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REVUE D'ALSACE.

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GOLMAR . Imprinrario et Uttiograidiie de Gakllb DMKin.

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REVUE D'ALSACE.

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COLMAR,

AU BUREAU , RUE DES HARCHAM», N* 8.

1858.

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LES SCYTHES.

LEUR ËTAT SOCIAL, MORAL, INTELLECTUEL ET RELIGIEUX.

Les Scythes appartenaient avec les Aries de Tlnde , de la Médie et de la Perse et avec les Athiirs (Assurs) , les Haïgans (Arménies) , les Kamars (Kimro-Keltes) et les Hellènes à cette souche de nations qu'à défaut de nom plus convenable nous appellerons b race de lafète. (i) A l'époque les peuplades scythes apparurent pour la première fois dans rbistoire » en rapport avec les peuples aries , elles habitaient les contrées appelées aujourd'hui le Turkestan , au sud du Djihouns » depuis la mer Caspienne jusqu'aux Monts-Nébuleux (Belurt-tagh). Au nord et à l'est elles touchaient aux peuples altaïques qui étaient no- mades comme elles et dont les descendants au Moyen*âge étaient les Tatares-Mongghols. Au sud les Scythes étaient 3n contact avec les Baktries et , par leur intermédiaire , eki rapport avec les Hindous. Les contrées ces peuplades scythes apparurent pour la première fois dans l'histoire étaient » sans doute ^ le berceau même de leur race. En effet c'est et dans le voisinage qu'elles séjournèrent le plus longtemps ; c'est de qu'elles se répandirent les unes vers le sud et vers l'est , les autres vers le nord et vers l'ouest. Parmi les peuplades scythes qui se sont répandues vers l'est et vers le sud les plus an- ciennes et les plus puissantes étaient les Sake$ et les Parthet , deux noms qui ont été donnés dans l'antiquité encore à d'autres tribus

(') Voy. Rmm d*Alêace de iS^ , page 557.

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6 REVUE D'ALSACE.

moins puissantes et moins UnportanteSi mais qui étaient issues comme les Sakes et les Parthes de la même souche scythique. Les Sakes étaient la peuplade scytbe la plus voisine des Arles (v. PUne , 6 , 19» i) et par conséquent la mieux connue des peuples de cette branche, lesMèdes, les Baktries et les Hindous. Dans leur langue ainsi que dans celle des peuples aries leur nom (scythe Chakàs , sansc. Çàkâsi) signifiait Capables (norr. Hagir aptes). Les Çakâs figurent dans les traditions des Hindous au moins dès le i^*" siècle avant notre ère. En effet ils sont mentionnés dans les plus ancieos livres sanscrits (voy. Manon', x . 44) d'abord sous le nom de Çakàs et plus tard sous celui de Çâkyâs (Issus des Cakes) et de Çâkyasênâi (Troupes de Çakyâs). Les anciens Hindous comptaient les Çakâs ainsi que les Kambôdjâs (Arachosies), les lavanas (lônes), les Paradas (Paropamisies) et les Pahlavas (Perses) parmi les peuples voleurs (sansc. dasyavas)^ dégradés (sansc. coudras) et hérétiques (sansc. Mlêtchas) , parce que , disaient- ils , par Tomission des sacrements et par la non-fréquentation des Brahmanes ils sont , par degrés , descendus , dans ce monde , au der- nier rang des hommes {Manou , x , 45). A l'exemple des Hîndous, les Perses orthodoxes ont désigné également dans leurs, livres sacrés le pays des Sakes sous le nom de Tûrân (Hors d'Iran ; Pays de barbares et de mécréants) et plus tard encore les Persans , par une allusion maligne au mot de sak (p. sbak aboyeur) qui dans leur langue signi- fiait chien les ont appelés Sàk-sâr (Têtes de chien) ou Gourk-sàr (Têtes de loup). A partir du quatrième siècle à peu près .avant notre ère les Cakes se répandirent davantage vers le sud et s'établirent sur les bords de l'Indus. Us essayèrent même de pénétrer dans l'Inde ; mais ils en furent repoussés par Vikrâmadiiyas ^ roi d'Oudjayânî, qui jugea la victoire qu'il avait remportée sur eux tellement importante que non seulement il prit lui-même le surnom honorifique de Çakârî (Ennemi des Çâkes) mais qu'il institua aussi l'ère des Çâkes (sansc. Ça- kâbdha) qui date de Tannée 56 avant J.-Ch. , dans laquelle il avait vaincu ces Nomades guerriers. A la fin du premier siècle après J.-Ch., les Çakas^ nommés Indo-Scythes par les Grecs, occupaient toute la partie nord-ouest de l'Iode. Ils étaient a cette époque sous la domi- nation de leurs frères les Parthes, (voy. Peripl* d'Arru.) qui eux- mêmes étaient une branche de la race sake ou scythe. Dès le deuxième siècle avant notre ère les Cakes furent désignés dans les livres chinois sous le nom de Yut (cf. ïoue-tschi?) et lorsque les

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Chinois farent entrés en rapport* plus direct avec les Hindous par la religion de Boudba et qu'ils eurent appris d'eux le nom de Çakas ils rexprimërent dans leur langue sous la forme de Ha^ka. Au sixième siècle de notre ère les Cakes ou Indo-Scythes passèrent sous la domi- nation des Huns qui étaient de race tatare^mongghole et ils dispa- rurent ensuite peu à peu de l'histoire des peuples de l'Asie.

n ne parait pas que les Hellènes aient connu les Çakas , sous ce nom, antérieurement au cinquième siècle avant J.-Ch. Hérodau^i sans doute le premier énoncé positivement l'identité de race des Sakes (Çakas) et du peuple que , de son temps . les Grecs appelaient Skutes (cf. HeUanikus) ou Scuthes. Cependant suivant l'érudit Tzèlzès, les Grecs auraient emprunté leur mot sakos (bouclier) au nom même des Sakes lesquels, selon lui, seraient les inventeurs de cette arme défensive. Mais le nom de Cakes, nous l'avons dit, signifiait Capables et le mot grec sakos signifiait Protégeant et dérivait du même thème' que les mots sakos (enceinte sacrée) et les mots correspondants norrains hagi (haie, enceinte), hogull (protégeant, cuirasse); il n'y avait donc pas de rapport étymologique entre le mot grec sakos (bouclier) et le nom de Cakes à moins qu'on ne trouve plus probable d'expliquer le mot sakos comme signifiant proprement et originaire- ment Varme sake. Dans ce cas Sakos aurait été un mot étranger adopté indirectement par les Grecs sans qu'ils en eussent connu la signification de arme sake et sans qu'ils eussent encore été en rapport direct avec les Sakes ou Scythes eux-mêmes. Les Sakes furent vaincus par Cyrus- le-Grand et obligés de lui fournir 20,000 cavaliers {Ktesias Pers. § 83). Aussi flgurent-ils depuis cette époque dans les inscriptions cunéiformes soos le nom de Saka , et ils y sont énumérés parmi les peuples sou- mis aux Perses. Il paraît même que Cyrus, d'après l'usage des anciens conquérants, après avoir vaincu les Sakes en a transplanté plusieurs tribus dans diflërentes parties de son empire et que par suite de cette mesure politique, des tribus sakes se sont établies en Arménie et en Carie et sont entrées dès lors en contact direct avec les Grecs asia- tiques. Du temps d'Hérodote et de Xénophon les Grecs connaissaient déjà les Sakes Hamurgies , les Sakes Armenies et les Sakes Rares.

U y avait entre YArie proprement dite et la Bagdriane une contrée arrosée par le Matgus (sansc. Marus) à laquelle les Grecs donnaient.

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8 REVUE D'àLSàGB.

depuis les. temps d'Alexandre, le nom de Margiane leqael corres- pondait au nom scythe de Marhava (cf. slave Morava). A Test de celle Margiane ou Moravie habitaient des Sakes que leurs frères les Sakes ou Scythes de la mer Caspienne appelaient les Sakes d'au-delà de la Moravie (xa-moraviai ; cf. si. za-porog , au-delà des brisants). Les Grecs changèrent dans leur langue le nom de Zamoravies tantôt en Hamurgies (Hérodole, vu, 64) , tantôt en Amorrhaies. C'est ainsi que le roi de la tribu scythe des Derbikke» lequel fut vaincu par Cynis-le- Grand avait le nom iTAmorrhatos , sans doute parce qu'il était du pays des Zamoravies et que les Derbikkes lui avaient donné ce nom national suivant l'usage ordinaire chez cette branche scythe de désigner ainsi leurs princes appartenant à une tribu étrangère. Cet usage s'est conservé encore chez les descendants des Scythes les Gèles (cf. ffo- tMla le petit Goth) les Germains (cf. Vestfàl le Yestfalien) et les Scandinaves (cf. Dan le Dane) chez lesquels plusieurs princes ne por- taient d'autre nom que celui de la tribu étrangère d'où ils étaient sortis.

11 y avait en Arménie un district particulier appelé par les Grecs SakaUne (v. Siraban , xi) et qui s'étendait jusqu'à la mer Kappadoke (mer noire). C'était probablement une colonie militaire de Sakes transportés ici après la victoire remportée sur eux parCyrus. Du temps de la retraite des dix mille Grecs il y avait en Carie , sur les bords de l'Harpasos près du bourg de Knos, des Sakes établis d^à en assez grand nombre pour que Xénophon put les remarquer {Xenophon Anabans), C'étaient probablement aussi des Sakes transplanté» dans ce pays par Cyrus-le-Grand.

Les tribusdes Parthes étaient tout aussi anciennes dans l'histoire que celles de leurs frères les Sakes, En effet le nom des Parthes figure dans les anciens livres sanscrits » (Manou » x , 44) à côté celui des Çakàs et des Pahlavàs. En sanscrit la forme de ce nom est Paradas. Selon Justin (XVI, i ; cf. Isid. origg. ix , 2 , 44) le nom de Pailhes, dans la langue des Scythes» signifiait Exilés et Arrhien {Phoiii Bibl.) rapporto que du temps de Sésostris (1400 avant J.-Ch.) et du roi scythe Ihan^ dussos (p. Ithan-dussos , norr. lôlun^lhurs) les Parthes sont partis c'est-à-dire se sont exilés , ou se sont séparés de leurs frères pour

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LES SCYTHES. 9

aller s'éuUir plus au sud-ouest. Le nom de Parthes correspondait donc au mot de partis (cf. lat. paru divisiou , séparation ; cf. héb. parad séparer) et il désignait chez les Scythes des tribus qui se sont exilées oh sont parties volontairement du pays de leurs pères. Les Parthes devinrent sans doute d'abord tributaires des Assurs qui dans l'antiquité avaient soumis les peuples de cette partie de l'Asie ; plus tard ils furent soumis aux Uèdes. Ils se révoltèrent contre le rqi mède Asti- haras et se mirent sous la protection de leurs frères ks Sakes. Mais la reine des Sakes qui , à en juger par son nom de Zarina (sansc. haimà, pers. zerineh Dorée) , était originaire d'un pays arié et avait succédé comme la reine Tomyris à son mari défunt ; cette reine des Sakes n'eut pas assez .d'énergie ni kIc puissance pour défendre les Parthes , mais elle fut obligée de les abandonner de nouveau à l'au- torité souveraine des Mèdes. Les Parthes passèrent dans la suite avec leurs mattres les Mèdes sous la domination des Perses. Aussi figurent- ils dans les inscriptions cunéiformes parmi les peuples soumis aux Grand8*rois ; ils y sont désignés, sous le nom de Parihava (pluf. de Parthu) dont les Grecs ont fait Parlhuoi. A la chute de l'empire perse les Parthes passèrent sous la domination des Makedones ou des Seleukides. L'an 156 avant notre ère les Parthes (arm. Barthierkh) se rendirent indépendants et fondèrent la dynastie des Arshakides (suc- cesseurs d*Arshak , cf. Arsakès) ou Ashkanes laquelle régna pendant quelque temps depuis la Perse jusqu'à l'Indus, et comprit. aussi sous sa domination les frères des Parthes» les Sakes orientaux ou les Indo- Scythes. Cette dynastie tomba l'an ^6de notre ère, et les Pcurthesd'^lors qui étaient moitié d'origine persane moitié d'origine scythe , furent soumis au nouvel empire des Persans fondé par les descendants des anciens Perses. C'est probablement de quelques tribus parthes éta- blies sur la Maeotîde que descendirent les Parathanes ou Bardes qui , quelques siècles plus tard , se fixèrent dans le Barden-gau en Germanie. Comme les Parthes appartenaient originairement à une branche qui habitait à l'occident des Sakes et comme ils ont été le peuple prin- cipal parmi les Scythes occidentaux dans l'Asie , il est permis , à dé- faut de nom générique plus convenable , de dopner par extension le nom de Parthes à tous les peuples scyihiques qui étaient soumis à leur domination. Les principaux de ces peuples sc>thes sont les Dahves , les Masagètes et les Varkes,

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l.B« DABVBfl.

Le nom de Dahves (gr. Daoi^ lat. Dahœ) est probablement la pronon- ciation grecque du nom scythique de Tavas qui signifiait Brillants (cL scytho-gr. Targi-tàos, p. Jarjft-tavui Brillant par la targe). Les Dahet étaient un des principaux peuples scythes (Sirabon, i\ , 508 » 51i ; Pline , B. N. , 6 , i9 , 57 » 53). Lorsqu'ils parurent pour la pre- mière fois dans l'histoire ils étaient établis dans la contrée qui aujour- d'hui porte fortuitement le nom homonyme tatare-perse de Daghestan (Pays de montagnes? cf. tagh; chinois Da^hia) lequel n'a aucun rap- port étymologique ni historique avec le nom des Dahes. Au sixième siècle avant notre ère les Dah^s étaient sous la domination des Perses (voy. Jeschi^Favardxn),  cette époque des tribual dahes émi- grèrent pour s'établir dans le voisinage de l'Arménie (cf. ies Sakes Arménies) , dans ce que les Grecs appelaient les Campagnes des Daas et dans les Champs amazoniens Xénophon rencontra le peuple qu'il - nomme les Tahes et que plus tard les Arménies ont appelés Daikh. Une autre partie du peuple dabe émigra pour s'établir en Samarie {Esra, 4,9) ce qui arriva sans doute après que leurs frères, les Scythes ou Skolotes^ qui étaient venus ^e la mer Noire eurent pénétré en Babylonie , en Syrie et en Palestine. C'est à la suite de cette in- vasion que des Scythes allèrent occuper en Palestine la ville de Beth- séan (héb. Maison de repos ; arab. et rabb. Baisan) que depuis les Grecs asiatiques ont appelée Skuthopolis (Ville scythe). Une troisième partie du peuple dahe émigra vers le nord et s'établit sur la Mœolide. C'est de là* que déjà au cinquième siècle avant noire ère les Athéniens tiraient les esclaves dahves dont ils faisaient ordinairement des paî" dagogm comme le prouve le nom de Daos dans les comédies gi*ecques et par imitation celui de Davus dans les comédies latines lequel est le nom classique généralement adopté pour désigner au théâtre le personnage faisant le rôle du Pédagogue. C'est sans doute principale- ment de la Moeotide que vinrent les tribus dahves qui se sont établies au nord de la Thrace et qui y ont donné naissance au peuple des Dàkes (p. Davîkes^ Tenant ^es Dahves). Du temps d'Alexandre il y avait encore des Dahes sur les bords de l'Oxus (Just. , xii , 6). C'est des Dahves de la Mœolide que se sont séparés les Apames ou Pâmes , peuple pasteur qui, vers l'an 2S0 avant J.-Ch. , sous la conduite ^*Arsakès , s'emparèrent de la Parthyie {Strabon^ xi , 10). Les descen-

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VËS SCYTHES. ^ 11

dants àesDaKes qui étaient restés dans la Perse, y prirent probablement dans la suite le nom persan de Tazy (cf. chinois Itao-tchi) ou le nom de Tadjik. Ces deux noms les Persans les employèrent plus tard comme ils avaient employé antérieurement ceux de Turan et de Saksar pour désigner les peuples étrangers par leur origine et leur religiou à la Perse ou les Barbares en général.

Les Masagètes étaient comme les Dahves de race scythique {Hérod. I » 201 » 215 ; Just. i » 8 ; Strabon , lib. xi). Us élëent sans doute une subdivision des Gètes {Intelligents, sansc. tchU intelligence ; norr. gëdh esprit) et prirent le nom de Masa-gètes^ soit parce qu'ils étaient des Gètes établis sur une rivière nommée Masa (cf. Tyra-Gètes , Gètes du Tyras; Thyssa-Gèus , Gètes de la Theiss; cf. Moiso^Golhs , Goths de la Meuse)» soit parce qu'ils formaient la grande (scythe mam) division des peuples appelés Gètes. Du temps de Cyrus-le-Grand les Masagètes étaient établis sur les bords de l'Âraxe (sansc. Vourukacha) et ils semblent ne s'être jamai^ beaucoup éloignés de ces contrées du nord de la Sogdiane.- Cyrus qui avait remporté une victoire tellement signalée sur les 5afte« qu'elle fut célébrée annuellement dans tout l'empire perse par les Fêus sakes (gr. Sakaia , voy. Hesych. i » v ; Ktesias , édit. Baebr , p. 9S , 447) trouva sa mort dans l'expédition contre les Masagètes qui étaient les frères des Sakes. En contact continuel avec les peuplades nomades voisines d'origine mède et tatare et qui les entouraient à l'est et au nord , les Masagètes , en même temps qu'ils se mêlaient à des Mèdes, adoptèrent aussi des tribus tàtares beaucoup d'éléments étrangers à leur sang, à leurs mœurs et à leur langage, de sorte que c'est déjà depuis cette époque que l'influence mède et l'influence tatare se font sentir sur quelques peuples d'origine scythique , principalement sur les peuples scytho- sarmatiques. Aussi par suite de ce mélange les Alanès qui » suivant , Cassius (69, 15) et Julien^ sont issus des Masagètes, étaient-ils apparentés et alliés à la fois aux peuples d'origine scythe tels que les Goths et à des tribus d'origine latâre tels que les Kuni ou les Huns. L'élément tats^^e subsistait aussi dans les Rhox-Alanes qui , comme l'indique leur nom , étaient des ÀUùns mêlés à des Rhôses (établis sur le Rhôs ou le Wolga) qui étaient un peuple d'origine altaïque.

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13 . REVUB D'ALSACE.

I.B(i TARIUSM.

Les Varkei dont le nom signifie chassés, exilés , loups (sansG. vrkas^ norr. vargr, cf. madyar farkas) ou bien étaient ainsi nommés à cause de leur férocité (cf. pers. gaurk-sar) ou bien ce nom qui était syno- nyme de celui de Pelasges . de Parihes , de Bruîtiens^ ils le tiraient de ce qu'ils avaient été exilés du pays de leurs pères. Le pays des Varkes ou Ouarkes ou lourkes qui était àitué au nord-est de la mer Caspienne fut aussi appelé par les. Grecs Burkania (p. Ourkania) ou Barkania et aujourd'hui en persan il est nommé Gourkan (Pays-de- loups). Les habitantaiprirent d'après le pays le nom de Barkans ou Hurkans (lat. Hyrcani). Parmi les Hurkans on distinguait principale- ment les Derbinkes (gr. Derbikkai. Plin. Dervtcae) dont le nom qui correspond à la forme norraine de Trêvingiar , signifiait proprement Descendants de Derv ou de V Arbre (cf. gr. dms^ sansc. Druma, norr. triu) ; soit que Derv (Arbre) fût un personnage épique soit que ce fftt un nom mythologique synonyme de celui de Askr (Frêne) dont » selon les traditions Scandinaves , provenait la race humaine. C'est peut-être aussi des Dervikkes que sortit plus tard une tribu illustre parmi les Goths » savoir les Therviggâi lesquels à leur tour paraissent avoir été en quelque rapport généalogique avec les Dures ou Thu- ringes ou Tgrks germaniques. La tribu des Derbikkes était sans doute pendant quelque temps établie plus près de l'Inde parmi les Indo- Scythes puisqu'elle a conservé dans VHyrcanie l'usage d'entretenir des éléphants et qu'elle continuait toujours ses rapports avec les Hindous par l'intermédiaire de ses frères les Sakes établis plus à l'est. C'est parmi les Sakes zamoravies que les Derbikkes ont sans doute choisi leur roi nommé Amorrbaïos (le Zamoravie). Sous ce roi , les Derbikkes devinrent tributaires de l'empire des Perses et selon Ktesias (Pers. §6,7) Cyrus mourut d'une blessure qu'il avait reçue dans une expédition contre ces Scythes guerriers.

Nous venons d'énumérer les principaux peuples asiatiques d'origine Scythe dont l'histoire ancienne fait mention. Ces peuples apparte- naient soit à la branchfi orientale ou sake , soit à la branche méridio- nale ou parihe. La plupart d'entre eux sont restés en Asie et par suite des révolutions politiques qui sont survenues daos ces contrées , ils se sont mêlés peu à peu avec leurs vainqueurs» et ont perdu les caractères ' distinctifs de leur race ainsi ({ue les traits individueb de leur religion,

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LES SCTTHES. iS

de lenrs mœurs et de leur idiome. Hais tandis que les Scythes établis en Asie n'ont joué en histoire qu'un rôle insig:nifiant pour nous . les fractions de ce peuple qui ont passé en Europe , ont développé dans cette partie du monde les qualités et le génie propres à leur race et y ont dotmé naissance à des nations qui comptent parmi les plus illustres dans l'histoire du monde. Tandis que les peuplades scythes de la branche sake et de la branche parihe après avoir quitté leur berceau primitif se sont dirigées les unes vers l'est, les autres vers le sud y il y a eu d'autres peuplades de la même race qui prenant le chemin du nord et celui de l'ouest passèrent le Volga et le Don et s'établirent les unes dans les plaines de la Russie et les autres sur les bords de la mer Noire. Les premières nous les comprendrons sous le nom général de Samiate$ , les secondes sous celui de Skoloie$,

Vers le milieu du septième siècle avant notre ère, des tribus scythes établies au sud de la mer Caspienne et en grande partie sou- mises aux Mèdes , furent poussées et rejetées vers l'ouest par le peuple tatare les hsedones. Ces tribus scythes passèrent le fleuve que les Kimméries établis à l'ouest avaient nommé le Tanais pu le Fleuve (cf. Don; Don-ubius) et elles s'établirent en Europe sur les bords sep- tentrionaux de la mer Noire d'où elles chassèrent les Kimméries {Hérod. IV , i2) qui occupaient tout le littoral de cette mer. Une fois en mouvement, quelques unes de ces tribus scythes poursuivirent les Kimméries fuyant à travers le Caucase occidental et elles entrèrent dans la partie nord-est de l'Asie mineure. , après avoir vaincu leurs anciens dominateurs les Mèdes et entraînant avec elles des tribus . mèdes et chaldiques , elles pénétrèrent , vers 620 avant notre ère et sous la conduite de Maduas fils de Protoiuas , dans la Mésopotamie » la Bâbylonie, la Syrie» la Palestine (Habakuk 1 , 6) et jusqu'en Egypte (Hérod, 1 , 203 suiv.). Ces Scythes maintinrent leur domination dans ces pays de l'Asie occidentale pendant 28 ans , de 624 à 596. C'est par suite deeelte invasion et de cette domination des Scythes que les lones ou Grecs asiatiques et les peuples sémitiques entrèrent pour la premièf e fois en rapport plus direct avec eux et apprirent à les connaître. Les Mèdes et d'après eux les Babyloniens désignaient les Scythes ou les Sakes sous le nom de Màgôg qui signifiait sans doute le Grand-amas (cf« sansc. nm^a grand; gôth. ^au/i« amassé , élevé; ail. hôch; pers.

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gouh amas , montagne) ou le Grand'trùupeau (sansc. maha^ghôçha») à cause de la grande masse des tribus nomades dont se composait ce peuple à la fois guerrier et pasteur. Le nom de Mâgôg , sinon le peuple lui-même auquel il fut donné, était 'connu des Hébreux antérieurement au septième siècle avant J.-Ch. (Genèse x). Lorsque les Scythes commencèrent d'envahir la Babylonie on comprit que ce peuple était issu des anciens Scythes nommés Mâ-gôg , et- comme la signification de Mâgôg (Grand-amas) s'était conservée dans la tradi- tion et qu'en hébreu le mot gôi (amas , peuple) dérivait également d'une racine signifiant amasier (béb. gavah) on a pu s'expliquer le nom de Mâgôg (Grand-amas) comme signifiant Grand-Gôg et par conséquent on a détaché du nom composé Mâgôg le mot Gôg pour désigner les Scythes qui à ceue époque menacèrent la Palestine (V. Ezéch» 38, 59). Et de même que dans l'antiquité les noms de Grande-Arménie, de ^ande-Scythie , de Grande-Phrygie servaient à désigner la mère-patrie de la PetUe-kménie^ delà jPe(tte-Scythie, de la JPettie-Phrygie » de même Gfig qu'on supposait être le nom du fils de Mâgôg (grand-GAg) put aussi désigner les Scythes d'alors, considérés comme les fils des Scythes anciens, (i) Quoiqu'il en soit, les noms de Gôg et de Mâgôg désignaient , chez les Hébreux» les Scythes (Hiérontm. » Comment, ad Ezéch. 58 , 2 ; Josèphb . Anûquii. i , 6 , 5) qui avaient vaincu les Kimméries , les Mèdes , les Mosches et les Thubals et qui avaient entraîné avec eux ces peuples ainsi que les PersesetlesArménies dans leur expédition contre Babylone (Ezéch. 58 , S ; 59 » 6 ; 58 » 5). Les Scythes auxquels les Hébreux donnaient le nom de Crôg , se donnaient à eux-mêmes celui de Shuai. Ce nom signifiait dans leur langue Boucliers (cf. lith. skyda bouclier , vieux slav. schtchyt bouclier, alL «ehiiU protecteur» norr. sibtttnjr bouclier, lat. scutum^ gr. skuioi) et les Scythes l'ont adopté selon l'usage assez ordinaire chez les peuples anciens de se nommer d'après certaines armes soit défensives soit (Pensives. Ainsi Wahan (bouclier) . était un nom propre assez

(*) Diaprés une idée analogue les Thiulet^ peuple caucasique, désignent encore aujoard'hui les montagnes les plus élevées et les plus septentrionales sous le nom de Mfk^hUv on Morgogh (grands amas , grands monts) ; les montagnes plus pro- ches et moins élevées , en quelque sorte les filles des précédentes , ils leur donnent le nom de ^ ou ghog (cf. pers. gouh montagne ; v. BsDiEGOSy Beic^r0î6tm^ des r,u,79).

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LES SCTTHBS. 15

fréquent chez ces Arménies comme skôUbr (boaclier) Ta été plus tard chez les Scandinaves et skudUo (petit bouclier) chec les Germains. Le nom de Pahlavas signifiait Haches d^ armées celui de Sabins Javelots , celui de Langobards Longues HaUebardes, celui de Franks Framées, celui de Hérules Petites Epées » celui de Saxons Cmielas , celui de . Ruges Styleu , etc. Les lAnes ou Grecs asiatiques pour expliquer le nom de Shites le rapprochèrent naturellement et a?ec raison du nom grec de Shitos (bouclier) qu'ils avaient déjà dans leur langue depuis les temps homériques (cf. Eumsàkes). Aussi Eellanikus de Lesbos , le contemporain de Hérodote et de Thucydide, dans son livre intitulé Skutika (Choses skythiques) rendait-il le nom de ce peuple sous la forme de Skuuri. Mais bientôt les Grecs oublièrent Torigine et la signification de Skutoi (boucliers)» et c'est pourquoi ce nom fut rendu par Hérodote sous la forme de Skuthaï laquelle ne permettait plus d'y retrouver la signification de Skutos (bouclier). Aussi l'érudit Tzitxès bien qu'il ait fait la comparaison spécieuse entre le nom des Sakes et le mot grec sakos (bouclier) , ne s'avisa cependant pas d'appuyer sa comparaison sur la signification même du oom de Skuthes comme synonyme de boucliers. Néanmoins Hérodçte reconnut facilement l'identité de race des Sakes et des Scythes; il fut aussi le premier à énoncer que les peuples appelés Sakes par les Perses et Skuthes par les Grecs, se nommaient eux-mêmes Skolotes. Ce nom de Skolotes (p. Skulntai) signifiait également boucliers (goth. slàldus p. sculdus , aoglos. scyld , norr. sUôUbr , suéd. skoU p. sMôld^. De même que Gadheles était transposé de Galates et Slaves de Svales , de même Skolotes était la transposition d'une forme plus ancienne Skutukd (cf. vieux-ail. Skudulo) et dérivait du thème skada (sansc. tschad) qui «gnifie couvrir , protéger. Chez les Scythes comme chez leurs descen- dants , les Slaves , les Germains et les Scandinaves , le bouclier ou la large était aussi le symbole de la protection, et par suite, de la royauté et du commandement. Aussi Hérodote dit-il que Skolotes était un nom royal et que les Scythes qui se le donnaient de préférence , por- taient le surnom de Scythes royaux. Ces Skolotes habitèrent principa- lement les bords de la mer Noire et ce qu'on appelle aujourd'hui la Krimée . Ils tenaient tributaires les villes grecques du littoral de la mer, entre autre Olbtojiolis (Ville d'opulence) et lorsque plus tprd ces Grecs bosporans eurent fondé une dynastie de rois , dans l'année 297 avant J.-Ch. , ces Skolotes avec leurs alliés infestèrent û souvent la

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16 REVUE D'ALSACE.

Krimée que le roi Pairisadès , dans rimpossibilité de défendre son royaome » fnt obligé de le céder à Mitradates , roi du Pont , lequel chassa de la presqu'île les Scythes (Skolotes) et leurs alliés les Rhoxo- lans. Vivant au milieu et dans le voisinage de colonies grecques » les Skobtes se mêlèrent peu à peu avec elles. De Torigine de plusieurs peuplades Scythes-Hellènes ou de Grecs mélangés (gr. mtX'HMènesy Tels étaient les Forains (gr. Alawnes) ainsi nommés probablement parce qu'ils faisaient les marchands forains dans le pays. Tels étaient encore les Kallipides ou Descendants des Kallpes (serfs de labour ; polo- nais chllap) ainsi nommés probablement parce qu'ils descendaient de colons grecs qui étaient devenus les serfs des Scythes. Les Kallipides habitaient les bords de l'Hypanis {Hérod. iv , 77) au sud des Alaxmes et il ne faut pas les confondre avec les Karpides ou Descendants des £arpe« (Montagnards » slav. £r6, cf. Cimmer. £a(pé, alp» ati^)qul habitaient les montagnes baignées par l'Ister. Les Gelones (Railleurs) étaient également des Scythes-Hellènes» parlant comme les Samuaes la langue scythe (Hérod, iv , 108) et ils habitaient un bourg composé de maisons en bois (norr. bwUr) ou de boutiques. Voilà pourquoi les Grecs désignaient les habitants de ce bourg indistinctement par ce nom de Budines (Boutiquiers) ou de Gelones (Hérod. iv» 17). Dans le voisinage des Budines vivaient les Nèvres , peuple scythe pur sang , qui était établi antérieurement près des sources du Boryslhène (Pline IV y 26) d'où il fut chassé » selon la tradition , par les serpents qui s'y étaient multij^iés prodigieusement. Le nom de Nèvres ou Nerves (crépusculaires , loups , cf. norr. narfi crépusculaire » loop » renard) leur venait sans doute de ce que , une fois par an » à ce que racontaient les Grecs , ils prenaient la forme de loups ou devenaient des (otip-^arouj (cf. noir, ulf-hêdnir^ Fûbun^a-ja^a^chap. 42) qui cou- raient le pays dans le crépuscule du soir. D'après une tradition ré- pandue chez les Scytho-Grecs » Héraclès (scyth. Targitavus Brillant par la targe) et Echidna (Serpent-femme ; scythe Apia) avaient trois fils Agathursos , Gelonos et Skythès. Cette tradition indique que les Aga^ thurses frrès4iardis) qui étaient d'origine thrako-kekique s'étaient aussi mêlés avec des Scythes ; ils avaient des mœurs moitié thraces moitié scythiques ; ils vivaient dans le luxe et les richesses et ils avaient des lois qui attiraient sur eux l'attention des étrangers. (V. Arisioté). Un de leurs rois Spargapises (cf. norr. Sprakvisir (Guide intrépide) portail le même nom que le flis de Tamuris (Issue de

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LES SCYTHES. 17

rOcéan) , la reine des Masagèies. Plus tard les Agathurses se sont con- fondas avec les Trause» (Stephano» de Byz. , s. y.) qui n'étaient peut- être pas différents du peuple scythe issu de Kolaxaîs et que Hérodote appelle les Traspies (p. Trusvies).

Nous venons d'énumérer les principales peuplades scythiques for- mant ce qu'on peut appeler la brandie méridionale ou skolote des Scythes européens. Plus au sud étaient établies les peuplades appar- tenant à la branche septentrionale ou sarmate des Scythes d'Europe.

t F. G. Berghann,

ProfeMeur de liitératare étrangère k la Faculté dei l«ttref de Strasbourg.

(La iuite à la prochaine Iwraiton.)

9*Aaaéè.

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JEAN BEIN.

« Kamut du niehi Àlïm gêfallêti durek deine That und dem Kmâtwerk, « JlfooA'M Wehigen fwAf; Viekn gefàllm iH sekUmim. » ^ (ScmuJER.)

Dans les premiers jours du printemps dernier mourut à Paris un artiste éminent . originaire de Strasbourg et qui faisait autant d'honneur à son pays natal par son talent et par ses travaux que par la noblesse et la loyauté de son caractère.

Et pourtant » malgré ce double mérite si rare » c*est à peine si le décès de cet homme de bien a été remarqué. De tous les journaux de Paris » V Esta feue seule Ta annoncé dans quelques paroles de regret et de juste appréciation bien senties.

C'est que l'artiste dont nous déplorons la perte était d'une modestie et d'une humilité aussi vraies que profondes, li était un de ces hommes sérieux et sincères , dont toute la valeur réside en eux-mêmes et dans leurs tendances pures et* généreuses» et qui» pour cela» n'ont nul besoin de paraître ; l'apparence seule » si trompeuse la plupart du temps» n'était en aucune manière ce qu'il recherchait; comme homme et comme artiste il aspirait au contraire, de toute la puissance de son âme vertueuse » à être réellement ce qu'il paraissait au dehors. Tous ces moyens de vaine gloriole et d'outrecuidante ostentation » si largement et si effrontément exploités de nos jours , par tous ceux qui ont besoin de paraître » répugnaient à son esprit droit et candide. Vivant tout entier pour son art chéri , pour son développement moral et intellectuel , pour son devoir et pour le bonheur de sa famille , notre compatriote n'appartenait à aucun parti » à aucune coterie ; c'est assez dire que son nom et son mérite ne pouvaient être de ceux que prônent ces articles de journaux » qui trop souvent » à l'heure qu'il est » dépassent en exagérations et en métaphores les hy- perboles les plus excentriques du langage de l'Orient , et qui» admirés

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3UV BlEDf. i9

par la foule oiaise « n'iospirent que dégoût w^ hommes graves et en- tendus. Avant de connaitre suflSsamment les hommes et les choses d'icî- bas , notre compatriote, comme tant d'autres , avait été assez na!f pour s'imaginer qu'il devait suffire du talent et du mérite réels pour assigner à chacun sa place marquée. Hélas ! à un âge plus avancé, quand bien des contrariétés et des expériences pénibles se furent jointes à ses illusions dissipées « combien n'a-t-il pas revenir de cette illusion juvénile ! Toutefois , en dépit de sa généreuse erreur, il resta le m^me : simple , modeste , loyal et consciencieux , aspirant en tout et partout au bien pour le bfen même. Aussi ,. faute de suivre l'ornière du jour et de se mettre largement en évidence, comme il le voyait faire à bien d'autres qui souvent y étaient le moins fondés , et biep qfke SOQ talent et son mérite eussent toujours été appréciés à leur juste valeur par des juges sévères et compétenu , notre compatriote, qui viv^iit to^t retiré et presque ignoré du grand nombre au sein d'une famille aimante et dévouée , s'éteigpit en paix dans les bras de ceux dont, l'affection et les soins inépuisables l'avaient si ampl^neoÈ dédommagé de ce que monde semblait lui avoir trop injustement' refusé.

Je yw donc , pour ma part , remplir un devoir tout de justice et de sympiithie ei^ essayant d'honorer le souvenir d'un compatriote «i digne de notre estime et en indiquant sommairement ses œuvres principales , dans cette esquisse de biographie pour la rédaction de laquelle j'ai pu faire usage de quelques notes tracées par une main que guidait l'affection et la piété envers le défunt.

Jean Bein , graveur d'histoire > appartenait à une famille originaire de Strasbourg. Il naquit à Goxweiler, le i7 avril 1789. Son père, alors pasteur de ce village si pittoresquement assis aux pieds de la montagne de S^ Odile , fut nommé plus tard à l'église de S^ Aurélie à Strasbourg. A l'époque de ce changement, le jeune Bein était âgé de dix ans.

Au8sit6t après l'arrivée de sa famille à Strasbourg , il fut placé au gymnase protestant. C'est qu'il fit ses premières études et qu'il se distingua , sans interruption , par son aptitude et par ses succès.

Au sorfir de l'école, son goût aulant que ses dispositions naturelles le portèréut à se voper à la carrière des arts. Bçip étudia d'abprd le dessin et la gravure chez Guérin , artiste distingué qui lui donna constamment les témoignages les plus hoi^orables de satisfaction,

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âO REVUE D'ALSACE.

d'intérêt et de sympathie. En peu de temps il exerça son jeune talent en faisant des portraits au crayon et même en donnant des leçons.

En iSiâ, Bein se rendit à Paris dans la vue de continuer ses études de gravure. 11 ne prévoyait guères alors que ce serait pour y passer le reste de sa vie. Une union toute d'affection , son mariage avec M"*" Baltard, fille de Louis-Pierre Baltard , l'un des architectes les plus renommés de Paris* devait» plus tard, le fixer dans la capitale. Mais n'anticipons pas sur la succession chronologique des fiiils.

Bein , artiste tout de vocation , visait à se donner une éducation artistique large et solide. En ce temps , la jeunesse était encore assez modeste et assez bien inspirée pour commencer par et pour ne pas vouloir trop tôt se poser en maître. Sous la direction de l'illustre David» notre compatriote fit des études académiques sévères et complètes. C'était un des bons côtés de l'école classique qui régnait alors sans partage. Outre d'autre^ avantages » Bein acquit sous cette direction ce dessin ferme et correct qui distingua plus tard son burin magistral.

Dès cette époque aussi » notre compatriote eut le bonheur de con- tracter une autre liaison encore , qui devait exercer l'influence la plus heureuse et la plus puissante sur le développement de son beau talent. Jean Guérin, le célèbre peintre en miniature, l'une des gloires artistiques du premier Empire et de Strasbourg en particulier » frère du premier professeur de Bein » sut apprécier son noble caractère , son talent et son ardeur au travail. Aussi , Guérin , tout en l'aidant de ses conseils » l'honora d'une cordiale amitié. Il le dirigea dans l'art de la miniature , pour lequel Bein se sentait également beaucoup de goût et de dispositions; et, certes, le jeune artiste n'aurait guères pu l'étudier , à meilleure école que sous la direction du peintre célèbre qui exerçait alors cet art avec un talent tout supérieur.

Bein ne tarda pas à faire lui-même quelques essais de portraits en ce genre. Il le fit avec tant de succès qu'il en vint à balancer entre cette branche de l'art , qui l'avait séduit tout d'abord , et la gravure, pour laquelle il s'éuit formé plus particulièrement dans l'origine.

Pendant quelque temps notre artiste ne savait que résoudre. Homme pieux et homme de devoir avant tout ; il voulait , en cette occasion, comme en toutes autres, subordonner sa décision à une volonté venant de plus haut , plutôt que se laisser guider par son esprit et par son Jugement siiyets à l'erreur* D'après son habitude #

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JEAN BE1N. 3i

il attendit que Dieu, eu qui seul il menait toute sa foi et tout son salut lui eût fait reconnaître la voie qu'il aurait à suivre , et il arrêta qu'il se consacrerait définitivement à celle des deux branches artis« tiques qui semblerait lui assurer le mieux sa vie et son 'avenir.

