant reprefenté ces raifons auec quelques autres; ie leur demandois confeil & aduis laquelle des deux routes nous prendrions pour eftre la plus bretue ; maisfe treuuans de differentes opinions, quelques-vns fouftenansque nous ἢ e pourions paruenir à la hauteut de neuf degrez,comme eftoit le canal que ne fuflionsà terre ferme, puis qu'en faifantle Sueft laroute ne nous valoit que l'Ett:d'au- tres difoient que fi nous courions au Sufueft nous efleuerions affez; enfin voyant que tout fe pafloit par fi & par non,ie leur dis que pour effayer de tout , nous gouuer- nerions au Sufueft pour voir ce que le chemin nous vaudroit,& que demain prenant hauteur elle nous mettroit hors de different, & que lors fuiuant icelle nous pren- drions certaine refolution de ce qu'aurions à faire, ainfi nous filmes cette routte iuf- qu'au lendemain midy; trouuafmes par la hauteur que le chemin ne nous valoit qué TER Sucft, ce qui me fit derechef faireaffembler les Nauigateurs & Pilotes ; & leur ayant demande leur aduis quelle route nous tiendrions, la plus-part ont efté d'opi- “nion d'aller chercher la cofte de Malabar par les 13. degrez 4 apportant pour raifons que paffans par le canal de Mammalé qui eft par les neuf - nous faudroit beau- “coup de temps pour paruenir à icelle hauteur, & qu'il feroit à craindre qu'auant d'y cftre ne trouuaffions les baffes qui fontau Nord de ce canal, defquelles nous au- ions bien de la peine à nousretirer , mefme que nous courrions rifque d'vn naufrage: '& apportans encore quelques autres difficultez , voyant que c'eftoit la pluraliré des "voix que de paffer par la cofte de Malabar, ie me fuisarreftéà cette opinion, encore que la mienne eut efté de paffer par le canal , craignant les calmes le long dela cofte : ainfi ay fait mettre le cap à l'Eft Sueft. Le Samedy 26. nous auons veu la terre de Malabar,qui cft fort haute & montueufé dans le país, nous cftions par les 13. degrez ; nous auons rencontré deux galiottes, qui à ce que ic croy, eftoient des corfaires Malabares; Pay fait chaffe fur eux , mais y ayant peu de vent , ils font bien-toft éuanouis de nous. Le Dimanche 27. nous auons veu le mont Deli, qui eft entre Cranganor & Mangalor, & nousparoiffoit comme vne Îfle en eftans éloignez enuiron 8. lieucs; l'aiguille varie en cct endroit 15. degrez vn quart Norocft : nous auons veu encore vne galiotte quia pafsé enuiron vne licué de nous; & eftant furuenu vent de Nort, Tay fait appateiller le batteau , pour auec la naige &la voile la pouuoirreconnoiftre , & commandé à la patache de tenir le vent, & moy ie larguerois auec le Nauire , afin de l'enclorre auecle batteau,quiiroitentre nous deux;à ce que fi elle vouloit tenir le ¿vent la patache luy peút couper chemin;que fi ellelargoit comme firentcelles d'hier; elle merencontraft ; elle a effayé du vent, puis à amené fa voile pour Pefchanger, & a - couru vent derricrestellement qu'en chaffant faifions vne route au Sufueft,mais elle i alloit encore ‘vent derriere mieux que nous; & à Soleil bas eltoit efloignée plus de « licués de nous, auons veu encore deux voilesterre de nous. à Le lundy vingt-hui& il faifoit calme , & au matin nous auons veu vn nauire ati “Vent de nous efloigné enuiron deux lieuës ; le batteau eftant efquippé de vingt- “trois homines depuis hier Monfieur de Monteurier commandant d,cdans me de- luy commandant de nel'aborder pas, ainsfeulementde luy commander d'arriuer fur nous, & quilenuoyaft dans fon batreau fes pilotes & leur efcriuain pour parler à “moy : luy dis.auffi particulierement quil fe donriaft de garde des Malabares, pour . eftre laplus grande partie efquippez en guerre , fpecialement dans les galiotes; | que ie ne defirois auflileur faire aucun tort , ains me les rendre amis, & que ie defi- “ rois feulement fçauoir d'eux, fila faifon pour doubler le Cap de Comorin ne feroit « crop aduancée comme eftoit mon opinion, afin fuiuant ce que i'enfgaurois , me re- — foudre d'aller droit à Ticou fans aller à Achen : Sur le midy auons veu noftre bat- teau proche dudit Nauire qui eftoit en tráit carré & veu que les noftres auoient tiré Seconde Partie. s E ‘manda permiflion de l'aller reconnoiftre , ce que ie luy accorday voyant lé calme, Var.xg. di) vn qu. NO: 34 VOYAGE DV GEN. BEAVLIEV ذ'‎ vncoup d'efpoir de fonte deflus, & luy auoit fait amener fa grande voile &àíon barreau qu'il trainoit derriere luy ,& qui en auoit aufli vne apparcillce, & du de= puis reconnu que les noftres auoient aborde ledit Nauire de l'autre bord de nous, & veu quelque fumée de moufquetades & poudres fans en bien entendre le bruit, & quelque peu apres auons veu partir le batteau du Nauire, qui apparcilloit pour venir fur moy & que le nauire arriuoit auf , ce qui nousa afleuré que Monficur de Monteurier s'en eftoit rendu Maiftre , dequoy fus eftonné , veu que ie ne | luy auois donné aucune charge d'aborder, ains fculement reconnoiftre & luy fai- | recommandement d’arriuer fur noftre nauire Admiral, comme j'en auois aufli. donné le mefme ordre à la parache , laquelle pour le calme n'a pù approcher d'iceluy non plus que nous quà enuiron vne licué.” j Quelque temps apres voyant que le calme continuoit,& que ce barreau qui eftoits party du nauire aduangoit fort peu,m ennuyant de ne fçauoir au certain nounelles des nôtres,me fuis delibere faire mettre la fcutte hors, & enuoyer au deuant dudit battcau pour cflre certain de tout.Enuiró vne heure apres eft reuenue nôtre Ícut- te laquelle approchant de bord, ay veu, à mon grand regret, qu'ils ramenoient s. hommes de 23. qui eftoient dans le batreau, dont troisd'cux eftoient fort bleffez, entr'autres la Vigne de R ouén ayant le nez couppe tout net auec la levre de deffus abbattuë, & 5. ou 6. grands coups de coutelas : vn Matelor Breton nom? mé François Monel ayant trois furieux coups de coutelas fur la tefte : Malo ayant vn coup de picque letrauers du bras : Malet legerement bleffé , & le jeune Gi rard point du toutsaufquels ayant demandé l'occafion de leur piteux eftat, me conterent le mal-heureux accident qui nous cft arriué ce iourd'huy de la forte qui fuit : Qu'eftant proche de ce nauire د‎ qu'ils difent eftre grand, Monfieur de Mon: teurier auoit crié en Efpagnol , qu'ils amenaflent leurs voiles, finon qu'il iroit à bord & les tueroit tous ; iccuxne s'en haftans autrement auoit fait tirer les deux efpoirs de fonte & fait faire vne falve à fes Moufquetaires ; & qu'alors ceux due dit nauire auoient amené leurs voiles & auoient crié qu'ils eftoient rendus , & qu'ils amenaffent encore leurs voilesdauantage, & qu'iceux ne le faifans , ledit fieur leur cria encore qu'ils amenaffent tout bas, & que ceux dudit nauire ref pondirent qu'ils eftoient rendus & qu'il vint à bord, sil vouloit ; ce quil fica l’inftant, & aborda en hanche où tous ceux qui eftoient dans noftre batteau mon“ dus maiftres s'affeuroient auoir le tout à eux, lors que d'auant vindrent 60.4 $0. hommes le rondache & le coutelas en la main qui donnerent furles noftres d’vne. batteau cftoit tellement amaré qu'ils ne peurrent defaifir du bord ,à quoy bonne partie des noftres eftans empefchez furent tuez par ceux du nauire More à coup de picques , de fleches & pots à feu qu'ils ietterent dans ledit batteau, qui par au- tre accident s'alla encor embaraffer au gouuernail de ce nauire qui eft en bricba- le, tellement que les noftres eftans encore empefchezà couper les haubans du maft du batteau , afin de driuer arriere , les autres ne perdirent temps; carle cou telas en la main, firent fauter les reftans en la Mer, entre lefquels vn de ceux qui. font refchappez nommé Malo, gagna à nage le batteau du Nauire More , à qui | il coupal'amare, & fauua les quatre autres qui vindrent à bord d'iceluy , puis l'ap- pareillerent fans attendre leurs compagnons, quifurent noyez, comme il faut. conie&urer : au furplus qu'il y auoit dans iceluy nauire de bonsfoldats,& que s'ils | abordoient noftre patache qu'indubitablementils l'emporteroient. 3 Le lendemain Mardi ving-neuf dés le point du ¡our ie me fuis misbanc à banc dudit nauire auquel nc paroiffoit perfonne : nous nous fommes bien douté 1 que tout s'cftoit fauué dans nôtre batteau;car route la nuit led. nauire a eu le vent fur la penne neantmoins quelque peu apres auons veu fept ou hui& perfonnes | 3 Win "^ 3 y AVX INDES ORIENTALES. 24 qui [e méttoient à genoux, faifans demonftration que le refte s'eftoit(auué. Voyant cela ay faicequiperla fcutte pour porter vn cablet à l'auant dudit Nauire, afin de le trainer derriere nous,& amener ceux de dedans, lefquels eftans à bord, vis douze où quinze miferables vieillards qui ne fe pouuoient foütenir de pauureté , & à qui les barbesblanches defcendoient iufques à la ceinture, lefquels fe jettans à mes pieds aucc quantité de larmes & de lamentations, me donnerent plus de compaflion que d'enuie de vengeance : Joint qu'ayant demandé aux bleffez s'ils reconnoiffoient au- cuns d'iceux auoir maffacré des noftres, me répondireng vnanimement ne les auoir veus durantle combat, & m'eftant enquis d'iceux qu'eftoient deuenus ceux qui a- uoient tué mes gens, d’où ils venoient, & où ils alloient ; ils me dirent que ce Nauire eftoit de Paname prés de Calicut , qu'ilsen eftoient partis, chargez de poivre pour porter à la Meque , duquel lieu eftoient partys y auoit enuiron vn Mois pour faire leur retour en Calicut : Qu'ils eftoient marchands & auoient paffeport des Portugais: Ecleur ayant demandé dequoy le Nauire eftoit chargé , refpondirent qu'ils eftoient pauures gens qui pafloient de la Mecque pour demander l'aumofne en cette cofte , & quhyer ceux à qui appartenoit ce quieftoit dans ledit Nauire , s’eftoient embar- quez dans mon batteau au nombre de 8o. & auoient embarque leur or & argent غ211‎ eux , en forte que ledit batteau n'auoit 3. doigts de bord, & qu'eux miferables auoient - efté abandonnez d’iceux, le batteau cftant par trop chargé: le m'eftois refolu faire > vn mauuais party aux meurtriers des noftres , mais voyant que ie ne les auois en mon pouuoir, & que c'eítoit bien peu de recompenfe pour moy que de faire mourir ces miferables , qui peut-eftre eftoient du rout innocens, veu meíme que les noftres - efchappez difent ne les auoir aucunement veus, & qu'ils difoient que les noftres eftoient caufe de leur mort, parce que ledit Nauire eftoit rendu, & que ceux de de- dans ne demandoient autre chofe que de venir parler à moy , & qu'ils ne fe fuffent mis en eftat de tuer perfonne , n'eüt efté que quelques-vns des noftres en entrant mi- rent l'efpée à la main, & cn tucrent quelques-vns , 5 fe mettoient defia à fou- rager, ce qui fit refoudre le Capitaine More de faire ce qu'il auoit fait, voyant l'op- portunité du calme, & le voyfinage de terre. Ces raifons me firent laiffer les vieil- lards dans leur Nauire , deteftant l'ambition &l'auarice des noftres. l'enuoyay les commis vifiter les Nauires , qui me rapporterent y auoir trouué force fel, dattes & vin : ne m'efrant contenté de cela, j'y ay eftémoy. mefme auec eux , & auonstreu- ué quelque oppium & mefchant corail. Le Mercredy dernier nous auons encore eu le Nauire derriere faifant toufiours ‘noftre route, &auonstreuué nombre de dattes qu ay fait prendre pour viétuailles, & plain deux poinçons d’oppium, & deux pacquets d'iceluy;pouuans pezer enfemble douze cens liures , quelques cent liures de corail, quelques pannes de cotton de peu de valeur , eaux rozes, coúteaux , & entends de ces vieillards » que filesnoftres ne l'euffent point abordé,ceux dudit Nauire nous pouuoient fournir 40000.ducats du Caire , qui eft vne monnoye d’or valant quatre liures piece ; que l'on nomme en France Sequins, & qu'ils n'auoient oublié d'emporter quant & eux. Sur leshui& heures du foir Pay 12156 aller ce Nauire ; le vent eftant par deuers le Noroelt, auecapparencede vent pourlanuit. — — Le deuxieline d'O&obre nous eftions le trauers du cap de Comorin par la hau- teur de 7 .degrez o. minutes, & l'aiguille variant14. degrez £ : le long de cette cotte; y. Ὁ en ce temps; les Martes portent au Sud, qui nousen a fait vuider plütót que n'efti- si, N mions: Et le 4. eft decedé en ce Nauire tour fubitement le meilleur de nos tonneliers nommé le Pofte qui eftoit pilmonique , auons encore dix ou douze malades du {corbut, & dansla patache eft decedé vn autre tonnelier nommé Michel Hedoard, tellement que perdons deux conneliers en vn iour, & la maladie augmentant dans la fufdite barque, y ay enuoyé vn canonnier & vn cirurgien , fçauoir Sandre hoult Efcoffois , & Odct Langlois de Dieppe. Le Mardy 6.d'O&obre i'ay fait affembler le Confeil , pour auoir auis quelle rout- Seconde Partie. $ E ij . Yn O. 36 VOYAGE DV GEN. BEAVLIEV xc nous tiendrions, foit d'aller à Achen ou à Ticou. Et tous font demeurez d'accord que c'citoicle plus expedient d'aller à Ticou, ay fait mettrele cap au Sueft & Sucft vn quart d'Eft auec beau temps de Suroett. Le Dimanche 11. la nuiét auons eu vn pezant grain du Noroeft qui a duré enuiron deux heures, & durant iceluy le batteau du Nauire More que nous trainions, & que + ic faifois accommoder en barque du cap verd , nous a efchappé , eftant amaré derriere. | nous, de deux cabletstous neufs, qui ont rompu tout net. La plusgrande partie des outils de mon charpentier eftoient dedans, qui eft vne grande perte pour nous. Et: fur les 9. heures du matin elt furuenu vn autre grain du Soroeft , qui a rompu noftre maft de mizane par les eftambrais , nous pouuions eftre par la hauteur d'vn degré & demy Sud de laligne. Le lundy 12. eftions par la hauteur d'vn degré dix minutes Sud de l'equinoxial, - nous eftimans enuiron 75. licués de Ticou, nous auions veu descouleuures & pe- tits oizeaux cerreftres, qui donnoient efperance de voir enbref la terre, dequoy nous auions grand befoin; car beaucoup de perfonnesfont tombez malades, fpecia- lement dans la patache ; le Capitaine de la galliotte nous a aduertis qu'il n'auoit plus que 4. às. hommes debout. Le Dimanche 8. de Nouembre , depuis le deffus efcritauons eu vn calme con- | tinuel , qui eft vne grande pitié; car la plus part de cet. efquipage fonttombez mala- y des, & dansla patache ne rette que trois perfonnes debout , & plufieurs decedez; il | ne nous falloit que deux outrois jours pouraller à Ticou , ou quelqu'autre lieu de | la cofte de Sumatra; mais ce n’a eftela volonté de Dieu, qui a eu compaffion de nos miferes, nous ayant fauorifé de quelque peude vent , quinous a fait voir ter. | re le Mercredy 11. de Nouembre parla hauteur d'vn degré quarante minutes Nord Certe terre de l'equinoxial : ce qui nous a donné courage de paruenit enbref à Ticou; mais | et Pulo [τς de Dieu n'eftoit encore retirée de deffus nous : car auons eu forces calmes, & 1 age aucc peu de vent de laterre qui venoit la nuit و‎ le faifionsferuir, non fans grand pe- À ril, pour cftre befoin de paffer entre plufieurs Iles & Iflettesà nous inconnus , & | oüie me fuffe bien gardé deme hazarder fpecialement la nui& , fans l'extrême ne- — ccfhire en laquelle nousfommes , qui eft telle que lors qu'il conuient ancrer & puise releuer l’ancre, il faut que i'enuoyc noftre fcutte efquippée pour leuer l'ancre de la patache, & appareiller les nauircs ; puis quand ils font reuenus nous trauaillons à leuer la noftre, ce qui ne fe fait fans d'eftranges difficultez , ne reftant que 18. hommes fains, & nuls dans la barque que deux ou trois , qui fe trainoient du mieux. qu'il leur eftoit poffible au gouucrnail , & n'eftoit l'efperance qu'auons à chaque ¡our d'eftre à Ticou, ou bien trouuer quelqu'autre port, nous ne pourrions manouurer les Nauires, & il nous meurt telle iournée quatre perfonnes , & de nos principaux mariniers & officiers : Et ce iourd'huy V endredy 27.de Nouembre eft decedé le fieur Defchampsnoftre cirurgien en ce nauire d'vne maladie eftrange , & fembloit plus malade d'efprit & de defefpoir que du corps car n'y a que deux iours qu'il n'auoit aucun mal furluy. Et le 29. cft decedé aufli le cirurgien de la patache monfieur le Ferreur de Paris. Et voyant quelquesembarquemens du pays à la voile de bord & d'autre , Pay fait mettre vne enfeigne blanche pour les faire approcher , mais voyant qu'ils ne vouloient venir, & y enayant vnentrelaterre & nous, i'ay faitef- quiper la fcutte pour parler à eux : cette embarcation ,qu'ils appellent Parau, vouloit fe fauuer à terre, ncantmoins ladite fcuttel'aattrapé , & ont concerté enfemble de nous mener à Ticou moyennant la fomme de 35. realles de hui& , ou pieces de qua- rante hui& fols,& pour ce fujer nous ont déliuré vn Pilote. Ils eftoient de Priamam ville fituée 8. ou το. lieués au Sud de T icou , & nous difent que Ticou n'eft quà 7. ou 8.lieuésd’icy, par-delà quelques Iflets qui font deuant nous:& noftre pilotte nousa conduitsplus proche de terre ferme, que n'euffions efté , & auions toufiours la fon- de enla main, ne me fiant que de bonne forte à tels Pilotes: & eftans le trauersdes | fufdits Mets, ilnousa fait remettre vers l’eau : iceux paffez nous defcouurifmes vne ٠ AVIXVENDIES ORIENTALES 5,9 allez haute pointe dela rerre ferme, & y a deux battures, l'vne au bout de ladite haute pointe qui en eft cfloignée enuiron demie lieué, & l'autre au Sueft d’icelle و‎ qui pcuteltrc cfloignce deterre ferme enuiron deux licués, & font bien dangereutes; & noftre guide ne nous en auoit point aducrti; & nous allions droit fur la derniere, fans vn hone qui eftoit au haut du grand maft qui l'auifa, car nous ne l'apperce- uions pas de bas, àl'occafion d'vn grain de pluye qui eftoit furuenu deffus, & noftre guide difoit que T icou cftoit encore 5. à 6. ieües à l Eft Sueft de cesbattures. Comme nous nous retirionsde ce mauuais endroit, & que nous auions le cap au Sufüeft, nous en auons veu encore vne autre deuant nous, efloignce de la feconde vne bonne liciie: nous auons fondé entr. elles & toufiours trouue 16. brafles d’eau, fonds de vafe & quelque peu de fablon, & gifent Surcft & Norocft, [cauorr la leconde & la derniere: & la nuiét nous ayant furpris entre icelles, i ay fait tomber l'ancre pour pañler la nuit, qui auoit apparence d'eftre manuaife pour lestonnerres & pluies qui commengoient bien afprement; ce lieu eft letrauers d’vne habitation nommée Pageman, il s y re- couure grand nombre de poivre, & cft le commencement des poivres de cette co- “fte de etre droit fous l'equinoxial , faifant vne grande ante , le fonds de laqu elle cft pais plat & couuert de bois, & au dedansy a vne tres-haute montagne , "fate en pic; qui fe voit à plus de 3o.licüesloin, & courant au Suef vn quart 中 Et : eftant paruenu à la pointe de cette anfe , on commence à voir les trois Ifles de Ticou , au- quel licufommesarriuez le Mardy premier de Decembre, bien las ἃς fatiguez , ayans tardó deux mois à faire vn chemin, qui d'ordinaire s accompliten hui& jours. Durant les calmes &le temps fufdit qu'auons rardé à venir en ce lieu, fontdecedez 13. persônes dans ce NauireMontmorancy , & 10. dansla patache, ce font vingt - trois perfonnes & deux ronneliers que nous auions perdu le deuxiéme d'O&obre, & 25 en tout , qui cft vne grande perte pour nous, & qui me porte & portera bien du pre- judice pour Icsdeffeins que r'auois à l'auancement de cette entreprife : Dieu mauoit 2111116 au commencement de ce voyage , d'auoir efté vn an dansce Nauire , fans auoir perfonne malade : Silescalmes cuffent duré 15. jours , ie croy que tout fur demeuré dans la Mer. Nous auonsancré fur les dix heures dumatin , entre le plus grand Mer & la terre ferme à quatre braffes d’eau, fonds de vaze , & i ay enuoyé la fcutte à terre qui m'a amené vn nommé Pedro de la cofte de Malabar qui feruoit d'interprette aux Anglois lors qu'ils auoient facturic en ce lieu : IH me dit que les Anglois & ies Holandois auoient efté mis hors d'i icy par le Roy d'Achen il y auoit enuiron deux mois, & qu'il y auoittorce poivre à terre , mas que nous n'en pourrions acheter fans vne licence du Royd' Ren a qui toute cette cofte appartient. Dauantage cct /n- terprette m ‘apporta vne lettre d'vn nommé Benneuile & d'vn nómé la Boulaye , dé l'equipage du Vifadmiral , lefquels m'aduifoient que le dernier de Juillet ou enuiron le Nauire l'Efperance noftre V ifadmiral eftoit arrmé en cefte cofte à enuiron vingt licuësd'icy, & que monficur Graué Capitaine d'iceluy s'eftroit delibere de equipper fon batteau de quinze hommes pour enuoyer en ce lieu de Ticou, pour recouurer des rafraichiffemens & de l’eau , ne ce Nauire eftoit entierement dé pourueu, & pour ce fujer s'eftoient embarquez dans ce batteau du Queíne & le Sec deux de fes principaux commis, auec le pilote Parri, & Francifco Nicquet Interprete Indien ; qu'auions embarque à Dieppe, & onze rant matelots que foldats , lefquels citans ve- nusàterre , rencontrerent vn Nauire Holandoisen cette rade , qui leur ura vn coup de canon , & les penfa couler à fonds. Les Commis s'eftans plains de cela, ils dirent pour c excufe qu ils penfoient qu'ils fuflene Anglois : Lefdits Commis auec le batteau furent donc à terre, & demanderent permiflion au Gouuerneur de ce lieu d'auoir quelques r atraichiffemens, ce que le Gouuerneur leur accorda fort librement, & les receuttres-humainement. Les noftres ayans chargé leur batteau de viandes & frui- tages, partirent de ce lieu pour retrouuer leur Nauire , ce qu'ils ne pürenr faire, & y retournerent encore par deux fois , outre la premiere , fans le pouuoir rencontrer ; c’eft pourquoy ils demeurerent audit lieu vendans leurs ármes pour viure, & au mois Seconde Partie. , و‎ Eu 33 VOYAGES DV CAP. BEAVLIEV d'O&obre eftoient morts fept d'iceux و‎ fçauoir les Commis du Quefne & le Sec, le: Pilote Patri, & quatre mattelots : des fept autres les quatre eftoient partis au mois d' O&obre dans vn Nauire Holandois , qui auoit emmené 2111111 batteau , & prenoir la routte d'Achen; & lestrois autres dans vn autre Nauire Holandois pour Bantan, tellement qu'il n'a refté icy que l'Interprette Indien, qui eftoit à quelque licué عل‎ Ticou dans le país, qui gagnoit fa vie à cueillir du poivre, & lequel ray incontinent enuoyé chercher. le fusbien eftonne de ces nouuelles, m'elmerueillay comme monfieur Graué enuoyoit fon batteau fi loin de luy ,& qu'il y mettoit des perfon- nes fi neceffaires comme cftoient deux de ces principaux Commis , & vn Pilote : ie fus tres-marry de leur mort, m'affeurant bien qu'ils feroient grande faute, & cuffent efté grandement neceffaires dans ledit Nauire ; & confiderant bien tout ce que def: fus و‎ 'eus grand doute qu'il ne fut arrjué fortune audit Nauire, veu que Pon n'auoit entendu depuis parler de luy. Ce quime fit enquerir encore plus exactement dudit Pedro pour fçauoir ce qu'il auroit entendu des deffun&s Commis touchant ce Naui- rc , quel traittement ilsauoient receu des Anglois & Holandois qui auoient encore ox i fa&urie en ce lieu lors qu'ils y arriuerent; le traittement de ceux de ce paisenuers eux , & l'occafion de leur mort & de cinq autres perfonnes en fi peu de temps; à quoy M il me dit que l'opinion des Commis eftoit que ledit Nauire auroit efté forcé de leuer | ou quitter Pancre par quelque grain outempefte qui leur feroit furuenuë au lieu où | ils eftoient arriuez , & que n'ayans peú ratraper ledit lieu , ils auroient lafché à Ban- | tan, efperant que moy paffant par icy ; comme ie leur auois promis ie lesrecucillerois & embarquerois pour les mener audit lieu de Bantan; Que le lieu où eftoit ancré le Nauire eftoit vne grádeIfle à l'Oeft de ce lieu efloigné enuiron de vingt lievés,en la- quelle ledit Nauire n'auoit affeurement fait naufrage, ny le long de cette colte, parce que diuers Paraus allans & reuenans tant en icelle Ifle que le long de cette co- | fte , n'auoient apperceu ny reconnu aucun bris de Nauire qui püt faire foupçonner — la perte d'iceluy , & que le Gouuerneur s'en eftoit informe exaétement. Pour le fait des Holandois qu'ils auoient fait du pis qu'ils auojent peu aux no- — ftres, & quelors qu'ils tirerentle coup de canon fur le batteau » Ies auoient ja bien | reconnus pour François, & auoient defia parlé ou parloient enfemble, & qu'alors ils n'auoient aucune difpute contre les Anglois;les nouuelles de leur accord leur eltant paruenués du precedent, qu'ils auoient dittant au Gouuerneur qu'Habitans — de celieu, que les Francois eftoient des voleurs, & que ceux-cy venoient recon- | noiftre la defcente de Ticou pour lesfacager, & ainfi qu'ils feroient bien de ne leur permettre aucune defcente,ny oétroyer aucuns rafraifchiffemens:Quiils auoient e de groffes difputes auec nos Commis , fpecialement contre le Sec, qui leur difoit | haut & clair que les Francois auroient bien le moyen de fe vanger quelque jour des outrages qu'ilsleurs faifoient , & que les Holandois ne les voulurent iamais affifter d'aucune chofe , ny durant leur fanté, ny durant leur maladie, feulementa quel- | ques matelots defquels ils ancient befoin : Que pour les Anglois ilsles auoient affi- fté de tout leur pouuoir , & les noftres ne pouuoient en aucune façon fe plaindre d'eux. Pour le fait du Gouuerneur , qu'illesauoit aidez & afliftez en tout & partout, & n'auoit iamais creu , non plus que les habitans, qu'ils euffentle deffein que leur faifoient entendre les Holandois ; remarquant bien l'affli&ion des noftres, & la ma- lice des Holandois , qui defiroient venir eux feuls aux Indes , & qui auoient fort mal traité depuis quelque temps le Roy de Iacatra & viurpé fa terre, quieftoit l'occafion pour laquelle le Roy d'Achen les auoit chaffez de Ticou: Pour le fait de leur mort qula verité cette année auoitefté extrememet maladiue, & que depuislong-temps il nes'en eftoit veu vne pareille, y ayant eu grande mortalité des habirans mefmes, & que les maladies ne faifoient qu'acheuer , dequoy peu de perfonnes auoient efté cxemptes;neantmoins qu'aucuns auoient foupconné les Holandois de leur auoir par quelque moyen aduancé leurs iours , n’eftans decedez que ceux qu'ils hayf- foient le plus; & qu'ils n'eftoient les premiers aufquelsils euffent donné ou fait don- AVX INDES ORIENTALE S. 39 ner du poifon , de quoy plufieurs Anglois eftoient morts : le m'enquisalors au 多 位 ic Pedro ce que les Holandois auoient faitau Roy de lacatra, & fi Bantan auoit efté afliegée par eux : Il m'affeura qu'elle l'eftoit encore , tellement que perfonne du cofté de la Mer ny pouuoitentrer, & n'y auoit de prefent aucun commerce ne trafic en ladite ville : Que les Holandois auoient prins lacatra, & chaffé le Roy qui s'en eftoit fuy , & ne fçauoit-on qu'il eftoit deuenu; qu'ils auoient razé l'an- tienne ville, & bafty vne notable forterefle , & faifoient vne ville à la mode de leur pays, qu'ils peuploient de toutes fortes de nations, & l'auoient fort perfua- dé d'y aller demeurer, luy promettant d'aflez honneftes partys: Enfin qu'apre- fent ils cltoient maiftres du deftroit de Sonda, & que perfonne n'y pouuoit naui- guer fans leur pafleport : Quelque peu apres Francifco Nicquet Indien de l'equi- page du Nauire PEfperance, melt venu voir, qui m'a confirmé tout ce que Pe- dro mauoit dit, & luy demandant particulierement l’eftat de l'equipage de monfieur Grauc, lors qu'il fembarqua dans le bateau, il m'affeura que depuis noftre feparation il y cftoit mort neuf hommes, entr-autresle Capitaine Care- me, à l'enfeueliffement duquel au 10111 du Nauire futtiré yn coup de canon, qui creua & tua trois hommes: qu'il y auoit plufieurs malades و‎ entr-autres monfieur le Telier premier Commis, & le Capitaine Soinet leur Pilote , & manquoient d'eaux; voila de bien grands accidents, & entr'-autres celuy de la perte de leur battcau;auec des perfonnes qui leur eftoient fi neceffaires comme de leurs princi- paux Commis, vn Pilote & les meilleurs matelots, & n'en fçaurois que iuger de- puis 4. mois qu'ils font partis d'icy ; fans que l'on ait entendu aucunes nounelles » d’eux,ny qu'ils ayent enuoyé pour fçauoir qu'eftoit deuenu leur batteau & l'equi- page d'iceluy : dauantage la ville de Bantan affiegée, en laquelle n'y pouuant trai- ter, ic leur auois ordonné de venir incontinent en ce lieu, & confiderant que l'on | n'atrouue aucun bris ny remarque de vaiffeau perdu, & qu'ils deuoient auoir en- | core cent hommes, cux ayans cent vingt-quatre ou cent vingt-cinq hommes quand ie les quittay , qui eftoit de grandes forces, ie ne pouuois conje&turer de quel cofté ils auroient tourné ; ce qui me fit refoudre d'enuoyer à Achen & à Ban- tan à quelque prix que ce fut, pour en auoir des nouuelles, que ie prie Dieu nous donher bonnes, afin d'auoir quelque confolation parmy tant de calamitez. Le Mercredy deuxiefme de Decembre le Roy & le Gouucrneur de la part du Roy d'Achen m'ont enuoyé dire que ie pouuois venir à terre quand i'aduiferois bon eftre , & qu'ils me donnoient affeurance ; ainfi la releuée y ay efté auec pre- fens , fans lefquels on n'eft pas bien venu en ce païs-cy, tant pour les perfonnages LU cy-deffus nommez, quautres principaux Officiers, & aufli pour quelques-vns - qui auoient affifté, & aux maifons defquels auoient loge ceux de noftre Vis-Ad- -. miral. Eftant paruenu au lieu où eftoient lefdits Gouuerneurs qui m'attendoient fur le bord de la Mer, fous vn Baly ou toi& , ainfinomméentr-cux, ils me firent . honorable reception; & leur ayant declaré de quelle nation nous eftions, & - quelatraitte des poivres dont i'auois entendu ce lieu eftre tres-abondant m'y a- i uoitemmené, meímeauffi Pefperance que i'auois d'auoir des nouuelles demon 1 no — UTERE Vice-Admiral,& que les Francois eftoient ja connus du Roy d'Achen , auquel ils auoient payé les premieres couftumes d'entrée , qu'en cette confideration cette terre luy eftant fuiette , ie n'auois douce d'y eftre le bien venu: Parquoy lesfu- pliois de nous o&royer la traitte libre, tant de viétuailles que de marchandifes; à quoy ils me dirent que ja par ceux du batteau de noftre V is-Admiral ils auoient entendu qui nouseftions , & qu'ils ne defiroient autre chofe que عل‎ traitter auec nous ; mais qu'ils nele pouuoient faire fans auoir premierement vn paffe-port du Roy d'Achen, fanslequel ils ne la pouuoient o&royer, qu'ils ne miffent leur LU tefte en yn euident danger : Que pour des viétuailles ils me permettoient d'en a- … cheter, moyennant queieles payaffe enrealles & couteaux, & non en d'autres marchandifes ; que fiie voulois aller à Achen demander permiffion au Roy 6ل‎ 40 VOYAGE DV GEN. BEAVLIEV tablir vne fa&urie encelieu, que ce feroit tout ce qu'ils defiroient. Ie les re> merciay de leur bonne volonté, & leur dis que ie n'auois pas creu qu'il falut aller à Achen pour traiter par deçà, qu'en cela mon ignorance me rendoit excufable Que pour le prefent ie n'y pouuois aller, pour eftre mes gens tres-fatiguez & ma- lades , & qu'il me conuenoit pour le moins vn mois à les faire reuenir fur pied. Que pour ce fujet ie les prioisde me donner permiflion de loüer yne maifon en la ville pour mettre les malades, & laiffer quelques gensà terre pour acheter des vi&uailles pour nous autres ; à quoy ils me repartirent qu'il y auoit yne infinité de mauuaifes gens en celieu, defquels ils ne me pouuorent 1efpondre, c'eftoit pourquoy craignant quelque accident en mes gens ils me prioient les d:fpenfer de me permettre cela; mais que pour deux hommes ie les pouuois laiffcr à terre pour nous acheter ce qu'il nous feroit de befoin, & cela durant l’efpace (eulemcnt de cingiours. Voyant qu'il n'y auoit pour lors autre chofe à faire aucc cux, ie me retiray en la maifon d'vn Chinois, ou i'eus vne infinite de vifites des plus fignalez, qui tous me promettoient affiftance & affeurance de faite charger nos Nauires de poivre en peude temps, pourueu que i'euffes permiffion du Roy d'Achen, fans la- quelle ils ne pouuoient du tout rien faire auec moy : & ayant remercié quelques vnsquiauoient affifté les noftres du barreau du Vicc- Admiral, tandis qu'ils auoiét cfte à terre ie me fuis retiré à bord. Le Ieudy 3. de Decembre fgachant qu'vn Paraualloit à Achen, & partoit ce foir, ay obligé le maiftre d'iceluy par quelques prefens & promefles de remunera- tion, fil treuuoit noftre Vice-Admiral à Achen, de luy déliurer vne lettre quc i'adreffois à Monfieur Grau ou autre de fon efquipage. Le Dimanche 6. ay fait marché auec vn Malaye Maiftre de parau refident à Ti- cou nommé Paucianon d'aller à Bantan ou Iacatra porter yn de mes gens a bord du Vice-Admiral, à condition qu'il feroit icy de retour dans vingt jours, moycnnant la fomme de cent realles, & qu'il fuft preft à partir dans deux iours, dequoy en auons fait vn efcrit & donnércfpondant de Pedro Ferreiro de Goa interprete des Anglois, refident &marié à T icou, lequel ne defire non plus que le Ma ftre du Parau ,que le Gouuerneur ou autres de Ticou ayt connoiflance qu il foit allé en ceslieux; & ce jour mefmei'ay efte voir le Govuerneur,tant pour le remercier d'vn Bufle & de quelques frui&s qu'il mauoit enuoyé lesiours paffz, qu'auffi pour luy demander derechef de m'accorder vne maifon pour mettre nos mala- des, ce qu'il m'ao&royé moyennant quelque prefent que i'auoi: fait preceder, ainfi j'en ay fait defcendre 43. & loiie 2. Meftis de Bengala pour faire leur cui- fine ; plustrois Chirurgiens que i'ay enuoyé auffi aueceux , le Religieux, vn Com- mis & Francifco Carnero Portugais ; tellement que i'ay jo. hommes en ladite mai. fon, & tous cesjours icy i'ay eu diuerfes vifites δὲ prefents de fruitages & cabris, & cette releute ,le Gouuerneur de Priaman (qui eft vne ville à hui& lieués de cel- le-cy ) m'a enuoyé vifiter & fait prefent de quelques cabrits , me priant fort de le venir voir audit lieu de Priaman, & qu'il me feroit la meilleure reception qu'il luy feroit poffible;Ie fis quelques prefensà ceux qui eftoient venus de fa part, les Mes de dire à leur maiftre que ie me tenois grandement obligéenuers luy de. honneur qu'il me faifoit, qu'à la premiere occafionie ne manqueroisde l'aller voir auec le petit Nauire ou patache, pourle remercier plus particulierement de ce qu'il m'auoit enuoye. Le Mardy hui& de Decembre eft venu yne galiotte d'Achen, y auoit vn mois qu'elle eftoit partie de ce lieu ayant tardé en quelques endroits de cette cofte ; ceux de dedans m'ont affeuré qu'il n’eftoitarriué audit lieu d’Achen aucun nauire Francois ; mais que l'on m'y attendoit : Suiuant cét aduis ay efté certain que no- ftre Vis-Admiral n'y eftoitpoint, & qu'il falloit de neceffité qu'il fut à Bantan ou lacatra, ce qui m'afait. depefcher au pluftoft le Parau cy-deuant accordé & ay faitembarquer dedans Maiftre Ifaac Veron canonier , homme qui yy auoir emeure AVX INDES ORIENTALES. 41 demeuré en ce país pluficurs années tant aux Molucques auec les Efpagnols, que dans le détroit de Sonda auec les Holandois , &faitle voyage dernier de Bantan aucc moy ; le jugeay propre pour cette entreprife plus qu'aucun autre , iceluy fcachant le langage Malaye , dauantage homme que ie tenois tant pour fon âge qu'experience allez iudicieux : Pour l'encourager à taire. diligence luy fis de grandes promefles s’il me rapportoit refponfe des lettres que ie luy deliurois,pour porter à monfieur Graué auquel i'efcriuis bien amplement ce qui s'eftoit pafsé dans ce Nauire depuis noftre feparation ; les mauuaifes nouuelles que 1211015 apprifes icy de fon batteau, & de ceux qu'il auoit enuoyé dedans; & l'occafion qui me detenoiten ce lieu. | Le Ieudy 10. de Decembre font arriuéestrois galeres appartenantes au Roy d'A- chen و‎ & venoient dudit lieu ayans vn Elephant dans chacune auec quelques 300. hommes. Leshabitans de Ticou difent que le Roy d'Achen doit encore enuoyer nombre d'hommes auec encore quelques Elephans pour fairela guerre à vn Seigneur qui s'cft reuoité de fo ciffance , qui refide entre Priaman & Andripouri; voyant cela ὃς confiderant que ray 50. hommes à Ticou, & so. àl'Iflet pour raccommoder “noftre fuftaille , & que noftre {cute va & vient iournellement efquipée de hui& à dix “hommes, en forte qu'il ne me refte que fort peu d'hommes dans ce Nauire, & qu'il “vient quelquesfois ὃο. ἃ cent des habitans de laterre ; tant de ceux qui me viennent “voir, que d'autres pauures gens qui apportent des œufs , frui&s , poules, poiffon , & “autres viuresà vendre : Pay fait fermer lescfcoutillesauec cloux & cheuilles , & fait “ync barriere entre le grand maft & l'habitacle ou maft de Mizane , qui eft deffenduë "de deux gros pierricrs montez furroite, & cinq autres pierriers fur ledit habitacle & “corps de garde, letout commandant fur le tillac , afin que lefdits habitans demeu* “raflent fur la belle ou autour du grand maft , & à ladite barriere y a vne porte que ie fais garder par deux moufquetaires & deux halebardiers , qui l'ouurent lors que ie permets à quelqu vn du pais de defcendre en ma chambre, à ce que s'il leur prenoit enuic d'attenter quelque chofe fur nous, cérouurage leur en puiffe faire perdre l'en- uie ; & en effec de la forte que le tout eft bafti, 200. hommes für le tillac feroient peu, pourucu qu'on fut le moins du monde fur fes gardes. Le Dimanche 13.1237 efté à terre, tant pour entendre Meffe , que pour voir comme fc portoient nos malades, que par debuoir vifiterle Roy & Gouuerneur , & leur de- -. mander permiffion de feiourner encore en celieu 15. ou 20. iours. Ay treuuc queles malades recouuroient peu à peuleur fanté; & ayantefté voir le Roy & Gouuerneur, m'ont accordé terme de 15.10urs à demeurer encore icy , me coniurant d'aller au plu- ftoft à Achen, pour auoir permiffion du Roy detraitter par deçà, ce que chacun defi- re infiniment que nousayons icy faéturic pluftoft qu'autres nations : Ie leur affcuray | que ie ne demandoisautre chofe , & quefi mesgens auoient recouuert leur entiere “ianté auiourd huy, ie m'y en irois dés demain : Me prierent auffi n'entrer en aucun "foubcon qu'eux ny ceux de ce país cuffentenuie me faire aucun tort; qu'ils auoient | entendu que ie m'eftois fortifié dans mon Nauire , & apprelté beaucoup de canon plus “que ic n'auois quand i'arriuay;à quoy ie refpondis que c'eftoit ἃ quoy ie n'auois aucu- “nement penfé, & que fi i'auois aucune deffiance d'eux , ie ne viendrois à terre fi libre- | ment, ny ne laifferois cinquante hommes malades en leur pouuoir : Qu'à la verité - Yauois fait faire vne barriere و‎ mais que ce n'eftoit que pour empefcher plufieurs per- " fonncs qui entroient droit dans ma chambre fans parler à perfonne, & que ie ne con- - poiffois, & qu'il eftoit venu tel pefcheur à qui iauois fait autant d'honneur qu'à vn “ Orancaye ( ou gentil- homme fignalé ) & tel Orancaye que 1211015 fait retirer “penfanc que ce fut quelque importun : Quà cette occafion craignant retomber en telle faute , i'auois fait faireladite barriere, à ce que perfonne n'entrat dans ma “chambre fans que ie fceuffes premierement quel il eftoit: Que pour le canoni'a- uois fait veritablement monter quelques pieces depuis peu, à l'occafion que 15 entendu qu'ily auoit deux Nauires Holandois proche d'icy , contre lefquels ¡e les auoisappreftées fi d'auanture ilsm'attaquoient. Ils me dirent alors que rauóis plus Seconde Partie. 5Ε 42 VOYAGE DV GEN. BEAVLIEV d'occafion de douter-les Holandois que non pas eux, toutefois que fi ie defirois ils | empcícheroient bien qu'aucun de la terre vint à bord:de mon Nawre : Ie les remer- ciay ,les affeurant que i'eftois bien content de les voir, qu'ilseftoientles biens vez nus, & que ie n'auois aucune deffiance d'eux. Apres auoir pris congé d'eux me font venus vifiter les Capitaines des trois Galeres qui m'ont afleuré de rechef n'eftre ve- nu à Achenaucun Nauire François. Le Samedy 19. m'eft venu voir à bord le fils aifné du Roy de Ticou, auec grande fuite & magnificence à leur mode; & l'ayantreceule plus honorablement qu'il m'a. efté poffible ; ila demeure la plus grande partie de la releuée en ce Nauire ; ou ic luy ay fait quelques prefens. LI Le (oir apres fouper eftarriué le Parau que i'auois enuoyé d'icy il y a onze iours, où» eftoit monficur Ifaac Veron, portant les lettres quei'efcriuois à monfieur Graué. La promptitude du retour dudit Parau د‎ joint que monfieur Ifaac n'eftoit dedans, me donnerent quelque efperance qu'vn Nauire que ceux de e país depuis peu m'a- uoient aduerty eftre à16. lieués d'icy و‎ feroit noftre Vice-Admiral; mais ayant fait monter le maiftre du parau me donna d'autres nouuelles que ie n'efperois و‎ à {ça voir que 4. iours apres leur partement de ce nauire ils arriuerent au port de Surobaya | qui elt en cette cofte de Sumatra parles 4. degrez Sud de la ligne equinoxiale ; où 115% virent vn nauire Holandoisà l'ancre ; auquel Ifaac Veron voulut parler, encor que ledit maiftre de Parau die qu'il le luy defconfeilla : neantmoins y furent , ou ledit Ve“ ron ayant appris que Bantan eftoitrellement affiegé ; qu'aucune nation n'y pouuoit: entrer,& que noftre V ice-Admiral eftoit à Iacatra defnué d'hómes, ne luy en reftant que 25. 0u 26. & qu'il auoit efté en telle extremité le long de cette cotte, que fans vn. Nauire Holandois qui l'affitta d'hommes, il fut demeuré par leseaux , ne luy reftant, que 4. ou 5. hommes , defquels monficur Graué & monfieur le Telier en eftoient. Le- dit maiftre de Parau me defliura vne lettre où eftoit contenu ce que deffus. Dauan- tage que le Maiftre du Nauire Holandois, le Marchand, & deux outrois Francois. l'auoient aduerty que le deftroit de Sonda eftoit plein de gens de guerre de laua, tant. en Paraus que Caracaus, & qu'ils ne laiffoient rien paffer qu'ils ne miffent à mort de. quelle nation que ce fuft,& quelle enfeigne qu'il portaít;qu'ils venoientfurieufement: à bord fans parlementer, tuanstout;ayant pour chaque tefte vne fomme d'argent du Roy de Bantan , quand ilsluy en portoient , qui auoit efté occafion qu'entendanttel- les nouuelles n'auoit trouué à propos de paffer outre dans ledit Parau, & que treuuant la commodité de ce Nauire , duquel le maiftre & marchand luy promettoient de le porter dans 7. ou 8. iours à lacatra, auoit refolu ne perdre cette occafion , & me ren- noyer le Paran pour me porter falettre, m'aduertiffant derechef que ie ne m'efton- naffe de ce que i'entendois par cette lettre ,'& que tout eftoit encor en pire eftat qu'il ne mele mandoit, & qu'il efperoit en bref cftre à bord de noftre Vice-Admiral , ou ayant defliuré mes lettres, il efperoit en rapporter de certaines nouuelles : Qu'il auoit cu de grandes fatigues dans le Parau;les jambes luy ayant enflé pour eftre continuel- lement dans l’eau : Voila à peu présle contenu deslettres dudit Veron; qui met auffi que les Holandois auoient mené le Vice-Admiral deuät Bantan,& delà à lacatrag à caufe que les guerres eftoient figrandes deuant leditlieu de Bantan que perfonne n'en pouuoit approcher : je fus extremement marry d’entendretelles nouuelles qui. me mettoient encor plus en peine que du preecdent, ὃς fafché contre Ifaac Veron d'auoir failly fi lourdement que d’auoir efté à bord dudit nauire Holandois, veuque ie luy auois recommandé expreffement de ne s'arrefter à aucun ¡nauire , mais de les fuyr, & s'il eftoit poffible aller droit treuuer noftre nauire PEfperance, & m'en rap- porter de certaines nouuclles: Et. confiderant bien ce que Veron m'efcriuoit ; ie treuuay expediant de faire affemblerle lendemain 20:le Confeil deuant lequel ie fis lire la lettre de Veron,leur demandantaduis de ce que ie deuois faire en vne affaire fi importante , & fommes demeurez vnaniment d'acord qu'il ne nous conuenoit pasal- ler à Bantan auec ce nauire; puifque nous eftions füffifamment 20111162 que le pays AVX INDES ORIENTALES, 43 eftoit en guerre , & quenoftre charge y feroit bien mal affeurce , ou au contraire al- lantà Achen elle le feroit, & que feroitioüer à cout perdre que d'y aller ; parce que ne pouuant partir d'icy qu'au mois de lanuier prochain , il nous faudroitla plus gran- de partic du mois pour en faire le chemin, & le mois de Fevrier pour eflayer à y faire noftre trafic; que fi nous nele faifons dans ledit mois , il feroit trop tard au mois de Mars de reuenir de là pour Achen, le long de cette cofte , fuiuant que quelques-vns de cc pays nous ont aduertis ; tellement qu'il faudroit attendre vne autre faifon pour reuenirà Achen,en vn pays plein de guerre, auquel peur-eftre nous ne pourrions re- couurer des viures pour de l'argent;& ainfi qu'il valloit bien mieux prendre le certain d'Achen que l'incertain de Bantan : joint que s'il y a quelqüe chofe à faire en ce lieu, noftre Vice-Admiral le peut faire fans nous. Ec afin d'affifter le Vice-Admiral d'hom- mes, s'il en a befoin, & luy faire fçauoir cette deliberation, & luy donner ordte de ce qu'il doit faire: la parache feroirefquippee au pluftoft,dans laquelle le Capitaine du Bucq Maiftre dudit nauire ( & prefent en ce confeil) sembarqueroit auec 20. hom- mes,afin de promptement aller trouuer lc V ice-A dmiral ὃς l'affifter de fon ef quipage, sil eftoitbefoin , foit de retourner en France, s'il peutauoir fa charge à Bantan, ou au deffaut venir trouuer ce nauire au pluftoftà Achen, fuiuanc l'ordre qu'on luy enuoira par ladite patache qui partit le 23. Decembre. - Te donnay vn ordre par efcrit, tantau Capitainede Buc, quà Monficur Dmion commis dans la patache, bien ample, pour les marchandifes qu'il auoit fait charger, qui confiftent enfer, plomb, vn poinfon & vne caiffe pleine d’oppium, vne caiffe de couftcaux & les paquesqui s’eltoienttrouuez dans le nauire venant de la Mec: que pour le fer, plomb & vn fac d'argent de 450. realles , ilseftoient de la cargaizon de ce nauirc. Le Vendredy 25. de Decembre vay commencéà faire embarquer nos eaux ἃς fai- rc rcuenir ceux qui fe portoient bien à terre de nos malades, qui commencent tous à recouurer leur fanté; & le dernicri'ay fait reuenir chacun à bord. Le Vendredy premier de Ianuier mil fix cent vingt & yn,eftant defia tout preit de faire voile , ie fisaffemblerle Confeil, auquel ¡e propofay la derniere refolution que nous auions prife, & lesoccafions quinous y auojent meu, & leur fisrelirela lettre d'Iac Veron, & l'ordre que i'auois donné au Capitaine du Buc,les priant derechef de bien confiderer fi cette refolution nous feroit aduantageufe, & que iufquà prefent nous auions encore le choix d'aller à Bantan auffi bien quà Achen; que finousal- lionsà Bantan nous nous pourrions reioindre tous enfemble , & fi noustrouuions oc- cafion d'y “charger , que ce feroit le moyen de nousen retourner en France ; que fi allions à Achen ne pourrions pas nous entreuoir fi-toft, & outre cela noftre faifon feroit perdué cette année pour s’en retourner en France : Qu'auffi d'allerà Bantan, il - eftoità craindre, y treuuantla guerre ; comme auons aduis qu'elle y eftoit , que nous - nc perdions la plus grande partie de cette année pour auoir no ftre charge , parce que nous ne pouuons retourner de Bantan à Achen que iufques au mois d' Aouft ou Sep- tembre qui vient: c'eft que par l’ordre que ray donnéau Capitaine dn Buc; qui eft ‘bien ample , s'il y a quelque chofe à faire à Banran, il le peurfaire ; parquoy ie les priois de rechef de me donner aduis & confeil fur ces difficultez , vnanimement ils me dirent qu'il n'y auoit point de refolution meilleure que celle d'aller à Achen, parce uc ce feroit s’expofer à beaucoup d'incommoditez d'aller à Bantan,fi nous n'yàuions le trafic libre; & que c'eftoit ioüerà perdre tout que d'y aller: ouallantà Achen, du . moinsferions affeurez d'auoir la charge de ce nauire, & à Bantan cela feroit du cout incertain, veu les aduis que nousauons d'Ifaac Veron, & de ceux de pardecà , qui difent n'y avoir à prefent aucun trafic ; c'eft pourquoy nous auons conclud derechef d'allerà Achen. Le Dimanche 3. au point du jour nousauons deshallé auec quelque peu de vent de laterre. Ce lieu de Ticou cft par la hauteur de vingt minutes Sud dela ligne equino- xialle : Le pays dans la terre ferme eft tres-haur;& fur le bord de la Mer fort bas, cou- Seconde Partie. : (Di 1621, 44. VOYAGES DV GEN. BEAVLIEV uert d'arbres & arrouzé de pluficurs petites riuieres qui font le pays Marefcageux ,& plufieurs belles prairies où 1e nourrit quatité de Bufles & Bœufs, qui y font à raifonna- ble compte; fgauoir 4. à s.rcalles chacun.Le pais eft affez ferrile de ris, beftaïl,poules, canards, ὃς quantité de bons fruits ; comme Durions, Ananas, Mangoftans , Ram- boutans, Bananes,Patates,Mangues, Grenades, Oranges, Citrons, Gilomons,Melons d'eau, Concombres ; Raues , & autresà moy inconnus , & grande quantité de beau poivre; عق‎ meilleur fans comparaifon que celuy de Bantan , qui eft la richefle du pais: d'autres chofesrarés,marchädifes, drogues,ou manufa&urces, il ne s'y en treuue point. la ville de Ticou eft peude chofe,& peut eftre cfloignée du riuage dela Mer enuiron demie lieué : Il y a fur le ritage quelques maifons & vne forme de halles, qui font vis à visde l'Iflet , ou ancrent les Nauires: le tout ne pouuant contenir tant de la ville que du vilage 800.maifons ; encor bien mal bafties & faites de rofeaux de peu de for- ce & auec peude commodité , & dedans les rerresle pays ne laiffe pasd'eftre fort peus plé, principalement au pied des montagnes ou croift le poivre. Il ya vn Roy dela; terre qui porte encor le nom de Roy de Ticou, mais il eft Sujet du Roy d’Achen, le- | quel y met vn Gouuerneur, qu'il change de trois ans en trois ans, & fans lequel le Roy de Ticoune peut rien faire de quelque petite importance que la chofe fuft: عق‎ ainfi les eftrangersont plus affaire du Gouuerneur que du Roy : mefmesle peuple redoute bien dauantage le Gouuerncur , qu'ils nomment Pangaran Lima. Le peuple qui habite la ville eft Malays; & on ne parle autre langage, comme on fait tout du x long de cette cofte , iufques au pied desmontagnes. Dedanslesterresilya desnatu-. τοῖς du pays, qui ne reconnoiffent point le Roy d' Achen , & ont leurs Roys particu- | liers, & vn langage particulier : Ils font Idolatres , mangent chair humaine و‎ & poffe- dentles Mines d'or , qui font enbon nombre en cette Iíle, & d'où ilsen tireroient « beaucoup, s'ils eftoient entendus aux Mines; mais ilsne le recueillent que par les ra- uines deseaux, & dans quelques petites foffes , qu'ils ne font gueres profondes: Ils l'eíchangent auecles Holandois ou habitans du long du riuage , contre du poivre; | fel fer, & pagnes de cottonteintes en rouge » ou perles venantes de Suratte, qui ont vn grand debit à Ticou : Ils prennent auffi de l'argent; & l'or entre les mains des. Malays eftauffi cher qu'en France, & à Achen dauantage. Les Malays font tous Ma- hometans, fort fuperftitieux , & neantmoins grands larrons , & on n'eft pastrop en. feureté dansles maifons la nui& , & encore moins dans les champs : Ils font de cou- leur oliuaftre , ils tiennent leursfemmes enfermées, ἃς ne les void-on aucunement par les rués. L'air du pays eft tres-mal fain, particulierement depuisle mois de Juil: | let, iufques à la fin d'O&obre , ou regnent des fievres tres-cruelles, & peu ou point remediables : La plufpart de ceux du batteau du Vice-Admiral en font morts, & de prefent nous en auons quelques-vns de malades & vna Particle de la mort; & fi ce n'eftoit le poivre, ic croy que peu de gens y viendroient : Il fe recueille en tout. temps, mais le plus grand nombre en Decembre, lanuier & Feurier. On ne le peut enleuer fans la permiflion du Roy d’Achen, où il faut aller pour l'obtenir, ὃς appor- tantlettres du Roy, qu'ilsappellent Chappa ; marque ou cachet, alors on trafique li- brement auec tous ceux de la terre , fans que le Roy ny le Gouuerneur y puiffent ap- porter aucun deftourbier ; & fans cette permiflion , ilsnelaiffent enleuer vne once - de poivre , ny permettent de defcendre aucunes marchandifes ; & ainfi faute d'auoir cítéà Achen; ie n'ay pú rien faire par deca, finon quelque hui& mille liures de poivre venu de nui& de Priamam, lequel i'ay eu à raifonnable compte, & marchandife fort bonne & bien nette.Les inarchandifes de Suratte font tres-requifes pour celieu; & s'y debitenten grand nombre, comme auffi quelques vnesde Manfulipafan : Les realles y ont 211111 cours, mais en auoient grand nombre lors que nous y arriuafmes: : La monnoye d'Achen n'y a aucun cours, & n'ontautre monnoye entr'eux que des petits grains d'or, ainfi qu'il vient de la mine, ilsles pefent auec des balances: Le pointíe vend par bahar qui eft vn poids d'enuiron 360. liures poidsde marc ; ilsne - font point d’eftat des facqs ; il y a 15. pour 100. d'entrée & de fortie pour le Roy d'A- AVX INDES ORIENTALE S. 4-5 chien, fçauoir 7.2 pour lesrealles qui payentaufli bien comme autres marchandifes; & 7. - pour la fortie ; c'eftà dire que faifant fortirtant de poivre que vous voudrez; ils ne senquierent dequoy vous l'achetez ; mais il faut payer de 100. babars de poi- vre 15. pourle Roy, ou bienle payer enrealles ; appreciant premierementlepoi- vre, & à plus haut prix qu'il ne coutte, autrement ilsle prendroient en effence. Plus 25. realles pour chaque cent bahars pour le Roy de Ticou, : derealle pour ba- harres pour le pezeur ; il y a encore io. à 12. perfonnes à qui il faut faire quelques pre- fents, mais ils nefont pasde grande importance, & fur cout il fait bon auoir l'amitié du Gouuerneur , & fe garder destrompcries des Malais, qui moüillencle poivre, ou y mettent du fable noir ou pierrettes. Le lundy 4.au point du jour nous n'eftions encor quà fix licués de Ticou; & le matin eft decedé Monfieurle Thuilier de Rouen Commis dans ce nauire; il eftoit malade d'vne violente ficbvre chaude qui l'a emporté en 4. ou 5. jours. Le Ieudy r4. nous eftions par la hauteur de Barros; qui cft vne des principales pla- cesde cette coftc, appartenantau Roy d'Achen comme Ticou, & on nepeuttra- fiquer non plus fans fa permiffion : C'eft my-chemin de Ticoua Achen;ils y recou- ure grande quantité de benjoüin qui leur fert de monnoye :le payseft fort behu & abondant en toutes fortes de vins & fruictages, il n'y croid aucun poivre; maisaffez bon nombre de canfre , qu'ils ne donnent à moins de 14. & 15.realles le catti qui cft de 28.onces : les realles ont peu ou point de cours en cét endroit; il y fair des mar- chandifes de Suratte , ou de la cofte; & ceux de la cofte achetent à Achen le canfre au prix que deffus , & tant qu'ils en peuuent recouurer , comme font aufliles Anglois sz Holandois pour porter en Suratte & dansle deftroit de Sonda; i'auois deffein de furgir deuant cette ville deux outroisiours, tant pour y prendre vn pilote , que pour reconnoiftre s'il y auoit quelque chofe à faire; mais le vent venant de la terre ne l'a pas permis. Le Samedy 23. nous auons veu les hautes terres d'Achen & remarque lesIfles qui font vers l'eau de la rade, verslefquelles nous auons adreffé noftre route y en inten- tion de paffet entre elles pour nousmettreenla rade d'Achen, ce que nous n'a- uons pourtant peu faire que hui& iours apres , encore qu'il n'y eut que 4. lieués ¡nf ques à cetro rade; maisfaute d' vn pilote, nous eftans obftinez de paffer par le canal, qui eft le plus proche deterre , & que nous voyons feul ouuert , dans lequel nous rencontraímes de grands vents de Sueft, qui nous eftojent dire&ement contraires; où nous perdifmes vn ancre ; & non (ans grand trauail ; nousparumesà vne lieué & demic de larade quieft visa visde l'emboucheure delariuiere , fur le bord dela- quelle il y a vne fortereffe qui fe rendremarquable par vne mofquée qui cft dedans: En cette rade eftoit vn nauire Anglois & vn nauire de Suratte, Pedro me demanda permiflion d'aller à terre & reuint le foir auec deux matelots de l’efquipage du Vice- Admiral ou de fon batteau, quifut à Ticou, nommez André Croiflant & lean Loc- quet qui firent le mefme rapport que deuant touchant le batteau enuoyéà Ticou parle V ice-Admiral. ١ Le Dimanche trente Iànuier ray fait deshaller auec peude vent de la terre; ay efté moiiiller l'ancre proche du nauircAnglois qui peuteftre d'enuiron 600 .r6neaux; عق‎ apresauoir falüéla ville de cinq coups de canon, ledit Anglois m'a faluéde trois coups & Pay refalüé dvn autre. Incontinent eft venu vn batteau dela part du Roy auec plufieurs de fes Officiers & vn de fes Eunucques qui portoit fa chappe qu'ils ap- pellent, qui eft vn cris ou poignard à manche & fourreau d'or ; appartenant au Roy; dequoy il fe fert d'ordinaire lors qu'il mande quelqu'vn , ou qu'il commande quel- que chofe par qui que ce foit; il faut fuiure incontinent cette chappe ou fignal; qui eft proprement vne affeurance que le commandement ou la perfonne vient de la part du Roy; de mefme qu'en noftre pays celuy qui porte d'ordinaire vne bague en fon doigt s'il defire auoir quelque chofe des fiens par vn homme inconnuil luy deli- úrera ladite bague pour enfeigne & remarque , à ce qu'on luy enuoye cequiil de- Seconde Partie 5 Ei 46 VOYAGE DV GEN. BEAVLIEV mande. Celuy qui portoit cette chappe, apres vn grand filence & refpe& des Offi. cicts, qui l'accompagnoient qui eftoienten bon nombre; me fit dire par vn Inter. prete nommé Pedro Lamenco qu'il auoit amené, quele Roy auoit agreable ma ve- nuéen festerres , & qu'il m'auoit enuoyé fa chappe ; afin que ie deícendiffe prompte- mentàterre. Croyant que ce fut pour parler à luy ; ie me fuisincontinent apprefté, mais il a conuenu premierement payer le droit des Officiers ou couftumes , qui fc font montez à plus de 8o. realles, outre vn grand miroir quil m'a conuenu donner pour accompagner la chappe, & vn pour l'Orancaye Laxemane qui cft fon plus grand confident & quelques petits pour fes principaux Officiers ; apres cela nous nous fom- mes embarquez,& fommes entrez dansla riuiere &mis pied à terre proche de la mai- fon des Anglois où le Capitaine d'icelle m'eft venureccuoir » & me prier de pren- dre fonlogis, comme aufli a fait le Capitaine des Holandois و‎ me conuiant fort d’al- ler difner chezluy, dequoy Pay remerciay ; & comme ie n'auois encore de maifon, & que le Capitaine Anglois me conuioit auec beaucoup d'affe&ion , ray efté chez luy , où il m'a fait tres-bonne reception, me priant de ne prendre d'autre maifen que la ficnne , tandis que ic ferois icy , & qu'elle cftoit du tout à mon feruice: Apres dif né nous fufmes voir enfemble vne maifon proche de celle des Anglois qui cft aflez commode; mais le PangaranCaualo ou Capitaine du gu ct; à qui elle appartient, m'en demandoit cent rcalles tous les mois : ce prix me femblant exceflif ie Pay laiflé, apres - luy adoir offert pourtant quarante rcalles tous les mois. La iournée fe paffa en plu- ficurs difcours entre les Capitaines Anglois , Holandois & moy; iceux me contans vne infinité de griefs, qu'ils difent receuoir iournellement de ce Roy , qui ne leur veut vendre le poivre à moins de $4. reallesle bahar, quieftexcefhuement cher, & wilsen auoient offert iufquesà 40. realles ; qui eft encor tres-cher; ie m'cftoisatten- du de l'acheter au plus 3o. rcalles, comme on m'auoit donné à entendre à Ticou, que c cftoit tout le plus haut prix qu'il y pourroit valoir. Voyant que ie ne pouuois parler cette journée au Roy, & qu'il m'auoit encore vne fois renuoyé fa chappe pour me di- reque ie luy enuoyafle vne efmeraude qu'il auoit entendu dire que ie portois au doigt , apres auoir fait refponfe que ie ne manquerois à luy porter demain, encore qu'il la demandait tout à l'heure, i'ay pris congé des Anglois & Holandois pour m'en rctourner à bord. y Le lundy premier Feuriet ie fuis retourné áterre, en chemin ie rencontray quel- ques Portugais a qui le Roy d'Achen auoit fait mettre les fers aux pieds, lefquels m'aduiferent qu'ils fcauoient de certain que les Holandois & Anglois auoient refolu de m'empoifonncr ; & que ie me donnaffes bien garde d'eux; & difoient fcauoir cela par celuy mefme à qui ils auoient ordonné apprefter le morceau, qui eftoit vn cappa- de ou chaftré demeurant en la maifon des Anglois & à leur feruice. le lesremerciay dc l'aduis , & leur dis que ie ne croyois point qu'en la maifon des Anglois on me vou- lut joüer ce tour là, toutesfois que ie m'en donneroisde garde: Sur cela ils me direnc qu'ils fcauoient bien que i'irois difner auiourd'huy , & que ie n'y allaffe pas, & quel- ques-vns d'eux m'en prioient auec grande affc&ion, difans qu'illeur reftoit vnefeule efperance de fortir de captiuité , qui eftoit par mon moyen, & ainfi qu'ils auoient in- tcreft en ma cofneruation. Ie leur dis que ie ne pouuois m'excufer d'y aller auiour- d'huy puis que i'auois promis. Enuiron deux heures avant ce rencontre monficur Re- noud Preftre m'auoit aduerty qu'vn matelot nommé la caraque de mon cíquipage luy auoit dit enuiron la mefme chofe ; ie fus voir quelques maifons qui ne m'accom- modoient point , & delà fus difner en la maifon des Anglois: Le Capitaine de la- quelle nomme Maiftre Robert me fit tres-bonne reception& encore meilleure che- re, &ie ne m'apperceu point qu'ils me donnaffentrien à boire & à manger qu'ils n'en vfaffent de mefme. La releuce les Officiersdu Roy font venusenladite mai- fon des Angloisme demander l’efmeraude, ie leur ay deliurée; & ils me. dirent que ie ne pouuois parler au Roy iufqu'apres demain; voyant cela Pay efté reuoir ce Pangaran Canallo pour le contenter de quelques droits quiluy font deubs, qui fe AVX INDES ORIENTALES. 45 lerminerent par 12. realles & vn miroir : Eclà deffusconfiderant que rimportunois les Ang'ois , mefmes qne reftois aduerty qu'il n'y faifoit crop bon pour moy , me de tiberay à quelque prix que cc fuftde loücr ladite maifon ;jafin de n'eftre importun, ὃς me metere hors de danger. Ainfi Vaccorday auec luy pour la fomme de cinquante reallespar mois ,& désl'heure mefme y laifsé 4.0u .و‎ hommes pour accómmoder la maifon , quis'eftend en vne grande court, auec trois corps de logis & vn puits, & proche de lariuiere. Le Mardy 2.de Feurier ie me fuistreuué fort mal; depuis dix heures du matin iuf- ques à quatre heures de releuée ray fait plus de quarante felles & depuis quatre heu- res de releuée iufques à minuiét de grands vomiffemens : tellement que craignant que l'aduis des Portugais ne fut veritable;i'ay pris du cocos des Maldiues (qu'on rient par-deçà pour affeurè contrepoizon) auec du bezoard , & le lendemain prins encore de cette medecine; & encore que ie fuffes extremement las & debile ; ie ne laiffay d'aller àterre , & fus droit à noftre maifon ; que ray trouuée n'eftre encore en eftat de m'y pouuoir retirer la nuit, & m'y promenant dedans, le fieur Rencl commis, m'a aduerty qu'ilauoit entendu ce matin de mauuaifes nouuelles » à fcauoir que no- ftre Vice- Admiral auoit efté pris deuant Bantan, des Holandois & Anglois , & qu'ils auojent partagé enfemble ce qu'ils ancient treuué dedans, & maflacré la plusgrande partie del'equipage; & que s'ilsauoient la force de nousen faire autant icy , qu'ilsne manqucroient de le faire : Ie luy demanday qui l'auoit aduife de cela, il me dit que C'cftoit vn Holandois , qui pour quelque mefcontentement s'eftoit retiré d'auec eux, & enfuy danslesterres, & mis fous la protection de l'Orancaye Laxeman, & qu'il cftoit en vn corpsde logis de noftre maifon. Ieluy disque ie ne me pouuois charger d'aucun Holandois, & que dans mon cquipage n'en y auoit qu'vn feul, parce que le voyage pafsé ils auoient pris pretexte à Bantan de nous quereller , pour jauoir des Holandois efquippez auec nous, & les auoient retirez, encore que fuffent des princi- paux Officiers de nos Nauires , & perfonnes qui nous eftoiént tellement neceflaires , que faute d'iceux , conuintlaiffer audit lieu vn de nos Nauires. Et voyant ce perlon- nage en poin& de fe tendre More ; fi ie le laiffois aller fans quelque efperance , & mi- maginant qu'il me pouuoit feruir d'Interprette pour parler lapremiete foisau Roy, veu qu'il auoit la langue bien عم‎ nduë , & parloit naturellement le langage de ce pais, ic l'affeuray de ne parler en façon quelconque de luy aux Holandois ny Anglois, puis qu'il les redoutoitde la forte. Que sil pouuoit patienter iufques à ce que ic fuffes preft de partir d'icy fans fe declarer àperfonne , ie ferois mon poffible pour l'embar- quer, qu'en attendant ce temps) ie l’afliterois de ce qu'ilauroitbefoin. Car mon In- terprete Pedro que i'auoisemmené de Ticou fut icy tres-mal traitré des Officiers du Roy, difans qu'il m'auoit donné à entendre & perfuadé plufieurs chofes qui iYeftoient point, fur quelque difficulté que ie fis du commencement pour lé payement de leurs couftumes , tellement qu'ils l'intimiderent, de forte qu'il me dit que quand ie luy donneroistout ce qui eftoit dans mon Nauire; il ne fe prefenteroit deuarit le Roy s'il rie le mandoit : fus aüffi aduerty hier foit , que le fa&eur Anglois luy auoit fait de grandes reprothes de seftre misa mon feruice , qu'il ne le pouuoit faire eftant en- tretenu de la Compagnie d'Angleterre , melme l'auoit menacé deluy faire vn'mau- uaistour s'il ne fe retiroit d’auec moy, & désce matin m'auoit demandé congé de fe retirer chez les Anglois, voyant bien qu'il ne me feruiroit de rien icy. Pour retour- ner au Holandois ou Suede , confiderant ce qu'il m'auoit dit du comniericement , ie n'y trouuoisrien de vray-femblable ; mais rapportant les paroles que ray entendues ce iourd' huy d'aucunsde nos matelots, qui beuuants auec ceux du Nauire Anglois; ont fceu d'eux qu'eftans auec vn Nauire Holandois versle deftroit de Sonda, ils fi- rentla chaffe fur vn Nauire penfant qu'il fuc Francois, ὃς que le Holandois demeu- tant de l'arriere enrageoit qu'il ne pouuoit venir à bord, & que leur Nauire qui eftoit meilleur de voille , attrapa celuy qu'il pourchaffoit qu'il reconnut eftre Anglois, par- quoy quittaladite chafle, & en aduertit les Holandois. Dauantage lefdits matelots . 48 VOYAGES: DV CAP. BFAVETEV Anglois dirent qu'eftant icy ils. auoient entendu que ie n'auois vingt hommes de- bout , & s’eftoient deliberez de nous prendre, & que lors que nous eftions dans ce deftroit ils croyoient que nous n'ozions venir à la rade depeur d'eux, & qu'aucuns auoient propofé de nous y aller trouuer; & lors que nous parufmes hors du deftroit pour nous en venir en la rade ; le Bofman de leur Nauire demanda au Maitlre ( qui fe nomme Maiftre Man) s'iltireroitfur nous, & que le maiftre luy refpondit qu'il n'en auoit aucune commiffion ; tellement qu'approchans , & qu'ils virent que nous eftions beaucoup plus d'hommes qu'ils ne s'eftoient imaginé ; ils fe contenterent de nousti- + rer trois coups de canon de falut : i'infcre par là que cen'eftdonc manque de bonne volonté quiis ne nous prennent, mais que c'eft manque de force ; tellement que ie ne fcay que penfer entout cecy ;car ie doubte que les Holandoisne me faffent cou- rir tous ces bruits afin de m'intimider : d'autre cofté ic confidere que le vin fait plu- ftoft dire la verité aux matelots que la gehenne, & qu'il n'y arien d'impoffibleà ce- la, veu qu'on n'aouy nulles nouuelles dudit Vice-Admiral à Ticou. Le Cap. du vaiffeau Anglois me dit que le General des Holandois fe qualifioit Roy de Iacatra, & me môtra de la monnoye qu'il faifoit battre en ce lieu,qui cft d'vn mau- uais aloy,comme moitié argent moitié cuiure, où d'vn cofté il y a vnlion qui en vne main tient vn coutelas, & enl'autre des fleches, & au reuersen lettres romaines Traseétum auccla datre de l’année au deffous. Que ce General leur faifoit payer fept oudix pour cent de droit d'entrée ou fortie des marchandifes qu'ils d echargeoient dans Iacatra ou enleuoient de ce lieu , qu'il les auoit faitloger hors la ville, & ne leur permettoit d'entrer dans la fortereffe , & vne infinité d'autres particularitez. Le3.1e fisprefent;au Sabandar de deux harquebuzes, vne piece de camelot ondé; vnmiroir & deux bouteilles d'eau roze , & là deffus me fit beaucoup de promeffes, m'affeurant que fi ’auois enuie d'auoir fa&urie à Ticou, qu'il m'y affifteroit. Le foir ic fuisretourné à bord fans parler à aucun Anglois ne Holandois , defirant peu à peu d'icy en auant nous diftraire de cette frequentation. Le Ieudy quatriefme fuis demeuré à bord, ceux de terre m'ont aduizé, qu'on me preparoit vn mauuais breuuage dansle nauire Anglois, fi Py allois. Le Samedyles Anglois m'ont conuié de difner dans leur nauire , oü feroit aufli le ficur Reifembrot faéteur des Holandois ; ic lesremerciay detant de courtoifie,& que l'eftois honteux d'auoir fait fibonne chere auec eux , fans m'en eftre encore vangé : que ie ne manquerois pourtant d'y aller , fi ce n’eftoît que ie fuffe contraint d'aller à terre parler au Roy: Que cela aduenant , le Capitaine Ridel, que ie leur montray, ticndroit ma palce, qui leur feroit meilleure raifon que non pas moy : Ils me dirent que ie pouuois bien dilayer cela iufques apres demain, & que ¡e pouuois bien ame- ner auffi le Capitaine Ridel & le Patron Beruile qu'ils conuient auffi : ie leur promis de faire tout ce qu'il me feroitpoffible pour m'y treuuer و‎ & ainfi me deffis d'eux; ὃς le lendemain de bon matin ie fusà terre, & fis porter le prefent que ie pretendois faire au Roy d'Achen , m'enuoyant excufer vers les Anglois pour auoir entendu que leRoy me deuoit mander,& dis au Cap. Ridel qu'il y allatt;l'auertiffant de Poccafion pourquoy ie ne my treuuuois afin qu'il s'en donnaft garde. Et auffi-toft que Pay efté à terre ay fait apprefter & nettoyer ce que ie deuois prefenter auR oy fuiuant laCou- fume, que ie fisle plus ample & magnifique qu'il me fut poffible, m'eftant imagi- né que pourobligerle Roy d'Achen à me (proteger, ilferoità propos de me feruir d'vne deslettresde cachet du Roy que i'ay en blanc, & la faire adreffer au Roy d'A- chen,& luy faire dire que ce que ie luy prefentois venoit de a part du Roy de Fran- ec,encore que la lettre n'en fit mention:ic la fistraduire enPor-tugais pour luy en fai. re entendre le contenu, par le moyen d'vn Interprete quientendoit ce langage. Or enla fuperfcription fis mettre à noftre tres-cher Frere le Roy d'Achen, puis la fermé auec le feel ou eftoient les armesde France, auec cire rouge: afin donc de ne prefenter عامط‎ dutout indigne de la grandeur du Roy de France,ie ne m'amufay arechercher des chaines de verre efimaillez & autres telles chofes de peu عل‎ val- 5 leur, AAA co 25 AVXINDES ORIENTALES. 49 leur,comme il y en auoit dans le Nauite appartenantsà Meflicurs dela Compagnie, à ce que ie ne donnafles occafion aux Anglois & Holandois de dire que ie m'auoüois faullement de mon Prince ,ie deftinay donc prefenter ce qui enfuit. Des armes complettes de caualier entierement grauées & dorcesauffi claires & nettes que fi elles fuffent forties le ¡our mefme des mains de l'ouurier. Vn coutelas façon d'Allemagne » la garde graute & dorée, dans laquelle ioüe vn piftolet qui fc bande par le pas-d’àne, & quiprend feu fans faillir par vn declic en forme de bouton qui eft de l'autre cofté dudit pas-d'áfne ou coquille. Six moufquets , les canons partie dorez & grauez , & le fuft enrichi de nacre de erle. Deux fers de picque efmaillez & dorez. Vn tres-grand miroüer , pouuuant coufter en France 100. liures, qui fe treuua caffe, & que ne laiffay de prefenter dans fa caiffe , difant eftre tres-marry d'vn tel accident, & que l'ayant receu entier , & ayant charge dele prefenter , ie n'ozerois l'auoir reporte en France. : Deux pieces de camelot ondé cramoifi. Deux grands flafques plein d'excellente eau roze. Ce que deffüs ayant efté apprefté & mis en ordre en noftre maifon, ray eu plu- fieurs vifites de diuerfes Nations,qui trouuoient tous le prefent magnifique; fpecia- lement le Capitaine du Nauire de Suratte , qui me dit qu'vn tel prefentà fon Prince le grand Mogolferoitmicux employé qu'au Roy d'Achen. Eft venu aufli le Saban- dar auec plufieurs Officiers & Efcriuains de Lalfandegue ou Doiiane, prendre par efz critle contenu de ce que ie defirois prefenter , me demandans s'il n° y auoit autre cho: fe, & que ie regardaffesde l’eftendre & augmenter de tout ce qu'il me feroit poflible. ue leur Roy eftoit vn grand Seigñr,8z peu dansles Indes comparables à luy : qu'ils auorent crainte pour moy que les chofesdontils prenoient memoire ne fuffent gue- res confiderables deuant luy. Ie leur refpondis que ie fçauois bien la grandeur du Roy d'Achen, que ie fcauois bien auffi la valeur de ce que ie luy prefentois, qui ne proue noit d'vn particulier, mais d'vn Roy tres-puiffant , & qui pouuoit eftre receu de quelque Potentat que ce fut : Enfin reconnoiffant ceux-cy infatiables ie ne perdis da- uantage detemps a contefter contr eux , & finis par leur dire que le Roy de France ne m'auoit donné autre chofe pour déliurer au Roy d'Achen. Le lundy 8.de Feurier enuiron my-releuée le Sabandar m'a aduerty que le Roy me manderoit en bref, & que pour ce fujet il enuoyoit quatre des principaux Oran- cayes de fa Cour pour m'emmener vers luy auec deux Elephans: ainfi ray fait met- tre le prefent enordre, & couurir chaque piece de toileteinte en jaune, fans laquelle nne peut rien prefenter deuant lc Roy, le tout a efté porté auec les ceremonies | fuiuantes. i. Premierement für vn fort grand Elephant il y auoit vne chaire couuerte, dans laquelle s'eft affis vn des principaux Orancayes ou Sejgneurs , qui m'a enuoyé vn grand plat d'argent couuert d'vne toillete brodée d'or & de loye de diuerfes cou- leurs, danslequel ay mislalettre. Le fufdit ayant prisle plat, a fait commandement à vnautre Orancaye de monter fur l'autre Elephant, puis le Sabandar monta : apres on m'y fitmettre auffi, & vn autre par derriere moy; tellement que nous eftións qua- tte fürl'Elephant , & i'eftoisenclos entre deux perfonnes : Voicy l'ordre de la mar- che. Quatorze ou quinze hommes prindrent chacun vne piece du prefent , & aufor- tir de la maifon on les fit marcher deuant auec fixtrompettes, fix tambours,& fix hau- bois, qui fonnerent toufiours iufques à ce que nous fufimes dans le chafteau , où il ya présd vnelieué de chemin : Suiuoit l'Elephantqui portoit la lettre , puisdeux Oran- cayesmontez fur cheuaux Arabes , puisl'Elephant fur lequel i'eftois monté, & qua- | torze ou quinze de mon équipage de cofté & d'autres: apres troisSabandars, & tous | les Officiers del Alfandegue qui füiuoient à pied; ainfiallans parmi les rués, menez | comme des efpoufées, nous arriuafmes en vne grande place deuantle chafteau , ou | Seconde Partie. sG * so VOYAGE DV GEN. BEAVLIEV nous mifines pied à terre,& cntrafmes en la premiere porte du chaíteau ou on fit re. tirer lesmiens , & ne permirent àaucun d'y entrer :de là nous paffafmes encore deux portes : puis on me fit alleoir fous vn grand fal: , ou on me fit quitter mesfouliers, ce ue ic ne voulois faire ; mais voyant que ie perdois temps, veu qu'on ne peutentrer là où eftle Roy,fanspremierement lesofter;ie fuiuysla couftume des autres: Cepen- . dant cout fut porté dedansla chambre du Roy , & quelque temps apres on m'apporta la chappe , laquelle on me micentre les mains, efleuant cette chappe par deflus mate- fte, puis larendantà celuy qui me l'auoit apportée, me dit que ie le füiuiffes , que le Roy me mandoit , ce que ic fis accompagné du Sabandar & d' vn Orancaye. On nous fit quelque peu attendre à la porte de la chambre qui eft couuerte de lames d'argent. Vn Eunuque en fortit, qui dit au Sabandar, que le Roy fe trouuoit plus indifpofé que de couftume , toutefois puis que i'eftois fi proche qu'il me fit entrcr; & lors deux hom- mes me prindrent chacun par vne main, & me menerent ainfi dans la chambre , ou incontinent on eftendit vn tapis de turquie , fur lequel on me fit affeoir les jambes croifées , comme c'eft la couftume du país: puis ceux qui me tenoient fe retirerent; ainfi ie faluay le Roy à Pvfage de la terre , qui eft de joindre les mains, & les porter. fur le front, inclinant quelque peu la tefle , fans ofterle chapeau qui veut : mais pour moy iel'oftay , n'eftant accouftumé de le tenir ainfi fur ma tefte parlant à des perfon- nes de cette qualité. Le Roy eftoit fur vn lieu efleué enuironde deux pieds, il me fit dire par le Saban- dar,que le Roy de France fon frere l'obligeoit grandement des prefens qu'il luy auoit enuoyez ; & que quand il luy auroit enuoyé dix bahars d'or, il ne luy auroit pass fait tant de plaifir que de luy enuoyer les armes, lefquelles il trouuoit tres-belles: — uc pour mon particulier il m'eftimoit , puis que ع1‎ luy auois apporté chofes aufquel- | lesil eftoit grandement affe&ionné, faifant fort eftat des fers de picque & de l'efpée. | qui tiroit , laquelle il me fit mettre entre les mains pour luy faire feu. Et fur cela ou- urit la lettre ,laquelleil me fit déliurer pour luy en faire entendre le contenu, par le moyen du Sabandar , qui me feruoit d Interprete, qui me donna bien de la peine, parce qu'il parle fort peu Portugais, & moy qui ne me pouuois guieres mieux faire entendre, fpecialement pour le file de la lettre qui n’eft felon leur vfage , tellement que la premiere partie qui commence par TRES-ILLVSTRE nous arrefta tout court, & m'aduiíay de dire apres tres-cher frere, ce que le Roy treuua bon, & dit qu'il fçauoit bien que les Princes Chreftiens commengoientainfi leurs lettres , ὃς que ie ne pouuois faire entendre au Sabandar le refte عل‎ 12 lettre : Ie luy dis que ieluy en declareroisen bref la fubftance , qui eftoit , qu'auec la permiflion du Roy de France mon fouuerain Prince & Seigneur , i'auois pris lahardieffe de venir baifer les mair de Sa Grandeur , & luy demander licence.de traitter en festerres, comme il le per- mettoit aux autrescftrangers: Qu'affin d'obtenir plus feurement cette mienne de- mande , i'auoisimportuné Sa Maiefté tres-Chreftienne de cette lettre , addrefléc à fa Grandeur, à ce qu'il luy pleüt en confideration m'o&royer traitte libre aux terres de fon obeiffance , & ne permit qu'il m'y fut fait aucun empefchement : Que fa Ma- jefté tres-Chreftienne proteftoit en cas pareil proteger les Sujers de Sa Grandeur, fidauanture il en venoit aucuns en fes Royaumes, & quelle auroit tres-agreable que par le moyen du trafic entre les füjets de Sa Grandeur & les fiens , elle eut con- noiffance d'vn figrand Prince ; qu'il defiroit que les Sujets continuaffent ce nego- ce;fpecialement fi ceux de Sa Grandeur & les fiensen receuoient quelque vtilité. Qu'il m'auoit donné liberalementles Armes pouren faire prefent à Sa Grandeur, pour luy faire voir quelque efchantillon des ouurages aufquels fes Sujets excelloient. | | A quoy il me fit dire par le Sabandar , que i'eftois le bien venu , & que fa terre eltoit affeurée pour moy ; Que pour le fait de la Traitte , les Holandois & An- glois par cy-deuant auoient eu le poivre à bon marché en fes terres; mais que depuis quelque temps en cà, ils auoient fait la guerre au Roy de Bantan , qui les auoit par le precedent bien receus , mais voyant vne celle ingratitude en eux, il — AVX INDES ORIENTALES. 5X cux , il auoit fait couper tous fes poivriers afin que ces plantes ne fuffent caufes d'icy enauant deluy donner de l'ennuy :ainfi à prefent tout le poivre luy reftoitfous {on obeyffance , qui auoit efté caufe de Pauoir fait remonter iufquesà 64. realles le ba- har , & que neantmoins à ce prix il ne defiroit encore leuren deliurer; réconnoif- fant que c eftoient mefchantes gens qui ne faifoient que piller & voller vn chacun, à cc quele trafic des Indes demeurar entierement entre leurs mains : A cela ie repli- quay , que on feroit eftonné en France d'entendre l'outrecuidance de cette Nation de vouloir mettre les Roys de ce pays hors عل‎ leursterres, fpecialement ceux qui les ont receus parle precedent auec tant de courtoifie, qu'en mon particulier ie n'euffe iamais eftimé que les chofes fuffent venués en tel eftar, veu que parle pailé ils n'a- &oient fait autre profeflion que de Marchands ;mais à prefent ils faifoient bien pa- roiftre le contraire, & qu'ils vouloient auoir tout; veu qu'eftans amis du Roy de France qui les a longuement protegez contre le Roy d'Efpagne , neantmoins par de- càils feignent de ne nous connoiftre & nous font du pis qu'ils peuuent: Que ce qui m'eminenoit en ces pays eftoit pour faire bon & fidel trafic, n'ayant nulle commiffion de prendre períonne , ny fortifier aucune place, mais leulement de vendre & d'ache- ter; par ainfi que ie deuois eftre tenu hors du rang de cette nation , auec laquelle ie ne defirois auoir affaire ne conueríation. Sur cela il me fit prefenter dans vn grand vaze d'or du Betel, puis dans vn plat d'argent vn de fes habits, qu'il commanda me faire veftiràl’inftane, ainfiie me retiray horsla chambre, & par deflus mon habit m'ac- * commoderent à la mode d? Achen; puis me remenerent où eftoitle Roy,qui me mon- firantlesarmes,me dit qu'elles luy feroient venuésbiena propos, fil n'eftoit efté ma- lade, pour aller mettre le fiege deuant Malaca; & me demanda fi 'aurois voulu l'y accompagner : le refpondis que ie m'eftimerois tres-heureux de luy pouuoir rendre quelque agreable feruice ; puis il me demanda fi le Roy de France auoit beaucoup de tellesarmeures, combien il pouuoit mettre de gens armez à fon feruice , quel age il auoit, à qui il faifoitla guerre, fi festerreseftoient beaucoupefloignées de celles du grand Seigneur ; s'il y auoit long-temps qu’ils fe fuffent donnez bataille l'vn à l'autre : atoutie luy fis refponfe le plus pertinemment qu'il me fut poffible : & lors que ie luy dis que le Roy n'auoit guerre , lors que ie partis de France , contre petfonne ; & qu'a- uec le grand Seigneur il eftoiten trefues commencées depuis long-temps par les pre. deccfleurs , il dit qu'il vouloit auffi faire eftroitte amitié auec le Roy deFrance: Et comme il eftoitja fortauant dans la nuit, me donna permiffion de me retirer ; & apres eftre fortis du chafteau , on nous firremonter fur vn Elephant pour retourner chez nous. ! Pay obmis cy-deuant à dire que fortant du logis, & eftant monté für l'Elephant en- trc quatre hommes, les Commis Holandois & Anglois, auec vingt ou trente des leurs, s'eftoient mis en embufcade à l'entrée de la porte de la maifon des Anglois; , qui eft vis-à-vis de la noftre , & lors que ie paffay me faluerent : & comme ce Holan- dois ou Suedois que i'auois fait veftir vint à fortirsils fe jetterent fur luy & l'enleuerent dansleur maifon : au cri qu'il fit ie voulus defcendre de deffus PElephant, mais com- me i'eftois entre quatre hommesie ne peüs ر‎ car de me jetter de cofté ; outre que l'E- lephant eftoit grand, ie craignois qu'il ne marchár par-deffus moy , tellement que ie priay le Sabandar de faire retirer cet homme d'entre leurs mains, luy remon- trant leur outrecuidance , qui auoient ozé mettre la main fur vne perfonne qui afliftoit de porter les prefens du Roy de France à celuy d'Achen , & qu'en ce- la chacun en demeuroit offencé , proteftant que fi i'euffe peú defcendre de deffus l'E- lephant , que la chofe ne fe fut paffée dela façon : Il me dit lors qu'il le feroit reti- rer, mais que ne laiffaffions de pourfuiure noftre chemin : Eftant deuant le Roy ie preffay fortle Sabandar de luy dire lereflentiment que i'auois de cette aétion, mais jamais n'en voulut païler , difant qu'il n'eftoittemps: & comme le Roy fapperce- uoit que ie voulois dire quelque chofe , il'demandoit au Sabandar que c'eftoit, lequel refpondoit n'entendre ce que ie luy difois: ce qui me fit refoudre le lendemain d'al- Seconde Partie. 5 Gi 52 VOYAGE DV GEN. BEAVLIEV ler vificer POrancaye Laxemane qui eft vn des principaux de cette terre, & le plus cheri du Roy, & fans lequel on ne peur rien faire d'importance par deçà: le luy fis prefent de deux harquebuzes , d'vne piece de camclot ondé ,dvn miroir, d'vn mo- rion doré, de fix pendans d'orcillesaflez gentils و‎ & de deux chaifnesde verre : Il me reccur fort gratieufement , m 'affeuranr qu'il m'aideroit de cout fon poffible , & me fit pr elenter la colation , & apres pluficurs difcours , qui confiftoient en ce que le Roy m'auoit dit ouchant les Holandois & le poivre, &ayant fait enuiron les mefmes ref: ponfessie luy touché ce qui eftoithier aduenu à cér Holandois,que le faéteur de cette nation auoit prins au fortir de chez nous aflifté des Anglois; & fur ce queie luy dis que ie l'auoiscn partie retiré & veftu en confideration qu'il m'auoit dit eftre fous fa pro- tection, l'Orancaie mercpartit promptement qu'il ne me l'auoit pas enuoyé, & que fi cec Holandois m'auoit donné cela à entendre, que c'eftoit vn grand affronteur, qui defiroit mctromper comme il en auoit trompé plufieurs autres , leur empruntant de l'argent, defquels il fe mettoit du nombre. Le ¡our mefine pour ofter toute fr equentation auec les Anglois, i! ay fait boucher la porte de noftre maifon , qui eftoit vis-à-vis de la leur, prenant pretexte fur le bat- tcau que ic faifois baftir vis a vis, & aufli fur l'a&tion paflce, de laquelle ie n'eftois tant marry pour autre occafion de me diftraire de leur hantife : car ne leur pouuant refufet le logis, pour m'auoir premierement obligé du leur , ils n'en bougeoient , & ainfi ie ne pouuoisrien dire ny faire dire qu'ilsne l'entendiffent , ce qui ne me plaifoit guie- res , encore moins que nuittamment ils enleuoient & defbauchoient les fieurs Re- è nel & la Clau commis; auec quelques efcriuains, ce que ie m'imaginois qu'ils ne faifoient fans quelque myftere , foit pour leur tirer les vers du nez , & par leur moyen fçauoir l'eftat de nos affaires & mes deffeins , ou bien leur procurer quelque domma- ge, & encor que Ven euffes aduerty lefdits Renel & la Clau, & leur euffe teímoigné que ic n'auois telles vifites agreables, ilsne Sen pouuoient deffendre. Le Ieudy 11. mois de Feurier on m'eft venu querir à bord pour parler au Roy; i'y ay cité, accompagné du Sabandar,apres quelques difcours , il enuoya querir les deux fers de picque dequoy luy auois fait prefent, & defquels faifoit beaucoup deftat pour eftre par deflus la graueure couuerts de certaines couleurs reffemblantes à de l'émail dequoy fait grid eftat,la pointe iufques a la moité du taillant defditsfers eftoit Ículement fourbie , le Roy les voulut faire grauer & dorer par vn fien ouurier quiles mir au feu pour y coucher Por ; mais les retirant il treuua que la peinture en eftoit par- tie : il vint aufli-toft en noftre maifon, fcauoir s'il n'y auoit per fonne quipeütrac- commoder cela, & s'addrefía à vn Orfebure de Rouén nommé Houppenille quiluy ditne pouuoir refaire cela pour n'eftre fon meftier de trauailler en fer : Le Roy donc me monitra'ces fers & me demanda fi ic n'auois perfonne quilespuft racommoder comme ils eftoient, quand i ic les luy apportay ; ie refpondis que non: auffi-toft il commanda quel on coup pat les poings à ce miferable, qui les auoit misaufeu: Puis me dit qu'il auoit entendu que i'auois vn orfevre;qu'il me prioitluy faire efmailler vn ' gros anneau d'or qui pezoit plus d'vne once qu'il me déliura. Ie dis que ie ne fçauois fi cet orfevre fcauoit efmailler ou non, & que ie nc l'auois iamais veu trauailler. Il me fitrefpondre parle Sabandar qu'il fçauoit bien que l'orfevre eftoit habile homme, & qu'il auoit defia promis à quelques-vns de travailler & d’efmailler, qu'il le contente- roit , & me prioit d'auoir l'œil (ur luy و‎ à ce qu'il erauaillàt promprement à efmailler de rouge fon anneau, & qui enuoycroit vn de fes orfevres qu'il me monftra , pour ap- prendre la methode du mien. Il eftoit extremement curieux de pierreries & orfevre- ries, & qu'il auoit plus de trois cens orfevres qui trauailloient iournellement pour luy : & fur cela il me monftra & fit voir vn tres-grand nombre de pierreries en œuure & hors ceuure , & qu'il fait la plufpart percer par deux endroits, faifant faire des co- liers & chaifnes de grandes címeraudes, & des baius oucafaques à fa mode, tout bro- dées de ces pierreries و‎ comme auffi diuerfes orfeveries; com me de grands vaiffeaux AVX INDES ORIENTALES. $3 d'or couuerts de picrreries; grand nombre d épees , coutclas & poignards à leur mode quien cftoient entierement couuerts ,tancfur les gardes que fur les fourreaux: nom- bre d'agrafes ou crochets à mettre fur fes cafaques, ouà la fente d’icelles en forme de boutons, & me dir qu'en ce qu'ilauoit de bajus ou cafaques, il y auoit plus de trois ba- hars d'or employez , & aux agrafes dont pour l'ordinaire il n’y en a que fix fur chaque baju : vn babar cft plus de 350. liures poids de France : & que s'il auoit employé fix iours confecutifs à me monftrer fes joyaux & pierreries, il ne fuffiroient pour me faire tout voir : Ie ne fcay 5 me dit cela afin que i'admiraffe fes richeffes,mais cát y a quen deux outroisheures de temps que ray efte là, 'enay veu vn grand nombre , la pluf- part defquelles font pluftoft pierres de parade que de valeur, & horsde fes mains elles ne vaudroient à beaucoup prés cc quil les eftime ,neantmoins parmy ces pierres Pen ay veu quelques-vnes عل‎ grand prix;principalementtroisdiamans qui peuuent cftre de quinze à vingt carats chacun , deux fort grandsrubis, ὃς vne elmeraude vieille ro-. che qu'il eut dernierement en fa conquefte de Pera, qui eft vne des belles pierres quà ce que ie croy fe puiffe rencontrer. Le Mercredy 17. & lesiours precedens, i'ay efté cimpefché à faire trauailler noftre orfevre pour le Roy, quile charge toufiours de nouuelle befogne, & voudroisà pre- fent n'auoir iamais veu l'orfevre dans le nauire , croyant quele Roy fe plaifant à fon ouurage ne retarde mon affaire pour faire e(mailler fes joyaux. Pay commengay à faire baftir vn batteau du bois que r’auois fait abarre auant que venir icy, & embarqué dansle nauire , mais comme il en manquoit encore beaucoup , & que 'auois befoin de loüer vn battcau pour en faire couper à des Ifles proche de cette rade , Pay efté chez l'Orancais Laxemant ,tant pour le prier & faire fouuenir de la permiflion de coupper du bois, quauffià ce qu'il m'accommodaft d'vn batteau d'enuiron de 15. tonncaux de port qui luy appartenoit sce qu'il m'a accordé moyennant vingt realles pour vn mois, qui eft bien cher: maisla neceflité contraintlaloy , & ne peut-on rien faire en ce pais qu'auec notable intereft , s'entend pour ceux qui ontle maniment des affaires du Roy, &ie n ay peú auoir icy vne piece de bois, fans premicrement auoir la per- miflion du Roy, que ray obrenué par le moyen du loiiage de ce batteau , fans quoy il eut conuenu que 1'eufles fait vn prefent audit Laxemant de la valeur de plus de vingt realles : Ie priay auffiledit perfonnage que lors que le Roy me manderoit ie peuffes faire entrer quand & moy mon Interprete » que rauois accordé depuis 1o. ou 12. iours en cà àraifon de dix realles par mois , qui eft vn vieillard de Cochin nommé Domin- go Valé : car pour mon Pedro de Ticou, ils n'ont iamais permis que ic m'en fois ferui; & a elté contraint de fen retourner. Il me promit d'en parler au Roy, lequel quelque peuapres m'enuoya querir par le Sabandar : de hazard i'auois fur moy deux chaifnes de verre faites en forme deturquoifes que ie prelentay au Roy, dequoy il fit bien de l'eflat ; encore qu'elles fuffent de peude valeur :le Commis Holandois y eftoit qui les croyoit eftre veritablement de turquoifes : le Roy fit joufter fescocqs , pariant con- tre plufieurs Orancayes;& apresauoir demeuré là plus de trois heures; il me donna congé, commandant au Sabandar de m'emmener le ledemain à midy au chafteau,& qu'il me vouloit donner à difner:le lendemain le Sabandar ne manqua de venir quel- que peuapres midy chez nous pour aller au chafteau , & nous y auons efté par la riuie- re: le Roy eftoit dans vnc falle quarrée tendue & pauée de tapis de turquie, où il m'a fait foir; & apres m'auoir fait donner le berel dans vn grand vaiffeau d'or, le couuer- cle couuert d'emeraudes , ὃς fair quelques demandes fur la grandeur & puiffance des Princes Chreftiens و‎ vindrent enuiron trente femmes, chacuneauec vn grand vaze d'argent couuert entre leurs bras, qu'elles mirent à terre fur le tapis; chaque vaze eftoit conuere d'vne toilette d'or , ou d'ouurages de foye meflee de fil d'or , & de quel- quespierreriestrainans à terre: ces femmes ayansquelque peu demeuré debout, le Roy commanda que l'on mità diner deuant moy : alors on defcouurit ces vafes qui - entle circuitd'vn grand baffin à lauer ; & fi profonds & hauts auec le couuercle de plus de deux pieds & demy, de chacun d'eux on tira fix plats d'or pleins de confitu- Seconde Partic. $ Guj 54 VOYAGES DV GEN. BEAV LIEV res, viandes & patifferies accommodez à leur vfage ; tellement qu'en moins de rien ie me vis enuironné de vaiflelle d'or & diuers vaifleaux du mefme metail, en quel- ques-vns y ayant de l'eau, en d'autres certains breuuages ou faulces, aufquelles ie ne couché, & vn fort grand tour plain de ris, & deux autresà cofté faits de rombacque, qu'ils eftiment plus que l'or , dans lefquels eftoit le ris del'ordinaite du Roy (le ris feruant de pain par routes les Indes ) dequoy il me commanda de manger , & que ie treuuay fort bon, eftant accommodé , & ayant quelque gouft de maffepain : puis il me fit donner à boire dans vn petit gobeler d’or porté dans vn grand baflin du meme metail par vn Eneuque : par le moyen du Sabandar. Ie beus à la fanté de la Grandeur, luy fouhaittant meilleure en bref qu'elle n'eftoit de prefent, & penfant vuider ce pe- tit gobelet, la force du breuuage me le fit bien-toft quitter ; & peníois auoir beu du feu, en forte qu'il me prit vne grande fueur : Il me dit qu'il falloit acheuer puifque i'auois beu à la fanté , & qu'il eftoit bien marry de ne pouuoir boire à celle du Roy de France , & qu'il vuideroit tout : ie lefuppliay de me permettre d'víer d'autre breuua- ge ;ainfi on m'enapporta d'autre, & me reforçoit fort de manger & de boire : enfin bien ennuyé que le difner duroit long-temps, tant pour eftre incommodé des genoux, à caufe qu'il faut eftre affisles jambes croizées , & ne point montrer le bout des pieds; que pour n'auoir grand appetit : Ie priay le Sabandar de faire en forte que la bonne chere ceffaft en mon endroit; le Roy demandant ce que ie difois , fit leuer tous les plats, & me fitboire encore vn منامء‎ fa fanté; puis on apporta vn fort beau tapisà fonds d'or, qu'il fit mettre entre le lieu où il cftoit , & ou r'eftois , puis vindrent I$. ΟἹ 20. femmes qui fe rangerent le long de la muraille , & accordant leurs voix auec quelques petits tambours, chacune en ayant vn à la main chanterent( à ce que le Sa- uandar me dit ) les conqueftes que ce Roy afait de fon Regne ; puis entrerent par vne petite porte deux femmes ou filles bien bizarement veftuës & tres-belles, & ie n'euffe pas creu qu'il y en cufteu de fi blanches en vn pays fichaud, pour eftre leurs veftemenstels que ie n'en ay iamais veude mefmes; cela m'eft difficile à exprimer, tant y aque c'eftoittout or. Premierement par-deffusleur cheueux ellesauoient vne forme de chapeau fait de papillottes d’or, quibrilloient beaucoup, auec vn pennache d'vn pied & demy de haut, fait auffi de papillottes, & portoient ce chappeau pendant : für vne oreille:elles auoient de grands pendansd'orcilles;faits auffi de papillottes d'or, qui leur tomboient iufquesfur leurs.efpaules:le col quafi tout couuert de carquás d’or, & pardeffus les efpaulcs vne forme de jubon qui ferroitle col & s'eftendoir en poin- tes courbées , comme on reprefente les raisdu Soleil; le tout de platines d'or, fort cu- rieufement grauées : par deffous vne chemife ou baju de thoille d'or, auec foye rouge qui leur couuroitla poitrine , & auec vne grande ceinture fort large faite de papillot- tes d'or :elleseftoient ceintes au deffus des hanches , ou eftoit attachée vne panne de thoille d’or à la façon du pais , & par deffous vn calfonauffi de thoille d'or qui ne paf foitle genoüil , ou pendoient plufieurs petites fonnettes d'or : les bras & les jambes nués ; mais dequis le poignet iu {ques au coude, tout couuert de groffes menilles & ja- zerans d'or, auec pierreries: comme auffi au deffusducoulde , & depuis la cheuille des pieds iufquesau gras des jambes : à leur ceinture auoient chacun vn crisou efpée, la garde & fourreau couuerts de pierreries, & en la main vn cfuentail , vn grand ef uentail d'or , & plufieurs petites fonnettes àl'entour: elles vindrent fur le tapis auec beaucoup de grauité à la cadence des tambours ὃς des voix, ou auffi-toft elles fe pro- fternerent à genoux deuant le Roy : puis ayans fait la Sombaye (quieft le falut و‎ met- tant les mains jointes fur la tefte ) commencerent à danfer vn genoiiil à terre auec di- uers mouuemens du corps, des bras, & des mains, puisdebout auec beaucoup de dif- pofition , & en cadence : elles mettoient quelquesfois la main au cris, puis autrefois comme fi elles euffent tiré de Parc; apres comme fi elles euffent cule rondache & le contelas en main; cela dura enuiron demie heure ; puis fe remirent à genoux deuant le Roy, àmonaduisbien laffes; car il me fembloit qu'elles auoient chacune plus dc quarante liures d'or fur elles : neantmoins elles danferent auec beaucoup de difpo- AVX INDES ORIENTALE S. $5 fition & de bonne grace , & pour auoir veu baller diuerfes fois en France; ie m'imagi- nes que fi ceux qui fe difent y entendre auoient veu cette danfe , ils diroient que cela ne fentiroit point fon barbare. Enfin apres auoir veutant d'or و‎ & voyant que la nui& sauancoit craignant d’eftre efbloüy durant Pobícurité , i'impetray mon congé, ce que le Roy m'oétroya , me faifant premierement donner dans vn grand baflin de tombaque > deux cens petites pieces d'or de fa monnoye, qu'ils appellent mas de dix fols piece , qu'il me dit eftre pour auoir dubetel. Apresl'auoir remercié de tant d'honneur qu'il m'auoitfait , ie m'en retourné par la riuiere chez nous aucc le Sa- bandar, qui me jura n'auoir encor veu faire tel accueil à nul eftranger comme le Roy me faifoit, & qu'à tousleseftrangers qu'il auroit feftoyez , il n'auoit iamais veu que le Roy eut fait venir aucunes de fes femmes pour danfer, & remarquay vnecho- le, que tous ceux qui eftoient dans la fale durant ce bal , fermerent tous les yeux; car il n'y va pas moins que la vie à ceux qui regardent les femmesdu Roy: en mon par- ticuliertant qu'elles danferent ie regarday toufiours, me confiant qu'il ne les auoit fait venir affin que ie fermaffe les yeux, & que c'eltoit en intention que ie remar- quaffe fa magnificence, pour en faire rapport en France. A la verité fi la magnifi- cence confifte à poffeder beaucoup d'or, ie croy que peu de Princes Chreftiens efga- lerontle Roy d'Achen, maisil le garde bien, & ne fait aucune defpenfe ny prodigali- té pour Pen deffaire ,& dernierement il me dit que depuis qu'il auoit efté couronné Roy, ilauoit amafsé plus de cent bahars pefans d'or , fans compter les pierreries, Par- gent & les marchandifes , clon ce que ray fupputé , ceferoit enuiron dix-huiét mil- lions de liurestournois , à compter le bahar à 360. liures poidsde marc, & ceux de ce paistiennent que fes predeceffeurs ont laifsé aufli de grands trefors qu'il poffede en- core ; car cette place d'Achen n'a point encore efté ruinée ne pillée d'aucune Nation; & le Roy d'Achen fait fouuent cette rodomontade qu'il ne craint les forces d'aucun Prince Eftranger, finon du grand Seigneur ou Empereur des Turcs : que ceux de degàtiennent deuoir conquerir quelque ¡our cette place, füiuant vne ancienne Pro- phetie qu'ils ont de longue main apprife de pere en fils. : Le 19.de Feurier me font venu trouuer à bord vn Orancaye nommé Alicq Raja principal Officier de Lalfandegue auec deux Sabandars enuoyez par le Roy pour luy apporter mes efpées, l’vne defquellesie luy auois promis, quil auoit entendu eftre belle, & que ie n'auois pas lors qu'il mela demanda : ie leur ay fait la meilleure reception qu'il m'a efté poffible , ils n'ont couru peu de rifque àla fortie de la riuiere y ayant vne barre qui efttres-dangereufe , fpecialement le foir àl'occafion des bri- zans de deuersl'eau qui font rompre la Merfur cette barre; & en ont efté tellement effraycz qu'ils n'ont ozéretourner & ont couché à bord, & le lendemain matin ray fait efquiper noftre fcutte dans laquelle ;ils fe font embarquez , apres leur auoir fait quelques prefents de peu de valeur dequoy ils eftoient fort contens , m'affeurans qu'ils ne manqueroient faire rapport au Roy dela bonne reception que ie leur auois faite : & deux outrois ioursapres le fufdit Alicq Raja me vint dire que le Roy treu- uoit les efpées belles & qu'il defiroit les faire accommoder pour fon vfage ; ie luy dis que ic n'en 211015 pas d'autres, & que de neceflité ien auois befoin d'vne, ne pou- uant & n'eftant couftume de France de fortir fans efpte, & que fi Yen pouuois recou- urer par deçà qui me fuffent propres que ie les luy laifferois de bon cœur ; le lende- main il m'en renuoya vne qui n'eftoit accompagnée de poignard & retint vne efpée francoife, la garde àrapport d'argent , la lame ondée & grauée comme auffile poi- gnard , & vne efpée efpagnolle les gardes dorées, ceux quime rapporterent l'autre efpée m'affeurerent qu'ilen faifoit bien de l'eftime à caufe que les lames ne fe fauf- foient point en les pliant, & celle qu'il merenuoya quieftoit vn eftoc , ils l'auoient fauffée à force de la plier;que sil ne l'euft faufféil l'euft auffiretenué : qu'il auoit donne charge de me dire qu'il me donneroit vn crisou poignard à la mode du pays. - Eftant reuenu du Nauire à terre ay treuuay les fieursRenel& la Clau malades, ce qui me faíche,car en l'eftat où ils font ne me peuuent nullement after ; 16 commen- 56 VOYAGES DV CAP. BEAVLIEV çois à faire connoiftre Renel, afin quil pufttrafiquer & faire le negoce du poivre auec le Sabandar &l'Orancaye Laxemane ; voire mefine obtenir du Roy qu'il puft conferer auec luy pour le fait de latraitte , ce dequoy jauois defia ouuert quelque propos deuant le Roy fur vne fupplication que ie luy fis les jourspaffez , qu'il luy plûe donner charge à quelqu'vn de les Officiers de commencer à faire quelque ouuertu.- re du prix qu'il defiroit vendre fon poivre ; il me dit que i'euffes encore vn peude pa- tience qu'il íceut au certain le nombre qu'il en auoit, & qu'apres ilen feroit luy-mef- mele marché auec moy ; à quoy luy repartis que pour mon particulier la chofe eftoit de grande importance , & que ie ne pouuois faire cela fansl'affiftance desmarchands de mon Nauire ; à quoy il ne merefpondit rien , ὃς changcantde propos, m'enquift fi le Vice-Admiral que i'auois enuoyé à Bantan eftoit grand Nauire, & luy ayant reí- pondu comme celuy quieftoit en fa rade , me demanda combien il pouuoit bien va- loir, & luy ayant fpecifié vne affez grande fomme, me demanda ἢ c'efloit autant de perdu, puifque les Holandoisl'auoient pris. Ie dis auflitoft que ie ne croyois pas qu'ils cuffent ozé faire cela, & qu'ils n'auoient raifon , puis que le Roy de France n'auoit guerre contre eux: Alors fe foufriant me dit,en eftes-vous encor en douteil’attendez- vousicy ? ie repliquay qu'il metardoit encor à venir, fuiuantl'ordre que ie luy auois donné : Que fi 'auois ma charge ie nel'attendrois , m'affeurant qu'il n'auroit que fai- re de moy veules courtoifies que ie receuois de fa grandeur , que r'efperois qu'il con- tinucroità tousles Frangois , qui par cy-apres luy viendroient baifer les mains. Il dit lors comme parlant à vncahcun,qu'il ne viendroit point icy » & que iamais ie ne le rcuerrois , puis s'adreffantà moy, auant qu'il foit peu vous ferez certain que ie dis verité,car je le fçay bien ; puis, que ce foucieront les Holandois de prendre fon Naui- re ; quand il leur en faudroit rendre dix autres, gaigneront-ils pasaffez quand les François ne reuiendront plus: & s'addreffant à moy , ie leur garderay bien icys de prendre le voftre , leur fa@urie & celle des Anglois valent dauantage, mais hors cet- te rade ie ne me mefle plus de vos differends: Ie le remerciay : & repliqua; lors que vous m'apportaftes les armes, vous dis-ie pas que voftre Nauire qui eftoit à Bantan nc viendroit pasicy , 'auoüay que c'eftoit la verité , encore qu'il ne me fouuint, m'en euft parlé alors, du moinsle Sabandarne me le fit entendre, comme il ne faità mon aduis beaucoup d'autres chofes. C'eft vn mal pour moy que ie nepeus faire entrer icy mon Interprete, & nul n'oze- roit y venir s'il n'eft mandé, & fontbien contans de n'y cóparoitre ; car s'ils bronchent le moins du monde en leursdifcours,ou qu'ils difent quelque chofe qui ne luy foit a- greable , encore que ce foit ce qu'on leur commande de dire, il n'y va que de leur vie, comme il aduintil y a quel que temps à 1 Interprete des Holandois nommé Pe- dro Lorengo , qui parlant franchement ce que les Holandois luy difoient, le Roy treuua cela fimauuais, qu'il commanda fur l'heure qu'il fut fié en deux tout vif, ce qui eut efté executé fansles Anglois qui ioignant quelques prefens auec leurs prieres le firent efchapper ; & de cette heure en eftencore difgratié ; encore qu'autre fois il eut eftéenvoyéparle predeceffeur de ce Roy Ambaffadeur en Hollande, & quil foit naturel d'Achen & d'affez bonne famille. Nous fommes paruenus en la fin de ce mois fans que i'aye pü encore rien faire pour l'achapt du poivre , pour n'yauoir perfonne qui oze rien vendre que le Roy n'en ayt donné la permiflion & vendule fien, & ie n'ay peu non plus parler au Roy qui eftextremement irrité contre quelqu'vn des plusgrands d'icy ; mefme il ena fait executer trois à l'occafion qu'en fa derniere conquefte de Pera , ila efté aduerty que lefdits Orancayes auoienttreuué quelques joyaux en ce lieu , lefquelsils auoient par- tagéenfemble , & rompus en diuers morceaux, & expofé depuisen vente; cc qu'ayant efté reconnu & rapporté au Roy, il s'en eftoit misen colere ,en forte que Pexecu- tion cy-deffus mentionnée en eftoit enfuiuye, & tant qu'il eft en cette humeur , per- fonne n'oze luy propofer aucunes chofes , & tiennent par deçà que lesnouuelles Lu- nes luy efmeuuent plus cette humeur que tout autre temps. 1 e - AVX INDES ORIENTALES. $7 Lequatrie(me de Mars, depuis l'execution des trois Orancayes s'en eft enfuiuy beaucoup d'autres; mefmes noftre hofte s'eftoitfenty de fa colere, l'ayant demis de fon office de Merigne ou Sergent Major ayant en garde & commandement fur vn Quartier de cette ville, qui eft celuy où nous demeurons, dequoy Pay efté marry 0 : 4 = f 9 LAA pour m'auoir coufté pluficurs dons pour gagner fon amitié ; afin que rencontrant des noftres efcartez la nuit, où en tauernes & autres telles maifons , il leur fift telles af: fres qu'ils ne s’auanturaflent de fortir la nui& hors la maifon, ce qu'il pratiqua tres- acortement ; car pour leur donner terreur y furprift noftre Interprete Pedro de Ti- cou lors qu'il eftoit encoreicy, &le lia & garotta iufquesau iour , puisl'expofa con- tre vn pilori à la veué detoutle monde la journée toute entiere,fans luy permettre d'a- uoir vnefois d'eau, & sil en demandoit luy faifoit prefenter de l’vrine & fiante de cheual , & au partir delà luy conuint payer douze realles, ce qui cfpouuenta telle- - mentles noftres qu'ils n'ozoient fortir la nui&; ce qui m'euitefté impoffible empet- cher autrement, car noftre maifon, non plus que lesautres , n'eft cloze que de hayes, par deffuslefquelles on a beaucoup de peine à pañler. Etle Samedy 6. l'Hofte fufinentionné a efté enuoyé querir comme il eftoit chez - nous pour fe iuftifier d'vne accufation qu'il auoit retins quelque bütin en la guerre “de Queda ρας deux ans, a efté lié tout preft d'eftre fait mourir ; mais trois cens jcaels valans plusde1200. realles]uy ont rachepté la vie pour cette fois auec quelques prefents faits à l'Orancaye Laxeman,qui la grandement aflifté en ce befoin: Et le len- » demain ie fus voir ledit Laxeman pour fcauoir deluy quand ie pourrois parler au - Roy pour le fait de mon negoce , luy remontrant le temps qu'il y auoit que i'eftois arriué en ce lieu fans auoir encore fait que defpenfer : il me dit qu'il en parleroit au Roy la premiere fois qu'ille verroit en eftat de luy en pouuoir parler : puis me de- manda fi ie n'auois eu nouuelles de mon nauire , ὃς luy ayant refpondu que non, me dit que fi i'efpérois qu'ils vinffent en brefferoit plusà propos pour moy de les atten- dre , & qu'il me donneroit vn expedient de vuider en bref d'icy ayant deux nauires à charger , & qu'acheptant partie du poivre du Roy il y auroit moyen d'obtenir Ticou pour les reftans , toutefois que ie ne parlaffes du tout qu'il m'auroit propofé ce- la. Icluy dis que i'auoisbien penfe à cela, mais que ie commengoisà douter quelque inconuenient auídits Nauires , veu que ie n'en auois aucunes nouuelles, & le fuppliay me dire s'il en auoitentendu quelque chofe. Il m'affeura que non; mais qu'il fefton- noit qu'ils ne venoient , puis que ie 11015 y auoir enuoyé exprés de Ticou pour les faire venir, & qu'il Peftoit enquis ك‎ vn Parau quieftoit venu depuistrois iours d'An- dripouri qui n'auoit rencontré le long de cette cofte aucun nauire. Le Dimanche 7. enuiron vne heure deuant Soleil leué, il a fait icy vn grandtrem- blement de terre, en forte qu'il fembloità ceux qui eftoient dans les maifons que le comble les accableroit; j'entends dire que d'ordinaire toutes les années il y en atrois ou quatre, toutesfois qu'il y auoit trois ans paffés qu'il n'en y auoit eu, & di- foient dauantage, que leur Cady ou Euefque auoit predit ce tremblement il y a qua- | tre oucinq jours, & qu'il viendroit für la pleine Lune , comme de fait il y eft furue- nu : ie neícay s'ils difent verité ou non; car au precedent on n'en parloit point; ils a PA font grand eftat de ce Cady , difans que de connoiffance d'homme ; ne seft veu Per- fonnage de fi grand fçauoir dans Achen. Le Mardy عل . و‎ Feburier , ie fus falüer le Roy auec quelques prefens , fanslefquels on n'eftautrementlebien venu, & ie les portay affez raifonnables, à ce qu'il m'o- &royaft ce que r’auois enuie de luy demander , qui eftoit d'auoir permiffion d'acheter du poivre des particuliers ,ce qu'il ne veut permettte iufques à cè que le fien foit ven- du, & qu'il tientroufiours à moitié plus haut prix que l'autre; & de prefent les Anglois sz Holandois luy en ont offert 48. realles du bahar, & ne leur a voulu donner à moins de 64. calles , qui eft exceffinement cher ; cependant, des particuliers on le pouroit auoir à huiét taels en or; vn tael d'ordinaire eftoit 4. realles; mais depuis que nous fommes arriuez icy , l'or a remonté & les realles baiffé; tellement quen ya Seconde Partie. sH * a Y 58 VOYAGE DV GEN. BEAVLIEV tael il y a16.mas qui eft vne petite monnoye d'or 5» & pour 4. realleson auoitlefdits feize mas qui eft quatre mas pour realle , & à prefent qui veut changer des realles en or on n’en a que 14.& encore n'eft-il recouurable,qui eft vne tres-grande perte :l'oc- - cafion de cela eft que le Roy a toutentre fes mains & qu'il fait courir vne petite — monnoye de plomb parmy le peuple qui s'en deffaittoufioursà quelque prix que ce — foit pour auoir de l'or; neantmoinsles rigoureufes punitions que le Roy fait execu- À ter enuers ceux qui Pexpofent à moins de fon ordonnance, & que dás le pays les real- 3 les n'ont aucun cours ny auroient en cette Ville, n'eftoit ceux de Suratte & de Man- ١ fulipatan qui les enleuent, & ne font guere autre rctourd'icy , apres auoir vendu leurs marchandifes , qui font icy autant neceffaires pour l'vfage & trafic de ceux de par deçà que le ris,& fur lefquelles ils font de grands profits, & n'y ayans à prefent E Nauires de Suratte en ce lieu qui recueillent;leídites realles cela eft caufe qu'elles fonc ainfi abbatués , ce qui m'incommode fort;car outrela perte qu'il y 2, ie 1ay moyen d'amaffer de l'or feulement pour faire la defpence de la maifon : & cependant le por vie des particuliers s'écoule peu à peu foubs main, tant entre les mains des Angloiss qui ont grand nombre d'or , à l'occafion qu'il leur vient tous les ans Nauires de Sura- o - E D x " te chargez de marchandifes, lefquelles ils vendenttoutes comptant , à payer en or, auec lequel ils facilitent grandement leurs achapts quand ilsen ont la permiffion,| & encore qu'ils ne l'ayent de prefent, ils ne laiffent neantmoins d'enamaffer peu ἃ, peu. D'autres de cette ville qui ont quelques moyens en argent comptant , l'em- ployent au 但 en poiure , afin dele renir enreputation , & lereuendre auec quelques auantage : Nonobftant cela , fij'auois permiflion d’achepter, ven pourroisauoir trois. ou quatre cens baharsen peu de temps , perdant quelque chofe fur les realles ; ce que ie nay voulu faire iufques à prefent , penfant les faire reuenir à leur prix ordi naire ; mais ceux de deçà font bien certains que ie n'ay autres marchandifes : Comme r'eftois pour prier le Roy qu'il m'o&royaft la permiflion ; il m'a mis für d'autres dif cours; & luy furuenant quelques autres occupations, m'a remisaulendemain com- ١ mandant qu'on me deliuraft vn Elephant pour nous porter chez nous , & quelques peu apres que ic fus au logis vindrent fix de fes Officiers auec chacun vn plat d'or. couuert > dans lefquels il y auoit diuerícs paftes & confitures que le Roy m'en- 7 uoyoit de fon fouper : Etle lendemain, ie fuis retourné au Chafteau auecle Sabandar | qui en toutes fes allées & venués m'accompagne ,ne laiffant en aucune facon entrer mon Interprete : Nous auons rrouué que le Roy faifoit ioufter fescogs , pariant d'af- (ez grofles fommes contre les Orancayes qui y eftoienten grand nombre: A l'intrade ilme fitdonner vncrisou poignard où y ala valeur de 5. à6.liures d’or à la poignée; l'ayant remercié 5 & le voyant plus occupé àfes كوم‎ que für mon negoce ; ioint que ie me treuuois vn peu indifposé, & qu'il eut falu attendre encore fix heures auant que de pouuoir parler à luy ; ie me retiray د‎ m'imaginant en moy - mefme x que le Prince me feroit plus d'honneur que de profit, pour commencer à le 4 reconnoiftre tresadonné à fon particulier profit, & qui n'afpire qu'à amaffer, poftpo- ^ fanttout à fon auarice ; ce que ie remarquay principalement , en vne actionqui s'elt | pafléc auiourd'huy, lors que i'eftois à laioufte des cocqs, qui eft, que pariant contre A tous,quelqu'yn d'entr'eux apporta vn وعم‎ affez moyen; leur couftume eft d'en cher- i cher vnautre égal à peu prés,de la mefme corpulence,pour ioufter encontre,il ne s'en i trouua pour lors de fipetits, celuy quil’auoit prefenté, dit qu'on ne fe trauaillaft d’en | chercher vn pareil, que l'on y mift le premier venu;n'importoit pour la grandeur: Vn | Orancaye, qui auoit en garde quelques cocqs du Roy (car le Roy leur en dóne felon | Jeur moyen & defpenfe,) en prefenta vn bien grád, celuy à qui eftoit le petit parie har- 1 diment corre le Roy, qui reparie encore nouuclle fomme; le grandeften peu de téps | matté & abbatu, le Roy fe picque de cela,demáde à celuy qui auoit mis en jeule grad y coq, pourquoy ce petit auoit plus de force que le grand ; l'autrereconnoiffantle Roy cn colere shumilietant qu'il peut demandant pardon, qu’il ne pouuoit comprendre , ^. M. TU. AVX INDES ORIENTALES. s9 l'occafion de cela:à quoy leR oy repart qu'il la comprenoit bien ,que c'eftoit qu'il auoit mal nourri fon cocq , & qu'il luy oftoit fon ris pour le donner à fesgarces, ou bien que luy-mefme le mangeoit, & fur cela commanda qu'on luy couppár vne main par le poignet , ce qui fuc auffitoft executé ; car fortant du chafteau, ie vis qu'on l'emmenoit chez luy eftropiat : l'infere de cela que la perte cft grandement fenfibleà ce Prince, & qu'ayant refusé 48. reales du bahar de fon poivre, il ne pour me le donner à meilleur compte , quelque demonftration qu'il me faffe de me porter plus d'affe&ion ' qu'aux autrescftrangers. ١ En retournant par la riuiere auec le Sabandar ; nous entràmes en quelques dif cours fur ce que i'auois prefenté le iour d'hier au Roy, fe plaignant que ic ne les luy auois montré premier, parce que le Roy de loin les luy montrant,en demandoit la va- leur, mais que pour ne fcauoir que c'eftoit, il cftoit demeuré honteux; parainfiqu'v- ne autre fois ie luy monftraffes ce que i'auois enuie de prefenter. Ie refpondis que ce que r'auois prefenté eftoit vn colier de perlesfauffes, deux pendoreilles de verre , & quelques bagues d'efmail : que pour eftre le cout de peu de valeur, & les ayant mis dans ma poche, ie ne m'eftois fouuenu de luy en faire montre, iufques à ce que ic les prefentay au Roy. Il me dit qu'il ne faifoit autrement de confequence de cela , mais qu'à l'aduenir lors que ie voudrois parler de la Traitte, il eftoit neceffaire que ie com- muniquafles auec luy de quelle facon ie la demanderois, & aucc quelles conditions, mefmes que nousla pouuions commencer enfemble auant que d'en parler au Roy, afin qu'il luy peür mieux faire entendre. Ie luy dis que r'en eftois content, encor que ie nele defiraffe pour courtier de ce negoce, entant qu'il en faifoit l'office, veu que c'eft le deuoir d'vn courtier de moyenner que les deux partis faccordent à quelque raifonnable condition , mais qu'il eftoit tout d'vn cofté qui eftoit de celuy du Roy, luy faifant tout acheter à bon marché, & vendre tout ce qu'il auoit bien cher; à quoy il me repartit que i'auois grandtort d’eftimer cela deluy, veu qu'il me preferoir à qui que ce fur ; ie le remerciay de fon affection. Le ¡our fuiuant il vint chez nous, & me propofa ce que i'aurois enuie de donner du bahar du poivre du Roy, ie luy dis qu'il conuenoit premierement fçauoir le prix que le Roy mele defiroit vendre ; 11 me dit queles Holandois & Anglois luy en auoient offert quarante-hui& realles,& qu'il letenoitàfoixante quatre : ie luy dis qu'à ce prix ic ne pouuois acheter. Lors il me demanda quel prix ren voudrois donner, ie luy dis que ie ne prendrois la hardieffe de faire vn prix au poivre du Roy,fcachant ce qu'ilen a refusé des Holandois, que ie ne luy defirois procurer aucune perte,mais profit parle moyen des droiéts de fortie que ie luy payeroiss'il luy plaifoitme permettre d'acheter des vns & des autres auxterres de fon obeyflance & icy , à quoy il me dit que cela ne fe pouuoit faire que premicrement le poivre du Roy ne fuftvendu , qu'il me portoit grande affe&ion , & que peut-cftre il me le donneroit au prix que les Holandoisluy auoient offert : ie luy reparty là deflusque Peftois grandement obligé au Roy, que le bon vifage qu'il me montroit toutes les foisque ie luy alloisbaizer les mains m'en rendoit certain, & que ie tafchois partous moyens d'y demeurer, afin de pouuoir tefmoigner au Roy de France que feslettres m'euffent donné ce credit versle Roy d'Achen, & qu'en faueur d'icelles il m'auroit grandement obligé; ce quife confir- meroit bien dauantage , s'il luy plaifoit m'octroyer Ticou, pourauoir la charge de mon naujre, ce queiene pouuoisfaire icy veulacherté du poivre du Roy,lequel ie ne pouuois achepter fi ie ne voulois remener mon nauire en France vuide, ouà my charge: Le Sabandar me demanda alors quel prefentie feroisau Roy pour auoir la permiffion de trafiquer audit lieu de Ticou , & combien ie luy donnerois pour mc la procurer; ie luy dis alors que ie n'auois rien pour le prefent digne du Roy, que neantmoins i'auizerois ce que j'auroisà faire là deffus , & que le foir ie luy enuoyerois dire ma refolution , luy promettant que fiil faifoit quelque chofe pour moy, ie le re- connoiftroisbien amplement: Et là deffus fus communiquer auec les fieurs Renel & la Clau ce qui nous feroitle plus expedient, & calculant exactement ce que ie Seconde Partic. $ Hi) 60 VOYAGE DV GEN. BEAVIIEV pouuois faire icy; treuuaímes que Ticou nous feroit;fans comparaifon,plus profitable encore qu'il me deubt coufter 3000. realles pour auoir cette permiflion; ainfi i'en- uoyay le Portugais Francifco Carnero chez le Sabandar pour fonder ce qu'il deman- deroit , tant pour le,Roy que pour luy , lequelà fon retour me dit que ledit Sabandar luy auoitfait vn long dicus fur la difference du profit qu'il y auoit d'acheter du poi- vreà Ticou au refpe& d'icy, & quele Roy n'accorderoit iamais cette permiflion , quon nc luy payaft bien, difant, que les Holandois & Anglois l'auoient demandée au Roy, à condition de luy donner deux Nauires chargez de marchandifes, moyen- nant qu'ils y puffent auoir fa&turie pour 8. ans; & que fiieluy voulois donner 4000, realles il me feroit auoir ce lieu pour deux ans, pourucu que ie faffe prefent au Roy de vingtmille realles. Le Portugais m'ayant fait ce rapport ie demeuray eftonné dv. | ne figrande demande, & m'imaginay à Pinftant que le Sabandar eftoit yn gran- diflime voleur , & ainfi que ie ne dcuois aucunement m'amufer à luy, & ie pro- | pofay de m'adreffer à l'Orancaye Laxemane , afin dc fonder fi par fon moyen ie NE pourrois obtenir cette permiflion. Parquoy le Samedy 13. ay efté chez luy & luy | propofay le long-temps qu'il y auoit que r'eftois icy fans auoir encore aduancé mes - affaires; qu'à prefent la faifon approchoit, qu'il conuenoit query donnaffe ordre : Il me demanda pourquoy le Vice-Admiral n'eftoit pasencore venu, & fi ie n'en auois | aucunes nouuclles, ie luy dis que non, & que ic doutois fortque les Holandois ne l'euffent arrefté à Bantan ; & que fiie n'en auois nouuelles partout ce mois, ie ne faifois plus compte de le reuoir , & fur cela ie commengay à luy dire que le poivre cftant fi cher , ie ne pouuois l'acheter fans faire vne notable perte; & que pour ce füjet ayant confideréla où j'en pourrois auoir à meilleur marché, i'aytreuuay que | Ticoume feroit l'endroit pluspropre pour faire mon achapt auxterres de l'obeiffan- ' ce du Roy, & que fçachant qu'il enfalloit premierement obtenir icy la permiflion | ie n'auois trouué meilleur & plus affeuré chemin pour obtenir icelle permiffion que ١ parfon moyen, fcachant que sil me vouloitfauorifer en ce deffein, le Roy me 12 permcttroit ; que pour reconnoiflance d'yn tel bien-fait, je luy ferois prefent de 400. j realles, & au Roy de quatre piece de canon de fer pefantes 3500. liures chacune; II t me dit là deffus qu'il ne me confeilloit de faire cette requefte au Roy, lequel mem portoit grande affection , & auoit enuie de me charger en ce lieu de fon poivre :1ew dis que le Roy m'obligcoit beaucoup, mais que ie n'en pouuois achepter au pris que les Holandois luy auoient offert, à quoy il me repartit qu'il ne fcauoit la volonté du Roy, laquelle pourroit eftre telle en mon endroit , que ie n'aurois occafion de m'en | plaindre , qu'au furplus pour les quatre pieces de canon que ie defignois prefenter au. Roy, que ce n'eftoit chofe qui luy fuft propre en ayant fi grande quantité, qu'il n'en fçauoit que faire ; ie luy dis que ie fuiurois en cela & en tout autre chofe fon confeil; mais que la faifon s'approchant qu'il conuenoit donner ordreà mesaffaires, me fai- foit eftre importun en fon endroit, & ainfi prins congé de luy , reconnoiffant bien que ce perfonnage faifoit peu de compte de 400. reales, & qu'il conuenoit parler d vne autre façon, fiie defiroisauoir ledit lieu de Ticou. i Le 23.de Mars, 2116م‎ 4.