JOHN CARTER BROWN LI BRARY Purchased from the Trust Fund of Lathrop Colgate Harper LITT. D. EU RESTAURATION DE L’AGRICULTURE E N F R A N C E , E T MOYENS DE PRÉVENIR TOUTE DISETTE. Fermeniravigenufme me amplaque regnufanfcunt ParUn cultivateur Député a rAffemblée Nationale^ A PARIS, Cîiez Baudouin , Imprimeur de I’Assemelée Na I ION ALE, rue du Foin Saint-Jacques 3 1 I 7 9 O* traduction de L'épigraphe. Ctejî Vagriculture qui parle. Je fais profpérer les campagnes ; & fans moi les plus vaftes Empires fe détruifent. avertissement DE L’ÉDITEUR. U N ne peut être ïieureux dans au- cun Empire sans la liberté ^ et sans l’abondance des denrées que la liberté favorise , encourage , et qui la sou- tient à son tour. Quand les ennemis du bien public ^ veulent détruire la liberté et affamer lin Peuple ^ pour le mieux diviser 5 ils accaparent toutes les denrées de pre- mi exe nécessite ^ tels que les grains farineux d’Iiiver 5 cela est très -bien vu dans leurs principes : mais ils ne connoissent pas les ressources du sol , et 1 industrie du Cultivateur prévoyant * elles sont infinies. Ils ne savent pas que les autres grains farineux que l’on sème -au printemps ^ de même que toutesTes A a '4 racines propres à la nourriture des Iiom- ines ef des animaux ^ nourriront tout le Royaume , cpiand un hiver rigou- reux , ou des vuee et des opérations de ces gens mal-intentionnés amène- *ront une disette naturelle , ou , ce qui est encore plus affreux p une disette factice. Une famille Belge a fait , à diffé- rentes époques , depuis plusieurs siècles, "des opérations agraires si simples et si utiles , qu’elles ont beaucoup contribué à la richesse de la vaste Province qu’elle habite. C’est un des descendans de cette famille vraiment créatrice , qui expose , dans le Discours très -précis et très-sage que je publie , les moyens de ne jamais manquer de subsistances , d’obtenir et doubler en tout temps les plus précieuses productions p et celles qui peuvent remplacer notre nour- riture ordinaire. Il iTconnoît cepen- dant que cette grande ressource ne i s’effectuera qu’autant que nous aurons brisé les chaînes de l’esclavage , et dis- sipé les ténèbres de l’ignorance. Il dé- montre que l’Amérique teinte encore au- jourd’hui du sang des Negres , ne de- viendra aussi étonnament fertile qu’elle en est susceptible j que quand elle sera cultivée par des hommes instruits ét libres, t Pour que ces Peuples réusissent^ il faut que l’impôt soit simple et unique j il ne faut pas établir une dîme pour l’entretien du Culte ^ et un autre impôt territorial. Ce seroit deux dîmes pour une y ce seroit briser toutes les char- rues J ruiner en peu de temps toutes les campagnes, et absorber toutes les avances du Colon riche. Il est bien essentiel de ne mettre qu^une dîme en impôt * toutes les au- tres impositions pour subvenir à toutes' I • i les dépenses publiques , doivent êtra également directes pour ne pas retom- ber sur le Cultivateur 5 les impositions sur le luxe des édifices, portes-cochères , fenêtres , caresses , etc. sucre , café , liqueurs , provenant de l’Etranger , se- roient les premières ; les autres sur les vins , les eaux-de-vie de France , sur les comestibles & productions du sol, qui diminuent d’autant le pécule dans la main du premier vendeur ou pro- ducteur , seroient les dernières. restauration DE L’AGRICULTURE E N F R A N C E. T riptolIme invente une charrue , laboure un champ , qui produit de quoi nourrir ceux ijui le regardent j les premiers parmi ceux-ci , qui lui- yent fes leçons &c fon exemple , fe trouvent plus à l’aife ; bientôt les autres les imitent. Reconiioif- fans de ce bienfait , les premiers Cultivateurs , tirés des hordes fauvages , qui peuvent célébrer une fête , font de Triptolème un Dieii. La première puilfance dans le monde connu; qui faifira ce point-de-vue ^ qui eft de rendre les hommes heureux , de les multiplier par l’exemple de la bonne agriculture , & l’augmentation des fubfiftances , aura des autels qui ne finiront qu’avec les élémens. On aura beau faire des loix pour aflurer les fubfiftances & le bonheur des hommes qui fou- vent ae favent pas lire j k liberté , l’exemple , le s feul exemple de la bonne culture, dans une ha- bitation , dans un territoire , peut fubjuguer 6ç entraîner tous les efprits grofllers & récalcitrans , a toute exhortation écrite ou verbale , fans dire un feul mot , fans autres armes que la liberté Sc 1 exemple j il triomphe pailiblement des préjugés les plus anciens & les plus enracinés. Le mal-aife qu éprouvé le Colon indigent lui fait ouvrir les yeux fur fon voifin qui prolpère j fi Je labour de ce dernier réulTit quelque temps en cultivant la terre , l'autre eflaiera de marcher fur les traces , & de faire comme lui ( moyens , dé» penfes , avances & accidens à part ) , il parviendra à la fin aux mêmes réfultats j ils fe communique- ront de proche en proche , au point que tous les elprits du même village n’auront plus de préjugés-, penferont & agiront tous de même pour leur bien- être réel , dépendant feulement du ciel , du foleil , Sc de leur labeur. a Ce moyen fimple inftruit un village voifin ; par la proximité & lenclavement du territoire , de voifin à voifin , rinftruétion fe répand fans au- cune autre femonce que Finfpeétion de la nouvelle culture de ce champ. Ces hommes fe croient libres 5 & font heureux : maîtres de leurs champs §c des produd'ions qu’ils ont fait naître , avec la <îouce fatisfadlon que tout vient de leur prévoyance & de leur induftrie , fans avoir d*autre obligation à remplir que celle d’une reconnoifîancè tacite Sc concentrée dans leur cœur , bien flatteufe pour celui qui en eft le premier mobile & rAuteur , qu’il ait befoin des bras Sc des forces de tous ces hommes, ils voleront avec vivacité au-devant de tous fes defirs. Voilà, mortels 5 quelque partie du monde que vous habitiez , de dans quelque climat que vous foyez , comme vous gouverneront ceux qui vou- dront-vous rendre heureux, & jouir eux-mêmes de votre bonheur. Un bon Agriculteur, à la follicitation du Sou- verain , peut fe placer dans un territoire négligé : fon exemple de fes travaux vivifieront feuis urt canton * cet homme peut former une pépinière de bons colons à tranfplanter dans tout un Royau- me , de le faire profpérer. Un Cultivateur riche en avances commencera à en faire l’ellai fans fe rebuter * à la fin il fer- vira d’exemple de d’inftriiélion à toute la commu- nauté. Mais le Souverain qui • donne cette , première impulfion , s’il n’encourage & ne protège les pre-^ miers e0'orcs ,s'il n’empêche point la rapacité avide I l 1® Sc la fonibi'0 eiiTie de dévorer ces premières avan- ces ces premiers fruits qui ont montré la vraie foarce des richefles , s il n’y met un frein , s’il n’afleoit un impôt territorial évalué en argent, fimple & facile dans fa perception , tout fera bientôt tari Sc détruit * le champ défriché Sc amélioré re-* tournera bientôt à fon premier état de ftérilité. O France ! ô ma patrie î je gémis quand je vois tant de prés , de marais fous les eaux , tant de landes & de bruyères , tant de terres en friches quand je vois un tiers de tes terres en jachères • quel Royaume tu ferois fi tout étoït vivifié^ cul' tivé ^ comme il peut & doit Vétreî Le travail que j’entreprends doit être étayé de plus grandes connoiirances , & d’un ftyle que n’ont point les gens de. mon état. Fils de Cultivateur, dont le père les ancêtres, en fuivant la marche de la nature & de la probité , ont toujours alTez réuffi dans leurs travaux , je vais effayer de me rendre intelligible. Il eft évident qu’oh doit commencer par cul- tiver les bas-fonds. Les prés ordinairement avoi- finent les rivières ^ on trouve plus aifément de quoi y nourrir & y multiplier les belliaux ^ ce qui donne l’aifance de cultiver enfuite les autres. D ailleurs , une terre vierge , adamique, & qui eft II r înculcG oiîrô les pins grands avantages au defid^ chement j tous les fucs , tous les fels y ftagnent , y font incorporés depuis long-temps : les bas-fonds contiennent bien plus ces principes que tous les autres terreins. La culture va lés mettre en aéfion & produira les récoltes les plus merveilleufes ; toute Lattention du Colon eft d en connoitre la nature. Il eft également évident qu’un excellent pré qui produit du foin très-fucculent Sc en abondance s fans aucun fecours , fans aucun frais , ne doit ja- mais être défriché y fi la moulTe rétoiiffe , on petit le mettre en culture pendant deux ou trois ans , particulièrement li le fonds eft pure glaife ou argille froide. La première année , avant ou après Thiver , re- tournez-le a la bêche ou à la charrue • enfuite au 'printemps, enfemencez-le' encore en avoine * la fécondé année , mettez-y une orge printannière ; la troifième , enfcmencez-le encore en avoine , dans laquelle on sème quinze ou vingt livres de treffle à l’arpent de cent perches , qu’on donne en verd au gros bétail, tant qu’il dure ; enfuite, il en broute le regain jufqu’à ce que la terre fe foLirnifle d’herbes , & redevienne encore un plus excellent pré qu’il ne l’étoit avant le défrichement. .5 I Si on veut le tendre plus profitable , on doit l’aider du parque des moutons , de - cendres de tourbes , de cendres-houilles ^ touges & noires , de fine de cheminee ^ Scc«.