Velain 184 19 77 Remarques generales au sujet de la rs des Iles Saint-Paul et Amsterdam suivies d'une description de la faune malacologique des deux iles EL K/ d Veæx Mes VD Pr 1372 ï | | D re E D'ORDRE M» |L. “À PRESENTEE A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE PARIS POUR OBTENIR LE GRADE DE DOCTEUR ÈS SCIENCES NATURELLES PAR CH VEÉLAIN Diviss LAURÉAT DE L'INSTITUT, Ivision of Mollusks . RÉPÉTITEUR A L'ÉCOLE PRATIQUE DES HAUTES ÉTUDES Onqa] Lib (SECTION DE GÉOLOGIE). TOY EC DEUXIÈME THÈSE. REMARQUES SUR LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM, SUIVIES D'UNE DESCRIPTION DES MOLLUSQUES TESTACÉS DE CES DEUX ILES. Ë Dyui- Soutenue le mas devant la Commission d'examen MM. MILNE EDWARDS, Président. + HÉBERT, Éraminateurs. DE LACAZE-DUTHIERS, tre, ee PARIS TYPOGRAPHIE A. HENNUYER RUE D'ARCET, 7 1878 An s1 pablishel | 4 de: ti 124 vel ÿ Experimientaie ê 1£77 Archive FACULTÉ DES SCIENCES PROFESSEURS HONORAIRES. . PROFESSEURS. AGRÉGÉS. .... SECRÉTAIRE... | l | ACADÉMIE MM. Sets MILNE-EDWARDS, Prof. DUMAS. PASTEUR. DELAFOSSE. CHARME ia B'DESAINS.: Tue LOUVIELR TR TRUE PUNONIE trace HÉDEATiLS:Acedet DAMES arsn tete tas 018 2 4 0e NP RE CRETE H. Ste-CLAIRE-DEVILLE. DE LACAZE-DUTHIERS.. BOUQUET... vs TROODBT RC nee «tes NDEBTZS, SRE Re POMBDEL: 377 be PT PE PIN TT BERTRAND. ha us reue JMIBILLE 8 us cases LORtAROR SEL dc, 1 PHILIPPON. DE PARIS DE PARIS Zoologie, Anatomie , compare. Physiologie Géométrie supérieure, Physique. Mécanique rationnelle, Astronomie. Géologie, Botanique. Physique. Calcul différentiel et intégral. Chimie Zoologie, Anatomie, Physiologie comparée Physiolôgie. Algèbre supérieure. Caleul des probabilités. mathématique. Mécanique physique et mentale. Physique expéri - Chimie. Chimie organique, Minéralogie. Astronomie, Sciences mathématiques. Sciences physiques. A MM. E. MOUCHEZ MEMBRE DE L'INSTITUT ET DU BUREAU DES LONGITUDES CAPITAINE DE VAISSEAU COMMANDEUR DE LA LÉGION D'HONNEUR. H. DE LACAZE-DUTHIERS MEMBRE DE L'INSTITUT PROFESSEUR A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE PARIS, DIRECTEUR DU LABORATOIRE DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE DE ROSCOFF, Hommage de profond respect et témoignage de vive reconnaissance. PASSAGE DE VÉNUS SUR LE SOLEIL (9 DÉCEMBRE 4874) EXPÉDITION FRANÇAISE AUX ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM SOUS LE COMMANDEMENT DE M. MOUCHEZ, CAPITAINE DE VAISSEAU REMARQUES GÉNÉRALES AU SUJET DE LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM SUIVIES D’UNE DESCRIPTION DE LA FAUNE MALACOLOGIQUE DES DEUX ILES PAR M. CH. VÉLAIN Lauréat de l'Institut, Répétiteur à l'Ecole pratique des hautes études. Ï. INTRODUCTION HISTORIQUE. Les îles Saint-Paul et Amsterdam, sur lesquelles le dernier passage de Vénus sur le soleil vient d'appeler un moment l'attention, sont situées, dans l’hémisphère austral, entre le 37° et le 38° parallèle sud, sous le 75° degré de longitude, à l’est du méridien de Paris. Perdues au milieu de l'océan Indien, à plus de 500 lieues de toute espèce de terre, ces deux îles, absolument désertes, sont connues depuis très-longtemps. Leur découverte très-ancienne, attribuée à tort tantôt aux Hollandais, tantôt aux Portugais, remonte, en effet, au célèbre voyage autour du monde de Magellan ; mais jusqu'à pré- 1 2 CH. VÉLAIN. sent, elles avaient été, l’une d'elles surtout, peu explorées. Elles se trouvent cependant, malgré leur grand éloignement, sur une route très-fréquentée, car tous les bâtiments qui passent par le Cap, pour se rendre en Australie ou en Chine, poussés par les grandes brises d'ouest, qui sont, pour ainsi dire, les alizés de celte région, viennent les reconnaître et passent entre les deux. Il est vrai que maintenant peu d’entre eux y atterrissent, ces îles n’offrant aucune ressource et les mauvais temps, qui règnent presque constamment dans leurs parages, rendant souvent leur accès dangereux. Autrefois les naviga- teurs, et surtout les Hollandais en se rendant aux Indes, s'y arrêlaient volontiers, mais sans jamais y séjourner, de telle sorte que les des- criptions qu’ils nous en ont laissées sont toujours peu détaillées, peu précises et parfois même fort inexactes. L'histoire de leur découverte est assez complexe et mérite d'être rapportée ici. Ce sont les compagnons de Magellan qui, le 18 mars 1522, pendant leur voyage de retour en Europe, sous les ordres de Sébastien del Cano, virent, pour la première fois, la plus grande et la plus haute des deux îles, celle que nous appelons au- jourd'hui Amsterdam. C’est, en elfet, ce qui ressort d'un passage remarquablement précis du journal de Francisco Albo, pilote de la Victoria, où il est dit qu’à l’époque indiquée plus haut, par 37° 35, la frégate passa en vue d’une île élevée, ayant environ 6 lieues de tour, paraissant inhabitée, mais qu'on ne put aborder‘. L'Espagnol del Cano ne paraît cependant pas avoir ajouté d'importance à celte dé- couverte, car plus tard, dans la commission nommée par le roi d'Espagne, pour fixer les nouvelles découvertes géographiques, dues à ce voyage célèbre, il n’en fit pas mention. Un siècle après, en 1617, un navire hollandais, le Zeewolf, qui se rendait du Texel à Bantam, conduit par le capitaine Harwick Claesz de Hillegom, vint tout à coup, par un temps brumeux et sombre, atterrir sur la seconde des deux iles, « Comme elle ne se trouve sur aucune carte, écrivit le capitaine au directeur de la Com- pagnie des Indes, nous lui avons donné le nom du Zeewolf (Loup marin). » Mais cette dénomination ne fut pas adoptée, car dans les instructions pour les navires qui se rendaient de la Hollande à Java en automne nous voyons, à la date du 7 décembre 1619, qu'il est re- commandé de bien veiller, vers le 38° degré de latitude, pour ne pas 1 NavaRerTE, Colleccion de Documentos (Journal de F. Albo, t. IV, p. 218), LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 3 tomber inopinément sur l’île Saint-Paul, peu élevée et presque toujours masquée par la brume, Sans doute qu'un navire portant ce nom l'avait signalée auparavant, comme semble le prouver un portulan manuscrit du temps de Henri Il, qui l'indique avec cette mention : 1. Descobrio à nao San-Paulo. Mais toutes deux ne furent en réalité bien connues, et leur posi- tion ainsi que leur dénomination fixée d’une facon bien précise, qu’en 1633. A cette époque, le gouverneur van Diemen, en se rendant aux Indes, passa entre les deux et laissa à celle du Nord le nom du bâtiment qui le portait, Vew-Amsterdam, celle située la plus au sud étant, dit-il, l’île Saint-Paul. Jusqu'alors personne ne les avait encore abordées : le navigateur hollandais Willem van Vlaming fut le premier qui les visita en 1696, et c’est sans doute à cette circonstance qu'il doit d'avoir longtemps passé pour les avoir découvertes, tandis qu’elles étaient bien connues avant lui; du reste, il avait recu dans ses instructions l'ordre de s’y arrêter, avant de se rendre à la Terre du Sud (l'Australie), afin d'examiner leur situation et de rechercher s’il n’y existait pas quelques traces de l'équipage d’un bâtiment, le Ridderschap van Holland, qui s'était perdu en 1695, pendant une traversée du Cap à Batavia ?. Le journal de l’expédition de van Vlaming contient peu de ren- seignements sur Amsterdam, mais on y trouve des détails très-inté- ressants sur l'état de l’île Saint-Paul ; le vaste cratère immergé qui occupe sa partie centrale, se trouvait, à cette époque, complétement fermé et ne communiquait pas directement avec la mer comme au- jourd’hui ; une digue, peu élevée, mais continue, s’étendait en tra- vers de l’'échancrure du nord-est ; il fallut haler les embarcations à terre et les faire passer par-dessus les galets, pour pouvoir explorer le lac intérieur. La passe étroite et peu profonde qui coupe maintenant cette digue en son milieu, ne paraît s'être ouverte que pendant la se- conde moitié du dix-huitième siècle, car jusqu'en 1754 les navi- gateurs qui s'arrêtent à Saint-Paul signalent toujours, entre les deux hautes falaises du nord-est, « une digue de galets, continue, que cou- vrent les lions et les chiens de mer » (otartes). 1 Uit de Verhandelingen en Berigten betrekkelijk het Zeetwerzen en de Zeevaartkunde door Jacob Swart, n° 3, 4er Afd,, p. 6. ? R, H., Major esq. : Early Voyages to terra australis, London, printed for the Hackluyt Society, 1859, Lg 4 CH. VÉLAIN. Tous les auteurs qui se sont occupés de nos deux îles ont raconté le séjour que fit lord Macartney à Saint-Paul en 1793, avec les vais- seaux le Lion et l'Hindoustan. Dans les nombreuses relations que uous possédons de ce voyage, on trouve, en effet, beaucoup de dé- tails qui intéressent à la fois la géologie et la zoologie, car ils nous renseignent, et sur les phénomènes volcaniques dont l'ile était encore le théâtre, et sur les nombreux oiseaux qui l'habitaient. Lord Macartney et sa suite ne séjournèrent pourtant qu'un jour sur l'ile, mais ils y trouvèrent un Francais, nommé Péron, homme intelligent et communicatif, comme ils se plaisent à le raconter ‘, qui leur servit obligeamment de guide et put leur fournir des renseignements pré- cieux. Péron est un marin français, né à Brest, qui, lächement aban- donné sur Saint-Paul, avec quatre matelots, par un capitaine de la ma- rine marchande américaine, y fit un séjour forcé de près de quarante mois, du 4° septembre 1792 au 16 décembre 1795. Pendant ce long et douloureux exil, où les privations et les souffrances ne lui furent pas épargnées, il consigna jour par jour avec un soin scrupuleux tous les faits qui se passaient autour de lui et jusqu'aux moindres détails de son existence misérable. Ses mémoires, publiés en 1824*°, sont donc fort intéressants à consulter et nous aurons, par la suite, plus d’une fois occasion de les citer, surtout à propos des détails curieux qu'ils renferment sur les mœurs des animaux qui atterrissaient alors sur l’île, aux différentes saisons". Péron, intervertissant les noms des deux îles, appelle Amsterdam celle sur laquelle il fut ainsi délaissé ; c'est là une erreur qui s'était accréditée à cette époque et qui doit remonter au voyage du brick le Mercury, de la marine anglaise (1789) : elle devint la source d'une réelle confusion et par la suite les noms et les traits à la fois si par- tüiculiers et si caractéristiques de l’une et de l’autre furent entremélés de la façon la plus singulière. Il serait maintenant superflu de mentionner toutes les relations de 1 GEORGES STAUNTON, Voyage à la Chine, par lord Macartney, traduit par J., Cas- tera. Paris, Buisson, an VI rép., p. 268 à 298. * Mémoires du capitaine Péron sur ses voyages en Afrique, en Arabie, ele , vol, I, p. 171-298, Paris, Brissot-Thivars, 1824, * Les mémoires du capitaine Péron sont encore accompagnés d’une carte remar- quablement exacte, qui paraît avoir été levée avec beaucoup plus de soin que celles antérieures ou mème plus récentes de van Vlaming (1696), de Parish (Relation du voyage de Macartney, 1793) et de l'amiral Cécile (Voyage dela frégate l'Héroïne, 1837). LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 5) voyage qui parlent de nos deux îles, pendant la première partie de ce siècle : elles sont peu importantes, la plupart n'ont fait que répéter ce qu'on en savait, sans rien ajouter aux connaissances déjà acquises. Saint-Paul fut alors surtout visitée par des pêcheurs qui, attirés par l'abondance extrème du poisson dans ses eaux, tentèrent à diffé- rentes reprises d'y fonder des établissements de pêche ; ces établis- sements prirent même, en 1843, une importance telle, que le gou- verneur de la Réunion crut devoir y envoyer, par un bâtiment de guerre, quelques soldats d’infanterie de marine pour en prendre possession et pour l’occuper. Je passe également sous silence les visites plus récentes de deux bâtiments de guerre anglais, le Æerald et le Pearl, qui vinrent, le premier en 4853, le second en 1873, y faire des reconnaissances hydro- graphiques; ces voyages, en effet, furent sans profit pour l'histoire naturelle. En réalité, nous n'avions jusque dans ces derniers temps, sous ce dernier rapport, que des renseignements peu précis et bien incomplets. On connaissait sans doute la nature volcanique des deux îles, mais leur faune et leur flore étaient encore absolument incon- nues quand la frégate autrichienne la Novara vint, en 1857, au début de son beau voyage autour du monde, mouiller devant Saint-Paul. La Novara avait à son bord un certain nombre de naturalistes, et notamment un savant géologue, M. de Hochstetter, qui furent dé- barqués pendant quinze jours sur l’île ; ils y réunirent des collections importantes et en donnèrent une description complète, surtout au point de vue géologique ‘. Malheureusement il n’en fut pas de même pour Amsterdam; le docteur Scherzer et M. de Hochstetter nous apprennent en effet que, malgré toutes les ressources dont disposait la frégate, après toute une journée de fatigues passée dans les em- barcations autour de cette dernière, pour chercher à y débarquer, ils ne purent pénétrer dans l'intérieur et durent à leur grand regret s'éloigner, après n’avoir fait qu’entrevoir les riches récoltes que leur promettait la végétation épaisse et variée qui recouvrait toute sa sur- face. Le lendemain, alors qu'ils s'apprètaient à renouveler les ten- tatives de la veille, le mauvais temps chassa la frégate de ces parages et leurs observations restèrent incomplètes. Amsterdam doit aux difficultés de son accès, d’avoir été bien 1 F, ne Hocusrerten, Dr Scaenzer.…, Voyage de la frégate la Novara autour du monde de 1857 à 1859, 1re partie, vol. I, p. 216, 1 À 6 CH. VÉLAIN. moins souvent visitée que Saint-Paul; c’est une terre plus impor- tante, qui se trouve, pour ainsi dire, défendue de tous côtés par une ceinture continue de hautes falaises complétement accores, environ- nées de brisants, Dans le nord-est, sur un espace d’un demi-mille en- viron, ces falaises s'abaissent un peu, et le long d’une coulée de laves qui s’avance de quelques mètres en mer, les embarcations peuvent accoster par les temps calmes. Il est alors possible, avec un peu d'adresse, de sauter à terre, entre deux lames ; mais là de nouvelles difficultés surgissent, une sorte de gros jonc (iso/epis nodosa) de la hauteur d’un homme, qui croît par touffes, absolument pressées les unes contre les autres, devient un obstacle presque impénétrable, qu'on ne peut franchir qu'avec le temps et au prix des plus grandes fatigues. Aussi de tous ceux qui, déjà peu nombreux, avaient mis le pied sur l'île, un très-petit nombre s'étaient écartés de la côte, et nous ne savions rien de sa topographie intérieure; son sommet même, presque toujours embrumé et masqué par un chapeau de nuages, n'avait été que rarement apercu du large. En 1873, le navigating lieutenant Henri Hosken ne fit que com- pléter, à bord de la Pearl, et sous la direction du commodore Goo- denough, le tracé de la côte sud et sud-ouest, levé sous voiles par Beautemps-Beaupré en 1792, en l’étendant au nord et à l’est. La carte publiée en mars 1874 sur ses indications, par les soins de l’amirauté anglaise, nous montre l'ile sous forme d’un quadrilatère, orienté du nord-nord-ouest au sud-sud-est, présentant en son centre une montagne régulièrement conique, haute de 2760 pieds, qui s'incline de tous côtés régulièrement vers la mer et supporte une série de petits cônes d’une assez grande élévation. Tel était l’état de nos connaissances au sujet des deux iles, quand l'attention du monde savant se reporla de nouveau sur elles, en 1874, à l'occasion du passage de Vénus sur le soleil. Elles se trou- vaient, en effet, parmi les pays les plus avantageusement situés pour l'observation de ce phénomène rare et important qui n'avait pas été vu depuis 1769, et l’Académie des sciences, malgré tout ce qu'on savait de leur peu de ressources et des mauvais Lemps qui règnent dans leurs parages, avait résolu d'y risquer une expédition. L'île Saint-Paul n'a pas une lieue de largeur ; pour aller s'expatrier pendant plusieurs mois sur un pareil rocher, pour tenter d'y débar- quer tout un matériel d'installation, des instruments de précision délicats, difficiles à manier à cause de leur poids et de leur volume LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. L considérable, il fallait un homme énergique et dévoué à la science : l’Académie sut trouver dans notre vaillante marine un officier savant et courageux qui voulut bien accepter cette belle, mais périlleuse mission. M. le commandant Mouchez, membre du bureau des longi- tudes, fut désigné comme chef de celte station astronomique ; on lui adjoignit pour les observations astronomiques M. Turquet de Beau- regard, lieutenant de vaisseau, et M. Cazin, professeur au lycée Fon- tanes, pour les opérations photographiques. En outre, la commission chargée de préparer les instructions relatives à l'observation du passage, désirant donner à celles des expéditions qui devaient atteindre des régions lointaines et peu connues le caractère de véri- tables campagnes scientifiques, décida que des naturalistes seraient attachés à chacune d'elles; M. Gaston de l'Isle, en qualité de bota- niste, fut désigné pour accompagner la mission de l’île Saint-Paul. D'un autre côté, M. le docteur Rochefort, médecin de première classe de la marine, qui devait également faire partie de l’expédilion, avait été appelé de bonne heure à Paris, sur la demande du com- mandant Mouchez, et s'était mis au courant des meilleures mé- thodes pour la recherche et l’étude des animaux marins. « Quand M. Mouchez m'écrivit de me préparer à ce travail, nous dit M. Ro- chefort dans un rapport sur le voyage et les résultats de la mission, publié en 1875, dans les Archives de médecine navale *, je dus lui répondre que j'étais, jusque-là, demeuré fort étranger à ce genre d'études, mais on me persuada que je pouvais aisément être mis au courant des procédés de recherche et, par suite, devenir capable de rendre des services, en recueillant des objets d'étude. C'est surtout de la part de M. H. de Lacaze-Duthiers, membre de l’Institut, que je trouvai un accueil si encourageant ; il m'ouvrit avec tant de bien- veillance, à deux reprises différentes, pendant la saison d'été, son laboratoire de Roscoff, que je pus espérer ne pas rester trop au-des- sous de la tâche que l’on me donnait à remplir. M. de Lacaze voulut bien, négligeant parfois les beaux travaux qu'il poursuit, me guider lui-même dans la recherche des animaux et dans leur étude. Si les soins que je me suis imposé à Saint-Paul portent plus tard quelques fruits, c'est à lui qu'ils seront dus et je tiens beaucoup à lui en ex- primer toute ma reconnaissance. » D’après la description que M. de Hochstetter en avait donnée, on 1 T. XXIV, juillet 4875, p. 1 à 19. 8 CH. VÉLAIN. savait que l’activité volcanique de l'ile Saint-Paul se manifestait actuel- lement par des sources thermales et des fumeroles abondantes. M. Rochefort avait encore accepté le soin d'étudier ces différentes émanations ; il était venu dans le laboratoire de géologie du Collége de France, pour apprendre auprès de M. Fouqué le maniement des appareils destinés à ces recherches délicates. Je terminais alors, dans ce même laboratoire, l'étude des roches volcaniques que j'avais re- cueillies dans un voyage sur la côte d'Afrique, où j'avais déjà accom- pagné le commandant Mouchez en 1873, et nous recûmes ensemble les leçons si précieuses de ce maitre bienveillant. C'est certainement à cette circonstance que je dois d'avoir fait partie de la mission. Tout d'abord, je n'avais pas cru devoir accepter l'offre qui m'en avait été faite par M. le commandant Mouchez ; mais, à la fin de juillet, en voyant toutes les belles observations qui restaient à faire non-seule- ment à Saint-Paul, mais dans chacune des escales du voyage et sur- tout à la Réunion, cédant aux conseils pressants de M. Fouqué, à ceux de mon excellent maitre M. Hébert, je me décidais enfin à par- tir. C’est dans les premiers jours du mois d'août, peu de jours par conséquent avant l'époque fixée pour le départ, sur les instances de M. de Lacaze-Duthiers, que je ne saurais trop remercier à cette occasion, que M. le ministre de l'instruction publique voulut bien m'adjoindre à la mission de l’ile Saint-Paul en qualité de géologue *. Nous étions donc, désormais, trois naturalistes attachés à cette expédition ; chacun de nous représentant l'une des branches de l'his- toire naturelle, les rôles se trouvaient par cela même bien indiqués : M. le docteur Rochefort devait s'inquiéter de la zoologie, M. de l'Isle de la botanique, la géologie m'était réservée. Je n'ai pas besoin de dire que ces distinctions n’eurent rien d'absolu et que très-souvent les rôles furent intervertis. Chacun de nous concentra, sans doute, ses efforts sur les sujets d'étude qui lui étaient chers, sur ceux pour les- quels il était mieux préparé, mais la plupart des travaux et des re- cherches furent exécutés en commun. Pendant la traversée, le peu de temps dont nous disposions à chaque escale ne nous permit pas d'étendre beaucoup nos recherches, qui se trouvèrent ainsi limitées à quelques points, malheureusement trop restreints, des côtes que nous abordions; mais notre séjour aux 1 Sur la proposition de M. de Lacaze-Duthiers, le conseil de l'Association fran— çaise pour l'avancement des sciences m'avait généreusement voté, de son côlé, une somme de 1 500 francs, pour subvenir aux frais de cette mission. LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 9 îles Saint-Paul et Amsterdam se prolongea assez pour que nous n’ayons pas été obligés de nous borner là à des investigations rapi- des et superficielles. Nous avons pu les explorer, la première surtout, d’une façon complète et y rassembler des collections importantes, qui nous permettront de décrire, jusque dans les moindres détails, leur constitution géologique, leur faune et leur flore. L'étude de la distribution des êtres organisés à la surface des îles éloignées des continents constitue une des questions les plus intéres- santes de la zoologie géographique : nos deux iles, en raison de leur grand isolement, se recommandaient donc tout d'abord sous ce rap- port à notre attention. Il était également important d'examiner avec un soin minutieux la faune des eaux qui les environnent, et notam- ment celle du cratère de l’île Saint-Paul, afin de savoir de quelle pro- vince marine on pouvait la rapprocher; les naturalistes de la VNovara, par suite des mauvais temps quiles avaient assaillis pendant leur court séjour sur cette dernière, n'avaient, en effet, obtenu que peu de docu- ments au sujet de cette faune et s'étaient bornés à la signaler comme très-pauvre, composée qu'elle était d'espèces peu variées, riches en individus et de dimensions presque microscopiques. Ces recherches, dans les circonstances exceptionnellement favo- rables où nous allions nous trouver, pouvaient devenir fécondes en résultats ; aussi, profitant de toutes les occasions pendant les trois mois que nous sommes restés sur Saint-Paul, non-seulement nous avons parcouru le littoral à chaque marée, exploré les pro- fondeurs avec la drague, employé tous les moyens de pèche, mais nous avons surtout cherché à suivre séparément chaque espèce, afin de déterminer sa distribution en surface et en profondeur, ses mœurs, son organisation, en un mot toutes les particularités de son histoire. Ces études ont été l'objet des préoccupations constantes de M. le doc- teur Rochefort, qui s’est encore attaché à figurer les animaux sur le vivant, notamment ceux qui ne pouvaient se conserver dans les li- queurs alcooliques, sans perdre leurs formes et leurs couleurs, en devenant méconnaissables. A notre retour nous nous sommes empressés, Rochefort el moi, de remettre entre les mains de M. le professeur de Lacaze-Duthiers la majeure partie des collections que nous avions recueillies, heureux de pouvoir lui témoigner ainsi notre reconnaissance ; c'était à lui que nous devions, tous deux, d'avoir pu entreprendre ces recherches et de les avoir menées à bonne fin. Cet hommage lui était donc bien dàù. 10 CH. VÉLAIN. Tous ces matériaux ont été, depuis, distribués par ses soins entre divers naturalistes qui ont alors accepté d'étudier et de décrire, sous sa haute direction, les nombreuses espèces de mammifères, d'oiseaux, de poissons, de crustacés, d'annélides et de zoophytes dont se compose la faune des deux îles, et d'en faire l'objet de monogra- phies distinctes qui paraîtront successivement à cette place. Dans toutes les questions relatives à la façon dont les îles se sont peuplées d'êtres vivants, il faut tout d’abord remonter à leur origine et rechercher si elles résultent de l'affaissement d’un continent, ou si elles ont surgi directement du sein de l'Océan par la seule action des forces volcaniques ; il était donc important d'esquisser à grands traits l'histoire géologique des îles Saint-Paul et Amsterdam, et de préciser la date de leur émersion, avant de commencer la description de leur faune. C'est ce que je ferai maintenant pour chacune d'elles, en insistant à dessein sur la nature des produits volcaniques qui les constituent, afin de montrer quelle influence la composition des roches exerce sur la distribution des mollusques, dont je donnerai ensuite une étude détaillée. Le présent travail ne doit donc être considéré, que comme une introduction aux descriptions, qui vont suivre, des diverses espèces dont se compose Ja faune des deux îles, descriptions qui seront dues au zèle désintéressé des nombreux savants qui ont bien voulu nous accorder leur collaboration. En essayant de donner aujourd'hui un premier aperçu de cette faune, en mentionnant les conditions d'ha- bitat, les mœurs de quelques-unes des espèces les plus nombreuses, ou les plus remarquables, j'ai cherché surtout à faire connaître nos procédés d'investigation, nos moyens de recherches, afin que le lec- teur puisse juger du degré de confiance qu'il doit accorder à nos observations. J'ai tenu à le précéder d’une relation rapide de notre traversée, afin d'exposer quelques faits relatifs à l'histoire naturelle recueillis dans chacune de nos escales. IL, RELATION DU VOYAGE. De Marseille à la Réunion. — La presqu'ile d'Aden. Dans la matinée du 2 août, nous embarquions à Marseille sur un des magnifiques paquebots de la compagnie des Messageries mariti- LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 11 mes, l’Amazone, qui partait pour la Chine et devait nous laisser à Aden. Vers dix heures, nous quittions le port de la Joliette : les vertes collines, les maisons, les bateaux du port disparaissaient rapi- dement, et bientôt nous perdions la côte de vue. Notre traversée s'an- nonçait sous les plus heureux auspices; une nappe aplanie d'un beau bleu s’ouvrait docilement sous la proue de notre vaisseau : jamais la Méditerranée ne s'était montrée plus belle. Le 4, au petit jour, nous étions en rade de Naples ; à neuf heures du soir, nous passions à toucher, devant le Stromboli en pleine érup- tion, et cinq jours après nous entrions dans le canal de Suez. L'Amazone, avec ses quatorze nœuds de vitesse, eut bientôt franchi les 400 lieues de la mer Rouge; aussile jeudi 13, après avoir reconnu les feux de Perim, nous franchissions le détroit de Bab-el-Mandeb (la porte du Deuil) pour entrer dans le golfe d’Aden, et le lendemain, de bonne heure, notre bâtiment venait s’amarrer devant Steamer- Point, à côté du Dupleir. C'était là le paquebot de la ligne auxiliaire des Messageries ; c’était aussi celui que nous devions prendre pour gagner la Réunion. Toute la matinée fut donc occupée au transbor- dement du matériel considérable qu'il nous fallait emporter. Le Dupleir ne partant que le 16, nous avions deux jours à dépenser sur la presqu'ile. C'était bien peu, sans doute, d'autant plus que, sous ce ciel de feu, il paraît établi qu'on ne peut sortir qu'après ou avant le coucher du soleil : la vie doit s'arrêter de midi à quatre heures; mais nous arrivions fraichement d'Europe, et les chaleurs torrides de la mer Rouge nous avaient, en quelque sorte, préparés à celles de cette fournaise ardente ; aussi, bien décidés à les braver, alors que le thermomètre, sous les doubles tentes du Pupleir, mar- quait encore plus de 40 degrés, nous descendions à terre, et nos deux jours d'escale furent ainsi employés, soit à des ascensions dans les hautes montagnes arides et dénudées du Djebel-Shamshan, soit à des recherches sur le littoral aux heures des marées. La presqu'île d'Aden, située à 118 milles à l'est du détroit de Bab- ekMandeb, vers l'extrémité sud-ouest de la péninsule Arabique, est baignée par cetle partie de l'océan Indien qu'on appelle le golfe d'Aden ; elle circonscrit, avec une pointe voisine, Jibbel ou Djebel- Hussan, une baie profonde ouverte au sud-est (Bunder Toowye), qui constitue un port excellent, où par tous les temps les navires de fort tonnage peuvent trouver un abri assuré. Aussi les Anglais, qui se sont emparés de ce point en 1858, comprenant toute son importance, —S 12 CH. VÉLAIN. surtout depuis le percement de l’isthme de Suez, en ont fait une station maritime de premier ordre. | La vie abonde dans toute cette rade d'Aden. Bien abritées, peu pro- fondes, ses eaux présentent un ensemble de conditions très-favorables au développement des animaux marins. Aussi les mollusques pullu- lent sur ses plages et dans le fond de la baie ; les coraux doivent être abondants, si l’on en juge par les débris en nombre considérable qui se trouvent rejetés et roulés par la mer sur le littoral*. Sur toute la côte ouest, depuis Ras-Tarshaine jusqu'à Hedjorff, règne une ceinture de rochers calcaires, fréquemment interrompue ou mieux recouverte en maints endroits par des sables calcarifères souvent assez épais et très-étendus; ces calcaires, de formation actuelle, empâtent les coquilles des nombreux mollusques qui vivent sur le littoral. A droite de la route qui conduit à Aden, près des docks de char- bon, et plus loin vers les distilleries et les fabriques de glace, on les voit s'élever jusqu'à 2 mètres au-dessus du niveau moyen de la mer 1 Les petites cases éparpillées sur cetle terre sablonneuse et brûlée, au pied des hautes montagnes volcaniques, bizarrement déchiquetées, qui donnent à toute cette presqu'île un relief si particulier, sont le plus souvent construites en madrépores énormes, qui servent encore à fabriquer une chaux d'assez mauvaise qualité, que les indigènes recherchent pour blanchir leurs maisons. LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 13 et venir s’adosser contre ce sombre entassement de roches volca- niques stériles qui forme à lui seul toute la presqu'ile ; ils témoignent ainsi d’un exhaussement manifeste de toute cette partie de la côte depuis le commencement de la période actuelle. Des preuves de cet exhaussement se retrouvent encore non-seule- ment au fond de la grande plage, qui fait face aux récifs de Sawayih, mais surtout aussi vers ces murailles, aujourd'hui en ruine, qui limi- tent dans le sud-est le territoire d’Aden. Tout ce massif, entièrement volcanique, qui doit son origine à une longue suite d’éruptions tra- chytiques et basaltiques, relié aujourd’hui à la côte d'Arabie par une étroite langue de terre, n’était autrefois qu’une île élevée, très-rap- prochée de terre. Parmi les formes les plus abondantes qui se trouvent empâtées dans ces calcaires, je puis citer : Circe intermedia, Reeve. Circe pectinata, Linné. Tellina Pharaonis, Hanley. Nassa arcularia, Lam. (?) Nassa pulla, Linné. Purpura hippocastanum, Lam. Planaxis Menkeanus, Dunk. Conus tesellatus, Brug. Conus acuminatus, Brug. Mitra Pharaonis, Génè,. Turbonilla nitidissima, Issel. Cerithium (2). Triton (?).…. Triforis(?).. Ostrea (?) Des fragments de la Tridacna elongata, Lam, et du Cardium magnum, Chem. Toutes ces espèces vivent actuellement dans la baie; nous les y avons recueillies avec des Planaxis (2. griseum et Menkeanus), des Nérites (N. albicilla et Longi), des Nasses (N. arcularia, pulla, etc.), des Pourpres, des Turbos (7. Hemprichi et noduliferus), particulière- ment abondants sur la côte au niveau du balancement des marées. Leurs coquilles peuvent encore se recueillir facilement sur le littoral, sans que la mer soit au plus bas, carides Bernards-l'ermite, de plus d’une espèce, les habitent, et se chargent de les apporter; mais elles sont alors en assez mauvais état. Plus loin, en face des distilleries et des fabriques de glace destinées à approvisionner d'eau la ville d’Aden et les paquebots, autour d’un petit ilot, l’ilot Flint, sur lequel on passe à pied sec aux grandes ma- 44 CH, VÉLAIN. rées, on peut signaler une belle station de Cônes. En moins d’une heure, j'ai recueilli là dix-sept exemplaires de ce genre, comprenant les neuf espèces suivantes : Conus arenatus, Brug. 1 exemplaire. Conus nemocanus, Brug. 1 exemplaire. Conus quercinus, Brug. 4 exemplaire. Conus tesellatus, Brug. 3 exemplaires. Conus gubernator, Brug. 1 exemplaire, variété peu colorée et élancée, Conus lividus, Brug. 2 exemplaires. Conus litteratus, Lin. 6 exemplaires (jeunes et adultes). Conus lœniatus, Brug. 1 exemplaire de petite taille. Conus textile, Lin. 4 exemplaire. Sur la côte rocheuse de Ras-Marbât, sous les batteries anglaises, avec les coquilles littorales précédemment citées se trouvaient de grands Chitons très-abondants qui, non contents de tapisser com- plétement les rochers, se recouvraient encore les uns les autres; il en était de même dans l’ouest de la grande jetée de la Poste. Sur le re- vers nord-est de cette jetée, près des escaliers où les embarcations viennent accoster, de nombreux Monodontes (Clanculus Pharaonis), se détachant en rose sur les tons verts desalgues, produisaient le plus gracieux effet. En résumé, la liste des mollusques que nous avons recueillis ainsi, dans trois excursions sur le littoral ouest de la presqu'Île, comprend quarante-cinq espèces : c’est assurément bien peu, en comparaison de l’extrème richesse de cette station intéressante; j'ai tenu cepen- dant à la reproduire ici, parce que jusqu’à présent il n’a rien été publié de spécial sur les mollusques de la baie occidentale d’Aden, et surtout aussi parce qu'elle renferme quelques espèces qui ne m'ont pas paru avoir encore été signalées dans le golfe. 4. *Strombus lentiginosus, Lin. I. Flint; de petite taille 1, 2. Murexæ(?)… Littoral de Steamer-point, sur les roches. 3. Ranella granifera, Lam. Littoral de Steamer-Point; sur le sable, 4. Fasciolaria trapezium, Lam. 1. Flint. 5. *Turbinella rhinoceros, Lin. L. Flint ; dans le sable, 6. Buccinum{(?).…. 1. Flint; littoral de Steamer-Point ; sur le sable. 7: Eburna (?;, sp. ind. Cet échantillon incomplet était roulé sur la plage. 8. Nassa arcularia, Lam. Littoral de Steamer-Point. 9. Nassa pulla, Lin. Très-abondants ; de partout, ‘ Les espèces précédées d’un astérisque sont celles qui n’ont pas encore été signalées dans le golfe d'Aden. LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 15 10. Nassa afra, Phil. Assez rare, littoral de Steamer-Point. 11 . “Nassa semistriata, Adams; très-rare, littoral de Steamer-Point. 42. *Purpura persica, Lam. Ilot Flint (un seul individu). 43. Purpura hippocastanum, Lin. Très-abondant, entre le niveau de la haute et basse mer; de partout. 14 . Planaxis griseum, Broch. (Planaxis Savignyi, Desh.) Très-abondant entre le niveau de la haute et basse mer ; de partout, 15. Planaxis Menkeanus, Dunk. Moins abondant que l'espèce précédente ; mèmes gisements. 16 AT: 18. 49. 20. 21. 22. 23. 24. . Magilus antiquus, Monf. Dans un madrépore roulé sur la plage. Magilus (?).. Monf. Dans un madrépore roulé sur la plage. Conus arenatus, Brug. À la basse mer; I. Flint. Conus nemocanus, Brug. A la basse mer ; [. Flint. Conus quercinus, Brug. À la basse mer; I. Flint. Conus textile, Lin. A la‘basse mer; I. Flint. Conus tesellatus, Brug. A la basse mer ; I. Flint. *Conus gubernator, Brug. À la basse mer ; I. Flint. Conus lividus, Brug. Entre le niveau de la haute et basse mer; I. Flint et littoral de Steamer-Point. 25. Conus litteratus, Lin. Jeunes et adultes ; L. Flint. 26. *Conus achalinus, Schem, Avec un Bernard-l’ermite, littoral de Steamer- Point. 27. 28. a9. 30. K 1 18 32 33. 34. 35. 36. 37. 38. 39. 40. 41. 42, Conus abbreviatus, Nutt. Ras-Marbt. Conus Hebrœus, Lin. Ras-Marbât. *Mitra ambigua, Sw. Littoral de Steamer-Point. Mitra mosaïca, Issel, L. Flint; dans le sable. Cypræa arabica, Lin. I. Flint ; dans le sable. . Cerithium (?)... Littoral de Steamer-Point,. Nerita albicilla, Lin. Sur les roches; littoral de Steamer-Point. *Nerila Longi, Recl. Sur les roches; littoral de Steamer-Point I. Flint. Turbo Hemprichi, Trosch. Très-abondant ; littoral de Steamer-Point. Trochus noduliferus, Lam. FE. Flint et littoral de Steamer-Point. Clanculus Pharaonis, Lin. Sur les algues ; littoral de Steamer-Point. Bulla ampulla, Lin. Sur le sable, I. Flint; à la basse mer. *Bulla (Athys) naucum, Lin. Sur le sable, I. Flint ; à la basse mer. Area (?) fixée par son byssus aux rochers sous les algues ; I. Flint. Chama (?) adhère aux rochers ; I. Flint. Cytherea Savignyi, Jonas (Circe pectinata, Lin.) Dans le sable ; littoral de Steamer-Point. 43. Circe intermedia, Rve. (Circe pectinata, Lin.) Très-nombreuses variétés de fo rme et de couleur; littoral de Steamer-Point. 44. Tellina (Tellinella) Pharaonis, Haxl. I. Flint et littoral de Steamer- Point. 45. *Tellina spectabilis, Haxlev ! I. Flint,. 