à 5. jours ay efté occupé pour le rachapt de 4. Chreftiens Portugais refidanten Negapatan captifs du Roy d'Achen, lefquels il n'auoit voulu. vendre iufques à prefent , quelques prieres que luy en euffentfait les Capitaines An- glois & Holandois , qui auoient 2116م‎ par icy depuis deux mois en çà, il les faifoit trauailler à des maifons qu'il fait baftir , leur faifant porter des pierres, tellement qu'ils eftoient en grande mifere ; & vn Capitaine More dudit Negapatan nommé Cognali Marca ayant commiflion de les achepter , & pour ce ayant enuiron 400. rcalles que ceux dela charité dudit Negapatan luy auoient deliuré pour en faire les frais, me pria auecles füfdits Chreftiens de leur affifter à en prier le Roy & l'Oran- caye Laxemane , ce que ie fis; le Roy me refufa pour la premiere fois , difant que les Portugais de prelent eftoient fesennemis : Apres auoir quelque peu fongé, il me dit qu'il ne me vouloit refufer pour , cela & que ic parlafle à Laxemane ; ainfi j'y fus AVX INDES ORIENTALES. 61 au partir de-là.; mais il demandoit de groffes fommes , fçauoir pour cinq qu'ils eltoient 1000. taclsenor , ce qui nous arrefta tout court ; nous luy diímes que nous n'auions que 400. realles pour leur rachapt, dequoy ven donnoisla moitié d'aumof- nes, fans les auoir iamais connus, ny que Ven efperaffe nulle recompenfe : que pour luy il leur prefteroit les 200. autres iufques à ce qu'ils euffent le moyen de luy rendre, Le lendemain nous treuuafmes 'Orancaye plus doux ; mais n'y en auoit plus que 4. à deliurer àl'occafion que le Roy en vouloit retenir vn pourle feigner quandil en auroit befoin, ou autres de fa maifon : ΕΠ ἃ noter que les miferables eftans caprifs ὃς n'ayans dequoy viure finon des aumofnes qu'on leur donnoit ; ennuycz d'vne fi hon- teufe vie, contrefirenzles Chirurgiens, & comme la plufpart des Portugais demeu- ransaux Indes, fçauent la plufpart feigner 9 ils firent faire icy deslancettes , ou en acheterent des Chirurgiens Anglois & Holandois, & fe mirent en effet d'operer ,ce qu'ils firent fi heureufement ( Dieu les afliftant en leur neceffité ) que la plufpart'de ceux qui eftoient fcignez d'eux و‎ receuoient allegement; tellement que prenans vn mas pour chaque operation, ils curent le moyen de viure graffement , n’incommo- der & n'importuner perfonne,& outre celà payer deshommes pour faire leur rafche ou trauail ordonné par le Roy, & ancient amaffé chacun quelque chofe, & tel auoit iufqu'à 6o. realles. Enfin il coufta plusde fix cents realles ; tant pour le Roy que peur l'Orancaye Laxemane , & encore plus de cinquante realles à diuerfes autres perfonnes ; tellement que Cognali ne pouuant fubuenir à tant d'argent, ils eurent recours à moy quilesaffiftay de 128.realles pour acheuer du toutà les ren- dre libres, & auoient encore 9. ou 10.de leursgarcons ou matelors qu'ils me priotent fort de racheter & retirer des mains de ceux qui lesauoienten charge, lefquels afin de leur faire renoncer leur Baprefine; les tourmentoient outre mefure , & ja 3. ou 4: n'ayant pù fubfifter auoient fuccombé. Ie les affeuray que i'y feroistout mon poflible; mais qu'à prefent le poiure eftoit fi cher,que ie n'efperois auoir de l'argent à fuffifance pour charger mon Nauire ; il m'eftoit bien difficile ; Neantmoins que fiie voyois & trouuois quelque inuention pour les rétirerie ne manquerois, & que fi mon Vice- Amiral venoit, qu'à quelque prix que ce fuft ie les racheterois; ie confolay auffi le vieil Pilote qui auoiteftéretenu pour, chirurgien ; l'affeurant que ie procurerois fa defliurance, & que ie n'efpargnerois 150. reales de mon particulier pour luy en faciliterle moyen : Pourles cent vingr-huit rcalles que i'auois frayez , retins vn d'en- creux nommé Pedro Tamares, natif & marié à Lifbonne, afin de m'aider par- deçà, veu le deffaut des Commis, aufquels il ny a plus guérés d'efperance qu'ils recouurent leur fanté, luy promertant que sil me feruoit fidellement, ie luy don- nerois fa liberté, foiticy où en France. Durant ce rachapt folicitay POrancaye Laxe- . man, afin de faire quelque chofe auecle Roy, & me fuis prefenté deux ou trois fois auec mon Interprete pour entrer dansle Chafteau; maisil y auoit toufiours quelque execution que le Roy commandoit, δέ eftoit coufiours en d'extrémes coleres, pen- dant lefquelles il ne faifoit bon parler à luy d'affaires, & ce marin Laxeman má enuoyé aduertir que ie le vinffe trouuer , & qu'entrerions enfemble dans le Chafteau, ce que ie me fuis incontinent deliberé de faire; mais comme i'eftois pour Sorrir, eft venu le Sabandar auec vn Eunuque , m'aduertir que le Roy me demandoit, & ainfi m'a conuenu aller droit au Chafteau و‎ fans aller chez l'Orancaye , où eftant, a peu tardé que la Chappe ne foit veñué, & fuis entré en la Chambre du Roy auecle Sabandar, &l'ay trouué forten colere , faifant tourmenter fort cruel- lement cinq ou fix femmes, qui me fuft vn fpe&acle bien defagreable , & confiderant que c'eftoit vne mauuaife faifon pour faire quelque chofe auec luy 5 & entircr quelque courtoifie , comme ie me l'eftois promis puis qu'il m'enuoyoit que- rir luy-mefine ; l'ayant falie & prefente quelques chaifnesde verre, il ne s'amu- fa à cela, comme il faifoit du precedent quand ie luy enportois; mais ne faifoit que commander d'augmenter les fupplicesà ces miferables , qui durerent plus de trois heures auec de grands rourments; tellement que fauois horreur d'vne telle . Seconde Partie و‎ H iij 62 VOYAGE DV GEN. BEAVLIEV cruauté, & euffe bien voulu eftre hors de-là; car ie voyois que chacun auoit grande peur , parce que (a colere augmentoit toufiours & les fupplices parcillement. Enfin, il enuoya l'Orancaye Laxeman dehors commander quelqu'autre execu- tion , puis quelque pcu apres fit retirer ces miferables qui auoient efté ainfitour- mentées,& commanda qu'elles cuffent les pieds & poings couppez , puisles corpsiet- tez à la riuicre, & quelque peuapres me demanda ce qu'il m'en fembloit : Peftois fi attenué d'auoir veu fi long-temps fupplicier proche de moy, que ¡e ne luy ícauois que refpondre ? toutesfois contre ce que Pen penfois, ic luy dis que les Royaumes nc fe pouuolent maintenir fans la Iuftice ; lors il repliqua , que 511 permettoit en- core vne fois fans punition, ce qui s'eftoit paflé cette nuit , fa vie ne feroit gueres afleurée, & la deffus fit vn long difcours, reprochant aux Orancayes'qu'ils difoient qu'il eftoit mefchant & cruel, & ne confideroient pas que c'eftoient les mefchan- cetez d'eux-meímes quiattiroient l'ire de Dieu fur eux , qui le feruoit de luy pour les punir : Qu'ils n'auoient occafion fe plaindre deluy , qu'il les laiffoit viure auec leurs femmes, enfans, efclaues, ὃς poffeflions fuffifantes de les nourrir & entretenir, les maintenoit en leur Religion, & empefchoit les Roys voifins de les emmener hors leurs maifons efclaues, & aux eftrangers de les piller : Qu'il auoit autresfois veu Achen, retraitte de meurtriers & brigands, oü le plus fort fouloit le foible, & les grands oppreffoient les petits, & qu'en plein iour conuenoit fe deffendre des vo- leurs auec les armes, & de nuitíe barricader dans les maifons;l'à où de prefent il | n'eftoit befoin d'armes de iour, ny de portes au maifons la nuit; que c'eftoitl’occafion pourquoy il eftoit hay d'eux , parce qu'il empefchoit leurs mefchancetez, extorfions, « maffacres & voleries; Qu'ils faifoient des Roys à leur fantaifie , puis les faifoient mourir quandils en cftoient ennuyez; que fa Mere eftoit encore de ce temps-la, & ainfi le vouloit faire tuer , pour y mettre vn autre qui fut meilleur que luy : Que fon oncle auoit cômencé de remedier à ce defordre ; mais qu'il acheueroit de l'empefcher. du tout : Etproferoit celaauec tant de vchemence & auec des regards fi furicux, que Chacun auoit grand peur, & tous eftoient profternez le vifage en terre criants mife- ricorde ; mefme l'Euefque ou Cady , qui eft perfonnage d'vn grand refpe& entr'eux, & des plus nobles familles d'Achen, & aagéde quatre-vingts ans & plus. Ie fusen= core là enuiron vne heure , que trouuant occafion de me retirer auec le Sabandar,. nous fortifmes du Chafteau,& m'enquerant de luy, de l'occafion des fupplices silme - dit,que la nuit paffée , $.ou 6. femmes de fa garde eftans couchées pour dormir affez proche de la Chambre;vne d'entre-elles s'ecria affez effrayement, ce qu'entendant le Roy, demanda ce que c'eftoit, fut refpondu que ce n'eftoit rien, & voyant que pour quelques autres demandes qu'il fit, on ne luy refpondoit à propos, il fit veiller le refte de la nuit celles qui eftoient dans la chambre, leur donnant charge de bien cícouter autrauers les portes, qu'il fit bien fermer fi elles n'entendroientperfonne, & diffimula iufques au poin& du iour, qu'il enuoya querir promptement celles qui auoient criélefquelles eftant deuant luy s'informa de l'occafion de ce bruit ; aucunes refpondirent que ce n’eftoit rien; mais voyants qu'il fe mettoit en colere , vneluy dit. que celle qui eftoit proche d'elle auoit cric; LeRoy luy cómande de dire promptement la verité , elle refpondit, que dormant, il eftoit venu quelqu'vn par deffous le lieu où clle eftoit, qui au trauers desbambuz ou rofeaux, furquoy elles couchent, l'au- roient piquée par lacuiffe auec vn cris, que cela l'auoitfaitcrier, & que les autres s'eftoient cfueillées'; alors le Roy leur demanda fi elles auoient entendu quelqu'vn; quelques vnes dirent que non, autres, que fi, dauantage , qu'elles auoient tromuéle cris, que le Roy fitapporter , & quinefut reconnu de perfonne: Alors il enuoya que- rir le Merigne d'elles, ou-Capitaine du guet, qui cft auffi vne femme qui a cette Office dans le Chafteau, luy demanda 51] eftoic entré quelqu'vn la nuit dans le Chafteau , refpondit que non ; lors s'adreffant à celles fous qui le crisauoit efté trouué , demanda qui l'auoit apporté, qui les auoit piquées auec , qui les auoit ¿fait crier, pourquoy elles ne luy auoient pas dit la verité lors qu'il leur fit demander AVX INDES ORIENTALES. ; que c'eftoit, & voyant qu'elles ne luy refpondoient rien, il s'irrita & tomba en foup- con que l'on attentoit a fa vic, & que ceftoic fa propre mere qui luy bratioic cette trahifon, & qu'elle auoit appofté ces femmes pour faire quelque allarme , afin de lefaire fortir de fa chambre pour le tuer afement, qui fut occafion qu'il fit ainfi torturer les femmes qui auoient crió & le Merigne mefme : Lefquelles nonobftant les tourmens exceflifs ne confefferent rien du tout, ny chargerent perfonne; & ie n culle jamais creu qu'il peuft y auoir cant de refolution & de conftàce en courage de ١ femme, parce que nulle d'elles , ne fit iamais vne feule plainte ny requette pour fà vie, encore que le Roy leur dit par diucrfes fois, qu'il fcauoit bien que fa mere eftoit la caufe de tout cela, & qu'ils diffent promptement la verité, quil leur par. donneroit; & que le Cady les exhortaft à fe defliurer des tourments qui augntente- roient à l’efgal de leur obttination, & qu'vn chacun leur criaftaux oreilles d'auoir pitié d'elles mefmes , clles ne varierent jamais; & vneayant demandé quelque peu de rclafche , comme on croyoit qu'elle alloit tout dire, fe ¡ette à corps perdu fur la gorge d'vhe miferable que Pon tourmentoit proche d'elle, qui eftoir celle qui anoit crié ; & s'efforcoic auec les dents de l'eftrangler, & comme on l'eutt retirée, elle dit que celle-là par fon cry cftoit caufe du mal qu'elles enduroient , que pour elle, elle ne fçauoit que dire, qu'on fit de fon corps ce que Pon voudroit, qu'elle ne sen fou- cioit plus, puis qu'elle Seftoiraucunement vangce ; & vne autre 21162 vieille ne pou- uant fupporter les tourmens, & s'euanouiffant de moment en moment, le Roy en- nuyé commanda qu'on la fit mourir ; clle entendant cela, d'vn vifage gay remercia le Roy de la faueur qu'il luy £aifoit, qu'en recompente elle luy fouhaittoit mille an- aces de longue & heurcufe vie, & lorsqu'onlcur couppa les pieds & les poings , (à ce que Lay entendu, de quelques vns qui virent l'execution, ) celles qui auoient en- ١ core quelque fentiment les prefentoien: elles-meímes aux bourreaux, difant qu'elles efperoient & attendoient il y auoit plus de dix ans cette heureufe iournée, qui les ofteroit hors des trauaux du Chafteau : Etencore quecesfemmes n'ayent chargé perfonne, le Roy n'a pas lailé d'arrefter fa mere, à laquelle vay entendu qu'il a fait aufli donner la queftion, & enuoya l'Orancaye Laxeman, lors que i’eftois dans le Chafteau faire tuér fon propre nepucu, fils du Roy de Ioor, difant que c'eftoit ce ieunc Prince que fa mere vouloit faire Roy; & à ce foir r'ay appris qu'il a encore fait mourir Te fils du Roy de Bintan qu'il tenoit aux fers, & le fils du Roy de Pan, qui luy eftoient parens, & dit-on qu'il fera encore mourir fa mere, àquoy il y abien de l'apparence ; car il a defia pris toutes fes richefles, & a faitencore mourir cinq des principaux Scigneurs de fa Cour qu'il eftimoit fauorifer fa mere. Voila vn terri- ble remuément, & de grandes cruautez fondées fur yn fotipcon. Ce Prince eft horriblement cruel, & à prelent ne luy refte perfonne de fon fang , que fon fils qu'i! a déja chaff? par troisfois bien rigourcufement, mais à prefent il commen- ce à rentrer en grace : Il cft tenu d'vn chacun, encore plus cruel que le pere , & cft mal voulu عل‎ tous , qui eft (a feureté ; carlesloüanges que chacun donnoit au fils du Roy de lor, ont efte la feule occafion de fa mort: C'eftoit vn beau Prince, affable , courtois, & qui par fa familiarité gaignoit le courage de beaucoup de perfonnes; il pouuoit auoir dix-hui& ans enuiron , ne fe mefloit d'aucunes chofes و‎ qu'à paffer le temps, en quoy il faifoit bien, & eut encore mieux fair, s'ill'euft paffé au mieux qu'il euft peu dans fa maifon, fans gagner l'amitié de perfonne, que de fononcle, l'humeur duquelil'deuoit auoir reconnu, par l'e- xemple de ceux qu'il fait mourir iournellement ; car ie peux dire quil ne s'eft Paf gueres de iours, depuis que ie fuis icy, qu'il n'ait fait mourir quelqu'yn, & quelquefois plufieurs, & ne prend en tous fes deffeins confeil ny aduis de Per- fonne : Enfin ie tiens que depuis long-tempsil ne s'en eft veu de pareil ,ilaex- terminé quafi toute l'ancienne Nobleffe , & enrefaitd'autres, qui à mon aduis feroient plus heureux de demeurer roturiers, & eftre efloignez de luv. Le vinge-feptennuyé d'eftre icy fi long-temps fans ricn faire, ie fus chez Lo- TE 64 VOYAGES DV GEN. BEAVLIEV rancaye Laxeman, le prier de parler au Roy pourle fait de mon negoce,& enfin. - u'il fe fouuint de ma Requefte;ie luy fis prefent d'vne bague efmaillée , auec cinq . diamans d'Alençon, taillez en facettes , qui brilloient beaucoup, & le lende- . main dés le poin&duiour, le Roy m'a enuoye mander, afin que ie viffe lecom- M bar de deux Elephans; ie ne manquay d'y aller à l’inftant; & dans vne fort grande | court, proche du corps de logis où il eft d'ordinaire il fit venir deux Elephants à quiauoient chacun vn cable amaré aux pieds de derriere , & vindrent inconti- nent plufieurs perfonnes auec de longues picques qui ont le fer fourchu: Les Elephants fe io1gnirent auec des heurlemens د‎ mais incontinent le Roy les fit fe- 看 parer& fit fermer vne grande feneftre d'oü il regardoit, à caufe qu'ayant pris l'air i il tomba eluanouy , ainfile combat ceffa: Quelque peu apres il me fit appeller& M me montra la bague queie donnay hier à l Orancaye, me dit que Laxeman luy M enauoitfait yn prefent, & me demanda pourquoy ie luy auois donnée; ie luy M dis que le merite dudit Orancaye & l'affe&ion que i'auois reconnu qu'il me portoit, |. nrauoit obligé de luy prefenter , ioint que ie luy auois fait vne priered'auoir mes affaires enrecommandation , & fupplier fon Alteffe de me permettre de pouuoir | acheter du pojure parla ville : il demanda alors , combien ledit poiure valloit ; on luy dit huit taels le bahar ; alors il me dit qu'il me donnoit permiffion d'acheter, | mais qu'il en auoit auffi affaire, & que nous acheterions tout ce qu'il y auroit par la ville; que ie commencaffe acheter de mon cofté, qu'il feroit acheter du fien; & fur cela il filt diftribuer à quelques vns vne grande boëtte plaine de mas , me di-. fant que ie ne le fiffe hauffer du prix qu'il valloit; ie le remerciay bien-humblement, ١ & penfant vuider d'affaires , tandis qu'il eftoit en humeur de me faire du bien; ia luy demanday, sil luy plaifoit me faire vendre fix cens bahars du fien; il dit qu'il > eftoit mon amy, & qu'il ne m'en vouloit vendre pour eftre trop cher, parce qu'il > auoit juré de ne le baillerà moins de feizetaelsle bahar, & que perfonne n'en. auroit qu'il ne payaftce prix; là deflusil luy prit vn efuanouiffement ; & quelque peuapres cftrereuenu, il nous fit figne de fortir tous, ce que ie fis des premiers; 和 bien content que i'auois obtenu cette permiffion, qu'il y auoitlong. temps que ie pourchaffois : Et le lendemain , i'ay fait publier parla ville cette permiflion, à ce qu'vn chacun fceut que ie pouuois acheter du poiure, & que ceux qui en auoient 时 me le peuffent hardiment vendre. * * ἃ Le refteduiour, & le fuiuant, iefus empefché à la depéche de Dom Francifco | Carnero Portuguais, lequel y a quelquesiours me propofa ( fur quelque repri- | mende que ic luy fis, ) qu'eftant inutile pardegà, pour rendre feruice à Meicurs de — la Compagnie, il s'eftoit imaginé vn deffein quileur apporteroit beaucoup dv- - tilité, fi d'auanture ilsauoient deffein de continuer le trafic des Indes ; qui eftoit, « que puis qu'il n'y auoit plusriena faire pour les François à Bantan,qu’il conueneit neceífairement qu'ils euffent fa&urie en ce lieu; mais comme ce n'eltoit rien dejl'a- — uoir icy , quin'enjauoit vne en Surate; parce que les reallesézautres marchan-« difes de France ne font proprespourcelieu , &il yauroità perdre, de venirdire- — &ement de France icy acheter du poiure, au lieu que paffant par Suratte, les realles\ s'y elchangent auec vn honnefte profit, & fur diuerfes marchandifes qu'on pourroit recouurer en France, il y auroit plus de cent pour cent degain, àles vendre en Su- ratte & acheter des marchandifes de ce lieu , propres peur cette Ifle, fur lefquelles il ya d'ordinaire trois cent pour cent de profit, & quis'y debitent en grand nom- bre,& defquelles ils ont autant de neceflité,que deris pour manger:Qu'alorscette M fa&ürie d'Achen rendroit plus de profit qu'aucune autre Place , que l'on pourroit s'imaginer dedans les Indes: Ainfi , que fi ie luy voulois donner permiffion de pate fer dans le Nauire de Peribey pour Manfulipatan, qui partoit en Compagnie de bo Cognali , & luy defliurer quelques fommes d'argent pour faire fon voyage, il. iroit parterre du lieu de Manfulipatan en Cour du grand Mogol, à qui appartient | Surate, & fe faifoit fort d'obtenir cette permiffion, moyennant que ic l'affiftaffe AVX INDES ORIENTALES. 6s d'vne Lettre de cacher du Roy de France pour le Grand Mogol, & vne de ma part; contenant Poccafion pourquoy ie l'aurois enuoyé, & defliuré cette Lettre aucc vn autre que Pefcrirois à certain orfevre Frangois,qui refide & fuit la Cour dudit Mogol, vers lequelila grand credit; & qu'auec quelques connoiflances qu'il auoit du temps qu'il y auroitefté, & quelques adrefles que Peribey luy promettoit , il s'affeuroit de n'auoir aucune difficulté pour obtenir certe licence. Ce Portuguais ne faifoit que jouér, mefmes contre le Sabandar , qui ayant perdu contre luy mefüfcite toufiours quelque nouucau Monopole, pour fe rétompen{er auec gros interefts de la perte qu'il a faite;&quoy que ie puiffe dire a Cc Portugais,ie ne le peux empefcher de iouër: car il a grand aduantage , par le moyen de quelques faux dez , qu'il a appor- tez de France, il gagne continuellement, & il y a deux outroisiours que fa fraude fur dcícouuerte , comme il ioüoit contre vne femme, de laquelle il avoir gaigné plusde . deux cens reales; que furuenant quelque different fur le ieu , Carnero reftant pas autrement beaujoücur , qu'en gaignant; frappant de fa main für latable , il rencon- tra vn de fes dez qu'il briza , dont il fortit quelques goutelettes de vifargent, qui dif- parurent incontinent , latable ayant quelque pente; ce qui eftonna grandement les affiftans و‎ croyant qu'il y auoit quelque enchantementen ce fait; & ce quilesconfir- male plus enleur opinion, cftque Carnero recueillit promptement les pieces du dez,auec les reftans,qu'iIne vouluft depuis monftrer ; tellement qu'vn Marchand de Bengala, qui parloit Portuguais, & qui auoit perdu 21117 quelques realles, m'en con- tal'Hiftoire , me priant particulierement & auec grande inftance , que ie l'cíclairciffe | de ce que ce pouuoit eftre; & fur ce que ie luy fis paroiftre de n'entendre pas ce que c'eltoit de dez , il m'en montra quelques vnsfacon d'Achen , & me faifoit de grandes | proteftations ; que d'vn qu'auoit Carnero il en eftoit forty vn efprit, qui auoit efté 'vifiblement appergeu de tous, & s'eftoit efüanoüy incontinent, & qu'ils eftoient au 伍 grandement eftonnez, qu'il ne perdoit iamais, & que contre tous ceux auec quiil auoit joiié, il n'auoit perdu vne feule fois. i … Le3. d'Auril,comme i'cítois fur le point de faire quelques achapts de poiure, par le moyen du Sabandar, 8 que nous eftions à debattre fur le prix, & que ren offrois iuf- ques à 32. reallesdu bahar, & qu'il y auoit apparence que Ven pourrois auoir quelque partie,pourueu que leSabandar commengát luy-mefine à m'en vendre & liurcr;à l'oc- cafion que plufieurs qui en auoyent, voyant que le Roy achetoit, n'ozoient m'en ven- dre,& crainte que le Roy leur reprochar qu'ils m'auroient preferé à luy : comme nous eftions donc fur cela,& que ie pratiquoisle Sabandar,afin qu'il m'en ljuraft feulement 20.bahars, pour mettre en train les autres, & qu'il mauoit promis dés demain de les faire pezer, le Roy le fit arrefter prifonnier, & mettre aux fers; & m'eftant enquis de l'occafion, on me dit que le Roy luy ayantdefliuré quelques ouurages pour faire ef- mailler par noftre orfevre,8zordóné de les retirer de fes mains,certain iour prefix;l'or- fevre eftant tombé malade , & n'ayant peú acheuer ce qu'il auoit commencé au temps limité,le Roy les ayants promisà vne fienne fauorite ; comme illes demanda pour luy donner,fcachant qu'elles n'eftoient encore faitesou acheuées,il fe fafcha contre le Sa- bandar, dint qu'il S'amufoità fon profit particulier & negligeoit ce qu'il luy auoit re- commandé;ainfi noftre marché eft demeuré fans effet. Le 10. veille de Pafques, noftre batteau a efté acheué,quiacfté vn ouurage bien long, faute d'ouuriers, qui entendif- fent bien leur meftier ; ie penfois l'enuoycrà bord chargé de poiure , mais depuis que lay obtenu la permiffion du Roy d'en acheprerie n'en ay peú auoir vn feul bahar, nul n'ozant commencer à m'en vendre, & pour excufe , ils difent que le Roy achete;d'au- tresqu'ilsne veullent de rcalles, mais de Por en mas qui eft monnoye courante au pays, & qui eft grandement dificile à prefent àrecouurer, & fipeuquerenay, ils m'en rebutent la moitié pouteftreroguez , ou bien y enauoir de grandes qui en valent 4. nouucllement forgez; & qui ne font de fi bon aloy que les anciennes; & encore que le Roy faffe coupper pieds & mainsà ceux quilesrefufent, neantmoins les marchands veulent voir premierement quel payement onleur donnera; puis ne le voyant à leur Seconde Partie 51 66 | VOYAGE DV GEN. BEAVLIEV fantaific, ilstiennentleur marchandife à fi haut prix qu'il fauttoutlaiffer; ce qui me donne bien de la fafcherie , car 'auois grande efperance d'amaffer en bref bonne par-: tic de poiure au prix de 32.reales comme le Sabandar m’affeuroit,& ne doutes que fans fonemprifonnement,8z qu'il eut commencé à m'en liurer, comme il m'auoit promis," moyennant quelque reconnoiffance de ma part, Ven aurois defiaaffez bonne partie; veu que les Holandois & Angloisn'ont permiffion d'en acheter à prcfent , qui nono-! ftant ccla ne laiffentde me deftourber be coup. Le is. d'Auril iay découuert que le Roy m'guoit joué vn tour, duquel ie ne me dcf- fois pas,& qui me demontre bien fon extrême defir d'amaffer de l'argent; & qu'il n'y arecommandation,prefens ny affection qui le puiffe détourner de preferer fon parti- cüher profit; car il n'a fait mettre le Sabandar aux fers à l'occafion de fes bagues, mais qu'ayant fceu par quelque efpie que ie commençois à faire marché de poiure » & que le Sabandar n'auoit pas bien compris fon intention,lors qu'il me donna permiflion d'a- cheter, & qu'il acheteroit auffi; que c'eftoit qu'il ne me vouloit pas refufer la permif + fion,que ie luy demandois pour ne me defobliger pas , & que ie ne prinfes quelque re= 下 folution de meretirer d'icy, comme i'auois au precedent declaré à Laxemane, que fat? ne m'eftoit permis trafiquer librementauec les vns & les autres ; que ie ne voulois perdre icy dauantage de temps; & que l’occafion pourquoy il auoit ordonné & fait dé- i liurer l'argent deuant moy pour acheter du poiure pour luy, eftoir afin que ie n'en | peuffes auoir que paríes mains, f'afleurant bien que perfonne n 'entreprendroit de | m'en vendre tant qu'il en acheteroit ; & de faità ce que Y ay qe fi quelqu’ vneut | comencé , mal luy en eut pris, car iournellement il Senqueroit fi quelqu'vn m'en 211016 vendu. Le Sabandar encore que tres-malicieux , & qui a donné de tres-pernicieux ad- uis au Roy pour les eftrangers » & qu'on tient par-decà eftre en partie caufe que le Roy veut retirer par deuers [oy tous les poiures qui croiffent en festerres, pour leur donner tel prix qu'il aduifera bon eftre و‎ n'entendit pourtant à ce coup l'intention de” fon maiftre qu'il ne cr oyoit pas fi Ale en mon endroit; tellement que l'ayant de- puis appris, il m'enuoyoit diuers meflages, me priant que ie fifles en forte versle Roy, qu'à mon occafion il nc fur difgracié; mefives fes parens & chfans me reprachoient que pour m'auoit fait plaifir il eftoit en danger de fa vie. Voyantleslongueurs & diff- cultez qu'il y auoicenT' achapt du poiure;ie fis deffein de laiffer icy 5.ou 6.hommes dell quels eur efté befoin y auoir deux Commis,aufquels i'euffes 121156 la moitié de l'argent que i'auois dans ce Nauire , afin que fuiuant la permiffion que i’auois ils en peuffent acheter du poiure qu'ils garderojent dans la maifon, & auec partie de l'autre moitié i'acheterois icy des marchandifes propres pour la cofte de Manfulipatan, ou 16 [65 irois vendre durantle mois de Juin & luillet, & le prouenu l'employer en marchandifes propres pour icy , & m'y enreuenir en my-Septebre ou à la fin de ce mois au plustard, afin que le proffit que ic pourrois faire en ce voyage moderát la cherté du poiure , & que ¡e peuffes aufli apporter en France quelques marchandifes deídits endroits , qui pour cftre trop cheres par-decà nc font achetables: auffi que durantledit voyage nous aurions nouuelles certaines de nos Nauires, fans lefquelles ie ne péux retourner en France, 3 la faifon m'y conuioit, eftant encore propre pour aller auditlieu , & y fe- journer, & pour retourner au temps fufdit ; mais nous auons encore beaucoup de ma- lades pour entreprendre cela, & la plus grande difficulté eft que ie n'ay perfonne pour laiffer icy qui y fut propre; carla Claus'en va expirant, & ne me refte que deux jeu- nes efcriuains encor malades, & qui en pais fidifficile,outre le peu d'experience qu'ils onc, & ayans les Anglois & Holandois ennemis , & parmy vne Nation qui croit meri- ter vers Dieu que detromper le Chreftich ;ioint l'auarice du Prince, ce feroit ioüer à tout perdre; eftant tres-marry pourtant dene pouuoir executer ce voyage qui eut apporté vn notable profit ; car il n'y a rien à faire par - decà qui y vient dire- étement, & fpecialement auec des reales où elles ont fi peude valeur que de Suratte,. de la cofte Coromandel & de Pegu, ilsne viennent à autre fin que pour les enleuer, &fontpeu d'autre retours. Le lendemain i'allay voir le Roy , afin d'interceder + . ἃ AVXINDES ORIENTALES. X 6j pour le Sabandar ; mais il m'interrompit en changeant de propos , me demanda 111 211015 acheté du poiure , ie luy refponds qne non, parce que les Marchands n'en vouloient vendre à perfonne fa Grandeur achetant, & qu'en mon particulier ie ne m eftois auffi mis en effet d'en acheter,iufques à ce que fon achaptfut acheué;qu'alors T'effayerois d'auoir ce qui refteroit; ilfe mit à rire, puis me dit, qu'il n'achepteroit plus iufquesà ce que i'euffe fait mon emploite ; ie le remerciay, puis parlant en langage de dedans les terres, riant auec les Orancayes, qui n'eft guere fa couftume, il fuft bien long-temps fans me rien dire ; puis fit ioufter les coqs,tant que m'ennuyant,ioint l'ex- «effiue chaleur & l'incommodité d'auoir les iambes croizées, ic demanday licence de me retirer , ce qu'il m'octroya; puis quelque peu apres me fit reuenir & me deman. da fi ic ne voulois acheter de fon poiurc , ie luy dis, qu'il en feroit ce qu'il luy plai- roit; lors il me demanda combien ie luy en voudrois donner du Bahar ; ic m'excufay difant n'auoir la hardieffe de faire le prix de fon poiure ; qu'il luy pluft me dire ce qu'il le vouloir vendre ; il me repeta diuerfes fois; que icfiffe vne offre; ié disdonc à mon Interprete que i'en donneroistrente-deux realles, Interprete ne peut parler au Roy; lequel le montre tres-feuere verstellesgens; voire à tous fes vaffaux , iufquesaux Orancayes, n’ozeroient l’auoir regardé en face, tellement qu'il portoit la parolleà Alicq Raja quine voulutla redire au Roy, qui demandoit toufiours ce que i'auoisdit, Yautre cótinuoit de répondre qu'il n'auoit pas bien entendu l'Interprete; &approchant dudit Interprete, me difoit en Malais;qu'il fçauoit que i'entendois par-cy par-là , que Toffriffe d'anantage ; ic faifois paroiftre auffi ne l'entendre pas: Ie dis àl'Interprete quieftoit bien empefché, & qui me vouloit faire entendre ce que Allic Raja me vouloit dire, qu'il continuaft à interpreter trente-deux reales du bahar, ou vn catti de reales, le Roy ne comptant les reales que par bahars & tatti, & vn catti fait iufte- ment 32, reales, fi elles font dé poids : Enfin ceftuy-cy continuant à dire qu'il n'enten- doit pas bien l' Interprete , & m'ennuyant de tel patelinage ; ie parlay tout haut en Maläis, & dis mon offre, le Roy fe teur quelque temps; puis dit qu'il auoit verita- ' blementiuré ; que qui luy offriroit moins de deux catti ou foixante-quatre realles du bahar defon poiure; il ne feroit pas bien-veriu aupres de luy : Neantmoins que de ma part il ne le troutioit pas mauuais, mais qu'il ne pouuoit me le donner au prix que ie le demandois; que les Holandois & Angloisluy en auoient offert vn cati & demy du -baharou quarante-huit reales;qu’à ce prix-là l'en prinfes ce que i'aduiferois bon eftre; ‘ie le priay de m'excufer fi ie n'en pouuois prendre à ce prix, que les Anglois & Ho- -landois auoient meilleure bourfe que moy, & faifoient d'autres trafics qui compen- foient la cherté du poiure ;il me dit là deffus, que ie n'en prinfe que 1060: bahars: - Ie l'affeuray ¡“avoir d'argent à beaucoup prés pour le payer;mais qu'à 32. realles ie les - preridrois; pour dire cela A licq Raja ne le voulut iamais, & quoy que le Roy dit deux ou trois fois qu'il repetaft mon dire,il fe profternoit criant ou demandant pardon ' & mifericorde : Enfin, le Roy fe fafchane, il fut contraint de le dire, mais au lieu de - trentc-deux realles, ou vn catti , il profera catti =, ce qu'entendant ie le releuay au 伍 - voit, & disen Malais vn catti feulement : Enfin demeurant fur cela, & voyant que -ien’auois aucunes noutielles de mon Nauire, que ie ne doutois à prefent eftre tete- nu des Holandois , &ainffque ie ne pouuois auoir du poiure que par les mains,ou aux - terres du Roy d'Achen;roffris pour 400.bahars vn catri 5 » quifont 40.realles, mais . «il ne voulut baiffer de 48.difant , qu'en celàil me preferoitaux Holandois , aufquels - il ne l'auoit voulu donner à ce prix; que ie luy faifois faufferfon ferment, ayant iuré de ne le bailler à moins de 64. realles, que ie n'en prife pluftoft que 550: bahars ie - l'affeuray eftre chofe que ie ne pouuois faire. | Souuent ie faifois reflexion für ce haut prix, & que ie n'autois affez d'argent pout chargerle Nauite , ou ie penfoisen auoir affez pour le charger & laiffer vne fa&urie bien fournie d'argent ou marchandife ; d'autre-cofté ic regardois que fiie n'achetois de fon poiure , que ie n'en pourroisauoir par la ville, comme l'experience m'en auoit ja rendutrop certain, & que les Marchands mefines m'auoient affeuré que ie perdois ‘Seconde Partie. psi $ Ti 68 VOYAGES DV GEN. BEAVLIEV temps de chercher d'autres moyens d'auoir du poiure pardeca, fiie n'en achetois pret mierement du fien, & que c'eftoirla couftume , & que perfonne n'oferoit m'en auoir vendu publiquement, fiie n'en auois premierement du fien; ce dequoy le Sabandar noftre hofte , & plufieurs autres m'attoient auffi affeuré : Mais quand i'oyois parler d'vn prix fi exceflif, cela me faifoit rechercher tous autres moyens ; mais le connois bien qu'il efttrop affeuré qu'il n'y a point detrafic à prefentà Bantan , & qu'il faut neceflairement acheter du poiure de luy, quien veutauoir ; ainfi demeurant com- me cela & voyant qu'il ne baiffoitde prix, & qu'il me fit dire deux ou trois fois que ie feroisbien d'en prendre 500.bahars, علو‎ cela faciliteroit mon negoce:le me vou- lusrctirer ; il me dit comme ie me leuois, qu'il ne feroità point de parler à moy le mois qui vient,a Poccafion qu'il vouloit prendre quelques remedes contre fon mal;ainfi que ie feroisbien de vuider d’affaires à prefent auecluy :; Ie luy fis encor l'offre de qua- rante realles,le fuppliant de me le donner à ce prix,que ic dirois par tour l'auoir achete 48.11 dit qu'il ne me le donnéroit à moins,& que c'cítoitía refolurionsle voyant ferme | là, ie m'aduifay de luy propofer vn autre expedient, fçauoir que ie prendrois3oo.ba- harsde poiure à fon prix ; & qu'il me donnaft permiflion d'en acheter 300. autres à T i- cou ;à cela, il me dit quei'en achetaffe le plus que ie pourrois par la ville, que fi ie n'a- uois mon entiere charge ;il me contenteroit en fort e que ie ne me pla ndrois de luy; | mais que ic prinfe soo. bahars de fon pojure,ie luy dis n'en pouuoir prendre que 300. à vn fi haut prix, & n'eftoitla promeffe qu'il me faifoit de me donner permiffion d'ache- | ter autres 300. bahars de poiureà Ticou, que ie n'en pourois prendre dutout ; voyant que ie n'en voulois prendre d'auantage , il donna charge à quelqu'vn defes Officiers de me les faire liurer en bref, en leur baillant luy-mefme la clef où il eftoit ; iele priay lors de me faire efcrire la permiffion de Ticou ; puisqu'il feroit deftoffrbé en au- tres chofesle mois qui vient.Il me dit qu'auant que ie fuffe preft de partir d’icy il auroit | acheué ce qu'il auoit entrepris ; ainfi qu'apres nous en expleterions, puis fe couchantjil nous fit tous retirer : Ie remarquay bien que là ou le Prince eft Marchand, il y a bien peua faire pour des particuliers , Ífpecialement eftrangers comme nous, qui fommes outre cela extremementtrauerfez des Holandois & Anglois. Le dernier de ce mois d'Auril, i'auois encore 64. bahars du poiure du Roy, à pezer : Ce retardement eft proucnu par la chicanerie des Officiers de l'Alfandegue;qui font de grands & infignes voleurs, tant pour le poids desrealles que pour liurerle poiure , où ils n'obmetent au- cune forte de fupercherie pour faire tomber ceux qui ont affaire auec eux , enappoin- . tement deleur donner; maisquoy que i'aye fecu faire , ien ay peu affouuir leur infa- tiable auarice; tellement. que perdant patience , nous en Íommes venus aux parolles, dequoy ilsfe trouuent bien offencez : Car ilsrencontrent peu de perfonnes, qui ozal-: fent feulement auoir penfé ce que ic ne crains de leur dire: Et penfant en acheter d'au- tre desparticuliers, i'ay trouué chacun froid, difant tous qu'ilsne vouloient aucunes realles, tellement que ay pris deliberation d'en changer en mas, ou monnoye d'or du Pays: Pour ce fujet ay employé vn courtier pour propofer aux Holandois & An- glois, que n'ayant autre marchandife pour acheter du poiure que lesrealles, defquel- les on ne vouloit qu'à grande perte ;jils prinffent vne partie de mesrealles au prix cou- rant & me baillaffent del'or en efchange , dequoy en auoiént nombre , afin que ie ne fuffe contraint de donnerles reallesau prix qu'on me les demandoit, à ce qu'elles de- meuraflent à leur prix ordinaire de 4. mas, & à prefent on ne veutdorfner que 3. mas, 2 &encore s'en pourroit changer peu : Qu'en cela il y allont de leur intereft particu- lier; maisils ne voulurent entendre à cela, encore que ie leur offriffe de prendre leur orà3. * mas pour realle, & depuis leur offris encore deux pour cent dauantage , ay- mant mieux qu'ils euffent ce proffit,que non pas les Mores; auffi que ie confiderois,que changeantfeulement 4.ou $000. realles en or, feroit moyen de pafferles reftantes à 4. mas, comme ie n'en auois voulu bailler à moins ; mais mon courtier m'affeura que C'eftoieremps perdu que d'en efperer d'eux, & qu'il reconnoiffoit bien qu'ils auoient aidécux-mefmesà les faire baiffer pour me deftourber & me procurer domage, & que AVX INDES ORIENTALES. 69 ialoux de ce qu'ils n’auoient licence d'achepter du poiure comme moy , ilstafchoient par tous moyens de me le faire achepter bien cher;à laverité c'eft vn des vraysmoyens de ce faire, que d'auilir lesrealles. Erauiourd huy i'ay fait marché de 100.bahars de poivre à raifon de 8.taels vn quart à payer enor, fur l'efperance que i'auois que lefdites nations m'en changeroient quel- que partie , mais voyant qu'il n'y a rien à faire aucc eux, ie me deliberay de prier l'Orancaye Laxeman de m'en changer quelque partie à dix pour cent de perte, ce quil me promit: mais retournant le lendemain porter les realles, 11 fe dédit, difant que par la ville onles changeoità trois mas & demy : que fiie voulois en changer à ce prix, qu'il m'affifteroit de mil caels qu'il me voulut faire déliurer à l'inftant, encor que ie n'euffe porté quand & moy que la quarte partie des rcalles; ie ne les vouluspren2 dre, m'excufant fur la grande perte , fpecialement lepoivre eftant fi cher; ncanc- moins eftois refolu de les prendre, lors que mon marchand commenceroit à pefer ; & ic luy enuoyay dire de les aprefter pour le lendemain ; mais comme i'auois enuoyé au poidsil fe dédit, tellement que reconnoiffant vne fi perfide nation, & qu'il n'y auoit aucun moyen de trafiquer aucc eux , ie me fuis delibere de fortir d'icy le pluftoft qu'il me fera poffible , auant que les mauuaifes faifons foient plus auancées, & ce qui m'y fairencore le plus refoudre , cft quele quatriefme du prefent ayant acheué de faire pefer le poiure du Roy, ils m'ont retenu 21. bahars, qu'ils n'ont voululaiffer fortir de l'Alfandegue, que ie n’euffes payé les droits ;ce qui m'eftonna beaucoup , ne croyant que le Roy vendant fon poivre fi cher, & qu'il faifoit par force en prendre à fon prix; ilenconuint encor paycr les droits; ce que fii'cuffes fceu , ie me fufles bien garde d'enacheter dutout , & premier que d'en faire le marché, ie demanday à mon Inter- prete, fi le Roy faifoit payer le droit de fon poivre,qui m'affeura que non : Ie fus chez l'Orancaye luy faire plainte de la rigueur de ceux de l'Alfandegue , & für cout de ce qu'ils me vouloientfaire payer les droi&s des3oo. baharsde poivre, que le Roy m'a- uoit vendus ; il me dit qu'il eftoit befoin deles payer auffi; & que ie demandaffes aux Anglois & Holandois fils ne les auoient pas coufiourspayez. Ie le priay neantmoins de dire au Roy ; que lors que r'auois pris fuiuant fon commandement 30o. bahars de poivre,que ce n'eftoit en intention d'en payer aucuns droits , comme rauois entendu dire qu'il n'en faifoit payer non plus. Il me dit qu'il ne porteroit cette parole au Roy. Tele priay donc de me donner moyen de parlega luy:Il m'affeura que le Roy n'auroit cela agreable, & qu'en fon particulier il fe garderoit bien de fe mefler de cette affaire. Ie meretiray, & m'enquis files Holandois payoient , ce qui me futacertené, tant par cux qu'autres,eftre veritable ; neantmoins i'en voulus parler au Roy , & ne les payer * qu'il nel'ordonnát; maisil ne fut poflible de parler à luy, & en parlant encore de cette affaire auec l'Orancaye , fur ce que ie luy dis eftre encore en doute fi le Roy entera doit que ie payalle fes droits, il me demanda qui m'auoit miscela en la tefte, & für ce qu'il apperceut que ie rangoisle Gilobaffa ou Interprete , il fe doubta de la verité que fçauroit efte luy : ainfi le reprenanttres-aigrement; & voyant qu'il ne répondoit point, il le voulut faire lier à vn potteau , maisie luy fisentendre qu'il eftoit de mes domeftiques , que ie le prioisde lelaiffer retourner quand & moy chez nous, auquel lieuicluy teprochay letore qu'il m'auoitfait ; & quelques autres chofes qui s'eftoient paísées, outre qu'on m'aduertit que c'eftoit vn efpie del Alfandegue , qui leur auoit fait des rapports que i*acheptois du poivre nuitamment; tellement que les aduenués de noftre maifon eftoient gardées toutes les nuiéts : Ie luy donnay donéfon congé, & vuiday de compte auec luy. Il fait grandement dangereux auoir de telles gens en fon feruice, & encore qu'il cúr efté baptisé & né de parens Chreftiens, & vefcu en Chre- ftien l'efpace de quarante ans, & qu'ilen fit profeffion chez nous, neantmoins en fa maifonil eftoit More, viuoit felon leurs couftumes , & faifoit inftruire fes enfans en la loy de Mahomet , & celles fortes de gensfont bien plus mefchans que les Mahome- tans mefmes, car ils n’ont aucune Religion,& par confequent nulle confcience : deux ou tfojs iours apres que ie luy eus deffendule logis, voyant qu'il n'y auoir remede; SecondePartie. $ 1 αἱ Yo VOYAGE DV GEN. BEAVLIEV je payay les droits à l'Alfandegue, qui font fept pour cent pour les droits du Roy qu'il faitpayeren argenta raifon de ce qu'il a efté vendu; pour les droits des Officiers de PAlfandegue qu'ilsappellent Cayda, neuuellement imposé, à raifon de dix pour cent des droits du Roy. Droit dupezeur vn mas pour chaque bahar. Comme ie faifois le payement des droits, on emmena mon Interprete qui m'a- uoit donne à entendre que le Roy ne prenoit aucuns droits du poiure qu'il vendoit;le- quel ils amarerent contre vnarbre en la court de l'Alfandegue , ὃς le chargerent de fers: Ie me retiray en la maifon ; & quelque peu apres entendis que le Roy auoit commande qu'onle fit mourir. Plufieursperfonnes croyans que ce fut à ma requefte, me vindrent faire desprieres de luy fauuerla vie, ie lesaffeuray ne luy auoir pour- chaísé aucun mal, & quil y auoitbon efpace de temps que ie n'auois fait parler ny pú parler au Roy, neantmoinsl Orancaye eftant venu, & l'Alfandegue fçachant fami- ferc;l'augmenta par le vouloir faire fier en deux il fut rudement fuftigé, & luy coufta plus qu'il n'auoit gagné auec moy pourferetirerd'entre leursimains. | Le 15. de May, ay amafsé quelques petites parties de poiure ; & en euffe peü auoir en affez bon nombre à 8.taels vn quart, voire 8.taels fileuffe eu del'or, & en real- les,ilsme demandoient 58. & quelques-vns ; voire la plufpart des naturels d'Achen n'en vouloient point dutout,ce qui me reculoit beaucoup; & changeant des realles en or,les 8.taels vn quart faifoient 37.realles;, & vnautre mal furuenoit à cela,que cet- tc monnoye d'or d'ordinaire eftrognée par les Chinois; & en ont auffi beaucoup de fauffes ; tellement que pour choifie qu'ellefoit , s’il faut payer vn bahar de poiure, ce= luy qui reçoit en refufele plus fouuentles deuxtiers ou la moitié ; & quelquefois da- uantage ; en forte qu'il faut auoir vne grande patience pour faire vn payement : car ils neles pezent pas, & nelesprennent qu'àla veüe ; lesconfiderant les vns apres les autres. Que s'il y ala moindre caffeure, ou que le bord foit quelque peu efboulé ; en forte que le rond foit fi peu que rien imparfait, ils n'en prennent point du tout: ce qui m'a fait acheuer vn marché qu'il y auoit plus de fix femaines que ie debatois ; mais i'e- ftois contrecarré d'autres ;i'en auoisoffert du commencement 52. realles ; puis 34. la partie eftant notable , à fçauoir de 300. bahars, il ne laiffoit à moins de 40. & au- jourd'huy ie l'ay conclud pour 38. realles ; cette partie appartient à vn perfonnage tres-riche, quife qualifie Xerif Nepueude Ig s v s-CH g 157; ileft Arabe , ou dela aux enuirons,& grand Do&eur enla Loy de Mahomet ; il a icy quelque reputation de prophetifer,& s'eft auancé de vouloir faire quelques remonftrances au Roy d'A- chen; qui ne s'en foucie gueres, & qui luy a ordonné de demeurer en la maifon, fans fe mefler de fes deportemens; tellement que depuis quelque temps cét oracle a defailly & cft deuenu muet tout à coup ; & encore qu'il foittenu pour vn des plus hommes de bien d'Achen & des plus honorables ; comme nous commençafnes à pefer, & que iefis recorder le marché, il dit qu'il l'auoit vendu 39. realles , ieluy maintins le contraire , & fur ce qu’il enfaifoit croyable le courtier ; ieluy dis que ie ne defirois entrer en arbitre für ce different, que ie ne l'auois achepté que trente- hui& realles, & que i'cftoisauffi croyable que luy, & quele courtier, voire que qui que ce fuft refident en Achen : Et encore que le courtier luy dit que ie n'auois fait plus haute offre que trente-huit, & le fit reffouuenir des premieres offres, & dutemps que nousauions gafté pour paruenir à ce prix; noftre marché fut pourlorsrompu, & ncantmoins quelque temps apres ilferefir, & commençafmes à pefer iufques par- delà 200.balrars, qu'il commengaa faire courir du fable noir parmy ; ce queles no- fres ayans apperceu, ie luy renuoyay ; & encore que ie luy cuffe fait dela peine pour cela ; parce que le Roy fait couper les poings& les pieds fans remiffion à ceux quifont cette tromperie dans Achen ; neantmoins fçachant le grand credit qu'il a pat-degà , ie me contentay de prendre pour excufe que g’auoit efté vn fien domefti- que qui auoit afon defceu commis cette mefchanceté; & continuantà pefer, nous ap- perceufmes que le poiure eftoit humide & auoitefté moüillé, ce qui me fit ceffer d'en vouloir prendre dauantage , m'excufant que la maifon n'eftoit pas bien couuer- AVX INDES ORIENTALES. 7I tc, & qu'il auoittombé de la pluye für le poivre, tellement que i'en cus d'iceluy en- uiron 235. bahars, lequel pour eftre Pandita ou grand Doéteur ne me femble gue- res plus homme de bien que lesautres :ie ne fçay ce que leur doétrine enfeigne, mais il femble quele periode de leur honneur cft d'auoir faittort à vn Chreftien , & difent tout haut qu'ils n'ont point connoiffance d'eftre aimez & eftre en la grace de Dieu, finon quand il leur vient entre leurs mains du bien des Chreftiens : quelques mar* chands d'entr'-eux fe montrent pourtant confcientieux en tout; maisils ne font leur fejour dans Achen ou bien peu: ce Pandita ou Xerif neantmoins eft aumofnicr , ὃς ray entendu des Portugais que fouuent il lesa affifté;mais c'eftoit toufiours en les per- fuadantles delices de Mahomet en l'autre monde. Le 22. auons perdu malheureufement vn de nos meilleurs matelots que i'auois pla- ce Bofman ou carriet maiftre , iceluy fe lauant Le long du Nauire fut furprjs d'vn grand poiffon que les Portugais appellent tiburon و‎ & nous autres rechien; il luy emporta d'vne dentéc tout le gras des iambes , & retournant luy emporta les mains ; au bruit ceux de dedans le Nauire fütuindrent qui fauuerent ce corps ainfimutile qui expira auffi-toft : C'eftoit vn Vaillant homme, & eft vne grande perte pour nous, fc farnommoit Malo. Le dernier de ces jours paffés ay achepté encore quelques pe- tites parties de poivre de peu d'importance , & à prefent eft peu recouurable ; le Roy en ayant fait achepter bonne partie foubs main contre fa promeffe , puis vn Nauire de Pegu qui ena chargé , & les Anglois ὃς Holandoisqui ne laiffent auffi d'acheter fous main; lefquels tousontde grands auantages fur moy pour auoir de l'or & des marchandifes duifables pour icy ; ce que ie n'ay ; & ce Nauire nouucau venu de Su- ratte Anglois, qui eftoittout chargé de toilles de cotton propres pour cette cofte, cft ja quafi déchargé de toute la marchandife vendue ou troquée contre dupoivre , à payer lors que le Roy leur permetral'enleuer و‎ ce qui m'a faitrefoudre de ne point perdre dauantage de temps icy , & obtenir , silyamoyen, permifhon d'aller à Ti- cou employer le refte de mon argent, ou bien de me refoudre à quelque autre def {cin. Le 4. de Tuin yaeu vn grand embrazement en certe ville, qui en vne heure a emporte 260. maifons, quelques enfans bruflez & beaucoup de meubles & vftenci- les: Le Roy fica Pinftant empaler vne femme toute viue , enla maifon de laquelle on difoit que le feu commença. Leto. Pay efté au Chafteau, & le Roy m'ayant fait venir me demanda fi i'auois achepté beaucoup de poiure par la ville; ie fis refponfe que ien'en auois pú auoir qu'enuiron 300. bahars, & qui m'auoit coufté bien cher, & qu'à prefent y en auoit peu par la" ville, ainfi que n'en pouuant plus auoir ie venois luy demander congé de me retirer d'icy, le priant de me permettre d'auoir3. ou 400. bahars de poivreà Ti cou:il me dit qu'il en auoit euauffienuiron 300.bahars,8z qu'il falloit qu'il y en eut da- uantage , que i'enrecherchaffe bien & que i'en treuuerois encore bonne partie ; que fin'en y auoit affez ie pouuois prendre du fien: ie luy dis qu'encore quil y en eut beaucoup au prix qu'il valoit و‎ 1e n'en pounois achepter dauantage ; & que le fien cftanc encore pluscher , par confequent ie n'en prendrois non plus, que ie ferois de trop lourdes pertes, & que cela defcourageroit les François de luy venir baifer vne autre foisles mains : Il me dit qu'à mon occafion il auoit baiffé le prix de fon poivre; ce qu'il n'auroit fait pour vn autre; que fi ’auoiseu des marchandifes; il fe feroit at- commodé auec moy d’icellesen payement, que n'ayant que de l'argent , c'eftoit cho- fe qui me luy eftoit duifable , qu'il n'en faifoit non plus d'eftat que de terre: Que fiie luy auois apporté de l'or , ilim’anroit donné fon poivre au prix qu'il vaut par la ville : Que les Francois pourroient venir d'icy en auant auec plus de profit que cc voyage; ayansreconnu le negoce : Pour Ticou , il ne me fit aucune refponfe , & (ur ce que ie luy voulois ramenteuoir , mon Interprete n'en voulut plus parler , difant qu'il voyoit: bien n'anoir treuué cela agreable, neantmoins ie luy fis dire que ne faifant que def- penfer icy , fans rien faire, n'y ayant plus de poivre à acheter pour moy, ie luy de- 72 VOYAGES DV GEN. BEAVLIEV mandois congé , il mc dit qu'il auoit enuie d'efcrire premierementau Roy de France. Le 15. A prefent regnc icy de bien mauuais temps, de pluyes , grands vents d'Oeft- Sorocít & Soroeft, & 5. ioursauant lanouuelle & plaine lune و‎ & 5. jours apres, il fait de grandestourmentes & de grandes pluyes , qui groffiffent merucilleufement cette riuwiere par les aualaffes,& encore de plus grands ventsqu'ils appelléticy Samatra,qui font coups de vent bien pefants. Les Holandois ὃς Angloisont acheté chacun trois cens bahars de poivre: du Roy au prix qu'il mel'avendu, & ont eu de plus grandes difficultez encor que moy auec ceux de l’Alfandegue auec lefquelsi'ay vuidé de tou- tesaffaires ce jourd huy, & font d'infatiables voleurs & en bon nombre, y ayant beau- coup d'Officiers quitous veulent faire leur main: auffi n'ont-ils nul gage duRoy au contraire ilsfont obligez de luy faire vn prefent tousles ans; à fgauoir d'vn baju ou veftemgnt, lequel ils fontfelon leur pouuoir le plus magnifiqué qu'ils peuuent , afin d'eftre entretenus enlcursoffices. Le 19. il faifoit grande tempelte, & i'ay efté aduerty qu'il venoit vn Nauire qui m'a fait incontinent defcendre à l'entrée de la barre,ayant encor quelque fintille d’ef perance que ce feroit quelqu' vn des Nauires enuoyez à Bantan;ou bien quelquesAn- gloisou Holandois venant de Iacatra , par lequel i'en pourroïsfçauoir des nouuelles: mais eftant là , ay veu que c'eftoit vn Nauire Guzcrate venant de Surate , lequel a couru de grandesrifques d'eftre englouty de la Mer. Eftant de retour en la maifon, i'ay íceuquele fieur Bernard de la Clau Bayonnois eftoit decedé , ne merefte à pre- fent aucun Marchand pour m'aider , ledit de la Clau auoit efté fort longtemps ma» lade, & commenga 7.ou 8. jours apres quenous eufmes icy maifon , & eftoit ma- lade de la maladie du deffunt fieur Renel, qui eftoit differente d'autres maladies, dequoy font decedez plufieurs des noftres, & à monopinion, ilseurent quelque boucon chez les Holandois; & depuis que fommes arriuez en ce lieu font decedez quatorze perfonnes , lefquels eftoient pour la plus grande partie atteints de diffen- teries ὃς grands vomiffemens » aufquels on n'a pù trouuer remede; plufieurs pour- tant en fontefchappez ; ὃς malaifement, habitant cesterres cy qui font fi chaudes au refpe& de celles de noftre naiffance , on ne peut qu'au commencement on ne tom- be malade و‎ maisle regime de viure fert beaucoup; du moins fi on eft malade on ez pere en efchapper ; en mon particulier ie me fuis bien trouué de manger peu de viande, & peu oupoint de roftic,boire du cidre trempé auec beaucoup d'eau,& ayant appetit, me raflafier de poiffon , pluftoft que de chair , mais de propofer cela , il femble que foit pour efpargner la nourriture , & les matelots & autres s'en mocquent & crient à lafaim, filsn'ontleurfaoul de viande , qu'il conuient acheter le plus fou- uent de bufles, qui eft chair extremement chaude, puis leur conuient de l’aracque qui cft vn breuuagcauffi fort que de l'eau de vie , lequel ils tiennent pour falubre anti- dote contre le mauuais air, & quine leur en bailleroit ils criroient bien haut; mais le pis eft que ne fe contentans de l'ordinaire que ie leur ay donnée , tres-raifonnable pourtant,ilsachetent d'autres viandes & breuuages dequoy ils fe pacquenttellement, que demeurans alterez, ilsboiuent apres beaucoup d'eau, & dorment l'eftomac dele couuert au ferain, qui leur caufe les diffenteries,& comme ie croy les vomiffemens , à l'occafion que l'eftomach à efté par trop affoibly de n'auoir peú faire digeftion des viandes, dequoy on l'a partrop charge, & la diffenterie enracinée dé 4. à ç.ioursfe ti'euue apres peu ou point remediable:le remede eft de fe faire tirer du fang, & prédre des medicamensrefrigeratifs,& n'vfer en fon viure que deboüillons, & de quelque volaille, maiss'abftenir de toute forte de viáde roftie,& n'en manger du tout non plus que d'autre chair,quelque foible que l'on puiffe eftre;& fur tout ne boire de vin ny d'a- racque.Voila ce que i'ay appris desPortugais qui me confeillerét d'en faire Te mefime, dequoy ie me fuis bien treuué,& n'ayát point de fidre, boire de l'eau pure;boüillie pre- mierement,puis rafraichie. La perte de ces perfonnes auoitaffoibli grandement mon équipage, & le peu de courage que ie voyois parmy le rcfte me donnoit bien à fonger, outre 12. Οἱ 15. malades qu'auons encore, & qu'il'y a plus d'efperance d'auoir nou: uelles AVX.INDES ORIENTALES. #3 uclle du Vice- Admiral par aucun des nofttes, attendu qu'il ya plus de dix mois que ledit V ¡ce-Admiral doit eftre arriuc à Bantan ou lacatra 5 & qu'il y alept moisque i'y ay enuoye la patache auec ordre exprés de me faire fçauoir promptement des nouucl- les par quelque voye que ce foit; & a prefent que l'hyuer ettentré, n'y a plus d'efpe- rance d'enauoir, qu'il ne foitle moisd'Octobre ou Noueïñbre par quelques Nauires Anglois ou Holandois qui pourront venir de lacatra en ce lieu , & n'y ayant plus que le poiure du Roy à vendre, qui cit ficher qu'il ne fe peut acheter, & le peu d'efpcran- ce que l'on me donne de pouuoir obtenir permiflion du Roy d'aller à Ticou pour y employer ce qui me refte d'argent; cela me fait longer à vnaduis que m'ont donné ‘les Portugais, defquels ay moyennélerachapt, & quelques autres defquelsie me fuisinformé ; qu'allant à vne Ifle proche de ueda ic pouuoisauoirle refte de ma charge de poiure à moitié meilleur compte que non pasicy : Ie me füis refolu que fi ie ne pouuois obtenir permiflion du Roy d'Achen de trafiquer à Ticou, d'aller audit lieu proche de Queda ; mais pour cc faire i'eftois bien foible d'hommes, comme i'auois remarqué lors qneie propofay d'aller en Manfulipatan ; ainfi ie me fuis deli- beré de racheter le plus de Chreftiens que ie pourrois treuuer icy » confiderant qu'ils me feroient neccflaires pour aider à ramener le Nauire en France, veu qu'il ne me refte que 64. perfonnestant fains que malades & garçons, & que ie ne fuisencore fur mon retour, pat quoy tous ces iours cy ay efté empefché pour ce rachapt, & apres pluficursallées & venués, ay cu 7. perfonnes qui m'ont coufté tous frais faits 361. reales : , lefquelsfont Chreftiens natifs de Goa, Cochin & Malaca, & qui ont ferus les Portugais depuis leur jeuneffe cant par mer que parterre. Le 23. vn grain du Oeft fic mettre le Nauitetout für le cofté , & vne des amares rompit, en forte qu'auons perdu vn ancre & vn cable. Le 27. le Roy aenuoyé feslettreschez nousauec beaucoup de magnificence , & neantmoins à mes defpens, car il a falu contenter ceux qui ont accompagné ces let- tres, ce qui fait bien paroiftre la mangerie de ces voleurs, & leur efrontée vilennie: cette lettre eftoit portée fur vn grand Elephant par vn des principaux Orancayes(que i'cusbien de la peine ἃ contenter ) & vn autre Elephant fur lequel eftoient trois des principaux Officiers de fa maifon , & tous ceux de l'Alfandegue fuiuoient à pied : de- uantl'Elepbant y auoit 4. tambours & 4.tromperttes , & àl'entour quatre grands qui- tafols ou parafols, comme lors que le Roy mefme fort de fon chafteau. Ie receus ladi- te lettre le plus honorablement qu'il me fut poffible, dans vn baflin d'argent;elle eftoit dans vn fachet de velours rouge auec des cordons d'or, efcrire en langage d'Achen en lettres d'or, fur du papier fort licé, auecplufieurs doreures & enlumineures autour de la mifliue, laquelle ayant fait traduire en Portugais, ietreuuay qu'elle portoit ce qui enfuit. Lettte du grand Siri Sultan, vainqueur & conquefteur atiec l'aide de Dieu de plu- fieurs Royaumes, Roy d Achen, & parla faueur de Dieu, de toutes les terres quien font au leuant & au couchant. Du leuant le royaume, terres & feigneuries de Deli; le royaume de lor aucc festerres & feigneuries; le royaume de Paham, leroyaume de Queda & le royaume de Pera aucc leursterres & feigneuries: Du couchantle royau- mc & territoire de Priamam;le royaume & territoire de Ticou; le royaume & terri- toire عل‎ Paffaruam:Soient données au grand & puiffant Roy deFrance.Scaurale Roy de France que lalettre qu'il m'a enuoyée parle Capitaine General de Beaulieu m'a elté déliurée,& que Vay veu tout ce qu'il m'efcrit & comme il me recommande ce Ca- pitaine General, auquel i'ay fait beaucoup d'honneur, tant au fait du trafic,que de luy avoir donné qualité & feance de mes principaux gentils-hommes: quand al dno fii'ay affaire de quelque chofe de France;i'enuoye vn memoire parle Capitaine Ge- neral de Beaulien,pour faire paroiftre combien i'eftime cela,difant dauantage fi Dieu conduit cette lettre à fauuement , i'en attends refponfe par les Nauires qui viendront chargezde marchandifes,pour trafiquer en ceRoyaume,qui me fera grand contente- Seconde Partie. $K "4 VOYAGE DV GEN. BEAVLIEV mencainfiie prie Dicu qu'il garde bien les Eftats du Roy de France. Et puis que Diei nous a fait grands R oysen ce monde , il femble raifonnable que nous foyons amis, & que nous communiquions : En fignal d'amitié Yenuoye hui& bahars de poiure qui eft fruit de cette terre:Dieupreferue l'illuftre perfonne du Roy de France auec fes Eftats & Royaumes pour longuesannées. Fait au mois Rajab (ou Iuin) l'an mil trente. Le 28 . عل‎ luin Houppeuille Orfevre natif de Rouén, m'ayant par cy-deuant plu- ficurs fois importuné de le laiffer en cette ville, & qu'il me donneroit yn Anglois en fa place, puis que ic difois manquer d'hommes , qui feroit plus fuffifant que luy are- conduire le Nauire, & qu'il fe retireroit en leur maifon, ce que ie luy accorday , confi- derant qu'il m'auoit efté dutout inutile, & m'auoit apporté beaucoup d’incommodi- té par deçà, & qu'il meferuiroitepcore moins dicy en auant, mais il ne peut trouuer d'homme, encore que quelques Anglois me demandoient auec inftance paffage;mais n'ayant congé de leurs Superieurs و‎ ic ne les voulus receuoir , encore que i'en euffes grand befoin ; il m'aduertit donc ne pouuoir trouuer d'Anglois pour entrer en fa pla: ce: Ie l'auertis qu'il Pembarquàt , & que ie ne pouuois faire autre chofe auec luy. Commeilapperceut qu'il n'y auoit plusque dilayer auec moy, ilfut chez l'Orancaye Laxcmane auec le vieil Interprete que i'auois mis horsde la maifon, & porta auec luy les joyaux qui appartenoient au Roy, lesremettantentreles mains de Laxemane , di- fant n'y pouuoir plus trauailler , à l'occafion que ie luy auois commandé de Pembar- quer : Qu'ilauoit grande enuie de demeurer icy, & qu'il ne demandoit pas mieux que de rendre du feruice au Roy & àluy : Que f'ilauoit peütreuuer vn homme pour me bailleren fa place , qu'il feroit hors de mon obciflance , & n'auroit plus que faire à moy : L'Orancayene manqua auffi-tolt de m'enuoyer vn homme de la cofte de Co- mandel Mahometan de Religion; ie fusbien eftonné quand on me vint faire ce pre- fent, que ierenuoyay à l'inftant , difant que ce n'eftoit pas la couftume des Francois de harder des hommes comme des cheuaux , & confiderant le peu de iugement de cét homme qui ne preuoyoit pas que par ce moyen il fe rendoit efclauc de gens qui ne luy donneroient iamais liberté, quelque feruice qu'illeur peñtrendre,ie me deliberay de lelaifferlibre dansla maifon des Anglois; ὃς afin de preuenir quelqu'autre folie , vo- vant que i'aurois refusé cechomme fi court, & que defefperant d'auoir moyen de دعل‎ meurer icy , il ne fallaft faire More pour y demeurer mal-gré moy, ie l'enuoyay - chercher chez l'Orancaye, (où il fouppoit defia , & ou onluy faifoit de belles promef- fes,) afin de l'auertir que i'auois delibere de lelaiffer en la maifon des Anglois; ainfi bienrefiouy il vint parler à moy: il m'a donné beaucoup de trauailfafcherie & retar- dement de nos affaires vers le Roy d'Achen , quine les dilayoit pour que faire tra- uailler à fes ouurages, ἃς i'cuffes fait vn grand coup de m'en deffaire pluftoft. Le premier de Juillet, fur vn aduis que m'ont donné par cy-deuant plufieurs pei fonnes, entr'-autres les Portugais que i'auois rachetez , qu'en Queda ville ficuée fur la cofte de Malaca enuiron centlieuësà l'Orient de celle-cy, le poivre fy recouuroit fans comparaifon à meilleur marché qu'en aucun autre lieu , pour n'y valoir ordinai- remenr que 16.reallesle bahar. Voyantle peu d'apparence de pouuoir obtenir per- million du Roy d'Achen de trafiquer à Ticou, la cherté du poivre par-decà;les grands droits ὃς extortions de ceux de l'Alfandegue , lesprefens qu'il conuient faire au Roy sz à fes Officiers , & la grande dépenfetant à tenir maifon , qu'à nourrir vn equipage en radezoutre qu'il nereftoit cent bahars de poiure à achepter par la ville , & que le nouueau ne vicndroit de Ticou qu'au commencement de Nouembre , attendant le- quel temps il m'enennuieroit beaucoup icy à ne rien faire que defpenfer, & qu'il n'y auoit plus d'efperance quele Vice-Admiral ny la patache vinffent en celieu : meudu profit de la Compagnie, ie me fuis delibere de faire vntour iufques-là pour y pouuoir recouurer le refte de ma charge , & nous pourrions nous excufer enuers le Royd'A- chen, quiconquit ce païsily a deux ans, & Pen qualifie Roy, & ne veut que per- fonnc y aille fans fon confentement , en difant quele vent nous aura forcez d'yal- ler: Excufe quine peut eftre rejettée en cétte faifon ; chacun fcachant bien que AVXINDES:. ORTENTALÉS. ἧς les vents & martes qui regnent à prefent du Ocft Sorocft, peuuent facilement mettre vn Nauire enauautle vent de cette pointe, & entr'eux ils tiennent à pre- fent impoflible de la doubler; ce qu'cftantl lle Lancahuy proche de Queda en la- quelle ray enuie de fejourner , nous eft l'endroit plus proche & plus afleuré pour at- tendre que les vents d'Ocft foient paflez. Outre cela, à prelentce pays s'eft foulené de fon obeïflance , & que ie ne fuis fon vaflàl , il ne me peut empeícher daller oubon me femblera. Dauantage il m'a fait fi mauuaife compofition de fon poiure, & fait tanc de fupercherie en la permiflion qu'il m'auoit donnée , que ie ne fuis pas beaucoup o- bligé de craindre de luy faire déplaifir ; & puis les François n'ont fa&uries aux terres de fon obeïffance ,ny apparence d'en auoir en bref; ces confiderations Jointes à ce que lafaifon cftà prefent propre pour y aller en peu detemps, les vents d'Oc ft regnans, & qu'au commencement d'O&obre commenceront les vents d' E ft, qui font propres pour le retour,& que durant cer interualle,1e ne ferois que dépenfer par deca fansrien faire; ὃς fansefperance d'entendre nouuelles de Bantan ou lacatra qu'il ne foi le mois d'O&obre, les Nauires ne pouuans venir de cet endroit par deçà pluftoft, àl'occafioa des vents contraires; cela m'a fait refoudre d'aller au lieu proposé, & pour faciliter mon entrepriíe,me fuis auisé d'acheter deux captifs Portugais,encore qu'ils me deuf- fent coufter 250. realles, comme eftleurrancon; P vn pour eftre Pilote, qui aefte en cette [fle, l'autre nommé Francifco Marchona marchand qui refidoita Pera, & y trafiquoit. Le 15. de ce mois fur le foir ie fus voir le Roy qui nous fit entrer en fa chambre, n° y ayant que les Capitames de Dabul & Suratte qui luy auoientprefenté Ladea , ou Sa- goada,c’ cftà dire la bien-venué, qui confifte en diuerfes marchandifes & raretez de leur país, que l'on eftimoit bien valoir 1500. reales. Ayant efté aflis quelque temps, le Roy me demanda quand ic faifois eftarde partir, & ayant refpondu que ie venois prendre congé de luy, afin de m'embarquer demain , il donna congé aufdirs Capitai- nes, tellement qu'il ne refta que quelques Eunuques & femmes & mon Interprete, par lequel ie luy refpondis le plus pertinemment qu'il me fut poffible à plufieurs de- mandes qu'il me fit touchant la grandeur des Roys Chreftiens, & fpecialement für le fait de ce qu'il me demanda file Roy de France n'eftoit pas fuer du Roy d'Angleter- re, ie l'affeuray que non, & que les Roysde France auoient toufiours tenu rang de premiers & plusgrands Monarques Chreftiens, & qu'il n'en y auoit aucun qui by pùr efgaler que le Royd Efpagne , lequel depuis quelque temps auoit conquis plufieurs terrescloignées des fiennes; nonobftant celale Roy de France ne luy eftoitaucunc- ment inferieur , que fon royaume cftoit graces à Dieu tres- floriflant, & que iamais monarchie n'auoit perfifté fi long- -temps fousl'obeiffance de fes Roys ; comme celle de France, qui depuis 1300. ans auoit efte füccefliuement gouuernée par 64. Rois, fans qu'aucune nation,quelque puiffante qu'elle fut, les cut peú ofter de leur trône. A cela il me repartit ; qu'il aucit pourtant des lettres du Roy d'Angleterre , par lefquel- les il Pintituloit Roy de France. Ic dis, que c'eftoit vne vanité que celle-là, fondée fur de tres-foibles raifons , & fur vne colere qu'eut vnde nos Roys contre fon legitime fucceffeur. Apres plufieurs autres difcours , le croyanten affez bonne bumeur , ¡ele priay me vouloir permettre عل‎ furgir vn mois à Ticou , afin que de ce lieu ie peuffe enuoyer vn Parauà Bantan pour auoir nouuelles des Nauires que 1y auois enuoyé: Quela crainte de receuoir quelque deftourbier audit lieu par les Holandois, com- me il luy auoit pleu m'en faire aduertir, me faifoit l'importuner de cette requefte, la- quelle film ’o&rovyoit, il obligeroit les Francois de luy rendre du feruice, & outre cc- la leur donneroit courage de venir par deçà auec plufieurs Nauires chargez de mar- chandifes propres pour ce lieu, voyant qu'il m'auoit prefere aux autres Nations, auf- quelles il ne le veut permettre : Il me refpondit affez froidement , qu'il auoit beau- coup de marchandifes audit lieu, & qu'il cr aignoit que ic n'euffes dutrauail à y ache- ter dupoivre, ἃ l’occafion que cequiluy appartenoit feroittoufiours preferé à quique ce fut qui alloit par-delà. Ie repliquay que mon emploitte ne feroit de fi grande con- SecondePartie. و‎ Ki 76 VOYAGES DV GEN. BEAVLIEV fequence, qu'elle peut apporter aucun deftourbier à ceux qui feroient fon negoce pat de-là, que ie luy demandois permiflion d'acheter feulement 200. bahars de poiure. Il me dit que ie parlafles à POrancaye Laxeman & à fes Officiers de l'Alfandegue , & qu'ils me donneroient refolurionlà deffus. Peu apres il me fit prefenter à manger, pourluy complaire ren víay quelque peu ; encore que ie n'en cuffes beaucoup d'en- uic, ruminant à par moy ce renuoy vers Laxeman , & ceux de l'Alfandegue > queie m'imaginay eftre afin de tirer de moy vne notable fomme pour obtenir cette per- miílion, à quoy ie ne defirois entendre. Ainfi apres que la colation fut oftée, & l'ayant remercié , ie luy dis que i'eftois importune iournellement d'vn pauure captif Portu- gais maiftre Francifco Marchona , lequel m'auoit defliuré trente taels en or pour luy prefenter. Il me dit qu'il auoit defia entendu que i'auois defir de racheter ce perfom- nage,& qu'il me l'auroit defia enuoyé fans qu'il fut befoin d’argent,n’eftoit qu'il auoit affaire de luy pour enuoyer à Malaca : ie le remerciay derechef, l’affeurant neant- moins que ie ne defirois le mener en France, ainsle laiffer au feruice de Sa Grandeur# qui fen feruiroit comme bon luy fembleroit, & qu'au lieu dele retirer de fon fer- uice , s'ilauoitaffaire du mien, ilen pouuoit difpofer : [I me remercia , priant Dieu de me donner bon voyage, & que lors queles François reuiendroient par deçà, ie ne manquaffe à eftre de la partie, & le pluftoft que ie pourrois; fur cela ie pris congé. Le lendemain 16. fut chez l'Orancayeluy faire entendre ce quele Roy m'auoit dit le iour d'hier, touchant Ticou, que ie le priois de ne me prolonger cette affaire, & m'en donnerrefolution dés auiourd'huy , s’il y auoit moyen: Il me dit qu'il ne voyoit guere d'apparenge que ie peuffe obtenir permiffion d'aller audit lieu pour y negocier aucun poiure , veu que le Roy auoit iuré de ne le permettre à quelque Na- tion que ce fur à l'occafion des Holandois ; & ce qui le faifoit croire qu'en mon parti- culier ie ne l'obtiendrois, eftoit que le Roy me pouuoit bien donner cette permiffion; & en faire efcrire incontinentla depefche fans me renuoyer vers luy, qui n'y auoit au- cun pouuoir , & que C'eltoiz vne deffaite qu'il auoit treuuée ayant honte de me re- fufer. Ieluy dis que ie ferois marri d'auoir importuné le Roy de chofe qui luy peút dé- plaire, qu'il pouuoit tout en mon endroit , mais que r'eftois oblige de luy faire fçauoir ce quele Roy m'auoit dic, puis qu'il mel'auoit commandé ; fur cela il me dit و‎ que dés aufli toft que i'eus pris congé, il entra enla chambre, que le Roy ne luy tint aucun pro- pos de cela, ainfi qu'il croyoit qu'il ne l'eut agreable : le repartis que peut-eftre ill'au- roit oublié, que ie le priois de luy ramenteuoir auiourd'huy ; ce qu'il me promit. Par ce diícours ie reconnois quele Roy d'Achenne me veut permettre cette place fans vnnotable intereft, & que ce renuoy vers Laxemane n'eft à autre occafion afin que nous en accordions par enfemble, & que voyant que ie ne me mettois en effet de luy rien offrir,il me l'a battuainfi froid , de façon que Pay peu d'efperance d'auoir cette permiflion, pour ne pouuoir faire grands frais a l’obtenir,ainfi ie me fuisrefolu au def. fein proposé. Le 18. de Iuillet ray renuoyé chez l'Orancaye Laxemane , fçauoir fil auoit ramen- teuau Roy la permiffion que ie luy auois demandée, il fit refponfe n'auoir encor treu- ué occafion de parler au Roy, mais qu'auiourd'huy il efperoit de le faire, & pour cette occafion me prioit d'attendre encore deux ou trois iours, ce que ray fait, mais voyant que ce n'eftoit que retardement , fay pris congé de ceux de ma connoiffance , & me fnisembarquéle 20. de ce moisfur le foir , laiffant feulement deux hommesà terre pour acheter quelques rafraichiffemens , lefquels i'efpere enuoyer querir en bref. Le 23. font venus ceux que i'auois à terre,qui m'ont rapporté auoir attendu iufques ce iourd huy la refponfè عل‎ l'Orancaye, quilesa enuoyé querir , leur donnant charge de m'aduertir que le Roy me permettoit furgir vn moisà Ticou » moyennant que ie luy deliuraffes vn demy Bahar de realles, quifont 3200. realles : entendant telle ref- ponfe ; ie me fuis deliberé de ne perdre dauantage de temps en celicu, confide- rant l'efronterie & l'infatiable auarice de cette Nation, qui ne reconnoiffent les pre- fens quei'ay fait, le haut prix qne i'ay acheptéle poiure ; les grands droits & defpens AVX INDES ORIENTALE S. "7 qu'ilm'a conuenu faire durant l'efpace de 5. mois que i'ay fejourné en ce lieu; ce qui ma fait rcfoudre de paffer, fi ic peux, par Ticou, δὲ y traitter d'amitié s’il y a moyen, finon arrefter les embarquemens qui£ortiront dudit lieu pour venir par degà,en pren- dre le poivre, & le payer au prix qu'il vaudra à Ticou.Que fi ie ne peux doubler cette pointe, comme il en y a bien de l'apparence , les vents & marées venansdu Ocft, & cftans fi violens » ie lafcheray à Pulo Lancahuy , autrement Pulo Lada, ceftadire l'Ile au poiure ; en laquelle ie tafcheray d'effe&uer mon deflein propofé , encore que depuis hier & auan-hier foit parti vne armée du Roy d'Achen composée detrois grolles Galeres & 25. à 30. autres voilles, que l'on ditaller à Pera, & que delàelle repallera par ladite Ifle pour y couper les poiuriers ; nonobftant cela n'empefchera d'en effayer l'aduenture. Le Samedy 24. du mois de Juillet, ray deshallé au point du ¡our dela rade d'A- chen , où lay charge quelques 700.barres de poiure. Cette place eft par la hauteur de cinq degrez trente-quatre minutes au Nord de la ligne equinoxiale, l'aiguille y Varia à varie cinq degrez ὃς demy versle Noroeft, ayant au precedent laifséà terre entre les de ido mains de Marchona vne lettre pour déliurer à ceux du Vice-Admiral ou de la pata- NO: che, fi d'auanture il en arriuoit quelques-vns par deçà. - Le Dimanche 25. nous eftions hors des Ifles de Gomiípola & Pulovay quibarrent cette rade de la bande du Nord , &auecles vents du Sorocft qui regnent en cette fai- fon, ع1‎ me fuis mis en effe& de doubler la pointe d'Achen,tenant le lis du vent au Oeft Norocft, maisles marées m'en ont incontinent dépoüillé; 82 mis auautle vent ; relle- ment que ne pouuant prendre la route de Ticou,1'ay fait faire largue pour aller à Pu. lo Lancahuy fuiuant mon deffein proposé , enlaquelle n'auons peú paruenir , que le 7. du mois d'Aouft par les calmes qu'auons eu en chemin: trois ou 4. jours nous fuf- filoient auec les ventsordinaires qui regnenten cette faifon : Le lendemain ay en- uoyé deux de mes Portugais rachetez à Achen , pour aduertir le Pangoulou où Gou- uerneur de l’Ifle del'occafion de ma venué en ce lieu, lequel eft venu à bord du Naui- re la releuée ; ie lay receu au mieux qu'il m'a efté poflible, & affeuré que ie n'eftois ve- nu a autre intention que de traittef auec ceux de l'Ifle;& faire alliance auec le Roy de Queda. Ie luy fisaufli quelques prefens pour luy donner efperance de profiter auec moy. Il me dit qu'il ne pouuoit permettre aucune traitte auec ceux de lacerre;iufques à ce qu'il eut fait fcauoir ma venué au Roy de Queda, & qu'il ne doutoit qu'il ne l'eut pour tres-agreable , particulierement fi ie le voulois affifter de quelque artillerie : Ie l’affeuray de le faire pour luy faire paroiftre l'affeétion que i'auois que les Francois pour l'auenir fuffent bien venus en festerres: il promit alors d'aller aduertir luy-mef mele Roy de ma bonne volonté; mais quil feroit à propos que 'enuoyafle aufi auec luy vne couple de mesgens ; ce que ie luy promis , moyennant qu'il me laifsàt hofta- ges dans mon Nauire ; ce qu'il me promit faire , mefme fon propre fils. Deux iours a- pres le Pangoulu me fit prefent d'vn tres-puiffant bœuf , & me fitaduertir que mes gens fuffent prefts pour aller au pluftofttrouuer le Roy de Queda, parquoy le lende- main ie depefché le fieur d'Efpiné & mon laquais pour l'accompagner & feruir du- rant le voyage de Queda, quifera felon la promeffe du Pangoulou de dix à 12. iours, à l'occafion que le Roy f'eft retire à trois iournées danslesterres , de peur desarmées du : Roy d'Achen qui ont ruîné fa ville de Queda , & a changé d'habitation qu'il nomme de prefent Perleys:iay aufli enuoyé auec ledit fieur d'Efpiné vn Bengala Chreftien nommé André qui f'eft fauué d' Achen dans noftre Nauire, ὃς luy promis fa liberté & autres recompenfes s'il negotioit cette affaire auec diligence:& apres auoir donné vri memoire bien inftru&if au fieur d'Efpiné, ὃς déliuré quelques prefens pour le Roy de Queda,ie les ay enuoyez à terre,lors que lePangoulou m'a enuoyéfon filsauec 3 des principaux de l’Ifle ,lequel Pangoulou & les noftres font partis le leudy au matin 12. d' Aouft. Le 20.eftarriué à bord de ce Nauire vn Parau venant de terre ferme , dans lequel yauoit vn Portugais nommé Diego Dyez Buillon, & vn Chreftien de 5. Thomas Seconde Partie. s K uj #8 VOYAGE DV GEN. BEAVITEV nommé Panjan , lefquels auoient des lettres du fieur d'Efpiné , par lefquelles lay veu qu'il eftoit arriuc à Perleys deux ioursapres fon partement d'icy » & qu'il efperoit dans deux iours fe mettré en chemin pour aller trouuer le Roy , qui eftoit à Quantchin, m'affeurant qu'il feroit diligence : au furplus qu'il y auoit beaucoup d'apparence que le Roy eut peu de poiure, ny qu'en cette Ifle y en eut non plus: ce que ray defia re- connu à mon grand regret ; & voudrois que le fieur d'Etpinéfut reuenu : Nous fom- mes venus en ce lieu troptard pour auoir le poiure de l'année pafsée; & trop toft pour celuy de cette année, qui ne fe recueille qu'en Decembre, ce que ie ne peux attendre pour eftre trop foible d hommes de Marine, lefquels vont iournellement diminuant; tellement qu'il me faut refoudre de partir d'icy au pluftoft, fiie veux efperer de pou- uoir retourner au païs:ceux qui font venus dans ce Parau m'ont aduizé que les Holan- dois faifoient acheter le poiure par quelques. vns de Queda,qu'ils faifoient tranfporter à lambi, parle moyen de quelques Elephans & Bufles : Ils difoient auffi auoir enten- du que les Holandois auoient efté chaffez de Iacatra par le Roy dulieu; auec lequel le General des Holandois s'eftoit accordé de prendre en mariage fa fille, & que für la fcurcté qu'il fe promettoit du Roy par le moyen de cette alliance , il auoit efté furpris des lauans, qui auoient entré dansla fortereffe, tué partie des Gardes , &le General | mefme : àquoy n'ya gueres d'apparence,encore qu'ils l'affeurent aucc beaucoup de proteftations dele fçauoir par quelques Holandois mefine venus dans vn Nauire de- uis fig femainesen çà à Patani: ils me dirent auffi qu'il y auoit vn Frangois nommé Michel Abremé de l'equipage des Nauires de S. Malo qui eftoit à Lungor, & quidefi- roit fort de retourner en France , & que s'il auoit efle aduerty qu'il y eut vn Nauire Francois en ce lieu, il ne tarderoit gueres a y eftre : Ie promis à ce Señor Panjan, qui dit partir en bref pour Farangue , quieft à vne journée d'icy و‎ que sil mele peutame- ner ,ieluy donneray trente realles ; il m'a promis d y faire fon poffible. Le 2. Septembre cft venu vn Parau à bord qui cítoit parti de Queda ou Perleys y a trois iours, mon laquais y eftoit,que le fieur d'Efpiné m'enuoyoit pour m'aduertir n’a- uoir peú parlerau Roy, lequel ne fe pouuoit ofter le doute qu'cítions venus dela part du Roy d'Achen pour luy joüer quelque mauuaistour , & s'eftoit retiré dans les bois; ncantmoins donné charge à vn Ofancaye & à vn Marchand Guzarate d'amaffer le plus de poivre qu'ils pourroient pour acheter de moy quelque canon, fi ic luy en vou- lois vendre ,dequoy d'Efpiné m'aduifoit, & pour ce fujet auoit depefché ce Parau fans m'enuoyer perfonne de la part du Roy : ce que confiderant, & craignant qu'on n'a- mufaft ledit d'Efpiné pour luy faire perdre temps, me fuis refolu de renuoyer à Pin- ftant le Parau, & y mettre Baignelles duquel ie me fers d'efcriuain , auec ordre bien ample de ce que ie defirois qu'il fit, qui eftoit de s'enquerirexa&ement quelle partie de poivre il pourroit y auoir audit lieu; que fi elle eftoit moindre de cent bahars, que ie ne defirois m'y amufer , & qu'il fit reuenir d'Efpiné : que ἢ elle eftoit de ce nombre ou plus grande, qu'il fit venir incontinent quelqu'vn à bord ; ayant charge & pouuoir du Roy pour en accorder de prix, & que fils vouloient mettre l'affaire enlongueur; de reuenir incontinent. ᾿ ؛‎ . Le 9.eft arriuéautre Parau, danslequel cftoitle fieur d'Efpiné, par lequel ray fceu que le Roy auoit fort peu de poivre en Queda, & qu'il auoit neantmoins grand defir de mon canon, me priant de l'enaffifter & luy vendre dansle mois de Decembre, qui cft la recolte des poivres , & qu'en cetemps il me payeroit au double de ce que ieluy demandoisà prefent, & qu'alors fi i'auois affaire de mille bahars de poivre , voire da- uantage , il melesfourniroit : de plus que fiie voulois y laiffer fa&urie , il s'oblige- roit vers moy de fournir touslesans aux François deux mille bahars de poivre , & qu'il ne permettroit à aucunes nations d'en pouvoir acheter aux terres de fon obeif- fance , que par ceux que ie laifferois en cette fa&urie. Que le plaifir que ie luy ferois l’affiftant de ce dequoy il auoit plus de befoin eftoit ἢ grand,qu'il en demeureroit rouf- jours obligé aux Francois, & plufieurs autres belles offres qui feroient bien de faifon, n'eftoit la neceffité qui me contraint de partir en bref d'icy , à caufe de mes gens qui AVX INDES ORIENTALES. 7ó commencent à perdre dutout courage pouren eftre decedé4. depuis que fommes ici; & quatre ou cinq autres qui ne 12 feront gueres longue ; encore qu'ils n'ayent pas ga- gné la maladie en ce lieu, maisà Achen, d'oü ils font partis malades , & murmurent tout haut qu'il eft plus que temps de f'en retourner en France. Lc 20. on m'apporta lettres du Roy qui m'octroyoit la permiffion de trafiquer li- brement, & me prioit de luy donner deux canons pour 30. barresde poivre , difant qu'il n'enauoit pas dauantage ; & comme ie me fafchois qu'onauoit retenu vn de mes | gensáterre, de peur que ie ne m'en allafle fans donner les canons : Le principal d'en- tr'cux qui eftoit nouueau reuenu Ambaffadeur vers le Capitaine de Malaca, me propofa pour donner fin à ce negoce, que ie pozafle l'ancre à la barre de Perleys, qui elten terre ferme, à 7. ou 8. licués de cette Ifle : Ie leur accorday, confiderant que ce feroit beaucoup abreger, parce qu'il falloir attendre 7 .ou 8.iours pour auoir icy répó- fc du lieu; où eftoit de Baignelles, maisà condition qu'ils me donneroient vnd en- tr-cux cn hoftage , tant pour m'y conduire, que pour ma feureté , & qu'on ne me fit perdre beaucoup de temps, ce qu'ils m'accorderent ; & m'cftant au precedent enquis de leur qualité ie pris vn des principaux & des pluseaccómodez qui ne vouloit feruir d'oftagc ; mais n'en defirant d'autre;il falut qu'il demeuraft dansle Nauire : ainfi lere- fte s'eft embarqué dansleurs Paraus, & ont fait voile auffi-toft : Et le lendemain ray fait leucr les'anctes : mais eftant fous voile, nous auons apperceu que noftre Nauire ne gouuernoit point, pour eftre trop chargé arriere; & ayant enquis mon dernier ho- ftaige quelle profondeur il y auoit enla rade , où il me deuoit conduire ; & entendu qu'il falioit paffer entre quelques battures , ie me fuisrefolu de retourner à noftre an- creage ordinaire, craignant quelque accident: veu que le Nauire gouuernoit fi mal, ce quauons fait le 24. & enuoyé aufli-toft la fcutte aduertir le Tendel ou Lieu- tenanc du Pangoulouenl'Ifle ; & mefine la femme dudit Pangoulou , quil enuoyia pronsprement à Queda pour donner aduis que ie ne pouuois aller au lieu proposé pour l'incommodité du gouuernail de mon Nauire; qu'au furplus ils m'enuoya!fent promptement mon homme, autrement ie m'eniroisauecleurs oftages, ne pouuant fejourner en ce lieu plus de hui& ou dix iours. Le premier d'O&obre font arriuez quelques Paraus , dans l'vn defquels eftoit de Baignelles,gu'ilsne vouloientlaiffer reuenit à bord qu'ils n'euffent leurs oftages;ainfi ic les ay cnuoyez, encore que cet André de Bengale cy-deuant mentionné;que rauois fauué d'Achen fe fut enfuy ; neantmoins pour rauoir Baignelles ie ne me voulus arre- fter à cela pour ne perdre temps: Ecayant demandé au fufdirs l'occafion de fon long retardement par-delà, & pourquoyil n'auoit fuiuy l'ordre queie luy auois donne , il » me dit que d'Efpiné que i'y auois enuoyé premier que luy , auoit efté caufe de cela; pour leur auoir affeurc que ie le laifferois audit lieu auec vne facturie , comme il leur auoit fait demander au Roy, qui me l'auoit accordée, & qu'ils eftoient iournellement attendans que i'y vinffe moy-mefme pour l'eftablir ; mais qu'au contraire voyans que ic ne paroiffois, & que continuellement ie luy mandois de reuenir,& que ie rie voulois aucunement lafcher les oftages qui eftoient entre mes mains, celà les mettoit en gtand foupcon quc ie ne fuffe venu pour leur nuire , & me joindre auec l'arméed'A- chen, pour apres que i'auroisreconnu en quel eftat cftoit leur país, les faire tomber ou expofer à la cruauté de ceux d'Achen leurs ennemis; & ce quiles éonfirmoit le plus enleur deffiance, eftoit que ne me contentant de deux oftages ,i'en auoisretins encor vn fous pretexte de inc montter le lieu del'ancreage de Perleys: & cependant ie n'y cítois pas venu , & ne fcauoient de quel cofté i'auoistiré ; ce qui leur auoit fait,& à luy particulierement, grande peine. Ieluy demanday fileur poivre eftoit preft, & quelle quantitéils en auoient : il me dit qu'ils n'en áuoient que vingt baliars;maisqu'ils m'of- froient de m'en payerautres vingten realles au prix de vingt réalles le bahar : qu'ils auoientgrande enuie dudit canon, & qu'il leur auoit promis de faire tant enuets moy que ie les en affifterois : Que fiie n'en auois le defir , il me confeilloit de me donner garde d'eux , à Poccafion qu'ils feroient bien fafchez de ne pouuoir accomplir la pro- so VOYAGES DV GEN. BEAVLIE y meffe qu'ils auoient faire au Roy deles luy faire auoir : & nYeftant enquis de l'eftat du pays, il medir qu'il cftoitexircemement pauure & le risfort cher , & quà chaque bruit qu'ils enrendoient ; qu'il y auoit quelque Parau à l'entrée de la riuiere : ils s'ert- fuiroient dans le pays,crajgnans que cene tuifent ceux d'Achen. Que depuis hui&t ou dixioursils auorent eu nouuelles que l'armée d'Achen eftoit arriuée à Pera en nom. bre de 70. voiles, & que quelque peuapreseftoient venués autres nouuelles dela mort du Roy d Ache n, qui leur auoit cauíé vne joye excefliue : Penfant donc à ce que dc Baignelles m'auoit dit, qu'il n'y auoit point de fiance pour moy en celieu Cy, flic ne traittois du canon, ce que ie ne pouuois faire ayant enuic de repaffer par Achen , ie m'imaginay qu'il conuenoit entretenir fes gens cy de parolles, de crainte que ceux de noftre equipage allans querir de l'eau,il ne leur fut fait quelque tort par ceux de l’Ifle: ainfi ie renuoiay ledit de Baignellesà terre leur dire qu'il m'auoit trouué fort difposé de traitter auec eux; mais que iene pouuois fortir d'icy pour aller à Perleys , à Pocca- fion quil y auoit à remedier au gouuernail de ce Nauire : mais pour faire preuue de l'affection que i'auois à leur faire du plaifir, ie m'offrois dés demain de faire defcendre vne piece de canonà terre , moyennant qu'ils me déliuraffent deux oftages pour l'af- feurance de vingt bahars de poivre qu'ils m'apporteroient dans 8. iours , ou bien fils ne me vouloient donner des oftages ; qu'ils fiffent venir leur poivre , qu'alors ie me mettrois à toute raifon : de Baignellesleur ayant dit cela, ils font retournez contens, difansn’eftre befoin me donner d'oftages , ny mettre de canon àterre iufques à ce que le poivre fut venu, & qu'ils Pen alloient auffi toft pour me donner aduis du faitou du laifsc , ce qui feroit dans fix ou fept iours. Le lundy 11. d'O&obre depuis le commencement de ce mois, iufques à prefent, nous auonseu de grands vents d'Ocft Noroeft aucc pluies & tourbillons de vents, qui ont caufé que n'auons ناعم‎ eftre prés de fortir d’icy qu'auiourd'huy , auquel lieu n'ay rien fait du tout, finon faire coupper vn grand maft de hune, vn maftde mizane, & vn clan pour noftre baupré , que ie n'euffes fceu recouurer ailleurs : & fi 'eufles eu le moyen d'attendre iufques au mois de Ianuier , fans doute ie n'euffes perdu ma peine, & euffes acheué de charger ce Nauire de poivre;qui ne me fut reuenu au quart de ce que celuy d'Achen me coufte; & il eut elté faifon bien propre pour m'en retour- ner droit en France, les vent d'Ett ne manquant nullement audit temps, & euffcs ل‎ auffi aduancé en ce licu , que de quelqu'autre de la colte de Sumatra : Durant mon fejour en cette rade font decedez fix perfonnes, qui n'y ont pourtant gagné le mal, ny aucun autre que le patron Beruile qui commence à fe guarir. Cefte Ifle queles habitans nomment Pulo Lancahuy, & ceux d' Achen Pulo.Lada, celta dire , l'Ile aupoivre, eftpar la hauteur de fix degrez 15. minutes Nord de [Ἐ- Ὁ Var. 2. ‘de quinoxial, l'aiguille y varie deux degrez & demy Noroeft; elle peut contenir 15. ou grez & de- 20, lieués de circuit,elle eft montueufe en quelques endroits,fpecialement du cofté de 7; NO Pulo Botton, qui en eft cing licués à l'Occident, & au dedans y a vne haute montagne feparée en deux par vne eftroitte valée , qui ne paroift qu'eftant au Sud d'elle; dela bande du Oeft paroift en gros pic & du Soroeft deux: au pied de cette montagne (ont lespoivres; comme auffi enla plaine qui peut auoir trois ou quatre licués de long, deffartée pour y femer du ris: & lespoiuriers font cultiuez comme vignes de hautes branches; & fi PHleeftoit plus cultinée, elle en produiroit bien dauantage qu'elle ne fait de prefent; car il n'y a pas plus de cent perfonnes qui l'habitent : autrefois il y en auoit plus de 700. quí trauaillans aux poivres l'en rendoient plus abondante : car le terroir y eft cxtremement propre, comme auffi pour toutes autres fortes de drogues, frui&s, ris , & beftail ; y ayant detres-beaux pafturages ὃς abondance de riuieres ἃς plufieurs fourcesde belle & bonne eau : tout le reftant del'Ifle eft couuert de grands boistres-efpais , entre lefquels, principalement fur les montagnes, il fen void de par^ faitement droi&s , d'admirable hauteur , & de groffeur proportionnée : Du cofté du midy;l'Ifle eft fort coupée de bras de mer, par petitsIflets & roches couuertes de bois: Du coftéduSeptentrion il y a vne grande Ifle efloignée d'elle enuiron vne lieuë ; i'e- ftime AWVXINDES ORTENTATLES. SI grande Ifle efloignée d'elle enuiron vne licué ; i'eftime qu'entre deux il y ait pafla- ge pour aller en terre ferme ; toutestois ie n'en fius bien affeuré pour de grands Nauires, mais du refte il n'y a aucune roche ny batture tout à l'entour و‎ & on trouuc- ra toufiours fonds de vaze de hui& bralles , ou toizes à νης licuë, de 7. braffes à vne demie lieuë, à vne portée de canon fix braffes; & dans la baye du cofté d'Ocft, qui regarde Pulo Botton cinq braffes , approchant ou entrant plus dedans 4.3. puis enfin toute vaze claire, en laquelle vn Nauire ne fe peut faire detort ; & de la ' bande de l'Eft y a auffi vne baye couuerte d'vn Iflet; en laquelle quelques Nauires que ce foient; fuffent-ils de 2000.tonneaux,fonta flot & couuerts , & à l'abri detous vents : enfin toute l'Ile cft port par maniere de dire, & par tout ty recouure de belle & bonne eau: Les pluies y regnent quand les vents d'Ocftfoufllent , qni eft depuisle commencement de Iuillet ,iufques à la fin d'O&obre ; pendant lequel temps 1l y fait plus mal fain qu'enautre faifon, comme par toutesterres files fous cette paralelle. Le poivre meutiten Nouembre;il commence à fe recueillir depuis la my-Decem- bre iufques à la fin de Feurier , il s'y enrecueillea prefent toutesles années enuiron cinq cens mille liures, tres-beau, gros & fec ; enfin parfaitement bon & à meilleure compofition qu'en quelqu'autrelieu des Indes : mais on n'y peut trafiquer que par la permillion du Roy de Queda, a qui l'Tfle appartient; & qui ne la donne fans quelque intereft. Les Portugais refidans à Malaca y trafiquent d'ordinaire , & y viennent en Decembre pour y fejourner iufques en Feurier : ¡ls y portent des pannes de Guzarate, du fel, du ris, & peude realles , lefquelles y font bienrequifes, à l'occafion de la pro- ximité des Chinois qui fontenbonnombre habituez à Patani ville fituée en la contre- cofte de Queda, fousle mefme paralelle ; n'y ayant que cinq iournées de chemin par terre. D'ordinaire le poivre fe vend par mefüre & non an poids, qui cft vne bonne couftume pour l'acheteur , à l'occafion qu'ils nele moüillent point comme on fait à Achen & autres lieux و‎ mefmes ils n'y peuuent mettre de fable و‎ pierrettes, ny autres vilenies و‎ comme cn fait à Bantan , à caufe qu'en mefurant on peut facilement connoiftre s’il y atromperie ou non ; la mefure des Marchands eft le Nali,lequel con- tient I6. gantas; chacque gante 4. chuppas; 815. Nali font vn bahar, quieftde 450: liures poids de marcq : La mefure cftant plus grande d'vn quart en cette Hle qu'aux tetres de l'obeiffance du Roy d'Achen. Le prix commun dubahar eft 16. realles, au moins iufques à prefent il n'a 2116م‎ 20. & s'il y en eut eu,ren euffe bien donné ce prix; fi veufle pù attendre la recolte , ilsoffroient de m'en liurer*à ce prix bonne partie, à condition de prendre en payement la moytié en marchandifes de toilles de cotton ezfel,moyennant lefquelles il me futreuenu à moins de 15. realles:mais le peu d'hom- mes & le nanque de courage d'iceux ne me permet pas de jouyr de ce profit, & mon malheur de n'y en auoir treuué, comme on m'auoit affeuré , me donne de grandes in- ‘quietudes de fçauoit ou i'en pourray trouuer , ne pouuant rien entreprendre auec vn tcl equipage.Pour reuenir au poiure, il croiften terre franche & graffe , on le plante dans le país au pied de toutes fortes d'arbres, & s'entortille & rampe contre eux,com- me faitle houblon. Ceux qui veulent faire des poivriersplantent vnrecip ourcjetton d'vn vicil poivrier au pied d'vn arbriffeau : il faut eftre foigneux de nettoyer ou far- cler toutesles herbes qui croiffent à l'entour. Le rejetton croift fans porter frui& iuf- ques à 123. année qu'il commence, & la 4. année porte en grande abondance & bien gros, & telle plante rend 6. & 7. liuresde poivre , & jamais ne le porte plus grosny en plus grand nombre que la premiere & feconde portée ¿comme auffi la troifiefme, quil’yne portant l'autre fe peuuent dire efgales. La 4.5. & 6. portée le poivrier rap- porte letiers moins, qui eftle 9. an de fon plant و‎ & le porte auffile tiers plus menu; la dix, onze, & doùziéme année ne porte plus guieres & fort menu ; puis ne por- te plus du tout , & il en faut replanter d'autres ; tellement que cette drogue ne fe recueille pas fanstrauail, comme beaucoup de perfonnes ont eftimé ; & fil n'eft cultiué 8zfarclé, quelque ieune qu'il foit, il porte peu ou point du tout » comme Penay veu plufieurs plantes par les bois, qui ne portoient rien dutout: Les 5. premieres an- Seconde Partic. $ L 1 82 VOYAGE DV GEN. BEAVLIEV nées il faut eftre bien foigneux quelesherbages n'y viennent, ce qui ne fe fait fans grand foin;car ce climat eft extremement humide , tant par les pluyes que par les grandes roztes, qui ne manquentiamais la nuiét, & telles que fi l'on fe va prome- ner auan t Soleil leué, au lieu οἱ il yadesarbres ou herbages, on fe treuue aufli moüil- lé,que fil'on auoit marché dans de l'eauseftant preft de porter fruit,il faut efbrancher les arbres contre lefquelsil rampe, afin que les ramages ne luy oftent point le benefi : ce desrayonsdu Soleil و‎ dont cette plante à fur toutes befoin : il faut auffi auoir elgard que la grappe eftant formee , elle foit fufpenduë fur quelque petit bout de branche ou | cítoc , afin que la pefanteur des grappes ne faffe abbatre la plante en terre; qui de foy eftafleztendre , particulierementau temps de fon plus grand rapport ; il faut auffi auoir elgard que le beftail, principalement lesbuflles & les bœufs, ou autres grands animaux , n'aillent parmy les poivriers; parce que f'embarraffans parmy ces plantes; ilsarrachent cout. : ue les plantes foient auec telle diftance , qu'on puiffe tourner à Pentour, & por- cer quelque efchelle pour les emonder , lors qu'ilsont efté defchargez deleur frai&; car la plante s’eftendroit à croiftre haut, & porteroit beaucoup moins: ordinairement il feurit d'vne petite fleur blanche au mois d'Auril : en Iuinil eft noüé : en Aouftil cft gros & verd, & a beaucoup de force : neantmoinsles habitans le mangent en falade, ou le font confire en .Achar, quieft anec d'autres fruiéts dansvne fauce faite de vinai- gre, & fe garde vn an entier;en Octobre il eft rouge;enNouembre il noircit, en De- cembre il eft tout noir,& par confequent preft à cucillir:en diuers endroits il eft plus haftif ou plus tardi;fcette regle n'eftant dutout generale,mais c'eftla plusordinaire. Ils coupent les grappes, lesfont fecher au Soleil, quien cetemps eft tres-ardent, iufquesà ce que librement les grains fe feparent fansforce de leurs queuës ; ce quine le fait en vn ¡our ou deux; il en faut plus de quinze , pendant lequel temps ileftbefoin : de le tourner fur vn cofte , puisfur l'autre , & la nuiét le mettre à couuert. Il fe ren- contre parmy le poivre quelques grains quine rougiffent ny noirciffent point, mais . o D demeurent blancs ; ils les amaffent ; les cucillent fur la plante, le gardent, & seníeruent en medecine : &en la vente ils le doublent de prix: toutefois i'entends que ceux quile recueillent, fçachans que les eftrangers en demandent auffi pour le - mefme effe& , ilstrouuent l'inuention de blanchir le noir ,lors qu'eftantencorerou- > ge; ilsle cucillent, & apresle lauentà plufieurs eaux auec du fable, qui emporte cet- te pelicule rouge, qui noirciroit; & ainfi il ne demeure que le cœur du poivre, qui de foy eft blanc. Par ce difcours on peut reconnoiftre que le poivre ne fe treuue pas comme le fable fur le bord dela Mer, & qu'il faut que beaucoup de perfonnes y foient employées pour le beneficier ; ce qui manque à prefent en cette Ifle , qui depuistrois ou quatre ansa efté merucilleufement defolée par ceux d'Achen , comme auffi la ter- re ferme de Queda, en laquelle on ne peur à prefent remarquer le lieu où elle fut an- tiennement baftie ; & les habitans de cette terre & de l’Ifle en font tellement effarou- chez, que le moindre batteau qu'ils voyent, ils s'enfuïent incontinent au fommet des montagnes , S'imaginans que tous ceux qui abordent enleur terre font Achéens, où leurs partifans ; en effec ils peuuent bien eftre timides; car ils n'ont aucune deffenfe pour fe garantir de leursennemis : & depuis peu le Roy de Queda s'eft mis fous la pro- te&tion de celuy de Siam, que Pon dit auoir commencé d'y enuoyer quelques deux mil hommes pour le garder ; auec quelqueris, dequoy ils font totalement defnuez, ayans cefsé de labourer : tellement qu'ils font reduits à manger lesfucilles des arbres fauuages , & le poiffon qu'ilspeuuent pefcher : car l'armée du Roy d'Achen a abbatu . & deftruit tons les arbres frui&tiers ; tué tous les buflles qui feruoient au labeur , emporté tous leurs vftancilles, & pillé leurs biens: le Roy mefme auec fes enfans - & toutesfes richeffes emmené ¿Achen:il ne leur refte peuou point de moyens pour conuier les marchands ouleurs voifins de leur apporter ce qui leureft neceflaire. Les habitans font Malais , ils ne font pas fi cauteleux 82 mefchans que ceux - Ti d'Achen: ils fe veftent quafi de la mefme façon , mais non fi richement : ils font AVEK'INDES ORIENTALES: >. 8 Mahometans de Religión, & fort zelez : Ils differentpeu en leurs couftumes & ma. nierc de viure de ceux d'Achen : ils font de la monnoye enturon de l'eftoffe des fols de France , toutefois d'vn peu meilleur aloy ; qu'ilsappellent tras; les32. valeat vne real- le,ils content par tacls ; mais vn tacl en vaut quatre d'Achen. Le Territoire de Queda cit fort bon & marefcageux,coupé de diuers ruiffeaux for- tansd vne affez groffe riuiere , en laquelle y anombre de Crocodilles tres-grands & mal-faifans : Le pais a cfté autrefois tres-abondant en toutes fortes de viures, fpecia- lement en ris & grand nombre dc beftail : il eftoit bien peuplé; & y auoit en Queda grand abord de marchands, tant de Pegu, Aracan ر‎ Bengala, Ierzelin, que de la cotte de Coremandel ; mefine de Suratte , & des Portugais refidants à Malaca, & mefme de ceux d'Achen : Les fubfides y eftoient moderez ; encore que le Roy pere de celuy d’aprefent, & qui far pris& emmené au Roy d'Achen il yaenuirontroisans, fut vn infigne & perfide ryran : αὐ ΠῚ ceux qui teftent de Queda difent que Dieu le punit pour fes mefchancetez : A la verité ce Royaume à prefent peur feruir d'vn notable exemple de l'irre deDieu;car enuiron quatre ans auant qu'il fut fubjügué, il y cut vne pette fi cruelle ; qu'elle emporta plus de la moitié ; mefme les deux tiers deshabitans ; & dit-on qu'il mourut plus de quarante mille hómes.L'annee füiuante la contagion fe mit fur le beftail , & commença par les Elephans du Roy; qui eftoient en nombre de quarante , defquelsil n'en èfchapa vn feul, non plus que du beftail ,nen demeura lá hui&iefme partie. La 3.année ilseurent generalement manque de ris & de fruictages, ce qui leur apporta vne horrible famine, qui les efpuifa de toutes leurs richeffes; L'année fuiuante le Roy d'Achen,qui ne fait qu'attendre le moyen de piller fes voi- fins, ne manqua d'y enuóyer vne grofle armée , qui mit le fiege deuant Queda, que le Roy fouttintl'efpace de trois mois; endurant beaucoup de neceffité; mais les fiens perdans courage, s'entuirentoù ils peuvent; les autres fe rendirent; &luy , fe retirà auec fa famille dans fa maifon qu'il auoit Bien fortifiée, & enuiron 120. hommes auec luy fouftindrentencore deux mois; mais ne pouuant plustenir ; les Achens £e- ftans obítinez de l'auoir ; encore que ce fut durant l'hyuer ; & qu'ils euffent de l'eau iufques à la ceinture, le Roy d’Achen leur ayant eñuoyé dire qu'il les feroit tous fier en deux, s'ilsn'amenoient le Roy de Queda ; comme il manquoit de viures, il parle- menta auec ceux d'Achen, qui luy promirent merueilles, l'affeurarit que leur Roy admiroit fa vaillance, & que l'ayant veu , ¡ble remettroit incoñtinent en poffeffion dé festerres; & qu'il l'affifteroit : celles belles promeffes firent refoudre le vieillard , qui dailleurs eftoit blefsé,de fe mettre à la difcretion du Roy d'Achen, contre l'opinion de fonfils, qui l'en diffuada tant qu'il peût ; mais voyant que fon pere eftoit ferméla; & qu il faifoit fon compte de l'emmener auec le reftant de fes enfans, & tous festre- fors, affin d'auoir meilleure compofition & reception du Roy d'A chen , iltreuua mo- yen de fenfuïr au defçeu du Pere, quife mit incontinent apres entre les mains de [Ὁ - rancaye Laxemane ; qui apres auoir fait demolir la ville & le chafteau , emmena auffi ες qu'il peür d’habitans,qui fe monterent enuiron 7000. Le Roy d'Achen fit du com- mencementaflez bonne reception à celuy de Queda, iufques à ce qu'il cut entiere- menttiré ce qu'il auoit; & voyant qu'il ne luy reftoit aucune chofe, ny à (es enfans & amis, il le fit mourir , luy reprochant fes mefchancetez pafsées, &tout d'vn temps fit expedier auffi les enfans & les principaux captifs , & confina lerefte en vn endroit de la ville affez efloigné, auquel par mifere & faute de nourriture , ils font la plufpart def- faillis, & n'en peut refter à prefent yoo. qui dins de petites cahuttes trauaillent la moitié de la femaine pour eux, ce qui les entretierit tellement quellement : L'autre moitié de la femaine, ils trataillent aux edificés ,aulabourage desterres du Roy d'A- chen, qui ne leur donne aucune nourriture , éncoré qu'ils trauaillent pour luy. Le 12.d'O&obre i'ay appareillé de cette rade e intention d'aller moüiller à l'Oeft de larade d'Achen, pour apprendie fi on auroit εἰ nouuelles de nos Nauires; & fui- uant icelles me refoudre de ce que i'aurois affaire. Au fortir de cette rade les marées nousont portéparmy les Ifles de Pulo Botton, quifontà cinq lieués d'icy, nous a: Seconde Partie $ E31) 84 VOYAGES DV GEN. BEAVLIEV uonscu de lapeine à nous en parer; ὃς il a falu laiffer tomber Pancre pour n appro- cher trop prés d vnrocher qui defcouure, CesIfles font au nombre de trois, mais ac- compagnecs de beaucoup dc petites : elles ne font habitées, font couuertes de grands bois, parmy lefquelsf'en rreuue de propres pour mafter nauires : il y a ancreage par tour, & das la plus grande Ifle en vne couche de fable il y a de bonnes eaux. Auj partir de ces Iles nous auons fait routte pour terrir en la cofte de Sumatra, que nous auons | vcuéle lendemain و‎ pouuans eftre elloignez enuiron so. lieuës de la Rade d'Achen, ὃς iufques au 27. nous auonseu calmes ou vents contraires, & ledit iour la nuit auons ap- proché à deux licués de Pulovay, vne des Ifles qui fait ladite rade: Pay fait tout le poffible pour la doubler, affin de moüiller Pancre au Octtde la rade d'Achen, affin de n'eftre trop engagé , fi d'auanture le Roy d'Achen nous vouloit vfer de quelque fi» percherie , ce que mes gens craignoient fort; & les principaux de cet équipage me confeilloient de n'y aller point dutout; neantmoins ic ne laiffay de faire tout le poffi- ble pour doubler cette pointe;mais les martes eftans fi vehementes,& par fois venant. de pefans coups de vent du Oeft & Oeft Norocft, apres auoir perdu encor 4. iournées & m y eftre obftiné en vain, & voyant que nous eftions tombez auaut le vent enui- ron fixlicués, & qu'eftions proche d'vne ante de fable a my-chemin de Pedir & A: chen, i'y fisfurgir ; pour attendrele cemps ; & fur le foir , il eft venu vn Parau à bord de nous, dans lequel y auoit vn homme de la part du Roy d'Achen , qui venoit íca- uoir d’où nous eftions ; car il auoit cfle aduerti qu'il y auoit Nauire autour de fa cofte, & auoient eu ct denousil ya 15. iours dés que nousterrifmes; auffi apper- ceümes nousincontinent beaucoup de feux. Ce perfonnage m'ayant reconnu, & de- mandé fiie n'eftois pas le Capitaine des Frangois,qui eftoient dernicrement à Achen, me dit qu'il eftoit enuoyé de la part du Roy, pour fçauoir qui l'eftois, d’où ie venois,8z ouie pretendois aller; me priant de le depefcher , afin d'en faire promptement fon rapport.Ie luy demanday alors fil y auoit long-temps qu ileftoit paro. Achen,cóme le Roy fe portoit, quels Nauiresil y auoiten la rade,& s'il y auoit force poivre à ven- dre: ilme fit refponfe que le Roy fe portoic bien, ὃς qu'vn Pilote Portugaisque i'auois penséacheter, & qui s'cfloit depuis fait More, luy auoir donné quelques Medecines, qui luy auoient donné grand alegement;que depuis peu cftoit parti vnNauire Holan» dois, & quil yreftoit encor vn Anglois auec vn peur Nauire François, qui y eftoit ar- 1116 depuis hui& jours : Que pour le poivre il y en auoit bonne partie entre les mains du Roy : ayant entendu la fanté du Roy,& qu'il y auoit des Frangoisà Achen,cela me mit cn quelque doubre, ne Li ares bonnement croire que ce fut aucun des Nauires. de noftre Compagnie , vel l'efpace de temps que la patache m'a quitté, à qui i'auois donné ordre bien ample & bien exprez de me donner au pluftoft aduis de leurs nou- uelles; & ie creusque c'eftoit quelque amorce pour me faire radier en la rade ordi- naire d'Achen, ce qui fut caufe que ie luy fis demanders’il eftoit bien affeuré que ce fuffent François ; ; il me fic refponfe qu'il ne pouuoit pas bien difcerner les Nations blanches; mais tant y a qu'il eftoit bien affeuré qu'ils s’eftoient aduoüez François; en faifant lareucrence au Roy, & qu'ily eftoic prefent; ὃς m'ayant derechef demandé d’où ie venois, ie luy fis dire qu'au partir d'Achen, efperant aller à Bantan par la voye de Ticou; i’auois rencontré fi mauuaistemps que deux de mes mafts en auoient rompu, tellement que ie fus contraint de relafcher & chercher quelque lieuoù ‘en puíle recouurer,ce que i'auois fait dans vne Ifle ;mon Interprete quieft Canarin que Vachetay dernierement à A chen , n'ayant pas plus d'efprit qu'il luy en faut, luy ditce que icluy auois commandé de dire, mais il fit dauantage , car ilnommal Me, difant que nous auions efté à Pulo rana pour nous remafter ; ie fus bien marti qu'il s'e- ftox tant hafté de parler ; car fçachant bien que le Roy feroit mal content de ce que. i'aurois eftéla fans luy enauoir demandé la permiffion ; jauois deffein de feindre ne fçauoir le licu où i'auois efté, ὃς dire, s'il m'en informoit, que c 'eftoit vne Ifle ac= compagnee de plufieurs autres, en laquelle ie n'auois trouué aucune perfonne pour: m'enapprendre le nom ; mais voyant qu'il n'y auoit plus de remede ; ie continuay de: AVXINDES ORIENTALES. ὃς luy dire que m'y eftant remafté, i'en eftois party inconcinent y & que ie n'y auois fait aucune traitte : Il me dit lors qu'il seftonnoit que ie n'y auois rencontré l’armée du Roy d'Achen; ie fisrefponfe qu'elle n'y eftoit iuíquesalors venue; mais que i'a- uois entendu qu'elle eftoit à Pera ;ilme demanda fi ie ne patferois pas par Achen , ie l'affeuray que ie ne manquerois d'y aller du premier temps ; & mayant demandé congé, 1ele vis defcendre à terre, & monterauffi-toft à chzual. Et le lendemain premier de Nouembre i'enuoyay le batteau terre tant pour ache- tcr quelques rafraichiffemens que pour auoir langue de ce qui fe paffe à Achen; quelque peuapres cft venu vn Parau abord dans lequel y auoit vn homme d'Achen de ma connoiffance; ic fus tres-aife de le voir, pour l'aubirreconnu bonne pcríon- ne ;il m'affeura qu'il y auoit vn petit Nauire François en larade, & qui s'aduoiioit de moy, & que ceux de dedans cftoient de mon efquipage ; & que deuanr la venué de cc petit Nauire, il en eftoitencore venu dans vn Parau 5 qui eltoit p'aint au Roy de beaucoup d'outrages qu'ils auoient receus des Holandois, & cntr'autres de les auoir delnuez de leurs moyens ; quele Roy leur auoit fait offre de leur faire donner dc l'argent parle Commis Holandois ; mefme il me dit qu'il leur auoit deliuré qucl- que nombre de realles ;mais que le Roy auoit retenu letout, ὃς fembloit s’appro- prier de fi peu qu'ils auoient apporté ance cux; enfin il me dit à l'oreille que le Roy les retenoit contre leur volonté, me priant de ne parler a homme du monde qu'il m'cüt aducrty de cela ; ie le remerciay de l'aduis , & luy donnay vne piece de toille le priant d'eftre porteurd'vn petit mot de lettre à ceux dont il m'auoit parlé ; de- quoy il s'excufa , difant que ie connoifloisaffezle Roy d'Achen ; que pour luy il ne fe mefleroit iamais dans aucunes affaires dcíquelles le Roy eut connoiffance ; il m'affeu- rancantmoins qu'il les fercitaducrtir dés demain de ma venuë. Quelque temps apres noftre batteau retourna : ie damanday ce qu'ils auoient apprisà terre, ils me dirent qu'ils difoient auoir enrade trois Nauires Holandois ou Angloi,fans faire métion des FrangoisQu'ilsn'auoient voulu vendre aucun beftail , difans que le tout appartenoit au Roy, quileur auoit deffendu de le vendre fans fon commandement : tout cela me fait grandement doubrér, outre que les principaux de cette elquipage me difent haut & clair quil n'eft confeillable d'aller à Achen, & ie crains que le Roy fgachant que ie fuis en ce lieu n’arrefte les noftres par de là , afin qu'ilsne me viennent aducrtir de ce qui fe paffe : ce qui m'a fait refoudre d'aller au pluftoft à la rade pour tafcher de les auoir , ne pouuant les abandonner parmy vne fi deteftable nation , & encor que i'y preuoy beaucoup de difficultez , mefme que l'on me dépeind de grands perils , ie re- mettray le toutà la volonté de Dieu , qui m'ayant preferué iufquesà prefent de plu- fieurs autres, me garde encor f'illuy plaift de celuy-cy و‎ & aura commiferation du re- fte de ce miferable efquipage. Le2. de Nouembre ray faitleuer l'ancre & appareillé en intention de louier pour attraper larade d'Achen , nous auons efté fous voile iufquesà cinq heures apres midy, endurant pluficurs grains, quia force de porter ont fort endommagé nos voiles, fpe- cialement celles de haut , qui eftans rompués, il a fallu laiffer tomber l'ancre à la poin- te d'vne grande baye, dans laquelle ie pretendois furgir : Erle lendemain voyant que le vent continuoit contraire du Sorocft , ie me fuis deliberé de faire nettoyer le Naui- re parle fonds, à ce que fil conuenoit vfer de force pour r'auoir les noftres, ou bien qu'il fe faluc deffendre fi on nous attaquoit , le Nauire fe peút mieux manier. Et la re- leuée preuoyant le Ciel nous menaffer du temps qu'il fait pour plufieurs jours, ay dé- pefché par terre pour aller à Achen vn de mes rachetez veftu en More pour porter de mes lettres aux noftres;à ce qu'ils trouuafsét le moyen de m'aduertír de ce qui fe palle enleursaffaires , leur donnant aduis du fuccez de mon voyage depuis mon partement d'Achen, & autres aduis que ie trouuois pour lots leur eftre neceffaires , addreffant pourtant mes lettres aux Francois de quelque compagnie qu'ils fuffent, ne pouuant encore bonnement m'imaginer que ce fuffent des noftres , attendu que l'on me difoit que le Nauire Francois eftoit en la rade auec fon equipage, allans & venansà terre Seconde Pattic. $ L ij $9 VOYAGE DV GEN. BEAVLIEV auffi librement, que lors que Py auois cfté , & neantmoins n'enuoyoit fon batteau ou quelque Parau pour {çauoir en quel eftar nous eftions, & nous faire fcauoir auffi le leur :le promis liberté à celuy-là, s'il leur portoit mes lettres désle lendemain matin, & m'enrapportoit la réponfe vn ¡our apres: & comme il fçauoit bien les chemins, ie le mis à terre le foir pour marcher la nuiét, afin qu'il ne fut veu ny rencontré, n'y ayant que quatre lieués de ce lieuà Achen. Etle lendemain 4. attendant refponfe de mes lettres , i'ay fait nettoyer le Nauire , & comme il eftoit à la bande ; ayant fait mettre cout le canon d'vn bord, nous auonsremarqué vn Nauire, qui venoit vent derriere droit fur nous, qu'eftimions eftre noftre patache , mais approchant ; l'auons trouué bien plus grand,& qu'il auoit le pauillon Anglois;& comme il auoit toutes voiles hors; il approchoit bien vite : ce qui nous fit promptement remettre le canonen fon lieu, ne pouuant rien prefumer de bien de ce qu'il nous venoit trouueren cet endroit ; qui cft horsde routte, & ou peut-eftre iamais Nauire n'auoit moiiillé l'ancre : approchant enuiron vn quart de lieué de nous, il a fait apparciller fon batteau; qui eft venu à bord apportant monfieur du Parc de l'efquipage du Vice-Admiral ; dequoy ray efte bien cftonné, n'efferant le voir finon en France;luy ayant demädé d'où il venoit, & quel é- toit le Nauire qui l'auoit amenéjil me dit qu'il venoit de Bátan,8z que ce Nauire eftoit Anglois , du port d'enuiron 6oo.tonneaux , amonitionné de 32. pieces decanon, & «que monfieur Graué eftoit dedans extremement malade; que ne m'ayans treuué à Achen s'eftoient deliberez de fe mettre dans ce Nauire , qui retournoità Iacatra ; pour y trouuer paffage. Ie demanday lors audit fieur du Parc qu'eftoit denenu le Na- uire Vice-Admiral,puis que monfieur Graué eftoir dans cet Anglois. Il me conta que depuis noftre feparation ils auoient eu de grandes aMiétions, fpecialement depuis qu'ils n'eurent nouuelles de leur batteau qu'ils auoient enuoyé à Ticou les quelils attendirent douze iours eftans moüillez en vne Ifle fort longue ; qu'ils difene cttre vers l’eau à Ticouà vingt licués; qu'ils courrurent iufques à deux degrez Sud auant que la pouuoir doubler , que les Maréesles portoient au Sufueft, auec beau temps de Noroeft pour aller àBantan, lors que monficur le Telicr premier commis cftant malade defira qu'on alláta Ticou pour le porter àterre, ce qu'ils ne peurent faire durant beaucoup de temps , pendant lequel la plus grande partie de Péquipage demeuratellement affoiblie,qu'ils n'auoient moyen de mener & manouurer leur Na: uirc , n'y ayant que monfieur Graué & cinq à fix perfonnes debout : Que für ces en- trefaites ils furent rencontrez d'vn grand Nauire Holandois nommé le Leyden, du port d'enuiron douze censtonneaux , d'où eftoit maiftre Guillaume Scouten , lequel fit mettretoutc fon amunition hors pour le combattre. Le ficur Graué fgachanten quelle neceffit il cftoit , delibera d'aller à bord de ce Nauire , pour leur demander fe- cours; ou eftantleditScouten le fit retenir و‎ & enuoya dans deux fiens batteaux foi- xante hommes auec chacun la cuiraffe & le moufquer : ils entrerent dans le Nauire l'Efperance fans qu'il leur fut fait aucune refiftance de ceux de dedans,qui furent bien. eftonnez quand ceux defquels ils efperoient du fecours fe faifirent du Nauire comme conquis de bonne guerre, & ne fe contentans d'auoir pilléla chambre , traiterent bar- . barefquement les pauures malades, qui couchez fur leurs coffres, en cftoient jettez : de deffus für le tillac , puisrompans les ferrures , emportoient le peu de commoditez qu'ilsauoient;enfin au bas du Nauire , fe gorgerent des vi&uailles auparauant: efpargnez pour vnheureux retour, & en confommerent la meilleure partie durant qu'ils ont efté poffeffeurs du vaiffeau.Comme ce pillage fe commettoit monfieur Gra- ué demeuroit detenu dansle Holandois, auquel on dit qu'il auoit bien fait de venir à bord de leur Nauire , qu'auffi bien on l'eut fait venir de force ou d'amitié; & qu'il eftoit pris , & fon Nauire à eux, & que fi fon General y eftoit il en feroit de mefme. Quelques iours apres ils rencontrerent vn autre Nauire Holandois qui auoit plufieurs malades, ce qui les fit refoudre d'aller enl'Ile de Naffau les mettre à terre. Le fieur Graué pria qu'on mit les fiens d'vn mefme temps auditlieu, efperant leur fai- , rerecouurer fant^ ; ce que les Holandois firent , maisauec tant d'inhumanité , qu’elle AVX INDES ORIE N TALES, m faitcroire que cette nation n'a aucune focieté humaine; confcience ny religion : car ils jettoientles malades du haut en bas dansle barreau comme des pieces de bois, d'au- tresne prenoient pas la peine de les mettre dedans, mais lestraiínoient dans l’eau auec vn cordage attaché au col; entre lefquels vn icune homme de Rouen de bonne famille nommé Decko futtraitté de la fagon; encore que plain de vie, &le mene- rencainfi iufques für les roches du riuage , οἱ il expira , leur reprochant, encore pal- picant , leur infigne cruauté. Pendant ce tempsle premier commis du Nauire le Ley- den nommé de Vuolgue , reconnoiffant fa faute , dit à monfieur Graué, qu'il s'eftoit trompé, & qu'ayant depuis regardé fa ا‎ ΕΝ > il auoit tiouué qu'elle portoit de ne prendre aucun Nauire François, & qu'ainfi ledit ficur pouuoit rctourner auec lés fiens dans fon Nauire. Le fieur Graué confiderant qu'il n'eftoit pas bien affcu- ré aueccux ; mefme qu'ilauoit befoin de leur afliftance , fit du complaifant , remon- ftrant qu'il n'auoit efté le premier, qui en autres affaires d’aufli grande confequence fe fut abuse ; qu'au furplus ille fupplioit de l'aflifter de quelques marclots pour luy aider à conduire fon Nauire ; ce qu'il luy accorda , moyennant que le ficur Graué promit de “ne fe fouuenir de ce qui s'eftoit pafsé , mefime il en fut figné quelque chofe : ainfiledit de Vuolgue les aflifta d'hommes, quile menacoient tous les jours de le jetter en Mer auec le reftant de fon equipage , ce qu'ils cufient fait, feion fa croyance و‎ n'euft efté la compagnie de cet autre Nauire nommé le Horne.Quelque temps apres ils ren- contrerenttrois Nauires Holandois proche de Selibar cotte de Sumatra, dont Pvn auoit le Pauillon au grand maft comme Admiral l’autre au materel comme Vice-Ad- miral : Le fieur Graué fut faluer le Commandeur de ces vaiffeaux dans le Nauire Ad- miral , où il ne fut pluftoft , que dudit Nauire on tira fur le fien, pour faire amener là banicre de France, qui eftoit arboréc fur le materel ; ce qui fut fait par quelques-vns qu'il enuoya dans fon batteau quil la mirentbas. Apres ce beau coup ils partirent en- femble de ce lieu pour Tacatra , où ils arriuerent en Decembre ; où eftant il fut auec monfieur le Telier premier commis faluer le General des Holandois lean Pirre Coen, & d'vn meíme temps le prierent de lesaffifter de quelques hommes pour aller à Bantan füiuant leur commiflion. Le General refpondit qu'il leur deffendoit d'y al- ler, toutefois quelque tempsapres il leur dit qu'il les aflifteroit de ce qu'ils auroient de befoin , & leur donneroit permiffion d'aller à Bancan, pourueu qu'ils paffaflent par vn accord qu'illeur propofa , qu'cftansà Bantan ilstafcheroient d'auoir le plus de poi- vre qu'ils pourroient , moyennant vn prix limité, qui n'excedoit deux realles le fac, dont ils feroient obligez d'en diftribuer les deuxtiers aux Nauires Holandois & An- glois qui feroienten cette rade : ce que lefdits fieurs accorderent ; confiderans la mi- {ere en laquelle ils eftoient : & demeurerent d'accord qu'ils acheteroient quinze mil- le facs de poivre , dont en y auroit $000. facs pour eux, $000, facs pour les Anglois,& gooo. facs pour les Holandois. Pendant ce tempsarriua la patache que ic leur auois . enuoyée auec vingt hommes: Ils furentlors bien marris d'auoir figné cét accord; neantmoins confiderans qu'ils eftoient defia obligez, & qu'il n'y auoit moyen de s'en defdire , ils fe mirent en effe& d'accomplir leur promeffe, & furent à Bantan fur la fin de Ianuier, ou ilsfurent bien receus du Roy, qui neantmoins ne leur voulut per- mettre d'achepter du poivre, d'autres que de luy, & le vouloit vendre quatre tealles le fac. ٠ Pendant qu'ils eftoient fur ce marché, les Holandois contre leur promeffe, durant lefejour des noftresà Bantan, enuoyerent des barques efquipées en guerre par diuer- fes foisen larade , efcarmouchans & pourfuiuans] les Iauans iufquesà la portée du ca- non de leurs múrailles; puis retournoient fur le Nauire l Efperance; ce qui ne fefai- foit fans vne premedirée mefchanceté, à ce que ceux de Bantan voyans que le Naui- re Francois receuoit leurs mortels ennemis, ils maffacraffent ceux qui eftoient dans la ville enleur pouuoir : neantmoins ils n'en receurent pour cela plus 11121111415 tralte- ment duRoy de Bantan , encore qu'ils n’en euffent moins de crainte. Seulement le Pangarann ne voulut rien baiffer du prix par luy proposé; de forte qu'il sen aduerti- 88 VOYAGES DV GEN. BEAVLIEV rent les Holandois, & qu'ils donnaflent refponfe, s'ils en defiroient à ce prix ou non, dequoy ilsn'eurent aucune refolution : Quoy voyant ils delibererent d'acheter auprix courant , & charger le Nauire «pour s'en retourner en France : pendant que que l'on y trauailloit ils receurenclettres du Prefident des Holandois ; par lefquelles il mandoit qu'il ne defirox du poiure au prix qu'ils l'auoient achepté ; ils ne laiflerent pourtant de leur prefenter part de ce qu'ils auoient receu, ce qu'ils ne voulurent: routefois vn Nauire Anglois enreceut quelques cent cinquante 但 cs qu'il ne paya pas ; Le fieur Graué ne reccuantargent des Anglois ny des Holandois, & n'ayant allez d'argent pour accomplir la pronieffe de l'achapt de 15000. facs qu'il auoit fait auec le Pangaram de Bantan , delayoit ,ne fçachant a quoy fe refoudre; ioint qu'en : cctempsle ficur Telier premier commis vintà deceder : le Roy preffant qu'on اكلام‎ fon poiure qu'il auoit defia fait venir en la maifon du fieur Graué, le retira , voyant qu'on ne le paioit point; & qu'il n'y auoit gueres d'apparence qu'il en peüt porter beau- coup dauantage » que ce qu'ils auoient receu : Graué le pria pourtant de luy laif- fer 2000. facs, cequ'il ne voulut s'ilne prenoittoute la partie accordée : ainfi n'en pouuant avoir du Roy, ils eurencle rcttant de leur charge du fieur Limonné, commis pour meflieurs de la compagnie de S. Malo à Bantan, qui prit en payement la paras che l'Hermitage au prix de 1500. reales, auec quelques marchandifes & argent : ainfi du tout chargez ils fe mirent en effect de retourner à la patrie:mais 3. Nauires moüillez : proche d’eux leur firent commandemét d'aller à lacatra , ou eftans il leur fut fait autre commandement de décharger de leur Nauire les deux tiers du poivre , qu'ils auoient traitté à Bantan, à quoy le fieur Graué refpondit qu'il ne pouuoit , attendu que pat lettres qu'il leur montroit , ils auoient renoncé à l'accord, difans n'en vouloir au prix qu'il l'auoit acheté. Il n'eucautre refponfe que de luy faire deffenfe de partir de la ra- | de de lacatra , qu'il n'eut liurélesdeuxtiers de fon poivre, & à l'inftant firent moiil- ler 7. ou 8. de leurs Nauires à portée de piftolet du Nauire l'Efperance , & lors que le fieur Graué fut à terre ils l'arrefterent, luy difans qu'il ne retourneroit en fon Nauire; qu'ilsn'euffent ce qu'ils demandoient , & commencerent à le defcharger eux-mef- mes, fans que l'equipage du Nauire l'Efperancey mitla main: & fur ce qu'ils com- mandoientà ceux dudit efquipage d'agrandir les efcoutilles pour en tirer le poivre plusaifément, & qu'il leur fut refpondu que cela ne fe pouuoit faire fans démolir le tillac , & qu'ils pouuoient bien tirer le poivre par où il eftoit entré, ils repartirent qu'a- uant peu de temps elles feroient bien plus grandes. Comme le fieur Graué eftoità ter- re, il protelta de tous deipens, dommages & interefts contre les Holandois, tant de leur iniuftice, que de ce qui luy pourroit arriuer durant fon retardement , ou à l’occa- fion d'iceluy. | Quelque peu apres la nuit eftant fort obícure , on vit vn Parau qui venoit d’où cftoient moüillez les Nauires Holandois, qui approchant de l'arriere du Nauire y tarda quelque peu detemps, puis en eftant efloigné à vne portée de moufquer, vn de ceux de dedans cria en Malaye, que le feu deuoroit le Nauire; & en vn inftant quelques-vns qui eftoient dans la chambre fe fentans eftouffez de fumée, crierent au feu, incontinent on accourut,mais il eftoit defia fi aduácé, qu'il fur impoffible de l'em- pefcher de fe mettre dáslesartifices,defquelles n'y auoit moyen d'aborder;l'equipage desHolandois fe mettát parmy ceux de nótre equipage, fut occafion qu'ils fe jetterent dans le batteat abandonnans le Nauire.Les vaiffeaux des Holandois furent veus in- continent fous voile , ayans ja commence à deshaller du precedent, qui fit apparem- ment conoiftre l'effet de leur malice, veu que ces Nauires n'auoient voilles en ver- gue le iour , & vn grand Nauire Anglois nommé le Charles, qui fans doute n'eftoit aduerti de cette mente, fut tellement furpris, qu'il ne peût bouger route la nui& du lieu où il eftoit : Vne autre preuue parmy pluficurs autres qui confirme cette verité, cit qu'eftantrappotté au Prefident de Tacatra par vne fentinelle , qu'il y auoit vn Na- uire qui brufloit , il ne Pen leua ny bougea aucunement, difant qu'il fçauoit bien que c'eftoit le Nauire Francois: dauantage le fieur Graué enuoyant le lendemain matin : fix AVX INDES ORIENTALES. 