*« Un an ou deux de cette cul- ture fiiffit pour rajeunir ce pré totalement. Toute terre en friche , non labourée , sèche , fur le roc , fur le tuf, les rocailles , les cailloux arides , les fables fecs &c infertiles , quand la charrue ne peut en retourner une certaine profondeur , doit être plantée en bois ^ ou refter comme elle eft , pour être broutée par les chèvres , les moutons , & tout menu bétail , dans quelque expofition qu’elle foit. Toutes autres terres en prés, marais ou en friche ^ • limoneufes, argiiieufes, glaifeufes , fortes ou. lé- gères, au midi ou au nord, crayonneufes , mar- jieufes , pierreufes , peuvent & doivent être dé- irichees pour le plus grand profit , à moins qu’elles ne foient fous les eaux ; (3c celles-là étant défié- chées , deviendront les plus friiétueufes & les plus profitables. Dans tous les bas-fonds, il fe trouve des tourbières qui ferviront , i"". à chauffer le Peuple ^ 2®. auxmaniifadures, aux brafieries ; 3®. à cuire la tuille , la brique, la chaux j 4^. à fondre les métaux , excepté l’or & l’argent , que la tourbe ^ chargée de bitume de fouffre & de vitriol, noircit J ‘5®. aux verreries, Scc. Les autres terres que les eaux découvriront, feront mifes en prairies ou en culture , ou plantées en bois , fur-;out le long de tous les canaux , fofles , rigoles ou étangs , nécef- faires au defTéchement , ou à l’écoulement des eaux, dont on fuivra la pente qu’on connoîtra par le cours des ruilfeaux ou rivières, ou en nivel- y lant le terrein. Il eft inconcevable que fi peu de Souverains aient encore pris ces bas-fonds en confidération j tous les ont regardés comme des terreins perdus êc de peu de valeur. Ce font cependant les plus précieux , & ceux qui rajeuniroient tous les autres déjà mis en culture de longue main * & defquels on peut tirer plus de produit ôc de profit , foie par les nouvelles prairies excellentes qu’on gagne ôc la multiplication des beftiaux de toute efpèce , le commerce de la cire ôc du miel, foit par les terres grades >ôc neuves qui produiront tous les grains huileux ' pendant un très-long terme , fans aucune interruption • point de foie réglée , point de jachères , foit par les cendres excellentes que four- niront les tourbières ^ enfin par l’augmentation des bois d’aulnes , peupliers , faules , ofiers , frênes bois blancs , &c tous autres bois aquatiques. Il n’eft pas néceffaire d’armer des vai (féaux en ■ h, ; H guerre à grands frais pour aller au loin difputer a quelques hordes fauvages ^ des terreins qui ne font peut-etre pas aulîî fruâueux que ceux qui iont répandus dans toutes nos Provinces , dont rinfaliibrité eft occafionnée par ces cloaques in- fects 5 qu on rendroit à la fin très-falubres & rem- plis d excellens poifibns j l’impôt territorial , évalué en argent , dédommageroic bientôt le Souverain de toutes fes avances foncières , fecourables & proteélrices. La méthode que je vais propofer n’eft point la plus difpendieufe , ni la plus difficile • elle eft connue il y a long-temps , elle ^ft la plus fimple ëc la pl us aifée. Mon refpeéiable père , qui a vécu près de quatre-vingt-dix ans , n’a jamais cultivé autre- ment , quoiqu’il ait eu deux & trois exploi- tations en trois ou quatre Paroifies très-différentes par la nature de leur fol : fa pratique & fon expérience , étoient étayées de celles de fon père & ^ de fon grand-père fur- tout, qui avoit vécu autant que lui ( lequel la tenoit de fes ayeux ) • il eft le premier qui ait ofe femer le lin , colfa 8c autres* grains huileux dans un canton ce la Flandre. Ses dcfcendans ont toujours cultivé de même & ont coujours réuffi , de forte qu’en datant de mon bifayeul , cette agriculture ^ toujours continuée de père en fils , peut former Texpéricnce de plus de deux fiècles * ce qui n’eft pas un court terme d’épreuves confiantes Sc non fufpeâes. Quoique je commence mon douzième luftre , je n’ai jamais vu que cette méthode ait manqué ni à moi 5 ni aux autres ; c’efi parce que cette expérience de ma famille efi fure , que je n’héfite pas a la propofer a tous autres pour modèle , fauf à rec- tifier par l’intelligence ce que le pays & le climat ne pourroit admettre. Article premier, i Sam -foin. Dans les fonds cultivables les plus fecs Sc les plus arides ^ tels que les marneux , crayonneux fablonneux, pierreux, caillouteux Sc légers, qu’on peut retourner à la charrue , l’herbe la plus pro- fitable pour tout bétail , bêtes chevalines , à cornes Sc à laine , efi , fans contredit , le fain-foin verd ou fec : il efi une des premières verdures , c’efi: le premier foin qu’on peut encore leur ^donner impunément auflîtôt qu’il efi récolté ; il les purge , les nourrit & les engraiife à merveille : il n’y en a aucun dans toute l’économie rurale qui / puîfTe balancer fes avantages , pour augmenter les richeffes réelles du Cultivateur , qui font les beftiaux maigres ou engrailfés ^ & les élèves y fans jamais rifquer de les perdre par Tenflure , coup de fang , maladies de feu , &c. > accidens bien redoutables \ & cependant bien fréquens par Tufage de tout autre foin artificiel, ou verdure broutée mangée par le bétail. Il y en a de deux efpèces : le premier , plus commun dont on ne tire qu’une première coupe ou fauchée , vers la Saint - Jean , quand il eft en pleine deur , puis un petit regain qui eft encore très-précieux pour avoir de bon lait , du beurre délicieux l’hiver , & pour engrailTer les moutons & les bœufs. Le fécond , qu’on appelle en Flandre fain-foin de Barbarie ou de Hollande , dont la tige eft plus forte plus haute , qu on fauche aufli quand il ' eft en pleine fleur , & une fécondé fois quand Tété n’eft point trop fec ni trop brûlant , qui donne enfuite un excellent regain à faire brouter au be-- rail gros & menu. Rien de fi nutritif que cette plante; rien d’auffi fain', verd ou fec; tous deux • réunifient tous les avantages que le Cultivateur peut defirer ; rien ne peut les fiippléer pour leur excellence. 1 ^7 Il faut avoir foin de prévoir un beau teinps, par l’infpedion du baromètre , pour le faucher , & le mettre enfuite en javelle avec le rateau. On a la précaution de ne pas le retourner dans la plu^ granue chaleur du jour , de peur de perdre les pe- tites feuilles adhérentes à la tige , qui rendent le foin très-nourriffant j on le met en tas ou en monts , faits en pointe, de la grolTeur de deux ou r.ois grolTes futailles à l’eau-de-vie de fix à fept pieds de hauteur , qui infenfiblement s’affaillènt. ün * évite auffi bien la rofée que la trop grande cha- leur pour cette opération , dans la crainte qu’il ne devienne- poudreux. Quand les monts font bien affermis , on choifît un beau temps pour l’en- granger & 1 entalfer , en le fatfant bien piétiner par des hommes forts & robuftes. Cette befogne eft peu différente de la récolte des foins ordi- naires, fi ce n’eft qu’elle eft plus fimple & plus expéditive. Toute terre donc , femblable à cet article pre- mier , en plaine unie ou en pente, au nord ou au midi , doit etre défrichée & retournée au prin- temps , a la bêche ou à la charrue , de préférence cependant avant l’hiver : il faut la femer au prin- temps en avoine à la herfe , l’année d’enfuite en farrafin ou bled noir ; quand le gafon eft bien Rejîauration , &c» B îS pourri , k tôrre bien nette , on met huit ou dix Yoitures de fumier bien pourri , par arpent , qu’on enfouit à la charrue j on enfemence de nouveau cette terre en avoine , & en même temps on y joint une livre de graine de fain-foin pat perche de vingt pieds, ce qui fait au moins cent livres par arpent de cent perches j femez ce fain- foin immédiatement après l’avoine, au mois de Mars ou d’ Avril , par un beau temps , on herfe légèrement un tour ou 4eux , puis on paffe le rouleau fur le terrein. Si la terre eft trop sèche & trop aride , on sème feule la graine de fain-foin au mois d’Oûobre j fi , au demi-printemps , elle n’étoit pas levée aflez drue , on resème alors la moitié de la graine que l’on a mis au mois d’Oftobre. Tant que les mauvaifes herbes n’étouffent pas le fain-foin , on en fait fon profit. Cette plante peut durer , ainfi que la luzerne , 4,(î, lo, 15 ou a O ans , félon le pays & le fol. Quand les mau-^ vaifes herbes fe gafonnent autour & l’étouffent > il eft temps de retourner alors ce champ à la charrue avant l’hiver. On doit au printemps fuivant Tenfemencer de nouveau en avoine j l’année fui- vante en feigle , & enfin en farrafin j après les trois 'ÏÇ années i on remet encore cette terre en fain-foiu ou en luzerne. Les meilleurs engrais pour le fain-foin font le^ cendres d.e tourbes , de bois , de houille noire ôc rouge 5 de fuie de cheminée qu on voiture pen- dant rhiver. Au printemps on lailTe mûrir cette plante , il ne faut pas attendre fa trop grande maturité pour la faucher , car elle s’égraine fa- cilement J on la met par javelle à la rofée , puis on la bat fur-le-champ. La o^raine eft bonne à donner aux chevaux au O lieu d’avoine j il faut pour cela quelle foit fort abondante & à bas prix : la tige battue eft bonne pour le bétail ^ les feuilles Sc les pouflières ne font pas même à négliger^ on les fert pour l’hiver, les vaches Sc les moutons en tirent encore une bonne nourriture. A P. T. I L Luzerne. La luzerne réuffit dans les fonds marneux - ? pierreux , crayomieux , glaifeux , mêlés de marne , dans les terres argilleufes , limoneufes , Sc mieux généralement dans les fonds fubftanciels de roides , gjie dans ceux plus légers. Dans les fonds gras de 132 zo féconds 5 les maiivaifes herbes l’étouffent bien vîte^ elle ne dure pas li long-temps ; il faut prendre garde qu elles n’y pullulent , autrement au bout d’un an ou deux elle périt. On sème au printems quinze ou vingt livres de feize onces de Luzerne à l’arpent de cent perches , la perche de vingt pieds dans une terre bien nette , bien meuble ôc fort adoucie à la herfe & au rouleau : on la sème , dis- je 5 dans l’avoine , quand celle-ci eft haute ,de trois pouces ^ ou dans le lin , ou même feule. On empêche la première année les moutons d’y paître , ëc on aura une bonne récolte le printems fuivant ^ fi on a foin de rengraiflTer pendant l’hiver avec des cendres de tourbes de Hollande ou I du Pays , avec des cendres d’houille rouge ou noire , avec de la fuie de cheminée ^ du crotin de pigeon * au printems , avec de l’arine de beifiaux, des vuidanges graffes , des mares de foffés ôc de latrines , & avec du rouffi de fumier délayé avec des tourteaux ou orâteaux de marc de colzat , O de chénevis ou de linette. Quand on n’eft point à portée d’en avoir ^ un feul ou deux de ces engrais fuffifent chaque année ^ fans grands frais on peut fe borner à des cendres de tourbes qu’on répand tous les hivers & tous les printemps. C’eft la première