MES “1 Er Are 2 "0 LES Ke an Au Revue Biologique DU NORD DE LA FRANCE PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE Théod. BARROIS Paul HALLEZ R. MONIEZ Professeur agrégé © Professeur de Zoologie Professeur d'Histoire Naturelle d'Histoire Naturelle à la Faculté à la Faculté des Sciences à la Faculté de Médecine de Médecine de Lille. de Lille. de Lille, Rédaction et Administration, 25, rue Nicolas-Leblanc, LILLE Tome VI. — 1893-1894 Abonnement pour la France et l’Étranger . . . . Paran: 15 fr. (Étranger : le port en sus) (L'abonnement part du 1° Octobre de chaque année) Sans avis contraire et par écrit, l'abonnement sera continué. ÉILLRE IMPRIMERIE TYPOGRAPHIQUE ET LITHOGRAPHIQUE LE BIGOT FRÈRES 68, rue Nationale, 25, rue Nicolas-Leblanc. 1894 ESPÈCES & GENRES NOUVEAUX DÉCRITS dans la Revue Biologique de 1893-1894. Vers Schizorhynchus cœcus HALLEZz Rotifères Pages ‘ Rotifer forficatus BArRRoïs et Brachionus Melhemi BARRoO1s et DADAYAN OLIS 292) DADAY Floscularia brachyura HER de — bursarius Barrois et DADAY ES. 393 DaApAY ; Œcistes syriacus B. ARROIS a — caudatus Hainotd et DADAW : 394 Dapay Notops macrourus (BARROIS et ; — obesus BARRoOIS DADAY. . 395 DApAy K Adactyla verrucosa : B ARROIS d — pyriformis BARROIS : DADASTENEAN 396 DapAY . Eu Notholca orientalis HA ROIS et IDADA SAS PEN LA RU ETS be OS Crustacés Pleuroxus 'Barroist RICHARD AR TENTE CU ANSE ENS CIE RS Acariens Scaptognathus Hallezi TourssartT 182 | Lœlaps comes Monrez. Lœlaps ovalis Montrez. . . . . 203 | Tydeus molestus Moniez. = similis MONIEZ, ! :: . |. 2054 Myriopodes Lithobius parvicornis PORAT ‘. . 6 Iulus microporus PoRAT . x — barbipes PORAT dE STE 66 — Barroisi PORAT. . . . . Cormocephalus teretipes PORAT . 70 Insectes Campodea Dargilani MONIEz . . 82 Lipura incerta MonIez ï Sira cavernarum MONIEZ. . . . 84 — disjuncta Montrez . Lipura cirrigera MoNiEz . . . . 85 Lepisma Foreli MoNiez . Entomobrya dissimilis MoniEz. . 207 — Wassmanni MONIEzZ Drepanura brachycephala Moniez, 288 | Isotoma pallida Moniez . Mollusques Unio prolongatus DROUET . . . 216 | Pyrgula Barroisi DAUTZENBERG — insularis DROUET … .… . 217 | BithinellacontemptaDAUTZENBERG. Planorbis homsensis ADN 337 — Palmyræ PATPARERRe: Poissons CäapoetaBarroist LORS iL SERRC EUT CHEN PSE RES 4 ñ 7 Pages 815 Pages Ù 400 404 405 406 407 375 205 419 75 76. 211 211 212 213 354 345 347 347 308. TABLE DES MATIFRES PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS Pages Barrois (Tnéop.) — Contribution à l'étude de quelques lacs de Syrie (avec 3 figures dans le texte: MAD NN OT ne AE ARS CDI — et von DApay. — Contribution à l'étude des Rotifères de Syrie et description de quelques espèces nouvelles (PI V et 15 figures dan Tete RLE) EE ANNEE PE PAT nn A EE AS CEE ANT EU APE SOA BLANCHARD (R.) — Voyage du D' Tr. BArRoïs aux Açores. — Hirudinées . . . 40 — Voyage du D' Ta. BARrRoIs en Syrie. — Hirudinées . . . . . . . :. 4 CANNIEU (A.) — Recherches sur le nerf auditif, ses rameaux et ses ganglions (OL RES SRE NN SN A LG ESS 87 DAUTzZENBERG (Pu.) — Liste des mollusques terrestres et fluviatiles recueillis par M. Ta. Banrrots en Palestine et en Syrie (avec 4 figures dans le ED A EN Rae, SPPNT DUO PAT AR LUE VANNES TAUPE LR AE Et LAS or ART RS Drouet (H.) — Description de deux Unionidæ de Bornéo (avec deux figures ; LOU VE) LE Na EPA A OLD GE rt SAN RE I AA AE RE A LS Focxeu (H.) — Un cas curieux de syncarpie (avec une figure dans le texte) . . 80 _ Études sur quelques Galles de Syrie : IV. Galles d’'Hémiptères; V Galles de Diptères (avec 4 figures dansile texte) oi omeCNeMMusI2r 0 — Note pour servir à l'histoire de la Mycocécidie des Rhododendrons. . 355 HaLcez (P.) — Quelques réflexions sur la classification embryologique des Métazoaires et sur la nécessité d’un nouvel embranchement des Cœlen- A TA PNA NA PS AE PA SP SR A SANS RO GE 1 — Sur un Rhabdocælide nouveau de la famille des Proboscidés (Schi- 20rhYNChUSCŒCUS TOY: gen: NOV: SD) UBLA III) OU ETES EN STE — Lérenre Hydro mare ATDENMANT LS CAN Re Pt NA 2 92 — Sur la présence dans le détroit du Pas-de-Calais de l’Acrorhynchus bilans URTANIN ES NET me a LR ce ARR UE COS MALAQUIN (G.) — Annélides polychètes du voyage de la goëlette Melita . . . 4 Monitez (R.) — A propos des publications récentes sur le faux parasitisme des Chernétrdes/destdifiérents tAmthrapodes 000 pi EME Net Ex 47 — L’odeur du cours d’eau du square Vauban à Lille . . . . .. PENCCMEL 59 — Espèces nouvelles de Thysanoures trouvées dans la grotte de Dar- CE ENS A ES EE EU PA SARA PQ ER 81 En Sur quelques Arthropodes trouvés dans les fourmilières (avec 4 fig. danse texte) RENE NUE EC NAN n EAST RO A OR — Sur l’Insecte qui attaque les Cèpes et Mousserons desséchés et sur lesimovensidedleldtéttnine nee EEE EU EAN mare nn et A EE SE — Isotoma pallida, Collembole nouveau du Brésil. : . , . . . . . . . 354 AT IV. Moxi£z (R.) Histoire naturelle du Tydeus molestus, Acarien qui s'attaque à l'Homme (avec 11 figures dans le texte) . . .1. . — Sur un Hyménoptère halophile trouvé au Grau du Roi, près d’Aiï- ŒUÉS MOTLES ER RENTE RE Ven SE et Ne LE de NO eu QU — Notes sur quelques espèces de Tyroglyphides qui vivent aux dépens des matières alimentaires et des produits pharmaceutiques . . . . — Sur quelques Arthropodes de la grotte des Fées, près la ville des . Bars ELA TE DES EE er Re TPS TON A RN LURS D RAA CPR PE PSC — La chenille du Neuronia (Heliophobus popularis) dans les environs d’Avesnes en 189,4, ses dégâts, ses ennemis naturels, moyens émployés pour da détruire: 22 Mie Pme RS MAN r te == Faune locale : Salamandra maculosa. . . . . . PorAT (C. O. von). — Myriopodes recueillis en Syrie, par le D' TK. BARROIS (A SA PR AM RE ST AE UE 2 Pen SAR CURE TRE EMNAE E UUR RicnARD (J.) — Cladocères recueillis par le D' Tn. Barrois en Palestine, en Syrie et en Egypte (avec 12 figures dans le texte) . : . . . . . , . . + . Simon (Cx.) — Contribution à l'étude du développement organique de la glande thyroïde chez les Mammifères (PI. IV)... 2... : . . . .. TopsenT (E.) — A propos de Tetranthella fruticosa LEND. . . . . . . . . . . TROUESSART (E.) — Note sur les Acariens marins (Halacaridæ) dragués par M. P. Hazzez dans le Pas-de-Calais (avec 4 figures dans le texte) . . . .. ZAcnaniAs (Otto). — Observations sur la répartition du Plankton dans l’eau dOUCE EN NUE EU CAN Ar RAT FR NS VIOE DIS DRE Le NT AIRE VEINE ANNÉE 1893-94. REVUE BIOLOGIQUE DU NORD DE LA FRANCE AS NICE PAT Paraissant le 1°" de chaque mois —— a — = — — — =— —— QUELQUES RÉFLEXIONS SUR LA Classification embryologique des Métazoaires ET SUR LA Nécessité d’un nouvel embranchement des Cœlentérés PAR Paul HALLEZ. Professeur de Zoologie à la Faculté des Sciences de Lille, La mode est aux arbres généalogiques. Ceux-ci sont aussi nom- breux que peu concordants, ce qui démontre suflisamment qu’iis sont plutôt l'expression de conceptions originales que la représen- tation graphique d’une vérité scientifique. Quoique très différents, ces arbres sont cependant caractérisés tous par une même base fantaisiste et par un moyen identique de recollage des rameaux, à l'aide de pro et d’archi dont on abuse étrangement, avec une can- dide aisance. La base est toujours la même. On part de cette idée que le protoplasme, formé spontanément, s’est peu à peu individualisé par l'acquisition d'un noyau. La cellule, alors constituée, s'est segmentée, elle a engendré la Gastræa, point de départ de tous les Métazoai- res. Cette notion fondamentale paraît être considérée comme vérité démontrée, et par suite comme inattaquable. Elle a inspiré plus d’une fort belle page. Récemment encore, dans un livre plein d’aper- \{ A } “ 2 PAUL HALLEZ çus originaux, souvent justes, toujours élevés et intéressants, le pro- fesseur SABATIER (1) l’a exposée avec ampleur. Il n’est donc pas inutile de rechercher si cette notion, sur laquelle reposent tous les arbres généalogiques, est conforme aux données actuelles de la science. La question de l’hétérogénie ou génération spontanée peut être examinée à quatre points de vue différents, qui représentent les quatre phases successives de la question: 1° la phase expérimentale ; 20 Ja phase de la comparaison de la matière vivante et de la matière morte ; 9° la phase des synthèses chimiques ; 4° la phase de la synthèse architecturale du protoplasme. Les travaux de REpt1, LEUWENHOECK, SPALLANZANI, NOEDHAM, SCHWANN, SIEBOLD, VAN BENEDEN, etc., et surtout ceux de PasTEUR, ont cons- tamment fait reculer la question de la génération spontanée, et ont montré, à mesure que la méthode expérimentale devenait plus pré- cise, que l’hétérogénie n’existe pas, ou tout au moins n’est pas démontrée, dans l’état actuel de la nature. Les comparaisons que l’on peut faire entre la matière vivante et la matière inorganique, abstraction faite de la question légèrement fantaisiste de la sensibilité, de la motilité, de la passion et de l'amour chez les minéraux, montrent deux différences principales entre ces matières. La première c’est l'instabilité de composition de la matière vivante, laquelle est en perpétuel échange avec les milieux extérieurs. Cette instabilité n’est nullement comparable à celle de certains composés inorganiques, tels que le chlorure et l’'iodure d'azote, lesquels se décomposent brusquement et totalement, dans des conditions déterminées. Cette instabilité serait plutôt comparable au phénomène observé par Bürscazr dans ses émulsions à vacuoles spumeuses formées d’une paroi d'huile et d’un contenu de solution de savon. Cet auteur explique les mouvements observés dans ces gouttelettes d’émulsion par ce fait que, si une des vacuoles superfi- cielles éclate, la solution de savon qu'elle contient se répand sur la surface environnante formée d’une couche d'huile, d'où résulte une diminution de la tension superficielle au point correspondant et la formation en ce point d’une petite saillie. Mais ici, il n’y a (1) SABATIER. — Essai-sur la Vie et la Mort, 1892 (Bibliothèque évolutioniste). CLASSIFICATION EMBRYOLOGIQUE 3 pas échange entre les deux milieux. Le phénomène consiste plutôt en une diffusion de la gouttelette dans le milieu ambiant. La seconde différence entre la matière vivante et la matière inorganique réside dans ce que SABATIER à très justement appelé le pouvoir d’amorce, qu'il définit: «Un état, un mouvemeut déjà existant et capable de provoquer par lui-même l'établissement d’un état, ou mouvement semblable dans le milieu approprié. » Or, si la matière minérale peut, dans certaines circonstances, par exemple dans la surfusion et la sursaturation, prendre naissance sous l'influence d’une amorce ou d’un germe, elle peut aussi, dans la plupart des cas, se former, et elle se forme, en dehors de la présence et de l'influence d’une portion de matière semblable. Elle peut donc se former spontanément, cest-à-dire sous l'influence seule du milieu et des composants. La matière vivante, au contraire, ne se forme qu'en présence, au contact et sous l'influence d'une parcelle de protoplasme préalablement formée et jouant le rôle d’amorce, ce qui revient à dire que le protoplasme ne peut pas naître spontanément. Le chimiste fait, par voie de synthèse, un grand nombre de produits de combustion et de déchets organiques. MM. GriMaux et SCHÜIZENBERGER Ont fait même la synthèse des sucres et de substan- ces albuminoïdes. D'un autre côté, PrLûGER croit que l’albumine non vivante et l’albumine active ne sont que des isomères, et que la chimie pourra peut-être réaliser les changements isomériques néces- saires à la transformation de l’albumine obtenue par voie de syn- thèse en albumine vivante. Toutefois il faut reconnaitre que la chimie n’a pas encore fait de la matière vivante et que ce résultat paraît bien improbable quand on réfléchit à l’éltonnante complexité du plus simple élément vivant. Quant aux tentatives de synthèse architecturale du protoplasme, faites par BurscaLi (1), elles ont donné une sorte de schéma incom- plet de la structure du protoplasme et peut-être une théorie des mouvements de celui-ci dans le milieu extérieur. Elles sont aussi ingénieuses qu'intéressantes, mais absolument insuffisantes pour expli- quer tous les phénomènes qui nous sont révélés par l'étude atten- tive d’une simple parcelle de matière vivante, ainsi que nous allons le voir. (1) Bürscazr, — Ueber die Struklur des Protoplasmas, 4 PAUL HALLEZ En résumé, dans l’état actuel de nos connaissances, on n’est pas auto- risé à considérer le protoplasme comme susceptible de naître spon- tanément. La matière vivante, au contraire, nous apparaît comme ne pouvant se former qu’en présence, au contact et sous l'influence d’une parcelle de matière vivante. Voilà quelle est la donnée de la biologie. Mais allons plus loin. Demandons-nous si une particule quel- conque de matière vivante jouit du pouvoir d’amorce, c’est-à-dire est capable de provoquer la formation d’une nouvelle quantité de matière vivante. Nous sommes bien obligés de répondre : Non. Ce qui est pourvu du pouvoir d’amorce, ce n’est pas une par- celle quelconque de matière albuminoïde vivante, à structure simple, vacuolaire, c’est en réalité un organisme entier, complexe. Les importantes expériences qui ont été entreprises dans le but de déterminer le rôle du noyau, particulièrement celles de GruBER et de NussBauM, ont montré que le noyau est le centre trophique et le centre morphogène de la cellule. Toute partie de cellule complètement dépour- vue de substance nucléaire est incapable de s’accroître, elle est inca- pable de régénérer une cellule, elle présente une altération de l'aptitude du mouvement, ne forme plus de pseudopodes, elle est vouée à une mort prochaine, et pourtant rien n’est changé dans sa structure ni dans sa composition. D'autre part, toute partie de cellule qui possède un noyau ou un fragment de noyau peut régénérer complètement la cellule, avec tous ses détails d'organisation, telle qu’elle était avant sa mutilation. Si, d’un autre côté, nous considérons que, grâce aux progrès de la technique, on réussit à mettre en évidence le noyau des Protozoaires qui étaient regardés autrefois comme en étant privés, on arrive à cette conclusion que, dans l’état actuel de la science, on ne peut plus conce- voir une matière vivante privée de noyau. Le plus simple élément vivant, c’est la cellule. Et la cellule est un organisme complexe. Elle est composée d’un grand nombre d'éléments dont les principaux sont le caryoplasme, la plastine, la nucléine ou chromatine, le cytoplasme avec ses fibrilles moniliformes qu'En. VAN BENEDEN à décrites dans l’œuf et qu'il n’est pas difficile de retrouver dans les amæbes. Que nous voilà loin de la conception du Urschleim formé spon- tanément, dans lequel se seraient différenciées peu à peu des particules CLASSIFICATION EMBRYOLOGIQUE 5 de chromatine qui, en se condensant, auraient donné naissance à des noyaux. Nous verrons plus loin que, si le stade gastrula se rencontre chez tous les Métazoaires, il ne s'ensuit pas pour cela qu’il repré- sente une forme initiale de laquelle seraient issues toutes les formes des Métazoaires. La gastrula paraît plutôt être la conséquence d'une nécessité physiologique commune à tous les animaux, et être dépour- vue de signification ancestrale. Dès lors, les arbres généalogiques reposent sur un principe faux. La fragilité de la base compromet la solidité de l'édifice entier. Admettre que toutes les espèces dérivent d'un même germe, né spontanément, est une idée qui peut être attrayante par sa simplicité. Mais cette idée n’est pas corroborée par les données actuelles de la science, elle est en outre néfaste en ce qu’elle peut entraver les recherches et dispenser de réfléchir. S'il est dangereux et même nuisible de faire dériver toutes les grandes divisions du règne animal d’une forme gastræa unique, initiale, peut-on accorder quelque confiance aux branches isolées du grand arbre phylogénétique? C’est une question que je n’ai pas l’in- tention de traiter, me bornant à considérer seulement la caractéris- tique des embranchements. Mais, quand on remarque que les rameaux de ces branches ne tiennent ensemble que grâce à l'intervention de nombreux types imaginaires; quand on songe que plusieurs sont établis sur l’ordre d’apparition, dans l’ontogénie, des formes larvai- res, et que la signification ancestrale de celles-ci est très justement controversée; quand on considère que les créateurs de ces arbres ne tiennent que trop rarement compte des données de la paléontologie et de la distribution géographique des animaux, et qu’ils ne se préoccupent nullement des phénomènes si étonnants et si nombreux de convergence ; quand on s'aperçoit que la disposition des rameaux d'une mème branche change avec les auteurs; quand on réfléchit combien sont insufli- santes encore nos études analytiques et comparatives, on se demande si toutes ces tentatives de reconstitutions généalogiques ne sont pas puériles et oiseuses,. Les classifications qui donnent encore le plus de satisfaction à l'esprit sont celles qu'on pourrait appeler cuviériennes, lesquelles liennent compte de l’ensemble des caractères et établissent les dif- 6 PAUL HALLEZ férences et les rapports des groupes les uns avec les autres, sans prétendre à préciser la généalogie de ces groupes, de leurs genres et même des espèces. Je me propose d’examiner quelques caractères embryologiques, dans le but de rechercher si ces caractères ne sont pas susceptibles de fournir, plus facilement que les caractères morphologiques et anatomiques, une diagnose pour chacun des principaux groupes ou embranchements des Métazoaires. I. — Principales classifications embryologiques Mon intention n’est pas de faire une étude complète des diverses classifications embryologiques qui ont été proposées, mais seulement de jeter un rapide coup-d’œil sur cette question, dans le but de mettre en lumière la valeur relative des caractères embryologiques employés. Van Barr, qui doit être considéré comme le fondateur de l’em- bryologie comparée, a, le premier, tenté d'utiliser les données fournies par le développement des animaux dans le but de caractériser les oroupes. Il distingue quatre modes d'évolution embryonnaire : evolutio radiata, contorta, gemina et bigemina, qui correspondent aux quatre embranchements de Cuvier (Rayonnés, Mollusques, Arti- culés et Vertébrés). Cette classification et celle de P. J. VAN BENEDEN en hypo-, épi- et allocotylédonés n’ont plus qu’un intérêt historique. Elles montrent la perspicacité de leurs auteurs qui, pressentant l'importance des données embryologiques pour la délimitation des groupes zoologiques, ont utilisé les connaissances embryogéniques malheureusement encore bien restreintes alors. Les caractères embryologiques employés par HuxLey, dans sa classification, sont tirés d'abord de la persistance du blastopore, lequel devient la bouche définitive (Archæostomata), ou de la dis- parition de cet organe embryonnaire qui, après qu'il s'est formé, est suppléé par une invagination stomodæale (Deuterostomata). Ce dernier groupe, HuxLEY le partage en trois divisions caractérisées par le mode de formation du cœlome (Ænterocæla, Schizocæla et EÉpicæla). Je ne parle pas des deux divisions primaires des Méta- zoaircs. Ces divisions, que HuxLey désigne sous les noms de Agastræa CLASSIFICATION EMBRYOLOGIQUE 4 et Gastræada, et qui sont caractérisées par l'absence ou la présence d'une cavité digestive, sont évidemment artificielles, et d’ailleurs ne reposent pas sur des caractères embryologiques. On peut dire la même chose des deux subdivisions des Gastræada en polystomata et en monostomala. Les frères HerrwiG divisent les Métazoaires en diploblastica com- prenant les Cælentérés, et en {riploblastica qu'ils subdivisent en pseudocæliens et en enterocæliens. Is ont, avec raison, éliminé les épicæliens d'Huxzey, l’épicælie n’existant pas. Les autres classifications embryologiques, en petit nombre d’ail- leurs, ne sont que des copies plus ou moins modifiées des classifi- cations précédentes, parfois compliquées de mots nouveaux peu utiles. Je dois cependant citer encore une autre classification (1) dans laquelle les Métazoaires sont partagés en deux grands groupes pri- maires: les //ymenotoca, le plus souvent pourvus d’une membrane embryonnaire ectodermique, et les Gymnoloca, qui n’ont pas de membrane embryonnaire. En résumé, nous voyons que les caractères utilisés sont: 1° le nombre des feuillets (deux ou trois); 2° la persistance ou la dispari- tion du blatospore; 3° le mode de formation du cœlome par entéro- cœlie ou par schizocælie ; 4° la présence ou l’absence d’une membrane embryonnaire. À ces caractères il convient d’ajouter ceux que l’on peut tirer de la nature du mésenchyme et de la forme larvaire. II. — Nombre des feuillets, mésoderme et mésenchyme 4. — MÉSODERME. — Si l’on s’en rapporte aux travaux d’un bon nombre de zoologistes — et de zoologistes de valeur — rien n’est moins précis que la notion du mésoderme ou feuillet moyen. Il y a une tendance, surtout en France, à considérer, comme mésoder- miques, tous les tissus compris entre l’ectoderme et l’endoderme. Et cependant nos connaissances en embryologie comparée ne per- mettent plus une pareille confusion. Le mésoderme vrai ne peut pas être défini ni par sa position dans l'organisme, ni par sa structure histologique ; il doit l’être par son mode d'apparition. Les notions que nous possédons sur la Îor- mr (1) Revue scientifique. T. IX, (187%), p. 278. S PAUL HALLEZ mation de ce feuillet nous permettent de donner du mésoderme la définition suivante : Bourgeons pairs, creux ou massifs, constitués parfois chacun par une seule cellule initiale, qui se forment aux dépens de l’endo- derme, dans le voisinage du blastopore, et qui s'intercalent entre l’endoderme et l'ectoderme. Je crois en effet qu'on ne peut pas établir de différence essentielle entre les bourgeons creux et les bourgeons pleins, et que, par conséquent, il n’y a pas lieu de séparer, comme l’ont fait les frères HEerTwI16, les entérocæliens et les pseudocæliens. D'après ces auteurs, les caractères qui différencient les animaux dont le mésoderme se constitue par des évaginations endodermiques (entérocæliens) de ceux dont le mésoderme est formé par des bourgeons massifs (pseudocæ- liens), sont les suivants : ENTÉROCOELIENS PSEUDOCOELIENS 1. Système vasculaire ne communiquant 1, Les vaisseaux sanguins sont des dépen- pas avec la cavité générale, ou bien dances de la cavité du corps avec régression du système vasculaire. laquelle ils communiquent. 2. Un épithélium limitant la cavité géné- 2. Pas d’épithélium à la cavilé générale rale et donnant naissance à certains du corps. organes. 3. Des mésentères 3. Pas de mésentères. 4. Système nerveux central ectodermique. 4. Système nerveux mésenchymatleux. 5. Muscles striés. 5. Muscles lisses. Il serait bien diflicile de soutenir encore aujourd'hui la généralité de ces caractères. Le premier, relatif au système vasculaire, est cer- tainement le plus important, et cependant les Astérides, qui sont des entérocæliens, ont un système lacunaire sanguin communiquant avec le système aquifère qui est une dépendance du cœlome. La présence et l'absence d’un revêtement épithélial à la cavité générale ne peuvent pas être invoquées. Toutes les surfaces libres, soit externes, soit internes, normales ou artificielles, sont toujours tapissées par un épithélium. Cet épithélium peut d’ailleurs être colum- naire ou excessivement aplati, prenant alors l'aspect de ce qu’on a appelé un endothélium, mais il est toujours présent. Ce fait me parait tellement général que jai pris l'habitude de désigner, dans mes cours, sous le nom de loi des surfaces libres, la tendance manifestée par les éléments cellulaires, quelle que soit leur origine, CLASSIFICATION EMBRYOLOGIQUE 5 9 à tapisser toujours les surfaces libres. Cette loi explique une foule de phénomènes embryologiques, notamment, pour ne citer qu’un exemple, les différents cas de segmentation centrolécithale. Le caractère tiré de la présence ou de l’absence des mésentères n’est pas meilleur. Qu'il me suffise de rappeler que la plupart des Annélides présentent une ébauche massive du mésoderme, qu’elles doivent par conséquent être considérées comme des pseudocæliens, et que cependant elles possèdent des mésentères. Enfin l’origine ectodermique du système nerveux, dans toute la série animale, est aujourd’hui bien établie, et des muscles striés sont signalés un peu partout, notamment chez les Mollusques que les frères HERTWIG rangent avec les pseudocæliens. D'un autre côté, il importe de remarquer que le mésoderme n’est pas la seule formation embryonnaire dont l’ébauche apparait tantôt sous forme de bourgeons creux et tantôt sous forme de bour- geons pleins, mais qu’au contraire, il y a là deux cas d’un seul et même processus, très fréquents dans. les phénomènes organo- géniques. Ainsi, chez les Sélaciens et la plupart des Vertébrés, le canal neural apparaît sous la forme d’une gouttière qui, en se fermant progressivement, se transforme peu à peu en canal: c’est le mode entérocælien. Chez les Téléostéens, les Cyclostomes, le Lépidostée, le canal neural apparaît sous la forme d’une plaque massive qui se creuse secondairement : c’est le mode pseudocælien. Tandis que les ganglions cérébroïdes se constituent, chez les Mollusques et les Arthropodes, aux dépens de tubes syncipitaux, ils naissent, chez les Annélides par exemple, sous forme d’une plaque syncipitale pleine. Le cordon nerveux brachial des Stellérides est un simple épaississement superficiel, tandis que le cordon nerveux brachial des Echinides apparaît sous la forme d’une gouttière qui se transforme en canal dont la cavité est connue sous le nom de sinus intranervien. La chaîne nerveuse ventrale de la plupart des Invertébrés est formée par deux épaississements longitudinaux de l’ectoderme, séparés l’un de l’autre par un sillon ventral souvent cilié. Chez Polygordius, il y à invagipation, et il se constitue ainsi un canal central de la moelle. Les entonnoirs néphridiens sont des diverticules primitivement 10 PAUL HALLEZ creux chez Peripatus; ce sont des bourgeons primitivement massifs chez Criodrilus, par exemple. Les reins céphaliques sont des diverticules creux ou des évagi- nations en gouttière de la somatopleure chez les Amphibiens et les Téléostéens, tandis que ce sont, au début, des cordons cellulaires pleins chez les Sélaciens, les Reptiles, les Oiseaux et les Mammifères. Il serait facile de multiplier ces exemples. Personne cependant ne conteste l'homologie de ces organes, qu'ils naissent d’ébauches creuses ou d’ébauches massives. Pourquoi en serait-il autrement pour le mésoderme ? Enfin il convient de remarquer que les deux modes de formation du mésoderme peuvent se rencontrer dans un même groupe, par exemple les Annélides. La conclusion de ce qui précède, c'est qu'il n’y a pas de diffé- rence essentielle entre l’entérocælie et la pseudocælie ou schizocælie, et que les cavités cælomiques, dans l’un et l’autre cas, sont aussi homologues que les cavités néphridiennes du Peripatus et du Criodrilus ou que le canal neural des Sélaciens et des Téléostéens. Il n’y a donc pas lieu de tenir compte, dans les classifications, du mode de formation du mésoderme vrai par entérocælie ou par pseudocælie. 2. — MésencayMEs. — Le mésenchyme ou pseudo-mésoderme est une formation très distincte du mésoderme. On peut le définir de la façon suivante : Cellules d'origine ectodermique, ou endodermique, ou mésoder- mique, ou à la fois mésodermique el endodermique, se séparant isolément de l'un ou de l'autre des trois feuillets, en des points très variables, et émigrant de façon à constituer un pseudo-méso- derme ou à renforcer le mésoderme vrai. Les cellules mésenchymateuses ont une origine ectodermique chez les Cnidaires, les Plathelminthes et les Cténophores ; elles sont d’ori- gine endodermique chez les Porifères et les Echinodermes ; enfin elles dérivent du mésoderme chez les Mollusques et les Polyclades et peut-être à la fois du mésoderme et de l’endoderme chez les Ver- tébrés. Le mésenchyme est une formation indépendante du méso- derme, puisqu'on le rencontre chez des animaux qui ne présentent aucune ébauche du feuillet moyen. Il peut, dans tous les cas, être considéré comme une formation de renforcement de l’un des feuil- CLASSIFICATION EMBRYOLOGIQUE 11 lets. Il donne le plus souvent naissance à des tissus conjonctifs, parce qu’il prend place le plus souvent entre deux strates épithé- liaux, c’est-à-dire entre deux surfaces libres, mais ses cellules sont aussi susceptibles de former des épithéliums plus ou moins aplatis sur les surfaces libres, et de tapisser notamment les espaces lacuneux. Par leurs origines diverses, les formations mésenchymateuses ont des valeurs morphologiques différentes. Mais si l’on considère que chacune de ces formations mésenchymateuses, variable d’un groupe à un autre, est constante dans un même groupe du règne animal, on voit qu'il convient de tenir compte, dans les diagnoses embryo- logiques des groupes, du caractère fourni par les mésenchymes. Il importe aussi, Je crois, de considérer que la formation des mésenchymes est plus ou moins précoce ou plus ou moins tardive. Je désigne sous le nom de mésenchymes précoces ceux qui com- mencent à apparaître dès que les deux feuillets primaires sont constitués ; ils sont toujours d’origine ectodermique ou endodermique et doivent être interprétés comme des renforcements de l’ectoderme ou de l’endoderme. D'ailleurs, leur formation et leur accroissement peuvent se continuer pendant un temps plus ou moins long, parfois même chez l'adulte, comme, par exemple, chez les Cténophores. Sous le nom de mésenchymes tardifs, je désigne ceux qui, étant d'origine mésodermique, ne peuvent commencer à apparaitre qu'après que le feuillet intermédiaire s’est constitué et même en partie déve- loppé, c'est-à-dire à une époque relativement tardive du développe- ment ontogénique. Les définitions et les considérations qui précèdent montrent que la distinction du mésoderme n’est pas aussi arbitraire qu’on l’a dit, et qu'il existe une démarcation précise entre le mésoderme et les dépendances secondaires des autres feuillets. Elles montrent en outre que chacun des trois feuillets blastodermiques est susceptible de s'épaissir par prolifération et migration d’un certain nombre de ses cellules constituantes, appelées cellules mésenchymateuses, et que c'est une erreur que de parler de mésoderme à propos des Porifères, Cnidaires et Plathelminthes. Il n’est pas impossible d’ailleurs que le mésoderme ne soit qu'une localisation spéciale d’une formation primitivement mésenchymateuse endodermique. Le mode de formation et de développement du méso- derme chez les Polyclades et les Cténophores pourrait être cité 12 PAUL HALLEZ comme preuve à l’appui de cette manière de voir, tandis que la coexistence d’un mésoderme vrai et d’un mésenchyme endodermique chez les Echinodermes pourrait servir de preuve dans l'opinion contraire. En résumé, le nombre des feuillets blastodermiques et l’origine des formations mésenchymateuses, par leur généralité et leur cons tance dans un même groupe, fournissent de bons caractères pour les diagnoses embryologiques des principales divisions des Métazoaires. Il convient donc d’en tenir compte dans les classifications embryolo- giques, d'autant plus que ces caractères, à l’encontre d’autres phé- nomènes ontologiques, paraissent avoir une signification phylogénétique. On peut en effet remarquer que la formation du mésenchyme est indépendante de la structure de l’œuf, du mode de la segmentation et de la formation de la gastrula. III. — Cœlome 4. DÉFINITION DU CoELoME. — Le premier système cavitaire est celui de la gastrula, désigné sous le nom de blastocæle. Le blastocæle est très variable: plus ou moins vaste dans les cas de cœlogastrula, il devient presque virtuel dans les sterrogastrula et dans les amphi- blastula. Son développement plus ou moins grand dépend du mode de formation de la gastrula, c’est-à-dire du mode de la segmenta- tion, lequel peut varier beaucoup dans un même groupe. C’est d’aiileurs une cavité qui ne tarde pas à être comblée par suite du développement du mésoderme ou du mésenchyme. L’indication que le blastocæle peut fournir, au point de vue de la classification, est aussi mauvaise que celle que l’on pourrait tirer du mode de segmentation de l’œuf. On désigne généralement sous le nom de cœlome, cavité périto- néale où générale, la cavité ou l'ensemble des cavités creusées dans l'épaisseur du mésoderme. Mais il convient d’ajouter que la plupart des auteurs confondent le mésoderme avec les mésenchymes d’ori- gine ectodermique ou endodermique, ce qui enlève toute précision à la définition du cœlome. Jetons un coup-d’œil sur les différents cas qui se présentent. Chez les Mésozoaires, il ne peut être question de cavité cœlomi- que. Ces animaux ne possèdent d’ailleurs ni mésoderme, ni mésen- chyme. CLASSIFICATION EMBRYOLOGIQUE 13 Les belles recherches d'Yves DELAGE (1) ont établi qu’il n’y à pas de différence essentielle entre le développement des éponges siliceu- ses ou fibreuses et celui des éponges calcaires, mais que les phé- nomènes embryologiques sont comparables dans tout le groupe des Porifères. Les cellules ciliées ectodermiques de l’amphiblastula don- nent naissance aux corbeilles, les cellules granuleuses endodermiques de la larve forment l’épiderme, les canaux et le mésenchyne de l'adulte. D'un autre côté, rien ne rappelle, dans l’embryogénie des éponges, la formation d’un mésoderme vrai. Il existe donc, chez les Porifères, un système de lacunes creusées dans l'épaisseur du mésen- chyme et tapissées par les cellules de ce dernier. Ces lacunes peu- vent être nommées endomésenchymateuses ou mieux endodermiques. Dans les groupes des Cnidaires et des Plathelminthes (dont je retire les Polyclades, pour des raisons qui seront exposées plus loin), il n’y à pas non plus de mésoderme, mais seulement un ectoderme épaissi, un mésenchyme ectodermique. Chez les Cnidaires, le mésen- chyme n’est pas lacuneux ; il n’y a donc pas de système cœlomique. Chez les Plathelminthes, au contraire, on observe des lacunes ecto- mésenchymateuses ou ectodermiques. Tous les autres Métazoaires possèdent un mésoderme, ce qui ne les empêche pas d’avoir en outre le plus souvent un mésenchyme. Celui-ci est d’origine ectodermique chez les Cténophores; mais l’ecto- mésenchyme de ces animaux ne présente pas de lacunes. Le mésen- chyme est d'origine endodermique chez les Echinodermes qui présentent, outre les lacunes endomésenchymateuses ou endodermiques, un système cavitaire représenté par les deux vésicules péritonéales et par la vésicule aquifère. Enfin les Vers, Crustacés, Trachéates et Chordata possèdent un mésoderme et, en outre, le plus souvent aussi, un mésenchyme d’ori- gine mésodermique. Tantôt les initiales du mésoderme, après s'être multipliées par divisions successives, se séparent les unes des autres comme le font les cellules mésenchymateuses, et n'engendrent qu'un système cavitaire lacuneux : c’est le cas des Polyclades et des Lamel- libranches. Tantôt les bourgeons mésodermiques ne donnent nais- sance qu’à un vaste cœlome (Chætognathes), ou, à la fois, à une (1) Yves DELAGE. — Embryogénie des Eponges. — Arch. de zool. exp. et gén. 2 S. T. X, n° 3. 1892, 1% PAUL HALLEZ cavité cœlomique plus où moins spacieuse et à un système lacuneux (beaucoup de Vers, Mollusques céphalophores, Arthropodes, Verté- brés}), et, dans ces cas, la cavité cœlomique principale peut rester simple, ou être subdivisée par des dissépiments et des mésentères. En résumé les systèmes cavitaires des Métazoaires sont formés aux dépens 1° D'un ectomésenchyme (système lacuneux des Plathelminthes); 20 D'un endomésenchyme (canaux des Porifères): 9° D'un mésoderme et d’un endomésenchyme (vésicules péritonéales et aquifère et système lacuneux des Echinodermes) ; 4° D’un mésoderme dont une partie prend souvent l'allure d’un mésenchyme (Vers, Crustacés, Trachéades et Chordata). Il est évident que les lacunes des mésenchymes d’origine ecto- dermique ou endodermique ne peuvent pas être considérées comme homologues des cavités creusées dans le mésoderme. On peut, comme je l’ai dit plus haut, les désigner sous les noms de lacunes ectomé- senchymateuses et endomésenchymateuses, ou plus simplement lacu- nes eclodermiques et endodermiques, pour les distinguer des cavités ou lacunes creusées dans le mésoderme et auxquelles il convient de réserver le nom de cavités et de lacunes cœlomiques. Dès lors les Métazoaires acælomates sont les Mésozoaires, les Porifères, les Cnidaires et les Plathelminthes, c’est-à-dire tous les Métazoaires dépour- vus de mésoderme. Il est impossible de pouvoir établir une distinction morphologique entre le cœlome proprement dit creusé dans les bourgeons méso- dermiques, et les lacunes du mésenchyme d’origine mésodermique. En effet on trouve de nombreuses transitions entre le développement des bourgeons mésodermiques suivant le mode entérocælien pur sans formation mésenchymateuse, et suivant le mode mésenchymateux pur. Les lacunes du mésenchyme d’origine mésodermique ne peuvent être interprétées que comme des dépendances du cœlome, de même que les cavités des organes qui se forment par bourgeonnement du mésoderme, par exemple les cavités néphridiennes. On voit, par ce qui précède, que le Cælome peut être défini de de la manière suivante : Ensemble des cavités ou lacunes creusées dans le mésoderme et lapissées par des cellules d'origine mésodermique. 11 est bien entendu qu'il faut attribuer au mésoderme la définition que j'en donne plus haut, CLASSIFICATION EMBRYOLOGIQUE 15 2. — VALEUR TAXIONOMIQUE DES MODES D'ÉVOLUTION DU COELOME. — Le cœlome étant défini, on doit se demander si son mode d’évo- lution, duquel dépend sa disposition chez l'adulte, constitue, ainsi que semblent le croire certains auteurs, un meilleur caractère embryologique que ceux fournis par le mode de formation du méso- derme et des mésenchymes. Il est certain que, pour les zoologistes qui considèrent comme mésodermiques tous les tissus intermédiaires compris entre l’ecto- derme et l’endoderme, le feuillet moyen ne correspond à rien de précis. Par suite les caractères fournis par l’évolution des systèmes cavitaires leur semblent préférables, l'absence ou la présence du cœlome, sa formation par entérocælie ou par schizocælie, sa sim- plicité ou sa complexité leur paraissant constituer des phénomènes plus constants et plus généraux dans un groupe donné. En réalité l'étude de l'évolution des systèmes cavitaires ne peut pas être séparée de celle des tissus aux dépens desquels ils se forment. Or le mode d'apparition du mésoderme, l’absence ou la présence et l'origine des mésenchymes sont des caractères primordiaux, généraux et constants dans chaque groupe, tandis que l’évolution secondaire de ces tissus présente des variations dans les divers types d’un même groupe. C’est ainsi que les mésentères dorsal et ventral, qui résultent de la rencontre des vésicules péritonéales paires suivant les deux lignes médianes de l’embryon, peuvent avoir des destinées diverses. Ils peuvent persister tous deux (par exemple chez Sagitta, Poly- gordius, Saccocirrus, Prolodrilus), tandis que, le plus souvent, le mésentère dorsal, qui est le plus important comme suspenseur de l'intestin, persiste seul, le mésentère ventral avortant en tout ouen partie. Le nombre des somites et, par suite, le nombre des dissé- piments, peuvent varier aussi dans de grandes limites, chez des types où la formation du mésoderme est pourtant la même. En résumé, le mode d'apparition du mésoderme et la nature des mésenchymes fournissent de bons caractères pour la diagnose des grands groupes, tandis que le mode d'évolution du mésoderme et des mésenchymes, duquel dépend la disposition des systèmes cavi- taires, varie dans les diverses divisions d’un même groupe, et ne constitue par conséquent qu’un caractère secondaire. 16 PAUL HALLEZ IV. — Blastopore. Sa persistance et sa disparition. Valeur de la Gastrula. 1. — ORIGINE ET SIGNIFICATION DU BLASTOPORE. — Comme nous l'avons vu plus haut, c’est HuxLey qui a essayé d'utiliser, dans la classification, le caractère fourni par la persistance ou la disparition du blastopore. Cet essai à généralement paru malheureux. Le blastopore est cependant un organe embryonnaire très cons- tant, de sorte qu’on pourrait croire a priori qu'il doit avoir une signification morphologique importante, et par suite qu’il peut fournir un bon caractère en taxinomie. Il n’en est rien pourtant. Examinons d’abord le blastopore au point de vue de son origine. Son apparition et celle de la gastrula sont corrélatives. Étudier les différents modes de formation de la gastrula, c’est également passer en revue les différentes manières dont le blastopore peut apparaitre. Or la gastrula est la conséquence de la segmentation; suivant la marche de celle-ci, le mode d’apparition de la gastrula diffère. En outre la segmentation elle-même est sous la dépendance de la structure de l’œuf. J’ai, dans une autre publication (1), exprimé ces relations dans un tableau que je reproduis ici: OEUFS SEGMENTATION GASTRULA à LL EI D A SOU on Tioe Totale et égale...... Cœælogastrula. BOLOlECIEReS Re crc ISÉ0 0 Amon Totale et égale, mais à blastomères non ATACENIS es --rere Endogastrula, ELA INES one Son auoomonosboc …. Totale et égale, puis totale et inégale... Sterrogastrula. ( Mixolécithes "#0" NiTotale ettérales"#"" Amphigastrula. Télolécithes . Discogastrula et l Amictolécithes .... . Partielle et discoïdale. Metagastrula. ( Homo-centrolécithes . Totale et égale .….,.., Gastrula delami- Centrolécithes. ! Mixo-centrolécithes.. Totale et inégale ..…. | nata et Perigas- { Amicto-centrolécithes Superficielle....,..... trula. (1) P. Hazzez. À propos de l'essai de classification des œufs des animaux au point de vue embryologique, de M. L. F. Henneqguy. — Comptes-Rendus de la Soc. philo- mathique de Paris, n° 7, 28 janvier 1893. CLASSIFICATION EMBRYOLOGIQUE 17 Si la gastrula se forme suivant un procédé qui dépend du mode de la segmentation, il n’en est pas moins vrai que plusieurs pro- cédés de segmentation peuvent être ramenés à un même type. C’est ainsi que la segmentation partielle et discoïdale des œufs amictolé- cithes n’est qu’une exagération du mode épibolique des œuis mixo- lécithes, et que la sterrogastrula des œufs bradylécithes est inter- médiaire, par son mode de formation, entre la cœlogastrula embolique des œufs alécithes et homolécithes d’une part et l’amphigastrula épibolique des œufs mixolécithes d'autre part. Nous voyons donc que les cœlo-, sterro-, amphi-, disco- et metagastrula peuvent, en défi- nitive, être considérées, au point de vue, de leur formation, comme des altérations plus ou moins profondes d'un même procédé de développement, altérations qui sont déterminées par la quantité et la répartition du lécithe dans l'œuf. Rien ne nous empêche par conséquent de considérer les blastopores, dans tous ces cas, comme des organes homologues; seulement leur apparition, très précoce dans le mode épibolique, est au contraire tardive dans le mode embolique. Peut-on ogalement ramener aux types précédents la perigastrula et la gastrula delaminata des œufs centrolécithes”? Voyons d’abord le cas de la perigastrula. Lorsque le lécithe est homogène et également réparti au centre de l’œuf, la segmentation est totale et égale si le lécithe n’est pas trop abondant, elle est superficielle si le lécithe, par sa masse, s'oppose à un clivage complet de l’œuf. Le lécithe, daus ces deux cas, ne me paraît pas apporter une perturbation bien grande dans les procédés de la segmentation; je le compare volontiers au liquide homogène qui remplit la cavité centrale (blastocæle) des cœæloblastula. Cette comparaison me semble encore plus justifiée quand je considère que la perigastrula s’invagine à la manière de la cœloblastula. La perigastrula des Arthropodes peut donc facilement être ramenée au cas de la cœlogastrula des œufs alécithes et homolécithes, et, par suite, le blastopore a toujours la même signification morphologique. Il me parait en être encore de même dans le cas particulier de seg- mentation centrolécithale des œufs mixo-centrolécithes de Gammarus locusta, G. pœcilurus, etc. On sait que, chez ces Amphipodes, la segmentation est totale et inégale, et que la localisation du vitellus nutritif en une masse centrale ne se produit que tardivement. Dans 18 PAUL HALLEZ ces cas d’épibolie, la ligne de démarcation entre les micromères et les macromères représente la limite du blastopore, ainsi que dans les cas des œuîis télolécithes, et, comme le développement ultérieur est comparable à celui des autres Arthropodes, les cellules plus columnaires indiquant la face ventrale, on voit qu'ici encore la perigastrula ne se constitue pas par un procédé essentiellemont distinct. Examinons maintepant le cas de la gastrula delaminata. Je ne crois pas que le procédé de formation de cette gastrula puisse être ramené à aucun des autres procédés précédemment exa- minés. Il me semble aussi que le blastopore, qui se constitue ici par perforation du blastoderme, ne peut pas être comparé au blas- topore formé par embolie ou par épibolie. Quant à l’endogastrula, qui est propre aux Plathelminthes, elle se forme par un processus très particulier qui commence par la seg- mentation totale et égale des cœloblastula, pour se terminer par une segmentation rappelant celle des œuîfs centrolécithes à gastrula delaminata. On est finalement amené à considérer au moins deux modse essentiellement différents de formation de la gastrula et du blasto- pore, et dès lors on pourrait croire a priori qu’il y a là un critérium de haute valeur pour la séparation des Métazoaires en deux grands groupes primaires. Mais si l’on considère que la gastrula delaminata ne se rencontre pas dans tout le groupe des Cnidaires, puisque chez plusieurs Aurelia et Cerianthus, chez Cassiopea borbonica, Aurelia aurita, Pelagia noctiluca, etc., la gastrula se forme par invagination, on voit que, en adoptant le mode de formation du blastopore comme caractère de groupes, ce ne sont pas seulement les Cnidaires, mais bien plusieurs genres de ces derniers qui devraient être classés dans des divisions primaires différentes. Cette considé- ration suflit pour qu’on ne puisse pas utiliser le caractère en question dans les classifications. D'un autre côté, de ce que les différents modes de segmentation et, par suite, les difiérents cas de la formation de la gastrula et du blastopore peuvent être ramenés, pour la plupart, à un même processus qui se modifie plus ou moins sous l'influence du lécithe et peut-être d’autres conditions encore, on ne peut pas conclure à une origine unique des Métazoaires. La gastrula est la conséquence de la segmentation. Or la segmentation est un phénomène absolu- CLASSIFICATION EMBRYOLOGIQUE 19 ment général, caractéristique de la cellule, comme la sensibilité et la contractilité. Il n’est pas plus permis de conclure de la présence de la gastrula chez tous les Métazoaires à une origine commune à tous ces animaux, qu'il ne le serait d'établir cette origine unique en se basant sur la sensibilité et la contractilité. La ressemblance du plus grand nombre des procédés de formation de la cavité gas- trulaire tient à ce que celle-ci ne peut se constituer que par enve- loppement d’un certain nombre des cellules blastodermiques par les autres qui forment alors l’ectoderme. La signification phylogénétique de la gastrula est dès lors fortement compromise. En tout cas, la gastrula ne peut être d'aucune utilité pour la classification, à cause même de sa constance chez tous les Métazoaires, et de la diversité de son mode de formation dans un même groupe. 2. DESTINÉE DU BLASTOPORE. — Après avoir considéré le blastopore au point de vue de son origine et de sa signification, examinons-le maintenant au point de vue de sa destinée, c’est-à-dire au point de vue auquel s’est placé HuxLEY. Nous avons vu que cet auteur ne retient que deux cas : ou bien le blastopore persiste et devient la bouche définitive (Archæosto- mala), ou bien il se ferme et est remplacé par une invagination ectodermique secondaire, le stomodæum (Deuterostomala). Les destinées du blastopore peuvent être résumées dans le tableau suivant : A. Le blastopore correspond plus ou moins au stomodæum. «. Il ne se ferme pas. Exemples: Cnidaires, Plathelminthes, Cténophores. 6. Il se ferme. Exemples: Vers (Polyclades, Nématodes, Rotateurs, Annélides, Brachiopodes, Bryozoaires), Amphineura, Mollusques, Crustacés. 20 PAUL HALLEZ B. Le blastopore correspond plus ou moins au proctodæum. «. Il ne se ferme pas. Exemple : Echinodermes. B'HTINSE MERE, Exemple : Vertébrés. C. Le blastopore correspond à la fois au stomodæum et au proctodæum. Exemple : Onychophores. On voit que les destinées du blastopore sont variées, et non pas réduites à deux cas comme le pensait Huxzey. Il faut aussi remar- quer que la destinée du blastopore est loin d’avoir été élucidée d’une manière satisfaisante dans tous les cas. Tantôt les auteurs paraissent avoir confondu le blastopore avec l'invagination stomodæale; c’est ainsi que le prétendu blastopore linéaire de Vereis Dumerilii, observé par GOETTE, n’est, pour SALENSKY, qu’une formation secondaire homologue au stomodæum, qu’il a étudiée chez Wereis cultrifera, où le blastopore est punctiforme comme dans la généralité des Vers. Tantôt il est fort diflicile de pouvoir établir s’il existe une relation entre le point où se ferme le blastopore et celui où apparaît le stomodæum, et quelle est cette relation. Enfin, dans un même groupe, la destinée du blastopore n’est pas toujours la même; c’est ainsi, par exemple, que nous voyons cet orifice se fermer chez quelques Echinodermes: les Ophiures qui, à létat adulte, sont dépourvus d’anus, et les Crinoïdes qui possèdent cependant, à l’âge adulte, un orifice anal. D'autre part, l’invagination stomodæale est un fait constant, qui se produit même dans les cas où le blastopore ne se ferme pas. Le blastopore est alors refoulé au fond d’un infundibulum d’origine ectodèérmique, et constitue l’orifice buccal interne. On voit donc que les deux divisions d'Huxzey (Archæostomata et Deuterostomata) ne peuvent pas être conservées. Mais on peut se demander si les données actuelles de l’embryologie, relatives aux destinées du blastopore, ne pourraient pas être utilisées pour la classification des Métazoaires. Il faut, à mon avis, répondre négati. vement en ce qui concerne l'établissement des grandes divisions En effet une classification basée sur ce caractère n’exprime pas les CLASSIFICATION EMBRYOLOGIQUE oi affinités naturelles des êtres; il suffit, pour s’en convaincre, de jeter un coup-d’œil sur le tableau qui précède. Ce résultat n’a rien qui doive nous étonner, car si la gastrula n’a pas de signification phylogénétique, il en est nécessairement de mème pour le blastopore. Quant au stomodæum et au proctodæum, ce sont des formations indépendantes du blastopore, mais qui peuvent correspondre plus ou moins exactement à l'orifice unique, punctiforme ou linéaire de la gastrula. Peut-être, lorsque les relations du blastopore et des orifices de la larve seront mieux connues, pourra-t-on utiliser ce caractère pour l'établissement de divisions secondaires? Mais j'en doute. V. — Membranes embryonnaires L'absence, la présence, la disposition des membranes embryonnaires sont des caractères qui, ont été utilement employés dans la clas- sification des Vertébrés. Ils pourraient l'être aussi pour l'établissement de quelques groupes secondaires d’Invertébrés. Mais deux grandes divisions primaires des Métazoaires, basées sur la présence ou l'absence de membranes embryonnaires, me paraissent aussi fragiles que celles qui pourraient être établies d’après la destinée du blas- topore, ou d’après la présence ou l’absence d'organes embryonnaires provisoires, adaptations à des conditions spéciales de développement. Il me suffit de considérer que les membranes embryonnaires peuvent tantôt exister et tantôt manquer dans des groupes tels que les Verté- brés, les Trachéates, les Némertiens, pour ne voir, dans ces formations, que des caractères très secondaires, incapables de fournir un crité- rium pour la division des Métazoaires en deux groupes primaires. VI. — Formes larvaires Dans un article plein d'humour, fort intéressant, paru dans la Revue scientifique (1892) et ayant pour titre les Dogmes scientifiques, Carz Vocr insiste avec raison sur la notion des formes larvaires. Il est impossible, dit il, de conclure immédiatement des états lar- vaires d’un animal à ses formes initiales. Il fait observer que nous ne connaissons, à l’état adulte et sexué, aucun animal qui ressem- 92 PAUL HALLEZ ble à ces formes larvaires, et que, d'autre part, celles-ci ne sont nullement représentées parmi les fossiles. Les états larvaires ne représentent pas des formes primitives, ancestrales : telle est la con- clusion de Care Vocr. Et cette manière de voir est celle de plusieurs zoologistes, notamment de Lac. Le développement embryologique est une succession de stades ; suivant que l’éclosion est plus ou moins hâtive ou plus ou moins tardive, l'embryon qui sort de l’œuf se trouve à des états très différents. Quel critérium peut nous permettre de dire que ces stades ont, à une époque géologique quelconque, représenté une forme adulte, et de décider lequel de ces stades représente la forme ancestrale ? Pourquoi, par exemple, considérer le nauplius comme l'antique forme qui aurait engendré tous les Crustacés, alors que bon nombre de ceux-ci ont des formes larvaires différentes ? Parce que, répond on, le développement peut être condensé, abrégé, et que d’ailleurs la phase nauplienne se retrouve toujours dans le développement embryonnaire des espèces, même de celles qui éclosent à des stades ultérieurs. Mais il n’est pas inutile de remarquer que les Crustacés sont pourvus d’un nombre de paires d’appendices qui peut varier de 7 à 19, et que ces appendices se forment successivement d’avant en arrière. Il y a donc forcément, à un moment donné, un stade à trois paires antérieures d’appendices : c’est la phase nauplien ne. En outre, après la formation de ce stade, on ne remarque aucun arrêt dans le développement embryonnaire, rappelant la longue période de vie dont aurait sans doute été gratifié le nauplius ancestral. Cette phase nauplienne, dans le développement direct, est aussi éphémère que les phases suivantes, caractérisées par l'augmentation du nombre des paires d’appendices. Une observation analogue peut être faite à propos des autres for- mes larvaires. La trochosphère jeune, la seule qu’on puisse consi- dérer comme caractéristique de l’embranchement des Vers, n’est qu’une gastrula qui a acquis un stomodæum, une plaque syncipitale et un mésoderme. Cette phase doit exister forcément, et sa constance dans tout le groupe ne prouve pas qu’elle est la forme souche de tous les Vers. En résumé, la signification ancestrale des formes larvaires simples qui, comme la trochosphère et le nauplius, ne sont encore que des gastrules relativement peu différenciées, est extrêmement douteuse, CLASSIFICATION EMBRYOLOGIQUE 23 d'autant plus que ces formes sont agames, qu’elles ne se reproduisent pas par fissiparité, et que l'existence même des cellules initiales de l'organe reproducteur n’a, jusqu'ici, été signalé que dans un petit nombre de cas. Les formes larvaires simples peuvent être partagées en deux groupes: celles qui ne possèdent que deux feuillets et celles qui en ont trois. Les premières comprennent l’amphiblastula, la planula à laquelle se rattachent les larves des Plathelminthes, et le pilidium. La Planula est une forme larvaire à deux feuillets, à ectoderme uniformément cilié engendrant toujours un ectomésenchj me, et à endoderme plus ou moins solide. Elle existe chez les Cnidaires, les Rhabdocælides, Triclades, Trématodes et Cestodes. L'apparition de l’ectomésenchyme est plus hâtive dans la planula des Plathelminthes que dans celles des Cnidaires. L'Amphiblastula est une forme larvaire à deux feuillets, à ecto- derme cilié ne recouvrant qu'incomplètement les cellules endodermi- ques dont une partie engendre un endomésenchy me. Cette larve se rencontre chez certains Porifères. Quand l’ectoderme revêt complè- tement l’endoderme, la larve ressemble à une planula dont on ne peut la distinguer que par la nature du mésenchyme. Le Pilidiunm n'est qu'une gastrule ciliée, d'une forme spéciale, qu'on a souvent comparée à un casque. Il se rencontre chez certains Némertiens. Les formes larvaires qui possèdent trois feuillets peuvent être partagées en deux catégories suivant qu’elles sont pourvues ou non de cils vibratiles. Les principales larves triploblastiques ciliées sont la trochosphère, Vauricularia et la bipinnaria; celles qui sont dépourvues de cils vibratiles sont le nauplius, le polypode et la notoneure. La Trochosphère est une forme larvaire à trois feuillets, pour- eue de cils vibratiles diversement distribués. Le corps comprend une région céphalique avec plaque syncipitale, organes visuels el stomo- dœum, el une région postérieure cortenant la plus grande partie du mésentéron. Ordinairement il existe une couronne ciliée préorale. Cette description répond à la forme trochosphère jeune, telle qu’elle se rencontre dans tout l’embranchement des Vers, y compris les Polyclades (larve de MüLrer). 19 miss PAUL HALLEZ L'Auricularia est une forme larvaire pourvue d'un bourrelet cilié péribuccal plus ou moins sinueux. Elle possède un stomo- dœum, un mésentéron, un anus, trois pésicules mésodermiques et un endomésenchy me. La Bipinnaria ne diffère de l'auricularia que par l'existence de deux bourrelets ciliés, un préoral circulaire el un préanal plus ou moins sinueux. Ces deux formes larvaires se rencontrent chez les Echinodermes, à l'exception des Crinoïdes. La Tornaria des Entéropneustes se rapproche de la bipinnaria. Parmi les larves {ou embryons) triploblastiques dépourvues de cils vibratiles, on peut distinguer celles qui ont des appendices disposés pour la natation, celles dont les appendices sont disposés pour la marche, et celles qui sont privées de membres. Le Nauplius est une forme larvaire à corps non segmenté, non cilié, possédant un mésentéron, un stomodœum, un proctodœum, des initiales mésodermiques et l'ébauche du système nerveux. Il porte un bouclier dorsal muni d'organes des sens frontaux, et est pourvu d'un œil frontal impair et de {rois paires de pattes nata- toires. La première paire, formée d'une seule rangée d'articles, correspond à la première paire d'antennes ; la deuxième et la troi- sième paires, biramées, représentent la deuxième paire d'antennes et les mandibules. Cette forme se rencontre chez les Crustacés. Le Polypode est une forme laroaire segmentée, non ciliée, mais pourvue de nombreuses paires d’appendices disposées pour la marche, en général en nombre égal à celui des somites. C'est la forme embryonnaire des Trachéates. La Notoneure est essentiellement caractérisée par un système nerveux central dorsal, issu d’une seule ébauche, et par une nolo- corde: elle est apode. C’est la forme embryonnaire des Chordata. On voit donc que, pour plusieurs des embranchements, 1l existe un type larvaire qui se retrouve dans la plus grande partie des formes de chacun de ces embranchements. En outre, dans un embranche- ment déterminé, celui des Vers par exemple, la forme type présente des caractères spéciaux dans chaque division. La larve de MüLLER ou trochosphère des Polyclades possède huit appendices ciliés, elle n’acquiert jamais de proctodæum, et son mésoderme reste massif. La trochosphère des Annélides, qui présente des variations nom- breuses dans la répartition des cils vibratiles, acquiert un procto- CLASSIFICATION EMBR YOLOGIQUE 2 dœum, un épaississement nerveux ventral, des reins céphaliques, et bourgeonne des anneaux à son extrémité postérieure, en Inême temps qu'apparaissent les bulbes sétigères. Les formes larvaires des Bryozoaires paraissent ètre des trochosphères presque entièrement réduites à la région céphalique. Celles des Mollusques sont caracté- risées par l’épaississement pédieux ventral et par l'invagination coquillière dorsale. De ce qui précède nous pouvons conclure que, si les formes larvaires simples ne sont pas des formes primitives, ancestrales, elles sont néanmoins caractéristiques des groupes, et peuvent par conséquent fournir de bons caractères pour les classifications embryologiques. Comme je ne m'occupe que de rechercher des caractères pouvant servir à la diagnose des embranchements, je n’ai pas à m'occuper des formes larvaires hautement différenciées qui sont propres à des divisions secondaires. VII — Deux cas de convergence des formes C'est un fait bien connu que les conditions éthologiques ont une influence importante sur l'organisation et la morphologie des animaux. Des organismes, même très différents, peuvent, s'ils sont soumis à un même genre de vie, présenter des caractères communs. Les cas de convergence sont parfois étonnants, et sans doule plus nombreux qu’on ne le suppose. Il y a là en tout cas une notion dont il importe de tenir compte en classification et qui ne peut être révélée que par une étude attentive des phénomènes embryologiques. Il faut considérer, dans l'adaptation, les conditions éthologiques et le sujet soumis à ces conditions. La fixation, le parasitisme, la vie pélagique, la reptation et, d’une façon plus générale, le mode de loco- motion, sont autant de conditions qui peuvent produire la conver- gence de types difiérents. Il est permis d'admettre que la convergence doit être d'autant plus grande que les sujets ont un point de départ moins éloigné, qu'ils sont plus semblables en organisation. Or, cer- taines formes larvaires, telles que les trochosphères et les nauplius, qui ne sont en définitive que des gastrules plus ou moins développées, sont adaptées à la vie pélagique. Il est donc probable que les 26 PAUL HALLEZ différentes trochosphères et les divers nauplius, par exemple, sont des formes convergentes, n’ayant peut-être entre elles aucune affinité. Les ressemblances observées entre les trochosphères des Annélides (sensu latiore), Mollusques, Bryozoaires, Amphineura, la larve de MüLLer, l’auricularia, n’ont vraisemblablement aucune signification ancestrale. Il n’y a ni plus ni moins de raisons pour rapprocher ces diverses formes l’une de l’autre que pour les rapprocher, comme le fait LanG, de la forme nauplius. C’est surtout dans les cas de métamorphoses et d’hypermétamorphoses que les larves nous apparais- sent nettement comme des formes adaptées à des conditions spéciales de vie. Je me contenterai d'appeler l’attention sur deux cas de convergence. 1° CAS DES POLYCLADES ET DES TURBELLARIÉS. — Tous les auteurs rattachent encore les Polyclades aux Turbellariés. Moi-même, dans des mémoires antérieurs (1), tout en insistant sur les différences qui séparent ces deux groupes et sur l'origine vraisemblablement difé- rente des uns et des autres, je me suis contenté de mettre les Polyclades dans une sous-classe particulière, sans oser les retirer complètement de la classe des Turbellariés pour les placer en tête de l’embranchement des Vers. Les Polyclades et les Triclades ont une organisation en apparence si semblable, qu'on les réunit quel- quefois encore dans une même division : les Dendrocælides. La plupart des auteurs font entrer, dans les Plathelminthes ou Plaltodes, les Trématodes, Cestodes, Turpellariées et Némertiens. D’au- tres, comme LanG, retirent les Némertiens de ce groupe pour les placer en tête de l’embranchement des Vers. Tous divisent la classe des Turbellariés en trois ordres : les Rhabdocælides, les Tricladides et les Polycladides, et l’on est assez unanime à admettre l'opinion de LanG qui voit dans les Turbellariés des Cténophores rampants. Si les affinités des Polyclades et des Cténophores sont vraisem- blables, il faut bien admettre que celles des Turbellariés et des Cténophores n’ont été admises que parce qu’on considérait les Polyclades comme inséparables des Turbellariés. Ce n’est pas la (1) Embryogénie des Dendrocæles d'eau douce. Lille, 1887. Catalogue des Turbellariés du Nord de la France et de la côte boulonnaise. — Rev. biol. du Nord de Ja France. T. II, IV et V. Morphogénie générale et affinités des Turbellariés. — Trav. et Mém. des Facultés de Lille, T. II, no 9, 18%, CLASSIFICATION EMBRYOLOGIQUE 27 seule fois d’ailleurs que des données, fournies par l’étude des Poly- clades, ont été étendues aux Turbellariés en général. Nos connaissances embryologiques sur les Plathelminthes sont suffisantes pour établir qu'aucun de ces animaux ne possède un mésoderme, c’est-à-dire des bourgeons pairs d’origine endodermique prenant naissance dans le voisinage du blastopore. Les recherches de ScHAuINsLaxp montrent que l’œuf des Tréma- todes doit être rangé dans la catégorie des œufs que j'ai nommés ectolécithes. Or ces œufs ectolécithes sont très particuliers aux Pla- todes. Leur segmentation rappelle de très près celle que j'ai obser- vée chez les Triclades et les Rhabdocælides, et la larve de Distoma globiporum notamment, avec son pharynx provisoire, son intestin très réduit et ses nombreuses cellules migratrices, est très semblable, par sa forme et par sa structure, à l’endogastrula des Triclades. L’œuf des Cestodes est aussi ectolécithe, sa segmentation rappelle bien celle des Trématodes et des Triclades, et, bien que de nouvelles études soient nécessaires pour qu'on puisse sûrement homologuer le mésenchyme des Cestodes et celui des Triclades, tout porte à croire, dans l’état actuel de nos connaissances, que Cestodes, Trématodes et Turbellariés constituent un embranchement bien homogène. En outre rien ne rappelle une formation mésodermique dans les phénomènes embryologiques de ces trois groupes. Quant aux Némertiens, ils doivent rester aussi dans le groupe des Plathelminthes. Les quatre vésicules prostomiales et métastomiales des premiers, étant d'origine nettement ectodermique, ne peuvent pas être considérées, ainsi que le fait LanG, comme correspondant aux quatre amas mésodermiques des jeunes larves de Polyclades, puisque ces amas sont d’origine endodermique. Il est vrai que, pour LanG, le mésoderme n’a qu’une signification purement topographique. Et cependant LanG, qui homologue les disques des Némertiens et les amas mésodermiques des Polyclades, laisse néanmoins ces der- niers avec les Turbellariés et placefles Némertiens dans l’embran- chement des Vers. C’est le contraire, à mon avis, qu’il faut faire. En effet, les quatre vésicules ou disques des Némertiens, d’origine ectodermique, ne sont pas comparables à des formations mésoder- miques, elles ne constituent pas non plus un amas cellulaire, intermédiaire entre les deux feuillets primaires, évoluant à la manière d’un mésenchyme. Elles sont en réalité le point de départ de la 28 PAUL HALLEZ jeune Némerte tout entière. Celle-ci est formée d’un endoderme qui n’est autre que celui du Pilidium ou gastrula, d'un ectoderme secondaire issu de l’ectoderme de la larve lequel est rejeté et correspond peut-être à l’ectoderme priraaire que certaines larves de Trématodes et de Cestodes rejettent également, et enfin d’un mésen- chyme d’origine ectodermique puisqu'il dérive des vésicules ou disques ectodermiques, et puisqu'il donne naissance au système nerveux comme chezles Triclades. La diagrose embryologique des Némertiens correspond donc à celle des Plathelminthes et s'éloigne au contraire de la diagnose des Vers, principalement par l’absence d’un mésoderme. Les Polyclades, au contraire, possèdent des initiales mésodermiques qui se forment hâtivement et de la même manière que dans un grand nombre de cas de segmentation épibolique. Bien que le mésoderme de ces animaux se développe à la façon d’un mésenchyme, par son mode de formation comme par sa destinée il s'éloigne com- plètement du mésenchyme des Platodes. Dans aucun cas, en effet, : le mésoderme des Polyclades ne donne naissance au système nerveux, aux organes des sens et aux rhabdites, organes qui se forment dans le mésenchyme ectodermique chez les Plathelminthes. La diagnose embryologique des Polyclades s'éloigne donc de celle des Plathel- minthes, et se rattache à celle des Vers. La larve de MüLrer doit en outre être considérée comme une jeune trochosphère. Donc les Polyclades doivent être séparés des Turbellariés. Les ressemblances qu’ils présentent avec ces derniers sont purement adaptatives, elles tienpent à une convergence produite par un même genre de vie, la reptation. Quand on compare, en effet, l’organisation des Polyclades et celle des Triclades qui sont les Plathelminthes présentant le plus de ressemblances avec les Polyclades, on est frappé des différences profondes qui existent entre ces organismes. Qu'il me suflise de rappeler la disposition de l'appareil digestif, le nombre des ovaires, l’absence chez les Polyclades des glandes vitellines et d’un cloaque génital qui existent chez les Triclades, caractères très importants auxquels on pourrait ajouter bien d’autres différences secondaires. Si, par les phénomènes embryologiques, l'organisme Polyclade se sépare complètement de l'organisme Triclade, si la structure du Poly- clade adulte ne peut pas être ramenée à celle du Triclade adulte, par contre les Triclades se relient forcément, par leur développement CLASSIFICATION EMBRYOLOGIQUE 29 et par leur structure, aux autres Turbellariés et aux Platodes. Je ne reviendrai pas ici sur celte question que j'ai développée dans d’autres publications (1). Une conséquence des idées que je viens d'exposer cest que le système excréteur des Plathelminthes et celui des Polyclades, malgré leur grande ressemblance, ne sont pas homologues. Le premier appartient à un mésenchyme d’origine ectodermique, tandis que le second, formé dans un mésoderme vrai, est comparable aux proné- phridies des Vers. Il n’y a pas plus de relation phylogénétique entre le système excréteur des Platodes et celui des Vers, qu’il n’y en a entre l'otocyste des Mollusques et celui des Mysis, ou entre l'œil des Céphalopodes et celui des Vertébrés. 2° CAS DES CTÉNOPHORES ET DES CNIDAIRES. — La plupart des auteurs rangent encore dans un même embranchement, celui des Cœælentérés, les Porifères et les Cnidaires, auxquels ils rattachent les Cténophores. Toutefois ils sont en général d’accord pour reconnaître que les Porifères et les Cténophores s’éloignent considérablement des Cnidaires. Il est certain que l’organisation et la morphologie externe sont suffisantes pour justifier la séparation des Porifères et des Cnidaires d'une part et celle des Cténophores et des Cnidaires d’autre part, et la création de trois embranchements distincts aux dépens des Cœælen- térés. Je crois qu'il est impossible de donner une diagnose satisfai- sante pouvant s'appliquer à la fois à ces trois types. Depuis que les idées de Hockez sur la morphologie des éponges sont démontrées fausses, on ne peut plus établir de comparaison entre le système des canaux de ces animaux et le système cavitaire des Cnidaires. D'un autre côté, il faut une certaine dose de bonne volonté pour ramener au type Méduse le type Cténophore qui s’en éloigne considérablement par son système de canaux, par ses palettes natatoires, par son système nerveux et son organe sensoriel, par ses tentacules qui, lorsqu'ils existent, sont toujours au nombre de deux, par la symé- trie, par les cellules préhensiles, et, on peut le dire, par tous les détails de l’organisation. Au point de vue embryologique, les Porifères, Cnidaires et Cté- nophores sont encore plus nettement différenciés. Les Porifères sont (4) Loc. cit. 30 PAUL HALLEZ des métazoaires diploblastiques à mésenchyme d’origine endodermique, les Cnidaires, de même que les Plathelminthes, sont des métazoaires diploblastiques à mésenchyme d’origine ectodermique, tandis que les Cténophores possèdent, comme l’a montré METSCHNIKOFF, un méso- derme, et en outre un mésenchyme d’origine ectodermique. Les ressemblances des Cténophores avec les Hydroméduses sont donc plus superficielles que réelles. On peut les attribuer à un phénomène de convergence due à un même genre de vie pélagique. Quant aux affinités établies par LaxG entre les Cténophores et les Polyclades, elles sont assurément très attrayantes, très vraisemblables, mais on ne peut pas encore les considérer comme définitivement démontrées. On sait le rôle important qu’on a attribué à la Cœælo- plana Meznikowü et à la Ctenoplana Kowalesskii comme formes de passage entre les Cténophores et les Polyclades. Lan, dans son excellent Trailé d'anatomie comparée, résume de la façon suivante les rapports de ces deux curieuses espèces avec les groupes en question : « Ces deux formes se rapprochent des Cténophores: » 1° Par la possession d’un organe des sens aboral; » 20 Par la présence de huit rangées de plaquettes ciliaires » (Ctenoplana) ; » 30 Par la possession de tentacules pennés; » 4 Par la structure générale de leur corps. » La Cœloplana et la Ctenoplana se rapprochent des Polyclades: » 4° Par la forme aplatie du corps et la propriété qu’elles ont de » se mouvoir en rampant; » 2° Par la ciliation générale du corps; » 3° Par la présence d’une membrane basale; » 4° Par la présence d’une musculature cutanée consistant en une couche de muscles longitudinaux, et une de muscles annulaires; » D° Par la présence de fibres musculaires dorsi-ventrales rami- fiées à leurs deux extrémités ; » 60 Par la disposition du système gastro-vasculaire ; » 7 Par la présence de deux tentacules dorsaux (qui, à vrai dire, ne sont pas pennés chez les Polyclades), et d’un centre nerveux (?) dorsal ; » 80 Par la présence d’un système aquifère (Ctenoplana”? ) » % re DA A CLASSIFICATION EMBRYOLOGIQUE 31 LaxG ajoute d’ailleurs que les ressemblances 1-5 ont leur raison d’être dans le mode de locomotion par reptation, et qu’en outre Cœloplana et Ctenoplana sont encore malheureusement assez mal connues, en sorte que l’on ne sait trop si l’on à affaire à une larve ou-à un animal adulte. En résumé ces formes sont plus voisines des Cténophores que des Polyclades. Ctenoplana est même certainement un Cténophore adapté à la reptation, et il nous montre que l’organisme Cténophore, qui abandonne la vie pélagique pour Ia vie rampante, se rapproche de l’organisme Polyclade. C’est la seule conclusion qu'il est permis de tirer de l'étude des deux formes Cœloplana et Ctenoplana. Mais la ressemblance de ces espèces avec les Polyclades est elle simplement un fait de convergence, ou bien nous montre-t-elle une véritable relation phylogénétique”? Les Polyclades ne présentent pas trace du mésenchyme d’origine ectodermique qui est si développé chez les Ciénophores. Si l’on pouvait démontrer que la disparition de l’ectomésenchyme, chez les Polyclades, est une conséquence de laplatissement du corps produit par l’adaptation à la reptation, il n’ÿ aurait plus, à mon avis, une seule objection capitale à faire à l’opinion de LANG, qui rattache les Polyclades aux Cténophores. L'étude du développement de Cteno- plana et de Cœloplana élucidera peut-être cette question. VIII. — Valeur taxionomique des caractères embryologiques. HoEckeL distingue, dans l’ontogénie, des phénomènes cœnogénéliques ou phénomènes modifiés, falsifiés dans le cours des temps, repré- sentant d’après RüriMEYER la fortune acquise, et des phénomènes palingénétiques ou phénomènes primitifs et acquis par hérédité, représentant d’après RüTIMEYER le trésor transmis par les ancêtres. CarL Vocr(1) a montré que ces deux expressions sont bien inutiles, puisqu'il est impossible de déterminer où commence le primitif et où il finit. Il est certain cependant qu'une même formation peut présenter des modifications. Nous avons vu, par exemple, que le feuillet moyen et plusieurs organes peuvent se reconstituer aux dépens de bourgeons qui sont tantôt creux (procédé entérocælien) et tantôt (1) Car Vocr. — Les Dogmes scientifiques. — Revue scientifique, 1892, 32 PAUL HALLEZ massifs (procédé pseudocælien), sans qu'il soit possible pour cela de ne pas considérer ces organes comme sûrement homologues. Nous avons vu aussi que ces deux modes de formation ne sont pas essen- tiellement différents, qu’ils doivent par conséquent dériver l’un de l’autre. Il y a donc un de ces processus qui est palingénétiqueé, l’autre étant cœnogénétique. Mais lequel des deux est primitif, lequel est une modification de l’autre ? Il est impossible de répondre à cette question, comme nous le verrons bientôt. D'autre part, l’étude du développement de quelques animaux met en évidence certains phénomènes qui apparaissent net- tement comme cœnogénétiques, mais sans nous laisser entrevoir aucun phénomène sûrement palingénétique. Ainsi, la forme aplatie du corps chez les Rhabdocælides à pharynx postérieur ne peut s'expliquer qu’en admet- tant que ces types sont des modifications, des descendants des types cylindriques à pharynx antérieur, et qu'ils se sont aplatis à mesure que l’adaptation à la reptation devenait plus parfaite et que l'extrémité antérieure du corps s'allongeait davantage. Les formes à pharynx postérieur apparaissent donc ici comme une conséquence de phéno- mènes cœnogénétiques, mais cela ne m’avance guère puisqu'il m'est impossible de dire quels sont, dans l’ontogénie de ces animaux, les phénomènes palingénétiques, ni même s’il y en a. Il en est ainsi dans toutes les embryogénies ; toujours il est impossible de déterminer avec certitude un phénomène palingénétique. Il faut donc bien reconnaître que la division des phénomènes embryologiques en cœnogénéliques et palingénétiques n’est d'aucune utilité. Ce n’est donc pas dans cette voie qu'il faut chercher des indications pour la classification embryolo- gique des animaux. En trouverons-nous davantage dans les notions de l’embryogénie dilatée ou condensée et de la récapitulation phylogénétique par l’ontogénie”? On désigne sous le nom d’embryogénies dilatées celles qui sont caractérisées par une éclosion précoce, c’est-à-dire les évolutions lar- vaires, tandis que, sous le nom d'embryogénies condensées ou abrégées, on entend celles qui se passent presque entièrement à l’intérieur de la coque de l’œuf, c’est-à-dire les évolutions fætales. On dit généralement que le processus entérocælien est propre aux embryogénies dilatées, tandis que le processus pseudocælien se ren- contre plus spécialement dans les embryogénies condensées. Cela CLASSIFICATION EMBRYOLOGIQUE M) n’est pas absolu. On en conclut cependant en général que le mode entérocælien est primitif. Cette conclusion serait justifiée s’il était démontré que l’évolution larvaire est primitive, s’il était admissible, en d’autres termes, que les phases larvaires successives répètent les formes successives revêtues dans la série des temps par lespèce considérée. Mais il n’en est pas ainsi. L’arbre phylogénétique des Crustacés, par exemple, a été dressé d’après les caractères larvaires, mais cette disposition est aujourd’hui abandonnée. On considère le type initial des Crustacés comme un animal pourvu de nombreux segments munis chacun d’une paire de pattes, et pas très éloigné peut-être du type Annélide. Dans cette conception, le nauplius et autres larves des Crustacés ne sont plus des formes ancestrales, mais des formes secondaires, qui se sont intercalées, pour cause d’éclosion plus ou moins hâtive, dans le cours de l’évolution normale. On arrive dès lors à se demander si l’embryogénie dite condensée ou abrégée ne représente pas plutôt le mode primitii de développement. Il est à noter, à ce propos, que certains types réputés archaïques ont un développement direct. Le Leptostracé qui, pour employer l'expression de LanG, « se manifeste nettement comme un Mala- costracé de vieille souche, dont les ancêtres pourraient bien être apparentés avec ceux des Phyllopodes », est dans ce cas. Le déve- loppement est également direct chez le Peripatus, l'Amphioxus, la Sagitta, le Dinophilus. Il est évident que le caractère primitif ou secondaire d’un phéno- mène embryologique aurait une importance au point de vue des classifications, en permettant de distinguer les types qui ont conservé le plus grand nombre des caractères ancestraux. Mais il est presque aussi impossible de décider lequel des deux processus d’évolutions dites dilatée et condensée s’écarte le moins du mode primitif, que de déterminer si tel phénomène est cœnogénétique ou palingénétique. Donc les notions de l’embryogénie dilatée ou condensée sont sans utilité pour le classificateur. Quant aux relations de l’ontogénie et de la phylogénie, elles ne peuvent pas être données par cette formule nette et précise, connue sous le nom de loi biogénctique fondamentale : « l'histoire du déve- loppement individuel d’un être est une courte récapitulation de l’histoire de sa race. » Cette prétendue loi, comme l’a fort bien dit CarL VocT, n’est qu'un dogme. Mais le savant professeur génevois °) U] 34 PAUL HALLEZ me paraît aller trop loin en laissant au lecteur l'impression qu'il n'y a pas de lien entre la phylogénie et l’ontogénie. Celle-ci, en vertu de la transmissibilité des caractères par hérédité, doit être comme un reflet de celle-là. Si les rapports de la phylogénie et de l’ontogénie ne sont pas simples, s'ils ont été mal compris, exagérés jusqu’à l’absurde, il ne s'ensuit pas qu'ils n’existent nullement. Toutefois ils sont à déterminer, et cette détermination paraît désespérément com- plexe. On s’est trop habitué, en zoologie, à se contenter de démonstra- tions par à peu près, et à généraliser trop rapidement; on a trop souvent décoré du nom de lois des notions purement dogmatiques. C’est là une déplorable tendance qui est préjudiciahle aux progrès de la science, car l'esprit, impatient, toujours en quête de quelque critérium qui lui permette d’arriver à une conception de la nature, se laisse trop facilement éblouir par des formules simples, nettes, précises, mais établies à la légère, sans qu'on ait pris le temps de bien se rendre compte de tous les facteurs et de leur valeur, et l'esprit ébloui cesse alors de chercher. Il vaut mieux avouer son ignorance qu'accepter un principe faux ou incomplet et mal défini. En résumé, les phénomènes cœnogénétiques et palingénétiques sont insaisissables ; la distinction entre les types d’embryogénies dites dilatées et condensées, qu'il serait préférable d’appeler évolutions larpaires et fœtales, assez difficile d’ailleurs à établir dans certains cas, ne permet pas de reconnaître les formes qui ont conservé le mieux les caractères ancestraux; les relations de l’ontogénie avec la phy- logénie ne sont pas établies. Ce sont là autant de considérations inutiles pour le classificateur. Il faut que le classificateur laisse de côté toutes les notions théoriques ou dogmatiques, pour ne s'occuper que des faits et déter- miner leur valeur relative. | Il est une catégorie de phénomènes constants et généraux qui se rencontrent dans tous les types du règne animal. Sont dans ce cas: la segmentation dont les différents modes sont déterminés par la structure de l’œuf et surtout par la quantité relative et la disposition du lécithe ; la formation de la gastrula dont les différents modes dépendent du processus de la segmentation ; la concordance entre les plans de symétrie de la mère, de l’œuf et de l'embryon, que j'ai désignée sous le nom de loi de l'orientation de l'embryon; la loca- lisation du pouvoir d’amorce et du pouvoir morphogène en certains CLASSIFICATION EMBRYOLOGIQUE 39 points qu'on peut appeler centres principaux d’accroissement. La plupart de ces phénomènes sont bien connus. Je me contenterai de dire un mot sur le dernier. Au début de la segmentation, l'accroissement est ordinairement égal dans toutes les âirections, de sorte que la symétrie est radiaire. Cet état peut persister plus ou moins longtemps, mais bientôt l’accrois- sement se fait plus rapidement suivant certaines directions, il y a formation de centres principaux d’accroissement : telle est, par exemple, la région de la trochosphère, que M. MaLaQuIN (1) a désignée sous le nom de zoonite formateur. Chez les Triclades et les Rhabdo- cælides, l'embryon sphérique s'accroît suivant deux directions opposées et l'intensité de l'accroissement dans ces deux directions est en général inégale. Tantôt l'accroissement est plus rapide suivant la direction caudale que suivant la direction céphalique, tantôt c’est l'inverse, tantôt enfin (cas de esostoma) l'accroissement est égal suivant les deux directions opposées. J'ai montré ailleurs les consé- quences morphologiques de ces différents cas de localisation de l’accroissement. L'existence de centres principaux d’accroissement est un phénomène constant et général. Un certain nombre de phénomènes organogéniques sont également constants et généraux, par exemple, l’origine ectodermique des sys- tèmes nerveux. L’explication de cette formation ectodermique commune à tous les animaux ne doit pas être cherchée uniquement dans l'hérédité. Des organes plus ou moins semblables, remplissant une même fonction, tels que l’otocyste de la Mysis et l’otocyste des Mollusques, l’æil du Céphalopode et celui du Vertébré, le système excréteur des Platodes et celui des Polyclades, peuvent se former d’une facon indépendante. Tel est aussi le cas du système nerveux qui se présente sous différents états : {0 le système nerveux diffus, consistant en une simple différenciation histologique et consti- tuant le plexus nerveux des Cnidaires, Cténophores, Echinodermes, Entéropneustes et nombreuses larves ; 2° le système nerveux oral des Actiniaires, des Méduses craspédotes, des Echinodermes ; 4 le système nerveux syncipital des Cténophores, des Polyclades et des formes larvaires ; 4° les systèmes nerveux oral et syncipital réunis qu’on observe chez les Vers, Mollusques et Arthropodes ; 5° le système (1) Maraquix. — Recherches sur Les Syllidiens. Thèse de doctorat. Lille 1893. 36 PAUL HALLEZ nerveux des Vertébrés dont l’ensemble (moelle et encéphale) constitue une seule et même formation comparable peut-être au système ner- veux oral seul des Invertébrés. Ces divers états du système nerveux ne peuvent pas être ramenés à un type unique initial; leur forma- tion indépendante est révélée par l’organogénie, et leur origine commune aux dépens de l’ectoderme tient sans doute à ce que le feuillet externe est le plus exposé aux impressions sensorielles. Tous ces phénomènes constants et généraux pourraient servir à caractériser les Métazoaires, mais ils ne peuvent évidemment pas être utilisés dans la diagnose d'aucun groupe. Il en est de même des phénomènes trop spéciaux et essentiellement variables qu’on observe dans chaque embryogénie. Les caractères embryologiques qui s’observent dans tous les types d'un groupe donné sont peu nombreux et simples. Aussi la diagnose embryologique a-t-elle une netteté et une précision que ne peuvent avoir les diagnoses basées sur l'anatomie de l'adulte, quelque soin qu’on apporte à leur rédaction. Un organisme est d'autant plus difficile à définir qu'il est plus complexe ; les conditions éthologiques peuvent altérer considérablement l’organisation d’une espèce au point de la rendre méconnaissable ; les divers types d’un groupe s'éloignent d'autant plus les uns des autres, par les détails de leur organisation, qu’on les observe à des stades plus avancés de leur développement; la morphologie de l'adulte est la conséquence des phénomènes em- bryologiques : autant de raisons qui montrent la supériorité des diagnoses embryologiques sur celles qui sont établies d’après les caractères morphologiques de l'adulte. Les phénomènes embryologiques caractéristiques des divers em- branchements sont en première ligne le nombre des feuillets et la nature des mésenchymes. Les tissus qui prennent place entre l’ectoderme et l’endoderme servent à augmenter l'épaisseur des parois du corps, ils sont analogues, et on les confond tous trop souvent sous le nom de feuillet moyen. Ils ont cependant des origines diverses et, par conséquent, ils ne sont pas tous homologues. Avec raison on attache une grande importance à l’origine des organes qui seule permet la détermination des homologies, base de l’anatomie comparée. Pourquoi l'origine des tissus intermédiaires serait-elle CLASSIFICATION EMBRYOLOGIQUE 97 dépourvue de valeur et de signification? Comme je l'ai déjà dit, l’origine de ces tissus intermédiaires est très constante dans chacun des grands groupes animaux, et suflit à elle seule pour en caractériser le plus grand nombre. Le caractère embryologique le plus constant dans chaque groupe, après le caractère tiré de l’origine des tissus intermédiaires, c’est la forme larvaire simple. Ces seules données embryologiques sufti- sent pour caractériser chacun des embranchements des Métazoaires. IX. — Classification embryologique des Métazoaires Les diagnoses des huit embranchements des Métazoaires peuvent être formulées ainsi : 1. Mésozoaires. Métazoaires diploblastiques sans mésenchyme. 2. Porifères. Métazoaires diploblastiques à mésenchyme d’origine endodermique. 3. Gælentérés. Métazoaires diploblastiques à mésenchyme d’origine ectodermique, tantôt massif (Cnidaires), tantôt lacunenx (Platodes). 4. Echinodermes. Métazoaires triploblastiques à mésenchyme d'’ori- gine endodermique. Le mésoderme est constitué par trois vésicules. 9. Ciénophores. Métazoaires triploblastiques à mésenchyme d’origine ectodermique. 6. Vers. Métazoaires triploblastiques à larve trochosphère. 1. Arthropodes. Métazoaires triploblastiques à larve non ciliée, pourvue de membres locomoteurs. Larve nauplius (Crustacés), larve polypode (Trachéates). 8. Chordata. Métazoaires triploblastiques à larve notoneure. Ces diverses diagnoses se trouvent résumées dans le tableau suivant : Ps t n es, PAUL HALLEZ 38 2 METAZOAIRES diploblastiques, triploblastiques, | SADSPMIESCNCNNANON re ie cales se ea ceetreims eee avec mésenchyme d'origine avec mésenchyme d'origine CAOUÉTUNIMUB eee mes eeses ce lle MASSE mr MER ectodermique III. lACUNEUX 0 om eee endolerMIQUE rer" 0V CECLOUOMINIUE Cr etes eue sans mésenchyme ou avec mé- senchyme d'ori mique, larve gine mésoder- trochosphère .. .... VF. HAUTS ES ne are VIT. DOLNDOTHES ARR rat noOlOnEUTE- eee MIRE Mésozoaires. Porifères. Cnidaires. Platodes Echinodermes et Entéropneustes . Cténophores. Vers. Crustacés. Trachéates Chordat«. Polyelales. Mollusques. Anmphineures. Nématodes. Rotifères A nes (sensu laliore). Brachiopodes. ryozoaires. CLASSIFICATION EMBRYOLOGIQUE 39 Dans ce tableau, les embranchements des Métazoaires sont au nombre de huit. Les Porifères et les Cténophores sont isolés de l’ancien embranchement des Cœlentérés, les Platodes sont réunis aux Cnidaires et les Polyclades aux Vers ; enfin les Crustacés et les Trachéades sont réunis en un seul embranchement (les Arthropodes), malgré la forme larvaire difiérente, parce que le nauplius, en se développant, prend le type polypode, et que d’ailleurs ces animaux présentent de grandes affinités par l’ensemble de leur organisation. La réunion des Cnidaires et des Platodes dans un même embran- chement pourrait justifier la création d’un nom nouveau. Je crois qu'on peut se contenter de l’ancien mot Cæœlentérés, bien que ce nom soit généralement employé pour un groupement tout difiérent. Je n’essayerai pas de rechercher s’il est possible de rattacher entre eux certains embranchements. À en juger par la diversité des opi- nions émises, cette recherche n’est pas aisée. Les auteurs, suivant leur goût, ont cru trouver l’origine des Chordata dans les Némer- tiens, les Entéropneustes, les Annélides, les Crustacés et les Arachnides, c’est-à-dire à peu près dans tous les embranchements du règne animal. Je ne veux pas davantage rechercher si toutes les formes d’un même embranchement ont une origine commune. Le fait que les diverses classes des Echinodermes, par exemple, un des embran- chements les mieux caractérisés, apparaissent presque en même temps dans les couches géologiques, et celui que les formes larvaires ne sont pas des formes ancestrales, ne peuvent manquer de jeter le doute dans l'esprit Nous sommes loin de connaître tous les cas de convergence, et la notion que la tératologie peut être une cause de formation de types nouveaux est à peine connue. Je me contente de constater que certains caractères embryologiques permettent un groupement des animaux conforme aux données de l’anatomie et de la morphologie, et que les diagnoses embryologiques des embran- chements offrent une plus grande précision et une plus grande géné- ralité que les diagnoses basées sur la morphologie de l’adulte. Le Portel, le 17 septembre 1893. 40 VOYAGE DU DOCTEUR Tuéop, BARROIS AUX AÇORES HIRUDINÉES Par LE Docteur Raphaël BLANCHARD En 1887, M. le D' Taéonore Barrois à fait dans l'Archipel des Acores un voyage zoologique, au cours duquel il a recueilli un certain nombre d’Hirudinées, dont il a bien voulu me confier l'étude. J'y ai reconnu deux espèces seulement. 1. — Limnatis nilotica (SAVIGNY), 1820. Synonymie: Haemopis sanguisuga MoquiN-TANDoN, 1846 (nec BERGMANN, 1757). | Six exemplaires, pêchés dans le Charco da Madeira, à Säo Miguel. Il ne sera pas inutile de signaler également l'existence de cette espèce aux Canaries. En 1891, M. G. MoquiNn-Tanponx a eu la gra- cieuseté de me communiquer les seuls exemplaires d’ « Haemopis sanguisuga » laissés par son père. J’ai pu examiner ainsi: 4° un spécimen d’Alger ; 2° deux cocons ; 3° deux spécimens des Canaries, étiquetés comme « variété », longs de 28m, larges de 5®m; et 4 un exemplaire de Ténérifte, long de 23mm, Cocons et Sangsues appartenaient sans aucun doute à la Limnatis nilotica. Après cinquante ans de séjour dans l’alcool, l’individu algérien était d'une teinte grise uniforme, mais présentait encore sur la face dorsale quatre lignes noires interrompues, comme on en voit si souvent. Les trois exemplaires des Canaries avaient revêtu une teinte jaunâtre uniforme, sans taches ni dessin d’aucune sorte. 2, — Dina Blaisei R. BLancHarp, 1892. Neuf exemplaires de Santa-Maria; cinq exemplaires de Säo Miguel; sept exemplaires de Säo Miguel et de Terceira. Cette espèce existe aussi à Kayal: M. A. CHAVES m'en a envoyé de Horta six exemplaires. Je puis également signaler sa présence à Madère, d’où M. ATuras, étudiant en médecine à Paris, m'en a fait envoyer de nombreux exemplaires. At VOYAGE DU DOCTEUR THÉODORE BARROIS EN SYRIE. 2 ÉCECDENÉES Par Le Docreur Raphaël BLANCHARD. En avril et mai 1890, M. le Dr Taéonore BarRois a fait en Syrie un voyage zoologique, au cours duquel il à recueilli des Hirudinées, dont il a bien voulu me confier l’étude. Ces animaux sont en nom- bre considérable dans les récoltes de M. BarRois, mais n’appartien- nent cependant qu'à six espèces distinctes. Pour éviter des redites, nous devons tout d’abord donner l’énu- mération des localités d'où ils proviennent : Station n° 4. — Aïn-el-Azarieh, ou fontaine de Lazare, entre Jéru- salem et Jéricho. Cette source est encore appelée Aïn-el-Haoud ou fontaine des Apôtres. Lorrer (1), qui l’a visitée, en parle en ces termes : « L'eau, assez fraiche et bonne, jaillit par un conduit qui traverse un massif de maçonnerie et tombe dans une auge oblongue, où il ne faut boire qu'avec beaucoup de précautions, car elle est pleine de Sangsues fines comme des cheveux, presque incolores, et que l’on est exposé à avaler avec la plus grande facilité. Ces Annélides (Haemopis sanquisuga) se fixent alors dans larrière-corge, où elles amènent, en se gonflant, et par la perte de sang qu’elles occasionnent, les accidents les plus sérieux. Les malades périssent quelquefois sufloqués brusquement lorsque ces animaux se fixent sur les cordes vocales, ou bien la mort arrive lentement, accompagnée des symptômes d’une anémie grave. » N° 2. — Aiïn-el-Bireh, au nord de Jérusalem, sur la route de Naplouse. N° 3. — Aïn-el-Boueireh, un peu au sud-est d’'Hébron. N° 4. — Ain-el-Kassah, fontaine au nord d’Aïn-el-Bireh, sur la route de Jérusalem à Naplouse. N° 5. — Ain-el-Djaz, fontaine voisine de la précédente. (4) Lorrer, La Syrie d'aujourd'hui Paris, in-8o de 675 p., 1884. Voir p. 471. 42 R. BLANCHARD N° 6. — Aïn-el-Beitin, l’ancienne Béthel, sur la route de Jérusalem à Naplouse. N° 7. — Aïn-el-Haramiyeh, même route, plus au nord. N° 8. — Aïn Berkit, mème route, plus au nord. N° 9. — Aïn-el-Tineh, belle source s’épanchant en un large maré- cage, vers l’extrémité nord du lac de Tibériade; forêt de Papyrus. N° 10. — Et-Tell, ou gué du Jourdain, à l'extrémité septentrio- nale du lac de Tibériade. N° 41. — Lac de Houleh, communiquant par le Jourdain avec le lac de Tibériade. N° 12. — Aïn-Mellahah, source à l'extrémité nord-ouest du lac de Houleh. N° 13. — Aïn-Belâta, source au nord de la précédente. Les stations 9 à 13 inclusivement sont toutes dans la vallée du Jourdain. N° 14. Tell-el-Kadi. La pèche a été faite dans le Leddân, une des trois sources du Jourdain. N° 45. — Lac Phiala, au fond d’un cratère éteint. « Ce lac, dit LorTer (1), dont l’altitude est de 1020 mètres, ne renferme pas de Poissons, mais beaucoup de Grenouilles ordinaires (Rand esculenta) et des Sangsues officinales que les habitants de Mejdel pèchent en entrant dans l’eau et en laissant ces Annélides se fixer aux jambes, qui sont bientôt ruisselantes de sang. » N° 16. — Ruisseau de Beit-Jenn, sur la route de Baniàs (au pied de l’Hermon) à Damas. N° 17. — Birket Abbädi, sorte de grand étang boueux qui entoure presque le village d’Abbädi, à l’est de Damas, sur la route des lacs des prairies. La faune en est très riche : on y trouve notamment des exemplaires monstres de cette variété géante de Grenouille connue sous le nom de ÆRana escuienta, var. ridibunda. N° 18. — Birket Otneh, beau réservoir d’eau courante à Otneh, village du désert de Palmyre, entre cette dernière ville et Damas. N° 19. — Ruisselet de Palmyre, un des petits canaux d'irrigation dérivés de la rivière Ephéca, source sulfureuse, la plus importante de Palmyre. N° 20. — Homs, marécages du fleuve Oronte. (4) LorrTer, Loco citalo, p. 554. HIRUDINÉES 43 N° 21. — Nahr-el-Haroun, affluent de l’Oronte, descendant de PAntiliban, un peu au sud de Homs. N° 22, — Nahr-el-Leboueh, importante source descendant de l’An- tiliban dans la Cœlésyrie, entre Homs et Bâalbeck. N° 23. — Aïn Afka, belle source dans le Liban par une altitude de 1200 mètres environ : elle donne naissance au Nabhr Ibrahim, le fameux fleuve Adonis des anciens. Voici maintenant la liste des Hirudinées recueillies par M. Barrois, avec l’indicalion des localités d’après l’énumération précédente : Î. — Glossiphonia bioculata (BERGMANN), 1797. Stations 11, un exemplaire; 15, onze exemplaires et jeunes; 18, trois exemplaires; 21, trois exemplaires. Un certain nombre de spécimens attirent notre attention, à cause d'un aspect villeux particulier que présente leur région cervicale: en ce point s’est développée une sorte de houppe blanchâtre, qui se laisse détacher facilement à l’aide d’une aiguille et qui, examinée au microscope, se résout en une colonie d’Epistylis fixée sur la glande du cou. Nous avons observé une disposition toute semblable sur deux Gl. bioculata du grand lac de Plôn (Holstein), communiquées par le D' O. Zacnarias (1), et sur cinq individus recueillis aux environs de la Corogne (Espagne) par le professeur [. Borivar. Jusqu’à pré- sent, nous n'avons encore observé ce commensalisme singulier que chez deux spécimens récoltés en France, bien que nous en ayons examiné des centaines, 2. — Placobdella earinata (DIESING), 1850. Station 21, cinq exemplaires. M. Ta. Barrois m'écrit qu'il a encore recueilli un grand nombre de Sangsues, appartenant sans doute à cette espèce, sur des Tortues (Emys caspica) qui pullulaient dans un vaste marécage situé à l’est de l’embouchure septentrionale du Jourdain dans le lac de Tibériade. (1) R. BLaxcaanD, Liste der von D° 0. Zacharias im Plôüner See gesammellen Hiru- dineen. Forchungsberichte aus der biologischen Station zu Plôn, If, 1893. 44 R. BLANCHARD La Placobdella carinata n’a encore été signalée qu’à Alep, préci- sément sur l’Emys caspica, et à Astrakhan. Quoi qu’en ait dit ORLEY il n’est pas certain qu’elle se rencontre en Hongrie. 3. — Placobdella catenigera (MoQuiN-Taxpon), 1846. Station 15, un très jeune exemplaire. Comme la précédente, cette Placobdelle vit aussi sur les Tortues d’eau douce : un exemplaire qui m'a été envoyé par le Dr Pro MIiNGAZzINi, de Rome, avait été pris sur un ÆEmys orbicularis de la campagne romaine. L'espèce vit dans le sud de la France, en Italie et en Espagne : le Musée de Madrid en possède un exemplaire de Ciudad Real, recueilli par Bosc (1). Elle à encore été signalée par Fr. MüLLer en Crimée, dans les marais de Jaïla; les habitants l’employeraient pour l'usage médical, comme on fait de l’Haementeria oflicinalis au Mexique. 4. — Placobdella Sp.? Stations 11, quatre exemplaires; 12, un exemplaire. Ces animaux sont trop jeunes pour pouvoir être déterminés sûre- ment. 9. — Hirudo medicinalis (BERGMANN), 1757. Stations 15, six exemplaires, dont deux jeunes ; 17, un exemplaire. L’Hirudo medicinalis est donc bien réellement au nombre des espèces qui vivent dans le lac Phiala (station n° 15), ainsi que LorTET l'avait déjà reconnu. Cette espèce est d’ailleurs répandue en Asie mineure : M. le Dr N. DaGavaRIAN me signale qu’on la cultive en grand à Kaisarie ou Césarée (Arménie) et, grâce à lui, j'ai pu obtenir un bon nombre de spécimens des environs d'Ismid, de Karahissar, de Smyrne et d’Aïntab. (1) R. BLancuarp, Sanguijuelas de la peninsula iberica. Anales de la Sociedad española de historia natural, 1893. HIRUDINÉES 45 6. — Limnatis nilotica (SAVIGNY), 1820. Synonymie : Aaemopis sanquisuga MoqQuiN-Tanpon, 1846 (nec BERGMANN, 1757). Stations 1, six exemplaires, dont deux jeunes; 2, deux exem- plaires, dont un très jeune; #4, un exemplaire; 7, un exemplaire; 15, un exemplaire présentant des anomalies ; 19, un exemplaire. LoRTET, Comme nous l’avons vu, signale la présence de nombreuses Sangsues dans l’Aïn-el-Azarieh (station n° 1): il les rapporte à l’espèce Haemopis sanguisuga. Cette détermination est donc exacte, puisque, comme nous l'avons établi, tous les auteurs modernes ont donné faussement ce nom à la Limnatis nilotica (SAvVIGNY). Le Muséum de Paris (flacon n°65) possède deux Limnatis nilotica de Syrie, rapportées par M. LETOURNEUx en 1887. Comme nous l’avons indiqué ailleurs (1), l'espèce est très répandue en Arménie, au Caucase, et se rencontre même dans le Turkestan jusqu’à Tshimkent. Son aire de distribution est considérable, puisqu'on la retrouve d’autre part jusqu'aux Canaries et aux Açores. = 1. — Dina Blaisei R. BLANCHARD, 1892. Stations 2, trente-cinq exemplaires, dont deux en train d’avaler des larves de Diptères; 3, seize jeunes; 4, deux exemplaires; 5, un exemplaire; 6, quatre exemplaires ; 7, six exemplaires; 8, trois exemplaires, dont un en train d’avaler une larve de Diptère; 9, neuf exemplaires; 10, six jeunes; 11, six très jeunes; 12, trois jeunes; 13, neuf jeunes; 14, onze exemplaires de grande taille; 15, dix exemplaires ; 16, dix exemplaires; 18, neuf exemplaires, dont six très jeunes; 20, sept jeunes; 21, quatre très jeunes; 22, un exemplaire adulte ; 23, cinq exemplaires. Le Muséum de Paris (flacon n° 63) possède une Dina Blaisei de Syrie, recueillie par M. LETOURNEUX en 1887. (1) R. Brancnarp, Révision des Hirudinées du Musée de Turin. Bollettino dei Musei di zool. ed anat. comp. della R, Università di Torino, VIII, n° 145, p. 27, 1893. 46 R. BLANCHARD. — HIRUDINÉES Le D' AL. RizkALLAH, d'Alexandrie, m’a envoyé 42 individus de cette même espèce, provenant du Liban: chez 19 d’entre eux, c’est- à-dire chez 45°/,, les yeux présentaient des anomalies analogues à celles que nous avons fait connaitre précédemment chez la Trocheta suboiridis (1). La figure ci-contre montre en quoi consistent ces anomalies et nous dispense d’en donner la description. La disposition B a été vue quatre fois; C, quatre fois; D, trois fois; E, deux fois; les dispositions F à K n’ont été vues qu’une seule fois. Disposition normale (A) et anormale (B-C) des yeux chez la Dina Blaisei du Liban. Nous avons établi le genre et l’espèce Dina Blaisei pour une Néphélide qui tout d’abord ne nous était connue que d'Algérie. Actuellement, nous savons qu’elle existe aussi aux Açores, à Madère, dans la péninsule ibérique, dans le sud de la France, en Italie et en Syrie. On peut donc admettre qu’elle est répandue dans toute la zone méditerranéenne. (1) R. BLancHarD, Sur lu présence de la Trocheta subviridis en Ligurie et description de celte Hirudinée. Atti della Socielà ligustica di scienze naturali, II, n°4. Voir la fig. 4, page 22 du tirage à part. PSS | VARIETES J. A propos des publications récentes sur le faux parasitisme des Chernétides sur différents Arthropodes PAR R. MONIEZ L'habitude de certains Chélifers de s'attacher aux Mouches et de se laisser entrainer dans leur vol, a depuis longtemps frappé les naturalistes et, dans ces derniers temps surtout, plusieurs sont revenus sur la question, négligeant souvent beaucoup trop les obser- vations de leurs devanciers sur ce sujet. Le fait, à la vérité, n’est pas sans intérêt, aussi, à propos de nos propres observations, rappellerons-nous brièvement l'historique de la question. La connaissance des faits est déjà ancienne, et Simon (1) résume excellemment les observations de ses prédécesseurs à ce sujet: «Popa, » au milieu du siècle dernier, raconta avoir vu un Chelifer accroché » aux pattes d'une Mouche; après lui HERMANN, CLAPTON, ont répété » l’observation et le dernier précise même plusieurs espèces de ces » Diptères, comme ayant été trouvées porteur de Chernétides. MENGE » dit avoir yu. un Chelifer fossile du Succin, attaché à une patte » d'Ichneumon, mais la difficulté de la détermination a souvent » empêché les auteurs d'être précis à l'égard des espèces observées. » De nos jours des Chernétides ont été trouvés plusieurs fois attachés à » des Mouches, en Allemagne, en Suisse, en Algérie, en France et en » Amérique. Les individus trouvés en France dans ces conditions » par Kocn, Ray et par nous-même, appartiennent tous à une même » espèce, le Chelifer nodosus, mais SrEecker dit n'avoir vu dans ces (1) Simon Euc. Les Arachnides de France, t. VII (1879, p. 11 et 12). L 2 48 R. MONIEZ » conditions que le Chelifer cimicoïdes.... Les habitudes parasitaires » ne sont pas propres à notre espèce indigène: HaLpEMAN dit avoir » trouvé un Chelifer vivant sous l’élytre de l’Alaüs oculatus et HAGEN » a publié une note sur un Chelifer de grande taille, probablement » le C. americanus de G&Er, attaché à un Acrocinus longimanus du » Vénézuela. » — Pour le savant arachnologiste, et en résumé, il est certain que le Chelifer n’attaque pas la Mouche pour s’en nourrir, car elle n’est probablement pour lui qu’un véhicule, un moyen de transport et de dispersion (1). La même manière de voir avait été explicitement exprimée par STECKER (2) plusieurs années auparavant: les Chernétides, dit-il, se servent des autres Arthropodes, d'habitude des Insectes, mais aussi des Opilionides, comme moyen de transport seulement: ils se fixent solidement par leurs pinces sur les jambes de ces animaux; au (1) Il faut ajouter à ce résumé donné par Simon, plusieurs observations qui lui ont échappé : d’abord celles de GERSTAEGCKER et de WATERHOUSE.Le premier de ces savants rapporte qu’il a trouvé sur les pattes postérieures de deux Diptères, Brachypalpus laphriformis et Anthomya sp. un Chelifer (gen ? sp.?) solidement fixé par les pinces ; il ne peut être question, dit-il, de parasitisme: GERSTAECKER A. Berichl üb. die Wiss. Leist. im. Geb. der Entomologie wahr, 1859, p. 347. — WATERHOUSE a trouvé un Chelifer ou un animal de genre voisin, sous les élytres d’un Passalus de Rio- Janeiro. Entom. Monthl. Mag, t. XI, p. 26. Il faut citer encore Leypie. Shizze zu einer fauna Tubingensis (Stuttgart, 1865) p. 16, qui a trouvé à plusieurs reprises le « Chelifer cancroides » sur le Faucheur (Phalangium opilio)\; Loew (Dipterologische Beitrage, 1846, p. 29, en note), qui décrit une nouvelle espèce de Chelifer (Ch.corallifer) sur les pattes d’une petite mouche Ulidia demandatla, à Bude ; le même auteur, en 1866 (Zoolog. Notizzen, 1'* série, Verh. d. zoo. bot. Gesellsch., t. XVI, p. 944) rapporte qu'il a trouvé sur les pattes de l’Ulidia erythrophlhalma 2 exemplaires du Chelifer Wideri Kocn. — SrEvexs (Proceed. Ent Soc., 1866, p. 27) a noté la présence de Chelifer sur la Mouche domestique. STAINTON a menlionné aussi des (Chelifer » sur des « Mouches » (Proc. ent. soc., 1865, p. 112). WATERHOUSE; SCHINER a parlé du trans- port des Chelifer par les Muscides (Verhandl. d. k.k. Zool. Bot. Gesellsch, t. XX, p. 95). M. PREUDHOMME DE BORRE a relaté l'observation, faite plusieurs fois à Liège, à l’intérieur d’une habitation, du Chelifer Panzeri (— Ch. cimicoides) sur les pattes de la Musca domestica. (PREUDHOMME DE Borre, Note biologique relative aux mœurs des Arachnides du genre Chelifer, Verh. d. k. k. Zool. bot. Ges., t XXIIT (1873). Méannx a indiqué depuis une observation du même genre pour le Chelifer cancroides (Sur les prétendus parasites des Mouches, La Nature, n°694 (1886) etc. — La détermi- nation des espèces de Pseudoscorpions indiquées par plusieurs de ces auteurs, surtout par les plus anciens, est un peu sujette à caution; la détermination de ces animaux étant assez diflicile. (2) STECKER ANTON. Ueber neue indische Chernetiden Sitzber., Akad, Wien, t. LXXII (1875). FAUX PARASITISME DES CHERNÉTIDES SUR DIFFÉRENTS ARTHROPODES 49 contraire j'ai remarqué qu'ils saisissent avec leurs pinces les petits Insectes, Troctes, Psocus, et les portent à Ia bouche. L'année même que SIMoN résumait la question dans les termes que nous avons transerits plus haut, HAGEN revenait sur le sujet (1) la résumant d’une autre façon pour les espèces américaines: le fait remarquable, disait-il, que les Chelifer se servent d’Insectes pour se faire transporter en d’autres lieux, est rendu encore plus frappant, parce que les mèmes espèces de Chelifer paraissent se servir des mêmes espèces d’Insectes: les espèces aveugles de Chernes choisissent d'ordinaire des Coléoptères: Ch. alius monte sur l’Alaüs maculatus, Ch. americanus sur l'Acanthocinus longimanus, deux autres espèces, l'une du Brésil, l’autre d'Australie, sur des Passalus (2): tous se trouvent constamment sous les élytres de ces Coléoptères. Un groupe spécial s'attache solidement aux jambes des Mouches, comme le Ch. Santorni, le Ch. Lœwii, tous deux d'Amérique. Un seul Obisium est connu jusqu'ici, en Amérique, sur une Tipule. Nous pouvons enregistrer, pour 1882, un nouveau fait analogue aux précédents, mais plus intéressant, parce qu'il constitue la seule observation de Chernétides sur les Orthoptères : Josepx (3), dans son remarquable travail sur les grottes de la Carniole, cite le cas du Chernes cavicola, qu’il a trouvé plusieurs fois, dans la grotte de Cor- gnale, accroché sur une sorte de Locustide souterrain {Raphidophora cavicola). En 1890, Bazzan (4) mentionne le Chelifer argentinus THORELL comme trouvé sur un Longicorne du genre Achryson. En 1892 F. WaGner (5) fit paraître une courte note sur le sujet qui nous occupe, pour relater l'observation faite en Mecklenbourg, de plusieurs individus d’une espèce de Chernes qu'il détermine avec doute comme Ch. cimicoïdes, fixés sur les pattes d’une espèce de Tipulide, Ctenophora pectinicornis. 11 admet comme vraisemblable qu'il ne s’agit pas de parasitisme dans ce cas, mais que l’Arachnide (1) HAGEN H. Hœhlen-Chelifer in Nord-America, Zoolog. Anzeiger. t If, (1859) p. 399. (2) Cf. page précéd. en note (1) Chelifer (Gen.?) sur Passalus, Rio-Janeiro. (3) Josepn G. Erfahrungen im wiss. Sammeln u. Beobacht. der den Krainer Tropfsteingrotten eigenen Arthropoden (Berlin, 1882), p. 76 (4) Bazzan L. Revisione dei Pseudoscorpioni del Päranû e Paraguay. Ann. Mus, Civico Genova s. 2 vol, 9. (5) WaAGxEr Fr. v. Biologische Notiz, Zool. Anz. 1892, p. 434, avec 2 fig. 50 R MONIEZ se fixe sur l’Insecte ailé pour se faire transporter. WAGNER n’a guère fait de recherches sur le sujet qu’il traite, il se borne à reproduire en note, une citation de Lupwi@G (in Leunis, Synopsis d. Thierkunde 1886) qui constate le même fait sur divers Arthropodes, et il ajoute qu'il n’a pas trouvé dans la littérature d’autre renseignement sur ce sujet. Peu de temps après, parut une note de LEypiG (1), Zum parasi- tismus der Pseudoscorpioniden. L'auteur rappelle que les Pseudoscorpions indigènes ont été souvent observés sur les Mouches et les Faucheurs, et que lui-même a indiqué des faits de ce genre. Il repousse l'opinion courante qu’il ne s’agit pas de parasitisme, mais d’un fait de transport et croit plutôt que les Pseudoscorpions cherchent à attaquer la Mouche ou le Faucheur, pour s’en nourrir. La raison que donne LEYDIG pour appuyer sa manière de voir est curieuse: en disséquant un Acrocinus longimanus conservé dans l’alcool, j'ai trouvé, dit-il, un Chelifer americanus entre les ailes membraneuses et l’ab- domen (2). Or, on sait qu’il n’est pas rare de rencontrer chez les Coléoptères aquatiques, les Dytiques, par exemple, et au même endroit que chez l’Acrocinus, la larve parasite de l’'Hydrachna cruenta. Par conséquent, conclut LeypiG, il n’y a pas de doute pour moi qu'il s’agit, dans ces rapports des Pseudoscorpions avec les Arthro- podes, d’un véritable parasitisme, bien qu’accidentel et transitoire. Ces animaux ‘qui mangent les petits Insectes, attendent l'instant favorable pour attaquer les gros Insectes à téguments mous, ou les Araignées et quand ils se sont jetés sur un animal à carapace dure, ils cherchent la région du corps où la cuirasse fait défaut, comme la partie dorsale de labdomen de lAcrocinus. Les conclusions de LeyniG sont véritablement étranges et le fait sur lequel il les appuie est inexact. Sans doute il est fréquent de trouver des larves d’Hydrachne sur le corps des Coléoptères et autres Insectes aquatiques, mais il s’agit là d’un stade parfaitement régulier et constant dans la vie de ces Arachnides et nullement d’un fait acci- dentel, comme pour les Pseudoscorpions ; ceux-ci sont tout à fait libres sur l’animal qui les porte, l’Hydrachne s’y trouve à une phase corres- (1x) Leypic EF. Zum Parasitismus der Pseudoscorpioniden, Zoo!l. Anz., 1893, p. 36. (2) Nous avons vu plus haut que c’est là une observation fort ancienne et que l'Acrocinus n’est d’ailleurs pas le seul Coléoptère qui porte des Pseudoscorpions entre les ailes et l'abdomen. FAUX PARASITISME DES CHERNÉTIDES SUR DIFFÉRENTS ARTHROPODES ul pondant à l’état chrysalidaire: elle est immobile, fixée par son suçoir, elle périrait si on la détachait. Les deux phénomènes ne sont donc nullement comparables, l'Hydrachne est parasite, le Pseudoscorpion ne l’est pas du tout. Ajoutons qu'il serait impossible aux appareils buccaux délicats de ce dernier animal, d'entamer les durs téguments des Coléoptères en question, même à la partie dorsale de labdomen. D'ailleurs l'Hydrachne est certainement plus souvent fixée en d’autres points que sous les élytres chez les Coléoptères aquatiques: aux jointures du thorax ou de l'abdomen sur les pattes et autour de la bouche. Le dernier travail que nous devons mentionner date de ce mois de septembre 1893 : il est d’IneriNG (1) et apporte quelques nouveaux faits sur la question; on trouve souvent, dit-il, des Chernétides sous les élytres du Pyrophorus phosphoreus et d’une autre espèce du même genre; j'en ai trouvé un individu dans les mêmes conditions chez le Rynchophorus palmarum et l’auteur émet l'idée (!) que les Pseudoscorpions se font simplement transporter par ces deux Coléop- tères et ne se nourrissent que de petits animaux; ÎIHERING semble peu au courant du sujet, car il ajoute: la question sera tranchée par une observation attentive des espèces et je pense que les para- sites du Pyrophore et les individus libres sont identiques. — Quoiqu'il en soit, IHERING fait ensuite la remarque qu’on ne comprendrait pas, sans un moyen facile de transport, comment les Pseudoscorpions et différents Acariens qui vivent cachés, pourraient se répandre et gagner les lieux convenables pour leur subsistance. Tandis que, en Europe ce sont les Faucheurs, les Mouches, les Punaises, ete., qui servent de moyens de transport, dans l’Amérique du Sud ce sont certains Coléoptères, particulièrement les Pyrophores...... Nous pouvons bien maintenant ajouter nos propres observations à toutes celles que nous avons résumées plus haut. Depuis de lon- gues années nous les avons répétées et il est on ne peut plus facile d'en donner la démonstration. Chaque fois que nous avons voulu montrer à nos élèves des Pseudoscorpions, il nous a été facile de nous en procurer par le procédé suivant, qu’on n’a pas indiqué (1) ImerING H. v. Zum Commensalismus der Pseudoscorpione, Zool. Anz., 1893, p.346. 52 R. MONIEZ jusqu'ici, mais qui nous à été inspiré par les observations de nos devanciers et par la constatation du fait que les Pseudoscorpions sont communs dans le fumier amassé à l’air libre, à Lille du moins. Il suffit de prendre des Mouches quelconques, de leur couper une: aile et de les placer sous une cloche sur le fumier ; règle générale, au bout de fort peu de temps, on peut trouver des Pseudoscorpions fixés par leurs pinces aux pattes des Diptères: il semble que ces petits animaux ne peuvent résister au désir de quitter l'endroit où ils sont, aussitôt que l’occasion d’une monture se présente à eux. On sait qu'ils se tiennent très solidement fixés aux Mouches et qu'ils ne s’en détachent pas lorsqu'on capture celles-ci, ou même lorsqu'on les manipule assez longuement, et je conserve une Mouche avec ses Pseudo-scorpions, plongés vivants dans l'alcool et qui ne sont pas détachés ; c’est le cas aussi de rappeler à ce propos l'observation de MENGE qui à un Chelifer fossile, attaché à la patte d’un Ichneumon, dans du succin. Mais toutes les espèces Pseudoscorpions ne se comportent pas de même; par exemple, dans les tas de fumier, à Lille, on peut trouver assez abondamment les Chelifer nodosus et cancroides avec l'Obisium lubricum, eh! bien, j'ai pris très souvent les deux Chelifers par le moyen indiqué plus haut, mais jamais l’Obisium, pourtant au moins aussi commun que les autres: évidemment cette dernière espèce ne cher- che pas à se faire convoyer, au moins par les Mouches (1), pourtant son genre de vie est exactement celui des deux autres espèces ; pourquoi cette différence ? Il ressort de tout ceci quelques faits que nous allons dégager : 40 Un certain nombre de Chernétides se font transporter par divers Arthropodes qui vivent dans le même milieu qu'eux; ils sont assez indifiérents sur le choix de leur convoyeur; ils ne se comportent pas tous de la même façon; les espèces observées jusqu'ici dans ces conditions sont relativement peu nombreuses; cette remarque n’est (1) Le Chelifer nodosus, dit M. Srmox (loc. cit., p. 34), est le Chelifer qui a été le plus souvent observé, fixé sur des Mouches; le savant arachnologiste ajoute même que cette particularité l’a guidé pour établir sa synonymie. D’après lui, cette espèce est très-rare partout ; il suffirait peut-être pour la trouver en nombre, de la chercher dans le fumier, comme nous faisons à Lille. FAUX PARASITISME DES CHERNÉTIDES SUR DIFFÉRENTS ARTHROPODES 99 pas seulement basée sur des preuves négatives, le fait de l’'Obisium lubricum relaté plus haut qui ne se fixe pas sur les Mouches, alors que deux autres espèces qui vivent avec lui, se fixent dès qu’elles en ont l’occasion, est démonstratif à cet égard. % Les Chernétides semblent indifférents quant au choix de leurs convoyeurs; toutefois, si on les a observés en Amérique sur les Coléoptères et des Diptères, surtout sur les premiers, en Europe on ne les a pas encore observés sur les Coléoptères, mais, en revanche on les a trouvés sur d’autres Arachnides et on les voit surtout sur des Diptères, appartenant aux genres les plus différents. Ils semblent ne pas se fixer aux pattes des Coléoptères: peut-être cette particularité est-elle due simplement à ce que les membres de ces derniers animaux sont trop volumineux pour être saisis par les pinces des Pseudo-scorpions. 30 Je ne pense pas qu’on puisse hésiter un instant à considérer la présence des Chernétides sur d’autres Arthropodes, comme autre chose qu'un fait de simple transport; il serait impossible à ces animaux, la plupart du temps, d'attaquer leur hôte. Des faits analogues s’observent, au reste, pour beaucoup d’autres formes appartenant aux groupes les plus différents ; les Acariens terrestres qui se font transporter sont nombreux, des Hydrachnides sont dans le mème cas; mais ici interviennent, en même temps, des faits de parasitisme vrai (4). Jules DE GUERNE a indiqué une série de faits du même ordre et démontré ces phénomènes de transport voulus, par les animaux, pour les Hirudinées (2), pour des Mollusques (3). — J’insiste sur ce point qu'il ne s’agit pas ici de transport passif, comme on en a cité aussi de nombreux exemples. — J'ai moi-même fait connaître il y a quelques années le transport de certains Nématodes du genre Rhab- ditis par des Acariens et des Insectes (4), etc. (4) Cf. Barroïs Tnéop. Note sur la dispersion des Hydrachnides, Rev. biol. du Nord de la France, t. I, p. 220. (2) GUERNE (J. DE). Sur la dissémination des Hirudinées par les Palimipèdes, Société de biologie, 1892. (3) GUERNE (J. DE). Disséminalion des pelécypodes d'eau douce par les Vertébrés, Ibid., 1893. (4) Montez R. Sur la métamorphose et la migration d'un Némaloïde libre, C.-R. Acad. des Sciences, 1889 ve e DES R. MONIEZ Liste des Chernétides observés sur les Arthropodes Chernes Lœwi...... Amérique. } C'MOUCHES D PEER REC RES HAGEN. » Santorni... » . | (CUMOUCheS hi RER en STECKER. Chelifer cimicoides? Europe ... | Ctenophora pectinicornis .. F. v. WAGNER. » » ! D NUMERO MESURE MES P. DE BORRE. » nodosus ... » ... Différentes Muscides...... Nombreux observateurs. » cancroides. DAMES » DE CRE MÉGNIN, MOoNIEz. » corallifer.. » Me UTiia demanda Er Low. » Widerir DURE » erythrophthalma » Obisium Sp... Amérique: (TMNUIRISD..E RAM NOIEEE HAGEN. Brachypalpus laphriformes. ] Con" CispieTe RPREe Europe ..…. | GERSTAECKER. VANÉROMAAISP A ANELRS Chelifer argentinus. Amérique. Achryson sp.............. BALZAN. » américanus. » . Acanthocinus longimanus.. Nombreux observateurs Chernes’"alius |... » . Alaüs maculatus..: 2... HAGEX. Chelifer sp. pl...... » APASSOIUS SD pl Etre WATERHOUSE,HAGEN. » SpA eine Australie . » DOUTUS EEE HAGEN. Gen. ? sp.? pl.?.... Amérique. Pyrophorus sp. pl........ } THERING. Rhynchophorus palmarunm. Chernes cavicola ... Europe ... Rhaphidophora cavicolu... JosePx. Chelifer cancroides. » .., Phalangiuwm opilio......:. "LEvDIG, SrEcKER. I L’odeur du cours d'eau au square Vauban à Lille Il n'est guère de nos concitoyens qui n'aient été frappés, en traver- sant le square Vauban, de l’odeur très. marquée et toute spéciale que dégage le cours d’eau qui le traverse, odeur plus perceptible, naturel- lement, lorsqu'on est sous le vent et dans certaines conditions atmos- phériques. On dit volontiers que cette odeur est dégagée par les matières organiques en décomposition que cette eau, toujours sale, tient en suspension ou en dissolution, aussi bien à son entrée dans le jardin qu’à sa sortie. Il n'en est cependant rien, et ces émanations, bien différentes de l’odeur de la putréfaction, sont dues uniquement à des végétaux particuliers, qui abondent dans cette promenade chère aux Lillois : il s’agit des Oscillaires, plantes infiniment curieuses au point de vue biologique, qui tirent leur nom des mouvements en spirale compliqués auxquels elles se livrent spontanément. Les Oscillaires se présentent sous forme de filaments très minces, remarquables d’ailleurs par leur coloration intense, d’un vert bleu: elles vivent pour la plupart dans l’eau, fixées au fond, sur les plantes ou sur les pierres immer- gées, mais il arrive souvent que les gaz qu’elles dégagent, retenus mécaniquement entre leurs filaments intriqués et gluants, détachent de la vase certaines espèces qui viennent alors flotter à la surface, et l’on voit constamment de ces sortes de flotteurs, plus ou moins développés, nageant sur la petite rivière artificielle. Ajoutons qu’un certain nombre d’Oscillaires vivent sur le sol ou sur les pierres humides, mais exon- dées. — Toutes les Oscillaires, ou presque toutes, dégagent une ôdeur relativement très forte, sut 2eneris, qui peut devenir incommodante, quand on séjourne trop près des cuvettes où on les cultive en masse pour l'étude : il est bien facile de s’assurer de cette particularité en élevant ces plantes, qui vivent très bien dans l’eau pure. On s'explique très bien l’odeur dont nous parlons et qui se perçoit si facilement, quand on y prête quelque attention, au jardin Vauban, 56 R. MONIEZ quand on constate l'abondance des Oscillaires dans cette localité res- treinte. J’ai été frappé du grand nombre d’espèces qui y habitent et je ne pense pas que beaucoup de cours d’eau puissent rivaliser avec le nôtre à cet égard ! De très grandes surfaces sont littéralement couvertes par ces plantes et nous voulons énumérer celles que nous avons recueillies en fort peu de temps pendant quelques jours du mois de juillet dernier : la liste en est assez longue, encore que nous n’ayons pu les déterminer toutes, et que 7 ou 8 espèces, au moins, n'aient pu être définies par nous, même approximativement. Une forme très abondante dans la petite rivière, et qui frappe de suite l’observateur par sa couleur vert bleu intense, très agréable à l’œil et par les touffes nombreuses et très développées qu'elle forme sur les pierres et sur le fond, est l’Oscillaria princeps VAUCHER, espèce répandue par tout le globe, sauf dans les contrées froides ; on la reconnait encore à ses filaments raides et longs, qui atteignent 40 et même 15 cent. de longueur, avec un diamètre qui peut être de 60 y, dimensions énormes pour une Oscillaire. Cette plante s’étend rapidement sur le fond, quand le milieu est convenable : ses filaments semblent s'enraciner de distance en distance, formant en s'entrecroisant des mailles d'environ un centimètre de large, aux nœuds desquelles s'élèvent de nouveaux faisceaux de filaments ; l'O. princeps vit bien dans les aquariums et l’on peut ainsi constater l’odeur particulièrement forte qu'elle dégage, mais elle corrompt vite l’eau, si celle-ci n’est pas renouvelée. Une deuxième espèce également très abondante et fort remarquable, est l’Oscillaria animalis (2); elle se développe aussi très rapidement et recouvre en certains points le sol et les plantes immergées, d’une sorte de mince membrane parfois très large, d’un vert bleu superbe qui l’a fait aussi dénommer ©. smaragdina; bien entendu, les filaments intriqués dans ces membranes, restent libres et mobiles; l’odeur (1) Nous avons pris les noms adoptés par Gomonr dans son excellente HMono- graphie des Oscillariées (1892). (2) L'espèce que nous avons déterminée ainsi, nous paraît avoir les articles un peu plus longs que dans le type; quoiqu'il en soit, disons que ses cellules mesurent de 5 à 8 y, de long, leurs cloisons sont assez difficiles à voir sans l'aide des réactifs, les filaments se terminent par une partie brusquement amincie longue de 8 à 40 ,, au moins, faiblement renfiée à l’extrémité, habituellement un peu coudée. La plante se développe admirablement dans l'eau pure dans la température ordinaire. L'ODEUR DU COURS D'EAU AU SQUARE VAUBAN A LILLE EP de cette Oscillaire est remarquablement forte; l'O. animalis s’est développée cette année en énorme quantité dans les aquariums de mon laboratoire, où ses émanations ont vite décelé sa présence : elle recou- vrait d’une véritable enveloppe les parois de verre, les briques immer- sées, toutes les plantes et même les Lentilles d’eau, les Æiccia et autres petits végétaux qui vivent dans ces réservoirs; elle ne s’est pas mon- trée nuisible aux poissons; elle paraissait insensible à l’état de l’eau et ne s’en développait pas moins, que celle-ci fût courante ou stagnante. Dans ces conditions, les membranes formées par l’Oscillaire contenaient des quantités de petits cristaux de carbonate de chaux. Oscillaria amphibia. Cette espèce, qui semble cosmopolite (divers pays d'Europe, Amérique, Nouvelle-Zélande), n’est signalée en France qu'aux environs de Paris et à Falaise; c’est une forme extrêmement grêle, mesurant de 2 à 3 w d'épaisseur, qui est aussi très abondante au jardin Vauban, sur le fond de la rivière, où elle forme souvent des membranes remplies de Diatomées; elle est souvent mêlée avec les espèces suivantes, plus ou moins abondantes, suivant les points où se fait la récolte : Oscillaria ornata, très abondante sur le sol de la rivière, remarquable par sa couleur vert bleu presque noire ; les filaments mesurent environ 10 x d'épaisseur et ses articles sont longs de 2 à 5 u. Oscillaria chalybea, espèce assez difficile à distinguer de la précédente. Oscillaria formosa, à filaments très longs, de moitié plus mince et à articles cependant plus longs que l'O. ornata. Oscillaria curviceps, belle espèce à articles courts, dont les filaments peuvent atteindre 17 & d'épaisseur. Oscillaria simplicissima, moitié moins épaisse, très odorante. Toutes ces formes, qui croissent ensemble, donnent au fond de l'eau une couleur presque noire; elles sont fixées dans la vase, sur les feuilles pourries, sur les petites pierres du lit; les bulles de gaz qu'elles dégagent en abondance, avons-nous dit, retenues par cette matière visqueuse qui les enveloppe et dont la présence est manifeste quand on les tient à la main, agissent comme des flotteurs sur ces touffes d’Oscillaires et les détachent du fond : elles viennent immé- diatement flotter à la surface et ce sont ces sortes d’écumes d’un noir x verdâtre, visqueuses, à odeur forte, que les jardiniers de la ville ont 58 R. MONIEZ fort à faire d'enlever. Grâce à elles, on peut très facilement se rendre compte de la riche flore aussi bien que de la faune abondante du fond: jamais ces flotteurs ne sont formés pr une seule espèce, mais d'habitude ils comprennent les ©. princeps, amphibia, chalybea, formosa, simplicissima, dont les filaments sont inextricablement tissés ; des millions de Diatomées, appartenant aux genres les plus divers, sont logées dans tous les points de ces radeaux. Mais leur richesse en espèces ne se borne pas aux formes que nous avons citées : c’est dans ces sortes de flotteurs que se trouvent en effet des espèces d'Oscillaires extrêmement remarquables, comme par exemple la Spirulina major, dont le filament unicellulaire, enroulé en une spirale serrée, donne à la plante l’aspect d’un immense Spirochete : la colo- ration de ce curieux végétal est faible, ses mouvements sont très étendus; il est fort abondant dans tous les points de la rivière, mais il échappe facilement, quand on ne le recherche pas dans les radeaux, car les plaques qu'il forme sur le sol sont peu étendues, et fort minces; on le trouve aussi sur les pierres et sur les petites coquilles des Gastéropodes, au milieu des Draparnaldia de diverses espèces, très fréquentes dans ces conditions, ou encore mélangées avec d’autres Oscillaires. — Notons que nous avons observé plusieurs fois dans cette espèce des trichomes, normaux dans la plus grande partie de leur longueur, chez lesquels, sur une certaine éterdue seulement, les tours de spire étaient absolument contigus: l'on sait que ce caractère est habituellement invoqué pour caractériser plusieurs espèces de ce très- curieux genre, que nous n'avons pas rencontrées à Lille. La Spirulina major n'a pas été signalée jusqu'ici en beaucoup de points: on la trouvée dans le pays de Galles et en Allemagne, à Paris et en plusieurs localités de Bretagne (île de Batz, Brest, le Croisic). Une autre Oscillariée unicellaire que j'ai rencontrée, mais dans les flotteurs seulement, où on la trouve au reste presque toujours, bien qu’en petite quantité, c’est l'Arthrospira Jenneri, dont le trichome est aussi enroulé en une spirale, beaucoup plus large, toutefois, que celle de l'espèce précédente. Je ne l’ai pas vue se mouvoir, contrai- rement à ce qui se passe pour la Spiruline, qui est toujours en mouve- ment. Cette forme intéressante, signalée seulement en Angleterre, en Allemagne et en Italie, n’avait été trouvée jusqu'ici en France qu’à Montpellier (4). (1) Les flotiteurs, comme la vase du fond, pour le citer en passant, contiennent en abondance entre autres Schizomycètes une espèce remarquable, le Baclerium merisnro- pedioïides. L'ODEUR DU COURS D'EAU AU SQUARE VAUBAN A LILLE 9 La Un genre d’Oscillariées qui diffère assez peu des espèces précé- demment indiquées par quelques caractères secondaires, c’est le genre Phormidium, qu'il faut maintenant citer pour l’extrème abondance de l’une de ses espèces, probablement Ph. luridum, qui recouvre de ses filaments très fins, faiblement colorés, serrés, avec ceux d’un Draparnaldia et d'innombrables Diatomées, tous les petits cailloux du fond de la rivière: ce revêtement de végétaux divers donne d’ordi- naire à ces pierres une teinte brune très-prononcée. Sur des feuilles pourries tombées au fond de l’eau, nous avons aussi trouvé une fois, une large toufle d’un ÂMicrocoleus que nous avons rapportée au M. paludosus : Les Microcoleus sont d’un type tout difiérent des végétaux précédents; leurs filaments sont renfermés, nombreux et serrés, dans une gaine hyaline commune, dont les caractères sont variables suivant les espèces. Il faut encore citer enfin, parmi les Oscillariées aquatiques, une espèce de la tribu des Vaginariées, qui m'a paru le plus remar- quable représentant de ce groupe de végétaux au jardin Vauban: la plante est surtout abondante au point d'arrivée de l’eau, où elle forme de larges trainées de chaque côté du courant; elle se présente sous l’aspect d’arbusecules très-ramifiés, flottant sous le courant de manière à donner l'impression d’un amas de petites plumes d'oiseau, longs parois de 3 et 4 centimètres, paraissant de couleur cendré-bleu dans l’eau, presque noirs quand on les prend à la main: à l'intérieur de gaines très-épaisses, diffluentes, agglutinantes, on trouve une dizaine de filaments très-grèles, paraissant immobiles, presque inco- lores, mesurant environ 2 d'épaisseur, dont les articles ont de 3 we à 3500 de long; le chloro-iodure de zinc n’impressionne pas ces gaines, l'acide chlorhydrique et liode les rougissent. Constamment j'ai trouvé les gaines de cette plante recouvertes et pénétrées dans leur épaisseur, par la forme zoogléique du Cladothrix, qui lui donne ainsi un aspect très particulier. Les caractères contradictoires de ce végétal m'ont empêché de le classer soit parmi les //ydrocoleum, soit parmi les Sirocoleum, tels qu'ils sont du moins aujourd’hui définis, et je laisse aux botanistes compétents le soin de rechercher sa place dans la taxonomie. Mais on ne trouve pas seulement des Oscillariées aquatiques au jardin Vauban. Il nous faut citer maintenant plusieurs espèces terrestres 60 R. MONIEZ qui vivent dans le gazon ou qui apparaissent sur les chemins, quand le temps est humide pendant plusieurs jours de suite, telles sont le Symploca muscorum, qui rampe entre les gramens, le Microcoleus vaginalus, dont les petits cordons presque noirs, d’odeur forte, se. trouvent aussi sur le sol, et surtout sur les tessons de pots à fleur abandonnés dans l’herbe, — cette dernière particularité semble indi- quer que ce Microcoleus provient des serres où l’on élève les plantes mises plus tard dans les corbeilles du jardin. — Il faut ajouter à ces Oscillariées terrestres, plusieurs espèces que nous n'avons pu déterminer. Au cours des rapides recherches que nous venons d'indiquer et qui n'ont d'autre but, dans notre esprit, que d'inciter quelque botaniste à faire l’étude de ces végétaux inférieurs, si nombreux dans notre ville, nous avons rencontré nombre de formes intéres- santes, animales ou végétales, qui augmentent encore l'intérêt que peut présenter le petit cours d’eau du jardin Vauban. Nous citerons en bloc les myriades d’Infusoires, extrêmement variés comme genres et espèces, que contient la vase ou les flotteurs formés par les Oscillaires : ils vivent là dans un milieu extrêmement favorable, étant donnée l’abondance des matières organiques que contient l’eau; les Rhizopodes nus ou à coquille, variés aussi, les Hydres brunes; les Annélides, abondantes ; deux Bryozoaires, l’un très peu abondant et qui se trouve sur les rares Potamogetons qui résistent aux dra- gages, le Lophopus Trembleyi, l’autre extrèmement commun sous les feuilles de Nénuphar et qui garnit tout le tour des pierres qui servent de guë dans le ruisseau, la Plumatella repens : on peut facilement étudier, au jardin Vauban, les aspects si variés, si complètement différents les uns des autres que peuvent prendre les colonies de ce dernier animal. Je n’y ai pas trouvé la Cristatella mucedo, qui n’est pas rare dans l'étang aux eaux limpides — chose peu commune à Lille — situé à peu de distance du jardin Vauban, qui porte le nom de Grand Carré et que nous avons souvent exploré au cours de nos recherches sur les Entomostracés et les Hydrachnides. Les Rotifères sont aussi fort variés au jardin Vauban; je ne citerai que la Melicerta ringens, curieuse espèce bien connue pour l’industrie avec laquelle elle construit sa demeure: elle se trouve sur les L'ODEUR DU COURS D'EAU AU SQUARE VAUBAN A LILLE 61 Nénuphars, on la rencontre aussi de temps à autre dans les forti- fications de la ville. Une espèce de grande taille qui appartient au genre Rotifer proprement dit s’abrite d’une autre façon en s’enfonçant dans la gaine muqueuse de la Vaginariée indéterminée dont nous avons parlé plus haut. — La détermination des nombreuses espèces de ce sroupe serait un intéressant et facile sujet d'étude, d'autant que ces petits êtres sont bien négligés par les zoologistes français. Le plus remarquable des végétaux inférieurs qui se trouvent dans la rivière du Jardin Vauban est sans contredit l’Æydrodyctium utriculatum : elle y atteint plus d’un pied de longueur, avec le diamètre du poignet; à cet état les mailles qu’elle forme, et qui lui ont fait donner son nom, ont près d'un centimètre de côté. Au milieu des Oscillaires se trouvent de nombreux représentants de la famille des Protococcacées, souvent caractérisée par des formes excentriques, et dont nous avons déterminé quelques genres : Scenodesmus (caudatus), Pediastrum, Raphidium (fasciculatum et minutum) Dimorphococcus, Ophiocytium (cochleare), Closterium (acerosum), ÆEuastrum (crenu- latum, convergens), Cosmarium (integerrimum), Volvox, Uvella, etc.: ces végétaux, fort peu étudiés, semblent être représentés dans notre pays par un très grand nombre de formes. On peut dire la même chose pour le groupe, si riche en espèces, des Diatomées: extrêmement abondantes sur le fond de la rivière, entre les Oscillaires dans les flotteurs, sur toutes les pierres humides, on les trouve en nombre immense, par milliards; nous en avons reconnu comme appartenant aux genres Surirella, Cocconema, Fragilaria, Synedra, Nit:chiella, Navicula, Gomphonema, Meridion, etc., et, quelque jour, nous donne- rons la liste des espèces les plus remarquables. R. Montrez. DIVÉRIOPORPES RÉCOLTÉS EN SYRIE PAR LE DOCTEUR THÉODORE BARROIS PAR LE DOCTEUR C. 0. von PORAT. La faune myriopodique de la Syrie est restée jusqu’à présent presque inconnue. La littérature spéciale ne contient que de rares mentions sur les Myriopodes de cette région, où les espèces signalées, d’après mes recherches, sont seulement au nombre de cinq, à savoir : Glomeris Klugit Brant (1); Polydesmus (Strongylosoma) syriacus HUMBERT et SAUSSURE (2); Tulus Bottae GERvAIS (3); lulus (Spirostreptus) syriacus SAUSSURE (4); Spirostreptus christianus Karscx (5). Les recherches effectuées par le D' Taéon. Barrois dans cette partie de l’Orient, durant l’année 1890, ont considérablement enrichi la science sous ce rapport. Les collections de Myriopodes syriens, très riches en individus, dont il a bien voulu me confier l'étude, ne comptent pas moins de 19 espèces, réparties entre 10 genres différents. Parmi ces formes, une espèce appartient à la famille des Scuti- gérides (Scutigera coleoptrata L.); six à la famille des Lithobiides (espèces nouvelles pour la plupart, ainsi qu’on le verra plus bas); quatre à la famille des Scolopendrides (Scolopendra cingulata LaATR., Scol. dalmatica C. L. Kocx, C'ormocephalus mirabilis PoraT, Corm. teretipes nov. Sp.); trois à la famille des Géophilides (Bothriogaster signatus KessLer, Bothr. aflinis Sseciwanorr, Dignathodon microce- phalus Lucas); une à la famille des Polydesmides (Strongylosoma (1) Branpr : Bull. Soc. imp. Moscou. t. VI, p. 195, 1883. (2) HUMBERT et SAUSSURE : Verh. 2ool. bot. Ges. in Wien, t. XIX, p. 686, 1869. (3) GERVAIS : Ann Sc nat, 2%sér., t. VIL p.45, 18357. (4) SaussuRE : Linnœæa Entom., XII, p. 329, 1859. (5) Karsc: Zeitschr. fur. ges. Naturw., LIV, p. 47, 1881. MYRIOPODES } 63 syriacum HuMBERT et SAUSSURE); une à la famille des Lysiopétalides (Lysiopetalum rufolineatum C. L. Kocx) et trois à la famille des Iulides (Zulus microporus nov. sp., Zulus Barroisi nov. sp. et Spirostreptus Syriacus SAUSSURE). Dans son allure générale, la faune myriopodique de la Syrie ressemble plus spécialement à celle de l’Europe méridionale et de l'Afrique septentrionale, formant pour ainsi dire un trait d'union entre ces deux faunes. Toutefois la présence des espèces de Bothrio- gaster, qui ont d’abord été signalées à Samarkand et dans le Cau- case, celle du Cormocephalus mirabilis, connu déjà du Kordofan, celle enfin du genre Spirostreptus, caractéristique des régions tropi- cales et subtropicales de l’Asie (et aussi de l'Afrique et de l’Amérique), montre bien que des formes étrangères, originaires de localités éloi- gnées, se sont pour ainsi dire donné rendez vous sur ce bord oriental de la Méditerranée. Ces genres et espèces se répartissent de la manière suivante: Ordo CHILOPODA LATREILLE. Genus SCUTIGERA LAMARCK. 1. Seutigera coleoptrata LINNÉ 1758. Scolopendra coleoptrata L. Syst. Nat., éd. X, t. I, p. 637. Localités: Soukh-et-Taemeh (Désert de Juda, aux environs de la Mer Morte); Tibériade; Ouady-Derajeh (Mer Morte); Route de Jéru- salem à Nazareth ; Route de Ouady-Hafaf à Ain-Djeddi. — 14 exemplaires. Après avoir comparé avec soin les descriptions soignées et très complètes données par MeinErRT (Myriap. Musæi Hauniens., in Nat. hist. Tidskr., p. 108, Kjgbenh. 1884) et par LarTzez (Die Myr. d. æsterr.-ung. Mon., 1, p. 24, Wien 41880), j'estime qu'on peut rapporter à Scut. coleoptrata tous les exemplaires récoltés. Ils ressemblent entièrement à ceux que j'ai vus des iles Açores et du Sud de l'Afri- que. La plupart sont d’un jaune uniforme (peut-être à cause de la conservation dans l'alcool ?), pourtant quelques-uns portent Îles trois lignes dorsales plus foncées qu'on trouve habituellement sur le “type. 64 C. O. VON PORAT Cette espèce semble avoir une distribution géographique fort éten- due, car, en dehors de l’Afrique méridionale et des îles Acores, on l’a encore rencontrée en Italie, en Istrie, en Espagne, en Egypte, au Maroc, à Madère (MenerT), dans le Tyrol, en Hongrie, dans la Basse- Autriche (LaTzEL), dans l’Allemagne du Sud, en Silésie (Haas), en Normandie (GApEAU DE Kervizce) et dans l’île de Crète (KarscH). Genus LITHOBIUS LEAcH. De nombreuses formes de ce genre se trouvent dans les collections du Dr Barrois, mais la plupart des exemplaires de ces fragiles animaux étaient dans un état si défectueux qu'il était bien difficile de les étudier et de les décrire: à l’un :il manquait les pattes anales, à l’autre les antennes, etc. Je les classerai de la façon sui- vante, forcément un peu superficielle et incomplète. I. Pori coxales pedum parium 4 posteriorum multiseriatr. 41. Lithobius fasciatus NEWPORT 1844. Lithobius fasciatus Newport Linn. Trans., XIX, p. 365. Ocelli c. 12-14 triseriati. Antennae articulis c. 48. Dentes coxales pedum maxillarium 2i paris 12 (6 + 6). Laminae dorsales 6, 7, 9, 11, 13 angulis posticis productis. Pedes præanales coxis supra spinula armatis; ceterum spinulis VS Pedes 1 paris spi- er Pedes omnes præter posteriores articulis 2 ulti- mis infra et in lateribus setis longissimis seriatis. Coxae pedum analium supra spinula armatae, infra inermes. Long. corp. 26 mm.; long. ant. 15 mm. Localité : Ain Couffin (1 ex.). L’exemplaire recueilli ressemble beaucoup à Z. fasciatus NEwPoRT (— L. grossipes C. L. Kocx, LaTzEL et autres, d’après Pocock : Res ligusticæ, XI, p. 61) et lui est vraisemblablement identique; ïl en diffère pourtant par la spinulation de l’avant-dernière paire de pattes. nulis II. Pori coxales pedum parium Z posteriorum uniseriati. A. Laminae dorsales 9, 11, 13 angulis posticis productis. MYRIOPODES 65 9, Lithobius sp ? Ocelli utrinque c. 10 triseriati. Dentes coxales pedum maxilla- rium oi paris 10 (5 + 5). Pori coxales ped. 4 post. singulorum 6-8 rotundi. Coxae pedum analium (verisimiliter) inermes. Ungutis . genitalium feminae bifidus. Long. corp. 17 mm. Localité : Route de Jérusalem à Nazareth (1 ex.). B. Laminae dorsales Q, 11, 15 (æque ac laminae celerae) angu- lis posticis rotundatis vel saltem non productis. «. Articuli antennarum c. 20. 3. Lithobius parvicornis NOV. SP. Ocelli 3-4 (-6) in serie simplici irregulariter cureata, vel anlici biseriati. Antennae 18-20 articulatae. Dentes coxales ped. maxill. ai paris 4 (2 +2) sat magni; margo dentifer latus ultra dentes productus angulo sat acuminato, dentem tertium in utroque latere simu- lante. Pori coxales pedum 4 post. 3, 3, 3, 3, raro plures, Laminae dorsales majores postice late emarginatae. Coxae pedum analium supra et infra inermes. Pedes anales spinulis - | : + _ : armati ; unguis basi calcaratus. Unguis genitalium feminae integer, calcaribus supra unguem 2. Long. corp. c. 20 mm.; long. ant. 5 mm. Localités : Jérusalem ; Ain Couffin; Ain Djeddi; Soukh-et-Taemeh (Désert de Judas, aux environs de la Mer Morte); étape des Vasques de Salomon à Hébron. — (6 ex.). La couleur est, comme d’habitude, d’un brun marron. 8. Articuli antennarum c. 30 et ultra. 4. Lithobius macrops Karscx 1888 Lithobius macrops Karscu, Berl. entom. Zeitschr., XXXII. Heît., p. 221. Ocelli 2, anterior major, vel 3, medius maximus, uniseriati. Antennae articulis 3 1-36. Dentes coxales ped. max. 2ï paris 4 (2 + 2) parsi; margo dentifer dilatatus angulis rotundctis. Pori coxales J 66 C. O0. VON PORAT ped. 4 post. 2-3, 3, 3, 3, 3-2. Laminae dorsales maJores postice late emarginatae. Coxae pedum analium inermes. Unguis genitalium feminae bifidus; calcaria 2. Long. corp. 15 mm.; long. ant. 6,5 mm. Localités : Ain Couftin; Kouloniyeh. — (5 ex.). Les exemplaires recueillis paraissent identiques au Zith. macrops Karscx de l’Attique et de la Morée. Cette dernière espèce semble pourtant avoir les ocelles un peu différents (Ocello singulo permagno… ocellisque minimis 2 pix conspicuis inferioribus, d'après Karscx) et présente, malgré sa taille plus considérable, un nombre moindre d'articles aux antennes, (Longueur du corps (immat.) 23 mm.; articles antennaires 29-30). Comme sur nos échantillons les pattes anales manquent, il est impossible d’être absolument fixé sur l’iden- tité de ces deux formes: si elles diffèrent vraiment, l'espèce syrienne mériterait à juste titre le nom de Lith. oligops. D’après KarscH, chez le ZLith. macrops la spinulation est ainsi répartie sur les pattes anales 14 - : de l’ongle terminal est pourvu d’un ongle accessoire. Trois autres exemplaires dont les antennes sont incomplètes appartiennent certainement à d’autres espèces, comme il ressort des Caractères suivants. 5. Lithobius sp. ? Ocelli 6, biseriati. Antennae 20- articulatae ? Dentes coxales ped. maxill. 2! paris 4 (2 +2); margo dentifer latus, rectus, angulo subacuminato, dentem tertium utrinque similante. Pori coxales 3, 3, 3, 3. Pedes anales infra spinulis o, 1, 3, 2, o ; coxa supra armata (infra inermis); unguis non calcaratus. Long. corp. 14 mm. Localité : Jérusalem (2 ex.). 6. Lithobius sp. ? (Fig. 1). Ocelli 6, biseriati. Antennae? Dentes coxules 4 (2 + 2); margo dentifer brevis angulo rotundato. Pori coxales pedum % post. 3, 3-4, 3-4,2. Laminae dorsales posteriores majores postice late emarginatae. Pedes posteriores nonnulli articulo antepenultimo claviformi basi MYRIOPODES 67 adstricto; hic sicut articuli 2 proximi (art. 3%, 4us, 5" in latere inferiore dense sed breviter hirsuti. Pedum analium armatura ? Coxae supra spinula armalae, infra inermes. Long. corp. 13 mm. Localité : Palmyre (1 ex. 4). On pourrait appeler cette espèce barbipes en raison de lépais et particulier revêtement de cils qui garnit le bord inférieur des paires de pattes postérieures (tout au moins les 11° 12e et 13° paires). Genus SCOLOPENDRA (L.) NEWPORT. 1. Scolopendra cingulata LATREILLE 1829. Scolopendra cingulata LaArREILLE, Règne animal par CGUVIER, nouv, éd. IV, p. 339. Scolopendra cingulata LaTzEeL, MEINERT, HAASE, etc... a.) typica: articulus penultimus pedum prœæanalium apice non calcaratus. b.) obscuriceps ; nova forma : articulus penullimus pedum præ analium apice infra calcari unico; capite, collo, antennis pedibusque analibus atro-viridibus. Localités: a) Jérusalem; Ain Couffin; Route des Vasques de Salomon à Hébron; Tell-el-Kadi (Source du Jourdain); b.) Jérusalem; Ain Couffin, Palmyre (dans les ruines). — 10 ex. L’armature du fémur des pattes anales est conforme au type:en haut, au bord interne, 2 +2; au prolongement cunéiforme 3; en bas au bord externe, 2. Mais quand l’une ou l’autre des pattes repousse après avoir été brisée, souvent le nombre des épines varie et reste irrégulier. Les derniers 10 ou 11 plaques dorsales portent habituellement de chaque côté un sillon marginal distinct; sur les exemplaires jeunes, cela n’est nettement visible que sur les 6 ou 7 derniers segments. La taille maximale que j'ai observée est de 115 mm. D'après LarzeL aussi bien que d’après MEINERT et Haase, l’avant- dernier article des pattes préanales doit être inerme. Quelques-uns de nos exemplaires portent pourtant audit article, tout comme äux autres, une épine, et c’est pourquoi je les ai considérés comme une 68 C. O0. VON PORAT forme spéciale b à laquelle j'ai donné un nom particulier : quatre des sept individus avaient en outre une coloration anormale. J'ai constaté d'une façon constante chez d’autres espèces de Scolo- pendres (par exemple Scol. morsiltans L. et Scol. subspinipes LEAc, que j'ai examinées par centaines) la présence ou l'absence de cette épine, et je considère ce caractère comme sérieux, tandis que Meinert et Haase estiment qu'il est soumis à des variations indivi- duelles. La limite de ces variations est encore inconnue chez les Scolopendrides et c’est seulement par l'étude de la nature qu’on peut espérer les déterminer un jour. La Scolopendra cingulata est connue dans toutes les régions circumméditerranéennes (Espagne, France, Italie, Autriche, Algérie, Egypte, etc...) 2. Scolopendra dalmatica C. L. Kocx 1847. Scolopendra dalmatica C. L. Kocx Syst. d. Myr., p. 168. Scolopendra dalmatica LaTzeL, MEINERT, et autres. Localités: Étape du Ouady Embägghak au Ouady Hafaf (Rives de la Mer Morte); étape du Ouady Hafaf à Ain Djeddi (idem); Mont des Oliviers; Route de Jérusalem à Nazareth ; Zoueirah; Ain Djeddi; Jéricho ; Jérusalem; Ain Couffin ; Hébron; — environ 40 ex. Un nombre considérable d'exemplaires de cette espèce ont été recueillis par le D' Barroiïs en des poiuts très divers. Ils correspon- dent exactement aux descriptions de C. L. Kocx (Die Myr.…. I, p. 51, fig. 45, 1863), de LarTzeLz (op. cit., p. 143), de MreinerT (op. cit., p. 129) et de VERoErr (Berl. Ent. Zeitschr., t. XXXVI, p. 69, 1891). En particulier les appendices pleuraux du dernier segment, caracté- risés par leur allongement et leur riche spinulation, sont ici très marqués, même chez les tout jeunes exemplaires qui sont d’ailleurs très nombreux. La coloration vert-bleu des antennes et des pattes, signalée par LATzEL, ne se retrouve chez aucun de mes spécimens, qui tous sont uniformément d’un jaune-brun clair. Le nombre des articles des antennes qui, chez les types européens, est habituellement de 17, peut aller chez les exemplaires syriens jusqu'à 22. Les pla- ques dentaires de la seconde paire de pattes mâchoires comptent de chaque côté jusqu’à 3 + 1 dents au lieu de 2 + 4 comme dans le type. Les 7-11 dernières plaques dorsales sont marginées latéralement. MYRIOPODES 69 Les plus grands individus observés mesuraient jusqu'à 75 mm. (en général 55-65), la longueur des pattes anales étant de 13 mm. et celle des antennes de 11-12 mm. Cette espèce a élé observée jusqu'à présent dans Îles régions circumméditerranéennes, aussi bien au nord qu’au sud (Espagne, Italie, Autriche, Afrique septentrionale, etc..). Genus CORMOCEPHALUS NEwPoORT. 1. Cormocephalus mirabilis PoraAT 1876. (Fistae ie) Cormocephalus mirabilis PoraT, Bih. t. Sv. Vet. Ak. Handli., BV n°71, "p.18; Lamina cephalica libera, a lamina prima dorsali haud vel vix obtecta, impressione furcata mediana nulla vel indistinctissima ; antennae 17-20 articulatae ; articulus penultimus pedum parium 1-19 infra calcari apicali unico; articulus ultimus ped. par. 1-20 bicalca- ratus ; pedes anales subgraciles articulo primo supra introrsum spi- nulis 4-6 sub-biseriatis processuque apicali bispinuloso, infra spinu- lis numerosis 13-16, plerumque in series 4, binas utrinque inter se approximatas, postice divergentes, digestis, seriebus singulis 5-4- spinulosis; unguis calcaribus nullis acie + indistincte pectinulata. Pleuræ segmenti ultimi processu in apice 3-4-spinoso, præterea prope apicem spinula 1 et r-2 lateralibus trans sulcum longitudinale. Localités : Ouady Derajeh (Mer Morte) ; Étape du Ouady Embâgghak au Ouady Hafaf (idem); Étape du Ouady Hafaf à Ain Djeddi (idem); Jéricho; Tibériade. — 10 ex. L'exemplaire type de cette espèce, que j'ai décrite où il a eté dit plus haut, provenait du Kordofan, non loin du Nil Blanc. Je ne puis trouver aucune différence entre cet exemplaire et les types recueillis en différents points de la Syrie. La taille des plus jeunes exemplaires non développés mesurait 30 mm. de longueur, 1,5 à 2 mm. de largeur ; la longueur moyenne était de 10-45 mm. L’'indi- vidu le plus robuste atteignait 65 mm. de longueur sur 5 mm. de large, la longueur des pattes anales étant de 9 mm. et celle des antennes de 7,5 mi. 70 C, O. VON PORAT 2, Cormocephalus teretipes nov. sp. (Big 2/41) Olivaceo-viridis capite, collo, pedibus analibus vittaque media dor- sali atroviridibus, subgracilis, oculo armato punctulaius. Lamina cephalica libera, punctata postice stria basali marginali in medio sulcis minimis 2 interrupla, qui sulci cum impressione furcata, parum distincta, capitis medii subcontigui; antice inter antennas impressione sulciformi. Oculi ocellis 4 parvis, postremo remolo quam ceteris pix majore. Antennæ basi valde incrassatae et deplanatae, longitudine segmenta 3 prima æquantes, 19-articulalae, articulis ce. 6-7 primis + glabris, ceteris breviter pubescentibus. Pedum maxillarium 2 paris pars coxalis punctata antice ad laminas dentiferas utrinque impr'essione suturali furcata ; laminae dentiferae angustae, longiores quam latiores, dentibus utrinque 4, dente extremo discreto sat magno, ceteris præ- serlim interioribus subconfluentibus : dens femoralis simplex, sat magnus. Laminae dorsales 2-20 sat profunde bisulcatae; lamina prima sulcis nullis, ultima sulco unico sat profundo ; omnes punc- tulatae, ceterum lœæves, 19-21 lateribus marginatis. Laminae ven- trales præter primam et ultimam bisulcatæ. Pleurae segmenti ullimi porosae processu apicali parvo spinulis parvis 3-4 praæter z subapicalem remotam armalo, margine laterali inernui. Pedes omnes præter pedes anales ungue basi bicalcarato ; articulus penul- timus pedum parium 1-19 infra prætera calcari apicali unico. Pedes anales teretes, crassiusculi, longitudine segmenta S posteriora æquantes, articulo primo dimidio longiore quam latiore medio in apice exarato, supra introrsum Spinulis 2 (3), 1 media, interdum duplicata, et r inferiore prope processum apicalem brevem bispinu- losum, in latere inferiore, cui carinae omnino desunt (lantum ad basin ipsam significatae), spinula 1 quam minima non longe ab apice sita ; articuli ceteri brevissime sparse pubescentes, magniltudine sen- sim decrescentes ; unguis basi non calcaralus acie ipsa pix crenulala. Long. corp. (sine ped. an.) 45-50 mm.; lat. max. 4 mm.; long. ant. 6,5 mm.; long. ped. an. 5,5 mm. Localités : Jéricho; Ouady: Derajeh (Mer Morte). — 2 ex. Ce qui distingue surtout cette espèce, c’est la forme presque cylindrique ou ovalaire du fémur des pattes anales, dont les épines sont en outre très peu nombreuses et très petites. Le plus posté- MYRIOPODES 71 rieur des ocelles est extraordinairement petit et la plaque céphalique libre en arrière, c’est-à-dire presque pas ou très peu recouverte par la première plaque dorsale. Ce caractère, de même que la spinulation de l’article terminal des pattes, rapproche notre espèce de l'espèce précédente. La coloration offre des caractères qui sautent aussitôt aux yeux: le ton général est verdâtre, tandis que la tête et les épaisses pattes anales sont d’un vert foncé. Genus BOTHRIOGASTER SSELIWANOFF. 1. Bothriogaster signatus KEssLer 1874 d’après SSELIWANOFF. Bothriogaster signatus Ssezrwanorr, Zool. Anz., n° 43, p. 621, 1879. Localités : Jérusalem; route de Jérusalem à Nazareth; Palmyre. rex 2. Bothriogaster affinis SsELIWANOFF 1879 (ibidem). Localités : Soukh-et-Taemeh (Désert de Judée); Ouady-Derajeh (Mer Morte); Ouady-Embägghak (idem); étape du Ouady-Embâgghak au Ouady-Hafaf (idem); Kouloniyeh; Jéricho; Hébron; Tibériade ; Palmyre. SsELIWANOFF a distingué trois nouvelles espèces dans le genre Bothriogaster qu’il a créé; leurs caractères différentiels peuvent se résumer de la façon suivante: Fossetles en fer-à-cheval_ sur Nombre de paires les plaques ventrales eomptées Patrie de pattes. depuis l'extrémité postérieure : 67-7 : B. signatus 113-117 © eu Samarkan1i B. affinis 101 ©; 105-187 @ Le Caucase , ù 65-73 . Ua B. Meinerti 114-113 (œ'O) (69-77) l'urqiie d'Europe En outre, chez le B. signatus le bouclier céphalique est plus large que long, tandis que chez les deux autres espèces il est aussi large que long seulement. 7] 19 C. O. VON PORAT La plupart des échantillons recueillis par le Dr Barrois possèdent la fossette en fer à cheval sur les 57-64 plaques ventrales, avec environ 93 à 107 paires de pattes: ils appartiennent donc à la seconde espèce, PB. affinis. Quelques-uns portent ladite fossette sur les 66-74 plaques ventrales, ils possèdent un plus grand nombre de paires de pattes {111 à 115) et la tête est plus large que longue: je les ai classés parmi les B. signatus (KESSLER) SSELIWANOFF, surtout parce que Karscx (Berl. Ent. Zeitschr., Bd. XXXII, n° 4, p. 221, 1888) a également accepté les catégories de SsEWALINOFF. Et pourtant, ces caractères spécifiques ne paraissent pas suffisamment constants : ainsi, chez une couple d'exemplaires, les fossettes se rencontrent sur les 52-55 plaques ventrales, chez un autre sur les 60-61 ; en outre, le nombre des paires de pattes paraît fort variable (un petit spécimen ne compte que 85 paires). Aussi, suis-je tenté de croire que ces trois formes pourraient être réunies en une seule et même espèce qui devrait porter le nom de B. signalus KESSLER. Je pense aussi que le MWotiphilus tæniatus C. L. Kocx (Syst. der. Myr.p. 4805 Die Myr5 tt g181,0 p.169) 0 nENeEn Grèce, est identique au PB. signatus. La description détaillée de Kocux concorde presque en tous points avec ce que nous savons de cette dernière espèce, à cela près qu’il ne mentionne point la présence des fossettes en fer à cheval. Ces particularités ont pu lui échapper ou peut-être n’y a-t-il pas attaché d'importance. Si l'on acceptait ma manière de voir, c'est au nom d'espèce {æniatus que reviendrait la priorité. Genus DIGNATHODON MEINERT. 1. Dignathodon microcephalus Lucas 1849. Geophilus microcephalus Lucas, Explor. scient. de l'Algérie, p.249 pl Il ge "10; Dignathodon microcephalus MeINeRT, Myr. Mus. Haun., in Nat. hist. Tidskr., 1871, 3 R., 7 B., p. 38, tab. IL, fig. 13-22. Localité : Ouady-Derajeh (Mer Morte). — 1 ex. Ce Géophilide, déjà connu de l’Afrique septentrionale, d’Espagne et d'Italie (MeINERT) à un aspect très caractéristique. Le corps est extraor- dinairement atténué en avant, presque filiforme: les pattes anales, MYRIOPODES 73 épaisses, sont presque aussi larges que la largeur antérieure du corps ; les antennes, rétrécies à la base, s’épaississent en massue à leur partie terminale; les plaques dorsales manquent des deux sillons latéraux ordinaires, mais elles portent une saillie longitudinale, et sont cha- grinées sur toute leur surface. L'ongle terminal de la deuxième paire de pattes-mâchoires est armé de deux petites dents brunâtres, d’où le nom du genre Ordo DIPLOPODA BLAINVILLE-GERVAIS. Genus STRONGYLOSOMA BRANDT. 1. Strongylosoma svriaeum HUMBERT ET SAUSSURE 1869. Polydesmus (Strongylosoma) syriacus HUMBERT ET SAUSSURE, Verh. Zool.-bot. Ges. in Wien, 1869, p. 686-687. Localités : Ramleh; Jérusalem (Vallée de Josaphat); Kouloniyeh.3 ex. Dans les récoltes du Dr Barrois se trouvent aussi quelques indi- vidus d’un Strongylosoma qui appartiennent vraisemolablement à l'espèce ci-dessus. Un exemplaire bien développé, de couleur brune, compte 20 segments; plusieurs jeunes, de couleur jaune, n’en ont que 19. L'aspect extérieur de ces individus, surtout en ce qui con- cerne le sillon transversal des segments, rappelle beaucoup celui du Paradesmus gracilis Kocx avec cette différence que chez cette dernière espèce les carènes latérales, qui ne portent en avant aucune trace de dents, sont moins marquées, tandis que les pores latéraux sont par contre plus grands. Enfin il manque à notre Strongylo- soma la fine suture crénelée qui, chez le Paradesmus gracilis, sépare la partie antérieure de la partie postérieure de chaque segment. Genus LYSIOPETALUM BRANDT. 1. Lysiopetalum rufolineatum C. L. Kocn 1847. Eurygurus rufolineatus C. L. Kocx, Syst der Myr., p. 115, et Die Myr., I, p. 12, tab. VL fig. 12, 1863: ?Julus plicatus Guérin, Icon. du Règne anim., Ins. pl, p.3, sec. GERVAIS et WALCKENAER, Zns. Apt., IV, p. 132. ? ? Platops xanthina Newport, Ann. and. mag. of Nat. Hist. XIII, p. 267, 1844. 74 C. O0. VON PORAT Antice et postice valde angustatum, fusco-brunneum, antice passim marmoratum, linea dorsali media longitudinali angusta flavescente, maculis lateralibus et ventralibus + distinctis ejusdem coloris, anten- nis fuscis (articulis primo et ultimo exceptis flavidis), pedibus ochra- ceis. Caput setosum præsertim ad clypeum lenus alque punctatum vertice subscristato antice æqualiter convexo, nilido grosse punctato vel foveolis setigeris subscabro, postice subexcapato. Oculi acute triangulares ocellis distinctissimis 27-50, 7-8-seriatis. Antennae longae, resupinae segmentum quintum superantes, articulo 5° longis- simo, 2° quam illo paullo breviore, 4° et 5° inter se subæqualibus quam his brevioribus, 6° quam 5° paullo plus dimidio breviore, 7° parro. Segmentum primum (collare) antice leviter marginatum, in dimidio anteriore lœævigatum, postice dense et sat profunde sub- flabelliformi-striatum, lobis lateralibus acuminatis antice emarginatis el marginatis; ante strias serie in medio antrorsum curvata granu- lorum (setigerorum ?) parvorum. Segmentum ultimum non striatum neque carinatum sed plus minus tenuiter transverse granulosum (granulis setigeris ?) postice rotundatum, sub apice bituberculatum (et seligerum?), a segmento penullimo tantum ad basin obtectum. Valoulæ anales (verisimiliter setigeræ) marginatae: lamina suba- nalis setosa transverse lanceolata, postice ltamen in medio promi- nula. Segmenta cetera pone suturam adstricta (sulura quasi bige- mina) parle anteriore supra et infra longitudinaliter leviter striata, parte posteriore infra striata supra subcarinata, carinis dorsalibus majoribus cum parvis allernantibus, in margine setis lrevibus sparsis; segmenta anleriora (c. 4) prœæterea seriebus transversis granulorum setas gerentium. Pedes latitudinem corporis longiludine æquantes, supra brevciter infra et in apicibus longius el densius setosi, arliculo 3° longissimo, articulis 2, 6, 7. 5 et 4 sensim brevioribus. Pori excrelorii sat magni, sat longe pone suluram in carina + depressa siti. Numerus segmentorum 30-49. Long. corp. 26-50 mm.: lat. max. 2-53 mm. Localités : Jérusalem (Vallée de Josaphat); Ain Couflin. — 5 ex. ©. L’exemplaire type de Kocx provenait des environs de Constantinople et avait été conservé desséché, en sorte que sa couleur était natu- rellement passée. En dehors de cette couleur, les descriptions du savant allemand concordent parfaitement avec les caractères de l’espèce syrienne. MYRIOPODES 75 Il n'est point facile de bien délimiter les espèces du genre Zysto- petalum. Dans son remarquable ouvrage: Die Myriopoden d. æsterr. ungar. Monarchie, NH, p. 218, Larzez n’a pu indiquer de meilleurs caractères différentiels pour la détermination des formes européennes de Lysiopetalum que le nombre des segments et des ocelles. Or, les exemplaires que j'ai examinés, tout en n’offrant d’autre part aucune différence, semblent varier beaucoup sous ce rapport, comme on peut en juger par les exemples suivants : Nombre des segments : a) 36, b) 42, c) 47 et d) 49; Nombre des ocelles : a) 15, b) 21, c) 27 et d) 38. Les échantillons recueillis par le Dr Barrois paraissent se rappor- ter plus sûrement au type de Kocx qu’à celui de GUÉRIN; si pour- tant ces deux types sont bien réellement identiques, le nom donné par GuÉRIN doit être préféré en raison de sa priorité (1837). Genus IULUS (L.) BBANDT (MEINERT, LATZEL, etc.) 1. Iulus microporus nov. sp. (Fig. 4). ® Fuscus + marmoratus, infra pallidior, foveis setigeris in vertice 2; annulis corporis plurimis ante et post suluram lonsitu- dinaliter striolalis, margine non crinilis; ports excretloriis perparvis in ipsa sutura silis; lateribus colli rotundatis tenuissime striolatis ; segmento ullimo caudato ; valeulis analibus sparse selosis non marginalis. Long. corp. 21 mm.; lat. 2 mm. Caput læve æqualiter convexum, vertice in sulco transverso tenui foveis setigeris 2, clypeo sat profunde sinuato foveis pone marginem c. 5 seti- geris. Oculi rotundato-triangulares inter se prope bis diametron oculi maximam distantes ocellis €. 30-35 (8, 7, 6, 5, 4, 2), sat distinctis. Antennae apice minus incrassatae, articulo 6° quam 5° dimidio breviore, articulo 2° longissimo (sicut ceteris setoso), 5° quam 4° paullo longiore, #° et 4° inter se æqualibus, resupinae segmentum 2um vix superantes. Segmentum pri- mum (collare) sublæve vel tantum sparse aciculatum, lateribus brevibus rotundato-acuminatis, antice marginatis convexis, postice striolis paucis (3-4) minimis levissime impressis. Segmentum ultimum leviter aciculatum postice in processum longum latum vix reflexum (setigerum ?), valvulas anales superantem, productum. Valvulæ anales non marginafæ in medio et postice setosae, setis sparsis et ad margines confertis; lamina subanalis 76 C. V. VON PORAT transverse ovato-lanceolata margine postico setigero. Segmenta cetera sculptura tenuiore, in segmentis anticis sculptura dorsali pæne exstineta ; pars anterior annulorum prope suturam striolis abbreviatis irregulariter longitudinalibus ; pars posterior et in dorso et infra longitudinaliter striata, striis tamen neque densis neque profundis. Pori excretorii perparvi, difficile distinguendi, in ipsa sutura recta sat profunda siti. Pedes latitu- dine corporis breviores, infra setis multis, supra setis paucis. Numerus segmentorum 48. Color fuscus collo læte submarmorato antice fusco-fasciato, margine postico segmentorum sicut clypeo flavicante, corporé inferiore pedibusque + ochraceis, capite fascia inter oculos fusca, maculis 4 ochraceis marmorata. Localité : Tell-el-Kadi (Source du Jourdain). — 1 ex. Voisin du /ulus lapidarius Lucas (Explor. scient. de l'Algérie, p. 9332), mais en est toutefois différent, car Lucas rapproche son espèce du /ulus terrestris d'Europe, qui a les pores latéraux en arrière des sutures; du reste Zulus microporus ressemble beaucoup au Tulus terrestris LiNNé par la forme du premier segment. Dans notre espèce la queue est de plus remarquablement longue et large, presque droite; ce qui concorde mal avec le texte de Lucas : « queue très courte et légèrement relevée à son extrémité ». La couleur et la ciliation des antennes ne correspondent point non plus avec la description qu’en donne Lucas chez le JZ. lapidarius. 9, Iulus Barroiïisi Nov. sp. (Fig. 3 — 5 a.) Cinereo-fuscus, flavido-annulatus capite, collo anoque ochraceis, gracilis, dense et distincte -striatus (neque vero ante suturam), late- ribus colli rotundato-triangularibus postice profunde et crebre striatis: poris excreloriis distinclis pone suturam sitis; segmento ultimo non caudato, valoulis analibus semi-globosis setosis. Long. corp. 35 mm.; lat. 2 mm. Caput læve æqualiter convexum supra marginem clypealem parum sinua- tum foveis setigeris compluribus (6-8); vertice in sulco tenui transverso foveis 2 (setigeris ?). Oculi ovato-rotundati ocellis €. 50 sexseriatis (6-9 in seriebus singulis) inter se prope bis diametron oculi maximam distantes, Antennæ breves subclavatae, articulo 2° longissimo, articulis 3-5 inter se longitudine æquali, articulis 5-6 quam ceteris crassioribus, resupinae seg- mentum 2um vix superantes. Segmentum primum (collare) sublæve lateribus brevibus angustatis, apice tamen obtuso, antice marginatis sed non emargi- 7] 1 MYRIOPODES natis, postice striis longitudinalibus compluribus (6-8), striis altitudinem dimidiam segmenti occupantibus. Segmentum ultimum apice subtumido obtuse angulato, supra valvulas anales non productum, non setosum. Valvulæ anales semiglobosae non marginatae, longe et dense setosae (setis tamen facile deci- duis) ; lamina subanalis item setosa, parva, transverse sublanceolata. Segmenta celera : pars anterior omnino lævis, non striolata neque strigosa, pars posterior et in dorso et infra dense et profunde striata. Sutura profunda in segmentis anticis recta, deinde antrorsum leviter arcuata. Pori excretorii sat magni in segmentis 6° et 7 ad suturam siti, deinde magis magisque ab ea remoti. Pedes latitudine corporis breviores articulis singulis infra setis nonnullis longis, art. 3 ultimis etiam supra setis nonnullis. Numerus segmentorum 57 (63 ?). Color : caput, segmenta anteriora (1-4) et præsertim segmentum ultimum valvulaeque anales ochracea linea transversa inter oculos, linea media dorsali, marginibus colli apiceque segmenti ultimi fuscotinetis ; pars ante- rior segmentorum ceterorum cinereo-lurida, pars media ad suturam arcu cinereo-fusco, infra incompleto ; pars posterior flavida ; antennæ testaceae fusco-annulatae ; pedes testacei basi fusco-maculati. Mas. : pedes paris primi perparvi apice angulatim uncinati ; tarsi pedum omnium non pulvillati ; org. cop. laminae anteriores sub-spathulatae, singulae margine interiore recto, exteriore dilatato-convexo. Localités: Jérusalem; Ain Couflin. — Nombreux exemplaires. Je dédie cette élégante petite espèce au Dr Barrois, qui à tant contribué à nous faire connaître la zoologie de ces régions. Genus SPIROSTREPTUS BRANDT. 1. Spirostreptus svriacus SAUSSURE 1859. (Fig. 6). lulus syriacus SAussurE, Linnæa entomologica, XIII, p. 329. @ Fusco-niger concolor gracilis, distincte punctatus, segmenti prümi lateribus latis apice rotundato-truncatis, antice marginatis et emarginatis, postlice reclis, plicis elevatis integris arcuatis 5 (mar- ginalibus non numeratis) pluribusque abbreviatis immuxtis ; valoulis analibus dense punctatis subcompressis, haud (vel vix) marginatis, segmenti ultimi apicem subangulatum non productum superantibus ; numerus segmentorum 74-70 (— 79). Notae nonnullæ aliae : Foveæ ventrales parvæ, breves. Sterna lævia. Oculi ocellis ec. 45-50, in seriebus 6, inter se 1, diametron oculi maximam distantes. Antennae non compressae, resupinae segm. 2-3 æquantes: Sculptura: 78 C. O. VON PORAT pars anterior concentrice sed non longitudinaliter striata, strüs mullis 3/4 et ultra superficiei dorsalis occupantibus, ir lateribus suturæ approximatlis sed cum ea non confluentibus ; pars posterior supra subcoriacea, a ventre"usque ad poros sat dense longitudi- naliter striala, in segmentis anticis eliam supra poros slriüs non- nullis obviis. Sutura profunda, supra poros præsertim in annulis anterioribus striolis abruptis longiludinalibus concentrice ornata. Localités : Cette espèce est Îort commune dans les contrées rocailleuses de la Judée, particulièrement dans les Ouadys desséchés de la Mer Morte, où elle pullule en quantité incroyable, écrit M. le Dr Barroiïs, qui ajoute : « quand on avance vers le Nord, elle diminue progressivement et je n’oserais affirmer qu'elle s’étendit jusqu’en Syrie proprement dite, au-delà de la Palestine: sur mon carnet de voyage, je ne l’ai mentionné que jusqu’à Tibériade ; je ne l’ai point notée non plus dans le Liban. Toutefois, comme mon attention n’était pas spécialement attirée sur ce point, de nouvelles recherches seraient nécessaires pour délimiter exactement l'aire de dispersion vers le Nürd de cette belle espèce. » L’exemplaire décrit par SAUSSURE avait une longueur de 145 mm. et une largeur de 6,7 mm. Les plus grands de nos exemplaires, qui ne sont d’ailleurs pas encore complètement développés, ne dépassent point 100 mm.; d’autres, plus petits, atteignent à peine 75-80 mm.; un jeune, ayant encore les 8 derniers segments apodes, ne compte que 56 segments et 25 ocelles pour une longueur de 28mm.: chez ce jeune, pourtant, la surface des anneaux est déjà fortement ponctuée. Fig ) Fig. MYRIOPODES 79 PLANCHE I. EXPLICATION DES FIGURES (Toutes les figures sont grossies). 4. Lithobius barbipes n. sp....., une patte de In 11° paire. . 2. Cormocephalus teretipes n. sp., partie coxale de la 2° paire de pattes mâchoires avec les plaques dentaires et les crochets forcipulaires. 2 a. » ) une plaque dentaire plus fortement grossie. 2 D. ) ) un crochet forcipulaire » D PAC: ] ) dernier segment du corps, avec l’article basi- laire des pattes anales, vu de dessus. 2 d. ) ] le même avec une patte anale, vu de dessous. 3. Cormocephalus mirabilis Porar, partie coxale de la 2° paire de pattes mâchoires avec les plaques dentaires et les crochets forcipulaires. 3 4. | ) une plaque dentaire, plus fortement grossie, JD: » » dernier segment du corps, avec l’article basi- laire des pattes anales, vu de dessus. 3 C. D ] la même partie, vue de dessous. .&. Iulus microporus n. sp...., le premier segment du corps; un segment du milieu du corps ; les derniers segments. p . 5. Iulus Barroisi n. sp.......,'e premier segment du corps; un segment du milieu du corps; les derniers segments. re 9 4 D) » » organes copulateurs ©. u. 6. Spirostreptus syriacus Sauss., le premier segment du corps; un segment du milieu du corps; les derniers segments. 80 UN CAS CURIEUX DE SYNCARPIE PAR LE DOCTEUR H. FOCKEU, Préparateur d'histoire naturelle à la Faculté de Médecine de Lille. La soudure de deux carpelles et leur développement ultérieur en un fruit double sont des phénomènes assez communs dans le règne végétal. Des cas tératologiques de cette nature ont été observés surtout chez les Rosacées et les Légumineuses. La plupart du temps la soudure des carpelles est très intime et l’on peut difficilement retrouver la ligne de séparation des parties constituantes. J’ai observé sur des fruits de Prunus domestica une syncarpie double, spéciale, caractérisée par ce fait que l’adhérence des deux parties est très faible et n’afflecte que les tissus extérieurs (épicarpe et quelques rangées de cellules du mésocarpe). De plus, l’une des deux prunes, qui est restée plus petite que l’autre et présente une coloration rouge est en quelque sorte éventrée sur une de ses faces et entoure la plus grosse, restée verte, à la manière d’un capuchon. Dans la région apicale l’adhérence est nulle et il existe une ouverture par laquelle on peut voir un noyau atrophié en voie de gommification. Le même prunier portait trois de ces fruits syncarpiques présentant tous le mème aspect. Les dessins reproduits dans cette note montrent, mieux qu'une description, les caractères spéciaux de cette syncarpie : la figure de gauche représente le fruit intact, celle de droite le fruit après rupture des adhérences. 81 ESPÈCES NOUVELLES DE THYSANOURES trouvées dans la grotte de Dargilan (CAMPODEA DARGILANI, SIRA CAVERNARUM, LIPURA CIRRIGERA) S PAR R. MONIEZ. La grotte de Dargilan est située près du hameau de ce nom, au canton de Meyrueis, dans la partie du Causse Noir qui appartient au département de la Lozère. C’est une vaste caverne, assez récemment découverte, soigneusement explorée par M. Marrez, l'inventeur de la région des Causses, qui l’a fait connaître : elle attire déjà, par sa réputation pleinement justifiée, nombre de touristes qui s’y rendent d'ordinaire en visitant les gorges du Tarn et Montpellier-le-Vieux. Si elle est bien connue dans les sites merveilleux qu’elle présente, il n’en est pas de même pour la faune qu’elle peut contenir et, jusqu'ici, elle n’a pas été explorée au point de vue zoologique. Les notes qui vont suivre montrent l'intérêt qu'elle pourrait présenter à cet égard; le naturaliste qui voudrait y consacrer quelques journées à des recherches de zoologie serait certainement récompensé par la découverte de formes nouvelles dont elle doit être riche. En effet, malgré que nous ayions visité la grotte de Dargilan dans les plus mauvaises conditions, après avoir perdu notre matériel de recherches dans un petit accident de descente, bien que nous y soyions resté peu de temps, au milieu d’une bande de touristes dont pous ne pouvions nous écarter et qui devaient par le bruit, par l’éclat des lumières, effrayer et mettre en fuite les habitants de la caverne, nous avons pu, néanmoins, récolter trois espèces nouvelles, toutes trois plus ou moins intéressantes par quelque particularité biologique. — Au reste, l'exploration des autres grottes des Causses, dont plusieurs sont fort curieuses et très étendues, traversées par des rivières, serait évidemment tout aussi intéressante et cette étude devrait bien tenter quelque savant du voisinage, qui ferait pour notre pays ce qui a été fait par exemple pour les grottes de Carniole et pour celles de l'Amérique du Nord. Peu de sujets d'étude sont aussi intéressants que celui-là. 6 82 R. MONIEZ Quoiqu'il en soit, voici la description des Thysanoures de la grotte de Dargilan. I. — Campodea Dargilani Nov. sp. L'espèce type du genre Campodea (C. staphylinus) vit en Europe et se retrouve en Amérique; elle est lucifuge, et, dans notre pays, on ne peut manquer de la découvrir, si on la cherche sous les pierres, le bois, les feuilles, dans les lieux un peu humides. GRassi rapporte à cette espèce comme synonymes les C. fragilis de MeinERT, et C. succinea de Nicozer (1), et dans le même ordre d'idées, on peut lui rattacher aussi le C. americana de PackARD, que cet autour dit n'avoir pu distinguer des échantillons types de C. fragilis de MLINERT (2). Il faut ajouter à cette espèce type une deuxième forme, trouvée en Amérique, qui présente pour nous un intérêt particulier parce qu’elle est cavernicole, le C. Cookei, PackarD (3); elle est fréquente dans les grottes de divers Etats de l’Union. Le C. Cookei diffère du C. staphylinus par sa taille plus grande, par ses antennes plus longues et formées de 24 articles au lieu de 20 (4); les fémurs postérieurs sont aussi plus longs; les dessins de Packarp montrent que les articles des antennes sont d’environ 1/3 plus longs que larges chez le €. Cookei, alors qu'ils sont plus larges que longs chez le C. staphylinus. Nous allons voir que ces caractères différentiels de l'espèce cavernicole américaine sont notablement exagérés dans l’espèce découverte à Dargilan. En effet, chez notre espèce, les articles des antennes sont x environ quatre fois plus longs que larges et leur nombre s'élève à (1) Dans son très intéressant et consciencieux travail sur les grottes de la Car- niole (Erfahrungen im wiss. Sammeln und Beobach. der den Krainer Tropfstein- grolten eigenen Arthropoden. Berlin 1892) M. G. Josern a décrit sous le nom de C. nivea une espèce que GRAssr rapporte aussi à C. staphylinus et sur laquelle, gräce à un obligeant envoi de M. Josep, nous serons en mesure de publier bientôt nos observations. (2) Cf. Grazssr et Rovezzr, il sistema dei Tisanuri. Naturalista Siciliano (1890) et PackaRrD, A.S. J', Synopsis of the Thysanura of Essex County, Fifth annual report of the Peabody Academy of Science (1853. (3) Cf. PacxaRD,A S.J", loc. cit., p. 46; American naturalist,t. V (18791), p. 747 et The cave fauna of north America, National Academy of Science, t. IV (1886). (4) Grassi, loc, cil., p. 8, donne le chiffre 22 comme maximum du nombre des articles des antennes chez le C. staphylinus, ESPÈCES NOUVELLES DE THYSANOURES 83 40: les particularités que montrent ces organes sont donc absolument caractéristiques. Les antennes dépassent de plus de 1/3 la longueur du Corps: elles sont donc plus longues que chez la C. Cookei, où elles dépassent sensiblement la longueur de la moitié du corps, et que chez la C. staphylinus, où elles atteignent un peu plus de Ja moitié de la longueur du corps. Les pattes sont très longues chez le C. Dargilani, beaucoup plus longues, proportionnellement que chez les C. Cookei et staphylinus (1); et les ongles beaucoup plus développés. Les poils du corps sont beaucoup plus abondants, plus développés; beaucoup d’entre eux sont barbelés. Nous n’avons compté sur les cercopodes de notre espèce que onze articles, mais ces organes extrêmement fragiles, étaient manifestement brisés sur tous nos exemplaires. La longueur du corps, mesurée de l'extrémité de la tête à l'extrémité de l’abdomen sur le plus grand individu que nous ayions capturé était de 8 millim.; le même exem- plaire avait les antennes longues de 11 millim. bien qu’incomplètes ; le corps avait 4 mill. 1/2 de largeur, tandis que le C. staphylinus, dans sa plus grande largeur, atteint 1 millim. Inutile d’ajouter que le C. Dar- gilani est de couleur entièrement blanche ou ambrée, et qu’il est complètement aveugle. Nous avons trouvé cette espèce en abondance en août 1893 dans toutes les parties de la grotte de Dargilan, courant à la surface des stalactites; bien qu’assez agile, elle se laisse prendre facilement. Il nous est impossible de ne pas relever, en terminant cette description, un fait qui nous parait fort intéressant et que nous avons déjà indiqué plus haut : c'est que les caractères du C. staphylinus, l'espèce type de ce genre, qui vit à l’air libre, mais qui est déjà. lucifuge, sont accentués dans le C. Cookei, espèce cavernicole, et qu’ils deviennent exagérés chez le C. Dargilani, autre forme des cavernes, de telle sorte que ces trois espèces semblent n’être que trois degrés d’une même forme animale, qui s’est adaptée progressivement pour la vie dans les lieux obscurs, et dont la C. Dargilani est jusqu'ici (1) PackaARp (loc. cit.) note que les pattes postérieures de C. Cookei sont plus longues que celles de C. staphylinus, mais il ne donne pas de mensuration compa- rative ; nous avons mesuré les pattes postérieures du Campodea Dargilani : elles atteignent 6670 {4, elles sont donc près de 3 fois plus longues que celles du C. staphylinus, qui comptent 2320 ft (individus pris à Lille). 84 R. MONIEZ l'expression la plus différenciée. Il sera donc bien intéressant d’exa- miner chez les Campodea qu’on trouvera dans les grottes, les différents caractères que nous avons relevés plus haut, pour voir s’ils peuvent se trouver plus différenciés encore; il faudra aussi rechercher si notre C. staphylinus peut aussi s'adapter directement à ce genre de vie spécial et s’il vit dans les cavernes. Il. — Sira cavernarum Nov. SP. Cet insecte pourrait presque aussi bien rentrer dans le genre Cyphoderus, très artificiellement séparé du genre Sira, dont il difière surtout par l'absence d'yeux et par la longueur des antennes; nous en faisons plutôt un Sira, à cause de la forme générale du corps et de la longueur des antennes, qui atteint ici plus de la moitié de la longueur du corps; le dernier article de ces organes a aussi le mème aspect que celui du Sira, et les nombreux poils disposés circulairement qui le bhérissent, donnent un peu l'illusion qu'il qu'il serait formé de très nombreux anneaux. La Sira cavernarum est entièrement blanche et, caractère inté- ressant pour une S#ra, complètement aveugle; les écailles qui recouvrent son corps sont transparentes; elle mesure 2020 & de longueur de corps, sur lesquels la tête étendue retient 420 m: la queue a 900 & de long; chez cet animal, et en différence avec ce qui se passe pour les autres Sira, le quatrième anneau de l'abdomen est trois fois seulement plus long que le troisième ; le mucron porte une dent bien nette; l’ongle supérieur des pattes porte, vers la base et de chaque côté, une dent qui est plutôt une nervure, soutenant et dépassant un peu la délicate membrane qui entoure l’ongle; l’ongle inférieur est étroit, presque aussi long que le supérieur. D'après les caractères que nous venons d'indiquer, la diagnose du genre Sira, telle que la donne TuLLBERG (1) doit être modifiée, car les deux caractères suivants : « Segmentum abdominale quartum quadruplo longius quam tertium. Ocelli 16,8 in utroque latere capitis » ne peuvent être maintenus ; le premier varie trop dans les genres voisins pour pouvoir être considéré ici comme absolu et, d'autre part, si notre espèce est aveugle, c’est par pure adaptation de la forme (1) Tycuo TULLBERG. Sveriges Podurider, Stockholm, 1872. ESPÈCES NOUVELLES DE THYSANOURES 85 Sira à des conditions spéciales et non point primitivement: elle doit donc être maintenue sous ce nom générique et la diagnose du genre doit être changée dans le sens que nous indiquons. Nous n'avons récolté à Dargilan qu’un seul exemplaire de cette espèce, dans la partie la plus profonde de la grotte; il nous a paru incomplètement adulte (1). IT. — Lipura cirrigera Nov. sp. J’ai récolté un seul individu de cette espèce au fond de la grotte de Dargilan, sur une stalactite; le corps de cette Lipure est court, ramassé, long de {1 millimètre environ, tout blanc; l'animal est aveugle comme le sont d’ailleurs tous ses congénères qui vivent à l'air libre, mais qui sont lucifuges. Je n’ai pu trouver les organes post-antennaux et serais surpris s'ils existaient, mais tous les anneaux portent ces mêmes ponctuations ocelliformes connues par tout le genre. Les épines anales font défaut; le corps présente quelques soies rares et longues; l’ongle supérieur des pattes est normal, l’inférieur bien développé. Les antennes de notre Lipure, plus courtes que la tête, ont quatre gros articles dont le dernier est plus développé que les trois autres réunis; ces organes présentent une particularité tout à fait caractéristique de notre espèce; leur deuxième article porte vers son extrémité supéro-externe une dépression marquée, à la base de laquelle se trouve une toufle de 6 ou 7 cirrhes, espacés à leur (1) PaAckarDp, dans un bel ouvrage sur la faune des grottes de l'Amérique du Nord, p. 66, décrit sous le nom de Degeeria cavernarum une espèce aveugle qui n'est pas sans analogie avec notre Sira ; elle est de plus grande taille (3 mill.) l'appareil saltatoire est peut-être proportionnellement un peu plus court, mais, comme nous l’avons dit, l’unique individu observé de notre Sira semble être un jeune, de sorte que l’on peut ne pas tenir Compte de ces différences; par la lon- gueur et la forme des antennes, par la longueur relative du 4° anneau abdominal, les caractères des ongles et du mucron, ces deux espèces cavernicoles se ressem- blent beaucoup; mais l’une est une Degeeria d’après PackARpD, c’est à-dire qu'elle n’a pas d’écailles sur le corps, tandis que la nôtre en est couverte, — mais l’on sait comme ces petits organes se détachent facilement : leur transparence chez notre espèce leur permet. d’ailleurs, d'échapper assez facilement à la vue. Pour ces diverses raisons, nous croyons devoir marquer un léger doute au sujet de l'identité de ces espèces, doute qui sera bien facilement levé lorsqu'on examinera à nouveau la Degeeria en question, qui, d'après PACKARD, est très abondanle en Amérique. 86 R. MONIEZ. — ESPÈCES NOUVELLES DE THYSANOURES insertion, recourbés, volumineux ; cet appareil est très développé, il saute aux yeux quand on examine les antennes de l’animal. J'ai été fort surpris de trouver de tels organes chez un Thysanoure, d'autant que je ne connaissais rien de semblable sur les nombreuses espèces de Lipures que j'ai eu l’occasion d'étudier et qu'aucun auteur ne les signalait: une recherche plus attentive me les fit retrouver, cependant, sur les autres espèces de ma collection, mais sous un état assez rudimentaire pour qu'elles aient pu échapper jusqu'ici à tous les observateurs : ces cirrhes sont en effet aussi larges chez les autres Lipures, mais ils sont très courts, tronqués; ainsi, pour fixer les idées, ils mesurent 21 &# environ chez la Lipura cirrigera et 2 & 4 chez la Lipura debilis, où cependant ils sont relativement bien développés. On peut se demander la signification de ces curieux organes et supposer qu'ils sont en rapport avec l’absence des yeux rudimen- taires chez les espèces lucifuges ordinaires et très développés chez celles qui vivent dans l’obscurité absolue comme L. cirrigera. 87 RÉCHERCHES SUR LE NERF AUDITIF SES RAMEAUX ET SES GANGLIONS PAR André CANNIEU. AVANT-PROPOS Les recherches qui font l’objet de ce Mémoire ont été faites dans le Laboratoire d’Anatomie pathologique de la Faculté de Médecine de Bordeaux. M. le professeur Coyne avait autrefois décrit, sur le tronc même du nerf auditif, un amas de cellules ganglionnaires. Les auteurs qui s’occupèrent dans la suite de ce nerf ou de l'oreille interne, ne virent pas ces cellules ganglionnaires ; quelques-uns même nièrent leur existence ; d’autres avancèrent qu’elles dépendaient du ganglion de ScaRpaA. M. le professeur CoYxe nous engagea alors à entreprendre de nouvelles recherches sur le nerf auditif, recherches qui devaient nous permettre d'acquérir une opinion sur cette question. Dans le cours de nos recherches, non seulement nous avons pu confirmer les points établis par M. le professeur Coyxe, mais encore nous avons eu la bonne fortune d'observer un certain nombre de faits nouveaux. Notre travail se compose de quatre chapitres : les deux premiers traitent de la partie historique et de la technique 88 A. CANNIEU que nous avons employée; dans le troisième se trouve la description des faits observés et dans le quatrième, leur synthèse et leur interprétation. | Qu'il nous soit permis, avant d'aller plus loin, de remercier M. le professeur Coyne de ses excellents conseils, de sa bonté toute particulière à notre égard, et de la sollicitude dont ïül nous a entouré depuis que nous sommes son préparateur. RECHERCHES SUR LE NERF AUDITIF 89 CHAPITRE I HISTORIQUE Au dire de Vieussexs (1), ARISTOTE serait le seul auteur de l’anti- quité, qui ait observé une connexion entre le cerveau et les cavités qui constituent l'oreille interne. HiIPPOCRATE, EMPÉDOCLE et GALLIEN avaient bien quelques notions sur l’organe de l’ouie, mais ils ne soupçonnaient pas de relations entre ce dernier et les centres nerveux. Le moyen-âge ajouta peu de chose aux quelques données que lui avait léguées l'antiquité ‘et si l’on parcourt les écrits de cette époque, on arrive au milieu du XVI siècle sans rencontrer un ouvrage digne de nous arrêter un instant et d’où l'on puisse tirer quelques renseignements utiles. En 1554 seulement, dans les œuvres d’André VÉSALE (2), on trouve quelques lignes consacrées au nerf auditif. Pour cet auteur c'est la 5me paire de nerîs crâniens qui se rend aux cavités creusées dans les profondeurs du rocher ; ce nerf se divise en deux rameaux, l’un va à l'organe de l’audition et l’autre à la face : le nerf auditif naîtrait de la partie supérieure de la moelle épinière. Près d’un demi-siècle plus tard, FaBricius HIERONIMUS de AQuA- PENDENTE (3) et CassEerRIUS (4) publient chacun un mémoire où ils étudient l’organe de l’ouiïe. Pour le premier, le nerf acoustique sort du cerveau et va dans l'oreille interne; cet auteur connaissait le” (4) Vieussens. — Nevrographia universalis, 1714. (2) Vesazius ANDREAS. — De humani corporis fabrica. Bruxelles, 1553. (3) Fagricrus. — HigRoNIMUS de AQUAPENDENTE. — De aure auditusque organo (Chap. VIIT et IX, 1600). (4) Casserius. — De vocis audilusque organis hisloria anatomica, 1600. 90 A. CANNIEU labyrinthe osseux qu’il divise en deux parties, le vestibule et le lima- çon. Quant à Casserius, il voit également le vestibule et le limaçon: il parle même de leurs rapports avec le nerf auditif : « Comme pour les autres organes des sens, dit}, des nerfs spéciaux sont destinés à l'oreille. » Cest, pour lui, à la 7% paire des nerfs crâniens qu'est dévolu ce rôle. Elle prend naissance dans le voisinage du cervelet, et se divise en deux rameaux inégaux dont l’un se rend aux cavités de l'oreille et l’autre à la face. Cet auteur n’admet pas la division du nerf auditif en portion molle et portion dure, ainsi que l’ensei- gnaient les anatomistes de l’époque. Cette distinction n'avait pas, pensait-il, sa raison d’être, attendu que les fibres nerveuses sont molles ou dures selon qu’elles viennent du cerveau ou de la moelle. Wizzis (1) ne partage pas son avis à ce sujet; il reconnaît deux parties au nerf auditif, une molle et une dure. Chacune d'elles se rend à des organes différents ; seule la molle va au labyrinthe. Vers la fin du XVIL siècle parut le Traité de DuverNey (2) sur l’organe de l’ouïe. Cet auteur nous donne un certain nombre de détails sur le nerf auditif. Ce nerf se compose de deux branches de consistance différente; ces deux branches pénètrent dans le fond du conduit auditif où la portion molle se subdivise en trois rameaux. Le plus important des trois pénètre dans le noyau du limaçon, il envoie à travers les parois de minces filets qui se distribuent à la lame spirale ; les deux autres sont destinés au vestibule ; l’un d’eux fournit une sorte de houppe dont une partie se rend aux canaux semi-circulaires antérieurs et supérieurs, le troisième, enfin, se sub- divise en deux petites branches destinées l’une au canal inférieur et l’autre à la partie commune du vestibule. Après cet ouvrage (le plus important qui ait paru jusqu’à cette époque), nous citerons les travaux de Méry (3), qui, en 1681 et en 1697, consacra dans ses différents écrits quelques pages au nerf auditif. La portion molle du nerf auditif est seule à desservir l'oreille interne; ce nerf donne naissance à un second rameau plus court et plus grèle qui se rend à la conque {vestibule). Ce dernier rameau se divise en (4) Wizuis. — Cerebri anatome, cui accessit nervorum descriptio et usus, 166%. (2) DuverNney. — Trailé de l'organe de l’ouïe. Paris, 1683. (3) MÉRy. — Explications mécaniques et physiques des fonctions de l’âme. sensitive. Paris, Lambert Rouillaud, 1685. Id. — Progrès de la médecine. Paris, 1697. RECHERCHES SUR LE NERF AUDITIF 91 cinq branches qui se distribuent aux canaux semi-circulaires. Le nerf acoustique n’envoie pas à travers les parois de l’axe du lima- çon des filaments nerveux pour constituer une membrane de même nature. Ces faits relèveraient purement de l’imagination. Le XVIII siècle compte encore un plus grand nombre d’au- teurs qui se sont occupés de l'oreille interne. C’est ainsi que dans les premières années de ce siècle, La CHARRIÈRE (1) considère le nerf auditif comme la septième paire. Ce nerf se rend au ves- tibule par deux ouvertures creusées dans sa paroi et va se per- dre dans une membrane qui le tapisse. Quelque temps après ce mémoire, parut celui de Varsava (2) (1707) sur l'oreille humaine. Pour cet auteur, le nerf acoustique est constitué par deux portions, la portion molle et la portion dure. Cette dernière se rend à la caisse du tympan ; elle est plus grande et plus grosse que la por- tion molle du nerf acoustique, dont elle se sépare d’ailleurs à l’en- trée de l’aqueduc de Fallope. Le nerf acoustique proprement dit est formé par la portion molle; il se divise au fond du conduit audi- tif en deux branches principales, l’une destinée à la cochlée et l’autre au vestibule. Celle-ci entre dans le vestibule par cinq ori- fices et va se répandre dans une membrane très-lâche qui est suspen- due au milieu de cette cavité. Elle tapisse également les canaux semi- circulaires. Cet auteur a vu les taches acoustiques et a pu observer les filets nerveux traversant les parois du limaçon pour se perdre dans une membrane qui sépare en deux canaux la cavité spirale de cet organe. ik Pour Vreussens (3), le nerf auditif est constitué par deux rameaux de longueur et de consistance différentes. Ce nerf, qui forme la sep- tième paire, tire son origine d’une région placée dans la partie moyenne du centre ovale. La partie molle de l'auditif se rend à l’ouie après subdivision en trois branches. Ces trois branches des- servent le vestibule, le limaçon et les canaux semi-circulaires. ALBINUS (4) et MorGaGni (5) étudient la même année les trois fossettes par où pénètre le nerf vestibulaire avant sa division en trois (1) LA CHARRIÈRE. — Anatomie nouvelle de la tête de l’homme, 1703. (2) Varsava. — De aure humana tractatus, 1707. (3) Vieussexs. — Nevrographia universalis, 1714. (4) ALBINUS. — Academicarum annotationum liber quartus, 1758. (6) MorGaGni. — Epistolæ ant. XII, 1758. 92 A. CANNIEU branches ; tandis que, quelques années plus tard, GÉorrroy (1) publie ses dissertations sur l’organe de l’ouïe et que Scarpa (2) et Compa- RETTI (3) décrivent d’une façon assez complète le labyrinthe mem- braneux entrevu par VALSAVA. ScarPA, pour observer plus facilement les filaments nerveux du rameau cCochléaire, se servit d’un mélange décalcifiant composé d'alcool et d’acide azotique. Cet auteur est le premier à décrire des cellules ganglionnaires sur la branche vestibulaire. Ces cellules forment un amas assez considérable sur les nerfs; de plus, il observe un petit ganglion sur le nerf de l’ampoule postérieure. A partir de cette époque les anatomistes s’appesantissent davantage sur l'étude du nerf auditif; les mémoires se succèdent de plus en plus nombreux et il nous est possible de trouver des détails plus précis. Pour Savary (4), la portion molle du nerf constitue seule la partie acoustique. Ce nerf naît de la paroi antérieure du 4me ventricule près de la ligne médiane, mais surtout il tire son origine d’un tubercule grisâtre situé à côté de l’éminence olivaire. Ce nerf, d’abord accolé au facial, s’en sépare bientôt, et se divise en deux branches dont l’une se porte en avant dans les deux rampes du limaçon tandis que l’autre se dirige en arrière et se partage en trois rameaux se rendant au vestibule et aux canaux semi-circulaires. RIBES (5) divise également le nerf auditif en deux branches, dont l’une se rend au limacon et l’autre au vestibule et aux canaux semi-Circu- laires. L'année suivante ArNozD (6) fait une remarque fort impor- tante en étudiant la portion céphalique du sympathique ; il observe une anastomose allant du ganglion géniculé à ‘celui de Scarpa. Bientôt après, SERRES (7) expose longuement ses idées et le résultat de ses recherches sur les nerfs du cerveau et sur le cerveau lui-même. Il parle assez longuement du nerf auditif. Ce nerf a une (1) Géorrroy. — Dissertation sur l'organe de l’ouie de l’homme, des reptiles et des poissons, 1778. (2) Scarpa. — Disquisitiones anatomicæ de audiu et olfactu, 1789. (3) ComPARETTI. — Observationes anatomicæ de aure interna comparata, 1789. (4) Savary. — Diclionn. des Sc. méd., 1812. (5) Rires. — Recherches sur quelques parties de l'oreille interne. Journal de Physiol. expérimentale de Magendie. Premier numéro, janvier 1822. (6) ArNozD. — De parte cephalica sympatica. Heidelberg, 1823. (7) SERRES. — Anatomie du cerveau. Paris, 1824. RECHERCHES SUR LE NERF AUDITIF 93 consistance pulpeuse, caractéristique ; il est composé de filaments déliés et isolés. La réunion de l’acoustique à la moelle allongée coïncide avec le développement des corps trapézoïdes. Depuis PicHoLomini, tous les anatomistes, dit cet auteur, considèrent les stries blanchâtres du quatrième ventricule chez l’homme, comme les racines du nerf acoustique. Il n’en serait pas ainsi: tous les amas de substance grise, attribués par Gorz, SPuRzEIM, WENZEL Comme noyaux au nerf acoustique ne sauraient être considérés comme tels. En 18338, le ganglion de Scarpa est revu par PAPPENHEIM (1). De plus, cet auteur observe sur le tronc du nerf quelques cel- lules nerveuses ganglionnaires. Dans le Dictionnaire de Médecine, BRESCHET (2) considère le nerf auditif comme la septième paire. Il le divise en deux rameaux: le rameau postérieur et supérieur, qui va au vestibule pour aboutir aux ampoules et aux otoconies, et le rameau antérieur et inférieur qui pénètre dans l’axe du limaçon pour se perdre dans la lame spirale membraneuse. Quelque temps après, Srannius (3) revoit les cellules ganglion- naires observées par PAPPENHEIM: ces cellules seraient en petit nombre. À la même époque, HyrTe (4), étudiant le nerf auditif chez le cheval, le veau et l’homme, trouve des cellules ganglionnaires sur le tronc de ce nerf chez les deux premières espèces. Il ajoute qu’il a pu observer le même fait chez l’homme, mais plus difici- lement et plus rarement. L'année où Srannius et HyrTLz publiaient leurs recherches, parut le mémoire du marquis Alphonse de CorTi (5) sur l'organe de l’ouie dés mammilères. D’après cet auteur, le nerf auditif contient dans son passage dans le meatus auditorius internus une quantité considérable de cellules nerveuses (/ntumescentia ganglio/ormis Scar- pae). On n'observerait pas cependant de cellules de cette nature dans la portion qui forme le nerf cochléaire. Ces cellules nerveuses sont entourées d’une gaine épaisse; on peut les diviser d’après leur (1) PaPPENuEIM. — Specielle Gewebelehre des Gehôrorganes, 1838. (2) Brescuer. — Dict. de Méd., 1840. (3) STANNiIUS. — Gott. Nachr., 1851. (4) Hyriz. — ZLehrbuch der Anatomie des Menschen. Wien, 1851. (5) Cort. — Recherches sur l'organe de l’ouie des Mammifères. Zeitschrift f. Wiss. Zool., 1851. 94 A. CANNIEU taille en deux catégories. Les prolongements de ces cellules sont d’abord à simple contour, mais ils se continuent avec une fibrille nerveuse à double contour. Le nerf destiné à l'’ampoule posté- rieure présenterait deux petits « grossissements ou nœuds » com- posés de dix à douze cellules nerveuses. Quant au nerf cochléaire, il entre dans l’axe du limaçon par le « tractus spiralis foramina- lentus » pour passer ensuite dans les canaux osseux qui se trouvent situés dans la cloison de cet axe. Les fibres du nerf cochléaire sont pourvues d’un double contour. Conti aurait étudié spécialement le nerf auditif du limaçon et jamais il n'aurait rencontré les cellules nerveuses vues par PapPENHEIM. Entre la cloison de l'axe du limaçon et la lame spirale osseuse il y a une bande de cellules ganglionnaires (habenula ganglionaris laminæ spiralis cochleæ). Ces cellules sont bipolaires comme celles du ganglion de Scarpa. L'auteur est le premier qui ait observé des cellules bipolaires chez les mammifères. En 1859, Borrrcuer (1) admet que tous les faisceaux nerveux qui sortent du ganglion spiral ne se rendent pas directement à l'organe de Conti. Une partie de ces faisceaux s’incurve en suivant parallèlement la chaîne ganglionnaire pour aboutir à l’épithélium terminal plus haut et après un certain parcours. Les cellules du ganglion spiral sont bi- ou multipolaires. Le canal spiral et le ganglion qu’il renferme ont surtout été bien étudiés par Vieror (2). Il a la forme d’une baguette spirale d’où surgissent les filaments terminaux du nerf cochléaire. Ceux-ci sortent du eanal par une série de trous. Kôzuxer (3) a vu le ganglion dont parle Vieror, mais* de plus il a observé un certain nombre de cellules nerveuses bipolaires près du méat auditif interne. Ces mêmes cellules ont été également observées par PierReT (4), au milieu des tubes médullaires du nerf auditif, où elles étaient enclavées. Pour LœwEeMBEerG (5), le nerf auditif est logé dans la columelle (1).Bozrrcaer.—Beitrage zur Anatomie der Schnecke. Arch. f. Path. und Phys., 18 9. (2) Victor. — Ueber der Canalis ganglionaris der Schnecke der Saugethiere und des Menschen. Zeit. f. Médiz, 1865. (3) Kôzuxer. — Handbuch der Gewebelehre des Menschen, 1867. (4) Pirrer. — Contribution à l'étude des phénomènes céphaliques du tabes dor- salis ; symptômes sous la dépendance du nerf auditif. Revue mensuelle, n° 2. (5) LoŒwEmBERG. — La lame spirale du limaçon. Thèse, Paris, 1868. RECHERCHES SUR LE NERF AUDITIF 95 du limaçon. Dans son trajet, il détache une partie de ses fibres qui se dirigent vers le ganglion spiral. Ces fibres perdent leur double contour à la sortie de la bande ganglionnaire. En 1871, BrüNNER (1) accorde au nerf auditif plusieurs ori- gines. Les stries acoustiques, le noyau acoustique proprement dit, le funiculus cuneatus, les corps restiformes sont tout autant de points, dans la moelle allongée, d'où le nerf acoustique tire son origine. Deux ans plus tard, paraît le travail d’HuGuenIN (2), sur les noyaux du nerf auditif. Il reconnaît à ce nerf trois noyaux: 19 Un noyau antérieur (couche superticielle de la protubérance et les corps restiformes); — 2° Un noyau interne (toute la largeur du plancher du 4° ventricule, au niveau des stries acoustiques); — 3° Un noyau externe (en dehors du précédent, dans le segment interne du pédoncule cérébelleux.) Bientôt après KRausE (3) étudie la même question. Il considère deux racines au nerf auditif, une racine antérieure et une racine postérieure. Chacune d'elles, tire son origine d’un noyau latéral et d’un noyau médian. Les noyaux latéraux sont situés près des corps restiformes pour la racine postérieure et près de la protubérance au niveau de l'émergence du nerf, pour la racine antérieure. Quant au noyau médian de la première, il se trouverait sur le plancher du 4e ventricule, tandis que celui de la seconde s’observerait à la partie interne des corps restiformes. La même année, HorBaczewsky (4) étudie la structure des fibres nerveuses du nerf acoustique. Le nerf cochléaire serait constitué par des fibres plus grêles que celles qui composent le nerf vestibulaire. Ce fait est vérifié l’année suivante par AXxEL et RETziuSs (5); mais ces différents auteurs ne nous disent pas si ces fibres ont été prises au même niveau. Pour eux, ces fibres nerveuses posséderaient une membrane de Scawanx et une enveloppe de myéline ; elles présenteraient en outre des étranglements et des segments cylindro-coniques. (4) BRüÜNNER.— Ueber den Geh6rschwindel. Arch. f. Augen und Ohrenheilkunde, 1871. (2) HuGuENIN. — Allegemeine Pathol. der Kranck. der Nero. Syst. Zurich, 1873. (3) Krause. — Allegemeine und microscopische Anatomie. Hannover, 18%. (4) Horsaczewsky. — Wiener Zitzungsberichte. Avril 1875. (5) Axez Key et Rezzius. — Studien in der Anatomie der Nervensystems und des Bindgewelbe ; Sweite Halfte. Stockolm, 1876, 96 A. CANNIEU Lavpowsxy (1), au cours d’une étude remarquable sur le limaçon des vertébrés, parle du nerf auditif. Ce nerf se compose de deux masses nerveuses inégalement développées. Les faisceaux du nerf auditif se distinguent par leur finesse. Les fibrilles nerveuses ont une gaine de SCHWANN, et présentent tous les caractères que RANVIER a observé dans les autres nerfs. Les fibres nerveuses passent du tronc du nerf cochléaire pour aller dans le ganglion spiral, où tous les faisceaux ne sont pas interrompus par des cellules ganglion- naires. Bien que les cellules nerveuses de ce ganglion soient en grande partie bipolaires, on peut en observer ayant plusieurs pro. longements. Les fibres nerveuses perdent leur myéline avant de pénétrer dans l'organe de Conti. Pour NEUBEL (2), le nerf acoustique recevrait quelques fibres des pédoncules cérébelleux supérieurs et prendrait une part importante à leur formation. Tandis que HENLE (3) donne à l’acoustique 3 noyaux, un supérieur, un inférieur et un latéral, Cisow (4) étudie la struc- ture de ce nerf; il avance que ses fibres perdent leur myéline avant de pénétrer dans l'épithélium auditif. Cette même année, Küan (5) publiait ses recherches sur l'oreille des Vertébrés en général, mais n’ajoutait aucune notion nouvelle à celles qui étaient déjà acquises sur le nerf auditif. En 1880, Martaias Duvaz (6) prétend qu’un certain nombre de fibres des racines antérieures se rendent au cervelet ; de plus ce nerf prend naissance par deux racines, une externe contournant les corps restiformes et une interne située à la partie interne de ces corps et allant à des noyaux de substance grise situés sous le plancher du 4% ventricule. L'année suivante,. Rerzius (7) publie un mémoire sur le laby- rinthe des Vertébrés ; il divise le nerf acoustique en rameaux antérieur et postérieur. Le premier se rend à l’utricule, aux ampoules (1) Lavpowsky. — Untersuchungen über den akustichen Endapparat der Sauge- thiere, 1876. (2) NeuBEL. — Berliner medicinische psychologische Geselschaft. Sitzung von Januar 1878, und Arch. f. Psych. 1879. (3) HENLE. — Handbuch der Nervenlehre des Menschen, 1879. (4) Cisow. — Ueber das Gehôrorgan der Ganoïden. Arch. f., microscopische Ana- tomie. Bd. XVIII, 1879. (5) Kuux. — Beiträge zur Anatomie der Gehôrorgans, 1879. (5) Maruias Duvaz. — Sens de l’espace. Société de Biologie, 24 février 1880. Id. — Traité élémentaire de physiologie. (7) Rerzius. — Das Gehôrorgan der Wirbelthiere. Stockolm, 1881. RECHERCHES SUR LE NERF AUDITIF 97 antérieures et externes; le second va au limacon. De ce dernier rameau partent des faisceaux nerveux qui constituent le rameau médian qui va à la macula du saccule et à l’ampoule postérieure. Peu après parut le mémoire d’Ercisry (4) sur le nerf auditif. Pour cet auteur le nerf vestibulaire est composé de gros tubes médullaires avec cylindre axe. L'auteur a vu les incisures de LAUTER- MANN, le manchon de mryéline. Le nerf cochléaire serait constitué par des fibrilles plus minces et presque amyéliniques et contiendrait entre ses fibres des amas de cellules ganglionnaires. L'auteur n’a jamais vu de noyaux sur les fibres du nerf cochléaire. C’est donc ce nerf qui est formé par des fibres plus grèles entourées d’une couche moins épaisse de myéline et non le nerf vestibulaire ainsi que le fait dire DEBIERRE à cet auteur, dans son traité d’Anatomie. M. le Professeur Coyne (2), dans sa thèse d'agrégation d’abord et dans le Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales ensuite, reconnait au nerf auditif deux branches principales, la branche vestibulaire et la branche cochléaire. La première présente un ren- flement constitué par des cellules ganglionnaires, décrit par ScarpPa, et donne naissance aux rameaux qui se distribuent au vestibule; la seconde se rend au limaçon, traverse le ganglion spiral et, de là, ses fibres se rendent les unes directement à l’organe de Corri, les autres se recourbent de façon à suivre pendant un certain parcours un trajet parallèle au bord externe du ganglion de CorrTr pour se reporter vers la périphérie, se mêler à d’autres fibres radiaires situées plus haut et aboutir à la crête spirale auditive. M. le professeur Cove n'aurait jamais vu le ganglion de BoerrCHer. Quant aux origines du nerf acoustique, M. le professeur Coyne admet avec MEyneRT quatre noyaux ou amas de substance grise donnant naissance aux racines du nerf auditif : 4° Le noyau interne, situé en dehors de l’eminentia teres ; ce noyau dans sa partie moyenne correspond aux stries médullaires; 2 Le noyau externe ou latéral occupant la moitié interne du pédoncule céré- belleux (corps restiformes) ; 3° Le noyau antérieur situé plus en avant que le précédent ; il est placé entre le trou du nerf auditif qui le limite en dedans et la partie externe et antérieure du corps (1) Eruisky. — De la structure du nerf auditif. Arch. de Neurol., janv.1882, (2) Coyne. — Thèse d’agrégation. Id. Articl. Oreille (Dict. encycl. des sciences méd.) 98 A. CANNIEU restiforme qui le circonscrit en dehors ; 4 Le noyau constitué par des amas de cellules nerveuses placées au niveau de l'émergence du nerf vers la protubérance annulaire. Bien que le mémoire publié par le professeur FERRÉ (1) ne traite pas spécialement du nerf auditif, il décrit bien les rameaux destinés aux ampoules ; il étudie même leur structure, après leur passage à travers les parois osseuses. Les troncs nerveux, d’après cet histolo- giste, se rendent aux ampoules en se dégageant des filets qui vont à l’utricule. Ils traversent la zone conjonctive et se divisent en deux faisceaux qui se rendent aux deux versants des crêtes auditives. La myéline existe sur les filaments jusqu’à ce qu’ils soient arrivés au . basement-membrane de l’épithélium. La même année, RerTzius (2) étudie de nouveau la structure du nerf auditif. Les fibrilles de ce nerf sont pourvues d’une gaine de SCHWANN, d’une enveloppe de myéline, d’un cylindre-axe, d’un noyau par segments, segments déterminés eux-mêmes par des étranglements. . Miixe-Epwarps (3) admet la division du nerf auditif en deux rameaux principaux. L'un se rend au limaçon et l’autre au vestibule. En 1885, BEcHLEREW, ONUrFROWICZ (4), FREND (5) étudient les noyaux d'origine de l’acoustique. Pour le premier de ces auteurs, des fibres venant des noyaux de l’acoustique prennent une direction transver- sale et vont aux corps trapézoïdes et à l’olive du côté opposé. Onu- FROWICZ ne voit pas de relations entre l’acoustique et le noyau de Deiters, Ü en serait de même pour le noyau inférieur, avec lequel toute connexion serait douteuse. Le noyau antérieur, au contraire, est l’homologue d’un ganglion spinal. Enfin le noyau de la racine antérieure est situé derrière le vermis cerebelli ou bien dans la substance grise du quatrième ventricule. Les stries médullaires ne seraient pas non plus en relations avec le nerf auditif. Pour FRENp l’acoustique a deux racines qui suivent deux trajets prin- cipaux pour aboutir au noyau antérieur et inférieur. L'auteur décrit encore les rapports de ces racines avec les différentes couches des olives. (1) Ferré. — Contribution à l'étude des crêtes audilives chez les vertébrés, 1883. (2) Rerzius. — Das Gehôrorgan der Wierbelthiere. Morphol. histolog. von G. Ret- zius. Stokholm, 188%. (3) Mizxe-Epwarps. — Annales des Sc. nat., Zool., tome XVI, 1885. (4) Oxurrowicz. — Experimentaler Beitrag zur Kenntniss des Ursprunges des Acusticus beim Kanninchens Arch. f. Psych. Bd, XVI, 5. (5) FREND. — Zur kenninnitz der Olivenz Wissenschicht. Neurol. Centr. 18%5. RECHERCHES SUR LE NERF AUDITIF 99 Pendant que ces auteurs étudiaient les noyaux de l’acoustique, M. le professeur FERRÉ (1) faisait des recherches sur les ganglions intra-rocheux du nerf auditif. Pour lui, les ganglions seraient au nombre de trois, le ganglion de Scarpa, celui de BoETTCHER et celui de RoseNTHAL ou de CorrTi. Ces trois ganglions sont situés sur des branches différentes du nerf acoustique. Le ganglion de Scarpa et celui de. BoertTcuer ont des cellules semblables, comme volume et comme forme. Les cellules nerveuses qui constituent ces trois gan- glions sont toutes bipolaires. Nous n'insisterons pas sur l’analyse de cet intéressant travail; nous y reviendrons au chapitre II. La même année, dans un second mémoire, BECHTEREW (2) admet pour le nerf acoustique deux racines ; une racine antérieure surgis- sant de la partie interne des corps restiformes pour constituer le nerf vestibulaire, et une racine postérieure, qui naîtrait de la partie externe de ces corps pour former le nerf cochléaire. Ces racines n'auraient pas de relation avec le cervelet. Peu de temps après, BaGinsky (3), dans ses recherches expéri- mentales, obtient, dans le noyau antérieur et dans le tubercule acoustique, des atrophies consécutives à la destruction du limaçon. Il peut également observer les stries médullaires et les deux olives supérieures en état sensible d’atrophie. En 1887, Monaxow (4) note, dans un premier mémoire, des dégénérescences secondaires dans les olives, dans les fibres arciformes et les stries acoustiques du côté de la lésion. D’après Enncer (5), le noyau antérieur est le lieu de terminaison des fibres de la racine postérieure de l’auditif. De ce noyau anté- rieur partent des fibres transversales et des fibres antéro-postérieures. Les fibres antéro-postérieurs se rendent en partie au plancher du qua- trième ventricule, et prennent le nom de stries acoustiques ou de barbe du Calamus, en partie au noyau interne de l’acoustique et l’unissent de la sorte au noyau antérieur. (1) FERRÉ. — Des ganglions intra-rocheux du nerf auditif chez l’homme. Compte- rendu Acad. Sc. 1885. (2) BecareRew. — Ueber die innere Abtheilung des Strickkorpers und den achten Hirnnerven Neurol. Central. 1885. (3) Bagiwsky. — Ueber den Ursprung und den centralen Verlauf des Nervus acusticus des Kanninchens Virchow’s Archiv. Bd. CV. 1886. (4) Monakxow. — Correspondenzblatt. fur Schweizer Aerste, 1887, (5) EniNGer. — Berlin. Klin, Woch, 1886, 100 A. CANNIEU Pour les fibres transversales et ventrales, elles partent du noyau antérieur, passent les unes au-dessous de l’olive supérieure voisine, pour ailer à l’olive du côté opposé, les autres vont directement à l’olive du même côté. Ce système de fibres transversales forme une espèce de nappe quadrilatère à laquelle on donne le nom de corps trapézoïdes. Pour ScaWwaALBE (1), 1887, le nerf auditif, en sortant de la moelle allongée, est constitué par trois rameaux, le rameau supérieur ou vestibulaire, se distribuant au saccule et aux canaux semi-circulaires antérieur et externe; le rameau médian, qui va à l’utricule et à l’ampoule postérieure ; enfin, le rameau inférieur et antérieur allant au limaçon. Des ganglions se trouvent sur le trajet de ces difré- rentes branches nerveuses : c’est ainsi que le ganglion de Scarpa est situé sur le rameau vestibulaire, le ganglion de BoTTCHER sur le nerf médian et le ganglion spiral ou de Conti, sur les branches divergentes du nerf cochléaire; de plus, avant d'arriver à l’ampoule postérieure, le nerf qui lui est destiné traverserait un petit ganglion. Entre le ganglion de Scarpa et celui de BOœTTCHER, l’auteur admet une anastomose formée par une mince bande de cellules ganglion- naires. Dans un ouvrage précédent, SCHWALBE admet trois noyaux d'ori- gine pour le nerf auditif, ce sont : 1° Un noyau central situé sur le plancher du quatrième ventricule ; 2° un noyau accessoire représen- tant le noyau latéral des racines antérieures de KRAUSE ; 3° un noyau latéral correspondant au noyau médian des racines antérieures de cet auteur. BecaTEREW (2) revient sur les noyaux d'origine de l’acoustique. Il combat les idées d'EpiNGER et nie toute connexion entre l’acous- tique et le cervelet, Les racines ascendantes de l’acoustique sont considérées par cet auteur comme les prolongements des deux portions principales de la racine antérieure et non pas comme ceux de la corde du cervelet. Bumm (3), comme BaGinsky, observe à la suite de ses recherches expérimentales, une atrophie des olives et des corps trapézoïdes (4) Scuwazse. — Lehrbuch der Anatomie der Sinnesorgane. Erlangen, 1887. (2) Becarerew — Zur Frage über der Ursprung der Hürnerven und über die physiologische Bedeutung der N. Vestibularis. Neurol. Cent., 1887. (3) Bumm.— Experimentaler Beitrag zur Kenntniss, des Hôrnerven Ursprungs des Kaninchens. Allgemeine Zeitschriit für Psychiatrie, 1859. RECHERCHES SUR LE NERF AUDITIF 101 du côté opposé à la lésion. Le tubercule latéral et le noyau anté- rieur étaient également diminués de volume. WiEDERSHEIM (1), dans son Anatomie comparée, considère le nerf auditif comme formé par un tronc unique qui se divise en deux rameaux. Le rameau vestibulaire se distribue à toutes les taches et aux ampoules, excepté à celle du canal semi-circulaire postérieur. Le nerf cochléaire va au limaçon et envoie un rameau vers l’am- poule postérieure. C’est cette disposition que nous voyons exposée par Tesrur dans son traité d’Anatomie descriptive. La même année Monakow (2) et Bacinsxy (3) étudient de nou- veau les noyaux d’origine du nerf acoustique. Le premier observe l’atrophie de l’olive supérieure, la réduction des stries acoustiques, la fragmentation du noyau antérieur, l’absence de fibres dans les corps trapézoïdes. Ces lésions étaient consécutives à la destruction du limaçon. Ces premiers résultats avaient été obtenus chez le chien, Monaxow fit porter également ses expériences sur le chat et obtint à peu près les mêmes résultats. Quant à BaGinsky, après avoir enlevé le limaçon, il observe des atrophies plus ou moins marquées dans le noyau antérieur, dans le tubercule acoustique, dans les stries médullaires, les corps trapé- zoides et l’olive supérieure du même côté de la lésion et même du côté opposé à cette dernière. Dans la dernière édition de son traité technique d’Histologie, RANvIER (4) passe en revue les différentes parties constituant l'oreille interne chez les mammifères. Il dit fort peu de choses sur le nerf auditif. Quant à la structure de ce nerf, il l’étudie chez le brochet, où la longueur et les dispositions spéciales des fibres nerveuses rendent particulièrement favorable leur observation. Il admet une membrane de ScHwann, des étranglements annulaires, une enveloppe de myéline qui se continuerait, chez les poissons, au-dessus des cellules bipolaires. Il refuse aux mammifères cette dernière parti- cularité ; chez eux, la couche de myéline s'arrête au niveau des pôles de la cellule. (1) WiEDERSHEIM. — Manuel d'Anat., trad. française. 1890, Paris. (2) Monakow. — Striæ acuslicæ und unlere Schliefe. Arch. f. Psychiatrie, 1889. (3) Bacinsky. — Ueber den Ursprung und dei Centralen Verlauf des N. Acusticus des Kaninchens und der Katze. Virchows Archiv. 1890. Bd, CIXX. (4) Ranvier. — Traité technique d'Histologie. : 402 A. CANNIEU Hezp (1) continue la série des auteurs qui se sont occupés de la question si difficile des origines du nerf de la huitième paire. Le nerf cochléaire envoie une partie de ses fibres dans le noyau anté- rieur, une autre dans le tubercule acoustique, une troisième portion se rend à ces deux noyaux. De ces amas de substance grise partent deux systèmes de fibres, un ventral et l’autre dorsal. Les fibres du nerf vestibulaire se dirigent vers le noyau acous- tique postérieur, vers le noyau vestibulaire principal et enfin vers le noyau de Deiters. De plus, ce nerf est en relation avec le cervelet par des bandelettes de fibres nerveuses. Nous devons encore signaler le mémoire de BECHTEREW (2). Cet auteur ne croit pas que l’on puisse comparer les stries acoustiques du lapin aux stries qu’on observe chez l’homme. Chez ce dernier, en eftet, elles ne sont pas en connexion avec l’acoustique. KiRILZEW (3) ne considère pas les noyaux inférieurs et celui de DeiTers comme les points terminaux des fibres du nerf acoustique en général, et encore moins de celles des racines inférieures. Le noyau antérieur, le tubercule acoustique et les olives supérieures sont les centres des fibres de ce nerf. Les faisceaux nerveux qui forment les corps trapézoïdes sont les fibres radiculaires du nerf acoustique et ne sont pas détournés de leur trajet par les cellules ganglionnaires des olives supérieures. En 1891 d’abord, puis dernièrement, SaLa a publié deux excellents mémoires sur les racines du nerf acoustique (4). Pour lui, le noyau antérieur est seul le point d’origine des racines du nerf acoustique. Les fibres qui vont aux corps trapézoïdes partent du noyau anté- rieur d'où elles naissent. Il en est de même pour celles qui vont se mettre en rapport avec les olives. Dans la racine antérieure de l’acoustique passeraient les fibres provenant des corps restiformes. (4) Hezn. — Die centrallen Bahnen des Nervous acusticus bei der Katze Arch. f. Anat. ùnd Endwickelungsgeschicte, 1891. (2) Becurerew. — Zur Frage über die Srrit MÉDULLARES der verlängerten Markes, Neurol. Centr. 1892, (3) Kirizzew. — Zur lehre vom Ursprung und centralen Verlauf des Gehôrnerven, Neurol. Centr. 1892. (4) SaLA. — Sur l’origine du nerf acoustique. Arcliv. Ital. de Biol. 1891. 1, — Origines du nerf acoustique. Archiv. für mikroskopische Anatomie, t. XLII, fase. 1, 25 août 1893. RECHERCHES SUR LE NERF AUDITIF 103 La portion périphérique du noyau antérieur pourrait être considérée comme l’analogue des ganglions spinaux. Nous avons vu combien étaient nombreuses les opinions émises par les auteurs qui se sont occupés du nerf acoustique et combien cette question soulève de problèmes scientifiques d’un haut intérêt. Aussi nous proposons-nous, après avoir étudié le nerf auditif chez plusieurs types de mammifères (chapit. III), de revenir sur les faits exposés, de les apprécier après les avoir synthétisés, et de tirer les conclusions auxquelles nous aura amené une observation minu- tieuse, conduite sans idée préconçue (chap. IV). 104 A. CANNIEU CHAPITRE II TECHNIQUE Nous ne parlerons pas longuement des méthodes employées, nous nous réservons de revenir sur ce sujet au moment où nous publie- rons nos recherches sur les terminaisons nerveuses de l’acoustique ; nous ne rapporterons même dans ce chapitre que les généralités techniques, renvoyant aux paragraphes spéciaux une foule de détails qui y trouveront plus naturellement leur place. I.— RéacrTirs FIXATEURS. — 1.) L’acide osmique est sans contredit le réactif qui nous a donné les meilleurs résultats. Cet acide (1/100) employé par RANVIER, RETZIUS, Coyxe et Ferré, fixe bien les éléments et nous a permis d'étudier le nerf acoustique dans la partie com- prise dans le conduit auditif interne. Toutefois, pour colorer la couche de myéline des fibrilles nerveuses, situées dans les cavités labyrinthiques, nous nous sommes servis de la solution au 1/%, qui seulement alors fait apparaître en noir ce manchon protecteur qui échappe à l’action trop faible de la première solution. 2.) Le sublimé, dissous à saturation dans l'alcool absolu, est également un excellent fixatif. Ce réactif que nous avons vu employer dans le laboratoire du professeur KunsTLer permet facilement toutes sortes de colorations sans noircir les objets qu’on soumet à son action. Nous nous sommes également bien trouvés du réactif de M. le professeur agrégé DE NaBias (sublimé, acide acétique et alcool) dont la formule est rapportée dans la thèse du D' FROMAGET (1). 3.) Nous ne parlerons de l'alcool absolu, de l’acide chromique et des autres réactifs fixateurs ; ils nous ont paru de beaucoup inférieurs à ceux dont nous venons de parler. IT. — DécaLciricaTion.— L'emploi des liquides décalcifiants (qu’on ne peut éviter) présente de nombreux inconvénients. Il est difficile, en effet, de trouver un réactif dont l’action soit à la fois assez rapide et ne nuise pas à la forme des cellules et aux rapports des éléments. 1.) L’acide picrique à sursaturation est un bon décalcifiant, il con- serve assez bien les tissus, mais son action est des plus lente. (1) FRomAGer. — Contribution à l'Etude de l'Histologie de la Réline. Thèse, Bordeaux, 1892. —— RECHERCHES SUR LE NERF AUDITIF 105 C'est ainsi que des rochers d’enfants de six mois étaient à peine décalcifiés au bout de deux mois, que ceux du chat ne pouvaient subir les manipulations ultérieures qu'après trois semaines ou un mois. De plus les colorations, après un séjour aussi prolongé dans cet acide, perdaient de leur netteté et s’efflectuaient avec difliculté. 2.) Le liquide Marsh (Eau, acide azotique et acide chromique) agit avec beaucoup plus de rapidité que l’acide picrique. Il altère tou- tefois fortement les éléments anatomiques. 3.) Nous n’avons pas à nous louer de l’acide chromique, de l'acide chlorhydrique ou formique et ceux que l’on recommande, en général, dans les traités techniques. Aussi avons-nous cherché un liquide qui teint à la fois par les divers ‘éléments, entrant dans sa constitution, du liquide de Mars, recommandable par la rapidité avec laquelle il agit sur les fragments osseux, et des réactifs qui décalcifient tout en laissant relativement intacts les éléments anatomiques. Nous nous sommes donc arrêtés, après un grand nombre de tâtonnements, à la formule suivante : Acide picrique en excès dans la solution. Acide 1aZ0 que ET NN OM DECentiSr AIc0oMAND A RE MOD Mcrammes Nous plongeons nos rochers dans ce liquide, au bout de huit jours au plus la décalcification est complète. Ici, comme on peut le voir, l’alcool remplace avantageusement l’eau de la formule de Marsh, l'acide picrique est plus actif que l'acide chromique, aux doses auxquelles ce dernier est habituellement employé, de plus il conserve tout aussi bien que lui, sinon mieux, les éléments nerveux. Quant à l'acide azotique, dont l’action est funeste aux tissus, nous avons cru nécessaire d’en alténuer les inconvénients en diminuant les proportions ; si même nous ne nous ea sommes pas entièrement passé, c’est que, ainsi que nous l’avons dit plus haut, l'acide pi- crique employé seul demandait trop de temps et que, d'autre part, le séjour trop prolongé dans cet acide nuisait aux différents modes de coloration. Toutefois, il est nécessaire de faire remarquer qu'il ne faut pas songer à employer, même avec le réactif dont nous donnons Ja formule, la méthode de GozGr. Quant à celle de VIALLANEs, elle ne donne pas les. résultats qu'on pourrrait en attendre. 106 A. CANNIEU III. — RÉACTIFS COLORANTS. 4.) Nous nous sommes servi des méthodes au picro-carmin de RANVIER, au cCarmin boraté ou bien encore au carmin aluné. Ces différents procédés nous ont fourni des renseignements suffisants au point de vue des rapports des éléments qui constituent le nerf auditif. 2.) La méthode d'HEIDENHAIN nous a donné de bons résultats; et, bien que l’étude du nerf auditif ne semble guère demander des réactifs spéciaux, nous avons trouvé dans l’hématoxyline à l’alun un précieux auxiliaire pour suivre les fibrilles nerveuses dans le bulbe, pour déterminer la forme des cellules nerveuses et étudier les particularités remarquables qu’elles présentent. Malheureurement, dans cette étude, la méthode dont nous parlons ne saurait se substi- tuer à celle de GoLcr, qui seule aurait pu nous donner certains renseignements utiles : les réactifs décalcifiants créent un terrain défavorable au dépôt de chromate d'argent, qui se localise normale- «ment sur les fibrilles nerveuses; ils empêchent par conséquent cette méthode de réussir. Voici la formule de l’hématoxyline employée : Solution alcoolique saturée d’hématexyline 1 partie Solution de glycérine saturée d’alun de potasse) | ; au distiliée 2.200 MM NE FN HR Fa in, D CE IV. — INCLUSION DES OBJETS. MONTAGE DES COUPES. Les inclusions ont été faites à la celloïdine et à la paraffine. Cette dernière surtout nous à permis d’obtenir facilement des coupes en séries. Nous avons employé le chloroforme comme dissolvant de la paraïline. Il nous à paru dans ces circonstances bien supérieur à l’essence de cèdre, de bergamotte, au xylol, à la benzine ou à l'essence de thérébentine. Après déshydratation dans l'alcool absolu, nous laissons les rochers une 1/2 heure ou 3/4 d'heure dans le chloroforme. Puis nous les portons dans un bain de parafline fondant à 36°; nous les sortons de ce bain pour les plonger dans un mélange de paraffine à 48° et à 54° en variant les propostions d’après la température extérieure. Le séjour des rochers dans ce dernier bain varie de 12 à 24 heures, selon leur volume. Moins de temps entrainerait une imprégnation incomplète et l’impossibilité d’obtenir des coupes entières. Enfin nous montons dans le baume ou le vernis à tableau, après collage des coupes sur les lames et après les avoir débarrassées de la paraîfine au moyen du xylol. RECHERCHÈES SUR LE NERF AUDITIF 107 CHAPITRE III EXPOSÉ DES FAITS A HOMME Chez l’homme, les coupes en séries se font avec la plus grande difficulté. On peut, il est vrai, obtenir assez facilement des coupes éparses, mais ces dernières pe sont que d’un faible secours. Sur une vingtaine de rochers humains, nous avons une fois réussi des coupes en série. Heureusement elles sont riches en renseignements et nous permettent de retrouver chez l’homme des dispositions déjà observées chez les autres mammifères. Jamais nous n'avons rencontré chez l’homme le prolongement bulbaire, que nous avons toujours observé chez la souris, le rat et le chat. Nous n'avons jamais vu la substance médullaire faire saillie dans le conduit auditif interne. Ce conduit est occupé, à son entrée même, par un tronc nerveux qui peut avoir quelques dixièmes de millimètre à peine de longueur. Dans la partie supérieure de ce conduit et dans l’atmosphère cellulaire où se trouve le nerf auditif, on aperçoit, à la simple dissection, ou bien encore sur les coupes, deux sortes de faisceaux nerveux, se séparant du tronc même du nerf acoustique, faisceaux qui constituent le nerf cochléaire et le nerf vestibulaire. [. — Si on examine d’une façon plus attentive et à un grossisse- ment plus fort le point d’émergence de ces deux nerfs, on voit que, même dans le tronc principal, ils sont plus ou moins distincts lun de l’autre et qu’une cloison conjonctive paraît diviser ce tronc nerveux en deux parties principales. Cette division n’est pas très nette cependant, et l'aspect qu’elle présente est loin de ressembler à celui qu'on peut observer chez les mammifères qui 108 À. CANNIEU ont fait l’objet de notre étude. Aussi, chez l’homme, peut-on admettre facilement un tronc principal se divisant bientôt en deux rameaux. À un certain endroit, à quelques dixièmes de millimètre du méat auditif interne, on voit le nerf supérieur et postérieur se diriger dans un sens opposé au nerf cochléaire et se séparer de lui suivant un angle obtus. Bientôt les fibres de ce nerf aboutissent à un amas ganglionnaire (ganglion de Scarpa) assez volumineux, composé de cellules nerveuses bipolaires, sur lequel d’ailleurs nous reviendrons plus loin. Ce ganglion se prolonge en haut et en arrière sous forme de bande ganglionnaire et va jusqu’à la tache criblée antérieure. Là, à travers cette tache criblée, il fournit un certain nombre de fibrilles nerveuses, qui traversent la paroi et se séparent en trois faisceaux principaux allant aux ampoules supérieures et externes ainsi qu'à la tache acoustique de l’utricule. L’amas de cellules ganglionnaires, qui constitue le ganglion de Scarpa, diminue de plus en plus de volume jusqu’à l'endroit où les fibres nerveuses pénètrent dans le vestibule. Däns son trajet, cette chaîne ganglionnaire est suivie par le facial et l’intermédiaire de WrisBerG et même la partie supérieure et postérieure de ce dernier nerf contient quelques cellules nerveuses bipolaires, absolument comparables sous le rapport de la forme et du volume à celles du ganglion de Scarpa. Au niveau du point où les fibres nerveuses surgissent du ganglion pour aller dans le vestibule, commence l’aqueduc dé Farrope où pénètre alors le facial et l'intermédiaire. Les quelques cellules que l’on observait sur les parties supéro-postérieures de ce dernier disparaissent et bientôt ces deux nerfs plongent dans un amas ganglionnaire placé à la partie externe du rocher que comprend notre coupe (ganglion géniculé). Il importe, avant d’aller plus loin, de faire ressortir un point capital. C’est que l’intermédiaire de WrisBerG recoit des filets nerveux anastomotiques venant du ganglion de Scarpa. Ce fait viendrait donc confirmer les observations d’ArNozp et d’'ERBIskY, qui avaient déjà obsérvé une pareille disposition chez l’homme et plusieurs mammifères. Revenons au ganglion de Scarpa, au point où il recoit les fibres qui se détachent du tronc principal du nerf auditif. C'est à ce niveau que cét amas de ce‘lules bipolaires acquiert tout son volume. Nous avons dit qu’il envoyait un prolongement en haut et en arrière, RECHERCHES SUR LE NERF AUDITIF 109 prolongement qui donne naissance aux fibres de la tache criblée antérieure. Si nous suivons ce ganglion en bas et en avant, dans la direction même du nerf cochléaire, nous voyons que les cellules nerveuses qui le constituent, contournent la paroi qui sépare le conduit vestibulaire du conduit cochléaire, s’insinuent entre la paroi supérieure de ce dernier pour suivre parallèlement le nerf cochléaire. Dans son trajet, cette portion du ganglion de Scarpa s’amincit et ressemble à la bande ganglionnaire qu’il envoie en haut et en arrière. De plus, cette bande reçoit des fibres non seulement du nerf vestibulaire, mais encore du tronc même de ce nerf et même du nerf cochléaire lui-même, dans la portion la plus inférieure de ce rameau. Cet aspect est représenté dans la figure 1. Dans cette figure dessinée d’après une de nos coupes, il est possible d'observer seulement le nerf cochléaire et une petite portion des cellules gan- glionnaires, qui constituent la bande cochléaire du ganglion de Scarpa. Cette disposition explique facilement l’erreur des histologistes qui admettent l’existence du ganglion de Borrrcxer et les descriptions de Rerzius, qui prétend avoir observé dans le canal cochléaire, deux rameaux ; l’un le nerf du limaçon et l’autre le nerf médian destinés au saccule et à l’ampoule postérieure. Si l’on examine une série complète de coupes, on s’aperçoit bien vite que les différents amas ganglionnaires, décrits par les auteurs sur chaque branche nerveuse, dépendent tous d’un seul et même ganglion dont ils ne sont que des parties diverses, vues à des niveaux différents. Sur son parcours, cette bande de cellules ren- contre les deux autres taches criblées, elle envoie vers elle des faisceaux nerveux qui les traversent pour se rendre à la tache auditive du saccule et à la crête acoustique de l’ampoule posté- rieure. Enfin, à son extrémité terminale, cette bande fournit des faisceaux, peu nombreux chez l’homme, qui se dispersent en éventail pour se distribuer à la partie inférieure du 4° tour de spire. Avant de terminer cet aperçu rapide sur le nerf auditif chez l'homme, il nous reste encore à dire quelques mots sur le nerf cochléaire et les ganglions en général. IT. — Le nerf cochléaire se rend au limaçon. Après un parcours qui ne présente d’autres particularités que celles dont nous avons parlé plus haut, il pénètre dans l’axe du limaçon en subissant une torsion x sur son axe. Il laisse échapper à sa périphérie une foule de fibrilles 110 A. CANNIEU nerveuses qui se réunissent en faisceaux et vont à travers les parois de l’axe se perdre dans le ganglion spiral ou ganglion de Corri. Ces faisceaux sont de deux ordres, les ‘uns vont directement au ganglion de Corri ; les autres se dirigent plus ou moins obliquement pour y pénétrer à un niveau plus élevé que celui où ils ont pris naissance. IT. — Quant au ganglion de Corri, 11 a été bien étudié dans ces dernières années par M. le professeur FERRÉ. Nos recherches concor- dent en tout point avec celles du savant professeur de Bordeaux. Les cellules du ganglion de Scarpa ne sont pas toutes du même volume. En général elles ont de 27 à 32 x, selon leur plus grand diamètre ; leur plus petit est de moitié moindre. Nous reviendrons, dans un paragraphe spécial, sur la structure de ces cellules gan- glionnaires qui, en somme, sont construites sur le même type. Aussi nous n'insisterons pas sur des points où les différents auteurs s'accordent généralement ; nous ne pourrions que répéter leurs descriptions en général et celles du professeur FERRÉ et CoyNE en particulier. B RUMINANTS Ï. — Ovidés. — Nous avons étudié l'oreille de ces animaux chez le fœtus seulement. Chez l’adulte, l'épaisseur des parois est un obstacle pour les coupes en séries. Encore faut-il, pour obtenir des résultats suffisants, s'adresser à des embryons ne dépassant pas trois ou quatre mois. Quelque incomplets que soient les renseignements fournis par des formes aussi jeunes, nous verrons au chapitre sui- vaut qu'ils sont loin d’être inutiles et qu'ils viennent appuyer plu- sieurs des conclusions que nous tirons de l’exposé des faits. Chez un embryon de quatre mois et demi environ, l'oreille est peu développée. Les coupes que nous avons faites sont en général parallèles au grand axe du rocher. I}. D'abord on voit apparaître les filets nerveux qui constituent le facial; ils sont situés dans un espace clair, rempli de tissu con- jonctif de forme lenticulaire. Ces filets constituent un nerf se ren- flant en forme de fuseau et présentant, au niveau du renflement, des cellules ganglionnaires (ganglion géniculé). RECHERCHES SUR LE NERF AUDITIF A4 A mesure qu’on examine les séries de coupes colorées au picro- carmin ou à l’hématoxyline, on voit les faisceaux nerveux se diri- ger peu à peu vers la partie interne du rocher, jusqu’au point où ils s'unissent avec une masse nerveuse beaucoup plus volumineuse, située en dehors du rocher, contre la paroi interne du crâne. Les cellules nerveuses du ganglion géniculé ont disparu bien avant d’ar- river aux coupes qui présentent cet aspect. Bientôt, cependant, apparaïssent de nouvelles cellules nerveuses en petit nombre séparées les unes des autres ; puis, ces cellules deviennent plus nombreuses et ne tardent pas à former un amas ganglionnaire de petite dimension tout d'abord, qui aug- mente de volume dans les préparations suivantes. Ce ganglion est situé à la partie inférieure de la masse des fibres nerveuses qui constituent les parties internes du facial ; il est donc placé contre la face interne de la paroi du rocher. Bientôt, de ces cellules gan- glionnaires, se détachent des fibres nerveuses, qui se dirigent en arrière et en dehors vers l’épithélium de la crête acoustique de l’am- poule supérieure. Nous avons affaire ici à cette portion du nerf vestibulaire qui apparaît la première dans les coupes faites de haut en bas, et les cellules nerveuses auxquelles elle aboutit constituent la partie supérieure du ganglion de Scarpa. Bientôt apparaissent les autres subdivisions du rameau ampullo-utriculaire; on observe tout d’abord le rameau qui se rend à l’ampoule externe et ensuite celui qui inuerve la tache acoustique de l’utricule. Ces difiérents rameaux, par leur réunion, forment le nerf utriculaire, qui va se perdre dans le ganglion de Scarpa. La tache criblée n’est pas encore formée chez les embryons que nous avons examinés, de.telle sorte que les fibres nerveuses parcourent un canal occupé par du tissu cellulaire assez lâche avant d'arriver à l’épithélium des crêtes et de la tache acoustique. Le ganglion de Scarpa suit la paroi interne du rocher en se dirigeant en avant vers l’orifice qui donne issue au nerf cochléaire. Ce ganglion, qui atteint à ce point son maximum de volume, y reçoit le nerf vestibulaire, fort court chez les embryons de brebis. Au niveau du méat interne du conduit auditif, le ganglion de Scarpa rentre dans ce conduit, en suivant la paroi osseuse qui le soutient et envoie une bande ganglionnaire parallèlement au nerf cochléaire. Cette bande devient insensiblement moins volumineuse jusqu’à l'endroit où elle finit. Dans son parcours, cette chaîne ganglionnaire 112 A. CANNIEU envoie des faisceaux nerveux vers l’utricule, pendant que des fibres nerveuses s’en détachent, se dirigeant vers l'ampoule postérieure et que d’autres naissent de son extrémité pour se joindre aux faisceaux du nerf cochléaire qui forment éventail dans le premier tour de spire. Le ganglion de Scarpa serait donc ici constitué par un amas de cellules ganglionnaires, sa forme est allongée d’avant en arrière. La partie postérieure de ce ganglion donne naissance au nerf vestibu- laire; la partie antérieure qui longe le nerf cochléaire envoie trois gaisceaux nerveux se rendant au tour de spire inférieur du limaçon, à l’ampoule postérieure et à la tache acoustique du saccule. Les cellules de ce ganglion n’ont pas toutes la même taille, et on se rend facilement compte que certaines d’entre elles n’ont pas encore achevé leur évolution. Elles sont bipolaires et ovoiïdes ; Jles plus grandes seules paraissent entourées d’une capsule, à l’inté- rieur de laquelle on remarque un noyau assez volumineux accolé à la paroi capsulaire. IL.) Le nerf cochléaire est moins volumineux que le nerf vestibu- laire et se trouve ordinairement à un stade de formation moins avancé que ce dernier. Nous savons d’ailleurs, par l’Anatomie comparée, que ce nerf existe seulement chez les formes supérieures, et l’'Embryologie nous apprend qu'il ne se développe qu'après l’appa- rition du nerf vestibulaire. Indépendamment des fibres nerveuses que le nerf cochléaire envoie de concert avec celles du nerf vestibulaire au premier tour de spire du limaçon, on observe encore, vers l'entrée du conduit auditif, une sorte d’anastomose entre les fibres du nerf cochléaire, le ganglion de Scarpa et les fibres du nerf vestibulaire. Quant au ganglion de Conti, il forme à quelque distance du nerf cochléaire un amas ovalaire, composé de cellules bipolaires. Les cellules de ce ganglion sont à peines formées et ne nous arrêteront pas plus longtemps dans notre description. Les coupes faites dans des plans différents viennent corroborer les observations que nous venons d'exposer. 2) Bovidés. — Les embryons de bovidés nous offrent les mêmes dispo- sitions générales. Le ganglion de Scarpa est plus volumineux au niveau du point où les fibres nerveuses, venant de la moelle allongée, pénètrent au milieu de l'amas des cellules ganglionnaires. Ce ganglion est situé en RECHERCHES SUR LE NERF AUDITIF 113 grande partie au dehors du conduit auditif interne. Il envoie deux prolongements, l’un supéro-postérieur qui fournit les nerfs utriculaires et ampullaires supérieurs et externes, et l’autre qui se dirige en avant et en dehors. Cette dernière bande ganglionnaire parcourt le canal cochléaire entre la paroi supérieure et postérieure du canal auditif et le nerf cochléaire. De cette bande, naissent le nerf saccu- laire et le nerf ampullaire postérieur, ainsi que des fibres nerveuses, qui, s’échappant de son extrémité terminale, vont se distribuer aux parties les plus inférieures du premier tour de spire du limaçon. Les cellules ganglionnaires sont beaucoup plus petites que chez l'embryon de brebis. L'épaisseur rapide qu’atteignent les parois des cavités de l’oreille interne chez le fœtus des bovidés nous a obligé à porter nos recherches sur des animaux encore plus jeunes que chez cette dernière. Quant à la partie cochléaire de ce nerf, elle ne présente rien de particulier. Sa description ne serait autre chose que la répétition de ce que nous avons dit à propos du nerf du limaçon chez les embryons d’ovidés. C CHAT C'est surtout chez le chat que nous avons étudié l'oreille interne et la portion intra-rocheuse de l’acoustique. Déjà, avec M. le professeur Coyne, nous avons parlé des particu- larités remarquables que nous avaient présentées ces oreilles. Nos recherches récentes, plus étendues, confirment ces premiers résultats et nous permettent même d’y ajouter des faits nouveaux. I. — Chez le chat, le nerf vestibulaire et le nerf cochléaire surgissent du bulbe par deux racines bien distinctes, unies seulement dans l’in- térieur de la substance médullaire, où une partie de leurs fibres se mêlent les unes aux autres. La racine antérieure ou nerf vestibulaire pénètre quelque peu après sa sortie de la moelle allongée dans un amas de cellules ganglionnaires (ganglion de Scarpa). Ce ganglion à cet endroit possède sa plus grande largeur et s'étend en haut et en bas sous forme de deux branches, qui entourent [a cloison du 8 114 A. CANNIEU vestibule. Ce ganglion est plus large au point où il reçoit la racine vestibulaire. La branche nerveuse supérieure correspond par sa partie inférieure au facial accompagné de l'intermédiaire de WRISBERG, tandis que la branche antérieure et inférieure court parallèlement au nerf cochléaire. Si nous suivons la première de ces bandes ganglionnaires, nous voyons qu’elle se dirige vers la première tache criblée. Là, elle donne naissance à un grand nombre de fibrilles nerveuses, qui passent à tra- vers les pores de la tache criblée et dont l’ensemble constitue le nerf utriculaire proprement dit. Ce nerf, après avoir traversé la paroi osseuse du vestibule, se divise en trois faisceaux principaux, l’un se rend à la tache acoustique de l’utricule et les deux autres aux ampoules anté- rieures et externes. Le mode de distribution dans ces divers organes a très bien été décrit par MM. Coyne et FERRÉ; nous ne nous éten- drons pas sur ce sujet, nos recherches corroborent à ce point de vue celles de ces deux auteurs. Quant à la deuxième bande de cellules ganglionnaires, elle part également du ganglion de Scarpa, elle est située entre la paroi osseuse supérieure du conduit cochléaire et le nerf de ce nom. Dans la majorité des cas, on ne voit pas de fibres anastomotiques reliant cette bande ganglionnaire au nerf cochléaire. Quelquefois cependant il est possible d'observer des filets nerveux reliant cette partie du ganglion de Scarpa au nerf du limaçon. De cette bande ganglionnaire part un faisceau de fibres nerveuses, qui traverse la tache criblée moyenne et se rend à la tache acoustique du saccule, tandis qu’un peu plus loin s'échappe un nerf plus grêle que le précédent, qui sort de cette trainée ganglionnaire, passe par la tache criblée postérieure, pour aller à la crête acoustique de l’ampoule postérieure. La bande ganglionnaire continue toujours dans la même direction et on peut la suivre jusqu’au point où le nerf cochléaire pénètre dans l'intérieur du limaçon. Arrivé à cet endroit, elle envoie des faisceaux très grèles mais assez nombreux, constitués par des fibrilles nerveuses, qui vont rejoindre ceux qui proviennent du nerf cochléaire. Ces deux ordres de filets nerveux vont se distribuer aux cellules nerveuses constituant les premiers éléments de la papille spirale du limaçon. Entre le ganglion de Scarpa et l’intermédiaire de WRISBERG, On RECHERCHES SUR LE NERF AUDITIF 415 remarque le plus souvent les faisceaux anastomotiques décrits par ARNOLD et revus ensuite par ERLISKY. Ainsi donc, chez le chat, du ganglion de Scarpa s’échappent quatre filets nerveux dont trois innervent le vestibule et le qua- trième se distribue au dernier tour de spire. II. — Le nerf cochléaire commence chez le chat à quelques dixièmes de millimètre du méat du conduit auditif interne. Ce nerf est à peu près du même volume que le précédent, et, sur des coupes perpendicu- laires à sa grande direction, on peut déjà observer une légère torsion de haut en bas sur son axe. Ce nerf suit la bande des cellules ganglionnaires provenant du ganglion de Scarpa, et, après avoir parcouru dans toute sa longueur le canal cochléaire, pénètre dans l’axe du limacon. Ce nerf envoie des filets vers le ganglion de CorTI ou de RosENTHAL. Parmi ces fibres nerveuses, les unes s’y rendent direc- tement, tandis que les autres suivent le bord interne de ce ganglion pour constituer les fibres spirales internes qui disparaissent bientôt dans la ganglion de Cort. De cet amas spiral de cellules ganglion- paires partent également deux sortes de faisceaux fibrillaires; les uns sont radiaires et se dirigent immédiatement vers l'organe de Corri, les autres suivent le bord externe du ganglion spiral pour bientôt se terminer comme les premiers. Nous ne suivrons pas ces fibres dans l'organe de Corri, nous sortirions des limites que nous nous sommes imposées. IT. — Ganglions. — Ainsi qu’on vient de le voir, nous ne décrivons chez le chat que deux ganglions : le ganglion de Scarpa et celui de Corri. Les différents amas de cellules ganglionnaires admis par les divers auteurs sur le nerf vestibulaire ne constituent qu’un seul et unique ganglion, comme il ressort de l’examen de coupes en séries. C’est ainsi que Boœrrcner et bien d’autres après lui admet- taient un ganglion sur la branche utriculaire (ganglion de Scarpa), et un second ganglion sur le rameau vestibulaire (ganglion de BoœrrcHer). CorTI d’abord, puis ScHwaLBe, avancent qu’il existe un troisième ganglion sur le rameau nerveux se rendant à l’ampoule postérieure. Nous avons vu qu’il ne saurait en être ainsi et qu'on peut suivre une zone ininterrompue de cellules nerveuses ganglion- naires reliant ces amas qu’on pensait séparés. Les cellules du ganglion géniculé ont le même volume et pré- 116 A. CANNIEU sentent la même structure ou à peu près, que les cellules nerveuses du ganglion de Scarpa, nous ferons cependant remarquer que, chez le chat, les premières sont unipolaires. Les cellules du ganglion de Scarpa sont bipolaires et mesurent 30 « dans leur plus grand diamètre, et 20 & dans leur plus petit. Ces cellules possèdent un gros noyau arrondi mesurant lui-même 220. Quant au ganglion de CorrTi, nous n’en dirons que quelques mots. MM. Coyxe et Ferré, dans leurs différents mémoires, ont trop bien étudié cette question pour qu'il nous soit permis d’y revenir. Il est constitué par des cellules également bipolaires, ovoïdes, ayant 18 pu de longueur sur 14 w de largeur. Leur noyau mesure 5 x environ. IV. — Trajet bulbaire. — C'est d'abord chez le chat que nous avons étudié les origines de l’acoustique. L’étendue du rocher ne nous a guère permis de faire des coupes intéressant à la fois cet organe et le bulbe entier correspondant. Ce sont même ces difficultés qui nous ont engagé à nous adresser à un animal plus petit, la souris, que nous étudierons dans le paragraphe suivant. Dans le travail que nous avons présenté avec M. le professeur CoYNE, nous avions cru que le nerf auditif, chez le chat, se com- posait à son entrée dans le rocher d’un tronc principal, formé par la réunion du nerf vestibulaire et du nerf cochléaire. Nous avions observé sur ce prétendu tronc un amas ganglionnaire que le pro- fesseur Coyne avait décrit autrefois. Lors de nos premières recherches, nous avions constaté que le ganglion commençait brusquement à l’entrée du conduit auditif interne, et nous avions pensé que la majeure partie de ce dernier devait être située en dehors de ce conduit, entre le bulbe et le rocher, et que seule son extrémité externe pénétrait dans le conduit auditif. Nous primes alors nos dispositions et nous laissämes le plus possible de substance médul- laire adhérente au rocher. Nos prévisions ne nous avaient pas trompé; l’amas de cellules nerveuses était surtout volumineux en dehors du rocher et semblait même devenir de plus en plus épais à mesure qu’on l’observait dans la direction de la moelle allongée, avec laquelle il se continuait sans ligne aucune de démarcation. Nous avions donc affaire ici à un prolongement bulbaire, pro- longement pénétrant de quelques dixièmes de millimètre dans le conduit auditif. Déjà nous avions été frappé d’une différence de RECHERCHES SUR LE NERF AUDITIF 117 coloration entre le nerf cochléaire proprement dit et ce que nous prenions pour le tronc de l’acoustique, différence de teinte que nous mettions tout d’abord sur le compte de sections obliques de ce prétendu tronc. | Ce prolongement bulbaire présente un aspect légèrement pyriforme. Sa partie la plus large est en contact avec la substance médullaire, et son extrémité externe s’amincit en forme de cou, se terminant par une surface arrondie qui se continue avec le nerf cochléaire. Toute la partie effilée externe pénètre dans le conduit auditif interne. Elle mesure comme largeur 52 uw, tandis que la partie extérieure au rocher compte 0,2 de mm. dans son plus grand diamètre trans- versal. La longueur totale de ce prolongement atteint 1/4 de mm., tandis que la partie contenue dans le canal auditif ne compte que 2/10 de mm. seulement. Sur une coupe longitudinale, faite selon sa plus grande dimension, on voit que le prolongement est constitué par une couche épaisse de substance blanche, formée par des cellules de névroglie et des tubes nerveux. Ces nerfs proviennent des régions différentes de la moelle allongée, mais surtout du nerf cochléaire, que le prolongement con- tinue et relie au bulbe. Dans l’intérieur de cette couche formée par la substance blanche, on observe l’amas de cellules ganglionnaires décrites par M. le profes- seur Covne. Ces cellules se continuent jusque dans la moelle et forment une traînée de substance grise qui augmente de largeur à mesure qu'on remonte vers le bulbe. Cette substance grise est surtout constituée par de grosses cellules ovoides mesurant 14 & dans leur grand diamètre et 10 x seule- ment dans leur plus petit. Elles sont remarquables par leur pro- toplasme granuleux, au milieu duquel se voit un noyau volumineux, garni d’un nucléole. Ces cellules ne possèdent qu’un seul prolonge- meut cylindraxille, rarement tourné vers la partie externe, c’est-à-dire vers le nerf auditif. Ces prolongements sont, au contraire, dirigés le plus souvent vers la partie médullaire. Indépendamment du prolongement cylindraxille, la cellule en émet d’autres, beaucoup plus grêles, qui se résolvent en un réseau de fibrilles, visibles seulement aux plus forts grossissements (Zeiss oc. n° 42, obj. 1/18). Ici donc on observe des cellules qui semblent ovoïides au premier abord, ne paraissent avoir qu'un seul prolongement, et qui, en réalité, possèdent des tractus 118 A. CANNIEU protoplasmiques très grêles il est vrai, mais assez nombreux, et dont l'existence ne saurait être mise en doute. La substance grise qui constitue le prolongement bulbaire du chat ne présente pas, dans toute son étendue, les mêmes cellules. A mesure qu’on se rapproche du noyau antérieur proprement dit, après la jonction du prolongement avec les parois latérales de la | moelle allongée, on voit ces cellules diminuer de volume. A la partie supérieure du noyau antérieur, ainsi que l'ont déjà établi la majorité des auteurs qui se sont occupés de cette question, on ne trouve plus que des cellules franchement multipolaires, cellules ramifiées, semblables à celles qui se rencontrent dans les cornes postérieures de la moelle épinière. Si l’on examine la zone inter- médiaire entre ces cellules ramifiées et celles que nous avons décri- tes plus haut dans le prolongement, on aperçoit pour ainsi dire les formes de passage entre les cellules ramifiées et les grosses cellules de la portion externe du prolongement bulbaire. Ce fait a été constaté et parfaitement décrit par SALA; cet auteur, cependant, n’a pas observé, chez ces dernières cellules, les prolongements grèles qui se résolvent en un chevelu très fin. Les cellules nerveuses multipolaires que l’on rencontre à la partie supérieure du noyau antérieur descendent dans le prolongement en formant une traînée située entre la zone de substance blanche et la partie centrale de la substance grise, traînée représentée par une . bandelette de plus en plus mince, qui n’atteint jamais cependant l’orifice du méat auditif. Les fibres du nerf cochléaire sont les seules qui pénètrent fran- chement dans le prolongement médullaire qui le continue. Celles du nerf vestibulaire s’insèrent au contraire directement sur la moelle allongée. Un petit nombre d’entr'elles cependant, les plus inférieures, pénètrent dans ce prolongement pour se réunir au fais- “ceau supérieur du nerf cochléaire. Les fibres du nerf cochléaire peuvent, en effet, se diviser, d’après la situation qu’elles occupent, en trois faisceaux principaux. Un faisceau interne situé à la partie interne du prolongement du noyau antérieur, un faisceau externe correspondant à la racine externe, et un faisceau médian pénétrant dans la portion médiane du prolon- gement médullaire. Le premier de ces faisceaux suit le côté interne du prolongement, RECHERCHES SUR LE NERF AUDITIF 119 remonte obliquement, et bien qu’une partie de ses fibres soit conte- nue dans la substance grise, c’est surtout dans la substance blanche qu’on l'observe. Il remonte obliquement dans la moelle pour se perdre en partie au niveau d’un amas de substance grise, situé au-dessous et en dedans du point d'insertion du pédoncule et du cervelet. Cet amas de substance grise est caractérisé par des cel- lules multipolaires offrant les mêmes caractères que celles des cornes postérieures de la moelle; nous avons affaire ici au noyau externe de Meynert ou bien encore au noyau de DeiTers. Il est probable que les fibres de cette racine se rendent aux autres noyaux décrits par les auteurs, mais nos coupes ne sont pas assez étendues pour nous permettre de vérifier ce point. Quant au faisceau externe, il se dirige en haut et en arrière, contourne le noyau antérieur, recouvre d’abord sa face externe puis sa face postérieure et se prolonge en se recourbant dans la direction du plancher du quatrième ventricule (stries acoustiques). Nous n'avons pu suivre plus loin ces fibres pour les mêmes raisons que plus haut; d’ailleurs, il ne faut pas oublier que nous ne faisons pas ici l'étude de la moelle allongée et que si nous suivons le nerf auditif jusque dans les centres, c’est afin d'ajouter un argument de plus aux preuves nombreuses sur lesquelles nous établissons nos conclusions. Enfin le faisceau médian entre dans la substance grise du prolongement et s’y perd bientôt. Il nous a même semblé dans plusieurs circonstances que les fibrilles constituant ce dernier faisceau se terminaient par un chevelu très-fin correspondant à celui des prolongements grêles des cellules nerveuses. Ce fait est difficile à observer, mais n’en existe pas moins. De plus, nous n'avons jamais vu, ainsi que l'affirme Sara, les fibrilles du nerî auditif aboutir au prolongement de Deirers des cellules nerveuses du noyau antérieur. Bien au contraire, ces prolongements sont habituellement tournés du côté médullaire. Quant au nerf vestibulaire, nous avons déjà dit qu’une partie de ses fibres les plus inférieures s'unissent à celles du faisceau externe du nerf cochléaire pour se porter vers le plancher du quatrième ventricule. Il s’insère sur le bulbe lui-même en avant du prolon- gement bulbaire. Nous n’avons pu suivre ici ses fibres centrales ; cette lacune sera comblée par nos recherches chez la souris. 