89 fix Paraus pour fauuer quelque chofe du Nauire , les Holandois quieftoiencàl'entour les en empefcherent, difans que le tout leur appartenoit ; tellement qu'ils ont fauué tout le poivre & mis dans leurs magazins, comme auflitoute l'arullerie;mefme la cof {cou corps du Nauire qu'ils ont vendu au fon du tambour. Le fieur Graué ainfi def nué de Nauire demanda quelque fecours pour efquiper vnParau afin de me venir trouuerà Achen; ayant entendu query eftoisencore; ce qui luy fur dilayé: neant- moins onl'enuoya auec τς. ou 16. hommes dont le Capitaine du Buc q eftoicl'vn:& luy huictoudixiours apres s'embarqua auec quelques-vns des fiens dans la patache de monfieur de Limonney pour s'en venir à Achen : Le Patau y eltoit arriué dés la fin d'Aouft , quifutarrefté parle Roy d'Achen auec tout ce qu'ils auoient : La patache n'y eftoirarriuée que depuis 4.4 5. iours, dans laquelle le ficur Graué ayant gagné vne dangcicufe maladie, voyant que ic n'cftois point à Achen, n'y auoit voulu demeurer dauantage : & ayant trouué la commodité de ce navire Anglois, Py cftoitembarqué pour chercher paffage en Iacatra. Comme i'entendois ces mauuaifes nouuelles ledit ficur tut apporté ceans extremement malade : iele fis mettre dans ma chambre ayant vne grofle fievre ; neantmoinsil me ratifia à peu prés & en fort bons termes le contc- nu de ce que deffus le Patron Beruile & le Pilote Telier de Dieppe y eftans prefens auec quelques autres. Le Vendredy 5. Nouembre ray fait leuer Pancre, pour aller à la rade d'Achen;& la releuée nous auons apperceu deux Nauires, l’vn Holandois & l'autre Anglois , & le mefme qui auoit apporté monfieur Graué : le lendemain ces Nauires ont moüil- lé l'ancre allez vers l’eau de larade : & pour moy i'ay fait tomber Pancre entre cinq Nauires Mores qui eftoient en cette rade, affin que file Roy faitoit difficulté de ren- dre mes gens d'amitié, ie luy pculles faire faire par force : Nous n'y auons guieres efté , que les chappes du Roy ontefté à bord des Nauires, & entr-autres au mien: 1 Enucque me dit que le Roy me mandoit, que ie fuffes le bien-venu, ἃς qu'il mc prioit de defcendreà terre : Ic dis là deffus que c'eftoit chofe que 1e ne pouuois faire pour ne m'y pouuoir confier , veu qu'il auoit arreflé mes gens comme des voleurs, & prisle peu qu'ils ancient fauué d’vn miferable Nauire bruflé : que le Roy au lieu de les confoler les auoit affligez ; que c'eftoit bien mal reconnoiftrele feruice que les Fran- çois luy auoient par cy-deuant voiié, & moy particulicrement plusque les autres; que luy ayant apporté lettres & prefens de la part du Roy de France, ἃς m'ayant fait porteur de larefponfe, c'euft efté la chofe oui'euffesle moins penfé qu'il eut mal traic- té mes gens de la facon. Ils me direntalorstous d'vne voix;que le Roy auoit efté ttompéen cela; ὃς auoit efté tres-marry de lesauoir pris comme voleurs ; mais qu'il auoit creule rapport qu'on luy auoit fait que c'eftoit des Portugais fes ennemis, qui auoient fait rauage le long de fes coftes ; mais qu'il nelestintlong-temps en cette qualité; & les ayant reconnus cftre à moy ; leurauoitincontinent donné liberté & fait rendre leur argent : il eft vray il ne les auoit voulu laiffer aller auec les Holandois & Anglois, difant que c'e- ftoient mefchantes gens,qui anoientenuie de ruinertouslesFrangois qui viendroient par deca, & que fils fe mettoient dans leurs Nauires , qu'infailliblement ils les jette- | roient dans la Mer : Qu'ayant fait amitié auec le Roy de France, il craignoit qu'il ne fut marry qu'il eut remisfes fujets entre les mains de leurs mortelsennemis; & que fon intention eftoit que le premier Nauire François arriuant en festerres, il les re- mettroit entre lesmainsdu Capitaine, Ie repliquay que les Francois cftoient bien aifez ἃ difcerner d'auec les Portugais, & que les Holandois & Anglois les connoifloient bien, fi 'auanture le Roy ne les con- noiffoit : que i'eftoisbien aduerty que le Roy leur auoit fait rendre quelquesrealles, mais non pas la valeur de 2500.realles en mufc, pierreries ;bezoard, corail & autres chofes : Ilsme dirent quele Roy payeroit biencela. Ie disque ie ne me ficrois pour- tant àluy;qu'il ne me renuoyafttous mes gens: Ils s'offrirent alors de demeurer tous dansle Nauire pour ma feureté. Ie dis que ie netraittoisauecle Roy comme auec vu Seconde Partic. $M go | VOYAGE DV GEN. BEAVLIEV ennemy , n'en ayant aucune commiflion du Roy de France : que lors quc tous 1°° miens leroientá bord, r'iroisreceuoir fes commandemens , & qu'il ne faloit efperer que i y allaffes autrement : ils me dirent qu'ils feroient rapport de cela au Roy , & me demanderent le droit de leur chappe : ieles en refufay , difant que ie ne venoistrafi, quer en ce lieu , & qu'ils ne s'attendiffent que ie payaffes quatre cens reallesd'ancrea- ge pour le Roy , ὃς deux cens pour ceux de l'Alfandegue: comme i'auois entendu qu'il auoit ordonné , que les Nauires payaffent lors qu'ils viendroient en la rade, ὃς cela depuis mon partement ; ainfi ilss'en allerent,& monfieur de Lymmoney, le fieur André lofler Commis pour mefficurs de la Compagnie de S. Malo , à qui monficur Graué auoit vendu la patache , me vint voir, & me ratifia tout ce quele fieur Gra- ué, du Parc, & autres de l'equipage du Nauire l'Efperance m'auoient rapporté des mefchancetez & outrages que les Holandois leur auoient fait. Le Samedy 6.de Nouembre auantle iour , les Nauires Anglois ὃς Holandois ont appareillé pour ne payer la chappe, ce qu'ils n'ont veritablement fait; mais leurs commis aterre l'ont payée pour eux ; quelque tempsapres la chappe eft reuenué;auec mes gens , ainfifüiuant ma promefle Pay defcenduà terre auec le fieur de Limon- ney ; & comme il eftoit tard, nousn'auons parlé àl'Orancaye qui nous auoit at- tendu quelque temps àl Alfandegue. : : Le lundy 8.font arriuez dix grands Paraus de T icou chargez de poivre pour le Roy, lequel n'a baifsé pour cela,au contraire l'aremonté , & vaut à prefent 4o. realles par la ville, & le Roy adeffendu derechef aux Anglois & Holandois a'acheter que par fes mains,& impofé encore quelques fubfides,de façon qu'il empire iournellement par- decá. , Le Mardy 9. deux heures auant lejour eftdecedé monfieur Graué Capitaine du Nauire PEfperance , il eftoit atteint d’vne vehemente fievre cauféc de fafcherie , & a cfte enterré à Achen. Ce ¡our mefme font arriuez deux Nauires de Manfulipatan , l'vn defquels eftoit celuy de Peribey , dans lequel i'auois enuoyé Francifco Carnero qui cft aufli retourne. Lc Roy m'a enuoyé demander par diuerfesfois, y allay le 24. à grand peine parce que Peftois tombé malade. Il me fit de grandes complaintes de ce que ie ne Pe- ftois venu voir pluftoft : ie m'excufay fur mon indifpofition , joint que r'auois entendu qu'il eftoit fafché contre moy; ce qu'il auoit fait paroiftre, quand ils auoient retenu ὃς deualizé mes gens : il me dit qu'il n'auoit point efté fafché contre moy, & queles Ho- landois & Anglois auoient fait courir des bruits qu'il ne faloit pas croire , & que ces Nationsdefiroient eftre feules par-decà;& nous en chaffer par quelque moyen que ce fut; que pour le fait de mes gens c'eftojent perfonnes qu'on luy auoit rapporté eftre voleurs & rodansle long defes coftes;mais qu'ayantíceu qu'ils eftoient à moy, il les auoit incontinent remis enliberté,& qu'il ne les auoit voulu-mettre entre les mains des Holandois & Anglois,fcachant que c'eftoient mesennemis,qui en cette confide- ration , les pourroientjetter enla Mer, & qu'il craignoit que le Roy de France ne trouuaft mauuais د‎ qu'il eut remis fes Sujets entreleurs mains, mefmes nelesauoit voululaiffer aller dansleur Parau, craignant qu'ils ne fe perdiffent; qu'il s’eftoit refo- lu deles garder iufquesà ce que quelque Nauire François fut arriué; & moy eftant venu le premier il s'eftonnoit comme ie ne m'eftois fié fur fa parolle dele venir aufli- tolt voir, & que ie n'auois voulu defcendre à terre » qu'ils ne fuffent premierement àbord de mon Nauire. Ie refpondis qu'ayantfgeu qu'ils auoient efté arreftez & traittez comme ennemis, cela m'auoit donné vn foupgon qu'on luy eut donné quelque faux aduis de moy, ce qui fut caufe que ie ne voulus venir la premiere fois; qu'au furplusie le remerciois de ce qu'il m'auoit renuoyé mes gens : il me dit lors qu'il leur auoit donné permiflion de me vifiter, maisnon d'y demeurer comme ils auoient fait , & que c'eftoient gens per dus & abandonnez , & ainfi cftans venus à fon port ilsluy appartenoient. Ic nefisréponfe à cela;craignanz qu'il ne me voulut faire quelque querelle d'Alle- AVX INDES ORIENTALES. gi man, fiic luy repartois comme la raifon & la verité le permettoit; & iugeay qu'il me tcnoit auíli ce difcours, afin que ie ne luy demandaffe ce qu'il leur auoit ofté : neant- -moinsie m'imaginois luy Joüer auant peu de temps vn tour, dequoy il ne fe douteroit point, & qu'il reffentiroit grandement; maistoute la difficulté eftoit que Limonney eftoit icy auec la patache que ic ne pouuois emmener , iceluy n'eftant de noftre com- pagnie. Come le Roy m'apperceut fongeant, il me dit que ie ne me fafchaffe point, & quà prefentil meles donnoit , encor que cela m'aflligeatft qu'il me vouloit obliger de ce qui ne luy appartenoit pas , ie diflimulay le remerciant; puis me tenant diuers difcours fur mon voyage, & fur les nouuclles du país d’où ie venois, il me donna con- 6, difant qu'il reconnoiffoit bien que i'auois efte fort malade , & que ie l'eftois enco- re dequoy il difoir eftre tres-marry , & m'ayant confeillé quelques medecines,que ie luy promis prendre, ie me retiray chez nous bien mal content, qu'il prenoit vn mau- uais chemin de rendre le peu de bien que lesnoftres auoient apporté ; qui fe montoit pourtant bien présde la valeur de deux mille rcalles: & ic m'imaginois qu'il eftoit bien aisé de donner fur lesdoigts de ce perfide; mais il faloit qu'il n'y eut point de Francois par-decà; ce qui fut caufe que ic follicitay le fieur de Limonné de fe retirer le plus promptement qu'il pourroit d’icy, luy remonftrant la mefchanceté de ce Roy, lequel apres m'auoir fait tant de proteftacions d’amitié auoit ainfi mal traitté ceux qui deuoient eftre fous fon obeiffance aufli affeurez qu'en France, & que fiic ne ful fesreuenu ; ilscftoient demeurez malheureufement efclaues; car il ne les luy eut ia- mais deliurez, fçachant le peu de forces qu'il auoit , & que i'aurois craint auffi qu'il ne luy eut jotié vn mauuais tour, fi ic ne fuflesarriuc. Il me ditalors qu'il en auoit quel- que doubte auant mon arriuée , mais qu'à prefent il n'y reconnoiffoit aucun dan- E > & quilauoit des marchandifes à vendre icy , dont il ne fe pouuoit ἢ toft def- aire. Apres qu'il m'eut fait cette réponfe τς prisrefolution d'effayer encores;fi ie pour- rois auoir permiflion d'aller à Ticou; puis que le peu qu'il mereftoit icy aemployer, ne fe pouucit faire fans grande perte,a Poccafion des toilles de cotton que i'auois ache- tez pour Queda,fur lefquelles y auroità perdre fcachant que neceffairemét il faudroit que ie m'en defiffe;& les marchands d'icy n'eftoient ignorans que i'en euffe dauanta- gc il n'y auoit aucun moyen d'acheter du poivre aPoccafió que le Roy auoit fait met- trc des gardes aux maifonsde ceux qui en auoient, & ne donnoit licence à aucun d'en acheter ; ainfi ie fustrouuer l'Orancaye Laxemane, auquel ic propofay mon defiein, luy faifant offre d'vn diamant filme procuroit cette licence. Il me dit quc cela fe pourroit faire , pourueu que ie fifle prefent de quelque beau diamant au Roy, qui pour lorsen eftoit grandement paflionné. Ie luy montray lors vn diamant brut pefant enuiron douze grains, dont ie deftinois faire prefent au Roy,& vnautre taillé en taille foible pefant enuiron cinq grains pour luy y il me dit qu'il les montreroit au Roy,mais qu'il doutoit fort que cela ne fut fuffifant pour obtenir cette permiffion , m'affeurant au furplus d'y faire fon poffible. Ces diamans auoient efté apportez par Francifco Carnero, que i'auois retiré de luy fur ce que ie luy auois déliuré pour faire fon voya- ge de France , Mais le lendemain l'Ofancaye me les renuoya , m'aduertiflant que le Roy en àuoit eu depuis peu des Anglois de plus grands, 2 fort bon compte, qui auoit efté occafion qu'il n'auoit fait aucune cftime des miens, mais que fi ie pouuois re- couurer quelque chofe de rare , que fans doubte r'obtiendrois ce que ie defirois : ce- la mc fit en faire recherche , & en achetay deux de Peribey و‎ nouueau venu de Man- fulipatan , Pvn pefant 18. grains foible taille en lozange , mais parfaitement beau & mis en œuure à fon auantage qui me couftas5o.realles,8 vn autre d'enuiron 9.grains taillé en pointe qui me coufta 120. realles pour donner à Laxemane. Les ayant en mon pouuoir lesluy monftray , qui me dit n'eftre encor certain que cela le contente- roit , toutefois que ie ne pouuois moins faire que de les prefenter moy-meíme , & qu'en fon particulier en feroit eftime au Roy,ainfi qu'à la premiere commodité ie có- mençafles moy-mefine à ouutir ce negoce,affin que ie ne creuffe qu'il y voulut preté- Seconde Partie SM ij ga VOY AGE DV GEN. BEAVLIE Y. dreaucun intercft particulier , & queiene diffe comme 121015 2 fait, qu'il me vouloit faire acheter terre permiflion bien cher. Cela me fit refoudre d'accompa- ner le fieur de Limoncy lors qu'il porteroit fon prefent au Roy, qui fe monte à la va- leur de ὅσο. rcalles: aprespluficurs difcours en prefence du fieur de Limoncy,fis ma rcquelte , à ce qu'il me voulut donner permiffion d'acheter 300. bahars de poivre à Ticou : le Roy me fit refponíe à l'accouftumée qu'il auoit là beaucoup de marchandi- fes, & que ie luy ferois tort à la vente d'icelles, enfin me remit dans 4. ou 5. ioursà me donner refolution là deffus; cependant ie remarquay que l'Orancaye ne my aida gueres, & qu'il n'exaltale prefent que ie luy pretendois faire , comme il m'auoit pro- mis , nyremarquay que le Roy en eut oily parler, ce qui fut caufe que ie neles mon ftray pour lors, m'imaginant vn autre moyen , affauoir d'employer encore l'orfe- vre Quilin qui parloitbien plus affeurément que POrancaye, $ faifoit entendre au Roy pon&ucllement mon deffein : parquoy le lendemain le priay de dire au Roy que i'auois quelques pierreries à luy faire voir,fans luy dire que ce fut pour ven: dre ny donner,& que f'iltrouuoità propos , il luy pouuoit dire qu'illuy fembloit que moyennant icelles i'efperois auoir licence d'aller à Ticou. Ie fis cela, m'affeurant que dés que le Roy fçauroit que i'aurois des diamans il les voudtoit voir, & qu'alors ie luy fcrois vne nouuelle requefte , qui affaifonnéc d'icelles pierres pourroit eftre à fon gouft. Etle 29.de ce moisle Roy ne manqua de me mander fur le foir, n’y ayant lors auec - luy que quelques orfevres, & le Quilin qui me feruoit d'Interprette. Le Roy me demanda auffi-toft à voir vn diamant qu'il auoit entendu que i'auois. Ieluy monftray le grand qu'il contempla fort, & me demanda le prix que ie luy voulois vendre.Ie luy disque ic luy en faifois vn prefent, pourueu qu'il luy pleüt me permettre de fejourner quelque temps à Ticou pour acheter enuiron 300.bahars de poivre : Il me dit que ἢ lcs Holandoisluy offroient trente mille realles pourtraitter en ce lieu qu'ilne lesac- - cepteroit pas, toutefois qu'il m'accordoit d'y fejourner 20. jours , moyennant que ie luy donnaffe encore vn diamant pareil a celuy-là. Ie luy dis que ie n'en auois point, n'y en pourrois non plus recouurer : Il me dit que ren cherchaffes; ie l'affeuray auoir fait recherche de ce que rauois peû trouuer de plus beau pour luy prefenter : Il me demanda de voir celuy que i'auois fait voir àl'Orancaye. le luy mis entre les mains, puis me fit jurer fi ie n'en auoisplus, & fiie ne fçauois perfonne qui en eut vn pareil au grand que ie luy auois prefenté, ie l'affeuray que non. Il me dit que ie luy donne- rois donc vne piece de canon, ce qu'il accompagna d'vnlong difcours pour my fai- re condefcendre. Iel'en refufay pourtant, luy repartant fort refpectueufement fur plufieurs faueurs qu'il difoit m'auoir faites. Il me dit lors que ie luy pouuois bien ac- corder cette piece, veu que le Roy de France m'enauoit fait deliurer quatre pour luy prefenter. Ieluy dis que ceux qui luy auoient fait ce rapport eftoient d'effrontez menteurs & grandsignorans, lefquels ie luy füppliois n'eritendre point à mon preiu- dice, & que ie nc fuis fi mal-aduifé de retenir aucune chofe de ce que le Roy de Fran- ce luy auroit non feulement enuoyé, maisà quique ce fut;& que ce feroit eftre enne- my de ma vie , que de retenir des prefens que le Roy de France deftineroit de faire; lequel en eftant aduerti , ne manqueroit à me faire punir rigoureufement : Que pour luy faire paroiftre l'ignorance & menfonge de mesaccufateurs,ie luy prouuerois que le Roy de France n’a aucunes pieces de fer,& que tout fon canon eft de bronze;qu'au fürplus fil luy plaifoit faire comparoiftre mes accufateurs en fa prefence,qu'il verroit que ic leur ferois aduoüer leur menfonge : Ie luy dis cela de propos deliberé,efperant qu'il deút faire venir ce renegar de fainte Agathe qui cft de prefent icy, ayant efté bien aduerti au precedent qu'il auoit auancé cette menterie , ce miferable faifant du pis qu'il pouuoità ceux de fa nation , feftant fait More hui& ou dix iours apres qu'il m'eut quitté à Ticou, n'ayant ofé venir en ce lieu durant que iy eftois, & fcachant que i'en eftoisparty y eftoit venu , & marié auec vne cuifiniere du Roy,quiluy a don- né quelque petite portion de terre pour femer du ris, qui n'eft fuffifante le nourrir vn AVX INDES ORIENTALES. 93 mois de l'année. Le Roy me dit qu'il croyoit ce gueie difois, m'ayantreconnu ve: ritable en beaucoup d'autres chofes , mais que cela n'empefcheroit point qu'il n'eut vne de mes pieces de canon, & qu'il en auoit de routes lesnations qui eftoient venués en Achen, horfmis des François , & que ie ne l'en deuois retufer: le le {up- pliay ne m'en defournir, veu que i'auois beaucoup d'ennemis, & que ie fçauoisqu'il y anoi quelques Nauires proche de Ticou. ll me repartit que ie n'euffes aucun doute des Holandois eftantà Ticou, & que s'ils me faifoient quelque tort, ils auoient icy leur fa&urie qui valoit bien la charge de mon Nauire. Voyant qu'ileftoit fermé fur cette demande, & qu'il retomboit turle doubte queles quatre pieces de canon luy appartenoient; luy accorday afin de ne rompre ce qui eftoit defia fi bien encommen- ce: ainfi il appella POrancaye Laxeman auquel il compta ce qui s'cftoit paffé pour le fait dudit Ticou, & les conditions , à ce qu'il en fir la depefche , qu'il m'affeura de- liurer en bref : apres cela le Roy me fit plufieurs demandes touchant les affaires du fieur Limonney , s'informant bien particulierement de fes forces, de la valeur de ce qui cftoir dans fon Nauire ; puis me confeilla de l'emmener quand & moy-en France, & que ic ne laiffaffe auec vn fi petit vaiflcana l'abandon de tant d'ennemis, comme eftoient les Portugais, les Anglois & Holandois ; mefmes que les Mores pourroient attenter fur luy ; & qu'il n'y auoit fi petit Roytelecdansles Indes, quine le furprint auec 80. ou 100. hommes; enfin que c'eftoit vne homme perdu, s'il ne fe retiroit auec moy : que Paffeétion qu'il portoit aux François luy faifoit me conftiller cela, m'admoneftant , comme fon frere , & encore qu'il fceut bien que ledit fieur ne fuft fous mon obeyffance , neantmoins que en deuoisauoirautant de foin comme des miens propres, puisqu'il eftoit François : que i'auois fait paroiftre l'affe&tion que Jes Chreftiens ne demeuraffent captifs fousle pouudir des Mahometans, ayant ra- chepte plufieurs Portugais qui ne m'eftoient non feulement amis, mais pluftoften- nemis ; qu'à plus forte raifon ie deuois procurer que tel accident ne furuint aux fujers de mon Roy qui eftoient mes éompatriotes , & outre cela de ma connoiffance : Apres Pauoir remercié del'honneur qu'il mc faifoit de m'admonefter dela forte , & de l'afe- &ion qu'il difoit porter aux Francois, & loiié grandement fon confeil , que i'approu- uoistres-neceffaire au ficur de Limonney ie priscongé, fur ce que la nuiét eftoit fort aduancée , & le lendemain fustreuuer ledit fieur de Limonney, auquel ie contay tout ce difcours. Le 5. de Decembre ayant cnuoyé pluficurs fois chez l'Orancaye pour auoir ma dé- pefche, & voyant que rien ne comparoiffoit,i'y fus moy-meÍme, qui m'ayant apporté pluficursexcufes, & me remettantencore dans huict ou dix iours, ie fus m'en plaindre au Roy,qui me dit que ie donnafle vn diamant à l'Orancaye ; comme fil auoit efté ac- cordé du commencement. le reparty qu'à la verité 'auois promis deux diamans que je luy auois aufli déliurez , & dauantage vne piece de canon. Il malla lors ramente- uoirle don que le Roy de France luy en auoit fait encore de trois autres, que cela n'e- ftoit beau ny honefte , que ie faifois des conditions auec luy moyennant ce qui m'a- uoitefte deliure pour luy deliurer, qu'il ne me fcauoit beaucoup de gré de ceque ie luy auois cy-deuant prefenté , veu que rien ne venoit de ma part ; & que fans la con- fideration du Roy de France quiluy auoit enuoyé vn baju de fer & autres armes dequoy il faifoit beaucoup d'cftat , 11 ne m'auroit rendu mes gens qui luy apparre- noient, veu qu'abandonnez ils s'eftoient fauuez aux terres de fon obeyffance , qu'au fiurplus ie parlaffe audit Laxemane pour ma depefche , & qu'auffi-tolt qu'elle feroit prefte illa feroit fceller. Ie fus donc chez l'Orancaye bien picqué, auquelie fisen- tendre me repentir de l'auoir employé & prié pour cette affaire qu'il m'auoittrainée en longueur , comme toutes lesautres que i'auois eu par deuantluy , & que le Roy m'auoit affeuré que s'il auoit dreffé ma depefche , il l'expediroit incontinent : il me dit lors que ie ne luy difoistout,& qu'il fçauoit bien quele Roy m'auoit tenu d'autres dif cours; que pour luy il eftoithontcux de me voir venir fi fouuent chez luy pour eftre depefché , qu'il n'y auoit nul pouuoir , comme par cy-deuant il m'auoit fuffifamment SecondePartie. $ M ij 94 VOYAGE DV GEN. BEAVLIEV aduertisque le Roy ne confioit fes lettres ny depefches à aucun; qu'il auoit fes efcri- uains dans le Chafteau , qu'il leur diétoit luy-mefme ce qu'il auoit enuie d'efcrire; qu'en fon particulier ilne pretendoit nul intereft de moy touchant l'o&troy du trafic de Ticou , veu qu'il ne m'y pouuoit aider; que le diamant que le Roy m'auoit ordon- néluy deliurer feroit incontinentremisenfesmains, & en ma prefence, fi y vou- lois prendre garde ; enfin il me confeilloit, puis que ie defirois fortir promptementd'i- ري‎ de chercher quelque moyenne pierre qui acheueroit indubitablement l'affaire: que le Roy auoit efté bien aduerti que ic luy retenois quelque canon, dequoy il ne faifoit beaucoup d'cftat pour en auoir allez d’autres, & que fi 'enauoisaffaire il m'en affifteroit; que ven vendiffe pluftoft vne piece pour auoir vn diamant, & queic fiffe. eftat de luy auoir donnée ; ie me misen deuoir de luy ofter cette opinion touchantle: canon, l’affeurant que ie n'en vendroisà quelque prix, ny en donnerois encor moins, enayantde befoin ; neantmoins confiderant que ie n'aduancerois rien & que ie per- drois le temps qui me prefloit, outre la defpence que ic faifois; ie luy donnay vn des diamants que le Portugais auoit apporté pezant enuiron fix grains, le priant de por» ter quelques paroles au Roy touchant ce qu'il auoit retenu de mes gens, qui me pref- foient عل‎ luy faire rendre : que ce feroit vne honte pourle Roy d'Achen, quand on entendroit qu'il auroit retenu le peu de bien de ces malheureux qui l'auoient fauué d’vntrifte embrazement; qu'ils n'auoient aucuns moyens d'achepter quelques eftof- fes & vi&uaillespour vn fi long voyage, qu'eftoit le retour en France, auquel lieu ils donneroient vnetres-mauuaife reputation au Roy, laquelle ie ne poutrois em- pefcher de paruenir aux oreilles de la Majefté de France, qui ne l'auroit en telle e- ftime que du precedent: il me dic qu'illuy en parleroit , mais que ce feroit vne affai- re quitraineroit bien en longueur,& qu'il ne maffeuroit qu'elle reüffiroità mon con- tentement. Le 8. de Decembre n'entendant parler dauantage de ma depefche pout Ticou, ie voulus donner occafion à l'Orancaye de parler, & fur cela demander mon congé & ma lettre : ie fis donc pour ce fujet mettre à florle Parau dans lequel eftoit venule Ca- pitaine du Buc, il n'y fut pas pluftoft que l'Orancaye m'enuoya deffendre de Penle- uer. Iele fustrouuer al'Alfandegue, & luy demanday l'occafion pourquoy il me def. feñdoit d'enleuer vnc chofe qui m'appartenoit , mes gensl'ayans acheté à Iacatra; il me dit qu'il faloit le demander au Roy; àcela ie luy reparts qu'il le demanda donc, puis qu'aucun des Interpretes n'en vouloit ouurir la bouche, & que lors que ren par- lois ils demeuroient muets comme poiffons ;il me promift qu'il en parleroit, & que le lendemain ie fuffe voir le Roy, ce que ic fis : il eftoit lors fort en colere ou bien le faifoit paroiftre ; il auoit fait eftropier deux de fes principaux Enucques, ainfi mon - Interprete n'oza parler duParau , encor moinsde ce que le Roy retenoit de mes gens,neantmoins ie luy fis demander ma lettre,qu'il me remift encor au lendemain, m'aduertiffant que ic laiffaffes Houppeuile auec le fieur de Limonnay , autrement que cette lettre n'auroit aucun effet, à Poccafion qu'il auoit encore quelques ouura- ges à faire acheuer : ie luy dis que ie n’eftois certain fi Houppeuille voudroit demeu- rerauecle ficurde Limonnay;toutefois que fil en auoitla volonté, ie ne l'empefche- roispas. Etlc lendemain eftant retourné au chafteau il m'a deliuré la lertre , qui chan- te qu'il me donne liberté detrafiquer à Ticou Pelpace de vingt iours , enioignant au Roy 8 au Pangoulou Lima ou Gouuerneur duditlieu de m'affifter en cette Traitte ,à cc que ie puiffe en brefemployer mon argent & marchandifes en poivre , dequoy ils me feront payer les droits accouftumez, ne me permettant cette traitte plusauant quele terme expiré & à moy accordé : il m'affeura derechef que fi 'emmenois Houp- pcuille orfevre, qu'elle me feroit inutile : ieluy fis refponfe que ie ne pouuois forcer: lesFrangois de demeurer contre leurvolonté par deca: il me dit que ie ne les y laif- feroispas, mais auec le fieur de Limonney ; & comme ils n'auoient laifsé entrer mon Interprette, iene repartis dauantage là deffus ; & m'adreffant au Sabandar qui m'a-. roit fait entendre ce que deffus, ie luy dis que mes gens m'importunoient de deman-. AVX INDES ORIENTALES. 9s der au Roy ce qu'illeur retenoit ; que ie le fuppliois de me declarer fa volonté là def- fus: le Sabandar me reparti que ie ne parlafles pas de cela, & que ce qui eftoit pafsé ne fut ramenteu : le luy dis qu'il fit entendre ce queie difoisau Roy, qu'ayant fceufa volonté ie ferois content. Le Sabandar me changeantde difcours, & mc demandant quelques droits qui luy eftoient deubs & à ceux de l'Alfandegue pour quelques mar- chandifes que iauois acheptées pour reuendre à Ticou , & luy ayant reparti que ie neluy debuoisrien ; fur cela conteftans affezhaut , le Roy voulant fçauoir ce que c'eftoit ; le Sabandar parla affez long-temps en langage d'A chen ; puisle Roy me dit qu'il conuenoit payer fon Alfandegue : ie luy dis que ic pay eroiscomme les Holan- dois & Anglois , & fur cela pris congé ; voyant bien queje n'eftois en train d'auoir raifon de cela, qu'au contraire ils me fufcitoient toufiours quelque nouucl embarras pour m'empefcher de demander ce qui auoiteflé ofté aux noftres. Ler2. ayant efté fait conuenir deuant l'Orancayc Laxeman en l'Alfandegue fur It payement des droits de quelques marchandifes enleuces d'Achen que ie ne preten- dois payer, puis que c'eftoit pour reuendre aux terres mefmes du Roy d'Achen :i'ay efté condamné de lespayer par Laxeman , lequel m'a aufli demandé 40. realles qu'il auoit preftées au Capitaine du Bucq & autres en leur extréme neceflité ; à quoy ic rcfpondis cftre tout preft deles payer, pourueu que le Roy me fit facisfaétion dela valeur de 3000.realles qu'ilauoit prins d'eux, fans comprendre le Parau; il me dit que ce qu'il demandoit n'auoitrien de commun auec le Roy, & que file Roy auoit quelque chofeà eux que ie luy demandafle : ie dis que ie ne demandois autre chofe , mais qu'il m'en donnaft le moyen : Il me demanda fi ie voulois encore tarder cette nui& , & que nousirions enfemble , ce que ie luy accorday ; & le lendemain ie le fus trouucr de bon matin chez luy , & de-là fus au chafteau, ou attendant affez long- temps, l'Orancaye m'enuoya dire que c'eftoit peine perdué de demander cela au Roy pour eftre chofe qui luy appartenoit , cftant le bien de perfonnes quis'eftoient fauuez enfa cofte, & qu'il m'uoit fait grande faucur de m'auoir redonné les hommes qui luy appartenojent auffi , que ie ne pretendiffes autre chofe;que fi i'auois enuie de parler à luy que ie pouuois entrer , mais de me mettre fur cette demande , ce feroit peine perdué; comme i'entendis cela, ie meretiray enla maifon du fieur Limonney , & la releuée à bord emmenant tous ceux de mon cíquipageauec moy. Le 16. de Decembre nous auons leué les ancres & appareillé de cette rade ; auons eu dela peine à doubler cette pointe d'Achen;mais l'ayant 2116م‎ nousauons eu affez beau temps, qui nousa conduit aucc diuers vents enla rade de Ticou le dernier ¡our de cette année, auquel lieu nous fommes ancrez à deux amares entre Pífer & la *. ville. Le premier iour de cette année mil fix cent vingt & deux Pay defcendu à terre & montré la lettre du Roy d Achen qui aefte receue de ceux de l’Ifle auec grand hon- neur; & Pont leué publiquement : elle portoit qu'ils ne me donnaffent feiour en trait- te que quinze iours, lefquels paffez ils ne me permiffent aucuntraffic : ils s’eftonne- rent de fi peudefeiour,& me dirent qu'il eftoit bien difficile de pouuoir rien faire en fi peu de temps, à Poccafion qu'il y auoit peu de poiure par la ville : mais que dans vn mois il y en auroit de nouueau : e leur dis qu'il ne m'en eftoit befoin que de 300. bahars & que le Roy m'auoit affeuré qu'en quatre ou cinq iours ie lesaurois, ce qui ne m'auoit fait requerir d'auoir la licence pour beaucoup de temps; qu'il me l'auoit o&troyéc pourtant pour vingt iovrs ; encore qu'il n'y en eut fairmettre que quinze, de quoy i'eftoiseftonné; que r'eftois pourtant bien affeuré qu'il ne fe foucioit beau- coup que y tardaffes dauantage, & qu'il auoir fait cela à l'occafion des Anglois δέ Holandoisqui luy demandoientla mefine permiflion, laquelle il leur vouloir vendre bien cher : ainfi il fut refolu que le temps ne commenceroità courir que du iour que ic ferois prix de mes marchandifes,ce qui n'a pú eftre pluftoft fait que le quatorziéme de ce mois, tant à l'occafion de hui& iours entiers qu'il a faittrés mauuaiscemps, que pour n'en pouuoir bien tomber d'accord ; lequel en fin a eft conclud, le poiure me 96 VOYAGES DV GEN. BEAVLIEV reuenant à enuiron 25. realles, comptant les frais qu'il m'a conuenu faire à Achen pour auoir la permiflion & autres prefenspar-deçà; & le 27. ay acheué ma Traite quia confifté en 400. bahars de poivre enuiron , ainfi ع1‎ me füis preparé pour le re- tour.Le dernier de ce mois عل‎ Ianuier nous eftions tout prefts de faire voile,& ila paf- sé par icy vn Nauire Anglois; le Capitaine nommé Maiftre Man que r'auois veu à Achen , me dit auoir entendu que les Holandois s'apprefto ient de donnervn affaut à la ville de Bantan. Le mardy 1. iour de Feurier nous auons appareillé de cette rade de Ticou au point du jour , pour retourner enla Patrie و‎ ayant 75. perfonnes dans ce Nauire tous en fanté, & viétuailles pourlesnourrir neuf mois; prians Dieu nous faire la grace de retour- ner aucc la mefine fanté, afán de pouuoir rapporter quelques reftes de ce malheureux voyage.Ayant obmis de mettre par memoire ce que 'ay remarqué durant mon fejour en cetcelTfle,fpecialement touchant les forces;richeffes ὃς gouuernement duRoy d'A- chen , auant que de perdre la veué de cette te rre;i'en toucheray icy quelques particu- laritez. DE:SCRIPITON DENVIS LE DE SVMUN RE Lie de Sumatra cft plus grande que l'Angleterre & l'Efcoffe jointes enfemble; clle s'cftend depuis la pointe d'Achen qui eft parles cinq degrez & demy Nord , iuf ques au deftroir de Sunda parles cinq degrez & demy Sud qui font vnze degrez:l’Ifle. gifant Sueft & Norocft fcroit enuiron trois cent licués Françoifes qu'elle auroit de longueur : elle eft quelque peu pluslarge du cofté du Sud que du Nord; & peut auoir l’vn portant l’autre feprante lieués de large : dans le pays il y a des montagnes tres- hautes & proche de la Mer pour la plus grande partie , elle eft baffe;là où ne manque de beaux pafturages & bonne terre pour femer le ris & porter tous autres frui&s que les Indes produifent ; elle eft arrouzce de plufieursbelles riuieres; quelques vnes bierf grandes, comme celles de Cinquel,Barros, Daya, Achen,Pedir, Iambi, Andripoura, outre pluficurs moyennes & petites, & vne infinicé de ruifleaux; ce qui rend la terre humide, & en quelques licux marefcageufe, & couuerte de grandsarbres qui ne per- dent iamais leur verdure, outre qu'elle cft fort fujerte aux pluies د‎ l'Equinoxial la couppant droit par le milieu; l'air y eft mal fain pour leseftrangers, principalement aux endroits qui font proches de la ligne, comme T'icou, Paffeman; & autres circon- uoifins : Les habitansd'Achen mefine apprehendent d'y demeurer, fpecialement du- rantle fort des pluies,qui commencent au mois de Iuin;& acheuent en Octobre ; pen- . dant lequel temps les vents d'Oeft regnent en cette cofte, qui Py rompent auec de grandstourbillons , pluies , tempeftes , & calmes, qui viennent tout à coup, pendant le (quelsPair n'eftant agité , &la terreeftant abreuuée des pluies iournalieres, le So- leil dardant fes rayons fur icelle perpendiculairement, attire des vapeurs tres-puan- tes, qui refpirées par ceux qui n'y font pasaccouftumez , leur caufent des fiévres pefti- lenticles, quilesemportent en deux outroisiours ; ou bien laiffent des enfleures com- me hydropifies, lefquelles font bien difficiles à déraciner, & qui caufent de grandes douleurs. La ville d'A chen eftant fituée en lapointe du Nord, eft en meilleure temperature; fon affiette eftfur vne riuiere groffe comme la Somme en Picardie, efloignée du ri- uage de la Mer enuiron demie licué و‎ au milieu d'vne grande valée ; qui a bien fix lieuésde large;la terre y efttres-bonne , capable de produiretoutesfortes de grains & fruictages; ils n'y ferment que duris و‎ quieft leur principale nourriture auecles co- cos dont il y a vn grand nombre, non feulemenr aux enuirons d'Achen, mais par toute l’Ifle selle abonde en arbres fruiétiers, qui enleursfaifons en rapportent de toutes les fortes qui naiffent aux Indes, & n’y a moisde l'année qu'il n’yen ait quel- ques-vns en maturité ,outrelesbananes ou platanes ; quine manquent iamais. Ils ne fement point de legumes & peu d'herbes potageres ; il y a de tres-beaux pafturages ou fe nourrit quantité de Buffles, qui leur feruent àlabourerlatetre; trainer & cha- rier AVX INDES ORIENTALES. 97 rier;jnombre de bœufs & decabrites & beaucoup de chevaux , mais de petite taille; les moutons ny profitent point, les poulles & canards n'y manquent pas ; les Payfans en nouriflent grand nombre pour vendre les œufs ; il sy void quelques gibiers & beaucoup de chafle, veu que dans les campagnes & pafturages, mel- me dans les hayes des maifons , il y avn nombre infiny de Sangliers; qui ne font fi grands ny fi furieux qu'en Fra ncesmaisles Cerfs furpaflentles noftres, com- me aufh le Dain : I] y a quelques licyres mais ils y font ra: es, comme auffi les Che- vicüils; dans les bois & au pied des montagnes fe void besucoup d’Elephants fau- vages, & fur les montagnes & colinc$ نو‎ 1 nefont habitées, nombre de Tigres ; quelques Adybades,ou Kinoceros , Buflics Sauvages, Port Elpys; Civetes , Chats fauvages Singes, Monnaux, Couleuvres , gros Lezards, & dans quelques riuie- rcs le Crocodrille ; en cel'ed?Achen il y en a quelques vns & cit affez poifonneufe; mais la Mer left grandement, & feroient bonne peíche s'ils en prenoient la peine: neantmoins 51 ne fait mauuaistemps on n'en manque guiercs;ainfi en eft-il pour la plus part de PIfle,de laquelle le Roy d^Achen poffede la moitié & qui eft la meil- leure. Depuis Achenallant le long de la cofte du Leuant fetrouue Pedir, qui eft à12.licués d’Achen, &aufli grande & peuplée : puis Pacem & Deli. Du coftc du Ocft ou Ponant,a 12.lieuës d'Achen eft Daya quieft encore vne bonne ville:Labo: Cinquel, Barros, Bataham, Paffamam, Ticou, Priamam, & Padang , conquile de- puis peu. L'autre moitié cft poffedée de cinqou fix Roys , lefquelstous enfemble ne font à beaucoup prez fi puiffants que celuy d'Achen, encore qu'ils poffedent de . bonnes terres. Du Leuant proche de l'Equinoxial eft vn. Roytelet d’yne place nommée Andrigri ; plus auant cft celuy de lamby le plus riche de tous; puis celuy de P.lim- bam. Du cofté du Ponant apres Padang fuit le Royaume de Manimcabo; puis celuy d'Andripoura :le τεῆς de la cofte iufques au deftroit de Sonda cft inhabite; pour eftre tout couuert de bois & peu de plat pays.La cofte quieft dans le deftroir; ou partie d'icelle cft fous l'obeyffance du Roy de Bantan. Voyla tout le circuit de FIfle de Summatra, qui cft par tous ces lieux raifonnablement peuplee,ces ناعم‎ les font Malais;tellement que parlant celangage,on elt entendu عل‎ grands& de petits: Mais le dedans de lle eft habité des naturels, qui ont leur langage ties-differét du Malais;Ils font fousl'obeyffance de plufieurs Roys,fpecialemét du cofte d*Achen; lefquels d'ordinaire fe font la guerre les vnsaux autres ; il y ena pourtant vn refi- det entre Ticou & Manimcabo,qui cft plus puiffant que tous lesautres enfemble, & qui poffede de grandes richeffes , ayant en fon pouuoir la plus grande partie des lieux où fe rencontre l'or de cette Ifle , qui eften grand nombre; que s'ils auoient Pinuention de faire des mines, fans doute 1151© trouueroient bi: n riches; car ce qu’ils recueillent n'eft que par les rauines des pluyes & quelques petites fofles, qu'ils creufent aux lieux ou fe defchargét les aualaffes,afin de l'atrefter en vn lieu, ils le &aittent auec ceux de Manimcabo , qui leur font plus familiers , pour duris; armes,& toilles de coton,cóme auffi auec ceux de Priamam pour du poivre, du fel; de l'acierde Manfulipatan, & toilles deSuratte:ils ont peu de familiarité auec ceux de Ticou , non plius qu'auecles autres; peu de defcentes en la mer & ne nauigent point:coutefoisentre Batahà & Paffamam ils habitent ce riuage, & lesay entendus en cet endroit faifans grád bruit;mais ie n'en ay veuaucun:ils ne traittent point a- uec leseftrangers , & s'ils les peuuent attraper à leur aduantage, ilsles maffacrent, puis les mangent,comme ils font leurs ennemis; & entri’eux fe faifancla guerre;ils ne mettent perfonne à rançon, mais deuorent la chair de leurs femblables toute crué , auec du poivre & du fel; dequoy ils ne fontiamais defgarnis ; ils n'ont aucu- nc Religion : neantmoins , ils ont quelque Police entr'eux touchant le Mariage; la Iuftice & le deuoir vers leurs Roys, qu'ils obferuent inuiolablement. Du long de cette cofte dela bande du Ponant , il yabeaucoup d'Ifles , quelques ynes grades qui font verslaMer18.0u 20.licués,8 les petites à3. ou 4.lieuës;qui Seconde Partie. sN 98 VOYAGES DV GEN. BEAVLIEV n'appartiennent a pas vn des Roys, cy-deffus denommez; celles qui font habitées, font de la mefme race des anciens Originaires, quin'ont efté chaffez des Malays, foit pour auoir trouué aflez de place en la grande Ifle, ou que les petites ne leur eftoiét pas propres. De la bande du Sud enuiron les cinq degrez,eft l'Ifle d'Enganno, habitée de tres-pernitieux Sauuages , qui ne prennent perfonne à mercy; & qui que ce foit ui aborde en leur riuagefoit blanc foit noir, cft par eux maflacré : ils ont des canots aucc lefquels ils vont en pefcherie ; ils vont tous nuds, portans longue cheuelcure; ils ont pour armes des arcs & des flefches. Suit apres vne longue Ifle , qui eft parlestrois: degrez & demy; elle peut auoir quatorze à quinze lieuës de long; elle n'eft pas habi- tée ; les Holandoisla nomment Ifle de Naffau : A quatre à cinq lieuës de là en filiere, tirant versl'Equinoxial, il y ena vne autre encore inhabitée ; qui peut auoir fept ou hui& licués delong : apres celle-là eft vne grande Ille nommée Mantabey, qui a bien vingt licües de long; elle eftà vn degré & demy de la ligne ; elle eft habitée , les habi- tans font veltus , & traffiquent auec ceux de Ticou, encore qu'ils ayent vn langage: particulier. Ce fut en cette Ifle outerrit le Nauirel'Efperance , que ceux de dedans croyoienteftre terre ferme , d'où toutleur malheur proceda. Sousl Equinoxial il s’en rencontre vingt ou vingt-cinq tant grandes que petites, quelques-vnes habitéesde femblables perfonnes, d'autres non ; nous moüillafmesl'ancre entre celles-là. Apres fe trouue Pulo NyasIfle longue de quinze à feize lieues : elle eft par les deux degrez Nord dela ligne , & eft beaucoup peuplée , & de perfonnes quine font mal, fi on ne leur en fait : ilstraffiquent auec les eftrangers, & vendent leurs enfans & efclaues à qui les veut acheter : ilstraffiquent auec ceux de Barros. Iufquespar lestrois degrez & demy Nord, il fe treuue encore d'autres Ifles inhabitées, & parmy toutes ces Iflesil s'en rencontre toufiours quelques vnes,qui n'ont d'autres arbres que des palmiers qui portentles cocos,dont elles font entierement couuertes , & ou les habitans des villes maritimes en vont charger auec leurs Nauires pour faire des huiles, ou les font fur le lieu mefme. Les autres font couuertes de bois tres-hauts , differens de ceux de l'Eu- rope.Pour reuenir ala grade Ifle de Sumatra, ¡e fpecifieray en bref ce qu'elle produit: ὃς laiffant ce que poffedele Roy d'Achen pour le dernier, ie commenceray par le Royaume d'Andrigri qui aaffez bon nombre de poiure , mais fort menu : Por y eftà meilleur marché qu'en aucun autre endroit poffedé par les Malais ; celuy de Iambia beaucoup de pojure & meilleur que celuy d'Andrigri ;les Anglois & Holandois y ont fa&urie,comme auffi les Portugais de Malaca ; il faut ramer so. ou 6o. lieües par la ri- uicre auant que de paruenir à la ville, quieft mal faine;il y a grand trafic d'or,qu'ils ont auec ceux de Manimcabo,mefmesauec les Montagnars ou originaires de la terre. Lc Royaume de Palimban abonde en ris & en beftail:le pays quetientle Roy de Ban- tan en la cofte de Sumatra cft beau & bon, fertille en ris & fruitages : il y a fort peu de poivre , & qui n'eft d'aucune confideration. Andripoura eft fitué fur vne riuiere affez roide,enuiron par les 3. degrez & demy Sud de l'Equinoxial; il y recoouue toutes les années cnuiron la charge de deuxNauires de poivre pareil à celuy de Iamby;il y aauffi quelque trafic d'or qu'ils ont auec ceux de Manimcabo.Suit apresle royaume de Ma- nimcabo,qui feftend das les terres:ila quelquesradesle long dela Mer,entre autres vnenomméee Cortatenga , oules Anglois & Holandois vont fouuent : il y a quelque peu de poivre & quantité d'or ; mais comme il efttraitt€ par diuerfes nations, il n'eft qu'è30.013g. pour cent meilleur marché qu'en France ;ils le vendent par taels: vn tacl & demy font deux onces efcharfes : il eft en grenaille & petits morceaux ; & n'en font que fort peu de lingots.L'or eft enuiron du mefme titre que l'écu de Fráce ;il y ea a de plus fin,maisil n'eft pas fibon que le ducat du Caire;qu'ils cóptent icy à dix mati. les,& le meilleur d'icy à 9.& demy,& celuy queie côpare al'écu deFrance à 9.mariles, Pour ce que poffede le Roy d'A chen,le territoire de fa principale ville n'eftfuffifam- mét cultiué pour la nourriture des habitans;tellement que bóne partie duris vient de dchors:autrefois y a eu grad nombre de poivre,mais vn certain Roy voyát que ceux d'Aché ne s'amufoiét à autre chofe , & quittoiét le labourage de la terre; de forte que’ ÀVXINDES ORIENTALES. 99 'toutes les années il y auoit grande cherté de viures, fit tout abatre, a prefent il n'y en peut auoir cinq cens bahars tous les ans, encore cft-il bicn menu. À fix lieués d' Achentirant vers Pedir il y a vne haute montagriè faite en pic;d'oü fe tire grand nombre de fouffre , commeauflien vne des Mes qui tait la rade d'Achen; nommée Pulo-vay , qui fournit quafi toute l'Inde pour faire de lapoudre.. Le terri toire de Pedir rapporte grand nombre de ris, & eft nomméle grenier d'Achen. Les païfans ménagent affez bone partie de foye,dequoy fe font diucrs ouurages à Achen, tres-requis par τοῦτο Ifle de Sumatra:ccux de la cofte de Coromádel enlcuent le re- fteen cícreu : elle n'eft pas blanche comme celle de la Chine, nyfi fine, ny fi bien, accommodcee : celle-cy eftjaune & dure, & neantmoins ils en fonc d'affez beauxtaf- fetas. De Pacem iufques à Dely il y a diuerfes places bien fournies de ce qui cftne- . ccffaire pour la vic humaine, & en aident leurs voifins: A Deli il ya vne fource d'hui- le qu'ils tiennent inextinguible;quand elle cit vné foisallumée, & brufle fur la Mer: le Roy d'Achen mitle feuauec cet huile à deux Galions Portugais, aucc lefquels il eut combat il y a hui& ou dix ans proche de Malaca. Daya ctt aufh abondanten ris & beftail:A Cinquel fe recueille touslesans bon nombre de Camphre foigneufemetre- cucilly de ceux de Suratte & de la colte de Coromandeliilsl’acheteent 15 &.16.rcalles Je Cattide 28.onces.Barros eft vne belle place fituéc fur vne groffe riuiere enuiró vne licuë dans le país, fut vne grande campagne toute cultiuée : ils font beaucoup de Ben- joüin qui en porte lenom, & eft connu par toutes lesIfles; le plus blanc eff le plus efti- mé : ils n'ont autre monnoye que cette drogue, de laquelle ils fe feruent au marché pour acheter quelque chofe que ce foit : ils recueillent auffi beaucoup de Camphre, comme aufli font ceux de Bataham , quiefteftimé le meilleur; mais en petite quan- tité. : Paffamaneft le commencement des poivriers ; ficué au pied d'vne tres-haute mon- tagne que l'on voir de trente lieuës, le ciel eftantferain;le poivre y eft beau & gros. A. fept lieués de-là eft Ticou , quien cft encore plusabondant, & ces places ne fe voyent gueres fans poivre tous les mois: Priamam cftbien peuplé, le fcjour en eft plus agrea- ble qu'à Ticou, & l'air meilleur & plus abondant en toutes fortes de viures: Il n'y a pas tant de poivre comme à Ticou ou Paffaman : ils ont plus grand traffic d'or auec ceux de Mannucabo : les Holandois y ont culong-temps fa&urie , ὃς depuis vn an en càle Roy les ena fait fortir. Padang a bien peu de poivre, mais affez bonne trait- tc d'or, & a vne belle riuiere ou de grands nauiresfe pourroient retirer & mettre à l'abri, comme dans vn port. Toutes ces terres font bien peuplées & cultiuces infques au pied des montagnes, & s’y trouue des perfonnes affez riches tant naturels qu'e- ftrangers,qui viuentaffez heureufement ; n'approchans point d’Achen, les habitans de laquelle i'eftime mal-heureux, au regard de ceux qui font efloignez de la de- meure du Roy, qui leur eftvn terrible cauefon; ce qu'ils meritent bien pour eftre vn mefchant peuple ; & beaucoup pire que les habitans de Ticou ὃς de Priaman, & autres places le long de cette cofte ; poureftre orgueilleux, enuieux, fans foy ne con- fcience ,fpecialement à l'endroit des Chreftieris ; ils font traiftres, larrons, & empoi- fonneurs , s'eftimans bien plus habiles que leurs voifins; voire me(íme ilseftiment toutesles autres nationsbrutales à l'egal d'eux; ils font fuperbes en habits, & le دعا‎ rojent en maifons , efclaucs , & autres chofes ; n'eftoit que le Roy lesen empefche : ils parlent bien leur lángage, & plufieurs d’entr’-eux font profeflion de bien dire, & en font eftimez en leurs difcours : ils font copieux en fimilitudes , qu'ils adaptent af- fez bien; mais pour eftre trop frequentes; ellesferoient treuuces impertinentesen vn autre pays: Ils compofent quelques po&fies ; qu'ils mettent d'ordinaire fur quelque chant: Ilss'addonnentà bien eícrire ; comme sufi d'apprendre l'Aritmetique felon I'vfaze des Arabes, qui differe peu de la noftre : Il fetreuue parmy eux d'affez bons artilans, fpecialement pour lesbaftimens des galeres;il y a de bons forgerons,qui font tous ouurages de fer, tant groffes ceuures, que couteaux, cris, fers de picque, & autres armes; & difficilement feroit-on mieux ailleurs ; mais ils netrauaillent auec tant de Seconde Partie. و‎ N ἢ VOYAGE DV GEN. BEAVLIEV‏ ون1 facilité & promptitude que les Europeans : Il y a des fondeurs d'artillerie , ils fondent aulli diucrs vitencilles de cuiure, comme chandeliers, lampes; baflins : ilsontauffile tour allez en víage tant en cuiure qu'en bois. Le Roy parmy trois cens orfevres qu'il a dans fon chafteau en a d'affez paflables , comme aufli de diuerfes fortes d'autres ar- cifans. Depuisle regnede ce Prince ceux d'Achen ont acquis la reputation d'eftre les meilleurs foldats des Indes, principalement par terre;ilsfont de grande fatigue, & re- mueurs de terre , comme il a paruau fiege de Queda, & particulierement en celuy-de Deli qui eft vne tres-forte place, & qui eftoit deffendué par vn perfonnage,qui auoit beaucoup de reputation acquife par fa valeur , en forte que les Portugais en faifoient grande eftime , &le Gouuerneur de Malaca l'ayant efté voir, & reconnu comme il auoit fortifié cette place , dit à ceux quil'accompagnoient د‎ qu'il croyoit que le Roy d'Achen viendroit pluftoftà bout de Malaca que non pas de Deli; toutefois le Roy y eftant en perfonne fen rendit maiftre en bien peu de temps , parle moyen des gran- destranchées qu'il fit faire;pouffanstellemétla terre deuant eux, qu'auec peu de per: te & nonobftant l'affiftance & confeil des Portugais , qui eftoient joints auec ceux de Deli, elle fut emportée en moins de fix femaines : ils font extremement fobres , & fe paffent à peu de chofe : ils n'ont gueres d'autre nourriture que le ris : ceux qui font ri- ches y joindront quelque morceau de poiffon, auec quelques herbages; & il faut que ce foit vngrand Seigneur, sil a vne poule roftie fur les charbons , ou boüillie , pour toute la journée : aufli difent-ils que fil y auoit deux mille Chreftiens en leur pais, qu'il feroit en brefefpuisé de bœufs & de volailles : ils font tous Mahometansde Re- ligion, & feign enten cf 人 tre grands obferuareurs: neantmoins on peut facilement remarquer qu'ils font auffi grands hypocrites & diflimulez , particulierement enPaÉ fe&ion qu'ils font paroiftre porterà leur Roy, à qui ils defireroient auoir mangé le cœur : ils leredoubtent tellement ; que s’imaginans que quelqu'vn leur porte enuie, encore que l'autre ne fonge pointà eux, & craignant quelque rapport de leurs mau - uaifesaétions versle Roy , par celuy qu'ils doutent ne les affe&ionner, pour le pre- ucnir ilsl'accuferont de chofe où il n'aura 1amais penfej; ce qui eft caufe en partie que ce Prince eft cruel; car ayant la tefte rompué de fi frequentes accufations, il s'imagine qu'il y a plusde confpirateurs contre luy qu'il n'y ena: & la mefchanceté de cepeu- ple eft telle , que l'on void fouuentle frere accufer le frere, le fils fon pere , & quand on leur reproche vne telle inhumanité, & qu'onles accufe de mauuaife confcience, ils difenc que Dieu eft loin, mais que le Roy eft proche. Suiuant la loy de Mahomct ils efpoufent tant de femmes qu'ils veulent ou peuuent nourrit , l'vne defquelles neantmoins cft renué pour principale, & fes enfans font he- ritiers legitimes : ilsne laiffent voir ny fortir leursfemmes , mais bien leurs efclaues & quelques concubines: Le mary prenát fa femme ieune, d'ordinaire elle luy coufte à auoir de fes parens, & ΠῚ] faut qu'illuy affigne doiiaire fur fon bien. Quefi vne fem- me a quelque bien de fon propre, elle le met entre les mains de fon mary , duquel elle tire cedule par la main de la luftice, pour luy pouuoir redemander , fi d'auanture ils font mauuais ménage, & qu'ils le feparét. Que file mary decede le premier, la cedule outre le dot qu'il luy aura accordé enla prenanten mariage, fera le premier pris fur le bien du deffun&, au prejudice de tous creantiers. La femme mourantla premiere, le mary herite de ce que la femme luy aura apporté : Ils fe peuuent feparer lors qu'illeur en prend volonté, mais il faut que ce foit d'accord de partie : car file mary le veut , & que la féme ne le veuille pas, le mary demeure obligé pour le dor,& il faut qu'il luy en faffe rente nouuelle : auffila femme ne fe peut remarier,& font contraints de demeu- rer enfemble, encore qu'ilsne fe communiquent. Ce leur eft vne chofe bien nouuel- le, quand ilsentendent dire qu'en Chreftienté là femme apporte vne notable fomme à l’homme , & entrouuent la couftume bonne; maistres-mauuaife de n'en pouuoir auoir qu'vne, fans moyen de fe démarier, accord de partie ou non, & tiennent cette loy irraifonnable. Dans Achen lesgrandes vfuresfont deffendués,8 ne font pareilles à cellle de Ban- AVX INDES ORIENTALES. rot tan, ou on donnoit 5. pour cent par mois & fur gages :icyilsne paffent douze pour cent par an;& fans gages.Le debteur ne payant,le creancier le fait venir enluftice, lá où fon tait ayant cfté tuffifamment reconnu, &quc la debte eft crece legitimementyl eft con- damné de payer & ce dans peu de temps. S'il ne farisfait felon l'ordonnance du Iuge , on le fait venir la feconde fois: on luy demande l’occafion du manque; & fanspren- dre aucune excufe on le condamne de fatisfaire à l’inftant, fil ne le fait, on luy atta- che les mains derriere le dos auec vnrotton, puis on le laiffe aller, n'y ayant perfon- nc fi hardy de le deftacher, & il y vade la vie: ileft tenu de fe reprefenter tous les jours, ainfilié , durant la Seance du Iuge , qui le voyant demeurer en cét eltat, & qu'il ne peut fatisfaire, le remet entre les mains du creancier, luy difant qu'il s'en ferue comme efclaue luy appartenant, iufquesà fin de payement; & le creancier l'emme- nant chez luy , en peut faire ce qu'il aduifera bon eftte , horímis de le faire mourir, mais bien dele vendre. Cette iuftice qui eft la ciuile fe tient tous les matins horfinis le Vendredy,fous vn grand Bali proche de la principale Mofquée ; vn des principaux & plus riches Orancayes y prefide. Sous vn autre Baly vers la porte du chafteau eftla Iuftice criminelle, ou prefident plufieurs des principaux Orancayes alternatiuement : celle-là citrouchantlesdifputes qui furuiennent par la ville, meurtres ,larcins, &c. & fobferue vne chofe qui me donnoit de l'admiration ; parce que quelque criminel cftant arrefté par vne femmelette , ou par vn enfant pour fon meffait , n'ofe s'enfuir, & demeure immobile, comme vne ftatué , ayant remarqué plufieurs fois; paffant par le marché , quelques grands beliftres furpris par desenfans de quatre à cinqans, faja fant vn mal-heureux larcin, peut-eftre dela valeur d'vn double ; fe laiffer lier les mains, & traîner deuant cette lufticc , ou fur l'heure ilsauoient audiance & fentence de quelques coups de Rorton fur les efpaules du delinquant , puis chacun s'en retour- noit de fon cofté, fans pouuoir iuger qui eut perdu ou gagné; le puny ne menaçant celuy qui l'auoit fait iufticier , ny l'autre fe plaignant dauantage, & quelquefois re- tournoient enfemble : Eftant fous le mefme Baly attendant que la chappe vint du chafteau , & deuifant auec le Iuge; furuint quelques caufes;entr'-autres d'vn qui auoit eu la curiofité de voir la femme de fon voifin par deffus vne haye , comme elle fe la- uoit ; la femme l'ayant apperceu s'en plaignit à fon mary, qui le fit venir en Iuftice, où ilfut condamné à trente coups de R otton fur les cfpaules: l'executeur eftanc tout preft, le retire enuiron trois ou quatre pas du Balli & commence àleuer le bras bien haut; le condamné entre en capitulation , fait offre de fix mazes;l'executeur en de- mandoit quarante ; máis comme le condamné ne fe haftoit de venir à cette fomme, il fe fentit chacoüillé d'vn coup fi rude, que le marché fe concluden bref à vingt ma- zes, qu'il paya comptant, & moyennant cela on neluy fit qu'appuyer le Rotton vingt-neuf coups fur fon veftement ; mais cc qui eftoir plus eftonnant eftoit que la capitulationfe faifoit en prefence de chacun, & à la veué & l'ouye du luge & de fes acceffeurs, qui eftoientencor plus proches que moy ; dauantage ccluy qui auoit payé fe mit doucement contre lebarreauà attendre & efcouter l'iffué de quelques caufes quis'aloient vuider ; ne paroiffant à fa contenance qu'il eut veu perfonné ce iour-là; & comme eus demandé à mon Interprete, fi cela fe pratiquoit fouuent, il m'affeura que cela eftoittres-ordinaire, mais qu'il falloit que celuy qui auoit don- né les vingt mazes, fut riche, párce qu'il y en auroit beaucoup qui endureroient trente coups de Rotton; quelques ferrez qu'ils fuflent, pour gagner cette fomme; de plus il me confirma ce que i'auois defia appris que le Roy faifoit iournellement couppernez, creuer yeux, chaftrer, coupper pieds , poings & oreilles &autres mutilations qu'il faitexecuter bien fouuent pour peu de chofe, que les executeurs tenant le patient; luy demandent combien il donnera pour eftre bien chaftré ou que le poing luy foit coupé d'vn feul coup , ou le bien éborgner , luy couper propre- ment le nez οἷς rendre mediocrement here & chofes femblables:'ou fi c'eft la mort; de ne le faire languir; que le patient marchande iufques à tomber d'accord; puis paye comptant; car en cette aétion il faut auoir del'argent fur foy ; alors ils executént Seconde Partie. $ N uj reo VOYAGE DV GEN. BEAVLIEV promptement : Que silsne font apointez, s'il faut couper vn nez, il le fera fi haut quc le cerucau en paroiftra; fi c'eft vn pied, ille hachera en deux ou trois coups, fi c eft vne orcille, il la prendra fi pres,qu'il en emportera partie de la jioüe ; maisce que je trouuc de plus merueilleux eft que de ces miferables, voire mefme de ceux qu'ils chattrent , qui aucunefois paflent cinquante ,ou foixante ans, rarement en meurt il aucun, & fi n'y apportent autre remede que de mettre la partie mutilée prompremene dans la riuiere , qu'ils laiffent quelque pcu feigner , puis la lauent , & auec des linges; l'eftanchent & bandent : puis on les porte en leur maifon , & quique ce foit quiait ainfi efté iufticié , foit par le commandement du Roy , ou des luges ; n'encourt pour cela aucune 1gnominie pour .quelque maluerfation quil ait commife و‎ & quelqu'vn luy reprochant ,le tuant fur ce reproche,il n'en feroit puny , tenans entr'eux que le delinquant ayant fubi la condemnation de fon Iuge ,a fuffifamment fatisfait à fa coulpe, qui nc luy doit plus eftre reprochée , chacun eftant fuiet à faillir. Pour les iuftices ou iniuftices que fait faire le Roy il ne fieroit bien à perfonne d'en faire reproche, car il n'y a aucun d'eux ; qui fetienne alleuré de n'en auoir autant le len demain, ceft pourquoy quand il commande qu'ils foient feulement eltropiez, ils difent reconnoitre par-là que leR oy les affc&ionne;car ayant pouuoir de les faire mourir il fe contente de les mutiler de quelque partie de leur corps. Le Cadi ou Euefque prefide encore fur vne luftice qui s'eftend fur ceux qui enfreignent leur Religion, auf à l’Alfandegue y ale Bali où fe terminent tous les differens des Mar- chands tant eftrangers que naturels , ou prefide l'Orancaye Laxemane , qui eft com- me Maire de la ville; en cer Alfandegue les Enuques viennent declarer la volonté du Roy touchant ce qu'il defire eftre fait hors le chafteau ; ce qui eft incontinent en- regiftré par les efcriuains , comme auffi de tous droits, dons, amendes , redeuances; marchandifes appartenantes ai Roy, reception & vente d’icelles, le nom des ache- teurs & de ceux qui payentles droits ὃς qui luy font des prefens, ceux auffià qui il en fait ,le iour, le mois & l'heure;à ce que lors qu'il en demandera compte, on le luy rende exa&, ce qu'il fait bien fouuent & à l'improuifte, & il n'y va que de la vie sils nes'expliquentbien & luy donnent raifon de tout : puis il y a quatre Merignes ou Pangoulou Caualo, autrement Cheualier du guet, & à proprement parler chefs de patroüille ; qui ont connoiffance de ce qui le paffe la nuict , & ont charge cha- cun fur vn cartier de la ville, ont commiflion de faire patroüille toutes les nui&s; voire mefme d'y affifter: comme auffi que l'on n'enleue de marchandifes fans payer les droits, enfin de tout ce qui fe paffe la nui& ils en doiuentauoir connoiffance , & tiennent leur fiegcà l'entrée de leur court, ou deuant leur maifon horsla ville. Les Orancayes ont chacun en charge vn Continent de terre, les habitans duquel font fous leur obeiffance & iuftice و‎ & ayans different enfemble ou maluerfans en quelque chofe que cefoit, on les fair veniràl’entrée de leur porte , où ils tiennent leur feance : il y aauffi quelques principaux Orancayes refidans proche de la ville,qui font tenus de donner ordre au guet; qui fe doit fairetoutes les nuiéts par la campa- gne & lelong du riuage dela Mer : ce guet eftcompofé de deux cens cheuaux , qui d'ordinaire fe diuifent en quatre compagnies, & quelquefois fe ioignent enfemble, & le Roy ayant quelque doute, les fait auffi marcher dans la ville. Pour le fait duchafteau, paffé la grand court oü tiennent les logemens du Roy , homme n'y paffe, & fe fert de femmes tant pour la garde interieure du chafteau que pour fon feruice , quel'on diteftre en nombre de troix mille ; lefquel- les rarementfortent du chafteau ; elles ont leur bàzar ou marché parmi elles; comme ent les hommes dans la ville ; & trafiquent les vnes auec les autres des ouurages qu'elles font, que leurs amis ou parents leur vendent ou efchangent contre ce qu'ellesont de befoin ; elles ont auffi leur iuftice & font reparties fonbs diners Capi- taines; mefines elles ont des Pangoulou Caualo ou Office de Chefs du Guet parmy elles , comme dans la Ville; il n'entre nul hommelà dedans que lesEnucques,qu'on AVX INDES ORIENTALES. 103 dit eftre au nombre de cinq cens ; outre cela le Roy afes femmes & concubines , qui font en bon nombre, & parmy elles il y a vingt femmes, qui font filles legitimes de Roys qu'il a faccagez, & la derniere qu'il a conquife , a la Reyne de Pera, que l'on dit eftre tres-belle & auec laquelle il agaigné vne maladie, qui eft capable de l'emporter, fi la vigueur de fon aage ; qui elt encore en faflcur, ne l'en guarentit: il n'a de toutes fes femmes qu'vn feul fils aagé de 18. ans , encore plus cruel que luy , & par diuerfes fois il Pa fait punir tres-rigourcufement , ne luy donne da- uantage de qualité quà vn fimple Orancaye, & ne le laifle fortir du Chafteau , fi ce n'eft quelquefois pour aller ala Mofquée;oü il va en grande compagnie & appa- reil; mais pour l'empefcher de paffer outre , il ya quelque temps que le Roy l'in- ueftit du Royaume de Pedir ; mais gouuernant cruellement & trop licencieufe- ment ille fitreuenir & luy fitendurer d'eftranges tourmens , & depuis l'a retenu, & fouuent pour peu d'occafion il luy fait efprouuer les machines qu'il a inuentées pour tourmenter les hommes, qui font dans le Chafteau en tres-grand nombre. Outrela garde des femmes,le Roy enaencore d'autres dans la grande court , ioignant fon logement ;les Enucquesy font la garde , & comme ce Roy eft en vne perpetuelle deffiance, & qu'il reconnoit bien quel peuple il a à gouuerner , il a trouué vn expe- dient pour s'affeurer; car fous ombre d'eftre gardé, il eft luy-mefine le gardien de ceux qu'il doute luy pouuoir nuire ; pour ce faire il faut remarquer qu'il a enuiron quinze cens efclaues la plufpart eftrangers, qui ne fortent non plus queles femmes du Chafteau , & qui n'ont communication avec perfonne : il en fert aux exccutions δ meurtres qu'il fait faire, ὃς chofes femblables , mefme les employe à quelques ou- urages dansle Chafteau ;les ayant eu ieunes & fait exercer aux armes & àtirer de l'arquebuze , ils font eftimez des plus mauuais garçons du pays : le Roy d'ordinaire en fait pofer deux cens cinquante à l’autre place qui fuit celle des Eunucques, 8z à l'au- tre place oú eftla premiere porte, autres deux cens cinquante. Orle Roy oblige tousles Orancayes refidans dedans & autour d'Achen, de com- paroiftre de troisioursl' vn dansle Chateau , & entrer en garde vn iour & vne nuiét, le tout fans armes, veu qu'à la premiere porte il conuient defceindre ou ofter Pelpée du cofté, & à la feconde lalaifferentre les mains. de quelqu'vn qui la garde, & cou- chentla nuit dans vne court, où y a de petites cahuttes faites exprés pour les retirer, & font enclos des eftrangers cy-deffus mentionnez ,tellement que le Roy a iournelle- ment le tiers de ceux qui luy peuuent nuire en fon pouuoir, parce qu'il depart tous ccs Orancayesen trois bandes , qui alternatiuement comparoiffent les vns aprés les autres & ce à peine dela vie, confifcation de leurs biens , femmes, enfans & efclaues. Dauantage les Orancayes ne s'ozent communiquer ny frequenter, tanten leurs mai: fons qu ailleurs , & ne voit-on aucun d'eux fe familiarizer; car fi le Roy en auoit con- noiffance, il les fepareroit bien-toft , ayant toute communication entr'eux pour fuf- pete, & aitffi ils ne parlent point du tout les vns aux autres, finon qu'en fe rencon- trans ils fe falüent avec beaucoup de courtoifie & de complimens. Les forces du Roy d'Achen font affez confiderables , encore qu'il femble à plu- fieurs que cc ne foit pas grand chofe, pour n'eftre la ville clofe d'aucunes murailles, paroiffant pluftot vn village, à la facon de Normandie , qu'vne ville ; & le Cha- fteau, à la maifon d'vn gentilhomme ; car il n’a aucune fortification qui vaille la peine d'en parler ; il a plus de demie licué de circuit , & eft de figure quafi ouale : ileft entouré d'vn foflé de vingt-cinq ou trente pieds de profond, & autant de large, & affez difficile à paffer, pour eftre efcarpé & plain de broffailles : la terre eft iectée du cofté du Chafteau;ce qui fert de muraille , fur la crefte de laquelle font plantez des bambus ou gros rozeaux, qui croiffent aufli haut que des frefnes, & font placez ἢ dru & cípaisqu'on ne peut pafler ny voir au travers: il eft deffendu für peine de la vie d'en efbrancher quelque petite partie que ce foit par dedans ou par dehors, & vnde - ceux qui fut enuoyé en ambaífade en Holande par le Roy d'Achen, à fon retour ne fe fouuenant pas de cette ordonnance , en arracha vn petit rameau , fur ie ne 4 VOYAGE DV GEN. BEAVLIEV Ícay quelle occafion,le Roy le fit à l'inftant ¿gorger : ces bambus démeurent toufiouts verds, & le feu ne s'y pourroit mettre : ie n'ay remarqué en ce Chafteau par dehors aucuns flancs,ny baftions, encore qu'il y ait cu du cofté dela Mofquée des commencc- mens de grands bouleuards; mais il n'y a rien d'acheué, il n'y a point de pont-leuis aux portes ny de foffez , ils ont laiffé cela plain & ont bafti yne petite muraille de pierre de la hauteur de dix à douze pieds, pour fouftenit vne terralle , fur laquelle de cofté ὃς d'autre dela porte, il y a deux belles pieces de bronze, qui defcouurent ceux qui y vculent entrer : lesportes ne font pas faites de planches; maisen forme de barriere; au 但 haute comme la muraille , elles font faites de boisaffez fort, & ferment par de- dans, outre les verrouils ; auec deux grandes barres trauerficres , qui s'adentent dans la muraille, & fe ferment par dedans à la clef. Par le milieu du Chafteau paffe vne petite riniere, qui defcend des montaignes, l'eau en eft extremement fraifche & excellente , ce Roy cy y a fait baftir des degrez, par lefquels on defcend iafques au fond pour s'y lauer : avant que de paruenir où loge le Roy, il faut paffer quatre portes, de l'vne defquelleseft tirée vne muraille de bricque ; qui fouftient vne terraffe , qui a pour le moins so. pas de large , où font plu. fieurs petites pieces de fonte, & ie croy que c'eften cet endroit où eft fon Arcenal: cette terraffe cloft partie d'vne tres-grande court , qui eft deuant fes mailons,ou on mettroit bien quatre mille hommes en bataille:f y ay veu vne foistrois cens Elephans: l'autre partie de la court eft cloze de quatre grands pauillons & d'vne forme de boule- uard de pierre, qui commande fur cette terraffe, auquel il y a vn parapet ; auec force meurtrieres , & on baftit encore deflus : plusauant dans le Chafteau ie ne fçay com: me le refte eft bafti, pour n'y auoir point efté. A la verité tout cela n'eft pas grand chofe ; mais la defcente & les aduenués font bien difficiles, car le pays eftrellement coupé de riuieres vazeufes, pays marcfca: geux, arbres, & broflailles fi épaiffes , qu'à peine s'en peut on dégager : à l'entrée de la riuicre , qui efttres-dangereufe , il y a vn fort de pierre , compofé d’vn grosbaftion rond, qui commande droit fur cette entrée , aucc pluficurscanonnieres , qui battent à fleur d'eau , ὃς flanquent deux courtines, 20111 percées de plufieurs canonnieres ; qui ferment auec des portes: l'vneallant amont la riuiere , l'autre vers le riuage de la 5 Mer, ὃς du cofté deterre elles font iointes par vne terraffe faitte de gazons où تاك‎ la porte , qui n'a point de pont-leuis ny de foffé, non plus que le bun fort: fesmu- railles auffi-bien à l'endroit du baftion que des courtines, ont 18. pieds d'efpeiffeur & enuiron vingt de hauteur , tres-bon ouurage. Au deuantde ce baftion,le Roy a fait baftir comme vne maifon de plaifir, ioignantlaquelleil y a plufieurs viuiers & bel- lesallées: tout ce lieu eftenclosd'vne tranchée releuée à la hauteur de dix ou douze ‘pieds de gazons , & foffoyée à l’entour, où fe peuuent retirer deux outrois mille hommes:au deuant encore de cette tranchée il y a vn petit fort, couuert de broffail- les & fofloyé à l'entour , dans lequel il y a quelques pieces de canon; & aux enui- rons de ces forts il y a vn tres-mauuais pays , & quand on auroit gaigné le fort de pierre, ontrouueroitbien encore à qui parler; car il y a des marefcages & plufieurs tranchées : puis desarbres, qu'ilsappellent Nippiers, dans vn pays fi fangeux, queles fangliersont peine à s'en retirer. Du cofté du Leuant le long duriuage de la Mer , tirant vers Pedir, tant que s eftend la vallée, il y a de petit forts de gazon , enuironnez de broffailles , de portée de moufquet à autre, à commencer de celuy qui eft deuant le retranchement : à cha, cun il y a deux ou trois pieces de canon, & qui ne prendbien garde à ces forts , ou n'en eftant pas auerti , on ne iugeroit pas quil y en eut, cant ils font couuerts de broffailles; il n'y a aucune garde le jour: la nui&le guet à chenal , cy-deuant men- tionné, fait vne ronde aux enuirons, il femble qu'ils craignent plus cette defcenre qu'autre chofe, foit pour eftre du cofté de Malaca تاه‎ que les galeresfont de ce cofté là fur la riuiere : L'autre cofté de la riuiere, fçanoir du Couchant, n'eft pas fi difficile, ny garny de forts, il n'y a que la defcente des batteaux furle riuage; qui eft mal- aizée, AVXINDES ORIENTALES. ros aifce , n'efloit qu'il fit dutout calme; & à portée du piftolet du riuage fe rencontre vne tranchée plaine d'eau, qui fort de la grande rimere & court tout le long de la mer, jufques au bord des montagnes:elle a bien 40. pieds de large; le fonds vazeux & beaucoup d'eau; 2116م‎ cela on trovae la campagne plaine & vnie,& n'y peut auoir plus d'vne lieuë du riuage , iufques au chafteau ; où on peut aller fanstrouuer aucun foflé , ny retranchement , mefme le meilleur de la ville cft de ce cofté-là, quina au- cune clofture : on fait eftar que d'Achen & des lieux adjacents dans la vallée, peu- uent fortir quarante mille hommes, lefquels n'ont aucunesarmes à feu ; le Roy les retenant toutes àfoy dansle chafteau , comme auflila poudre ; dequoy il eft fufh- famment fourny , & encore plus d'artillerie; quelques-vns difent qu'ila cinq mille pieces de canon; pour deux mille ily a quelque apparence ; pourueu que Pon com- pte les fauconneaux, efpoirs , pierrires & autrespieces à boétte : pourles canons def- quelsae fuis certain, il en a bien douze cens , tous de bronze, & huit cens grofles pie- ces du mefme mctail , tant dansfes galeres, forts,qu'en deux maifons, qui en font entierement plaines entaffez les vnes für les autres: d'arquebuzesilen eftaffez bien fourni , maisclles font courtes & mal montées : d'autres fortes d'armes il en eft af fez bien pourueu ; mais fes plus grandes forces & fur lefquelles il fe fie le plus & de- quoy ie ferois le moins d'eftar, font neuf cens Elephans, qu'il fait la plufpart exer- cer & accouftumer à n'auoir peur des moufquetades, leur en faifant tirer auxoreilles & autour d'eux: puisauec des troufleaux de paille ardantes attachez au bout de longues picques, lesaccouftument à ne craindre pointle feu, & l'efteindre auec leurs pieds : ilsfontauffi inftruits, qu'entrans dansle chafteau ils font lafombaye ou le falut deuanck logis du Roy, ployantles genoux & efleuant la trompe par trois fois : ع1‎ Roy donne vnnom à chaque Elephant, & ceux qu'il void les plus courageux & mieux inftruits, il leur fait beaucoup d'honneur: car allant par les rués, il leur fait porter des quitafols , qui nefont permisa qui que ce foit d'Achen , & il n'y a que le Roy qui en fait porter deuant & à cofté de foy: il en fait porter fix deuane quelques-vns د‎ à d'autres quatre, & à d'autres deux, fuinant qu'il les qualifie : il les marie auffi auec leurs femelles, & à quelques-vns de fesplus cheris , il en donne plufieurs pour concubines; il veut qu'on porte beaucoup d'honneur aux Elephans defquels il fe fert d'ordinaire; & quand ils paffent chacun s'arreíte & fait large pour ce fuict marche vn garcon deuant auec vne batecale, qui eft vn inftrument de cuiurc , fur lequel frappant, onentend affez ce que cela veut dire. Cela fert auf lors que l'huile leur degoutte des oreilles , à caufe qu'en ce temps ils font fu- rieux , & n'y a pas de fcuretéd'en approcher, c'eftpourquoy celuy quifrappe cér inftrument , marche enuiron deux cens pas deuant , afin que chacun fe retire, car ccc animal, encore qu'il foit fi lourd & fipefant, a cela de propre, qu'il eftaux ta- lons d'vne perfonne auant qu'on l'entende , & ne fait non plus de bruit qu'vnrat, “& ic me fuis fouuentefois eftonné d'entendre trotiner vn chien für ce terroir d'A- chen , qui eft marefcageux & concaue , tellement que quand vn cheual marche il fait trembler la terre : mais vn Elephant nullement. Le Roy d'Achen fe mer quel- - quefois en colere contr'eux , auffi bien que contre fes fubjers, & leur fait offer femmes , concubines & honneurs; mefme les fait punir corporellement en pre- fence des autres: & il femble que cét Animal a autant de reffentiment du chafti- ment que les hommes: plufieursd'Achen m'ontaffeuré qu'au ficge de Delile Roy mena cent Elephans, qu'il conuint embarquer dansles galeres: mais quand on les eut menez fur le bord duriuage , pas vn n'y voulut entrer : le Roy fcachant qu'ils n'eftoient pas embarquez à l'heure qu'il auoit ordonné, commandade faire mou- - rir ceuxà qui il en auoit donnéla charge; mais chacun cria tout d'vne voix, que ce n'auoit pas efté leur faute, & que les Elephants ne vouloient pasfe mettre en leur deuoir, quelque menace qu'on leur fit; dequoy plufieurs prenoient mauuaife augure : le Roysy en alla luy mefine, qui les tança & iniuria auec beaucoup de paffion , leur reprochant leur nourriture & l'honneur qu'il leur faifoit faire iournel- Seconde Partie. sO 106 VOYAGE DV GEN. BEAVLIEV lement, puis commanda de prendre le principa! d'entr'eux , qu'il fit fendre par fe milieu en prelence desautres, les menazane d'vn parciltraittement, s'ils ne sem. barquoient à l'heure, ce qu'ils firent à l'inftant, & durant le voyage tant à l’em: barquer qu'au defbarquer, il n'yencut vn feul, qui depuis fit du reftif. On tient qu'il n'y ajámais eu Prince n'yaütre perfonne dans Achen, qui foit paruenu à la dexterue qu'a ce Roy pour gouuerner & domprer telsanimaux , & qu'eftant fain il fait merucille deflus ; & bien fouuent on Pa veu courrir à toute force fur vn Ele- phant, luy tout debout , appuyé feulement für le crochet auec lequel on les conduit. Quanda moy eftant afourché deflus, faurois bien de la peine à m'y tenir; c'eftvné mauuaife monture pour ceux qui n'y font pas accouftumez , l'auant des cfpaules eft le plus doux ; mais plusarriere si’aymerois mieux courir dix poftes, que de faire qua- | cre lieués fur vn Elephant fans chaire ou autre inuention. Lo Lors que le Roy eftoit en bone difpofition;d'ordinaire de 2. ioursI'vn , il alloit à la chaffe bien monté:ila danslesefcuries de fon Chafteau prés de 200 -cheuaux;defquels | il y ena enuiron so. qui cftans en France exceder oie nt le prix de oo. efcus chacun, le refte n'eft pas grand chofe ils font fuperbement & richement enharnachez. Le Roy d'Achen ctt le plus Fort de fes voifins par met , ayant enuiron cent grof- {es galeres , tant dans Achen , Daya, que Pedir, toutes preftes: y en ale tiers و‎ qui font fans comparaifon plus grandes que pas vne de celles que Pon baftit en Chre- ftienté ; Pay veu laquille d'vne; qui n'eftoit que moyenne , qui auoit fix vingts pieds de long, tout d'vne piece : ils trauaillent fortbien à faire ces galeres, & ce {ont de beaux baftimens , mais elles font trop pefantes ; car elles font trop larges & trop hautes : outre cela elles ont les rafteliers trespetits & foibles en comparai fon desmembres; auffi leursrames ne font fi longues; ny fipefantes, n'eftans que desperches, au bout defquelles il y a vn morceau de planche, enté affezà propos & bien ouuragez: ils ne mettent que deux hommes fur chaque rame و‎ encore font ils debout : leurs voilles ne font artimonnieres, mais taillez comme celles des naui res,fçauoir quarrez : le bordages ou planches de ces galeres ont fix poulces d'efpais tellement qu cftans fi lourdes, il me femble qu vne galere Chreftienne en battroit dix de celles-là;elles ont d'ordinaire trois bonnes pieces de canon,defquellesle cour fier n'eft pas moindre, qu'vne piece de batterie, & eft à quelques-vnes de quarante liures de boullet , auec plufieurs fauconneaux qu'ils mettent aux efpaules & en han- | che; ils mettent d'ordinaire fix cens & huit censhommces fur les plus groffes , ilsne. font chiorme de forcats , mais de pauures gens qui tous rament bien. Quand le Roy entreprend quelque guerre , il ne luy coufte rien , tous fes Sujets, fans en exempter. aucun,eftans obligez de marcher à fon premier mandemét à leurs dépens,& de porter | dequoy viure pour trois mois. Le Roy leur fait deliurer desarmes, dequoy on tient rcgiftre , eftant obligez de les reftituer au retour, leurs femmes & enfans en demet rent refponfables, defquels il s’affeure, les menagans ; que fi leur fils ou mary s’euade ou s'abfente, de peur d'aller à la guerre,ou bien qu'il fuye deuant l'ennemy, qu'il les fera mourir cruellement, comme aufli leur pere & mere;s'ils en ont ; tellement qu'au | partir les parens, amis,femme & enfansle conduifent auec grands pleurs, ne l'admo- neftantde fa conferuation , maisde ne donner aucune occafion au Roy de les faire mourir : qu'il fe montre vaillant, obeyffant & prompt au commandement de fesSu- pericurs : car faifant autrement, luy feul n'en patiroit pas, maiseux tous enfemble, - encore qu'innocens; par ce moyen il les a fait foldats malgré eux,& font la terreur de leurs voifins. Le Roy ne fournit que le fer, la poudre & le ris pour nourrir fon armée, fi dauanture elle tarde dauantage que trois mois pour executer l'entreprife. Pour les | galcres elles ne luy couftent rien non plus à entretenir; par ce qu'ilen donne la char= | ge à fes principaux Orancayes,cóme à Laxemane vne des plus grandes,laquelle il eft obligé d'efquiper , faire mettre à la mer, remcttre en fa foüille, la garder & reparer M le tout à fes defpens, & ainfi des autres: pour ce fuiet le Roy leur repartittancde peuple à chacun , qui dojuent eftre prefts à leur fimple commandement; ils 1 è ^ V ν᾿ a 1 x ^ - AVX INDES ORIENTALES. 107 conferuent auec grand foin ces galeres; car i| n'y va que de leur vie, ou bien en faire faire promptement vne neufue de la mefine façon : Pour éuiter cela dés qu'elles font rcuenués; eftans dans la riuiere on nettoye leur foüille ou place en forte qu'il n'y de- meure aucune vaze ny ordure ; puis par le trauers ils mettent de groffes pieces de bois efloignées de dix pieds en dix pieds, & également alignées, afin que la galere foit por- téc egalement deflus, à ce qu'elle nefe courbe : & eftà notter que ces fommiets font efleuez dufondsde la foffe plus de dix pieds; la Mer croiflant les Elephans hallent la galere fur les fommiers , de forte qu'on peut aller deffous par tout : & lors on la vifite & recalfade, s'ilen eft befoin : puis ils ferment la foüille auec force gazons, pierres & planches du cofté de la riuiere , & la rempliffent d’eau iufques à Pvny des fommiers: tellement que la galere n'eft qu'à la fuperficie de l'eau, fans y tremper, n'en ayant que la fraîcheur : & ils font cela afin que le ver que la Mer produit, ne la confomme; ou que fielle ena eftéentachce durant le voyage ; 11 mcure eftant hors de fon element. La foüille eftant plaine, bien fermée & eltanchée , ayant au prealable ofté les voiles , antennes & cordages, & ne reftant que les mafts د‎ ils les garniffent & couurent foi- gneufement de fucilles de palmier, en forte que la pluie ne les peut aucunemét moüil- ler,ny le Soleil apres les pourrir. Pour cet effec ils tont vn grand toit, qui couure cn- tierementla galere, comme fi elle eftoit fous vne galerie;apres cela ils mettent la hau- teur de 4. ou 5. pieds d'eau dedans pour la tenir fraifchement, & que le bordage parla chaleur ne fe fende ; & tout cét ouurage cft acheuéen cinq ou fix iours, & nc fe peut rien voir de mieux conferué, ny pluftoft preft; parce que la foüille eftant plaine d'eau; il n'eft befoin d'aucun calfat les agrez font tour proche;& le toi& en moins de rien cft leu&;l'eau qui eft dans la galere eftant vuidée;augmente celle de lafoüille,qui fait flor- ter les lommiers, que Pon retire tres-aisément , & la fotiille defbouchée tout à coup; l'eau fécoulant dans la riuicre;entraifne aucc foy la Galere. Tousles matins & les foirs à l'ouuerture des portes du chafteau, le Roy faittirer vn coup de canon , & fi quelque Roy de fes voifins entreprenoit d'en faire autant, il luy feroit la guerre, à l'occafion qu'il dit auoir efté inuenteur de cette couftume;qu'il veut conferuer à luy feul pour tefmoignage de fa grandeur : 11 deffend aufli de tirer par la ville arquebuzes ou moufquets que leLundy & leIeudy: il y a diuerfes autres Ordon- nances qu'il a faites ; qui feroient fi longues à reciter, que 1e les obmettray pour par- ler de fes richeffes , lefquelles ne peuuent manquer d'eflre tres-grandes; veu qu'il ne luy coufte rien pour fairela guerre, n'y ayant aucun de fes Sujetsexempts d'y aller, lors qu'il leur commande, & à leurs dépens : La poudre, le fer, le plomb & le ris qu'il embarque dans fes Galeres luy font de fi peu de couft, que cela ne vaut pas la peine d'en parler. En paixil dépenfe encore moins, parce que pour l'entretien de fa maifon rant en ris, chair, poiffon, volaille, huiles, fucre,herbes,& iufques au beteL,11 luy en eft deub par fes Sujets bien dauantage, qu'il n'en confomme dans le chafteau ; & iournel- lement vne partie de ce qui fe vend au marché cft du furcroift de ce qui luy cft appor- cé, qu'il ne donne pas aux Sujets, mais en fait faire vente àl'inftant à fon proffit, & à tous ceux qui le feruent, il ne leur donne fimplement que duris; s'ils veulent manger quelque chofe auec , il faut que leur induftrie ou trauail leur en donne le moyen: II amafle tous les ans aux terres de fon obeiffance bonne partie de ris;car en ayant beau- coup tant de patrimoine que de contribution , il lesbaille àlabourer à fes Sujets, qui font tenus de luy fournir vne quantité de risbonne année ou non ; & il calcule fi bien ce que laterre rend d'ordinaire, qu'il ne leur donne occafion d'eftre oififs pour fe nourrir & payer la fermeau Roy, quinerecoit aucuncs excufesen payement , &il n'y va pas moins que dela vie, & le tout eft mis en magazin & gardé iufques en l'ar- riere faifon, que fouuent il double de prix: Alors il en fait vente;efpuifant par ce mo- yen tout le menu peuple d'argent: ou bien fi l’année eftabondante, & qu'il fçache quelque lieu où il manque,il ly enuoye vendre; comme dernierement il fic, lors qu'il enuoya 40.vaiffeaux aPera,qui en eftoient chargez dequoy il tira vne notable fome. Auxpáturages il a grand nóbre de beftail,qu’il fait garder par fes efclaues.SesElephás Seconde Partie: e 108 VOYAGE DV GEN. BEAVLIEV ne luy couftent rien à nourrir,ne leur donnant point de ris, mais fculement lestroncs des arbres, qui portent lesbananes, qui font pris fur vn chacun , n'y ayant aucun fi hardi , quiofe fermer fa porte, lors que l'on vient coupper ces arbres, du tronc dele quels fort vnc autre tige;qui porte fruit Pannée fuiuante luf: ques à ces cocqsilsneluy couftent rien, les donnant à nourrir aux Orancayes, qui en ont plus de foin que de Icurs enfans propres. Outre lesredeuances que chacun de fes Sujets luy doibr de tou- tes fortes de frui&s, il ne lay coufte rien pour fes veltemens , ny de les femmes; car tous ceux qui ont des offices à Achen fonttenus de luy faire vn presét certain ¡our de l'année , d'vn veftement ou de plufieurs, fuiuantla valcur des offices,ou bien d' cftof- fes pour veftir fesfémes & chacun s'efforce de faire à qui mieux : ccux qui ont de pe- tits offices,pour paruenir à de plus grands,oupour s'y maintenir,s’ils en ont de grades, employét la meilleure partie de leursproffits : Que files veftemens ou cftoffes ne font à fa fantaifie, il lesrcjette;ce qu'cftát l'officier eftautfi hors de fa char ge,s'il ne faitbien- toft fon appointement, moyennant vne bonne fomme d’ar gent;fimon & s'il eft riche, il ne manquera d'auoir mal verfé en fon office , & fur cela cft misle plus fouuent au blanc. Ilfait conftruire plufieurs baftimens de piccino quialeur jugement font ini- mitables ; ncantmoins c'eff fi peu de chofe au regard de ceux de l'Europe, que ie n'en broüilleray ce papier pour en reprefenter la ftru&urc : ils ne luy couften rien non plus, encore qu'ilsfoient de grand trauail & defpence, fi vn autre les faifoit baftir; car ayant vn grand nombre d'efclaues , aufquels il fait vne compofition , qui me femble modes. & à mon aduis l'efclauage eft plustolerable en celieu , qu'en aucun autre endroit de ma connoiflance : car il ne les charge de fers, fice n'eft qu'ils ayent fait pa- roiftre de fe vouloir fauuer,ou de s'eftre rebellez contre ceux qui les ont en charge;de huit ¡jours il leur en laiffe quatre pour trauailler à leur profht, en quelque ouurage qu ils aduiferont bon eftre : auffi doiuent-ils les autres quatre iournées au feruice du Roy en tel ouurage qu'il les voudra employer ; par ce moyen ils ne couftent rienà noutrir au Roy, quien employe bonne partie à coupper du bois, foüiller les carrieres, faire le mortier, baítir, & ainfi desautres,n' ayant que trois ou quatre perfonnes à con- duire l'ouurage, lefquels font entretenus par les mefmes captifs; car plufieurs,qui fga- uent quelque meftier, gagnans raifonnablement leur vie , peuuent racheter les iour- nées qu'ils doiuent au Roy , moyennant cinq fols par iour , qu'ils donnent dux rece- ueurs, qui font commis parle Roy pour cet effc& , & de cet argent en payentce qu'il faut, tant pour les conduéteurs de l’ouurage , que pour la ferraille & autres materiaux neccflaires : Le Roy donne luy-mefine le refi desbaftimens, & bien fouuent pour vne feneftre, vne porte, cu chofe femblable quin'eft pas placée fujuant fon intention, il Feratout abbatre , & recommencer de nouueau en vn autre lieu ; leur ordonnant en vn temps prefix que Pouurage foit acbeué , qui ordinairement eft fort court: en forte qu'ils ne perdent la lueur de la Lune pour allonger leur vie, & enfix mois que ray eltédans Achen, ou aux enuirons,i'ay veu démolir & rebaftir plufieurt ouurages,que ic n eufles creu pouuoir eftre acheuez en deux ans. Lesefclaues fe peuuent racheter, felon leur qualité il leur coufte dauantage. Le peuple eftoit ταχέ ἃ 40.reales , moyen- nant laquelle fomme vne perfonne fe déliuroit. Le Roy herite detous fes Sujets, fils n'ont point d'enfans mafles ; s'ils ont des filles ils les peuuent marier de leur viuant : Que fi elles ne font pas ma- rices , eux mourans, le Roy s'en faifit, &les met dans fon chafteau , qui eftl'occafion pourquoy il y a fi grad nombre de femmes; le pere ne peut donner aucunsheritagesà fa fille, de forte que cela reuient au Roy, & bien fouuent le meuble : cat ce peuple , & mefme tousles Mahometans eftans fort auares , ne veulent perdre la veué de leur ar- gent, & rarement donnent-ilsaucune chofe à leurs gendres; puisayant plufieuts fem. mes ils ont toufiours efperance de lignéc;& s'il leur prend enuie de faire quelque bien à leurs parens, enfans ou amis,bien fouuent c’eft ficard , que cela leur apporte pluftoft du prejudice que dela commodité, fpecialement fi le perfonnage eft riche, car le Roy a diuers efpions, qui nottent tous ceux qui vont en fa maifon ; & lors de fon decés,files AVX INDES ORIENTALES. — 109 Officiers ne trouuent ce que la Renommte ne luy attribuoit ; il en va mal pour plu- ficurs. Il circ auflidegrands moyens des confifcations de ceux qu'il fait executer iour- ncllement , & comme le plus fouuent ce fonc les plus grands feigneurs , qui encou- rent fonindignation, illes prend fi verd, à ce qu'il ne luy fufcicent/ quelque reuol- te, qu'ils n'ont aucuns moyens de difpofer de leurs affaires ; en forte que leurs fem- mes, enfans, efclaues, beftail , argent, meubles , iufques aux plus abjeétes vftan- cilles , font dans leChafteau auant qu'ilsfçachent leur condamnation; & jay veu fou- uent ce fpeétacle, melinestous les meubles de fa propre mere, qui fut quitte alors pour lestourmens & la confifcation de fes joyaux, or و‎ & argent. C'eft vne grande faueur quand il donne la liberté aux femmes des condamnez; mais pour leurs enfans peu ou point. I'ay remarqué deux occafions , qui ont couftéla vie à diuers Oran- cayes ; fçauoir la bonne reputation; qu'ils auoient parmy le peuple; l'autre leurs richeffes;l'vn & l'autre luy eftantfort fufped,principalement la premiere & lesrichef: fesluy appartent du profit, il feint de les redoubter , & ie m'eltonne que l'exemple journaliere des vns ne modere l'auarice des autres; carencore qu'ils entendent de fa bouche mefme ce que ie luy ay fouuententendudire , qu'il fe défiroittoufiours de la richeffe des particuliers, pour fçauoir par fon experience mefine , ce que vaut l'ar- gent, dans yn efprit ambitieux & remuant,leur reprochant fouuent quil n'eftoit tenu à aucun d'eux dela Couronne, laquelle il auoit acquife par fon bon-heut & auec de l'argent, parle moyen duquelil les auoit gagnez, & exterminé les legitimes heritiers, & lors quil les defpoüille de leurs moyens, il les accufe de vouloir afpirer à la Cou- ronne par le mefme moyen, qu'ily eftparuenu; mais que cela n'appartient qu'à luy qui cft fiis legitime de la Fortune, quiá la verité l'a grandement aflifté iufques à pre- fent entoutes fes entreprifes. Il eft heritier de tous cftrangers mourans en fes terres; leurs teftamens n'ayans aucun lieu; & dés que les officiers ont connoiffance de la maladie de quelqu' vn, fa maifon cft incontinent faifie;& dés qu'il eft expiré , on porte ce qu'ila vaillant dans le Chafteau, & le plus fouuent fes feruiteurs , amis, & efclaues font mis à la queftion pour leur faire declarer ou eftPor, l'argent & les pierreries; oubien qu'ils difenc s'il citdeu par quelqu'un aucune chofe au deffunt ; comme i'eftois dans Achen decede- rent quelques marchands de Suratre & de la cofte de Coromandel, les efclauesdetz quels fpecialement ceux dela cofte, furent horriblement tourmentez pour fçauoir s'ils auoient quelques diamants. Les Anglois & Holandois ayans fa&uresfont ex- ceptez de cette loy , & nousauflilors que nous y auons fejourné. Il y a aufli vne tres. « maunaile couftume fur lesterres de fon obeyffance; qui cft que tout nauire failane naufrage le long de fes coftes, tout ce qui le fauue tant hommes que marchandifes | lay appartient : & parmy plufieurs naufragés qui arriuerent pendant mon feiour, l'en remarquay vn d'vn grand nauire de Dabul, dont toutes les marchandifes furent fau- uées & enuiron fix-vingts hommes retenus efclaues; les principaux fe racheterent par le moyen des marchands Mores, moyennant deux cens cinquante reales chacun, &lesgensde marine pour cinquante. Se fondant fur cette inhumaine couftume, il retint ce que le Capitaine du Bucq & ceux qui l'accompagnoient auoient fur eux venant de lacatra me chercher, & comme Yen eftois party il y auoit enuiron vn mois & que ie n'auois laiffé fa&ure , il fouftenoit qu'ils s’eftoient perdus, & ainfi s'appropria de leur bien, fans que i'en aye peu auoirla raifon, ce qui ne fe fut paf fé de la forte, fans Limonay Commis de Meflieurs de faint Malo, qui demeurad Achen lors que r'en partis. Quelque Eftranger que cefoit ne peut entrer dans le Chafteau fans prefent : en mon particulierà l'occafion qu'il m'auoit donné qualité & feance parmy fes princi- paux Orancayes , i'y allois bien fouuent fans en porter; mais ie n'auois Audience touchant mes affaires , fi vn prefent n'auoit precedé ce que i’anois enuie de dire; & ‘qui que ce foit naturel ou Eltranger, s'il fait quelque Requefte au dii pour peu $ 11] uo VOYAGE DV GEN. BEAVLIEV importante qu'elle foit , il faut qu'elle foit affaifonnée de quelque don, autrement fil elt eftranger, on ne luy prefte point Paureille , & s'il eft naturel, il fera puny : &enco- rc que le prefent foit receu ; larequefte pour cela n'cft pas oétroyte; car il a fait pal fer cela en couftume , & ray veu fouuent les Anglois & Holandois enuoyer leur don; qui eftant déployc, & n'eftant à la fantaifie du Roy;il leur renuoyoit iufques à ce qu'ils luy cuffent prefenté chofe de plus grande confequence; ce qui les affligeoit grande- ment; comme de fait cela eft bien infupportable. Nul eltranger ne peut entrer dansla chambre du Roy fanschappe, & il faut payer le droit de ceux qui la portent, qui eft d'enuiron vne realle felon ceux quil'accompagnent: Tout Nauire venant à la rade d'Achen efl cenu d'attendre que la Chappe foit venué , fans qu'il foir loifible à aucun de dedans de defcendre terre, iufquesà ce que le droit de la Chape foit payé, qui fe monte à go. ou 6o.realesíclon la grandeur du Nauire:Le Capitaine ou Marchand du vaiffeau ne peuuent aufli fortir dela ville,pour s'en retourner ou fortir hors de la rade fans en payerles droits,qui font enuiron moitié moins qu'à l'entrée. Enfin c'eft vnlieu où il faut toufiours auoirla main à la bouríe , & ou les marchandstont grandement ty- rannifez par les Officiers de l'Alfandegue, Sabandars, pezemens , Eunucques. ‘ Lesdacesde ce Roy fontgrandes principalement fur tous les Chreftiens, les Mo- res ne payent point de forties ; mais à l'entrée de leurs marchandifes ils font tres-mal menez :les Holandois & Anglois paycnt fept pour cent des marchandifes qu'ils def- cendent en terre en effence, mais il faut que les Moresle payent en or, &leurs mar- chandifes eualuées par ceux del'Alfandegue, le font d’ordinaire cinquante pour cent plus qwellesne valent; tellement qu'ils n'ont gueres meilleure compofition queles Chreftiens; il y a encore quelquesautres droits & aduances , tellement que l'on peut bien compter dix pour cent d'entrée ; mais le piseft, quele Roy retient quafitourle traficq entre fes mains , en quoy il tiranife grandement les Marchands & tire de grands deniers ; car les marchandifes qu'il achepte , illes veut à meilleur compte que le cours ordinaire, & celles qu'il vend, il les augmente de cinquanre pour cent; de forte que s'il continué il faudra que les Anglois ἃς Holandois abandonnent ce licu, & il femble qu'il faffe cela exprés pour les en efloigner ; ayant leurs forces à prefent pour fufpectes. De ce queie viens de rapporter , & de ce que i'en ay cy-deuant remar- que, on peut juger qu'il a de grands trefors; car outre ce qu'il a amaísé, il pollede en- core ceux de fes predecefTeurs, lefquels à la verité n'ont en rien égalé celuy-cy;neant- moinson tient que le vieil Roy qui eftoir fon grand pere , 82 qui mit fousle joug ceux d'Achen, laiffa vn notable trefor. Pour faire entendre comme le Roy qui regne à prefent dans Achen eft paruenu à la Couronne : il faut fcauoir que deuant le regne de fon pere grand, les Orancayes fe licentioient grandement, & füiuant les affections de leur naturel, eftoient amis de nouueautez, infolens & fuperbes : à quoy les conuioit encore les grands moyens que leurspredecefleurs leur auoientlaifsé , tant en heritages & maifons en la ville , qu'en or & argent ; les Roysne les ayans iamais mal traittez » ny aucune nation pillez: telle- ment que la ville eftoit fix fois plus grande qu'elle n'eftà prefent, & fi peuplée, qu'à peine pouuoit-on paffer parles rués: Les richefles de Plíle eftans efparfes en diuerfes mains, caufoit vn fi grand abord de marchands, qu'il n'y auoit ville dans les Indes, ou le trafic fut fi flloriffant; & n'y ayant alors d'Alfandegue ny autres droits que celuy de la Chappe, les marchands auoient fait leursnegoces en 15. jours, tant en la vente qu’ employ , & on ne comptoit les mazes , maisles payemens fe faifoient par mefures, Les Orancayes auoient de belles & grandes maifonsbien clofes , & du canonà leurs portes, grand nombre d’efclaues, tant pour leur garde, que pour leur feruice : ils mar- choient fuperbement veftus , bien accompagnez , & refpectez du peuple: cette gran de puiffance apportoit beaucoup de diminution à l'autorité Royale, mefinebien peu de feureté: car lesprincipaux Orancayes auoient bien tant d'authorité & de forces; qu'eftansennuyez de là domination d'vn Roy,ilsle maffacroient pour y en inftaler vn autre : enforte que c'eftoit grand hazard, fi vn Roy jouiffoit de fa Couronne 2. ans: AVX INDES ORIENTALES. ir que sil fubfiftoit dauantage c’eftoit auec tant detrauaux & auectant d'obligation , vers quelques Orancayes , qu'il ne leur reftoir que le titre de leur dignité : ce mauuais mefnage dura iufques à l'extermination de la lignée des anciens Roys, qu: fut il y a enuiron quarante ans pallés. Tous les Orancayes s'affemblerent pour refoudre à l'ele&ion d'vn d'entre cux pour eftre Roy; mais comme chacun prati- quoit cette dignité pour foy , ilsne peurenttomber d'accord; tellement qu'ils en vin- drent aux mains, & lachofe cut paflé encorcen pire eftar, fans leur Cadi ou grand Eucíque, qui par fonauthorité & les remonftrances qu'il leur fit, appaifa leurs diui- fions , leur propofant vn expedient qui contenta chacun, & leur ofta la ialoufie qu'ils auoient les vns des autres, qui eftoit d'eflire pour Roy vn Orancaye , quine s'eftoit point remué durant toutes ces diuifions, ny pourchaffé aucunement pour luy ; ny pour les fiens, & qui auoit vefcu en reputation de tres-fage & aduifé; dauantage qu'eftant paruenu à l'àge de feprante ans, & eftant des plus nobles familles, la natu- re luy concedoit la précminence fur les autres, quicftoient plusieunes; cét aduis fut trouué bon de chacun, confiderans que pas vnd'eux ne defrogeoit à ce qu'ils pre- tendoient eftre, veu qu'ilsne cedoient qu'à Poccafion del'áge ; ainfi eflansd'accord, ils le furent trouuer , luy declarerent Veleétion qu'ils auoientfaite de fa perfonne, pour l'affeoir au 'Trofne Royal, qu'ils l'auoient 1186 meriter plus qu'aucun autre, tant par fa prudence que par fon âge ; le vieillardles en remercie,s’excufe fur fon age, qui le difpenfoit d'entreprendre vne telle charge; qu'il y auoit defia quelque téps qu'il S'eftoit retiré des affaires du mode; defirant paffer le peu qu'illuy reftoità viure fans inquietudc. Les Orancayes ne luy ayant pú perfuader d accepter leurs offres, re- tournent en leurs premieres pratiques;mais voyant qu ilsn'auangoientrien,au con- trairc quetout empiroit , ils ne creuucrent pour l'heure autre moyen que le premier, ce qui les fit aller pour la feconde fois chez le vicillard, qu'ils ne pürent iamais indui- re d'accepter leur offre par leurs prieres, qu'ils tournerent enfin en menaffes, auec lefquelles ils n'aduancerent pas dauantage que la premiere fois qu'ils y furent , ce qui les fitfeparer : mais s'eftans raffemblez; & ne trouuans aucun inoyen pourappaifcr leurs difcordes que par cette efle&ion , ils refolurent de luy porterlesenfeignesroya- les; que s’il les refufoit,ils le mettroientà mort ,affin de ne plus fonger à luy , & cher- | «her vnautre expedient: ils furent donc pour la troifiefine fois chez luy , le Cady portantla Couronne,& vn des principaux Orancayes vne efpée nué : ils ne le prierent plus , mais luy dirent que n'ayans trouué autre expedient pour pacifier leurs differens que fon efleétion ; ils l'auoient par cy-deuancfupplié de prendre lesrefnes du gouuer- nement, & que lesen ayans refufez , ils auoient recherché tous autres moyens ,affin d'empefcher les calamitez qu'apportoient vne guerre ciuile:mais qu'ils n'auoiét treuué autre remede que de le créer pour leur Roy,ainfi qu'ils venoient pour la derniere fois luy faire offre de laCourône, laquelle s'il acceptoit;il lesobligeroit generalemér & en particulier à luy rédre toute obeiffance & feruice.Que s'il les en refufoit,ils eftoiét re- folus de le faire mourir,a ce queDieu leur fu(citaft quelqu'autre expedient,par lequel ils peuffent éuiter les prochaines defolatiôs qu'vne confufion leur apporteroit.Le vieil Orancaye voyant qu'il n'y auoir plus moyen de reculer, leur dit que veritablementil eut bien defiré acheuer le refte de fesiours en fa maifon parmy fa famille, fans fe mef- ler d'aucunesaffaires , qui luy peuffent inquieter le repos qu'il efperoiten fa vieillef- fe; mais puis qu'ilsne trouuoient autre remede pour éuiter vne fafcheufe guerre, que de l'eflire pour leur Roy, qu'il acceptoit leur offre, à condition qu'ils le cinffent en qualité de pere, & luy lestraitteroit comme fes enfans : que fi d'auanture aucun d'eux luy donnoit aucune occafion de quelque mécontentement, qu'il les chaftiroit comme fes propres enfans : auflì qu'ils receuffent le chaftiment comme venant de leur pere: ils le remercierenttous d'vne voix, l'affeurans que non feulement ils Phonoreroient comme pere , mais le refpe&eroient comme leur fouuerain Seigneur , fous les com- mandemens duquel dés l'beure ils fe foumettoient , & luy en preftoient le ferment: puis le portans à la grande mofquée ; il fut couronné au grand contentement du peu- 12 VOYAGES DV GEN. BEAVLIEV ple;qui non fans caufe redoutoitles diuifions prochaines : & delà il fut conduit au chafteau, duquel ayant pris poffeffion و‎ & apres s'y eftre inftalé auec fes amis & dome- ftiques, conuia tous les Orancayesa vn feftin royal quil ordonna à certain 1our dans le chafteau , & fit faire de fi grands preparatifs , que chacun en entroit en admiration: tellement qu'au ¡our prefix les Orancayes ne manquerent de fy rendre en la meil- leure conche qu'illeur fut poflible. Dans le chafteau on n'entendoit quc fons d'inftru- mens, refiouiffances, chants d'allegreffe, tout y rioit;on voyoit pafler de fi grandsfer- uices de viandes , confitures , breuuages , & chofes femblables que l'on iugeoit que le Roy employoit tout ce qu'il pouuoit pour receuoir les Orancayes magnifiquement, & lesremercier de l'auoir posé en vne fi grande dignité : cux eftans en leurs places or- dinaircs , quieft dans vne cour proche du logement du Roy, affisfousle grand Bali, les chappescommencerent à marcher, la mufique renforce , on fait de fi grands cris d'allegreffe dedans , qu'iltardoit à ceux qui eftoient encore dehors, que les chappes ne cheminoient plus vifte, lefquelles emmenans chacune leur Orancaye, comme ils citoient dedansles falles;ils fe trouuoient iucontinent faifis & pouflez dans vne autre cour qui cft derriere lesbaftimens, ou le Roy auoit fait creufer,vne profonde foffe,fur le bord de laquelle on les efgorgeoit,puison les precipitoit dedans; & l'affaire fut me- née fi chaudement; qu'il y en eut 11. cens d'egorgez,auant qu'aucun de dehors f'apper- geut, qu'entreles chants d'allegreffe l'on en entendoit par cy par là quelques-vns de bien triftes. Le peu qui reftoità entrer fécoula doucement hors du chafteau, fans pou- voir dire affeurément l'occafion de leur deffiance jufques au lendemain و‎ qu'ils recon- nurent par le retardement des principaux,qu'il y auoit quelque menée, qu'ils auoient | cuitée heurcufement. Le Roy ayant exterminé fi facilementtous ceux qu'il redoutoit, &^qui luy pou- uoient fufciter quelque nouueauté ,il ne fe foucia pas beaucoup durefte, & s'eftant fortifié & amaffé bon nombre de perfonnes dans le chafteau , aufquels il fit defliurer 1 des armes, fitpublier vne declaration par la ville de ce qui c'eftoit paflé, & les occa- fions qui l'auoient meu à faire vne fi grande execution, laquelle il difoit auoirefté M o pour fa feureté & celle de fon Eftat , remontrant comme par le 2116م‎ ils auoient fait & deffait tantde Roysàleur fantaizie , qu'ilsen auoient aboli l'ancienne tige , & qu'e- ftansfur le point de s'entrecouper tous la gorge,ils n'auoienttrouué autre remede,que de l'eflire Roy par force, pour luy en faire autant qu'aux Roys precedens, apres qu'ils auroient quelqu'autre imagination. Qu'eftant Roy, il ne le defiroit eftre en idée , ny feruir de jotietaux humeurs inconftantes des Orancayes, lefquels apres l'auoir maffa- J y cré,rentreroient en leurs premiers debats, aufquels ils attireroient infenfiblement tout le peuple , quien pâtiroitle plus; qu'au furplus fon intention eftoit de maintenir chacun en paix, exercer rigourcufe iuftice fur les mefchans, & regner equitablement. Apres cette declaration, voyant que perfonne ne remuoit, & aufli que perfonne n'en- troit dansle chafteau pour luy rendre les dcuoirs accouftumez,il enuoya démolir tou- tes les maifons des Orancayesexecutez , emporter le canon, armes, & principaux meubles dans le chaftcau ; fit deffenfe à qui que ce fut de baftir de pierre , auoir canon en fa maifon , ny faire aucun retranchement dedans ou à l'entour : que ceux qui e- ftoient faits fuffent remplis, & les murailles de pierre abbatués: il donna le modelle commeil vouloit que l'on baftit , qui n'eft qu'à vn feul plancher, & les murailles des maifons de nattes,comme elles fontauiourd’huy : il fit ceux quil'auoientaffifté en fon deffein ὃς fesamis, nouueaux Orancayes;aufquels il diftribua partie des heritages des deffunéts, l'autre partie il le la referua : & fe voyant bien affifté , il fit mourir ceux des anciens Orancayes , qu'il redoutoit le plus, confifca leurs biens, puis fitexecuter ceux du peuple quiles affe&ionnoiét,comme auflitousceux quiauoient fait paroiftre quelquereffentimenr de la mort des premiers : & dit-on que la premiere année de fon regne , il Brbien mourir vingt mille perfonnes, & la feconde encore plufieurs mil- liers, & les defarma entierement. Il regna long-temps; car lors que ceux de fain& Malofurentà Achen en l’an16or. il eftoitencore viuant; fon regne fut tout de fang: tellement y AVX INDES ORIENTALE S. 113 tellement qu'il reduifit la ville à peu prés en l’eftar qu’elle eft à prefent, qui n'eft rien en comparaifon de ce que diuerles perfonnes encor viuantes m'ont alleuré l'auoir veuë. Il traitta fort malles marchands Mores, & fit de grandes courtoifies aux An- glois & Holandois, quis'y inftalerent de fon temps. Il eíleua le Roy quiregne à pre- ient, cftant fils d vne fienne fille qu'il affe&tionnoit fort: Auant fa mort il le recom- manda à fes enfans , & mourut en l'ant603. âgé de 95. ans, laiffant deux enfans 5 defia bien àgez, aufquels par fon teftament 1l partagea les terres de fon obeïffance , donna à l’aifné le Royaume d'Achen , & tout ce qu'il auoit le long de la cofte de Su- matra au Couchant , & il qualifia l'autre; Roy de Pedir auectoutes les terres qui fonc le long de ladite cofte du Leuant. Ces deux Princeseftoient d'vn bon naturel, benins & humains, & trop pour celuy de leurs Sujets ; tellement que de leur tempsilfe com- mettoit vne infinité de meurtres & de volcries de iour & de nuit dans Achenile plus fort oppreffoit le foible : enfin il y auoit vn grand defordre faure d'vne feuere iuftice ; neanmoins les deux freres vn an apresle decez de leur pere,fe firérla guerre à l'occa- fion du Roy quiregnea prefent, que le Roy d'Achen auoit retenuauec luy , l'entre- * tenant honnorablement ; & fa mere, qui eft encore viuante;gouuernoitle Roy,com- me elle vouloit , & pofledoit de grands moyens : mais cela n'empefcha pas que pour quelques icuneffes de fon fils, qui eftoit d'vn merueilleux naturel , il luy vía de quel- ques menaces, mefme donna quelque leger chaftiment à fon nepueu , quitrouua mo- yen de fe retirer du chafteau , & fe fauua chez fon oncle le Roy de Pedir qui le re- ceut bien humainement. Le Roy d'Achen fgachant fon abfence en fut excremement marri, & dauantage quand il fçeut que fon frere l'auoit retiré , auquel il manda de luy renuoyer : Le Roy de Pedir s'en excuía, difant qu'il ne vouloit en aucune fagon re- tourner à Achen : qu'il ne defiroit non plus le forcer , veu la recommandation que leur en 21101 fait deffun& leur pere:enfin apres plufieurs allées & venués, l'affaire vint entel poinét, que le Roy d'Achen denonga la guerre à fon frere; & fe la firent bien af prement : le Roy d'aprefent conduifant les armées du Roy de Pedir ; auoit le plus fou- uent du bon ; mais les forces d'Achen eftans plus grandes que celles de Pedir , apres diuerfes batailles , aufquelles moururent plus de foixante mille hommes en vn an de part & d'autre, ceux de Pedir fennuyerent, & ne voulurent plus aller ala guerre; de forte que le Roy fut contraint de remettre entre les mains du Roy d'Achen leur ne- veu, qui cut incontinentles fers aux pieds , auec bonne garde. Quelque temps apres furuint l'armée des Portugais partis de Goa exprés pour s'emparer d'Achen; ce qu'ils cuffent fait fans doubte, s'ils euffent bien entendu leur fait; mais fe laiffans paiftre de paroles, ils en perdirentil’occafionauec plufieurs desleurs, joint le fiege des Holan- dois deuant Malaca. I es Portugaisayans fait defcente à l’entrée de la riuiere, empor- terent le premier fort de gazons,mais celuy de pierreles arrefta. Ce Prince qui eftoit aux fers demanda permiflion à fon oncle le Roy d'Achen, qui pour lors eftoir bien ef- frayé & en peine commentil deffendroit la defcente aux Chreftiens,remontrane qu'il valoit bien mieux qu'il mouruten combattant contre les Cafires ( ainfi nous appel- lent-ils ( qu'eftre inutilement enferré. Le Roy luy fit ofter les fers, & ilfe porta vaillamment contre les Portugais en deux ou trois rencontres qu'il eut auec eux ; tellement qu'il acquit vne grande reputation parmy ceux d'Achen : Sa mere, femme entreprenante & ambitieufe , en- tendant en quelle eftime on auoit fon fils, entreprend de le faire Roy d'Achen; luy communique fon deffein & les moyens d'y paruenir , luy fournit degroffes fommes d'argent qu'il fema parmy les principaux Orancayes : il fe montroit familier auecle menu peuple, conuerfoit auec eux; tout ce qu'il auoit eftoit commun à fes amis, & à ceux qui luy faifbient la Cour: il neles refufoit d'aucune chofe qu'ils luy deman- daffent ; fe monftrant liberal parmy les Orancayes, affable auec les riches, compa- gnon auec ceux qui faifoient profeffion desarmes ,'& auec le peuple tres-benin δὲ courtois : fur ces entrefaites le Roy d'Achen meurt fübitement ; à l'heure de fon de- Seconde Partie. sP n4 VOYAGES DV GEN. BEAVLIEV &eds il fe trouue dans le Chafteau, gagne les Gardes par fa largeffe , fait de grandes promeftes aux Ofhciers, fournit vne bonne fomme au Maraja ou Gouuerneur du Chaíteau; apomte en l'abtencedu Roy , quelques principaux Orancayes, diftribué quelque argent à d'autres , menace le Cadi qui faifoit quelque difficulté dele couron- ner; enfin il ioué fi bien fon perfonnage que le foir mefme du deceds de fon oncle, il fur proclamé Roy en fa place, à la grande refiouyffance d'vn chacun, pour auoir con- ceu de luy depuis peu vne grande efperance , tant de fa liberalité, courtoifie & fami- liarité que de fa valeur. | Comme iln'y aque 12. licués d'Achen à Pedir & toute campagne; le Roy fut bien-toft aduerty de la mort de fon frere , tellement que le lendemainil fut à A- chen pour s'inftaler en fon patrimoine ; mais il ne trouua perfonnc qui vint au de- uant de luy , & approchant du Chattcau , comme il n'eftoit pas beaucoup accompa- gne , il fut facile au Roy d'Achen de le faire entrer dedans, où il le garda vn mois; puis feignant de luy vouloir permettre vnlieu hors la ville de plus agreable feiour, que le Chafteau , il le fit elgorger en chemin,ne reconnoiffant point l'amitié que fon , oncleluy auoittefmoigné par les guerres qu'il auoit fouftenués à fon occafion. Ceux quile firent Roy ne sentreuuerent guieres mieux ,car commençant par le Maraja qui auoit reccule plus de fon argent, il acheua par ceux quien auoient receu le moins ¿enfin dés la premiere année on letrouua bien changé; car d humain onle trouua tres-cruel; de liberal, tres. auare ; d'vn naturel familier & benin و‎ tresfarou- che & inexorable, & depuis il aaugmenté toufiours ; en forte qu'il a encore fans comparaifon plus efpandu de fang que fon pere grand ; fait plis d'exaétionsen vne année que l'autre ne fit entout fon regne ; enfin il a defpeuplé tout ce territoire d'Achen, & efpuizé d'argent vn chacun, voir mefme tous les Eftrangers quiont eftt à Achen : ilatafché de repeupler fa ville par les conqueftes ou à proprement par- ler par les rauages; parce qu'ayant ruiné les Royaumes de lor, ee Deli, de Pahan, de Queda ὃς de Pera,defquels il emmena enuiron vingt-deux mille perfonnes;à pre- fent il en refte à peine quinze cent; celaayant feruy pluftoft pour fpeétacle de ía cruauté que d'autre chofe ; carles ayant pillez & rauagez en forte qu'il les emmena tout nudsà Achen,& ne leur donnant vn grain de ris pour leur nourriture: ce peuple eftát tout neuf dans vne terre,oü il eftoit efclaue & eftant accoutumé à l’oifiueté,ne fe puc naturalizer fi-toft & accouftumer autrauail , qu'il eut moyen de feruir le Roy & gagnería vie; de forte qu'auant feulement qu'ils en euffent imaginé l'inuention , ils cftoient defia demy morts de faim : lc peuple d'Achen eftant pauure ne peuteftre grandement aumofnier; tellement que les miferables mouroient par les chemins, ne leur reftant que la peau coufué fur lesos ; & ce 化 encore pitié que de voir lesre- ftans qui n'ont le moyende s’accroiftre, & ne fe peut reprefenter mifere pareille à celle là. Iufquesà prefent ce Roy acu lafortunetres-fauorable & n'en a euaucun reuers; tous fes deffeins luy reüffiffent ; enfin, il elt fi heureux , iufques aux chofes de plus petite confequence , que plufieurs l'eftiment & le tiennent pour vn grand forcier; en mon pariculierie le ticnsd'vn grand iugement, & quetout ce qu'il enntreprend n'eftàlalegere & horsde faifon, mais bien meurement & auec des conie&ures tres- apparentes & palpables : il n'aaffailly aucuns de fes voifinsque fur le pointde fes vr- gentes neceffitez ou de quelque grand deffaut ; tous fes deffeins commencent par des moyens qu'on ne peut comprendre , iufques à ce que le coup foit fait; & comme il ne prend confeil de perfonne , qu'iln'en demande ou reçoiue, ny qu'il fe commuque: les entreprifes qui partent de luy font bien plus difficilesà efuenter que d'vnautre, qui propofe fon deffein & prend confeild’autruy; & comme ileft du tout abfolu , & que ce qu'il commande eft à l'inftant executé ; ie ne trouue pas qu'il foit befoin d'affi- ftance des demons pour faire ce qu'il fait : enfin Pay toufiours entendudire que tous forciers font beliftres & miferables , & ie peux affeurer que ce Roy eft le plus opu- lent de fes voifins. AVX INDES ORIENTALES. ἧς Le Mercredy deuxiefme de Février nous eftions par le trauers de Priamam, &le lendemain nous eftions à veuë de | [fle Mantabey ou fut noftre Vice-Admiral ; de laquelle on void bien à plain les hautes terres de Primam , Ticou ὃς Paffaman, & le Samedy 5. nous eftions encore de terre d'vne Ifle inhabitée;qui eft entre cel- le de Naffau & celle de Mantabey. Le Dimanche fixicíme nous auons paffé entre l’Ifle de Nalau& vne autre, qui n'cft point marquée, ou denommée fur les Cartes, ce paffage à quatre ou cing licués de large: & le lendemain feptiefme, nous eftions encore à cinq ou fix lieués de l’Ifle Naffau, que nous pouuons bien nommer le cimetiere des François, pour y auoir efté la plus grande partie de noftre Vicc- Admiral enterrez : de ce lieu nous voyonsen- core laterre ferme quieft merueilleufement haute ; & cft vne belle remarque pour ne point commettre vne telle faute ; que ceux de noftre Vice-Admiral ; qui famu- ferent à ces Iles, quifont baffes , au refpe& de la terre dela grande Ifle; qui eft tres haute , & qu'ils voyoient dulieu ouils eftoientancrez : que s'ils y euffent efté il ne leur fut pas mort quatre-vingts hommes , comme illeur mourut depuis, car coute la terre de Sumatra eft peuplée fur le bord de la mer,de perfonnes qui font accouftumez de voirles Eftrangers;au lieu qu'en ceslfles ce fontla plufpart de pernicieux Sauuages, qui n'ont communication auecperfonne ; la plus haute terre de ces Ifles n'eft pas plushaure, que les coftes marines de France; mais celle de la grande Ifle paroift hau- te comme les Canaries & dauantage. Le Mercredy feiziefme, nous auons commencé d'auoir les vents de Sueft par la hauteur de neuf degrez Sud de la ligne ; & depuis que nous fommes partis de T icou, iufques à prefent nous auons eu des calmes & des vents variables d'Elt Nordeft , Nor- deft & proche de la cofte Noroeft. Le premier de Mars nousauons mis quatre de nos plusgroffes pieces de canon au * fonds du Nauire , & demonté vne partie des autres, afin de mieux refifter aux tour- mentes qui font ordinaires au Cap de Bonne Efperance,principalement enla faifon que cftimons le deuoir paffer,& le lendemain nous auonspris hauteur, &trouuévingrs degrez & demi, l'aiguille noroeftoit 16. degtez vn quart. Le Samedy vingt-fix, veille de Pafque faifant beau vent, ie commanday d'af- foir les bonnettes que Pon auoit oftées à Poccafion des calmes que nousauons eu de- puis quinze jours ; mais comme on executoit ce trauail, vn ayde de Chirur- gien nommé Michel Henriqués de Honfleut tomba en la mer; on voulut à l'inftant virerle Nauire, ce qu'il ne fit alors; ie luy Jettay vn banc de ma chambre , lequel il attrappa & fe vint deffus, nous ferlafmes promptement nos voiles, pour mettre _ lafcutte hors, qui eftant fur le bord, les anneaux rompirent , de forte que la fcutre tomba en la mer auec trois hommes , lefquels nous firent oublier le premier pour les fauuer, & il y en eut vn, quife fauua miraculeufement à quelques linges, quitrai- noientarriere du nauire, neantmoins ie fis mettre le grand battcau hors; car nous voyons encor le premier fur le liege; mais le batteau eftant en la mer, 87 le vent croif- fant , fut caufe qu'ilsne le peurent aborder affez à temps, & difparus; & apres l'auoit cherché plus de deux heures de temps, ils furent contraints de reuenir ; nous ef- tions alors parlabauteur de 33.degrez & demy. Depuis ce iour nous auons eu ou calmes ou vents contraires , iufques au fixiefme Auril auquel ¡our nous auons eu grande tempefte du Ocit Norocft , & le nauire a lafché grand eau, ce quia cftonné pluficurs de noftre efquipage , veu que neus nous eftimions encor à 400. lieuës du Cap de Bonne efperance : ces rempeftes nous ont continué par diuerfesreprifes , iufques au vingtiefme de ce mois , quauons apper- ceu la terre parla hauteur de trente trois degrez vn tiers , ayans fept degrez trois quarts de variation d’aiguille Norocft , terre plane & vnie;neantmoins la cofte plei- ne d'efcueils ; ainfinous nous en fommes retirez, & dés le lendemain nous auons eu grande tempefte , quia continué iufquesau vingt-deuxicfme , aucc tant de fu- rie quenous auons perdu vne partie de nos voiles , & nous battoit tellement en rui Seconde Partie. | $P Var. 16. d, I, quart, NO. Var. 7. d. trois quarts 116 VOYAGE DV GEN. BEAVLIEV ne, que nousapprchendions beaucoup de n'y pouuoit refifter; car elle a defimóly tout lc haut du nauire , principalement l'auant ; la poulaine en a eftétoute empor- téc, en forte qu'il n'y refte : que le digon, ou font attachez les liaffes du baupré ; enfin n'y a endroit dansle nauire, qui ne fe fente de cette tourmente , tout en cft cibranlé, &leaua entré dans noftre foutte de referue par la chambre des canon- niers , qui eftoit demie plaine d’eau; & ne reftoit endroit fec. dans le nauire. Cette tourmente Left appaifée le Samedy vingt troifiefme : laquelle iournée nous auons employéc à nousragréer au mieux qu'il nous a efte poflible. Le premier de May nous auons eu connorflance de laterre, qui eft entre le Cap des Aiguilles & le Cap Falco. Et le Ieudy 5. nous auons furgien labaye dela Table, ὃς trouué vn nauire Holandois du port d'vnze cens tonncaux , nommé laliurée de Rorerdam :le Com- mandeur nommé Caffebos de Bruxelles m'eft venu voir le lendemain; il y عد‎ uoit prés de fix mois, qu'il eftoit party de Holande auec 380. hommes, de/quels il en auoit perdu enuiron 60. il y enauoit autant qui eftoient bien malades. Le Samedy fuiuant eft arriué vn autre nauire Holandois, nommé le Maurice du port de 1200. tonneaux ; 300. hommes d’efquipage, vne vingtaine de femmes & quelques la- boureurs pourlabourer & cultiuer les terres عل‎ [acatra,& peupler la ville : la pluf- part eftoient malades & auoient perdu beaucoup d'hommes, il y auoit $. mois & demy qu'ils eftoienc party de Holande. Le Icudy neuficfme eft decedé en ce nauire le Capitaine Gedeon Soyer de Diep- pesil eftoit tombé malade depuis noftre partement de Ticou, & comme il ef- toit age d'enuiron foixante ans & que nous fommes arriuez en cette terre fur le commencement de l'hyuer , faifant grand froid, l'air de la terre na pas eule pou- uoir de leremettre en vigueur. Le Ieudydouziefme cft encore artiué en cette Baye vn nauire Holandois nom me le VVeft Frifland du portde douze cens tonneaux : il yauoit trois mois & de+ my qu'il eftoit party de lacatra en compagnie d’vn autre grand nauire; ils s eftoient feparcz prez de la cofte de Natalenuiron par les31. degrez & demy, où ils ancient enduré de grandes tourmentes; il eftoit tout charge de poivre, & de clou de girofle. Le Samedy vingt-vn voyant que 5. ou 6. malades, que ay en ce nauire,ne reprenoient point leur fanté, foit à caufe de la grande froidure, ou que ie ne peux recouurer icy des viandes fraifches, comme il feroit à fouhaiter , principa- lement à Poccafion des Holandois, defquels ie me defie grandement, ie me fuis relolu de partir, ayant defia embarqué mescaux;ce qui m'a fait leuerl'ancre à ce foir; mais ic n'ay pas efte deux lieués efloigné de mon ancrage, que le vent ne m'aitefté contraire à l'Oeft Noroeft comme il a toufiours efté depuis que ie fuis 2111116 en cette Baye: ce qui m'a contraint de reuenir encore à l'ancre, comme a fait auffi le nauire Roterdam, qui auoit appareillé pour doubler le Cap de Bonne-Efperance. Le Lundy vingt-troifiefme eft arriué encore vn grand nauire Holandoisd'en- uiton Boo. tonneaux, nommé le Codda, qui eftoit lecompagnon & Admiral du V Veft Frifland, venant de Tacatra : il eftoit tellement defnué d'hommes, qu'ils n'auoient pas moyen de manierleurs voilles, & ne reftoient que quinze ou feize en fanté dans le nauire; de forte que dés qu'il eut connoiffance des nauires moüillés à l'ancre,il fe mitàtiret plufieurs coups de canon و‎ & mef- me la nuit auant qu'il eut apperçeu aucun nauire, afin qu'onle vint fecourir; ce que ie n'euffe pas manqué de faire fansles trois autres, qui eftoient plus forts que moy, & defquels ie me tenois efloigné & l'euffc añifté dela mefme façon que Scouten fit à l'endroit de mon Vice-Admiral, Si i'euffe eutant de bon-heur que de le rencontrer feul, nos differends fe fuffent vuidez fans procez,& i'euffe eu lar- gement moyen de fatisfaire les pretentions de Mefficurs de noftre Compagnie δέ celles de nous autres particuliers,quiauons perdu vnc partie de nos moyens par la AVXINDES ORIENTALES. 