de toutes les prairies arti- 1 î ficlelles à donner aux vaches 5 il eft vrai qu’elles ne donneront pas d’auffi bon lait ôc d’aufli 'bon benrre qu’avec le fain-foin & le trèfle verd ; mais comme cette plante paroît la première , elle donne le moyen d’attendre les autres verdures. C’eft un excellent foin pour les chevaux , il leur f donne beaucoup d’embonpoint &c de vigueur * il faut cependant lui laifler jetter fon feu clans le tas ou dans la meule pendant un mois ou deux , avant de la leur faire manger ^ il poiirroit occa- donner différens maux. L’avantage flngulier de la luzerne bien fumée eft d’être fauchée trois ou quatre fois 5 un arpent peut produire en foin ou en verdure autant que trois b ms arpens de toute autre prairie naturelle : voila pourquoi il eft toujours bon d’en avoir pour la multiplication des beftiaux • elle fupplée aii'fain*' foin êc au trèfle, qui quelquefois manquent ou ne réuflîlTent point * il faut remarquer qu’elle eft très - dangereufe à faire brouter en verd par les vaches & moutons : elle les gonfle comme un ballon , Sc les fait créver en très - peu de temps par la fermentation excefllve qu’elle excite dans leurs eftomacs. Les conduéfeiirs de ces animaux doivent être fort prudens , circonfpefts ce atten- {Us pour les y faire manger" car une heure ( pour petdre tout un ttoupeau de bêtes à laines ou à cornes. On doit aittendre les gelées , & on évite de leur mettre le nez au vent > fur - tout quand il eft au nord • on les chaflTe de temps en en temps fur les chaumes ^ ou fur les jachères voifines. Au refte , on doit avoir la même précaution pour faire paître des trèfles \ une Luzernière peut durer ^ ainfi que le fain-foin , cinq , dix , quinze ou vingt ans , quand f herbe ou la dent du mouton ne la font point périr , on la fait faner âuffi comme ce dernier. On la lie quelque^ fois en bottes pour la mettre en meule ou en grange g elle s’entalfe alors mieux. C’eft un très- bon foin pour les chevaux , l’hiver & le prin- temps \ il échauffe , anime , nourrie & engraillè , fur-tout quand il n a pas eu de pluie , 6c qu il n’eft ni poudreux , ni moifi \ il eft bon auffi pour ies moutons. Quand la luzerne ne produit plus abondant ment J & qifelle eft trop enherbée , on la re^ tourne à la charrue ; cette terre alors rapporcem de bonnes avoines 6c de bons colzats > enfuire des feigleSg des vefces mêlées de feigle^ 5c enfin du /roment , fi la nature du terrein le permet* Si cctce terre eft bien nette & aidée de bons engrais, elle produira autant que d autres bonnes terres en culture , fur - tout fi le colzac fufdit eft cultivé à la manière flamande , comme elle eft enfeignée dans le journal d agriculture , par M. l’Abbé Roubaut, mois de Février 1778, page 65 , &c. C’eft la meilleure méthode & la plus profitable pour rajeunit le fol j on ne fauroit aflez la faire connoître. Art. I I L l! Trèfle. Le trèfle demande une bonne terre & de bons fonds , fur-^tout d ’argille un peu roide , rouge & en bon état de culture & d’engrais , il ne con- vient pas du tout dans un fonds marneux 5 crayon— neux 5 pierreux , & généralement dans toutes les terres fort légères & sèches 5 c eft - a - dire qu il n’y réulïît jamais auflî bien j cette plante eft bien plus friande que la luzerne & le fain-foin : ce dernier fur-tout qui vient parfaitement bien dans toutes les terres prefque infertiles , les rend même fufceptibles , quand on les défriche , de porter avec profit d’autres grains , tels qu’avoine ^ far- razin , feigle mêlé de lentilles & vefces. Le trèfle çependant eft , après le faiu foin , B 4 la meilleure nourriture à donner en verd dans I e- table aux vaches & aux chevaux ; il fournit de très- bon beurre & dans la plus grande abondance: on le coupe quand il eft en pleine fleur , îufqu’à deux 5: même trois fois, fur-tout quand on l’aide . comme la luzerne, de cendres & des mêmes engrais avant & après Thiver ; il eft plus difficile à récolter ec que le fain-foin ; avec du beau temps on en vient cependant à bout , quand il a elTuyé beau- coup de pluie; il eft poudreux, mauvais & dan- gereux , principalement pour les chevaux , ainfi que le foin de luzerne : il faut auflî le lailTer fuer sn tas , un mois ou deux. S’il eft poudreux , on le donne l’hiver aux vaf lies & aux moutons , après 1 avoir fecoué avec attention ; fa fenaifon & fa ré- colte font les mêmes que celles du fain-foin & de la luzerne , fi ce n’eft qu’il faut le remuer & k retourner tant qu’il foit auflî fec que le foin de Pré , pour le mettre en monts ou petits tas. Dans le champ meme le dernier regain qu’on ne fauche pas , eft une bonne nourriture pour les vaches & pour les moutons ; il faut les mêmes precas^ns pour le faire brouter , que pour la iuzeriie L ^fin de ne pas les perdre par l’enflure. On s|me^^qinze ou vingt livres de trèfle d 1 aipent d'^;_^rre , au printemps , à la veille d’une ^5 plui© 3 dans les avoines levées ^ dans les bleds Sc dans les feigles verds : on palTe légèrement un traînoir fur le femis : quand on veut en tirer de la graine , on ne fauche pas ordinairement la fé- condé coupe 5 on la laifle mûrir à fond j on bat la graine Thiver par une gelée sèche , on sème la paille courte , on la gouiTe au mois de F evrier dans' les Prés ou dans les bleds ^ verds , ôc fouvent il réuffit mieux que de femer la graine pure. Après la moilfon , on a quelquefois un bon regain à faire paître , ptfis Tannée d’après il dans toute fa force ^ Tannée Fiivante , on le fait manger par les agneaux ou autre bétail jufqu à la Saint-Jean ^ on le retourne avant Thiver pour en tirer une très-bonne avoine ou un bon lin non ramé. Art. I V. I Ray-Grajfe, • Le ray - graffe ou faux bled , dont la graine doit être tirée d’Angleterre , réuffit dans tous les fols, de donne un excellent fourrage pour les beftiaiix’ fa culture , fa récolte eft la même que celle du fain-foin ^ on doit avoir la précaution de le faucher quand \i tige commence à contenir Tépi formé : / 2 (y on peut le faire paître en verd au commencement du printemps j verd ou fec il fortifie , entretient en bon état & engraiffe. Cette plante réfifte quelquefois , quand les trois autres périlïent par un hiver rigoureux j elle eft encore de la plus grande relTource pour le laboureur, mais bien des perfonnes s "en paiïent. Au refte , dans toute exploitation il faut réunir la culture de ces efpèces , principalement des trois premières, pour h nourriture & la multiplication es beftiaux , parce que 1 un fupplée toujours au defaut de l’autre j tous ne réuflîlTent pas toujours egalement chaque année. L’Agriculteur qui muL ripliera fes beftiaux élevés chez lui , par ces nour- ritures & les autres que je vais citer, fera tout profpérer dans fes terres enfemencées , foit de bled, defeigle, d’avoine , de colfar & de lin', &c. Par I abondance des fumiers & des engrais de toute efpece, il engraillèra des beftiaux à volonté j il choifira , par curiofité , pour élèves , les plus beaux •dans chaque efpèce , fans jamais être dérouté j fans jamais être pris au dépourvu. Ses voifins émer- veillés , en feront autant , & bientôt toute une Province pourra 1 imiter 8c s’enrichir à fon exemple. Qui empeche qu’une Province voifine fuive la même méthode , & très-facilement , par le com- merce & les relations qu’un volfin a effentielle- ment avec fon voifin , &: enfin tout un Royaume. Tout ce que j ai propofé jufqu ici n a nen de commun avec les terres ordinaires en droite foie ou en jachère ^ ce que je vais dire dans les cinq articles fuivans , n’y aura pas plus de rapport ÿ c’eft-à-dire que les terres en bled ou en avoine , condamnées au repos (par l’ignorance, la pauvreté, ou l’impôt mal aflis Ôc arbitrairement perçu), feront toujours cultivées à l’ordinaire : je n’y dérange rien , ou bien peu de chofe ^ cependant par gradation & avec le bénéfice des engrais de la multiplication des beftiaux, infenfiblement toutes les jachères diminueront , jufqu au point de les fupprimer entièrement ; le tout aü profit du com- merce. Les denrées capables de vivifier les manu- faétures , telles que tous les grains huilleux , comme chanvre , lin , colfat , camomille , œillettes , Scc. La régénération de l’amehoration des troupeaux , de la finefTe des laines que le fol de la France peut produire avec autant de plus d avantage que 1 Ef- pagne de l’Angleterre , feront une nouvelle fource de profpérité que je veux trouver dans la troifieme partie du fol , qui forme les jachères ou 1 année de repos : on trouve encore plus aifément ces ri- çhçfles , qui vçtfit animer l’inertie des jachères , dans 28 cîeFrjchemcnt de tous les ' r î luus les marais noyés fous les eaux , formes en pré naturel , ou prairies artifi- cie les , ou en culture ordinaire ; ils donneront des n-aurntures nouvelles pour multiplier le bétail , -s umieis , (Je les fubfiftances des hommes ; toutes ce les propres à être mifes en bonne & floriffante culture , fans ces apprêts , n’y dérangeront rien - tout au contraire , en agriculture , une partie dé- richee , anime , vivifie l’autre qui eft en culture : rien d mutile , point de coup perdu. Je m’arrête. Rien de tout ceci n’arrivera, fi e Souverain ne tient point le timon de l’Etat, s il ne protège & n’encourage le laborieux Cul- tivateur. Kélas ! il peut le faire de la manière la plus aifee c^ la plus fimple ; c’eft de lui per- mettre de vendre librement fes denrées, c’eft de 1 empêcher d’être vexé, ruiné & avili par les fuppôts de la chicane qui , s’im.patronifant dans ime honnête famille, comme font les chenilles dans un jardin rempli délégumes, d’excellens arbres fruitiers , commencent par en ronger les feuilles , puis les fruits , & en peu de temps defsèchenî & dévorent le tronc & les racines. C eft ici qu un Monarque éclairé doit prendre la coignée du Sauvage de l’Amérique , dont Montefquieu fait une application fi jufte 5 c’eft ici 5 dis-je , qu’il doit frapper avec des bras dTIer- CLile 3 3c délivrer l’anlvers de cette > liydre mau- dite 3 de ces exécrables harpies , oifeaux