1C exem ette espèce n’est pas complétement identique à l'espèce d’Haxley : les côtes, par ple, sont beaucoup plus flexueuses, 16 CH. VÉLAIN. On a tout lieu de s'étonner que la faune conchyologique du golfe d’Aden soit encore si peu connue, maintenant surtout que ce point est devenu d'un accès facile. Sa richesse, véritablement exception- nelle, mériterait assurément beaucoup mieux que d’autres moins intéressantes, les honneurs d’un catalogue particulier. Ce qu’on en sait indique un mélange plus ou moins intime d'espèces propres à la mer Rouge avec d’autres appartenant à l’océan Indien, et parmi ces dernières, ce sont surtout celles des îles Philippines qui dominent. La liste, que je viens de donner des mollusques que nous avons re- cueillis autour de la presqu'ile, n’a d'intérêt que parce qu’elle ajoute quelques faits nouveaux à cette analogie déjà grande : ainsi, parmi les dix espèces qui sont citées ici pour la première fois, sept sont abondantes aux Philippines (Sfrombus lentiginosus, Purpura persica, Mitra ambiqua, Conus quhernator, Conus achatinus, Bulla naucum , Tellina spectabilis), deux sont de l'océan Indien (Turbinella rhinoceros, Nerita Longr), enfin la dernière (Nassa semistriata) serait une espèce méditerranéenne. On a beaucoup contesté la présence de coquilles méditerra- néennes dans la mer Rouge ; pour la Massa semistriata, il ne peut y avoir le moindre doute : l'identité est absolue. Cependant, c'est là un fait dont il ne faut pas s’exagérer l’importance. L’unique échantillon de cette espèce recueilli par nous, sur le littoral de Steamer-Point, y avait peut-être été introduit accidentellement ? Sans parler des paquebots dont la vitesse s’oppose, sans doute, à ce qu'un mollusque, comme les Nasses, puisse rester fixé à leurs flancs, le canal et la mer Rouge sont maintenant traversés par un grand nombre de voiliers qui viennent mouiller à Aden avant de continuer leur route et qui peuvent apporter des coquilles au milieu des algues adhérant à leur coque. A moins de supposer que cette espèce résulte d’une communication ancienne entre les deux mers, il est impossible de recourir à d'autre hypothèse, pour expliquer sa présence en un lieu si éloigné de sa véritable station. Maintenant que cette communication existe, il est bien probable qu'un certain nombre de mollusques émi- greront de l’une dans l’autre mer ; mais le percement de l’isthme de Suez est de date trop récente, et d'autre part les moyens de déplace- ment des Nasses sont trop faibles pour que l’on puisse admettre que l'espèce en question soit dans ce cas. Un autre fait important qui résulte de nos recherches à Aden, c’est la découverte à l’état vivant autour de l’ilot Flint de la Mitra mosaica. LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 17 Cette petite espèce, établie tout dernièrement par M. Issel (Description de la faune malacologique de la mer Rouge, pl. I, fig. 7), n'avait encore été citée qu'à l’état subfossile dans les plages soulevées de la mer Rouge, et n’était même encore connue que par un échantillon unique conservé au musée de Pise. Maintenant que l'esprit est porté vers toutes les études relatives à la distribution des êtres vivants dans les mers actuelles, il faut espérer qu'une station malacologique aussi intéressante ne restera pas plus longtemps inexplorée. Quelles riches récoltes, quelles belles obser- vations pour un naturaliste qui viendrait séjourner quelque temps dans ces parages ! Nous aurions bien désiré que notre séjour, malgré ce climat horrible, pût se prolonger. Malheureusement le temps nous était compté, et le 17 septembre, à l'heure dite, le Dupleix le- vait l’ancre pour gagner la haute mer. Deux jours après, en sortant du golfe d'Aden, nous passions presque subitement du calme aux mauvais temps. Devant le cap Guardafui, la mer, en effet, était énorme, et le navire fatiguait extrêmement, sa machine luttant difficilement contre un vent violent et contraire. Les grandes brises de la mousson du sud-ouest qui s'étaient établies, nous obligeaient alors à dévier vers l’est et à faire un long détour, afin de prendre obliquement le vent et la mer. Cette navigation fut des plus pénibles, jusqu’à l'Equateur. Enfin le 29, les hautes terres de la Réunion nous apparurent au lever du jour. À mesure que nous approchions, l'ile embrumée tout d’abord se dégageait presque complétement ; les cimes élevées du Piton des Neiges et du grand Bernard se découvraient peu à peu, en même lemps que, dans le bas, la côte semblait s'élever au-dessus des vagues. Nous accostions par la partie du vent : c’est celle où la végétation est de beaucoup la plus riche, et le spectacle, sous ce ciel splendide, absolument pur, était vraiment admirable. Les grandes et profondes coupées qui sillonnent tout ce puissant massif volcanique, défilaient successivement devant nous ; bientôt non distinguions au milieu des champs de canne les maisons blanches qui étincelaient au soleil le- vant, Vers huit heures, le cap Bernard était en vue; encore quelques tours d'hélice et l’ancre tombait enfin devant Saint-Denis. La première partie de notre traversée, la plus longue, mais aussi la plus douce, était terminée. ( À 4 18 CH. VÉLAIN. De la Réunion à l'ile Saint-Paul, — L'ile Maurice. Un navire de l'État, /a Dives, nous attendait sur rade pour nous porter aux iles Saint-Paul et Amsterdam. Mais ies approvisionne- ments qui restaient à faire pour notre séjour sur les deux îles déser- tes, et surtout les renseignements que notre commandant voulait ob- tenir des pécheurs qui, dans la belle saison, de novembre à février, partent de la Réunion pour gagner les deux îles, devaient retarder notre départ jusqu’au 6 septembre. Nous employämes ces quelques jours à faire l’ascension du volcan actif qui désole dans l’est toute cette région nommée «le grand pays brûlé». Ce volcan venait, en effet, d’avoir eu une éruption et nous espé- rions arriver encore assez à temps pour assister à quelques-unes des dernières manifestations de l’activité volcanique. Malheureusement l’éruption avait été de courte durée, et quand, après plusieurs jours de marche et de fatigues, de nuits passées dans des cavernes froides, hu- mides, ou même en plein air, sur un sol gelé, il nous fut donné d'at- teindre le sommet de la montagne volcanique (2635 mètres), tout était silencieux ; les laves refroidies formaient au fond du cratère comme une croûte noire, fendillée et vitreuse, d’où s’échappaient seules quelques fumeroles composées d'acide chlorhydrique ou de vapeur d’eau et douées encore d’une température de 72 degrés centi- grades. Le dimanche 6 septembre, dans la matinée, nous nous retrouvions à bord de la Dives après une petite expédition qui nous avait demandé huit jours,et qui nous avait été des plus profitables, car elle nous avait permis d'étudier, dans tous ses détails, l'appareil du volcan. La Dives appareillait tout aussitôt, et mettait en route pour gagner l’île Maurice. Le personnel de la mission s'était alors augmenté d’un nouveau membre, M. Lantz, conservateur du muséum de la Réunion, qui, sur la demande du gouverneur, s'était joint à nous pour recueillir des collections destinées à augmenter les richesses déjà grandes du musée de notre colonie. Le Dupleix avait dû porter à Port-Louis de Maurice toutes les caisses d'instruments que le mauvais état de la mer, au moment de notre arrivée à Saint-Denis, n'avait pas permis de débarquer dans cette rade ouverte. Pendant que s’opérait leur transhordement et leur arri- mage à bord de /a Dives, nous fimes quelques excursions à terre, Des fouilles faites, il est vrai, un peu à la hâte, en raison du peu de temps LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 19 et des faibles ressources dont nous disposions, dans les tourbes de la Mare aux Songes, cet ossuaire fameux d’où sont sortis le dronte, le dodo, l’aphanaptrix, toute une faune d'oiseaux singuliers, aujourd'hui disparus, demeurèrent sans résultat ; mais nous fûmes plus heureux dans nos recherches sur le bord de la mer. Depuis la publication du catalogue de la collection Lienard, par les soins de M. H. Crosse, directeur du Journal de conchyliologte, la riche faune malacologique de Maurice est maintenant trop connue pour qu'il soit utile de donner ici la liste des espèces que nous y avons re- cueillies ; elle n’ajouterait rien à ce travail important. Je désire seule- ment mentionner les récoltes abondantes que nous avons pu faire dans cette station si intéressante, et si souvent visitée, qu'on nomme l'ilot Barkly. Cet ilot n’est autre chose qu’un récif à fleur d’eau, peu étendu, si- tué près du rivage, à l'entrée de la rade de Port-Louis. Sa formation, de date toute récente, a été généralement attribuée à un amoncelle- ment énorme de coraux et de madrépores dans un haut-fond, causé par un violent ras de marée, à la suite d’un cyclone, en 1868. En réalité, il y a eu là une oscillation du sol des plus manifestes, suivie d'un exhaussement dont on retrouve les traces sur toute la côte voisine. Tout cet espace qui se découvre aujourd’hui à chaque marée, restait, avant l’époque indiquée, constamment submergé. On y a recueilli, surtout dans les premières années qui ont suivi son apparition, un nombre considérable de mollusques, et en particulier des gastéro- podes spéciaux qui ne se sont point retrouvés sur d’autres points de Ja zone littorale. Maintenant, ce riche gisement est considérablement appauvri, et la plupart de ces espèces spéciales qui le rendaient in- téressant, s’accommodant mal des nouvelles conditions d'habitat qui leur sont faites, ne s’y retrouvent plus. Il en est ainsi, par exemple, d’une petite espèce de Mitre, dont M. H. Adams a fait le type du genre Mouritia (Mauritia Barcklayi, H. Ad., Proceed. of Zool. Soc., 1869, pl. XIX, fig. 5), qui en a pour ainsi dire disparu. En outre de quelques-uns des mollusques dont la présence a déjà été signalée sur l’ilot, nous y avons trouvé les espèces suivantes, qui ne sont indiquées, dans le catalogue de la collection Lienard, que des autres régions de Maurice : Strombus gibberulus, Lin., Strombus mauritianus, Lam. , Turbinella cornigera, Lam., 20 CH. VÉLAIN. Harpa minor, Rump., Oliva maura, Lam., Conas cernicus, H. Adams., Cypræa annulus, Lin., Cyprœæa caput serpentis Lin. (jeunes et adultes), et de plus un jeune individu de la Cypræa arabica, Chemnitz. Cette dernière espèce est une nouvelle acquisition pour la faune de Mau- rice *, Enfin, le jeudi 10 septembre, à quatre heures de l’après-midi, par un temps nuageux, la Dives quittait Port-Louis, et bientôt emportés par une belle brise d'est-sud-est, nous perdions l'ile de vue. Ce ne fut pas sans émotion que nous vimes disparaître cette der- nière terre loin derrière nous. Nous commencions à nous éloigner de plus en plus, pour accomplir une mission qui devait demander bien des mois. Nous allions nous engager bien avant dans l'hémisphère sud, pour gagner des régions désertes, inhospitalières, à la recherche de l'inconnu. Le bâtiment couvert de toile, légèrement couché sous la brise, filait avec une moyenne de 40 à 50lieues par jour, et la traversée commen- çait ainsi sous les meilleurs auspices ; au-delà du tropique, nous fûmes assaillis par des calmes, qui devinrent pour notre commandant, pressé d'arriver au but, un sujet d'ennui, mais qui furent une bonne fortune pour nous, car ils nous permirent de laisser traîner à l'arrière du vaisseau, alors que le loch n'accusait plus qu'un nœud de vitesse, une drague de surface, qui nous ramena en nombre considérable des crustacés, avec des ptéropodes et quelques médusaires. Dans l'après-midi du 13 septembre, la brise fraichit un peu ; quel- ques grains accompagnés de grêle, puis de fortes rafales, vinrent nous avertir que c'en était fini avec les beaux temps. Dès ce moment, en effet, les coups de vent se succédèrent sans relâche, menaçant de nous emporter au-delà des deux îles et de tout compromettre, car il nous eût été bien difficile de la regagner contre vents et marées, avec la machine insuffisante de la Dives. Le mercredi 23, après une accalmie, la brise prit subitement une allure irrégulière ; un banc de brumes persistant dans l’est formait 1 Je dois encore signaler comme espèce nouvelle pour cette île une belle janthine très-voisine de la Janthina arabica, Reeve (pl. IL, fig. 8), que nous avons prise entre l’ilot Barkly et la côte. LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 21 à l'horizon une énorme tache fixe, se détachant en noir épais sur le ciel nuageux. A cet indice, nous apprenions que notre but allait être bientôt atteint; les feux étaient alors poussés activement, et vers midi, à travers une éclaircie dans la brune, nous découvrions l’île Saint-Paul droit devant nous. À mesure que nous approchions, sa silhouette indécise se déga- geait de plus en plus ; nous distinguions d’abord sa forme surbaissée, puis ses falaises noires, les coulées de laves qui couvrent ses pentes et les cônes réguliers de scories qui s’en détachent. Des troupes innom- brables de pétrels venaient nous reconnaître, en poussant leurs cris aigus, et tourbillonnaient autour de nous. Enfin, après avoir doublé la pointe nord, /a Dives arrivait au mouillage et laissait tomber l'ancre par 28 mètres de fond, devant les hautes et sombres falaises qui dominent au nord-ouest l’entrée du cratère. Rien ne saurait donner une idée du sauvage tableau que nous avions alors sous les yeux : le temps était tout à fait menaçant, et la mer soulevée brisait avec violence. Deux falaises noires, compléte- ment à pic sur plus de 200 mètres de hauteur, se dressaient devant nous, laissant entre elles un large espace, une échancrure profonde dans le fond de laquelle on distinguait, de temps en temps, au travers des nuages, les parois intérieures du cratère, remarquablement abruptes. Entre ces deux falaises s'étend le cordon de galets, autrefois con- üinu, qu’un coup de mer violent a depuis longtemps bouleversé, ouvrant ainsi en son milieu une passe étroite qui met maintenant en communication directe le bassin intérieur avec la haute mer. Mais les vagues déferlaient avec rage dans cette passe, que les embar- cations légères seules peuvent franchir; il était donc impossible de songer à débarquer. Une énorme frégate anglaise, la Wegæra, échouée en travers dans cet étroit chenal, venait encore en défendre l'entrée, et des épaves de toute nature, couvrant les deux jetées, semblaient nous indiquer le sort réservé aux navigateurs téméraires qui se hasardent dans ces parages inhospitaliers ; c’étaient là de sinistres présages. Le lendemain, au point du jour, la passe étant devenue praticable, notre commandant put franchir la barre entre deux lames; 1l vint débarquer au pied de la falaise nord et détermina l'emplacement de son futur observatoire. Le débarquement commença aussitôt avec une fiévreuse activité, à l’aide des embarcations du bord et de celles provenant des bâtiments naufragés, qui avaient été trouvées en bon 2 | CH. VÉLAIN. état sur l'ile. Déjà une partie des vivres et du matériel astronomique avait été portée à terre à travers mille difficultés, quand le 25 un coup de vent se déclare et met notre bâtiment en péril; une première ancre cède dans la matinée. Le lendemain 26, la tempête redouble ; toute communicationavee la terre devient impossible. La mer, qui la veille était très-forte, se couvre d’écume et semble aplanie sous les rafales. La Dives, mouillée sur deux ancres, résiste encore au vent, mais dans la nuit deux fortes secousses, ressenties à un quart d'heure de distance, nous avertissent de la rupture des chaînes ; le bâtiment tombait immédiatement en dérive, perdait l’abri de l'ile en quelques minutes, et nous devenions le jouet des vagues, par la plus effroyable des tempêtes. Les journées du 26 et du 27 se passèrent dans des transes terribles ; le 28 le temps parut s'améliorer, mais la mer était toujours énorme. Profitant de cette légère accalmie, notre commandant fit pousser les feux et virer de bord pour regagner le mouillage, à l’aide d’un lou- voyage serré, à la voile et à la vapeur. Alors ce fut une lutte terrible. La Dives, avec son hélice mutilée et son gouvernail cassé, fatiguait horriblement. Les lames envahissaient le faux pont, noyant les ani- maux que nous devions débarquer à Saint-Paul pour notre appro- visionnement, et les coups de roulis, atteignant leur amplitude ex- trème, amenaient, de chaque bord, les vergues dans la mer. Entin le 30 septembre à une heure nous apercevions de nouveau l’île, que nous avions cru un instant perdue, et le lendemain à meuf heures du matin /a Dives mouillait sa dernière ancre devant le Nine-Pin. Un changement notable s’était fait dans la passe pendant notre ab- sence forcée ; la Megxæra, soulevée par les lames, avait été rejetée dans le cratère, où elle s'était engloutie en partie; on n'apercevait plus que ses bastingages de bäbord derrière, émergeant à peine au- dessus de l'eau. L'entrée n'en était donc que plus praticable ; aussi toutes les em- barcations chargées de colis furent mises à la mer ; le débarquement reprit avec une fiévreuse activité, et le lendemain tout était à terre. Les lourdes caisses d'instruments el de vivres, les barriques de biscuit, la machine distillatoire, le matériel de campement, tout était entassé pêle-mêle au milieu des galets sur la jetée du Nord, et ce fut heu- reux, Car le lendemain un nouveau coup de vent forçait encore la Dives à quitter le mouillage et la jetait loin de notre île. Son ab- sence fut de courte durée cette fois : deux jours après, le 4, elle LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 23 revenait pour compléter le débarquement, puis levait l'ancre une dernière fois et disparaissait avant la nuit, nous laissant ainsi livrés pour trois mois à nos propres ressources ; car elle retournait alors à la Réunion pour réparer ses avaries, et ne devait venir nous chercher qu'en décembre, après l’observation du phénomène. C'est sous la pluie et la grêle, au milieu des coups de vent qui parfois nous empêchaient de nous tenir debout, qu'il nous fallut con- struire avec les débris des navires naufragés les premiers abris né- cessaires. Tout le monde sans exception se mit avec ardeur à la tâche, et bientôt les constructions grossières dues aux pêcheurs et aux naufragés qui nous avaient précédés sur l’île, mais que les vents avaient en partie détruites, étaient réparées, couvertes de toiles et convenablement aménagées. Les quatre cents hommes composant l'équipage de la Megæra, qu'un naufrage avait jetée sur l’île en juin 1871, avaient dû y séjourner trois mois avant de pouvoir être secourus. Ils en étaient partis alors bien précipitamment, car de tous les côtés, sur le revers intérieur des falaises, gisait pêle-mêle, et dans un état indescriptible, tout ce que les pêcheurs n'avaient pu enlever de la cargaison, du gréement et de l'armement du navire. C'était l’image d’un pillage absolu : rien n'avait dû être sauvé dans ce grand désastre. Les débris du bâtiment, dé- tachés par le vent et la mer, entrainés par les courants, s'étaient ac- cumulés au fond du cratère: cet entassement de bois et de ferrures fut une de nos plus précieuses ressources. Dans la première reconnaissance que nous avions faite de l'ile Saint-Paul, le 24 septembre, nous avions vu de suite tout le parti qu'il éfait possible de tirer du matériel considérable abandonné là par les naufragés, et, choisissant, pour installer notre laboratoire, une vaste construction en assez bon état, située à mi-côte sur le revers de la haute falaise du nord-ouest, notre principale préoccupation fut tout d’abord d'en faire un magasin, en réunissant {out ce qui pouvait nous être de quelque utilité. Pendant toute la journée l'ile fut donc fouillée dans tous les sens, et vers le soir, quand vint l’heure de re- gagner le bord, nous avions entassé là tout un arsenal : une échelle, des chaises, des barriques, des coffres de toute espèce; des tables et des bancs d'équipage, deux petites bibliothèques, ou du moins ce qu'il en restait, enfin et surtout des caillebottis et de nombreux panneaux. Le lendemain nous avions refait la toilure et redressé tout un côté ; c'était une besogne dont nous avions le droit d'être fiers, 24 CH. VÉLAIN. car, pour des ouvriers inhabiles, les réparations à faire à la toiture présentaient assurément de grandes difficultés. Hélas ! tout ce premier travail devait être anéanti. A notre retour, après la tempête que l’on sait, le vent avait fait son œuvre destruc- tive ; de notre toiture, il ne restait plus traces, nos réserves mêmes n'avaient pas été épargnées et se trouvaient complétement disper- sées ; quatre tronçons de mâts croisés deux par deux, avec une grande vergue jetée en travers, formant comme un chevalet gigan- tesque, indiquaient seuls la place de la construction qui nous avait tant séduits et qui nous avait déjà coùlé tant de peines. 11 fallut donc se remettre à l’œuvre : nous le fimes avec ardeur, et tandis que, sur la jetée du Nord, les matelots édifiaient à grand'peine les cabanes destinées à recevoir les instruments astronomiques, nos coups de marteau retentissaient joyeux et précipités, au fond du cratère. Aussi, en moins de quinze jours, nous étions en pos- session d'un vaste local qui, peut-être, manquait d'élégance, mais qui était bien approprié pour nos recherches spéciales. Construit tout en planches, il est vrai, mais suffisamment solide et calfaté avec soin, notre laboratoire d'histoire naturelle se com- posait d’une grande pièce rectangulaire longue de 20 mètres environ sur 10 mètres de large, d’une petite soupente sur un des côtés,qui de- vait nous servir de magasin pour les caisses et les objets encombrants. A gauche, en entrant, se trouvait l'emplacement où M. Lantz de- vait préparer l’immense collection de peaux d'oiseaux et d'otaries qu'il destinait à la Réunion. Plus loin les presses et les tables de M. de l'Isle ; en face, sur le côté exposé à l’est, que nous avions eu le soin de vétrer dans toute sa longueur, courait une longue rangée de tables réservées, à l'entrée, pour le classement et l'arrangement général des collections, et supportant ensuite des aquariums ali- mentés par un réservoir d’eau de mer placé en dehors; enfin nos deux microscopes avaient une place d'honneur, bien exposée, au centre ; C'était aussi celle qu'’occupait le docteur Rochefort. Un petit laboratoire de chimie venait ensuite, puis des rayons en grand nombre, disposés pour recevoir les collections de géologie. Enfin dans le fond on retrouvait, avec des casiers, une grande table et la bibliothèque. Nos réserves d'alcool (deux barriques) étaient placées à l'entrée sous les tables : au-dessus de nos têtes, les cadres des lits des officiers de la Megæra, suspendus solidement et disposés en deux séries, formaient comme une sorte de grenier où vinrent semmaga- LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 25 siner et sécher les peaux d'oiseaux et les collections de plantes. Bien des perfectionnements y furent introduits par la suite, mais l'essen- tiel était fait ; aussi, dès la seconde quinzaine d'octobre, chacun de nous commençait ses études et ses collections. IIT. L'ILE SAINT-PAUL. 1° Description zoologique. Saint-Paul est une ile essentiellement volcanique. Sa forme, tout à fait caractéristique, l'avait indiqué depuis longtemps, car bien avant les descriptions si précises de M. de Hochstetter, dont j'ai parlé en commençant, on la regardait déjà comme le type de toutes ces îles volcaniques dont le cratère se trouve envahi par les eaux marines : Santorin dans l’Archipel grec, l’île de la Déception dans les New- South-Shetland, l’île de Palma, Barren-Island, etc. Elle se présente sous deux aspects bien différents suivant qu’on l’aborde par le sud- ouest ou par le nord-est. Dans la première de ces deux directions, elle apparaît comme une terre assez surbaissée, courant du nord-ouest au sud-est, arrondie à chacune de ses extrémités et terminée à sa partie su- périeure par une arête rectiligne, de telle façon que, vue de loin, elle représente assez bien un gigantesque tronc de cône très-étalé. Dans le bas, en s’approchant, on distingue une ceinture de falaises noires, très-uniformes, contre lesquelles la mer brise sans cesse : l'île est inabordable de ce côté. Rien de semblable sur le revers opposé : là, en effet, deux grandes falaises triangulaires, complétement à pic sur toute leur hauteur, courent à la rencontre l’une de l’autre, et laissent entre elles une échancrure étroite au travers de laquelle on aperçoit un vaste bassin circulaire, entouré par des murailles de 200 mètres de haut. C’est là un ancien cratère de volcan, dans lequel la mer a pénétré par suite d’une large brèche qui s’est ouverte dans sa paroi, vers le nord-est. Sa forme générale est si particulière, que toutes les cartes publiées, même les plus anciennes et les plus imparfaites, en donnent une idée exacte. On peut se la représenter suffisamment en imaginant un triangle isocèle, traversé en son milieu par un cercle d’un rayon de 600 mètres, inscrit tangentiellement à la base. Elle ne s'élève guère que de 250 mètres en moyenne au-dessus de l'eau, et son contour extérieur n’a pas plus de 5 milles marins, Ses dimensions sont donc 26 CH. VÉLAIN. bien restreintes, par rapport à l'immense étendue des eaux qui l'en- tourent. Livré maintenant sans défense à l’action destructive d'une mer sans cesse agitée, ce rocher isolé est assurément destiné à dispa- raître, si les forces éruptives qui l'ont fait surgir ainsi, au milieu d’un vaste océan, ne se remettent en jeu. Chaque année, en effet, pendant la mauvaise saison, de mars à novembre, les grandes lames qui, soulevées et poussées par les vents, se propagent en toute liberté au travers des 2 000 lieues qui séparent l'Afrique et l'Australie, ne rencontrant que cet ilot comme obstacle, viennent déferler contre lui avec une violence inouiïe et leurs effets ne sauraient mieux se comparer qu'à ceux d’une formidable artillerie. Sous ces efforts ré- pétés, les longues alternances de laves et de scories qui constituent ses falaises, déjà fissurées dans tous les sens, se dégradent facilement, et des éboulements considérables se produisent : la forme primitive de l’île se trouve être ainsi déjà bien modifiée. Ce devait être autrefois une haute montagne très-étalée, s'élevant régulièrement du sein de l'Océan profond, et percée à son sommet d'un vaste cratère qui la traversait pour ainsi dire de part en part : son arête supérieure très-régulière, complétement à pic vers l’inté- rieur, S’abaissait au contraire de tous côtés vers l’extérieur, sous des pentes de 12 à 15 degrés ; sa base était alors de forme rectangulaire. Une large fissure qui se produisit, presque suivant une des diagonales de ce rectangle, du nord-ouest au sud-est, détermina plus tard l’af- faissement de toute la partie du nord-est et l’île prit la forme trian- gulaire que nous lui connaissons. Le relief sous-marin, autour de l'ile, accuse encore très-nettement cette forme primitive : en effet, tandis que du nord au sud, en pas- sant par l’ouest, les grands fonds sont très-rapprochés de terre, on remarque, au contraire, dans l’est un vaste plateau qui doit son exis- tence à la partie maintenant affaissée sous les eaux. Les hautes falaises, taillées à pic, qui terminent brusquement l'île dans celte direction, doivent être considérées comme la lèvre orien- tale de cette cassure ; l'enceinte du cratère était encore continue au moment où elle se produisit, mais l'arête de rochers qui seule pro- tégeait encore la bouche volcanique contre l’envahissement des flots, impuissante pour résister aux efforts répétés des vagues, s’effondra bientôt à son tour, et ses débris emportés et roulés par la mer vin- rent s'accumuler en travers de l’échancrure ainsi formée. Les forces LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 27 volcaniques ne s’y traduisaient plus déjà à cette époque que par des sources thermales que nous avons tout lieu de supposer plus abon- dantes que celles qui sont encore si nombreuses à l'époque actuelle, et ce cratère, que remplissaient autrefois seules les laves incandes- centes, devait alors donner l’image d’un lac profond et tranquille, sans communication directe avec la mer : c’est là, du moins, ce que laissent à penser les descriptions des anciens navigateurs qui du dix- septième au dix-huitième siècle, ainsi que nous l'avons déjà dit, vin- rent souvent atterrir sur l’île. L'un d’eux, Godlob Silo, par exemple, en 1754, après avoir décrit, entre les deux falaises qui bordent l’échancrure, une digue formée de galets et de blocs accumulés, large de 60 pas, haute de plus de 25 pieds, mentionne au delà un lac d’eau saumätre, rempli de poissons. Cette existence d’une grande digue continue, séparant complétement l’intérieur du cratère de la mer qui l'entoure, avait été du reste affirmée plus d’un siècle aupa- ravant par van Vlaming, qui fut obligé de faire passer ses embarCa- tions par dessus, pour pouvoir explorer un lac intérieur, dont la merveilleuse beauté l'avait séduit. Plus tard, vers 1780, un coup de vent d'une extrème violence, sou- levant la mer, rompit la digue en son point le plus faible et, rejetant les galets dans l’intérieur du cratère, mit ainsi en communication le lac avec l'extérieur. Depuis l’époque oùelle s’est ainsi produite, cette passe ne semble pas s'être modifiée : sa profondeur est toujours restée la même, etles courants violents qui s’y produisent au moment du flux et du reflux semblent impuissants pour la creuser davantage. Tous les sondages, même les plus anciens, y accusent en effet inva- riablement la même profondeur, c’est-à-dire moins d’un mètre aux basses eaux. Mais il n’en est pas de même pour les falaises qui limitent cette ou- verture, car elles se dégradent sans cesse et la distance qui la sépare s'augmente annuellement. Nous avons été témoins pendant notre sé- jour des éboulements nombreux qui s’y produisent par les gros temps, el qui permettent de prévoir que, dans un avenir plus où moins éloi- gné, ses pointes étant abattues, l’île prendra la forme d’une sorte de fer à cheval ouvert à l’est : puis, le travail de désagrégation et de dé- mantèlement s'accentuant de plus en plus, il ne restera plus que des débris informes de cette cavilé si vaste, si régulière, et l'île, n'étant plus représentée que par un rocher inaccessible, reviendra ainsi à sa forme primitive jusqu'à ce que ce dernier témoin disparaisse à son tour. r, sp } + 28 CH. VÉLAIN. L'histoire géologique de ce volcan nous le montre, en effet, émer- geant d’abord, à la suite de violentes éruptions sous-marines, sous forme d’une montagne trachytique irrégulière que viennent bientôt recouvrir des ponces et de nombreuses projections; puis ce premier massif s’est entr'ouvert et des filons de dolérite sont arrivés au jour ; enfin, des laves apparaissant, l'île prit l'aspect cratériforme qu'elle a conservé. Telles sont les phases qui se sont succédé, pour constituer tout ce massif dont l’origine n’est pas très-ancienne. M. de Hochstetter (op. cit., p. 54) n’a pas manqué de mentionner tout l'intérêt que présente, à ce point de vue, l'étude des falaises qui se développent dans le nord-est en face de cet îlot isolé, qu'on nomme le Nine-Pin. Là seulement on peut voir dans leur ordre*de succession tous les produits de ce centre éruptif. C’est dans le nord de la petite baie, où viennent en foule accoster les manchots, et, plus loin, dans une suite de petites criques d’accès difficile, même par les temps calmes, à cause du ressac continuel, que se trouvent les roches les plus anciennes, celles qui ont marqué le début des éruptions, et qu’on peut appeler, en quelque sorte, fondamentales. Ces roches sont de nature trachytique; ce sont des rAyolithes grisâtres ou de couleurs claires, à texture compacte, absolument adélogènes, qui tantôt se présentent en masses énormes irrégulières, sans délit apparent, et tantôt prennent, au contraire, une disposition zonée, une structure schisteuse telle, qu’au premier abord on serait tenté de leur attribuer une origine exclusivement sédimentaire. L'analyse microscopique y décèle, au milieu d'une pâte amorphe très-développée, quelques cristaux clair-semés de feldspath et de pyroxène, avec de la silice libre, amorphe (opale) ou cristallisée (tridymite), en proportion notable. Ces roches, très-siliceuses, épanchées en grande partie sous les eaux, portent maintenant la trace d’altérations énergiques qui se sont faites, non-seulement au moment de leur émission, mais même depuis leur solidification complète, car elles ont été traversées dans tous les sens, depuis leur formation, et par des émanations gazeuses qui se sont fait jour à travers de nombreuses fissures, et par des sources geysériennes, dont le principal effet a été d'augmenter encore, dans une proportion considérable, leur teneur en silice ; si bien que, sur les parois des conduits véritables qui ont livré passage à tous ces dégage- ments, la roche trachytique a fait place à un véritable silex molaire compacte ou légèrement caverneux, tous les alcalis ayant compléte- ment disparu. mn LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 29 Ges rhyolithes, grâce à des oxydations multiples, se teintent par- fois des couleurs les plus vives, variant du jaune pur au rouge vif; elles affleurent sur tout le littoral, depuis l’extrémité de la baie des Manchots jusqu’au grand éboulis du Nord, c’est-à-dire sur une lon- gueur de 700 à 800 mètres. Les galets, les sables des plages, au pied de leurs affleurements, sont presque uniquement formés de leurs débris ; elles donnent également lieu en mer à ces petits ilots isolés, très-rapprochés de terre, qu’on nomme les îlots du Milieu, mais nulle part ailleurs on ne les voit en place. Ces roches ainsi cantonnées s'élèvent peu dans les falaises, dont elles ne forment pour ainsi dire que la base ; à une hauteur moyenne de 10 à 15 mètres, on les voit recouvertes par des amas ponceux, aux- quels succèdent, sur une épaisseur considérable, des couches de trass feldspathiques pulvérulents d’un blanc éclatant quand ils sont intacts, mais nuancés le plus souvent de couleurs bariolées. Là encore les altérations que je viens de signaler se retrouvent très-profondes, très-manifestes, surtout dans les parties supérieures. La roche tufa- cée, qui, primitivement, était incohérente, onctueuse, douce au tou- cher, devient par places rude, résistante et passe, par des variétés compactes, à de véritables silex zonés à cassures conchoïdes, dans les- quels on peut encore retrouver les lignes de stratification des trass. Ce sont là au premier chef des produits d’éruptions sous-marines. Ainsi, autour des dykes de rhyolithes qui avaient surgi du fond de l'Océan, et qui émergeaient à peine, des projections de matériaux pulvérulents s’effectuaient lentement, sans violence, et s’étalaient en nappes continues au-dessus de ces îlots primitifs qu’elles finissaient par recouvrir. Puis les projections devinrent tumultueuses et changèrent alors de nature : aux trass blancs succédèrent de nouveaux tufs ponceux, différant des précédents et se présentant sous forme de conglomérats, où les fragments de ponces se trouvent être accompagnés de boules d’obsidienne (marékanite et perlite) et de fragments plus ou moins volumineux des roches primitivement formées, rhyolithes et trass silicifiés. Ces tufs forment maintenant tout le fond de la baie des Man- chots ; on les voit là, sur une épaisseur de 40 à 50 mètres, donner lieu à une longue série de couches régulièrement stratifiées, adossées contre les rhyolithes et s’inclinant vers le sud-est sous un angle qui varie de 40 à 25 degrés. Quant aux trass, ils forment pour ainsi à eux seuls la plus grande partie de l’abrupte des falaises qui font face aux > 30 CH. VÉLAIN. ilots du Milieu, et leur accès n’est pas facile ; c'est seulement par les sommets qu'on peut les atteindre, en s’exposant toutefois aux plus graves dangers, car ces roches friables, taillées à pic, s'éboulent à chaque instant et l'abrupte n’a pas moins de 100 mètres de hauteur. Ces roches, riches en acide silicique, et dans lesquelles les éléments feldspathiques dominants se trouvent être la Sanidine et V'Albite, c'est-à-dire ceux qui de tous les feldspaths sont eux-mêmes les plus siliceux, constituent à elles seules ce qu'on peut appeler le massif ancien de l’île. Toutes les roches éruptives qui se sont fait jour ensuite, sont de nature et de composition très-différentes ; ce sont des roches basiques, dans lesquelles dominent des feldspaths cal- ciques (labrador et anorthite). La première d’entre elles se trouve être une dolérite très-cristal- line, qui paraît s'être fait jour au travers de larges fissures qu'elle a remplies, mais sans s'étendre beaucoup au delà. Elle forme main- tenant, au travers des tufs ponceux de la baie des Manchots, deux dykes remarquables, larges de 10 à 12 mètres, qui traversent la falaise de part en part, du nord-est au sud-ouest, et se retrouvent dans l'in- térieur du cratère, au bas des escarpements, depuis les établisse- ments de pêche jusqu'aux espaces chauds dont nous parlerons tout à l'heure. Cette éruption particulière, qui a marqué ainsi le début d'une nou- velle phase éruptive, a été accompagnée, puis suivie par de nom- breuses projections, qui se sont accumulées au-dessus des tufs pon- ceux précédemment cités, en donnant lieu à des tufs compactes, argiloïdes, généralement verdâtres, disposés en couches épaisses de plusieurs mètres, où se rencontrent des fragments souvent assez volu- mineux de dolérite. Mais toutes ces éruptions se faisaient encore en grande partie sous les eaux; de nouvelles projections de matériaux meubles, lapilli, cendres et scories, en s’amoncelant autour de leur orifice de sortie qui dévint peu à peu subaérien, édifièrent ensuite un monticule conique que terminait une dépression cratériforme, et de véritables coulées de lave apparurent pour la première fois. C’est alors que commence la grande phase d'activité du volcan : l'appareil était, au début, peu élevé au-dessus de l'eau, et les flots de temps à autre s’engouffraient encore dans le cratère; mais les éruptions, en se succédant fréquem- ment, l'exhaussaient peu à peu et bientôt empêchaient toute commu- nication directe avec la mer. En même temps la cavité centrale s’a- LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. al grandissait et atteignait les dimensions que nous lui connaissons actuellement. La lave incandescente devait alors la remplir compléte- ment ; elle venait de temps à autre se déverser tranquillement à l’ex- térieur, couvrant ainsi les pentes du cratère d'une nappe continue et uniforme. Tels sont les derniers phénomènes qui, se succédant avec une extrême régularité pendant de longues années, donnèrent à l’île son relief actuel. Les laves qui se sont épanchées, durant toute cette période, sans projections violentes, sans dégagements tumultueux de gaz, ainsi que l’attestent la forme et la nature des coulées, n’ont pas tou- jours conservé la même composition. Des influences particulières ont amené des modifications profondes dans la composition du magma fondu sous-jacent, et les produits épanchés témoignent de ces varia- tions. C’est ainsi que l’élément feldspathique dominant, après avoir été l’anorthite, a été ensuite remplacé par le labrador. Ces deux laves extrêmes, qui sont les unes, celles à anorthite, les plus anciennes, et les autres, celles à labrador, les plus récentes, ont à peu près les mêmes caractères physiques. Toutes deux, en effet, donnent lieu à des roches grisâtres, criblées de vacuoles, à ce point qu’elles prennent souvent un aspect spongieux et se présentent rarement en coulées compactes. Les premières se voient dans les hautes falaises du nord, directement au-dessus des dolérites et des roches qui com- posent le massif ancien ; de là elles passent en écharpe dans les fa- laises intérieures du cratère, en s’abaissant sensiblement vers le sud- est, où elles affleurent au niveau de la mer ; elles y sont souvent masquées par les éboulis et par la végétation. Les secordes occupent toujours le haut des escarpements, soit du cratère, soit des falaises extérieures, et recouvrent ainsi toute l'ile d’un manteau uniforme. Elles sont en général plus cristallisées et de couleur plus claire que les précédentes ; les cristaux de feldspath y sont de grande dimension et atteignent souvent 0,04 à 0,05 de côté; on y distingue en outre des péridots altérés qui donnent à certaines parties de la roche un aspect tout à fait irisé. Les laves à labrador, telles que je viens de les définir, n'ont pas directement succédé, et sans transition, aux laves à anorthite; entre les deux, on remarque des coulées nombreuses et puissantes de laves noires, compactes, fortement magnétiques, et d’une grande densité, qui occupent ainsi la partie moyenne des parois intérieures du cra- 32 CH. VÉLAIN. ière et se retrouvent à la base des falaises à l'extérieur. Ces laves, qui représentent une phase bien distincte dans la période d'activité dn volcan, sont encore à base de labrador et d'augite ; elles ont la com- position habituelle des roches basaltiques et prennent, quand elles sont en coulées épaisses, leur mode de division prismatique. A la base du Nine-Pin Rock, on peut en voir un exemple ; mais ces colonnades basaltiques sont encore beaucoup plus nettes dans l'ilot du Nord, qui appartient tout entier à une de ces coulées, aujourd’hui démantelée. Fic. 2. — L'ilot du Nord. C'est encore aux plus compactes de ces laves qu'il faut rapporter les rochers pittoresques, aux formes élancées, qui se dressent isolés, près de la pointe Hutchison, dans le sud-est, et sous la pointe des Phoques à l’autre extrémité de l'ile. Leurs coulées résistantes et tenaces pouvaient seules fournir des aiguilles aussi découpées, ca- pables de braver les violences d’une mer sans cesse agitée. Avec les laves basaltiques apparurent, sur les pentes extérieures, des cônes de scories, sortes de petits volcans adventifs d'où sortirent, LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 33 avec de nombreuses projections scoriacées, quelques coulées lavi- ques peu étendues. Ces foyers secondaires, aujourd’hui compléte- ment inactifs, et qui se voient, les uns isolés et rejetés pour ainsi dire à chacune des extrémités de l'ile, les autres disposés en ligne continue sur le pourtour du volcan principal, fonctionnèrent et s’ac- crurent pendant tout le reste de la période active, et peut-être même longtemps après ; les documents historiques nous indiquent, en effet, que ces centres éruptfs n'étaient pas encore refroidis, alors que le cratère principal, éteint depuis longtemps, avait déjà revêtu sa forme actuelle. Ainsi, quand lord Macartney, s’en allant en Chine, vint toucher à Saint-Paul en 1793, les quatre cônes de la pointe Ouest donnaient encore des symptômes de chaleur, des vapeurs s’en déga- geaient de toutes parts et le docteur Gillian, médecin de l'expédition, raconte qu’il était impossible d'y tenir le pied. Rien de semblable aujourd’hui, et tous les dégagements de vapeurs signalés, non-seule- ment vers ces cônes, mais dans beaucoup d’autres points, par de nom- breux navigateurs, n’existent plus maintenant que dans l’intérieur du cratère. Après avoir suivi une marche régulière, l’action volcanique s'était ralentie ; les éruptions, longtemps continues, s’interrompaient et ne se manifestaient qu'après de longues périodes de repos; le volcan allait en s'épuisant graduellement. Puis les laves restèrent définitive- ment refroidies au fond du cratère, et des émanations gazeuses abon- dantes, avec des eaux geysériennes, témoignèrent seules d’une acti- vité à son déclin. C'est à cet état de solfatare, qui sert de tran- sition à l’inactivité complète, qu'on doit rapporter toutes les altérations si nombreuses qui se sont produites dans les diverses roches de ce massif volcanique, et notamment tous les dépôts de silice qui, sous forme de calcédoine ou d’opale, sont si abondants, soit dans le cratère même, soit dans les deux grandes falaises du nord-est. Les laves, dans tous les points où se sont faits les dégagements, ont été profondément altérées, kaolinisées par places, silicifiées dans d’au- tres. Tous ces phénomènes, qui paraissent en voie de ralentissement graduel, n’ont pas encore cessé tout à fait, [ls semblent s'être loca- lisés dans l'intérieur même du cratère, et se manifestent maintenant encore par des sources thermales et de nombreuses fumerolles. Les sources thermales se voient exclusivement au bas des escarpe- ments, dans le nord, à partir de la jetée, et se font jour entre les 3 on DEP PE tte nn 34 CH. VÉLAIN. galets et les éboulis du rivage, un peu au-dessous du niveau du ba- lancement des marées : elles ne peuvent donc s’observer facilement qu'à mer basse. Leurs eaux, qui sont plus ou moins abondantes, sont fortement alcalines et ferrugineuses, elles sont en même temps gazeuzes, car des torrents d'acide carbonique et d'azote avec de la vapeur d'eau s'en dégagent constamment. Les proportions relatives de ces différents gaz, et surtout la tem- pérature, varient avec chacune d'elles. Ainsi les eaux qui sourdent du milieu des sables, entre les roches du littoral, au fond du cratère, sont traversées par de véritables courants d'azote, et leur tempéra- ture avoisine 100 degrés, tandis que sur le revers opposé du cratère, à l'angle de la jetée du Sud, d’autres sources tout aussi abondantes, mais moins chaudes (78 à 80 degrés), sont accompagnées d'acide car- bonique gazeux. Leur composilion est aussi loin d'être fixe, il en est une, par exemple, qui dans l'Ouest, non loin de celle que les pêcheurs ont aménagée pour pouvoir y prendre des bains, est à peine minéralisée et devient potable, tandis que les autres contiennent jusqu'à 20 grammes d'éléments salins (chlorures de sodium, de magnésium, de calcium ; sulfate de soude. . .) par litre, Ces sources résultent évidemment de la pénétration des eaux ma- rines dans les profondeurs du massif volcanique : elles reparaissent au jour par une sorte de distillation naturelle, après avoir acquis une température élevée et dissous certains principes minéraux, En outre de ces diverses fumerolles, des dégagements de même nature, mais peu abondants, s'effectuent encore directement sous la mer, non-seulement dans l’intérieur du cratère et notamment près de la jetée du Nord, mais même à l'extérieur, par les fonds de 15 à 20 mètres. « L'ancienne activité volcanique de Saint-Paul ne se borne pas à ces seules manifestations, il est encore des points où le sol, à la surface, donne des signes d’une thermalité élevée. A l'angle de la jetée du Nord, par exemple, autour et même bien loin au-delà des sources dont je viens de parler, un thermomètre couché sur le sol, entre les galets, indique rapidement 40 degrés; enfoncé, il atteint successive- ment 60 et 72 degrés et tout indique que ce n’est pas là une limite, mais que la température va ainsi en progressant de plus en plus. J'ignore à quelle profondeur elle reste stationnaire et quelle est alors sa limite maximum : il était en effet impossible de creuser bien LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 35 profondément et je manquais des moyens nécessaires pour entre- prendre des recherches qui eussent été sans doute d’un puissant in- térêt. A plus de 4 mètre, la chaleur devenait insupportable à ce point que la main ne pouvait plus tenir les instruments. La forge et la boulangerie avaient été établies au-dessous de nos campements, immédiatement au commencement de la jetée : les marins, en la dé- gageant des énormes blocs qui l’encombraient, pour rendre plus facile l'accès de leurs constructions, et surtout aussi celui des cabanes de l'observatoire qui se dressaient un peu plus loin, furent souvent obligés de se mouiller les mains et de prendre beaucoup de précau- tions pour remuer ces roches, à cause de la température élevée de celles qui reposaient directement sur le sol. Cette haute température se retrouve encore dans toute une zone très-remarquable, large de 200 mètres environ, qui traverse un peu obliquement les parois intérieures du cratère dans l'Ouest, en s’éle- vant depuis la mer jusqu’au sommet; toute cette bande se laisse faci- lement distinguer, même de loin, à cause de la végétation particulière qui la recouvre et qui se compose surtout de Sphaignes (Sphagnum lacteolum) et de Lycopodes (Zycopodium cernuum), dont les colorations tendres, jaune pâle ou vert glauque tranchent sur le ton sombre des Graminées et des Cypéracées qui tapissent le cratère aux alen- tours, Ces plantes, qui sont exclusivement cantonnées dans ces espaces chauds, y forment, soit au-dessus des roches éboulées sur la pente dans le bas de la falaise, soit et surtout vers le haut, au milieu des escarpements verticaux, qui rendent le sommet du cratère absolu- ment inaccessible, des tapis épais, au travers desquels s'échappent et distillent les vapeurs qui de partout se dégagent du sol sous-jacent. Malheur à qui s’aventurerait sur ces manteaux de mousse, car ils n'offrent aucune résistance, et sous ces tapis trompeurs, suspendus pour ainsi dire au-dessus des rochers, la température s’élève à 50 et 60 degrés. Le sol argileux sous-jacent est lui-même sans consistance, et cède sous la moindre pression ; une tige de fer s'y enfonce avec la plus grande facilité et acquiert alors une température telle, qu'on éprouve en la touchant une vive sensation de brûlure. De distance en distance quelques orifices béants laissent échapper des jets de vapeurs chaudes, et tout autour la végétation est absolument déco- lorée et flétrie. Dans le bas du cratère, à quelques mètres au-dessus du niveau de 36 CH. VÉLAIN. la mer, on peut facilement aborder cette bande chaude par son ex- trémité inférieure. Le sol, formé d'une argile molle, bariolée, résul- tant d'une décomposition complète des roches du voisinage, et tout imprégné de silice gélatineuse dans les points où s'effectuent les dégagements, résiste suffisamment pour qu'on puisse y marcher, sans courir le risque d’enfoncer, mais on ne peut cependant tenir longtemps à la même place. Un thermomètre enfoncé y atteint rapi- dement le point d’ébullition de l’eau et semble s’y maintenir. Cette température n’est cependant pas fixe : j'ai constaté que, dans cer- taines conditions particulières, elle pouvait dépasser 212 degrés. Le moindre coup de pioche occasionne immédiatement un jet de vapeurs brûlantes, qui se dégagent souvent avec bruit et se compo- sent surtout de vapeur d’eau, entraînant de notables proportions d'acide carbonique avec un peu d'azote. Anciennement cette bande, qui se trouve aujourd’hui limitée au revers intérieur du cratère, était plus étendue. M. de Hocbstetter, en 1857, la décrit comme serpentant à travers le plateau supérieur de l’île, vers le nord-nord-ouest; en faisant même remarquer que tout le revers ouest de ce plateau présentait ainsi des traces manifestes de chaleur, « comme si les torrents de lave sous-jacents n'étaient pas encore refroidis, » et il ajoute que « la chaleur se fait surtout sentir vers le bord ouest de la partie est du plateau sur des pentes de 20 à 25 degrés », en prenant soin de dire qu'il faut bien se garder d'y poser le pied, car le sol enfonce à chaque instant et la température, à quelques centimètres de profondeur, atteint déjà 109 degrés. Nous n'avons plus rien trouvé de semblable en 1874; des Sphaignes et des Lycopodes indiquaient seuls la place de ces anciens espaces chauds, que l’on pouvait traverser impunément : le sol, sous ces mousses, était toujours humide ; dans quelques points très-clair-semés, le ther- momètre accusait parfois quelques degrés au-dessus de la tempéra- ture ambiante, des vapeurs d’eau s'y faisaient encore jour, mais len- tement et d’une facon intermittente. De tous ces faits et de beaucoup d’autres, qu'il serait, sans doute, trop long d'énumérer ici, il résulte que l'ile est en voie de refroïdis- sement graduel, et tout porte à croire que peu à peu tous ces phéno- mènes de chaleur, toutes ces sources thermales, toutes ces émana- üons gazeuses disparaissant tour à tour, les forces volcaniques, qui semblent exhaler maintenant leur dernier souffle, s'éteindront défi- nitivement, LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 37 Pour le moment, ces espaces suréchauffés sont certainement une des particularités les plus intéressantes de l'étude de Saint-Paul. Sans parler des observations importantes qu’on peut y faire au point de vue de la théorie chimique des volcans et du rôle que vient jouer la mer dans ces grands phénomènes naturels, on peut encore M trouver quelques exemples curieux de l'influence exercée par les causes physiques locales sur la distribution relative des animaux et des plantes à la surface des îles éloignées des continents; c’est ce que je vais essayer de faire ressortir dans le chapitre qui va suivre. 