Après maintes épreuves , ce ftit pour la gravure que Bein se décida finalement.

Bientôt il eut.à exécuter un buste d'Hérodote. C'était en i816.

Peu après » il fut cbargé de graver une suite de Tignettes pour différents, ouvrages.

En i8S5, Bein reçut une commande plus importante: il dut exé- CQter en gravure le mariage 'de la Vierge d'après Van Loo.

En 1824 , il entreprit une grande vignette d'après Girardot , dont le siqet était Appelles et Campaspe.

Bientôt iiprès 9 il eut à graver» pour la SodiU des amis des arts de Paris , la Nymphe au bain , d'après I^ancrenon.

En i828 , Bein entreprit un travail qui devait , dans la suite , lui susciter bien des contrariétés. Il lui fut confié plusieurs planches pour l'ouvrage du Sacre de Charles X. La révolution de Juillet , on le sait , vint Interrompre l'exécution de cet ouvrage monumental qui resta inachevé. Pour Bein , ce fut non seulement une grande contrariété 8oas le rapport artistique et au point de vue de la réputation que cette publication splendide n'aurait pas mjinqué de lui valoir » mais ce fut en môme temps » pour lui , une perte irréparable sous le rap- port pécuniaire » à raison du temps précieux qu'il avait déjà consacré à cette œuvre importante.

Après la commotion que produisit la révolution de 1830, les beaux- arts , on s'en souvient , furent longtemps à se remettre. Pour les artistes » elle fut suivie d'une période assez longue de calme plat et de désespérante inactivité. Bein , comme tant d'autres de ses confrères, eut beaucoup à souffrir du manque de travail ; mais » cette fois encore, il sut se tirer d'embarras en se résignant. Il n'avait point d'autre principe ni d'autre habitude dans toutes les occurences de la vie. Pour occuper son burin , il n'hésita pas à faire abnégation de se répu- tation , et , aidé du sentiment de son devoir d'alléger les charges de sa famille , il se soumit avec courage et humilité.

Bein se consacra alors à une série de travaux pour des ouvrages scientifiques. Ce fut à cette époque qu'il grava plusieivs planches de bas-relie& de Ninive et autres pour VExpédition^ de la Mwée.

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22 REVUE D'ALSACE.

Puis , il eDtreprîi Texécution du portrait do roi Louis-Philippe. A l'exposition de 4835, il eut la satisfactiob de voir récompeoaer cette gravure d'une médaille.

Bientôt après , il eut à graver S^ Appoline , d^près un tableau de Raphaël qui se trouvait au Musée de la ville de Strasbouif. (})

En 1847 , il obtint du ministère de Tlntérieur une souscription pour graver, d'après un dessin de Dutertre, une vierge de Raphaël » connue sous la dénomination de Vierge Nicàlim.

Ces deux dernières gravures furent très-favorablement accueillies par le public.

Bein arriva de cette manière à l'époque la révolution de Février allait provoquer une commotion bien autrement terriUe encore et universelle que l'avait été. celle qui suivit la révolution de lufllet. Ge fut encore une période d'angoisses incessantes et de dures épreuves qu'il fallut traverser avec résignation ; mais , dès que cette effroyable tempête se ftit apaisée quelque peu « notre compatriote eut tâte de reprendre ses travaux.

Après cette interruption forcée , il reparut devant le public avec l'on de ses ouvrages les plus distingués : la reproduction du poitralt de son beau-père , l'architecte Baltard. Ge portrait parut en ^851. Les maîtres de l'ûrt l'ont déclaré un chef-d'œuvre de gravure. Eta effet , on ne saurait goères s'imaginer une touche plus délicate et plus ferme à la fois ; le modelé j est traité avec un art si parfait » jusque dans les nuances les plus fines » que ce portrait fait plutAt l'impression d'une peinture que d'une gravure. Cette œuvre , à elle seule , suffirait pour assurer la renommée d'un artiste.

Le talent de notre compatriote grandissait ainsi avec sa réputation. Tout annonçait qu'il allait entrer dans la période la plus glorieuse de sa belle carrière. Mais, hélas! la destinée de l'homme est ainsi faite; quand nous croyons toucher au faite du bonheur , quelque adversité vient inopinément nous réveiller de nos rêves de félicité , et nous rappeler les exclamations éternellement vraies du Psalmiste sur les misères de la vie terrestre !

A cette même époque Bein eut le malheur de perdre son fils unique» jeune homme de quinze à seize ans , qui s'était distingué autant par

(') Le cataluguc actuel du Mubôe do Strasbourg ailribuc co Uihleau au UéTugio, maître de Raphaël.

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JBANBEPf. 93

soD assiduité que par sqo talent et ses succès. Ce (îit un coup de foadte pour le ccaur sensible de cet excellent père. Bein était attaché de tonte son âme à ce jeune bomme qui faisait, sa joie et sou bonheur, et eo qui il avait concentré ses plus belles et ses plus chèi^ espé- rances. En dépit de sa Ibi et de sa résignation , et tout en surmontant avec courage et .piété cqtte douleur poignante , Bein en souffrit néan-' moins, d'autant plus qu'il refoulait sa tristesse au plus profond de son $me. Ce fut , on ne peut guères en douter , la cause qui le conduisuit AOitoipbeau à un âge que la longéiité de ses parents aurait pu faire espérer de lui voir dépasser.

Une année à peine après ce coup terrible t Bein le cœur tout serré encore par la peine^ commença un travail d'art qui lui (aît le plus graud boueor, e^ qui , niieux encore que ses gravures.antérieures » iitiest9 bautomt at .le sentimoni à la foi^ si profond et si délicat de son trait, et.lapnlwmce d'assimilatioq peu commune qui distinguait son .tailentet son burin , d'ailleurs, si fnfA^ et si fermes- Ce furent les quatre fac-nimUe d>près les dessins originaux de ^iipbael ai du l^tieo» qu'il nous (lonna do 1852 à 1855. Ces planches compteront ponr tolijonrs an pombre de ce qui a été accompli de pl|is p9i:faii eo ^jgeore. A les voir, c'est.à.pe pas croire que ce «ont des copies que Ton a soos les yeux ; la r^roduction ait si Adèle si iocpfnparable- maut exacte» qu'elle égale l'original, et qu'elle rend avec un rare bonheur le sentiment et l'inspiration , pour ainsi dire .momentanés , qui «aoknaîent les deux gr^nd^maitres dela.I^enaissauce^ lorsqu'ils .iracèreiit les dessins originaux. Tous ceux qui savent apprécier une puissance d'assimilation si extraordinaire , se plaisent i rendre au talent et à Tbobileté du. graveur l'bommage le plus juste et le plus mérité. (I)

(*) L'auteur de la noUce de V Estafette se plaît également à rendre hoounage à ces qualités éminentes de notre artiste compatriote. Gomme, d'ailleurs, sa notice en fort courte /je crois bien faire de la transcrire , ici , en entier, au lieu de me Jbemer k dtcr seulement le passage qui se rapporte aux fao-itmite de Rapbaêi et du Titien, ta voici :

« La gravure au burin vient de faire une perte bien sensible en la personne de « M, Bein , artlsle laborieux et distingué. Sans faire ici rénumécation des Impor- « lanâs OBviages sorUs de ses mains , nous signalerons le succès de ses planches , K et nous indiquerons , parmi les dernières , des fac-similé^ dessins croquis des « grands-mattres, Raphaël, Titien , etc. Ces reproductions, d'un travail si diffi-

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24 RE\UE D'ALSACE.

La dernière gravure qui sortit du burin de noire compatriote fut la Bulle de savon d'après Miéris. La mort le surprit sans qu'il ait pu l'achever.

Outre cette œuvre , Bein en a également laissé inachevée une autre plus importante encore. C'est la gravure , dont l'exécution lui fut commandée par la direction du Musée , d'après un tableau de Luini , représentant Salomé recevant la tête de S^ Jean-Baptiste.

Les atteintes de sa dernière maladie ont beaucoup contribué à retarder l'achèvement de ce beau travail. Bein l'avait parfaitement préparé et repris plusieurs fois : sa fln est venue le suspendre défini- tivement le 25 mars de l'année dernière.

Comme homme » je l'ai dit et je le répète en terminant » Bein a été , à tous égards et dans l'acception la plus rigoureuse et la plus entière du root » un homme de bien , n'écoutant et ne suivant en tout et par- tout que la voix de la conscience et la ligne droite du devoir.

Comme artiste . Bein a été , sans contredit, l'un des graveurs les plus éminenis de la première moitié de ce siècle. Aussi » malgré le silence qui suivit sa mort trop précoce « sa place reste-t-elle marquée, dès maintenant , dans l'histoire de l'art en général et tout particu- lièrement dans l'histoire de la gravure. La postérité saura bien , uo jour , apprécier avec une entière justice la valeur d'un artiste que sa modestie avait mis trop peu en évidence aux yeux des générations d'aujourd'hui.

Les œuvres de Bein, lors même qu'elles ne seront pas vantées et recherchées par la foule, resteront de celles qui seront d'autant plus estimées et admirées par les connaisseurs et les juges compétents. Bein , lui-même , n'aspirait point à autre chose. Il était du nombre de ces artistes qui pour eux-mêmes ne demandaient et ne suivaient que l'application de la maxime artistique de l'antiquité classique que

<r cile , ont été rendues avec une grande paitience et un tact du burin tont à &lt « supérieurs, fes qualités se retrouvent dans les portraits qu'il a gravés si sol- «t gneusement , et parmi lesquels se remarque celui de feu Baltard , son beau- « père , achitecte habile et fort connu.

« Au talent du véritable artiste , Bein joignait les bons senthnenis dn père , a de répoux , de Tami , et les regrets qu'il mérite seront également vi6 chez les « amateurs de l'art et parmi les appréciateurs d'un caractère droit et sans « fiiûblesse. »

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JEAN BE1N. 35-

j'ai inscrite eu tête de cette notice, telle que l'a énoncée Tun des plus grands maîtres de Fart des' temps modernes : que dans les beaux- arts^ comme en toute chose, du reste » il n'y a qu'un petit nombre qui soit capable de sentir, d'apprécier et de juger; et qu'il vaut mieux n'avoir que l'approbation de plusieurs , c'est-à-dire des meil- leurs, plutôt que de plaire à tous. Pour l'artiste véritable , aimant et pratiquant Tart pour l'art , Tapprobation de quelques hommes d'élite compense bien amplement l'abstention des autres. Et , cette conso- lation , du moins, ne fait poiot défaut à la famille de notre compa- triote. Puisse l'appréciation juste et sympathique de ceux au jugement desquels Bein tenait seul , et comme artiste et comme homme , l'aider, pour le moins , à tarir quelques larmes.

L. . SCBNEEGANS ,

oorrespondant-inspeotMr du Minbtèra d'Etat pour les monuments hiHoriqoet..

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ORIGINE*

DU LUTHÉRANISME A COLMAR.

Comme docament historique ce petit mémoire a son importance. C'est k ce titre seul qu*il a paru digne d'être livré aux lecteurs de c^to Revue» Le nom de l'auteur ne nous est pas connu ; nous dirons seulement que Toriginal provient de la tente des papiers de l'ancien Préfet du Haut-Rbin , M. Félix Desportes.

{Piote de ia Direotian.)

En 1517 Luther commença à s'opposer au S^ Siège.

En 1520 il apostasia et fut excommunié par le pape Léon x.

En 1521 il fut mis au ban de TEmpire par l'empereur Gharles-Quint.

En 1535 sa nouvelle doctrine mit tout l'Empire en combustion.

En 1555 la paix de religion projetée à Passâu fut terminée à Augs- bourg.

En 1556 Sébastien-Guillaume Unck fut chassé de Scelestad il tenta d'introduire la secte de Luther.

En 1575 ce gentilhomme, élu régent de la ville de Colmar, se fit un party des partisans de l'hérésie de Luther , qu'il avait fait recevoir bour- geois et établit , dans l'église de l'hôpital de Colmar , un ministre luthé- rien qui préchoit tous, les jours. Les bourgeois catoliques , faute de bons 'pasteurs s'étant accoutuitiés d'aller l'entendre , succèrent insensibleolënt le poison de sa doctrine et embrassèrent cette secte. Le dit Linck , à leur tête, s'empara des écoles, des revenus patrimoniaux et d'église , déplaça tous les catoliques et substitua des luthériens en leurs charges et à leur place. L'Empereur Maximilien second informé de ce fait, y voulut remédier en remettant iout en son premier état, mais les guerres survenues en empeschèrent l'effet.

En 1S77 l'Empereur Rodolphe second députa des commissaires pour même fin ; mais les luthériens traînèrent cette affaire en longueur , la mort de ce prince survint et

En 1607 le Cardinal de Lorraine, Evêque de Strasbourg , envoyé à tel effet ne put réussir à cause de divers empeschements , enfin

En 1627 l'Empereur Ferdinand second donna ses ordres à l'Archiduc Léopold , son frère, Landgraff et Grand-Baillif d'Alsace , qui envoya à Colmar le Comte Fugger et le Docteur Lindner son chancelier , pour

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ORIGINE DU LUTHÉRANISME A GOLHAR. 91

rétftblir les choses dans le même état qu'elles étoient lors du traitté de c^cification; aussi firent-ils sortir de la ville les chefs du luthéranisme , remirent les catoliques dans la magistrature y firent restituer Téglise de rfaApital y les écoles , les domaines aux ecclésiastiques. La même diose fot exécutée à Haguenau la même année.

fin 1632 Tannée suédoise , commandée par le général Hom y s^étant emparé de Scelestad vint camper à Ostheim , à deux lieues de Golmar ; alors le nommé Nicolas Sandherr , greffier criminel et le seul luthérien qui Alt demeiiré en chai^ à Golmar , 'fit complot avec les autres hrihé*- riens qm «taitot restés tm cette trille de se mettre sous la protection de -fti Suède et'fl'égo^r la garnison de l'Empereur qui étoit de 7 ou '806 hommes : fls convinrent que le 19 décembre de la même almné , à ome 4»âre5«du matin, dans !e temps que les soldats h^és chess les bour- geois y seiroient à table avec leurs bêtes , siir un signal qu'un des gardes du decher de Ib cdllégiale, lequel aussi était luthérieh y leur donneroit tn 'sonnant le tocsin , ils seyetteroient sur leurs sddfltts , les égorge- roient , prendroient -ensuite les armes pour se rendre maîtres du reste de 'la 'gamison, du 'Magistrat et delà vfflequ'itsTeméttroient entre les môRsHu général suédois. Cela fut exé(iiité ainsi. Les Suédois devinrent tesintftres de la ùHe y le Magistrat catolique ïut chassé , l'égMse de I%6pHal reprise par les mhiistres luthériens et le tout amsi et de mdttie qii-fl avilit été sons Linck de Toumebom^.

'i!n'{6854es liagKtrats de Oôlmar firent un traitté avec Louis tf^se et^ fiit confimié en 1644 par Louis quatorze ;'piir lequel traitté-leRoi proiM^t de faire comprendre laviHe de Colmar^dans le traitté de la-paix ge&esafc»

'Bn ie*8. Par cette psdx conclue à Hunster en Wesiphafie , TAISftee avec les dix villes impériales fut cédée propriétainement à la Pranee avec ^les trois év^obés , Metz , Toulet Verdun sans aucmre restrietion ; eëlle cession a depuis été confirmée-piir les traitfés de paix delfimègoe, de Ryswiek et de'BaHeH. Sa Majesté . fVès-^Ghrétiemie ipar le traitté de Munster , "§75 , s*oUigea de conserver en Alsaee^Tdigion câtolique et d'abolir les nouveautés qui s'y serment glissez pendant la guerre. En eon- séquence de ce traitté leRoy arétstbli dans Golmar la religion catofiqne, Q'MtTouvrir Pégliso du prieuré de S< Pî€frre ferraée-p»r (es futhériens , et sont attjourd*huy les pères jésuites , et tous les choeurs des églises de la province ^uand il s'est-trouTéduiis tes endroits «ept familles ortho- doaes.^II lâeiil eoeor d'^Mrdonner , 1715 , que le^chorâr de l'élise do

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88 REVUE D*àLSACE.

rhôpital c[ui était fermé , servit à L'avenir d'aide à la paroisse de S^ Martin de Colmar , et que Fecclésiastique qui desserviroit cette nouvelle église, seroit obligé d'administrer le S' Viatique aux malades de l'hôpital royal. On en prit possession en présence des Magistrats catoliques et luthériens Tonzième mars 1715. Le 1*''' mai de la même année ce chœur fut recon- cilié et l'autel consacré sous le titre de la très S^ Trinité et sous l'invo- cation de N. Dame comme d'ancienneté par le suffragant de l'Evtresché de Basle qui y. célébra la grande messe , et le 1 1 juillet suivant fut faite la fondation pour celui qui à l'avenir desserviroit ledit chœur et les deux hôpitaux , sçavoir : de 300 livres payables par quartier , 12 sacs de grain , 12 mesures de vin , 12 cordes de bois , 200 fagots outre le loge- ment ; le tout fut payé parla ville.

Les luthériens de Colmar qui s'étoient contenté lors de cette prise de possession de murmurer intérieurement , éclatèrent en plaintes après la mort du Roi , et ont allégué en Cour que par le traitté fait à Passau et con- firmé à Ausbourg en 1555 , on ne devoit point inquiéter les luthériens ou ceux de la confession d' Ausbourg , mais on leur a justifié que ce traitté ne parloit que de ceux qui étoient pour lors dans cette hérésie , et non de ceux qui s'y sont engagés dans la suitte ; qu'eu 1555 il n^'y avoit aucun luthérien à Colmar , puisque le luthérianismè n'y avoit été introduit qu'en 1575; outre que par la paragraphe 16 de ce même traitté il fut convenu expressément y qu'on laisseroit les catoliques au même état ils étoient alors 1555 tant au sujet de la religion que pour tous leurs biens.

Quant à la possession que les luthériens de Colmar ont allégué , on leur a fait voir les commissions impériales de 1575 , 1577 , 1607 et 1627 qui non seulement l'avoient interrompue , mais qui donnoient encore lieu aux catoliques de réclamer et le chœur et toute l'église de l'hôpital en vertu du paragraphe f 6 et pour autres raisons qui prouvent l'usur- pation faite de la ditte église par les dits luthériens ; car cette église qui appartenoit en 1543 aux cordeliers , n'avoit été par eux cédée et trans- portée pour le prix et somme de 2400 florins qu'au profit du Magistrat de Colmar et que pour être destinée- à un hôpital ou remise à la commu- nauté des fidels , des aumônes de qui elle avoit été bâtie ; et même à chaîne que le service divin y soit avancé et célébré selon l'ordre et la dispositioh du Magistrat très-chrétien. Cette vente fut confu'mée par le S' Siège en 1549.

Mal à propos ces luthériens de Colmar s'appuyoient sur le traitté d'Osnabruck pour parvenir aux fins de la restitution du chœur de la

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ORIGINE DU LUTHÉRANIStfE À COLMAR. 29

ditte église y car quoyque le Roy ait accédé à la confirmation .du dit traitté , par celui de Munster , il ne s'en suit pas que ce traitté d'Os'na- brnck qui ne concerne uniquement que les états et sujets de TEmpire en dépendans et y restans ; doive être observé dans les terres et pays soumis à Sa Majesté ; ny le Roy de Suède, ny l'Empereur , ni les princes et états d^ Allemagne qui ont faits et passez le traitté d'Osnabruck au sujet des différents qui étoient entr'eux pour les biens ecclésiastiques et l'exer- cice de la religion n'ont aucunement prétendu obliger le Roy à observer dans les pays soumis à son obéissance , et aquis , tels qu'est l'Alsace à observer dans son royaume et dans les pays soumis à son obéissance , et aquis, tels qu'est l'Alsace à luy cédée en souveraineté , ledit traitté d'Osnabruck ny les autres transactions touchant la religion. Bien plus lorsque le landgraviat et le grand baUlage de Haguenau qui étoit un bien héréditaire de la maison d'Autriche furent cédez au Roy par le traitté de Munster en toute propriété y l'Empereur et la maison dZAutriche firent une obligation au Roy d'y rétablir la religion catolique sur l'ancien pied et A'ea oter toutes les nouveautez qui s'y étoient glissé^ , car à l'article 75 il est porté en parlant des villes et pays cédez ces propres termes : SU tamen Rex obligatus in eis et singulis locis catolkam comervare reUgitmem quemadmodùm sub aastriads prindpibus canservaia fuit

omnesque quœ durante hoc bello novitates irrepserutCt removere

Cest à tort que les luthériens qui sont en Alsace employent l'article cinq dudit traitté d'Osnabruck par lequel il est convenu que les cato- liques et les luthériens garderoient réciproquement les biens ecclésias- tiques et en jouiroient de la même manière qu'ils les avoient possédez au 1^ janvier 1624 ; car cet article ne concerne uniquement que les états et sujets de l'Empire et nullement l'Alsace , autrement il auroit été sti- pulé par le traitté de Munster qui a précédé celui d'Osnabruck que^ce dernier et subséquent seroit exécuté dans l'Alsace comme dans l'Empire. n est vrai que les états le demandèrent , mais cette proposition fut rejettée par la France. Le traitté de Ratisbonne de 1684 n'oblige point le Roy d'observer celui d'Osnabruck mais bien celui de Munster et de Nimègue; aussy depuis 1684 le Roy a fait un grand nombre de change- ments qui étoient entièrement contraires au traitté d'Osnabruck , mais qui ne l' étoient pas à celui de Munster, car il ordonna en 1687 que les catoliques entreroient dans le Magistrat , qui avant et depuis l'année 1624 avoit été composé de luthériens ; il deffendit les mariages entre les personne» de différente religion y il deffendit de casser les mariages

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comme le faisoient les ludiériens soi wrt Ie«rs prâeipeç % il Al H^fte^àn et rendre aux catoliqoes les églises de la Toussaint , de S^ Marc^ de S' Louis , de S^ Etienne et de S* AnUnne et y fit établir des paroisses pour les catolicpies; il établit encor dans Strasbourg différents ordres religieux de l'un et Tautre sexe > et dans TAIsace il fit rendre aux cato- liques tous les choaurs des églises 'dans les villages les missionnaires qu'il envoya partout, avoient convertis sept cheis de £uniltey el toutes choses entièiwent opposées k ce traitlé d'Osnabruck y et cefiendani w n'en fit jamais au Roy le moindre reprQcbe,.^] on «e Vj a a«br^ par aucun des traittés subséquens.

L'arrest du 11 juillet 1684 rendu en Conseil d'Alsace agqgea aux comtes eatoliques de la Catédrale de Strasbourg, la moitié ^Qlege de Lampertheim y la maison appelée Bruderhoff à Strasbourg avec iom iep revenus en dépendants > contre les princes de Brunsvirick » Meckelbouif et Lunebourg chanoines luthériens quoyque le traitté d'Osnabruck les ayt coi^rmé dans leurs prébendes ; tant il est vray ^'on ne suit pas en en Alsace ce qui a élé r^ par le traitté d'Oanabruck.

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BIBLIOGRAPHIE.

Las nobles et les vilajns du temps passé , ou Beehenhes crique* sur la noblesse et les usurpations nobihaires , par Alp. Ghassant , paléographe. A. Aubry. Paris, 4857. In- 8* de 300 pages.

J'ai souB les yeiix ua peiii volume dont il faut q«e j'entretienne on montent les leetenrs qui venleni bien ne pardonner ma prose et la parcourir. Ce petit litre fait partie de la charmante collection dont Je parlais dernièrement à propos du fUame de Chartres : il est rempli ' de Mts cttHeM » et de fines , spirituelles et malicieuses idées » et soh «leur, depuis longues années, a conquis une juste réputation comme paléographe ; aussi bien des personnes le lisent atec intérêt, anlntenam surtout que la question des titres de noblesse jouti d'une certaiM actuaHié. Les naèki et les wUams eiciteront la enriosité de tous eeni qui tentent étudier , de tous ceui qui cherchent des argu- ttieiits favorables on contraires A la noUesse ; de tous ceux enfin , et ee n'est pas le petit nombre, qui aiment k rire des travers dit prochain.

U y a longtemps , en vérité , que la question des titres nobiliaires n'avait fiiit tremper autant de plumes danU'enore ; j'allà^ devant moi» dit brochures , toutes écloses en 18B7 et qui traitent de ce sujet : ce nons dix systèmes différents , et je l'avoue , pas un qui me satisfhsse. Bli Fratfce ^ on a rhabiiude de comprendre vite et de parler ou d'écrire l^loa vile encore; on aborde toutes les questions, les plus ardues coname les plus simples sans tfavail préparatoire , sans s'être donné relMui de réfléchir , et il arrive que pour être le premier à ouvrir la* iMNiche i on ne craint pas de passer auprès du sujet principal , on ne rafleurer qo'à la surface; et puis eu France encore, plus que partout aUeurs , il semble -toujours que l'on en sait pins longqne l'honorable préopinant , et qoe l'on connaît quelque détail omis par hii ;' comme je me flatte d'être parfaitement Français , je ne sois donc pas édifié

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32 RBVUE D'ALSACE.

par les recherches de mes devanciers , et je me propose bien de commettre aassi ma petite brochure sur la noblesse » et sa possibilité d'exister postérieurement à 4789.

Mais il ne s'agit pas ici d'envisager la noblesse sous un point de vue qui puisse donner à ces pages un reflet de politique ; je veux parler uniquement , aujourd'hui du livre* des c Nobles et Vilaint de H. Chassant. Il s'arrête au décret du 49 juin 4790 , c'est-à-dire au précipice sans fond qui » en matière nobiliaire sépare l'histoire de la politique.

Disons-le en passant ; c'est une singulière rédaction que celle du décret de 4790 , et l'on voit bien que ceux qui l'ont libellée ne savaient pas parfaitement ce qu'ils prétendaient faire : c la noblesse héréditaire est pour toujours abolie. > Si l'assemblée nationale avait parlé des litre» nobUiaïres , elle eut été dans le vrai » car les titres peuvent se donner , se prendre même et s'6ter ; mais la noblesse » telle qu'on la comprend avec un peu de réflexion, ne peut pas s'etflever ; le gentil- homme a été t est, et sera toi^ours » malgré les révolutions. 11 y a une confusion singulièrement répandue sur le double sens du mot nobkuef mais ce n'est pas ici le moment de s'en occuper.

En lisant le dernier chapitre de Nobles et Vilains, je me suis laissé aller à rêver que » sans adopter aucunement les arguments , au moins originaux y de H. 6amier de Cassagnac , il faut convenir qu'il y a on bien grand attrait dans cette qualification de noble. Avant 4789 , la caste noble avait des privilèges , des immunités » des exemptions qui étaient bien de nature à exciter la convoitise ; pour ne pas acquitter la taille ni les aides, pour, ^ cas de crin&e , être décapité et non pas pendu, pour chasser , avoir des honneurs i la Cour, rendre sa petite Justice , etc. , etc. , on comprend qu'il pouvait venir à l'idée de se parer d'un titre qui déguisait un vilain en gentilhomme ; je le répète, je me rends parfaitement compte de la fièvre nobiliaire du siècle passé et des siècles qui l'ont précédé.

' Hais aujourd'hui qu'il n'y a pas le moindre privilège , pas même celui de porter une mince épée en verrou on est aussi âpre que jadis à la chasse aux titres. Quant on n'en usurpe pas , motu proprio\ on va en chercher à l'étranger, et si ce n'était pas si loin, S. M. Sdulonque serait peut-être importimée de solliciteurs peu nègres ; je me hâte cependant de remarquer que les titres étrangers étant soumis à des conditions rénumératoires » la plupart des nouveaux

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BmLlOGlUPmB. ^i

nobles préfèrent prendre* en guise de diplômes » les cartes de visites dont ils combinent eux-mêmes la rédaction. Comme je le disais plus haut , il est donc bien agréable de pouvoir se figurer , en plehi XIX* siècle , après plusieurs révolutions dont aucune n'est aristocra- tique » que Ton passe pour un c noble homme > ?... Encore one* étude que je ferai » mais pas aujourd'hui non plus.

Tant il y a qu'en cette bienheureuse année 4858, nous pouvons dire comme mon compatriote» le Rémois Guillaume Coquillart » au xv* siècle :

' A Paris 5 en a beaucoup

Qui n'ont ne argent , vergieir ne terre Que TOUS jugeriez chascun coup Allies , ou grands cMefe de guerre. Ils se disent ^ssus d'Angleterre , D'un costé d'un baron d'Anjou , Parents aux sénéschaulz d'Auxerre , Ou aux chastellains de Poitou , Gcmibien qu'ils soient sailly d'un trou De la cliquette d'un musnier , Voir , ou de la ligne d'une chou , '

En&nt à quelque jardinier. Dernièrement la Gaze9U du Midi, et \e Bulletin du Bouquiniste contenaient des appréciations sur le livre de M. Chassant ; on semblait Tooioir établir que Fauteur se montrait favorable à la noblesse, et ne cherchait uniquement qu'à attacher au pilori du ridicule les abus et les excentricités auxquels cette institution a donné naissance ; j'avoue que je ne puis partager l'opinion de mes honorables confrères en critique*

. Malgré les précautions oratoires très courtoises que je lis dans rintrodnction , il est évident pour moi que M. Chassant a peu de - bienveillance pour l'ancienne noblesse , 'et que son livre lui a été inspiré par le désir de signaler tout ce qui pourrait prévenir un retour quelconque à son rétablissement non pas seulement comme caste privilégiée mais même comme institution -^otée de simples distinctions honorifiques, surtout si ces distinctions devaient être héréditaires ; mais une justice à rendre à notre auteur , c'est qu'il manifeste sa conviction ^ ou du moins il ne la laisse deviner que sous une forme très polie , et en des termes aussi convenables que modérés. On comprend qu'il y aurait plaisir à discuter avec lui » honnêtement ,

••AMét. S

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en bon français , j'ajoute que l'on aurait beaucoup à y gagner , quaiu même on différerait d'opinion sur plusieurs points. Si jinsiste sur ce point , c'est avec intention ; quant je me mis à lire Nobles et vilains (et je dois confesser que je ne pus abandonner le livre sans Tavoir terminé) « je venais de parcourir une des dix publications dont je parlais il y a un moment , et de l'une d'elles il m'était resté une impression pénible. L'auteur de cette brochure, ennemi juré de toute espèce de noblesse > traitait la question dans un style qu'il avait voulu rendre énergique et qui n'est que ridicule : j'étais encore aburi d'une certaine péroraison biblique, une invocation i grand orchestre contre ces pauvres gentilshommes , l'auteur se posait comme le Roi-prophète alors qu'il précédait l'arche ; cette allusion chorégraphique m'avait ébloui, et il me semblait apercevoir le terrible écrivain , muni d'un orgue «de Barbarie , et exécutant une Carmagnole devant la déesse de la Raison.

Je dis donc que M. Chassant est mal disposé pour l'ancienne noblesse , et je crois que chacun , quelque soient ses convictions personnelles, sera de mon avis lorsqu'il lira attentivement le chapitre ii; ce chapitre , en réalité n'est pas autre chose qu'un résumé rapide de l'histoire de France, duquel II résulte que «depuis Charles-Martel jusques à la fin du xvni* siècle , il peut se prouver que la noblesse a été la cause de tous les maux , et le monstre , vivace ma foi , que les rois devaient sans cesse combattre et museler, sous peine d'être anéantis. Je ne crains pas de le dire franchement à M. Chassant , c'est dans cette partie de son livre qu'il est surtout partial ; il cite tout ce qu'il trouve contre la noblesse , (or qu'elle est l'institution humaine qui n'a pas de grands défaut?) et il ne dit rien à son avantage. Dans Nàbliè et vilains , je vois bien les faibles et les défauts des nobles authentiques, les ridicules et les palinodies des nobles de contrebande; mais , pour me servir des expressions même de l'auteur , je ne vois que bien peu , j'allais dire rien » de c ceux qui se sont rendus dignes de la noblesse, en mettant leur courage, leurs vertus et leurs talents, moins au service de leur ambition personnelle , qu'au service de leur patrie.

Et cependant , on ne peut pas le nier de bonne loi , Tantique adage c noblesse oblige > n'a pas été un vain mot ; la vieille noblesse a été turbulente , imprudente, hautaine , exigeante , je le confesse; mais elle a aussi été loyale, dévouée, pieuse, prodigue de sang, et la

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BIBLIOGRAPIIIB. 55

moitié de notre histoire nationale, dans ses plus beUes pages, esc son histoirei

Eh mon Dieu , sans vouloir Taire de récriminations , je me permettrai de demander si la classe dominante , quel qu'elle soit , n'a pas chez nous tous les vilains défauts que je viens d*énumérér ? bien entendu que je ne lui refuse pas les qualKés qui viennent après. Depuis un siècle nous avons vu la direction des affaires passer par les mains d'hommes appartenant à toutes les couches de la nation , et toujours les mêmes qualités et les mêmes défauts se révèlent : les uns et les autres sont dans le sang gaulois.

Je m'aperçois que j'ai manqué à mon premier devoir puisque j'ai négligé , jusques à présent , de donner une idée du plan et dès divi- sions adoptés par M. Â. Chassant ; j'en demande humblement pardon au lecteur qui aura bien voulu me suivre jusqu'ici , mais quand je lis uo livre aussi substantiel que Nobles et vilaim , je ne sais comment me diriger au milieu de la fourmilière de réflexions que cette lecture met en révolution. Je ne puis pas jurer que je ne m'égarerai pas encore avant d'arriver à la fin de cette étude.

Donc, M. Chassant consacre son premier chapitre à recueillir ce que les plus illustres anciens et modernes ont pensé de la noblesse , depuis Salomon jusques à S* Jérôme : depuis Jehan de Meung jusqu'à Champfort. On passe ainsi en revue des textes curieux qui indiquent , chez i'auteûr, une patience et une érudition admirables; on voit qu'il sait lire , talent qui n'est pas aussi commun qu'on se l'imagine. Je lui reprocherai seulement de ne pas avoir cité , pour les anciens, les textes eux-mêmes , ou au moins de ne pas avoir accpmpagné ses diations de renvois qui eussent permis de recourir aux originaux ; quelque bonne que soit une traduction , quelque confiance que l'on ait dans le traducteur, la discussion est impossible si l'on n'a pas sous les yeux la pensée de l'auteur dans l'idiome même qui est sa forme primitive.

Et à propos d'Horace « je suis étonné que M. Chassant ne se soit pas souvenu d'an passage , je dirai tnéme d*une satyre entière qui a si peu vieillie qu'aujourd'hui on pourrait se l'approprier en substituant aux noms romains , des noms medrenes très-connus. La pebilure exdcte des erreurs humaine^ a le talent de ne pas subir l'injure des siècles , et la vi' satyre du poète de Vcnouée est aussi jeune que ceti^

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comédie d'Aristophane dans laquelle-, en 1848 , nous lisions toutes les divagations du club des femmes.

Horace félicite très-galamment Mécène de ce qu*il est de l'antique lignée des lucumons d'Etrurie , et aussi de ce que cette haute nais- sance ne Tempéche pas de proclamer c qu'il importe peu de quel c père on soit pourvu qu'on soit de condition libre ; que bien des c gens issus d'obscures parents , viro» nuUù majorUms ortos , se sont c plus d'une fois distingués par leurs propres mérites, et ont pu s'élever c aux plus hautes dignités. » Il est curieux , si l'on continue encore quelques vers , de voir Horace s'égayer de la naïveté populaire cqui , dans sa sottise est souvent l'esclave de la renommée, des inscriptions et des images , et se laisse , mainte fois éblouir par le souvenir des grands noms. Ce passage « à lui seul , suffirait au besoin pour rester convaincu que Rome était riche de bourgeois gentilshommes et de faux nobles. On sait en effet que les inscriptions 'd'honneur et les images des aïeux , tUuli et imagines tenaient lieu des parchemins et des armoiries dans la ville éternelle.

J'ai déjà parlé du deuxième chapitre de Nobles ei viktni ; jetioteraf seulement que plusieurs faits peuvent être considérés comme très- discutables au point de vue de l'appréciation historique ; ainsi rétablissement de la noblesse héréditaire, l'affranchissement des communes considéré comme une création personnelle de Louis ti , la trêve du Seigneur attribuée à l'initiative de Henri i«' , etc. » ne sont pas envisagés avec la netteté et la précision que les travaux histo- riques modernes permettent d'exiger. Je noterai aussi un silence choquant sur les Croisades , et la Jacquerie mise dans un jour qui est , je crois , un peu trop favorable à Jacques Bonhomme.

c Comme quoi les prétentions nobiliaires ne datent pas ai^ourd'hui telle est la rubrique du iii'^ chapitre ; il y a de bonnes pages dans lesquelles j'ai retrouvé les vers de mon compatriote Coquillart que l'on a lus , il y a un moment ; puis on entre ensuite dans le chapitre iv, traitant des usurpations de noms , d'armoiries , de titres et d'origine. M. Chassant y va de main de maître ; il cite des faits authentiques qu'il est impossible de lire sans perdre son sérieux , eut-on le flegme britannique ; vraiment , s'il eut voulu , ses pages eussent été bien autrement nombreuses , mais il a fait de la coquetterie , il a voulu faire rire ses lecteurs , mais sans qu'ils fussent forcés de crier grâce. Quand on a parcouru ces deux chapitres, il reste un vague regret

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BIBLIOGRAPHIE. 37

de voir arriver la 6d du récit , et » comme les enfants charmés par un conte de fée » on se surprendrait presque à dire : c Ofa , Monsieur c Chassant, continuez donc à nou^ dire ces choses que vous dites si c bien. »

Mais si » dans un siècle seulement, quelque bibliophile paléographe et philosophe, donne une nouvelle édition de Nobles et Vilains, quel supplémeifc pourra-t-il faire , grâce aux usurpateurs de toute sorte que chaque hiver fait éclore à Paris seulement ! C'est généralement pendant cette saison rigoureuse que ce genre de parasites se révèle de préférence : on se masque en carnaval , puis ensuite le masque est conservé le reste de Tannée.

Le chapitre n'est pas le moins important du livre: son titre même fait pressentir quelle idée y domine -^ c Comme quoi ce n'est c pas seulement par le nom , par les armes, par le titre , par la nais- c sauce, qu'on dislingue le noble du vilain. i Avec M. Chassant, avec Charles de Louviers , je dirai que dans un homme de qualité on doit considérer les œuvres et les vertus plus que le lignage ; comme eux je dirai que la plus triste dérogeance est celle de l'héritier d'un grand nom, qui ne sait se distinguer que par ses vices ou ses faiblesses ; comme- eux enfin , j'admirerai les lettres de Fabert et de Louis xiv que je prie mes lecteurs de lire attentivement, parce qu'elles honorent également le premier gentilhomme des royaumes de France et de Navarre , ainsi que le plébéien parvenu à la dignité de maréchal de France.

Je termine en rappelant cette définition de Porphyre, que M. Chas- sant a, je crois, oubliée: c La noblesse n'est autre chose que la c gloire et la célébrité des ancêtres , l'honneur qui est le prix de c leurs vertus : mais pour hériter de l'honneur , il faut aussi hériter c des vertus. »

Anatole db Barthélémy.

La Philosophie de la Religion , par M, Matter , ConseiUer honoraire de rUnivertiié, ancien Impecteur général des bibliothèques fubtiques. 2 vol. Paris, Grassart , 1857.

An moment de parler du livre de M. Matter un douloureux souvenir s'éveille en nous. Un nom cher aussi à l'Alsace et à la philosophie se

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présente à nous mais toile de deuil. C'est celui de Cbrisiian Bartbolmess qa'une mort cruellement rapide et inattendue a frappé il y a un an à peine, an milieu de sa carrière et de ses succès , à cet heureux et fécond moment qu'on pourrait appeler la maturité de la jeunesse , et qui est comme le sommet de la vie , pu l'homme laborieux et persévérant voit derrière lui un passé déjà rempli de luttes et de .victoires et devant lui un avenir assez vaste encore pour4ui en pro* mettre nouvelles.