plus fombres oc plus funèbres que ceux du lac de Stymphale 3 portant la trifteife 3 la défolation 3c la mort par-tout où ils fe montrent. Heureufes les Nations où un Héros pacifique, un Roi fage faura prendre la réfolution ferme de couper toutes les têtes de ces monftres odieux , ôc de détruire à jamais dans fes Etats tous les germes de cette horrible engeance. Supérieur à Cadmus , qui n’a voit d’autre talent que de faire naître des hommes , il aura celui de les multiplier , de pourvoir à leur fubfiftance , de les empêcher d’être dévorés par les plus infâmes dragons. L’apotliéofe cpi couronna les travaux d’Hercule , n’eft qu’un foible hommage au prix de celle quâ fera due par les mortels à ce Héros bienfaifant. O fages defcendans de Guillaume Penn ! ne vous lafTez point de verfer votre fang pour con- quérir la liberté que l’Auteur de la nature a donnée à tous les êtres. Si l’Europe tarde trop à fecoiier îe joug des préjugés 3c des preftiges qui rendent les hommes foibles 3c pufillanimes , vous aurez la gloire de lui en donner l’exemple dans un vaft^ hémifphèrc. t. l' l! .i I ^ J 11 Î3 Après avoir annobli votre race par de fi pé- nibles efforts 5 apres avoir établi un impôt unique & fimple fur le revenu des fonds territoriaux , il vous reliera bien peu de chofe à faire pour le bonbeur de vos defcendans y prenez les moyens fages d’empêcher à jamais que la rapacité des fuppôts de la finance &c de la chicane ne s’em- pare de vos foyers & ne s’y établiffe , pour vous fubjuguer & vous replonger dans les ténèbres dont nos régions font couvertes , que votre cou- rage diflipe , &c dont je voudrois voir notre con- tinent délivré. Empêchez par des Loix immuables que les Seigneurs féodaux n’arrêtent & n’anéan- tiffent les premiers efforts du talent & de la confiance par des vexations & des tyrannies qui feroient tarir la fource de tous les biens : ne fouffrez pas que certains célibataires comblés des bienfaits du Gouvernement , aillent abforber les richefîes & les avances de vos Cultivateurs , Sc falTent fuir les riches Colons de vos campagnes , en affichant un luxe révoltant & fcandaleux dans des Provinces affermies au prix de votre fang j empêchez que leurs agens & leurs efclaves ne dé- vorent les travaux & les mifes de l’Agriculteur laborieux par l’inflabilité des baux , par des rede- vances & des fermages exceffivement hauffés , & ■ XÏ-- ^ - '■ . "T ■-f - 51 fi exhorbîcans ï qu un bon père de famille & un prudent Adminiftrareur n oferoient jamais les exiger. Ne foufFrez jamais que régoïfme affreux qui dit, après nous le déluge^ s’établifle chez vous > il y produiroir plus de maux , il y ferait plus de ra- vage que n’a fait jufques aujourd’hui l’Anglois &: le fcapel du fauvage. Il faut qiie chaque Colon foit maître de fon champ , comme il a le droit d’y extirper les mau- vaifes herbes , d’y détruire les infeâres, vermeaux, mufaraignes , & tout ce qui peut nuire à fes ef- pérances & fes récoltes, il doit avoir de même le droit d’écarter & de tuer le lièvre , le lapin , la perdrix & le faifan qui ravagent fes vignes , fes grains , à plus forte raîfon , la biche, le cerf, le fanglier , le loup qui dévore fes brebis , enfin tout le gibier qui peur ravager fes moiffons. C ’eil ici que la fermeté du Gouvernement doit fe mon- trer invariable & protéger avec vigueur le foible opprimé par le puiflant dépourvu de raifon & d’hu- manité : autrement les loix les plus fages font bientôt renverfées* un Seigneur féodal, jaloux de la chaffe , tracafTera , vexera & ruinera , en peu de temps , le pauvre & le riche Cultivateur. Les gens de Loi, Greffiers , Baillis, Procureurs, I ' 31 Gâîuics ) S^rgcns y tout 1g corccgc de ïn chicane ^ ' qu’il a à fes ordres , vont bientôt affiéger l’inno- cent Agriculteur d’un déluge d’écriture les plus uniformes qu’il n’entend ni ne peut lire; il aban- donne auffitôt en gémilTant les plus juftes pré- tentions que doivent mériter fes vigoureux tra- vaux y il finit fouvent par être honni , & par mourir dans la plus affreufe misère , pour avoir défendu trop librement ce que fes bras , fes enfans , Dieu &c la nature avoient fait naître. Barbarie qui glace d’effroi tous fes femblables j injuftice , qui n’eft que trop commune dans plus d’un pays. O Penfylvaniens , ennemis de l’oppreffion & ptotefteurs des propriétés ! vous peuplerez & enri- chirez , en peu de temps , vos régions de la clafTe la plus laborieufe 6c la pi US intelligente des Eu- ropéens qui ont de lame & du courage , à moins que des Loix plus fages de réformes , de protec- tion 5c d’encouragement n oppofent une forte bar- rière à leurs émigrations (i). (i) Note de V Editeur, U Auteur écrivoitceci en 1783 ^ ce qu'il difoit alors aux Américains peut très-bien s'ap- pliquer aux circonftances aéluelles de la révolution; ArTî V. I V.' J A R T. Tomme de terre. Les terres limoneufes yfabloimcufcsy argilleufes ^ bien cultivées , bien nettes Sc ameublies, plus légères que roides , conviennent à la pomme de terre & au topinambour. Ce fruit réunit tous les avantages poffibles pour les hommes, les beftiaux Sc les volailles de toute efpèce ; étant cuite Sc broyée on en fait de très-bon potage pour les gens de travail avec légumes, comme choux, navets, carottes Sc ris en temps de difette ou de cherté de grain , elle y fupplée avec un grand avantage . toutes les moilfons leroient détruites par forage Sc la foudre , par les tempêtes Ôc les grêles les plus défolantes , le Cultivateur trouveroit en- core les pommes de terres , les carottes , les pa- nais, les betteraves , les navets, qui! empêcheroient de mourir de faim , lui & fon bétail ; c eft pour- quoi on ne doit jamais négliger de cultiver ces racines , qui , hors de ces années de calamité » de défaftres , procurent tous les moyens faciles de s’enrichir par .l’engrais des beftiaux , &c. l a tige au commencement d’Odobre , nourrit les vaches: le fruit cuit dans 1 eau Sc broyé avec du Ion , nourrit Rejîaumt, di l’agriculture , &c. C 34 dindon , oie , chapon , canard & toute forte de volailles. La pomme de terre engraiflTe les porcs étant mêlée de mouture de feigle , d’orge & ôc farrafin. Si on en fait bouillir avec des tour- teaux ou gâteaux de colLt & de chenevi ou avec des cnblures de linettes ou de la mouture de feigle ou de farrafin , elle engraifle les vaches & les bœufs j outre cela , on en fait d’excellent pain , d’excel- lentes pâtifferies , & de très-bons mets , fort légers. M. Parmentier de Paris a donné un très-bon traité fur cette fabrication qui ne laiffe rien â de- firer ^ la pomme de terre donne encore d’excellent amidon à faire de la poudre pour les cheveux, ce qui eft encore un objet de très-grande écono- mie. Je ne vois rien dans la nature qui puifle donner des bénéfices il réels , & en auffi grand nombre • un arpent de terre bien arrangé fournit plus de profit au Cultivateur , que toute autre pro- ' duélion , excepté le lin ramé ^ quand il réujjit. Sa culture eft la plus aifée , comme elle eft la plus fruétiieufe. Les fonds fablonneux & gras ou engraiftes 5 les fonds limoneux , &c. font excellens pour cette plante. Au mois de Février ou de Mars , par un temps fec 5 il faut labourer la terre qu’on aura bien fumée avant Phiver, la rendre meuble & douce , la bien < V 4 ’? 5 îierfer & la bien nettoyer des maiivaifes lierbes: à la fin de Mars ou au commencement d’Avril , on doit 5 par un beau temps , s’il efi: pofiibloy en- fouir a la bêche ou à la charrue les pommes de terres moyennes , ou les grofles coupées en deux ou en trois félon leur grofieur , ôc les placer à trois pieds de diftance. Quand la pomme de terre efi: levée Sc qu elle poufle en verdure , on prend une bêche ou plutôt une houe , on extirpe toutes les iTiauvaifes herbes en ratifiant au tour de la plante fans l’étouffer * quand la tige eft élevée Sc haute d’un demi-pied , on recommence cette opération , l’on ratifie tou- jours auprès de la tige pour y former une motte , où les pommes de terre fe plaifent à pulluler. On redonne encore une troifième Sc même façon J à la fin de Juin ou au commencement de Juillet , félon que la faifon s’avance pins ou moins , em- pêchant toujours l’herbe de croître près les mortes , que l’on forme à la fin comme une mofie taiipi- niere ^ cette dernière façon eft fou vent inutile quand il n’y a point d’herbe , Sc que la motte eft fuffîfamment groflie. On peut meme les planter Sc rehaulîer a la chai rue ^ ce qui eft bien moins difpendieux. Au mois d Oélobre , on fait la récolte paï un C i fceau temps ; un homme enlève la motte avec 1% bêche ou un trident , il refte ordinairement très- peu de ces pommes dans le fond:’de petites filles Sc de petits garçons font aux aguets , fecouent toute la terre des tiges , & les ramaflent * l’on met ces pommes dans une cave pour les conferver & les garantir de la gelée ' au mois de Février , on les met au grenier , où elles feconfervent jufqu’aux nouvelles ^ il eft furtout elTentiel d’en faire l’extrac- tion plus rot que plus tard , &: par un beau temps , de peur que la gelée ne l’atteigne 5c l’empêche de fe garder ^ on doit préférer la grolTe blanche tirant fur le jaune & un peu applatie , à toute autre efpèce 5 parce qu’elle réfifte mieux aux premières gelées 5 & parce qu’elle eft un peu plus enfoncée en terre ^ quoiqii’en général toutes cherchent la terre douce , légère ^ ratiftee & rapportée au haut de la groffe motte : cette récolte donne par le remuement un bon labour à la terre qui eft déjà bien nettoyée : après cette opération ^ on bine & on laboure le champ , on 1 enfemence en bled dans la même année ^ comme toute autre terre en ja- • chère ^ ou , pour mieux réuffir ^ en bled de Mars , en orge ^ ou paumelle , dont tout Cultivateur pru- dent doit toujours avoir une portion en réferve ^ pour fuppléer aux grains d’hiver péris ou gelés ; r '37 les Gouvernemeiis devroient même encourager lai culture de ces grains printaniers , qui empêcheroient une difette défaftreufe , ëc obvieroient à de grandes calamités. Ce fol bien