120 A. CANNIEU RAT ET SOURIS Les mêmes dispositions remarquables s'observent chez le rat et la souris. Aussi comprendrons-nous dans la même description les particularités qu’on rencontre chez ces deux espèces animales. Quant aux racines et aux origines de l’acoustique, elles ont été étudiées seulement chez la souris. Chez ces animaux, le nerf auditif se compose de deux rameaux principaux, le nerf vestibulaire et le nerf cochléaire. Ils ne prennent naissance ni au même niveau, ni de la même façon ainsi que nous le verrons un peu plus loin. I. — Le nerf vestibulaire est fort court; il s’insère sur le bulbe par une racine relativement assez large qui pénètre bientôt dans un amas de cellules ganglionnaires (ganglion de Scarpa). Ce gan- glion est situé contre la paroi interne du rocher et on peut égale ment ici lui considérer deux branches, une supérieure et l’autre inférieure, par rapport à la racine qui le relie au bulbe. La branche supérieure longe la paroi supérieure du rocher. Dans son parcours elle fournit un nerf assez conséquent, le nerf vestibulaire propre- ment dit, dont les rameaux, au nombre de trois, se rendent aux ampoules externes et supérieures ainsi qu’à la tache de l’utricule. Ici donc, cette partie du ganglion de Scarpa est entièrement située en dehors du rocher ; elle n’est pas enfermée dans le conduit auditif interne comme chez le chat et chez l’homme : et, il faut suivre ce ganglion dans la direction du nerf cochléaire pour voir la partie qui constitue la bande inférieure de cellules nerveuses pénétrer dans le conduit auditif. Cette dernière bande de cellules nerveuses, qui se dirige vers le limaçon, tapisse la paroi osseuse qui sépare le canal auditif du vestibule. Après un certain trajet, elle pénètre dans le conduit auditif, entoure le prolongement bulbaire et forme autour de lui une bande qui diminue de plus en plus en le contournant. La fig. 3 représente bien cet aspect; on voit encore dans la partie voisine du limaçon le rameau qui sort du ganglion pour aller à la tache du saccule RECHERCHES SUR LE NERF AUDITIF 421 Enfin, de l'extrémité recourbée qui s’est insinuée entre le prolon- gement médullaire (fig. 3, 6) et la paroi supérieure du conduit auditif, s'échappe un véritable nerf accolé à la paroi du premier tour de spire. Ce nerf envoie à travers les pertuis de la cloison des faisceaux se rendant à l'organe de Corrti. Ces faisceaux nerveux rencontrent dans leur parcours le ganglion spiral, ils se comportent à l'égard des cellules bipolaires de ce gan- glion comme les fibrilles du nerf cochléaire, c’est-à-dire que ces cellules sont intercalées sur leur trajet. De plus, il est à remarquer que ces faisceaux nerveux, sortant du ganglion de Scarpa, constituent ici un véritable nerf (fig. 3, 5) desservant le demi-tour de spire inférieur, et peuvent à peine être comparés aux faisceaux que nous avons décrits chez le chat, faisceaux qui, chez l'homme, sont à peine composés de quelques fibrilles. On voit les particularités que nous venons de décrire sur les figures 3 et 4, qui se complètent mutuellement. Elles représentent le ganglion de Scarpa fournissant des rameaux à l’ampoule du canal semi-circulaire supérieur dans la figure 4 et au saccule dans la figure 3. On aperçoit donc, ici, le point d’où s’échappe ce dernier nerf, eton peut facilement observer que le groupe de cellules ganglionnaires d’où il naît ne constitue pas un ganglion spécial, séparé (appelé par les auteurs ganglion de BoETTCHER), mais qu’au contraire il fait partie de l’ensemble du ganglion de Scarpa. A côté de la tache criblée antérieure qui paraît bien dans les figures 4 et 6 se trouve l’entrée de l’aqueduc de FALLoPE, qui s’ou- vre également, sur la face interne du rocher, par un orifice indé- pendant (fig. 6). Le nerf facial et les fibres qui se rendent au ganglion géniculé courent le long de ce conduit. Avant d’aller plus loin nous devons nous arrêter un instant afin d’expliquer les figures ci-contre. La figure 5 représente une coupe transversale faite à travers le crâne et le bulbe d’une souris adulte. Dans cette figure nous voyons le nerf vestibulaire (3) sortant de la moelle allongée au-dessous d’un tubercule triangulaire (2) sur lequel nous reviendrons tout à l'heure. A quelque distance de la moelle, cette racine pénètre dans la partie supérieure du ganglion de Scarpa; et, de Ce ganglion s'échappe un nerf qui se rend à l’ampoule du canal semi-cireulaire supérieur (1). 492 A. CANNIEU Au dessous du point où se détache le nerf vestibulaire, naît un rameau nerveux plus grèle que ce dernier, qui va s'’accoler com- plètement par sa partie supérieure à la portion du ganglion de SCARPA, qui est représentée sur la figure 5. Les fibres de ce nerf s'unissent intimement à ce ganglion, s’accolent fortement à lui, sans toutefois se continuer avec les cellules nerveuses ganglionnaires. Si nous suivons le rameau dans sa portion périphérique et dans ses parties médullaires, nous constatons que nous avons affaire au facial. Dans les coupes suivantes, on observe le rameau de l’auditif, qui se sépare peu à peu de lépithélium de lampoule, tandis qu’on aperçoit le facial qui pénètre de plus en plus dans l’aqueduc de FazLope. La figure 6 représente une coupe où on observe ces faits. Si, d'autre part, nous examinons les coupes représentées par les figures 6 et 7, faites perpendiculairement ou à peu près à la direc- tion de l'axe du lima£on, nous voyons le ganglion de Scarpa entourer dans sa demi-circonférence interne et supérieure la section légèrement oblique du facial (fig. 6 et 7). Ce ganglion, par sa partie inférieure, envoie des filets nerveux qui se distribuent au 1 tour de spire, tandis qu’à toucher le facial, à sa partie supérieure par conséquent, il donne naissance à un faisceau de fibres nerveuses et à une bande de cellules ganglionnaires, qui se rendent tous deux au ganglion géniculé. Cette bande de cellules ganglionnaires est constituée par une ou deux rangées de cellules nerveuses bipolaires. A la partie moyenne de cette bande, ces cellules augmentent de nombre en se rapprochant des deux ganglions qu’elles réunissent. Dans les coupes suivantes, dopt une est ici représentée par la figure 6, on ne voit plus la bande ganglionnaire. Le ganglion géniculé à pris un développement plus grand, sa forme est ovoïde, et la bande de cellules nerveuses à disparu. Ici il nous est bien facile de nous convaincre de ce fait, que Les filets nerveux surgissent directement de la partie supérieure du ganglion de Scarpa, celle qui avoisine le facial. De ces faits, il importe de bien retenir : 10 Que le facial est accolé au ganglion de Scarpa. 2° Que des faisceaux nerveux naissent de ce ganglion et vont se perdre dans le ganglion génicule. 3 Qu'une bande de cellules ganglionnaires relie ces deux ganglions. Ce n’est pas tout encore. Les cellules du ganglion géniculé ont | RECHERCHES SUR LE NERF AUDITIF 123 absolument la même forme ovoide, le mème volume, et présentent les mêmes caractères microscopiques que celles du ganglion de SCARPA. II. — Nous avons déjà vu que les filets nerveux constituant Île nerf cochléaire s’échappaient après la moitié du premier tour de spire d’un prolongemente bulbaire, comme les filets du nerf de l’olfaction s’échappent du bulbe olfactif. De même que ce dernier traverse la lame ceriblée de l’ethmoïde pour se rendre à l’épithélium des fosses nasales, de même les fibres de l'acoustique sortent du prolongement bulbaire, traversent le crible de la cloison de la columelle, vont au ganglion spinal et de là à l'organe de CorTI. : III. — Nous avons,au cours des paragraphes précédents, parlé de la forme du ganglion de Scarpa, de son étendue, nous n’insisterons pas sur ce sujet. Les cellules en sont bipolaires et mesurent 14 & de longueur sur 12 de large, elles ont un gros noyau de 8x environ. Quant au ganglion de Cormi, il ne présente rien de particulier ici, les cellules nerveuses mesurent 10 » suivant leur plus grand diamètre et 6 suivant leur plus petit. IV. — Le prolongement bulbaire mesure 0,58"m de longueur sur 0.26mm de largeur. Il correspond à celui que nous avons déjà décrit chez le chat. Ici, cependant, il est beaucoup plus étendu et tandis que, chez le chat, il dépasse à peine de quelques dixièmes de millimètre l'orifice du conduit auditif et permet d'observer dans le canal cochléaire un nerf bien constitué avant son entrée dans le limaçon, celui de la souris parcourt tout le conduit auditif, pénètre dans la columelle et va jusqu'à la partie inférieure du troi- sième, c'est-à-dire du dernier tour de spire. C'est d’ailleurs ce qu'on peut observer dans la figure 9, dessinée à la chambre claire. On voit le prolongement bulbaire pénétrer jusqu’au dernier tour de spire. Des deux côtés et en avant, il donne naissance aux fibres propres du nerf cochléaire, apparaissant sous un aspect plus foncé. Cette différence de coloration est due à la membrane de SCHWANN qui entoure les fibrilles qui se trouvent sur le nerf cochléaire proprement dit et à leur absence dans le prolongement (3). Ce prolongement est de forme arrondie ; il n’a pas comme chez le chat un aspect plus ou moins piriforme, mais au contraire parait allongé et offre à considérer des dépressions et des renflements en 194 A. CANNIEU rapport avec les tours de spire et les cloisons qui les séparent les uns des autres. Sur une coupe transversale du crâne, au contraire, ce prolonge- ment ne présente pas tout à fait le même aspect, il est plus court, plus volumineux et on le voit s'enfoncer très peu dans les rochers. Ce prolongement bulbaire est constitué par de la substance blanche, où l’on observe surtout des fibres nerveuses sans enveloppe de SCHWANN. Ces fibres contiennent, entre les faisceaux qu’elles forment, des cellules nerveuses ganglionnaires. Ces cellules, qui sont en rangées de 4 ou de 5 entre les faisceaux dont nous venons de parler et que l’on ne voit pas sur les coupes passant par l’axe longi- tudinal du limaçon (figure 9), s’observent en assez grande quantité dans les coupes transversales. On peut en compter, en effet, une vingtaine, rassemblées presque toutes au niveau du premier tour de spire. Ces cellules, comme celles du chat, sonr à un seul prolongement cylindraxille et ressemblent tout d’abord aux cellules ganglionnaires des ganglions spinaux. Le prolongement cylindraxille, en général, est disposé de telle facon que la fibrille qui en part décrit une courbe parallèle à la surface externe de l’extrémité du prolongement bulbaire. Quelquefois nous avons vu la fibrille nerveuse se réunir à celles qui provenaient du nerf auditif. Ces cellules nerveuses forment une trainée depuis le méat auditif interne jusqu’au noyau antérieur, situé au-dessus du point où s’insère le prolongement. Nous avons dit qu’au-dessus de ce prolongement se trouve un amas de cellules nerveuses. Ces cellules sont piriformes à la partie inférieure du prolongement, tandis que la portion supérieure contient en général des cellules ramifiées à prolongements multiples. Ce n’est point que les cellules inférieures de ce noyau n’aient pas d’autres prolongements que celui de Derrers. Mais tandis que ce dernier est assez volumineux, les autres sont beaucoup plus grèles, beaucoup plus délicats. Les cellules de la partie inférieure du noyau se rapprochent par leur forme et leur volume de celles que nous avons décrites sur le prolongement bulbaire lui-même. Cet amas de substance grise, constitué par ces deux sortes de cellules, correspond à ce que les auteurs et parmi eux EbiNGER et SaLA ont décrit comme le noyau antérieur de l’acoustique. Chez la souris, ce noyau n’est pas situé sur le prolongement du nerf cochléaire, comme chez le chat; il ne le constitue pas et c’est à peine s'il envoie RECHERCHES SUR LE NERF AUDITIF 125 [A quelques cellules ganglionnaires qui ne dépassent pas le premier tour de sp're. Les racines du nerf cochléaire parcourent le prolongement bulbaire dans toute sa longueur; arrivées au niveau du point d'insertion de ce dernier sur le bulbe, les fibres supérieures de ce nerf constituent u faisceau qui va au noyau antérieur que nous venons de décrire, tandis que les fibres inférieures se portent en bas et en avant vers le noyau de Deirers. Il est probable qu’un certain nombre de fibres seulement se terminent au niveau de ces noyaux et que plusieurs se dirigent, ainsi que l’ont observé nos prédécesseurs, vers les autres amas de substance grise, situés sous le plancher du quatrième ventricule, Quant au nerf vestibulaire, il s'insère directement sur le bulbe en avant du prolongement cochléaire et au-dessus de lui, un peu en arrière de l'insertion du facial. Nos préparations nous permettent de vérifier ce qu'ont Géjà avancé plusieurs auteurs, à savoir que la racine vestibulaire est le rameau antérieur de l’acoustique, tandis que le nerf cochléaire, qui, cependant, se rend au limaçon situé en avant, se détache du bulbe en arrière du nerf vestibulaire. Ces deux nerfs se croisent donc avant de se distribuer aux organes qu’ils innervent respectivement. C'est surtout sur une coupe antéro-postérieure qu’on peut aisé- ment observer la direction des fibres du nerf vestibulaire. La fig. 10 représente une coupe faite dans cette direction, chez une jeune souris de quatre jours environ. Dans cette coupe le nerf cochléaire, qui, d’après les données embryologiques, se développe le dernier, n’est pas encore en contact avec le bulbe. Le nerf vestibulaire attenant au ganglion de Scarpa (4) est seul en connexion avec la moelle allongée. Le noyau anté- rieur (2) n’est peut-être pas parfaitement développé dans les coupes que nous avons examinées. Partant du ganglion de Scarpa et se dirigeant en arrière, on voit des faisceaux nerveux allant vers Île noyau antérieur, traversant en partie ce noyau, pour se rendre à l’amas ganglionnaire situé à la base du pédoncule du cervelet et se diriger ensuite vers le plancher du quatrième ventricule. Ces fais- ceaux constituent la racine externe et postérieure du nerf cochléaire. Quant aux fibres internes qui sortent du ganglion de Scarpa, elles forment sa racine antérieure. Cette racine pénètre dans la partie 426 A. CANNIEU postérieure du bulbe, traverse obliquement la moelle et se dirige vers le noyau externe ou de Derrers. Certaines fibres nous ont paru aller plus loin et se rendre au noyau de BECHTEREW. De plus il nous a été possible à plusieurs reprises d'observer, ce que Maraias Duvaz et HELD ont vu avant nous, un certain nombre de fibres de ces nerfs allant vers les pédoncules cérébelleux. Nous n’avons pas l'intention de faire l’étude de la moelle allon- gée, aussi n'insisterons-nous pas sur les noyaux différents de l’acous- tique. Nous avons seulement voulu démontrer qu'il nous était impossible, après l'exposé des faits que nous avons passés en revue, d'admettre le noyau antérieur comme le seul noyau de l’acoustique. Ce n’est pas que nous rejettions complètement les observations de nos devanciers, loin de là; bien plus, dans le chapitre suivant nous verrons que nous nous appuierons même sur elles pour confirmer les conclusions établies déjà par nos recherches. De plus nous avons toujours vu les fibres de l’acoustique pénétrer dans la moelle allongée et se rendre dans la partie postérieure du bulbe. Jamais, comme HEeLp l’a observé, nous n’avons vu les faisceaux nerveux qui constituent le nerf se diriger dans la partie ventrale de cet organe, pour aller vers les olives et les corps trapézoïdes. Nous pensons au contraire avec SaLa et EniNGer que les fibres qui se rendent à ces différents endroits prennent naissance dans le noyau antérieur et n’ont aucun rapport avec les racines de l’acoustique. Avant de terminer, nous rapporterons un fait observé chez des souris nouvellement nées. Nous savons, en effet, que la figure 10 représente une coupe antéro-postérieure où le nerf vestibulaire est seul en connexion avec le bulbe. Dans un grand nombre de coupes faites chez ces animaux très jeunes, nous avons eu la bonne fortune d'examiner des stades encore moins avancés que celui qui est représenté par la figure 10. Ici les deux rameaux de l’acous- tique étaient déjà formés, et ne présentaient pas de connexion avec le bulbe. On ne voyait pas de prolongement bulbaire et même, à la place où se trouve normalement le noyau antérieur, on n’aper- cevait pas encore de cellules nerveuses. Tout d’abord nous avons cru à quelque accident de préparation ; aussi avons-nous fait porter nos observations sur de nouvelles coupes; toujours les mêmes faits se sont présentés, et nous avons pu cons- tater : 4° l'absence de noyau antérieur; 2° l’absence de connexion RECHERCHES SUR LE NERF AUDITIF A entre les rameaux de l’auditif et le bulbe ; 3 l'absence du prolon- sement bulbaire. Nous verrons au chapitre suivant quelles sont les conclusions qu’on peut tirer de ces faits, et quelle interprétation ils comportent. E STRUCTURE DU NERF AUDITIF Nous avons réservé un paragraphe unique et général à la struc- ture du nerf auditif. Les différents éléments qui constituent ce nerf sont trop semblables les uns aux autres dans les différentes espèces de mammifères que nous avons étudiées, pour demander une des- cription spéciale à chaque groupe. I. — Les deux rameaux du nerf auditif qui, chez l’homme, cons- tituent par leur réunion un tronc unique, sont entourés par une couche assez épaisse de tissu conjonctif. Cette enveloppe émet dans l’intérieur du nerf des prolongements de même nature, qui le dissocient en faisceaux de forme généralement arrondie, mais de: volume variable. Les fibres de ce tissu conjonctif envoient à leur tour des cloisons tertiaires, d’où partent encore de légers faisceaux s’insinuant entre les fibrilles nerveuses. Il. — Les fibrilles du nerf auditif présentent à peu près les carac- tères que Ranvier a observés dans les autres neris. Nos observations ont porté sur les parties de ce nerf que pré- sentaient les coupes dont nous avons parlé, et sur les fibrilles obtenues par dissociation. Cette dernière méthode a été employée chez un nombre assez considérable d'animaux. Nous avons pu de la sorte examiner le nerf acoustique du chien, du chat, de la brebis, du veau, du bœuf, du rat, de la souris, du lapin, du cobaye et du cochon. Ces dissociations nous ont fourni des résultats inférieurs à ceux que nous avons obtenus par la méthode des coupes, après colora- tion ou fixation par l’acide osmique. Dans cette dernière méthode, en effet, il est toujours facile de se rendre compte du niveau où on examine les fibrilles nerveuses et de comprendre les rapports des différents éléments, les uns par rapport aux autres. Ja méthode des dissociations entraine des manipulations assez nombreuses 1428 A. CANNIEU pouvant léser la structure délicate des fibres nerveuses. D'ailleurs, le voisinage du facial permet de confondre facilement les fibrilles avec celles qui appartiennent à l’auditif et de donner, par conséquent, aux unes des caractères qui appartiennent aux autres. Les fibrilles du nerf auditif, fixées par la solution osmique au 1/4, sont entourées par une couche de myéline, qui accompagne les filaments nerveux dans toute leur longueur et jusqu'à leur entrée dans l’épithélium sensitif, où elle se termine brusquement. Elles possèdent une gaine de Scawanx qu’on aperçoit très diflicilement au niveau des étranglements annulaires. Ces étranglements corres- pondent au point où la myéline est absente. Ils sont très éloignés les uns des autres, et on peut les observer seulement sur les pré- parations particulièrement favorables. Les fibrilles du nerf auditif présentent aussi des segments cylindro-coniques'et, rarement il est vrai, on observe aussi les incisures de LanTERMANx. Nous n’avons pas nettement aperçu les entonnoirs de Gozer, et les stries transver- sales du cylindre-axe. Après avoir passé en revue l'oreille des mammifères, RANVIER étudie d’une façon complète le nerf auditif chez le brochet. Il dit -à peine quelques mots sur ce nerf chez les mammifères. Pour lui, les fibrilles possèdent une membrane de Scawann, une couche de myéline, etc., mais il ajoute que le manchon de myéline s'arrête au niveau des cellules ganglionnaires pour reprendre du côté opposé, sur le prolongement périphérique de la cellule. I est incontestable que chez les animaux que nous avons examinés, la couche de myéline ne recouvre pas la cellule ganglionnaire et pré- sente les caractères décrits par Ranvier. Dans une de nos prépa- rations, faite chez le rat blanc, il nous a semblé que la couche de myéline s’étendait au-dessus de la cellule ganglionnaire, mais ce fait ne s'étant pas présenté dans les autres coupes chez le même animal et chez les autres espèces de mammifères étudiés, nous n’insisterons pas plus longuement. III, — Les cellules nerveuses des ganglions de Corri et de ScaRpaA sont toutes bipolaires ; elles donnent naissance à deux prolonge- ments nerveux, l’un central, l’autre périphérique. Elles sont enfer- mées dans une capsule. Cette capsule est tapissée par des cellules dont les noyaux font saillie dans l’intérieur. Chez le chat, le chien» la b'ebis et l’homme, on peut ainsi compter de #4 à 5 noyaux, RECHERCHES SUR LE NERF AUDITIF 129 Ce fait nous entrainerait, avec M. le professeur CoyNE, à considérer ces capsules comme constituées par le tissu conjonctif qui sépare les cellules ganglionnaires, tissu qui forme des cavités tapissées par des cellules endothéliales. Chez la souris cependant, aussi bien dans le ganglion de Conti que dans celui de Scarpa et le ganglion géniculé, on voit un seul noyau faire saillie dans l'intérieur de la loge. Ce noyau parait appliqué contre la paroi constituée ici par une membrane très mince, qui se continue au niveau des pôles de la cellule ganglionnaire, avec la membrane de Scawann des fibrilles qui y aboutissent. Ce noyau unique est situé le plus souvent vers le milieu de la capsule; on le rencontre d’autres fois vers l’un des pôles de la cellule ganglionnaire. Les cellules nerveuses possèdent un noyau volumineux; il est entouré d’une zone claire, étroite, formée par le protoplasma. A l'intérieur de ce noyau on voit un nucléole assez gros, d'où partent des travées de chromatine circonscrivant nettement des alvéoles, présentant à la coupe optique la forme d’un réseau. Le protoplasma de ces cellules nous offre également, à un grossissement de 2000 diamètres, un aspect alvéolaire. ; Les fibrilles qui constituent les rameaux du nerf auditif sont généralement plus grèles que celles des autres nerfs. Elles présentent des formes irrégulières dans leur contour ainsi que de nombreuses sinuosités. Tantôt elles offrent des renflements en forme de fuseau, tantôt leur diamètre diminue brusquement ; parfois un des bords de la fibrille nerveuse est rectiligne, tandis que l’autre décrit des sinuosités ; d’autres fois encore ces sinuosités s’observent des deux côtés. Dans certaines circonstances, enfin, nous avons pu nous rendre compte de ce fait que les inégalités et les renflements observés étaient dus à une torsion que subissait la fibrille sur son axe. Ces différentes particularités peuvent s’observer sur les deux branches de l’auditif aussi bien sur les fibres qui se rendent aux ganglions que sur celles qui en surgissent. Comme Erzisky, nous avons observé, pour le même niveau, un plus grand diamètre des fibres du nerf vestibulaire. D'ailleurs, dans chacune des branches de l’auditif, on peut remarquer des fibrilles de volume variable. Les unes atteignent facilement, comme lar- sgeur, le double des autres; aussi paraît-il difficile de donner des chiffres ayant quelque valeur à ce point de vue. 130 A. CANNIEU CHAPITRE IV SYNTHÈSE ET INTERPRÉTATION DES FAITS I. — Les racines de l’acoustique sont au nombre de deux, correspondant au nerf vestibulaire et au nerf cochléaire. Ces deux racines forment cependant un tronc unique chez l’homme, tandis que chez le chat, le chien, la souris et même les embryons d’ovidés et de bovidés, nous avons deux racines, quelquefois réunies par des anastomoses. D'ailleurs, chez les deux espèces où nous avons étudié le trajet médullaire de l’acoustique, nous savons qu’une partie de leurs fibres se réunissent au niveau du point d'insertion du prolon- _gement bulbaire. Ce fait peut être comparé à ce que l’on rencontre chez l’homme, avec cette différence que, chez ce dernier, l’acco- lement se continue en dehors de la substance médullaire. Les nerfs vestibulaire et cochléaire ne naissent ni au même niveau, ni de la même facon. Chez la souris, le chat, ce dernier rameau sort d’un prolongement de la moelle allongée, prolongement qui pénètre plus ou moins profondément dans le canal auditif. C’est ainsi que chez le chat, il s’y enfonce de quelques dixièmes de milli- mètre et donne naissance à cet aspect particulier, vu et décrit autrefois par M. le professeur Coyxe, et qui a été considéré par cet auteur comme un ganglion situé sur le tronc même de l’auditif. Chez la souris, au contraire, il pénètre profondément et va jusqu’à la partie inférieure du troisième tour de spire du limaçon. Un prolongement pareil ne se rencontre pas plus chez l’homme, que chez les embryons d'animaux que nous avons examinés. Chez la brebis et chez les jeunes souris, en effet, on ne voit rien de pareil. Chez le chat, où nous avons examiné des coupes d'oreilles d'individus sur le point de naître, le prolongement bulbaire s’avan- çait beaucoup moins dans le conduit auditif que chez l’adulte. Une pareille disposition ne saurait être comparée qu’au bulbe olfactif et RECHERCHES SUR LE NERF AUDITIF 131 peut-être encore au nerf optique qui se forme, lui aussi, aux dépens d’un prolongement central (GEGENBAUR). Comme dans le bulbe oliactif, on voit, chez la Souris, s'échapper du prolongement bulbaire des filets nerveux qui se réunissent aussi- tôt en faisceaux pour se rendre au ganglion spiral et de là à l’organe de Corrr. Chez le chat, au contraire, les faisceaux nerveux constituent un véritable nerf qui parcourt toute la longueur du canal cochléaire, et pénètre ensuite dans le limacon où il se comporte absolument comme le nerf cochléaire de l’homme, par exemple. Le prolongement bulbaire du chat est constitué par de la subs- tance grise et de la substance blanche. Dans le bulbe olfactif nous retrouvons également cette substance grise et cette substance blanche, mais disposées dans un ordre différent. Il ne faut pas oublier, en effet, que chez le chat nous avons affaire à un prolon- sement médullaire, où la première de ces substances est entourée par la seconde, tandis que dans le bulbe olfactif, véritable prolon- gement cérébral, qui constitue même chez quelques animaux presque tout le cerveau, nous devons retrouver des dispositions inverses. Cette différence s’accentue encore davantage chez la souris, où le prolongement bulbaire est presque exclusivement constitué par de la substance blanche, et contient à peine quelques cellules ganglionnaires. Il. — Le nerf vestibulaire constitue un faisceau très court situé entre le bulbe et le ganglion de Scarpa. Chez l’homme il est un peu plus long que chez les autres espèces examinées. Nous avons retrouvé partout les mêmes dispositions, en ce qui regarde le ganglion de Scarpa. Nous avons vu qu’il constitue une chaîne ganglionnaire entourant la paroi interne et inférieure du vestibule et que de cette chaine s’échappent des faisceaux nerveux au nombre de trois, se rendant aux ampoules des canaux semi-circulaires, ainsi qu’à l’utricule et au saccule. Le mode de sortie de ces faisceaux nerveux permet encore de les comparer à ceux qui s’échappent du bulbe olfactif, pour pénétrer à travers les trous de la lame criblée de l’ethmoïde. De plus, nous savons que ce ganglion de Scarpa envoie des filets nerveux vers le demi-tour de spire inférieur. Il est de la sorte réuni au ganglion de CorrTr par des faisceaux nerveux qui deviennent 132 A. CANNIEU très nombreux chez la souris et constituent, chez cet animal, un véritable nerf. De ce nerf partent des fibrilles nerveuses qui se rendent au pôle central des cellules du ganglion spiral, fait qui avait encore échappé à ceux qui se sont occupés de l’acoustique avant nous. De cet ensemble d'observations au sujet du ganglion de ScaRPA, il résulte que le ganglion de BoETtTCHER, situé sur le rameau sacculaire et que celui de la branche ampullaire postérieure n'existent pas, en tant que ganglions isolés; ils constituent, au contraire, avec le ganglion de Scarpa, une chaîne unique, que nous retrouvons chez toutes les espèces que nous avons étudiées. De plus, le nerf qui se rend du ganglion de Scarpa au demi- tour de spire inférieur du limaçon, doit être considéré comme l’équivalent morphologique de celui qui, chez les vertébrés inférieurs, se distribue à la papille de la lagéna. Cet organe, que l’on rencontre avec son summum de développement et d’étendue chez les anoures, est considéré, chez ces espèces, comme l'équivalent du limaçon. Nous savons, d'autre part, que Îles rongeurs, par plusieurs caractères et surtout par leurs organes génitaux, se rapprochent des Monotrèmes qui constituent le groupe le plus inférieur des Mammifères (1). Aussi n'est-il pas étonnant de rencontrer chez la souris un véritable nerf, qui,chez le chat, n’est plus représenté que par quelques faisceaux, encore plus grèles et moins nombreux chez l’homme. Reicxert (2) décrit chez l’homme et les vertébrés supérieurs, un autre rameau allant, après avoir traversé une quatrième tache criblée, au «€septum » utriculo-sacculaire. MippeNpoRFr, RETzIUS, BOETTCHER, Henze et Wazpeyer admettent également l’existence de ce nerf et de cette tache criblée (3). Récemment ReTzius est revenu sur cette opinion et rejette, avec ScHWALBE, l'existence de ce rameau supplé- mentaire, qui, d’après les auteurs que nous venons de nommer, se détacherait du nerf cochléaire. Nos recherches nous rangent à l'avis de Rerzius et de SCHWALBE. (4) A. Cannreu. — Recherches sur l'appareil reproducteur mâle du Cavia. Revue des sciences naturelles de l'Ouest, 1891. (2) ReicHerT. — Beiltrag zu feineren Anatomie der Gehorschnecke der Menschen und der Süugethiere. Abhandl. der Berliner Acad., 1864. (3) L'opinion de ces derniers auteurs est citée dans le traité de ScHWALBE sur les organes des sens. RECHERCHES SUR LE NERF AUDITIF 133 Mais tandis que ces deux auteurs se contentent simplement de nier le fait, il nous est possible d'expliquer l’aspect qui s’est pré- senté à ReicHerr et qui l’a induit en erreur. Nous avons vu, en effet, un nerf se rendant à une cloison sépa- rant deux cavités. Les deux parois de cette cloison étaient tapissées, dans les points qui correspondaient aux filets nerveux, par un épi- thélium cilié absolument semblable à celui qui tapisse les taches et les crêtes acoustiques. Avant d'aller plus loin dans nos recherches, nous nous sommes demandé quelle était la place exacte des taches acoustiques utriculaires et sacculaires. Après avoir examiné un grand nombre de coupes nous avons vu que la tache de l'utricule est toujours située sur la paroi externe de cet organe, tandis que la tache du saccule se trouve placée sur la paroi inférieure, du côté de la cloison osseuse qui sépare le vestibule du conduit cochléaire. Dans les coupes qui étaient sous nos yeux, nous avions bien une couche de cellules neuro-épithéliales recouvrant une partie de la cloison externe de la cavité qu’on pouvait au besoin consi- dérer comme l’utricule ; mais la couche de cellules qui était regardée par ReIcHerT et les autres comme la tache du saccule se trouvait immédiatement opposée à la première, c’est-à-dire qu’elle était située sur la paroi interne de la cavité qu’on prenait pour le saccule et non sur sa paroi inférieure. En présence de ces faits, deux hypothèses se présentaient à l’es- prit : Ou bien nous avions affaire à une tache nouvelle, non décrite, et alors le saccule contenait deux taches acoustiques ; ou bien las- pect particulier que nous avions devant les yeux était dû à des coupes faites dans un certain sens, et qui avaient été mal interprétées par les auteurs sus-mentionnés. Une observation plus minutieuse des coupes en série nous a fait pencher vers cette seconde hypothèse et nous avons vu que ce qu’on prenait pour le septum était la coupe de la base du croissant formé par la crête acoustique de l’ampoule postérieure. La cavité interne prise pour l’utricule, était le saccule lui-même et la partie de l’am- poule qui communique avec lui. La cavité externe était constituée par la partie externe de cette même ampoule, celle qui est en con- tact avec le canal. Enfin le nerf et la tache criblée vue par REICHERT n'étaient autre chose que le nerf ampullaire postérieur et la tache criblée par laquelle il pénètre dans le vestibule. 134 A. CANNIEU Cet aspect, d’ailleurs, nous avons essayé de le reproduire pour les autres ampoules et nos efforts ont été couronnés de la plus entière réussite, Nous ne dirons que quelques mots seulement du nerf cochléaire; nous avons eu occasion d’en parler à propos des prolongements bulbaires et du nerf vestibulaire. Nous avons retrouvé chez toutes les espèces étudiées les deux ordres de faisceaux radiaires et spiraux, entre le nerf et le ganglion de CorrTr d'abord, et ensuite entre ce ganglion et l’épithélium sensitif du limaçon. Nous n'’insislerons pas davantage sur ce sujet, nous en avons assez longuement parlé au chapitre précédent. IT. — Nous avons peu de chose à ajouter à ce que nous avons dit déjà dans le paragraphe consacré à l'étude générale de la structure proprement dite du nerf auditif. Nous ferons seulement remarquer que chez la souris et le rat, les cellules ganglionnaires sont entou- rées par une capsule possédant seulement un seul noyau, et se continuant avec la membrane de Scawann. Ce fait rapprocherait encore ces rongeurs des vertébrés inférieurs, et rappellerait ce que RaNvier décrit dans son traité technique, chez le brochet. Chez ce poisson, toutefois, la couche de myéline se continue au-dessus des cellules ganglionnaires. De plus, nous avons revu chez le chat, le chien, le rat et la souris, les prolongements que les cellules ganglionnaires envoient vers la capsule; on peut rapprocher ce fait de ceux que RANVIER a décrits à propos du ganglion lombaire du chien et des nerîs cardiaques de la grenouille. Cet auteur met un pareil aspect sur le compte des réactifs, qui auraient fait rétracter le protoplasma en certains points (?) IV. — De l'exposé des recherches sur les origines du nerf acous- tique, on voit que les opinions des auteurs qui s’en sont occupés et qui, tout d’abord, pourraient paraître innombrables et tout à fait différentes les unes des autres, peuvent se réduire à trois principales. Les uns pensent avec HELD que l’acoustique possède une racine ventrale et une autre dorsale pour chacun de ses rameaux. Les racines ventrales se rendent aux olives et aux corps trapézoïdes ; les racines dorsales se’ dirigent vers le plancher du quatrième ventri- cule pour se rendre aux amas de substance grise situés sous ce plancher. RECHERCHES SUR LE NERF AUDITIF 135 D’autres croient avec Mevnerr et Coyne que toutes les fibres du nerf audilif n’ont aucun rapport avec les corps trapézoïdes et les olives, et n’ont d’autres noyaux d'origine que ceux qui sont situés à la partie dorsale du bulbe. Enfin une troisième catégorie admet seulement le noyau antérieur comme noyau de l’acoustique, et prétend que tous les autres faisceaux que l’on voit se diriger soit vers la partie ventrale de la moelle allongée, soit vers les noyaux du quatrième ventricule, sont constitués par des fibrilles nerveuses tirant leur origine du noyau antérieur. Pour en arriver à ces résultats, les auteurs ont employé des procédés divers. Les uns ont cherché à résoudre la question par l’histologie et les autres par l’expérimentation. Nos occupations journalières nous portaient à demander aux divers procédés de technique histologique des données qui puissent nous permettre d’avoir à ce sujet une opinion. Ce sont les résultats de nos recherches qui sont consignés dans ce mémoire, Tout d’abord, et après une étude complète et approfondie de la question, telle qu’elle ressort de l’exposé des travaux antérieurs, nous voyons que les conclusions différentes où ils ont été amenés proviennent, d'une part, de ce qu’ils désignaient sous le nom de «noyaux d’origine» des parties absolument différentes, et de l’autre, de ce qu'ils n'ont pas accordé une assez grande importance aux données fournies par l’Embryologie et l’Anatomie comparées. Aussi croyons-nous qu'il est essentiel de donner en premier lieu au mot «€ noyau d’origine » une définition exacte et complète et de s'entendre sur sa réelle signification. Ce qui existe pour la moelle est appelé à nous renseigner à ce sujet. Ici, en effet, on considère les cellules nerveuses des cornes antérieures comme le noyau d’origine et le centre nutritif des racines motrices, et de ce côté il n'y a pas de difficulté. De plus, il n’est venu à l'esprit de personne de chercher les noyaux des nerfs sensitifs dans les cellules nerveuses des cornes postérieures. Au contraire, tout le monde est d’accord pour consi- dérer les ganglions comme les centres trophiques de ces racines postérieures. Si l’on vient, en effet, à sectionner les racines posté- rieures avant ou après leurs ganglions, on observe une dégénéres- cence wallérienne périphérique dans le premier cas et centrale dans 136 A. CANNIEU le second. Pour ce qui est des nerfs spinaux on a donc une défi- nition claire et nette du mot noyau d’origine; nous voyons déjà qu'on entend par là le centre trophique de ces nerfs. Ce n’est pas tout, les mêmes centres sont encore les points d’origine de ces nerfs. D’après His (1) le cerveau, la moelle et les ganglions sont constitués, dès le principe, par des cellules isolées. L'ensemble de ces éléments forme une sorte de système nerveux sans nerf. Les premières finres nerveuses apparaissent chez l'homme vers la quatrième semaine. Les unes proviennent du cerveau, les autres de la moelle et les autres des ganglions. Les cellules du cerveau et de la moelle n’émettent qu’une fibre, les cellules gan- glionnaires en possèdent deux, l’une périphérique et l’autre centrale. Les fibres motrices naissent de la bande des cellules ventrales et (es fibres sensitives des amas yanglionnaires. Pour GoLBErRG (2), chez le poulet, indépendamment de l’invagi- nation ectodermique, aux dépens de laquelle se formera le système central, il se produit une sorte de bourrelet parallèle à la première invagination. C’est le bourrelet ganglionnaire qui ne communique avec le tube médullaire que plus tard. Entre les cellules des cornes antérieures et celles des cornes postérieures il y a encore une différence portant sur leur rapport avec les fibres qu’elles reçoivent. On sait, en effet, que ces cellules nerveuses appartiennent au type des cellules multipolaires. Ces cellules possèdent donc plusieurs prolongements; l’un dit de DrITErs se continue avec le cylindre-axe d'une fibre nerveuse, tandis que les autres se résolvent en un grand nombre de ramifications de plus en plus grèles. Les fibrilles des nerfs moteurs aboutissent au prolongement de Deirers, tandis que les cylindres-axes des racines postérieures se terminent par un chevelu très fin correspondant à celui des prolongements des cellules des cornes postérieures. Par contre, on n’a pas observé de connexion entre les fibrilles des racines postérieures et les prolongements de DEITERS des cellules multipolaires. ._ Au point de vue histologique, les racines postérieures de la moelle (1) His. — Die Entwickelung der ersten Nervenbahnen bei menschlichen Embryo. (Arch. f. Anat. und Phys. Abth. Heîft. 6. 1887.) (2) GocBerG. — Ueber die Entwickelung der Ganglion bei Hünchen (Arch. f. Mikr. Anat., t. XXXVII.) RECHERCHES SUR LE NERF AUDITIF 137 ne sont donc pas en connexion direct avec les prolongements de Deirers des cellules nerveuses. Ces faits ont été bien étudiés par GoLGr (1) qui les a découverts, par KôLLIKER (2) et VAN GEHUCHTEN (3). Ces auteurs ne se sont pas contentés d'étudier le mode de ter- minaison des racines postérieures, ils ont encore cherché à savoir ce que deviennent les fibres de ces racines dans leur trajet médul- laire. De leurs recherches ils ont pu tirer les conclusions suivantes : Parmi les fibres constituant les racines postérieures, 1° les unes se dirigent directement vers les cellules nerveuses des cornes posté- rieures qui se trouvent situées au niveau de leur point d’émergence. 2 Les autres forment deux faisceaux dont l’un remonte vers le haut, dans les cordons postérieurs, ce sont les racines ascendantes. et l’autre descend dans ces mêmes cordons pour constituer les raci- nes descendantes. Ces deux derniers faisceaux, après un certain parcours, vont se terminer au niveau des cellules des cornes posté- rieures. D’après ces données, il est donc possible d’avoir une définition claire et nette du mot noyau d’origine d'un nerf. Nous savons en effet, qu’on entend par là : 1. le centre trophique d'un nerf, 2. son centre d’origine, 9. l’amas de substance grise dont les cel- lules sont en contact direct avec les fibrilles nerveuses. Enfin, les fibres nerveuses sensitives, avant de se rendre aux cellules des cornes postérieures de la moelle, avec lesquelles elles n’entrent pas en connexion directe, se partagent en deux racines, l’une ascendante et l’autre descendante. Le noyau de ces fibres sensitives est situé en dehors de la moelle dans les ganglions spinaux postérieurs. C’est en nous inspirant de la signification réelle du mot noyau d’ori- gine qu'il nous semble possible de résoudre la question si controversée des origines de l’acoustique. Nous savons bien que dans ses recherches em- (1) -:Gozcr. — Sulla structura delle fibre nervose medollata peripheriche e Cen- trali (Arch. per le Scienze Med., IV, n° 10, 1882.) (2) Kôcuker.— Der feinere Bau des verlangerten Markes. (Anat. Anzeiger, n° 14- 45,,14891). (3) Van GenucurTen. — La structure des centres nerveux, moelle épinière et cer- velet. (La Cellule, VII-1). 138 A. CANNIEU bryogéniques, His considère les nerfs sensitifs crâäniens comme issus d’un sillon parallèle à la portion céphalique de l’invagination ectoder- mique. Nous savons que K6zLLIKER, s'appuyant sur les travaux de His, en tire des conclusions générales de la plus haute portée scienti- fique et considère tous les ganglions périphériques comme les noyaux de tous les nerfs sensibles. Il n’en est pas moins vrai cependant que la majorité des histologistes et des physiologictes ont cherché dans le bulbe des noyaux que la simple analogie devait leur faire trouver en dehors de cet organe. Leur tort, à notre avis, c’est d’être partis de ce fait que les noyaux des nerîs crâniens moteurs se trouvant dans le bulbe, ceux des nerfs sensitifs en général et celui du nerf auditif en particulier devaient s’y rencontrer également. De là les erreurs nombreuses, les fausses interprétations que leurs observations, dont l’exactitude ne saurait être mise en doute, leur ont suggérées. Il se pourrait loutefois que les auteurs dont nous parlons aient donné simplement au mot noyau d'origine la signification d’amas de substance grise où viennent se perdre les fibres nerveuses. Nous ferons remarquer que ce mot peut donner lieu à une confusion regrettable, puisqu'on désigne de la même manière le centre trophique et nutritil des nerfs moteurs et un simple point terminal des nerfs senisitifs. C'est d’ailleurs ce qu'avait compris His et ensuite KOLLIKER, quand ils ont donné aux cellules nerveuses des cornes postérieures de la moelle, le nom de noyaux terminaux où de stations terminales. V. — Quant à nous, nous n'avons pas fait de recherches expé- rimentales sur le trajet des fibres médullaires; il nous est cependant facile de démontrer par les résultats acquis par les physiologistes, tels que Bumm, BaGixsky, Monakow, etc., que le noyau du nerf auditif, comme celui des racines postérieures sensitives, est situé en dehors du bulbe. Ces auteurs ont détruit le labyrinthe, ou bien seulement une de ses parties, et ont noté les dégénérescences secondaires. Bien que ce modus faciendi nous paraisse naturellement difficile, il nous semble qu'il est impossible de savoir au juste quelle est la partie de l'organe qu'on enlève et dans quelles proportions ces parties sont détruites. Aussi, les uns ont-ils observé une simple dégéné- rescence dans les noyaux de la face dorsale du bulbe; d’autres ont RECHERCHES SUR LE NERF AUDITIF 139 observé ces mêmes lésions dans les corps trapézoïdes ou bien encore dans les olives du même côté ou du côté opposé. Cette diversité dans les résultats ne s’expliquerait-elle pas, par la difficulté mème de conduire la lésion printitive, qui a déterminé la dégénérescence secondaire ? D'ailleurs le fait d'observer une dégénérescence des fibres et une atrophie des amas de substance grise n'indique pas, nous semble-t-il, qu’on doive les considérer comine les noyaux d’origine du nerf auditif; et si on a pu noter des dégénérescences centrales après destruction du limaçon et du vestibule, c’est qu’on a détruit en même temps les ganglions de Corrr et de Scarpa, qui sont les centres trophiques du nerf auditif comme les ganglions spinaux sont les centres trophiques des racines postérieures. VI. — L’embryologie de l'oreille, pas plus que les recherches expé- rimentales, ne font partie du présent mémoire. Bien que nous n’ayons pas entrepris de recherches suivies à ce point de vue, nous avons cependant étudié un grand nombre d'animaux nouvellement nés et pu observer certains faits avancés par les auteurs qui se sont occu- pés d’une façon générale du développement des nerfs crâniens. Nous avons vu déjà que His avance que toutes les racines sensi- tives prennent naissance dans des fossettes développées aux dépens de l’ectoderme et forment une ligne parallèle à celle de l’invagina- tion centrale. Si l’on jette un regard rapide sur le chapitre précédent, on voit que nous confirmons les vues embryologiques de l’auteur pour ce qui regarde lacoustique. De nombreuses coupes chez des Souris, nées du jour même, nous ont démontré qu’à cette période de leur existence le nerf acoustique, déjà bien conformé, n'était pas encore en connexion avec le bulbe. Sur ces mêmes coupes on pouvait observer l’absence du tubercule pyramidal, qui constitue le noyau antérieur; et, par conséquent, celle des cellules nerveuses que l’on rencontre au centre de ce tubercule ; c’est à peine si l’on pouvait observer une ébauche de formation du côté des autres noyaux ; le prolongement bulbaire n'existait pas encore. Dans la figure 10, nous voyons représenté un stade postérieur à celui dont nous venons de parler. Ici le nerf vestibulaire (le premier formé) est adhérent au bulbe; quant au nerf cochléaire, il n'a pas encore contracté d'union avec les centres. 140 A. CANNIÏEU Ces faits viennent donc appuyer les observations de His et indi- quent qu’on doit aussi chercher en dehors du bulbe les noyaux de l’auditif. Comment expliquer, en effet, la formation de ce nerf aux dépens du bulbe alors qu’il n’est pas encore uni avec lui et que les différents amas de substance grise, qui passent pour ses noyaux, ne sont pas encore entièrement formés ? Nous savons d’ailleurs que la substance grise du bulbe n’est autre chose que le prolongement de celle de la moelle, et que les amas de substance grise, que l’on rencontre à la partie dorsale de cet organe, et où se rendent les fibres sensitives, sont le prolongement des cornes postérieures. VII. — Les données histologiques sur lé mode de terminaison des nerfs sensitifs dans la moelle devaient fournir aux auteurs des indica- tions précieuses pour la recherche des noyaux de l’auditif., Aussi est-ce sous l'influence des faits découverts par GoLGt, par ses élèves et par VAN GEHUCTEN que certains d’entre eux ont étudié les noyaux de l’acoustique. SALA, dans un ouvrage tout récent, recherche les terminaisons nerveuses de l’acoustique dans les différents noyaux. Pour lui le noyau antérieur serait le seul où l’on observerait des connexious directes entre les cellules nerveuses et les fibres de l’acoustique, qui se termineraient en s’unissant au prolongement de Derrers de ces cellules. Les racines de l’acoustique n’iraient pas plus loin, et les faisceaux qui vont aux noyaux sous-ventriculaires naîtraient de ce noyau antérieur pour se terminer par un réseau fibrillaire au niveau des cellules qui constituent les amas de subs- tance grise situés sous le plancher du quatrième ventricule. Pour ce qui est des noyaux de la partie dorsale du bulbe (noyau de BECHTEREW, noyau de DEITERS, noyau postérieur), nous sommes entièrement de l’avis de SaLa, quand cet auteur prétend que les prolongements cylindraxilles des cellules nerveuses qui les constituent, sont habituellement tournés dans un sens opposé à celui où arrivent les fibres venues du noyau antérieur, et aussi lorsqu'il avance que ces fibres se terminent par des ramifications de plus en plus grèles, finissant par un réseau correspondant à celui qui appartient aux cellules nerveuses. Mais nous ne saurions admettre que les faisceaux nerveux qui se rendent au noyau de DEIrErs, à celui de RECHTEREW et au noyau postérieur tirent leur origine du noyau antérieur. RECHERCHES SUR LE NERF AUDITIF 141 Ainsi que nous l'avons dit plus haut, ces faisceaux sortent directement de l’acoustique et dans chacune des branches de ce nerf on peut reconnaître deux racines, l’une se portant en avant, et l’autre en arrière. Ces deux racines vont se terminer au niveau des noyaux dorsaux du bulbe,-et nous avons pu suivre leur trajet jusqu’à ces différents amas de substance grise. Arrivé là, nous sommes d'autant mieux disposés à admettre le mode de terminaison que leur décrit SALA, que nous les avons vus nous-mêmes et que ces faits viennent encore fournir un appui de plus à nos conclusions sénérales. D'ailleurs, si le noyau antérieur est le point de terminaison des fibres de l’acoustique ainsi que le veut Sara, comment expliquer les dégénérescences obtenues par la seule destruction du vestibule ? Les fibres centrales n’en resteraient pas moins unies à leur noyau et il serait impossible, dans ces conditions, d'expliquer ces faits, étant donné les connaissances actuelles en physiologie. De plus, si ce même noyau pouvait être considéré comme l'équivalent morpho- logique d'un ganglion spinal, il donnerait naissance aux fibres de l’acoustique; il existerait avant la formation de ce nerf, et on l’obser- verait toujours en contact avec lui. Nous avons vu qu'il n’en est pas ainsi. Quelle serait alors la signification morphologique des divers amas de substance grise qu’on rencontre dans le bulbe? Il nous paraît tout naturel de les considérer comme les stations terminales de l’acoustique, stations terminales absolument semblables à celles des cornes postérieures. Nous sommes autorisés à cette conclusion par le mode de terminaison en réseau des cylindres-axes au niveau de ces amas de substance grise. Quant au noyau antérieur, nous ne devons pas, pour les mêmes raisons, le considérer comme le centre nutritif et le point d’origine du nerf acoustique. D’ailleurs, nous savons que, chez le chat, le faisceau médian qui vient du nerf cochléaire est seul à se perdre dans ce noyau. Jamais nous n'avons vu les fibrilles de ce nerf se continuer avec les prolongements de Dretrrers de ces cellules nerveuses, et, même parfois, il nous à semblé qu’elles se résolvaient en un réseau. D'ailleurs, chez la souris, une partie seulement des faisceaux supérieurs du nerf cochléaire se rend à ce noyau antérieur, les 142 A. CANNIEU fibres inférieures passent au-dessous de lui pour se rendre aux autres amas de substance. Pour ces derniers faisceaux, il faudrait donc chercher ailleurs leur noyau. Bien plus, SaLa lui-même est obligé de reconnaître que le nerf vestibulaire n’est pas réuni au noyau antérieur. VIII — Nous venons de dire que les fibres du nerf cochléaire se rendent aux stations terminales situées sous le plancher du 4me ventricule. Si l’on considère bien les faisceaux de fibres qui s'y rendent, on voit qu’on peut les diviser en deux portions princi- pales, la première qui se dirige en arrière et la seconde en avant, ainsi que l'indique d’ailleurs la figure 11. Si maintenant nous nous rendons compte de ces faits que les coupes antéro-postérieures du cerveau et du bulbe correspondent, chez la souris, aux coupes longitudinales de la moelle, il nous sera possible de comprendre que les faisceaux antérieurs peuvent être comparés aux racines ascendantes et les faisceaux postérieurs aux racines descendantes des nerfs sensitifs spinaux. Ce fait viendrait encore nous fournir une nouvelle preuve en faveur de ce que nous avançons, à savoir que le nerf auditif ressemble par son trajet médullaire et par ses terminaisons à une racine postérieure de la moelle. Quant au faisceau médian du nerf cochléaire, que nous avons rencontré seulement chez le chat, il serait morphologiquement com- parable aux fibres nerveuses des racines pestérieures qui se rendent directement aux cellules situées au niveau du point de contact de cette racine et de la moelle. Le nerf vestibulaire, a lui aussi deux racines, l’une antérieure l’autre postérieure, c’est-à-dire une ascendante et l’autre descendante. Nous ne sommes donc pas de l’avis de certains auteurs et de His (1) en particulier, qui prétendent que le nerf cochléaire forme la racine externe et postérieure, et le nerf vestibulaire la racine interne et antérieure du nerf acoustique. En résumé, les données acquises de Physiologie expérimentale, les notions embryologiques et les Jaits que nous avons observés, le mode de terminaison en réseau des fibrilles nerveuses, la réunion de ces fibrilles en deux racines pour chaque rameau du nerf auditif (racine ascendante (1) His. — Zur Eutwickelungsgeschicte des Aceust. (Arch. f. Anat. und. Phys Anat, Abth. Suppl. Bd. 1889). RECHERCHES SUR LE NERF AUDITIF 443 et descendante), nous prouvent abondamment que ce nerf, dans son trajet central, est absolument comparable à une racine spinale postérieure. Voyons maintenant si l’analogie se continue pour sa portion libre et périphérique. F IX. Cette étude constitue à proprement parler la partie la plus importante de notre travail, et si nous avons exposé le trajet médul- laire des fibres de ce nerf auditif, c'est afin de confirmer ce que nos recherches sur les rameaux de l’auditif avaient déjà établi. Dans le rameau auditif, en effet, on trouve des cellules ganglion- naires réunies en amas, et constituant un ganglion comparable à celui des racines postérieures. La destruction de ces cellules gan- glionnaires, nous l’avons vu plus haut, explique seule les résultats de Bumm, de Bacixsky et de Monakow ; nous savons également que chez les jeunes souris, les rameaux de l’auditif ne sont pas encore réunis au bulbe et que les cellules du ganglion de Scarpa et de CorrTr sont les seules en contact avec les fibres nerveuses défcetnert: Ces raisons nous permettent donc d'envisager ces ganglions comme les équivalents d’un ganglion spinal. Je ne pense pas que la forme bipolaire des cellules du ganglion de Scarpa et de CorTi puisse fournir un argument sérieux contre notre affirmation. Nous savons, en effet, que les cellules des gan- glions spinaux de l’homme et des mammifères sont constituées par des cellules à prolongement en T ou en Y, de RANvier. Si nous con- sultons, cependant, l’anatomie comparée et l’embryogénie, nous voyons que les renseignements que ces deux branches scientifiques nous fournissent viennent appuyer notre manière de voir. Chez les poissons, les ganglions spinaux sont constitués par des cellules bipolaires, et personne ne songe à contester l’analogie étroite existant entre ces ganglions et ceux des mammifères. Dailleurs ne savons-nous pas que les ganglions céphaliques con- tiennent pour ainsi dire des cellules de forme différente ? C’est ainsi que Rerzius et RAUBER ont trouvé dans les ganglions ophtalmiques, sphéno- palatins, otiques, sous-maxillaires des cellules multipolaires, et dans celui de Gasser, des cellules à prolongement en T à côté d’autres cellules multipolaires. Il°se pourrait donc que les ganglions cràniens échappassent par la forme des cellules à ce qui pourrait être consi- déré comme une règle dans les ganglions spinaux. 144 A. CANNIEU Les dernières recherches de His (1) nous apprennent que les cellules ganglionnaires à prolongement en T de RANVIER seraient primitivement chez l'embryon humain des cellules bipolaires, ayant un prolongement central et un prolongement périphérique. Plus tard, seulement, se formerait le prolongement en T. Pour cela le noyau et le protoplasma constituant la cellule se porteraient latérale- ment de façon à ce que les deux prolongements, qui se trouvaient placés suivant le grand diamètre de la cellule nerveuse, soient devenues tangentiels. La cellule, qui est d’abord réunie à ces deux filets par une couche de protoplasma assez épaisse, s'éloigne peu à peu, et le protoplasma qui unissait les fibrilles nerveuses à la cellule ganglionnaire s’amincit de plus en plus de façon à constituer le prolongement unique de RANVIER. Ainsi donc la forme bipolaire des ganglions de Scarpa et de Corri ne peut s'opposer au rapprochement que nous avons fait. X. — On pourrait encore objecter, contre les analogies que nous établissonsentre le nerf acoustique et les nerfs sensitifs spinaux, que les racines postérieures se réunissent avec une racine motrice de façon à constituer un nerf mixte, un nerf spinal en un mot. L’embryologie nous apprend encore à ce point de vue qu'il n'y a primitivement que des nerfs sensitifs et moteurs et que ce n’est que plus tard que ces nerfs se réunissent pour former un nerf mixte. L’anatomie comparée vient encore nous dire que chez l’amphioxus, par exemple, les nerfs moteurs et sensitifs restent séparés durant toute la vie. Aussi le nerf auditif, tel qu’on l’observe chez l’homme, chez le chat, c’est-à-dire indépendamment de tout filet moteur, doit être comparé à une racine spinale postérieure. Toutefois, si nous nous souvenons des descriptions que nous avons faites du nerf auditif de la souris, nous voyons, ainsi que le représentent les figures 5 et 6, que le nerf acoustique s’accole au nerf facial, au niveau du ganglion de Scarpa. Bien plus, surgissant de ce ganglion, on peut voir un faisceau nerveux aller se perdre dans le ganglion géniculé. On observe même une chaîne ganglionnaire cou- rant parallèlement à ces faisceaux et réunissant ces deux ganglions. LL ©) Si maintenant nous nous rappelons le faisceau qui réunit inférieu- (1) His, — Loc. cit. RECHERCHES SUR LE NERF AUDITIF 145 rement le ganglion de Scarpa à celui de CorTi, on pourra considérer ces trois amas ganglionnaires comme un seul et unique ganglion. En résumé le nerf auditif, chez la souris, en se réunissant au facial, constitue un nerf mixte comparable à un nerf spinal, ou bien au glosso-pharyngien ou au trijumeau, en faisant cette réserve toutefois qu'une partie, la plus volumineuse des racines sensitives, se dirige vers l'oreille interne ; quelques faisceaux seulement suivent la racine motrice, le facial. Ce sont ces faisceaux sensitifs, qui accompagnent le facial et vont se jeter dans le ganglion géniculé, qui doivent ici être considérés comme représentant, chez la souris, l'intermédiaire de WRISBERG. La séparation, chez cet animal, entre le ganglion géniculé et celui de Scarpa étant encore incomplète, la réunion entre ce dernier ganglion et le facial existant encore, il en résulte que les fibres sensitives, qui doivent accompagner le facial dans son parcours, ne sont pas encore séparées de la racine vestibulaire de l’acoustique, comme on peut l’observer chez le chat ou chez l’homme, où ces divers éléments sont absolument séparés les uns des autres. Encore existe-t-il, chez les deux dernières espèces, des anastomoses entre le ganglion de Scarpa et le nerf intermédiaire de WRISBERG, derniers vestiges d’une réunion primitive de ce nerf avec la racine vestibu- laire de l’acoustique. His a observé dans l'embryon humain la réunion en une seule masse des ganglions de Corri, de Scarpa et géniculé (1). Ce n’est que par la suite, dans le cours du développement, que s’eflectuerait la séparation. Cette différenciation, cette division du travail se produisant dans l’ontogénie se rencontre également dans la phylogénie, ainsi qu'il ressort de nos observations chez la souris. Chez ces mammifères, en effet, nous avons vu que les ganglions géniculés et de Scarpa étaient réunis par une bande de cellules ganglionnaires. Cette dis- position correspondrait par conséquent à celle qu'a observée His dans l'embryon humain. La phylogénie et l’ontogénie concourent donc à la même conclusion. Les ganglions de l'oreille qui ont paru aux anatomistes devoir être considérés comme des organes très autonomes, ne seraient donc pas très éloignés d’un (1) His. Loc. cit 146 A. CANNIEU état primitif où ils étaient confondus entre eux et où leurs fonctions différentes étaient remplies par cette masse unique, formée de cellules ganglionnaires. Cette constatation ne manque pas d'intérêt si on Con- sidère que les preuves directes et bien tangibles de l'évolution orga- nique constituent toujours des documents précieux pour le biologiste. Ce phénomène est du reste comparable à ce qui se voit dans le développement des organes, dans tout le règne animal. Ces organes sont d’abord simples, puis ils se multiplient pour remplir des fonc- tions analogues, soit en se ramifiant, soit en se dédoublant. XI. — Enfin, bien que l'étude des terminaisons nerveuses de l’acous- tique ne rentre pas dans les limites que nous nous sommes (lra- cées, nous pouvons ajouter qu'on peut les comparer à celles des racines sensitives d’origine médullaire. Ces dernières, d’après Ranvier, vont se terminer dans les cor- puscules du tact, entre les cellules épithéliales qui constituent ces organes, tandis qu'un certain nombre de leurs fibrilles se rendent au milieu de l’épithélium épidermique où elles finissent par un renflement en forme dé bouton. Il en est de même pour les deux branches du nerf acoustique. Nous savons, en effet, que les fibres nerveuses se rendent à des cellules spéciales de nature épithéliale appelées cellules de Cormi pour la papille spirale du limaçon et cellules ciliées pour les crêtes et les taches acoustiques. Ce mode de terminaison, qui serait Com- parable à celui qu’on observe dans les corpuscules du tact, n'est pas le seul. ReTzius à trouvé, en eflet, dans l'organe de CorrTi, des terminaisons nerveuses libres, finissant au niveau des cellules sen- sorielles par un renflement en forme de bouton, enfin nous-mêmes nous avons pu observer au niveau des taches acoustiques un fila- ment nerveux absolument libre allant jusqu’à la surface de l’épi- thélium où il se renfle. De ce renflement part un cil assez long et excessivement grêle. Ce fait, qui n’a pas été encore observé, fera l’objet d’un travail ultérieur. XII. — Si nous voulions pousser encore plus loin les analogies, nous pourrions puiser dans les dernières recherches d'anatomie comparée les matériaux nécessaires. Dernièrement, en effet, Lennossek (1), étudiant chez le lombric (1) Lexnossek. Ursprung und Endigung der Sensibeln Nervenfasern bei Lumbricus (Arch. f. Anat. und Phys. 1892). RECHERCHES SUR LE NERF AUDITIF 147 les éléments de la peau, y observa des cellules ganglionnaires. Il a pu suivre les bouts centraux de ces cellules bipolaires et y voir que les fibrilles nerveuses qui allaient vers la chaîne ganglionnaire ventrale ne se terminaient pas par un filament unique au niveau des cellules des ganglions où elles pénétraient, mais se séparaient en deux portions de façon à constituer une branche postérieure et une antérieure, une racine ascendante et une racine descendante. LEn- HOssEk tira les conclusions que comportaient ces faits et admit que les ganglions en général se formeraient aux dépens de l’épiderme. Ce ne serait que plus tard, par suite du développement, que les ganglions se trouveraient situés dans la profondeur des tissus (1). Pour cet auteur toutefois, le type primitif serait encore conservé chez les mammifères supérieurs dans l’épithélium olfactif. Là, en effet, on rencontre des cellules bipolaires à double prolongement, un central et l’autre périphérique, situées dans l’épiderme. Dans des travaux encore plus récents, l’auteur revient sur cette question; il compare les cellules olfactives à des cellules ganglionnaires, de plus il aurait également observé dans cet épithélium des terminai- sons nerveuses libres. Pour le nerf olfactif, en effet, on ne trouve pas de cellules ganglionnaires sur le trajet libre de ses fibres. Aussi les cellules à prolongement périphérique et central qu’on observe dans l’épi- thélium pourraient être comparées aux cellules ganglionnaires des gan- glions spinaux, avec cette différence que chez ces dernières le filet nerveux périphérique est incomparablement plus long que le filet central ; disposition opposée à celle des cellules olfactives. On peut appliquer ces analogies au ganglion de Scarpa et à celui de Corrti. Ils présentent cependant cette particularité que la portion ectodermique à laquelle se rendent les filaments périphériques de leurs cellules nerveuses a suivi les ganglions dans l’intérieur des tissus. On peut donc comparer leurs cellules aux cellules bipolaires des téguments des lombrics ou bien à celle de la muqueuse olfactive (1) M. le professeur agrégé pe NaBras a établi, pour le cerveau des mollusques, que les cylindre-axes, dont se composent les nerfs centripètes, se séparent dans les ganglions en deux branches ({erminaison en Y}), qui ne contractent aucune union directe avec les. cellules nerveuses voisines (Cerveau de l’Helix aspersa Müller. Congrès de l’Associatio® française pour l'avancement des Sciences. Pau, 1892. Struc- ture du système nerveux des Gasteropodes, Société de Biol., 25 nov. 1895.) 148 A. CANNIEU avec cette différence, nous le répétons, que l’épithélium sensoriel et les cellules nerveuses ne sont plus à la surface et que ces cellules nerveuses elles-mêmes se sont éloignées de l’épithélium. Il serait encore possible de tirer une autre conclusion, c’est que les organes de la sensibilité spéciale et générale sont construits sur le même type. ; Tous les nerfs sensitifs possèdent donc non seulement les mêmes terminaisons mais encore un ganglion plus ou moins rapproché des centres. Le nerf optique seul ferait exception à cette règle générale et ne répondrait pas aux lois qui semblent avoir présidé à la for mation des organes des sens, et encore, si l'on tient compte des derniers travaux de Froriept (1), on peut affirmer que la science n’a pas dit son dernier mot à ce sujet. (1) Frortepr. — Uebeer die Entwiekelung des Sechnerven (Anat. Anzeiger VI). RECHERCHES SUR LE NERFA AUDITIF 149 CONCLUSIONS (1). De l’ensemble de nos recherches, nous pouvons tirer les conclu- sions principales qui suivent : 1. Le nerf auditif et le facial, qui constituent la 7° et la &° paire des nerfs crâniens chez l'homme et les mammifères supérieurs, sont réunis chez la souris et doivent étre comparés aux fibres mo- trices et sensitives d’une même paire crânienne, telle que le triu- meau et le glossopharyngien. Si on pousse plus loin les analogies, on doit considérer le nerf auditif comme représentant la racine postérieure d’un nerf spinal. 2. Chez la souris, où le facial est réuni au ganglion de ScarpA, on voit des faisceaux nerveux issus de ce ganglion accompagner le facial et aller vers le ganglion géniculé où ils se perdent. 3. On observe également une bande de cellules ganglion- naires unissant ces deux ganglions, courant parallèlement à ces faisceaux. 4 4. Ce dernier fait vient à l’appui des recherches embryologiques de His, qui prétend que chez l’embryon humain, les ganglions de l’acoustique et le ganglion géniculé forment un seul et unique gan- glion se séparant dans le cours du développement. De nos recher- ches, il ressort donc que la phylogénie vient, en cette circonstance encore, à l'appui de l'ontogénie. Quant aux faisceaux nerveux surgissant du ganglion de ScarpA pour aller au ganglion géniculé, ils doivent être considérés, chez la souris, comme les équivalents morphologiques du nerf intermé- diaire de WRISBERG, qui serait entièrement séparé de l’acoustique chez les formes supérieures (homme, chat). Encore chez ces der- piers, existerait-il des anastomoses, entre l’intermédiaire et le ganglion de ScarpA, dernier vestige d’un état primitif. (1) Les phrases en italiques indiquent les faits nouveaux établis par nos recherches. 150 A. CANNIEU 5. L'amas de substance grise décrit autrefois par M. le professeur Coÿxe, constitue la partie intra-rocheuse d’un prolongement bulbaire pénétrant dans la partie interne du conduit auditif chez le chat, mais allant, chez la souris, jusqu'à la partie inférieure du troi- sième tour de spire limacéen. Ce prolongement est morphologiquement comparable au bulbe olfactif. Chez les animaux jeunes, ils est beaucoup moins développé que chez l'adulte; chez la souris qui vient de naître, il n'existe pas encore. 6. Ce prolongement bulbaire est constitué par la partie infé- rieure et externe du noyau antérieur chez le chat. Xl est formé par de la substance grise, entourée d’une couche de substance blanche. Chez la souris, la substance blanche constitue seule ce prolon- gement qui n'est en rapport avec le noyau antérieur que par ses fibres supérieures. Ce prolongement donne naissance au nerf cochléaire seulement chez la souris. Chez le chat, certaines fibres du nerf vestibulaire pénètrent au milieu de sa substance. 7. Les cellules nerveuses de la partie inférieure du noyau anté- rieur ne sont pas comparables, ainsi que le décrivent les auteurs, aux cellules des ganglions spinaux. Zndépendamment du prolon- gement de Detrers, en effet, elles possèdent encore une foule d’autres prolongements, très gréles, se ramifiant à l'infini de facon à constituer un réseau très-fin autour de ces cellules. La finesse de ces prolongements explique la facilité avec laquelle ils ont passé inaperçus. 8. Les ganglions de Scarpa et celui de CorTi, sont les véritables noyaux de l’acoustique. Chez les Jeunes souris les nerfs sont par- faitement formés avant leur réunion à la substance bulbaire. Ce fait vient à l'appui des recherches embryologiques de His, et des travaux de Bacinxsky, de Bumm et de Monaxow. 9. Les ganglions de BôTrcner, celui de Scarpa, el celui que CorTi et ScawaALBE prétendent exister sur le nerf ampullaire posté- rieur,ne forment qu'un seul el unique ganglion. 10. Le nerf ampullaire postérieur, le nerf sacculaire ne sont pas des émanations du nerf cochléaire, mais s'échappent du ganglion de ScaRpA. RECHERCHES SUR LE NERF AUDITIF 151 11. Les fibrilles nerveuses qu’on observe chez l’homme et chez le chat et qui vont à la partie inférieure du tour de spire inférieur, constiluent chez la souris un véritable nerf, se distribuant à toute la première moitié du tour de spire inférieur du limaçon. 12. De ce nerf partent des faisceaux nerveux, traversant la cloison, et se rendant au pôle central d’une cellule de Conti, avant de se terminer dans la papille spirale du limaçon. 43. — Le nerf auditif, chez les mammifères, est constitué par deux nerfs, s’insérant séparément sur les parties latérales du bulbe : le nerf vestibulaire et le nerf cochléaire. Chez l’homme, ces deux nerfs forment un tronc unique par leur réunion. 14. — Le nerf vestibulaire sort du bulbe en avant du nerf cochléaire ; il constitue donc la racine antérieure de l’acoustique. 45. Les fibres du nerf vestibulaire et cochléaire, dans leur trajet médullaire, se partagent pour chacun d’eux en deux faisceaux, l’un antérieur, l’autre postérieur, morphologiquement comparables aux racines ascendantes et descendantes des racines postérieures des neris Spinaux. 16. Ces racines ne s'arrêtent pas dans le noyau antérieur, mais au niveau des amas de substance grise, situés sous le plan- cher du 4m ventricule. 17. Ces racines se terminent au niveau de ces amas comme les fibres postérieures de la moelle ; c’est-à-dire que leurs cylindres-axes ne sont pas en connexion avec les prolongements de Deiters des cellutes nerveuses. 152 A. CANNIEU EXPLICATION DES FIGURES (1) Figure 1. — Coupe du limacçon de l’homme : 4, Ganglion de CorTi. — 2, Nerf cochléaire — 3, Portion cochléaire du nerf vestibulaire. — 4, Ganglion du nerf vestibulaire, partie de ce ganglion correspondant au nerf sacculaire et pris par les auteurs pour un ganglion spécial (Ganglion de BOTTCHER). — 5, Saccule et sa tache acoustique. Figure 2. — Coupe du limaçon du chat : 1, Ganglion de Conti. —,2, Nerf cochléaire. —3, : Coupe de la bande ganglionnaire constituant la partie inférieure du ganglion de ScaARPA.— 4, Faisceaux supérieurs du nerf cochléaire dans leur trajet à travers le prolongement bulbaire.—5, Prolongement bulbaire pénétrant dans la portion interne du conduit auditif interne : substance grise du prolongement. — 6, Faisceaux inférieurs du nerf cochléaire dans leur trajet à travers le prolongement bulbaire. — 7, Faisceaux médians du nerf cochléaire se perdant dans la substance grise du prolongement. Figure 3. — Coupe perpendiculaire, à l'axe du limacon chez la souris : 1, Utricule. — 2, Saccule. — 3, Nerf sacculaire. — 4, Faisceaux nerveux se rendant au ganglion de CorrTi. — 5, Nerf partant de l’extrémité du gangiion vestibulaire s’accolant à la paroi interne de la cloison du 1/2 tour de spire inférieur ; c'est de ce neri que partent les faisceaux nerveux précédents. — 6, Coupe transversale du nerf cochléaire. — 7, Ganglion vestibulaire ou de Scarpa — 8, Racine vestibulaire du nerf acoustique. Figure 4. — Coupe perpendiculaire à l'axe du limaçon, chez la souris : 1, Ampoule du canal semi-circulaire supérieur. — 2, Neri vestibulaire, partie se rendant à l’ampoule supérieure. — 3, Ganglion situé sur le nerf vestibulaire ou ganglion de SCARPA. — 4, Nerf vestibulaire. — 5, Coupe transversale du nerf cochléaire. — 6, Rameau naissant de l'extrémité du ganglion de ScarpA et envoyant des fibres vers le 1/2 tour de spire inférieur. Figure 5. — Coupe transversale et légèrement oblique d’arrière en avant du bulbe et de l'oreille d’une souris : 1, Ampoule du canal semi-circulaire supérieur. — ?, Rameau du nerî vestibulaire se rendant à celte ampoule. —3, Partie supérieure du ganglion de Scarpa. — 4, Noyau antérieur. — 5, Pédoncule cérébelleùx. — 6, Bulbe. — 7, Facial uni au ganglion de ScARPA. Figure 6. — Coupe transversale et légèrement oblique d’arrière en avant du bulbe et de l'oreille d’une souris : 1, Ampoule supérieure. — 2, Parties du nerf ampullaire sépa- rées. — 3, Ganglion de Scarpa. — 4, Noyau antérieur. — 5, Aqueduc de FALLOPE. — 6, Nerf vestibulaire. — 7, Nerf faciai pénétrant dans l’aqueduc de FALLOPE. Figure 7. — Coupe de l'oreille de la souris oblique par rapport à la direction du facial et à l'axe du limaçon : 1, Ganglion géniculé. — 2, Faisceaux nerveux allant du gan- glion de ScarPA au ganglion géniculé., — 3, Facial. — 4, Ganglion de Scarpa. — 5, (1) Les figures ont été dessinées par notre ami M. Tanver, étudiant en médecine, que nous ne saurions assez remercier, RECHERCHES SUR LE NERF AUDITIF 153 Nerf sortant de l’extrémité inférieure du limaçon et se distribuant au 1/2 tour de spire inférieur. — 6, Ganglion de Conti. — 7, Bande de cellules ganglionnaires unissant le ganglion de ScarpA au ganglion géniculé. Figure 8. — Coupe faite dans le même sens que la précédente chez la souris : 1, Ganglion géniculé, — 2, Faisceaux nerveux réunissant le ganglion géniculé au ganglion de SCARPA. — 3, Section oblique du facial. — 4, Ganglion de ScarPpa. — 5, Rameau du 1/2 tour de spire inférieur du limaçon. — 6, Ganglion de Corrt. Figure 9. — Coupe du limaçon de la souris passant par son axe : 4, Prolongement bulbaire. — ?, Ganglion de Conri. — 3, Nerf cochléaire s’échappant du prolongement bulbaire. Figure 10, — Coupe antéro-postérieure du bulbe d’une souris âgée de 4 jours : 1, Pédor- cules cérébelleux. — 2, Noyau antérieur à peine développé. — 3, Faisceaux posté- rieurs constituant la racine descendante du nerf vestibulaire. — 4, Ganglion de ScarPA. — à, Noyau de DeITERs. — 6, Noyau de BECHTEREW.— 7, Racine antérieure du nerf vestibulaire constituant sa racine ascendante. -— 8, Nerf trijumeau. — 9, Ses faisceaux sensitifs, — 10. Son noyau moteur, Figure 11. — Coupe antéro-postérieure et oblique du bulbe d’une souris, n'’intéressant que la partie interne du prolongement bulbaire : 1, Noyau antérieur et faisceaux qui s’y rendent (Racine ascendante). — 2, Noyau de Derrers et faisceaux qui s’y rendent (Racine descendante). — 3, Prolongement bulbaire, Nora, — La figure 1 a été dessinée à la loupe. La figure 2 est demi-schématique; toutes les autres ont été dessinées à la chambre claire, oc. 1, object. O. de VÉRICK. 154 NOTE SUR LES ACARIENS MARINS [Halacaridæ) dragués par M. P. HALLEZ dans le Pas-de-Calais, PAR LE DOCTEUR E. TROUESNART., avec {4 figures dans le texte, d’après les dessins de M. G. NEUMANN, Professeur à l'Ecole vétérinaire de Toulouse. M. P. Hazrez, Professeur à la Faculté des Sciences de Lille et Directeur du Laboratoire de zoologie maritime du Portel (Pas-de-Calais), a bien voulu mettre à ma disposition, avec son obligeance habituelle, dans le courant de cet été (Août 1893), un certain nombre de résidus provenant des dragages effectués par lui, dans le détroit, sur les fonds si riches en Bryozoaires dont il a donné ailleurs la description (1), Mon but était d’y rechercher les Acariens marins (Halacaridæ) qui devaient vivre à cette profondeur, variant de 25 à 60 mètres environ. En effet, jusqu'ici on ne connaissait que la faune littorale de ces animaux : mais quelques faits isolés permettaient d'affirmer qu’on en trouverait encore abondamment sur les fonds éloignés des côtes et dans des localités où les algues font presque complètement défaut, ou ne sont représentées que par le genre ZLithothamnion (ancien genre Melobesia). Le résultat a dépassé mon attente. Sur les 15 résidus mis à ma disposition par M. HALLEZ, un seul ne contenait pas d’Acariens et c'est précisément celui qui provient de la plus faible profondeur (les Ecaillis, fond côtier par le travers de Wimereux : 11 à 18 mètres). Tous les autres contenaient des Halacaridés et souvent en grande abondance. Les grandes profondeurs (Creux de Lobour: 53 à 58 m.) paraissent même plus riches, ou tout aussi riches en individus que les fonds moyens de 25 m. (1) P. Hazcez, Dragages effectués dans le Pas-de-Calais (Revue Biologique du Nord de la Franee, I, (1888), p. 3), avec une carte indiquant les fonds sur lesquels ont été effectués les dragages dont il sera question dans la présente note. NOTE SUR LES ACARIENS MARINS 155 Maintenant que l’on sait, grâce aux observations de M. H. LonHManN, que les Halacaridés sont tous (à l'exception du G. rhombognatus), carnivores et non herbivores comme on le supposait d’abord, il n’y a pas lieu de s'étonner de ce résultat, et il faut s'attendre à ren- contrer des Acariens à des profondeurs beaucoup plus grandes que celles qui sont signalées ici, peut-être même jusque dans les vallées abyssales où vivent des Pygnogonides de grande taille, tels que les Colossendeis titan et C. colossa, qui ont été dragués à une profondeur de près de 3.000 mètres. Les Acariens marins échappent facilement à l'observation à cause de leur petite taille. Le nombre total des espèces recueillies par M. Hazzez est de quatorze. Pour mettre de l’ordre dans cet exposé je le diviserai en trois parties : 4° Résultats généraux ; 2° Liste des espèces trouvées dans chaque dragage; 3° Revue méthodique des espèces et description des espèces et variétés nouvelles. I. RÉSULTATS GÉNÉRAUX. Ces résultats se rapportent aux différents points suivants que j'examinerai successivement : 4° Distribution bathymétrique des espèces; 2 distribution géographique ; 3° mœurs, habitat, régime et développement ; 4° procédés de recherches. L Distribution bathymétrique, — Ce qui frappe tout d’abord dans les dragages effectués entre 25 et 60 m., c’est l'absence totale du genre Rhombognathus et l’extrème abondance de l’Halacarus Murrayi LonM., plus commun à lui seul que toutes les autres espèces réunies. L'absence des Rhombognathus n’a pas lieu de surprendre, lorsque l'on sait que ces animaux se nourrissent presqu’exclusivement d'algues vertes dont ils sucent le protoplasma chlorophyilien. Autant ces animaux abondent dans la zone littorale où vivent les algues et plus particulièrement les fucus. verts et bruns, autant il est naturel de ne plus les rencontrer dans les zones plus profondes où la nour-- riture est exclusivement animale, la végétation n'étant plus représentée que par des algues incrustées de calcaires comme les Corallines (Lithothamnion). Par contre, les autres Hacalaridés, qui sont carnas- siers, se nourrissant de proies vivantes ou d’œuis, y trouvent en abondance les aliments dont ils ont besoin et se cramponnent aux 156 E. TROUESSART Bryozoaires, aux Hydroïdes, aux Éponges et à beaucoup d’autres animaux fixés ou libres, aussi facilement qu'aux Algues fixées ou épaves dans la zone littorale. Quant à l’Halacarus Murrayi, c'est l'espèce qui paraît la plus répandue, dans le Pas-de-Calais, au-delà de 25 mètres, notamment sur les Flustres et les autres Bryozoaires qui forment de véritables champs dans cette région du détroit. C’est ce que montre le tableau suivant où les espèces scnt rangées d’après leur fréquence plus ou moins grande. Le chiffre placé à la suite du nom de chaque espèce indique approrimativement le nombre d'individus recueillis sur l’en- semble des quinze résidus de dragages mis entre mes mains: 1. Halacarus Murrayi..... 300, D » gracilipes.…. 410, 3. Agaue microrhyncha... 55, 4, Halacarus rhodostigma (1) ‘5, 5 » Chevreuxi... 20. 6. Leplognathus falcatus.. 6, 7. Halacarus gibbus....... 6, 8. » SULNTIERIE EEE 5, 9 » SURIALUS EE 3; 10. » aclenos ee “| 11. Agaue brevipalpus..... 4, 12. Scaptognathus Hallezi.. 1 Total — 433 spécimens. Cette liste comparative montre bien qu'Halucarus Murrayi est l'espèce qui prédomine de beaucoup entre 25 et 60 m. Cependant on la trouve aussi à une profondeur moindre: d’après LoHmanN, elle se trouve dans la Baltique et habite «la Région des Algues rouges sur les Floridées, les Éponges et les Flustres par 12 brasses de profondeur », c'est-à-dire par 21 à 22 m., dans une mer intérieure où la marée est insensible. L'adulte à été dragué par M. Grarp, au large du Portel, par une profondeur de 15 m. Cependant l'espèce ne se trouve pas dans la zone littorale. Ces données nous permettent de dire que l’Halacarus Murrayi (une des plus grandes espèces de la famille après lH. spinifer), rem- (1) Trois espèces distinctes mais très voisines, sont en réalité confondues sous ce nom, ainsi que nous le montrerons plus loin; mais cette confusion n’a pas d'importance ici, les trois espèces vivant en société el paraissant se plaire plus particulièrement sur les Lithothamnion. NOTE SUR LES ACARIENS MARINS 157 place cette dernière et les espèces du même groupe (1. aclenos, par éxemple), en dehors de la zone littorale, et plus particulièrement entre 15 et 60 m. de profondeur: ces chiffres, d’ailleurs, indiquent chez cette espèce une certaine élasticité dans la faculté d'adaptation à des pressions très diverses. Une petite espèce qui, par la structure de ses pattes, rappelle beaucoup la précédente, Halacarus gracilipes, accompagne presque partout Hal. Murrayi: elle se trouve dans 9 flacons sur 14. Mais elle vit aussi dans la zone littorale, de sorte que sa répartition stratigraphique est beaucoup plus étendue que celle de l’espèce précédente. C'est là d’ailleurs une particularité qui paraît commune à toutes les espèces du groupe auquel elle appartient (sous-genre Copidognathus Trr). L’Agaue microrhyncha est une autre espèce assez commune sur les Bryozoaires : elle se trouve, comme la précédente, dans 9 flacons sur 14, mais parait deux fois plus rare. Les petites espèces du groupe d’Hal. rhodostigma doivent vivre au milieu des anfractuosités rameuses formées par les buissons de Lithothamnion qui, dans le Pas-de-Calais, tapissent d’un gazon épi- neux les roches portlandiennes servant de soubassement à ces bas-fonds sur lesquels la drague ne glisse qu'avec eflort. Si l’on tient compte de ces conditions et de la faible taille de ces acariens, le petit nombre des spécimens recueillis (35 environ) n’a pas lieu d’étonner ; les mêmes espèces se retrouvent d’ailleurs dans la zone littorale, notamment sur les Corallines, dans les huitrières et dans les parcs à huîtres. Les spécimens dragués par M. HALLez appartien- nent à trois espèces distinctes que l’on a confondues jusqu'ici. L’Halacarus Chevreurt est encore une de ces espèces qui se trou- vent à la fois dans la zone littorale et dans la zone des grands fonds par 25 à 60 m. L'espèce se trouve dans 7 flacons sur 14. Les spécimens recueillis constituent une variété de petite taille et difiè- rent par d’autres caractères ercore de la variété littorale récoltée à la même époque de l’année (Août 1893), par M. Henri GADEAU DE KERVILLE, sur les Corallines de Granville (Manche). Le Leptognathus falcatus, bien que représenté seulement par 6 spé- cimens, peut être considéré comme appartenant à la faune des grands fonds : dans les dragages de M. Hazzez, il se trouve dans 4 flacons, mais c’est à la profondeur de 25 m. (Le Muroquoi) qu’il semble le 158 E. TROUESSART moins rare (3 spécimens). Cependant l'espèce se trouve aussi dans la zone littorale, sur les Corallines et sur Lasæa rubra. Dans l'Océan, elle est très commune sur les fonds granitiques, par 6 m. au-dessous des plus basses mers (Roches de Castouillet, au Croisic). La jolie espèce du S.-G. Copidognathus (groupe « Rhodostigma » de LoHMANN), que j'ai nommée Halacarus gibbus, paraît se plaire, dans les mêmes localités que Leptognathus falcatus. Elle a été recueillie sur les Eponges et sur Antennularia ramosa à une profondeur de 25 m. (Le Muroquoi : 5 spécimens). — Ailleurs, notamment à Granville, elle se trouve dans la zone littorale, sur les Corallines. Les espèces suivantes (Hal. spinifer, H. striatus, H. actenos, Agoue brevipalpus, Scaptognathus Hallezi), sont représentées par un trop petit nombre de spécimens (de À à 5 au plus), pour qu'il soit possible d'admettre qu'elles se trouvent ici dans leur habitat habituel : il est plus naturel de supposer qu’entrainés par des courants, ces spéci- mens se sont trouvés pris accidentellement par la drague. Le Scapto- gnathus Hallezi, n. sp., est le seul qui pourrait appartenir à la faune des grands fonds rocheux, d’après ce que nous savons de l'habitat du Sc. tridens sur les Roches de Castouillet. Les quatre autres espèces sont de la faune littorale. En résumé, il semble résulter de ces dragages que certaines espèces de la famille des Halacaridés (notamment Halacarus Chevreuxi, H. gracilipes, H. gibbus, Leptognathus falcatus), présentent une faci- lité d’accommodation à des profondeurs très variées beaucoup plus grande que celle d’autres espèces telles qu'Halacarus spinifer et H. actenos, qui sont remplacées à une certaine profondeur par d’autres espèces, notamment par H. Murray. 2. Distribution géographique. — Les recherches effectuées par M. Hazcez dans le Pas-de-Calais et par M. Henri GADEAU DE KERVILLE sur les côtes du Cotentin, nous ont appris que la plupart des espèces considérées jusqu'ici comme méridionales s’étendaient beaucoup plus vers le nord qu'on ne l'avait supposé jusqu'ici. C’est ainsi que le genre Agaue, considéré d’abord comme propre à la Méditerranée, a été retrouvé depuis dans le golfe de Gascogne. Aujourd’hui nous devons étendre l’habitat de ce genre au moins jusqu’au détroit du Pas-de-Calais, car nous ne savons rien, ou presque rien, de la faune de la mer du Nord. Dans tous les cas, le genre Agaue n’a pas été trouvé par M. Lonmanx dans la Baltique: il ne paraît pas exister non plus sur les côtes anglaises de la mer du Nord. NOTE SUR LES ACARIENS MARINS 159 La faune de la Méditerranée n'a pas d'espèces qui lui soient propres : c'estlà un fait bien établi déjà pour d’autres groupes zoologiques et que mes recherches sur les Acariens marins viennent confirmer. Toutes les espèces considérées comme propres à la Méditerranée, se retrou- vent dans l'Océan, au Nord ou au Sud du détroit de Gibraltar (1). Les Agaue brevipalpus et A. microrhyncha remontent jusqu’au Pas- de-Calais, et l’Agaue hirsuta, la plus grande espèce du genre, vient d’être récoltée en nombre par M. G. NEUMANN, à St-Jean-de-Luz, dans le golie de Gascogne. | De même, les Halacarus Chevreuxi et H. gibbus, espèces de l'Océan et de ia Méditerranée qui ne se trouvent pas dans la Baltique, se rencontrent dans la Manche et le Pas-de-Calais. On trouve même à Granville une variété de cette dernière (77. gibbus var. remipes) que j'avais d’abord supposée propre à la Méditerranée. Certaines de nos espèces des côtes de France ont d’ailleurs une extension géographique considérable : c'est ce qui résulte des recherches de M. H. LonManx (Die Halacarinen der Plankton-Expedition, 1893). Ainsi Halucarus Chevreuxi s'étend jusqu’à Sidney (Australie Sud), et Agaue imicrorhyncha jusqu'aux Bermudes (côte méridionale de l'Amérique du Nord), présentant, suivant les localités, des variations sur lesquelles je reviendrai ultérieurement. 3. Mœurs, régime, habitat, développement. — Ce que nous savons jusqu'à présent des mœurs des Halacaridés se réduit à peu de chose, mais l'abondance d’Halacarus Murrayi sur les Flustres et les Bryozoaires en général, prouve que ces Acariens vivent en commensaux Ou en parasites sur les colonies de ces animaux. M. LoHmManN à vu l’Halacarus spinifer saisir un petit Annélide à l’aide de ses palpes et de ses pattes antérieures armés de forts piquants, et, malgré les contorsions de lanimal, l’embrocher avec ses mandibules en forme de scalpel et sucer son sang. Les petites espèces d’'Halacaridés sont également la proie des plus grosses. D’après ces mœurs carnassières, il est permis de se demander si les Halacariens que l'on trouve sur les Bryozoaires sont bien de simples commensaux, ne demandant aux colonies de ces animaux (1) Je ne m'occupe pour le moment que de la portion occidentale de la Méditerranée, faisant toutes réserves au sujet des types qui peuvent avoir peuplé la portion orientale de cette mer en l’envahissant par la mer Rouge et l’isthme de Suez. 460 E. TROUESSART qu'un point d'appui pour s’y cramponner, résister aux Courants et aux mouvements des vagues et guetter les petits animaux qui passent à proximité, en se rabattant parfois sur les déchets qui résultent de la nutrition du Bryozoaire lui-même? — Il me semble vraisemblable que l’Halacarien prédateur ne se contente pas de si peu, et ne se fait pas faute de dévorer son hôte à l’occasion, soit en saisissant les Zoïdes au moment où ils font saillie hors de leur loge, soit en allant les saisir dans cette loge même. C’est à l’observation directe, faite dans les aquariums, de nous apprendre si l’Halacarien est ainsi, pour le Bryozoaire et pour l’Hydroïde sur lequel il vit, un véritable parasite. Les Halacariens vivent-ils toute l’année dans les mêmes localités, ou bien changent-ils de résidence suivant les saisons? Les jeunes ont-ils besoin d’une nourriture autre que celle qui convient aux adultes, et par suite font-ils bande à part? Ce sont là des questions qui se posent en face des faits observés. Il est à noter que les trois cents spécimens d’Halacarus Murrayi recueillis entre 25 et 60 m., par M. Hazez, sont tous des nymphes ayant sensiblement la même taille, en un mot arrivées au même stade de développement. Pas un seul adulte ne se trouve au milieu de ces nymphes. C’est là un fait que présentent également plusieurs autres espèces. M. LonManN, étudiant l’Halacarus spinifer dans la Baltique, s'exprime ainsi : (MR Les adultes disparaissent complètement pendant plusieurs mois (de l'été). En novembre et probablement déjà en octobre, les formes pubères se montrent pour acquérir leur maximum de per. centage en hiver, diminuer graduellement au printemps et jusqu’en juillet, où elles disparaissent de nouveau..... » (Plankton-Expedition, p. 30). Le cycle du développement exigerait donc une année entière. Mes observations sont, jusqu'ici, d'accord avec celles de M. LoHmanNN, tout au moins en ce qui a rapport à ces deux espèces: Halacarus spinifer et H. Murrayi. Reste à savoir si cette disparition des adultes ne tient pas tout simplemement à ce que ceux-ci habiteraient, pen- dant l'été, des localités différentes où la nourriture serait mieux à leur convenance. Il est possible également qu’une même espèce se tienne à des niveaux différents suivant l'époque de l’année et la température NOTE SUR LES ACARIENS MARINS 161 variable du milieu ambiant. Nous n’avons jusqu’à présent que des données très vagues sur ce point. Quoiqu'il en soit, il est certain que la théorie de M. LonMann ne s'applique pas à toutes les espèces de la famille. Dans les mêmes localités et à la même époque de l’année (août), tandis que les Hal. Murrayi et H. spinifer ne sont représentés que par des nymphes sensiblement de même âge, les Hal. Chevreuri et Hal. actenos se mon- trent en colonies dans lesquelles larves, nymphes et adultes des deux seres Sont également représentés, et ceci s'applique aussi bien aux grandes profondeurs {(H. Chevreuxi) qu’à la zone littorale ou du balan- cement des marées (1. actenos). Relativement au mode de locomotion des Halacariens, j'ai d’abord admis, avec M. LoHManN, que ces animaux étaient incapables de nager et se contentaient de marcher sur le fond ou de grimper sur les rochers, les algues et les bryozoaires. Au cours de l’expé- dition allemande du National dans l’Atlantique, des Halacariens ont été recueillis à plusieurs reprises par le filet fin servant à la récolte du plankton, c’est-à-dire des animaux qui nagent ou flottent entre deux eaux. M. LoHManNN admet que ces Halacariens, incapables de nager, s'étaient laissés entraîner passivement par les courants. Cependant, lorsque l’on examine les expansions en forme de rames qui bordent les pattes de l’Halacarus Chevreuxi et de l’Hal. gibbus (plus particulièrement de la variété de ce dernier que J'ai appelée : Var. remipes), il est permis de croire que ces expansions ne sont pas de simples ornements, mais constituent des organes de locomo- tion, pour le moins aussi puissants que les pattes ciliées des Hydrachnides, qui nagent, comme on sait, aussi aisément que les Copépodes. Cette disposition est surtout frappante sur l’Halacarus gibbus var. remipes, qui possède la faculté de recourber ses pattes de telle manière que l'extrémité du tarse vient s'appuyer sur le deuxième article, les deux pattes antérieures étant repliées en arrière, les deux postérieures en avant. Dans cette position, chaque membre a la forme d'un lobe ovale dont les vides intérieurs sont comblés par les lames minces et transparentes qui bordent les articles et s'appuient l’une sur l’autre comme les lames d’un éventail ou les plumes de l’aile d’un oiseau, et constituent une rame parfaite. Je suis donc porté à admettre que ces deux espèces, et celles qui 11 162 E. TROUESSART sont dans le même cas, sont capables de nager et plus aptes à la natation que les autres espèces de la famille, ce qui ne veut pas dire que celles-ci soient complètement privées de cette faculté. Etant donné le milieu dense où vivent ces animaux, il semble vraisem- blable qu’ils possèdent tous le moyen de s'élever ou de s’abaisser dans ce milieu sans être forcés de grimper lentement sur les rochers, les algues ou les autres objets à leur portée. Il est permis de sup- poser que les pores souvent très développés que l’on voit sur certains points de leurs téguments, et qui ne servent pas (1) à la respiration, sont précisément destinés à introduire et à chasser alternativement de l’eau que l’animal emmagasine entre la couche surperlicielle et les couches plus profondes de la peau (2). L’acarien peut ainsi se gonfler ou se dégonfler à volonté, en augmentant ou diminuant son volume et par suite sa densité par rapport à celle du liquide dans lequel il est plongé; l'animal tend à tomber vers le fond dans le second cas, à remonter vers la surface dans le premier. L'observa- tion directe peut seule nous apprendre si cette supposition est fondée, En ce qui a rapport au développement, je dirai seulement un mot de la forme désignée par M. Lonmann sous le nom de 2° nymphe. Pour moi cette forme correspond à celle qu'on appelle, chez les Sarcoptides, femelle nubile (MéGnix). En d’autres termes, cette forme représente la femelle apte à être fécondée par le mâle adulte et munie d’une vulve d'accouplement plus étroite (bien qu’elle occupe la même place) que la vwulve de ponte qu’elle possèdera plus tard sous sa forme de femelle fécondée. Les mâles ne passent donc pas par la forme de 2% mymphe. Ce qui le prouve, c'est que tous les mâles en mue que j'ai observés, encore enfermés dans leur peau de nymphe, mon- traient cette peau dépourvue de la petite plaque génitale qui carac- térise cette forme de 2% nymphe. J'ai observé particulièrement ce fait, de la façon la plus nette, sur Halacarus Chevreuri. 4. Procédés de recherche. — Lorsqu'on ne pourra disposer, pour la recherche des Acariens marins, de résidus de dragages récents, (…) Directement au moins. On sait en effet que les Halacaridés, dont les trachées sont atrophiées comme d'ordinaire chez les animaux marins, respirent par la peau l'oxygène dissous dans l’eau et que la dessiccation de leurs tégu- ments les tue très rapidement (LonManN), tandis qu'ils supportent très faci- lement le passage de l’eau salée à l’eau douce. (2) A. Ducs a découvert quelque chose d’analogue, dès 1834, sur les Hydrachnides d’eau douce (Voyez : Annales des Sc. Nat., Zool., t. I‘ (2° série), p. 162-163, NOTE SUR LES ACARIENS MARINS 163 on pourra rechercher ces animaux dans ce que j'ai appelé des fonds de bocaux. Je désigne sous ce nom l’espèce de boue qui se dépose au fond des bocaux remplis d'alcool où l’on conserve les Bryozoaires, Hydroïdes, Polypiers, Madréporaires, Echinodermes, Mollusques, Crustacés, etc., sur lesquels on a chance de trouver des Halacaridés. Pour que cette recherche soit fructueuse, il est indispensable que l'alcool examiné, avec la boue qu'il contient, n'ait pas été renouvelé, ou que le fond de bocal soit le résidu du premier lavage à l'alcool opéré; faute de cette précaution, ce premier lavage entrai- nant presque tous les Acariens, on aura peu de chances d’en trouver, à moins qu’ils ne soient très abondants sur l’animal ou la colonie d'animaux examinés. Ce mode de recherche est surtout utile lorsqu'il s’agit de con- naître la faune halacarienne de régions éloignées du globe. C'est ainsi que j'ai recueilli des espèces intéressantes et nouvelles sur des algues sèches ou conservées dans l'alcool, provenant de la Terre- de-Feu, de la Nouvelle-Zélande et de l’Indo-Chine, sur des Litho- thamnion du Spitzberg et du Labrador. De même M. Lonmann a décrit plusieurs espèces d'Australie d’après des spécimens recueillis par le Dr Ricurer sur des Madréporaires, des Bryozoaires, des Asei- dies et des Alcyonnaires provenant des mers australes. C’est le seul moyen de se procurer ces animaux microscopiques qui ne peuvent être recueillis directement sur les lieux mêmes. Avant de m'envoyer les nombreux résidus de dragages dont il est question ici, M. HaLLez avait mis à ma disposition un certain nombre de fonds de bocaux provenant de ses précédentes recherches, et j'y avais trouvé, en petit nombre il est vrai, la plupart des espè- ces que j'ai récoltées depuis en plus grande abondance. On voit donc que ce procédé ne doit pas être négligé, surtout lorsqu'il s’agit des espèces exotiques. Lorsqu'on recherche les Acariens marins dans l'alcool ou dans l’eau de lavage des algues fraiches ou sèches, des Lithothamnion, des Bryozoaires ou des Polypiers, il est indispensable de procéder avec méthode et de se servir d’une excellente loupe, à moins qu'on ne fasse cette recherche sur la platine même du microscope, pro- cédé beaucoup plus long et fastidieux. Lorsqu'on n’a pas l’habitude de cette recherche, les plus petites espèces, celles qui n'ont que 930 164 E. TROUESSART à 40 w de longueur totale, échappent facilement et l’on ne recueille que les spécimens de grande taille. J’indiquerai ailleurs, d’une façon plus complète, le procédé qui m’a donné les meilleurs résultats et que j'ai perfectionné depuis 1889 — époque de mes premières recher- ches sur les Halacariens, — procédé qui s'applique également à la recherche des Copépodes et des autres animaux marins de très petite taille. II. — ANALYSE DES DIVERS DRAGAGES ET TABLEAU DES ESPÈCES QU'ILS RENFERMENT Afin qu'il soit plus facile de se rendre compte des résultats obtenus, je rangerai les 15 dragages examinés suivant l’ordre bathy- métrique en commençant par la profondeur la plus faible. Les numé- ros que je donne ici à chaque dragage ne correspondent donc pas à ceux des flacons de M. Hazcez, mais à la profondeur (1). Le chiftre qui suit le nom de chaque espèce indique le nombre approximatif des spécimens récoltés : — 4. Les Ecaillis (11 à 18 m.), fond côtier par le travers de Wime- reux, avec débris de coquilles (26 août). — Ainsi que je l’ai dit, ce dragage n’a pas rapporté d’Acariens. Il s’y trouvait quelques Copé- podes et Amphipodes, un Pantopode. 2. L’Huitrière (20 m.), par le travers d'Equihen. Lavage de racines d’Antennularia ramosa (30 août) : Halacarus Murrayi........... (5), » gracilipes".....…. se (20), ) rhodostigma....... (3). 3. Le Muroquoi (25 m.), par le travers du Cap Gris-Nez, à 6 milles au large, fond d’Eponges (10 août). — Faune assez variée comme le montre la liste suivante : Halacarus Murrayi........... (100;, ) SDUUICTE RER ER ECC ET (5), ] OT ACLIDES ERA (10), ) rhodostigma....... (12), » OUD D'US ES RRRPREE (5), Agaue microrhyncha....... Ne (6), » brevipalpus ....... ÉÉRSE (1), Leptognathus falcatus..... rit (3). (1) Pour les localités indiquées, voyez la note de la page 87 et la carte à laquelle elle renvoie. NOTE SUR LES ACARIENS MARINS 165 C'est le dragage qui contient le plus grand nombre d'espèces (8 sur 44 observées dans l’ensemble de cette recherche). Il est à noter que ce point correspond à la partie la plus resserrée du détroit et à l'extrémité septentrionale du bane rocheux le Muroquoi. 4. Roc d'Angleterre, à VO. des Ridens, par 16 à 18 milles au large : lavage de Bryozoaires dragués de 25 à 33 mètres (9 août): HOlACUTUSEMUTTAYT EEE R eee (50), » CREDIEUDIPAEEER (3), Agaue microrhyncha.......... (1). L'éloignement de la côte explique la rareté des espèces autres que l’H. Murrayi. 5. Les Ridens, par 33 m., lavages de Lithothamnion (8 août) : Halacarus Murrayi........... (10), » OMACULIPESEERER ET (4). La rareté des Halacariens dans ce lavage explique l’absence d’Hal. rhodostigma, qui se trouve dans le dragage suivant, et forme, sur les côtes, le fond de la faune des Lithothamnion. Mais les tiges grêles de Lithothamnion coralloïdes recueillies en ce point, où les courants sont rapides et variables, ne doivent offrir qu'un abri insuffisant à ces animaux, qui préfèrent les eaux calmes. 6. Roc d'Angleterre au S.-0. des Ridens, par 36 m. 50 (16 août) : Halacarus Murrayr......... (60), » OMACUNANES Een (25), ) rhodostigma ..... (11), Agaue microrhyncha........ (GE Je signalerai en outre, dans ce dragage, la présence d’un petit Copépode très remarquable (Iliopsyllus coriaceus Brapy, 1 individu), dont j'ai été le premier à constater la présence sur les côtes de France, Ce Copépode, d’un rouge carmin très vif, a des habitudes séden- taires, ce qui explique pourquoi on ne le prend jamais dans les pêches pélagiques faites au filet fin. Il se trouve par milliers sur les Corallines recueillies par M. Henri GApEeau DE KERVILLE, près du Casino de Granville, dans la zone du balancement des marées, et habite généralement toutes nos côtes (Manche, Océan et Méditerranée). 166 E. TROUESSART 7. Le Muroquoi, par le travers du Portel (36 mètres), lavage de roches Portlandiennes (31 août) : Halacarus Murrayi.......... (20), ) JTACUIPES MN USE (10), » rhodostigma ..... (1), » CREDNEUTIMECERE (2), Leptognathus falcatus....... (1) 8. Creux de Lobour par le travers du Portel (53 m.), lavage du fond du Chalut (14 août) : Halacarus Murrayti, (120), » HHACUIPES EEE. (12), » CREDREUTIAEETE (3), Agaue microrhyncha.......… (2), Leptognathus falcatus ....... (1). En outre 2 ou 3 spécimens d’{liopsyllus coriaceus, Copépode déjà signalé dans le dragage n° 6. 9. Creux de Lobour (53 m.), lavage de Flustres (14 août, comme le précédent) : Hulacarus Murrayi......... (100), » ODACULIDES EP (10), » AGLENOS FENTE (1), » CheUreuTUIr EE, (2), Agaue microrhyncha.…........ (2). 10 et 11. Creux de Lobour (54 m. 50), à 9 milles au large de Bou- logne, lavage de Flustres et de pierre (2 flacons; — 23 août) : HOIACATUSSMUTTAUT NU 7) » Chevreusi vi (1), Agaue microrhyncha Cette localité, qui correspond à un point où le banc rocheux désigné sous le nom de Creux de Lobour se rétrécit sensiblement, a, comme on voit, une faune beaucoup plus pauvre que celle des loca- lités explorées dans les dragages précédents et dans ceux qui suivent. 12. Creux de Lobour (57 m. 75), lavage de Flustres (19 août) : Halacarus Murrayi.......... (30), Ù JNACUIPES LEE (4), » SÉTUALUS ER (3), » rhodostigma ..... (6), Agaue microrhyncha......... (25), Scaplognathus Hallezi, n. sp. (1). NOTE SUR LES ACARIENS MARINS 167 De la présence d’un seul individu (femelle) de cette dernière et très intéressante espèce, on ne peut rien conclure relativement à son habitat : on sait seulement que ce genre se plait sur les fonds rocheux (Voir plus loin la description du genre et de l'espèce). — L'abondance relative d’Agaue microrhyncha (25 individus), et la pré- sence d’Halacarus striatus, rencontré pour la première fois ici, sont à signaler. 13. Creux de Lobour (mème profondeur et même date), lavage de pierres Halacarus Murrayi........... (30), » JTACUAPES EEE CREER (1), » CREDrEU TIRER (GB » rhodostigma...... (3), Agaue microrhyncha......... (6), Leptognathus falcatus........ (1). Même faune que dans le lavage précédent, mais moins riche. 44. Creux de Lobour (même profondeur et même date), lavage d’Eudendrion et de Sertularia : Halacarus Murrayti.,.......… (12), » ChenTeurr ee (8), Agaue microrhyncha......... (2). On conçoit facilement que les tiges grèles des Hydroïdes retien- nent moins bien les Acariens que les larges expansions fongiformes des Flustres; c'est ce qui explique la pauvreté relative de cette faune. Si maintenant nous comparons les trois zones parallèles à la direction du détroit explorées dans ces divers dragages (Le Muroquoi, Le Lobour et le Roc d'Angleterre), nous constatons que le Lobour et le Muroquoi sont à peu près également riches en espèces (huit espèces chacun), l’un à la profondeur de 58 m., l'autre à celle de 25 m., tandis que le Roc d'Angleterre, situé plus au large et d’ail- leurs moins exploré, n’a que cinq espèces. Toutefois, ces résultats, basés sur un petit nombre d'observations, ont besoin d’être confirmés par des recherches ultérieures, avant d’être considérés comme définitifs. Il n’en reste pas moins acquis qu’à la profondeur de 58 m. et lorsque les circonstances sont favorables (fond de rochers avec Lithothamnions, Bryozoaires et Hydroïdes), la faune des Halacaridés 168 E. TROUESSART est encore très abondante et presqu’aussi variée que dans la zone littorale ou du balancement des marées. La présence d’une végétation abondante n’est nullement indispensable à ces animaux, tout au moins aux types, de beaucoup les plus nombreux, qui se nourrissent de proies vivantes. III. — REVUE MÉTHODIQUE DES ESPÈCES ET DESCRIPTION D'UN GENRE ET D'UNE ESPÈCE NOUVELLE Pour donner un tableau complet de la faune des Acariens marins (Halacaridæ) du Boulonnais, je crois devoir ajouter ici la liste des rares espèces qui n’ont pas été rencontrées dans les dragages de M. Hazzez. Ces espèces vivent dans la zone littorale et la plupart d’entr’elles m'ont été procurées par M. Giarp, qui les a recueillies à Wimereux. Ce sont: Rhombognathus pascens, ) magnirostris, Halacarus balticus, ce qui porte à 17 ou 18 le nombre des espèces signalées dans le détroit. En outre, parmi les espèces draguées par M. Hazrez, il en est plusieurs qui appartiennent plutôt à la faune littorale et ne se rencontrent qu'accidentellement au-delà d’une profondeur de 12 à 15 mètres. Tels sont Halacarus spinifer, H. actenos, Agaue brevipalpus, etc., tandis qu'Halacarus Chevreuxi, H. gracilipes, H. rhodostigma, Leptognathus falcatus, etc., paraissent communs à la faune littorale et à la faune profonde. Dans cette revue, j'indiquerai l'habitat connu de toutes les espèces dont la présence dans le Pas-de-Calais est bien établie, mais les espèces provenant des dragages de M. Hazzez seront seules précédées d’un numéro d'ordre. Lorsque la localité n’est pas spécifiée il s’agit des côtes de France. Famille des HALACARIDÆ Genre RHOMBOGNATHUS, Trr. 1888. Aletes Lonmanx, 1888. — Pachygnathus (partim) Gosse, 1885. Comme je l'ai dit, les espèces de ce genre sont herbivores, se nourrissant du suc des algues, surtout des algues vertes. Par suite, NOTE SUR LES ACARIENS MARINS 169 elles sont confinées dans la zone littorale où vivent ces plantes elles abondent dans la zone du balancement des marées et sur les algues épaves. J'ai trouvé, exceptionnellement, quelques individus de ce genre dans un fond de bocal provenant d’Antennularia ramosa draguées à 25 mètres. La présence de ces individus, à cette profondeur, doit être considérée comme tout à fait accidentelle, aucun des nouveaux dragages effectués cette année à cette profondeur et au-dessous n’ayant rapporté de spécimens de ce genre. Dans tous les cas les deux espèces suivantes existent sur les côtes du Boulonnais. Rhombognathus pascens, LoxM. 1889. Loumann, Die Unterfam. Halacaridæ, p. 64, fig. 64, 70. Cette espèce se trouve sur les algues rouges (Baltique, Manche, Océan). Rhombognathus magnirostris, TRrr. 1889. TrouessarT, Revue synoptique de la famille des Halacaridæ (Bull. scientif. de Ja France et de la Belgique, XX, p. 231). La présence de cette espèce n’avait pas encore été signalée aussi au Nord (Manche, Océan, Méditerranée). Genre HALACARUS, Gosse, 1855. Thalassarachna PackarD, 1871. Ce genre, très nombreux en espèces, peut se subdiviser en sous- genres de la manière suivante : Sous-Genre HALACARUS proprement dit. Rostre triangulaire, à dernier article des palpes recourbé en forme de sabre. Souvent un piquant interne court au pénultième article. A. — Espèces pourvues d’un piquant au pénultième article des palpes. — Groupe « Spinifer » de LonMmanN (1893). 1. Halacarus spinifer Lo. Hal. clenopus (partim) et Hal. globosus, Trr., 1886. 1889. LonMann, Unterf. Halacaridæ, p. 75, f. 101, 102. 1389. TrouessarT, Revue synoptique, l. c., p. 238. Cette espèce est la plus commune et la plus grande de toutes celles que l’on trouve sur les côtes de France (Baltique, Manche, 170 E. TROUESSART Océan ; représentée dans la Méditerranée pour une espèce ou variété bien distincte). Comme nous l’avons dit ci-dessus, les adultes sexués ne se trouvent pas dans les mêmes localités que les nymphes. Celles-ci vivent ordinairement sur les Corallines. Les adultes que je possède du Pas-de-Calais, ont été recueillis (en mars-avril) par M. Grarp, sur le byssus des Moules et sur Lasœa rubra dans la zone littorale. Quelques nymphes ont été recueillies dans les dragages de M. HALLEZ (25 à 35 m.). 2. Halacarus actenos TRT. 1889. TrouessarT, Revue synoplique, 1. c., p. 239. 1893. Lonmann, Halacarinen der Plankton-Expedition, p. 73, pl. X, fig. 1 et 2. Cette espèce vit, comme la précédente, sur les Corallines, avec cette différence que l’on trouve, pendant l’été (août 1893), les adultes, les nymphes et les larves ensemble dans la même localité (Gran- ville, par M. H. GaDEAU DE KERVILLE). — Manche, Océan, Cap-Vert, — Un seul individu (nymphe), dans le dragage n° 9 (Creux de Lobour, par 53 m). Halacarus baltieus Lo. 1889. Lonmanx, Unterf. Halacaridæ, p. 73, f. 103, 120. 1889, TrouessarT, Revue synoptique, L. c., p. 231. Trouvé par M. Grarp, à Wimereux, sur Eudendrion capillare dans la zone du balancement des marées. — D’après LoHMANN, se trouve dans la Baltique, par 12 brasses (20 mètres) dans la région des algues rouges. 3. Halacarus Murravi Lo. Leptopsalis longipes, Trr., Comptes-rendus Acad. Sciences, 1888, t. 107, p. 754. 1889. Lonmann, Unterf. Halacaridæ, p. 70, f. 83, 86. 1889. Trouessarr, Revue synoptique, p. 236 et 244. Comme je l’ai dit, cette espèce est la plus abondante de beaucoup dans tous les dragages de M. Hazzez (entre 20 et 60 m.), mais elle n'est représentée que par des nymphes. (Voyez les observations faites précédemment à ce sujet) — Je ne connais l’adulte que par une seule femelle draguée par M. Grarp à la profondeur de 15 m.; la nymphe que j'ai décrite sous le nom de Leptosalis longipes, avait été prise sur les moules. La taille de l’adulte atteint presque celle de l’Halacarus spinifer (près de 1 millim.) — D’après M. LonmanN, NOTE SUR LES ACARIENS MARINS 171 l’espèce se trouve dans la Baltique (région des Algues rouges) « sur les Floridées, les Eponges et les Flustres, par 12 brasses (20 m. environ) de profondeur. » Mes recherches prouvent que, de toutes ‘les grandes espèces, c’est celle qui se rencontre à la plus grande profondeur où l’on ait dragué des acariens. B. — Espèces dépourvues de piquant interne au pénultième article des palpes. ,. Halacarus striatus Lo. Halacarus inermis, Trr., C.-R. Acad. Sciences, 1888, L. c., p. 754. 4889. Lonmann, Unterf. Halacaridæ, p. 74, fig. 117. 1889. TrouEssarT, Revue synoplique, p. 236. Trois individus seulement de cette espèce ont été pris dans le dragage n° 12 (Creux de Lobour, 57 m. 75). Elle se trouve dans la mer du Nord, sur Thuiaria thuia (Giar»), et dans l'Océan, au Croisic (CHevreux), sur les Corallines. — Dans la Baltique, M. LonmanN la récoltée sur les Algues rouges, entre 3 et 5 brasses (5 à 8 mètres). Elle n’est probablement qu’accidentelle dans les grandes profondeurs. Sous-Genre CoprnognarTaus Trt., 1888 (emend., 1893). Groupe « Rhodostigma » LonMann (1893). Ce sous-genre est caractérisé par l’extrème allongement du dernier article des palpes qui est souvent aussi long que le deuxième; en outre, les plaques de la cuirasse sont généralement très développées et couvertes de sculptures élégantes (fovéoles) qui s'étendent souvent jusque sur le rostre et les pattes. Les espèces sont de petite taille. ». Halacarus gracilipes TRr. 1889. Trourssarr, Revue synoplique, p. 243. Cette espèce accompagne H. Murrayi dans presque tous les dragages de M. HaLcez : cependant est très abondante aussi dans la zone littorale. — On peut en distinguer deux variétés qui sont représentées toutes deux dans ces dragages : H. gracilipes (propr. dit), dont la plaque notogastrique porte deux bandes longitudinales élargies en arrière et finement fovéolées ; H. quadricostaitus n. var., dont la plaque notogastrique porte quatre côtes saillantes longitudinales séparées par des aires largement fovéolées ou réticulées. 172 E. TROUESSART Cette espèce n’est pas signalée dans la Baltique, mais elle se trouve dans la Manche et dans l’Océan, jusque sur les côtes d'Afrique (Dakar, par M. Caevreux), ainsi que dans la Méditérranée. 6. Halacarus rhodostigma Gosse. 1855. Gosse, On new and little know marin animals (Ann. and. Mag. nat. Hist., XVI, 1855, p. 27 et 305, pl. 3 et 8). 71. Halacarus oculatus HopGE. 1860. Hope, Contribution to the Zoology of Seaham Harbour, 1 et Il (Transact. Tyneside natur. Field Club., 1860, vol. IV et V). 8. Halacarus n. sp. Je donnerai ultérieurement les caractères de cette espèce nouvelle. Ces trois espèces du groupe « Rhodostigma » de LonMann (qui correspond au S.-G. Copidognathus Trt), se trouvent dans les dra- gages de M. Hazcez et sont voisines l’une de l’autre, bien que se distinguant par des caractères que j'indiquerai ailleurs. — C'est à tort que M. LonManN à confondu les deux premières espèces. L’H. rhodostigma se reconnaît ficilement à l'absence de bandes en relief sur la plaque notogastrique, uniformément criblée de trous en rosaces. Les caractères du rostre, notamment la brièveté de l’hypostome, permettent également de distinguer cette espèce des deux autres. Les petites espèces de ce groupe, si remarquable par les élégantes sculptures de Ja cuirasse, vivent indifféremment dans la zone littorale, sur les Corallines, et dans la zone plus profonde du large, sur les Lithothamnions et les Éponges. Les Lithothamnions du Spitzherg, du Labrador et de la Terre-de-Feu que j'ai examinés ne portaient guère que des espèces de ce groupe. | Je possède des espèces de ce sous-genre provenant de presque toutes les mers: leur distinction est délicate, la vestiture des pattes étant assez uniforme. Les proportions du rostre et quelques autres caractères doivent être pris en considération avant la disposition des sculptures de la cuirasse qui semble assez variable suivant les individus. NOTE SUR LES ACARIENS MARINS 41178 9. Halacarus gibbus TRr. 1889. TrourssarT, Revue Synoplique, p. 244. Cette remarquable espèce présente trois variétés sur nos côles,. On peut les distinguer brièvement de la manière suivante: 4° Le type (A. gibbus propr. dit), à pattes plus longues et plus grèles, à cuirasse très développée avec la crête ou bosse de l’épis- tome très saillante, se distingue en outre par son rostre à base courte et large armée de chaque côté d’une dilatation triangulaire dont la pointe dirigée en avant arrive au niveau de l'insertion des palpes (Océan, Roches de Castouillet, près du Croisic, par 6 m. au-des- sous des plus basses mers) 2 IH. gibbus var. britannica, n. var., à formes plus normales, à pattes plus courtes et plus robustes, à bosse moins saillante, a le rostre plus robuste mais à base moins large et dépourvue des dila- tations triangulaires qui caractérisent le type. Ces deux variétés ont en outre les téguments transparents (comme chez les espèces qui vivent sur les fonds rocheux) ou faiblement colorés en rouge par le contenu de l’estomac, ce qui les distingue de la variété suivante. — (Manche, Pas-de-Calais, Le Muroquoi sur les Eponges, par 25 m.; Granville sur les Corallines, dans la zone littorale). 3 H. gibbus var. remipes, n. var., est plus petit, plus allongé, à bosse peu saillante, à pattes postérieures munies d’expansions trans- parentes presqu’aussi développées qu'aux pattes antérieures (ce qui n’est pas le cas dans les deux variétés précédentes); sa couleur est foncée (brune ou olivâtre), comme chez les espèces qui vivent dans la zone littorale (Manche et Méditerranée sur les Corallines). J'ai cru d’abord cette dernière variété propre à la Méditerranée (elle est très commune dans la Mousse de Corse [Gigartina helmintho- corton] des pharmacies); mais elle se retrouve dans la Manche, sur les Corallines de Granville, en société de la Var. britannica. Cepen- dant sa taille et son aspect particulier la distinguent au premier coup-d'œil, et sa couleur indique des habitudes différentes. Les deux variétés sont représentées par des adultes des deux sexes. 474 E. TROUESSART Sous-Genre LEPTOSPATHIS, nomen nov. (1). Leptopsalis Trr, 1888 (nec THorezL, 1882). Groupe « Chevreuxi» LonMann, 1893. Caractères. — Dernier article des palpes relativement court, droit, presque cylindrique, acuminé seulement à sa pointe. Rostre long et grêle à bords et palpes parallèles, l’hypostome allongé en forme de spatule. Cuirasse très développée, présentant sur le dos et les pattes des expansions lamelleuses saillantes en forme de crêtes. Une seule espèce de ce groupe est actuellement connue sur les côtes de France. 10. Halacarus Chevreuxi TRT. 1889. TRouEssART, Revue synoptique, p. 245. 1893. Lonmann, Halac. Plankton-Expedition, p. 58 et 63, pl. IV, fig. 3-7 et 10-11. Notez que cette belle espèce présente sur le dos des crêtes lamelleuses (2) presqu’aussi développées que celles de l’Hal. nationalis Lonm. La taille égale celle de l’H. spinifer, mais est très variable. Les individus dragués par M. HAzez appartiennent à une variété d'un tiers plus petite que celle de la zone littorale, mais avec les crêtes lamelleuses des pattes et du dos relativement plus développées. Il n’y à pas lieu cependant de distinguer cette variété sous un nom particulier Les adultes et les nymphes vivent ensemble pendant l'été. — Pas-de-Calais (entre 25 et 58 m., sur les Bryozoaires, roc d'Angleterre, le Muroquoi, creux de Lobour), Manche (sur les Corallines), Océan (Le Croisic, St-Jean-de-Luz), îles Canaries (par CHevreux), Australie Sud (Sydney, LoHMaANN). Genre AGAUE Loum., 1889. 11. Agaue brevipalpus TrT. * 1889. TrouessarT, Revue Synoplique, p. 247. Un seul spécimen de cette espèce, essentiellement littorale, se trouve dans le dragage n° 5 (Le Muroquoi, par 25 m., fond d’éponges). (1) Nom substitué à celui de Leptopsalis Trr, 1888 (préoccupé par THoRELL,1889, pour un genre d’Arachnides). — « Leptospathis » spatule grêle, — par allusion à la forme de l’hypostome ou lèvre inférieure. (2) Ces crêtes ne se voient bien qu'en examinant l'animal de profil, avant toute compression entre les deux verres d’une préparation. NOTE SUR LES ACARIENS MARINS 475 Al L'espèce est commune dans les parcs à huîtres, notamment à Arcachon, et dans la Méditerranée sur les Corallines. 12. Agaue microrhyneha Trr. 1889. TROUESSART, Revue synoptique, p. 248. 1893. Lonmann, Halac. Piankton-Expedition, p. 76. pl. XI, fig. 1, 2, 5-9. Agaue microrhyncha Var. minor, n. var. — Taille petite, compa- rable à celle d’Hal. rhodostigma: de forme allongée avec les pattes antérieures droites et non noueuses et recourbées comme dans le type de la Méditerranée, et surtout dans la variété, à cuirasse fortement chitinisée (de Sydney et des Bermudes), figurée par M. LoHManN (Plankton-Exped., pl. XI, fig. 1). C’est la première fois que cette espèce méridionale est signalée aussi au Nord. Pas-de-Calais : assez commune (entre 25 et 58 m.) sur les Bryo- zoaires et les Eponges. À Granville (Manche), se trouve sur les Corallines dans la zone littorale. — Manche, Océan, Méditerranée et mers tropicales (Bermudes, Sydney). Genre LEPTOGNATHUS Hopce, 1860. Raphignathus (partim), Bray, 1875. 13. Leptognathus faleatus Hope. Lept. falcatus et L. marinus, LonManx et Trr. 4860. Hopce, Contribution, etc. 1889. LonMmann, Unterfam. Halac. p. 88 et 89. 1893. » Halac. Plankton-Exp., p. 78, pl. XII. M. Lonmanx a réuni (1893) en une seule espèce les deux types précédemment décrits sous les noms d’H. marinus et d’H. falcatus. I existe cependant entre les individus de différentes provenances des variations qui permettront probablement de conserver ces deux types à titre de variétés. Ces deux variétés se trouvent dans le Pas-de- Calais. Cette espèce, commune dans la zone littorale, se rencontre encore à 25 m. (sur les Eponges), et même jusque 58 m. (un seul spécimen, Creux de Lobour). — Manche, Océan, au N. jusqu'aux Hébrides. 176 £. TROUESSART Genre SCAPTOGNATHUS Ter. (Fig. 4.) 1889. Scaptognathus TrouessarT, Revue Synoptique de la famille des Halacaridæ (Bull. Scient. dela France et de la Belgique, t. XX, p. 248). Caractères. — Rostre très grand, séparé du corps par un étran- glement bien marqué. Palpes robustes, séparés sur la ligne médiane, de trois articles : le premier très court, le second très long, se termi- nant par une articulation en ginglyme qui maintient l’article ter- minal recourbé en dessous, à angle droit avec l'axe du rostre; article terminal en forme de pioche. Mandibules très grêles, à pointe droite, styliforme. Hypostome élargi en avant, en forme de T majuscule. Une très petite pièce additionnelle entre le tarse et les grifies. Fig. 1. — Rostre de Scaplognathus Hallezi vu de profil (grossiss. 