29 Distribution des espèces animales et végétales à la surface de l'ile Saint-Paul. L'ile Saint-Paul, à l'inverse des îles éloignées de la terre ferme, qui toutes se font remarquer par un nombre souvent considérable de formes organiques spéciales, ne possède pas de faune terrestre qui lui soit particulière. Toutes les espèces qui se rencontrent à sa surface ont été introduites accidentellement ou volontairement par l’homme, soit par toute autre cause de dissémination, par les oiseaux, les vents ou les courants... et se montrent alors identiques avec des es- pèces connues et situées dans les régions les plus diverses. C’est là une conséquence de son isolement, de son peu d’étendue et surtout de son peu d'ancienneté. De la description géologique qui précède, il ressort, en effet, que cette île, d’origine volcanique, s’est édifiée par suite d’éruptions sous-marines. La date de son apparition n’est pas très-ancienne : les trass et les tufs ponceux, qui ont marqué le début de ces éruptions, ne contiennent, sans doute, aucun débris de corps organisés qui puisse nous fournir quelque indication à cet égard, mais les roches qui se sont ensuite épanchées de ce centre éruptif, nous ont apporté, pour ainsi dire en puissance avec elles, l'indication de leur âge. On peut ainsi affirmer que les Rhyolithes ont dù appa- raître à la fin de cette période tertiaire, qu'on nomme Wzocène. L'ile était donc déjà émergée à l’époque pliocène, mais les éruptions de laves basiques, qui devaient alors s'y manifester d’une façon presque continue, empêchaient que la vie organique ne pût s’y éta- blir. Plus tard, quand les coulées, devenues intermittentes, furent sé- parées par de longs iniervalles de repos, quelques graines apportées par les vents vinrent se fixer à leur surface, qui, décomposée par les agents atmosphériques, se couvrit d’un sol argileux, sur lequel les 38 CH. VÉLAIN. plantes prospèrent rapidement. Ces anciennes surfaces terrestres se voient surtout dans le nord-ouest, vers la pointe nord, où elles alter- nent avec les dernières coulées des laves à labrador. Elles présentent quelques lits de tourbe calcinés, dans lesquels les empreintes végé- tales sont parfois assez nettes pour indiquer que la flore de ces an- ciens sols se composait d'espèces identiques à celles qui vivent en- core dans ces mêmes lieux. Ce qu'on sait maintenant sur la distribution géographique des ani- maux dans l'hémisphère austral, laisse à penser que toutes les îles qui se voient dans l'océan Indien, entre Madagascar et la Nouvelle- Zélande, peuvent être considérées comme les points culminants d’un continent très-étendu, ou mieux, d'un groupe de grandes îles aujour- d'hui submergées, par suite d'un affaissement récent du sol. Cette hypothèse d’une communication terrestre, qui aurait existé ancien- nement entre des points séparés aujourd'hui par de grandes étendues * d’eau, se trouve encore appuyée par les découvertes fréquentes, soit aux îles Mascareignes, soit à la Nouvelle-Zélande, d’ossements nom- breux indiquant, aux deux extrémités de la région océaniqüe dont nous parlons, toute une faune de grands oiseaux, aujourd’hui dis- parus. Il était donc naturel de rechercher si les îles Saint-Paul et Amsterdam avaient été en connexion avec ces terres antaretiques an- ciennes; aussi M. Milne-Edwards, doyen de la Faculté des sciences, dans des instructions rédigées pour les naturalistes qui devaient accompagner les expéditions astronomiques envoyées dans les mers du Sud, eut-il le soin d’insister sur l'intérêt que présenterait la décou- verte de témoignages de ce genre dans l’une ou l'autre de ces deux îles, en recommandant d'explorer attentivement le sol tourbeux, dont on les savait recouvertes. C'est ce que nous n’avons pas manqué de faire, d'après ces indica- tions, mais malgré des fouilles nombreuses, aussi bien sur Saint- Paul que sur Amsterdam, nous n'avons pas trouvé un seul débris, pouvant se rapporter à ces faunes anciennes. Au sommet du cratère de l’île Saint-Pawl, et sur les pentes extérieures, les tourbes superti- cielles, surtout dans de petites cavernes creusées sous les laves, con- tenaient souvent des ossements nombreux d'oiseaux, de chèvres ou de porcs, mais qui tous appartenaient à des espèces actuelles, vivant encore, pour Ja plupart, aujourd'hui sur l’île. Ces faits s'accordent ainsi avec les précédents pour nous convaincre que l'île a directe- ment surgi du milieu de l’Océan et qu’elle est entièrement due à LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 39 l’action des forces volcaniques. Nous allons voir que la distribution des espèces animales et végétales, à sa surface, concorde encore bien plus avec cette hypothèse qu'avec celle d’une extension continentale; l’absence complète de mammifères indigènes et de coquilles terres- tres en deviendra la preuve la plus directe. La vie décroit sur les petites îles en raison de leur éloignement des continents ; il est donc naturel de voir l’île Saint-Paul, qui se trouve être le point le plus isolé du globe, recouverte d’une végétation mai- gre et peu variée. La flore ne se compose guère que de végétaux her- bacés, de Mousses et de Lichens qui se répartissent ainsi : Ombelli- fères, 1 ; Composées, 1 ; Plantaginées, 2; Cypéracées, 2; Graminées, 6; Lycopodiacées, 1; Fougères, 2. Les Mousses et les Lichens, beaucoup plus nombreux, sont représentés par 35 à 40 espèces". Toutes ces espèces sont loin de se trouver en proportion égale, une Cypéracée, Isolepsis nodosa, avec deux ou trois Graminées (Poa Novaræ Spar-- tina.…), sont seules abondantes et croissent par hautes touffes dis- tinctes, qui souvent semblent croître chacune, sur un petit monticule tourbeux particulier, Cette dernière circonstance rend, sur toute la surface de l’île, la marche extrêmement pénible; le pied n’étant ja- mais sûr, On n'avance en certains points qu'à la suite d’une série de chutes, qui, pour n’être pas dangereuses, n'en sont pas moins très- fatigantes. A cette liste il faudrait ajouter quelques plantes cultivées, comme la Pomme de terre (Solanum tuberosum), la Carotte (Daucus carotta), le Persil (Petroselinum sativum), Y'Ache odorante (Aprum graveolens), le Chou (Brassica oleracea), VOseille (Æumea acetosella), le Mourron des oiseaux, qui évidemment introduites par les pêcheurs et semées par eux dans les jardins entaillés au bas des escarpements, au fond du cratère, se sont disséminées à peu près dans toute l’île; mais elles y sont en réalité rares, chétives, comme rabougries et ne jusüfient en rien cette réputation de fertilité qu'on a faite au sol de l’île Saint- Paul, dans différents rapports publiés au sujet de la fondation des établissements de pêche. De 1843 à 1849, au moment où ces établisse- 1 Cette liste diffère notablement de celle donnée par les novaristes, qui n'avaient signalé à Saint-Paul que 11 Phanérogames, 2 Fougères, 1 Lycopode, 2 Mousses el 4 Lichens. Elle m'a été obligeamment communiquée par M, 4. Poisson, aide-natu- raliste au Muséum, 40 CH. VÉLAIN. ments étaient florissants, quelques essais de culture en céréales de- meurèrent infructueux, et de mème les arbres (chênes, pommiers, müriers, etc.) qui furent alors plantés, ne purent y résister. En 1857, le jardinier-botaniste de la frégate la Novara, M. Jellinck, prit soin de semer sur l’île quelques légumes européens! avec un certain nombre d'espèces d'arbres choisies parmi celles qui pouvaient s’ac- commoder de ce climat marin, comme le Pinus maritima, des Casua- rinées, etc., dont les graines furent placées dans différentes exposi- tions. Toutes ces plantations, qui seraient devenues un rare bienfait sur l'ile, sont malheureusement restées infructueuses, nous n'en avons pu trouver traces lors de notre séjour. Parmi les plantes importées ainsi à dessein et qui ont persisté, le Chou mérite une mention spéciale; on le trouve abondant sur le versant extérieur du cratère, dans le haut des falaises, en face des rochers du Milieu, où il tend à prendre la forme et les dimensions arborescentes, qui rendent si singulière la même espèce dans l’île de Jersey. L'arête supérieure du cratère ne s'élève en moyenne que de 250 mètres au-dessus de l’eau; ce n’est pas là une altitude suffisante pour que des zones de végétation bien distinctes puissent se produire; aussi les Graminées et la Cypéracée dont je viens de parler, trouvant partout les mêmes conditions climatériques et la même nourriture, puisque la composition du sol superficiel ne varie pas, couvrent aussi bien les parois à pic des falaises intérieures du cratère que les pentes de son versant extérieur. Dans cette dernière situation, l'exposition, surtout vers le sommet, est cependant bien différente, elles y sont alors plus chétives, constamment courbées sous les vents violents, qui règnent presque continuellement et se tiennent littéralement couchées sur le sol. Ce n’est que plus bas, sur le petit plateau faible- ment incliné qui aboutit aux falaises de la côte, qu’elles reprennent la station droite et les dimensions qui leur sont habituelles sur le revers intérieur du cratère. Il importe cependant de signaler quel- ques stations spéciales, une des fougères, par exemple, Lomaria alpina, n'habite que les parties élevées; une autre, Phegopteris bives- tita, ne se trouve que dans les fentes et les cavernes du sommet, sans 1 Voici les noms des espèces semées : Brassica napus, Brassica oleracea, Brassica capilata, Brassica rapa alba, Brassica rapa flora, Raphanus sativus, Lepidum sali- vum, Apium graveolens, Cochlearia officinalis. LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. M doute parce qu’elle y est mieux abritée. Mais ce sont là de vérita- bles exceptions. Toutes ces plantes, dépourvues de fleurs colorées, formaient comme un tapis d’un vert monotone à cause de son uniformité, elles portent toutes l'empreinte d’une latitude froide. Parmi celles qui ne sont pas spéciales, les unes sont européennes, comme l'Æolcus lanatus ; d’autres, comme l’Apièum australe, n'étaient connues que de Tristan d’Acunha. Il n’en est pas de même dans les espaces chauds du fond du cratère; la végétation y revêt un caractère tout à fait particulier et diffère totalement de la précédente en se mettant en harmonie complète avec les caractères physiques de cette petite région. Le climat, en effet, au lieu d’être froid et même rigoureux comme dans tout le reste de l'île, y devient chaud et uniforme par suite d’un reste d'activité volcanique. La vapeur d’eau qui se dégage continuellement du sol, y entretient une humidité constante, bien favorable au développement des Sphaignes et des Cryptogames vas- culaires, aussi ne trouve-t-on là que ces végétaux, presque à l’exclu- sion de tous les autres. Saint-Paul présente ainsi deux végétations bien distinctes, l’une s'étendant à toute l’île et constituée par la réunion de quelques espèces venues d’un peu partout, prospérant là parce qu’elles s’y trouvent dans des conditions favorables à leur dé- veloppement, avec un certain nombre de types spéciaux ; l’autre beau- coup plus restreinte, puisqu'elle n’occupe qu'un espace de 200 à 300 mètres carrés, mais des plus intéressantes et ne se composant que de formes toutes tropicales. Les Sphaignes, par exemple, qui jouent là le rôle important et forment au-dessus des rochers un feu- trage épais, une sorte de sol accidentel, sur lequel d’autres végétaux viennent se développer, sont dans ce cas ; il en est de même du Zyco- podium cernuum des régions équinoxiales, qui se trouve là et qui ne dépasse les tropiques que pour vivre autour des sources thermales, comme aux Acores, par exemple, et d'une Graminée, Digitaria sanquinalis, qui, comme toutes les Panicées, appartient à la zone torride. Je pourrais multiplier ces rapprochements, mais c’est là un sujet qui m'entrainerait trop loin et qui sera d’ailleurs traité prochaine- ment avec beaucoup plus de compétence par les savants botanistes du Muséum d'histoire naturelle qui se sont chargés d'étudier les belles collections recueillies par M. G. de l'Isle. J’ai voulu seulement l'indiquer en passant, afin de bien faire ressortir l’entière et complète 1S 42 CH. VÉLAIN. harmonie qui existe entre le caractère général de la faune et de la flore de cette petite région, etses caractères physiques. Ce que je viens de dire à propos des espèces végétales peut tout aussi bien s'appliquer aux espèces animales qui vivent actuellement à la surface de l’île. Elles.y sont également peu variées, mais nom- breuses en individus : toutes ont été introduites par les mêmes causes accidentelles ou volontaires et se groupent en deux catégo- ries très-distinctes, répondant aux deux conditions d'habitat si diffé- rentes que présente l'ile : les unes, de provenances très-diverses, se trouvent indifféremment dans toutes les parties de l'ile, les autres sont exclusivement cantonnées dans les espaces chauds. Ces dernières espèces seules ont une véritable signification : comme les plantes sous lesquelles elles s’abritent, elles appartien- nent toutes à des types spéciaux aux contrées tropicales et ne se re- trouvent sous une latitude aussi basse que par suite de circonstances exceptionnelles. Amenées de Maurice ou de la Réunion, par les pe- tites goëlettes qui descendent presque tous les ans de l’une ou l'autre de ces deux îles, en novembre, pour faire la pêche, elles ne pour- raient vivre longtemps à Saint-Paul et disparaitraient certai- nement par les grands froids des mois de mai et de juin, si les dégagements de chaleur du fond du cratère ne venaient, autour des points où ils s'effectuent, contre-balancer les effets d'un climat rigou- reux : elles trouvent là l’ensemble des conditions d'existence qui leur sont habituelles et s’y maintiennent, par conséquent, en produisant une descendance féconde. Leur persistance en ces points est absolu- ment liée à la production et à la durée des dernières manifestations d’une activité volcanique à son déclin. Trois grands Myriapodes, Zulus corallinus, Scolopendra Borbonica, lieophilus insularis, une Blatte, l’ignoble Cancrelat, Aakerlac amerti- cana, et peut-être aussi un Grillon', tels sont, avec une belle ara- néide, £'peira inaurala?, et d'assez nombreux cloportes, Oniscus 1 J'ai trouvé un jour, en effet, sous une roche, l'abdomen et les pattes d’un indi- vidu de grande taille appartenant au genre Gryllus, mais nous n'en n'avons jamais vu de vivants; il est d’ailleurs peu probable que cette espèce puisse se propager au milieu d'un grand nombre d'aussi redoutables adversaires. 2 C’est en janvier, quelques jours seulement avant notre départ, que nous avous vu l'Epeire dorée, elle avait tendu ses fils jaunes et soyeux entre deux gros blocs de laves couverts de lichens, éboalés sur la pente, et livrait aux mouches une guerre acharnée. Deux autres toiles, à tissu lâche et de couleur grise, bien différentes de LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 43 asella, qui s'écartent peu du littoral, les hôtes désagréables de ces régions, heureusement très-circonscrites et peu étendues, de telle sorte qu'ils ne peuvent en réalité y prospérer beaucoup; d’autant plus que très-souvent les jets de vapeur chaude, qui s'élèvent brus- quement du sol en certains points, les atteignent et les détruisent en masse. On reconnaît encore maintenant les orifices par où se sont faits ces dégagements accidentels aux nombreux cadavres de ces animaux qui gisent aux alentours, au milieu d’une végétation flétrie. C’est assurément l'instinct de la conservation qui a poussé tous ces insectes carnassiers à se réunir là : ils s’y nourrissent surtout de cada- vres d'oiseaux abandonnés par les Stercoraires ou par les Chats, et ne se font pas faute de se dévorer entre eux. Leur importation dans l’île est de date beaucoup trop récente, les voyages des pêcheurs à Saint- Paul n'ayant guère commencé qu'avec ce siècle, pour que, sous l’in- fluence de conditions nouvelles, quelques modifications se soient faites dans leurs caractères originels; mais sur chacun d’eux cependant on remarque déjà les effets de la température élevée et de l'humidité constante, au milieu de laquelle ils sont obligés de vivre. Les Cancre- lats, que le chaleur rend ordinairement si agiles, sont devenus lents et ne peuvent faire usage de leurs ailes : en même temps, ils parais- sent comme décolorés et leur enveloppe chitineuse est amollie. Tous les myriapodes sont dans le même cas. C’est là une lutte enga- gée, dans laquelle ils succomberont peut-être ; mais, s'ils triomphent et surtout si les espaces où ils vivent ne se refroidissent pas de long- temps, ils devront bien certainement s’écarter de leur type primitif pour prendre des caractères nouveaux, imposés par les conditions d'existence qui leur sont faites. Sur les côtés de ces espaces chauds, la température du sol va gra- duellement en s’affaiblissant, et ce fait est encore accusé non plus par des différences essentielles dans la flore, mais par une végétation véritablement plus vigoureuse que dans aucune autre partie de l'ile. Une Houlque européenne, Æolcus lanatus, forme là comme un feu- celles des Epeires, se trouvaient, un peu plus loin, jetées au-dessus des houlques, mais leurs propriétaires étaient absents et nous n’avons pu les découvrir. Ces arai- gnées étaient, en réalité, très-peu nombreuses, représentées, au plus, par trois ou quatre individus de chaque espèce ; mais, étant donné leur fécondité remarquable, eu particulier celle de l’'Epeire, d’une part, et de l'autre, la nourriture abondante que les mouches et les moucherons, très-nombreux sur le lilloral, peuvent leur assurer, je ne doute pas qu'on ne les retrouve quelque jour beaucoup plus communes. 44 CH. VÉLAIN. trage épais d’un beau vert, surtout quand elle à atteint toute sa crois- sance. Ces zones assez étendues de chaque côté de la bande princi- pale, et notamment vers le sud, sont précieuses pour tous les mammifères qui vivent sur l’île ; ils viennent s'y réfugier pendant la saison froide, alors que la neige couvre les sommets, et peuvent y trouver un climat plus doux avec une nourriture assurée. Ces mammifères appartiennent à la première catégorie d’espèces dont j'ai parlé en commençant, c’est-à-dire qu'ils habitent indiffé- remment toute l’île et qu’ils y sont venus d’un peu partout. Ce sont principalement des animaux domestiques qui, abandonnés là par l'homme, sont revenus à l’état sauvage. Les naufrages, les passages fréquents de navires devant Saint-Paul, cette île se trouvant sur la route directe des bâtiments à voiles qui vont en Australie et en Chine !, et surtout les tentatives de colonisation qui y ont été faites à différentes reprises par des négociants de la Réunion, telles sont, sans aucun doute, les origines multiples de ces animaux et en particulier celle des Chèvres, qui s’y sont maintenant propagées partout. Elles vivent en troupeaux nombreux, aussi bien dans les champs de Spartina à l'extérieur, que sur les pentes, assez roides, des falaises intérieures du cratère. On peut cependant remar- quer qu'elles se tiennent de préférence à l'extrémité sud-est de l’île, entre les quatre cônes de la pointe ouest et la pointe Hutchison. Ce fait s’explique facilement : elles se retirent là pour échapper, autant que possible, aux baleiniers et aux pêcheurs, qui viennent souvent leur faire la chasse et qui les déciment. Vers la fin de notre séjour, quand, par hasard, le chapeau de nuages quise formait toujours au-dessus de nos têtes, vers le soir, n’avait pas encore masqué la crête du cratère, nous voyions ces Chèvres, au cou- cher du soleil, défiler lentement sur cette arête en longues et inter- minables files : leurs silhouettes, se découpant en noir sur un ciel rougeâtre, éclairé par-dessous, prenaient des formes tout à fait fantas- tiques. C'était la rentrée des troupeaux, moins le pâtre et moins les clochettes : elles venaient chercher dans l'Est, presque en face de nos habitations, quelques-uns des petits couloirs par où la descente était 1 Des pêcheurs qui ont séjourné plusieurs années de suite à Saint-Paul, pour garder les établissements de pêche, évaluent à plus de cent le nombre des bâtiments qui s’approchent ainsi de l’île en une année. Pendant nos trois mois de séjour, nous en avons vu fréquemment qui passaient au large, deux seulement se sont approchés assez près pour communiquer. LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 45 possible dans ces escarpements abruptes et gagnaient ensuite les alen- tours des espaces chauds pour y passer la nuit. Ces animaux étaient craintifs et fuyaient à la moindre approche ; l’un d’eux, sans cesse en éveil au moindre danger, donnait l’alarme à ses compagnons, et tout le troupeau détalait alors avec une vitesse et une agilité déjouant toute poursuite. Ils avaient repris toutes les allures de l’état sauvage et paraissaient rebelles à toute tentative nou- velle de domestication. Ainsi, quelques-unes de ces Chèvres que nous avions prises et que nous avions parquées dans un large enclos avec leurs Chevreaux, les éventrèrent, au lieu de les allaiter, et refusèrent pour elles-mêmes toute nourriture. Elles poussaient constamment des cris lamentables, devenaient furieuses et se seraient laissées mourir d’inanition, si on ne les avait pas relàchées. Un petit Chevreau, sauvé d’un de ces massacres par notre cuisinier et soigné par lui, se montra pourtant très-reconnaissant et resta près de nous peñdant tout notre séjour. Il errait en liberté dans l’île, mais revenait toujours aux heures des repas : le cuisinier avait l'habitude, soir et matin, de frapper sur un énorme chaudron, pour nous avertir quand l'heure était venue; les sons discordants de cet instrument bizarre reten- tissaient jusqu’au fond du cratère : nous arrivions alors chacun de notre côté, et la petite Ühèvre noire était toujours la première au rendez-vous. Quelques troupeaux de Porcs furent aussi làchés sur l'île autre- fois ; les novaristes, au moment de leur séjour à Saint-Paul, en no- vembre 1857, en virent encore quelques-uns; mais, en 1874, ils avaient entièrement disparu. La végétation, essentiellement herhacée et peu succulente que l’on connaît, ne pouvait sans doute leur fournir une nourriture suffisante. Peut-être était-ce en partie pour y suppléer que des pommes de terre avaient été plantées en différents points du cratère, comme nous avons trouvé des traces jusque vers le sommet, dans des endroits à peine accessibles; mais elles n’y avaient pas réussi. Les pêcheurs racontent que les Porcs fouissaient le sol pour s'emparer des petits Pétrels bleus qui vivent en colonie au fond de grands terriers dans toute la partie ouest des falaises inté- rieures, et qu'ils en faisaient leur principale nourriture : il est douteux que ces animaux se soient longtemps accommodés d’un pareil repas, si peu conforme avec leur régime habituel, et je croirais volontiers qu’en défoncant ainsi la tourbe, c’était plutôt les œufs de ces oiseaux qu'ils recherchaient. 46 CH. VÉLAIN. Parmi les animaux que les naufrages seuls ont pu jeter sur l'ile, il faut citer en première ligne les Chats, les Souris et les Rats. Ces animaux, que le malheur a réunis, vivent là en parfaite intelligence entre eux et semblent même habiter les mêmes retraites. Ainsi, près des escarpements d'une dolérite schisteuse que les pêcheurs ont sou- vent exploitée pour construire des abris grossiers, nous avons vu souvent en décembre, alors que le ciel était devenu plus clément, un gros Chat noir couché en travers sur le bord d’une petite excavation exposée en plein soleil, qui regardait nonchalamment les jeux de cinq ou six gros Rats courant et se roulant autour de lui; à la moindre alerte, les artistes et le spectateur disparaissaient d’un seul bond dans le même trou. Les Chats vivaient surtout de poissons et d'oiseaux : les petits Pétrels bleus dont je viens de parler sont absolument décimés par eux ; plus rarement on les voyait errer sur le littoral, au fond du cratère, pour happer quelque poisson à l’occasion. Les Rats surtout paraissent avoir pullulé à Saint-Paul et vivent, eux aussi, aux dépens des oiseaux, dont ils mangent les œufs. Ils étaient nombreux et familiers. La nuit, dans nos cabanes, on les entendait trotter et grignoter partout. Parfois ils y faisaient en troupes de véri- tables descentes ; et le matin, à la suite de ces visites nocturnes, le plus grand désordre régnait dans nos affaires : tous les menus objets de toilette, les papiers qui n'avaient pas été soigneusement serrés, avaient été emportés ou disparaissaient à moitié à travers les inter- stices des panneaux du navire qui nous servaient de plancher. Nous en avons reconnu deux espèces : le Rat d'Alexandrie et le Surmulot ; ce dernier était de beaucoup le plus abondant. Tous deux ne se ren- contrent que dans l’intérieur du cratère ‘ sur le littoral ; mais ils se tiennent de préférence autour des habitations, où ils deviennent un véritable fléau. Quant aux Souris, elles étaient aussi très-nombreuses dans les mêmes points : elles firent de grands dégâts dans nos pro- visions. A cette liste d'hôtes incommodes, il faut ajouter un petit Cloporte, Oniscus asella... qui se trouve littéralement partout. Dans le bas du cratère, 1l serait impossible de soulever une pierre sans déranger un nombre incalculable de ces petits crustacés qui vivent là côte à côte 1 J'ai cependant vu un Surmulot dans le grand effondrement des falaises du Nord, à l'extérieur; comment avait-il pu arriver jusque-là ? LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 47 avec des Talitres, Gammarus locusta, tout aussi nombreux. Cette curieuse association continue ainsi jusqu’à 35 ou 40 mètres au-dessus du niveau de la mer ; puis les Talitres disparaissent peu à peu et les Cloportes persistent seuls pour se retrouver encore, mais moins nom- breux, jusqu’au sommet (265 mètres). Les Talitres ne pénétraient pas volontiers dans nos habitations; mais les Cloportes en quelques jours avaient tout envahi. Tous nos efforts pour les en chasser demeurant inutiles, il fallut bientôt en prendre notre parti et supporter leur présence jusque dans nos lits. Quelques Puces..., des Mites complétaient ce tableau, auquel il faut encore ajouter des Mouches de deux espèces. La petite Mouche noire commune qui suit l'homme partout, Musca domestica, et la Mouche bleue de la viande, Musca (Calliphora) vomitoria, qui se trouvent sur tout le littoral en innombrables légions ; les hauteurs seules en sont préservées. Les naturalistes de la frégate autrichienne de la Vovara, après avoir mentionné la présence à Saint-Paul de ces hôtes désagréables dont ils eurent aussi fortement à se plaindre, parlent ensuite d’un petit Co- léoptère coureur, Delphas hemiptera, qu'ils trouvèrent très-abondant au milieu des touffes d'herbes. Mais nous avons cherché longtemps en vain ce petit insecte : importé sans doute par quelque navire, après avoir pris subitement une grande extension, il avait pour ainsi dire complétement disparu, car nous n'avons pu en découvrir, vers la fin de notre séjour, qu’un seul individu caché sous un bloc de lave dans le fond du cratère. Les mêmes naturalistes signalent comme un fait étonnant l’absence des Hyménoptères et des Lépidoptères; des représentants de chacun de ces deux ordres se trouvaient sur l’île en 1874. En décembre, nos matelots nous apportèrent, en effet, une belle Noctuelle, qu'ils avaient prise au matin dans la cabane qui abritait la forge, et, peu de jours avant notre départ, une Abeille d'Europe, Apis mellifica, vint se pren- dre dans un des flacons de notre laboratoire. Cette capture d’une compatriote nous combla de joie et de tristesse tout à la fois, en nous rappelant la patrie absente ; nous étions depuis si longtemps sans nouvelles ! L’Apis mellifica se trouve maintenant naturalisée au Cap, en Aus- tralie, à la Nouvelle-Zélande, etc.; il est donc à supposer qu'un coup de vent violent avait enlevé un de ces insectes d’une de ces terres d'adoption, de la première plus vraisemblablement, et l'avait ainsi 48 CH. VÉLAIN. transporté sur notre île. L'espace à franchir, d'un côté comme de l’autre, est sans doute considérable; mais ce transport n'a rien d’in- vraisemblable, car on sait que des vents violents soufflant pendant longtemps dans la même direction peuvent ainsi colporter à des dis- tances immenses des insectes et des graines légères. Ce sont là des agents de transport presque sans limites, qui contribuent puissam- ment à introduire la faune et la flore des continents dans les îles volcaniques isolées au milieu des océans. Les Coquilles terrestres font absolument défaut à l’île Saint-Paul. C’est là un fait qui n’a rien de surprenant, quand on songe aux diffi- cultés insurmontables que doivent rencontrer ces animaux à respira- tion aérienne pour traverser de grandes étendues d’eau ; les moyens et les occasions de transport qui rendent la diffusion des insectes et des plantes en réalité facile leur sont refusés. 11 eût fallu l’interven- tion de l’homme. Des oiseaux terrestres auraient encore pu apporter des œufs de ces mollusques avec quelques parcelles de terre attachées à leur pied; mais la distance qui sépare Saint-Paul de la terre, même la plus voisine, est encore trop grande pour que ces oiseaux aient la facilité d’y atterrir. Aussi la faune ornithologique de l'ile n'en pré- sente aucun. Le docteur Scherzer, dans sa relation du beau voyage de la Novara, parle bien d’un petit oiseau de muraille (Cyp- selus), qu’il trouva voltigeant et poussant des cris aigus devant les hautes falaises de l'extérieur où il semblait protéger une femelle en train de couver. Lors de notre séjour, il n’en existait plus trace. Si l’île Saint-Paul ne possède aucun oiseau terrestre, par contre elle regorge d'oiseaux de mer. Plusieurs espèces d’Albatros, des P6- trels, une Hirondelle de mer, un Stercoraire et d'innombrables Man- chots fréquentent ces parages et viennent surtout y atterrir au moment de la ponte. Les grands Albatros blancs (Diomedea exulans) qui nous avaient apparu pendant notre traversée, dès le 20° degré de latitude sud, un peu avant le tropique par conséquent, se voient assez souvent au large de l’île et s’en approchent même volontiers; ils sont alors toujours isolés, et ne viennent jamais à terre. Les pêcheurs qui se trouvaient en même temps que nous sur l'ile en rapportèrent sou- vent, surtout en novembre. C’est mème seulement à partir de cette époque qu'ils firent leur apparition. Ils les prenaient alors, au-des- LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 49 sus des bancs de poissons, avec la facilité et les appâts grossiers que l'on sait. J'ai remarqué qu'ils élaient presque tous jeunes ; leur plu- mage était uniformément gris ; deux ou trois seulement, parmi tous ceux qui furent pris (vingt-cinq à trente environ), avaient la blancheur éblouissante et la livrée de l'adulte. Au dire des anciens navigateurs, ces oiseaux étaient autrefois beaucoup plus nombreux à Saint-Paul; ils se tenaient souvent sur les falaises, et se précipitaient de là avec voracité sur les cadavres d’Otaries que la mer apportait fréquemment: mais ils n’y faisaient cependant pas leurs nids. Plusieurs Pétrels (Ossifraga gigantea, Procellaria capensis, Procel- laria hæsitata) et des Alcyons (Puffinus æquinoctialis) sont dans le même cas, c’est-à-dire qu’ils se voient fréquemment autour de l'ile, mais ne viennent pas y atterrir. Le Pétrel géant était très-abondant et se trouvait là en tout temps ; mais il n’en était pas de mème du Pétrel gris (Procellaria cinerea), qui ne vint qu'en décembre, par petites troupes toujours assez rares, et n'apparaissant que le soir. Les Alcyons (Puffinus æquinoclialis) étaient également peu nombreux. Tout ces oiseaux, s’il faut en croire les ré- cits des anciens navigateurs, et quelques-uns sont fort précis et fort instructifs à cet égard, se voyaient tous autrefois sur l’île et ne s'en écartent maintenant que parce qu'ils ont appris à y connaître le dan- ger. Les pêcheurs, et surtout les baleiniers américains qui presque tous les ans viennent passer quelque temps sur l’île pour y chercher des vivres frais, des chèvres et quelques mauvais herbages, en profitent chaque fois pour la mettre au pillage ; ils semblent se faire une fête de tuer et de détruire tous les oiseaux. Quelques espèces, comprenant que l’homme est un animal dangereux pour elles, ont alors déserté complétement un séjour aussi désastreux; c’est ainsi que nous n'a- vons pas vu sur l’île un seul Satanite, el pourtant ce pelit Pétrel couvrait encore les falaises de ses nids en 1820. Quelques Damiers, les pigeons du Cap (Procellaria capensis), vinrent exceptionnellement se poser dans l’intérieur du cratère ; ils étaient alors exténués de fatigue et tellement épuisés, qu'ils se laissèrent chaque fois prendre à la main. Dans notre traversée de la Réunion à Saint-Paul, nous vimes pour la première fois ces jolis oiseaux au plumage agréablement tacheté de noir et de blanc, vers le tropique. Leur nombre augmentant de jour en jour, à mesure que nous nous enfoncions dans le Sud, ils devinrent nos compagnons fidèles jusqu’à Saint-Paul. 1Is se (enaient loujours par petites troupes au- 0 50 | CH. VÉLAIN. dessus du sillage de notre bâtiment, suivant toutes les ondulations des vagues et se précipitant avidement sur la moindre proie qui appa- raissait à la surface. Par les temps calmes, alors que la vitesse de /a Dives s’était ralentie, nous les prenions souvent à la ligne avec une épingle tordue cachée.dans un morceau de lard ; d’autres fois encore, ils se prenaient d'eux-mêmes en s’embarrassant dans les cordages. Amenés sur le pont, ils se trainaient alors péniblement, sans pouvoir s'envoler, cherchaient à fuir ou à se cacher et dégorgeaient, sitôt qu'on les avait touchés, une huile visqueuse ei verdâtre par suite d’un sentiment de frayeur bien justifiée. Deux petites espèces d’Albatros (Diomedea melanophrys et chloro- rhyncha), que les pècheurs appellent des Malamochs, se tiennent à Saint-Paul en haut des falaises qui dominent la baie des Rhyolithes et celle des Manchots, sur un petit plateau légèrement incliné, situé presque au sommet de la montagne à 250 mètres environ d’alti- tude. Une série de petits escarpements défendaient ce plateau ; mais en prenant par le sommet, puis en se laissant glisser au travers des touffes d'Isolepis et de Poa, il était encore assez facile d'y aborder. Darwin, dans le récit de sa campagne autour du monde, à bord du Beagle, parlant du défaut de timidité de certains oiseaux, raconte ! qu'aux îles Galapagos les oiseaux se laissaient prendre à la main avec la plus grande facilité et venaient même se percher auprès de lui; quoique souvent pourchassés, ils n'étaient pas devenus pour cela très-sauvages, de telle sorte qu'un fusil devenait là une arme presque inutile. Il en était de même à Saint-Paul pour les Malamochs, qui se montraient peu farouches et ne s’effrayaient nullement à notre appro- che ; ceux qui arrivaient de la haute mer venaient sans hésitation se poser à côté de nous, lorsque nous étions assis au milieu de leur camp, et se contentaient de manifester parfois leur étonnement en faisant claquer leur long bec d'une facon qu'ils s’efforcaient de rendre me- naçante. Ces oiseaux ne sont pas guerriers, malgré leur taille et leur bec tranchant ; ils restent même sur la défensive devant les Pétrels qui viennent en mer les harceler pour leur faire lâcher une proie qu'ils ont déjà en partie avalée. Notre botaniste, qui leur rendait de fré- quentes visites, les prenait à la main en les saisissant simplement par le bec, mais de côté et rapidement, afin d’en éviter un coup dange- 1 Voyage d'un naturaliste, trad. franç. par Barbier, p. 427. LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 1 reux, leurs mandibules étant suffisamment fortes et coupantes pour enlever un doigt. Tous ces oiseaux assistaient impassibles au massacre de leurs sem- blables, sans chercher ni à se sauver ni à se défendre, ce qui nous permettait de choisir tout à notre aise nos victimes; l'instinct de la conservalion était sans doute peu développé en eux, ou dans tous les cas il était étouffé par une étonnante voracité, car je les ai vus se pré- cipiter jusque sous nos pieds pour déchirer à coups de bec et dé- vorer ceux des leurs que nous venions de sacrifier. Mais cette audace leur était peu profitable, car nous n'avions qu’à étendre la main sur les pillards pour réparer à leurs dépens le dommage qu'ils nous avaient causé. A notre départ de Saint-Paul, les Malamochs n'avaient pas encore commencé leur ponte ; mais un autre Albatros au plumage sombre, l'Albatros fuligineux (Diomedea fuliginosa), fit son nid en décembre dans les escarpements à pic qui avoisinent les espaces chauds, au fond du cratère et vers le haut des falaises extérieures, dans l'Ouest, entre les quatre cônes et la pointe enragée. C'était un bel oiseau de la taille des précédents, d’une couleur uniformément grise ou d’un noir de suie, ce qui lui avait valu de la part des pêcheurs le nom de Cordon- nier. Ses yeux noirs bordés de blanc, son bec également noir et mar- qué aussi d’une ligne blanche lui donnaient comme un air de deuil. Son çri, qu'il faisait entendre continuellement, rappelait à s'y mé- prendre certaines des intonations de la poule, lorsqu'elle annonce qu’elle a pondu un œuf, ce qui nous fit longtemps croire qu’en plus des troupeaux de chèvres que nous avions aperçus avec joie dès les premiers jours dans l’intérieur du cratère, notre île possédait une bande d’oiseaux de basse-cour que nous aurions fort appréciés, mais que nous avons cherchés en vain. Pendant que les femelles couvaient, chacune avec la plus grande ténacité, deux œufs de forme oblongue, d’un blanc légèrement vio- lacé et marbré de petites taches brunes, sur un semblant de nid formé de deux ou trois brins d’herbe posés dans les anfractuosités des laves, les mâles décrivaient en planant constamment au-dessus d'elles dans le haut des falaises mille courbes gracieuses et faisaient entendre, comme pour les charmer, leur chant trompeur. Ces nids, dans ces remparts à pic, n'étaient pas d’un accès facile; les pêcheurs qui se trouvaient en même temps que nous à Saint-Paul, eurent seuls l'audace et l'adresse nécessaires pour les atteindre ; c’est à eux, A9 » 59 CH. VÉLAIN. 