Nous ne voulons pas ici refaire l'éloge de Bartbolmess , si doux pourtant à faire et à entendre pour tous ceux qui l'ont connu. Des voix éloquentes et amies nous ont raconté sa vie , ses travaux , ses succès et nous ont rappelé toutes les sérieuses et aimables qualités de son esprit et de spn cœur, (i) Nous ne voulons que déposer un souvenir sur la tombe d'un homme que nous respections comme un maître et qui a bien voulu nous permettre de l'aimer comme un ami. M. Matter d'ailleurs moins que personne nous pardonnerait d'avoir oublié en cette occasion le nom de Bartbolmess dont il a été le maître » le collègue et l'ami et dont il a naguère avec une éloquente émotion prononcé l'éloge funèbre an nom de la philosophie et du séminaire protestant.

Nous avons déjà , dans cette Revue, et à l'occasion de YHutoire des doctrines religieuses, le dernier ouvrage de Bartbolmess, montré les diffi- cultés qui entourent les problèmes de philosophie religieuse, mais aussi le puissant intérêt qu'il y a pour la philosophie comme pour la religion , pour le savant comme pour tout homme qui pense , à connaître les rapports intimes de ces deux puissances qui se partagent oon seule- ment la grande scène de l'histoire mais aussi la scène intime de la conscience. Qui de nous en effet, pour peu qu'il sente qu'il a une âme* faite pour penser et pour prier , ne s'est jamais débattu dans les anxiétés du doute? Qui de nous n'a travei*sé une de ces crises douloureuses les impérieuses exigences de la raison, viennent

(') Voy. dans la Revue d'Alsace les articles de M. Spacb ; l'éloge académique prononcé par M. Matter ; les discours prononcés sur la tombe par M. Matter et M. Janet et à l'église Saint-Thomas per M. le pasteur Heintz. Voy. aussi le discours d*ouverture de M. Waddington que le Séminaire protestant a eu le bon- heur d'enlever à la Sorbonne et de placer dans la chaire de Bartbolmess , qui ne pouvait être plus dignrment occupée.

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BIBLIOGRAPHIE. 39

ébranler ces aoiiqoes et chères cobticUods qui sont nées avec nous qui ont leur racine au plus profond de nôtre être et qu'on n'arrache qu*au péril de notre vie morale ? Nous plaindrions* également celui dont la froide raison n'a jamais été troublée par les besoins de la foi . et celui doitt la piété n'a jamais trouvé l'occasion de se fortifier dans la lutte contre le doute. Âi^ourd'hui plus que jamais on sent le besoin de concilier la raison et la foi , la religion et la philosophie» parce qu'on sent qu'il est presquimpossible aujourd'hui de n'{tre ps(3 à la fois philosophe et religieux. Jamais la religion et la philosophie n'ont été mieux connues ni respectées davantage. Jamais npn plus elles n'ont été plus favorablement placées pour se comprendre et s'unir*

An moyen*âge la religion règne à peu près sans partage et sans conteste et la philosophie se tient humblement derrière elle, servante obéissante.

Au seizième siècle la philosophie commence à sentir à la fois sa force et son- abaissement ; elle essaie de secouer ses liens mais plus d'une fois elle est terrassée et plus d'un noble et courageux esprit expie par sa mort l'honneur de l'avoir défendue. Enfin avec Descartes la philosophie conquiert sa liberté et ses droits. Elle ne relève plus que de la raison c'est-à-dire d'elle-même ; elle suit ses propres traces.

Sinhir trUt aufder êig^nm Spur DU fMe Tochi9r der Naiur,

La religion cependant n'a pas à souffrir de cet affranchissement de la philosophie , qui ne demande qu'à régner sur la science , respectant le domaine de la foi comme la propriété sacrée de la religion. La religion à son tour reconnaît et respecte la philosophie et ses plus illustres docteurs consacrent leur génie à la servir et à la défendre. Toutefois si l'on y regarde bien , la religion et la philosophie paraissent vivre pacifiquement l'un à cêté de l'autre plutôt que de se pénétrer intimement. On aflOrme qu'elles ne sont pas ennemies , on ne prouve pas qu'elles ne font qu'un. Cest une honorable transaction ; ce n'est pas une fusion.

Au 18""* siècle cet accord si imposant parait se troubler. La religion perd du terrain ; la philosophie en gagne. Elles se séparent de plus en plus muis pour marcher l'une cuuire l'autre.' La philosophie passionnée |lour le progrès et pour la lumière confond trop facilement Terreur avec le mystère » la superstition avec la foi. Elle attaque la

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religion à la fois avec les armes légères de la plaisanterie et 1^ ardentes invectives de l'éloquence. La raison ne peut ni ne veut comprendre la foi. La philosophie de la religion consiste à se moquer de la religion et à déclamer contre elle.

On le voit , la philosophie et la religion dans la suite de leurs rapports ont pour ainsi dire traversé toutes les positions et rempli tous les rôles. La domination tyrannique » la paix oCScielle et la lutte» voiià.comn\p les trois époques,de leur histoire. Une quatrième encore et la dernière devait suivre : celle de leur union sérieuse et intime , et c'est la gjoire de nt>tre siècle de l'avoir amenée.

Ledii-neuvième siècle est profondément religieux souvent sans le savoir et sans oser l'avouer. Partout » dans tous les sens se montre un mouvement décidé vers les idées religieuses et sfnritoalistes. La poésie cherche l'infini dan^ les harmonies de la nature . dans les souffrances et les joies de l'âme. La philosophie remet en honneur la croyance en Dieu , en l'âme et en sa destinée immortelle , et rappelle le souvenir des grandes écoles qui l'ont enseignée. Une psychologie plus large et plus profonde que celle de l'école sensualité ' proclame le sentiment religieux comme un fait naturel » comme un besoin légitime et impérieux de notre vie spirituelle. La science historique de son côté par l'élude sérieuse et impartiale des religions de l'antiquité et de leurs origines les plus lointaines , donne à la religion la certitude et l'aiitorité d'un fait universel et qui a puissam- ment influé sur les destinées de l'humanité. La religion elle-n^éme par de vastes et profonds travaux d'exégèse introduit la critique c'est- à- dire la philosophie dans la théologie , et ajoute ainsi l'évidence de la raison à l'autorité de la révélation. C'est aussi à ce besoin élevé de conciliation entre la religion et la philosophie . qui repose sur une profonde connaissance et un profond respect de chacune d'elles » que nous devons l'ouvrage de M. Matler sur la Philosophie de la Religion. Le nom de M. Malter est un de ceux dont l'Alsace est fier et que la science française et allemande honorent également. Il est un des membres les plus distingués de cette nombreuse famille de savants alsaciens qui continue avec tant d'honneur par leur enseignement et leurs travaux les traditions de. l'ancienne université de Strasbourg et maintient en France et en Allemagne la vieille réputation scienti- fique de notre province. M. Natter a su à un haut degré développer en lui , les qualités de solidité allemande et de clarté française dont

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BIBEiIOGBÀPHIB. . il

l'imion est nn des privilèges de l'esprit alsacien et le rend singulière* ment propre ft servir d'intermédiaire entre deux nations si proches Tune de l'antre par lenr position géographique et si éloignées cepen- dant « par leurs habitudes d'esprit ^t de langage.

Les travaux de M.Mattersurrécoled'Alexandrie, sur le gnosticisme, sur l'histoire du christianisaie, sur Schelling fort estimés des deux côtés du Rhin » ont contribué à initier la science française aux travaux d'érudition philosophique et théologique , aux mouvements des idées» aux lottes des.éçoles de l'Allemagne contemporaine. Us nous montrent en même temps que les études de notre savant compatriote ont surtout été dirigées sur les questions de philosophie religieuse , qui depuis des années aussi sont le fond de son enseignement au Séminaire protestant. Aiyourd'hui il nous donne dans son livre de la Philoiophie sur la Religion » le résumé dogmatique des études et des méditations de toute sa vie. Ce titre déjà est toute une profession de foi. S'il y a une philosophie de la religion , la philosophie et la religion sont légitimes chacune et ne sauraient être ni étrangères ni hostiles l'une è l'autre, c La religion , dit Natter, prise subjectivement dans le sens d'un être intelligent et libre est 1% conscience de ses rapports avec l'Être suprême. Prise en elle-même et objectivement la religion est l'ensemble des rapports qui existent entre Dieu et l'homme en vertu de l'ordre étemel , absolu ou divin qui règne dans l'univers matériel comme daçs l'univers spirituel. > La religion est donc un fat. La philosophie explique tous les bits ; elle est la science des principes et des causes. Il y a donc une philosophie de la religion.

Que les rapports entre l'homme et Dieu soient ceux de la raison on de la foi» la philosophie les comprend et les explique également. Car elle sait que les côtés par notre nature touche à l'infini sont enveloppés de ténèbres et qu'il est des faits qui peuvent surpasser notre raison sans cesser pour cela d'être raisonnables. Voilà ce que croit et 'ce que peut affirmer la raison sans honte et sans faiblesse. M. Matter on le voit est plutôt préoccupé de marquer les ressemblances que les différences entre la religion naturelle et la religion révélée, çt cette préoccupa- ti<m nous paraît heureuse et utile, car peut-être s'est-on trop complu, ailleurs» dans l'intérêt d'une cause et d'un parti, à mettre en présence et même en hostilité le Dieu de la raison et le Dieu de la révélation , au lieu de chercher à les unir dans l'intérêt de la paix et du bonheur de l'âme. Cette opposition hostile en effet rejouit également le fanatisme et

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42 REVUE D'ALSACE.

le scopticrsme, mais inquiète et attriste les âmes siocères qui ae peuvent se décider ni à rester en suspens ni à faire un choix qui ne saurait les satisfaire qu'à demi. C'est rendre un plus grand service à l'homme et un plus sérieux hommage à Dieu que de montrer sous les formes différentes de la religion et de la philosophie une harmonie intime.

f Loin d'être contraire à la raison ou incompatible avec ses lumières la religion est , en vertu même de son objet céleste , le plus grand moyen de développement de la pensée humaine , et cette pensée se trouve en possession de l'idée de Dieu aussi directement qu'elle est en possession de celle de l'ame ou de celle de l'univers. On ne doit point confondre cette religion philosophique , fille de la raison uni- verselle , avec les religions positives , issues de révélations spéciales ; mais aussi de leur distinction nul n'a droit de conclure qu'elles sont ennemies. » (P. 41)

c La philosophie et la religion peuvent être contraires l'une à l'autre. Quand elles sont mauvaises toutes les deux , quand la religion est superstitieuse et la philosophie sceptique , elles ne sauraient s'allier ensemble; mais parfaites l'une et l'autre, elles sont identiques ; leurs grandes solutions comme leurs grands problèmes sont les mêmes ; la vérité est une. » (P. 45)

c En théorie la religion philosophique et spéculative suit entiére- meil les lumières de la raison tandis que la théologie positive suit celles de la révélation; en fait, cette distinction s'efface si bien que celle-là se nourrit sans cesse de religion et celle-ci de philosophie, i (P. i^)-

Nous avons à dessein recueilli plusieurs passages à peu près iden- tiques dans la préface de notre ouvrage pour en faire mieux ressortir l'idée qui le domine tout entier: l'union ou plutôt l'unité de la philosophie et de la religion.

C'est avec une véritable joie que tous ceux qui sont dévoués à la philosophie et qui souffrent de la voir parfois repoussée dans les rangs même du protestantisme cependant plus que partout ailleurs elle devrait être accueillie avec honneur c'est avec joie qu'ils liront rintroduction du livre de M. Matter et ils applaudiront sans réseive à S3 théorie si laige , si élevée et si ferme en même temps. L'impartialité de l'auteur de la Philotaphie de la Religion est d'autant plus sincère , et sa doctrine de conciliation paraîtra d'autant plus

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BIBLIOGRAPHIE. 43

solide qu'elle est le froit d'une étude spéciale et approfondie de la philosophie et de la relij^'on.

En France généralement on appartient i la philosophie on à la théologie. On parle de la théologie en philosophe» et de la philosophie en théologien, c'est-à-dire le pins souvent en profane ou en adversaire, rarement en juge tout a fait compétent et désintéressé. H. Natter est théologien et philosophe , non seulement par goût et par vocation , mais par position. Personne n'est donc mieux placé que lui pour <»mprendre les rapports de la philosophie et de la religion et cette position exceptionnelle de l'auteur donne à s<yi livre une originalité et une autorité qui le feront accueillir avec une égale distinction par les philosophes et les théologiens.

Nous nous sommes volontairement arrêtés quelque temps à la pré- face du livre , car elle^ toute l'importance d'une profession de foi et tout le reste de l'ouvrage n'en est en quelque sorte que la démons- tration.

La religion qui n'est autre chose que l'ensemble des rapports qui lient rhomme à Dieu embrassera Dieu et son œuvre, l'homme e^t le monde. La philosophie de la religion contiendra donc la psychologie, la philosophie de la nature et laTheodicée. M. Matter, fidèle aux habi- tudes ontologiques de l'Allemagne , débute par Dieu et non comme le recommande la philosophie française par l'homme , pour monter ensuite à Dieu. M. Matter qni est pénétré profondément de l'esprit et des habitudes de la philosophie française dont il possède la netteté de style et la rigueur de méthode , M. Matter a sans doute eu ses raisons pour suivre ici les voies de la spéculatiou allemande et ces raisons BOUS croyons les deviner. La méthode psychologique , excellente et même, nécessaire pour le penseur qui, s'appuyant sur la seule raison, veut arriver à Dieu |)ar le chemin le plus naturel et le plus sûr et mon- trer ce chemin aux autres , l'est moins pour le théologien philosophe qui , s'appuyant sur la révélation , part de Dieu comme de la première des vérités , comme de la source de l'être et fait assister ses lecteurs en quelque sorte a la création du monde et de l'homme. * En prenant ainsi son point de départ dans l'absolu et en descendant pour ainsi dire l'échelle immense des êtres « il donne à son ouvrage on 'caractère imposant qui convient bien à la haute spéculation dogniaiiquc. L'auteur débute donc par Dieu. Sa nature , ses attributs ses rapports avec le monde et l'homme , la Providence , la Création i

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44 REVUE D'ALSACE.

loas les problèmes de la tbéodicée sont abordés et discutés , avec les secours réunis de la raison et de la révélation. On peut admirer ici « grâce à M. Matter y l'accord intime qui unit la vérité naturelle et la vérité révélée et n'en fait qu'une seule vérité. L'Évangile renferme toute une tbéodicée brillent sous les voiles mystiques du symbole les grandes et sublimes idées dont quelques unes furent entrevues déjà par les âmes d'élite de l'antiquité.

Après avoir considéré Dieu en lui-méifte » nous le retrouvons dans ses œuvres. Après la tbéodicée, la philosopbie de la nature. La philo- sophie de la nature es( presqu'aussi ancienne que la philosophie elle- même t car dès que l'homme jette les yeux sur le monde , il y voit Dieu. Et si les anciens , admirateurs naïfs et encore ignorants d'un spectacle dont ils ne devinaient que faiblement l'immense variété et la sublime ordonnance, célébraient avec. enthousiasme son divin auteur » que-devons nous faire, nous à qui les sciences entr' ouvrent le ciel et la terre dans leurs profondeurs les plus cachées et nous montrent d'innombrables myriades de mondes au*delà de notre globe, et dans ce globe des myriades de mondes encore; l'infini partout, dans les espaces du ciel et dans la goutte d'eau!....

M. Nattera emprunté aux sciences leurs plus précieuses découvertes et qui font briller dans tout leur éclat l'infinie puissance du Créateur. Il nous a donné un tableau plein d'intérêt et de vie, et qui atteste chez lui une universalité de connaissances néoessaire au métaphysicien qui veut expliquer le monde mais dont les métaphysiciens se dispensent trop souvent par un dédain spiritualiste assez mal entendu. Dans ce voyage à travers ciel et terre nous avons suivi M. Natter hand parri- bus aequU. Mzls t grâce à notre guide , nous en avons rapporté un respect plus profond pour l'intelligence de l'homme qui domine le monde , et une reconnaissance plus vive envers celui qui a créé , et le monde , et Tintelligence de l'homme !

Si la nature extérieure nous montre Dieu , nous en trouvons cepea- dant une image plus complète et plus éclatante dans la plus parfaite de ses œuvres , celle il a en quelque sorte inscrit son nom » dans l'âme de l'homme.

H. Natter ne s'en tient pas à la psychologie sévèrement scientifique telle que la veut la philosophie française et qui n'admet que les*(àit8 que l'observation directe de la conscience peut recueillir , et s'arrête cesse l'induction légitime et commence l'hypothèse.

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«BLIOGRAPHIB. 45

Après avoir aUeint les limiles que la raison posé à la science de l'âme » il les franchit et aborde un ordre de questions plus obscures et par cela même peot-étre plus attcayantes : Sommes-nous les seuls êtres qui composons le monde des esprits ? N'y aurait-il pas comme dans le monde des corps, une variété de classes, de genres , d'espèces? et ce monde des esprits, quand et comment a-t-il été créé? quelles lois le gouvernent? quels sont ses rapports avec Dieu f comment Dieu le gouveme-t-il, comment se révèle-t-il aux âmes? Nous marchons ici sur an terrain glissant les conjectures nous soutiennent bien plus que l'observation et le raisonnement. Faut-il pour cela abandonner ces questions comme indignes de la curiosité du psychologue ? Nous ne le pensons pas. L'âme a ses profondeurs mystérieuses que la science peut sonder quand même elle n'en toucherait pas le fond. Sur plus d'une question capitale de la psychologie nous devinons et nous sentons bien plus que nous n'afftrmons et ne prouvons. Mais ces pressentiments mêmes et ces conjectures ont une certaine valeur comme phénomènes de la vie spirituelle et le psychologue peut les accueillir f sous toutes réserves s'entend , et en se mettant bien en . garde contre les illusions de l'imagination qui n'est jamais à J^out de ressources quand les faits manquent à l'observation. D'ailleurs le puissant intérêt et le charme mystérieux qui entourent ces questions font aisément pardonner à l'écrivain de quitter parfois l'évidence * pour l'hypothèse. Nous préférons quelquefois au silence une réponse même douteuse. Nous n'«vons donc pas le courage de reprocher à M. Matter d'avoir élargi son cadre et d'y avoir fait entrer plusieurs chapitres du plus grand intérêt pleins de vues hardies, d'idées originales et d'une lecture on ne peut plus attachante. Au surplus M. Matter pourrait nous répondre que l'objet de son livre n'est pas purement philosophique, qu'il est principalement religieux, et que la religion afiBrme la science humaine est réduite à douter et à deviner. Mais les doutes mêmes de la science humaine peuvent s'éclaircir si on les rapproche des affirmations positives de la révélation et qu'on montre ici encore les rapports étroits entre la raison et la foi.

Les lecteurs de la Revue et l'auteur du livre me pardonneront d'avoir effleuré plutôt qu'analysé véritablement la Philoioplùe de la Seligion.

Nous avons été jobligés de laisser sur notre chemin plus d'une question intéressante , plus d'un problème curieux » plus d'une

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solution digne d'eiamen » sur laquelle nous aurions peut-être osé soumettre au savant auteur non pas des critiques, ce mot sonnerait mal dans notre bouche, mais qi^elques doutes respectueux.

Nous regrettons aussi que notre ignorance théolc^iqne ne nous ait pas permis d'apprécier et de louer comme il convient une partie importante de Tonvrage, la partie spécialement théologique. Mais malgré notre incompétence partielle nous osons affirmer que Touvrage deM. Hatier est un des ouvrages les plus sérieux elles plusforis quiaient paru sur la philosophie religieuse. Sans doutçil soulèvera desobjecUons et trouvera des contradicteurs. Mais il n'y que les ouvrages de valeur et de poids qui sollicitent l'examen , provoquent la lutte et sont détaille à la soutenir. Nous pouvons prédire au livre que nous quittons en ce moment , qu'il mécontentera également le fanatisme religieux et le fanatisme philosophique , ennemis intéressés de la paix. Mais nous pouvons lui prédire aussi que toutes les qualités qui le distinguent , l'élévation des vues et des sentiments » la pénétration et la 6nesse de la critique , la fermeté élégante et quelquefois éloquente du style , le feront accueillir avec un sympathique empressement par tous les esprit^ sérieux et sincères , philosophes et théologiens.

Emile Grugkbr,

profBttCv pltOotopliie «u fynMM StrMbMfff .

Flore d'Alsace et des contrées limitropres. 2 forts volumes in-12. (16 fr.) , par le 1> F. Kirschleger y professeur à l'Académie de Stras- bourg. — Paris , thez les principaux libraires.

Ce n*est pas seulement dans nos départements du Nord-Est que les amis de la Botanique apprendront avec satisfaction la publication com- plète de la Vlare d'Alsace et des cofUrées limitrophes. Cet outrage , qui a paru par livraisons depuis 1850 y est enfin terminé , et nous croyons avoir lieu d'espérer pour lui le plus honorable succès. Il suffira d'un examen rapide pour reconnaître qu'aucun effort n'a coûté à l'auteur , voulant remplir dignement la tâche qu'il s'était imposée , et le public trouvera libéralement distribuées dans son livre l'érudition , la science et l'enseignement.

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BIBLIOGRAPHIE* 47

La Flore de M. F. Kirschleger renferme Thistoire complète des végé- taux qui croissent spontanément en Alsace et dans les contrées environ- nantes. Classes , familles , genres y espèces y sont décrits dans le plus grand détail , et ^u milieu de leur description ressortant , en italiques, leurs caractères différenciels , laconiquement exprimés , et faciles à vérifier. Le lecteur arrive à leur diagnose au moyen de tableaux synop- tiques , et de ces clés dichotomiques dont se servent avec tant de plaisir ceux qui veulent ouvrir le» portes du sanctuaire de la science. Les noms des espèces , leur synonymie, leurs dénominations populaires, françaises et allemandes y l'époque de la floraison des plantes , leur station géolo* gique y leur dispersion , leurs localités , tout est nettement indiqué , et l'étudiant , ayant passé , par des analyses successives , de la classe à la famille , de la famille au genre , du genre à l'espèce , parvient sans' fatigue à une détermination précise, qui ne lui laisse rien à désirer. La classification adoptée par Fauteur est celle de Decandole^ légèrement modifiée.

Mais la végétation indigène de l'Alsace et des Vosges n'est pas la seule qui eorichisse la Flore de M. Kirschleger i les plantes culivées ou natu- ralisées dans ces fertiles provinces se joignent à celles qui y croissent spontanément. Toutes les espèces utiles , céréales , potagères , fourra*- gères, tinctoriales, médicinales, y sont décrites, avec leurs races et leurs variétés ; l'époque de leur introduction est indiquée , ainsi que les progrès de leur vulgarisation , leurs rendements et leurs produits. Près d'elles se rencontrent les plantes d'ornement, cultivées dans les jardins, les parcs , les promenades publiques ; de sorte que le fleuriste , l'agri* calteur , le forestier, l'industriel trouveront dans cette Flore un livre qui s'adresse à eux , comme, aux personnes qui étudient la Botanique pure. Les médecins et les pharmaciens surtout pourront y recueillir de fidèles renseignements sur les propriétés thérapeutiques des plantes , ainsi que sur les principes chimiques servant de base à ces propriétés.

Cette abondance de notions précieuses n'a point paru suffisante à M. Kirschleger : il a voulu couronner son œuvre par une revue histo- rique et bibliographique des travaux littéraires relatifs à la Flore f Alsace et des Vosges : Ce travail de bénédictin , qui possède à lui seul l'importance d'une publication spéciale, a coûter bien des veilles à son auteur : il s'y montre jaloux de restituer à chacun la gloire qui lui appartient , et les vieux phytographes , qui , même avant la venue de Linné, ont bien mérité de la Botanique alsacienne, y

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' reçoivent un hommage fervenl et respectueux : c'est en effet à ces téné- rables devanciers , MappWy Lindem^ Eermann . Nestler, qu'est dé- diée la Flore éP Alsace et des Vosges ^ ces botanistes ayant rassemblé, dit modestement*!!. Kirschleger , les maiériaux qu'il n'avait plus qu'à coordonner.

Outre les mérites divers que nous venons de signaler , fl en est un , que nous prisons plus que tous les autres , parce qu'il a une valeur morale , autant que scientifique : nous voulons parler de la vigilance infatigable avec laquelle l'auteur de la Flore s'occupe de l'instruction de ses lecteurs. On nsconnatt en lui l'homme de science et l'homme i* enseignement , deux qualités fort distinctes, et très-rarement réunies. La plupart des livres didactiques offrent une exposition froide et aride , et leurs auteurs semblent assez peu se soucier du bénéfice intellectuel que l'étudiant doit retirer de leur ouvrage ; ils tâchent d'être exacts y et c'est assez pour l'acquit de leur conscience : celle de M. Kirschleger est beaucoup plus inquiète. Quand il décrit une plante dont l'organisa- tion présente quelques particularités , ou quelque anomalie, fl les signale minutiensement à l'élève, lui indique les comparaisons à établir, prévient les difficultés qui peuvent l'arrêter, et ne laisse échapper aucune occasion de le familiariser avec les grandes lois de l'oiganogra- phie végétale. Aussi , quiconque ouvrira cette Flore avec le désir sérieux de s'en approprier la substance saura-t-il gré i l'auteur de ce zèle per- sévérant , déployé dans l'intérêt de l'étudiant, véritable charité didac- tique , trop rare hélas ! dans la classe professorale , et qui est pourtant la condition la plus importante de l'enseignement , oral ou écrit.

L'auteur de la Flore d'Alsace et des contrées limitrophes a consacré sept années à la publication de son œuvre , sans compter celles qu'il a passées à la préparer. Il a su , pour faire un bon livre , résister à l'im- patience de ses souscripteurs et à l'entraînement , bien naturel , qui le poussait lui-même à accélérer sa marche vers le terme de ses travaux : nous pouvons donc lui appliquer ce que Ton a dit des écrivains conscien- cieux du dix-septième siècle: ils travaillaient longtemps, mais (fêtait pour longtemps.

ËMii. Le Mâout.

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VILLES LIBRES ET IMPÉRIALES

DE L'iNCIBN!» AL$A€I.

LANDAU.

Landau ! Qael Alsacien ne prononce ce nom avec un patriotique regret I Landau noble fleuron arraché à la couronne de France ! Trop belle fille de l'Alsace qui languit dérobée à l'Alsace! Landau» témoignage toiyours vivant de nos revers de 1815, triste et continuel écho des humiliations du lendemain de Waterioo !

Oui Landau» l'une des dix villes libres et impériales de la Landvog- tey d'Alsace ou grande préfecture de Haguenau , Landau l'un des chefs-d'œuvre de Vauban , et l'un des boulevards de la France à partir de 1686 jusqu'en i8i5» Landau appartient aiiyourd'hui an roTaume de Bavière ! Et ce n'est pas que la Bavière possède Landau par droit de conquête » en vertu d'un de ces faits d'armes qui sanctionnent jusqu'à un certain point les usurpations de territoire. Non vraiment , car en 1815 les portes de la place françabe de Landau n'ont pas été brisées à coups de canon » elles ont été ouvertes à coups de protocoles , alors que la France » épuisée de soldats et accablée par TEurope entière , devait laisser la légitimité souscrire , non spns un chevaleresque et patriotique dépit » à toutes les dures conditions im- posées à sa restauration par la Sainte-Alliance.

C'est grand'pitié de. la voir aujourd'hui , cette noble cité alsacienne, appendant tristement sur ses remparts les couleurs bavaroises » elle qui arborait naguères sa bannière de République du Saint-Empire et qui plus tard se pavoisa lour-à-tour sous le blanc éiendart de Rocroi et sous le drapeau de Marengo ! U semble que la perte de ces glorieui

9*kméê. ^

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80 RBVUB D'ALSAGB.

insignes qui (tarent siens pendant des siècles lui pèse encore an cœur aujourd'hui « deshéritée qu'elle est tout à la fois , et de ses vieilles libertés municipales et de sa gloire moderne de citadelle française ; pauvre exilée i qui, par surcroit de cruauté, on n'a pas même caché la vue de la patrie , car la frontière de France est , tout proche d'elle , lui souriantet lui ouvrant les bras ! Que notre France fasse seulement un pas en avant . et l'enfant proscrite se retrouvera dans sa famille. 11 suflSrait pour cela de rendre à l'Alsace son antique et traditionnelle limite de la Queich au lieu de la Lauter » limite improvisée, il n'y a pas encore tout-à-fait quarante-trois ans , pour séparer ce que les siècles avaient uni ! (i)

Eh bien , que l'histoire au moins la venge et nous la rende, cette pauvre sœur perdue et toiyoure regrettée ! Pour les simples cités comme pour les peuples, pour Landau commepour la Pologne, comme pour l'ItaUe , la nationalité ne saurait se prescrire par quelques séries d'années i Oui l'histoire ne saurait se lasser revendiquer leurs droits » «t il appartient peat-étrie à une plume alsacienne de protester an nom du passé contré la spoliation de Landau. <^ ■-■ " - - -. ^

{*) En disant que la Qaeich est la limite séculaire de l'Alsace , rauteur de la notice sur Landau n'ignofe pas que cette limite a été contestée non seulement lors des traités de V\^estphalie et d*Utrecht , mais mèkne dans le dix-huitième siède lorsqu'elle ne pouvait plus être qu'une question de géographie historique. Mais , indépendemnmnt du point de fait acquis en fave^ de la Queich pa^ l'accession de Landau à la £diMfoo^r0y 'd'Alsace dès la période germanique , ei par sa cession à la France lors du traité de Ifunster , cession confirmée par les traités subséquents de Ryswick et d'Utrecht , nous croyons le point de droit historique beaucoup mieux élucidé par Pfeffel et par Schœpflin , partisans tous deux de la limite de la Queich , que par Kremer et Groll , qui prétendent faire reculer la limite de l'Alsace non seulement derrière la Lauter mais même derrière la rivière de la Seltz , et affectent de confondre les limites de la juridiction diocésaine avec celles de la Juridiction politique. Nous aurons l'occasion de revenir au surplus sur cette ques- tion dans le cours de la présente notice.

(*) Bien qu'il se livre dans les lignes ci-dessus k un sentiment que tous les lecteurs firançais comprendront, l'auteur ne veut pas méconnaître les efforts du gouvernement bavarois pour réconcilier l'ex-ville française aVec sa nouvelle patrie. Au moins Landau, plus heureuse que sa voisine Saar-Louis, s'ahrite sou» un drapeau qui n'a pas toujours été hostile à la France, et qri peut lui redire la confraternité d'armes des plus beaux temps du premier Empire*

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TILLES LIBBES ET IMPÉRIALES W L* ANCIENNE ALSACE. 5i

I.

ENFANCE DE LA VILLE.

Aiasi que la plupart des Tieilles cités sur les deux rives du Rhin et surtout sur la rive gauche » Landau pourrait faire remonter ,^inon son origine , au moins sa généalogie , jusqu'aux Romains. Il est vrai que ni Ptolémée , ni la carte Tbéodosienne , ni l'itinéraire dit d'Ântonin ne donnent sur ce point aucune indication, et il faudrait avec Schœpflin lui dénier toute origine antérieure à la période germanique si» après tout , Landau ne pouvait faire valoir d'aussi bonnes raisons que Germersheim pour avoir été le Viens Juîius cité dans la Noûlia Im- périt, (t)

Cluver , (*) Baudrand , p) Cellarius , (*) et d'après eux Schœpflin (») préfèrent Germersheim , à cause de la situation de cette dernière ville sur le Rhin à l'embouchure de la Queicb. Mais la JPfotice de V Empire ne dit point que le Viens Julins ait été sur le Rhin plutôt qu'à portée du Rhin » et son savant commentateur Pancirole incline même à le croire situé assez loin de , puisqu'il le transporte , à tort sans doute » au Ju&acns Vbiomm de l'itinéraire d'Antonin. (^)

La Notice de l'Empire se borne à dire que le Viens Julins est situé entre Nemelœ (Spire) et Tabemœ fRhein-Zabem ou Berg-Zabern y. C'est aussi bien la situation de Landau que celle de Germersheim , el il est fort permis de supposer ou même de croire , en l'absence de toute preuve contraire , qu'à l'époque du Viens Julins le Rhin était plus rapproché de l'emplacement actuel de Landau qu'il ne Test au- jourd'hui. Pourquoi les deux lieues qui l'en séparent n'auraient-elles pas été quelque marécage, comme il en existait tant au confluent de la plupart des rivières dans le fleuve ? Des recherches géologiques assez récentes ne semblent-elles pas indiquer que cette partie du territoire entre Landau et Germersheim » resta sous l'eau plus long-

(*) Notitia Imp^rii orientàUs iive œeidentaliê , édition de Pancirole.

(*) Germ. antiq. , lib. il , cap. xn.

(*) Lex, Germ. ,<aii mot Yieus JuUus,

n Qwgr. antiq,, tom. i«', Ub. u , cap. m.

(*) ScHCEPrLHi , Alsat. ilhut. , lome i«% Viens Julûu.

(*) PAifcmoLi» CommmHaria ad NotUimn ImperHj cap. xc , p. 146.

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82 REtUB D'ALSàCB.

temps que la contrée au haut de la Queich entre Landau et les mon- tagnes? Celle rivière de la Queich » aujourd'hui encore assez forte en raison du peu de longueur de son cours » ne put-elle être dans des temps très-loin de nous en état constant de débordement vers son embouchure» de telle sorte que jusqu'à Landau le Rhin et elle ne faisaient qu'un pour ainsi dire? Le Vient Juliust même situé à Landau, pourrait donc avoir été une position fluviale . un de ces établissements romains destinés à surveiller le grand fleuve qui, après l'occupation de la rive droite par les Barbares , restait la plus forte barrière de l'Empire.

Sébastien Munster voit le Fictif Julius à Landau ou à Wissembourg.O) Mais Wissembourg est sur la Lauter et en arrière de Rhein-Zabem , tandis que d'après la Notice cet établissement romain devait se trouver entre Rhein-Zabem et Spire , par conséquent sur la Queich. La ques- tion nous semble donc être entre Landau et Gerroersheim , plutôt qu'entre Landau et Wissembourg, qui d'ailleurs peut, à meilleur droit, revendiquer une autre origiae romaine, celle qui résulterait pour cette dernière ville du voisinage d'Alistatt , l'ancienne Cancordia. O

Posée aux termes de la Notice , c'est-à-dire entre Rhein-Zabem et Spire , et l'inondation du territoire entre Landau et Germersheim étant admise , cette question se résout de préférence en faveur de Landau , qui se trouverait ainsi avoir été la garnison de cette cohorte provinciale dite des Anderecianien» et de leur préfet , (Anderetianoi mlitei cum Prœfecto)^ que la Notitia place au Vicu$ Julius et qui suivant Pancirole devait son nom à la ville d'Aquitaine elle fut primitivement organisée. (^)

Dans tous les cas le cours de la Queich ayant été un des points colo- nisés ou gardés par les Romains , on est en droit de conjecturer que quelqu'établissement romain ou gallo-romain, ne fût-ce qu'une vi/^,ott quelques habitations de Coloni ou quelques huttes de Lœti^ existaient sur l'emplacement actuel de Landau. Le Vicus /utius n'était pas d'ail- leurs, comme ce mot Vicui l'indique suffisamment, un simple fort ou casteUum, mais bien un centre de colonisation, fort étendu selon toute

{*) Coimographia^ lib. u , cap. xi.

(*) Bbatus Rbbiianus, r$r, Gwm. , lib. m , et Gbandidkr, Biêtoire d'Alioee , p. 76 et ScHCEPFLiif , Aliat, illtut. , tome i", Conoardia , p. 230 , 253 , 234. (*) P^NCmou , ComrMntaria ad notitiam Impmi , dux tnogunUaetntit,

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TILLES LIBRES ET IBIPÉRULES DE L'aNGIENNE ALSACE. 55

apparence et ayant sur la Queich de nombreuses dépendances. Il est probable qu'il ne se resserra et devînt un fort qu*à Tépoque des dangers permanents de la frontière du Rhin ; Schœpflin pense que ce fut sous Valentinien I** , lorsque Bingen aussi fut entouré de murs. Q) conçoit en effet qu'un bourg établi au débouché de la Queich dans le Rbin ou dans les marécages avoisinants le Rhin , ait élre fortifié à répoque les Barbares remontaient en barques le fleuve et ses affluents , s'infiltrant en quelque sorte dans TEmpire par toutes ses voies navigables en attendant le jour fatal , grâce à Stilicon et au Rbin pris de glace , ils parviendraient à occuper en entier la Germanie première cis-rhénane.

En feit d'origine romaine pour Landau nous préférons le Viem Julms à Tribum , malgré l'opinion contraire de quelques auteurs , parce que Tribuni n'a pas comme le Yicus Julius sa place parfaite- ment déterminée par les documents historiques entre Nemeîœ et* Tahermê , bien que l'un et l'autre de ces deux établissements romains paraissent avoir été, à environ égale distance de Concordia. Ammien Marcellin rapporte , à propos de Tribum, que le roi barbare Chno-- domaire y établit son camp en 55i , afin d'avoir ses barques^à portée de lui et afin de s'assurer par des refuges en cas d'échec. (^) Sous ce rapport la Quàch pouvait offrir d'aussi bonnes voies de salut que la LoMUer ; toutefois , jusqu'à preuve contraire , il est prudent de s'en rapporter à Schœpflin et de voir avec lui tiibùni à Lauterbouft;. i?)

Au surplus les Vandales» les Alains, les Alémans, les Frankset surtout les Huns firent table rase sur les bords de la Queich aussi bien que sur les bords de l'Ill , de la Lauter » et de tant d'autres cpurs d'eau espacés comme autant de lignes accessoires de défense sur rétendue de la province gallo-romaine dite Germanxa Prima. Le Yicus Julius et Tribuni ne devaient pas plus survivre aux terribles boulevefsements du cinquième siècle que tant d'autres forts ou villes consacrés par les documents antiques ou par les monuments comme ayant été des lieux de garnison ou de colonisation pendant les âges gallo-romains. Comme Argentouaria et autres lieux , celui de ces deux établissements , Vicut Julius ou Tribuni , qui existait , selon toute

{*) SCHCEPPLIN , AUat. illuit. , tome !•% •— Vieus JuUus.

('} AmiiEif Marcellin , lib. xvi , cap. xu.

(*) ScHOEPFUif , Alsat. illust. » tome !•% Tribuni,,.

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54 REVUE D'ALSACE.

probabilité , au point ou s'élève actoellement Landâu » serait resté un champ plus ou moins fertile , dévoué à la pioche des antiquaires , si « au rapport d'une tradition recueillie par Merian « (*) un duc frank , burgunde ou aléman » du nom de Landfrid » n'eât pris en afléction ce beau site et n'y eût établi un domaine. On a voulu faire dériver le nom de I^andau de ce duc Landfrid ou Leudefrid » soit Landfrid duc d'Âlémanie , cet opiniâtre adversaire de Peptn d'Héristal et de Charles Martel , soit le petit-fils d'Etichon ou Adalrick, ce Leudefrid ou Luit- frid 9 le dernier des ducs d'Alsace de l'époque mérowiogienne. Gomme le fait remarquer avec beaucoup de raison Schœpflin , si sobre d'ail- leurs en fait d'appréciations basées sur la situation pittoresque ^ le nom de Landau s'explique mieux par le site même de la ville actu^le, et sifipiifie pays ou territoire arrosé d'eaux vives. 11 est possible que ce beau site ait captivé' le dernier des frères de Sainte Odile » il est possible même que le nom de Land^au ail précédé le Vicui JuUuê » et que les Romains l'aient rencontré tout ancien déjà lors de leurs derniers travaux de défense entre Mo^utuia et le traenu Argemoita' tenrii. Car la Basse-Alsace ayant été dès le tempe d'Arioviste colonisée par les Triboques » qui refoulèrent dans les montagnes l'ancienne population belge-médiomatricienne , l'idiome d'origine celtique ou de fusion celtique avait dû, bien avant les invasions des Barbares des quatrième et cinquième siècles , y faire place à l'idiome des peuples germains. Et c'est peut-être ce qui détermina ce nom de Germanie première donné par les Romains à un territoire situé sur la rive gauche du Rhin , territoire tout gaulois d'ailleurs par sa position géogra- phiflue » comme par ses intérêts de défense politique.