380). Cette définition doit servir à corriger celle que j'ai donnée en 1889 (loc. cit.), alors que je n’avais pas encore pu démèêler suflisamment la forme exacte des palpes. L'articulation qui termine le second article de ces palpes est très remar- quable par la ressemblance qu'elle présente avec l'extrémité supérieure du cubitus. Des trois pointes que porte cette extrémité sur le Scaptognathus tridens, type du genre, la plus forte est formée par l’article terminal à pointe dirigée vers le bas ; la seconde est formée par un très fort piquant inséré près de l'extrémité distale du second article et dont la pointe est dirigée obliquement en bas et en dedans; la troisième n’est autre que l'extrémité olécranienne du second articte, qui, sur le Sc. tridens, est très développée et se rabat en avant et en bas. Ce genre diffère de Leptognathus par la force plus grande du rostre, l’écar- tement des palpes qui ont un article de moins, la dilatation antérieure de l’'hypostome (ou lèvre inférieure), enfin par le nombre beaucoup moins grand des soies et piquants qui revêtent les pattes. La pièce additionnelle du tarse se retrouve sur Leptognathus. — Par son rostre court et robuste, l’espèce nouvelle que je décrira ailleurs sous le nom de Leptognathus Kervillei n. sp. forme en partie le passage entre les deux genres. NOTE SUR LES ACARIENS MARINS 471 Bien qu'il existe une petite plaque oculaire sur Sc. tridens, je n'ai vu ni len- tilles ni pigment indiquant la présence d'yeux chez cette espèce, et l'œil impair de l’hypostome semble également absent. Sur l’un des deux spécimens de la nouvelle espèce (Sc. Hallezi) décrite ci-après, deux taches de pigment noir en avant des plaques coxales semblent indiquer la présence d’une paire d’yeux, mais je n'ai pas vu de plaques oculaires, et les téguments plissés paraissent recouvrir la papille qui termine en ce point l'extrémité du nerf optique. Ce genre est, sous tous les rapports, et particulièrement par la forme du rostre, le plus aberrant que l’on connaisse jusqu'à ce jour dans la famille des Halaearidæ. Ces animaux paraissent rares, au moins dans les localités où on les a rencontrés jusqu'ici (quatre spécimens au Croisic, un à Granville, un dans le Pas-de-Calais). On ne sait rien des mœurs ni du régime, qui doit être carnassier, à en juger par la forte denture des palpes. Les pattes sont, au contraire, remarquablement grêles et indiquent des habitudes sédentaires. On en connaît deux espèces. Le TABLEAU DES ESPÈCES DU GENRE SCAPTOGNATHUS 2° article des palpes terminé par une apophyse olécranienne transparente longue el grêle en forme de pointe rabattue par dessous. — Genre SCAPTOGNATHUS Taille assez grande, rostre énorme. . . . . Sc. tridens. 2e article des palpes terminé par une apophyse , olécranienne à pointe très courte. — Taille | Sc. Hallezi. petite vostre MOYEN CC Il me paraît utile de donner ici la description comparative et la figure des deux espèces. 1. Scaptognathus tridens (Fig. 2). 1889. Scaptognathus tridens, TROUESSART, l0C. cit., p. 249. Caractères. — Rostre très grand et très gros, presque aussi long que le reste du corps; 2e article des palpes terminé par une apophyse olécranienne qui se prolonge en forme de languette triangulaire très longue et très grêle rabattue en avant et en dessous. Les trois piquants grêles, que porte le pénultième article de la {re paire de pattes à son extrémité distale, insérés presque au même niveau, en 42 178 E. TROUESSART couronne; pas de piquants à la face inférieure du tarse. Cette pre- mière paire, étendue en avant, ne dépasse l'extrémité du rostre que de la longueur des ongles. 2, — Scaptognathus tridens, femelle: 1. face ventrale; 2. face dorsale (gross. 90); 3. extrémité du palpe droit vue par dessous; 4. la même, vue par dessus (gross. 235); 5. plaque oculaire (gross. 510); 6. griffe (gross. 515). Fig. Rostre énorme relativement à la taille de l'animal, fortement renflé à sa base en forme de poire : les téguments de cette partie basilaire sont sculptés dessous et dessus, les sculptures formant de larges fovéoles ovales. — Palpes parallèles, largement séparés, aussi longs que la partie basilaire et dépassant très peu l'extrémité élargie de l’hypostome. Piquant interne de l'extrémité distale du 2° article presqu'’aussi fort que l’article terminal : celui-ci n'ayant que le tiers de la longueur du précédent, de forme conique, arqué, dirigé en-dessous sur l'animal vivant (en-dedans, par suite de la compression, dans les prépara- tions microscopiques). Hypostome à base large, bien visible entre les deux palpes sur l'animal vu de dos, se rétrécissant dans sa partie médiane pour se dilater de nouveau à son extrémité qui est coupée carrément, un peu échancrée sur la ligne médiane, se terminant à droite et à gauche par deux pointes triangulaires dont NOTE SUR LES ACARIENS MARINS 179 le bord antérieur est arrondi. Mandibules très grêles, styliformes, aciculaires, à ongle terminal droit, pointu, se continuant sans ligne de démarcation tranchée avec la tige. L’apophyse olécranienne se prolonge, comme il est ditdans l'énoncé des caractères, et forme une longue pointe rabattue par dessous. Tronc en ovoïde assez court, tronqué en avant pour l'insertion du rostre qui est porté sur un cou large et court ; conique:en arrière, l'anus étant terminal. Un sillon thoracique, marqué surtout par la direction des plis des téguments mous, forme une ligne transversale qui sépare le tronc en deux parties, à égale distance entre l'insertion de la 2° et de la 5° paires de membres. Face dorsale présentant en avant la plaque de l’épistome qui est {riangulaire avec son bord antérieur droit, un peu arrondi, dégageant parfaitement l’articu- lation du rostre, les angles antérieurs tronqués carrément au niveau des épaules et l’angle postérieur arrondi sur la ligne médiane, s'étendant jusqu'en arrière des petites plaques oculaires, mais non jusqu'au sillon thoracique. Cette plaque est sculptée de fovéoles ovales et porte une paire de soies insérées un peu en arrière du niveau des pattes antérieures, et sur une base lisse, dépourvue de fovéoles. — Plaque nologastrique séparée de la précédente par un large espace de téguments, plissés finement en zig-zag : cette plaque à bord antérieur droit, à angles latéraux arrondis, séparée des plaques coxales par une large bande de téguments plissés, atténuée en arrière et coupée carrément en avant du cadre anal dont elle est nettement séparée ; présentant des fovéoles disposées en rosa- ces régulières, chaque rosace étant formée par la réunion de 3 à 5 fovéoles. — Plaques oculaires (?) peu distinctes et visibles seulement de protil, situées un peu en arrière des épimères de la 2° paire de pattes, presque sur les flancs, en ovale transverse avec le bord externe en angle aigu, fovéolées sur toute leur surface et ne présentant ni lentille oculaire, ni pigment sous-jacent. — Les plaques coæules sont visibles sur les côtés de la plaque notogastrique et leur bord anté- rieur s'étend en avant beaucoup plus ‘que le bord antérieur de celle-ci. Face ventrale présentant en avant la plaque sternale beaucoup plus large que longue, un peu échancrée en avant pour l'insertion du rostre, soulevée et échan- crée sur les côtés par la base des pattes antérieures qui sont manifestement infè- res ; son bord postérieur droit ou un peu arrondi sur les côtés, sinuée sur la ligne médiane qui présente une légère concavité en arrière ; sculptée de larges fovéoles transversalement ovales et présentant deux paires de soies au niveau de l'insertion antérieure de la 2° paire de pattes, dont l'interne très petite et deux grands pores à son bord postérieur, dans l'angle obtus formé de chaque côté par la sinuosité médiane ; une autre paire de pores à la base même de la 2° paire entre celle-ci et la première paire. — Plaque ventrale en ovale presque parfait, séparée de la précé- dente par un large espace de téguments plissés, son bord antérieur n’atteignant pas le niveau de la 3° paire de pattes; divisée en deux parties égales par une ligne transversale à convexité antérieure; la partie située en avant de cette ligne 180 E. TROUESSART finement plissée, les plis affectant l'apparence d'une marquetterie; la partie postérieure plus fortement chitinisée et finement fovéolée, portant dans son Champ médian le cadre génital qui en occupe toute la longueur ; ce cadre en ovale régulier, plus large et cordiforme chez le mâle, plus allongé chez la femelle, ne présentant, dans l’un comme dans l’autre sexe, que des soies rares et courtes,au nombre de trois paires, insérées sur la plaque ventrale, chez la femelle. La partie postérieure de cette plaque est un peu échancrée par le cadre anal qui en est bien distinct. — Plaques coæales presque triangulaires dans leur partie visible en- dessous, avec l’angle interne tronqué et portant deux pores, leur bord antérieur dépassant celui de la plaque ventrale ; chacune de ces plaques coxales présen- tant deux larges trous ovales pour l'insertion des deux pattes postérieures ; leur surface fovéolée et portant chacune deux poils insérés sur le milieu de leur champ. Pattes toutes relativement très grêles, surtout les postérieures, qui sont un peu plus longues que les autres et atteignent la longueur du tronc sans le rostre. Les antérieures presque cylindriques avec le tarse un peu atténué mais dépourvu de gouttière onguéale ; les deux premiers articles très courts, le 3° le plus long de tous, le 4° plus de moitié moins long, le 5‘ presqu’aussi long que le 5°, le 6° ou tarse plus court mais plus long que le 4°, un peu échancré en-dessus mais sans gouttière. Une petite pièce additionnelle cordiforme porte les griffes qui sont faibles, presque droites, recourbées à angle droit à l'extrémité seulement et por- tent une petite dent terminale dans le prolongement de la branche horizontale de l'organe : iln'y a pas trace de peigne ni de pièce médiane entre les deux griftes. Deux petits cirres grêles recourbés s'insèrent de chaque côté de l’article addi- tionnel. Patte de la 1° paire portant sur son bord inféro-interne des piquants raides et grêles qui affectent la disposition suivante : un piquant court au 3° article; un piquant très long au 4°; quatre piquants au 5°, savoir un vers le milieu et trois presque sur le même niveau à l'extrémité distale : ces trois piquants, qui forment le triangle tactile constant chez tous les Halacaridés, sont disposés de telle sorte que Les deux plus internes se touchent par leur base. Pas de piquant au tarse. Tous les autres poils que porte cette patte sont plus ou moins grèles. La 2° paire de pattes a tous ses poils plus ou moins grêles, saui la première du triangle qui est en piquant. Les deux paires de pattes postérieures ont une paire de piquants grêles à l’ex- trémité du 5° article. Les autres poils sont tous plus ou moins grèles et flexibles. Couleur. — D'un testacé rougeâtre uniforme; dans aucun exemplaire, les aliments n'ont une couleur assez foncée pour dessiner la forme de l'estomac vu par transparence à travers les téguments. Dimensions : Longueur (sans les pattes). . . . . . . . Omm, 75. » Le TOSLTE Seul MERE AE 30. NOTE SUR LES ACARIENS MARINS 181 Habitat. — Cette belle et rare espèce est de l’Atlantique. où elle se trouve sur les côtes de France. Les quatre spécimens types (2 mâles et 2 femelles), ont été dragués par M. CHEvREUXx, à l’aide de fauberts, sur les Roches de Castouillet, près du Croisic (Loire-Inférieure), à une profondeur de 6 m.environ au-dessous du niveau des plus basses mers. Cette localité est très intéressante en raison des types rares et curieux qu’elle nous a révélés {Acaromantis, Coloboceras, Scaptognathus). C’est un plateau gra- nitique avec couléesétroites où poussent des Lithothammnion et la Delessertia sanguinea, belle algue à thalle rouge de sang et lancéolé qui se plaît sur le granit. — Une des femelles porte un gros œuf qui remplit presqu’en- tièrement l’abdomen. 2. Scaptognathus Hallezi, x. sr. (fig. 3) Caractères. — Plus petit et plus élancé que le précédent, avec Le rostre Fig. 3. — Scaptognathus Hallezi, femelle : 1. face ventrale ; 2. face dorsale (gross. 130). 3. extrémité du palpe gauche, vue par dessous igross. 450). beaucoup moins fort, n'ayant que le tiers environ de la longueur totale ; 182 E. TROUESSART pattes relativement plus robustes. Apophyse olécranienne du deuxième article des palpes se terminant par une pointe très courte, nullement pro- longée par dessous. Les deux piquants internes du 5e article de la première paire de pattes, bien séparés et distants l’un de l’autre. Tarse portant en dessous, dans sa partie médiane, un piquant qui manque au tarse de l’es- pèce précédente. La première paire étendue en avant dépasse l’extrémité du rostre de la moitié environ de la longueur du tarse. Cette espèce peut être considérée comme un diminutif de l’espèce précédente, dont elle se sépare nettement d’ailleurs par ses proportions différentes et par les caractères que nous venons d'indiquer. Dans la description suivante, nous nous contenterons de mentionner les parti- cularités qui séparent la présente espèce de Sc. tridens. Rostre n’ayant que le tiers de la longueur du corps, plus grêle que dans le type du genre, séparé du tronc par un étranglement en forme de cou plus marqué encore que dans l'espèce précédente; construit d’ailleurs sur le même type, mais avec toutes les parties plus petites et plus délicates. La seule différence essentielle est dans l’apophyse olécranienne du second article des palpes qui se termine par une pointe très courte semblable à celle de l’olécrane du cubitus de l’homme, au lieu de se prolonger en formé de languette pointue et rabattue en avant comme dans l’espèce précédente. La base du rostre est beaucoup plus finement fovéolée que sur cette espèce. Tronc en ovale allongé, beaucoup moins renflé que dans le type, conique et atténué en arrière avec l’anus terminal. Face dorsale. — Plaque de l’épistome presque carrée avec les angles arrondis en arrière et le bord postérieur presque droit, portant de chaque côté, un peu en arrière du niveau de l'insertion des pattes antérieures, deux paires de poils dont l’interne est très petite; cette plaque est finement fovéolée sur toute sa surface, sauf autour des poils. Plaque notogastrique de forme quadrangulaire, plus large en arrière qu’en avant et plus longue que large avec les angles arrondis ; finement fovéolée comme la plaque antérieure, les fovéoles ne formant pas de rosaces ; coupée car- rément en arrière et largement séparée du cadre anal. A la place occupée dans l’espèce précédente par les plaques oculaires, c’est- à-dire sur les flancs, de chaque côté de la plaque de l’épistome et un peu en arrière de la 2° paire de pattes, on voit une très petite plaque ovale, lisse et dont le centre est percé d'un pore. Il est difficile de considérer cette paire de plaques comme représentant les plaques oculaires, attendu que la tache pigmentaire, indice de la présence des nerfs optiques, est placée beaucoup plus en arrière, après le sillon thoracique et immédiatement en avant des plaquescoxales. On ne NOTE SUR LES ACARIENS MARINS 183 voit d’ailleurs en ce dernier point ni plaque, ni cornée, de sorte que les téguments plissés paraissent recouvrir l'organe visuel. Face ventrale. — La plaque sternale est presqu'aussi longue que large, se ter- minant en arrière par un angle obtus, arrondi; échancrée en avant, à ses angles latéraux, par la base des pattes de la 1" paire et sur les côtés par celle des pattes de la 2° paire; finement fovéolée dans toute son étendue et portant en outre des poils et des pores plus nombreux et plus visibles que dans l'espèce précédente. Plaque ventrale et cadre génital comme dans Sc. tridens, au moins chez la femelle, seule connue. Plaques coxales comme dans l'espèce précédente. Pattes relativement plus robustes et plus lon- gues : la 1* paire dépassant l'extrémité du rostre du tiers de la longueur du tarse. Poils et piquants semblablement disposés sur les 3° et 4° articles ; présentant les différences suivantes sur les deux derniers articles : les deux piquants internes ne se touchent pas par leur base, mais sont distants Vun de l'autre; le tarse porte- en dessous un piquant qui fait complètement défaut sur le type du genre (fig. 4). Deuxième paire de pattes ne portant que des poils grèles et flexibles. — Pattes fig, 4.— Pattes de la 1° paire postérieures portant un piquant interne inséré (gauche) vues par dessous: vers le milieu du pénultième article outre les deux 1: Scapl. Hallezi (grossis- piquants placés près de l'extrémité de l’article. rat + GR = Ce piquant est relativement beaucoup plus fort st que le poil correspondant du Sc. tridens. Tous les autres poils sont grêles et plus ou moins flexibles. Couleur d’un testacé pâle sur l’individu du Pas-de-Calais, prove- nant d’une certaine profondeur; sur l'individu de Granville prove- nant de la zone des marées, et d’une localité riche en algues vertes, le tronc était coloré en vert clair. Cette couleur, du reste, est celle de presque tous les Copépodes et Annélides récoltés dans la même localité, et par conséquent n'indique nullement chez cette espèce un régime végétal. Il est plus probable qu’elle se nourrit de petits Annélides et d’autres animaux marins de petite taille, présentant eux-mêmes cette teinte, 184 E. TROUESSART. — NOTE SUR LES ACARIENS MARINS. Dimensions : long. totale (sans les pattes). . . Omm,40 à 4%. lerostre-seul :2 16 Ven ANA De Ed Cette espèce est dédiée à M. le Professeur P. Hazzez, de Lille, directeur du Laboratoire de zoologie maritime du Portel, qui l’a draguée au large de cette station. Habitat. — Des deux femelles, contenant chacune un œuf, qui ont servi de types à cette rare espèce, l'une a été draguée par M. Hazrez sur des Flustres par 57,75, dans le Pas-de-Calais (Creux de Lobour, au N. du banc des Platiers), et paraît aveugle. — L'autre provient d’une localité éloignée et d’une profondeur beaucoup moindre: elle a été draguée par M. Henri GADEAU DE KERVILLE, près de Granville (Manche), par 1 à 9m., au dessous des plus basses mers, sur un fond d'algues vertes, et porte deux taches de pigment noir, indice de l’existence d'organes visuels (Août 1893). Il est probable que dans l’un comme dans l’autre cas, ces Acariens étaient égarés et en dehors de leur habitat ordinaire. Ceci me semble résulter de l'extrême rareté des spécimens observés. 185 Observations sur la répartition du Plankton DANS L'EAU DOUCE (1), PAR LE DocTEUR Otto ZACHARIAS (de Ploen). L'esprit du naturaliste est continuellement et involontairement influencé par des considérations théoriques. On éprouve le besoin de relier ensemble les faits empiriques; on cherche à se faire une idée de l’enchainement et des rapports intimes des phénomènes observés et l’on tend à prouver la véracité de ses propres hypo- thèses en leur appliquant les résultats qu’on en a déduit. Si l’on remarque qu’un filet fin, traîiné en n'importe quel point d’un grand lac, recueille une quantité considérable d’organismes microscopiques, aussitôt s’éveille involontairement la pensée d’une répartition uniforme des espèces dans toute la masse des eaux. Nous nous disons que cette population limnétique de plantes et d'animaux est durant toute l’année le jouet des vents et des vagues, qu'elle est ballotée deci-delà à la surface agitée du lac, et que, pour ces raisons, doit se faire le mélange absolu des espèces et des individus qu’il nous semble avoir constaté par les récoltes faites en temps différents et en des points les plus divers d’un même lac. Rien ne semble plus plausible que l’idée d’une répartition uniforme, surtout lorsqu'il s’agit d’un lac, aux dimensions toujours relativement restreintes. La première année de mon installation à Ploen, je fus complè- tement dominé par cette manière de voir, et c’est seulement peu à peu que me sont venus des doutes sur la valeur de cette séduisante (1) Cf. les Forschungsberichte der biologischen Station zu Ploen, vol. II 1894, herausgeg. von Dr. OTro ZAcHaRIAs, 155 pag., 2 planches et 12 figures dans le texte. Mit Beiträgen von Dr. Wizzr ULe (Halle), Dr. Ernst H. L. Krause (Kiel), P. RicaTER (Leipzig), Graff Francesco CASTRACANE (Rom), Prof. J, BruN (Genf), Prof. Rap. BLANCHARD (Paris) und Dr. E. WaLTEr (Côthen). Ce volume contient une foule de nouvelles observations sur les êtres du Plankton des eaux douces. 186 OTTO ZACHARIAS théorie d’une répartition uniforme. Maintenant, au contraire, je pense être à même d'apporter des arguments pour démontrer que cette uniformité doit s'entendre cum grano salis, en ce sens qu’elle con- cerne bien plus les espèces qui se rencontrent dans le Plankton à un moment donné que le nombre d'individus, lequel peut varier considérablement suivant les différentes régions d’un lac. A 1 kilomètre au Sud de la station biologique de Ploen, se trouve l'ile allongée d’Alesborg. Entre cette île et le bord septentrional du rivage, ont été faites jusqu'à présent les pêches journalières des- tinées à l'étude du Plankton. C’est aussi dans cette région Nord du lac qu'a opéré le D' ApPsrein (de Kiel), car on y rencontre des fonds de 44 mètres, très favorables pour l'étude de la répartition verticale des espèces. Or, j'ai découvert que la distribution du Plankton difière notablement, suivant qu’on l’étudie au Nord ou au Sud de cette île, bien que les différences de profondeur des couches soient presque insensibles. A ce point de vue, les résultats d'octobre dernier sont particu- lièrement intéressants. Le 2 octobre, les pêches de surface aussi bien que les pêches profondes, au Nord d’Alesborg, contenaient toutes une énorme quantité de Mallomonas var. producta, beaucoup de Ceratium, de Crustacés (Cyclops, Eurytemora, Bosmina) et de Roti- fères (Polyarthra, Anurœæa cochlearis, Conochilus, Asplanchna). Au Sud de l’ile, les pêches, exécutées dans les mêmes conditions, ne ramenaient que quelques rares exemplaires de Mallomonas, mais par contre beaucoup plus de Ceratium et de Crustacés, et une forte proportion de Asplanchna helvetica: les autres Rotifères se trouvaient à peu près en quantité égale des deux côtés. Le jour suivant (3 octobre) les choses restèrent à peu près en l'état, avec cette différence que les pêches au Sud de l'ile contenaient plusieurs Bipalpus vesiculosus qui n'avaient pas été rencontrés auparavant. Le 5 octobre fut un jour de fort vent, mais la répartition du Plankton n’en fut pas sensiblement modifiée. Deux jours plus tard (7 octobre), les Mallomonades furent un peu plus nombreuses au Sud de l’île, mais ce fut le contraire pour les Crustacés (Eury- temora, Diaptomus, Bosmina) : pas un Ceratium ne fut observé. Au Nord de l’île, durant ces mèmes jours, les Mallomonades pullulaient de façon extraordinaire; les Ceratium se rencontraient, mais peu nombreux; les Crustacés étaient communs, moins toutefois que de l’autre côté de lile. OBSERVATIONS SUR LA RÉPARTITION DU PLANKTON DANS L'EAU DOUCE 187 Je mentionnerai aussi le phénomène extraordinaire du 20 septembre, jour durant lequel je ne pus trouver un seul exemplaire de Mallo- monas, ni dans mes pêches horizontales, ni dans mes pèches verti- cales, bien que la veille ces animaux fussent fort communs, et qu'ils le furent encore le lendemain. Cette abondance de Mallomo- pades se continua ensuite durant une période de 70 jours. Une variation de répartition plus considérable encore que chez les Mallomonas et les autres espèces susnommées s’observe chez une algue limnétique, la Gloiotrichia echinulata. Bien que cet organisme fût répandu par tout le lac en innombrables colonies et püt être rencontré flottant en tous les points de la surface, on doit cependant considérer sa distribution comme très irrégulière, car, en beaucoup de places, elle se groupait en bandes larges et allongées (10 à 12 mètres de longueur), au sein desquelles le nombre des individus était beaucoup plus dense que dans les autres points de la surface du lac. L'idée d’une répartition uniforme n’est donc point acceptable ici non plus. J’ai fait des observations semblables durant l'été de 1892 sur le Clathrocystis æruginosa (une autre Algue du Plankton), qui, à cette époque, apparut en grande quantité, durant plusieurs semaines, dans le grand lac de Ploen. De telles observations ne nous permettent point d’admettre une répartition uniforme du Plankton, c’est-à-dire cette idée que les représentants des différentes espèces qui, pour une époque donnée de l’année, constituent la faune et la flore d’un lac, doivent se trouver en quantité à peu près semblable au-dessous de chaque mètre carré de la surface (pour des profondeurs identiques). Mes expériences montrent tout au moins qu'il existe de notables exceptions à cette hypothétique théorie, exceptions qu’il importe de ne point ignorer. Quelques autres réserves doivent aussi être faites à l'égard des partisans de la méthode numérique de HENSEN (Voyez APSTEIN : Quantitative Plankton-studien im Süsswasser, 1892), méthode qui, d’après ce qu’on assure, devrait pourtant donner des résultats fort exacts. Ainsi je ferai remarquer que, au commencement d'octobre, une pêche exécutée à profondeur égale avec le filet vertical, aurait fourni des résultats tout différents, suivant qu’elle eût été pratiquée au Nord ou au Sud de l'ile d’Alesborg: dans le premier cas, en effet, elle eût ramené beaucoup plus d'exemplaires de Mallomonas 188 OTTO ZACHARIAS et de Ceratium, moins d'Asplanchna et de Diaptomus. Si l’on n'avait été prévenu par des recherches antérieures, et qu’on eut fait avec le microscope la numération des espèces ainsi recueillies au Nord de l’île par le filet de HENSEN, on serait arrivé à ce résultat erroné, malgré l’exactitude de la méthode: à savoir que le grand lac de Ploen renfermait bien plus de Mallomonas et de Ceratium, bien moins de Diaptomus et d’Asplanchna qu'il n’en comptait réellement à cette époque de l’année. L’exactitude tant vantée de la méthode de HENSEN ne met pas à l'abri de telles erreurs; pour qu'elle donne tout son effet, il faut qu’elle ait été précédée d’un autre mode d'exploration du lac, qui nous ait renseigné sur le groupement des différents organismes suivant les diverses époques de l’année: on néglige volontiers ces données qui pourraient cependant contribuer à éclairer les anomalies qui ont été observées. Pourtant, selon les assertions des disciples de HENSEN, la compa- raison des pêches faites sur les différentes parties d’un lac, met à l’abri de toute erreur; de cette facon — assurent-ils — Ja moindre inégalité dans la répartition ne peut manquer de se manifester. Ainsi tout au moins argumente-t-on pour défendre à l’avance l’exac- titude de la méthode contre les attaques éventuelles. Mais quelle peut être la valeur de ces pêches (Stichproben), faites avec un filet de 4100 centimètres carrés d'ouverture, lorsqu'il s’agit d’un lac — comme celui de Ploen — qui mesure plus de 30 kilomètres carrés ? Comment est-il possible qu’un zoologiste, à l’aide de pêches quanti- tatives — zoologiste qui ne vient explorer le lac que toutes les deux ou trois semaines et exécute la plupart du temps au même endroit ses dragages verticaux — puisse avoir connaissance de ces sortes de rassemblements, qui peuvent ne pas se faire aux points explorés, ou s’accomplir durant l'intervalle de deux voyages? Dans ces derniers cas, la méthode la plus exacte n'est pas à l’abri d'erreurs qui peu- vent être grosses de conséquences. Pour que des pêches puissent donner des renseignements certains sur la répartition du Plankton, il faut qu’elles soient faites en grand nombre, en même temps et en des points multiples de la surface d’un lac. Pour le grand lac de Ploen, il faudrait au moins 30 pêches simultanées et encore cela ne ferait-il qu’une pêche par kilomètre carré. Les observations en outre devraient êtres exécutées non pas toutes les deux ou trois semaines, mais bien répétées durant de nom- OBSERVATIONS SUR LA RÉPARTITION DU PLANKTON DANS L'EAU DOUCE 1489 breux jours consécutifs, si l’on veut pouvoir déduire, de ces données quantitatives, quelques résultats positifs sur la répartition d’une popu- lation limnétique. Aussi longtemps que de semblables recherches n'auront pas été instituées dans les grands lacs, cette théorie restera dans le domaine de l'hypothèse et personne n’est autorisé à aflirmer que le Plankton est uniformément réparti au sein des eaux. Il faut aussi de nouvelles recherches pour confirmer les faits avancés der- nièrement par Imnor (Die Zuzammensetzung der pelagischen Fauna, Biol. Centralblatt, Bd. XII, 1892); cet auteur dit textuellement: «Au sujet du fait que beaucoup de Protozoaires habitent la région péla- gique du lac en troupes innombrables, il faut faire cette observation, que souvent la coloration de l’eau s'explique par le pullulement de ces êtres qui forment de véritables bancs (Schwärme) très denses. Les espèces qui se comportent ainsi sont particulièrement l’Acan- thocystis viridis parmi les Héliozoaires, les Dinobryon, les Ceratium et quelques Dinoflagellates. » Avant d'aborder la question de ces bancs, je veux rapporter un fait que j'ai observé en août 1892 (j'ai négligé de noter la date exacte). En examinant quelques préparations d’une pêche verticale, je rencontrai dans la plupart d’entre elles 2 à 3 exemplaires d’Eury- temora lacustris, tandis que les autres ne renfermaient pas un seul échantillon de ce Copépode, facilement reconnaissable. Il n’est pas douteux qu’à la suite de cette constatation, un partisan de la méthode quantitative ne se fût cru en droit de conclure qu’à cette époque de l’année, l’'Eurytemora n’était guère commune dans le lac. Je comparai alors ces résultats avec ceux de pêches horizontales faites presque en même temps et aux mêmes endroits : bien que les préparations fussent exécutées d’après une méthode identique, ces dernières contenaient un si grand nombre d'Eurytemora que le contraste était frappant. Chaque lamelle présentait au moins 6-8 exem- plaires de ce Copépode. Sans aller plus loin, on peut conclure que les Eurytemora étaient rassemblés dans les couches superficielles du lac; il faut en outre faire remarquer que ces Crustacés, relativement gros, excellents nageurs, ne peuvent se grouper d’une façon aussi dense que des organismes incapables de mouvements actifs, et qui vivent naturel- lement en masses serrées. Lorsqu'il s’agit de ces derniers, le filet 190 OTTO ZACHARIAS vertical de 100 centimètres carrés d'ouverture en ramène évidemment un beaucoup plus grand nombre: 1° parce que ces êtres ne peuvent fuir en nageant (1); 2 parce qu'il ne se passe point ici ce qui se passe pour les Eurytemora, pour lesquels le filet en rencontre bien plus qu’il n’en capture. Il faut aussi tenir compte de ce fait que les espèces nageuses qui se tiennent à la surface, se meuvent prin- cipalement dans la direction horizontale. C’est pourquoi une pêche effectuée horizontalement doit donner une idée bien plus exacte du nombre de ces individus qu’une pêche verticale, qui coupe à angle droit le sens de leur progression. En eflet, les n:geurs qui, à l'approche du filet, se dispersent rapidement, seront bien plus aisément capturés, si l’engin se meut dans la direction de leur fuite. Dès lors, on saisit aisément pourquoi certains organismes, en particulier ceux qui ne sont pas extrêmement abondants dans le Plankton, se trouvent en beaucoup plus petit nombre dans les pêches verticales que dans les pêches horizontales. Ce fait seul suffirait à entacher fortement l'exactitude de la méthode. Pour l’exploration qualitative d’un lac, il faut donc employer simultanément les pêches verticales et les pêches horizontales, car c'est seulement en combinant ces deux procédés, qu’on peut espérer connaître tous les organismes végétaux et animaux qui l’habitent. J’ai démontré sans conteste, par mes observations du mois d’oc- tobre, qu'il se produit parfois de véritables agrégations, d’une extraordinaire densité, pour certaines espèces. Ces rassemblements (1) HENSEN, en un passage de son travail « Die Plankton-expedition und Häckels Darivinismus » (p. 29), dit textuellement : « Toutes ces espèces qui fuient devant le filet, et dont la capture est par conséquent plus ou moins capricieuse, ne peu- vent à mon sens fournir de renseignements sur leur fréquence relative. » Le zoolo- giste qui explore les eaux douces se trouve dans de semblables conditions vis à-vis des gros Copépodes et pourtant personne n’a jamais élevé la moindre critique contre les résultats quantitatifs qui ont été publiés relativement à certains lacs (en parti- culier par C. APsreix). L’agilité des Copépodes est un facteur qui doit entrer en ligne de compte, surtout lorsqu'on emploie des filets à petite ouverture; d'autre part on ne peut négliger, dans l'étude d’un Plankton limnétique, ces Crustacés qui en constituent une importante partie. Et pourtant ils appartiennent sûrement à ces formes qui «échappent plus ou moins au filet», surtout lorsque celui-ci ne mesure que 100 centimètres carrés d'ouverture. Je ne nie point que de tels filets ne puissent capturer un nombre considérable de Copépodes, mais je mets seulement en doute que les résultats de la pêche en ce cas fournissent une notion exacte du nombre des individus qui se trouvaient dans la colonne d’eau explorée et je m'élève contre la tendance qu'on manifeste généralement à approuver l’exactitude de cette méthode. OBSERVATIONS SUR LA RÉPARTITION DU PLANKTON DANS L'EAU DOUCE 191 se laissaient observer dans toute l'étendue d’un kilomètre carré: c’est seulement en dehors de cette aire que les conditions se modi- fiaient. Certainement les Mallomonades étaient individuellement sépa- rées les unes des autres par une distance qui surpassait quelques milliers de fois leur longueur, mais malgré tout elles étaient encore au nord d’Alesborg, plus rapprochées et, par conséquent, en plus grande quantité qu’au sud de cette petite ile. On pourrait discuter pour savoir s’il est juste d'appliquer le mot «banc» à un tel grou- pement, et si Imnor, dans son travail sus-nommé, a bien voulu désigner par ce terme ces groupements réguliers que j'ai observés moi-même. Peu importe du reste le mot, puisqu'il ne s’agit ici que de mettre en relief un fait qui vient infirmer la théorie de la répartition régulière du Plankton. Telle a été mon intention dans ce paragraphe. Ce que je veux constater, c’est justement la varia- bilité de la répartition des organismes limnétiques suivant les époques et dans les différentes parties d’un lac. Je sais bien que c’est une entreprise délicate que de s'attaquer à des théories aussi chères à certains observateurs. Cependant, on ne peut mettre en doute qu’il n'existe, en dehors de la méthode des pêches verticales de HENSEN aucun autre procédé qui puisse nous fournir des données quantitatives sur le chiffre absolu des organismes contenus dans une colonne d’eau; malgré leur insuffisance, ces pêches verticales peuvent seules nous renseigner pour évaluer la quantité de Plankton d’un lac. Aussi, ne faut-il point croire que mes critiques ont pour but de faire une guerre radicale à la méthode ou de lui dénier toute importance scienti- fique: je suis loin d’avoir une pareille opinion. Mais je veux m’élever de toutes mes forces contre l’idée, qui tend à se vulgariser de plus en plus, qu’on peut résoudre tous les problèmes de l’hydrobiologie rien qu’à l’aide des pêches verticales et de la numération des exemplaires au microscope. On tombe ainsi dans le même défaut que ces statisticiens acharnés d’autrefois (nous en sommes heureu- sement débarrassés aujourd’hui) qui, à l’aide de leurs tables, avaient la prétention de pouvoir résoudre tous les problèmes de l’existence humaine. Le Dr FRANzZ ScaüTT, un défenseur convaincu des principes de HENSEN, a porté le jugement suivant (1), qui devrait (1) F, Scuurr: Analytische Planktonstudien, 1892, p. 12. 192 OTTO ZACHARIAS être médité plus qu'il ne l’a été jusqu’à présent par les Plankto- loques de son clan: «par le procédé des pêches verticales, on peut obtenir des données sur la qualité et la quantité des organismes qui se rencontrent en un point quelconque de la mer, autant tou- tefois qu’il est possible de les capturer à l'aide de cette méthode.» J'ai souligné ces derniers mots car ils ont une grande importance et montrent bien que ScaüTr a parfaitement compris dans quelles limites il faut accepter les résultats fournis par ladite méthode. Tout ce qui échappe plus ou moins à l’action des pêches verticales (et nous avons vu que plusieurs espèces du Plankton sont du nombre) ne peut être exactement connu par la méthode de HENSEN. Ni pour un grand lac, ni à plus forte raison pour l'Océan entier, la méthode, dans son état actuel, ne semble avoir pu une seule fois fournir la preuve qu'on en attendait principalement, c’est-à-dire la démonstration d’une répartition uniforme du Plankton. Au sujet de l’emploi de la méthode numérique pour l'Océan, je ne reviendrai point sur les critiques qu’ont mises en évidence plusieurs observations de biologie marine (1). Mais en ce qui concerne les lacs, je me permettrai de dire ici que les pêches verticales ne donneront de résultats un peu certains qu’à la condition d'employer des filets à plus grande ouverture qu’on ne l’a fait jusqu’à présent et surtout de pratiquer des pêches simultanées dans les différentes régions du lac. Encore cela ne suflirait-il point pour pouvoir assurer que l’uni- formité de la répartition du Plankton est la règle dans nos grands lacs, comme le voudrait la théorie; il faudrait que les observations fussent faites en bieu plus grand nombre (et autant que possible en même temps). Pareille expérience n’a été tentée jusqu’à ce jour dans aucun grand lac, non seulement parce que cela exigerait beaucoup de travail et de temps, mais surtout parce que cela nécessiterait le concours d’un grand nombre d’observateurs. Aussi longtemps que la méthode de HENSEN n'aura pas été appliquée de cette façon (et durant une année au moins) à un grand lac, cette question demeurera pendante, à savoir : que l’uniformité de la distribution est la règle et que c’est seulement par exception que se forment les « bancs ». Après les observations que j'ai rapportées plus haut, je suis devenu fort sceptique. Parfois on voit se produire, pour quelques espèces, ainsi qu'il est aisé de le constater, (1) E. HAckez : Plankton Studien, 1890. OBSERVATIONS SUR LA RÉPARTITION DU PLANKTON DANS L'EAU DOUCE 193 de véritables rassemblements qui durent plusieurs semaines, de telle sorte que, si quelqu'un faisait à ce moment des pêches quantitatives au nord d’Alesborg, les résultats ne concorderaient aucunement avec ceux que fourniraient le reste du grand lac de Ploen. Qui saurait dire combien de fois, depuis l'application de la méthode de HENSEN, le filet du zoologiste a traversé sans qu’il le sût de ces rassemblements partiels et combien de fois aussi les résultats de ces pêches ont été le point de départ de déductions générales? D’après ScHüÜTr, comme la répartition uniforme du Plankton n’est pas douteuse, il n’est pas nécessaire que les pêches, qui servent à établir le calcul du Plankton soient faites bien loin les unes des autres. Mais qu’entend-il au juste par ces mots « loin » ou « près »? Si au commencement d'octobre — sans connaître les zones où certaines espèces étaient plus denses — on avait praliqué au nord d’Alesborg deux pêches à 150-200 mètres l’une de l’autre, le résultat eût été le même, puisque le « banc » s’étendait à peu près sur un kilomètre carré de surface. Mais, si lesdites pêches avaient été faites à 800-900 mètres l’une de l’autre, on aurait bien vite constaté entre elles une grande différence. De ceci ressort cette leçon que souvent les récoltes sont effectuées trop près les unes des autres pour que les renseignements qu’elles fournissent puissent peser d’un grand poids dans la question de la répartition du Plankton. Tous ces phénomènes n'avaient point encore été étudiés dans les lacs. C’est grâce à la station biologique de Ploen, grâce au contrôle journalier qu’elle permet à cause de son voisinage avec le lac, que ces faits ont été mis en lumière : c’est la station seule aussi qui pourra nous renseigner sur les caractères spécifiques, sur l’extension et sur la durée des « bancs » dont nous avons constaté l’existence. Au cours des excursions de deux ou trois semaines au plus qu'ils font auprès d’un lac, les partisans de la méthode quantitative peuvent difficilement constater ces anomalies dans la répartition des espèces. C'est pour cette raison qu’il n’en est pour ainsi dire point question dans les travaux de C. APsSTEIN, et lorsque cet auteur parle de ces « bancs », il les considère « comme le résultat d’une illusion» ou comme des rassemblements partiels « qui n’infirment en rien la théorie de HENSEN ». Cependant ApsTeIN lui-même, au sujet des Diaptomus, observe que ce Copépode offre de grandes variations dans sa répartition et semble parfois se réunir par petits groupes. Comme explication plausible de ce fait, il invoque le rappro- 13 194 OTTO ZACHARIAS chement sexuel. Toutefois, il ajoute presque aussitôt: « dans ce cas, il serait remarquable que les Cyclopes ne se réunissent point aussi en troupes, puisqu'ils auraient les mêmes raisons de le faire que les Diaptomus ». À ce compte, il serait encore bien plus étonnant de voir se réunir par « bancs » les Mallomonades, pour lesquelles les raisons de sexualité ne saurait être invoquées! Mais est-il possible, chaque fois que nous constatons un phéno- mène, d’en trouver aussitôt l'explication rapide et sûre? N'est-il pas de notre devoir de chercher auparavant à l’observer conscien- cieusement ? Je n’ai pas voulu faire ici une critique détaillée de la méthode numérique employée par HENSEN. Je me suis seulement permis de relever certaines erreurs qui peuvent se produire dans la pratique de cette méthode, et aussi de m’élever contre la valeur exagérée qu’on lui a accordée. J'espère avoir démontré, au courant de ces pages, qu’on peut trouver encore beaucoup de faits nouveaux sans le microscope numé- rateur et sans la méthode quantitative (telle qu'HENSEN la comprend). À la station de Ploen, je poursuis, avec l’aide de mes collaborateurs, des études qualitatives sur le Plankton, études qui sont plus nécessaires au progrès de notre science que les recherches quanti- tatives. Le Dr F. Scaürr, qui, tout en se livrant avec conviction aux premières, n’en défend pas moins chaudement les secondes, a pleinement raison lorsqu'il dit: « Nous devons à ces études quali- tatives des connaissances nombreuses et variées sur la structure et sur le développement des organismes du Plankton (1) ». Avec des concessions de ce genre, les deux ordres de recherches peuvent être menées de front sans se nuire, à la condition que le point de vue scientifique soit respecté de part et d’autre par la critique. J'ai le plus vif désir de me conformer à cette façon d'agir et j'espère d'autre part que tous placeront l'intérêt de la science au-dessus des mesquines préoccupations de sympathies ou d’antipathies personnelles (2). (4) Scaürr : Analytische Plankionstudien, p. 13, 1892. (2) I1 n’est pas sans intérêt de rapprocher ces idées de celles qui viennent d'être émises tout récemment par le D Francé, membre de la commission chargée d'explorer le lac Balaton en Hongrie, qui, dans une notice préliminaire (Zur Biologie des Plankion, Biol. Centralblatt, 15 janvier 1894), nous a donné un résumé des recherches faites en 4893. Les observations de FrRANcÉ, tout-à-fait indépendantes de BIBLIOGRAPHIE NOUVELLES UNIVERSITAIRES Le 20 juillet 1893, M. MaLAQuIN, préparateur du Cours de 2z00- logie de la Faculté des Sciences de Lille, a soutenu ses thèses pour obtenir le grade de docteur ès-Sciences naturelles. Il a pré- senté, comme première thèse, un important mémoire « Æecherches sur les Syllidiens » dont nous publions plus loin une courte ana- lyse, qui ne peut donner qu’une faible idée des nombreuses et délicates observations et des aperçus nouveaux de l’auteur. La sou- tenance, qui a duré deux heures, a été remarquable, et a valu à M. MaraquiN les félicitations du jury qui l’a admis au grade de docteur avec toutes boules blanches, tant pour son travail original que pour la façon dont il a traité les questions proposées par la Faculté. Nous sommes heureux de joindre nos félicitations à celles du jury. Nous enregistrons également le succès remporté par M. Rousse, qui a soutenu aussi, devant la Faculté des Sciences de Lille, le 23 décembre 1893, une thèse ayant pour titre : « Etude stratigra- phique des Pyrénées ». La Rédaction. celles de ZacHaRrAs, les ont pleinement vérifiées, et il semble bien établi que la théorie d'une répartition uniforme du Plankton est en désaccord avec les faits, au moins en ce qui concerne les eaux douces. Le Dr FRancÉ dit textuellement : «la population planktonique animale et végétale du lac Balaton ne présente point une répartition régulière des diverses formes, comme le prétend HENSEN; au contraire, à côté de couches aquatiques presque privées d'organismes on en ren- contre d’autres où pullulent ces mêmes organismes. En plus, chaque espèce en elle- même est irrégulièrement répartie ; j'ai pu distinguer des couches entières à Ceratium, à Bosmina, à Daphnia, à Diaptomus, etc, qui étaient presque exclusivement peuplées par l’une ou l’autre de ces espèces de Protozoaires ou de Crustacés. En somme, des centaines d'observations faites à toutes les heures du jour et de la nuit, démontrent avec uue netteté absolue, l'irrégularité de la distribution du Plankton. En conséquence, je considère la méthode numérique de HENSEN, qui repose justement sur l'hypothèse gratuite d'une répartition uniforme du Plankton limnétique, comme édifiée sur une base erronée; elle mène à des résultats inexacts, et c’est cette raison qui m'a décidé à ne point la mettre ea usage. » Tu. BarRois. 1496 BIBLIOGRAPHIE MALAQUIN (A). — Recherches sur les Syllidiens (Morphologie, Anu- tomie. Reproduction. Développement). — Thèse de Doctorat ès-sciences naturelles, Lille, 1893, in-8& de 477 pages avec 14 planches doubles. Les premiers chapitres de ce mémoire sont consacrés à l'histo- rique, à la morphologie externe, à la classification, à la révision des genres et à la faune des Syllidiens sur les côtes du Boulonnais. Les Syllidiens sont divisés en quatre tribus : Les Exogonés, les Eusyllidés, les Syllidés et les Antolytés. Les téguments des Syllidiens présentent une structure anatomique et histologique très semblable à celle des autres Annélides, toutefois l'étude de l’épiderme et de ses dépendances, en particulier des soies, présente quelques faits intéressants. Les soies qui sont d’origine ecto- dermique, naissent dans une glande sétigène indépendante du bulbe séligère. Cette glande sétigène est située sur les acicules et ce n’est que lorsque la soie a acquis sa taille définitive, et qu’elle a perforé les téguments, qu’elle gagne le bulbe. Le système nerveux des Syllidiens comprend, outre le cerveau et la moelle ventrale qui sont étudiés en détail, un système nerveux stomato gastrique constamment représenté chez ces Annélides où la trompe est toujours bien développée. Ce système présente deux types. Le premier qui se rencontre chez les Syllidiens à trompe sinueuse, comprend un premier anneau situé dans la gaine pharyn- gienne et un second situé à l'insertion de cette gaine sur la trompe. Dans le second type, il n’y a qu’un anneau nerveux correspondant au deuxième anneau du type précédent ; il se rencontre chez les Syllidiens à trompe droite. Des filets nerveux venant du centre céré- broïde aboutissent aux anneaux nerveux périproboscidiens et ceux qui en partent innervent les différentes régions de la trompe. Les éléments nerveux conservent avec les éléments ectodermiques des rapports très étroits comme chez plusieurs archiannélides et archichétopodes ; c’est un caractère qui se rencontre encore, moins accusé, il est vrai, chez les Euniciens. Il n’existe donc pas, autour du système nerveux des Syllidiens, de membrane propre. La structure de la substance cen- trale du cerveau montre qu'il existe plusieurs centres, en nombre variable ; toutefois, on peut toujours reconnaître les deux centres stomato-gastrique et antennaire de PRuvor. BIBLIOGRAPHIE 197 Les organes visuels sont toujours en relation très intime avec le cerveau. L'auteur étudie leur développement chez les formes sexuées et démontre que les différentes couches qui composent l'œil proviennent de la différenciation d’un seul strate de cellules. Le cris- tallin est sécrété par les cellules de l'œil. Les bâtonnets qui composent cet organe sont réfringents à leur extrémité {corps vitré), pigmentés dans la région moyenne et inférieure (couche rélinienne ou pigmen- taire) et leurs bases où se rencontrent les noyaux engagés dans le pigment, se terminent par des prolongements qui se mettent en rapport avec les cellules nerveuses (couche ganglionnaire). Ces organes des sens présentent un accroissement secondaire chez les Syllidiens épi- games ; le cristallin s'accroît par l’adjonction de cellules cristallo- gènes d’origine épidermique. Les yeux chez l'adulte présentent diffé- rents stades qui sont étudiés successivement. Un autre organe des sens est toujours représenté chez les Sylli- diens et y présente des types très variés (fossettes, champs ciliés, ailerons, épauleltes) : c’est l'organe de la nuque. Cet organe est toujours en relation avec le cerveau. Le tube digestif est exposé dans un long chapitre où les différentes régions de la trompe et de l’intestin sont passées en revue. Un organe spécial aux Syllidiens, le proventricule, montre une structure histolo- gique spéciale. Il renferme des colonnes musculaires striées à contenu protoplasmique. Ces colonnes sont plus ou moins différenciées, mais elles présentent une structure particulièrement intéressante chez certains types, où elles réalisent l'état de cellule musculaire striée et indépendante que l’on peut comparer à la cellule primordiale du faisceau primitif des vertébrés ; par contre, certaines colonnes plus différenciées sont comparables au faisceau embryonnaire tel que Pa décrit Ranvier. Les mouvements de la trompe, lhistologie et la physiologie de l'intestin sont ensuite étudiés. Les systèmes circulatoire et respiratoire des Syllidiens sont peu développés. Les néphridies sont des conduits étroits dont l'ouverture interne est engagée dans le dissépiment; au moment de la repro- duction, ces organes augmentent considérablement de volume dans les segments génitaux. La reproduction, chez les Syllidiens, offre des phénomènes très complexes. On peut considérer deux modes de reproduction, l’épigamie et la schizogamie, qui sont dans la plupart des cas distincts et 198 BIBLIOGRAPHIE qui, au contraire, peuvent se trouver réunies chez certaines espèces. Dans la schizogamie un bourgeon sexué se sépare d’une souche non sexuée. Ce phénomène se rencontre chez tous les Autolytés et les Syllidés ; la formation des stolons y présente des phénomènes très variés soit qu’elle se fasse par gemmiparité, par scissiparité ou par ces deux phénomènes combinés (Myrianida, Autolytus Edwarsi, etc.). Chez les Procerastea, il se fait, dans la région médiane du corps, un bourgeonnement de zoonites qui constituent la région à soies natatoires des formes sexuées Poly bostrichus et Sacconereis. Chez les Syllidés la reproduction par schizogamie existe aussi presque exclu- sivement, comme chez les Autolytés ; mais les formes sexuées ne présentent plus ce dimorphisme si particulier qui existe entre le mâle et la femelle chez les Autolytés. Les formes sexuées © et @ se ressemblent, mais elles présentent dans le développement de la région antérieure des différences remarquables selon les genres ou les espèces. Le stolon est acéphale chez la forme sexuée Schwimknospe. Les formes Tetraglena, Chætosylis, de Syllis amica, Ioda, présentent les stades successifs, acère, dicère, tétracère, pentacère du segment céphalique. Les stades tricère et heptacère sont réalisés chez les Sacconereis et Polybostrichus des Autolytés. L'épigamie se caractérise par le fait que l'individu tout entier devient sexué. L’individu acquiert au moment de la mâturité des organes génitaux des caractères sexuels secondaires très remar- quables ; ce mode de reproduction existe chez les Exogonés et les Eusyllidés. Enfin une même espèce peut présenter les deux modes de reproduction épigamie et schizogamie. C'est ce qui a été constaté avec certitude chez Æxogone gemmifera. 11 est fort propable qu’on observera les mêmes faits chez plusieurs autres Syllidiens, en parti- culier chez les £xogonés. Ces phénomènes de reproduction sont comparés aux phénomènes semblables que présentent les Oligochètes (Ctenodrilus, Naïs, Dero, Chætogaster, etc.), et les autres Polychètes (Clistomastus, Filograna): Il en résulte qu'entre les phénomènes de fragmentation du corps des Ctenodrilus, par exemple, et les phénomènes d’épigamie des Syllidiens, comme des Néréidiens, il existe toute une série de phénomènes qui rattachent ces deux termes extrèmes. Le développement larvaire a été observé chez plusieurs genres. BIBLIOGRAPHIE 199 Il y a toujours gestation ; l’évolution de la larve est plus ou moins rapide, mais présente toujours les deux stades monopharyngien (commun à beaucoup d’annélides) et dipharyngien (particulier aux Syllidiens) ; la trompe est bourgeonnée d’avant en arrière par le pharynx larvaire. La larve est ou n’est pas ciliée. Dans le premier cas, il peut y avoir une couronne céphalique et des bandes ciliées dorsales. Les phénomènes larvaires peuvent disparaître de bonne heure chez certains types, ou au contraire se prolonger très tard chez d’autres. Le dernier chapitre est consacré à des considéralions sur la mor- phologie des Syllidiens et les annélides en général. Parapodes. — La comparaison de la morphologie et du déve- loppement des parapodes chez les Syllidiens, démontre que les phé- nomènes de rétrogradation des parties constituantes du parapode qui se font dans l’ordre suivant : rame dorsale, cirre ventral, cirre dorsal, laissant comme vestige la Rame ventrale suivent l’ordre inverse de leur apparition embryogénique qui a lieu ainsi : rame ventrale, cirre dorsal, cirre ventral, rame dorsale. Ces faits confirment cette loi : que dans le développement d'un organe frappé de rétrograda- tion, ledit organe parcourt un nombre de stades plus ou moins res- treint, de telle sorte que si pour arriver à son plus haut état de développement, il passe par les stades a, b, c, lorsqu'il rétrograde il J" à d’abord suppression du stade d, puis, s'il y a lieu, des stades cet D et enfin le stade a persiste comme représentant l’état le plus rudimentaire de l'organe (HALLez). Segment céphalique. — L'auteur démontre d’abord que 1° les appen- dices céphaliques des annélides sont morphologiquement comparables aux appendices pédieux. 20 Les rames sétigères ventrales ou dorsales peuvent subir des modifications morphologiques en se transformant en appendices cirriformes et de locomotrices devenir sensitives. 30 Le segment céphalique n’est pas fondamentalement différent d’un segment ordinaire. 4 Le lobe céphalique des auteurs peut être considéré comme un segment unique dont les appendices modifiés profondément peuvent néanmoins être homologués aux différentes parties constituantes des parapodes des segments normaux. 200 BIBLIOGRAPHIE En se basant sur la morphologie comparée, sur le développement comparé, sur les connexions des appendices ue et pédieux, on peut établir les homologies suivantes : Antennes latérales antérieures — Rames ventrales. Antenne médiane — Cirres dorsaux. Palpes — Cirres ventraux. Antennes latérales postérieures — Rames dorsales. L'auteur examine ensuite et compare les segments tentaculaire et anal au segment normal sétigère. Loi de la formation des segments. — Sous le nom de zoonite formateur, l’auteur a désigné un segment indifférencié, formé de tissus embryonnaires en voie active de prolifération et qui, par une multiplication répétée, donne naissance à de nouveaux zoonites. Il peut s'établir ainsi des zones génératrices dans les différents points du corps et de nombreux cas sont décrits dans l'étude de la stolonisation, de l’accroissement du corps, de la rédintégration. Toutefois, on peut définir à l'avance le rôle du zoonite formateur. et les différents cas de production de zoonites peuvent se ramener à quelques formules générales. I. Sur la face proximale : a) Un zoonite formateur donne naissance à une tête: 1° s’il est en présence d’une surface libre; 2° s'il est en contact avec un pygidium. b) Il donne naissance à des segments ordinaires s'il est en con- tact avec des segments normaux. IT. Sur la face distale : a) Un zoonite formateur donne naissance à un pygidium : 1° s'il est en présence d’une surface libre; 20 s'il est en contact avec l'extrémité antérieure d'un stolon. b) Il n'y a pas de prolifération si le zoonite formateur est en contact par sa face distale avec un segment ordinaire. SUR QUELQUES ARTHROPODES TROUVÉS DANS DES FOURMILIÈRES PAR KR. MONIEZ. (avec 4 figures dans le texte). Le P. WasmanN a bien voulu soumettre à mon examen une intéressante collection de Myrmécophiles récoltés en grande partie par lui-même ou par M. AuG. Forez et dont quelques-uns proviennent de MM. SMITH, PERGANDE, SIKORA, BADaRrioTTI. M. le Professeur EMERY a eu aussi l’obligeance de m'en envoyer, une forme intéressante. Les pages qui suivent donnent le résultat de mes déterminations et je laisse à mon savant correspondant le soin d'en tirer les conclusions. I. — ACARIENS Leiosoma longipilis Nov. sp. — Fig. 1. Ashburton, Nouvelle- Zélande; récolté par M. W. W. Smirx; cinq indi- vidus (1). Cette espèce, de forme semi-globuleuse, mesure 100 & de longueur sur une hauteur de 420 & à 450 & ; elle est de couleur noir de poix ; elle porte en arrière du corps quelques longues soies qui atteignent 160 à 170 & et, à la partie dorsale, à la séparation de la tête et du thorax, deux autres soies longues de 225 w ; sans compter les appen- dices de même nature qui prolongent les lamelles. Les organes stigmatiques sont en forme de massue très finement dentelée, non terminés par une soie. Les pattes portent de longs poils, l'abdomen à OR Fig. 1. — Leiosoma est lisse. Le contour général du corps de notre longipilis sp. nov. (1) L'envoi de M. W. Suira comprend un certain nombre d’espèces énumérées en due place, provenant du nid des Monomorium nitidum Sir, Suteri Forez, Smithi ForeL ; elles étaient enfermées dans un tube unique, de telle sorte qu’il n’est 202 R. MONIEZ espèce est également caractéristique par les proportions relatives du thorax et de l’abdomen et l’allongement du premier (1). Oribata alata nEermM. — Exaeten (Hollande) chez la Formica rufa. J’ai déjà cité cette espèce très répandue, comme capturée par le P. WasmanN chez la Formica rufa en Vorarlberg (2). Oribata globula Nic — Capturé par M. Forez à Bone, en avril 4887, dans le nid du Lepthotorax parvulus Scar. Le P. WasmanN dit, dans sa lettre d’envoi, que cette espèce n’est probablement qu'un hôte accidentel des Fourmis; en effet l’0. globula qui se rencontre assez fréquemment partout, ne peut être considéré comme myrmécophile; sa présence en Afrique a déjà été constatée par MICHAEL (3). Gamasus cerassipes L. — Je l’ai déjà indiqué (loc. cit., p. 6) comme ayant été trouvé à Prague dans un nid de Lasius niger. Le P. WasmanN l’a retrouvé à Linz-a-Rh., en octobre (un ind. $), chez la Formica rufibarbis F., en compagnie de deux autres Gamasides ; chez Lasius brunneus (une douzaine d'individus des deux sexes et un jeune) à Lainz (Autriche); à Exaeten (Hollande), chez la Formica rufa L. (un ind. « novembre); à Linz-a-Rh. chez la F. exsecta. Nyl. (novembre, 2 d'); à l’Arlbergpass, entre le Tyrol et le Vorarlberg (en août, À ind. @), aussi chez la F. exsectu. Il semble que cette espèce, que l’on ne peut pourtant considérer comme myrmécophile, incursionne volontiers dans le nid de n’importe quelle espèce de Fourmi, où elle est attirée par une nourriture facile à prendre; sa formidable armature ne lui laisse rien à craindre de ses hôtes. Gamasus Canestrinii BERL — Un individu « trouvé en mai 1885 à Exaeten (Hollande), dans le nid de la Formica fusca, par le P. pas possible de dire de laquelle de ces trois espèces de Fourmi elles sont commen- sales ; M. W. Suiru dit qu’elles « sont communes à Ashburton dans les nids de ces fourmis ». Ces espèces myrmécophiles envoyées par M. Suiru sont les suivantes : Leiosoma longipilis nov. sp., Entomobrya multifasciata Tuzzs., Drepanura brach)-- cephala nov. sp. Achorutes armatus Tuzzs., Lipura incerta nov. sp. Le petit Acarien, dit M. Smiru, est très commun (ZLeiosoma longipilis). (1) Cf. avec notre croquis, les dessins de Micnaez, Bristish Oribatidæ, t. I (1884). (2) MoniEez, R. — Mémoire sur quelques Acariens et Thysanoures parasites ou commensaux des Fourmis, Rev. biol. du Nord de la France, 1892. (3) MicmaeL A. D. — On a collection of Acarina formed in Algeria, Proceed. of the zoolog. Society. London, 1890. SUR QUELQUES ARTHROPODES TROUVÉS DANS DES FOURMILIÈRES 203 Wasmann. Même observation que pour l'espèce précédente: elle est tout aussi bien armée et cuirassée, quoique de plus petite taille. BERLESE l’a déjà indiquée comme trouvée dans les fourmilières. Lœælaps ovalis nov. sp. (fig. 2 et 3). — Trois individus de cette espèce en compagnie d’un Lœælaps claviger, chez Formica sanguinea, Exaeten, août 1893. Le P. WasmMaANN note que ces Acariens se trouvent sou- vent engrand nombre chez À la Fourmi en question. Les individus que j'ai eus en main étaient tous trois des femelles. Cette jolie espèce a ë, est d’un brun roux clair, Fi Pince qu les pattes antérieures sont Lœaps ovalis Q. les plus longues et toutes | branche fixe. portent des soies assez b. branche mobile, Fig.2.— Lælaps avalis®Nov.sP. nombreuses, le plastron dorsal a les bords latéro-postérieurs repliés en dessous ; la carapace est recouverte d’un délicat réseau polygonal, visible sur les animaux dilacérés ; le corps porte des soies longues et rares. Nous figurons cette espèce vue du côté ventral et représentons ses pinces, dont la branche fixe est un peu plus longue que l’autre : les dentelures des pinces sont caractéristiques, de même que la forme et la disposition des métapodes, qui sont contiguës au bouclier ventral dans notre espèce. Le Lœlaps ovalis ($) mesure environ 1 mill. de longueur. Lœlaps Similis nov. sp. (fig. 4). — Chez la Formica fusca, var. subsericea Say, à Washington (PERGANDE), petite espèce dont j'ai négligé de relever les dimensions; un seul individu mâle. Cette espèce se rapproche du Lœælaps claviger BerL. et du Lælaps cuneifer Micuaez par les poils élargis du corps et des membres. Peut-être doit-elle être assimilée à ce dernier, bien qu’elle en diffère par quelques caractères des mandibules, dont la branche accessoire m'a paru plus courte, puisqu'elle dépasse à peine la branche mobile; les deux branches de la pince sont aussi de forme un peu difiérente et les dents sont moins accentuées, placées plus bas, 204 R. MONIEZ x comme l’on peut s’en convaincre en comparant mes dessins à ceux de MicHaEL (1). Je ne puis malheureusement être affirmatif au sujet de l'identification de cette espèce, car je n'ai pu voir l’épistome sur l’unique individu que j'ai observé et j'ignore les caractères de la femelle. — Je rappelle à propos du Lœlaps cuneifer, que cet animal a été découvert par Micaaez, près d'Innsbruck, en Tyrol, dans les nids du Camponotus hercu- leanus et par le P. WasmanN, dans ceux du Fig. 4. — Lelaps similis Lasius fuliginosus, à Exaeten (Hollande). Dans NOV. SP., pinces. les deux cas, les Acariens ont été trouvés en a. branche mobile. b. branche fixe. grand nombre (2). End 2 Lœlaps myrmecophilus BEerz. — Une quinzaine d'individus représentant les deux sexes, chez la Formica rufibarbis var. fusco- rufibarbis For., à Linz-a-Rh., en novembre 1892(3); 4 individus chez Formica rufa à Exaeten (Hollande), à la même époque (WasMaANN) ; le P. WasmanN m'a remis un individu de cette espèce trouvé par M. Forel au printemps de 1893, dans la province d'Oran, Aïn-el-adjar, chez l’Aphœnogaster barbara, en notant qu’elle est certainement myrmécophile. Cette intéressante espèce a été récemment décrite par BERLESE (4), qui a trouvé les deux sexes dans des nids de fourmis (sp. ?), aux environs de Naples. Les observations que nous vénons de rapporter constituent la seconde indication sur le mème sujet. Jusqu'ici, le Lœlaps myrmecophilus n’a pas été trouvé en dehors des fourmilières. Les localités que nous venons d'indiquer offrent de l'intérêt. Lœælaps claviger BErL. — Cette espèce, découverte en Italie et que j'ai retrouvée à Lille, est représentée dans les récoltes du P. WasmanN par 3 individus capturés à Linz-a-Rh., chez la Formica rufibarbis, var. fusco rufibarbis For. en novembre, et par 6 ou 7 échantillons trouvés à la même époque et dans la même localité, chez la Formica exsecta. (1) Micuaëz A. D. Association of Gamasids with Ants, (1891), pl. 1, fig. 2. (2) Monrez, loc. cit. p. 7. Dans le même nid ont été trouvés 3 Lœlaps claviger etun Gamasus crassipes Q. 4) Acari, Myriopoda et Scorpiones hucusque in Italia reperta, fas. 69. SUR QUELQUES ARTHROPODES TROUVÉS DANS DES FOURMILIÈRES 205 Lœlaps comes xov. sr. — Cette espèce a été trouvée en abon- dance dans une colonne d’une Fourmi migratrice, l’Eciton omnivorum Korzar, par le R. P. Nicol. BADARIOTTI, Congr. Sales., à Lorena, province de Saô Paolo (Brésil). J'en ai observé un unique individu. C’est une espèce aux longues pattes, bombée à la partie supé- rieure, munie d’un bouclier dorsal à surface chagrinée, qui recouvre presque complètement l'abdomen, à part une portion assez large de toute la périphérie, plus accentuée en arrière, le bouclier ventral est de forme ovale large, tronqué en avant ; l'ouverture sénitale est située sur une plaque ovale disposée longitudinalement ; on remarque de longues soies au côté dorsal, ces appendices deviennent rares à la partie inférieure du corps. Les branches des pinces se croisent et se recourbent en dedans, la branche mobile porte deux dents la branche fixe, qui est un peu plus longue, porte une dent, unique qui correspond au milieu de l'intervalle qui sépare les dents de la branche mobile. La longueur du corps de Lœlaps comes est de 1200 &# et la plus grande largeur est de 840 u, le bouclier dorsal mesure 980 y de diamètre; l'abdomen le dépasse en arrière de 210 %; le bouclier ventral à 700 x dans sa plus grande longueur sur 560 de large; la longueur respective des pattes est comme suit: 14" paire, 1890 & ; 2e, 1190 uw ; 3°, 1400 x; 4e, 2030 nu. Il sera intéressant de retrouver cette espèce dont les mœurs, d’après l'unique observation du P. BaparioTti, semblent fort curieuses. Pachylælaps pectinifer V. — Siculus BEerL. Un individu chez Lasius brunneus ; Lainz, près Vienne. Uropoda obseura Berri. — Chez Cremastogaster Schenki Forez; Madagascar ; «toujours avec les Fourmis» d’après SikoRA ; 5 individus. — Je ne vois aucune différence entre les individus récoltés à Madagascar et l’espèce décrite par BERLESE et qui vit en Italie. — Au reste, beaucoup de ces petits animaux terrestres sont si facilement transportables dans les emballages faits avec des mousses et matières analogues, qu'il n’y a pas lieu de s'étonner de les rencontrer dans des pays fort éloignés les uns des autres. Rhyncholophus phalangioides. — Chez Formica exsecta Nyl; Linz-a-Rh., WasMaxN, novembre 1893, un seul individu jeune. La présence de cette espèce chez les Fourmis semble tout-à-fait accidentelle. 206 R. MONIEZ II. — THYSANOURES Beckia albinos Nic. — M. le Prof. EmEry a trouvé cette espèce près de Chamounix, dans ie nid de la Myrmica lœvinodis. On sait que cet animal se rencontre fréquemment, et d'habitude en grand nombre, dans les fourmilières; on le trouve aussi vivant en liberté çà et là. J'ai donné à ce sujet quelques détails dans des publi- cations antérieures (1). Lepidocyrtus se. — Un individu mutilé chez Lasius alienus à Lainz (Autriche), WasMmanN; c’est une espèce qu’il faudrait revoir, qui diffère de ZL. curvicollis, entr'autres caractères, par ses antennes sensiblement plus longues, proportionnellement ; le corps, en effet, n’atteint pas deux fois la longueur de ces organes. Entomobrya multifaseiata Turzs — Ashburton (Nouvelle- Zélande). Deux individus récoltés par W. W. Smirx (2). C'est une espèce cosmopolite (Amérique du Nord, Angleterre, Finlande, Suède, France, Suisse, Hollande, Hongrie, Italie, Sibérie). Sa présence dans une fourmilière doit être considérée comme accidentelle. Les caractères de cette espèce n’ayant peut-être pas été jusqu'ici suflisamment fixés, je relèverai ceux des deux individus récoltés à la Nouvelle-Zélande, pour servir de point de comparaison. Corps large, court, très velu, poils pointus, les plus grands barbelés ; en différents points se dressent de fortes soies tronquées; l’un des deux individus est entièrement grisâtre et sans macules (comme il arrive pour beaucoup d’espèces habituellement tachetées) le deuxième exemplaire est tacheté normalement ; les taches pigmentaires, dans lesquelles les yeux sont enchassés, sont d’un noir profond, allongées dans le sens de la tête, un peu étranglées dans leur milieu ; l’ongle supérieur des pattes porte deux petites dents très aiguës; le mucron est extrêmement petit, la dent accessoire est double, très nette. Les deux échantilons que nous avons examinés sont un peu dissemblables par la taille. Longueuréde:lattéte 300 5 PP SNS DURE » du corps: | 1190 0 PUURRET2E ONE » desantennes 900272 RO (r) R. Moniez, Sur deux Podurides qui vivent dans les fourmilières, Rev. biol. du Nord de la France (1890) et Mémoire sur quelques Acariens et Thysanoures para- sites ou commensaux des Fourmis (id., 1892). (2) Voir la note 1, page 201. SUR QUELQUES ARTHROPODES TROUVÉS DANS DES FOURMILIÈRES 207 Al Entomobrya dissimilis Nov. sp. — Trouvé à Washington par PERGANDE, dans trois nids différents de l’Aphænogaster fulva Roc., et chez la Cremastogaster lineolata Say. Au total sept individus, plus ou moins mutilés. Cette espèce, aux pattes et antennes longues et grêles, a une longueur totale, y compris la tête, de 1772 x; le corps est plat, mince, revêtu de poils courts, serrés, couchés, entremêlés de poils plus longs ; à la partie dorsale, on trouve cà et là des soies très longues, raides, taillées obliquement, denticulées au sommet, à propos desquelles il faut noter que beaucoup d’entre elles pouvaient être tombées sur ces échantillons manipulés ; les pattes sont longues. grèles, très velues de longues soies; les antennes sont également très velues de longs poils, qui diminuent de longueur en allant vers l’extrémité ; la queue porte de nombreuses et longues soies barbelées ; le mucron mesure 18 « de longueur, sa dent accessoire, accentuée, est moins développée que la dent terminale. L’ongle supérieur est long de 72 u, il porte deux dents, l'ongle inférieur pointu est de moitié plus court. Je ne puis rien dire au sujet des yeux, je n’ai pu compter les cristallins sur l’unique individu qui avait conservé la tête intacte. Les segments abdominaux dont la longueur relative est importante dans la taxonomie de ces Thysanoures, présentent les dimensions suivantes; les trois premiers mesurent au total 280 x. dont 110 pour le troisième; le quatrième 630 z; les articles des antennes ont respectivement les dimensions suivantes en commençant par le dernier : 460 un, 235 u, 224 uw et enfin 112 p. L’Entomobrya dissimilis se caractérise immédiatement entre ses congénères par la longueur du quatrième anneau abdominal qui est chez elle 5,7 fois plus long que le troisième, tandis que dans les autres espèces il est seulement de 3 à 4 fois plus long; elle ressemble à cet égard au geure Sinella (1) dont elle diffère, entre autres caractères, par la tache oculaire qui est simple chez notre espèce et double chez Sinella et par l’ongle supérieur de Ja troisième paire de pattes, qui est dentée. Notre espèce s’écarte aussi des autres Entomobrya par la longueur du dernier article des (1) Brook G. On a new genus of Collembola (Sinella) allied to Degeeria (1882) et aussi REUTER O. M. Collembola in caldariis viventia (1890). 208 R. MONIEZ antennes, qui est deux fois plus grand que l’avant-dernier, au lieu d’être de mêmes dimensions. Peut-être ces caractères différentiels pourraient-ils justifier, en faveur de notre espèce, la création d’un sous-genre (1). Drepanura brachycephala xov. sp. — Récolté par W. W. Smirx à Ashburton, Nouvelle-Zélande; un seul individu (2). Le genre Drepanura a été établi par Harald Scaürr (3) pour une espèce californienne, dont un des caractères les plus saillants est tiré du mucron, qui ne porte qu’une dent terminale et est dépourvu de toute dent accessoire; par ses autres caractères ce genre est très-voisin des Entomobrya. ScaôTr qui n’a observé que deux échan- tillons conservés dans l'alcool, dit ne pouvoir résoudre la question de savoir si cette espèce a ou non ie corps écailleux. Je rattache provisoirement à ce genre, dont les caractères, comme nous venons de le voir, ne sont pas encore définitivement fixés, l'animal trouvé à Ashburton, principalement à cause de l’unique dent de son mucron, mais son corps est très-abondamment couvert d’écailles, qu’on observe jusqu’au bout de Ia furcula, sur la tête et sur les antennes. Par l’existence de ces écailles et par les dimen- sions de ses antennes, qui n’atteignent pas la moitié de la longueur du corps, on pourrait en faire un &epidocyrtus, mais le thorax ne fait pas ici saillie pour déjeter la tête en bas, et il ne peut par conséquent être question de placer notre espèce dans ce dernier genre. Jusque plus ample information, ilfaudra donc ajouter à la diagnose du genre Drepanura, Y'existence d’écailles. Le Drepanura brachycephala est une grande espèce au corps épais, qui atteint 2500 y de longueur; la tête, qui est remarquablement courte, mesure 490 x, soit une longueur totale de 3010 & pour l’animal ; les antennes ont au total 1190 y. le dernier article est un peu plus long que le troisième et conserve à peu près la proportion constatée chez le Drepanura type; l'appareil saltatoire mesure 1550 4. Je n’ai pu (1) Packarp a décrit quelques espèces d'Entomobrya (Degeeria) de l'Amérique du Nord, mais ces descriptions ne portent guère que sur les couleurs et non sur les caractères actuellement en usage pour distinguer ces animaux ; nous avons dû les laisser de côté. Cf PackaRp A. S. J' Synopsis of Thysanura of the Essex county (1873). (2) Voir la note 1, page 1. (3) Scnôrr Haraz», Beitr. 3 Kennt. Kalifornischer Collembola, Bihang till K. Svenska vet. Akad. handlingar, t. 17 (1891). . SUR QUELQUES ARTHROPODES TROUVÉS DANS DES FOURMILIÈRES 209 compter les yeux, mais les cristallins m'ont paru très volumineux; l’ongle supérieur des pattes porte trois dents très aiguës, l’inférieur, bien développé, est entier. La couleur générale de l'animal conservé dans l’alcool est jaunâtre à l’œil nu ; les deux derniers anneaux de l'abdomen ont une coloration foncée en dessus ; les antennes sout aussi de couleur foncée dans la plus grande partie de leur longueur. Orchesella melanocephala Nicocer. — Chez Formica exsecta ; Linz-a.-Rh. (Wasmann), octobre 1893, un seul individu. Nicozer a décrit sous ce nom une espèce qu'il trouvait très communément en Suisse, dans les forêts de Chaumont, près de Neufchâtel, parmi les mousses, où elle vit solitaire. Lussock, qui l’a retrouvée dans les mêmes localités, la donne, sans en dire la raison, commé synonyme de l'O. cincta Linn. et, un peu plus loin dans le même travail, comme identique à une autre espèce, l'O. rufescens L., qu’il décrit elle-même comme distincte de l'O. cincta. Sans doute, les caractères donnés par les anciens auteurs pour les Orcheselles, reposent princi- palement sur leur coloration, qui est très variable pour beaucoup d'espèces, mais la diagnose de quelques-unes a été suffisamment fixée pour qu’il n’y ait plus d’hésitation à leur sujet : tel est le cas pour l’Orchesella cincta, très bien définie par TuLBERG; notre espèce en diffère nettement par les caractères du mucron qui porte une dent accessoire très accentuée située au milieu, tandis que chez O. cincta, cette dent est mousse, peu saillante, rapprochée de la base, et l'extrémité de l’organe est elle-même mousse, au lieu d’être pointue comme chez l’0. melanocephala. En ce qui concerne l’Orchesella rufescens, les premières descriptions un peu complètes ont été données par LuBBock, puis par TUuLBERG, mais ces auteurs ne disent rien des particularités caractéristiques que peuvent fournir les ongles des pattes et les mucrons, et tout se borne à l'indication des couleurs, ce qui revient à dire que les caractères de cette espèce ne sont pas encore fixés. Or, pour ce qui a trait aux couleurs seulement, l’0. melanocephala diffère de O0. rufescens, par la coloration brune du deuxième anneau du corps, par les deux bandes latérales brunes que forment les signatures sur le dos (une seule chez O0. rufescens). Il semble d’ailleurs de plus que, chez notre espèce, le quatrième anneau de l’abdomen soit plus long que chez l'O. rufescens. D'un autre côté, Nicocer ne mentionne pas de variétés chez cette espèce dont il a vu beaucoup d'individus : ce qui autorise 14 210 R. MONIEZ la conclusion que sa coloration est constante: il ne nous paraît pas douteux, dans ces conditions, que l'O. melanocephala ne doive être réinscrite comme espèce distincte. Au reste, tout le genre Orchesella devrait être repris, en s’attachant surtout aux caractères des mucrons et des ongles; nous possédons plusieurs formes venant de Lille, de Coucy ou du Portel, qui ne cadrent pas avec les espèces décrites (1). Orchesella specetabilis Tucczs. var. — Dans le nid de Formica exsecta, Linz-a-Rh., septembre 1893: deux individus (R. P. WasManN). Cette espèce n’a été indiquée jusqu'ici que par TuLLBERG qui l’a fait connaître en Suède. Les deux individus observés et provenant de Linz, difièrent du type par une deuxième bande colorée, qui part de la tache oculaire, descend latéralement sur les trois premiers anneaux du corps et se marque par quelques taches sur les autres anneaux. Cette deuxième bande n’existe pas sur le type; la bande normale est très-accentuée dans nos échantillons, le reste du corps est de coloration très-pâle sur ces individus conservés dans l’alcool. Achorutes armatus Nic., Tuzzs. — Ashburton, Nouvelle-Zélande ; 3 individus, récoltés par M. W. W. Smith (2). L'Achorutes armatus, qui est très commun dans notre pays, nous paraît être un hôte accidentel des fourmis. Les échantillons provenant de la Nouvelle-Zélande sont identiques à l'espèce européenne par tous leurs caractères, en particulier par ceux tirés de la forme du mucron, des ongles, des épines anales et de la confluence des papilles qui portent ces dernières. Au reste, plusieurs espèces d’Achorutes semblent cosmopolites et ont été trouvées dans les pays du monde les plus divers. L’Achorutes armatus, en particulier, que nous signalons à la Nouvelle-Zélande, se rencontre dans tous les pays d'Europe, il a été retrouvé à Sumatra, en Californie» et il est bien probable que c’est l’espèce indiquée de l’autre côté de l'Amérique du Nord, par PaAckarp, sous le nom de A4. marmoratus (Floride, Maine); enfin, dans un envoi récent que M. TROUESSART a bien voulu nous faire, nous avons trouvé également et en grand nombre, (1) Bibliographie : LusBocx J. Monograph of the Collembola and Thysanura (1873) et Notes on Thysanura IL (1862). — Nicocer H. Recherches pour servir à l’histoire des Podurelles (1842). — Turr8erG T. Sveriger Podurider (1872). (2) Voir p. 201, la note 1. SUR QUELQUES ARTHROPODES TROUVÉS DANS DES FOURMILIÈRES 211 l'Achorutes armatus, sous l'indication suivante : « récolté par M. E. A. GôLp1, dans la partie S. du Brésil (Colonia Alpina, Sta Rita de There- sopolis, Estado de Rio Janeiro). » Lipura incerta Nov. sp. — Ashburton, Nouvelle-Zélande (1); 4 individus. Cette espèce, qui mesure 1820 x de longueur totale, porte sur le corps des poils rares et ses épines anales, de moyenne longueur, sont recourbées; l’ongle supérieur des pattes est puissant, entier; l’inférieur est filiforme, prolongé en une longue pointe grêle et un peu plus court que le premier ; l’organe spécial de l’avant-dernier article des antennes, sur lequel nous avons attiré récemment l’attention (2), présente quatre soies grosses et courtes. L’organe post-antennal est formé d’une quarantaine d'éléments parallèles, contigus, peu distincts les uns des autres, paraissant comme enfermés dans une sorte de cadre. En arrière de chaque antenne se trouvent deux points oculiformes; on sait que la position relative de ces petits organes donne, pour les Lipures, de bons caractères différentiels: ici ces points sont rapprochés, situés tous deux sous la base des antennes, non au milieu, mais tirés du côté externe. Chez la Lipura bipunctata Mz., qui présente également deux points oculiformes, ces organes sont très-écartés l’un de l’autre et l’un d’eux est externe relativement à la base de l’antenne ; chez la L. tuberculata Mz les deux points oculi- formes sont rapprochés, tous deux situés sous la base de l’antenne, mais du côté interne et non pas au milieu. Lipura disijuneta Nov. sp. — Chez la Formica exsecta Linz-a. Rh.; mai 1893; deux individus; WASMaANN. Cette espèce atteint une longueur totale de 1750 ; l'organe spé- cial du deuxième article des antennes est très faiblement indiqué par des tubercules mousses ; il existe quatre points oculiformes, dont l’un, le deuxième du côté interne, est situé un peu en arrière des autres ; l’organe postantennal est formé d'environ 18 éléments, de forme elliptique, un peu incurvés, bien distincts les uns des autres, séparés par un ihtervalle très appréciable ; ils donnent l'impression d'organes qui seraient libres et non enfermés dans une espèce de (1) Voir l'observation 1, page 201. (2) MonxEz R. Espèces nouvelles de Thysanoures trouvées dans la grotte de Dar- £gilan, Rev. biol. du N. de la France, t. VI, p. 81. 219 R. MONIEZ cadre, comme chez la Lipure précédente ; ils rappellent un peu la disposition figurée par TuLLBERG pour Lipura arctica (TuziBerG Collem- bola borealia) ; l'angle supérieur porte une dent aiguë, l’angle infé- rieur se prolonge en une longue pointe très grêle qui dépasse pres- que l'extrémité de l'ongle supérieur. Lepisma Lubbocki Gr.et Rov. — Chez Aphænogaster testaceo- pilosa, par M. Forez, Perrégaux (province d'Oran, mars 1893, deux individus ; chez la même espèce, Franchetti (Oran) avril, deux indi- vidus ; id. à Terni (Oran); enfin, aussi chez l’Aphœnogaster testaceo- pilosa, Aïn-el-Hadjar et Aïn-Tezza, avril, individus très mutilés. Tous les échantillons que j'ai eus à ma disposition étaient fort endommagés : ni les antennes, ni les cerques n'étaient complets, encore pouvait-on compter plus de 35 articles sur les premières et les longues soies dorsales étaient-elles au nombre de plus de six par anneaux ; l’animal conservé dans l’acool est de couleur brune et semble, à l’état vivant, ne pas avoir été jaune doré. Toutes ces particularités ne nous permettent pas d’hésiter à rapporter notre espèce du type décrit par GrAssI et RoveLLI, que ces auteurs indiquent, d’ailleurs, comme vivant avec les Fourmis (Atta testaceo- pilosa). Lepisma Foreli xov. se. — Chez l’Aphænogaster barbara Perré- gaux (province d'Oran), mars 1893; récolté par M. Forez; deux individus. Cette espèce, de moyenne taille, présente à la partie dorsale de chaque anneau, six grandes soies, régulièrement disposées; son caractère principal est tiré des écailles qui couvrent le corps et dont chacune est terminé par un long piquant : on n’a mentionné de caractère analogue chez aucune autre espèce. Les individus observés, conservés dans l’alcool, sont tous endom- magés; là où les écailles ne sont pas tombées, le corps est de couleur brune; les cerques sont brisés, mais leur partie initiale est robuste ; les antennes ne sont pas entières, mais j'ai pu compter sur ce qu'il en restait 50 et même 70 articles; les articles de la région moyenne sont de beaucoup plus longs, vers l'extrémité ils sont disposés par séries de 4-5. Lepisma Foreli mesure sept millimètres et demi de longueur de Corps. SUR QUELQUES ARTHROPODES TROUVÉS DANS DES FOURMILIÈRES 213 Lepisma Wasmanni Nov. sp. — Chez l’Aphænogaster barbara à Franchetti (province d'Oran), avril 1893 ; id. à Perrégaux (trois indi- vidus); id. à Aïn-el-Hadjar, avril 1893; un individu; récolté dans les trois localités par M. FoREL. Cette espèce mesure près d’un centimètre de long, les antennes ont la longueur de la tête et du thorax réunis, soit 4640 & ; mais je ne puis rien dire sur les cerques qui étaient brisés sur les individus observés; la tète est presque rectangulaire, très large, mesurant près de 1600 … etle bord antérieur rectiligne du premier anneau thoracique est à peine plus large, le thorax est étroit ; à la partie dorsale du corps, on constate seulement trois grandes soies par anneau (1). Signalons aussi le grand développement du dernier anneau du corps, tronqué, à entaille anguleuse à l'extrémité, avec une grosse soie terminale de chaque côté : sa longueur est double de celle de l’anneau précédent, toutefois, sur un individu de petite taille, qui nous paraît appartenir à la même espèce, ce dernier anneau est beaucoup moins long (2). La collection de myrmécophiles envoyée par M. Forez au R. P. WasMaANN comprend encore un Lepismide trouvé à Franchetti chez le Camponotus cognatus Su.; peut-être, faut-il la rapporter au L. Lucasi, mais il est impossible de se prononcer, les échantillons étant dépourvus de pattes, d’antennes, de palpes, de cerques et d’écailles. De même un autre Lepismide trouvé dans le nid de Myrmecocystus allisquamis ANDRÉ, à Franchetti, est indéterminable pour la même raison, mais l’absence d’yeux, la longueur des premiers articles des antennes, l’éperon que porte le mâle à la base de ces organes, etc., ne permettent pas d’hésiter à le rapporter au genre Lepismina; elle (1) Les Lepismes indiquées par les anciens auteurs, ont toutes été très insufli- samment décrites et il a fallu l'excellente monographie de Grasstet RovELLI,1l sistema dei Tisanuri, Palermo 1890) pour préciser les caractères de la plupart d’entre elles : de toutes les espèces relevées par ces auteurs, aucune ne présente moins de six soies dans la région dorsale. Ce seul caractère permettrait donc jusqu'ici de distinguer notre L. Wasmanni. (2) Un caractère, entr’autres, qui nous paraît de valeur pour grouper les Lépis- mes, pourrait ètre tiré des soies raides disposées au côté ventral des anneaux: chez les L. Wasmanni et Foreli, ces soies sont très serrées et forment une ligne continue ; chez la L. Lubbocki, ces soies sont disposées en groupe peu fournis, chez L. sac- charina, il n’en existe qu’un groupe de chaque côté, de même que chez une autre espèce figurée par Savigny (Description de l'Egypte). A4 R. MONIEZ porte deux ou, tout au plus, trois paires de fausses pattes; l’examen d'individus en bon état permettra seul de déterminer cette forme (1). UT. — MYRIOPODES. M. le D' V. PoraTH a eu la bonté de déterminer deux espèces de ce groupe trouvées par le P. WasmanN dans des Fourmilières et dont on doit sans doute considérer la présence comme acci- dentelle chez ces animaux. Geophilus nemorensis Kocx — Commun chez la Formica exsecta Nyz. Linz-a-Rh. La même espèce a été trouvée dans la même localité chez la F. pratensis. Geophilus truncorum MEeiNERT. — Commun à Exaeten chez la Formica rufa L. IV. — ISOPODES. Ces déterminations sont dues à l'obligeance de M. Ad. Dorzrus. Armadillidium vulgare Larr. — Chez Formica pallide-fulva Em. Washington (Pergande); un individu, évidemment accidentel chez les Fourmis. Lucasius myrmecophilus Lucas. — Chez Aphænogaster barbara L.:; St-Denis du Sig, et Perrégaux en mars 1893, par M. Forel; deux individus. (1) Plusieurs Lepismides ont déjà été signalés comme habitant les fourmilières : Lepismina pseudolepismina et polypoda, Lepisma Lubbocki, aurea, Lucasi, angusto-thoracica, et nous venons encore d'augmenter cette liste ; Grasst et RovELLI (loc. cit. p. 46) font à ce sujet les réflexions suivantes que nous croyons devoir transcrire : Le lepisme et le lepismine si trovano in ambienti alquanto differenti : Una parte di esse vive exclusivamente nei nidi delle formiche. Un’ altra parte sembra possa indifferentemente coabitare o no colle formiche, e quindi si osservano o nei nidi di queste, o sotto le pietre, nelle fessure dei muri vecchi, negli alberi. Noi non abbiamo acor a avuto occasione di stabilire i rap- porti delle Lepismide colle formiche, certo si è che quelle si giovano delle gallerie e dei nidi di queste, come refugio. Altri Lepismide mfine sono dalle formiche del tutto indipendenti...... SUR QUELQUES ARTHROPODES TROUVÉS DANS DES FOURMILIÈRES 215 Platyarthrus caudatus Dorcr. — Cette espèce a été décrite par M. Dozcrus, d’après des exemplaires provenant de Marseille. M. Forez en a récolté plusieurs individus en compagnie de Lepisma Wasmanni, dans le nid de l’Aphænogaster barbara, en avril 1893, Aïn-el-Hadjar, province d'Oran. C’est la deuxième localité citée pour cette espèce et elle n’est pas sans intérêt, comme le fait remarquer M. Dozrrus. 216 Description de deux Unionidæ de Bornéo PAR Henri DROUET (avee 2 figures dans le texte). 1. — UNIO PROLONGATUS Drourr. C. elongata, valde inæquilatera, lumidula, solida, lœviuscula, nilida, atro-castanea;: margo superior reclus, margo inferior leviter arcuatus; pars posterior prolongata, in rostrum attenuato-sub- aculum producta; area distincte impressa, cum duabus plicis late- ralibus bene conspicuis, oblique geminatim multiplicatula ; nates tumidulæ : dentes valeæ dextræ duo, compressi, elongali; dentes valvpæ sinistræ duo : anticus compressus, elongatus, posterior conicus ; lamellæ valde elongatæ, tenues ; impressiones superficiales ; mar- garila candidula. — Long. 100; alt. 45; diam. 30 müll. Hab. le Niah, rivière du Nord de Bornéo (coll. H. Fuzron). Fig. 1. Espèce caractérisée par sa forme allongée, son épiderme luisant, d'un noir marron, son test assez épais, ses sommets assez renflés. HENRI DROUET 917 Son écusson, un peu concave antérieurement, est nettement limité, de chaque côté, par deux arètes très-marquées, et orné de petits plis obliques disposés sur deux rangs: le premier, entre les deux arètes latérales; le second (moins accentué), en dedans de la seconde arète. Les dents de la valve droite, comprimées et très allongées, sont au nombre de deux, séparées par une étroite rainure; celles de la valve gauche sont aussi au nombre de deux: l’antérieure comprimée, très allongée, la postérieure conique. Le ligament est long, mais peu robuste. Les impressions musculaires sont très superficielles. 2. — PSEUDODON INSULARIS DrouET. C. ovalis, convexa, solida, striata, castanea: marg. superior et inferior paralleli; pars posterior in rostrum breve, late oblusum desinens ; nates pix prominulæ ; dentes nulli; lamellulæ depressæ ; sinus brevissimus, rotundatus ; impressiones subumbonales 2-5 ; margarila carneola. — Long. 63; alt. 35; diam. 22 mill. Hab. l’île Banguey, à l'extrémité Nord de Bornéo (coll. H. Fuzron). rs) nn ja (LU [LUE (NT Fig. 2. Cette espèce, de taille peu développée, a les bords supérieur et inférieur à peu près droits et parallèles; le bord antérieur est bien arrondi, le rostre court et obtus. L’épiderme est marron, régu- lièrement strié. Les dents, sur l’une et l’autre valve, semblent nulles et remplacées par un prolongement des lamellules qui sont peu saillantes. Le sinus ligamentaire est petit, très court, arrondi. Les impressions musculaires sont assez superficielles; 2-3 impressions subombonales, ponctiformes. La nacre, assez brillante, est couleur de chair livide. æ 218 DESCRIPTION DE DEUX UNIONIDÆ DE BORNÉO Si l’on ajoute ces deux espèces à celles qui ont été précédemment décrites, la liste des Unionidæ de Bornéo, actuellement connus, est composée comme il suit: Unio Borneensis ISSsEL ; » caudiculatus MARTENS; » Semmelinki MARTENS ; » lugens DROUET et CHAPER ; » saccellus DROUET et CHAPER ; » lingulatus DROUET et CHAPER ; » radulosus DROUET et CHAPER ; » Trompi DROUET et CHAPER; Julvaster DROUET et CHAPER ; » _prolongatus DROUET; Pseudodon Walpolei HANLeY ; » crassus DROUET ; » æneolus DROUET et CHAPER; » insularis DROUET. YX 219 ÉTUDE SUR QUELQUES GALLES DE SYRIE PAR LE DocTEUR H. FOCKEU, Préparateur d'histoire naturelle à la Faculté de Médecine de Lille. (Suite). TV. 'GAILES D'HEMIPTÉÈRES Schizoneura lanuginosa HART. Les échantillons de cette Galle cueillis sur l’Orme champêtre proviennent de Kerf Haouar; ils sont de petite taille, de la gros- seur d’une noisette. L’insecte s’y trouvait encore à l’état larvaire au moment de la récolte (9 mai). Tetraneura uilmi DE GEER. Provient du même arbre et de la même localité Ces deux espèces sont très communes en Orient. Psyllopsis fraxini L. Galloïde recueilli sur des Frarinus ornus aux environs de Damas. V. GALLES DE DIPTÈRES Cecidomyia sp. Galle sphéroïdale, uniloculaire, dure, de couleur verte, située indifféremment à la face supérieure ou à la face inférieure de la feuille du Populus euphratica, disséminée le long des nervures ou groupée en séries à la base du limbe. Elle peut atteindre 4 milli- mètres de diamètre et contient ordinairement une seule larve d’un blanc rosé. 290 H. FOCKEU À première vue, en ne tenant compte que des caractères exté- rieurs, cette cécidie ressemble beaucoup à la galle déterminée, dans notre pays, par le Diplosis tremulae sur les feuilles du Peuplier tremble. La forme, la taille, la coloration de ces deux tumeurs sont les mêmes. Il est vrai de dire cependant que la galle d'Orient fait saillie indifféremment sur les deux faces de la feuille, tandis que celle de notre pays s'insère surtout à la face inférieure (1). La distinction est surtout facile si l’on ouvre ces deux galles. Dans l’une, celle de Populus euphratica la cavité gallaire est large, spacieuse, en communication directe avec l’extérieur, la paroi de la tumeur étant relativement mince. Dans l’autre, au contraire, la loge occupée par l’animal gallicole est réunie avec l'extérieur par un petit canal très étroit qui traverse une paroi parenchymateuse épaisse. Les dessins schématiques 1 et 2 indiquent ces caractères distinctifs. Fig. 1. — Coupe transversale schématique d'ensemble de la Galle du Populus euphratica. Fig. 2. — Coupe transversale schématique d’ensemble de la Galle du Populus tremulu. La structure anatomique de ces deux galles est aussi bien difié- rente. Une section transversale pratiquée dans la galle du Populus tremula montre de l'extérieur vers l'intérieur les tissus suivants : 1° Un épiderme, formé par une rangée de petites cellules rectangulaires ou cubiques, à cuticule très mince, avec une rangée de cellules sous-épidermiques rectangulaires. (1) La ressemblance est aussi frappante avec la galle du Diplosis globuli Russ. qui fait saillie à la face supérieure de la feuille du Peuplier tremble. ÉTUDE SUR QUELQUES GALLES DE SYRIE 221 2% Un parenchyme constitué par des cellules polyédriques, à cloisonnement assez irrégulier, allant en diminuant de calibre au fur et à mesure qu'on appro- es = unie ges che du centre et devenant de - 2 aq plus en plus régulières. F3 ie 3° Des faisceaux libéroli- pe x wneux très petits, à trajet très sinueux et à orientation 4 variable. Le bois de chaque faisceau est représenté par quelques vaisseaux réticulés ou ponctués, le liber lui est superposé, les faisceaux sont beaucoup plus proches de la cavité gallaire que de l’épi- dernie. 40 Un tissu nutritif formé par des cellules rectangu- laires à cloisonnement très régulier et disposées en série rayonnantes. Ces cellules con- tiennent des granulations protoplasmiques et amylacées et présentent une coloration brun foncé. Fig. 3. — Coupe transversale de la Galle déter- 50 Enfin une rangée d ne É minéesurle Populus tremula par le Diplosis grosses cellules cubiques con- fremule. tenant de l’amidon et de la «. épiderme ; — b. parenchyme. (Il a été néces- graisse et dont le noyau est saire d'établir une solution de continuité dans ! le dessin de ce tissu pour restreindre la dimen- assez volumineux. Cette ran- sion de la figure); — c. faisceau libéroligneux ; gée de cellules qui tapisse d. tissu nutritif; — e. grosses cellules tapis- la cavité gallaire peut être St la cavité gallaire. considérée comme la dernière assise interne du tissu nutritif. Dans une section analogue de la galle du Populus euphratica on distingue les tissus suivants: fo Un épiderme formé par une,rangée de cellules cuboïdales à cuticule épaisse. 2% Un parenchyme cortical dont les cellules composantes sont 222 H. FOCKEU elliptiques dans la zone externe, avec leur grand axe parallèle à l’épiderme et dont les plus internes sont sphériques. 30 Un parenchyme central formé d’éléments polyédriques à cloi- ds ESF SOLE qe FRERES à X Ce Fig. 4. — Coupe transversale de la Galle du Populus euphratica. & épiderme ; — b parenchyme cortical; — b’ parenchyme central; — €, c’ sclérenchyme ; d liber primaire interne; d’ liber primaire externe; e liber secondaire; f zone cam- biale ; — g bois primaire ; À bois secondaire. sonnement régulier et dans lequel circulent les faisceaux. 4 Des faisceaux libéroligneux orientés d’une façon assez régu- lière. Ces faisceaux sont très épais et présentent un développement secondaire considérable. Ils sont disposés dans la région moyenne de ja paroi. On y remarque de plus une couche de liber primaire externe (par rapport à la cavité gallaire) et une masse de cellules sclérenchymateuses à chaque extrémité. o° On passe presque sans transition à la couche interne des cellules qui tapissent la cavité gallaire. Ce sont des éléments cubi- ques qui ressemblent beaucoup aux cellules épidermiques externes. ÉTUDE SUR QUELQUES GALLES DE SYRIE 223 D’après cette description et les dessins qui l’accompagnent on peut voir que les deux galles diffèrent au point de vue anatomique, surtout par la présence ou l'absence du tissu nutritif, le déve- loppement et la différenciation plus ou moins grande des faisceaux, la position de ces faisceaux dans le parenchyme, enfin par la nature et l'aspect des tissus épidermiques. Ces caractères joints aux dimen- sions respectives de la cavité gallaire sur laquelle nous avons insisté plus haut, différencient bien nettement l’une de l’autre la galle du Populus tremula et celle du Populus euphratica (1). La larve unique que j'ai trouvée dans la cavité gallaire était très peu développée au moment de la récolte; l’insecte adulte doit ètre une Cecidomyie. Cette galle a été signalée par Karscx (2) dans le Kurdistan, elle n'avait pas encore été observé dans le Levant. M. Barrois l’a recueillie en abondance sur les Populus euphratica qui ombragent les bords du Jourdain au lieu dit Gué des Pèlerins, en face de Jéricho (20 avril). (1) Les dessins qui accompagnent ce travail montrent que les faisceaux ont leur pointe ligneuse orientée d’une façon différente dans l’une ou dans l’autre galle. Dans la galle du Populus tremula les faisceaux ont une orientation externe (par rapport à la cavité gallaire), dans celle du Populus euphratica ils ont une orientation interne. Ce fait ne constitue pas un caractère distinstif de ces deux espèces. On peut dire, en effet, d'une façon générale, que, dans une diptérocecidie, l'orientation des faisceaux est en rapport avec l'insertion de la galle à la face supérieure ou à la face inférieure de la feuille et que les faisceaux conservent dans la tumeur leur orientation normale, c’est-à-dire la pointe tournée vers la face supérieure de la feuille qui les supporte. Les figures 1 et 4 représentent une galle de Populus euphratica insérée à la face supérieure de la feuille et les figures 2 et 3 une galle de Populus tremula insérée à la face inférieure de la feuille. (2) Karscn, Neue Zoocecidien und Cecidozoen, Zeitschrift für die Gesammten Natur- wissenschaften, Berlin, 1880. LE [RQ ris Contribution à l'étude de quelques lacs de Syrie, Par Théod. BARROIS Professeur à la Faculté de Médecine de Lille Les études limnologiques sont à l’ordre du jour en ce moment, aussi ai-Je cru opportun de rassembler ici les observations tant physiques que zoologiques qu'il m'a été permis de faire sur les principaux lacs de la Syrie. Nos connaissances sur l’histoire naturelle de ces lacs ne dépassaient guère l’ichthyologie et la malacologie; jamais les différents voyageurs qui s'étaient succédé ne nous avaient rapporté la moindre notion sur les animaux inférieurs, en particulier les Entomostracés, qui devaient certainement habiter ces eaux et assurer la nourriture des Poissons qu’on avait généralement signalés si nombreux. C’est cette lacune que J'ai voulu combler, autant qu'il m'a été possible de le faire dans des conditions souvent pénibles et difficiles, m'attachant tout particulièrement à la recherche du Plankton que j'ai toujours rencontré fort abondant — comme il était aisé de le prévoir —-, sinon en espèces, du moins en individus. Grâce au canot démontable en toile que j'avais emporté, j'ai pu parcourir plusieurs lacs que nulle barque n’avait encore sillonnés et recueillir ainsi de précieuses indications non seulement sur leur faune mais encore sur leur profondeur, leur température, leur étendue, ete. C’est l’ensemble de ces observations que je soumets aujourd’hui au public. I. — Lac ou Birket Yamoünebh, Ce joli petit lac alpestre a été dénommé d’une foule de façons différentes par les divers voyageurs qui en ont parlé: El-Jemuni (NieBuge) ; Jammune (SEETZEN) ; Limün (BurckHaRpr); Limony (HoG6); El-Lemân (d’après RiTrer, Erdkunde); Lemone ou Yemone (VAN DE VELDE) ; Yamôuneh (GëELis) ; El-Yammouneh (BurTON et DRAKE); Yammouni (LorTET); Jamüneh (DIENER). CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 225 Suivant un de nos géographes les plus autorisés, l’origine du lac Yamôuneh ne serait pas bien ancienne: « Paul Lucas — lisons-nous dans la Géographie universelle d’Elisée Reczus (1) — dit que le lac était de formation récente, à l’époque de son passage, au XVIT siècle ; au fond se voyaient encore les restes d’une ville engloutie; en S'y baignant, il se reposa sur la terrasse d’une maison noyée et put examiner les ruines de la cité qui était belle et bien bâtie. » Ces quelques lignes contiennent deux erreurs : la première, peu importante, c'est que Lucas voyageait au commencement du XVII et non au XVIIe siècle; la seconde, plus grave, c’est que Lucas n’a Jamais passé par Yamoüneh... J'ai lu el relu les narrations de ses deux voyages (2), en ce qui concerne la Syrie, sans rien trouver de sem- blable; il suffit d’ailleurs de jeter les veux sur les cartes annexées à ces ouvrages — cartes dressées par G. DE L’IsLE et sur lesquelles sont figurés les itinéraires de Lucas — pour se convaincre que le vieux voyageur français, non seulement n'a pas visité Yamoûneh, mais même n’en à eu aucune connaissance. On trouvera dans Rirrer (Erdkunde, Theil XVII, 1 Abth., Buch 3, p. 286-303) toute une dissertation sur l'intérêt archéologique que présente le petit val de Yamoûneh; je ne veux retenir ici que ce qui peut intéresser l’histoire naturelle de cette curieuse localité. Nous devons à SEETZEN une intéressante observation zoologique sous la rubrique Thiere in Libanon (3) : « On ne trouve point ici (dans le Liban) de Poissons — dit-il — sauf dans le petit lac appelé Birket- Jammuüne, où on les pêche en grande quantité durant l'hiver pour les expédier dans les villages avoisinants. » Il s’agit évidemment ici des Phoxinellus Libani décrits plus tard par Lorrer (4). SEETZEN avait parlé du lac de Yamoüneh sans l'avoir vu; Ho, (4) Elisée Reccus : Nouvelle géographie universelle, t, IX, l'Asie antérieure, p. 723, Paris, 1884. (2) Pauz Lucas: Voyage du sieur Paul Lucas, fait par ordre du Roy, dans la Grèce, l'Asie mineure, la Macédoine et l'Afrique. Paris, 1712. Pauz Lucas: Voyage du Sieur Paul Lucas, fait en 1714, par ordre de Louis XIV, dans la Turquie, l'Asie, Sourie, Palestine, Haute el Basse-Égypte, etc... Amsterdam, 1720. (3) UzricH Jasper S£ETzEn : Reisen durch Syrien, Palastina, Phôünicien, die Transjordan-Länder, Arabia Petræa und Unter-Ægypten, Bd. I, p. 163, Berlin, 1854. (4) L. Lorter : Poissons et Reptiles du lac de Tibériade et de quelques autres parties de la Syrie. Arch. du Museum d'’hist. nat. de Lyon, t. II, 1883 (pages 66-67 du tirage à part). 296 TH. BARROIS au contraire, S'y arrêla en allant des Cèdres à Baalbeck, vers le milieu de juillet 1832 (1). Le lac était petit, peu profond, mais sa large grève de galets démontrait qu’en d’autres temps, vers le moment de la fonte des neiges probablement, il pouvait devenir beaucoup plus étendu. HooG décrit soigneusement la grotte d’où jaillit la source qui alimente le lac et n’est point sans faire observer que ce dernier n’a pas d’émissaire visible. C’est là évidemment l’origine de la légende populaire racontée par PouJouLaT ; « Le Nahr-Ibrahim prend sa source à 6 ou 7 heures au- dessus de Byblos, près d’un gros village nommé Aphéca: il sort des flancs d’une montagne au sommet de laquelle est un lac, véritable merveille du Liban. Le lac, appelé Liamoni, s'étend sur ce haut plateau dans une circonférence d’une lieue environ; il est le pro- duit de la fonte des neiges et d’une foule de ruisseaux et de sources qui viennent s’y perdre; ce lac est poissonneux. On présume que le fleuve Adonis {ou Nabr-lbrahim) n'est qu'un écoulement du lac Liamoni à travers la montagne (2). » C'est au D' DE FoREsT que nous devons à proprement parler la connaissance des curieux phénomènes d'asséchement périodique que présente le birket Yamoüneh. En juin, dit-il, la longueur du lac était d'un mille anglais, mais au printemps elle était le double ; en automne, au contraire, le lac se dessèche parce que sa source prin- cipale tarit (3). BurRTON et DRAkE nous ont laissé sur ce sujet des observations beaucoup plus détaillées (4). Lorsqu'ils visitèrent Yamoûneh pour la première fois, le 28 juillet 1870, les eaux étaient hautes : la nappe, dont l'altitude était de 1376 mètres (5), mesurait environ 3 à 3 milles 1/4 de longueur sur 1 de large (4 k. 830 à 6 k. sur 1610 mètres). Aussi, quand TayrwitTr DRAKE repassa par Yamoüneh vers le com- mencement d'octobre 1871, fut-il tout étonné de trouver, à la place (1) Hoca: Visit Lo Alexandria, Damascus, elc…., vol. I, p. 239-247. Londres, 1835 (d’après R1iTTER). (2) Mrcuaup et PouJouar: Correspondance d'Orient, t. VIII, p. 87. Bruxelles, 4841. (3) DE Forest: Notes on the Ruins in the Bukä'a and in the Belâd Ba’albeck Journ. of the Americ. Orient. Soc., vol. III, p. 355 (d'après RoBinsox, Meuere biblische Forschungen). (4) Burton et Drake: Unexplored Syria, vol. 1, p. 75 et vol. I, p. 136-138. Londres, 1872. (5) Burrtox el Drake: loc. cil., L 1, p. 260, CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 297 du joli lac bleu qu'il avait admiré l’année précédente, une fondrière de vase blanchâtre. La raison de ce phénomène lui fut bientôt expli- quée. Le lac est principalement alimenté par le Neba’el'Arbain, la source des Quarante (Martyrs, sous-entendu), qui s'échappe d'une grotte au Nord-Ouest du bassin; or, cette source commence à jaillir le 9 du mois de mars, anniversaire de la fête des Quarante Martyrs, pour se tarir dans les derniers jours du mois de Juillet: c'est à peine, affirment les habitants du voisinage, si ces dates varient d’un jour ou deux. Dès que la source à cessé de couler, le niveau du lac baisse progressivement, la cuvette ne tarde pas à s’assécher et l'on voit alors, à l’extrémité Sud-Est du lac, une sorte d’entonnoir profond € qui constitue évidemment un échappement naturel pour les eaux du lac ». DRAKE estime que « si le lac a une issue dans la Bekâa, ce doit être vers l'extrémité Sud-Est du bassin, à 3 milles environ (4 k. 830) d’Aïnéta (1) ». Il ne semble pas que le desséchement du lac soit habituellement aussi complet que le dit TayrwiTT DRAKE (2); LorrTEr nous a donné à ce sujet de fort intéressants renseignements qu'il tenait tant des indigènes que de la bouche plus autorisée de M. BLANCHE, consul de France à Tripoli, qui, à plusieurs reprises, avait visité Yamoüneh (3). Nous ne croyons pouvoir mieux faire que de reproduire le texte même du savant Doyen de la Faculté de Médecine de Lyon: « Quel- ques semaines plus tard, nous avons aussi exploré avec soin, au point de vue ichthyologique, le petit lac alpestre de Yammoüni, situé en plein Liban, à 1650 mètres de hauteur (4), dans une profonde dépression, au Sud du passage des Cèdres...... ». (1) Il doit y avoir ici une erreur de rédaction, car Aïnéta est éloigné d'environ 10 k. (un peu plus de 6 milles) à vol d'oiseau de l'extrémité nord du birket Yamoüneh; en substituant le mot Yamotüneh au mot Ainéla, la phrase devient exacte. Je profite de l'occasion pour relever une seconde erreur: sur la carte insérée en tête du premier volume de BurrTox et Drake, le lac Yamoüneh est si singulièrement figuré qu'on pourrait croire que la partie centrale en est occupée par une ile ! Cette île imaginaire a été reproduite sur la carte qui accompagne la dernière édition du Murray’s Handbook for Syria and Palestine, Londres, 1892. (2) Il faut remarquer que cet asséchement presque complet avait été obtenu artificiellement, grâce à l'intervention des habitants de Yamoüneh qui — nous dit DRAKE — remuaient avec ardeur la vase semi-liquide pour mettre à nu le substratum graveleux du fond: « Aussitôt l'eau se précipitait dans les profondeurs inconnues de la montagne. » (3) LorTer : loc. cit., p. 26-28. (4) Voir plus loin page 234. 228 TH. BARROIS » Le lac Yammoüni présente des phénomènes de desséchement et de remplissage qui sont encore inexpliqués par les naturalistes. À la fin de juin et au commencement de juillet, il a 3 kilomètres de longueur sur 2 kilomètres de largeur. En septembre, au contraire, il est absolument desséché, ainsi que l’a constaté plusieurs fois notre savant ami M. BLANCHE, consul de France à Tripoli, et on peut en parcourir le fond dans toute son étendue, arrêté de temps en temps seulement par des vases et des flaques d’eau remplies de Phoxinellus: « Dans la partie centrale, il reste alors un bassin circulaire d’une soixantaine de mètres de diamètre dont les parois s’inclinent en forme d’entonnoir, On voit très bien le fond de €ce trou quoiqu'il ait au moins 45 à 20 mètres de profondeur. Le fond, qui représente une surface peu étendue, est couvert de gros cailloux qui se distinguent très nettement à cause de la limpidité et de l’immobilité de l’eau. Le bassin central est alimenté abondamment par un ruisseau qui n'a pas moins de # à 5 mètres de large, formé par plusieurs grosses sources situées près du village de Yoummouni. » Il est évident que les eaux du lac s’écoulent par la base de cet entonnoir, que, pour cette raison, les habitants appellent le balaoû (4), le gouffre. M. BLANCHE estime qu’au milieu de septembre, le lac est à sec depuis au moins quinze Jours, de sorte que la grande masse d'eau qui s'y trouve au printemps et en été disparaît com- plètement en deux mois au plus. » D'après les habitants, le remplissage se fait de la manière sui- vante : la caverne, située près du village et par laquelle s'échappe la cascade dont j'ai parlé, laisse jaillir tout-à-coup, après avoir émis un bruit sourd qui fait trembler la montagne, une colossale gerbe d’eau qui se précipite dans le lac en formant un torrent dont le parcours n'a pas plus de 200 à 300 mètres, dans un lit de galets parfaitement reconnaissable, quand bien même l’eau n’y coule plus. Le sol de la caverne s'incline rapidement depuis l'ouverture exté- rieure. L'eau sort de la partie basse de la grotte comme en témoignent les cailloux roulés qui en jonchent l’intérieur et obstruent l’orifice. » Les habitants de Yammouni, ainsi que les chrétiens ou métoualis de la contrée, sont unanimes à dire que l’éruption a lieu inva- (1) C’est, je pense, Balouä qu'il faut écrire. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 329 riablement autour du 8 mars, veille de la fête des Quarante Martyrs. Le curé de Yammouni a plusieurs fois affirmé à M. BLaNcHE qu'il y avait, certaines années, avance ou retard de quelques jours seulement. Vers cette époque, l’eau s'échappe en telle abondance du flanc de là montagne, qu’en un mois à peine, tout le bassin du lac est rempli. Le phénomène de léruption brusque d’une énorme masse liquide ne peut guère être expliqué que par le principe aujourd'hui bien connu des sources intermittentes. » Le lac n'a point d'autre orifice d'écoulement que ce balaot, gouffre central dont nous avons parlé. Une assez grande quantité d’eau se perd peut-être par le fond du bassin formé de la terre cal- caire friable qui recouvre les hauts sommets du Liban et qui, sui- vant M. BLANCHE, semble appartenir aux couches tertiaires (1). Cette masse poreuse doit laisser passer beaucoup d’eau ; mais on est cepen- dant en droit de se demander ce que devient l'immense nappe liquide qui disparaît si rapidement dans l'intérieur du sol. » La croyance générale des habitants est qu’elle va former les sources du Nahr-Ibrahim, l'ancien fleuve Adonis, à Afka et à Akoura, sur le versant Ouest du Liban. M. BLANCHE, qui à visité avec beaucoup de soin et à plusieurs reprises ces lieux intéressants, pense que cette hypothèse doit être admise. IT est certain que l’eau du Yammouni ne revient pas à la surface sur le versant Est de la chaîne, du côté de la plaine de la Bekaû, car nulle part on n'v voit des sources auxquelles on puisse attribuer cette origine. » Le massif de montagnes qui sépare le haut de la vallée du Nahr Ibrahim de l’enfoncement où se trouve le Yammouni est peu con- sidérable et percé de très nombreuses cavernes, dont quelques-unes, d’après les habitants du pays, doivent avoir plusieurs kilomètres de profondeur. La communication à done pu s'établir facilement, car d’après mes relevés barométriques, l'entrée de la grotte d’Afka est à 1205 mètres, tandis que le niveau du Yammouni est au moins à 4650 mètres, et peut-être davantage. Les habitants d’Afka et d’Akoura affirment aussi que la grande masse des eaux arrive tout- {1} Voyez plus loin, p. 231, le résultat des recherches de DreNEr et de BLANKENHORN sur la géologie du Liban, 230 TH. BARROIS à-coup vers le 8 mars. Elles diminuent ensuite et alimentent les petites cascades qui persistent toute l’année (1). » Un habitant de la région a affirmé à M. BLANCHE qu'au village de Keffer Helda, dans la vallée du Narh-el-Djauz, qui se rend à Batroun, il y a une source très volumineuse, intermittente aussi, et d’où l’on voit souvent sortir de petits Poissons semblables à ceux du Yammouni. Ce fait devrait évidemment être vérifié. » Les petits Poissons auxquels fait allusion LoRTET sont ceux dont avaient déjà parlé SEETZEN et Pouyoucar. Ils appartiennent à une espèce nouvelle que LortTer décrivit, comme je l'ai dit plus haut, sous le nom de Phorinellus Libani : « Lorsque le lac Yammouni se vide, les Phorinellus Libani se réunissent dans les ruisseaux d’alen- tour et dans le réservoir central qui reste toujours rempli d’une eau limpide. Là, les habitants du petit hameau de Yammouni les pêchent par milliers de kilogrammes et les vendent dans les villages et les couvents du pays de Becharra, dans le Liban, à environ de O0 fr. 40 à O fr. 50 le Baltle (5 livres). La prodigieuse multiplication, dans l'espace de quelques mois, semblerait indiquer qu'il est le seul habi- tant des eaux du lac et qu'il n’a d’autres ennemis que l’homme (2). (1) Comparez avec ce que dit Guérin (La Terre Sainte, 2e partie, p. 39, Paris 1884) : « La grotte (d’Afka) était à sec au moment où je la visitai, au mois d’août, mais pendant une grande partie de l’année, surteut à l’époque des pluies ou de la fonte des neiges, un ruisseau jimpétueux jaillit avec force du corridor que j'ai signalé et de plusieurs autres fissures voisines et tombe bruyamment en cascade du haut des rochers qui obstruent l'entrée de la grotte. Lors de mon passage à Aîfka, l'eau sourdait seulement avec abondance au bas et en dehors de cet amas de roches. » (2) Je me demande où Reccus (loc. cit., p. 722-724) a-t-il pu voir, dans l'excellent travail de LorTer, que «les eaux Soulerraines sont peuplées d’un très petit poisson, le Phoxinellus Libani, qui reflue de l’entonnoir du Yamouneh avec la masse liquide débordée ! » Ce même géographe a adopté avec tant d'ardeur l'hypothèse d'une communication entre le lac de Yamoüneh et les sources du Nahr-Ibrahim à Afka et à Akoura, qu'il en arrive à écrire: «Une autre rivière abondante, le Nahr-Ibrahim est, dans une grande partie de son cours, un fleuve souterrain. Elle naît sur le versant oriental du Liban et coule dans les fissures au-dessous de la montagne pour reparaitre sur le versant méditerranéen : phénomène analogue à celui de la Garonne occidentale que forment les neiges de la Maladetta et qui s’engouffre dans le Trou du Taureau pour surgir en gros bouillons à quelques kilomètres au nord et à 600 mètres plus bas, au Goueil de Djouéou. » En admettant même la réalité d’une communication entre le Yamoüneh et les sources d’Afka et d’Akoura, il me semble assez bizarre de considérer comme source principale d’un des rares cours d’eau permanents de la Syrie une source qui tarit durant près de six mois de l’année. CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 231 DIeNER qui, quelques années plus tard, parcourut en géologue une grande partie du Liban, a trouvé, pour les altitudes de Yamoüneh et d’Afka, des chiffres un peu différents de ceux de LortTErT: 1444 mètres pour Yamoüneh et 1250 mètres pour Afka (1290 d’après ALLEN). Le bassin du lac est creusé dans ce qu'il appelle le Libanon-Kalkstein, qui correspond au Cénomanien et au Turonien (1): c'est un terrain poreux dont les fissures et les crevasses doivent facilement laisser filtrer l’eau. Aussi Diner pense-t-il qu'il n’est pas besoin, pour expli- quer les grandes variations de niveau du lac après que la grande source s’est tarie, d’invoquer une communication hypothétique entre le birket Yamoüneh et la source d’Afka. Pour lui, les phénomènes qu'on prétend avoir observés en ces deux points — c’est-à-dire la réappariton de la source de Yamoûneh et l'augmentation concomi- tante du débit de la fontaine d’Afka — n'ont point entre eux « de relations de cause à effet, mais sont bien plutôt la conséquence adé- quate d’une seule et même cause relevant des conditions climatéri- ques el du régime des pluies. » Avant de discuter ces différentes opinions, je demanderai au lec- lecteur la permission d'exposer les observations personnelles que j'ai été à même de faire lors de mon passage à Yamoüneh les 2 et 3 juin 1890. Tout d'abord, je dois dire que la description générale du bassin donnée par M. Lorrer est plus exacte, ainsi que celle des phéno- mènes alternatifs d’asséchement et de remplissage du lac. Les nom- breux habitants de Yamoüneh que j'ai interrogés ont été unanimes à m'affirmer que, vers le commencement de septembre, la source, aujourd’hui si abondante, se tarirait, puis que le lac se dessécherait peu à peu jusqu'à devenir une vaste fondrière, pour demeurer en cet état jusqu’à la fête des Quarante Martyrs, époque à laquelle la source Jjaillirait de nouveau pour remplir la cuvette en très peu de temps. Le vieux curé maronite me répéta tout ce qu'il avait dit à LorTET dix ans auparavant, sans en excepter la légende populaire d’après laquelle la belle cascade d’Afka serait alimentée par les eaux du birket Yamoûneh. () Drexer: Libanon; Grundlinien der phys. Geographie und Geologie von Mittel- Syrien, p. 130-132. Wien 1886. Consulter également la carte géologiqne qui accompagne l'ouvrage. Voyez aussi: BLANKENHORN, Beiträge zur Geologie Syriens ; die Entwickelung des Kreidesystems in Mittel-und Nord-Syrien, Taf. II. Cassel, 1890. 232 ; TH. BARROIS Pour le moment, la source des Quarante-Martyrs Jjaillissait avec force du flanc de la montagne et les eaux étaient hautes : autant qu'il est permis d'apprécier les distances sans meilleur critérium que le temps mis à parcourir en canot le bassin suivant ses deux axes principaux, le lac m'a paru mesurer environ 4 kilomètres de longueur sur 1,800 mètres de largeur. Ces chiffres doivent évidemment varier avec les différentes époques de l’année, c’est-à-dire suivant que le bassin est plus ou moins rempli, mais, d’après l'inspection des rives, Je crois qu'on peut les considérer à peu de chose près comme un maximum, tout au moins pour la longueur, malgré le dire de BurToN et Drake (1). Du haut du sentier abrupt qui m'amenait de Bâalbeck, le lac avait un aspect des plus pittoresques, encadré dans ses hautes falaises de calcaire roussâtre : en son centre et vers l'extrémité Sud-Est, l’eau était d’un bleu limpide et profond, tandis que, sur les bords, la nappe plus mince avait une teinte d’un vert bleuâtre : avant d’avoir fait le moindre sondage, il était aisé d'apprécier en un coup d'œil la disposition du sous-sol. Aux abords de la source d'innombrables toufles de Renoncules (Ranunculus aquatilis L.) s'étalaient, dont les blanches fleurettes faisaient ressortir davantage l’azur des eaux; par places, les Potamogeton (Potamogeton lucens L.) flottaient comme un tapis mouvant (2). A peine arrivé, Je fis dresser mon canot de toile et me mis à parcourir le lac en tous sens, draguant, sondant et pèchant. Comme on pouvait s’y attendre d’après tout ce que nous avons dit plus haut au sujet de la rapidité avec laquelle se produit l’assèchement presque complet de la cuvette du Yamoûnebh, le lac est un peu profond : quasi partout, mais principalement vers le Nord et le Nord-Est, du côté de la source des Quarante Martyrs, la rive est en pente douce; vers l'extrémité . (1) Je rappellerai à ce sujet les estimations données par mes devanciers : Longueur Largeur BERTONIEL DRAKE See... 4 k. 830 à 6 k. 1 k. 610 LORTETS RS sept nelleleieleeecelse 3 k. 2 k. (2) D'après Main (Recherches sur La végétation des lacs du Jura, Rev. génér. de Botanique, t. V, p. 307, 1893), le Potamogelon lucens est la caractéristique des lacs peu profonds. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 233 Sud-Est seulement, la beine est plus étroite et le talus s'incline assez rapidement vers des fonds de 12 à 15 mètres. C’est le maximum qu'il m'’ait été donné d'observer, et encore en un point assez limité du lac, qui correspond à l’entonnoir signalé par BurToN et DRAKE puis par BLancHe et LorTer, et désigné par ces derniers sous le nom de Balouâ, le gouffre (1): gouffre bien modeste, on le voit. D'une façon générale, la nappe, toute superficielle, n’a pas plus de 4 ou 5 mètres de profondeur. L'eau est si claire, que partout on voit les cailloux du fond, même dans le Balouà; la vase semble peu abondante. Par suite d’une négligence que je regrette beaucoup, la température du lac n’a pas été enregistrée. Ces faits bien posés, J'en reviens aux curieuses alternatives de remplissage et d’asséchement qui ont tant intrigué les voyageurs. Il me semble d’abord qu'il importe de bien délimiter dans cette étude deux ordres de phénomènes fort distincts: d'une part la dispa- rition de la source des Quarante Martyrs au mois de septembre et sa réapparition vers le 9 mars; d’autre part la disparition des eaux du lac, qui suit de près le tarissement de la source. Le premier de ces deux phénomènes n’a rien de mystérieux et s'explique très bien par le principe des sources intermittentes; les exemples en sont nombreux et, dans le Liban même, on en a signalé d’autres. Quant au second phénomène, il est évidemment corrélatif du pre- mier. Pour des causes que nous essaierons d'apprécier tout à l'heure, le lac perd journellement une notable partie de ses eaux; or, il est principalement alimenté par la source des Quarante Martyrs, aussi, dès que celle-ci cesse son débit, voit-on la nappe diminuer progres- sivement jusqu’à ce qu'il ne reste plus que le Balouà, que les sour- ces du village de Yamoüneh suffisent à entretenir. Jusqu'ici, rien de plus clair. Il reste à déterminer quelles sont les causes qui peuvent amener en une vingtaine de Jours (2) l’asséche- (4) M. BLancxE dit que, lors de la baisse des eaux, le gouffre conserve encore une profondeur de 15 à 20 mètres: ce chiffre est certainement exagéré, car si l'on admet qu’un abaissement de niveau de 4 à 5 mètres suflit pour amener l’asséchemert de Ja cuvette, il resterait au plus dans le Balouà, d'après mes sondages, 10 à 11 mètres d’eau (2) Il est probable, malgré le dire des paysans, que l'asséchement du lac ne se fait point aussi brusquement : le débit de la source doit diminuer progressivement, au fur et 234 TH. BARROIS ment presque complet du lac. Les habitants de la contrée n'hésitent point à affirmer que l’eau s’engouffre dans la montagne et va donner naissance, sur le versant opposé, aux sources du Nahr Ibrahim à Afka et à Akoura. C’est aussi, nous l'avons vu plus haut, l'avis de LorTer et surtout de BLancHe. Leurs arguments peuvent se résumer de la facon suivante : « Il est certain que le calcaire poreux et friable qui forme le bassin du Yamoüneh laisse filtrer beaucoup d’eau, mais enfin cela ne suffit pas pour expliquer la disparition rapide de cette immense masse liquide. » Elle ne revient pas à la surface du côté de la Bekâa, car nulle part on n'y voit de sources auxquelles on puisse attribuer cette ori- gine; c’est donc sur le versant opposé qu'il faut chercher. » Le massif de montagnes qui sépare le haut de la vallée du Nabr Ibrahim de l’enfoncement où se trouve le Yamoüneh est peu consi- dérable et percé de très nombreuses cavernes dont quelques-unes, d'après les habitants du pays, doivent avoir plusieurs kilomètres de profondeur. La communication a done pu s'établir car, d’après les rélevés barométriques, la grotte d’Afka est à 1205 mètres tandis que le niveau du Yamoüneh est au moins à 1650 mètres. » Enfin, les habitants d’Afka et d’Akoura affirment que la grande masse des eaux de leurs sources arrivent tout-à-coup vers le 8 avril, absolument comme à Yamoüneh. » Si MM. BLance et LorTET entendent dire par là que les eaux du lac, filtrant au travers du sol, à la facon des eaux de pluie, vont contribuer à grossir les nappes aquifères qui elles-mêmes alimentent les sources d’Afka et d’Akoura, Je suis lout-à-fait de leur avis, au moins en ce qui concerne Afka, car, pour Akoura, les relevés baro- métriques ne semblent guère militer en faveur de cette opinion. Voici en effet les chiffres que nous devons à DIENER (1), le dernier voyageur qui ail fait des observations hypsométriques dans ces régions : Yamoüneh, 1444 m.; Afka, 1250 m.; Akoura, 1528 m. Je sais bien qu'on est loin d'être fixé définitivement sur laltitude respective de ces trois localités, mais s’il paraît presque certain qu'Afka soit situé à mesure que l'été s'avance, et le niveau du lac s'abaisse dans des proportions corres- pondantes. Les observations de pe Koresr viennent à l’appui de cette opinion (Voir plus baut, page 226). (1) Drexer : loc. cit. CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 239 plus bas que Yamoüneh, il faut être très réservé au sujet d’Akoura (1) qui semble placé à une altitude plus élevée. Mais l'opinion des deux explorateurs semble bien plutôt pencher en faveur d’une communication directe entre le lac de Yamoüneh el la source d’Afka, au moyen de larges crevasses ou même de canaux souterrains creusés dans les flancs du Djebel Mneitreh (2). Est-il nécessaire d’invoquer une semblable communication pour expliquer la disparition rapide de la nappe superficielle de Yamoüneb, et l'étude respective de la faumwe dans chacune des deux stations vient-elle à l'appui de cette manière de voir? Mes observations personnelles me permettent de répondre négativement à cette seconde question et Je pense pouvoir également réfuter la première. Aïnsi que l’a déjà fait observer Lorrer, le calcaire poreux dans lequel est creusée la cuvette du birket Yamoûneh est tout à fait propre aux filtrations et, sur une surface aussi considérable que le lit du lac, l'absorption doit se chiffrer par des milliers de mètres cubes. C'est probablement un des facteurs principaux dans l’abaissement du niveau du lac, mais il en est un autre, aussi important peut-être, (4) Voici les différents chiffres que j'ai pu réunir : 1376 m. (DRAKE). Yamoüneh 1650 m, (LoRTET). 