22 par conséquent, que nous devons d'avoir pu en rapporter des œufs à différents degrés d'incubation. 11 leur fallait chasser l'oiseau à coups de pierres pour l’écarter du nid, s’accrocher d’une main au rocher et lutter de l'autre avec lui, car il défendait courageusement sa couvée. Sur les pentes extérieures du cratère se tiennent des Stercoraires (Stercorarrus antarcticus), véritables oiseaux de proie d'une voracité sans égale, qui exercent sur tous les habitants emplumés de l'ile une terreur justifiée, Les pêcheurs leur donnaient le nom de Poule mauve. On les voyait presque continuellement planer, comme des faucons, au-dessus du plateau occupé par les Manchots, tantôt avec de lents mouvements d’ailes, tantôt en décrivant des courbes sinueuses et ra- pides, puis fondre avec une rapidité furieuse sur la proie qu'ils avaient sans doute voulu fasciner ; d’autres fois, ils se jetaient avec avidité dans l'intérieur du cratère sur les débris de poissons qui flottaient souvent autour des salines : c'étaient de véritables vautours de la mer, avides et pillards comme ces derniers. L'esprit d'association est peu développé chez eux ; c’est là, du reste, un fait commun à tous les animaux doués d'une certaine supériorité physique, qui ont le sentiment de leur force. Ils vivaient iso- lément ou par couples séparés, sans jamais se réunir en troupes nombreuses, comme les Albatros dont je viens de parler. Leurs allures étaient, en outre, bien différentes et rappelaient tout à fait celles de certains rapaces diurnes, dont ils avaient aussi le plumage. Is s’envolaient de terre avec la plus grande facilité, emportant souvent leur proie entre leurs ongles, véritables serres longues et acérées. Malgré leur vol puissant, ils s'écartaient rarement au large et ne s'éloi- gnaient guère à peine de 3 ou #4 milles; il est vrai de dire que c'était alors l’époque de la ponte ; mais les pêcheurs qui ont séjourné une ou plusieurs années sur Saint-Paul pour garder les établissements de pêche, racontent qu’il en est toujours ainsi et que le Stercoraire est un des rares oiseaux qui n’abandonnent pas l’île, quand leurs petits sont en état de tenir la mer, et peut-être le seul qui n'émigre pas dans Ja mauvaise saison, quand, en mai ou en juin, la neige blanchit les sommets du cratère. Æ Ces Stercoraires avaient placé leur nid sur le versant extérieur du cratère, dans un endroit généralement très-découvert, au pied d'une touffe d'Isolépis : sur la tourbe tassée, quelques brins d'herbes et de mousses fanées en faisaient tous les appréts. Le mâle et la femelle LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 53 couvaient à tour de rôle avec une grande sollicitude ; ils s’'avancaient à la rencontre de l’importun qui passait près du nid, l’entouraient de leurs cercles capricieux et poussaient des sifflements bizarres afin d'attirer son attention et de l'éloigner de leur nichée. Ces nids, assez rares, très-disséminés, ne possédaient qu'un seul œuf, assez gros, d’un blanc verdâtre, marqué de petites taches allongées grises ou brunes, Les jeunes, qui vinrent au commencement de novembre, portaient un duvet assez épais ; au bout de très-peu de jours ils étaient déjà vigoureux et quittaient leur nid, mais sans s'en écarter bien loin. L'audace des Stercoraires, qui n'hésitaient pas à fondre sur nous quand nous approchions ainsi d’une touffe d'herbe où se tenait soigneusement caché leur petit, servait précisément à nous l’indi- quer. Dans une excursion faite avec MM. Rochefort, de l'Isle et Lantz, nous eûmes la bonne fortune de trouver trois de ces jeunes, que j'emportai dans mon sac. Pendant longtemps. les couples de Sterco- raires, qui déjà avaient voulu défendre courageusement leur couvée, nous poursuivirent en nous entourant de leurs cercles rapides. Ils s'élevaient en l'air en poussant de grands cris et fondaient ensuite obliquement sur nous avec une telle rapidité, qu’il fallait nous baisser pour éviter un coup de bec sur la tête. Cet acharnement devait leur être fatal, car nous dûmes en abattre plusieurs pour disperser les autres. Les jeunes, qui n'avaient pas encore deux semaines, étaient cou- verts d’un duvet gris-pâle, long et soyeux; leur corps, en forme d'œuf, monté sur de longues pattes grêles que terminaient de larges pieds palmés, avait un aspect bien singulier. Ils étaient déjà très- voraces, aussi fut-il très-facile de les élever avec de la viande et du poisson haché. Ils se montrèrent très-attachés, et nous suivaient par- tout dans l'ile. On rencontrait pour ainsi dire à chaque pas dans l'ile les restes mutilés d’un petit Pétrel bleu (Prion vittatus), que les Stercoraires poursuivaient avec acharnement aussi bien le jour que la nuit, et dont ils ne dévoraient que les entrailles. Ce petit oiseau, au bec bleuâtre et dilaté, est par exception plus nombreux à Saint-Paul qu’à Amsterdam, sans doute parce qu'il recherche la température relati- vement élevée de son sol. Il se creuse, en effet, à l’aide de son large bec et de ses ongles crochus, dans les tourbes des parois . 4 CH. VÉLAIN. intérieures du cratère près des sources thermales et des espaces chauds, de longues galeries étroites qui s’entre-croisent dans tous les sens avant de se terminer en cul-de-sac par des chambres assez spacieuses. C’est là qu'ils se réunissent en familles nombreuses pour y faire leurs nids, et ne pondent qu'un seul œuf d'un blanc jaunâtre et de la grosseur d’un œuf de pigeon’, comme l'oiseau des tempêtes (Thalassidrômes), qu'ils semblent du reste représenter dans l’hémi- sphère sud. D’après les pêcheurs, la ponte s’effectuerait deux fois par an, en septembre et en décembre. Ces labyrinthes souterrains, qui ressemblent plutôt à des terriers qu’à des nids d'oiseaux, rendaient souvent nos excursions pénibles. Dans toute la paroi ouest du cratère, le sol, déjà spongieux par sa nature tourbeuse, percé dans tous les sens par ces oiseaux, cédait, en effet, à chaque instant sous les pas, nous y enfoncions souvent au-delà du genou, et les chutes continuelles ainsi occasionnées, sans être dangereuses, ne laissaient pas que de devenir absolument désa- gréabies et fatigantes. C'est dans le fond du cratère, sous un éboulis considérable de do- lérites et de basaltes, que les Prions se tenaient en plus grand nombre. La température sous ces roches amoncelées excédait tou- jours de 10 à 12 degrés celle de l’air ambiant; il s’en dégageait avec des vapeurs légères une odeur forte qui nous fit d'abord croire à des dégagements d'acide chlorhydrique; mais elle tenait aux oiseaux, qui exhalaient par eux-mêmes cette odeur désagréable fortement chlorée, dont on ne pouvait se débarrasser quand on les avait tou- chés. Ils étaient difficiles à saisir dans ces crevasses, sous ces blocs énormes qui défendaient l’entrée de leurs demeures; mais, dans d’autres points des parois du cratère, au-dessus des sources ther- males, où leurs terriers étaient simplement creusés dans la tourbe, on pouvait très-facilement les prendre en enlevant les touffes d'herbes qui recouvraient le sol. Là ils se décelaient par des gloussemenis continuels, qui tout d’abord nous intriguèrent vivement. En défon- cant le sol, nous arrivions bien vite à nous emparer des chanteurs, d'autant plus que, se sentant perdus chaque fois qu'on attaquait ainsi leurs retraites, ils se blottissaient au fond des couloirs sans chercher à s'envoler. Une fois pris, leur tenue exprimait le plus profond abat- tement, ils avaient peine à se tenir debout et n’essayaient même pas de se servir de leurs ailes, couchés sur le ventre et glissant plutôt que marchant sur leurs tarses repliés, ils cherchaient à se cacher dans LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. ts) quelque coin pour éviter la lumière, qui paraissait les impressionner vivement. Ces Prions semblent, du reste, semi-nocturnes et sont aussi actifs la nuit que le jour. Après le coucher du soleil, ils arrivaient en grand nombre dans le cratère, voltigeant pendant bien longtemps en rasant le sol au-dessus de leurs demeures, et faisaient jusqu’au jour un va- carme étonnant. Si les oiseaux pélagiens ont en général un vol plus gracieux, aucun ne se meut avec autant de vivacité ; considéré iso- lément, il vole très-haut, en zigzag, avec force battements d'ailes, en exécutant une série de crochets rapides et de culbutes comme ces singuliers pigeons domestiques qu’on nomme fournants et culbu- tants. Is se tenaient au large toute la journée, aussi bien par les temps calmes que par les tempêtes, planant sur la mer en troupes nom- breuses, tournoyant dans toutes les directions avec une puissance de vol remarquable et sans se reposer. Leur nourriture consistait sur- tout en mollusques et en petits crustacés pélagiens, qu'ils prenaient facilement sur la crête des vagues avec leur large bec. Enfin, je dois signaler un oiseau de passage, le Courlis cendré, que nous avons été étonnés de rencontrer là, à plus de 500 lieues de toute espèce de terre. C'est en novembre que nous avons vu à différentes reprises cet oiseau cosmopolite qui se tenait craintif et rusé, comme d'habitude, près des cônes de scories de la pointe Hut- chison, dans le Sud-Est. De tous les oiseaux de Saint-Paul, le plus gracieux c’est, sans con- tredit, une hirondelle de mer (Sferna melanoptera), que les pêcheurs désignent tantôt sous le nom d’oiseau d'argent, à cause de son joli plumage gris-perle, tantôt sous celui de goëlette blanche. Ce dernier nom lui convient bien; sa finesse, ses allures vives et dégagées ne peuvent en effet mieux se comparer qu’à celles du plus coquet des navires. Son bec effilé et ses pattes courtes sont d’un rouge vif; sa tète porte comme un capuchon d’un beau noir de velours. Elle vol- tigeait au-dessus du cratère du lever du soleil à son coucher pour y chercher les petits poissons dont elle faisait sa pâture ; aussitôt qu'elle en avait aperçu un, elle s'élevait un peu en jetant un cri aigu, puis, fermant les ailes, elle se laissait tomber obliquement dans l’eau avec ja rapidité d'une flèche pour reparaître presque aussitôt, tenant dans son bec l’oljet de sa convoitise, qu’elle se hâtait d’avaler avant qu'il ne lui soit disputé, car les autres hirondelles, qui avaient 56 CH. VÉLAIN. entendu son cri et suivi son mouvement, étaient arrivées à tire- d’aile. Malgré ces luttes incessantes, elles paraissaient très-sociables et se rassemblaient toujours en petites troupes surtout à l'extérieur, près des falaises où se trouvaient leurs nids, qu'elles avaient soin de pla- cer dans les parties abruptes les plus inaccessibles. Elles étaient méfiantes, craintives, et ne se laissaient pas volontiers approcher ; pourtant elles étaient curieuses et le moindre bruit les attirait. Les Stercoraires paraissaient les épargner, ou du moins elles sa- vaient les éloigner en se rassemblant pour prendre l'offensive et leur donner la chasse. Très-rares à notre arrivée en octobre, elles ne de- vinrent nombreuses qu’en décembre ; c'est l’époque de leur ponte, Comme elles étaient élégantes alors quand, par les rares rayons de soleil, elles venaient en petites troupes se poser soit sur les embarca- tions mouillées dans le cratère, soit sur les épaves de la Megæra qui émergeaient âans la passe ! Elles nous charmèrent par leur vivacité et leurs gais caquetages, en apportant un peu de grâce au milieu de cette nature si sévère et si triste, où nous étions condamnés à vivre. Il ne me reste plus maintenant, pour terminer cette description ra- pide, qu’à parler des Gorfous (£udyptes chrysolopha), dont-le nombre, aussi bien à Saint-Paul qu’à Amsterdam, était incalculable. Ces sin- guliers animaux n'ont de l’oiseau que le nom. Leurs ailes, en effet, cessant d'être utiles au vol, ont subi une atrophie ou une tranforma- tion complète, et sont devenues de véritables nageoires, qui ne peu- vent tout au plus leur servir que de balanciers quand ils sont à terre, pour les maintenir en équilibre dans leur marche vacillante. Leur corps, garni de plumes dures et très-courtes, appliquées fortement contre la peau qu'ils ont épaisse, est comme recouvert d’une cuirasse écailleuse et luisante. Enfin, ce qui leur donne surtout une physiono- mie singulière, c’est qu’ils se tiennent debout sur leurs tarses élargis et sur leurs pattes, qu'ils ont beaucoup plus en arrière qu'aucun autre oiseau. Autant ils sont agiles dans l’eau, leur véritable élément, où ils se meuvent avec une rapidité surprenante, autant ils sont gauches et maladroits quand ils sont à terre : ies attitudes grotesques, les allures bizarres qu’ils prennent quand on les approche d’un peu près, les ont fait souvent qualifier de stupides; pourtant ils ne le méritent guère, Car on ne doit pas attribuer à la stupidité cé qui n’est qu’une conséquence naturelle de leur conformation, qui ne leur permet LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 57 pas de se soustraire avec assez de rapidité à des dangers que d’ail- leurs ils connaissent peu dans leurs habitations désertes. Tous les navigateurs qui ont touché à Saint-Paul n’ont pas manqué de citer dans leurs relations ces oiseaux étonnants. Les officiers de la frégate autrichienne la Novara, en faisant l'hydrographie de l'île, en 1857, ont même désigné, sous le nom de baie des Pingouins, une petite crique de l'extérieur où ces oiseaux accostent volontiers. Nous avons vécu au milieu d’eux, avec eux pour ainsi dire, en parfaite intelligence, ce qui nous a permis d'étudier leurs mœurs singulières, et cette étude nous a procuré la plus vive satisfaction. Ce fut notre distraction de tous les instants; il n’est pas un de nous qui ne regrette les longues heures passées au milieu de ce que nous appelions leurs villages ; nous allions y faire provision de gaieté. Les Gorfous n’atterrissent à Saint-Paul que d’août en mars, la ponte se fait en septembre. Ils forment alors deux colonies distinctes, qui se réunissent aux mêmes places. L'une s'établit à l'extérieur, dans les falaises situées par le travers des quatre cônes, un peu avant la pointe Ouest, c'est-à-dire dans la partie du vent. L’autre vient chercher un abri près du sommet de la haute montagne qui domine la jetée du Nord, et se trouve ainsi presque sous le vent. La première de ces deux colonies était de beaucoup la plus importante : elle se com- posait d’un nombre incalculable d'oiseaux qui vivaient entassés lit- téralement les uns sur les autres, sur une sorte de talus incliné, large de plusieurs centaines de mètres au niveau de la mer et terminé en pointe vers le sommet de la falaise. Ils étaient là par milliers, leur poitrine blanche uniformément tournée vers la mer, occupant toutes les saillies, les pics, les corniches, les moindres anfractuosités des laves. Chaque pierre était habitée. Aussi tout cet espace se voyait du large comme une tache blanche qui tranchait d'une facon bien remarquable sur le ton noir des falaises extérieures. Leur agitation était continuelle, et le bruit qu'ils faisaient étourdissant. Il eût été bien difficile de les atteindre, à cause de la position abrupte des falaises qui les dominaient. La colonie du Nord était heureusement d’un accès plus facile ; c'était aussi la plus intéressante des deux. Divisés par groupes de deux ou trois cents, les Gorfous formaient dans cette partie de l’île comme autant de camps ou de villages, échelonnés sur un plateau situé à 200 mètres d'altitude environ et jusque sous les escarpements du sommet (254 mètres). Leurs nids, au lieu d'être irrégulièrement dis- 58 CH. VÉLAIN. séminés dans les anfractuosités des laves, étaient au contraire grou- pés avec une certaine symétrie et paraissaient comme alignés le long de couloirs, de sentiers tracés au milieu des hautes herbes qui recou- vraient le sol tourbeux de la montagne. Chacune de ces surprenantes agglomérations d'oiseaux fut bientôt baptisée par nous d’un nom spé- cial : une des plus nombreuses devint, en raison de son importance, Pingouinville. C'était bien, en effet, la plus singulière charge de petite ville qu’on puisse imaginer : les rues, les impasses, les carrefours ani- més d’une foule turbulente, les places publiques où les oiseaux se réunissaient comme pour conférer entre eux avant de descendre à la mer par petites troupes, rien n’y manquait, pas même les commères caquetant et se querellant autour des nids. IL est assurément difficile d'expliquer pourquoi des oiseaux à qui la marche est réellement pénible sont allés chercher, pour établir leurs nids, un point aussi élevé qu'ils ne peuvent atteindre qu'au prix des plus grandes fatigues, d'autant plus qu'il leur faut traverser avant d'y arriver plusieurs plateaux tout aussi découverts que celui qu'ils ont choisi, dont l'exposition est identique et qui auraient au moins l’avan- tage d’être d’un accès plus facile. La rude ascension qu'ils se croyaient ainsi obligés de faire ne leur demandait pas moins d’une demi-jour- née ; mais ils étaient loin de descendre tous les jours à la mer : ils savaient revenir, après chaque excursion, avec une provision de nour- riture qui leur servait presque pour une semaine. La quantité d'ani- maux qu'ils avaient ainsi ingérés était telle, que souvent ils étaient obligés d’en dégorger en arrivant à terre. Leur nourriture consiste en mollusques, en poissons, et surtout en Calmars, qui pullulent autour de Saint-Paul ; il en est dans l'estomac desquels nous avons trouvé jusqu'à vingt becs d'Ommastrèphes. Ils accostent dans la baie qui fait face au Nine-Pin, au milieu d'énormes galets, avec la plus grande adresse. On les voyait arriver de loin par petites troupes, bondissant sur les vagues à la manière des Bonites. Le cou tendu en avant et faisant force de rames avec leurs ailes, leur vitesse était réellement surprenante et ne pouvait se comparer qu'à celle devenue proverbiale des Marsouins. Au large, ils se tenaient parfois au repos, nageant comme des canards, leur corps couché, émergeant à moitié et les ailerons repliés contre les flanes : ils plongeaient alors fréquemment, sans effort et sans bruit, et res- taient fort longtemps sous l'eau. J'ignore à quelle profondeur ils peuvent ainsi descendre. Lorsque LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 61 la Dives était amarrée devant Saint-Paul, ceux que nous avons lâchés le long du bord se sont toujours enfoncés presque à pic avec une rapidité telle, qu’en un instant ils étaient hors de vue, malgré la transparence de l’eau, et nous ne les voyions jamais reparaître. Ils peuvent ainsi se tenir plongés pendant huit ou dix minutes, et la dis- tance qu'ils fournissent doit être considérable : nous en avons vu qui, làächés sur le bord du cratèré, reparaissaient vers le milieu du lac intérieur en moins d'une minute ; ils avaient alors parcouru d’une seule traite plus de 600 mètres. La réputation de plongeur qu'on a faite au Gorfou est donc parfaitement justifiée ; il semble se trouver chez lui dans toute l’étendue de la vaste mer, et dans les circonstances normales on peut dire qu'il passe sa vie au milieu des flots. Pendant cinq mois en effet, de mars en juillet, ces oiseaux quittent les deux îles d’une façon absolue et ne se montrent même pas au large. La ponte une fois terminée et leurs couvées étant en àge de prendre la mer, il leur reste à traverser une époque difficile : celle de la mue. C'est en décembre qu’ils commencent à perdre ces longues et co- quettes plumes jaunes qui, partant des sourcils, s'étendent en pana- che de chaque côté de la tète : ils perdent en même temps toute leur vivacité et se tiennent au pied des falaises ou sur les jetées, toujours au bord de la mer dans tous les cas, tantôt par petites troupes, pres- sés les uns contre les autres, tantôt, et le plus souvent, isolés et comme cachés sous les rochers, dans une immobilité presque com- plète. Debout, ou mieux assis sur leurs pattes repliées, ils regardent avec tristesse leurs plumes tomber une à une tout autour d'eux, et restent ainsi près d'un mois sans bouger dans une sorte de somno- lence, de torpeur qu’ils ne peuvent secouer que lorsqu'un nouveau plumage les met en état de reprendre la mer. Ils se réunissent alors de nouveau par bandes nombreuses, et partent en masse pour ne re- venir qu'à la saison suivante. Saint-Paul et Amsterdam sont trop iso- lées pour qu'on puisse supposer qu'ils émigrent vers d’autres terres, le moindre voyage qu'il leur faudrait faire serait de 500 lieues. Ils descendent probablement un peu plus au sud, et restent constam- ment à la mer. (C'est là du moins l'opinion des baleiniers qui viennent souvent faire la pêche dans ces parages et à cette saison.) Ils se tien- nent à la surface de l’eau pour se délasser et pour dormir, dans notre traversée de Saint-Paul à Amsterdam sur /e Fernand, nous en avons rencontré ainsi pendant la nuit des bandes qui semblaient immobiles, chaque oiseau flottant comme un bouchon. 62 CH. VÉLAIN. Pour accoster au pied des falaises, 1ls se laissaient apporter par la lame au milieu des galets ; puis, sitèt qu'ils avaient touché terre, ils se hâtaient de sauter de roche en roche pour éviter d’être repris par la lame suivante ; cet exercice, déjà difficile par les temps ordinaires, devenait dangereux par les gros temps malheureusement trop fré- quents : il leur fallait beaucoup d’opiniâtreté, beaucoup d'adresse pour arriver, et bien souvent violemment jetés contre les rochers, ils n’en sortaient que tout meurtris et couverts de sang. Une fois hors d'atteinte des vagues, on les voyait s'arrêter avec un air de satisfac- tion tout à fait comique ; puis, après's’être secoués un peu, com- mencer un brin de toilette en prenant pour graisser et lisser leurs plumes les poses les plus grotesques. C'est ainsi qu'ils s’attendaient afin de ne commencer leur pénible ascension que quand ils se trou- vaient réunis en nombre suffisant. Le sentier qu’ils se sont tracé dans la falaise débute par un plan incliné fort roide, formé de tufs et de conglomérats volcaniques ébou_ lés, sur lequel nous n'avons pu tout d'abord nous risquer qu à l’aide de cordes solides. En s'y accrochant avec le bec, puis en se hissant sur leurs ailerons et leurs pattes, ils arrivaient jusqu'à un premier plateau qui couronnait immédiatement la falaise ; mais souvent une pierre se détachait et les entraînait jusqu’au bas ; ils ne se découra- geaient pas pour si peu, et tant que leurs forces ne les trahissaient pas, on les voyait recommencer l'escalade avec une persistance véri- tablement surprenante. Un sentier frayé par eux, entrecoupé d’obsta- cles, les conduisait ensuite jusque dans leurs demeures, où ils n’arri- vaient qu'après une série de sauts et de chutes continuels. C'était vraiment un spectacle bien curieux que de les voir ainsi, tantôt sauter de roche en roche avec une certaine vivacité, tantôt marcher à petits pas, le dos courbé et les ailes portées en avant. Matin et soir il se fai- sait dans le sentier un mouvement considérable, les uns descendaient tout guillerets, tandis que les autres montaient péniblement en lon- gues files, s'arrêtant fréquemment et se rangeant pour laisser passer les premiers. A notre arrivée en octobre, ils étaient en train de couver. Chaque couple, étroitement uni, avait deux œufs assez volumineux, presque ronds, d’un blanc sale et marqués parfois de quelques petites taches rousses. Le mâle et la femelle partageaient les soins de l’incubation et se relayaient sur le nid, où ils se tenaient couchés sur le ventre, comme tous les autres oiseaux. Chacun d'eux descendait alternativement à la LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 63 mer, et revenait fidèlement à sa couvée qu'il savait retrouver au mi- lieu de tant d’autres qui, pour nous, se ressemblaient toutes. Celui qui, demeurant à une extrémité, devait traverser tout le camp pour gagner son nid, ne pouvait le faire qu'après d’interminables querelles qui se renouvelaient presque devant chaque couple et qui lui valaient bon nombre de coups de bec et de coups d’aile. Ces oiseaux sont, en effet, peu tolérants, querelleurs et même sournois entre eux. Notre arrivée dans les villages était saluée par des cris étourdissants ; mais bientôt le calme renaissait, et chaque oiseau vaquait à ses affaires, sans plus s'inquiéter de notre présence. L’incubation doit durer cinq semaines. Les jeunes vinrent à la fin d'octobre ; couverts d’un duvet fin etépais, ils ressemblaient alors à des pelotes de laine grise, mais ils ne jouirent pas longtemps des douceurs du nid. Bientôt, en effet, tous ceux d’un même village furent réunis par groupes sur la place publi- que ; tassés contre les hautes touffes d'herbes, ils étaient là, soigneu- sement gardés à vue par de graves personnages qui ne leur épargnaient guère les corrections, quand l’un d'eux tentait de s’écarter : plusieurs fois par jour, sous l’œil sévère de leurs mentors, ils recevaient leur pâture, et de violents coups d’aile venaient châtier celui qui, trop pressé ou trop gourmand, cherchait à devancer son tour. C’étaient là de véritables écoles, où les enfants étaient élevés en commun avec la plus grande sollicitude ; sur ces rochers incultes, nous recevions ainsi des leçons de sociabilité. Les parents s’oubliaient pour ne penser qu’à leurs petits; nous en avons vu qui, meurtris, blessés, soit en accostant sur les galets de la plage, soit par les avalanches de pierres qui les assaillaient dans la montée, avaient encore le courage de recommencer l'escalade pour parvenir jusqu’au campement, où ils n’arrivaient que couverts de sang. Les jeunes se développèrent rapidement; au moment de notre départ, un certain nombre d’entre eux avaient déjà revêtu leur livrée, ou pour mieux dire leur cuirasse, et se trouvaient en état de tenir la mer. . Vers la fin de novembre, il se fit une seconde ponte ; mais les œufs étaient fort petits, et les couveuses souvent dérangées à cause de la- gitation extrême qui se faisait dans les pingouinières; aussi je doute fort du bon résultat de cette seconde couvée. Tous nos efforts pour élever de jeunes Manchots ont été inutiles. Les oiseaux, tenus en captivité et arrivés à un certain âge, refusaient de prendre toute espèce de nourriture. Au moment de notre départ, 64 CH. VÉLAIN. nous en avons embarqué à bord de la Dives plus de cent, que nous avions choisis parmi ceux qui commençaient à muer !, espérant profiter pour leur faire faire la traversée de ce qu'ils:ne prennent à cette époque aucune nourriture pendant près d'un mois; mal- heureusement aucun d'eux ne put résister aux chaleurs torrides de la Réunion. | 30 Remarques sur la faune marine de l'ile Saint-Paul. Des faits qui précèdent il résulte donc que la faune et la flore ter- restre de l'ile Saint-Paul sont toutes deux fort pauvres. Si mainte- nant, de cette terre stérile, nous portons nos regards vers la mer, nous y verrons affluer la vie ; autant la première nourrit peu d’es- pèces, autant la seconde en regorge pour ainsi dire. Au large, les Cé- tacés, les Otaries, les Poissons surtout, sont d’une abondance extrème et tous les ans attirent dans ces parages de nombreux équipages de pêche, qui viennent y chercher, malgré les dangers, une: récolte prompte et un gain assuré. Les Mollusques pélagiques, les grands Céphalopodes n'y sont pas moins fréquents ; les Crustacés nageurs, les Ptéropodes avec des Médusaires s'y rencontrent en véritables légions. Les côtes abruptes de l'ile, qui de tous côtés tombent brusque- ment sous la mer, battues sans paix ni trêve par des vagues furieuses, se prêtent mal, sans doute, au développement des animaux marins, aussi toute la zone littorale extérieure se montre-t-elle relativement peu riche ; mais dans l’intérieur du cratère les conditions sont toutes différentes et les eaux fourmillent de vie. C’est là comme une sorte d’Atoll d'un nouveau genre, dont la lagune, bien abritée, sert de re- fuge aux embryons de toute nature, qui, drainés par les courants à la surface d'un océan immense, viennent y fonder une colonie pros- père. En débarquant pour la première fois dans le cratère, nous avions ! Pendant la mue, ces oiseaux sont couverts d'un duvet très-épais et fort singu- lier, qui, de loin, leur donne l'aspect d'une grosse pelote de laine. Ce duvet, blanc et soyeux comme celui du cygne, est formé par l'extrémité des plumes qui se trouve toute décomposée. Dans cet état, il leur serait impossible de tenir la mer, leur plu- mage tout entier faisant l'office d’éponge. Ceux que nous avons contraints de se jeter à l’eau, alors qu'ils étaient ainsi en pleine mue, y paraissaient lents, mala- droits, se tenaient toujours à la surface, et cherchaient à regagner la terre le plus tôt possible. LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 65 été vivement impressionnés par l’aspect sauvage et désolé de cet im- mense amphithéâtre naturel au fond duquel nous allions nous éta- blir pour plus de trois mois. Tout nous parut mort dans cette solitude effrayante que rien ne venait animer; nos sentiments devaient bien- tôt changer. Ainsi, quand plus tard, à la marée basse, il nous fut donné de voir, sur tout le littoral, le nombre considérable des ani- maux invertébrés qui s'y trouvaient répandus à profusion, notre en- thousiasme et notre joie devinrent grandes. Il me sera sans doute facile d'indiquer individuellement chacune des formes qui attirèrent notre attention, mais ce que je ne pourrai rendre, c'est notre étonnement à la vue de ce monde nouveau qui se révélait à nous. Tout ce sombre entassement de roches volcaniques noires, éboulées sur le littoral, nous avait paru absolument stérile ; rien, en effet, ne trahissait à la surface la beauté du spectacle qui nous attendait sous toutes ces pierres amoncelées. Il était absolument impossible à la basse mer d’en retourner une, sans trouver sa face inférieure abso- lument couverte d’un nombre incroyable d'animaux les plus variés, Tous les points du sol sous-marin qui se trouvaient à l'abri de l’ac- tion directe de la lumière, étaient dans le même cas. De nombreux Zoanthes, des Spongiaires, des Bryozoaires... et surtout-des Ascidies simples, sociales ou composées, s’y disputaient absolument l’espace et, se recouvrant littéralement les uns et les autres, ne formaient qu'une même masse vivante, au milieu de laquelle s’agitait tout un monde de Crustacés, de Mollusques, d'Echinodermes et de Zoophytes. Chaque fragment de lave devenait ainsi un véritable musée vivant, et transporté dans un de nos aquariums, il suffisait amplement à le peupler. Les Ascidies composées dominaient de beaucoup dans cet ensem- ble : elles y déployaient une prodigieuse fécondité, et présentant les formes les plus variées, les colorations les plus vives, elles s'étalaient partout en une sorte de tapis continu, aux couleurs voyantes, d’où s’'échappaient, comme d’élégants arbustes, des colonies de Sertulaires, des Bryozoaires arborescents et surtout de nombreux tubes d'Anné- lides. De petites Actinies, des Cornulaires rouges ou violacées, des Alcyons, de gracieuses Serpules émaillaient de fleurs tous ces par- terres d'un nouveau genre. Il faudrait tout un long mémoire pour décrire leurs variations nombreuses de formes et de couleurs. Les unes blanches, incolores et transparentes ou simplement marquées de quelques taches, for- 5 l#$ 66 CH. VÉLAIN. maient comme un bourrelet épais, qui tantôt s’étalait en un disque ré- gulier et tantôt se renflait en une sorte de boule pédonculée presque pyriforme ; les autres, au contraire, d'aspect lichenoïde, comme les Didemnum et les Leptalinum, très-aplaties, jetaient partout leurs bran- ches ramifiées ; d’autres encore, et des plus nombreuses, couvraient de larges surfaces sous leur cormus velouté, épais, très-résistant, nuancé des couleurs les plus diverses. Presque toujours lisses, l’une d'elles cependant, assez rare et qui à l'inverse des précédentes vivait sur le sable, se couvrait de villosités, supportant chacune un petit dé- bris de roche ou de coquille. Quand des espèces semblables, situées l’une près de l’autre, ve- paient à se rencontrer par suite de leur accroissement rapide, toutes les parties en contact se soudaient fréquemment ; la ligne de suture restait toujours distincte, elle devenait légèrement jaunâtre, comme ocracée, dans les espèces incolores, ou simplement blanche dans les espèces colorées. C'était là une sorte de greffe par approche qui don- nait naissance aux formes les plus singulières. Sur le revers intérieur de la jetée du Nord, les Synascidies étaient remarquablement vigou- reuses ; il n’était pour ainsi dire pas possible de soulever une pierre sans déchirer plusieurs colonies ainsi réunies, qui formaient alors une seule nappe, s'étendant sur plusieurs roches à la fois, et dont la lon- gueur pouvait excéder 50 centimètres. Elles recouvraient absolument tout; en soulevant au couteau leurs plaques épaisses, on découvrait, avec une foule de parasites, des coquilles mortes de Fissurelles et de Patelles, des Bryozoaires, etc., qu’elles avaient étouffés. Une petite Ascidie simple, qui vivait isolément enfoncée dans le sable, ou le plus souvent fixée par petits groupes sous les rochers, était parfois recou- verte par un Botrylle charnu qui s’étalait au-dessus d'elle, en respec- tant toutefois ses orifices branchiaux : elle se trouvait alors obligée d'exhausser graduellement ses siphons pour arriver à la faire émerger à la surface. Les Spongiaires aussi se trouvaient fréquemment dans ce cas et laissaient ainsi dépasser leurs larges oscules qui venaient s'ouvrir au sommet de prolongements coniques, sous forme de petits cratères très-singuliers. Toutes ces Ascidies, subissant à leur tour la loi commune, de- venaient la proie d’un grand nombre d’autres animaux qui les atta- quaient ?ntus et extra. Des Nématoïdes, des Annélides nombreuses et jusqu'à des Crustacés, s’introduisant dans leurs colonies, y causent des dégâts sensibles. Un petit Prosobranche incolore (Fryeria ?), deux LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 67 espèces de Doris se tenaient constamment à leur surface, vivant sans aucun doute à leurs dépens : de même des Ophiures, de petits gasté- ropodes, et surtout un Asteriscus (A. exiquus, Lam.) semblaient en faire leur nourriture favorite. D’autres paraissaient y vivre surtout en commensaux, et ne ve- naient y chercher qu'un refuge. Un crustacé, par exemple, de la famille des Dromies, se creusait souvent, soit dans les masses les plus compactes des Ascidies charnues, soit dans les Spongiaires, des retraites profondes, au fond desquelles il se retirait au moindre danger. Il eüt été bien difficile de le découvrir dans cette situation, çar il prenait la précaution, pour se dissimuler d’une façon complète, de porter constamment sur son dos une petite Ascidie ou une éponge identique à l'espèce dans laquelle il avait élu domicile. Parfois, sur les parois du cratère, d'énormes blocs de laves plus ou moins sCoriacées ou caverneuses, en s’accumulant les uns au-dessus des autres, formaient, à quelques mètres de profondeur, une sorte de voûte sous laquelle les rayons de lumière ne pouvaient guère pé- nétrer. Aux plus basses eaux, dans les grandes. marées, ces petites grottes sous-marines, qui se trouvaient alors à peine recouvertes, étaient d’un accès facile, ou tout au moins par les temps calmes, quand l’eau du cratère était bien transparente, l’œil pouvait y péné- trer, et ce spectacle était vraiment splendide. Dans le’bas, des Flori- dées au feuillage finement découpé, mariaient leurs colorations vives, rouges ou violacées, à celles plus douces et verdâtres des Laminaires et des conferves ; de gracieux Nudibranches, des Lolidiens surtout, glissaient sur ces algues, avec des Planaires. De tous côtés, les parois des roches étaient tapissées par des Ascidies, des Spongiaires d’un rouge orangé, des touffes d’Actinies versicolores, ou par les expan- sions lamelliformes des Eschares ; de la voûte descendaient les lon- gues branches ramifiées d’un bryozoaire (Bugula) qui jetaient sur l’en- semble des tons d’un bleu d’azur ‘. Ces grottes, qui formaient comme 1 Ces bryozoaires arborescents prenaient immédiatement dans l'alcool une teinte bleu de Prusse très-accusée ; la liqueur dans laquelle ils étaient ainsi plongés, se co- lorait alors très-rapidement et devenait en quelques jours d’un bleu si foncé, que la lumière ne pouvait plus la traverser. Ces animaux étaient, en outre, admirablement phosphorescents. Un soir que la bougie qui m’éclairait dans notre laboratoire s’était éteinte, et que je m'en allais à tâtons en quête de quelque allumette, j'en vins à heurter l'aquarium dans lequel Rochefort conservait quelques-uns de ces élégants animaux, une vive lumière traversa le vase; étonné, j'agitai l’eau et je vis immédia- tement toutes les branches des bryozoaires s'illuminer des couleurs les plus vives, 68 CH. VÉLAIN. autant d'aquariums richement peuplés, étaient, à vrai dire, peu communes. Il en est une seulement que je tiens à signaler, parce que nous avons été fréquemment l’admirer et qu'elle nous a fourni nos plus précieuses récoltes; elle se trouve un peu au sud des han- gars où les pêcheurs préparent leurs poissons, sous un énorme bloc de dolérite, entouré d'une chaîne dé fer, où les goëlettes viennent s’amarrer, et sur lequel on voit encore gravés des noms de naufragés ou de marins : Pallefournier Emile, Mazarin Desnoyarez, Grenoble — Canton de Sassenage — Département de l'Isère, 1844. Le diamètre du lac intérieur, parfaitement circulaire, est de 1 200 mètres en moyenne; son relief sous-marin, tel qu'il résulte des nombreux sondages effectués par les officiers de la Dives, indique que les fonds tombent de tous côtés brusquement jusqu’à la profon- deur de 20 à 25 mètres, puis descendent graduellement par une sorte de plateau régulièrement incliné jusqu’à 50 mètres; à cette profon- deur ils se relèvent ensuite légèrement de partout, de manière à des- siner une petite éminence conique haute de 5 à 6 mètres, dont le centre est occupé par une dépression, où la sonde accuse 69 mètres. C'est là le point de profondeur maxima de la lagune. Les parois du cratère, tombant ainsi presque à pic sous les eaux, surtout dans Je Sud, ne laissent à découvert, à chaque marée, qu'une zone peu éten- due ; les marées sont, du reste, assez faibles, elles oscillent en gé- néral entre 0",80 et 1 mètre et atteignent rarement 2 mètres aux syzygies. La montée de l'eau est en dépendance absolue avec la force et la direction des vents, avec l’état de la mer et provoque, dans l’étroit chenal qui fait communiquer la baie avec l'extérieur, un courant violent qui peut atteindre 3 et 4 nœuds de vitesse au moment du reflux. Notre première excursion zoologique eut pour objet une recon- naissance générale de la faune littorale et de la richesse plus ou moins grande des différentes stations, Cela fait, nous divisâmes le cratère en un certain nombre de sections qui furent toutes explorées successivement avec un soin minutieux. Aux époques des grandes marées, chacun de nous laissant en suspens sés recherches person- variant instantanément, en passant avec une promptitude étonnante du rouge au verl, ou au bleu d'azur ; mais le phénomène durait peu et cessait dès que l’eau n’é- tait plus troublée. LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 69 nelles, nous nous réunissions tous trois pour explorer les espaces découverts en nous attachant, dans la récolte des animaux marins, à déterminer leur distribution par rapport à la profondeur, leurs stations principales et les conditions d'habitat propres à chacun d'eux. La vie, si abondante sur tout le littoral, cesse pour ainsi dire subi- tement dès la profondeur de 20 à 25 mètres ; on nerencontre guère au delà que quelques rares Spongiaires d’un beau rouge avec des As- cidies, qui descendent jusque par les fonds de 30 à 35 mètres, mais dans les parties plus profondes la drague ne ramène plus que des vases grises sableuses, remplies de Foraminifères le plus souvent morts et de nombreuses coquilles brisées. De la sorte, tous les organismes vi- vants sont, pour ainsi dire, condensés dans une bande étroite, large de 25 à 30 mètres, qui forme comme un anneau au pourtour du bas- sin(fig. 4). La cause en est, suivanttouteévidence, dans les dégagements nombreux d'acide carbonique et d'azote qui s'effectuent encore au fond de ce cratère, ainsi que l’attestent les nombreuses bulles qui, par intermittences assez rapprochées, viennent en différents points et notamment vers le centre, éclater à la surface. L’eau se surcharge d'acide carbonique et la proportion du gaz dissous augmente. rapide- ment avec la profondeur, comme on en peut juger par le tableau suivant : Composition du gaz dissous dans l'eau du cratère. ——— —_— ï A la surface. A 25 mètres. A 47 nes j Acide carbonique..... 