Depuis le Vicu$ Juliui et la ferme salique ou ducale de Lokfrid nous voyons se prolonger» pendant de longs siècles encore , Tâge douteux » l'enfance inaperçue de Landau. Combien se passa-i-ll d'an- nées après rétablissement agricole du Leude Ripuaire jusqu'à ce qu'un village, soit Damm/itfîm, soit Queichhdm^ soit Nuisiorff, vint se former autour du domaine frank? Et combien après la formation de ce village se passa-t-il d'autres séries d'années avant que le domaine et le village réunis ne devinssent une ville ? Ces questions touchent à l'histoire de la plupart de nos cités d'Alsace , qui toutes à peu près procèdent d'un ancien domaine soit ducal » soit royal , soit impérial,

(') HÉRUN , Topograpk^ AUatiœ , page 29.

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VILLES LIBRES ET mPÉaULES DE L'ANGIEIINB ALSACE. 5S

se ftisionnant pea à peu a?ec les maisons des ministériaux , dés colons et des serfs bâties à Tentour.

Ce n'est pas.que pour Landaa comme pour beaucoup d'autres cités on ne puisse trouver des chroniqueurs de foi robuste ou des d' Borner patriotes toujours prêts à aflSrmer envers et contre tous la date pré- cise de la fondaUèn de leur ville. Ainsi Beverlin rapporte qu'en Tannée 606 le roi Dagobert entoura de murs Landau après y avoir fondé une église et une abbaye. Ainsi encore un chef frank du nom de Lando* bert y aurait bâti un château ton dès l'an 420. Ce Landobert de 410 nous parait avoir un certain air de fiimille avec le Landfrid ou Luitfrid du huitième siècle , seulement il y a lieu de renoncer au château fort, car les Leudes franks » aussi bien ceux du huitième siècle que ceux do quatrième » se souciaient fort peu des résidences crénelées , iH lear préféraient les maisons de chasse et surtout les grandes fermes gynécées. Suivant toute probabilité Landau était à peine encore an village lorsque son territoire fut compris dans la donation de Dago- bert I*' ou de l'un de ses deux homonymes à l'abbaye de Wissem- bour^, m ou peut-être dans celle.de Dragobod , évêque de Spire à la même abbaye en 686 ou 690 9 ainsi que le rapporte Zeuss. (')

La charte dite de Dagobert , qui énumère quelques uns des terri- toires de l'ancien mundat de Wissembourg ne fait pas » il est vrai , mention de Landau , mais cette charte apocryphe , dont l'antiquité a été ramenée par de doctes critiques au douzième siècle » ne devait sans doute énumérer que les lieux encore possédés par l'abbaye an doiizième siècle. Or depuis l'an 624 » date présumée de la première donation du mundat, depuis 685» 600 ou 7iâ , dates des donations attribuées ù Dragobod et à Dagobert ni , (S) l'abbaye de Wissembourg a pu aliéner ou se laisser enlever le territoire rural ou forestier de Laqdau. Il estcertain que , dans l'origine , et même assez longtemps encore sous la période germanique, le mundat de Wissembourg ne se composait pas seiriement de terres enrdeçàdela Lauter, mais aussi de terres situées au-delà , touchant ou dépassant la Qumch et appartenant à ce qu'on appelait la Spirigovie ou le pagus de Spire. (^)

(*) SoiCEPFLiii , Âls, Ht. , tom. II , pars frandea , p^r, 60. (*) Zeuss, Traditiones poisestUmesque Wiêsemburgemei , p. xn. (') Voyez le travail de M. Spach snr Tabbaje de Wissembourg dans le Balleiin de la Société pour la ooûservation des monuments historiques de TAIsace. {*) Adrien de Valois, Notitia GalUœ , p. 478.

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56 REVUE d'aî-sack.

Le» adversaires de la vieille frontière fraoco*aIsacienne de la Queicb argumentent volontiers de la Spirigovie pour essayer d'établir que Landau et son territoire ne faisaient point partie de l'Alsace , et ont été à tort compris à ce titre dans la cession du traité de Westphalie. Mais la Spirigovie, en tant que division politique, appartenait à une période antérieure à l'existence de la Landvogiey d'Alsace. Le 5ptre- gau comme le Sundgau et le Nordgau étaient des cAntés ou départe- ments administratifs de l'époque francique ou carlowingienne. Il est probable qu'ils cumulèrent dans l'origine la circonscription ecclésias- tique ou diocésaine avec la circonscription administrative ou civile ; il est même possible qu'ils soient nés d'anciennes divisions des pro- vinces romaines Gemiania prima et Maxima Sequanorum , mais à l'époque le Landvogi impérial de Haguenau servit de lien aux franchises des villes immédiates de l'Alsace et constitua par en quelque sorte l'individualité de l'Alsace , les arrondissements territo- riaux établis antérieurement aux usurpations de la féodalité n'étaient plus que des souvenirs quant au régime administratif, bien qu'ils se soient maintenus dans les juridictions ecclésiastiques. Ainsi vouloir dénier à Landau sa qualité de ville alsacienne parce qu'elle dépendait de l'évécbé de Spire, c'est dénier cette même qualité à Wissembourg qui dépendait aussi de l'évéché de Spire , et à la plupart des villes de la Haute-Alsace qui faisaient partie du diocèse de Bâle.

H n'y a pas non plus à arguer des partages de famille entre les fils de Louis-le-Débonnaire , entre Louis-le-Jeune et Cbarles-le-Gros, ni de l'apanage constitué par Otbon i*' à l'impératrice Adélaïde, pour refuser à l'Alsace sa limite bistorique de la Qtietcft. Saos doute » cette limite n'existait pas lorsque la province elle-même n'était plus » lors- que l'ancien duché mérowingien , fractionné en comtés du Nord et du Midi , passait tour-à-tour à des princes divers , se divisant pour servir d'appoint aux délimitations viagères entre Lothaire et Lôuis- le-Germanique ou entre les princes leurs héritiers. L'Alsace ne renatt comme réunion politique qu'à l'époque de ses libertés municipales , et dès lors aussi nous voyons Landau figurer , de l'aveu même de l'historien de Spire , (^) au nombre des villes libres et impériales de l'Alsace , ce qui reculait nécessairement jusqu'à la Queicb la limite de

(*) Lehhanh, Chron. Spir,, ]ib. iv , cap. vu.

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YILLRS LIBRES ET IMPÉRIALES DE L'ANGlEmiE ALSACE. S7

l'agrégaiioii des cités d'Alsace , et eut pour effet de faire constater officiellement cette limite par les actes de l'Empire. (<)

L*aoDexion des territoires de la Lauter et de la Queich à la circon- scription du diocèse de Spire et même du comté de Spire, ne prouve donc rien contre la nationalité jde Landau ni la limite alsacienne de la Queich.

L. Lbvrault,

(La êuiiê à la prochaine UvraUon,)

C) ScROBPnnf , Àli. iU. , tom. n , époque francique , SpMgoviê , par. 50.

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LES SCYTHES.

LEUR ÉTAT SOCIAL. MORAL, INTELLECTUEL ET RELIGIEUX.

Suit$. 0

'Les auteurs anciens tels que Hippokratès, Ephoros (Strabon tu) et Strabon (lib. xi , p. 492) comptaient avec raison les SarmaUf parmi les Scythes et iréro(iote dit positivement (vi, il7) que ce peuple parlait un .idiome «cyfftt^iie. Suivant une tradition répandue chez les Sc^cft^t- Hellines les Sarmates étaient issus de l'union de quelques jeunes Scythes avec des Amazones kimméries {HérodoL iv, iiO). Cette tradi- tion indique que les Sarmates européens s'étaient mêlés de bonne heure avec des tribus kimméries. Déjà antérieurement à leur entrée en Europe» des Scythes portant le nom de Sarmates (ou Surmaies) avaient successivement habité les bords de l'Indus (cf. Plin. vi, 48) et le sud de la Médie. En rapport continuel avec les Mèdes ils se sont tellement mélangés avec eux qu'ils passèrent même pour être les pU des Mèdes (Plin. VI , 7, 49). Entourés d'abord en Asie et plus tard en Europe de peuplades finno-tatares qui étalent nomades comme eux , les Sarmates ont aussi adopté dans leurs mœurs et dans leur langue beaucoup d'éléments tatares^t quelques uns d'entre eux se sont tellement con- fondus avec des peuples d'origine altaïque, qu'il serait diflScile de dire s'ils étaient plutôt Scythes ou Taiares. On conçoit d'après cela que dans les mœurs et le langage des Sarmates , outre le fond principal scythique , il devait y avoir un mélange d'éléments Idmméries, mèdes

(*) Voir la livraison: de Janvier , page 9.

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LES SCYTHES. ' 5d

et tatarei. Le nom de SarmaUs signifiait proprement fiotitme» iu Nord. Ainsi que les Mèdes , les Sarmaus désignaient Thomme par le mot mât (p. tnant doué de raison , germ. mannus p. mandas» norr. màdr^ p. mandas). Le nord était désigné en langue scytbe par le mot Shauro (russ. iiever cf. Sibérie) qui signifiait proprement frisson ou tempête (o(. norr. sk&r » vieux baut-all. schaner) et comme le nord était le pays du frisson ou de la tempête , shauro « le mot signifiait aussi le nord. De le nom de Shauro^màtes (Hommes du nord) qui leur fut donné, soit parce qu'en Asie ils habitaient au nord de la Miiie, soit parce qu'en Europe ils étaient étaUis au nord par rapport aux peuples seythes de la branche skolote établis plus au sud. Le nom de Shauro- mètes qui avait ses analogues dans Thisa-màtes (Hommes delà Theiss)» dans DaUmàtes (Hommes du lointain) Ait changé par les Grecs en SauTomàtes ou Surmâtes , et par les Latins en Sarmates (p. Sarvmates) et plos tard par les Allemands en SâmUnde.

Les Sarmates ayant subjugué un grand nom1)re de peuples » soit scythiques, soit tatares, leur pays ainsi que ceux de ces peuples fut désigné par les géographes grecs et latins sous le nom général et indéterminé de Sarmatie et par conséquent on appelait dans l'Anti- quité Sarmaus des peuples qui n'étaient pas toujours d'origine scy- (bique mais qui babttaient seulement les contrées désignées vague- ment sous le nom de Sarmatie. Parmi les peuples qui se rattachaient à la branche sarmate et qui étaient de race sekfthique^ il faut citer les Ixomates et les Sindies. Du temps d' Hérodote (iv , 28) les Sindies étaient établis sur le Bosphore cimmérien. On les disait issus du commerce adultère que les femmes sarmates avaient eu avec leurs esclaves {Pltn, H. N. nr, 42) pendant l'absence de leurs maris îors de la grande expédition des Scythes dans l'empire assyrien. L'extraction et la condition d'esclave étaient sans doute Indiquées par le nom même de Sbtdie qui signifiait probablement, dans la langue scytbe» nn homme de la suite, un serviteur , un esclave (norr. sinni p. sindi ; gotb. ffa'smdhia , ail. gesinde).

Après avoir énmnéré d'abord les petiples seythes asiatiques de la branche sake et de la branche parthe , et puis les Scythes européens de la branche samate et de la branche skolote, nous avons déterminé à peu près toute l'étendue de la racescythique en Asie et en Europe. Il est vrai que si Ton stiivait sans critique les indications des auteurs grecs et hUns qui» par erreur ou par ignorance , ont employé mal à propos

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60» REVUE D'ALSACE.

le nom de Scythes, comme Tont fait d'après eox (a plupart des savants modernes » il Taudrait encore comprendre sous ce nom line infinité de peuples qui évidemment appartenaient à d'autres races. Bien que le nom de Scythes ne doive être appliqué qu'à des peuples qui sont Scythes par le sang, les anciens l'ont cependant donné à des peuples divers uniquement parce que ces pei/ples habitaient ancieni- nement les pays qui du temps de ces auteurs portaient le nom plus ou moins vague de Scythie. C'est ainsi que Pmdare et tous les tra- giques Grecs ont appelé Scythes les peuples cimmériens ou celtiques qui habitaient les pays au nord de la mer Noire s'établirent plus tard les Scythes. Les Scythes hippomolgues » ainsi nommés dans un vers qu'Eratosthènes (490 av. J.-Cb.) attribuait faussement à Hésiode, étaient donc proprement des iTtmmérte^ hippomolgues. Promithre, appelé le Scythe par les tragiques Grecs , appartenait proprement à la tradition mythologique des Eimméries , appelés improprement Scythes par Hérodore le contemporain de Hérodote. En général comme les Scythes n'ont pénétré en Europe qu'au septième siècle avant notre ère , le nom de Scythes que les Grecs ont donné à des peuples euro-* péens antérieurement à cette époque ne pouvait être le nom ethnique véritable de ces peuples.

Depuis les temps d'Homère les Grecs connaissaient de nom les Kmméries au nord de la mer Noire ; de des tribus kimméries pas- sèrent dans le pays des Hyperborées., leurs frères , établis au nord de la Grèce (Pimdar , Olynth. 3 , 25 , 46) et se confondirent avec eux. Les Kimméries et les Hyperborées, au nord de la Thrace, étant représentés dans l'histoire , la géographie et la mythologie comme occupant les extrémités austro-septentrionales du monde alors connu , il arriva naturellement plus tard que les Scythes dont le nom élait souvent substitué à ceux des Kimméries et des Hyperborées , passaient égale- ment pour habiter les extrémités septentrionales du monde. Aussi à mesure que les connaissances des Grecs s'étendirent , ces prétendus Scythes furent de plus en plus reculés dans le Nord. C'est ainsi que les Abies , peuple kimro-thrace qn' Homère (IL 15 , 6) plaça dans la Thrace» furent dans la. suite reculés jusque dans la Sarmatte asiatique et comptés parmi les nations^ scythes (v. Stephan. ; Curtius , liv. 8). Hérodote , bien qu'il connût parfaitement les véritables Scythes au nord de la mer Noire , ne manque cependant pas de placer encore des Scythes fabuleux à côté des Hyperborées tout au nord de l'Europe

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LA 8GTTHBS. 64

et de rAftie^ dans des contrées qui de son temps étaient uniquement occupées par des peuples nomades d'origine flnno^aiare. Des peuplades flnno-tatares tels que les Isridones s'étaient également éta- blies à côté des. Scythes sur la mer Caspienne / dans le Caucase et dans la Colchide et furent comme eux désignées faussement sous le nom de Scythei. Ce que Hippohratèi (de aère aquis et locis) rapporte de la constitution physique des Scythes , semble s'appliquer plutôt à un peuple tatare auquel on donnait faussement le nom de Scythes; ou bien cela s'appliquait à une peuplade scytho-tatare tels que les Alains chez lesquels la constitution des Scythes avait dégénéré , soit par le mélange avec le sang tatare , soit sous l'influence du climat délétère de la Colchide et de la Maeotide.

Lorsque par les conquêtes d'Alexandre et de ses généraux les con- naissances géographiques se furent encore étendues davantage, la Scy- ihie qu'on considérait traditionnellement comme un pays à l'extrémité austro-septentrionale du monde ^ fut reculée au nord-est jusqu'en Sibérie et en Chine., Eratosthènes (490 avant J.-Cb.) et d'après lui Strabon appelèrent ces vastes contrées la Scythte d'Asie ; l'ancienne Scythie d'Europe se confondit avec ce que l'on nommait alors la Sarmaiie^ et les Scythes de la branche gétique furent en partie compris sous le nom général de Gèles ^ en partie placés , à côté des Gètes » à l'occident du Tyras. Quelques iribus de Gètes s'éiant confondues dans la Thrace avec des peuplades kimro-thraces , et les Gèles étant comptés avec raison , par suite de leur origine parmi les Scythes » il arriva que le nom de Scythes fut donné dans la période alexandrine à un grand nombre de peuples thraces ou cymriques qui habitaient le littoral tout autour de la mer Noire. C'est ainsi que les auteurs grecs qui ont écrit sur les Scythes tels que Nymphodoros , Agroitas , Hero- doros et Timon , ont donné le nom de Scythes aux Thunes , aux Bi» thunes ^ aux Maidobithunes , aux Marianthunes ^ aux Mossunes^ aux TAarènes » aux Chalybes , etc. » (v. Schol. ad ApolL Argonaut ii , V. 168; IV 9 V. 359) bien que ces peuples fussent les uns d'origine cymrique les autres d'origine thrace. («)

Vers le commencement de notre ère la race scythique européenne s'étant depuis longtemps séparée en deux branches » savoir : la

[*) Voir Lss psuplês primUifs de la race de Ëafète.

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6S RBYCB D'ALSACS.

braoche iormau et la brancba skohte , ei cea deux branckee ayant donné naissance l'une aax Sarmateê qui comprenaient tous les 5/atwt, l'autre aux Germains qui comprenaient aussi les Scandinaves^ on s'ac- coutuma à substituer à l'ancien nom générique des Scythes les noms particuliers de leurs descendants les Sarmates et les GemMliM-iScan- dinaves. Le nom de Scythes ûe^ni dès tors une dénomination générale et vague pour désigner les peuples inconnus du nord-est de l'Asie. Tel est le système suivi par Pline l'ancieD. (fl. N, iv, S5, 2). Mais contrai- rement à ses propres indications ^ cet auteur, qui a souvent compilé » sans critique , des données contradictoires , restreignit ensuite néan- ^ moins le nom de Scythes à quelques {>euplades voisines de la Ckeno- nèse taurique qui de son temps , et même encore du temps de Chry^ sostàme, étaient désignées par ce nom* Certes Ptine avait raison de distinguer les Scythes (branche occidentale) des Sarmates (branche orientale) comme le faisaient encore Lucien {Toxaris, 39) et Chrysos' tome (Orat. Borystb. 36 , p. 76). Mais c'est à tort qu'il prétend que ni les Gètes, ni les Sarmates, ni les Alains n'étaient d'origine «cyfAtfue {Plin. IV . 25). Ptolémée ne connaît plus de Scythes si ce n'est les Scythes (tMiUques qui sont pour lui des peuples entièrement incon- nus. Dès le sixième siècle » la mention des Scythes asiatiques faite par Ptolimée et des Scythes européens faite par Strabon fit établir la distinction entre la Seythie asiatique , appelée dès lors la Grande^ Scythie^ çt la Scyibie européenne» appelée la Petiu-Scythie. La grande Seythie se confondit dans la suite avec la Russie ; la petite Seythie comprenait; selon les époques et les auteurs, tantôt la Krimie , tantôt les pays du Dniester tantôt les pays situés entre les Karpatbes et la mer Baltique tantôt les pays entre les Karpatbes et la mer Noire ou les pays des Madjyares et des Turcs.

On le voit le nom de Scythe$ était dans l'antiquité et au commen- cement du moyen-âge une expression vague et indéterminée que les auteurs appliquaient mal à propos et indistinctement à des peufries d'origine celtique « tbrace, germanique » finnoise, tatare, mongghole, chinoise , sarmate , madjyare et turque. C'est que pour les anciens c'était un nom géographique dont la signification variait à mesure que leurs connaissances en géographie s'étendirent. Pour nous , ce ne sau- rait être qu'un nom de race, un nom ethnique qui comme tel ne devra être donné qu'à des peuples qur réellement ont appartenu par le sang à la race scythique. Nous avons donc réserver ce nom uniquement

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LES SGTTHK8. 63

aox Scythes asiatiques de la branche sake et de la branche parthe et anx Scythes européens de la branche skolote et de la branche sarmate. La race sake on scythique » (^omme le prouvent les livres sanscrits » ëtait aussi ancienne dans son berceau primitif que les autres branches de la souche de lafète. Aussi, .selon Hérodote , leurs traditions natio- nales remontaient-elles à environ 1500 ans avant notre ère. Les Scythes croyaient même pouvoir rivaliser d'aneienneté avec les Egyp* tiens (v. Justin, ii, i)»#fais si l'on considère d'abord que cette race , 8embhU)le en cela aux Arabes ismaélites » avant Mohammed , est restée, pendant plusieurs siècles, à Tëtat nonuide, sans arriver à fonder des états politiques; ensuite qu'elle n'est sortie que fort tard de son berceau primitif pour entrer en Europe et qu'elle ne s'est fait connaître dans l'histoire des peuples de l'occident qu'à commencer du septième siècle avant notre ère , on concevra que les Scythes ont passer, comme du reste ils en convenaient eux-mêmes (Hérod. vr, 5)» pour la plus jeûne des nations de l'Asie occidentale.

A leur arrivée en Europe au septième siècle » les Scythes étaient encore généralement adonnés à l'état nomade. Leurs troupeaux con^ sistaient principalement en chevaux, en bestiaux et en chèvres, toujours armés , comme Tétaient en général les nomades de l'antiquité» ils ne se bornaient pas seulement à faire pattre ou comme ils disaient à pousser devant eux (non*, veida, ail. treiben pousser, trift. pâturage) leurs troupeaux , ils chassaient aussi le gibier dans les montagnes et dans les plaines. Aussi l'action de faire paître et de chasser était-elle désignée dans les langues scytbiques par un seul et même mot (vatta). Le voisinage de mer Caspienne et plus tard de la mer Noire engagea quelque^ peuplades , entre autres les Masagètes , à se livrer égale- ment à la pêche (Hérod. i , 215 ; iv , 59). La pêche dans l'eau douce et dans la mer (Éérod. iv, 59) étant une espèce de chasse , fut désignée aussi par le même mot {vaxta) que la chasse proprement dite. Arrivés dans les contrées au nord de la mer Noire , la fertilité du sol et l'exemple des colonies grecques les invitaient à la culture de la terre, les Scythes commencèrent à se livrer aussi au' travail agricole. Ils connaissaient alors déjà le soc (lith. zoch, vieux haut-alL suoha san- glier) et le contre (lat. cuUer, lith. zagre , zagarai cf. saggaris) qu'ils appelaient le déchireur (goth. hôha , sansc kôka le loup cf. vrikas

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64 RETOB D'ALSàCB.

loup , 80c). Cependant la culture de la terre ne put de?enir plue gé- nérale chez les Scytha que lorsque ces peuples abandonnèrent de plus en plus la vie nomade. Conune l'agriculture était toute nou?elle chez eux , ces laboureurs se considéraient naturellement comme les plus jeiinei de la race scythique et se disaient par conséquent les des- cendants du plus jeune des trois fils de Targitavui (Brillant par la targe) le dieu du Soleil au disque brillant. Ce Bis cadet qui , précisé- ment parce que la tradition avait en vue sa qiiSilité de père des agri- culteurs » eut le nom de Prince au char ou Prince à la charrue (HÉftOD. Kola'^ksats , sansc. Bala-kchayai , norr. httti-^ftae). La tradition rap- portait également , par rapport à sa qualité de père des laboureon , que Kolaxau seul savait manier le soc d'or ardent qui était tombé du ciel, tandis que ses frères» Talné nommé Prince au bouclier (Hérodot. Hleipo-4kaût norr. Hlifar^skce ou Hlifar^skati , cf. lat. Clypeut) et le putné nommé Prince aux flèches (H6rod. Arpo-kitOi , sansc. Arva- kchayoi , grec-pers. àrbakèt , arpha-kchad , norr. ôrvar^ikœ) , lors- qu'ila voulurent toucher au soc ardent se brûlèrent les mains , ce qui devait signifier que les Scythes guerriers représentés par HldpoksciU , et les Scythes nomades représentés par Ârpoxc&s ne réussirent guère dans l'agriculture et préféraient au maniement du soo îe maniement des armes par lesquelles ils devinrent les maîtres des Scythes labou- reurs représentés par Kolaxms. Les Scythes ne connaissaient long- temps pas la propriété immobilière. Ils cultivaient la terre sans s'ap- proprier le sol. Chaque année ib se partageaient entre eux le terrain labourable et après la récolte ils rabandonnaient comme terrain libre. Les Scythes qui étaient chasseurs et pécheurs» vivaient du produit de la chasse et de la pèche (Hirod. rv , 55 » 59) et tandis que les Scythes aroières ou agriculteurs avaient encore-une nourriture végétale et du miel sauvage {JusL 2), les Scythes nomades ne vivaient que de la chair et du lait de leurs troupeaux et préféraient la chair et le lait de cheval à tout autre aliment (cf. Hirod. iv» 3 » 46). Le cheval étant l'animal consacré au Soleil» Thabitude de manger du cheval était en partie liée au culte du dieu Targitavus et c'est pourquoi elle se maintint chez les descendants des Scythes » les Germains . les Scandinaves et les Slaves. Ainsi que tous les barbares, les Scythes et leurs descendants aimaient surtout les boissons fermentées et capiteuses (sansc. madhus , lith. medus » gr. methu). Déjà en Asie ils avaient appris à connattre le vin qu'ils consacraient , comme les autres peuples de race iafétique , au

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âcrnns. «S

dieo dii soleil anqael Us donnaient , comme les Grecs , le nom épithë- iiqne de Pak (Vénérable» sansc, bhaga , gr. bakchos , sla?. bog). Ce* pendant la seule contrée vitifère chez le Scythes était la Margiane {Plin. Yi, 48, 2). En Europe ils apprirent de nouveau l'usage du ?in par l'exemple des Tbraces. Les Gètet de la Tbrace donnaient au vin le nom de zàla {Phou lex. » p. Si) ou xUai (Hésych.^ » 1585)» sans doute ' à cause de sa nature effervescente (sansc. hUa , gr. ubu , ail. geitj^ et ils en faisaient un usage tellement immodéré, qu'un de leurs Dwbu jugea nécessaire de le leur interdire {Strab, vii, 3).

Les Scythes portaient une espèce déculotte (Ovide ^ Trist. iv^ T^.tô) qu'ils appelaient la fourchue (gr. braka , lat. bracca » vieux haut-ail. brocha » angles, brœk , non*, brôk, cf. furca, fr. braie) ou la fourchue dei cuities (TUMikalsidor. Etymol. 19, 32 » angles, deoh-h'ëk, angl. Mgh'breeehei) ou la cotivre-cuisse (slav. shal-vary^ pol. scharm-vari^ pers. ichal'-vara, arab. iirvàlf bas lat. sarabara, esp. ceroulas)* Cette calotte était en bourre et plus généralement en peau (cf. Ragnar •braie^elue). La partie supérieure du corps était couverte d'une tu- nique sans manches en peau de renne (scytb. tarandus^ v. Hesych,) ou plus communément en peau de bouc (v.Jul. Pollux, 7 , 70). Aussi les Grecs , pour cette raison , donnaient-ils à cette tunique le nom de muma (p. suurina de sisuroi ou (tfuro^ ou saiuros le bouc). Cette tunique était serrée au milieu du corps par une ceinture à laquelle était suspendue une gourde {Hérod. iv , 9 , 10) et un coutelas. Par- dessus de cette tunique' les Scythes portaient quelquefois un petit oianteau bit de plusieurs cuirs chevelus ou scalps arrachés aux têtes de leurs ennemis vaincus (Hérod. iv , 64). La pnncipale arme des Scythes était l'arc et les flèches. L'arc scythique avait une forme particulière que nous ont fait connaître les auteurs anciens (Amm. Mwre. 22 , 8 ; Strab. 2 , 126 ; PUne H. N. 4 , 26 ; Théocrite , Idylle 15, S5). Il était composé, de deux arcs de cercle réunis ensemble par une ligne droite. Les Scythes étaient d'habiles archers (cf. Luc. Toxaris), et surtout renommés comme excellents hippoioxoUi ou archers-à- cheval (^ian. de Mil. ord. Inst. p. 5). Ih passaient même dans l'an- tiquité pour les inventeurs de l'arc et du bouclier (scytb. targi^ slav. terk , bas lat. targia , fr. targe) lequel était chez eux l'arme distinctive ' des nobles et des rois. Aussi le père des nobles et des rois et par suite de la nation entière , l'Hercule scythe , c'est-à-dire le dieu du aolèii , Targiiavm, passa-t-il dans la tradition pour le meilleur archer. >hmif,. « 5

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tt ftBVme B'AUAGK.

Les Scythes, comme nomades ne poa?ant avoir des demeures fixes» avaient des habitations mobiles» espèces de cabanes de bergers, c*e$t-l-dire des chars à quatre roues avec une tente en berceau ou en forme de tonne et recouverte d'écorce ou de peanx {Juit. Hist. u, 2). Ces chars portaient chez les Sarmates le nom de KoU^maha (mai- sons sur roues)» et chez les Gète$ celui de Kara-mà (maisons sur char); ils étaient assez spacieux pour que quatre personnes adultes ou une* famille (scyth. tatnti, norr. thiod) pussent s'y coucher* En cas d'attaque ou dans le combat» on plaçait ces chars de manière à en faire une enceinte ou un rempart (cf. norr. vagnabarg fort de chars). Chez les Scythes septentrionaux » il y avait de grandes neiges en hiver , les tentes furent placées sur des radeaux ou traîneaux (Pomp. Meta ad Virgil. Georg.i» 164) qu'on appelait GUssanu (scyth. iongi, p. tnaki^ lith. iahntu, pol. ionln , ail. snaeho limaçon » cf. norr, ilê^ » p. Mlebdi^, C'est ainsi que les Scythes de la mer Noire passaient » en hiver chez leurs parents les Sindies en faisant glisser leurs chars-tratneaux mr la glace du Bosphore cimmérien (Hérod. n » 28). Ils se faisaient traî- ner par des rennes (scyth. îarandus effervescent» renne » norr. îhrandr sanglier) on par des élans ^ animaux que leifrs voisins les finno-tatares leur avaient appris à connaître et auxquels ils donnaient par conséquent le nom tatare de hloi (Strabon kolos » cf. madyare loizak). Les Scythes laboureurs» étant devenus sédentaires par suite de l'agriculture» échangèrent leurs chars contre des maisons qui avaient la forme de blockhaus construits avec des f&ts d'arbrtf superposés les uns aux autres » formant un carré oblong et couverts d'un toit de chaume ou bien » comme les thars-berceanx » d'écorce ou de peaux. Ces cabanes étaient appelées budei (norr..6iidir» cf. les Budine$). Chez les Scythes l'idée de la famille et de la tribu reposait bien plus particulière- ment sur l'idée de la communauté de domiàle que sur celle de la communauté du iang. Le foyer mobile des nomades » c'est-à-dire les flerreê fàcake qu'ils transportaient avec eux dans leurs chars » fut le symbole de cette «communauté. Aussi le nom du foyer (scyth.'tovtfi) devint-il le nom de la famille d'un petit nombre d'hommes associés ensemble (norr. thiod) et par extension le nom de la tribu et de U nation (goth. thiod » celte tenta). Chez les Scythes nomades » les serb qui étaient probablemant des prisonniers de guerre dont on avait fait* des esclaves » ne faisaient pas partie de la famille ni de la tribu. Les Scythes avaient l'habitude sauvage d'aveugler les serfs (Uirod. nr» 3)

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LBS .SCTTHBS. . fil

afin » disaientHlIs, qu'ils ne fussent pas distraits daiv leurs tra?aux; mais le Téritable motif de cette barbarie c'était d'émpécher la fuite ou la révolte de ces esclaves. Cet usage atroce cessa complètement ou du moins fut fort restreint chez les Scythes agriculteurs dont les esclaves employés aux travaux des champs , n'auraient pu s'y livrer s'ils avaient, été privés de la vue. Cependant anervir et aveugler étaient deux choses si étroitement liées dans l'idée des peuples de l'antiquité, que dans la langue' des Scythes fUi it aveugle était synonyme d'esclave {jBérod, IV , ^) et que chez les peuples asiatiques en général les rois vainqueurs faisaient ordinairement aveugler les princes vaincus, afin d'indiquer ainsi d'une manière symbolique qu'ils entendaient faire d'eux leurs esclaves. Comme les Scythes libres portaient les cheveux longs, la tête rasée était aussi le signe extérieur de l'esclavage diez les Scythes comme chez d'autres peuples de l'Asie. C'est que la plupart des peuples iafétiques regardaient la chevelure qu'on consacrait au dieu du soleil » non seulement comme une chose sacrée par laquelle les femmes chez les Grecs juraient et qu'on sacrifiait aux dieux et aux mftnes , mais ils la considéraient encore comme l'or- nement de l'homme et comme l'indice de sa condition libre. Lorsque le roi indien Sagara eut vaincu les lavanas (lônes) et les Kambôdjâs, il leur imposa l'obligation de se couper la chevelure; quant aux Scjfthêi on Cakes qu'il avait également vaincus , il leuc accorda la iavjpur d'avoir seulement la moitié de la léte rasée (cf. Strobaeus , chap. 145 , p. 433). Les archers scytbes qui faisaient la police à Athènes et qui se considéraient comme serfs avaient la tête rasée ; aussi les Athéniens ayant en vue ces archers ou esclaves scythes employaient-ils l'expression de skuthiser (shuhixetn) pour se raser la tête.

Les hommes libres qui étaient la classe la plus nombreuse , consti- tuaient le peuple proprement dit chez les Scythes. Les hommes libres étaient naturellement aussi bien propriétaires que les nobles , mais Us n'étaient pasanssi riches qu'eux. Chez les Scythes nomades la richesse ou la propriété qui était seulement mobilière était mesurée non d'après la grandeur des troupeaux , mais d'après le nombre des chari qu'on possédait. G*est que la richesse en troupeaux qui était toujours en proportion avec la grandeur de la famille était indiquée , ainsi que le nombre des serfo,'par le nombre total des chars. Le Scyftie qui était simplement chef d'une petite famille n'avait qu'un seul char attelé de

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deai boeufs {BTtppok. i , S 95) et un troupeau correspondant, ainsi qu'un nombre de serfs proportionné à ce modeste ménage. Ce petit propriétaire » chef de famille et homme libre » avait le nom de ootopode d'après les huUjambei de ses deux bœufs. Plus le propriétaire avait une famille nombreuse , de nombreux esclaves et de nombreux trou- peaux » plus le nombre de ses chars était aussi considérable. Il y avait des Scythes qui pos'sédaienl jusqu'à quatre-vingts chars. Lorsque plus tard les Scythes agncuUeun se partagèrent annuellement les terres , ce partage se faisait par lots dont la grandeur était proportionnelle au nombre des chars « et lorsque plus tard encore chezles Gètes et les Scandinaves les chars furent remplacés par des maisons ou ma- noirs fixes (norr. bu), la distribution était toujours faite en proportion du nombre , de la grandeur et de la situation par rapport au soleil (norr. sôUlùpt distribué au soleil) des maisons ou des manoirs. Dans l'origine la richesse qui donnait la puissance établissait presque seule la distinction entre les nobles et les hommes libres ; * mais on faisait aussi dépendre cette différence sociale d'une différence dans la pureté ou noblesse du sang des familles. Ensuite de même que les familles nobles s'éuient séparées des familles plébéiennes » les familles prin- cières se séparèrent aussi des familles nobles ; quelques chefs nobles devenus monarques ou chefs de tribus {Hérod, iv , 66), s'élevèrent à la royauté. Ce*qui prouve que dans l'origine les rois (scyth. kunagus roi, cf. les noms propres Kunagos, Muh-kunagos Roi des mouches ou des taureaux , Ku^kunagos roi des vaches) devaient leur élévation , dans la pensée du peuple , non à la puissance de leur épée ni à leurs qualités morales et intellectuelles , mais à l'ancienneté , à Fillustration et à Tascendant de leur famille, c'est que dans les langues scytho-gétiques le nom de roi siguifiait proprement national ou gentil (goth. thiudans) ou Issu de généreux (scyth. kunagus, norr. Konungr, ail. Kônig)^ parce que le roi tenait à la famille la plus ancienne et la plus illustre de la nation et parce qu'il était le Als d'un Noble (scyth. Kunos nom propre, norr. Konr) ou d'un Généreux (norr. adalungr). La royauté était éta- blie de bonne heure chez les Scythes , et ils l'honoraient au point qu'ils appelaient royaux les pays et les peuples qui avaient plus de distinction et de puissance que les autres (Hérod. iv, 210). L'attribut distinctif di^roi était le boucUer, qui devint le symbole de la protection, et élever sur le pavois était synonyme d'élire roi. Le nom de Skolotes (Boucliers) qu! Hérodote (iv, 6) appelle un nom royal signifiait aussi dans

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LES SCTTHISa. 69

le sens moral mi on protecteurs et indiquait encore que les Skolotet , par l'intermédiaire de leurs rois , descendaient du dieu-héros Targi^ tavu9 (Brillant par la targe), le dieu du soleil, le Protecteur du peuple (scyth, Tavit'varus^ greco-scytb. Teutaros) par excellence. la royauté fondée sur rillustration de la race était sinon héréditaire dans la famille» du moins attachée à la famille la plus illustre. Chez les Scythes les Cemmes , grâce à leur caractère énergique , n'étaient pas exclues du pouvoir royal, mais elles n'y arrivaient que comme veuves* c'est-à-dire après la mort du roi leur époux. On remarque dans l'histoire des Scythes quelques reines célèbres telles que Tomjfri$ (Thamyris Océanide » sansc. tamara) , la reine des Mauagètcê ; Spot* Mhra (Feu du soleil ; de svar et de aithra» norr. aitar feu , cf. Syr-Uha dans Saxon Grammaticus) et Zarina (Dorée) originaire d'un pays arie et reine des Sakes; Amage^ veuve de Medo-Sakkas (cf. norr. Mipd» Sognir) et reine des Sarmates. Certaines peuplades scytbiqnes et sakes , surtout celles qui adoraient particulièrement la Lune nommée la déesse Ariimpasa (Noble-dame) et chez lesquelles, par conséquent, les femmes jouissaient d'une certaine prépondérance sur les hommes (cf. Hérod, iv» 26) se faisaient gouverner de préférence par des reines {Arrhiân Indica , 8). Les Grecs les appelaient , non sans quelque mé« pris, dominés par des femmes (gr. gunaiko-kraloumenoï) et les Hin- dous les nommdieni Strî-r^djâs (ayant une femme*roi). Chez les Scythe^, ceux qui étaient revêtus de la royauté étaient aussi les juives suprêmes et les pontifes de la nation , suivant les mœurs patriarchales d'après lesquelles le père de famille et par suite le père de la nation ou le roi était à la fois juge et prêtre.