1444 m. (DIENER). 1205 m. © (LORTET). 1250 m. (DIENER). Afka 1290 m. (ALLEN). < 1102 m. (WEsr |; baromètre anéroïde). 1174 m. (WEsT 11: baromètre à mercure). 14400 m. (GÉLIS). 1528 m. (DIENER). Akoura 1387 m. (VAN DE VELDE). 1414 m. (Wesr Ï: au haut du vil'age). 1387 m. (WEsrT IT; fontaine). Les chiffres de WeEsr sont extraits de deux notes parues dans la Palestine, Exploration Fun», Quaterly Statement, et intitulées: I Barometrical determination of heights in Lebanon and Anti-Lebanon, n° d'Avril 1891; IT Barometrical determinations of heights in Lebanon, Anti-Lebanon and on Hermon, n° de Juillet 4892. (2) C’est aussi ce que pense Posr : « The lake of Yamüni is drained by an underground channel, and perhaps reappears in the great fonntain of Afka, which is about 400 feet lower, on the opposite side of Lebanon ». Voyez Essays of the sects and nationalities of Syria and Palestine, Palestine explor. Fund, Quaterly Stat., April 1890, p. 105, 236 TH. BARROIS sur lequel nul n’a encore songé à attirer l'attention (1): c’est l’évapo- ration. Dans ce climat chaud, et malgré l'altitude élevée, l’évaporation doit être des plus active au fond de cette cuvette profondément encaissée, car cette nappe toute supertlicielle, étalée dans une sorte de couloir fréquemment balayé par de violents courants d’air, réalise les conditions les plus favorables à la production de ce phénomène. Il faut noter en outre qu'il pleut très peu en Syrie durant le mois de septembre (2). En somme, je crois que la sécheresse de l'atmosphère, la porosité du sol et l'évaporation suflisent largement pour expliquer la disparition de celte mince nappe superficielle. L'eau persiste dans le Balouà parce que son épaisseur y est plus considérable, parce que la vase s’y assemble et obstrue plus aisément les fissures du fond, parce que les apports du ruisselet du village suffisent à réparer les pertes quotidiennes du drainage et de l'éva- poration. Si le Yamoüneh correspondait directement avec la source d’Afka, il ne resterait pas une goutte d’eau dans le Balouà et mes sondages m'auraient indiqué la présence d’une cheminée quelconque. L'étude comparée de la faune des deux localités confirme encore cette manière de voir. En dressant mon plan de voyage, Je m'étais promis d'explorer tout spécialement les eaux du Yamoüneh ; frappé de la multiplication extraordinaire des Phoæinellus Libani LoRTET signalée par tous les visiteurs, J'en avais conclu que le Plankton devait y être extrêmement abondant pour suflire à l'entretien de ces myriades de Poissons. Mes prévisions se sont réalisées, comme on le verra un peu plus loin. Qu'il me suffise ici de dire que les Ento- mostracés etles Rotifères qui constituent, comme j'ai pu m'en assurer, la nourriture principale des Phoxinellus, pullulent dans le lac d’une (1) Depuis que ces lignes ont été écrites, j'ai pu me convaincre que M. Victor GUÉRIN (loc. cit., p. 38-39) avait déjà invoqué l’action de l’évaporation pour expliquer l'assé- chement du birket Yamoüneh : « Indépeniamment de la source que je viens de mentionner, une foule d’autres de divers côtés portent au lac le tribut de leurs eaux. Comme elles coulent avec beaucoup moins de force en été, et que dans la vallée où le lac s'étend entre deux chaînes de hauteurs parallèles, l’'évaporation est alors très grande, il tarit aux trois quarts durant les mois de l'année les plus chauds et sa surface verdoyante, mais molle et spongieuse, n’est plus sillonnée que par une dizaine de ruisseaux qui aboutissent tous à un bassin très réduit et long seulement de 400 pas sur 200 de large. Par contre, il est extrèmement profond dans sa partie centrale et fourmille de petits poissons. On appelle cette sorte de gouffre El-Balouà. » (2) D'après les moyennes données par DiexEr (loc. cit., p. 163) pour Beyrou h, la quantité de pluie qui tombe en septembre s'élève en moyenne à 11m""9, CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE SL facon extraordinaire : au moment où les eaux se concentrent dans le Balouà, ce doit être absolument étonnant. Je citerai : Cyclops viridis FiscHer. C. serrulatus FiIscHEK. Simocephalus vetulus O. F. MULLER. Bosmina cornuta JURINE. Brachionus Melhemi nov. sp. Mastigocerca bicristata Gosse. Cathypna luna Enr. En arrivant à Afka, mon premier soin fut d'étudier minulieuse- ment la composition des eaux à leur sortie de la grotte : comme toutes les eaux de source, elles étaient d’une pureté et d’une lim- pidité admirables, ne contenant aucun organisme vivant ; pas une des formes si nombreuses à Yamoüneh ne se retrouvait même dans le premier bassin, dont la faune, toute différente, était surtout caracté- risée par des Ancyles (Ancylus fluviatilis MüLLER), des Sangsues (Dina Blaisei R. BL.) des Amphipodes (Gammarus sp.) et des Planaires noires indéterminées. Si ce sont les eaux du Yamoüneh qui reparaissent à la surface dans la grotte d’Afka, il faut au moins admettre qu'elles ont été longuement filtrées durant leur trajet souterrain et que la commu- nication est loin d’être directe entre les deux localités. Reste à expliquer la corrélation signalée entre l’augmentatiou du débit du Nahr Ibrahim à Afka et la réapparition presque simul- tanée de Ia source des Quarante Martyrs à Yamoûüneh. Je crois, comme DIiENER l’a dit sans suffisamment insister, que ces deux phé- nomènes n'ont point entre eux de relation de cause à effet, mais sont bien plutôt la conséquence d'une seule et même cause relevant des conditions climatériques. Vers le mois de mars, les pluies de l'hiver et la fonte des neiges exhaussent considérablement le niveau des nappes aquifères et cette influence se fait sentir presque en même temps sur toutes les sources de la région, probablement plus tôt à Afka qu'à Yamoüneh, puisque l'altitude en est inférieure. Vers la fin de l'été, le niveau baisse: Yamoüneh tarit d’abord, puis Afka voit diminuer son débit, mais jamais au point de cesser complè- tement. Il n'y aurait rien d'étonnant à ce que la source d’Akoura subit synchroniquement les mêmes variations et nous verrons plus 238 TH. BARROIS loin que: le lac Zeynia (Legnia de certains auteurs), fait qui n’a encore été signalé par aucun voyageur, se dessèche périodiquement tous les ans à la facon du birket Yamoünebh. J'en arrive maintenant aux résultats purement zoologiques de cette excursion. Les pêches de surface, exécutées soit le jour, soit surtout le soir, à 9 heures, sont remarquables par l’extrême abondance des matériaux recueillis. A. — Pèche à la surface, au filet fin, de 0 à 1 mètre de profon- deur (3 à 4 heures de l’après-midi). Copépodes. — Cyclops serrulatus FiscHer. C. viridis FIsCHER. Nauplius par myriades. Cladocères., — Bosmina cornula JURINE. Rotifères, — Cathypna luna Eur. B. — Pêches au filet fin, à la surface (9 h. du soir). Copépodes. — Cyclops serrulatus FiscHer. C. viridis FIscRHER. Nauplius par myriades Exr. Cladocères. — Bosmina cornuta JURINE. Simocephalus vetulus O. K. MüLLERr. Camptocercus Sp. A noter l’abondance vraiment extraordinaire des Bosmines. Rotifères. — Cathypna luna Enr. C. ungulata Gosse. Mastigocera bicristata Gosse. M. carinata Enr. Asplanchnopus myrmeleo Er. Dinocharis pocillum Enr. Polyartha platyptera Enr. Brachionus Melhemi nov. sp. Synchæta tremula Eur. Hexarthra polyptera ScamarpA. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 239 C. — Dragages dans le Balouà, par 12 à 15 mètres de profondeur ; fond : galets avec vase noirâtre. En dehors des formes déjà citées, la drague ne m’a ramené que quelques Gastéropodes de l'espèce Valvata Sauleyi Bourc. La vase tamisée contenait quelques valves d’Ostracodes en trop mauvais état pour être déterminées. En résumé, d’après nos recherches, la faune générale du lac peut s'établir de la façon suivante (1): Batraciens. — Rana esculenla L. Poissons. — Phoxinellus Libani LoRTET. Mollusques. — Valvata Saulcy Bourc. Copépodes. — Cyclops serrulatus FiscHer. C. viridis FIsCHER. Cladocères. — Bosmina cornuta JURINE. Simocephalus vetulus O. K. MüLLER. Camptocercus sp. Rotifères., — Cathypna luna Enr. C. ungulata Gosse. Mastigocera bicristata Gosse. M. carinata Enr. Asplenchnopus myrmeleo Enr. Dinocharis pocillum Eur. Polyartha platyptera Enr. Brachionus Melhemi nov. sp. Synchœta tremula Enr. Hexarthra polyptera ScamaRbA. (1) Le docteur Fesra a recueilli un jeune exemplaire de Hæmopis sanguisuga BERGMANN dans la source du village de Yamoüneh (à Jamuneh, sur la rive seplentrio- nale du Birket Leimune, dans le Liban, dit R. BLancaarp: Viaggio del Dr Festa in Palestina, nel Libano e regioni vicine; III Hirudinées. Bollettino dei Musei di Zool. ed Anat. compar. della R. Univers. di Torino, vol. VIII, n° 161, Octobre 1893). Je n'ai point rencontré cette espèce dans le lac. 240 TH. BARROIS IT. — Lac Zeynia ou Legnia. À quelques kilomètres au Sud de Yamoüneh, creusé dans une dépression secondaire du même pli de terrain, on voit généralement figurer sur les cartes un second lac, plus petit que le premier. La plupart du temps, il ne porte aucune appellation; toutefois, dans sa grande carte du Liban, dressée à la suite de l'expédition de 1860, le capitaine GÉLiIs le désigne sous la rubrique « Lac Zeynia ». C’est bien ainsi que l’ont dénommé (1) le guide Métouali qui me conduisait à Aîka par la passe du Mneitreh, ainsi que deux bergers qui faisaient paître en cet endroit leurs troupeaux; les termes de Legmia ou Legnia employés quelquefois par les voyageurs leur étaient inconnus. Lorsque Lorter, dont je suivais l'itinéraire, passa par Zeynia (qu'il nomme Legnia), le lac formait un joli bassin « d'environ un kilomètre de long sur cinq cents mètres de large, dont les eaux, d'une grande limpidité, ne renfermaient aucun Poisson, mais seulement de nombreuses (Grenouilles communes et de grandes Couleuvres aquatiques (2) ». Quand j'y arrivai, le 3 juin 1890, le spectacle était tout différent : plus de trace de lac, mais une sorte de marécage herbeux, envahi par les jones et par les mousses, qui pouvait avoir environ les dimen- sions indiquées par Lorter. Dans le fond de la vallée, un étang circulaire d’une vingtaine de mètres de diamètre, profond de deux mètres au plus, demeurait comme un dernier vestige du lac disparu : au fond on voyait bouillonner et s’agiter la source. Un examen attentif du terrain m'eut bientôt convaincu que le lac Zeynia, tout comme le Yamoûneh, devait être sujet à des crues et à des asséchements périodiques J’interrogeai mon guide, ainsi que les bergers qui avaient amené leurs troupeaux se désaltérer à la source, et voici ce que j'en appris: il y a vingt jours encore, c’est-à-dire vers le 15 mai, le lac était très étendu; à partir de cette époque, le débit de la source s’est progressivement amoindri et le lac s’est desséché (1) Posr, ainsi que je l'ai vu depuis la rédaction de cette note, l'appelle aussi Lake of Zeiniyeh. Voyez Narrative of a second journey to Palmyra, including an exploration of the Alpine regions of Lebanon and Antilebanon, elc…. Quaterly statement of Palestine Exploration Fund, April 1892, p. 155. (2) Lonter: La Syrie d'aujourd'hui, p. 631. Paris, 1884. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 241 petit à petit. Dans quinze jours, dans un mois au plus (soit dans les premiers Jours de Juillet), l'étang que nous voyons aujourd'hui aura lui-même disparu, la source ne Jjaillira plus, et c’est à peine si on la verra sourdre confusément sous les pierres du fond. Les paysans n’ont pu m'affirmer avec certitude si elle disparaissait complètement. Quoiqu'il en soit, vers la fin de février les eaux reviennent en abondance et en peu de temps la nappe a repris son étendue pri- mitive. D'après les marques que J'ai relevées sur les parois du bassin, cette nappe semble être plus superficielle encore que celle de Yamoüneh ; lors de son plus haut étiage, la profondeur moyenne ne doit guère dépasser, à mon estimation, plus de 350, sauf naturellement à l'endroit de la source, où l'épaisseur peut atteindre environ 6 mètres. Nous nous trouvons ici en face de phénomènes tout-à-fait com- parables à ceux que nous avons signalés plus haut pour le lac Yamoûüneh. Les eaux toutefois disparaissent ici un peu plus tôt. Cela tient d’une part à ce que l'altitude du Zeynia est probablement plus élevée(1)que celle du Yamoüneh; d'autre part le volume du premier étant beaucoup moindre que celui du second, l'épaisseur de sa nappe étant notablement inférieure, sans compter que le Zeynia ne paraît alimenté que par une seule source, tandis que plusieurs se déversent dans le Yamoünebh, il est certain que l’infiltratjon et l’évaporation ont bien plus vite fait de le mettre à sec, ou tout au moins de le tarir en grande partie. La diminution progressive du volume de la masse liquide a natu- rellement pour effet de concentrer dans la cuvette centrale tous les animaux du lac : jamais je n'ai vu pareil grouillement d’Entomos- tracés! Il suffisait de plonger le filet fin pour le retirer à demi-plein; dans le cristallisoir où J'avais vidé partie de ma récolte, on voyait (1) 11 serait intéressant de connaître exactement cette altitude. Bien que DIENER, sans en dire plus long, appelle seulement le birket Yamoüneh le plus élevé des deux lacs, je pense que l'altitude du Zeynia est au contraire plus considérable. Je lis en effet dans mes notes : « Quitté le campement de Yamoüneh à 5 h. 50 du matin; après avoir longé la rive orientale du lac d’un bout à l’autre, nous prenons à l’extrémité Sud un ravin montant qui nous amène à 7 h. 10 au bord de la cuvette du Zeynia ». Lorrer (La Syrie d'au- Jourd'hui, p.631) semble avoir eu la même impression : « A l'extrémité Sud du lac, le sentier s'élève dans un vallon planté de Chènes, d’Aubépines géantes et de Chèvrefeuilles à fleurs jaunes.... Un col nous fait arriver dans une autre vallée, bien boisée, baignée par le charmant lac minuscule appelé Legnia sur nos cartes, mais dont je n’ai pu savoir le véritable nom arabe, » 16 242 TH. BARROIS s’agiter au milieu d’un inextricable lacis d’Algues inférieures, tout un peuple de Crustacés inférieurs et surtout des Diaptomus simalis Bairp par myriades. Voici du reste la liste des différentes espèces qui constituent la faune du lac Zeynia : Batraciens. — Rana esculenta L. Coléoptères. — Cœlambus saginatus ScHAUM. Helophorus algiricus Kuw. Communs surtout sous les pierres submergées de la rive. Hémiptères. — Corixa atomaria ILLIGER. Phyllopodes.—Chirocephalus diaphanus PRÉvosT. Copépodes. — Diaptomus similis BaAIR». En extraordinaire abondance. Cladocères., — Alona intermedia SARS. Macrothrix hirsuticornis NoRMAN et BRapy. Daphnia sp. Les noms des deux premières espèces m'ont été communiqués par le Dr Juzes RicHaRD, qui s'occupe en ce moment de la détermination des Cladocères que j'ai rapportés de Syrie; son travail paraîtra sous peu et lèvera les derniers doutes qui restent sur l'identité certaine de ces formes. Ostracodes. — Cypris nilens FISCHER. II. — Lac Phiala ou Birket-er-Râm. Ce lac miniseule, dont laspect est tout particulier, remplit le fond d’un cratère éteint ; il ressemble beaucoup à une Caldeira açoréenne ou pour chercher plus près de nous un terme de comparaison, au sauvage lac Pavin (Auvergne). JosÈPHE en parle assez longuement ; 1l le considérait comme une des sources du Jourdain. qui, après un long trajet souterrain, revien- drait au jour dans la caverne de Panion (Baniàs). La preuve de ce phénomène — ajoute l'historien juif — fut donnée par Philippe Hérode CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 243 le Tétrarque; ce prince ayant fait jeter de la paille dans le lac Phiala, cette paille fut retrouvée dans la source de Panion (1). Le nom primitif de Phiala s’est perdu depuis longtemps ; les habitants des villages voisins désignent généralement le lac sous le nom de Birket-er-Râm ou de Birket-Rân (2). Ce fut TaompsoN qui, des premiers, démontra lPidentité du Birket- er-Râäm actuel et du lac Phiala de Joskpne (3) ; il fit ressortir en même temps l'impossibilité d’une communication quelconque entre ledit lac et la source du Jourdain à Bânias. En dehors des excellentes raisons tirées de la disposition orographiqne et géologique des lieux, Taompson insiste encore sur Îles arguments suivants : L'eau du Birket-er-Ràm est mauvaise, non potable (4), tandis que celle de la source de Bânias est fraîche, claire, excellente au goût : Les Sangsues abondent à un tel point dans le Birket-er-Râm que les pêcheurs peuvent en recueillir en un jour de 6000 à 8000 ; on n’en trouve point à Bânias ; Le débit de la source de Bânias est si considérable que le lac se viderait en un jour s’il devait l’alimenter. Roginsox (5) fait également ressortir toute l’insanité de la légende de Josèpne, et consigne dans son journal quelques intéressantes remarques d'histoire naturelle, telles que l’abondance des Sangsues et des Grenouilles (cet endroit est vraiment — dit-il — le paradis des Grenouilles), la présence d’une large ceinture de plantes aquatiques, de couleur brunâtre (le jeudi 27 mai 1852), se développant non loin du bord et laissant libre le centre du lac. J'ai négligé de dire que l’expédition américaine sous la conduite de Lync, avait passé par le lac Phiala en juin 1848, mais sans y prêter grande attention : « L'eau du lac — dit la relation (6) — n’est (1) Josèpne : Guerre des Juifs, livre IT, chap: XXXV. (2) Voyez Seerzen : Reise, etc..., Bd. I, p. 334-335, et aussi ScauMACHER : The Jaulän, p. 110, London, 1888. £ (3) W. M. Taompsox : The sources of the Jordan, the lake el-Hüleh and the adjacent Country. Bibliotheca sacra, vol. IE, p. 184-214, New-York, 1846. (4) C'est une exagération, car, au milieu du lac, l'eau est claire et potable, sans être pure comme de l’eau courante, naturellement. (5) Ep. Roginson : Neuere biblische Forschungen in Palästina und in angranzenden Ländern, p. 523-524, Berlin, 1857. ‘6) Lyneu : Official Report of the United States Expedilion lo explore the Dead Sea and the River Jordan, p. 111, Baltimore 1852. k La Paludinaphialensis a été décrite et figurée dans lemêmeouvrage,p.229,pl.XXIL,fig.131. 244 TH. BARROIS pas profonde; elle est tapissée de larges feuilles de plantes aquatiques, au milieu desquelles s’ébattent des canards. Près du bord, j'ai observé en grand nombre une petite Paludine à fine coquille que M. Conrap a décrite sous le nom de Paludina phialensis (1). » À quelques temps de là un Anglais, le capitaine NewBoLp, s’accorda le plaisir de répéter l’expérience du Tétrarque et fit jeter de la paille dans le Birket-er-Râm, afin de voir si elle ne reparaîtrait pas dans la cascade de Bânias; le résultat fut tel qu’on pouvait s’y attendre : la paille, au lieu de s’enfoncer entraînée par un tourbillon, continua de flotter tranquillement à la surface de l’eau (2). Toutefois NewBozp nous a laissé d’intéressantes observations sur la grandeur du lac — dans lequel il note l’extraordinaire abondance des Sangsues et des Grenouilles — et sur la température de ses eaux. D'après son appréciation, la circonférence du Birket-er-Râm serait d'environ 3000 pas (3); l’eau, plate et légèrement saumäâtre, avait une température de 75° Farenheit (23°9 C.), presque égale à celle de l’air ambiant 78° K. (25055 C.). Cherchant toujours à réfuter la légende de JosèPpne, le capitaine fait remarquer qu’au même moment un thermomètre plongé dans la source de Bânias indiquait à peine 58° F. (14045 C.). Une autre légende des gens du pays consistait à représenter le Birket-er-Râm comme un gouffre sans fond. Désireux de vérifier cette assertion, Burton et DRAKE (4), lors de leur passage en ces lieux, le 48 mai 1871, construisirent une sorte de radeau avec une table et quatre outres gonflées d’air, et explorèrent ainsi toute la surface du lac. C’est vers le centre qu’ils trouvèrent le maximum de profondeur, qui était tout simplement de 17 pieds 1/2 (soit 5"33); la température de l’eau ne dépassait point 68 F. (c’est-à-dire 20° C.). Comme tous ses prédécesseurs, LorrTer fut frappé de l’abondance dans ces eaux, qu’il trouve claires et bleues, des Grenouilles, des Sangsues et aussi de l’absence de toute espèce de Poisson (5). Il fixa l'altitude du lac à 1020 mètres au-dessus du niveau de la mer, (1) I s’agit ici de la Bithinia rubens MENnKr, d’après les déterminations de M. DAUTZENBERG. (2) Newsozp : Journal of the asiatic Sociely, vol. XVI, p. 8, 1856. (3) En attribuant au pas une valeur de O0 m. 60 ou même d'environ 0 m. 65, cela donne une circonférence de 1800 à 1950 mètres. (4) Burton et DrAKkE : Unexplored Syria, t, I, p. 47. (5) Lorrer : La Syrie d'aujourd'hui, p. 553-554. CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 245 et sa circonférence à 6 kilomètres, chiffre certainement trop exagéré. C’est à ScHUMACKER ({) que nous devons les meilleurs renseignements physiques sur le Birket-er-Râm; j'en donne ci-dessous le résumé : « En juin 1885, le lac mesurait dans sa plus grande longueur, du S.-E. au N.-0., 690 yards (634 m.), et dans sa plus grande lar- geur, vers le milieu, 523 yards (481 m.). | » Sa circonférence est d'environ 1744 yards (1604 m.) » La rive est entourée d’une épaisse ceinture de végétation maré- cageuse, au sein de laquelle coassent de superbes Crapauds. Près du bord, l’eau est claire, plaisante au palais, sans arrière-goût saumâtre; sa température était de 770 K. (25° C) par une température extérieure de 81° F. (270 22 C). » Au milieu, où l’eau est libre de toute végétation, il existe, de l'accord de tous les natifs, un gouffre redoutable. Comme nous n’avions pas de bateau, nous n’avons pu vérifier leur dire et constater si le centre du lac est réellement d’une insondable profondeur. On ne trouve pas de Poissons dans ces eaux, mais j'ai observé moi-même quelques belles Tortues. Beaucoup de sources fraîches jaillissent sur les bords, mais elle ne doivent pas suffire à réparer les pertes dues à l’évapo- ration quotidienne. En conséquence, on peut conclure qu'il existe des sources souterraines, car autrement, si l’eau de pluie seule alimentait le lac, il perdrait sa claire fraîcheur. » La surface de ce lac est à 3.360 pieds (1024 m.) au-dessus du niveau de la Méditerranée. En hiver les Canards abondent sur ses eaux. » Cette description est absolument exacte, et je ne vois rien à y reprendre; je n’ai pas mesuré le lac, mais je l’ai traversé en canot dans tous les sens, et les dimensions données par SCHUMACRER me paraissent se rapprocher beaucoup de la réalité. Quand on a franchi l'épaisse ceinture de Carex et de Jones où grouillent effectivement quelques Tortues, mais surtout les Grenouilles (Rana esculenta L.) et les Crapauds (Bufo vulgaris LAUR.) on arrive sur une étroite grève, à découvert en ce moment à cause de la baisse des eaux, formée de galets et de débris de roches volcaniques. L’eau est fraîche, limpide, émaillée de quel- ques nappes de Renoncules blanches (Ranunculus aquatilis L.): plus loin, à quelques brasses de la rive, une épaisse couronne de Cerato- (1) Scaumacker : The Jaulân, p. 110-112. 246 TH. BARROIS phyllum, large de 5 à 6 mètres, suit d’une facon régulière les con- tours du rivage. Au delà, le centre du lac est absolument libre, teinté d’un vert foncé. | Comme tous mes devanciers, je suis étonné du grand nombre de Sangsues qu'on trouve sous les pierres de la rive: d’après le Professeur R. BLancHARD, qui a bien voulu les déterminer, elles appartiennent au moins à cinq espèces différentes : Hirudo medicinalis BERGM. var. Glossiphonia bioculata BERG. Limnatis nilotica SAY. Dina Blaisei R. BLANCH. Placobdella catenigera MoquiN-TANDoN. Je fais préparer mon canot Berthon pour explorer méthodiquement toutes les parties du lac; nous commençons d'abord par pêcher au filet fin le long du bord, tant dans les Renoncules que dans les Ceratophyllum. La récolte est bonne, comme on le verra par la liste suivante : Coléoptères. — Hydroporus planus FABR. Laccophilus obscurus Paxz. Gyrinus elongatus AUBÉ. G. libanus AUBÉ. G. Dejeani BRULLÉ. Mollusques. — Planorbis hebraicus Bourc. Limnæa ovata Drar. Bithinia rubens MENKE. Hydrachnides. — Curvipes alpinus NEu. Arrenurus Barroisi KoenIKE (1). A. species (@). Rotifères. — Euchlanys dilatata Enr. Copépodes. — Diaptomus similis Barr». Cyclops viridis FiscHER. C. serrulatus FIisCcHER. Cladocères. — Daphnia lacustris SARS var. Chydorus sphæricus JüRINE. Hydraires. — Hydra Sp. (1) Cette nouvelle espèce sera prochainement décrite par KOEniIKE, à la compétence duquel j'ai eu recours pour l'examen des Hydrachnides recueillies en Syrie. CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 247 Cette espèce, de petite taille, était d'un brun rougeâtre pâle et ressemblait beaucoup à l’Hydra fusca. Parcourant ensuite le lac en tous sens, je me mis à la recher ‘he du fameux gouffre insondable, dont les habitants avaient parlé à TRISTRAM et à SCHUMACKER : Ce fut, comme on le pense bien, peine perdue. Dans presque toute l’étendue du lac, une plantureuse prairie de Ceratophyllum, dont les tiges se dressent hautes et droites à moins de deux mètres de la surface, a envahi le fond ; l’eau est si claire dans les rares endroits découverts, qu’on voit aisément les moindres reliefs du sous-sol. La profondeur maximale accusée par ma sonde a été de 5,70, chiffre qui se rapproche absolument de celui donné par Burton et DRAKE (5,53). La température de l’eau était, à neuf heures du matin, de 19075 pour une température extérieure de 17025. Ces chifires s’écartent assez notablement de ceux qui ont été donnés par NEwBOLD et par SCHUMACKER, se rapprochant au contraire de la température observée par BurTON et DRAkE, ainsi qu’on peut le voir dans le tableau ci-dessous : Température de Température ‘ la surface. extérieure. NEMBOLD (dal PM) ee 00 He. 23088 BurrTon et DRAkE (18 mai)...... 200 SCHUMAGRER- (JUIN). ............. 2:30 PARADIS (0aMAL) ES... 5.0 19079 Ces divergences s'expliquent par deux raisons : 1° Parce que, au moment où NEwBOLD et ScHuMACKER ont visité le lac, la température de l'air était beaucoup plus élevée que lors de mon passage : 2° Parce que les susdits voyageurs, n'ayant pas de barque, ont dû faire leurs observations très près du bord, en des points où l'eau est toujours plus chaude que vers le mileu de la nappe, point où ont été faites mes observations. Voici les résultats des pêches et des dragages opérés dans les différentes parties du lac : 248 TH. BARROIS A. — Pêches au filet fin, à la surface. Volvor sp.; en énorme quantité. Copépodes. — Diaptomus similis BairD ; très commun. Cladocères. — Daphnia lacustris SARS var.; par myriades. B. — Pêche au filet fin, par 150 de profondeur, en rasant de temps à autre les sommités des Ceratophyllum. Volvox sp. ; très commun. Rotifères. — Anuræa aculeata Enr. Euchlanys dilatata Enr. Pterodina patina Enr. var. Copépodes. — Diaptomus similis BAïRD ; très commun. Cyclops Leuckarti Sars ; rare. Cyclops viridis Fiscaer. C. serrulatus FIiscHER. Cladocères. — Daphnia lacustris SARs var.; très commun. Alona testudinaria FiscHER ; très commun. A. quitata Sars; rare. Chydorus sphœæricus JURINE ; commun. Mollusques. — Planorbis hebraicus Bourc. Limnæa ovata Drap. Bithinia rubens MENKE. C. — Dragages sur les prairies de Ceratophyllun. (e bat ©) Ces dragages ne m'ont pas fourni d’autres formes que celles dont [= fs ©) je viens de donner la liste ; à signaler seulement l’abondance des Hydres et surtout des Gastéropodes. Tandis que je sillonnais ainsi le lac d’une rive à l’autre, le cheihk druse d’El-Meshàdi, village voisin, accompagné de quelques-uns de ses administrés, était accouru pour jouir d’un spectacle si nouveau, n'ayant probablement jamais vu de barque de sa vie. J’en profitai pour lui demander certains renseignements qu’il me donna très volontiers en échange d’une promenade d’un quart d'heure dans mon canot. D'après ses dires, ‘sept sources descendent dans le lac des hauteurs environnantes; j'en ai vu pour ma part trois assez abon- CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 249 dantes. Confirmant ensuite les relations de LorRTET et de SCHUMACKER, ainsi que les observations que je venais de faire moi-même, le cheihk m'assura qu'il n’avait jamais vu le moindre Poisson dans le lac. En revanche, il me parla avec une sorte de crainte mystérieuse d'un bizarre auimal, à habitudes nocturnes, qu’on voit le soir tantôt courir le long des rives, tantôt nager avec aisance, un Kelb-el-Moie: c’est ainsi que les arabes désignent la Loutre, et de fait la descrip- tion qu’il m'en donna se rapportait absolument à ce carnassier. Du reste, la Loutre existe en Syrie : TrISTRAM a signalé sa présence aux abords du lac de Tibériade et du fleuve Litani, BurrTon l’a ren- contrée sur les rives du lac de Homs. Mais en l'absence de tout Poisson dans le Birket-er-Ràm, de quoi peut bien se nourrir la Loutre, habituellement ichthyophage ? En résumé, voici le tableau complet des différentes formes animales que j'ai observées dans le Birket-er-Râm Mammifères. — Lutra vulgaris (d’après les habitants du pays). Reptiles. — Emys caspica SCHWEIG. Batraciens. — Bufo vulgaris LaUR. Rana esculenta L. Mollusques. — Planorbis hebraicus Bourc. . Limnæa ovata DRAP. Bithinia rubens MEXKE. Annélides. — . Hirudo medicinalis BERGM. var. Glossiphonia bioculata BERGM. Limnatis nilotica SA. Dina Blaisei R. BLANCH. Placobdella catenigera Moq. TANDON. Insectes coléoptères.— Hydroporus planus FABR. Laccophilus obscurus PANz. Gyrinus elongatus AUBÉ. G. libanus Agé. G. Dejeani BRULLÉ. Hydrachnides. Curvipes alpinus NEUM. Arrenurus Barroisi KOENIRE APLSpecies (Q). 250 TH. BARROIS Copépodes. Diaptonvus similis Baïrp. Cyclops Leuchkarti Sars. C. serrulatus FISCHER. C. viridis FiscHEr. Cladocères. — Daphnia lacustris Sars. Chydorus sphæricus JURINE. Alona testudinaria FIscHER. A. quitala SARS. Rotifères. Anurœæa aculeata Er. Euchlanys dilatata. Eur. Pterodina patina Enr. var. IV. — Lac de Tibériade. Des deux réservoirs dans lesquels s'étale le Jourdain durant son trajet au fond de cette longue et étroite fissure (le Ghor des Arabes) qui, des flancs neigeux du grand Hermon, l'amène presque en ligne droite dans les abîimes surchauffés de la Mer Morte, le lac de Tibériade est de beaucoup le plus considérable. N’en déplaise à ce bon BELoN, la « Mer Tiberiadis » n’est point seulement, comme il le dit en son naïf langage, «un estang où l’on prend des Carpes, Brochets, Tanches et Che- vesnes (1) », mais bel et bien un véritable lac; en dehors de la Mer Morte, que ses particularités classent dans une catégorie toute spéciale, c’est même le seul lac syrien véritablement digne de ce nom, tant par ses dimensions que par sa profondeur. Sa surface, dont l’attitude varie naturellement un peu suivant les saisons, et aussi suivant que l’année à été plus ou moins pluvieuse, serait à 189 mètres au-dessous du niveau de la Méditerranée, d’après Vies (2), à 212 mètres d’après Lorrer (3), et à 208 mètres d’après les derniers relevés des ingénieurs de la Palestine Exploration Fund (4). (4) Pierre BeLon — Les observations de plusieurs singularitéz et choses mémo- rables trouvées en Grèce, Asie, Judée, Egypte, Arabie et autres pays estranges, p. 148, Paris, 1553. (2) Voyez le Voyage d'exploration à la Mer Morte, à Pétra, et sur la rive gauche du Jourdain, par le Duc pe Luyxes, t. II, p. 12. (3) Lorter. — La Syrie d'aujourd'hui, p. 501, Paris, 1884. (4) Scaumacker. — The Jaulân, p.103,-Londres, 1888. Une erreur typographique a fait imprimer 6,825 pieds au lieu de 682,5. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 251 C’est ce qui explique la température torride qui, nous le verrons plus loin, règne habituellement au fond du Ghôr. Le lac de Tibériade, presque exactement orienté Nord-Sud, mesure à peu près 21 kilomètres dans sa plus grande longueur ; sa largeur maximale se trouve dans la boucle septentrionale, entre Medjdel{(l’antique Magdala) et le ouady Semakh : elle est d'environ 9Kk5. De Tibériade à Khourbet-el-Ashek, situé presque en face, sur la rive orientale, à l’entrée du ouady Fik, on ne compte que 8 # 850. Calculée d’après la carte de ScauMackeRr, la plus récente que je connaisse, la surface du lac est approximativement de 2000 kil.? Les méthodes données pour évaluer, même d’une manière grossière, le volume des lacs, me paraissent vraiment par trop insuffisantes, et je n'ai pas tenté de les appliquer ici. C’est le Jourdain, venant du lac de Hoûleh, qui alimente princi- paiement la mer de Génézareth ; à son embouchure septentrionale, il mesurait, lors de mon passage, dans les premiers jours de mai, environ 45 à 50 mètres de largeur sur 1 mètre de profondeur : son courant est modéré, mais néanmoins la quantité d’eau qu'il amène quoti- diennement au lac doit être assez abondante. Il importe, en outre, de tenir également compte de nombreuses sources, quelques- unes fort copieuses, qui se déversent constamment dans le lac. Ces sources sont situées presque toutes sur la rive occidentale ; les torrents de la rive orientale sont ordinairement à sec durant tout l'été et n’atteignent le bassin qu’à la saison des pluies, encore faut-il que ces dernières soient assez abondantes. Les principales sources per- manentes — pour ne parler que de celles que j'ai visitées — sont : Aïn Tabigah, Aïn-et-Tineh, Aïn Moudaouarah et les thermes d’'Emmaüs, à une vingtaine de minutes au Sud de la ville de Tibériade. Elles méritent une mention spéciale, car elles sont presque toutes tièdes ou même chaudes, parfois fortement minéralisées, et influent par conséquent beaucoup sur la composition générale des eaux du lac, puisque depuis des siècles et des siècles elles s’y déversent sans cesse. La plus septentrionale de ces sources est celle d’Aïn Tabigah, située non loin de l’endroit où l’on s'accorde généralement à placer l’ancienne Bethsaïda; elle est fort abondante et suffisait autrefois non seulement à faire tourner plusieurs moulins mais encore à assurer la fertilité de la petite plaine environnante : des colons allemands se sont établis en cet endroit depuis peu, et leurs récoltes avaient grand 252 TH. BARROIS air de prospérité. Les eaux de cette belle source sont pourtant assez saumäâtres pour impressionner désagréablement le palais et, de plus, légèrement sulfureuses. Leur température est assez élevée. Wizsox l’a trouvée de 86° Farenheit (30°) et Lorter de 32° C., ce qui est conforme à mes propres observations; malgré cela, une faune nombreuse, sinon en espèces tout au moins en individus, se presse tant dans le réser- voir que dans les canaux qui en dérivent. Les Poissons y nagent en troupes serrées ; en voici la liste, d'après LoRTET : Blennius varus Risso. Hemichromis sacra GUNTHER. Chromis microstomus LORTET. Clarias macracanthus GUNTHER. Chr. Flavii-Josephi LorTer. Capoeta damascina GUNTHER. Chr. Simonis GUNTHER. J’ajouterai à cette énumération le Discognathus lamta GunTxer, dont j'ai recueilli une couple d'exemplaires Les Gastéropodes abondent; ce sont : Melanopsis jordanica Rotx. M. prœmorsa L. Theodoxia Jordani Rortu. que nous retrouverons dans toutes les sources des rives du lac de Génézareth. J'en dirai autant des Telphuses {Telphusa fluviatilis BELoN). Sous les pierres immergées pullulent les Gammarus (G. Veneris HELLER); les Orchesties (Orchestia Bottæ CzerN.) sont plus spécialement localisées sous les mousses humides qui tapissent les parois effritées du bassin et des aqueducs. Cette espèce d’Orchestie est commune en Syrie; je l’ai recueillie en abondance un peu partout (El-Bireh, Tell- el-Kadi, lac de Houleh, lac de Homs, etc.): d’après M. CHEVREUX, qui à eu l’obligeance de revoir mes déterminations èt en. collabo- ration duquel je compte prochainement publier une note sur les Amphipodes de Palestine, mes échantillons sont identiques à l’Orchestia Bottae de CZERNIAWSKI (1), mais il est bien difficile d’affirmer que ce soit la véritable Orchestia Bottae de Mizne-Epwanrps (2), car le type n’a pas été conservé. Quant au (rammarus Veneris, forme égale- ment très abondante en Syrie (Aïn-Feschkah, Palmyre, Homs, Nahr- el-Haroun, affluent de l’Oronte, etc.), il a été décrit pour la première (14) Czerniawsxi: Materialia ad zoographiam Ponticam comparatam, PI. VIN, fig. 28-33. Petropolis, 1868. (2) H. Mrne-Enwarps: Histoire naturelle des Crustacés, t. II, p. 17, Paris, 1840. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 253 fois par HELLER, d'après des échantillons (1) que Korscay avait rapportés de l’île de Chypre, L’Aïn-et-Tineh (Fontaine du Figuier) est située un peu plus au sud, non loin du Khän-Minieh; l’eau, ‘moins abondante que celle d’Aiïn Tabigah, très légèrement saumâtre (2), mais sans aucune odeur sulfureuse, jaillit du flanc d’une falaise rocheuse et s'étale en une sorte de lagune marécageuse, toute plantée de Roseaux et de Papyrus (3), qui communique largement avec le lac et doit être presque entièrement immergée lors des hautes eaux, ainsi qu’on peut s’en convaincre par l’examen des laisses de la rive. La source est tiède, comme l'avait déjà remarqué Wicson, dont voici les relevés thermo- métriques, effectués le 25 janvier 1866 (4) : Température de l’air extérieur : 62°78 Fahr. — 1701 ; Température du lac : 60041 — 15955; Température de la petite source : 72032 — 23030; Température de la grande source : 77036 — 25020. Ce dernier chiffre correspond entièrement avec les observations que j'ai faites et qui m'ont donné une moyenne de 25°. Voici les différentes espèces animales que j'y ai observées : Reptiles. — Emys caspica SCHWEIG. Poissons. — Blennius varus Risso. Chromis microstomus LoRTET. Chr. Simonis GUNTHER. Hemichromis sacra GUNTHER. Clarias macracanthus GUNTHER. Capoeta damascina GUNTHER. (1) C. Hezcer: Kleinere Beiträge zur Kenntniss der Süsswasser-Amphipoden. Verhandl. der k. k. zool.-bot. Gesellsch. in Wien, 1865. (2) Mac-Grecor (The Rob-Roy on the Jordan, p. 328, en note, Londres 1886) rapporte, d’après Wicson, que les passagers du Khân Minieh usent toujours de l’eau du lac, assurant que celle de la fontaine est malsaine. Cela me paraît fort exagéré, car, lors de mon passage à Aïn-et-Tineh, j'ai rencontré à la fontaine toute une théorie de bédouines Gawarinehs qui, d'un campement voisin, venaient à l’aiguade, (3) Cette intéressante Cypéracée africaine est très localisée en Palestine; en dehors d'Aïn-et-Tineh, on ne la retrouve guère que dans les marécages au Nord de Hoüleh, en graade abondance, il est vrai, et dans quelques mares de la plaine de Saaron. Avec les Chromis, également africains, les Papyrus contribuent à donner à la faune et à la flore du Ghôr un faciès tout particulier. (4) D'après Mac-GREGoR, loc. cit., p: 328-329, en note. 254 TH. BARROIS Mollusques. — Melanopsis jordanica Rotx. M. prœmorsa L. Theodoxia Jordani RorTx. Hirudinées. — Dina Blaisei R. BL. Turbellariés. — Planaires noires indéterminées. Isopodes. — Asellus coxalis A. DoLLrus. Amphipodes. — Gamimarus syriacus nOV. Sp. Cette nouvelle espèce ressemble au Gammarus pulex, mais elle en diffère cependant par ses yeux réniformes, par l’angle latéral de la tête plus prononcé, par la forme différente de l’article basilaire des pattes de la % paire; enfin, l’angle postéro-inférieur du segment de l’abdomen se prolonge en arrière en pointe assez aiguë, caractère que M. CHevreux n’a retrouvé chez aucun des nombreux Gamimarus d’eau douce qu’il connaît. Le (r. syriacus est très répandu partout en Syrie; je l’ai rencontré en particulier dans les localités suivantes : Tell-el-Kadi, Afka, Beit-Jenn, Aïîn-Mellahah, Naplouse, Et-Tell, Damas, El-Bireh, Beitin, etc. Nous en donnerons prochai- nement la description détaillée. L’Aïn Moudaouarah est située plus au sud de la plaine de Géné- zareth (El-Ghoueir), assez loin dans l’intérieur des terres; son débit est à peu près le même que celui d’Aïn-et-Tineh. L'eau en est douce et agréable au goût; bien qu’encore tiède, elle est plus fraîche que toutes les autres, d’après les chiffres de WiLson : Température de l’air extérieur : 64° Fahr. — 1708. Température de la source : 73° — 2293. La faune ressemble à celle des sources précédentes; elle consiste essentiellement en Poissons, Tortues, Gastéropodes et Telphuses (voir les listes données plus haut), habitants ordinaires du lac et des fontaines permanentes qui s’y jettent. Les sources les plus chaudes du bassin de Tibériade se trouvent à une vingtaine de minutes au sud de la ville; on les désigne sous le nom de Hammäm ou d'Emmaüs. Depuis l'antiquité la plus reculée, ces thermes ont une réputation thérapeutique fort répandue, et de nos jours encore de nombreux malades, dartreux, eczémateux, arthritiques de toute sorte, viennent y chercher un soulagement à leurs maux. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 255 La température de ces sources à été diversement appréciée par les observateurs qui se sont succédé ; les chiffres varient de 54045 (Mozy- NEUx) à 6205 (Hircakok, d’après HÉBARD); à la suite de trois observations successives, ANDERSON, attaché en qualité de géologue à l'expédition du lieutenant Lyncn, s'arrêta à la moyenne de 62°. Le lieutenant Lynch avait rapporté dans sa patrie une quantité d’eau thermale suffisante pour qu’on püt en faire l’analyse; voici les résultats obtenus par Boot et MUCKLÉ : Densité à 60 Fahr.(15°5) — 1,02336. Matières dissoutes pour 100 — 3,016, se décomposant de la manière suivante : Chlorure de sodium......... “rl » POLASSIUM 0. 0,016 » calciumie see 0,887 » magnésium ......... 0,203 Sulfate de chaux..... RE UE 0,072 » SOUUE Eco 0,062 Carbonate de chaux...... REC 0,036 » INAONOSIEEL- 2e 0,009 Sulfate de magnésie ............. 0,016 POLAR RE 3,016 Plus des traces de matières organiques et de brome (1). Comme on peut le prévoir après lecture de cette analyse, les eaux du Hammäm sont salées et amères: elles dégagent une odeur sulfu- reuse prononcée et, dans leur trajet jusqu’au lac, abandonnent sur les galets de la grève un épais dépôt de couleur jaune verdâtre. En debors de toutes ces sources, 1l faut en outre tenir compte de l'apport des affluents sous-lacustres. C’est ainsi qu’à 2 ou 3 kilomètres environ au large d’Aïn Tabigah, sur la ligne idéale qui joint cette dernière localité à Tibériade, le patron de ma barque, vieux pêcheur qui, depuis trente ans, sillonne le lac en tout temps et en tous sens, m'a montré un endroit où, en hiver, le Poisson fourmille parce que les eaux y sont plus chaudes que dans le reste du lac: c’est évi- demment le point d’émergence d’une source thermale sous-lacustre. A) Lyc. — Official report of the United States Expedition to explore Lhe Dead Seau and the river Jordan, p. 202. Baltimore, 1852. 256 TH. BARROIS TurNER raconte un fait qui vient à l’appui de cette assertion,; en se baignant dans le lac le 19 avril 1815, en face de la porte Nord de la ville de Tibériade, il rencontra, loin de la rive, en un point où il ne put prendre fond, une zone tout-à-fait tiède (24° R. — 30°) alors que la nappe environnante était au contraire fraiche (1). Il est bien évident que l’apport séculaire de toutes ces sources minérales a dù modifier et modifie encore la composition primitive des eaux du lac; en dehors de la saveur marécageuse qu’elles possèdent déjà dans le bassin de Hoüleh, les eaux du Jourdain pré- sentent dans le lac de Tibériade un arrière-goût saumâtre qui a frappé presque tous les voyageurs et qui provient évidemment des raisons que nous venons d'indiquer (2). Nous ne possédons malheureusement point — du moins à ma connaissance — d'analyse de l’eau du lac ; mais nous pouvons tirer quelques indications des résultats qu’a fournis à M. TEerREIL l'examen d’un échantillon d’eau du Jourdain puisé par LARTET au gué des Gawarinehs, en face de Jéricho, à 12 kilomètres en amont de l'embouchure du fleuve dans la Mer Morte (3): Température extérieure : 25° Température de l’eau : 220 Résidu salin laissé par un litre — 0,873 soit : Ghlore see . 0,425 Acide sulfurique ..... 0,034 Acide carbonique,.... traces Soude ..... ST FINE 0,229 Chaussée 00060 MADnesie.ee =: Milan 0,065 Botasse) hs Rae . traces Silice, alumine, fer... traces Matières organiques... traces Total Nr to: Ce chiffre de 0,873 est fort élevé si on le compare à celui des (4) W. Turner : Journal of & Tour in the Levant, t. Il, p. 141-144, Londres,1820. (2) Quelques auteurs ont avancé l'hypothèse d'une communication, aux époques géolo- giques, entre le lac de Tibériade et la mer, soit la Mer Méditerranée par la plaine d'Esdraelon, soit la Mer Rouge par la Mer Morte et l’Arabah. Nous reviendrons plus loin sur cette théorie que rien ne justifie de part ni d’autre. (3) Larrer : Essai sur la géologie de la Palestine et des contrées avoisinantes, telles que l'Egypte et l'Arabie, p. 260-261, Paris 1873. CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 251 matières contenues habituellement en dissolution dans l’eau des fleu- ves. Il est évident qu’il ne représente pas intégralement la compo- sition de l’eau du lac de Génézareth; le Jourdain, dans son trajet de Tibériade au gué des Gawarinehs, reçoit plusieurs affluents, en particulier, à l'Est, le Yarmouk et le Jabbock dont le cours est grossi par quelques sources thermales assez fortement minéralisées ; de plus, le fleuve sacré a creusé son lit dans les marnes gypsifères de la Lisàn (1) et l’on peut admettre pour toutes ces raisons (2), que sa teneur en sels solubles s'est accrue dans une certaine proportion. Même en estimant cette proportion de 50 °/,, ce qui paraîtra certai- nement exagéré, car les affluents de la rive droite, le Nahr Djaloûd et le Nahr Faria, tout en étant moins importants que ceux de la rive gauche, n’apportent au fleuve que de l’eau complètement douce, il resterait encore pour l’eau du lac de Tibériade un coefficient de 0,437, chiffre fort élevé puisque d'habitude l’eau des lacs dans les régions granitiques ou basaltiques ne renferme que 0sr,020 de matières solides par litre et 05,250 au plus dans les régions calcaires. Malgré cette minéralisation excessive, la faune de la mer de Galilée est absolument lacustre, en dehors de l’Ectinosoma Barroisi RicHarp et du Laophonte Mohammed BLancHarp et RicHARD, qui appartiennent à des genres marins, mais possèdent néanmoins des représentants dans les eaux douces ; je n’ai jamais observé aucune de ces formes réléguées (Relikten- fauna) signalées dans les lacs de la Scandinavie, par exemple. Il est vrai de remarquer qu’un grand nombre des espèces animales du lac de Tibériade montrent une très grande tolérance au point de vue de la température et de la salure, puisqu'elles se multiplient à plaisir dans des eaux tièdes et salées comme celles d’Aïn Tabigah. Malgré leur belle couleur bleue, les eaux du lac de Tibériade ne sont pas limpides; déjà LorTer avait fait la remarque qu’elles étaient « légèrement opalescentes, ce qui fait rapidement perdre de vue la sonde ou la drague. » J'avais négligé d’emporter un disque de Seccri, de sorte que je n’ai pu faire d’expériences exactes sur la limite de. visibilité, mais, comme notre savant collègue de Lyon, j'ai été frappé (1) Le thalweg de la vallée du Jourdain est maintenant recouvert d’alluvions plus récentes, déposées par le fleuve même, dont les eaux, pour cette raison, ne doivent plus guère dissoudre les matières salines des marnes de la Lisän. (2) I faut aussi tenir compte de l'évaporation, fort active dans le Ghôr, et de la concentration qu'elle amène. 17 258 TH. BARROIS de la rapidité et de la soudaineté avec lesquelles mes instruments disparaissaient à l'œil : je ne pense pas que le coefficient atteigne plus de 3,50 à 4 mètres. C’est peu, si l’on se rappelle que Forez a fixé ainsi la limite de visibilité dans les eaux du lac de Genève (1) : Durant les 7 mois d'hiver (octobre à avril) 129, 70. Durant les 5 mois d'été (mai à septembre) 6m, 60. Or, mes recherches ont eu lieu dans les derniers jours d’avril et les tout premiers jours de mai, c’est-à-dire à l’époque de la transition entre les mois d'hiver et les mois d'été, au moment où le coefficient aurait été à Genève environ de 9 à 10 mètres, chiffre moyen. Forez, auquel nous devons tant pour toutes ces questions de limnologie, a reconnu que cette différence de régime dans la trans- parence des eaux entre l’été et l'hiver provient essentiellement des poussières aquatiques, toutes de nature organique, en suspension dans l’eau. Est-ce à cette cause qu'il faut uniquement attribuer l’opalescence excessive des eaux du lac de Tibériade ? Je ne le crois pas. À son arrivée dans la mer de Galilée, le Jourdain est fortement limoneux, mais les fines particules minérales qu'il contient sont lourdes et ne tardent point à se déposer, formant ainsi un delta qui s’accroit tous les jours (1). Les poussières organiques (presque exclu- sivement végétales), plus légères, sont entrainées par le courant et se retrouvent dans tous les points du lac, partout en grande quan- tité. Cette abondance se comprend du reste pour quiconque à vu le bassin de Hoüleh et surtout les vastes marécages au travers desquels circulent les sources du Jourdain avant de se rassembler dans cette première cuvette. Ces roselières, ces larges prairies de Nénuphars, ces vastes forêts de Papyrus, sans compter les Ceratophyllum et les Chara du sous-sol, sont en perpétuelle décomposition et leurs débris communiquent à l’eau des deux lacs cette odeur marécageuse dont J'ai déjà parlé. Grâce à mes filets, construits en soie à bluter très fine, j'ai pu constater dans toutes mes pèches la présence d’une grande quantité de détritus végétaux. Mais ce qui m’a frappé plus encore, c’est l'extraordinaire abondance de grumeaux granuleux, tantôt ver- (1) Forez : La faune profonde des lacs suisses, p. 28-29, 1884. (2) Pourtant j'ai noté la présence de nombreuses particules limoneuses extrèmement ténues dans plusieurs pêches, faites par 10 mètres (profondeur 37 m.) et 25 mètres (profondeur 30 m,) entre Tibériade et le ouady Fik (voyez lacarte), dans l'axe du Jourdain. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 259 dâtres, tantôt incolores, qui me paraissent dus à la réunion d’Algues inférieures (Palmellacées ?). Dans les pêches de surface, ils pullulent littéralement ; vers 3 mètres de profondeur, la quantité commence à diminuer; à 10 mètres, on les rencontre encore, de plus en plus clair- semés, mais dans les pêches de 25 à 40 mètres je n'en ai plus retrouvé que d’insignifiants débris. Certes les poussières végétales sont, je le répète, très nombreuses dans les eaux de Tibériade, mais je pense que c’est surtout à l'extrême surabondance de ces Algues qu'il faut attribuer dans le cas présent le faible coefficient de la limite de la visibilité. Il y aurait là d’intéressantes observations de biologie lacustre à entre- prendre, et le lac de Tibériade semble fait à souhait pour donner la solution de plus d’une question de ce genre; mais il faudrait pour cela y séjourner longtemps, s’y établir à demeure durant quelques semaines, même durant quelques mois : ce ne serait peut-être point chose aisée, car l’endroit est assez malsain pour un Européen, surtout au moment des chaleurs de l'été. La température est en effet étouflante dans cette profonde fissure ; Lorrer raconte que, durant son séjour (c'était, je pense, en Juin et juillet), « la température du lac était de 24° au dessus de zéro... Pendant la journée, la température à l'ombre et au nord, ou celle prise avec le thermomètre tourné en fronde, était presque toujours de 35° au-dessus de zéro. Deux ou trois fois seulement, le khâmsin ou vent du sud amena une température de 4305 très pénible à supporter ». Des sept jours que j'ai passés dans le Ghôr proprement dit, les trois premiers ont été normaux, le quatrième assez chaud, les trois derniers torrides, en raison du khâmsin qui soufflait avec persistance. Mes occupations zoologiques ne m'ont pas permis de faire autant d’ob- servations thermométriques que je l’aurais voulu ; toutefois je pense qu'il y aura quelque intérêt, ne fut-ce que pour apprécier plus justement la température des eaux du lac dont je vais parler tout- a-l'heure, à en donner le résumé dans le tableau suivant : TH. BARROIS a nuit 5 14e e 720 heures |heures | heures | heures | heures | heures | heures heure | heures | heures | heures | heures | heures | heures MINUIT de 1 MINIMUM Mardi 29 avril. —Tibériade. — |21°,25 — |26°,5 Mercredi 30avril. — Tibériade.| 14°,5[17°,5 Jeudi 1% mai. —Tibériade.| 16° |19° Vendredi 2 mai.— Tibériade.| 16°,5117° — |28°,8 Samedi 3 mai.—Tibériade.| 16° |18° — |29°,9 Dimanche 4 mai.— Tibériade. à 28° | 29°,3 34,5 32° Lundi 5 mai. — Hoùleh. | £ ; ? 30° CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 261 Ceci m’amène tout naturellement à parler du régime thermique des eaux du lac, mais, auparavant, je crois bon de faire connaître mes recherches sur leur profondeur. Quelques mots d'historique sont nécessaires pour bien poser les données de la question. Au mois d'août 1847, le lieutenant MoLYNEUx, de la marine anglaise, parvint, au prix des plus grands efforts, à amener une barque de Caïffa à Tibériade (1); durant deux jours il navigua sur le lac de Génézareth, s'occupant de topographie et d’hydrographie. Puis, le hardi explorateur, s’abandonnant au courant du Jourdain, descendit le fleuve jusqu’à la mer Morte, qu'il étudia également au point de vue hydrographique. Malheureusement, Mozyneux avait été si épuisé par le climat malsain et torride du Ghôr qu'il mourut presque aussitôt après avoir regagné son bord à Beyrouth, avant d’avoir pu mettre en ordre les matériaux qu’il avait amassés. Cette mort était d'autant plus regrettable que les observations de MozynNeux sur la profondeur du lac de Tibériade — pour ne parler que du sujet qui nous occupe — constituaient les pre- miers documents scientifiques recueillis sur la question; ils sont d’ailleurs restés les seuls jusqu’à ce jour, ainsi que nous le verrons (2). Répondant par des faits précis aux vieilles légendes qui couraient sur la profondeur considérable du lac de Tibériade, MoLyNeux, par une série de sondages pratiqués un peu partout, démontra que nulle part l'épaisseur de la nappe ne dépassait 120 à 156 pieds, soit 36,55 à 472,55. Le lieutenant Lyncx qui, l’année suivante, à la tête d'une mission américaine, accomplit exactement le même trajet que MoLyneux, descen- dant comme lui le Jourdain jusqu’à la mer Morte, ne fit que traverser le lac, de Tibériade à l'embouchure méridionale du fleuve, remettant à son retour les observations hydrographiques qu’il se proposait d’y faire (3). Ainsi qu'il arrive trop souvent, ces projets ne furent point mis à exécution, et l’expédition américaine repassa par le lac sans s’y arrêter. Dans sa relation, LyYNcH se borne à dire que la plus grande (1) Mozyneux : Expedilion to the Jordan and the Dead Sea (Journ. of the Roy. Geogr. Soc. of. London), vol. XVIII, part. 1, p, 104-130, 1848. (2) Lorrer a fait de nombreux dragages dans le lac de Tibériade, mais pas de sondages méthodiques à proprement parler. (3) Lyncu : Official report of the Uniled States’ Expedition lo explore the Dead Sea and the river Jordan, p. 15, Baltimore, 1852. Voy. aussi du même auteur : Narrative of the Uniled States’ Expedition to the river Jordan and the Dead Sea, p. 165, Londres, 1849. 262 TH. BARROIS profondeur connue du lac est de 27,5 brasses, soit 165 pieds (50,30). Ce nombre est évidemment inspiré des observations de MoLyNEux : seulement, par suite d’une erreur typographique, on a imprimé 165 au lieu de 156, intervertissant l’ordre des deux derniers chiffres. Quelques années plus tard paraissait la grande carte de VAN DE VELDE, (€ Map of the Holy Land » ; dans le lac de Tibériade figurait une série de quinze sondages variant de 10 brasses (60 pieds ou 18 mètres environ) à 26 brasses (156 pieds ou 47 mètres environ) ; ces sondages, nous dit Van DE VELDE lui-même (1), ont été reportés d’après MoLYNEUx. En face de la netteté de cette indication, en présence surtout du fait avéré que LYNCH n'a jamais donné le moindre coup de sonde dans le lac de Tibériade, on s'explique mal l'erreur dans laquelle est tombé MaAc-GreGor lorsqu'il écrit : « Ma carte VIT représente le lac de Tibériade, réduit par le pantographe à l'échelle d’un demi-pouce, d’après une photographie de la carte inédite de l'Ordnance Survey, dressée par Sir C. Wizson et le major ANDErRsoN en 1866... Les sondages sont en pieds, d’après Van pe VELDE, qui les a empruntés à Lynch (2). » MAc-GREGOR ne paraît pas très familiarisé avec les recherches biblio- graphiques, car, un peu plus loin (p. 369, note 2), il imprime tout au long que LyncH, malgré son désir, n’a pu opérer le moindre sondage dans le lac de Tibériade ! Il en dit du reste autant de Mozyneux (p. 422), qui, assure t-il, did not examine the lake, but passed at once southwards to begin the Jordan ! [Il est résulté naturellement de ces lectures mal digérées toute une série de confusions dont les extraits suivants pourront donner un exemple : Tantôt le lac aurait une profondeur de 156 pieds (carte n° VI, face à la page 338 ; c’est le chiffre de MoLyNEeux) ; Tantôt de 165 pieds (p. 369; c’est le chiffre de Lynca); Tantôt de 160 pieds (p. 423 ; ?) ; Tantôt enfin de 936 pieds (p. 363) ou de 156 brasses (p. 424), ce qui est la même chose. (4) Van DE VELDE : Memoir to accompany the map of the Holy Land, constructed by C. W. M. Van DE VELDE, p.39, Gotha, 1858. (2) Mac-Grecor : The Rob-Roy on the Jordan, 7° édition, p. 287. Londres, 1886. — Je n'ai pas vu l'édition princeps de ce livre ; la seule que j'ai eue entre les mains est la septième, datée de 1886 : c'est à elle que se rapporteront les numéros de pagination que j'indiquerai au cours de celte note. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 263 Ce dernier chiffre, si différent des autres, est donné seulement dans la septième édition de 1886 : nous en verrons plus loin l’origine et l'explication. En somme, aucun voyageur, depuis MoLyYNeux, n'avait exécuté le moindre sondage dans le lac de Tibériade, lorsque parut en 1883 l'excellent travail de LorTer (1), qui avait passé de longues journées sur cette belle nappe liquide, la parcourant et la draguant en tous sens pour en étudier la faune ichthyologique. Sans entreprendre de sondages à proprement parler, cet habile naturaliste, au cours de ses dragages, recueillit d’intéressantes observations sur la nature et la hauteur des fonds qu'il explorait : « La profondeur du lac, peu consi- dérable, n’est guère en moyenne que de 50 à 60 mètres ; cependant, vers le milieu du grand bassin nord, j'ai dragué plusieurs fois par des profondeurs de 250 mètres sans que la ligne ait éprouvé une dérive sensible. » Le passage de Mac-GREeGor dont j'ai parlé plus haut, basé sur une communication de M. ARMSTRONG, semblait venir à l'appui de cette assertion : the depth ascertained in 1886 is 936 feet (2). Aussi, avant mon départ pour la Syrie, avais-je été demander à M. Lorrer de plus amples renseignements sur l'emplacement exact de ces grands fonds, comptant les explorer au point de vue zoologique avec beaucoup de soin. D'après les indications que voulut bien me donner le savant doyen de la Faculté de médecine de Lyon, mes recherches devaient porter spécialement sur la partie septentrionale du bassin, au niveau du Ouady Semakh et en face de l'embouchure nord du Jourdain : c’est effectivement dans l’axe du fleuve que j'ai rencontré — d'accord avec MozyNeux — les profondeurs les plus considérables. Mais, malgré les tentatives les plus patientes, il me fut impossible de retrouver les abîmes signalés par LorTer ; en vain je parcourus en tous sens la boucle nord du lac, croisant et recroisant mes lignes de sondages, jamais le plomb n’accusa plus de 42 mètres. Ces sondages ont été exécutés suivant six axes principaux : 1° De Tibériade à l'embouchure nord du Jourdain ; 2% De Tibériade au Ouady Fik ; n (1) L. Lorrer: Poissons et Reptiles du lac de Tibériade (Archives du Mus. d'hist. nat. de Lyon, t. III, 1883). Une note préliminaire avait déjà paru en 1880 dans les Comptes- rendus de l'Académie des sciences de Paris. (2) Mac-GreGor: Loc. cil., p. 363. Voy. aussi la note au bas de la page. 264 TH. BARROIS 3° Du Hammam au Ouady Semakh ; 4 De l’embouchure nord à l’embouchure sud du Jourdain ; 5° De l’embouchure nord du Jourdain au Ouady Semakh ; 6° De l’embouchure nord du Jourdain au Ouady Fik. Je les ai reportés sur la carte ci-contre et qui est la reproduction réduite par la photographie (l’échelle étant donnée en mètres) de la carte n° 7 de MAc-GREGOR (1); quelques légères modifications dans les contours ont seules été opérées d’après les récents tracés de ScHUMACKER (The Jaulân, loc. cit.). L'examen de ce document démontrera, je pense, que des fonds de 250 mètres n’auraient guère pu échapper à mesinvestigations. Certes ces sondages n’ont point la valeur absolue qu'ils présenteraient s'ils avaient été conduits par un homme du métier, et je n'ai point relevé scientifiquement le point précis de chaque coup de ligne, mais J'ai opéré avec tout le soin possible, à l’aide de la boussole et du chronomètre (1). On remarquera d’ailleurs que presque toujours mes chiffres concordent avec ceux qui sont donnés, d’après MoLzyNEux et VAN DE VELDE, sur la carte de Mac-GREGOR, et qui sont indiqués en chiffres gras sur le présent croquis. En outre, mes résultats confirment absolument les dires des pêcheurs qui, en réponse à toutes mes demandes, n’ont cessé d'assurer que la profondeur maximale du lac ne dépassait pas une quarantaine de mètres, et qu'il fallait la chercher vers le milieu du lac, entre Tibériade et le Ouady Semakh. Avant de publier ces faits, Je tins à les soumettre à MM. ARMSTRONG et LORTET, insistant auprès du premier pour savoir à quelle source il avait puisé son information et priant le second de vouloir bien revoir ses notes de voyage. Avec la meilleure grâce, M. ARMSTRONG eut l’obligeance d'accéder à ma demande et voici ce qu’il m'écrivit fina- (1) J'ai également reporté les sondages de MozynEeux tels qu’ils figurent sur la carte de Mac-GREGOR; mais je crois bon de faire observer que ces sondages ont dû être pointés par l’auteur anglais d’une façon un peu arbitraire, car la configuration du lac sur la carte VAN DE VELDE (qui porta la première lesdits sondages) diffère notablement de ce qu'elle est sur la carte de Mac-GrEeGor, Surlout dans la partie méridionale du bassin. Malgré tout, ainsi que je le fais remarquer plus loin, les chiffres de MozyNeux, même sur la carte de Mac-GReGoR, concordent presque toujours avec les miens. (4) J'ai reporté sur la carte les points de sondage tels qu’ils résultent de mes calculs et sans. vouloir faire de corrections, mème légères; plusieurs pourtant s'imposent d’elles-mêmes, ainsi que le lecteur ne manquera pas de le voir, surtout dans le centre du bassin, quelques chiffres devant être déplacés légèrement dans un sens ou dans un autre. LA CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 265 lement: «Je vous suis fort obligé d’avoir appelé mon attention À O.Es- :7 Shoukerm CA sur les profondeurs du lac de Tibériade telles qu’elles figurent, p. 363, 266 l TH. BARROIS dans Rob-Roy on the Jordan. J'ai été trompé par un report mal fait, qui indiquait les sondages en brasses au lieu de les donner en pieds comme dans la carte VII du Zob-Roy, p. 338. De là l'erreur: la multi- plication de 156 par 6, pour obtenir la transformation des brasses en pieds, m'a en effet donné 936 pieds. Je regrette d’avoir provoqué ce malentendu et me propose d'en aviser les éditeurs pour qu'il dis- paraisse de la prochaine édition. » De ce côté, la question est complètement tirée au clair. Reste l'observation de LorTet, sur la valeur exacte de laquelle il est impossible de se prononcer. « Malgré ces quatorze années écoulées, m'écrit le savant professeur, Je me souviens très bien que ce coup de sonde, qui m'étonna si fort, a dû être donné tout près de l'endroit que je désigne par la lettre L sur votre croquis (1). Je ne lai mal- heureusement point vérifié; les vagues étant énormes, le vent très fort, nous avons été obligés de nous réfugier au Ouady Semakbh. Mais, je le répète, une seule observation, faite dans des conditions pareilles, ne saurait contredire vos mesures si nombreuses et si précises. » ( Évidemment, il n’y a rien d’impossible à ce qu’une sorte de souffre, très limité, se trouve au point indiqué par LorTer; tout récemment, M. l'ingénieur DELEBECQUE, qui s'occupe si activement de l’étude hydrographique de nos lacs français, à signalé un abîime de ce genre dans le lac d'Annecy (2); ce puits, nommé le Boubiôz, s'enfonce brusquement à plus de 80 mètres dans le sous-sol du lac, alors que les fonds avoisinants ne dépassent guère 20 à 30 mètres. Je pense toutefois que des observations plus précises seraient néces- saires pour confirmer l'existence d’une semblable particularité à Tibériade. D'une façon générale, nous pouvons affirmer que le lac de Tibériade n’est point un lac profond et que l’épaisseur de sa nappe liquide ne dépasse guère 40 à 45 mètres suivant les saisons, les variations mensuelles étant assez considérables par suite de l’évaporation fort active dans ce bassin surchauffé. Les plus grandes profondeurs s’observent dans l’axe du Jourdain et à peu près vers le méridien du lac; la côte orientale est plus accore, la beine y est moins éten- (t) Voy. la carte ci-dessus. (2) DezeBecque, Atlas des lacs francais : lac d'Annecy, levé en 1890. CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 267 due que sur l’autre rive, et l’on atteint assez vite des fonds de 25 à 30 mètres. L'étude du régime thermique du lac vient à l'appui de ce que m'ont démontré les sondages. On trouvera ci-dessous les résultats d'une série d’observations thermométriques pratiquées au moyen d’un thermomètre à renversement NEeGRETTI et ZAMBRA, dont la monture a été construite par DumaiGr, suivant le modèle adopté par M. Miexe- Epwarps sur le Travailleur et sur le Talisman, par S. A. le prince de Monaco sur l’Hirondelle. Ces résultats ont été condensés sous forme de tableau synoptique : 29 AVRIL EE 2e. a CR D... NS ie 10h.| 8h. . 1 8h. [9h.45|/$Sh. 45,9 h. 30! 9 h. | 8h. | 7 h. |S h.36| 10h. Imatin | matin in | matin|matin | matin| soir | soir [matin | matin|matin [matin 3 30 AVRIL 1° MAI 2 MAI 4 MAI ne | meer ms eme ra RER | CONS ESS Air àl’ombre24,5 [23° 23,5 124,5 [23°,75128,8 [210 12495 [25°,25|280 Surface. . .1210,25|21°,75 23 |23 [9% |26,25120,75/22°,5 [23,5 |24°,25/1 D Tor D YEN EN EEE 19,8 | — 120040] — [20,81 — 160,5 |16°,75 en POS — 15° = 45° = = 14,9 114,5 Plusieurs faits intéressants ressortent de l’examen de ce document : 4° La grande amplitude des variations des températures de surface dans une même journée, sous l'influence du soleil ardent de la Syrie ; ainsi, le 2 mai, la température à la surface était : de 23 degrés à 8 h. 45 du matin; de 26°,25 à 2 h. 30 du soir, et de 20°,75 à 9 h. du soir, soit un refroidissement de 6 degrés en six heures et demie, refroidissement parallèle à celui de l'air ambiant et provoqué par l’action d’une forte brise du nord-ouest (1). (1) Durant les quatre premiers jours de mon séjour à Tibériade, c'est-à-dire les 29 et 30 avril et les 1er et 2 mai, cette brise fraîche s’est régulièrement élevée entre trois et quatre heures de l’après-midi. Le bassin de Tibériade, très encaissé, est sujet à de subites et violentes tempêtes, à des sautes de vents brusques et dangereuses, surtout lorsque la brise vient du Nord ou du Sud, c'est-à-dire dans l'axe de ce long et étroit corridor. Les vagues sont énormes, le lac absolument démonté, et la navigation devient très dangereuse, surtout si l’on songe à l'armement tout à fait primitif des embarcations. 268 TH. BARROIS 2% L'épaisseur relativement peu considérable de la zone soumise aux variations diurnes, soit à peine une quinzaine de mètres, pas plus que dans le lac de Genève, où la température moyenne de l'air ambiant est cependant notablement plus basse (1). Aïnsi, à Tibériade, la température de l’eau, qui est de 19,8 à 20°,8 par dix mètres de profondeur, tombe rapidement au chiffre de 16°,5 à 17,25 par quinze mètres de profondeur. 30 La température uniforme (15 degrés) des couches profondes, entre vingt et quarante mètres; ce n’est qu’aux environs de ce dernier niveau que le thermomètre accuse une légère diminution d’un demi- degré, soit 1405. Ce dernier fait mérite de nous arrêter un instant ; FoREL a démontré que, si on laisse de côté les chiffres de la couche supérieure de dix mètres d'épaisseur qui est influencée par la température de l’air ambiant, on constate que l’eau des couches profondes s’échauffe beaucoup plus vite dans les lacs peu profonds (2). Or, si nous comparons nos résultats avec ceux qu'a obtenus le savant professeur, nous verrons que le chiffre de 14,5 pour un niveau de quarante mètres est de beaucoup supérieur au chiffre moyen observé dans les lacs suisses, chiffre qui oscillait, durant l’été de 1880 par exemple, entre 50,2 et S degrés. Cette dernière température a été relevée dans le lac de Morat, celui qui, au point de vue de la profondeur (48 mètres), se rapproche le plus du lac de Tibériade. Le tableau ci-dessous fera mieux ressortir les faits: TIBÉRIADE = 42 m.l MoraT = 48 m. | Zurica = 143 m. (Mai) (Août) (Août) 220 8 19,1 19,7 21°,75 18,8 20°,3 18° 16°,8 10°,8 15° 9,6 13° 8,9 15° 8,3 14,5 8° (1) Forez : loc. cit. p. 16. (2) Forez, loc. cit., p. 23. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 269 Enfin, un dernier tableau permettra de comparer les chiffres pour une température de surface à peu près égale des deux parts : TIBÉRIADE = 42 m. LÉMAN = 334 m. (Août) IL est évident — ce que nous avons dit du lac de Morat le démontre assez — que la différence de profondeur entre ces deux bassins ne suffit point à expliquer la divergence d'environ 7 degrés que nous constatons entre la température des eaux du lac de Tibériade et celle des eaux du Léman au niveau de 40 mètres. Un certain nombre de facteurs entrent en jeu pour provoquer cette divergence : 1° La latitude, beaucoup plus méridionale à Tibériade, ce qui fait que sa température moyenne est notablement supérieure à celle de Genève, par exemple ; 2 L’altitude : le Léman est à +375 mètres, le lac de Génézareth à — 208 mètres ; on sait la chaleur étouffante qui règne dans la profonde fissure du Ghôr, non seulement à Tibériade, mais plus encore peut-être à Houleh, dont l'altitude est cependant notablement supérieure (+ 2%15 d’après la Palestine Exploration Fund) : notre compa- triote, M. Desxays, chef des cultures de la colonie juive de Jessod-Hamaïla récemment installée sur la rive occidentale du lac de Hoüleh, m'a assuré qu’en été le thermomètre s'élevait fréquemment au-dessus de 50 degrés et que plusieurs fois il avait constaté des températures de 55 degrés. Aussi l’eau du Jourdain, après s'être échauffée fortement dans ce réservoir surperficiel (4 à 5 mètres de profondeur tout au plus) arrive-t-elle dans le lac de Tibériade à une température beaucoup plus élevée que celle du Rhône à son entrée dans le Léman (1) ; (4) D’après Forez (loc. cil., p. 30, en note), les eaux du Rhône ont, en été, une tempé- rature qui varie de 6 degrés à 11 degrés, pendant que ia couche supérieure du lac est entre 15 et 25 degrés. 270 TH. BARROIS 3° Le déversement continu dans le lac de Tibériade d’une série de sources thermales, dont les principales sont : Hammâm d’Emmaüs à 62 degrés (ANDERSON) ; Aïn-Tabigah à 32 degrés (LoRTET) ; Aïn-et-Tineh à 25 degrés (BarRoïs). D’autres, nous l’avons vu plus haut, doivent certainement sourdre dans le lac même (1). En résumé ces observations thermométriques, si incomplètes qu’elles soient, viennent confirmer ce que les sondages avaient déjà démontré, à savoir que les allures générales du lac de Tibériade sont celles d’un lac peu profond, dont l’étiage maximal ne dépasse guère 40 à 45 mètres. S'il existe, en face du Ouady Semakh — au point indiqué par LORTET — un abîime de 250 mètres de profondeur, ce ne peut être qu’une étroite cheminée, aux parois abruptes. La question, Je le répète, est maintenant nettement posée, elle ne peut manquer d'être bientôt résolue. Comme la totalité du Ghôr, le lac de Tibériade est creusé dans le calcaire crétacé, mais des phénomènes intenses de plutonisme ont profondément modifié cette région (2). Presque toute la rive gauche a été envahie par le puissant massif volcanique du Jaulân et, sur la rive droite, le tiers Nord-Ouest disparaît sous les masses basaltiques du Djébel Safed : en face de: Tibériade même s’observe une large coulée qui descend des Cornes de Hattin. D'une façon générale, la côte occidentale est beaucoup plus accore que l’autre, et fréquemment les roches s’avancent en falaise jusque sur le bord'de la rive ; il faut toutefois faire exception pour la plaine basse de Génézareth (El-Ghoueir, le petit Ghôr, comme l’appellent les Arabes), qui s'étend au Nord- Ouest du lac. La côte orientale, au contraire, est bordée presque par- tout d’une plaine fertile d'environ 800 mètres de large, au-delà de laquelle commencent seulement les montagnes du Jaulân. De chaque côté de l’embouchure Nord du Jourdain, mais principalement à gauche, s'étendent de vastes lagunes, tapissées de Nénuphars, dans (1) L'apport tiède de ces sources peut évidemment modifier beaucoup la température propre d’un lac. C’est ainsi que, dans le lac d'Annecy, une source réchauffante jaillit au fond du Boubiôz, ce gouffre dont j'ai parlé déjà ; M. l'ingénieur DELEBECQUE, qui a signalé tous ces faits, rapporte que, au fond de cet entonnoir, la température était de 12° en février 1891, alors que la surface du lac était gelée, et que, partout ailleurs, dans les grands fonds, la température n’atteignait pas 4°. (2) LaRTET : Géologie de la Palestine, passim et surtout PI. I. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 271 lésquelles abondent les Tortues (1), les Crapauds les Grenouilles, les Poissons et les Gastéropodes du lac; des milliers de buissons de Lauriers-Roses en fleurs, au-dessus desquels s’agite tout un peuple d'oiseaux aux brillantes couleurs, Rolliers et Guêpiers, forment à ce paysage un fond charmant que domine au loin la haute cime neigeuse de l’Hermon. De capricieuses Libellules aux larges ailes tachées de fauve (Æschna rufescens VAN DER LiNDEN) voltigent en saccades au-dessus du fleuve, tandis que de- grands Martins-Pêcheurs noirs et blancs (Ceryle rudis L.), se laissant tomber avec la rapidité de la flèche sur l’abondante proie qui s'offre à leur choix, font rejaillir autour d'eux l’eau en gouttelettes brillantes. C’est la plume d’un poète qu'il faudrait ici, et non celle d’un naturaliste......... Sur la rive droite se trouve un petit étang, le birket Abou-Zeineh ; l’eau en est saumâtre ; j'y ai rencontré en abondance des Cladocères, des Ostracodes et surtout le Diaptomus salinus Dapay que j'avais recueilli déjà à Tourrah (Egypte) et qu'on a signalé aussi en Hongrie, en Allemagne et en Algérie, toujours dans des eaux plus ou moins salées. A son embouchure méridionale, le Jourdain forme également quelques lagunes, tapissées, au moment de mon passage, d’une épaisse nappe de Renoncules en fleurs (Ranunculus aquatilis L.); entre autres animaux intéressants, j'y ai recueilli en grande quantité l’'Hemicaridina Desmaresti Mizzer. Cette jolie Salicoque existe aussi, comme je m'en suis assuré, dans le lac de Hoüleh et dans leJourdain, en amont du lac, mais c’est par exception que je l’ai rencontrée dans le lac lui-même, à deux reprises seulement, et tout à l’embou- chure Sud du fleuve. Les grèves, comme l’a déjà fait remarquer Lorrer, sont presque uniformément recouvertes d’un fin gravier, formé de petits fragments de calcaire, de basalte, de silex roulés, polis par le mouvement des vagues et mêlés à d'innombrables coquilles mortes appartenant aux genres Theodoxia, Melanopsis, Melania, Cyrena et Unio. Les Melanopsis et les Theodoria surtout sont parfois en si grande abondance qu’elles constituent pour ainsi dire à elles seules le sol de la grève. On n’en est pas étonné lorsqu'on a vu en maints endroits les pierres du bord disparaître littéralement sous un manteau vivant de ces Gasté- ropodes. (4) Beaucoup d’entre elles portaient une petite Hirudinée, Placobdella carinata Dresix. 272 TH. BARROIS Le sous-sol du lac est formé d’un fin limon argileux, d’un gris bleuâtre, doux au toucher en raison de la ténuité des particules qui le constituent (4); une mince couche de feutre organique (2), d’une couleur brun pain d'épice, le recouvre à sa surface. Il correspond parfaitement à ce que Forez a appelé le faciès limoneux du sol marneux-argileux, communément répandu dans tous les grands lacs subalpins (Léman, Constance, Zurich, etc.). Ce limon renferme un grand nombre de Diatomées, dont la liste à été donnée par LorTer (3). En face de l'embouchure nord du Jourdain, dans ce qu’on pourrait appeler le delta, par 15 à 18 mètres de profondeur, cette vase est plus graveleuse et plus grossière, d’une couleur jaunâtre, en raison des apports limoneux du fleuve. Le long des rives, la beine est formée de gravier, de coquilles roulées, de gros galets, de roches plus ou moins volumineuses jusque vers la profondeur de 8 à 10 mètres (4); la drague, dans les fonds de 5 mètres, s’accrochait presque aussitôt et rendait tout travail impossible. Une fois le niveau de 8-10 mètres dépassé, j'ai toujours rencontré, dans les nombreux points du lac que j'ai explorés, la même vase argileuse gris-bleuâtre dont je viens de parler. Nos connaissances zoologiques sur la faune du lac de Tibériade étaient jusqu’à ce jour presque uniquement restreintes aux Vertébrés et aux Mollusques; avant d'entrer dans le détail de mes recherches, je prendrai la liberté de résumer rapidement les travaux de mes devanciers. Deux tortues ont été signalées sur les rives ou dans les eaux du lac ; la première, l’Emys caspica Scaweic., celle qu’on retrouve partout en Syrie, est très répandue surtout aux environs des sources et des lagunes ; la seconde, Cistudo europæa Gray, a été vue plusieurs fois par LorTET, marchant sur la vase du fond (5). Notre savant collègue de Lyon, durant son séjour dans le bassin (4) Lonrter (La Syrie d'aujourd'hui, page 506) assure que « ce sédiment constitue une terre à poterie excellente, ainsi qu'il a pu s’en assurer. » Forez a fait la même remarque pour l'argile du Léman. (2) Forez: loc. cit., p. 100. (3) LonrTer: Poissons et Reptiles du lac de Tibériade, etc., p. 93-94. (4) Ceci s'accorde entièrement avec ce que dit Forez (loc. cit., p. 64): « Le limon à grains impalpables commence à régner dès la limite de l'action des vagues, soit vers 10 mètres de fond. » (5) TrisrraM la mentionne également à Tibériade et à Houleb. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 273 * _de Tibériade, s'était surtout donné pour mission l'étude approfo_ ïe de la faune ichthyologique, qui avait été déjà esquissée en partie par GunTHER d’après les matériaux rapportés par plusieurs voyageurs et en particulier par le Rév. TrisrraM. Aussi peut-on affirmer que maintenant les poissons de Tibériade sont bien connus; en voici l’énumération, dressée d’après les listes combinées de LoRTET et de TRISTRAM (1): Blennius varus Risso. Capoeta Sauvagei LORTET. Bl. lupulus Boxae. C. Syriaca GUNTHER. Chromis Tiberiadis LORTET. C. socialis HECKEL. Chr. niloticus HASSELQUIST. C. damascina GUNTHER Chr. microstomus LorTer. Barbus canis Cuv. et VAL. Chr. Andreae GUNTHER. B. Beddomi GUNTHER. Chr. Simonis GUNTHER. B. longiceps Cuv. et VAL. Chr. Magdalenæ YorTET. Phoxinellus Zeregi HeckeL. Hemichromis sacra GUNTHER. Alburnus Sellal HEckEL. Clarias macracanthus GUNTHER. Nemachilus Leontinæ EoRTET. Discognatus lamta GUNTHER. N. Galilæus GUNTHER. Les Mollusques rapportés de Syrie par le Professeur LoRTET ont été étudiés par M. Locarp (2) ; le Rév. TRisSTRAM à également résumé dans son grand ouvrage toutes nos connaissances sur la conchylio- logie de la Palestine, en y adjoigrant le fruit de ses propres obser- vations. Je donne ci-dessous la liste des Mollusques de Tibériade telle qu’elle résulte des recherches de ces deux zoologistes : Gastéropodes. — Melania tuberculata MuiLer. Melania. Rothiana MoussoN (3). (4) Trisrram: Fauna and Flora of Palestine, p. 162-177. Londres, 188%. (2) A. Locarp : Malacologie des lacs de Tibériade, d'Antioche et de Homs. Arch. du Mus d’hist. nat. de Lyon, t. INT, p, 195. 1883. (3) TrisrTRaM n'accepte qu'avec doute cette espèce, qu'il considère plutôt comme une forme allongée de M. tuberculata; c'est aussi l'avis de M. DauTzeNBEeRG. Voici ce que dit Locarp à ce sujet : « MM. Moussox et TrisrrAM déclarent tous deux n'avoir point rencontré de sujets vivants, et dès lors ils expriment la possibilité de la subfossilisation de cette espèce qui aurait disparu de nos jours. M. le docteur LorTET n'a pas, il est vrai, retrouvé le Melania Rothania, mais il n'admet point cette idée de subfossilisation, Pour lui cette espèce comme la précédente (H. costata) vit localisée sur un ou plusieurs points donnés du lac, et c'est par le dragage qu’il faut espérer la récolter ». Je partage tout-à-fait l'avis de LorTET, car les Melania ne vivent que dans les fonds supérieurs à une dizaine de mètres au moins, mais s'en suit-il que l’espèce soit bonne ? Je ne l'ai pas rencontrée non plus. 18 274 TH. BARROIS Theodorica Jordani Roru. Melanopsis costata OLxrvier. Th. Michoni BourG (1). M. Jordanica Rorx (2). Melanopsis prœmorsa L. Mes recherches ont augmenté cette liste de trois autres espèces : Bithinia badiella Caarr., que j'ai recueillie sous les pierres de la rive, en particulier en face de Tell-Houm (Capharnaum); Valvata Saulcyi BourG., dont quelques individus ont été ramenés par la drague de fonds de 20 à 25 mètres; enfin une nouvelle espèce de Pyrgqula, draguée dans les mêmes conditions et qui sera prochainement décrite sous le nom de P. Barroisi par M. DAUTZENBERG, à la compétence duquel j'ai eu recours pour l'examen de mes récoltes malacologiques. Au point de vue de la distribution bathymétrique de ces Mollusques, il faut noter que la plupart d’entre eux sont des habitants de la zone littorale, à savoir Melanopsis præmorsa L. Theodoxia Jordani Rora. M. costalta OLIVIER. 9? Th. Michoni Bourc. M. Jordanica Roru. Bithinia badiella Cnare. La Valvata Saulcyi habite les fonds vaseux, qu’elle ne rencontre guère avant une dizaine de mètres; je l'ai recueillie jusqu’à une profondeur de 25 mètres, en compagnie de Welania tuberculata qui, depuis 10-12 mètres, descend jusqu'à 42 mètres, profondeur maximale du lac d’après mes sondages. Ni la Valvata Saulcyi, ni la Melania tuberculata ne sauraient d’ailleurs être regardés comme des repré- sentants réels de la faune profonde, puisque la première espèce est commune à Yamoüneh (par 12 mètres) et même dans de simples marécages superficiels (Damas), et que j'ai recueilli la seconde dans la source sulfureuse Ephéca, à Palmyre, sous moins d’un mètre d’eau (3) ; et pourtant, fait bizarre, à Tibériade je ne Pai jamais observée vivante (1) Lorrer seul, d’après Locarp (Loc. cil., p. 233), a rapporté quelques exemplaires de ce Mollusque,lors de. son premier voyage seulement ; TrisrRaM ne l’a jamais trouvé à Tibé- riade et moi pas davantage. (2) TrisrraM (loc. cit., p. 199) assure que cette espèce, du moins à l’état vivant, ne dépasse jamais au nord le lac de Galilée, point à partir duquel elle est remplacée par le Melanopsis costata pour laquelle ce même lac est la limite méridionale. (3) « Le Melania tuberculata est très communément répandu dans tout le nord de l'Afrique ; il vit dans des conditions d'habitat très différentes. On l’a récolté dans des ruisseaux aux eaux pures, fraiches et courantes, dans des sources, des mares, et des marécages et jusque dans les schotts. Au pied du rocher de Constantine, en Algérie, on le trouve dans des sources thermales à 32° centigrades. » Locanrp, loc. cit., p. 226. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 275 ni sous les pierres de la beine, ni dans les nombreuses sources voisines de la rive. Lamellibranches. — Unio Simonis TRISTRAM (1). Unio Jordanicus BourG. U. Rothi BourG. U. genezarethanus LETOURNEUX. U. Galilæi Locarp. U. Lorteti Locarp. U. Raymondi BourG. U. Tiberiadensis LETOURNEUX. U. Tristrami LocaRD. U. terminalis BourG (2). U. Pietri LocaRp. U. prosacrus BourG. U. ellipsoideus BourG. U. Zabulonicus BourG. Corbicula fluminalis MüLLer. Corbicula syriaca BourG. Quatorze espèces d’'Unios, sans compter quatre ou cinq autres qui ont été signalées dans le Jourdain et qu’on ne manquera pas de retrouver un jour ou l’autre dans le lac! Ce chiffre m'avait toujours paru invraisemblable (comme celui des 11 Limnées du lac de Homs), et connaissant la tendance d’un grand nombre de malacologistes à instituer des espèces nouvelles pour toutes les variétés qu'ils rencontrent — or Dieu sait si les Naïades sont polymorphes et variables dans leur galbe, leur taille, l'épaisseur de leur coquille, le brillant de leur épiderme et la coloration de leur nacre, — j'avais recueilli à Tibériade de nombreux matériaux dans le but de permettre une révision critique de toutes ces espèces. Malheureusement la caisse qui les contenait à été égarée. Je tiens pourtant à dire, après avoir eu entre les mains plusieurs centaines de ces Naïades, qu’on à certainement trop multiplié les espèces et qu'il existe entre beaucoup des formes décrites d'insensibles types de passage. TriSTRAM émet d’ailleurs timidement un avis qui vient à l'appui de cette manière de voir : « l’Unio jordanicus BourG. semble être seulement une variété plus mince et plus courte d’Unio terminalis BourG. ; j'ai vu tant de spécimens inter- médiaires qu'il paraît impossible de séparer ces deux formes. L'Unio terminalis semble aussi être identique à l'U. dignatus Lea, du Tigre, comme j'ai pu en juger d’après la comparaison avec des spécimens types (3) ». Il faut espérer qu’un voyageur plus heureux rapportera (1) D’après TrRisrRam; Locarp croit que cette espèce ne se trouve que dans le Jourdain, car il ne l’a pas reconnue parmi les Naïades récoltées dans les eaux du lac par LORTET. (2) C’est, d’après TRisTRAM, la forme la plus commune du lac. (3) TrisTRam: loc. cit. p. 201. 276 TH. BARROIS quelque jour des documents qui permettront de trancher la question, car une sérieuse révision s'impose (1). Reste un autre point, plus intéressant encore. On sait qu’en général les Naïades vivent de préférence dans les eaux peu profondes ; ainsi, dans le Léman, Forez a rencontré Anodonta anatina, A. Pictetiana, A. cygnaea, A. cellensis dans la vase ou le limon de la zone littorale, rarement dans le sable pur de la beine, mais jamais dans ce qu'il appelle la zone profonde du lac (2) : « Je n’ai jamais trouvé dans mes dragages profonds du Léman, une Anodonte vivante, ni une valve, ni même un fragment de valve, quelque petit soit-il, d’Anodonte morte. Ni AsPper ni moi n'avons vu trace d’une Anodonte dans la région profonde des autres lacs subalpins (3) ». Forez s’étonnait même de cette absence, insistant sur ce fait que « les Naïades sont des animaux limicoles, qui trouveraient dans la région profonde des conditions de sol identiques à celles des fonds vaseux qu’elles affec- tiennent )». (1) La plupart de ces espèces sont établies sur des caractères morphologiques exté- rieurs, éminemment variables, sans jamais tenir compte de la structure propre de l’animal lui-même. On ne saurait trop méditer à cet égard les sages observations de CLessin (Die Mollusken der Tiefenfauna unserer Alpenseen. Malakozool. Blätter, Bd. XXIV, p. 162, 1878) qui ont été traduites et reproduites par FoREL dans son beau livre sur le Léman (/oc. cil., p. 83-84) et dont nous donnons ici un extrait : « Chez les Mollusques lacustres on recon- naît une variabilité très étendue entre les divers individus d’une même espèce, variabilité qui n’est représentée dans aucun autre milieu habité par les mêmes animaux. L’on sait que les coquilles des mollusques aquatiques présentent en général une très grande variabilité, des variations considérables, des variétés en nombre presque illimité, dans les diverses localités où ces animaux sont soumis à des conditions différentes. Mais dans ce groupe des Mollusques aquatiques, nulle part la variation n’est poussée aussi loin que dans les formes lacustres proprement dites.... « 11 n’y a aucun doute que les diverses formes lacustres se soient différenciées par adap- tation au milieu. Mais sous ce rapport chaque lac conserve un caractère spécial: je pourrais à peine citer un lac, parmi ceux que j'ai explorés, dont toutes les variétés de Mollusques coincident avec celles d’un autre lac. Dans chaque lac je trouve une ou plusieurs variétés spéciales, en général au moins une Anodonte et une Limnée. Ces formes sont représentées ordinairement par un nombre considérable d'individus. Aussi, pour comprendre les carac- tères morphologiques des diverses variétés, il ne suffit pas de considérer seulement les conditions générales du milieu lacustre ; il y a lieu de tenir aussi compte des conditions spéciales de chaque lac et même de chaque station. » Et se basant sur ces principes, CLESSsIN ne reconnaît dans toutes nos Anodontes euro- péennes que deux espèces, 4. mutabilis CLessin et 4. complanala Z1eGLER. (2) ForEL a nettement défini ce qu’il entend par ces termes : « C’est à la limite de la vie végétale que je placerai la limite inférieure de la région littorale et la limite supé- rieure de la région profonde. Nous verrons cette limite être dans nos lacs à 25 mètres environ. Telle sera pour nous la limite de la région profonde. » Loc, cit., p. 67. (3) Forez : loc. cit., p. 206. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 271 BRANDT avait observé le même fait dans son exploration de deux lacs d'Arménie, région relativement assez proche de celle que nous étudions en ce moment ; l’un de ces lacs, le Goktschaï, situé à 1930 mètres au-dessus du niveau de la mer, mesure environ 75 kilomètres de long sur 35 kilomètres de large ; sa profondeur maximale est de 110 mètres. À part une espèce de Pisidium, abondant dans les grands fonds, BRANDT n’y a trouvé aucun Bivalve. Dans le second lac, au contraire, le Tshaldyr, le naturaliste rencontra une Naïade, l’Anodonta ponderosa, mais ce lac était bien plutôt un grand marais, profond à peine de 11 mètres, quoique long de 25 kilomètres et large de 15 kilomètres (1). Il en est tout autrement à Tibériade. Si les Unios m'ont surtout paru communes dans le Jourdain même, à son embouchure nord (2), ainsi qu’au bas du talus formé par les alluvions du fleuve, sorte de delta dont j'ai déjà parlé, elles n’en sont pas moins répandues dans toute l'étendue du lac, partout où il y a des fonds vaseux, naturellement. Devant la ville, par exemple, en plein lac, par des profondeurs de 15, 20, 30 et 40 mètres, j'ai dragué régu- lièrement ces Lamellibranches. Il m'a semblé pourtant qu'à partir de 30 mètres leur nombre diminuait progressivement ; par les fonds de 40 mètres, l’appareil, après avoir fonctionné une vingtaine de minutes, ne remontait guère que 8 à 10 individus, tandis qu’il m’en remontait parfois une soixantaine par des fonds de 20-25 mètres, et pour le même laps de temps. C'est donc un fait bien établi, LorTer d’ailleurs l’avait déjà démontré: à Tibériade, les Naïades, contrairement à ce qui se passe dans les autres lacs, font partié de la faune profonde, ou, pour mieux dire, ces formes habituelle- ment littorales ne peuvent vivre ici dans leur habitat ordinaire puisque la beine est graveleuse et pierreuse ; c’est seulement à partir d’une dizaine de mètres qu’elles rencontrent des conditions de milieu favorables à leur existence, qui leur permettent de s'étendre considérablement en profondeur. Reste à déterminer exactement quelles sont ces conditions favorables. C’est ce que nul ne saurait dire «a priori. Peut-être faut-il invoquer la tem- pérature relativement élevée de la nappe profonde du lag? Ou (1) Az. BranpT: Von den armenischen Alpenseen. Zool. Anz., Jahrg. II, 1879, p. 522 et Jahrg. III, 1880, p. 111. (2) A l'embouchure sud, au contraire, la beïine est caillouteuse et n'offre point un habitat favorable aux Naïades. 278 TH. BARROIS bien encore la forte teneur en sels calcaires des eaux de Tibériade ? Ce ne sont là que de pures hypothèses et des recherches expéri- mentales pourraient seules trancher la question. Deux Corbicules, nous l'avons vu, ont été signalées dans le limon de la mer de Galilée par les auteurs ; je n’en ai rencontré qu'une, Corbicula fluminalis Müzzer (forme haute); la seconde, C. syriaca BourG. (forme large), est d’ailleurs assez rare si l’on en croit TRISTRAM, qui la signale au contraire très abondante dans le lac de Homs où, d’après Locarp, M. CHANTRE n'aurait recueilli que cette espèce, à l'exclusion du C. fluminulis. Lors de mes recherches sur le lac de Homs, j'ai en effet observé des Corbicules par milliers, qu'un pêcheur, dans l’eau jusqu'à la ceinture, me rapportait à pleine poignées ; or, de nom- breux échantillons, pris au hasard, ont été soumis à M. DAUTZENBERG qui les a identifiés, sans exception, à la Corbicula fluminalis MüLLer.….. Ce qui laisse à penser qu'une révision des Corbicules de Syrie serait également désirable ! Dans les dernières pages de sa belle Monographie des Poissons et Reptiles du lac de Tibériade, le professeur EorTET nous à donné quelques renseignements sur la distribution géographique en Syrie du Telphusa fluviatilis BeLON, auxquels il a joint une brève description d’une espèce nouvelle d'Orchestie (Orchestia Tiberiadis LorTer) commune sur la grève du lac et sur laquelle nous reviendrons dans un instant. Enfin, tout récemment, Rosa à donné la diagnose d’une nouvelle forme de Lombricien (4llobophora byblica Rosa) qui avait été recueillie par le D' Fesra sous les pierres humides de la rive (1). Je pense avoir ainsi dressé le bilan de nos connaissances zoologiques sur ce beau lac, tel qu’il était au moment où J’entrepris mes recherches. C'est assez dire que nous ignorions tout du Plankton et, d’une façon générale, de la faune des animaux inférieurs; J'espère démontrer que mes observations auront en grande partie comblé cette lacune, sans toutefois nier qu'il reste encore beaucoup à faire pour connaître complètement l’histoire naturelle de ce curieux bassin. Bien des groupes doivent être étudiés sur place : Infusoires, Flagellates, Rotifères, Oligo- chètes limicoles, qui ne supportent guère la conservation dans l’alcool et surtout le voyage à dos de mulet durant de longues semaines. (1) D. Rosa: Viaggio del D. E. Festa in Palestina, nel Libano e regioni vicine. II Lumbricidi. Bollett. dei Musei di Zool. ed Anat. Compar. delle R. Univers. di Torino, vol, VIII, no 160, octobre 1893, CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 279 Dans les roselières qui bordent en quelques points les rives du lac, la faune est celle qu'on rencontre habituellement dans toute la Syrie aux abords des eaux courantes ou stagnantes : des Telphuses (Telphusa fluviatilis BeLon), des Tortues (Emys caspica ScaweIG.), des Grenouilles (Rana esculenta L.) et des Crapauds (Bufo vulgaris LauR.), sans compter les oiseaux aquatiques dont on trouvera l’énumération dans louvrage de TrisrraM (1). Les souches immergées disparaissent parfois presque entièrement sous une épaisse couche de ces Melanopsis et de ces Théodoxies que nous retrouverons tout à l'heure. Les graviers humides des grèves donnent asile à toute une popu- lation sautante d’Orchesties, au milieu desquelles courent avec rapidité de nombreuses petites Araignées (Oryopes obtabilis CamBr.). Ces Orchesties appartiennent à deux espèces distinctes : Orchestia Bottæ CzerNiawskti et Orchestia crassicornis CosraA (= incisimana CHEVREUX;. C’est cette dernière forme, très reconnaissable de la précédente parce que ,l’angle du 2 gnathopode chez le d ne porte point d'ergot sur son bord interne, que LorTET à décrite comme nouvelle sous le nom . d'Orchestia Tiberiadis. Sous les pierres immergées abondent les Gammarus (G. Veneris Hezzer), les Bryozoaires (2), l’'Allobophora byblica Rosa, auxquels se mêlent parfois quelques Aselles, appartenant à une espèce nou- velle (Aseilus coxalis DoLLFus) qui parait remplacer en Syrie notre Asellus aquaticus L. Cette zone, tout à fait littorale, est l'habitat préféré des Gastéropodes, qu'on y trouve en extraordinaire abondance; ce sont : Melanopsis costata OLIVIER (3). Theodoxia Jordani Rorx. M. Jordanica Rorx. Bithinia badiella Caarp. M. prœæmorsa L. Les Gammarus descendent jusqu'à la limite des fonds vaseux, mais les Gastéropodes ne m'ont point paru s’écarter beaucoup de la rive, ni dépasser communément les fonds de quatre à cinq mètres; au- delà ils sont rares. (1) Parmi les hôtes les plus intéressants du lac,.je mentionnerai particulièrement le Pélican, dont j'ai presque chaque jour rencontré une nombreuse colonie sur les bords des lagunes d’El-Batihah, à l'extrémité Nord-Est du lac. (2) Communs surtout sur la côte de Tell-Houm (Capharnaum). (3) D'après LorTEer et TRrisrRAM ; en dehors de M. prœæmorsa, toutes les melanopsis que j'ai rapportées de Tibériade étaient des M. jordanicu. 280 TH. BARROIS J’ai été assez étonné de ne point retrouver dans cette zone certaines formes que j'ai recueillies en abondance dans le Jourdain, au gué de Et-Tell, et en particulier : Dina Blaisei R. BLANCHARD. Gyrinus Suffriani SCRIBA. Cœlostoma minor Suar. Philhydrus ater KUWERT. Dryops (Parnus) puberulus Rec. Helophorus granularis L. Melanopsis Chantrei LocaRD var. Planorbis hebraicus Bourc. Limnæa ovata Drap. Pseudamnicola Gaillardoti Bourc. Theodoxia anatolica REcLUz. Allurus Ninnii Rosa. Quelle est, au-dessous de cette bordure littorale, la faune des fonds pierreux dont nous venons de parler ? C'est ce que vont nous apprendre les feuilles de dragage que nous reproduisons ci-dessous, dragages exécutés en face de l’embou- chure méridionale de Jourdain, à quelques centaines de mètres de la rive DRAGAGE V. Profondeur : 8 mètres. Fond : galets et coquilles roulées. Température extérieure : 23075. Température de la surface : 23° Décapodes. — Hemicaridina Desmaresti MiLLET. Amphipodes. — Gammarus Veneris HELLER. Hydrachnides. — Atar crassipes O.-F. MULLER. Nématodes. — Dorylaimus sp. Spongiaires. — Potamolepis Barroisi ToPsENT. DRAGAGE VI. Profondeur : 5 m. Fond : galets et coquilles roulées; un peu de limon jaunâtre. Températures : comme ci-dessus. Insectes. —- Corixa sp. (larves). Amphipodes.— Gammarus Veneris HELLER. CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 281 Ostracodes. — Limnicythere Tiberiadis Monuez (1). Nématodes. — Dorylaimus sp. Spongiaires. — Potamolepis Barroisi TOPsENT. DRAGAGE VII. Profondeur : 5 m. Fond: galets et coquilles roulées en extrême abondance. Températures : Comme ci-dessus. Insectes. — _ Corira sp. (larves). Décapodes. — Hemicaridina Desmaresti Mizzer. Un seul exemplaire. Amphipodes. — Gammarus Veneris HELLER. Ostracodes. — Limnicythere Tiberiadis Montrez. Nématodes. Dorylaimus sp. Turbellariés. Vortex (?) blanchâtre. Spongiaires. Potamolepis Barroisi ToPsENT. Le fait le plus intéressant que nous ayons à noter est certai- nement la présence dans ces fonds (je ne l'ai jamais draguée ailleurs qu'en ce point) d’une éponge nouvelle, la Potamolepis Barroisi, récemment décrite par TopsenT (2), qui forme autour des galets des colonies d’un beau vert-pré, pouvant atteindre parfois la grosseur du poing (3). Comme les Papyrus, comme les Chromis, c'est surtout une forme africaine, car, d'après ToPsent, elle se rapprocheraïit particulièrement des Potamolepis des eaux douces du Congo. La présence de quelques très rares Hémicaridines est aussi à signaler ; bien que mes pêches et mes dragages aient été extrème- ment nombreux, C’est seulement en face de l'embouchure méridio- pale du Jourdain que j'ai constaté la présence de deux ou trois exemplaires de ce Crustacé, qui ne semble pas du tout se plaire dans le lac. Il est pourtant commun dans le Jourdain, ainsi que j'ai pu m'en assurer, soit en amont, soit en aval du lac de Tibériade. (1) Cette nouvelle espèce sera prochainement décrite par le Prof. Moniez. (2) ToPpseNT : Sur une Éponge du lac de Tibériade, Potamolepis Barroisi nov. sp. Rev. biol. du Nord de la France, V, p. 85, 1892-93. (3) C'est évidemment à notre espèce qu’il faut rapporter les spicules signalés par M. Brun dans les vases de Tibériade qui lui avaient été soumises par LoRTET pour en étudier les Desmidiées. 282 TH. BARROIS Ainsi que Forez l’a très justement fait remarquer, lès Poissons n’appartiennent pas plus à la faune littorale qu’à la faune pélagique ou à la faune profonde, car leur extrême mobilité leur permet de passer aisément d’une zone dans l’autre ; toutefois ils paraissent surtout abon- dants le long des rives, particulièrement aux abords des sources et surtout aux deux embouchures du fleuve, C’est là qu’opèrent presque toujours les pêcheurs du lac ; depuis l’époque où Lorrer fit son voyage, le mode de pêche s’est perfectionné: concurremment avec l’épervier, qui, seul, paraît-il, était employé à ce moment, les mariniers de Tibériade (1) usent maintenant d’une sorte de senne traînante à l’aide de laquelle ils remplissent leurs barques en un instant. J’ai déjà donné la liste des Poissons du lac, d’après TrisTRAM et LoRTET, je ne m'y arrêterai donc plus. La faune des fonds vaseux est toute différente de celle que nous avons étudiée plus haut; presque partout elle m’a semblé uniforme en tant qu’espèces, depuis 15 mètres jusqu’à 42 mètres, profondeur maximale qu'il m'ait été donné d'observer, mais c’est dans les fonds de 20 à 30 mètres que les individus m'ont paru le plus abondants. Lamellibranches. — Unio sp. (14 espèces, d’après LocaRD !). Cyrena fluminalis O F. Müzrer. C. syriaca BourG. Je ne reviendrai point sur ce que j'ai déjà dit au sujet des Unios ;: elles sont abondantes partout, mais plus spécialement en face de l'embouchure Nord du Jourdain, par 10 à 20 mètres, et dans les fonds vaseux du lac, par 20 à 30 mètres. J'ai fait plus haut mes réserves au sujet de la Corbicula syriaca BourG. que je n’ai pas récoltée moi-même, mais que Je signale d’après LocarDp et TRiSTRAM, qui la déclarent d’ailleurs rare. Gastéropodes. — Melania tuberculata MüLcer. Valvata Saulcyi Bourc. Pyrgula Barroisi Daurz. Insectes. — Chironomus sp. (larves). Oligochètes. — (?) Tubifexr sp. (1) Le droit de pêche est affermé entre les mains d’une sorte d'association qui, lors de mon passage, possédait huit embarcations, chiffre plus élevé qu'aucun de ceux qui ont été cilés jusqu’à présent dans les auteurs. 6 CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 283 Les quelques échantillons que j'ai pu soumettre au Professeur VeJpovsky étaient en trop mauvais état de conservation pour qu’il ait pu en déterminer l’espèce ou même le genre; il a seulement reconnu qu'il s'agissait d’Oligochètes limicoles de la famille des Tubificidés, Nématodes. — Dorylaimus sp. Hyvdrachnides. — Atax crassipes O. F. MüLLEr. Hygrobates longipalpis Her. (1). Acercus sp. (nymphe): Les deux premières espèces ont été signalées par Forez comme vivant sur le limon de la zone supérieure de la région profonde. Le même zoologiste avait aussi remarqué que l’Atax crassipes, bon nageur, n’était point relégué dans la région profonde, mais pouvait gagner la région pélagique. En eflet, je lai pêché par 3 mètres de profondeur, au dessus de fonds de 8 mètres, à la limite de la zone caillouteuse du littoral. en face de l'embouchure Sud du Jourdain. Les nymphes d’Acercus, fort abondantes, étaient peu développées et ne portaient encore que trois ventouses sur chaque plaque génitale. Copépodes. — Ectinosoma Barroisi RICHARD. Laophonte Mohammed BLanca. et Ricx. Canthocamptus hibernicus BrADY, var. incer- tus Ricx. Ainsi que RICHARD l’a déjà fait ressortir (2), les deux premières espèces appartiennent à des genres essentiellemedt marins, mais néanmoins l'Ectinosoma (Bradya) Edwardsi RicHaRp vit à Paris, dans l’eau douce du bois de Boulogne, et l’Ectinosoma (Bradya) limicola Herrick dans les fossés d’eau saumäâtre aux Etats-Unis. Les Canthocumptus sont au contraire des formes d’eau douce. Ostracodes. — Limnicythere Tiberiadis Monrez. Cette espèce est toujours rare. (1) Cette espèce parait avoir une aire de dispersion fort étendue; le Prof. Moniez en possède dans sa collection un exemplaire type provenant d'Alger. (2) Juzes Ricuarp: Copépodes recueillis pur le D' Theod. Barrois en Egypte, en Palestine et en Syrie. Rev. Biolog. du Nord de la France, t, V, no de Juillet et Août 1593. 284 TH. BARROIS Protozoaires. — Difflugia pyriformis HAYDEN. D. urceolata HAYDEN. Je n'ai point récolté moi-même ces espèces, mais je les signale d’après quelques préparations que le Professeur LorTET a bien voulu mettre obligeamment à ma disposition: je l’en remercie vivement, ainsi que des indications de toute nature qu’il m’a prodiguées. x La faune pélagique de surface m'a paru la même à peu près dans tous les points du lac, quelle que fût la profondeur de la nappe liquide ; ce n’est point du reste en six jours que je pouvais espérer connaître les variations qui ne doivent pas manquer de se produire dans la distribution du Plankton. Voici, avec leur degré de fréquence, la liste des formes récoltées dans les pêches de surface pratiquées durant le jour un peu dans tous les points du lac: Cladocères. — Bosmina cornuta JURINE ; rare. Daphnia Lumholtzi Sars ; très rare (1). Daphnella brachyura Liévin ; assez commune. Ceriodaphnia reticulata JuRINE var. ; très rare. C. Rigaudi RicHARD ; très rare. Copépodes. — Cyclops Leuckarti Sars ; rare. C. species (juv.); commun. Rotifères. — Asplanchna syrinx Enr. (2); commun. Œcistes sp. ; assez rare. - Anurœa valqga Eur. ; assez rare, A. cochlearis Enr. ; rare. Synchæta oblonga Er. ; assez rare. Protozoaires, — Ceratium hirundinella O. K. MüLer ; commun. Ces Péridiniens servent de nourriture aux Asplanchna; j'ai vu sous mon microspope une de ces dernières qui ne contenait pas moins de (1) Quelques individus seulement et dans wne seule pêche, pratiquée à 2 kilomètres de la côte, en face de Tibéria le, par des fonds de 30 mètres. Je n’ai retrouvé cette espèce dans aucune de mes pêches de nuit, où toutes les formes sont pourtant si abondantes. Cette grande et belle Daphnie ne paraît donc arriver que très exceptionnellement à la - surface, du moins à cette époque de l’année, (2) Les individus que j'ai observés correspondent tout-a-fait a l'A. Girodi bE GUERNE (Note mono graphique sur les Rotifères de la famille des Asplanchnidæ, publiée dans Excursions zoologiques dans les îles de Fayal et de San-Miguel, Paris, 1888) ; récem- ment von Dapay (Revision der Asplanchna-Arten und die ungarländischen Repre- sentanten. Math. and Naturw. Berichten aus Ungarn, Bd. IX, 1891;, a identifié cette espèce à l'A, syrint Eur., déja signalée d’ailleurs par ScaMarDaA en Egypte. CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 285 cinq à six Ceratium dans son estomac et qui devait s’en trouver fort gênée, en raison des longues cornes dont cet animal est armé. Dans les pêches de nuit, toutes ces espèces deviennent beaucoup plus communes, surtoutles Bosmina, les Asplanchna et les Ceratium ; exception est faite, je l’ai déjà dit, pour Daphnia Lumholtzi,dont je n’ai pas trouvé un seul exemplaire dans mes abondantes récoltes nocturnes. Il faut signaler en outre la présence de quelques rares individus d’Alona affinis LeypiG, espèce que je n'avais pas rencontrée pendant le jour. Ces migrations nocturnes sont d’ailleurs bien connues depuis les études de WEISSMANN, d’ASPER et de PAVESI. A l’aide d’un filet spécial que j'avais fait construire, en le perfec- : tionnant (1), d’après un modèle imaginé par S. A. le Prince pe MoNAco, J'ai pu recueillir d’intéressantes observations sur la répartition verticale des espèces et déterminer assez exactement la zone qu’elles semblent habiter de préférence durant la journée (2). Le Ceratium hirundinella O. F. Murzer et les Rotifères en général ne dépassent guère 3-4 mètres. Pourtant l’Asplanchna syrinx descend jusqu’à 10 mètres, mais se faisant de plus en plus rare, et un exemplaire unique de Pterodina patina Enr. à été ramené en parfait élat de conser- vation d’une profondeur de 40 mètres, alors que je n’ai rencontré cette espèce dans aucune autre de mes pêches. Dans la zone superficielle, s'étendant jusqu'à 5 mètres, habitent aussi de nombreux Cyclopes, trop Jeunes pour être déterminés avec süreté. Une autre espèce, le Cyclops Leuckarti Sirs, se rencontre dans toute l'épaisseur de la nappe lacustre, sans être nulle part très abondante: à 40 mètres mes filets l'ont encore capturée. Les Ceriodaphnia Rigaudi Ricn. et C. reticulata JURINE var. sont assez communes à la surface durant la nuit, mais très rares pendant le jour ; la lumière les fait fuir jusque dans les niveaux de 10 à 20 mètres, qu’elles ne semblent point dépasser d’après mes observations. | (4)Taéon. Barrotis : Description d'un appareil destiné à la recherche des organismes pélagiques par des profondeurs déterminées. Revue Biol. du Nord de la France, t. IV, n° 11, Août 1892. (2) Je ne saurai trop répéter que je n’ai nullement la prétention de donner ici une liste complète de la faune du lac ; il faudrait pour cela avoir pu faire de très nombreuses pêches à des saisons différentes, car telle espèce qui ne se rencontre que rarement ou même pas du tout au mois de mai peut être fort commune au mois de juin, et ainsi de suite. Ma seule ambition à été de présenter un tableau, aussi complet que possible, de ce qu'était la population animale du lac lors de mon passage. 286 TH. BARROIS La Daphnella brachyura Liévin, que j'ai signalée dans les pêches de surface, est surtout abondante entre 3 et 10 mètres ; par 25 mètres on en capture encore quelques individus, mais ils se font de plus en plus rares, et c’est à peine si à 40 mètres le filet fin en ramène quelques exemplaires isolés (Pour permettre ces comparaisons, le filet fin était traîné chaque fois durant le même laps de temps, c’est-à- dire un quart d'heure). Dans les pêches nocturnes de surface, la Bosmina cornuta JURINE se rencontre en extraordinaire abondance ; elle est rare pendant Île jour, et se tient à ce moment de préférence dans les fonds de 3 à 5 mètres; vers 10 mètres, elle devient très rare, et je n’en ai ren- contré qu’un seul exemplaire dans mes pêches profondes, par 40 mètres. Une des formes les plus intéressantes est bien certainement la Daphnia Lumholtzi Sars, signalée pour la première fois en Australie ; cette grande et belle espèce est essentiellement nageuse ; d’après ce que nous avons vu plus haut, elle ne semble pour ainsi dire jamais remonter à la surface du lac, même durant la nuit. Bien qu’elle habite toute la nappe à partir de 3 mètres de profondeur, c’est surtout entre 5 à 10 mètres qu’elle est commune; on la retrouve d’ailleurs jusqu’à 40 mètres, niveau où les individus sont encore relativement abondants et de fort belle taille. Quant à l’Alona affinis, dont j'ai signalé quelques exemplaires dans les pêches de nuit, je ne l’ai jamais rencontré durant le jour, à quel- que niveau que ce soit. C’est sans doute une espèce limicole qui vit a la surface de la vase du fond. De toutes les formes que je viens d’énumérer, bien peu sont abso- lument pélagiques ; la plupart sont plutôt tychopélagiques, c'est-à-dire communes à la zone littorale et à la zone pélagique ; les espèces qui me paraissent eupélagiques (1), tout au moins à Tibériade, sont : en première ligne Daphnia Lumholtzi, puis Cyclops Leuckarti, Daphnella brachyura, Bosmina cornuta et enfin Ceratium hirundinella et Asplanchna syrinx. À vrai dire, ces distinctions ne sont Jamais aussi Catégoriques qu’on voudrait le faire paraître ; tous ceux qui se sont un peu occupés de la faune des eaux douces savent que telle espèce, eupélagique dans un lac donné, s’accommode parfaitement d’un marécage à quelques lieues (1) Si l'on donnait à ce mot le sens strict que lui attribuent FoREL et PAVESI, qui désignent par ce terme les formes qui ne se trouvent que dans le milieu des lacs, il n’y aurait pas à proprement parler d'espèce eupélagique à Tibériade, CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 287 de là. Je ne prendrai qu'un exemple, celui des Asplanchna, qui semblent par tous leurs caractères, transparence, développement des organes de natation, suppression des organes de fixation, être par excellence des animaux eupélagiques. Or, Jai déjà montré (1) qu'aux Acores, l’Asplanchna Imhofi ne GuerNe (= 4. Sieboldii LeypiG, d’après Dapav), qui mène une existence pélagique dans les eaux limpides du lac de Sete-Cidades, se rencontre également dans les eaux impures des Charcos (mares) de San-Miguel. J'ai pu répéter ces observations en Orient, car les Asplanchna abondent, non seulement à Tibériade, mais encore dans le lac de Homs (4. syrinxr Enr. et A. priodonta Gosse), nappe trouble et superficielle, dans le lac de Houleh (4. priodonta Gosse), qui est plutôt un vaste marais, dont la profondeur ne dépasse nulle part #4 ou 5 mètres au plus, et enfin dans le puits du Nilomètre de l'ile de Rodah, au Caire. Ainsi que je l’ai fait pour les lacs précédents, J'ai dressé ci-dessous une liste de toutes les espèces qui habitent la mer de Galilée ; celles qui sont marquées d’une astérisque sont ici signalées pour la première fois. Reptiles. — Emys caspica SCHWEIG. Cistudo europæa GRAY. Batraciens. — Rana esculenta L. Poissons. — Blennius varus Risso. BI. lupulus Bonar. Chromis Tiberiadis LORTET. Chr. niloticus HXSSELQUIST. Ch. microstomus LoRTET. Chr. Andreae GUNTHER. Chr. Simonis GUNTHER. Chr. Magdalenae LoRTET. Hemichromis sacra GUNTHER. Clarias macracanthus GUNTHER. Discognathus lamta GUNTHER. Bufo vulgaris Laur. Capoeta Sauvager LoRTET. C. syriaca GUNTHER. C. socialis HECKEL. C. damascina GUNTHER. Barbus canis Cuv. et VALENG. B. Beddomi GUNTHER. B. longiceps Cuv. et VALENC. Phoxinellus Zereqi HeckeL. Alburnus Sellal HeckeL. Nemachilus Leontinae LoRTET. N. galilœus GUNTHER. (1) Taéon. Barrois : Matériaux pour servir à l'étude de la faune des eaux douces des Açores : II. Rotifères. Lille, 1888. 288 TH. BARROIS Gastéropodes, — Melania tuberculata Muzrer . M. Rothiana Mousson (1). Melanopsis præmorsa L. M. costata Ozrv. (3). M. Jordanica RoTx. Lamellibranches (4). — Unio Simonis TRISTRAM. . Rothi BourG. Galilæi Locarp. . Raymondi BourG. Tristrami Loc. . Pietri Loc. . ellipsoideus BourG. . jordanicus BourG. eee ee Theodoxia Jordani Rortx. Th. Michoni BourG (2). Bithinia badiella Caare. Valvata Saulcyi Bourc. Pyrqula Barroisi Daurz. Unio genezarethanus LETOURN. U. Lorteti Locarp. U. Tiberiadensis LETOURN. U. terminalis BourG. U. prosacrus BourG. U. Zabulonicus Bourc. Corlicula fluminalis Muzzer. C. syriaca BourG (5). Hémiptères. — * Corira sp. (larves). Hydrachnides.— * Hygrobates longipalpis HErM. * Atax crassipes O. F. MuLLER. * Acercus sp. (larves). Décapodes. — Telphusa fluviatilis BELoN. Amphipodes. — * Orchestia Bottæ CZERN. * Hemicaridina Desmaresti MILLET. * Gammarus Veneris HELLER. O. crassicornis Costa — Ü. Tiberiadis LORTET. Isopodes. — * Asellus coxalis DoLLrus. Cladocères. — * Ceriodaphnia Rigaudi Ricx. * C. reticulata JURINE var. * Daphnella brachyura Liévin. * Bosmina cornuta JURINE. (1) Voir la note 3 page 273. (2) Voir la ncte 1 page 274. (3) Voir la note 3 page 279. (4) Voir p. 275. (5) Voir p. 278. * Daphnia Lumholtzi Sars. * Alona affinis Leypic. * Chydorus sphœæricus JURINE. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 289 Copépodes. — * Cyclops Leuckarti SARs. * Laophonte Mohammed BL. et Ricx. * C. species (juv.). * Canthocamptus hibernicus BRrADy * Ectinosoma Barroisi Ricx. var. éncertus Ricx. Ostracodes. — * Limnicythere Tiberiadis MoniEz. Annélides. — Allolobophora byblica Rosa. Nématodes. — * Dorylaimus sp. Turbellariés. — * Vortex (sp.). Rotifères. — * Oecistes Sp. * Anuræa valga Er. * Asplanchna syrinxr Enr. * A, cochlearis Enr. * Synchœta oblonga Eur. Bryozoaires. — * Fredericella sultana BLecn. Spongiaires. — * Potamolepis Barroisi TOPSENT. Protozoaires.— * Ceratium hirundinella O.-F. MULLER. Trois faits principaux ressortent de l'examen de ce tableau : 1° L'uniformité des faunes pélagiques dans les grands lacs, mème en dehors d'Europe ; 2° le caractère africain de plusieurs espèces littorales ou à migrations peu actives (Poissons); 3° l'absence de toute forme reléguée. L'uniformité de la faune pélagique dans les grands lacs a été signalée si souvent que je crois inutile de m'y arrêter ; disons seu- lement que, à part Daphnia Lumholtzi Sars, toutes les espèces de Tibériade se retrouvent communément dans nos lacs d'Europe (1). Il ne faut donc point en tenir compte si l'on veut essayer de saisir le caractère propre de la faune du lac de Tibériade, mais s'adresser bien plutôt aux formes littorales, aux formes du fond, ou enfin aux types dont la dissé- mination active ou passive se fait moins facilement : tels sont les Poissons et les Mollusques. Dans son bel ouvrage sur la Faune et la Flore de la Palestine, le Rév. TrisTrAM arrive aux conclusions suivantes, que l’ensemble de mes recherches en Svrie me fait entièrement adopter avec cette légère restriction qu'il me paraît bon de faire remarquer aussi linfiltration (1) Je n'ai pas compté la Ceriodaphnia Rigaudi RicaarD parmi les formes eupélagiques ; ce Cladocère a été signalé pour la première fois au Tonkin par RicHaRp. Re 290 TH. BARROIS de quelques formes asiatiques (1): « La faune et la flore de la Pales- tine appartiennent décidément au type paléarctique, ou mieux à la section méditerranéenne de ce type, avec cette particularité que dans le nord on trouve les traces d’une faune boréale, tandis qu’on observe au Sud une large pénétration de formes éthiopiennes par la vallée du Jourdain. Ces faits peuvent s'expliquer aisément par l'histoire géolo- gique de la contrée ; d’une part la période glaciaire, bien que ne. s’éant pas étendue aussi loin au sud dans toute son intensité, a marqué néanmoins des traces de son passage, encore visibles main- tenant ; d'autre part, la période de chaleur qui a précédé la période glaciaire a laissé d’indubitables preuves de son extension primitive vers le Nord, mais seulement dans le bassin tropical de la Mer Morte (2). » Au point de vue qui nous occupe, les principales formes éthiopiennes sont les Chromis, les Hemichromis, le Clarias macracanthus, les Papyrus (3), auxquels nous ajouterons le Potamolepis Barroisi que Topsent, on se le rappelle, a rapproché des Potamolepis du Congo. Les relations du Ghôr, de tout le massif du Sinaï, et de l'Arabie avec l'Afrique, au point de vue faunistique, sont indéniables: il est certain que le Lion a existé autrefois en Palestine, et BuRCKHARDT, raconte qu’au commencement de ce siècle les Autruches habitaient encore le grand désert de Syrie, notamment la partie qui s'étend depuis le Hauràän jusqu’au Djébel Schammar et au Nedjd; il assure qu’on en rencontrait quelques-unes dans le Haurân, que tous les ans on en prenait un petit nombre à deux jours de route de Damas et que les habitants d'Alep même apportaient quelquefois à la ville des Autruches qu'ils avaient tuées à deux ou trois Journées de distance à l'Est (4). (1) Vox Porar (Myriopodes récoltés en Syrie par le docteur Théod. Barrois. Rev. Biol. du Nord de la France, t. VI, p. 62, Nov. 1893) dit très justement : « Dans son allure, la faune myriopodique de la Syrie ressemble plus spéc'alement à celle de l'Europe méri- dionale et de l’Afrique septentrionale, formant pour ainsi dire un trait d'union entre ces deux faunes. Toutefois la présence des espèces de Bothriogaster. qui ont d’abord été signalées à Samarkand et dans le Caucase, celle du Cormocephalus mirabilis, connu déjà du Kordofan, celle enfin du genre Spirostreptus, caractéristique des régions tropi- cales et subtropicales de l'Asie (et aussi de l'Afrique et de l'Amérique), montre bien que des for nes étrangères, originaires de localités éloignées, se sont, pour ainsi dire, donné rendez-vous sur ce bord oriental de la Méditerranée. » (2) TrisrRaM : loc. cit. p XXII. (3) Pour trouver aujourd'hui les Papyrus en Egypte, il faut descendre jusqu’au Nil Blanc, vers le 7° de latitude Nord. (4) J. L. Burcknarpr : Voyages en Arabie. Traduction Eyriès, t. IE, p. 157-159, Paris, 1835. | CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 291 Le Daman (Hyrax syracus), qui remonte jusque dans le Liban (1), est évidemment aussi d'origine éthiopienne ainsi que le Crocodile (Crocodilus vulgaris Cuv.) dont quelques rares individus subsistent encore en Palestine. La péninsule sinaïtique à été le trait d'union qui réunissait, plus largement autrefois qu’à l’époque actuelle, les deux grands continents. Toutes ces particularités ont été déjà mises en lumière, et je les rappelle sans insister autrement. Je m'étendrai davantage sur l’absence de toute faune reléguée et sur l’origine non marine du lac de Tibériade. Sur les collines placées au sud-ouest de Safed, juste à laltitude de 0 mètre, à une pression barométrique de 76 centimètres, LoRTET a rencontré un plateau couvert de galets et de cailloux roulés indiquant qu’à une époque reculée le lac devait avoir le même niveau que la Méditerranée. Le savant professeur s'était demandé si le bassin du Jour- dain avait été à un moment en communication directe avec cette mer, communication ayant pu se faire très facilement par la plaine d’Es- draelon et la vallée du Kishon. Plus tard, de légères dénivellations dues aux éruptions de basaltes et de laves, si fréquentes à une époque dans le bassin du lac de Tibériade, auraient rompu ces communications. C’étaient là de pures hypothèses (2), que rien n’est venu vérifier, ainsi que l’auteur le reconnaît d’ailleurs lui-même : « Si le bassin avait communiqué avec la Méditerranée à une époque géologique récente, Je pouvais espérer rencontrer dans les pro- fondeurs du lac une eau qui serait peut-être encore un peu salée et habitée par une faune à faciès marin, en voie de se transformer en (1) SeLAH MERRILL : Birds and Animals new to Palestine. Palest. Explor. Fund, Quat. Stat., Jan. 1890, p. 44. (2) Aussi s’explique-t-on mal le caractère de quasi-certitude qu'Ecisée Reczus (Nou- velle géogr. univ., t. IX, p. 730) a voulu donner à ces hypothèses et surtout l'argument faunistique absolument inexact sur lequel il a cru, en terminant, devoir s'appuyer : « Il est probable que le lac de Tibériade communiquait j'dis avec la mer de Syrie par la grande plaine d'Esdraelon, dont l’aspect est encore celui d'un détroit maritime (?); un exhaussement du sol et peut-être les laves sorties des volcans qui s’élevaient précisé- ment dans le voisinage du seuil, aurait fermé le goulot d'entrée et transformé le golfe de Tibériade en bassin fermé. En se séparant de la mer salée et en renouvelant inces- samment sa masse liquide par le flot limpide de l'Hermon et le réservoir d’eau jadis marine qui déverse son trop plein dans la Mer Morte, le golfe se transforma graduelle- ment en un bassin d’eau donce : à peine le liquide offre-t-il un léger arrière goût sau- mâtre. Parmi les espèces animales recueillies dans le lac de Tibériade, plusieurs repré- sentent une faune de transition entre celle des eaux salées et celles des eaux douces ». de ne crois pas qu'aucun naturaliste ait jamais dit cela, 292 TH. BARROIS faune d’eau douce. Mais l'étude des faits m'a montré que mes sup- positions n'étaient point exactes.Nous n’avons jamais retiré, même des plus grands fonds, qu’une eau parfaitement identique à celle de la surface, et les animaux que nous avons dragués sont bien des types semblables à ceux que l’on voit dans toutes les eaux douces. Les dépôts laissés par le lac, alors que son niveau était très supérieur à ce qu'il est à présent, confirment entièrement cette manière de voir, puisqu'ils ne renferment ni coquilles, ni restes d'animaux marins, mais seulement des débris de ceux qui se trouvent encore dans le bassin. » La géologie ne s’accommode pas mieux de l'hypothèse d’une commu- pication avec la Mer Rouge par le Ghôr, la Mer Morte, l’Arabah et l’Akabah. Dans cette profonde fissure, jalonnée par une puissante faille déjà signalée par Larrer (1) et suivie par HuLz (2) sur plus de 120 milles de longueur, on ne peut guère se refuser à voir — suivant l'expression de M. DE LAPPARENT (3) — le résultat d’un gigantesque eflondrement longitudinal. Peut-être le Jourdain s’est-il autrefois jeté dans la Mer Rouge (4), à l’époque où le niveau de son cours, ainsi que celui du lac de Tibériade et de la Mer Morte, était beaucoup plus élevé, et avant que le seuil d'Es-Saht (altitude actuelle = 240 m. au- dessus du niveau de la Mer Rouge), contemporain sans doute de Pef- fondrement dont il dut être la résultante, ne se fut dressé comme une infranchissable barrière ; mais il est certain que le bassin de la Mer Morte et du Ghôr jusqu’à Tibériade n’a jamais été une sorte de fjord, brusquement séparé de la mer, et gardant plus ou moins nette- ment les traces de son origine marine. L’extrême salure de la Mer Morte est due au déversement séculaire dans sa cuvette des eaux extrêmement minéralisées tant du Jourdain que de toutes les sources de son bassin, et de celles qui probablement sourdent encore au fond de la Bahr Loüt (5). Ces eaux contiennent, LaRTET l’a fait ressortir, tous les éléments de la salure de la Mer Morte; grâce à l’évaporation, fort active dans cette profonde dépression terrestre, les eaux se sont saturées pro- (1) LarrTer : Géol. de la Palestine, loc. cit., p. 225. (2) Ebw. Huzz : Mount Seir, Sinaï aud western Palestine, p. 76,.Londres, 1885. (3) De LaPPARFNT : Trailé de géologie, 2° édition, p. 518, Paris, 1885. (4) L'abbé RaBoisson : En Orient, Récits. et notes d’un voyage en Palestine et en Syrie par l'Egypte et le Sinai, t. I, p.5-15 ett. Il, p.59-64. Paris, 1886. (5) Nom que les Arabes donnent à la Mer Morte. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 293 gressivement et leur degré de concentration doit encore augmenter tous les jours. Certains corps chimiques tels que le cœæsium, le rubidium, le lithium, qu'on trouve dans les eaux de toutes les mers, font défaut dans les eaux de la Mer Morte, l’analyse spectrale l’a démontrée. M. MALAGuTI a constaté l’absence complète de l'argent dans des résidus d’évaporation de ces eaux qui, en raison du volume d’eau qu'ils représentaient, auraient dû lui en fournir des quantités très appréciables si ces eaux en eussent contenu seulement autant que celles de l'Océan (1). Ces faits ont été résumés en quelques lignes par M. DE LAPPARENT : « La Mer Morte doit aux phéno- mènes internes une composition que, pour aucun motif plausible, on ne saurait attribuer à une intervention antérieure des eaux marines. Le bassin de cette mer est un ancien lac d’eau douce, occupant une dépression produite par eflondrement (2). » Tout ceci peut s'appliquer exactement au lac de Tibériade. Les anciennes terrasses signalées près de Safed par LoRTET ne contiennent que des formes actuellement encore existantes dansle bassin et celles-là sont, d’après le savant Professeur, exclusivement des formes d’eau douce. Ce que Lorrer a démontré pour les Poissons et les Mollusques, a été absolument confirmé par mes recherches sur l’ensemble de la faune du lac. L’exploration méthodique de l'immense nappe, depuis la surface jusqu’au fond, niveau par niveau, ne m'a révélé aucune de ces formes spéciales caractérisant les faunes reléguées des lacs scan- dinaves, par exemple, lacs qui sont indubitablement d’anciens fjords peu à peu séparés de la mer et dont l’eau s’est progressivement adoucie. Dans le long catalogue que nous avons donné plus haut, le lecteur n’a rencontré que des espèces essentiellement lacustres ou fluviatiles, à part le Laophonte Mohammed BLanc. et Ricx. et l’Ecti- nosoma Barroisi Ric.; j'ai déjà fait remarquer que les genres Laophonte et Ectinosoma jouissent d’une grande facilité d'adaptation et s’accom- modent à l’occasion d'eau saumâtre et même d’eau douce, ce qui n’est, d’ailleurs, pas le cas pour celle de Tibériade, dont il ne faut pas oublier la minéralisation accentuée. Ces deux exceptions n'infirment donc en rien les conclusions auxquelles nous sommes arrivés. (2) LARTET : loc. cit., p. 273. 2) DE LAPPARENT : loc. cit. p. 518. 