2.16 8.40 12.58 Oxygène .:..... ss 14.38 8.94 6.99 IN ZOLO EE 83.46 82.64 80.42 100.00 100.00 100.00 Les nombreuses coquilles que les courants amènent dans ces vases et qui appartiennent aux différentes espèces de mollusques vi- vant actuellement soit dans l’intérieur, soit à l'extérieur du cratères portent toutes la trace des actions chimiques exercées par ces éma- nations acides qui les traversent; complétement décolorées, souvent même corrodées, elles ont perdu toute consistance et sont devenue, si fragiles, qu’elles se réduisent en poussière quand elles sont sorties de l’eau et qu’elles sont sèches. On concoit aisément que les animaux ne puissent se propager dans un pareil milieu. L'influence funeste de ces gaz délétères peut encore se constater dans divers points de la zone littorale, où les dégagements sont alors 70 CH. VÉLAIN. accompagnés de sources thermales abondantes, qui se font jour entre les galets au niveau du balancement des marées. Tous les espaces où se produisent ces dernières traces d'une activité volcanique à son déclin sont absolument dépouillées de toute végétation marine, les algues si belles et si nombreuses (Floridées, Phæosporées...) qui par- tout ailleurs tapissent toutes les roches, ne les franchissent pas et tracent ainsi des limites fort nettes en dedans desquelles le sol n'est plus recouvert que d'une couche ocracée ferrugineuse, déposée par FiG. 4, — Coupe du cralère du nord-ouest au sud-est. les sources, et de quelques conferves filamenteuses. La thermalité de ces sources, assez variable, n’est en moyenne que de 40 à 45 degrés, mais elle peut atteindre et même dépasser 90 degrés ; à l'angle, que fait intérieurement la chaussée du Nord'avec la paroi du cratère, des fumerolles abondantes possèdent une température de 78 à 80 degrés centigrades, et dans le fond du cratère, en face de la passe, sur de petites plages de sable qui découvrent à marée basse, des sources thermales atteignent presque le point d’ébullition de l'eau. A marée haute, au-dessus des orifices de ces divers dégagements, la tempéra- ture de la mer est surélevée de 4 à 5 degrés environ à la surface, et s'élève même jusqu’à 20 degrés sur le littoral, tandis qu’au milieu du bassin le thermomètre n'accuse que 14 à 145 degrés. Il était intéres- sant de rechercher l'influence de ces eaux échauffées sur la distribu- tion des animaux marins; en général on y constate encore un ap- pauvrissement de la faune, les Ascidies composées, les Annélides, les Bryozoaires, évitent ces régions. Au contraire, diverses espèces d’Ac- tinies, et surtout des spongiaires particuliers, aiment à se trouver au LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 71 voisinage des petits courants d’eau chaude qui résultent du mélange de l’eau des sources avec celle de la mer. Certaines espèces parais- sent même pouvoir résister à une assez haute température, nous avons fréquemment trouvé, par exemple, de petits crustacés et no- tamment un Sphérome (Spher. tuberculata, Br.), très-abondant dans toute la zone littorale, sous des pierres que nous avions peine à retourner, à mer basse, tant elles étaient chaudes. Cet anneau dont je parlais tout à l’heure et dans lequel les animaux sont obligés de se condenser et de se disputer l’espace, se trouve donc interrompu en plusieurs points dans l'Ouest; dans le Sud et dans l'Est il reste au contraire continu, tous les phénomènes volca- niques ayant complétement cessé de ce côté. On peut y distinguer deux zones distinctes, représentant chacune une association particu- lière d'espèces : 4° la zone du littoral comprise entre les limites du marnage de la marée ; 2 la zone descendant jusqu'à 20 mètres au-des- sous du niveau des plus basses mers ; c’est de beaucoup la plus riche aussi bien en plantes marines qu’en organismes de toute nature, sur- tout dans son premier tiers supérieur. La zone profonde qui vient ensuite et qui s'étend des fonds de 25 à 30 mètres jusqu’à ceux de profondeur maxima, se trouve, à l'inverse des deux précédentes, caractérisée par son aridité absolue et ne comprend pas d'espèces spéciales, à l’exception de quelques foraminifères, car les spon- giaires et les ascidies qui se tiennent encore à sa partie supérieure sont surtout abondants dans la deuxième zone. Je ne puis aujourd’hui entrer dans le détail des diverses faunes de ces deux premières zones, préférant revenir plus tard sur ce sujet; il ne me sera possible, en effet, d'établir la liste des espèces qui re- viennent à chacune d'elles que quand toutes les collections rappor- tées auront été étudiées. Je signalerai seulement, comme une des plus belles espèces spéciales à la deuxième zone, une grande Culcite, d'un beau rouge orangé, que M. Ed. Perrier, professeur au Muséum d'histoire naturelle, se propose de décrire prochainement sous le nom de Culcita Veneris. La zone littorale peut elle-même se subdiviser en deux parties, dont la supérieure comprend toutes les espèces qui vivent entre le niveau de la haute mer et la limite extrême atteinte par les eaux aux grandes marées. De ce nombre sont des Marinules (Warinula nigra, Philippi) qui abondent surtout dans le nord du cratère, et un petit acéphale appartenant au genre Zasæa, identique à l'espèce euro- 72 CH. VÉLAIN. péenne Lasæa rubra, Montagu, qui se trouve par milliers dans toutes les crevasses, dans toutes les anfractuosités des laves, au niveau moyen des eaux. La seconde partie de 4 zone littorale est peu étendue, à cause de la forme de la côte, complétement accore ; elle est extraordinaire- ment riche, sinon en espèces, du moins en individus, qui se mon- trent là par une sorte de compensation en nombre prodigieux; les conditions d'habitat peuvent s’y définir ainsi : fond rocheux exposé à la lumière, pression faible, température moyenne de 43 à 14 de- grés, à peu près constante, agitation de l’eau presque nulle, végéta- tion marine abondante. L’exploration de cette zone, dans toute son étendue, n’est pas tou- jours facile, le littoral se présentant partout sous forme d’un talus d’éboulement, à pente rapide, sur lequel on a souvent peine à se tenir debout, par suite de l’extrème mobilité des blocs de laves dont il se compose. C’est ainsi que, sur le revers intérieur de la chaussée de l'Est, on ne pouvait bouger une roche, sans déranger tout l’édi- fice qui s’écroulait avec fracas et roulait à la mer. Toute cette chaus- sée est, du reste, remarquablement pauvre, elle se termine, à son ex- trémité ouest, par une petite plage sableuse, dans laquelle nous n'avons jamais rien trouvé‘. La paroi du cratère, qui lui fait suite, à l'extrémité opposée, étant complétement à pic, ne peut s’explo- rer qu'avec une embarcation, mais bientôt les grands fonds s'écar- tent un peu de terre, et l’on se trouve en présence d’une des plus riches stations du littoral. Un Brachiopode, de la famille des Terebratulidæ, Kraussina Davidsoni, y abonde et recouvre liltéralement les roches au niveau de la basse mer, avec de beaux Bryozoaires étalés apparte- nant aux genres Lepralia et Cellepora.' Un Siponele et des Annélides (Eunices, Néréis, Terebelles, Sabelles, etc.) atteignent là une taille considérable ; c’est encore là le gisement principal d'un bel £rhinus. Tout le reste de la côte, jusqu'aux premières fumerolles, ne pré- sente plus rien de remarquable ni de particulier. Pour trouver une station comparable, il faut ensuite gagner le voisinage des belles sources thermales du Nord, au-delà des espaces chauds. Là tous les mollusques, Pourpres, Rissoelles, Margarita, Fissurelles, Patelles, Chitons,… qui seront décrits plus loin, sont très-nombreux, avec 1 Ces plages sableuses sont assez rares dans l’intérieur du cratère, il en existe encore quelques-unes, de peu d’étendue, dans le voisinage des jardins (n° 7 de la carte) qui ne nous ont jamais rien fourni, malgré des fouilles fréquemment répétées. LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM, 73 des Ophiures de deux espèces et un Asteriscus (Ast. exiquus), dont le principal gisement se trouve près des saleries de poissons. Un peu après celle de ces sources désignée généralement sous le nom de source du Bain, parce que les pêcheurs, qui ont une certaine con- fiance dans l'efficacité de ces eaux thermales pour la guérison des blessures, l’ont aménagée de telle façon qu'on peut s’y baigner à marée basse, quand elle est encore suffisamment mélangée d’eau de mer pour que sa température soit supportable, — on peut remarquer, sous des blocs de laves, disposés de manière à former des grottes semblables à celle que j'ai signalée plus haut, toute une forêt de Serpules, d’Annélides tubicoles et de beaux Bryozoaires bleus arbo- rescents (Bugula), qui abritent plusieurs petits bivalves (Æochstet- teria, Rochefortia..…), avec de nombreuses Holothuries blanches et de fort belles Actinies. Plus loin encore, en face du petit col qui précède le plateau habité par les Manchots, à l'endroit précis où le sentier qui conduit aux sources s’infléchit jusqu’au niveau de la mer, les Araussina Davidsont se retrouvent en extrême abondance et se tiennent là, de préférence, sous les roches alternativement recou- vertes et découvertes à chaque marée; la côte y découvre plus qu’en aucun autre point. Les Ascidies composées sont moins nombreuses peut-être que dans les stations précédentes, mais dans les parties sableuses, entre les roches, les Actinies abondent et c’est là que nous avons recueilli les plus beaux individus du Sph£rome tuberculeux. Il ne me reste plus à signaler qu’une station importante, le revers intérieur de la chaussée du Nord. Toutes les espèces de la zone litto- rale se sont, pour ainsi dire, donné rendez-vous dans ce petit espace : le niveau inférieur de la zone littorale est surtout d’une richesse inouïe. C’est là où on peut recueillir les plus belles Ascidies compo- sées, avec ce petit Dromien, qui paraît vivre en commensalisme avec elles. L’exploration de l’extrémité de cette jetée, vers la pusse, nous a fourni plus d’un fait curieux ; on doit y signaler un mélange de la faune littorale du cratère; avec celle que nous trouverons plus: tard à l’extérieur ; quelques espèces paraissent en outre cantonnées là et ne se retrouvent point ailleurs. Il en est ainsi d’une petite Pha- sianelle blanche (P. Munieri), par exemple. Une nouvelle espèce de Murex, que j'ai dédiée à M. le professeur H. de Lacaze-Duthiers, Murez Duthiersi, un Trophon (7. fritonideaj avec un petit acé- phale, Aochefortia australis, toujours rares dans l'intérieur du cratère, sont ici assez fréquents. Enfin le Purpura Dumasi, qui ne se 74 CH. VÉLAIN. tient généralement qu’à l'extérieur, dans les brisants, arrive jusque-là, mais ne pénètre pas plus avant et ne franchit pas la passe. Aux époques des grandes marées, cette pointe découvre beaucoup, sur- tout par les temps calmes, et la profondeur de l’eau dans la passe atteint à peine 4 mètre. Toutes les roches disparaissent, pour ainsi dire, sous les algues, qui recèlent alors une quantité d’Isopodes et de petits Mollusques (/Ærssoa, Rissoella, Phasanielle, Trophon… etc.).N suffisait de ramasser quelques poignées de ces plantes et de les plonger dans un vase rempli d’eau de mer pour en voir sortir toute une population des plus variées. Un petit Isopode particulier, qui em- prunte à une floridée, sous laquelle il vit, sa couleur rouge-lie de vin, ne peut s'obtenir que là. Puisque je parle des Crustacés, il est juste maintenant que je signale une belle Langouste rouge, de grande taille, Palinurus La- landei, M. E., qui se trouve en telle abondance dans le cratère, qu’il suffisait, pour ainsi dire, de plonger sa main dans l’eau pour en prendre une. Tous ceux qui ont passé sur l’île en ont parlé et n’ont pas man- qué, près des eaux thermales, alors que la mer commence à baisser, de les amener en les tirant par les antennes, sans les faire sortir de l’eau, jusque dans les sources chaudes pour les en retirer cuites à point, en quelques instants. La même espèce se retrouve dans toutes les eaux, autour de l’île, en nombre prodigieux. J'aurai donné les traits les plus caractéristiques de la faune du cratère, quand j'aurai signalé le nombre également considérable de petits Crustacés pélagiques et de Ptéropodes que les courants y amènent, et que nous prenions la nuit, en promenant un filet de mousseline à la surface de l’eau, au milieu du bassin ; dans le jour, ces mêmes pêches étaient beaucoup moins productives. Ces Ptéro- podes, et notamment les Limacines et les Spirialis, doivent se trouver réunies en nombre immense autour de Saint-Paul, si on en juge par l'énorme quantité de leurs coquilles, qui couvraient littéralement la chaussée de l’est après les coups de vent, L'île Saint-Paul présente à l’extérieur une faune toute différente de celle que nous venons de décrire dans l'intérieur du bassin, et c'est là, bien certainement, un des traits les plus importants de son histoire zoologique. Les différences qu'on observe consistent non- seulement dans la présence de formes nouvelles, mais encore dans les variations qu'y prennent les espèces communes avec celles de la faune précédente. LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 15 Ses lignes de côtes droites, complétement abruptes, exposées à toutes les violences d’une mer sans cesse agitée, sont, comme je l'ai dit au commencement de ce chapitre, peu favorables à la vie sous- marine : la zone littorale se montre donc remarquablement pauvre. On y voit encore au niveau de la haute mer, en extrême abondance, Fic. 5. — La pointe Hutchison dans le Sud-Est. les Lasæa et surtout les Marinules du cratère ; elles sont alors accom- pagnées d’une Siphonaire (Siphonaria Macgillivrayi), qui se tient de préférence dans les falaises, à la limite des embruns. L'influence des marées se fait là peu sentir, à cause de l’état de la mer, et la zone qui découvre est pour ainsi dire nulle; sous les gros blocs de laves accumulés au pied des falaises, une Patelle (Patella depsta), qui n'existe guère qu'à l’état jeune dans le cratère ; des Pourpres et deux espèces de Troches (Margarita Lacazei et M. nigricans) sont à peu près les seuls mollusques abondants. Le Purpura Dumasr, qui se trou- vait déjà sur la chaussée du Nord, pullule ici, tandis que le ?. Ma- gellani, si fréquent dans le cratère, y devient rare, presque incolore et prend une forme courte, avec un test épais. Il est vrai de dire que nos explorations dans cette seconde partie de l'ile ont été forcément restreintes à quelques points isolés, la majeure partie de cette côte a 4 76 CH, VÉLAIN. étant absolument inaccessible et défendue par une ligne continue de falaises à pic, hautes de 20 à 25 mètres, dans lesquelles on ne peut descendre qu'en deux ou trois endroits ; à la pointe Nord, parexemple, et vers les îlots des Deux-Frères, sous la pointe Hutchison, en se laissant glisser dans de profondes crevasses, en se suspendant aux coulées de laves faisant corniche et disposées en gradins, on arrive jusqu'au rivage. Mais là de nouvelles difficultés vous arrêtent : un IN fx SA F16. 6, — L'ilot du milieu (Rhyolithes). ressac continuel et souvent des lames énormes, qui viennent déferler presque jusqu'au pied des falaises, rendent les recherches sur le lit- toral presque impossibles. Par des temps exceptionnellement calmes, nous avons pu voir, dans l’est de la première de ces deux pointes, de petits bassins creusés dans des nappes de laves s'étendant sous les eaux, qui contenaient quelques-unes des Actinies du cratère, avec la même Holothurie blanche, le petit Sphérome tuberculeux, des Ser- pules et de nombreux Spirorbes. La pointe Hutchison, dans le Sud- LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 77 Est, se signale par un riche gisement de la Fissurella australis ; c'est le seul point où nous ayons rencontré des Balanes. Les petits îlots qui se voient dans le Nord, à peu de distance de la côte, sont constitués les uns par les roches acides du massif ancien (rhyolithes), les autres par des laves basaltiques et doléritiques : on F16. 7, — Nine-pin Rock (laves basaltiques), peut y constater une preuve des plus manifestes de l'influence exercée par la composition des roches sur la distribution des animaux. Ainsi les îlots rhyolithiques, exclusivement siliceux, ne sont entourés, au niveau du balancement des marées, que d'une couronne d'algues et de nullipores, tandis que ceux basaltiques sont en mème temps cou- x à La 78 CH. VÉLAIN. verts de Patelles (P. depsta, Reeve), sans doute parce que ces ani- maux trouvent, dans les feldspathes calciques (labrador et anor- thithe) des dolérites ou des basaltes, les éléments calcaires dont ils ont besoin. Le plus remarquable de ces îlots, et par ses dimensions et par sa forme singulière, qui lui a valu le nom de Wine-Pin ou celui plus significatif encore de Pain de sucre, situé presque en face de la baie des Manchots, n’est séparé de la côte que par un ‘chenal peu profond, où les Venus antarctica sont assez abondantes. Les sables fins qu'on drague au fond de ce chenal et qui sont semblables du reste à ceux de la baie des Manchots, renferment une collection complète de tous les minéraux dont se composent les roches volcaniques de l'ile; ils sont également riches en Foraminifères. Les chiffres de sondages placés sur la carte (pl. 1) indiquent com- bien les fonds sont rapprochés de terre dans toute cette partie de l'ile, qui s'étend du nord au sud-est en passant par l’ouest. Les faibles moyens dont nous disposions pendant notre séjour, ne nous ont pas permis d'y promener la drague : on se rappelle que le bâtiment de guerre qui nous avait portés sur l’île n'avait pu y séjourner, il ne nous avait laissé d'autre embarcation qu'une grande baleinière non pontée. Nous avions trouvé en outre, échoué sur l’île, un petit canot qui provenait de la Megeæra, et qui nous fut d’un grand secours dans l’intérieur du bassin, mais il se trouvait hors d’état de tenir la mer à l'extérieur. Le 5 de janvier, à notre départ de Saint-Paul, deux coups de drague, donnés dans l’est par les fonds de 90 mètres, ramenèrent au milieu de sables noirs grossiers, résultant de la trituration des roches volcaniques des falaises, les espèces dont les noms suivent : Murex Hermani, 98 individus dont 5 vivants. Triforis isleanus, 2 individus dont 1 vivant. Triton (sp.)? 2 individus Jeunes, Erycina alba, 14 individus vivants. Holothurie, À individu vivant. Annélides, 5 individus vivants. Polypiers (Turbinolides), 4 individus morts. avec quelques valves isolées de Venus antarctica, des fragments de balanes et des tubes de serpules. Ces polypiers, qui sont encore assez fréquents par les fonds de 50 et 60 mètres, au-delà du banc Roûre, dans le Nord-Est, sont de petite LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 19 taille et appartiennent à la famille des Turbinolides, dans laquelle ils devront constituer deux genres nouveaux se rapprochant, l’un des Turbinolia, autre des Desmophyllum, et comprenant chacun deux espèces. Le premier de ces deux genres présente cette particularité curieuse, que tous les individus se trouvent accouplés deux par deux, soudés base à base, dans l’une comme dans l’autre espèce. Dans le Nord-Est, la portion de l’île que nous avons dit s’être affaissée sous les eaux par suite d’une grande faille, dirigée sensible- ment du nord-ouest au sud-est et dont la lèvre orientale, restée debout, forme maintenant les grandes falaises de l’entrée du cratère, donne lieu à un vaste plateau sous-marin, faiblement incliné, au-delà duquel les fonds tombent brusquement, comme autour des côtes ouest et sud. Une nappe assez épaisse de sables volcaniques fins recouvre cette surface et abrite toute une petite faunule de Gastéro- podes et d'Acéphales, dont les dimensions sont tout à fait réduites et qui souvent sont en nombre prodigieux. M. Rochefort, à l’aide des officiers de /a Dives, a complétement exploré cette région en y effec- tuant de nombreux draguages, surtout vers le banc Roüre, où elle paraît le plus riche. C’eùt été un travail considérable que de tirer à la loupe, au milieu de sables ramenés par la drague, les petites coquilles, les foraminifères nombreux qui s’y trouvaient en proportions variables. Mais en soumet- tant chaque échantillon de ces sables, provenant d'une profondeur dé- terminée, à l’action d’un électro-aimant puissant, mis en marche par 6 grands éléments de Bunsen, qui s’emparait immédiatement de toutes les particules ferrugineuses attirables, fragments de roches volcani- ques, pyroxène, péridot, etc., il devint facile d'en séparer tous les dé- bris de corps organisés, qui restaient comme résidu après chaque trai- tement avec quelques fragments incolores de feldspath. Je signale cette application d’un procédé ingénieux imaginé par M. Fouqué, profes- seur au Collége de France, pour l'analyse médiate des roches {, parce qu’il m'a permis d'obtenir d’une façon complète toutes les petites espèces rapportées par chaque coup de drague ? et de déterminer ainsi avec une grande exactitude leur répartition suivant la profondeur. 1 Fouqué, Mémoires des savants étrangers. Acad. des sciences. 2 Chaque échantillon de sable examiné était du volume de 500 centimètres cubes. La proportion des coquilles s’y élevait, surtout par les grands fonds, jusqu'à 80 pour 100; mais dans quelques points peu rapprochés de la côte, elle descendait jusqu’à 12 pour 100; enfin quelques coups de drague ne contenaient, par les LA “+24 80 CH. VÉLAIN. Dans toute cette étendue, qui figure un triangle dont la base aurait 3 000 mètres et la hauteur 2000 mètres, on peut ainsi distin- guer, à partir de la zone littorale, quatre zones qui ont chacune leurs habitants propres et qui sont les suivantes : 1° Zone des fonds de 40 à 25 mètres : Æéssoa subtruncata, Lacuna Heberti, Venus antarctica ; | 2 Zone des fonds de 25 à 50 mètres : Lacuna parvula, Rissoa Lantzi, R. Cazini, Paludestrina Duperrei, Phasaniella brevis, Schis- mope Mouchezi, Hochstetteria crenella, H. modiolina. La Lutetina antarctica se trouve en égale abondance dans ces deux zones. 3° Zone des fonds de 50 à 80 mètres : Z’urbonalla scalaris, T. Peroni, Magilina serpuliformis ; 4° Zone de 80 à 100 mètres : Zriton...(?) Persicula Crosser, Triforis isleanus, Gadus Divæ, Murex Hermanni, Lachesis Turquetr. L'£ryvina veneris ‘se trouve à la fois dans les trois dernières zones. Autour de l'ile Saint-Paul, aussi bien que dans son lac intérieur, l'Algue gigantesque, Macrocystis pyrifera, croît sur chaque roche de- puis le niveau de la basse mer jusque par les fonds de 60 mètres, où elle arrive encore à gagner la surface. Sur toute la côte ouest, par les fonds de 30 mètres, elle forme de véritables bancs sur une éten- due et une épaisseur considérables. 11 se fait là, par cette puissante végétation sous-marine, des échanges gazeux considérables, l'eau se charge d'oxygène à ce point, qu’elle en contient 10, 12 et jusqu’à 15 pour 100 en volume, aussi les animaux y pullulent de nouveau. Darwin, dans son voyage célèbre à bord du Zeagle’, cite sur ces mêmes algues, à la Terre de Feu, une prodigieuse quantité d’Asci- dies, de Mollusques nus ou testacés et de Zoophytes, qui couvrent les tiges et les feuilles ; ici, à vrai dire, rien de semblable : quelques Mollusques, des Rissoa fixés par un réseau de fils extrèémement ténus, des Bryozoaires, quelques Anatifes s’y rencontrent seuls, mais ces véritables forêts aquatiques abritent tout un monde de Crustacés, de Céphalopodes et de Poissons. Parmi les Céphalopodes, je dois citer, comme particulièrement abondants, deux espèces d'Ommas- trèphes, qu’on voyait de temps à autre s’élancer hors de l’eau, par fonds de 25 à 30 mètres, que huit à dix petites coquilles de 2 à 3 millimètres, il est bien évident que, sans l’électro-aimant, je n’aurais même pas pu soupçonner leur présence. ‘ Voyage d'un naturaliste, p. 258. i-Pauli. l chezis Sanc lou 1 sur Ja jetée du de marée, raz un suite d' la S cl ord N 6 hou C ” ro | tesqui igan almar gi C LE L * . } es 0 L F * « ) > L LÉ l . Le 1 d . « J st , ‘ { L ;, AE Lu (1 MG p 1 fr "sata ifte ; VS ‘rss botte À LE 21408 cs TA tr "a È : LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 83 troupes, comme autant de flèches; ces animaux forment la nourri- ture habituelle des oiseaux, principalement celle des Manchots, Dans le cratère un. Poulpe de petite taille, le Poulpe commun, Octo- pus vulgaris, dont l’aréa est ainsi très-étendue, n’est pas rare, les pêcheurs lui donnent le nom d’Owrite et s’en servent, de temps à autre, comme d’'appât. Ces mêmes pêcheurs signalaient l'apparition, presque tous les ans, au milieu des bancs de poissons, d’une Ourite gigantesque, dont les dimensions excédaient celle de leurs embarcations, et qui s’avançait en lançant hors de l’eau, jusqu’à une grande distance, deux longs bras garnis de ventouses ; ils en craignaient l'approche et rentraient à force de rames dans le cratère, dès qu'ils l’avaient aperçue. Nous n’ajoutions qu’une foi médiocre à leurs assertions, quand le 2 de novembre, à la suite d’un raz de marée d’une violence inouïe, un de ces céphalopodes monstrueux vint s’échouer à l'extrémité de la chaussée du Nord. Il ne mesurait pas moins de 7,15 de l'extrémité du cornet à celle des bras tentaculaires. Son corps, qui commençait à se décomposer, n’était malheureusement plus en état d’être con- servé, et nous n'avons pu en détacher que les bras, la plume, le bulbe avec le bec. M. Cazin, vint immédiatement le photographier dans l’état où la mer l’avait jeté au milieu des galets ; c’est cette pho- tographie qui se trouve reproduite dans la figure ci-jointe (fig. 8). Dans un premier rapport, adressé à l’Académie des sciences ', aus- sitôt notre retour, j'avais mentionné ce grand céphalopode, en le rapportant au genre Architeuthis, de Steenstrup ?. Ses dimensions, ses ventouses circulaires, garnies d’un cercle corné finement denticulé, leur disposition sur les bras, semblait motiver ce rapprochement, mais certains autres caractères l’en éloignent; en particulier, la forme singulièrement écourtée des bras, qui paraissent tronqués brusque- ment au lieu de se terminer en une pointe effilée, comme dans tous les céphalopodes, ainsi que la terminaison'inférieure, toute diffé- rente, de l’osselet dorsal. Il devra certainement constituer, parmi les ommastrèphes gigantesques, un genre nouveau que je m’empresse de dédier au commandant Mouchez, heureux de pouvoir ainsi attacher son nom à l’une de nos plus importantes découvertes. Les grands Cétacés sont aussi fort nombreux autour de l’île, et 1 Compt. rend. hebd., t. LXXX, p. 1002 ; séance du 19 avril 1875. 2 STEENSTRUP, Om colossale Cephalopoder, in Mém. Acad. Copenhague, 1877. DRE 2. 84 CH. VÉLAIN. tous les ans, au printemps, des baleiniers américains descendent pour leur faire la chasse. D'après leur dire, deux espèces de baleines, la Baleine franche et la Baleine noire, avec des Cachalots, fréquente- raient ces parages, attirés par des bancs considérables de Ptéropodes et de Crustacés. Les Cachalots sont de beaucoup les plus fréquents, ils se montrent ordinairement deux par deux, et par groupes, tandis que les Baleines noires sont isolées et que les Baleines blanches arri- vent par petites troupes. Pendant notre traversée, c'est au-delà du tropique du Capricorne que nous avons commencé à rencontrer ces bandes de Cachalots, qui de loin se laissaient reconnaître aux gerbes d’eau lancées par leurs évents; ils nageaient droit, le corps à demi hors de l’eau, et plon- geaient rapidement, sans exécuter ces courbes gracieuses que déeri- vaient lentement les Baleines, qui parfois s’approchaient aussi de nous, pour venir se jouer dans le sillage de la Dives. A Saint-Paul, je ne crois pas avoir fait une seule excursion sur les pentes extérieures du cratère, sans apercevoir au large quelques-uns de ces énormes animaux. Des Baleinoptères, bien reconnaissables à leurs allures vives, à leur taille ainsi qu’à leurs évents considérables, et surtout à leur grande nageoire dorsale, venaient encore souvent faire la chasse dans les bancs de poissons. [l'en est une qui, pendant deux jours, se tint constamment à quelques encablures de la passe, se laissant porter par les lames presque jusque sur les galets, à ce paint que nous pensions à chaque instant, et non sans effroi, qu'elle allait s’échouer sur l’une ou l’autre des deux jetées. Elle l’aurait presque entièrement couverte de son énorme masse et serait venue empester notre séjour déjà si peu favorisé. Plusieurs espèces d’Otaries, avec des Phoques, se voyaient autrefois à Saint-Paul en troupeaux innombrables : tous les témoignages des anciens navigateurs s'accordent pour affirmer le fait. Ainsi, en 1696, van Vlaming, le premier, avons-nous dit, qui ait mais le pied sur l'île, trouve la jetée couverte de ces animaux et remarque, au mi- lieu d'eux, un animal de grande taille (20 pieds de long) pourvu d'une crinière, qu'il désigne sous le nom de Lion marin. En 1754, le Hollandais Godlob Silo est, de même, obligé de se frayer un passage à travers les loups marins, pour arriver jusqu'au cratère. Non-seule- ment ils envahissaient le bord de la mer, mais ils occupaient encore toute l’île jusqu’à une assez grande hauteur, car le même navigateur les cite tout aussi nombreux, jusqu'à près de 400 mètres d'altitude. LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 89 En faisant l’ascension de la grande falaise qui domine la jetée du Nord, il les retrouve, par exemple, blottis dans les herbes, jusque sur le plateau occupé aujourd’hui par les Manchots. Des navires des- cendaient alors de Chine, où leur fourrure était très-estimée, pour leur faire la chasse, et c’est par centaines que se compte le nombre des victimes qui tombèrent chaque jeur pendant les années qui sui- virent, C’est ainsi que le capitaine Peron, en 1799, trouva devant Saint-Paul un bâtiment le Voo/ka, qui venait de Canton pour reprendre sept hom- mes occupés depuis dix-sept mois à faire une cargaison de ces peaux, et lui-même, pendant le séjour forcé qu’il fut obligé de faire sur l’île avec quatre matelots, n'eut d'autre ressource que de se livrer à cette chasse. En février 1793, quand les vaisseaux le Lion et l’Hindoustan, qui portaient en Chine l'ambassadeur anglais, lord Macartney, vin- rent mouiller près du Nine-Pin, ils avaient déjà préparé près de 8000 peaux. Peron n'eut pas à se louer de la visite des bâtiments anglais; pendant qu’il conduisait dans l’île lord Macartney et les officiers de sa suite, son magasin était pillé, bouleversé, et l'équipage du Zion lui enlevait une partie du produit de sa chasse. Il nous a laissé, dans ses Mémoires, d’intéressants détails sur les mœurs de ces animaux, au milieu desquels il fut obligé de vivre pen- dant plus de trois ans. « On n’en voit presque pas, nous dit-il, pen- dant les mois de septembre et de novembre; ils commencent à se montrer en décembre et dans les mois suivants ils arrivent plus nombreux. Ils abordent alors au rivage, en grandes troupes, souvent par centaines, quelquefois en nombre moindre et même un à un... « L'instinct de la reproduction et le besoin de la mue sont les mo- tifs qui expliquent l’arrivée, à époques fixes, de ces monstres à l’île Saint-Paul. La mue est pour eux une crise violente; plusieurs n'y résistent qu'avec peine, et surtout les gros mâles, qui, pendant toute sa durée, se retirent dans les cavités des rochers; ils n’en sortent même pas pour aller à la mer, à moins qu'il n'y ait nécessité pour eux de se soustraire à un danger imminent... Les femelles sont vivi- pares ; elles portent onze mois et mettent bas ordinairement dans les mois de mars et d'avril ; elles ne font qu'un petit. » Après avoir longuement mentionné la tendresse de ces animaux pour leurs petits, Peron continue : « Les femelles ne quittent l’île que lorsque les petits ont assez de foree pour les suivre dans de nou- veaux parages; leur émigration a lieu au mois d’août, et même elle 86 CH. VÉLAIN. aurait lieu plus tard, si elles n'étaient harcelées par les chasseurs, qui préfèrent leur fourrure à celle des mâles. Les petits ne vont à l'eau que vers l’âge de deux mois ; pour leur début ils choisissent les lieux où la mer ne porte que l'extrémité de ses vagues ; ils s’'avancent peu à peu et finissent par s’aventurer davantage. A quatre ou cinq mois, ils ne le cèdent à leurs parents ni en adresse ni en courage, et entreprennent gaiement avec eux le grand voyage vers des con- trées lointaines... Les gros mâles ont généralement 7 pieds de largeur, les femelles ont de 4 à 5 pieds ; la couleur des uns et des autres est d'un gris plus ou moins clair, lorsqu'ils ont plus d'un an. La couleur des petits est d'un beau noir d’ébène. » La des- cription et le dessin qu'il donne ensuite d’un éléphant de mer, dont la taille atteindrait en moyenne 18 pieds de long, se rapportent, sans aucun doute, à ce phoque à trompe ou à museau ridé, dont Cuvier fit! autrefois le type du genre Macrorhinus*. Enfin, sous le nom de Tigre de mer, il indique encore un véritahle Phoque, de la taille des plus gros Otaries (Sfenorhynque leptonir), et dont la peau, dit-il, n'a d'autre mérite que celui d’être tachetée de brun et de noir sur un fond blanc. Aujourd'hui tous ces animaux, traqués par les pêcheurs, ont aban- donné l'île. Les Lions marins (Arctocephalus Hookeri), les Eléphants de mer (Ma- crorhinus ?) et les Phoques, ne se voient plus que d’une façon tout à fait exceptionnelle et se tiennent toujours prudemment au large ; ils ne dépassent guère les bancs épais de Macrocystis, sur lesquels ils ai- ment à se reposer. Un Otarie de taille médiocre (Otaria Forsteri) per- siste seul à se montrer au milieu des brisants, sur la côte extérieure, par petits groupes de cinq ou six, mais ne pénètre plus jamais dans le cratère. Ces animaux, autrefois si confiants, sont devenus très- craintifs et n’accostent sur les galets qu'après mille précautions. C'est le matin qu'ils s'approchent du rivage pour venir s’y reposer; les pêcheurs qui les guettent, se tiennent blottis au haut des falaises et se cachent avec soin, car ils savent que les Loups marins, dont la vue est très-subtile, inspectent longtemps les falaises avant d’atterrir, 1 F. Cuvien, Dicl., t. XXIX, p. 552. ? C'est encore à cet Eléphant marin qu'il faut rapporter la grande espèce vue par Mortimer et Cox, sur Saint-Paul, en 1791 (Obs. and Rem. during a Voy. to the Isl. of Amsterdam, etc., 1791, p. 11), et que Desmarest a décrite sous le nom de Phoca Coæii (Nouv. Dict. d'hist. nat., 2° édition). LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 87 et qu'ils reprennent le large pour plusieurs jours dès qu'ils soup- çconnent le moindre danger. Une fois sur les galets, ils prennent leurs ébats, mais toujours d’un air inquiet, et finissent par s'endor- mir ; la difficulté est alors de les surprendre, c’est-à-dire de venir se placer entre eux et la mer, pour les frapper avant qu’ils se soient réveillés. Les Otaries sont très-courageux : surpris, ils essayent de se dé- fendre en se dressant de toute leur hauteur d’un air menaçant et se jettent sur le chasseur, qui peut être grièvement blessé, s’il n’a pas assez d'adresse pour les éviter ou pour les frapper. Un seul coup de bâton, bien appliqué sur la tête ou même sur le museau, suffit alors pour les étourdir, et même pour les abattre. Les Poissons fourmillent sur les côtes de l’île Saint-Paul ; presque tous les ans la pêche s’y fait par un certain nombre de petites goë- lettes de 50 à 80 tonneaux, qui descendent en novembre des îles Mascareignes, de Maurice et surtout de la Réunion, et reviennent en février avec les alizés du sud-est. Ils sont, les uns sédentaires, les autres errants ou seulement de passage, c'est-à-dire que certaines espèces séjournent dans ces parages, tandis que d’autres n’y arrivent qu à des époques déterminées. Tous vivent en troupes nombreuses, non point isolés, mais par bancs, et sont pour le pêcheur d’une cap- ture facile. Trois espèces bien distinctes forment à elles seules le fond de cette pêche. La première, Cheilodactylus fasciatus, est de beaucoup la plus abondante ; elle ne s'approche des côtes que pendant la saison chaude de novembre, en mars ou avril, et disparaît, soit qu’elle s'éloigne, soit qu’elle s'enfonce dans les profondeurs tout le reste de l’année. Cette espèce se tient très-près de la surface, elle flotte, disent les pêcheurs; souvent, en effet, par les temps calmes elle laisse dépasser son corps à demi hors de l’eau ; d’autres fois elle s’élance et saute à la manière des Bonites; c’est un joli poisson, long de 50 à 75 centimètres en moyenne, d'une forme svelte et élégante. Quand :il vient d'être pris, sa robe sur un fond gris-verdâtre est marquée sur les flancs de bandes longitudinales, alternativement noirâtres, jaunes et bleu-clair. Ces couleurs, dont la disposition et l'intensité varient extrêmement, s’effacent pour ainsi dire de suite sous l'influence de la lumière et surtout de la sécheresse. Une heure après la sortie de l’eau, elles ont disparu presque entièrement et 88 CH. VÉLAIN. le poisson ne parait plus revêtu que d'une teinte d'un gris de fer uniforme. Cette espèce très-vorace, très-vive, mord avec avidité à toute espèce d’appât. Elle fournit une huile abondante, que les pêcheurs estiment beaucoup et dont ils se servent pour la cuisine. La seconde, Latris hecateia, qui est la plus grosse, car il n’est pas rare d’en rencontrer du poids de 420 livres, accompagne la précé- dente, c’est-à-dire qu’on peut la prendre dans les mêmes points; mais elle se tient toujours dans les profondeurs, où elle se nourrit principalement de mollusques (Céphalopodes) et de crustacés (Lan- soustes), Elle est d’une coloration grise assez uniforme; les pêcheurs lui donnent le nom de Cabot ou celui de Porsson de fond. Enfin la troisième, Wendosoma elongatum, beaucoup plus petite et moins abondante que les deux premières, se désigne sous le nom de Poisson bleu. Parmi les poissons qui vivent stationnaires au fond de la mer, il faut encore citer là une sorte de 7azard d’une belle couleur azurée, dont le corps argenté peut atteindre jusqu'à 4 mètre de long. Celui-là est peu estimé à cause de sa chair sèche et peu savoureuse. Enfin plusieurs Squales et notamment l’Acanthias vulgaris, qui se trouve dans toutes les mers, sont là encore fort répandus et redoutés des pêcheurs, car ils coupent leurs lignes". A Saint-Paul, les goëlettes de pêche entrent dans le cratère en franchissant la passe avec la marée, et viennent s'amarrer à quai, contre les falaises, dans l'Ouest. Tout l'équipage, qui se compose gé- néralement de quatre à cinq matelots et d'une quinzaine de pêcheurs, nègres ou créoles, est alors débarqué et s’installe dans des cabanes, sur le revers nord de la baie. La pêche se fait le matin, de six à onze heures généralement, à l'aide d'embarcations non pontées, de petites chaloupes ou de balei- nières, montées par cinq ou sept hommes, qui sont armés chacun de plusieurs lignes de main. Trois à quatre heures suffisent ainsi pour que ces embarcations, quand le poisson donne bien, reviennent char- gées à couler bas. La voracité du poisson rend le choix de l’appât peu important ; au départ, chaque patron d'embarcation prend sur le littoral quelques Langoustes qui serviront comme (elles, des Poulpes, 1 Ces Squales atteignent une taille considérable, il en est un dans l'estomac du- quel les pêcheurs trouvèrent deux Manchots. LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 89 s’il s'en trouve sous sa main ; puis, quand cette provision est épuisée, un Poisson bleu, ou tout autre, coupé par morceaux, remplit le même office. Les embarcations se rendent sur les bancs, qui sont faciles à re- connaître, puisque le poisson flotte. Elles sont mouillées, soit avec un grappin, soit à l’aide d'une simple pierre, et les pêcheurs jettent leurs lignes à l’eau : ces lignes sont faites d’une forte corde, armée de trois grands hamecons assez espacés e6 munis d’un plomb pesant de 200 à 300 grammes. Chaque homme, indépendamment de celles de rechange, est muni de trois de ces lignes, dont l’une se tient à la main, tandis que les autres sont amarrées au genou. Il est constam- ment occupé à les retirer pour en détacher le poisson, à les amorcer, et à les jeter de nouveau. Cette pêche est ainsi très-expéditive. Au retour des embarcations, le poisson est immédiatement compté et porté à terre, où on le prépare en détachant d’abord la langue, qui se met à part, puis en coupant la tête, qui se rejette à la mer. On le porte ensuite sur de grandes tables, dressées devant les hangars qui servent de saleries, et là on le désosse, c’est-à-dire qu’on le fend en deux de la tête à la queue, pour lui retirer la colonne vertébrale et les viscères. Ces derniers sont encore mis de côté, plus tard on en détache le foie avec d'énormes paquets de graisse! pour en retirer une huile blanche qui sert pour l’éclairage. Le poisson ainsi préparé est soigneusement frotté de sel?, puis rangé en piles dans les saleries sur un plancher garni de paille ; chaque Hit de poisson alterne avec une épaisse couche de sel. Les tas ont en général 1°,50 de large, 2 mètres de haut et courent tout le long des parois du hangar. Après l’avoir laissé ainsi dégorger pendant huit ou dix jours, on le change de sel, c’est-à-dire qu’on le place sur une nouvelle pile, en le séparant par de nouvelles couches alternatives de sel. Puis, quand on le juge suffisamment imprégné, on le porte sur l’une ou l’autre des deux jetées pour le laver à la mer et le faire sécher, en l’étendant sur les galets pendant plusieurs jours de suite. C’est après cette der- nière opération, qui demande beaucoup de soin et une grande sur- veillance, car il faut à chaque instant retourner les poissons et les couvrir, ou même les remettre en pile si le soleil est trop ardent, 1 Cette graisse, adhérente aux entrailles et surtout aux parois de l'estomac, est surtout développée dans le Cheilodactylus, 2 Les gros cabots sont découpés par morceaux, et de larges incisions sont encore pratiquées dans ceux qui sont particulièrement gras, 90 CH, VÉLAIN. qu’on les embarque en les tassant à fond de cale et en les recouvrant de sel. L'évaluation exacte du produit de cette pêche par année n'est guère possible, à cause de l'irrégularité du nombre des bâtiments qui y sont employés; tout ce qu’on peut dire, c’est qu'une goëlette ar- mée de vingt hommes, avec quatre embarcations, peut faire son chargement en deux mois; elle embarque alors, en moyenne, 20 000 poissons. Les poissons cités plus haut, qui font l'objet principal de cette pêche, ne sont pas les seuls qui se voient autour de l'ile. Dans les grandes prairies d'algues de la côte ouest, en particulier, les espèces sont assez nombreuses; on en remarque en outre quelques autres, dans l’intérieur du cratère, qui sont spéciales et viennent accentuer encore les différences que nous avons déjà signalées entre la faune de ce bassin et celle de l'extérieur. Tels sont, par exemple, ces beaux Labrichtys, L. Lantzu et L, islea- nus, aux Couleurs vives, décrits tout récemment par M. Sauvage. D'après les collections envoyées au Muséum par M. Lantz, et qui, pour lui, seraient représentatifs d'espèces du sud de la Nouvelle-Hol- lande, avec deux poissons côliers, particulièrement intéressants, Zo- vichtys psychrolutes et Motella capensis, qui tous deux appartiennent à des formes essentiellement caractéristiques des régions froides et proviennent du Cap de Bonne-Espérance. IV. L'ILE AMSTERDAM. Après deux mois de coups de vent et de mauvais temps continuels, le ciel s'était montré un jour clément. Le 9 décembre, dans la mati- née, au moment où le passage de Vénus sur le soleil allait avoir lieu, une des plus violentes tempêtes que nous ayons jamais essuyées et qui durait depuis deux jours, cessait tout à coup ses fureurs : le rideau de nuages épais, chargés de pluie et de grêle, qui nous mas- quait l'horizon, se déchirant comme par enchantement, le soleil ap- paraissait radieux. Le phénomène, alors que tout paraissait compro- mis et que nous n’avions plus conservé la moindre lueur d'espoir, put donc être suivi dans toutes ses phases, grâce à cette accalmie providentielle qui n’eût que bien juste la durée nécessaire, car la 1 Compt. rend. hebd., 1. LXXXI, p. 989, 1871. LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 91 dernière observation était à peine faite que le ciel se couvrait de nouveau: la tempête, loin d’être terminée, n'avait été que suspendue pendant les cinq heures du passage, elle devait encore se prolonger pendant trente-six heures. Notre commandant, en présence d’un pareil succès, qui venait le récompenser de tant de peines et de fatigues, d’une facon inespérée, Fic. 9, — L'ile Amsterdam au sud quart sud-ouest à 2 milles de terre. voulut encore rester un mois sur l’île pour attendre une lunaison et compléter les observations qui lui étaient nécessaires pour obtenir de la longitude une détermination rigoureusement exacte. C'est alors qu’il nous fut possible de partir pour l'île Amsterdam, M. de l'Isle, M. Lantz et moi, avec deux matelots, sur une petite goëlette de pêche, le Fernand, commandée par un capitaine de la marine marchande, M. Hermann, qui était venu faire la pêche à Saint-Paul, et qui s’of- frit pour nous porter sur l’île; nous emportions quinze jours de vivres, et {a Dives devait venir nous chercher vers la fin du mois. L'île Amsterdam est située à 42 milles dans le nord-ouest de Saint- Paul : notre traversée, qui ne devait être que de quelques heures, dura quatte jours. Ce furent des journées terribles. A peine étions- nous hors de vue de Saint-Paul, qu'une tempête se déchainait sur nous, et notre frêle esquif, prenant la cape, devenait le jouet des vagues. Le coup de vent fut de courte durée, il fit place à une légère brise du nord, insuffisante pour gonfler les voiles, qui battaient le long des mâts; mais la mer était encore démontée, et la goëlette, n'étant pas appuyée, flottait comme un bouchon. La brise elle-même vint à céder, et nous restämes enveloppés dans des bancs de brume CH. VÉLAIN. Ce] 1£ si épais, qu'il devint impossible de faire le point et de savoir où nous avait portés la tempête. Notre petit bâtiment, balancé par une longue houle, était donc entrainé par les courants, quand, dans la matinée du 15, notre attention fut éveillée par un bruit singulier : celui de la mer déferlant à peu de distance; à n’en pas douter, nous marchions vers des brisants. Fort heureusement, alors que notre inquiétude était à son comble, une petite brise de terre vint déchirer le manteau de brumes qui nous enveloppait, et qui, se retirant comme un ri- deau, nous laissa voir à quelque cents mètres de nous les hautes et sombres falaises de la côte ouest d'Amsterdam. Quelques minutes plus tard et c'en était fait de nous! La goëlette se couvrit de toile et mit tout un jour à faire le tour complet de l’ile pour trouver un mouillage. Enfin le 16, vers quatre heures du matin, une embarca- tion nous mettait à terre dans le Nord, sur une pointe de laves que couvraient de nombreux otaries, au milieu desquels il fallut nous frayer un passage à coups de bâton. Amsterdam est, comme Saint-Paul, d’origine absolument volca- nique, mais sa forme est toute différente. C’est une {erre haute, pré- sentant dans l’ouest des falaises verticales de 500 à 600 mètres, tandis qu’elle s'infléchit au contraire vers l’est sous une pente peu rapide. Sa base dessine un rectangle dont toutes les pointes seraient émoussées, sauf celle du nord-ouest, dite de la Recherche, qui se com- pose de coulées de laves compactes, disposées en gradins successifs. Dans l’ouest, un éboulement a séparé de l’île un rocher abrupt, formé de grandes colonnades basaltiques : ce roc, le d'Entrecasteaur, encore relié à la côte par une langue de terre peu élevée, circonscrit une petite crique dont l’accès est malheureusement défendu par des lignes de brisants qui s'étendent assez loin au large. Des falaises à pic, hautes souvent de plus de 400 mètres, règnent tout autour de l’île; ces falaises, formées de laves basaltiques alter- nant avec des scories, la rendraient complétement inaccessible, si elles ne s'abaissaient sensiblement dans le Nord-Est, sur un espace de 300 à 400 mètres; une des dernières coulées, s'étendant de 15 à 20 mètres en mer et ne s’élevant guère que de 4 à 2 mètres au-dessus de l’eau, constitue une sorte de jetée naturelle, dont les embarca- tions peuvent s'approcher par les temps calmes. C’est là qu'il nous fut facile de sauter à terre et de pénétrer dans l’intérieur. Amsterdam peut avoir cinq fois l’étendue de Saint-Paul; sa hau- teur est en même temps plus considérable et doit atteindre près de LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 93 900 mètres ; par les temps clairs on l’aperçoit de 20 lieues, au large, sous forme d’un tronc de cône dont un des angles de la base aurait été abattu. Son sol, extrêmement tourmenté, et surtout la végéta- tion épaisse qui le recouvre, sont autant d'obstacles sérieux qui ren- dent son exploration bien difficile. Depuis le sommet des falaises, c’est-à-dire depuis 30 mètres environ d'altitude jusqu’à plus de 100 mètres, des Isolepis (7. nodosa) atteignant parfois la hauteur d’un homme, et si serrés les uns contre les autres qu'on a peine à les écarter, forment, en effet, une large bande presque infranchissable. « La marche y est aussi difficile que dans la plus épaisse forêt vierge », nous dit M. de Hochstetter, qui ne put atteindre qu'avec peine un petit cône situé à 20 pas du point où il avait débarqué.