Dans l'origine l'homme ne considérait comme 4es siens ou comme son sang que les membres de sa famille. Les membres de la famille , s'appartenant l'un à l'autre , se devaient aussi récipij)quement aide et protection. Lorsque dans la suite les familles formèrent des tribus et que ces tribus formèrent la nation , la protection était due également aux membres de la tribu et de la nation. Mais toujours cette protec- tion s'étend'ant sur les membres de la tribu et de la nation , était due en vertu de la communauté du sang et comme conséquence et exten- sion du droit de protection dans la famille. Aussi l'afléclion et Tamour du prochain se manifestant tout d'abord dans la famille et y trouvant sa raison d'être et sa sanction, on assimilait tous les autres rapporte d'affection qui pouvaient exister entre les hommes, aux rap-

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70 REVUE D'ALSACE.

ports de famille. Ainsi l'amitié n'était pas considérée comme Vaffec- lion mutaelle entre deax hommes quelle que soit leur famille ou leur race ; les amis passaient, au moins symboliquement, pour des bommes de la même famille , pour des firères , ayant par conséquent entre eux des droits et des devoirs de frères , de^ droits et des devoirs du ' sang. Cbez les Scythes guerriers les amis étaient*surtout considérés comme frères d'armes et alliés pour leur protection mutuelle.- Aussi pour contracter cette amitié ou cette alliance on pratiquait des céré- monies symboliques qui signifiaient que les amis devenaient entre eux frères ou bommes du même sang. Pour indiquer cette commu- nauté de sang en contractant alliance, les Scytbes buvaient ensemble du vin mêlé au sang qu'ils s'étaient tiré de leur, corps en se faisant nue légère blessure {Hérod. iv , 70). L'assistance , selon l'idée de ces peuples , ne pouvant être exigée que des parents auxquels seuls in- t^ombait le devoir de la protection , les Scythes ne prêtaient secours à un étranger que lorsque préalablement celui-ci se fut constitué symboliquement leur parent. Or comme la parenté se mani- festait principalement par le droit de prendre part aux sacrifices que le chef de la famille faisait pour sa famille seule, l'homme qui invoquait l'assistance d'un autre dut se faire d'abord passer pour le parent de celui-ci en plaçant le pied sur la peau d'un t^oeuf sacrifié; ce qui signi- fiait symboliquement qu'il venait de prendre par( à un sacrifice fait pour la famille et qu'il avait par conséquent les droits d'un parent ou d'un allié {Luci^ Toxaris) et , par suite , droit à la protection de la part des membres de cette famille. Plus tard, chez les Germains, cette peau de bœuf fut remplacée par un soulier fabriqué avec cette peau lequel , dans la suite , devint le symbole de la parenté et par conséquent de l'a- doption^ de l'alliance (cf. ail. Bnndschuh) et de la succession ; de sorte que chausser soulier de quelqu'un signifiait symboliquement lui succéder comme parent, comme fils adoptif ou comme héritier (cf. Grimm, Rechuallerihûmer ^ p. i5S, 463). Le devoir de l'hospi- talité était également rapporté au droit du sang ou de la famille. Aussi le passant jouissait-il de l'hospitalité, non en sa qualité d'étranger ou d'homme ayant besoin d'assistance , mais parce que s'étant assis au foyer il était considéré , momentanément du moins , comme faisant partie de la famille. Or le foyer (scyth. Taviti) étant inviolable , le voyageur qui était entré dans une demeure y jouissait des droits du foyer; on lui devait, comme aux autres membres de la famiHe,

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USB SCYTHES. 71

Aonrritâre, aide et protection. La jastice telle qu'elle était pratiquée chez les Scythes était encore une conséquence du droit du sang on de la proteaion due aux membres d'une famille. Comme les membres de la bmillet de la tribu et de la nation étaient censés s'appartenir l'un à l'autre par le sang , ils devaient aussi venger les injures qui étaient faites à quelqu'un des leurs par quelqu'un de leur nation. Si l'agresseur était un étranger ce n'était pas un coupable qu'on jugeait > c'était do ennemi auquel on courait sus. La justice comme revendication des droit» du sang était donc une vengeance (lat. vindicatio) exercée an nom de la famille et de la tribu pour demander réparation de l'injure ou du préjudice fait à un membre de cette famille ou de cette tribu , par un de ses frères parents ou compatriotes. Cette' justice ou vengeance bien qu'elle ne fut pas une guerre en avait cependant les apparences. C'était en quelque sorte un duel livré en conseil de famille entre les juges et l'accusé» et comme l'accusé était un honune du même sang que ses juges, on observait, au tribunal, les mêmes formes comme dans un duel régulier ; le jugement avait lieu en champ clos (norr. vêbonii » en plein air , à la (ace du Soleil (Targitavus) et de son ,sym- bole le bouclier ou la targe , sur la butte de l'assemblée (cf. Hirod.) , et en présence de l'Epée (scyth. (raizus) du signe symbolique de la divi- nité suprême.

•B Ës^éwjkT unruxBCTiTBii mkm scttum.

LeA Scythes ont prouvé qu'ils avaient de bonnes dispositions intellec% tiielles déjà par le besoin qu'ils sentaient de s'instruire auprès des peuples plus civilisés. Anaeharsii (scyth. Anak-hrâm Prompt à la course), fils du roi Scythe Gnourus (p. Crnavanu Eminent, cf. norr. gnœfr)^ vint à Athènes pour s'y instruire et il parvint par son génie philosophique à fai gloire de compter parmi les sept sages de la Grèce. A la même époque, du temps de Solon, un autre Scythe que les Athéniens Aommaient Toxarii (Archer) et qui était prêtre ou devin de TargUavut ou de Tchalmo-skais {Prince à la peau d'ours , gr. ZabnoxU) vint à Athènes il faisait , sous l'inspiration de^dn dieu , des cures telle- ment merveilleuses qu'à sa mort on érigea près de son tombeau une stèle avec un bas-relief représen^nt Targitavus ou l'Hercule scythe Oe Soldl), tenant de la main gauche son arc et de la main droite un rouleau de flèches, symbole des rayons bienfaisants du soleil. Le roi Skuks (scyth. SkuU Protecteur, norr. SkuU) aimait à jouir , tous les

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ans une fois dans la ville d'Olbie » des avantages et des plaise de la cîvilisalion grecqae» et ponr satisfaire ce goût il exposa son trône et jusqu'à sa vie (Hérod. iv, 80). Les Athéniens qui pouvaient choisir leurs esclaves parmi tant de peuples barbares préféraient à tous les esclaves scythes. Us avaient à leur service beaucoup de Scytbiennes de sorte que ScyiJdenne était à Athènes presque synonyme de iervante (SMidas y s. V. Skuihaina)^ Les Athéniens préféraient aussi les péda- gogues daAvet à tous les autres 9 non seulement pour leur fidélité mais aussi pour leur intelligence. Tout cela prouve que ces Scythes esclaves hommes ou femmes étaient renommés non seulement pour leurs qualités morales et inteUectuelles» mais aussi pour leurs qualités phy- siques , que c'étaient de véritables Scythes , et non pas de ces pré- tendus Scythes ou de ces Scythes abâtardis que Hippokratès représente comme une race laide de corps et faible de caractère et d'intelligence. Nous avons à faire voir maintenant jusqu'à quel point l'intelligence des Scythes s'est manifestée dansleur commerce, dans leur industrie, dans leurs connaissances et dans leurs traditions. Les principaux articles du commerce des Scythes européens étaient la pelleterie et l'ambre jaune. Dès le sixième siècle avant notre ère, les Scythes de la mer Noire faisaient concurrence aux Phéniciens en cherchant sur les bords de la mer Hyperboréenn%(Aa/it9ue) surtout à AbaUe le succin (lat. sucdnum tenant du suc) qu'ils nommaient , dans leur langue, «afciru (le suint; Pline, «acrium, sansc. kchtram, p. çaulùram sérosité» cf. gr. dakru, ail. zâhre, lat. lacryma). Si les Scythes ont pris le nom de Sakiru dans le sens propre de nitni , cela prouverait qu'ils considéraient le succin comme l'exsudation de quelque arbre résineux ; s'ils l'ont pris dans le sens figuré de larme , cela prouverait encore qu'ils connaissaient le mythe sur les Séliades (Ovin. Mita* tnorph. , 11 , 540) qui , à la mort de leur frère Phaéton , furent chan*^ gées en auhies et versèrent des larmes^ d'oii provenait l'ambre jaune. Les descendanu des Scythes sarmatiques , les Venèies (Vénitiens) delà mer 'Adriatique, s'ouvrirent» pour le commerce du succin, une route directe vers le midi de ^'Europe , en s'associant avec leurs frères les Venèies (Wendes) de la mer Baltique. .Vers le commencement de notre ère ce commerce qui avait déjà beaucoup perdu de son importance était entièrement entre les mains des peuples celtiques qui donnaient au succin le nom de glœs (lat. vitrum^ cf. Plin. 32, S, Pomponka Mêla. 6} et tiraient ce fossile principalement de File d'imeiand.

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LES SCYTHES. .73

appelée alors Auitravia (Ile orientale) pai les Bataves gemumiques et Ik au sucàn (lat. Gkssaria) par les Belges celtiques. Les Scythes nomades qai colportaient (cf. Alazones Forains) et troquaient simple- ment leurs marchandises Contre d'autres produits naturels , n'avaient pas besoin de monnaie. Mais les Scythes de la mer Noire qui étaient en rapport avec les Grecs , faisaient usage de la monnaie qu'ils faisaient battre à Olbie. Les marchands scythes n'avaient pas non plus besoin de l'écriture pour leur commerce , ils pouvaient s'en passer comme la plupart des peuples marchands de l'antiquité. L'industrie des Scythes n'était pas assez avancée pour fournir des articles au com- merce d'exportation ; ils exerçaient l'industrie seulement pour leurs besoins personnels et ils ne fabriquaient que des articles de pre- mière nécessité, tels que des objets d'habillement , d'armement » de logement, des chars » des charrues, des traîneaux , des ustensiles de cuisine et de sacrifice. En fait de métaux les Scythes, au dire d'J7éro- dote, ne connaissaient que For et l'airain. Gomme généralement Tai- rain (sansc. ajfûs , goih.ais^ Iat..a«<) était plus anciennement connu et en usage que le fer (cf. Thubal-kaïn , pers. tûpal-kaîn Qa\ forge l'airain) les Scythes suppléaient aussi par l'airain au fer qui leur manquait. L'invention de l'art de fondre et de façonner l'airain était attribuée par les Scythes à un de leurs compatriotes (Plin. 7, 57, 6.) qu'ils nommaient Lydus (goth. Ituds Artificieux) lequel était le typ^ et le prédécesseur de Vôlundr (ail. Wiehnd) le forgeron épico-mythique de la poésie germanique et Scandinave. Mis en rapport dès le sixième siècle av. J.-Gh. avec les Eelus-Kimméries tels que les Chalybes , les Tibarènei , etc. , qui excellaient déjà alors dans la métallurgie , les Scythes apprirent d'eux à connaître le fer qu'ils appelaient ais-am (sorte d'airain). Plus tard les Gètes qui sous le nom de Gothines vivaient dans les Karpathes, au milieu de populations celtiques, apprirent de ces populations la manière d'exploiter les mines de fer (cf. Tacite). Enfin ce fut principalement en Scandinavie que les descendants des Gètes furent complètement initiés dans la métallurgie par les popu- lations finnoises. Car les peuples de rac^ ouralienne et finno^tatare surpassaient toutes les nations de l'antiquité, même les Kimro-Keltes , dans l'exploitation des mines. L'art de foudre et de façonner les mé- taux était beaucoup en honneur chez eux , au point que dai^eur mythologie le dieu suprême Ilmarinen était représenté comme un fo^eron tellement habile qu'il s'était fabriqué d'or son épouse. Dans

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74 RBvra d'alsacs.

les langues finnoises le mot àe forgeron {seppSj était synonyme d'or* titie (cf. gr. DaidaUos habile » artiste ; malai pandei, forgeron , habile ^ artiste) et servait à exprimer toute espèce d'industrie ou d'art, même fart de la poésie (rum-seppâ forgeron de' chants » cf. norr. tioda^ smtdr). Chez ces peuples altaïques le nom de durchan (forgeron) de- vint également le titre honorifique d'un haut dignitaire de l'Etat, comme diez les Perses le tablier du forgeron kàveAeyiûi l'étendard royal. Les Scandinaves estimaient surtout les épées {vasJù, cf. basque) finnoises dont la trempe était si excellente que ces armes passaient pour féées.

Chez les Scythes les beaux-arts sont restés naturellement dans renfiince et ne se sont jamais élevés au-dessus du niveau des arts utiles et manuels. Aussi longtemps que les Scythes nomades n'avaient pas d'habitations fixes l'architecture ne pouvait pas même naître. Les Scythes n'ayant point d'images de leurs divjnités , à l'exception du glaive (scyth. gamis) le signe symbolique au di^ suprême Dmu (norr. Tyr), les arts plastiques ne pouvaient pas non plus se développer. Quant à la musique on trouve au quatrième siècle avant notre ère des prêtres citharistes chez les 4gc^hurses et les Gèus {Aihen. xiv , 24» Siephanut de Byz. s. v. Getia). La musique instrumenule servait aussi d'accompagnement aux danses guerrières dans lesquelles les Scythes se distinguaient au point que , encore plus tard à Consunti- nople» aux fêtes de la cour» deux bandes d'hommes » représentant deux peuples sarmates les Brames et les Yenètes et ayant à leur tête des chefs goths revêtus de leur marme, exécutaient les danses guer- rières traditionnelles dans leur nation. La poésie était encore à son état tout à fait primitif. Celui qui savait manier la parole était en même temps poète et orateur et comme tel il était choisi pour servir d'ambassadeur ou d'envoyé auprès des nations voisines. C'est ainsi , par exemple, que les citharistes àe& Agaihurses remplissaient à la fois les fonctions de musiciens , de poètes , de prêtres et d'ambassa- deurs. Encore plus tard la tradition épique des Goihs, des Germains tX ùe& Scandinaves nous parle de héros tels que YoUur, Horuni, Verbil» Svemlîn^ etc.-, qui maniaient aussi bien l'instrument de mu* sique 4ue l'épée et qui , en qualité de musiciens (fidlari) et de poètes- orat^rs, étaient aussi employés comme messagers et comme ambas- sadeurs. La tournure d'esprit des Scythes qui étaient généralement btdligentj» (Hérod. iv, 46) les portait à s'exprimer d'une manière laco-

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LES scrrass. 75

niqoe » énergique » sans ambages et sans précaoUons oratoires. Aussi les Grecs, surtout les Athéniens» qui étaient frappés de cette parti* eularité , appelaient-ils les expressions brusques le parler scythique {skttthân rêiii , Kte^e fragm. » Baekr, id. p. S^). Anacharsis avait la répartie prompte et juste. Lorsqu'un Grec lui reprocha sa nationalité de Scythe barbare il répondit : Tu dis que ma patrie me fait honte ; moi je dis que toi tu fais honte â ta patrie. Il avait à la fois de l'ori- ginalité et de la justesse dans l'esprit. Les lois de Solon il les compa- rait à des toiles d'araignée se prenaient les faibles et que déchi- raient les forts. Voyant que les Athéniens portaient les projets de loi d'abord devant les Prytanes pour ensuite les faire sanctionner par l'as- semblée du peuple il dit :*c'est faire délibérer aux sages et décider aux Ibus. L'huile avec laquelle se frottaient les athlètes il l'appelait l'onguent maniaque. II disait que la vigne portait trois espèces de raisins : le raisin de l'ivresse , le raisin de la volupté et le raisin du repentir. Les Scythes ayant beaucoup d'imagination aimaient les expressions métaphoriques et surtout le langage symbolique ; et l'expression de la j)ensée était quelquefois accompagnée d'une action emblématique. Ainsi , par exemple, pour faire savoir à Darius que s'il ne s'échappait pas aussi vite qu'un oiseau dans l'air, qu'une grenouille dlins l'eau et qu'une souris sous la terre , il périrait par les flèches, le roi des Scythes lui envoya par des ambassadeurs un oiseau , une grenouille » une souris et cinq flèches (Hirod. iv, 131). Pour énoncer et pourinculquer à ses cinquante fils cette vérité que l'union fait la force, le roi scythe SWourui (p. Skyldvarus Garde-bouclier) prit nu faisceau de flèches et leur montra que le faisceau uni ne pouvait être courbé mais que chaque flèche pouvait être brisée séparément (Pluiarque, Mor.). Plus tard chezJes Scandinaves , ces d^^scendants des Scythes, nous trouvons encore le même mode d'expression. Randver (Défenseur du bouclier) le flis du roi lârmunrek, au moment , par ordre son père , il devait être pendu, prit un faucon et lui ayant arraché les plume^etles pennes envoya dans cet état piteux l'oiseau à son père pour lui signi- fier que désoriflais ce roi , vieux et privé de son fils, ressemblerait à ce faucon rendu incapable de prendre son essor (Snorra-Edda^ p. 143). Lorsque les Scythes furent établis sur les bords de la mer Noire, ils apprirent à connaître l'écriture grecque qui était en usage chez leurs voisins les habitants d'OIbie et qui avait aussi été adoptée par les CtUei Kmmiries. Cette écriture grecque, dérivée de l'alphabet phéni-

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76 KBTUE A'ALSAGB.

cien et qui n'avait pas encore été complétée par Epicharme et Simo^ nide , était encore à son état primilif. Les traits des caractères étaient heurtés et -angulaires par suite des malières dures telles que la pierre, le bois (cf. sanides) et le plomb sur lesquelles on las gravait (gr. grafi graver , écrire). Les Scytho^Gètes adoptèrent ces caractères phénico- grecs non pour s'«n servir dans le commerce comme d'une écriture cursive ; mais pour les employer comme des signes stéganographiques, des signes mystérieux ou comme des mystères (runes, sausc. çravanA traditiQU , mystère) dans la divination , la rbabdomancie et la magie* La poésie n'étant pas encore écrite fut transmise oralement et devint ainsi l'organe pour toutes les traditions de la nation. Comme dans l'Antiquité toutes choses étaient ramenées êi rattachées à la religion » les traditions étaient aussi presque toutes plus ou moins religieuses et la poésie qui leur servait d'organe avait également un caractère plus ou moins mythologique.

La religion des Scythes étant la partie principale de leurs traditions, le tableau que nous allons en esquisser contribuera à nous faire encore mieux connaître l'état social moral et intellectuel de ce peuple remarquable.

F. G. Beegmann,

ProfMfeur dt Htténtora étnnfèro à U FMolté àm lottni cto Strasbourg.

(La suite à uns frùchaibH UoroîMMi).

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NOTICE HISTORIQUE

SUR L'ÉGLISE RÉFORMÉE DE SAINTE-MÂRIE-AUX-MINES.

La Botice historique qui suit , doit son origine à la bienTeiltante conniunicatîoD que j'ai obtenue du livre consistorial de l'église^ réfor- mée de Sainte-Marie-auz^Mines et des documents, en petit nombre , que renferment ses archives.

Le livre consistorial se compose de deqx parties distinctes , reliées en an seul volume.

La première partie contient le récit de l'histoire Téglise réformée française, récit rédigé par le pasteur Louis Trolliard en 1772. Il ne 5'étend que jusqu'en l'année 1747 'et se termine par la copie d'une lettre écrite le 1 février 1793 parle pasteur français Testu, au consistoire allemand. Le récit du ministre Trolliard n'est , ainsi qu'il a soin de ' l'indiquer, (i) qu'un extrait des mémoires et livres consistoriaux. qu'il dit avoir été supprimés et anéantis. L'époque de cette suppression est incertaine , mais il faut regretter la perte de ces documents , car le récit de Trolliard rédigé par paragraphes isolés , sans suite et presque sans cohésion entre eux , est loin de fournir tous les rensei- gnemenu désirables ; il y existe même des erreurs qu'il importe de signaler.

La seconde partie contient la liste des pasteurs réformés allemands et commence en l'année 1666 par Nicolas Bischoff , premier pasteur

(*) Void le titre qu'il a mis en tète du livre : Extrait eofUenant ee fwt g'eit posté de plus intéreuant dans Vigliit réformée flrançaiêe de SoitUe^Marie^aïuB' MÊÙWM , depuis ga fondation jusqu'à présent , tiré des divers mémoires et autres monuments authentiques , mais surtout des Uvres consistoriauœ qid ont été sup- primés et anéantis parée qu'ils ne contenaient presque que des choses inutiles ou dangereuses ; U tout fidèlement recueilli , dressé et mis en ordre par François- Lomé TrolUard, pasteur de la dite église ^ÀTIf.

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78 RBVUB D'ALSàCB.

de cette langue. A la suite de chaque nom se trouve une courte nocke biographique. Le livre a été commencé en 1782 par le ministre Jean- Rodolphe Hertzog et a été continué par son successeur jusqu'à .Jean- Frédéric Fontaine élu le 4 août 1805. Il se termine par la transcrip- tion d'un certain nombre de documents concernant l'église et parmi lesquels Ton remarque surtout ceux qui ont trait aux difficultés sur- venues à plusieurs reprises entré les réformés et les luthériens de Sainte-Marie, ainsi qu'entre les réformés eux-mêmes.

Il m'a paru utile et intéressant de réunir et de classer les faits qui ressortent du livre » ainsi que les renseignements fournis parles docu*

' raents. Je les ai complétés aussi bien qu'il a été possible par des recherches faites au-debors » afin de reconstituer l'histoire de Time des plus intéressantes églises protestantes de l'Alsace.

L'histoire locale de la plus grande partie des églises protestantes de France est encore loin d'être complètement explorée. €e n'est que par elle , cependant, que l'on parviendra à connaître toute l'étendue et l'importance du mouvement réformateur qui a rempli ce pays au seizième siècle. De louables effons ont, toutefois » été faiu. Le Direc- toire du Consistoire supérieur de l'église de la confession d'Augs* bourg 9 répondant à l'initiative éprise par S. E. Monsieur le Ministre des cultes , provoque et encourage les travaux qui tendent vers ce

' but. Il faut espérer, que, dans un temps rapproché, l'on parviendra à réunir en un seul faisceau ces notices isolées qui permettront alors d'écrire une histoire véridique , basée sur des documents incontes* tables mais dont les éléments sont jusqu'ici restés enfouis dans les archives des églises , et que l'on parviendra ainsi à rectifier toutes les erreitfs et à remplir toutes les lacunes , que l'ignorance des détails locaux a pu introduire dans les récits publiés ju«|u'à ce jour.

I.

La ville de Sainte-Marie-aux-Hfaies , ai^eurd'hui l'un des centres importanu de l'industrie française , est située dans la vallée de la Lièpvre et traversée par la petite rivière de ce nom qui la séparé en deux parties distinctes dont l'une, la rive gauche , appartenait, au seizième siècle, aux ducs de Lorraine , et l'autre « la rive droite, ^ux nobles de Ribeaupierre, seigneurs relevant directement de la maison

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NOTIGS HI8X0IUQUB , BTC. 79

d'Aauiehe et reconnaissant» par conséquent» la snzeraineté da Saint-Empire romain.

A cette époque la population de Sainte-Marie se composait» en grande partie , d'ouvriers employés à l'extraction du minerai que Ton trouvait en grande quantité dans les montagnes qui dominent la vallée et qui fournissait annuellement près de 7000 marcs d'argent , sans compter le enivre et le plomb dont il y avait également abondance.

L'on comprend qu'une pareille industrie devait attirer de nombreux étrangers impatients de foire fertane» ou désireux de s'employer aux travaux divers que faisait naître une grande exploitation.

Cette affluence devait aussi» exceptionnellement» favoriser l'intro- •duction des doctrines de la réformation qui, dès la première moitié du seizième siècle » ont agité l'Allemagne » Suisse et la France.

Mais ces doctrines rencontraient un ennemi implacable dans le duc de Lorraine » seigneur de la partie gauche de Sainte-Marie-aux«^Mines» dont les victofres » remportées à Saveme et à Scherrwiller sur les paysans révoltés » avaient redoublé la haine qu'i^ portait au protes- tantisme » première cause » selon lui » d'une guerre qui avait compromis sa fortune et aurait pu menacer ses droits souverains.

Le supplice de Wolfgang Scbuh» pasteur à Saint-Eypolitbe, village situé à quelques lieues de Sainte-Marie» était» d'ailleurs» dénature à inspirer aux sujets du duc de Lorraine de justes craintes snr les conséquences que pourrait avoir pour eux fadbésion aux principes d'un culte nouveau repoussé par le prince comme contraire à ses convictions religieuses el comme compromettant ses intérêts tem- porels.

Une surveillance incessante (ut donc établie sur les habitants de la rive gauche et le catboUcisme ne cessa pas un instant d'y être pro^ ftssé par b population soumise au duc de Lorraine.

II.

Il n'en flit pas de même sur la rive droite.

Egenolf III » devenu seigneur de Ribeaupierre en i547 par la mort de son père , Guillaume ii» avait embrassé le protestantisme et en &vorisait secrètement la propagatioff dans ses domaines. U était obligé il'agir avec prudence et circonspection ; puisque » relevant de

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80 VSfïMMfÉJMCÊ.

rAatricbe caiholiqne , il était sooinis à la sorveillanoe de la Chambré de régence établie à Ensisbelm et qu'il ne poutait espérer que cette Chambre approuverait ou tolérerait seulement, des tentatives de réforme contraires à ses instructions et à ses propres tendances.

m.

Telle était la situation, lorsqu'on 4'année 4BS0« on environ, im nommé £Ite, maître mineur , (t) vint se fixer dans la partie de Sainte- Marie soumise à la seigneurie de Ribeaupierre. Nous ignorons le lieu et la date de sa naissance , mais nous devons présumer qu'il venait de l'intérieur de la France, ou qu'il appartenait aux cantons suisses qui parlent la langue française.

Maître Elle professait la religion réformée, mais il ne lui suffisait pM de la professer seul , il était impatient de communiquer ses con- victions , de réunir autour de lui ceux qui les partageaient , de consti- tuer, enfin, une communauté dont les prières s'élèveraient ensemble vers le Seigneur-Dieu qu'il adorait avec ferveur et conviction.

Jouissant, à ce qu'il parait, d'une certaine autorité et d'une cer- taine aisance, il réunit bientôt dans sa maison tous les fidèles qui, jusqu'alors n'avaient professé le culte nouveau qu'en secret et en l'absence de tout ministre consacré ; il les habitua à faire ensemble des exercices de prières et à entendre la lecture de l'Ecriture sainte. Enfin , il baptisa un enfant et administra la Sainte-Cèné à laquelle participèrent environ treize personnes , hommes et femmes.

Ce culte domestique fait en langue française , ne manqua pas d'at-

(*) Dans une lettre datée de Sainte-lfarie^iiu-MiDes le 12 mai 4645 et adressée par le pasteur le Bacbelle au pasteiir Ferry de Metz (voy. BuUeiin de l'hiitoire du FroUitamistM français^ tom. i^, p. 160) il est dit , que maître Elie avait été abb^ en pays de Hainault et avait, depuis, épousé à Strasbourg la veuve de Pierre Brùlly, brûlé à Toumay en 1545. Cette version qui , du reste, n'est appuyée par aucun document, est contredite par le livre consistorial de Sainte-Harie-aux- Mines il est dit textaellement que « M* Elie vint en ce val pour travailler aux n minei , lequel , en même temps , tenait en sa maison exercice de prières et de « lecture de l'Ecriture sainte , etc. » M. Rœhrich , BUtoire de la ritarmaiion m Àleaee , tom. ni , p. 182 , ne vmt, comme nous , en M* Elie, qu'un simple ouvrier mineur propagateur zélé et eotbousiaste des doctrines de la réformation.

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NOTICE BISTOBIQOE, ETC: 81

tirer en pea de temps tous les protestants disséminés dans la vallée et aax environs. Heureux de trouver un point de réunion » heureux surtout de n'avoir à craindre dans l'accomplissement de leurs devoirs religieux ni les délateurs » ni les indifférents , se croyant plus forts du moment qu'ils n'étaient plus isolés , ces hommes s'attachèrent les uns aux autres par les liens d'une étroite fraternité, bienfaisant ré- sultat d'une croyance commune et d'une vie exemplaire constamment surveillée par la communauté qui s'avouait responsable envers Dieu dtt salut de chacun de ses membres.

IV.

Déjà en 1553 , trois années seulement après le commencement de ces exercices religieux» les réformés de Sainte-Marie-aux-Mines étaient devenus tellement nombreux que l'étroite maison de maître Elle n'ofli'ait plus assez d'espace pour les recevoir et qu'il leur parût indispensable d'obtenir pour eux et leurs familles les instructions spirituelles d'un ministre consacré.

A cet effet, ils s'adressèrent au seigneur de Ribeàupierre , quf» seul, pouvait autoriser l'introduction officielle du culte dissident. D'ailleurs , les circonstances étaient favorables » le seigneur lui-ipéme était entré dans la communion protestante et la régence autrichienne d'Ensisheim était trop faible pour contrarier la volonté d'un aussi puissant vassal.

Aussi l'autorisation fut*elle accordée sans difficulté et le seigneur de Ribeaupierre engagea les pétitionnaires à s'adresser à l'église française réformée de Strasbourg, alors florissante » pour la prier de leur prêter l'un de ses ministres. Elle y consentit en leur envoyant le pasteur Jean Locquet qui , pendant quelque temps, prêcha au temple des mineurs sur le pré hors de Sainte-Marie, temple qui, alors déjà, était affecté au culte de la confession d'Augsbourg.

Hais ce n'était qu'une concession temporaire. Le pasteur Locquet, ^ attaché à l'église française de Strasbourg , ne pouvait faire que de courtes apparitions à Sainte-Marie , il ne pouvait , surtout , venir s'y 6xer au milieu des fidèles et partager avec eux le bien et le mal qu'il plairait à la Providence d'envoyer à la jeune église.

Elle s'adressa donc au consistoire (^e Genève, sachant que se trouvait le foyer ardent de la foi et de la science réformée et qu'elle y rencontrerait ces hommes de dévouement et de conviction qui ne

S'Aime*. 6

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&i REVUE D'ALSACE.

sont pas rares dans les temps d'orage , mais qui disparaissent ou restent inaperçus dans les moments de calme.

V.

Son appel fut entendu et Genève lui envoya , en i555, maître FrançoiM Mord, neur de CoUonges^ gentilhomme français qui , ayant embrassé la doctrine de Calvin, avait été obligé de s'expatrier, s'était réfugié en Suisse pour y vivre en liberté de conscience et y avait été appelé au saint ministère.

Morel , après avoir été agréé par le seigneur de Ribeaupierre* se mit incontinent à l'œuvre. Il ne se contenta pas de prêcher à Sainte- Marie et d'y administrer les sacrements , il se rendit alternativement dans les communes d'Eschery et de Fertrupt résidaient beaucoup d'ouvriers mineurs et il leur procura ainsi les moyens de participer aux bienfaits de leur culte. Son activité fut grande , mais elle devait tourner au détriment momentané de l'église, car les catholiques qui paraissaient n'avoir vu qu'avec indifférence les exercices de religion suivis dans la maison de maitre Elle , commencèrent à s'émouvoir à la vue d'un pasteur protestant , résidant au milieu de son troupeau et stimulant son zèle religieux par sa présence ainsi que par ses exhortations incessantes.

VI.

Dès ce moment la vallée de la Lièpvre fut agitée par les dissensions religieuses ; il parait même que des troubles sérieux ont porté le désordre dans les familles. Il est , du moins, certain que le conseil de régence d'Ensisheim fut saisi de plaintes nombreuses contre le pasteur et les réformés de Sainte-Marie.

Ces plaintes , transformées en griefs contre le seigneur de Ribeau- pierre et contre la tolérance qu'il accordait dans ses domaines, furent portées jusqu'au trône de l'empereur Ferdinand , lequel , plus tard et le 5 mai i562, écrivit à Egénolf m : c Nous sommes informé par c la ohambre d'Ensisheim et notre bailli comte Philippe d'Eberstein , c que tu tolères dans les lieux de notre suzeraineté diverses sectes, c telles qu'Anabaptistes , Calvinistes et autres dont la présence est c défendue par nos mandats ; que tu as même opéré certaines réfor- c mations dans l'Eglise , ce qui est contraire à tes engagements et à < la célèbre confession d'Âugsbourg , puisque dans les lieux d'où

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NOTIdS HISTORIQUE , ETC.

c vient la oonfesaion d'Augsbourg l'on n'a touché ni aux images « ni c aux autels » ni aux baptistères. Pour ta justification , tu as invoqué c la paix de religion , mais sans aucun fondement, puisque tu n'es pas c prince souverain , mais soumis à notre suzeraineté. En conséquence c nous t'ordonnons» que, pour éviter des peines sévères » tu éloignes c les sectaires et les prédicants et que tu remette le tout dans l'an- c den état. Car quoique nous fussions en droit de te punir tant cor- c perellement que pécuniairement » nous voulons te prouver que c nous sommes un Empereur chrétien et nous te pardonnoiis cette c fois en te bisant jouir des services de t'es loyaux ancêtres. >

vn.

Egénolf n'avait pas attendu cette admonition sévère. Craignant pour lui et pour ses sm'ets réformés les suites de l'agitation croissante des catholiques , il s'adressa au duc de Wurtemberg» seigneur protes- tant de Riquevrihr , .pour l'engager à accorder asile au pasteur de S**-Marie-aux-Mines dans son village d'Aubure situé entre cette ville et Riquewihr » et à lui permettre d'y prêcher les dimanches. L'auto- risation fut gracieusement accordée et Morel s'y étant établi » ses prédications obtinrent un plein succès et attirèrent les fidèles de la vallée entière.

VIII.

Ce pasteur , toutefois » ne pût rester longtemps à la tête de son troupeau. Rappelé à Genève par le consistoire qui ne l'avait cédé qu'à regret à réglisé croissante de Sainte-Marie-aux-Mines » il dût être remplacé à Aubure. 0) Son successeur fut Pierre Marbœuf » protes- tant firançais qui , après s'être réfugié en Angleterre il avait com- mencé ses prédications , était venu se réfugier à Montbéliard, comté

C) De Genève 0 arriva le 2 JuiUet 1S57 , Morel partit en 155B poar Paris il remplaça le pasteur Macard ^ et , dn 25 an 28 mai i559 , il eut Thonneur de présider le premier synode national français , celui qui a rédigé la profession de foi connue sous le nom de Confetiion s<»llicanei Mais il avait reporté à Paris toute Taetivité , tout le zèle qui avait distingué son ministère à Sainte-Marie , aussi fbtril bientôt obligé de qxdiiej de nouveau la France et de retourner à Genève. Nous le retrouvons encore au fiîmeux colloque de Poissy il figure en qualité de ministre de Montargis attaché à Aéné de France , mais à partir de ce moment Thistoire et les mémoires du temps ne font plus mention de loi. (Voy. Haag , la France pr»- tmatUc 9 verbo François Morel).

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8i RBVUB D'ALSACB.

annexé an Wurtemberg. C'est cette circonstance , sans doute , qui le désigna au choix du seigneur de Riquewihr et ce choix fut des plus heureux.

En effet» Pierre Harbœuf continua d'abord avec succès les prédi- cations de Morel à Aubure et se fit estimer et aimer par les habitants protestants du val de la Lièpvre* Aussi , lorsque les temps furent redevenus meilleurs et que le seigneur de Ribeaupierre crut pouvoir de nouveau faire valoir ses droits, il y rétablit le service divin réformé en permettant à Marbœuf de prêcher alternativement à Eschery et à Fertrupt. C)

IX.

Ce zélé pasteur songea dès lors à organiser sa jeune église sur les bases les plus solides, la foi et la discipline. D'accord avec le seigneur du val , il reconnut que dans les temps de trouble au milieu desquels il vivait et dans un moment tant de sectes nouvelles étaient venues altérer les principes du christianisme épuré, il fallait, avant tout, proclamer hautement la doctrine qu'il enseignait et qui devait être reçue comme seule vraie par son troupeau. 11 rédigea donc en l'année i558 une confession de foi au nom de l'église réformée de S^'-Marie- anx-Mines et cette confession Ait approuvée par le Seigneur et les fidèles. (S)

Après avoir fixé la doctrine » il restait encore à pourvoir à la régle- mentation de la discipline dans l'église. Linfatigable Marbœuf ne recula pas devant une tâche si difficile et si nouvelle pour lui. Il com- mença par organiser son consistoire en créant des Anciens et des Diacres et en chargeant les premiers de visiter et consoler les malades, de reprendre et admonester ceux qui se conduiraient mal , et les seconds , de recueillir les aumônes pour les distribuer aux pauvres. Il rédigea ensuite un règlement sur la tenue des consistoires et sur la

(') Voy. ROEBRICH , MUthêilungm aus der Gesekichte der evangelischen Kirche des BUatses, Strasboarg et Paris , 1855 , tom. ii , 1. i04.

(') Il est probable que cette profession de foi fut basée sur celle, dite gallicane, adoptée par le premier synode national tenu à Paris en malade la mâme année 1558. Nous en avons vainement fait la recherche tant dans les archives de Téglise de St«-Marie que dans celles des églises de Strasbourg dont le bibliothécaire , Thono- rable professeur Sehmidtf a bien voulu se mettre à notre disposition avec la bien- veillance et rnrbanité qui , de nos jours , distinguent le véritable savant.

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NOTICE HISTORIQUE, ETC. 88

répression des scandales. Ce règlement qui fut adopté par la commu* nauté entière , est un monument de simplicité apostolique, de charité chrétienne et, en même temps; de prudence nfondaioe. C'est à ce triple titre que nous croyons devoir le transcrire ici :

f La discipline ecclésiastique qui s*ohserve et qui doit s'observer dans les c églises de Sainte-Marie et Eschery,

c Au NOM DB Dieu.

c L'ordre qui doit êstre observé au consistoire de l'église de S<«-Marie et c d'Eschery assemblé au nom de Dieu pour le gouvernement d'icelle.

f Le ministre qui doit présider durant toute l'action invoquera première- f ment le nom de Dieu , les Frères estant assemblez , pour luy demander f Tass'istance et la conduite de son Saint-Esprit.

c Et après se fera lecture par ordre d'une chacune chose qui aura esté f proposée et non vidée au coQsistoire précédent pour en connaître.

c Pour en faire , chacun des frères , en son rang et sans interrompre le c propos d'un autre, et sans acception de personne, dire librement et fran- c chement son avis regardant à Tédification de TEglise à effacer les scandales, f à corriger les moeurs et amener les personnes à repentance.

c Pour éviter prolixité et ne point perdre le temps , quand un avis aura c été donné bon et sain , celui qui parlera puis après ne le répétera point , c ains donnera seulement son consentement , toutefois sera-t-il permis d'a- f jouter ou de diminuer , ou donner ouverture ou éclaircissement plus grand c à la matière, moyennant que ce soit en peu de paroles £t succinctement.

c Celui qui préside et qui conduit Faction devra imposer silence à ceux c qui parleront hors leurs rangs et aussi devra réprimer les vaines redites et c la trop grande prolixité de paroles et ce avec jugement et discrétion.

c Celui qui donnera son avis adressera ses propos à celui qui est établi c pour recueillir les voix , afin qu'il en ait meilleure intelligence.

c Nul des frères ne se tiendra trop arrêté à son opinion à part , ains se f laissera conduire et enseigner par le Saint-Esprit qui se sert de tels instru- c ments qu*il lui plait.

c La conclusion des avis sera faite par la plus saine partie et par le plus f de voix.

f Ycelle conclusion aura autant d'autorité que la vérité le requiert et comme < ayant été conduite par le Saint-E|prit étant conforme à sa parole.

c Que si toutefois , après telle conclusion , il se trouve que l'Eglise a été ( mal informée , ou que quelques circonstances ou incidents se manifestent t à TEgllse qui lui auraient été inconnus, il sera libre d'ajouter ou diminuer c à la dite conclusion autant et si avant que la parole de Dieu le requiert à c Fédification de l'Eglise.

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86 REVUB D'ALSàCB.

Jk$pauwe$.

c Les choses du précédent consistoire ainsi parachevées , il sera avisé à f la subvention des pauvres et malades fiams chaque quartier, c Rappel deê seondfUes.

c Après ces choses , un chacun des frères en son rang fera rapport des c scandales qui auront été nouvellement commis.

c Nul des frères ne rapportera rien d'incertain ni douteux et dont hii- même n'ait la connaissance, ou bien qu'il en soit bien et duement infonné par gens véritables et bien entendus.

c De tous scandales privés et particuliers, connus entre un ou deux frères, c la réconciliation se fera par un ou les deux Anciens du quartier et fls c n'y pourront rien faire , ils prendront un ou deux frères avec eux ; que si c les parties , ou l'une d'icelles demeure irréconciliable , ils le rapporteront à l'assemblée.

c Pour ce que le lieu et le pays nous contraignent à supporter beaucoup de c choses entre nous que nous désirerions n'y être point du tout , s'il advient c qu'U semble à la contenance , au chemin , ou en la maison , qu'un frère c ait excédé au vin , n'ayant toutefois commis scandale en (ait ou en paroles, ff il sera repris seulement par les anciens de son quartier, et, b*û ne les c écoule , ils prendront un ou deux frères, et s'il rejette leurs remontrances, il sera ftialement appelé au consistoire.

c Celui gui «apporte un scandale public , ne fera récit ni discours de tout c le contenu d'ioejui de peur d'être trop prolixe , ains attendra que le scan- daleux comparoisse pour lui en (aiire la remontrance seldn les circonstances et qualités du (ait.

c D'autant que nous appeicevons que plusieurs des anciens négligent do se trouver au consistoire, l'Eglise a ordonné que nul, dorénavant , n'ait à c s'absenter sans occasion , ayant demandé premièrement congé ou averti un c des frères.

c Pareillement un chacun des Anciens fera devoir par chacune cène de c porter l'argent qu'il aura reçu en son quartier à celui qui est ordonné pour le débourser, et le rôle au Diacre.