ameubli par les façons données à la pomme de terre Sc par fa récolte qui équivalent aux labours des terres en repos , rap- portera donc encore un bon bled ëc d autres bons grains de Mars., Art. V I. Carotte.. I On sème les Carottes depuis le 1 5 de Mars jufqif au 1 5 d Avril , félon le temps qu il fait ; le plus tôt eft le mieux • deux livres Sc demie à Tar- pent fuffifent. Elles réuffilTent à merveille dans les terres douces Sc limoneufes 5 dans des fonds ou vallées argilleufes 5 mais pas trop roides. On laboure ces terres avant Thiver à la charrue ou à la bêche , dun bon pied de profondeur * il faut adoucir la terre , au printemps > avec la herle 5 femer^ puis herfer le femis. Quand les Carottes font bien levées , on nettoie les mauvaifes herbes à la main ou avec la houe ^ on ra- tifle bien la terre 5 Sc on les réduit à un demi-pied Tune derautrej onredonne encore un fécond travail' C3 à la boue pour détruire les mauvaifes herbes, jufqu a ce que le verd dés Carottes couvre la fuperficie du terrein. Au commencement de Novembre , oh arracne les Carottes j on coupe le verd , excellent pour le gros bétail , on met les racines à l’abri de la gelée , en tas ou dans de grands trous qu’on recousue de terre comme une tombe J on conferve de même les pommes de terre & autres racines- C’ell une excellente nourriture pour les vaches : elles donnent d’auffi bon lait l’hiver qu’on puilTe le defirer. Cette plante rafraîchit les chevaux & les engrailTe. Enfin, tant que la luzerne ne foie venue, elles font le plus grand profit dans une exploitation * plus on en a , mieux on s’en trouve- On sème également du bled après les Carottes , comme après les pommes de terre. Je ne parlerai point des panais , bettraves & racines de difette , parce que c’eft la même culture , qu’on en retire le même profit que des Carottes. Il efi: effhn- îiel que tout Cultivateur ne néglige pas plus leur culture que celle des Carottes. 39 A R T. V I L 'Navet, On sème les Navets communs , ronds & plats au mois de Juin , vers la Saint- Jean , dans une bonne terre douce bien fumee ou bien grafîe j on met à-peii-près une livre de graine a Tarpent. Quand les Navets font levés , qif ils ont deux ou trois feuilles, on y jette l’urine des beftiaux ; cette opération doit être faite à la veille d’une pluie , rien n’accélère plus leur croilTance , ils ’ deviendront très-gros. Le Navet &c fa verdure font excellens pour les bœufs Ôc les vaches , perfonne ne l’ignore 5 il faut en avoir en tout temps , autant que faire fe petite mais particulièrement l’hiver , on en tire le plus grand profit. On en- graifife des bœufs 3c des vaches avec les carottes , panais , bettraves & les feuilles de haut choux • celles-ci donnent alors autant de lait & d’auffi bon beurre qu’en été. On sème encore des Navets après la récolte du feigle , quand la terre n’eft pas maigre ; mais il faut fur-tout femer au mois de Juin ou Juillet la rabba ou turnips : c’eft la rabbiola des Provinces méridionales de France , elle fort de i C 4 terre tient que par le bout de la racine elle devient très-grolTe • c’eft une excellente nour- riture pour les bêtes à cornes & les porcs , & on doit toujours en femer beaucoup pour en avoir tout I hiver, & les conferver comme les carottes, panais & bettraves dans des trous faits en terre* On sème également du bled de Mars ou d’hiver après les Navets comme après les autres efpèces précédentes. Art. V I I L Choux. •t On seme la graine de haut choux dans une Ix)nne terre bien grade & bien fumée , au mois de Mars ou Avril ; on les replante au mois de Juin dans une terre voifine de la ferme & des étables, ainii que les carottes , panais 5 bettraves , navets pommes de terre • on les a plus tôt fous la main & on ne perd pas tant de temps par les voitures ; on les engraiffe avec Furine des beftiaux : ils viennent alors de quatre pieds de hauteur • on ratilfe aiiffi autour du pied 5 il doit être à trois pieds de diftance ' la tige eft toute garnie de feuilles depuis le haut jufqu’en bas ^ on arrache celles d en bas toujours les premières au mois de 41 / Novembre & Décembre, on en fait de très-bon breuvage pour les vaches avec du fel , du fon ou de la mouture , & fur- tout pour les élèves , rien ne les fortifie mieux ôc tien ne les empêche tant de languir • on doit toujours en avoir beaucoup , ils réfiftent le plus long - temps à la gelée. Cette graine eft très - commune en Flandre , une livre fuffît pour un arpent ;de terre , ainfi que les navets ôc le colfat. Il faut que le fel foit commerçable 6c point coûteux ^ il eft aufli eflTen- tiel à la ianté des animaux qu’à celle des hommes. D’ailleurs , le fumier acquiert une qualité exquife 6c précieufe pour les terres , quand on donne du fel aux beftiaux. Art. I X. Ris - fec. M. Poivre a rapporté de fes voyages une efpèce de Ris connu à préfent en France , 6c qui y réuflit très-bien j on le sème 6c on le récolte dans un terrein fec , fans qu’il ait befoin d’irrigation , d’où lui vient le nom de Ris-fec. C’efl: la même culture que pour la paumelle , l’orge printanière 6c les autres grains de Mars j il feroit d’une grande refïgurce devenant indigène» On fait combien ce, i:. J/: - -' IT'i 'î -’it; . ■ - . V *• 'U • ■ ■ • ; V teSKt-ri' Sÿÿ* S.V Æ . ■ ■ VJ;'- -îv ■ -i M 'f xSVj v * V ■ »■ ' -Jl J:' ■: y^i ''ÿ grain eft utile dans les temps de difette , & com- bien Tiifage en eft agréable & faliibre , au milieu, meme de 1 abondance. C eft pour tous les âges de la vie un mets délicat ëc fain ; fa culture eft facile ^otiime celle des autres grains de IVIars i il exi^e auffi peu de dépenfes que de foins. On peut le joindre à prefque tous les autres alimens ; les Indiens qui font bien plus près que nous de 1 lieureufe fimplicite de l’âge d’or , préfèrent le Ris â toute autre nourriture , & cet excellent fa- rineux contribue à leur rendre le fang pur & calme ^ & par conféquent le caradère doux. Cependant , joint avec les viandes que notre agriculture produira plus abondamment ^ il fera un aliment fort & folide qui influe néceffaire- ment fur un tempérament robiifte j il faut le propager dans nos campagnes où règne trop de misère. La multiplication des beftiaux produira une abondance de fuif, de beurre ^ ôcc.y qui enrichit l’Irlande. Le commerce des* groflès & menues falaisons , de pelleteries nous fera fortir moins de numéraire pour les cuirs de Hongrie & autres, que notre induftrie apprendra bientôt à façonner • nous pourrons même en fournir aux étrangers. Que de richeffes perdues pour nous , parce qur I I 43 nous laifïoiis notre fol dans 1 inertie y c^ue 1 in- duRTie françoife fuira bientôt viviHer au- delà de ce que je puis exprimer. Or 5 je fuis perfuadé qu on peut totalement fupprimer les jachères , d'abord dans les bons fonds , puis dans les médiocres , Sc graduellement dans les mauvais fols , par les fecours des prairies artificielles , des beftiaux Sc des fumiers Sc autres enerais . Sc du fel Sc du tabac vendus librement j par l’abolition des fuppbrs de la Gabelle, des Aides & autres Vampires du Royaume , enfin par un impôt unique Sc dired ^ mis fur les revenus des fonds ruraux Sc autres. Toutes les impofitions indiredes font ruineufes , Sc détruifent les ri- chelTes des champs de du labourage. Le monopole n’affameroit jamais un pareil Royaume j ceux qui voudroient Taffamer , fem- blables à Tantale , moiirroient plutôt de foif Sc de faim au milieu de leur or Sc de leur argent , Sc le Laboureur vivroit tranquillement avec fes denrées Sc fes beftiaux , il repoulTeroit de fes bras nerveux celui qui voudroit Tarmer contre fes Concitoyens en lui promettant des rlchelfes qu’il méprife , parce qu’il n’en a aucunement befoin. if: i 'If Tabac. Les bas-fonds , gi'as , noyés ou expofés à letre i de quelque nature qu’ils foient , doivent avant tout être faignés par des folfés dont un bout au midi ^ &c 1 autre au nord , & , fi les premiers ne fnffifent point, par des fofies tranfverfaux. La terre tirée des folfés , fi elle fe trouve toujours d’une nature bien gralfe 5 mêlée avec celle de la fuperficie , pourra être mife aufiitot en culture , à moins que ce ne foit des cailloux , rocailles , crayon ou tourbes , &c. On y plante ou repique du tabac au printemps , femé avant dans une couche ou dans un jardin ou terre fort gralfe & fumée; on ratilfe la terre autour , quand la plante s’élève, comme aux pommes de terre ; tous les rejets la- téraux & ceux du fommet qui veulent monter en graine doivent être coupés , à mefure qu’ils fe montient , avec 1 ongle du pouce : il doit être planté en rangées égales ; les rangées font à deux pieds I une de 1 autre , & chaque plante a un pied de* diftance , on laille croître huit ou neuf feuilles avant de châtrer la fommité , il demande beaucoup dalîiduité pour couper les rejets laté-^ wm en malTe au grenier , il ' eft alors’ bon pour la vente. Après le tabac , on met encore du bled de faifon , ou de Mars , ou d’orge d’hiver , comme après les pommes de terre , les panais , bettraves & les navets ; je parle ici de la culture de cette plante , parce que je crois que c’eft une très- grande perte pour les Souverains qui la prohibent dans leurs Etats. Les Entrepreneurs-généraux qui en ont la manutention & radminiftration ex- clufive, niafquenc ôc décrient autant qu’ils peuvent l’excellence des tabacs européens ^ pour en tirer un profit centuple * cependant dans les terres gagnées fur les eaux par le delTéchement , où il faut abforber la furabondance des fucs nourri- ciers > la même récolte du tabac pendant quatre ans ne rend le fonds que plus propre à porter d’autres fruits • & certainement il exifte de ces fonds en Europe , fur - tout dans les marais ôc dans les terres defféchées , baffes , graffes & li- moneufes, telles que je les ai ici annoncées. Au refte , fi le tabac n’a point le droit d’y pouvoir végéter fans le fceau du Souverain , on peut encore épuifer la richelfe de ces fonds par les chanvres , les lins ramés , les colfats œillettes ou grands pavots , les camomilles , &c, ^ 47 tous grains liuileiix Sc eirentiels pour les maiiu- fadiires , la marine 6c les arts 5 6c même les oignons qui y viendroient auffi gros que ceux d’Egypte. Je n expliquerai point la culture de toutes ces graines qui n’eft que trop connue , j’en ai donné plufieurs mémoires imprimés dans quelques journaux François , il y a long - temps. Les fonds ici défignés doivent être mis en avoine ou en orge , pour pomper lexubérancé des fucs 6c des fels nourriciers ; on la donne en verd , fi elle vient trop forte , finon on la laide mûrir , il faut y femer le printemps fuivant du chanvre, le printemps d après du lin ramé par un beau temps , après avoir bien adouci la terre à la herfe , à la charrue ^ puis des œillettes , & alternative- ment du lin , du chanvre , des oignons , de avoine , tant que la terre ne foit plus trop forte, & quelle puillè être femée en bled avant 1 hiver , ou en bled de Mars , orge , paumelle , riz - fec. Urh enhn Uni cainpum figes , urit avena ; XJriint lœthœo perfufa papavcra fomno ; Sed tainen alternis facilïs labor Virg. Geoi-g. Lib. i; Toutes ces plantes delsèchent ces terres grades 6c humides, & les difpofentâ porter du froment : il W i' ïl îe Colon y trouve un très-grand profit fans dépenfc d’engrais , tous ces grains font femés au prin- temps ; ils ne courent pas les rifques des hivers trop rigoureux ou trop doux , qui font périr le' plus fouvent ces grains d’hiver. Il eft de ces fonds privilégiés par leur pofition & leur qualité fiipérieure , qui rapportent tous les ans des récoltes très-abondantes ôc très-précieufes. Ces terres femées en lin portent encore immé- diatement après qu’il efk enlevé , dans la même année , une fécondé dépouille ^ foit en navets , foit en plançons de colfat : ces fruits ^ loin d’é- puifer le terrein , ne font que le rendre plus propre à porter de bon froment & de bon feigle j &c. 5 qui auparavant auroient fondu & feroient pourris dans le champ. Quand donc cette exu- bérance des fucs eft enlevée , on cultivé cette terre comme tout autre champ mis de longue main en culture , en femant du colfat , du bled , vefce 5 hivernace , fève , lentille , avoine j ce font autant de récoltes gagnées fans dépenfe d’engrais* Sic qiioque mutatis requiescunt fœtibus arva. Virgil. PJen n’eft plus vrai que la variété des fruits &c des produélions répare les terres : Si , no- nobftant. tous ces foins ^ on voit , dès les premières dépouilles 5 Püiuyjiu l?!! 3 5' I 49 dépouilles 5 que les herbes étouffent les produc-^ tions y quand le gazon eft pourri , on resème ces te^'res en avoine * aulTitôt qu’elle, eft levée , on y sème quinze ou vingt livres de trèfle à l’arpent , qu’on donne l’année fui vante en verd au bétail , tant qu’il dure ; l’année fui vante on le laifte engazoïu^er Sc enherber : il deviendra un excellent pré à faucher , on à faire brouter par le .gros bétail. Dans toute la méthode ici expofée , je crois qu’il ,y a un profit réel 5 bien plus avantageux que de laiflTer en friche de bons terrelns^- le Cultivateur y trouve toujours du bénéfice , plus d’engrais Sc plus de moyens d’amélioration 5 on fauche plus fouvent les prairies artificielles que le pré naturel qui ne donne qu’une fois , puis un regain. On objeétera qu’il y a moins de frais, moins de dépenfes pour ce dernier ; oui , fans doute ; mais ne font- ils pas bien compenfés par le pro- duit de toute efpèce? Par-toüt où on travaillera la terre , comme je crois l’avoir fait fentir , oîi aura plus de beftiaux * outre cela , on récoltera plus abondamment du froment , méteil , feigle , orge, maïs j en fus Sc en pur gain, des lins , colfats , chanvre , camomille , lentilles , vefces , fèves qui fournifTent deS nourritures aux hommes, Rejlaur. de V agriculture , D iUlx bediaux > & des denrées , comme je l’ai didj pour le commerce , les manufaétures & les arts* au lieu qu’avec les prés naturels on n’a que des beftiaux , & encore en plus petit nombre qu’en mettant une partie' du terreîn alternativement en prairie artificielle. ^ ‘ * Les marais noyés fous Féau ne doivent donc pas même être exceptes 5 à 'moinT qu’il 'n’y ait de la tourbe dont Fextraélion eft bien avantageufé pour le chauffage, & les cendres pour l’engrais des terres , à moins encore qu’ils ne foient fi humides & d’un fi mauvais fonds, 'qu’on ne puiffe les planter qu’en aulnes , ofiers , failles & autres bois aquatiques. Quand, on les a faignés , on les laiffe en pré naturel pendant quelques années Von y met les beftiaux : là terre s’affermit infenfible- ment fous leurs pieds ^ oh fait des folTés droit au nord & au midi , d’autres à Forient Sc à l’oc- cident ^ dans les plus bas fonds qui font ordi- nairement les plus tourbeux ^ on forme des étàng’s par Fextraétion de là tourbe , qui dédommagent amplement lés' Entrepreneurs de cette opération , en coupant le terroir toujours trànfverfalement : on vient enfin à bout de les 'cultiver comme lés terres les plus sèches de les plus élevées , avah- tage qiFon n’obtiendra jamais , en les laiffànt en mmmoi jÿsmmsm 6^3 / 51 pré ordirrairé on naturel j fi ce n’efl: qu’ils fournifienr (les foin fi abonfians & d’ime qualité fi exquifc , qu’il y auroit de la folie à' les défricher. Pour peu qu’on life rhiftoire des anciens Peuples , on voit qu’ils ont toujours eu des bois immenfes à abattre , à defiecher des bas - fonds qui ren- doient le pays inal-fain & inepte à la culture - les bêtes féroces dominoient impérieufement cette nature as:refte : le travail ëc l’indufirie de l’homme adif ont tout furmonté. Dans le Nouveau- Monde 5 ce font les mêmes opérations : ceux qui cultivent d’abord- les tcrreins élevés Sc arides ^ fe rebutent bientôt * redevenus plus fages par leur expérience propre , ou celle des voifins ^ ils aban- donnent les hauteurs pour delTécher ôc cultiver le^ plaines de les fonds bas qu’ils avoient négli- gés. Ce changement ne doit furprendre perfonne , puifque dans l’Europe , depuis fi long- temps po- licée , 3e aujourd’hui fi éclairée , il faut que des Sociétés patriotiques propofent par-tout des prix, pour convaincre les Goiivernemens de l’arilité des defléchemens & des profits qu’on peut re- I * tirer des marais qui , pour la plupart, font des bas - fonds. A Aiiffi la première dépenfe pour les marais doit être faite par le Gouvernement j cette opération D 2 niérite rattentîon des propriétaires, patriotes Us plus puilTans & les plus éclairés : s’il faut des ca- naux pour faciliter 1 écoulement des eaux,- s’il faut les faire pafTer par les polTeffions'des petits & des grands propriétaires , s’il faut fupprimer des moulins à eau nuifibles , & inondant tout un pays , les particuliers feront-ils en état de fe faire en- tendre , leront-ils écoutés ? d’ailleurs iront-ils ex- pofer à l’aventure leur petit pécule, pour un bien futur dont ils m’auront peut-être, aucun profit? C’eft donc au Souverain à mettre la première main à ces travaux , & à encourager les cultivateurs •patriotes qui s’expofent à des tentatives fi péril- leufes : c’eft une avance foncière dont plus tard ûl eft amplement dédommagé ; à la place de ces eaux incommodes dont il n’a aucun tribut au- cun denier, vont naîci'e des grains , des beftiaux de toute efpèce , des abeilles, de la cire , du miel , & des hommes eflentiels à la culture , & d’au- tres pour le commerce , les manufâélures , les arrs,da marine & la guerre : fi elles relient crou- pifiantes , leurs exiialaifons empoifonnées portent dans tout le pays le germe des maladies les plus rebelles & la mort. - Il * me femble que cet expofé’ fait afiez fentir l’utilité de cette méthode, la préférence qu’elle 'llL t\ 53 irkérlte , Ôc fa fupériorité fur tant d^autres qa*on vante beaucoup ; tout ce que j’avance eft fimple ^ -de appuyé fur l’expérience la moins fufpeéte : toute- fois pour ne point courir le hafard de fe tromper fur un ouvrage de pure théorie, on pourroit faire d’épreuve & les eflais en petit de tous ces travaux -qui n’appauvri roient perfonne. On objeétera peut-être que dans la manière que l’on propofe ici de défricher Ôc de cultiver on ne voit point d’année de repos , point de ja- : chère ; non vraiment 5 c’efl: là le principal but : fi les hommes ne fe rebutent point de manœuvrer la terre à la charrue Sc fur -tout à la bêche, de ■ l’aider d’engrais par le moyen des prairies ar- : tificielles ôc des racines , telles que pommes de -terre 5 carottes, panais, betteraves, navets, ^c. , ils ne manqueront jamais de fubfiftance pour eux ^ de pour leurs beftiaux , Ôc par conféquent de fu- rinier': la terre n’eft jamais laflTe de produire des ; fruits profitables. Abandonnée à elle-même , elle , en produit de mauvais de infalubres , il faut la rc- mucr avec une bêche d“or : cette culture n’exclut donc point celle du bled , du feigle , de l’avoine , ' des fèves.