—Il nous fallut tout un jour pour la traverser et pour gagner une deuxième zone de végétation composée de grandes fougères et de graminées, où se trouve surtout groupé par petits bouquets un arbre de la famille des Rhamnées, le Philica arborea, qui devait se trouver autrefois beaucoup plus abondant, mais que les pêcheurs et les marins ont en partie détruit, en mettant le feu sur l’île. Les traces de ces incen- dies, qui parfois ont embrasé toute l'ile et se sont perpétués pen- dant plusieurs mois, alimentés par la nature tourbeuse du sous-sol, se voient surtout dans cette seconde zone; à chaque pas on y ren- contre des troncs carbonisés de Philica, qui souvent sont littérale- ment entassés les uns au-dessus des autres. Au delà, on ne rencontre plus dans les dépressions, dans les sillons des laves et souvent même jusque sur les pitons, que des Mousses, des Sphaignes avec des Lycopodes (Z. cernuum, L. trichiatum), el des Fougères variées ; une Rosacée (Ancistrum repens), avec une Fougère velue (Acrostichum succisæfolium), marquent le début de cette nou- velle zone. La végétation prend ensuite un caractère tout à fait tour- beux qu’elle conserve jusqu’au sommet. La flore d'Amsterdam, identique à celle de Saint-Paul dans les parties basses de l'île, devient ainsi toute différente et beaucoup plus variée à mesure qu'on s'élève. Avec un grand nombre d'espèces spé- ciales, elle présente un singulier mélange de plantes subtropicales, européennes et de la Terre de Feu. L’Ancistrum repens, par exemple, vient des Andes du Pérou, tandis qu'au contraire une Callitriche et une Renoncule, qui croissent au sommet, proviennent évidemment d'Europe. Dans toute la partie de l'Est, les pentes d'Amsterdam sont formées 94 CH. VÉLAIN. de grandes coulées de laves poreuses, très-feldspathiques, qui se creusent de longues galeries, effondrées par places, et donnent lieu à une succession de cavernes profondes, des plus pittoresques, dont les voûtes peuvent atteindre jusqu’à 30 mètres d’élévation. Ces grottes, ou mieux ces sortes de éunnels sous les laves, sont tapissées et souvent comblées par de grandes Fougères, Aspidium, Blechnum, Lomaria, Gleichenia, etc., qui croissent là dans une humidité entre- tenue constante par suite de l’infiltration des eaux pluviales à tra- vers les laves. Vers le sommet pourtant, cette végétation s’appauvrit, et dans le fond de ces cavernes on ne trouve plus guère que des Dia- tomées, qui sont alors en nombre prodigieux : elles en tapissent les parois, remplissent toutes les anfractuosités et recouvrent le sol d’une couche de plus de 4 mètre d'épaisseur. Toute cette région se signale encore par de grandes fissures qui prennent la montagne en écharpe et sur lesquelles viennent s’étager des cônes de scories remarquablement bien conservés, d'où sont sorties des coulées de laves basiques, tordues et mouvementées, qui semblent consolidées de la veille, Ces coulées, que ne recouvre aucune végétation, facilitent beaucoup l'ascension ; malheureuse- ment elles ne sont jamais très-étendues. Toutes ces fentes si remarquables se traduisent, du large, par des lignes obscures se détachant en noir sur le ton plus clair de la végé- tation qui recouvre l'île, et semblent converger vers un cône de scories tout à fait remarquable, situé à 690 mètres d'altitude, qui termine presque régulièrement les pentes de la montagne et qu'on avait toujours pris jusqu'à présent pour le sommet de l'ile; c'est qu'on n’en avait pas encore fait l'ascension et que le sommet véri- table, presque toujours masqué par les nuages, ne peut que très- rarement s'apercevoir de la mer. Derrière ce cône, on remarque encore trois grandes chaussées basaltiques, qui donnent lieu à autant de plateaux marécageux, par- semés de petits lacs d’eau douce, supportant eux-mêmes de nou- veaux cônes de scories et creusés de vastes cratères d'explosion; un de ces cratères, découpé dans le sol comme à l’emporte-pièce, véritable précipice béant large de 300 mètres, profond de plus de 100, faillit nous être fatal, à M. Turquet' et à moi, dans une première 1 M. Turquet, qui devait dresser la carte de l'ile, tandis que nous l’explorions, avait été amené par /a Dives le 20 décembre, LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 95 ascension faite avec M. de l'Isle, le 22 décembre; des bancs de brumes tellement épais, que nous ne pouvions distinguer qu'avec peine le sol tourbeux dans lequel nous enfoncions jusqu’au genou, un vent d’une violence telle, que même à quelques pas de distance nous ne pouvions nous appeler, mirent alors sérieusement nos jours en danger. Ces plateaux, dont l'altitude varie entre 720 et 7138 mètres et qui peuvent avoir 1200 mètres de large sur 4500 à 1 800 de long, sont dominés au sud et à l’ouest par les restes d'un vaste cratère central, qui devait autrefois couronner l’île et dont les portions restées debout en forment maintenant les points les plus élevés. J’ai laissé le nom du Fernand à celui de ces deux sommets (829 mètres) situé le plus à l’ouest et celui de /a Dives au second, qui se trouve être le plus élevé (910 mètres). C’est aux incendies dont j'ai parlé tout à l'heure, et qui sont mal- heureusement trop fréquents, qu’on doit rapporter ces flammes et ces colonnes de fumée, qui, vues de loin par les navigateurs et signa- lées par eux comme des feux de volcan, firent croire un instant que l'île était encore actuellement en pleine activité volcanique !. En réalité tous les volcans, tous les cratères qui la constituent sont depuis longtemps complétement éteints; nulle part nous n'y avons même trouvé traces de ces fumerolles et de ces phénomènes volcaniques qui sont encore si manifestes à Saint-Paul. Je suis cependant porté à croire cette île plus récente que sa voisine; les éruptions de tufs ponceux et le massif rhyolithique de cette der- nière l’avaient déjà fait émerger, quand les laves basaltiques d’Am- sterdam sont apparues *. | Malgré leur proximité, ces deux îles sont, au point de vue géolo- gique, aussi différentes que possible, elles appartiennent à deux foyers éruptifs complétement distincts, qui ont fonctionné isolé- ment, et ne se sont jamais trouvées réunies. C’est là ce qui explique les différences que présentent leurs flores. La faune terrestre d'Amsterdam paraît être moins pauvre que celle de Saint-Paul. Les mêmes troupeaux de Ghèvres s’y rencontrent, dans 1 Le professeur Fuchs, par exemple, dans son Trailé classique sur les volcans, cite l'ile Amsterdam parmi les volcans actuels, 2 Toute faune ancienne y fait également absolument défaut ; les tourbes épaisses qui recouvrent les laves soit à la surface, soit dans les cavernes, ne contiennent, en effet, que des ossements d'oiseaux appartenant tous à des espèces actuelles; ceux du Stercoraire sont particulièrement abondants. 06 CH. VÉLAIN. u le Sud, vers la pointe Vlaming, et dans le Nord-Ouest, vers celle de la Recherche, moins nombreux cependant; mais, par une sorte de compensation, quelques Porcs et deux ou trois Bœufs se tiennent dans les petits bois de Philica, sur le revers oriental de l'ile. Ces derniers, en souvenir de l’étable sans doute, ont élu domicile dans une grande hutte en assez bon état, dressée par les pêcheurs dans le Nord, à quelque cent mètres du point où l'on débarque. Les mêmes espèces d'oiseaux pélagiens, à l'exception peut-être du Prion, viennent également y chercher un refuge, surtout dans l'ouest, vers la pointe d'Entrecasteaux, dans tous les points en un mot où les falaises sont inaccessibles. Les Manchots, les grands Alba- tros et les Malamochs se trouvent là en nombre prodigieux et se réu- nissent par troupes de plusieurs milliers. De son côté, le Stercoraire n'est pas moins abondant ; on le voit partout, isolé ou par couples, depuis le littoral jusque sur les hauts plateaux. Quelques insectes, des Hémiplères,..... se tiennent au milieu des herbes. Enfin une petite espèce d’'Hélice, appartenant à ces formes insulaires, minces et fragiles, qui se trouvent dans toutes les îles vol- caniques, vit dans les falaises, sur les mousses, le long des petites sources qui en découlent. J’ai tout lieu de soupconner qu'il existe aussi sur l’île un petit mammifère de la taille et de la forme d'une Belette. Je crois l'avoir vu; mais, dans tous les cas, ses traces sont incontestables : de petits couloirs pratiqués sous les herbes, et de nombreuses déjections, indiquent la présence d'un petit rongeur insectivore. On en trouve encore la preuve dans le journal de Vla- ming, qui dit, en parlant d'Amsterdam, que ses matelots y prirent une petite Belette et deux Liévres gris. Quant à la faune marine, elle se trouve identique, et cela se con- coit, avec celle que nous avons signalée dans les eaux qui entourent l'île Saint-Paul. Dans les grandes prairies de Macrocystis, qui se retrouvent sur la côte nord et dans l'Ouest, les poissons sont encore en abondance extrème ; ils appartiennent aux mêmes espèces que précédemment, et les pêcheurs estiment qu’à l'aide des moyens que nous avons indiqués, huit hommes de bonne volonté peuvent en prendre, dans une journée, le chargement d’un bâtiment de 10 ton- neaux. J'ai déjà dit qu’en débarquant, des Otaries couvraient tout le lit- toral : ces animaux, traqués à Saint-Paul, se réfugient maintenant sur Amsterdam, où l’on vient moins les déranger à cause de son accès LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 97 difficile. Quatre pêcheurs, laissés en même temps que nous sur l'ile par le capitaine Hermann, pour leur faire la chasse et préparer quel- ques peaux, pouvaient se procurer quinze à vingt de ces animaux par jour, sur les petites plages de galets qui se trouvent directement en face de la hutte dans le nord. Ils appartiennent tous à l'espèce de Saint-Paul ; une espèce de plus grande taille, probablement l’Arcéto- cephalus Hookeri, vient souvent se jouer dans les brisants, mais nous ne l’avons jamais vu atterrir. La faune de la zone littorale est identique à celle de l'ile Saint-Paul ; les conditions, du reste, sont là les mêmes. Certaines espèces parais- sent seulement plus nombreuses et souvent plus fortes : ainsi les Ra- nelles et le Purpura Dumasi sont certainement beaucoup plus abon- dants. La petite Marinule, 4. nigra, y atteint une grande taille et se trouve accompagnée d’une espèce plus petite, 7. Maindront, qui paraît spéciale. Enfin, dans les sables entre les galets, de nombreuses petites coquilles rejetées par la mer indiquent que dans les profon- deurs, on retrouve la plupart des petites espèces dont j'ai signalé la répartition dans les fonds de 10 à 90 mètres, autour de l’île Saint-Paul. Notre séjour sur cette île, si intéressante à tous égards, fut malheu- reusement trop court pour que nous ayons pu la parcourir dans toute son étendue. Nous n’avons en réalité exploré que son revers oriental, de la pointe Vlaming à la pointe Goodenough, soit les deux tiers de sa surface. Le 4 janvier, après avoir quitté l'ile Saint-Paul, /a Dives vint de nouveau jeter l'ancre devant Amsterdam. Le commandant désirait y faire quelques sondages, en dresser la carte et nous débarquer de nouveau, afin que nous puissions compléter nos observations. Nous étions plus nombreux cette fois, car M. Rochefort, qui n'avait pu nous accompagner à notre premier voyage, par suite des exigences de son service, était descendu à terre avec nous. Mais la pluie et le mauvais temps se mirent de la partie et nous tinrent enfermés pendant trois jours consécutifs dans une caverne humide et froide, creusée sous les laves. Désespéré d'attendre une éclaircie, que rien ne faisait pres- sentir, et ne pouvant d’ailleurs retarder davantage l’époque du retour, le commandant fut alors obligé de donner le signal du départ défi- nitif. Dans la matinée du 8, la Dives levait l'ancre et bientôt nous perdions l'île de vue, en lui jetant, avec regret, un dernier adieu. — 'F f nu camper DESCRIPTION DES MOLLUSQUES I. GASTÉROPODES. GENRE ROSTELLARIA, LAMARCK. 4. Rostellaria (sp. ind.) Dans l'intérieur du cratère de l’île Saint-Paul, nous avons trouvé, au niveau des plus basses eaux, sous les algues et surtout à la surface, des Bryozoaires, de très-jeunes individus appartenant au genre Ros- tellaire ; malheureusement nous n'avons jamais pu nous procurer cette espèce à l’état adulte, de telle sorte qu’il est impossible de l’in- diquer autrement que d’une facon générique. Tous les exemplaires recueillis ont au plus 2 millimètres et demi de long sur 4 millimètre de large; ils possèdent quatre à cinq tours de spire : les deux pre- miers embryonnaires, lisses et arrondis, les suivants plus allongés, marqués de côtes longitudinales nombreuses et fortes. Les carac- tères du genre sont déjà bien indiqués. GENRE MUREX, LINNÉ. 2, Murex Duthiersi, C. V., pl. IL, fig. 1-2. — Comptes rendus de l’Académie des sciences, 24 juillet 1876. Coquille médiocrement épaisse, assez allongée, fusiforme, de cou- leur grise. Spire composée de cinq à six tours anguleux et carénés : les trois premiers embryonnaires, lisses et étroits, le quatrième et le cinquième : 4° présentant à leur partie supérieure des côtes transver- sales (au nombre de huit ou neuf par tour), saillantes, assez épaisses et croisées par deux côtes longitudinales assez fortes, entre lesquelles se montre une troisième côte un peu plus faible : 2 ne portant plus LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 99 à leur base, qui fait un angle assez prononcé avec la partie supé- rieure, que des stries transversales d’accroissement très-fines. Der- nier tour très-grand, et présentant, au-dessus des côtes longitudinales déjà indiquées sur les autres tours, huit ou neuf côtes longitudinales alternativement plus fortes et plus faibles, tendant à devenir plus larges et plus espacées, en même temps que plus effacées en se rap- prochant de la partie supérieure du canal. Péristome mince, assez tranchant. Canal assez étroit et court. Bord columellaire presque droit. Hauteur : 8 millimètres ; diamètre : 4 milimètres et demi. Habitat. — Te Saint-Paul. Sous les pierres, sur le littoral du cra- tère à mer basse, assez rare. Un peu plus abondant à l'extrémité de la jetée du Nord. Observations. — Cette petite espèce appartient à cette section des Murex qui ne présentent des côtes transverses que sur la partie supé- rieure des tours de spire. En la dédiant à M. H. de Lacaze-Duthiers, j'ai voulu rendre hommage au talent et à la science élevée du savant professeur à qui on doit de si nombreux et si excellents travaux sur les mollusques. 3. Murex Hermani, C. V., pl. I, fig. 3-4. — Comptes rendus de l’Académie des sciences, 24 juillet 1876. Coquille d’un blanc mat, assez épaisse, subfusiforme, plus courte que la précédente ; spire composée de six tours; les trois premiers, embryonnaires et lisses, les trois derniers, subanguleux, présentant : 1° des côtes transversales espacées, assez épaisses, descendant jus- qu’à la suture, devenant anguleuses à leur partie inférieure ; 2° des sillons longitudinaux bien indiqués et ne paraissant pas franchir les côtes transversales; vers la partie supérieure du dernier tour, les côtes transverses s’atténuent et tendent à disparaître complétement ; ouverture subpyriforme; canal court et étroit ; bord libre épaissi et présentant à l’intérieur cinq ou six petites denticulations un peu allongées. Hauteur : 6,75; diamètre : 4 millimètres. Habitat. — Entre les îles Saint-Paul et Amsterdam, en abondance à la profondeur de 80 mètres. Observations. — Cette petite espèce diffère essentiellement#de la précédente, et se distingue encore nettement de ses congénères par 100 CH. VÉLAIN. la disposition des denticulations de son bord libre. Dans les dragua- ges faits entre les deux îles, nous en avons recueilli, à la profondeur indiquée, huit individus vivants, avec un grand nombre d’autres morts, dont la coquille était même en assez mauvais état, absolu- ment roulée, comme elle aurait pu l'être sur une plage. Ce qui semblerait indiquer qu'elle existe encore à une profondeur moindre, et que les courants sous-marins en apportent les coquilles dans les bas-fonds. À moins qu’on n’admette que les grandes lames de l'océan Indien (nous en avons mesuré qui avaient 45 mètres de hauteur) puissent encore remuer les fonds à la profondeur déjà grande d'où nous l'avons ramenée. J'ai dédié cette espèce au capitaine Hermann, pour le remercier des services considérables qu'il nous a rendus pendant notre séjour à Saint-Paul, en mettant à notre disposition ses embarcations et ses pêcheurs, et surtout aussi en souvenir de notre traversée sur le Fer- nand. GENRE RANELLA, LAMARCK. SOUS-GENRE BURSA, BOLLEN, SOUS-GENRE APOLLON, MONTFORT ET GRAY. 4. Ranella (Apollon), proditor, Frauend., pl. EL, fig. 5.— Frauendfeld, Novara, exped. zoologischer Theil, Bd. II, Mollusken. Dans son étude sur les mollusques rapportés par l'expédition au- trichienne de la Vovara, le chevalier de Frauendfeld a donné une description exacte et une bonne figure de cette espèce. Elle est sur- tout très-abondante sur toute la côte d'Amsterdam ; les cadavres des olaries abandonnés sur les roches, à la basse mer, par les pêcheurs, étaient à la marée suivante littéralement couverts de langoustes et de ces ranelles. A Saint-Paul, nous ne les avons vues apparaître dans le cratère que vers la fin de notre séjour, c’est-à-dire en décembre : elles se tenaient dans les zones profondes et se montraient pourtant vers le soir, à peu de distance de la surface ; on les prenait facilement en laissant séjourner pendant toute une nuit, sur le bord du cratère, par 10 ou 15 mètres de fond, le corps d'un oiseau ou d’un poisson, qu'on relevait ensuite, sans trop de secousses, au petit jour. Leurs habitudes semblent ainsi nocturnes. Les pêcheurs nous ont affirmé qu'on n'en trouvait aucune dans le cratère pendant la mauvaise sai- son, d'avril en septembre. LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 101 Les nombreux individus que nous possédons de cette espèce se groupent dans deux formes assez distinctes : l’une, grande, élancée, ayant en moyenne 90 millimètres de haut sur 50 millimètres de large, et se rapportant bien au type figuré (pl. Il, fig. 5); l’autre, plus courte, plus ventrue, ayant en même temps une ouverture plus grande et dont les dimensions moyennes donnent 76 millimètres de haut sur 45 millimètres de large. GENRE TROPHON, MONTFORT. 5. Trophon tritonidea, C. V., pl. IL, fig. 6-7. — Comptes rendus de l’Aca- démie des sciences, 24 juillet 1876. Coquille brune, assez mince, subfusiforme, croissant assez rapide- ment ; spire composée de six tours subanguleux ; les deux premiers, embryonnaires, portant deux côtes longitudinales ; les trois suivants, présentant ces mêmes côtes régulières et fortes, garnies de tuber- cules par lesquels passent des plis ou des côtes transverses, plus ou moins accusés ; sur le deuxième etle troisième les côtes longitudi- nales, rejetées à la partie supérieure, laissent à la base une surface déclive, assez étroite, tandis que vers l'extrémité du troisième elles tendent à devenir submédianes, et présentent de chaque côté des parties déclives, inégales ; le dernier tour porte à sa supérieure deux nouvelles côtes longitudinales et subtuberculeuses, au-dessus des- quelles se montrent encore des indices de trois ou quatre autres côtes semblables, mais à peine marquées et croisées par des stries transverses d’accroissement, très-nettes; ouverture grande; canal court, assez large, profond et légèrement recourbé; péristome simple, non épaissi. Hauteur : 4 à 5 millimètres ; diamètre : 22,95, Habitat. — Te Saint-Paul. Assez commune, dans le sable, sous les pierres, et surtout sous les pieds des algues à l'extrémité de la jetée du Nord, au niveau le plus bas des grandes marées. Très-rare par- tout ailleurs. , Observations. — L'espèce figurée qui a servi de type, provient de l'intérieur du cratère ; les individus qui se trouvent plus abondants à l'extrémité de la jetée sont un peu différents : ils sont généralement plus courts, moins colorés et leurs ornements sont toujours peu ac- cusés. Je dois aussi faire remarquer que, chez les adultes, les côtes longitudinales, les tubercules et les plis transverses deviennent plus 102 CH. VÉLAIN. effacés vers l'extrémité du dernier tour, tandis que les stries d'acerois- sement s'accusent au contraire bien davantage. GENRE TRITON, LAMARCK. 6.-7. Triton (sp. ind.) Nous avons recueilli dans un sondage, par 80 mètres, entre les îles Saint-Paul et Amsterdam, deux jeunes individus de ce genre, qui in- diquent la présence, à cette profondeur et dans cette région, d’une espèce d'assez grande taille et. très-ornée; mais l’état des deux seuls échantillons que nous possédons ne permet pas de la déterminer. Une autre espèce, plus allongée, est encore indiquée par un indi- vidu jeune, trouvé dans l'intérieur du cratère. GENRE PURPURA, LAMARCK. 8. Purpura Dumasi, G. V., pl. I, fig. 12. — Comptes rendus de l'Académie des sciences, 24 juillet 1876. 4° Type de l'espèce. — Coquille épaisse, d'un blanc mat, turbinée, subfusiforme, aiguë à sa base, très-dilatée vers sa partie moyenne et acuminée à sa partie supérieure; spire composée de cinq ou six tours, croissant très-rapidement et très-inégaux; le premier, em- bryonnaire, lisse; les trois suivants, plus ou moins scalariformes, portant de deux à cinq côtes d’abord assez fortes, puis s’atténuant, si bien que le cinquième tour tend à devenir lisse et que le sixième et dernier l’est tout à fait ; ce dernier tour est, en outre, souvent sub- anguleux ; ouverture grande, subpyriforme; bord lisse, épaissi et présentant des plis dentiformes qui s'enfoncent à l'intérieur; canal assez grand. Hauteur : 27 millimètres; diamètre : 48 millimètres. Habitat, — Yes Saint-Paul et Amsterdam; sous les pierres de la zone littorale. 20 Var. Multistriata, fig. 13. — Coquille bucciniforme, plus allon gée que la forme précédente, présentant des tours plus étroits, peu convexes et non anguleux : les premiers portent des côtes plus ou moins fortes ; les derniers sont couverts de sillons, rapprochés et comme ponctués. Observations. — Cette variété, qui n’est représentée que par un très- LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 103 petit nombre d'individus, est remarquable par sa forme buccinoïde; elle prend quelquefois une coloration pâle d’un rose violacé. Hauteur : 20 millimètres; diamètre : 10 millimètres. 3° Var, Semicostata, fig. 14.— Spire un peu moins allongée que dans la variété précédente, composée de six à sept tours inégaux ; les pre- miers, anguleux, ne présentent que deux fortes côtes longitudinales, traversées par des stries d’accroissement peu développées ; le dernier tour ne conserve plus vers la partie opposée à l’ouverture que des sil- lons longitudinaux, régulièrement interrompus par de petites rides transversales. Hauteur : 18 millimètres; diamètre : 9 millimètres. 4e Var. Céncta, fig. 15. — Spire composée de six tours, s’accrois- sant plus rapidement que dans les variétés ci-dessus; les premiers pré- sentent deux côtes très-fortes, séparées par un sillon très-accusé; le dernier tour montre six à huit côtes très-accentuées vers la partie su- périeure du tour de spire, et qui présentent entre chacune d'elles une autre côte surbaissée, peu accusée; surface ornée de lames d’ac- croissement un peu irrégulières, espacées et croisant les côtes longi- tudinales. Hauteur : 48 millimètres ; diamètre : 11 millimètres. Observation. — Dans cette dernière variété, les côtes restent tou- jours très-nettement accusées sur toute la surface des tours de spire et ne s’effacent légèrement, qu’en se rapprochant du bord libre. Ces descriptions et surtout les figures qui les accompagnent, indi- quent combien cette espèce est polymorphe. Elle appartient au groupe du lurpura Lapillus et se rapproche aussi du Purpura pates, H. et Jacq. (Voyage de l’Astrolabe, pl. 22, fig. 4 et 2), qui paraît présenter les mêmes particularités de formes. J’ai limité ses nom- breuses variétés à quatre types principaux assez faciles à distinguer entre eux quand on les observe isolément, mais passant sans transi- tion de l’un à l’autre, quand on examine un grand nombre d’indivi- dus, Ces variations sont encore plus grandes dans le jeune âge et s’affaiblissent à mesure que l'espèce devient adulte. Les côtes qui existent toujours dans le jeune et qui sont surtout visibles sur les premiers tours, persistent dans la variété cncta, elles se transfor- ment en sillons sur les deux derniers tours de la variété mullistriata, s'atténuent encore plus dans celle semiscostata, et finissent par dispa- raître complétement dans les grands individus qui m'ont servi de type. Je dois appeler aussi l'attention sur la variété mullistriala, qui pré- 1% 2/ (s1 PAT 104 CH. VÉLAIN. sente des tours beaucoup plus étroits que les autres, ce qui donne à la coquille l'apparence d’un buccin : cette variété est celle qui s'éloigne le plus du type, c’est en même temps la seule qui soit un peu colorée; elle se confond alors, surtout quand elle est jeune, avec l'espèce suivante, ©. Magellani, avec laquelle elle se trouve, du reste, dans l’intérieur du cratère de l’île Saint-Paul, tandis que le type de l'espèce’et ses autres variétés se tiennent toujours à l'extérieur et ne dépassent jamais l'extrémité des deux jetées. Je prie M. Dumas,’ secrétaire perpétuel, président de la Commis- sion du passage de Vénus, de vouloir bien me permettre d’attacher son nom à cette jolie espèce, une des plus importantes et des plus caractéristiques de la faune de Saint-Paul. 9. Purpura Magellani, C. V., pl. IE, fig. 8-9 et 10-11. — Comptes rendus de l’Académie des sciences, 24 juillet 1876. Coquille épaisse, turriculée, bucciniforme et plus ou moins allon- gée, d’un violet généralement grisàtre, marquée parfois de taches brunes, très-accusées vers le sommet; spire élevée, composée de huit tours croissant régulièrement et en général assez convexes ; les deux premiers, embryonnaires, ordinairement lisses et le plus sou- vent brisés dans l’adulte ; le troisième et le quatrième, présentant des côtes transversales assez accusées, qui s’effacent plus ou moins sur le cinquième tour et qui tendent à disparaître presque complétement sur le dernier; dernier tour très-grand, élevé, portant : 4° à sa base de cinq à six côtes longitudinales assez larges et surbaissées, séparées chacune par une petite côte longitudinale, semblable à celles des tours précédents, mais plus étroite ; 2° à sa partie supérieure, douze à quatorze autres côtes assez larges entre lesquelles n'apparaissent plus en général les petites côtes signalées plus bas ; 3° du côté opposé à l'ouverture et contre le bord libre, un bourrelet transverse, obtus, plus ou moins accusé, quelquefois nul; bord collumellaire arqué, légèrement évidé vers son milieu et présentant quelquefois à sa base, près du bord libre, une petite callosité, simulant une dent ou un pli surbaissé rudimentaire ; canal courbe, bien accusé ; bord libre, tran- chant, s’épaississant à l’intérieur, où il présente des petits plis, assez marqués vers leur extrémité, qui s’enfoncent assez profondément dans l'intérieur du dernier tour. Hauteur : 35 millimètres ; diamètre : 18 millimètres. LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 105 Habitat. — Yes Saint-Paul et Amsterdam; sous les pierres de la zone littorale. Observations. — Cette espèce assez voisine du Purpura Walbergi, Krauss (S#d. Moll., p. 118, pl. 6, fig. 15), qui habite le Cap, en diffère par son ouverture plus allongée, son mode d’ornementation et sur- tout par sa base élargie, et non rétrécie en un Canal court, comme dans l'espèce sud-africaine ; elle est en même temps moins ventrue. Elle présente quelques modifications peu importantes, mais qu’il est bon cependant de noter ; ainsi, chez certains individus, les côtes transverses des premiers tours persistent assez longtemps. Le pli columellaire que j'ai signalé, de même que les bourrelets près de l'ouverture, n'existent pas chez tous et ne se montrent même que sur les échantillons tout à fait adultes. Ces Pourpres sont aussi abondants à l'extérieur qu’à l’intérieur du cratère, mais en général il est toujours facile de distinguer les exem- plaires qui proviennent de l’une ou l’autre de ces deux stations; ceux du cratère sont plus colorés et de forme plus élancée, leur bord libre est mince et tranchant et les tours embryonnaires presque toujours visibles (fig. 8-9). C’est au contraire sur la côte extérieure que se rencontrent les individus à test épaissi, portant tous un bord libre, calleux, marqué intérieurement de bourrelets et de plis (fig. 10-14). Sur la côte nord-est d'Amsterdam, ils présentent ces derniers ca- ractères d’une facon pour ainsi dire exagérée, mais ils m'ont paru moins nombreux qu'à Saint-Paul, à l'inverse du P. Dumasr, qui se trouve au contraire presque sur toutes les roches. Je dois encore faire remarquer, en terminant, que cette espèce pa- raît se rapprocher par certains caractères des Muricides et notam- ment des genres Pisania, Bivon, ou £uthria, Gray, mais les caractères tirés de la dentition et celui de l’opercule sont exactement ceux des Pourpres. GENRE MAGILINA, C. V. 1870. Coquille embryonnaire, libre, petite, mince et transparente ; surface lisse et brillante ; coloration d’un brun rouge foncé; spire non sail- lante formée par un seul tour, plus large que haut, rendu subgib- beux par une légère compression, une faible coudure ayant lieu dans le sens du plan de l'ouverture. Ouverture grande, ovalaire. Bord libre, très-fortement arqué et sinueux, se prolongeant en rostre. 106 CH. VÉLAIN. Bord columellaire simple et arqué. Péristome fortement sinueux, donnant naissance à un tube irrégulier qui s’épaissit assez rapide- ment. Coqguille adulte, formant un tube subcirculaire ; très-irrégulière- ment enroulé et fixé aux corps sous-marins par une surface plus ou moins considérable; la partie supérieure de ce tube pouvant quel- quefois se détacher et se redresser ; incolore ou légèrement grisàtre ; ouverture plus ou moins ovalaire ; péristome simple et sinueux. Distribution. — Jusqu'ici je ne connais que deux espèces qui ap- partiennent à ce nouveau genre. La première, qui est décrite ci- après, est très-répandue autour des deux îles par les fonds de 50 à 80 mètres, La seconde, qui a été découverte par M. Munier-Chalmas, dans les faluns de Gaas, vivait dans les mers du miocène inférieur. Rapports et différences. — Les Magilina, par la forme et la structure de leur test, se rapprochent des Magiles, malgré la grande différence de leurs tailles respectives. Ces derniers, comme on sait, vivent dans l’intérieur de certains coraux. Ce caractère les éloigne des Magilina, qui présentent toujours une surface d'adhérence plus ou moins considérable et vivent fixés, comme les Serpulorbis et les Vermets, à la surface des corps sous- marins. Enfin, parmi les particularités qui les distingue encore des Magiles, je dois citer surtout la forme de leur coquille embryonnaire qui est tout à fait caractéristique. Malgré tous nos soins, il nous a été impossible de nous procurer l'animal des Magilina, qui devait posséder un opercule voisin de celui des Magiles. Je dois ici faire remarquer que très-probablement on découvrira par la suite, dans les mers actuelles et dans les dépôts tertiaires, d’au- tres espèces du même genre qui doivent avoir été jusqu'à présent confondues avec des Serpules. Si l’on ne possède, en effet, ou si l’on ne remarque pas les coquilles embryonnaires, il est presque impos- sible de distinguer le long tube qui termine cette coquille dans l’a- dulte de celui d'une de ces annélides. 10. Magilina serpuliformis, €. V., pl. I, fig, 167. — Comptes rendus de l'Académie des sciences, 24 juillet 4876. Coquille embryonnaire, très-petite, fortement colorée en brun rouge, assez intense, mince et brillante (fig. 17, a-b). LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 107 Coquille adulte, d'un blanc grisàtre, épaisse, de petite taille et très- irrégulièrement enroulée ; tube devenant libre et redressé à sa partie supérieure sur une longueur souvent assez considérable, par rapport à la dimension générale de l'espèce ; test orné extérieurement de plis ou de rides d’accroissement transverses, bien accusés ; ouverture ovalaire ou subcireulaire; péristome fortement sinueux (fig. 16). Coquille embryonnaire : hauteur, un quart de millimètre; dia- mètre, 4 millimètre. Coquille adulte : hauteur, 3 à 4 millimètres; diamètre, { milli- mètre un quart. Habitat. — Iles Saint-Paul et Amsterdam. Cette espèce se trouve en abondance extrême avec une foule de petits Lamellibranches ap- partenant aux genres T'urquetia et Hochstetteria, par les fonds de 50 à 80 mètres autour de l’île Saint-Paul et surtout près du banc Roure, dans l’est du cratère. Dans les nombreux draguages que nous avons faits dans l'intérieur du cratère, nous n'en avons jamais ra- mené que des fragments et encore peu nombreux. On la retrouve à Amsterdam dans la même situation qu'à Saint-Paul : les coups de sonde donnés sur le Fernand, à quelques encäblures de la côte dans le sud-ouest, nous en ont fourni quelques exemplaires, et dans les sa- bles rejetés par la mer au milieu des galets de la chaussée des Otaries, ils sont très-nombreux. GENRE PLEUROTOMA, LAMARCK. SOUS-GENRE LACHESIS, RISSO. 41. Lachesis Turqueli, C. V., pl. IL, fig. 18-19. — Comptes rendus de l'Aca- démie des sciences, 24 juillet 1876. Coquille fusiforme, petite, assez étroite, d’un brun jaunâtre assez uniforme ; spire composée de cinq tours peu convexes, Croissant assez rapidement ; le dernier tour occupant environ les deux tiers de la hauteur totale de la spire; test orné de côtes assez larges, courbes, régulières, séparées par des intervalles assez profonds et croisés par des sillons longitudinaux, également espacés et bien accusés ; suture très-peu profonde; ouverture ovale, allongée, assez étroite ; canal largement ouvert et court; bord libre, légèrement épaissi et simulant une fausse troncature à sa jonction avec le bord columellaire sensi- blement droit et simple. Hauteur : 4 millimètres un quart ; diamètre : 2 millimètres, 187 CRE mt. 108 CH. VÉLAIN. Habitat. — Ye Saint-Paul, très-rare ; un seul individu vivant de cette espèce a été recueilli par 80 mètres de profondeur dans l'ouest de l'ile en face de la pointe des quatre cônes. Observations. — Cette petite espèce, qui rappelle un peu les formes européennes connues, appartient au groupe assez restreint des Pleu- rotomes qui ne présentent plus le sinus caractéristique du genre, à la base du bord libre. Je dois faire remarquer que tout en se rappor- tant bien aux Lachesis par sa forme générale, l’espèce de Saint-Paul a plusieurs traits de ressemblance avec le genre £allonia proposé par M. Deshayes pour deux Gastéropodes des terrains éocènes infé- rieurs et moyens du bassin de Paris (£tallonia prisca et cytharella.) L'analogie entre ces trois formes est réelle, et je crois qu'il est im- possible de conserver au genre £'tallonia la place que lui a assigné M. Deshayes. Le savant conchyliologiste, dont nous déplorons encore aujourd’hui la perte, le plaçait entre les Zulla et les Hingicula, tout en faisant remarquer qu'il se rapproche aussi, par sa forme, des Buccins et des Pleurotomes. Cette position ne peut être adoptée, et c’est dans la famille des Conide, à côté des Pleurotomes et des La- chesis, qu'il faut maintenir le genre £’{allonra. Les Lachesis vivent en général dans les eaux peu profondes; l’es- pèce de Saint-Paul vient déroger à cette loi, GENRE MARGINELLA, LAMARCK. SOUS-GENRE PERSICULA, SCHUM. 12, Persicula polyodonta, C. V., pl. HE, fig. 1-2. — Comptes rendus de l'Aca- démie des sciences, 24 juillet 1876. Coquille assez mince, blanche, subconique, très-acuminée à sa partie supérieure et fortement élargie à la base : spire à peine visible et à peine saillante, composée de trois tours croissant très-rapide- ment, le dernier étant presque seul visible ; ouverture très-étroite et allongée. Bord libre, présentant un bourrelet à sa partie intérieure, fortement recourbé et arrondi à sa jonction avec la spire qu'il dé- passe légèrement. Columelle présentant deux plis très-développés ; bord columellaire portant à sa partie supérieure un pli rappelant les deux autres déjà décrits, au-dessous duquel se montrent une série de neufou dix plis, simulant de petites denticulations qui descen- dent presque jusqu'à la base. LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 109 Hauteur : 2 millimètres et demi; diamètre : 4 millimètre et demi. Habitat. — Te Saint-Paul, très-rare ; au milieu des Ascidies com- posées, sous les pierres, dans l’intérieur du cratère, au niveau des plus basses eaux. Observations. — Cette espèce se trouve placée à la limite des Per- sicula et des Erato ; si son bord libre avait présenté de réelles denti- culations, c’est dans ce dernier genre qu'il aurait fallu la ranger. 13. Persicula glandina, C. V., pl. IL, fig. 3-4. — 1877. Coquille mince, subovoïde, d’un blanc mat, également acuminée à sa base et à sa partie supérieure; surface externe brillante et lisse ; spire à peine saillante, peu visible, composée de trois tours très-em- brassants : le dernier portant, à sa partie supérieure, du côté opposé à l'ouverture, un petit sillon oblique rappelant celui des Ancillaires ; ouverture étroite, allongée, descendant presque jusqu'à la base du dernier tour; canal largement ouvert; bord columellaire portant à sa partie supérieure deux plis assez forts, au-dessous desquels se montrent trois plis beaucoup plus petits, allant en décroissant ; bord libre, mince étranchant régulièrement arqué et présentant à l’exté- rieur un petit bourrelet longitudinal peu indiqué, subdenticulé, qui franchit le canal pour venir rejoindre le bord columellaire ; test por- celainé. Hauteur : 2 millimètres trois quarts; diamètre : 1 millimètre et demi. Habitat. — Mème habitat que la précédente. 