294 TH. BARROIS V. — Lac de Hoüleb. Les trois sources du Jourdain, le Nahr-Hasbany, le Nabr-el-Leddan et le Nahr Bânias, à peine réunies, serpentent capricieusement dans une vaste plaine marécageuse désignée par les Arabes Gawarineh, qui l’habitent, sous le nom de Ard-el-Hoüleh ; leur cours doit varier fré- quemment dans ce sol meuble et spongieux, où le fleuve naissant se perd en s’étalant soit dans de vastes roselières, soit dans d'immenses forêts de Papyrus, aux rhizômes immergés, qui limitent au nord la Bahr-el-Hoûleh. Un anglais, Mac GREGOR, monté sur une yole légère, a parcouru en grande partie cette contrée, cherchant à relever exactement le trajét du Jourdain jusqu’à son embouchure dans le lac(1l) ; bien qu'il n’ait pu y réussir complètement, ses croquis, dont on trouvera ci-contre la reproduction, permettent de se rendre un compte à peu près exact de cetle importante région dont la configuration, je le répète, doit se modifier incessamment suivant les saisons et suivant le caprice des eaux. Toutefois la principale embouchure, la seule que Mac-GreGor ait fait figurer sur sa carte sous celte rubrique, ne semble pas avoir varié notablement depuis le voyage de l'explorateur anglais : je l’ai remontée moi-même en barque jusqu'à l’étang parsemé d'ilôts indiqué sur la dite carte et j'ai pu constater l'exactitude des descrip- tions du hardi yachtman. Pour les contours généraux du lac, toutefois, le tracé des ingénieurs de la Palestine Exploration Fund est assez différent de celui de Mac-GRrEeGor : on en jugera par la reproduction ci-contre. Toutes les eaux du Ard-el-Hoùleh se réunissent dans la cuvette du lac, qui sert en même temps de premier réservoir au Jourdain ; c’est seulement au sortir de ce bassin que le fleuve prend son allure véritable. Le lac de Hoüleh (Bahr-el-Hoüleh, Bahr Bânias, eaux de Merom, lac Samachonitis) mériterait bien plutôt qu’on l’appelàt un grand étang, car nulle part je n’ai rencontré de fonds supérieurs à 5 mètres, ce qui concorde parfaitement avec les sondages indiqués par MAc-GREGOR, variant genéralement entre 255 et 4m60. Presque partout, mais principalement dans la partie médiane et méridionale du lac, le (1) Mac-GReGor : The Rob-Roy on the Jordan, 7° édit., Londres, 1886. 2 ee 4 SRE. 5e se Lie + # À Re CONTRIBUTION A L’'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 295 plafond est tapissé d’une épaisse forêt de Ceratophyllum et de Characées, li VA xl! KV / TUTTE | | | | L \ A | à 7, à CA IE 3 — — = ÿ /, Al J}, , lil SI n 7 QU LAC de HOULEH Tulil.\ d'après MAC: 6RECOG | 0 h / /2 2 (LE NE BR PACE REN LET ET Ech : T Mille angl pour un }, pouce = Sondages en pieds dont les tiges dressées s'élèvent à moins de deux mètres de la surface, et au sein de laquelle on voit s’ébattre les Poissons par centaires. Au 296 TH. BARROIS nord, en deçà de la limite des Papyrus, la nappe liquide disparaît, Ansselet == d'Ain Melahate= À ht Qimanryeh| Tel] Obätis Ê ns LAC de HOULEH d'apres Bi CHUMACHER [l Echelle = Milles Anulars masquée sous une véritable prairie de Renoncules /Ranunculus aqua- tilis L.) et de Nénuphars (Nuphar luteum et Nymphæa alba), sur laquelle CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 297 courent les Mouettes et les Hérons : sans compter les Canards qui barbottent à cœur joie. , Comme celui de Tibériade, et pour les mêmes raisons, le lac de Hoüleh est orienté au Nord-Sud, suivant la grande ligne de dislocation du Ghôr, qui commence pour ainsi dire au pied de l’'Hermon. Il a la forme d’un triangle irrégulier dont la base s’appuierait contre les forêts marécageuses de Papyrus qui le prolongent au septentrion et dont le sommet serait au midi. Dans sa plùs grande longueur il mesure 5 k. 700, et 4 k. 800 dans sa plus grande largeur (1). Ces dimensions sont évidemment sujettes à varier dans de notables proportions suivant que l’année à été sèche ou pluvieuse, et surtout si l’été a été chaud : or, nous l’avons déjà dit précédemment (2), durant les mois de juin, juillet et août, le thermomètre monte souvent à 50° et au-delà dans cette cuvette encaissée, et l’évaporation est en conséquence fort active. Les abords du lac de Houüleh sont pour cette raison des plus malsains et le paludisme y règne à l’état permanent. Les bas-fonds marécageux qui limitent le lac au nord assèchent durant la saison chaude, le niveau baisse considérablement ; autrefois même, si l’on en croit les vieux auteurs, la nappe liquide disparaissait presque entièrement. PLINE avait déjà signalé ce fait(3) ; Corovicus raconte qu'au moment de son passage (en 1599), le lac, de forme arrondie, mesurait à peine cinq cents pas de circonférence, et que, d’après son guide, il assécherait complètement en été (4). Lorsqu'Aprt- CHOMIUS, quelques années plus tard, passa par ces mêmes lieux, il eut à traverser, au lieu d’un lac ou d’un marais, une plaine de terre poirâtre, absolument sèche et sans une goutte d’eau (5). Le chevalier DE LA ROQUE, au commencement du XVILL siècle, est aussi affirmatif : « I (le Jourdain) forme à deux ou trois lieues de sa source ce qu’on appelle aujourd'hui le marais du Jourdain, autrefois lac Moron, ou Mæron, qui occupe un terrain d'environ deux lieues de circuit dans le temps de la fonte des neiges du Liban et qui est souvent à sec l’été dans les grandes chaleurs (6). » | (1) Scxumacrer : The Jaulân, p.102. (2) Voyez le tableau page 260. (SRPENES ist nat ;-lib.XIT 522, (4) Corovicus : Itinerar. Hierosolym. et Syriacum, lib. III, cap. 9, p. 136, Antwerpiæ, 1619. (5) Quaresuius : Elucidutio Terræ sanctæ, sect. II, VIT, chap. 12, folio 872. (6) DE La Roque : Voyage de Syrie et du Mont-Liban, t. 1, p.342-343. Paris, 1722. 298 TH. BARROIS ; Cette disparition absolue du lac de Hoûleh est bien difficile à accepter ; il faut au moins admettre que le Jourdain continuait son cours, tout réduit qu'il püt être, dans le thalweg du Ghôr, sans cela les auteurs n’eussent point manqué de nous raconter que le fleuve s'était également tari entre Hoûleh et Tibériade.... De nos jours d’ailleurs, malgré les températures sahariennes dont j'ai parlé, les eaux de Mérom ne s’évaporent jamais complètement, bien qu’en été l’aire du lac se rétrécisse fortement. L’altitude de Hoüleh à été diversement appréciée ; le comte DE BerrTou (1) l’estimait à + 640, chiffre qui avait été accepté sans vérifi- cation par Larter (2), mais que LoRTET trouva un peu trop fort (3), puisqu'il s'arrêta à celui de -10m50 ; enfin, plus récemment, les obser- vations des ingénieurs de la Palestine Exploration Fund (4) ont fixé la cote à + 2R920: | A l’Ouest de la Bahr-el-Hoûleh s'étend une belle plaine fertile, cultivée parla colonie juive de Jessod-Hamaïla qui, depuis quelques années, s’est installée aux environs de Tell-Abätis. Cette colonie, à l’état embryonnaire au moment de mon passage, puisque les immigrés, tous d’origine russe, logeaient encore dans des païllottes, était néan: moins fort bien organisée ; une jolie barque avait été amenée à grands frais de la côte, et le chef des cultures, un de nos compatriotes, voulut bien la mettre à ma disposition avec une entière bonne grâce, ce qui me fut plus commode que d'employer mon canot de toile, et me permit d'explorer plus aisément toute l'étendue du lac (5). Dans les: roseaux de la rive, la faune est ce que nous l'avons vue partout ailleurs : Telphuses, Tortues, Crapauds et Grenouilles; les Oiseaux d’eau sont (1) De BerTou: Description dé la vallée du Jourdain el du lac Asphallite. Bull. de la Soc. de géogr. Paris, 2° sér., t. XII, 1839. (2) LARTET : Géolog. de la Palestine, etc...; PI. I et page 95, fig. 3. Je ne sais où DiexER (Libânon, p. 269) a pu voir que «la hauteur de la Bahr-el-Hoùleh a été estimée par Larrer à 83 mètres au-dessus du niveau de la Méditerranée » ? LARTET n’a point passé par Hoüleh, comme il est aisé de s'en convaincre en examinant son ilinéraire, et s'est borné simplement à accepter le chiffre du comte DE BERTOU. (3) LorTer : La syrie d'aujourd'hui, p. 544. (4) SCHUMACKER : Loc: cit. p. 102. (>) Les Bédouins Gawarinehs s’aventurent très loin de la rive sur une sorte de radeau fragile formé de roseaux liés en botte épaisse ; ils se jettent à plat ventre sur cet appareil primitif qu'ils font progresser en pagayant des mains et parfois aussi des pieds. J’en ai rencontré un qui traversait ainsi la boucle nord du lac en chantant à tue-tête une de ces mélopées plaintives et traînantes propres à la race arabe, CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 299 extrêmement abondants. Comme à Tibériade, les Mélanopsis (M. costata Ozivier) et les Théodoxies (Th. Jordani Rorta) pullulent sur les pierres de la grève et sur les rhizômes immergés des roseaux et des papyrus, : qui disparaissent pariois complètement sous un véritable revêtement de ces Gastéropodes. Les Bryozoaires (Fredericella sultana BLecx,) sont aussi extrèmement communs sur ces végétaux ; on les retrouve égale- ment sur les galets de la beine, en compagnie des Gammarus ({r. Veneris HELLER) et des Aselles (A. coxalis DoLLrFus). Les tiges creuses des Papyrus en putréfaction donnent asile à toute une population variée et j'y ai fait d’intéressantes récoltes : Gastéropodes.— Planorbis hebraicus Bourc. Limnæa truncatula O. K. MULLER. Hirudinées. — Dina Blaisei R. BL. Glossiphonia bioculata BERG. Placobdella sp. (juv.) Bryozoaires. — Fredericella sultana BLecu. (1). Coléoptères. — Dryops (Parnus) puberulus Reicxe. Helochares dilutus EricHsoN. Copépodes. — {sellus coralis À, Dozrrus. Amphipodes. — Orchestia Bottæ CzErn. Gammarus Veneris IELLER. Turbellariés. -- Planaire noire indéterminée. Spongiaires. — Ephydatia fluviatilis Aurr. Les grandes prairies de Renoncules et de Nénuphars qui recouvrent la partie Nord du lac et s'étendent assez loin dans le cours supérieur du Jourdain d’une part, et de l’autre dans la riviérette d’Aïn Mellahah, m'ont également fourni d'intéressantes espèces : Hémiptères. — Heleocoris tabidula SraAs. Diplonychus urinator Durour Décapodes. — Hemicaridina Desmaresti Miccer. (1) Le docteur K. KROEPELIN, qui a bien voulu se charger de déterminer mes Bryozoaires, émet quelques doutes au sujet de l'identité de celte espèce, car il n’a pu examiner les statoblastes: il incline toutefois en faveur de Fredericella sultana, car les Plumatelles, à stade aussi avancé de développement, portent {oujours des statoblastes : or, nos échan - tillons n’en avaient point. 300 TH. BARROIS Copépodes. — A{rqulus foliaceus L. Hydrachnides.— Curvipes sp. (nymphes). Au Sud des prairies de Nénuphars et de Renoncules dont nous venons de parler, la surlace du lac est généralement libre de toute végétation flottante ; l’eau est marécageuse, d’une saveur douceûtre, et chargée d’une énorme quantité de débris organiques en décompo- sition. Les Algues inférieures, les Infusoires (1), les Rotifères, et les Entomostracées y pullulent, constituant ainsi un abondant Plankton : aussi le lac est-il extrêmement poissonneux. LORTET y a rencontré la plupart des espèces qui se trouvent dans le lac de Tibériade, comme on le verra par la liste ci-dessous Chromis Tiberiadis LORTET. Clarias macracanthus GuNTHER. Chr. niloticus Hasselquist. Capæta socialis HECKEL. Chr. micrositomus LORTET. C. damascina GUNTHER. Chr. Simonis GUNTHER. Barbus canis Cuv. et VAL. Chr. Magdalenæ LorTer. Les pêches au filet fin exécutées à différentes heures de l'après- midi ou de la matinée, tant à la surface que par deux ou trois mètres de profondeur, ont fourni les espèces suivantes : Cladocères — Bosmina cornuta JURINE. Chydorus sphæricus O. F. Muizer. Daphnella brachyura Liévin. Macrothrix laticornis ? JURINE. Copépodes. — Cyclops serrulatus FiscHer. Canthocamptus sp. Rotifères. — Rotifer forficatus nov. sp. Notholca scapha Gosse. Asplanchna priodonta Gosse. Mastigocerca bicornis Exe. Floscularia brachyura nov. sp. Brachionus urceolaris Eer. Œcystes syriacus nov. Sp. Br. caudatus nov. sp. Notops macrourus nov. sp. Triarthra longiseta Eër. Adactyla verrucosanov. gen. nov. sp. Polyarthra platyptera Er. Anuræa valga Er. var. (4) Ilest malheureusement impossible de les déterminer en raison de leur déplorable état de conservation. CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 901 : Toutes ces espèces sont généralement abondantes, mais en parti- culier l’Asplanchna priodonta. les Brachionus et le Triarthra longiseta. Protozoaires. — Glenodinium sp. Les dragages ne m'ont rien donné et cela se comprend aisément ; le plafond du lac étant tapissé d’une épaisse couche de Ceratophyllum et de Chara, l'appareil n’a pu mordre le sol et n’a guère ramené qu’un peu de vase grise gluante, mêlée à de nombreux débris végé- taux, soit frais, soit en décomposition, la plupart revêtus d’un véri- table réseau de Frédéricelles. J'ai relevé, à deux reprises, la température des eaux du lac ; voici les résultats obtenus : 5 mai 1890, à 5 heures du s. — 240 75 (à l'ombre: 28°5); 6 mai 1890, à 6 heures du m. — 23° 25 (à l'ombre : 210 75). Voici, pour terminer, le tableau des espèces signalées jusqu’à ce jour dans le lac de Hoüleh : Reptiles. — Emys caspica ScHWEIG. Cistudo europæa GRAY. Batraciens. — Rana esculenta L. Bufo vulgaris LaUr. Poissons. — Chromis Tiberiadis LoRTET. Clarias macracanthus GUNTHER. Chr. niloticus HassELQuisT. Capoeta socialis HECKEL. Chr. microstomus LoRTET C. damascina GUNTHER. Chr. Simonis GUNTHER. Barbus canis Cuv. et VaL. Chr. Magdalenæ Lorter. Gastéropodes. — Limnæa truncatula OÔ. F. MuLLER. Bithinia Hawadierana BourG. Melanopsis costata OLIVIER. B. sidoniensis KOBELT. Theodoxica Jordani Rorx. Planorbis hebraicus BourG. Bryozoaires. — Fredericella sultana BLecx. Hirudinées. — Dina Blaisei R. BL. Placobdella sp. (juv.) Glossiphonia bioculata BERG. Coléoptères., — Driops (Parnus) puberulus Reicne. Helochares dilutus EricHsoN. 302 TH.BARROIS Hémiptères. Heleocoris tabidula SriL. Diplonychus urinator Durour. Décapodes. — Telphusa fluviatilis BELON. Hemicaridina Desmaresti MiLLer. Amphipodes. — Gammarus Veneris HELLER. Orchestia Bottæ CzErx. : Isopodes. Asellus coxalis A. DoLLrFus. Cladocères. — Bosmina cornuta JURINE. Chydorus sphæricus O.F. MuLzer. Daphnella brachyura Liévin. Macrothrix laticornis? JuRINE. Copépodes. — Cyclops serrulatus FiscHER. Argulus foliaceus L. Canthocamptus sp. Hydrachnides. — Curvipes sp. (nymphes). Turbellariés. — ? Planaria sp. Rotifères. (1) — Rotifer forficatus nov. sp. Notholca scapha Gosse. Asplanchna priodonta Gosse. Mastigocerca bicornis Exr. Floscularia brachyura nov. sp. Brachionus urceolaris Enr. Œcistes syriacus nov. sp. Br. caudatus nov. Sp. Notops macrourus nov. sp. Triarthra longiseta Enr. Adactyla verrucosanov.gen.nov.sp. Polyarthra platyptera Enr. Anuræa valga Enr. var. Spongiaires. — Ephydatia fluviatilis Aurr. Protozoaires. — (Glenodinium sp. VI. — Lac de Homs. La large et profonde vallée qui s’étend du Nord-Est au Sud- Ouest entre les hauts sommets du Liban et de l’Antiliban, la Cœlésyrie ou Syrie creuse des anciens, la Bekâa des arabes, n’a pas une pente uniforme dans tout son parcours. A peu de distance au (1) Ces espèces seront prochainement décrites dans un travail que je compte publier en collaboration avec M. Dapay, ! CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 303 Nord de Bâalbeck, une sorte de seuil, haut de 1170 mètres (l'altitude moyenne de la Bekâa est d'environ 1000 mètres), la divise en deux versants anticlinaux, sur lesquels prennent naissance, au Sud le Léontés ou Litani (Nabr-el-Kasimiyeh}, au Nord l’Oronte (Nahr-el-Asi). Bien que les premières eaux de ce dernier fleuve descendent déjà de l’Antiliban à Leboueh, où du flanc de la montagne jaillit un flot abondant et pur, les géographes, d’accord en cela avec les habitants du pays, considèrent la fontaine de Deir Mäâr-Maroun (1) comme la principale source de l’Oronte. Dès son origine, le fleuve prend une allure rapide et, grossi par quelques affluents, en particulier le Narh-el-Haroun (2) à droite, gagne rapidement la plaine de Homs. En ce point, ses berges s’abaissent, son allure se ralentit, et ses eaux, naguère si turbulentes, s’étalent paisiblement pour former la vaste nappe superficielle (36 kilomètres carrés d’après DIienErR, 50 d’après Conper), connue sous les noms divers de: lac de Homs, lac de Kédés, Bahret-Atini (3), ou encore tout simplement El-Baheirah, la Mer, comme disent les indigènes. Ce lac, d’origine absolument artificielle, doit son existence à une superbe digue de basalte (4), longue d’environ 450 mètres, haute de & à 6 mètres (5), qui barre le cours du fleuve au Nord Est de la vallée de FOronte, et en rehausse considérablement le niveau. ABOULFÉDA signale tous ces faits, en ajoutant que, de son temps, la construction de cette œuvre d’art était attribuée à Alexandre-le- Grand: « Si la digue était jamais détruite — dit-il — l’eau s’écou- (1) Dans la Carte du Nord de la Syrie, par Rey et TauiLier, Paris, Hachette, 1885, cette source est appelée Aïn-el-Aci. Le nom de Deir Màr-Maroun (Couvent de St-Maron) est donné à quelques restes d’anti- ques cellules, taillées dans Ja roche non loin de la fontaine, où durent s’abriter, durant les premiers siècles de l’Église, des laures de pieux anachorètes parmi lesquels se trouvait . — dit-on — St-Maron, le père des Maronites actuels. (2) Cette rivière figure sur la plupart des cartes, mais sans dénomination; elle descend du Djebel-Djoussieh, un des derniers contreforts seplentrionaux de l’Antiliban, passe au Sud-Ouest de Zerràa et va se jeter dans l’Oronte à 6 kilomètres environ à l'Occident de ce village : son débit est considérable. (3) Voir CERNIK : Technische Studien-Expedilion durch die Gebiete des Euphrat und Tigris, Mittheil. aus J Perthes’ geog. Anstalt, etc., no 44, 1875. Atini est une corruption du mot Kottine, nom d’un village voisin du lac. (4) On en trouve une bonne photographie dans l'ouvrage de Sacxau : Reise in Syrien und Mesopotamien, p. 60, Leipzig, 1883. (5) Cette digue aurait 12 à 15 pieds d’après RoBinsow, 14 d’après Porrer et 20 d’après BurTon et DRAKE. 304 TH. BARROIS lerait et le lac cesserait d'exister pour n'être plus qu’un fleuve ». Ce que n’ajoute point le prince géographe, c’est que, si pareille rupture survenait par malheur, il en résulterait des désastres terri- bles pour la vallée de l’Oronte en amont du lac. Le major CoNper, auquel nous devons tant de renseignements: précieux sur la Syrie, estime que le lac de Homs n’a pas dù exister avant le Ille siècle de l’ère chrétienne (1); c’est en effet aux environs de l'an 284, c’est-à-dire sous le règne de Dioclétien, que les écri- vains rabbiniques placent l'érection de la grande digue qui provoqua la formation du lac. 3 D'après les relevés de ReNauD et du capitaine pe Torcy (2), la surface de la nappe liquide est à 492 mètres au-dessus du niveau de la Méditerranée. Le lac est peu étendu: sa plus grande longueur ne semble point dépasser 10 kilomètres sur une largeur maximale de 6 kilomètres. Il est orienté presque exactement du Nord-Est au Sud Ouest, comme le cours même du fleuve dont il n’est en quelque sorte que l’épanouissement. Le lac est assez mal représenté sur toutes les cartes que j'ai eues entre les mains, et les contours qu’on en a donnés sont tous différents les uns des autres: cela tient évidemment en grande partie à ce que sa configuration varie considérablement suivant que les eaux sont plus ou moins hautes. Dans la partie Sud-Ouest se trouve une île, doicinée par une sorte de Tell peu étendu d’ailleurs, qui est néan- moins cullivée avec assez de soin, ainsi que j'ai pu le reconnaître. Comme il n’existe aucune barque sur le lac, les paysans se servent pour gagner cette île, de radeaux de roseaux, dans le genre de ceux que j'ai décrits en parlant du lac ce Hoüleh. La profondeur est extrêmement faible, comme on le pense bien après ce que nous venons de dire de l'origine du lac; partout où j'ai sondé, c’est-à-dire dans un rayon de 2 kilomètres environ autour de Tell Schoummarieh, elle ne dépassait point 3 à 4 mètres. Il doit en être de même à peu près pour tout le lac, sauf peut-être dans les points qui correspondent au lit de l'Oronte, car, aussi loin que ma vue pouvait porter à l’aide d’une excellente jumelle, j’apercevais, s’étalant à la surface, de larges touffes brunâtres de Renoncules et de Ceratophyllum, indice certain d’une eau peu profonde. (1) Conper: Syrian stone-lore, p. 19 et 255. Londres, 1889. (2) E. Rey: Notice sur la carte de Syrie, p. 27. Paris, 1885. CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 30) Déjà CHanTRe avait remarqué que les eaux du lac de Homs sont blanchâtres (1). Le jour de mon arrivée (29 mai 1890), le vent soufflait en tempête de l’Ouest-Nord-Ouest, enfilant le col qui sépare le Liban de la montagne des Ansariehs, et venait battre furieusement les flots du lac, que sa teinte d’un blanc crayeux légèrement verdâtre, faisait ressembler à une vaste coupe d’absinthe. Cette coloration est due, j'ai pu m'en assurer, à la nature des terrains qui bordent le lac. La rive méridionale, que j'ai suivie durant plusieurs kilomètres, est souvent abrupte, coupée en falaises de 4 à 5 mètres de haut, falaises formées soit de cette terre rougeätre si commune aux envi- rons de Homs, soit plus souvent d’un calcaire crayeux blanc-jaunâtre, dont. de gros blocs détachés jonchent le rivage: c’est cette craie qui, se délayant sous l'action des vagues, donne au lac sa couleur particulière. La grève est composée de graviers, de fragments de calcaire plus ou moins usés par les flots, de débris de ce basalte noir si employé dans les constructions de Homs, et enfin d’une quantité innom- brable de coquilles roulées (Melanopsis bullio Parreyss, Theodoxia Jordani Rora var. aberrans Daurz., Corbicula fluminalis MuüLcer, etc...) qui, par places, forment des lits de plus d’un mètre d'épaisseur. D’après CHANTRE, de semblables amas se retrouveraient également sur les berges du côté Nord, mais se composeraient presque uniquement de Limnées, parmi lesquelles Locarp (2) n’a pas décrit moins de onze espèces !! La température de cette vaste nappe superficielle, qu’il serait bien plus juste d'appeler un marais qu’un lac, doit évidemment être très instable et suivre les variations de la température ambiante, se refroidissant et se réchauffant avec la plus grande facilité. Voici les chiffres que j'ai observés le 30 mai, à 6 heures du matin, à un kilomètre de la rive environ : Température extérieure, 16%; Température du lac, 19075. Le minimum de la nuit avait été de: 150. En dehors des Mollusques, dont je parlerai dans un instant. nos connaissances Zoologiques sur la faune du lac de Homs sont fort (1) E. CHANTRE : De Beyrouth à Tiflis. Le Tour du monde, t, LVIII, p. 214, 4809. 2e sem, (2) Locarp : Malacologie des lacs de Tibériade, d'Antioche et de Homes, etc. ’ 306 TH. BARROIS he: vagues et, pour ainsi dire, quasi nulles. ABouLFÉDA dit bien que le lac est poissonneux, mais ne cite aucune espèce; THomson (1) insiste également sur l'abondance des Poissons, n’indiquant toutefois que : l’Anguille (2), et signale en outre l’abondance des Sangsues qui sont pour les pharmaciens de la ville l’occasion d’un commerce lucratif(?). BurTox (3) raconte que «le long du bord occidental du lac il a trouvé le sol, jusqu’à la profondeur de 3 ou 4 pieds, presque uniquement composé de coquilles mortes (Neritina sp:? Lymnæa sp.? et une petite Moule d’eau douce). » Les Oiseaux d’eau abondent, — dit-il, — et les Loutres (Kelb-el-Moya, en arabe) ne sont point rares. Lorsque CHANTRE passa par Homs pour gagner le Caucase, il récolta sur les grèves de la rive septentrionale une grande quantité de coquilles vides de Mollusques. Ces coquilles « recueillies dans les délaissés où elles se trouvaient pour la plupart en véritables amas accumulés sans doute depuis nombre de siècles », étaient pour la majeure partie des Limnées, dans lesquelles Locarp n’a pas reconnu moins de 11 espèces, dont 7 nouvelles; ce sont: Limnæa colpodia Bourc. Limnea lagotis SCHRANK. L. callopleura Loc. L. lagotopsis Loc. L. reneana Loc. L. tripolitana LETOURN. L. Chantrei Loc. L. subpersica Loc. L. lagodeschina Bourc. L. peregriformis Loc. L. homsiana Loc. Sans compter les Mélanopsides : Melanopsis Saulcyi BourG. Melanopsis turcica PARREYSS. M. costata FÉRUSSAC. M. Jordanica Rortu. var. obsoletavon MARTENS. En outre, les récoltes de CHANTRE contenaient encore 5 espèces de Lamellibranches : Unio homsensis Lea. Leqguminaia Wheatlei LEA. U. emesaensis LEA. L. mardinensis LEA. Corbicula syriaca Bourc. De la présence de toutes ces espèces sur les berges du lac sous forme de coquilles roulées, il me paraît peut-être un peu imprudent (1) W. Taomsox: Journal from Aleppo, etc. Bibliotheca sacra nova, vol. V, n° XX, 1848. (2) On trouve l’Anguille dans le lac d’Antioche et dans quelques fleuves de Syrie. (3) BurrTox et DRrAKE : Unexplored Syria, t. II, p. 219. CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 307 de conclure à leur existence dans le lac lui-même sans les y avoir rencontrées autrement (1) De nombreux torrents grossissent le cours de l’Oronte et y amènent les dépouilles des divers Mollusques qui les. habitent; le fleuve à un cours rapide et charrie évidemment jusque dans le lac un grand nombre de coquilles provenant soit de ses propres eaux, soit de celles de ses affluents. C'est ainsi que j'ai recueilli abondamment dans le torrent de Leboueh le Melanopsis prærosa Ouivier et, dans le Nahr-el-Haroun, les Melanopsis turcica Parreyss, Theodoxia anatolica RecLuz, Limnæa tenera PARREYSS, Pseudamnicola Gaillardoti Bourç., Unio tinctus DROUET et U. Barroisi Drouet, formes que je n’ai point retrouvées vivantes dans le lac lui-même (2), mais dont les coquilles ont pu être roulées jusque sur les berges du lac par les flots de l’Oronte. Un fait assez bizarre vient à l’appui de cette manière de voir ; parmi tous les Mollusques du lac de Homs que j'ai soumis à M. DaAuTzENBERG, il ne se rencontre point une seule des espèces citées par Locarp. Or, tous mes spécimens ont été recueillis vivants par moi-même, soit sur les pierres de la grève, soit sur les touffes de Renoncules et de Ceratophyllum ; en voici les noms : Melanopsis bullio Parreyss. Limnœæa palustris MüLLer. Bithinia badiella Caarp.. Planorbis homsensis DAUTz. Theodoxia Jordani RoTtu var. aberrans DAUTz. L’unique espèce de Lamellibranche que j'ai rencontrée est la Corbicula fluminalis O. F. MüLLer, tandis que Locarp assure que la C. syriaca BourG existe seule dans le lac de Homs. Or, je l’ai déjà dit plus haut, les exemplaires soumis à M. DAUTZENBERG avaient été recueillis. au hasard au milieu de plusieurs milliers d'individus. Ce Mollusque est, en effet, extraordinairement abondant dans la vase du fond ; à 30 mètres du bord, sous un mètre d'eau, le sol en était littéralement pavé, et partout où j'ai dragué, j'ai constaté le même fait. Par contre, je n’ai point ramené de Naïades ; je me hâte de dire qu'il n’en faut (1) Nombre de voyageurs ont signalé l'existence de coquilles plus ou moins rou- lées, souvent même intactes, sur les grèves de la Mer Morte, et l’on sait pourtant que les eaux du lac Asphaltite sont absolument inhabitées, comme je l'ai définitivement démontré. (2) Je n’entends toutefois nullement dire par ceci que des recherches plus persévérantes ne les y feraient point découvrir. Pa ? arhtti ammtits, es À " À 2 MAT NE w E à UT Te 3 ‘ 87: Li CONS “ x 308 TH. BARROIS 1 A: ÿ RUE ES ER À 1 4 point conclure positivement à leur absence dans les eaux du lac :. on trouve, en effet, des Unio et des Lejuminaia dans l’Oronte, et j'ai moi-même rencontré deux formes nouvelles (Unio tinctus et U. Barroisi Drouer) dans un de ses affluents, le Nahr el-Haroun. Le temps trop court que j'ai passé sur les rives du lac ne m’a pas permis d’en étudier à fond la population ; fortement éprouvés par la fièvre et par la dysentérie à la suite d’une pénible excursion à Palmyre, nous avions hâte de gagner, pour nous refaire, les hauteurs plus salubres du Liban et, pour comble d’ennui, une véritable tempête souffla sur le lac presque sans interruption durant les trente-six heures que nous demeuràämes sur ses rives, rendant la navigation fort difficile et même dangereuse en raison de la légèreté de notre canot de toile. Avant d'arriver au village de Schoummarieh, j'avais rencontré un pêcheur qui, rebuté par le mauvais temps, s’en revenait, le filet sur l'épaule; sur mes instances, appuyées de l'offre d’un bon bag- chisch, il consentit à me louer ses services pour la journée et grace à lui, je pus obtenir quelques beaux spécimens de différents poissons du lac. Ces poissons, que le professeur LorrTer a eu lobli- seance de déterminer, appartiennent aux espèces suivantes : Capoeta Barroisi LORTET. Barbus luteus GUNTHER. Macrones Aleppensis GUNTHER. B. barbulus Hecket. Barbus longiceps Cuv. et VaL. Chondrostoma regium GUNTHER. B. canis Cuv. et VAL. Voici la diagnose du Capoeta Parroisi telle que Lorrer a bien voulu nous la communiquer : D'=M2 ÀA'=—= 8 VÈE=S Qi RU Ke ligne latérale — 79-83 à Ce Capoète est voisin du Capoeta trutla, il est entièrement cou- vert de taches noires comme celui-ci, mais il en diffère nettement par la nageoire dorsale. L'espèce du lac de Homs à douze rayons dont neuf branchus à sa dorsale, tandis qu’un spécimen du Capoeta trutta pris dans l’Euphrate à Biredjick et qui appartient à la collec- tion du Muséum de Lyon, da que huit rayons branchus? De plus la principale différence est dans la forme de cette nageoire dorsale: chez le Capoeta trutta la hauteur de la dorsale est, d’après HECKkEeL (1), (1). HeckeL in Russeger's Reisen, pl. IV, fig. 3. CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 309 environ le double de longueur (long. 18 m/m, haut. 32 m/m); Ja dorsale de l'espèce de Homs est au contraire plus longue que haute (long. 55 /", haut, 40 m/m); elle ne possède pas ce long rayon épineux et dentelé particulier au Cap. trutta. Le rayou épineux de l'espèce ‘de Homs n’est pas dentelé jusqu'à son extrémilé supérieure, mais seulement à partir du tiers supérieur de la hauteur; les dentelures disparaissent vers le quart inférieur. La longueur de la tête est comprise cinq fois dans la longueur du corps sans la caudale. L'espace interorbitaire contient deux fois et demie le dia- mètre de l'œil. Le Capoeta Barroist atteint une longueur de 40 centimètres. Ces caractères spécifiques sont communs à tous les individus. pêchés dans le lac de Homs, ainsi qu’à un autre spécimen du Muséum de Lyon pris dans l’Oronte à Antioche. Cette espèce doit donc appartenir en propre à l'Oronte. Habitat: Lac de Homs, Oronte. Cette liste est bien courte, mais elle constitue néanmoins le pre- mier document que nous possédions sur la faune ichthyologique du lac de Homs; des recherches plus suivies ne manqueraient pas de l’augmenter, car le pêcheur m'assura que, si le temps eût été plus favorable, ses filets m'eussent ramené beaucoup d’autres espèces. En dépit de ce que dit THomsoN, j'ai bien peine à croire que l’An- guille puisse remonter jusque dans le lac de Homs : la haute digue de basalte qui barre l’entrée septentrionale du lac doit constituer pour elle un insurmontable obstacle. Comme d'ordinaire, les Grenouilles, les Crapauds, les Tortues et les Telphuses peuplent en abondance les roselières voisines ; des myriades d’Orchesties (0. Bottae CzerN.) grouillent sous les débris végétaux que la tempête a jetés sur la grève. Les galets de la rive disparaissent sous un revêtement de Gasté- ropodes : Melanopsis bullio Parreyss. Limnaea palustris MuüLLER. Bithinia badiella Care. Planorbis homsensis DAuTz. Thedoxia Jordani Rortx var. aberrans DAurTz. Les Gammarus ({1. Veneris HELLER) et les Bryozoaires (Fredericella sultana BLBcx.) sont aussi fort abondants dans cette zone. Enfin je 310 TH. BARROIS mentionnerai quelques rares Hirudinées, appartenant toutes à l’es- pèce Mina Blaisei R. BL. Les pêches au filet fin que j'essayai la première journée le long. des rives, ou en entrant dans l’eau jusqu'à la ceinture, ne me don- nèrent que de très maigres résultats, en raison de l'agitation des eaux. Le lendemain matin, vers cinq heures, la brise ayant molli, Je‘ pus faire une longue excursion dans mon canot de toile et exé- cuter une nombreuse série de pêches de surface qui me démon- trèrent l'extrême richesse du Plankton, sinon en espèces, du moins en individus. Voici la liste des espèces recueillies (1) : Hémiptères. — MNaucoris cimicoides. L. Dans les touffes de Renoncules. Hydrachnides. — NVesœa sp. Dans les touffes de Renoncules. Copépodes. — Cyclops strenuus FiscHEer. Canthocamptus sp. Plus spécialement dans les points libres de toute végétation, de même d’ailleurs que toutes les espèces qui suivent. Cladocères. — Bosmina longirostris. 0. F. MüLLer. Daphnia longispina. Leypic. Daphnella brachyura Liévin. Monospilus tenuirostris FISCHER ? Ceriodaphnia quadranqula 0. F. Müzcer. Les Bosmines, surtout, sont en extraordinaire abondance ; les Daphnelles et les Daphnies sont d’ailleurs également fort communes. Rotifères. — Asplanchna syrinr Enr. Brachionus caudatus nov. sp. A. priodonta Gosse. Notholca orientalis nov. sp. (Œcistes Syriacus nov. Sp. Triarthra longiseta Enr. Anurea aculeata Enr. Polyarthra platyptera Er. Les Asplanchna sont, de loutes les formes, les plus communes de beaucoup. Protozoaires. — Ceratium hirundinella. O. F. MüLLer. (1) J'ai retrouvé à Homs les mêmes zooglées (Palmellacées ?) si communes à Tibé- riade et, en outre, une belle espèce de Pediaslrum. CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DE QUELQUES LACS DE SYRIE 311 Si écourtées qu'aient été nos recherches par suite de notre rapide passage et surtout du mauvais temps, on voit qu'elles nous ont fourni neanmoins d’intéressantes données sur la faune de ce lac qui, jusqu'alors, était totalement inconnue, en dehors de ce qu'on savait par CnantRe et Locarp sur les Mollusques des grèves. Pour nous conformer à la méthode suivie jusqu’à présent, nous résumerons en un tableau récapitulatif les résultats de notre exploration ; les espèces dépourvues d’astérisque sont celles qui ont été signalées par CHANTRE et que je n’ai pas revues. Reptiles. — * Emys caspicu. SCHWEIG. Batraciens. — * Rana esculenta. L. 1: * Bufo vulgaris. LAUR. Poissons. — * Barbus longiceps Cuv. et Var. * Chondrostoma regium GuNTHER. *Bsivcants: Guy. et VAL: * Macrones aleppensis GUNTHER. * B. luteus GUNTHER. * Capoeta Barroisi LOoRTET. * B. barbulus HECckEL. Gastéropodes. — Limmæa colpodia BourG. L. peregriformis Loc. L. callopleura Loc. * L. palustris MüLLER. L. reneana Loc. Melanopsis Saulcyi Bourc. L. Chantrei Loc. M. costata FÉRUSSAC. L. lagodeschina Bourc. M. turcica PARREYSS. L. homsiana Loc. M. jordanica Rotx var. obsoleta. L. lagotis Scarank. * M. Chantrei Loc. L. lagotopsis Loc. * Bithinia. badiella Caarp. L. tripolitana LETOURN. * Theodoria JordaniRorta var. aberrans DAUTz. L. subpersica Loc. * Planorbis homsensis Daurz. Lamellibranches. — Unio homsensis LEA. * Corbicula fluminalis O.F. MüLLer. U. Emesaensis LEA. Leguminaia Wheatlei Lea. Corbicula syriaca BourG. L. mardinensis LEA. Hirudinées. — * Dina Blaisei R. BL. Bryozoaires. — * Fredericella sultana BLecx. Hémyptères. — * Naucoris cimicoïdes L. Décapodes. — * Telphusa fluviatilis BELON. 312 TH. BARROIS | É Amphipodes. — * Orchestia Bottae CzERN. * Gammarus Veneris HELLER. Copépodes. — * Cyclops strenuus FiIscHEr. * Canthocamptus. sp. Cladocères. — * Bosmina longirostris O. F. MüLzer. * Daphnia longispina Leynic. * Daphnella brachyura. Liévin. * Monospilus tenuirostris FIscHER? * Ceriodaphnia quadrangula O.F. MüLLer. Rotifères. — * Asplanchna syrinx. Enr. * Brachionus eaudatus nov. sp. : * A. priodonta Gosse. * Notholca orientalis nov. sp. $ ‘ Œcistes Syriacus. nov. sp. * Triarthra longiseta Eur. | 5 Anuræa aculeata. Enr. * Polyarthra platyptera Egr. Protozoaires, — * Ceratium hirundinella O. F. MüLLer. Il est bien évident que des recherches entreprises dans de favorables conditions augmenteraient notablement cette liste. Peu après sa | sortie du lac de Homs, l’Oronte se divise en plusieurs bras marécageux, que traverse la route carrossable de Homs à Tripoli ; le 28 mai, J'avais exploré ces marais qui contiennent une faune très intéressante, comme on en jugera par l'aperçu suivant: Gastéropodes. — Planorbis hebraicus Bourc. Valvata Saulcyi BourG. Pl. rotundatus PoiRer. Hirudinées. — Dina Blaisei R. Bd. | Briozoaires. — Plumatella polymorpha KraEr. var. cæspitosa. Coléoptères. — Cælambus orthogrammus Saarp. Helophorus granularis L. Hémiptères. — Corixa striata L. Notonectes glauca L. Décapodes. — Telphusa fluviatilis BELoN. Hemicaridina Desmaresti MILLET. Ostracodes. — Cypridopsis villosa Juris. Beaucoup de ces espèces doivent se retrouver dans le lac de Homs, où une exploration plus attentive les fera probablement découvrir. 913 A PROPOS DE TETRANTHELLA FRUTICOSA (ScHM.) Len. PAR E. TOPSENT. Tout récemment, LENDENFELD (1) a rangé parmi les Lithistides, sous le nom de Tetranthella fruticosa (Scum.) LEenn., une Éponge de l’Adriatique que 0. Scaminr avait appelée, en 1862, Suberites fruticosus et Suberites crambe. Dès 1880, VosMAER (2) avait constaté qu'il s'agissait d’une seule et même espèce. Il fut moins heureux en proposant pour elle une dénomination nouvelle, Crumbe harpago Vosm., que les lois les plus élémentaires de la nomenclature empêchent de maintenir. En présence de deux termes spécifiques synonymes, il devait faire un choix et ne pas les supprimer d’un seul -coup pour les remplacer par un troisième. Quant au genre Crambe, il existait depuis longtemps, créé par LiNNé pour une Crucifère de notre pays, Crambe maritima. L'Éponge en question n’est certainement pas un Suberites ‘et le genre Tetranthella de LENDENFELD peut passer pour une excellente inno- vation. VosMAER, ayant observé des isochèles, les avait attribués en trop au prétendu Crambe, qui, en réalité, n’en possède point. Mais il avait parfaitement exprimé la forme de ses spicules caractéristiques € foliato-peltate » (3), en les comparant à ceux des Lithistides « unre- gelmässige, lithistidenartige Kôrperchen und Scheibchen » (4). Ces spicules spéciaux ont surpris EENDENFELD et l’ont conduit à établir dans la tribu des Lithistida anoplia une famille des Tetranthellidæ. Tetranthella fruticosa est commune sur les côtes méditerranéennes de France. O. Scaminr l’a vue à Cette, et je sais qu’elle existe à (1) R. von LENDENFELD: T'etranthella, eine neue Lithistide, Zool. Anzeiger, n° 440, Leipzig, 1894. (2) G. C. J Vosuarr : The Sponges of the Leyden Museum. 1. The family of the Desmacinoxipæ, Notes from the Leyd:n Museum, vol. Il, p. 99, 4880. (3) Loc. cit., p. 135. (4) G. C. J. Vosmarr: Spongien, Die Klassen und Ordnungen des Thierreichs. Leipzig und Heidelberg, 1887 (p. 350). 314 -__ E. TOPSENT Bandol (Var) et à Banyuls (Pyrénées-Orientales). Bien développée, elle acquiert l’habitus des Acanthella et son squelette se compose de fibres de styles passant aux subtylostyles, plus ou moins riches en spongine, et renforcées à leur surface par des spicules semblables à des desmas, sorte d'étoiles à trois ou quatre rayons aplatis et ramifiés, dont l’un proémine dans le choanosome tandis que les autres s'appliquent sur elles. Ce qué LENDENFELzD a vu sur le spécimen-type, desséché, de l’espèce, je l’ai observé également sur un fragment, sec aussi, d'un bel échantillon de l’Adriatique que m’a fort aimablement communiqué M. le Rév. A. M. Norman, lequel le tenait d’O. Scammr lui-même. A Banyuls, j'ai souvent recueilli Tetranthella fruticosa sur des Cystoseires et sur des souches de Posidonies. Vivante, elle est quelquefois jaune, le plus souvent rouge vif, et doit sa couleur, en grande partie au moins, à ses cellules sphéruleuses, petites mais abondantes. Dans cette condition, je l’ai toujours trouvée encroûtante, assez mince, et pourvue de spicules Wdesmoïdes si rares que je les ai laissé passer inaperçus et que je croyais avoir aflaire à une Éponge non décrite dont j'ai donné la diagnose ({) en l'appelant Stylinos brevicuspis. C’est seulement après examen du spécimen offert par le Rév. Norman que j'ai pu rectifier mon erreur: la forme des mégasclères, leur pointe brève, leur canal large, qui m’avaient tant frappé, m'ont révélé la vérité, mais, même alors, J'ai éprouvé beau- coup de difficulté à retrouver dans mes échantillons encroûtants, tant à leur base que le long de leurs fibres, les organites caractéristiques. Certainement, ils ne deviennent abondants qu’à partir du moment où la Tetranthella s'élève au-dessus de son support; les premiers formés sont même irréguliers, diactinaux ou triactinaux, à peine ramifiés. Au contraire des desmas des Lithistides, ils jouent ici un rôle accessoire, un rôle de microsclères, et ne se comparent guère qu'aux étoiles tétractinales des Trikentrion. Les coupes que j'ai pratiquées dans des Tetranthella conservées dans l'alcool, bien qu’imparfaites, m'ont montré un mésoderme collenchymateux et un système aquifère de type eurypyleux. C'est pour moi une raison de plus pour tenir Tetranthella fruticosa à l'écart des Tétractinellides. (1) Diagnoses d'Éponges nouvelles de la Méditerranée et plus particulièrement de Banyuls, Arch. Zool. exp. et gén. (2), vol. X, Notes et Revue, p. XX, Paris, 1892. 315 SUR UN RHABDOCOELIDE NOUVEAU DE LA FAMILLE DES PROBOSCIDÉS (SCHIZORHYNCHUS CŒCUS. Nov. Gen. Nov. sp.) PAR Paul HALLEZ. Professeur à la Faculté des Sciences de Lille. (PLANCHE Ill). J’ai trouvé la curieuse espèce dont l’étude fait l’objet de cette note, dans le produit d’un dragage fait le 22 septembre 1893, à deux nilles au large du Portel, à une profondeur de 13 à 44 mètres, sur un fond riche en Hydrallmania falcata, Antennularia antennina, Sertu- laria et autres Hydroïdes. Je n'ai observé que deux individus que j'ai recueillis au fond d’un cristallisoir où l’on avait isolé des Antennu- laria antennina. C'est un Rhabdocælide de la famille des Proboscidés, auquel je donne le nom de Schizorhynchus cœcus pour rappeler ses deux prin- cipaux caractères : la structure toute particulière de la trompe et l’absence d’yeux. Schizorhynchus cœcus a le corps incolore, aplati, allongé et extraor- dinairement contractile. Lorsqu'il rampe lentement (fig. 4), il mesure environ sept dixièmes de millimètre et présente une même largeur sur toute sa longueur, sauf aux deux extrémités du corps qui sont atténuées. Mais lorsqu'il se contracte, il peut prendre des formes très diverses ; le plus souvent alors toute la partie caudale postpharyn- gienne est fortement rétractée et adhère à la lame de verre. Dans ce cas, l'extrémité postérieure est large, spatuliforme, renflée dorsalement, le corps s’atténue graduellement d’arrière en avant jusqu’à l'extrémité antérieure, et le pharynx paraît tout à fait postérieur (fig. 2). Les téquments sont uniformément ciliés et présentent en arrière et surtout en avant une touffe de cils raides, tactiles. Dans Ia région ‘antérieure du corps, on observe deux ou trois paires de très petites vésicules marginales, transparentes, réfringentes, dépourvues de cils (fig. 1 et 2 v). Ces vésicules ne sont pas des organes adhésifs, ils ne ressemblent pas aux papilles adhésives décrites par JENSEN (1) chez (1) Jensen. — Turbellaria ad litora Norvegiæ occidentalis. Bergen, 1878. e 316 | ; P. HALLEZ Hyporhynchus (Xylosphæra) armatus. 1 n’est pas impossible que ces petites vésicules soient de ces productions traumatiques qu’on observe si souvent chez les Rhabdocælides lorsqu'on les a légèrement com- primés. Toutefois je dois dire que je les ai vues sur un individu qui n'avait pas même été recouvert par une lamelle de verre et que, dans les deux exemplaires observés, elles occupaient la même région et étaient disposées par paires. Les téguments sont complètement dépourvus de rhabdites et de. tout organe urticant. Cette particularité, jointe à l’absence des yeux et de pigment, me porte à croire que Schizorhynchus cœcus doit vivre en parasitisme ou en commensalisme. En eflet, les Rhabdocælides, d'ailleurs peu nombreux, dont les téguments sont dépourvus de rhabdites et d'organes urticants, peuvent être classés en deux caté- gories. Les uns ont des yeux, ce sont: Prorenetes chlorosticus, espèce fort peu connue ; Acmostoma Cyprinæ, qui vit en commensal dans la cavité palléale de Cyprina islandica: Graffilla muricicola, nmytili et Brauni, qui sont parasites, le premier dans le rein des Murex, le second dans les branchies de Hodiolaria discors, et le troisième dans le foie de Teredo, Gyrator notops (— hermaphroditus), espèce fort bien armée; Plagiostoma philippinense, espèce pélagique, et enfin Cylindros- toma Klostermanni et ponticum, chez lesquels l'absence des rhabdites est difficile à interpréter d’après le peu que nous savons sur leurs mœurs, tandis que l'interprétation de cette même absence des rhabdites chez les autres espèces protégées par leur hôte ou armées d’un redoutable appareil à venin ne présente pas de sérieuses difficultés. Dans la seconde catégorie de Rhabdocælides privés de rhabdites, les yeux font défaut, ce sont : Grafjilla tethydicola, parasite des Tethys, Anoplodium parasitica, parasite des Holothuries, et les espèces sui- vantes dont les conditions d'existence mériteraient d’être déterminées avec soin: Mecynostoma auritum, Opistoma pallidum, Prorhynchus sta- gnalis et Stenostoma unicolor. D'autre part on ne connaît actuellement que trois Rhabdocælides parasites pourvus de rhabdites, ce sont : Macrostoma scrobiculariæ, Provortex tellinæ et Monotus hirudo. Il semble donc résulter de ce qui précède, que la disparition des rhabdites est en relation avec l'établissement de conditions spéciales de défense ou de protection, et notamment avecle commensalisme et le parasitisme. La disparition des yeux représente sans doute une étape plus avancée de la dégradation de Forganisme sous l'influence du parasitisme. SUR UN RHABDOCOELIDE NOUVEAU 317 La trompe est située à une certaine distance de l’extrémité anté- rieure (fig. 4 et 2, Tr) et sa gaine s'ouvre ventrakement. Sous ce rapport, comme aussi par l’ensemble de son organisation, Schizorhynchus se rapproche des Hyporhynchus, mais il s'en éloigne considérablement par la structure de sa trompe. Celle-ci, lorsqu'on l’examine sur l’ani- mal vivant et tranquille, présente Ia forme d’un cône allongé dont la base serait arrondie et dont l’axe serait occupé par un canal allant déboucher à la pointe de la trompe (fig. 3). Ses fibres musculaires radiaires lui donnent un aspect strié transversalement. Même à un faible grossissement, on voit, à droite et à gauche, à la base de la trompe, un corps allongé (fig. 1, 2,3 et 4, Gl. pr) que je désigne sous le nom de glandes proboscidiennes. De chacune de ces glandes part en effet un canal excréteur (fig. 3) qui traverse la base de la trompe dans toute son épaisseur, et vient déboucher à angle droit dans ce qui paraît être un canal central. Pour bien se rendre compte de la structure de la trompe de Schizorhynchus, il faut tuer l'animal, par exemple par l’alcool. Alors la trompe se contracte, et on voit qu’elle est formée de deux lobes soudés à leur base et susceptibles de se recourber l’un au-dessus de l'autre en sens inverse, de manière à constituer une sorte de pince, comme je l’ai représenté dans la fig. 4, qui est la reproduction, ainsi d’ailleurs que toutes les autres figu- res, de dessins faits à la chambre claire. En même temps, les réactifs mettent en évidence les nombreux muscles rétracteurs (fig. 4, mr) qui sont courts, et rappellent la disposition des muscles rétracteurs de la trompe des Hyporhynchus. Ces muscles s’insèrent non seule- ment sur la base de l'appareil, mais encore sur les parties latérales et postérieures des deux lobes proboscidiens. Ces deux lobes sont coniques, mais m'ont paru aplatis sur leur face ventrale, de sorte qu'ils peuvent être considérés comme constituant un appareil à la fois préhenseur et adhésif, une sorte de pince-ventouse en forme de fer à cheval. On sait que la trompe différenciée des Proboscidés, connus jusqu’à ce jour, est un organe musculeux, conique et plein, bien difiérent par conséquent de la trompe que je viens de décrire. Aussi ai-je cru devoir créer, pour l’espèce nouvelle du Portel, un nom générique nouveau rappelant le caractère le plus saillant de cette espèce. -Le cerveau n’est pas visible sur l’animal vivant, mais il apparait après fixation et coloration. Ses contours toutefois sont peu nets. Il est situé, selon la règle, en arrière de la trompe. REA NAME DR h, 318 P. HALLEZ 7 Il n’y à pas trace de taches oculaires. Le pharynx (fig. 5), en forme de rosette, est situé dans la seconde moitié du corps, environ au commencement du troisième tiers de la longueur du corps. Je ne puis m'empêcher de faire remarquer à ce propos la relation qui existe entre la position postérieure du pharynx et la forme aplatie du corps. C'est une nouvelle confirmation de la loi morphogénique que J'ai exposée dans d’autres publications (1), et qui est d'autant plus intéressante que le cas de Schizorhynchus est exceptionnel dans la famille des Proboscidés. Je n'ai rien de particulier à signaler à propos de l'estomac, si ce n’est que je n’y ai trouvé comme contenu que des granulations et des gouttelettes graisseuses. Je n'ai pas étudié l’appareil excréteur. Les organes de la reproduction sont très semblables à ceux du genre Hyporhynchus. Il n’y a qu’un seul orifice génital. Celui-ci est situé entre le pharynx et l’extrémité postérieure du corps, mais la distance qui le sépare de la bouche est plus grande que celle qui le sépare de la pointe caudale. Les organes reproducteurs femelles comprennent deux ovaires (fig. {, ov), deux longues glandes vitellines lobées (fig. 1, GI. v latérales, s'étendant presque sur toute la longueur comprise entre le cerveau et le pharynx, et une forte bourse séminale sphérique (fig. 1, Bs) en communication par un canal avec le cloaque génital. Cette bourse séminale ou receptaculum seminis ne diffère de celle des Hyporhynchus que par l’absence d’un appendice chitineux à l’extrémité en cul-de-sac. Les organes reproducteurs mäles consistent en deux testicules petits, arrondis, situés immédiatement en arrière du pharynx et qui, à l’époque où je fis mes observations, ne produisaient pas de spermatozoïdes, car ils étaient transparents et difficiles à voir. Les deux canaux déférents eux-mêmes (fig. 6, cd) étaient vides et visibles seulement dans le voisinage de la vésicule séminale. Cette dernière, de même que dans le genre Hyporhynchus, n’est pas distincte du réservoir des glandes granuleuses accessoires mâles (fig. 1 et 6, gl. ac). À un grossissement un peu fort, la vésicule (fig. 6, vs) commune aux spermatozoïdes et au produit des glandes accessoires mâles, se montre constituée par une série de loges périphériques remplies de granulations et repré- sentant le réservoir des glandes accessoires, et par une loge centrale (vs) . (1) P. Hazzez. — Morphogénie générale et afinilés des Turbellariés, Trav. et mém. des Facultés de Lille, T. II, Mém. n° 9,1 PI., et Catalogue des Turbellariés et des Polyclades du Nord de la Franee et de la côte boulonnaise. — Revue. biol, du Nord de la France. SUR UN RHABDOCOELIDE NOUVEAU 319 dans laquelle débouchent les deux canaux déférents, et qui doit se remplir de spermatozoïdes quand les testicules sont à maturité sexuelle. Enfin l'organe copulateur (fig. 6 et 7, pe et pe’) n’est pas très différent de celui de Hyporhynchus penicillatus. Dans cette espèce, il consiste en deux parties chitineuses en forme de cuillère, dans Schizorhynchus cæcus il est composé de deux parties chitineuses en forme de spatules bifides. En résumé, si l’on ne tient pas compte de la structure si particulière de la trompe chez Schizorhynchus cœcus, on doit reconnaître que les caractères de cette espèce répondent bien à la diagnose du genre Hyporhynchus telle qu’elle a été donnée par L. von Grarr (1); ils ne s’en écartent que par l’absence de tout appendice chitineux à l'extrémité en cul-de-sac de la bourse séminale. Aussi les affinités de l’espèce du Portel avec le genre Hyporhynchus me paraissent évidentes, bien que l’aplatissement du corps, la position du pharynx, l’absence des yeux et des rhabdites soient autant de caractères secondaires séparant les deux genres. Ces caractères secondaires, d’ailleurs spécifiques, joints à la nature du contenu stomacal et surtout à la transformation de l'appareil proboscidien, me semblent pouvoir être considérés comme des adaptations subies par l'organisme sous l'influence du parasitisme ou du commensalisme. J'espère que les hasards de la pêche me permet- tront de retrouver cette intéressante espèce et d'étudier les conditions dans lesquelles elle vit. Je termine cette note en donnant un tableau dichotomique des six genres qui composent actuellement la famille des Proboscidés, et la diagnose du Schizorhynchus cœcus. TABLEAU DICHOTOMIQUE DES GENRES DE LA FAMILLE DES PROBOSCIDÉS. 4. Extrémité antérieure non ciliée, transformée en unes trompe rétractile privée de gaine............ Pseudorhynchus. : HROMbe DOUrVUE d'une gaine, nee ei (2). (4) L. von Grarr. — Monographie der Turbellarien. Lepzig, 1882, p.336. — Voici la traduction de cette diagnose : ( Trompe petite, en arrière de l'extrémité antérieure, avec » gaine proboscidienne s’ouvrant sur la face ventrale, pourvue de muscles et de nom- » breux faisceaux fibreux courts, rétracteurs. Un seul orifice génital ; deux ovaires et » deux longues glandes vitellines distincts; une forte bourse séminale portant un » appendice chitineux à l'extrémité en cul-de-sac. Deux testicules petits et arrondis, » pénis avec vésicule séminale et réservoir des glandes accessoires mâles non distincts, » dont les conduits excréteurs sont emboîtés l’un dans l’autre et soutenus par des » canaux chitineux spéciaux aux deux liquides. Pharynx en forme de rosette ou doliiforme.» É Ft c D AP A AU RS 320 P. HALLEZ. — SUR UN RHABDOCOELIDE NOUVEAU 2. Trompe conique musculeuse, massive .......... A Je pu 3. Trompe fendue longitudinalement en deux lobes. Schizorhynchus. Gaine de la trompe s’ouvrant à l'extrémité anté- TURC ALORS. AL : 2 2 RMS LIRE ANR RTE ER Gaine de la trompe s’ouvrant sur la face Pr en arrière de l'extrémité antérieure du corps. Hyporhynchus. Un seul orifice génital, deux ovaires, deux testicules (5). - Deux orifices génitaux, un ovaire, un testicule... Gyrator. Vésicule séminale et réservoir des glandes acces- soires mâles séparés, mais entourés d’une mus- | ; culature) COMMUNE een AR AA EN Re Acrorhynchus. Vésicule séminale et réservoir des glandes acces- soires mâles complètement séparés............ Macrorhynchus. DraAGNose pu GENRE SCHIZORHYNCHUS. Trompe fendue longitudinalement en deux lobes, avec deux glandes spéciales à la base, Située en arrière de l'extrémité antérieure du corps; gaine de la trompe S'ouvrant Sur la face ventrale ; muscles et nombreux faisceaux fibreur rétracteurs. Un seul orifice génital ; deux ovaires ; deux longues glandes vitellines lobées ; une forte bourse séminale dépourvue d'appendice chitineux à son extrémité aveugle ; deux testicules petits el arrondis; pénis avec vésicule séminale et réservoir des glandes accessoires mâles non distincts, dont les conduits excréteurs sont soutenus par des canaux chitineux spéciaux. Pharynx en forme de rosette. DrAGNoSsE DE SCHIZORHYNCHUS COECUS. Corps incolore, aplati, allongé, extrémement contractile, pourvu de cils raides aux deux extrémités qui sont atténuées. Pas d'organes visuels. Pharynx situé franchement dans la seconde moitié du corps, environ au commencement du troisième tiers de la longueur du corps. Organe copulateur composé de deux parties chitineuses en forme de spatules bifides. Orifice génital plus rapproché de l'extrémité postérieure que de la bouche. Habite la mer. Longueur 0.70 mn. LETTRES COMMUNES A TOUTES LES FIGURES DE LA PLANCHE II. Tr. Trompe. — G{. p.r. Glandes proboscidiennes. — V. Vésicules marginales. — Gl. v. Glandes vitellines. — Ph. Pharynx. — Ov. Ovaires. — Bs. Bourse séminale. — Pe. Pénis. — Gl. ac. Glandes accessoires mâles. — Py. Pore génital. LE GENRE HYDKROLIMAX Harpeman Par P. Hallez. Le genre Hydrolimax a été établi par HazDEemaAN (1) en 1842. Voici tout ce que dit cet auteur à son sujet : Hydrolimax. Body slender, limaciform, parenchymatous, provided with vibrilæ (cilia) without tentacles or eyes, a posterior nucous pore? mouth subterminal, bellshaped when expanded. Lives upon mud ad the battom of quiet water: progression as in Limax. Hydr. grisea. Half an inch long, mottled grey above; colorless below, and upon each side of the anterior extremity, where the grey of the back is suddenly narrowed. Hab : witg the preceding species (2), Bears a stri- king ressemblance to a large grey Limax (L. togata; Gould), found in Pennsylvania and Virginea. » En 1851, Leiny (3) décrivit cette même espèce sous le nom de Catesthia stellato-maculata, sur des individus qui lui avaient été trans- mis par HALDEMAN (4). En 1851, CH. Girarp (5) fait connaitre une seconde espèce sous le nom de Hydrolimax bruneus. Enfin, dans son dernier travail sur les Planariés et les Némertiens de l'Amérique du Nord, CH. GiraArp décrit et donne des figures de l’Hydrolimax griseus (= Catesthia stellato-maculata Lex) et de l’Hydromax bruneus Grrarp. Les caractères qu'il attribue au genre Hydrolimax sont ceux que l’on peut établir d’après une observation (4) HazpeMan. — Descriplion of two new species of Cypris, and a genus of Sterel- mintha presumed to be new. — Proceed. of. the Acad. of nat. Sc. of Philadelphia. Vol. I. 1842, p. 166. (2) Cypris discolor et vilrez. Hab.: a log-pond at the mouth of the Chiquesa- lunga, on the Susquehanna, (3) Leipy. — Proc. Acad. nat. sc. Philad., V, 1851, p. 290. (4) Voir Cu. Girarb. — Recherches sur les Planariés et les Némertiens de l’Amé- rique du Nord. — Ann. des Sc, nat. S, 7, t. XV, p.161, 1893. (5) Le Naturaliste, Paris, 1891, p. 80, 322 P. HALLEZ superficielle de l’extérieur de l’animal, et n’ont aucune valeur. Voici d’ailleurs ces caractères : «€ Le corps est grêle, limaciforme, parenchymateux, d’une mollesse extrème, pourvu de cils vibratiles. La tête est continue avec le corps, dépourvue de tentacules, mais parfois munie de chaque côté d’appendices angulaires, plus ou moins prononcés. La bouche ïinfère est grande et subterminale ; l’æsophage, lorsqu'il est distendu, est en forme de campanile, ou d’amphore. Une paire d'ocelles, situés profondément dans l'intérieur d’un espace trans- parent. L’orifice génital est situé vers le milieu de la face inférieure. » L'Hydrolimax griseus, autant qu’on en peut juger par la des- cription et par les dessins de GirarD (1) paraît être un Rhabdocælide de la famille des Plagiostomides. Les « organes ramifiés en forme de grappes, composés de corpuscules mous, ovoïdes, granulaires et arrondis, s'étendant de la pointe du pharynx à l'extrémité posté- rieure du corps, » et que Girarp prend pour des ovaires, sont vraisemblablement les glandes vitellines. La forme du corps, la forme et la position du pharynx, l’absence de tentacules, semblent indiquer le genre Plagiostoma. C'est d’ailleurs une espèce marine ou au moins d'eau saumätre. Quand à l’Hydromax bruneus GirarD (2), c’est certainement un Triclade paludicole qui doit rentrer dans le genre Dendrocælum. Les figures de Girarp, bien plus que sa description, ne laissent aucun doute à cet égard. C’est d’ailleurs une espèce d’eau douce. On voit done que le genre Hydrolimax doit être rayé de la nomenclature, et que J'ai eu raison de ne pas mentionner ce genre dans la liste des Paludicola (3). (1) Loc. cit. p. 161. PI. INT, fig. 8-21, (2)#LOCACIL MP AG PEN 2009222225 (3) P. Hazzez. — Catalogue des Turbellariés du Nord de la France et de La côte boulonnarise. — Revue biologiq. du Nord -de la France. T. IV, p. 426 323 SUR LA PRÉSENCE DANS LE DÉTROIT DU PAS-DE-CALAIS pe L'ACRORHYNOHUS BIVITTATUS ULrant. L'Acrorhynchus bivittatus est un Rhabdocælide de la famille des Proboscidés, connu seulement par un exemplaire trouvé, dans la baie de Sébastopol, par ULraAnIN (1). Je n’ai observé moi-même qu'un seul individu que j'ai recueilli dans des touffles de Sertulariens provenant d’un dragage, fait le 26 septembre 1893, par le travers d’Ambleteuse, à trois milles au large, à une profondeur de 21 mètres, sur l’Huitrière (2). Acrorhynchus bivittatus est done une espèce extrêmement rare et” dont la présence, en deux localités aussi éloignées, mérite d’être signalée. Le genre Acrorhynchus à été créé par GRArFF (3) qui l’a caractérisé de la manière suivante : «Gaine de la trompe s’ouvrant à l’extrémité antérieure du corps. Un seul orifice génital : deux ovaires et deux testicules allongés pairs; glande vitelline réticulée; vésicule séminale et réservoir des glandes accessoires mâles séparés, mais entourés d’une musculature commune ; spermatozoïdes et produit des glandes accessoires mâles traversant l’organe copulateur. Pharynx en forme de rosette. » ULrANIN à décrit son Proboscidé sous le nom de Gyrator bivittatus. C’est GRArF qui l’a fait entrer dans le genre Acrorhynchus, avec un point de doute, parce que les relations de la vésicule séminale et du réservoir des glandes accessoires mâles n’ont pas été suflisamment fixées par ULIANIN. (1) Ucranix. — Les Turbellariés de la baie de Sébastopol (Mém. écrit en russe). — Soc. des amis des sc. nat. de Moscou, 1870. (2) P. Hazcez. — Dragages effectués dans le Pas-de-Calais. — Revue biol. du Nord de la France. T. 1. 1888, p. 26. (3) L. von GrRarr. — Monographie der Turbellarien. Leipzig, 1882. 324 P. HALLEZ J’ai beaucoup regretté que des circonstances indépendantes de ma volonté m'aient empêché d'étudier avec soin ces relations. L’orifice génital est situé environ au milieu du tiers postérieur du corps. La forme toute spéciale des taches oculaires et le pédis mou, piriforme, dépourvu de toute formation chitineuse, ne me laissent aucun doute sur l'identité spécitique de l’exemplaire du Portel et celui de la baïe de Sébastopol. Je donne à cette espèce la diagnose suivante : Corps cylindrique, arrondi à ses deux extrémités, légèrement gonflé en. arrière, jaune très pâle. Trompe bien développée, garnie de papilles dans le tiers antérieur. En arrière de la trompe, deux taches oculaires noires se prolongeant en avant chacune en une traînée pigmentaire. Pénis piri- forme, musculeux, dépourvu de toute formation chitineuse. Habite la mer. Longueur : 0,50 mm. P. HALLEZz. 925 VARIEÉTES Sur l'Insecte qui attaque les Cèpes et Mousserons desséchés et sur les moyens de le détruire PAR R. MONIEZ. Le Boletus edulis, vulgairement connu sous le nom de Cèpe, est, comme l'on sait, l’objet d’un assez important commerce, soit qu’on le conserve dans l'huile ou qu’on le fasse dessécher; on en récolte de très grandes quantités pour ce dernier objet aux environs de Périgueux, où ils sont les meilleurs et en plus grand nombre, dans les garrigues de la Montagne-Noire, aux environs de Carcassonne, dans les montagnes de l'Aveyron et de la Lozère, aux environs de Bordeaux, etc. Quelques formes voisines sont employées &1i même usage. Malheureusement ces Champignons, d'où qu’ils proviennent, sont attaqués tous les ans par des vers qui arrivent vite à pulluler dans les sacs qui les contiennent et qui détruisent rapidement les tissus de ces cryptogames, en même temps que, par leur présence en elle- même, ils nuisent beaucoup à leur valeur marchande; ces vers sont encore nuisibles au commerce en restreignant l'exportation des Cèpes, car on en expédie dans nos colonies. D’après les renseignements que j'ai eus de plusieurs négociants en produits alimentaires, en particulier de M. Héprarp, de Paris, qui a tant fait pour le commerce des produits exotiques, les Cèpes sont récoltés à deux époques, au mois de mai et en août-sep- tembre-octobre, plus tôt ou plus tard, selon les pluies. Ceux de mai sont souvent pleins de vers au moment où on les cuville : un mois après ils 326 R. MONIEZ sont souvent complètement dévorés. Les Cèpes recueillis à la seconde époque, qui sont d’ailleurs de meilleure qualité, sont généralement de conserve et ne sont pas attaqués; toutefois, paraîtil, quand les vents humides soufflent trop longtemps, on y trouve aussi des vers. Les Cèpes peuvent se conserver un an et plus, si on a soin de les vanner de temps à autre et si on les tient dans un lieu bien sec, plutôt en sacs qu’en tonneaux, sans les presser. Mais les Cèpes ne sont pas les seuls Champignons que lon conserve à l’état sec et, en particulier, on garde quelquefois dans notre pays, bien que je ne sache pas qu'ils soient un objet de com- merce, une petite espèce au parfum exquis, le Marasmius oreades, vulgairement appelé Faux-Mousseron, extrêmement commun dans les gazons des dunes, sur nos côtes. Je ne les ai jamais vus attaqués, au bord de la mer, par ces vers qui détruisent les Cèpes, mais au bout d’un certain temps de conserve, on peut très souvent constater leur destruction par le même animal. Frappé des rapides dégâts subis par un lot de Cèpes, comme aussi par des Faux-Mousserons conservés à part, jJ’examinais les prétendus vers, qui sont de petites Chenilles très délicates, et Je ne doutais pas, en voyant leurs téguments très mous, qu'ils ne pour- raient résister à une température un peu au-dessus de la moyenne. Je plaçais done mes Champignons dans une étuve qui est constam- ment chauffée à 420 : au bout de fort peu de temps, les Chenilles cherchaient à fuir et quittaient les Cèpes, au bout de quelques heures elles étaient devenues flasques, sans mouvement: peu après, elles se desséchaient. Cette température de 42° avait également suffi pour tuer les œufs qui pouvaient n'être pas encore éclos, car aucune Chenille ne s'est ensuite développée dans les champignons étuvés. J'ai répété cette expérience à plusieurs reprises et je suis ainsi arrivé toujours à débarrasser mes Cèpes et Faux-Mousserons de ces hôtes désagréables, sans altérer en rien leurs qualités : à peine deviennent-ils plus secs et plus cassants dans l’étuve, mais leur pouvoir hygroscopique les à vite rétablis dans leur consistance normale, et leur parfum n’est en aucun cas diminué. Une fois étuvés et tenus dans des bocaux, ils se conservent parfaitement : j'en ai ainsi qui datent de plus de deux ans et qui ne présentent pas la moindre altération. Evidemment, l'exposition au soleil, dans le Midi, tuerait sans VARIÉTÉS 327 coup férir les Chenilles, mais peut-être les œufs, protégés dans le tissu du Cryptogame, pourraient-ils échapper à la dessiccation ; dans ce cas, les champignons seraient de nouveau attaqués au bout de peu de temps, car une fois les papillons développés, leurs larves pullu- lent : l’essai, en tout cas, est à tenter; mais, quoiqu'il en soit, le procédé de l’étuve est presque aussi simple et très sûr et, grâce à lui, on pourra désormais conserver ce produit recherché. Je suis convaincu d’ailleurs que la température de 42° n’est pas un minimum et qu’on pourrait l’abaisser sensiblement, à condition de laisser les champignons plus longtemps dans l’appareil. Le chauffage des Cèpes au bain-marie pour- rait aussi être employé. Une précaution, toutefois, est à garder : comme nous allons le voir, -le Papillon auquel la Chenille donne naissance est une espèce indi- gène : il faudra done conserver les Cèpes dans des sacs de tissu assez serré pour que l'animal n’y puisse pénétrer, ou pour que les Jeunes larves, issues des œufs qui pourraient être pondus sur le sac ne puissent atteindre les Champignons. La conservation en tonneaux des produits bien secs serait peut-être le meilleur procédé (1). J'ai dit plus haut que le « Ver » des Cèpes était une Chenille; j'ai envoyé le Papillon auquel elle donne naissance et qui pullule dans les bocaux où l’on enferme les champignons, à M. le Dr 0. STAUDINGER, Si Compétent dans l’étude de Microlépidoptères : il me l’a complaisamment déterminé pour la Tinea granella L. On sait que cet animal est une espèce fort nuisible, qui vit aux dépens du blé, de l'orge et du seigle amassés dans les greniers il fait deux pontes par an, l’une en mai, l’autre en juillet-août, la chenille ne se loge pas dans l’intérieur du grain, comme le fait celle d’une espèce plus nuisible encore, Butalis cerealella, mais elle en réunit deux, trois, ou plus, par des fils, en laissant entre eux un espace suffisant pour y filer le fourreau dans lequel elle s’abrite et d’où elle ronge les grains qui l’environnent. C’est ainsi que, d'habitude réunies (4) M. Héprarp me dit qu’il vaut mieux mettre les Cèpes en sacs qu'en tonneaux et que, placé dans un bocal bouché, ils prennent un goût fort, en même temps que la mite s'y met de suite. Je n'ai pas observé l’allération du parfum et la fermentation devient difficile quand le produit est bien desséché; mais, en tous cas, il est bien certain que les Champignons une fois étuvés, s'ils sont mis en vases clos, ne peuvent plus être attaqués par les chenilles, puisque la dessiccation tue les œufs et les larves du Papillon et que le parasite ne peut plus venir du dehors, 328 R. MONIEZ en très grand nombre, elles font subir aux céréales d'importants dégâts. La Tinea granella n'avait pas été, que je sache, citée comme vivant aux dépens d’autres substances que les céréales mentionnées (1) et sa présence dans les champignons desséchés est un fait qui n’est pas sans intérêt. L'animal étant dûment déterminé, j'ai recherché, si parmi les moyens indiqués pour le combattre dans les greniers, il ne s’en trouvait pas de plus pratiques encore que celui que j'ai recommandé plus haut. Parmi les nombreux procédés préconisés il faut citer lap- plication de la chaleur, qui semble celui dont on s’est le mieux trouvé : les uns recommandent une température de 75° c., maintenue pendant douze heures, soit au four, soit à l’étuve; d’autres se con-: tentent de 40 à 45° seulement, maintenus pendant deux jours. On voit que nos expériences confirment cette dernière donnée, mais qu’un temps beaucoup moins long suffit pour tuer les Chenilles et les œufs, et que sans doute quelques degrés de température en moins per- mettraient d'atteindre le même résultat (2). (4) On l'a indiquée il y a quelques années, comme vivant aussi aux dépens des grains de riz. Notes on indian insect pests, Calcutta, t. I, p. 53. (2) Notons, pour finir, que d’autres animaux s’attaquent aussi aux champignons secs : chaque fois que j'ai conservé des Marasmius oreades, ils n’ont pas tardé à être dévorés par des Acariens du genre Tyroglyphe (Tyroglyphus longior) qui, en peu de temps, se montraient par milliards. On sait que cette espèce se développe souvent en quantités énormes sur les matières alimentaires les plus diverses. Æ he. 329 rs LE DES MOLLUSQUES TERRESTRES ET FLUVIATILES RECUEILLIS PAR M. TH. BARROIS EN GAL ESTINEM ER ENTSYETLE PAR Ph. DAUTZENBERG (aveo 4 figures dans le texte). La Faune malacologique de la Syrie et de la Palestine a été étudiée par de nombreux naturalistes : FOoRSKAEL, OLIVIER, EHRENBERG, ROTH, DE CHARPENTIER, CONRAD, BOURGUIGNAT, MOussoN, TRISTRAM, LoCARD, KoBELT, etc. ; mais les mémoires les plus importants n’ont eu pour but que de faire connaitre les résultats de recherches effectuées par des voyageurs, et un travail d'ensemble fait encore défaut aujourd’hui. Les matériaux rapportés par M. Barrois et qu'il a bien voulu nous charger d’examiner prouvent, d’ailleurs, que le sujet est loin d’avoir été épuisé, car nous y avons rencontré plusieurs espèces qui n'avaient pas encore été signalées dans la région et d’autres qui sont inédites. Le soin tout particulier que M. Barrois à mis à consigner sur ses étiquettes la provenance exacte de ses échantillons accroît aussi les données que nous possédions déjà sur l'habitat des espèces qui composent sa collection. Nous ne mentionnerons ici que pour mémoire deux Mollusques : Cleopatra bulimoides Orrvier et Physa mareotica SowerBy, recueillis par M. Barrois à Gizeh (Égypte), car ils sont bien connuset n’appar- tiennent pas à la faune dont nous allons nous occuper. On pourrait s'étonner du nombre restreint des formes terrestres qui figurent dans la collection de M. Barrois: cela tient à ce qu'il ne s’est point occupé de leur récolte, estimant, à tort sans doute, que la faune malacologique de la Palestine était suffisam- ment connue par les travaux de ses devanciers. Quant aux Naïades, M. Barrois en avait préparé de nombreux “ 320 PH. DAUTZENBERG échantillons, provenant surtout de Tibériade et du Jourdain, dans le but d'assurer la révision des espèces, dont le nombre lui paraissait fortement exagéré; malheureusement la caisse qui les contenait a été égarée dans les hasards du voyage. Les espèces de Nahr-el-Haroun (affluent de l’Oronte) sont seules parvenues en France : elles ont fait l'objet d’une note antérieure de M. Drouer ({). Genre LIMAX LinXé. Limax maximus LINNÉ. 1767 Limar marimus. LiNNÉ Syst. Nat., édit. XII, p. 1081. 1885 » ) Lin. TryoN Manual of Conch. strute. and syst., p. 189, pl. XLVI, fig. 31-35, 39; pl. XLIX, fig. 76. Hagirar : El Bireh (BarRois). Limax (Amalia) barvpus BOURGUIGNAT. 1866 Milar barypus BourRGUIGNAT. Mollusques nouv. litig. ou peu connus, 7° décade, p.208, pl. XXXII, fig. 7 à 10. HaBirar : Aïin-Couffin ; de Jérusalem à Nazareth (Barrois). Genre HYALINIA FéÉRussAc. Hyvalinia camelina BOURGUIGNAT. 1852 Helix camelina BourGuiGNarT Testacea novissima quae cl. de Saulcy in itinere per Orientem collegit, p. 14. 1853 Zonites camelinus BouRGUIGNAT Catalogue Moll. terr. et fluv. rec. par de Saulcy, p. 9; pl. L fig. 23, 24, 25: 1865 Helir camelina Bourg. Trisrram Report terr. and fluv. Moll. of Palestine, in Proc. Zool. Soc. of London, p. 532. 1878 Hyalinia camelina Bourg. KoBeLt in Rossmässler’'s Iconogr., t. VI, p. _294pl.:CLIX, 184616: Hagirar : Tell-el-Kadi (Barrois). Naplouse et Baalbeck (BoURGuIGNAT) ; Jérusalem (Rora, TRrisTRAM) ; Nazareth, Jéricho (TRISTRAM). (1) H. Drouer : Description de deux Unios nouveaux de l'Oronte. Revue biol. du Nord, t. V, 1893. LISTE DES MOLLUSQUES TERRESTRES ET FLUVIATILES 391 Genre HELIX LiNé. Helix obstrueta FÉRUSSAC. 1821 Helir obstructa Férussac Tableau systématique, p. 69. 1853 > ) Fér. BourGuIGnatT Catalog. Moll. terr. et fluv. rec. par de Saulcy, p. 26. 1854 » Ù Mousson Coq. terr. et fluv. rec. par Bellardi, p. 43. 4861 7.) » Mousson Coq. terr. et fluv. rec. par Roth, p. 8. 18942 9 ) KoBEeLT in Rossinässler’s Iconogr., t. V, p. 16 ; ; pl CXXIV fe 0700 8701 HABITAT : Damas (BARRoIS). Tyr (BouRGUIGNAT) ; Saïda (MoussON, GAILLARDOT, 1854, teste Bourg. in notis); Kemlch, Jérusalem (Moussox) ; Asie-Mineure et jusqu’en Perse, en Egypte et en Tri- politaine (KoBELr). Helix syriaca EHRENBERG 1831 Helir syriaca EnRENBERG Symbolae physicae. Animalia Everte- brata, p. 81. 4839 Helir onychina RossmaAssLerR Iconogr., p. 7, pl. IX fig. 568 et var. gregaria, fig. 569. 1853 Helir syriaca Ehr. BourGuiGNatT Catal. Moll. terr. et fluv. rec. par de Saulcy, p. 25. 1854 Helir syriaca Ehr. Mousson Coq. térr. et fluv. rec. par Pellardi, p. 43. 1855 Helix syriaca Ebr. RorTa Spicilegium Moll. Orient, in Malak. BARS MED "25. 4864 Helix syriaca Ehr. Mousson Coq. terr. et fluv. rec. par Roth, p.s8. 1865 » » » TRISTRAM Report terr. and fluv. Moll. of Palestine, in Proc. Zool. Soc. of London, p. 532. HagiTAT : Homs ; de Tibériade à Houleh (Barrois). Syrie, Tyr, Jérusalem, Beyrouth, Nahr-el-Kelb, çà et là dans toute la chaîne du Liban (BouRGUIGNAT, Mousson), Mont Carmel (Abbé BarGës, 1853, teste BOURGUIGNAT in notis); Saïda (GarzLarpor, 1854, teste BourG. in notis) ; très répandue dans toute la Palestine (TRISTRAM). 992 PH. DAUTZENBERG Helix Olivieri FÉRussAC. 1821 Helix Olivieri Férussac Tabl. syst. 'p. 48. 1853 » » Fér. BourGuIGNarT Catal. des Moll. terr. et fluv. rec. pur de Saulcy;. p. 25: 1861 Helix Olivieri Fér. MoussonN Coq. rec. par Roth, p. 8. 1865 » ) » TRISTRAM Report on the terr. and. fluv. Moll. of Palestine, in Proc. Zool. Soc. of London, p. 532. 1879 Helix Olivieri Fér. PauLucer Fauna malac. della. Calabria, p. 71 (forma nana: pl. I, fig. 6). 6 1887 Helir Olivieri Fér. TryoN Manual of Conch. struct. and syst. t. LIL, p. 191, pl. XLII fig. 62 (forma nana Paulucci). HagrraT: route de Damas à Beyrouth (BARROIS). Liban, Syrie, aux environs de Beyrouth et de Jérusalem (BOURGUIGNAT) ; commun dans toute la Palestine (TRISTRAM). La forme de très petite taille (haut. 5 millim., larg. 7 millim.) recueillie par M. Barrors me semble bien correspondre à la variété nana PAuLUuccr. Helix joppensis Rorx. 1855 Helix joppensis Rora in Schmidt Stylomm., p. 29, pl. VI, fig. 34. 1861 » ) Roth. Mousson Coquilles terr. et fluv. rec. par Roth, p. 17. 197145 » KoBELT in Rossmässier’s Iconogr., t. V, p. 99 pl. CXLIV, fig. 1439. HABITAT : Damas (BaRrRoïs). Jaffa (KoreLr). Helix Langloisiana BOURGUIGNAT. 1853 Helir Langloisiana BourGuiGnatT Catal. Moll. terr. et fleuv. rec. par de Saulcy, p. 34, pl. I, fig. 39-41. 1855 » caperata Mont. var. Rota Spicil. Moll. Orient, in Malak. Blâtter, til; p.28; (SG » Langloisiana Bourg. Mousson Cog. rec. par Roth. p. 10. LISTE DES MOLLUSQUES TERRESTRES ET FLUVIATILES 399 1865 Helir caperata TrisrraM (non Monr.) Report terr. and. fluv. Moll of Palestine, in Proc. zool. Soc. of. Lond, p. 533. 1878 » » ) KoBeLT in Rossmassler’s Iconogr., t. VE, DA40 pl eCLIIEE HE MO0 TE HagirTar : Zoueirah (BaRRotis). Environs de la mer Morte, à Mar-Saba et à l’ouadi Beni- Hamma (BourGuiGNar). Commun aux environs de Jérusa- lem, Tibériade (RotTH, MoussoN, TRISTRAM). Cette espèce, fort voisine de l’H. improbata MoussoN, à cependant la carène plus accusée et l’ombilic moins ouvert. Bien qu'elle se rapproche des H. caperata MonraGu et profuga Scamior, elle ne peut cependant leur être identifiée. Genre BULIMINUS EHRENBERG. Buliminus (Chondrula) Saulecyi BOURGUIGNAT. 1852 Bulimus Saulcyi BOURGUIGNAT Testacea novissima quae cl. de Saulcy in itinere per Orientem collegit, p. 18. 1853 Bulimus Saulcyi BourGuIGNAT Descriplion de quelques coq. provenant de Syrie, in Journal de Conchyliologie, t. IV, p. 73 ; PME he 6: 1853 Bulimus Sauleyi BourGuiGNar Catalogue des Mollusques terr. et fluv. recueillis par de Saulcy, p. 42. 1853 Bulimus septemdentatus RorH, var. y. PFEIFFER. Monographia Heli- ceorun viventium, t. IE, p. 358. 1855 Bulimus Saulcyi Bourg. Rorx Spicilegium Molluscorum terris Orientalis prov. medit. peculiarium, in Malakozoologische Blatien, te Sp. O1: 1859 Bulimus Saulcyi Bourg. RossMAESssLER Iconogr., t. II, part. V-VI, p. 9%; pl. LXXXIIL fig. 918. 1861 Chondrus Sauleyi Bourg. Mousson Coq. terr.et fluv.rec. par Roth, p. 45. 1865 Bulimus (Chondrus) Saulcyi Bourg. TristrrAM /teport on terr. and fluv. Moll. of Palestine, in Proc. Zool. Soc. of London, p. 538. Hapirar: Djenin (BaRRois). Khan-el-Bedaouieh, près Nazareth (BourGuIGNarT) ; Syrie et Tibériade (Kogecr) ; Tibériade, Saïda (MoussoN) ; collines des environs de Tyr (TRISTRAM). 394 PH. DAUTZENBERG La récolte de M. BarRois contient un exemplaire unique d’un autre Buliminus que nous ne pouvons rapprocher que du B. diffusus Mousson, découvert par Sievers dans les alluvions de l’Araxe. C’est une coquille de petite taille (hauteur 6 1/2 millim., larg. 3 millim.), étroitement perforée, mince, cornée, striée obliquement, de forme bien ovale et composée de six tours convexes. L'ouverture est arron- die et ses plis, qui ne paraissent pas complètement développés, consistent en un petit tubercule blanc situé sur la convexité du dernier tour et une denticulation à peine indiquée, située vers le milieu du labre. L'état peu adulte de cet exemplaire et sa taille notable- ment plus petite que celle du B. diffusus (qui a 10 millim. de haut et 5 millim. de large) ne nous permet pas de lui attribuer ce nom avec certitude. Il provient de Damas, et a été recueilli un peu en dehors de la ville, sur la grande route de Beyrouth. Genre ANCYLUS GEOFFROY. Nous ne pensons pas que le genre Ancylus ait été signalé jusqu’à _ présent en Syrie. M. Mousson, dans la liste des Coquilles recueillies par SCHLageLt (Journal de Conch., t. XXIE, p.33), mentionne sous le nom d'A. radiolatus Küsrer var. orientulis Mousson, un Ancylus provenant de Diarbekir, dans la Haute-Mésopotamie : c'est là, croyons-nous, la localité la plus voisine qui ait été citée. Ancylus fluviatilis MULLER. 1774 Ancylus fluviatilis Muzer Vermium terr. et fluv. Hist., t. IE, p. 201, var. varians DaAurz. HaBiTaT: Ain-Afka (BarRois). Cet Ancylus ne nous paraît pas pouvoir être assimilé à la variété orientalis Moussox de l’A. radiolatus, car les stries rayonnantes sont, tantôt à peine visibles, même sous un grossissement assez fort, tantôt complètement absentes. M. Mousson signale, au contraire, chez sa var. orientulis des stries rayonnantes bien marquées (festa radiatim bene striolata). Les spécimens rapportés par M. Barrois se rapprochent, au contraire, à tel point de l'A. fluviatilis, que nous ne pouvons nous décider à les regarder que comme une variété de petite taille, bien LISTE DES MOLLUSQUES TERRESTRES ET FLUVIATILES 999 arrondie et à sommet élevé, de cette espèce. Le sommet dépasse ordinairement le bord de l'ouverture ; mais chez quelques individus il ne l’atteint pas. Les exemplaires que nous avons sous les yeux, bien qu'ils aient été pris vivants, sont entièrement dépourvus d’épiderme. Genre LIMNAEA LAMaARrCK. Limnaea tenera PARREYSS. 1855 Limnaeus ovatus (Drap.) Rotx Spicileqium Moll. Orient., in Ma- ak Blatter ste 12p.428! 1861 Limnaeus tener Parreyss Mousson Coquilles terr. et fluv. rec. par Roth, p. 54. 1865 Limnaeus tener Parreyss TRISTRAM Report on the terr. and fluv. Moll. of Palestine, in Proc. zool. Soc. of London, p. 540. Hagirar : Ruisseaux à Damas; marécages d’Ain-el-Musaieh; Lac Phiala: surface et à 1 m. 50 de profondeur; Et-Tell (gué du Jourdain); Nabr-el-Haroun (BARRoIS). Fleuve Melete, près Smyrne (Rorx); Asie Mineure, Perse, Damas (Mousson); environs du lac de Houleh (TRISTRAM). Ce Limnaea est représenté dans la collection de M. Barrois par de nombreux exemplaires ; mais la plupart sont jeunes et ne nous permettent pas d'apprécier la valeur de l’espèce établie par PaRREYSsS : ils diffèrent du L.ovata typique, par leur spire plus saillante et se rapprochent par ce caractère du L. intermedia FÉRuSSAc. Limnaea palustris MüLLER var. syriaea Mousson. 1861 Limnaeus syriacus Mousson Coquilles terr. et fluv. rec. par Roth, p. 99. 1865 Limnaeus syriacus"? Mouss. TRisTRaM Report terr. and fluv. Mol, of Palestine, in Proc. Zool. Soc. Lond., p. 540. Hagirar : Ruisselet à Damas (BarRois). Damas, Jérusalem (Moussox); indiqué avec doute des environs de Baalbeck, par TRISTRAM. 3936 PH. DAUTZENBERG D'après Moussow, cette forme serait intermédiaire entre le L. palustris et le L. peregra : moins allongée que le premier et plus que le second, elle constituerait une espèce spéciale. Mais en la comparant à de nom- breux spécimens de ces deux espèces européennes, nous constatons que si elle s'éloigne constamment du L. peregra par son test malléolé, son bord columellaire appliqué, sa coloration foncée avec le sommet de la spire noirâtre et l'ouverture d’un brun marron, elle se rapproche au contraire du L. palustris par tous ces caractères. Aussi le L. syriacus n'est-il, selon nous, qu'une variété courte du L. palustris. Limnaea truneatula. MULLER. 1774 Buccinum truncatulum Muer Vermium terr. et fluv. hist. Cl p 180: 4854 Limnacus truncatulus Müll. Mousson Coq. terr. et fluv. rec. par Bellardi, p. 49. £ HagirarT: Damas: route de Beyrouth (Barrois). Environs de Saïda (Mousson). Les spécimens rapportés par M. Barrois ne diffèrent de ceux que nous possédons de diverses localités européennes que par leur surface un peu plus luisante. Le L. hordeum MoussonN (Coq. rec. par Schlaefli, in Journal de Conchyliologie, 1874, p. 42), est une espèce voisine, provenant des alluvions de l’Euphrate et caractérisée par sa taille plus faible, ses tours plus effilés, non renflés au-dessous de la suture, etc. Genre PLANORBIS GUETTARD. Planorbis submarginatus DE CRISTOFORI ET JAN. 1832 Planorbis submarginatus DE Crisrorort ET JAN Catal., XX, n° 9, 42. 1850 » ) de Cr. et J. Dupuy. Hist. Nat. des Moll. terr. et d'eau douce de France, p. 446, pl. XXV, fig, 7. HaBirar : Petit ruisseau à Damas (BarRois). La seule différence qui existe entre les exemplaires receuillis par M. Barrois en Palestine et ceux de diverses localités françaises LT LISTE DES MOLLUSQUES TERRESTRES ET FLUVIATILES 3937 auxquels je les ai comparés, consiste en ce que la surface du test est un peu moins régulièrement striée ; la forme générale, l’accrois- sement des tours et l'ouverture sont en tous points semblables. Planorbis hebraieus BOURGUIGNAT. 4852 Planorbis hebraicus BourGuIGNAT Testacea movissima quae cl. de Sauley in itinere per Orientem collegit, p. 23. 4833 Planorbis hebraicus BourGuIGNar Catal. Moll. terr. et fluv. rec. par de Saulcy, p. 57, pl. Il, fig. 38, 39, 40. 1861 Planorbis hebraicus Bourg. Mousson Cogq.terr. et fluv. rec. par Roth, p. 95. 1865 Planorbis hebraicus Bourg. TrisTrAM Report on terr. and. fluv. Moll. of Palestine, in Proc. Zool. Soc. of London, p. 540. Hagirar : Homs : marais de l’Oronte ; Nahr-el-Haroun ; lac Phiala ; marécages d’Aïn-el-Musaieh; Et-Tell : gué du Jourdain (BARROIS). | Ruisseaux et eaux stagnantes qui environnent le lac de Houleh (BourGuiGnarT) ; Soûk-Ouady-Baradah, près Damas; Saïda (GaiLLarpoT, 1854, teste BOURGUIGNAT, in notis) ; Aïn-Mellahah (TRISTRAM). Planorbis homsensis DAUTZENBERG (fig. A)? Testa discoidea compressa, tenera, utrinque [subtus magis) late umbilicata, subtilissime striata. Anfr. 4 1/2 converti, celeriter crescentes. Sutura valde impressa. Anfr. ultimus basin versus subca- rinatus. Apertura perobliqua, marginibus approximatis et callo tenuissimo junctis. Labrum simplex acutum. Margo basalis incrassata. Color pallide corneus. Diam. maj. 5 millim., diam. min. 4 maillim., altit. 1 millim. Coquille discoïde, aplatie, mince, sub- hyaline, largement ombiliquée sur ses deux Fig. 1. — Planorbis homsensis faces, mais surtout du côté inférieur. Sur- Re face luisante, très finement striée. Spire composée de 4 1/2tours convexes, 338 PH. DAUTZENBERG à accroissement rapide, séparés par une suture bien marquée. Dernier tour s’élargissant vers la base, où il est subcaréné. Ouverture très oblique. Bords rapprochés et reliés par une callosité très mince, appliquée. Labre simple, aigu; bord basal épaissi. Coloration d’un fauve corné clair. Hagirar : Lac de Homs (Barrotrs). Comparée au PI. hebraicus, cette espèce est facile à reconnaître par sa taille plus faible, l'accroissement moins rapide des tours, le dernier tour moins dilaté, l’ombilic plus ouvert, enfin par une coloration plus foncée. Il ne peut être non plus assimilé au P{. piscinarum BouRGUIGNAT, de Damas, car il est sensiblement plus aplati et plus élargi à la base. Ce dernier caractère empêche également de l’assimiler au PI. Cornu ERRENBERG, qui vit dans le Nil. Genre MELANIA Lamarcx. Melania tubereulata MULLER. 477% Nerita tuberculata Muzzer Vermium terr. et fluv. hist. t, IX, p. 191. | 4804 Melanoides fasciolata Orivier Voyage dans l'Empire Ottoman, LOL, pe AÉupE NX EE TT | 1847 Melania virqulata Lam. CHaRPENTIER Coq. rec. par Boissier, in Zeitschrift für Malakoz., t. IV, p. 144. 1853 Melania tuberculata Müll. BourGuIGNaT Catal. moll. rec. jar de Sauley, p. 65. 1855 Melania tuberculata Müll. Rorx Spicilegium Moll. orient, in Malak. Blâtter, t. IL, p. 52. k | 4861 Melania tuberculata Müll. Mousson Coq. terr. et fluv. rec. par Roth, p. 60. AS74 Melania tuberculata Müll. BRoT Monogr. Melanidae, in MARTINI ET. CHemnirz, Conchyl. Cab:,-p. 247, pl. XXVI, fig. 412 à 11, 1883. Welania tuberculata Müll. Locarp Malac. des lacs de Tibériade. d'Antioche et d'Homs, p. 31. | HagirarT : Ruisseau à Palmyre; Lac de Tibériade, dragages de 23 à 25 mètres de profondeur (BARRoIs). Cette espèce, dont on connaît l’aire de dispersion considérable, a été recueillie dans les environs de Tyr (BouRGUIGNAT) ; sur les rives LISTE DES MOLLUSQUES TERRESTRES ET FLUVIATILES 339 du lac de Tibériade (CaarpeNTiER, Locarp); près du littoral de la Mer Morte (Roru). Nous trouvons de plus une annotation manus- crite de BourGuIGNar indiquant qu'elle a été rapportée du Jourdain, par l’abbé BarGës, en 1853, par Gaizcarpor en 1854 et par DE SAULCY en 1855. ; La récolte de M. Barrois renferme cette coquille polymorphe sous deux aspects très différents : 40 var. fasciolata Oruivier. Presque entièrement dépourvue de côtes longitudinales, ornée de flammules brunes et d’une large bande de même nuance qui contourne la columehe. Ce sont les exemplaires trouvés à Palmyre qui appartiennent à cette variété : ils correspon- dent parfaitement à la figuration donnée par Olivier, ainsi qu’à la figure 11 bis de la Monographie de Bror. Nous possédons des échan- tillons identiques provenant de Constantine (Algérie). 2 var. elongata Locarp. Les exemplaires dragués dans le lac de Tibériade par M. Barrois se rapportent à cette variété établie par M. Locarp pour des spécimens de la même localité. Ils sont très allongés et leurs côtes longitudinales saillantes dominent la sculp- ture décurrente. Toutefois, la coloration diffère de celle indiquée par M. Locarp: ils sont d’un jaune clair avec des ponctuations brunes sur les cordons décurrents, tandis que M. LocarD indique une colo- ration épidermique foncée, sans flammules longitudinales. Genre MELANOPSIS FÉrussac. Le genre Melanopsis est représenté en Palestine par de nombreuses formes qui ont été diversement appréciées : tandis que M. Kogeer n'admet que trois espèces : M. praerosa, M. costata et M. Saulcyi, et ‘qu’il considère toutes les autres comme des variétés, soit du praerosa, soit du costata, M. Locarp cite neuf espèces de ce genre et cela dans les lacs de Tibériade, d’Antioche et de Homs seulement. Il faut recon- naître qu'il est souvent très délicat d’assigner des limites précises à chaque forme ; mais il nous paraît cependant bien difficile de réduire le nombre des espèces autant que la fait M. Kogerr. Melanopsis praerosa LINNE. 1767 Buccinum praerosum LiNNÉ Syst. Nat, édit. XIT, p. 1203, n° 471. ASO01 Melania buccinoidea Orivier Voyage dans l'Empire Oltoman, ©. E, | p. 297, pl. XVIIL, fig. 8, 340 PH. DAUTZENBERG 1839 Melanopsis laevigata Lk. Rora Moll. spec. Dissert. inaug., p. 24. 1853 » praemorsa L. BourGuIGNarT Catal. Moll. terr. et fluv. rec. _ par de Saulcey, p. 65. 4854 Melanopsis praerosa L. Mousson Coquilles terr. et fluv. rec. par Bellurdi, pp. 28, 50. 1855 .Melanonsis praerosa L. Rorx Spicileqium Moll. orient., in Malakoz. Blätter, t. IL, p. 53 (ex-parte). A861 Melanopsis praerosa L. Mousson Coq. terr. et fluv. rec. par Roth, p. 58. | 1865 Melanopsis praerosa L. TrisTRAM Report on the terr. and. fluv. Moll. of Palestine, in Proc. Zool. Soc. of London, p. 541. 1874 Melanopsis praemorsa L. Moussox Coq. terr. et fluv. rec. par Schlaefli, in Journal Conch., t. XXII, p. 48. 1879 Melanopsis praerosa L. KoBeLr in Rossmässler’s Iconogr., t. VIX, p.14, pl. CLXXX VII et CLXXX VII, fig. 1876-1898 (excl. fig. plur.). 1880 Melanopsis buccinodea Oliv. BrotT Monogr. Melanidae, in MARTINI UND CHEMNITZ, Conch. Cab., 2% édit., p. 419, pl. XL, fig. 1 à 12. 4880 Melanopsis praerosa L. BRotT Monogr. Melanidae, in MARTINI UND Caemnirz, Conch. Cab., 2 edit., p. 421, pl. XLV, fig. 13-18. 1883 Melanopsis buccinoidea Oliv. Locarp Malacologie des lacs de Tibériade, d'Antioche et d'Homs, pp. 33 et 70. Hagirar : Tell-el-Kadi ; marécages d’Ain-el-Musaieh ; Damas, dans un ruisseau; Ain-el-Tineh: lac de Tibériade; Bir- Jaloûd ; Aïin-el-Kassah ; et sur le littoral occidental de la mer Morte, à Ain-Feschkah, Ain-Rhoueir et Ain-Djeddi (Barrois). Commun dans toute la Syrie et la Palestine, lacs de Tibériade et d’Antioche (BOURGUIGNAT, LocaRD); envi- environs de Damas, de Beyrouth, de Jaffa, de Sidon, de Tyr, aux bords de la mer Morte à Aïin-Feschkah et Ain-Djeddi (BourGuIGNaT); Smyrne (RorTx, Mousson) ; rives de l'Euphrate (Mousson), etc. Bien que ce Mollusque ait été nommé praemorsa dans la X° édition du Systema Naturae, nous avons conservé le nom qui lui a été attribué par LiNNÉ dans sa XIIe édition. Quelques auteurs ont préléré adopter le nom buccinoidea OLIvIER comme désignant. d'une manière plus précise le Melanopsis lisse de l’Asie Mineure. LISTE DES MOLLUSQUES TERRESTRES ET FLUVIATILES 941 La taille du M. praerosa varie beaucoup ; le plus grand exemplaire recueilli par M. Barroïs provient de Bir-Jaloûd et atteint 30 millim. de hauteur. Melanopsis brevis Moussox. 1854 Melanopsis bresis Mousson Coq. terr. et fluv. rec. par Bellardi, p. 91. 1855 Melanopsis praerosa Rota Spicileqium Moll. Orient., in Malak. Blätter, t. Il, p. 54 (ex parte). 1880 Melanopsis buccinoidea Oliv. var. brevis BRoT Monogr. Melanidae, in MaRTINI UND CHEMNITZ, Conch. Cab., 2eédit., p. 420, pl. XLV, fig. 4. 1883 Melanopsis prophetarum (Bourgt. mss.) Locarn Malacologie des lacs de Tibériade, d’Antioche et d'Homs, p. 71, pl. XXII, fig. 52-55. HaBirarT : Ain-es-Soultan (fontaine d’Elisée, près Jéricho) ; Nahr- el-Leboueh ; Aïn-el-Min, en Syrie (BARROIS). Vallée de Bka, dans les eaux de l'ancien Léontes (Mousson) ; Aiïin-es-Soultan (Rora) ; Lac d’Antioche (Locarp) ; environs de Beyrouth (BOURGUIGNAT). Le M. brevis est incontestablement la même coquille que celle décrite plus tard sous le nom de M. prophetarum par M. Locarp. il ne difière du M. praerosa que par sa taille ordinairement plus faible et par sa forme plus trapue, caractères qui peuvent paraître insuffisants pour le maintenir au rang d'espèce distincte. Melanopsis Ammonis TRISTRAM. 1865 Melanopsis Aminonis TrisTRAM Report on terr. and fluv. Moll. of. Palestine, in Proc. Zool. Soc. of London, p. 542. HABiTaT : Nahr-el-Haroun ; Zerräa ; ruisselet au sud de Kosseir (BARROIS). Ammon et Hesbon (Tristram). Ce Aelanopsis est fort voisin par sa forme générale, ses tours non étagés et sa coloration, du M. buccinoidea; mais, tandis que la surface du buccinoidea est entièrement lisse, celle du M. Ammonis 342 PH. DAUTZENBERG - est pourvue de plis longitudinaux. Ces plis apparaissent tantôt dès. les premiers tours, tantôt seulement sur les derniers, et ils sont très diversement développés. On rencontre, en effet, des individus qui : pourraient rivaliser sous le rapport de la sculpture avec le M. cos- % tata, alors que d’autres ont les plis tellement obsolètes qu ‘on serait disposé à les assimiler au M. buccinoidea. Melanopsis costata OLIVIER. 4804 Melania costata OLivier Voyage dans l'Empire ottoman, t. I, p. 294, pl. XXXI, fig. 3. 1847 Melanopsis costata Oliv. CHARPENTIER Coquilles terr. et fluv. rec. par Boissier, in Zeïtschrift für Malakoz., t. IV, p. 144. 1853 Melanopsis costuta Oliv. BouRGuIGNAT Cata/oque Moll. terr. et fluv. rec. par de Sauley, p. 67 (excel. var.) 1855 Melanopsis costata Se Rorx Spicilegium Moll. orient., in Ma- lak. Blâtter, t. Il, p, 54. 1865 Melanopsis costata “ie TRISTRAM Report on the terr. and fluv. Moll. of Palestine, in Proc. Zool. Soc. of. London, D022 | 1880 Melanopsis costata Oliv. BroT Monogr. Melanidae, in MARTINI UND CHEMNITZ, Conch. Cab., 2 édit. p. 426, pl. XLVI, fig. 4 (tantum). 1883 Melanopsis costata Oliv. Locarp Malacologie des lacs de Tibériade, d'Antioche et d’'Homs, pp. 35, 73, 94. HaBiTaT : Ain-Mellahah ; Lac de Hoüleh ; gué du Jourdain: El- Tell (BarRois). Dans l’Oronte près d'Alep (Ouvrier); Lac d’Antioche, lac de Homs (LocArDp); Lac de Hoüleh (BourGuIGNAT, TRisrRAM); lac de Tibériade (TRisTRAM, Locarp); Jourdain (BOURGUIGNAT, TRISTRAM), Le M. costata est très polymorphe : sa forme est plus ou moins allongée, le nombre et le développement des plis longitudinaux- sont variables, la compression médiane du dernier tour est plus ou moins accusée, enfin, la coloration est d’un jaune clair ou d’un brun plus ou moins foncé avec ou sans bandes transversales brunes. Les plus beaux spécimens recueillis par M. BarRois proviennent du lac de Hoüleh et permettent d'apprécier le degré de variabilité de cette espèce dans une même localité. LISTE DES MOLLUSQUES TERRESTRES ET FLUVIATILES 943 Melanopsis Jordaniça RoTx. 1839 Melanopsis costata RossmazssLer (ex-parte) /conogr., t. I, p. #1, pl. L, fig. 679 (tantum). 1839 Melania costata var. Jordanica Rota Moll: spec. dissert. inaug. pr 20% pl Ile 1210; 1853 Melanopsis costata var. BourGuIGNar Catal. Moll. terr. et fluv. rec. par de Saulcy, p. 67. 1861 Melanopsis Jordanica Roth Mousson Coq. terr. et fluv. rec. par Roth, p. 59. 1865 Melanopsis Jordanica Roth TrisTRAM Report Moll. of Palestine, in Proc. Zool. Soc. of London, p. 542. 1879 Melanopsis costata var. Jordanica KoBeLr in Rossmässler’s Iconogr., LVL ape 1: pl. CEXXXVITE he 24900; 4880 Melanopsis costata var. Jordanica BroT Monogr. Melanidae, in MarTini et CHemNirz. Conch. Cab., p. 427; pl. XLVL, fig.5, 6 (tantum), 1883 Melanopsis Jordanica Roth Locarp Malacologie des lacs de Tibériade, d’Antioche et d'Homs, p. 36. HaBirarT : lac de Tibériade, à Capharnaum et à Aïin-el-Tineh, sous les pierres de la rive (Barrois). Le Jourdain et le lac de Tibériade (ROTH, TRISTRAM, Locarp); lac de Homs (Locarp). Réuni par plusieurs auteurs au M. costata, le M. jordanica constitue une forme assez spéciale pour qu'il soit possible de l'admettre, sinon comme une espèce distincte, du moins comme une très bonne variété. Sa forme générale plus conique, son dernier tour plus renflé et sa coloration consistant en un fond jaunâtre orné sur le dernier tour de trois bandes noirâtres bien marquées, permet presque toujours de le séparer à première vue des différentes variétés du M. costata. Il convient en outre de remarquer, comme l’a fait M. TrisTRam, que les mœurs de ces deux Welanopsis sont différentes : le M. costata vit, en effet, toujours attaché aux tiges et aux feuilles des plantes aquatiques, tandis que le: jordanica ne se rencontre à l’état vivant que sur les pierres. 344 PH. DAUTZENBERG Melanopsis bullio PARREYSS. 1879 Melanopsrs costata var. bullio Parr. KoBezr in Rossmüässler’s Ico- mogr., t. VIL p. 17, pl. CLXXXVIIE, fig. 1902, 1903. 1880 Melanopsis costata var. bullio Parr. BroT Monogr. Melanidae, in MART. UND CHEMN., Uonch. Cab,, p. 428, pl. XLVI, fig. 7 (tantum). 1883 Melanopsis Chantrei Locarp Malacologie des lacs de Tibériade, d'Antioche et d'Homs, p. 74, pl. XXII, fig. 44-49. > HaBiraT : Lac de Homs (BARRoIsS). En décrivant cette forme pour la première fois d’après les spécimens de la collection LôBBeck, M. KogeLr déclarait ne pas en con- naitre la provenance exacte. Plus tard, M. Locarp en a représenté sous le nom de M. Cnantrei des exemplaires provenant du lac d’Antioche. Ce Melanopsis a un aspect très particulier, dû à sa forme cylindrique et à sa coloratiou d’un fond gris bleuâtre orné de bandes brunes plus ou moins apparentes. Le type, tel qu’il a été représenté par KoBELT, possède trois bandes: l’une, située à la base des tours supérieurs, se prolonge sur le dernier, un peu au-dessus de la région moyenne ; la deuxième prend naissance au point d'insertion du labre, enfin, la troisième contourne la columelle. Var. ex colore bipartita Daurz. Dans cette variété, il n’existe pas de bandes: la spire et la partie supérieure du dernier tour son d’un gris uniforme, tandis que toute la partie inférieure de la coquille est d'une teinte plus foncée. Le M. bullio se rapproche du M. jordanica et de certaines variétés du M. costata; mais il est d’une forme plus cylindrique, son dernier tour est plus haut en proportion, ses côtes longitudinales . - sont moins arquées et moius saillantes ; enfin, sa coloration est bien spéciale. Melanopsis Sauleyi BOURGUIGNAT. 1853 Melanopsis Sauleyi BourGuIGNaT Catalogue Moll. terr. et flur. rec. par de Saulyci, p. 66, pl. Il, fig. 52, 53. 1855 Melanopsis Saulcyi Bourg. RoTH Spicilegium Moll. orient, in Malakoz. Blâtter, t. Il, p. 54. LISTE DES MOLLUSQUES TERRESTRES ET FLUVIATILES 345 1865 Melanopsis Sauleyi Trisrram Report on the terr. and fluv. Moll. of Palestine, in Proc. Zool. Soc. of London, p. 52. 1879 Melanopsis Saulcyi KoBezr in Rossmässlers Iconogr., t. VIT, p. IS, pl, CLXXXIX, fig. 1908. ASSO Melanopsis Saulcyi Bror Monogr. Melanidae, in MARTINT UND Cuemnirz Conch. Cab., 2% édit., p. 419, pl. XLVI, fig, 10, ILES 1883 Melanopsis Saulcyi Locarn Malacologie des lacs de Tibériade, d’Antioche et d’Homs, p. 93. Hagirar : Ain-es-Soultan ; Et-Tell: gué du Jourdain; ruisselet au sud de Kosseir (BArRois). Artouz, en Syrie (BOURGUIGNAT) ; Ain-es-Soultan (Abbé BarGës, 1853, teste BOURGUIGNAT ?n not., TRISTRAM) ; Lac de Homs (Locarp). Ce Melanopsis est surtout caractérisé par sa costulation longitu- dinale qui s'arrête vers le milieu du dernier tour. Var. maxima Daurz. Beaucoup plus grande que le type : hauteur 28 millim. (au lieu de 15 millim.) et pourvue, un peu au-dessus de la suture, d'une dépression qui atténue les plis longitudinaux sans pourtant les interrompre complètement. Hagirar : Bir Jaloüd (Barrois). Var. obsoleta DaurTz. Chez cette variété, de taille plu- tôt inférieure à celle du type, les plis longitudinaux disparaissent sur le dernier tour. Elle possède une dépression décurrente subsuturale semblable: à celle que nous venons d'indiquer chez la var. marina. HagirTar : Palmyre, dans un ruisseau et dans la rivière Ephéca (BaRRoIS). Genre PYRGULA CRISTOFORI ET JAN. Pvrgula Barroiïsi DAUTZENBERG nov. sp. (fig. : [ Re Testa parvula, tenuicula, subpellucida, imperforata. Spir 1 turrita, apice acutliusculo. Anfr. 7 laevigati: primi convexi, ceteri plano-convexi et basin 346 PH. DAUTZENBERG versus carina valida cincti. Apertura rotundata: columella arcuata; labrum simplex, arcuatum. Color corneo-virescens. Long. 3 4/5 millim., lat. 1 1/2 millim.; apertura 1 1/5 mill longa, 1 mill. lata. Coquille de petite taille, mince, assez translucide, imperforée. Spire allongée, turriculée, acuminé- au somatet, composée de sept tours: les premiers bien con- vexes, les suivants , plano-convexes et fortement carénés un peu au-dessus de la suture. La carène est bordée d’un bourrelet arrondi et saillant. Sur- Fig. 2. — Pyrgula Bar- face lisse, un peu luisante. Ouverture arrondie, Toisi nov. Sp. à : ARTE : a Type. columelle arquée, labre simple, arqué, à peine anguleux au point où aboutit la carène. Coloration d’un gris verdâtre uniforme. HaBirar : Dragué à 25 mètres de profondeur, dans le lac de Tibériade (BarRotis). Il n’est guère possible de comparer le P. Barroisi qu’au P. pyre- naica découvert dans les Hautes Pyrénées par BouRGUIGNAT (Revue et Magazin de zoologie, 1861, 2e série. t. XIIL, p. 530, pl. XV, fig. 1414, 42 et 13). [l se rapproche de cette espèce par sa petite taille et son ouverture arrondie; mais il en difière par sa surface lisse (non striée longitudinalement), par ses tours plus nombreux (7, au lieu de 5 1/2), par sa carène beaucoup plus saillante, bordée et située non pas au milieu des tours, mais à leur partie inférieure, à une faible distance de la suture. Nous prions M. Barrois d'accepter la dédicace de cette nouvelle forme qui enrichit un genre représenté Jusqu'à présent par un très petit nombre d'espèce. Genre BITHINIA Gray. Bithinia sidoniensis (Mousson) KOBELT. 4853 Bithiniu rubens BourGuIGNar (non MEnKe) Catal. Moll. terr. et fluv. rec. par de Saulcy, p. 62. AS64 Bithinia rubens var. sidoniensis Mousson Coq. terr. et fluv. rec. par Roth, p. 56. LISTE DES MOLLUSQUES TERRESTRES ET FLUVIATILES 9347 4891: Bythinia sidoniensis Kopezr in Rossmüssler’s Iconogr., t. V, p. 71. Hagrrar : Lac Phiala: surface et à 1n50 de profondeur ; marécages d’Ain-el-Musaieh ; Et-Tell (gué du Jourdain) ; ruisselet à Damas (BArRois). Lac de Hoüleh, environs de Damas et de Bâalbeck (BourGuiGnaT); Saïda, Damas, dans la conduite de l'eau de l'Hôpital (Gaizzarpor 1854, teste BOURGUIGNAT, in nmot.). Cette espèce a été assimilée par la plupart des auteurs à une coquille de Sicile nommée Paludina rubens par MENke (Synopsis methodica Moll. ete., p. 134); mais nous croyons avec M. KoBezr que cette manière de voir doit être abandonnée. Mousson avait aussi constaté que la forme de Palestine était assez diflérente puisqu'il l'avait distinguée sous le nom de var. sidoniensis. Conrap, in Lvncu (Oflicial Report of the United States Expedition to explore the Dea4 Sea and the river Jordan, p. 229, pl. XXIL, fig. 151), a décrit et figuré dès 1852 un Bithinia du Lac Phiala auquel nous n’eussions pas hésité à assimiler les exemplaires de celte même localité recueillis par M. Barrois, si la description de CoNRAD ne contenait les mots « base umbilicated », définition qui ne nous parait guère pouvoir s’accorder avec les spécimens que nous avons sous les yeux : la plupart sont imperforés et c’est à peine si l’on peut distinguer sur quelques-uns une très légère fente ombilicale. Si toutefois l'identité des B. phialensis et sidoniensis venait à être démontrée, il y aurait lieu de reprendre la première de ces dénominations qui est la plus ancienne, Bithinia badiella PARREYSS mss. 1854 Paludina badiella Parreyss Mousson Coquilles terr. et fluv. rec. par Bellardi, p. 49. 1865 Paludina badiella Parreyss FRAuENFELD Verzeichn. Paludina, p. 17, 1874 ) » ) Mousson Coq Schlaefli, in Journal de Conch., t: XXIE, p: 45. Hagirar : Lac de Homs ; Nahr-el-Leboueh; Teli-el-Kadi; ruisseau à Damas ; marécages d’Ain-el-Musaieh ; Capharnaum, sous les pierres de la rive du Lac de Tibériade (BARROIS). 348 PH. DAUTZENBERG Environs de Damas et de Der-el-Hamar, danse le Liban (Mousson). Cette espèce diffère du B. sidoniensis par sa forme beaucoup plus globuleuse, sa spire conique, beaucoup moins élevée, sa suture moins profonde, etc. Genre BITHINELLA Moquin-TANDON Bithinella contempta DAUTZENBERG nov. sp. (fig. 3). Testa ovato-oblonga, subsolida, imperforata. Spira conoidea. Anyr. à convextusculi, sutura parum impressa juncti. Apertura rotundata. Columella arcuata, incrassata ; labruim Ssimpler, acutum. Altit. 3 3/10 millim., lat. 1 7/10 millim.; apertura 1 3/10 millim. lat, 17/10 mill. lata. À Coquille de forme ovale allongée, lisse, assez - solide, opaque, imperforée. Spire élevée composée de Fig.3.— Bithinella 5 tours peu convexes, séparés par une suture peu OR ENT SP profonde. Ouverture arrondie. Columelle arquée, épaisse, appliquée. Labre simple, tranchant. Coloration d’un brun jaunâtre uniforme. Hagrrar : Nahr-el-Haroun ; Zerrâa ; marécages d’Ain-el-Musaieh ; ruisseau à Damas; El-Tell: Gué du Jourdain (BarRotïs). Il ne nous est possible d’assimiler cette coquille, dont les caractères sont fort simples, à aucune de celles que nous connaissons. Parmi les spécimens rapportés par M. Barroiïs il en est de plus allongés et d’autres plus courts que le type. Bithinella Palmyrae DAUTZENBERG nov. sp. (fig. 4). Testa tenuicula, glabra, cornea, subhyalina, imperforata. Spira turrita. Anfr. 5 converi, sutura valde impressa juncti. Apertura rotundata. Columella subrecta parum incrassata, Labrum simplex, acutum. Altit. 3 1/2 millim., lat. 2 millim.; apertura 1 1/2 millin. alta, 1 1/5 millin. lata. Coquille mince, lisse, cornée, subhyaline, imperforée. Spire -éle- vée composé de 5 tours bien convexes, séparés par une suture LISTE DES MOLLUSQUES TERRESTRES ET FLUVIATILES 349 très accusée. Ouverture arrondie, un peu plus haute que large. Colu- melle presque verticale, peu épaisse. Labre simple, tranchant. C’est du B. longiscata BourGuIGNAT (Hevue el Mag. de zoolog., 2e série, t. VIII (1856), p. 20 — pl. XV, fig. 12, 13), que cette forme se rapproche le plus; mais elle en diffère par son test plus mince, sa spire Fig. 4. — Bithinella moins allongée, moins acuminée, ses tours plus con- P&/myræ nov. sp. vexes et enfin par sa surface lisse et non striée longitudinalement. Hagirar : Rivière Ephéca, à Palmyre (BarRoïs). Genre VALVATA MüLzer. Valvata Saulevi BOURGUIGNAT. 1853 Valvata Saulcyi BourGuiGNaT Cataloque Moll. rec. par de Saulcy, De 69 pl Ib fie Lt, 22, Hagrrar : Birket-Kosseir ; Homs : marais de l’Oronte ; lac de Yamoüù- neh : dragué à 12 mètres de profondeur; ruisselet à Damas ; lac de Tibériade : dragué à 25 mètres de profondeur (BarRotis). Ce Mollusque n'avait été signalé par BouRGUIGNAT que des environs de Damas; mais cet auteur à indiqué en marge, sur l'exem- plaire de son ouvrage qui fait partie de notre bibliothèque, que M. GaAILLARDOT l’a aussi rencontré à Saïda. L'opercule du F. Sauleyt était inconnu à BouRGuIGNAT ; il est corné, extrêmement mince, translucide, presque incolore, composé de #% tours d'un accroissement régulier; son nucleus est central et il est très concave du côté extérieur. Genre NERITINA Lamarck. Neritina (Theodoxia) Jordani SOWERBY. 1832 Neritina Jordani Sowergy Conch. Illustr., G. Neritina, fig. 49. 1839 ) ) Rorx Moll. spec. Dissert, inaug., p. - 26, pl. Il, fig. 14-16, 390 PH. DAUTZENBERG 1853 Neritina Jordani BourGuiGNar Catal. Moll. terr. et fluv. rec. par de Saulcy, p. 69. 1855 Neritina Jordani RoTa Spicilegium Molluscorum orientalium, in Malak. Blätter t. IL p. 54. 1855 Neritina Jordani SowerBy Thesaurus Conch., t. II, p. 531, pl. CXV fig. 213, 214 (tantum). 1856 Neritina Jordani Rerve Conchologia Iconica, pl. XXIX, fig. 1293, 129b.. A861 Neritina Jordani Mousson Coq. terr. et fluv. rec. par Roth, p. 62. 1865 » » TRISTRAM Report on the terr. and fluv. Moll. of Palestine, in Proc. Zool. Soc. of London, p. 543. 1871 Neritina Jordani Von MarTENs Uber einige Schnecken von Palüstina, in Malak. Blätter, t. XVIIL, p. 60. 1879 Neritina Jordant Von MaRTENS Die Gattung Nerilina, in MARTINI UND CHEMNITZ Conch. Cab., p. 84, pl. IL fig. 14-16. 1883 Theodoxia Jordani Locarp Malac. des lacs de Tibériade, d’Antioche et d'Homs, p. 31. HapiratT : Lac de Homs; Aïn Mellahah ; lac de Houleh ; El-Tell (gué du Jourdain) ; Capharnaum ; Aïn-el-Tineh (BarRotis). Jourdain et lac de Tibériade (Rorx, Mousson, Bour- GUIGNAT); Jourdain, lac de Houleh et de Tibériade (TRISTRAM). TrisrraM dit qu’il n’a pas rencontré cette espèce au Sud du lac de Tibériade ; mais nous trouvons une note manuscrite de BourGuiGnarT, dans l’exemplaire de son catalogue des Mollusques recueillis par DE SAULCY, indiquant qu’elle a été rapportée d’Ain- es-Soultan par l'Abbé BarGës en 1853 et de ruisseaux des environs de Saïda par GaAïLLARDOT, en 1854. C'est par erreur que BuTTLER a été cité comme étant l’auteur de cette espèce: Sowergy, en la décrivant, dit seulement qu’elle a été recueillie par ce naturaliste. Parmi les exemplaires recueillis par M. Barrois, ceux du gué du Jourdain et du Lac de Hoüleh sont d’une coloration claire, avec de nombreuses linéoles noirâtres, régulières, tandis que ceux qui proviennent du lac de Tibériade sont ornés de flammules longitudinales larges et parfois confluentes de telle sorte que certains individus présentent une surface noire uniforme. LISTE DES MOLLUSQUES TERRESTRES ET FLUVIATILES Do Var. aberrans Daurz. Cette variété, de forme ovale-conique, plus haute que large, se distingue du AN. Jordani typique par l'absence ordinairement complète de dépression décurrente sur le dernier tour, ainsi que par une coloration très variable: le fond est tantôt jaunâtre, tantôt d’un gris bleuâtre ; les linéoles sont grises, rouges ou violettes et varient beaucoup en largeur, en nombre et en intensité ; elles sont parfois interrompues de manière à ne former sur le dernier tour que deux zones linéolées étroites. HagirTar : Lac de Homs (Barrois). Bien que cette forme diffère beaucoup au premier aspect du N. Jordani du Jourdain et du lac de Tibériade, nous ne pouvons y voir autre chose qu'une variété locale de cette espèce, car la conformation de l'ouverture, la surface finement chagrinée de la callosité columellaire et l’opercule, sont tout à fait semblables. Neritina (Theodoxia) Michoni BourGuIGNar. AS52 Neritina Michonii BourGuIGNAT Test. novissima quae cl. de Saulcy in itin. per Orientem collegit, p. 25. 1853 Neritina Michonii BourGuIGNaAT Catal. Moll. terr. et fluv. rec. par de Saulcy, p. 10, pl. IL, fig. 48-51. 4855 Neritina Michonii Bourg. Rota Spicileqium Moll. orient, in Malak. Blâtter, t. IL, p. 56. 1865 Neritina Michonii Bourg. TriSTRAM Report on the terr. and {luv. Moll, of Palestine, in Proc. Zool. Soc. of London, p. 043. 4883 Theodoxia Michontii. Bourg. Locarp Malacologie des lacs de Tibé- riade, d'Antioche et d'Homs, pp. 38, 78. Hagirar : Ain-el-Min, en Syrie; Tell-el-Kadi ; Nahr-el-Haroun ; Aïn- Mellahah ; Et-Tell (gué du Jourdain); ruisseaux à Da- mas; Ras-el-Aïin, près Naplouse ; Bir-Jaloûd ; Aiïin-es- Soultan; Ain Feschkah; Ain-Rhoueir ; Aïin-Djeddi (Barrois), Eaux chaudes d’Ain-Djeddi, d’Ain-Rhoueir et d’Ain-Feschkah (BourGuIGNAT). Commun dans presque tous les cours d’eau et les sources de la Palestine, excepté dans le Jourdain et dans les lacs (TrisrrAM). Ain-es-Soultan (RorTa). Lac de Tibériade et lac d’Antio- che (LocaRp). 352 PH. DAUTZENBERG TRisSTRAM fait observer que cette espèce atteint son plus grand développement dans les sources chaudes du Ghôr. Geure CORBICULA MEGERLE VON MüHLFELDT. Corbieula fluminalis MüLLERr. 4774 Tellina fluminalis Müzcer Vermium terr. et fluv. Hist. p. 205. 4853 Cyrena fluminalis Müll. BourGuIGnaT Catal. Moll. terr. et fluv. rec. par de Saulcy, p. 79. 185% Cyrena fluviatilis (Müll.) Mousson Coq. terr. et fluv. rec. par Bellardi, p. 93. ASGL Cyrena fluviatilis (Müll.) Moussox Coq. terr.et fluv. rec. par Roth. p. 63. 1865 Cyrena fluviatilis (Müll.) Trisrram Report on the terr. and. fluv. Moll. of Palestine, in Proc. Zool. Soc. of London, p. 543. 4874 Cyrena (Corbisula) fluminalis Müll. Mousson Coq. terr et fluv. rec. par Schaefli, in Journ. de Conch., t. XXII, p. 55. 1883 Corbicula fluminalis Müll. Locarp Malacologie des lacs de Tibériade, d'Antioche et d'Homs, pp. 28, 62, pl. XXII, fig. 17, 18. HABiTaT : Lac de Homs; lac de Tibériade, à 25 mètres de pro- fondeur (BArRoiïs). Très répandu en Syrie dans le lac de Tibériade, le Jourdain, les environs de Tyr, de Jaffa, etc. (Bour- GUIGNAT) ; lacs d’Antioche et de Homs (Locarp). M. Locarp ne signale. l’existence, dans le lac de Homs, que du Corbicula syriaca, forme plus élargie et moins convexe que le flumi- nalis ; mais les nombreux échantillons recueillis dans cette localité par M. Barrois appartiennent incontestablement tous au vrai C. flu- minalis. Nous ne croyons’ pas que le C. cor. LaAmarcKk puisse être séparé du fluminalis. Genre SPHAERIUM Scopozr. ? Sphaerium (Musculium) laeustre MULLER. 1774 Tellina lacustris Muzcer Vermium terr. et fluv. Hist., t. I, p. 204. LISTE DES MOLLUSQUES TERRESTRES ET FLUVIATILES 303 Hapirar : Ain-el-Mousaieh (BarRoIs). Les caractères extérieurs de l’exemplaire unique recueilli par M. Barroïs nous ont paru concorder avec ceux de cette espèce ; mais lorsque nous avons essayé de séparer les valves pour exami- ner la charnière, la coquille s’est brisée de telle sorte qu'il ne nous a pas été possible de la reconstituer. Aussi notre détermination reste-t-elle douteuse au point de vue spécifique. Il est toutefois bien acquis que le genre Sphaerium est représenté en Syrie. Genre PISIDIUM C. PFEIFFER. Pisidium obliquatum CLESSIN. 1890 Pisidium obliquatum Clessin Parrez Catal. der Conch. Samml., LEE À D EE SRE Bi NE HaBirar : Aïin-el-Mousaieh ; Aïn-el-Kassah ; Aïin-el-Djaz (Barrois). Les spécimens récoltés par M. Barrois concordent parfaitement avec des exemplaires du P. obliquatum recueillis par le Bon von Ro- sEN dans la Transcaspie, à Subulii. 394 ISOTOMA PALLIDA COLLEMBOLE. NOUVEAU, DU BRESIL PAR R. MONIEZ. M. TrouEssART a eu l’obligeance de m'envoyer des Thysanoures qu'il avait reçus de M. E. A. Güzpr et qui ont été recueillis par ce savant, au Brésil-Sud (Colonia Alpina, Sta-Rita de Theresopolis, Estado de Rio-Janeiro). L'envoi comprend deux espèces; l’une est très abondante, c’est l’'Achorutes armatus , espèce commune en Europe et cosmopolite comme plusieurs de ses congénères (1); l’autre est représentée par des échan- tillons beaucoup moins nombreux, de teinte très claire dans l’alcoo!l ; elle appartient au genre J/sotoma et nous lui avons reconnu les caractères d’une espèce nouvelle. Cet Jsotoma, voisin par la taille de l’Z. minuta, ne dépasse guère une longueur de 710 uw, le quatrième segment abdominal est plus long que le troisième, l'appareil saltatoire n’atteint pas le tube ventral et les quatre articles des antennes ont respectivement les dimensions suivantes : 32 uv, 47 u, 47 u, 83 L; les taches oculaires sout peu déve- loppées, de forme irrégulière ; les cristallins sont au nombre de trois. en arrière, déposés sur un arc à concavité interne, et #4 ou 5 sont situés à la partie antérieure. L’ongle supérieur est court, pointu, dépourvu de dent, l'inférieur est petit, pointu; le mucron fournit un caractère important pour cette espèce : ses deux dents latérales sont insérées à des hauteurs différentes, la plus basse étant située du côté interne, Avec les adultes se trouvaient beaucoup de jeunes. (4) Cf. Monrez, Sur quelques Arthropodes trouvés dans des fourmilières. Rev. biol. du nord de la France, t. VI, p. 210. 309. | NOTE POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE LA MYCOCÉCIDIE DES RHODODENDRONS PAR LE DOCTEUR H, FOCKEU Préparateur à la Faculté de Médecine de Lille L’Exobasidium vaccinii, champignon dé la famille des Hyménomycètes, groupe des Agaricinés Telephorés produit sur les feuilles, les fleurs et les rameaux des Vaccinium vitis-idea, Vaccinium myrtillus et uliginosum des excroissances galliformes qui ont été signalées et décrites par Woronin (1) et dont l’étude anatomique n’a pas encore été faite Jusqu'ici. Le même champignon détermine des productions analogues sur les feuilles des Rhododendrons. On a donné à cette variété le nom d’Erobasidium Rhodo- dendri sans pouvoir préciser les caractères différentiels permettant d’en faire une espèce propre. Les tumeurs végétales qui naissent sous l’action de ce parasite ont une grande ressemblance avec les galles de Cynips des feuilles de chêne et sont répandues dans toute la région des Alpes où les Rhodo- dendrons croissent en si grande abondance. J'ai observé l'année dernière cette curieuse mycocécidie sur diffé- rentes espèces de Rhododendron, notamment sur des Rhododendron dadou- ricum cultivés au jardin botanique de la ville de Lille et provenant de rameaux du pays, ce qui semblait indiquer que ces plantes avaient été importées après infestation par le parasite. Le terrain sur lequel poussaient ces arbustes infestés était humide et constitué par une couche très épaisse de terreau. Cette condition paraît indispensable pour la propagation du parasite, car sur d’autres plate-bandes sèches et constituées par un sol de terre végétale ordinaire les arbustes-ne por- taient pas de galles. J’ai pu suivre ?n situ le développement complet du champignon et (1) Woronin. Verhandl. der natur, Gesellsch. su Freiburg 1867, 1v. 396 H. FOCKEU. la formation de la tumeur végétale dont j'ai fait des coupes fraîches à tous les stades et dont j'ai conservé de nombreux échantillons dans l’alcool. Je me contenterai d'exposer brièvement dans cette note le déve- loppement de la galle en écartant à dessein le développement corré- latif du champignon dont je ne ferai que rappeler les principales formes en rapport avec les modifications successives des tissus normaux de la feuille. Le premier symptôme de l'apparition de la tumeur s’indique par une tache brunâtre, ponctiforme, visible à la face inférieure de la feuille et constituant le centre d’un petit infundibulum. Il n’v a aucune élevure au point correspondant de la face opposée, mais la feuille subit de ce fait une certaine voussure qui se manifeste sur une assez grande portion du limbe, au pourtour du point lésé. Au niveau de la tache brune le parenchyme est sensiblement diminué d'épaisseur, privé d’amidon et coloré en brun. Cette coloration est due à la présence de grosses spores (spores durables ) à l’intérieur de ce tissu. Les spores déterminent donc au début un arrêt de développement des cellules parenchymateuses ; on constate de plus une modification cellulosique de la paroi de ces éléments qui peut aller jusqu’à la gommification. L'endroit lésé se transforme dès lors en une matière d’un jaune brunâtre, creusée de cavités irrégulières et on constate une saillie brunâtre correspondante, à la face supérieure de la feuille. On peut rapprocher ce dernier phénomène de ce qui se produit dans les galles déterminées par la piqüre d’un insecte, au niveau des tissus qui sont perforés par la tarière et l’exagération du processus aboutit dans les deux cas à l’avortement de la tumeur, comme je l'ai ’ montré pour la galle du Ceutorhyncus Sulcicollis. Dans la mycocécidie due à l’Exobasidium Rhododendri, lorsque la gommification des cellules commence, les spores sont étouffées sur place, le champignon est arrêté dans son développement et la galle ne se produit pas. De plus, dans ce cas particulier, les faisceaux fibro- vasculaires situés dans la tâche brune s’atrophient également, ce qui complète la nécrose des tissus environnants. Mais quand les spores peuvent continuer à s’accroitre , il se produit bientôt un deuxième phénomène qui amène de nouveau la vitalité de toute la région occupée par le parasite, LA MYCOCÉCIDIE DES RHODODENDRONS. 9397 Ce deuxième phénomène consiste dans la production autour de la tache brune de ce que j'appellerai un cercle périvasculaire constitué par des vaisseaux hypertrophiés et gorgés de sève dont l’apport vient contrebalancer l’action néfaste du parasite. Cet anneau vasculaire est bientôt mis en rapport avec la nervure médiane de la feuille par les nervures secondaires également hyper- trophiées, de sorte qu'il se produit dans toute la région envahie par le champignon une vascularisation toute spéciale, compensatrice, qui précède l'apparition de tout tissu nouveau, mais qui aidera*par la suite considérablement au cloisonnement des cellules. La nervure médiane elle même ne reste pas indifférente ; elle augmente d'épais- seur au point de réunion des nervures secondaires. Des coupes transversales de tout ce système de nervures, montrent des faisceaux considérablement modifiés surtout dans leur portion libérienne et entourés par un étui de cellules rectangulaires formant une véritable gaine protectrice. Jusqu'à ce stade on ne constate aucune autre élevure de la surface si ce n’est celle qui résulte. de l’hypertrophie des nervures, mais bientôt, par suite du développement du champignon, des modifications spéciales apparaissent surtout au niveau de cellules cambiales qui subissent directement l’action excitante du parasite et se cloisonnent rapidement. e L'apparition des nouveaux tissus semble déterminée par la présence de grosses spores brunes sphériques à paroi mince et lisse qui occupent la plupart des cellules, mais remplissent surtout les cellules cambiales dans lesquelles, par suite de leur développement, elles ont pris une forme aplatie, se moulant-intimement sur le cadre cellulaire. C’est l'excitation déterminée par la présence des spores qui active le processus de celoisonnement des cellules destinées à assurer la vascularisation de la tumeur. Les autres tissus de la galle résultent d’un double cambiforme localisé, l’un dans le parenchyme lacuneux, l’autre dans le paren- chyme en palissade, de part et d’autre d'un faisceau et que nous appellerons zones cambiformes supérieure et inférieure. I y a donc à distinguer dans la formation de la galle le cloi- sonnement de trois zones distinctes : la zone cambiale des faisceaux, la zone cambiforme supérieure et la zone cambiforme inférieure qui fonction- nent toutes en mème temps et contribuent à donner à la galle sa forme 398 H. FOCKEU. caractéristique et parfois si bizarre. Le développement de la première semble cependant anticiper sur celui des deux autres, car il se produit dès l'apparition du cercle périvasculaire à la formation . duquel il participe en grande partie. Aussitôt formé cet anneau. se divise en une série de segments qui sont le point de départ d’autant de rameaux importants destinés à nourrir la tumeur. De plus il m'a semblé que la zone cambiale donnait naissance, par poussées succes- sives, à des vaisseaux ligneux et à des cellules ligneuses. La zone supérieure et la zone inférieure entrent en cloisonnement à peu près en même temps, au moment où les spores durables se développent et fournisssent leur mycelium interne. Les cellules du parenchyme en palissade s’allongent alors et deviennent plus rec- tangulaires. Celles du parenchyme lacuneux subissent un allongement dans le même sens en même temps qu’elles augmentent de calibre : il en résulte qu’elles deviennent racémeuses en contractant des adhérences les unes avec les autres. Cette forme de cellules s’observe dans certaines salles de Cypides du Chêne où elles sont produites par le même processus embryogénique. Ces cellules racémeuses constituent la majeure partie de la tumeur ; elles ont une membrane très mince et un contenu protoplasmique très fluide, gorgé d’amidon ; la région corticale est formée par des cellules plus petites mais contenant un peu de chlorophylle. Les faisceaux de la galle se ramifient par dichtomie et viennent épanouir leurs rameaux dans la partie corticale de la galle où il existe une zone en prolifération qui a besoin d'aliments. C’est en eflet à ce niveau que vit le para- site, qui abandonne successivement la partie centrale ou pédiculaire où il est né pour gagner la périphérie. Il se comporte en somme comme le mycelium de la plupart des champignons ; il est intéressant néanmoins de constater ce processus identique de propagation chez une espèce parasite vivant dans des conditions biologiques spéciales. La. galle une fois apparue et même simplement indiquée par une simple élevure de la surface de la feuille s’accroit rapidement par suite de deux processus bien distincts : l'apparition de nouveaux tissus fournis par les zones de cambiforme et l’augmentation propre du volume des cellules. Les cloisonnements cellulaires se font surtout dans la direction de l’axe de la tumeur et les cellules formées restent disposées en séries longitudinales s’irradiant à partir du pied et s’éta- lant en éventail vers la périphérie. [Il en résulte une disposition régu- MYCOCÉCIDIE DES RHODODENDRONS. ? 399 lière et très symétrique des tissus qui détermine l'aspect généralement pyriforme de la galle. En résumé, pour arriver à son complet développement Ia tumeur passe par les différents stades suivants, en rapport chacun avec une phase déterminée du développement corrélatif du champignon. 4° Les spores arrivent à la face inférieure de la feuille et y sont fixées par les poils qui la recouvrent. La germination et la formation du mrycelium n’entraine aucune modification visible extérieurement. Mais aussitôt que les filaments mycéliens ont pénétré par les stomates il se produit un arrêt de développement local qui peut aller jusqu’à la nécrose. 20 Le mycelium fournit des spores AEnIe qui se localisent en “différents points, y réveillent l’activité vitale et provoquent la forma- tion d’un cercle périvasculaire qui entoure l’endroit lésé. 9° Les spores durables se développent. L’hypertrophie des vais- seaux gagne les nervures secondaires et même les points de contact de la nervure médiane; il y a afflux considérable de sève dans toute la région. 4° Apparition de tissus cambidiformes qui entrent en cloisonnement et produisent la tumeur, Pendant ce temps le champignon gagne la périphérie. D'ordinaire la galle a l’aspect pyriforme mais, par suite des points de contact et des soudures qu’elle contracte avec les tumeurs voi- sines, elle prend les formes les plus variées. Elle peut apparaître , soit sur une feuille, soit sur un bourgeon. Dans ce dernier cas elle ressemble beaucoup à la galle déterminée sur le Chène par le Biorhiza aptera. Parmi les conditions nécessaires pour la production de la galle, il faut tenir compte du lieu de pénétration du champignon. Très rarement le mycelium pénètre par la face supérieure de la feuille dont les cellules épidermiques ont une cuticule trop épaisse. Ordinairement il profite de l'orifice des stomates pour s'introduire dans l’intérieur de la feuille. Cependant sur une feullle qui portait une cicatrice ancienne de la face supérieure, j'ai pu pratiquer une véritable inoculation du parasite qui a produit une tumeur insérée à la face supérieure. 