. Afin, que ces choses demeurent en mémoire et soient mieux pratiquées c entre nous , la lecture sera iaite de toutes les mesures générales entre les frères.

c L'action ayant été ainsi bien conduite en la crainte de Dieu , celui qui c aura présidé rendra grâces à Dieu poui*^ les bénéfices reçus , le priant de c bénir le ministère de ceux qui ont la charge et gouvernement de son Eglise c pour servir à sa gloire et à l'édification d'icelle. •— Amen. §

Ch. Drion,

Président du Iribiinal civil de Schlestadt. (La 9uUc à la prockaino livraison).

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ARGENTOUARIA

STATION GALLO-ROMAINE DE L'ALSACE,

Une anDée s'est à peine écoulée depuis que la Revue d'Alsace a fait part à ses lecteurs de l'existence de nombreux tumtiU dans les environs de Schléstadt (i). Le hasard vient de faire faire , dans le courant de novembre dernier , une nouvelle découyerte entre Heidols- heim et Ohnenbeîm » près des tumuli et de la voie payenne qui longe le Rhin. Il s'agit , cette fois-ci , d'un établissement romain dont les traces incontestables ont été signalées , sur une étendue de plusieurs mètres, par M. Ringeisen, architecte de l'arrondissement de Schléstadt, qui avait été informé de la résistance que Ton venait d'éprouver en voulant déraciner un noyer.

Cet établissement ronrain pourrait être plus qu'un relai mutatio , et même amener à la découverte d'une ville , ou tout au moins d'un g!te d'étape d'une certaine étendue, d'une mansio. Examinons si cette découverte peut se rapporter à Argentouarta que Ton a communément placé jusqu'à présent à Horbourg près de Golmar.

Quelles sont les données historiques ou géographiques certaines que nous possédons sur Argentouaria ?

Elles sont au nombre de trois , savoir :

i^ Une mention de Ptolémée qui la place dans le pays des Rau- rafues (^), Comme ce géographe vivait au deuxième siècle de notre ère , c'est le document le plus ancien Argentouaria se trouve cité, puisque ni César ni aucun autre auteur contemporain de la conquête des Gaules ou antérieur à Ptolémée n'en a parlé. Quant à l'origine celtique du nom même , nous dirons que , jusqu'à ce jour^ elle n'a

(*) Aiticle de M. Vatin. (^) Livre u , chapitre 9«*

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88 REVUB D*ÀL8AGE.

été l'olyet d'aucune contestation . ce qui ferait remonter ce centre de population à la plus haute antiquité et nous permettrait , d'après ce qui va suivre» de lui attribuer la vaste nécropole qui a été en partie explorée dans le cours de Tannée 1857. *

S^" La seconde donnée géographique est la table Théodosienne Argenumaria se trouve mentionnée dans différents itinéraires (i). Schœpflin a reproduit un fragment de cette carte routière dans son AUaUa tUustrala et nous y voyons , relativement à Argenumaria » ce qui suit :

A. d'Argenu^atum (Strasbourg) à Helleium (Eli près de Benfeld)

XII lieues gauloises ou XVIII mille pas romains*

B. de HeUelum à Argenîouaria.

XII lieues gauloises ou XVIII mille pas romains* C'est-à-dire une distance égale entre Strasbourg et Eli d'une part et de EU à Argen- touaria , d'autre part. Or , si nous appliquons le compas sur carte après avoir mesuré l'espace qui sépare Eli de Strasbourg » et que suivant , comme de raison la voie romaine dont le tracé depuis EU jusqu'à Widensohlen , près de Neuf-Rrisach , est incontestable C) » nous arrivons entre Heidoisbeim et Ohnenbeim « c'est-à-dire sur l'emplacement des ruines découvertes au mois de novembre dernier.

Il est à remarquer que la donnée de la table , entre Argentouaria et Cambeu (Kembs) est évidemment fautive , car elle ne peut se rap- porter ni à Heidoisbeim ni à Horbourg.

S^" Il nous reste à citer l'itinéraire d'Antonin Argenumaria ne se trouve qu'une seule fois (route de Milan à Mayence par les Alpes Pennines); mais nous verrons plus loin que l'on ne peut en aucune façon s'en rapporter à cet itinéraire que nous ne citons que comme faisant mention à' Argentouaria.

(*) WALGKENyER , Géographie dês Gaules , tome ni passim. Table théodo- steone , segm. 5 et 2 , de Milan à Strasbourg. Idem , segm. 2 , d'Auguata Raoraoorum à Strasbourg. Idem , segm. 2 , de Vindonissa à Strasboujig. Idem , segm. 1 A B G et segm. 2 A B G , de Leyde à Vemania , et segm. 2 A , iiinéraire , de Leyde à Vemania (Immensudt).

(^ Pour rintelligence de ces explications , nous engageons le lecteur à suivre le tracé de la voie payenne sur la carte de Tétat-major publiée par le dépôt de la guerre ou sur les eartes réduites publiées par la librairie I^evrault : Départements des Haut- et Bas-Rbin.

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ARGENTOUARU, STATION GALLO-ROMAINE DE L'ALSACE. 89

Il résulte cependaot de reiamen de la Table théodosienne et même de ritinéraire d'Antoniu : i^ qn* Argentouaria doit se trouver eutre Siabula ou Cambele (Bautzenbeim ou Kembs et Bellelum , Eli) ; ^ que d'après la Table tbéodosienne » il y a même distance entre Strasbourg et Eli d'une part et entre Eli et Argenlouaria d'autre part , ce qui ne saurait en aucune façon correspondre avec Horbburg.

Les antiquités , aussi nombreuses qu'importantes , découvertes à Horbourg , ont fait penser , au seizième siècle . à Beatus Rbenanus (Lettre à Erb et Rerum et Germantcarum , lib. ili'') que devait être l'emplacement d'Argentouaria, Cet auteur trouve même dans le nom de Horbourg une assimilation qu'il établit au moyen des mots Arburg^ Harbwrg , comme , depuis , Ar^tzenhcim a élé pour d'Anville et pour Walckenaer un élément de conviction qui n'a pas plus de valeur.

L'opinion de Beatus Rbenanus a été suivie par Guillimann (Habs" burgiaca » page 72) , car il place de même et sans motif raisonnable Helveius à Scblestadt et Argentouaria à Horbourg. «

Scbœpfiin est venu , à son tour » donner Tappui de son puissant suffrage aux idées reçues concernant Argenlouaria , et s'il s'est rangé à cette opinion » c'est l'absence de ruines romaines dans les environs de Hàrckolsbeim opposée aux antiquités si nombreuses découvertes à Horbourg , qui l'a fait décider dans ce sens. Aussi voyons-nous , dès le commencement de la discussion savante à laquelle il se livre (t) sur Argentouaria » que la solution serait opposée à celle qu'il nous donne, si dans les environs d'Artzenbeim il s'était rencdtatré des traces d'un établissement romain ; dans ce cas , dit-il , Argentouaria devrait y être placé d'une manière définitive et l'opinion ayant cours depuis quelques siècles (c'est-à-dire depuis le commencement du seizième siècle) serait controuvée » erronée.

Schœp|[in , après avoir opté pour Horbourg » réfute l'opinion que d'Anville avait émise dans ses éclaircissements géographiques sur l'ancienne Gaule publiés en 1741. D'Anville trouvant Argentouaria sur hi voie qui longe le àbin depuis Augusta Rauracorum jusqu'à Argentoratum et au-delà , entre Strabula et Hellelum ou Helvetui , ou bien entre Mons Brisîacus et Helvetus , cherche en vain quelqu'ana- logie de noms vers Marckolsheim et , ignorant sans doute la langue allemande , Heidolsheim ne le frappe point , n'appelle [ as son attention

(<) Àlsat. illuit. , tom. 1'' folio , p. 193 , $ 125.

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90 lUSVCE d'alsacb.

tundifi qu'ArtzenbaiiD lui donne la première partie oo syllabe de son Argenumaria dont il ne retrouve pas remplacement , mais qui , d'après la table théodosienne , doit se trouver dans ces environs.

Grandîdier » dans son Hittoire SAUaee , a fait valoir les mêmes rai- sons que Schœpflin el réfuté d'Anville qui avait reproduit son système dans la géographie ancienne des Gaules et dans sa notice sur l'ancienne Gaule (page 79) , qui est restée pendant de longues années l'ouvrage le plus important que nous ayons possédé sur la géographie de h Gaule antérieure à l'établissement des Wisigoths , des Franks et des Bur*

Schœpflin et Grandîdier ont été , comme cela arrive aux maîtres de la science , suivis et copiés par tous les auteurs qui ont écrit sur TÂlsace. Argentauaria^ une fois fixée à Horbourg, est devenue, grâce à son cortège indispensable de statues , bas-reliefs» monnaies de l'importante cité A' Argenicuaria , une ville considérable.

L'opinion de d'Anville se fit néanmoins jour encore une fois en 1839 dans le remarquable travail géographique du baron Walkenaer sur les deux Gaules Cisalpine et Transalpine. Cet auteur, reprenant les données de son savant devancier , n'a point considéré Horbourg comme devant occuper infisiilliblement la place é^Argentouaria et, voici ce qu'il en pense , après avoir consulté Schœpflin , Grandîdier et M. de Golbéry dont nous allons bientôt faire connaître les judi- cieuses recherches.

c Les mesures de ritinéraire , dit Walckenser , pour la position ÔL Argenumaria , autre lieu mentionné par Ptolémée , sur les limites du diocèse de Strasbourg, au midi , ou sur les confins des Tribocd et des Raurad, portent à Artzenheim /près d'un lieu nommé Marckols- heim , dont le nom en langue tudesque joue en géographie le même rôle que celui de Fine^ en latin. Le grand nombre d'antiquiiés qu'on a trouvées à Horbourg démontrent que ce lieu a correspondre à une position antique qui nous est inconnue , mais ce n'est pas une raison suffisante pour déranger toutes les mesures des itinéraires anciens en y plaçant Mgemxoufxria {}) t

Celte opinion de Walckenser , on le voit , est fondée sur les distances de la table théodosienne que nous avons fait connaître et sur la position ù* Argentimaria entre Helvetus (EU) , el Cambeu (Kembs) , tandis que

(>} WALGUSlusa , Géographie du Gauht, i, p. î^21-22,

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AR6ENT0UAR1A , STATION GALLO-ROMAINE DE L'ALSAGB. 91

Horbooi^ 8e troote de côté, vers les Vosges, près de Golmar et ne semUe pas da tout répondre aux données des itinéraires.

La découverte que l'on vient de faire entre Ohnenheim et Heidols- beim a permis de constater sur ce point l'existence d'un établissement romain ce qui , d'après Schœpflin , fixerait , d'jine façon indubitable , la position à'Argemouaria en cet endroit. Bientôt de nouvelles fouilles seront exécutées dans les environs de ces villages , et il en sera , probablament , û^Argentouaria , ce qui est arrivé pour bien des positiiMis gallo-romaines et ce qui se présentera encore pour d'autres sur lesquelles la science n'a pu jusqu'à présent dire son dernier mot.

On sera peut-être étonné en consultant Schœpflin de trouver, outre la mention de Ptolémée , dont nous avons parlé , de nombreuses citations d'auteurs anciens ; mais , hâtons-nous de le dire , ces citations se réfèrent toutes à une autiy position qui est Argentaria et non Argeti" tmtaria»

Or , Argentaria oiî Gratien a remporté une victoire sur les Allemands et leur roi Priarius est ilr^en d'aujourd'hui près du lac de Constance. H. de Ring (i) , a démontré , avec une grande clarté d'exposition , que cette action ne saurait se rapporter à Horbourg et la lecture attentive d'Âmmien Marcellin, qui parle de la connaissance particulière du pays que possédaient les Lentiens et notamment celle des lieux de refuge , prouve surabondamment Terreur dans laquelle les historiens d'Alsace étaient tombés jusqh'à ce jour C).

Pour compléter ce que nous avons à dire sur les opinions des auteurs relativement à Argentauaria , il nous reste à faire conndtre les recherches spéciales de M. de Golbéry sur les voies romaines de la Haute-Alsace , consignées dans un mémoire de 1834 , puis dans ses AnîiquUéê d'AUaee publiées en 1828 avec celles de M. Sc&vreig-

M. de Golbéry , voulant parcourir la voie romaine qui menait ^Argentoratum (Strasbourg) à Augusta Rauracorum (Âugst près de Bâie), se place à Elsenheim, sur la limite actuelle des deux départements du Haut- et du Bas-Rhin , puis il parcourt la voie et ses embranche-

(*) De RniG, EtabUummU romoMU du Rhm et du Danube^ u , p. 205-204. n AuoEN Marcslu» , liv. xui, chsp. 10, coU«» Nissrd , p. 560-61,

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93 REVUE D'àLSàCE.

meoU jusqu'à Binningen en Suisse. Mais , avant de le suivre dans ses explorations} nous devons remonter jusqu'à Eli près de Benfeld (i).

Depvb EU jusqu'à Widensofalen (près de Neuf-Brisach) la voie romaine , plus ou moins bien conservée , est encore très-apparente et son tracé est incontestable. Entre Widensohlen et Heiteren cinq kilomètres au sud de Neiif-Brisacb) » il y a une lacune » une interrup- tion ; mais la position même de Widensoblen et Heiteren prouve qu'il y avait une voie directe que Ton pouvait suivre sans passer par le Yieux-Bricach (Moru Brisiacus) qui , jusqu'au x""" ou xi^" siècle., était situé en Alsace , sur la rive gauche du Rhin. De Heiteren un tronçon d'une belle conservation conduit jusqu'à la hauteur de Fessenheim et de f malgré de fréquentes interruptions , la voie se dirige sur Kembs se faisait un passage du Rhin vers Badenwiller et les Agri Decumates^ puis » elle continue vers le sud , en ligne directe , vers Binningen (AriaUnnnumJ. '

M. de Golbéry s'efforce d'établir dans le cours de son mémoire (^) qu* Argentouaria correspond à la position de HorJi>ourg qu'H relie à Kembs par une route directe traversant la Hardt il dit avoir reconnu des fragments d'une ancienne chaussée ; il signale ensuite , vers le nord , un embranchement qui , de Horbourg , va rejoindre la voie directe près de Jebsheim.

Quant à la communication du sud , c'est-à-dire de Horbourg avec Kembs , elle nous parait un peu aventurée , ou tout au moins dou- teuse relativement à son parcours. Nous ne pouvons admettre , avec plus de fondement . l'embranchement du nord , c'est-à-dire de Hor- bourg sur Jebsheim » et nous dirons que le fragment partant de la voie directe qui a tant frappé M. de Golbéry, par son identité avec cette voie , serait certes un argument très-puissant , si nous n'avions retrouvé ce même fragment sur la carte de Gassini (feuille 165) comme faisant partie ou portion d'une chaussée ancienne de Golmar ou Hor- bourg à Marckolsheim. Ge fragment s'identifie avec la voie romaine parce qu'une portion de la voie a été refaite , rehaussée » pour faire partie intégrante de cette chaussée qui abandonne ensuite la voie ,

(^) 11 est à regretter que M. de Golbéry , arrivant à Elsenbeim , se soit retourné vers le Haut-Rhio , sans partir d*Â! gentoratum ou EUelum pour déterminer avec précision , vers le nord , la position d'Argentouaria.

(^) I^hoepfun-Ra VENEZ, tome ii, pp. 48 sqq.

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AROEMTOCARU , STATION GALLO- ROMAINE DE L'ALSAGE. 93

pour se diriger sur la route de Schlestadt à Marckolsheim » ce que H. de Golbéry a oublié de mentionaer.

Il n'en est pas de même d'un autre embranchement qui , partant de la voie près de Grussenheim , se dirigeait vers le Vieux-Brisach. Laissons ici la parole au savant auteur du Mémoire :

« Il (l'enobrancbemeni) porte aussi le nom de Beydenweg (route païenne) : à partir du bois les cultivateurs le désignent ainsi. A sa gauche est un lumulus qui est placé moitié sur la banlieue d'Arizen- beim , moitié sur celle de Marckolsheim. Depuis le lumulus , la voie se dirigeant toujours sur le Vieux-Brisach , est coupée par le canal du RbAne au Rhin. Les prisonniers espagnols , attachés aux travaux de ce canal , ont trouvé beaucoup de médailles. Au-delà du canal , la route n'est plus visible que par un mouvement de terrain ; mais un canton qu'elle traverse dans la banlieue de Kuenheim s'appelle encore aujord'hui Rœmer. Elle arrive é la route du Rhin, sur le terrain même fut Edenburg (i) et se perd, pour se montrer encore près deBiesheim. >

c Le Vieux-Brisach n'est séparé de cette commune que par l'Ile- de-PallICt et le Rhin a fait ici, comme on le sait, de fréquents ravages. Ces lieux devaient être couverts d'habitations. > (')

Quant à rembranchement du Vieux-Brisach vers Heileren , nous croyons, sans pouvoir l'affirmer» le reconnaître dans l'ancienne route de poste qui part du sud de Biesheim pour aller se confondre , près, de la porte de Bâie à Neuf-Brisach , avec la route du Rhin de Bâie à

(*) Edenburg était un village qui a été détruit dans le cours du xvii« siècle et que Ton retrouve sur la carte d'Alsace de Speckle. L'Almanach d'Alsace pour 1789, publié par Oberlin , donne la gravure d'un monument découvert en ce lieu en 1770 et représentant un athlète ; la lettre de M. Morel , médecin et physicien à Colmar , donne en outre la description de vases et de briques avec la légende >> S L XX I qu'il explique ainsi : Centuria sexta LegùmU wgeiimœ prima. M. de Golbéry parie aussi de ces découvertes , dans ses Antiquités d'Alsace , et nous ajouterons qu'en 1822 de nouvelles fouilles ont eu pour résultat d'amener au jour des vases d'une belle conservation , des briques et des portions de murailles ro- maines d'une assez grande étendue.

(^) On reconnaît sur la carte d'Alsace de Beaurain , sont indiquées les marches des armées durant les guerres da xvii« siècle, l'existence encore entière, à cette époque , de toute cette chaussée depuis Grussenheim. Elle venait aboutir à Bies- heim , dans le bas de la commune , près du château

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M nxnm d*al$acb.

Strasbourg. Cette ancienne roole, aujourd'hui abandonnée ^ est fort directe et très-élevée » sauf le long des glacis de Neuf-Brisach elle a été décapée» par suite des observations faites à l'intendant d'Alsace par le génie militaire , ainsi que nous en trouvons la preuve dans les procès-verbaux de l'assemblée provinciale d'Alsace de l'année 1787.

M. de Golbéry s'est de plus livré à un minutieux examen des va- riantes que donnent les manuscrits de l'Itinéraire d'Antonin 0) et de la TaUe théodosienne pour la distance de Kembs à Argentauaria. Cette divergence» que reproduit le tableau de l'Itinéraire joint par SchœpAin au tome i*' de son AUatia UUutraui , amène M. de Golbéry à reconnaître c qu'il n'y a aucun parti à tirer de l'Itinéraire » et » dans tes Antiquitit d*Alsace il place Ârgentouaria à Horbourg en disant qu'il iuffU pour cela de la correcikm d'un ieul elùffre.

Nous allons proposer une autre opinion relativement à ir^eiiiofiarîa» et nous le ferons» sans substituer arbitrairemait d'autres chiffres à ceux des Itinéraires. Reconnaissant » comme point constant > que la distance d'EII aux traces d'un établissement romain entre Heidolsbeim et Obnenbeim est exactement la même que celle de Strasbourg à EU , nous admettrons les chiffres de la Table théodoaienne et laisse- rons Argentouaria sur la voie d*Argenîorat à Cambeie ou Augutta Rauraeorum entre le Vieux-Brisach et Eli et à la place des mines viennent d'être découvertes. Quant à Horbourg , nous allons emprunter au Mémoire même de M. de Golbéry et à ses AntiquUis JP Alsace la preuve que Horbourg devait être une station entre le Vieux*Brisach et le col du Bonhomme, c II devait y avoir une route de Mons Brisiacuê à Horbourg : (^ enfin il est certain qu'il y en avait une autre vers l'in- térieur de la Gaule partant de Horboui^ » passant la rivière d'Ill » allant rejoindre la vallée de Lapoutroye et pénétrant chez les leuct. J'ai retrouvé de cette dernière de fort beaux restes sur les territoires des communes de Fréland » de Lapoutroye et au sommet des Vosges. »

Que Horbourg ait eu des voies de communication avec Unmci (111- zach) ou avec Kembs d'un côté » et de l'autre avec la voie directe vers le nord » il n'y a rien d'impossible ou d'extraordinaire. On sait que les Romains » sans cesse menacés par les Germains » avaient huit lé-

C*) Schoefflin-Havemèz , tome ii , p. 481 » § }29 bis. (') Noos substituons id le nom de Horbourg à celui d'Argentooaris ce qui» dans le fond » ne modifie pas l'opinion de Fauteur du Mémoire.

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AHGENTOUARIA , STATION GALL0«K0MA1NB DE L'ALSAGE. ^S

giÔDS échelonnées sur le Rhin : que l'Alsace fit partie de la Germanie SQpérieure et plus tard de la grande Séquanaise au sud , tandis que la partie nord formait un district spécial de frontière Tractui Argeh- toratenm qui s'étendait jusqu'à la Première Germanie. De nombreux forts avaient été successivement construits sur les bords du Rhin pour proléger la frontière : des voies de communication pour les postes de défense ont sillonner notre province. Néanmoins» bien des siècles se soat écoulés depuis la chute de l'Emirire romain : les routes ont été abîmées lors des grandes invasions du cinquième siècle et n'ont pas été réparées dans les temps qui les suivirent. Il arriva cependant que des voies furent restaurées sous quelques rois ou empereurs» et les capitulaires nous fournissent b preuve de l'existence des v€ks publiques , sous la domination des Franks. (i) ^

Mais bientôt tout se^perd dans le morcellement du régime féodal : des routes sont encore créées ou entretenues par corvées potir l'uti- Uté des établissements religieux ou des manoirs Céodanx ; si nous rencontrons çà et des fragments d'anciennes routes ou chaussées , ne nous empressons pas d'y reconnaître à l'instant des voies romaines £t tâchons de discerner» s'il existe» à l'appui de nos conjectores» des indices tels que ceux qui ont été signsdés plus haut par l'embranche- ment de Grussenheim vers le Vieux-Brisach.

La découverte du mois de novembre dernier aura» nous ne sau- rions plus en douter pour résultat» de modifier» conformément à l'opinion même deSchœpflin» les idées admises jusqu'à ce jour sur la position d'Argentouaria.

ColSTE »

Juft in tribunal civil ScUeitadi.

('] Les viœ milUaret étaient classées dans le domaîDe public. Voyez Guérard , Estai iw le My sterne des divisions territoriales des Gaules, depuis l'âge romain jusqu'à la fin de la dynastie Carlovinyienne»

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d6 REVUE D*ALSàCE.

BIBLIOGRAPHIE.

Nous venons de recevoir VAlsatia de M. Auguste Stœber pour les années 1856 - 1857. Ce nouveau volume d'une collection , dont tous les amis de notre histoire ont depuis longtemps apprécié l'intérêt et l'utilité , ne le cède point à ses aînés. M. Stœber poursuit sa généreuse pensée avec un zèle et un désintéressement qui paraissent se rsyeunir d'année en année. Son œuvre s'accroit et se présente , à chaque effort nouveau, plus riche et plus importante. Nous n'avons ni le temps ni l'espace qui nous seraient nécessaires , pour parler dignement du nouveau don que la persévérance louable de M. Stœber vient de faire aux amateurs nos antiquités historiques. VAkatia de 1856 - 1857 sera l'objet d'une étude prochaine et détaillée. Nous nous bornons aujourd'hui à faire l'inventaire des richesses qu'il contient : I. Les seigneurs de Ribcau- pierre et la juridiction alsacienne des joueurs d'instruments, par J. H. Heitz II. Une cantilëne religieuse et populaire sur St. Morand , patron du Sundgau , d'après un manuscrit communiqué par Christo- PHORUS.— in. La délivrance des pantouffles et de la belle princesse, conte populaire d'Alsace , par G. Mûhl. IV. L'évêque Conrad de Busnang et son honnête receveur Jean Walthaûser , par L. Schnéegans. ^V. Le mont de S'* Odile, par le d' Ch. L. Roth de Bâie. VI. La torture dansl'ancienne République de Mulhouse, par Fr. Otte. VII. Une série de légendes populaires de l'Alsace , par CmusTOPHORUS , Rimgel , Fr. JiGCER et AuG. Stœber. VIII. L'image du roi sur le tertre du Fronhoff de Stras- bourg ; étude historique et archéologique , par L. Schnéegans IX. Dia- lectes alsaciens ; poésies populaires , par AuG. Stœber. X. Beatus Rhe- nanus , étude biographique et littéraire , par le doct' J..MiGHLY de Bàle. - XI. Les procès de sorcellerie en Alsace , principalement au xvi» et au xviP siècle , par Aug. Stœber. XII. Documents sur la guerre des paysans en Alsace ; Diarium de Eckard Wigersheim ; petite chronique du château de Freundenstein. XIII. Essai sur les anciens noms propres allemands , par Christophorus. Le volume est terminé par une chronique d'Alsace très-intéressante qui comprend la nécrologie de 1854 à 1857 et la bibliographie des ouvrages relatifs à la littérature et à l'histoire d'Alsace pendant la même période.

GH. Gérard i avocaU U oour impériale.

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VILLES LIBRES ET IMPÉRIALES

M L'AHCnini ilUCI.

LANDAU. U.

ADOLESCENCE DE LA VILLE.

A quelle- époque pourrait remonter la distraction du territoire de Undau et son démembrement du mundat de Wissembourg pour passer plus ou moins complètement aux mains des comtes de Linanget Car il paraît que c'est la maison de Unange qui vers le treizième siècle exerça soit à titre allodial , soit à titre féodal « des droits de souveraineté ou d'administration sur Landau encore village. Et quand nous disons que Landau était encore un simple village au commen- cement du treizième siècle , nous n'ignorons pas qu'on attribue à l'empereur Otton m » en l'an i003 , une concession de privilèges en faveur de Landau. Est-il besoin de rappeler qa'Otton m étant mort en iOOS , ne pouvait donner d'investitures en ^003 , et que d'ailleurs les empereurs de la maison de Saxe ne purent songer à accorder des privilèges politiques même aux villes en assez grand nombre qu'ils fondèrent, ces villes étant plutôt pour eux des garni sons ^ des espèces de colonies militaires ^ que des cités destinées à plus ou moins d'in- dépendance ?

Comme la maison de Linange donna vers la fin du douzième siècle plus d'un dignitaire aux souverainetés ecclésiastiques de Spire et de Wissembourg» on est en droit de conjecturer que les premiers droits des.Linange sur Landau proviennent de cessions ou de ventes abba- tiales. Ces droits ne paraissent pas d'ailleurs avoir été entièrement seigneuriaux » ils étaient plutôt fiscaux , et on les voit partagés dans

n Voir la livraisoD de février , page 49.

f-tefe. 7

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9S RRVUK D'aLSàCK.

le coromencemeni ou au moins peu après la première moitié du trei- zième siècle par le couvent d'Etuserihal (<) A cette époque Landau n'était p»s encore un centre de population assez étendu pour avoir une église ; ses habitants dépendaient de la cure de Queichheim , mais d'après SchœpOin , dès Tan 1200 , Tordre célèbre des Augustios aurait en sur ce territoire un établisseroeot. En 1276 le comte Emich de Linange y établit d'autres moines augustins qu'il fit venir de Steygen près Saveme dans le diocèse de Strasbourg, pro- bablement Ober-Steigen. (^) Ces moines furent en quelque sorte les parrains de la naissante ville de Landau « car ils y bâtirent la pre- mière église en 1281 , comme* le témoigne une inscription placée au- dessus de la porte de la tour. Cette église di^ de Notre*Dame-de- Steige ou de Sancta Maria adScala» , est mentionnée dans deux bulles de ce siècle» l'une de 1285 du pape Honoré iv, l'autre du pape Nicolas IV en date des kalendes de juin 1289. (^

Il semble résulter d'un document cité par Birnbaum (^) que les Augustins possédèrent dans Forigine deux maisons à Landau. L'une à eux concédée par Emich de Linange en 1276 , comme nous venons de le voir , l'autre en vertu d'une donation faite en 1517 par la noble dame Huse de Hohenstadt aux frères Simon et Thomas de Saarburg , et après eux au couvent des Augustins Landau. Peut-être ces frères Simon et Bernard étaient-ils les derniers survivants des ermites de 1200 « dont la fondation des Augustins aurait obtenu l'héritage.

L'église aujourd'hui paroissiale de Landau dont le vaisseau à croix latine rappelle dans ses parties les plus anciennes la première époque ogivale, serait donc la primitive église de Landau , celle bâtie par les Augustins. Lorsque la ville fut arrivée à l'immédiateté impériale cette église devint collégiale , malgré l'opposition des Augustins « opposi- tion qui donna lieu aux bulles du pape Boniface viii, de l'an 1300. et de Léon x » en 1517. C'est probablement par suite de l'érection en collégiale de cette église» à la fin du treizième siècle ou dans les pre-

(*) Privilège au couvent d'Eusserthal , dans Wurdtweir, Subndia nowi, p. 195.

(*] Privilège d'Emich de Linange du 5 des ides de février 1276 dans ScHflEPFLm, AUat, Diplom. , p. 12 et dans les preuves de BmNBADM ^ charte de Frédéric de Linange , confirmation de ce privilège , n^ iv.

{*) ScHOEPFLiN , AUat. Diplom. , tome ii, p. 31 et 41.

(*) GeteMchU dmr Stadi Landau, p. 61.

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VILLBS LIBRES ET IMPÉRULB8 DE L'ANaENNB ALSACE. 99

roières àonées du quatorzième que les AugusUns bâtirent l'église dite aiqourd'irai encore des Augustins et qui sert actuellement d'ar- senal à la garnison bavaroise. Malgré ses baies trop grandes pour appartenir à l'ère ogivale du treizième siècle > ce monument , tout dégradé qu'il ^t aujourd'hui , montre en eflèt quelques traces de construction qui se rattachent à l'époque l'autre église des Augus* tins fut déclarée collégiale.

A en croire Hertzog Landau aurait figuré dans la ligue des villes formée en i255 pour garantir la sûreté des routes contre les exac- tions des burgraves. Lehmann ne cite pas Landau au nombre de ces confédérés de 4 255, et comme la ville n'avait pas encore été déclarée immédiate , il est diflBcile d'admettre sa participation dès le milieu du treizième siècle à un acte de celte importance.

L'impatience du pouvoir selgueurial des comtes de Linange parait s'être fait jour avec beaucoup de vivacité à Landau , dans la seconde moitié de ce même siècle. Peut-être la part prise parles Linange à la guerre de l'évéque Walther de Géroldseck contre la ville de Stras- bourg, contribua-t-elle à exciter chez les gens de Landau les ferments ou les velléités d'affranchissement. Ils pouvaient apprendre par l'exemple des Strasbourgeois comment une ville sait vaincre ceux qui se prétendent ses maîtres. Rien ne prouve au surplus qu'il y ait eu prise d'armes des habitants de Landau contre la maison de Linange, mais les concessions de cette maison, à partir de la dernière moitié du treizième siècle semblent indiquer le besoin de transiger avec des bourgeois devenus de plus en plus exigeants et redoutables.

Comme dans beaucoup dl^autres villes , bourgs et villages , le pou- voir seigneurial n'était pas d'ailleurs bien défini à Landau. La maison de Linange ne prétendait de droits allodîaux que sur une* très-faible partie du territoire de la ville. Ses droits féodaux laissaient aussi intact une partie de ce territoire , qui restait ainsi de nom , sinon de fait, terre de TEmpire.

Enfin Rodolphe de Habsbourg, ce grand distributeur de franchises municipales , vint étendre sa main libératrice sur Land^^u. Sa politique consistait , comme l'on sait , à s'appuyer sur les villes contre les sei- gneurs , et il avait appris à aimer la bourgeoisie pendant qu'il était le chef soldé des milices strasbourgeoises. Par un premier diplôme daté de Haguenau , le 5 des kalendes de juin 1274 , il accorda à ses amés bourgeois de Landau le privilège d'un marché hebdomadaire ,

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lOO tiSVOB D'aLSACK.

celte source de richesses » et par conséquent d'indépendioce eo moyeo4ge. Et il Teut » ajoute-t-îl . qu'ils en jouissent au même titre que les bourgeois de la ville impériale de Bagnenau. (*)

Ainsi grâce à la munificence de Rodolphe de Habsbourg . munifi^ cence qui ne lui coûtait guères , il est vrai la commune de Landau comme corps collectif et les habitants de Landau comme individus s'enrichissent déjà asse^ dès l'année 1274 pour se sentir plus forts i rencontre des comtes de Linange et entreprendre de compter avec eux. La charte d'Emich de Linange de 1276, charte postérieure de deux ans à l'obtention du marché hebdomadaire, en fait foi, et prouve que le seigneur féodal rabat déjà beaucoup de ses prétentions.

Dès 1285 , d'après un titre du couvent d'Eusserthal O Landau avait son conseil de ville (Stadt-Rath) et sa juridiction municipale , puis- que le prieur d'Eusserthal cite un bourgeois de la ville accusé par lui de détenir des biens appartenant au couvent devant les Burg- mànner et échevins de Landau. Pour être arrivée dès 4285 il fallait que la ville fût déjà de fait , sinon de droit , affranchie de la juridic- tion des Linange \ et qu'elle eût déjà par conséquent une enceinte crénelée , cette garantie de libre individualité municipale aux temps de l'anarchie seigneuriale.

Comment les bourgeois de Landau se donnèrent-ils ces remparts ? De vive force ou avec le consentement des Linange ? Scbœpflin nous apprend que vers la fin du treizième siècle un chevalier nommé Jean de Rymberg y avait construit uu petit château fort , qui fut bientôt après détruit. (?) Ce Jean de Rymberg était peut-être quelque tenan- cier de la maison de Linange et la destruction de son château pour- rait avoir été la fois le résultat d'une émeute et l'origine de la construction des murs de la ville. C'est aussi après la destruction de leur château en 1246 par l'évéque Henri de Stahleck que les habitants d'Obemai songèrent à se proléger par une enceinte continue. (^) Toutefois il serait possible que la construction et la destruction du château de Jean de Rymberg se rattachassent , comme nous le ver-

(*) SCHQEPF^IN , Âls. iU. Landau , tome ii.

(*) Monoit. Palat. , p. 452 et Birnbadm, GêtehiehU der Stadt Landau, p. 51.

(') Scbœpflin , AU. iU, , tome ii , Landau.

{*) KOENIGSHOVBN , Chap. IV.

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VILLES LIBRES ET IMPÉRIALES DE L'iNCIEimE ALSACE. 401

rons d*aprè8 , à nn autre épisode du déTeloppement aiunicipal de Landau.

La commune de Landau parait s'éire formée de la réunion des villages d'Itsàngen ^*à*Oberbomheim et de Mulhausen, (<) villages dont jes habitants , vassaux -selon toute apparence de la maison de Linange vinrent se joindre aux primitifs habitants de Landau afin de former un corps plus compact, plus capable de résister aux exactions armées des petits seigneurs du voisinage. L'adjonction ne fut pas d'ailleurs instantanée , les deux premiers étaient déjà fondus avec Landau lors- que le troisième vint s'y incorporer. Mérian rapporte ces adjonctions an règne de Pépin » année 750 ; (^) il est inutile de réfuter cette asser* tion » mhis les probabilités historiques sont pour le treizième siècle , à partir du grand interrègne.

Hulbausen possédait le droit d'un marché» et c'est ce droit de marché qne Rodolphe de Habsbourg transféra à la ville de Landau en l'entou- rant de privilèges nouveaux. Comme le chapitre de Spire prétendait ou exerçait des droits sur Mulhausén , la translation des habitants de ce village et de leur marché à Landau donna lieu par la suite à plus d'une contestation entre le chapitre de Spire et la ville de Landau.

En avril 1291 par un second diplôme impérial donné pendant son séjour à Seltz, Rodolphe de Habsbourg appela formellement ses chers bourgeois de Landowe à jouir de tous les droits et privilèges dont tes bourgeois de Haguenau se trouvaient être dotés en vertu des con- cessions impériales. (^ Ce diplôme les affranchissait implicitement de la dépendance des comtes de Linange et les émancipait légalement. Enfin par un troisième diplôme daté de Landau même, le 5 des* ides de juin 1291 (^) Rodolphe i*' déclara que les bourgeois c de Lan- dowe étaient rassemblés comme.une plantation déjeunes vignes qu'il « jugeait à propos de retenir pour lui et pour l'Empire, y leur renouve- lant en outre le droit déjà concédé par le premier diplôme de 1291 de posséder eux et leurs héritiers , des fiefs , et de jouir de la forêt dite Heingereite , ainsi que du marché hebdomadaire déjà accordé en 1374 et fixé au cinquième jour de la semaine.

{*) SCBOEPFUN , Ali, UU , tome ii , Landau, (*) Mérian , Tapographia AUatim , p. 29. O Lorac , Jimeht.'Areh, , un , p. 1282. n Hiptaialigiit de Sgbcrpfum , tome ii , p. 49,

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103 nevuE d'alsice.

Ce dernier diplôme de join 4291 qui ne précéda la mort de niiostre chef de la maison d'Âatricbe que d'environ quaire semaines et qai fui donné pendant que, malade déjà» ei comme pour fuir Germersbeim ou r attendait sa fin prochaine» il était venu visiterLandau, semblait devoir assurer i jamais Timmédiateté et les franchises municipales de U nouvelle ville impériale.

Ce. n'était pas sans doute encore la liberté, comme plus lard l'entendirent les villes libres et impériales d'Alsace, c'est*à-dire l'affranchissement du pouvoir juridictionnel des officiers de l'Empire. U fout bien se garder de confondre le titre de ville libre avec celui de vUle impériale , quoique par la suite » et en Alsace surtout» la plupart des villes impériales soient arrivées à être aussi villes libres. *

Biais l'indépendance politique de nos villes impériales ne s'établit que peu à peu, autant par les usurpations des bourgeois que par les concessions des Empereurs. La déclaration d'immédiateté et les immu- nités y attachées n'avaient réellement pour objet que d'arracher ces villes à la juridiction des Seigneurs laïques ou ecclésiastiques , afin de les rendre justiciables de l'Empereur seul et de ses officiers. C'était plutôt par conséquent une conquête du pouvoir central sur les petits pouvoirs provinciaux qu'une conquête de la liberté. Néanmoins les libertés municipales gagnaient toujours beaucoup à ce retour direct à l'Empire. Puis à mesure que les villes impériales devinrent plus riches et plus puissantes à qiesure qu'autour d'elles se décomposa et dégénéra le pouvoir monarchique , elles tendirent davantage à bi décentralisation , de telle sorte que l'indépendance politique suivait peu à peu l'affranchissement civil de la commune , comme en nos sociétés modernes les droits politiques ont suivi presque toujours et presque partout les droits civils des citoyens.