414. Persicula Crossei, C. V., pl. IL, fig. 5-6. — 1877. x Coquille mince, subconique, plus étroite à sa partie antérieure qu'à sa base ; spire à peine saillante et peu visible, composée de trois tours très-embrassants et croissant très-rapidement ; ouverture assez étroite s’agrandissant régulièrement ; bord libre, presque droit, non tranchant, assez épaissi ; bord columellaire présentant quatre à cinq plis inégaux, le premier plus développé, le cinquième rudimentaire ou nul. Hauteur : 4 millimètre et demi ; diamètre : trois quarts de milli- mètre. Habitat, — À la profondeur de 80 mètres, entre les îles Saint-Paul et Amsterdam. 410 CH. VÉLAIN. Observations. — Cette nouvelle espèce que je dédie avec plaisir à M. Crosse, le savant directeur du Journal de Conchyliologie, se dis- tingue nettement des deux précédentes, par la forme de son bord libre et de sa columelle. GENRE CHEMNITZIA, D'ORBIGNY. SOUS-GENRE TURBONILLA, RISSO. 45. Turbonilla (Chemnilzia), scalaris, C. V., pl. UE, fig. 7. — 1877. Coquille mince, entièrement blanche, très-étroite, allongée et for- tement scalariforme. Spire composée de huit tours. Les deux pre- miers embryonnaires, les autres se rétrécissant à leur partie supé- rieure et présentant une base qui surplombe fortement les tours précédents, portant à leur partie inférieure une petite bande circu- laire et étroite qui fait un angle droit avec le reste de leur surface; test orné de côtes saillantes, un peu courbes et régulièrement espa- cées ; espaces intercostaires assez étroits, profonds, présentant des petits sillons longitudinaux assez rapprochés et réguliers, mais ce- pendant peu marqués; ouverture ovale, arrondie à sa partie supé- rieure. Columelle simple, arquée; bord libre, légèrement courbé ; coquille embryonnaire senestre et très-mince, ayant une spire peu saillante, composée de deux tours en partie recouverts par le pre- mier tour de la spire adulte. Hauteur : 3 millimètres un quart; diamètre : 4 millimètre. Habitat. —TYle Saint-Paul, à la profondeur de 50 à 60 mètres ; assez rare. 16. Turbonilla (Chemnitzia), Disculus. C. V., pl. IE, fig. 8. — Comptes rendus de l’Académie des sciences, 24 juillet 1876. Coquille incolore, étroite, allongée, assez épaisse; spire composée de neuftours; les deux premiers embryonnaires, les autres à peu près convexes el faisant légèrement saillie, les uns au-dessus des au- tres. Surface ornée de côtes ou de plis plus ou moins marqués et lé- sèrement sinueux; le dernier tour subanguleux et présentant à sa partie supérieure une surface discoïdale, presque lisse, contre la- quelle viennent se terminer brusquement les côtes transversales; ou- verture subquadrangulaire; columelle droite; bord libre, mince et légèrement sinueux. Coquille embryonnaire, ayant une spire Com- LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 111 posée de deux tours, à peine saillants et recouverts par le premier tour de l’adulte. Hauteur : 3 millimètres ; diamètre : trois quarts de millimètre. Habitat. — Ile Saint-Paul, dans les vases du fond du cratère. (Nous n'avons pas pu obtenir cette espèce à l’état vivant.) Observations. — La surface discoïdale tout à fait comparable à celle des Scalaires qui se trouve à la partie supérieure du dernier tour, rend cette espèce tout à fait remarquable et facile à distinguer. 17. Turbonilla (Chemnilzia), Peroni, C. V., pl. IL, fig. 9. — Comptes rendus de l'Académie des sciences, 24 juillet 1876. Coquille d’un blanc grisätre, étroite, mince et allongée ; spire com- posée de sept tours ; le premier, embryonnaire, lisse, les autres éle- vés, convexes, ornés de rides ou de plis transverses irréguliers, plus ou moins marqués ; ouverture ovale, allongée, arrondie à sa partie supérieure ; columelle simple, peu arquée ; bord libre; légèrement courbe; coquille embryonnaire senestre, à spire non saillante formé par un tour unique, en partie recouvert parle premier tour de l'adulte. Hauteur :2 millimètres trois quarts; diamètre : trois quarts de millimètre. . Habitat. — le Saint-Paul ; quelques exemplaires vivants ont été recueillis dans les sondages à l'extérieur par 65 mètres de fond. Les courants en amènent de nombreuses coquilles mortes dans les fonds vaseux du cratère. Observations. — En dédiant cette espèce nouvelle au capitaine Peron, je saisis avec plaisir l’occasion de rendre hommage à la mé- moire d’un brave officier de la marine marchande française, qui fut lâchement abandonné sur Saint-Paul en 1791, et y vécut misérable- ment jusqu'en décembre 1793. On lui doit, avec une très-bonne carte, des renseignements précieux sur les animaux qui fréquentaient l'île à cette époque. Jl règne encore une certaine confusion dans le genre Chemnitzia, d'Orbigny y ayant introduit un certain nombre de Gastéropodes qui appartiennent à des familles bien différentes. Si, à l'exemple de M. de Folin, on admet les deux genres Chemnaitzia et Turbonilla, on doit limiter le premier aux espèces qui sont dépourvues de plis à la colu- melle. Les trois espèces ci-dessus décrites deviendraient alors des Chemnitzia. ; 412 CH. VÉLAIN. GENRE TRIFORIS, DESHAYES. 18. Triforis isleanus, C. V., pl. I, fig. 10. — Comples rendus de l'Académie des sciences, 24 juillet 1876. Coquille jaunâtre, très-allongée, étroite et turriculée. Spire com- posée de quatorze ou quinze tours peu élevés, à peine tonvexes, por- tant trois côtes longitudinales tuberculeuses ; la première, plus étroite el souvent subtuberculeuse ; les deux autres présentant des tubercules opposés, bien développés ; dernier tour à peine plus grand que l’avant-dernier et présentant à sa partie supérieure trois côtes longitudinales, inégales et simples; la dernière étant plus faible que les autres. Ouverture assez surbaissée et presque quadrangulaire ; canal court, presque complétement clos. Hauteur : 9 millimètres ; diamètre : 2 millimètres un quart. Habitat. — Recueilli dans les sondages entre les îles Saint-Paul et Amsterdam par 100 mètres de profondeur ; peu abondant. Observations. — Depuis la création du genre Triphoris par M. Deshayes, le nombre des espèces, soit vivantes, soit fossiles, qu'il renferme, s'est considérablement accru. Aussi faut-il des recherches bibliographiques assez considérables pour arriver à une détermina- tion spécifique exacte. Il n'existe malheureusement aucune mono- graphie du genre, et le seul travail d'ensemble publié à ce sujet, dù à M. Hasper Pease, n’a pas été accompagné de figures, de telle sorte qu'il est souvent difficile de suivre l’auteur dans ses descrip- tions d’espèces nouvelles, qui sont trop courtes pour rendre une identification possible. Le Triphoris que je viens de décrire sous le nom d’isleanus appar- tient au groupe qui renferme actuellement le plus grand nombre d'espèces, ce sont celles qui ne présentent pas ces trois ouvertures, qui servaient autrefois à caractériser le genre : il s'éloigne assez des espèces actuelles, et se rapproche davantage par sa forme générale et par la nature de ses ornements, de celles connues à l’état fossile. Il ne se distingue notamment de deux espèces du Terrain tertiaire parisien (7. minutus el ambiquus, Desh.), que par sa première côte longitudinale, beaucoup plus petite que les deux autres, et qui reste presque toujours subtuberculeuse. LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 113 GENRE LACUNA, TURTON. 49. Zacuna parvula, C. V., pl. I, fig. 11-12. — 1877. Coquille paucispirée, épaisse, assez large, peu élevée et subperfo- rée; spire composée de trois tours, le premier à peine visible; le se- cond présentant souvent une carène plus ou moins indiquée, située près de la base; le dernier occupant environ les deux tiers de la sur- face totale et portant deux ou trois carènes ou côtes longitudinales espacées el assez saillantes, situées à peu près vers Le tiers inférieur. Ces côtes s'effacent du côté opposé à l'ouverture en se rapprochant du bord libre; ouverture assez grande, semi-lunaire; péristome épaissi à l'intérieur; bord columellaire fortement arqué et épais; fente ombilicale étroite, allongée. Hauteur : 1 millimètre ; diamètre : trois quarts de millimètre. Habitat. — Ye Saint-Paul ; par les fonds de 30 à 45 mètres autour du banc Roùre; assez rare. Observations. — Cette espèce se trouve être la plus petite des La- cuna connues; elle présente quelques variations ; certains individus sont à la fois plus étroits et plus élevés, d’autres présentent deux ca- rènes au lieu de trois, la troisième disparaissant complétement ou à peine indiquée. 20. Lacuna Heberti, C. V., pl. ILE, fig. 13, — 1877. Coquille mince, turbinée, paludestriniforme et subconique ; spire composée de trois tours très-convexes, subscalariformes, croissant rapidement ; le dernier tour très-grand ; surface lisse, assez brillante; ouverture grande, légèrement ovalaire, arrondie à sa partie supé- rieure; bord externe, mince et presque droit, présentant à sa base une fente ombilicale très-faiblement accusée ; coloration : gris brun ou gris Jaunâtre. Hauteur : 4 millimètre trois quarts; diamètre : 4 millimètre. Habitat. — 1e Saint-Paul ; sous les algues dans l’intérieur du cra- tère, à une profondeur de 19 à 45 mètres. Observations. — Cette espèce, que je dédie à mon savant maître, M. le professeur Hébert, appartient à un petit groupe de Lacunes qui renferme déjà un grand nombre d'espèces vivantes et fossiles ; il y aurait certainement lieu de les réunir et de créer pour les désigner 8 114 CH. VÉLAIN. un sous-genre nouveau qui prendrait place à côté des Æ£pheria, dont elles diffèrent surtout par l'absence de cette fente ombilicale, large- ment ouverte, qui caractérise ce dernier genre. GENRE RISSOA, FRÉMINVILLE, 91, Rissoa Lantzi, C. V., pl. HS, fig. 14. — Comptes rendus de l’Académie des sciences, 24 juillet 1876. Coquille blanche, assez épaisse, turriculée, un peu acuminée à sa partie inférieure ; spire composée de cinq tours, croissant assez ré- gulièrement ; les trois ou quatre premiers partagés souvent par un angle obtus, submédian, bien indiqué; surface couverte de petits sillons longitudinaux équidistants, réguliers et serrés. Ouverture oblique, grande, ovalaire, ne présentant à sa partie supérieure que les indices de la dépression subcanaliforme caractéristique des Ris- soina ; bord libre assez épais, fortement déclive, présentant quelque- fois à l'extérieur un léger renflement marginal. Hauteur : 2 millimètres ; diamètre : 4 millimètre. Habitat. — Ye Saint-Paul; par les fonds de 35 à 45 mètres autour de l'ile Saint-Paul. Nombreuses coquilles mortes dans les vases du fond du cratère. Observations. — Dans ce Rissoa la dépression subcanaliforme qui caractérise les Rissoines, est si peu indiquée, qu’on ne peut rapporter l'espèce à ce second genre. Chez certains individus cet indice d’une dépression paraît même manquer. 22, Rissoa Cazini, C. V., pl. UE, fig. 15. — Comptes rendus de l'Académie des sciences, 24 juillet 1876. Coquille blanche, épaisse, subconique, assez étroite et peu acu- minée ; surface externe lisse et brillante, ne présentant que quelques stries d’accroissement à peine visibles ou nulles: spire composée de cinq tours arrondis et peu convexes ; le dernier tour beaucoup plus grand et plus convexe que les autres; ouverture ovalaire, assez grande et légèrement oblique ; bord libre, assez fortement déclive, peu arqué, très-fortement épaissi à l'intérieur. Hauteur : 2 millimètres et demi ; diamètre : 4 millimètre. Habitat. — le Saint-Paul. Mêmes gisements que l'espèce précé- dente ; se trouve, en outre, assez souvent sur les frondes du Macro- cystis pyrifera. LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 115 J Je suis heureux de pouvoir dédier cette espèce à M. le professeur Cazin, en souvenir de notre séjour commun à Saint-Paul. 23, Rissoa subtruncata, C. V., pl. HE, fig. 15-17. — 1877. Coquille paucispirée, épaisse, solide, subtronquée à sa base et non perforée ; spire composée de trois tours, le premier à peine visible, le deuxième surbaissé et étroit, le troisième présentant quelquefois un renflement médian; ce dernier occupe à peu près les deux tiers de la surface totale de la coquille et montre à sa partie inférieure une petite dépression longitudinale située près de la ligne de suture ; sur- face extérieure lisse: ouverture subcirculaire, relativement étroite ; pé- ristome très-épaissi à l'intérieur; columelle simple, arquée et épaisse. Hauteur : 4 millimètre; diamètre : deux tiers de millimètre. Habitat. — Tle Saint-Paul. Assez rare, vit sous les frondes des Macrocystis, fixées comme par un réseau de petits fils, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur. Observations. — Cette espèce devient la plus petite des Rissoa con- nues. Quelques-uns de ses caractères s’écartent un peu de ceux habituels du genre; mais, après un examen attentif, il m'a été im- possible de l'en séparer; elle présente du reste plus d'un trait de ressemblance avec l'espèce précédente (2. Cazini), qui appartient bien au genre en question. GENRE PALUUESTRINA, D'ORBIGNY. 9%, Paludestrina Duperrei, C. V., pl. HI, fig. 18-19, — 1877. Coquille brune, petite, paucispirée, paludiniforme, assez épaisse pour sa taille; spire courte, composée de trois à quatre tours con- vexes, croissant régulièrement ; surface lisse et légèrement brillante; ouverture assez grande, ayant une tendance à devenir subanguleuse à la jonction du bord libre avec le bord columellaire: bord libre sinueux et présentant une légère dépression vers sa partie supé- rieure; bord columellaire simple, présentant à sa base une petite fente ombilicale peu accusée ; péristome droit, simple et tranchant. Opercule mince, strié, enfoncé dans le dernier tour de spire. Animal noirâtre, sortant à peine de sa coquille pendant la pro- gression ; tentacules assez allongées, très-mobiles; dessous du pied blanchâtre. de scrutin 116 CH, VÉLAIN. Hauteur : { millimètre un quart; diamètre : trois quarts de milli- mètre. Habitat. — Me Saint-Paul; dans l’ouest du banc Roùre, par les fonds de 35 mètres à 50 mètres. Observations. — Toutes les Paludestrines connues vivent exclusive - ment dans les eaux saumâtres, les étangs salés, les canaux, etc.; l'es pèce de Saint-Paul est au contraire franchement marine ; je lui ai consacré le nom d'un officier distingué de notre marine, M. Le Bour- guignon-Duperré, qui commandait {4 Dives. GENRE RISSOELLA, GRAY. SOUS-GENRE JEFFREYSIA, ALDER, 93. Rissoella Sancti-Pauli, C. V., pl. U, fig. 20. — Comptes rendus de l'Académie des sciences, 24 juillet 1876. Coquille grise, mince, subconique, turriculée, peu acuminée à sa partie inférieure ; spire composée de quatre à cinq tours, convexes, croissant très-régulièrement, ornée de sillons longitudinaux, assez serrés, régulièrement espacés et croisés par des stries d'accroissement extrèmement fines, qui dessinent à sa surface comme un réseau fine- ment quadrillé; ouverture grande, légèrement ovalaire, arrondie à sa partie supérieure ; bord libre, mince, tranchant, décrivant un léger sinus à sa jonction avec le dernier tour ; bord columellaire présentant quelquefois à sa base un indice de fente Smbilicale ; opercule semi- lunaire. Hauteur : 2 millimètres un quart; diamètre : 4 millimètre un quart. Habitat. — Tle Saint-Paul. Sur les algues, au niveau de la basse mer, dans tout l'intérieur du cratère. Les coquilles mortes sé retrou- vent nombreuses dans les vases du fond du cratère, GENRE PHASIANELLA, LAMARCK, 26. Phasianella Munieri, C. V., pl. IV, fig. 1-2. — Comptes rendus de l'Académie des sciences, 24 juillet 1876. Coquille assez épaisse, d'un blanc mat ou légèrement verdâtre, turbinée, courte et croissant assez rapidement; spire peu sailante surbaissée, composée de quatre tours très-inégaux ; les premiers, étroits, arrondis et convexes; le dernier, très-grand, occupant plus des deux tiers de la surface générale de la coquille, surbaissé à sa partie supérieure; surface lisse ou présentant vers l'extrémité supé- LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 117 rieure du dernier tour quelques stries d’accroissement irrégulières ; ouverture obliquement ovalaire, un peu plus large que haute ; bord columellaire assez épais et fortement concave. Opercule calcaire d'un blanc bleuâtre, fortement convexe, et lais- sant apercevoir par transparence une spire latérale composée de trois tours. Animal d'un beau noir, à longs tentacules ciliés: pied très- allongé en arrière et tout à fait acuminé. Hauteur : 3 millimètres et demi; diamètre : 2 millimètres trois quarts. Habitat. — Ye Saint-Paul; cette petite espèce, assez rare, que je dédie à mon collègue et ami, Munier-Chalmas, pour le remercier des conseils qu'il a bien voulu me donner et qui m'ont été si utiles dans le présent travail, habite dans les racines des algues et sous les pierres, sur le revers intérieur de la jetée du nord. 27. Phasianella brevis, C. V., pl. IV, fig. 3. — Comptes rendus de l’Académie des sciences, 24 juillet 1876. Coquille naticiforme, assez mince, d’une jolie coloration rose car- minée; surface présentant souvent des rides ou des stries transverses d'accroissement plus ou moins espacées et assez irrégulières; spire peu saillante; dernier tour moins déprimé que dans l'espèce précédente ; ouverture moins oblique, presque circulaire ; bord libre, mince, tranchant ; bord columellaire peu épaissi. Opercule moins calleux que dans l'espèce précédente. Animal de couleur grise, moucheté de noir. Hauteur : 2 millimètres et demi; diamètre : 2 millimètres. Habitat. — Ve Saint-Paul. Abondante autour du banc Roùre, par les fonds de 20 à 45 mètres; très-rare dans la zone littorale de l'inté- rieur du cratère. Observations.— Cette petite espèce, ainsi que la précédente, semble s'éloigner un peu des véritables Phasianelles; toutes deux, la pre- mière surtout, ont de grands rapports avec la Phasianella neritina, Dunker (in Wenke's Zeritschr., 1846, p. 110), qui habite le Cap. Ces trois espèces, caractérisées par leur forme déprimée, par leur colu- melle légèrement dilatée à la base, enfin par leur physionomie parti- culière rappelant tout à fait celle des Néritines, pourraient former uné petite section particulière, à côté des Phasianelles. Si je ne lai pas fait, c’est que l'animal de la ?. Munieri est bien celui des Phäsia- nelles, et que, dans les trois espèces, la forme et la position de l'oper- cule sont tout à fait typiques. 118 CH. VÉLAIN. GENRE MARGARITA, LEACH. 28. Margarita Lacazei, C. V., pl. IV, fig. 4-6. — Syn.: Margarita Lacazei, C. V. (type). Comptes rendus de l’Académie des sciences, 24 juillet 1876. — Margarita nigricans, C. V, (var. A). Comptes rendus de l'Académie des sciences, 24 juillet 1876. Coquille peu élevée, subcirculaire, à peine ombiliquée ; test assez épais, muni d'un épiderme très-mince; ouverture oblique, nacrée intérieurement ; opercule corné à tours nombreux; spire composée de cinq tours, croissant rapidement, présentant : 4° un méplat un peu convexe, situé à la base ; 2° des côtes longitudinales assez fortes et inégales, entre lesquelles se montrent, suivant la place qu’elles occupent, deux ou trois côtes secondaires, assez faibles; 3° des stries transverses très-fines, très-régulières et très-rapprochées, croisant les autres côtes; bord libre, tranchant, arrondi, mince; ouverture oblique, subcireulaire et nacrée intérieurement; opercule corné; mince, sensiblement circulaire et concentrique; ombilie petit et le plus souvent caché par une extension du bord columellaire. Colo- rationn : la coquille, d’un blanc _grisàtre, présente des reflets rosés ou verdâtres ; quelquefois les côtes principales sont légèrement nuan- cées de rose pâle. Hauteur : 5 millimètres trois quarts ; diamètre : 7 millimètres. Var. nigricans, C. V., pl. IV, fig. 6. — Cette variété, dont j'avais cru pouvoir faire une espèce particulière, se recommande par sa taille plus petite que celle de la précédente, par ses côtes beaucoup plus fortes et surtout par sa coloration d’un noir tantôt très-accentué ou tantôt un peu atténué. Hauteur : 3 millimètres et demi; diamètre : 6 millimètres un quart. + Habitat.—Ceite jolie petite espèce est une de celles qui se trouvent en plus grand nombre, aussi bien dans l'intérieur du cratère qu'à l'extérieur, Elle habite en général sous les pierres, entre le niveau de la haute et basse mer, et descend encore un peu plus bas. Les deux variétés se trouvent côte à côte, mais en proportions inégales : la variété nigricans est de beaucoup la moins abondante. Les individus qu'on trouve à l'extérieur sont toujours de grande dimension et pa- raissent plus vigoureux que ceux du cratère. J1s paraissent aimer les eaux agitées, car c'est toujours près des brisants, à la pointe Hut- chison, à la pointe Enragée, par exemple, qu'on les trouve très-nom- LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 119 breux : c’est là leur véritable station. C’est également ce qui se passe à Amsterdam, où ils m'ont semblé encore plus abondants qu’à Saint- Paul. | Observations. — Cette espèce se rapproche, comme taille, du Mar- garita antipoda, H. et J., citée des îles Auckland par Hombron et Jac- quinot dans le voyage de l'Astrolabe ; mais elle s'en distingue par un grand nombre de caractères. C’est la seule qu'on puisse lui opposer. GENRE SCHISMOPE. 29, Schismope Mouchezi, C. V., pl. IV, fig. 7-8. — Comptes rendus de l'Académie des sciences, 24 juillet 1876. 1° Type de l'espèce. — Coquille mince, fragile, surbaissée, ombili- quée et subcireulaire, d'un blanc grisâtre; spire composée de trois tours inégaux croissant rapidement : le premier, embryonnaire, presque lisse; le deuxième, portant des côtes transverses, en gé- néral très-accusées; le troisième, très-grand et rendu anguleux par la bande de la scissure qui la divise en deux parties inégales ; partie inférieure plane ou peu convexe, portant des côtes peu saillantes ou des stries qui sont quelquefois croisées par des côtes longitudinales rudimentaires ; partie supérieure, correspondant à la surface moyenne et supérieure du dernier tour et présentant des côtes ou des stries croisées par des côtes longitudinales rapprochées et bien indiquées; bord de la scissure bien marqué, apparaissant un peu après le commen- cement du dernier tour et aboutissant à une petite ouverture ovalaire, légèrement pyriforme et parfaitement close ; ombilic assez large. Hauteur : 1 millimètre ; diamètre : trois quarts de millimètre. 2° Variété A. Tours de spire plus élevés; le dernier, moins surbaissé, à peine anguleux, présentant à sa partie supérieure une surface beaucoup plus convexe que dans le type; côtes longitudinales nulles ou presque nulles; côtes transverses en général peu indiquées sur le dernier tour. Hauteur : { millimètre et demi à 2 millimètres; diamètre : trois quarts de millimètre à 1 millimètre. Habitat. — Ve Saint-Paul; très-rare, sous les pierres dans l'inté- rieur du cratère, au niveau des plus basses eaux; plus abondante à l’intérieur par les fonds de 30 à 45 mètres. Observations, — Cette jolie petite espèce, que je suis heureux de 199 120 CH. VÉLAIN. pouvoir dédier au commandant Mouchez, varie beaucoup ; mais les deux formes extrèmes dont je viens de donner la description présen- tent entre elles tous les passages, de telle sorte qu'il est impossible de les séparer pour en faire deux espèces distinctes, J'ai observé sur un individu provenant de l'intérieur du cratère des squammes rudi- mentaires, qui se produisaient à l'intersection des côtes longitudi- nales et des stries transverses. Le genre Schismope, longtemps confondu avec les Scissurelles, ne renferme actuellement que cinq ou six espèces vivantes, toutes des mers chaudes ou tempérées, et trois espèces fossiles. GENRE JANTHINA, LAMARCK. 30. Janthina Balteata, Reeve, — Reeve, Conch. icon., pl. I, Gg. 11 a et 11 b. Cette espèce, que Reeve a citée du cap de Bonne-Espérance, se recommande surtout par sa forme surbaissée et par le grand dévelop- pement de sa columelle ; elle est très-abondante autour de l'île Saint- Paul ; à la suite des coups de vent d'est, la jetée du sud en était par- fois couverte. Nous en avons trouvé de même quelques rares coquilles brisées, entre les galets de la chaussée des Otaries, à Amsterdam. GENRE FISSURELLA. 31. Fissurella australis, Krauss., pl. IV, fig. 9-10, — Kraus, Sud-Afr. Mol., tab. IV, fig. 40. Coquille subconique, ovalaire, très-élevée, d’un blanc cendré ou grisâtre, revêtue d’un épiderme très-mince ; sommet fortement rejeté en avant et entamé par une échancrure, peu allongée, subcireulaire et relativement petite; région dorsale postérieure, arrondie, courbe et fortement convexe; région dorsale antérieure, concave et moins arrondie; surface ornée : 1° de côtes longitudinales squammeuses assez fortes, disposées assez régulièrement et séparées par trois petites côtes également squammeuses ; 2 de lames transversales rapprochées coupant les côtes précédentes en donnant lieu à des squammes à chaque intersection; ouverture ovalaire, régulière, à bords horizontaux, montrant sur son pourtour interne de petits plis réguliers et rapprochés ; callosité interne de l’échancrure présentant en arrière une pelite dépression. LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 121 Longueur : 24 à 25 millimètres ; largeur : 15 millimètres; hauteur : 11 millimètres. Habitat. — Yes Saint-Paul et Amsterdam. Abondante sur les pierres et sous les algues, commence un peu au-dessus du niveau de la basse mer. (Cap de Bonne-Espérance, Krauss.) Observations. — Cette espèce, qui est identique avec celle citée de Port-Natal par Krauss, dans sa description des Mollusques du sud de l'Afrique, présente quelques variations. Sans parler des formes tou- jours plus trapues, à test épaissi, beaucoup plus squammeuses, qui se trouvent sur les côtes des deux îles, exposées directement aux vio- lences de la mer, on remarque encore, parmi celles qui habitent l’in- térieur du cratère, des formes assez étalées, chez lesquelles les orne- ments tendent à s’atténuer. 32, Fissurella Mutabilis, G.-B. Sow., pl. 1V, fig. 11-12. — Syn. : Non. F. Mutabilis, G.-B. Sowerby, Proceed. Zool. Soc., 1834, p. 127.— Syn. : Non. F. Mutabilis, G.-B. Sowerby, Conch. illust., fig. 67-70. — F, Mutabilis, Sow. — Reeve, Conch. iconica, fig. 43 a. Coquille ovale, peu élevée, souvent irrégulière; sommet submé- dian et largement entamé par une grande échancrure ovale, très-large à ses deux extrémités; test médiocrement épais, muni d’un épiderme très-mince ; surface ornée de côtes plates, un peu irrégulières, assez larges et très-surbaissées ; région dorsale antérieure un peu rétrécie, à peine concave ; région dorsale postérieure large, à peine convexe ; bord convexe, relevé aux deux extrémités ; ouverture présentant À l'intérieur sur son pourtour quelques petits plis irréguliers, corres- pondant aux côtes externes; coloration généralement cendrée, sou- vent avec des bandes longitudinales assez vives, comme celles figu- rées par Reeve (fig. 43 a). Longueur : 19 millimètres; largeur : 11 millimètres; hauteur : 6 millimètres. Habitat. — Tes Saint-Paul et Amsterdam ; mêmes gisements que l'espèce précédente ; à Saint-Paul, elle gst plus abondante dans l’inté- rieur du cratère qu’à l'extérieur. Krauss, dans sa description des Mollusques du sud de l'Afrique, l’a citée du Cap et de Port-Natal. Observations. — L'espèce des îles Saint-Paul et Amsterdam est identique à la figure de la F. mutabilis, Sow., donnée par Reeve (Conch. iconica, fig. 43 a); mais elle diffère par un certain nombre de caractères, et notamment par la forme du foramen, des figures de Ce | / 4 122 CH. VÉLAIN. la même espèce données par G.-B. Sowerby (Proceed. Zool. Soc., 1834, p. 216; Conch. illust., f. 67 à T0). GENRE PATELLA, LINNÉ. 33. Patella depsta, Reeve., pl. IV, fig. 13-15. — Reeve, Conch, iconica, pl. XXXIL, fig. 85 et 86. Coquille conique, assez élevée, large et dilatée à la base, qui est ova- laire et le plus souvent rétrécie en avant ; apex aigu, toujours porté vers le bord antérieur ; région dorsale antérieure tombant assez brus- quement et légèrement concave près du sommet ; région dorsale pos- térieure un peu arquée et convexe ; test mince, transparent dans le jeune, souvent très-épaissi dans l’adulte ; surface externe présentant : 1° des côtes longitudinales rayonnantes, étroites et inégales, assez accusées sur le bord, s'atténuant au contraire vers le sommet; entre ces côtes principales s'interposent une ou plusieurs petites côtes semblables, souvent à peine accusées; % de petites lames cireu- laires, transverses, serrées et peu saillantes, très-apparentes dans les jeunes individus, où elles deviennent un peu squammeuses en eroi- sant les côtes longitudinales; chez les adultes, ces côtes disparais- sent ou ne se traduisent plus que par de légères stries d’accroisse- ment; surface interne revêtue d'une légère couche mince, bleuâtre el opalescente chez les jeunes, d'un blanc jaunâtre dans l'adulte, sur jaquelle tranche une tache blanche assez grande, dont le contour est limité par l'impression musculaire; bord mince et tranchant, orné intérieurement de plis irréguliers plus ou moins accusés s'étendant peu et correspondant aux petites côtes de la surface externe; impres- sion musculaire bien marquée et présentant chez les adultes, vers l'extrémité inférieure de sa terminaison gauche, une dépression très- marquée, qui s'évase vers le bord de la coquille. Coloration : varie beaucoup avec l’âge des individus : les jeunes sont ornés de bandes brunes rayonnantes assez larges alternant avec des bandes, ou mieux avec des taches blanches ou jaunâtres, allongées et traversées par de jolies petites lignes d'un bleu@zuré (fig. 18); puis ces bandes claires disparaissent, les petites lignes azurées persistent seules, surtout vers l’apex, et la coquille devient uniformément rousse; enfin elle est d'un brun marron dans l'adulte, avec ‘un sommet blanchâtre ou tout au moins plus clair de ton. Longueur : 47 millimètres ; largeur : 38 millimètres; hauteur : LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 123 143 millimètres. Maximum observé (île Amsterdam) : longueur : 55 millimètres ; largeur : 43 millimètres ; hauteur : 22 millimètres. Var. gibhosula. PI. IV, fig. 16-17.—Cette espèce présente une variété intéressante, qui se trouve être plus régulièrement ovalaire et presque aussi haute que large; les côtes secondaires y deviennent presque égales aux côtes principales ; la coquille se trouve en même temps toujours ornée de bandes foncées d'un brun roux, au nombre de vingt-six à trente, qui alternent très-régulièrement avec des zones claires, blanchâtres, assez larges près de la base, mais se réduisant à de simples lignes vers le sommet. Longueur : 31 millimètres; largeur : 12 millimètres et demi; hauteur : 41 millimètres. Habitat. — Yes Saint-Paul et Amsterdam. Très-abondantes sur toute la côte à l'extérieur, où elles se tiennent à la face inférieure des gros blocs de lave éboulés. Elles ne s'élèvent pas beaucoup au-dessus de la zone littorale et se cantonnent même au niveau du balancement des marées. Les coquilles sont en général remarquable- ment nettes, l'agitation continuelle des eaux empêche sans doute les algues de venir se fixer à leur surface ; le contraire a lieu cependant à l'extrémité de la jetée du nord. Dans l'intérieur du cratère, les jeunes individus de cette espèce sont abondants et toujours brillam- ment colorés, tandis que les adultes y sont entièrement rares et ne se rencontrent guère que sur le revers intérieur des deux jetées. A Amsterdam, elles paraissent plus abondantes encore et de plus grande taille qu'à Saint-Paul. Observations. — Cette espèce, caractérisée par sa coloration rousse, qui est peu habituelle chez les patelles, a été citée par Reeve de Macao et de l'île Saint-Paul. L'échantillon figuré (pl. 31, fig. 85) est petit et provient évidemment de l’intérieur du cratère ; l'interruption branchiale n'est pas indiquée. GENRE CHITON. 34. Chiton Bergoti, C. V., pl. AV, fig. 19-20. — Comptes rendus ile l'Académie des sciences, 24 juillet 1876. Test allongé, assez étroit, ovalaire, convexe et subanguleux sur la ligne médiane: sensiblement plus rétréci à sa partie antérieure et coloré uniformément en brun grisâtre assez foncé ; valves inégales, * 124 CH. VÉLAIN. assez larges, ornées de lignes transverses, imprimées dans l'épaisseur du test, subimbriquées, très-accusées en avant et sur les parties laté- rales, où elles sont généralement au nombre de trois ou de quatre. s’effacant au contraire vers la partie supérieure, qui paraît lisse ou marquée seulement de ponctuations irrégulières; valves terminales, semi-lunaires, portant des stries imprimées comme les autres, mais plus nombreuses, plus accusées et concentriques ; valve antérieure beaucoup plus étroite et plus anguleuse que celle postérieure ; valves intermédiaires inégales avec des aires latérales étroites, peu indi- quées ; aires dorsales élargies, finement ponctuées; limbe du man- teau jaunâtre, peu développé, sans écailles ni épines, marqué seule- ment de fines granulations. Longueur : 15 millimètres; largeur : 7 millimètres; hauteur : 4 millimètres et demi. Habitat. — Ne Saint-Paul; sur les pierres de la zone littorale ; rare. Observations. — Nous n'avons trouvé cette espèce que dans l'inté- rieur du cratère de l’île Saint-Paul, où elle paraît assez rare : sa sur- face est généralement corrodée, couverte d'incrustations calcaires et de serpules. Je lui ai donné, de même qu'à l'espèce suivante, le nom d’un des matelots qui furent débarqués sur l'ile avec nous. 35. Chiton Constanti, C. V., pl. IV, fig. 21-22. — Comptes rendus de l’Académie des sciences, 24 juillet 1876. Test oblong, assez mince, surbaissé, incolore ou d'un blanc jau- nâtre, également obtus à ses deux extrémités; valves terminales inégales, semi-lunaires, l’antérieure plus aiguë au sommet que la postérieure ; ornées toutes deux de stries concentriques, comme dans l'espèce précédente ; valves intermédiaires, étroites et égales ; aires latérales, allongées, assez développées, mais peu proéminentes et peu distinctes ; surface externe peu convexe, avec un angle médian, plus ou moins accusé, paraissant lisse, mais cependant ornée de fines granulations très-régulièrement sériées, visibles avec une forte loupe ; limbe du manteau, étroit, blanchâtre ou gris, et légèrement squam- meux. Longueur : 8 à 9 millimètres ; largeur : 4à5 millimètres ; hauteur : 2 millimètres et demi. : | Habitat. — Yes Saint-Paul et Amsterdam ; sur les pierres entre le niveau de la haute et de la basse mer. Observations, — Cette espèce, de taille médiocre, est, à l'inverse de LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 125 l'espèce précédente, abondante sur tout le littoral des deux îles ; dans l’intérieur du cratère de l’île Saint-Paul notamment, certaines pierres en sont couvertes. GENRE HELIX, LINNÉ. 36. Helix (sp. ind. )? Le seul individu appartenant à ce genre, que nous ayons pu ren- contrer, vivait sous les mousses, le long d’une des petites sources, qui découlent nombreuses, dans les falaises de l’île Amsterdam. Cet exemplaire, malheureusement unique, est trop jeune pour pouvoir être déterminé d’une facon rigoureuse ; il indique une espèce d’as- pect insulaire, appartenant aux formes minces, fragiles, intermé- diaires entre les Hélix véritables et les Zonites. Tout à fait différente des Hélices citées du Cap par Krauss, elle se rapproche un peu, par sa forme générale et la minceur de son test, des Æelix Loveni et æneu, Krauss, qui vivent sur le littoral de Port-Natal, et, plus encore peut- être, de l’/7. electrina, H. et Jacquinot (Voyage de l'Astrolabe, pl. VI, fig. 37-40), recueillie à l’île de Guam, dans le voyage au pôle sud de l’Astrolabe et de la Zélée. Mais c’est aux rares espèces rapportées des Acores par M. Morelet qu'elle ressemble surtout; son facies est européen. GENRE MARINULA. 37. Marinula nigra, Philippi, var. minor, C. V., pl. IV, fig. 25. — Küst, Auricula, p.24, pl. UE, fig. 4 et à. Coquille assez mince, peu élevée; spire conique, composée de quatre tours inégaux et peu convexes ; le dernier très-grand, allongé, ovalaire, présentant, auprès de la suture, une petite dépression lon- gitudinale ; surface lisse, ne montrant que des stries transverses d'accroissement ; ouverture grande, allongée, sub-semi-lunaire, et arrondie à sa partie supérieure ; bord libre, mince, arrondi, avec une sinuosité vers la base ; bord columellaire portant : 1° à sa partie su- périeure, un pli rudimentaire épais, situé au-dessus d’une dent ho- rizontale, étroite et bien développée ; 2° à la base une seconde dent oblique, dirigée en avant, plus saillante que la précédente. Coloration : la coquille est d’un violet très-foncé ou d'un noir brun, le bord colu- mellaire est de teinte peu claire, et les quatre dents columellaires blanches. Hauteur : 7 millimètres et demi ; diamètre : 4 millimètres et demi. L03 Hd, SZ dd mass eme. te --d'É 126 CH. VÉLAIN. Maximum observé : hauteur : 9 millimètres ; diamètre : 5 milli- mètres et demi. Habitat. — Yes Saint-Paul et Amsterdam. Cette espèce se tient en très-grande abondance sous les roches, au niveau de la haute mer, et descend rarement plus bas. Dans l’intérieur du cratère, on la ren- contre surtout vers la pointe de la jetée du nord, et dans tout le ca- dran nord-est ; en face des hangars des pêcheurs et devant les saleries de poisson par exemple, il est impossible de retourner une roche sans en trouver des centaines d'individus; de même, un peu plus loin, autour de la source du bain, mais là les coquilles sont en partie dé- colorées, salies par des oxydes de fer, et profondément corrodées par les dégagements continuels d'acide carbonique; la spire est, en par- ticulier, presque toujours détruite. A l'extérieur, nous en avons recueilli de beaux individus dans la grotte de la baie des Manchots; elles pénètrent assez profondément dans les laves poreuses des fa- laises; mais après les fortes marées, et surtout après les coups de vent, quand la mer,soulevée en tempête, s'élève beaucoup plus haut que de coutume, elles sortent alors de leurs retraites et remon- tent dans les falaises jusqu’à la limite extrème des embruns. Nous avons vu parfois les banes de laves en corniche, qui forment la partie supérieure de la pointe Enragée, disparaître, pour ainsi dire, sous les Marinules, qui venaient se réfugier jusque-là, quand la mer avait été très-forte. À Amsterdam, elles sont également très-abondantes et générale- ment de taille plus grande qu’à Saint-Paul : l'exemplaire figuré en provient. Observations. — Cette Manriule est identique à celle décrite de l'île de Tristan d’Acunha, par Philippi, sous le nom de #. nigra, mais elle est de taille beaucoup plus petite, et doit être considérée comme une variété minor de cette espèce. 38. Marinula Maindroni, C. V., pl. IV, lig. 26. — 4877. Coquille mince, courte et globuleuse, semi-transparente et colorée en brun clair ; surface lisse et brillante ; spire petite, très-acuminée, masquée presque complétement par le dernier tour, qui est arrondi et très-développé ; ouverture grande, dilatée vers la base; bord colu- mellaire non épaissi, marqué de plis beaucoup plus aigus que dans l'espèce précédente; bord libre mince et tranchant, non sinueux. Hauteur : 4 millimètres ; diamètre : 3 millimètres un quart. LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 427 Habitat, — Ile Amsterdam; dans les vacuoles des laves, au pied des falaises, assez rare. * Observations. — Cette petite espèce, qui paraît spéciale à l'île Am- sterdam, se distingue très-facilement de la précédente par sa colora- tion particulière, sa spire aiguë et sa forme globuleuse. GENRE SIPHONARIA, SOWERBY. C2 39. Siphonaria Macgilliwayi, Reeve, pl. IV, fig. 27-29. — Reeve, Conch. iconica, fig. 25. Coquille d'un noir grisàtre, brune par transparence, capuliforme, assez surbaissée, légèrement contournée, ovalaire et dilatée à la base ; crochet presque terminal, recourbé et rejeté fortement à droite ; test peu épais, muni d'un épiderme simple, mince, orné de côtes rayon- nantes, assez larges, obtuses, à peine indiquées, mais en général plus accusées sur le côté antérieur ; côté antérieur arrondi et fortement convexe ; côté postérieur convexe, peu élevé et très-peu développé; ouverture assez grande, présentant sur son bord externe une légère sinuosité, qui correspond à une gouttière à peine indiquée ; face in- terne lisse, d'un beau noir brillant; impression musculaire assez profonde, divisée, sur le côté droit, par un large espace longitudinal, peu déprimé, correspondant à la gouttière siphonale. Longueur : 42 millimètres; largeur : 8 millimètres; hauteur : 6 millimètres. Habitat. — Tes Saint-Paul et Amsterdam: sur les blocs isolés, au pied des falaises et dans toutes les parties exposées aux embruns, jusqu'à 5 ou 6 mètres au-dessus du niveau de la mer. A Saint-Paul, les Siphonaires se trouvent surtout sur la petite pointe qu'il faut contourner à marée basse, pour se diriger de la jetée du nord vers la baie des Manchots; sur les rochers de la pointe Enragée et sur ceux des Deux Frères, sous la pointe Hutchison, partoutenfin où la mer brise avec violence. Ils vivent par petites colonies, pressés les uns contre les autres, et s’introduisent dans toutes les fissures, dans toutes les va- cuoles des laves. Nous n’en avons pas vu un seul individu dans l’inté- rieur du cratère. A Amsterdam, cette espèce (pl. IV, fig. 30) est généralement plus déprimée, plus dilatée à la base et de plus grande taille qu'à Saint- Paul; les coquilles sont en même temps moins foncées ; au lieu d’être uniformement noirâtres, elles sont brunes et traversées par des bandes rayonnantes jaunâtres, assez nombreuses, 128 CH. VÉLAIN. Observations — C'est Reeve qui, le premier, a fait connaître cette espèce et l’a citée de l’île Saint-Paul ; elle s'éloigne des véritables Siphonaires par un certain nombre de caractères tirés de la coquille, qui correspondent à des modifications importantes dans l'organisa- tion de l'animal, et devront, certainement, nécessiter la création d'un genre nouveau, ainsi que je me propose de l’établir prochainement. GENRE BULLA. 