^ des feourgeons, du lin , du colfat , des • œillettes, &c. • au conttaire elle, la facilite de la corrobore : les fonds qu’on deftine au fain-foin D 3 * ■54 6c 'à la luferne ne font furement pas les meilleurs ; ils font en repos pendant 5 , lO’, 15 ou ao ans , plus ou moins , félon la qualité du " fol ; ils don- nent le temps de rejetter tous les autres fumiers fur les meilleures terres qu’on cultive pendant ce temps 5 félon l’ancienne routine , avec profit , en froment , lin , colfat , &c. , parce que les fu- miers provenans des pailles font préférables pour les grains , parce que les cendres de tourbe , de bois , fuie de cheminée, cendres d’houdle , chaux, urine des beftiaux , latrines , &c. , conviennent mieux aux prairies artificielles. Si r on met des pommes de terre , carottes , panais 3 betteraves , navets, choux, ce n’eft ja- mais dans une grande quantité de terres * ce n’effc qu’à proportion de fes beftiaux & de fon ex- ploitation : on a toujours , malgré la récolte de ces fruits eftentiels ôc précieux, le même nombre de terres , ou peu s’en faut , en bled , emfeigle , en avoine , en fcourgeon , dec. , comme dans les foies réglées & de repos j le colfat, lin , œiiillettes , fèves , carottes ôccl , ■ tiennent lieu de jachère ; on sème du bled immédiatement après leur dé- pouille , fans laifter la terre en repos. Voilà la vraie richelfe d’un Colon intelligent , qui jette • de l’or à propos fur fes terres par .des avances \ f (' 5 5' foiiteniies & réitérées gui le dérloiruTiageiit tou- jours amplenient de fes mifes , de fes foins ^ de fes travaux par la fuppreflion des jachères. Un royaume qui a quatre cents millions de re- venu , en aura fix cent millions , Sc bien plus , loçfque tout fera dans un état de florilTante cuU ture, je trouve cette augmentation dans les grains huileux 5 tels que colfat , lin , chanvre , cciilet- tes 5 Scc. 5 qui donnent l’aliment au commerce , êc qui occupent utilement l’année de jachères ^ dans l’augmentation des beftiaux , des fui fs , des fa- laifons , des pelleteries , des laines perfeélionnées , des nourritures > des fumiers , ôcc. La terre ne fe lalTe jamais quand on l’engraifle 3c quand on la cultive bien ^ ce font les’ hommes inexpéri- mentés 3c pauvres qui fe laffent 3c fe rebutent j rien donc n’eft plus vrai qu’elle rend en propor- tion de ce qu’on lui donne y mais comme je l’ai dit , l’alternative 3c la variété des produétions ré- parent 3c renouvellent les terres y les engrais nou- veaux la rendent plus produélive 3c plus prof- père. Dans la culture des jachères, la terre produit toujours les mêmes fruits depuis le commence- ment d’un iîècle : dans la première année y du bled , métcil , feigle ou orge j dans la fécondé D 4 année , de lavoine , vefce , ou lentille ; enfin 1 annee du repos ou de jachèrçs pour la troifièm^ ünn0c 5 àc c cft toujours le même cercle ôc I3. même ritournelle jLifqiia la fin des fiécles. Par la méthode propofee ^ il naît un nouvel ordre de chofes 5 il fe fait une ^ autre révolution dans les efprits & dans la culture ordinaire. Je demande a tout liomme de bon feus ^ lî les flics Sc les fais propres Ôc convenables à la croîf- iance du bled ^ leigle 5 avoine , ôcc, , ne doivent point s epuifer par une longue fuite d années , dan^ des fonds qui ne font pas riches & privilégiés par leur nature , qui ne font jamais p'rofondés à la bê- Cne ni a la charrue, ou par de nouveaux engrais, d autant plus que les principales racines de ces ef- peces font en griffe & n atteignent que la füper- ficie du fol, qui louvent n'eft remuée- que par de chetives charrues ôc des labours légers 5 au lieu que dans la façon que j indique , on manœuvre bien autrement la terre : on ~ la profonde , on la renouvelle, on la rajeunit, ori rengrailfe beau- coup plus, & on le peut, parce que Ion a plus de beftiaux , plus de cendres, plus de chaux & au- tres engrais nouveaux, & en fus plus de fumiei>' J_e plus grand nombre des efpèces que je propofe ^ cultiver , tels tjrre fain-foin,' luferne, trefle^ / 57 chanvre^ colfat, lin , œillettes , fèves , carottes s &c. 5 ont des racines longues Sc, pivotantes qui Vont puifer au plus profond du fol , des fucs vi- vifians Sc nouveaux, & cependant morts dans Pautre cultiue. Les cendres de tourbe, la chaux mêlée enfemble , les fumiers ôc les engrais tour- nent donc encore au profit des fromens , méteil , avoine , Scc, que ces racines n ont point fucés. On peut donc par ces moyens, & petit à petit , fiipprimer les jachères. Ceci me paroît fi clair, fi fimple>& fi facile à pratiquer , qif il feroit fuperfiu de s’étendre da- vantage là-deffus y mais les gens de la campagne ne s’en rapportent point , pour l’ordinaire , aux foi- licitations ni aux rtiémoires écrits : il leur faut des démonftrations palpables , parlantes aux yeux ôc fortifiées par les épreuves , l’exemple &c les fuccès d’un étranger ou d’un voifin : ils s’en mocquent malgré cela dans le commencement , parce qu’il cultive autrement qu’eux. C’^eft bien parmi cette clafle d’hommes que les préjugés font plus difficiles à vaincre &c a furmonter ; les femonces ôc les în- jonélions n’y font rien * il faut donc prendre des voies plus douces , d: cependant qui atteignent plus sûrement le but qu’on fe propofe : c’eft le bon exemple d’un propriétaire Sc d’un agriculteur tlclxc r s ? ' & entendu , je l’ai déjà trop répété , Sc c>ft le mot de l’énigme rurale. Les travaux fans cefTe renaifl^ns des* hommes Utilement occupes^ laifance c^uils leur procu- rent 5 réveillent chez eux 1 aétivitc ôc l’induftrie ^ i interet les anime , I émulation les aiguillonne ; lis deviennent plus éclairés , ils voient tous les jours de trop près les bienfaits de 1 auteur de la nature > ils en jouiffènt avec trop de reconnoilTance pour le livrer a I inaélion & à des fuperftitions popu- laires : il eft bien plus difficile de les induire en erreur que les peuples défœuvrés , & conduits fou- vent par un chef qui a intérêt de les tromper- Les manufaâures les arts & laifance s’établifTent^ ^appellent le bonheur , & font fuir infenfiblemenc les préjugés & les preftiges qui tiennent dans l’a- LrutifTement les hommes faiivages , les peuples Barbares ^ ôc même les Nations policées qui ne font point agricoles. O Souverains de runivers qui gouvernez les .Nations , vraies images de la divinité , vous dont •la volonté fait difparoître les hommes, ou les fait naître â vôtre gré, puiffiez-vous être perfurdés qu’un impôt mal affis & ^ arbitrairement perçu , qu’un 59 éàlt mal combiné, fait autant de tort a vos états ^ que le vent fec 3c brûlant du midi , ou la gelee hot^s de faifon en fait aux fruits , aux campagnes verdoyantes 3c fleuries qifils defsèchent entiè^ rement. La guerre peut faire périr des millions d hom- mes 5 vous pouvez 5 ô potentats^ o peuples libres! fans beaucoup de peines , faire fortir du néant des - milliards de générations nouvelles : protégez le cul- tivateur contre la financé , la chicane , 3c toute oppreflion maltotière; encouragez-le , rendez-lui la liberté 3c la noblelTe de fon premie# état j il fera riche ^ & vous très-puiflans. Met MOT) E-pr a tique de semer et planter, le colsat a la . majiière jlamande^ 1 ^ Imprimée à Paris au Bureau royal de correfpon- dance générale , rue des Deux-Portes Saint-Sauveur ^ Février 1773. ' . , Eihil agricuhiirâ meliiis ^ nzhzl uierîus ^ nifiil homme liher O dignius, , Cic. de Ofîic. '1-L y a trois fortes de terres , la glaife , le fable, la marne. La glaife , mêlée avec une portion de fabie 5 eft ce qu on appelle argille. Les différentes combinaifons, les differens mélangés de ces terres compofent la variété infinie de tous les fols , & c eft ce (]ui leur fait donner ces dénominations parnculieres : marneux , où la marne domine 3 gîaifeux , où la glaife eft en plus grande quan- tité y fableiîx , où le fable prévaut. A proprement parler, il n y a que deux fortes de terres : Fuiie forte > ëc î autre légère 3 leur mélange leur fait donner différens noms. Leurs couleurs font auffi variées » que leur nature & leurs propriétés * la glaife eft ia plus compacte 8c la plus tenace , celle que Ta- gricuîtiire doit le plus diyifer remuer & rendre l-égère par le moyen du labourage, ou le méi- lange d'une autre terre , ou engrais plus léger. Le fable efl- ordinairement léger , vole au vent. Xe labourage ne doit pas être lî fréquent fur ce fol ; mais il faut y multiplier les engrais les plus gras , les plus compaéts pour lier fes parties incohérentes & divifées. La marne pure 3c propre à faire de la chaux , efl: excellente pour échauffer les terreins froids & humides • la marne sèche , craye ou crayon y efl propre auflî ^ mais princi- palement pour divifer les fonds glaifeux, trop ar- gilleux 5 3c dont les pores font trop ferrés. La marne graffe 3c glaifeufe efl: merveilleufe dans les fonds de nature légère ; elle relie les parties fé- . parées , 3c leur donne la confiflance néceffaire dont .elles étoient dépourvues. Je crois que la fcience du Laboureur fe réduit à rendre les terreins compafts affez divifibles éc . fpongieux , pour que la ftagnation des eaux plu- . viales 3c d’hiver ne pourrifle point la racine des plantes 3c des grains, les abreuvant des fels inhé- relis au fol , de ceux dont ratmofphère l’imbibe ÿ 3c de ceux dont rinduftrie du Cultivateur l’en- ricliit. Dans im fens contraire , les terreins trop . légers qui volent au vent ou s ’affaifent trop ( ce qui ^ met a découvert toutes les racines , les fait geler ou languir , périr enfin ) , doivent fubir une opé- ‘6t ' I ration toute différente , & qui donne du corps St de la confiftance à leur légèreté. La plupart des fonds fur lefquels l’agriculture n’exerce pas toute fa vigueur, ne font jamais remués bien profondé^ nient. Quand , en lîllonnant la terre , le Labou- reur ramène à la fuperficie une terré plus dure plus compaéte , ou d’une couleur différente de la couleur ordinaire , il dit : cette terre ne vaut rien ; il n’ofe la percer plus avant,* de \ forte que l’eau féjournant toujours fur cette croûte , réfroidit le fol , empêche la végétation , le pivotement dés racines , St nuit on ne peut pas davantage à l’ac- croiffement des plantes. En ruiffeiant la terre de huit pieds' en huit pieds par planches égales, on commence à donner un écoulement aux eaux j le mélange de la terre , tirée du fonds des rigoles où ruiffeaux dont nous parlons, avec celle de la fuper- ficie 5 va rajeunir tout le fol : deux ou trois ans après on renouvelle la même befogne , c’eft-à-dire ' qu on ruiffelle encore la terre* dans l’endroit le plus bombé, ou le milieu des anciennes planches. Xe fein de la terre , ainfi déchiré a fonds par plu- fieiirs reprifes & en tout fens , ne fera plus noyé; les racines trouvant une terre meuble , s’étendront en liberté*, & pomperont les fucs propres à leiir efpèce ; les fonds de la Flandre , bons ou mé diocres, ont été" ii fou vent ruiffelés & déchirés d timms ■MP 'H/ il!