117 fapercherie des Holandois lors de l'embrazement dudit Vice-Admiral fait trai. treulement pareux. Et le lendemain ic me füis encore mis en cffc& de fortirde cette baycaucclafaueur d'vn petit vent de Sueft , mais Je vent contraire m'a incontinent ramenc. Le 24. faifant calme; ie me fus refolus de defcendre àterre en certain lieu, ou i'a- uois remarqué désl'autre voyage quelques oignons de fleurs, que ic defirois faire cücillir pour porter en France ; mais voyant le beau temps continuer, ie fis mettre le cable au cabeltan ὃς appareiller fur le (oir; & le Nauire gouuernant affez mal , lay cité contraint de pafler par le Nord-cftde l'Ifiet, où le calme nous a fürpris ; telle- ment qu'il a fallulaiffcr tomber l'ancre enuiron à vane portée de canon de l'IHlet. Le Vendredy 27. eft decede Sandre Ponthon canonnier Efcoffois age de plus de foixante ans; il eftoit malade auant que nousarriuaffions au Cap, & n'a peu obtenir guarifon à terre ,àl'occafion, commc ie croy » dela froidure ; & de tous les Holan- dois que lay veu defcendre en terre malades; il n'en eftefchappé aucun, & y cft mort plus de 8c. hommcs , & n'eft à prefent bonne faifon au Cap. Le Lundy 30. de May nous auons mis à la voile de vent Sufueft, nous eftionsen- core 73. bouches dans ce Nauire , defquels il yena fix de malades & fix garcons. Le fepriéme de Tuin nous auóns cu bien mauuais temps & contraire, & portant voiles dans ce vent, noftre maft de beaupré & le clan fe font efclattez 5 tellement que nous ne pouuions faire feruir la voille de beaupré. Le Mardy vingt & vn de Iuin furles quatre heures de rcleuce nous auons veu PIL le de fainte Helene demeurer au Ocft Norocft de nous enuiron quinze licués : ie me fuis delibere, l'ayant rencontrée , d'y tarder trois ou quatre iours , tant pour racom- moder noftre beaupré & y mettre vn clan, que pour donner foulagement 2 cinqou fix perfonnes qui font defia entachées dufcorbut. Le lendemain nous y auons pozé; & trouué deux Nauires Holandois que nous auons incontinent reconnus eftre ceux que nousauions laiffé à la Baye dela table; ray efté eftonné qu'ils fuilent en ce lieu pluftoft que nous, & il faut qu'ilsfoient meilleurs voilliers que nous : Nousauonsre- marqué quele Frifland auoit perdu fon maít عل‎ beau pré. Comme ie 2211015 raccom- moder noftre batteau pour l'enuoyer àterre porter quatre ou cinq hommes mala- des , le Nauire Frifland s’eftant approché de nous, ils me prierent de n'enuoyer mon batteau , queje n'euffe au prealable parlé à eux ; ie l'enuoyay à bord, croyant qu'ils vouluffent enuoyer quelques vas des leurs àrerre ; & y mis le Patron Beruille , au- quelils firent bonne reception ; & letinrenttrois ou quatre heures, pendant lequel temps ils luy propoferent qu'ils eftoient arriuez duiour d'hyer à midy , ayans quanti- té de malades, & qu'ils n'auoient encore eftéa terre, pour ce firier me prioient de n'enuoyer les miens pluftoft que les leurs, à ce qu'ils ne ceüilliffent tous les frui&s ; dequoy ils auoient plus grand befoin que moy; & que le lendemain ayantaduerty leur Cómandeur quieftoit dans l’autre Nauire le Codda ou Houda , que nous pour- rions repartir les frui&s au prorata des hommes que nousaurions: Beruille repliqua qu'il fcauoit bien que ie n'eftois venu en cette Ifle en intention d'auoir des oranges & citrons, que fi ie ne l'euffe rencontrée en faifant ma routte ; que ie n'y fuffe pas venu; & que ie n'auoisenuie d'y feiourner plus de 2. ou 3. jours pour racommoder mon beaupré, qui de nouueau cftoit endommagé ;toute fois qu'il ne manqueroit de me dire ce qu'il auoit entendu d'eux. Le Holandois ne fe contentant pasde cela luy demanda pourquoy i'eftois venu en cefte Iffe;& à quelle intentíon , veu que le Portu- gaisquis'eftoit retiré auec eux au Cap de Bonne Efperance leur auoit dit que nous eftionsdes mefchans , & qu'ils ne deuoient point fe fier àmoy; toutcsfois que ie n'o- ferois auoir attaqué vn de leurs Nauires; quelque petit qu'il fut: que noftre Nauire ne valoit du tout rien;que nous nefçaurions auoirtiré3. coups decanon; & que sil en auoit receu 2. il couleroit auffi.toftà fonds;& que noús n'oferiós noustrouuer parmy nuls nauites Holandois va quoy Beruile refpondit , qu'il leur auoit defia dit que ce n'eftoit pas mon de(fein de venir en certe Ile, fiie ne l'euffe rencon- Seconde Partie. O jjj 118 VOYAGE DV GEN. BEAVLIEV trée en routte, qu'au furplus ie n'auois eu non plus de crainte d'eux, que fiie عم‎ les eufle point veus en rade & que fii'en euffe eu peur, ie ne fufle pas vc- nu moüiller 11 proche: que nous les auions fort bien reconneus dés que nous les auions apperceus , & que noftre crainte en deuoit eftre plus grande enla Baye de la Table, euxeftans quatres Nauires, & qu'à prefent ils n’eftoient que deux; que pour le fait de noftrenauire nous nous en contentions allez, & quil n'eftoit pas fi mauuais , comme on leur auoit donné à entendre ; enfin voyant qu'on luy rciteroit tels difcours & plufieurs autres, qui paroiffoient pluftoft de vouloir chercher quelque querelle mal fondée , qu'autre chofe, il prit congé d'eux; & m'a- yant fait rapport de ce que deflus, ie fus en fufpends de ce queje deuois faire, fçauoir d'enuoyer le batteau à terre contre leur volonté, pour ígauoit s'ils me deffendroient la terre, ou bien me parer 'd'eux à Poccafion que nous en eftions fi proches; que noftre baupré s’eftoit meflé dans fa galerie, & auoit penfe ache- uer de rompre, & qu'ils me pourroient encore endommager, fi ie n'y donnois ordre: ce nauire eftane trois fois plus grand que le noftre , qui ne paroift rien pro- che de luy ; mais comme la nuit approchoit ie me deliberay d'attendre iufques au lendemain, que ie me retiray quelque peuau vent de luy;ce qu'eflant fait, fi on m'eut voulu croire , nous Peuflions abordé auparauant , tant ie me fentois outragé , que telles perfonnes me deffendiflent vne terre qui ne leur apparte- noit pas. Lelendemain eft venuà bord de ce nauire vn des principaux du V Vett Frifland auec vn foldat François nommé Champagne, que i'auoisdu precedent veu à Tablebay; ils me fic diuerfes excufes de ce qui s'eftoit paffé hier: qu'il venoit de la part de fon Commandeur nommé Iob Criftians Grips qui eftoit à ter- re lors que nous arriuafmes , & qu'eftant de retour au nauire , il auoit cílé extre- mement marry de l'indiferetion & effronterie du Maiftre de Nauire, quiauoit eu la hardiffe de retarder le deffein que Pauois d'enuoyer monbatteau à terre; que cela c'eftoitfait fans l'adueu d'aucun, que de la fantaifie du Maiftre qui cl toit yurc, & prioit de n'auoir efgard à cela : qu'il auoit charge de fon Com- mandeur de me prier, que fi iauois affaire de quelque chofe de leurs nauires, que Pen difpofafle; qu'il fcauoit de bonne part que iauois manque de pain; qu'il m'affifteroit de telle quantité de ris, que Pen aurois befoin; voire de tou- tcs vi&uailles: ic le remerciay des derniers offres, l'affcurant qu'il auoit efté mal informé , aufli bien que d'autre chofe, de l'eftat de mes victuailles, qui eftoient graces à Dieu, en telle quantité, qu'elles fuffi(oient pour nourrir ceux de mon equipage; que celuy qui leurauoit dit que je faifois mourir mes gens de faim, auoiz aduancé tant d'autres fauflerez, que celle-là m'cftonnoit le moins. Que pour le fait de ce qui s'eftoit pafféle iour d'hier à bord du Frifland , r'auois trou- ut ce procedé dur à digerer, & queic prenois cela pour vne deffence qu'il m'au- roitfaite de m'ayder dc la commodité d'vne terre, qui ne leur appartenoit point, & quieftoit communcà ceux qui y pouuoient paruenir. Que s'il rveut efte fi tard ie n’euffe laiffe d'y enuoyer, encore que mes forces ne fuffent egalles aux leur; neantmoins ayant la raifon de mon colle, i'auroisaffez de courage pour fup= pleer à cedeffaut ; que d'icy enauant ie l'enuoyeroisà terre, (ans en demander l'aduis d'aucun , & metiendroispreft pour attendre toutes fortes d'euenemens: Quau furplusie n'auois fongé à aucunsfruiétages, & quandainfiferoit que ic fa(- fe paruenu encelieule premier , & que mes gensleseuffenttous cueillis, que ie n'aureis efté fi mal appris que de manquer de leur en prefenter bonne partie ,fça-" chant bien qu'ils en ont plus de befoin que moy; outre qu'eftanscous Chreftiens, & nos Princesamis , nouseftions obligez de nous entr'affifterles vns les autres: Que désles Cap de Bonne-Efperance ils en pouuoientauoir remarqué quelque effe&de ma part; que fi i'euffe eu befoin de fruiétage, l’aétion que ie leur vis hier faire, m'auroit encor bien picqué , veu qu'entretenant ceux de mon batteau dans, leur Nauire ceux du Houda auaienr efté cueillir les fruiéts fans m'en prelenter E AVXINDES ORIENTALES. κα aucuns : que ie ne m'eftonnois pas beaucoup de cela, veu la mauuaife volonté qu'ils auoient vers nous, dont les marques en eftoient encore reffentes en chofes de bien plus grande confequence , & qui me donnent occafion plus preignante de meplain- dre.il me repartit là-deffus que la courtoifie dont i'auois vlt au Cap de Bonne-Efpe- rance enleur endroit ; de leur auoir enuoyé partie de la chair fraifche que i'auois trait- τές, auant que leurs compatriots leur en enuoyaffent , lesrendoit grandement hon- teux de ce qui s'eftoit patlé leiour d'hyer ; que pour le tort qui m'auoit efté fait en Ia- catra , il cftoit de grande confequence, aufli que leur Maiftres auoient de grands moyens pour en payer l'amande ; à cela, ie dis qu'en France i'efperois que l'on auroit ja commencé à y donner ordre. Le Dimanche 26. ع1‎ Commmandeur des Nauires Holandois eft venu à bord de ce Nauire me prier d'accepter de luy queiques viétuailles, fi en auois befoin; ie le re- merciay l'affeurant n'auoir neccflité d'aucune chofe , mefme ie luy fis goufter de no- ftre pain, qu'onluy auoit dit eftre fi mauuais, Lelendemain il m'enuoya vne batteléc de ris; enreuanche ; ie luy enuoyay tuois barils de lard & vn poinfon de fel; il m'a auffi prié de luy addreffer quelques pacquets de lettres. Le foir i'ay fait reuenir ceux qui eftoient à terre; il a quelque peu amendé aux malades , & deceda Samedy dernier [ulian Simon matelot de Dieppe ; qui eftoit demeuré hydropique. Le Mardy 28. de luin nous fommces appareillez del'Iflefain&e Helene, qui eft vn bel endroit pour rafraifchir les hommes, tant à Poccafion de la temperature de l'air, que del'abondance de cabrits & pourccaux qui y font en tres-grand nombre ; comme - auffi de la facilité de recucillir de bonnes eaux , pefche de poiflonà la rade & fur le ri- uage, que pour les frui&s, fçauoir oranges & citrons,qui eft le fouuerain remede con- tre le fcorbut : dauantage il y ades herbes qui font propres pour le potage, comme pourpier , vne forme d’eftragon dont il ya grande quantité, quelque fenegrey , du tabac & de l'herbe mayoc ; dequoy on fait le pain cafaue au brezil : il y a aufli des per- drix & des pigeons, mefmesi'ay entendu de quelques- vns des noftres y auoir remar- qué la Pifte de quelques bœufs : toutes lefquelles viandes, eaux , herbes و‎ & poiffons excelle nt fur toute autre ; & encore quel Ifle foit tres-difficile pour eftre haute, & lesmontagnesbien fafcheufes à grimper , eftanstres-arides & efcarpées; neantmoins au haut il y a quantité d'herbagesà l'occafion de l'humidité de l'Ile; & n'y a fente ou valon dégarny de quelque ruiffeau, le principal defquels eft enla grande valée ou cft bafticla chapelle , encore que cette vallée n'ait pas cent cinquante pas de large , & n'en peut-on auoir fait mille,qu'elle ne fe termine en vn mefchant cran ou fente plei- ne de roches,parmy lefquelles court le ruiffeau, qui tombant d'vne fort haute monta- Ὁ gne , fe refoud auffi menu que pluye, & de la chappelle iufques à cette cheute , il n'y peut auoir vne lieué. Sur le haut du país il y a quelques arbriffeaux qui ne produi- fent aucun frui&. Cette Ifle eft fituée par la hauteur de feize degrez Sud de l'equino- Xial :l'aiguille y varie cing degrez trois quarts au Nordeft: les vents de Sueft y re- gnent continuellement. Le Mercredy fixiefine de Iuillet nous auons veu Ple de PA fcenció , elle nous de- meuroit au Nordeft, nous en pouuionseftre à douze lieués : elle paroift bien haute,& j'entends de ceux qui y ontefté, que le moüillage eft visa vis d vne anfe de (able : il n'y aaucun bois ny cau douce , au moins que Pon aye iufques à prefent trouuée, & neantmoins il y ades pourceaux: Il ne fy void aucune plante ny verdure, ce ne font que rochers bruflez : I1 £y treuue quantité d'oifeaux , fcauoir fregares,etrelers, fols; margaults mauucs , & autres ,lefquels n'ont befoin d'eau douce. Il fy trouue abon- dance de poiffon le long des roches , & en la rade plus qu'en fain&e Helene : mefine il sy treuue des tortués comme aux Ifles du Cap Verd. L'Ile ne peut auoir plusde hui& lieués de circuit, enuiron comme celle de Ste Helene : elle eft par la hauteur de hui& degrez Sud de l'equinoxial. Le Mercredy 13. de Iuillet nouseftions fous l'equinoxial/l'aiguille Nord eftoit 4.4. Var (edes: quarts NE. à fainte He- lene. Var. 4. de- grez. NE. fous l'equi- noxial. Mo VOYAGE DV GEN. BEAVLIEV Le lundy 18. nous auons eu commencement de grains de vent & de pluies. Lc Dimanche dernier depuis le deffus efcrit nous auons eu de grands calmes & pluies, & fi peu de vent qu'il y auoit, venoit du Noroeít: ce qui a caufé plufieurs maladies dansce Nauire d'enfleures & hydropifies, dequoy la plufpart font entachez. Le lundy 1. d'Aouft nous auons veu deux Nauires Holandois , qui ont arriué für nous , puis 2156م‎ auaut le vent: nous n'auons rien peû apprendre d'eux finon qu'ils eftojent d'Amfterdam, & venoient de Guinée:& commeilsalloient beaucoup mieux | que nous, nous ne leur auons peú tenir long-temps compagnie. Lelendemain matin — font tombez encore malades quinze ou feize perfonnes, tellement qu'il ne refte fix È perfonnes enfanté, & il ya plusde hui& iours que chacun a perdu l'appetit & ne mange point du tour. Nous fommes par la hauteur des Iles du Cap Verd, ce qui m'a | fait refoudre d'y aller au pluftoft , encore que mes Pilotes me veulent traîner au Cap — Verd, difans que nous en fommes plus proches, ce qui eft contre mon opinion. ^N Le s.d'Aouftla mortalité a commencé en ce Nauire, lescalmes continuans. Le Mercredy 10. chacun cftoic fi abbatu, qu'à peine pouuoit-on remuer les voiles, & en mon particulier ie faifois plus que force pour les encourager, & lespluies, brui-. nes & calmes continuoient , ce qui eftoit caufe que nous ne pouuions aduancer che: min : Et le lendemainle vent eftant Nord auec pluie & bruines j& courans à toutes voiles ἃ ἘΠῚ Nordeft,a furuenu vn tourbillon de vent, qui n'a pas duré deux minu ὦ tes, & nous a penfé demafter. Nous en auons perdu toutes nos voiles, qui ont efté — rompués , comme fi c'euftefté du papier moüillé : nous auons fauué partie des pacfis, - mais le grand hunier qui eftoit cout neuf, a efté entierement perdu, & bonne partie du petit. Cecaccident , quieft veritablementtres-grand , encore mefmes que nous fuf- fions fains, a fait perdre le peu de courage qu'il reftoit à ce miferable equipage : ie les ay encouragez au mieux qu'il m'a efté poflible;affin de renuerquer ce qui nousreftoit | de voiles,ce qui n'a efté fait qu'auec vn grandiffimetrauail : Le lendemainnousauons « veu quelques arondelles & papillons, ce qui nousa donné affeurance d'eftre proche. delaterre, & donne encor quelque refpir à quelques-vns, mais à d'autresnon, & fepc 3 ou hui& vont tirant à la fin. 8 Le Samedy 13. nousauons veu vne Ifle au Nord de nous, ce qui a donné quelque È peu de courage à nos gens : nous eftions par la hauteur de feize degrez, ce qui nous fit affeurer eftre l'Ile de S. Nicolas, vne des Ifles du Cap Verd: Dieu nousafaitbeau- — coup de grace de nous auoir donné connoiffance de cette Ifle. > Le Mardy 16. nous n'auons fçeu attraperl'ancreage de l'Iffe S. Vincent, en laquel- le ie defirois aller, ce qui a merucilleufement defbauché cet efquipage ; en mon par- ticulier ie ne me pouuois plus fouftenir : tellement qu'ayant efté vn iour fans monter — | en haut , quelques-vns propoferent d'abandonner & efchoüer le Nauire.en l'Ile S. | Antoine, ce qui me fit monter en hautbien à peine pour encourager vn chacun : 82 | fur le midy nousauons eu quelque peu de vent Sueft , à la faueur duquel nous auons recouru versl’Ifle S. Vincent, ou proche d'elle auGstrouué de fortes mareés, quinous | ont conduit iufques für l’ancreage,où nous auons moüilléà s. braffes d'eau:Dieu nous | a fait vne belle grace de nousauoir permis d'attraper ce lieu, car il nereftoit force ne courage parmy la plufpart, & ç'a efté contre noftre attente tous ,dy eftre ainfi par-- uenus, Le Mercredy 17. au matin nousauons mis le batteau hors ; & fait porter nos vieil- les voiles pour faire destentes pour retirer nos malades,qui y ont efté portez à grande difficulré, & ne pouuant éconduire tous ceux qui me demandoient congé d'aller cher- cher leur fanté àterre و‎ Pay pris deliberation de garder le Nauire auec douze hom- mes, encore que i'euffes autant befoin de la terre que les autres. A. Le 19. il faifoit grand vent de Nordeft, & fur les 9. heuresdu matina paru vn pe-. tit Nauire Holandois qui vouloit à cetancreage , & a pafsé deterred'vne roche qui | — eft à l'entrée de cette baye; mais quelque fignal que nousluy ayonspeü faire, ila + Jafché auautle vent, & n'a voulu approcher à la portée du canon de nous. È t È è TTC | "AV X INDES ORIENTALES. Y2X . Leleudy premier iour de Septembre i'auois recotuert entierement ma fanté, '& Yay efte vifiter ceux de terre , lelquels i'ay tecuné en meilleure difpofition que ic n'euffe eflimé : & ne reftoient que quatre à cinq perlonnes encores bien mala- des; i'ay reconnu qu'il fe pratiquoit vne petite ligue pour me perfuader d'aller au Cap-verd ὃς d'y pafler PHyuer ; ce qui m'a donné plus d apprehenfion que ‘de peine à difliper, Le 15. (ay fait leuerlesancres& apparciller fur le midy, le vent eftant Nor- Pons dEl qui ne nous a permis de pafferau ventdel'Ílc de Saint Anthoinc. Cette mor le lile de faint Vincent al'ancreage ordinaire, cft par la hauteur de 17. degrez vingt au deffous minutes; l'aiguille y Nordefte 2. degrez 15. minutes; en cette faifon elle eft cres- ^" ve abondante en tortués; il y en a vne fortede fort excellentes, que l'onappelle var. z.,4. tortuésfranches; le poiffon eftrres-grand, y en ayant telle, qui ne peze pas moins 5: ?* NÉ de 300.liures, & il y a autant à manger qu'à vne genifle d'vn an, d'aufli bon gouft & la chairauffi blanche; la difference qu'il y a pour les connoiftre desaurres,qu’ils - appellent cahouanes, qui ne laiffent d’eftre bonnes, mais non à beaucoup présdes franches;cít que leur efcailleeft ynic, liffe & de couleur verdaftre, ordinaiiement plus grandes de coips,& neantmoins de tefte plus petitesile bec en dents de fie, ce que n'ont pas lesautrcs;elles viennent la nui& pour pondre leurs œufs fur le fable, '& les enfourffent enuiron y ἢ pied dedans, puis les recouurent, & s’en retournent ‘enla mer: quand on les veutauoir onlescfpic la nui& qu'elles fortent de l’eau; puis par derriere onlesretourne fur le dos, d’où elles n'ont moyen de fe remet- tre fur pied, & on les vient querir le lendemain matin;à la plus part d'elles fe treu- uent dans le ventre 250. œufs à efcaille, & autant d'autres fans eicaille,lefquels font tres-bons. Nous auons recouuert en cette Ile certaine herbe, quireffemble au- cunement aux efpinars, mais fans comparailon meilleure; nous la mangions en falade & potage, qui nousa grandement feruy pour nous faire reuenir en fanté ; car elle nous tenoit le ventre libre, comme fait auffi la chair de tortue ; tell ement ue ce.a nous fcruoit depurgation : & tel à quila peau ne pouuoit contenir les enfleures, a cíté guary en 8.iours, & i'ay eftc l'vn de ceux-là fans auoir partidu Nauire,& pris medecine deux feules fois; quand r'euffe efté en France, ie πους pas creu eftre gueri de cette maladie en vn mois :il fe rrowue 210111 grande quanti- té de cabrits & tres-bons ; mais il faut auoir des chiens pour eftre afícuré d'en auoir tous lesiours : de fruiéts nous n'y enauons point treuué, finon quelques figues fauuages; maistoutes gaftées de vers: du colté de l'Eftau pied d'vne hau- te montagne quieften forme de table; il y a grande quantité de pourpier ;leseaux n'y font pasbicn bonnes pour eftre furmaches ou quelque peu fallées , toutes- fois vers la pointe du Sorocft de cette Baye, où eft l'ancreage ; il ya yne petite fource qui eftant curée & profondie rendroit d'affez bonne cau ;1l y a aufli du bois à brufler ; qui n'eft pas bien difficile à auoir; Ccít vne forte de pins fau uages , mais fortbas 5 il y a peu d'autre bois fur l'Iflet, fice ne 人 quelques petits arbriffeaux qui icttent vnlai& tres-dangereux & douloureux, quand il touche les yeux: le long des roches fe pelche quantité de poiffon, & peu à bord, fi ce n'eft que l'on y accommode de la zortu£ , car iettantlesiffüés; & le (ang tombant en la mer, cela yattire quantité de poiffon , que l'on pefche fuffifamment pour nourrir ceux qui font à bord; n'eftant befoin d'auoir foin de ceux qui font à terre, fi ce n'eft de leur enuoyer du pain : car ils treuuent là dequoy viure abondamment , mais qui veut auoir quantité de beau, grand, & bon poiffon , il fauc aller 2 l'Iflet ou roche qui οἰ à l'entrée de cette Baye , efloignée de l'ancreage enuiron vn quart de licuè, ou demye lieué au plus ;fept ou hui& hommes dans yn batteau en deux heures de temps pefcheront pour nourrir deux cens hommes: enfin c'eft vne des meilleu- res 1065 qui fe puiffe rencontrer pour rafraichir des hom mes, & n'eft inferieure à celle de fainte Helene, hormis que les caux ne font pasbonnes, mais en recom- penfe cette Ifle cy eftaccefüble partout, & il y a de belles promenades, ce qui ls soris - را الو‎ ὡς νυ τυ n'eft pas en Pautre > où ce ne font que precipices, & le país plus difficile que i'aye jamais veu; cette Ile peut auoir neuf heuës de circuit, & les vents y font la pluf- part du temps NordEft, comme enl'Ifle fainte Helene Sueft : en plufieurs en- droits il y a de tres belles anies;mars celle qi eft du cofté de 5. Anthoine eft la plus. belle,&ne fe peut iamais voir de plus beau port,car vn nauire y eftàl'abry de tous vents,bcau fonds de fab:ez nous eltrons ancrez à cinq brafles d'eau,nous n’auonseu E. aucune connoiffance d'habitation , encore que nous ayons couru bonne partie de 4 | l'Itle; quelques vns difent auoir veu Vn homme au commencement que nous arri= o uafmes icy,toutefois il ne s'eft montré depuis, s'il y en a;c'eft fort peu; il ya encore 3.0u 4. des nofires qui ne font entierement guaris, Dieu leur veuille renuoyerleur lante, & nous faire la grace de rapporter quelque efchantillon de ce malheureux voyage,qui au iugement de plufieurseft bien rifqué,& femble à quelques vns que ieles meine au fuplice, allant en temps d'hyuer en noftre pays;mais pour mon par=« ticulier ie n'y trouue pastant de difficulté comme eux, me confiant en la miferi- corde de Dieu , quiaura sil luy plaift pitié de nous. | M Le pre mierd'O&tobre , nous eftions parla hauteur de 33. degrez τ ayant cu لعل‎ puis noftre partement de l’Ifle faint Vincent les vents Nordeft - d'Eft qui nous. auoient obligé de faire le Noroeft,& auons auancé plus que nous n'cuflions cfpere — ce qui nousdonna efperance de brefue trauerfée, mais le lendemain nous auon$ eu vne furieufe tourmente du Sud, qui a bien augmenté par vn rencontre de Nord qui s'eft opposé à la premiere furie de fon contraire : le vent de Nord دعل‎ ' meurant enfin le plus fort a tellement agité la mer que nousauors eu bien dutra- | uail dansce Nauire, & lafchions grande eau, & pour comble dc noftre mal nous 0 auons perdu la meiileure partie de nos breuuages & huille pour brufler à la lampe. Le 10. d'OGobre nous auons eu grande tempefte du Nordnoroeft & depuis Ie commencement de ce mois, nous auons eu des vents de Nord, Nordnoroeft ὃς Nordnordeft qui nous font directement contraires : les chandellesde S. Gouftan — ou S. Elmece font apparués fur nos mafts durant le plus foit de cette tempefte. \ Le12.nousauons veules Iles Affores ;fcauoir le Picq S. Georges & la Tercero, o " 5 p dH & fommes parucnusiufquesau17.de ce mois,auant que de les pouuoir paller:certe — 122 VOYAGE DV GEN. BEAVLIEV ^ +" contrarieté de temps nous donne bien del'aflli&ion. ἫΝ Le 59.nous auons cu grande tempe du Norocít laquelle continuant le iour fui» | uant20. & portant les pacfisafin que le Nauire ne trauaillàt; comme il eut fait \ fans voilles , noftre grand maft craqua parla voye deseftambreys, ce qui nous fici promptement ammencr la voille , & l'ayant vifitéie treuuay quileftoitrompude — trauers & efclarceen long par deux endroits la hauteur d'vne braffe ,s'ouurantau —— roulage du Nauire trois & quatre coups deligneà chaque fente, ce qui nousa fait d refoudre de mettre noftre grand maft de hune bas fur le tillacq ; & comme le Naui- Ἢ re fe tourmentoit beaucoup en l'emmenant ; ila emporté mes lices de tiebord 下 & iettécs en la Mer; puis quelque temps apres noftre maítde mizance a rompu, tellement que le Nauire n'eftant fouftenu de voilles a tellement roullé & trauaillé — quenous ne pouuions franchir l'eau, les hauts du Nauire eftant pourris & démol- lys,& les tillacqs chargez d'ammonition , ie m'eftone commeletout n’a ouuert. Le 22.latourmente s'eft du tout 22 رع 2116م‎ & auons perdu ce iour à nous raiufter, M & auons treuué le grand maft plusendommagé que nous r'eftimions ; tellement qu'il a fallu faire deux clans pour Paffermir, Lvn du maft de hune , l'autred'vn de rechange que nous auions, & Dieu nous abien 211116 que la tourmente ait celle; MN car fans doubte tout fuft venu bas, عق‎ nous trouuons par tout à refaire; nous eftions M alors pat lahauteur de 44. degrez. Le 29.nous eftions parla hauteur de 49. degrez & demy. Le dernier nous 21165 eu fonds à 70. braffes auec tempefteen Oeft Noroeft, nous cftions par la hauteur de so. degrez , ie fis affembler lesPilottes & Maiftres de Nauire & autres nauigateurs,pour fgauoir d’eux le lieu où ils s’eftimoient, la plule € τς AVXINDES ORIENTALES. 123 part eítoient d'opinion que les Ifles Sorlingues leur demeuroient au Oeftenuiron | 2o. lieués ; ie leur prefentay aufli vne lettre de meflieurs de la Compagnie pour {ça- uoir le lieu où feroit noftre retour en France, laquelle eftant ouuerte fut trouué qu'il feroit au Haurc de grace on Honfleur ; ainfi ie lesexhortay de faire leur adreffe pour fuiure l’ordre ἃ eux enjoint. Le premier de Nouembre nous auons eu tourmente de Nordnoroeft en forte que nous ne pouuions porter voille, & acontinué encore le lendemain ; ce qui nous fait driuer du cofté de Bretagne, & comme il y auoit quelques differends entre les Pilotes fur la routte que nousdeuions tenir, ic les ay fait affembler ,où il acíté remonftre par quelques-vns Pextremité en laquelle nous eftions par les continuelles tourmentes que nous 21110135 اء‎ depuis vn mois, qui auoient telle- ment fatigué nosMatelots,que nous n'en pouuiôs plus tirer aucun feruice:la gran- de eau que failoitle Nauire par fes hauts lefquels eftoient tous demollis, nos voil- les toutes vices & rompués , principalement nos hunniers : les nuiéts longues & obícures, la froidure qui eftoit bien fenfibleà des perfonnes mal veftués, & le reuifde cette nouuelle Lune, qui ne nous pourroit conduire pour entrer dans le Havre de Grace, n'cítant confeillable y radier en telle faifon que cette-cy , il fuc refolude nous mettre en fauucté au premier lieu que nous pourrions rencontrer, foit Breft ou quelque autre place propreà tenirle nauire à flot. Le troificíme Nouembre nous auons veu le Cap Lezart en Angleterre. Le cinquiefme nous moüillafmes l'ancre deuant le Chafteau de Grenezay à dix braffes d'eau : nous fommespartis de Grenezay le Mardy 29. efperant aller au Havre de Grace, mais à caufe du calme nous ne púmes aller qu'aux Cafquettes; nous moüillafmes à vne licuéloin versleSSE.fur32. braffes beau fond & bonne tenué: Le lendemain le vent eftant N;N;O. nous appareillafmes : au foir nous eftions visa vis de la Hogue , nous paffames la nui& fous voiles ayant le Cap à l'ENE. le vent eftant NNO. Et le lendemain premier iour de Decembre nous arriuafmes à bon port 38! mois apres noftre partement. RUPEE EO Ξ Explication de ce qui eft. contenu aux colonnes de ce Routier. A premicre marque les iours & les mois. Ni La feconde , les Courfes ou Rumbs du vent, fur lefquels on a fingléla varia= - tion , & tous empefchemens leuez. M Latroifiefme , les lieuës que Pon couroità 17. lieués & demy pour degré. Jd La quatriéme monftre les vents qui ventoient , marquez , comme aufli enla troi- À fiéme,parcolonne des lettres Capitales des Rumbs de vent, comme le Nord par NS le Sud par S,l'Eft par E,le Oueft par O, le Nordeft par NE, le Nord vn quart de Nor-eft عدم‎ N, + NE; le Nornordeftpar NNE, & ainfi desautres. 4 Lalettre V . fignifie vent variable, P.les pluies, C. les calmeseu petits vents, GV. grand vent, δὲ DR en cette colonne & en latroifiefme, fignfie diuerfes R outtes. La cinquiefme colonne monítre les Latitudes, par de grez &minuttes, & de quel=. le part font les Latitudes Nord ou Sud de l'equinoxial, marquez par les lettres IN SS La fixiefme, les longitudes par degrez & minutes, & de quelle part font les longi- tudes à l'Eftouà l'Oueftdu premier Meridien; que ie pofe 70. lieuës au :Oueft de la. — Baye de Saldaigne , à caufe qu'en ce lieufeulement ay trouué l'Aiguille fixe & fe: paration de variation, d'autant quetoutesles variations prifes au Oueft de ce Meri- : dien, font au NordEft du Pole Artique و‎ & celles qui font à l’Eft tombent au Noroueft. | " Lafeptiefme monftre les variations par degrez & minutes , felonles Longitudes | & Latitudesdeslieux, & de quelle part font les variations Nordeft ou Nordoueft marquez par les lettres NE ; & NO. ‘1 < La Conffrulion des quatre premiers iowrs de cette Table pour plus d intelligence. E 2.iour d'OGobre nous partifmes de Dieppe, quieft parla Latidude de 50. de- T grez 10. minutes Nord , & 218. degrez 40. minuttes de longitude Oueft, M ayant en ce lieu 6. degrez 30. minutesde variation Nordeit , le vent eftoit Nor-Nor- ὦ d'Eft. | Le quarriefme iour dudit mois, nous auions couru au Oueft quatre-vingt dix M lieués ; le ventauoit efté Nornord'Eft , & eftions paruenus en la Latitude de 50. de- grez Nord,à5.licuës du Gap de Lezart en Angleterre, la longitude eftoit 26. de- grez o. minutes Oueft, & la variation 9. degrez du Pole Artique vers le Nordeft. Le fixiefime ¡our du mefme mois, nousauions couru depuisle quatriefme au Su- ' d'Oueft , quart duSud foixante & dixlieués, le vent auoit venté del'Eft Nord eft, eftions alors par les 46. degrez 0. minutes de Latitude de Nord , & für ma carte paro les 30. degrez 10. minutes de longitude Oueft, & trowuafmesl’Aymant varier 8. de- grez versle NordEft. | Le 19. ¡our dudit mois, noftre courfe auoit efté au Sud vn quard duSudoueft trois cens lieués, le ventauoit efté apri NordEft, & nous nous trouuafmesprés —— l'Ile dela Palme, qui eft vne des Canaries en Latitude de 29. degrez 45. minutes Nord, & par la longitude de 35. degrez 3o. minutes Queft , ayant fix degrez de varia- tion NordE ft. lournal du Voyage precedent des Ind, "D... Y € T F°_ Pre ya 一 \ 5 Orientales, drefsé à la maniere des Mariniero | | ze al 1 yum TAVIAS de MASCATE na Costa dedrabia IES απὸ, TAO CA TIR EEUU UU E III ANDA ORMVZ ον Y AR RA‏ و wv» I» D, RARA‏ + E MEX UP se at qu TS m‏ AE Iournal du Voyage precedent des Indes Orientales, dreffé à la maniere des Mariniers, Par I. LE TELLIER Pilote de l Amiral. Routes Lieues Les vers |Latit. Lógit. Varia € Mois & Koutes.|lieués [Les véts. Lacie Lógit. Varia‏ عق Nord. Que N E. € Iours. | | Sud. 'OÉR IN O. E [o " EL ENS m.d. m. X 1620 S umo di imd | %* Mars. | T "a N N E lso. 1018. 40 6. 30 € 6 E-NE 20 |V 34 910. s4o. 8 ΠΟ go INNE [5o 26 30/9, هت‎ S ΕΒ, | ¡PEL 34 16/1 3610 16 50:5 70 ENE [46 5030 108 o È 9 |EZNE 18 |SSE 34 42 52lo 46 : SO |^ og u ἘΝΕ (17 |SSE i545 571 15 Si SO 300 N E 29 45135 30 6 0 i عه‎ 0 IS ΞΡ 32 anti ¡cy NIN O. + Auri, ‘rerre. Au Cap vert | - I4 3035 302 45 € 12 |T. Baye. 34 0l4 5Ól 45 à Tagrin IU ne E 10 IN:NEB4 o5 3) | | 8 9 1530 302 40%. 14 |S | 25 INNE ls 85 5 | {BS x 33) ISE £35 INNE;: 56 16|5 395 20 : I9 ἜΣ 82 SUA 36 olir 22/8 20 N O. % 20 a, 29 35 2112 35|g o SO-O| 2o |C. V. |7 3931 3ol Es e ἘΚΕΙ͂Ν 47 |V 230 5115 471 0 د لاك‎ ut euo oi a EAT SE Clogs e SS E 18 |V 6 1632 Ol» wr bita el ULP d RR duc 49 V 4 1931 5 x May $ 4 O JE.E-SEl” 36 V 37 op2 5316 o S IS |C d TO τ » [29 0/25 3515 30 5 3! SO: 0] 37 ISSE | ὅδ: VE m الا‎ EN SO PS) o SO 44 |S E o 20b4 314 τὶ 16 INE2NI 10 [veuédeter|24 35527 5416 o τ EA e D sica — — / ine o ES — ENSE db. xu oz mm ind ae ! | SO 16 |S E I 406 18 A δὶ Ifle de S| Laure] ns. 23 30/27 5416 ὁ SSE IOI SE:E 7 038 345 45 È 42 21 50/26 714 O S SEI 51 [SE : SEl9 soho 86 49$ 7 δῷ 25 o, 20 39/25 4013 30 S -SE| 52 |ESE lrn 4339 428 ὁ È 8 |NO:N| 28 [SSO. [1920/24 4015 o SÈSE| 87 |ESE. El ola 20$ * 9. INOZN| 30 |$:5O 17 4423 5712 30 1 7 3340409 30% $ 5 43 [E SP AIS Ep o NI al 320 [17 2323 47 SE ΘΕ] 250 IENE br Gio MEE o È n INNO 4o 55 0 τὸ 625 4712 50 M or 4 3 X. 112, INE-E,30 SSO 45427 o14 0 SSE | 35 ÎNE. ΝΝΕΪ22 5639 40/13 o X ΝΕ 37 [50.550 rn 858 20 S SE | 52 [NE : N; 3458 20lr4 9f INE:N 5 5 SR SE;E, 54 NNO.V 27 2235 25 13 3o x "eue de terre. SE-E 5° ¡ONO 29 2132 3513 1j X SELMA tera rea dio I 3 | | 3005 D 30 È 21 ELE LIS II 9.3 E DOMO SEE ME شيف‎ eon x 5 N:NO| τ τυ ἢ 1214 5 二 SEG. Re لاك‎ races ORO] للم‎ لاا‎ T ا م ا‎ ss OM 035 | E N 1214. 45, à ERES CHUA M E SE: si 68 b: 133 3121 22/10 15 x Juillet | OSO.NE 34 1614 2288 2o ΟἹ a NE 6 OSO.SO|6 δι). 6 E Ε m 56 (Sì. V. LED IO 265 o X vene de τοὶ | Io 2s NE. ERIS 35 ¡SO.SSO 34 2 8 53 o X 4 NE 104 OSO [τὸ 20 44 1317 ὃ EH ve v. 34 | 4912 20 È Cap d'Or fin. | Si DM T be Ë EE; N 18 [SSE (34 35 241 40 * 17 |NiNE 30 SO ' ltz ol 618 ECESS| so: IS ha 27 | E : 3 44 3618 9 Ru 34 271 549 25% 19 |4uCapde Guar dafn. + ον 34 139 3o 5% | 5 Q ij | Iournal du V^ oyage precedent. Mois &i Roures|Licues| Les vers. Latit. Logit.|Varia € Mois & Routes lieués Les véts. Latit Logic 1 Iours. NORD EST |NO. X Jours. SVD|EST |} 1620. pre d. m. d: en diss m. E 1622 E Ex di d. m. ἢ Aouft. Partifm es ANT Clap de ἘΠΕῚ ΠΣ το x Feuricr.| Parteme nt de + | 26 |Gardafu 12. 044.3618. o X Ur (om ONO |o.26/87. 324 14. n 5217. 0 È 8 |5.S:so| 60 [ONO 7 10 4 ve c E 16 |SSO | 7o [vO.NNO 7.26/85. 354 18 x 17 [SO 56 |S.SSE |9.40|83. 20h, 5 SE} 11 ESE. Cr. 4542 4518. 0% 22 [SOLO | 2 SE.ESE 12.57|78. 19/7 E 34 |[SO.SSO 13. 45144. 4518.30 € 24 [OSO | 57 b: nm. |E-:SE| 38 |SO- O 13. 18/46. 52|19.40 X 25 |$0:0| 26 : | go |NO:N] 49 5 2 5 8 13 EiSE| 53 ¡OSO gm. 4549. 5220.30 E 25 |SO:O| 66 E SO | * 14 | 39 | I2. 4551. 38|20.50 È 28 SO: O| 3o 15 ¡E¿NE| 30 ¡O 13. 653 ὦ 0 Spesa eee 16 ¡Ez NEI 28 ¡ONO 13. 2254. 59/19. ox Mars. 1; |E:NE| 32 ¡ONO ΠΣ 4256. 3418. ox 1 OSO 45 19 E: NE 41 ¡ONO jn. 1058. 5316.30 È 9 60S Q' 44556 20 {E 15 ¡ONO |r4. 1059. 46 SUMI) 36 22 |E 3o [ONO.Vir4. 10 61 32,16. o SANOS ON) as 26 “ESE 52 |ENE.NE{13. 064.2915. 30 7 |SO:O| 6o A a HORN —— 8 >: ¡0801-34 23.32 |55. O&ob 10 Seal 55 [E 25.15 52. 8/3 τι |SO- O) 34 |5512 21 2 I |S :SE) 66 |NO.ONO|g. 2065. 1215. :0; S *SE| 51 ¡ONO 8 e 55 5 (|EzSEI 53 JO y 5463. 5513. 40 È 8 jEE-sE| 60 OSO (5 22:25 IT, 12 SISESISI 67 [SO | b. (0751 ΤΠ: 7 75. 43 20 (|SEZEJ 55 |V.C. lo. 10/78. 20/6. 25 Ex SEI 30 ιν ἢ τὺ»: i -lo. 10/80. 34: 4: τς [505 0) τ [5Ε.55Ε}μο. 0/45. 22/24 هر‎ [OSO.O! or |SE.ESE 3t. o 40. sa 21 ¡OSO | 8o |V. SO [32.20536. 36/23 26 SO - O i Sc OS Ouog2' IV. G. 29 {0.0:so| 75 JESE. O: Qu 9 Nec. | [ovs bem a [ono | 3 و‎ «NE 52 . V.P lr. 53/82. 105- 15% Auril. 16 [E-SE 63 |C.V.P ir. 955. A S 3 sud so [NE SE XOZNO; 22 IV Uy Decem SVD fes ro [ONO S8. 5M. irr eri. RESI EL AE 1 |O no 44 |SSE.S. 1621 14 ¡O : SO 22 NV. Januier. ‘19 |O. DR s5 |V 4 \PartifmedeTicoy NORD 20 INNO| 8 31 |\dAchem 5. O[94.344- 9 Veué deterre. |. "n كسا‎ ls — 一 一 -| —— | au |50 55) 34 [NE.GV.z5. 6lto. 8 Juillet. 2310 SUE 50.050 37. ojro. 354 3 4 34 7 P 3: 24 Re» 1 Ach. i 2 SCO PTS NO, VONT : 1 NO: FU m Life de x 5 : % 26 |N:NO| 25 |ss0.0s0]36. 159. τοῖς ἘΦ ἊΝ det: RCA 3689. 103 303 27 JONO| 19 SSE ]35.50/8. s O&ob. | | #7 29 |NO:O| 5 ENE ]5.29|7. 14, 11 |[Partómes i . 30 [0.0 ‘so 15 35. 25|7- 10; dI TAO CJ per E D Vist du. Ca des Ai uslles A DER Nouéb | * May. i S 1 6 | "chen. * 2 |OINO|) 33 V py οἱ. Jem ER irl: — | -一 一 È 8. lienés Sud de Cap de B.|E/per. | Decéb. * ——|- —|-— 16 \Part. de Achen E 5 |Enlabaple de la Table 34. o|4. 361 3I 4 Ticon pour la|2. fois. t 31 NO 31 S.SSE.sE 32. 45 3. 41. SE 2 130, x 3 ٠ Tournal du Voyage precedere. 127 Routes Licues, Les véts Latit.Logit.| Varia £ Mois & Routes. lieues Les véts.[Latit. Lógit.| Variae SVD.| EST.INO. X Iours. NORD|OvEST|NN E. 一 一 一 | 一 一 一 ΞΕ A exl —— |. ===). — | | oo d. m.d. m.d. m. # 1622 d. md. m.|d. m. 一 一 一 -| 一 一 一 C O ER E -一 | — 一 一 | | À —.| .| -一 X Sept. ts (4 la voile N O. 18 (PSE .»وا‎ 0,0. 200. 10 X r6 1/16 ا.5 عل‎ Anto line. 10.1. ¿PEA NO: O| 36 SE 130.-50 ovEsT| N E. * 17 d) 18 .49|43--3) NO 6o |V 28. 262. 100. 45 È 18 NO:N| 13 [NE SE 18.1644. 55. Ὁ NO-O| 6; SE.SSE 26. Is. 202. og 21 IN O 26 INE-E j19.20/45. 10 2 15 NO-O| 75 SE 3: 20 ΠΣ X 77 JENE.NEf22. 25/48. 333. 30 NO: | 100 TSE: 20. OI3. jo. O x 28 |ENE.NE(23. 30 49.46 NO.O| 588 | È 46 INNE las.zolsr. 4gl3 40 NO'O| yo JOSE 18.2016 EE ENE 27.654. 154. 0 NOÈ ΟἹ 3o SE HÉROS ASE 65 ΕΒ: NEbr. 25s. 6l4. 15 NO 26 SE 16. 24.18. 58 5: 20 so —NNE IS E.E : SE 32. O|s4. 36 4, © Veuë de terre. 16. O19. . 30 X 0 Tfle Ste E 28 N: N E 3 0/52. 44 Helene. 70 |SSE.S. 36. ο 52. 45 4. 9 | pa vteme nt. 30 N. NNE 35. 6 τὰ 49}3- so NO:O| 30 E.ESE 15. oor. 146. | 25 [CV 35. $049. 563. 55 26 ΠΝ 27. 3o $0.0.0N0 37.40 : s INNE 97. | ١ 14 [E 33. 1544-44 3- 15 0 RP CRE CLS PL E ONO NOZO| 7; |SE.ESE mz. 40/25. o6. I NON 80 [SE 8. 4027.48 6. 1 VA A NON] 75 |SE; E o. 4o NORD NNO.| 42 |SE I. 3535. 04.20% NO:N| 28 [SE 2. 50/36. o4. 0 eflant 12. lienés 39.39|44. 15:5- NO so |SE 4. 5.38. 03 so * à an SO 「 INO. 20 |SO PIDO πὸ ἢ τ NE } 34 15 OV |40.50|42. 32 NO:N OSO = ia NO;N| 35 |V mo 43. 133. o% 17 [NON 6 G.V. {41 0|42. jo NO:O| 18 |V n. 3844. 5 xou | 5 jE.GV. lar. 742. τὸ N:NE| 19 |V 12. 4843. 523. 1% 18 INNO 12 (ESE.SE 41.47|43. o NO | 24 |V 5. 4844.50 + D IN:NO 13 V 1.47|43- 15 一 一 一 一 - —— x 19 INE 5 SSE-GV 43. O|40. O i x 21 NES 21 |GV. NO 44. ol42. o4. 10 NON) 13 5020.214. 20/45. 183. 0% 24 [NE:N! 37 [SO. SSO 45.46|40.505. 15 ESE | 7 |C. V. fra. 1544.54 X 26 NEN, 41 550. C 47. 4538. so NZNO| IO MP 14 49/45. o x 27 ΤῈ 14 NNO.NO 47-45 37.40 5Ὲ Ej 20 |V. 14. O44. 02. 45% 28 |NE:N, 26 [ONO.NO 40. 0/36. 227- 30 ESE 1 x 29 IE. ١ 22 [OSO 49.2034. 37 NNO| 7 |V. ... 4- 2244. 52. 45 X ENE E 1 [INI:NE 14. 22/43. 20 x 30 |E 14 |O. ONO 49.20/55.. 32 NNE| 20 |VP m. 2542. 50 € 31 JENE | 3o [(O.O:NC de chairs; & de vin; & quoy que le vin n'y foit pas fibon que celuy d'Et- pagne ; ceux du País qui y font accoáütumez, ne laiffent pasde le preferer à celuy de Goa, oude Mexique, fi bien que ceux-là ne feruerit que pour la Meffe و‎ & celuy d'Efpagne pour la table des plus riches. Les Portugais de Goa y enuoyent auffi quantité d'autres prouifions de bouche, tellement qu'elles y font à fort bon mar. ché. Il y a 150. feux dans Manila : les maifons de la Ville font fi propres, & celles de Campagne fi agreables , que le féjour de ces Ifles eft tout-à-fait. delicieux: A vne portée de moufquet de la Ville on voit le Pariane logement des San- gleyes ; ou marchans Chinois. Ils font prés de 20. mille > tous marchans que lenegocea attirez ci cette Place. C'eftvn lieu fort curieux à voir, à caufe du bel ordre dans lequel ils viuent. Chaque forte de Marchandife y a fon quartier à part, & elles font fi rares & fi curieufes, qu'elles nieritent l'àdmiration des Nations les plus polies. Quoy que ce Pariane ne fit que de bois, 8z que les Chinois quil'habitent n'ayent point d'armes , nous ne laiffons pasde faire bonne garde de ce cofté-la : nous auons mefme quelques pieces d'artillerie pointées contre cette Ville; car c'eft vne Natiori fort fpirituelle & entreprenante : riousl'auons autrefois éprouué , & nous en fom- mes encore menacez à cette heure que nous n'y prenonspas garde de fi prés.Il n'y a pointde maifon Efpagnole oü tous les matinson ne voye 9. ou dix de ces marchans qui s'y rendent auec leurs marchandifes; car tout le trafic paffe par leurs mains, & mefme tout ce qui fert pour la nourriture des Efpagnols. Ily en a qui difent qu'ils meflent dans nos viures vn poifon lent, qui fait principalement fon effet Seconde Partie; Traduite de la Relation Efpagnole Imprimée au Mexique l'an 1638. dediée à Don Garcia de Haro y Abellaneda Comte de Caftille , Prefident du Confeil Royal des Indes 2 RELATION. fur les fémes;il eft vray que l’on en voit rarement qui arriuét iufqu'à l'àge de 26. ans. Et ils adiouftent qu'ils veulent par là empefcher les Efpagnols de (8 fortifier dauan: tage dans cette Ifle,&qu'ils les en auroient chaffez entierement,comme illeur feroit tres-aifé , en employant de femblables moyens, fi ce n'eftoit l'intereft qu'ils ont ai commerce d'argent dela Nouuclle Efpagne. Ces Peuplesont l'efpric fubril & vni- uerfel, Ils imitent quoy que ce foit qu'on leur prefente و‎ & le font aufli-bien que ceux qui en ont efté les inuenteurs. La richeffe & le bonheur du fcjour de Ma- nilha diminué tous les iours. Pen rapporteray icy les caufes, fans auoir elgard qu'au feruice de Dieu, &à celuydu Roy. Les regle- Le principal fujer de la ruine des ces Ifles cft le grand trafic que font ces Sane mens de ce gleyes, le Roy a permisaux habitans des Maniles d'enuoyer vne partie de leur Ca- trafic qui fe ©. E o 4 DA v souserone Pital en la Nouuelle Efpagne en marchandifesde ce País-cy , &les habitans Efpa- à la ¡fin des gnols preftentrousles iours leur noma ces Sangleyes & aux Portugais de Macao; | A p .. pourauoir la liberté de ce commerce.Ils ne fe cachent point d’eftre Cómiffionnaires nes éclair- de ceux de Mexique; & ces dernieres années ils enuoyerent vne telle quantité de iront €t marchandifes au Peru &enla Nouuelle Efpagne;qu'on n'en trouuoit point la vente, | | endroir. E ١ : à . | ce qui empefcha les voyages de la Flote.Le Roy de la Chine pourroit baftir vnPalais des barres d'argent du!Peru, que ce trafic a fait tranfporter dans fon Pais, fans | qu'elles ayent efté enregiftrées, & quele Roy d'Efpagne ait efté payé de fondroit, comme l'a bien fait voir Dom Pedro de Quiroga y Moya. Cétargent venoit pourle | compte de perfonnes puiffantes, & qui ne font point aux Manilles,les deux Vaiffeaux qui partirent de fon temps, payerent dauantage de droits au Roy que tous lesautres | Nauires enfemble , quiauoient fait auparauant ce voyage; ce qui fait voir affezla | negligence des autres Officiers commis pour receuoir les droits de fa Majefté. Ils ont voulu cacher cette verité en difant, Que ces Nauires eftoient plus riches que les autres, à caufe que Dom Sebaftien Hurtado de Corcuera auoit efcrit l'année precedente, qu'il n'enuoyeroit point cette année-là de Vaiffeaux , ὃς qu'il auoit | mefme arrefté & fait décharger ceux qui eftoient en eftar de fe mettre à la voile pour aller à Acapulco. Ie ne fçay quelle raifon il eut d'en vfer ainfi ; mais ie {çay bien qu'il efcriuit cette refolution àl'emboucheure de Manila, c'eftà dire a quatre-vingts lieués dela ville , ὃς fans auoir pris là-deffus le confeil des habitans | des Manilhes ; & que ceux du Pais demeurent d'accord que ce retardementa efté leur ruine , puis qu'ils connoiffenr tous qu'ils ne fe peuuent maintenir contre les Hollandois ni contreles Mahometans, que par les fecours reglez qui leur viennent" dela Nouuelle Efpagne. : "RENE i Le Marquis de Cadereta vint en ce temps-là pour eftre Vice-Roy de la Nouuelle | Efpagne. Il enuoya fortà propos vn grand fecours dans ces Ifles , fous la conduite duGeneral Dom Andres Cottigllo.Il apporta nowuelle,queDom Pedro de Quiroga « eftoit arriué au Mexique و‎ pour informer contre les Officiers de fa Majefté, & qu'il viendroità Acapulco pour vifiter les Nauires & regler le commerce de la Chine. Ceux de Manilhes , & les Faéteurs des Portugais voulurent retirer leurs marchan-. difes qui eftoient defia chargées für les Vaiffeaux ; cette nouuelle & ce nom de Vifitador leur faifant peur; mais ayant enfin pris courage , ils chargerent les deux Vaiffeaux que le Gouuerneur auoit fait arrefter l’année preceden- te, qui valoient bien cinq millions d'or ; & cependant ceux du País affeuroient | qu'ils n'eftoient pas firichement chargez que ceux qui eftoient partis auparauant; « Bartolome Vn des principaux Marchans n'ayant pas mis vn feul caiffon deffus. Tenorione. — [ls apportent vne autre raifon pour obfcurcir vne verité fi apparente, il difent, que Dom Pedro de Quiroga entre les Reglemens qu'il auoit concertez pour reme- dier aux defordres du paffé, auoit fpecifié celuy de ces vaifleaux,8z que ce fut luy feul qui en empefcha la venué; mais il a dit luy-mefme que c'eftoit vne fauffeté, & qu'il | auoit apris que ceux qui auoient des Commanderies & les Marchands de Mexique; auoient employé leurs prieres aupres de Dom Sebaftien Hurtado de Corcuera;car ie 4 DES ISTES PRHTDEIPINES. 3 ipe puis croire qu'ils fuffent d'intelligence aucc luy,& luy auoient reprefenté la gran- de quantité de Marchandites de la Chine,qui fe trouuoit alors au Mexique ; & que fi l'on y enuoyoit de nouucaux Vaiffeaux,l'on ne trouueroit point le debit de ces mar- chandifes; & que les Marchands du Mexique & de la Nouuelle Efpagne; y per- droient beaucoup. Dom Pedro de Quiroga adioufte , qu'ayant fceu que le Gouuerncur des Phili- pines , auoit donné parole de ne point faire partir de nouucaux Vaiffeaux , pour faire micux le {eruice de fa Majefté, auoit apporté ceremperament. Que s'ils en- troient dans le port cette année , ils ioüiroient du benefice des Reglemens qui auoient efté faitsen ce temps-là : mais que s'ils ne venoient que l’année fuiuante, ils n'en ioüiroient point , & paycroient les droits du Roy à la rigueur; faifant bien connoiftre par là qu'il eftoit auerty de la parole que le Gouuerneur des Ifles auoit donnée aux Marchands de Mexique, de retenir les Vaiffeaux & les Marchandifes qui deuoient partir cette année. La chofe , ala verité, eftoit fort à l'auantage de ceux de Mexique & des Efpagnols qui ont des Commanderies, mais au grand pre- judice des Ifles qui ne fe peuuent paffer du fecours qu'elles doment tirertous lesans du Mexique, & à la diminution des droits de fa Majeité , qui aident à la decharge de la depence de cefecours. Enfin, filé Marquisde Cadereta ne les eut point fecourus aufli puiffamment qu'il fit , elles feroient combées dans vne extréme neceffité. Il me fcroit aif? de faire voir icy d'autres fuites de ce retardement des Vaifleaux que Don Iuan Cerego y Salamanca auoit mis en eftat de partir cette année-là,comme on fait tous lesans. Il ne me fera pas plus difficile de faire voir les autres pertes que nous fouffrons dans ce commerce: les Habitans des Manilhes n'ont rien fur ces vaif- feaux,la cargaifon en appartienttoute entiere aux Chinois, aux Portugais de Macao, ou aux marchands du Mexique;& file Roy n'y metla main.le Chinois abforbera tou- tes les richeffes du Peru, & les fübjets que le Roy a dans ces Ifles,feront obligés à les abandóner. le cótinueray à reprefenter à V .E.les autres defordres du gouuernemét de ces Ifles autant que ie les ay peú connoiftre dansle peu de temps que ry ay efté. LesCommanderics fe font perdués,le Roy en recompencoit autrefois fes foldats,& maintenant les Infulaires qui eftoient autrefois repartis fous ces Commanderies,font deuenusnos ennemis. Ona manqué à inftruire ces Innocens en la Foy Catholique; qui;cft le feul titre fouslequel le Roy d'Efpagne tient ce Pais quin'eft point de fon Patrimoine ; au lieu d'en faire nos amis & nos freres, nous en auons fait des enne- mis domeftiques : nousauons receu en leur place les Sangleyes, auec lefquels l'in- . tereft dutrafic nous broüillera toufiours. Que l'on confidere le mal qu'ont fait de- puis ceux de l'Ile de Mindanao, ils ont couru les coftes de ces Ifles auec leurs Car- racoras ou petits Vaifleaux , & le Gouuerneur fut obligé de laiffer la ville entre les mains des Sangleyes pour fortir lle , & leur aller faire la guerre, il y perdit plus de 1o.Efpagnols fans en pouuoir venirà bout; en quoy on ne peutpas dire,qu'il n'y cult beaucoup de fa faute , puis qu'vn de fes Officiers nommé Nicolas Gonzales , au premier cry de Sant-Iago, fans perdre vn feul homme, força vn de leurs meil- leurs poftes, d’où le Gouuerneur ne les auoit pei chaffer auec routes fes forces. Nous auons encor pour ennemis les Peuples de lolo & ceux de Terrenate , qui font encor plus à craindre à caufe du fecours qu'ilstirent des Hollandois; ilsfe di- fent neutres, & cependant ils les feruent fous-main en toutes rencontres. Les Chefs de ces Indiens prennent le titre de Roys; mais ce font des Roys qui vont tous nuds & qui viuent de leur trauail. Il eft vray que ceux de Macaffar, de la Cocinchine, & de Cambaya font plus puiffans. Auec tout cela, pour le peu de feruice que nous ‘en pouuons tirer, ce feroit affez de nousrendre lesarbitres de leurs differens; & de les auoir par là fauorables à noftre party : mais depuis qu'ils ont vú que nous lifons cette amitié avec les Sangleyes, auec ceux de Martauan, de Borneo, & d'autres Ifles voifines; ils ont rompu tout commerce aucc nous , & ont pris le train de porter aux Hollandois tout ce que produit leur Pais ; fibien qu'ils ne font plus rien que par Seconde Partie. € A ij 4 RELATION leursordres. Et file Roy n'empefche encores par cette raifon le commerce auec les Sangleyes, les Philippines font perdués. le viens maintenant au remede que Pon peut apporter ace delordre. "ma Entre toutes ces 150. familles d'Efpagnolshabitués à Manila, il n'y en a pas deux qui foient fort riches:ma penfée feroit qu'on permit à ces habirás d'embarquer pour la valeur de 250. mille efcus de marchandife de la Chine; dont la plus grande partie fuft de foye crué & de balles de cotton , afin qu'on les puifle trauailler en ce País; car danscette forte de marchandife il y a moins de tromperie que dans les eftoffes fabriquées dansla Chine , qu'on ne leur deuroit iamais permettre d'appor- ter à Manilha. La permiflion de cette fomme feroit ainfi proportionnée aux forces des Marchands de Manilha , & ils en tireroient plus de 500. mille efcus ; car les gains de ce trafic fon exorbitans.Aujourd huy mefmes quil y a tantde ces marchádi- {es, ils gagnent 400. pour cent fur les plus mauuaifes qui en viennent. On occupe- roit par là les Efpagnols à trauailler à cette foye , les eftoffes en feroient meilleures, & ils trouueroient mille autres aduantages ; ainfi les habitans des Manilhes ne fe chargeroient point des Commiffions du Mexique ; ilsauroient toutle profit qui fe tire de ces Ifles,qui eft maintenant tout entier entre les mains des Eftrangers,ourre que faifant mieux leurs affaires dans le pays, ils s'affectionneroient dauantage à fa conferuation , & auroient plus de foin de faire inftruire & de tenir dans la fujetion les Indiens qui ont efté repartis fous leurs Commanderies : ils épargneroient ce qu'ils donnent à leurs Fa&eurs du Mexique, qui fouuent leur font banqueroute : rctienent deux ou troisans leurs marchandifes, qui fe vendent mal au Mexique, à caufe de la grande quantité que l'on y en porte, & ne trafiquant qu'à Acapulco, | & de leur chef, ilsjouïroient feuls & tous les ans du proffit de ce traffic. On pourroit employer $o.mille cícus en Mantas crués,blanches,tres-riches,qui eft vne marchandife fort en vfage parmy les Indiens , dont le Mexique a grand befoin. Ce feroit le vray commerce que deuroient faire les Pilotes & Mariniers; car on trouuc toufiours à s'en defaire, & ils font obligés de s'en defaire promptement. Il faudroit prendre garde qu'on n'en tranfportaft que cette quantité, & confifquer le furplus; à quoy les Gouuerneurs & les autres Officiers deuroient tenir foigneu- fement la main. Et afin que voftre Excellence voye que ie ne veux point diminuer le commerce de cesIfles, comme quelques-vns pourroient croire ; ie diray iy , Qu'on pourroit permettre aux habitans des Manilhes de charger autant de Vai£ feaux qu'ilsen pourroient charger des chofes que produit leur Pais : comme font les cires lor, les odeurs, l'yuoire , & lampotes , qu'ils deuroient acheter des Naturels du Pais , empefchans parlà qu'ils ne les portent aux Hollandois; ainfi ils fe ren- droientles peuplesamis, fourniroientla Nouuelle Efpagne de ces Marchandifes , & l'argent qu'on porte aux Manilhes , n'enfortiroit point. On me dira que le Roy de la Chine ne fe fert point de cét argent pour nous faire la guerre: mais quoy qu'il ne s’en ferue quà remplir festhrefors, il eftauffi-bien perdu pour nous que 51] eftoit au fonds de lamer. Voftre Excellence doit faire eftat qu'il entre tousles ans. vn million & demy d'or dans la Chine. Si l'on obferue ce que ie viens de dire, les marchandifes des Manilhes fe vendront bien ; les Naturels du Pais deuiendront nos amis; & leurs voifins fe détacheront des Hollandois qui en tirent grand pro- fit; car il n'y a prefque point de Canton dans ces Illes, où ils n'ayent vne Faétore- rie :ilss'en font par là rendusles Maiftres ; & leur donnent des armes pour nous faire laguerre. Adjouftez à toutes ces confiderations, que les Efpagnolshabituez dans ces Ifles ne feront point obligez de fe tenir toufiours fur leurs gardes, de 20000. Sangleyes ou ennemis qu'ilsont en vn coin du monde, où à peine ils pour- roient faire hui& cens hommes. L'ondira , peut-eftre ,à voftre Excellence, que fi nous rompons auec les San- gleyes, ilss'ironthabituer dansl'Ifle Formofa , ou en quelque autre endroit parmy les Hollandois ; qu'ils leur porteront le trafic qu'ils font auec nous; & qu'ayant DES ISUES/PHIDLIPINE S. 5 eu le trafic du Iapon aufiaifeque nous auons celuy des Indes Occidentales, ils por- teront encore leurs marchandifes à Nangazaki, principal port du Iappon , dont ils pourront aufli tirer de l'argent: A cela ray àrefpondre ; que le Royaume de la Chine cit fi plein de marchandifes , & lesSanglayes fi fçauans dans le commerce, & fi afpres au gain, qu'ils fçauent quelle quantité il faut de cette marchandife à Pl An glois , combien aux Hollandois , quelle quantité s'en peut debiter dans tout le Iap- pon, & cela auec autant de precifion , qu vr tailleur qui apres auoir veu la taille d'v- ne perfonne , iuge combien il faut d'eftoffe pour l'habiller; ils font le mefme à noftre cígard, & fçachant qu'il ne va tous les ans que deux nauires en la nouuelle Efpagne; ilstiennent ordinairement dansle Parrian la quantité neceflaire pour charger ces nauires : fi ceux des Maniles auoient commerce auec le lappon , ils en tireroient grand profit, mais vn fecret lugement de DIE v a rompu la communication que nous 21110115 auec ces Infulaires, & l'a mile entre les mains des Heretiques, apres auoir permis qu'ils y ayent deftruit nos Temples , & auoir mis à feu ἃς à fang tout ce qu'il y auoit dE'fpagnols ou de lapponois Chreftiens; fi bien que nous ne croyons point qu'il refte maintenant aucun Religieux dans tout le pais, ils obligent fur *Ricca don» peine de la vie de venir depofer ceux qu'on connoift pour Chreftiens , & nos Reli- fi s gieux n'y vont plus, car pour eux d'aller au lapon, c'eftallerà vne mort certai- comerte 5 ne. Voicy comme on rapporte la caufe de cette perfecution. GENOME Vn Capitaine Bifcayen nommé Sebaftien , eftant party du port d'Acapulco pour rte si aller à vne Ifle nommée * Ricca doro, fut battu d'vne grande répefte fous Ja hauteur prirent de , de certe Ile , & n'y pouuant prendre terre, il arriva au Jappon, & par vne curiofité a rh d'homme de Mer, fonda les ports de ce Royaume: Cette 110111162116 donna {oup- moler l'átre con aux lapponois; ils demanderent à vn Anglois qui eftoit lors fur la cofte , quel pue pouuoit eftre le deffcin de cét Efpagnol; il leur dit que les Efpagnols eftoient vne na- iou;s τις tion belliqueufe , qui audit en tefte la Monarchie vniuerfelle ; qu'ils commengoient is sapper- toufiours leur cóquefte par le moyen desReligieux,& que depuis qu'on auoit permis Vici ue aux Religieux de cette Nation d'y Prefcher,& d'y auoir des T'emples;ils fe tenoient seftoir con- come affeurez de la conquefte duR oyaume:Que ce vaiffeau eftoit venu pour recon- ons noiftre le pays, sz l'entrée des ports, &qu'il feroit fuiuy d'vne grande armée qui ache- d'or.eus v ueroit ce deffein. Il mourut en ce mefime temps là vn* Tono, ouprincipalSeigür du "f grande > À 5 ? : » z . tépefte à la pays:PEmp. auoit autrefois voulu acheter de luy vne maifon de plaifir:Ce Seigñr qui mun dc affectionnoit ce lieu n'auoit point voulu s'en deffaite.Il eftoit Catholique,& en mou- céte Ifle co- rant il la laiffa aux Iefuites , ceux-cy creurent bien faire leur cour en Pallant offrirà | E Edi Ἢ l'Empereur. Ce Prince fit reflexion que ce qu'vn Empereur 1121012 pas peü faire, &il y a peu les Iefüites fes fujers en eftoient venus à bout; & joignant cette reflexion auec l'auis Mm dcl'Anglois, prit refolution d'exterminer les Catholiques; ce qui fut executéen for- certe hau- te,qu'il n'y a plus de Chreftiens dans le lapon,que les feuls Portugais de Macao.Pau- nd mne E n roistrop de honte de dire les conditions aufquelles ils fe foumettent pour y eftre modez. Y reccus. .. Depuis ce temps tout le commerce de cette Ile eft rombé entre les mains des * Tono en Hollandois, Anglois, Portugais,& Sangleyes,quoy que le Roy de la Chine aye def- E "ὰ ci fendu à ces derniers, fur peine de mort, d'auoir aucune communication auec ceux du fie vne per- Tappon, à caufe que les laponois fe font autrefois reuoltez contre la Chine, dont ils Co faifoient vne partie ; auec tout cela l'auidité de l'argent les y fait aller comme aux que dedo Manilles , fi bien que le Iapon ne manque point de toutes les marchandifes qui paf- 9و‎ ΤῊΣ de fent par les mains de ces nations. Pour l'argent les Hollandois n'en portent plus à ME . la Chine ny au lapon, à caufe que ces pays tirenttoute la quantité qu'ils en peuuent quis de Car- “acheter , par le moyen des Sangleyes qui font habituez aux Manilles; il feroit tres- BUS Er auantageux à ceux des Maniles & à fa Majefté de rompre ce commerce auec les Chi- nois, & il ne faut point dire qu'on troie par ce moyen à fe deffaire auec auantage * de l'argent du Peru, & des foyes des Philipines : car dans la veritéle Roy n'y trou- uc point fon comte ; les foyes fe vendroient aucc plus d'auantage au Mexique ; Seconde Partie. GA ij 6 RELATION les Infülaires & fa Majefté en retireront plus de profit, & cela de Paucu de toutes les perfonnes informées. Pour le Gouuerneur des Philippines il faut qu'il ait ces qualitez; qu'il foit fage, que Péloignement de Madrid, & l'authorité de Gouuer- ncur ne luy donne point de prefomption; qu'il luy ferue pluftoft de frein que de 位 - jet de vanité ; q u'ilfoit grand homme de Mer, fort appliqué à enuoyer tous les ans & faire partir les nauires ; que tout ce qui s'y embarque foit enregiftré ; & afin que ces Ifles foient mieux fecourués , il faut que les nauires foient de cinq censtonneaux و‎ qu'ilsayent deux ponts mieux equipez qu'ils n'ont efté iufques à cette heure; car cftant mal equipez , ils mettent plus de temps à faire leur voyage, & ont efté caufe de grandes defpenfes à Sa Majefté. D'ailleurs le Vice-roy dela nouuelle Efpagne n’a pas {ceu les faire partir au premier d'Auril comme il feroit neceffaire. Ces vaiffeaux ne doiuent porter que des gens de Mer. Les charges des nauires ne fe doiuent point vendre à des Marchans , mais eftre données pour recompenfe à ceux qui ont bien feruy fur mer; il eft arriué de grands defordres de ce que l'on en a víé autrement, & de ce qu'on a vendu les charges de Pilotte , de Contre-Maiftrc, & de Dépenfier. Pan 1637. comme i'eftois für le point de partir en qualité d'Amiral des vaiffeaux qui deuoient porter le fecours à ces Ifles : Pallay au port Acapulco, Py visle vaif- (cau Saint Ican Baptifte qui eftoit venu cette année des Ifles , & qui auoit perdu fon malt par le chemin , ie fis diligence auec Dom Pedre de Quiroga, afin qu'il auertift le Marquis de Cadereta du mauuais eftat de la Mafture & autres manœuures de ce vaiffeau , il ne le voulut pas permettre, & m'obligea de m'em- barquer , me difant que fi l'onmanquoit à partir au premier jour du mois d'Auril, nous courerions rifque de perdre noftre voyage:Eftant en mer ie demanday au con- tre-maiftre l'inuentaire des voiles & des cordages , & ie trouuay qu'il n'y auoit point de voiles de rechange qu'vnfeul cable, & vn autre vieux cable dont on fe feruit pour arrefter les pieces d'artillerie qui rouloient dans le vaiffeau; & me faifant ap- porter en mefme temps l'inuentaire de ce qu'il y auoit en partant desIfles, ietrou- uay qu'il eftoit equipé de trois voiles de rechange, de cinq cables , & de quantité du funin : il me refpondit que la Mer auoit emporté les voiles, & qu'il auoit perdu fes cables à la fortie de S. Bernardin; & fans le preffer dauantage ; il me confefla qu'il auoit employé l'argent qu'on luy auoit donné pour ce füjet à acheter des marchandi- fes , pour sacquitter de trois mil efcus qu'il auoit payez pour fa charge de Contre- maiftre , mais qu'il n'auoit pas trouué fon compte für cette marchandife. Ie le voulus faire punir, il en appella au General qui me commanda de ne le point pourfuiure que ie ne fuffe arriué aux Maniles, & aux Maniles on l'excufa à caufe , difoient-ils, qu'il auoit donné trois mil efcus, quoy qu'il en euft fait perdre au Roy plus de foixante mil, Ceux qui font les prouifions pour l'equipage mettent des viures de mauuaife quali- te : les Pilotes empliffent de marchandifes la chambre qu'ils ont fur la poupe, & met- tent par là en danger le vaiffcau: fi i'euffe rencontré vn coup de vent dans ce voya- ge, ie n'aurois pas peú l'acheuer ; il me falut prendre vn Cabeftan à Mari-be- les pour leuer monanchre , & pour gagner le port de Cabité qui en eft efloigné de trois lieuës, fi bien que pour;vingt mil cícus que l'ontire de la vente de ces charges, on en perd trente mille , & l'on fe met en danger de perdre vne flotte, c'eftà dire de perdre cesTíles: ce n'eft pasaffez de donner des charges à des mariniers qui les me- ritent , il ne faut point lesobliger à faire les fonétions de foldars quand ils n'y ont point d'inclination , ny punir ceux-cy comme on fait lors qu'ils joüent: il importe beaucoup d'auoir des Galeres fur ces cofles , c'eft le moyen d'en efloigner les Hol- landois & les Indiens de Mindanao & d'Iolo , qui ne laiffent pas d'eftre leurs ennemis, quoy qu'ils n'ayent ny cœur ny difcipline : car l’on a veu vn Efpagnol ἄνα feul coup de moufquet faire fuir vingt de leurs Caracoras , l'ennemy le plus à crain- dre eft le Holandois qui cft le maiftre de cette Mer : Il eft facile de gouuerner la Chiourme de ce pays, & en plufieurs rencontres elle fert à remorquer les vaiffeaux, qui autrement courreroient rifque de fe perdre;outre qu'elles font plus propres pour DES ISLES PHILIPINES. vne Mer comme celle-cy pleine d'Ifles que les vaifleaux de haut bord. Il feroic auffi fort à propos de faire trauailler à Camboya à la fabrique de nouucaux vaiffeaux à caufe que le boisde ces quartiers & celuy d'Angely refifte mieux au ver & à la pourriture que les autres, & principalement celuy des Philipines. L'an 1637. que Parriuay dans ces Ifles, il n'y auoit point de vaiffeaux prefts pour la nouuelle Efpagne, ils furent obligez d'enuoyer vn petit vaiffeau de cent conneaux pour donner auis au Marquis de Cadereta du miferable eftar où ils eftoient, & le fu- plier d'enuoyer le fecoursordinaire,nonobftant la deffenfe du commerce du Peru, & la connoiflance qu'ils auoient qu'il n’y auoit point de vaiffcaux aAcapulco,ce qui fait voir combien il importe de baftir continuellement des vaiffeaux pour les Philipines; & que le gouuerneur foit pluftoft homme de Mer , que foldat des Pays bas. Il importe aufli que le Gouuerneur & l'Archeuefque viuent en bonne intelligence , le gouuernement fpirituel eft en ces pays là vne chofe de plus grande confequence que le gouuernement politique, à caufe du fcandale qu'en prennent les Indiens : il im- porte aufli que ceux que le Vice-Roy enuoye foient de merite & de feruice, & qu'ils foient bien traitez dans les Ifles : L'obferuation de tous ces points nous feruira à en efloigner les Holandois, qui cft le plus terrible ennemy que nous ayons, & qui feroit maiftre abfolu des Indes s'il pouuoit venir à bout des Maniles. L'Efpagne en obfer- uant ces chofes triomphera de fes ennemis, & pour moy i'auray fatisfait au deuoir d'vn füjeten faifant mon poffible pour le feruice de mon Maiftre, & pour le bien de ma Patrice, & en mefme tempsie me feray acquitté de l'obligation dans laquelle ie fuis de feruir Voltre Excellence. III LINE A D sd mien ne dev T RELATION ET MEMORIAL DE L’eftat des Ifles P bilipines , & des Ifles Moluques. ا FERDINAND dilos Rios Coronel, Preftre & Procureur General des Ifles Phi- Traduite lipines, des Moluques & des autres Iles voifines; l'expofe à V.M. qu'il y a plusde È Le trente ans que ie paffay aux Ifles Philipines en qualite de foldat , auec plus de paflion © de la feruir quese n'en auois de moyens. L'an 1605. ceux du Pays m'enuoyerent pour expofer à V. M. leurs befoins , & ie fus plufieurs fois à fes pieds, & eus pluficurs au- diances fur ce fujet. Ie retournay aux Maniles Fan i610. quoy qu'on me propofaft des partys fort aduantagcux dans le Confeil des Indes,ie trouuay encore plus de plaifir à fuiure l'inclination que i'auois de feruir V.M.Ie treuuay ces pays fort changez,à cau. fc du grand progrez que les Holandois y auoient fait; on m'obligea par cette raifon de faire vn autre voyage pour reprefenter à V. M. le befoin de ces peuples : Ie le fis fans confiderer les nouueaux dangers de ce voyage ; à caufe des ennemis que nous y auons; & dans les heures de loifir de ce voyage, ie dreffay à V. M.cette Relation, dans laquelle ie luy expofe la veritételle qu'elle eft , fans auoir aucun de ces efgards qui obligét les hommes à la deguifer fi fouuent:i'y reprefente l'hiftoire de ce quis'eft paffé en ces Ifles , l’eftat où elles font maintenant, les moyens plus propres & les plus conuenables pour remédier aux inconueniens dont elles font menaces; efpe- tant que fi V. M. me fait la grace de jetter les yeux fur ces memoires , fon feruice en reccura des auantages confiderables, 8 RELATION Hiftoire de Ferdinand Magellanés que l'Empereur Charles-Quint auoit enuoyé aux Moluc- ha defcou- uerte des Iles Phili- pines. Découuerte de la nou- velle Gui- née par les Elpagnols qui la con- tent peur vae Ifle. ques defcouurit en 1659. Plíle des Philipines, nommée Cybut , où il mourut dans vne bataille que le Roy de cette Ifle donna contrele Roy del'Ifle de Matta , fon Pilote Sebaftien d'Elcana fut aux Molucques, & reuint parle Cap de Bonne-Efperance à Seuille. La feconde découuerte fut faite par le Commandeur Garcia Iofre Loayfa, qui fit le mefme voyage par ordre de l'Empereur auec le mefme Pilote Sebaftien del Cano; il toucha aux Philipines l'an 1526 . ὃς delà aux Molucques; mais fon voyage fut inutile. ? Le troifiefme fut Ruy Lopes de Villa-Lobos , il partit de la nouuelle Efpagne pour aller aux Molucques auec fix vaiffeaux , il arriva aux Philipines l'an 1543. & donna à ces Ifles le nom du Roy Philippes pere de V. M. 11 n'y eut rien de particulier en fon voyage s finon qu'il découurit la plus grande des Ifles du monde nommée la nouuelle Guinée. Il mena auec luy deux Religieux de l'Ordre de S. Auguftin, dont l’vn fe nommoit Andrés de Vrdaneta , & l'autre Andrés de Aquirné , tous deux {ça- uans en Geographie , lefquels y retournerent apres auec l'Adelantado Michel Lo- pés de Legafpy;àqui D 1 Ev fembloit auoir referné l'honneur de cette découuerte; il partit du port de la Nauidad par ordre du Vice-Roy Dom Louys de Velafco l'an 1564.auec quatre vaiffeaux & vne patache accompagné des deuxR eligieux que nous venons de nommer : Il arriual'an 65.à vne des premieres Ifles nommée Leyte ; & de là fut au port de Cybu, où il debarqua fes gens. Il eut plufieurs rencontres auec ceux du pays, & beaucoup de peine à tenir dansl'obeiffance & dans le deuoir ceux de cette nation qui eftoient fur le point de fe reuolter. Ces Ifles s'eftendent depuisle 6. degré iufqu'au 20. de latit. Nord, & commen- centau16s. de longit. prisdes Canaries, ou fousle 87. à commencer depuis la ligne de la demarcation ; ce que ie fcay par plufieurs obferuations que Ven ay faites. Legafpi eut encore l'oppofition des Portugais , qui pretendoient que ces Ifles tomboient dans leur demarcation ou partage; ils firent plufieurs proteftations , & en fin en vinrent aux mains, mais tonfiours auec defauantage. Apres auoir efté informé . de l'Ifle de Luçon, ὃς de la ville de Manila par le moyen d'vn Indien, il laiffa quel- ques-vns de fes gens dans l’Ifle de Cibo, ὃς dansles Ifles des Pintados, & fe rendit Maiftre de Manilale18.de May l'an 1572.laiffant à ces deux Iflesle mefme nom fous lequel elles eftoient connués par les Indiens. Manila eft fous le 14.degré 20.minuttes de lat. Sept.ala figure d'vn triangle reétá= gle.La cofte de ces Ifles s'étend cent lieués versle Nord,iufqu'au Cap de Bocqueador, qui eft fousle 19.degré quelques minurtes delàla coftetourné à l'Orient,& a quelques 30. lieués d'eftendu£ , puis elle retourne versle Sud, iufqu'à la hauteur de la ville de Manila, & de là à la volte de l'E. عق‎ S. E.l'efpace de cinquante lieuës iufqu'à Lembo- cadero, & puis retourne du cofté du Ponant, iufqu’à la ville de Manila, ayant de ce cofté là prés de nonante lieuës d’eftenduë. Cette ville eft fcituéc au fonds d'vne Baye quia la figure d'vne femelle. La Baye a quarante lieuës de tour , la ville eft fur ve pointe de terre que la Mer bat d'vn cofté; de l'autre elle eft arroufée d'vne bel- le riuiere , lesdeux coftez principaux de la ville font l'vn fur les bords de la riuiere, l'autre fur la greue de la Mer, fcituation forte quine fe peut miner : Elle eft d'ailleurs deffendué des baftions, caualiérs, & terraffes. Les Iles Philipines font en grand nombre, maisles principales font celles de Luçon ;* Mindoro , Marinduque , Panaï, Cybu , Leite , Babar, Mafbate, 1112 de Negros, Bool, & celle de Mindanao la plus grande de toutes, qui eftoit autrefois fujette à V. M. & qui nous fait maintenant la uerre. Dan 157 4.vn Corfaire Chinois nommé Limaon vint auec 70.vaiffeaux,& debar- qua fix mille hommes de guerre à deux licués de Manila; il entra dans la ville fans auoir efté découuert , 80:foldats Efpagnols qui y eftoient fe retirerenr dans vn Fort de bois,& Philippe de Sauzedo les ayant fecourus auec 150. hommes, les Chinois fe retirerent DES ISLES PHILIPINES. 9 retirerentleiourde S. André, que ceux de Maniles ont pris par cette raifon pour leur Patron. L'Adclantado gouuerneur mourutl'an 1574. homme fi fage & fi religieux, La Loy . que lors qu'ontranfporta fon corps de l'Eglife S. Auguítin pour le mettre dans vne SS Sieg È 7 Partidas autre, il fe trouua encore entier. # 22. tit. 9. Guido de Labacarés luy fucceda en vertu; d'vn ordre qu'il en auoit de fa Part *- us Majetté; il diuifa Plfle aux toldats , & acheua de pacifier les Indiens: il mourur l'an i E re 1575. le Docteur de Sande Oydor de la Real Audiencia de Mexico luy fucceda : les delantado. Chinois commencerent en fontempsà venirtrafiquerà Manila, ὃς à reprendre le ne commerce qu'ils auoient eu de touttemps auec ceux du Pays. Ce Doéteur s'enrichit algun fecho à caufe queles Efpagnols en ce temps-là fe picquoient plus d'eftre bons foldars,qu'ha- es biles marchans. Il fit vne entreprite fur les Mes de Borneo; il furpritle Roy du Pays; Rey ue عق‎ ayant pillé le lieu de fa refidence,il fe retira aux Maniles. Dom Gongalo Ronquillo 40“ los meri- de Pennalofa, Algoazil Real de Mexicu offritau Roy de tranfporter aux Maniles 600 T foldats hommes mariez pour peupler ce Pays, il l'executa , menant auec luy quantité de gentils-hommes : ilappelloit ceux de fa troupe Rodeados, à caufe qu'ils s'eftoient embarquez à Panama : il mourut l'an 1585. apres auoir gouuerné trois ans. C'eftoit vnhomme d'vn efpritfort moderé, mais les débauches de fes fils & de fes parens obli- gerent ceux des Maniles d'en faire des plaintes à Sa Maiefté, qui enuoya des officiers de l'Audiance Royale, & pour Prefidentle Capitaine General Sant lago de Vera, en attendant que les Officiers de l'Audiance arriuaffent; Diego & Ronquilio, coufin du dernier Gouuerneur , qui le commanda & gouuerna ; car il auoitefté nommé par Dom Gonzalez quiauoit pouuoir de nommer fon fiicceffeuren mourant. 1] fit vne entreprife fur Ternate qui ne luy reüffit pas : nous n'auionsalors autre chofe à faire que de pacifier les Indiens , & de lesconuertirà noftre Religion; ce qui nous reüffif- foit affcz heureufement , lors qu'vn Indien voulant moucher vne destorches qui fer- uoient à l'enterrement de Don Ronquilio , laiffa tomber par inaduertance vn peu de la mefche fur le drap mortuaire qui couuroitfon corps, le feu y prit fans qu'on s'en apperceut, car l'Eglife auoit efté fermée quelque temps :en ce remps-là toutes les maifons de la ville eftoient de bois, & couuertes au lieu dethuiles, de feüilles d'vne forte de palmier qu'ils appellent Nipa : le feu prit à ces teüilles de Nipa, & eltant aidé du vent S. O.bruflale Monaftere, fans que l'on en petit rien fauuer : le vent portoit fes feüilles allumées d vn cofté & d'autre fur les maifons & des gens qui fe treuue- rent à ce defaftre , m'affeurerent que la ville fut tellement bruflée , que les habitans ne pouuoient pas mefine reconnoiftre les places où auoient efté leurs maifons: Vne de ces feüilles porta le feu au Fort, quien eftoirefloigné de quelques 400. pas; il , eftoit de bois, & furembraléen vn moment l’artillerie qui y eftoit pointée versla ville tira , & plufieurs pour fe fauuer du feu & de l'artillerie , fc noyerent dans l’eau: Il prit auffi dans fix barils de poudre, ils firent vn grand trouen terre quife rempli d’eau auffi-toft : cét incendie arriua le 27. Feurier de l'an 1583. Sant lago de Vera fit en cetemps vne entreprife fur les Molucques, qui ne reüffit pas: On baftit de fontemps vn Fort dans la ville nommé de Nueftra Señora de la منج جيم‎ Guina , qu'on void encore auiourd huy, & qui eft fort mal entendu. L'an 1587. vn sement Cá- Corfaire Anglois nommé Thomas V veyhe paffa le deftroit de Magellanes, vine dife, et auec deux nauires aux coftes de la nouuelle Efpagne, & prit le vaiffeau de fainte An- E its dans ne qui venoit des Philippines: il y trouua de grandesricheffes ; mit en liberté tout fon voyage l'equipage à l'exception des Ecclefiaftiques qu'il fitpendre. Ceux de Maniles a- uoient enuoyé en ce temps à la Cour d'Efpagne vn Iefüite nommé Alonío Sanchez, qui auoit vne connoiffance parfaite de ce Pays & dcs Ifles voifines : le Roy & le Pa- pe luy accorderent ce qu'ils demandoient au nom des habitans , entre-autres chofes la reuocation de l'Audiance Royale , felon le Confeil des Officiers de certe Audian- ce qui l'auoient iugé neceflaire. Ce Religieux efcriuit vn Traitté du droit que les Roys d'Efpagne ont fur les Philipines, dans lequel on peut dire qu'il a prophetife beaucoup de chofes qui font arriuées depuis. Son Traité eft dansles Archiues du Seconde Partie. GB IO RELATION Confeil des Indes, & merite bien qu'on l'imprime vn iour. 11 reprefenta au Roy les qualitez que deuoit auoir le Gouuerneur de céte Ifle;l’on enuoya enfuite Gomez Pe. rez dans Marinas Caualier de Galice. | . Ilarriual'an 1590. aucc 400. foldats : les Officiers de l'Audiance retournerent für fon vaiffeau : il s'appliqua àrecouurer les Molucques د‎ fanstoutesfois oublier le foin d'orner la ville ; il la fortifia , &le paysluy a l'obligation de la vie ; carles Chinois s'eftans reuoltez au nombre de vingt mil, & ayant attaqué la Place , mil Efpagnols à couuert de fes fortifications & de fes murailles, la deffendirent, & les obligerent à leuer le fiege. Il fit paffer vn Ambaffadeur au Japon, & nous luy deuons la premiere connoiffance que nous eufmes de céte Ifle. Le Roy de Camboya luy enuoya vn Ambaffadeur pour luy demander afliftance contre celuy de Siam, auec ordre de fe declarer voftre vaffal ; il auoit grande enuie de le fecourir, & peut-eftre s'il l'euft fair, Voftre Majefté y feroit maintenant par des voyes legitimes, maiftre du Royaume de Cambay, & de celuy de Siam, qui eft fort riche. Le deffein qu'il auoit alors en tefte de fe rendre maitre de Terrenate, l'en détourna, & le fit partir l'an 1594. pour cette entreprife auec trois mil homes : ilauoit mil Efpagnols & cent vaiffeaux tant petits que grands : il auoit donné pour Rendez- vous à fon armée l’Ifle de Cibu qui eft fur le chemin ; & il s'embarqua fur vne Gale- re auec vne Chiourme Chinoife,que ceux du Parian auoient payée. Nous nous em- barquafines 40. bourgeois de Maniles en fa cópagnie ; fur cinq petits vaiffeaux,auec deffein de fuiure fa Galere:la Galere ne peüt doubler vnCap qui eft à vingt lieues de Manila , qu'ilsappellentles Baffes de Tuley : Nous luy demandafines permiffion de prendre les deuans auec nos petits baftimens, & il nous l'accorda , la Chiourme fe voyant la plus forte, car ilsleur auoient laifféleurs armes, lestraittant pluftoften fol. dats qu'en rameurs , refolut de tuer les Efpagnols, & derendre la Galere : Ils affom- merent en mefmetemps tous les foldars qui eftoient à leurs poftes;il y en eut feulement vne vingtaine qui fe jetterent à l'eau, & fe fauuerent fur la cofte qui eftoit proche; Gomez dormoit fousle couuert de la chambre de Poupe ; & comme il mit la tefte hors de l’Efcoutille pour voir ce que c'eftoit, quatre Chinois quiauoient efté choifis pour l'affaffiner luy fendirentla tefte en deux: ilauoit de grands deffeins, & comme il me faifoit l'honneur de me les communiquer, ie puis dire qu'ils auroient mis à vn haut pointl'eftat de ces Ifles.Son fils DomLouysieune homme vertueux & d'vne vieexem= aire luy fucceda. Il entreprit d'executer les defleins de fon pere, & enuoyale Capirai- ne Gallinato auectrois vaiffeaux & 150. foldats.V ne tépefte le fepara de fes deux autres vaiffeaux;il fut obligé d'aller prendre terre à Mallacailes deux autres arriuerent au R o- yaume de Cambaya , remonterent 80. lieuës dans la riuiere , & arriuerentà Cordo- marcho prés du lieu de larefidence du Roy. Les Efpagnolsapprirentlà que le Roy de Siams'eftoitrendu maiftre du pays, que l'Auquara s'eftoit retiré dans le Royaume des Laos, & qu'on auoit eftably en fa place vn Roy de fa famille , mais fon ennemy decla- ré. LesEfpagnolsrefolurent del'allertreuuer , & de luy rendre compte de leur arriuée : ils quitterent donc lariuiere pour aller à vne ville nommée Syftor qui en eftoit éloignée de neuf ou dix lieuës. Blas, & Louys Diego commandoient vne troupe de 40. foldars, & auoient aueceux vn Religieux nommé Diego Duarte , qui eit maintenant en cette Cour: le Roy neles voulut point voir, & les fit loger dans vne maifon d'vn particu. lier : ilsy ancient defia etté trois iours, lors qu'vne femme quiauoit autrefois eu habitu- de aucc Blas, l'auertit que le Roy auoit deffein de leur faire couper la gorge : cét auisleur fit refoudre d'attaquer de nui&t le Palais du Roy; ilsy mirent-aifément lefeu, car ileftoit de bois, 8za vne maifon tour proche qui feruoit de magazin de poudres. Le Roy futtué dansle defordre de cette entreprife, & nos gens allerent regagner leurs vaiffeaux fans perdre vn feulhomme, quoy qu'ilsfuffent fuiuis de quatorze mille hom- mes & de 400. Elephans : Ceux du Pays qui tenoientle party du Roy legitime , & qui -S'eftoient retirez verslesLahos , leur enuoyerent offrir de leur remettre le Royaume entre lesmains,en attendant que leur Roy fuft reuenu de fà retraite ; & apprehen- DES ISLES "PHIETIPINES. II dant que ce ne fuft vn ftraragéme pour les atrefter. Gallinato leur Capitaine qui furuint en ce temps-là les obligea de retourner aux Maniles : Lay entendu dire à tous ceux qui aílifterentà cette entreprife , que fi Gallinato ne les eut point obligez à fe rctirer, V oftre Maieflé feroit maintenant maiftre de tout ce Pays, qui efttres-confiderable à caufe de fa fertilité & de fes richeffes. La nouuelle eftant venué en Efpagne dela mort de Perez, fon fils ayant efté jugé Ce qui fe trop ieune pour cct employ , on y enuoya Francefco Tellio de Guzman Treforier de la pus los le Cala de Contratacion de Scuille ; en arriuant il fit arreter le vaiffeau le plus riche qui ment de ' fut iamais forty de cette Ile; pour auoir letemps, difoic-il , d'efcrire à Sa Maietté Peftar jr τς où il l'auoit trouuée; ce vaiffeau ayant perdu par ceretardement l'occafiondesvents ^ E de la Mer quieftoient neceflaires pour fa courfe , eût depuis letemps fi contraire, qu’il vientos le perdit fur les coftes du Japon. Le Roy du Paysleur ofta leur Cargaifon , & fit mou- vendabalis, rir fix Religieux de l'Ordre de S. Francois qui s'eftoientembarquez fur ce Gallion de S, Philippes. Le Gouuerneur en fit perdre encore d'autres par la mefme faute, & cette mauuaife conduite ayant efté imitée par fes fuccefleurs, nonobftant les deux ordres contraires que Voftre Maicfté me mit entre les mains, a efté caufe de la ruine du Pays. En cetemps-là vn Corfaire Hollandois vint fur nos coftes, on enuoya contre luy deux vaiffeaux fousla conduite du Do&eur Antoine de Morga, & del’Amirante juan de Alléga : ces deux vaiffeaux attaquerent chacun vn des vaifleaux Hollandois: apres vn long combat noftre Capitaine fut coulée à fonds,les plus braues des habitans de Ma- niles perdirent la vie dans ce combat, les Holandois fe retirerenc à Borney auecla pluf- part de leurs gens bleffez ou morts. Dans ce temps Don Louys de las Marinas leua quelques troupes à fes dépens pour aller à Camboia; car Langarac Roy de Camboia y eftoit rentré dans fes Eftats , fur l'auis qu'il auoitreceu que Blas Ruys & Diego Velofo, auoient 2116م‎ à la Cochinchine & aux Pays des Laos, fur les vaiffeaux de Galinato , & auoient fait merueilles pour fon feruice, & tué ' víurpateur de fon Royaume:ilauoit pris auec luy cesdeux Capitaines, & eftoit rentré dans le Paysauec eux& hui& mil hom- mes que le Roy des Lahosluy auoit donnez.Les Ambaffadeurs عل‎ ce Prince deman- doient à D. Louys des foldats & des Religieux pour conuertir fon Royaume. Nous partifimes des Manilesauectrois vaiffeaux & 150. Efpagnols, apres auoir fur- monté beaucoup d’oppofitions & de difficultez. La tempefte nousfeparaà vingt mille de Maniles, & la Capitane ayant coulé à fonds, nous nous fauuafmes à la cofte de la Chine qui eftoit proche de la ville de Macao, où noustrouuafmes du fecours du cofté des Infideles & des Chinois, mais tout le contraire du cofté des Portugais de Macao de qui nous deuons efperer dauantage; car auffi-toft qu'ils ceurent noftre difgrace, ils publierent vne deffenfe fur peine de perte de biens, & de troisannées de galeres, que perfonne n'euftà nous fecourir. Ce fuc là la fin d’vne entreprife qui nous donnoit de fi erandes efperances. Il nous arriua dansce voyage plufieurs chofes confiderables dont ie feray mention en vn autre endroit. Surles plaintesque ceux de Maniles firent àVoftre Majefté, elleenuoya Dom Pe- ws dro de Acuna Gouuerneur de Carthagene;auec vn ordre à Dom Francefco Tello d'al- Francefco | ler refider : cétordre portoir que fi on l'euft treuué dans la nouuelle Efpagne, il l'eüt Tao & obligé deretourner aux Maniles , mais il mourut auparauant que de lereceuoir. Dom م‎ de DI Pedro eftoit dé bonnes mœurs, fort affable, de facile accez , & fort defintereffé; les In- Pedro de | diens de Mindanaho attaquerent les Maniles durant fon gouuernement, ils fitenc Acuna. plufieurs Captifs , & en rapporterent de grandesricheffes , bruflerent les Eglifes; ce qui eûrefté facileà ce Gouuerneur d'empefcher , s'il n'eut point enuoyé aux Molucques toutes les forces & toutes les prouifions del Tile. aper Vingt mille Chinois fe reuolterent auffi dans la ville de Manila, qui auroit peü empefcher s'il eût voulu croire le confeil del Archeuefque : onles mit à la raifon , mais cettereuolte nc laiffa pas deruiner nosaffaires; car nous ne nous fçaurions paffer de ceux de cette Nation : nous y perdifimes 150. des plus braues hommes de la ville, & en- tre autres Dom Louys Perez de las Marinas:il eftoit forti par ordre du Gouuerneur à la Seconde Partie. 48 ij 12 RELATION tefte de nos gens pour pourfuiure les Chinois; 11 íetrouua fans y penfer engagé proche d’vn petit Fort qu'ils auoient bafti en deux iours : Les Chinoisfirent de leurs gens vne demie Lune, & enfermerent les Efpagnols; & comme ils eftoient plus.de cent con: tre vn, ilslestuerent tous à l'exceprion du Capitaine Erancefco de Rebolledo qui fe fauua; car ayant efté laiffé pour mort fur le champ, il eut a force de fetraifner iufqu'àla ville, & d'y donner l'auis de ce qui s'eftoit padle. : Ce Gouuerneur fut plus heureux dans l'entreprife des Molucques qu'il fit par ordre de Voftre Maiefté; à peine auoit-il mis fon monde à terre; que quelques habitans du Pays cftant venus efcarmoucher auec fes gens, & cftans pouffez , il entra pefle-mefle auec eux dans le Fort fans y perdre que hui& ou neuf foldats; le Roy de Terrenate fe fauua dans l'Ile de Gilolo. Pay commencé à parler des affaires des Molucques , mon intention eft de rendre vn compte exaét à Voftre Maiefté de tout ce qui s'y eft paflé, afin qu'elle puif- le mieux cognoiftre l’eftat prefent de ces Ifles: Dom Pedro auroit rendu vn feruice de grande importance à Voftre Maiefté, s’il eüt fceu profiter de l'occafion qu'il auoit entre les mains, & il l'auroit fait s'il eut paté 21111 d’Ambueno pour reprendre cette place fur les Holandois qui ne s'y eftoient pasencore fortifiez, apres en auoir chaffé les Portugais, ouau moins s'il eût laiffe dans les Molucques des Galeres pour garder ces Ifles, &ofterànos ennemisles moyens & leloifir de les fortifier : c'eftoit vne voye fort feure pour fe conferuer ce qu'on auoit conquis : i ne le fit pas, ilretourna à Manila auecfon prifonnier : le Roy de Terrenare, & le prince fon fils qui l'eftoit venu treuuer für fa parole auecles principaux defon Pays qu'il arrefta au 但 : Ce manquemét de foy nousrendit ennemistous fes fujets, qui fe Jetterent par cerreraifon entre les brasdes Holandois, aufquels il fut apres facile de fe forrifier dansle Pays, & defe rendre mai- ftres ablolus du commerce du cloud de gyrofle. Ie ne puis m'empécher icy de dire à Voftre Majefté νης chofe qui regarde ce Roy de Terrenate, afin qu'elle commande à fes Miniftres d'y apporter remede : il eft vray que rant que Dom Pedro vefcut, onle traita auec refpe&t & bien-feance; mais autemps de Dom luan de Silua ¡ele vis dans vne chambre outoute l'eau de la pluie luy tóboit fur le corps, & ou on le faifoit mou- rir de faim. Vn jour l'eftant allé voir, il s’agenouilla deuant moy , & me pria de faire en forte enuers le Gouuerneur qu'on le mit en lieu où il ne fuft point moüillé, & qu'on donnaft quelque ordre pour fa fubfiftance , car il mouroit de faim : qu'il eftoir le plusfouuent obligé à demander l'aumofne ; & qu'il n'auroit point eu de pain s'il ne [εὖτ demandé de céte maniere : ce que ie rapporte icy pour la reputation de V. Ma- jefté aupres de ces Nations, qui ont fujer de croire que c'eft par (es ordres qu'on trai- te de la forte vn Prince qui faifoit auparauant trembler toutes les Iles de ces Mers. Da gouuer- .. Dom uan de Silua arriva en ces Ifles l'an 1606. de fon temps les Holandois fe Der de mirent auec quatre vaiffeaux & vne patache à l'emboucheure de la Baye de Manila; de Silua, & &.y demeurerent l'efpace de fix mois د‎ prenant tous les vaiffeaux qui venoient à Ma- ἐπ τς ἐπ 4 nile; il ne fe trouua point d'abord de vaiffeaux en eflat de leur oppofer , maisils y fu- les Holan- rent fi long-temps, qu'il eut le temps d'en armer quatre, & d'en acheuer vn qui eftoit dois. commencé : on ofta des feneftres des maifons des bourgeois de Maniles les barres de fer pour acheuer ce vaiffeau : Il fit fondre cinq groffes pieces d'artillerie; & outre ces cinq vajfleaux,il arma trois galeres & mit deffus cette armée mille Efpagnols:il trouua le Holandois peu preparés à le receuoir, & quine fongeoiérà autre chofe i s'enrichir du butin qu'il faifoit fur les Chinois qui viennent tousles ans aux Maniles: il aborda d'abord vn de fes vaiffeaux Holandois, le feu s'y prit & fut emporté en l'air; il fe rendit maiftre des deux autres, & ilstuerent beaucoup de monde : mais qui ati- roit dit que cette vi&toire eut deú eftre la caufe de fa perte , & vn commencement de tant de mal-heurs. Voftre Majefté luy donna le quint du profit, & ce don auec la part qu'il y auoit de plain droitluy valoit plus de deux cens mille ducats comme il me l'a dir. Ce fuccez luy mit entefte de grandesentreprifes aufquelles il s'engagea fans les mefurer aueclesforces de ce Pays: il entreprit contre le fentiment derous les DES ISLES PHILIPINES. 13 habitans, d'aller attaquer l’Ifle de Terrenate, & épuila les coffres de Voftre Maje- fté & les forces de l'Ifle. Cette entreprile des Molucques luy reuflit fort mal com- me tout le monde luy auoit predit. Il voulut y retourner vne autre fois plus fort ; & fans prendre confeil de perfonne , il entreprit de faire baftir fept gallions auec les trois qu'il auoit, & fix galeres : il luy arriua ce quiarriue ordinairement à ceux qui ne proportionnent pas leurs deffeins auec leurs forces ; il auoit refolu de faire fes vaiffeaux de quinze cens tonneaux, & auoit demandé au vice-Roy des Indes dix gallions & fix galeres pour fe joindre auec luy و‎ & trauailler enfemble à chaffer les Holandois de ces Mers. Il l'efcriuit à Voftre Majefté, & remplit la cour de grandes efperances, mais elles eftoient mal fondées ; car le Vice-Roÿ ne pouuoit pas enuoyer fix vaiffeaux fans fc feruir de ceux qui eftoient deftinez à la garde des coftes , & fans xpofer ce Paysaux infultes des Holandois, outre qu'ils auoient fait plufieurs fois l'experience du peu d'affe&tion que les Portugais ont pour les affaires d'Efpagne. Le Vice-Roy promir d'enuoyer ces vaiffeaux pourueu qu'on luy enuoyaft cinq mille efcus. Les coffres de Voltre Majefté & la caiffe eftoient épuifez , il n'y auoit point d'argenr. Il enuoya Chriftoual de Afqueta aucc des obligations des Officiers de Voftre Majefté pour emprunter cétargent des marchands , chofe ridicule à ceux qui connoiffent les marchands des Indes. Afqueta s'embarqua fur vn vaiffeau, pour l'armement duquel les marchands prefterentfeize mille efcus, auec quarante Efpa- gnols qu'on luy donna pour augmenter fon authorité & fon credit; il coula apparam- ment à fonds, carl'onn'en a iamaiseu de nouuelles. Dom lean de Silua demanda auffiau Vice-R oy de lanouuelle Efpagne des troupes & des munitions , mais il fit partir fi tard ceux qui deuoienrfoliciter ce fecours , que ces mefures ne fe rencontre- rent point auec celles du Vice-Roy ; quelque diligence qu'il peát faire pour cela, il fallut aller chercher dansle fonds des bois des arbres affez grands pour pouuoir fer- vir à la fabrique de fes gallions : Ie fçay par la relation des Religieux de S. Fran: çois, & de la bouche del’Alcade dela prouince où 115 furent coupez, que fix mille Indiens trauaillerent l'efpace de trois mois pour tirer les mafts de la Capitane au trauers de fix lieuës de montagnes fort rudes. On donnoit par mois quarante n eaux à chacun des Indiens, furquoy il falloit qu'ils cherchaffent à viure. le paffe fous fi- lence le mauuais traitement & les inhumanitez de ceux qui auoient la conduite de ce trauail , & le nombre de ces Indiens qui y perdirent la vie; quatorze gallions d'vne grandeur ordinaire n'auroient pas coufté la moitié. Ie ne dis pas à Voftre Majefté le nombre de ceux que l'on fit pendre, qui furent obligez de quitter femmes & en- fans, & de fe retirer ésmontagnes. Ceux qu'on vendit pour efclaues pour payer le dommage qu'on fuppofoit eftre arriué par leur negligence , le fcandale de l'Euangi- le;& de la cruauté auec laquelle ces miferables eftoient traittez par la tyrannie & l'a- uarice de ceux qui conduifoient l'ouurage. Il enuoya ramaffer tous les foldats qui eftoient dans les autres Ifles voifines, & nommement ceux de la garnifon de l'Ile de Cibu; l'on en tira l'artillerie pour la con. duireà Manila, ce qui donna occafion aux Indiens de l'Ifle de Mindanao de ruiner leurs habitationsen ces Mes. Il deffendit fur peine de la vie que perfonne ne fortift de la ville, & cependant l'onne donnoit point d'ordre pour la fubfiftance de ces ou- uriers , fi bien que quantité fe retirerent, & l'allerent chercher dans les Pays voifins: ce que firent auffiles mariniers aufquels il ofta la moitié de leurs rations, & il Sen enfuit plus de deux cens dans le temps qu'ils en auoient le plus affaire. Il fit proui- fion de beaucoup de viures pour les Indiens qui furent inutiles , car elle ne le fit pas à temps : il enuoya querir du metail & du falpeftre au lapon , en deux ans detemps il fit fondre cent cinquante pieces de groffe artillerie ; & comme ceux qui en auoient la conduire eftoient fort ignorans , de 36. pieces qui furent épreuuées en ma prefen- ce, il y en eut 27. qui creuerent. Ils n'en pürent iamaisfaire aucune qui fút à l'é- preuue , iufquesà ce que quelques Iaponois firent des foursà leur mode ; & des fouf- flers qui faifoient grand vent. L'artillerie de ces Iaponois fe crouua meilleure ; Seconde Partie, — 4 B if 14 RELATION mais quelques-vnes de leurs pieces ne laifferent pas de creuer , à caufe qu'ils ne {ça- uent pas faire l'alliage du cuiure. Dom luan de Silua eftoit engagé bien auant dans ce deffein ,& voyant qu'apres deux ans de temps il n'auoit point de nouuelles d'Af- queta , il creut qu'il s'eftoit perdu: il depécha au Supericur des Iefuites à Goa, le priant de demander de (a part au Vice-Roy fept gallions; ils obtinrent auec peine & grande contradiction de la part dela ville de Goa quatre gallions & quatre galliotes mal armées & mal montées d'hommes. C'eft vne pitié de voir ce quife paffe aux In- des en cette matiere : Ils partirent pour aller aux Maniles , ὃς ayant trouué les vents contrairesils arriuerent forttard à Malaca & au détroit; le General qui commandoit ces vaiffeaux n'ofale paffer , quoy que le Re&eur ou Superieur des Iefuites l'exhorta fort عل‎ l'entreprendre, & la chofe alla fi auant , que le General luy dit vniour qu'il sallaft viftement cacher fous couuerte , d'autant que les mariniers le cherchoient pour le tuer , à caufe و‎ ce difoient-ils , qu'ils les vouloit faire noyer. Dom Juan fceut que ces vaiffeaux l'attendoient à Mallaca , il enuoya le Capitaine Iuan G@illegos pourleur porter de fes nouuelles , auec ordre de l'attendre là, qu'il les prendroit en paffant , & que ces vaiffeaux joints en corps d'armée iroient attaquer les Holan- dois à Iaua où ils ont leur principale retraite; que de là ils pafferoient aux autres Ifles, à Ambueno & aux Molucques : Gallegostomba entre les mains des Holandois vers le Cap de Sincapoura ; ils aprirent de luy le deffein de Dom Iuan;deuant cét aduis le Roy d'Achen quiauoit fait ligue auec les Holandois vint auec vne armée de 400, vaiffeaux & de :4000. hommes pour prendre Malaca. Les gallions fe trouuerent là fort à propos, il brufla vn des galions & fe retira fans rien faire dauantage. Les Holandois y vinrent apres qu'il fut party ; ils bruflerent lestroisautres dansla riuiere de Malaca,s'auancerent dans le détroit où ils prirét leCapitaine Gallenegos.Les Por- tugais acquir& peu d'honneur en cette a&ion, mais ce n'eft point mon intention d'en parler icy.Dom Iuan partit des Maniles le 28.Feurier 1616.auec dix galions plus gráds que tous ceux qui fe font veus en Europe : il partit auec ces galions & quatre gale- res: il fit voile dans le détroit croyant y trowuer les quatre galions de Goa; il fceut qu'ils auoient efte bruflez , & au lieu d'aller attaquer les Holandoisa Iaua , il laiffa les galions dans le détroit, & 2113م‎ auec lesgaleresà Malaca , où il fut receufous vn daiz auec grande allegreffe de ces peuples: il fe trouua bien en peine de la refolu- tion qu'il deuoit prendre; tantoft on le confcilloit d'attendre le Vice-Roy de Goa l’année fuiuante , d'autres luy confeilloient de retourner aux Maniles , mais la mort le déliura de cette irrefolution le 19. Auril 1616. Il laiffaordre à l'armée de retourner aux Maniles, & d'y porter fon corps. L'air du détroit eft fort mal fain, les eaux y -font empoilonnées, fi bien que Pon y jettoit tel iour iufqu'à 40. perfonnes mortes de pefte. Les foldats auoient le vifage pafle, eftoient enflez , & difoienttous que s'ils y fuffent demeurez quinze iours dauantage , ils n'auroient pas eu affez de monde pour faire le feruice des vaiflcaux : ilsauoient perdutoutes leurs anchres dansles courrans -de ces Mers qui font fort grands , & fe feroient échouez contre la cofte s'ils n'en euf- fent treuué à acheter à Malaca: enfincette armée arriua en auffi mauuais ordre; comme fi elle eût efté vn an en Mer. Remontu;. Vniouril fit mettre fon armée en eftat de faire voile , & d'aller attaquer les enne- «eque toute mis; & dans vn difcours qu'il leur fit , il leur expoía qu'il auoit receu vn ordre exprez p m de Sa Majefté d'executer cette entreprife. Le Doéteur Vega luy demanda que cét & l'occafion ordre fut leu publiquement : Le Secretaire le leur. Voftre Majefté luy commandoit de ἜΤΟΣ dc donner auis au Vice-Roy des Indes, afin qu'ayant joint leurs forces, & le Vi- pas voulu Ce-Roy y eftant en perfonne , ils allaffent chercher l'ennemy: on luy oppofa qu'il us e τὸς n'auoit point fatisfait àl'ordre de Voftre Majefté, qu'il faloit cinquante mariniers lai Von. fur chacun de ces vaiffeaux, & qu'il n'y en auoit pas.douze effectifs en effe& ils noient. — S'eftoient enfuis comme Pay dit cy-deuant; que chaque galion n'auoit que deux anchres difproportionnéesà la grandeur de ces machines ; & deux autres anchres de bois, qu'ils appellent dans le Pays Cenepites ; que dans ces Mers où il y a de grands DES ISLES PHILIPINES. IK courans & beaucoup de bancs, il falloit jetter l'anchre quafi rousles iours auec dan- ger de fe perdre, Qu'il n'auoit cordages ny voiles , & qu'il laiffoit la ville depeu- pléc & expofce aux infultes de fes ennemis. Qu'il en auoit ofté coute l'artillerie con- tre les ordres de Voftre Majeflé, & coute forte de maximes de bon gouuernement : Que l'ennemy fcachant la route qu'il auoit à faire auroit peà prendre ce temps pour attaquer Manila;qu'il l'auroit trouuée fans deffenfe,& entourée de quinze mil Chi- nois, & de ceux du Pays, qui fe tourneroient indubitablement contre les habitans , à caufe des mauuais traittemens qu'ils en auoient receus. Que la route qu'il prenoit cftoit impraticable, le Mouffon y eftant contraire. La conclufion des principaux de cette affemblée fut , qu'il auroit mieux fait d'at- tendre l'année fuiuantele Viceroy des Indes, ὃς de prendre en ce temps-là de meil- leures mefures pour vne fi grande entreprife. Le Do&eur Vega luy eftendit toutes ces raifons & beaucoup d'autres dans vn Memorial qui eft imprimé : Le Fifcal fit fes proteftations; la chofe vint fi auant ; que ces deux Officiers furent contraints de for- tir de la ville de crainte d’eftre arreftez : La ville d'ailleurs eftoit diuifée en partys il lalaiffa dans ce pitoyable eftat, & pluficurs gens qui s'eftoient engagez à le füiure s’abfenterent le ¡our qu'il fallut partir: A peine eftoit-il party, qu'on vid paroiftre à la bouche de la Baye de Manila cinq vaiffeaux Holandois, qui auroient eu bon marché de nous s'ils euffent fceu l’eftat où nous eftions : mais fur Pauis qu'ils eurent que Dom luan eftoit allé vers Iaua, ils prirent cette route pour fecourir ceux de leur Nation. Ce fut vn grand mal-heur pour nous de ce que noftré armée ne rencontra point ces vaiffeaux , car fi elle les eüt pris comme elle pouuoit faire aisément , il nous eut efté facile de venir à bout des Holandois qui eftoient dans les Ifles; & ay vne lettre de Dom Ieronimo fon coufin ; où il affeure qu'ilseftoient tous refolus de fe rendre, & que ceux du Pays nous auroient donné les mains pour les chaffer, car ils font toufiours preftsà (uiure le party du plus fort. . Ces cinq vaiffeauxHolandois dont ie viens de parler;auoient paflé le détroit deMa- gellan,& auoient couru les coftes du Peru & de la nouvelle Efpagne:d'autre cofté, les Holandois des Molucques auertis du deffein de Don luán,auoient choifi dix de leurs meilleurs vaiffcaux, fur lefquels ils ancient misleurs meilleurs hommes, & l’eflite de [eur artillerie ; mais comme ils virent qu'il ne venoit point, & que le temps de ce voyage cftoit paffé;ils refolurent de le venir chercher iufques dans les Maniles ; ὃς ayant appris fa mort par le rapport des Indiens ; ils conceiterent auec eux de nous attaquer de tous coftez dans ceslfles.L’Indien qui cómande dansMindanao vint auec 60. Caracoras qui font des petites galiotes ; & attaqua la prouince de Camarines , il y brufla vn vaiffeau , & deux pattaches qu'on y bátiffoit pour Voftre Mayefté,8z y fit prifonniers vne trentaine d'Efpagnols ,auecles deux Chefs qui commandoient : ces Caracoras fe diuiferent en deux efquadres , l'vne voulut aller chercher les Holan- dois, l'autre fut à l’Ifle de Panay. Dom Diego de Quiñones qui cómandoit dans le des Pintados, enuoya contre eux Lazaro de Torrez auec deux Caracoras ; il en prit quatre ; & mit les autres en fuite , elles fe perdirent apparamment dans ces Golphes, car on n’en a point eu de nouuelles depuis. — — Li — L'Ifle de Mindanao la derniere des Iles Philipines, eft efloignce de quelques vingt lieuës del Mle de Cibujla pointe de cette Ifle qui regarde celle de Cibu eft ha- bitéc par des Indiens pacifiques qui payenttribut à Voftre Majefté, & entre lefquels il y a beaucoup de Chrétiens.La cofte court de l'Orient à l'Occident; &s incline quel- quefois du Nord-Eft au Sudvveft fur le Nord-Eft Sudvveft,elle a plus de 300. lieuës de circuit;la partie la plus auâcéeversle Zud eft fous le 6. degré delatitude Nord,elle eft peu cultiuée ; mais ceux qui y ontefté-affeurent qu'ils y ont veu plufieurs mines d'or;quátité d'arbres de canelle & des ciucttes.LeCapitáincEfteuanR odriguez de Fi- gueroa y fut l’an1596.auecritre de Gouuerneur & de CapitaineGeneral de cette Iflc. L'entreprife fe fit à fes dépens, mais fa mauuaife fortune voulut,que la premiere fois qu'il mit pied à terre , il fuc tué par vn Indien qui lay auoit dreffé vne embufcade. Le La copie dé cette lettre a efté mife à lafin des Relations des Philipi- nes, auecles autres دعام‎ ces qui y font citées] Les Holan= dois vien- nent aur Maniles pour cher- cher Donà Iuan. L'arriuée des Holan- dois aux Philipines. 