360 GEADOCERES RECUEILLIS PAR LE D' THÉéop. BARROIS EN PALESTINE, EN SYRIE ET EN ÉGYPTE (Mars-Juin 1890) Par Jules RICHARD (avec figures dans le-texte) Les recherches du Dr Barroiïs offrent un intérêt tout particulier au point de vue de la distribution géographique des Cladocères, car la faune des contrées qu’il a soigneusement explorées (Palestine et Syrie) était pour ainsi dire inconnue. Le nombre des espèces recueillies s'élève à 35 (et peut-être 37); parmi elles, il s’en trouve de fort communes, qu'il suffit d’énumérer ; une seule est nouvelle, mais il en est d'autre part quelques-unes intéressantes à différents points de vue (Daphnia Atkinsoni, D. Lumholtzi, Alona C'ambouei, Simocephalus Ægyptiacus, Ceriodaphnia Rigaudi, Dunhevedia setigera, Chydorus Letour- neuæi, etc...) Ces espèces font le sujet de remarques spéciales quand cela a paru utile. Diaphanosoma brachyvurum (LIÉVIN) SArs. Cette espèce a été observée dans les localités suivantes : Lac de Homs; lac de Tibériade; lac de Houleh (d'après M. Barrois); route de Gizeh aux Pyramides et Tourrah (Égypte). Dans le lac de Homs, on a la forme typique en abondance. Dans le lac de Tibériade, on trouve des exemplaires adultes ovigérés dont la longueur varie de 0,"75 à 1m1. Certains ont l’œil plus gros que d'ordinaire, les lentilles cristallines sont moins nombreuses, et les antennes postérieures sont plus courtes. Par ces caractères, les individus dont il est question rappellent D. brandtianum, mais ils sont peu nombreux, et c’est bien à D. brachyurum qu’il faut rapporter la forme assez variable du lac de Tibériade; on ne peut néanmoins CLADOCÈRES DE SYRIE 361 se défendre de penser à D. brandtianam en considérant séparément certains caractères au lieu d’en considérer l’ensemble. A Tourrah, D. brachyurum se présente sous une forme de grande dimension, lourde, atteignant 1mm25 de longueur, tandis que sur la route de Gizeh aux Pyramides ce sont des individus mesurant Omm9s et présentant, quoique à un moindre degré, cet aspect lourd signalé pour ceux de Tourrah, qui semblent vivre dans des eaux vaseuses et qui diffèrent tellement de la forme pélagique qu’on les rapporterait certainement à une espèce différente si l’on ne connaissait les types intermédiaires. Daphnia magna STRAUSS Très abondant dans la piscine d'Hébron, ainsi que dans le birket Kourmel (au sud de Jérusalem), dans les vasques de Salomon, dans le birket Abou-Zeineh (étang légèrement saumâtre, près de l'embouchure Nord du Jourdain dans le lac de Tibériade) et dans le birket de Tell-Forklos (entre Palmyre et Homs). Rares exemplaires dans le birket Mamilla (Piscine de Gihon, Jérusalem). Daphnia psittacea Barr Je rapporte à cette forme quelques rares exemplaires, non encore complètement développés, provenant du lac Zeynia (ou Legnia) et du birket Hadar (flancs du Grand-Hermon), en me basant sur la simi- litude qu'ils présentent avec des jeunes individus appartenant à D. psittacea des Canaries. J'ai pu m'assurer que le D. similis de Craus est identique à cette même espèce, d’après des exemplaires obligeam- ment communiqués par M. le Docteur KozBez, du musée de Vienne. Il en est de même des D. similis THomson, de Dunedin (Nouvelle Zélande), que je dois à l'obligeance de M. THomsoN. Il se trouve aussi quelques exemplaires de cette espèce dans le birket Mamilla : M. le Docteur Barroïs en a isolé deux, mesurant environ 4mmS8 sans l’épine caudale , qui comptait à elle seule 37" chez un des deux spécimens. Baphnia Atkinsoni BaArRD Syx. Daphnia Bolivari J. Ricaarp. Localités : Birket Mamilla (Jérusalem); Aïn-Couffin (sud d'Hébron); birket à l'entrée de Nazareth; birket près de Rama. 302 JULES RICHARD Les exemplaires recueillis dans le birket près de Rama, le 24 avril 1890, sont tous des mâles ou des femelles éphippiales. Ces dernières mesurent assez unilormément 2mm25 et les mâles 1mm5% (sans compter l'épine caudale, d’ailleurs médiocre). Le nombre des individus observés est considérable, néanmoins sur aucun je n'ai vu la demi-couronne d’épines, située de chaque côté de la tête, que je décris plus loin chez les exemplaires d’Aïn-Couffin. Cependant, sur un assez grand nombre de spécimens, on voit une ligne semi-circulaire plus ou moins nettement marquée de chaque côté de la tête : c’est la trace de la couronne. Les épines manquent également sur l'expansion latérale, qui continue en quelque sorte la fornix sur les deux valves. Les exemplaires de Nazareth et du birket Mamilla présentent les mêmes caractères que ceux de Rama. Le prolongement caudal est encore médiocre; les épines manquent sur le bord de l’expansion latérale. La longueur moyenne (sans l’épine caudale) atteint 2mm7 à Nazareth et 2mm2 dans le birket Mamilla. Une autre récolte de cette dernière localité présente des spécimens atteignant 2mm6 et chez lesquels la trace de la couronne est plus nette. Cette couronne avec ses épines peut se voir chez les jeunes femelles qui atteignent 1mm8, Mais c’est à Aïn-Couffin qu'on trouve les D. Atkinsoni avec leurs ornements complets. Tous les exemplaires, Jeunes ou adultes, ont la demi-couronne d’épines de chaque côté de la tête; il en est de même des femelles éphippiales. La longueur moyenne des exemplaires Fig. 4. — Daphnia Atkinsoni, forme Polivari X 25. est de 2mm7, sans l’épine caudale, qui est grêle, et atteint à elle seule une longueur de 2mm, Le nombre des œufs est très petit (2 ou 3), de sorte que le bord dorsal reste presque complètement droit. La figure ci-contre (fig. {) montrera mieux que toutes les descriptions CLADOCÈRES DE SYRIE 363 l'aspect curieux que présentent les D. Atkinsoni munies de toutes leurs épines. Il est acquis maintenant que, le plus souvent au moins, sinon toujours, ces épines disparaissent d’une facon plus ou moins complète à HO chaque mue, et c’est ainsi qu'aucun des auteurs qui ont eu D. Atkinsoni sous 2 les yeux n’a vu ni signalé les épines CZ de la tète et de l'expansion latérale. = Dans ces conditions, lorsque je trouvai, = I d: ‘école fait el | ue 777 Dh Qi ans une récolte faite par le professeur 1 1 NAN Bozivar à Ciudad-Real, en décembre 1887, un exemplaire unique présentant les curieuses dispositions d’épines que ACER PEN Et . Fig. 2. — Daphnia Atkinsoni, j'ai indiquées plus haut, je crus avoir forme Bolivari: tète vue d'en affaire à une espèce nouvelle que je haut X 65. | décrivis sous le nom de D. Bolivari. Le professeur Sars, à qui je soumis un croquis de l'animal, le regarda aussi comme inconnu. Nous savons maintenant les causes de cette erreur, que je m’em- presse aujourd'hui de rectifier. Il sera peut-être bon néanmoins de désigner sous le nom de Bolivari la forme à épines céphaliques et latérales. Daphnia pulex DE GEER De nombreux exemplaires ont été pris dans les localités suivantes : Citerne de Môsna-en-Nauouar (entre Damas et Kuteifeh, route de Palmyre); Aïn-Beitin (fontaine de Béthel), Bir-el-Miska (sorte de citerne entre Béthel et Naplouse). Les exemplaires des deux premières localités se rapprochent beaucoup de la variété curvirostris (D. curvirostris EYLMANN) Ceux d'Aïn-Beitin notamment appartiennent à cette variété autant par la forme de la tête que par les caractères du postabdomen. Aïn-Beitin Mosna-en-Nauouar DentsrduepostabdomMmen or NE EEE RENE AE 12:14 11-12 Dents du peigne proximal. . . . . . . . . è ; 13-14 42 PU brce distalue ie eee RES BntAes 9-10 9 Dans les exemplaires d’Aïn-Beitin, la forme de la tête varie davantage. Chez les exemplaires de Bir-el-Miska, il y a en moyenne 12 dents au postabdomen, 13 au peigne distal et 11 au peigne proximal des griites. La forme de la tête est celle de beaucoup de spécimens européens. 304 JULES RICHARD "Des Daphnia Lumholtzi Sars G. O0. Sars a consacré à cette curieuse espèce une longue description et d’excellents dessins, d’après les spécimens qu'il a observés vivants à Christiania et qui s'étaient développés dans une culture de vase desséchée recueillie dans le Gracemere Lagoon (Rockhampton, Aus- tralie) par M. Lumuocrz. Je ne puis mieux faire que de renvoyer au travail de Sars et en particulier aux figures de la planche IT qui répondent parfaitement aux exemplaires du lac de Tibériade. La forme de la tête prolongée en pointe dirigée en avant comme chez Daphnia procurva, la fornix étirée de chaque côté en une forte épine, permettent de distinguer de suite cette espèce parmi toutes les autres Daphnies. Dans le lac de Tibériade, M. Barrois a recueilii la Daphnia Lumholtzi depuis la surface jusqu’à 40" de profondeur; ce lac se trouve ainsi être la deuxième localité où ce Cladocère a été signalé. Il y arrive à une longueur de 3m, y compris le prolongement céphalique et le prolongement postérieur. Daphnia longispina LEYnIG Cette espèce, très répandue, se trouve en assez grande abondance dans le lac Phiala, entre Om et 1m50 de profondeur. C’est une forme assez voisine de la variété rosea de Sars. Daphnia galeata SArs On trouve en nombre relativement faible , dans le lac de Homs, une Daphnia que je considère comme une variété de D. galeata Sars, et très voisine de la variété obtusifrons de cette espèce. En effet, même chez les jeunes exemplaires, la tête est arrondie; la tache oculaire est extrêmement réduite. Le corps est généralement petit: (Imm5), L’impression dorsale est très-faible. La tête est petite, son bord ventral présente une concavité assez accentuée, le rostre est arrondi et dépassé notablement par les longues soies sensorielles des antennes antérieures. L'œil est médiocre, il a de nombreuses lentilles cristal- lines assez grosses et bien dégagées du pigment. La carapace, vue de côté, est ovale, allongée ; l’épine caudale, située sur la ligne médiane chez les adultes, est droite, mais un peu recourbée en arrière, chez x les exemplaires jeunes. Le postabdomen compte 7 à 9 ou 10 dents, Cri CLADOCÈRES DE SYRIE £ 369 de longueur décroissante ; la plupart des femelles adultes en ont 7ou 8, ce qui les rapproche de la variété microcephala. Les soies des antennes postérieures ont un deuxième article long, grêle et finement cilié. Simocephalus vetulus 0. F. MULLER, variété ægypticus KISCHER. For en Je mentionne sous ce nom des exemplaires recueillis aussi bien dans les marécages de l’Oronte, près de Homs, et dans le birket Abbädi (à l'Orient de Damas) que dans les larges fossés qui bordent EM rNE la route de Gizeh aux AR : Li : ve code ig. 3. — Simocephalus vetulus var. ægyptiacus Pyramides (Esypte): Bien FiscueR ; profil d’un spécimen ® des marécages que la description et les de l’Oronte X 33. figures de FrscHeR ne soient pas absolument satisfai- SK santes , je crois qu'il s’agit bien ici de la forme qu'il a observée en Égypte et que je considère jusqu’à présent comme une variété de notre espèce euro- péenne. Elle en a en effet le type céphalique, la tache oculaire allongée et grèle, le postabdomen; seul le bord postérieur des valves diffère en ce qu'il res- semble beaucoup à celui de S. sérrulatus. Il porte en effet un prolongement semblable, quoique moins développé que chez cette dernière espèce. La variété aegyptiacusressembleaussi Fig. 4. — Simocephalus velulus var. ægyptiacus beaucoup à S. Elizabeth A SES ; k ‘ISCHER ; postabdomen d’un spécimen des (Kinc) Sars, d'Australie, marécages de l'Oronte X 98. 366 JULES RICHARD Al mais elle a la tête plus semblable encore à celle de S. vetulus type. Ces deux variétés peuvent être considérées comme intermédiaires entre S. vetulus et S. serrulatus. Il ne faut pas du reste oublier que certains $S. vetulus présentent aussi chez nous un rudiment de pro- longement au bord postérieur des valves. Simocephalus serrulatus Kocx Quelques exemplaires de cette espèce — assez commune en Europe — ont été recueillis à Aïn -Musaieh. Il est facile de les reconnaître à leur extrémité céphalique anguleuse et armée de petites dents, au prolongement très marqué qu’on remarque à la partie médiane du bord postérieur de leur valve et aux ornements de leur postabdomen grifles terminales). Simocephalus sp. Dans les récoltes du lac de Yamôuneh, on rencontre quelques indi- vidus très jeunes, dont je n’ai pu reconnaître l'espèce avec certitude. Il y a des raisons de croire qu'il s'agit de S. vetulus. Monia brachiata JURINE Localités : Birket Hadar; Aïn-Katab (près de Tibériade). Le postabdomen a 10-11 dents triangulaires barbelées. Les griffes terminales ont un peigne formé d’une douzaine de grosses dents. Les exemplaires mâles du Birket Hadar ont trois soies sensorielles à la géniculation médiane de leurs antennes antérieures et, à l'extrémité, quatre forts crochets (bifides à leur partie terminale), Noina rectirostris JURINE Localités : birket-el-Ekfeir ( près Bânias ); birket-el-Ouaz (plaine de Bäalbeck); marais à Damas ; birket Abou-Zeineh; dans le Nil, en face de l'ile de Rodah (Égypte). Partout cette forme se présente avec 8-10 dents au postabdomen. Les griffes terminales ont à leur base un long peigne d'environ 22 dents, petites, fines et serrées. L’antenne du mâle porte deux soies à sa géniculation médiane et six crochets simples à son extrémité. CLADOCÈRES DE SYRIE 367 Les exemplaires du Nil sont tous macérés et en assez mauvais état, ainsi que ceux du birket Abou-Zeineh. Moïina macropus STRAUS (ROBIN) Syn. Moina paradora GRUBER ET WEISSMANN. Moina flagellata HunEeNporr. Moina Fischeri HELLIcH. Cette espèce, bien connue depuis les travaux de GruBEer et de WEISsMANN, se trouvait en assez grand nombre à Aïn-Katab, en compagnie de M. brachiata. Scapholeberis mueronata 0. F. MULLER Quelques exemplaires de ce Crustacé ont été recueillis dans le birket Abbàädi. Il s’agit d’une forme à épines postérieures courtes, quoique bien distinctes et pointues; le front est lisse comme chez S. mucronata type. Ceriodaphnia reticulata JURINE Ce Cladocère se trouve dans la plupart des récoltes faites dans le lac de Tibériade , mais il est relativement assez peu abondant. Il se présente sous une forme de taille médiocre, mesurant en moyenne O"62. Le postabdomen compte en général 8 à 9 dents, et les griftes terminales ont 5 dents secondaires. Ceriodaphnia rotunda STRAUS Birket Hadar, très nombreux individus. Environs de Damas, sur la route de Beyrouth, quelques rares exemplaires. Ceriodaphnia quadrangula O0. F. MüLLER Exemplaires en très petit nombre dans le lac de Homs. Ceriodaphauia Rigaudi RICHARD J'ai décrit récemment cette espèce intéressante d’après les spécimens recueillis au Tonkin (Lao-Kay) par M. le Docteur Ricaup. La forme du lac de Tibériade diffère du type par une taille un peu plus grande (Omm40 en moyenne au lieu de Omm36). La fornix paraît présenter 368 JULES RICHARD plus souvent que chez les exemplaires du Tonkin une épine à peine visible au-dessus de la base de l’antenne postérieure. Le postabdo- men est le même et les autres caractères sont également semblables. Comme cette espèce est encore peu connue, je crois bon d’en reproduire ici la description. Les femelles adultes et portant des embryons déjà bien déve- loppés mesurent en moyenne Omm4( de la tête à l'extrémité de la pointe de la carapace. La forme générale est ramassée, subglobuleuse. La tête est trois fois plus courte que les valves ; elle est très surbaissée et séparée des valves par une impression dorsale pro- fonde. Le bord dorsal de la tête est fortement convexe, le bord antérieur présente une très légère sinuosité entre le front, qui est arrondi, et le bord dorsal. Le bord ventral de la tête se prolonge en une pointe très aiguë, dirigée un .peu en arrière. Le rostre est très apparent sur l'animal vu de profil, car il dépasse notablement les antennes antérieures tout en étant un peu plus court que dans les spécimens du Tonkin. La fornix est médiocrement développée, souvent lisse, mais présentant quelquefois une pointe très petite au-dessus de la base des antennes postérieures. Les valves, vues de côté, sont à peu près aussi larges que longues ; le bord dorsal et le bord ventral sont assez fortement et à peu près également convexes. Le bord postérieur rejoint le bord dorsal un peu en arrière de la ligne médiane des valves en formant une pointe très courte, mais bien distincte et simple. La sculpture de toute la carapace consiste en mailles pentagonales ou hexagonales, relativement grandes (ellss mesurent environ 0""022 de large). Cette sculpture n’est pas très marquée. Le bord libre des valves est lisse. L'œil est gros, appliqué contre le sommet arrondi de la tête. Les lentilles cristallines, relativement grosses , sont mal dégagées du pigment. La tache oculaire, petite, est située très près de l’origine des antennes antérieures. Les antennes antérieures sont courtes, épaisses, de moindre taille que le rostre, dont la pointe est à peine atteinte par l'extrémité des soies sensorielles, presque aussi longues que les antennes _elles- mêmes. La soie tentaculaire, très longue et très fine, est insérée sur une petite saillie du bord antérieur de l'antenne, près de l’extrémité libre de celles-ci. Les antennes postérieures , courtes, ne présentent rien de particulier. PE, CLADOCÈRES DE SYRIE 369 L'abdomen n'offre pas de prolongement bien développé; on voit seulement une saillie obtuse, suivie en arrière d’une autre à peine marquée et portant une toufle de poils courts. Le postabdomen est terminé par deux griffes fortes, larges et lisses , assez peu incurvées. Les dents postabdominales sont au nombre de six de chaque côté de la région anale qui est arrondie, de sorte que le postabdomen paraît avoir partout la même largeur. Les dents sont très aiguës, les premières étant fortement incurvées et larges à leur base, et diminuent de longueur en s’éloignant des griffes terminales. Les soies postabdominales sont longues. La cavité incubatrice contenait presque toujours deux embryons allongés. Comme dans les autres espèces du genre, la forme des valves est un peu différente chez les jeunes individus, à cause de la convexité très faible ou nulle du bord dorsal. Mâle inconnu. Cette espèce a été recueillie pour la première fois en abondance dans une mare de la citadelle de Lao-Kay, poste avancé du Tonkin, par M. le Dr Ricaun, médecin-major du corps expéditionnaire. M. le Dr Barrois en à pris de nombreux spécimens dans le lac de Tibériade, ainsi que dans les étangs de Saqqarah (Egypte). Ceriodaphnia Rigaudi appartient aux espèces, encore restreintes, qui présentent un rostre. Les autres formes qui possèdent aussi ce caractère sont : C. tertilis Dana, C. asperata Moniez et C. cornula SARS. Il faut d’abord éliminer C. textilis Dana (de Vanua Lebu, Fidji), qui a un rostre très court et dont l’angle postérieur des valves est arrondi au lieu d’être bien distinct. L'espèce de Dana doit être du reste rangée parmi les espèces incertæ sedis. C. asperata Moniez se distingue de C. Rigaudi par la présence de tubercules et de lamelles saillantes sur la carapace; de plus le rostre est « retroussé et terminé par une soie ). C. cornuta Sars a le rostre plus court que €. Rigaudi ; il porte en outre, au sommet de la tête, un prolongement en forme de corne, comme Ja variété cornuta de Scapholeberis mucronata. De plus, la fornix présente une pointe plus marquée au-dessus des antennes postérieures, le postabdomen est beaucoup plus conique, l’abdomen 310 JULES RICHARD offre un prolongement unique distinct, et la pointe postérieure de la carapace, sur l’animal vu de dos, se montre bifide et non simple. Bosmina cornuta JURINE Quelques rares et petits exemplaires, pris à Ja surface, dans le lac de Hoüleh. Dans le lac Yamôuneh, où B. cornuta est fort abondant, beaucoup d'individus atteignent et dépassent même Ommÿ, Les eaux du lac de Tibériade contiennent aussi un grand nombre de représentants de cette espèce, parmi lesquels beaucoup de jeunes rappellent B. longirostris, mais tous les exemplaires ovigères que j'ai vus me paraissent devoir être rapportés de préférence à B. cornuta. Il n’est du reste pas toujours facile de distinguer ces deux espèces lorsqu'on n’a pas affaire aux formes typiques, et on sait combien l’âge, la saison (et sans doute d’autres conditions) influent sur les caractères extérieurs des espèces de ce genre. Bosmina longirostris O0. F. MULLER. Cette forme est assez commune dans le lac de Homs: elle a été recueillie également, mais en moins grande abondance, dans le bassin du Nilomètre de l'ile de Rodah, au Caire (Egypte). Nacrothrix hirsuticornis NoRMAN ET BRADY Cette forme, remarquable par ses antennes antérieures en massue, garnies de cils longs disposés en demi-verticilles, se trouve assez communément dans le lac Zeynia. C’est aussi à cette espèce qu'il faut rapporter, je pense, quelques très rares individus du lac de Hoûleh. Macrothrix laticornis JURINE Je considère comme une variété de l’espèce européenne quelques rares individus du birket-el-Ekfeir, près de Bänias, qui se distinguent surtout par la serrulation à peine perceptible du bord dorsal de la carapace. Mais les antennes antérieures, la position de la tache oculaire, sont comme chez M. laticornis. Il en est de même pour les spécimens, également très rares, du birket Abbâdi et du Jourdain, à sa sortie du CLADOCÈRES DE SYRIE S TL lac de Tibériade. La même forme est assez abondante dans le birket Otneh (Désert de Palmyre). Camptocereus sr. Je n’ai observé que quelques débris de Camptocercus provenaæt du lac de Yamôuneh : il est impossible de dire à quelle espèce il faut les rapporter. Levdigia acanthocercoiïides FISCHER Quelques rares spécimens de cette espèce ont été recueillis dans le birket-el-Ouaz (plaine de Bâalbeck) et dans le birket-el-Ekfeir (près de Bânias). Je les ai trouvés absolument identiques à des exemplaires récoltés au Croisic par M. CHEvREux. Alona Camboueïi DE GUERNE ET RICHARD Je n’ai observé que d’assez rares individus de cette espèce, pro- venant soit du Jourdain à sa sortie du lac de Tibériade, soit du birket . Abbâdi. Jusqu'à présent À. Cambouei n'était connu qu'aux environs de Tananarive, à Madagascar, et il paraîtra peut-être étrange de voir la même espèce dans deux localités aussi éloignées ; mais on sait combien la distribution des Cladocèces est capricieuse en raison des causes de dissémination. Nous avons déjà vu D. Lumholtzi d'Australie se retrouver dans le lac de Tibériade, et on connaît d'autre part des espèces cos- mopolites. Je dois dire d’ailleurs que je crois à l'existence en Europe de À. Cambouei ; je pense que cette espèce a été vue par certains auteurs et que c’est peut-être, par exemple, À. lineata de Kurz. Toutefois, pour les uns, le postabdomen aurait, comme chez 4. Cambouei, des soies groupées en peigne sur ses côtés (Kurz), tandis que pour d’autres il n'y en aurait point (ScHoŒbLEr). Les descriptions et les dessins sont d’ailleurs insuftisants. En outre, Je n’ai pas encore rencontré en Europe de forme absolument identique à 4. Cambouei et ce nom doit rester, du moins jusqu’à nouvel ordre. Pour qu'on puisse à l’occasion identifier d’une manière certaine celte espèce, je vais en donner une description et des dessins. J’ai examiné de nouveau dans ce but des exemplaires de Madagascar, ce qui m'a permis de corriger quelques détails dans la diagnose primitive. 312 JULES RICHARD La longueur moyenne des femelles ovigères est de 0"37 sur envi- ron Omm23 de largeur maxima (0®m38 et Omm2% pour les exemplaires de Madagascar; c’est par erreur que la dimension de Omm4ÿ à été indiquée). La carapace est comprimée latéralement, allongée, et pas tout-à-fait deux fois aussi longue que large. La tête est petite, assez relevée ; le rostre est obtus, | RE AN bien développé. Le bord dor- f * \ “ A ( CT sal, faiblement arqué chez V4 * \ Î e . Ne NA à certains exemplaires, l’est re re notablement davantage chez +" ie a d’autres (cela dépend sans SS ”É Vaux. à A 7 À \ doute de l’âge et des mues); il se continue, sans présenter d'angle saillant, avec le bord Fig. 5. — Alona Cambouei du birket postérieur convexe, quoi- Abbädi X 185. qu'on puisse bien distinguer le point de réunion. Le bord ventral est tantôt presque tout-à-fait droit, tantôt il présente vers son milieu une convexité en général peu marquée. Il est garni jusque près de son extrémité postérieure de soies ciliées médiocres. A partir du point où les soies marginales cessent , elles sont remplacées par une ciliation fine et serrée qui suit le bord de l'angle largement arrondi formé par la réunion du bord ventral avec le bord postérieur, et se prolonge légèrement pour se perdre un peu au-dessus du bord postérieur des valves. La largeur maxima de la carapace est située au milieu de la longueur des valves et correspond à la convexité du bord ventral. Presque toujours la carapace présente une réticulation, à mailles le plus souvent hexagonales, dont les intervalles sont ponctués. Il est quelquefois difficile de saisir le caractère de l’ornementation, mais la plupart du temps elle est assez distincte, aussi bien sur les exem- plaires de Madagascar que sur les autres. Le labre ne présente rien de particulier. L’œil est de taille médiocre, les lentilles cristallines sont noyées dans le pigment. La tache ocu- laire , environ deux fois plus petite que l'œil, est à peu près à égale distance de l’œil et de l'extrémité du rostre. Quand ce dernier est un peu plus développé, la tache oculaire paraît légèrement plus près de l'œil. Les antennes antérieures atteignent souvent, ou à très peu près, l'extrémité du rostre; elles sont légèrement renflées dans leur partie CLADOCÈRES DE SYRIE die ë moyenne, et portent à leur extrémité un bouquet de six soies sen- sorielles inégales, dont deux sont plus longues que les autres. Le bord de l'extrémité de l’antenne est festonneé. Les antennes postérieures sont de longueur médiocre. Le dernier article de chacune des branches porte une épine assez forte et 3 longues soies articulées (il n’y a pas d’épine à l'articulation). En outre le pénultième article de la branche dorsale porte une soie longue tandis que le premier article de la branche ventrale est armé sur son bord distal d’une épine courte et forte. Le postabdomen, court et large, présente le même diamètre depuis son extrémité libre, tronquée et non arrondie, jusqu'à l'anus. La grifle terminale paraît lisse, mais, en y regardant de très près, on distingue comme une ci- liation très légère dans la moitié distale. Cette grifle porte à sa base une épine { grêle, lisse, dont la largeur AE F ’ atteint environ un tiers de Fig.6. — Alona Cambouei du birket Abbâdi ; celle de la griffe. Le bord Postabdomen X267. _ dorsal du postabdomen porte une série de 8 à 9 dents diminuant légère- Fig. 7. — Alona Cambouei de Madagascar Q, vue de profil, X 190 (1). (1) Cette figure et la suivante proviennent du travail de MM. DE GUERNE ET RicaarD: Canthocamptus Grandidieri, Alona Cambouei, nouveaux Entomostracés d'eau douce de Midagascar. Mém. de la Soc. zool. de France, t. VI, p. 23%, 1893. 374 JULES RICHARD ment eu longueur à mesure qu'on s'éloigne de l'extrémité libre. Sou- * vent la deuxième et la troisième (comptées à partir de l'extrémité distale) sont notablement plus grandes que les autres. Chacune de ces dents (cela est visible surtout pour les # ou 5 distales) porte, à sa base et du côté proximal, une petite dent beaucoup plus petite Fig.S8. — Alona Cambouei de Madagascar Q; postabdomen X 430. que la principale, et diflicile à voir ; quelquefois cette dent rudimen- taire est accolée contre la grande, mais néanmoins distincte. Outre c2lte rangée de dents qui s’arrètent à l'anus, les côtés portent 5 ou 6 groupes ou peignes formés chacun d'épines extrêmement ténues et serrées dont la plus distale, dans chaque groupe, est la plus lon- gue et dépasse souvent le bord dorsal; les autres diminuent gra- duellement de longueur. Le sinus anal, bien marqué, est garni de petites épines extrême- ment fines et courtes. L'angle supra-anal est bien marqué. Les soies abdominales sont assez longues, plus qu’eiles n’ont élé figurées dans la description primitive. Je n’ai point vu de mâles dans les récoltes du D' Barrois. Alona intermedia SArs Les exemplaires assez nombreux du lac Zeynia (ou Legnia) ne diffèrent guère de l'espèce type qu’en ce que la tache oculaire est à peine aussi grande que l'œil. 11 en est de même de ceux qu’on rencontre dans le birket Kosseir (au sud de Homs) et dans le birket Otneh (désert de Palmyre}. On retrouve encore cette espèce dans le Jourdain, au sortir du lac de Tibériade, dans un birket au sortir d’Afka CLADOCÈRES DE SYRIE 319 (Liban), et enfin dans les fossés qui bordent la route de Gizeh aux Pyra- mides, ainsi que dans les étangs de Saqqarah (Egypte). Alona affinis LEYDIG Quelques rares exemplaires dans une pêche nocturne de surface exécutée dans le lac de Tibériade. 6 Alona testudinaria FISCHER Espèce relativement commune dans les pèches provenant du lac de Phiala. Alona guttata SARS Je n'ai pas vu moi-même cette espèce que von Dapay aurait rencontrée dans des pêches du lac de Phiala, qui lui ont été soumises par M. Barrois pour en étudier les Rotifères. Dunhevedia setigera PBIiRGE Syn. Crepidocercus setiger BIRGE. Ce genre n’était connu jusqu’à présent qu'en Australie, en Hongrie, aux Etats-Unis et au Congo français. La forme du birket Abbädi appartient bien à l'espèce D. setigera Birce; elle n’était représentée que par quelques rares exemplaires. | Pleuroxus trigonellus O0. F. MULLER Rares exemplaires recueillis dans les fossés de la route de Gizeh aux Pyramides. Ceux qui proviennent de Damas (étang de la route de Beyrouth) sont aussi en petit nombre; ils sont plus abondants dans les réservoirs de Naplouse. Pleuroxus aduneus JURINE Quelques rares spécimens de cette espèce se trouvent parmi les P. trigonellus, dans les réservoirs de Naplouse. Pleuroxus Barroisi Nov. Sp. La longueur moyenne des femelles ovigères est de 0mm,30, la largeur maxima, située vers le milieu de la carapace, est d'environ Omm,2%. Cette forme est subglobuleuse et ressemble assez à un Chydorus. 316 JULES RICHARD Le bord dorsal et le bord ventral sont à peu près aussi convexes l'un que l’autre, mais, tandis que le bord dorsal forme une courbe régulière, le bord ventral présente une saillie obtuse, quoique bien mar- quée, au milieu de sa longueur : c’est au niveau de cette saillie que : le carapace présente sa largeur maxima. La carapace est tronquée en arrière, le bord postérieur étant presque droit et formant un angle plus ou moins distinct à sa réunion avec le bord dorsal, tandis qu’à sa jonction avec lui le bord ventral se termine en une dent bien distincte, que j'ai trouvée constamment. Souvent le cil qui la précède immédiatement est aussi transformé en une épine courte. Le rostre est court et obtus. Le bord ventral est garni de cils relativement espacés et courts. La surface des valves est sillonnée de lignes sinueuses courant parallèlement au bord ventral. Ces lignes sont réunies par des anastomoses transversales incurvées , souvent moins distinc- tes, et qui forment ainsi avec les précédentes des mailles un peu allongées. Les lignes si- nueuses parallèles ont un écar- tement moyen de 0®®,01 environ. L’œil, appliqué contre le bord \ 1 dorsal de la tête, est de grandeur ë Fig.9. — Pleuroxus Barroisi, nov. sp.X194. médiocre ; les lentilles cristalli- nes sont très peu apparentes. La tache oculaire est relativement crosse, mais cependant une plus petite que l'œil et située à peu près à égale distance de l’œil et Fig. 10 et 11. — Pleuroxus Barroisi ; fig 10, de l'extrémité du rostre. ee Et à X 610 ; fig. 11, Le labre, bien développé, est terminé en pointe mousse et présente une particularité importante : son bord ventral, incurvé, est CLADOCÈRES DE SYRIE TU entaillé de 4 incisures très nettes (comme des dents de scie penchées et espacées). Cela donne au labre un aspect spécial que je n’ai vu chez aucun autre Lyncéide, tandis qu’il se retrouve constamment dans notre espèce. Les antennes antérieures sont courtes, coniques ; elles sont loin d'atteindre l'extrémité du rostre à laquelle arrive à peine celle des soies sensorielles. Les antennes postérieures sont petites. Le dernier article de chaque branche porte à son extrémité trois longues soies et une très petite épine; en outre, le pénultième article de la branche dorsale est orné d'une longue soie. Le postabdomen ressemble beaucoup à celui de P. erxcisus. I dimi- nue peu en largeur vers son extrémité libre. Les griffes terminales D A Fig. 12. — Pleuroxus Barroisi ; post-abdomen X 458. sont ciliées dans toute leur longueur et ont chacune deux dents secondaires lisses dont la distale est grêle et de beaucoup plus longue que la proximale, qui est quelquelois à peine perceptible. Le bord dorsal du postabdomen est légèrement excavé et armé de 8 à 9 dents simples, fines, assez longues et toutes à peu près d’égale taille. Le sinus anal est garni de petites épines extrêmement fines et courtes. L'angle supra-anal est très accentué. Les soies abdomidales sont presque aussi longues que le postabdomen. La couleur des exemplaires est jaune sombre. Mâle inconnu. Cette espèce se distingue du P. excisus, dont elle se rapproche plus que de tout autre Pleuroxus, par l'absence de stries dans les mailles de la réticulation, qui est du reste diflérente, ainsi que par la forme générale du corps, etc... P. Barroisi se distingue facilement des autres Lyncéides par son labre orné d’incisures. Cette espèce a été récoltée en assez grande abondance dans le birket Abbädi : je prie M. le D' Barrois d’en accepter la dédicace. 918 JULES RICHARD — CLADOCÈRES Chydorus sphærieus JURINE Birket Abbâdi : rare — Lac de Tibériade : très rare — Jourdain, à sa sortie du lac de Tibériade : très rare, ainsi que dans les marécages d’Aïn-Musaieh. — Fossés de la route de Gizeh aux Pyramides, étangs de Saqqarah : assez rare. Une variété de C. sphæricus est assez abondante dans le lac Phiala. C. sphœæricus se trouve encore dans le birket Kosseir, dans un petit birket au sortir d’Afka, à Damas (route de Beyrouth); toutefois , dans ces dernières localités, il n’est représenté que par quelques rares exemplaires, ainsi que dans le lac de Hoüleh (d’après M. BarRois). Chydorus Letourneuxi RICHARD J'ai rencontré un assez grand nombre de spécimens de cette espèce dans le birket Hadar ainsi que dans le birket Kourmel. Monospilus tenuirostris FISCHER Le Docteur von Dapay, dans une lettre adressée à M. Barrois, a siynalé la présence du Monospilus tenuirostris dans le lac de Homs; malgré mes recherches à ce sujet, je n’ai pu constater moi-même la présence de cette rare espèce. 379 . CONTRIBUTION à l’étude du développement organique de la CLANDE THYROÏDE chez les MAMMIFÈRES PAR Ch. SIMON. chef des travaux d’histologie de la Faculté de médecine de Nancy. (PLANCHE IV) Dans une note publiée antérieurement (1) sur l’évolution de l'ébauche thyroïdienne latérale chez les Mammifères, j'ai exposé les premiers résultats obtenus sur des embryons de Cobayes, de Lapins et de Porcs. J’annonçais alors que l’évolution de cette ébauche me paraissait sujette à de grandes variations individuelles. Ces premiers résultats m’ayant paru intéressants, j’ai étendu mes recherches ; mais, de tous les embryons que j'ai eu à ma dispo- sition , ceux de Porcs seuls ont été suffisamment nombreux et échelonnés de taille pour me permettre d'en tirer des conclusions ; encore que ces conclusions doivent être exposées avec une certaine réserve, Car, ainsi qu'on va le voir, mes séries sont loin d’être complètes. J'ai examiné des embryons de Porcs mesurant 25-30-37-40-42 45- 51-60-65-210 mm. La majorité de ces pièces ont été fixées au liquide de FLEMMING , solution forte, et colorées ensuite par le procédé de ce même auteur (safranine violet de gentiane-orange G.). Ce sont, je dois le dire, ces pièces qui m'ont fourni les meilleurs résultats, les coupes sont régulières et la coloration rend l'étude très facile. D’autres pièces ont été fixées au liquide de KLEINENBERG ou à l'acide picrique et colorées soit en masse, soit sur coupes par le (1) Cu. Simon. — Note préliminaire sur l'évolulion de l'ébauche thyroïdienne latérale chez les Mammifères. — Comptes-rendus de la Société de Biologie, — No du 8 mars 189%, 380 CH. SIMON carmin boracique de GRENACHER, le carmin boracique -chlorhydrique de Mayer, l’hématoxiline éosique de RENAUT, le carmin aluné ou le liquide de BerGonzint (Vert de méthyle. — Fuchsine acide-orange G.) — Les coupes ont été faites au microtome de Dumaice après inclu- sion dans la paraffine. ” HISTORIQUE Le développement de ce travail ne comporte pas un historique complet de la question, aussi me contenterai-Je d'en esquisser les lignes principales, renvoyant pour plus de détails au travail de M. PRENANT (1) et à la bibliographie qui s’y trouve. C’est cette étude qui a inspiré la mienne. Les premières notions sur le développement de la glande thyroïde remontent à l'année 1871. — W. Muzrer (2) et plus tard KôLLIKER (3) trouvent que la glande prend naissance par une ébauche médiane issue de la paroi ventrale du pharynx. — WôLrLer (4) et Sriepa (5) pensent au contraire qu'elle se développe aux dépens de deux ébauches latéra- les parties de la quatrième poche entodermique branchiale. Born (6) concilie toutes les opinions et démontre que la glande est formée de l’union de l’'ébauche impaire et médiane de W. Muzer et de KÔLLIKER, et des ébauches paires et latérales découvertes par WôLFLER et STIEDA. En ce qui concerne le développement ultérieur de la glande, les recherches de nombreux auteurs et en particulier de Born sur l’em- bryon de Porc, font voir que la glande se mettant à bourgeonner, il s'y forme des cordons épithéliaux : ces cordons épithéliaux s’anas- tomosent, se transforment en tubes, lesquels, par suite de l’immi- (1) A. PRENANT. — Contribution à l'étude du développement organique et histo- logique du Thymus, de la glande thyroïde et de la glande carotidienne. La cellule, tome X.— 1‘ fascicule. (2) W. Muier. — Ueber die Entwickelung üer Schilddrüse.Jenaisch. Leitz. Bd. VI-1871. (3) KôzuikEeR. — Embryologie de l'homme et des animaux supérieurs.— Paris, 1882. (4) WôzrLer.—Ueber die Entwichelung und den Bau der Schilddrüse.—Berlin, 1882. (5) Sriepa. — Untersuchungen über die Entwichelung der Glandula Thymus, Glandula Thyroidea und Glandula carotica. — Leipzig, 1881. (6) Born. — Ueber die Derivaten der Embryonalen Schlundbogen und Schlunds- palten bei Süutgethieren. Arch für microscop. Anatomie, Bd XXI, 1883. GLANDE THYROÏDE CHEZ LES MAMMIFÈRES 981 gration dans le parenchyme des vaisseaux et du tissu conjonctif, deviennent les vésicules thyroïdiennes. Quant aux ébauches latérales, Borx montre qu’elles se fusionnent intimement avec la masse de la thyroïde médiane et qu'après «s'être » laissées un moment reconnaître par leur structure histologique » distincte, elles se transforment en un réseau trabéculaire épithélial » de même aspect que celui de l’ébauche impaire. » Chez un embryon de porc de 37 mm., toute distinction entre ébauches médiane et latérales deviendrait impossible. Dans ces derniers mois, M. PRENANT, étudiant à nouveau cette question du développement de la glande thyroïde, sur une série complète d’'embryons de mouton, après avoir vérifié la formation de l'ébauche latéralé aux dépens de la quatrième poche entodermique branchiale, suivit l'évolution de cette ébauche jusqu’à un âge relative- nent avancé du développement. D'abord constituée par une vésicule piriforme encore reliée par un pédicule aux parois de la cavité pharyngienne, cette ébauche latérale devient arrondie, sa lumière prend le nom de canal cervical de la thyroïde et perd toute connexion avec le pharynx. Dans la suite, le canal devient anfractueux en même temps que l’épithélium qui le tapisse présente des modifica- tions sur lesquelles je reviendrai plus tard. Mais au lieu de disparaître complètement comme le prétendait Born, cette thyroïde latérale persiste puisque M. PRENANT en a retrouvé des traces reconnaissables chez un embryon de mouton de 114 mm. Au-delà de cette taille, les embryons examinés par M. PRENANT, mesuraient 30 et 40 cm. Là, toute ébauche latérale avait disparu. Quant à la question de savoir si l'ébauche impaire, comme la formation médiane, donnait dans la suite des vésicules thyroïdiennes, l’auteur déclare ne pouvoir se prononcer. La question du développement de la glande thyroïde n’était donc pas encore définitivement close: de plus un certain nombre de questions nouvelles se sont fait jour dans ces dernières années. Réservant pour l’avenir les conclusions que j'ai pu jusqu'à présent tirer des coupes d'embryons de Cobayes, de Lapins, de Bœuîfs, de Chiens et même d’embryons humains, je me suis contenté ici de rechercher sur des embryons de Pores, ce que M. PRENANT avait, avant moi, trouvé sur des embryons de Moutons. 982 CH. SIMON RECHERCHES PERSONNELLES Les plus jeunes embryons que j'ai eu à ma disposition mesu- raient 25 mm.; à cet âge l’ébauche organique de la glande thyroïde est déjà constituée, les formations latérales ont perdu toute connexion avec la cavité pharyngienne. La thyroïde médiane est représentée par une bandelette mince, étendue transversalement au devant de la trachée et empiétant déjà latéralement sur les ébauches latérales. Elle est formée par un réseau de cordons épithéliaux, tantôt creux, tantôt pleins, anastomosés ou non avec les autres. La ‘paroi des tubes est formée par une seule couche de cellules épithéliales à protoplasma clair, à noyau ovoïde, volumineux, riche en nucléoles. Un grand nombre de ces noyaux sont en voie de division cynétique. Dans les mailles du réseau, on trouve quelques globules sanguins; en quelques endroits plusieurs capillaires bien formés. C'est un peu au-dessus de l’isthme qu’apparaïit la thyroïde latérale, constituant à ce stade presque à elle seule, le lobe latéral de l'organe. Cest une masse arrondie ou ovoide, volumineuse et dense. Elle se trouve en rapport en dedans avec la trachée, en dehors et en avant avec les cordons de la thyroïde médiane; en dehors et en arrière, elle est libre. Quoiqu’en contiguité avec plusieurs des cordons de la thyroïde médiane, jamais elle ne se trouve en continuité avec eux. À la périphérie on distingue une rangée régulière de cellules, cons- tituant ainsi un revêtement épithélial cubique. On y trouve un grand nombre de mitoses ; il m'a été impossible de trouver dans cet embryon rien qui ressemblât au canal cervical. Un embryon de 30 min. (fig. 1) presente des dispositions semblables. La forme de la thyroïde dans son ensemble est encore celle d’un croissant dont les deux cornes seraient à leurs extrémités renflées en massue. La thyroïde médiane à pris plus d’extension et tend à envelopper de tous côtés l’ébauche latérale. Celle-ci occupe la région postéro-inférieure du lobe latéral et se trouve en rapport avec la trachée qui est en dedans et la carotide c qui est en dehors. Les tubes épithéliaux de la thyroïde médiane sont plus courts et beaucoup présentent en coupe transversale une lumière arrondie ou ovalaire, tapissée par une ou plusieurs assises de cellules. Ces aspects pour- raient en imposer pour la thyroïde latérale si celle-ci ne se présentait GLANDE THYROÏDE CHEZ LES MAMMIFÈRES 9383 avec une masse volumineuse unique dans chaque lobe tandis que ceux-là se rencontrent abondamment non seulement dans les lobes latéraux mais aussi dans le sein même de l’isthme. La thyroïde latérale se présente comme une masse puissante, formée de nombreuses cellules, serrées les unes contre les autres, sans aucun ordre, si ce n’est pour celles que l’on trouve immédiatement au voisinage du canal central, où elles forment un épithélium cylindrique parfaitement régulier. Les mitoses y sont beaucoup plus rares que dans Île cas précédent, ce qui amène à penser que la prolifération cellulaire touche à sa fin. Enfin des tractus vasculo-conjonctifs se rencontrent dans cette masse, tractus segmentant comme par des plans de clivage cet amas cellulaire, de façon à ne laisser autour du canal central qu’un petit nombre d’assises épithéliales. 4 Déjà, à un faible grossissement, on peut distinguer dans certaines coupes, à l’intérieur du canal cervical, des éléments cellulaires. Examinées à un fort grossissement (ZEIss, obs. à immers. homogène 2.0 mm. Oc.4) les coupes montrent (fig. 2) une cavité anfrac- tueuse a, à contours bien nets en certains points, plus ou moins confus en d’autres ou même absolument indéfinissables. Les éléments contenus dans cette lumière ont des formes variées; les uns sont des polyèdres parfaitement réguliers, d’autres ont des limites beaucoup moins précises. Ces éléments peuvent être séparés les uns des autres ou au contraire accolés en un fragment d’épithélium. On y distingue une masse protoplasmique plus ou moins granuleuse, renfermant des noyaux, dont les uns semblent parfaitement intacts, ils ont des contours bien nets et des nucléoles bien visibles ; les autres, au contraire, peuvent avoir des limites beaucoup plus vagues, ou même former des taches étendues fixant énergiquement la matière colorante. Ce sont là, évidemment, des cellules en voie de résorption. Dans l’intérieur du thymus, M. PRENANT a rencontré et représenté des graines chromophyles, analogues sans doute à des éléments dégénérés. Quant à la paroi elle-même, outre sa forme anfractueuse, elle présente quelques particularités à signaler. Elle n’est pas cellulaire dans toute son étendue, mais fait voir en certains points de grandes lacunes claires, correspondant à des interstices cellulaires. En quel- ques endroits, elle semble se continuer sans distinction aucune, avec le protoplasma des éléments tombés dans la cavité. En d'autres, 384 CH. SIMON la limite est bien nette, quoi qu'il y ait contiguité des mêmes éléments avec la paroi. Enfin, dans l’épaisseur même de la paroi, on trouve des éléments en voie de dégénérescence. Un embryon de 37 mm. est sujet à quelques réserves; il appartenait à une portée dont la moyenne des sujets mesurait 40 et 42 mm. Néanmoins, il avait l'air parfaitement sain. Ici, la forme de la thyroïde a changé. Au lieu de constituer deux lobes latéraux unis par un isthme médian de peu de volume, la thyroïde représente une masse unique, régulièrement ovoide, à grosse extré- mité tournée à gauche. Légèrement inclinée sur le côté, elle répond au plan antéro-latéral gauche de la trachée. Il est donc impossible de distinguer les lobes latéraux de la partie médiane. Cette soudure n’est d’ailleurs pas complète dans toute la hauteur de la glande, car on trouve toujours sur la partie inférieure de l'organe un tractus fibreux délimitant assez grossièrement deux lobes. Au point de vue de la structure, la thyroïde est constituée par une trame de cordons épithéliaux très serrés les uns contre les autres, de facon à laisser à peine place pour de minces traclus vasculaires. À l’un des pôles de cet ovoïde, j'ai pu remarquer un amas cellulaire assez nettement délimité et qui répond sans doute à la thyroïde latérale. C'est une masse arrondie, formée d'éléments épi- théliaux condensés et au centre de laquelle, on aperçoit une cavité très réduite, à peine plus volumineuse que les interstices cellulaires voisins. Examinés à l’aide de l'immersion, cette lumière parait assez régulière et bordée par des cellules rangées régulièrement en un épithélium. De plus, quelques-unes de ces cellules font saillie à l'intérieur de la cavité et en réduisent encore la surface. La longueur de cette lumière répond à la largeur, car elle règne sur un petit nombre de coupes seulement. S'agit-il là d’une thyroïde latérale et de son canal cervical? Il serait peut-être bien audacieux de l’aflirmer; cependant, Je. ferai remarquer que l'aspect de cette masse dense qui tranche sur le reste du parenchyme thyroïdien, la position de cette masse qui se trouve correspondre avec la situation de la thyroïde dans un embryon de quelques millimètres plus long, enfin la présence d’une lumière au centre sont autant de caractères qui militent en faveur de cette hypothèse. J'aurai occasion de revenir plus tard sur cette question. GLANDE THYROÏDE CHEZ LES MAMMIFÈRES 389 Un embryon de 40 mim. ne nous offre à signaler que l'absence totale de thyroïde latérale et de son canal cervical. Un amas épithélial arrondi se montre sur la face interne de la thyroïde au niveau du point de pénétration des vaisseaux. C’est la glandule thyroïdienne. Les cordons épithéliaux sont plus espacés, le tissu conjonetif et vasculaire dejà plus abondant. Un embryon de 42 mm. ne nous présente rien de particulier au sujet de la forme de la thyroïde, qui depuis l'embryon de 37 mm. est devenue et restera définitive. Au point de vue histolo- gique, on peut faire remarquer la prolifération marquée du tissu conjonctivo-vasculaire. La figure 3 montre l’une des thyroïdes latérales a. C'est un organe ovoïde à paroi formée d’une seule couche de cellules épithéliales, sauf peut-être en certains points, où l’on ren- contre quelques cellules enfouies dans la profondeur; au centre une large cavité ovalaire à limites internes parfaitement nettes. Cette thyroïde latérale occupe une position excentrique, tout-à- fait à la périphérie de la glande, recouverte seulement par le tissu fibreux qui enveloppe tout l'organe. Elle est même complètement isolée du tissu épithélial par des tractus vasculo-conjonctifs ; en dehors et en arrière on remarque un gros vaisseau. La seconde se rencontre non loin de la première, ce qui indique que les deux ébauches n’ont pas changé de place lors de la translormation mor- phologique de la glande et que la prolifération épithéliale à laquelle est due ce changement de forme, appartient pour ja plus grande partie à l'ébauche médiane. Cette seconde thyroïde médiane se trouve un peu en arrière et en dehors de la ligne médiane de la glande. Sa forme est celle de la première. Nettement limitée par des vaisseaux sur la plus grande partie de son contour, en d’autres points s1 délimitation est plus difficile. Quant à son volume, nos dessins, sauf la figure 2, ayant été faits à la chambre claire et à l’aide des mèmes grossissements, on peut voir que si l'épaisseur de la paroi à diminué, la surface du canal à augmenté, ce qui est sans doute en rapport avec les phénomènes de desquamation épithéliale signalés plus haut. Un embryon de 45 mm. ne nous apprend rien de nouveau. Je n'y ai rien rencontré qui puisse être considéré sincèrement comme une thyroïde latérale. Il en est de même en ce qui concerne un embryon de 51 mm. 386 CH. SIMON Un embryon de 61 mm. présente des disposilions intéressantes. La thyroïde apparait comme un organe réniforme, placé sur le côté antérieur latéral gauche de la trachée : d’un hile placé sur le milieu de sa face trachéale partent de gros vaisseaux qui décompose l’or- gane en un certain nombre de lobes secondaires. Non loin de la face antérieure, en dehors de la coque fibreuse qui enveloppe l'organe, on aperçoit quelques cordons épithéliaux environnés de quelques vaisseaux. Or, si l’on suit la suite des coupes , on trouve sur des coupes distales que la masse principale que l’on pouvait considérer comme la thyroïde entière diminue de volume, à mesure que l’autre - augmente et devient dans la suite un véritable lobe thyroïdien. Sur des coupes plus distales encore, on trouve un organe que j'ai repré- senté dans la figure %# et que, à cause de sa structure, de sa forme et de sa position, je crois être la thyroïde latérale et son canal cervical, Quelques coupes plus bas, une figure analogue comme forme, comme dimension et comme structure se rencontre dans le second des deux lobes principaux. Enfin plus bas la thyroïde se trouve com- posée de trois lobes desquels deux ont été formés aux dépens du premier des lobes principaux ; et là encore on rencontre dans cha- cun une figure analogue à celles que je viens de décrire. L'interprétation de ces faits me parait assez difficile pour Île moment. D'une part, dans aucune des espèces animales étudiées à ce point de vue on n’a jamais signalé plus de deux ébauches laté- rales. D'autre part, il me parait difficile de contester le nom de thyroïdes latérales aux deux premières figures que j'ai décrites et qui correspondent parfaitement à ce que J'ai vu ét représenté dans l'embryon de 42 mm. où le doute était impossible; avec cette minime différence qu'ici les ébauches latérales sont contenues chacune dans un lobe thyroïdien ce qui n'existait pas dans l'embryon de 42 mm. D'un autre côté, les formations analogues que j'ai rencontrées dans les lobes secondaires, rappellent d'assez près les caractères des pré- cédentes, et il m'est difficile de les considérer comme de simples tubes épithéliaux coupés transversalement; car je dois dire qu'après un examen attentif de toute la thyroïde, ce sont là les seuls figures que j'y ai rencontrées. D'ailleurs, depuis l’embryon de 50 mm., les tubes épithéliaux m'ont toujours apparu coupés suivant leur lon- gueur et non transversalement. Je crois donc que seule l'étude des premiers développements de la thyroïde, chez des embryons plus jeunes GLANDE THYROÏDE CHEZ LES MAMMIFÈRES 387 que ceux examinés par moi, pourra donner la clef de ce problème. C'est d’ailleurs ce que je m’empresserai de faire dès que j'aurai réuni les matériaux nécessaires. Un embryon de 66 mm. ne présente plus les mêmes difficultés; la thyroïde forme un organe compact et n’est plus lobulé comme dans l’organe précédent ; à l'angle antérieur, la glandule se montre constituée par un amas très dense de cellules serrées, enfermées dans un réseau sanguin bien développé. Cette simple observation suffit à réfuter l'opinion émise il y a quelques mois, que la glan- dule thyroïdienne possède la structure de la thyroïde embryonnaire. La thyroïde latérale s’y présente avec des caractères voisins de celles de l'embryon précédent. Elle est seulement plus volumineuse, son canal plus étroit, plus allongé et sinueux. Je n’ai pu rencontrer la seconde d’une manière sûre dans toute la série des coupes. Au-delà de cette taille, je n’ai plus examiné qu’un embryon de taille beaucoup plus élevée: je n’ai pu y découvrir rien qui rappelàt les dispositions précédentes. Des observations qui précèdent il résulte que l’évolution morpho- logique est différente chez l'Homme et chez le Porc. La disposition normale chez l'Homme est transitoire chez ce dernier, puisqu'elle ne se rencontre plus chez des embryons de 37 mm. La position même de la glande n’est pas symétrique par rapport à l’axe du corps, celle-ci tend au contraire de plus en plus à s'opposer au plan antéro-latéral gauche de la trachée et dans une portion oblique par rapport à l’axe du cou, de telle sorte que l'extrémité droite de la glande soit inférieure par rapport à l'extrémité gauche. Cette trans- formation morphologique de la glande tient à la prolifération de ja thyroïde médiane. Ce phénomène, signalé par Born, au lieu de se faire presque exclusivement dans les lobes latéraux comme chez l'Homme et nombre de Mammifères, porte ici spécialement sur l’isthme, de telle sorte que cette région devient la plus épaisse de tout l’or- gane, qui tend ainsi à prendre la forme d’un croissant, puis d’un rein, Au point de vue des transformations histologiques, on peut avec Borx, distinguer trois périodes : la première serait la phase de proli- fération épithéliale. L'élément noble de la glande se mettant à multiplier d’une façon active, la thyroïde serait constituée presque uniquement par des cordons épithéliaux, c’est ce que l’on peut observer jusqu’à 388 CH. SIMON une taille de 40-42 mm.; à partir de ce moment, cette prolifération épithéliale diminue d'intensité sans s’éteindre complètement, mais le tissu vasculo-con'onctif prend de plus en plus d’accroissement jusqu’à occuper une Surface approximativement égale à celle occupée par l'élément épithélial lui-même. Dans une troisième phase, les tubes épithéliaux se transforment en vésicules thyroïdiennes, ce qui est déjà obtenu sur des embryons de 210 mm. Quant à la part que prend Ja thyroïde latérale dans la formation de ces cordons, elle m'a paru assez restreinte. J'ai signalé en effet dans un embryon de 30 mm. de minces capillaires s’insinuant entre les différents éléments pour les séparer en couches, comme par des plans de clivage, de facon à ne laisser autour du canal central de la thyroïde qu’un petit nombre d’assises ; il ne me semble donc pas douteux que la thyroïde latérale, elle aussi, participe à la formation de ces cordons, mais je pense que ces cordons ainsi formés doivent être peu nombreux : on se rappelle en effet que chez l’embryon de 30 mm. les mitoses étaient beaucoup plus rares que dans celui de 25 mm.; j'en ai conclu que la prolifération de cette portion de la thyroïde touchait à son terme. Cette phase de la prolifération s'éteint donc avant la période correspondante pour la thyroïde médiane ; or, comme cest à ce moment que la forme de la thyroïde change, Jen conclus que la formation des cordons épithéliaux par la thyroïde latérale est assez restreinte et n’influe que peu sur les change- ments de forme de la glande entière. L'opinion de Borx, à savoir que l’ébauche latérale se transforme en un réseau trabéculaire épithélial de même aspect que celui de l’'ébauche impaire, ne me paraît done pas admissible en totalité. J’admets la formation de cordons épithéliaux aux dépens de l’ébauche latérale, mais de cette ébauche il reste quelque chose, qui est son canal central limité par une assise de cellules épithéliales. Et même je dirai que loin de disparaître; cette formation croît, mais d’une façon discontinue, avec l’âge de l'embryon. | Cependant, comme l'a déjà constaté M. PRENANT, ces formations ne se rencontrent pas chez tous les embryons considérés : je les ai trouvées chez des embryons de 25-30-42-60 et 66 mm., je ne les ai pas ren- contrées chez des sujets de 37-40-45 et 50 mm.; aussi, comme conclu- sions, dirai-je : GLANDE THYROÏDE CHEZ LES MAMMIFÈRES 389 4° La glande thyroïdienne latérale peut persister jusqu’à un âge assez avancé de lembryon ; % Elle croît, mais non proportionnellement, avec l’âge de cet embryon ; 3% Elle peut disparaître. Elle paraît en somme présenter de grandes variations individuelles. Nancy, le 15 juin 1894. 390 CH. SIMON. — GLANDE THYROÏDE CHEZ LES MAMMIFÈRES EXPLICATION DES FIGURES F1G. 1. — Coupe de la thyroïde latérale d'un embryon de 30 mm. Fixation et coloration d’après les procédés de FLEMMING. — Obj. apochr. Zriss. 8.0 mm. Oc. 4. a. Thyroïde latérale et son canal central. — b. Tubes épithéliaux coupés transversalement. — c. Carotide. FiG. 2. — Même embryon. — Immersion homogène Zriss. 2.0 mm. Oc, #. a. Canal central de la thyroïde. — b. Débris épithéliaux tombés dans la cavité.— c. Cellules épithéliales de la paroi en voie de dégénérescence. FiG. 3. — Coupe transversale de la thyroïde d’un embryon mesurant 42 mm. Fixation et coloration d’après les mêmes procédés. Obj. Zeiss. 8.0 mm. Oc. 4. a. Canal central de la thyroïde latérale. — b. Cordons épithéliaux appar- tenant à la thyroïde médiane, — c. Thymus. F16. 4. — Coupe transversale de la thyroïde d’un embryon de 60 mm. a. Canal central de Ja thyroïde latérale. — b. Cordons de la thyroïde médiane. — c. Vaisseaux. FiG. 5. — Thyroïde d'un embryon de 66 mm. Fixation du liquide de KLEINENBERG, coloration par le carmin chlorhydrique de N'AYER. a. Canal central de la thyroïde. — b. Travées vasculo-conjonctives. — c. Thyroïde médiane. Tous ces dessins ont été dessinés à la chambre claire et, sauf pour la figure 2, à l’aide des mêmes grossissements. L'HOSNS Je 391 CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES ROTIFÈRES DE SYRIE et description de quelques espèces nouvelles PAR Théod. BARROIS Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Lille. ET LE D' von DADAY (de Budapest) (avec une planche double et 15 figures dans le texte). Nos connaissances sur la faune des Rotifères qui peuplent les eaux douces de la Syrie sont absolument nulles jusqu’à présent; c'est ce qui m'a engagé à publier ce travail, tout rudimentaire et tout incomplet qu'il soit. Pour bien étudier ces petits êtres, il faut pouvoir les observer vivants, sur place; c’est chose impossible dans le cahotement d’une vie nomade, alors qu'il est rare de voir les tentes rester dressées deux jours de suite au même endroit. Pourtant, quelques espèces aux téguments plus coriaces, à la carapace chiti- neuse plus solide, résistent suffisamment aux secousses des mulets et à l’action de l'alcool pour qu’on puisse, non pas en pénétrer la structure intime, mais bien en détailler les principaux caractères spécifiques extérieurs : lels sont particulièrement les Brachionus, les Anuraea, les Euchlanys, en un mot les Rotifères cuirassés. En examinant le produit de mes pêches dans les différents lacs et marécages de la Syrie, javais pu reconnaître une vingtaine d'espèces, dont quelques-unes nouvelles, autant qu'il est permis d'en juger, à savoir : Brachionus Melhemi, Br. bursarius, Br. caudatus, Br. obesus, Br. pyriformis. Cette note était rédigée en grande partie lorsque j’eus l’occasion de soumettre au Dr vox Dapay mes spécimens d’Asplanchna, désireux d'obtenir l'avis d’un naturaliste qui avait spécialement étudié ces curieux Rotifères; dans les pèches que je lui avais envoyées, von Dapay reconnut un certain nombre d’espèces qui m'avaient échappé, entre autres plusieurs formes nouvelles dont la description lui appartient tout entière, je me plais à le reconnaitre : Rotifer forficatus, 392 TH. BARROIS ET VON DADAY Floscularia brachyura, Œcistes syriacus, Notops macrourus, Adactyla verrucosa, Notholca orientalis. Nos résultats communs ont été réunis et feront, sous notre double signature, l'objet du travail qui va suivre. Ta. BarRrois. Fam. PHILODINIDAE. 1. — Rotifer forficatus nov. sp. (BL V, fig. 3, 5, 6). Pede cylindrico, segmento penullimo pedis processibus duobus sat lon- gis, lanceolatis, digitibus duobus forficem formantibus. Nous n'avons pas réussi à définir exactement la forme générale du corps, car tous les exemplaires examinés étaient plus ou moins déformés; la figure 3 a été prise d’après un des exemplaires le mieux conser vé. Les quatre plis marqués qu’on observe à la partie antérieure du corps sont probablement causés par la contraction de l'animal dans l'alcool. Les mâchoires sont typiques, réniformes, et pourvues de 3 dents (fig. 5). De l’avant-dernier segment du pied partent deux longs appendices spiniformes, égalant en longueur les trois derniers segments du corps; à sa partie distale, le dernier segment porte deux doigts aigus, incurvés, opposés comme les branches d’une paire de ciseaux, d'où le nom de forficatus que nous avons donné à cette espèce (fig. 6), qui est bien caractérisée par la forme de son pied et surtout par la structure des doigts. Il ne nous pas été possible de mesurer la taille de ce Rotifère. Assez abondant dans le Plankton du lac de Hoüleh. 2. — Rotifer sp. Nons avons constaté, dans les eaux du lac de Homs et dans celles du birket Abbâdi, la présence de plusieurs exemplaires d’une autre espèce de Rotifer, mais dans un tel état de contraction qu'il était impossible de le déterminer. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES ROTIFÈRES DE SYRIE 993 Fam. ASPLANCHNIDAE. 3. — Asplanchna svrinx Enr. Cette espèce à déjà été signalée en Egypte par Schmarda (1) qui la rencontra dans les environs de Monfaloût, à Kenneh, à Assioût et à Saqqarah (2). Abondant dans le Plankton des lacs de Tibériade et de Homs. Dans le Nilomètre de l'ile de Rodah, au Caire, se trouvait en grande abondance un Asplanchna que nous n'avons pu déterminer, car le tube qui contenait cette pèche s’est brisé durant le trajet de Lille à Budapest : il s'agissait probablement de l’4. syrinr. k. — Asplanchna priodonta Gosse. Cette belle espèce est fort répandue dans le Plankton des lacs de Homs et de Hoüûleh. ». — Asplanchnopus mvrmelece Eur. Nous rapportons à cette espèce, non sans quelque doute, une petite forme d’Asplanchnopus dont nous avons trouvé deux échantillons seulement dans les pêches du lac Yamoüneh. Fam. FLOSCULARIDAE. 6. — Floseularia brachyura nov. sp. (PI. V, fig. 4 et 2). Pede rudimentario, in aculeo curvato exeunti, urceolo nullo species. Les exemplaires sont trop contractés pour que nous ayons pu déterminer la forme générale du corps et la structure de l'organe (1) Scnmanpa : Zur Nalurgeschichte Ægyptens. Wien, 1854. (2) J'avais d'abord rapporté cetle espèce à l'Asplanchna Girodi DE GUERNE, mais on sait que dans un récent travail (Revision der Asplanchna-Arten und die ungar- ländischen Repräsentanten, Math. und Naturwis. Ber. aus Ungarn, Bd. IX, 1891), VON Dapay a idextifié la forme décrite par De GUERNE à l'A. Syrinx d'EHRENBERG (Ta. BarRois). 394 TH. BARROIS ET VON DADAY rotateur, mais la présence des grands cils caractéristiques des Floscalaria indique bien que c’est ici la place systématique de cette espèce. Nous n'avons point vu de gaîne. Sous le pied se trouve une épine incurvée. La structure des mâchoires est absolument typique (fig. 2). Parmi les organes internes, on distingue très bien les glandes pancréatiques, pourvues de deux noyaux allongés (fig. 1). A la base du pied, qui est mince, sont situées deux grosses glandes. Les œuîs sont accrochés au corps. Très fréquent dans les pêches de surface du lac Hoûleh. = 1. — Floscularia sp. Nous avons trouvé dans les pêches de surface du lac de Homs une autre espèce de Floscularia, habitant cette fois une gaîne, et pourvue d’un long pied; l’état de contraction de l'appareil vibratile ne nous à pas permis d’en déterminer l'espèce. | Fam. MELICERTIDAE. 8. — Œecistes syriaeus nov. Sp. (PI. V, fig. 45 et 17). Tentaculo dorsali unico, pede perlongo, urceolo granulato. Ici encore il ne nous a pas été donné, en raison de l’état de contraction de l'animal, de déterminer la forme générale du corps ni Ja structure de l'organe rotateur, mais notre espèce est très caractérisée par son unique tentacule dorsal. Les mâchoires sont réniformes, avec quatre dents (fig. 15). Les glandes pancréatiques sont globuleuses et ne renferment qu’un noyau. Le pied est d’une largeur tout-à-fait remarquable. Ces Rotifères vivent dans des gaînes dont la surface est ornée de fragments de calcaire et de fines particules de graviers; nous avons souvent rencontré dans une même gaine plusieurs (2-3) individus, mais les spécimens solitaires ne sont pas rares (fig. 17). Par son pied, cette espèce se rapproche de Œristes serpentinus, mais elle s’en distingue par son tentacule unique. Quelques exemplaires dans le Plankton de surface du lac de Hoùleh. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES ROTIFÈRES DE SYRIE 395 9. — Œcistes sp. Dans les pêches de surface des lacs de Tibériade et de Homs, nous avons rencontré une autre espèce d’'ŒÆcistes qu’il nous a été impossible de déterminer avec certitude. Les œufs, sphériques, enve- loppés d'une épaisse coque hyaline, sont très remarquables et nous portent à croire qu’il s’agit ici dune espèce nouvelle, différente d'Œcistes syriacus. Fan. SYNCHAETIDAE. 10. — Synchaeta oblonga GOssE. Cette belle espèce, la plus grande du genre, n’est point rare dans le lac de Tibériade ; elle est très commune surtout dans le bassin du Nilomètre de l'ile de Rodah, au Caire. 11. — Synchaeta tremula Enr. Quelques rares individus dans les pêches de surface du lac de Yanoûmeh. Fam. HYDATINIDAE. 12. — Diglena gibber Gosse. Assez abondant dans le birket Abbâdi. 13. — Diglena circinator GossE. Deux exemplaires seulement de cette espèce, aux formes bizarres, dans les marécages d’Aïn-el-Musaieh. 14. — Notops macrourus nov. sp. (PI. V, fig. 7 et 16). Corpore ovali, pede perlongo crassoque, digitibus deplanatis foliifor- mibus. Cette espèce sé rapproche beaucoup du Notops brachionus Euxr., dont elle se distingue toutefois par sa forme ovoïde et par ce fait que le pied n’est que la continuation directe du corps (fig. 7). Nous ne pouvons décrire l’appareil locomoteur, les individus que nous avons eus entre les mains étant tous contractés; sur les dits 396 TH. BARROIS ET VON DADAY spécimens, la partie antérieure du corps semblait divisée en 3 grands lobes. Les mastax se rapprochent beaucoup de ceux des Brachions (fig. 16). Les glandes pancréatiques sont relativement grandes, en forme de sac, et renferment un gros noyau. L'anus est situé à la base du pied; ce dernier est d'une longueur remarquable, fort large, et présente, dans sa partie postérieure, trois giandes en forme de boudins. Les doigts sont larges, foliiformes. La largeur du corps est de 177 à 180 z ; sa plus grande largeur de 70 x; le pied seul mesure de 87 à 90 w. Sans aucun doute ces dimensions sont plus considérables chez des exemplaires vivants, non contractés par les réactifs. Assez abondant dans le Plankton du lac de Hoüleh. 15. — Adoctyla verrucosa nov. gen. nov. Sp. (PL V, fig. 4 et 8). , Corpore elongato, verrucis in seriebus longitudinalibus armato; pede biarticulato, digitibus nullis, articulo ultimo in apice discophoro. Cette espèce se rapproche beaucoup, par ses caractères, des genres Notommata, Proales et surtout Taphrocampa. Le corps ne se compose que de trois segments; le premier et le plus grand formant à proprement parler le tronc, les deux autres, très petits, constituant le pied. Ce dernier n’est point terminé par des doigts, mais bien par une petite ouverture infundibuliforme qui représente l’orifice excréteur des glandes (fig. 8). Le dernier segment porte en même temps l'anus, sous forme d’une profonde incision. Nous n’avons pu élucider la forme de l'appareil rotateur, mais nous avons cependant noté la présence d’un appendice frontal en forme de trompe. La surface de la cuticule est ornée de fortes verrues, disposées en séries longitudinales régulières. La mastax est assez simple (fig. 4) : le malleus se compose de deux parties virguliformes, l’uncus est presque cunéiforme. Les glandes pancréatiques sont globuleuses; l'ovaire est impair, strié vers son extrémité antérieure, La longueur du corps, chez des individus conservés dans l'alcool, varie entre 87 et 90 w, la plus grande largeur entre 28 et 30 p. CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DES ROTIFÈRES DE SYRIE 397 Assez fréquent dans le Plankton du lac de Houüleh. Ce nouveau genre, nous l'avons dit, est voisin des genres Taphro- campa, Notommata et Proales, mais il s’en distingue par l'absence de doigts; à leur place on voit un petit disque qui représente l'orifice des glandes ; à cet égard, c’est du Cypridicola parasitica qu'il se rapproche davantage. Le caractère le plus typique de cette forme nous paraît être la structure verruqueuse de la cuticule, disposition rare jusqu'à présent chez les Rotifères. Fam. ANURÆIDÆ. 16. — Anuræa aculeata Enr. Cette espèce est commune dans les eaux du birket-er-Râm (lac Phiala) et du lac de Homs. L'un de nous l’a aussi signalée aux Acores (1). 17. — Anurœa cochlearis Enr. Rare, dans les pêches de surface du lac de Tibériade. 18. — Anurœa valga ER. (PIN fs M1*etut2) Forme très fréquente dans les pêches de surface des lacs de Tibériade et de Hoüleh; toutefois nos individus s’écartent notable- ment du type d'EHRENBERG. La différence de taille entre les deux épines postérieures est toujours plus grande que ne le figure le naturaliste allemand; l’une de ces deux épines est généralement quatre à cinq fois plus longue que l’autre, la plus petite est souvent tout-à-fait rudimentaire, et parfois même elle manque totalement. C'est tantôt l’épine droite, tantôt l’épine gauche qui est la plus développée. 19. — Notholea seapha Gosse. Quelques rares exemplaires dans le Plankton du lac de Hoûleh () Taéop, Barrois : Matériaux pour servir à l’étude de la faune des eaux douces des Acores, IT Rotifères. Lille, 1888. 398 TH. BARROIS ET VON DADAY 20. — Notholca orientalis nov. sp. (PL. V, fig. 14). Lorica clypeiformi, postice valde angustata, marqgine frontali dorsali in medio elevato, ventrali vero undulato et in medio sinuato. La carapace a la forme d’un écusson ; elle est atténuée à sa partie postérieure et percée en cet endroit d’une ouverture ronde pour le passage du pied. La surface de la carapace est garnie de nombreuses papilles toutes de même grosseur. Le bord occipital n’est armé que d’un seul grand lobe médian, mousse (fig. 14) ; le bord pectoral est creusé en son milieu d’une échancrure centrale et d'une autre échancrure, moins profonde, à droite et à gauche. L'organisation interne ne semble différer en rien de celle que l’on connaît chez les autres espèces du genre. Près de l’orifice postérieur de la carapace sont situées des glandes qui correspondent probablement aux glandes pédieuses modifiées. Il est vraisemblable que ces glandes sécrètent la coque et le pédoncule des œuis, car l’animal porte toujours ses œufs attachés aux bords de ladite ouverture. La longueur du corps est de 68 uw, la plus grande largeur de 42 w. Assez fréquent dans le Plankton du lac de Hoûüleh. Cette espèce se distingue aisément des Notholca déjà connus par la structure de sa carapace, et surtout par la disposition des bords occipital et pectoral. Fam. RATTULIDÆ. 21. — Mastigocerca bicornis Enr. Quelques exemplaires dans le Plankton du lac de Hoüleh. 22. — Mastigocerca bicristata GOSsE. Rare ; dans les pêches de surface du lac de Yamoüneh. 23. — Mastigocerea carinata EBr. Très rare; en compagnie de l'espèce précédente. 24. — Cæœlopus tenuior Gosse. Quelques exemplaires provenant des eaux boueuses du birket Abbädi. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES ROTIFÈRES DE SYRIE 399 Fam. DINOCHARIDÆ. 25. — Dinocharis pocillum Enr. Assez rare; dans les pêches de surface du lac de Yamoüneh. Fam. SALPINIDÆ. 26. — Diaschiza semiaperta GOssE. Quelques exemplaires, dans les eaux du birket Abbâdi. Fam. EUCHLANIDÆ. 27. — Euchlanis dilatata Enr. C’est une des espèces les plus répandues dans les eaux douces de la Syrie; nous l'avons rencontrée en abondance dans le birket-er-Räm (lac Phiala), le birket Abbàdi et les marécages d’Aïn-el-Mousaieh. 28. — Euchlanis lyra Hupsox. Assez rare; dans le birket Abbädi et dans les marécages de Hadar (flancs du grand Hermon). 29. — Metopidia lepadella. Rare; dans les marécages d’Aïna-el-Mousaieh. ScaMaRDA l'a ren- contré en Egypte, à Alexandrie (1). Fam. CATHYPNIDÆ. 30. — Cathypna luna Es. Commun dans les pêches de surface du lac de Yamoüneh. 31. — Cathypna ungulata Gosse. Assez rare, dans le Plankton du lac Yamoüneh, en compagnie de l'espèce précédente. (1) ScxMarDA : loc. cil., p. 25. 400 TH. BARROIS ET VON DADAY 32. — Monostyla lunaris Enr. Assez rare, dans les eaux du birket Abbädi. Fam. PTERODINIDE. 33. — Pterodina patina Eur. Rare; dans les pêches de surface du lac Phiala. Ce n’est pas le type, que nous avons rencontré, mais bien la variété figurée par Hupsox ET Gosse dans leur grand ouvrage sur les Rotifères (1). Fam. BRACHIONIDÆ. 34. — Brachionus Melhemi nov. sp. (PV ere MASreLM9)s Cette grande et beïle espèce vit dans les eaux limpides du lac Yamoüneh, dans le Liban. La carapace est ponctuée de fines papilles chitineuses, fortement 1 2 Fig, 4 et 2, — Brachiomus Melhemi vu par la face dorsale et par la face ventrale. réfringentes, dont la distribution est toute particulière : à la face (4) Hupson ET Gosse : The Rotifera, or Wheel-Animalcules, pl. XXVI, fig. 12 et 12 a. London, 1886. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES ROTIFÈRES DE SYRIE 401 dorsale, elles sont très serrées et très denses sur la partie centrale et vont en s’éclaircissant vers les bords (fig. 4 du texte); à la face ventrale, une sorte de mince repli, plus accentué en avant qu’en arrière, circonscrit au centre de la carapace une aire irrégulièrement rhomboïdale dont la partie postérieure se prolonge pour former la gaine du pied; en dedans de ce repli, parallèlement à lui, mais dans sa moitié antérieure seulement, les papilles sont disposées en deux files symétriques qui vont en se perdant en arrière (fig. 2 du texte). Sur tout le reste de la face ventrale, les papilles sont irré- gulièrement disposées ; on n’en trouve ni sur les épines occipitales, ni sur les épines postérieures. Les dites épines occipitales sont au nombre de six ; les deux médianes sont fort longues, recourbées en dehors et en dessous ; les intermédiaires sont généralement plus peti:es que les externes, bien que sur certains exemplaires je les aie vues parfois subégales. Le bord pectoral de la carapace, pour employer la terminologie de Hupson et Gosse, est presque horizontal; autant que nous avons pu en juger, il porte de chaque côté deux légères ondulations et une encoche médiane, peu profonde, en face de l’aire rhomboïdale dont nous avons parlé plus haut (fig. 2 du texte). Les épines postérieures sont très longues et le plus légèrement écartées en dehors. Le pied est grêle, bifurqué à son extrémité libre. Des organes internes nous ne disons rien car les animaux n'étaient pas assez bien conservés pour se prêter à d'utiles obser- vations de ce côté. Longueur totale de la carapace, les épines comprises, 9320 à 340 p ; Largeur maxima, 210 à 226; Longueur moyenne des épines posté- rieures, 80 y; Les seules formes décrites desquelles se rapproche un peu notre espèce sont les Br. nustylarus ScaMarDA, de San-Juan del Norte À SR (Amérique centrale) et le Br. Bakeri Enr. d'Europe. Chez le premier, la carapace est recouverte de papilles et l’auteur décrit sur la face dorsale une sorte d’aire rhomboïdale qui 402 TH. BARROIS ET VON DADAY pourrait bien être tout simplement une aire ventrale comparable à celle dont j'ai parlé plus haut, mais vue par transparence (fig. 3 du texte). D'autre part le bord pectoral du Br. pustulatus est presque horizontal, avec une simple encoche en son milieu et les dents postérieures sont très courtes en comparaison de celles du Br. Melhemi. Ces dents sem- bleraient être au nombre de quatre d’après la figure et le texte de SCHMARDA, mais nous Croyons que c’est une apparence due à une erreur d'interprétation. Les deux dents médianes correspondent tout simple- ment aux prolongements latéraux de la gaine du pied. Nous avons obtenu le même aspect chez le Br. Melhemi (Fig. # du texte) en le dessinant NC ee Ÿ Ye S = HER Fig. 4et5. — Brachionus Melhemi, vu de dos, mais renversé en avant, et de profil. dans une mauvaise position, alors qu’il était un peu tombé en avant (1), ce qui arrive facilement en raison de la disposition cunéiforme de l’animal (voyez la figure 5 du texte, de profil). Toutefois, malgré les ressemblances que nous venons de signaler, nous ne pensons pas qu’on puisse identifier les deux types. Le Br. Bakeri semble aussi offrir quelque analogie avec le Br. Melhemi ; il se rapproche, en effet, de la forme minor, que nous dé- (4) Nous croyons que cette remarque est applicable à la plupart des dessins de Brachions donnés par ScaMARDA et par EHRENBERG. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES ROTIFÈRES DE SYRIE 403 crirons tout à l'heure, par sa taille, par la disposition générale des épines, et peut-être aussi par la disposition des papilles à la face ventrale de la carapace : (The ventral surface is marked with minute granules, which are arranged in a pattern of some regularity (1). » Quel est cet arrangement, c’est ce que Hudson et Gosse ne spécifient pas, ils ne disent pas davantage si la face dorsale de la carapace porte ces granulations si abondantes chez le Br. Melhemi, et le dessin qu'ils en donnent n’en fait nullement mention. Quant à la dispo- sition du bord pectoral, elle est fort vaguement indiquée : ( pectoral line nearly level, undulata. » D'autre part, le Br. Bakeri (fig. 6 du texte), d’après le dessin des Fig. 6. — Brachionus Bakeri, d'après Fig. 7. — Brachionus Melhemi, forme Hupson et Gosse. minor, vu par la face ventrale. auteurs anglais (loc. cit, pl. XXVIL, fig. 8), paraît beaucoup plus ramassé dans sa forme générale que notre espèce ; les épines occi- pitales médianes sont comparativement beaucoup plus courtes, et les intermédiaires seraient « almost obliterate, » ce qui d’ailleurs ne parait point en concordance avec le dessin d’Hupson et Gosse. Nous avons retrouvé le Br. Melhemi dans le birket Abbâdi, mais sous une forme plus réduite, que nous appellerons forme minor ; nous en donnons ci-dessous la figure (fig. 7 du texte) au même (4) Hupsox et Gosse : loc. cit., t. II, p. 120. 40% TH. BARROIS ET VON DADAY grossissement que la forme type (voir les figures 1, 2, 4 et 5 du texte). Eu dehors de la différence de taille, nous ne voyons guère à signaler que la petitesse des papilles de la surface et leur moindre abondance. Longueur totale de la carapace, les épines comprises, 260 à 265 y ; Largeur maxima, 165 à 173 u. Grand diamètre de l’œuf, 106 & ; petit diamètre, 60 w. L'espèce de ScxMaARDA, le Br. pustulatus, est encore beaucoup plus petite ; elle ne mesure que -—— de pouce, soit environ 158 pv. Nous nous faisons un plaisir de dédier cette espèce au Drogman Melhem Ouardy, de Beyrouth, en remerciement de ses bons et loyaux services. 39. — Brachionus bursarius. (PI. V, fig. 20). La forme générale de ce petit Brachion est celle d’une bourse légère- ment étranglée en son collet. La carapace est lisse. Les épines occipitales sont au nombre de six : les internes et les externes subégales, les premières dirigées en dedans, les secondes en dehors (fig. 8 du texte). Le bord pectoral est séparé en 8 9 Fig. 8 et 9. — Brachionus bursarius, forme type. deux lobes très nets par une encoche médiane et deux légères échan- crures latérales indiquées à la base des épines externes (fig. 9 du texte). Ces dernières sont souvent bifides à leur extrémité ainsi que cela se voit bien sur la figure 20 de la planche 0. Longueur maxima d’une femelle ovifère, 210 y ; Largeur » » » » 1654. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES ROTIFÈRES DE SYRIE 405 J'ai observé en outre de nombreux exemplaires, non ovifères, plus petits, mais aussi plus trapus que les précédents, mesurant en moyenne w_L Fig. 10 et 14. — Brachionus bursarius, forme trapue. 470 & sur 140 y (fig. 10 et 11 du texte). Ils me paraissent constituer sim- plement une variété de la forme type. Très abondant dans le birket Abbâdi. 36. — Brachionus caudatus nov. sp. (PI. V, fig. 10 et 13). Cette jolie petite espèce ne peut être confondue avec aucune de celles qui ont été décrites jusqu'à présent. La carapace, toute parsemée de fines ponctuations réfringentes, est ovalaire dans sa forme générale (fig. 12 du texte), mais brusquement tronquée en avant pour former les bords occipital et pectoral, et forte- ment étirée en arrière en une sorte de pédicule sur lequel s’attachent les deux épines postérieures. Celles-ci sont longues, légèrement diver- gentes et fortement recourbées en dessus (fig. 14 du texte). 13 14 Fig. 12 à 14. — Brachionus caudatus, vu de dos, de ventre et de profil. Le bord occipital est armé en son milieu de deux fortes dents ; les 406 TH. BARROIS ET VON DADAY dents intermédiaires, extrêmement obtuses, sont à peine indiquées, et quand aux dents externes elles sont très petites (1). Le bord pectoral (fig. 13 du texte) est creusé d’un large sinus médian et porte de chaque côté une ondulation à peu près parallèle à celle du bord occipital. Le Br. caudatus mesure en moyenne 175 & de longueur sur 106 & de largeur maxima. Nous l’avons rencontré assez communément dans les pêches de surface du lac Houleh, surtout au milieu des prairies de Nénuphars. 31. — Brachionus obesus nov. sp. (PL. .V, fig. 211et 22). Cette nouvelle espèce est remarquable surtout par sa forme générale lourde et ramassée ; elle ressemble un peu à un Br. Bakeri, plus trapu que le type, dont les épines postérieures seraient extrêmement réduites, mais davantage encore au Br. brevispinus Eur. La carapace est lisse ; à peine porte-t-elle, à la face ventrale, quelques fines ponctuations disposées en double file, comme chez le Br. Melhemi ; encore faut-il la plus grande attention pour les distinguer. Si l’on fait abstraction des épines occipitales médianes, la carapace est presque aussi large que longue. Ces épines occipitales (pl. V, fig, 2) sont au nombre de six, la paire médiane étant notablement plus forte que les autres et recourbée en dehors et en dessous ; la paire intermédiaire est la plus petite. Le bord pectoral de la carapace (pl. V, fig. 22) est nettement entaillé en son milieu d’une profonde encoche, de chaque côté de laquelle se trouvent deux lobes obtus, inclinés obliquement en bas et en dehors. Les épines postérieures, qui méritent à peine ce nom, sont extrême- ment courtes ; on dirait plutôt que les angles de la carapace ont été pincés et légèrement étirés. ; La longueur totale de l’animal, épines comprises, varie entre 205 à 240 y ; la largeur entre 170 à 195 p. Le Br. obesus est très commun dans les marécages qui s'étendent, au Nord du lac de Tibériade, sur la rive orientale du Jourdain ; nous l'avons également rencontré en abondance dans les fondrières d’Ain-el- (1) Sur la figure 13 de la planche 0, qui est de von Dapay, ces détails ne s’aperçoi- vent point; je les ai pourtant contrôlés avec soin, et mes dessins à la chambre claire sont absolument probants à cet égard (Ta. BaRRoIs). CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES ROTIFÈRES DE SYRIE 407 Mousaieh ainsi que dans le birket de Kosseir, au sud de Homs. Nous avons longtemps été tenté de rapporter cette espèce au Br. brevispinus Exr., avec lequel elle offre certainement de grandes AUS ressemblances, ainsi qu’on peut en juger d’après la fig. 15 du texte reproduite d’après les dessins d’ERENBERG (1). Toutefois l’iden- tification ne paraît pas possible pour les raisons suivantes : 1° La disposition du bord pectoral est tout-à-fait différente dans les deux espèces: 2 La forme générale du corps est beau- coup plus ramassée, beaucoup plus qua- > drangulaire dans le Br. obesus : 30 La taille du Br. brevispinus est près de deux fois plus considérable que celle du Br. obesus : 423 u'au lieu de 240. Mais sans la dissemblance profonde du bord pec- toral dans les deux formes, cette différence de dimension ne m'’eut point paru Cons- Fig. 15. — Brachionus brevispi- tituer un caractère suffisant pour imposer #45. d'après EHRENBERG. un nom nouveau au Brachion de Syrie, car nous avons vu tout-à-l’heure, à propos du Br. Melhemi, que la taille des individus peut varier considérablement chez une même espèce. | 38. — Brachionus pyriformis, nov. sp. (PLV, igm23;et 24) Dans sa forme générale, cette nouvelle espèce ressemble au Br. bursarius, mais elle est beaucoup plus étranglée en avant ; la partie postérieure est en outre nettement échancrée pour laisser passer le pied. La carapace est lisse. Le bord occipital est fortement oblique en dehors (PI. 0, fig. 23): il porte six dents, dont les médianes sont droites et aiguës, les intermédiaires obtuses et basses, les externes à peine marquées et inclinées en dehors. (1) Je rappellerai ici la remarque que j'ai faite plus haut au sujet des dessins d'EHREN- BERG et de SCHMARDA. 408 TH. BARROIS ET VON DADAY Le bord pectoral (PI. V, fig. 24) est creusé en son milieu d’une encoche bien marquée et porte de chaque côté un lobe arrondi, obtus, qui se termine en dehors par une dent externe aiguë dont la pointe se confond avec celle de la dent du bord occipital. Longueur maxima, 185 pu; Largeur maxima, 147 y; Longueur du pied, 200 à 215 pu. Comme on le voit d’après les mensurations que je viens de donner, le pied est très long, dépassant notablement la longueur de la carapace. ScaMarpa a décrit sous le nom de Br. longipes, un Prachionus de la Nouvelle-Grenade, qui présente également cette particularité, et même à un plus haut degré, puisque le pied a deux fois la longueur de la carapace, dont la taille serait de ,!, de pouce, soit 230 uw. Toutefois la disposition des épines occipitales ne nous permet point de rapprocher notre espèce de celle-ci. Le Br. pyriformis est commun dans le birket Abbädi. 39. — Brachionus urceolaris Enr. Commun dans le birket Mamillah (piscine de Gihon, Jérusalem), dans le lac de Hoùleh, et dans les eaux de Tell Forkloss (désert de Palmyre). Déjà signalé en Egypte par SCHMARDA. 40. — Brachionus amphiceros Enr. Assez abondant dans le birket Kosseir; nous l'avions également retrouvé dans les eaux du Nil, au Caire, où ScaMaRpA l'avait signalé sous le nom de Arthacanthus quadriremis. L'un de nous l’a fait connaître aux Açores. Hupson Er Gosse (1) estiment que cette forme, de même que l'Arthracanthus biremis de Scamarpa, ne constitue qu’une variété du Br. pala Enr. ; PLATE la considère cependant comme une bonne espèce. HA. — Brachionus rubens Enr. Assez commun dans les eaux marécageuses des birkets Abbâdi, Hadar et de Tell-Forkloss. (1) Hupson et Gosse : loc. cit., t. II, p. 418. CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DES ROTIFÈRES DE SYRIE 409 42. — Brachionus dorcas GOssE. En compagnie de l'espèce précédente dans les puits vaseux de Tell-Forkloss. Fam. TRIARTHRIDAE. 43. — Triarthra longiseta Enr. Cette jolie espèce est assez commune dans les lacs de Hoüleh et de Homs, où le Plankton est extrêmement dense. Les longs appendices qu'elle porte doivent être très favorables à sa dissémination (1) ; l’un de nous a déjà signalé sa présence ‘aux Açores, et ScHmarpa la mentionne en Egypte. 44. — Polyvarthra platyptera Enr. Assez commun dans les pêches de surface des lacs de Homs, de Hoüleh et de Yamoüneh. Fam. PEDALIONIDOE. 45. — Hexarthra polyptera SCHMARDE (— Pedalion mirum Hupsow). Cette espèce, découverte en Egypte par SCcHMarpA, se retrouve, mais peu abondamment, dans les pêches de surface du lac de Yamoüneh. (4) DE Guerne et RicnarD (Sur la faune pélagique des lacs du Jura français, compte-rendu de l'Acad. des Sciences, juillet 1893), ont déjà fait la mème remarque au sujet de Notholca longispina KezricorT, pourvue de longues épines fort développées. 410 TH. BARROIS ET VON DADAY. — ROTIFÈRES DE SYRIE ; EXPLICATION DE LA PLANCHE V. 4. — Flescularia brachyura Barrois et DApaAy; vue d'ensemble. Fig Fig. 2. — Mastax du même. Fig. 3. — Rotifer forficatus Barrots et DApay ; vue d'ensemble. Fig. 4. — Adactyla verrucosa Barrois et Dapay; mastax. Fig. 5. — Mastax du Rotifer forficatus. Fig. 6. — Partie postérieure du pied de la même espèce. Fig. 7. — Notops macrourus Barrois et Dapay ; vue d'ensemble. Fig. 8. — Adactyla verrucosa; vue d'ensemble. Fig. 9. — Fig. 10. — Brachionus caudatus Barrois et Dapay, bord antérieur de la carapace. Fig. 11 et 12 — Anuraea valga Euxr.; deux variétés différentes. Fig. 13. — Brachionus caudatus; vue d'ensemble. Fig. 14 — Notholca orientalis Banrois et Dapav; carapace vue par la face supérieure. Fig. 15. — (Œcistes syriacus Banrrois et Dapay; mastax. Fig. 16. — Notops macrourus; mastax. Fig. 17. — Œcistes syriacus; vue d'ensemble. Fig. 18 et 19. — Brachionus Melhemi Barrois et Dapay; vu par la face dorsale et par la face ventrale. Fig. 20. — Brachionus bursarius Barrois et Dapay; carapace vue par la face ventrale Fig. 21 et 22. — Brachionus obesus Barrois et Dapay; vu par la face dorsale et par la face ventrale. . 23-et 24. Brachionus pyriformis Barrois et Dapay; vu par la face dorsale et par la face ventrale. 411 VOYAGE DE LA GOËLETTE MELITA sur les côtes occidentales de l'Océan Atlantique. ANNÉLIDES POLYCHÈTES PAR A. MALAQUIN Docteur ès-sciences, Préparateur à la Faculté des Sciences de Lille. M. En. Caevreux a bien voulu me confier l’étude des Annélides Polychètes qu’il a recueillies pendant une campagne qu’il a faite sur sa goëlette Melita, sur les côtes du Sénégal et du Sahara. Le nombre des espèces rapportées par M. CHEvREUx n'est pas très considérable ; il faut, en effet, rechercher spécialement les Annélides pour en faire une récolte abondante. Toutefois, plusieurs d’entre elles présentent un réel intérêt, soit au point de vue de leur éthologie, soit au point de vue de leur distribution géographique. Je dois ajouter que l'étude du matériel recueilli par M. CHEvVREUXx m'a élé rendue facile grâce à l’excellent état de conservation des animaux. Les seules recherches faites particulièrement sur les Annélides, dans des régions voisines de celles explorées par M. CHEVREUX, ont été exécu- tées aux îles Madère et aux îles Canaries par LANGERHANS (1). Quelques-unes des espèces rapportées par M. CHEVREUX, ont été observées par LANGERHANS, Ce sont: Hermodice carunculata, Leontis Dumerilii, Exogone gemmifera, Autolytus macropthalmus, Thelepus cin- cinnatus (Phenacia terebelloides). Certaines espèces, au contraire, n’ont jamais été signalées dans ces parages, ce sont : Acholoëe astericola, Chloeia flava, Eurythoe pacifica, Eunice torresiensis, Onuphis eremita, Fallacia pantherina, Heterocirrus ater. Enfin d’autres espèces telles que Lepidonotus Wahlbergi et Dasychone violacea ont été signalées sur le continent africain, mais en d’autres (1) LANGERHANS. Die Wurmfauna von Madeira. Zeitsch. fur Wissench. Zoologie ; 1, Bd. 32, 1879 ; II, Bd. 33, 1880 ; III, Bd. 34, 1880 ; IV, Bd. 40, 1884. LanGERHANS, Ueber einige canarische Anneliden. Nova acta der Ksl. Carol. Deutschen Akademie der Naturforscher. Bd. XLII, ne 3, 1881. 412 A. MALAQUIN points ; sur 1% espèces rapportées par M. CHEevrEux, 9 habitent la Méditerranée. Quelques-unes comme Chloeia flava, Hermodice carun- culata sont des Annélides qu’on rencontre dans toutes les mers tempérées et chaudes du globe; d’autres, sans avoir cette extension prodigieuse, ont été signalées dans un grand nombre de points (Leontis Dumerilii, Exogone gemmifera). Acholæ astericola D. Cx. 1822 Nereis squamosa DELLE-CH1aJE. Mém. su. gli. An. s. Verteb. Il, p. 968, 400 et 425 ; tav. XIX, fig. 7. 1841 Polynoe astericola DezLEe-CHaraye. Descrizione e notomia, etc., tome VS Have r 129 ee 1855 Polynoe malleata GruBe. Beschr. neuer oder wenig bekannter Anneliden. Arch. fur naturg. Bd. 21, p. 81, taf. ILE te 1" 1870 Acholoe astericola CLaparène. Annélides du golfe de Naples. Sup- plément. Mém. Soc. Phys. et Hist. Nat. de Genève, t.. XX, p. 382, pl. IL, fig. 1. 1874 Acholoe astericola MarenzELLer Zur Kenntniss der adriatischen Anne- liden Sitz. der akad. zu Wien. Bd. 69, p. 420. Station 108, 5 mars 1890. Baie de Dakar. Petite drague, sable vaseux, 8 mètres ; station 107, 16 mars 1890. Baie de Gorée, grande drague, coquilles brisées, 15 mètres. Parmi les ambulacres d’un Astropecten. Cette espèce paraît bien fixée au point de vue éthologique. Tous les auteurs qui, depuis Dezce-Curase, l’ont signalée, l’ont tou jours rencontrée parmi les ambulacres d’un Astropectinidé ; toutelois GRuBE n'indique pas la provenance de sa P. malleata ; CLAPARÈDE l’a rencontrée parmi les ambulacres de l’Astropecten aurantiacus ; MARENZELLER la rencontra, en outre, chez A. bispinosus, A. platyacanthus et A. pentacanthus. Enfin Grarp signale sa présence sur les Asfropecten aurantiacus dragués à Concarneau (1). Un Hésionien, la Stephanida flexuosa, a les mêmes habi- tudes que l’Acholoe, et vit également sur les mêmes espèces d’Astropec- ten et sur un genre voisin, le G. Luidia. (1) GraARD. Fragments Biologiques sur Ophiodromus Hermannii (Bulletin scien- tifique, 1886, p. 96, en note). ANNÉLIDES POLYCHÈTES 413 L’Acholoe des côtes du Sénégal présente les mêmes caractères que V’Acholoe de la Méditerranée ; même coloration des élytres qui pos- sèdent toujours au centre une grande tache blanche ovale ou lunulée comme l'indique CLaparËpe, le reste de l’élytre étant brun ou même noir, particularité déjà signalée et très reconnaissable dans les figures données par DELLE-CHIAJE. J’ajouterai quelques détails à la description donnée par CLAPARÈDE. La tête de l'A. astericola est aussi large que haute, plus large toutefois dans l’espace qui sépare les yeux antérieurs des yeux posté- rieurs; elle est échancrée fortement sur la ligne médiane antérieure. Comme CLAPARÈDE, je retrouve le large processus trilobé formé par les articles basilaires des deux antennes latérales et de l'antenne médiane. Ces antennes sont du reste assez courtes, l’antenne médiane est la plus longue. Les palpes qui s’insèrent sur la face’ ventrale du segment céphalique sont eux aussi massifs mais dépassent toutefois les antennes. Les yeux au nombre de deux paires, sont inégalement développés. La paire antérieure est la plus développée et montre une lentille saillante ; la paire postérieure, plus petite, n’a pas de lentille saillante. Les bords latéraux de la tête présentent un pigment distribué irrégulièrement. Le segment tentaculaire, qui fait suite au segment céphalique, porte deux paires de cirres. Ce segment est visible de dos, bien que dans son dessin CLAPARÈDE ne l’y figure pas. Il forme même en arrière de la tête un bourrelet saillant qui chevauche légèrement sur le segment céphalique. Le segment suivant présente également un bourrelet saillant et plus pigmenté; en arrière, partent deux bourrelets divergeant et s'étendant sur deux segments. Je ne puis rien dire sur la nature de ces organes; sont-ils ciliés sur le vivant ? Il est certain que cette disposition rappelle beaucoup les épaulettes ciliées des Syllidiens (1). Les segments sétigères portent soit une élytre, soit un cirre dorsal. CLAPARÈDE signale en outre la présence d’un appendice cirriforme en forme de T qu'il décrit comme une branchie, mais dont je ne puis parler, n’ayant que des animaux conservés. Les rames sont très inégalement développées ; la rame dorsale étant la moins développée comme toujours. (:) A. Maraouix. Recherches sur les Syllidiens. Morphologie, Anatomie, Repro- duction, Développement. El A. MALAQUIN Les soies de la rame dorsale sont plus courtes et plus fines que celles de la rame ventrale : elles sont de deux sortes. Les unes sont droites, les autres sont plus ou moins arquées ; dans les deux cas, elles présen- tent des épines disposées sur une seule rangée longitudinale, Les soies de la rame dorsale ne sont pas toutes uniformes. Elles se partagent en deux faisceaux d'importance variable. Dans les segments antérieurs, le faisceau supérieur, de beaucoup le plus important, com- prend 6-8 soies longues, presque droites, légèrement renflées et présen- tant de fortes épines sur le tranchant. Le faisceau inférieur, qui ne comprend, dans la région antérieure, que deux ou trois soies, acquiert dans les segments moyens et postérieurs 6-8 soies, tandis que le faisceau supérieur est réduit à 4-5 soies. Les soies du faisceau inférieur sont plus grosses que celles du faisceau supérieur, se courbent à leur extré- mité distale en présentant un renflement assez prononcé ; il existe dans ce faisceau une soie plus courte et plus grosse que les autres. A propos de la coloration des élytres on peut remarquer que les dimensions de la tache blanche centrale varient lorsque le pigment est plus ou moins foncé. Ainsi, quand le pigment est noir ou brun foncé, la tache est fort réduite; tandis que lorsque le pigment est brun clair, presque jaune, la première tache occupe la plus grande surface de l’élytre, le pigment ne formant plus qu’une mince bordure. Le pharyax est allongé et présente deux mâchoires ; chacune d'elles est formée par deux branches inégales s’unissant en avant et formant ainsi un angle aigu. Lepidonotus wabhlbergi King. Lepidonotus Wahlbergi Kin8erG, Freg. Eug. Resa, p. 12. Tab. IV, fig. 14. —— Mc. Ixrosx. The voyage of H. M. S. Challenger. Report on the Annelida, p. 66. PI. XI, fig. 1; PI. XVIIL, fig. 8; PL XA, fig. 15, 16. Station 84, 10 février 1890. Rade de Dakar, Chalut, fond d’ulves vertes, 7 mètres. Ce polynoïdien a déjà été signalé sur le continent africain, au cap de Bonne-Espérance et à Port-Natal, par Mc. INtosx et par KINBERG. L’échantillon unique récolté par M. CHevreux est de petite taille, n’atteignant guère plus de 15m, mais il présente les mêmes soies, et les tubercules caractéristiques des élytres de l’espèce de KINBERG. ANNÉLIDES POLYCHÈTES 415 Chloeiïa flava PALLAS. V. Pour la bibliographie : Mc. Inrose. The voyage of. H. M. S. Challenger. Report on the Annelida, p. 8. Station 84, 10 février 1880. Rade de Dakar. Cazur fond d'ulves vertes, 7 mètres ; station 88, 14 février 1890. Dakar, ramené dans un tramail ; station 108, 15 mars 1890. Baie de Dakar, petite drague, sable vaseux, 8 mètres. Cet Amphinomien est une des Annélides dont l'extension géogra- phique est des plus grandes. Les exemplaires décrits par PaLcas venaient du Bengal et d’Amboine, on l’a retrouvée dans la mer Rouge (SAvIGNY), aux Philippines (Gruge) (1), au Japon (Mc. Inrosu), etc. La Chloeia flava paraît commune sur les côtes du Sénégal, M. CKe- VREUX en a rencontré plusieurs exemplaires venant de différentes localités. Hermodice (Amphinome) caruneulata PALLAS. Station 152, 25 mai 1890. Açores. Port de San Miguel, marée sous les pierres. Cette espèce de très grande taille est, comme la précédente, très répandue dans toutes les mers. L’exemplaire recueilli par M. CHEVREUX mesure 210mx de longueur sur une largeur de 16 millimètres. Elle a été rencontrée à la marée à San Miguel (Açores). Eurythoe pacifiea Kixs. Station 135, 7 avril 1890. Rufisque. Märée sur les roches du phare, sous les grosses pierres. Deux petits exemplaires, le plus grand ayant 40 à 45 millimètres, pris à la marée, sous les grosses pierres, à Rufisque. Euniee forresiensis Mc. INTosx. Mc. Inrosx. The voyage of. H. M. S. Challenger Report on Annelids, p. 270 (pl. XXXVII, fig. 18 à 21 ; pl. XIXA, fig. 12, 13). Station 129, 7 avril 1890. Rufisque, marée sur les roches du phare, (1) Un exemplaire venant des îles Philippines m'a été communiqué par le D" Raphaël Blanchard. 416 A. MALAQUIN sous les grosses pierres. Un seul exemplaire mesurant 70 millimètres et complant environ 190 segments. Les branchies commencent au 7° segment sétigère et se retrouvent jusqu’à l'extrémité postérieure du corps; elles ont chacune jusque 8 et 9 pennules. Onuphis eremita Aur. et Ebw. Station 73, 31 ‘janvier 1890. Dragage, chalut et fauberts. Côte du Sahara, vase molle verte, 80 mètres. Lat. N, 170, 02 — long O, 18°597. Cet Eunicien est de petite taille; les exemplaires que j'ai eu sous les yeux ne dépassent guère 30 millimètres. : Nereis (Leontis) Dumerilii Aupn. et Epw. Deux exemplaires sexués ont été rencontrés par M. CHevrEux dans deux stations et dans deux conditions difiérentes. 4° Station 84. Un exemplaire, petite forme hétéronéréide Q, non encore arrivé à maturité sexuelle. Elle est draguée dans un fond d’ulves vertes par 7 mètres (14 février 1890). 20 Station 117. Le second exemplaire, recueilli le 22, 23 mars 1890, au large de Rufisque par le chalut de surface (nuit), est à maturité sexuelle. C’est encore une petite forme hétéronéréide ®, mais arrivée à son complet développement, comme le montrent bien l’énorme déve- loppement des yeux et celui des parapodes de la 2 région du corps. Le corps est distendu par les ovules mûrs. Exogone gemmifera PAG. Station 84%, 10 février 4890. Rade de Dakar. Chalut fond d’ulves vertes, 7 mètres. Un exemplaire @ à la phase épigame, c’est-à-dire avec soies nata- toires. Cet exemplaire est dragué dans la rade de Dakar dans un fond d’ulves vertes par 7 mètres. Autolyvtus macropthalmus MARENZ. Station 84, 10 février 1890. Rade de Dakar, chalut, fond d’ulves vertes, 7 mètres. + Un exemplaire présente un stolon dont la tête s’est formée sur le 1% segment sétigère de la souche. Il est dragué dans le même fond d’ulves vertes que les précédents. ANNÉLIDES POLYCHÈTES 417 Fallacia pantherina Risso. Pour la bibliographie V: DE QUATREFAGES : Histoire naturelle des Annelés, t. II, p. 98. Et y ajouter : Hesione intertexta GruBE Annulata Semperiana. Beitrage zur Annelidenfauna der Phillippinen, p. 102 ; Tai NE,h89; Hesione (Fallacia pantherina Mc. Inrosa. The voyage of H. M. S. Chal- lenger. Report on the Annelida, p. 185 (pl. XXIX, f. 4 ; PI. XXXII, fig. 16; PI. XVA fig. 410). Station 84. Deux exemplaires, 10 février 1890, rade de Dakar. Chalut, fond d’ulves vertes, 7 mètres. On a réuni quelquefois (V. Carus. Prod Faun. Medit), la Fallacia pantherina, Risso, et la Fallacia (Hesione D.C., Telamone Cp»), sicula CLpp. Je pense que les caractères qui distinguent ces deux espèces ne permettent pas, quand à présent, de les réunir : la grande taille qu’at- teint la Fallacia sicula, 60 et même 90 millimètres, tandis que F. pan- therina ne dépasse guère 22 à 25wn, l’ornementation qui est surtout très différente, suffisent pour différencier de prime abord ces deux formes. Tandis que F. sicula a une apparence tigrée comme le définit CLAPARÈDE, grâce à des lignes longitudinales interrompues, la F. pantherina a la portion médiane du dos striée en travers par des bandes transversales d’un jaune orangé. Ce dernier caractère, joint à ceux des soies, de la forme du corps, permet de rapporter la F. intertexta de GRUBE à l'espèce de Risso. Mc Inrosx à également revu la F. pantherina, que le Chal- lenger a draguée précisément aux îles du Cap Vert. Dans son dessin il donne à la tête une forme triangulaire que n’ont pas les exemplaires qu'ont eu sous les yeux Aupouix et MiLNE-EbwaARDSs, GRUBE, et chez ceux que M. Cnevreux a rapportés. La tète de F. Pantherina est ovalaire, plus large que haute. Heterocirrus ater QUATREFr. _ Station 8%, 10 février 1890. Rade de Dakar, chalut, fond d’ulves vertes, 7 mètres. RD mA UE HP LR AE LU RME PP TRE ECTS ù ai Re 418 A. MALAQUIN. — ANNÉLIDES POLYCHÈTES Il est difficile de rapporter ce cirratulien, observé dans l’alcool, soit à l’espèce de QuarReraAGEs, soit à l’Heterocirrus saxicola de GRUBE. Il est possible, comme le pensent MarioN ET BoBRETZKY, qu’on soit en présence d’une même espèce. Les descriptions de A. saxicola et de H. ater sont en tous cas bien insuffisantes; il serait indispensable de faire des observations sur le vivant pour donner de bonnes des- criptions. Thelepus (Neottis MGRN) cincinnatus FaBr. Station 135, 7 avril 1890. Rufisque. Marée sous les roches du Phare, sous les grosses pierres. Plusieurs exemplaires de ce Terebellien ont été trouvés sous les grosses pierres à Rufisque. Cette espèce est excessivement répandue et Th. (Neottis) antarticus Mc. Inrosx est probablement identique à Th. cincinnatus. Dasychone violacea SCHMARDA. Station 109, 16 mars 1890. Baïe de Gorée. Grande drague. Coquilles brisées, 15 mètres. L'espèce de ScHMARDA a été retrouvée et décrite avec soin par Mc. Ixrosu; elle a été rencontrée près de Cap Town dans la laisse des marées. Elle a été draguée par M. Caevreux dans la baie de Gorée, dans un sable avec coquilles brisées, par un fond de 15 mètres. Les branchies de ce Sabellien sont bien développées, et présen- tent un pigment presque brun. Les yeux branchiaux nombreux sont volumineux, et offrent, comme J'ai pu m'en assurer par les coupes, une structure histologique semblable à celle que ANprEWS a observée chez Dasychone conspersa (1). (x) ANpREwSs Compound Eyes of Annelids. Journalof Morphology, vol. V, n° ». e x RON DE LAURE ENTRE TERRE Fi ; 419 HISTOIRE NATURELLE DU 7YDEUS MOLESTUS Acarien qui s'attaque à l'Homme PAR R. MONIEZ, Professeur à la Faculté de médecine de Lille. (avec 11 figures dans le texte). I. — TAXONOMIE. Le genre Tydeus fut établi par Kocx (1) pour des Arachnides de très-petite taille, dont quelques-uns avaient été vus par les anciens’ auteurs, mais très imparfaitement caractérisés par eux. Nous repro- duirons la diagnose de l’auteur allemand : Korper: der Vorderleib vom Hinterleib bemerkbar unterschieden, erster kurz und halbrund, letzter mit gerundeten etwas vorstehenden Schultern, hinten abgerundet , gewohnlich der Länge nach gewolbt. AUGEN : nicht Sichtbar. — Rüssez : kurz, in den etwas lanzettformigen kleinen Kopt übergehend. — TasTeRr : kurz, nur wenig über die Kopfspitze vorstehend, in der Mitte der Kopflänge eingefügt, mit kaum sichthbaren Nägelchen am vorletzten Gliede. — BEINe : das erst Paar etwas länger als die andern, oder auch mit diesen von gleicher Lâänge, alle mit kurzen Borstchen besetzt. Kocx partage en 3 groupes les 13 espèces de Tydeus qu'il décrit: A. Der Korper lang und etwas schmal. Laufen schneller als die folgen- den und haben darin einige Uebereinstimmung mit Eupoden : Tydeus polymitus, celeripes, croceus, subtilis, melanchlænus, velox. B. Der Kôrper kurz, gewolbt, etwas dick ; die Beine nicht lang. Kommen bei der Schnellen Bewegung der Beinchen doch nicht voran. Tyd. ministralis, albofasciatus, cruciatus, olivaceus, mutabilis, breviculus. C. Der Vorderleib in den Hinterleib ohne Trennungslinie übergehend, dem der Käsmilben änhelnd. Lauft ziemlich schnell. Tyd. albellus (2). (1) Kocu C. L. Uebersicht des Arachnidensystems, p. 70-71. (2) Kocx figure avec soin les caractères extérieurs de tous ces animaux dans ses Deutschlands Crustaceen, Myriapoden, w. Arachniden. 420 R. MONIEZ. _ L'auteur reconnaît que les Tydeus compris dans les groupes A et C ne rentrent pas complètement dans les caractères du genre et qu’on devra les en retirer sans doute. — Plusieurs en ont été distraits en efiet. Comme on le voit, Kocx n’a fondé son genre T'ydeus que sur les carac- tères extérieurs et n’a nullement tenu compte des particularités anatomiques, difficiles à voir dans ces animaux, mais sur lesquelles seulement on peut établir des divisions certaines. KRAMER, qui à observé ces Acariens avec soin, a donné une bonne caractéristique des Tydeus; ce savant en fait une sous-famille, (Tydidæ) dans sa famille des Prostigmata (1) et il les caractérise ainsi : Typipœ : Milben ohne Augen. Kiefertaster viergliedrig. Die vorderen Glieder nach unten umgeschlagen. Kieferfühler klauenformig. Die Korper- haare perlschnurformig. L'auteur allemand ajoute à sa diagnose les caractères suivants : poils dorsaux rares, rappelant, par les dépressions de leur surface, l'aspect d’un épi de blé. Palpes très petits avec le dernier article long, terminé par de longues soies, cet article est disposé à angle droit relativement au premier; le second article est court, également dirigé vers le bas. Cette disposition du dernier article des palpes donne à la région buccale, vue de côté, un aspect particulier. Celle-ci représente un cône, formé à la partie supérieure par des mandibules à deux articles et munies de puis- santes griffes, le tube labial forme la partie inférieure. Les pattes sont de longueur moyenne, leur dernier article, à la première paire surtout, est aminci dans sa moitié antérieure. Au milieu du bord supérieur, là où la moitié postérieure et épaisse du corps passe à la moitié antérieure et mince, on voit d'ordinaire plusieurs poils caténiformes remarquablement développés. Les Tydeus, conclut KRAMER, sont des animaux extrèémement agiles, qu'on trouve en énorme quantité dans les greniers à foin et à paille. La caractéristique du genre Tydeus, telle que la donne KRAMER, est plus scientifique que celle de Kocn: la forme des palpes est indiquée avec précision, mais la description des mandibules est insuffisante et les caractères attribués aux poils dorsaux, et qu’on n’observerait nulle part ailleurs chez les Acariens, nous paraissent reposer sur uue erreur d'observation : en effet, ces poils semblent revêtus d’une matière cireuse irrégulièrement déposée qui se dissout (3) Kramer P.: Grundzüge zur Systematik der Milben. Archiv. für Naturg. 43 Jahrg. 41877, vol: p::215: HISTOIRE NATURELLE DU 7YDEUS MOLESTUS. 491 facilement, qui leur donne l'aspect en chapelet (1) et sur laquelle adhèrent souvent, d’ailleurs, des poussières de diverses natures (2). - La même année, CANESTRINI et FanzaGo (9) s’occupèrent du genre Tydeus, qu’ils classèrent dans la famille des Eupodini, dans laquelle ils placent aussi les genres ÆEupodes, Linopodes, et Penthaleus. Ce rapprochement est basé sur la forme des palpes qui sont, dans la famille, ainsi composés « semplici e liberi: gli articoli anteriori si piegano versoi posteriori come una lama di coltello verso il manico. » Les autres caractères sont accessoires: Pattes propres à la marche, téguments mous. Je ne parle pas de la position des stigmates qui est la même pour beaucoup d’autres groupes. Les savants italiens assignent au genre Tydeus les caractères suivants : « Femori normali. Zampe di uniforme lunghezza. Mancano gli occhi. Peli del corpo a rosario. Corpo ovale. » Cette diagnose peut paraître insuffisante : le caractère tiré des fémurs est commun aux genres Tydeus, Linopodes et Penthaleus. La pro- portion dans la longueur des jambes est la même chez les Penthaleus que chez les Tydeus. Le caractère tiré des poils repose sur une erreur d’obser- vation : reste donc seulement la forme du corps, triangulaire chez les Penthaleus , ovale chez les Tydeus, encore cette forme triangulaire n'est-elle qu'une exagération de celle de différents Tydeus. Dans ce même travail, CANESTRINI et FANZAGO décrivent ou admet- tent deux espèces de Tydeus : T. foliorum Scur. et T. polymitus K. (ce dernier placé plus tard par G. CANEsTRINI (1) dans le genre Ereynetes). Is rapportent à ces types un certain nombre des formes figurées par Kocx : au Tyd. foliorum le T. croceus et, avec doute, les T. albellus et olivaceus; au T. polymitus, ïls rapportent les T. celeripes, melanchlænus, ministralis et peut-être d’autres, ajoutent- (1) CanEsTrINI G. a constaté que les poils du corps du T. velox ne sont pas en chapelet. (2) Une matière analogue sans doute recouvre le corps et détermine l’adhérence d’une mince couche d’air à la surface, particularité qui n’est d’ailleurs pas propre à cette espèce, (3) CanesrrinI G. et FANZAGO F, — Intorno agli acari ilaliani: Atti del Reale Istituto Veneto di science, lettere ed arti. Sér. V, vol. IV (1877), 140 p., 6 pl. (1) Canesrrini G. et FANZAGO F, — Nuopi Acari italiani : Alti della Societa Veneto. Trentina di Scienze naturali (Padova), t. V (1876), 10. 422 R. MONIEZ ils. En même temps ces auteurs abandonnent le T. tetranemus, espèce de leur eréation (loc. cit.), qu'ils rapportent aussi à T. polymitus. En 1883, BerLEsE (1) donne une nouvelle description et quelques dessins du Tyd. foliorum ; il rapporte à cette espèce, mais sans plus émettre de doutes, plusieurs espèces de Kocx, de sorte que lon peut, d’après les trois auteurs italiens que nous venons de citer, répartir ainsi les formes jusque-là décrites du genre Tydeus : TYDEUS FOLIORUM SCHR. TYDEUS POLYMITUS. = DA NICTOCEUS: =) celeripes. » parabolicus. » melanchlænus. » albellus. ) ministralis. » olivaceus. » aurantit (2). et le Trombidium celer d'HERMANN. Dans la même publication, BERLESE sépare du genre Tydeus, une espèce qui vit sur les Limaces et sur les caractères de laquelle il base son genre Æreynetes (fasc. V, pl. 1 et 2); cette espèce, pour laquelle il reprend le nom de Scarank (Acarus limacum) corres- pond, pour lui, au Tydeus velox de Kocx (3). La description du genre Ereynetes est beaucoup plus précise que la caractéristique jus- qu'ici donnée du genre Tydeus; elle fait regretter que le savant italien n'ait pas encore fait connaître ceux qu’il assigne à ce dernier genre; quoiqu'il en soit les Ereynetes sont ainsi déterminés : Mandibulæ chela fixa, minuscula, acuminata, mobilis, perlonga, falcata inferne recurva, basi articulata. Maxillarum mola externa rotundata, interna apici truncata, brevissime spathuligera. Lingula, quantum video, rectangularis, maxillarum apicem non contingens, omnimo tecta. Palpi conici, segmento postremo minusculo. Ambulacrum uncis duobus pulvino- que intermedio auctum. Discula genitalia quatuor intersese discreta. Quarti paris femur obsoleti incrassatum. Oculi nulli. Primi paris pedes corporis longitudinem non, vel vix œquantes. Abdomen scutulo antico, setisque (1) BerLese Ant. — Acari, Myriopoda et Scorpiones hucusque in Italia reperta, fasc. V, n°3. (2) Décrit par TarGioni-Tozzerri, in Annali di Agricoltura (1878), p. 202. — Je n'ai pas vu ce travail. (3) Voir aussi BERLESE A. Indagini sulle metamorfosi di alcuni acari insetticoli Atti del R. Ist. Veneto di sec., lett., ed arti, 1881. HISTOIRE NATURELLE DU 7YDEUS MOLESTUS. 423 duabus anticis duabusque posticis (sæpius ?) a Epimerà pedum, scutula sternalia octo (4) sistentia. » Si nous comparons cette description du genre Ereynetes à celles que nous possédons du Tydeus foliorum, du T. molestus, que nous donnons plus loin, et aux renseignements fournis comme nous allons le voir, par CANESTRINI, nous voyons que les différences portent principalement sur les palpes, dont le dernier article est très long dans les deux Tydeus et très court dans l’Ereynetes ; le 32 article du même organe est également réduit dans cette dernière forme; de même il existe une différence dans les caractères de la pièce styli- forme qui se trouve vers l’extrémité des mandibules (branche mobile): elle est fortement courbée et ne semble pas creusée en gouttière, ce qui implique que l'animal ne peut s’en servir comme d’un suçoir qui prolongerait la lingule (1). Quand à la «lingule» 1il semble, malgré le texte, d’après les dessins du savant italien, qu’elle n'existe pas où qu’elle serait remplacée par deux très courts appendices; si nous jugeons d’après ce que nous avons observé chez notre Tydeus molestus, l’espèce de tube figuré en arrière des « mâchoires» et qui, pour BERLESE, correspond à la Hingule « maxillarum apicem non contingens, omnimo tecta» n’est autre chose que l’æsophage vu par transparence. Quoiqu'il en soit, il faut noter de suite ce qui résulte de tout ceci, à savoir que la séparation du genre ÆEreynetes d’avec les Tydeus est parfaitement justifiée. Mais G. CANESTRINI (2), quelques années plus tard, en adoptant le genre ÆEreynetes, dans lequel il fait rentrer le T. polymitus Kocn (3), comprend cette fois sous le nom de Tyd. foliorum, les espèces suivantes de Kocn : T. croceus, albellus, parabolicus, Tetranychus viburni; il y (1) Notons en passant que l’auteur figure bien une pièce basilaire à ce qu’il considère comme la branche mobile, mais qu’il néglige de dire et de montrer si cettte pièce basi- laire est mobile sur les mandibules, aussi bien à propos du genre Ereynetes, qu'à propos de son Tydeus foliorum. Pour nous c’est cette pièce basilaire qui correspond à la branche mobile des mandibules des autres Acariens et le stylet est une pièce accessoire. (2) CanesrriNt G., Prospetto dell” Acarofauna italiana, t. 2 (Padova, 1886), p. 232. (3) BERLESE a décrit une troisième espèce d'E£reynetes (E. crassipes), trouvée (accidentellement?) par M. TrouessarT sur le Moineau domestique. (BEeRLEsEe et TrouzssarT, Diagnoses d'Acariens nouveaux ou peu connus, Bull. de la Soc. scientif. de l'Ouest (1889), p. 121. 424 R. MONIEZ ajoute les Trombidium tiliarum, celer, socium d'HERMANN, le Raphignathus pellucidus de TarGioni-Tozerri et le 7. aurantii du même auteur. Il admet de plus la validité du Tydeus olivaceus Kocx, auquel il rattache les T. cruciatus et mutabilis du même auteur; celle du T. veloxr Kocx, que BERLESE considère comme synonyme de Ereynetes limacum, et il crée trois espèces nouvelles : T. granulosus, similis, fenilis. Le travail de CANESTRINI fait notablement avancer nos connaissances anatomiques sur les Tydeus, bien qu’elles restent cependant fort imparfaites, — en même temps, on le voit, que l'accord est loin d’être fait sur les. questions de synonymie. Enfin, pour terminer ce qui a trait au genre Tydeus, j'indiquais en 14889, comme s’attaquant à l'Homme mais sans le nommer ni le décrire, un Acarien que l’on m'avait envoyé de Belgique et que je soupçonnais d'espèce nouvelle. Je rencontrais certaines difficultés dans l'étude de cet animal, que je finis par rapporter au genre Tydeus, malgré l'insuffisance des données anatomiques que nous possédons sur ce type, — l'étude en est fort difficile, en effet. Le classement dans ce genre quoiqu'il semble justifié, ne peut être définitif, à la vérité, Jusqu'à ce qu’une étude détaillée des pièces buccales et des organes reproducteurs de l’espèce type du genre Tydeus, nous fixe définitivement à ce sujet. — C’est surtout le genre de vie, la forme générale du corps, celle de la branche mobile des mandibules, les caractères de la lingule, des palpes et des tarses, qui nous ont amené à faire ce rapprochement. En résumé, en laissant de côté les espèces comprises dans le genre Ereynetes (1), nous pouvons donc compter actuellement dans le genre Tydeus les espèces suivantes : Tydeus foliorum Scxr. Tydeus granulosus G. CAN. » olivaceus Kocx ) similis G. CAN. » velor Kocn » fenilis G. Can. (4) M. MÉGnin, dans un intéressant travail, a fait connaître l'histoire complète de l'Ereyneles limacum qui se trouve sur la Limace des caves, à tous les stades de son évolution ; comme il le fait remarquer, l’espèce qu’il a étudiée n’est sans doute pas la même que celle observée par BERLESE, laquelle ne se trouverait sur la Limace qu’à l’état asexué et vivrait à l’état adulte sur les Insectes qui habitent dans les fumiers. V. MON Le parasite de la Limace des caves. Soc. de biol. (1889), p. 354. Est-ce la mème espèce qui vit sur la Testacelle ? V. Quizrer, Notes on & parasitic Mite of Testacella scutulum. Journ. of Conchology, t. V (1888), p. 314. HISTOIRE NATURELLE DU 7YDEUS MOLESTUS, 425 qu'il nous faut maintenant comparer à celle qui fait le sujet de ce travail. Et tout d'abord, notre espèce est nettement distincte du T. foliorum par des caractères importants dont nous pouvons donner ici les principaux seulement, nos connaissances sur ce dernier animal étant trop imparfaites pour qu'on puisse pousser plus loin la compa- raison des espèces : elle en difière par les caractères du deuxième article des palpes, qui est ici beaucoup plus large (une fois plus large), par le mode d’articulation du stylet sur la branche mobile des mandibules, par la forme de la branche fixe des mandibules qui est mucronée et non terminée insensiblement en pointe, enfin par la forme des crochets des pattes. Notre espèce est de plus com- plètement aveugle, tandis que le T. foliorum possède deux yeux. Plusieurs de ces caractères nous permettent également de distinguer notre espèce du Tydeus velox, qui a les palpes semblables à ceux du T. folio- rum; de plus elle présente sur le dos 8 à 10 séries de poils et les T. velox et olivaceus n’en montrent que quatre séries; ce dernier caractère s’observe aussi chez le T. similis, espèce dont les yeux, au reste, sont nettement visibles. Le T. fenilis a aussi les palpes semblables à ceux du T. foliorum, ce qui l’éloigne de notre espèce, et la partie posté- rieure du corps montre 10 soies au lieu des 6 soies qui s’observent chez le T, molestus. Enfin, le T. granulatus CANESTR. G. est bien caractérisé par les tubercules serrés qui recouvrent son corps et par ses soies pennées (1). Disons encore que le Pronematus Bonatii G. CAN., qui présente tant d’analogies extérieures avec les Tydeus, ne peut être davantage con- fondu avec notre espèce, à cause des deux seules rangées de soies dorsales et des longues soies qui terminent ses pattes antérieures. I. — DESCRIPTION L'autonomie de notre espèce étant maintenant établie, passons en revue les caractères que nous lui avons reconnus. (1) Une autre espèce de Tydeus (T. sulcatus) a été récemment décrite par KARPELLES ; elle a été trouvée à la face inférieure des feuilles du Salix purpurea et on ne connaît rien de ses mœurs. Le T. sulcalus difière du T. molestus aussi bien que du T. foliorum par un éperon sur le 3e article des pattes, mais la description qui en a été donnée ne permet guère de pousser plus loin la comparaison avec les autres espèces, (V. KARPELLES L. Bausteine zu einer Acarofauna Ungarns, Math. u. Naturw. Berichte aus Ungarn, t. XI (1891), p. 80. 496 R. MONIEZ Vu de dessous, l'appareil buccal présente d’abord une pièce impaire, due à la soudure de ses deux moitiés; cette pièce représente les mâchoires et est beaucoup plus longue que la pièce interne, qui représente les mandibules : elle forme un carré long dont le côté antérieur serait arrondi: on remarque à la partie antérieure un renflement chitineux, à peu près hémisphérique, qui fait en dehors une forte saillie et dont les deux moitiés se prolongent sur la plaque en une sorte de pédicule (fig. 4 et 2). Cette espèce de bulbe (fig. 2) correspond à l’ouverture buccale Fig. 1. Fig. 2. proprement dite, que l'on peut observer facilement de dessus et qui à la forme d’un losange (fig. 3); le bulbe se. prolonge en avant par une sorte de tube solide (/ingule de beau- À coup d’autres Acariens), soutenu jusqu’à son extré- mité par une membrane qui vient même se prolonger en arrière, sur les côtés de la mâchoire (fig. 1 et 2). Au-dessus des mâchoires se trouvent les mandibules, Fig. 9. qui atteiguent l’extrémité libre des mâchoires; elles sont insérées beaucoup plus haut et, par conséquent, elles sont plus courtes que celles-ci. Elles s’élargissent et se relèvent sur les côtés et en arrière, de façon à envelopper le premier article des palpes et elles dépassent donc latéralement les mâchoires. A leur extrémité libre, on remarque une pointe aiguë très rapprochée du bord interne HISTOIRE NATURELLE DU 7YDEUS MOLESTUS,. 427 et, un peu au-dessous du sommet, on trouve le stylet formé de deux articles (fig. 4); l’article basilaire s’insère près du sommet et se ren- verse contre la mâchoire, ayant par conséquent son extrémité libre en arrière. Ce premier article, qui décrit une légère courbure, porte à son extrémité le deuxième article, beaucoup plus long, très acéré, creusé en gouttière; la base de cette gouttière s'applique contre l’extrémité libre de la lingule, qu’elle prolonge ainsi en doublant presque sa longueur. Le mécanisme de cet appareil se comprend facilement : l’animal, fixé par les fortes soies de ses palpes, forts et recourbés, enfonce dans la peau l’extrémité des stylets, qui pénètrent, soulevés comme par un levier par leur article basilaire, et les liquides de la victime passent dans l’æsophage grâce à ce long canal. C'est là, en somme, un appareil buccal peu compliqué, bien qu’il soit assez difficile à voir (1). Dans l'embryon, le rostre est rabattu contre la poitrine et l’on voit les stylets atteindre le milieu du corps : les mandibules présentent à ce moment à leur base une sorte de renflement volumineux qui en occupe toute la longueur et dont je ne m'explique pas la nature, — à moins qu’il ne corresponde à une articulation. Fig. 4... Le premier article des palpes (fig. 5) est assez étroit, enveloppé par le repli que les mandibules leur forment sur le côté et en arrière; le second article est aplati, très large, et porte deux longues soies à son bord supé- rieur. C'est vers son extrémité et au bord inférieur qu'est inséré le troisième article, aplati, rappelant la forme d’une rotule et portant lui- même le quatrième article vers l’extré- mité de son bord inférieur; une forte soie se montre à l'articulation. Le quatrième article, enfin, est allongé Fig. 5. en forme de massue et terminé par de fortes soies courbées, au nombre (1) Différents Acariens présentent des dispositions analogues, comme par exemple les Raphignathus, dont les mandibules ont tout à fait la même conformation. 428 © R. MONIEZ de six, dont quatre terminales et deux placées un peu plus bas sur les côtés; une autre soie peut s’observer sur le bord inférieur de ce quatrième article, aux deux tiers de sa longueur. C’est à l'insertion des troisième et quatrième articles, non au sommet, mais à la face inférieure des articles précédents, que le palpe des Tydeus est rede- vable d’avoir pu être comparé à un couteau dont la lame serait à moitié pliée sur le manche, disposition qui lui permet de jouer le rôle d’un puissant crochet (1). Les trachées, difficiles à voir sur l'animal conservé en prépa- ration, viennent s'ouvrir au côté ventral, sur les mächoires, vers la moitié de leur hauteur; il nous a paru qu'elles sont formées de chaque côté de deux troncs qui courent parallèlement, de telle sorte que leur superposition, quand l'animal est comprimé, peut faire croire à l'existence d’un tronc unique; ils débouchent l’un contre l’autre dans un stigmate simple; ces troncs émettent une anse qui remonte dans le premier article du palpe, et on peut les suivre jusqu’à l’extrémité du corps. Le tube digestif est étroit; il est bien marqué par son contenu noirâtre et s'étend en ligne droite, — tant du moins que le dévelop- pement des embryons ne vient pas le déplacer — et il n’émet aucun cul-de-sac, sauf peut-être en avant, où j'ai plusieurs fois remarqué, à la hauteur des épaules, deux larges taches brunes qui pouvaient faire croire à de larges diverticulums de cet organe; il se termine, à la partie dorsale et postérieure, dans un appareil assez particulier que je ne connais sous cette forme chez aucun autre Acarien, dont KRAMER ne fait pas mention et que BERLESE n’a pas figuré chez le Tydeus foliorum. On observe, en effet, tout à fait à l’extrémité du « corps, une large ouverture qui se continue en forme d’entonnoir et sur les côtés de laquelle se trouve un repli marqué de la peau; cet entonnoir est entaillé à NA la partie supérieure par une sorte de fente qui, à l'état ordinaire du moins, n’est pas si largement ouverte Fig. 6. que le montre notre dessin (fig. 6). La même disposition s’observe chez les mâles et chez les femelles. (1) Voyez la fig. 5; le palpe ne peut être ainsi vu de côté que grâce au hasard de la dilacération, étant donné l’enveloppement par la mandibule sur laquelle Il estinxe; HISTOIRE NATURELLE DU 7YDEUS MOLESTUS. 