*® \ long & dè lafge , en croifant , 6c de tant de ma-^ liières avec la charrue ou la bêche , que dans cer- tains cantons , les plus fubftanciels y font fort légers a' une très-grande profondeur : aullî , quelle variété^' dans les produdions du pays , quelle fécondité on la dit inépuifable. On Tattribue , mal* à-propos, à Texcellence du fol 5 elle n’eft due qu’au travail, à la déperife continuelle & à rinduftrie infati- guable de fes laborieux habitans. Les engrais y font- fort chers : peu importe , il faut en avoir* on ert fait , on en achète à quelque prix que ce foit» Oui.*' Mais , dira-t-on , il faut bien de largent & des^ richelfes pour fournir à toutes ces dépCnfes : j’ea conviens*, auffi dit-on quil faut remuer la terré avec une bêche d*or , que lagriculture haït pau- vreté 5 que fans avances on ne peut faire aucune dépenfe , & fans dépenfe, point de récolte* enfin, pauvres Laboureurs, pauvres moiflbns j pauvres moifions, pauvres villages j pauvres villages , pauvres Provinces* pauvres Provinces , pauvres Royaumes* Ce préambule un peu aride efl: cependant né- celfaire pour faire entendre la culture flamande du colfat 6c des autres grains. Autant qu il efl: poflîble, il faut déchirer la terre avant 1 hiver, ce que Ton appelle donner une ^4 t^yeaVec la charrue qu’on nomme hlnè (i) , hinoit ou binot. Enfuite il faut la herfer , puis y voiturer du fumier bien pourri. Cependant lî les terres font en bon état & affez grades , il n’en faut pas, parce que trop de fumier fait venir la tige trop haute , moins bonne à planter , de plus foible pour réfifter aux gelées * fi l’on n’a pas pu y porter du fumier avant l’hiver , il /aut néceflai- rement en mettre au mois de Mars , l’enfouir au ^ ^ -4. binoit , puis herfer , enfin donner un fécond labour ^vec la charrue tourne-oreille ou le brabant. Peu de temps après bien herfer , enfuite retourner la herfe fur le dos avec lequel on applatit le terrein • ce qui empêche la séchereflTe d’y pénétrer : en lan- gage du Pays on appelle cela plouîfcr» Vers le (i) Bine , hinæ aures ^ fignlfîe charrue à deux oreilles immobiles* * * L’autre charrue a une oreille de fer ou de bois , mo- bile , & le brabant ou le loup qui a . aufh une oreille immobile , & qm n’a point de roues ; foa axe porte fur un petit patin qu’on remonte ou liauffe à volonté , ce qui enterre ou déterre la charrue plus ou moins. Elle efi excellente pour les défridiemens & les terres fortes ; cVft la plus expéditive & la meilleure de toutes celles que je connois; on n’arréte jamais : on va toujours en avant,, & en tournant au bout de chaque champ* premier ^5 premier de Juillet ou environ , il faut un troilième labour avec Tune ou l’autre charrue j herfer & ploutrer comme ci-delTus. Vers le ao du meme mois on sème le colfat , on pince la graine avec le pouce & les deux premiers doigts fuivans • pour la femer, le femeur doit embralTer deux bons pas, fur-tout il doit fe garder de femer dru 5. un tour de herfe fuffit pour la couvrir ; deux livres ou deux livres & demie de graine fufïifent pour un arpent de terre* A la fin de Septembre , cette plante doit être arrachée avec la racine , mife en bottes pour etre traiifplantée à la main , jufqua 1 œillet , dans une autre terre qu’on prépare de la maniéré fuivante* Les feuilles les plus près de la racine font très- bonnes poim les vaches. On peut planter le colfat après toutes fortes de récoltes. La dépouille du champ étant en- levée ^ il faut biner ou binoter , c’eft-à-dire, labourer avec la bine & la herfe , pour détruire l’herbe de la fu perfide , voiturer de bon fumier , ( tous engrais font bons ) enîuite 1 enfouir avec la charrue tourne-oreille ouïe brabant, par planches ; c’eft - à - dire qu’on trace huit raies , & que la huitième refte ouverte \ c’eft de ce fillon ouvert qu’on tire avec la bêche la terre qui , plus tard , Reflaur. de V agriculture ^ &c, E I ' -’V- F/'îS T'-M tecliaiifTe , regarnit la plante du colfat , &: ra-' Jeiinic le terrein. Ce font des femmes , des petits garçons, des jeunes ‘filles qui plantent le colfat:’ ils en prennent un faifceaii fur le bras gauche, de la , main droite ils empoignent quatre ou cinq plantes ■ plus ou moins , félon leur groffeiir , les enfoncent une cl une , à-peu-près jufqu a l’œillet, dans des trous qu’un homme vigoureux fait avec un inftrument garni de deux grofies dents de fer. Cet homme' va toujours en reculant, brife les mottes, & ap-’ planit le terrein avec les pieds. S’il y a trop de mottes , on palTe la herfe fur la planche pour" adoucir la terre. Cet homme fait les trous par rangées & routes. Chaque rangée a un pied 5 chaque plante eft à quatre pouces de diftance \ chaque trou doit être rebouché par le planteur , en ap- puyant le pied fur la terre près de la racine, comme on plante les choux ou les porreaux.^ Vers le mois de' Novembre, on envoie des ouvriers fur le champ de colfat : ils prennent avec une bêche un bon pied de terre de profondeur' un pied de largeur , dans le fillon refté ouvert de chaque planche , ils jettent cette terre à droite & à gauche entre chaque rangée , le plus près’ polTible des racines, fans néanmoins couvrir les feuilles &c la tige. Cette opération garantit k* mm msm I I plante de la gelée, ^ lui donnp jime noiivelfc terre. Au printemps , on prend encore ordinai- rement un demi -pied de terre, plus ou moins de profondeur , dans les tuilTeaLix ouverts y on jette auffi cette terre entre chaque rangée de colfat, pour regarnir rechaiiiler les i;acines , & lai* fournir une terre nouvelle , qu’on tire également’ du fonds des ruifiTeaux de chaque planche. A la Saint -Jean on récoke ordinairement : le grain commençant à noircir, on Ic'Jcie, on Fétend par javelles en attendant qu’il foit, aflTez mûr pour le battre fur le champ même , où on le met en meule pour attendre à le battre au mois de Sep- tembre ou d’Oétobre , fur une grande toile près de la meule : on le crible, on le vend pour faire de rhuile bonne à brûler , ainfi que pour ies^ draps , favonneries & autres maiiufaétures. J .e marc eft un très- bon engrais pour., les 'terres &■ fert auffi très-bien à engrailTer les bêtes à cornes les moutons, ta goiiffe qui Fenveloppef iert auffi de nodrritiire Fhiver à ces derniers. Sa ture ramciife O fert très-bien à chauffer le four , à.couvrir les toits des maifons ruftiques , à la litière des beftiaux ^ quand on jiianque de paille. La cendre en eft mer- veilleufe pour la leffive y quand on en met trop , fa force écorche, les mains des J_.avaudièuesè F \ La racine fert à chauffer les pauvres , tout eft bon dans cette précieufe prodiiûion * mais le plus grand avantage qu’elle donne à ragriculteur , c’eft de lui fervir de jachère ou d’année de repos, de rajeunir fcn terrein , de rendre les terres qui font trop dures &z trop humides , plus fpongieufes , plus légères 5 & plus propres à porter dans la fuite toutes fortes de grains, fur-tout du froment. j Cette plante donne du^ travail à quantité de manouvriers qui meureiit de faim dans les Pro- vinces où elle n eft point cultivée , elle fournit beaucoup" au, commerce par fes huiles , comme à lenerais des beftiaux & à lamélioration des terres par fon marc. ' " En tenant lieu de jachères, elle donne à la fin les moyens de les fupprimer toutes. Si les Provinces qui ignorent fon ufage la cultivoient , il y auroit un tiers des terres condamnées à repofer, qui produiroient une excellente récolte (i) , qui éclaire & chauffe le pauvre à bon marche , couvre fa cabane plu^ folidement que le chaume ordinaire j lui fait tirer meilleur parti de fon petit champ &c de fon bétail, lui donne les' moyens & l’envie de (i) De manière qu’un Pioyaume qui produit, annee «ommune , 800 millions , en produirait au moins lïoo. '^9 . t ^ cultiver le Un , les œillettes , camomilles , chanvre, garance Sc aunes produâiions précieüfes qui I en- richilTent , lui donnent la facilité de mieux payer les charges, de faire des delféchemens & défri- cheniens , & bannit enfin la misère qui tient depuis fi long-tems les habitans des campagnes dans un abrutilTement léthargique & déplorable. Cette plante a un défagrément^ c'eft que le lièvre , le lapin , le faifan , la perdrix en font fort friands, & que leur chair, quand ils s en nourrirent , contraae un goût huileux & de choux ; elle eft beaucoup moins fine que celle du gibier des landes, des bruyères, des terres arides ôc incultes^ Un domaine bien cultivé qui procure un bon revenu alTuré , qui tire les hommes de la parefTe ^ de la mifère , du néant ^ ne nous dédommage-t-il point de ce léger inconvénient ? lequel vaut mieux d avoir une vafte folitude , repaire de bêtes nui- fibles , ou de 'beaux villages florilTans ôc couverts . d’une vigoureufe population , bien nourrie , qui paye gaiement l’impbt & de bons fermages ? Ces petites inftruétions peuvent fuffire a de bons Cul- tivateurs qui donneront 1 exemple. Les haricotiers feront les derniers à le fuivre > parce qu il en ÿô coûté beaucoup de 'frais ; des Laboureurs da«» laifance & peu clairvoyans mépriferont cette méthode; mais- Texemplé- de la Flandre, qui s eft toujours trouvée dans l’abondance, même ait milieu ^ des ' plus ' fortes hrifes, doit -faire ouvrir les yeux aux plus opiniâtres. C’eft dans cette Pro- vince qu’on ne voit plus un pouce de jachères , & la terre rapporté deux récoltes dans la même année- II eft vrai que quand le commerce des grains farineux de province à province n’étoit pas libre', celui des huiles n’étoit point gêné ; e’eft pourquoi les Laboureurs cultivoient davantage ce qù’ils pouvoient vendre à profit , le colfat , le lin, clVa-n- vre, œillettes 5 camomille , &c • i Conclujïans^ ^ On voir que par la culture du colfat on peur récolter deux fromens en trois années: la première en froment , puis Tannée du colfat qui tient lieu de jachère & dune rrès^bonne jachère enfin k rroifieme encore en froment par de nouveaux fumiers par le remuement de le renouvellement des terres y on peut de meme , apres le lin , les œillettes , les fèves 3 vefees ^ févelottes, &:c. ^ récolter immédiat tement du froment, du feigle , parce que , quand la terre eft bien graffe Sc bien cultivée, on a en- core de bon froment après chacune de ces pro- duétions , ôc par conféquent point de jachères. F I N. é / I I O