12 RELATION Capitaine Juan dela Xara en voulut prendre la conduite ; mais le chef eftant mortla diuifion fe mit entre fesgens, & l'entreprife fut abandonnée. Cependant ces In- diens coururent auec leurs vaiffeaux dans ces Ifles , & y firent beaucoup de mal. Du temps du Gouuernement de Dom Francefco Tello, les Gouuerneurs ont negligé d'y apporter remede : Ces Indiens n'attaquent iamais les Efpagnols ; mais ils font ἢ redourables aux autres Indiens qui payent tribut à Voftre Majefté, qu'ils ne font point en feureté dans leurs maifons. Ie leur ay entendu dire des chofes qui deuroient faire honte aux Gouuerneurs de Voftre Majefté; Ils fe plaignent qu'ils ont tant de foin de leur faire payer lestributs qu'ils leur impofent , cependant qu'ils font fi negli- gens à les deffendre de ceux que leur attachement pour l'Efpagne a rendu leurs en- nemis. Qu'on nous laiffe en liberté, ce difent-ils, & qu'on nous permette d'auoir des armes, nous nous deffendronsfort bien, comme nous faifions auparauant que les Efpagnols euffent entrepris de nous proteger; & fi lesIefuites & lesautresReli- M gieux ne les entretenoient dans l’obeïffance, en leur faifant efperer vn meilleur trai- tement , ils fe reuolteroient, & fe mocqueroient de nous, comme ont defia fait quel- ques-vns. le marque icy cesdefordresà Voftre Majefté, afin qu'elle commande à fes Gouuerncurs d'y apporter remede ; puis que fa confcience en eff fi chargée, & qu'ils ont eu l’effronterie d'efcrire que ces Indiens eftoient en paix, & reduits, en vn temps qu'ils détruifoient & brufloient a&uellement Vos Eglifes. Les Holandois ayans donc apprisla mort de Dom luan de Silua, vinrentà vn port nommé Y loilo, auec deffein d'y baftir vn Fort pour fe rendre maiftres de ces Mles, & pouren tirer des viurespour Terrenate;qui eft la principale place des Molucques; ils auoient defia fait vne autre defcente en cette Ile en vn endroit nommé Are- ualo habité par les Efpagnols; & apres auoir bruflé toute leur habitation fans que Vosfoldats qui eftoient en garde euffent feulement la hardieffe de tirer vn coup de moufquet , ils eftoient demeurez d'accord auec les naturels du Pays de venir habi- ter ces Ifles : Dom Diego de Quiñones auec foixante & dix hommes entreprit de leur empefcher ce deflein, & fit vn petit fort de fafcines & de gabionsremplisde terre ; les Holandois en approcherent auec leurs dix galions ; & voyant que leur ar- tilletie ne les obligeoit point à quitter la place, ils mirent à τοῦτα fept compagnies d'Infanterie ; qui l’attaquerent par deux endroits: Là refiftance fut fi vigoureufe , qu'on les obligeaà fe retirer. Lazaro de Tormez auec quarante foldars s'eftoient | mis en embufcade fur le chemin de leur retraite, & leur tua beaucoup de leurs gens, nous y efimes vingt perfonnes ou morts , ou bleffez. Cette a&ion fut de grande im portance à caufe de la difpofition où eftoient les naturels du Pays, & des autres cir- conftances qui l'accompagnoient. On auoit refolu de faire vn Fort au Portde Yloi- lo, & d'y enuoyer fix pieces d'artillerie auec vn Ingenieur ; car on voyoit bien que fi l'ennemy y venoit, il taícheroit de fe rendre maiftre de ce pofte. Elles arriuerent vn moisapres que l'occafion de s'en feruir fut pafféc, fi Dom Diego eut eu ces pieces, . il auroit couléà fonds la moitié de cette armée , tant il importe que celuy qui gouuer- ne faffe les chofes dansleurtemps. Les Holandois au fortir de TIfle de Yloilo vin- rent à Plíle de Mariueles quieft aumilieudela'Baye de Manila : La fentinelle qui eftroufiours dans cette Ifle fit le fignal de l'arriuée de ces vaiffeaux, les Holandois barerent les deux amboucheures;& apres auoir reconnule Port de Cabité auec vne lunette de longue veué, ils fe retirerent. Andreas de Alcaraz eftoit alors le plusan- cien du Confeil , & faifoit la charge de Capitaine general. On rifften deliberarion fi l'on fe deuoit mettre en Mer auec les vaiffeaux qui eftoient dans le Port,8z alleratra- querl'ennemy : on alleguoit en faueur de cette refolution la perte irreparable de tous les vaiffeaux qui deuoient en ce temps-là venir de la Chine. On reprefentoit Pincommodité qui fe feroit enfüiuie d'vn femblable blocus,p endant lequel on auroit máqué det outes les chofes neceffaires que ceux de dehors auoiét accoátumé de nous apporter;on y pouuoit remedier en auertifsát les Chinois de ne pas venir danstout le mois d'Auril,le Capitaine General nele voulur pas permettre; caufe que l'ánéepre- cedente DES ISLES PHILIPINES. 17 cedente comme on eut enuoyé par fon ordre vn femblable aduis à la Chine dans le temps qu'il y auoit des vaiffeaux Holandois deuanc la Baye ; les Chinois furent long- temps fans y venir , ce qui auoic caufé vn notable preiudice aux droits que le Roy a fur les Entrées : toute la ville preffoit le Gouuerneur de faire fortir l'armée ; les Ec- clefiaftiques luy en firent des proteflations. Alcaraz y trouuoit mille difficul- tez; Qu'il n'y auoit ny voiles ny cordages, que les coffres de Sa Majefté eftoient épuifez, que l’artillerie eftoit douteufe, qu'il eftoit neceffaire de la faire refondre, en- fin que fi Paffaire ne reüflifloit pas, tout le Pays courroit rifque de fe perdre. Com- me on eftoit dans cette irrefolution , les vaiffeaux de la nouuclle Efpagne arriue- rent : ils auoient eu vn mauuais voyage, à caufe qu'ils n'eftoient pas venus dans le temps propre, qui eft vne faute qui fe fait tous les iours, quoy que ceux qui la font en portentla peine, & en faffent penitence. Il y auoit deflus 150. marinicrs, bean- coup de paffagers, & quelque artilleric. Ce fut vn grand bon-heur pour nous que l'ennemy n'eut point de nouuelles de leur arriuée , car il luy auroit efté facile de s'en rendre maiftre , l'vn de ces vaiffeaux ayant dechargé à vn Port éloigné à vingt lieués du lieu ou eftoient les Holandois, ὃς l'autre dans vne Ifle nommée Cybuyan. Dans ces entrefaites celuy qui commandoit les Indiens de Mindanao, vint auec fon Efcadre de Caracoas, à vn lieu de la cofte des Maniles nommé Balayam. Le peu- ple s'enfuit; ils mirent le feu au magazin des cordages par la faute de celuy qui y commandoit ; car il auoit efté auerti par le Meftre de Camp Dom Iuan Ron- quillo du deffein des Indiens fur cette habitation. On demanda en vain àl'Alcalde Major soo. foldats pour la deffendre : il differa de jour à autre de lesenuoyer, & donna lieu à l'ennemy de faire ce coup. Noftre Seigneur nous fit la grace que tout le cordage ne brufla point, & qu'il en refta affez pour mettre en eftat les vaiffeaux de l'armée , fans quoy il cát efte impoflible de les mettre en Mer. L'on enuoya deux Galeres pour empelcher que les Indiens ne fe joigniffent, & pour les attaquer auparauant leur jonétion; car deux Galeresà coups de rames pou- uoierit couler à fonds leurs 35. Caracoas. Elles pafferent de nui& allez proche de l'ar- mée Holandoife fans eftre découuertes ; elles trouuerentles Indiens dans vne riuic- re de Plíle de Mindoro nommée Baco ; fi les Galeres fe fuffent poftées à l'entrée de la riuiere, vn feul de leurs baftimens n'en feroit pas échapé: en effet les Indiens fe voyans preffez de fi prés, s'addrefferent à ceux des noftres qu'ils auoient fait prifon- niers, les priant de leur faire donner bon quartier.Celuy qui commandoit les Galeres n'eut pas le courage d'en approcher de plus prés, & s'en alla à vne autreIfle,difant qu'il n'ofoit pas fe hazarder d'entrer plus auant dans lariuiere , de peur d'y perdre fes Galeres; & quoy que le vent qui cftoit tout fon pretexte cit ceflé fur la minuit, il n'y retourna point que leiour fujuant furle foir, apres auoir fceu que lesennemisn'y eftoient plus. On a diffimulé cette faute pour de certains refpeéts, comme on a fait en beaucoup d'autresrencontres. 11 fembloit qu'il y eût quelque mauuais demon em- ployé àtrauerfer les deffeins des armes de Vôtre Majefté; car ils apprirent que deux vaiffeaux qu'on auoit depéché cette année là de la Nouuelle Efpagne aucc destrou- pes & de l'argent pour fecourirles Molucques, auoient efté jettez parles vents d'aual fur les coftes du Iapon , & qu'au mois de Iuillet l'Amirante s’eftoit perduë , d’où neantmoins onauoit fauue les marchandifes & lesfoldats, que le General nommé Francefco de la Serna eftant venu à la cofte de Pangacinan à vingt licuësde l'armée Holandoife s'eftoit mis à couuert dans vn Port de cette cofte, & auec l'aide de T'Alcalde Major de cette Prouince, ilauoit décharge à terre fon vaiffeau , en auoit ofté Partillerie , & s'eftoit fortifié dans vn pofte, apres auoir enuoyé à la ville l'argent, & ce qu'ils auoient de plus precieux. Les Holandois en eúrent auis, ils y vinrent, l'on mit le feu au vaiffcau de peur qu'ils ne l'emmenaffent. Aux Maniles cependant on auoit nommé le Meftre deCampDom IuanR oquillo pour commander l'armée; fut auffi toft au Port pour mettre en eftar fix Galions, car il n'y auoit point d'efperance Seconde Partie. 18 RELATION d’enpouuoir donner dauantage. Onenuoya des perfonnes de confiance danstou- teslesIfles voifines pour entirer tout ce qui leur eft neceflaire : on efprouual'Arul- leric & on fit refondre celle qui n'eftoit pas bonne : on auoit trouuc le jufte allia- ge du mctail &la proportion qu'il leur falloit donner, tellement que les fondeurs n'en manquoient point, toutle monde fe preparoità ce combat, & à contribuer ce qu'il pouuoit à l'armement des vaifleaux. Les Holandois voyant que le tempsde l'arriuee des marchandifes dela Chine approchoit fortirét de la Baye, & fe mirent à vingt licués de là au lieu nommé la playa Honda ,que les vaiffeaux Chinois viennent toújours reconnoiftre. Le vaiffeau Hollandois que Dom Iuan de Silua prit l'an 1610. s'cítoit misen ce mefme Pofte:labaye eftant ainfi libre on fic venirl'Amirante. Elle arriua dansle Port chargée de munitions, car on l'auoit deftinée à feruir de ma- gazin,elle portoit 30.pieces d Artillerie; on la mit en cftat de feruir,ainfi noftre armée cftoit de fept Gallions, le moindre defquels auoient 30. grandes pieces de bronze:on nomma les Capitaines & les Officiers des Gallions auec ordre à chacunde prendre les foldats, & les Bourgeois de Maniles qui voudroient les fuiure : les Chefs fu- rent ceux-cy. Du Gallion de S.Ican Baptifte l'Admirant Pedro de Heredia :du Gal- lion S. Michel ' Admirante Rodrigo de Guilaftiqui:du Gallion San Felipe le Capitan Sebaftian de Madrid : de celuy de Nueftra Señora de Guadalupe, le Capitan Juan Bautifta de Molina:de celuy de San Lorengo, le Capitan Azendo:du callion de faint Marc qu'on appelloit Amiral à caufe qu'ill'auoit efté l'année que Dom Iuan de Silua fut a Malaca, fur donné à Dom Iuan de la Vega filsdu Do&eur Vega Confeiller de l'Audiance de Manilla. ^ L'on eut de la peine à conuenir du choisde l'Amiral , Dom Diego de Quiñones qu'on auoit fait venir d'Oton, & quin'eftoit pas encore bien guery de fa moufque- tade , y pretendoitauec Fernando Monis Arramburu qui auoit efté Amiral des Ca- raucllesd'Efpagne ; & pour de certains cígards que ie ne puis expliquer, 1 vn & l'au- tre en furent exclus,fautes qu'on a reconnu depuisen vntemps où 1] n'y auoit plus de remede; mais pour ne paroiftre pas qu'ils cuffent éuité l’occafion , ils offriren t de fer- uir de leurs perfonnes : Arramburu fe mit aupres du general , pour le feruir de fon Confeil, & on donna vne calere à Dom Diego auec la qualité de Quatraluo :Dom Alonfo Henriquez en commanda vne autre en qualité de General, Dom Pedro d'Almazan la troifiéme. Le Gallion nomméle Saluador eftoitla Capitane. C'eftoit le plus grand & le meilleur Gallion qu'on eut veu en mer, il portoit $6. groffes pieces d'Artillerie, dont la plufpart eftoient de 25. 0130. de Balle,& le refte de 18. L'Armée fortit du port, & fe mit à la voilele 8. d'Avril pour aller chercher l'ennemy.. Le foir de cette iournéc-là qui eftoit vn Samedy , elle alla moüiller à la bouche de la Baye pour apprendre de fes nouuclles. L'on fcauoiten general qu'il auoit déja pris beaucoup de vaiffeaux Chinois. Vn efpion nommé Iuan de cüaca quiles auertiffoit de ce qui fe paffoit à l'armée ennemie, leur efcriuit quà fix lieuës de là il y auoit deux de leurs vaifleaux & que le refte eftoit dans la Plaia honda. Cette re- lation fe trouua fauffe , & fut caufe que nous ne remportafmes point la vi&oire la plus complette quife puiffe fouhaiter , comme on le verra parla fuite. Sur cét auisle General prit fes melirres pour venir fondre au matin für ces vaiffeaux , il ne lestrouua point, & ne peütarriuer que fur le foir deux heures aprés le Soleil couché à la Blaia honda, autrement il y fut arriué à la pointe du iour, & on auroit fürpris quatre vaiffeaux , dontles Officiers eftoient à terre, ne fongeansäautre chofe qu'à fe refioüir du burtin qu'ils ancient fait ; ils defcouurirent Pyn de nos vaiffeaux, eurent le temps de retourner dans leur bords, & de fe ioindre aux deux au- tres de leurs vaiffeaux quireuenoientde la cofte dela Chine, où ils auoient fait de grands buttins. Ils prirent la largue auec 2. vaiffeaux Chinois qu'ils auoient pris, lesarmées ne firent autre chofe ce ¡our là que de s'obferuer Pyne & l'autre. Le Vendredy aumatin nôtre armée parut feparée,ou faure de n'auoir pas pù fujure laCa- pitane, ou par faute despilotes à quoy il y auoit plus d'apparence. Caren ces quatiers DES: ISLES: .BHILIPLINES. I9 cy", on ne séclaircit & ne punit iamaisles fautes qui fe fontfaites, en πον l'A- mirale eut aufli grand tort ; car elle manqua à les rallier. Le Capitame , celle de faint Michel, & de S.Ican Baptifte eftoient fort preffcz de l'ennemy,lesautres en eftojent cloignez de plus de trois lieués au defsus du vent. L'ennemy voulut profiter de Poccafion, & refolut d'aborder la Capitane, croyant que s'il sen pouuoit rendre maiftre, les autres ne luy donneroient pas beaucoup de peine, car il fuppofoit qu'elles eftoient là feulement pour l'appuyer. Il tafcha de luy gagner le deflus du vent ; la Capitane qui eftoit bonne voiliere fit la mefine chofe , & pour virer d'vn bord à l'autre plus promptement , elle donna vn cable à la galere de Dom Antonio Henriquez qui la remorqua autant qu'il falloit pour luy faire gagner le vent fur l'ennemy qui s’auançoit auec fon armée en cette ordre ; la Capitane eftoit à latefte, & les autres en fuite و‎ en forte que la proüe de l'vne touchoit la poupe de celle qui eftoit deuant : Ils pouuoient attaquer le S. Ican Baprifte qui eftoit à la poupe de la Capitane, où le S. Michel fur lequel ils auoient l'auantgage du vent; mais ils e- ftoient refolus d'attaquer la Capitane, & ne pouuant point gagner fur elle l'auanta- ge du vent, ilsen approcherent fort prés, & chacun de fes vaifleaux la falua de toute fa bordée. La Capitane leur refpondit de mefme, & làcha à chacun des vaiffeaux des ennemis, vingt-cinq vollées de canon, fi bien qu'ilsne retournerent plus à la tafter de la forte: Nous auons fceu qu'ilstinrent cette nuit là confeil dans leurs vaiffeaux; 8e qu'il y en οὖς quelques vns qui furent d'auis de faire voiles aux Molucques, tant ils auoient efté mal-traitez par noftre Capitane; maisle General les raffeura leur di- fant que la Capitane eftoit le feul vaifseau de deffenfe de noftre armée, & qu'il en- treprendroitde fen rendre maiftre. Dom Iuan Ronquillo rallia cette nui& fon ar- mée , & Dom Diégo de Quinones porta l'ordre aux Galeres , que chacune atta- qua le vaifseau ennemy dont elle fe treuueroient le plus proche , & que le S. Laurens fecoureroit celuy des noftres qui fé treuueroit le plus prefsé. Le 15. d'Auril noftre armée auoit le defsus du vent fur celle de l'ennemy : Dom Diego de Quinones fut demander au General les ordres pour l'attaque , le Ge- neral luy donna le mefme ordre que le ¡our precedent, y adiouftant feulement . 110111137 laifsàt la Capxane des ennemis, & les alla inueftir, apres auoir inuoqué l'immaculée Conception de la Vierge. Les Holandois efperoient que nos Efpagnols fauteroient d'abord fur leurs vaifscaux , & ils auoient tant de deffenfes pour les faire perir, que Dom luan de Ronquillo fut obligé de publier yn ordre que perfonne n'entrát für les vaifseaux qu'apres qu'ils fe feroient rendus. La chofe fut execute, noltre Capitane aborda celle de nos ennemis, & quoy qu'il luy eût prefquie tué tout fon monde , elle ne fe voulut point rendre ; en fin elle la mit en vn tel eftat , qu'elle coula à fonds: le General & quelques autres fe fauucrent dans la chaloupe ; ils di- fent qu'elle eftoit chargée de richeffes qu'ils auoient prifes fur les Chinois. Le Capitai- 'ne fe nommoit le nouucau Soleil d'Hollande , qui 2112م‎ fous l'horifon ce iour-là mal. heureufement pour eux. Le Capitaine Iuan Baptifta de Molina fut lepremier quia- borda vn des gallions de Pennemy; Diego fit la meme chofe auec fa galere ; ils les auoient defia mis en eftat de demander quartier, lors qu'vn vaiffeau des Holan- dois qui eftoit en feu vint tomber fur eux, ce qui les obligea d'abandonner leur prife. Molina & Dom Dicgo allerent attaquer l Amiral des Holandois qui s'eftoit accroché auec Dom Pedro de Acredia, & quiluy auoit tué la plufpart de fon monde. Le Holan- dois le quitta, & pritla largue pour fetetirer, maisen fi mauuais eftar, que les Indiens & les Chinoisaffeure qu'il coula à fond le ¡our d'apres. Le Capitaine Sebaftien de Madrid fut tué allant à bord d'vnautre vaiffeau. Cette bataille fur auffi fanglante qu'il y en ait iamais eüe fur Mer, les vns & les autres eftans refolus de mourir pluftoft que de fe rendre. Trois de nos gallions fuiuirent ceux de l’ennemy; mais comme en matiere de la Mer celuy qui fuit a l'auantage , ils ne les pú- rent pas joindre, & la nui& eftant füruenué , nous les perdifmes de veué vn de nos gallionsperdir fa route, & ne nous joignit que deux iours apres. ^ Seconde Partie. € C ij 20 RELATION. Noftre General ferefolur de retourner à Manila à caufe quel'eau luy manquoit. Le : Gallion de S. Michel fut obligé de faire la mefme chofe , ilfaifoit eaué detous coltez, & on ne la pouuoit vaincre auec les pompes. Le Gallion de Pedro d'Acredia vintà l'emboucheure dela Baye dans le mauuais eftat où les ennemisl'auoient mis. Le ¡our fuiuane deux Gallions de l'ennemy parurent aulieu où la bataille s'cftoit donnée; ils auoient aueceux vn vaiffeau du Jappon chargé de farines , ils ne fcauoient rien de la bataille , & vinrent attaquer le vaifleau de S. Marc : il s'échoüa vers laterre, & mit le feu à fon vaiffeau fi proche des ennemis, qu'il pouuoit entendre les iniures qu'ilsduy. difoient. Ainfi fe perdit le meilleur gallion de noftre armée apres la Capitane. Ilya. uoit deffustrente-fix pieces de canon que lona peíchées depuis. Le chef qui le com- mandoit fut pris, & eftàremarquer qu'il fut pris te iour mefme de S. Marc, par Pinter- ceffion de qui l’année precedente Dom Iuan de Silua auoit remporté vne fignalée. vi- &oire. Dom Juan Ronquillo en eut auis, & alla chercher ces deux vaifleaux, mais vn jeune garçon Hollandois qui eftoit dansle vaiffeau de S. Marc s'eftoit jetté à la nage, & les auoit auertis de noftre armée, fi bien qu'ils auoient pris la route du Iappon. L'ona de la peine à comprendre que les ennemis euffent dix vaifseaux, car il ne s'en treuua que fix dansle combat , mais l'vns'enfuit le iour de la bataille, & fon Capitaine fut pendu aux Molucques pour cette lafcheté. Le General en auoit renuoyé vn autre auec les bleffez , à l'attaque de Dom Diego de Quiñonez, & auffi - à caufe qu'il faifoit beaucoup d'eau : Dans le Gallion de Noftre - Dame de Gua- : daluppe , le Capitaine Molina auoit vne image dela Viergeen relief; qu'il tenoit dans vn petit tabernacle de bois; vne balle de dix-huiét liures le mit en mille pieces, & l'image ne futpoinrendommagée. Dans celuy de S.Iean Baptitte il y auoit le tableau d'vn Crucifix,il y entra vne balle de douze liures qui porta fur le tableau fans y faire au- tremal que d'ofter vn peu d'or qui eftoit fur la robbe dela Vierge. Dans la Capita- > ne vn canonnier mit trois fois le feu à vne piece d'artillerie fans qu'il la püt faire iret; le: canonnier eftonné voulut voir d’où pouuoit venir ce deffaut , & il trouua que la piece ' eftoit ouuerte; fi elle eût pris feu elle eut fait vn grandiffime dommage, & eut pù bru- | ler le vaiffeau, ce qui fait voir clairement quela Vierge les fauorifa en cette occafion. La ville de Manila cependant n'eftoit pasoifiue , on y porta en proceffion l'image de Noftre-Dame de Guyau , tout le monde fe confeffa & fe communia: on tint le S.Sa- crement exposé fur les Autels, & on fit d’autres deuotions aufquelles nous deuons principalement le bon fuccez de cette journée. à Onde‏ 24 2622320229476 09 ج 063467846096326 0346 جمع جوج جد 694 +3160 26د SECONDE PARTIE;‏ Des moyens de conferuer les Philipines , & combien la conftr- uation de ce Pays importe à V offre Maiefté. A premiere raifon de proteger ces Ifles eft celle dela propagatió de, . la Foy Catholique;à laquelle Voftre Majefté eft d'autant plus obli. | ST. | gee;qu'elle a heritéàce zele d'augmenter nôtreReligion,& la glois ker | 用 re de Dieu, de fes illuftres anceftres , & principalement de fes pere & mere; & d'ailleurs c'eft fous ce feul tiltre qu'elle jouit de la ri- | cheffe des Indes : fi Voftre Maiefté abandonnoit cette entreprife, fa | gloire en receuroit vne grande diminution aupres des nations eftrangeres, δ prin- cipalement aupres des heretiques, qui pourroient dire que Voftre Majefté n'a point efté portée àla conquefte de ces Pays, par le zele de la gloire de Dieu; mais parla feule raifon de l'intereft , puis qu'elle Jaiffe perdre le Chriftianifine auxlieux où elle. ne trouue point de profit à le conferuer. La 2. raifon eft celle de la confcience, Voftre DES ISLES PHILIPINES. 21 Majefté ne pouuant pas abandonner le Chriftianifme, dans vn lieu où elle peut ef. perer de le pouuoir établir. La troifiefme eft la raifon d’Eftar; ce feroit donne: des armées & desforcesá vos ennemis , & en faire declarer d'autres qui ne font defia que trop enuieux de la grandeur de fes Eftats : l'importance de la conferuation de ces Ifles fe void affez par les grandes defpenfes qu'ils font pour luy en ofter la jouiffance : on voit clairement qu'ils font plus qu'ils ne peuuent d'eux-mefines , & Von ne peut pas douter qu'ils ne foientaffiftez fous main des ennemis de Voftre Ma- iefté, & des autres Princes enuieux de fa Grandeur de fes Eftars ; ie puis faire voir bien clairement que lesHolandois en tireroient plus de hui& millions par an,s'ils en eltoientles fculs & librespoffeffeurs, & s'ilsauoient entre leurs maips les drogues, les efpiceries, le commerce du lapon, de la Chine, & des Royaumes circonuoifins. La 4.raifon eft que fi nous n'arreftions point leurs forcesen ces pays-cy و‎ ils acca- bleroient les Indes de Portugal. La .raifon eft la connoiffance certaine des richeffes qu'il y a dans les Mes Phili- pines qui n'ont point efté connués iufques à cette heure, & que ie declareray dans la fuitte de ce difcours. Enfin en les abandonnant outre le profit qui (e peut tirer de ce commerce, Voftre Maiefté abandonnera encore le pofte le plus propre de tour l'O- tient pour y planter la Religion Catholique, & pour extirper des Royaumes qui en font voifins l'idolatrie dans laquelle ils font. Ce pofte entretient la guerre des Mo- lucques, & les fournit tousles jours de munitions de viures & de foldats, ce que l’In- de de Portugal ne pourroit faire; on ne peut aller qu'vnc fois l'an de l'Inde de Por- tugal aux Molucquesà caufe des vents, mais l'on y peut aller prefque en tout temps de Maniles; ainfi il eft bien plusaifé de tirer du fecours de ce cofté que de l'autre. La mefme raifon empefche la communication d'auis entre les Portugais & les Molu- ques, au contraire Pon a tous lesioursaux Maniles des nouuelles des Moluques; le voyage n’eft ordinairement que de quinze iours, & nos Iflesayant en abondance Le ville de . . : A : À 9 Manila por- toutes fortes de viures, il eft bien plus aifé de les fecourir ; que du côté de l'Inde de te toutes les 1 : | charges d'en Portugal, qui en manque bien fouuent pour fa propre fubliftance: ae dti Les vaifleaux & les places que Vótre Maieftétient dans ces Mes, obligentlesen- i τας nemis à de grandes dépenfes, & leur font achepter bien cherementles profits qu'ils fi pefante tirent des Moluques. pcs: Le commerce que ceux des Maniles ont auecles Chinois les empefche de traiter auec les Holandois , fans cela ils ne pourroient pas s'enempécher, & mettroient en- tre leurs mains les marchandifes. qu'il faut neceffairement qu'ils debitent hors dé leur Pays. lia Enfin il y va de la grandeur & de la reputationde VótreMajelté de conféruer ces ΠΣ des, عة‎ auec elles la gloire qu'elle y a acquife de faire trembler cant de Nations auec vn fi petit nombre de fes Sujets , dans le temps mefme qu'ils fontenfermez de tant d'en- nemis,& qu'ilsles.ont meíme receu dans le coeur de leur ville & principale habitation. Lon fait Depuis que Vérre Majefté donna ordre à Dom Pedro de Acuna d'aller repren- 7j; gran bs dre les Moluques,que les Portugais auoient perdués, tout l'argent que VótreMajeftéa partie de enuoyé depuis ce remps-là a efté employé pour le mefme fujet : la defpenfe que. fit le Dom luan de Siluaa ruiné ces Ifles, & a endebté Vôtre Majefté. Elle doibtencore fous ic tiltre de ce remps-là plus de deux millions aux Indiens, fans.ce qui fut emprunté aux ha- de ia bitans de Maniles ; hors de femblables occafions ces Ifles auroient dequoy s'entrete- nes nell nir d'elles-meímes, fans coufter dauantage à Voftre Majefté que ce qu'elle en tire; Point em- : : per: ἢ A S ce que l'on verra dans le compte fuiuant qui a eftétiré fidelement des Regiftres de la È ppi les Philipi- Chambre Royale des comptes. Ei x) : pafferont de EST AT DV REVENV DES 2 841118 17 8 5. ce fecours, : . 3 3 mais pour YH y a crente-fix mil cinq cens feize. Les droits de la Doüane que les Chi- jesuoluques £ributs & demy > delquelsil y en avingt-. nois payent fur le pied de fix pour cent pone hui& mille. quatre cens quatre-vingt desamarchandifes, cy 80000 ces 19%, 22 trois qui payent hui& R eaux , le refte en paye dix, qui font ceux de la prouince d'Ylocos. cy 39807. patagons 2. Reaux. Outre ces tributs il y en a cent trente mille compris dans les Commanderies, qui payent à Voftre Majefté 2. Reaux, RELATION Les licences que Dom Iuan de Silua eftablit fur les Chinois qui demeurent dans l’Ifle à raifon de $. patagons par te- fte. cy 80000 Les droits des marchandifes que les habitans des Philipines chargent dans les vaiffeaux du Mexique, 2500 Les droitsde la Doüane des marchan- fousletiltre de Situado 32734 difes qui viennent au Mexique apparte- Le dixiefme de l'or 2000 nantesaux habitás des Ifles qui fe payene Le dixiéme des beftes à corne 2500 àraifondetrois pour cent 12000 autres menus droits : 4000 en tout 255541. patagons. Si bien qu vne année portant l'autre Voftre Maielté entire à peu prés deux cens cinquante mille pieces de hui& , fans faire entrer les frets des vaiffeaux qui viennent de la Nouuclle Efpagne aux Ifles , ny les 12. pour cent que les marchandifes payent à Acapulco, pource que cela fait partie du reuenu du Mexique : ce reuenu des Ifles fuffiroit pour entretenir 4. Gallions & 6. Galeres pour leur deffenfe. Des richef- Voftre Maicfté a de grandes richeffes dans ces Iles qui s'en pourroient titer auec fes que V-M fort peu de defpenfe. L'opinion que i'ay que V. M.a en ce Pays les plus grandes ri» a donné aux Ics, & dela Chefles detoutes les Indes, eft fondée fur cesraifons : dés que les Efpagnols s’y efta- facilité quil blirent , ils fceurent que dans les montagnes qui fontà 40. lieués de la ville dansla Ya proficer, Prouince de Pangafinam, il y auoit plufieurs mines d'or que cct endroit eftoit habité | par des Indiens de guerre qui n'ont point efté conquis, qu'ils ne permettoient peint à 5 ceux de la plaine d'yvenir , mais leur portent beaucoup d'or en certaintemps de l'an- née pour auoir de leur beftail. 1 Sur cet aduisGuido de Labagares qui en eftoitGouuerneur enuoya quelques foldars ala montagne, cesíoldats mal munis des chofes neceflaires & en trop petit nombre ne pürent pas forcer la refiftance qu'ils y trouucrentiles viures leur manquerent و‎ ils retournerent la plufpart malades & cftoufferentla connoiffance de ces Mines pour ofter au Gouuerneur la penfée d'y retourner vne feconde fois; ainfi la connoiffance qu'on en auoit fe perdit peu à peu parmy les Efpagnols: les Religicux qui auoient la dirc&ion du fpirituel de cette iprouince en ont conferué quelque tradition , prin- cipalement ceux de l'Ordre de S. Dominique,mais faifant reflexion fur la tyrannie auec laquelle on traitte les Indiens qu'on employe à trauailler aux Mines dans les In- dcs Occidentales,ils ont fait ce qu'ils ont pú pour eftouffer auffi cette connoiffance: il y a quelques années que i'en eus quelque lumiere , & comme le temps defcouure bien desfecrets,traittant vn jour auec quelques Religieux de la difficulté que lesRoys d'Efpagne auroient à l'auenir à conferuer ces I{les,fi elles ne produifoient affez de ri- cheffes pour les obliger à en prendre le foin par leur propre intereft , ils me donnerent de grandeslumieres des richeffes de ces Mes, & principalement celuy qui en eft main- tenant l'Archeuefque me dit qu vn Religieux Dominiquain Cure d'vne Peuplade nommée V inala Tonga, appellé lacintho Palao و‎ auoit eu certain morceau de Mine qu'vn Indien luy auoit apporté, que ce Dominiquain l'obligea à garder le fectet ; car ilàuoit, ce difoit-il, receu ce morceau de Mine fort riche à cette mefme condition; pour moy touché du defir de la conferuation de ce Pays, ¡e fis amitié auec ce Reli- gieux , & ieluy demanday comme par curiofité ce que s'en cftoit; il me dir que la chofe eftoit vraye , adiouftant que perfonne n'en auoit plus de connoiffance que luy, pource qu'il auoit fait amitié auec quelques-vns des Indiens, & d'auantage qu'il af feuroit qu'on pouuoit tirer la moitié de fin des Mines qui y eftoient و‎ & vnde cesIn- diens entr -autres à qui il auoit monftré vne piece de 58. fols, luy dir, mon Pe- re, nous auons beaucoup de ce Metaillihaut, mais de tous les Metaux les Indiens DES ISLES PHILIPINE S. 23 n'eftiment que l'or. Ietraittay auec Diego de Soria Eueíque de Segouie ,à caufe que cette Prouince depend de fon Euefché : & auecle P. Bernard du méme Ordre, ὃς ie fis tant par mesraifons, queie lc fistomber dans mon fentiment , luy faifant confi- derer que fi on trauailloit à ces Mines, la chofe fè paffcroit autrement qu'au Pe- rou, puis qu'en ces Pays-cy on y pourroit faire trauailler des Chinois qui feroient ra- uis de trouuer cette occafion d'eftre employez à ce trauail. Apres auoir furmonté de la forte les difficultez que i'auoistrouuées du cofté des Religieux, ils s'ouurirent à moy pluslibrement , & l'Euefque me dit qu'il auoitfceu parle moyen des autres In- diens quitraitent auec ces peuples, qu'il y auoit les plusgrandesricheffes du monde, & que d'vn morceau deterre colorée qu'ils luy auoient apporté , qui pouuoit rem- plir vn baflin à lauer les mains , il en auoit tiré par lauage fept Tayls d'or, c'eftà dire 44. Caftillianos , & m'affeuroit que toute la roche eftoit aufli riche. Ie rendis compte à Dom luan de Silua de ce que i'auois fait auec ce Religieux, & il refolut d'y aller en perfonne , mais il mourut encetemps-là; ὃς quand mefmes ces richeffes n° feraient pas, V. M. nc laiffe pas d'eftre obligée d'y enuoyer, & de leur faire prefcher l'Euangile , puis qu'elle s'eft engagée de le faire , d'autant plus qu'ils (ont dans la mel. me le & fort proche de noftre ville. On en tireroit encore cét auantage que l'on pourroit traitter auec eux ce que l'on n'a pù faire iufqu'à cette heure, car ils ne per- mettent pas mefmes aux Indiens d'entrer dansleur Pays; la chofe au refte ctt fi aifte que les foldats qu'on tireroit des Maniles la pourroient executer auec vn millier d'Indiens pour porterleurs viures , & leurfaciliter le paflage , routes les fois que V.M. me le commandera , ie feray vn detail de tous les moyens & de la conduite particuliere qu'il faudroit obferuer dans céte entreprife, auec proteftation de n'auoir aucune autre fin que la gloire de D 1x v , celle de V. M. & le bien de ces peuples. La chofe qui importe le plus eft le choix des Gouuerneurs qu'on y enuoye: Il y a trente ans que ie fuis dans les Philipines, & ie may pas veu entout ce temps-là vn Gouuerneur qui fut propre pour cette charge, fice n'eft Gomez Perez de las Mari- nas, qui y a plus fait pour le bon-heur de ces peuples entroisans de temps qu'il y a efté , que tous ceux qui y ont efté auparauant luy , ou qui font venus apres. Les au- tres, où nauoient point eü de Gouuernemens auparauant, où n'auoient les dons que Dieu donne à ceux qu'il deftine pour bien gouuerner les peuples: Il eft necef- faire qu'il entende la guerre , mais il eft neceffaire auffi qu'il ne foit point trop per- fuadé de fa fuffifance dans le meftier; Qu'il efcoute le confeil de ceux qui ont la pra- tique du Pays, où leschofes fe gouuernent tout autrement qu'en Europe ; là où ceux qui ont voulu fe gouuerner de la maniere que la guerre fe fait en Flandres & en Eu- rope, font tombez dans des fautes irreparables; mais le principal eft qu'ils ayent our but le bien de ces peuples, qu'ils les traittent auec douceur, qu'ils foient fauo- rables aux eftrangers, & qu'ils ayent grand foin de faire partir en temps & en bon ordre les Nauires qui vont en la nouuelle Efpagne , exhortant tout le monde à trai- ter chez les Nations voifines de cét Eftat , les animer à baftir des vaiffeaux , & pour le dire en vn mot, viure auec les Indiens plíátoft comme vn bon pere , que comme Gouuerneur du Pays.Ie puis affeurer V. M. que s'ilsauoient vefcude la forte,les Phi- lipines feroient maintenant le plus heureux & le plus riche Pays du monde. Tous les defordres qui font arriuez font venus du deffaut de quelques-vnes de ces qualitez dans l'efpritdes Gouuerneurs. Gomez Perez reuflità caufe qu'il auoit efté plufieurs fois Corregidor, & qu'il auoit appris dans cette charge l'art de gouuerner , & Poeco- nomie de la guerre : Il eftoitauec cela fort religieux , & ce qui importe le plus, il sin- terreffoit fort à faire reuffir les chofes qu'il entreprenoit : Il fortifia Manila; il y efta- blit vne fonte d’artillerie , & y fit beaucoup d'autres ouurages fans qu'il en couraft beaucoup à V. M. Ilpaffaaux Molucques auec la plus belle armée qu'on y ait veué, عق‎ cela (ans leuer fept millions d'efcus , que V. M. a permis aux autres Gouucrneurs de faire leuer au Mexique pour de femblables entreprifes. V. M. void par là qu'il importe beaucoup de bien choifir vn Gouuerneur , & principalement celuy-cy , en- dr Qualitez que do:uent auoir ceux qu'on enuo- y* pour gou uerner les Philipines. Moyés pro- pres pour conferuer & augmenter l'eftac des Philipincs. Ld 24 RELATION tre les mains duquel elle a abandonné des peuples fi efloignez : Les Indiens, Seighr, ne connoiflent Voftre Majeftc que par le Gouuerneur qu elle leur donne;c cft de iuy & du bon exemple qu'il donne que depend la conuerfion de ces Peuples, le defordre & le fcandale n'efiant pas fculement vne confequence pour ce Pays, mais pour la Chine & pour les autres Nations voifines. Ils croyent que voftre Majefte elt celle que ceux qui la reprefentent و‎ & ce qui me fait venirles larmes aux yeux eft d'auoir veu des gens qui faifoient la caufe de tousles defordres qui arriuoient dans le Pays ; Enfin ceux qui n'auront pas ces qualitez deftiuiront plufioft le pays wils ne l'edifiront. Vn Gouuerncur qui aura cesqualitez doit confiderer la guer- re des Holandois comme fa principale affaire , ils n'ont rien tant en l'efprit que de chaffer les Efpagnols hors de ces Ifles : Ie croy quil y a trois moyens defe deffendre de leurs deffeins. Le premier cft d'enuoyer vne armée femblable à celle qu'on auoit mie fur pied pour aller aux Molucques fousla conduitte de A- lonfo Facardo, laquelle fi elle ne fe fuft point diflipee , & quelle fe fuft jointe auec celle qui eftoic dans les Manilles , auroit obligé ceux du Pays à fe ranger foubs ladomination de Voftre Majefté. Quand on enuoyera de femblables armces de la nouuelle Efpagne & du Perou, il faudra auparauant en donner auis au Gou- uerneur des Philippines, afin qu'il arme des Vaifleaux de fon cofté , & qu'il faffe prouifion des chofes neceflaires pour rafraichir ces Trouppes lors qu'elles arriue- ront aux Maniles. Voftre Majeftéa la verité, eft obligée de faire cette mefme dépenfe ailleurs;mais elle ne peut eftre mieux employée qu'en ces quartiers, car fi Jamais les Hollandois s'en rendent les Maiftres , ils le feront de toutes les Indes. Le fecond moyen non pas de les en chaffer tout à fait, mais de les obliger à faire de grandes defpenfes & de leur faire achepter bien cherement le profit qu'ils ytrouuent , feroit de commander au Gouuerncur des Philippines de faire bá- tir huit Galeres & de les tenir à Terrenate. La lettre de Don Ieronimo de Sil- ua que ie mettray cy-aprésauecivne autre quole Meftre de Camp Lucas de Vergara Gauiria m'écriuitme font connoiftre cóbien il importeroit de fe leruir de ce moyen. Les confequences font que les Holandois n'ont point de ports dans ces Ifles,& que leurs vaiffeaux paffenttoufiours d'vne plage à l'autre:fecondemét que tousles jours de l'année il ne manque prefque point d'y auoir fept ou hui& heures de calme, pendant lefquelles les Galeres peuuent couler à fonds vn Galion, & on a veu des exemples dans le temps qu'il y a voit vne Galere & vne Galiotte. T roifiéme- ment, qu'ils ne fepareront point fi loin à loin leur faétoreries , où ne pouuant aller de Pyne à l'autre qu'en corps de flote , cette defpenfe abforbera le profit de ce commerce. La quatrióme , les Galeres leur ofteroient les viures qu'il faut qu'ils allent querirbien loin pour rauitailler leurs fortereffes qui font dans ces pays qui en manquent. La chofe fera facile auecdes Galeres, & les Holandois fans ce fe- cours de viures, ne fçauroient pas demeurer vn an dans le Pays : car les In- diens qui leur en apportent, & de quiilstirenttout le clou de girofle feroient obli- gez à fe ranger de noftre party , à quoy ils feront toufiours fort difpofez lors qu'ils nous verront les plus forts, & qu'onles gouuernera auec addreffe. La cinquiéme , qu'il feroit facile auec des Galeres de faire vne defcente dans les fa&oreries qu'ils ont, & principalement à Bantam dans l'Ifle de laua. On pourroit brufler leurs magazins où ils mettent toutes leurs épiceries : il n'y a point de fonds pour lesgrands vaiffeaux , mais feulement vn Havre ou il faut qu'ils échouënt fur la vafe,ainfi ils ne s'en peuuent feruir quand ils veulent ,& il feroit fort aifé aux Galeres de les brufler lors qu'ils font échoiiez : fi Dom Iuan fe fuft feruy de ce moyen , il auroit chaffé les ennemis de ces fles , & n'auroit pas, comme ila fait, épuifé les finances de Voftre Majefté. La fixiéme raifon cft, que l'on entretiendroit auecbeaucoup moins de defpence ces Galeresque des vaiffeaux : il faut enuoyer des viuresde temps en temps des Philippines DES ISLES 2113111 213 5. 29 Philippines: la defpenfe de cetranfport cft grande, les viures en font plus ches aux Maniles, il faut tourmenter les Indiens, ἃς les Hollandois en prennent tout- jours parle chemin quelque partie : tous ces inconueniens ceficront en y entrctc- nant des Galeres : Il y a vne Ifle nommée Macaflar à deuxiournées des Molucques; le Roy de certe Hle a enuoyé demander des Religieux au Gouuerneur de Terre- nate , & offrit en melme temps au Gouuerneur des Philipines des viures pour les Molucques ; adiouftant que s'il n'auoit pas d'argent pour les payer; il les fourniroità credit. Les viures feront à bien meilleur marché de ce cofté là qu'aux Philipines, les Galeres les pourroient conduire fans aucun rifque de l'ennemy , & pourquoy ne cultiuc-t-on pas la bonne difpofition de ce Prince enuers les Elpagnols; pcut-cftre melme qu'on l’obligeroit a fermer fes Ports aux Hollandois , auec lefquelsil y a defia quelque commencement de rupture. Il faut encore remarquer qu'ils n'ont point de Ports dans la plufpart des lieux où ilsont desfortereffes, & que le plusfouuentleurs vaiffeaux ne peuuent point cítre deffendus de leur artillerie; ainfi il faut qu'ils demeurent long-temps en ces rades pour charger le clou de girofle, & dans vn temps de calme les galeres auroient de grands auantages fur eux ; outre que n'y ayant point dansle pays de bois propre pour leurs vaiffcaux , on les embarrafferoi fort fion leur abbattoit vn Malt ou quel- que autre manœuure. Dansla plufpart de cesFortsqui ont 25. 0u 30. hommes, auec vn Chef qui les commande, ils n'y ont point d'eau douce , il la fautaller chercher ail- leurs ; les galeresleur ofteroient cette commodité: elles ont cét autantage fur lesga- lions qu'eliesfe mettent à couuert où elles veulent ;on leur feroit ainfi vne guerre fort gallante, & on lenr couperoit le colauec vn coufteau de bois. Cette peníce m'eft commune auec tous ceux qui ont quelque connoiffance des Molucques il y a prefen- tement dans cette Cour vne perfonne ἃ laquelle les Hollandois ont dit que c'eftoit la chofe qu'ils apprehendoient plusen ce pays-là. II me rette àreprefenter à Voftre Ma- jeftele peu de defpenfe qu'il y auroit à entretenir cesgaleres : Vne galere de 24. bancs prefte à faire voile ne couftera aux Philipines que 4000.ducats, la chiourme fe leue- ra de la forte ; le Gouuerneur n'a qu'a enuoyer à l'Ile de Mindanao trois cens fol- dats, lefquels non feulement tireroient de captiuité dix mille Chreftiens fubjers à Voftre Majefté qui y font, mais feroient plus de forcars qu'il n'en faut pour ar- mer ces Galeres , & fi cela ne fuffifoit pas, on pourroit enuoyer à Malaca pour le compte de Voltre Majeité vne autre fregattc chargée de clouds de giroflie , & on en rapporteroit des Negres qui font fort propres pour larame, & qui ne couftent dans le Pays qu'enuiron deux cens Kcaux. La Chiourme fe nourriroit de Rys àpcu de dépence,de poiffon & de certaines cezinas qu'on trouueroir mefines fouuenr dans les vaiffeaux fur l'ennemy , ou qu'on pourroit acheter à bon marché dans Plíle de Maccafar. Pour troifiefme & dernier moyen de les faire fubíifter,ie ne me hazarde point à Pefcrire, & il n'eft pas à propos que ie le faífe ; en rendray compte à Voftre Majefté quand elle mele commandera : ie ne m'eftendray pas dauantage icy, me referuant à le faire toutes les fois que. Voltre Majelté voudra faire mettre à execution quelqu'v- nes des chofes que i'ay proposées. Enfin ileftfi vray que tout defpend de là perfonne du Gouuerneur, que non feulement les fubjers de Voftre Majefté en defpendent , mais auffi la paix, la guer- re, l'audience Royalle, l'Archeuefque , les Euefques, lestoldars & les Bourgeois; pour ce que c'eftluy qui a entre lesmains dequoy les recompenfer & les honorer de Charges, de paix & de guerre; ceux del Audience Royalle ont intereft de l'auoir pour amy, afin qu'ils donnent des Charges à leursparents & à leurs creatures. Il peut diminuer aux Euefques & à l'Archeuefque le reuenu de leur Temporel, il a mille moyensde le faire , & ils ícauent qu'il leur en a coûté bien cher toutes les fois qu'ilsfe font broiiillez auec luy. Pour le Cabildoou Doyen de Maniles il le choifit, car cette place dépend de Voftre Majefté; ainf ils n'ofent pas le choquer , ils font Seconde Partic. 4 D 26 RELATION ordinairement leurs creaturcs,& fçauent par ce moyen tout ce qui fe traitte dans le Chapitre : Perfonne n'ofe efcrire à Voftre. Majefté fans leur faire voir les lettresau- parauant, & il y a cúdes Gouuerneurs qui les faifoient ouurir & en enuoyoient d’autres en la place : Les Religieux dépendent d'eux par ces mefmes raifons ; les Officiersde Voftre Majefté ne font que ce que veut le Gouuerneur ; on en a veu demeurer en prifon trois années pour ne l'auoir pas fait;ils y font demeurez iufqu'à ce que Voftre Majefté lesa fait r'entrcr dans leurs Charges, & peut-eftre que les tour- mens qu'ils y ont foufferts font caufe de la mort de deux de ces Officiers, & dela perte du Facteur , le meilleur Miniftre que voftre Majefté ait iamais eii dans JesPhi- lipines. Les plaintes font fi long, temps à arriuer à Voftre Majefté , que lors que l'on y enuoye le remede , on trouue que celuy qui l'attendoit eft defia mort. Il. importe que le Gouuerneur ne foit pointintereffé , & qu'en partant Voftre Maje- fté luy donne de telles efperances qu'il trauaille pluftoft pour les meriter que pour tirer du profit de fon Gouuernement: Qu'il foit d'vnáge meur , qu'il ait efté em- loyé dans les Gouuernemens commele fontles Corregidores qui fe trouuent furles coftes d'Efpagne رع‎ & ont acquis dans les occafions de cesemplois l'experience de la paix & de la guerre ; car ceux qui font venus aucc la feule connoiffance de la guerre ont plútoftruiné le pays, qu'ils ne fe font rendus capables de le gouuerner , comme nous l'auons efprouué pour nos pechez les années paffées : Sur tout qu'ils ne foient point obligez de leurs charges à d'autres qu'à Voftre Maiefté, car ces dependances font capables de leur faire faire mille fautes. V. M. à beau leur deffendre par fes ce- dules qu'ils ne donnent point les Charges du pays à leurs domeftiques , mais à ceux du pays qui les auront meritées : C'eft ce qu'ils obferuentle moins, & il n'ya perfonne quiofe leur reprefenter cescedules ou ordres, & quand meímes il sen trouueroit d'affez hardis pour les leur fignifier , & par maniere de dire d'attacher lafonnette au col du chat , qui eft-ce qui pourroit les obliger à les executer ; ce ne fera point l'Audiance Royale : il m'arriua de vouloir demander vne fois qu'on executaft vne cedule Royale de V. M. vn de fes auditeurs me dit ne le faites pas, caroutre que voftre demande ne vous reüffira point, vous vous mettrez mal auec luy; c'eftpar cette raifon qu'illeur faut defendre de mener auec eux des perfon- nes aufquelles ils foient obligez : car elles y viennent auec vne auarice & vne pre- fomptioninfatiable , & toutes les Indesne font pas affez grandes pour les faris- faire. Ce qu'il y ade plus mal eft quelles.corrompent les bonnes intentions du Gouuerneur par leurs confeils, & ie n'aurois iamais fait fi 1211015 à dire tous les inconueniens quc le pays 23 craindre de cette forte de gens. Ils partent du Pays tout chargés de fadépoüille & de fes richeffes, fe rient des miferables qu'ils y laif- fent, attaquent mefme leur honneur auec beaucoup d'infolence, &le couuer- neur croid qu'il n'y a que ces gens quiayent du merite, les autres paflent aupres de luy pour incapables ; il y en eut vn qui eut bien la hardieffe d'efcrire à V. M. qu'il n'y auoit perfonne en tout ce Royaume à laquelle elle fe peúr fier, toutes ces chofes fe font impunément , car perfonne n'oferoit fe plaindre; enfin, V. M. de- uroitenuoyer des Gouuerneurs comme l'Empereur Theodofe enuoya faint Am- broife au Gouuernement de Milan: Allez, dit-il, & fongez que ie vous enuoye pour agir, non pas comme vn couuerneur , mais comme vn Euefque. Tel doit eftre le Gouuerneur des Philipines, fi V. M. veut qu'il y faffe fon feruice. Au re- fte ce que ie dis icy n'eft point contre Don Alonfo Faxardo à qui V. M.a donné le Gouuernement de ces Ifles, ie croy mefme qu'il sen acquittera comme il doit our le bien du feruice de V. M. & celuy de fes peuples : Car ie letrouuay en de fort bonnes difpofitions lors que ie le vis au Mexique, ie remerciay Dieu de le voir fi bien difpoft à fon feruice & au voftre, & le priay de luy donner lagrace de faireenforte qu'il y rcüffit. Pour ce qui eft des Officiersqui compofent l’Audiance Royalle il faut qu'ils ayent à proportion les mefmes qualitez que nous auons dit eftre requifes enla perfonne ata DES ISLES PHILIPINES. 27 du Gouuerneur ; ce n'eft pas que ie croye qu'il feroit mieux d'ofter tout à fait cette Audiance pour les raifons qu'en apportent ceux du Pays dont ie donneray vn Me- morial à part à Voftre Majefté : Enfin les chofes de cct eftar font tellement en defor dre, qu'auparauant toute chofe ilferoit bon d'y emioyer vn Vifitador pour le reformer , pour entendre les plaintes des peuples & remedir aux vexations qu'ils fouffrent : mais afin qu'il ne leur arriue pas comme aux grenoüilles qui ayant demandé vn Roy à Iupiter ils en receurent vn qui les deuora toutes, il feroit neceflaire que V. M. le choifit dans le Pays, qu'ileut allez d'e xperiance & de connoiffance pour n'eftre pas trompé, & affez de conduite pour remedier à ces deford res auecla prudence & la douceur que requiert vn nouucl ettablif- fement, autrement fi on y enenuoye vn de la Cour d' Efpagne, comme il ne fe- roit pas informé des chofes ny de leur remede; l'inconuenient feroit moindre de n'en enuoyer point d autre , à caufe du danger que courreroit ce Paysd’eftre en- tierement deftruit par vn nouueau venu. Que le Gouuerneur ne fouffre point qu'il y aye de Iaponnois dans le Pays, car il importe beaucoup d'y aporter ce reglement ; que l'on ny fouffre point da- uantage de Chinois que V. M. a permis d'y enfouffrir :on n'y prend point garde, cependant nous auons l'experience de ce que cette negligence nous a coufté & nous peur coufter à l’auenir. Que Voftre Majefté commande au Gouuerneur de fübiuguer l'Ile de Min- danao, ce qui fera facile, comme ‘ay defia dir, & enticrement neceffaire pour les raifonseftendués dans vn memorial à part que ie prefenteray à V. M. Qu'il fafle amitié auec le Roy de l'Ile de Maccafar , elle a 250. lieuës de cir- cuit , elle eft fort riche , il mn y aque 20.licuésde là aux Molucques , elles en peu- uent tirer des viures : Le Roy eft defia bien difpofe à noftre égardg Ses peuples font capables d'eftre inftruits & de receuoir | Euangile > & comme cette Ifle eft plus proche du departement des Tefuites , il importeroit beaucoup dy faire paffer ces Religieux : deux Peres qui y ont defia efté efcriuent qu'onles y a fort bien receus. Que V. M. commande que les garnifons des Maniles foient ouuertes; nous auons l'experience que cette liberté y fait paffer plus de gens: 11 faudroit changer de trois ans en trois ans la garnifon des Philipinesauec celle des Molucques, & ils n'auroient point tant de repugnance comme ils ont è cette heure d'aller aux Molucques; mainte- nant quand onles y enuoye , ils fe plaignent comme fi on les enuoyoit aux galeres,les changeant de la forte lesfoldars y iront volontiers, & deuiendront hoodies aguer- ris. Ceux qui ont feruy dans les Molucques font meilleurs foldats que les autres, à caufe des frequentess occafions qu'ils ontde venir aux mains auec lesennemis. Que V. M. commande que la garnifon de Manila foit ouuerte comme left celle de S. lean de Vlloa, & dela Hauana. Dom Iuan de Silua en faifanttout le contraire ces dernieres années a efté caufe que ces Ifles fe font depeuplees, les foldats Senfuyans quid'vn cofté qui d'autre, & perfonne ne fe hazardant d'y paller par cette raifon. Pour ce qui eft dutraitement qu'on doitfaire aux Indiens, & ce qui regardela con- fcience de V. M. & le bien du Royaume, ie le mettray dans vn memoireà part. On a veupar experience que lesReligieux ont faitvn grand tort en deffendant à ces In- diens qu'ils ne payaffent point leurstaxes des fruiéts qu'ilsrecueillent, ils ne font pas capables de regler les chofes de cette nature : & pour finir par ce qui eftle plus necef- * faire, V. M. doit confiderer que cét eftabliffement eft nouueau, & comme dans ces commencemens il a eu befoin de fa faueur & de fa proteétion, il ena encore bien lus de befoin , maintenant que les diferaces qui font arriuces à vos fujers & à vos foldats, les forces des ennemisde la Couronne, & les mauuais traittemens qu'on leur faittous les iours,les obligent à quitter le Pays; le moyen de les y attirer ou rete- nir feroit que les Miniftres de V. M. leur donnaffentle paffage: du temps de voftre pere nonfeulementon leur faifoit cette grace , mais on les equipoit mefme des cho- fes necefsaires pour cette navigation, & on lesdéchargeoit des droits & des impofi- Seconde Partie. {D i, 28 RE ATFFOIUN tions que payent lesautres > il feroit bien plusnecefsaire maintenant par les raifons que ic viens de dire d'en vfer de la forte, & de lestraiter auec moins de rigueur. Ie fuis témoin oculaire que lors que nous arriuámes au Port d'Acapulco, apres vne Nauiga- tionde cinq mois, au licud'y trouuer les rafraichifsemens que nous y efperions, ils nous receurent plus mal queles Hollandois, puis qu'ils donnerent des rafraichifse- mens à ces ennemis de voftre couronne,& lesrenuoyerent contens:pour nous ils nous craitterent comme ennemis.le mettray dans vn memoire particulier quelques confi- derations qui regardent le feruice de V . M. fur le fujer de ce qui fe paffe dans ce Port. Les Commandes que V. M. a dansles Philippines s'eftendoient autrefois iufqu'à latroifiéme generation; V. M.a ordonné depuis peu par vne Cedule Royale qu'elles ne paffaffent qu'à la feconde, ce qui eft fort preiudiciable ala conferuation de cter Eftar, d'autant plus que V. M. les donne dans la Nouuelle Efpagne pour iufqu’à la quatriéme generation. Les Philippines au contraire qui y ont pafsé πη ἃ cette heu- re pour vne Colonie Royale, & qui font gouuernées par vne Iuftice Royale, n'en jouiffent que pour deux generations, cela fait qu'il s'entreuue fort peu qui ayent le courage d y aller feruir V. M. & ceux qui y font ont de la peine à y demeurer, confi- derant que leurs petits fils doiuent tomber dans vne extrême pauureté, ces Com- mandes deuant finir en la perfonne de leurs fils, ou des enfans de leurs filles : D'ail- leursil eft vray que deux vies ou deux races durent plus enla nouuclle Elpagne, que quatre dansles Philippines, & cela à caufe des frequentes occafions de guerres, & des Nauigations qu'ils font obligez de faire , danslefquelles ils perdentla vie, enlaif- fant leurs heritiers àl'hofpital comme nous en voyons maintenant beaucoup : pour refpondre àl'obje&ion que me pourroient faire , ceux qui croyent qu'il eft à propos que les Commandes vaquent bien toff, à caufe que l'on a ainfi plus de moyens de re- compenfer cgux qui vont feruir dans ces Ifles auec cette efperance » ie dis qu'il fau- droit prendre ce temperamment,de ne les point donner pour quatre vies comme en lanouuelle Efpagne,ny pour deux comme onle pratique maintenant,mais pour trois vics comme on auoit accoürumé de faire, ainfi onremedicroit au defaut de celles de la Nouuclle Efpagne qui durent trop , & on encourageroit par cette efperance les gens de merite à y aller feruir V. M. La lettre du Meftre de Camp Lucas de Vergara sdont il efl parlé dans la Relation precedente. Cartadel TE vous donnay auis par le vaiffeau de faint Anthoine que ie fis partir le 30. du ni mois de May paffé, query eftois arriué auec mestrois vaiffeaux de fecours : Ie vous Lucas de rendis compte de la bonne receptionque l'on m'y fit ; mais ie dois adioufter icy que Vergari» iay 化 eu des Holandois mefines que de leurs vaiffeaux qui auoient efté à Maribéles, Dom Fran- il n'en eftoit retourné que quatre, le premier celuy qui y rapporta ceux qui furent cifco Go- bleffez à Oton, vn autre lequel s'eftoit feparé du corps de l'armée pour donner Od la chaffe à quelques vaiffeaux de Sangleyes , lequel au lieu de reioindre fon ef, Dean de cadre, lors qu'il vit l'armée d'Efpagne , détacha vn Ionck fort riche qu'il auoit pris pee qui remorquoit , & s'enfuit deuers ces Ifles. On m'a dit que l'on auoit fait mourir le Capitaine dece vaiffeau, deux autres quis'eftoient trouucz au combatarriuerent fous la fortereffe de Malaio le 8. de Iuin percez de coups & chargez de bleffez : Ils difent qu'il n'y auoitque fix vaiffeaux & trois galeres lors qu'ils seftoient battus auec les noftres , & que de 600. hommes qu'ils auoient tirez des garnifons qu'ils ont dans ces Ifles , il n'en eftre- tourné que cent en vie : Ils trauaillent pour remettre en eftat ces deux Nauires, ilsn'enont prefentement que cinq dans ces Ifles , & encore fi foibles de mon- de , que fi noftre armée cut fuiuy fa pointe, il n'en feroit efchappé pas vn : Les Holandois & ceux de Terrenate font reuenus fort triftes de cette entreprife و‎ dont ils efperoient beaucoup de butin & de gloire ; ils ont des eftoffes de foye qu'ils nous vendent bien cher,mais elles leur doiuentcoufter encore plus cher qu'ils DES TS LEST PHILIPINES 29 ñcnousles vendent. Ils confolent ceux de Terrenate & les autres Indiens leurs amis, en leur faifant entendre qu'ils vont mettre en Mer vne grande arm?e qu'ils ont dans Plíle d'Ambayno & de Sunda, ἃς qu'aucc ces forcesils viendront attaquer les Phi- lippines auparauant que le fecours qu'elles attendent d'Efpagne leur foit arriué ; ce- pendant ils mettent au meilleur eftar qu'ils peuuent leurs places, connoiffànt que ces Infulaires perdent tous les iours l'affection qu'ilsauoient pour leur party, & aprchen- dant que lors que nous ferons les plus forts dans ces Mers, ilsne quittent leur party ponr prendre le noftre. Le Roy de Tidoreena la mefme opinion que Pen ay, & elle eft fondée fur ce que nous en auons appris d'eux-mefmes, & particulierement de ceux de l'Ile de Machian, laquelle eft plus. riche en cloudsde girofle, & plus habi- tée que toutes les autres. Ils prirent leurs Sangaje quien auoit defia commencé le Traitté, &le firent mourir dans la forrereffe de Malayo, ce qui airrité contre eux da- wantage les habitans de cette Ifle. Pay fçeu parle moyen d'vne Caracoa qu'on auoit enuoyé à Ambayno pour prendre langue de l’ennemy,que les Holandoisauoient fept nauires dans cette lle, qu'ilsenenuoyoient vne chargée de cloud de girofle en Eu- rope , & que ceux du Pays eftoient en guerre auec eux, comme auffi les habitans de Plíle Banda ou il y a deux outrois vaiffeaux Anglois qui s'y fortifient , auec l'affiftan- ce des Habitans : que les Anglois & les Hollandois en font venus aux mains, & que les premiersont fait quarante prifonniers : ce qui eft fort à noftre auantage , ils font courir le bruit qu'il y a 20. vaiffeaux Hollandois à Sunda, ie ne (gay fi cette nou- uclle eft vraye , cependant ie me prepare à les reccuoir , & ie fortifie du mieux que ie puisles places que le Roy a dans ces Ifles; mais il nous manque des foldats; il en ef dauantage aux Philippines qu'il n'en eft venu de-là : Pay beaucoup de malades,‏ 2156م & beaucoup de places à garder , & trois entre autres dans l’Ifle de Batachina , dontla garnifon confomme beaucoup de monde, caufe que Pair y eft mal fain; ces garnifons font affez bien munies de viures, par les foins que i'ay pris de faire amaffer ceux que Τὰν treuué dansle Pays;ainfi auec le ris quei'ay amaflé,& ceux que ay dans les ma- gazins,ie fais mon cópte qu'ils me dureront iufques au mois d'O&obre, & fi on m’en- uoye les autres viures que i'attens de l'Ifle de Mathco;i'en auray pour tout le mois de Nouembre و‎ efperant que dans ce temps-là on m'enuoyera du fecours des Iles, & que le Capitaine general qui connoift les befoins de ce Pays, ne perdra point de temps à faire partir le fecouts , car c'eftfon affaire auffi bien que la mienne: Vous m'oblige- rez extremement de l'y exciter autant que vous le pourrez faire,il y va du feruice de Dieu & de celuy de Sa Maieflé ,pour lequel vous auez toufiours eu tant de paflion; ie vous prie de me donner aduis de ce qui fe paffe en vos quartiers, ie vous promets de Dans POR faire la mefme chofe de mon cofté: l'enuoyay à voftre Seigneurie auec le dernier Es efpa- vaiffeau trois oifeaux de Paradis: Le Sergent Romera qui eft chargé de cette lettre gnol ils vous en porte deux autres; ie foubaitterois qu'ilsfutfent mieux conditionnez de ne "at ΤΈΣ font, il ne s'en eft pointtreuué de meilleurs , ἃ caufe que les vaiffeaux qui les apportent ros ccleftes. ne font point encore arriuez cette année. Il vieut d'arriuer vne troupe de Hollandois qui cófirme les derniers auis que ie vous ay enuoyez ; il importe beaucoup que nos mar- chandifes foient icy pourtoutle mois de Decembre; & quand il n'y auroit point d'autre armée que celle des Philippines, elle fera toújours plus forte que celle de l'ennemy , & eneftat de leur empécher le trafic du clou de girofle, qui eft le plus grand mal qu'on leur puiffe faire. C'eftle fentiment de ceux qui font les mieux intentionnez pour le feruice de Sa Majefté; r'efcris a fes Miniftres, &ie vous prie de merendre aupres d'eux lesmefmesoffices que vous m'auez toüjoursrendus eft (emblablesrencontres. τς Seconde Partie. O 4 D. 4i 30 MEMOIRE' Pour le Commerce des Ifles Philipines. PAR Don luan Grau y Montfalcon,Procureur General des Ifles Philipines. Dedié à Don Inan de Palafox y Merideza, Enefque de la — | Puebla de los Angeles. lE SS I A y áreffé vnmemoireau nom dela ville de Manila capitale des Philippines , dans de la con- lequeli'ay mis tout ce qui regarde l'intereft de ces Ifles & leur conferuation ; Voftre oo Seigneurie Illuftriflime fe treuua dans l'affemblée dans laquelle ce memoire fut dref- de las Iflas (€ auec 85. chefs de demandes que ces Ifles faifoient au Roy , quoy que ie fgache E ἃ d'ailleurs que vous eftes bien informé des befoins de ces Pays, ie n'ay pas laiflé de Reuercndit. VOUS en rafraichir icy la memoire yen les réduifant fous quatre poinéts principaux fimo Señor ces poin&s eftans les mefmes furlefquelsle Roy vousa donné ordre de vous infor” de Palafox, MEL. | y mendoza Lel. en quelle forme (en quelle quantité fe doit faire deformass le commerce de ces 1/les. Ἐξ A MUR Le 2. s'il fera à propos qu'on continué ou qu'on leur augmente la permifSton dont ils ont sotiy fad en el iufques ἃ cette beure de faire traite des marchandifes de ces Pays, (7 pour retour d'y Ἐπὶ de las sranfporter de l'argent. À | Obifpo dela Le 3. ficette permiftion de porter des marchandifes dans la nouuelle Efpagne > fe doit Puebla de — feulement entendre des marchandifes qui viennent de ces Ifles » ou eftre refirunte aux feu- E a les marchandifes de la Chine. Iuan Grau Ἐπ 4. lieu » fi on. doit permettre de nouneau le Commerce du Peron auec la nouuelle Efpa- y Monfal- gne > à caufe du dommage qu'ont fouffert les Ifles Philipines dans le temps qu'il a فال‎ €on , Procu- fef pendu. rador Gene- 3 ^ : r saldelasI Le premier poin& comprend tousles autres: la conferuation de ces Ifles dépend lasFilipinas, abfolument du commerce : la raifon en eft fort eftendué dansle memorial, mais ay tout le difcours fe peut reduire à ces trois propofitions. La premiere que les Ifles do de Cata- Philipines font abfolument neceffairespour augmenter la propagation de la Foy Eu 21% pour conferuer la reputation & la grandeur de cette Couronne pour deffendre ciudad de les Molucques, & leur commerce , pour maintenir les Indes Occidentales, pour Barcelona. faire vne diuerfion desdeffeins que nos ennemis y peuuent auoir; & enfin pour con- feruer le commerce de la Chine. Les Philipines ne fe peuuent conferuer que par le commerce qu'elles ont auec la nouuclle Efpagne,& c'cft de la qu'elles peuuent attendre tour leur lecours:La princi- pale raifon qu'eurent les Roys Catholiques d'entreprendre la découuerte des Indes fut celle de la predication de l'Euangile , lesricheffes qu'on y a trouuces depuis n'not efté qu'acceffoiresà ce premier deffein : ils creurent felon l'Euangile qu'il falloit pre- mierement chercher le Royaume de Dieu, & que toutes les autres chofes que les hommes eftiment leur arriueroient en fuitte. En effe& quand on fut aux Philipines on ne fçauoit point qu’elles fuffent riches, & elles ne le font pas d'elles-mefimes. On ne confidera autre chofe finon qu'elles pouuoient feruir de paffage pour porter l'Éuangile dans la Chine & dans les autres Royaumes des Indes , toutes ces Ifles font maintenant Catholiques, il y a vn Archeuefché, ttois Euefchez, plufieurs Con- uents, Monafteres & Hofpitaux , & c'eft vne grande gloire à la Couronne de Caftil- le d'auoir eftably la Religion Chreftienne dans des Pays fi efloignez, & au milieu des Mahometans, des Gentils & des heretiques. Il femble que ç a efté par vne proui- RESTA COSS TRIER re PO eat — > DES ISLES PHILIPINES 31 dence particuliere de Dieu qu'elles ont efté trouuées fi necetfairesà la conferuation des Molucques, afin que cette confideracion & céc intereft humain obligeaft ceux de noftre Nation à faire les defpences neceffaires pour y conferuer la Religion, & que fi lapieté fe trouuoit trop foible pour les y obliger, ce qui ne fe doit pas croire de nos Roys de Caftille qui font trop K cligieux , la confideration de l'interceft y fuppléaft. Il y a plus de 7o. ans que les Roys de Caftille font la guerre aux Pays bas aucc des defpencesextrémes, pour ce feul point feulement de n’y vouloir pasper- mettre laliberté de confcience. Iamais Monarque n'aentretenu de guerre fi rui- neufe que celle-là : Qui pourra dire que la mefme raifon ne les oblige pas à faire quelque defpenfe pour conferuer la Religion dans ces Ifles, & empefcher que les Heretiques, les Iuifs, les Mahometans & les Gentils de differentes fc&es n'y met- tent le pied, comme ilsont faità Bantam , quel'on peut dire la Geneue de l'Orient. Pour le 2. poin& il eft incroyable de quelle reputation ces Ifles font à la Couronne Second d'Efpagne , combien de Roysleur rendent hommage à caufe de ces Mes; celuy de poind. Terrenate mourut dernierement dans les Iles des Maniles; celuy de Siao & de Tidor fe reconnoiffent fes fujets; celuy de Camboya fon allié; l'Empereur de la Chine fon amy & celuy dulapon l'atoufiouts efte, iufqu'à ce que lesHollandois ayent mis le pied dans le Pays; le Gouuerneur des Ifles traitte auec tous ces Roys, a pouuoir de leur declarer la guerre, & conclure la paix auec eux, fans attendre les ordres d'Ef- pagne qui en eft trop cfloignée, auec vne authorité plus grande que celle de tous lesautres Vice-Roys de l'Europe:la Domination dc l'Efpagne s'eftend icy {ur vn Pays qui a plus de 1400. licuésde circuit, & qui comprend les Archipeles de faint Lazare & des Moluques , celuy des Molucques contient cinq Ifles principales qui ont chacune leur Roy auec 70. autres plus petites] : Les Mes qu'on appelle les Philipines font au nombre de 40. entre lefquelles il y ena qui font plus gran- des que toute l'Efpagne , fans compter les petites & les defertes defquelles il دعا‎ roit difficile de rapporter le nombre; maisla principale de toute eft celle de Luçon dont Manila eft la ville capitale,laquelle eftant,comme ils veulent dire, antypode de la ville de Seuille,femble la vouloir imiter dans la grandeur de fon commerce, dans la beauté de fes edifices, & dansles fecours qu'en tirent les Indes : tout ce qui eft depuis le Cap de Sincapura iufqu'au lappon defpend de cette Ile, fes vaiffcaux courent les Mers , vonràla Chine, ala Nouuelle Efpagne, & font vn commerce fi riche, que fi il eftoit plus libre on pourroit dire qu'il feroitle plus important de tout le monde : il n'y a pastantà s'eftonner que l'Efpagne puiffe conferuer ce qu'elle aen Italie; en Allemagne &au Pays bas, le cœur de cette Monarchie en eftant proche & pouuant fecourir & feruir cer Eftat; mais il n'y a rien de plus grand que de voir que 3336. Efpagnols , car il n'y ena pasdauantage dans ces Ifles en comptant leshabirans, lesfoldats, ὃς les Maducéens en conferuentla poffeflion contre lesattaques des Hol- landois , des Iaponnois , des laos, & d'autres Nations, & qu'en mefmetemps ils s'af- feurent des infultes que leur pourroient faire les Chinois ou Sangleyes, qui font au nombre de 30000. dansl’Ifle des Maniles, qu'ilsayentauffià fe garder de 8000. ha- bitans de ces Ifles : que de cel petit nombre d'Efpagnols on ait peú former trois ar- mées, vne pour ladeffenfe des Maniles , l'autre pour fecourir Terrenate , & la troi- fiéme pour la Garnifon de l'Ile Hermofa , ces troupes eftant continuellement aux mainsauec cesennemis quiles enuironnent. Pourl'importance des Molucquestout le monde la connoift il y a long-temps; ce fut pour les chercher que Charles V. enuoya Magellanes; ces Iflesont efte le fu- jet d’vne longue guerre entre les Port. 8cles Caft. elle fe termina par vn engagement qu'on en fit à la Couronne de Portugal ; earil parut déslorsquela Caftille auroit bien de la peine à conferuer des Pays fi efloignez ; mais les Hollandois ayant depuis pris pieda Bantam, l’experience fit connoiftre qu'ileftoit encore plus aifé aux EL pagnols de les defendre qu'aux Port. Quoy qu'ils euffentles Indes Or. Don Die- go de Acuña Gouuerncur des Philipines eut ordre d'en chaffer les Holandois , & 32 RELATION depuis d'vn commun concert entre les deux Nations , on ioignit le Gouuerne- ment de ces Ifles à celuy des Philipines, laiffant neantmoins aux Portugais tout le cloud de girofle à caufe que le commerce que les Portugais font dansles Indes Orientales, ne fe pouuoit conferuer autrement; cette fuite d'euenemens fait voir que la conferuation des Moluques & de l'Inde Orientale depend des Philipines; les Efpagnols aucc lesfecours qu'ils enont tirez les ont conferuces les armes à la main depuis l'année 1603. iufques à cette heure ; ce m'eft pas qu'eftant en petit nombre comme ils font, ayant de grands Pays à deffendre , & le fecours qu'on leur donne | citant fort limité, 1lsn'ayent eftéobligez delaiffer quelque part aux Holandois du commerce du cloud de girofle , maisil leur coufte bien cher. Ontire de cesIflestousles ans 2816.liures de cloud de girofle:les Holandois en ont pour leur part 1098. les Portugais & les Efpagnols 1718. dont ils ont obligation aux Philipines : Enfin fi le commerce tomboit entre leurs mains , les Efpagnols per- droient celuy des Indes Orientales; & les Holandois employeroient les forces qu'ils font obligez de tenir en ce Pays, contre les autres Eftats de la Couronne de Ca: | ftille. On les a veu entrer quelquesfois dans ces Mers de l'Orient auec tant de forces, que s'eftane joints aux Princes du Pays, aux Mahometans, aux Gentils , aux Roys de Perfe, & au Mogol, ils ont efté fur le poin& d'en chaffer les Efpagnols, & l'auroient fait fans la diuerfion du cofté des Philipines : Toute cette eftendué de Pays qui eft depuisle Cap de Bonne-Efperance iufqu'aux Manilesfe diuife en deux par- ties: les armées Portugaifes deffendent la partie qui eft entre ce Cap & le détroit de Sincapoura qu'ils ne paffent guieres ; l'autre partie depuis Sincapoura iufqu'au Ia- pon eft deffendué par les armées des Philipines » ce qui oblige auffi les Holandois à diuifer leurs vaifleaux en deux parties, & fans la diuerfion des Philipines , toutes leurs forces tomberoient fur l'Inde que tiennent les Portugais, auec vn dangereui- | dent d'en eftre accablez. En effetle Holandois entretient bien plus de monde, & fait vne plus grande dé- penfe du cofté des Philipines que de celuy des Portugais, il a peu de garnifons pour leur oppofer, & fe contente de Faétoreries ; mais 02116 le Cap de Sincapoura il en- trecient les garnifons de Malay, Toloco, Tacubo , Malaca, Tacome , Marieco, Morir , Nofagia , Tafazen, Tabelole , Berneuelt , Tabori, Gilolo, Amboino, La- gu, Marmo , Macoma , Belgio Bantan, & 11112 Hermofa. Dans ces 19. places il auoit l'an 1603.3000. foldats & 30. grands vaiffeaux de guer- re, & tout cela pour le deffendre des Efpagnols des.Philipines. Cette dépenfe & la diuerfion de cestroupes qu'il eft obligé d'entretenir au delà du Cap de Sincapoura ont efté caufe qu'il arraqua plus foiblementles autresendroits des Indes , autrement leurs Gallions pafferoient dans ces Mers pour nous y faire la guerre, & puis qu'elles le font quelquesfois , nonobftant toutes ces difficultez , ayant à faire de fi grandes dé- penfes dans les Ifles, que feroit-ce fi ils auoient commerce libre , s'ils en eftoient tous feuls les maiftres ; car déchargez de cette dépenfè , ils pourroient attaquer plus viuementles Occidentales. L'on fait rous lesans la dépenfe de fix cens mille ef cus pour l'armée nauale qu'onleur oppofe de ce coftéla; fi leurs forces eftoient ac- creuésau point que nous le venons de dire, il faudroit augmenter la defpence de l'ar- mée de Barlouento d'yne fomme plus grande que ne couftent les Philipines au, Roy. Il faut en fixiéme lieu confiderer l'honneur des armes d'Efpagne , que les Vi étoires qu'elles ont remportéesen ces Quartiers ont efleué à vn haut pointdegloi- re , ὃς le fecours que les Couronnesde Caftille & ide Portugal , qui font fi vnies dansl'Orient , fe donnent l'vne à l'autre. On croid que fi Don Iuan de Silua eut vefcu plus long-temps, ilauroit chaffé les Holandois du Pays auecles forces vnies de ces deux Courones:La dernicre raifon eft celle de conferuet le cómerce de la Chi- ne, il n'y a point de commerce dans le Monde qui approche celuy là : le commerce dc l'Orient dont les Romains ont fait autrefois tant de bruit eftoit proprement celuy AA fm mss DES ISLES PHILIPINES. 33 Celuy de la Chine qu'ils ne connoiffoient pas, il eft tout entier entre les mains des Portugais de Macao & des Efpagnols des Manilhes. Les Portugais de Macao ont permiffion d'entrer dans la Prouince de Canton, & lesautresde cette Na- tion fe hazardent volontiers aux rifques de pafler le deftroit de Sincapura. Macao ne le pourroit pas conferucr fans le fecours qu'il tire des Philippines, & elles ema petchent auffi aux Hollandois le commerce de la Chine: il eft vray que les Chinois nc veulent point traicter aueceux , mais cette auerfion vient de quelques prifes “qu'ils ont faites furles Sangleyez, & il ne leur feroit pas difficile de fe remettre bien auec cux : on a veu mefme que lors que les Marchands Chinois netrou- uoient point à vendreleurs marchandifes dans les Philippines, ils les portoient ¡aux Hollandois, tellement qu'on ne peut pas douter que la conferuation du com- merce de la Chine ne depende entierement de la conferuation des Philippines. A prés auoir prouué par ces hui& raifons que ie viens de rapporter , la neceflité de conferuer ces Ifles , ie feray voir quela dépenfe que l'on fait pour conferuer vn fi "grand auantage, cft peu confiderable,& quil coufte plus au Roy à entretenirl'Ifle de S.Martin , de laquelle il ne retire autre auantage que d'ofter vne retraitte aux ¡Corfaires des Indes,qui en trouuent bien d'autres.Les Ifles Philippines depenfenc 'tous lesans, comme ona fait voir dans le grand Memorial;37 077. efcus pour le payement des gages des officiers de iuftice & des Miniftres qui les gouuernent; Pour les Ecclefiaftiques 37277. efcus : Pour la correfpondance auec les Roys voifins roo. efcus. Pour la recepte du domaine du Roy 11550. efcus. En garni- fons & en trouppes qu’elles entretienent 229696. efcus. Pour la guerre de terre; & pour les garnifons des Molluques 97128. efcus. Pour la fabrique des vaiffeaux È 83184. .كتاعاء‎ En munitions & viures pour lesgens de guerre 153302. efcus , lef- quelles fommes enfemble font 850,714. efcus , qui eft toute la defpenfe de ces bles , fans y obmettre la moindre chofe. Voicyla recepte. Les tributs des commanderies payent à la Couronne tous les ans 53 jj. 715.efcus. Les Indiens repartis fous les commandes des particuliers payent au Roy tous Jesans chacun deux reaux,qui montent ala fomme de 21 y-107. eícus. Les licences & permiflions qui fe donnent aux Sangleyes. 112 y.efcus. Le tribut que payentles Sangleycs. 8 3j. 250.efcus. Le cinquiéme & le dixiéme de l'or. 750. efcus. Mop Les decimes qui fe content pour hazienda real à caufe que le Roy en entre. quentles "tient les Eccleliaftiques & le Clergé. 2 3j. 750. efcus. par la figus Le fret des vaiffeaux de fa Maiefte, 350. cfcus. ce cy -ioin- ! te. - Les amandesdela chambre, [8]: cícus, Le Almoxari fazgos ou doüannes, 38 yj. efcus. » La mefada & demye anate, 6 3}. efcus.Ces dix articles de recepte font 2433. 922. efcus. Aufquels articles de recepte il faut encore adioufter les droits &lesfrets des vaiffcaux, & les autres droits d'entrée * qui fe prennent dans la nouuelle Efpagne fur les marchandifes qui viennent des Ifles, qui peuuent monterà 300 3j. car cela fe doit conter entre le reuenu des Ifles ; ὃς dans vne cedule ou ordonnance, latée du 19.Feurier 1606.il eft ordonné que la fomme qui viendra fera remife ‘tous les ans à Manila. Ces marchandifes qui ont payé ces droitsà Acapulco, fe 'Teuendent deux & trois fois dans la nouuclle Efpagne , & à toutes les fois elles “payent des droits;ainfi elles enflent encores lereuenu des Ifles qui monte auec cet l'autreà lafomme de 593 3.922. efcus, tellement que le furplus de la dépence des Tíles,»ne peut monter qu'à 256 y]. 792. efcus,fans mettre enligne de recepte lc ca- fuel de ceux qui meurent fans faire de Teftament,la croifade & le party des cartes. Il faudroit rabattre de la dépence des Philippines celle des Moluques و‎ la "Couronne de Portugalles a tenués autresfois auec grande dépence, elles tombe- "rentenán entre les mains des Hollandois: Acuna les reprit fur eux comme nous 4 E *, AImoxa- rifazgos. 34 . RELATION auons dir, & attendu l'impuiffance ou eftoit le Portugal de les defendre, on les ioignit l'année 1607. au gouuernement des Philippines, en quoy il y atrois- chofes à confiderer, l'vne que les Moluques ne font point du nombre des Philip- pines د‎ l'autre qu'elles font maintenant ala Couronne de Portugal, puis qu'elle a le commerce du cloud de girofle, cependant que les Efpagnols font chargez de toute la dépence qu’il faur faire pour les deffendre ; & pour latroifiéme , que). ceux des Manilhes n'en tirent aucun auantage ; car les Moluques n’ont point. d'autre commerce que celuy du cloud de girofle, qui eft tout entier entre les” mains des Portugais. On doit encor confiderer que les Efpagnols efpargnent par” là 400. mille efcus aux Portugais, qu'ils mettoient auparauant enla deffenfe d ces Ifles; ainfi la dépence qu'on fait maintenant pour les Moluques و‎ ne doit. point courir fous le titre de la dépence des Philippines. Les Moluques coultent tous les ansen payementdes foldats 97128. efcus. Les prouifions qu'il faut faire? pour leur fubfiltancetrente mille efcus par an : Les Ecclefiaftiques & l'adminiftra- tion desreuenus du Roy 4000. efcus:l'admirauté cent mille efcus,car pour en uoyer le fecours ordinaire & pour lesautres rencontres il faut-qu’il y ait tonfiours | vnc armée nauale aux Manilhes,ainfi les Moluques couftent par année plus de 23000 0.efcus, lefquels eftant deduits des 256000. que couftent en toucles Philip pines, il ne reftera que 26000. efcus, fomme qui ne merite pas d'eftre confiderée dans yne occafion où i] s'agit de la grandeur dela Couronne. Aprés auoir montré que Pon doit conferuer les Philippines , il refte. à faire voir quels font les moyens plus propres d'y reüflir , ils fe reduifent à deux , l'vn que le Ro fourniffe tout l'argent pour leur conferuation , comme il fait pour bIfle de faint Martin, & pour {es autres garnilons , ainfi la defpence des Ifles eftant de 850000. efcus tous les ans & le reuenu de 244000, fa Maicfté fuplera les 606000 efcus qui reftent, Cette delpence eft grande à la verite ; mais la con feruation de cesIfles eft encor plus neccífaire , comme ie Pay fait voir, il fau- droit mefme fe refoudre à quelque chofe dauantage ; car outre la defpence de 850.mille eícus , il y a eu telle année dans laquelle ceux des Ifles ont contri bué du leur plus de 200000. efcus. : L'autre moyen de les faire fubfifter eft celuy du commerce, c'eft de là que viennent les 244000. efcus que rendent ces Lles , & s'il ceffe elles rendront moins dereuenu, & il faudra à proportion augmenterle fecours: il importe encore de donner de bonnes affignations pour ces 606000.efcus quele Roy doit fournir, enfin de mettrc entre les mains de ceux des Manilhes quelque capital, qui leu puifle feruirà faire yn plus grand commerce, & de les mettre parla en eftat de fecourir mieux le Roy dans fes beíoins. Pour ce qui eft de la qualité, dela quantité, & de la forme de ce commerce, diray premierement, fur le fujer de la qualité , que ces Iles ont deux commerces, Pyn qui leur eft propre & l'autre eftranger : celuy qui leur eft propre eft peu de chofe , puifque celuy des Moluques n'y cít point compris , quoy que toutes fortes. de raifons voudroient qu'elles en ioüiffent : pour l'eftranger il n'y a queceluy u'ils font à la Chine , en portant les marchandifes qu'ils tirent de leur pays en la nouuelle Efpagne, & en rapportant de l'argent, qui eft la feule marchandife qui foit propre pour les Chinois: ainfiles Ifles ne le peuuent conferuer que par le commerce, & le commerce ne fe peut faire que des marchandifes de la Chine portées en la nouuelle Efpagne , auec quelque peu de marchandife des fles. ١ Pour ce qui eft dela quantité de ce commerce, elle a efté long-temps fans aucu- Moi , & cefuten cetemps-là que les Ifles aquirent les richeffes qu'elleg ont maintenant; on y trouua quelques inconueniens qui regardoient principale= ment le commerce de l'Efpagne , & cette confiderarion fit qu'on limita ce com- merce à 2j0. mille efcus de marchandife & à .وهو‎ mille de retour, ce quia duré depuis l’année 1605. iufqu'à 1635. auquel temps Dom Pedro de Quiroga reftreia DES ISLES PHILIPPINES. 35 gnit de forte cette per miflion, qu'on ne pouuoit faire ce commerce dans la forme qu'il s'eftoic imaginé, fans le ruiner entierement : Dans l'article 107. dumemo- rial , ona misau long les inconueniens de cette reftri&ion , & fi Dieu n’en cut empefché les fuittes parla mort de celuy qui en eftoit la caufe & l'autheur ; ces Ifles feroient entierement perduës, & neferoient point en eftat de receuoir le remede que le Confeila commencé d'y apporter, en chargeant voftre Seigneurié Illuftriffime de prendre connoiffance de cette affaire , pour donner en fuitte fur la relation qu'elle en fera les ordres neceffaires pour la conferuation desIfles & de tout ce qui en depend, VoftreSeigneurie Illuftriffime en eftant auffi-bien informée comme elle eft, nous efperons tous que la refolutionque l'on prendra là-deffus, fera proportionnée aux befoins a’vn peuple auffi fidele que celuy-cy,& qui eft con- tinucllement aux mains auecles ennemis de la Couronne. Pour ce qui cft de la forme qui fe doit garder dansle commerce des Iíles auec la nouuelle Efpagne , Dom Pedro de Queroga y auoit voulu eftablir des reglemens extraordinaires & fort differens de tout ce qui fe pratique en Efpagne & dans les autres Ports des Indes. Il faifoitouurir les caifles, pefer les paquets ; compter en détail chaque genre de marchandife , fans denonciation ou information prece- dente, ny fans qu'il y euft indice de fraude ; & cependant fous pretexte des fraudes qui fe pouuoient commettre, il ofta à ce commerce 300. mille efcus, & 600. mille en marchandifes qui font affeurement comprifes dans la compofition ; il faifoit payer les droits des Marchandifes , non pas à proportion de leur valeur,mais felori le prix qu'il y mettoit de fon caprice, fibien qu'il fe rencontroit pluficurs fois | qu'on les donnoit aprés pour la moitié moins à Acapulco & dans le Mexique. Il | empefchoit le retour des marchandifes vendués, chofe qui a toufiours cfté per- mile , puis-qu'on ne peut pas refuferà celuy quia vendu fon bien, la permiffion . de remporter l'argent qu'il en a tiré, cependant il faifoit payer cette permiffion; | impofoit de nouueaux droits, mal-traittoit les mariniers de cette nauigation, iufqu'au point de les obliger à quitter dans vn temps,là où les Ifles ne faifoiétautre chofe que de reprefenter le befoin qu'elles en auoient , & cependant que les Gou- uerneurs de Manilhes au contraire leur accordoient que toutce qu'ils pouuoient demander,&le Confeil leur dónoit toutes fortes de priuileges & de fráchifes,pout les animer à continuer vnfi fafcheux meftier : Il cft vray que Dom Pedro faifoit - toutesces chofes fous pretexte du feruice de fa Maiefté, & cependantces rigueurs - ont empefché l’efpace dedeux ans le commerce desPhilippines,& orit fait perdre au Roy 600:mille efcus de droits, & beaucoup dauantage à fes fujets , ces Ifles de- meurant cependant expoîcesà vn rifque euident de fe perdre. Il femble que pour eftablir vne bonne regle en ce commeice;ce foit affez de l'exemple de la conduite de Dom Pedro & des fuittes qu'elle a eués, les inconueniens de ces nouueautez faifant voir qu'il faut pluftot fuiure ce qui fe pratique dans les Ports de Seuille ; de Carthagene, Veracrus; &c. où les Loix & Ordonnances Royales ont regle il y along-temps ce qui fe doit pratiquer en femblables rencontres : On obferue coute la rigueur de ces Loix dans les Philippines,pourquoy n'en fuiura-on pas lesregle- mens dans la partic oùelles font fauorables; fes habitans n'ont pas moins merité de la Couronne, & leur commerce n'eft pas de differente nature que celuy des autres fuiets de fa Maiefté. ἡ Et quand il y auroit des maluerfations dans ce commerce , ce que ie n’accorde- ray pas icy; ce ne font point des chofes extraordinaires ny differentes de celles qui fe pratiquent tous les ans dans les flottes de la carriere desIndes: Ces maluer(a- tions confiftent à embarquer plus de marchandifes qu'on n’en à confeffees fur le Regiftre du Roy, d'en faire paffer de fort differentes de ce qu'elles paroiffenc au dehors; de tirer plusd'argent qu'on n’en met fur le Regiftre. Qu'on yoye les re- medes qu'on y apporte à Seuille, à Cadis, à San-Lucar , à Cathagena, à Porto-Ve- . lo, àla Vera-Crus د‎ à la Hauana , qu'on apporte le mefme remede aux Manilhes TM DUANE WIE S &; Point. 36 RELATION & à Acapulco و‎ qu'on mette des gardes, qu'on regoiue les denonciations, qu'on eftabliffe des recompenfes pour ceux qui les voudront faire : on dira qu'il fe- roit plus leur d'examiner toutesles marchandifes dans le détail, lors qu'elles s'em- barquent à Seuille ou qu'elles fe debarquent dans les Indes : on a fait voir dansle Memorial en l'article 85. que ce remede n'eft point propre & qu'il ruineroit le commerce. La mefme chofe fe doit entendre du commerce des Iles. On dira que les maluerfations qui fe commettent dans les Ifles Philippines, font d'autant plus dangereufes,que l'argent qui vient fans eftre regiftré aux Philippines auffi-toft qu'il y eft arriue, eft porté à la Chine , & ne roule plusdans le commerce des fujetsd Efpagne : pour moy ie fuis d'vn fentiment contraire à cela; ie demeure bien d'accord qu'en effe& cet argent eft perdu, qu'il ne reffort iamais de la Chine; mais auffi les Chinois ne s'en feruent point pour nous faire la guerre,ny pour aidet à nos ennemis à nous la faire; là où celuy qui vient en Efpagne, 2116م‎ auffi-toft entre les mains des François, des Anglois, des Flamens ; ou des Portugais; de làileftenuoyé en Orient, ὃς paffe comme l'autre par vn plus long circuit iufques à la Chine, qui femble en eftre le centre; mais auec cette difference, que c’eft aprés auoir ferui aux ennemis de cette Couronne à nous faire la guerre , pourquoy par cette raifon trai&er plus rudement nos infuláires que les autres, on ne doit pas leur ofter fous vnfi mauuais pretexte ny leur limiter vn commerce qui eft fi neccffaire pour leur conferuation. Enfin puifque ces Ifles ,comme ie viens de dire, font fi neceffairesà cette Cow ronne & qu'il n'y a que deux moyens de les conferuer,l'yn que fa Maiefté en falle toute la defpence, l'autre de leur accorder le commerce , puifque le premier de ces moyens cftd'vne grande defpence , que le fecond eft facile.& commun ; il femble qu'on s'y deuroit arrefter & le mettre en execution, leur permettant le com- merce dont ilsontioüy iufques à ce temps auec la nouuclle Efpagne , dans la qualité neceffaire , & dans la forme ordinaire , fans y adioufter des circonftances qui le diminuent & le rendent difficile ; car elles le ruineroient tout à fait auec ces Ifles fi neceffairesàla Monarchie. Les habitans des Iles Philippines efperent que l'information qu'en donnera voftre Seigneurie Illuftriffime ; leur aidera à faire connoiftre la iuftice de leurs pretentions. Depuis l'année 1604. ces Iíles ont eu la permiflion de porter en la nouuelle Efpagne la valeur de 250.mille efcus de marchandife , & d'en rapporter soo.mille enargent, fur les deux vaiffeaux qui font deftinez pour cette nauigation, ils fup- plient fa Maiefté de leur permettre d'augmenter la valeur desmarchandifes iu 人 qu'à 5oo.mille efcus, & la permiflion d'en remporter iufqu'à 800. mille en argent, Onamisaulong dansle Memorial le fondement de cette priere ; que ic reduits icy à fix oufept chefs. Le premier à caufe que lecommerce a efté pratiqué de la forte iufqu’à l'année 1604. qu'il fut limité. CesIfles cftoientalors riches, il y auoit 40.ans qu'ellesioüiffoient dvn commerce libre , & eftoient en eltar de fouffrir cette perte ; mais elles ont efte roufiours en diminuant depuis , elles eftoient moins fuiettes en ces temps-là aux courfes des ennemis , & iufqu’en l'année 1600. on n'auoit point veu d'arméc d'ennemis dans ces Mers; mais depuis ce temps-là le trafic de clou de girofle sla prife des vaiffeaux dela Chine , le com- merce auec les lapponnois, y attirerent les Hollandois & exciterent ceux du lappon , de Mindanaho, & les autres barbaresà faire de mefíme ainfi dans le temps que le commerce diminuoit, les incommoditez de la guerre ont efté en augmentant , tellement que fi on les veut conferuer , il faut augmenter le fe- cours. Adiouftez à celalespertesque les in(ulaires ont faites depuis l’année 1575. dans le temps que le commerceeftoitlibre, ils y trouuoient aifément remede; mais depuis la limitation , il n'y a point d'autre remede que d'en augmenter la permiflion. Lafeconderaifoneft, que dans le temps de cette limiration, il fauoit moins DES ISLES PHILIPPINES. 37 d'habitans dans les Manilhes qu'il n’y en a maintenant , les fecours d'hommes qu'il a efté neceffaire d'y enuoyer; en ont augmenté les babitans , tellement quil sy trouue maintenant au feruice de fa Maiefté 3338. Efpagnols , & 25040.In- diens de differentes nations ,fans ycomprendre les habitans, les marchands & les artifans y Celtadire le double de ce qu'il y auoit l'annéc1604. & comme ileft neceffaire qu'ils ayent tous part au commerce, afin qu'ilsayent la mefme part qu'ils y auoient auparauant جر‎ il faudra augmenter au double cette permiffion. Ὁ 3. Cette limitation n'eft plus dans les mefmes termes dans lefquels elle auoit elté accordée d'abord, car dans la repartition des 250. mille cícus, qui fe fait par tonneau, lcs Gouuerneurs y ont donné part depuisaux Hofpitaux , aux Con- uens, aux mariniers , aux canonniers ,à ceux qui font employés dans les am- baffades , toutes ces parts emportent vne grande partie de cette permiffion , ils en fautoutre cela rabbattre les œuures picufes; la folde des mariniers, & la vaif- felle d'argent , qui eft vne autre diminution. | 4. Ainfices peuples ont quafi efté forcez à enfraindre ceslimitations du com= merce , & à porter plus d'argent qu'il ne leur eftoit permis; mais en remettant les chofes au point que ie les fupofe ,chacun ayant la permiffion de mettre dans le commerce autant qu'ila de capital, il ne le hrazardera point à le faire paffer fans le faire enregiftrer. 5- La principale raifon de la limitation, eft l'intereft du commerce de Se- uille , ona reprefenté au Roy que ce commerce en diuertiffoit l'argent du Pe- rou, & diminuoit le debit des marchandifes de PEurope dans la nouuelle Efpa- gne, qui fe fournifloit de celles de la Chine. Dans le Memorial on a repondu à cet inconuenient , i'adioufteray feulement icy que s'il cft vray, comme fuppofent ceux de Seuille, qu'au lieu de 250. mille efcus, ils chargent pour 4. millions de marchandifes, & qu'ils en rapportent ro. millions en argent; au lieu des 500. mille efcus qu'on leur permet, quel inconuenient y arriueroit-il à leur eften- dre cette permiffion , n’arriueroit-il pas pluftot qu'au lieu des.750. mille efcus que le Roy tire des droits de la fomme limitée , qui paffe por el regiftro, qui s'enregiftre, ils feroient augmentés des droitsd'vne partie du furplus , fi on ac- cordoit la permiffion de leur tranfports ; au lieu que maintenanr qu'il entre per alto, & fans eftre enregiftré, le Roy n'en cire rien du tour : mais il y a vneraifon fans replique ; eft que les marchandifes & l'argent ne peuuent paseftreen plus grande quantité que le capital de ceux qui les chargent, & il cft clair qu'ils n'ont point vaillant 4. millions en marchandifes, & qu'ils ne peuuent point faire des retours de dix millions: ainfi fila permiflion s'eftend iufqu'à tout leur capital, il n’y aura plus de fraude dans l'enregiftrement. Le dernier fondement eft, que lesgains de ce commerce ne font pas fi grands que l'on s'imagine, & lorsqu'oncharge peu de marchandife, le profit en eft con- fommé en faux frais, ce qui eft encore vne nouuclle raifon de leur augmenter cette permiffion. Il femble qu'il feroit plus à propos qu'il n'y eut point de limitation qu’en la fôme dé l'argent qu'ils rapportent de la nouuelle Efpagne;& que l'on chargea telle quantité de marchádifes que le Gouuerneur des Itles iugeroit à propos chaque an- née. Car les infulaires ne fe refoudront iamais à laiffer leurs effets dans lanouuelle Elpagne,8 n’y en porteroient que pour l'argent qu'il leur feroit permis d'en rapor- ter.Ce ne feroit point vne nouucauté d'en vfer dela forte,mais vn ftile qui s'eft gar- dé piufqu’à cette heure : on accommoderoit lacharge des vaiffeaux à leur port, & au volume des marchandifes,& non point à leur valeur intrinfeque, qui n'a point de proportion auec le port des vaiffcaux ; on pourroitenregiftrer à partles fruicts qui fe tirent du pays fans les faire entrer dans le compte de la permiffion ; comme on le dira cy aprés. Cette pratique a efté trouuce bonne par les derniers Gowuer- ncurs ὃς Viceroys; Dom Pedro de Quieroga mcíme a fceutoutes ces veritez;il ne ms ا‎ M VM (E iij 3. Point. ἃ Point. 28 RELATION fe plaignoit pas que les marchandifes excédaffent les 250. mille efcus permis; mais de celles qui sembarquoient fans enregiftrement, ou qui eftoient mal taxces ;enfinil n y auroit aucun inconuenient fila limitation ne seftendoit qu'à Pargent qu'on tire du Perou & dela nouuclle Efpagne. Si au contraire l'on veut limiterla quantité des marchandifes, la ville fupplie voftre Seigneric Illuftriffime de faire en forte que celles qui naiffent dans le pays n'y foient point comprifes;caroutre les marchandifes dela Chine,qui font les feu- les que ce reglement doit regarder, il y en a d'autres qui fc fabriquent ou fe re- ceuillent dans les Ifles; comme lacire blanche & iaune; les Talingas, Manteles, les toilles de cotton qu'ils appellent lampotes,la ciuette;& les mantas de llocos de Moro y de Bombon : il y a ordinairement la charge de 100.tonneaux de ces mar- chandifes, dont le volume occupe beaucoup de place ; quoy que les marchandifes {oient de peu de valeur,cependantil importe aux habitans de les tranfporter en la nouuelle Efpagne car ils n'ont point d'autre moyen de s’en deffaire. Iufqu'à cette heure ces marchandifes ont efté enregiftrées , ont payé les droits, ont cfte eua- lütes fans prendre garde fi elles faifoient partie des 250. mille efcus de la per- miffion , & cependant elles ont fait partie des 500. mille efcus de retour, & lors que les habitans n'ont baseu affez de marchandifes de la Chine pour acheuer les 250. mille efcus, ils y ont fupplée; non pas qu'ils ayent creu qu'il leur fuft deffendu de les embarquer autrement; mais pour fuppleer au defaur des autres: les infulaires demandent donc , qu'on declare que ce genre de marchandife fe pourra tranfporter en la nouuelle Efpagne, fans limiter la quantité ny les faire | entrer dans la permillion. Perdre qu Ce reglement acfté fait principalement pour les foyes de la Chine , qui portoient preiudice au delà de celles qu'on y enuoye de l'Efpagne ; mais cette confideration ne fe rencontre point dans les marchandifes des Iles; outre qu'on ne defend iamais aux Prouinces de le communiquer les vnes aux autresles fruiéts qui leurs font propres , ce feroit leur ofter vne communication fondée fur le droi& des Gens; ceux des Philippines ne trouuant pas de debit de leurs marchan- difes dans les pays voyfins, furent obligez de les enuoyer au Perou;àTierra firme,Guatilama & dans la nouuelle Efpagne;leur ofter cette liberté c'eft lesaffie- ger en quelque façon &les reduire à la neceffité de perir. Enfin ces genres de marchandifes , comme iay defia dit و‎ ne font point detortà celles qui vietinent d'Elpagne , vn pauure Negre ou Indien qui auroit pour cinq fols vne aulne de toille desIfles, ne pourra pas mettre yn efcuà vne aulne de toille de Roiien : Voftre Seigneurie Illuftriffime voit par là auec combien de iuftice les Ifles luy font cette priere. Il fernble d’abord quela fufpenfîon du commerce entre le Perou & la nouuello Efpagne, n'importe point aux Manilhes ; mais pour faire voir combien il importe qu'il fe remette en fon ancien eftat , il faut fçauoir qu'au commencement tous ces commerces eftoient libres; d’vn cofté onapportoit des marchandifes de la Chine, & de l’autre celles de lanouuelle Efpagne ; on deffendit aprés celuy des marchan- difes de la Chine, & parlà l'on interrompit le commerce de la nouuelle Efpa- « gne : ceux du Perou & de la nouuelle Efpagne , expoferent que fi on les deffen- doit à caufe qu'elles eftoient eftrangeres ; on ne deuoit pas leur deffendre la communication de celles qui eftoient propres dans leurs pays; on leur permitla cargaifon d'vn vaiffeautous les ans, qui partiroit de Callao port de Lima, pour porterà Acapulco la valeur de 200. mille efcusen argent, & qui en rapporte- roit des marchandifes propres àla nouvelle Efpagne, & non point d’autres, auec de nouuelles deffenfes de celles dela Chine : la عامط‎ dura de la forte depuis l'an- πές 1604. iufqu’à l’année 1634. que l'on defendit pour cinq ans ce commerce, fur des informations iudicieufes. L'intereft des Philippines dans cette fufpenfion eft clair, l'année que les vaiffeaux du Perou ne viennent point à Acapulco, DES ISLES PHILIPPINES. 39 lesTíles courent rifque d’eftre priutes du fecours ordinaire ; car auparauant , lors que les vaiffeaux des Ifles s'eftoient perdus en Mer, qu'ils s'eftoient efchoüez, ou qu'il arriuoient troptard , accidens fort ordinaires dans cette nauigation,l'on y enuoyoit le fecours ordinaire fur les vaiffcaux du Perou,ce qui ne fe peut pas faire cette fufpenfion fübfiftant , & le manquement d'vne année de ce lecours fe pourroit rencontrer en tel temps qu'il feroit caufe de la perte irreparable des Ifles. En fecond lieu les Soiries qui fe font dans-la nouuelle Efpagne fe debi- toient dans le Perou ὃς celles de la Chine dans la nouuelle Efpagne;il eft euidene que la nouuelle Efpagne n'ayant point de debit de fesfoyes ; celles qu'on y porte de la Chinene s’y vendent pasfi bien, & il eft arriué que les vaiffeaux des Ifles n'ont pas mefmes peû vendre autant de leurs marchandifes qu'il en falloit pour ayer leurfret & leursdroits, comme on l'efcrit du Mexique , dont voftre Sei- neurie Illuftriffime fe pourra informer fur les lieux. La nouuelle Efpagne a des minesd'argent , mais la plus grande quantité s'en tranfporte en Elpagne, ou eft employée dans le commerce de Guattimala , Iu- catan, des Ifles de Barlouento , des coftes de Cartagene & de Venezuela : ileltimpoflible que les Philippines ne fe fentent du manquement des 200. mille efcus, qui venoient auparauant du Perou, & le manquement de cette fomme n’eft point fi peu confiderable que les Iles n'en ayent fouffert vne grande incom- modité , ὃς n'ayent elté obligéesa fupplier qu'on y remediaft en reftabliffant la liberté du commerce du Perou auecla nouuelle Elpagne : La nouuelle Elpagne Se le Perou demandent cette mefme permiflion auec inftance , & qu'elle ne foic point reftrainte à la fomme de 200. mille efcus , fomme troppetite pour la grandeur de ces Eftas: quelle apparence de leur deffendre la communication auec ceux de leur pays dans cette extremité du móndce oü ils (ont releguez ; n'eft-il pas eltrange que pour efcrire de Lima au Mexique, il faille enuoyer les lettres en Efpagne, & qu'il y ait fi peu de communication entre ces peuples dans vn temps où elle feroit fi neceflaire ; pour ioindre leurs forces par Mer contre leurs enne- mis communs, & contre lcs Indiens du cofté de la terre; mais quoy cette deffenfe a efté caufe d’yn autre grand defordre; ce commerce qui fe failoit auparauant en payant les droits du Roy , fe fait maintenant fans qu'il en profite. Il y atous les ans quelque Prelat ou quelqueMiniftre qui 2116م‎ d'vne de ces Prouincesà l'autre:cette année l'Arch.D.Feliciano de Vega , & L'Oydor D.Antoniode Vlloa, ont pañlé de Lima au Mexique:l'Eucfque de la Nueua-Vizcaya,quile doiteftre de l'Euefché de la Paz, & les Oydores de l'Audiencia de Mexico ont paffe du Mexique à Lima. Ils Sembarquent en differens temps , chacun veut eftre le mailtre dans fon vaiffeau, ainfi 1] paffe toufiours 3. ou 4. vaiffeaux de Acapulco à Lima; ou au con- traire; & comme ils font fretés pour aller & reuenir , ce font 10. ou 12. voyages, car ceux du Perou ne demeurent point dans la nouucile Efpagne, & les Viceroys ne font pas aflez puiffans pour empefcher qu'on n'embarque de l'argent dans ces vaiffeaux ils Sexcufent fur cequ'ils ne peuvent pas en vfer autrement, au lieu que dutemps de la permiffion ils n'auoient point d’excufe,& il falloit enregiftrer. Dansla nouuelle Efpagne,il y a plus de 14000.perfonnes qui font occuppées à la fabrique des foyes , le commerce des foyes depend des foyes cruésdela Chine, & du debit qu'ils en trouuent dans le Perou, lequel venant à manquer , la nouuelle Efpagne manque auffi du profit qu'elleentiroit, & ce manquement fe fait fentir iufques dans l'E(pagne mefme , car ceux de la nouuelle Efpagne, appauuris par là, n'y peuuent pas enuoyer tant de marchandife & d'argent.Lors qu’on accorda cette permiffion on en examina les inconueniens , il n'cft rien arriué depuis qui ait obli- ge de changer vne refolution fi iufte, & ce fut le feul caprice de Francifco de Vi- étoria quien fut l'autheur. Cet homme fans fonger à autre chofe qu’à la reputa- tion d'auoir fait yne chofe finguliere, & à faire le capable dans vne matiere qu'il n'entendoit passauifa de changer le commerce des Philipines & du Perou,fur des 4o RELAT. DES ISLES PHILIPPINES. maximes fauffes qu'il s'eftoit mis en tefte, comme on le peut voir dansle Memo: rial aux art.1, & 2. & depuisle 95.uiques au 119, Et quand mefmes les change mens qu'il y 8t auroient efté fondez en rai(on, la fufpenfion de ce commerce fur pour $. ans,& ce temps-là eftant maintenant paffe;il femble que la iuftice veuille,que l'on remette les chofes dans leur premiereftar. Adiouftez à cette confideration, que ces paysayant efté chargez depuis l'année 1650. de diuerfes leuées qui s'y font fai- tes,comme celles qu'ils appellent la demie Annate,le papier feelle; la reünion des Commanderies,& autres charges qui font connués à Voftre Seigneurie Illuftriffi- me;il femble eftre iufte que cependant que Pon les accable de ce cofté-là, on les fouftienne d'vn autre,en leur remettant la liberté de cecommerce. Il faut encore confiderer que lors que l'on accorda cette permifsion de tirer de l'argent du Perou, la chofe fut faite en confideration de ce qu'en mefme temps on leur interdit lo commerce de la Chine, dont ilstiroient grand auantage; car ils payent trois fois. plus cherles marchandifes qui viennent d'Efpagne, depuis que l'on leur a deffen- du de fe feruir de celles de la Chine ; rauoüe que ce commerce dela Chine auec le Perou, ruinoit celuy du Perou en Efpagne, pour leur rendre cette interdiétion plus fupportable,on leur permit en mefmetemps detirer pour 200. mille efcus do marchandifes de larouuelle Efpagne:qui ne font pas à fi bon marché que celles do la Chine ; mais aufsi qui ne couftent pas tant que celles d'Efp agne:ce que i’auance icy fe prouueroit aifément par la dacte des declarations qui ont efté faites fur ce fuiet.La mefme raifon quel'on eut alors deleur accorder cette facilité, fubfifte encorcauiourd’huy,&mefme en de plus forts termes:car les marchandifes d'Efpa= σης, font augmenteésde prix, & le pays qui demande certe permiflion cft plus chargé d'impofitions δὲ moins riche qu'il n'eftoit en ce temps-là. L'ona refpondu dansle Memorial aux raifons qu'on a alleguées pour mainte- nir l'interdiction : ils alleguoient entr'-autres raifons, que le vaiffcau qui va tous les ans à Acapulco, aulieu de deux cens mil efcus, portoittrois millions, fup. pofition qui meriteroit pluftoft d'eftre punie que d'eftre examinée. Premicrement ce vaiffeau n'eftoit que de 200.tonneaux,& les gallions de la carriere des Indes qui ne fe chargent que d'argent, & font de 7.ou 800.tonneaux ne portent qu'vn milliá — chacun:Mais pour quel deffein auroient-ilsenuoyé vne fi grande fomme en la nou. | uelle Elfpagne,pour yeftreemployéeime direz-vous,en marchandifes; & commet. vn vaiffeau de 200.tonneaux pourroit-il porter pour3.millions de marchádifes.On - ne peut pas dire auffi que ce fut pour faire paffcr cét argent en Efpagne;cat la route ordinaire de Panama eft bien plus feure & plus courte. Les Caraques de 00. ton- neaux qui vont de Portugal aux Indes paffent pour fort riches quand leur charge vaut vn million d'or, encore faut-il qu'il y en ait vue partie en diamans, rubis , ci= uctte,mufc,marchádifes qui ne tiennent pas de volume. On void clairement par là qu' vn vaiffeau de 200.tonncauxcquipé & auictuaillé pour 3. mois en Mer, temps: que Pon met à aller de Acapulco à Lima, ne peut point porter de marchandifes pour cesfommes imaginaires.Enfin la fufpenfion de ce commerce auroit alreré no= , tablement celuy de la nouuelle Efpagne & de la Caftille , fil eftoit vray qu'il eut efé de 3. millions d'or.L'experience que nous auons du contraite fait voir encore le peu de fondement de cette fuppofition, & que iamais la permifsion du commerce, du Perou n’a efté fuiuie des excés que l'onluy attribué.Les Philipines,le Mexique. & le Perou demandent enfemble que le temps de cette fufpenfion eftant mainte- nant acheué , on remette les chofesen leur premier eftat , ce que ces país attendent principalement de la relation que V.S. Illuftriff. fera dubefoin qu'ellesen ont. Le Roy vous aaufsi commis pour examinerla pretention des habitans des Iles Phili- pines,d’eftre rembourfez de leur part dela compofition de 630. mil efcus. le n'en- treray pointicy dansle fonds de cette pretention particuliere , puifque les raifons en font deduites bien au long dans la cedule ou declaration du Roy ou V.S. [lluft. les pourra mieux voir qu'il ne me feroit aisé de vous les reprefenter icy. 14 CANNES EEE ERU RELATION | ΓΙ ETILIPINES Faite par vn Religieux qui y a demeuré 18. ans. Jum de Philippe fecond, furent defcouuertes l’anisz1. par Ferdinand SL Magellanés fameux Portuguais, quidonna fon nom au deftroit. Cette Rez Essi E Ce grand Pilote apres auoir eternifé fon nom par vne Nauigation lation a | | Ces >] fi nouuelle ὃς fidifficile , mit pied à terre dans l’vne des Ifles Phili- eee E REP) pines fort petite nommée Matan, où il futtué en trahifon par les manutcric Indiens. Ruy Lopez de Villa-Lobos les reconnutapres luy l'an 1539. Et enfin ,elles EPagnol furent pacifices l'an 1571. parle Commandant Michel Lopez de Legafpi. Il y alieu iron de s'eftonner quelesPortugais, qui anoient defcouuert pluficurs années aupara- ficur Dom uant les Moluques,la Chine &le lapon , & y auoient fait des habitations, n'ayent Clo del eu que long-temps apres connoiffance de cesIfles, quoy qu'elles foient comme au i centre & au milieu de leurs autres defcouuertes : Ils connoiffoient bien l’Ifle de Borneo, qui eft la derniere de ces Ifles du cofté du Sud; mais ils ne s'y eftoientia- mais arreftez en faifant le voyage des Moluques, preffez peut-eftre par la trop grande 211116 qu'ils auoient des efpiceries » & des drogues, qui y font en fi grande abondance. p Les Geografesdifent qu'il y à onze mille Ifles dansce grand Archipel, dont les Philippines font partie, & qu'elles font adjacentesà l’Afic, comme les Canaries, & les Terceresàl'Affrique. Elles trauerfent la Zone torride , &s’eftendent le long des coftes de la Chine, & de l'Inde. Elles ont à leur Midy les Moluques, & le la- pon du cofté du Nord : Il y ena plus de quarante qui font fujetes au Roy d'Et- pagne, dontles principales & les plus grandes, font Manila & Mindanao. Manila eft la Capitale de toutes les autres,la demeure duGouuerneur, de l'Archeucfque;& le fiege de l'Audiance Royale : Ces deux Ifles ontchacune fix cent mille de circuit; elles font plaines de montagnes, ont des riuieres & de grandes forefts , & font à 13. degrez & demy d'eleuation du Pole Arétique. Les autres ne font pas efgale- ment grandes , les vnes ont cent mille de tour, les autres cinquante mille,& quel- ques vnes encores moins, font quafi toutes habitécs d'Indiens, & celles qui ne le font pas, leur feruent pour y faire leurs femailles; pour y aller chaffer des beftes fauues & des Sangliers, & pour amaffer de la cire , chofes dont les Iles abon- dentle plus. Les Ifles qui ne font pas encore fous la domination du Roy d'E(pagne , ont leurs Roy; particuliers ; qui (ont Mohometans. L’Ifle de Borneo troisfois plus grande que toute l'Italie, eft la plus grande de toutes: Les fujettes au Roy d'Efpagne ; font Manile , Zebu , Orton, Mindanao, Bohol, Leite, Samar , Mindoro , Marin- duque , l’Ifle des Negres, l'Ile du Feu, Calamianes , Mafbat, lolo, Taquima, Capul, Laparagua, l'ifle des T ables;l'Ile Verte, Burias, Tiago, Maripipe ,Pana- ma, Panaon, Sibuian , Luban , Bantajan , Panglao , Siquior, Catanduan, Imaras, Tagapola, Banton, Romblon, Similara, Cuio, Cagaianes, Mariuelez, Poro , Bab- uianes, l'Ile des Cheures efloignée desautres, & d'autres plus petites. Dans ces Jfles fubiertes au Roy d'Efpagne, chaque homme marié paye dix reales detribut, & cinq celuy quine l'eft pas ; elles ont defia prefque toutes receul'E- 5. Δ Es Ifles nommées Philippines pour auoirefté conquifes du Regne 2 R ELA TT ON uangile, & ainfiily a peude Gentils. Dans les Mles pourtant de Mi ndanao, Taqui- ma & d’Iolo , qui lont conquifes depuis peu : la pluf-part font Mores, ou Gentils ; mais l'on efpere que lc zele des Miffionnaires les conuertira bien-toft à Igsvs- ‘CHRIST. 0 i 和 全 人 做 0. € INTE AO Auant la conquefte de ces Ifles parles Efpagnols ; les naturels du Pays eftoient fubjets aux Principaux d'entr-eux, qui'eftoient reconnus comme Nobles, & à qui cous les autres obeyffoient ;ils pofledoient vne grande quantité d'or & d'efcla- ues à proportion de leur nobleffe; & en ay connu deux, l’vn à Bohol , & l'autre. à Dapitan village de Mindanao , qui auoient chacun plus decent eíclaucs ; ce ne font point eíclaues eftrangers comme ceux d'Angole, qui font en Europe, mais de la mefme nation; & c'eftoit vne chofe pitoyable de voir auec quelle violence, & comme pour peu de chofe ces Principaux fe faifoient dés cfclaues ; car quelque peu d'argent qu'vn homme deuft à vn autre, Pintercft, faute de payement, mon- toit à vne fi grande fonime qu'il luy eftoit impoflible de payer ; & 'ainfila perfonne du debitcur eftant affectée à la debte, il demeuroit efclaue de fon creancier auec toute fa pofterité. Ils faifoient auf des efclaues aucc vne tiranie & vne cruauté eftrange; pour des fautes de peu d'importance, comme pour né pas garderle filen- ce aux fepulchres des morts, & pour paffer deuantla femme d'vn des Principaux, lors qu'elleeftoit au bain;Ceux qu'iis prenoient en guerre eftoiént auffi tous cfcla- ucs. Aprcfent , auecle Baptefme, on leur a ofté toutes ces violences & tirannies; il leur cft pourtantrefte yne couftume affez particuliere , qui eft de nc point gar: der cette maxime generalle, que , Partus fequitur ventrem : Caril y en a qui font ef- claues entierement, & d'autres qui ne le font qu’à moitié : Les premiers font ceux qui paiffent d’vn pere & d’vne mere efclaue; les autresdont le Pere eft cíclaue, ὃς la mere libre, ou bien au contraire ; & dans quelques villages, l'víage eft que file pere cft efclaue & la mere libre, qu'vn desenfanseftlibre , & l’autre efclane Le priuilege qu'ont ces demy efclaues, cft qu'en donnant vne certaine fomme d’ar- gent à leur Maiftre, ils le peuuent obliger à leur donner la liberté ; auantage que n'ont pas ceux qui font entierement cíclaues. Toute la Religion de ces Indiens cft fondée entradition, & fur vn víage intro- duit par le Diable mefme, qui leur parloit autrefois par la bouche de leurs Idoles, & deleurs Preftres: Cettetradition fe conferue par des chanfons qu'ils appren- nent par cœur des leurs ieuncfle , les entendant chanter dans leur nauigations,dans leur trauail , dans leurs diuertiffemens & dans leurs Feftes, & mieux encore quand. ils plcurentleur morts. Dans ces chanfons barbares, ils content les genealogies fabuleufes & les faits de leurs Dieux, dont ils en font vn Principal & Supericura tous les autres , que les Tagales appellent Barhala mes Capal, qui veur dire le Dieu Createur , & quc les Bifaies appellent Laon, qui veut dire le Temps: Ils ne s’ef- loignent pointde noftre creance fur le point de la creation du Monde ;ils croyent yn premier homme, le deluge , la gloire, &les peines dePautre vie. Ils difent quele premier homme, & la premiere femme foititent du tuyau d’yn Rozeau qui creua dans Sumatra, & qu'entre cux il y euft quelques differens fur leur Mariage ; ils croyent que lesamesau fortir du corps alloient dans vne Hle ; où lesarbres, les oyfeaux, les eaux, & toutcsles autreschofes eftoient noires:que delà elles paffoient dans vn autre Ifle , où toutes chofes eftoient de diuerfescou- - leurs, & enfin, qu'elles arriuoientà vne, οὗ tout eftoit blanc; ils reconnoiffoient des efprits inuifibles, vne autre vie, & des Diables ennemis deshommes, dontils -auoient grande frayeur. Leur principale Idolatrie cftoit d'adorer & tenir pour Dieux ceux de leurs anceftres qui s'eftoientle plus fignalez par leur courage, ou par leur cfprit , ilsles appelloient Humalagar, qui cft cc qu'on dit en Latin, Mares, & chacun autant qu'il pouuoit donnoit de la diuinité à fon pere lors qu'il moutoit; Les vicillardsmefmes, mouroientdans cette vanité, c'eft pour cela qu'ils choifif- foient vn lieu remarquable, comme vnde l'Ifle de Leite, qui fe fit mettre fur le DES. ΠΟΤῈ PHILIPINES, 3 bord de la Mer, afin que ceux qui nauigeroient le reconnuffent pour Dieu, & fe recommandaffent à luy, [15 adoroient encor des animaux & des oyfeaux,ilsrecon- noiffent yne efpece de diuinité das l'Arc-en- Cicl,les Tagales adoroient vn oyfíeau tout bleu de la groffeur d'vne griue, & l'appelloient Barhala, qui eftoit vn nom de diuinire : ils adoroient le Corbeau , qu'ils appelloient Meilupa , qui veut dire le Maiftre dc la terre : Ils auoient vne grande veneration pour le Crocodile ,' ils le voyoient dans l'eau, ils lappelloient Nono, Ceft à dire grandpere. Ils luy faifoient reglément des prieres , auec grande deuotion, & des offrandes de cc qu'ils portoient dans leurs barques, afin qu'il ne leur fit point de mal : Il n'y auoit point de vieil arbre dont ils ne fiffent vn Dieu, sc c’eftoic vn facrilege de le couper. Pen ay veu yn fort grand nommé Nonog dans l’Ifle de Samar, qu vn Religieux pour ofter toutes ces fuperftitions enuoya couper; Il ne fe trouua aucun Indien qui le vouluft entreprendre ; il falut que quelques EL pagnols l'allaffent abbatre : ils adoroient auffi des pierres,des roches, desefcueils, & des pointes de terre qui auancent dans la Mer , leur faifant des offrandes de ris de poiffons, & d'autres chofes femblables , où en leur tirant des flefches en paílant. Dans l'Ile de Mindanao entre la Caldera & le fleuue, s'aduance vne grande pointe de terre, qui rend la cofte dangereufe & fort haute ; la Mer bat rudement contre ce Cap, qui eft cres- difficile à doubler : les Indiens en paffant luy offroient en Sacrifice des fleches,le priant de les laiffcr paffe r;ils les tiroient de fi grand force qu'ils les faifoient entrer dans le rocher; d’où vient qu'on l'appelloitla pointe des fleches. Vn iourles Efpagnols bruflerent quantité de ces flefches, en haine d'vnefi vaine fuperftition, & en moins d'vnan, l’on yentreuua plus de quatre mille : lors que Don Scbaftien Hurtado de Corcuera conquift l’Ifle de Mindanao, il y a 3. ans, ilordonna qu'on ne l'appelleroit plus le pointe des flefches ; mais de 5. Sebaftien, Ils auoient mille autres fuperftitions; 5115 voyoient yne couleuyre, ou yn lézard; s’ilsentendoient efternuer ou chanter vn oifeau , qu'ils appelloient Corocoro ils le renoient pour vn mauuais augure, & n'euffent pas paflé plus auant. Ils n'auoient point de Temples remarquables, point de Feftes ny iours de Sacrifices publics; mais chacun en particulier felon fon deffein ou neceflité faifoit fes offrandesà Hunaalagar, Où ἃ Dinara, qui eftoitlenom de leur Dieu, & quoy qu'ils n'euffent pointde Temples , ilsauoient des hommes & des femmes pour Preftres, dont les vns sappelloient Catolonan, & d'autres Babarlan : Ces Preftres eftoient les plus difpofez à fe laiffer tromper du Diable, & à tromper apres le Peuple par mille ad- dreffes & inuentions , principalement au temps deleurs maladies, où ils s’abba- tent, perdent courage, veulent vn promptremede, & donnent tout ce quilsont à celuy quileleur promet. II y a de ces Preftres qui ont vn commerce particulier auec le Diable; il leur par- le par la bouche de leurs petites Idoles , & leur faitcroire qu'il eft celuy de leurs Anceftres qu'ils adorent : il paffe quelquesfois dans!le corps de leurs Sacrifica- teurs, & dans ce peu de temps que durele Sacrifice, il leur fait dire & executer des chofes qui rempliffent de crainte les affiftans : ils prennent cét Ordre de Sacri- ficateurs de leurs amis, ou deleurs parents و‎ qui leur en veulent enfeigner le My- ftere; leur aucuglement leur fait eftimer beaucoup ce rang; car outre la reputation & le refpe& que cétamploy leur attire , ils ont encore de grandes offrandes; tous ceux qui ont aflifté au Sacrifice, leur donnent, qui ducoton, quide l'or ; qui vne poule:Le Sacrifice fe fait dans leurs maifons,la Vi&ime eft tantoft vn porc, tantoft vne poule; tantoft du poiflon ou duris, 8zfelon les differentes Viétimes, le Sa- crifice eftnommé diuerfement , il fe fait en frappant la Viétime,auec certaines ce- remonies,que le Sacrificateur fait en cadance, marquée par vn tambour ou par vne cloche, c'eft dans ce temps-là que le Diable les poffede , qu'il leur fait faire mille contorfiós & grimaces, & à la fin, ils difent ce qu'ils croyent auoirveu ou entendu. CE PUR) 4. R_ ESE ASTROSN Ces dples font bien-faits de leurs perfonnes , ont le vifage beau, fontbláncs; fe couurenc d'vn habillement qui leur defcend iufques fur la cheuille du pied, ileft de coton rayé de diuerfes couleurs, ils le portent blanc, quand ils font en deüil, neantmoins cette maniere d'habic n'eít pas fi generale ; ceux que l'on appelle Pin- tados, & ceux del Tíle de Mindanao, portent de petites cafaques blanches , iaunes ou rouges, qui leur viennent iufques fur les genouils,& fe lient auec vne ceinture d’vneaune de large, & de deux brafles & demy dclong;elle eft ordinairemét blan2 che ou rouge, ellejeur vient iufques fur lcs genouils; ls ne portent ny chauffes ny fouliers,& au lieu de chappeau ils fe (eruent d'vne piece de drap, dont ils font deux, ou trois touts alentour de leur tefte : Toute leur parure confifte à auoir de beaux coliers fort riches, des pendans-d'oreilles, desanneaux ou des bracelets d'or : ils portent ces bracelets au deffus dela cheuille du pied; les vns les portent d'ivoire, lesautres de laton ; ils ont aufli de petites plaques rondes de trois doits de dia- metre 5 quife mettent dans yn trou qu'ils fe font faic à l'oreille : Autresfois dans quelques- vnes de cesffles;les hommes te marquoient des figures fur tout le corps, d’où yient le nom Efpagnol Pintados, cette operation fe faifoit dans la fleurdeleur aage & dans le temps qu'ils auoient plus de forces pour fouffrir ce tourment: Ils fe faifoient bioder de la forte, apres auoir fait quelque aétion fi fignalée: Les Maiftres de cet Art, tracent premicrement fur leurs corpsle deffein de cette. peinture qu'ils fuiuent apres à coups de pointes fort aigües, & iettent fur le fang quien fort, vne poudre qui ne s'cfface iamais :ils ne fe piquent pas tout le corpsen vneíeulefois, mais partie par partie, & anciennement pour auoir droit dele faire pour chaque partie, il falloit faire vne action fignalée & de nouuelles proüef- fes. Ces peintures font galantes & bien proportionnéesaux parties du corps für lef- quelles elles font faites, & quoy qu'elles foyent de couleur عل‎ cendre,elles nelaif fent pas d'eftre agreables à à la veüc; les enfans ne fe peindent point , les femmesne portent les marques de cét ornement que fur toute vne main , & fur quelque par- tie de l'autre; pour ce qui eftdes dents, elles imitent entout les hommes : ils fe lcs liment dés leur plus tendre icuneffe, les vns les rendent par là efgales, les autres les ‘affilent en pointes, en leur donnant la figure d’vne fie, & les cou- urcntd'yn vernis noir & luftré, ou de couleur de feu, & ainfi leurs dents deuien- nentnoircsou rouges comme du vermillon; & dansle rang d'en-haut, ils font vne petite ouuerture qu'ils rempliffent d'or, qui brille Si auantage furle fond noir ou rouge de cesvernis. Les femmes auffi-bien que les hommes font Samius cA dans l'eau, auff nagent-ils comme des poiffons; ils n'ont que faire de Pont pour paffer les riuieres; fc baignent à à toutes les heures du iour, autant par plaifir que par propreté : les femmes mefme nouuellement accouchées ne s'en (cauroientempefcher , & fe bai gnent dans les eaux de fontaines les plus froides, l’on y met les enfansau fortir du ventre de leur mere; au fortir du bain ils fe frótentla tefte auec de 1h hyile de Ajon- joli, meléeauec de la ciuette; ce qu'ils font aufli en d'autres occafións & par ga- lanterie, principalement les femmes & les petits garçons ; ils fe baignent auffi dans leurs maladies,&ont des fources d'eau chaude pour cét effet o au bord de l'Eftang du Roy, qui eft dans l’Ifte de Manilla. Il n'y a point de langue qui foit generale dans touteslesIfles , mais chaque can- ton ena vnc particulicre;il eft vray qu'elles ont toutes quelque rapport , fem- blable à celuy , qui eft entre la langue Lombarde, la Sicilienne & la Tofcane : En l'Ile Manilla, ilsont fix diale&tes; il yen adeux dans l'Ile d’Oton; il y a de ces Langues qui ont cours dans plufieurs Ifles : Les plus vniuerfelles font la Tagaca & la Bifaya.Cette-cy cft fort grofliere; mais l'autre eft plus polie, & plus curiculo; fi bien qu'vn Religieux qui auoit grande connoiffance de ces Ifles, auoit de cou- ftume de dire, que la langue Tagala auoit les auantages des quatre principales langues du Monde ; qu'elle cftoit raifterieufe , comme l'Hebraique; qu’elle auoit DES ¿ISDES PHIEIPINES. $ les articles dela Grecque, auffi-bicn pour lesnoms appellatifs, que pour les noms propres; qu'elle eftoit elegante & abondante comme la Latine , &qu'elle n’eftoit pas moins propre que l'Italienne pour les complimens, & la Negotiation: ils n'ont que trois voyelles, mais elles leurs feruent de cinq; n'ont que; douze confones, qu'ils expriment diuerfement , en metrant vn petit point au deffus,ou au deffous, comme on le peut voir dansla figure fuiuante, 5 39 Les confo- nes n'eftant marquées d'aucü point fe pronócét parafi elles ont vn point au deffus,on les pronon- ce par e. ΟἹ pari. Si le point eft deffous , on Qu € QUI Cet). SL ED AN ΟΣ d? ba ca da ga ha A Ua VEL pa SARE CCL ya TN: it γ᾿ 5 " 3 be.bi. ce. e. bo.bu. co. cu. ne. mi. no. nu . ce par o. ou IIS -一 一 DIES cupa wu Ils ont appris denous à efcrire en tirant leurslignes dela gauche vers la droite; au lieu qu'auparauant ils efcriuoient de hautenbas : les rofcaux ou les feuilles de palmiers leur feruent de papier , & la pointe d'vn ftile de fer leur tient lieu de plu- me. L'cícriture ne leur fert que pour s'efcrire les vns aux autres, car ils n'ont point d'hiftoires ny de Liures d'aucune Science; nos Religieux ont imprimé des li. ures en la langue des Ifles des chofes de noftre Religion;ils ontdans les Moluques vne maniercd'efcrire à leursamis , fort galante ; ils ioignent enfemble , & font vn bouquet de fleurs de diueríes couleurs, & celuy qui le regoit entend en confide- rant leur varicté & leurs couleurs, comme autant de diuers caracteres, le fenti- ment dc {on amy ; ils n'ont pas affez de capacité pour s'appliquer aux Sciences ; fe contentant d’eitre bons charpentiers, de bien trauailler l'or ou le fer: Onlesa employez cn ces derniers temps à faire des bas de foye & de coton, à efcrire δὰ lire nos cara&eres , à chanter , à dancer, à ioüer de la flufte , de la guitarre & dela harpe ;les cordes dont ils fe feruent pour ces derniers inftrumens, font de foye torfe, & rendent vn fon auffi agreable que les noftres, quoy qu’elles foient de | matiere bien differente:ils anoient autrefois vn inftrument nommé Curiapé, dont quelques-vns d'entr-cux fe feruent encore maintenant: il reffemble aflezà vne vielle, & eft monté de quatre cordes de cuiuresils le touchent íi adroitement, qu'ils luy font dire ce qu'ils veulent, & ceft vne chofe auerée qu'ils feparlent, & fe difenc les vns aux autres ce qu'ils veulent par le moyen de cét inftrument , addreffe particuliere à ceux de cette. Nation. La plufpart de cesInfulaires n'ont qu'vne femmescen’eft pas qu'il n'y air des Pays où ils en prennent pluficurs, principalement dans l'Ile de Mindanao; l'on peut dire que les maris y acheptentleur fémes,puisqu'ilsont accoutümé de faire quelqué regale à leurs parensfelon leur qualité de Dato par exemple ; qui fignifie vn homme . de confideragion;de Tínana,qui veut dire libre; ou Orpuen,qui fignifie vn efclauc;lcs femmes de confideration dans PIfle de los Pintados fe nomment Binocor, c'eft à dire femme qui eft dansla chambre, car Bocot fignifie vne chambre, & les femmes n'en fortent que fort rarement , encore fe font-elles porter alors fur les efpaules de leurs efclaues : l'enay veu vne à Dapitan peuplade de l'Ile de Mindanao;fi de: licate , & fi precicufe,qu'elle fe faifoit toufiours porterà l'Eglife fur les efpaules de Ms celuy de fes efclaues qu'elle aimoit le micux; c’eft vn trait de ciuilité chez CES drofa, 9 a 1) 6 RELA TION Dames de porter la main droite deuant la bouche,quand elles parlent à vn hóme: Ces peuples viuent dans des'maifons couuertes de paille, de feuilles d'ar- bres, ou de grands rofeaux qui eftant fendus en deux leurs feruent de tuille : l'on voit peu de meubles dans leurs maifons, c'eft vne chofe rare que d'y voir des chaires, car ils S'affient toufiours à terre, ou fur des tapis faits de Rofeaux: ilsn'ont ny lic ny matelas ; leurs ftorres de Rofeau leur feruant de P' vn & de l'autre; ils mangentá terre, ou fur des petites tables fort baffes, mais elles ne font en vfage que chez les principaux d'entr'eux ; les feuilles de Platanes , qui ont vne braffe de long & vne demy brafle de large,leur feruent de feruiete: Leur exercice eft le labour , la pefche tres-abondante dans leurs coftes, & dans leurs riuieres, la chaffe des Sangliers & des fauues , auec des chiens, & la lance; exercice auquel leur le- gereté & leur addreffe les rend fort propres; ils vont auffi chercher du micl & dela cire dansles montagnes ou dansdesarbres, où la nature a enfeigné aux abeilles de -faire Pvn & l’autre. Leurs armes font aux vns la lance, aux autres les flefches, le Campilan quieft yn grand coutelas, le cris, ou poignard, les Zompites ou Sarbatanes, auec lefquels ils fouflent de petites flefches empoifonnées , des Bacacaies ou petits rofeaux bruflez parle bout ; & pour deffendre leur grain des animaux & des hommes qui y pourroient fairetort , ils fement des chauffes-trappes, que lesanciens appel- loient rribulos , fait en fortejqu'vne des quatre pointes, dont ils font compofez eft toufiours en haut, & ceuxqui y paffent sy enferment fans s'en apperceuoir ; mais maintenant les Efpagnols leur ont apprisà manier les armes à feu,& ils y reufliffent fort bien,principalement vne nation nommée les Pam pangos, dont pluficurs font enrollés dans les troupes d’Efpagne , & y (eruent auec beaucoup de fidelité,& fe- condent bien la chaleur que leur donnent les Efpagnols dans les combats de Mer & de Terre. Ils (ont fort feconds,& i’en ay peu veu de mariés qui n'euffent des enfans : Quand ils viennent au monde, ils les nommentíclon lesaccidents qui arriuent au temps de leurnaiffance; l’vn aura efté nommé Maglenté, à caufe du tonnerre quitom- baft au tempsqu'il nafquift , car Lente, fignifie coup de tonnerre; l'autre fe nomme- ra Gubaton > à caufe que les ennemis parurent à la cofte ence meíme temps ; cat. Gubat ignifie ennemy : Ils ont efgard à la Nobleffe, & ay connu vne femme qui fe nommoit Vray, c'eítàdireorfin; l’on luy auoit donné ce nom, à caufe de la No- bleffe de fa race ; ilsauoient accouftumé dans quelques vnes de ces Ifles , de mettre entre-deux ais la tefte de leurs enfans , quand ils venoient au monde, & la pref- foientainfi, afin qu'elle ne demeura pasronde , mais qu'elle s'eftendit en long; ils luy applatiffoicnt auffi le front, croyant que c'eftoit vn trait de beauté de l’auoir ainfi. Quand il naift vnenfant à quelqu'vn d'entr-eux qui eft le plus en confiderá- tion, ils feftent la naiffance l'efpace de huit iours auec des chanfons fort gayes, chantées par les femmes. Ils perdent courage lors qu'ils font malades, ils n'employent ny lafeignée, ny d'autres remedes , que certaines herbes medecinales, dont il y aabondance dans ces Ifles;ilsontl'vfage des ventoufes , non pas de celles de verre, car il n'y a point de verre en cc Pays-là ; mais de petites coquilles ou de petites cornes de beftes fauues; ils boiuent de l'eau de Cocos, tenué quelque temps au ferain , & cette cau eft fi faine, que fon continuel vfage les guarantit de la pierre , maladie dont le nom n'eft pas connu chez ces peuples. * Quand il en meurt quelqu'vn ,la Mufique des plaintes & des lamentations com- mence auffi- toft ; les vns pleurent à caufe qu'ils font veritablement touchez de fa perte, lesautresíeloüentàlaiournée pour pleurer: Ils prennent ordinairement des femmes, comme plus propres à cette Mufique; ils lauentle corps du deffunt, à cette trifte cadance , ils le parfument avec du 'ftorax, & d'autres odeurs , qui font fort en vfage parmy eux,; & apres lesauoirainfi pleurez trois iours, ils l'enfeuclif- DES ISLES PHILIPINES. 