429 Bien ‘que. cet appareil ne soit pas indiqué chez le Tydeus foliorum, il ne s'ensuit pas qu’il n’y existe point: en effet, il n’est pas toujours facile à voir, surtout chez les femelles bourrées d'œufs, et je pense qu’on ne le trouve pas chez les larves; on peut d’ailleurs se méprendre sur sa situation : quand FlJanimal est comprimé et qu'on le voit par transparence, il est facile de le croire situé à la face ventrale et de le rattacher aux deux plaques qui se trouvent en arrière de l'appareil génital dans les deux sexes. La figure S montre l’ensemble de ces différents appareils, avec l’entonnoir anal, vu par transparence. L'appareil génital du mâle n’est pas sans présenter quelques rapports avec celui des Tyroglyphes, par exemple: il présente cette même espèce d’auvent, formé de deux vantaux qui supportent chacun deux soies, et la pièce impaire inférieure en porte deux autres: je n’ai pu trouver le pénis sur an le petit nombre de mâles observés (fig. 7). Fig. 7. L'appareil femelle (fig. 8) est marqué par une vulve fort étroite et très longue, comme chez beaucoup d’Aca- riens : elle est entourée d’une sorte de couronne formée par une douzaine de poils raides (fig. 8 A quelque distance en arrière de l’appareil mâle comme de l’appareil femelle, se trouve un Organe particulier formé de deux espèces de vantaux libres par deux côtés au moins (fig. Yi 8. et"11): ils Fig. 8. font saillie sur l’abdomen et je n’en vois pas bien le rôle. J'imagine que ces pièces représentent les ventouses anales de beaucoup d’autres Acariens, sans être aucunement affirmatif à cet égard. Je :n’ai rien vu de nettement semblable dans les dessins d’Acariens qui me sont passés sous Îles yeux. BERLESE, en particulier, ne les mentionne pas chez le T. foliorum. Les œufs sont enveloppés d’une membrane épaisse et molle; l'embryon se développe dans l’œuf et n’est certainement pas pondu Ni © A ; 430 R. MONIEZ avant que la larve ait acquis ses six premières pattes ; je mai pu voir nettement, dans le corps de la mère, des larves déjà pourvues de leurs huit pattes, mais je dois mentionner, toutefois, que Je n’ai jamais rencontré d'individus hexapodes, parmi les nombreux indi- vidus qui me sont passés sous les yeux, alors que les jeunes femelles étaient abondantes ; — ceci pourrait peut-être tendre à faire croire que les petits viennent au monde avec huit pattes. On voit souvent des femelles bourrées de ces œufs ou embryons volumi- neux, au nombre parfois de dix à quatorze; on conçoit qu'elles puissent ainsi être déformées complètement. Les pattes, d’un développement ordinaire, sont disposées en deux groupes ; le groupe postérieur est plus rapproché des paires anté- rieures que de l'extrémité postérieure du corps; elles ont toutes à peu près la même forme et ne présentent point de différences selon les sexes; le tarse se rétrécit brusquement près de l'insertion de la caroncule : celle-ci forme un large disque, légèrement renflé sur les bords, d’où se détachent des cils raides qui le garnissent au pourtour (fig. 9 et 10); cette structure est donc toute différente de celle Fig. 9. Fig. 10. qui est figurée par BERLESE pour le Tydeus foliorum, chez lequel on distingue, au milieu de la ventouse, une sorte de côte médiane d’où se détachent des rayons serrés qui atteignent la périphérie et qui lui donnent l’aspect de la feuille de certaines Monocotylédones : toutefois le genre Æreynetes a une ventouse analogue, que l’on voit TRE HISTOIRE NATURELLE DU 7YDEUS MOLESTUS. 431 aussi dans d’autres genres éloignés de celui-ci. Deux ongles forts, à courbure peu accentuée sont insérés un peu au-dessus de la caron- cule, dont ils restent bien indépendants : en outre, il existe vers le milieu de la portion rétrécie du tarse et de chaque côté, deux fortes soies qui se dirigent vers le bas. Le corps (fig. 11) est ondulé, régulièrement bombé sur le dos; il s’abaisse en une courbe douce en avant et en une courbe brusque Fig. 11. en arrière ; les téguments sont mous, et présentent ces stries fines et régulières dont on constate la présence chez beaucoup d’Aca- riens ; on observe sur le dos huit ou dix séries de poils raides, assez longs, légèrement courbés, très largement espacés, enduits d’une matière qui est vraisemblablement de nature cireuse, inéga- lement déposée, qui peut ainsi leur donner l'aspect caténiforme indiqué par les auteurs, et qui retient souvent des poussières ; six de ces poils font saillie en arrière, donnant à la partie postérieure du corps de l'animal le même aspect que celui du Tydeus foliorum; de ces 6 poils, très finement barbelés, deux sont insérés sur le dos, un peu plus haut que les autres. Dimensions du Tydeus molestus : d Longueur totale 200 & largeur maxima 125 w ® non gravide, longueur 225 w » ) largeur 135 bourrée d’embryons, longueur 315 à 360 w » » largeur 180 pu Pattes mesurées chez la $ adulte, 145 à 160 & 432 R. MONIEZ {longueur 128 Larve hexapode obtenue par dilacération de l'utérus \lareons 72108 { de DHAIGCLOPOTE PERLE 490 Longueur des mâchoires 40 & » de la lingule 24 x 2e article 25 w Longueur des palpes mesurés chez le 4 95119 2) 4 u CHEN S 20 w Longueur des soies terminales des palpes, 8 uw 70-95 & de grand diamètre. OŒufs, selon le degré de développement SH #5 dde pot III. — ÉTHOLOGIE J’ai parlé pour la première fois du Tydeus molestus, en 1889, dans mon Traité des parasites de l'Homme (1); c’est un peu plus tard que, ayant reconnu ses affinités, je lui ai donné son nom (2). Les circons- tances ne m'ont malheureusement pas permis depuis ce temps de revoir cet Acarien et de compléter l'étude que j'en voulais faire; c’est un soin que je laisse à d’autres. | C’est pendant l'été de 4888, que je fus consulté à propos de cet animal qui était devenu extrêmement gènant, par son extraordinaire abondance, dans les jardins d’une grande ferme située en Belgique, non loin d’Ath. Les propriétaires, personnes fort intelligentes et auxquelles les connais- sances scientifiques étaient loin de manquer, avaient pu observer l’éton- nante rapidité de la multiplication de cet hôte incommode : ils s'étaient aperçus de sa présence, environ 25 ans auparavant, à la suite d’une importation directe de guano du Pérou : les sacs qui contenaient cet engrais avaient été déposés sur une pelouse et ce fut là, pense-t-on, la cause de l'invasion du jardin. L’Acarien ne se développa nullement dans les champs de la ferme, sans doute parce qu'il n’y trouvait pas les conditions éminemment favorables qu'il rencontrait dans le parc ; on ne le connaît pas dans les propriétés voisines, probablement parce que celle-ci est très isolée au milieu des Champs. (1) Montrez R. Les Parasites de l'Homme, animaux el végétaux (Paris, 1889), p. 129. (2) Moniez R. Parasitisme accidentel sur l'Homme du Tyroglyphus farinæ. C:R, de l’Acad. des Sciences, 15 mai 1889. HISTOIRE NATURELBE DU 7ŸDEUS MOLESTUS. 433 Toujours est-il que l’animal, inconnu jusque-là, se multiplia bientôt prodigieusement : cantonné d’abord dans un mênie coin pendant assez longtemps, il finit par envahir tout le jardin, malgré sa très grande étendue et cela au point de le rendre à peu près inhabitable. On ne peut s'y promener, surtout quand on marche dans le gazon ou qu'on passe à côté des arbres, sans sentir bientôt et sans rapporter avec soi de ces bêtes désagréables, qui déterminent bien vite sur le corps des phénomènes à peu près semblables à ceux que produit le Rouget ou le Tetranychus molestissimus. C'est, paraît-il, tous les ans vers la mi-juillet, qu’apparaîit le Tydeus et l’on constate trop facilement sa présence, le soir comme pendant la journée, jusqu'aux premiers froids ; cependant le matin et pendant les journées fraîches, il reste engourdi. L’Acarien est surtout insupportable pendant les grandes chaleurs et j’en ai fait l’expérience, un jour, pour avoir un peu marché sur l’herbe et ébranlé faiblement les branches de quelques arbres. J'ai vu ce jour-là le Tydeus, en quantité véritablement fabuleuse dans le gazon et sur tous les arbres et arbustes du parc; J'ai constaté qu'il était bien difficile de retourner une feuille, sans trouver à sa partie inférieure plusieurs de ces animaux, abrités entre les poils ou contre les nervures, où ils se montrent comme de très petits points roses, que l’on découvre seulement en les cherchant avec attention; on les voit courir avec une très grande rapidité, bien qu’ils soient aveugles, quand on touche la feuille, même délicatement ; ces animaux ne sautent pas, ce qui est en relation avec la structure des pattes. J’ai remarqué que ‘le Tydeus était surtout abondant sur. les feuilles velues. L'animal qui se jette, ou peut-être plutôt, tombe sur l'Homme quand on ébranle les arbustes ou les gramens sur lesquels il se tient, ne produit pas seulement d’insupportables démangeaisons en courant sur la peau ; grâce aux stylets extrêmement pointus que nous avons décrits plus haut et qui arment ses mandibules, il pique la peau, sur laquelle il reste fixé, et on peut l’observer, surtout aux points où les vêtements apportent au corps de la constriction. J’en ai vu ainsi, que les patients enlevaient avec la pointe d’une aiguille: la piqüre a à peu près les caractères de celle de la Puce; les traces en per- sistent de trois à cinq jours; l’animal se détache de lui-mème ou tombe, après un jour ou deux. Je ne sais malheureusement pas quelles modifications apporte, à son organisme, le genre exceptionnel d'alimentation qu’il a pendant ce temps. 434 R. MONIEZ, — HISTOIRE NATURELLE DU 7YDEUS MOLESTUS. Le Tydeus ne se borne pas à attaquer l'Homme qui passe à sa portée : il se jette de même sur les animaux domestiques, Poules, Canards, Pintades, Chats, Chiens ; il peut se fixer sur tous les points du corps de ces animaux, mais, d’après les renseignements qu’on m’a donnés, on le voit surtout aux articulations, autour de l'œil, à l’anus et il détermine la formation de croûtes assez épaisses. Les Jeunes Canards, parait-il, souffrent principalement de ce parasite et peuvent même mourir de ses attaques, forcés qu’ils sont de conserver lés ailes et les pattes étendues, par suite de l’agglomération des croûtes, déter- minées par la présence des Acariens au pliant des articulations. Je n’ai vu le Tydeus sur aucun des Insectes du jardin que J'ai, pu examiner et je n’ai observé sur les plantes aucune déformation qu’on puisse lui attribuer (1). Les femelles de notre espèce sont beaucoup plus abondantes que les mâles; elles sont moins foncées en couleur ; les envois d’AcCariens que l’on m'a faits pendant plusieurs mois, m'ont constamment donné un très grand nombre de femelles bourrées d'embryons, de telle sorte qu'on peut affirmer que les générations sont nombreuses au cours de lété. On peut se demandèr maintenant quelle est la signification des faits de parasitisme sur l'Homme ou les animaux, que nous venons de rapporter ; il n’est pas douteux qu'il ne s'agisse, dans tous les cas, que d’un parasitisme simplement accidentel. Sans doute plusieurs espèces d’Acariens qui, à l’état adulte, vivent normalement sur dés espèces animales, peuvent s’observer quelquefois sur l'Homme, mais il ne semble pas que le cas soit le mème ici; sans nier — j'admets au contraire la chose comme problable — que notre espèce puisse vivre un certain temps sur les Oiseaux ou sur les petits Rongeurs qui peuvent tomber à sa portée, comme elle le fait sur l'Homme, le nombre énorme de femelles gravides que J'ai vu vivre en liberté sur les feuilles, me porte à croire que leur présence sur les Vertébrés n’est pas un fait normal, mais occasionnel, facultatif, si l’on peut dire ; peut- être des modifications se produisent-elles chez ces animaux dans ces conditions nouvelles. L'histoire d’autres Acariens présente äu reste des phénomèmes analogues et il ne s’agit pas ici de faits absolument insolites. : (1) On se proposait d'attaquer sérieusement le Tydeus en retournant à plusieurs reprises, à la charrue, pendant l'été, le gazon des pelouses, en arrosant largement le sol avec du purin et de l’eau de chaux, en arrachant les arbustes et plantes aux feuilles velues. Je n’ai pu savoir si les résultats de ces pratiques ont été satisfaisants. 435 LISTE DE GALLES RECUEILLIES EN PROVENCE PAR LE D' H. FOCKEU Préparateur à la Faculté de Médecine de Lille J'ai observé aux environs d’Arles, Nimes, Montpellier et Avignon, les Galles suivantes : DIPTÉROCÉCIDIES Cecidomyia rosarum Harpy. — Galloïde en forme de gousse sur les folioles des Rosiers (Rosa canina L., etc.). Cecidomyia cratœgi Win. — Feuilles déformées, agglomérées en toufte à l’extrémité des rameaux de l’Aubépine(Cratæqus oxyacantha, L). Cecidomyia euphorbiæ H. Lw. Gälloïde globuleux rougeatre situé à l'extrémité des tiges d'Euphorbe (Euphorbia Cyparisias L.) et habité par de petites larves orangées. Cecidomyia thymicola Kierr. — Feuilles élargies et sessiles agglomérées en bourgeon globuleux à l’extrémité des tiges et à l’aisselle des feuilles du Serpolet (Thymus serpyllum L.). Cecidomyia thymi Kierr. Galloïde globuleux se distinguant du précédent par sa taille plus petite et sa surface glabre. Cecidomyia urticæ PERS. Petite cécidie sur le pétiole et les nervures des feuilles de l’Ortie dioïque. Cecidomyia piri Boucaé. Enroulement marginal des feuilles de Poirier vers la face supérieure. Cecidomyia trifolii FR. Lw. — Hypertrophie en forme de gousse rougeâtre des folioles des Trifolium repens et pratense L. Diplosis loti D. G. — Fleurs gonflées, ovoiïdes, rouges du Lotus corniculatus L. Diplosis botularia Win. — Sorte de vessie faisant saillie à la face inférieure des feuilles du Fraxinus excelsior et s’ouvrant à la face supérieure par une fente longitudinale. 436 H. FOCKEU : Lasioptera rubi Heec. Renflement des rameaux et des pétioles de diverses espèces de Ronces. HYMÉNOPTÉROCÉCIDIES Andricus fecundatrix HART. — Forme agame de A. pilosus. ApL. — Bourgeons déformés en forme de cônes de houblon à l’extrémité des rameaux des Quercus pedunculata et sessiliflora. Neuroterus lentieularis OL. — Forme agame du N. baccarum. L. Lentille infrafoliaire, blanchâtre, à bord mince. Diastrophus rubi HarT. — Renflement fusiforme, à épiderme intact, sur les rameaux et les pétioles de diverses espèces de Ronce. Rhodites rosæ L.— Galle globuleuse moussue, appelée Bédéquar, sur les rameaux de divers Rosiers sauvages notamment sur Rosa canina L. et Rosa spinosissima. L. Rhodites Mayri SCHECHT. — Galle non moussue à surface tuber- culeuse sur les mêmes espèces de Rosiers. HÉMIPTÉROCÉCIDIES Psylla buxi L. — Galloïde globuleux à l'extrémité des pousses du Burus sempervirens L. Frioza alacris FLOR. — Enroulement marginal des feuilles de Laurus nobilis L. vers la face inférieure avec coloration jaune {étiole- ment) et hypertrophie. Trioza remota Foœrs. — Boursouflures des feuilles de Chêne, faisant saillie à la face supérieure. Trioza rhamni Scark. — Boursouflures faisant saillie à la face supérieure des feuilles du Nerprun (Rhamnus cathartica L.). Eurycera teucerii Host. — Déformation du calice des fleurs du Teucrium chamædrys L. et montanum L. Aphis prunicola KaALT. — Crispation et dt dion des feuilles du Prunellier. Aphis evonymi Fas. — Déformation des feuilles du Fusain (Evonymus. europœus L.) LISTE DE GALLES RECUEILLIES EN PROVENCE 437 Apbhis padi L. — Galloïde des feuilles du Prunus padus, Aphis mali Fapr.— Crispation des feuilles du Poirier et du Pommier. Aphis piri Kocx. — Enroulement des feuilles des mêmes arbres. Aphis oxyacanthoæ Koca. — Boursouflures d’un rouge vif à la face supérieure des feuilles de Cratægus oxyacantha L. Psyllopsis fraxini L.— Enroulement marginal avec hypertrophie et coloration rouge des feuilles du Fraxinus excelsior L. Phylloxera vastatrix PLANCH. — Pustules arrondies visibles sur les deux faces des feuilles de la Vigne et ouvertes à la face supérieure. Pemphigus spirothecæ P4Ass. — Enroulement et hypertrophie en spirale du pétiole des Populus nigra et pyramidalis. Pemphigus bursarius L. — Vessie à ouverture circulaire insé- rée sur le pétiole des feuilles des Populus nigra et pyramidalis. Pemphigus utricularius Pass. — Galles utriculaires, pouvant atteindre la grosseur d’une ponime, insérées à la face inférieure du limbe ou à la base du pétiole des feuilles des Térébinthes (Pistacia terebinthus L.) Pemphigus semilunaris Pass. — Expansion marginale en forme d'oreille située sur les feuilles du même arbre. Pemphigus cornicularius Pass. — Galle en corne, pouvant atteindre 10 à 15 centimètres de longueur, diversement contournée, située au sommet des rameaux du Pistacia terebinthus L. COLÉOPTÉROCÉCIDIES Gymnetron anthirrini GERM. — Gonflement de la fleur du Linaria vulgaris L. ACAROCÉCIDIES Phytoptus brevitarsus Focx. — Amas de poils, sans élevure, à la face inférieure des feuilles de l’Alnus pubescens Tausca. Ce galloïde correspond à l’Erineum alneum Pers. 438 H. FOCKEU. — LISTE DE GALLES RECUEILLIES EN PROVENCE. Phytoptus macrochelus Naz. — Cécidie globuleuse, subsphé- rique, située à l’aisselle des nervures des feuilles de l’Acer campestre. Phytoptus lœvis NAL. — Cécidie rougeûtre s’ouvrant à la face inférieure des feuilles de l’Alnus glutinosa et correspondant au Cepha- loneon pustulatum Br. Phytoptus macrorhynehus Naz. — Cornicules rouges à la face supérieure des feuilles de l’Acer Campestre, correspondant au Ceratoneon vulgare BREMI. Phytoptus goniothorax Naz. — Enroulement marginal des feuilles du Cratægus oxyacatha L. . Phytoptus piri NAL. — Pustules circulaires des feuilles du Poirier. Phytoptus Thomasi Na. — Galloïde globuleux, velu, de l’inflo- rescence du Serpolet (Thymus serpyllum L.). Phytoptus vitis. — Amas de poils gris à la face inférieure des feuilles de vigne et correspondant au Phyllerium vitis FR. Cecidophyes galii Naz. — Enroulement marginal des feuilles du Galium aparine L. we: + 439 SUR UN HYMÉNOPTÈRE HALOPHILE Trouvé au Grau du Roi, près d'Aigues-Mortes PAR R. MONIEZ. On ne connaît jusqu'ici qu'un nombre relativement restreint d'insectes vraiment halophiles. Si nous laissons de côté les Halobatides, Hémiptères pélagiques, nous voyons que les Insectes qui vivent dans la mer, au voisinage des côtes, sont représentés par un Hémiptère, deux Névroptères, un petit nombre de Coléoptères et un nombre plus élevé de Thysanoures et de Diptères. Nous: avons publié assez récemment quelques observations sur les mœurs de plusieurs de ces animaux, Si curieux par le milieu très spécial, pour des Insectes, auxquels ils se sont adaptés, et nous en avons fait connaitre plusieurs formes nouvelles (1). M. PLATEAU a également publié sur les Trachéates marins des faits fort intéressants (2) . Maïs, jusqu'ici, aucun Hyménoptère, que je sache, n'avait été trouvé dans ces conditions, le genre de vie de ces animaux les rendant moins propres encore que les autres Insectes, à vivre dans la mer. Aussi, quelle ne fut pas ma surprise, en examinant une récolte faite au commencement du mois d'août dernier, au Grau du Roi, près d’Aigues-Mortes, sous des pierres atteintes par chaque vague ou même complètement plongées dans l’eau, de trouver des animaux de cet ordre, que je crois pouvoir rapporter au groupe des Proctotrupides, dont les espèces sont parasites des autres Insectes. J'avais observé, sous ces pierres, une foule de petits points noirs, dont J'avais enlevé une dizaine seulement, croyant avoir affaire à des Oribates, dans ces animaux immobiles et paresseux, que je ne détachais (4) R. Monrez, Acariens el Insectes marins des côtes du Boulonnais, Rev. biol. du Nord de la France, t. 11 (1890). (2) Prareau F. Les Myriopodes marins et la résistance des Arthropodes à respiration aérienne à la submersion, Journ. de l’Anat. et de la Phys. (1890), 440 R. MONIEZ x pas facilement. Je regrette bien, trompé par l'apparence, d’avoir borné ma récolte à un aussi petit nombre d'individus, ce qui ne m'a pas permis de les étudier comme je l'aurais voulu: ces êtres sont en ellet fort délicats et ils sont arrivés à Lille dans un mauvais état de . conservation. Le manque d'ouvrages spéciaux dans nos diverses biblio- thèques, m'a empêché de déterminer cet Insecte, j'espère que les x indications que je vais donner à son sujet permettront aux rares spécialistes de le classer. En tout cas, il était si commun sous les pierres qu'il sera évidemment très' facile de le retrouver (1). La longueur totale de ce petit animal varie de 500 à 700 w et je ne sais s’il existe des Hyménoptères de plus petite taille ; la tête est volumineuse et porte de gros yeux pigmentés de noir, avec de nombreux cristallins ; les antennes sont remarquables par leur structure, longues de 200 x environ, elles sont coudées vers la base et formées d’un large article basilaire, suivi d’un second article deux fois plus long que large, annelé, qui porte, à son côté ventral, une sorte de ventouse : en ce point l'antenne est dépourvue d’écailles ; cette ventouse est à peu près elliptique, elle fait légèrement saillie, surtout par son extrémité aiguë. Cet article aux caractères singuliers est suivi d’une portion beaucoup plus longue que les autres, écailleuse, annelée, peut-être partagée en plusieurs divisions. Le thorax est très large, de contour presque losangique et mesure 270 & dans sa plus grande largeur ; l'abdomen mou, déprimé, inséré au thorax par toute sa base, se rétrécit vers l’extrémité ; il se termine par. deux lobes arrondis, qui appartiennent sans doute à l'appareil génital, et porte: quelques longues soies. Les pattes sont courtes, épaisses, écailleuses, avec quelques longues soies qui semblent boutonnées à leur extré- mité; les tarses sont terminés par deux forts crochets divergents. Les ailes, écailleuses, à écailles très petites, très nombreuses, régu- lièrement disposées, sont relativement très développées: les anté- rieures mesurent 1245 & de longueur sur 660 y dans leur plus grande largeur ; les ailes postérieures, plus petites, mesurent environ 800 & de long sur 260 de large. Les ailes antérieures portent un: petit nombre de nervures simples : la première de ces nervures, très épaisse, court dans toute l’étendue et à peu de distance du bord (4) Le point précis où j'ai trouvé ces animaux se trouve très-près de la dernière station du bateau qui va d’Aigues-Mortes aux bains du Grau du Roi (à droite du canal, par consé- quent), au pied de la berge, à très-peu de distance de l’'embeuchure du canal. SUR, UN HYMÉNOPTÈRE HALOPHILE. 44A antérieur, elle s’incurve dans sa partie médiane qui va presque tou- cher le bord antérieur ; une deuxième nervure se détache de la première vers la base, mais se recourbe bientôt vers le bord posté- rieur de l’aile qu’elle atteint à son premier tiers; enfin une troisième nervure court entre les deux précédentes: elle se détache de la seconde et va droit vers le bord latéral de l'aile. Sous les mêmes pierres qui abritaient l’'Hyménoptère que je viens de décrire sommairement, j'ai rencontré d’autres animaux qui dé- montrent bien l’habitat marin du premier; ainsi, j'ai pris cinq espèces de très-petits Copépodes, représentées par de nombreux individus, dont les plus abondants appartenaient au genre Zaus, et un Ostracode qui m'a paru être le Krithe angusta. Il est probable que l’Hyménoptère quitte sa retraite la nuit pour chercher sinon sa nourriture, du moins les larves d’Insectes auxquels il confie sa progéniture, et il est possible qu’en cherchant autour du point que nous avons signalé, les petits insectes marips, peut-être les Chironones, qu’on à souvent trouvés dans des conditions analogues, on fera avancer l’histoire de ce curieux Hyménoptère, en trouvant l'hôte dans lequel il passe sa jeunesse. En tout cas, comme il est très facile de le capturer, on connaîtra facilement ses mœurs, en l’observant en captivité. | 442 NOTES: SUR QUELQUES ESPÈCES DE TYROGLYPHIDES qui vivent aux dépens des matières alimentaires et des produits pharmaceutiques, PAR R. MONIEZ, Professeur à la Faculté de médecine de Lille. Tyroglvphus farinæ et Tyroglyphus siro Les anciens auteurs, commé Linné, avaient confondu les 7. siro et farinæ et il faut en venir à Gervais (1) pour qu’une distinction nette soit établie entre les deux espèces. En 1860, PAGENSTECHER Commit l'erreur de décrire et d'étudier le 7. farinæ, sous le nom de T. siro (2). La même année, Ch. RoBin, dans un mémoire qui, sans doute à cause de son titre, n’a pas été consulté par les auteurs subséquents, étudia avec le plus grand soin le T. farinæ, mais également sous le nom de T. siro (3) et, dans un mémoire ultérieur, il affirma à plusieurs reprises l'identité des deux espèces (4). TRouPEAU, dans un travail qui à échappé à tous les acarinologues, fait aussi la même confusion (5), de même que MéGniN (6) et KarPeLLes (7) et l'identité des deux espèces semble ainsi de nouveau admise, bien que CaNESTRINI et FANZAGO (4) WazckenAER et GERVAIS: Histoire naturelle des Insectes aptères, t.Il et IV (1843 et 1847). (2) PacensrecHer: Einiges 3. Anat. v. Tyroglyphus siro Zeits. f. wiss. Zool. vol. 11, p. 120, pl. 13. (3) RoBin Cx.: Mémoire zool. et anat. sur diverses espèces d’Acariens de la famille des Sarcoptides. Bull. de la Soc. Imp. des Natural. de Moscou, t. 33, pl. 184 à 293; 8 pl. (4) Fumouze A. et Rogin CH.: Mém. anat. et zool. sur les Acariens des genres Cheyletus Glyciphagus et Tyroglyphus. Journal de l'anat. et de la phys. (1867). (5) Troupeau P.: Des Acariens de la farine. Bull. de la Soc. d’études scientifiques d'Angers (1878). : (6) MÉcnin P.: Les parasites et les maladies parasilaires chez l’homme et les ani- maux domestiques (1880), p. 142. (7) KarpeLces L.: Beitr.z. Naturg. der Milben (Inaug.-dissert.) Berlin, 1885. “ADN ADN £ "# k NOTES SUR QUELQUES ESPÈCES DE TYROGLYPHIDES 443 eussent rétabli, quelques années auparavant, l'exactitude des faits (1); l’opinion des savants italiens fut partagée cependant par HALLER (2). BERLESE (3) enfin, par des dessins soignés des deux espèces, établit leurs différences d’une manière irréfutable et tout à fait définitive, qu'est venue encore consacrer l'étude de CanEsrTrini sur la famille des Tyro- glyphes (4) et nos propres observations sur ces animaux, résumées à “propos du Tyroglyphus farinæ (5). L'erreur que nous venons de signaler chez un si grand nombre d’auteurs provient surtout, évidemment, de ce que le T. farine, malgré son nom, se rencontre bien plus souvent sur le fromage vermoulu que le T. siro; il en est ainsi en France, du moins, et cela résulte de nos recherches répétées (6), il en est sans doute de même dans d’autres pays: signalons toutefois que, d’après le texte de CANESTRINI, il semble n’en être pas toujours ainsi en Italie, quoique Bercese dise que le Tyroglyphus farinæ n’est pas plus rare dans le fromage que dans la farine. Toujours est-il que, lorsque nous recherchions activement ces petits ‘animaux, il y a quelques années, nous n’avons rencontré le T. siro qu'à deux reprises et sur du fromage de Chester, rarement par conséquent ; au contraire, nous avons observé le T. farinæ sur plusieurs autres variétés de fromages provenant des localités les plus diverses, Gruyère, Emmenthal, Parmesan, sur un fromage corse, dit Broccio, Sur un autre appelé Forme au Puy-en-Velay; sur la Tome, de la Comté, mais c'est surtout le fromage de Hollande qui est le vrai paradis du T. farinæ, tant il pullule sur les pièces bien faites de ce produit Mais le T. farinæ ne vit pas seulement sur fes fromages ! Je l’ai aussi observé dans de la farine de blé et de la farine de lin, sur des (1) CaNESTRINI G. et FANZAGO F.: Intorno agli acari italiani, Atti del R. Ist. Ven. di Sc. lett. ed arti (18717). Ces auteurs n’admettent pas le genre Tyroglyphus et conservent aux deux espèces leur vieux nem d'Acarus. (2) HazLer G.: Beitr. 3. Kennt. d. Milbenfauna Wurttenbergs (1882). (3) BeRLESE A.: 4c., Myr., et Scorp. hucusque in Italia reperta, fase. 14. (4) CanesrTrini G.: I Tiroglifidi, Studio critico (Padova, 1888). (5) Mon1ez R. Parasitisme accidentel sur l'Homme du Tyroglyphus farinæ. G. R, de l’Acad. des Sciences, 15 mai 1889. (6) Razer A.: Trailé de zoologie médicale et agricole (2° édit., p. 690), dit avoir trouvé comme nous, beaucoup plus fréquemment sur les fromages, le T. farinæ que le T. siro. 44 R. MONIEZ pruneaux, sur de vieux tourteaux qui ne paraissaient point altérés, sur du houblon un peu fermenté: dans ces deux derniers cas les Acariens se montraient par milliards et attiraient ainsi l’attention des cultivateurs, qui croyaient avoir affaire à une nouvelle espèce d’anima nuisible; je l’ai trouvé également en énorme quantité sur l’enveloppe de saucissons du pays. On l’observe de même par milliards et régu- lièrement, à Lille du moins, dans les magasins où l’Administration conserve les tabacs en feuilles : ils se développent à un certain moment de la fermentation et quittent le tas de feuilles un peu plus tard, quand la fermentation s’arrête ; on peut alors les ramasser à la pelle, en compagnie du Glyciphagus spinipes, parfois aussi abondant que le Tyroglyphe, et de quelques autres espèces plus rares (1). Nous avons aussi observé le 1. farinæ sur des pommes de terre gâtées, en compagnie du Tyr. agilis CaN.; nous l’avons trouvé dans les pous- sières de greniers au blé et RaiLLier l’a observé, avec MouLé, sur des gousses de Vanille (2). On a trouvé en Amérique, en différentes circonstances, des Tyrogly-. phes qui ont été rapportés au T.siro, mais rien ne montre que Ja détermination soit exacte (v. in Insect Life). | Enfin il faut citer des conditions tout-à-fait exceptionnelles, dans. lesquelles on a rencontré cette espèce : on l’a trouvée à plusieurs reprises dans de l’eau saumâtre ou dans de l’eau de mer, mais il est évident qu’il s’agit ici de faits accidentels et qui témoignent seulement de la grande force de résistance que présentent ces petits êtres. Je me suis déjà occupé de cette question et n'y reviendrai point (3). * * Ce qui nous intéresse le plus en tout ce qui précède, c’est la pré- sence des Tyroglyphes sur les matières alimentaires, en particulier sur (4) Ces Tyroglyphes présentent d'ordinaire les pattes roses caractéristiques ; cependant on en voit parfois qui ont les pattes blanches, ce qui est peut-être en relation avec leur genre de nourriture ; il en est ainsi, en général quand ils proviennent des magasins à tabac. (2) Razer A.: Traité de 3ool. médic. et agricole, 2 édit. p. 69. (3) Cf Hazcer G.: Entomol. Notizen: 2. Beilr. z d. Brackwasser Milben. Mittheil d. Schweiz, Entom. Gesellsch., t. 6, (1881), p.151, et Monrez. R.: Acariens et Insectes marins des côtes du Boulonnais, Revue biol. du N. de la France, t.I1, tiré à part, p. 27. NOTES SUR QUELQUES ESPÈCES DE TYROGLYPHIDES 445 les fromages et surtout sur le fromage de Hollande : il n'est point de bonne sorte de ce produit, dont la surface ne soit littéralement vermoulue, par le fait de ces petits animaux ; c’est dire qu’on ne peut manger de ce fromage et beaucoup d’autres d’ailleurs,sans risquer d’avaler nombre de Tyroglyphes. ZürN rapporte que, dans certaines régions d'Allemagne, on se livre à une sorte d'élevage de ces Acariens, en vue de la production du « fromage à mites » dont on apprécie la saveur acidulée. Cet auteur ajoute qu'il a observé à diverses reprises du catarrhe stomacal et intestinal chez des individus ayant l’habitude de consommer ce fromage. Nous pensons que cet Acarien, pas plus au reste que les autres espèces que nous énumérons plus loin et qui arrivent dans l'intestin avec les matières alimentaires les plus diverses, n’est pour rien dans ces légers désordres du tube digestif : des troubles de même ordre sont tout aussi fréquents avec les fromages du type de Roquefort, qui ne portent que rarement ces Acariens, ou qui, du moins, ne les montrent qu’en petit nombre, et il faut bien plutôt les attribuer aux principes ammoniacaux et autres produits de la fermentation, si abondants dans ces fromages. Ce n’est pas qu’en Allemagne, d’ailleurs, qu’on se livre à un genre d'élevage si particulier et Cosson raconte que, dans certains départe- ments du centre de la France, où l’on fabrique des fromages maigres avec du lait écrémé, on a l’habitude, aussitôt qu'ils sont égouttés -et formés, de les saupoudrer avec des Acariens qu’on conserve avec soin pour cet usage. Ces Tyroglyphes se multipliant avec une extrême rapidité, dit-il, produisent sur le fromage blanc une croûte colorée plus ou moins épaisse, qui a déjà subi une fermentation avancée, alors que l’intérieur est encore blanc «et privé de cette saveur piquante qu’on recherche das les fromages ». Cette croûte colorée n’a d'autre effet que de donner aux fromages ainsi traités une fausse apparence de maturité, qui n’est qu'un trompe-l’œil (1) Les farines aussi contiennent fréquemment des Acariens et non pas seulement, comme nous le verrons plus loin, les deux espèces dont nous parlons; ces animaux y sont d’autant plus nombreux qu’elles ont été plus longtemps exposées à l’action de l’air et de l’humidité; ils constituent même, pour ainsi dire, un réactif sûr de leur altération : aussi (1) Cossox : Le Tyroglyphe ou Ciron du fromage, Bullet. d'Insectol. agricole, t. 6, (1881), p. 65. 446 R. MONIEZ reproduirons-nous le moyen ingénieux et assez peu connu indiqué par Troupeau (loc. cit.) pour déceler leur présence ; il peut être utilisé, également pour rechercher ces animaux dans toutes les poudres très fines d’origine organique. Il suffit « d’étaler la farine à examiner entre deux » feuilles de papier, on passe légèrement la main, de façon à rendre » unie la surface de la farine et on enlève avec précaution la feuille de » papier supérieure. Si les Acariens existent, ils ne tardent pas à révéler » leur présence en déterminant de petits mamelons ou monticules » visibles à l’œil nu; on les saisit alors à l’aide d’une pointe mouillée. » Il est bien entendu que le produit à examiner ne doit pas avoir été desséché ni traité par une substance insecticide, pour que l’animal décèle sa présence par ses mouvements. Tyroglvphus ovatus Trour. Cette espèce a été décrite pour la première fois en 1878, par TroupEAU (1), qui la trouvait dans la farine, et elle n’avait pas été revue depuis sauf par nous (2); nous l'avons rencontrée sur du fromage de Hollande de diverses provenances (Paris, Lille, Cambrai) et une seule fois sur du fromage de Gruyère: l’animal se trouve toujours en petit nombre, au milieu des Tyr. farinæ. Aucun des auteurs qui se sont occupés des Tyroglyphes n’a mentionné cet animal, pas plus d’ailleurs que le travail de Troupeau où il est décrit et qui a passé inaperçu. Ce Tyroglyphe se reconnaît à première vue aux poils courts qui terminent le corps, à ses ongles volumineux, à ses pattes courtes, dont Les deux paires postérieures ne dépassent guère le bord du corps que par les deux derniers articles, quand les pattes sont disposées à angle droit ; le mâle surtout est aisé à déterminer si, en outre des caractères précédents, on considère la forme particulière de l'appareil génital, tout contre lequel se trouve la commissure supérieure de la fente anale; celle-ci est accompagnée de deux larges ventouses de forme ovale, très rapprochées par leur extrémité inférieure, écartées au contraire par l'extrémité supérieure : leur base est à la hauteur de la commissure inférieure (1) Troupeau P.: Des Acariens de la farine, Bull. de Ja Soc. d'Ét. scientif. d'Angers, (1878), 3 pl. — Une partie de ce mémoire a été publiée in Recueil de mémoires de méd, milit., t. 32, p. 93, sous le titre: Des Acar. de la farine ; moyen de les reconnaitre d’une manière sûre et rapide. (2) Monrez R, : Acariens observés en France, Rev. biol. du N, de la France, t. 3 (1890). NOTES SUR QUELQUES ESPÈCES DE TYROGLYPHIDES 447 de la fente anale; un pèu en arrière de ces ventouses, sont disposées sur une même ligne transversale quatre longues soies. Deux autres caractères de cette espèce sont, chez le mâle, la courbure accentuée de l’extrémité supérieure des épimères et l'existence d’une unique ventouse sur les tarses postérieurs. La fente anale de la femelle, contrairement à ce que l’on constate pour le mâle, est très rapprochée de l’extrémite postérieure et on observe, de chaque côté de cette fente, une soie seulement, insérée à la hauteur de la commissure postérieure ; ses épimères sont aussi diffé- remment conformées, et la quatrième paire est fortement recourbée à l’extrémité, tandis que la troisième ne l’est pas. Plusieurs des particularités que nous venons de citer, figurées par TROUPEAU, sont si caractéristiques qu’on ne peut hésiter un instant à rapporter l’espèce que nous avons rencontrée dans le fromage, à celle découverte par TrouPEAu dans la farine. Les différences dans la description sont imputables à des erreurs d’observation ou d’inter- prétation et elles sont facilement explicables : ainsi, TROUPEAU indique l’anus comme terminal, alors qu'il est très nettement ventral, contigu même, chez le mâle, avec l'appareil génital, mais les dessins montrent bien que cet auteur a pris pour l’anus l’appareil situé à l’extrémité du corps et décrit pour la première fois par Rozin (1), organe, homologue, sans doute, de l’appendice des Glycyphages et de l’appareil situé à l'extrémité de la partie supérieure du corps et que nous avons étudié chez le Tydeus molestus (2). Cette interprétation semble d'autant plus évidente que Troupeau (loc. cit. fig. 10) représente nettement la fente anale au vrai point qu’elle occupe, mais sans dire ce qu’il en pense: trompé sans doute par la contiguité de cet organe avec l'appareil génital, il aura cru qu’il en était une annexe. De même, les ventouses génitales du mâle existent, mais elles sont petites, délicates, insérées un peu au-dessus de l'appareil, et dans ces conditions elles ont pu échapper à l’auteur qui écrit: (1) Roëin Ch. : Mém. zool. et anat. sur div. esp. d'Acar. de la fam. des Sarcop- tides. Bull. Soc. imp. Natur. Moscou, t. 33 (1860) pl, 8, fig. 2, lettre X. (2) Moniez R. : Histoire naturelle du Tydeus molestus, Acarien qui s'attaque à l'Homme, Rev. biol. du N. de la France, t. 6 (1894), p. 419, fig. 6 et 8. 448 R. MONIEZ « le pénis ne présente pas de plis chitineur latéraux» (c'est par cette expression que TroupEau désigne les ventouses génitales). Enfin, la ventouse du tarse de la patte postérieure du mâle, diffi- cile à voir, lui a sans doute également échappé; notons que notre espèce est la seule parmi les Tyroglyphes qui ait une unique ven- touse sur les tarses postérieurs du mâle : presque tous en ont deux, mais quelques-uns en sont tout-à-fait dépourvus. C'est sans contredit avec le Tyroglyphus Krameri, espèce décrite par BERLESE et qui a été rencontrée en Italie dans les substances orga- niques en putréfaction, fromages, etc., que le T'yrogl. ovatus présente le plus d’affinité, principalement par la forme des ventouses, le développement des crochets, etc., mais si nous la comparons aux dessins que BERLESE (1) donne de la première espèce, nous voyons qu’elle en diffère d’abord par la forme du corps, sensiblement plus allongé, et par les pattes beaucoup plus longues chez le T. Krameri. Le mâle surtout s’en écarte par la forme de l'appareil génital, par la fente anale, éloignée de la base du même appareil et par l'existence de deux seules soies en arrière des ventouses anales ; d’ailleurs le T. Krameri porte deux ventouses et non une seule sur le tarse de la dernière paire de pattes. L'existence de cette unique ventouse vers le milieu du tarse du mâle, la forme des ventouses anales, le peu de développe- ment des poils de la partie postérieure du corps, etc., distinguent assez notre Tyr. ovatus des autres espèces décrites jusqu'ici, pour que nous nous bornions presque à le comparer au T. Krameri. On pourrait, toutefois, comparer encore le Tyr. ovatus avec le Tyroglyphus agilis, espèce récemment décrite par CanEsrrint (2) et qui s’en rapproche par les pattes et les soies postérieures du corps, qui sont courtes, par la forme des ventouses anales, par les quatre soies situées en arrière de ces ventouses, par l'aspect général de l’appareil mâle, etc., mais ce dernier appareil est construit diffé- (1) Berese A.: Acari, Myriopoda et Scorpiones hucusque in Italia reperta, fase. 49, n° 10. (2) CanesTRINI G.: 1 T'iroglifidi, studio critico, 32 p., 2 pl., 1888. (Extrait de Studi offerti dalla Univ. padov. alla bolognese nell VIII centenario, vol. II). . NS e ON $# r 19 T) 2 I reMÈe NOTES SUR QUELQUES ESPÈCES DE TYROGLYPHIDES 449 remment, et il n'existe ici qu'une seule ventouse tarsienne ; les pattes du T7. ovatus sont aussi manifestement plus courtes. Enfin, le Tyr. ovatus n’est pas sans présenter une certaine res- remblance avec le T. sironiformis de Ron: il en a à peu près les crochets, la caroncule, le développement exigu des pattes et poils, mais pour nous borner à un caractère des plus saillants, le mâle de cette dernière espèce possède deux ventouses aux tarses postérieurs, T. mycophagus, MÉGx. Contrairement aux espèces précédentes, la spécification du T. mycophaqus n’est pas embrouillée. Elle a été décrite pour la première fois par MéGxnix en 1874 (1). Nous nous sommes, ailleurs (2), longuement occupé de cette espèce qui vit surtout sur les Cham- pignons et les pommes de terre en putréfaction et qu’on trouve aussi sur les cadavres d'insectes ; nos expériences ont montré qu’elle peut également vivre sur le fromage ; nous l’avons trouvée en abondance dans le fumier d’une couche très-chaude. W,. longior, GERY. Cet animal, au sujet duquel les acarinologues sont d’accord (3) et que BERLESE, toutefois, semble avoir décrit comme d'espèce nouvelle sous le nom de T. infestans, est une espèce très fréquente, que l’on peut distinguer à première vue du T. farinæ, en compagnie duquel elle vit souvent, par la rapidité de ses mouvements, par la longueur des soies du corps et la faible coloration de ses pattes. Nous l’avons trouvée à Lille sur différents fromages (fromage Parmesan, fromage de Gruyère, de Hoilande), sur les tabacs en feuilles qui fermentent; en petit nombre aussi, au milieu du T. farine, dans le crin qui servait à bourrer un siège. On l’a rencontrée en énorme (1) Méanin P.: Mém. sur les Hypopes. Journ. de l’Anat. et de la Phys. (1814), p. 225. (2) MoxiEez R.: Contrib. à l'hist. nat. du Tyroglyphus mycophagus, Mém. Soc. zool. France (1892). (3) Consulter surtout au sujet de cette espèce : LagouLBÈNE À, et RoBiN CH. Description de l'Acarus (Tyroglyphus) entomophagus Las. et observ. anat. sur le genre Tyro- glyphus. Ann. Soc. entom. France, #4 s., t. 2 (1862) p. 317, pl. 10 et Fomouze et RoBin. Mém. sur les Acariens des genres Cheyletus, Glycyphagus et ITroS DRE, Journ. de l'Anat. et de la Phys. (1867). 450 R. MONIEZ. quantité dans du foin. en différents points d'Angleterre, et PRESS a publié à ce sujet une savante consultation (1). Je l’ai aussi trouvée en énorme quantité sur des champignons conservés à l’état sec (Marasmius oreades) (2). CANESTRINI l’a aussi vue en abondance sur de la viande fumée (3). On a trouvé cette .espèce dans la farine en Amérique (4). C’est l'espèce de Tyroglyphes que l’on trouve le plus habituel- lement sur les Cantharides conservées dans les officines. | Tvroglyphus entomophagus. LABOoULB. Cette très petite espèce a été découverte en 1852 par M. LABOULBÈNE (5) qui, plus tard, l’étudia en commun avec Rogin (6) et en donna une excellente description, en même temps qu’il indiquait les moyens de la combattre efficacement. Cet animal a été surtout observé dans les collections entomologiques « dans l'intérieur du corps des insectes » conservés, ou à leur surface et enfin dans la poussière qui s’amasse » au fond des boîtes. Les gros Insectes à corps plein de parties grais- » seuses, Ceux qui n’ont pas vécu longtemps ou élevés en captivité » et qui ne se sont pas accouplés, ceux qui ont tourné au gras, pour » employer l’expression ordinaire, sont le plus facilement attaqués... » leur abondance est surtout très grande dans le midi de la France, » où les conditions de chaleur et d'humidité sont très favorables à » son développement. » (1) Zn ORMERoD’S, 14th Report of observ. of injurious Insects (1891), p,. 41. (2) Monrez R.: Sur l’Insecte qui attaque les Cèpes et les Mousserons desséchés et sur les moyens de le détruire. Rev. biol. du N. de la France, t. VI, p. 328, en note. (3) Voyez également, en supposant la détermination exacte, Wizson : À mile infesting a pork-packing house. Amer. natur., vol. 16, p. 199. Là où la viande ensachée posait sur le sol, les Acariens formaient par places une couche épaisse d’une demi-ligne. z (4) IL y a quelques années on m'’apportait de Mons-en-Pévèle près d’un litre de ces Acariens qui vivaient au commencement de novembre dans un tas de graines de betteraves, le propriétaire ayant pelleté ses graines, fut bien surpris de voir la poussière qui gisait sous le tas et qu'il avait balayée, s’étaler rapidement et rezagner les graines; plusieurs pelletages détruisirent tous les Acariens. (5) LABOULBÈNE A.: Acarus entomophagus LAB. Ann. Soc. ent. France, 1852. Bull. p. 54. (6) LABouLBÈNE A. et RoBiN CH.: Description de l’Acarus {Tyrogl.) entomophagus Las. et Observ. anat. sur le genre Tyroglyphus. Ann. Soc. ent. de France, 4° s., t. IT, (1862), p.317, pl. X. — FAuvEL a confirmé l'excellence des moyens indiqués dans ce travail pour détruire l'Acarien des collections : Deux mots sur le Tyroglyphus enitomophagus, Soc. ent. de France, séance du 28 janvier 1863. LT a NUS NOTES SUR QUELQUES ESPÈCES DE TYROGLYPHIDES 451 Le T. entomophaqus n'avait été cité, que je sache, que dans les _collections d’Insectes (1). Fumouze l’a trouvé en petit nombre dans des Cantharides provenant de Sicile : le fait n'a rien de surprenant, étant donnée la prédilection de cet animal pour le corps des Insectes morts. À part LABOULBÈNE, dont le travail à été plus d’une fois traduit, personne n’a fait aucune observation nouvelle sur ce Tyroglyphus et je ne sais même si on l’a signalé ailleurs qu’en France, bien qu’il soit sans doute très répandu. Nous l’avons trouvé à Lille en énorme quantité dans des conditions bien différentes de celles que nous venons de dire : dans du safran conservé depuis quelque temps à la Pharmacie militaire et dans le même preduit provenant de la Faculté de médecine. Nous l’avons également observé dans du seigle ergoté pulvérisé, où il pullulait; l’animal peut donc vivre aussi bien aux dépens des matières animales qu’aux dépens des produits végétaux altérés. Tyroglvphus siculus Cette espèce a été observée et décrite pour la première fois par FumMouze et ROBIN (2) qui la trouvaient abondamment dans des Cantharides pro- venant de la Sicile; depuis, cet animal n’a été revu que par MÉGNIN qui l’a trouvé dans la poussière d’une écurie de Brie-Comte-Robert et par KARPELLES (3). Nous l'avons aussi rencontré parmi des Cantharides conservées dans une pharmacie, mais elles provenaient d’Espagne. Tyroglyphus agilis Cette espèce, décrite pour la première fois par CANESTRINI (4), qui la trouvait dans son laboratoire, en très grande quantité, sur des pommes de terre gâätées, se rencontre aussi à Lille,de temps à autre,sur les mêmes tubercules. Elle n’est pas très commune. (1) Cet animal a été trouvé par M. Layer sur les gousses de Vanille qui arrivent aux entrepôts de Bordeaux, et déterminé d’après MÉGNIN; Raizrier à trouvé sur le même produit une espèce toute différente, le T. siro., — V. Raizier A.: Zool. méd. et agri- cole, ? éd., p. 690, et Layer A.: Étude sur le vanillisme, ou accidents causés par la vanille. Rev. d’hyg. et de police sanitaire, t: V (1883). (2) Fumouze A. et RoBin Ch.: Mém. anat. et 3001. sur les Acar. des genres Cheyletus, Glycyphagus et Tyroglyphus, Journ. de l'Anat. et de la Phys. (1867). (3) Karpezres L.: Neue Milben. Berl. entom. Zeit., t. 28, p.321 (sur des Insectes). (4) CANESTRINI G.: 1 Tiroglifidi, studio critico, p. 30. 452 R. MONIEZ Tyvroglvphus (Histiostoma) feroniarum MÉGx. Cette espèce est encore un curieux exemple de synonymie embrouillée par suite de la négligence des auteurs et par l'application peut-être trop stricte des lois de la nomenclature: elle fut découverte par M. MéGni (1) en 1873 et décrite par lui sous le nom de Tyroglyphus rostro-serratus; | MÉGnIN décrivit avec soin son hypope l’année suivante (2) et l’identifia aux hypopes décrits par Durour sous le nom de H. feroniarum et par CLAPARÈDE sous celui de Hypopus Dugesi (3); l'animal fut retrouvé plus tard par Kramer et appelé Phyllostoma pectineum (4); CANESTRINI et. Fanzaco, en 1877, l’appelèrent Acarus mamillaris (5); Méanin, en 1880, lui changea complètement son nom et l’appela Serrator amphibius (6). Enfin, plus tard, Canesrrint et BerLese le transférèrent dans le genre Histiostoma, l'appelant encore rostro-serratum (7). C'est seulement en 1888 que CanEsrRiNt reconnut enfin le véritable nom que devait porter ce Tyroglyphe, et l’appela Histiostoma feroniarum d’après les lois de priorité (8). Il est curieux de voir plus tard CANESTRINI (9), reprocher à MÉGNIN de n’avoir pas connu les travaux de Durour et de CLAPARÈDE sur l’Hypope de cette espèce, alors que MÉGnix les cite à plusieurs reprises, tandis que CANESTRINI, lui-même, les ignorait complètement dans son premier travail — Nous avons trouvé fréquemment ce Tyroglyphe à Lille, dans les Champignons de couche, et il n’est que trop commun, avec plusieurs autres Acariens appartenant aux familles des Gamasides et des Eupodides, dans les souterrains où l'on cultive en grand ce Champignon dans notre pays (10). (1) Mécnix P. : Mém. anat. et zoolog. sur un nouvel Acar. de la fam. des Sarcop- tides, le Tyrogl. rostro-serratus et sur son Hypopus. Journ de l'Anat. et de la Phys. 1873, pl. 10-12. (2) MÉGniN P.: Mém. sur les Hypopus. Journ. de l'Anat. et de la Phys., 1874 (4 pl.). (3) Durour L. : Descript. et fig. de quelq. paras. Ann. Sc. nat. 2° s.t. XI, p 278, et CLAPARÈDE, Studien an Acariden, Zeit. f. wiss. Zool., t. 18 (1868). (4) KrAMER P. : Beitr. z. Naturg. d. Milben. Arch. f. Naturg. t. 42, 1876, p. 28. (5) CaNESTRINI et FANZAGO : Intorno agli Acari ilaliani, Atti del R. Ist. Ven. di Sc. lett. ed arti. (1877). à (6) MÉGnin P.: Parasites et mal. parasit., p. 14%. (7) CanesrTRini G. et BERLESE A.: Nuovi Acari. Atti della Soc. Ven. Trent. di Sc. nat. L. 8 (1884). (S) CanEsrRiNt G. : Prospetto dell’ Acarofauna italiana, t. 3, p. 5%. (9) CanEsTRINI G. : 1 Tiroglifidi (1888), p.16. (10) C'est à tort que KarPezLes (Miscellen) dit que CANESTRINI et BERLESE ont décrit cette espèce sous le nom d'Hist. fimetarium. Ces auteurs ont appliqué ce nom à une espèce toute différente. NOTES SUR QUELQUES ESPÈCES DE TYROGLYPHIDES 453 T'yroglyphus passularum RoBIn. Cet animal est connu depuis fort longtemps (1), mais Roi, Île premier, en a donné une excellente description, accompagnée de dessins très détaillés (2) et il en fait le type d’un genre nouveau, Carpoglyphus ; il est certainement curieux que ce travail du savant français, quoique publié dans une Revue très-répandue, ait échappé à tous les acarino- logues, à part M. MÉGnin (3). Toujours est-il que, dix ans plus tard, KrAMER étudia à nouveau cette espèce, mais sans lui donner de nom (#). En 1882, Hazcer la retrouva encore une fois et la nomma Glycyphagus anonymus (5). En 1884, BerLese la transporta dans le genre Tricho- dactylus et lui maintint ce dernier nom d’anonygmus (6), en donnant d’ailleurs bien moins de détails à son sujet, que ne l'avait fait Roi. La même espèce fut, l’année suivante, l’objet d’une excellente étude anatomique par NazepA (7), et enfin, en 1888, G. CaNESTRINI la décrivit sommairement sous le nom nouveau de Phycobius anonymus (8). Dans les diverses observations relatées plus haut, le 7. passularum est toujours indiqué sur les figues et pruneaux secs et anciens, à la surface des conserves et confitures, et entre les filaments des Asper- gillus qui vivent sur ces produits; on le cite également sur les débris de dattes et autres fruits secs, à la surface ou dans les fentes et replis desquels on le retrouve en quantité, formant souvent des amas de coloration grisâtre, au sein desquels il se meut assez lentement; c'est dans ces conditions que nous le trouvons abondamment dans (1) HeriNG E. : Die Kratzmilben der Thiere u. ein. verw. Arten Nov. act. Acad. Léopold, t. 18 (1838). — V. aussi DusaRDIX A. : Observateur au microscope (1843), p. 149, pl. 17, f. 10, et les observations de GErvaIS sur le dessin de DuyaRniN, relatif à cette espèce (WALKENAER et GERVAIS : Hist. nat, des Ins. aptères, t. III, p. 263). (2) Rosin Ch. : Sur un nouveau genre d’Acariens. Journ. de l’anat. et de la phys. t. 6 (1869), p. 197, pl. 7 et 8. — Rogin avait déjà mentionné son genre Carpoglyphus in Mém. 3001. et anat. sur div. esp. d’Acariens de la fam. des Sarcoptides, Bull. de la Soc. imp. des nat. de Moscou (1860). (3) MéGnnx P. : Les Parasites et les maladies parasitaires (1880), p. 141. (4) Kramer P. : Ub. die postembryonale Entw. d. Milbengattung Glyceyphagus. Arch. f Naturg., t. 40 (1880), p. 102, pl. 8. (5) Hazzer G.: Beitr. z. Kennt. d. Milbenfauna Württenbergs Jahresb. d, Ver. f. Vaterl. Naturk. in Württ. (1882), p. 257. (6) BERLESE A. : Ac. Myriop. et Scorp, hucusq. in Italia reperta, fasc. XIV. (7) NazepA A. : Die Anat. der Tyroglyphen, IL Abtheil., Sitz. d. Akad. d. Wiss. (1885). (8) CanesrTRINI G. : 1 Tiroglifidi, studio critico (Padova, 1888), p. 22. 454 R. MONIEZ notre pays. Mais ce n’est pas seulement dans les substances que nous venons d’énumérer et que certainement il recherche de préférence, qu'on peut le rencontrer, BERLESE l'indique sur de vieilles farines ; nous l'avons trouvé à Lille en abondance sur de nombreux échantillons de glucose du commerce; à plusieurs reprises nous l’avons vu sur du fromage de Hollande et aussi sur du fromage de Septmoncel, à Paris; dans ce dernier cas, il vivait au milieu de puissantes colonies de T. farinæ et les mâles étaient beaucoup plus nombreux que les femelles; mais les galeries de la croûte du fromage étaient bourrées de femelles mortes et d'œufs — peut-être les mâles ont-ils la vie plus longue, ou servent-ils à plusieurs générations (1); comme CANESTRINI, nous avons aussi rencontré ce Tyroglyphe, mais en petit nombre, sur des pommes de terre pourries (2). Rhizoglyphus echinopus. Fu. et Ros. En 1868, CLAPARÈDE (3) d’une part et Fumouze et RoBiN (4) d’autre part, décrivirent indépendamment, et sans que l’un connut le travail des autres, une espèce nouvelle de Tyroglyphe qu'ils trouvaient sur des végétaux en décomposition et qu'ils figurèrent avec le plus grand soin. CLAPARÈDE donna à son Tyroglyphe le nom de Rhizoglyphus Robini, Fumouze et Rogin appelèrent le même animal Tyrogl. echinopus. Plus tard, KRAMER reconnut l'identité des animaux décrits par CLAPARÈDE, et par Fumouze et Roi (5), ce qui n’empècha pas KARPELLES, dans sa compilation (6), de les considérer comme distincts. Quelques années après, HaLLer le redécrivit comme nouveau et le nomma Yyroglyphus (1) KarPeLLes fait la remarque que, contrairement à ce que l’on observe pour les Tyrogiyphes, il a trouvé, en observant les 7’. diversipes, autant de mâles que de femelles. Le fait est sans doute analogue à celui que nous venons de rapporter, l’observation de KARPELLES n'est pas unique et sans’ doute elle peut recevoir l'explication que nous proposons (V. KarpeLLes L. Miscellen. I. Eine auf Brod lebende Milbe {Tyroglyphus diversipes nov. sp. Ber. d. Naturw. Ver. a. d. K.K. Techn. Hochschule in Wien (1884). (2) Citons aussi l'observation de SriepA Ueb. d. Vork. vo. Milben in der Marmelade in S' Petersb. med. Zeitschrift, t. 15 (1869), p. 261. (3) CLaparèDE Ed. : Studien an Acariden, Zeitsch. f. wiss. Zool. t. 18 (1868), p. 495, ©: pl. 38. (4) Fumouze A. et RoBix Ch.: Observoat. sur une nouv. esp. d’Acariens du genre , Tyroglyphe. Journ. de l’Anat. et de la Phys , t. 5 (1868), p. 287, pl. 20-21. (5) Kramer P.: Beitr. 2. Nuturg. der Milben, Arch. f. Naturg., t. 42 (1876), p. 43. (6) KarPeLces L. : Zur naturg. der Milben (Inaug. dissert.), 1883, p. 24. NE NOTES SUR QUELQUES ESPÈCES DE TYROGLYPHIDES 455 Megnini (1). La même année, MÉGniN, à qui avait échappé le travail de CLAPARÈDE, jugea, comme ce dernier, que le Tyroglyphe en ques- tion possédait des caractères assez tranchés pour constituer un genre à part et il l’appela Cœpophagus echinopus (2). BerRLEsE, en 1884, adopta l’appellation de HALLER, sans citer les travaux de CLAPARÈDE, pas plus que ceux de Fumouze et de Rogin, bien qu’on ne puisse nier l'identité des espèces figurées dans les deux cas (3); l’année suivante, MicHAEL s’occupa aussi de cet animal, mais il l’étudia sous le nom que lui avait donné CLAPARÈDE (Rhiz. Robini), sans citer les deux autres auteurs français (4). Puis vinrent les publications de CanesrRint (5ÿet 6) dans lesquelles le Tyroglyphe dont nous parlons porte le nom de Rhizoglyphus spinitarsus, appellafion dont nous verrons plus loin l’origine. On voit quelles difficultés bibliographiques soulève l'étude de cet animal, si aisé pourtant à reconnaître dans ses caractères ! Malgré l’au- torité qui s'attache au nom de CANESTRINI, nous ne pouvons suivre son exemple et adopter pour notre animal le nom de spthitarsus et nous croyons devoir lui conserver le qualificatif de echinopus, qui lui a été donné par les savants français. En effet, le nom de spinitarsus lui a été donné par CANESTRINI, parce que Fumouze et RoBin disent avoir trouvé en abondance, avec leur Tyroglyphe, de nombreux Hypopus spinitarsus HERM. » CLAPARÈDE avait également trouvé des hypopes avec le Tyro- glyphe qu'il observait, mais il leur avait donné le nom de Hypopus Dujardini, sans nullement les comparer à l’espèce figurée par HERMANN ; il n’est pas douteux que, dans les deux observations, il ne se soit agi d'un même hypope, et d’un hypope qui appartient au Tyroglyphe en question; mais si RoBiN n’a pas figuré son prétendu Hypopus spinitarsus, CLAPARÈDE en a donné des dessins parfaits, et il faut beaucoup de bonne volonté, ou plutôt, une certaine dose d’inattention de la part de CANESTRINI, pour admettre que l’informe dessin et la (1) Hazzer G. : Zur Kennt. d. Tyroglyphen u. verwandten, Zeïtschsch. f. wiss. Zool. t. 34 (1880), p. 255, pl. 9. (2) MÉGnix P. : Les Parasites et les maladies parasitaires (1880), p. 143. (3) Berzese A. : Ac. Myriop. et Scorp. hucusque in Italia reperta, fase. 14. (4) Micuarz A. D.: Notes on the Life histories of some of the little-known Tyroglyphidæ. Journ. of the Roy. microsop. Soc. 2° s., t. 5 (1885), pl. 3). (5) CanEsTRINI G. : Prospetto dell Acarofauna lialiana (1888), t. 3, p. 413. (6) id. I tiroglifidi, studio, critico (1888), p. 31. “ 02 PPANE 456 R. MONIEZ rudimentaire description d'HERMANN (1) puissent être comparés à ce que CLAPARÈDE nous a laissé sur la larve de son Tyroglyphe ; il n’y a pas de doute que Canesrrini s’en est rapporté, sans vérification, à l’assertion de Fumouze et RoBin, manifestement erronée — ce qui n’a rien de surprenant, ces auteurs n'ayant observé qu’incidemment les hypopes (2). Mais si l’Hypopus spinitarsus d'HERMANN n’est pas une larve de notre Tyroglyphe, le nom adopté par CANESrRINI ne peut être maintenu à notre espèce. Il faut rejeter aussi, pour des raisons de priorité, le nom de Megnini Hazzer. Il reste donc à choisir entre les deux appellations de Robini et echinopus données en même temps à cet animal (3). Nous adoptons le qualificatif de echinopus, uniquement parce qu’il a déjà été utilisé par MÉGNIN et par KRAMER pour désigner notre espèce, antérieurement à l’adoption du nom de T. Robini par MicHaëL. En dehors des particularités anatomiques qui ont nécessité pour lui la création d’un genre particulier, le Rh. echinopus est une espèce remarquable au point de vue biologique par les mâles anormaux que l’on rencontre parfois, décrits par plusieurs auteurs, et dont la signi- fication n'a pas encore été donnée. Comme chez plusieurs autres espèces de la famille des Tyroglyphides, les femelles varient beaucoup dans leurs dimensions et on en peut trouver d’ovigères, dont la longueur oscille entre 450 px et 1 millimètre, suivant le nombre d'œufs qu’elles contiennent et leur degré de développement. On a trouvé cet animal en de nombreux pays d'Europe (France, Italie, Allemagne, Hongrie, Angleterre), peut-être en Amérique (5). Ce Tyroglyphe vit principalement sur les bulbes et tubercules végétaux altérés, sur les oignons de Jacinthes, les tubercules de pomme (4) Hermann J. F. : Mémoire aptérologique (an XII, 1804), p. 85, pl. 6, f. 5. (2) Au reste, HEnmanx dit avoir trouvé son Hypopus spinitarsus sur des Coléoptères, alors que CLaPARÈDE comme Fumouze et RoBin ont trouvé les hypopes du T. echinopus au milieu des adultes, dans des végétaux en décomposition. (3) Boispuvaz : Entom. horticole (1867), p. 86, parle d'un Acarien auquel il donne le nom d’Acarus hyacinthi, lequel, en certaines années, serait assez abondant entre les squammes de certaines Liliacées, principalement des Jacinthes, et qui causerait quelquefois des démangeaisons aux personnes qui manient une grande quantité de ces oignons, BoispuvaL ne décrit aucunement cet Acarien. Dans ces conditions, peut-on raisonnablement accorder la priorité au nom de BorspuvaL ? Je ne Ie pense pas. (5) an Tyrogl. crassipes ? Cf Harcer G. Beschreib. einig. neuen Milben, Arch. f. Naturg., t. 50 (1884), p. 218, pl. 15, fig. 1. Ce Tyroglyphe a été trouvé sur la vigne. NOTES SUR QUELQUES ESPÈCES DE TYROGLYPHIDES 457 de terre (1), de Dahlias, sur des racines diverses, sous l’écorce des arbres morts. C'est sans doute parce que cet animal vit sur les bois pourris qu'on a pu parfois le considérer, bien à tort assurément, comme un ennemi du Phylloxéra, parce qu'on le trouvait sur les racines de vignes phyllo- xérées (2); cette erreur, bien qu'elle ait été réfutée, n’en a pas moins reparu depuis. C’est pour la même raison, sans doute, qu’on a pu encore le trouver dans des eaux potables remontées par une pompe (3). J’ai trouvé cet Acarien à Lille sur des bulbes pourris de Lis blanc, d’'Amaryllis. Des maraîchers des environs me l’ont montrée sur des Oignons, où d’ailleurs CANESTRINI l'avait déjà rencontrée ; ils s’inquiétaient bien à tort de sa présence et on ne peut le compter comme un animal nuisible, puisqu'il ne se développe que dans des substances déjà alté- rées. Cette espèce, en somme, n’est connue jusqu'ici que comme vivant aux dépens des matières végétales, mais, comme on peut le voir au cours de ce travail et contrairement à ce qu’on a répété, elle est loin d'être la seule qui ait ce régime. Chortoglyphus areuatus TRouPr. Cette forme très remarquable de la famille des Tyroglyphides a été découverte par Troupeau en 1878, dans la farine; il lui donna le nom de Tyroglyphus arcuatus (4). En 1884, BERLESE, à qui le travail de TrouPEAu avait échappé, retrouva le même animal en Italie, où il est plutôt rare, dans les étables et dans du foin; il le crut non décrit (1) Est-ce cet Acarien qui a été vu par GuÉRIN-MÉNEVILLE sur des pommes de terre gâtées et fort mal décrit et figuré par lui sous le nom de Tyroglyphus feculæ ? Il est impossible de l’affirmer, V. GuériIN-MÉNEVILLE : Note sur les Acariens, les Myriapodes, les Insectes et les Helminthes observés jusqu'ici dans les pommes de terre malades. Bull. des séances de la Soc. roy. et centrale d'agriculture (1845). Le même auteur a aussi publié : Note sur le T. feculæ rencontré sur un amas de pommes de terre d'Australie. Ann. Soc. ent. France, 4*s. t. 6 (1866) et : Sur le développement de petits Acariens dans les pommes de terre, C. R. de l'Acad. des Sc., t. 63 (1866). S'agit-il encore de la même espèce ? Les Tyroglyphes, dans cette observation, s’observaient par milliards. (2) V. la communication de Fumouze à ce sujet, Soc. ent. France, Bulletin, séance du 97 mai 1874, et C. R. Acad. des Sc., t. 78, p. 1581. (3) R. Monrez, Faune des eaux souterraines du départ. du Nord et en particul. de la ville de Lille. Rev. biol. du N. de la France, 1889. (4) Troupeau P. : Des Acar. de la farine. Bull. de la Soc. d’ét. scient. d'Angers (1878). 458 R. MONIEZ et le prit comme type d’un nouveau genre: il l’appela Chortoglyphus nudus (1); le genre et l'espèce de BEeRLEsE furent ensuite adoptés par CANESTRINI, qui en trouva, à Padoue, un unique individu sur des excréments de Lapin (2). Il est évident d'après le relevé de ces divers documents, que le nom donné par Troupeau à cet animal, doit avoir la priorité sur celui. de BERLESE, et comme le genre Chortoglyphus est parfaitement justifié par les caractères que nous allons rappeler, l’Acarien décrit par TROUPEAU doit s'appeler Chortoglyphus arcuatus. Les dessins laissés par l'observateur français sont très insuffisants, à la vérité, mais la longue description qu’il donne de son Tyroglyphe ne permet pas de douter un instant de l'identification que nous venons d'admettre. En effet, l'absence de tous poils sur le corps, la remarquable résistance des téguments, la réduction des épimères postérieurs, l’écarte- ment des deux groupes de pattes, l’éperon robuste des tarses, la longue soie des pattes antérieures (figurée, mais non décrite par Troupeau), les caractères spéciaux de la caroncule qui termine les tarses et leur très petit ongle, l’absence des ventouses copulatrices qui accompagnent l'appareil mâle chez les autres Tyroglyphes, la forte courbure de l’arc chitineux de la vulve (d’où Troupeau a tiré le nom spécifique de son Acarien), l’absence des soies qui, dans les formes voisines, protèscent les organes génitaux, la situation de la fente anale, sont toutes particularités absolument caractéristiques de l’animal étudié par BEeRLESE et toutes sont très clairement indiquées par TROUPEAU. Je n’ai observé qu’une seule fois cet animal, dans de la vieille farine, piquée par l'humidité et qui provenait de l'Hôpital militaire de Lille. En dehors de notre pays, on ne l’a encore trouvé qu’en Italie. Glyeyphagus domestieus de GÉER (Gl. cursor, GERv., Fum. et Ro). Les Glycyphages, qui se distinguent à première vue des Tyro- J -Y E ? e) glyphes par les poils du corps plumeux ou palmés, sont encore des animaux qu'on peut parfois rencontrer par milliards, vivant aux 1) BerLese : Ac., Myr. et Scorp. hucusque in Italia reperta, fase. XIV, n° 4. 2) CanesrriNi G, : Prospetto dell’ Acarofauna italiana, t. III (1868), p. 398. ( Tu RE er er" Po ty NOTES SUR QUELQUES ESPÈCES DE TYROGLYPHIDES 459 dépens de matières organiques altérées (1). C’est ainsi que nous avons observé des préparations anatomiques couvertes de Gl. domesticus et d'innombrables individus de la même espèce, sur du lard oublié dans une cave ; nous l’avons aussi trouvé en quantité dans les poussières du magasin au blé de la ville de Lille. Après FuMouze et RoBiN, nous avons aussi souvent observé cette espèce dans des Cantharides con- servées dans les officines. Au reste, c’est une forme très commune qu'on rencontre aussi sur les fruits desséchés, dans la farine, dans le foin, etc. etc. C'est cette espèce qui est figurée dans plusieurs traités français de micrographie, ou ouvrages traitant de falsifications, etc., sous le nom de Zyroglyphus farinæ ; il est curieux de voir cette erreur se répéter d’un livre à l’autre. Glycyphagus spinipes Kocx.. C'est encore une espèce commune, qui est fréquente dans le foin, mais nous ne l’avons trouvée en abondance que dans les magasins de tabac de Lille ; là elle se montre tous les ans en quantité incal- culable, en compagnie de quelques autres espèces d’Acariens. Je l’ai vue aussi abondamment sur des emplâtres de Cantharides, que m'a remis obligeamment M. le pharmacien militaire en chef DEBray, à Lille. Glycyphagus ornatus KRAMER (2) a décrit sous ce nom une espèce qui ne semble pas identique à celle qui a été figurée par BERLESE (3); quoiqu'il en soit, il semble que l’espèce de BERLESsE soit bien celle qui avait été antérieurement désignée par TRouPEAU (4) comme trouvée dans la farine, mais que cet auteur n'avait pas dénommée. Nous avons trouvé le même animal, représenté par un petit nombre d'individus, dans de la farine de lin altérée. (4) MéGniN a vu des Glycyphages par milliards dans les ateliers de confection de produits alimentaires à Paris; un magasin de crin et de soies de porc était envahi par la même espèce, à Beauvais. Observations anat. et physiol. sur les Glycyphagus cursor et spinipes. Journ. de l’Anat. et de la Phys., t. 25 (1889), p. 106. (2) KraAMER P.: Ub. Milben, 5, Glycyp. ornatus. Zeitsch. f, die Ges. Naturw. 3e s., t. 6 (1881), pl. 4, fig. 1-3. (3) BeRLESsE : Ac., Myriop. et Scorp. etc., fase. 29, n° 3. (4) Troupeau : Des Acar. de la farine «2° espèce de Glycyphagus, » fig. 17 (1878). 460 LA CHENILLE \ DU NEURONIA (HELIOPHOBUS) POPULARIS dans les environs d'Avesnes en 1894, ses dégäls, ses ennemis naturels, moyens employés pour la détruire PAR R. MONIEZ. Professeur à la Faculté de Médecine de Lille Les différents journaux du département du Nord signalaient cette année, vers la fin de mai, l'apparition en masse d’une chenille qui, depuis quelque temps, dévastait les pâturages dans l’arron- dissement d’Avesnes et dans la partie voisine du département de l'Aisne : les dégâts s'étendaient sur 200 hectares environ, appar- tenant aux communes de Cartignies, Beaurepaire et Fontenelle. Les chenilles se montraient là en quantité énorme ; souvent elles for- maieut des bandes envahissantes de 41 à 2 m. de large sur 100, 450 mèt. et plus de longueur. Ces hordes, en quête de nourriture, parties des points où elles s'étaient développées et où elles avaient détruit toute l'herbe, respectant les autres végétaux, se compor- taient absolument comme les bandes de Sauterelles ou de Lemmings, marchant droit devant elles, les plus affamées se faisant un chemin du corps des autres, pour arriver plus vite à trouver des gramens, de facon que, en certains points de la troupe, en avant surtout, les chenilles superposées arrivaient, dit-on, à former une épaisseur de 5 centimèties. Naturellement, les prés étaient dévastés après leur passage et toute l’herbe avait disparu. En d’autres points, on ne constatait pas la présence de bandes semblables, à la vérité, mais l'herbe n’en était pas moins détruite et l’on pouvait ramasser sur un espace d’un décimètre carré jusque 25 et 30 de ces mêmes chenilles. LA CHENILLE DU WNEURONIA (HELIOPHOBUS) POPULARIS. AGA Les cultivateurs de la région étaient fort alarmés de cet état de . choses, et l’un d’eux, qui s’est particulièrement et fort intelligem- ment occupé. de la question, M. Achille LouviGneEs, de Beaurepaire, prévenait de suite la Société d’agriculture d’Avesnes de l'existence du fléau ; c’est ce qui amena bientôt sur Jes lieux, entr'autres personnes compétentes, M. Comon, professeur départemental d’agri- culture. | M. Como préconisa, pour se défendre contre les chenilles, difié- rents moyens sur lesquels nous revenons plus loin et déclara qu’on avait affaire au Bombyx processionnea, se basant sans doute unique- ment sur le fait que la chenille s’observait souvent en troupes. Mais la larve du Bombyx processionnea est une chenille bien connue, qu'on ne peut confondre un instant avec celle du Neuronia popularis : ses mœurs sont de tous points différentes et les longs poils urticants qui recouvrent la chenille processionnaire et la rendent aussi intéressante pour le médecin que pour les forestiers, ne permettent pas un seul instant qu'on la confonde avec l’espèce qui nous occupe. Le seul point commun (?) est l'attroupement, mais il ne se produit pas de la même façon et, pour le Neuronia popularis, il est accidentel et non pas normal, comme pour le Bombyx processionnea. Aussi des doutes s’élevèrent-ils immédiatement au sujet de la détermination de M. Comox ; on songea d'abord, dans le pays, à la chenille de l’Agrotis segetum, dont les dimensions, la couleur et le genre de vie ne sont pas sans analogie avec l’espèce qui nous occupe et dont les ravages étaient encore présents à l’esprit de plusieurs (1), (1) L’Agrotis segetum est encore une espèce nuisible, très commune dans notre pays où on Jui donne communément le nom de ver gris; elle s'attaque à toutes sortes de plantes dans les jardins et principalement aux betteraves dans les champs. En certaines années, quand les conditions qui favorisent le mieux son développement ont été réalisées, elle se multiplie tellement, qu'elle peut détruire ou compromettre les récoltes. Rappelons, pour ne citer qu’un exemple intéressant notre pays, le désastre qui, en 1865, frappa les récoltes de betteraves dans les arrondissements de Cambrai, Douai, Valenciennes : en certains champs ces plantes étaient absolument disparues, mais presque partout ailleurs, on trouvait une quantité considérable de chenilles, au collet de chaque betterave sans aucune exception. Quand la nourriture leur faisait défaut, ces animaux émigraient, parfois à de grandes distances, pour atteindre des champs moins dévastés, qu'ils avaient vite fait d’anéantir. M. Emile BLancuarn a publié sur ce fléau une très intéressante étude : BLaxcuarp (E.) Des ravages occa- sionnés aux betteraves par la Noctuelle des moissons (Noclua segetum) dans le Nord de la France et en particulier dans l'arrondissement de Valenciennes. Revue des cours scientifiques de la France et de l'étranger, t. 2, p. 680, 462 R. MONIEZ mais il fallut abandonner cette hypothèse. Différents entomologistes furent consultés, dont les opinions, assez vagues, ont été résumées dans le journal La Frontière (de Maubeuge), n° du 3 juin 1894. Mais la rectification de l’erreur commise et la détermination précise de la chenille malfaisante, se firent bien vite : dans la séance du 23 mai, M. MarcaL déclarait à la Société entomologique de France qu’il s'agissait bien de Neuronia popularis, en même temps qu'un interview dans le journal lillois, le Progrès du Nord (28 mai) me faisait faire la même détermination et annoncer, de par l'inspection des chenilles, que leurs dégâts allaient cesser, le moment de la chrysa- lidation étant très proche. J'avais reçu, quelques jours auparavant, en effet, des échantillons de ces animaux que j'avais pu étudier, grâce à l’obligeance de M. HeucziN, pharmacien au Nouvion et ancien élève de la Faculté. L'on avait dit aussi que plusieurs chenilles concouraient à dé- vaster les prairies attaquées ; on incrimina même le Charæas gra- minis, espèce très-connue comme fort nuisible dans les pays du Nord de l’Europe, mais il fut reconnu que les chenilles attribuées à cette seconde espèce, correspondaient simplement à une phase du dévelop- pement de Neuronia popularis et ne caractérisaient pas une espèce différente ; plusieurs correspondants m'envoyèrent même, comme chenilles, de nombreux individus de la larve du Tipula oleracea, très commune en temps ordinaire, Comme chacun sait, dans les prés et les jardins, où elle est fort nuisible; mais il est certain que la cause du fléau était uniquement le Neuronia popularis. Il Les difficultés que peut présenter la détermination de la che- nille qui nous occupe , nous engagent à nous arrêter un instant sur ses principaux Caractères et à la comparer aux formes, en petit nombre, avec lesquelles on peut la confondre et pour lesquelles, sans doute, on l’a prise plus d'une fois, d'autant que, au cours de l'invasion qui fait l’objet de ce travail, on a cru à plusieurs reprises que deux espèces distinctes, Neuronia popularis et Charæas graminis, contribuaient à produire les dégâts. La chenille du Neuronia popularis Fa. est en effet difficile à distinguer, à l’état adulte, de celle de deux autres espèces du N. de l'Europe, Luperina cespitis Dur. et Charæas graminis L., et il faut avoir Lo à 2 — LA CHENILLE DU WEURONIA (HELIOPHOBUS) POPULARIS. 463 les trois chenilles sous les yeux, comme nous les avons, au reste, dans notre collection, pour se rendre compte des difficultés grandes que peut présenter leur détermination, et cependant, les papillons que donnent ces trois formes présentent entre eux des différences bien tranchées; c’est pourtant à l’état larvaire, sous la forme de chenilles, que ces animaux attirent l'attention par les dégâts qu'ils commettent, aussi la confusion a-t-elle dû être souvent faite entre eux à cette période. Les chenilles de ces trois espèces ont en effet le corps de même forme, épais, cylindrique, plus gros vers le milieu , avec des téguments luisants, de couleur brune plus ou moins foncée, marqués de bandes longitudinales de même teinte gris-Jaunâtre — pour ne citer que les caractères les plus saillants — ; quand on les irrite, elles rapprochent brusquement les deux extré- mités du corps, en prenant la configuration d’un anneau. De plus leurs habitudes sont identiques: elles vivent aux dépens des Grami- nées, ne montrant guère de préférence qu’en choisissant plutôt les espèces glabres et dures, que les espèces velues; elles cessent de manger en été, senfoncent dans le sol où elles se creusent une chambre de forme ovale, pour s’abriter pendant tout le temps que dure la phase de chrysalide: les papillons apparaissent à la fin de l’été ou au commencement de l’automne (1). Mais un examen attentif permet de distinguer les unes des autres les chenilles de ces trois espèces et, si nous laissons de côté les différences que présentent ces larves lorsqu'elles sont encore jeunes, pour retenir seulement les particularités les plus saillantes qu’elles montrent lors de leur complet développement, nous voyons qu’à l’âge adulte elles diffèrent d’abord par la taille, et par la grosseur qui est proportionnée à la taille: ainsi, 11 chenille du Neuronia popularis mesure alors 0® 044, celle du £L. cespitis On O4 et celle du Charæas graminis 0® 037. Les marques du corps donnent des caractères plus accentués que la taille : c’est ainsi que les N. popularis et Ch. graminis présentent une raie étroite, bordée de brun, qui court entre la large raie laté- rale et la bande subspiraculaire ; on: observe dans le même point chez la N. cespitis, non plus une, mais trois raies irrégulières, un (4) Bucxkzer W. The larvæ of the british Butterflies and Moths, vol. IV (London 4891). | Le V, | An L À A Rp TA ; 4 ET 15 L'SENTIE 466 Re MONIEZ. Les trois espèces dont nous venons de donner les caractères dif- férentiels à l’état larvaire, ne sont pas inscrits dans les catalogues des Lépidoptères du Nord de la Frauce jusqu'ici publiés (1), ce qui n'a pas empêché l’une d'elles, comme on vient de voir, de sy montrer en telle abondance, qu’elle a constitué un vrai fléau, mais le Neuronia popularis, et c'est une indication qui a échappé aux naturalistes qui se sont occupés de nos Lépidoptères, avait déjà été trouvé dans notre pays, et Duponcxez l'y indique positivement (2). Il n’y aurait rien de surprenant à ce qu'on y trouve également les deux autres, qui sont des espèces françaises, trouvées aux environs de Paris et qu’on rencontre en Belgique comme en Angleterre, pour ne citer que les pays rapprochés du nôtre. Il n’était donc pas inutile de pouvoir distinguer leurs chenilles les unes des autres. III Les diflérents savants qui, à propos de l'invasion actuelle, se sont occupés du Neuronia popularis (3) se sont bornés à citer les exem- ples classiques relatés dans les publications de BREHM ou d'ORMEROD et qui ont trait au Charæas graminis, espèce qui a été le plus souvent observée et qui plus d’une fois, peut-être, a été chargée des méfaits des formes voisines : on a cité les invasions des régions infé- rieures du Weser au siècle dernier, du Harz, des environs de Brême, du Cumberland, au commencement de ce siècle, et, il y a une dizaine d'années, celles des comtés de Glamorgan et de Selkirk, ces deux der- nières étant rapportées avec détail par ORMEROD (#4). t. 8, 1875, p. 110. — Parker. E. C. Whereabouts of the specimen of L. unipuncta ib. p. 228. — Baxkes E. R. Leucania extranea GUN. (— unipuncta HAw.) in the isle of Purbeck, The Ent. Month. Mag. 2 s. t.3 (1892), p.48. Ces indications montrent que c’est donc bien à tort que certains auteurs disent que cetteespèce extrêmement nuisible, n'a pas encore été trouvée en Europe (v. BARRAL et SAGNIER, Dict. d'agriculture art. Noctuelles). (4) Le Roï, G. Catalogue des Lépidoptères du département du Nord, Mém. de la Soc des Sc., de l’Agric. et des Arts de Lille, 4 s., t. 1 (1876), et Foucarr A. Cat. méthod. et raisonné des Lépidopt. des envir. de Douai. Mém. de la Société d’Agri- cult, de Douai (1875). (2) Diet. univ. d'Hist. nat., rédigé par d'ORBIGNY, art, Heliophobus. (3) Expliquons la double appellation générique de l’animal qui nous occupe : le nom de Neuronia lui fut donné en 1816 par HüBner, qui le retirait du genre Noetua ; le même nom fut appliqué, à toit, par Leacx, en 1837, à un Névroptère; c’est Bairp qui, en 1829, sans nécessité, appela notre espèce Heliophobus ; on s'accorde généralement à maintenir pour cet animal le nom plus ancien de Neuronia. (4) ORmEeron. E. A, 4 manual of injurious Insects, 2° édit. (1820), p. 58. LA CHENILLE DU NEURONIA (HELIOPHOBUS) POPULARIS. 467 Il en existe d’autres, car la littérature entomologique est assez riche en documents sur cette espèce nuisible; nous nous bornerons à en citer deux, parmi ceux que nous avons relevés, parce qu'ils nous paraissent particulièrement intéressants et qu’ils sont moins connus. Au reste cette année même (1894) la chenille du Charwas qra- minis a causé des ravages considérables en diverses localités du $S. de l’Ecosse (1). Voici les deux exemples auxquels nous venons de faire allusion : Le premier est rapporté par WaiLes (2) : quoique, dit-il, les dégâts causés par cet animal dans notre île, ne soient pas comparables aux ravages qu’il commet en Suède, ils peuvent être très marqués cependant, quand les conditions qui s'opposent à sa trop grande multiplication ne sont pas réalisées : ainsi, vers 1824, au commencement de l'été, on pouvait voir de la ville de Keswick, les pâturages de la montagne de Skiddaw, sur au moins 50 âcres, devenir comme grillés et la démarcation était si tranchée avec les parties non atteintes, que la progression de la marche des larves pouvait être aisément suivie du bas de la montagne. Ce n’était pas seulement le changement de coloration des pâturages qui attirait l’attention des gens de Kes- wick : de puissants vols de Freux attirés sans doute par l’abondance de nourriture que leur fournissaient les larves, gagnaient chaque matin l’endroit dévasté et ne repartaient que le soir, s’élevant d’abord en nuage épais, pour se disperser dans les diverses directions. La végé- tation fut si complètement détruite dans cette localité que 5 ou 6 ans après, les endroits attaqués étaient encore marqués, comme s'ils avaient subi les effets d’un incendie. On constata, par parenthèse, que la qualité du gazon était améliorée (3). (1) Ormerop El, Abundance, of caterpillars of the Antler Moth, in the South of Seotland: l'auteur y relate en particulier d'intéressantes observations du prof. R. WALLACE, d'Edimbourg. The Entom. Monthi. Magaz. 2 s.,t.1, p. 169. (2) Wauzes G. Notice of the habits of Charæas graminis. The Entomological Magazine, t. 1 (1833), p. 199. (3) Le Charœæas grarinis n’est pourtant pas habituellement très commun dans le pays. L'auteur dont nous venons de résumer quelques lignes, raconte qu'il n'avait pris jusque-là que un ou deux individus adultes de cette espèce; quand, un jour du mois d’août, près de Meldon Park, il en vit, de grand matin, des myriades d'individus voltigeant dans un pré; quelques heures après, le vent ayant changé, il n’en trouva plus un seul, — La bande, aidée dans son vol par le vent, était sans doute aliée pondre plus loin, réservant pour le printemps suivant, dans une localité peut-être éloignée, des dégàts inattendus, 466 R. MONIEZ. Les trois espèces dont nous venons de donner les caractères dif- férentiels à l’état larvaire, ne sont pas inscrits dans les catalogues des Lépidoptères du Nord de la France jusqu'ici publiés (1), ce qui n'a pas empêché l’une d'elles, comme on vient de voir, de s'y. montrer en telle abondance, qu’elle a constitué un vrai fléau, mais le Neuronia popularis, et c'est une indication qui a échappé aux naturalistes qui se sont occupés de nos Lépidoptères, avait déjà été trouvé dans notre pays, et Duponcnez l'y indique positivement (2). Il n’y aurait rien de surprenant à ce qu'on y trouve également les deux autres, qui sont des espèces françaises, trouvées aux environs de Paris et qu’on rencontre en Belgique comme en Angleterre, pour ne citer que les pays rapprochés du nôtre. Il n’était donc pas inutile de pouvoir distinguer leurs chenilles les unes des autres. III Les diflérents savants qui, à propos de l'invasion actuelle, se sont occupés du Neuronia popularis (3) se sont bornés à citer les exem- ples classiques relatés dans les publications de BREHM ou d'ORMEROD et qui ont trait au Charœas graminis, espèce qui a été le plus souvent observée et qui plus d’une fois, peut-être, a été chargée des méfaits des formes voisines : on a cité les invasions des régions infé- rieures du Weser au siècle dernier, du Harz, des environs de Brême, du Cumberland, au commencement de ce siècle, et, il y a une dizaine d'années, celles des comtés de Glamorgan et de Selkirk, ces deux der- nières étant rapportées avec détail par ORMEROD (4). t. 8,1875, p. 110. — Parker. E. C. Whereabouts of the specimen of L. unipuncta ib. p. 228. — Bankes E. R. Leucania extranea GuÉN. (— unipuncta HAw.) in the isle of Purbeck, The Ent. Month. Mag. 2 s. t. 3 (1892), p.48. Ces indications montrent que c’est donc bien à tort que certains auteurs disent que cetteespèce extrêmement nuisible, n'a pas encore été trouvée en Europe (v. BARRAL et SAGNIER, Dict. d'agriculture art. Noctuelles). (4) Le Rotï, G. Catalogue des Lépidoptères du département du Nord, Mém. de la Soc des Sc., de l’Agric. et des Arts de Lille, 4 s., t. 14 (1876), et Foucarr A. Cat. méthod, et raisonné des Lépidopt. des envir. de Douai. Mëém. de la Société d’Agri- cult, de Douai (1875). (2) Dict. univ. d'Hist. nat., rédigé par d'ORBIGNY, art, Heliophobus. (3) Expliquons la double appellation générique de l'animal qui nous occupe : le nom de Neuronia lui fut donné en 1816 par HüBNER, qui le retirait du genre Noetua ; le même nom fut appliqué, à tort, par Leacu, en 1837, à un Névroptère; c'est Bairp qui, en 1829, sans nécessité, appela notre espèce Heliophobus ; on s'accorde généralement à maintenir pour cet animal le nom plus ancien de Neuronia. (4) ORmEroD. E. A, 4 manual of injurious Insects, 2° édit. (18€0), p. 58. LA CHENILLE DU WNEURONIA (HELIOPHOBUS) POPULARIS. 467 Il en existe d’autres, car la littérature entomologique est assez riche en documents sur cette espèce nuisible; nous nous bornerons à en citer deux, parmi ceux que nous avons relevés, parce qu'ils nous paraissent particulièrement intéressants et qu’ils sont moins connus. Au reste cette année même (1894) la chenille du Charæas qra- minis a causé des ravages considérables en diverses localités du S. de lEcosse (1). Voici les deux exemples auxquels nous venons de faire allusion : Le premier est rapporté par Waices (2): quoique, dit-il, les dégâts causés par cet animal dans notre île, ne soient pas comparables aux ravages qu’il commet en Suède, ils peuvent être très marqués cependant, quand les conditions qui s'opposent à sa trop grande multiplication ne sont pas réalisées : ainsi, vers 182%, au commencement de l'été, on pouvait voir de la ville de Keswick, les pâturages de la montagne de Skiddaw, sur au moins 50 âcres, devenir comme grillés et la démarcation était si tranchée avec les parties non atteintes, que la progression de la marche des larves pouvait être aisément suivie du bas de la montagne. Ce n’était pas seulement le changement de coloration des pâturages qui attirait l'attention des gens de Kes- wick : de puissants vols de Freux attirés sans doute par l'abondance de nourriture que leur fournissaient les larves, gagnaient chaque matin l'endroit dévasté et ne repartaient que le soir, s’élevant d’abord en nuage épais, pour se disperser dans les diverses directions. La végé- tation fut si complètement détruite dans cette localité que 5 ou 6 ans après, les endroits attaqués étaient encore marqués, comme s'ils avaient subi les effets d’un incendie. On constata, par parenthèse, que la qualité du gazon était améliorée (3). (1) Ormerop El, Abundance, of caterpillars of the Antler Moth, in the South of Scotland: l'auteur y relate en particulier d'intéressantes observations du prof. R. WALLACE, d'Edimbourg. The Entom. Monthl. Magaz. 2 s.,t.1, p. 169. (2) Waices G. Notice of the habits of Charæas graminis. The Entomological Magazine, t. 1 (1833), p. 199. (3) Le Charæas grarninis n’est pourtant pas habituellement très commun dans le pays. L'auteur dont nous venons de résumer quelques lignes, raconte qu'il n'avait pris jusque-là que un ou deux individus adultes de cette espèce; quand, un jour du mois d’août, près de Meldon Park, il en vit, de grand matin, des myriades d'individus voltigeant dans un pré; quelques heures après, le vent ayant changé, il n'en trouva plus un seul, — La bande, aidée dans son vol par le vent, était sans doute allée pondre plus loin, réservant pour le printemps suivant, dans une localité peut-être éloignée, des dégàts inattendus, 468 R. MONIEZ Le Charœas aussi a ses parasites et c’est ce qui fait l'intérêt de la deuxième observation qué nous avons voulu relever. NéRen (1) a publié, en effet, au sujet du même Charæas, un travail qui peut se résumer ainsi : la chenille avait causé des ravages considérables, tant sur les près que sur les champs, près de Burträsk, dans le gouvernement de Vestrobothnie, où l’on avait constaté ce fait curieux, que nous connaissons déjà, sur la langue de terre qui sépare les lacs de Güllsjün et de Bygdeä-träsk, que les chenilles, après avoir détruit totalement la récolte, s'étaient, à la facon des Lemmings, dirigées droit dans le lac, où elles formaient une bande large d'un pied le long du rivage. Une centaine de chrysalides avaient été envoyées à l’auteur : trente-neuf ne donnèrent pas de papillons, mais bien des hyménoptères parasites (27 d et 12 @) appartenant à des espèces différentes des genres Pimpla et Ichneumon. De même que les années précédentes, le Pimpla arctica Zert. était le parasite le plus commun; venait ensuite un Ichneumon dont la femelle paraît identique avec L. gradarius Wesm., mais dont le d était différent ; il se développa en outre une © de l’Ichneumon sarcitorius 1. De ce grand nombre de parasites, NÉREN avait tiré la conclusion que les ravages de la chenille seraient nuls ou insignifiants au point de vue pratique : la prévision se montra justifiée (2). On peut se demander maintenant si on a déjà signalé, du fait de la chenille du Neuronia popularis, des dégâts analogues à ceux que nous venons de rapporter. A la vérité, si on s’en tient à la déter- mination rigoureuse de l'espèce, il faut reconnaître que la science possède fort peu de documents de cette nature, mais, comme nous l’avons dit, des espèces voisines qui ont exactement le même genre de vie et dont la livrée est assez semblable pour qu’on ait pu les confondre avec notre MNeuronia, ont été souvent signalées comme détruisant les pâturages: il est fort possible que, dans plus d’un Ê cas, on ait attribué à d’autres, ce qui appartenait à celle-ci, de ; P | (4) Néren C. H. Yéterligare bidrag till künnedomen om Graäsflyet och dess Para- siter. Entomologisk Tidskrift, t. 7 (1886), p. 45, résumé en français, p. 133. (2) L'observation de NÉREN est particulièrement intéressante par les données qu’elle nous fournit sur les parasites du Charæas graminis. Jusqu'ici les trois espèces, plusieurs fois citées dans cette note pour la ressemblance qu'ont entre elles leurs chenilles, n’ont donné que peu de parasites, et la liste de BiGnEeLL (in BucxLer, loc. cil.) ne mentionne que Microplitis spinolæ de Luperina cespitis. LA CHENILLE DU NEURONIA (HELIOPHOBUS). POPULARIS. 469 sorte que la détermination exacte de l'espèce offre beaucoup d'intérêt dans le cas actuel. Nous avons néanmoins relevé l’obser- vation suivante, faite dans le Lancashire et relative au Neuronia popularis; nous la transcrivons ici même, la Revue dans laquelle elle à été publiée étant peu répandue (1) : A PLAGUE of Heliophobus popularis. — A correspondent at Clitheroe writes : — ‘“ Great commotion prevails in Clitheroe and the towns surrounding the famous Pendle Hill, in consequence of an extraordinary phenomenon. The cause of the excitement is the arrival of a huge quantity of insects which occupy the ground from Wiswel to Mearley, near Pendle Hill, a distance of about three miles. They travel together in thousands at a good speed, and devastate the land over which they pass to an alarming extent. The immates of a roadside inn are kept conti- nually at work brushing them out of the house. The road is almost black with the insects, which are of a strange kind, being about an inch long and of a dark colour. Hundreds of persons are continually going to view them, and numbers of the insects are exhibited in the shop windows.” Through the kindness of Rev. Edwd. Boden, of Clitheroe, we have received two specimens of the insect referred to above, which are evidently the larvæ of Heliophobus popularis. Their occurrence in such numbers is most extraordinary, and we should think quite unprecedented in this country. Another species similar in habit, Charaeas graminis, often causes great destruction in Sweden, laying waste the meadows and annihilating the hay crops; ani several occurences of almost equal destructiveness by this insect in our own country are also on record. We should not be surprised if many, probably most, of these Clitheroe larvæ prove to be the latter species ; and they may also include a third species of similar habits, namely Luperina cespitis — Eps. Nat. IV On n’avait signalé jusqu'ici, que je sache, aucun parasite du Neuronit popularis, aussi les observations qui suivent sont-elles importantes au point de vue de la déstruction naturelle de cette espèce nuisible : M. LOUVIGNIES m'a envoyé un certain nombre de Ébèniles piquées par des Insectes et qui revètaient les caractères très particuliers que nous allons dire; plusieurs individus, parmi les chenilles vivantes que j'ai reçues de divers côtés, se sont aussi révélées comme atteintes de la même façon : une seule s’est comportée à la façon dont se comportent d'ordinaire les chenilles habitées par les larves de Tachina, mais malheureusement, celle-ci s’est desséchée et je n'ai pu déterminer l'espèce dont elle provenait. (1) À Plague of Heliophobus popularis. The Naturalist, Journ. of the Yorksh. natural. Union, t. 6 (4881), p. 189. 470 R. MONIEZ J'ai été plus heureux pour les-autres qui, toutes, présentaient des caractères identiques et singuliers : après s'être d'abord rapetissées un peu à la fois et progressivement raccornies, elles finissaient par acquérir quelque ressemblance avec une chrysalide dont l'enveloppe serait très dure, dont une extrémité aurait pris la forme de cuiller, tandis que l’autre bout prenait l'aspect d’une calotte légèrement enfoncée dans la momie; l'animal perdait ainsi à peu près la moitié de ses dimensions primitives. Il faut noter expressément que la chry- salidation n’a pas lieu, toutefois, dans ces circonstances, que l'on peut retrouver, avec quelque attention, sur ces téguments durcis, tous les dessins de la peau de la chenille et que l'extrémité en forme de cuiller est manifestement l'extrémité postérieure de l’animal, dont la tête recroquevillée dans les tissus, forme l'espèce de calotte terminale. À l’intérieur de cette sorte de momie, on trouve une coque de soie résistante, qui en occupe à peu près la moitié et qui abrite une grosse larve blanche, plus tard colorée en jaune, toujours seule, très molle, inerte, glabre, au corps très finement chagriné. Quand le parasite est complètement développé, il s'échappe par une ouverture qu’il perce à la partie supérieure et postérieure de son hôte. Tous ces caractères pris par la chenille du Neuronia popularis infestée par le parasite que nous venons de décrire très sommai- rement, ceux de la coque de soie tissée, et même l'emplacement du trou par lequel il s'échappe, sont très exactement ceux qui sont assignés par les entomologistes aux diverses espèces de chenilles atta- quées par les Hyménoptères Braconides du genre Rhogas (1) et ces curieuses particularités sont caractéristiques du genre, aussi en cons- tatant ces faits n’avais-je pas hésité à considérer mes parasites commme appartenant au genre Rhogas. Une note lue à la Société ento- mologique de France , séance du 11 juillet, par laquelle je faisais connaître ma détermination du parasite, maintepait toutefois cette réserve que les hôtes de la chenille n’étaient pas encore éclos. | Grande fut ma surprise, quand je vis sortir de mes chenilles, des Hyménoptères sans ailes, très agiles, ayant l’allure générale d’une fourmi et que je ne pouvais rapporter au genre Rhogas, ni même (4) Cf. BreuMs: Thierleben, Wirbellose Thiere, t. 1, p. 310, et MarsHaLL T. A. : Monograh of British Braconidæ (1855), p. 87. LA CHENILLE DU NEURONIA (HELIOPHOBUS POPULARIS. 471 à aucun genre de la tribu des Rhogadides : contrairement aux espèces de ce groupe, ils avaient cinq articles aux palpes maxillaires, l’abdomen était très manifestement pédiculé et ses segments avaient à peu près la même largeur. Ce n'étaient même point des Bra- conides de par l'indépendance des anneaux 2 et 3 de l’abdomen j'avais donc affaire à un Ichneumonide et, l’animal étant aptère, je fus conduit à soupçonner le parasite du Neuronia popularis, comme appartenant au groupe si intéressant des Pezomachides, dans lequel sont compris presque tous les Ichneumonides vrais, dépourvus d’ailes; un examen plus attentif me montra qu'il s'agissait bien d’un Pezo- machus et quoique la détermination des espèces extrêmement nom- breuses de ce genre soit fort difficile, je pus classer mon parasite sous le nom de Pezomachus insolens Fôrsrer (1), dont il diffère seulement par une taille un peu supérieure (5 mill. au lieu de 4 1. 1/2.) (2). Les espèces de la tribu des Pezomachides dont le genre de vie est bien connu, sont jusqu'ici peu nombreuses : elles vivent soit aux dépens d'Hyménoptères qui vivent eux-mêmes en parasites (3), soit comme parasites directs d’Insectes ou d’Arachnides (4). On en a indiqué plusieurs comme vivant aux dépens des chenilles de quelques Lépidoptères : tantôt il s’agit de Microlépidoptères, tantôt de Bomby- (1) Foersrer Arn.: Monographie der Gattung Pezomachus Gravenh., Arch. f. Na- turg., t. 16, p. 230 et t. 17. (2) Nous ajouterons quelques détails pour mieux caractériser notre Pezomachus : sa coloration est celle du P. insolens type, ses antennes formées de 25 articles mesurent un peu plus de 5 millimètres (soit à peu près la longueur du corps), les palpes maxillaires sont formés de 5 articles allongés, de même forme et de mème grosseur, sauf le dernier qui est ovale et plus long; les palpes labiaux sont de quatre articles, le dernier plus volumineux et en forme de couperet ; la plus grande hauteur du corps est de 1 millim 1/2; la tarière atteint à peine 4 millimètre. L'animal ne forme pas de coque dure et écailleuse, mais, après avoir rongé les viscères de la chenille, il se tisse une coque assez épaisse et résistante ; il n'existe à l’intérieur de la coque aucun débris d'insecte, ce qui démontre que celte enveloppe appartient bien au Pezomachus. (3) Comme Pezomachus latrator, parasite de Microgaster ordinarius,qui vit lui-même aux dépens du Gastropacha pini et plusieurs autres espèces qui vivent dans les cocons d’autres Microgasters. (4) Cf LABouLBÈNE A.: Liste des éclosions d'insectes observées par le D'GiraAup, recueillie et annotée, Ann. Soc. entom. de France, avril 1877. — FÔRSTER, loc. cit. — Some of the bred parasitic Hymenoptera in the national collection. Insect life, t, 2 et 3. — Howarp : The imported Gipsy Moth, Insect life, t. 2, p. 208. — BuckLer: The lareæ of the bristish Butterflies and Moths.— Briscuxe G. : Kürzere Mitheil, üb, die Gattung Pezomachus, Schrift. d. naturf. Gesell. in Danzig 1877 et 1878. — Diflérentes publications de J.-B. BrIDGMANN, etc. 472 R. MONIEZ cides, de Phalénides ou même de Noctuelles (1): il est probable que la liste des Pezomachides parasites s’enrichira au fur et à mesure que l'histoire de ces animaux sera mieux connue, mais, de toute façon, il ne s’agit pas ici d’un nouveau cas à ajouter aux précédents, car le Pezomachus insolens a été déjà signalé par ELLIOT comme parasite du Suturnia carpini (2); il faut noter que, dans ce travail, l’auteur anglais ne donne aucune indication particulière sur le Pezomachus et se contente de signaler son éclosion. Un fait important à noter c’est la fréquence, dans le pays d’Avesnes, des chenilles infestées par le Pezomachus; d'après les renseignements qui m'ont été donné par M. LouviGniss, la moitié environ de ces animaux étaient attaqués. C’est dire la grande quantité de Pezomachus qui se trouvent dans le pays, prêts, l’an prochain, pour la destruction des chenilles qui, vraisemblement, ne seront plus très abondantes. Pa Mais ce n’est pas seulement l'Insecte dont nous parlons qui s’en prend : à la chenille du Meuronia : nous devons encore lui signaler d’autres ennemis que nous avons observés à plusieurs reprises : d'abord un Champignon du genre Isaria, sans doute 1. farinosa, que nous étucions en ce moment. Enfin, nous avons remarqué que nombre de chenilles cessaient de : manger au bout de quelque temps et se mouvaient de moins en moins, qu'elles devenaient maigres, flasques et ne tardaient pas à. mourir, dans ce cas le sang était presque toujours devenu rou- geûtre, trouble et contenait des quantités considérables de bactéries. Je rapproche ces faits de ceux qui sont exposés dans le mémoire si intéressant et si suggestif, publié récemment par KRASILSHTSHIK (3). V Nous ajouterons maintenant quelques détails complémentaires à ceux qu'on a vus plus haut sur l'invasion des chenilles de Neuronia : elles résument les observations de plusieurs de mes correspondants, en particulier de M. LouviGNies, propriétaire à Beaurepaire, dont nous (1) Comme Stibeutes gracilis et Pezomachus minimus, chez Leucania unipuncta. (2) Ecuior À.: Destruction of Salurnia carpini by parasites, Ent. Monthl. Mag. vol. 19 (1883), p. 237. (3) KrasizsaTsuiKk J. : La graphitose et la septicémie chez les Insectes. Mém. Soc. zoolog. France, t. 6 (1893), p. 245. à LA CHENILLE DU NEURONIA (HELIOPHOBUS) POPULARIS. 473 4 avons été heureux de pouvoir citer le nom à plusieurs reprisés au cours de ce travail, et de M. Monter, instituteur à La Longueville, qui, avec beaucoup d'intelligence, a fait une enquête sur le fléau et m'a envoyé aussi de nombreux échantillons de la chenille. D'après les renseignements fournis par ces Messieurs, la Chenille n’a point attaqué les bons pâturages, mais ceux de médiocre qualité, surtout les prés situés à la lisière des bois ou établis sur des terrains récemment défrichés, comme l’a dit M. MarcaL (1); elles se plai- saient surtout dans les endroits riches en mousses, et on en trouvait surtout beaucoup sous ces petites plantes, où sans doute elles vont chercher abri. Les gramens seuls étaient attaqués, certains d’entre eux étaient simplement coupés au pied et dédaignés, d’autres étaient mangés (2). Les plantes praticoles appartenant aux autres familles, Chrysanthèmes, Pissenlits, Renoncules, Trèfles, etc., étaient respectées. _ Au début du fléau, les cultivateurs avaient remarqué çà et là dans les prés des points où l'herbe paraissait soufirir et était ensuite détruite : ces taches grandirent rapidement , entrèrent en confluence et bientôt, dans les prés en question, on trouvait des Chenilles partout, au point, avons-nous dit, de compter jusque 25 et 30 de ces animaux sur un .décimètre carré; les chenilles se trouvaient pendant le jour entre les racines, à une faible profondeur, mais n’endommageaient point celles-ci, contrairement à ce que disaient les journaux, et le gazon (1) La région envahie, dit M. MarcHaL, qui a passé quelques jours dans le pays dévasté , et a excellemment résumé ce qu'il a vu « constitue un foyer assez localisé, » embrassant quelques centaines d’hectares et correspondant à un plateau relativement » élevé pour Ja région (199 mèt.); ce plateau, boisé dans sa partie centrale, est, » pour le reste, formé des terrains connus dans le pays sous le nom de « Défrichés » »y à cause des bois qui les occupaient encore assez récemment. Ces bois se trouvent » actuellement remplacés par des prairies assez maigres, envahies par les mousses, et » ce sont elles qui sont aujourd’hui dévastées par les Chenilles ». MARCHAL P. : Note sur une invasion d’Heliophobus popularis dans le Nord de la France. Soc. ent. Fr., 13 juin 1894. (2) M. Monter a attiré mon attention sur la façon différente dont se comporte la chenille suivant l’espèce des Graminées et m'a envoyé des échantillons des plantes man- gées et des plantes simplement coupées ; les débris des premières m'ont paru appartenir surtout aux petites espèces du genre Festuca; parmi les autres j'ai reconnu Cynosurus cristatus, Lolium perenne, Anthoxanthum odoratum, Festuca elatior. — Buckeer dit que notre espèce, comme d'ailleurs Charæas graminis et Luperina cespitis « feed on grass, showiñg no decided preference beyond that of choosing the smooth and hard grasses rather than haïiry and woolly species. » Nous venons de nommer le ZLolium perenne comme une pl'nte que ne mange pas notre chenille et cependant on l’a nommée quelque- fois lolii, mais TASCHENBERG n'avait déjà pas réussi à nourrir ces animaux avec l’ivraie. 474 R. MONIEZ ne pouvait être arraché facilement (1). C'est de ces prairies ravagées que partaient bientôt ces hordes affamées, en quête de nourriture et qui frappèrent si vivement l'imagination des intéressés; c’est contre ces processions de chenilles, en masses compactes, sans symétrie, que furent dirigés les efforts des cultivateurs. Ils essayèrent contre ces bandes envahissantes, les produits les plus variés : soufre, sel, chaux, sulfure de carbone, sulfate de fer, sulfate d'ammoniaque (2), solutions de sublimé, essence de térébenthine, etc., mais il n’en résulta rien de pratique; le seul procédé qui réussit fut l'établissement de fossés au front des bandes de chenilles, et M. LouviGnies le préconisait dès le 45 mai (3). Ces fossés, aux parois verticales, avaient 0,20 de profondeur sur 0,15 de large, et certains cultivateurs les firent même beaucoup plus profonds : dans tous les cas, on creusait, de distance en distance, au fond des fossés, (1) Le gazon au reste développa vite de nouvelles feuilles. CHRÉTIEN, loc. cit., avait déjà fait justice de cette erreur et démontré que, contrairement à ce que l’on croyait, la chenille de l’Zeliophobus ne touchait pas aux racines des Graminées. (2) M. MarcuaL dit que le sulfate d'ammoniaque au 10°, en dissolution dans le purin, dilué et employé en arrosages pour les ilots infestés, a donné des résultats assez satisfai- sants. — L'action du purin peut, peut-être, à elle seule, expliquer cette observation. Le sulfate d’ammoniaque a aussi l'avantage d'agir comme un excellent engrais, — trop peu employé dans notre pays, — mais ilest vraisemblable que l'emploi des substances arse- nicales aurait une action plus sûre; quoiqu'il en soit, on a déjà conseillé l'emploi du purin contre les animaux nuisibles, et THALENBORST A. (Ueber Fang, Zucht u. Krankheiten der an Grüsern lebenden Noctuinen-Raupen, sowie üb. die von diesen Raupen angerichteten Verwüstungen, Verhandl. der wer. f. naturv. Unterhalt.zu Hamburg (1877), p. 212), recommande l’emploi du fumier et du purin comme le meilleur moyen de tuer infailliblement les chenilles, qui vivent dans le gazon, de même que les Vers blancs et autres larves nuisibles; ce genre de traitement a encore l'avantage de fumer la culture dévastée, Il est certain que ces sortes de produits, employés en abondance et à l’état liquide, tuent immédiatement les vers de terre, chenilles, larves de tipules, etc., dont on voit les cadavres, au bout de p°u de temps, à la surface du sol; j'en ai fait souvent l'observation sur le gazon de mon propre jardin. Ce moyen pourrait être mis en pratique et essayé l’an prochain, quand on verra apparaître sur les prés ces taches grandissantes, qui marquent l’attaque des chenilles, et d’où partent les bandes envahissantes dont nous avons parlé. (3) Ce procédé, qui est, sans contredit, le plus général et le plus efficace quand il s’agit de larves, émigrantes, a été usité dès longtemps et déjà, en 1865, dans notre pays, M. CRÉPIN-DELINSEL l'avait employé contre la chenille de Noctua segetum, qui ravageait les betteraves; «il avait fait pratiquer des rigoles larges d’environ 30 cent., » profondes d'environ {1 mètre, à parois bien perpendiculaires; dans ces rigoles, des millions de chenilles étaient venues tomber et s’entasser les unes sur les autres. Incapables de remonter le long des parois des rigoles, elles s’entre-dévoraient, » s'écrasaient par leur propre poids et périssaient, comme le témoignaient les exhalaisons répandues par leurs corps en putréfaction. » BLancHarb E., loc. cit., p. 686. ÿ LA CHENILLE DU WNEÆEURONIA (HELIOPHOBUS) POPULARIS. 475 des trous profonds. Les chenilles tombées dans le fossé par suite. de leur progression en ligne droite, ne pouvaient grimper sur les parois verticales, elles circulaient au fond du fossé et elles ne tardaient pas à tomber dans les trous. Quand les larves s'étaient amassées dans ces trous jusqu’à les remplir aux trois quarts, on versait sur eiles de l’eau bouillante, chauffée à proximité dans des chaudières, ou du pétrole auquel on mettait le feu; d’autres écrasaient les chenilles avec un fouloir, ou encore les enlevaient pour les noyer dans du purin, les utilisant ainsi comme engrais. On put de cette façon détruire des quantités considérables de ces larves et empêcher les bandes qu’elles formaient de passer plus loin. Les auteurs qui se sont occupés des ravages causés par les chenilles ont indiqué un autre genre de destruction par les animaux domestiques : poules et cochons, disent-ils, dévorent ces larves avec avidité : il faut donc établir des poulaillers roulants ou amener les cochons sur les points attaqués. Mais déjà, dans le travail plusieurs fois cité sur la chenille de Noctua segetum, sur le Ver gris, M. BLANCHARD avait noté que dans les environs de Valenciennes, où le premier de ces moyens’ avait été mis à l'essai, tout le monde était fixé à son égard : « les volailles, dit-il, dévorent les feuilles de betteraves en même temps que les chenilles. Celles qui ont mangé de trop grandes quantités de ces chenilles sont rendues malades et souvent ne tardent pas à périr ». La inème observation a été faite dans le pays d’Avesnes à propos de la chenille de Neuromia, et M. LouviGnies m'écrit que les poules qui mangeaient des quantités de cheniiles dépérissaient au bout de quinze jours et perdaient leurs plumes, de telle sorte qu’on cessa de leur donner ce genre de nourriture. Pour ce qui concerne les cochons, M. LouviGnies me dit aussi que ceux de ces animaux qui ont été nourris de chenilles ont contracté, au bout de dix à douze jours, une maladie de peau repoussante, semblable à ce que les cultivateurs du pays appellent une fripe, chez les chevaux et les chiens, aussi cessa-t-on également de leur faire ramasser les chenilles. Ces deux observations sont fort intéressantes et montrent qu'il ne faut pas songer à tirer un avantage sérieux de la chasse des chenilles par les animaux domestiques, auxquels on fait même 476 R. MONIEZ courir de graves dangers en suivant les conseils dont nous parlons plus haut. On a pensé, dans le pays d’Avesnes, à combattre aussi le Neuronia à l’état parfait, en allumant, à l’époque de l'apparition du papillon, des feux auxquels ces animaux, attirés par la lumière, viendraient se brüler. Il n’y a pas lieu, je pense, d’insister sur cette méthode qui est jugée depuis longtemps et qui a d’abord été appliquée pour détruire la pyrale de la vigne; sans doute on peut détruire ainsi des quantités considérables d'insectes, mais il y a des difficultés d’appli- cation presque insurmontables: les feux doivent être allumés pendant toute la durée de l’éclosion, et il faut les faire nombreux, ce qui est dispendieux ; ils ne donnent de résultats que par les nuits sans pluie et surtout, il faut que l'opération soit faite partout en même temps, sans quoi, comme les papillons, attirées par la lumière sont loin de se prendre tous au piège, on peut ne réussir qu'à faire venir de loin de nombreux papillons et autres insectes qui s’ins- tallent dans l'endroit qu’on a voulu protéger. C’est donc sur les chenilles qu'il faut agir et dès leur éclosion. % Il est assez surprenant que dans les conditions où s’est pro- : duite l’invasion du Neuronia, on n’ait pas songé à combattre les larves de cet animal par les préparations, arsenicales, qui convien- draient surtout dans les cas où l’on aperçoit dans les prairies les ilots attaqués par les chenilles; ce sont ces points qui doivent être tout particulièrement surveillés, car c’est de là que partiront les bandes émigrantes, et l’on possède, dans le procédé des fossés, un moyen suffisant pour détruire ces dernières. L'an passé OsBorN (1) recommandait, en effet, pour détruire les insectes ravageurs des prairies, en outre de l'emploi des pièges lumineux, l’application des composés arsenicaux. Ces produits, dont l'action insecticide est si remarquable et qui sont utilisés sur une grande échelle, particulièrement en Amérique (2), depuis de nom- breuses années, ne pourraient, pourtant sans doute, être employés (1) OsBorn, H. Methods of treating Insects affecting Grasses and Forage Plants Fith annual Meeting of the Association of Economic Entomologists (1893). (2) GizcerTe, C. P. The Arsenites and arsenical mixtures as insecticides. Fith ann. Meet. of the Associat. of Economic Entomologists (1893). LA CHENILLE DU NE£EURONIA (HELIOPHOBUS) POPULARIS. 477 sans faire courir de graves dangers aux bestiaux qui brouteraient, au bout de peu de temps, l'herbe ainsi traitée et c’est un point qu'il faudrait bien prendre garde d'oublier, à moins que l'expérience ne vienne montrer que cette crainte n'est pas fondée. On pourrait donc traiter les points d’une prairie qui commencent à être attaqués, par le Paris-green des auteurs américains (notre Vert de Scheele), par exemple : c’est le plus actif de tous les produits arsenicaux essayés (1) et il est vraisemblable que l’on arriverait ainsi à détruire rapide- ment les chenilles: on attendrait naturellement quelque temps avant de faire paître des bestiaux dans les prés traités par ce moyen (2). FA Disons pour terminer, car ces choses ne sauraient trop être répétées, que les cultivateurs ont quelque chose à faire pour empêcher le développement en masse de ces larves si nuisibles à l’agriculture et que souvent ils sont eux-mêmes la cause des dégâts dont ils souffrent. On détruit trop, sans raison, et, semble-t-il, uniquement pour le plaisir de détruire, les oiseaux et leurs nids, au lieu de leur accorder une énergique protection : les corvidés, les oiseaux de nuit, en particulier, sont souvent massacrés sans pitié — et pas seulement par les enfants — ; les chauve-souris, si utiles, les musaraignes et hérissons, sont très Al souvent tués aussitôt qu'ils se trouvent à la merci du paysan, de même pour les taupes; rien n’est plus absurde que cette inutile cruauté, car ces animaux sont les plus sûrs auxiliaires de l’agriculture; mais la campagne menée depuis si longtemps pour la protection des animaux utiles ne semble guère près de porter des fruits. (1) Ce produit, dont on vend des centaines de tonnes aux États-Unis, pour les besoins de l’agriculture, peut s’employer sec, avec différentes substances qui la divisent, cendres, plâtre, farine, etc., dans la proportion de 1 pour 25 à 100 de substance inerte. La farine a l’avantage de rendre le composé plus adhésif. D’autres produits, comme le pétrole, peuvent être joints dans le même but au composé arsenical. On peut aussi employer eette substance insecticide avec l'eau (500 gr. pour 200 à 450 litres d'eau). Le liquide doit être constamment brassé, Un peu de dextrine ou de substances analogues rend le produit plus adhérent. Un peu de chaux vive le rend inoffensif pour les végétaux les plus délicats. On projette le mélange sous forme de pluie; souvent l'effet ne se fait sentir que trois ou quatre jours après l’arrosage, (2) L'irrigation a pu être, dans certains cas, avantageusement employée en Amérique contre les chenilles de la ZLeucania unipuncta; on peut évidemment l'employer de préférence quand la chose est possible. LE, moi TUE SR CET Se 2 PULL, D when du Man y | +. à + 478 R. MONIEZ La prudence commanderait de faire grande attention aux prés ou champs sur lesquels on voit apparaitre tout à coup ces vols de noc- tuelles, qui ont été si souvent signalés : d'habitude les papillons s’abattent ainsi pour pondre et leur présence peut marquer les champs qui seront dévastés au printemps prochain ; les mesures à prendre découlent de tout ce que nous avons dit (1). Dans l’espèce il y a encore une indication à retenir ; il faut se garder de détruire, quand on les rencontre, les chenilles piquées par les Ichneumonides et dont l’aspect, décrit plus haut, est si caractéristique ; on ménagera ainsi, pour les années ultérieures, des adversaires de Neuronia ; l'on peut faire la même recommandation pour les chrysalides qui ont l'aspect moisi et qui ont été tuées, comme nous l'avons vu, par un champignon, dont il faut favoriser la dispersion des spores. (4) Pour ce qui concerne ia chenille de Nezuronia, disons, d’après BUCKLER, CHRÉTIEN, que le papillon pond environ 150 œufs en septembre; la femelle doit les perdre en volant; l'œuf reste à la surface du sol; il éclot en février sous l'influence d'une température de 10-12’ maintenue pendant quelques jours, la chenille qui subit cinq mues, passe la plus : grande partie de son existence au sommet des brins d'herbe, mais, quand elle a acquis une certaine grosseur, elle ne peut plus s’y maintenir et reste au milieu des touffes. La métamorphose a lieu ordinairement en juin, la chenille s'enfonce pour cela à quelques centimètres dans le sol, dans une sorte de chambre de forme ovale; le papillon éclot en août et septembre. Eu nd {5 Du 479 VARIÉTÉS QUELQUES RTHROPODES DE LA CROTTE DES FÉES Près la ville des Baux PAR R. MONIEZ, Professeur à la Faculté de médecine de Lille. Dans les premiers jours du mois d’août dernier, J'ai eu l’occasion de descendre, mais pour fort peu de temps, dans la grotte dite des Fées, située non loin des ruines si curieuses de l’ancienne ville des Baux, à 20 kilomètres d'Arles. Cette grotte a été explorée jadis par M. ABEILLE de PERRIN, qui y à observé plusieurs Arachnides (1). Des recherches méthodiques montreraient sans doute qu’elle ne le cède en rien comme faune, aux souterrains les plus riches de l'Amérique et il faut espérer que M. Nicozas, d'Avignon, qui y pratique des recherches depuis quelque temps, nous fera bientôt connaître le résultat de ses études. Nous ne saurions trop dire que, en dehors des Coléoptères, que l’on a surtout cherchés, les grottes de notre pays ont été jusqu'ici trop négligées par les entomologistes, et pourtant la faune des lieux obscurs est des plus intéressantes à tous égards. La note présente a pour but d'attirer de nouveau l'attention sur ce sujet. Nous laisserons de côté plusieurs espèces de Diptères, dont les larves vivent en abondance dans le guano formé par les nombreuses Chauves- Souris qui habitent la grotte, non plus que les différents Aranéides que nous avons observés et que nous n’avons pas déterminés ; plusieurs Lépidoptères, un Orneodes, un Catocala vivaient aussi dans la grotte des Fées, mais ils ne s’y trouvaient évidemment que d’une manière accidentelle et ne peuvent être comptés parmi les hôtes normaux des cavernes. Il ‘n’en est pas de même pour les trois espèces sui- vantes, que nous avons trouvées loin de l'entrée de la grotte, én des points que ces animaux, inaptes à une course suivie, n’ont pu gagner d'eux-mêmes et où ils ont dù naître par conséquent. (1) Bullet. des séances de la Soc. entom. de France, 24 nov. 1875, note de M.E,. Simox. et 480 R. MONIEZ 1° Gervaisia ecostata La première de ces trois espèces est certainement la plus intéres- sante : c'est le Gervaisia costata WAGa, très petit Myriapode voisin. des Glomeris, dont nous avons pris un unique exemplaire sur Îles parois de la caverne. Ce très curieux animal à été découvert, à. peu près en même temps, par Waca en Pologne et par HELLER, qui le recevait de quelques grottes de la Carniole et le dénom- mait Trachysphæra : Schmadtii. Plus tard, WanKez trouvait dans une grotte de Moravie, une forme voisine qu'il appelait Trachysphæra Hyrtlii, et que Joserx rencontrait aussi dans une grotte de Carniole: LATZEL, qui put observer de nombreux individus des deux types pro- venant de la Basse-Autriche, de Silésie, du Steiermark, de Hongrie de Carniole, etc., les réunit sous une même espèce, en en donnant une excellente étude. Enfin, BERLESE retrouva le mème animal en Italie. Les deux derniers auteurs ont rencontré le Gervaisia principalement dans l’humus, sous les feuilles, mousses, pierres, dans les troncs d'arbres pourris. C'est donc moins un Myriapode cavernicole qu’un animal lucifuge, qui, ainsi que beaucoup d’autres, recherche l'humidité. Ce type curieux n'avait pas encore été rencontré en France; l'individu observé, encore jeune et n'ayant que 12 paires de pattes, ne rentre pas exactement dans la caractéristique des trois variétés de l’espèce données par LaTzez: il n’a pas de côtes dorsales, comme la variété (Hyrtli) observée par Wanker, mais il porte sur les côtés de chaque anneau, vers leur partie antérieure, une sorte d’épaulette formée de tubercules : il est entièrement de couleur blanche (1). 2 Blaniulus pulchellus (K.; FEpr.). Une espèce de Blaniule, qui est au reste fort commune dans nos pays où elle est très nuisible, le Bl. quitulatus est aveugle et a été (1) Biecrocrapnie de Gervaisia costata : WaGa A.F. Gervaisia costata n. sp. Myriap. Ann. Soc. ent. France, 3° s. t. V, 1857, p. 829. — HezLer C. Beitr. 3. Osterreich. Grotten: Fauna, Sitz. d. K. Akad. math. naturw. (1857), p. 313. — WanKkeL H. Beitr. 3. Osterreich. Grotten-Fauna, ib. (1861;, p. 251. — Josepn G. Erfahr. im wiss. Samm. u. Beobach. d. d. Krainer Tropfsteingrotten eig. Arthropoden. Berlin. (882. — Larzez R, Die Myriopoden der üsterr-ungar. Monarchie, (1884), t. 2, p.84. — BERLESE A. Acari, = Myriap.,et Scorp. hucusque in Italia reperta, fase. 23, n° 7. QUELQUES ARTHROPODES DE LA GROTTE DES FÉES 481 citée comme un habitant des cavernes par Fanzaco (1) et par Eug. Simon (2); nous-même l’avons compté parmi les représentants de la faune souterraine à Lille (3); une seconde forme de ce genre peu nombreux en espèces, pourvue d’yeux, est indiquée comme vivant dans les vieilles souches, sous les feuilles en décomposition, elle n’a pas été souvent trouvée en France (4). Nous en avons observé un unique individu, qui courait sur le sol de la grotte des Fées. 3° Entomobrya bauciana. Cette espèce dont je n'ai également trouvé qu’un seul individu, a le corps entièrement blanc, mesurant à peu près { mill. 500 de longueur — sans l’appareil saltatoire ; les antennes atteignent 85 y de long : les deux derniers articles sont légèrement teintés de violet sur l'animal conservé dans l’alcool ; le quatrième segment abdominal mesure 630 y, alors que le troisième mesure 140 . La dent accessoire du mucron est rudimentaire, la dent terminale est mousse. L'ongle supérieur porte 3 dents aiguës. Le corps est recouvert de soies nombreuses et développées, barbelées ; les barbules sont surtout déve- loppées à l'extrémité du corps. Disons pour terminer que cette espèce n’est pas aveugle, mais présente deux plaques ocellifères très pigmentées et bien développées, avec de gros cristallins; un trait pigmenté réunit les deux yeux. L'absence d’yeux et de dents à l’ongle supérieur, différencient à première vue l’Entomobrya trouvée aux Baux, de celle qui a été décrite par PackxarD sous le nôm de Degeeria cavernarum (5) aussi (1) Fanzaco F. Sopra alc. Miriap. cavernicoli della Francia e della Spagna. Accad. dei Lincei (1877). (2) V. Gapeau DE KERvILLE. Myriapodes de Normandie, 2° liste, Bull. des Amis des Sc. nat, (1885).— BEpeL et Simon. Liste générale des animaux articulés cavernicoles de l'Europe. Journal de zool. de Gervais (1875), ont cité un Blaniule, voisin de B. guttulatus, trouvé dans la grotte de Saint-Bauzile-du-Putois (Hérault) et qui est peut-être le nôtre. Citons aussi R. SCHNEIDER, qui indique, dans les mines de Burgk, un Blaniule indéterminé (Amphibisches Leben in den Rhizomorphen bei Burgk (1886). (3) Moniez R. Faune des eaux souterraines du département du Nord, et en particulier de la ville de Lille. Appendice. Rev. biol. du N. de la France, 1889. (4) M. Gapeau DE KERVILLE dit en avoir trouvé un individu près de Rouen (Myria- podes de Normandie, 1'e liste, 1884). (5) Packard A. S. The cave fauna 0f North America National Acad. of Sciences, CAIN t60: 482 R. MONIEZ bien que de l'Heteromurus margaritarius, espèce très insuffisamment connue, que WanKkEL à indiquée comme vivant dans une grotte de Moravie (1). J'ai fait quelques réserves au sujet de la Degeeria caver- x harum à propos d’une Sira que j'ai trouvée l’année dernière dans la grotte de Dargilan (2). Je pense cetie espèce nouvelle, mais je ne puis me prononcer d'après un seul individu ; on pourrait l'appeler Æ. bauciana pour rappeler la ville près de laquelle je l’ai trouvée. (1) WaxkEL H. Beitr. z. dsterreichischen Grotten-fauna, Sitz. d. Akad. d. Wiss. z. Wien 1561, p. 251. (2) Moniez R, Espèces nouvelles de Thysanoures trouvées dans la grotte de Dar- gilan, Rev. biol. du N. de la France, t. 6. 483 FAUNE LOCALE SALAMANDRA MACULOSA M. de NorGuer, dans sa note sur les Reptiles du nord de la France (1), indique cet animal comme rare dans notre pays et cite seulement comme localités ou il à été trouvé, la forêt de Mormal et le mont Noir. Je puis citer plusieurs autres points du département où on le ren- contre : ainsi, je l'ai pris plusieurs fois aux environs de Frasnoy (près du Quesnoy) et une fois dans le pare du château de Montigny, près de Douai. A plusieurs reprises aussi, cette espèce a été trouvée par des étudiants dans les fortificaions de la ville de Lille et, tout récemment, M. H. CHARPENTIER, ingénieur, m'en apportait un nouvel individu pris à l'entrée du bois de Phalempin. D'après l'indication de ces localités, bien distantes les unes des autres, il n’est pas douteux que la Salamandre ne soit assez répandue dans le département du Nord. Si elle parait rare, c’est que cet animal, de mœurs nocturnes et qui se cache pendant le jour dans des galeries souterraines souvent très profondes, ne peut guère être rencontré, dans ces conditions, que tout à fait exceptionnellement. Dans un long mémoire consacré à cet animal, M. PARATRE (2) vient, précisément de montrer qu’on le considérait bien à tort comme rare aux environs de Paris et qu’il était facile de se convaincre de sa fréquence, en cherchant, non pas l’adulte, difficile à trouver à cause de ses mœurs, mais les larves qui vivent de préférence « dans les fontaines et pièces d’eau alimentées par les sources dont les eaux ont une température généralement constante, ou du moins suffisam- ment élevée en hiver, pour les préserver d’une complète congélation. » R. Montiez. (1) pe NorGuer A. Zoologie du Nord de la France — Reptiles, Bull. scient., hist. et littéraire du département du Nord, t. 3 (1871), p. 18. (2) ParATRE R. Notes sur la Salamandra maculosa, sa présence aux environs immédiats de Paris, remarques sur sa reproduction, époque de Sa parturilion, déve- loppement de la larve. Mém. Soc. Zool. de France, 1894. EC AR ANT Page 251, ligne 10, au lieu de « 2.000 kil.?, » lisez « 200 kil.2, » Page 282, au lieu de « anastomosés ou non avec les autres, » lisez & anasto- mosés ou non les uns avec les autres. » Page 381 et suivantes, au lieu de « canal cervical, » lisez « canal central. » Page 383, au lieu de « Zeiss obs. homog., lisez « Zeiss. obj. immers. homog. » » Page 383, au lieu de « analogues à des éléments dégénérés, » lisez « analogues à ces éléments dégénérés, » Lille. — Imp. Le Bigot frères, rue Nationale, 68 et rue Nicolas-Leblanc, 25. 2 MYRIOPODES*., DE SYRIE Ü à ‘ que AU M k cr s # | À l tu 1 l à l l } ; L ° F Mes l \ \ à L L x ' HA A " ù j ; 1 ! j Torrvek del. NERF AUDITIF MER CE ER NRRTE C 0 Re TR Dr NT P A NUL | l PT ar A fe 1} DOI Ton T0 14 bi su l'ARN VEN NTIEEUT Tente ï : " L'ART EUR RL 1 AE RER CU OT J à | WT l Pr LA LUN Led UE EN TALTTIR ll Li Tu qu (a M [ 4 î 1 EU (TT Tor (l 4 a : NE MT fl | al HN ni 4 [ L Re { [ 1 L t } {l } \ ï \l k |! \ : (L DA CU = PRES “ ! | ; 4. < ï AT “ " Î \ û ON T2 23 ! l TU ï RU bn (ati " l'A . , À 1 MAIL AN i (n ï 1 \ | PRE 1 L . ru à { Et 1 pe ; TAF ï i l Î ) : { 2 J F D U ua ï | “# 0 il L La L û Ù ui { (MR ; j [l ñ l 1 À { À Ï . i | 4 ï L \ ï : : } 4 p. | HJHRRRE Miologique du Me OV. 77) 0}, 2 QN \| | Li y / LD \ CD Z \ RL SCHIZORHYNCHUS CŒCUS. à se (3 @3 La PIS ENS & GLANDE THYROIDE DES MAMMIFÈRES ere Le que du DE Ci 6. | | k | DE RE RTS re TE Ny Grund Vutidai Budapest Barrois et Daday aû nat délin MAS HE ft es dt F » ke + Li: +3 Ko HT, UNS | MBL WHOI Libra - Serinle Le Le HR A lai \ Le + a = ll he 4 \té 5 WHSE 02338 En À | . 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