40. Bulla fragilis, C. V., pl. IV, fig. 31. — Comptes rendus de l'Académie des sciences, 24 juillet 1876. Coquille courte et subcylindrique, tronquée à la base, mince, translucide et de couleur grise; ornée de petites stries Jlongitu- dinales, très-rapprochées à la surface; ouverture très-embrassante, allongée, étroite et subanguleuse vers sa base, qui dépasse la spire; plus dilatée et arrondie vers sa partie supérieure ; columelle droite, élevée, à peine contournée ; bord columellaire inférieur fortement convexe vers son milieu ; ombilic petit, circulaire, étroit et profond. Hauteur : 2 millimètres et demi ; diamètre : 4 millimètre. Habitat. — Ile Saint-Paul : sous les pierres, au niveau des plus basses eaux, dans l'intérieur du cratère ; très-rare. II. SOLENOCONQUES. GENRE GADUS, RANG. M. Gadus Divæ, C. V., pl. V, fig. 1-2. — 1877. Coquille mince, blanche, transparente, allongée, médiocrement arquée ; légèrement renflée près du tiers supérieur; surface lisse et brillante, montrant, à un grossissement suffisant, quelques stries d'accroissement inégalement espacées ; ouverture antérieuresparfaite- ment circulaire, non oblique, contractée, à bord mince et tranchant; ouverture postérieure assez large, simple, oblique, entière, sans lobes ni fissures latérales. Hauteur : 4 millimètres ; diamètre supérieur : trois quarts de mil- limètre ; diamètre inférieur : 4 demi-millimètre. : Habitat. — Ye Saint-Paul; à la profondeur de 90 mètres, dans l’est du cratère ; très-rare. LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 129 Observations. — Le genre Gadus n'est encore représenté dans les mers actuelles que par un très-petit nombre d'espèces, qui toutes habitent à de grandes profondeurs, dans les régions chaudes ou tem- pérées. Notre espèce se distingue facilement de ses congénères par son bord postérieur entier. Je lui ai donné le nom du bâtiment de guerre, {a Dives, qui nous a portés à Saint-Paul. III. ACÉPHALES. LAMELLIBRANCHES. GÈNRE HOCHSTETTERIA, C. V., 1877. Coquille équivalve, inéquilatérale, aviculiforme ou modioliforme, fixée aux corps sous-marins par un byssus ; byssus assez court et pas- sant par une légère fente située près de l'extrémité supérieure du bord palléal antérieur ; bord antérieur et bord postérieur très-iné- gaux ; le premier beaucoup plus court que le second ; bord palléal, irès-courbe et convexe, présentant, vers sa partie antérieure ou pos- térieure, des crénelures disposées comme celles des Crenelles ; région cardinale, presque droite et assez large, présentant : 1° sur toute sa surface des petites stries ou des sillons transverses, plus ou moins accusés, assez rapprochés ; 2° une cavité interne, partant des crochets et dirigée plus ou moins obliquement, de droite à gauche; deux im- pressions musculaires très-inégales ; l’antérieure, très-petite et à peine indiquée, est située à l’extrémité du bord palléal, presque sous le côté antérieur ; l'impression postérieure, qui est mieux développée, se trouve placée sur le bord palléal opposé, bien au-dessous du côté postérieur ; impression palléale simple. Distribution. — 1 existe aux iles Saint-Paul et Amsterdam trois es- pèces appartenant à ce genre. L'une d'elles (H. aviculoides) habite ex- clusivement la zone littorale, les deux autres (H. crenella et modiolina) se tiennent autour des deux îles, à la profondeur de 30 à 45 mètres, Observations. — Ces trois espèces rappellent par leur forme géné- rale, et surtout par les détails de leur organisation interne, les Avi- cules, les Mytilus et les Crenelles. Elles possèdent toutes, en effet, un ligament semblable à celui des Avicules, mais la présence de deux impressions musculaires bien nettes les rapproche davantage des Mytilus. C'est donc dans la famille des Mytilidæ qu'il faut placer cette nouvelle coupe générique. (s ft Pret ct 2 130 CH. VÉLAIN. Hochtetteria aviculoïdes est la seule des trois espèces qui ait été re- cueillie avec l’animal : elle vit fixée aux corps sous-marins par un byssus assez résistant. Son test est revêtu d'un épiderme brunâtre, qui forme des lamelles concentriques, portant des digitations sem- blables à celles que l’on peut observer dans deux des genres précités. L'étude de la disposition relative du ligament chez les IHochstette- ria, démontre que dans les espèces qui constituent ce genre, il existe des modifications très-accusées. Ainsi dans 7. Crenella ce ligament est situé dans une cavité triangulaire et médiane située sous les ero- chets, tandis que dans les deux autres espèces cette cavité tend à devenir de plus en plus étroite et oblique, Malgré ces variations, sa position reste toujours la même : il est toujours logé dans une fos- sette interne creusée dans la région cardinale, entre le côté antérieur et le côté postérieur. Ce dernier caractère est tout à fait distinetif. Cans les trois genres Awicula, Mytilus et Crenella, qui sont les seuls avec lesquels les Hochstetteria ont quelques rapports, le ligament se trouve toujours placé, en effet, dans une petite cavité étroite, lon- geant le côté postérieur. En outre de la fossette ligamentaire, chez les Hochstetteria, la région cardinale porte encore un très-grand nombre de petites stries ou de petits sillons transverses qui ne se voient qu'à un fort grossissement; ces sillons contribuent à donner au mode d’articulation des valves une grande solidité. Ce genre est jusqu'à présent tout à fait spécial au petit groupe des îles Saint-Paul et Amsterdam, il y est des plus abondants. En lui donnant le nom de M. Ferdinand de Hochstetter, j'ai voulu rappeler que les premières notions précises sur ces deux îles désertes, sont dues à ce voyageur courageux et à ce savant géologue. 42. Hochstetteria aviculoides, C. V., pl. V, fig. 3-4, — Comptes rendus de l'Académie des sciences, 24 juillet 1876. Coquille aviculiforme, assez épaisse et très-inéquilatérale, d'un brun jaunâtre peu foncé; crochets peu saillants et sensiblement ter- minaux ; bord droit et bord gauche formant chacun, avec le bord palléal, un angle très-accusé, Epiderme épais, donnant lieu à de pe- tites côtes transversales, subrayonnantes, partant des crochets et croisées par de petites lamelles concentriques, étroites, qui présen- tent dans leur intersection avec ces dernières de petites expansions plus ou moins dentiformes; région cardinale assez épaisse, droite, présentant quelques petits sillons ou des stries transverses peu accu- LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 431 sées ; cavité Cardinale triangulaire, située très-près du bord drait et formant un triangle oblique ; bord antérieur très-court; bord posté- rieur beaucoup plus développé; bord palléal présentant seulement à l’extérieur, et à sa jonction avec le bord postérieur, trois ou quatre petites crénulations. | Diamètre antero-postérieur : 2 millimètres et demi ; diamètre um- bono-marginal : 3 millimètres ; épaisseur des deux valves : { milli- mètre. Habitat. — Te Saint-Paul; cette espèce, très-abondante dans toute la zone littorale du cratère, se fixe par son byssus au pied des algues, sous les pierres et surtout autour des bryozoaires arborescents (Bu- gula); elle aime à se cacher et souvent comme sa teinte brunâtre se confond avec celle des roches sur lesquelles elle se trouve, on la re- marque difficilement. 43. Hochstelteria modiolina, C. V., pl. V, fig. 7-8. — Comptes rendus de l'Académie des sciences, 24 juillet 1876. Coquille blanche, modioliforme, très-inéquilatérale; crochets peu saillants, subterminaux ; épiderme inconnu ; surface lisse ou finement costellée ; bord postérieur très-court, faisant un angle très-accusé avec le bord palléal ; bord antérieur arrondi et déclive; région car- dinale oblique assez épaisse, présentant de petits sillons transverses, plus ou moins accusés ; cavité du ligament étroite et fortement obli- que ; bord palléal, quelquefois légèrement sinueux vers sa partie antérieure, et présentant seulement sur sa partie postérieure deux ou trois crénelures assez accusées, Diamètre antéro-postérieur : 4 millimètre trois quarts; diamètre umbono-marginal : 2 millimètres et demi ; épaisseur des deux valves : _trois quarts de millimètre. Habitat. — Ye Saint-Paul ; au-delà du banc Roure, par les fonds de 35 mètres. Entre les roches de la chaussée des Otaries à Amster- dam, on en trouve de nombreuses coquilles roulées, Observations. — L'obliquité du ligament et la forme oblongue du test, rendent cette petite espèce facilement distincte. 44. Hochstelteria crenella, C, V., pl. V, fig. 5-6. — Comptes rendus de l'Aca- démie des sciences, 24 juillet 1876. Coquille modioliforme, inéquilatérale, d’un rose carmin assez in- tense ; crochets subterminaux e& un peu plus saillants que dans les Des ‘PE 132 CH, VÉLAIN. deux autres espèces ; épiderme inconnu; bord antérieur un peu plus grand que dans l’Æ. modiolina et légèrement arrondi à sa jonction avec le bord palléal ; bord postérieur presque droit et très-développé ; région cardinale très-oblique et présentant de nombreux petits sil- lons transverses ; cavité cardinale régulièrement triangulaire, non oblique et située directement sous les crochets; bord palléal présen- tant : {° vers sa partie postérieure cinq à six crénelures qui vont en diminuant sensiblement de bas en haut; 2° vers sa partie antérieure, trois ou quatre crénelures semblables aux autres ; impression palléale bien développée et semi-lunaire, mais peu marquée. Diamètre antéro-postérieur : { millimètre ; diamètre umbono-mar- ginal : 4 millimètre et demi; épaisseur des deux valves : un demi- millimètre. Habitat. — Yes Saint-Paul et Amsterdam (même habitat que 4. mo- diolina). Observations. — Cette espèce se distingue nettement des deux pré- cédentes par sa forme particulière et surtout par la disposition de ses crénelures qui sont placées sur le côté interne et postérieur du bord palléal, comme dans beaucoup de Crenelles. GENRE ROCHEFORTIA, C. V. 1876. Coquille assez épaisse, transverse, inéquivalve, inéquilatérale ; sur- face externe munie d'un épiderme simple; crochets peu saillants, non proéminents et submédians ; valve droite présentant à l'inté- rieur : 4° une cavité ligamentaire triangulaire, située directement sous le crochet et peu oblique, montrant à sa partie supérieure une sorte de petite dent rejetée contre la dent latérale antérieure ; 2 deux dents latérales inégales présentant entre elles et le bord des valves, deux cavités longitudinales, étroites, destinées à loger les deux dents latérales, situées sur la valve opposée; valve gauche portant : 1° une cavité ligamentaire, triangulaire, située entre deux dents cardinales, divergentes, un peu inégales ; 2 deux petites cavités, plus ou moins trigones, séparant les dents cardinales et les dents latérales ; 3° deux dents latérales marginales peu saillantes, la dent antérieure plus longue que la dent postérieure ; impression palléale simple et assez large ; deux impressions musculaires presque égales et assez fortes, opposées, à peu près comme celles des Crassatelles. Distribution. — Ne Saint-Paul ; zone littorale ; une seule espèce. LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 133 Observations. — J'ai dédié ce nouveau genre à mon ami M. le doc- teur Rochefort, qui s'est attaché d’une facon toute spéciale pendant toute la durée de notre séjour à la recherche et à l’étude des animaux marins ; 1l est facile de voir que par la position de sa cavité ligamen- taire, il se rapproche de ceux dont le ligament est interne ; mais parmi ces derniers, le genre Crassatella seul présente avec lui quel- que analogie lointaine. La disposition et le nombre des dents cardi- nales exclut, en effet, tout rapprochement avec les Wontacuta, Ery- cina, Tellimya, Scintilla, ete. H règne, du reste, parmi tous ces petits genres une assez grande confusion : dans les Scintilla, par exemple, un grand nombre d'espèces dont le ligament est externe, doivent se ranger dans les Sportelles. 45, Rochefortia australis, C. V., pl. V, fig. 9-11, — Comptes rendus de l'Académie des sciences, 24 juillet 4876. Coquille subtrigone, crassatelliforme, transverse, presque équi- valve; valves inéquilatérales et peu convexes ; test assez épais, recou- vert d'un épiderme brun verdâtre ; surface présentant des stries con- centriques d’accroissement, plus ou moins visibles et irrégulièrement marquées ; impression palléale, assez large, située assez loin du bord des valves; impressions musculaires très-accusées ; l’impression pos- térieure plus accusée que l’antérieure ; tous les autres caractères con- formes à la description générique. Diamètre antéro-postérieur : 3 millimètres ; diamètre umbono-mar- ginal : 2 millimètres ; épaisseur des deux valves : 4 millimètre. Habitat. — Ve Saint-Paul; sous les racines des algues, dans l'inté- rieur du cratère et notamment à l'extrémité de la jetée du Nord entre le niveau des hautes et basses eaux. Observations. — Cette espèce présente quelques variations dans sa forme générale ; certains individus sont plus courts, d’autres plus étroits et moins trigones ; d’autres présentent à leur surface quelques stries d'accroissement plus fortes les unes que les autres. GENRE ERYCINA. 46. Erycina Veneris. C. V., pl. V, fig. 12-14. Syn. : Erycina alba, C. V. Comptes rendus de l’Académie des sciences, 24 juillet 1876. Coquille blanche, épaisse, brillante, presque équilatérale et sensi- blement aussi haute que large; surface extérieure, lisse, ne portant xs etant. Hé “le. À 134 CH, VELAIN. que des siries à peine indiquées ou même nulles; valve gauche pré- sentant à l'intérieur deux dents cardinales latérales, saillantes et presque égales, la dent postérieure un peu plus haute que l'anté- rieure ; valve droite munie également de deux dents cardinales, bien développées, qui viennent s’insérer dans deux fossettes longitudinales, situées derrière les dents latérales de la valve opposée ; ligament in- terne s'insérant dans une dépression transverse, triangulaire, mé- diane et assez profonde ; impression palléale, simple, bien marquée et située assez loin du bord externe ; impressions musculaires assez profondément imprimées. Diamètre antéro-postérieur : 3 millimètres et demi ; diamètre um- bono-marginal : 2 millimètres trois quarts; épaisseur des deux valves : 2 millimètres. Habitat, — Très-abondante dans le nord de l'ile Saint-Paul, à la profondeur de 80 mètres; se trouve encore, mais plus rarement, par les fonds de 35 mètres. Observations. — Dans la première liste que j'ai donnée des mol- lusques testacés de l’île Saint-Paul (C. rendus, séance du 24 juil- let 1876), j'avais désigné cette espèce sous le nom de £rycinn alba, mais ce nom ayant été employé antérieurement par Lamarck, pour une espèce toute différente, j'ai dû lui en assigner un autre. GENRE TURQUETIA, C. V., 1876. Coquille mince, transverse, équivalve et très-inéquilatérale ; cro- chets peu saillants ; côté antérieur bien développé; côté postérieur très-court et subtronqué ; charnière étroite et peu développée; valve droite présentant : 1° une seule dent cardinale rudimentaire et arron- die ; 2° une cavité ligamentaire, interne, allongée, très-étroite, ereu- sée dans l'épaisseur du bord postérieur et située au-dessous de la dent cardinale; valve gauche portant : 4° une seule dent cardinale très-courte, en avant de laquelle se montre une dépression plus ou moins profonde, destinée à loger la dent cardinale de la valve op- posée ; 2° une cavité ligamentaire semblable à la précédente; liga- ment interne étroit et allongé ; deux impressions musculaires mé- diocres, à peine visibles; impression palléale simple et très-peu accusée. Distribution. — Yes Saint-Paul et Amsterdam ; une seule espèce. LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 135 Observations. — Les Turquetia appartiennent encore à ces genres peu connus dont j'ai parlé à propos des Æochefortia; la position du ligament logé dans une fossette allongée et étroite, placée sur le bord postérieur, semble les rapprocher des Erycinidés, mais la forme du crochet et la disposition des dents cardinales les en éloignent. Je dois faire remarquer en outre que dans ce nouveau genre, que je suis heureux de dédier à mon ami M. Turquet, capitaine de frégate, le côté postérieur est de beaucoup plus court que le côté antérieur ; c'est généralement le cas inverse chez les Acéphales, 47. Turquelia fragilis, C. V., pl. V, fig. 15-17. 1876. — Comptes rendus de l’Académie des sciences, 24 juillet 1876. Coquille blanche ou légèrement jaunâtre, assez convexe, très- inéquilatérale ; côté antérieur allongé et assez régulièrement arrondi ; côté postérieur très-court, présentant deux plis transverses, peu accu- sés, correspondant aux deux légères sinuosités du bord postérieur ; surface présentant des stries d’accroissement inégalement mar- quées et en général peu accusées, Les autres caractères conformes à ceux de la description générique. Diamètre antéro-postérieur : 2 millimètres trois quarts; diamètre umbono-marginal : { millimètre trois quarts ; épaisseur : trois quarts de millimètre. Habitat. — le Saint-Paul ; très-abondante dans les sables, à la profondeur de 45 à 65 mètres, en face de la jetée du Sud. Quelques valves isolées au milieu des galets, sur la côte de l’île Amsterdam. Observations. — Cette espèce, très-abondante, varie beaucoup de taille ; son caractère le plus apparent réside dans l’allongement très- marqué de son côté antérieur. GENRE LASÆA, BROWN. 48. Lasæa rubra, Montagu, Syn, : Cardium rubrum, Montagu, Test. Brit., {, p. 83, 1803? — Lasæz rubra, Forbes et Hanley, Brit. Molls pl. XXXVI, kg. 5 et 7. — Lasæa rubra, Jeffreys, Brit. Conch., pl. XXXII, fig. 1... etc. Cette petite espèce, qui se trouve dans toutes les mers d'Europe, dans l'Atlantique (Forbes el Hanley), dans les mers du Japon (Car- penter), dans le Pacifique (Carpenter), au détroit de Magellan (Phi- lippi), au sud de l'Afrique (Bornia seminulum, Krauss, Sudaf. Moll., LS," 136 CH. VÉLAIN. p. 2), etc., a été également recueillie, en 1874, sur la terre de Ker- guelen, par M. J.-H. Kidder, naturaliste attaché à l'expédition astro- nomique américaine. C’est assurément une des espèces qui possèdent l’aréa le plus étendu. Elle se trouve à l'île Saint-Paul en nombre prodigieux et présente deux variétés qui correspondent à deux stations bien distinctes. Les unes, très-convexes, arrondies et fortement colorées en brun, se tien- nent sous les racines des algues, entre le niveau de la haute et basse mer, dans l'intérieur du cratère, et notamment à l'extrémité de la jetée du Nord; les autres, de taille souvent un peu moindre, plus allongées dans le sens transversal, presque incolores ou plus rare- ment colorées en rouge intense et méritant bien alors leur nom spé- cifique, se cachent plus ou moins profondément sous les roches, au niveau de la haute mer, dans les points qui ne sogt recouverts que dans les grandes marées. Ces dernières, fixées les unes aux autres par une sorte de byssus, sont souvent si nombreuses, qu’elles rem- plissent entièrement les vides que laissent entre eux les blocs de laves superposés. En face des établissements de pêche, dans le nord-est, on peut littéralement les ramasser par poignées. Des Planaires, des An- nélides, des Nématoïdes nombreux vivent au milieu d’elles et à leur détriment. Je n'ai pas cru devoir séparer ces deux variétés, à cause des nombreuses formes intermédiaires qu'elles présentent. Sur la côte de l’ile Amsterdam, ces Lasæwa m'ont paru beaucoup moins nombreuses qu'à Saint-Paul. GENRE LUTETINA, C. V., 1878. Coquille assez épaisse, équivalve, inéquilatérale, plus ou moins ovalaire; crochets peu saillants ; surface lisse ou bien ornée de petits sillons concentriques ; ligament interne; valve droite présentant à l'intérieur : 1° une dent cardinale assez bien développée, au-dessus de laquelle se montre une autre dent étroite, allongée et recourbée en forme de V, se reliant plus ou moins intimement avec le commen- cement du bord antérieur ; 2 une dent latérale postérieure, bien dé- veloppée, laissant entre elle et le bord postérieur une petite cavité longitudinale, destinée à loger la dent latérale de la valve opposée ; 3° une cavité ligamentaire située sous le crochet, entre la partie supé- rieure de la dent latérale et le bord postérieur de la dent en forme de V; valve gauche présentant à l'intérieur : 4° une dent latérale assez LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 137 développée, appliquée contre le bord postérieur ; 2 une dent cardi- nale légèrement coudée, circonscrivant une petite cavité destinée à re- cevoir la dent simple de la valve opposée ; 3° une cavité ligamentaire disposée comme sur l’autre valve ; impression palléale simple ; impres- sions musculaires semblables à celles des Vénus et des Cythérées. Distribution. — Tes Saint-Paul et Amsterdam; une seule espèce. Observations. — Le genre que je propose sous le nom de Zutetina offre une assez grande analogie avec le genre ZLutetia, créé par M. Des- hayes en 1871, pour deux espèces éocènes du bassin de Paris : Zutetia parisiensis et umbonata (Deshayes, Descript. des anim. s. vert., t.1, p.787 et suiv.). Depuis cette époque, la distribution de ce petit genre s’est un peu étendue : M. Munier-Chalmas, après en ‘avoir découvert deux espèces nouvelles dans des terrains tertiaires plus récents (faluns de la Touraine et de Bordeaux), vient en effet de le retrouver à l’état vivant dans un sondage de la mer des Indes. J'ai eu entre les mains les cinq espèces de Lutetia connues actuellement, toutes conservent intacts les caractères génériques assignés par l'éminent conchyliolo- giste; aucune d'elles ne présente de dents cardinales latérales. Ce dernier caractère existe au contraire dans l’espèce de l’île Saint-Paul que je décris plus loin, en même temps que le ligament y devient interne. Ce sont là les deux raisons qui m'ont déterminé à la séparer des ZLutetia, pour en faire le type de ce genre nouveau que je viens de décrire sous le nom de Zutetina. 49. Lutetina antarctica, C. V., pl. V, fig. 18-20. — Comptes rendus de l'Académie des sciences, 24 juillet 4876. Coquille d’un blanc mat, subcirculaire ou ovalaire ; surface bril- lante ; côté antérieur un peu plus court et un peu plus étroit que le côté postérieur, qui se trouve légèrement dilaté ; crochets petits, submédians ; test assez épais, orné de petites côtes concentriques peu marquées et quelquefois presque nulles ; dent cardinale simple; dent latérale très-développée sur la valve droite ; les autres caractères con- formes à ceux de la description générique. Diamètre antéro-postérieur : 2 millimètres trois quarts ; diamètre umbono-marginal : { millimètre trois quarts; épaisseur : 4 milli- mètre. Habitat. — Te Saint-Paul; les valves détachées de cette petite espèce sont très-nombreuses dans les vases du fond du cratère ; on la { 138 CH, VÉLAIN, trouve vivante dans les sables ramenés par la drague entre les fonds de 45 mètres à 70 mètres, en face de l'entrée du cratère. Observations. — Cette espèce présente deux variétés très-accusées ; les unes sont en effet régulièrement circulaires, les autres au con- traire ovales; mais, entre ces deux types extrêmes, il existe tous les intermédiaires possible, de telle sorte que je n'ai pas cru devoir en faire deux espèces distinctes. GENRE VENUS, LINNÉ. 50, Venus (Caryathis) antarctica, C. V., pl. V, fig. 21-22, — Comptes rendus de l'Académie des sciences, 24 juillet 1876. Coquille presque circulaire, aussi haute que large, un peu inéqui- latérale ; côté antérieur un peu plus court et un peu plus étroit que le postérieur; valves convexes, ornées de côtes concentriques régu- lières, équidistantes et comme striées ; crochets peu saillants, mais très-indiqués cependant; lunule ovale, large, peu enfoncée, nette- ment délimitée par un petit sillon; charnière large et subtrigone ; valve droite portant trois dents cardinales, à peu près équidistantes : les deux premières divergentes, assez fortes, un peu inégales, la troi- sième plus courte et surbaissée; valve gauche portant quatre dents cardinales : la première allongée, étroile, située contre la nymphe du ligament, les deux médianes divergentes et bien développées, la quatrième rudimentaire, peu indiquée, placée près du bord cardinal interne; impression palléale étroite, présentant un sinus peu pro- noncé ; impressions musculaires très-marquées ; légère coloration jaunâtre, avec quelques taches brunes irrégulièrement disséminées ; une large tache noire sur le côté antérieur, près des crochets. Diamètre antéro-postérieur : 27 millimètres; diamètre umbono- marginal : 25 millimètres ; épaisseur : 48 millimètres. Habitat, — Ye Saint-Paul, en face des jetées à l'extérieur, et sur- tout devant la baie des Manchots, par les fonds de 15 mètres; nous avons fréquemment trouvé des valves séparées de cette espèce dans les vases stériles de l’intérieur du cratère ; elles étaient alors complé- tement décolorées et souvent altérées jusqu'au point de devenir friables. ô1. Avicula.,.? — 52, l'ecten...? Dans les sondages autour du banc Roure, quelques fragments très- LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 139 incomplets indiquent encore la présence de deux petites espèces ap- partenant aux genres Awricula et Pecten, mais nous n’avons jamais pu nous les procurer entières. IV. BRACHIOPODES. TEREBRATULIDÉES. GENRE KRAUSSINA, DAVIDSON. 52, Kraussina Davidsoni, C. V., pl. V, fig. 23-26. 1877. — Syn.: Kraussina pisum, Lam. sp., C. V. — Comptes rendus de l’Académie des sciences, 24 juillet 1876. — Kraussina pisum, Frauendfeld, Verh. der K.K. Zool. bot. Gesellschaft in Wien, 1865, p. 893. Coquille subordiculaire, de taille médiocre, transverse, inéquivalve, rarement symétrique, divisée en deux par une dépression longitudi- nale peu profonde, située sur la petite valve ; ornée de côtes rayon- nantes nombreuses et régulières qui, très-développées dans le jeune, ne se voient plus que sur lejtiers supérieur de la coquille chez l'adulte, tout le reste montrant seulement des lamelles concentriques d'ac- croissement plus ou moins accusées; ligne cardinale sensiblement droite, très-peu développée ; crochet peu ou moins saillant, caréné latéralement, tronqué par un large trou, irrégulier, qui le traverse en son entier et entame parfois légèrement le crochet de la petite valve; charnière solide; tubercule cardinal peu indiqué: septum médian assez prononcé, mais cependant peu élevé, composé de deux lamelles imparfaitement soudées, qui se séparent vers le milieu de la petite valve, et s'élèvent, en divergeant, jusqu'au deux tiers de l'épais- seur des valves (fig. 24), Ces lamelles sont élargies et montrent, vers leur sommet, une petite dent courbe, dirigée en dedans ; une autre dent semblable, mais dirigée en sens inverse et plus accusée, se voit encore à la base; surface interne d’un beau blanc nacré, marquée de tubercules perforés, disposés en lignes rayonnantes, et très-accusés sur la petite valve ; surface externe couverte d'une sorte d'épiderme noirâtre, très-mince ; ligne de commissure des valves sinueuse; pé- doneule musculaire très-développé et très-résistant; coloration : gris jaunâtre terne. Hauteur : 7 millimètres ; largeur : 8 millimètres; épaisseur des valves : 3 millimètres. Habitat, — Ye Saint-Paul ; dans l’intérieur du cratère, sous les ro- 6 140 CH. VÉLAIN. ches, depuis le niveau de la basse mer, et même un peu avant, jus- qu’à la profondeur de 10 mètres, très-abondants. Var. oblonga. PI. Y, fig 26. — Coquille oblongue, globuleuse, plus haute que large, symétrique ; valves régulièrement bombées, ne pré- sentant, même dans le jeune âge, que des rudiments de côtes rayon- nantes sous les crochets ; stries d’accroissement très-nombreuses et très-fines ; sillon médian à peine indiqué ; crochet de la grande valve très-allongé, non comprimé, traversé dans toute son étendue tantôt au centre, tantôt sur le côté, suivant la position de la coquille, par un large trou, qui laisse passer un pédoncule musculaire très-développé. Hauteur : 8 millimètres et demi ; largeur : 8 millimètres ; épaisseur des deux valves : 4 millimètres et demi. Cette forme remarquable, qu'on serait tenté de prendre pour une espèce distincte, n'est en réalité qu'une modification du type précé- dent, en rapport avec des conditions d'habitat assez particulières ; elle ne se trouve, en effet, qu'au milieu des Ascidies composées. En- veloppé par un cormus épais, souvent coriace et résistant, le brachio- pode ne peut pas s'étaler librement ; il est obligé de s’accroître déme- surément en longueur, pour lutter contre le développement rapide de l’Ascidie. Observations. — Frauenfeld, dans les Comptes rendus de la Société royale de botanique et de zoologie de Vienne (janvier 1865, p. 893), a cité cette espèce sous le nom de Araussina pisum. C'est également sous Ce nom que je l'avais indiquée dans mes premières notes au sujet de la faune malacologique des deux îles. Je ne connaissais alors de la À, pisum que la figure insuffisante (fig. 34) donnée par Reeve dans sa monographie des brachiopodes. Mais depuis, à la suite d'un examen plus attentif, et surtout en comparant l'espèce de Saint-Paul avec de bons exemplaires de la Æ°. pisum, provenant du cap de Bonne-Espé- rance, j'ai reconnu qu'elle en différait complétement. L'espèce afri- caine, décrite pour la première fois, par Lamarck, sous le nom de Terebratula pisum (An. s. vert.,t. VI, p. 245), est, en effet, de plus grande taille, assez étalée, marquée de petites côtes, fines, nom- breuses et régulières, et colorée en jaune pâle, ou en rose. La Tere- “bratula natalensis, Krauss, de Port-Natal, que Reeve réunit à cette espèce, serait même remarquablement ornée, sur un fond jaunâtre, de bandes longitudinales d’un rose vif. L'espèce de l’île Saint-Paul se rapproche davantage de la Æ. La- marckiana, Davids (Reeve, Conch. icon. brach., fig. 36), qui habite LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 141 l'Australie et la Nouvelle-Zélande ; mais elle s’en distingue encore facilement par sa forme générale et ses côtes peu étendues, non bi- furquées. Elle doit, en réalité, constituer entre ces deux espèces une forme intermédiaire, suffisamment caractérisée par la complication de son appareil apophysaire, par la forme de son crochet et par son mode d'ornementalion spécial. Je l’ai dédiée au savant naturaliste anglais, qui a tant contribué à l'étude des brachiopodes vivants et fossiles ‘. M. H. Dall, daus sa révision générale des Térébratulidées, publiée dans le journal américain de conchyliologie (1871, p. 140), a cité de l'île Saint-Paul une Æraussina picta ; mais on ne trouve nulle part la description de cette espèce : cette citation doit être le résultat d’une erreur. J'ai signalé, dans un chapitre précédent, les conditions d'habitat si particulières de la Xraussina Davidsont avec suffisamment de détails, pour n'avoir pas besoin d'y revenir ici. Cette espèce, que j'ai pu étu- dier sur plusieurs centaines d'individus, varie beaucoup avec l’âge. D'abord très-élevée, avec un crochet saillant, droit, presque tubulaire, elle ne s’élargit latéralement qu'assez tard ; sa ligne cardinale de- vient droite (pl. V, fig. 26), les angles latéraux sont aigus, et la pe- tite valvé prend une forme tout à fait semi-lunaire; les côtes rayonnantes sont alors très-accusées et s'étendent du sommet jus- qu'au bord de chaque valve. Plus tard, ces angles latéraux s’arron- dissent, la plus grande largeur de la coquille se trouve être, non pas au sommet, mais au milieu de la petite valve; les ornements ne per- sistent pas et font place à des stries d'accroissement de plus en plus accusées dans l'adulte; enfin, le crochet tronqué devient fortement caréné latéralement. Fixées, parfois assez profondément, dans les vacuoles des laves cellulaires, ces coquilles ne peuvent s'y développer en toute liberté ; elles se moulent alors sur les parois de la cavité qu'elles occupent, et s’allongent en prenant les formes les plus extraordinaires. Les bras spiraux sont très-peu développés, mais fortement ciliés; ils ne sortent jamais de la coquille qui s’entr'ouvre peu. Quand les valves étaient bien entr'ouvertes, on apercevait parfois sur les côtés l’extrémité des cils, qui s'agitaient d’un mouvement assez vif. 1 Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1874 et 24 juillet 1876, Cs 142 CH. VÉLAIN. REMARQUES AU SUJET DES MOLLUSQUES. Des descriptions qui précèdent, il résulte donc que la faune mala- cologique de l’île Saint-Paul, qui n'était connue jusqu'à présent que par quatre ou cinq espèces, Aanella (Apollon) proditor, Patella depsta, Siphonaria Macgillivrayi, et la petite Kraussina, désignée par Frauen- feld sous le nom de Æ, pisum,— en comprend cinquante-trois, répar- ties dans trente-sept genres, dont vingt-cinq appartiennent aux Gas- téropodes, neuf aux Acéphales, un, seulement, aux Brachiopodes. Considérée dans son ensemble, elle est tout à fait spéciale, puisque sur ses cinquante-trois espèces, quarante-six se sont trouvées nou- velles, soit une proportion de 90 pour 400. Cette proportion, vérita- blement énorme, qui ne s'explique que parce que les faunes australes sont encore peu connues, lui donne un grand caractère d'originalité, surtout si on ajoute que, parmi les genres, on en compte également plusieurs qui sont nouveaux : le Wagilina, par exemple, chez les Gas- téropodes, qui représente, à cette latitude, les Magiles des mers intertropicales, et les Æochstetteria, Rochefortia, Turquetia et Lutetina chez les Acéphales !. Parmi les genres déjà connus, le plus grand nombre provient des mers chaudesettempérées, Aanella, Triton, Lachesis, Trifoms, Rissoella, Phasianella, Fissurella, Gadus, Bulla, où même des mers tout à fait chaudes, A#ostellaria, Persicula, Schismope ; d'autres, au contraire, ap- partiennent aux mers froides, Æissoa, Lacuna, Siphonaria, Trophon et Margarita, tandis que les Mure, Purpura, Turbonilla, Patella, Chiton, Venus et Lasæwa, sont de toutes les mers. Cette association, tout à fait exceptionnelle, de formes tropicales, comme Aostellaria, Persicula..., avec d'autres exclusivement bo- réales, Trophon, Margarita, à une latitude relativement assez élevée, qui correspond, à peu près, à celle de Lisbonne dans notre hé- misphère, s'explique par ce qu'on sait du régime climatérique des deux îles; la température moyenne de l'année y paraît être, en effet, de 7 degrés ; elle s'abaisse de quelques degrés seulement au-dessous de zéro en hiver, et ne s'élève guère au-dessus de 17 degrés dans la saison chaude, La température de la mer, pendant toute la durée de notre séjour, s’est maintenue entre 13 et 14 degrés, alors que celle de l'atmosphère a oscillé entre 1 et 7 degrés. 1 Je rappellerai ici que le Siphonaria Magillivrayi doit également constituer le type d'un genre particulier. LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 143 Un fait digne de remarque, c’est que la majeure partie des genres particuliers aux mers chaudes ou tempérées (Triton, Lachesis, Trifo- ris, Gadus, eic.), ne se trouvent là qu'à des profondeurs assez grandes (de 60 à 80 mètres), tandis que ceux, au contraire, qui dénotent un climat peu froid, sont cantonnés dans la zone littorale, On serait alors tenté de supposer que la température est plus élevée dans ces profondeurs qu'à la surface, mais nous l'avons toujours trouvée plus basse de quelques degrés. Cette faune tout à fait particulière, peut être regardée comme une dépendance de celle du Cap de Bonne-Espérance. Ses seules affinités sont, en effet, pour la faune sud-africaine, avec laquelle elle présente quelques espèces communes, Fissurella mutabilis, F. australis, Marinula nigra, où des formes très-voisines, comme le Purpura Mayellani, qui représente à Saint-Paul le 2, Walhergi de Port-Natal. Déjà la flore des deux îles nous avait fourni de pareils rapprochements; l’Apium australe de l'ile Saint-Paul et le Phrhica arborea de l'ile Amsterdam se retrouvent, en effet, à Tristan d’Acunha, de l’autre côté du Cap. Enfin je rappellerai que parmi les poissons côtiers, et ceux-là seuls ont une véritable signification au point de vue qui nous occupe, le Bovichtys et la Motelle du cratère de l’île Saint-Paul, sont encore deux espèces de la mème provenance. Ces faits s'expliquent tout naturellement par la direction des courants et des vents généraux, qui portent tous de l'Ouest vers l'Est. Elle se signale encore par les dimensions remarquablement petites des espèces qui la constituent, et qui, souvent, n'atteignent que quel- ques millimètres, la Ranelle faisant seule exception, Parmi celles qui sont représentées par un grand nombre d'individus, il convient de citer les Æochtetteria aviculoïdes, crenella et modiolèna, la Lasæa rubra, la Turquetia fragilis et la Lutetina antarctica chez les Acé- phales. Les trois espèces de /ssoa, les Purpura Dumasi et Magellani, les Fissurella australis et mutabilis, Ya Putella depsta, le Magilina Ser - puliformis, Va Marinula nigra et Va Siphonaria macgillivrayi, parmi les Gastéropodes. Les /issoa, qui généralement ont leur maximum d'espèces dans la zone littorale, se tiennent au contraire à Saint-Paul à des profondeurs relativement grandes : ils sont particulièrement abondants par les fonds de 30 mètres. G AS . Erycina Veneris, C. V. . Turquetia fragilis, C. V. . Lutetina antarctica, C. V. . Venus Antarctica, C. V, . Kraussina Davidsoni, C. V. EXPLICATION DES PLANCHES PLANCHE 1. CARTE DE L'ILE SAINT-PAUL PLANCHE II. Murex Duthiersi, C. V. Murex Hermanni, C. V. Ranella proditor, Fr. Trophon tritonidea, C. V.7 Purpura Magellani, CG. V., zone littorale du cratère (type). Purpura Magellani, var. C. V., zone littorale de l'extérieur Purpura Dumasi, C. V. (type). Purpura Dumasi, var, multistriata, C. V. Purpura Dumasi, var. semicostata, C, V, Purpura Dumasi, var. cincta, C. V. Magilina serpuliformis, C. V. (coquille adulte), . Magilina serpuliformis (coquille embryonnaire). . Lachesis Turqueti, C. V PLANCHE HI. Persicula polyodonta, C. V. Persicula glandina, C. V Persicula Crossei, C, V. Turbonilla scalaris, C. V, Turbonilla disculus, C. V. Turbonilla Peroni, C. V. Triforis isleanus, C. V. . Lacuna parvula, C. V. Lacuna Heberti, C. V. Rissoa Lantzi, LV: Rissoa Cazini, C. V. j. Rissoa subtruncata, C. V. Paludestrina Duperei, C. V. Rissoella Sancti-Pauli, C. V. PLANCHE IV. Phasianella Munieri, C. V. Phasianella brevis, C. Y. Margarita Lacazei, C. V. Margarita Lacazei, var. nigricans, C. V. Schismope Mouchezi, C. V Fissurella australis, Krauss. . Fissurella mutabilis, Reeve. . Patella depsta, Reeve. . Chiton Constanti, C. V. . Chiton Bergoti, C. V, . Helix.... (sp.)? Marinula nigra, Ph. Marinula Maindroni, C. V. . Siphonaria Macgillivrayi, C, V. Siphonaria Macgillivrayi, var, lata, C, V., île Amsterdam. Bulla Divæ, C. V. ; d PLANCHE V. Gadus divæ, C. V. Hochstetteria aviculoïdes, C. V, Hochstetteria crenella, C, V. Hochstetteria modiolina, C. V. Rochefortia australis, C, V, ADDITIONS ET CORRECTIONS. Page 17, ligne 32, au lieu de : non, lisez : nous. * 3, au lieu de : Aphanaptrix, lisez : Aphanapterix. pe — a 106, — ET CT .: ONE 21, 8, au lieu de : Conas, lisez : Conus. au lieu de : brune, lisez : brume. au lieu de : zoologique, lisez : géologique. au lieu de : qui la, lisez : qui les. au lieu de : tirer, lisez : trier. au lieu de : d'un petit rongeur insectivore, lisez : d’un petit rongeur ou d’un insectivore f!. au lieu de : les distingue, lisez : les distinguent. au lieu de : Manriule, lisez : Marinule. au lieu de : Bulla fragilis, lisez : Bulla Fisheri ?. 4 C'est pendant notre premier séjour que nous avons aperçu ce petit mam- mifère sur le revers occidental de Pile. En sortant d’un de ces petits bosquets de Phylica qui précèdent la pointe de la Novara, nous avons vu très-distinctement un animal de forme basse et allongée, avec un pelage fauve, traverser en bondissant une coulée de laves, malheureusement assez éloignée de nous, et disparaître rapi- dement sous les herbes. ? Le nom de Bulla fragilis avait déjà été employé par Lamarck pour une espèce toute différente de la nôtre, E | 3 NUE 4 nl : x W 41 PL " su x A LR oe Des. LT ARR à ar M é ” CP > ‘s sacré ES TA ATOS LR FR . { É 1208, , sn. el di AR JL UTITÉ Rp Dar VE sl À ceiA dt er L- AT eu 1 r 4 ME 1 $ ve à A''PAQUE Eu RE AE. d'; EX, ‘ ES L+ fr: Ne { nt ar AS Û A lu veau ” A TIR Me Se Pr 7 Le RES ve ts ere Vitre PT: : ji ACT À Ur. à MST CES 0 sal vif 377 POP EE ie, D vel RU ER | és. PAR ARE PAU S4 à che oc wi Met 4 ! AE OR ALL nt ion ea Laif £ T4 FA | sert ne, Letrd RER 4 fe Pre me AUTOS he vie à Lit NT MOINE (+4 LAPS 8 - * € PES 69 3 M VPPETNER A 4 1 Tate Lun. DL LEURS, 1 tuile, PR. L d DLONr: Dient.tdart (Ve 1 ni at at : on ” {TA , Qas : MO nr te 1 QU sa rl a (: | ie LS 8 QUE 10 D HOUR ELA RLL v DUR CPL AL CURE LES here 40 «y to NE #, ; nd téliiets win et D AM LINE sde d var db we 4! RAT UO EU AU ATE |: NE. ‘an L} DAT CL eu ed ddr ani A LL EN PONT: AU oi, Fes di; ‘es Mere “4 SU Me. ‘ t "+ ne e FULRE 0" à Li CE DL w … D LS LS : : : Le FE ds € Ce h, Dre nd L'OL ” * € | s NE 4 » ne Ps ” Li : L Le d D = « : . su a L pr : TABLE DES MATIÈRES Pages. PRINRRONICTIONCITISTORIQUE. 2 : 2.20 RE ER. l IT. RELATION DU voyaGE : 1° De Marseille à la Réunion............... 10 Description de la presqu'ile d’Aden...... SR RS = « 11 Liste des mollusques de l’ilot Flint et de Steamer point, ....... 14 2° De hégmon àlile Saint-Paul. 4 me. 18 Rôle Pare etiiot Barkly. LOST EE. ten ee er: 19 IT. L'ize SainT-Paur. : 19 Description géologique. ................... 25 20 Distribution des espèces animales et végétales... ....... RTE T + Remarques som une manne. 7: 22. etes Se 64 RE RE TNT ER DAT RE A A A ae à à de 2 ne ee 90 DESCRIPTION DES MOLLUSQUES. Momtérapodes. . "sm TRES RL CR er 2 . 99 OH PHOEONNIES. . :.. . Jde Len OR ee DOS RE CE 128 D EE 1... «2 4 2e ET RE ee CL. A 129 Pmclunpodes (Térébratulidés)s.. SR RU Se Re, 139 Remarques sur la faune malacologique des deux îles... .......... 142 Vu el approuvé : Paris, le 12 novembre 1877. LE DOYEN DE LA FACULTÉ DES SCIENCES, MILNE-EDWARDS. Vu el permis d'imprimer : Paris, le 12 novembre 1877. LE VICE-RECTEUR DE L'ACADÉMIE DE PARIS, A. MOURIER. mn Paris. — Typographie À, HExxuyEn, rue d'Arcet, 7 maté at CHE: T1 Il @).| 1 de Exp “et Cén= ATCI N 65 15 E Marinules et Sirhopaires 10 17 25 50 25 15 #0 45 35 Légende ot © Siations des Ularies | N OS = des Malamochs À ® _ des Manchots #4 X Frincinales stations des Mollusques K K\ _Z2= Z Alques flottantes . TS (Macrocystis nyrifera) % Espaces chauds [La temperature du sol y atteint on même y depasse 100? centig.) © Sources thermales et Fumerolles : quet, Lieutt de Vaisseau K = NS 15 , eni874 “| Lat 38° 42’ 51” Sud \S 10 20 9 AS Fe Lg 75) PEAR : Est f \C3 NS 25 k. Echelle 20000 s” Hot du Milie S 4s a 95 c 20 ù “+ R.Ninepin 1 «ns ÿ £ Lo AMouillage dela Dives 13 30 ÿa 8 15 À Sinhonaria Matgilliorayi 22 30 cp # d Ê PunuradO]unastel TMagellani 2% | iella densi2ta si fa 3 10 "A & Ze Leg TL 25 16 25 18 20 NS ISQ N SN ë ee NC (2) BanbRoûre 10 %0 38 3a 15 27 I 36 .. Pte Hutchison 14 9 * 7 TI L AN Fissurella austral AN : 16 15 20 30 N Vu 25: Arch de Zool. Exp® et Génl° Volsy D PT Me Arnoul del Imp. Becquet Paris FAUNE MALACOLOGIQUE DES ILES ST PAUL ET AMSTERDAM. Librairie L.Reinwald, Faris Lo e- . È Q ! hou Û Fe 7 h « L v . “3 EN Lee + LEZ Le — e ME ARS RS Lu “y . nl L