7 fent:Ils nc les mettent pas en terre; mais dans des bierres de boisfortdur & incor- rupuble, qu'ils cenoient dans leurs mailons; lesais de labierre eftoient fi bien joints que l'air n'y pouuocitentrer; aux autres ils leurs fondoient de l'or dans la bouche , & ornoient leurs bierres de pierreries: Ils auoientencorele foing de por- ter toutes fortes de viandes à leurfepulture, & deles laiffer-là, comme s'ils les euffent feruies pourle deffunt ; ilsne vouloient laiffer aller les autres tout feuls, il leur falloie.donner des efclaucs hommes & femmes, pour leurtenir compagnie: ils les tuoient, apres leur auoir fait vn grand repas, afin qu'ils puffent aller auec le deffun& ; ils encaifferent vne fois auec vn des Principaux du Pays vne Galere renforcée de rameurs ; afin qu'ils le peuffent feruir en l’autre Monde: le lieu plus ordinaire de la fepulture eftoit la maifon du deftunt, dansl'eftage le plus bas, où ils faifoient vn trou pour mettre la caiffe : ils les enterroient quelquesfois dans la campagne, & alors l'on faifoit pendant plufieurs iours de grands feux au bas de la maifon , & l'on pofoitdesfentinelles, de peur quele deffunt ne vint enleuer ceux qui y eftoient reftez en vie : lespleurs & leslamentations fe finiffoicnt aucc la fepulture ; maislesfeftins, & les yvrogneries duroient plus ou moins felon la qualité du defunt. Les Tagales portoient du noir pour marque de deüil,les Bifaias du blanc, & fe rafoient la tefte & les fourcils: Quand vne perfonne de confidera- tion yenoit à mourir , l'on gardoit le filence dans toute la peuplade, iufquesà ce que l’on euft oftél'interdit ; qui duroit plus ou moins felon la qualité du def- fun&; dans ce temps, il ne falloit pas faire le moindre bruit; maisle deüil de ccux qui auolent efté tuez en guerre ou par trahifon duroit pluslong-temps , & ne finiffoit point que leurs enfans & leurs proches n'en euffent tué beaucoup d'autres; non-feulement du nombre des ennemis dudeffun&, mais mefme d'eftrangers, ou d'inconnus, car leur fureur ayant elté ainfi fatisfaite, ils croyent pouuoir mettre fin à leur deüil, &le folemnifer par de grandes Feftes & de longs repas. Ils font pour la plufpart bons hommes de Mer, i’entend pour nauiger entre leurs Mes, car n ayant pasl’vfage de la Bouffole, ilsne reuffiroient pas de mefme en pleine Mer; ils fe feruent de diuers baftimens, qui vont à la voile ou à la rame: Les plus grands de cette derniere forte fe nomment Ioncques & Caracorous, & -quoy qu'ils ne fojent pas fort grands, ils ne laiffent pas d'y mettre vne centaine d'Indiens, car à chaque bande il y a trois rangs de rameurs ; ils fe feruent de ces baftimens, pour traffiquer entre ces Iles, les chargent de poiflon fec, de vin,de fel, decire, decoton, de Cocos, & d'autres (emblables marchandifes. Ils font naturellement poltrons, & plus propres pour drefler vne embufcade, que pour faire tefte à leurs ennemis:Ecc’eft là-deflus principalement qu'eft fondée la foumiffion danslaquelle ils viuentauec les Efpagnols, car ils ne les leruent point par affeétion. Ils régoiuent facilement noftre Religion. Le peu d'efprit qu'ils ont ne leur per: met pas d'aprofondir la difficulté de les Myfteres, ilsfontauffi peu foigneuxde fa- tisfaire au deuoir du Chriftianifme qu'ils ont receu, & il les y faut contraindre par la crainte du chaftiment , & gouuerner comme des enfansa PEfcole. Les yuro- gneries, & les vlures font les deux vices aufquels ils fontle plus fujers, la pieté & les foins de nos Religieux ne leur en ont pas encore peú faire perdre tout à fait l'habitude. 1 Le climat عل‎ Manilla , & de la plus part des autres Ifles Philippines eft fert chaud; l'on ny fent point de difference d'vne faifon à l'autre, la chaleur y cft toute l'an- nte efgalement grande. Les pluyescommencentà la fin du mois de May, & du- rent fans interruption troisou quatre mois, horsdece temps il y pleut rarement: Aux mois d O&obre , Nouembre & Decembre, le Pays eft fuiet à des Houra- gans, que ceux du Pays nomment Vagwios : Ce font de grands Vents, qui en 24. heures font tout le tour du compas, & commencent parle Nort : Ilsrompent les A 8 RELATION lesPalmiers, arrachent les plus grands arbres, abattentles maifons , & enleuent dans l'air quelquesfois les perfonnes, il s'en eft veu quiontiettéles Vaiffeaux vne portée de moufquetauant dans les terres. : A l'extremité عل‎ l’Ifle Manilla proche de l'embouchure par ou entrentles Na- uires qui viennent de la nouuelle Efpagne, il ya vn Volcan ou Montagne, qui ict- tent fouuent des flammes, & toufiours de la fumée : Dans ces Ifles il myan bled, ny vin, ny huile d'oliue, ny de pas yn des fruits que nous auons dans l'Eu- rope , ἢ ce n'eft des oranges dont ic parleray cy-apres ; le ris y vient en grande abondance, & leurtientlieu de pain; ils en ont de deux cípeces , I'vne fe feme: dans deslieux toufiours couuerts d'eau, & l'autre fur les montagnes, où il n’eft arroufé que de l'eau du Ciel ; leur boiffon fe fair dece mefme ris, que l'on fait tremper dans l'eau ; où elle fe tire des palmiers & des cocos, E d'vn autre genre de petits palmiers qu'ils appellent Nipa; ils gardent cesboiffons dans de grandes cruches, & ne lesentirent que lesiours de Fefte, & de reioüyífance ; ces boiffons donnent ala tefte & enyurent autant que du vin d'Europe. Les cheuaux, & les vaches qui font dansces Ifles, y ont efté tranf portées du Mexique & de la Chine , car anciennement il n'y en auoit point. La chair de porc cft celje qu'on mange le plus ordinairement, il yena grande abondance; elle eft fortíaine & de fort bon gouft; il y a auffi vne infinite de volaille, de fauues , de fangliers, de chevres, deciuettes, beaucoup de feves , de coton , de fraifes, & mefme de canelle qui ne fe trouue que dans l’Ifle deMindanao,& n'aproche pas de la bonté de celle de Ceilan: Il n'ya point de mines d'argent dans ces Illes, & le peu d'argét que l'on yvoiten a efté porté duMexique,en retourdes marchandifes qu'ils y enuoyent tous lesans:Il y a des mines d’or dans l’Ifle de Manilla, & dans la riuiere de Buruan de l'Iflede Mindanao : Il n'y en a pas veritablement affez pour fatisfaire au defir des Efpagnols, mais le peu qu’il y en a fuffiroit aux Indiens quinc Pefti- ment que parle peu d'vfage quel’onentire, quandil n'entre point dans le com- merce; il y abeaucoup de cire & de miel dans leurs montaignes, & depuisque les Efpagnols s’y font habituez, ils y ont bafty beaucoup de moulins à fucre, & il y eft ficommun que l'onena vingt-cinq liures de 16. onces chacune, pour yn tefton : Ils ont trois fortes de fruits les plus communs, les platanes, les fantores , & les birin- bines: Il y a 15.0u 16.fortes de platanes , lesvns font doux, cette douceur aux autres eft meflée de quelque aigreur , il y ena quifentent bon, mais toutes ces efpeces font fort agreables au gouft:Ie nefçay point de fruit de l'Europe auquel "Ὁ le puif- fe comparer,fi cen'eft aux mufas qui croiffent en Sicile. Les birinbines , &clesfan- tores fc mangent pluftoft en conferue qu'autrement, à caufe de leur aigreur ; & appreftez en conferue, ils ontle gouft de prunes,& quand on les laiffe bien meurir fur l'arbre, ils fentent le coing,quoy que du refte ilsne luy reffemble en facon du monde.CesIfles ont beaucoup d'autres arbres qui viennent fans culturc;leur$ mon- tagnes leur fourniffent desracines , dont ilstirent leurs plus ordinaire nourriture; ilsles nóment Pugaian & Corot : Ils en ont d'autres qu'ils cultiuent commeles Aparis les bi, Laques , & celles qu'ils appellent Camotes, qui font les Patanes d'Efpa- gne les Efpagnols fe feruentauM bien de.ces dernieres que lesIndiens. Maisl'arbre le plus vtile qu'ils ayent eftle Palmier, non pas celuy qui porte des dates, car ils n'en ont point de cette efpece , maisbien de ceux qui portentle cocos de la groffeur d'vne orange; quand ce fruit eft encore yerd, il eft plein d'yne eau fort douce & fortbonne à boire : Ils en tirent du vin, du vinaigre & du miel, & comme ce fruit fe feiche en fe meuriffant , certe eau fe change en chair blanche plus dure qu'vne amande, & c'eft de cette chair, qu'ils cirent de l'huile , & vn lai& femblable à celuy que l'on tire des amandes. Le cotos à deux enuclopes; la pre- miere qui eftla moins dure fert de mefche quand elle eft feiche , & l'on l'employe pour le funain, & menu cordage des Vaiffeaux, ou d'eltouppe pour les calfader; l'autre enuelopeeft plus dure , elle Leur fert de vaiffeaux pour boire , ou de plats Barro gue por entre Seras se Con 9777 o : | 人 Zi obra, pera ve hide ao TARTARIA *. LEAOTUNG ¿NANRIN T ^ ta, E اليم‎ Montar, ¿Fo Io dee “5: Und dm eis E Nang ἡ E ET Brad, BENGALA 104 CHA= TS corte 2 TEE gatto can VC La 2 ς d D SEC Portale 2. EE PEGV som SE dI anche ooo honra zd D id. E meii 3 1052) τῷ» ^ à Eu ur À mpump 3 i : S. d 05 a em x maa yap ti ento eg. p r : 2. nra E IAE) es E 4 DES, 5 e ' Vars 09S 5 a f» CARGA YA | za naar SE Torres ile Tc) 46. : | ρ' DETTES ἧς DA cardio Amado ra ie; des fm y fente ملعت‎ , SG = o2 σα د‎ ear 9 me Grat 0 poena S ἢ | e gud do Pur hos a > À a 2: 1 ; 2 ao Or ro "Y ; i Ta Ta ; duke spulepao τὸ Carrrnaty i ١ "VoU v » Ganar paca la Str ASS Ew ner TAN 24 pale oretra y ييه b ho ar fi zer 10 os Mar esta‏ higo em “trazo Continua Sace p " 5 3/ Do Las Jagana / oa, Za china poa pora Zypanta or TI 一 ITLZ °_° Oh ١ — -Ἰ DID. DO NE M — — mum — mt 15 B / "d puce E | E E, E NU E > ELM M ͵‏ ا - 7 ‘ m Ie 100 " Lhare يك‎ SC del Joe imm N fare ΩΣ ἢ ti Bh N A 5 INDA NAO i ener‏ ايت \ x & ΕΣ E CI TD 一 II | DO 0 brc رت‎ SAI agn ES hte PO UA y ds e » DT AR 0 que ALI 7 9i, Morse a aee Po DIE, A | Llhas de 2 CR " ΟῚ » 0 — JUL — ABl — LL 110 iHa. _ WI a è i ἢ 1 ΧΡ. γ H 1 | i y E ! : 1 1 | | oLastvlli 7 ME pom eu 5% i | LE ru Ea | S ^ sibili ابوالعباس‎ I | 7 C REL... E | | : d na NS : silos c im تفل‎ | — SELL È TA | | air AL asilo AI è ica αν © [xr Aria ous PULL ili. seca oli du سلطاتعبدائه‎ asbl A ES > slo a Mu cdi ابوالعباس‎ | nt i αὶ ٍْ | ١ xm | : us ' PEE 5 i = j MA ur | : NUR d TOES oli C eu COE | mi brel : : | | Sia olla ..: أسلات ؛‎ el. wall EN no 1 €— pa lasts cai i : | (ETFI ERES TERM Se call ios. سلطا‎ asso IATA لك‎ us Cain ASIS A ---------- + MS n ἘΠ s Eos eee q gel pesas cadi Lbs opes a S 2n | | 1 ١ : DL E Y oleo pelle à ¿ALAS Lib) o È | 2 Allo e eal pesi. ; | i UA : بوبنا‎ : dal al a v i OE oss ol, " de | s ١ doll ede sott ll - > بوك لامين‎ y | Hits p 0 A bla AI. | ¡he ا سلطان‎ τος ἘΠ 5 p PTS RETE ^| | P ١) des dalles 7 Al A ool eu ابوا|‎ bd ok 7 سلطان ماد : لساك مان‎ sl OL y 1 0 " 3 Ὁ [or illl] pn È 7 È P ua - حك‎ T E ὩΣ 9 AR Me LUE : | Dus obi. Ca DES ISLES PHILIPINES. à pour dreffer leurs viandes, les feüilles de la palme font les tuilles dont ils couurent leurs maifons : Ils employent le tronc de ces mefmes arbres pour les fouftenir, & en faire les piliers. Ils ont yn autre arbre, dont ils ne tirent pas moins d’vfage, car il leur fert de fource perpetuelle, & fournit d’eau à toute vne peuplade, laquelle eftant firuee fur vnlicu haut fort (ec, n'a point d'autre eau que celle quilsen virent, en fai(ant des incifions dans leurs troncs; & danslcurs plus groffes branches, car il en fort vne cau claire & douce.Lesarbres de ces Ifles font tous verds, & il n'y enaquede deux elpeces, qui quittentleur feüille; ils appellent l'vn Bazclaz , ἃς l'autre Dabdas. Les rofcaux de ces Ifles ont cela de particulier, qu'ils ont de tour iufques à trois palmes & huit braffes de long; ils leurs feruent de materiaux pour baftir vne mai- fon effitierc , ilsen font des pilliers , des linteaux ; des efcaliers ; le plancher & les murailles ; ils leutsferuent de chevrons pour en faire letoiét, & quand ils font fendus en plufieurs parties, ce font les tuilles dont ilsle couurent: ilsn'ont point d'autres marmites pour cuire leurs viandes que ce rofeaux , point d'autre bois pour brufler,car les arbres leurs feruent pour baftir leurs petites Barques, ou pour mieux dire les radeaux auec le'quels ils trafiquent , deris, decocos, d’ s qui eltla filaffe de ce Pays. Ces Ifles ont grande abondance de diuerfes fortes d' oranges particulieres à ces pays là, pour Ἴδαν bon gouft : l'enay veu de fi grofles qu'elles ancient 4. Palmes de tour, d'autres eftoient rouges par dedans comme de l'efcarlate, & fort douces; ilyen aqui onc à l'endroit de leurs pepins vne autre petite orange,& on les appel- le par certe raifon les oranges qui ont des fils. le mettray icy au rang des vegeraux vne forte de fcüille quileur fett de nourri- ture , ou pluftoft de regale; clie eft en grand víage chez les Indiens , les Chre- ftiens & les Mahometans, mefme chez les Efpagnols; ils en font vne compofition qu'ils appellent Mamuen, il y entre trois chofes, cette feüille, qu'ils appellent Buio, Elle cftliffe & reffemble en couleur & en grandeur, a vne grande feüille de lierre , mais elle 1*elt pas fi cfpaiffe ; elle fent fort bon, eft aromatique , ils la plantent au bas de quelque arbre fec,fur lequel elle rampe ; l'autre fruit qui entre dans cette compofition fe nomme Bong, de la groffeur d'vne oliue, & enfin ils y mettent vn peu de chaux viue : On fait vn peut cornet de la fcüille; on met de- dans la bonga & la chaux, l'on mafche tout enfemble : Cette compofition teint la fa- liue d'vne couleur rouge comme du fang , &les levres du plusbeau vermillon du monde ; elle conferue les dents, fortifie l'eftemach & donne vne fort bonne ha- leine : L'on a quatre-vingts de ces feüilles à Manilla pour vn real : Cependant il s’en confomme yne fi grande quantité; que Pon a trouué qu'il s'en vendoit en vn an pour quatre-vingts dix-mille reaux de fept fols & demy piece. ll ya beaucoup de couleuvres dans ces Ifles qui font fort dangereufes; certaines enir-autres qui attaquent les hommes quand elles ont des petits; la morfure de celles qu'ils appellent Omodro, cft fort dangereufe , & ceux quien font mordus ne viuent que la moitié d'vn iour. Ceft de cct effet quelle tire fon nom, car Odro, fi- gnifiedemy iour: Il y en a vne autre fort grande nommée Sara; Venay tué vne de cette efpece-qui auoit deux braffes & demy de longueur د‎ & Pon porta à noftre College de Manilla, la peau d' vneautre qui auoit 32. piedsde long. Les Sauas fe pendent aux branches des arbres qui font fur les chemins, 46-13 fe lancent fur les hommes, furles beftes fauucs , ou fur quelque autre proye, leur font trois ou qua- tre tours à l’entour du corps, & apres leur avoir caffeles os les deuorent : Mais Dieua pourueu à ces Jfles de quantité d'herbes, qui feruent de contrepoifon à tous ces differents venins ; l'on trouue dans les montagnes des racines, & des herbes qui font autant de remedesfpecifiques contre la morfure des couleuvres. Les princi- pales font Manongal, Manambo, Logab, Borottongon, Maglingab ; Ordaz ; Balocas > Bo- nas BabaysIglubar, Dalogdogans Mantala. s fa ^ IO RELATION Il y aaufli dans ces Ifles des animaux, dont ic dois faire la defcription: la ciuctte fe trouue dans les montagnes, fa peau reffemble affez à celle du Tigre, & elle n’eft pas moins fauuage que luy , mais cllc eft beaucoup plus petite : Ils la prennent, la lient, & apres luy auoir ofté la ciuette, quicft dedans vne petite bourfe , qu'ellea dcffous la queiic,ils la laiffent en liberté pour la reprendre vn autre fois. Les Coco- drilles , dont leur riuieresfont pleines , font fi grands que lors qu'ils ont la gueule ouuerte, vn homme de la plus grande taille pourroit demeurer debout entre yne machoire & l'autre; il eft tout couuert d'efcailles, n'a prefque point de langue, à les dents fort prefltes; & fort aiguës; il en a plufieurs rangs , & celles du rang du milieu de la machoire d'enbas, entrent dans les trous ou defauts desautres ,qui leur refpondent à la machoire d'enhaut, & ainfi , quand il en ferre fa prife, il n'y a point de force quila luy puiffe arracher ; il fait des œufs en grande quantité, eft furieux lors qu'il eft dans l'eau, & attaque les barques; il n’eft pas tant à craindre fur terre , où il vient quelquesfois pour faire quelque prife ou pour demeurer au Soleil. Lc poiffon femme eft appellé de la forte, à caufe que fon vifage & fon fcin, cft tout à fait femblable à celuy des femmes, auquelil reffemble ausli par la maniere dont il s'accouple auec le mafle ¿ce poiffon eft grand comme vn veau, fa chair,done Yay mangé , ale gouft de celle de vache; l'on le pefche auec des filets de cordes grofles comme le doigt, & l'ors qu'il eft pris dedans on le tué à coups de darts: fes os & les dents ont beaucoup de vertu contre toute forte de diffenteries , principale- ment contre le flux de fang ; quelques-vns ont voulu dire que ces poiffons eftoicnt les Sirennes de la Mer,fi famcufes chez les Poétes;mais elles n’ont rien de la beauté du vifage , & dela voix qu'ils leur attribuent. Ic finiray enfin par la defcription du Tabon , oyfeau de la grandeur d’yne poule de couleur cendrée, qui fait des œufs, trois fois plus gros que des œufs de poule; mais qui les pond d’vne maniere particuliere ; il choifit desIfles defertes & pleines de fable, où il fait premierement vn trou d’vne braffe, ou d'vne braffe & demie de creux, & apres y auoir mis fes œufs, illescouure de fable, les pouffins rompentla coquille, detournant petit à petit auec les pieds le fable qui les couwe ; fi quel- qu'vn de ces poullins eftaffez mal-heureux pour rompre Pocuf par le bout d'em- bas, il ne vient pasábien , & meurt faute de pouuoir detourner le fable; l'on en trouue quelquefois iufques à 150. dans vn meme trou, & Pen ay mangé fouuent, lors que dans mes voyages, i’ay eû l’occafion d'aborder dans ces Ifles. Il y ade la canelle dans l'Ile de Mindanao , du poiure à Patani, & à Champan Pays qui tientà la terre ferme dela Chine. Le gouuernement Politique de ces Ifles cft le mefme que celuy des autres Pro- uinces fuiettes à la Couronne de Cafülle : Le gouuerneur refide à Manilla , eft Prefident de l'Audience & comme Capitaine General, difpofe de toutes les char- ges de paix,de guerre & auffi des Commanderies de mille & de deux mille Indiens, qui payent au Commandeur le tribut que les autres Indiens payent au Roy:Mais le Commandeur , quia efté pourueu par le Capitaine general eft obligéde faire ve- nir de Madrid dans l'efpace de trois ans la confirmation de fa prouifion. Le Gouuerneur eftablit des Coregidores & des Alcaldes Majores ou Gouuer- neurs de Prouinces, efquelles ces Ifles font diuifées. Il nomme les Capitaines , & les Almirantes des Armées qui vont tous lesans à Acapulco & à Terrenate : il prend connoiffance des affaires ciuiles, dont l'Audiance Royale prononce les de- cifions ou Arrefts : Cette audiance eft compofée d'vn Prefident, qui eft coufiours le gouuerncur de 4. Oidores, ou Auditeurs, & d'vn Procureur Fifcal : Il y a qua- tre villes aux Philipines, Manila, Zebu, Cagares, & la Nueba Segobia, & vn Vi- lage nommé Areuallo. Il ya garnifon à Manila & à Cabire, qui eft le Port ou sarreftent les Vaiffeaux de guerre, à fix maille de Manile : Uy a auf garnis DES. ISLELES PBHEPIPINE S. II fon à Zebu, Otong, Carouga, Lanbuangang, lolo, Nueua Segobia, à l’Ifle Her- mola , & aux Moluques : Tous ces ports font foruifiés , ontleurs chalteaux, de bar- tillerie , l'on enuoye de Manila; cout ce qui cft neceffaire pour ces garnifons, Il fe- roit affez difficile de fairevn denombrement de toutes les differentes peuplades des Indiens, & de ces Iles, qui font Sujcts aux Roy d'Efpagne : 11 y ena bien trois cent milles familles qui peuuent faire vn million d'ames. L'Archeuefque de Manille à trois fuffragants, celuy de Zebu, de Cacares δὲ de la nouuelle Segouie : ils n'ont point d'autres reuenu que la penfion que le Roy leur donne : celle de l'Archeuefque elt de 3000 ducats,& chacun de fes fuffra- gants en a quinze cents: la ville de Manilla eft petite , mais elle cft belle, & bien fortifite. Ses maifons font toutes bafties de pierres, font fpacieufes, bien aëries, fes rués larges & droites, & l'on s’y peut promener à l'ombreà toutes les heures du iour. Les Eglifes (ont belles : Il y a cinq Conuents, celuy des Auguftins quieft le plus ancien, des Cordeliers , des lacobins, des Auguftins defchauffez : deux Vniuerfitez , vne entre les mains des Peres de faint Dominique, & l'autre entre celle de la Compagnie. Ces Religieux font encore diuifez dans cesIfles , où ilsont foing de l'inftru&ion desIndiens. La ville eft fermée a'vne bonne muraille, & d' vn fofé, fon Chafteau & fes rempars,font bien garnis d'artillerie;il paffe au pied de fes murailles, vne riuiere qui porte barques, auec vn pont de bois, dontles piliers font de pierre : Il y adans Manilla deux mille Efpagnols en contant les foldats& leshabitans , vnefois autant d'Indiens, & vingt mille Sangleyes ou Chinois, qui exercent tous les Arts neceflaires dans vne Republique;payent chacun tous les ans neuf efícus & fix reaux de tribut. L'on bacift a Manilla des Gallions beaucoup plus grands que ceux qui nauigent dans la Mediterance , car il y a grande abondance de bois, de goudron, & d'abaca , qui reflemble au chanvre d'Europe , & dont l'on fait de fort bons cordages pourles Vaifleaux : Lon fait venirles Ancres de Goa, & le fer pour la clouterie vient de laChine en petites barres & eft d'vn fort bon feruice. Les Efpagnols des Manilles trafiquent dans toures lfles de cct Archipel à Bur- hey & Camboa , d’où ils apportent de la cire, du beurre, du camanguien ou ftorax, deliuoire, & du Bezoar; ils trafiquoient autresfois au lappon, aupara- uant que l'on euft commencé à y perfecuter les Chreftiens ; il venoit de là, du fer, dela farine, de toute (otte de fruits, de petits coffres & des efcritoires vernifées fort bien trauaillécs. Nangoza qui cftoit leportou fe faifoit ce con merce , au- quel il eftoit fort propre à caufe qu'il n'eft pasefloigné de Manila: Ce port nous eft maiotenant fermé,car l'Empereur du lapon croit que fous pretexte de ce commer- ce, il entre dedans fon Pays des gens pour prefcher PEuangile, qui cftla chofe du monde qu'il apprehende le plus: Nous traittons auffi auccles Portugais de Macao, qui viennent tous les ans aux Manillesauec deux ou trois vaiffcaux , & y portent des foyes, du mufc,des pierres precicufes , du bois YA quila & de Calambouc, bois de bonne odeur, & fort precicux. Ceux de Maniles vont mefme qu:lquefois à Macao pour en rapporter de ces marchandifes ; mais leur commerce principal eft auec les Chinois qui viennent rouslesans à la fin du mois de Decembre,& au com- mencement de lanuier auec vingt ou trente Vaifleaux chargez de fruits & de mar- chandifes precieufes : Ils fortent ordinairement Ocho, de Chincheo, Ports c^Ánay Prouince de la Cofte de la Chine qui regarde les Philippines, ils en appor- tent des petites oranges, des noix, des chataisnes , des prunes , des raifains fecs & du Chicuei, fruit (emblableà vne pomme foit ronde , tranfparent , & de la couleur de l'ambre iaune quand il eft meur. Sa pelure eft fort deliée, & fa chair fort douce, & fort agreableau gouft : ils ap- portent auffi toutes fortesdetoiles, & en ont d'auffi fines que celles qui viennent de France, ou des Pays-bas. Beaucoup d'eftofes noires dontles Indiens font leurs habits, dela foye plate de torfe de toutes couleurs,desdamas, des velours & des tabis, destaffetas doubles, des toilles d'or & d'argent, des gallons ; des paffe- $: "311 I2 RELATION mens , des toursde lit, des couffins,& de la pourcelaine mais non pas de la plus fine, carla traite de celle-là cft deffenduë:lls apportent des perles de Por,du fer,en petites barres, du fil, du mufque , de beau parato!s, dcs pierreiies fauffes ,m ais fort belles à la veué dufalpeftre; de la farine, du papier blanc, & de diuerfes cou- leurs, & autres petits ouurages de bois couuerts de vernis, & d'or en relief d'vn artifice inimitable: entre toutes ces cítofes de foye que les Chinois appoitent, il n'y en a point de plus eftimée que les blanches, la neige ne l'eft point d'auanta- ge» Sil nya point d'eftofe de foye en Europe qui en approche. : Ils Sen retournent au mois de Mars, & remportenc en la Chine l'argent de leurs marchandifes : Ils chargent auffi d' yn bois nommé Siburno, qui eft le bois de brefil, dont l'on fe fert dansles teintures : ces marchands Chinois font fiafpres au gain, que fi vne marchandife leur a reiifli vne année, ils en chargent beaucoup l'année fuiuante : Vn Efpagnol quiauoit perdu le nez , dans vne certaine maladie; fit venir vn Chinois pour s'en faire vn de bois & couurir fa deformité : l'ouurier luy fit vn nez fi jufte quel Efpanol fort fatisfait le paya largement& luy en dóna 20. efcusile Chinois attiré par la douceur de ce gain chargea bien finemét l'ánéc fuiuá- tc vne Barque plaine de nez de bois,& reuint à Manilla, maisil fe trouua bié loing de les efperances, & auec vn pied de nez; Car pour auoir le debit de cette nouuclie marchandife , il trouua qu'il auroit fallu couper le nez à tous lcsEfpagnols du Pays. Outre les marchandifes de la Chine que l'on apporte dans les Iles, il y a de la cire, de la canelle, de la ciuette, & d'vne forte de toille de coton fort bonne, qu'ils appellent Campotes. Toutes ces marchandifes fe portent au Mexique oùellesfe vendentauec grand profit & fur le champ. Et ie ne croy pas qu'il y ait au refte du monde yn trafic plus riche que celuy-là ; les droits que le Roy entire font grands, & joint à ce qu'il tiredes Ifles montét bien à cinq cens mille efcus ; maisjilen def- pence huit cent mille à l'entretien du Gouucrneur, des Confeillers, del'Arche- ucfque, des Euefques, des Chanoines, de ceux qui ont des Prebendes, & des au- tres Ecclefiaftiques. La plus grande partie de cette fomme cft employée à l'arme- ment des Gallionsque l’onenuoye au Mexique, aux Moluques, & de ceux que Pon tientdans ces Mers pourrefifter aux Holandois:on defpence beaucoup à main- tenirles aliances des Roys de ces quartiers-là, & principalement celle du Roy, d'vne des Ifles Moluques nommée Tidor;fi bien que le Roy d'Efpagne entretient pluftof ces Ifles pour y conferuer la Religion,comme le dit Philippe fecond dans vne certaine rencontre, que pour le proffit qu'il ena tiré iufqu'à cette heure: Les Holandois n'ont peü prendre pied dans cesIfl.s, quoy qu'ils les ayent attaquées plufieurs fois, ilsont vne Ville confiderable dans Plíle de laua Maior, de là ils enuoyentce qui manque à leur garnilons de l'Ile Hermofa, Amboina & Terena- tc: ilsont fait aliance auec les habitans de cette Ifle, & tirentla plus grande partie du cloud degirofle des Moluques, trafiquent au Iapon, dans vn port nommé Firando. Les Chinois ne leur ont point voulu permettre leur commerce,à caufed'v- ne tradition qui court dans la Chine , que leshommes qui ont des yeux bleux les doiuent vn ¡our conquerir. Le voyage de manilla auMexique,dure quatre;cinq,fix,ou fept mois:L'on part de Manilla qui eft fous 13. degrez 3 au moisde luillec aucc des vents d'aval; l'on va teufiours gagnant vers le Pole, iufques à ce que l’on ait atteint le38. ou quaran- tiefme degré. Les Pilotes font cette nauigation, à caufe que dans ce parage ils font plusaffeurez de trouuerles vents, & qu'autrement ils coureroient rifque de rencontrer descalmes plus à craindre dans les longues nauigations, que les tem- peftes les plusfurieufes: Depuis que l'on elt forty des Ifles Philipines , iufques à ceque l’on foit proche de lacofte de la nouuclle Efpagne , l'on ne voit aucune terre, fice n'eft vne chaifne d’Ifles nommées des Larrons, €7 la Sapana, qui eft à 300. licués de l'embouchure des Philippines.LesPeuples qui les habitent fontBarbares, vont tout nuds;Ils apportent à nos Vaiffeaux quandils paffent par-là, du poiffon, DES ISUESJPEDQBHEPENE S. 12 du ris, de l'eau fraifche qu'ils troquent non pas pour de Por, ny pour عل‎ Pargent, mais pour du fer, qu'ils eftiment bien d'auantage, à caufe de l’vfage qu'ils en urentc pou: faire des inftrumens, & pour baftir |: urs petites Barques. La premiere terre que l'on decouure aprés eft I Tle des Cedres tout proche la cofte du Mexique: Le golfe qui eft entre cette Ifle & celle des Larrons, eft luictá de grandes tempeltes,qui font particulierement à craindre vers les Ifles du lapon, que l'on ρας neantmoins fans les voir: dans toutle temps d’vne fi longue nauigation , il ne paffe guere de ¡our que l'on ne voye quelque oyfcau, il y ena mefme qui viuent ordinairement dans la mer; l'on y voit de grandes Balaines, & beaucoup de Dauphins. uand on approche à 60. 80. & 100. lieuës dela cofte;on voitdes marques en Mer par lefquelles l'on conno:ift que l'on eft dans cette diftance : Ces marques font de longs rofeaux entraifnez parles riuieres de la nouuclle Efpagne,qui s'cítant joints enfemble font vne efpece de radeau ; ils voyent fur ces rofeaux des Singes Marins qui cft vne autre affcurance qu'on approche de la cofte : Lors que le Pilote defcouure ces marques, il change aufli-toft de route, & aulieu de la continuer vers l'Eft, il met le Cap au Zud, de peur de s'engager dans les terres, & dans quelque golfe, d’où il auroit de la peine à fortir; mais quand il a defcouuert la cofte de lanouuelle Efpagne, il la fuitiufques au port de Acapulco qui eft fous le dix-huiticíme degré. Acapuleo eft vn grand Port, bien couuert de tous vents, & deffendu par vn fa- meux Chaíteau;la defbarquentles paffagers & les marchandifes que l'on porte aprés fur des mulets jufques à la ville de Mexique,qui en cftefloignée de quatre- vingts-licües , le chemin cft defert, plein de montagnes, Pon y touffre d’extré- mes chaleurs l'incommodité des Mofquites ; Du Mexique pour aller en Ef- pagne,l'on defcend au port de Vera, Cruz, ceft vn voyage de quatre-vingts cinq lieués : l'on paffe par la Ville delos Angeles, qui a bien fix mille habitans, & dont PEuefque à foixante mille efcus de rente. Les bancs & les rochers qui font à la bouchc du Port de Vera Cruz en deffendent mieux l'entrée que la fortereffe qui le commande, quoy qu'elle foit tres-bonne : C'cft en ce Port que sarreftenr les Hottes qui viennent d'Efpagne chargées de vin, d'huile d'oliue,de toilles , de cire, de canelle, de papier & d'autres marchandifes d'Europe : ces Flottes autresfois y pafloient l'hyuer, car elles arriuoient au moisde Juin, & y demeuroient iufques au mefine mois de l'année fuiuante:elles y arriuent maintenant au mois de May, & cn partent vers le mois d'Aouft: Elles mettent ordinairement trois mois pour aller en Efpagne : Pour moy ie mis cent iours à faire ce voyage. L'on rouche au Port de la Havana en Cuba qui cftle meilleur des Indes Occidentales, fort feur ὃς deffendu de trois Chafteaux : C'eftlà que lesdeux lotes, celle du Mexique, & celle de la terre ferme fe ioignent enfembleauec les gallions, & de là apres auoir range la cofte de la Floride, & de la nouuelle France, viennent reconnoiftre le Cap de Fineterre ou de S. Vincent, pour rendre le Bord à Cadisqui eft la fin de leur voyage, & qui fera auffi celle de cette Relation quei'ay faite pour obeyr à vne perfonne à qui ie fouhaite fort qu'elle puiffe eftre agreable. La relation fuiuante aefté traduite d'une Relation Efpagnole Imprimée à Mexique l'année 1638. Le corps de ce vecit ne s accorde point auec letitre, car l'on voit queles E[paenols n'auoiens P PAS point encore en ce temps-là conquis cette IH fle. Sub 14 RS RARA 44 στο. δι δ δι ER SORA D PER A DO VOTES T RO DE LA GRANDE ISLE DE MINDANAO, Et de la conquefte qu'en ont fait les Efpagn ols. 5] Indanao eft vne des plus grandes Ifles de l'Archipel des Philippines ; quel- || ques- vns ont dir qu'il comprend plus d'vnze millelles; pour moy iecroy M || qu'à conter lespetites & les grandes , celles qui font peuplées & les defer- ألا‎ tes, ilm y ena gueres moins. Eftevan Rodriguez de Figneora auoit en- | trepris dela conquerir à fes defpens, & le Roy luy auoit promis pour fujers dix mille Indiens qu'il choifiroit entre ceux qu'il αὐτοῖς conquis ; Il y 3%) paffa en qualité de Gouuerneur & de Capitaine General auec quatre cent | Efpaenols & quatre mille Indiens : Il auoit embarqué fes troupes fur des Caracoras, quifont M desbaftimens qui vontà larame, & entre lefquels il y en a qui voguent auec roo. rames : Ils | en ont auflid vne autre forte qu'ils appellent luangas qui fonc plus grands & qui ont 130. Ra- meurs : Ceux de la Baye prirent la fuite à fon arriuce; mais va de fes infidelles refolu de tuér y Je Cap taine General , & iure de Popium qu'il auoit pris, fe mit en embulcade proche du lieu du debarquement, fe ietta fur le General & luy donna vn fi grand coup de (on Campillan ou Sa- bre dontle plombeau eft de plomb , qu'illuy coupa la tefte en deux d'vne oreille à l'autre. y Ie puis dire en quelque facon auoir efte tefmoin oculaire de l'effet de ce coup,car l'année 1632. 7 ontranfporta le corps de ce Capitaine hors dela vieille Eglife de noftre College, qu'il auoit fon- dée: Ie luy vis le crafncouuert de la forte , nos gens n'eurent pas beaucoup de peine a donner la chaffe à ces Indiens ; mais ils furent enfin obligez à feretirer; ce fuc-là l'origine & le com- mencement de toutes les pertes que nous auons Bites depuis dans les Philippines : Celuy qui _ conduifoit l'entreprife eftant mort de la forte, fes gens fe contenterent de Le fortifier fur les i bords d’vneriuiere , & ils ancient delia reduit beaucoup de ces Indiens fous l'obeyffance du + Roy, lors qu'ils changerent cc Pofte & s'allerent eftablir en vn Port nommé la Caldera ; quoy qu'ils n’euflent pas acheué la cóquefte de ces Indiens,ce Port ne laiffoit pas de les tenir en bride, & de lesempefcher de courir par Mer & par Terre, comme ils ont ont fait depuis fous le gou- uernement de Dom Pedro de Acuna, qui retira la garnifon dece Pofte, ce qui aefté la csutede laruïne de ces Ifles. Vn nommé Buiflaon Mahometan de Religion, commandoit alors tout le Pays qui eft tout le long de cette cofte, & vn autre nommé Sylongan , celuy qui eff le long de la riviere: Ceux-cy affemblerent leurs amis & leurs fuiets, ceux des Iles de Sange- rilo , de Saragan & les Caragas, qui habitent la cofte oppofécà celles de Mindanao & quire- gardent de ce cofté-Tà nos Ifles des Pintados, fi bien qu'ils mirent enfemble des arméesde 150. Caracoas ou luangas armés de pierriers , de moufquets & de tant de foldats, qu'ils mettoient quelquesfois fepr ou huit hommesa terre ; ils s'eftoient rendus par là maiftres de la Mer & de la Terre, prenoient nos Vaiffeaux, les brufloient dans les Ports, pilloientles Egliles, frifaiene efclaues les Indiens qui auoient embraffé noftre Religion. Ils en ont pris vne feule fois iufqu'à 2500. il y cult me(mes des Efpagnols, qui tomberent dans le meline mal. heur: l'an 1616. ils fi- rent ligue auec les Hollan dois qui vindrentauec dix Gallions dansla Baye de Manilha : Ces In- diens prirent ce remps-là & auancerent jufqu'à Balayal lieu fort riche ,qui n'eft pas forc cfloigné dela ville, & ils mirent à feu & à fang tour ce qu'ils trouuerent & bruflerent vn Gallion & vne Patache que Pon batiffeit à Pantao ; ils prirent 30. Efpagnols & les Capitaines Avias Giron & Dom luan Pimentel qui les commandoient, aucc quelques Religieux de Saint Francois. Caichil Coralat fucceda au Roy Buan fon Pere; il a fait pluficurs fois la Paix- autc PEL pagnol ; mais il l'a rompué toufiours auccla mefme facilité quand il y a trouue fon aduantage, comme il fit en l'année 1633. Il pilla & faccaga en ce temps-là quantité. d'habitarions de l'Ifle de Manilla, mais le plus grand mal qu'il fittuft dans nos Ifles des Pindados, où il fit mourir plus,de deux cens perfonnes , & entre-autres le Pere Ivin del Carpo Miniftre de ces Peuples, car il auoit donné ordre à fes gens de neluy point pardonner pour fatisfaire à vn vœu qu'ilauoit | fait à Mahomet dans vne grande maladie qu'il auoit eué de nepardonner à pas vn. Religieux qui tomberoitentre fes mains. Aet a HM 9 : ut ἘΣ DE LISLEDE MINDANAO. ss Les Peuples fes voifins, & principalement ceux de l’Ifle de Iholo qui font Mahomerhans,& qui payoient autresfois le tribut à l'E(pagne,& qui s'eftant reuoltez depuis jauoientattiré tous les Elpagnols qui s'eftoient joints à luy: L'Ifle eft perite, il y abien 3000. hommes qui portent les armes , fort braues, & qui nous ont bien donné de la peine, principalement vn d'entr'eux nomme Dato Achen, qu'on peut comparer auec les plus braues Corfaires de l'Affrique;il brufla vn Arfenal que nous auions dans la Prouincede Camarines ; il tua beaucoup de monde & y prit de Partilleric, dont il fortifia fa retraite: 11 courut les Ifles des Pintados & y fit plufieurs caprifs; entrautre le Pere luan Domingo Bilancio, qui mourut dans cét Efclauage fort refpecté de ces Barbares: ils Penterrerentauec ceremonie, ne nous ont iamais voulu rendre fon corps , difant que c'eft vn Saint & qu'il a fait des miracles dans leurs Pays:nous auons fait des defcentes dans l'Ifle de Iholo, mais les Infulaires en font toufiours fortis auec reputation, fi ce n'eít lors que Dom Chriftoval de Lugo Lieutenant General des Ifles des Pintados, leur brufla vne de leurs principales habitations , encore à la fin , ils l'obligerent de fortir de l'Ile où ils ont vne retraite bien fortifiée, ὃς où ils ont beaucoup d'artilleric. On ne remedie point aux defordres que font ces Mindanaos & ces Iholocs ; on a beau enuoyer des troupes contr'cux, ils fe fauuent entre ces Ifles qui font en grand nombre, & comme leurs baftimens font plus legers que les noftres, il eft plus difficile de lesattrapper. L'an 1634. Dom luan Cerego Salamanca Gouuerneut des Phi- lippines fit commencer à baftir vn fort dans vn lieu nommé Sangobar , qui eft vn Cap qu'ils venoient toufiours reconnoiftre lors qu'ils fortoient auec leurs petits baftimens.Cachil Corolac nepouuant fouffrir d'auoir les Efpagnols fi proche, affemble ceux des Ifles d'Iholo, de Borneo & d'autres infulaires nommées Camucones , qui habitent vne des Ifles fujettes au Roy de Bor- nco. Ces Camuconcs ont fait beaucoup de prifes fur nous, tuant tous les Efpagaols qui leurs tomboient entre les mains : Ils commencerent auec de petits baftimens , & s’eftans enrichis par les prifes qu'ils ont faites, ils mettent maintenant desarmesen Mer, & ont fait de grands ra- uages iufqu'à l'année 1656. qu'ils fe ioignirent auec Corolat , & eurent bien la hardieffe de fe mettre en pleine Mer: ils pillerent Palapa و‎ palferenc le Cap du Saint Efprit , & apres auoir fait plus de 100. Chreftiens captifs à Baco, ils feparerent leurs Efcadres : Pyne fur vers Abbay, qui cft dans l’Ifle de Manilla; le Capitaine Mena forrit contrecux , & leur prift fept Caracoas dansles Ifles de Capul, & mit en liberté beaucoup de Chreltiens ; ils abbandonnerent troisau- tresCaracoas;en cerencontre il ne mourut períonne de nos gens qu'vnReligieux de Saint Fran- çois, d'vn coup de moufquet:L’autreEfcadre alla du cofté de l’Ifle Ybabao, y fit quelques captifs, mais la rempefte ietta trois de leurs Caracoas fur la colte, de forte qu'il en reuint fort peu en leurs Pays. Corolat l'an 4656, enuoya vne armée contre nous fous la conduite de Tagal; noftre Fort de Samboagar n'eftoit pasen cftat de les empefcher de fortir; ils firent quantité de prifes & de caprifs ; ils pillerent les Eglifes , & entr'autres prirent vn voile qui couuroit vn Crucifix , duquel Corolat fe fit faire vn manteau, difant qu'il l'auoit pris fur le Dieu des Chreftiens. Le Gouuerneur Dom Sebaltien Hurtado de Corcuera enuoya Nicolas Gonzales pour nettoyer la Mer de ces Corfaires: Le Gouuerneur de Samboagen luy donna auis qu'ils auoient paffé cette nuit-la auec huic Vaiffeaux bien chargés de butin contre les Ifles de Bazilan & celle de Min- danaho : I] les alla attendre derriere la pointe d'vn rocher qui s’auance fort en Mer, efloigné de trente lieuës de noftre fortereffz, & qu'ils appellent la pointe des fleches , à caufe que ces In- diens ont la fuperftition de la venir reconnoiftre toutes les fois qu'ils fortent en Mer, pour y tirer quantité de flefches : On les y trouua le matin du vingt vnieíme , on leur prift fepe vaif- feaux , Tagal leur General y mourut auec 300. Mores , qui (e batrirent comme des Lions, & ne voulurent iamais de quartier , feulement le Coufin de Tagal fe fit Chreftien auec quatorze au- tres; ce fur la le premier auantage que nous auons tiré de la forrereffe de Saboagan : Ce fuccez eftonna fort les Indiens,mais le prodige qui arriua enfuite les cftonna encores d'auantage: cette roche appellée des fléches s'abifma la mefme nuit, ce qu'iis prirent pour vn mauuais au- gure. Lettre du Pere Marcello Francifco Maftrillo Iefuiffe dans laquelle il rend compte au Pere Sals- zar Prouincial des Philippines de la conquefte de l'Ifle de Mindanao, ou pour mieux de ce qui fe pa[Ja en la defcente quy fift le Gouuerneur des I fles Philippines. OmSebaftienHurtado de Corcuera Gouuerneur en Pan 1635. entreprit contre l’auis de la plufpart de fes Officiers d'aller forcer ces Infulaires dans leur propre retraite ; il fir em- barquer fon monde furonze champanes ou petits baftimens , les vents contraires nous arre- fterent long-temps à la pointe de Nafavv dans l'Ile d'Oton: On enuoya ordre dans ce temps- là, aux Prieurs des Ifles Pintados qui vouloient feruir dans cette entreprife comme volontai- res, de ferendre à l’armée, Corollat en cut nouuelle. Nous partifmes le troifiefme de Mars iij RELAT.DE L'ISLE DE MINDANAO. pour aller à Mindanao, qui eft à quelques 60. licuës de Samboargan: On embarqua quatie compagnies d'Efpagnols, & vne de Panpangos: Le 13. de Mars nous nous trouuaímes à la veué de Mandanao ἃς d'vne peuplade que nous fceüimes apres eftre la refidence de Corrolar, mais fa retraité eftoit dans la Montagne: Le Gouuerneur fitmarcher fes troupes pour l'attaquer , elles irouuercpt. vn retranchement qu'elles forcerent entourré d'vn bon follé deffendu , de huic pieces de bronze, de vingt-(ix pierriers , arquebufes à οτος, & dedans mille Indiens; ils en trouucrent trois autres derriere celuy-là, qu'ils cafcherent en vain de forcer, tant l'accez en eftoit difficile, & grande la deffenfe des Mores: ils y perdirent beaucoup de monde, & le Gouuerneur obligea le refte de fe retirer. Gonzalez cependant auoit gagné auec beaucoup de peine & plus de temps qu'on auoit concerté vne eminence qui commandoit le pofte de Corro- lar. Le iour fuiuant il en fortit auec fes troupes, & vint fondre fur les retranchemens de Cor- rolat ; il en prend l'efpouuante auec toutes fes troupes 5 les Efpagnols entrent dans le polte, & mettét tout à feu& à fang:La femme de Corrolat les voyant entrer par l'endroit qui eftoit le feul par où elle fe pouuoit fauuer , fe precipita du haut de ce rocher auec vn de fes enfans entre fes bras , apres auoir exhorté en vain les femmes qu’elle auoit aupres d'elle à faire la mefme cho- fe. Corolat blefsé d'vn coup de moufquet au bras fe fauna en v ne peuplade à quatre licués de là, où l'on dit qu'il fe fait penfer de fa bleffeure: l'on brufla les logemens de Corrolat , & on par- tagca aux foldats le butin de quatre années qu'ils trouuerent dans ce pofte. Le 25. de Mars, on fe rembarqua pour aller à Samboangan ; le fergent Major Palomino fut enuoye vers Monçay Roy de Buayen,&legitime Roy de Mindanao,qui tenoit fa refidence à douze lieués du potte de Corrolat, pour le difpofer à fe rendre tributaire du Roy d'Efpagne. Palomino eftant patty, le Gouuerneur y enuoya des troupes fraîches, aucc ordre de le de(armer ou de l'amener pai force, mais auparauant que ceux qui eftoient chargez de ce fecond ordre arriuaflent , Palomino auoit defia:traitté auec ce Prince, & conclud qu'il rendroit les efclaues Chreftiens, qu'il payeroir tribut au Roy d'Efpagne , qu'il receuroit dans fes terres les Iefuiftes , & qu'il leur permettroit d’enfeigner fes Sujets, & de les conuertir. Qu'il fouffriroit qu'on baftit vn fort fur fes terres, & enfin qu'il entreroit en ligue offenfiue & deffenfiue auec les Efpagnols. L'Amballadeur de ce Roy preffà le Gouuerncur d'enuoyer quelque prefent à fon Maiftre, le Gouuerneur luy dit qu'il auoit efté iufques alors fon ennemy , qu'il le regaleroit lors qu'il luy auroit renuoyé les captifs, & promit aufli à cet Ambaffadeur quatre mille cfcus fi il luy mettoit entre les mains Corrolat en vie, ou deux mille s'il le faifoit tuer. Ceux de l'Ile de Bafiran fuiuirent fon exemple, elle cft à deux lieuës de noftre fort : elle paye trois ou quatre mille tributs : elle les payoit auparauant au Roy d'Iolo, & maintenant ils font venus habiter la plufpait fousle canon de la fortereffe de Samboangan. Le Roy de Sibuguey riuiere plus fertile que le Pampangan , eft venu expreffement rendre hommage au Gouuerneur, & fon fils s’eft embarqué fur les Galions de Terrenate pour eftre é- leué à Manila, tant cft grande la confternation de tous ces Infulaires depuis la deffaite de Cor- rolat qui les traittoit comme Sujets; le Roy mefme d'Lolo a enuoyé fon premier Miniftre Da- to Achen pour confirmer le Traité que fa femme auoit arrefté l'année pafsée auec nos Capi- taines , & s’eft excufé d'y venir luy-mefme , fur ce que le Roy de Burney s'eft joint aux Ca- mucones fes ennemis pour luy venir faire la guerre. De T aytay le 2. Inin 1657. Voftre tres-humble feruiteut & obcïffant fils, MarceLLo FRANCISCO MASTRILLO. E gr dic e u^ fm s I 人 人 全 全 大 全 全 全 全 全 全 全 全 全 全 全 全 : PS RELATION DE LEMPIRE I Nub AUD. ON. Comprife dans les refponfes que François Caron Prefident dela Compagnie Holandoife en ces paï, fit au fieur Philippe Lucas Directeur General des affaires de la mefme Com- pagniedesIndes Orientales. c t si 3 E. + Reueuz (7 augmentée par l'Autheur , e purgée des fauffes ve- marques (7 additions que Henry Hagenaer y auott in7 forces ; tellement qu'elle eft maintenant en toutes fes parties conforme è fon original. AVIS SVR LA RELATION DY IAPON. AES L cft fafcheux que l'on n'ait pas fait dauantage de queftions à c... gar. 2 monfieur Caron qui y réfpond fibien, & aucc tant de connoif- tion a efté QU/2 (ance d'vn pais dont nous n'auons cá iufqu'à cette heure que des ! xe | tt Relations fort douteufes:lors qu'il me fit là gráce de m'enuoyer Eu pe Nite fa Relation que ie donne icy traduite ; ie pris occafion de luy tai- de Me, Ca- NN re de nouuelles queftions par l’entremife de l'incomparable ^" De ZA Monficur C. H.de Zuykchen : Voicy comme il refpondit à cel- les que ie luy fis faire furlesliures de Medecine des laponois, & sil eftoit vray, com- me vn fameux Autheur de ce temps l'auoitécrit ; qu'il eneut traduit quelqu' vn en Holandois. | Pay demandé à monfieur Caron fil auoit ce difcours de la Medecine du Japon dont e vous dites que parle P. mais il m'a affeuré que c'eftoit vn abus,& que iamaisil n'en «a cuautre information de luy que de bouche. Les continuelles occupations qu'il a « cués pendant fà demeure dans ce pais-là, ne luy ont pas permis;à ce qu'il dit,d'eftu- « dier pour entendre leursliures , quoy qu'il fçeut tres-bien la langue; deforte qu'il «n'ena apportéaucun. Il m'a pourtátracontébeaucoup de particularitez de lafagon « dóton y pratique la Medecine en ayant ella, éles effects plusd'vne fois:Et premie- « rement il dit qu'ilsont vne merucilleufe fcience du battement du pous;qu'ils taftent « vne demie heure durát,8z fans rien demáder au malade, & fçauét par le deuiner tout Scconde Partic. A. 2 RELATION tele progrés & caufes de fon mal,ce que Martinius & d'autres efcriuent auffi des Chi. ««nois.]l n'y a point d'Apothicaires,maisle valet du Medecin le fuit par tour auec vne « caffctte où il y a douze tiroirs, & dans chacun d'iceux cent quarante quatre petitsía- «cchets, auec desherbes& des drogues differentes,defquels ils prennent ce qu'il faut; « le meflent & le font cuire chez le malade. Ils ont aufli cette methode و‎ comme enla « Chine,de faire entrer par la peau,des poincós d'or fort deliez, & qu'on l'auoit gueri « γῆς fois par ce moyen d’vne fievre violente, en luy appliquant en fix endroits de « ces poinçons, yn au front entre le crane & la peau, l'autre du coude vers en-haut, « & iene fcay oulesautres:il n'en fentit point de douleur,finon vn peu,quand on per- «ca premierement la peau. V ne autre fois eftant quafi defefperé on le guerit en luy « bruflant la peau en 20. endroits,ce qui fe fait auec de petites bouletes ou pelotrons *cfaits d’vne herbe feche qui prend facilement feu,lefquels eftans reduits en charbon « fürla peau, y laiffent vne marque noire; & tombent apres auoir efte vn ¡our ou deux « attachez à la peau. Ic dois encores adioufter vne Relation qui vient de luy , du mépris que ces peuples font de la mort, & de leur amour pourlagloire. Monfieur Caron dit que deux Gen- tils-hómes Iaponois s'eftans rencontrez fur vn efcalier du Palais de l'Empercur , leurs elptes fe frolerent l'vne contre l'autre ; celuy qui defcendoit s'offenga que l'autre Peút froflé de fon efpée , & luy en dit quelque parole : l'autre Sen excuía für le ha- zard, & adioufta qu'enfin c'eftoit deux épées qui s'eftoient frolées, & que l'vne valoit bien l'autre : ie vous vais faire voir, refpond ce querelleur,la difference qu'il y a del'v- ne à l’autre, & s'en ouurit le ventre fur le champ : l'autre picqué de cec aduantage que l'on prenoit fur luy, fe hafte de monter pour feruir fur la table de l'Empereur vn plat qu'il auoit entre les mains, & reuinttrouuer celuy qui luy auoit fait la querelle,quiex- piroit du coup qu'il feftoit donné; & apresluy auoir demandé sil viuoit encore , il s'ouurit auffi le ventre, luy difant qu'il ne l'auroit paspreuenus'il ne l'euttreuué occu- péà faire leferuice de fonPrince , mais qu'il mourroit fatisfait , puis qu'il luy auoit af- lez fait voir que fon efpée valoit bienla fienne. Pay mis à la fin de cette Relati ces remarques de Hagenaer,que monfieur Carron condamne de fauffeté, car pour peu qu'il y ait de veritez meflées, ray crü p l'onne dcuoit pas les fupprimer:ainfi Pon trouuerala Relation telle que Monfieur Carronl'a publiée, & auecfes mefmes figures, àl'exception dela Carte de lIfle du Japon que jauoisfait grauer, & que i'ay fupprimée depuis à caufe que i'ay appris de Monfieur Voffius que Monfieur Carron latenoit fauffe. QVESTION PREMIERE. De quelle eftendué ef? le Royaume du Iapon? eft-ce une 1/le on terre ferme ? E pays dulaponqueleshabitans nomment Nipon, à en luger felonla cons Troc que nous en auons iufques à prefent , femble eftre vne Ifle, ce que toutefois ie ne voudrois pas affeurer : car ie trouue qu'vne grande partie de ce pays-là eft inconnu à ceux mefmes du Japon. Les Iaponois les mieux informez me difoient que depuis la Prouince de Quanto où eftla ville & le chaiteau d'Iedo refidence de l'Empereur & ou cft la plus grande partie de fon domaine, il ya27. journées de chemin en tirant vers le Nordeft ,iufques à la pointe de la Prouince de Sunga; que l'on paffoit de là au pays d'Ieffo ou Seffo, par vn brasde mer , qui peut auoir vnze milles de largeur : que ce pays d Ieffo eft plain de montagnes & prefque defert : que ceux qui l'habitent ont le corps couuert de poil ; qu'ils vont tout nuds; qu'ils portent les cheueux & la barbe longue plusfemblables à des beftes qu'à des hommes; qu'il y a des fourures fort precieufes : ils adjouftoient que le DV IAPON. 3 pays eft de grande eftenduë & que ceux du lapon ont penetré bién auañt fans ena. uor jamais trouué le bout, & fans auoir pu apprendre ny par leur Voyages, ny par la Relation de ceux du pays, iufques où il seltend; qu'ils auoient entrepris diuers voyages pour ce deffein; que le manquement de viures les audit fait retourner fur leurs pas, fans achcuer cette defcouuerte; que les Relations de ces Voyageurs de la quantité du pays fterile & prefque inhabité auoit autant ofté ἃ l'Empereur la curiofité de ce deflein, que la difficulté des viures. Mais pour vous faire voir qu il elt encores incertain, fi le Japon eft vne Ifle, vous remarquerez que ce Golplie de mer, qui eftentre la Prouince de Sunga & Y effo , a quarante mulle de circuit, quoy qu'il n'en ait que onze dc largeur ; quil eft bordé de hautes montagnes & d'vnpays innacceffible; qui s'eftend jufques à Ia frontiere de la Prouince d'Ochio, ce qui eft caufe qu'onà toufiours fait le voyage par mer, qui eftle plus court n'ef- tant que de vnze milles, & que l'ona laiffé le chemin de cerre,plus long & peut eftre impratiqúable : عل‎ la vient que l'on n'a pas pu reconnoiftre fi ces montagnes ne tien- nent point au pays d'Y efTo;& qu'il eft demeuré douteux iufques à cette heure fila mee deftache en cet endroicle lapon d’Yello, & ficlle y fait vn deftroit ou vn Golphe. QVESTIÓN SECONDE Quelles font les Prouinces qui compofent cér Einpire. Es deux grandes Ifles dé Chickoch & Saykock font de cér Empire , elles ont leurs Rois & leurs Seigneurs quireconnoiflent l'Empereur dulapon; le Japon s'eftend depuis ces deux 1/165 iufques au pays d'Yeffo, dont on ne connoift pas Peftendué. On le diuife en fept Prouinces Saykock , Chiekoc ;lamAyftero ; Ietfengo. Ietíefen ; Quanto , & Ochio. Ces Prouinces font fous la domination de plufieursRoys,& de differens Seigneurs, comme on peut voir par vn état particulier quelay misicy, dureuenu que chacun de ces Seigneurs tire desterres où il commande, afin qu'oniuge par là; de la puiffan- ce decct Eltar. Eflat du veuenu des Roys €? autres Grands Seigneurs du Iapon, áuec le nom de leur refidence ¿5 de leurs terres, E Cockien, dont on fe fert dans cette Relation, vaut enuiron quatre efcus : de noftre monnoye. | . Caugano Tfiunangon,Roy ou Prince des Prouinces de Canga , Getchiu & Natta: le chafteau de Langa cftía refidence , & a de reuenu. 1190000 Cockiens. Surngano Daynangon Prince des Prouinces de Surnga, Toto & Micauvva : le chafteau de Faytfiu eftía refidence. — — 700000 Onwarino Daynangon Prince des Prouinces d'Owary & de Mino : le Chafteau de Mangay eft fa refidence. 700000 Sendayno Thiunangon; Prince des Prouinces de Maffamné & d'Ochio : le cha- fteaude Senday ; qui cftinprenable eft fa refidence. 640000 Satfumanon Thiunango , Prince des Prouinces de Satfüma; Offinny , Fiongo; & de Luchio. Le chafteau de Cangafima eft fa refidence. 600000 Kinocouny Daynangon, Prince des Prouinces de Kino & d'Iche:le chaftean de Wake-jamma cft fa refidence. 550000 ες Carto Fingonocamy , Prince de Fingo, ὃς desProuinces voifines. Le chafteau de Koumamotte eftfa refidence. 1 ١ 554000 Matfendeyro, Iemenolco , Prince des Prouinces de Tfunkifen & de Faccata. Le chafteau de Foucofa eft fa refidence. 510000 ^. Matfendeyro lonocamij, Prince ou Roy en la grande Prouince de Ietchefen : DA ij RELATION d'Oeede eft farefid. odoó Catto S. Kibo, Roy ou Prince en lagrande Prouince d'Ofio : d'Ais eft fa re- fidence. 430000 Affaino Tayfima Prince de la Prounce de Bingo: d'Oky eft fa refid. 420000 Matfendeyro Nangato, Prince en la Prouince de Soua : Fangijeftfarefid. 370000 Mitono T 'hiunangon , Prince de la Prouince de Fitayts : Mit;eftfarefid. 360000 Nabiffima Sinano, Roy ou Prince en la Prouince de Fifien : Logioys eft fa refi- dence. | 360000 Matfendeyro Sintairo, Prince de la Prouince d'Inabafoky : Tackaham cft fa refid. 320000 Todo Ifumy , Prince en la Prouince d'Inga Iche : de Sou eft farefid. 320000 Marfendeyro Lonucy , Prince de la Prouince de Bifen : d'Offajamma eft fa refi- dence. 310000 Inno Cammon, Prince dela Prouince de Totomy: Sawaiamma eft fa refi- dence. 300000 Foffo Cauwa Ietchiu; Prince ou Roy de la Prouince de Boyfes : Cokera eft {a refidence. 300000 Ojefungij Daynfio , Roy en la grande Prouince de Ietfengo : Gunyfauwa cit (ἃ refidence. 300000 Matfendeyro Denrio, aufli Roy en la mefme Prouince de Ietfengo : Formando eftfa refidence. . 300000 Matfendayro Auwa, Prince de la Prouince d'Auwa : d'Ináts eft fa refiden- ce: 250000 Matfendeyro Ietchigonocami, Prince de la prouince de Conge : Tackato eft {a refidence. 250000 Matíendeyro Tfiufio; Prince dela Prouince de Yoo: Matsjamma eft fa refi- dence. 250000 Arjama Grimba,Prince de la Prouince de T-fickingo:Courme eft farefid.240000 Morino Imafack , Prince de la Prouince d'Imafacka : le chafteau de T'fiamma eft la refidence. 200000 Tory Inganocamy, Prince enla Prouince de Sewano:le chafteau de lamman- gatta cft fa refidence. 200000 Matlendeyro Tola, Prince de la Prouince de Tofnacory : le chafteau de Toco- fiamma eft fa refidence. 200000 . SataKe Oxiou, Prince en la grande prouince de Wano : le chaftean d’Akita cft fa refidence. 200000 Matfendeyro Simofaucamy , Prince dela grande Prouince de Simofa :le cha- fteau de Tattebays eftía refidence. 200000 Foriwo Iamaiffiro Prince de la Prouince d'Inímo : le chafteau de Mafdayes eft fa refidence. 180000 Ikouma Ikinocamy , Prince dela Prouince de Sanike :le chafteau de Coquam eft fa refidence. 180000 Fonda Kaynokamy , Seigneur de la Prouince de Faryma : le chafteau de Tay- tno eft fa refidence. I$0000 Sackay Counay , Seigneur de confideration en la grande prouince de Wano:le château de Fackfo cft fa refidence. 150000 Tarafauwa Simado ; Scigneur en la grande prouince de Fifen, le chafteau La- rats eft la refidence. - 120000 Kiongock Wakafa, fcigneur de la prouince d'Wacafa : le chafteau d'Ofam- ma eft fa refidence. Jj i 120000 Fori) Tango , feigneur dans la grande Prouince de Ietchefen: le chafteau Ka- wanchifima eft la refidence. 120000 Minfio Fiongo feigneur du paysde Bingo:Foucke lamma cft fa refidence 120000 DV IAPON. g Sackopbarra Eskibou Seigneur du pays de Kooske: Tattays eft fa refidence.120000 Marfendeyro Tawayts Gouticrneur ou Capitaine du chafteau de l'Empereur en ta prouince de Quana 110000 Occkendeyro Imafacka, Seigneur du pais de Simotf&e } le chafteau de Oetfno- mio cft fa refidence. 110000 Sannada lus, Seigneur en la Province de Sinanode Kofke eft fa refidence. 110000 Taytfibanna Finda, Scigneur en la Prouince de Sickingo ; le chafteau de Iman- -gouwa eftía refidence. 110000 Ongafaura Ouckon, Seigneur au país de Farima,Kays εἴς fa refidence. | 100000 Indatij Voutomi), feigneur du país de Gio, d'Itaíima eft fa refidence. 100006 Nambou Sinano, Seigneur de grande qualité en la Prouince d'Ochio,le chafteau de Morriamma eft (a refidence. 100000 Niwa Grofeymon ; autre Seigneur de qualitéen la grande Prouince d'Ochio, le chafteaude Sirakauwa cft farefidence. 100000 Abeno Bitchiou; Capitaine du chafteau d'Twatfüky , qui eft à l'Empereur du Ia- pon au pays de Moufays. -80000 Kiongock Oenieme,S cigneur du gays de Tanga, le chafteau de Tanabe eft fa refidence. i 70000 . Makino Surnga; Seigneur en la grande Prouince de Iethingo, le chafteau de Wangarecka eft fa πρὶ δον ἱ 70000 Nackangauwa Nifien , Seigneur enla Prouince de Bongo, le chafteau de Nan- oun eft fa refidence. 70000 Mathfendeyro Camba, feigneur du paísde Sinano, Matfmoutet eft farefid 70000 Nayto Samma, Scigneut en la Prouince de Fitayts, le chafteau deTwaysko cft - farefidence. 70000 Ieckenda Bitchiou, Capitaine du chafteau de Matsjamma , le chafteau de Bitchiou eftía refidence. 60000 Marfura Fifennocamij , Seigneur enla Prouince de Fifen le chafteau de Firando cít a refidence. 60000 Sengoock Fiwo, feigneur en la Prouince de Sinano , le chafteau D'Oienda ett (à ‘refidence. 60000 Catta Sewado , Seigneur enla Prouince de Gyo, Oetseftfarefidence. ^ 60000 Tofauwa OKiou , Seigneur en la Prouince de Dewano, le chafteau Shinchiro eft farefidence. 60000 Matfendeyro Iwamy, Seigneur en la Prouince de Fatima; le chafteau ce Bifon- gory eftle licu de fa refidence. 60000 Marsk ourra Boungo Seigneur en la Prouince de Fifen, le chafteau de Simabarra -eft le lieu de la refidence. 60000 Iefcouwa Tonnomon ; Seigneur en la Prouince de Bongo, le chafteau de Fita eft fa refidence. 60000 T’fungaer Tetchiu, feigneur en la grande Prouince d'Ochio, le chafteau de T’fun- gaer eft fa refidence. 60000 Ongafauwara Sinano, Seigheur en la Prouince de Farima,le chafteau de Sekays eft la refidence. 60000 Itho Chiury,en la Prouince de Fonga, le chafteau Orafy eft farefidence. ^ 50000 Fourta Fiwo, Seigneur enla Prouince de Iwamy, le chafteau de Dayfiro eft {a refidence. $0000 Wakifacka Arbays , Seigneurenla Prouince de Sinano, le chafteau de Ino eft fa refidence. 50009 Touk y Nangato, Seigneur enla Prouince de lohe; Toba eftía refidence. $0000 Arima Seymonofke, Seigneur en la Prouince de Nicko, le chafteau de Accouda «eftía refidence. $0000 Oura Fiwo, Seigneur enla Prouince de Iamatta le chafteau d'Oudaetfà refi- Seconde Partie. ὼ MA iij 1 6 RELATION dence. 50000 Marfendeyro Devvado Seigneur en la grande Prouince de Ietfcfen le chafteau d'Oune οἰ la refidence. $0000 Minínoxuyts Foky Seigneur en la grande Prouince de Ietfengo ; le chafteau de Ribatra eftía refidence. $0000 Inaba Minbou Seigneur en la Prouince de Boungo, te chafteau d'Oufthiro eft fa refidence. 50000 Croda Caynokamy Sci tree laProuince de Chinano,le chafteau de Camro cft fa refidence. ; 50000 . Matfendeyro Souodonno Seigneur en la Prouince d'Ifumy, le chafteau de Kifno- wadda eft fa refidence. 500000 .. Tonda Sammon Scigneuren la Prouince de Sounocammij , le chafteau d’Aman- gafack cit fa refidence. $0000 Stotfianangij Kemmots Seigneúr en la Prouince d’Ichie,le chaftean deCangou eft fa refidence- $0000 Fonda Ichenocainij Seigneur en la Prouince de Micauvva, le chafteau d'Oxafacka eft fa refidence. $ooóo Mathfendeyro Iamayffiro fei gneur en la Province de Tomba; le chafteau de Cafe fajamma eft fa refidence. $000 Morij CaynocamijSeigneur en la Prouince d'Inga Iche, le chafteau dé Sourofada cft (a refidence. $0000 Tonda Notanocamij feigneurenla prouince de Farima , le chafteau de Fimens eft farefidence. $0000 Akito Sionofke feigneur enla prouince de Fitayts , le chafteau de Chichindo eft farcfidénce. 0000: Affano Oeniime feigneur en la prouince de Chione , le chafteau de Caffame eft fa refidence. $0000 Neyto Cinocamij feigneur enla mefme prouince de Chiones le chafteau d'Akan- date eft {a refidence, ‘0000 Catto s'Kibodo Seigneur en la grande prouincé d'Ochio, le chafteau d' Ayns cft fa refidence. 5000 Sama Dayfiennocamij, féigneur en la mefme prouince d'Ochio, le chafteau de Soma eftía refidence. $0000 101102 AE en la prouince de Tayfima , le chafteau d'Iffius eft fa refi- dence. 50000 . Ouckob Cangaro ; feigneúren la province de Mino ; le chafteau de Canno cft fa refidence: 0000 Neyto Boyfen, feigneur en la prouince de Dewano, le chafteau de Iodata eft {a refidence. - 50000 Inavva Aways feigneur enla prouince de Tamba le chafteau de Fouckuytfiam- ma cft fa refidence. 40000 Camy Dyrick Seigneur en la prouince Iwamy ; le chaftean de Mongamy eft fa re- fidence. . 40000 Cattayngiri Ifmou fcigneur e en la prouince de Iammata , le chafteau de Tatíta eft fa refidence. 40000 Chonda Findanocamy feigneur en la grande prouince de Ietfefen ; le chafteati de Maroka eft fa refidence. 40000 Matfendeyro Bongo feigneur en la prouince de Ivvamy , le chafteau de Nackafi- ma eft fa refidence. 40000 Fonda Nayky feigneur en la ptouince de Fárima : Fimeriseftía refd 40000 Matfendeyro Tango, feigneur en la grande prouince d'Ochio: Sucky eft. fa re- fidence. "^ . 40009 Canna Maury Ifoumo, feigneur en la Prouince de Finda : le chafteau d'Oumory cft 1 y i | 1 y I dms DV IAPON 7 fa relidence. 40000 Ciongock Chiury, feigneur en la Prouince de Tango:Tannabe eff fa refid. 36000 Outta Grwe , feigneur en la Prouince de Mino: Itínoday eft farefid. 30000 Matíendeyro Getfio Gouuerneur du chafteau de Jouda en la prouince de Iamayfiro. 30000 Matfcudeyro Ouckon Seigneur de la prouince de Faryma, Ako eltfaref. 30000 Minfonoja Ichenocamy feigneur de la prouince de Kooske le chafteau de Chino- tayuez cit fa refidence. 30000 Iammafacka Kaynokamy feigneur de la prouince de Bitchiou, le chafteau de Nar- fc eft farefidence. 30000 Marfendeyro Iammatto fessneur en la prouince de Ierfefen, le chafteau de Cats- jamma eft fa refidence. 30000 Inno Fiwo feigneur en la prouince de Coftie, Anna eftfarefidence. 30000 Marfendeyro Tonnomon feigneur en la Prouince de Mikauwa, le chafteau de Iuffinda eft fa refidence. 30000 Akifuckis Nangako feigneur en la prouince de Nicko, Sumyno eftfarefid. 30000 Sauo Inaba, feigneur enla prouince de Sinano ,Soiia eft fa refidence. 30000 Foyílimo Fongo,feigür en la mefme prou. de Sinano. Tackaboyts eft (a ref. 30000 Sunganoma Ouribe feigneur en la prouince de Totomy,Sefe eftía refid. 30000 Simaes Oemanoske feigñr de laprouince de Nicko,Sando Barra eftía ref. 30000 Kinoftay lemon feigneur en la prouince de Bongo, Fins eft fa refidence. | 30000 Sono t Siuflima, feigneur de lle T"fiuffima. 30000 Koyndo Fimano feigneur en la prouince de Tonga, Okoda eftfarefid. 30000 Fonda Fimofa vn des plus vaillans de tout cet Eftat; & Gouuerneur du chafteau de Niffiwoen la prouince de Mikauwa. 30000 Gorick Serfnokamy, feigneur en la prouince de Mikauwa, le chafteau de Fam- mamars eft fa refidence. 30000 Chinfio Suraga , en la Prouince de Fitaits, T 'fuitoura eft fa refidence. 30000 Secuma Fifen, feigneur enla prouince de Sinano, Irajamma eftfa refid. 30000 Todo Toinfima , feigneur enla prouince de Mino, Cannajamma eft fa ref. 30000 Fonda Ifumy,feigneur en la prouince de Fitaits, Minnangauwa eft fa ref, | 30000 Tongauwa Tofa, feigneur en la prouince de Bitchiou , Nikaiseft fa ref; . 30000 Matfendeyro Tofa, feigneur en la prouince de Ierfefen; le chafteau de Kono- matta eft fa refidence. 30000 Sugyfarra Fok y ,feigneur enla prouince de Firayts, Oungoury eftfaref. 20000, Kinoftay Counay , feigneur en la prouince de Birchiou, Kourofi eft fa ref. 20000 Matfendeyro Koyfero , feigneur en la prouince de Farima, le chafteau de Fa- tima ef fa refidence. 20000 Inafacka T'fonnokamy , Gouuerneur du Chafteau du Roy, en la prouince 00 facca. 20000 Matfendeyro Kenmots, feigneur en la prouince de Tamba, le chafteau de Cam- mejomme cft fa refidence. d Mafteyfacke د‎ feigneur en la prouince d'Ochio, Sanbonmats eft fa ref. 20000 Oumoura Minbou, feigneur enla prouince de Fifen , Daymats eftfaref. 20000 Marfendeyro Humy, feigneur en la province de Mino , le chafteau de Iwa- moura eft fa refidence. DOLO Matfendeyro Chinocamy, feigneur en la prouince de T'founocouny ; le cha- fteau de Faynotory eftía refidence. 20000 Minfuo Fayto, feigneur enla prouince de Micauwa, Coriaeftfaref. 20000 Nyto Tatewaky , feigneur en la prouince de Chiono Iwaytfowo eft (ἃ ref.20000 Ongafawary Wakaía, feigneur en la prouince deSimofa , Sekijada eft fa refi- dence. . 20000 Fichicatta Cammon, feigneur en la prouince de Chiono; le chafteau de Ma: 3 RELATION walla cít fa refidence. 20000 Iwaki Sirrofy, feigneur en Ia mefme prouince de Chiono, le chafteau de Iedou- ra cft farefidence. 20000 Rekongo Fiongo feigneur en la prouince de Dewano , Iurii eft fa ref. 20000 Tackenacca Oenieme, feigneur en la prouince de Bounga, le chafteau de Fou- này cft fa refidence. 20000 Mourii Ichenocancii , Seigneur en la prouince de Boungo, le chafteau d'Ou- nails eft fa refidence. 20000 Wakebe Sackion , feigneur en la prouince de Totomy. Oumifo eft fa ref. 20000 Ififois, Infnocamy د‎ feigneur enlamefme prouince , Cofioiseft fa refid. 20000 Il y a outre cela pluficurs autres Seigneurs qui ont des reuenus fort confiderables, fcauoir. 1 Sangoro Saffioie. 20000 | Outano Tango. joo00 - Fory Minnafacka. 20000 | Fieno Ouribe. 10000 Qua lammaSammon. 15000 | Auby Ceynocamy. 10000 Foflacauwa Gemba. 15000 | Otana Moufoys. 10000 Fackina Deyfen. 15000 | lammatta. 10000 Marfendeyro Deyfen. 15000 | TaytfibannaSackon. 10000 Gortoways, feigneur del Ifle de Gotto Cackebe Sayngoro. 10000 prés de Firando. 15000 | Mynangauwa Chinamocamy. 10000 Cattayngiry Iwamy. 15000 | laydfio Dewanocamy. 10009 Cuffima Ietfingo. 15000 | Coungay Inaba. 10000 Coubory Tomoty. 15000 | Oi&anaCaweyrs. 10000 Tackandy Mondo. 15000 | Niwa s'Kibon. 10000 Miake Ierfingo. 15000 | Fory Arbays. 10000 Saccan Ouchon. 1:000 | Folio Mimafacka. 10000 Couda Iwamy. 15000 | Sayngo Wakofacka 10000 Nafnoleuts. 15000 | Tonda Inaba. ἃ 10000 Oudaura Bifen. 10000 | MiangySinfen. 10000 Tpjamma Giwo. 10000 | Sannanda Niki 10000 Fira Oucka Giuemon. 10000 | Iron Tangou. 10000 Ofeki Iemmon. 10000 | Ikenday letfefes. 10000 Fayffien Gouwa s'Kibon. 10000 | ToudaNayki. 10000 Il y aauffi le reuenu des Seigneurs de la Cour qui font actuellement dans le feruice, qui eft trop confiderable pour n'en parler point. Doyno Oydonno Prefident. 150000 | Matfendeyrolurdonno. 20000 Sackai Outadonno Chancelier. 120000 | Abe Bougodonne. 15000 Nangay Sinadonno. 100000 | Auwelamma Ouckerodonne. 15000, Sackay Sannickodonno. 90000 | CiongockSinfendonno. 15000 Audo Oukiondonno. 60000 | Iracoura Nyfiendo. 15000 Inote Cawaytsdo. $oooo | Narfie Iucdonno. 15000 Inabe Tangedonne. 40000 | Akimouta Tayfimaddonno. 15000 Sackay Auwado. 30000 | Forita Cangadonna. 10000 Sackay Iammeffirodonno. 30000 | Miura Simaddonne. 10000 Nayta Ingado. 20000 | Maynda Gonoskedonno. 10000 T’fintfia Winbondonno. 20000 | Miffonno lammatta. 10000 , Miffou Oukiendonno. 20000 | Fory Itfuocamy. 10000 Matfendeyro Iemondonno. 20000 | Miury Oemenoskedonno. 10000 Tammanguyts Tayffimadonno. 20000 | Fondo Sanjadonno. 10000 Tout ce reuenu monte à la fomme de 19345000. La table & laguarderobbe defa Majefté, l'entretien defon Palais monte à la lomme de 4000000 + La Garde du Corps en laquelle font diuisésles pringipaux de fa Nobleffe , qui € DW" ΤΑ ON 9 cft payée direétement felon fà charge. $00000 , Aunfila depente de la mailon du Prince jointe à ce qu'il donne aux principaux Sei- gûrs du païs,môce tous {es ans à la fomme de 28345000. cockiens de 4. fleurins piece. | TROISIESME QVESTION. Quels titres prend ce Prince & quelle eft. fon autborité. L E Prince du lapon prendle titre d'Empereur, les Roys & lesfeigneurs du pays le reconnoiflent pour Souuerain : il ale pouuoir de les enuoyer en exil , de leur ofter leurs reuenus & leurs terres,8 de les donner à d'autres comme il eft fouuent ar- riué durant le feiour que Py ay fair. | OVA'TRIESME Q'VES TION. Du lieu de fa refidence, de fa Cour ¿o de fa fuite. 1 A Ville d'Yeddo où le Prince tient fa refidence eft fort grande, le circuit du chafteau peut eftre d'vne lieuë & demie, il eft entouré de trois foffez, reueftu de groffes pierres tailleesen pointeyauec trois contre-efcarpes, lefquelles fe communi- quent , la derniere auec la feconde, & la feconde auecla premiere ; mais cette com- munication cft couppée par des ponts-leuis des corps de garde & tant d'autres diuers ouurages qu'il feroit tres. difficile d'en donner le plan; dans l'efpace que compren- nent ces trois contre-efcarpes. L'on rencontre huit ou neuf portes qui ne font pas dire&ement oppofées les vnes aux autres; car fi vousaueztrouuéla premiere für la main droite, la feconde fera furla gauche & ainfidesautres:ily a vne place darme entre l'une & l'autre de ces portes,auec vne compagnie en garde : & audela vn grand degré de pierre, qui porte für vne platte forme ; paffé laquelle on defcend dc autre cofté, & l'on entre dans de grandes efplanades bordées de galleries,pour feruir de couuert contre le foleil & la pluye, ou l'on pourroit mettre plufieurs Regi- mens en bataille. Les ruésdu chaftcau font fort larges & les Palais qui lesbordent d'vn cofte & d'autres fort magnifiques : le Palais de l'Empereur eft dans l'enceinte inrerieure du chafteau, auecle Serail de fes femmes, des parcs, des viuiers, des jardins & autres diuerfités que Part y a faites & qui furpaffent celles que la nature fait ailleurs Les portes de ce chafteau font renforcées desdeux coftés de plaques de fer, efpail fes d'vn poulce , employéesen croix: les Princes du Sang fontlogez dans la leconde enceinte, auec les Confeillers d'Eftat , qui approchent le plus de la perfonne du Prin- ce. Dansle troifiefine circuit font les Palais des Roys & des principaux Seigneurs du pays, les perfonnes de moindre confideration font logez au dehorsde cette troi- fiéfme enceinte , fi bien que lors que l'on void de loin ce grand chafteau, il paroift comme vne montage d'or; car tous ces feigneurstafchent à l'enuiel'vnde l’autre, de faire quelque chofe de fuperbe dans leurs baftimens, & de meriter la faueur du Prince, en contribuantainfià l'embelliffement du lieu de fa refidence. Les enfans . de cesfeigneurs que l'on prefume leur deuoir fücceder, demeurent dans des Palais comme autant d'oftages de la fidelité de leurs peres. La ville d'Iedo, ou eltce chafteau à ttois licuës delong & deux de large : les baftimens y fontauffi preflés qu'ils le puiffent cftre , dans les villes les plus peuplées de l'Europe : ces feigneurs ont vn fi grand train , tant de cheuaux, de Gentils-hom- mes qui les fuiuent , de Palanquins qu'on eur porte, & le peuple eft en fi grand nombre , qu'il efttres mal-aisé de fe defimefler de la foule des rues ; le Roy fort quelquefois à cheual & quelquefois aufli dans vn Palanquin ouuert de tous collez :+il eft ordinairement fuiuy d'vn nombre de Seigneurs , qu'on nomme les Seigneurs de la compagnie du Roy ; qui tiennent vn grand rang dans le pays, & qui tirent de grands appointemens du Prince : ils ne luy rendent point d'autre feruice que celuy de l'accompagner ; ils font tous remarquables par quelque merite fingulier ; les vns font Muficiens ; les autres joüent des [| B TO RELATION inftrumens > il y à entre-cux des Peintres, des Sçauans , dés Poëtes; d'autres qur font proteilron d'éloquence , enfin il n'y en a point qui naye quelque merite particulicr. Les gardes du Corps marchent en fuite ; cette Garde eft compofée d'vn nombre choifi des enfans que les Roys & les plus Grands Scigneursjont cu ce leurs concubines du pays, qui par cette raifon font exclus de l’efperance, de fuc- ceder à leurs peres;il y en a beaucoup aulapon;le Roy de Mito oncle de l'Empereur auoit demon temps cinquante quatre garçons & dauantages de filles On voit apres vac brigade dela feconde compagnie des gardes; elle eftde mille hommes, cinq cens defquels marchent leurs Officiers à la teite, vne portée de canon deuant fa Majefte, & les cinq cens autres apres dans la mefme diftance ; & quoy que cenom- bre des gardes foit grand, il n'y entre perfonne qui n'ayt efté auparauant foigneu- fement examiné; les qualitez requifes pour y entrer fontla bonne mine, l'exercicé de toutes fortes d'armes , l’eftude des lettres & les bonnesmerurs : fi bien que quand fa Maiefte fort, on voit vne infinite de perfonnes bien faites à pied & à cheual, rou- tes vefluës de foye noire, qui gardent foigneufemen tleurs rangs & obferuent vn filence fi grand, que l'on n'entend pas vne parole; on tient nettes les rues & les chemins par où il doit paffer , on les fable mefme de fable blanclors qu'on eftauer- ty de fa fortie ; Lesportes des maifons qui font fur les mefmes ruës; font toutes ou- ucrtes pas vn deshabitans dans ce temps-là, ne met la tefle à la fencftre, & n'a la hardieffe de demeurer debout deuant fà maifon, chacun cft retiré, ouà genoux für vntapis deuantía porte pour voir paffer le Prince. Quand la Majefté fait le voyage de Meaco, ce qui n'arriue qu'vnefóisens. ou 6. ans,on trauaille vn an auparauant aux preparatifs de,ce voyage,on regle la quantité de monde qui le doit fujuresquel jour de chaque mois chaque feigür fe doit rendre auprés de la perfone de l'Empereur pour le fuiure:vne partie desfeigneurs quifontdu voyage partenti. jour ou 2. deuantfaMajefté, l'Empereur aprésauec ceux duConfeil, & quel- ques iours apres le refte des Roysquile doiuent accompagner:on voit dans ce téps fur les chemins vne incroyable multitude de monde , & lors que ces troupes font arriuées àMeaco, quoy qu'il y ait plus de cent mille maifons, certe grande ville fetrouue trop petite pour y loger vne fi grande affuence de gens, & on cft obligé de dreffer des tentes hors des muraillesde la ville. La vifite du Dario eftle fujer de ce voyage: On conte d’Yedo à Meaco 125. mil- les,l'onrencontre pluficurs villes & villages fur cette route à trois ou quatre mille les vncs dcs autres. Ily a fur tout ce chemin 28.logemens; dans chacun defquelsl'Em- pereur trouue vne nouuelle Cour » qui le doit future dans le voyage; de nouucaux Gentilshommes, d'autres foldats, des cheuaux frais, d'autres prouifions; & tout ce qui elt neceffaire pour la Cour d'vn prince qui marche auec vn figrandtrain : Ceux qui font partis d'Yedoauecle Prince s'arreftent au premier logement; ceux qui l'atten- doient au premier logementle füiuent iufques au fecond; ceux dufecond iufques au troificfme, & ainfide fuitte iufques au dernier; fi bien que chaque troupe ne marche qu'vne demie iournée auec fa Majefté:mais comme le prince eft arriué à Meaco;tou- tes lestrouppes s'y rendent les vnes pluftoft, les autres plus tard, felon l'ordrequ'elles enontreceu :& il ne demeure dans ces logemens qu'ilsont quittez que la garnifon ordinaire : l'Empereur retourne auecle mefme ordre de Meacoà Y edo. L'année1636. on dreffa vn fuperbe monument à la memoire du pere de fa Majefté dans vn lieu nommé Niko, qui eft à quatre iournées de chemin de Iedo ; on füufpendit deuantle Temple'cette couronne de cuiure ; dont la Compagnie des Indes fait prefent à l'Empereur : ce monument eft fait en forme d'vn chaftean entouré de dou- bles foflez; les remparts font reueftus de pierre :on auroit iugé que ç’auroit efté l'ou- urage de pluficurs années; il eft cependant vray qu'il fut bafti en cinq mois, & que les maffons, peintres, verniffeurs, orfevres,& enfintouslesartifans trauaillerent fans au- cun falaire : ce chafteau eft fort àl'eícart dansle país, en vnlieuoü il ne fçauroit fer- uir à autre vfage que pour loger l'Empereur les deux iournées qu'il s’y arrefte, lors x DV IAPON ii evil va vifiter ce fepulchre. On fcait engencral que lestrefors de la Majefté confiflent en or & en argent crt- ferme dans des quaifles qui peuuent peler chacune mille tayles, c'eftà dire à peu prés quatre vingt lures poids, de Hollande : ces quaifTes font diftribuées dans les tours de ton chafteau : 1l y en a qui y onc efté mifesil y a plus de cent ans aufquelles on ne tou- che point, comme fi certe vicillefle meritoit quelque refpect: Ces trefors augmen- tent couslesiours, car la depenfe de chaque année elgalle à peine la recepte , &lerc- ucnu de deux mois. Le pere de l'Empereur d'auiourd'huy; fils de cet Ingoffchie , quiapres auoir fauué l'Ettat des dernieres guerres ciuiles , luy auoit donné la forme du gouuernement qu'il « a maintenant, mourut l'an 1631. âgé d'enuiron cinquante ans; tftanc au lit de laimorït, « il dit entre autres chofes à fon fils; tout le trefor de tout l'Empire eft maintenant à « vous, mais il y a des chofes que ie vous veux donner moy-mefine.: vous trouuerez ἐς dans ces coflreslesanciennes loys de cer Eftar, des reccuils de toutes les maximes ἐς & de tour le bon fens des plus fages de noftre Nation,auec les pierreries &lesbagues, — jay toufiours cu en grande eltime ces chofes , auffi bien que mesanceftres , & vous cn deuez faire grand caspar cette raifon. Les laponois eftimoient plus que tous ces trefors les curiofitez fuiuantes. A fon fils aifné Empereur du Japon, il laiffa Vn Cimeterre courbé en arc marqué fous le nom de Iouky Maffame: Vn autre Cimeterre marque fous le nom de Samo ys. Vnautre pluspetit Cimeterre qui porte le nom de Bungo Doyffero. Vnpetit vaiffeau pour preparer le Tfia ou The, fous le nom de Naraifliba. Vn autre plus grand fous le nom de Stengo. Vn liure efcrit à la main intitulé Aue Kokikendo. Il laiffa outre cela à fon frere aifné Roy d'Ouway Atftano Mie, vntableau appel- I? Darme, que l'on ne regarde que par l'enuers. Vn Cimeterre appellé Maflame. A tonfecond frere, Roy de Kinocouny , vn Cimeterre fous le nom de Teefmaf- famme. Vn tableau de grenoüilles. Au troificfine frere, Roy de Mito, vn Cimeterre fousle nom de Sandamné. Vnliure écrit à la main nommé Scache,& bien que ces fix dernieres pieces ne peuf- fent pas entrer en comparaifon auec celles qu'il auoit legutes à fon fils, fi eft-ce qu'il n'yen auoit pas vne qui ne value plus de mil Oebans d'or; qui valent quarante fept mille thayls : illaiifa outre cela à pluficurs Princes & Princefles du Sang, à des Séi- gneurs & Dames de qualité, à des foldats ἃς des domeftiques, pour plus de trente millions d'or de legs. L'Empereur d'au iourd puy n'eftoit pas marié quand il vint à la Couronne; il a mef- me depuis efté long-temps fansauoir de femmes; le peu d'eftime qu'il a pour elles, & vne inclination peu honnefte qu'il a pour les garçons, l'a coufiours efloigné du maria- ge : Le Dayro pour le deftourner de cette abomination luy enuoya deux filles les plus bellesde fon país, le priant de prendre pour femme Midai ou celle qui luy plairoit Midai en 128 dauantage : il en choifit vne, auec laquelle neantmoins il n'eut aucune habitude, de- ica an meurant toufiours dans le mefme train de vie : Cette Princefle en deuint malade d'af- js Patrice | fli&ió,mais elle cachoit le (ujet de fon mal;pour ne fe pas attirer la difgrace du Prince: La Nourrice de l'Imperatrice qui efloit en poffeffió de luy parler auec aflez de liberté luy toucha quelque chofe de l'horreur de ce vice, & dela beauté de fa femme: à ce difcours il changea de vifage ; & donnaardre fur le champ au furintendant de fes ba- ftimens de faire baftir vn grand Palais, auec des mursefleuez , & desfoffez bien pro- fonds, & y fitenfermer cette belle Imperatrice , & toutesles Dames de fa fuitre quiy ont efté depuis fort eftroitement gardées : La Nourrice du Roy qui auoit efté iufques alors fort cófideréc,en fut outre au dernier point;elle voyoit auec regret que l'Empe- reur n'auoit point d'enfas,& que cette debauche ne laiffoit point de lieu d'en efperer : O Bi 12 RELATION clle-fit choifir dans lesSerails de tous les Roys du País des plus belles perfonnes qui y eftoiene, & prit fon temps deles faire paroiftre deuant l'Empereur à desheures qu'el- le creur eftre les plus fauorables à fon deffein;il &arrefta principalement la fille d'vis Sellier qui cftoit fort belle; les autres dames à qui celle-cy auoitcfté preferée en cu- rent vne fi grande jaloufie , qu'elles confpirerent enfemble de faire mourir l'enfant ue le Prince en auoit eu, ce qu'ellesexecuterent, & l'on dit que l'onatenu iufques à cette heurela chofe fecrette à l'Empereur, pour efpargner le fang que la découuerte d'vne femblable coniuration auroit fait relpandre, Les Croniques du lapon rapportent que le pais eftoit gouuerné il y a cent ans par vn prince nomme Dairo qui y commandoit par droit de fucceflion, que les peuples le reconnoifloient pour leur fouuerain , & qu'ils l'auoient en opinion de fainteré; qu'il . my eut point de fontemps de guerre ciuile , les Iaponois eftans perfuadez que c'euft efté aller contre Dieu mefine , que de s'oppofer aux commandemens de ce Prince: Quand vn Roy du país auoit quelque chofe à demefler aucc vn autre, ce Souucrain connoiffoit de leurs differens comme fi Dieu l'euft enuoyé pour les gouuerner fouue- rainement : quand ce Sain& Prince marchoit, il ne deuoit point toucher à terre; il falloitempcícher que le Soleil ny Ia lumiere n'efclairaft fur fa cefte ; ç'euft efté va cri me de luy couper la barbe & les ongles: toutesles fois qu'il mangeoit on luy preparoit fon manger dans vn nouucau feruice de cuifine qui n'eftoit employé qu'vne fois: il eut 12. femmes qu'il efpoufa auec beaucoup de folemnité : ces femmes le füiuoient dans leurs carrofles, fur lefquelson voyoit leurs armes & l'infcription de leurstitres, Il y auoit dans fon chafteau deux rangs de maifons , fix de chaque cofté : Sur chacune des portes de ces maifons cftoient les armes & les titres de celle de ces femmes qui lhabitoit : il aueit de plus vn ferail pour fes concubines : ce qui fe pratiquoit autemps de ce fameux Dairo f'obferue encore auiourd’huy dans la Cour des Princes qui luy ont fuccedé fous le mefme nom;qu'ils retiennenttous: On aprefte tous les jours vn fuperbe fouper dans chacune de ces douze maifons:l'on y prepare vne mufique de mefme fans fgauoir dans laquelle des douze le Prince doit fouper : lors qu'il ena choifi vne & qu'il y eftentré, l'on y porte auffi-toft cout ce qui a efté preparé dans les autres maifons , & ces vnze autres Dames y viennent auffi auec leur fuitte & leur ‘ mufique,pour feruir celle que le Dairo a choifie ce iour-là;ce ne font que Jeux,que co. medies, & que diuertiffemens felon que l'on les iuge deuoir eftre agreables au Prin- ce : Quand le Dairoa vn fils, pour luy choifir vne nourrice on ramaffe enfemble 80. des plus belles femmesdu pays & de la premiere condition: Les douze femmes du Dairo & les Princes du Sang regalent ces quatre vingt femmes à l'enuie les vns des autres: A l'occafion de cc premier choix on fait de grandes refiouiffances; & le iour fuiuant on en choifit 40. entre ces 80. que l'onregoit encoresauec plus de ceremo- niesà caufe qu'elles font reduittesà vn plus petit nombre : Le ¡our que ce fecond choix fe fait fe paffe en feftes & en refiouiffances : Les 40. qui n'y font point entrées font congediées , & ne retiennentrien d'vne grandeur de fi peu de durée, que les pre- fensqu'on leur a faits, & l'honneur d’eftre entrées dansle premier choix : Entre ces 40.onen choifit ro. & de cesdix on en choifit3. & en fin de ces 3. on en choifit vne: Le choix fe fait auec beaucoup de ceremonie & de regale,qui vont toufiours en aug: mentant iufques à la fin, l'honneur du choix augmentant à mefure que le nombre des perfonnes choifics diminué ; le dernier choix par certe raifon eft encores folemniféa- uec plus de magnificence que les autres: La Nourrice pour prendre poffeffion de fa place donne la mammelle la premiere fois au Prince; on fait de nouuelles feftes le ¡our de cette prife de poffeffion : Il y a tous les jours quelque nouuelle refiouiffance dans la Cour; ilsen font à Poccafion des mariages, des accouchemens , & des feftes de leur Religion. Toutes cesmefmes chofes fe pratiquent encoresauiourd'huy dans la Cour du Dairo;car encoresqu'il y ait perdu la Souueraineté du pays, il ne laiffe pas de s'eftre conferué toutes les richeffes qui peuuent fournir à des dépenfes fi excef- fines. D V DA PON, 13 La charge de General des armées du Dairo cftoit ordinair ement exercée par le fe. cond defes fils : le Daïro l'a voulu diuifer & en faire part à vn troifiefme, dont il ay. 4nolc paflionnement la mere : illa partagea donc entre cesdeux freres, auec ce regle- ment qu'ils la poflederoient l'vn apresl'autre l'efpace de troisans : il arriva que l vn. de ces freres s'y eftablit fi puitlamment,que le Daïro ne le püt obliger ny par pr omeí- fes ny par menaces de ceder la place fon frere, qui deuoit commander à fon tour : il fallut enfin appeller à fon fecours les Princesvoifins & faire la guerre à ce filsrebelle qui y perdit la vic ; voila la premiere reuolte dontl'hiftoiredu pays faffe mention:lau- tre de fes fils qui cómandoit ces trouppes viétorieufes s'en feruit à fe rendre maiftre de PEftar, laiffantà fon aifné, que cét Empire regardoit apres la mort du Dairo, les mcf- mes richeffes & les memes reuenus dont il iouyfloit auparauant. Cette vfurpation donna fuier à vne feconde guerre & àl'ele&ion d'vn nouucau General d'armée qui depoffeda le premier & ferenditmaiftre abfolu du pays. Vnetroifiefme guerre qui fuiuit apres acheua de mettre cét Empire en combuftion ; il n'y aucitpoint de petits villages qui ne courruffent aux armes les vns contre les autres: la mefime diuifion eftoit parmy les principaux Seigneurs du pays ; & ne ceffa que par la conquefte qu'en fit vn homme de conduitte & de courage nommé Taïco, qui de fimple Capitaine d'vne trouppe de cinquante hommes, eut vne fi bonne fortune, qu'il miften trois ans de temps tout le pays fous fon obeyffance; laiffant aux Princes de la maifon du Dairo toutes les marques de leur premiere fortune. Ce nouueau Conquerant fut couronné Empereur auec beaucoup de pompe par le Dairo mefmesil iugea bien que les Roys & les Seigneurs du pays s'accommoderoient mal-aisément à obeyr à vne perfonne de fa condition; ilenuoya par cette raifon les principaux d'entre-cux, & ceux principalement qu'ilcroioit les plus remuans, dans la Corée, auec vne armée de foixante mille hommes pour la fubiu guer, ce difoit-il, & les tint occupés dans cette entreprife Pefpace de fept ans, les animant toufiours à ne point penfer au retour, qu'ils n'en cuffent acheué la conquefte; cestrouppes delefperécs de pouuoir reuoir leurs femmes & leurs paysdechargerentleur rage fur les habitans du pays ; ilss'e- ftoient rangez fous leur domination, & attendoient par cette raifon vn traitte- ment plus doux; ils firent leurs plaintes à Tayco , 8zle prierent de les deliurer de cette oppreflion : l'Ambaffadeur qu'ils luy enuoyerent reconut bien-toft qu'il n'y auoit point d'cf perance d'obtenir qu'on rappellaft ces »trouppes > puis quonles en- tretenoit dans fon pays par maxime d'Eftat ; & porté qu'il eftoit d'vn veritablea- mour pour fa patrie , il ne trouua point d'autre moyen pour venir a bout de fa com- miffion que de faire empoifonner l'Empereur. La chofe reüflit comme il l'auoit peníée ; car les principaux Seigneurs qui commandoient lestrouppes dans la Corée, ayant appris la mort del Empereur retourn erent au Iappon, fans attendre d'Ordre. Lorsque Tayco mourut,Fideri fon Fils n'auoit que 6. ans; Tayco auoit choifi vn des principaux du paysnommé Onguofchio , & l'auoit declaré par fonteftament Tuteur de ceieune Prince;apres auoirtiré de luy vne promeffe efcritte de fon lang, que lors que fon fils auroit l’âge de quinze ans, il le feroit couronner Roy du lapon, & luy re- mettroit entre les mains toute l'authorité & toutes les forces qu'il laiffoiràfa difpofi- tion durant le bas âge de fon pupille : mais bien loin de fatisfaire à cette promeffe , il conduifit les chofes à tel point, que Fideri defefperant de pouuoir rentrer en poflef- fion de "Empire par d'autres voyes, crut eftre obligé de faire des troupes, & d'y em- ployer la force : Ongoffchio auoit trauaillé de longue main à le ruiner das l'efprit des peuples & des plus grands du pays ; il luy imputoit la ruine qui deuoit fuiure de cette guerre , & l'accufoit aupres d'eux de s'eftre faitrendre des honneurs qu'il ne deuoit pretendre qu'apres fon couronnement. Il ramaffe aprestoutesfes forces dans la pro- uince de Surnga ; il fe met à leur vefte , il affiege ce Prince dans la place où il faifoit fa refidence, ille preffe, il eft enfin obligé de fe rendre , à condition qu'on luy fau- ueroit la vie, renoncant de fon cofté à la pretention de l’Empire, & le contentant de demettet dans la condition des Scigneurs particuliers du pays qui reconnoiffent Seconde Partie. [] B ij N conte 4. Aorins d'Hollande pour le Cockien. 14. RELATION de Y Empereur lesterres où ils comandent , il enuoye fa femme qui eftoitfille d'On- gofchio ; pour mieux affeurer ces conditions, Ongolchio éuita de luy donner audian: cc , & ccpendant fit mettre le feu au Palais où ce mal-heureux Prince eftoit loge auec toutesfes autres femmes & toute fa Cour; il fit mourir en fuitre toutes les perfonnes de condition qui aucientrenu le party de Fideri, & regna depuis fans que perfonne ofaft Soppofer à fa fortune. Ongoffchio eftant mort fort vieux, fon fils Coubofanna fut folemnellementinftalé en fa place , & l'Empereur qui regne auiourd'huy nommé Chiougon eff fils de ce Coubofanna. | CINQVIESME QUESTION. Du nombre de fes Soldats ¿o de leurs armes. qe reueni des Roys & des Seigneurs du pays monte à la fomme de cent quatre vingt millions quarante mille florins, comme ie l’ay iuftifié par le compte du re: uenu de chacun en particulier. Chaque Seigneur doit entretenir des foldats pour le feruice de l'Empereur, à proportion du reuenu dont il joüit : celuy par exemple quia dix mille Aorins d'appointement, doit entretenir 20. fantaffins & 2. caualiers. Le Sei- gñr de Firando ; qui a fix cens mille florins entretiendrafelon la mefme proportion douze cens fantaflins, & fix vingts maiftres , fans y comprendre les valers ; les efcla- ues,& les autres dependances d'vne femblable troupe;fi bien que le nombre des Sol- dats que les Roys & les Seigneurs du pays font obligez d'entretenir au feruice de l'Empereur , monte au nombre de trois censfoixante & huiét mille fantaffins , & de trente hui& mille hui& cens Maiftres. Sa Majefté entretient encore de fon reuenu propre enuiron cent millehommes de pied , & vingt mille cheuaux, qui compofent les garnifons de fes places , & lestrouppes de fa garde : adiouftez à cela que la plufpare des grands Seigneurs (c picquent d'entretenir vne fois plus de monde au feruice du Prince, qu'ilsne font obligez , comme on l'a aflez veu, dansles dernieres guerres des Arimafes. Les Caualiers font armez de pied en cap, leurs armes font des carabines fort courtes, des jauelots, des dards, & le fabre. Les fantaflins fonc diuifez par compagnies, cinq foldats ont vn homme qui les commande : cinq de ces chefs qui font auec leurs gens 25.hommes, en recognoiffene vn autre qui eft par deffus eux ; tellement qu'vne Compagnie de 250.hommes à deux chefs principaux, & dix autres fubalternes, mais les vns & les autres font comman- dez par vn feul qui a le commandement fur toute la trouppe ; ces Compagnies font fubordonnées à vn Officier fuperieur : La mefme graduation s'obferue dans la Ca- ualerie : les armes de l’Infanterie font le fabré ; la picque , le moufquet plus pefant ou plus leger felon lesforces de celuy qui les doit porter, & le pot ou morion pour toutesarmes defenfiues. L'Empereur peut fçauoir exaétement le nombre de fes fol- dats, celuy de fes Sujets, combienily ena dans les villes , combien de laboureurs font occupez à lacampagne. Les maifons des villes font diuifées cinq à cinq, & font vnies enfemble fous vn chef, qui doit tenir vn roole de ceux qui meurent ou qui naiffent dans leur departement : Il porte ce roole à vn officier qui eft au deffus de luy ; cet offi- cier le porte au Seigneur dulieu, le Seigneur du lieu au Roy de la Prouince , & celuy- cy à deux officiers que l'Empereur a deftinez à cette charge. y SIXIESME. OVESTION. | De l'anthorité de fes Miniftres, éx des principaux de fon Confeil. La quatre principaux Confeillers qui font toutes lesaffàires : les Roys & les Sci: ] gneurs du paysles confiderent : lesplusriches de ces Confeillersont de reuenu iuf ques à deux millions deliures, & les moinsriches deux outrois cents mille liures de rente. .. Jlsnepewuent pas faire deux foisles mefmesremonftrances au Roy fur les chofes DVIARON. is far lefquelles il Seftexpliqué, ny differer l'execution de fesordrés. Ces Cónfeillers font choifis entre les principaux dupays, qui ont efté nourris aupres de luy; efperan- ce d'occuper cette place tient fes courtifans fort foubmis, & fort appliquez à preffen- tir fes penfces &fesinclinations , & à y accommoder toutes leurs actions & leurs refe poníes ; c'eftlategle de tous lent confeils : le paysiroit fans deffus deffous qu'ils n'o- {eroient pasen parler au Prince , s'ils n'auoient trouué vne cónjon&ure fasfbrable de le pouuoir faire : fibien quelesplus importantes affaires dépendent desoccafions & dutempsauqucl on les porte. Tous les autres qui compofent fon Confeil ont chacun leurs depattemens; ny ayant que ces quatre qui ayent vne authorité generale für toutes les affairesdu Ro- yaumc. SEPTIESME QVESTION. De l'anthorité des principaux Seigneurs du pais , eos quelles font leurs forces. δῷ reüénu des Seigneurs du pays eft erand , comme nous auons diri mais leur dé- penfe l'eft encores dauantage : ils font obligez de demeurer fix mois à la fuitte du Prince. Ceux qui ont leurs terres du cofté du Nort & de l'Orient y paffent fix mois. Ceux du midy & de l'Occident les releuent, & lors que les vns entrent enferuice , & que les autres en fortent , ce n'eftque fefte ὃς magnificence. Il y a de ces Seigneurs qui ont quatre & cinq mille hommes à leur füitte ; le Seigneur de Firando, dans le pais de qui fe trouue le magazin de noftre Compagnie, quoy qu'il fóit vn des moin- dres, a تامع‎ fioursà fa fuitte dans fes voyages, au moins3oo. hommes, & il entretient dans les deux maifons quil aa Y edo plus de mille bouches. Les autres Seigneurs font le mefmeà proportion de leursreuenus : Il n'y a point de ville plus peuplée que Y edo. Ce grand peuple y rend toutes chofes fort cheres;leurs baftimens , la liurée de leurs valecs leurs femmes , lesprefens ὃς les feftins, font que leur Te excede ordinairement leur reuenu. Adi) à cela que l'Empereur les oblige quelquefois à entreprendre de grands deffeins. IIarriua de mon temps qu'on diftribua à chacun d'eux vne partie d'vn grand baftiment : ils foutniffoieht. tous les jours certain nombre d'ouuriers felon Tes reuenus: Ie confiderois aucc eftonne- ment la diligence & l'ardeur auec laquelle les maffons & lesautrcsartifanstafchoient à l’enuie l’vn de l'autre à fournir leur tafche و‎ & d'auancer vn ouurage duquel ils de- uoient eftre mal payez. Quand vn grand Seigneur baftit vne maifon, outre la porte qui doit feruir ordinai- rement à entrer & à fortir, il en fait faire vne autre ornée de bas reliefs, dorée,8z cou- uerte par endroits de ce beau vernis que nousappellonsde la Chine : Quand elle eft acheuée on la couure de planches,de peur que la pluye ou le Soleil nen gaftétla beau- té: Elle demeure ainfi couuerte iufques au temps que fà Majefté y vienne. On luy donne vn fuperbe feftin dans ce nouueau Palais ; il entre & fort par cette porte, onla ferme & condamnc apres, perfonne ne deuant paffer apres le Prince par vne porte dont le feüil a efté honoré de fa perfonne: On inuite le Prince à ce feftin trois ans au- parauant qu'il fe falle; on employe ce temps à en faireles preparatifs, tout ce qui y doit feruir eft marqué aux armes du Prince. C'eft vnerefiouiffance & vn feftin qui dure trois mois: fa dépenfe auec celle du baltimene pourroit épuifer lesricheffes & le capital des plus puiffans de nos Princes: L'Empereur fait quelquefois la faueurà vn defes Seigñrs de luy enuoyer quelgu' v- ne des Grués que les oifeaux ont pris. Ce leur eft vne fi grande faueur , que ie ne fini- $6 rois iamais fi l'entreprenois de rapporter tousles feftins & tomtesles differentes re- OHNE fiouyfsäces qu'ils eu font. La 1. fois que l'Empereur fait l'honneur à quelqu'vn d'aller porte τὸς manger chez luy, la couftume veut quel Empereur luy faffe quelque don, pour leurs boonen voor fiine cheuaux, comme ils difent : Len fit vn il n'y a pas long.temps à Satfouma dans cette Pacroden, 16 RELATION occafion, qui valoit plus de fix cens milleliures de rente. Le Roy fait tous lesmaria- gesdes grands. Ils rendent de grands refpe&tsà la perfonne qu'il leur a donnée pour femme : Ils font baftir de nouucaux palais pour la loger : Ils luy donneront quelque- fois deux cens femmes pour les feruir , & ils leur entretiennent vne Cour luperbe. Le dedans de leurs maifons font vernis, la dorure n'y eft point épargnée , on voir mefme en quelques-vnes des ftatués & des bas reliefs. Lorsque ces Dames fortent pour aller voir leurs parens و‎ ce qu'elles ne font qu'v- ne fois l'année ; toutes les Dames qui font à leur feruice les fuiuent dans des Palan- quinsfermez ; telle de ces Dames en a iufques à cinquante à fa fuitte. LesPalanquins {ont dorez , vernis & ornez en quelques endroits dor & d'argent maffif , les en- fans qu'ils ont de ces femmes données par l'Empereur fuccedent à leurs Eltars, & s'ils meurent (ans enfans , ces mefmes Eftats paffent en d autres familles felon la difpofi- tion du Prince ; ilsontbeaucoup de concubines; delà vient ce grand nombre d'en- fans qu'ils ont dans leurs maifons ; mais ceux-là ne fuccedent pas aux Eftats de leur Pere ; tout ce qui fe peut imaginer pour le plaifir de la vie, fe treuue dans leurs Ser- rails, des Iardins, des Canaux, des Bois, des Vollieres ; tous lesjours ce ne font que Comedies, Mufiques & femblables diuertiflements : les hommes n'y entrent point, s'ils ne font de leurs plus proches parens, & cela mefime ne leur arriuc pas fouuent ; on fait dans ces maifons vne garde fort exacte;les Dames foit qu'elles foient vieilles ou ieunes ne peuuent auoir aucune conuerfation auec les hommes de dehors: elles paffent dans cette clofture toutle temps de leur vie, on ne leur pardonne rien, l'on punit de mort iufques au moindre foubçon de crime :les filles qui font deftinées à feruir dans ces lieux font choifies auec grand foin , & feruent leur maiftreffe auec v- ne modeftie tres-grande & beaucoup d'adreffe:on les diuife par trouppes de feize perfonnes; chaque trouppe a fa Dame qui la commande: ces trouppcs feruent leur maiftreffe chacune à fontour, & dansl'ordre qu'elles ont appris; car on leur fait des leçons de bien feruir comme on leur apprend ailleurs à daníer ou à faire quelque ou- urage : la diuifion de cestrouppes fe fair encore remarquer autrement : chacune afes habits d'vne couleur & d’vne eftoffe particuliere : fi dans vne troupe elles font habil- lées de rouge auec des rubans verds & vne coéffure de mefme, l'autre trouppe aura du blancauec du ruban rouge; elles font pour la plufpart des premieres maifons du pays,belles,bien efleuées,& ont les manieres fort nobles : elles fen gagét à feruir pour le moins pour15.0u 20.ans,& la plufpart mefme pour toute leur vie : Ils les prennent quelquefois fortieunes des l'àge de 4. ou 5. ans, & lorsqu'elles ont feruy iufques à ce- luy de 25. 0u 30. ans, ilsles marient à quelques-vns de leurs Gentilhommes ou pef- fonnes de leur fuitce , chacune felon fa condition. Celles qui paffent dans cc feruice Paage de 3o.àns , y demeurent ordinairement le refte de leurs iours. Toutes les fem- mes depuis celles qui font de quelque condition iufques aux premieres Dames du pays font fort fçauantes ; aufi n'ont-elles point d'autre occupation : La couftume du pays leur deffend d'entrer en connoiffance d'aucune affaire quiregardele gouuerne- ment des Eftats, & de la maifon de leur mary : ellesfe tiennent fort fur leur garde de ce coftéla, & n'entrent iámais dans cette matiere : Les hommes d'ailleurs quand ils paffent dans leur Serail n'y portent point d'autres peníées que celle de fe diuertir, & il n'y a point de femmes au monde qui ayent plus d'addreffe pour fe faire aymer : ils apportent pour raifon de cette garde eftroitte de leurs femmes,& de l'ignorance dans laquelle ilslestiennent de leurs affaires; que lesfemmes font faites pour donner du plaifir, pour efleuer leursenfans, qu'ils en vfent ainfi pour efuiter les jaloufies , les brigues, les que relles, les guerre s و‎ & les autresidefordres qu'vne plus grande liberté fait naiftre dans les pays ou la mefine chofe n'eft point obferuée.Ces femmes d'ailleurs fontfort fidellesà leurs maris; ie n'en rapporteray icy qu'vn ou deux exemples qui arriuerent de mon temps. L'Empereur fit mourir fecretement dansle Royaume de Fingo vn Gentil-homme de merite quiauoit vne fortbelle femme; quelques iours apresía mort l'Empereur fit venir cette Dame & la voulut obliger à demeurer dans le DV IAPPON. 17 le Palais ; elle fçauoit la mort de fon mary , & dità ce Prince : Ie me deuroisrefiouir & m'eltimer heureule de ce que vous m'aucz jugé digne de voftre amitié ; aufli rc- COis-ic cette grace comme ic dois,mais ie prends la liberté de vous demanderle temps detrente ours pour acheuer de pleurer la mort de mon mary : permettez quapres cela ie puifle traitter fes parens dans l’vne des tours de voftre chafteau ; car ie vou- drois finir par cette refiouyffance le déplaifir de fa perte: le Roy luy accorda cette pricre , quine differoit que de quelques ioursle pla:ir qu'il fe promettoir de la jouit- fance de cette Dame:Il beut par excez le ¡our de ce feftin,la Dame prit ce temps, & faifant femblant de fe vouloir appuyer fur l'vn des balcons de cette tour, fe precipita duhaut en basen la prefence du Roy, & fatisfit ainfi à fon honneur, & à la fidelité velle deuoità fon mary. Vndesprincipaux Seigneurs du pays deuint paffionément amoureux d’vne fille de fonSerail, qu'il auoit ofté à la vefue d'vn pauure foldat ; cette vefue efcriuit vn billet à fa fille pour luy reprefenter la pauurcté où elle eftoit, le Seigneur la furprit comme clle lifoit certe lettre ; il la preffe de la luy monftrer : la fille eut honte de defcouurir la pauureté de fa mere, elle en fit vn bouchon & l'aualla auec tant de pr ecipitation, quil luy demeura dansla gorge & l'cftoutfa. Ce Scigneur qui rapporta la عامط‎ à quelque amiric fecrette luy fitouurir la gorge, on deployela ets & on trouuc qu'elle a- uoit efté écrite par la mere de cette fille,il en fut au defefpoir; mais n'ayant pome d'au- tre moyen de reparer fa faute, il appella aupres de luy la mere de cette fille, & elle y eit encore entretenué auec toutes les commoditez qui luy manquoient aupara- uant. Vne fille en feruant fon maiftre, & faifant effort pour atteindre à vn plat qui cftoit fur la table ne peut retenir vn vent que l'on n’attendoit, clle s'en punit cile mefme,fe mordit le fein qu'elle porta à fa bouche &expira fur le champ de rage & de honte. Lesprincipaux Seigneurs & qui ont de grands Eftars outre leur nom propre, ont encores celuy de leursterres ou du chafteau de leur refidence,par lequel ils font plus connus ; mais ils ont cela de particulier au Iapon qu'ils changent toustrois fois de nom; les enfans en ont vn qu'ils changent quand ils ont atteint Páge de virilité, & ce nom qu'ils portent alorsne fe donne jamais ny aux enfans nyaux vicillards : le troifiéme & dernier nom e prend dansla vieilleffe , mais outre ces trois noms dont ils changent , ils retiennent coufiours celuy de leur famille. Ces peuples font fort retenus dans leursdifcours , il ne leur efchappe gueres de di- re rien de lale, & quand il arriue à quelqu'vn d'eux de manquer à cette retenue, les plus jeunesíe leuent & s'en vont : ilsportent beaucoup d'honneur ἃς d'amitié à leurs parens , ils croyent que ceux qui manquent à ce deuoir feront punis par leurs Dieux. Vnefoisle moisilss'abftiennent de manger de rien qui ait eu vie, & font abftinence le jour que leurs peres & leurs meresfont morts. Mais pour retourner aux reuenus des Seigneursdu pays, ie diray queles vnsletirent deserains , les autres des mines d'or , lesautres de celles d'argent, quelques-vns du cuiure , du fer, de l'eftain & du plomb : d'autresle tirentde leurs bois , grains , cottons, foyes: cesreuenus font exa- étement contez , & le conteeft fidelement rapporté à ceux des Officiers de 'Empe- reur qui ont commiflion d'en tenir regiftre. L'Empercur metaupres de chacun des plusgrands Seigneurs,vn Chancellier;enle depefchantil écriten cette forme au Seigneur aupres de qui il Penuoye. Noftre bien aimé, vos Eftatsfont de grande eftendué, vousauez grand nombre de Sujets,;c'eft pour cette raifon que r'ay prisle foin de vous enuoyer vn homme fage & de confiance,qui a efté eflcué dans ma Cour; ie l'enuoye pour vous foulager dans le foin que vous deuez auoir de vos Sujets, pour eftre aupres de vous : feruez-vous de luy, & reccuez comme vous deuez ce foin que ie prend de ce qui vous regarde. Il prend ordinairement pour cet employ des perfonnes qui ont elté efleuez à la Cour , donc la fidelité eft connué, & Seconde Partie. [] e 18 RELATION deuant que de partir, ils fignent de leur fang,qu'ils aduertiront le Roy de ce qui vienz dra en leur connoiflance des affaires qui regardent l'Eftat, & qu'ils tiendront vn jour; nal exact de routes les actions du Prince aupres duquel on les met:lesPrinces ne peu- uent rien.faire fansle communiquer à cesperfonnes, & on peut dire que ce font eux qui gouuernent leurs Eftars. La plufpart des grands Seigneurs ont entre leurs feruiteurs des perfonnes de bon fens , qu'ils obligent de les auertir tous les ioursdes fautes qu'ils remarquent dans leur conduite : carils font perfuadez que les hommesne fe font point iuftice fur ce point, qu'ils ne peuuent pas connoiftre leurs deffauts , & fçauent que les hommes nourris dans le commandement & dans vne grande authorité, font encores plus fujers à cette faute, commune àtousleshommes, de fuiurela pente de leurs paffions : ils difent qu'ils ayment mieux que leurs domeftiqueslesen aduertiffent, que d'atten- dre lesreproches que les eftrangersleur en pourroient faire. i uand quelque Scigneur meurt, il fe trouue ordinairement τς. ou 20. de fes Sujets qui fe fendent le ventre & meurent auec luy : la plufpart de ceux qui fe tuent de la forte fe font obligez à cette condition en entrant au feruice de leur maiftre. Le facrifi- ce de leurs Sujets fe fait de cette maniere. Ils affemblentleurs parents dans vne Egli- fe ,ilsmangentaucc eux dans le mefme lieu & le font auec gayeré,fans que l'approche de la mort paroiffe en rien troubler la refiouyffance du feftin ; ils fe fendent apres le ventre enforme de Croix : il Pen voit d'autres encores plus braues qui apres f'eftre fait certe incifion , fe couppoient la gorge : les vns fe le fendent en croix, les autres d’vne autre facon,8z ceux qui fe font de plusbellesincifions & plus hiftoriées meurent auec plus de gloire que les autres. 