Dans l'ancien Empire germanique , bien plus que dans l'ancien royaume de France, l'affiranchissement des communes devait amener leur indépendance politique. La succession à l'Empire n'ayant pas les bases fixes de l'hérédité , chaque changement de règne provoquait des changements de régime plus ou moins radicaux. Le pouvoir central ne pouvait en effet, à moins de grands efforts , conserver ce prestige, qui en France maintint l'intégrité nationale. De ces bizarres consti* . tutions de Républiques sous la suzeraineté impériale petits Etats bourgeois qui arivèrent à se gouverner eux-mêmes , à se liguer ou- vertement entr'euxy et qui souvent 9fi montrèrent anssi Mépendants

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VILLES UBRBS ET IMPÉRULES DE L'ANOENNE ALSACE. i03

suserain qu'en France les grands vassaux de la couronne avani Louis XI. '

Mais sous Rodolphe de Habsbourg l'ère de rindépendance n'avail pas encore sonné pour la ville déclarée impériale de Landau. Rodolphe retirait volontiers d'une^aîn ce qu'il donnait de l'autre. Il ôtatt les cosununes aux seigneurs pour les mettre aux mains de l'Empereur ; pour s'en foire une force et non un embarras. Peut-être même sa politique avait-elle des mobiles moins grands » moins dignes de ce que l'histoire semblerait en droit d'attendre de lui. (^r Rodolphe était , malgré sa grandeur, obligé de vivre au jour le jour. Simple barcm élevé au trône par la jalousie des électeurs entr'eux au moins autant que par ses exploits , il se voyait souvent arrêté dans son chemin par un enliemi qui ne ménageait guères plus en ce temps-là les rois que les particuliers , le manque d'argent. Dans ces extrémités » il était parfois forcé d'avoir recours aux expédients les plus contraires aux intérêts de sa politique. C'est ainsi qu'il établit étendit l'usage d'emprunter aux seigneurs bien en.fonds . sauf à leur donner en gage des villes impériales, sans trop se faire scrupule de détruire par son propre ouvrage el de rendre sous une autre forme à ses ennemis kl force qu'il leur avait ôiée. Les déclarations d'immédiateté des villesi impériales semblaient être à ses yeux des moyens de battre monnaie, peut-être même n'en augmenta-t-il si volontiers le nombre qu'afin de s'en faire autant d'hypothèques pour les emprunts besogneux de son goutecnement. En ce cas ces diplômes d'affranchissement n'auraient été que des spéculations de bas étage» des lettres de noblesse dont îl leurait la vanité des bourgeois , qu'il leur vendait d'abord à beaux deniers comptants et puis qu'il engageait moyennant finances aux anciens seigneurs de ces villes ou à leurs voisins. Tour de passe-passe fort peu digne de l'empereur, et qui devait avoir poyr effet de pousser loiqours plus les communes à fiodividualité en leur enlevant toute eoBfiaace en leur appui naturel , l'empereur.

L'histoire de Landau nous offre plus d'un exemple de ces jeux de frinceê : Le premier date de Rodolphe i** lui-'même. En ettéi\ peu après son diplôme de f274, ère de l'Immédiateté reconnue de Landau« et au mépris des principes qui semblaient avoir dicté ce diplôme « se trouvant être en grande presse d'argent par suite de la guerre de Bohême et de ses expéditions dans la Haule«Alsace, Rodolphe de Habs- bourg se met à en emprunter au comte Emich ou Eoichon de Linange

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i04 RBVUB D'ALSàCB.

ei lai offre «n gage pour qaitre ans cette ville de Landaa è peiaè arrachée à son pouvoir féodal. Puis à la mort d'Emich de Unange et de son fils Olton , il engage par un diplôme daté d'Erfurt » kalendes de mars 4290 » moyennant nouvelles finances » l'ancienne impîgno- ration d'Emich , sauf toutefois la ville de LaiMau , à Otton d'Odisen- stein. (1) Si la ville de Landau ne fut pas comprise dans cet engage^ ment à la maison d'Ochsenstein , ce fut uniquement » on peut le croire » parce que les bourgeois se saignèrent afin de faire leur prêt particulier, et d'acheter ainsi à beaux deniers comptants la Jouissance de leur nouvel état civil.

Pour faire face à tous les sacrifices d'argent . qui la rachetèrent au moins momentanément de la juridiction des Unange , Landau avait avoir recours aux juifs , ces banquiers à la fois si puissants et si exécrés du moyen-âge féodal. La nouvelle ville impériale sollicita donc comme une grâce de Tempereur Rodolphe le droit de donner ou plutôt de vendre asile en ses murs aux MfSi et dès lors, en effet, des familles joives s'établirent moyennant finances» qu'on pourrait presqu'appeler rançon, au milieu des bourgeois de Landau , dont , comme de raison , elles ne partageaient pas d'ailleurs les privilèges , restant toujours pour ces derniers des gens taillables et corvéables à

Grâce aux avances des juifs. Landau avait déjà assez généreusement satisfait aux besoins fiscaux de Fempereur Rodolphe lorsque ce der- nier mourut à quelques lieues de Landau , à Germersheim , petit bourg qu'il venait aussi d'appeler â l'immédiateté, mais qui ne devait guères jouir longtemps de cette prérogative. *

Son suecessseur au trône du Saint-Empire germanique » Adolphe de Nassau, montra d'abord à la ville de Landau le même bon vouloir. Le 15 juin 1292 il^ y vint à son tour résider quelques jours* et paya l'hospitalité de la ville en lui concédant la ferme impériale du village voisin de Danihem. (*) Il eut lieu sans doute d'être satisfait de Tac- cueil à lui fait en cette circonstance car deux ans après Témpereur Adolphe revint à Landau tenir sa cour plénière pendant les fêtes de Noël.

Ces visites d'empereurs n'étaient peut-être pas ce qui pouvait le

(*) IMplonatiqae de ScHOEnrLDi , tom. n , p. 45.

('} ScttQBPrw } Àk, iU* , tom. n , et Àim, Colm. , p. 28.

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VILLES LIBBBa ET QIPéaULBS BE LANUENNE ALSACE. lOS

m

vieux convenir à la pauvre ville. Elles lui coulaient chaque fois aussi cbier Qu'avaient pu lui coûter précédemment les exigences des comtes de Lioange. La fable de Lafonuine était vraie dès lors » et les cités d'Allemagne , obligées d'héberger tour-à-tour leurs nomades souve- rains avec toute leur cour, ne recevaient pas sans effroi l'annonce de ces gracieusetés impériales qui se résolvaient toujours pour elles en mise à sec de leurs épargnes ou en dettes plus ou moins criardes.

Mais les braves bourgeois de Landau savaient faire contre fortune bon cœur. La tradition nous a conservé quelques détails assez piquants à l'endroit de l'hospitalité landaviènne en celte occasion solemieHe. La digne ville n'avait rien épargné pour bien traiter son auguste commensal et sa nombreuse suite. Tout le vin des caves municipales et des caves particulières ayant été bu par les chevaliers et par les sottdarts de l'empereur » on avait pris le parti d'en faire venir de Worms et de Mayence. Cette nouvelle- aussitôt connue des hôtes de Landau les aliéeba beaucoup. Les vignobles du Palatinat et du Rhin- gau jouissaient dès lors d'une grande réputation » et s'approvisionner à Wormsouà Rttdesheim pour remplacer le vin du crû c'était mettre le comble à l'hospitalité. Au jour fixé pour l'arrivée du précieux liquide on se rend donc en foule sur la route du Rhin. C'est une pittoresque procession de bouiYeois endimanchés, d'hommes d'armes aux cuirasses étincelantes , de nobles dames et de gentes bachêlettes dans leurs plus brillants atours. Ces dernières cependant sont un peu négligées, il s'agit bien de galanterie en vérité, lorsque de firancs Allemands courent à la rencontre d'un convoi de vins ! Les plus em- pressés sont même munis de gobelet|i afin de déguster séance tenante les barriques de vin du Rhin , et l'on ne parle de rien moins que de mettre incontinent en perce, dès leur arrivée sur la rive, ces barriques si désirées.

Malgré toute leur munificence ce n'était pas le compte des amphy- trions. L'aspect des tonneaux vides de leurs caves leur avait fiiit flsûre un triste retour sur les inconvénients d'une hospitalité trop généreuse ; ils veulent au moins garder pour eux une part des tonneaux pleins qui arrivent. Mais comment faire ,. i:omment se garer de leurs hôtes trop indiscrets , trop forcenés buveurs t Si le convoi fait solennelle- ment son entrée à Landau en présence des gardes de l'empereur ^ il eit perdu , il est mis au pillage , il est bu sans désemparer , et plus rien pour le lendemain , plus rien pour les bourgeois qui payent et

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i06 REYOB D'AUàCB. .

qui eux aossi voudraient avoir le plaisir de dégnsler le Ueb^fraùmi mikk acheté pour leur compte. Dans cette extrémité le côdaeii de ville a'asaemble, on ne sait à quel saint se vouer » chacnu donne son avis , et Ken sait quel avis ! Enfin nn des écbevins , homme de téce ; surtout quand il s'agit de boissons , trouve moyen de sauver* à la fôi^ les renforts de vins achetés par la ville et sa réputation d'hospitalité. Il faut envoyer secrètement un bateau à la rencontre des bateaux de Worms et de Mayence « le munir de bcm nombre de futailles vides qu'on remplira d'un peu de vin et debeaucoup d'eau. Puis les futailles- ainsi remplies d'un hygiénique mélange seront débarquées en grande cérémonie et mises immédiatement k la disposition de leurs hôtes » tandis qu'on attendra la nuit pour faire entrer en ville le reste du convoi anx tonneaux encore purs d'alliage. Ainsi dit , ainsi fait ; les- hommes d'armes Impériaux donnent dans la supercherie , non sans s'étonner de trouver si peu alcoolique ce vin si renommé. Et c'est ainsi que la bourgeoisie de Landau ii su mettre de l'eau dais le vin de l'empereur Adolphe.

Serait-ce par rancune de cette fraude économique qu'Adolphe de- Nassau » diminuant , autant qu'il le pouvait » le bienfiiit de Rodolphe de Habsbouig, obligea la vifle de Landau à payer chaquç année au* chapitre de Spire une rente de douze livres pesant d'aiigeut 0) » en compensation de la translation à Landau du marché de Hnlhausen sur lequel le chapitre prétendait des droits ?

Cette restitution de droits au chapitre de Spire » qiii précisément alors était gouverné par un membre de la maison de Linange parait avoir été suivie d'un autre mauvais procédé .d'Adolphe de Nassau pour la nouvelle ville impériale érigée par son prédécesseur. Nous, avons parlé du château de Jean de Rymbergqui existait i Landau vers la. fin du xm* siècle. Ce château» qui ne semble pas pouvoir se CQpcilier,eQ tant qu'occupation seigneuriale ou féodale » avec les privilèges de Rodolphe de Habsbourg, aurait sa raison d'être plus apparente sous le; règne d'Adolphe de Nassau.

En eflfet les privilèges de Rodolphe parlent seulement de cwmJa à Landau c'est-à-dire de magistrats municipaux , tandis que ceux d'Adolphe de Nassau parlent de autr^mes et de contulet c'est«à-dire.

^ I ■■ ■-MM Il I .111.,. M i»iiiii I I III I m !■■■

(<) ScmsprLm , AUai. DipUm, , um. n , p. 51 , et UmnsAon , Gttekêahtê itr 5fadltaidoii,p.70,7î,7^.

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VILLES LIBRES ET IHPÉBIALES L'ANCIENNE ALSACE. 107

à» cbâlebôDs » fBwrg*mmner oo BuTQ-vogun) , eK de magisirats bourgeois. C'était un retour vers le régime antérieur à l'octr^ri des diplômes de 1390 et de 1391 » et le château de Rymberg . sok qu'il ait été tenu par un officier des Ltuange » soit qu'il aitsenri de résidence* à ces Burg^mamer relatés dans les titres d'Adolphe de Nassau » fut évidefluuent une menace pour les franchises municipales . une reprise de possession quasi seigneuriale. Aussi voyons^nous qu'il ne résista pas longtemps à cette boui^eoisie trop nouvellement émancipée pour o*étr0 pas très-jalouse de ses droits ou de ses progrès. L'histoire ne nous dit pas comment il finit. Fût-ce à la suite d'une émeute ou avec le concours du pouv<Mr impérial ? Pour avoir disparu ainsi sans laisser de tr^ce 11 faut croire que quelqn'émeute le nivela, quel- qu'émeute aurait eu son explication dans l'antagonisme naissant des castretues et des contuki ou de la nobresse urbaine et de la bourgeoisie.

En définitive , s^uf la rédimation k payer au diapiire de Spire en< compensation de la translation du marché de Mulhassen , Landau n'eut pas trop k se plaindre d'Adolphe de Nassau , et l'octroi de Dambeim, avec ses homme» » terres, prés, vignes, bois, dm compenser aux yeux des bourgeois l'humiliation de la rente stipulée par lui en faveur du chapitre de Spire et dont il a été fiiit mention ci«des$us»

La clause de cette.concession de Damheim qui donne à Landau le& homme» de ce village est surtpilt remarquable : elle est en quelque sorte la mise en pratique du droit de posséder des fiefs conféré ï Landau par Rodolphe de Habsbourg. (<) Comme les nobles seuls pouvaient posséder des fiefs , ce droit et la pratique de ce droit équivalaient pour Landau à une sorte d'anoblissement et constituaient bien réellement son état civil comme ville impériale. C'est ainsi qu'Obemai advint à la possession du fief de*Bernard%willer.

L'avènement d'Albert r' 9 fils de Rodolphe de Habsbourg , au trône impérial » Ait plus favorable à Landau que celui d'Adolphe de Nassau , tué par lui i la rencontre de Gelheim près de Worms, le 3 juittet 1398* Les princes de la maison d'Autriche paraissent avoir dès lors affecté de considérer comme des clients de famille les villes immédiatisées par le grand Rodolphe. Aussi voyons-nous Albert r renouveler à Laudau et à ses bourgeois tous les privilèges précédemment accordés par

(') ScBOBrruN , AUai. Diphm. , tom. u , p. 112.

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108 HEVCB t*AlSk(X. .

son pëire , y compris pour les habicants oomme poar 11 ^Id le droit de posséder des 8eb impériaax. (^)

Landau en eflét continua sous ce règne à posséder à la fois Dam- beim et Mnlhausen , quoique ce dernier village fût réclamé à corps et ' à cris par le chapitre de Spire » auquel peut-être la ville impériale ne se montrait pas tjrès-empressée de payer la redevance stipulée par Adolphe de Nassau.

Ce fut aussi sous Albert iv que I^audau se donna une enceinte plus forte ou plus continue . ce aui étall la meilleure des chartes d'affran- chissement et surtout des sauve-gardes en ce temps-là.

Mais lorsque vint à éclater la guerre de compétition à l'empire entre Louis de Bavière et Frédéric-le-Bel d'Autriche , les Jours de prospérité s'envolèrent bien vite pour la pauvre ville de Landau.

Fidèle à la famille de ses bienfaiteurs elle avait pris fait et cause pour l'anti-César Frédéric ni, et nous voyons ce dpmier reconnaître ce dévouement par deux diplAmes conftrmatifs des privilèges antérieurs; l'un de ces diplômes » dauS des kalendes d'avril i3i5, concède à la ville la perception de la gabelle ou UmgeU sous condition d'employer ce revenu à l'entretien des murailles et des tours.C) L'autre, daté du même jour, promet de ne jamais engager la ville sous quelque prétexte que ce soit. (') Blaiheureusement c'était le vaincu qui promettait et nou pas le vainqueur.

Louis de Bavière s'en vengea cruellement. Il avait vu avec colère son prévôt impérial chassé par les bourgeois de Landau , et ceux-ci fournir de nombreux volontaires à l'armée de son compétiteur undis que le contingent régulier de la ville réuni aux troupes d'Otton d'Ochsenslein qui commandait dans le Spiregau au nom de Frédéric m, faisait le plus de mal possible aux Bavarois et à leurs alliés , les bout* geois de Spire. (^)

Aussi dès l'an 1317 par un acte daté de Francfort engagea-t-il la ville alliée de Fréderic-le-Bel à cette même ville de Spire qu'elle venait d'offenser et de combattre. L'engagement s'élevait à 5S00

(') ScBCePFLiN f Àltai. illust. , tome u , Landawa. {*) ScHOEPFLm , ibidem. (') ScaoBPFLiN , ibidem.

{*) Lbbiukn, CAronioon Spirmuê^ lib. fH, csp. xxiv, etNAsiàN, ropoyropMa ÀUaiim , p. 29.

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VILLSS LIBURS ST lȃllfALB8 DB L'ANaBNilB ALSACE. iO^

Ïhre^-Hdler, somme considérable pour le temps^ et Louis de Bavière, sur la demande des bourgeois de Spire » ordonna de plus quejes murs de Landau seraient rasés. (*) Pendant deux ans Landau parvint toutefois à Se soustraire à Teiécution de ces dures conditions* et pendant ces deux années, bien loin de démolir leurs fortifications » les habitants s'évertuèrent à les rendre plus redoutables , mais en 1319 Loliis de Bavière vint en personne attaquer la viUe. (') Déjà Tinvestissement avait eu lieu et l'assaut allait être donné , lorsque grâce à l'intervention des villes de Mayence , de Worms et d'Oppen*» heim , une transaction ou capitulation fut consentie de part et d'autre. Landau paya ou s'engagea de payer sa rançon à Spire , et en outre des 5S0O llyres-Heller , elle dut payer à l'empereur une somme moins considérable pour racheter ses fortifications. Ce dernier article fut stipulé en sa faveur par le landvogt d'Alsace. (')

Il ne parait pas que Landau se soit tenue pour complètement battue dès lors et ait malgré ses malheurs abandonné la cause de Frédéric- le-Bel. Jetant même de nouveau le gant à l'empereur bavarois, elle envoya son contingent grossir l'armée archi-ducale. Mais la bataille d'Amphingeu, près Muhldorff, le 28 septembre ÎS22, ayant mis l'infor- tuné Anti-César au pouvoir de son rival , qui l'envoya dans les cachots du château de Traussnitz , le viciU sévit avec toiHe sa rigueur contre les partisans de Frédéric , et surtout contre Landau.

La mémoire de ce temps de calamité s'est conservée longtemps à Landau. Les gens de Spire et les ofliciers bavarois régnaient en maîtres absolus à Landau. Ils se plaisaient à faire supporter à la cité vaincue ces mille petites tyrannies , lâches et inutiles » qui ont rendu le nom de Gésier si exécré en Suisse. Non-seulement ils avaient désarmé les bourgeois , mais au mépris du rachat consenti en 1519^ ils avaient , sinon entièrement rasé , au moins démantelé l'enceinte de la ville. Enfin ils s'eflbrçaient à force de vexations d'exciter des soulèvements qui pussent servir de prétextes à de nouvelles ran- çons. (*) —————— _______«^.-_»___ »

(') LSHMANN , Chran. Spir. , p. 690.

n Lettre de Louis de Bavière à la ville de Strasbourg , datée de son camp prè%de Landau , le 6 des kalendes de septembre 1319, dans Schqepflin.

(') Lehmann , Chron. Spir. , ibidem , et Schqepflin , Alêoi, ilL , tom. u ; -^ et Bmrai&iJif , p. 90 et 473.

(*) BuwBÀim , Geschi€hte dw Stadl Landau.

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140 fiinm 0'al8àcb.

Reaiar(|aons qae ce furent uo eoipereor du aaog bavarois et juridiction de Spire qui présidèrent ainsi à Tëpoque la plus dottloo* reuse des annales de Landau , et aujourd'hui , au mépris de tous ces antécédents historiques, au mépris de toutes ces traditions . Laodau a été cédé à un prince de Bavi^ et à la juridiction de Spire!

De 4322 à 1325, trois années écrites en caractères de sang dans les fastes de Landau, nous voyons la malheureuse ville se débattre sods une tyrannie non moins eitravagante que cruelle. En 1324 l'impignoration de Landau à la ville de Spire n'ayant pas sans doute paru assez humiliante à l'empereur , il la transmit, moyennant nou* velles finances , à l'évéque de Spire , et* cet évéque était l'ancien seigneur féodal de Landau , Emichon de Lînange !

En 4325 il y eut un instant les boui^eois de Landau crurent pouvoir respirer; ce fut lors de la réconciliation opérée par les soins du Pape Jean xxii entre Louis de Bavière et son prisonnier Frédéric- le-Bel d'Autriche. Ce dernier ayant été mis en liberté , plaida en effet » mais assez timidement, la cause de Landau auprès de son heureux rival. Le landvogt d'Alsace et les villes impériales de la landvogtey , conjointement avec les villes de Mayence , Worms et Oppenheim , intervinrent avec plus de décision ; grâce à cette intervention l'em- pereur, tout en maintenant ses impignorations , se réserva le tribunal provincial établi à Landau, ce qui sauvait la ville impériale d'un retour complet au régime féodal d'avant Rodolphe de Habsbourg.

Un des affronts les plus cruels sans doute au cœur des habitants de Landau fut celui de la stipulation impériale qui les. assimilait aux juifs de Spire et les engageait en même temps que ces derniers à l'évéché de Spire. Par un acte de 4338 Louis de Bavière décida même que Landau ne pourrait être racheté à part et devrait suivre le sort des juifs. 0)

Ainsi toujours la suprématie soit de Spire soit de l'évéque de Spire et toujours même haine de Louis de Bavière pour la ville impériale de Rodolphe de Habsbourg !

Ce n'est pas tout : Ed 4343 l'empereur Louis qui avait impignoré Anv^eiler et Trifels à ses agnau les comtes palatins ^ leur impignora

' -■■ . - 1^

(*) SiHONls , Beiehreibung aller Bisehoffen zu Speyr , p. 11G . et Lehmann , Ckron. Spir,

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yfLLBS LIBRES ET MF^RUbE» Iffi b'ANCfBlINE AUACB. III

«iisfi le droil de.racbat.de Laodau. {^) La ville est ainsi ballottée en quelque sorte entre Yéséché de Spire et les comtes palatins» elle tombe de' Cbàrybde en Scjlla^ elle passe de main en main comme ces jnifs<an sort desquels elle est liée , aïOourd'boi cédée à une ville rivale, à Spire, demain à Emicb de Linange» évéque de Spire, * après>demain aux comtes palatins , et toujours par le feit de l'empe- reur Louis de Bavière !

. Cependant on cite un titre attribué à Louis de Bavière , mais dont y ne reste qu'une copie sans •caractère d'authenticité et d'après lequel ce prince aurait, eq 1546, pardonné à Landau qu'il aurait même voulu rétablir dans ses immunités. (^) Ce pardon , s'il fut octroyé par Louis de Bavière , ne pouvait être qu'un pardon m articulo moriû , une velléité de miséricorde plutôt qu'une réparation véritable, l'em- pereur étant mort peu après , en 1347 , au milieu de ses préparatifs de guerre centre Charles de Luxembourg , roi de Bohême. U est possible que cet acte ait été inspiré par le désir de rallier Landau à sa politique et de Tempécher de se jeter dans les bras du fils du roi de Bohême, Charles de Moravie, élu malgré loi roi des Romains en 4546.

Ce dernier ayant pris possession ^u sceptre impérial , soqs le nom Charles iv, ne se montra pas plus favorable à Landau qqe son prédé- cesseur. Comriie prince de la maison de Luxembourg, il ne devait pas avoir plus de sympathie que les princes de la maison palatine pour les clients de la maison d'Autriche. Aussi se borna-t-il à défaire Tim- pignoration éventuelle de Landau au comte palatin du Rhin et à réen- gager purement et simplement celte ville à l'évéché de Spire. {^) Mais sous Charles IV, empereur plus érudit qu'énergique, et plus occupé de ses possessions héréditaires que des intérêts de l'empire , les villes impériales purent en général étendre assez facilement leurs libertés, et Landau profita de ce laisser-aller du monarque pour essayer de ressusciter quelques unes des siennes. Sans s'aventurer à rompre ouvertement ses liens de vasselage ou de gage féodal avec l'évéché de Spire , la ville obtint, par l'entremise de Jean de Lich- tenberg, évêque de SjLrasboorg, landgrave de la Basse-Alsace et

(*) SUeiajyris publiei Palat. , part, u , p. 158.

(') LvsoG , Hnehi-Archiv. , p. 1282.

(•) ScHCEPFLiN , Àls. Dipl. , tome u , p. 192.

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laodvogt d'Alsace , la permission de relever ses moraines, et la coo- splatioD d*élre administrée' ei jugée par nn Vnter^vogt et Setwlimê pris dans son sein , quoique délégué par Tévéque de Spice an nom de l'empereur. (*)

. L'année 1548, qui suivit l'avènement de Charles iv ou plutôt son ^ usurpation , car il ne fut définitivement reconnu qu'après la mort de son brave et malheureux rival Gonthier de Schwartfbourg , cette année 1548 si fatale aux juifs de l'Allemagne» a laissé aussi sa tache de ^ang dans les annales de Landau.

Les juifs, surtout depuis l'impignoration de Louis de Bavière, y .étaient devenus nombreux et surtout fort riches. Ils égalaient près- qu'en nombre les bourgeois , et les surpassaient de beaucoup en fortune. Ce n'est pas un des traits les moins -curieux de ce temps que la multiplication prodigieuse et l'excessive richesse des juifs dans les villes d'empire. Tantôt ces villes elles-mêmes , tantôt les empereurs ou leurs tenanciers leur vendaient â beaux deniers comptants un droit plus ou moins long de résidence ; c'était à qui les attirerait chez soi , ces paries de l'Ocddent , non certes pour les fêler mais pour les exploiter et les rançonner sy>rès les avoir d'abord laissés se gorger d'usures. Le jour de compte ou d'échéance venu, on se sonveoait tout-à-GOup qu'ils étaient juifs, mécréanu et maudits , on menaçait de les expulser , et comme les expulser des villes c'était les envoyer pourrir dans les oubliettes des burgs du voisinage , presque toujours on réussissait grâce à ces menaces à se faire donner une part de l'argent amassé aux dépens des chrétiens , et à leur revendre plus cher un nouveau droit viager d'asile. Si , en outre ^ comme en 4548 et 1549 , une contagion sévissait dans le pays , si la peste noire , ce choléra du moyen-âge, frappait à la fois les corps et les imaginations, ce n'était plus seulement â leur bourse qu'on en voulait , c'était à leur vie. Alors on s*ameutait , on les accusait d'avoir empoisonné les puits , d'avoir exercé la magie , d'avoir commis les plus extravagants sacrilèges , puis on faisait main-basse sur eux , ou on dressait des bûchers sur les places publiques , et on leur criait : Choisis, chien , d'y jeter ton titre de créance ou d'y être jeté toi-même. Telle était l'opiniâtreté d'avarice presqu' héroïque de quelques uns de ces mal-

(*) ScBCEPrLiN » AU. UL , lom. ii , cl Birnbauh , Guekiehte der Stadt landau ^ |>ftge92.

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VILLES LIBRES ET IMPÉRIALES DE L'ANCIENNE ALSACE . i43

taeareux qae parfois ils préféraient ce deroier parti. Ce qu'il y a de plus étrange c'est que ces infortunés se soient laissés si souvent et si longtemps prendre à cette glu toujours la même « c'est qu'ils soient revenus d'eux-mêmes aux lieux ils avaient le plus souffert , aux lieux remplis pour eux des plus funèbres souvenirs , c'est qu'-après les persécutions ou les sévices des onzième et douzième siècles» après les mises à rançons et les avanies du treizième siècle , après les massacres quatorzième siècle , ils aient recommencé , comme si de rien n'était , à faire l'usure précisément sur les points leurs usures précédentes avaient été le plus cruellement châtiées et expiées. Il est impossible d'expliquer tant de conâance imbécille ou obstinée autrement que par l'amour du gain , à moins que les héritiers des victimes n'aient considéré leur retour aux endroits les plus arrosés du sang de leurs pères comme une sorte de défi tacite entr'eux et les descendants des persécuteurs ; cette race d'Israël , que les bourgeois des villes et les châtelains méprisaient tant , voulait peut-être » au prix de nouveaux dangers , se venger d'eux en les ruinant?

A Landau en 4548 et 1349 les juifs ne forent pas autant qu'ailleurs des victimes passives. Nous avons vu qu'ils étaient égaux en nombre aux bourgeois. Celte égalité de bras leur avait inspiré un courage insolite. Ils s'étaient munis d'armes, organisés presque militairement, et ils avaient barricadé non-seulement leurs maisons mais^le quartier ils tenaient leurs boutiques et leurs dépôts sur gages. Lorsque le tocsin d'extermination vint à sonner» ils se trouvèrent donc prêts à repousser la force par la force » et ils firent bonne contenance. Mais en même temps, plus confiants en leur or qu'en leurs armes , ils dépêchèrent secrètement un des leurs vers l'empereur Charles iv afin d'obtenir, et an besoin d'acheter, la protection du Saint-Empire. Soit grâce à cette protection , soit grâce à leur attitude vigoureuse ils échappent en effet aux fureurs populaires de 4348, sauf quelques rixes isolées, mais en 4349 la haine de la bourgeoisie, excitée comme partout alors dans la haute Allemagne par les exemples fanatiques des flagellants , ne connaît plus de bornes. La guerre civile , car à Landau l'émeute contre les juifs prend les proportions d'une lutte régulière , recommence donc avec une rage égale de part et d'autre, ' le sang coule» les tribus bourgeoises pressent vivement l'attaque , les jui6 de leur côté se défendent énorgiquemmt. Ils parviennent à faire traîner le siège en longueur, et en attendant le retour de leurs

Aooét. 8

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|U REVUE d'aLSAGË.

émissaires ils savent tenir en échec les assaillants. Le nombre de ceux-ci augmente pourtant chaque jour , car les villes voisines four- nissent leurs contingents aux bourgeois de Landau et un ennemi plus lerrible encore , la famine , décime les assiégés. Encore quelques heures et il faudra mourir de faim ou se livrer aux bourreaux , lors- qu'un sauveur arrive tout-à-coup aux juifs » et le sauveur le plus inespéré. C'est l'évéque de Spire en personne , Emichon de LInange auquel l'empereur Charles iv a confié la mission de venir en aide aux juife de Landau. (*) Il est probable que l'évéque n'aurait pas attendu l'ordre de l'empereur pour se donner cette mission » car l'évôcbé de de Spire se distingua toujours par ses habitudes de mansuétude en faveur des juifs. Remarquons à cette occasion combien il est injuste d'attribuer les massacres des juifs en 1549 et en général leurs persé- cutions pendant le moyen-âge à l'influence du clei^é. En effet ce n'est pas seulement à Landau que le clergé s'est montré miséricor- dieux pour les pauvres juifs. Il ne faut pas confondre avec l'Eglise cette aggrégation et , l'on a le droit de dire, cette secte des flagellanu que presque tous les évéques censurèrent » que la bulle du Pape Clément vi du 40 octobre 1549 condamna solennellement, et dont le fanatisme extravagant allait jusqu^à' la révolte contre les pouvoirs politiques et religieux. Les flagellants ne furent pas d'ailleurs les auteurs directs du massacre des juifs en 1549. Ils se frappaient eux- mêmes plus qu'ils ne frappaient les autres « mais il est vrai qu'ils apprenaient au peuple à voir et à faire couler le sang pour le rachat des péchés ou plutôt pour obtenir la fin de la peste. A Strasboui^ , par exemple» le massacre des juifs venait d'avoir lieu lorsque les flagellants entrèrent dans la ville ; ils marchaient en quelque sorte dans le sang de ces victimes du peuple et ils mêlaient à ce sang leur propre sang, qui ruisselait de leurs épaules sous les coups répétés des fouets garnis nœuds à pointes de fer dont ils se déchiraient à tour de bras. (*)

Oui quant à la prétendue complicité du clergé lors dos crimes commis contre les juifs en i549 l'histoire consciencieuse doit pro- tester. N'avons-nous pas vu de nos jours , dans la capitale même de I la civilisation moderne , à Paris , des malheureux assassinés pendant

(*) Archives de Harteobourg » Uatre autographe de Charles iv. (') Voyez la diroaique de Glosënck.

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VILLES LIBRES ET IBfPÉRiÂLES DE L* ANCIENNE ALSACE. 41S

rinvasion du choléra de 1852 sous le stupide prétexte d'empoisonne- ment des fontaines et du pain et des viandes de boucheries? Certes le fanatisme religieux n'était pour rien dans ces atrocités. Est-il éton- nant que pendant le moyen-âge la même féroce stupidité ait voulu rendre responsable des malheurs de la peste les juifs , ces trafiquants toujours étrangers au milieu des populations chrétiennes . ces forains enrichis » habitués à supporter toutes les avanies en vue du lucre, ces âpres détenteurs sur gages, séparés de la race de leurs débiteurs par les préjugés , par les mœurs , par la croyance , par le langage , et jusques par l'habit ! Cessons donc d'ajouter une fol aveugle à ces déclamations du dernier siècle qui veulent rendre Je clergé solidaire de tous les fanatismes du moyen-ûge. Bien loin de s'être associés aux fureurs populaires de 1549 les évéques et les prêtres ont, comme nous venons de le voir pour Landau , pris la défense des victimes de ces fureurs, et si partout ils n'ont pas réussi à les préserver « du moins partout ils ont essayé d'arrêter les bras des meurtriers en leiur rappelant l'exemple du Divin Supplicié qui sur la croix pardonnait à ses bourreaux.

Le résultat de la guerre des juifs à Landau fîit leur expulsion géné- rale de la ville et leur translation à Spire ils étaient davantage h portée de la protection épiscopale. Mais les bourgeois de Landau ne tardèrent pas à les regretter . et près de deux siècles après , en 1517 , (1) nous les verrons solliciter comme une grâce de l'empereur' MaximiFien i^ la faculté de les recevoir de nouveau en leurs murs.

La peste de 1515 qui enleva à Strasbourg 15,000 âmes , à Cologne 50,000, à Trêves 15,000, à Mayence 16,000, à Bâle 14,000, à Worms 6,000, et à Spire 9,000 âmes , fut avec celle de* 1548 une autre cause de dépopulation pour Landau ; on attribue à plus de la moitié du nombre total des habitants les victimes de ces deux pestes et de l'horrible famine qui les accompagna. (^

L. LEVRAULt.

(La suUi à une prochaine livraison.)

(') SCHCEPFiiN, Âlsat, Ulust. , tome il, Landau,

('} BIRNBAUM , {1. 122.

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LES SCYTHES.

UEm ÉTAT SOaAL, MORAL, INTELLECTUEL ET RELIGIEUX.

Smitê. 0

LA RELIGION DES SCYTHES.

I.

LB8 DIVINITÉS ADORÉBS MES SCYTHES.

t. Wïïm»,

Pour un peuple pasteur et oomade comme les Scythes qui le trouvaient presque toujours en plein air » l'objet principal qui frappait sans cesse leurs regards» qui attirait leur attention , la nuit comme le jour et leur inspirait Tidée et le respect religieui d'un Etre puis- samment surhumain , c'était le ciel avec ses phénomènes merveilleux et sublimes et ses influences bienfaisantes. Aussi adoraient-ils le Ciel comme un Dieu c'est-à-dire comme un être vivant (gr. zoon) doué d'une puissance surhumaine. Comme le ciel n'avait pas de figure humaine il fut conçu d'abord comme un dieu zoomorphe. Ce qui frappait surtout à la vue de ce dieu zoomorpbe gigantesque c'était le soleil, la lune et les étoiles qui en étaient les ornements. Or comme dans l'origine ces astres n'étaient pas encore considérés oomme des êtres vivants ni comme des diviiytés distinctes, mais seulement comme des parties intégrantes ou comme ornements du corps du dieu Ciel, l'idée caractéristique dans la conception du ciel comme Dieu c'était naturellement l'idée de brillant et par conséquent le mot par lequel on désignait le dieu Ciel signifiait proprement Brillant ( scythe Divut; sansc. Diaui p. divas» lat. Diut cf. tub diu ; gr. Ztut p. DiFs). En

(*) Voir les livraisons de janTier et février , pages 5 et 58.

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LES SCYTHES. 117

donnant m dieo Ciel des Scythes le nom grec de Zeut » Hérodote initié qa'il était aux mystères » ou bien de propos délibéré ne foulait pas énoncer le nom scylbe Divus dont il reconnaissait parCsiitement l'identité avec Zeus » de peur qu'on ne prit Zem pour un dieu emprunté aux Scythes , ou bien sans se douter de cette identité des noms et voulant seulement exprimer le caractère distinctif de Ditms, en l'appelant Zeu», énonça le nom Scythe même» seulement il l'énonça sons sa forme grecque, car dans les idiomes grecs le nom scytbe Divut a du être prononcé DiFs^ Zeus (cf. za p.dia). Habitant» dans l'origine, le plateau appelé aujourd'hui le Turkestan fair est généralement ehaud et sec, les Scythes comptaient parmi les principaux bienfaits du dieu Gel la pluie qui arrose et féconde la terre , le vent qui rafraîchit et purifie l'air et l'orage qui amène à la fois la pluie et le vent. Aussi Dims éiait-il adoré surtout comme Père de la pkiie , du vent et de l'orage. Comme fécondatieur de la terre Dimu devint dans la mythologie l'époux d'Apia (Terre) et ces deux conjoints Divu» et Apia passaient , chez les Scythes, pour les parents primitifs des dieux et des hommes comme Ouranot et chez les Grecs , et comme Tien (ciel) et Ti (terre) chez les Chinois. Dès lors Divus eut encore l'épithètedesPapfNi (HÉROD. Pappauw) qui dans Pidiomescylhe signifiait père, (cf. fr. papa) ou aieul (gr. pappos; armen. pap aieul) et énonçait qde Dwus était le Père des dieux (cf. gr, Zeuê-pater Ciel-Père ; lat. Jupiter %. Diu' pater Gel-Père; Zeus-Papat Ciel-Âïeul en Phrygie) et par l'intermédiare des dieux et des héros Yaïeul des hommes c'est-à-dire d'abord principalement et exclusivement l'aïeul du peuple scythique et ensuite seulement l'aïeul des hommes en général. Comme Père des dieux il était aussi leur chef et par conséquent le Dieu Suprême. Ensuite comme Dieu Suprême des Scythes, de ce peuple dont l'occupation principale et la plus honorée était la guerre , Divus devint aussi le Dieu de la Guerre et cela d'autant plus facilement qu'il était déjà le Dieu de l'Orage et que , suivant une association d'idées assez ordinaire dans l'Antiquité, la guerre ou le combat, pour le tumulte et la fureur qui l'accompagnent, était 'assimilé à un orage (cf. gf. polemos p. tpole- mos guerre, goth. dvabns fureur). Celte nouvelle attribution du dieu de la Guerre bien qu'elle ne fàt en aucun rapport direct avec la nature primitive de Divus comme Ciel, devint même dans la suite l'attribution principale de ce dieu, de sorte que les historiens grecs {Birod. 4, 59 ; Tacit. Uist* 4, 64 ; Ammkn MarçeU. 51 , S ; Jomandcs 53

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as REVUE D'aLSACE.

considérant généralement le Dieo Sapréme des Scythes , des Gotbs et des Germains comme dieu de la guerre le désignaient aussi sous le nom équivalent grec ou latin de Ares et de Mars. Parce que Divus , le dieu des combats était aussi le Dieu Suprême il eut, le premier et le seul de tous les dieux scythes, Thonneur d'être représenté par un signe symbolique ou emblématique. Ce signe était un glaive ficbé en terre sur la butte de rassemblée (Hérod. A, 62) ou sur le tertre du tribunal (norr. lôgbiôrg ^ màlbiôrg). D'après ce symbole Dhus prit lui-même le surnom de Glaive (scyth. gaizus , gr. gaisos cf. celt. Hésus. Lue, de Jove Trago » cap. 42). C'est ainsi que chez les Scythes Dhms le dieu du Ciel (norr. Tyr) devint encore le dieu Fécondateur ou l'époux de la Terre (Apia) , le Père des dieux et des hommes {Pappa ; norr. aU. fadr), le dieu Suprême , le dieu de la Guerre {gausus, sax. Cheru^ anglo- sax. Ear) , le dieu des vents (Vatans norr. Oé^nn) et le dieu de l*arage fécondateur (Ptrchunû norr. Ftôrgynr). ^

a. Apia.