4 Lorsque ces Seigneurs baftiflent quelque grand baftiment pour le Roy ; ou pour eux-mefmes il fe trouue entre leurs feruiteurs des gens qui les viennent prier de per- mettre qu'ils fe jettent dansles fondemens de leur baftiment; car les Iaponois ont vne opinion que les murs qui font baftis fur des corps humains font exempts de tous lesac- cidens qui arriuent aux autres : ces bons valets fe jettetit dans lesfondemens; & font €crafez parles premieres pierres que l'on y met. b LeRoyaplufieurs chafteaux : les deux principaux font ceux d’Ofacca & de Yedo; ic n'ay pas veules chafteaux des principaux Seigneurs du pays : maisie fcay parla re- lation de ceux qui y ont efté, qu'ils ont des villes & des chatteaux confiderables:leurs villesfonttoutesd' vne méme enceinte, 8z les villages d’vne mefme mefure : Chaque rué a foixante Ieckiens de circuit , chaque Ieckien eft de deux centaulnes و‎ & deux portes qui la fermentde nuiét : On fait garde, & ontient de lalumiere à chacune de ces portes. La diftance desgrands chemins eft marquée par des colonnes miliaires : il y a dans chacune deux perfonnes;qui en ont le foin, & doiuent rendre conte de ce qui fe paffe parmy le peuple qui eft commis ἃ leur dire&ion;ce font ceux qui portent leurs plaintes à leurs Superieurs,&les informent de leurs befoins, ce que le commun peu- ple ne pourroit pas faire auec la mefme bien-feance. c VIIL QUESTION. Quels font leurs veuenus , σ᾽ en quoy ils confiftent. Es villes & les villages n'ont aucun reuenu, on ne paye au Seigneur du pays au- cune impofition ny redeuance que ce qui fe donne pour le fond fur lequel les maifons font bafties: ce droitfe paye à proportionde leur grandeur; les moindres payent vingt fols , & les plus grands iufques à vingt liures. Quandil fe prefente quel- que occafion oule Seigneur a befoin de monde, chaque maifon fournit vn homme à fon Seigneur : il atriue peu que l'on exige d'eux de femblables couruées : on ne les rctient quelquefois que l'efpace d'vne heure, & au plus tout le temps d'vne demie ον ΘΝ; r9 journée ,tous les frni&tsde laterre, tous les proffits de la Mer cómpofent lesreuenus du Prince. Les Gentils-hommes & lesfoldarsfubfiftent des appointemens qu'il leur donne, le Marchand des guains qu'il fait, les artifans du trauail de leurs mains, & les labourcurs qui font comme eíclaues de la partie des fruiés de laterre qu'ils ont culti- ute, & qu'on leur laiffe pour leur fubfiftance. d 1 IX QYESTION. Comment la Inflice y eff adminifiréc. en aque Seigneur particulier depuis l'Empereur iufques au moindre Bourgeois à X. droit de Iuftice fur fes Sujets & fur fesferuiteurs. Le Roy danstoutesles Iuri(di&ions des villes & des villagesafes officiers qui ad- _miniftrent la Iuflice: On fait l'honneur à yn Gentilhomme quia merité la mort de EXPLICATION DE L.4 FIGVRE. À Eftle criminel qui fe coupe le ventre. B Vndefes amis qu'il s'eft choifi pour luy ayder , s'il luy prenoit quelque foibleffe. C Celui qui luy prefente le petit fabre pour s'ouurirle ventre. D L'Eglife deuant laquelle fe fait ordiuairement cette juftice. E Les Preftres qui ont foin d'enterrer le criminel, & de prier pour fon ame. . F Douze dcs plus proches parens & amis du criminel. Ὁ Reprefente le peuplé des fpe&ateurs: luy permettre de fe coupper le ventre, & de fe deffaireluy-mefine : où n'accorde pas le mefme priuilege aux autres perfonnes de moindre condition: on n’y fait aucune 'eftime des Marchands, à caufe, fe difent-ils , que leur occupation cft de debiter des fauffetez pour mieux vendre leurs marchandifes: les Artifansle font auffi peu par cette aütre raifon , que l’artifan eft romme le valet du public : les Gentils-hommes, au contraire , & les foldats font honorez de tour le monde, & il femble que les au- tres foienc obligez de les entretenir & de leur rendre toutes fortes de deuoirs. X. QUESTION, Quelles font les crimes que l'onchaflie le plus rigonrenfement. (uN punit de mort les móindtes crimes, mais principalementle larcin, quand il ne feroit que de la valeur d'vnfols; c'eft vn crime capital que de ioüer de l'ar- nt ;toutes fortes d'homicides y font punisde mort; il y a de plus des crimes que l'on punit د‎ non feulement par la mort du criminel, mais auffi par celle de fon pere, Seconde Partie O Ci 29 RELATION de fes enfans, de [es freres, tous fes biens font confifquez , fa mere; fes filles ἃς fes fœurs {ont vendués pour eftrccíclaues. Les biens qui viennent de ces con- (pirations ne vont point au profit du Prince, maisfont mis entre les mains de cer- tains adminiftrateurs qui les emploient felon Poccafion, tantoft à baftir des Tem. ples , tantoftà reparerleschemins, & toufioursà l'ornement ou à la commodité du public ; ces crimes capitaux font contreuenir aux Edits de fa Majefté ; la maluerfa- tion d vn Officier dans fa charge, deftourner l'argent du Prince و‎ exiger de fes fü- jets des droits aufquelsilsne font pas obligez ;la fauffe monnoye , l'incendie, le vio- lement; le rapt , pour ces crimes, non feulement le criminel, mais auffi fes plus proches parens font punis de mort: fi la femmeencft complice ; elle eft puniede meime, finon on la vend pour eftre cfclaue ; ainfi la femme ne meurt iamaisque pour fon propre crime : leurs fupplices font le feu, la croix où l’on attache le pa- tient la tefte enbas & les pieds en haut; faire tirer par quatre cheuaux , & l'eau ou T'huille botiillante. Il arriva qu'vn valet qui auoit meilleur opinion de luy qu'il عط‎ la meritoit , s'offrit à vn Gentil-homme pour entreren fon feruice en qualité de celuy qui deuoit porter fesfouliers, & il luy demanda beaucoup plus de falaire que ce Gentilhomme qui eftoit pauure ne luy en pouuoit donner; il fe ctut offenfé de la pretention injufte de ce valet, maisilen cacha le reffentiment و‎ & luy dit, vous mettez à trop haut prix voftre falaire; mais vous me plaifez , ie vousprendray à mon feruice : trois iours apres fon maiftre lay enuoya faire vn meffage , il luy reprocha au retour qu'il auoit demeurétrop long- temps, & le fit mourir , fe feruant de ce pretexte pour fe vanger de l'offenfe qu'il pre- tcndoit auoir receu de l'autre. e Il n'y a pas long-temps que le Roy de Firando fit enfermer dans des quaiffes armées de pointes de fer, trois Dames de fon Serail, l’vne à caufe des pratiquesfecrettes qu'elle auoit cu auec vn Gentil-homme qui fe tua fur le champ en f'ouurantle ven- τίς : les deux autres à caufe feulement qu'elles en auoienteu connoiffance.Lors qu'vn mary tróuue fa femme enfermée aucc vn homme, il les peut tuer cous deux: Quand le mary eft en voyage, fon pere, fon fils ou fon frere pendant fon abfence ont le mefme droit de faire cette iuftice, fes domeftiques mefme le peuuent faire : De là vient qu'ils ont peu d'exemples d'adulteres. Lorsque i'eftois dans le pays,vn mary furprit fa fem- me auec fon galand , il tua l’homme ; & lia la femme dans cette meíme chambre, la laiffant toute la nuit en ceteftat : le jour fuiuant il inuita tousfes plus proches parents auec ceux de fa femme, auffi bien les Dames que les hommes; difant qu'il leur vou- loit donner àtous enfemble vn feftin : il n’eft pasordinaire que les femmes s'inuitent ainfi auec les hommes, mais cette fois là la chofe fut reglée de la forte. Les Dames qui eftoient dans; vne chambre à part demandoient de temps en temps à voir la maiftreffe du logis, ce fafcheux mary leur refpondoit qu'elle eftoit occupée à donner les ordres pour lesbien receuoir : comme les Dames & les hommes eftoient en mefmetemps à table,ce mary fe dérobe de la compagnie; & couppe les parties hó- teufes de cethóme, qu'il auoit tué la nuit precedente, les met auec des leurs dans vne boëtte, il va trouuer fa femme, la délie , luy fait prendre vn habit de deuil , ὃς luy met entre les mains cette botte fermée , luy difant, allez prefenter ce regal à vos parents & aux miens, afin qu'ils iugent fi ie vousdois faire mifericorde : cette femme qui cftoit à demy motte s'alla jetter aux pieds des principaux de la compagnie, leur crie inifericorde, leur prefente la boétte , on l'ouure, maisla veuë de ce qu'elle renfermoit luy fit tant d'horreur, qu'elleromba éuanouïe, & fon mary prenant ce témps luy couppa la tefte. f Vn homme qui s'eftoit obligé de fournir νης certaine quantité de pierres & de bois de charpente auoit corrompu ceux 'quideuoient examiner la qualité & la quanti- té de ccs marchandifes, la chofe fut fceué, les examinateurs furent obligez de s'ouurir le ventre : l'Entrepreneur fut condamné à eftre mis fur vne croix, mais comme il DW ULA © δὲ eftoit aimé de la plufpart de ceux du Confeil, quoy qu'il ne foit pas órdinaire de de- mander au Roy la grace de perfonne , ils nc laerent pas de s'affembler, & عل‎ de- mander celle de ce miferable. Lc Roy leur fit vne refponfe qu'ils n'attendoient pas. Tene puisapprouuer, leur dit-il, voftre price; mais ce que ie trouuc de plus mauuais;c'ett qu il me temble qu'cl- le me fait connoiftre que vousauez perdu l’efprit ; eft-il iufte qu'vn fi grand crime demeure impuny < d'où vient donc que vous me demandez la grace ?eft-cc qu'il vous : ‘a corrompu comme il a corrompu les autres? aucz-vous fait comme eux deffein fur mes Finances, & vousdeuez-vousferuirainfi de la liberté que ic vous ay donnée ? Il arriuade montemps qu'vn Gentil-homme dontles terres eftoient prochesd'Yedo, exigea de fes païfans des fommes plus grandes qu'il n'en deuoit citer : Les payfans fe plaignent , le Confeil en eft aduerty , on condamne le Gentilhomme à fe fendre le ventre aucc toute fa race: Il auoit vn fils à 247. milles de là du cofté de l'Occi- dent qui cítoit au feruice du Roy de ringo , & vn oncle qui eftoic encore plusefloi- gné de vingt milles dans la prouince de Satíouma : vn autre filsau feruice du Roy d'Ecquinoccouni: vn autre petit filsde fa fille qui eftoit du cofté d'Orient à cent dix milles d'Yedo , au (cruice du Roy de Maffáte : vn autre fils aupres du Gouuerneur du chafteau de Quouano : deux autres freres qui eftojent au feruice de Sa Maiefté : vnáils le plus jeune detous qui auoitefté marié à la fille vnique d'vn fortriche mar- chand dontla perfonne eftfort connué de meflieurs de la Compagnie des Indes O- rientales : toutes ces perfonnes, quoy que les vnes vers l'Orient, les autres vers le Mi- dy ,. & fort efloignées les vnes des autres, furent executées non feulement au mefme jour, maisà vne mefime heure, tant ils font exa&s à dónner leursordres, &àlestaire executer: & vous remarquerez que ces criminels deuoient cftre cux-mefmes les exe- cuteurs de cétotdte ; car ils eftoient de condition à fouurir eux-mefmes le ventre, Le Marchád d'Ofacca dont la fille auoit époufé le filsde ce malheureux perc mourur d'afflidion & fa fille apres que fon mary fe fut ounert le ventre, fe voulu tuer de fes propres mains ; on la garda fi eftroittement qu'elle ne le peut pas faire ; mais elle s'o- piniatra à ne vouloir ny boire ny manger ; & mourucamí au bout de neuf)ours. e Ces peuples enuifagent la mortfansentefmoigner aucune apprehenfion ny d'a- mour pour la vie, lors qu'il la faut quitter ; mais les exemplesen font encores plus ordinaires entre les femmes. On pünitla menterie de mort lors qu'ellea pour fujer les affaires de la Iuftice, ou celles du Gouucrnement ;toutes les punitions que ie viens de dire regardent les Gentils-hommes & le refte du peuple : mais pour les Roys du pays, quand ils ont fait quelque faute , on neles condámne point à mort. A quatorze millesd' Yeddoil ya γῆς Ifle nommée Faitfinchima , elle peut auoir vne lieué de circuit : Cette Ile eftle lieu d'exil des Roysdu Iapon ; àtoutesles pointes de l’Ifle il y a des Corps de garde pour empefcher que ceux de dehors n'ayent corref- pondance auec lesexilez, & ne leurs rendent aucune afliftance ; tous les moislors que le vent le permet ; l'on vient teleuer la garde و‎ & l'on porte ce qui eft neceffairé auffi bien pour la fubfiftance des foldats que pour celle des exilez ; ce quife reduit à peu de chofe, vn peu de ris & quelquesracines; les exilez ont pour logement de pe- tites maifohs fort baffes ou lesincommoditez de l'Hyuer & de l'Eftéfe font fentir egalement; adjoultezà cela qu'ils font obligez de trauaillerà ramaffer de là foye; à la preparer dans la quantité & felon lá tafche qui leur a efté donnée. — Tan 1631. que le Roy mourut, touslesexilez & rousles prifonniers qui eftoient dans fon εἴξας furent deliurez à mefine heure & mefmeiour, on donna mefme quela que argent à chacun de ceux d'entre les prifonniers, quieftoient pauures, pour les incttre en eltar de commencer vie meilleure fortune. Seconde Partic. [] € ij 22 RELATION VNZIESME QVESTION, Quelle eft leur Religion ؟‎ Erte Nation eft peu attachée aux fuperftitions de fa Religion; ilsne prient Dien C ny le matin, ny le foir, ny deuant, ny apresleursrepas : les perfonnes Reli- gieufes feulement vont vne fois le mois dansle Temple ;ils fe feruent fouuent dans leurs prieres de la parole de Namanda,qui doit eftre le nom d'vn de leurs Dieux;auf- quels ils ont plus fouuent recours : leurs Preftres prefchent ordinairement troisfois Pan; les peuples qui font de leur creance s'y affemblent ; dans leurs maladies ilsont recours aux Hermites qui s'affeyent aupres des malades, & leurslifent certaines pa- rolles, dont on ne peut pasentendre vn feul mot : il en eft de mefme deroutes les ef: critures qui regardent la Religion, la medecine & les autres arts & fciences; car il sy a que les fçauans du pays qui les entendent & les puiffent lire. DOVXIESME QVESTION. Quelles font leurs Temples? LE nombre des Temples & des Idoles du Iapon eft incroyable, les plus grands. ont iu(quesà vingt Preftres, & les plus petits en ont dcux. 33 TREZIESME QUESTION, Quels font leurs Preffres ὃ Ous ces Preftres n’ont autre exercice que de lire deuant les Idoles, d’enfeuelir’ les mortsou de lesbrufler & d'enterrer en füitte auec beaucoup de ceremonies leurs cendres. b QVATORZIESME QVESTION. Quelles font leurs Sectes? Ly a parmy eux douze feces differentes, il y ena vnzedontlesPreftres neman- gentrien quiayteu vie. ils ne peuuentauffi auoir aucune habitude auec les fem- mes: s'ils manquent à cesobligations on lescondainne àeftre enterrez au milieu du chemin iufques à la ceinture, & tous ceux qui paffent par là , qui ne font pas Genrils- hommes, font obligez de leur donner vne eftreinte d’vne corde , qu'ils ont atta- chée au col , demeurant dans ce fupplice trois ou quatre jours auafit que de mourir. Il n'y a point de Temples plüsrichesny de Preftres plus àleur aife que ceux de cette derniere fe&e ; quelques vns de ces Temples ont la Seigneurie & le reuenu des terres où ils font fituez ; chaque Iaponois afon Temple affeété auec quelque Preftre de fa fe&e; ils les entretiennent par principe de pieté, toute leur deuotion eftrenfer- mée dans ce foin ; chaque feéte à fes opinions particulieres, les vns croyent quel'a- me éft immortelle , que l’efprit paffera dans l’autre monde ; où il feta heureux ou malheureux, felon le merite de fesa@ions;pas vn d'eux ne croit que le monde doiue finir, d’autres ne croyent point l'immortalité; & difent qu'il n'y a rienà craindreen ce monde que la iuftice deshommes; lesplus deuots d'entre eux fond de leurs Tem- ples des lieux de diuertiffemens, ils font fituez ordinairement dans les lieux les plus agreables du pays,fur des éminences au milieu de quelque beau bois de haute futaye; ils leurs feruent de reduit lors qu'ils veulent s'aller réjouyr à la campagne, ils y boi- ue nt & mangenten la compagnie de leurs Preftres,ils y menent mefme des femmes de débauche fans queleurs Preftres y trouuent à redire ; ie ne leur ayfamais enten- du difputer leur Seéte, & il n'y en aguere quayantaffaire d'argent, ne changent leur Religion pour cent richedalles, DV IAPON. 23 Cette derniere & douziéme fee eftla plus fuiuie , les Preftres n'obferuent aucune diftinétion pour les viandes , ils fe inarient : cette 人 Ge fe nomme Ik- ko, & a plus de fuperftitions que toutes les autres. Celuy qui eft le Supe- ricur de tous leurs Preftres & detousleurs Temples qui fonten grand nombre eft fuiuy & refpeëté comme vn Dieu, iufques-là que ceux qui font dela fede luy font des prieres lors qu'il paffe parles rues dans vn palanquin. Tous les Preftres recon- roiffent pour fuperieur le grand Dairo qui eft dans la mefme eftime parmy eux que le Pape l'eft entre les Catholiques : l'Empereur meímes cft obligé de faire vn voya- ge tous les trois ans à Meaco pour luy faire la reuerence: leurs Preftres, les plus grands du pays &les Gencils-hommes font fort decriés par l'amour qu'ils ont pour les garcons. | QVIN ZIESME QUESTION. De la perfecution des Catholiques. E V commencement ils faifoient couper latefteà ceux qui s'eftoient fait Chré- tiens , & les mettoient apres für vne croix; ce fupplice d'abord parut fort rude, mais ils virent qu'ils fe prefentoientà ce fupplice fans faire paroiftre aucune alcera- tion : il ne fe lit rien dans l'hiftoire des plus grandes perfecurions del Eglife, quiap- proche desinuentions qu'ils onttrouué pour mettre à bout li conftance des Martyrs Chreftiens : vne fois l'an; on faitinguifition generale, onlesoblige tous d'eicrire dans vn liure , qui fe garde dans vn Temple, qu'ils font tous bons Iaponnois; & & quela Religion des Chrétiens eft fauffe ; auectout cela ils n'ont pú empetcher les progrez du Chriftianifme , il s'entrouue tous les ans plufieurs centaines que l’on fair mourir dans les tourmens : ils ont publié depuis peu qu'vn Chreftien qui auroic cfte condamné à eftre attaché fur vne Croix la tefte en bas; feroit exempt de ce fup- plice, s'il en declaroit vn autre; & il arriue que ne pouuant fouffrir ce fupplice و‎ qui cft le plusgrand detous ceux qui ont iamais efte inuentés > ils fe denoncent fouuent les vns lesautres : leslaponnois efperent par ce moyen ruiner la Religion , car ils tien- nent vn regiftre exa& de ceux qui fc font fauuez par cette voye , auec intention, comme ie l'ay appris, de les faire tous mourir en vne fois, lors qu'ils croiront eftre venus à bout de tousles autres. Entre les diuers exemples de la conftance de ces ou ueaux Chreftiens, il n'y en apointdefi admirable que ceux qu'endontient quel- quefois des enfans de dix ou douze ans ; ils refufent la vie qu'on leur offic; nous voulons, difent-ils fuiure l'exemple de nosperes, & aller avec eux dans vn pays de joye où nos perfecuteurs ne nous pourront point faire de mal ; il s'en eft rencontré d’autres, qui apres auoir accepté la grace qu'on leur offroit , fontretournez au fup- plice, & fe font iettez dans les flammes, fuiuant en cela l'exemple & l'exhortation de leurs peres qui leurs difoierit , venez mes enfans, deliurez-vous de la perfecu- tion de cesmefchans hommes , nous vous menerons dans vn pays, où il ne manque rien pour la douceur de la vie. On fit vne recherche dans cesdernierscemps de tous les ladres du pays ; on trouua dans les Hofpitaux entre autres malades 354. Chre- ftiens , que Pon diuifa fur deux vaiffeaux pour les enuoyer aux Iflesde Manilla en forme de prefent aux Efpagnols, qui y commándent. ; Les Chreftiens d'ordinaire font conduits comme les autres criminels au lieu du fup- plice: maisles Preftres, foit qu'ils foient Portugais , Efpagnols ou du lapon,font con- duits fur quelque mefchant cheual, auec vn baillon à la bouche : vne moitié de la bat- be & de la tefte razéc ; & cetendroit où le poil eft razéeft peint de couleur rouge :le baillon qu'ils ont à la bouche , tient à vne corde, laquelle eftantattachée par derrie- re les oblige d'auoir toufioursla tefte leuce en haut; ce qu'ils font pour les empefcher d'eímouuoir par leurs difcours, ou par leurs fignes و‎ ceux qui les voiént mener àu fupplice. * Pour mieux faire cutédre tout cc qui eft dic icy desMar- ty;s dul. poa ay crü qu'il ne fe- 101: pas mal à ‘propos de Joindre a ja fin de cette relation cel- \equiena i cite faire par R Gu(- berts,ce que Yayfait pour fausfaire à la priere de Corneille Nieuvven- rode. Klyppen ftcen. 24. RELATION SEIZIESME QVE 5 ISBO.N. Quels font les meubles de leurs maifons * Eurs maifons font toutes bafties de bois, ils en ont fi grande abondance dansle pays, qu'encore qu'il sen confomme grande quantité pour le chaufage & pour les baftimens , il ne laiffe pas d'y eftreà tort bon marche :le premier plan de leurs maifons eft éleué de quatre pieds au deffus durez de chaufIée; & comme elles font fort fiietresà eftre bruflées, elles onttoutes vn efpace & vnlieu , qui eft moins exposé à ce danger, où ils mettent ce qu'ils ont de meilleur:leurs murailles font faites de plan- ches& couuertes de grofles nattes, qu'ils ioignent fort iuftes les vnes auec les autres. Ils habitent la partie la plus baffe de leurs maifons, & tiennent fort propres les chambres où ils reçoiuent leurs amys. k Les maifons des perfonnes de condition font diuifées en deux appartemens , d'vn collé eft lelogement des femmes qui ne paroiffent iamais , l'appartement où ilsre- goiuent ceux qui luy vontrendre vifite eft del'autre cofté , les femmesonr plus de li- berté dans la maifon des Marchands & des Bourgeois, celles-la fe laiffent voir, mais on traitte les perfonnes de ce fexe auec beaucoup de refpe& , & l'on trouueroit fort mauuais que dans leur conuerfation on leur eut manqué de refpeét , iufques dans les moindres chofes , ou qu'ellesl'euffent fouffert. La vaiffelle dont ils fe feruent ettpeinte & dorée, lesportes & les cloifons de leurs chambres , dans les maifonsles plus magnifiques, font couuertes de papier, mais de papier ; qui eft tout couuert d'or ;ils ont plufieurs chambres de plain pied feparées les vnes des autres par descloifons de planches; ces cloifons font comme des para- uants , fi bien qu'enlescouchant les vnesfur lesautres ils peuuent faire de plufieurs petites chambres vne grande fale ; le plafond de leurs chambres eft embelly de: peintures ; ilstiennent für leur feneftres des fleurs dans des pots, le pays en fournit toute l'année; quafi toutes les maifons ont vne galerie qui fert de paffage pour aller au jardin ; lesiardinsfontornésde termes, & de bois toufiours verds , & font ordinairement difpofez de forte quel'onen ala veué du principal appartement de la maifon ; lesbelles vaiffelles, leurs cabinets, leurs beaux vernis, cescoffres qu'on nous apporte de ce paysne leurs feruent point pour orner la partie de leur maifon, quieft en vcué , ils lestiennent dans des licux, où perfonne n'entre , que leurs antys les plusparticuliers ; ils parentle refte de la maifon de porcelaine, de pots plainsde T fia, de peintures, de liures manufcrits & de leurs armes. | DIX-SEPTIESME QUESTION. Comment ils reçoinent ceux qui les vifirent. Es perfonnesde condition auffi bien que les autres, vous reçoiuent auec beau- coup d'honnefteté ;on vousfaitfeoir, on vous prefente dutabac & du tfia, on vous apporte du vin, fi vous en voulez, le maiftre du logis vous en prefente luy- mefme dans vnetaffe verniflée : on vous donne la mufique tant que dure le repas, & il ya cela de bon parmy eux , qu'apresauoir 12112 débauche ilsfe retirent fans faire de bruit ny de querelles. Il n'y a point de cabarets ny detauernes dansle pays; ils ne laiffent pas de manger fouuent enfemble, mais c'eft dansleurs maifons particulie- res,cela n'empefche pas que ceux qui yoyagentne foient fort bienlogez , & ne trou, uent des hoftelleriesfort commodes. DIX-HVICTIESME QVESTION. Quelleforme de Mariage ils ont. I: sfe marientfans s'eftre connus, lesperes & meres du cofté de l'homme & de la femme , ouleurs plus proches parens fontle mariage ; fi il fe rencontre qu'apres quelque DV IAPON. 25 quelque temps le mary ne foit pas content defa femme, il fé peut feparerd'elle; le mary n'eft point puny pour voir des femmes publiques * ;1l peut auec fa femme auoir * Le Holan- encore des concubines, mais la femme, comme nous auons dit, eft punie pour le dois fair moindre crime: on la punit mefme de mort pour auoir parlé enfecrer à vn homme, “cette grande contrainte des femmes & cette libertédes hommes fait qu'elles s'eftu- que le con- dient de connoiftre bien l'humeur de leurs marys, & qu'elles ont mille addrefles pour s'en conferuer l'affe&ion : les femmes publiques font efclaues des Seigncurs dans le pays defquels ellesfe proftituent: ll y a par tout de ces lieux publics , de peur que Icshommes n'attentencà la pudicité des perfonnes libres, ou des femmes ‘mariées. XIX. QUESTION Comment ils éleuent leurs enfans. Ls éleuent leurs enfans auec beaucoup de foin; ilsne les crient ny ne lesrudoienr point: Lorsqu'ilspleurent ils ont vne patience merueilleufe pour lesappaifer,con- noiffant bien que c'eft vn deffaut de l'age, & qu'ils ne peuvent pas profiter desrepri- mandes qu'on leur feroit en cc cemps : cette conduite leur rcüflit fibien queles en- fans de onze ou douze ans y paroiffent (ages cóme des vicillards:Ils fçauent les cou- ftumes de leur pays, ils parlent & refpondent à propos, ils né leur font rien apprendre qu'ils n'ayentatteint l'aage de 7. ou 8. ans; ilsne croyent pas que deuant cet aage ils foient capables d'inftru&dion; & quand le temps de les enuo yer à l'école eft venu , ils les font eftudier fans les contraindre. Ils neles obligent point à apprendre des chofes pour lefquelles ils croyent qu'ils ayent quelque repugnance. Ils talchent de les ani- imer à fuiure la vertu par les exemples qu'ils leurs mettent founent deuant [ἐς yeux de perfonnes de leur condition, qui ont eflcué leur fortune & celle de leurs parents pat cette voye; ilsreüffiffent mieux dans cette education pleine de douceur, que les autres qui y employentla rigueur & le chaftiment : cette conduitte d'ailleurs elt fort propre à l'humeur de ceux du pays, qui ne fe peut gagner par la force & par la violence. XX. QVESTION. Comment les enfans fuccedent aux biens de leurs peres. L Ors qu'ils font en aage de pouuoir prendre connoiffance desaffaires, & de viure dans leur condition, le pere quitte fa profeffion, & lalaiffe exercer à l'aifne de fes enfans, illeloge dans le principal appartement de fa maifonjil le met en poffeffion de la plus grande partie de fes biens; & lors qu'il eft affez riche pour le faite; il luy quitte la maifon toute entiere; & en prend vnc autre, ne fe retenant de fon bien que ce qui cft neceffaire pour fa fubfiftance, & pour celle de fes autres enfans. Les femmes ne portent rien en mariage à leurs maris; les perfonhés de condition donnent bien quelque argent à leurs filles lors qu'ellesfe marient, mais cet argent fe renuoye dés les premiersiours du mariage; carilsne veulent rien receuoir de leurs femmes, de peur, difent-ils, qu'elles n'en tirent auantàge ; & qu'ellesne leur en fal fent quelque iour des réproches. ΧΧῚ OVESTION. De la fidelitéde cette Nation. 7Ette Nation efteftimce fidelle, elle l'eften effe& par principe d'honneur,qui fait leur plus grande paffion: auffi il n'arriue gueres que l'ón attaque l'honneur de perfonne,& ils expofent fort relolument leurs vies pour le deffendre. l'en rapporte- ray icy cerexemple. Quand cc Fideri dont nousauons parlé fut trahi par fon tuteur, il auoit aupres de foy la femme du Roy de Cocora; lesenfáns de Cocora y eftoient auffi . Seconde Partie. ΠΡ 26 RELATION auec plufieurs femmes de Roys & de Seigneurs du pays; qui demeuroient en fa Cour comme en oftage.Cocora fe declara auec le tuteur contre Fideri , Fideri fit dire à cette Dame quelle le vint trouuer د‎ clle luy manda qu'elle deuoit obeiffance à fon mary, qu'il cómandaa fon mary de luy commander ce que Sa Majefté defiroit d'elle. Fideri fur picqué de cette refponfe,& luy fift dire qu elle vint dansfon chafteau,où qu'illuy fcroit venir par force : cette femme qui eftoit de grande condition, qui croyoit que c'eft manquer fon honneur & à celuy de fon mary , de fortir de fa maifon , fe refolut de mourir pluftoft que d'obeirà ce commandement: Mais comme elle connoifloit qu'elle ne pouuoit pas refifter à Pauthorité du Prince, elle f'enferma auec fa nourrice, fesenfans, & quelques vnes de fes damoifelles , qui eftoient refolués de mourir auec elle : Elle fit dreffer quantité de bois àl'entour de cette chambre, elle écrit fon tefta- ment, fait quelques vers fur fa mort, & remet ces papiers entre les mainsd'vn gentil- homme de fon mary ; le chargeant de les prefenter à fon maiftre , lors qu'il auroit veu {a chambre en feu , ce qui fut executé comme elle l'auoit commandé. Ils fe gardent encore cette fideliréles vns aux autres ; que fi quelqu'vn prie fon amy de deffendre fon honneur & fa vie ; ils fe tiennent fi obligez de cette confiance , qu'il n'y a danger auquelils ncs'expofent volontiers pour la meriter. Lors qu'il feft fait quelque crime, & qu'on tafche par latorture d’obliger l'vn des criminels à declarer fes complices, quoy que lestourments foient infupportables, & qu'ils Fachene quali morle ΤΣ finir, ils ne les denoncent 5. XXII QUESTION. È Queleft le traffic du pais, eo par les mains de qui il paffe. Outle commerce qui fe fait dans le Iapon paffe par les mainsdes Eftrangers; il -县 n'eft pas grand à proportion des richeffes du pays, par cette raifon peut-eftre qu'ilsont abondance de toutes chofes qui font neceffaires à la vie : Entre les Eftran- gersles Chinois y onttraffiqué de touttemps, les Efpagnols & les Portugais y ont traitté l'efpace de cent ans, les Angloisaufli quelque temps; maisils fen font retirez à caufe du peude profit qu'ily a à faire. I1 y vient touslesansdeux vaiffeaux du Ro- yaume de Camboya & deSiam , mais ce trafic depuis peu eft fort diminué. LesHol- landois y font enfin venus, ils y negocient depuis 40.ans, & y font bien eftablis ; tou- tes les marchandifes des Eftrangers font portées dans la ville de Meaco, qui eft com- me vn eftapc oü ils portent leurs marchandifes pour les vendre & en acheter d'autres. Il y en vient quelquefois de plus de trois cent milles auant dans le pays: Et comme il eft fortboffu & plein de montagnes , toutes les voitures fe font fur des cheuaux , dont le nombre cft incroyable. Les Eftrangers y portent touslesans quatre ou cinq milles picols de foye , quan- tité d'ouurages defoye, deux cent mille peaux de cerf, 100. mille peaux vertes, beaucoup de chanvres & de toiles, delalaine, du vif argenr , dufpiaulter ou zinch, du cloud de girofle, du poivre, du mufc , dubois de fappan ou brefil , du fucre, de la porcelaine, ducanfre, du borax, du calambac , des dentsd' Elephant , corail rouge, & toutes fortesde merceries que les Chinois y apportent ordinairement. DN, LAB ON. 27 CENT ΟΕ STAN: uel eft le trafic du dedans du pais, eos quels voyages ils font P q did par Mer. Je y a à Meaco plufieurs Marchands fort riches, 115 ont eú dans le commencement quils ont habite le lapon grand commerce auéc les peuples de la Chine , les Roys meímes de ces deux país s'enuoyent tous les ans des Ambafladeurs refpectiuement l'vnàl'autre. Ilarriua que dans vn tumulte les laponois qui le trouuerent dans vne ville de la Chine prirentles armes, & faccagerent cette ville : le Roy dela Chine fut eftonné d'apprendre qu'vn fi petit nombre d'hommes cuft eu l'auantage fur tout vn peuple de fesSujets , il en confidera la confequence , il fit fortir de les Eftars tout ce qu'il y auoit de Iaponois , ondreffa vne colonne où eftoit graué l'Edict de leur ban- niffement , & la deffenfe aux Chinois de paffer au Japon, ce qui peut-eftre a eftcob- ferué plus etlroitement qu'à cette heure : peut-eftre auf que les Chinois lors qu'ils viennent au lapon font ce voyage fecrettement , ou fous d'autres pretextes: du cofté du lapon ils n'y trouuent point de difficulté ; car foit que l'Empereur veuille rendre le bien pour le mal , où qu'il ait confidere que les fiens s'eftoient attirez par leur faute ce mauüais traittement , il en permet l'entrée aux Chinois auffi bien qu'aux autres Nations qui y viennent.» Depuis que lesIaponois ontefté bannis de la Chine , ils ont toufiours accouftumé d'aller à Tay-Ouan, ou les Chinoisleur portent leurs marchandifes: maison fit enfin deffenfesaux Chinois de continuer ce traffic : Quelque cent ansapres cette de ffenfe ilsfe font remis à ce commerce : ilsobtinrent de l'Empereur du Iapon des pafle-ports & des permiflions d'allerà Tay-Ouana Camboya & à Siam : Dans ces paffe-poits c- ftoient contenus les reglemens de la maniere dont ils fe deuoient comporter à l'égard de ceux du país, & cela pour preuenirle defordre quileur eftoit defia arriué, comme nous auons dit: mais diuerfes confiderations ont depuis obligé Sa Majefté à reuo- quer ces pafle-ports, & à ne point fouffrir que fes Sujers fortiflent du país. Vne des raifons de cette deffenfe eft qu'ils croyoient qu'il y va de l'honneur de la Nation , de l'expofer à receuoir des traittemens femblables a ceux qu'il auoit defia receu en la Chinc. L'autre qu'il leur importe d'empefcher qu'on ne faffe quelque tranfport d'armes hors du país, dont ils font fort jaloux : il n'y a paslong-temps que l'on ft mourir vn Chinois auec fon fils qui fut furpris dans ce trafic de contre-bande: & enfin de peur que fes Sujets, entraitant aucc les Eftrangers, ne rapportent dans leur país la reli- gion & lesopinions des Chreftiens. VINGT.QVATRIESME QVESTION. Du profit du Commerce. L n'vaaucune impofition furla marchandife ; l'Empereur ny le Seigneur dans le ἜΣ Ss i M o” 3 pais de qui fc faitle trafic n'en tirent aucun auantage : aucc cela les guains font fort mediocres, foit à caufe de la dépenfe du long tranfport des marchandifes ou de la grande quantité de peuple qui fe mefle du trafic. VINGT-CINQVIESME QVESTION. Quelle correffondance il a auec fes voifins. L 'Empereur du lapon n'entretient point d'Ambaffadcurs aupres d'autres Princes, qu'aupresde celuy de la Chine ; le Roy d'Efpagne, celuy de Siam , &le Pape met- me luy en ont enuoyé en diversrencontres; il lesa tous receus auec magnificence, mais il n'ena point renuoycà ces Princes. Seconde Partie [ Dy 58 RELATION VINGT-SIXIESME QVESTION. Marchandifes quon tire du Tapon. ] 55s du Iapon a tout ce qui peut eftre neceffaire ala vie , del’or, de Par- gent, du cujure,de l’eftain, duplomb, & de tous ces inetaux en abondance; du co- ton,du chanvre;du poil de chevres,cent picols de foye;trois ou quatre mille picolesde filofelle , beaucoup de peaux de cerf, & autres ouurages de menuferie : beaucoup de drogues qui font en yfage dans la medecine, & grande abondance de ce qui eft ne: ceflaire pour la nourritüre des hommes ou pour leur entretien. : VINGT-SEPTIESME QVESTION. Que lle eff leur monnoye, leur mefure ex leur poids: O: ne parle qu'vne langue dans toutle Japon, toutle monde y efthabillé de la meíme façon; ceftpar tout vne mefme monnoye, vn mefme poids & vné mefme mefüre ;les cafiesà la verité ont efté autrefois de differente valeur dansdes Prouinces differentes; mais l'Empereur les a fait refondre & a fait faire vne nou- uelle monnoye de cafies de cure qui court par tout; ila mefme acheptcl'ancienne plus qu'elle ne valoit pour retirer par ce moyen tout ce qu'il y auoit dansle paysde cette vicille monnoye, ce qu'ils ont fait en quatre ans de temps : outre ces cafiesil y a encores trois fortes de monnoyes d'or, dont la plus haute pefe le poids de fix real- lesqui font 48. tayles ; chaque tayle peut valoir 57. fols; dix piecesde la moyen- ne pefent enfemble fix reaux & demy, & faut fixtayles & demie : les dix pieces de la troifiefine & de la plus petite de ces monnoyes d'or pefent cinq huitiefmes d'vne realle, & chacune de ces pieces fait vn tayle & vne feiziefme partie d'vn tayle. Pour l'argent l'alliage eftle mefme que celuy des efcus : les pieces d'argent font en forme de baftons fansqwelles ayent de poids certain ;on pefecnfemble autant de ces baftons, oulingots d'argent qu'il en faut pour faire cinquantetayls; on les en- uclope enfemble dans vn fac de papier, & on compte les facs fans les dépaquerer:il ya encores vne petite monnoye d'argent qui ala figüre d'vnefeve ronde qui n'a point auffi de poids arrefté, qui pefe depuis vne maes ou fchelling jufquesà dix maes; les cafies fuiuent apres, il y en a dc differentes valeur, le millier vault depuis 8. iuf- quesà 26. fchellins: l'aune , le boiffeau pour mefurér les grains , les poids des cat- cis font lesmefmes partout le pais. — ἢ VINGT.HVICTIESME QVESTION. Quel beflail €» quel gibier on troune dans le pais. Ls onttoutesles fortes d’oifeaux; de gibier و‎ de venaifon & de beftail que nous as uons icy ; grand nombre de cheuaux, vaches, taureaux : ils ne chaftrent point le be- ftail, & amé ils n'ont point de bœufs. On y trouue grand nombre de cerfs , langliers, cochons, ours; fignes , canars, grues, faucons, faifants, pigeons, poules , & toutes les fortesde petits oyfeaux que Pon fe peut imaginer. E VINGT-NEVFVIESME QVESTION. Quelles eaux medicinales. Ls ont diuers bains d'eaux chaudes, qui ont 2156م‎ par des mines de cuiure , de falpe- ftre; de foufre, de fel, de fer ὃς d'eftain : ils s'en feruent vtilement pour la guerifon de plüficursmaladies. l'en ay veu νης entre-autres qui venoit d'vne mine d'eftain : elle fortoit d'vne grotte qui eftoit au pied d'vne montagne, l'entrée auoit bien dix pieds d’omuerture , & autant que la veué fe pouuoit eftendre dansPobícurité de certe DVI TAPON. 29 grotte, on voyoit tout aütour de l’ouuerture des pierres taillées en pointes comme des dents d'Elephant attachées aux coftez de cette grotte:la chaleur de cette cau eft temperce , elle coule inceffamment : on y peut fans peine tenir la main. T'en ay veu Vne autre qui eftoit aufli au pied d'vne montagne proche la Mer, elle a cela de parti- culier قو‎ elle ne coule que deux foisle jours & chaque fois l'efpace d’vne heure : mais lors que lc vent foutHe du cofté de l'Eft, & qu'il eft violent , elle coule à trois & quatre differentes reprifes dans leremps de vingt-quatre heures. H y en a'vnc aútre qui fort d'vnc efpece de puits; dont les coftez font de pierres fort . groffes & fort pefantes ; quand l'heure à laquelle elle doit couler eft arriuce;clle vient auec vn vent fi fort, & auec vne fi grande abondance d’eau, que ces groffes pierres que ie viens de dire , en font efbranlées, & la premiere eau enfórt ala hauteur de trois ou quatre braffes; cette eau eft chaude iufques à vn degré , auquel on ne peut point éfchauffer noftre eau ordinaire ; elle conferue auffifà chaleur beaucoup plus long-temps que l'eau commune 5 le canal par où doit couler cette eau eft reucftu des deux coftez de murailles de pierre, de peur qu'elle ne brufle la campagne; de ce canalonla deriu@en pluficurs petites maifons ; où les malades fe logent. TRENTIESME QVESTION. Comment fe paffe ld udiance que PE mperenr donne aux principaux Sei- qneurs du pais و‎ aux Gentils-hommes; eg auec quelle fuitte dls ἐγ prefentent. L "Empereur donne fon Audiance tous les iours des feftes folemnelles , entre lef. سه‎ quellesle 1. rour del'an eft la premiere,& la plus grande:Le troifiéme iour dutroi- fiéme mois eft la feconde:La troifiéme عا‎ rencontre au cinquiéme ¡our du cinquiefme mois : Laquatriefme le fepriefme iour du fepticíme mois : La cinquicfme le neufuic- me ¡our du neufieme mois. Outre ces iours de fefte il la donne encore deux foistous les meis à la nouuelle & àla plaine Lune. Lerang dans cette Audiance eft reglé; & la fuitte auec laquelle ils vont au Palais de l'Empercur de mémes:ceux des grands Seigneurs du pays qui ont cent mille liuresde rente y vont aucc cent perfonnes , les autres plus ou moins {lon leurs facultez.Il y ade ces Seigneurs de la premiere qualité qui ont chez eux iufques à 4. ou s. mille hommes & femmes, ils ne peuuenc entrer dans la ville, ny auoir au- pres d'eux dans la premiere enceinte du chafteau ou logentles grands Seigneurs; que le nombre d'hommes permisà ceux de leur condition, & ceux qui en peuvent auoir cent dans la premiere enceinte Lors qu'ils entrent dans lafeconde ou demeurent les Confeillersd'Eftat & les Princes) ils n'en peuuentauoir que vingt, mais perfonne ne peut entrer à cheual danscette enceinte. Ceux qui font de qualité à y entrer autrement font portés dans des palanquins ou dans des chaifes, les autres y entrent à pied, lesruës de ces Palais font pauées au milieu de grandes pierres de taille, & au cofté de petitscailloux, mais ils lestien- nent aucc cela fi propres qu'il n'y paroift pas la moindre ordurc. Pour ce quieitde latroifiefme enceinte du Palais où eft la demeure de l'Empereur perfonne n*y peut entrer quà pied & fans aucune fitte, feulement les plus grands Seigneurs ont deux valets aupres d'eux & vn jeune garcon pour porter leurs fouliers; ceux d'vne con- dition mediocre vn valet, & celuy qui porte leurs fouliers; & les autres vn porteur de fouliers feulement. ὃ Dans cette multitude infinie de monde l'on n'y entend pas le moindre bruit ny la moindre parolle , tout le monde compofant fes a&ions & y demeurant auec le mef- me refpect que fil eftoit en prefence de l'Empereut; non feulement les fuperieurs gardent entre eux leur rang mais leurs valets auffi : il n'y a point de lieu où l'on fé puiffe affeoir و‎ maistout autour font des galeries ou font rangez à couuert les foldats Seconde Partie. [] D iy 30 RELATION de la Garde. Il y a par tout des gens qui ont l'œil pour empefcher les defotdres & les moindres bruits qui le commettent en ce lieu font punis de mort. Ilsy font auec tant de refpect, qu'il y a peu d'exemple quel'on en vienne à cette rigueur. L'on garde encorescetordre dans toutes les villesque les ruës font diuifées felon vne certaine melure, & fermée chacune par des grilles que l'on ferme, & que l'on garde la nuit: perfonne ne peut paffer en ce temps-là d'vn quartier à l’autre, sil ne monftre au corps de garde le feau du Gouuerneur de la ville, qu jl va prendre chez le Bourg-maiftre de fa tué, quiluy donne la permiffion par écrit; ainfi Fon n'entend jamais parler qu'il fe foie fait aucun defordre la nuiét. To CHR PTT is Pl DE zz A.Lempereur B lap, Mint a 10% C.le lieu Dei Get for Conseil D fon. parte at pe $T Limperatrie E 4 gentils hommes Leld LR pays 2 een L'empereur. I. در‎ gentile hommes de fa ays 167 7 d) 2 2 pour eut L les 4 premiers princes de. x i: qui put dape apro ch er Rene al pr M. 5, di eee i dn pays qué ont aut Fne E marquée danslk Sale امورل‎ quilr ne Peuuent passer: » Dv IAPON 31 TRENTE-VNIESME QUESTION. Quelle eff leur écriture, leur aritmetique , e s'ils ont des hiftoires. Es Chinois, les Iaponnois , ceux de la Corée & du Tonquin ont chacun vn langa= ge particulier , & tout à fait differend l’vn de l'autre, fi bien qu'ils ne s'entendent point, leurs lettres mefines font differentes: mais ceux de ces quatre Nations qui ont eftudié ont vne maniere d efcriture , qu'ils fçauent lire chacun dans leur langage : Ils cícriuent fort nettement auec des pinceaux : tous leurs meífages fe font par billets; & comme leur efcriture abrege beaucoup , ils mettent peu de temps à les efcrire. Leurs requeítes, leurs écrits, leurs lettres, & tous les formulaires de leurs fecretaireries tiennent peu de place, & font exprimez par peu de charaéteres, quoy qu'ils contien- nent beaucoup de chofes: La maniere des Italiens de tenir desliures de compte n'ap- proche point de l’exa&itude auec laquelle ils tiennent lesleurs. Ils font touteslesre- gles d'aritmetique, la diuifion, la multiplication, la regle de trois, & les fra@ions, auffi vifte que pas vn de nos plus habiles Flamans. IIsont grand nombre de liures, & plu- fieurs d'entre-eux ont des bibliotheques : Elles n'y font pas neantmoins fi communes qu'en Hollande. Les Annales du pais fe gardent chez le Dairo c'eft luy qui les conti nué : Tous les liures qui fe font fortent de cette Cour, c'eft l'occupation de ceux de cette famille: lesSeigneurs & les Gentils-hommes du Daïro y trauaillent auffi auec leursfemmes & leurs filles;car pour l'ordinaire ellesne fe marient point; & partagent auec les hommes cette occupation : ἢ bien que cette Cour, qui eft compofée de quel- ques hui& cens perfonnes, quafi toutes d'vne mefme race , n'a point d'autre penfée que de goufter les plaifirs de la vie, & de s'exercer dans l’eftude de la fageffe; c'eftce qui fe confidere principalement dans cette Republique , on ne sy auance qué par cette γόους; & chacun y tient le rang que fon efprit & fon eftude luy ont acquis : ce genre de vie leur donne vne fi bonne opinion de leursperfonnes , qu'ils n'ont point d’eftime pourle refte des hommes, & nulle conuerfation auec ceux qui ne font pas dé leur cour ny de leur profeffion : Le quartier de la ville où ils demeurent eft feparé du refte par des murailles:ils fe diftinguent auffi par vne facon particuliere d'habits;leur langage eft plus figuré que celuy du commun, & ils efcriuent cette eícriture qui n'eft leuë & entendué que par lesfçauans : Il y a plus de cent Preftres entre eux qui pat- fent pour eftre plus nobles que l'Empereur mefme , & aufquels on donne par cette raifon destitres plus releuez. : Ils entendent parfaitement bien l'art de fondre le fer, ce qu’ils font à defcouuert , plus il fait froid , plus ils croyent que le tempsy eft propre ; ils le feruent pour cet cf- fet d’vne tonne, ilsla rempliffent deterre franche ou de glaife , ne laiffantau milieu qu’vne ouuerture de demy pied de diamettre,& la fortifient par dehors auec des cer- cles de fer ; ilsle fondent à force de vent, ilsletirent de cestonnes auec leurs cuil- lctes, & le jettent dans leur formes , auec toute l'addreffe des plus grands maiftres en ce meftier. L'Imprimerie & l'Artillerie ont efté connués au Japon enuiron 150.ans auparauant qu'elles fuffent en vfage en Europe, fi on en croit leurs hiftoires. Ils ontappris ces arts des Chinois : Leurshiftoires ou chroniques font pleines d'euenemens eftranges: iau ipee vele rois mille particularitez à dire des reuolutions de cet Eflat, de fes Loix, de ce qu'il y a E de plus particulier, de la maniere de viure de fes habitans , mais qui feroient trop lón- gues pour les joindre aux refponfes que i'auoisà faire à vos demandes , aufquelsayant fatisfaitle mieux qu'il m'a efté poffible, ie finiray icy; & ie demeureray, δίς, 22. RELATION RE MARQVE S DHAGENAR que 24 onfieur Caron defanoñe. + Y Lsont des tours aux quatre coins de leurs Temples ; les dedans de leurs ] font enrichis de dorures & de vernis, on en voit vn grand nom- bre,mais ils font pour la plufpart fort petits. : : Leurs Idoles ou Srarués font faites fans deffein, fion les examine felon les re- gles de l’art, & comme elles reprefentent pour la plus part des monftres , elles pa- roiffent plus propresà donner de l'horreur que de la religion. Ils leur font des pric- res fort courtes, & jettent à la fin quelque monnoye de cuiure dans des petites quaif- fes qui font faites comme lestroncs des Eglifesdes Catholiques. 1 * Tayremarqué dans le voyage que ic fis à Yedo, quelques villes & chafteaux “qui auoient des flancs à redens, il y a au milieu de leurs tués grand nombre de puits , à caufc que les maifons eftant faites de bois, elles fonc fort fujettes au feu. a Leurs Temples ou Pagodes font de bois; ils font efleuez de trois ou quatre pieds au deffus du rez de chauffée, leur forme eft quarrée : dans les plus grandes chaque co- fte a quarante pieds de longueur. b Ils font pour la plufpart efclaues ; & viuent vne vie miferable : il ne faut pas fe: ftonner fi pour en fortir ils Foffrent filibrement à vn feruice fi eftrange. 1 c On ne permet pas d’allertout autour de ce chafteaule long du cofté du fofsé qui regarde la campagne; lesmursen font baftis de grofles pierres de cailloux. Les joints font remplis de petites pierresauec de la terre glaife au lieu de mottier. d Les reuenus de laterre & le droit de pefche fe donne ordinairement à des Sei- gneurs particuliers; & nommément celuy de la pefche de la baleine : on en prend deux'ou trois censtous lesans, ellesne font pas fi groffes que celles de nos quartiers; le lard a fept ou hurét poulces d’épaiffeur, elles ont beaucoup de chair qui fe mange en ces quartiers-la. e Lesgensde ce país font fort fuperbes & fort iniuftes; la plufpart des foldats quoy qu'ils viuent dans vne grande pauureté ont de icuneshommes pour tenir & porter leurs fouliers,à quiils donnent pour le feruice la valeur de dix ou douze fols par mois: leur Iuftice eft fort feuere. f Lors que l'on vaàledoqui eft vn voyage de cent trente fix milles, à la difnée ἃς au foir on cft accablé dc femmes fort propres & fort bien mifes qui vous feruent mal- gré vous. Lors que les Officiers de nos vaiffeaux arriuent dansle país, les hoftes leur demandent tous les jours fils ne veulent point de femmes; & font pour letemps de ¡cur fejour vne efpece de mariage , dont les conditions font qu'on leur donnera cinq ou fix folstous les iours pour leur defpenfe, vite paire d'habits de foye qui peut monter à25. 0030. francs;vnc autre paire d'habits dethoille de cotton & deux paires de fou- liers. L'Hollandois fait vn feftin quitient lieu de celuy desnopces , & eft reputé ma- riépour ce temps-là. g Oncontele temps de ce pays par mois :treize de ces mois font vne année, & pour en corriger l'incgalité , l'addition eft vne fois de deux foisfept, & l'autre d'apres de neuf foisneuf, ce qui fe rapporte en quelque maniere à noftre biffexte. » Is n’ont point de prieres arreftées le (oir deuant & apres auoir mangé, comme il yadansles autres Religions. La fefte qu'ilsfont en memoire des morts eft celebrée par diucrfesfortes de Preftres qui femblent eftre de differents Ordres & de differen- tes maifons : On dreffe au milieu d'vne Eglife vne efpece de reprelentation de mor- tuaire : ces Preftres font autour qui chantent & marchent les vns apresles autres dans vn ordre affez femblable à celuy qui fe pratique dansles proceffions des Catholiques. Leurs c DV"TAP ON Leurs fcpultures & leurs cimetieres font fur leseminences les plus proches destem- , ples : clies fonc de picrre, d' vn pied & demy,ou de deux pieds de haut; on mec là pro- che dans vne pierre creufe vn peu d'eau & de ris pour les pauures gens & pour lesoi- Íca1x:on voit für quelques-vns de ces tombeaux vn peut pilier , le nom du mort y eltgraué, & s'il en faut croire l'infcription , ils ont tous cité de grands hommes. ; Nousauons veu aucc eftonnement dans ees païs-là vne grande quantité de la- dres , quiauoient les doigts tous mangez, & dont le vifage eltoit extremement dif- forme. k Le toit des maifons cft fait de bardeau ou de petits bouts de planches pofez les vns fur les autres comme destuiles: il y afürle comble des tonnes pleines d’eau pour Pen feruir en cas d'incendie; ilsont du bois donc la couleur cit verte quand il cft fec - ils en ont de marbre ; d'autre qui eft blanc comme celuy dont on fait nos efpinettes: vous y voyez auffi du bois de cantre dont ils tirent des planches de neuf à dix pieds de long, & detroisà quatre de large. / Ilya plus de fix vingtsans queles Portugaisont eu connoiffance du Japon par le moyen de ceux de Siam & de Camboia; la fertilité de fon país, la douceur de fon cli- mat, &les mines d'argent les y ont attirez. Ils crouuerent parmy ces peuples beau- coup de ceremonies femblables à celles qui fe prattiquent dans 1 Eglife Romaine, & beaucoup de difpofitionà en reccuoir la Religion; iufques-là qu'on leur permit au commencement de batir de belles Eglifes dans Ia Prouince de Nagazachi ; mais l'ambition Efpagnole & leur maniere d'agir impericufe les perdit en ce país: Pon pilla leurs vaiffeaux,onles brufla , & on fit mourir tous ceux de cette Nation. Lan 16.. ils chafferenttous les Portugais en haine de ce qu'ils auoient tranfporté dans les país des Preftres. — A m lay appris de perfonnes bien informées de ces pays, que les Japonnois eftoient originaires de la Chine ; que s'y eftant faite vne coniuration contre l'Empereur, dans laquelle les principaux du pais eftoient embarquez, ilen fit mettre en prifon & mourir quelques-vns; maiscomme il defcouuroit tous les iours de nouueaux coniurez, il crut qu'il feroit plus {eur de les exiler dans les Mes prochaines. í AVIS SFR LA RELATION DES MARTYRS DV IAPON. Ϊ E mets icy une Relation des M artyrs du I pon, a cane qu'elle peut feruir pour À connaincreceux qui ont douté infques a cette heure des autres Relations des pro- grés du Chriflianifme en des pais Ji eloignez.; on ne peut douter de celle-cy , ny foubgonner fon autheur d'eftre d'intelligence auec les Lefuiftes e les autres Reli- gieux qui les ont publiées, puis quil n eff pas de leur Religion, & que d'ailleurs il eft affez fuscere pour auouer que les Hollandois qui eftoient am Lapon dans le temps que tant de gens mourroient pour la confeffion de la Foy C breflienne, ayat effé interrogez comme les autres s'ils n'effoient pas Chrefliens , auoient re[ondu qu ils effoient Hollandois, comme on le verra vers la fin de cette Relationyce que nos M iffionnaires appellent conuertir le pays à la Foy de Tesvs- CHusmscéff au langage de ces Chrejtiens infecter le pais de Religion: Il n'y a gueres d'apparen- ce que des gens qui parlent de la forte nous fappofent des Martyrs; la premiere chofe que les Capitaines de leurs vaiffeaux recommandent à ceux de leur equipa- | ge lors qu'ils approchent des coftes du Iapon , eff de prendre garde qu il ne leur e- chape de faire aucun acte de Religion en prefence des Iaponois,jafques la que l'on demande à tous ceux qui font dans les va:/Jeaux s'ils n'ont point de monnoye de l'Europe; le A taine leur ofte (σ᾽ l'enferme, de peur que la vené des Croix qui font deffus, cu du nom de les vs-CHR1ST ne leur attire quelque affaire, € ne nuife à leur commerce. Seconde Partie, [|] E Leonard Camps dans l'auis qu'il 'e(crit à la Có mpagnie fur le Cóm- merce du Japon, 3:6. CN CES e es Y CAS CES VAS ES CES CA CA CAR A Se dd rte de e ἐν, A هه ا ل‎ 555 Soit iP uet eit Herr HI tne 36 dCi dene het teo e الج اه د‎ tee o مت‎ | REGIT De la perfecution des Chreftiens du lapon.. par REYR GYSBERTZ , #raduit de l'original Hollandois. ea Vrla fin de l'année mil fix cent vingt & deux, &le عقوم‎ a imencement de l’année fuiuante , il yeutenuiron cent tren-\ M q te perfonnes, hommes, femmes & enfans decapitées & j&d bruflées en la Ville de Nangafaque, outic les Religieux qui z 5 wa furent de ce nombre; ils firent decapiter deux Preftres qui. dA eU AN Y Aauoient eftélong-cemps icy prifonniers dans le magazin de QUE JN nosmarchandifes ; ils auoient efte pris par les noltres prés $) de l'Ile Formofa fur le Nauire Elizabeth dela Flotte VEL SAN pagne. De ces deux Preftres,l'vn eftoit nommé Dom Pierre go Efpagnol, & l'autre Dom Louys Pieteríz natif d'Anuers ; entre ceux | qui furent bruflez, il y eut yn Spinola de Gennes ,vn autre Flamand auecbeau- coup de Preftres Portugais & Efpagnols ; les autres cftoient laponnois qui auoient receu & caché ces Preftres dansleurs maifons , ou eftoient voifins عل‎ ceux qui les auoientlogez , car tels font les Loys du Pays: on brufla& ondecapita | auec ce Suynego & ce Louys cent trente perfonnes , & peu apres cent autres, tant hommes , que femmes, que petits garçons, & nommément vn Efcriuain Ia- | ponnois & vn autre qui nous feruoit d'Interprete : Ils demeuroient chez nous auec ces deux Preftres, & auoient trouué moyen de les mettre en liberté , maisils furent aufli-tolt repris & ramenez : nous filmes tout noftre poffible pourleuríau- | uer la vie, parce qu’ils auoient elte à noftre feruice , mais ce fut inutilement. La veille du jour auquel on doit brufler quelqu'vn, vn Officier au fon d'vn Bal- fin public que chaque maifon proche du lieu du fupplice , apporte quatre ou cinq fagots debois bienfec, plus ou moins, à proportion des perfonnes qui doiuenc eftre bruflées : Chaque rué a fon Commandant qui a le foin de fairegxecuter cét ordre. Au lieu choifi pour le fupplice on dreffe autant de porteaux qu'il y ade per- fonnes à brufler ; on arrange les fagots autour des poteaux à la diftance de cinq ou fix pieds, en forte qu'il y ayt vne place vuide pour l'entrée des criminels ; on leur attache vne main au plushautdu poteau , on laiffe l'autre main libre, les pieds font auffi attachez au bas du poteau ; on ferme apres Pentrécen agençant du bois à vne hauteur conuenable ; l’on met le feu de tous coftez , de façonque ces miferables font pluftoft eftouffez par la fumée que bruflés. Apres que Dom Pierre | Suynego & Louys Pieterfz eurent fouffert le fupplice , la nui& fuiuante des Por- ٠ cugais & des laponnois Chreftiens coupperent quelques parties deleurs cadavres, & lesemporterent pour les garder comme dcs reliques de Martyrs ; tellement que le ¡our fuiuant il ne reftoit que fort peu de ces corps : les Gouuerneurs de la Ville de Nangalacque en furent itritez au dernier point; عق‎ comme peude iours εὖ DIV TATION 25 apres ils condamnerent au feu Spinola, le Flamand & leurs Compagnons, ils donncrét ordre qu'on fift vne grande foffe , qu'on l'emplit de bois, que l’on mit deflus les corps des per(onnes citouffez , qu'on les couurit encores dautrebois , & qu'ainfices corps eítans reduits en cendres, onlesiettaincontinent apres dansla mer ; afin d'ofter ainfi aux Chreftiensles moyens d'en conferuer la memoire auec leurs reliques : on auoit auparauant عق‎ ordre couppé latefle à quelques autres de cette mefme ville; l'onictta ces reftes auccleurs corps en mer,a cinqlicués de terre, neantmoins les Chreftiens de ces quartiers affcurent que la Mer rcjetta à bord ces mefmes teftes, aufquelles ils portent vn grand honncur, comme des re- Jiquesfacrées ; entre ceux qu'on condamnaau feu aucc Spinola, il fe trouua vn Flamand natifde Bruxelles, qui cftant conduit dans le cercle ne voulutpoint fouf- frir d'eftre lié au poteau , mais fe jettant à deux genoux l'embraffa eftroittement, demeura toufiours les yeux atreftez en terre, & expira dans cette pofture. Cinq autres perfonnes eftantaufli attachées aux prochains potteaux , le vent fe mit à foufflcr en telle maniere , que la flamme eftoit repouffte du lieu où ils cftoiét, ce qui faifoit que leur tourment en duroit dauantage : Ils tafchoient de fentredon- ner quelque peu de vent pour fe rafraifchir, & f'animoient l'vn l'autre iufqu'à ce qu'ils fuffent eftouffez. Deux autres vers qui le vent pouffoit plus viuement la flamme,les cordes quiles attachoient au poteau eftans bruflées,paflerenc autrauers du feu, & tout rotis qu'ils cftoient ; demanderent la vie, promettant d'abandon- ner la Foy fi on la leur accordoit : Mais les bourreaux à qui l'on auoit commandé de mettre à execution la Sentence, les repoufferent dans le feu aucc leurs crocs,di- fant que ce n'eftoit pas de bon cœur qu'ils faifoient cette promeffe d'abandonner leur foy , mais feulement à caufe qu'ils ne pouuoient fouffrir le tourment du feu: qu'ils n'eftoient plus dans lc temps de demander grace, qu'ils le deuoient faire plu- ftoft. Ie pourrois apporter beaucoup d'autres exemples de femblables cruautez, mais ceux-cy fuffifent pour faire connoiftre la fureur de cette perfecution. Il fembloit qu'elle deût finir apres tant de cruautez ; & en effe& elle cella vn peu, iufqu'àce qu'au mais de anuicr de l'année 1624. on prit yn Preftre en la ville de Iedo ou l'Émpereurtient(a Cour, & aucc luy l'hofte chez lequel il eftoic loge, toute fa famille, & beaucoup d'autres perfonnes au nombre de cent vingt- huit ou enuiron furent tous bruflez à vne lieué de la ville de Iedo, au lieu nommé Suniagouw : car l'Empercur eftoit grandement itrité qu'on eut trcuué des Chreítiens ὃς mefmes des Preftres fi proche de fon Palais. La perfonne chez qui ce Preftre eftoit logéeftoit tres-riche, elle fut trahie par vn Chreftien Apoftat, qui faifant femblant d’eftre toufiours Chreftien, luy demandoit l'aumofne , illa reccut , & s'eftant affcuré parlà qu’il eftoit Chreftien , Palla incontinent denoncer aux Iuges , & pour la recompenfe de cette trahifon ils luy donnerent les maifons & encore tous les biens de celuy qu'il auoit trahy; on fit encores defenfe de luy faire des reproches de cette aétion foubs de grandes peines, pour en exciter d'au- tres par 'exemple de ce bon traitement à faire la mefme chofe. Le frere du Gouuerneur de la ville des Firando nommé Ginterrodom د‎ qui eftoit en oftage àledo & Agent pour fon Frere, efcriuit auffi-toft ces nouuclles pardegà;le Gouuerneurles ayantappris, fit vne exacte recherche des Chreftiens qui ne vouloient point abjurer leur Religion, & les fittous mourir le dernieriour de Ianuier , bien qu'il fuft fefte , à caufe du commencement de la nouuelle année, Quoy queFirando foit vne fort petite Ville, il ne laiffoit pas d'y auoir grand nombre عل‎ Chreftiens; il y en cut trente-fix ou trente-fept qui aimerent mieux mourir que de changer leur Religion, les autres ne fuiuirent pasvn fi bel exem- ple, & ne fceurent point profiter de l'exemple d’vn jeune enfant de fix à fept ans, qui alla au fupplice en chantant les Pfeaumes Chreftiens en langue Ia- ponnoife : Ces derniers furent conduits dans vne petite Naffelle à la cofte de cette Ifle de Firando fituée vers le Noroucft ou la mer cft profonde & fort agi- Seconde Partie. MEI 26 MARTIRS téc, onleur attacha de groffes pierres & on lesietra dans la mer. On ietta aufli en mer lescorps quifetrouuoient dans les fepulchres, que Pon foupgonnoiteftie de Chreftiens , ὃς les pierres auffi depeur qu'il n'en refta aucune marque: on fit la mefme diligence par tout l'Empire du Iapon. Vn de nos Interpretes nommé Lion fut auffi fait prifonnier aucc tous ceux de fa famille, & mefme tous les parens de fa femme , au nombre de cent perfonnes ou cnuiron , fes deux petits enfans eftoient dece nombre, dont le plusicune eftoic encore à la mammelle. Ic luy enuoyay le fa&eur du Marchand appellé Simon Simonfz;& luy fis fçauoir que s’il me vouloic donner δὲ confier fes deux petits Enfans ie les ferois efleuer aux defpens de la Compagnie; mais il le refufa, & telmoigna qu'il defiroit em- mene! {es enfans aucc luy. Il y avvii parmy ceux dont nous auons fait mention vn autre enfant aagé d'en- uiron cinq ans & demy 5 auquel ce facteur demanda; mon petit enfant, pour- quoy eft-ce que iete voy icy? l'enfant refpondit d'vn vifage fort gay ;c'eft parce «queie fuis Chreftien. On tafchoit par tous moyens de faire en forte que cér Inter- prete renonga fa Religion, & pour ce fujet on differoit de iour en ¡our le temps de fon fupplice; mais comme 1c bruit couroit qu'on le deuoit faire mourir auec tous ceux de fa maifon,le Gouuerneur luycommandade partir auec eux , & d'aller en Nangafaque ;il vint prendre congé de nous cette mefine nui& ; nous ne fcauons point fi onluy fit cette grace à caufe de l'amitié que le Gouueincura pour nous, ou fi ce fat àcaufe de la continuelle conuerfation qu'il auoit auccluy depuis long- temps, parce que nos Interpretes ont tous les jours affaire auecluy:on enuoya aufi aucc luy vn des Interpretes des Anglois & deux autres qui tous eftoient Ἰατ ἐς Nangazacque, fous pretexte qu'il ne iugeoit pas à propos de faire mou- rir des perfonnes qui n'eftoient pas de fa Iurifdi&ion. Apres cette execution on enuoya querir tousles peres de famille pour s'affembler dans vn Temple de Firan- de, oùonles fitiurer deuant les Images de leurs Dieux auec de grandes impreca- tions, qu'il n'y auoit aucun Chreftien logé dans leurs gaifons , δὲ le fignercnt de leur fang ;la plufpart tirerent ce fang du petit doigt dela main gauche. Dans Nangafacque les Chreftiens eftoient en repos, fi ce n'eft que de fois à au- tre Pon prenoit quelque Preftre, & l'on en prit vn quieftoit Efpagnol à demy lieuë de la ville le 15. iour de l'année 1626. fort âgé & quiauoit demeuré 40.ans dansle lapon. Le Gouuerneur de la ville nommé Gonrocque ne prenoit pas plaifirà re- pandre tant de lang, & la pluspart du temps il eftoit malade, ou feignoit de l'eftre; comme,icl'ay pú reconnoiftre par fes difcours & par fes a&ions:il fupplia fou- uent l'Empereur d'aggreer qu'il fe deffit de fa charge pour la remettre entre les mains d'vn autre, ce qu'il reitera tant de foisqu'enfin l'année 1626. il l'obtint; & enfa place Ponen mit vnaucre qui eftoit Prince du Sang Imperial que l'on nom. moit Kauwaitído perfonnage tres-renommé pour fa prudence , pour fa iuftice, & pour l'exa&te obferuance des Loix ; l'experience neantmoins a fait connoiftre. quil n'eftoit pas fi cruel, comme il enauoitla reputation ; les Chreftiens appre- hendoient fort fon arriuce, principalement à caufe que la ville auoit auparauant: toufiours efté gouuernée par des Marchands & autres perfonnes du tiers Eftat, & mefme ordinairement le Gouuerneur eftoit fa&eur de l'Empereur , & achetoir des Marchands Eftrangers les marchandifes dont fa Cour auoit befoin. Il faut fça- voir aufli que lesIaponnois qui font de naiffance fontorguilleux,cruels, ne font aucune eftime des perfonnes qui fe meflent du trafic,& tiennent beaucoup au def. fous d'eux tous ceuxqui ne font pas de leurrang, ce qui eftoit yn nouucau fujet de crainte pour les Chreftiens de Nangafacque. En Pannée1626: le dix-feptiefine ¡our de fuin ce nouucau Gouuerneur Kau- waytído fit fon entrée dans Nangafacque, & le dix-neufuiofme du mefme mois, ilfit drefer cinquante-trois potcaux diftans l'vn de l'autre d’yne aulne & demie; cO Wu bi Pere RE SANTA SSP 1 A cit ΨΥ ΨΥ nme A من‎ Dv IAPON 37 comme on le pratique,auecdu boistoutaurour, & le vingtiefme il fit conduire treize prifonnicrs au feu, {çauoir trois Prefires, dont yn eftoit Euefque nom- mé François Parquero Portugais, ape de foixante & dixans:le fecond fenom- mox: Balthazar de Torres Efpagnol de l'Oidre de Saint Dominique âgé de foi- xante & huiétans:le iroific[me, lean Bapcifte da mefme Ordre Iralien de na- tion âgé de cinquante-fept ans ; cinq Portugais Albremen offe aucc fon fils âgé de quatorze ins; Balthafar de Solfe Pilote, quiauoit dans Nangafacque de tres-bel- les maifons,& vn jardin fort agreable & fpaticux; lean de Cofte anfli Pilote, Iac- ques de Cofte natif de Nangalacque ; les cinq autres eftoient Iaponois qui auoient fouuent caché des Preftres dans leurs maifons : Les Prefties & les Iaponnois per feuererent en la foy iufqu'à la mort; maislescinq Portugais n'curent pasla mett me force, adorerent les Idoles du Iapon, & imitans lacouftume du pays fe firent couper les cheueux. Ces Portugais n'eftoient pas condamnés aufeu pour la Foy, mais parce qu'ayant efte exiles du lapon ils y eftoient reucnus pour voir leurs fem- mcs & leurs enfans , car ils y eftoient mariez, quand ils furent bannis: vousremar- querez que felon la rigueur des Loix du pays il ne leur eut de rien feruy de quitter le Chriftianifme, purtque on les puniffoit pour n'auoir pas gardé le ban auquel ils cftoient condamnez, mais on leur fit grace pour donner exemple aux autres Chre- ftiens de renoncer à leur Religion. s Le 12. Iuillet enfuiuant on defcouurit encore neuf Cb: eftiens qui furent brul ' lez vifscommeles precedens, cinq hommes, trois femmes & vnjeune enfant dé cinq à fix ans, à qui l’on couppa la tefle; c'eftoit pour auoir retiré des Preftres dans leurs maifons ;il y enaencore beaucoup qui font à prefenten prifon, contre lefquels on a prononcé lafentence , mais on n'a pas encore commande dc les exe- cuter à caufe que le Gounerneur auoit euordre de venir promprement trouucÉ l'Empereur à Meaco, peut-eftre pour auoir differé execution de quelques Chre- ' ftiens. Le29. de Iuillet l'on priftencor vnPreftre à Ombra pres de Nangafacque, il s’eftoit tenu caché pendant quelques années dans les huttes des lepreux , qui eftans bannis des villes & de la conuerfation des hommes; font difperfez parmy les champs, foufrant de grandes incommodités; il penfoit eftre là bien cache, par- ce que les laponnoisont grande auerfion desladres, dontil y agrande quanti- té dans le pays, & n'entrent iamais dansieur huttes, fice n'eff pour quelque oc- cafion bien preffante ; car ces huttes font fort eriftes,fort petites & baftiesde paille, ces mifcrables s'en feruant pour fe guarantir de la pluie pendant la nuit ; de iour ils vont de cofté & d'autre chercher leur vie. ὲ Le Gouuerneur Kauwaytído feftant informé de la grande conftance des Chre- ftiens, & de leur grand nombre dansla ville de Nangafacque, & voyant qu'il auoit encore pluficurs milliers de perfonnes à faire mourir auant que les pouuoir deftrui- re, l'auifa d'vnautre moyen pour y paruenir. Il y auoitlong-temps qu'on obligeoit les Chreftiens par ferment de declarer ce qu'ils auoient mis à profit fur les vaif- feaux Portugais, Japonois& Chinois,Pon les menaçoit de grandes peines fils ce- loient quelque chofe ; L'on tenoit vn regiftre exa& de toutes ces Declarations: & quand les vaiffeaux eftoient arriuez , on confifquoit tous leurs effets comme pour leur faire payer l'amande. Ce procedé fut caufe que pluficurs Chreftiens qui a- uoient du bien quitterent la Religion,effrayés auffi des menaces que leur faifoit le Gouuerneur , qu'ils n'en feroient pasquittes pour la perte deleursbiens ; mais qu'il les feroit mourir fils nerenoncoientaá la foy;touresfoisil leur faifoit entendre cela auec de belles paroles, & comme leur donnant confeil. Mais pour les pauures ; il ne les menaffoit que de tourmensles plus cruels fi ilsne renoncoient la foy, promet- tant au contraire à ceux qui luy obcïroient, toute protéétion faueurs & recompen- fes, & non feulement de l’argent,maisaufli de prendre le foin de lesmertre à leur aife. Aux paroles il adioufta les cffe&s, de peur que ces promeffes ne fuffent cenués n 38 MARTYRS pour vaines: il donna aux Apoftats les maifons ὃς les fondsde ceux qui furent executez ; & contenta les autres par d'autres moyens, en obligeantles marchands & gens de marine de loger dans les maifons de ces Chreftiens apoftats ; qui auoient droit pour ce loüage de prendre la dixiefme partie du prix des marchandifes qu'ils vendent,fans qu'ils fuffent obligez de leur fournir autre chofe que le feu & la chan- delle , par ce moyen il fit que ces Apoftats qui auparauant mouroient de faim, fu- rent aflez à leuraife;& ainfi quand les Portugais furétarriuez aucc leurs Galiottes ilsne púrent plusloger chez les Chreftiens comme deuant, fi ce n'eft auec ceux qui ontrenoncé la Foy, & les Chreftiens aufli n'ofent les aborder pour trafiquer auec eux , ny pour autre chofe, comme ilsauoient couftume de faire, car les Portugais. aiment mieux trafiqueraucc les Chreftiens laponois,qu'auec les Payens , à caufe de la confiance de foy , ce qui enrichiffoit beaucoup les Chreftiens ;à prefent ils n'ont plus cette liberté : ainfice Gouuerneur par fes adreffes fit beaucoup dauantage d'a- poftats qu'il n'auoit fait par fes cruautez. E Le 1o. iourdu mois d'O&obre le nouucau Gouuerneur qui auoit fait fon entrée commanda à tous les nouucaux conuertis au Paganifme de le venir trouuer chez luy veftus de leurs plus beaux & meilleurs habits; ils vindrentau nombre de plus de quinze cent, il les receut tous auec mille demonftrations de courtoifie, &leur té- moigna le defir qu'il auoit deleur faire du bien, afin que les Chreftiens , voyant yn fi grand nombre d'Apoftats fi bien traités fuffent induits àrenoncer la Foy: Mais comme l’Empercur luy a mandé de veniren Cour, & qu'il fe difpofe defia pour fon voyage ; 'eftime que le refte de cette année les Chreltiensauront quel - que relafche. Lan 1627.le hui& de Fevrier on prit1z. perfonnes dans vn certain Bourg a ppel- lé Mongy efloigné enuiron d'vnelieué de Nangazacqüe au territoire d'Arrima, dont le Seigneur sappelle Bongemendo; on leur fit de grands tourmens ; premie- rement on les marqua au front auec vnfer rougi aufcu, puis on leur demandoic ἢ ils ne vouloient pas renoncer leur Religion, ils refpondirent qu'ils ne le fe- roient iamais ;qu'ilsne vouloient reconnoiftre qu'vn feul Dieu, par le fecours du- quel ils efperoient yn jour de receuoir le falut eternel, auec la force de perfeuerer dans leur Religion. Incontinent qu'ils eurent fait cette refponfe on fitencore d'autres marques à chacun d'eux , fçauoir νης à chaque levre ; mais parce qu'ils continuoient dans la mefme refolution, onles defpoüilla tous nuds, hommes femmes, puis ayans cftendu leurs pieds & leurs mains , on les battit à coups de baftons d'yne fi eftran- ge maniere, que peu s'en falut qu'ils n'expiraffent dans vn fi cruel tourment. Entre ces Martyrs; il fe trouua vn jeune enfant âgé de fix ans, qui ayant fouffert tous ces tourmens ne montra pas moins deconftance quetous les au- tres; comme on vit qu'on ne les pouuoit vaincre par aucuns tourmens on les re- mift en prifon : cependant on en faifit encore enuiron quarante autres que l'on tourmentade diuers fupplices , les frappant à grands coups de baftonsiufqu'à les Jaiffer à demy morts, leur bruflant les membres les plus fenfibles, leur faifant en- durer pluficurs autrestourmens; à quelques-vns entre-autreson couppa les doigts dcs pieds & des mains. Enfin ne pouuans eftre induits par toutes ces fortes de cruauté à renoncer la Foy on les fit tous mourir, il y en eut dix-fept d'entr'eux quifurent iettez en mer, au nombre defquels fe trouua yn certain perfonnage auec fa femme & trois de fes petits enfans ; l’aifné auoit dix-fept ans, le fecond treize, & le plus ieune n'enauoit que fix : celuy-cy voyant qu'on attachoit de groffes pierresau colde fon pere, de fa mere, de fon frere & de fa four, & qu'on fe mettoit defia en deuoir de luy en faire autant, parut ébranlé de l'horreur de ce fpe&tacle;les Iuges interrogeoient le pere & la mere fi ils vouloient qu'on donna la vie à cétenfant , ils refpondirent qu'ils ne le vouloient pas & qu'ils auoient refolu de luy faire courir la mefme for- DV IAPON. 39 tuhe qu'eux ; c'eft pourquoy ce peritinnocent fur ietté dans la mer auec tousles au- ties : car al faut fcauoir que felon la couftume & les Loix des Iaponnois le pere a puiffance de vie & de mort fur fes enfans. Huié autres de ces prifonniers qui auoient fouffert toutes fortes de tourmens fu- rent decapitez , & 16. quiefteient de refte furentmenez en vn certain lieu que lesTa- ponnois nomment Singock, c'cftà dire en nótrelangue Enfer, ence lieuil fort du pied d'vne montagne efcarpée vaceaubotüllante quifaitvnlac, & les ayant con- duits au fommer de la montagne ils les interrogerent pour la derniere fois, fi ilsne vouloient pas abandonner la Religion Chreftienne , mais chacun d'eux refufant de le faire, ils furent tous precipités du haut en bas dans ce lac d'eau boüillante , &ainfi ces pauures Martyrs rendirencleurs ames à Dieu, aucc vne conftance tout à faitad- mirable. On ne fcauroitaffez admirer vne fi grande perícuerance dans desperfonnes qui Notez que n'ont aucune leéture de l'Etcriture Sainte, & il femble qu'vne femblable conftance Mie qui n’eftpoint fondée fur la parolle de Dieu merite pluftoft le nom d'opiniatrete que fait ce rap: de conftancesils fçauoient fort peu de chofe de l'EfcrituzeSainte;& à peine en auoient ?95 ils appris que l'Oraifon Dominicale , & '.-4ue Maris, auec quelques prieres aux Saints : Les Preftresleur impriment bien avant en l'efprit , qu'il ne faut point pour quoy que cefoit renier la Foy , & leur defendent fous de grandes peines, leur decla- rant que fill leur arriue de le faire, qu'ils n'efperaffent iamais d'eftre participans de la vie erernelle, au lieu de laquelle ilsne deuoient attendre que des tourmens fans fin; c'eft vne chofe eftonnante que n'eftans appuyez que fur vnfondement ἢ foible, il Sentrouue pourtant vn fi grand nombre qui ont tant de force pour endurer des tourmens fi cruels, Le quatorziefme iour de May on fit mourir encores quelques Chreftiens,fçauoir fix femmes, fept hommes, $ comme nous auons delia dit, ce fut apresauoir cité appli- ' quezàtousles plus cruelstourmens du monde; maisperfiftans en la Foy, & qu'eftans amenez tout aupres de ce lac d’eau boiüllante , ils invoquoient le Nom de Iefüs & de Marie , felon la couftume de l'Eglife Romaine ; ce qui leur auoit. efté plufieurs fois defendu ; comme ils ne laifloient pas de continuer on leur mit vn baillon pour les em. pefcherde parler, & approchez qu'ilsturent au bordde l'eau, on en puifoit dans des arroufoirs & on verfoit fur les corps de ces miferables Martyrs goutte à goutte de cet- te cauboiiillante, & particulierement fur les membres les plus fenfibles , & leurs ayant encores demandé fi ils vouloient renoncer, l'ayantrefufé, on leur liales pieds & lesmains & on les iettadans ce lac d'eau boüillante. Le Gouuerneur Kauwaitfdo eftane reuenude ledoà Nangafacque le dix-hui&ic- me Juillet fit brufler vn Preftre Efpagnolägé de trente-fix ans quiauoit cite prisl'an- née precedente dans leshuttes des ladres auec fes deux feruiteurs Iaponnois, & trois de ces ladres qui l'auoient retiré. On tient encore prifonniers trois Preftres, leur fentence cft déja prononcée; & ona defia plante les poreaux pour lesbruflerdans deux outroisiours, aucc ceux quilesont logez : pour les femmes & les enfans qui ont efté trouuez dans ces maifons où on a logé les Preftres, on leur coupera le col. Le dix-fepticíme Aouft cinq Chreftiens furent condamnez au feu, trois hommes & deux femmes ;lesfemmes renonterentla Foy Chreftienne, maisles hommes fout- frirent conftamment le martyre ; l'vn d'eux eftoit Preftre, Iaponnois de naiffance nommé ThomasSoyfe , ( Cefta dire Interprete ) homme fcauant qui a autrefois pref- ché dans Nangafacque autemps quela Religion Chreftienne y Heurifloit: Pon trou- ua dans fes papiers le Catalogue de quantité de Chreftiens qui demeuroient aux enuirons de Nangafacque vers Ombra & vers Árima ; par ce moyen on eut connoiflince de plufieurs milliers de Chreftiens , qui auoient veícu ¡uf ques à cette heure. inconnus en ces lieux ; mais à prefent ils font miferablement tourmentez و‎ & il faut qu'ils fe refoluent à renoncer la Foy ou a fouffrir vne mort wes-cruelle ; les deux autres font l’hofte chez lequel on trouua le Preftre & le fils de 40 MARTYRS cerhofte. Peude temps apreson fe feruit dans Nangafacque d'vne nouuelle imien- jon pour ramener les Chreftiens à la profeflion du Paganifme ; le Gouuerneur bannit de Nangaíacque treize Chreftiens & les releguaa ledo, de ce nombre eftoient deux vicillards fortages.& fort riches, & qui du temps des precedens Empereurs auoient cu des charges confiderablesdans Nangafacque,& pour céte raifon eftoient bien con- nus de tous les Courtifans, rant à caufe de ces charges qu'ilsauoient eu , que pourles richeffes qu'ils pofledoient ; les autres qui les accompagnoient eftoient ou enfans ou parens de ces deux vicillards, tous ces Chreftiens ne paroiffoient pasbeaucoup efton- nez delacrainte de la mort; ils afferent. par cette ville le quinziéme de Septembre, nous attendons ce qui enarriucra : On chaffa auf & bannit de la ville plufieurs pat- ures gens, leur commandant de s'en aller aux montagnes, auec defences de demeu- rer aux bourgs & villages, & on enuoya des efpions apres eux pourles obferuer & empeícher qu'ils n'y baftiffent aucuns lieux pour habiter & fe defendre des iniures du temps, lesobligeans par là de demeurer dans les deferts fans retraitte;& y mener vne vie pire que celle dcs beftes fauuages. : L'on donne charge à cesefpions de parcourir tous ces lieux,afin que fi ils y rencon- trent dos faiffeaux de paille,de chaume ou autre chofe qui peùr feruir pour fe defendre contrele froid, les pluyes & la chaleur du Soleil , ils y miflenc auffi-coftle feu; da- uátage dansNangalacque on fermaà clef & on cloüales portes de plufieurs Chrétiens afin qu'ils n'en pufíent fortir, leur laiffant feulement quclquestrous pour demander à leurs voifinsles chofes neceffaires; & l'on defendit fous grandes peines à plufieurs qui gagnojent leur vic à queique employ dele continuer, & à quique ce foit de les em. ployer dansles chofes de leur profeffió.On ne permet point aux gens de mer,qui voïa: gent aux diuerfes Prouinces où les Iaponnois trafiquent de fortir du pays , qu'aupara- uant ils n'ayent renoncé la Foy;car la plufpart de cesMarinierseftoient Chrétiens ,c'eft pourquoy le plus grand nombre d'entre eux renoncerent la Foy , parce qu'ils ne fça2 uoient point d'autre moyen pour gagner leur vie; ceux aufli qui font bannis & rele- guez aux mótagnes prés de Nangafacque font fans cefle importunez parles cris & les pleurs de leurs femmes & enfans quife pleignent d'eftre expofés le ¡our aux ardeurs infupportablesdu Soleil, & la nuiét au froid , à la pluye & aux vents, qu'ils en ont le corpstout enflés , ὃς qu'ilsne peuuent plus lupporter ces incommodités ; ainfi piu- ficurs qui auoient refoluen leur efprit de ne renier iamais Iefus-Chrift pour quoy que ce fur, perdent courage & changent de refolution à la veué de ces tourmens. Lc dix-fepriefme de Seprembre18. perfonnes, hommes & femmes, furent execu- tez; il y eneutdix de bruflez د‎ deux d'entre eux eftoient Religieux de l'Ordre de faint Francois, dontl’vnfe nommoit François âgé de cinquante ans, les autres eftoient naturels Iaponnois; fçauoir fix hommes & deux femmes, l’vne âgée de foixante- troisans , l'autre de foixante & vn, les huiét autres furent decollez , quatre hom- mcs, vne femme & trois enfans, dontdeuxn'auoient que quatre ou cinqans, le troificíme n'auoit que trois ans. Lc vingt fixiefme O&obre le Gouuetneur Kauwaitído obligeale Capitaine des Vaiffeaux Portugais d'emmener à Macao trois Princesde la famille de Fidero Samma le dernier Empereur de la derniere race , quiauoit efté defpoüillée de l'Empire Pan mil fix cent vingt-fix apres la prife d'Ofacka,leurs femmes & leurs enfans en eftoient aulli & faifoient bien en tout trente-deux ou trente-trois perfonnes , quelques vns des plus grands du paysles accompagnerent iufques aux vaiffeaux, on fit eftroite defenfe aux Portugais de lesfaiffer à Macao , on les obligea de les conduireàla pre- miere commodité infques en la ville de Goa, & on menaga de la perte dela vie & des biens tous les Portugais qui viendroient delàienauantau Iapon, fiils manquoient d'executer ce commandement:peu de temps apres nous aprifmes des mefmes Portu- gais qui auoient conduit ces Princes& ces Princeffes a Macao qu'ils y moururenrtous : de pelle ou d’autres maladies conragieufes, qui couroientalorsen cette ville là, hora mis vne Princeffe de la mefme maifon, laquelle eftoit fort à géc:nous auons veu qu'on en DV IAPON. 4 “en auoit ainfi v(¿'enuers cux , ἃ caufe du refpeét dela ace Royale dont ils e(toienr. Lan1628. pendant que Kauwaytído demeuroit à Iedo les Chreftiers qui ha- bitoient aux t pays des montagnes aux enuirons de la ville de N angafacque conì- ‘mencerent à fentir vn peu de treve à leurs peifecutions ; ils venoient à la ville,vi- fitoient leurs amis,receuoient d'eux des aumofnes,eursamis auffi fortant dé la vil- lealloient demeurer auec eux dans les hutces qu'ils auoient faites ; quelques- fois 211111 ils s'affembloient aux maisós prochaines,ainfil Hyuer de cette annce ne leur fut pas fi fafcheuxà paffer que PEfte qui l'auoit precede, & ils 1oiiirent de cette douceur iufques au dernier Iuiller quele Gouuerneur Kanwayfdo fut de retour; Car alors il commanda que l'on emmena à Arrima trois cents quarante-hui& de ces Chreftiens, qui auoient efte exilés aux montagnes, & quiauoient peifcueré en la Foy;&les ayant fait venir, 11 ع1‎ mita les faire tourmente: par les fuplices du monde les plus infupportables , tantoft leur faifant verfer de l'eau boüillante fur le corps , tantoft les faifant battre à coups de bafton, & appliquer en (uite le fer rouge fur leurs playes ; cantoftles expolant les iouis enticrs tour nnds à Var- deur bruflante du Soleil , & apresau froid de la nuit, prelcntant aux viis ces valle feaux pleins de ferpens,& les menaçant deles faire mordre fi 11s n'abandouno:ent leur Religion; tantoft faifant rougir au feu des grilles de fer difans qu'ils alloient mettre deflusles corps de leuis enfans : Ces 1yrans voyant que par la cruau- τὸ de ces tourmens il y en auoit quitomboient malades, crainte qu'ils ne mou- 1uffent Martyrs , ils les faifoiencle DL qu'ils pouuoient remettre en fante par la diligence des Medccins, pour les tourmenter par de nouueaux tourmens, & rccommengoient tous les iours ces cffroyables lupplices : ic pafle { ous filence ce quela prudence m' n'empefche de dire des faletez qu'ils ont commis enuersles fem- mes mariées & les Vierges. Quelques-vns de ces Chreftiens ont fouftenu ces tourmens l’ efpace de 20. Jours,les autres de 40. ilyena eu mémes qui les ont fouf- fert jufques à 6o. jours auparauant que de renoncer la Foy Chreftienne. Le der- nicr jour du mois de Septembre de toute cette grande troupe de Chreftiensil y en auoit encore cing ou fix عل‎ refte qui n'auoient pas apoftafic : lescorps de ces plus conftanseftoient tellement deuenu pourris,que la (anie &le pus qui en fortoit rene doit vne aufli mauuaile odeur que celle des cadavres, auec tout cela ils cftoient re- folus de mourir Martyrs. Le Seigneur ὃς Gouuerneur de la ville d'Arrima ( les predeceffeurs duquel auoientefté Chreftiens, comme nous auons dit cy-deuant ) cut ordre de prendre le foin de cette perfecution, d'autant que Kauway “(do eltoit felon leur iugement trop doux pour courmenter les Chreftiens- i S'il ne fit pas mourir incontinent les Chreftiens, ce ne fut pas par compaffion quileut pour cux و‎ mais parce qu'il voyoit que la mort des Martyrs reudoit les autres plusconftans dans leur Religion, qu’il wen falloit venir]à qu'à l'extremi- té apres eflre venu à bout de tous les autres moins conftans. Le dix-fepriefme de Septembre, dansla villede Nangafacque, l'on encon- damna encore vingt-cinq, Ja moitié defquels furent decapitez, & l'autre moitié bruflez : il fe trouua entre ceux-là deux Religieux de Saint Fr ancots Efpagnols, tous deux encores jeunes, agez fculement de trente- cinq ou trente- fix ans, lcsau- tres eftoient naturels Iaponnois , hommes, femmes, jeunes garçons & pctitsen- fans, tous Citoyens dulieu, dansles Blues de(quelsles Religicux auoient de- meuré,ou dans celles de leur voifinage. On fera furpris d'entendre que la punition s’eftende au voifinage ; il faut fçauoir que quand dans quelque maifon on prend vn Religieux ou vn Preftre, toute cette famille eft condamnée au feu, & celles auffi des deux mailóns plus proches, à droit & à gauche , pour n'auoir pas decelé le Preftre refident dans leur voifinagc i malheureux voñins qui le plus fouuent n'ont en rien fauorife le Preftre nylenom Chreftien ; car ces (ed s ne 'comucblent ES librement le ¡our BER la mai fon - Seconde Parti aie [] F 2 MARTIRS dr d'autres demeurent tout le long du jour tout auprés deslicux de lamaifontes plus fales ; d'autresíe retirententre des ais fi proches qu'on ne peut pas {oupçonner quil y aye vne homme caché tant il eft difficile que les voifins puiflent auoir aucune parc dans la faute qn'on leur impute : à la verité il eft bien fouuent arriue que lona fauué la vie à des voifins qui faifoient voir leur innocence par des preuues conuam- quantes, mais cela paffoit pour vne grande faueur , & n'ont pas laiflé que de perdre toutlcur bien. f Le dernier jour de Decembre ie receus des lettres de Monfieur Melchior Sanc- Wort, par lefquelles i'appris, que de cestrois cens quarante-huiét, dont l'on a cy-de- uant parlé,les trois plus jeunes {ont morts épwiíts de force dans la violence conunuel- le des tourmens : mais que ce font les feulsde tout ce grand nombre que 1ay dit, qui ont fouffert iufques à la fin cestourmens, & ont acquis l'honneur du Martyre ; & que tous les autres renoncerentla Foy. L'an 1629.le vingt-fept de Iuillet arriua à Nangafacque vn nouueau Gouuerneur nommé Onemendonne Seigneur de Bongo qui eftoit defcendu d'vn autre Gouuer- neur, quis’eftoit fait Chreftien, &ileftoir dvne mefme famille que Kauwaytído , {çauoir de celle de l'Empereur , ἃς auoit efté employé par l'Empereur dans les autres Prouinces pour exercer la iudicature, & d'autre fois auffi pour defcouurir & efpierles confpirations faites contre l'Empereur dans les Prouinces du lapon nouucllement conquifes. Or ces pays de nouuelles conqueftes füpportoient auec peine la recherche qu'il faifoit des criminels ; ceftuy-cy fembloit auoir efté enuoy exprés pour effacer entierement le nom Chreftien , & acheuer ce que Kauwaytído qui auox la reputa- tion parmy les Iaponnois d’auoir efté trop doux , auoit laiflé imparfait. Ileft venu auec quarante hommes de guerre, dont il y ena trente quifont Gen- tils-hommes, & les gensde fa maifon; il auoit donné à ces gens de guerre des loge- mens hors la ville; au matin ils entroient dans la ville, venoient chez luy & y demeu- roient cachez, & la nui& ils retournoient en leur logis ; il faifoit courir le bruit qu'il auoit fept cens hommes de guerre, quoy qu'il n’en eut pas dauantage que ce que nous venons de dire. Ce nouusau Gouuerneur le lendemain de fon arriuce fit dreffer vngrand nom- bre de poteaux auec du bois agencé autour : quelques-vns affeuroient qu'on deuoit brufler le Capitaine Moor, Dom Ieronymo de Maíteda & quatre autres Portugais qui eftoient prifonniers ; d'autres eftimoient que ces poteaux auoient efté plantez pour,ces laponnois qui auoient receu & caché des Preftres dans leurs maifons : trois joursapres il enuoya par la ville fes gensde guerre, fçauoir fesfoldars & fes nobles auec: quelques autres par touteslesplaces de la ville, & afin que leleétenr entende bien cecy , il faut fçauoir que la ville de Nangafacque eft diftribuée en quatre-vingr hui& places , chacune defquelles a des portes à fesextremitez , qui eftans fermées de nui& font autant de quartiers feparés à la facon d' vne hayc clofe : chaque quartier afonnom; fon Chef qui doibt s'informer de tout ce qui arrive dans fon departe» ment: chaque premier habitant commande à cinq maifons , & eft obligéde rapporter au Chef dela place, & luy dire s'il eft arriué quelque defordre en quelqu'ynes de ces cinq maifons quiluy font commifes, & s'il s'eft commis quelques ruines ou autres cho- fe femblable; & incontinent aduerty le Chef; toutes cescinq maifons font punies, comme nous auons defia dit , en parlant du fupplice & mort des Chreftiens:le Chef de chaque place eftcenu d'aller trouuertousles joursle Lieutenant Ciuil de la ville, & luyrendre compte jufques aux chofes de moindre confequence ; fi la chofe eft d'im- portance il en va faire fon rapport au Gouuerneur ou à fon Lieutenant, en l'abfence du Gouuerneur , tant eft grande l'exa&itude du gouuernement des Iaponnois. Kauwaytfdo mit entre les mains du nouueau Gouuerneur fon fucceffeurle denôbre. ment de routesles places aufquelles il y auoitdes Chreftiens, auec celuy des maifons & des Peres de famille, où ils eftoient logez,ce qui le foulagea beaucoup Onemádon- Ὡς das la recherche qu'il en defiroit fairc:ayant donc eftably tout à l'heure des efpions يسنا c^ أ انك حم السو دن عمل‎ ct le D un M SQ n x 4 DV IAPON. 43 par tous les paffages; tant de mer que deterre, qui empefchaffent que nul ne pùt ef. chapper ; auparauant qu'il fut nui& 11 commanda de fermer les portes des places, & de ne les ouutir le matin qu'il ne fut grand jour, afin que ceux qui d’yne place pafferoient dás autre fuflent plusgifemct reconnus;à quoy il employoit à cela fes gens de guerre. Il enuoya aprés fes Satelites en chaque place à celuy qui en deuoit relpondre,auec commandementde leurenfcigner les maifons des habitans, dont les noms eftoient contenus au catalogue qu'il en auoit : ils entroient en fuite dans lesmaifons marquées, interrogcoient le pere de famille , fçauoir s'il eftoitencore Chreftien ou non: fi il di- foit qu'il eut renoncé, ou qu'il niaft d'eftre Chreftien, incontinenti ils efcriuoient cette confeflion & s'en alloient ailleurs ; mais fi il confeffoit d'eftre Chreftien , ilsluy de- mandoient fi il ne vouloit pas renoncer la Foy Chreftienne ? que fi il refufoit , ilsluy faifoient commandement de venir à la Cour, où eftant arriué , fans aucune pre- cedente interrogation , onl'enfermoitauffi-toft dans vn lieu clos, ce lieu fe nom- me Godon:pendant qu'il y alloit,les gens de guerre faifoient la mefime demande à la femme, aux enfans & à toute la famille ; que fi parcillement ils le refufoient ils faifoient vn feellé detous les ibiens & meubles , fermoient portes & feneftres, & amenoient aue cux toute la famille ; que fila famille renongoit la Foy , ils efcri- uoient & marquoient tous les biens qui eftoient dans la maifon, & y laiffoient la famille dedans pour les auoir ena garde : ainfiayansaffemblé beaucoup de Chre- ftiens en ces Godons, le Gouuerneur nouucau Onemandonne commanda de les con- duire dans la ville d'Arrima vers ce lac d'eau boüillante nommé Singock, ou Enfer, dont nous auons cy-deuant parlé; puis ayant pofé des poutres fur des rochers qui font çà & là au bord du lac, il fit baftir deffus de petites huttes capables feulement de con- tenir vne homme affis , & fit faire ces huttes de telle forte que le vent y entroit de tous coftez , comme on void aux maifons de Malaca & de Iaua , & ayant fnis fur ces hur- tes du foin verd ou autre herbes femblable de l'efpoiffeur d'vn demy pied pour aug- menter la puanteur des vapeurs de l'eau boüillante de ce lac , il fitentrer dans ces hut- tes ces pauures Chreftiens, les faifant afleoir & coucher für cette herbe arrangée par petits faiffeaux,puis on fermoit la porte für eux, mais prefque àtous momens on Pou. uroit pour voir fi quelqu'vn d'eux n'eftouffoit point:auffi on prenoit garde foigneufe- ment que pas vn d'eux ne s'endormit و‎ de peur que la mort nele deliuraft de tous les tourmens qu'ils leur preparoient, & ceux aufquels ils voyoient les forces abbatués, pour preuenir la füffocation & l'euanoüiffemenr , il les faifoient retirer afin de conti- nuer à les tourmenter s'ils ne renonçoient la Foy Chrétienne;le feul moyen qui leur reftoit pour cuiter les fupplices qu'ils fouffroient & ceux qu'on leur preparoit. Maisils refolurent le jour fuiuant de les approcher du riuage de l'eau boüillante,& en emplir des arroufoirs pour verfer l’eau für leur corps, mais non pasfürla tefte de peur de les faire mourir , & leur demandoient continuellement fi ils ne vouloient pas renoncer la Foy : Or cette cauelt fi forte & fipenetrante qu'elle ronge la chair iuf- ques aux os ; elle perce mefme iufques au dedans du corps ,fil'onen verfe tour à coup en grande abondance, Pon diroit qu'elle efttoute de foulphre ou de bitume. Dansle Iapon l'on trouue en plufieurs endroits des eaux chaudes, maisil n'y ena point qui monte fi hault ny qui foit fi chaude que celle-cy ; on n'en a gueres trouué qui ayent pú endurer cette cruauté trois jours de füitte fans mourir , & quand quel- ques-vnseftoient reduits à l'extremité , ou par l'eau chaude qu'on verfoit fur eux, ou la nui& , parla puante infeétion des vapeurs , Pon auoit fointouta l'heure de les faire reuenit , & de leur rendre des forces par le fecours des plus habils Medecins qu'on auoit amené pour ce fujer , & aprés on continuoit à leur faire les mefmes tourmens; & par cette cruauté ceux-là mefme qui auoient refolu d'eftre conftans & fermes iuf quesàla fin, furent contraints de renier la Foy , ne pouuans refifter à la violence de cestourmens : on les continua duranttoutle mois d' Aouft , iufques à ce quetous eut fent finalement renié la Foy; pas vn n'a pú perfeuerer de toute cette grande multi- tude qu'vn jeune garçon âgé enuiron de dix-feptans, qui ayant efté plufieurs fois Seconde Partie, ; ES HER 44 MARTYRS bruflé de cette eau , traitté par leurs Medecins , puis expofe de noufeau aux mel mestourmens,y perdit enfin la vie. [Is n'ont pas pius cfpargne lesfemmes , ils les ont tourmentées par d'autres manie: res de fupplices auffi rigoureux ; car les vefues qui eftoient paguenués à vne grande vicillefTe ont efté enuoyées à ces eaux infernalles , & pour les jeunes filles , & les fem: mes de moyen âge ; ils lesont obligées de marcher parla ville toute nués fur les pieds & fur les mains comme des beftes, & il s'enefttrouue qui l'ont entreprisauec vne. ferme refolution de le faire ; mais elles ont mieux aymé renoncerla Foy, que d'eftre: contrainte de l’executer, ne pouuant fouffrir cette honte; & s'il sen cfttrouué quel- ques-vnes qui s'y foient refolués, elles n'en ont pourtant pas cu meilleur marché, pour auoir furmonté cette honte ; mais on leur a fait fouffrir , ou des tourmens plus cruels, où des fpc&acles plus odieux د‎ iufqu'à à ce qu'enfin elles ayent efté contraintes d'abandonner la Foy. Nous auons connu vne vefue Chreftienne fort fage & fort delicate, auec qui Mon- ficur Santwortauoit eu vne grande amitiéselle n'auoit qu'vn feul fils, pour lors âgé de 18. ans ou enuiron; les Tyrans employerent toutes les menaces qu'ils purent pour. contraindre ce ieune homme de commettre vn incefte auec fa mere en prefence des Tuges;la mere & le fils furent fiefpouuátez de cette execrable & abominable cruauté, qu rils nc fi çauoient que dire ny que penfer ; ἢ οἵ. ες toutefois qu'on ne pît, par quel. que moyen que ce fuft, les refoudre à commettre vne fi horrible mefchanceté, quel- ques menaces & rourmens qu'on leur fit :IesTuges affeuroient , que fi ils n'obeyf. foient , on neles tiendroit plus pour Chreftiens, mais pour veritables apoftats : la mere ny le fils ne pouuant füpporter le des-honneur d'vn nom fi deteftable , s'of- froient l'vn & l'autre de mourir de la plus cruelle mort, qu'il leur plairoit ordonner, pluftoft que d'en venirlà, maiscelaneleur feruit de rien; car les Iuges voyans qu ls n 'auangoient rien auec coutesleurs menaces, ordonnerent que l'on menaftcette vef- τς à vn eftalon, & que luy ayant attaché les pieds & les mains, on la luy expofaft. pour en eftrefoüillée en prefence de fon fils,& on luy fit aprés pluficurs autres ignomi- nies. Enfin les Iuges voyant l'admirable conftance de cette Dame, qui ne petit eftre efbr anlée paraucune menace, ny par leur faletez & des honte ny par le confeil: & l’exhortation de fes amis les plus confiderables, la condamnerent auec fon fils d'e- fre menée aux eaux infernales , où eftans arriuées ils ordonnerent au fils de puifer ac cette eau boüillante , & d'en verfer fur le corps de fa mere, & à la mere d'en faire autant à fon fils en telle quantité qu'ils commanderoient;ce que la mere & le fils ayans yeciproquement refufc , bien qu'ils euffent eux-mefmes puifé de ccs eaux dans lesar- roufoirs, & fe les cuffent misentreles mains l’vn de l'autre, & que de plus l'vn de ces bourreaux tint en main vne efpée nué & vn coutelas de l'autre , auec quoy il les menacoic, les iniuriàt auec les plus fales & vilaines paroles qu'il pouuoit pro- noncer contre cux. Enfin cette femme defolée voyant qu'elle ne pouuoit mourir com- me cllc cutbien voulu,ny eftre defliurée destourmens qu'elle ne pouvoir plusfouffrir, renonca à fa Religion. Pay jugé à propos d'efcrire vn peu aulong cette hiftoire afin que chacun puiffe apprendre de là toutesles autres aétions horribles de cruauté qu'ils ontexercées fur les Chreftiens. En vn mot le Gouuerneur Onemandonne en quarante cinq ou fix ¡jours extirpa tous les Chreftiens fans effufion de fang ny meurtre, (à l'exception de ce jeune gar- con dont i'ay cy-deuant parlé, ) ce que les autres Gouuerneurs n'auoient auparauant pet faire par toute forte de morts durant feize ans : pour y paruenir, & afin qu'il, Pen peût donner la gloire toute entiere, il ne voulut point pour Pexecution de tous: cestourmensappeller Τ᾿ affiftance d'aucuns des Iuges de Nangafacque, ny d'Arrima pour y eftre prefens , & il n'a point efpargné la vie des Chreftiens pour aucune bien-. Y cill nce quil eut pour cux, ny qu'il fit confcience deles faire mourir, mais feulement, DIVE IA DON; ‘pour ne point faire des Martyrs, fçachant bien que les Chreftiens Catholiques Ro- mains lesonten vne fort grande veneration. Il n'aiamais pú rencontrer vn Preftre, bien qu'ilait promis vne groffe fomme d'ar- «gentà celuy quiluy en pourtoit découurir quelqu'vn , parce que le plus grand conten- ‘tement qu'il eut peáreceuoir, ce difoit-il , cuft efté dele tourmenter de la mefine ma- nicre, poùr luyfaire renoncer fa foy, comme il fe vantoit d'en venir à bout, fil en eutt peù trouuer l'occafion. Apres qu'il eut contraint tous les Chreftiensd'abandonner la Foy;il obligea tousles peres de famille d'atrefter par efcrit figné d'eux qu'ils n'eftoient point Chreftiens, & ‘qu’ils n'en logeoient point dans leurs maifons: Le Seigneur Melchior de Santwort '& Vincent Romeyn fignerent qu'ils eftoient Hollandois , on fe contenta de cela. Ces .chofes fe pafferent pendant que Guillaume Ianfz & moy demeurions dans la ville de Nangafacque:nous en partifmes le 23. Septembre, & nous enrerournafmes à Firande. Alors on redonna à tout le monde la liberté de voyager par mer & par terre, & le Gouuerncur Oncmandonne ayant fait cette action , ne voulut plus fe mefler d'aucu- ne affaire; & le dernier de Septembre il renuoya fes gend'armes, & commença à pa- roiftre tous les iours en public , & faller diuertir danslesbeaux jardins qui font en grand nombre à Nangazacque , & àtriompher d'auoir misàfin vne entreprife d'vne 1i haute confequence.. Voila comment s'cft perdu en ce pais le Chriftianifme Romain > qui auoit acquis ‘dans l'Empire du Japon depuis feize ans cnuiron quatre cens mille Chreftiens : l'an 1626. que nous atriuafmes à Nangafacque, l'on comptoit encore quarante mil Chreftiens, defquels il n'en refte pas vn à prefent encerte prefente année 1629. Continuation da precedent vecit des M. artyrs du lapon par Varen. TA, eu le foin de m'informer l’äñ mil fix cent quarante-neuf de quelques Holai- ‘dois, arriués nouucllement du lapon à Amftredam dans les Nauires de la Compa- ‘gnie ( quoy que cene foit pasde droit chemin ) car ce voyage ne fe fait jamais de la forte ; quel cftoit l'eftat du Chriftianifme en ces pays-là? ils m'ont dit que depuis quel- ques années en çà on n'auoit pris aucun Chreftien, qu'ils n'en auoient connu aucun; & quil effoit croyablequiln'yenauoit plus. —— Pad De plus, ils prennent garde de présnon feulement que le Chriftianifme ne s'intro- duife de rechef par les Marchands eftrangers qui abordent en leur pays ; mais auffi qu'onn'en faffe aucun exercice dans tout le Iapon. L'Empereur a eftably pour ce fu- jet des vifiteurs pour vifiter par tousles Nauires Flamans pour voir s'ils ne trouue- ront point de liures imprimez , afinde lesemporter ; les Hollandois font encores o- bligez de les áppórter eux-mefines; fur peine dela vie; & de confifcation de leurs biens; s'ils font autrement, & encoürent auffi là mefme peine, fi à la veuë des lapon- noisils prient Dieu les mains ióintes ; ou font quelquesautresa&tes de Religion que les Chreftiens ayent couftume de faire , & fontainfi contraints de diffimuler leur Re- ligion; & mefmes de pafler pour Payens auprés di Magiftrar Iaponnois. Cela fe void par vne lettre eferite par vn Iaponnois de Nangafacque qui eftoit coufin du Prefident de la Compagnie Hollandoife , en darte du 28. O&obre 1642. entre autres chofesil luy mande ; qu'encores queles Loix du Iapon foient grandement feueres contresles Chreftiens, neantmoins , comme ils ont remarqué, que les Holandois quitrafiquent dansle Japon, n'ont iamaisentrepris d'eftendre la Religion Chreftienne ¿on leura permis d'aborder à Nangafacque pour y exercer leur negoce , outre que cette ville n'appartient à aucun Seigneur particulier, mais à l'Empereur mefme; quien permet dans le pays l’abord à toutes les Nations Eftrangeres; que fi ils veulent auffitrafiquer; il leur fera permis ; mais qu'ils prennent garde que ceux qui y viendront ne faffent au- cun a&te exterieur de la Religion Chreftienne, qu'auec cela on leur accordera plus qu'ils ne demanderont; que fi on s'apperceuoit que nous fauorifaffions le moins du L'anié49: 48 MARTY RS mondele Chriftianifme , nous ferions ruinés auec tous les habitans dè cette ville de Kiíma, ( c'eff une petite Isle à Nangafacque» où ce Conful farfort fa demeure : C'eft pour- quoy vous trouuerez à propos de commander à vos Sujers qu'ilstiennent leur R مقع‎ gion Chreftienne fi fecrette que perfonne ne s'en appercoiue , tout ceque vous de- manderez vous fera donné, mefmes la franchife des impofts, & vous en ferez en plus grande confideration ; d'aillieurs Nangafacque eft en vne affiete bien plus com- mode que n'cft Firando, & la Compagnie y trouuera bien plus de profit. Cette lettre du Conful laponnois confirme aflez ce que les Holandois m'en ont raconté, de lànous pouuons connoiftrela diligence deteftable & impie des Magis + ftratsà empelcher l'accroiffement de la Religion Chreftienne, &la hayne exccrable — — qu'ils ont contre clle, puis qu'il ne leur fuffit pas d'exercer leur cruauté enuersles M Chreftiens innocens par destourmens inouys ; mais qu'ils veulent encore interdire l'exercice de laR cligion Chreftienne à des peuples eftrangers baptizés & eflcuésen la Foy, & les rendre hypocrites au grand opprobre de la Religion. On cherche quelie peut eftre la caufe de cette perfecution, mais ie n'en peux rien dire de certain, puifque les Catholiques Romains n'enont rien efcrit que ¡e {cache ; voicy ce qu'en dit Hagener en fesremarques fur Caron page 32. Les Ceres monies de l'Eglife Romaine onttoufiours beaucoup plá aux laponnois , d'où il arriva que cette Religion s'eftendit beaucoup , jufques-là que dans la ville de Nangalacque on auoit bafti des Temples magnifiques;mais l'arrogance & l'ambition Efpagnole fuc caufe que les laponnois ( fçauoir les grands ) commencerent ales hayr , & dans quelques rencontresles Caftillans : l'on attaqua & combattit leurs Nauires auccle fer & le feu,on les prit quoy que ce ne fut pas fans la perte de beaucoup de Iaponnois; Vn autre Holandois nommé Leonard Campen, auliure qu'il a fair de l'eimolu- ment du negoce du Iapon, & qui eft adioufté à la defcription de Caron,dit , que les Efpagnolsnon contens du gain qu'ilsauoient fait au commerce du Japon, tafcherent de rependre leur Religion par tout cét Empire, afin que ce leur fut vn moyen de s'en rendre les maiftres; mais comme ils n'auoient plus befoin que d'vn Chef, ilsen fu= rentempefchés par les Holandois;l Autheur ne dit pas par quel moyen ils ’empefche- rent ; ie croy quil veut dire que les Holandois firent rapport àl'Empereurdu japon «es deffeins des Efpagnols , & qu'ils layreprefenterent la tyrannie qu'ilsont exercée en Hollande : toutes lesautres entreprifes qu'ils ont faites dans l'Europe; le but des Holandois cftoit , que les Efpagnols eftant chaffez , ils cuffent tous feuls le com= merce du Japon, veu qu'en cetemps-là il yauoitentre les Holandois & les Efpa- gnols des inimitiez irreconciliables ; de là on peut conieéturer , s'il en faut croire les Holandois,que la caufe de cette perfecution a efté l'infatiable enuie de l'Efpagnol de joindre à fon Empire l'Empire de l'Occident & l'Orient ; qu'aprés s'eftre rendu puiffane dans plufieurs endroits des Indes & dans plufieurs Iles & Villes parle moyen de l'vnionde Portugal à fes Eftats, qu'il auoit 21011 eu deflein de fe rendre maiftre — du lapon; toutesfois ie ne me voudrois pastrop fier aux Hollandoisdecerapport; — aufli ie ne le tiens paspour bien certain ; il y a bien plus d'apparence de croire , que les Anglois & les Hollandois ont fait en forte que les Efpagnolsont efté mal dans lefa prit de PEmpereur du lapon & des Roys du pays, pour en acquerir par ce moyen les bonnes graces : ce n’eft pas que ie doute que la fuperbe des Efpagnols n'ait efté vne dcs principales caufes de leurruine; puis la calomnie des Bonzes ennemis capitaux du nom Chreftien , qui faifoient de mauuais raports des Efpagnols à l'Empereur, qui fait grand eftat des Bonzes, & a de la haine pour les Chrétiens ; l'auarice auffi à l'enuie des Gouuerneurs & des Seigneurs du pays : les Marchands Portugais & Elpa- gnolsnetrafiquoient qu'auecles Chreftieus laponnois, &nonpointaueclesautres; — & cela faifoit que les Grands qui leur oftoient ce traficn'aymoientpaslesChreftiens, — on adjoufte encores parles lettes, que les Chreftiens s'efcriuoient ,où ils faifoient — voirparplufieursraifons que iamais le Iapon nc feroitenrepos iufques à ce quecout le — pays eut reccu la Religion Chrétienne,ce qui fembloic émouuoirles peuples à fedition. 05 ni P qui regarde L'imerique 7 5 5 o A X Coste du Tapon 48 MARTYRS mondele Chriftianifme , nousferions ruinés aucc tous les habitans dè cette ville de Kiíma, ( c'eft «ne petite Isle à Nangafacque » où ce Conful faifoit fa demeure : C'eft pour: quoy vous trouucrcz à propos de commander à vos Sujets qu'ilstiennentleurReä- " gion Chreftienne fi fecrette que perfonne ne s'en appercoiue , tout ceque vous de- manderez vous fera donné, mefmes la franchife des impofts, & vous en ferez en plus grande confideration; d'aillieurs Nangafacque eft en vne affiete bien plus come. mode que n'cft Firando, & la Compagnie y trouuera bien plus de profit. Cette lettre du Conful Iaponnois confirme aflez ce que les Holandois m'en ont raconté, de lànous pouuons connoiftreladiligence deteftable & impie des Magis ftratsàempetcher Paccroiflement de la Religion Chreftienne , & a hayne exccrable qu'ils ont contre clle, puis qu'il ne leur fuffit pas d'exercer leur cruauté enuers les Chrefliens innocens par destourmens inouys ; mais qu'ils veulent encore interdire Lll: E 3 Ὑτὺ 9012 δ. τ τ εν sm o ripa Ad CERN loan ram les Anglois & les Hollandois ont fait en forte que les Hipagnois ont ere margansi eie prit de PEmpereur du lapon & des Roys du pays, pour en acquerir par ce moyen les bonnes graces : ce n’eft pas que ie doute que la fuperbe des Efpagnols n'ait efte vne des principales caufes de leurruine; puis la calomnie des Bonzes ennemis capitaux du nom Chreftien , qui faifoient de mauuais raports des Efpagnols à l'Empereur, qui fait grand eftar des Bonzes, & a de la haine pour les Chrétiens ; l'auarice auffi à Penuie des Gouuerneurs & des Seigneurs du pays : les Marchands Portugais & Efpa- gnolsnetrafiquoient qu'auecles Chreftiesas laponnois, & non point auec les autres; & cela faifoit que les Grands qui leur oftoient ce traficn'aymoient pasles Chreftienss. on adjoufte encores parles lettes , que les Chreftiens s'efcriuoient ,où ils faifoient — — voirparplufieursraifons que iamais le Iapon nc feroiten repos iufques à ce que cout le pays eut reccula Religion Chrétienne,ce qui fembloic emouuoir lespeuplesa fedicion. 1 | À ὃς od Ὁ on nen cos RELATION De la découuerte de la Terre d E. S © و‎ au Nord du lapon. TRADVITE DE L'HOLANDOIS. E S Hollandois faifant voile l'année 1645. fur le vaiffeau nommé Ca- | ftricon , le long d'vne Cofte efloignée enuiron’de 30. milles d'vn | Cap du Iapon nommé Nabo par ceux dupays, & que les Holandois appellent Cabo dc Gocrée qui eftà 39. degrez 45. minutes de lati- ل‎ a Es] tude Septentrionale en rangeant la cofte de ce pays,depuis le 42. de- gro, 1111013 211 43. ilstrouuerent 20. braffes d'eau , bon fond vafeux & de bonne te- nuë. Sousla hauteur de 45. degrez ils virent les vilages de Tocaptic, Sirarca, & vn peu plus auant Contchoury & Croen; aux enuirons de ces places qui font proches les vnes des autres il y a pluficurs mines d'argent : La terre en quelques endroits de ces quartiers leur paruttout à fait fans her bes, en d'autres endroitsils virent des ter- res doubles , celles de deuant e ftoient baffes auec de petits bocages; ils trouue- rent la cofte fort poiflonneufe , cc qu ‘ils attribuerent aux balleines qui chaflent le poiffon le long v de fes bords, où ils virent beaucoup de chiens qui fc jettent à l'eau, & font dreffez à prendre le poiffon, ὃς a le porter à leur maitre. Nos gens mirent pied à terre fous la hauteur de 44.degrez3o.minutes;ilstrouue- rent que cétendroit de la cofte d'Efo eft plein dc montagnes fort hautes, dont la plus haute eft appellée le Pic d'Anthoinc;ceux qui en font proches difent qu'il y a des mi- nes d'argent fort riches ; l’on y void diuerfesfortes d'arbres fort droits & fort hauts; qui (croient tres-propresa faire des mafts: le terroir eft de glaifé , fort humide, & couuert prefque par cout d'ozeille & de ronces:A la hauteur de 46.degrez trente mi- nutes, ily a vn grand golfe ou les Hollandois pefcherent en quatre iours de temps plus de mille liures de Saumonle long dela cofte; lesterres au dedans font couuer- tesd'herbes, & reffemblent affez à la cofte d’ Angleterre :laterre y eftgrafle , ce n'eft pas qu'en quelques endroitsil n’y ait auffi des dunes qui f'eftendent affez loin; les ha- bitans ne fement ny ne labourent point , ainfi 115 عط‎ retirent aucun auantage dela bonté deleur terre. Sousle 48.degré 5o. minutes , il y a de petites collines couucr- tes d vne herbe courte; laterre en cet endroit a à peine plus d'vn mille de largeur د‎ court au Nord -weft, il y abon ancreageà vn mille ou vn mille & demy de la cofte à 40.35.30. 25. braffesfonds de fable. Sous la hauteur de 45. degrez o. minutes , eft vne Ifle que les Hollandois ont nommée l’Ifle des Eftats,& plus auant vne autre nommée la Terre de la Compagnie, qui cit feparée de celle des Eftats par vn détroit qui peut auoir quatorze milles de lar- geur: Ils ont mis pied à terre dans [1Π- de la Compagnie , proche d'vne montagne d’où fortoit vn torrent d'eau de neige fondué: Ils y trouuerent vne efpece de terre mineralle qui brilloit comme fi elle eut efté toute d'argent. Elle eftoit meflée aucc vn fable fortfriable , car ayant mis la terre dans de l'eau , clle fe fondit entierement: Il y a encérendroit des montagnes fort hautes, couuertes aufli bien que lesvalées de la cofte d'herbe fort longue, fans aucun arbre de boisfort. Il y a vn grand courant le long de cette cofte, qui porte au N.O. il ne fait pas feur d'y jetter l'ancre , car le long de la cofte il y a plufieurs rochers. 1.1116 des Eftats qui eft ‘plus auanta des montagnes fort hautes, qui pa paroiffent fans s arbres & fans verdure , & dontles fommets font couuerts de roches. 2 RELATION DE LA DECOVVERTE Lors qu’ils furent arriuez à la hauteur de 45. degrez 10. min. en vn lieu nommé | Acqueis, qui cft au fond d'vn golfe qui entre bien deux milles auant dans lesterres, |. & qui peut auoir vn demy mille de largeur ; ilstrouuerent que la terre qui le borde M eftoit vne haute terre toute couuerte d'arbres, c’eft prefque par tout terre glaife; on | ne la cultiue ny ne la feme point, mais elle ne laiffe pas de porter de fort bons fruiéts, M des meures, des grozeilles rouges & blanches,des framboifes, il y a auffi beaucoup de - chefnes, d'aulnes , & d'autres arbres qui croiffent ordinairement fur les monta, | gnes. 7 1 Dre E Lesriuieres font bordées de rozeaux, la grevelelong de la Mereft pleine de ro- | ziers qui portent des rozes rouges; vous les voyez poufler entre les écailles d'huiftres donttout le terrain eft couuert , la Mer en cét endroit a beaucoup d'huitres, quiont « pour la plufpart vne aune & demie de long , & vn demy quartier de large. Ilsn'y vi- M rcnt point d'autres beftesfauuages , qu'vn Ours noir fort gros, point de moutons ny d'autre beflail , pasmefme des canards ny des poules, mais beaucoup Vaigles & de M faucons. Tousles habitans de cette Terre d'Efo fe reffemblent, ils font tous d'vnetaille ra- maffée, trapus, ontles cheueuxlongs , la barbe de mefme , fi bien que leur vifage en cft prefque tout couuert, hormis fur le deuant où ilsont la tefte razée , lestraits du vi- fage affez beaux , n'ont point le nez applati , entles yeux noirs, le front plat , le teint jaune, & fort velusparle corps. Lesfemmes n’y font point fi noires que les hommes; quelques-vnesd'entre-ellesfe coupent les cheueux autour de latefte;tellement qu'ils neleur couurent point le vifage : D'autresles laiffent croiftre & lesreleuent en haut comme font les femmes de Plíle de laua, elles fe marquentde bleu leslevres&les | fourcils ; les hommes auffi bien que les femmes ontles oreilles percées, auec desan- | neauxd'argent. Ellesen ont auffi aux doigts, & quelques-vnsportent de petitsta- bliersd'vne eftoffe de foye fort legere. . Autant que nous en pouuons juger ils n'ont point de Religion , onremarqua fcu- lement que lors qu'ils beuuoient aupres du feu , ils jettoient quelques gouttes d'eau cn diuersendroits du feu comme par forme d’offrande, ils fichent aufli de certains pe- tits baftonscoupez, au bout defquels il y a de petitseftendars ; on en vit de mefine fa- con pendus dans curs maifons : quand ils tombent malades il coupent de longs éclats de bois, & les lient fur la tefte & fur les bras du malade. On ne remarque point entre-eux aucune police ny forme de gouuernement ; ils fonc auffi grands maiftres les vns que les autres, ne fçauentnylirenyefcrire,on les | prendroit pour des Bandits , ou pour des gens qui auroient efté chaffez de quelqu'au- tre Pays, ontquafitous desbalaffresou des cicatrices fur la tefte : Chacun d'eux a deux femmes, ellesfontoccupéesà faire des nattes , à coudre les habits de leur mary, àluy accommoder àboire & à manger , & quand ilsont ramaffé du bois dans les fo- refts, la femme le porte dans la petite barque où elles rament , auffi bien que luy: Ils - font fort jaloux des eftrangers lors qu'ils approchent de leurs femmes & de leurs fil- les, & le mettroient en deuoir de les tuer fils fapperceuoient qu'ilsles vouluffenr dé- baucher. Les hommes & les femmes aiment également à boire, & fenyurent aifc- ment. Leur poil & leurs longs cheueux les font paroître d'abord fort barbares , mais leur maniere de traiter fort fage & fort auifée monftre bien qu'ils ne le font point:lors qu'ils doiuent paroitre deuant des cítrangers, ils fe parent de leurs plus beaux habits, témoignent beaucoup de modeftie, font la reuerence en inclinant latefte , & paffane & repaffant les mainsl’vne fur l'autre, & chantent,mais d'vne voix tremblante,com- me les laponnois : ce n'eft pas que fi on leur commande quelque chofe ils ne fe fami- liarifent auffi-toft , & ne paroiffent auec vn vilage riant & ouuert. Les femmes en couche logent dans vne maifon particuliere ou les hommes n’entrent point durant deux ou trois femaines. Leursenfans font tout à fait blancs lors qu'ils viennent au monde : Quandelles leur donnoient la mammelle , elles le faifoient en forte que nos Holandoisne pouuoient rien voir de leur fein , dont elles ne découurent qu'aurant M DE LA TERRE DESO. 3 quil en faut pour en approcher la bouche de leurs enfans. Les petites filles courent quelquesfois toutes nücs par vn beau temps 5 mais lors qu'elles rencontroient nos gens elles témoignoient affez en baiffantla tefte & fe eroilant les cuifles,la honte qu'ellesauoient de paroitre en cét eftar. Les femmespor- tent lcurs enfans auec elles , lestenant fufpendusà vne fangle arreftée àl'entour de leur front. Elles font bien plus propres dans leur manger ; dans leur boiffon , & dans leur chambres , dont elles couurent le plancher de nattes ; que dansleurs habits qui font fort mal propres, & qu'elles ne changent point. Leurs maitonsíont fur la pente des collines ; il y enà de bafties de planches join- tes les vnes aux autres, & couuertes de bardcau : la plufpartfont dreffces de troncs d'arbres plantez enterre;& couurrtes par les coftez & par le bout aufli de grands bouts de planches , auec vne feneftre par en-haut pour laifler fortir la fumée ; car le feu le faittoufiours au milieu de la chambre : Plus avant on en void vne autre feparée du refte auec vne cfpece de parauent, elle eft de dix ou douze pas de long & de fix de fix de large, couueire par en bas de natte faite de jonc. Elles n'ont d'exaucement que deux fois la hauteur d'vn homme, & font fort femblablesaux maifons des payfans de la Hollande ; les portes eftant fi bafles , qu'il fe faut courber beaucoup pour y entrer: On ne void point plus de dix ou douze de fes maifons enfemble , ellesfont ordinaire- ment à vne demie lieué les vnes des autres, encore y en a-cil beaucoup qui ne font poiut habitées. Ils n'ont point d'autres meubles que des nattes de jonc, & pour tout ornement des robes du lapon;ont rarement des chaifes ou desli&s: cét hyuer dernier il mourut de froid & de famine beaucoup de monde à Acqueis, ils couuroient d'écail- les d'huitres ces corpsmorts ; ils les mettent ordinairement dans de petites caiffes qu'ilstiennent efleuées de terre für quatre petits baftons : les petites huttes fous lef- quelles ils les tiennent font bien trauaillées: on ue void point d'offrandes autour com: me autour des bieres des Chinois. Leur nourriture la plusordinaire cftle lard de Baleine, l'huile de Balleine, le poif- fon, & toutes fortes d'herbages, mais principalement des boutons de roze rouge, dont il ya grande quantité à A cqueis; ilsfont groscomme des neflles, & apres les auoir È . A (e fait fecher, on les garde comme vne bonne prouifion pour l'hy ver : Ilsont de petites coupes vernies de laque,& d'autres petits vaifleaux de mefme qui leur feruét de plats; chacun a fon petit plat & fon vaiffeau , ils fe feruent de petits baftons au lieu de four- chettes. Ceux qui font fous le 48. degré 50. min. quoy qu'ils foient razez comme les Iaponois , qu'ils portent comme eux des robes de foye , ne leur reffemblent neant- moins pas par le vilage ; ils ont leteint vn peu plus blanc qu'eux, & ne fe feruent point, lors qu'ils mangent, de ces petits baftons. Ils font la plufpart habillez à la Taponnoife , il y ena peu qui portent des eftoffes de foye; l'habitle plus commun eft vne eftoffe qu'ils nomment Kingan , auec des fleurs femblables à celles du Nenuphar peintes deflus ; quelques-vns font eux mefmes l'é- toffe de leurs robes, ou fe feruent de peaux de beftes; leshommesles portent ouuer- tes par deuant, & les femmes fermées comme vne chemife. Cespeuples font naturellement pareffeux, ne cultiuent point la terre , ny ne lafe- ment; ils paffent le temps dans de petits Praos,ou barques qu'ils font en creufant le tronc d' vn gros arbre, & enreleuent les bordsauec quatre planches qui peuuent fai- re vn pied de bord; ils les conduifent comme font nos payfans lors qu'ils apportent leur lai& au marchédans leur petit batteau ; car ils ne mettent point en mefme temps les deux rames dans l’eau: ils vont auec ces petits batteaux tirer des loups marins ,& à lapefche des Baleines; car ils ont des harpons faits d os, dont la pointe eft armée de fer ou de cuiure , & tout ce qui cft neceflaire pour cette pelche, & auffi des Saines pour la pefche des autres poiffons , femblablesà celles dont on fe fert en Hollande. Ils dreffent vn piege aux oifeaux auec vnarc, duquel ils y font vn trou en rond و‎ où ils mettent vne amorce; quand les oifeaux viennent à y toucher, l'arc fc débande,& l'oifcau demeure pris: Ils portent toufiours leurs coutelas & leurs fleches quelque Knoppen , "eft pluitôt les gratecus que lon mange auffi en Suede & qui n'ont pas le gouft defagreables DECOVVERTE DE LA TERRE D'ESO. part qu'ils aillent; dont ilstuent des Ours, des Cerfs, desiElans, des Renes, & autres animaux inconnus en nos quartiers. Ils filent du chanvre qui vient dans les bois fans eltre cultiué, ilsle tiennentferré par vn bout entre leurs dents, & lesfaifant feruir de quenotiille le tordent , apresde leurs mains, & en font d'affez bon fil. i Ils trocquent auec les Iaponnois leur lard de Baleine, des huiles de poiffon, des langues de Balleine fechécsà la fumée, des fourures, plufieurs fortes des plumes d’oi- fcaux, ils y viennent vne fois tous les ans, & leur apportent du rys, du fucre, desrobes.. - Iaponnoifes de foye , ou de cette étoffe bleuë qu'ils nomment Cangan , des Pipes ds? cuiurc , des boitesà mettre dutabac, & des petits vaiffeaux vernisauec de la laque pour mettre leur boire & leur manger; des pendans d'oreilles d'argent , des anneaux de cuiure pour mettre aux oreilles, des haches , des coufteaux , enfin prefque tout ce qu'ils ont leur vient des Iaponnois: ils fe feruent de beaucoup de paroles Iaponnoifes, font for fubtils & intelligens en ce qui regarde leur commerce, & ne font point por- tez au larcin. Ceux qui font fous le 46.degré eftiment beaucoup le fer , & le prennent volontiers en échange de leurs fourrures & de leurs plumes d'oyfeaux qu'ils arrengent fort pro- prement dans les boiftes;ils ont pour armes l'arc & les fléches, auec vne épée courte ou coufteau orné d’vn petit filet d'argent le long du plat de la lame, fort femblable à ceux que l'on porte au Tapon ; ils le portent attaché à vne fangle comme les Perfans ; & le carquoisau cofté droit pendu à vne efchatpe à l'entour de leur tefte ; leursarcs fonc de 4. ous. pieds de long; font de bois d'Aulne ;les flecheslonguesde demie aulne fort bien faites, aucc vn petit harpon de canne au bout qu'ils trempent dans vn poifon noir; ceux qui en fontbleffez meurent fübitement. Quand ils veulent faire mourir quelqu' vn de leurs ennemis prifonniers , ils l'eftendent tout de fon long par terre , la face enbas, deux luytiennentles bras,& deux autresles jambes,cependant que celuy qui doit fairel'execution aucc vne mafluë armée de fer qu'il tient à deux mains, préd fon efcouffe de dix ou douze pas, & vienten danfant en décharger vn coup fur latefte de ce miferable , 8zapresil luy en donne d'autres coups qui fe croifent fur le dos. Ils craittent de mefme ceux qui font furpris auec leurs femmes, ou auec leurs filles. Matfmey eft la Capitale du Pays, quoy qu'elle ne foit pas fort grande ; auparauant que d'y arriuer, on paffe vne grande Baye nommée Cauendo; & tout proche de la vil- le il y 213. pieds d'eau. C'eft là que le Prince ou Gouuerneur du Pays tient fa refidence , les Iaponnois l'appellent Matímey Sinnadonne : il paffe tous lesans à cofte du Japon nommée Na- bo , & de là par terre à Iedo pour faire la reuerence àl'Empereur du Japon, auquel il porte pour prefent beaucoup d'argent, des plumes d'oifeaux , dont ils fe feruent pour mettre à leurs fléches, & auec cela quantite de foureures fines. Les Places qui font plus renommées de ce Pays font Matímey, Sirarca, Tocaptfie, Contchoury, Groen, Acqueis, Oubits,Porobits,Soboffary,Croen,Outchoeira,Efan, & Sirocany. Les habitans de Contchoury nomment autrement ces Places, Matomey, Compfo, Pafcour, Hape, Tocaptfie , Abney , Sanpet, Oubits, Groen, Sirarca, Saro, Contchoury & Acqueys. Voila en peude mots tout ce que nousauonspeü apprendre iufqu’à cette heure de ces Terres nouuellement découuertes. Si nous y adiouftons le rapport d'vn Iapon- noisnommé Oery , quitraffique tousles ans à Matímey, où il porte du Ris, du lucre, vne éroffe nommée Kingan peinte en bleu dont ils font leurs veftes, des robbes du Japon peintes auec de certaines eaux , des pipes de tabac, & autres bagatelles, aure- tour defquelles il rapporte des fourures & des plumes d'oifeaux ; ce laponnois nous: dit que Efo cftoit vne Ifle, & nous figna la Relation qu'ils nous en fit. cr i Ὁ NN E FEE BRIEFVE RELATION DE LA CHINE, EGGBE ἀν κε ἢ NOTABLE CONVERSION desPerfonnes Royales de cet Eftat. Faicte par le tres-R. P. Micugr BOYM de la Compagnie de Ygsvs; enuoyé par la Cour de ce Royaume la,en qualité d Ambafadenr an S. Siege "Apoffolique و‎ eg recitée par luy mefme dans l'Eglife de Smyrne,le 19. Sep- tembre de l'année 1652. E E voicy veftu à la Chinoife & de la mefme façon que nos Pe- pu DÀ A res paroiffenten public dans l'vn des plus valtes, & des mieux po- [A m MEA licez Royaume dela terre. le fçay que plufieurs d'entre vous fou- Il Sa DR ||haitent d'aprendre de moy le commemencent,le progrés,& l'eftat IE IBS | prefent de la nouuelle Eglife, qui s'eft formée dans ce pays-là: Epa] mais comme vn éloignement fi eftrange, & vne filonguc abfence de l'Europe m'a fait oublier la pureté du langage Italien; ie n’oferois nv engager dans cette narration, fiie n'eftois affeuré que vous excuferez facilement les im- proprietez , que ie ferdy fans doute contraint de laiffer couler dans vn difcours, qui n'eft entrepris que pour voftre fatisfation. Il faut donc fçauoir que la Chine fut autresfois fi grande & fi vafte,que fa latitude comprenoit plus de foixante cinq degrez ; ie veux dire tout cét efpace de terre qui eftentre la ligne Equino&iale & la mer glacée : de forte que tous les peuples Septentrionaux de la grande Tartarie n’eftoient qu'vne partie , & encore fort petite de l'empire des Chinois , qui rece- uoient du cofté du Midy l'hommage & le tribut de toutes les Indes Orientales, & particulierement des Roys de Cochin, de Ceylan, d’où vient la canelle, de Ma- Jaca, de Chiampa , & de Cambogia , quis'aduouoient leurs feudataires de melmo que les Roysde Siam, de la Cochinchine, ὃς de Tunquim, qui encore auiourd'huy font leurstributaires. Du cofte d'Orient leurs monarchie (à ce qu'onrapporte ) alloic au delà dela mer , & s'eftendoit par toute l'Amerique Septentrionale iuf- ques dans la nouuclle Efpagne : du moins il eft affeurc que les Philippines , où eft Manila & le Royaume de Mindanao , l’Ifle Formofe , les Moluques ( d’où vient tant de gitoflle ) & tout le lapon, appartenoit aux Chinois. Et pourle cofté d'oc- cident , l'hiftoire de cette nation affeure que leur domination n'y auoit d'autres bornes que les flots de la mer Cafpie , & qu'ils eftoient mefme iln'ya paslong temps, (upremes Souuerains des peuples de la Surmacande , du Royaume de Ty- ce ١ C'eft plus, toit 56.d. bet abondant en precieufes laines , du Royaume de Laos , où font les plus grands rh eig elephans & où fe trouuc le Bezoar, & du Royaume de Pegu , d'où l'on apporte les Samahaud. ' rubis. Certainement à quiconfidere dans la carte geographique lesnations que ie viens denommer , il cft impoffible de ne s'cftonner de l'amplitude demefuree de tant de climats & de tant de pays autres-fois foúmis à la Chine. La grandeur de Seconde Paitic. (a i RELATION' cette monarchie eftoit bien fi prodigicufe , que les Empereurs tous politiques qu'ils eftoient, ne pouuans gouuerner plus commodément des peuples fi éloignez, fe refolurent de choifir parmy cent quatorze Royaumes ceux-là feulement , qui pouroient compofct vn Empire allez vny. A quoycontribua beaucoup la fituation des quinze prouinces, qui font prefentemenr l'eftat de la grande Chine : parce que du cofté d'Orient & du Midy la mer les defend contre toute forted' ennemis. Du cofté d'Occidentilya vn fleuue nommé Huám d'vnelongueur & d'vne largeur excefliue : du cofté du Seprentrion il y a. vnemuraille , non pas de quatre cens (comme plufieurs cartes mettent ) mais de fix cens lieués d'Alemagne, chacune defquelles contient quatre milles d'Italie; & ces deux chofes mettent les Chinois dans vne extreme feurete. De plus leurs Monarques firent vne loy rigourcufe, qu'aucun de leurs fubiets ne fortift du Royaume pour trafiquer, & qu'aucun n'euft la hardieffe de conduire ou d'introduire aucun eftranger dans leurs eftats , fous peine de la vie : & de là vint que nous autres d'Europe ne pouuions point auoir la connoiffance de leurs couftumes , de leurs richeffes , & de leur politique. Mais de- puis la découuerte du nouucau monde par la nauigation des Efpagnols du cofté d'Occident, & des Portugais du cofté d'Orient & du Midy, ces peuples commen- cerentà venir dans noftre connoiffance par le moyen du trafic qu'eurent les mar- chands d'Europe dans les ports de la Chine. lean Roy de Portugal n'en fut pas luftoft inftruit , qu'il demanda au fouuerain Pontife & à Sain& Ignace quelques Peresdela Compagnie , qu'il fondoit à lors à Rome, por aller prefcher le fain& Euangile dansles Indes Orientales.Sain& Xauier y fut enuoyé auec quel- ques autres de (es compagnons, d'où apres plufieurs trauaux fupportez, & le bap- tefme de plus d'vn million d'idolatres;il s'en alla iufques dans le Iapon, où fes pre- dications furent fuiuies de grandes conuerfions. T outesfois il oyoit fouuent faire aux laponois cesinftances cy. Bien que nous ne fçachions pas refpondre à vosvaifonsal y > pourtant dans la Chine beaucoup de doéteurs € de gens de lettres > lefquels peuuent [atisfaive è «vos doutes : alle doncsallex premierement conuertivles Chinois € vous verrez, en fuste que nous deuiendrons tous Chreftrens. Ce fur là l'occafion qui fit refoudre le Sain& ,à vfer de tous les efforts poffibles, pour entrer dans la Chine, & y prefcher noftre fain&e foy. A cet cffet il procura que les Portugais deftinaffent vne ambaffade aux Chinois, laquelle fut malheu- reufement empefchée par la malice du Gouuerneur de Malaca, qui pour ce fuiet fut excommunié par le Sain&, fuiuant le pouuoir qu'il en auoit,à caufe de la char- ge de Nonce Apoftolique;& cette excommunication fut bien-toft fuiuie des chafti- mens de la Iuftice de Dieu,qui permit que ce miferable,eftantrappellé dans le Por- tugal, mouruft dans la prifon d'vne lepre fi hideufe & fi puante,que fes plus pro- ches parens mefme ne peurent iamais s'approcher de luy. Le Sain& ne laiffa pas malg réles oppofitions de cet impie;de perfeuerer dans fon entreprife auec vn cou- rage inuincible : & quelques charitables marchands luy ayant donné par aumofne quelques facs de poiure, ils les redonna à vn certain Chinois, à condition qu'ille porteroit dans Ia Chine ; & pour cét cffetil alla dans l'ifle deSancian, où plufieurs - vaiffeaux Portugais trafiquoient auecles Chinois. Il efperoit que celuy auec qui il auoit conuenu , Viendroit le prendre dans cette ifle , pour le tranfporter à la Chine; maisil ne parut jamais , à caufe de l'affeurance qu'il auoit des extre- mcs rigueurs, qu'on exerce contre ceux qui font entrer des eftrangers dans le pays. Cependant le Sain& fetrauailla fi fort à adminiftrer les Sacremensaux Portugais , & à prefcher la foy aux Chinois de cette ifle-là , qu'il contra&a la maladie, de laquelle il mourut comme il auoit vefcu, ie veux dire tres-fainéte- ment.Les Portugais voulans porter fes os dans les Indes , mirent fon corps dans vne foffe pleine de chaux, afin que la chair fuft bien-toft confumée : mais lors qu'il fuc remps de partir, ils trowuerent le corps tout entier, qu'ils cranfporte- rent à Malaca, où il fut pour yne feconde fois enfeuely dans γῆς foffe couuerte de ١ j να ὧν DE .LA:CHINE: terre & de pietre : & toutesfois quand ils voulurent faire voile du cofté de Goa, ils le trouuerent encor aufli frais que deuant,fansla moindre apparence de cor- ruption. Au contraire, ils virent fortir de quelquesendroits quanute de fang,tout ainfi que s'il euft efte viuant; & dans cet eltacil fut porté à Goa,où Ponle voit en- core auiourd'huy , & où icl'ay veu de mes propres yeux dans l'Eglife du bon Iefus de noftre maifon Profeffe;où il eft conferué dans vne grande chafle d'argent bor- deetout à l'entour de grandes pieces de criftal , & enrichie de pierres precieufes: & bien qu'il y ait defia cent ans que ce Sain& eft mort, il eft pourtantencore tout entier » fans qu'il ait pù eftre gafté parla corruption que produifentles extremes chaleurs de Goa, oú aucun corps mort ne peut demeurer plus de vingt-quatre heures. Vrayement c'eft vne chofe bien remarquable de voir les pieds du Sain& fi blancs & fi beaux, qu'ils ne font point differens de ceux d'yn homme viuant que par certaines rides & inegalitez. De forte qu'on peut iuftement dire d'eux , O quam Speciofi pedes euangelixantium pacem. On voit la face tout entiere auec vn œil ouuerc & la paupiete dedans; ce qui paroiftra prodigieux à ceux qui fçauent que la pau- piere eft vne des parties qui fe corrompentles premieresdans les corps morts. Il y a quelques annces que lesPeres, pour fatisfaire à la deuotion des Chreftiens , & pour auoir des reliques , tirerent quelques inteftins du Sain&, auec toutes les per- _millions & ceremonies neceffaites. Les os des ioin&ures d'vne de fes mains pa- roiflent vn peu decharnez,ce qui ne vient pas de la corruption du corps; mais de ce que la chair en fut enleuée par quelques perfonnes, & encore de ce que ce fain& Corps fut misdans yn lieu fort eftroit. La mefme année quele Sain& mourut, & au mefme temps qu'il deuint mala- de dans l'ifle de Sancian, le venerable Pere Mathieu Ricci nafquit en Europe par fes prieres;comme Pon croit,lequel apresentra dans la Chine , & fonda les Eglifes, qui font dans les deux Cours du Roy.Auant luy toutesfois le Pere Francois Petriz, par le moyen des Ambaffadcurs deputez parles marchands de Macao, trouua l'oc- cafion d'aller jufques dans la metropolitaine de Quamtum,oü apres que les Am- baffadeurs eurent propofé les poin&s de la negotiation, le Pere prefenta aux Grands de la Chine deux efcrits qui contenoient enlangue Chinoife cc qui fuit. Ie fuis le doËteur qui enfeigne la loydu Seigneur da Ciel,& parce quer ay oùy dire que dans ævoftre Royaume il y a beaucoup de gens [gauans ie fevois bien afe de conferer auec eux fur les principaux poinéls de ma doËtrine : mais parce que moy &* mes compagnons auons accomflumé d'offrir à Dieu des facrifices, lefquels ne peunent pas bien commodement eftre prefentex, fur la mer, Gr que d'ailleurs ie fuis trop vieux pour retourner dans mon payssie fupplie tres -humble- ment vos Grandeuvs de permettre que je demeure dans vos eflatsye offre fur terre mes facrifices, pour la profperite de voftre Empereur & de toutes vos illuftres perfonnes. Les Chinois leurent auec grande farisfadtion cesrequeftes, & enuoyerent au Pere yne vefte de damas cramoify,de laquelle malgré toutes fes oppofitions ilsle veftirent,lors qu'il futarriué à eux, &l'obligerent de s'affeoir au milieu d'eux,pour refpondre aux interrogations qu'ilsluy failoient fur cette loy quil profefloit. Ce Pere leur fic entendre par l'entremife d'vn truchement, qu'il adoroit le feul Crea. teur qui a produit toutes chofes , ὃς lequel commande qu'on honorc fes parens, qu'on ne tué point, qu'on ne dérobe point, & qu'on ne falle point d'autres chofes de cette nature: de telle forte , que fi l'homme obferue ces preceptes, foname qui eft immortelle, ioüyra d'vne beatitude eternelle dans l'autre vie. Ils tefmoigne- rent γῆς grande ¡oye en entendant parler de l'immortalité de Pame, & pluficurs des Mandarins confentoient à la demeure du Pere dans la Chine; mais leur Chef s'y oppofa , alleguant la loy qui defend fous peine dela vie, qu'on ne laiffe point entreraucun cftranger dansle Royaume. Ainfi pour refponce ilsdirent au Pere, que pourl'ignoranceoü il eftoit de leur langue, fa demeure en ce pays-là feroit du -tout inutile;mais que dés qu'il auroit acquis quelque connoiffance de leur langaá- ge, il pourroit auecle temps obtenir pour foy & (es compagnons l'entrée dans la Seconde Partie. ay 4 R 81 A AT TON Chine. Il fallut donc que de ceux de nos Peres qui eftoient venus à Macao,les jns s'en allaffent au lapon , où ils moururent gloricufement pour la confeflion de la foy; & que lesautres,comme le Pere Michel Rogier & le Pere Mathieu Ricci, du- quel r'ay auparauant parlé, s'appliquaffenc à l'eftude de la langue Chinoife , dans laquelle:ls n'eurent pas pluftoft fait quelque progrés, qu'ils sen allerentà Quan- cum enla compagnie des marchands. Ils furent dans cette ville receus par les grands, & fur tout par le Viceroy, qui prenoit grand plaifir à leur conuerfation; aprenant d'eux beaucoup de curiofitez appartenantes à la Phyfique & aux Mathe- matiques. Les Peres demanderent qu'il leur fuft permis de refter dans.(a Cour ,ce qui leur fut liberale ment accordé par ce Viceroy, qui leur donna vne mai(on; au deuantde laquelle ilfit mettre cette infcription en lettres d'or : Icy demeurent les Docteurs du grand Occident; qui enfeignent la doétrine du Seigneur du Ciel. Celales accredi- ta beaucoup, & porta quantité de perfonnesàles vifiter. Pluficurs admiroient les inftrumens de Mathematique, & demandoient pour quelle raifon nous eftimons que la terre eft ronde,carils croyent qu'elle et carrée; pourquoy il n'y a pas cinq clemens, mais feulement quatre; pourquoy les arbres & les metaux ne font pas au nombre des clemens D'autres s’informoient des particularitez d' vn fi long voya- ge, des chofes de l'Europe, de noftre fainéte loy. Dieu fe (eruit de cette occafion pour attirer ces gens à fa connoiflance. En cffet عل كسام‎ quatre cens fe firent Chre- ftiens, parmy lefquels eftoient quelques Mandarins des plus graues. Le Vicero fur la fin de fon gouuernement , de crainte qu'on ne l'accufaft auprés de l'Empe- reur, enuoya dire aux Peres qu'ils retournaffent à Macao ; adouciffant toutesfois cét ordre fafcheux par ces paroles, qu'il fit adioufter à celles du commandement: le Vows fais cette grace quede laiffev à mon fuccefeur de bonnes informations de voftre probité €? fcience , particulierement pour les Mathematiques; lefquels memoires al n’aura pas pluftoft ven, quil vous rappellera. La chofearriua de la forte qu'il l'auoit affeurée : parce que fon fucceffeur aprenant la bonne reputation de nos Peres, & oyantdire merucilles de leur do&rine; lesenuoyachercher, & leur rendit la maifon où ils eftoient aupa- rauant : mais eftant éleué à vne plus haute dignité, & craignant quelque accufa- tion, il vouloit lesrenuoyer à Macao, & delia leur auoit commandé de vendre leur maifon : alors les Peres le coniurerent que du moins il leur permift d'aller dans vn autre ville de ce Royaume , en.cas qu'on ne leur voulut pointaccorder de دعل‎ mcurer dansía Cour : J'en fuis content, refpondit le Viceroy, eg eferiray au Gouuer- neur de Xaocen qu il vous vegotue C7 qu'il vous donne une maifon. À la faucur de cette let- tre les Peres y furent tres-bicn accucillis , & y fonderent vne Eglife auec vne refi- dence.Quelque temps apres ils allerent de ce lieulà dans la prouince de Kiàm-fy, où ilsbaptizerent beaucoup d'idolatres. En fuitte ils paferent à Nankim , où per- fonnene vouloitles receuoir , foit dans les maifons, foit dans les barques, pour la crainte qu'ils auoient d'eftre accufez, d'auoir eu quelque commerce auec les eftrangers. Cependanttandis que le Pere Mathieu Ricci prenoit vn peu de reposau milieu d'yne campagne;il luy fembla voir vne perfonne qui l'exortoit efficacement, & l'a- nimoitacontinuerdans lon deffein de prefcherla foy dans ce pays-là; & comme le Pere tout eftonné du difcours que cét inconnu luy tenoit, youlut s'informer de fon nom & de fa qualité, il oüyt de luy cette refponfe , Ego vobis propitius ero in vtra- que aula. La verité de cette apparition parut manifeftement le matin fujuant, au- queltemps quelques Mandarins le vindrent inuiter à fe retirer dansleurs mai. fons de Nankim,oú bien-toft auec leur affiftance il fonda vne Eglife & vne refi. dence, qui produifit de grands fruits en peu de temps, par la conuerfion de bcau- coup d'idolatres. De là nos Peres refolurent d'enuoyer à l'Empercur vn prefent , lequel fut mal- hcureufement arrefté dans le chemin par vn Eunuquede la Cour, qui mit en pri- fon ceux de nos de nos Peres qui le portoient, fous pretexte que leurs liures; عق‎ Ga DE LA CHINE. 5 leurs Crucifix eftoient des enchantemens pour faite mourit l'Empereur , auquel pourtant il fit fcauoir tout ce qu'il auoit trouué dans le train de ces Eftrangers. De là a quelques mois le fouuenir des chofes que nos Peres luy apportoicnt s'eftanc reffufcité dans fon efpritluy fit conceuoir le defir de les voir, & exprimer ce defir par ces mots icy; Οὐ efl cette cloche qui fonne d'elle-me[me: ( voulant parler d'vn horo- loge;lequel cftoit vne partie duprefent.)Ceux qui eftoient alors auprés de fa per- fonne refpondirent que les Eftrangers qui la portoient n'eftoient gueres cfloignez delà,8 qu'ils attendoient les ordres de (a Maicfté. Fazres-les venir au pluftoft, ad- ioufta-t’il d'abord. Les Pereseftans arriuez offrirent premierement vn grand ho- rologe à rouës & puis vn autre fort petit,quelques rarctez de verre,des Perfpetti- ues merueilleufes,desinftrumens de Mathematique, & fur tout vn beau Tableau de Iefus-Chrift noftre Seigneur,& de fa fain&e Mere.L'Empereur refta fi (atisfaic de ces prefens, que le plaifir qu'il receut de leur veuë fit naiftre en luy le defir de fgauoir comme eftoient faits ceux qui auoient prefenté des chofes fi admirables; mais comme le foin de conferuer la Maiefté Royale dans le plus haut poin& de veneration oü elle puiffe eftre ne permet aux Monarques de la Chine de donner audiance que tres-rarement, & quafi iamais,il enuoya fon peintre vers les Peres pour tirer leurs portraits, & fit débourfer l'argent neceffaire pour baftir fclon leur volonté vne Tour pour le grand horologe : il portoit toufiours le petit auec foy, & eftant prié par l'Imperatrice fa mere de lc luy laiffer voir; de crainte qu'elle ne luy demandaft, fit mettre en defordre les rouës auant que l'enuoyer. Elle voyant qu'il ne fonnoit pas, lerenuoya bien-toft, de quoy l'Empereur fut fort content. Vne autrefois comme vne piece de l'horologe fe fut rompué le Pere fut appelle: pour l'aiufter dans vne Sale,où le Roy voyoit tout ce qu'y sy faifoit,fans pourtant eftre veu. Le Pere pour examiner chaque piece en particulierdéfit enticrement l'horologe ; ce qui eftant apperceu pat fa Maiefté, elle fe mità crier, l'horologe eft mort. Le Pere ne dit rien alors, & ne fir pas mefme femblant de l'auoir oüy : mais aprés que dans fort peu de temps il l'eut parfaitement racommodé,& reüny toutes fes pieces , l'Empereur s'eftonna extremement, & ne feréioüitpas moins de l'en- tendre fübitement fonner.Il commanda à fes Eunuques d'apprendre bien l'art de le gouuerner ; mais eux craignans qu'il ne fe rompift, dirent queles Pereseftoient ablolument neceffaires pour cela. Et ce fut la raifon qui porta PEmpereurà re- fufer de refpondre aux requeftes du Tribunal nommé L; P2, lequel follicitoitfor- tement la fortie des Peres eftrangers, Cependant on faifoit de grandes conuer- fions dans les autres Prouinces du Royaume, & la multitude des Eglifes & de Refi- dences s’augmentoit de iour en iour.Le Pere Matthieu Ricci ne fut pas feulement connu de ceux qui compofoient la Cour,mais encore de tous les grands du Royau- me,iufques là mefme qu'aucun d'eux ne venoit vifiter 'Empereur qui n’allaft auffi faluerle Pere ; de forte que pendant vne année, qu'il feiourna dans cette Cour, lus de deux mille Licenciez qui s'eftoient venus prefenter pour obtenir le degré de Do&eur, le vifiterent tousen particulier ; & luy conformement à la couftume du pays fut obligé de leur rendrela vifite:ce qui cftant ioint au trauail infatigable, quil prenoit à compofer en cette langue plufieurs Liures fur les matieres de la Foy; luy caufa la maladie de laquelle il mourut dans les plusbeaux a&tes d'vne fainteté heroique. Les Colas,qui fontles premiers apres le Roy, & qu'il auoit conuerty à la Foy,enuoierent vn riche & precieux tombeau, pour y enfermer fon corps; le Roy donna le lieu pour la fepulture ; & fournit les frais neceffaires pour les funerailles. Les principaux Seigneurs tousidolatres qu'ils eftoient attacherent à fon fepulchre des eloges efcrits fur des pieces de damas , en caracteres d’or. Et auiourd'huy mef- me aucun ne vient à Pekim qui maille vifiter le tombeau du Pere. Iecroy d'en auoir ditaffez pour vousdonner vne legere connoiffance des commencemensde la Foy dans la Chine. x ^ Aprés la mort de Vän-Liè, fes fuccefleurs Tièn-Ki, Tay-Cian, & Gün-Cin Seconde Partie. i Q) a iij 6 RELATION voyant auec quelle certitude nos Peres predifoient lesEclipfes, & combien leurs Mathematiciens fe trompoient en cela د‎ firent commandement aux noftres de re- former leur Calendrier; voire mefme l'Empereur Gün-Kim fit baftir vne Acade- mie, oùil ordonna que nosPereseníeignaffent les Mathematiques;& obligea les - Grands à ouyr leurs legons.Et afin que vous puifliez auoir quelque idée de Pintel- ligence & de la capacité de ces peuples sic trouue à propos d'en toucher icy quel- ques exemples , qui pourront vous efclaircir là deffus. Il y eut vn des plus remar- quables Mandarins lequel pria l'yn de nos Peres de luy enfeigner les demonftra- tions d'Euclide , & pour cét effc& ne manquoit point de venir deux fois chaque jour prendre la leçon. Tous les Chreftiens affeuroient au Pere qu'il perdoit fon temps; mais à la fin de Pannée comme l'explication des liures d'Euclide fut ache- ute, ceMandarin vint remercierle Pere;& luy dit qu'il fe vouloit faire Chreftiens eftantinterrogé du motif qui le portoità cette refolution, il refpondit; Si dans ces matieres de Mathematique voftre do&rine eff fi certaine , qu'il eft impoffible; comme i'ay experiment , de vous y conuaincre de la moindre etreur; & fi auec ccla vous proteftez d'eftimer infiniment plus voftre foy que les Mathematiques , il y a grand fuiet de croire que vous eftes bien plus affeuré de la verité de cette Reli- gion ,que vous loüez tant, & que vousnous dites εἴτε neceffaire pour fe fauuer, ὃς qu'en cela vous ne pouuez pas vous tromper:& ainfi il fe fit Chreftien.Agréez vous que j'adioufte à t cxemple yn autre.Le fils d'vn Mandarin entendant que nos Pe- res cherchoient yn feruiteur pour leur maifon quittale bonnet & la robe de fon degré, & dela prouince de Nankim s'en alla dans la ville de Cai-fün-fü metropo- Jitaine de Honan , ou il priales Peres de le receuoir à leur feruice , ne demandanc point d'autre falaire que la vie. Aprés qu'il fut receu chez eux; ils'exerca durant long-tempsauec yn plaifir incroyable dans les plusbas offices de la Maifon : mais parce qu'il auoit le talent de catechifer , les Villageois le demandoient fouuent à nos Peres. Le Pere Vice-Preuincial eftanc venu vifiter ces Refidences n'eutpas pluftoft ietté les yeux furce ieune homme ; qu'il luy fembla d'abord l'auoir veu ailleurs, & luy demanda s’il n'eftoit pas de Nankim, s'il ne fe nommoit pas Iofeph, & s'il n'eftoit point fils d'vn tcl Mandarin ὃ Ce pauure ieune homme aduoüa fran- chement ce qu'il ne pouuoit pas nier. Helas! luy repliqua le Pere , ne fçauez vous pas l'extreme aflliétion où font tous vos parens, pour voftre perte, & n'auez vous pasappris qu'ils ont enuoyé de touscoftez des gens pour vous chercher ? Qu'eft-ce qui vous a fait quitter voftre maifon, pour venir icy feruir de valet aux Peres? Voicy la refponfe qu'il fit à cette demandelà. Hé quoy , mon Pere, vous vous cftonnez de ce que ie fuis venu dela prouince de Nanxim iufqu'à Honan, & vous ne vous eftonnez pas عل‎ vous-mefme,qui eftes party d'vn paysfi efloigné, & vous cítcs expolé aux dangersd'vn voyage de troisannées, pour venir icy deliurer de l'enfer lesames de mon pere,de ma mere,& la mienne encore? Pay refolu de vous feruir iufqu'àla fin de ma vie, & ainfiie vous prie de permettre que ie continue, Le Pere luy porta tant de raifons pour le contraire, qu'ill'obligea enfin à repren- dre le bonnet & la robe conforme à fon degré ; aprés quoy il le reconduifir luy- mefme à fes parens , lefquels nc furent pas moins ioyeux du recouurement de leur fils,qu'edifiez de fona&ion, auecle refte des Chreftiens. Mais puifque nous cele- bronsauiourd'huy dans cette Eglife icy de Smyrne la fefte du grand fain& Michel, je crois, Meffieurs, que vous ferez bien-aifes que ie rapporte vn exemple à propos de cét Archange. Vn idolatre de qui la femme eftoit poffedée du demon pria les Chreftiens de reciter leurs oraifons fur cette energumene :les prieresde ces bons fideles furent fi efficaces,que le demon prit d'abord la fuite, mais il nc laiffa pas de retourner à quelque temps de là l'infefter de nouueau. Les Chreftiens vindrent our la feconde fois auec la faïnéte Croix, dont la veué chaffa incontinent le de- mon. De là à fix mois cette femme enfanta vn fils , lequel deuint malade iu(qu'à la mort, les Medecins l'auoient defia abandonné comme defefperé : le pere de + 1 | | 1 1 | i DE LACHINE: " l'enfant defia Chriftianifé eftoit inconfolablement afllige dela perte qu'il alloit faire; & comme il penfoit en foy-mefme aux remedes dont il pourroit v fer pour la guerifonde fon fils il entendit en Pair vne voix qui difoit : Ie fuis le demon qui 47 Jar deuem ton fils malade, ft tu veux quil demeure en vie , efcris le nom de ton S. Michel .Ar- change, @* mets cette efcriture dans le berceau du petit. Ce qui ne fut pas plutoft execuré que le demon &la maladie furent efgalement chaflez. Le peu detemps qui me refte me faitlaiffer beaucoup d'autres exemples femblables. Peut-eftre feriez vous bien-aifes de fçauoir les queltions que les Chinois one couftume de propofer à nos Peres. Ne croyez pas qu’ils demandent des chofes groflieres ou faciles, comme font la plu(part des autres Nations eftrangeres; ils font de lubtiles propofitions fur de grandes difficultez : Ils veulent qu'on leur don- ne raifon du myftere de la Trinité, & del'Incarnation; D'où fgauez- vous, difent- ils, qu'il ny a qu vn Dieu, & que celuy-là eft trin en perfonnes? qu'il n'a qu’vn fils, & non pas deux outrois, ou plusencore? Que le fain& Efprit procede du Pere & du Fils,& n'eft point pour cela fils du Fils,ny du Pere? De plus, fi Dieueftbon, & a crée ce monde,comme vne participation de fa bonté, d'ou vient qu'il y a tant de maux ? Si Dieu ícauoit que les hommes deuoient eltre fi malicieux , pourquoy les laiffoit-il naiftre?Poarquoy les vns font ils riches,lesaútres pauures?Les vns viuent long-temps و‎ les autres fort peu? Ils demandent encore : fi Dieu pouuoit auec vne parole pardonner le peché de nos premiers parens , quelle neceffité y auoit.il que fon Fils (e fit homme?& s'il eftoit neceffare qu'il fe fit hontme,pourquoy ne s'vnit- il point à noftre nature dans vn âge parfait , & dans vn corps d'vne iufte grandeur? à quoy bon naiftre fi petit d'vne Vierge? Aprés , pourquoy ne fuffit-il point qu'il fe fuft fai& homme,fans fouffrir les tourmens & les ignominies de la Croix? Enfin, | pourquoy ne nafquit-il point dans la Chine, ou n'y enuoyaft-il auparauant des Predicateurs de fa Loy, afin que nos predeceffeurs ne fe damnaffent point? Pour- quoy cft-ce qu'eftant fi mifericordieux, il a permis qu'ils fe foient perdus par faute d'inftruétion?Ils demanderent encore, d'où vient que Dieu permet que lesmala- des recoiuent fonuentla guerifon aprés J'inuocation des pagodes & des demons, puis que cef fournir aux Idolatres yniufte fondement de croire que c'eft par la vertu de ces fauffes diuinitez qu'ils recouurent la fanté ? Ils Senquierent encore, d'où c'eft que nousauons appris quel'ame eftant fortie du corps n'eft point fuiette à la corruption de mefme que les membres qu'elle abandonne, & s'il eftcertain qu'elle foit immortelle? Qu'eft-ce qui nous fait affeurer que cette ame n'efloit point auant la formation de noftre corps, & pourquoy nous ne croyons pas plutoft que lesames pafferit d'vn corpsà l'autre? Pourquoy c'eft qu'elle eftant immortelle nc rend point le corps incorruptible? De plus, pourquoy Dieu n'a pas donné à tous les hommes vne fi forte inclination pour le bien, qu'il neleur fut pas poffible de s'abandonner à tant de mefchancetez ? Et fi Dieua inftitué le mariage pour la eneration des enfans,pourquoy eft-ce qu'encore bien qu'vn homme n'en ait point d'vric femme, il luy defend pourtant d'en efpoufer vne autre qui luy en puiffe en- fanter.Voila à peu prés les queftions queles Chinois font ordinairement ; en quoy il leur faut donner fatisfa&ion, Il eft vray qu'en ce poin& ils font extremement loüables, parce qu'ils font tres-raifonnables, s'ils voyent qu'on leurapporte de bonnes raifons; aulieu de fe ietter furles fubtilitez;pour ne point paroiftre ceder, ilsaduoüent d'eftre fatisfaits, & confeflent la verité. Les Chreftiens furent grandement confirmez dans la Foy, & les Gentils dans ORE l'eftime de noftre fain&e Loy, par νης efcriture qui fe trouua dans la prouince de 166. Xén-xü furvngrand marbre en cara&eres Chinois & Egyptienscu Coptiques, le(quelstelmoignoient que l'an de Iefus Chrift 636. eftoient arriuez a la Chine certains Preftres,lefquels enfeignoient qu'il n'y auoit qu'vn Dieu trin en perfon- nes,lequel auoit creé du neant tout le monde, & que le Fils de Dieu pour deliurer nos premiers parens du peché originel fe fit homme, en naiffant d'vne Vierge, & n de 2 8 RELATION qu'aprés plufieurs miracles, & la predication de fa doétrine confiée à fes Difciples) il fouffritla mort dela Croix, maisqu'il reffufcita le troifiefme iour & monta au ciel le quatriefme aprés fa refurreétion. Que ces Preftres là rafoient leur tefte en forme de couronnes, qu'ils offroient des facrifices, & faifoient plufieurs autres chofes propres de la fain&e Loy.De plus,cette Efcriture affeuroit que quatre Em- pereurs de la Chine baftirent pluficurs Eglifes, & fonderent des rentes perpe- tuelles pour ces Preftres , lefquels habitoient dans le mefme Palais que l'Empe- reur. Cette Efcriture fut imprimée par les Idolatres,& parles Chreftiens , lefquels cn firent vne tres. vtile comparaifon auecles liures de la foy que nos peres ont imprimez : car le parallele fe trouuant parfait produifit quantité de belles con- uerfions. Vne autre pierre fut trouuée dansla prouince de Fochien en cette maniere; les Gentils voyant que pendantla nui& vne flamme s’éleuoit du milieu d'vn marbre; fe perfuaderent que c'eftoit fans doute la marque d'vn threlor caché fous ce licu- là :ils ne manquerent pas de venirle matin leuer cette pierre, fous laquelle ils en trouucrent vne autre auec la fain&e Croix. Ce qui ayant efté veu par vn Maiftre Chreftien, fut caufe de beaucoup de biens qu'operece Maiftre-là par vne compo- fition,où il defcriuoit quelques Myfteresde la fain&e Croix , exhortant ces idola- tres à embraffer la foy,a abandonnerles idoles,& à fuiure l'exemple de leursde- uanciers dans l'adoration de la fain&e Croix. On trouua beaucoup d'autresCroix femblables. | | Depuiscetemps-la iufqu'icy les Refidences des Peres de la Compagnie de Iefus font arriuées iuf qu'au nombre de vingt-fept و‎ d'ou ils vont vifiter les Eglifesauec les Chreftiens, qui fonten tres-grand nombre danstousles quinze Royaumes & Prouinces.Il n'eft ny office, ny condition, ny dignité de perfonnes dansla Chine, dont il n'y ait beaucoup de baptifez, comme il confte par lifte des Peres : de forte que les Chinois Chreftiens conuertis & baptifez par nos Peres, paffent le nombre de cent mille. Que fi cette multitude paroit incroyable à quelqu'yn,ie leprie de confiderer le prodigieux nombre de Genrils qui fe crouuent dans la Chine, puif- que fi (clon le rapport des Autheursil y a foixante dix millions d'ames dans l'Eu- rope, i'affeure comme vne chofe tres-certaine que dans la feule Chine il y en a lus de cent millions , en comparaifon defquels cent mille font vn bien petit nom. bre. Il faut donc prier noftre Seigneur qu'il enuoye beaucoup de femblables ou- uriers,delquels on puiffe efperer le fruit qu'on pretend , & qu'il infpire aux fideles de fonder des rentes fuffifantes pour le fouftien de fes Miniftres Apoftoliques : car ceftce qui veritablement manque aux Peres, qui à grand peine peuuent fubfifter dans ce pays là auec les aumofnes qu'ilsont euës en partant de l'Europe; & qui pourtant;pour mieux edifierles Chinois, ne veulent point receuoir d'argent, ny encore moins de gages de ceux qu'ils inftruifent. Et en veritéc'eft dequoy les Chinois ne fe peuuentaffez eftonner par vne admiration qui porte les idoiatres mefmes faire ces reproches à leurs Bonzes. Voyez , leurs dilent-ils , ces Maifhres de grand Occident qui n'ont pas feulement faità leurs deSbens Un voyage de trois années pour nous venir prefcher la fainéte Loy mais qui nevenlent pas me[me 1cy prendre aucune chofe pour la peine qu'ils ont à nous enfergner vne doCtrine fi rasfonnable : & vous autres ne vonlex vien faire fi vous n'eftes payex. Ils comprenent fort bien cette verité, ie veux dire, que nos Peres ne font point allez là pour chercher leurs biens nv leurs richeffes, mais feulement leurs ames. La fain&eté de la Loy Chreftienne eft encore bien plus ac- creditée par l'affeurance qu'ils ont de ce qu'ils nauroient iamais pú fe perfuader, à fcauoir de ce que nous gardons vne chafteté perpetuelle, & que nous fommes des Relig eux qui viuent pauurement. Et bien que vous me voyez tout rcueftu de foye , fçachez pourtant qu'il n'eft aucun dans cét Auditoirc, ny poffible dans toute cette ville de Smyrnc, dont l'habit ne coufte beaucoup plus cher que le mien, à caufe que la foyecftà vn prix extremement bas dans la Chine. Et voila bien affez pour DE VA CHINE 9 pouf vous donner vne grofliere idée des progrés dela fainéte foy dans ce Royau- me là. LaReligion Chreflienne fe trouuc à prefent à la Chine dans l'eftat queie m'en vay fommairement raconter. L'Empereur Gun-kin auoit dans festhreforsl’ima- ge de fainéte Marie Maiour auec vnc efpinete , que fon grand-pere auoit receu du venerable Pere Matthieu Ricci, & voulant ouyt l'harmonie de cét inftrument, il commanda à nos Peres de le mettred'accord. Ceux.cy prirent cette occafion de luy faire vn prefent,qui fut d'vn Liure de quarante & fix fueillets de parchemin, où cftoient peints en miniature & auec de tres-bellescouleurs, les miracles de la vie de noftre Seigneur : & au deffous nos Peres auoient cícriten lettres d’or les textes عل‎ l'Euangile auecleur explication : la couuerture eftoit de deux lames d'argent, fur lefquelles eftoient les quatre Euangeliftes en relief, deux de chaque cofte.Ma- ximilian Duc de Bauiere auoit autresfois donné ce mefme Liure pour la miffion dela Chine au R.P.Nicolas Trigaut;quand il vint en Europe. CesPeresadioufte- rent encorc à cc Liurel'image des trois Roys Mages fur la cite; & couurant l'vn & l'autre prefent d'vnriche brocatel ; ils commanderent au porteur de les découurir tous deux lors qu'ilsles prefenteroient à la Maiefté. L'Empereur voulut lauer les mains auant que les receuoir,& des qu'illes vid à defcouuert , il parut extrememét furpris & comme hors de foy-meíme durant long-temps,ne fçachant à quel des deux il attacheroit fa veué : mais fuiuant enfin Pinfpiration du Roy desRoys , il s’arrefta fur Padoration destrois Roys Mages, fe mit d'abord à deux genoux, &fit vne profonde reuerence,baiffant la tefte iu(qu'à terre:les deuxReynes & tous ceux qui eftoient prefens en firent de mefmcàfon exemple. En fuite Empereur indi- quant auec le doigt le petit Iefusà ces deux Reynes: Ce petitenfant, leur dit-il, cft plus grand & plus puiffant que voftre idole Toe. Ce Roy ;adioufta-t'il; en monftrant le plus vieux des (ain&s Mages, eft plus vertueux que l'Empereur Yù, uenos Chinois eftiment fifort pour l'innocence extraordinaire de fa vie. Aprés ces paroles il confidera derechef la mefine image durant quelque temps, &ne la laiffa que pour s'attacher au Liure auec vne mefme affe&ion. Il le voulut voir fur l'heure mefme page par page,contemplant attentiuement toutes les images, & lifant auec plaifir tous les textes de l'Euangile ; que nos Peres auoient efcrit au deffous. Toutes les affaires les plus preffantes furent remifes à vn autretemps, quoy qu'il s'en prefentaft beaucoup :le difner mefme fut diffeié , &laiournéeen- tiere fe paffa à confiderer ces deuotes peintures, & à lire ce petitabbregé de noftre fain&e foy.Le ¡our fuiuant il fit mettre ces facrées images dans la Sale publique de la vertu, & quelquetemps apres il y alla luy-mefme accompagné des deux Reynes & de toute la Cour, pour les adorer derechef à genoux en prefence de tout le monde. Mais craignant que dans ce lieu public elles ne fuflent pas affez refpe&tées des idolatres, il les fit rapporter dans fon cabinet le plus fecret, où il fe retiroit cu depuis tres-fouuent, & s'entretenoit auccplaifir à lire les textes de l’Euangile, & Pexplication des myfteresde noftre foy.Quelquesfois mefme en fortant, fi quelqu'vn venoit parler àluy ,il me femble,leur difoit-il, que la loydu Seigneur du Ciel elttres-vraye,maisie ne fçaurois encore lacomprendre. Ce qui fut caufe que nos Perescommencerent à compofer plufieurs liures pour donner à PEmpereur , & à tous les Chinois vne plusclaire connoiffance de nos fain&s my- fteres. Cependant l'Empereur fit fondre toutes les idoles d'or & d'argent , qui eftoient dans fon Palais: ayant fait appeller fon fils & fon heritier ; il luy fitcom- mandement de n’inuoquer iamais que le Seigneur du Ciel:ce qui fit croire à plu- fieurs qu'effectiuement il auoit embraffe la Religion Chreftienne. 11 cft vray qu'il Fut entierement connaincu, mais ayant manqué de perfcuerance, & luy & tous fes Eftacs furent tres-iuftement chaftiez de Dieu, comme vous allez entendre. Sa concubine regnante accoucha d'vn fils qui par fes cris & par fes gcítesextraordi- naires fit d'abord croire à tout le monde qu'il eftoit poffedé du demon. La mere Seconde Partie. (ib Zun kin; IO RELATION fuplia l'Empereur de permettre que certains Bonzes nommez Tao Su,qui croyent auoir pouuoirde chaffer les demons ; vinffent dans le Palais,pour y faire quelques proceflions avec leurs idoles : l'Empereur le permit, de forte que les idolesrentre- rent derechef dans le Palais aprés en auoir efté chaffees. Cette infidelité nc fut pas long-temps impunie: on apprit prefque à mefme temps à la Cour qu'vn fameux chef de voleurs nommé Ly, qui du temps de la famine s'eftoitemparé des prouin- ces de Ken ίγ, ὃς Kàn-fy, sen venoit aucc plus de foixante & dix mille hommes afliegerla ville Royale de Pekin. La nouuelle ne fut quetrop veritable: & ce fa- meux brigand, qui auoit enuoyé au deuant de foy pluficursde fes foldats habillez en marchands,pour corrompre la fidelité des Mandarins & des Eunuques,quicom- mandoient les Gardes, ne trouua point d’obftacle à fonarriuée, & fon argent plut toft que fes armes luy ouurirent les portes de cette importante ville. L'Empereur indigne de fe voir filalchement trahy en faueur d'vn de fes fuiers,& d'vn meíchanc voleur,qui eftoit defia le maiftre dans Pekin,aprés auoir pris vn peude vin,fe mor- dit le doigt, & du fang qui en [ortit, il efcriuit ce peu de mots auec vn pinceau: Que les Mandarins foient punis , & le peuple innocent pardonné. Il delia fes cheueux prefque à mefme temps, & s'en couurant la face, Voila, dit-il, le Royaume perdu, & ie m'en vay plein de honte trouuer mes anceftres. Aprés ces mots il s'alla pendra für l'heure mefme dans vn bois voifin, qui aprés auoir efle long-temps le lieu de {a recreation ordinaire, fut enfin celuy de fa malheureufe mort. Les deux Reynes en firent de mefme,8z le Prince heritier de l'Empire;auec vn grand nombre des Sei- gneurs principaux perirent dans vn lac, oüle mefme defefpoir les fit precipiter. *Ricugzu Le volcur L*y entra dans le Palais fans refiftance , & trouuant tous ces Princes mortsS;jil fe fit d'abord declarer Empereur,contraignitrousles Mandarins à luy pré- ter fermentde fidelité,& faifant tourmenter les vns, & mourir les autres , ramaffa, de groffes (ommes d'argent. i Cependant V lan-quel, qui auec vn million de foldats gardoit la muraille fron- tiere contre les Tartares, aduerty de cettereuolution, le refolut de venger la mort de l’Empereur,& celle de fon propre pere,que le voleur Ly auoit fait mourir. Il ne fit pas difficulté de s'accorderauec les Tartares,& deioindre fes troupes aux leurs pour chaffer le Tyran : 1l leur promit meíme de les deliurer du tribut qu'ils payoicnt ordinairement au Roy dela Chine. L’yfurpateur no 但 point attendre | dans Pekin vne fi groffe armée, qui venoit contre luy, il s'enfuit au premier aduis qu'il en eut auec le thtefor qu'il auoit ramaffe.Maisles Tartares, aprés l'auoir fui- uy durant long-temps و‎ retournans à Pekin Semparerent de la ville, refolus d'en faire de mefmede toute la Chine; & prenanstantoft vne prouince tantoft yne au- tre,ils auoient prefque entierement execute leur deflein.Leurs effortsneantmoins farent moindres durant quelque temps, pour l’apprehenfion qu'il auoient d'y. neueu عل‎ l'Empereur Vàn-lié nommé Küm-quàm declaré Roy prefque à melme temps dans la Cour de Nan-kcin: mais celuy-cy sabandonnant bien-toftà toute forte de vicesruina fesaffaires,perdit fa prouince & difparur,fans que perfonne ait peü fcauoirce qu'il eft deuenu. Celuy qui auoit efté couronné Empereur dans la prouincede Fokien eftoit d'vn humeur bien differente: c'eftoit vn Prince du (ang, Royal nommé Lùm-vù,qui n'eftoit pas pourtant de la branche de Vàn-lié,homme fcauant & genereux, tres-bon amy des Peres de la Compagnie, & de tous les Chré- tiens. Ayant veu fon armée en fuite par la trahifon d'vn de fes Mandarins, il refo- lut d'aller luy-mefme en perfonne prefenter la bataille aux ennemis; mais paflant le grand fleuue aucc fes nouuelles troupes , le pont fc rompit au milieu , & ce pauure Prince fe perdit malheureufement aucc grand nombre de fesgens. Son frere ne fut pas plus heureux que luy : ayant elté en fuite declare Empereur dans Quim-tüm , il fut pris par les rebelles, & mis en prifon , où il mourut de re- στοῦ: & ainfi dans moins de trois ans la Chine vid couronner & mourir trois de les Empercurs. | | | DELA CHIN E. 11 Lúm-yú quelque temps auant fa mort auoit enuoyé vn Ambaffadeur Chreftien nommé Pan-Achilleo, Vice-Roy,& Grand Chancelier du Royaume;au Roy Tüm- lié neueu de Vàn-lié , pour le confoler fur la mort de fon pere, & pour luy offrir fa Ville ; fa Cour , & dequoy s'entretenir pendantle temps que les rebelles l'auoient chaffé de la prouince de Hacquam. Il luy auoit fait protefter par le mefine qu'il ne pretendoit nullement vfurper l'Empire, mais fculement en chaffer les vfurpa- teurs en ces dangereux temps, pour le remettre entre les mains de fon legitime Scigneur. Il arriva que pendant le temps que Pan-Achilleoeftoit en ambaffade auprés de ce Roy dans Veiefu en la Prouince de Quamfy ,le Docteur Luca Chré- tien;& General d'armée , paffa par là auec dix mille hommes, menant auec foy le P. André Xauier Cofler de la Compagnie de Iefus, qui de Vienne en Auftricho cítoit venu depuis quelque temps à la Chine. Ce Pere parlant auec le Grand Chancelier Pan-Achilleo , apprit que le Roy Tüm lié eftoit bienen ce lieu, mais qu'il y eftoit auec vne fi grande frayeur des demons , qu'il n’ofoit demeurer fur terre dans quelque maifon que ce fuft, mais foit qu'il fit voyage ou non, il ne for- toit iamais de fes vaiffeaux : Le Chancelier luy adioufta, que le Roy auoit mainte- nant l'efprit plus en repos depuis qu'il luy auoit donné fon reliquaire , & que sil vouloit parler à fa Maiefte, il luy feroit aifément donner audience. Le Pere ac- cepta cette offre , & s'eftant fait introduire auprés du Roy ; il en fut receu auec vne affeétion finguliere: fa Maicfté mefme ne voulut pas qu'il luy fit la reuerence, qu'on fait aux Roys dans ce pays-là, pour traitter plus familicrement auec le Pere, qui luy fit prelentde quelques perfpe&iues cilindriques, & femblables cho- fes de Mathematiques,& d'vne Image de la fain&e Vierge,qui auoit d’vn cofté le petit Iefusentre fes bras,& de l'autre S.Iean. Le Roy prit grand plaifirà cette con- uerfation,& receut ces prefens auec beaucoup de ioye:& lors que le Pere demanda congé pour fuiure le General qui s'en alloit partir, fa Maiefté luy dit que quand il retour neroit il vint demeurer dansía Cour.Quelques cempsaprés le Roy fut cou- ronné , & le mefme ¡our de fon couronnement il pria Pan- Achiileo de faire venir le Pere enfa Cour, ce qu'il ic d'abord ; & lc Pere fut logé à (on arriuée, & demeura du depuis dans le Palais du Roy delia couronné , & reconnu Empereur de tout le monde. La crainte de quelques nouueaux tumultes fit paffer la Cour en vne autre Prouince qui eftoit fort foupçonnée de rebellion.Ce fut là que Pan- Achilleo n’ou- blia rien pour obliger l'Empereur & les Reynes d'embraffer noftre (ain&e Foy: defia tous trois enfemble,a fa períuafion;recitoient tous les ioursà genoux le Pater noflerV Ave Maria, & le Credo; & l'Empereur auoit defia permis aux Reynes de re- ceuoir le Baptefme,lors que l'Imperatrice fut touchée par vn merueilleux accidér. Ie ne [gay fice fut en veillantouenfonge qu'vn petitenfantluy apparut, & luy dic auec yne voix penetrante;Situ ne fuis ma Loy ie te feray moürii:& quand elle vid aprésl'Image dela Vierge que le Pere Xauier Cofler auoit 2 PEmpereur, elle affeura que c'eftoit ce petit enfant qu'elle voyoit au bras de la Vierge, quiluy auoit apparu aucc lacroix que tenoit ce petit fain& lean de l'autre coíté;ce qui luy fit demander le Baptefmc.Te vois bien,dit-elle bien-toft aprés à Achilleo,que le Baptefme eft tout à fait neceffaire pour fe fauuer; mais qu'importc-t'il que ie le reçoiue de voftre main, ou de celle du Pere è Ne m'auez-vous pas dit que les Peres ont permis à Pekin aux Gentilshommes de la Chambre de baptifer les filles & les Dames du Palais ? il femble qu'ils deuroient accorder cette permiffion plus aifément pour moy,qui ne puis receuoir perfonne dans mon appartement, & beau- coup moins vn eftranger, à qui l'entrée en eft defenduë fous de fi groffes peines, & qui ne fçauroit en approcher fans faire murmurer tous lesgrands du Royaume. Achilleo luy refpondit, qu'il ne pouuoit rien determiner fur ce fuiet, mais qu’il fcauroit bien-toít du Pere toutce qui fe pourroit faire pour la fatisfa&tion de fa Maiefté : il ne manqua pas d'en parler au plutoft au Pere Xauier , qui luy refpon- dit fort ferieulement , que grand nombre d'Empereurs & d'Imperatrices eftoient Seconde Partic. @)b ij it RELATION allez en enfer fans Baptefme,& que fi l'Imperatrice y vouloitencore aller, le che- min en eftoit fort large ; maisque fielle vouloit affeureríon falur, il eftoit plus ex- pedient qu'elle receut lc Baptefme de la main desPeres و‎ pour eftre mieux in- {truite auparauant fur les myfteres de noftre fain&e Foy:ce qui ne fe pourroit faire que fort difficilement, fi à l'occafion de ce Baptefme on ne receuoit lcs Peres dansle Palais de l'Imperatrice : que Dicu vouloit fans doute que l Imperatrice & les Reynes receuffent publiquement le Baprelme,pour feruir d'exemple à toutela Chine, & porter efficacement tout lé mondcà faire le mefme ; & que les Prin- cefles melme receuant ce Sacrement auec plus d'humiliation, le receuflenc auffi aucc plus de merite. Cette. refponfe fut rapportée fidelement à l'Imperatrice, ui enrcceut vn fenfible déplaifir ; fe trouuant d'vncofté dans vne extreme ap- prehenfion de perdre fon falut , & de l'autre ne pouuant fe refoudre à rompre quel- ques refpeéts humains qui l'empefchoient de recenoir le Baptefme : Mais quel- ques iours aprés elle apprit que 'Empercur qui eftoit abfent, auoit receu aduis que la Ville capitale de la Prouince eftoitrenduë aux rebelles: Cette nouuelle, quoy que fauffe,la ietta dans vn teldefefpoir, qu'elle fur fur le poin& de s’eftran- gler auec vne co:de ; procedé qui eft affez ordinaire en de femblab!es occafions parmy les Chinois, qui n'eftiment rien de plus honteux que de tomber entre les mains de leurs ennemis. Pan-Achilleo empelcha 1 Imperatrice d'executer fon fu- nefte deffein, en luy reprefentant que Dieu la vouloit obliger à receuoir le Bap- tefme de la main des Peres, & qu'aprés cela perfonne ne fçauroit luy rauir le fa- lut eternel. L'Imperatrice ὃς les Reynes furent tellement touchees de ces paroles, que fe mettant à genoux deuant l'Image du Sauueur, & de la fain&e Vice elles promirent à Achilleo de receuoir le Baptefme comme les Peres voudroient. ,Donques le Pere Xauser les ayant fait inftruire toutes trois au plutoft fur les plus importantes matieres de noftre Religion, leur donna le Baptefme, en prefence d'Achilleo leur Parrain, auec les ceremonies ordinaires de PEglife Romaine. Il donna è l'Imperatrice lenom d'Helene, à la Reyne mere celuy de Marie, & à la Reyne, femme legitime de l'Empereur, le nom d'Anne: toutes les Dames de Fappartement des Princeffes receurent auffi à mefme tempsle Baprefme, auec vne confolation tres-grande. L'Empereur arriua le lendemain,& d'abord l'Imperatri- ce l'inuita à adorer les images de Ie(us-Chrift & de la fain&e Vierge, & luy ditou- ueitement ; On n'adore plus dans ce Palais l'idole Tud-è, mais feulement Iefus- Chrift le vray Dieu. L'Empereurloüa la genereufe refolution de ces nouuelles Chreftiennes , & tefmoigna qu'il vouloit luy-mefme fuiure leur exemple:En effec il feroit defia baptizé fi pour diuerfes confiderations on n'eut iugé plus à propos quil fut plus long-temps catechumene : Il ne laiffe pas de reciter tous les iours foir & matin les Oraifons du Catechifme , & d'offrir luy-mefme des parfums odo- riferansaux fainétes images , & peut-eftre que depuis mon depart il aura receu le Baptefine. Quoy qu'il en foit ,jen'ay qu'a vous dire pour la fuitte de l'Hiftoire, que ces Princeffes ne furent pas plutoft baptizées, que cinq Prouinces, ou plutoft cinq Royaumes, enuoyerent prefque aufli-toft affeurer l'Empereur de leur obeiffance, & luy demander des Vice-Roys,& tousles autres Officiers,qu'on leur enuoyaauec la fatisfaétion de tout le monde. L'Empereur aprés s'eftre fait couronner dans la Prouince de Kanton, fut encore fupplié d'y vouloir faire fa demeure ordinaire ;il le fit auec plaifir : mais vne de fes concubines eftant accouchée d'vne fille qui mourut d’abord, l'Empereur fut dautant plus affligé de la mort de fa fille, que la naiffance luy auoit donné plus de ioye. Aprés beaucoup de plaintes il enuoya de- mander au Pere André Xauier d'où venoitcetrifte accident, que ce n'eftoit paslà que ce le Pere luy auoit promis, que Dieu le fauoriferoit toufiours , puis qu'il venoitde pcrdre malheureufement fa fille. Le Pere refpondit, que l'Empereur ne fe pouuoit iuftement plaindre de la mort de cette fille qu'il auoit euë d'vne Concubine ; contre les defenfes de la fainéte Loy ; qu'il luy confeilloit de DE LA CHINE. 13 Y adrefler au vray Dieu;& de le fupplier auec confiance d'accorder des enfans à la Reyne fa femme legitime. Cependant la Reyne Anne, qui ne ceffoit d'offrirdes facrifices à Dieu pour obtenir vn fils & vn heritier de fon Royaume , fut confeillée le lendemain de la part du mefme Pere, de fe recommander encore à fon Ange gardien, pour pouuoir heureufement accoucher, & de faire brufler quelques chandelles benites qu'il luy enuoyoitdcuant les images de noftre Scigneur, & de la fainéte Vierge. Ce fur enuiron midy quvn Gentilhomme de la Chambre luy donna ce confeil en prefence de l'Empereur; & enuiron laminui& fuivante elle accoucha tres-heureufement d’ynenfant maflz. Certe naiffance combla de ¡oye toute la Cour, & fur tout l'Empereur , qui fit porter au Pere quelques mots d'A- ftrologie efcrits en langue Chinoife;temoignant qu'il feroitbien aife qu'il luy en enuoyaft l'explication par eícrit. Le Pere luy efcriuit qu'il croyoit que fon fils fe- roit tres-heurcux , eftant nay à minui& aufli bien que le Fils de Dieu lors qu'il voulut fe aire homme ὃς naiftre d'vne Vierge pour l'amour de nous: que cette naiffance eftant arriuée dans le temps mefme que le Soleil feioint au figne du Dragon, il auoit fuier de croire que l'enfant feroit vn iour comme vn Soleil qui donneroit de Peclat à toute la Chine, reprefentée par le Dragon qu'elle porte pour fes armes : que Dieu vouloit fans doute eftablir la Maifon Royale par cec en- fant nouuellement nay ; pour recompenfer la pieté & la liberalité de l'Empereur, qui peu de temps auparauant auoit donné des riches aumofnes à l'Eglife de Dicus Mais que fur tout il eftoit tres-important d'apprendre à cet enfdnt dés fa plus ten- dre icuneffe à craindre Dieu,& à garder fes fain&ts Commandemens,pour pouuoir vn ¡jour bien gouuerner fes fuiets. Cette refponfe fut tres-agreable à l'Empereur & à toutcla Cour. L'Imperatrice & les Reynes follicitoient pour le Baprefine du petit enfant, & prefloientle Pere de le luy donner; mais le Pere s’en excufoit, difant que quoy qu'il le defiraft avec paffion, il ne pouuoit le faire que l'Empereur n'y confentift, & ne promitde le faire efleuer à la Religion Chreftienne, & ne le forcer iamais à prendre plus d'vne femme. L'Empereur deferant beaucoup aux perfuafions de pluficurs autres, differoit le Baptefme, en refufant fon confente- ment, & cela faifoit meíme qu'il n'eltoit pas de fi bonne intelligence auec les Reynes;iufqu'à ce que le perit Prince nouuellement nay fut faifi d'vne maladie mortelle. Pour lors toutle monde fupplioit le Pere de vouloir dire la Meffe pour fa lante, mais le Pere fe feruant de cette occafion fit dire à l'Empereur que Dieu eftoit en colere, & auec beaucoup deraifon, puis qu'aprés luy auoir fait foûmertre cinq Royaumes entiers,il ne s'eftoit pas misen peinc d'en rendre graces à fa diuine Maicfté , ny procurer que fon fils fut fait fils de Dieu par le moyen du Baptefme. L'Empereur fut ἢ couchéde cette remontrance , qu'il dit d’abord à Achilleo d'ap- pellerle Pere,en adiouftant ces mots : le veux offrir mon fils au Seigneur du ciel, & pretens qu'il foir baptizé de la main du Pere.On appella donc le Pere,& en pre- fence de l'Empereur ilbaptiza le petit Prince entre les mains de Pan-Achilleo fon Parrain auec routes les ceremonies ordinaires, il luy donna le nom de Conftantin, & par abreuiationen langue Chinoife, Tàm Tym,qui veut dire en ce pays-là,c’eft celuy-cy qui determinera. Ce nom fat tres-agreable à l'Empereur & à toute la Cour,quine Pappelle point autrement. Mais ce qui acheua la ioye de toutle mon- de,& qui donna vne grande eftime de noftre fainéte Foy, fut que le petit enfant fut foudainement guery entre les mains de fon parrain immediatement aprés auoirreceu le Baptefme. L'Empereur pour faire paroiftre fa reconnoiffance com- mandaà Achilleo d'enuoyer les Mandarins Chreftiens à Macao pour porter des prefens de (a part a l'Eglife de la Compagnie de Iefus qui eft en cette ville. Ces Mandarins partirent bien-toftaprés fur quelques nauires, portans fur leurs Banie- res de foye le ligne de la fainéte Croix, & foudain aprés auoir pris terre dirent hau- tement qu'ilseftoient Chreftiens. Tout le peuple les conduifit à noftre College, où ils donnerent au Pere Vifiteur les lettres del'Empereur, par lefquelles il fup- Seconde Partie. Q)b uj An.1644: An.1647. 14 RE LIANT DOIN plioit nos Peres d'offrir de fa part en a&ion de graces au Seigneur du ciel les pre- fens qu'il leur enuoyoit , & de dire la Meffe pour luy, & pour fonfils. Ces prefens confiftoient en deux chandeliers d'argent,deux encenfoirs, & deux vales à fleurs de mefme matiere auecles armes de la Chine , & vn arbre de fenteur pour brufler cn parfums. Outre cela l'Imperatrice y auoit adioufté deux pieces d'argent. pour acheter des odeurs, & quelques pieces de latin & de damas. Les Ambaffadeurs porterent tout cela publiquement à l'Autelà l'offertoire de la Meffe;& aprés auoir fait leurs profondesreuerences à la façon de la Chine, ilslesoftrirent de la part de l'Empereur à l'Eglife de noftre Compagnie en prefence de route la ville, qui y cftoit accourué aucc des témoignages d'vne ioye extraordinaire. Depuis ce temps-là Dieu 4 fait la grace à l'Empereur de gaigner beaucoup de victoires contre les Rebelles, & quoy que l’on dit à mon depart que lesennemis auoient pris 12 capitale du Quàm-tüm par la trahifon d'vn Mandarin ; on m’aefcrit depuis que l'Empereur lauoicreprife, qu'il auoitencore remporté quelque im- portante viétoire,& qu'il continuoit auantageufement la guerre. La mefme année que le prefent Vicaire de Iefus-Chrift Innocent dixiefme fut fait Pape, ontrouua dansles coftes de la Chine vers la province de Quàm- Tüm, des efcreuices de Mer, qui eftans encore en vie, & lors mefme qu'elles eftoient cuites, par vn prodige tout à fait merucilleux,auoient chacune fur le dos & au deffous de l’efchine vne croix blanche , & aux deux coftez de cette croix deux eftendards dépliez de mefme couleur. On n'a point veu depuis ce temps-là de femblables efcreuices;fice n'eft vne autrefois l'an 1647. lors que Dom-Iun-liè à prefent Empereur, comme l’heritier legitime de Vàn-lie fon grand- pere , fut cou- ronné dans cette mefme Prouince de Quàm-Tüm; & ce fut cette meíme année que toutes ces Royales perfonnes fe conuertirent, & que le Prince heritier de l'Empire fut baptizé. Ie crois que Dieu vouloit faire connoiftre par ces fignes merueilleux que parmy les eftendards de la guerre,lafain&e Croix deueit triom- pher par le fain& Baptelme dansl'Empire dela Chine, qui s'eftend iufqu’au Tro- pique du cancre ou de l'efcreuice durant le Postificat d'Innocent X. Le Liure in- titulé;l Irlande Sainéte,contient plufieurs predi&ions de S. Malachie Eucfque fur les Souuerains Pontifes, que l'experiencea fait iu(qu'icy trouuer veritables.Dans celle qui touche le Pape qui regne tres-heureufement auiourd'huy,ce fain& Prelat dit que de fon temps on doit voir dansle monde Jucundiras Crucis. En effet vn Souue- rain Pontife pourroit-ilreceuoir vne plus grande ¡oye du figne de la croix, que de voir de fon temps dans vn Royaume fi grand & fivafte comme la Chine, des Roys& des Reynes qui regoiuent auec vencration ع1‎ figne de la fain&e Croix en receuant le Baptefme , & qui enuoyent de filoin vn Ambaffadeur pour adorer cette mefme Croix, en baifant les pieds de fa Sainéteté, & pour implorer le fe- cours de fes prieres, & de celles de toute l'Églife Catholique, fur tout deuant l'Autel &le fepulchre des fain&s Apoftres faint Pierre & faint Paul, pour la con- uerfion du refte de ces peuples qui font en fi grand nombre; enfin pour fupplier fa mefme Sainétete d'accorder à toute la Maifon Royale fa benediétion Apoftoli- que,qui nc fe donne que par le figne de la fainte Croix. Il ne refte maintenant, fi ce n'eft que nous adreffantà la mifericorde infinie du tres-haut & tres-puiffant Seigneur, nous luy difions auec la plus grande hu- milité, & le plus grand zele qu'il nous fera poffible: Vous fçaucz(Seigneur)& dans le temps & dans l'eternité ,les momens les plus fauorables pour le falut d'yn cha. cun ; iettez yn peu les yeux fur tant de vos creatures qui fe perdent dans les pays du monde les plus efloignez de nous; régardez ces ames que vous auez creées & rachetcesauec le Sang precieux de voftre Fils vnique زع‎ & faites, ie vous prie, que voftre nom foit deformais fan&ifié dans chacune d'elles, & que tous ces peuples . qui font à peine connus dans l'Europe, Cognofcant te Deum verum & quem mififti Ie[um. Chbriflumycroyent en vous, qui eftes le feul & le vray Dieu,en I.C.voftre Fils. 15 RAS AR PARA RNA SENS RSR NA ve rear FLORA SINENSIS. QVO TRAITE DES FLERVS. DES FRVITS. DES PLANTES, ET DES ANIMAVX particuliers à la Chine. Par eR. P. MICHEL BOT M lefusfte. ἌΡ E ا‎ VOI. A verité mefme qui eft Iefus-Chrift dit dans faint Matthieu, que l'on connoift les faux ou les veritables Prophetes par leurs ounrages, comme l'on diftingue les bons arbres d'auec les maunais par leurs fruits. Il ferable que l'on doiue iuger de mefme de la bonté des pays , en que felon qu'ils produsfent de bons ou de maunais arbres , l'on. ne fe trompe guieres à iuger par la de leurs qualitez, Ceft par cette raifon que ie prefente scy à mon Lecteur les plus curieux fruits des Fndes Orientales er de la Chine; mais ie luy. dois faire remarquer que la plufpart des arbres eo des plantes de noftre Europe, ne peuuent profiter dans les Indes, دوم‎ dege - nerent toufiours lors que l'on les y tran[plante : les laitués mefme qui vien- nent fî ayfement chez nous, degenerent a vne autre plante, comme ft la force de cette partie de la terre, qui eft entre les deux Tropiques étouffoit la "vertu prolifique de la plante. Mais la terre de la Chine a cer auantage que non feulement elle a des arbres qui luy font particuliers , mais quelle produit av[fi ceux des Indes, ¿5 auec cela beaucoup de ceux de l'Europe. Ce qui vient de la grande cftendué de cet Empire, compofe de quinze Royaumes : auff. ont ils des fruits tout l'hyuer y car dans ceux qui font les plus anancez vers le Midy, les fruits meuriffent aux mois de Nouembre , de Decembre , de lanuier ex de Feurier; l'on tran[porte ces fruits nouueaux en. grande dili- gence aux autres Royaumes qui en manquent dans cette faifon , & par an femblable commerce les Chinois ont toute l'année des fruits nouueaux, la diuerfité de ces fruits me paroiffoit admirable, mais t'eftois encore plus efton- né de la differente maniere dont les arbres de la Chine les portent ; dans l'Europe, ¿ls les portent tous fur leurs branches, ex les arbres qui nous font communs auec les Chinois و‎ comme les pruniers , les abricetrers , e les pechers, les portent de mefme : la Chine en aun qui porie fon fruit au tronc de l'arbre, 16 RELATION fi pefant au vefte que ceft tout ce que peut faire un homme que de le porter: les Portugais l'appellent Giaka, à caufe des pointes dont il eft armé: les Chi- nois l'appellent Po-lo-mie , il yen a qui au lieu de branches iettent de grandes feuilles du haut de leurs tronc e des fruits d'un gouft tres-agreables, fembla- bles à nos melons : il en croit un autre dans l'Ile de Hay-nan dans la Prouin- ce de Quam-tum,qui ne porte point de fleurs , dont les fruits croiffent at-. tachez a fa racine d'une figure femblable a nos figues , mais qui rougiffent and ils commencent à meurir ; ie nen [cay point le nom, mais cette ma- niere de porter des fruits ef? bien oppofee a celle de tons nos arbres de l'Europe, comme auffi la maniere dont fe forme le noyau d'un arbre qu'ils appellent Ka-gin ; car il Weft point enueloppé de la chair de fon fruit, e il vient à un des bouts du fruit : cettevvarieté fait voir la prefomption de nos fpauants, qui ont voulu borner le pounoir de la nature, éx luy preferire des reigles d'agir conformes aux obferuations qu'ils auoient faites fur une auffi petite partie de la nature queft le pays quils babitens; la confideration de cette grande variete qui fait fi bien connoiftre la prefomprion des hommes, leurs doit. en mefme temps éleuer l'efprit à la contemplation de la Toute-puiffance de Dieu, ui eft infiniment au de[[ns de tout ce que les hommes en peuuent penfer. Outre, y manieres de multiplier les fruits que nous auons,les Chinois obfernent enco- res, lors qu'ils les veulent femer, d'enterrer tout le fruit qui contient la graine, حون‎ de replanter aprés les diners jets qui en promiennent: pour le Papaya ilsem. plantent les feuilles, qui en peu de temps deuiennent de grands arbres;lors qu'ils, veulent multiplier les arbres,ils en couchent les branches eu terre,comme l'on pro- nigne le ferment des vignes ji ils obferuent [oigneufemens le temps auquel le Soleil entre dans le quinziéme degré d Aries , croyant que ce qui a eflé planté dans ce temps-là profite mieux quen tout autre : ils le pratiquent ainft lors qu'ils couchent en terre les branches du Goyaua, qui profitent merueilleufement en peu de temps ils ont auffi une maniere d'anter les fleurs qui leur eff par- ticuliere, x qui fait venir quelquefois trois on quatre differentes fleurs fur une mefme tige. Vay crá deuoir inferer icy principalement les figures des plantes, qui font particulieres aux Indes er à la Chine, ex qui ne font point décrites dans la plufpart des herbiers , eo ie l'expofe icy à mon Lecteur , auquel ie foubaitte fort qu'elles puiffent plaire. Des Prouinces de la Chine ex de l'excellence de ce pays par deffus * Quangli E & Kiangfi tous les autres. font au : 1 MA | Sud;&Hu- 'Empereur Xun auoit autrefois diuifé toute la Chine en douze grandesPro- a Le uinces, elle a efté depuis diuifée en quinze , fix defquelles touchent à la des Pro» Mer, & font Peking, Xantung , Kiangan ou Nanking, Chekiang و‎ Fokien, Biens Quantung,les Prouinces de* Quangfi, Kiangfi, Huquang ;Honan, Xanfi, font *Leaorung Vers le Nort, Xenfi , Suchuen, Queicheu , Yunnan, tirent plus vers l'Occident, ct au L.- Ja Chine a encore le pays de *Leaotung , qui eft au couchant de la Prouince de "dns Peking , & c'eft dans cette partic de la Chine que commence cette fameufe muraille, DE LA CHINE. 17 muraille, les Ifles de Hainan, Lienlieu ou Ifle Formofe, Cheuxan , dependent auffi dela Chine auec vn fi grand nombre d'autres petites Ifles le long de fes - coftes, qu'il femble qu'elles ne foient point feparéesles ynes des autres, & qu'elles faffent vn autre continent. La Chine cft vn abregé du monde, car clle contient tout ce qu'il y a de plus beau danslerefte de la terre habitée, elle a dans fes parties Meridionales tous les fruits & toutes les delices des autres pays qui font vers le Midy, & dans les autres Prouinces qui font vers le Nort, tous les auantages de ceux qui font dans cette fituation, fon ciel efttemperé,la terre par tout extrement fer- tile, la Mer & les riuieres femblent ne Paroufer que pour l'enrichir, elle doit infiniment à la nature ; mais d'ailleurs ces auantages ont efle fi bien cultiuez, qu'il femble qu’elle ne doiue pas moins à Pefprit & à l'adreffe de ceux qui J'habitent. o YA Yee Gia La Palme de Perfe eg celle de la Chine ou des Indes , autrement le Cocos. E Palmier qui produit les dattes & qui vient efgalement bien en Perle; aux Indes & en la Chine, cft de deux fortes , le mafle & la femelle. Ils portent tous deux des fleurs, mais celles de la femelle feules fe conuertiffent en fruits, pourueu qu'ils fe crouuent plantez l'vn proche de 'autre,car autrement la femelle meíme ne floriroit point, ccux qui les cultiuent iettent les fleurs du mafle fur celles de la femelle & parla larendent pfolifique. On appelle dattes les fruits que l'on cucille auparauät qu'il foient meurs,ils font plus durs que fes autres qui ont demeu- τέ plus long-temps furlesarbres, ils appellent les derniers Tamara. Les Palmiers que nous auons en Italie, ne portent point de fruits à caufe qu'on n'y apporte pas cette diligence, & fi aprés quelques années quelqu' vn de ces arbres y a fleury, cela cít venu de ce que l'arbre eft paruenu à vne certaine hauteur de laquelle il a pú découurir quelqu'autre Palmier. Il n'ya point de cette forte de Palmiers de- dans la Chine , où ie crois neantmoins qu'il viendroit fort bien: ontire du vin, du miel & du fuccre de ces fruits, qui feruentauffi de medecine & purgent quand on en mange en abondance. Les Indes & les Prouinces Auftrales de la Chine ont le Cocos, qui eft vne autre forte de Palmier il eft certain que Pon en pourroit faire venir ailleutsen les femant زع‎ car cet arbre ne fe peut anter : mais ic douterois fort qu'il portát du fruit hors du pays où il vient naturellement, il y a mefme des endroits où il vient naturellement,íans toutefois porter du fruit, principalement dans des pays de fable, dansles deferts & le long du bord dela Mer. Ces deux fortes de Palmiers ontles fcüillesde mefmefigure , les racines femblables,& font toutes deux egalement hautes ; le Cocos vient mieux quand il eft cultiuc, princi- palement fion luy met au pied,du fumier de vache,ou quelque terre legere : ordi- nairementla feptiéme année qu'il a efté planté il porte fruit; fi vous couppez les fleurs de cet arbre de labranche qui les portoit, & que vous y attachiez à la pace vn vaiffeau pour receuoir ce qui en découle, vous en reciieillerez vne liqueur fort agreable au gouft qui diftille de cette branche, comme du bec d'vn al'ambic, ils appellent cette liqueur furra ; ils la diftillent & en tirent yn vin qui a beau- coup deforce,ce vin brufle comme de l’eau de vie & fe tranfporte par toutes les Indes; mais ce Palmier donton a ainficouppé les branches, ne porte plus de Co- cos , & pour le diftinguer de l'autre, ils l'appellent palma de fourra. Celuy auquel on laiffe porter le Cocos pouffe d'autres fruits, auffi-toft que l'on a ofté ceux qui font murs, le fruit eft plus gros que la tefte d'vn homme: Pelcorce en cft Seconde Partie. (ate 18 RELATION verte, il n'cft pas rond, maisátrois arreftes : fi vous le cueillez lors qu'ileft encor tendre, l'écorce en eft verte , cette écorce a γῆς chair blanche, & au milieu vn noyau qui approche affez de la grandeur & de la figure d'vn œuf d’Auftruche : il cft plain d'vne eau fort douce , qui eft yne boiffon d'vn grand fecours dans les cha- leurs excefliues de ce pays-là. Les Portugais appellent ces Cocos Lania, fi on laiffe meurir entierement le fruit fur l'arbre , fa premiere écorce, qui eft verte au com- | mencement, comme nous auons dit, deuienc de couleur de chataigne,& cette | poulpe ou chair qu'elle enferme , fe change en vn tiffu , que les Portugais appel- lent Cairo ; ilsen font des cables,qui feruent dans leur plus grands Vaifleaus:pour ce quieft du noyau, qui cft la partic du fruit qu'ilsappellent proprement Cocos; | ontrouue qu'il eft plain d’yne moüelle blanche comme la neige, ὃς douce comme desamandes,auec fort peu d’vne eau vn peuaigrette, dont ils {e feruent queiques- fois au lieu de vinaigre : de cette amande ilstirent de l'huile, vne efpece de fuccres qu'ils appellent giagra, & du vin qui prend feu comme l'eau de vie; ils font des cueilliers des pieces du noyau. Dans Pifle d Aynam en la cofte de la Chine, ils en font des efcuellesaprés auoir enchaflé d’or le bord de ce Noyau; aux Indes & prin- cipalement dans les Maldiues, ils font leurs vaiffeaux de ces Palmiers, leurs feüil: les leur feruent à faire des voilles, des paniers, & ils ne fe feruent point d'autres tuilles pour couurir leurs maifons ; ainfi de toute cette plante il n'y a que la feule | racine dont on fte tire point d'vfage, & elles font la plus grande richeffe du paysz | Au Maldiueson trouue de petits Cocos, qu'ils difenteftre produits au fond de la Mer, mais il y a plus d'apparence de croire qu'ils viennent de l'arbre que nous | venons de defcrire , & quayant efte long-temps battus dans la Mer, ilsacquierent | cette dureté que n'ont pas les autres; quoy qu'il en foit, c'cft la عامط‎ du mon. de queces peuples eftiment dauantage, perfifadés qu'ils font que ceft vn tres- prefent remede contre toutes fortes de venins, & que ceft le plus grand cardiaque que Pon puiffe trouuer , fi on boit auec de l'eau ce qu'on en a rappé: le n'en mets point icy la figure à caufe qu'elle fe Kouue dans tous les herbiers. PIM-LAM. Del Areca c7 du Betel. I PAreca n'auoit point les fcüilles plus larges que le Palmier , & le troné plas haut & plus mince, il luy reffembleroit affez , car il pouffe comme le Palmier vne branche chargée de fleurs du milieu de fes feuilles , le fruit a la figure d'vn œuf de couleur verte, dela grandeur d?vne noifette ; la chair de certe noifetre cítdela couleur de nos ongles, & quand elle eft bien meure on y remar- que des petites vaines rouges. Pour le Betel fa feuille eft toute femblable à celle du poivre, elle eft aroma- tique & a la proprieté de corriger les cruditez de l'eftomac : il rampe comme le ferment, & a befoin de quelqu'autre plante fur laquelle il fe puifle attacher. Aux Indes Orientales & aux quatre Prouinces Auftrales de la Chine, le Betel meflé avec l'Areca , eft en grandiffime vfage : ils en portent tous dans des petits facs & s'en prefentent les vns aux autres : aux Tunquin toute la conuerfation commence pat là, & on n'entre point en matiere que l’on n'ayt donné & receu | del'Areca. Les plus riches qui craignent d'cftre empoifonnés par cette drogue; ce qui fe fait affez (ouuent, regoiuent bien de celuy qu'on leur prefente; mais ne mangent que de celuy qu'ils ont fait preparer & mefler auec de la chaux viue , & des efcailles d’huitres bruflées: dans l'Indoftan à Cochin; & dans les Eftats du Mogol au lieu d'huitres , ils fe feruent de perles calcinée; ils en frottent la feüille du Betel, ils en fent vne enueloppe qu'ils emplifs DE LA CHINE. “τὸ fent de la moïelle de l'Areca, qui eftdure ou molle , felon qu'elle eft frait- chement cucillie ; ils tiennent dans leur bouche cette compofition qui fait vne de leur delices , d'abordil en fort vn fuc ronge comme du fang qu'ils crachent, mais fur lafinilsaualentce qu'ils en fuccent, & quand ils n'en tirent plus de (uc , ils re- iettent l'Areca & la feüille : ils affeurent qu'il n'yarien de plus propre pour for- tifier l'eftomac;il eft vray que ceux qui s’en font feruis quelque temps ne s'en fçau- roient plus paffer , & que le iour qu'ils en ont pris leurslevres paroïflent teintes d'un rouge fort vif: lcs Medecinsemployent aufli l'Areca dans leurs medecines; on en porte beaucoup au Jappon & en d’autres pays où cette plante ne croit point : le n'en mettray point icy la figure à caufe qu'elle eft. dans la plufpare des herbiers. FAN Y AY CV,oulePAPAY A. Es fruits & Parbre que les Indiens appellent Papaya, eft appellé Fan yay qu dans la Chine ; il y en a vne grande abondance dans PIfle d'Haynam habitée par les Chinois & dans celle de lunnam , Quam-fy د‎ & dans les Prouinces de Canton & de Focien qui font vers le Midy : cet arbre porte beaucoup de fruits atrachez à fon tronc , qui elt fort poreux, il n'y a point de ces fruits qui nc foient plus grands qu'vn grand melon, la chair en eft rouffe ; d'vn gouft tres-agrea- ble , fi molie au refte , que l'on en peut prendre auec vne cuillier ; l'on croit que la qualité de cc fruit eft froide, & qu'elle eft contrairea la generation & au plaifir des femmes fi l'on en mange beaucoup ; il fe multiplie de la femance de fon fruit lors qu'il tombe ; & des reiettons qu'il pouffe à fes racines : l'on voit fouuent fur le mefme arbre des fleursouuertes lemblablesá nos Lis, desbou- tons , des fruitsencore tous verds , & d'autres qui font iaunes & toutà fait meurs: il a cela de particulier quil ne pouffe point de branches, mais feulement des feuilles qui naiffent au haut de la tige , au mefme endroit d’où elle pouffe {es fleurs blanches & fes fruits : elle meurit en tout temps; l'on en peutauoir des fruits meurs tousles moisde l'année; il cft neantmoins الا‎ la plufpart des fruits des Indes meuriflent au mois de Decembre & au mois de lanuiet : fi vous lantez vne feuille ou quelque partie de fon tronc, il prend racine facilement, croit de mefme ὃς deuient vn grand arbre en peu de temps; la ycué de ces arbres; dc leurs feuilles & de leurs fruits, eftrres agreable. p A-C Y A و0‎ ou Figues des Indes ¿y de la Chine. De E tronc de la figue des Indes cft vert & fort gros, n'eft point folide ny baifeus come les autres, mais femble compofé de plufieurs autres feuilles qui s'enuclo- pentles vnes fur les autres: ilabeaucoup de feue , fes feuilles font d'vn vert clair, ontiufques à neuf palmes de 16g & deux & demy de largesne pouffe qu'vne bráche chargée de fleurs; du milieu de fes feuilles; il s'en forme vne grappe, dans liquelle on contera quelquefois plus de mille figues,c'eft cout ce que peut faire yn hóme de porter vne de fes branches;ces figues ontla figure d'vn petit concôbre,& font plus ou moins groffes felon la force de labranche qui lesa portées; la peau en cft iaune, la chair en eft molle, douce, blanche;auec quelque odeur, & ont le gouft de fraifes confites dans du fucre : fil'on couppe le fruit par fa largeur on y trouue vnc croix femblable à celle qu'ont les concombres; ilscouppent fouuent fes branches auec les fruits encore tout verds ; & les pendent dans leur maifons où le temps les fait meurir,& quelquefois ilsles couurent de ris; d'autresles font meuriren les cou- urant de chaux; quand elles font cuittes.dans du miel ou du fucre, & qu'on les Seconde Partie. Q)c ij 20 RELATION fait fecher aprés , elles font fort propres aux perfonnes coleriques & flegmati- ques و‎ les feuilles feruent de remede à ceux qui font d^vn temperament adufte, Ce fruit fe trouue toute l'année dansles Indes, & dans les prouinces meridionales de la Chine ; car quoy qu'il croiffeauffi dans celles qui font vers le Nord , il ny porte point de fruit: l'arbre ne fleurit qu'vne fois Pan , on le peut multiplier par le moyen de la graine, mais plus ayfement par les reiettons qu'il ρους de fon pied; car au bout de fix moisils portent du fruit : Au Brefil ils l'appellent Bana- nas, en Siric & à Damas ils l'appellent Mufa, c'eft plutoft vn arbufte qu'vnarbre; quand on ἃ couppé la branche qui portele fruit, la plante fe feche ; on l'arrache & on la donne ordinairement aux Elephans: quoy qu'en fix mois de temps la plante produife fon fruit & qu'il meuriffe , il y en atoufiours de meuts en toute faifon dansles Indes, à caufe qu'ilsfe fuccedent les vns aux autres. 1 KIA-GIV , ou K AGIV. D Kia-giu ou Kagiu nc croit point dansla Chine, mais bien dans les pays qui autrefois en dependoient ; ie ne doute point qu'il ne vint ayfément dans Iunan ¡dans Quam-fi, & dans les Iles de la Chine fi on Py plantoit : l'arbre en eft grand , les feuilles fort belles & toufiours vertes; le fruit eft iaune; quelquefois rouge, a de l'odeur lors qu'il meurit, maisle fuc de fonfruiteftacre, & prend au gofier lors qu’on le mange : il donne deux fois fon fruit dans yne mefme annee, & c'eft vne curiofité de voir qu'aprés qu'il a pouffé fes fleurs,il pouffe fon noyau ou femance,& aprés fa pomme , qui conforte l’eftomach, lors que l'on cn mange auec du vin ou du fel:le noyau eft au dehors de la pomme, vne pelure jaune enferme la chair de ce fruit, qui eft blanche ; affez dure, & a le gouft de chataigne ou d'amande, lors qu’on la fait roftir; auffi les Indiens & les Por- tugais fe feruent-ils de ces noyaux au lieu d'amandes, lors qu'ils font des dra- gées. Les mois de Feurier, de Mars, d'Aouft & de Septembre, font les te mps de fa maturité. | LI-CI & LV M-YEN. "On ne trouue point ailleurs que dans les Prouinces Auftrales de la Chine; les fruits qu'ils appellent Li-ci ὃς Lum-ien ; la pelure du fruit appellé Li-ci ref femble à la pomme de pin; mais au contraire la peau du Lum-ien eff fort delite ع‎ fort lice, l’vn عق‎ l'autre de ces fruitsale σου de frailes & de raifins. Les Chinois des Prouinces Auftrales font feicher cesfruits, & lestranfportent durant Hiuer en d'autres Prouinces : il font auffi vn vin fort agreable de l’vn & de l'autre; ils meuriffent au mois de Iuin & de luillet , la poudre de leurs noyaux eft en vfage dans leur medecines ; fi ces fruits font fauuages, leurs noyaux font gros & ont fort peu dechair tres-aigrette , mais au contraire lors que l’on les a tranf- plantez , lesnoyaux par la culture en deuiennent beaucoup plus petits, & ont da- uantage de chair douce, qui eft de la couleur de nos ongles: l’on lesarrofe d’eau falée,lors qu'ilsont efté cueillis pour les faire durer plus long-temps car eftant preparez de la forte, lors qu'on les pele apres on leur trouue le mefme gouft que s'ils venoient d'eftre cueillis : l'on tient que le Li-ciefb froid de fa nature, & que le Lu-mien eft d'vne qualité plus temperée. GIAM-BO. L y adeux fortes de Giambo, celuy qui porte fon fruit rouge ou blanc vient Tax les Indes; mais celuy qui tire plus furleiaune, & qui fentla rofe, croità Malaca, à Macao , & dans l'Ifle de Hiam-Xam ; qui depend de la Chine : la pres Le sms ᾿ tuli NI NI Bj] IRR] 7 1 VA AM q ===> === Ζ QUE 7 li | و‎ f Ww, Ζ VA 1 Ay | — 7, À z À) AAA 三 7 ἘΞ 25 7 rr AS 7 Il _.. Pag. 20.de la Relation dela Chune — ZA ἢ" nr ΩΣ 777 |l | (ul mi Ty, Ve, HA | y^^ | pommes 9 1 9 Ls ^ * ^ X ١ | j * ١ 1 M 5 ١ V n =: NOEMI Re ‘ x = y f | Jl i | / 1 | € | | il METTA eh. DE: date. xd DE LA CHINE. 21 micre de ces efpeces,porte fes fleurs de couleur de pourpre,& la derniere les porte jaunes, tirant lurle blanc; fon tronc & fesbranches font de couleur de cendre, fes feuilles fort belles& lices, ont hui& poulces de long, & trois de largesfon frui& cft de la grandeur de nos pommes;d*vne qualite fort froide, & eft compofé d'vne chair blanche & fpongieufe ; que l'on ne peut pas dire entierement aigre, ny tout à faic douce : l'on voit en mefme temps, fur vnemefme branche des fleurs, des fruits verts , & d'autres qui font tout à fait meurs : ils ont accouftumé de les manger au commencement de leur repas, mais fur tout ils en trouuent l'vfage fort propre; pour efteindre la foif, durant les chaleurs, qui font extraordinaires. Ils fonc parla mefme raifon fort propres pourlesfievres , & pour les maladies coleri- ques: l'on en fait d'excellente conferue dans Jes-indes ¿au lieu du pepin, il à vn noyau rond, dont la chair eft verte, dure, & couuerte d’yne pelicule; le fruit eft agreable à la veuë, celuy de la premiercefpece eft, ou tout à fait rouge, ou tout à fait blanc, ou moitié blanc & moitié rouge; mais l'autre efpece, qui tire fur le iau- nc enferme deux noyaux, ou plutoft vn noyau qui eft feparé en deux :outre cette difference,il a encore vne couronne femblable a celle qui eft fur les Grenades, & a l'odeur d'vnerofe : la chair en eft fort douce; & fort poreufe, le iaune fe mange en quélques endroits au mois deMars, & en d'autres au mois de uillet, pour ceux de la premiere elpece, leur vray temps eft le mois de Nouembre & de Decembre. FAN-P 0-10-7111 8 oul ANANAS. | p snas croift dansles Prouinces de Quam-tum, Quam. fy, Iunnan,Focien, & A dans l'Ifle d'Haynan, fi toutefois cette plante n y eft point eftrangere, & n'y a efté tranfportée du Brefil; les feuilles & laracine reffemblent beaucoupà ceiles de l'artichaut : auparauant que fon fruit meuriffe l’on y remarque vne grande diuer- fité de couleurs, mais il eft d'vn iaune meflé de quelque rougeur lors qu'il eft meur; il porte peu de graine, les grains en font noirs ; ou pour mieux dire les pepins; car ils reffemblent beaucoup aux pepins d’yne pome: il fe multiplie pat fa graine; par fa tige, par les reiettons qu'il pouffe de fa racine, & meffne il vient bien des feüilles qui fe voKent au haut de fon tronc, car eftant plantéeselles prennent racine & portent fiuit dés la mefme année: le fruit a vn palme & de- mi de longueur là chair en eft jaune, fpongieufe & pleine de fuc; il fent fort bon lors qu'il cft meur, eft doux au gouít, mais d’vne douceur qui eft meflée de quel- que acide : ils difent que ce fruit cft extremement chaud, & fe fondent fur ce que fon fuc corrode & mange le fer ,comme file ius de citron, qui eft fi rafrai- chiffant , ne faifoit pas la mefme chofe; pour moy ie crois tout le contraire, & l'ay éprouué que l'onledonne auec fuccez dansles fievres: aux Indes & chezles Cafre; il eft meur dans les mois de Feurier & de Mars, & en la Chine, en luillet & cn Aouft :l'onen fait γῆς excellente conferue , mais qui ne retient pas toutle ouft de fon fruit, c’eft (clon mon gouft & à mes yeux le plus beau & le meilleur fruit des Indes. M AN KOou le MANGA. L y a pluficurs efpeces de ce fruit dans Indes,le plusgrand pele quelquefois iufques à trois liures, principalement s'il a efté greffe fur le cedre , qui luy donne fon odeur, & cette peau froncée que l'on voit dans les poncirs : ils n'ont pas dansles Indes cette diuerfité d'antage qui fe pratique chez nous, & ne connoiffent point d'autre maniere que de couper vne branche du Manga, عل‎ laioindre contre vne autre du fauuageon , fur lequel ils le veulent anter, & de les entouter de terre detrempée auecde l'eau : certe branche ainfi jointe porte fes fruits jaunes, verts & rouges : ils en font de laconfcrue lors qu'ils ne font pas encores meurs: Seconde Partie. Q) c iij 22 RELATION ils les falent quelquefois ; & eftant preparez de la forte ils ont le gouft du verjus: leur chair eft douce lorsqu'ils font meurs, & de couleur iaune & de pour- pre : l'amande de fon noyau eft fort amere & fpecifique pour faire mourir les vers aux enfans : onéprouue aufli que c'eft vn bon remedecontre le flux de ventre : il meurit aux mois d'Auril & de May, & fe peut conferuer iufques en Nouembre; plufieurs le tiennent pour le meilleur fruit du monde. Il croit en grande abon- dance aux pays Meridionaux. | PIPA: E Pi-pacroit en la Chine, fa verdeur prend vne couleur iaune lors qu'il meu- rit, d' vn gouft femblable à celuy de nos prunes : l'arbre en eft fort beau tant à caufe de fes feuilles que de lesflcurs:le noyau en eft dur & de la figure d’vn œuf: ordinairement on le cucille au moisde Feurier & de Mars, il cít d' yn fort bon gouft , ὃς reflemble encores aux prunes par fa peau. qo Indiens appellent Goyaua le fruit qui eft connu des Chinois fous le nom de Cieu-ko, ceux quin y font pas accouftumez trouuent d'abord qu'il fent les punaifes; maisauec le temps, ontrouue qu'il a quelque chofe d’aromatique & de fort,& au lieude cetteaucrfion que l'on en auoit au commencement on y prend gouft;il referre & cft fort propre à arrefter les flux de ventre & a fortifier l'eftomac par fa chaleur; fesnoyaux font durs comme du bois,il ena beaucoup,ilsfont ronds & multiplient la plante ; maiselle fe prouigne ayfément, &l'onen a pluftot du fruit par cette voye:fes branches (e chargent de fruits, (es feitilles fentent bon; mais fion les frotte troplong-temps, leurodeur fe change en vne fenteur peu agreable; fes fruits font bonspour les maladies qui viennent d'vne intemperie chaude : les Portugais l'appellent Pera à caufe qu’elles ont la figure d'vne poire; aux Indes il meurit principalement aux mois de Nouembre & de Decembre , mais il s'en trouuc toute l'année: à la Chine, vers Macao, on le mange aux mois de Juin & de Iuillet. PO-LO-MIE. Es Portugais appellent cet arbre Giacca; ila cela de remarquable qu'il ne pro: duit que deux ou trois fruits, qui fortent de fon tronc de la figure d'vn œuf, mais qui furpaffent en groffcur tousles autres fruits du monde, plusgros que les citroüilles , c'eft bien tout ce qu'vn homme peut faire de porter yn de ces fruits, le fruit a des piquans, au dedans il eft plain d'vne matiere vifqueufe qui enueloppe des fruits iaunes : ily en a fi grand nombre qu'ils peuvent fuffire à vinge perfonnes. Ie ne fcaurois mieux faire entendre la conformation fi extraordinaire de ce fruit , qu'en difanc que c'cít vn fac qui en enferme plufieurs autres pleins de miel, dans lefquels il y a deschaftaignes ; le noyau qui eft reprefenté dans la figure a vne amande du gouft d'yne chaftaigne : le fruit eft encores mellieur que nos me- lons, la poulpe ou chair qui eft la plus dure paffe pour la mellieure; les Portugais l'appellent Cocobarca , ils connoiffent quand le fruit eft meur par fon efcorce qui s'amollit, tant qu'elle eft dure ils le laiffenc fur l'arbre, ou s'ils le cueillent ils at- tendent qu'il samoliffe & (oit meur; l'arbre ne porte point de fleur , & les fruits commencent à paroiftre au moisde May & de luin. 2 BE S V-PIM. A Chine feule produit ce fruitsil y en a de iaunes comme de l’or;& d’autrescou- leur de pourpte;les plus gros font comme nos plusgroffes pomes, la chair en cft PI ns Page » 3.dela Relation de la Chine . fine nomine. LCluy nm" I => = EA Le >( NW á 7 ١ , 4 9 > ti) | MANN i D M Ww od K 1 7 NM DE LA CHINE. 23 molle, rouge, & fa peau de mefme elle enferme plufieurs petits noyaux; ce fruit reffemble aux figues de l'Europe lors qu'onles feiche ils fe conferuent plufieurs années, & les Mcdecins Chinois s'en feruent dans leurs medecines , dans les Pro- uinces de Quam tum & de lunkim,il fe mange aux mois de lanuier, de Feurier & de Mars; mats dans celles qui font plus vers le Norc commea Xenfi & à Honan, il meuritaux mois de Juin, Iuillet & Aouft,ily a plaifir à voir cet arbre chargé de fes beaux fruits; mais les oyfcaux en font fi friands qu'il le faut garder conti- nuellement. D. 1 Y A-T A. E mets cet arbre au rang de ceux dela Chine, quoy qifil y ait efté tranfporté de Malaca ; car le pays de Malaca a efté autrefois dependant de la Chine, fon fruit au dehors a la figure d'vne pomme de pin; mais l'écorce en eft verte, fa chair ou poulpe eft blanche comme de la neige, & plus agreable au gouft que le blanc- manger dont les Portugais font fi frians: ce fruit eft diuifé en plufieurs petites cellules qui enferment chacun vn noyau noir , en des endroits il meurit aux mois d'Oétobre & de Nouembre , aux autres aux moisde Feurier & de Mars, plus le fruit eft gros & plusonl'cftime pour fa bonté. D V-LIAM,. E Du-liam croit à laua,Malaca , Macao & Siam, pays autrefois dependans de la Chine, fon fruit & le tronc de l'arbre qui le porte, eft armé de piquans, la pre- miere fois que l'on en mange il fent les oignons cuits; mais ceux qui y font accou- ftumez ne trouuent rien de meilleur, & le trouuent de bon gouft , tellément qu'il cft coufiours cher , quoy qu'il y en ayt grande abondance: la chair en eft blanche,le fruit eft jaune quand il eft meur; le noyau eft femblable à celuy du Giacca : on fait vn fort bon fauondes cendres de cenoyau, ils remarquent que celuy de ces fruits quia cinq cellules ou caiut font meilleurs que ceux qui n'enont que trois ; or- dinairement on l'ouure aucc les pieds quand il cft. mcur à caufe des piquans de fon écorce, la feüille du Betel eft ennemie de ce fruit; car fi on les met en- femble , il fe gafte auffi-toft, ceux qui fe trouuent incommodez d'en auoir trop mange, le gueriflent de la chaleur &inflamation qu'ils en fentent , s'ils prennenc feulement vne fcüille de Betel :11 meurit en lüillet & en Aouft, on porte auloing la poulpe ou chair de ce fruit, quireffemble à du lait cailté ; & enferme yn noyau , les feüilles de l'arbre ont plus d’vne demy palme. Fruit Á nominc. 7 {τς ainfi ce fruit que ie vais defcrire, à caufe queje ne me fouuiens pas de celuy que luy donnent les Chinois, ie le vis la premiere fois dans l'Ile d'Haynam, & aprés dansla Prouince de Quam-tum: cet arbre cf fort haut, fes feüilles fort grandes, & quicouuriroient prefque tout yn homme: ila cela de par- ticulier que fa principale racine entrant profondement en terre , les autres ra- cines qui paroiffent hors de laterre , portent des fleurs rouges & des fruits fem- blablesà nos figues,qui prennent vne couleur rouge quand ils meuriffent : les Chi- nois ont encores dautres fruits fort extraordinaires ; mais comme ie n'en pourrois pas donner la figure, & que ie ne lesay pasaffez examinez, ie n'ofe pas entre- prendre d'en parler icy ; pourcequi eft des autres fruits des Indes Orientales, comme le Giangame , le Giamtelame, le Carambole ; ilsne meritent pas que ie m'arrefte icy à les defcrire. 24. RELATION LE POIVRE. 1 Chinois appellentle poivre hucyao, il croit dans la Prouince d'Iunnan, & dans les Ifles dependantes de la Chine; mais principalement dans l’Ifle de Ia- ua, dans celle de Borneo,& dans les forefts de ia cofte de Malabar, il rampe; & a fon ferment noueux comme celuy de la vigne : de chaque cofté de ces noeuds fort yne feuille d'vn vert obfcur par deffous,& fort verte de l’autre coftc : il pique quand on le met fur la langue: ceux qui le cultivent croyent auoir remarqué quelque dif- ference de fexe dans le poivre , & que celuy où les nerfs ou fibres des feuilles font egalement éloignées les vnes des autres, font les feuilles dela femelle; que les feuilles du mafle au contraire ont ces nerfs ou fibresinefgalement difperfez :ce- pendantil cft vray que fur yne meme branche ou ferment de poivre , l’on voit de ces deux fortes de feuilles;celuy qui croit dans les forefts eft different de l'autre que l'oncultiue dans lesiardins, lors que l'on prend le foing de le fumer de fiante de bœufou de cendre que l'on metau pied ; il croit auffi haut que l'arbre que l'on luy a donné pour le fouftenir. 1 La racine du poivre eft fort petite & n'entre pas bien auanten terre, chaque feuille pouffe vne grappe ; la plus forte grappe porte cinquante grains,& les moin- dres cnont trente ,lors que le poivre eftverrileft doux, & eft plain d'ynfuc forc femblable a du miel ,leshabitans le confifent tout vert auec du fel & du vinaigreg & en font leursdelices. Le poivre long fert de contrepoifon & guerit le mal des yeux, le noir cft different du blanc par la feuille , qui a vn gouft plus delicat: les feuilles du poivre noir cuites dans lhuilefont bonnes pour la colique, & pour toutes les autres deflu&ions froides de l'eftomac. Il y a toufiours des grappes ver^ res fur le poivrier, clles meuriffent aux mois de Decembre & de Ianwier, & les ayant cueillisilslestiennent au Soleil ou elles noirciffent ; fil’on le cueille aupara. uant qu'ilfoit meur , il ne fe garde pasfilong-temps fansfe corrompre, les grains des grappes du poiyre font tout à fait femblables aux grains de genicure. Le poivre eft chaud & prouoque l'vrine ,ilayde à la digeftion,cft refolutif, il éclaircit la νει, eft bon pour la morfure des beftes fauuagcs. Il ayde aux femmes à fe de-. liurer de leur fruit lors qu'il eft mort, ὃς eftant meflé auec du miel, il guerit l'efqui- mancie , fi onleprend auec du micl ; il arrefte la coux,meflé auec des feuilles de lau- rer ; il guerit des trenchées , prisauec des raifinsfecs, il purge doucement la pi- tuite de la tefte, & infufé dans du vinaigre, il guerit lesapoftumes & les duretez de la ratc. LA RVBARBE. Voy que la Rubarbe fe trouue par toute la Chine, fi eft-ce qu'elle vient plus communement dans les Prouinces de Sucinen,Xenfy , & dansla ville de So- cieu, qui eft proche de la grande muraille que Marco Polo Venitien appelle Socuir; clle croit dans vne terre rouge & fort humide , les feuilles font plus ou moins grandes felon la bonté du terroir oü clle croit:ordinairement elles font longues de deux palmes , & vont toufiours en écrefliffanc iufques à l'endroit où elles naiflene de la racine: les feuilles font bordées de petits poils par leurs bords, elles iau- niffent & fe feichent à mefure que la plante meurit, & à la fin tombent à terre. La tige de la plante Séleue bien d'yn pied , eft foible & fe char- ge de fleurs femblables à des grandes fleurs de violette : fi on les preffe il en fort yn fuc qui tire fur le blanc, l'odeuren eft forte & n'eft pas agreable au cer- ueau : la racine qui cft en terre fe trouue quelquefois longue de trois pieds, & groffe comme le bras d'yn homme, elle iette de tous coftez de petites racines que l'on couppe auparauant que de la diuifer par taleoles, la chair dela racine pa- roift iaune & 1612266 de petites veines rouges,d'oüil fort vn fuciaune & rouge;qui 7 Mz e eft = È Pa I " des CP ES AA E Cinna, IMOIMUTN + : 040 Ur (QU. TTM 0 0 mu 5 TT AN (0 oor νὰ EN. ΠΥ 2 NS m NN 1 m Quey YX 13] A) E «|l $i NN SUO, | Al ANN SÌ wm "» Arbor Ficus Indica et Jinica . e y فل عست TES DE TERRES»: Ὁ »عو ait‏ عر { \ 4 ls E Dire N AAC Ἢ 4 0 « DE LA CHINE. ὃς eft vn peugluant. L'experience leur a appris que s'ilsfaifoient fecher au Soleil fes Talcoles lors qu'elles font fraichement coup ccs que la vertu s'en perderoitauec ce fac gluant que nous venons de dre, & qu'elles demeureroient fort legcres , ils les elftendent par cette raifon fur de longues tables, les retournent trois ou quatre fois par jour afin quele fuc incorpore mieux; & apresauoir continué cette diligence trois où quatre jours , ils les enfilent & lesexpofeut au vent, mais dans vn lieu ou le Soleil ne donne pas. L'Hyuer eftle tempsplus propre pour faire la recolte'dela rubarbe و‎ aupa- rauant que lesfeuilles commencent à pouiler , car alors toutes les vertus de la plante font enfermées dans la racine ; elles commencent à poufler au commencement du mois de May; fion arrache laracine en Efte, & dansle temps que fes feuilles fonten- cores vertes , comme elle n'eft pas encore meure ,Pon n'y trouue point ce fuc jaune, ny ces veinesrouges, & toute la racine cft porcufe & fortlegere, & n'approche point de la perfe&ion de celle quia cflécueillie en temps d'hyuer. Vne chartéc de Rubar- be fraifchement cucillie ne fe vend qu vn eícu ἃς demy ; mais auffi, à peine fept liures de rubarbe fraifchement cueillie donnent-elles 2. liures de Rubarbe feiche: lors qu’el- le eft faifche & verte elle eft fort amere & fort delagreable au gouft : les Chinois l'ap- pellent Tayhuam , Celta dire en leur langue , fort jaune. KVEIPI,la CANELLE. A Canelle fe trouuedás les Prouices de Quam-tum,de Quam-fy,& de Tunquin, mais encore en plus grádejquantité & meilleure dans] ifle de Cerlansnom que les Chinois luy ont dóné,a caufe du naufrage qu y firent leurs vaiffeaux:La feuille tie l'ar- bre qui porte la canelle a 3. nerfs ou fibres vertes,fes fleurs font blanches & ont vn peu d'odeur. Son frui& & fon noyau reffemble affez à ccluy de l'olme : lors qu'il noircicil leur marque le temps de lcuer l'efcorce de la canelle : Le fruit eft plein d vne liqueur graffe ou on&ueufe, fentle laurier , picque la langue y 8 cft amer : l'arbre porte deux efcorces, la feconde efcorce eftcelle que nous appellons canelle, naturellement elle cft grifesmaislors qu'on l'a ofté de l'arbre & qu’on l’a fechée au Soleil;elle prend cette couleur rouflaftre que nous luy voyons; trois ans apres; il vient vne nouuelle efcor- ce en la place de celle qu'on a oftée; autrefois les Chinois chargeoient la canelle del'Ifle de Ceilan & la portoient à Ormns, d'autres Marchands la receuoient là, ἃς la portoient en Alep & en Grece :on croyoic ence temps-là qu'elle venoir d'Egypte ou d'Ethiopie où elle ne croit point: on voyoit quelquefois dans le Golphe de Perfe quatre cent Vaiffeaux Chinois chargés d'or, de foyries, de pierres precicufes,de mufc, de porceläines, de cuiúre , d'alun, de noix muftades , de cloud de girofle > & princi- palement de canelle : les Marchands auoient donné à cette efcorce le nom de Cin-a- momum, car ces deux mots fignifient bois de la Chine, doux & qui fent bon; à peine conferue. t-il fa vertu vn an durant, la racine de l'arbre eft fans gouft, fent le canfre; on diftile de l'eau de l'efcorce pendant qu'elle eft verte & des fleurs aufli, mais elle n'eft pas fi aromatique ; elle gueritla colique & les ventofités, prouoque Pvrine,for- τῆς le coeur; lefoye, laratte, lesnerfs, le cerueau, &íert mefme contre les mor- fures & le poifon des ferpents , excite l'appetit, prelerúe du haut mal; de fon frui& KON 1 i ils font vn vnguent pour lesfluctions froides, lors qu'on le brufle , ilrend vne odeur figure de la fort agreable : la poudre de canelle beüe auec de l'eau guerit les morfures de viperes, M A efteint les inflammations internesdes reins, & eftantemployée auec des chofes qui a- et ria tous molliffent, elle ofte les taches du vifage. les herbiers; Seconde Partie i] D Sinicum carmen ait. Humeris virtutes;alis iuftitiam, lumbis obe- dientiam reliquo cor- porc fideli- tacem figni- gnificat. A- uis piiflima, ante, inftar Rhinocerô- tis , Retro, 26 R'ET-A PRON LA RACINE DE LA CHINE. Ij Portugais appellent la racine de la Chine Pao de Cina, elle ne fe trouue que dans les Prouinces de Yunnan, Quamfi, Quantum, Kaoli & Leaotum, c’eft vne plante efpineufe qui a desefpines mefmes fur fes fueilles: les Chinois mettent dansleursboiillons à la viandela poulpe ou chair tendre de cette racine clle eft me- decinale , & fort bonne contre la Schyatique , les vlceres des reins , les obftructions, laparalyfie;l hydropifie: Ils Sen feruent aufli pour deffeicher toutes fortes d'humeurs, elle guerit les douleurs du Periofte:on tient meilleure celle qui pefe dauantage, & on eftime plus lablanche que la rouge : Ilscroyent que la poudre de cette racine auec du fucre eft bonne pour la poitrine,& que fa conferue faitle mefme effe&. Les Portugais ont efte les premiers qui cn ont apporté l'vfage & la connoiffance dans les Indes & dans l'Europe l'an 1555. les Chinois l'appellent P E-F O-LI M. SEM-KIAM,le GINGEMBRE. Γ fcuilles du Gingembre reffemblentà vne plante que les arboriftes appellent Litofpermon, ou à vne efpece d'Afphodelle nommée Haftula Regia, ou pour les comparer à vne chofe plus conué , elle reffemble affez aux rofeaux les plus communs, il Sen trouue par toutes les Indes, &dansl'Amerique;mais le meilleur vient en la Chi- ne:on eftime dauantage celui qui eft vert coute l'année,fa racine fe conferue plus lóg- temps fi on la cueille au mois de Decembre & de Ianuier, & fion la couure de terre detrempée; car cet enduit empéche que fon humidité ne s'euapore, outre que fi on n'y apporte cette diligence fes pores fe rempliffent de vers: Ils n'eftiment pas celle qui cft amere,& quia beaucoup de feuilles; ils s’en feruent dans leur medecine,& quand ils veulent faire fuer leurs malades, ils leur donnent vne decoction fort chaude de cette racine:ils croyent meme que de la porter für foy c'eft vn remede côtre la coar- te, & que ceux qui en ont pris le matin à jeun, ne peuuent point eftre empoifonnez ce iour-là. Ilsen fontcommunément de la conferue , qui eft vn remede cprouué con- tre les fluxions froides du ventricule. FVM-HOAM,oulOYSEAV DV ROY. Es Chinois ont vnoifeau d’vne rare beauté, quand ils font long-temps fans le voir ils apprehendent quelque fafcheux euenement dans la famille Royalle , le mafle s'appelle Fam, la femelle Foam: il fait fon nid dans les montagnes du Royaume de Tan, que l'on appelle maintenant Leaottum ; il ala tefte femblable au Paon : les Poé- tes Chinois fe font imaginez que fon dos reprefente les Vertus, fes ailes la Iuftice, fes coftesl'Obeiffance , & que tout fon corps eftoit vn fymbole de la fidelité. Qu'il porte le deuant de fon corps comme le Rhinoceros, le derriere comme le cerf, & la tefte comme le dragon. Les Magiftrats du paisontleurs habitsornez des figures de cesoifeaux;releuces en or ; cet oyícau n'a pas tout à fait vn pied & demy de long. inftar cerui graditur , caput Draconis in modum ; brachia fimillima teftudini gerit ; caudam ficut gallus, alas autem quinque pulcherrimarum auium coloribus corufcas refers. DE LA CHINE. 27 Y'ERKI 'Eft ainfi que les Chinois appellent vne Poulle fauuage; elle eft d'vn fort bon ( οὐ. a le plumage fortbeau , & eft fort grande. Ilsont aufli d'autres poulles qu'ils appellent Ciam-ui-ki, celles-là ont vne queuë longue de quatre pieds, elles fe trouuent en Cauli, autrementla Corée : il y en a d'autres qu’ils appellent Toki, c'eft à dire la poulle chameau, à caufe d'vne boffe qu'elle a fur le dos; femblable à celle de cet animal, la tefte en eft grande. "Animal qui porte le mufc eft (emblableà yn cerf, & a auffi quelque chofe du tygre , fon poil eft de couleur d'airain و‎ & tire vn peu fur le noir; ce que nousap- pellons mufc eitla chair des reinsde ceranimal, & de ce que la nature a caché au def- fous ; mais les marchands hachent toute fa chair auec fon fang, & l'enfermant dans va petit fac qu'ils font de fa peau, ils le vendentapres comme fi c'eftoient lestefticules de cet animal; c'eftbien dumufe ; mais il n'eft pas fi parfait que celuy que nous auons décrit le premier: Il y ena vnetroifiefmeforte qu'ilsfont en y meflant du fang de dragon ; & ainfid'vn des facs du veritable mufc , ils en font 2. ou 5. Entre autres mas pieres qu'ils ont de le connoiftre ; ils le mettent für le feu, & le tiennent pour verita- ble s'il euapore tout a fait; & cn ont mauuaife opinion, s'il en refte quelque chofe de femblable a du charbon : ils s'enferuent dansla medecine , croyent qu'il facilite Pac- couchement des femmes, qu'il eftbon pour la poitrine, & qu'il nettoye le corpsdes mauuaifes humeurs. Pay tiré ces proprietez & ce que j'endisicy des liures mefines des Chinois & de leurs Diétionnaires. S V M-X V. 15 Chinois apriuoifent cet animal , luy mettent des colliers d'argent, il prendles fouris dansleurs maifons , onle vend iufquesà 8. οἵ. cícus, il a le poil fauue & noit en quelques endroits, il eft fort beau & fort agreable à la veué. L O-MEO-QV EL [^X Ans quelques prouinces dela Chine, principalement dans celle de Ho-nan,Pon y void des tortués vertes, qui ont quelquefois des ailes bleuës à leurs pieds; elles marchent fort lentement , mais elles s'aidenten faifant quelques fauts & en eftendant leurs ailes , les Chinois eftimentles pieds aîlés de cestortués à caufe de leur rareté. Ie vis dans vn petit lac d'eau douce & peu profond de l'Ifle d'Hainañ des cancres , lef- quels auffi-coft qu'on les auoit tirés de l’eau, perdoient en vn momét la vie & le mou- uement, fe petrifioient fans qu'il parut rien de changé dans la figure exterieure ou interieure de leur corps. Il eft certain que la poudre de ces cancres beuë auec du vin arrefte le flux de ventre & lc flux de fang lors qu'on la boit auec du vinaigre; ils gue- riflent le mal des yeux, en oftentles nuages &lestaches,foulagent ceux qui ontla fiez vre , &íontd'vn grand fecourscontre le poifon. LE CHEVAL MARIN: 1 Ors que r'eftois au Mofambique ie vis plufieurs fois des harats de cheuaux marins quife rouloient au bord dela Mer : l'Oidor ou le Iuge de la ville m'enuoya vri ¡our latefte d'yn pour me la faire voir : ietrouuay qu'il y auoit trois coudées depuisía Scconde Partie: jy Ka @) D ij | 28 RELATION bouche iufques au garot ou efpaules : leremarquay dans la partie inferieure de la ma. choire les dentsforcgrandes & recourbées , & d’autres dans la partie füperieure qui refpondoientà cclles-là , & qui eftojent plus petites,auec deux autres dents, dans la partie infericure {ur letquelles la langueeftoit couchée. Vniour qu vn gentil-hom- mc Portugais me voulut faire voir le pays, qui eftà l'oppofite de l'Ile de Mofanbi- que, comme nous rafions la cofte dans vne galiotte à 20.rames, nous vifmes à vn jet de pierre de nous so. cheuaux marms qui hanniffoient , tantoft fe plongeoient dans l'eau , tantoft yenoient au deflus. Le plaifir que nous auions à les voir eftoit troublé de la peur qu'ils n'attaquaffent noftre galiotte , quoy que nous euflions trente hom- mes. Vndenos efclauestira vn coup de fufilà celuy de cescheuaux qui eftoit le plus proche, & le frappa entre les yeux la beftetomba; & comme für le midy nous vif- mes que lesautres cheuaux ne paroiffoient plus, & que celuy-lá ne remuoit point; cérefclaue en approcha aucé fes camarades, & le trouua mort; ils letraifnererent à latente ou nous eftions, & me prefenterentfes dents:la peau en eftoit ἢ dure qu'ils nelapouuoient percer de leurs lances. Il n'a point de crins, fi ce n'eft à l'extremicé de la queué : ceux qu'il a en cet endroit font noirs, luifans & flexibles comme de la cor- ne de la groffeur d'vne plume : d'vn feul crin ils s'en font vn braffelet : ces Caffres, cat c' eftainfi qu'on appelle les habitans de cette partie du monde , s’en parent, auffi bien leshommes que les femmes, ce qu'ils font auffi des poils de l'Elefant, perfuadez qu'ils font que celales preferue de la paralifie. Aux Indes,& principalemeut à Goa,ils font des chappelets & des crucifix des dents de cet animal:ils croyent que ces chappelets arreftenc le flux de (ang, mais Pexperien- ce fait voir que toutes les dents de cheual marin n'ont pas cette vertu, & qu'elle def- penden partie dutemps auquel on lesarrache. Lors qu'on feigne quelqu' vn onles applique fur l'ouuerture de la veine, & c'eft l'épreuue donrils (e feruent pour connoi- ftre fielles ont la propricté d'arrefter le fang : Dans l'Hofpital Royal de Goa qui eft fous la dire&ion des Peres de noftte Compagnie, où il y a quelquefois iufques à deux cens malades, on garde vne de cesdents, qui fait voir tous les iours vne ex- perience auffi furprenante ; Il ne fe paffe point de ¡our qu'on ne faffe pluficurs fei- gnées, & ils ont accouftumé d'arrefter le fang en appliquant cette dent. Ie me fou- uiens d'auoir leu dansl'Hiftoire des Indes , que les Portugais ayant pris vn jour vn paro ou petit vaiffeau de Malabar;ils trouuerent entre les corps morts des ennemis, le corps de celuy,qui commandoit le vaiffeau, percé de coups d’efpées & de moufqueta- des fans qu'il peüt fortir vne goutte de fang de fes bleffures; mais dés qu'ils l'eurent defpoüillé, & qu'ils luy eurent ofté vn petit os,qu'il auoit pendu à fon col, qui eftoit fans doute de dents de cheual marin, le fang commença à bir auec violence de tou- tes fesplayes n'eftant plusarrefté par la qualité de ces dents , qui le tenoient comme glacé. FE SERPENT GEN-TO. 'Eft le plus grand ferpent qui fe trouue dansl'Iffe.Hay-nan , & dans la prouince de Quam-tum , Quam-fi & autres,il deuore des cerfs entiers, il n'eft pas fort ve- nimeux, eft couleur de cendre , & quelquefoislong de vingt-quatre pieds : Quand la faim le prefle, il fort desbois, & s'aidant de fa queuë, il faute & attaque les hom- mes & lesbeftes ; quelquefois de deffus vnarbre il fe jette furleshommes, & les τας en les (errant de fes plits : fon fiel eft vne chofe precieufe aux Chinois, ils senferuent pour le mal des yeux. Aux Indes & dans le Royaume de Quam-fy on trouue vne pierre dans la tcfte de certains ferpens qu'ils appellent ferpens cheuelus,laquelle guc- rit lesmorfüres , de ce mefine ferpent,qui autrement tueroit dans vinge-quatre heu- res : cette pierre eft ronde , blanche au milieu, & autour cft bleué ou verdaftre : lors mon Papplique fur la morfüre , elle Py attache d'elle-mefme , & elle ne tom- be point qu'elle n'ait fuccé le venin. On la laue apres dans du lai& , & on l'y laif- $e i) DE LA”C.H EN;E. 29 fe quelque temps pour luy faire reprendre fon eftat naturel ; cette pierre eft rare, fi on la prefente vne feconde fois ala moríüre, & qu'elle fy attache, elle n'a pas fuccé tout le venin dés la premiere; fielle ne s'y attache point, c'eft vne marque que tout le ve- nin efthors و‎ & on s'en refiouïtauec lc malade : Ils (e feruent contre le mefine venin d'vne racine queles Portugais appellent Rais de Cobra,qu'ils font macher à ceux qui font mordus , iufquesà ce qu'elle leur ait fait venir deux ou troisrapports à la bou- che. | | Les Chinois ont vn autre ferpent quieft fort venimeux; car ceux qui en font mor- dus meurenten peu de temps, mais ils ne laiffent pas de l'eftimer beaucoup à cau- fe du grand remede qu'ilsentirent. Ils le mettent viuant dans vn vaiífeau plain de bon vin, enforte que la tette feule foit dehors pour faire cuaporer tout le venin, & que le refte du corps demeure enfermé dedans: On fait boüillir ce vin, ils en lepa- rentapresla tefte و‎ & la chair leur tient lieu d'vne trcs-excellente theriaque. | HIVEN-PAO. Hi eft vne efpece de Leopard ou de Panthere que l'on void dansla Pro- uince de Pekim; il n'eft pas neantmoins fi feroce que les tigresordinaires, les Chinois en font grand cas. Vne Croix trouuce l'an 1625. dans la Prouince de Xenfr. Omme on jettoit les fondemens d'vne nouuelle muraille dans la ville de San- xuen (ou Sancyuen) enla prouince de Xenfi: on trouua vne Croix taillée dans vne pierre auec des caracteres Cyriaques ὃς Chinois, quiexplique comme noftre re- ligion a efté traniportée dans le Royaume de la Chine par les fuccefleurs des Apo- ftres : L'on y mit les noms des Preftres & des Euefques de ce temps-là, ὃς mefmes | quelques priuileges que les Empereurs de la Chine auoient fait aux Chreftiens. Le Gouuerneur dulieu enayant efté aduerty, comme les Chinois eftiment beau- coup tout ce qui eft antique , il fit courir vn efcrit à la loüange de cette antiquice & fit graucr fur vne autre pierre les mefines lettres &les mefmes figures, & l'erigea com- me vn monument venerable dans vn hermitage de la villede Sigan, qui eff la Capitale de la contrée (7 dela Prouince :nos Peres qui font ala Chine en ont enuoyé vne copie à Rome, qu'on garde à la Maifon Profefle. La pierre à cinq empansde large , vn d'efpoiffeur,& dix de longueur : fur le deuant eft vne croix qui approche celle des Cheualliers de Malthe : voicy comme le Pere Kircher explique dans fon predome de la langue Coptique,les neuf cara&ereres Chi- nois qui y font graués. Pierre dreffee à la memoire eternelle de la loy de lumiere eo» de verité, qui a eflé portée de la Indée en la Chine. E refte quia efté graue en cara&eres Chinois contient ces myfteres de noftre Reilgion, efcris d' vn ftile Chinois, quien parlent comme on voiten fuitte. De la Creation du Monde. ( 'Eluy quia toufiours efté veritable, immuable, fansprincipe , 'vne connoiffance “tres-profonde , & qui n'aura point de fin , a creé toutes chofes par fa puiflance ad- mirable, & a fait les Sainéts par fon infinie Majefté ὃς Sain&ete. Seconde Partie. Q)D iij 30 RELATION Cette Effence diuinetrine en perfonnes & vne en fubftance; noftre vray Sei: gneur, qui cítíanscommencement la Oyu ( qui enlaugue Chaldée eft le mefine quc Eloha ) a fait les quatre parties du Monde, & du Chaosa fait deux Kis; c'eftà dire, deux vertus, a changélestenebres, afaitle Ciel ὃς la terre , a fait que le So- leil & la Lunenous donnaffent. par leurs mouuemens le iour & la nui, enfin a creé routes chofes. gf” Mais en creant le premier homme il luy a donné la iuftice originelle & le confti- tuant chef fur toute laterre , &c; 1 De la cheute d'Adam. Ais depuis que Satan cuttrempé Adam, & luy eut fait corrompre te quieftoit parfait de fa nature , la malice Sempara de fon ame pour entroubler la paix , & y mit la difcorde qui mina cette egaliré d'cfprit, dont il jouiffoit auparauant. Du Myftere de l'Incarnation. / I xs vne des Diuines Perfonnes de la Tres-fain&e Trinité qu'on nomme lé 1 vffie ; refferrant ὃς cachantía Majefté, s'accommodant à noftre nature , fe fit homnae; & ayant enuoyé vn Ange pour annoncer aux hommes leur bon-heur , cette joye nafquiten Judée d'vne Vierge : Vne eftoille fitauffi connoiftre ce bon-heur ; les , Roys l'ayant apperceuë le vinrent reconnoiftre par des prefens, afin que la loy & les propheties des vingt-quatre Prophetes fuffent :accomplies: Il gouuerna le monde fous vne Joy merucilleufe & toute diuine ; qu'il eftablit par la vraye foy , confomma lafpirituelle qui s'accomplit fansle bruit des paroles : Il propofales hui& beatitudes,& changeales chofes du monde en cternelles : Il fit entrée aux trois vertus ( Thrologales ) & donna la vie en deftruifant la mort. Il defcendit en propre perfonne aux Enfers, & confondit tous les demons : 11 conduifit par fa picté les bons au Ciel; & affeura le fa, lutauxiuftes. Enfin apres auoir accomply ces chotes ; il monta au Ciel, & inftitua le Baptefme en eau & au S. Efprit pour nettoyer les pechez, en rendant la pureté aux hommes: Il fe fert de la Croix pour embraffertous les hommes fans en excepter au- cun, & les excite par la voix de fa Charité و‎ &c. Onlit fur cette pierre plufieurs autres chofes dela vie & dignité des Apoftres , des Preftres,& des Miniftres de Iefus-Chritt : mefme dé l'excellence de la loy Chreftien- ne. qu vn homme de grand merite venu de ludée nommé Olopuen propofe aux Chi- noisl'an de Chrift 636. fousle regne dutres-vertueux Prince le Roy Ta, qui la fit incontinent publier par tout ;on Royaume, parce qu'il fut iuge par les fçauans que cette loy eftoit fainde & immaculée. i 17 à ‘ US AAA NN TA ES 4 ἮΝ P T he no Fu na NA * EN md D 0 0 La y | A á N 1 2 A - * 7 ١ IJ à ١ ٠ j | á LL o 1 à . . 6 7 1 x M Ù N DI inm Wo ἌΓΟΙ Mam. Ze "EEG fo PE N v ni > | » b) 5 ἢ h AY OS E |! E ἂν "n Y 0 d Ls ١ ال‎ AA 5 LOR و‎ 7 LA ^d 1a La i -% ul A Vi i^ a Ré M 7 mw PA à 5 TIRER = ra eS tana RI - CITE - PRE ATA TS ETA TV = STRETTE x eterea 2 RE tt وت‎ : RE RTS PRET CT ER SERA