Ce qui , après le ciel , attirait le plus les regards et l'attention des hommes en général et des peuples scytbfques en particulier c'était le sol » le pays , la terre qu'ils foulaient partout sous leurs pas. Au commencement lorsque Tintelligence et l'industrie des hommes ne savaient pas encore dompter les éléments ni mettre de l'ordre dans la nature sauvage et inculte , les peuples primitifs habitaient pour la plupart des pays à moitié submergés par les fieuves , les rivières et les torrents qui coulaient au hasard dans des lits obstrués et tortueux. La terre c'est-à-dire la partie sèche (lat, terra p. tersa essuyée » sèche héb. iabbâchà ; gr, Ksèra , sèche , terre) dans ces forêts ou landes marécageuses (sansc. marvas^ slave moravia , ressemblaient par consé- quent à des terrains entourés d'eau et qui d'abord submergés étaient ensuite sortis de l'eau et enfin s'étaient peu à peu desséchés. Trouvant partout le passage fermé par le cours des fleuves, des rivières et des torrents , les peuples primitifs se voyaient enfermés et confinés dans leur pays comme dans une île. Aussi considéraient-ils leur pays comme une tie sortie des eaux. C'est pourquoi les idées et les mots de île et de pays devenaient synonymes dans les langues primitives » et plus tard encore lorsque l'homme plus civilisé se forma l'idée de la Terre ou de l'ensemble des pays » il lui semblait toujours que la terre entière était sortie de la mer qui l'entourait, comme les diflTérents

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LES SCYTHES. 119

pays étaient sortis du fond des eaux. Telle est en eB^i l'idée exprimée dans la plupart des cosmogonies anciennes. Selon les Hindous la terre après avoir été soulevée du fond de TOcéan nageait sur les eaux de la mer , et formait sept grandes îles ou les sept feuilles gigantesques du lotus cosmique. Selon le zend-avesta, Ormtizd iAhurO'tnaz'dad , le Brillant*beacoup-sachant c'est-à-dire le Soleil-Génie) créa d'abord le ciel, puis les eaux et ensuite il fit sortir la terre de l'océan. D'après la tradition assyrienne (cf. Gènes.) il y avait d'abord les eaux primitives d'où sortit ensuite la terre; et d'après la cosmographie d'Homère la terre était une grande Ile entourée des eaux de i'0<Eéartos.Demémeque d'après la eosmogooie des peuples anciens, la terre était sortie de Tocéan, elle devait aussi y rentrer à la un des siècles. De là, dansl'escba* tologiê norralne l'idée que la terre brûlée par le feu de Mu$pell tombera dans l'océan d'où elle sortira de nouveau ù la renaissance du monde. On conçoit d'après cela que , dans la plupart des langues anciennes , l'idée de pays et de terre était exprimée par le mot îk et le mot île exprimait étymologiquement l'idée de aquatique (sansc. àpiâ) ou issue de Veau. Ainsi dans la langue scythe âpiâ (aquatique) signifiait à la fois iU et terre ; en langue pelasge apia (tle» pays) était le nom primitif du Péloponèse et de la Thessalie , et en Italie le nom pelasge de Messapia signifiait pays du milieu (cf. sansc. Madhya . le Milieu ; chinois Tchong-Koue Empire-du-milieu). En grec aussi aïa (p. afia ; cf. héb. ttvi , /) signifiait iU comme le prouve le nom de la nymphe Aia (personification d'une lie du Pbasis) qui poursuivie , selon la tradition mythologique , par le Fleuve Phasis se changea en une tfe (aïa). Encore du temps d'Homère le nom propre de Ataïa (insulaire) qui est un adjectif dérivé de ata , désignait la terre insulaire ou les tles à l'extrémité de rOkéanos. Dans les langues gothiques issues des langues gëtiques avia dérivé de Apia signifiait tle comme le prouvent les noms propres de Seandin-avia (Scadvein-avia He ombreuse) et de Austravia (Ile orientale).' De Aoia sont dérivés dans la suite le norrain ey (p. avi île) et le suédois ô (p. av). Le mot île , à son tour servail aussi dans quel- ques langues à désigner le pays ; ainsi en sanscrit dvipa (Ile) signifiait également pays^ par exemple» dans Çaka-dvipa (Ile ou Pays des Sakes) ; et en vieux français Ille de Persois^ Ille de France, etc.» signifiait Pays des Perses , Pays de France , etc.

De même que les Scjthes adoraient le Ciel {sc^ih. Divus)^ de même ils adoraient aussi la Terre qu'ils appelaient Apia. Comme la terro

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120 REVUE o'alsacb;

est fécondée par Torage et les plaic^ da ciel , Apia )a personnification mytbolo^qne de la terre passait aussi pour l'épouse de Divm la per- sonnification du cïe\[{Hérod, iv, 59). Comme épouse du CieUPère (Divus » Papas) du dieu suprême et du Père des dieux et des hommes» Afia devint aussi la Déesse suprême ^ la Mère des dieux et des hommes. Aussi Divm et Apia étaient-ils , selon la tradition , les parents de Targitavus (Brillant par la targe , le Soleil ; grec Héraclès) qui était le Père des Scythes. La Terre en sa qualité de Mère par excel- lence ou de Grande-Productrice et de Mère des dieux et des hommes, avait de l'analogie avec la déesse Dè-mèier (l'Âîeule , gr. pour dêdà aïeule» Throk, vn, 39, bohème deda aïeule» cf. norr. Edda p. Deda l'Aïeule , gr. dâ-mater Hère-Aïeule ; cf. tllyr. Stàra mater Vieille- Mère » Terre) de la mythologie grecque. Aussi Anacbarsis après être revenu de la Grèce dans sa pairie ne croyait-il pas commettre une Impiété qu'il dût expier par sa vie » en essayant d'introduire dans le culte d*Apia quelques cérémonies du culte de Dèmèter qu'il avait vu pratiquer à Cycique lors de son passage dans cette ville. En général beaucoup de peuples anciens se disaient nés de la Terre c'est-à-dire issus du pays qu'ils habitaient (gr. gè-ginis^ nés de la terre» auKhchthên issu du sol même ; lat. terrœ fUius. esthon. ma-innemen homme de la terre » etc.) Les Scytho-Grecs établis dans VHylée se disaient aussi fils de cette- terre. Or cette contrée était couverte » moitié de forêts (gr. hulata boisée» hylée) moitié de marécages (sansc. marvas) provenant des débordements du Fleuve-aux^bouleaux {Barush-tanats ^ Borys- thènes). Déjà avant l'arrivée des Scythes dans ce pays les Kimméries qui l'habitaient , supposant que cette terre était sortie des eaux de ce fleuve » avaient appelée l'Hylée la filU ou Vaquatique (apia) du Borys- thènes. Cette tradition passa aux Pelasgo-Grecs de la Chersonèse tau- rique qui suivant leur habitude de représenter l'eau sous le symbole de Vhydre (cf. gr. hudra aquatique » hydre) ou du serpent (gr. echi » sansc. ahi) aquatique, et la terre sous celui d'une femme (dita, sansc. danikâ ; cf. pelasffe Eva^dne Eau-Femme) donnaient à la fille de Bo- rystbènes c'est-à-dire à l'Hylée marécageuse composée moitié d'eau symbolisée par le serpent » moitié de terre symbolisée par la femme» le nom de Femme-Serpem (Echi-dna). De la tradition répandue chez les Scythes-Bellènes que la race scythique était issue SHérakUs (rarjftavtu le Soleil » fils et représentant de Divus ;gtrm. Ttu-ifco Fils du Ciel) et i'Echidna qui correspondait à la grande déesse Apia,

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lES SCTTBES. iii

Lorsque l'agricultore se répindit de plus en plas chez les peuples scythiques et chez leurs descendants » la terre (apia) fut considérée plus spécialement an point de vue de la culture et dès lors elle prit le nom de ariatha (rayée , sillonnée , labourée » cf. gr era p. erath; norr. ïôrdh; v. haut-ail. ërde; cf. héb. èrèz). D'un^utre côté l'ancien nom à' Apia qui » dans la suite s'était changé , dans les langues gé- tiques , en awi (v. haut-ail.) , en ey (norr.), en ô (suédois), n'eut plus la signification générale de terre mais conserva seulement la signification primitive et spéciale de terre aqueuse c'est*à-dire de prairie humide et de Ile. C'est pourquoi la déesse Terre ne garda pas non plus son ancien nom i'Apia ^Âvia » Aue) . mais, en sa qualité de Terre opposée à Ciel^ elle prit dans les mythologies gétiques le nom de lôrdh^ et ses différentes atributions traditionnelles se spécialisèrent et furent réparties entre plusieures déesses telles que Sifet Rindur , etc.

s. BwAMéïïvm.

Le soleil SvaUus {Targiiavut , Vaituthurus) étant considéré dans l'origine seulement comme une partie intégrante du dieu Ciel (Divus) on ne l'adorait pas encore séparément comme une divinité particulière ; on ne lui donnait pas non plus un nom différent de celui du ciel ;* et c'est pourquoi l'expression de cercle' (sansc. svar , sur) servait à la fois à désigner le ciel comme cercle on voûte céleste et le soleil comme cercle ou disque céleste (gotb. sauil^ Wih. saule; sarm. koU^ norf. hjul, soi). Plus tard le Soleil fut adoré comme une divinité distincte du dieu Divus. La forme de cet astre apothéose n'ayant rien qui pût être rapporté par l'imagination à la figure humaine , il fut conçu primitivement comme un être vivant , divin » zoomarphe. A cause de la chaleur fécondante et de la course rapide qu'on attribuait au Soleil , l'imagination des Scythes, de ce peuple pasteur, chasseur et guerrier se figurait ce dieu comme un animal mâle et en chaleur tel qu'un étalon , un taureau , un bélier (scythe vriskus , cf. vriskava , lat. ver- vidnum, verva^ scytho-gr. briksabd)] un verrat (norr. tkrandr)^ un renne (scyth, tarandus) ou un eerf(sc^\h. vrindus; kimroHhrace brendos). Les Scythes guerriers aimaient surtout à voir dans le soleil un cheval ardent parcourant rapidement les espaces célestes et répandant ses rayons lumière et de chaleur par ses yeux , ses naseaux , sa cri- nière luisante et sa queue flamboyante (cf. norr. himin^iôr cheval céleste , cf. sansc. arwan l'étalon , le soleil). Plus tard le Soleil ne

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i^ REVUE D*ALSACE.

fat plus considéré comme une divinité ayant une forme animale mais comme un être zoomorphe auquel présidait un Génie , une divinité à la forme humaine. Par ce changement il se fit qu'à la place d'un seuil être divin , savoir le dieu Soleil zoomorphe , on en conçut deux dis- tincts l'Mn de l'autre , savoir le divin soleil zoomorphe et le dieu du soleil ou le dieu anthropomorphe qui y présidait. Ce qui prouve que dans l'origine les Scythes adoraient le soleil sous la forme d'un cheval c'est que d'abord les Masagèie» encore à une époque le soleil était déjà adoré comme dieu anthropomorphe donnaient cependant encore à cette divinité l'ancienne épithète traditionnelle de le plus rapide de$ fUeux (voy. Hérod. i , 216) et qu'ensuite tous les Scythes aussi bien que les Hindoux, les Perses « les Rhodiens, les Lacédémoniens {Pausan. Lacon. 20 , 5) immolaient au Soleil l'animal qui lui était particulièrement consacré à savoir le cheval le plus rapide des qua- drupèdes. C'était encore au dieu Soleil qu'étaient consacrés les chevaux blancs qu'on entretenait en Scythie pour le culte de cette divinité , dans les gras pâturages sur les bords du lac Hypanis (Hérod. iv» 52)« Le dieu du Soleil étant un dieu anthropomorphe , les Scythes comme d^aiftres peuples pasteurs et chasseurs de l'antiquité, lui donnèrent des attributions humaines et le considérèrent comme un dieu chas- seur ou pasteur qui pousêtùt (nor'r. veida pousser, chasser, faire paitre) devant lui sur le vaste pâturage du ciel son troupeau ou son gibier céleste. Or dans les langues scythiques* vatia (genit. vat/u) signifiait pâturage et chasse et shurus signifiait Frémissant, PronCpt (polon. skory , norr. skiarr , cf. Shauro-mataî), C'est pourquoi les Scythes donn^ent au Soleil-Chasseur le nom de Vaitu-shurus (Prompt à la chasse) qu'Hérodote a rendu par Oiio-suros , que des inscriptions scytho-grecques {Bœkh , cod. inscript. , i\^ 6015) ont reproduit par Oitoskuros et que les Grecs aïoles qui se servaient du doid[>le G (Digamma éolien) ont exprimé par Foito^suros d'où s'est formé dans quelques manuscrits d'Hérodote la leçon de Goito-suros. Les Scythes- Hellènes et les Grecs désignaient le dieu scythe Oitosuros par les noms éqiifvalents grecs de Hélios, d'Apollon et de Héraklès. Peut-être Oitosuros était-il plus particulièrement désigné par les poètes anciens sous le nom de Hercules Oeieus (Hercule de TOeta ou de la montagne au pâturage et à la chasse) et fut-il adoré principalement par les tribus Scythes que Pline appelle les Seythae œtei (Scythes-pasteurs ou chas* seurs).

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LES SCYTHES. 1)3

Les Scythes se âgutaient le dien du Soleil Oitoiwroi non seulement oomme on dieu cha»$eur mais surtoat comme un jeune guerrier on hiroi (scythe skais destructeur, tueur ; sansc. kehayas cf. norr. ikœ , skaA). En sa qualité de jeune guerrier et de chasseur» le dieu du Soleil , semblable à VApoUon nomios (1® Soleil Pasteur et Chasseur) des Grecs qui était toujours armé pour la chasse , avait aussi les armes de la nation savoir Tare » les flèches et le bouclier. Les flèches que le jeune héros ou chas^ur lançait comme ApoUon ou comme HéraUès sur les monstres ennemis de la lumière et de la chaleur , étaient en même temps les symboles des rayons du soleil (cf. russe sirela flèche , y. haut-ail. êtràla rayon). Le bouclier ou la lor^e (scyth. lor^a , norr. targa , polon. tarcza) du dieu représentait le disque brillant du soleil et c'est d'après* cette targe brillante qu'il eut le nom de Targi-tavut qui signifie Brillant par la targe (scyth. tavus brillant; cf. INi^iii ; sansc. div ; gr. taô$ p. tavo» |e brillant , le paon ; lat. pamu p. taxms). Targiiamê et Vaitu-ihurui chez les Scythes comme Héraklès et ApoUân chez les Grecs étaient au fond et dans l'origine la même divinité sous deux aspects quelque peu différents. Vaitu^shwrus avait plus de ressemblance avec Apollon représentant les qualités physiqueê du soleil et Targitavui avait plus d'analogie avec le jeune héros Hira* lièf représentant le jeune soleil du printemps et de l'^té. ^ussi les Scythes-Hellènes et les Hellènes donnaient-ils à Targitavus le nom grec de HéraUès. Ka^maehos rapporte même que le. Héraklèi de Tbèbes apprit de l'Hercule $cythe à tirer de l'arc (Schol. ad Théokr. 43 » 86 ; Ttètzès ad Lyk. 50) ce qui signifie que les Grecs donnèrent à leur dieu HéraUèi pour attributs l'arc et les flèches en imitation du dieu slythe Targitams, comme au sixième siècle av. J.-Ch. Stéitchore d'Himéra attribua à l'Hercule grec la peau de lion conune symbole emprunté à l'image de l'Hercule (Soleil) égyptien.

Le dieu du soleil Targitavui ou Vaitushurus passait , dans la tradi- tion mythologique des Scythes , pour être le fils du Ciel (Divus) et de la Terre (Àpia). De le dieu du soleil eut sans doute le nom de Sva- . (îttf qui signifie proprement Issu du Ciel ou Céleste (sansc. sourias p. svarias ou svalias ; pélasge safelios ; crétois«dorien habelios; ionien kmlios p. haheUos ; étrusque afluns ; gr. ApMms). Ce nom scythe Soolitts les Scythes-Hellènes l'ont rendu par Saulios (cf. lith. saule p. svale soleil) ; d'après Hérodote Saaisùs (Issu du soleil) était le nom propre d'un roi scythe , du frère d'Anacharsis.

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Targilavus oo Vakuêtmrui ou Svaliuê le Als de Divus et â*Àpia était, selon la tradition mythologique , le père de (rois fils tous trois des .fc^nM ou comme on disait. d>près les idées de l'antiquité , des dtgtrueteurt (sansc. kchayas destructeur, héros ; scytb. skaU ; nort. Mkœ 9 Mkaiï^ Le premier de ces fils ou héros éuit Hleipo-skait (Hérod. LeipoxaU) dont le nom signifie /Vtnce.ou héros au bouclier (norr. hlif^ lat. clypeus bouclier).; le second Arvo-skaïs (Hérod. Arpo^hàu) ou Prmee aux flèches (norr. or p. arvu) et la troisième Kola-skais (Hérod. Kolaxais ou Prince à la roue ou au char (slav. koti ; norr. hiut) ou à la charrue. Hlàposkau^ suivant la tradition» devint le père des AukhaUi (Agrandis ; PUn. Auchaiœ , Euchatœ ou Nobles , norr. au^ kadir) » Arvo^Mkau le père des Koûaren (p. Katn-varai ; Pfiit. Coiiert ; V. ail. ChatU'Ores; norr. hôdvarir Gardes du combat) et des Trauus (Hardis) ou Trame$ (Hérod . Traipies) et Kolaskais le père des Paralatet (Amoindris; norr. Farladir c'est-à-dire Laboureurs). Par ses trois /Ut (scyth. ptcraî » norr. burr fils » nom prop. fftirr ; cf. sémit. bar fils) dont descendaient, par l'intermédiaire de teurs rois, les tribus les plus illustres des Scythes, Targilavus était donc , comme le disait la tradition d'après Hérodote, liai souche de toute la race scythique. Les Scythes- Bellènes rapportaient la même tradition qu'ils modifièrent cependant quelque |0u/n disant que Héraklis (Targltavus) le fils de Zeus (Divus) engendra avec Echidna (Apia) trois fils : Skuthes (Porte-bouclier cor- respondant à Hleiposkais) , Agaihursos (Très-hardi , correspondant à Arvo^kaïs) et Gclonos (correspondant â Kola-skaisY Le premier, Sku- thes devint la souche des Scythes de la race pure ou royale (cf. Hirod. IV, 40). Selon la tradition II avait entre autres deux fils Polos tf Napes dont descendaient les Pales et les Napes (Ptin. vi, 19) qui p&irent entièrement. Les différentes tribus rapportaient donc leur origine à TargiUkvus et par lui à IHvus. Ainsi le roi Iihan-thursos se disait le fils de Divus {Hérod. iv, 127). Les princes des Masagètes se disaient Issus du Soleil (Targitavus) sans doute par l'intermédiaire de ïHleipO' skais (V. Hérod. i , 242). Les princes Portfc^i^ Persans prenaient le titre de fils de Bacchus , du Soleil ou de Dieu (scyth. Pak-pur ; voy. Ghroniq. arm. A'Agaihangelos) ou de Issu du Fils du Soleil (scyih. Pak'puri , gr. Pak-ourios , v. Procop. de bello persico ,1,5) qui de- vint même le nom propre de plusieurs rois arsacides (cf. Pacdrus). Plus tard les Serbes (p. Svercs , Svares) , les Spales (p. Svales) et en général les Slaves (p. Svales) exprimaient déjà par leur nom ethnique

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leur descendance du Soleil {Svaliui). Car le nom de Slav n'est que le nom de Svate (solaire) transposé. La même tradition fut encore repro- duite par les Germains qui disaient que rtmkut (ruuko » Issu de Tlv ou du Ciel) c'est-à-dire le fils du Ciel (Tm; scyth. Dhms , norr. Tyr) et de la Terre {Irda , scytb. apia) était le père de Mannus (p. mandui doué d'intelligence) et par lui de la race germanique. Eofin cette tra* dition se retrouve encore en partie dans la Scandinavie. TargUavui (Brillant par la targe) se présente encore sous le nom de Skiôldr (Bouclier) et Slàoldr le fils d'Odinn , du dieu qui fut substitué au Ciel ou à 7yr (scyth. Divus) est considéré d'abord comme la souche des rois danes appelés d'après lui Skiôldungar (Issus de Skiôld) et ensuite par ces rois il est devenu le père du peuple dane comme Targitavui est le père du peuple scythe et Ttviskus le père du peuple tudetque.

En sa qualité de dieu du Soleil et comme Père de la nation scythe Targiiavu» était l'ami et le protecteur de cette nation , et portait le surnom de Garde du peuple (scyth. Tavihvaroi : greco-scyth. Teuê-^aroi y. Schol. ad Thiok. 13» 36; goih. thiad^vars^ norr. thiad-varr). Le dieu du soleil Targiioms avait chez les peuples gétiques de la Thrace le nom épithétique de Skalm<h»kQt$ (scytho-gr. Zalmo-km Prince à la peau; cf v. h.-all. skelmo dépouille, peau) parce que selon la tradition il avait, étant enfant, tué un ours et s'était revêtu de sa peau (cf. Snorra Edda^ Formâli p. iS). Targitavus ou l'Hercule skalnuhskats^ le dieu du soleil protecteur et Garde du peuple fut considéré, ainsi que Héraktèe et Apollon chez les Grecs, comme présidant aussi à la guérison des maladies. C'est pourquoi les prêtres ou plutôt les divins (norr. diar) ou devins de Zalmoxis pratiquaient la médecine et ils étaient renommés et recherchés sous ce rapport jusque daus Athènes {Plut. Charm. p. 156). Du temps de Selon un Scythe , devin ou divin de Targitavus ou de Zalmoais et que les Athéniens désignaient sous le nom général de , Archer (gr. Texaris) vint à Athènes il fit des cures tellement merveilleuses qu'à sa mort les Athéniens, confondant dans leur recon- naissance le divin avec le dieu qui l'avait inspiré > érigèrent près de son tombeau une stèle avec un bas-relief représentant Targitavus- médecin ou C Archer scythe (Toxaris) , tenant de la main gauche son arc et de la main droite nn rouleau de flèches. Ayant confondu le devin avec le dieu , de la même manière qu'ils confondirent le dieu Zalmoxis avec un individu de ce nom qui était disciple de Pytbagore, les Athéniens donnaient à cet Hercule scytlie les épithètes de VBôte-

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là» UmJB D^ALSAGB.

midedn (gr. Xenoê iairoà) et de Protecteur (gp. Alkân cf. Teutaroi). Oh lui sacrifiait aonuellement an cheval blanc , comme les Scythes avaient coutume de le faire à Targiiavus. SojrAoiMf-le-Tragique a été , à ce qu'on êHi t prêtre de cette divinité scythique dont le secours efficace fut éprouvé surtout lors de la grande peste à Athènes et dont le culte sul>sista encore du temps de Lucien deSamosate (voy. Skuthès, 81, 3). Les attributions du dieu du Soleil scythe augmentèrent de plus en plus avec le temps et chez les descendants de ce peuple et, en augmentant elles éloignèrent de plus en plus cette divinité de sa spécialité primitive de dieu du Soleil. Dès lors plusieurs diviniiés particulières représentant les différentes attributions de ce dieu et nommés d'après les épithëtes qui exprimaient ces attributions sortirent du culte de Targitavus ou de Oiio» syros qui ainsi se dédoubla plusieurs fois. Ces divinités héritières du culte de Targitavus étaient Bielbog^ Sviatovit^Radegast^ chez les Sarmates; Voloi , Pravy , Prono , Fnirdia,.cNez les Slaves; Zalmooàt , Thaïes, chez les Gètes; Armin, Phol, Vols^ rtusko, chez les Germains, BaUdur , Heimdall , Bôdur , Vali , Bragur , VUr , Freyr , Ifiordur, Skiôldr , Thâr et Sdl^ chez les Scandinaves.

La lune fut conçue par les Scythes à la fois comme divinité analogue au soleil en tant que brillante et bienfaisante comme lui , et comme divinité opposée au soleil en tant qu'elle appartenait à la nuit , tandis que le soleil faisait partie du jour. Comme la Lune passait pour être la sœur ou Vépouse du Soleil elle prit aussi quelques noms épithé- tiques qui appartenaient au Soleil. Ainsi le Soleil étant appelé Prompt à la chasse {Oitushurus) la Lune fut aussi appelée Prompte à la chasse {(Htoskiira). On considérait principalement la lune sous le point de vue de l'influencé fécondante qu'on lui attribuait ainsi qu'au soleil. C'est pourquoi la divinité anthropomorphe présidant à la lune devint la divinité de la génération et de la naissance (cf. lat. Lucina , Luna). Les Scythes lui donnaient le nom d'Artimpasa. Ce nom était composé deradjectiforlm (gentil, noble; sansc. arthin; pers. artaias; golh. . artetns; vieux haut-ail. arttn) dérivé de art (sansc. artha, ail. art espèce , genre) et du féminin de pats (Seigneur; sansc. pati; gr. posis; goth. faths). Ce nom d'Artimpasa signifie donc Noble Dame et cor- respond en partie par son étymologie au nom grec de la déesse Arti- mids (Noble Dame, de mèdetn dominer). Hérodote (i, 131) donne

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LES SCTTHfiâ. iVt

comme nom équivalent grec d'Animpoia le nom grec d* Aphrodite ourania (Vénus céle&le) et il dit que cette déesse scytbe avait de l'a- nalogie avec la Mylitta (syr- Môkdtâ Génératrice) des Syriens» avec YAlilat des Arabes (i) et avec Mitra$ {Vami, le Soleil fécondant) des Perses. Tous ces équivalents prouvent que d'après Hérodote, Artim- poia la déesse de la lune éuit considérée» chez les Scythes» principa- lement comme déesse de la génération. C'est sans doute à l'influence du culte de cette déesse » lequel favorisait l'acte de la propagation » qu'il faut attribuer la promiscuité qui régnait en partie chez les Scy- tbes nomades (Hérod. 216). Il était naturel que les jeunes gens nuhHe$ ou comme on disait les pumants (norr. mogr , mey) de l'un et de l'autre sexe passaient pour être spécialement bénis ou §onsacrés (scyth.Ptô(/imif» Hérod. Pleistoiy anglos. ge-bUdsÔde^ angl. b/eMed) à Artimpasat Le culte de celte déesse n'était donc au commencement rien moins qu'ascétique. Mais au milieu du septième siècle avant noire ère , les Scythes Skolotes , ayant passé le Tanaîs» firent irruption en Europe et expulsèrent les Kimméries de la Cbersonèse et des bords septentrionaux de la mer Ivoire. Ces Scythes adoraient déjà à cette époque la déesse Ârtîmpasa et bien que cette déesse eût une origine et des attributions analogues à celles de l'Ârlémis tauropoloê (Bouvière) des Kimméries , elle en différa cependant au point que ces Scythes considéraient la déesse kimmérie comme une divinité étrangère i leur religion. Aussi ne respectèrent-ils point le sanctuaire de cette déesse chez les Kimméries pas plus qu'ils ne respectèrent*, un peu plus tard» le lemple d'Artémis (Aphrodile céleste) à Ascalon en Syrie. Malgré la distinction que les Scythes établirent entre leur déesse Artimpasa et la déesse kimmérie » les Grecs confondirent l'une avec l'autre » et comme Ils donnaient aux Kimméries le nom de Scythes depuis que ceux-ci se furent emparés du pays de ceux-là, ils donnaient- égale- ment à Artimpasa le nom d*Ariemis tauropohs et rattachaient au culte de la déesse scythe les Amazones ou Tueuses d'hommes (Hérod. otro- pata, cf. gallois fear^ goih. vatVf » sansc. badh frapper» lat. batuere, gall. bâte battre » lilh. badit) qui appartenaient proprement à la religion de l'Artémis kimmérie. (') Bien que Y Artimpasa scythe ne se confondît pas avec FArtémis kimmérie» elle subit cependant l'influence dn culte

(^) Voyez : de Beligionê arahum anteislamica ^ p. 7.

(-) Voyez : Us Amazones dam Vkistoxre et dans la fable. Colmar , 1852.

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128 KKnm D'ALSiCB.

de celle-ci. Or rArtémis taiiropolos des Èimméries ainsi qae l'Aitémis d'Ephèse des Grecs avaient déjà , à cette époque , subi rinfluence du culte de la déesse indienne BhavanîKali laquelle était à la fois déesse de la génération et de la mort et réunissait par conséquent dans sa personne les attributions contradictoires se rapportant et à la pro- duction et à la destruction de la vie. Plus tard l'ascétisnie , dans rinde 9 s'étant répandu chez les peuples de l'Asie occidentale YAr- timii des Kimméries et des Grecs , tout en gardant son caractère de déesse de la génération et de la naissance, fut cependant aussi consi- dérée comme déesse de la virginité et dès lors haine qu'elle avait pour l'amour , source de la vie et cause de la génération » haine qui se manifestait symboliquement dans son culte et dans les mœurs de ses prétresses (Amazones) n'était plus comme antérieurement une conséquence de sa qualité de déesse de la destruction » âe la chasse et de la guerre ; mais cette haine se rattachait à la continence ascé- tique qu'on attribuait à la déesse comme constituant un .caractère de sainteté toute particulière. Cet ascétisme passa par imitation de l'Ar- témis kimmérie à VArtimpasa des Scythes laquelle dès lors fut consi- dérée comme déesse aimant à la fois la maternité et la virginité. Ariimpasa fut donc la protectrice non seulement de% jeunes gens nubUes (norr. môgr puissant , jeune homme ; mey puissante » jeune fille) portés à l'amour et au mariage, mais aussi de ceux qui par ascétisme ou par .impuissance restèrent célibataires ou comme on ûlmi iolitairei {scyth. 'vên-varês uniques-hommes ; Hérod. ên^-àrèt; gét. am^vardi ; norr. em-veriar). Encore plus tard chez les Dako^ Gètes ces Ênâres furent comptés parmi les BénU (Pleistai ; angl. bUiMed). Mais ce qui prouve que les Scythes n'étaient nullement faits pour ces idées et ces pratiques d'ascétisme et qu'elles leur sont venues de l'étranger et cela seulenient au commencement du septième siècle avant J.-Ch., c'est qu'ils considéraient l'impuissance non pas, à l'exemple d'autres peuples (cf. les Maga-buxes) , comme un titre de sainteté et une bénédiction mais comme un malheur , une malédic- tion qui avait été infligée à leur nation par la déesse même qui pré- sidait è la procréation ; et , selon la tradition , ce malheur leur était arrivé en punition de ce qu'ils avaient osé piller le temple ô* Aphrodite céUiie k Ascalon lors de leur glande expédition en Syrie et en Palestine. A mesure que chez les descendants des Scythes la déesse Arùmpasa

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LBâ SCYTttEd. 4tt

outre ses ditribulions spéciales de déesse de la lune , en prit encore d'autres de corrélatives et plus ou moins étrangères à sa spécialité primitive y et que par elle se rapprocha d'autres divinités et se confondit avec elles pour ensuite se dédoubler de nouveau en autant de divinités qu'elle avait d'attributions ou de noms épithétiques , il arf iva que le rapport qui existait primitivement entre Arthnpasa et la lune s'efhça de plus en plus , au point qu'à la fin Arthnpasa ou les déesses qui loi furent substituées ne furent plus considérées spécia- lem^t comme déesses de la tune , et dès lors , la lune fut aussi envi- sagée en mythologie en dehors de sa relation avec Artlmpoia ou avec la divinité qui , dans l'origine , était censée présidef à cet astre noc- turne. Chez les descendants'des Scythes la lune comme être mytho- logique prit le nom qui dans les langues (fe ces peuples désignait J'astre de la lune ; et les déesses , qui se partagèrent les attributions û'Artimpasa et se substituèrent à elle, furent nommées chez les Slaves » Vmrdus et Pravaïa , et chez les Gotho- Germains , Frigg , Gefion et Freyia.

tt. Taviti.

Après le Ciel et la Terre , le Soleil et la ftine , l'objet de la nature qui attirait le plus l'attention des hommes primitifs » qu'ils durent considérer comme une puissance divine et qu'effectivement pour cette raison ils adorèrent comme une divinité , ce fut le feu. Et en effet le feu était le seul élément dont l'usage établit, dès l'origine, une diffé- rence entre le genre de vie des hommes et celui des animaux. C'est aussi le seul dont Fusage valût à l'homme la conquête et la soumission de la nature entière. Mais le feu terrestre qui était à l'usage des hommes était considéré comme étant seulement l'image affaiblie » le dérivé ou une particule détachée du feu céleste c'est-à-dire du soleil et de la foudre ; et tandis que le feu céleste, en tant que céleste , pur et sacré , était considéré comme le feu par excellence et qu*il fut adoré comme une divinité masculine (sansc. agnis , lat. tgnis) qui se confondait souvent avec le dieu du soleil et de la foudre , le feu ter^ resire au contraire fut adoré seulement comme une divinité féminine, comme une déesse qui passait pour être la fille du Soleil ou de la Foudre. C'est ainsi que dans la mythologie hindoue la déesse du feu Tapoti (Fomentant , Echauffant , cf. lat. tepida tiède) était fille de Ywaxmân (le Découvert > le Soleil) et de Tchâyà (Ombre, Nuage

9*Ain6e. ^

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orageux). Chez les Scythes la déesse du feu était appelée Ta»ki (Hérod. IV, 59 , 7a6tit) et elle passait sans doute aussi pour la Aile à*Ouosurot (le Soleil) ou de TargUavus (Hercules , le feu céleste). Le nom de Tavtti signifiait proprement Brûlée (sansc. dhavità , pera. dûd) et dérivait ainsi que le nom sanscrit de Tapati d'un thème primitif tava (briller, flamber , brûler) auquel se ratucbait aussi le nom scythe de Targi-tavus {BriUant par la targe). Comme la production et l'em- ploi du feu, soit pour nn sacrifice, soit pour un usage vulgaire, étaient , chez les anciens peuples , l'effet de leur industrie et de leur travail individuel , ces peuples attachaient naturellement au feu qu'ils allumaient artificiellement ridée de propriété exclusive et ils n'accor- daient la jouissance de leur feu et la participation à leur sacrifice qu'à ceux qu'ils considénûeitt comme les leurs ou comme leur fanàlle. Le fosrer c'est-à-dire originairement le feu (fr. feu , du latin focus; sansc. agm feu ; lith. agnis ; goth. aughns ; v. haut-alL oven foyer) ainsi particularisé et en quelque sorte approprié pour l'usage religieux et profane de la fanàlle devint donc lui-même le signe extérieur et le symbole de la famiUe (gr. thumeU foyer ; lat. famUia; cf. turc odjak foyer, famille). Ensuite comme anciennement l'idée de famille se rattachait à celle de domicÊe et que la famille était censée habiter d'une manière soit passagère , soit fixe , l'endroit était établi son foyer ou son être , le feu ou le foyer devint aussi le symbole de l'Aa- bkatUm* C'est pourquoi dans la mythologie grecque le nom de la déesse du foyer (gr. Hesiia , lat. Vesta) signifiait proprement déesse de Vhabitalion (cf. gr. astu p. vastu habitation, ville; norr. vUi habitation). Enfin comme dans l'état patriarchal non seulement la frt6tt formée de l'agglomération des familles , mais encore la naâom tout entière formée par l'agglomérattion des tribus , constituaient égale- ment une famille plus ou moins étendue , le nom de feu ou de foyer servait aussi à désigner non seulement la famille mais encore la frite et par extension la nalion entière (scyth. taviti feu « fiMuilie; ceUiq. teuta nation; goth. thioth p. theuth fiimille, tribu; norr. ihiodh; V. hauL-all. dtoi; pers. dud p. <ifcai;td foyer , nation). On conçoit donc d'après cela que TavUi la déesse du feu chez les Scythes était à la fois la déesse protectrice du domieUe , de la famille , de la tribu et de la nation. En sa qualité de déesse du feu et du foyer, Taviii portait chez les Scythes-HeUànes le nom équivalent grec d^Hestia par .lequel Hérodote l'a aussi désignée. Les Scythes nomades n'ayant pas de

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LES SCYTHES* \Zi

demeure fixe considéraleDt comme leur domicUe la place on iU aTaient . momentanément établi leur fea ou leur foyer. Ils construisaient chaque fois ce foyer avec les pierres focales (norr. hlôd , artn-AeUa , bdear-hella) qu'ils avaient l'habitude de transporter avec eux dans leur char d'un endroit à l'autre. Ce foyer domestique portatif était sacré eT inviolable, d'abord comme symbole de la famille et ensuite comme servant d'autel dans les sacrifices offerts aux dieux. Le roi étant le père ou le chef de la grande famille c'est-à-dire de la tribu ou de la nation , 'son foyer était aussi considéré comme un autel pu- l)lic (cf. gv. hestia prytanmiis) ei c'est pourquoi jurer par le foyer du roi était le serment le plus solennel chez les Scythes , de même que jurer par Hestia ou Vesta était chez les Grecs et les Romains un ser- ment plus solennel encore que celui qu'on prétait par Bercuks (lat. herclè !) te dieu du feu céleste ou de la foudre vengeresse. C'est pourquoi » si le serment que quelque Scythe prétait ainsi par TavHi ou par l'autel public du roi était faux , cela passait pour une profa- nation non seulement du foyer public mais encore du cuke sacré de Tavtti ; et comme le roi , en sa qualité de chef politique et religieux de son peuple , était responsable de toute infraction à la loi et de toute profanation du culte et de Ta religion . c'était sur lui que la déesse outragée se vengeait en l'affligeant d'une maladie grave jus- qu'à ce qu'il eut trouvé et puni le parjure (v. Hérai. iv, 68).

En sa qualité de protectrice du foyer , de la famille (cf. norr. Yar Protectrice) et de la nation , Taviii portait le surnom de Reine des Scythes (Hérodn iv, 127) comme son père Targitavus avait celui de Protecteur du peuple (scyih. TavU-varus^ scytho-gr. Teut-aroi), Chez les peuples gétiques les diflérentes attributions de Tavilt comme déesse du feu , du domicile , de la famille et de la nation , se dédou- blèrent* dans la suite de plus en plus et se répartirent sur d'autres divinités qui avaient plus ou moins d'analogie avec Taviti , de sorte que celle-ci disparut de la mythologie de ces peuples , sinon quant à ses attributions , du moins quant à ce nom de Taviti. Le mol de thMoth (p. theuth dérivé de taviti) ne conserva plus que la signification abstraite de ruuion; aussi le nom de Theuthiskes {Issus de Theuth cf. Itu-tifco issu de Tiu ,. Cheruiskes Issus de Cheru ou de Eàr) ou de Thrvuthides {Hésych, i, 4585 s. v. Zibuthides) comme disaient les Thrako^Gètes eu substituant la terminaison patronymique grecque (idès) à la terminaison patronymique scylhique {iskai) » ne signifiait

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plus comme dans l'origioe Issus de TavUi mais il signifiait simplement natîonatix. C'est par ce nom de thiudiskes (v. fr. Tudesques , plus tard diotiskes) que les Germains se sont désignés eui-mémes comme appartenant à la même race ou nation, et c'est ce nom que les Gallo- Romains des provinces du Rhin inférieur ont rendu , du temps de César » par le nom latin à peu près équivalent de Germani (Issus du même germe » de la même matrice , de la même race).

Aux yeux des peuples pasteurs de l'antiquité , tels que l'étaient les Scythes, les sources ils abreuvaient leurs troupeaux , passaient naturellement pour une richesse» un bienfait du ciel et par suite pour les symboles du Bien-être et de l'Abondance. Aussi les Scythes ado- raient-ils une divinité qui » selon eux , présidait aux sources du pays et par suite à l'abondance et au bien-être de la nation. Cette divinité ils l'appelaient Vrindus (Frémissant, Effervescent, Jaillissant ; cf. norr. btinna p. brinda pétiller, brûler; hrinda p. vrinda jaillir , lancer). Ce nom de Vrindus » en tant qu'il signifiait Jaillissant était d'abord seu- lement du genre masculin (cf. ail. derBorn, der Quell); mais en prenant encore la signification tropique de source et par suite d'ori- ^îfi^^et de mère , il prit aussi le genre féminin (cf. ail. die Quelle). Le nom de Vrindus étant à la fois masculin et féminin, il se forma aussi en mythologie un dieu et une déesse Vrindus , l'un et l'autre pré- sidant aux sources , aux lacs, au bien-être et à l'abondance du pays. Comme la terminaison dans Vrindus semblait indiquer plutôt un dieu qu'une déesse , les Grecs , en citant le nom de la déesse Vrindus . lui donnèrent la terminaison féminine usitée dans leur langue. ' Vrimhu fut donc rendu par les Grecs par Rhindè que les Latins changèrent naturellement en Rinda (v. Plin. Hist. nat. 6, 7). Chez les Scythes eux-mêmes , le genre féminin dans le mot Vrindus prédominait de de plus en plus sur le masculin toutes les fois que le mot signifiait source dans le sens d'ori^tn^. Voilà pourquoi les sources dont se for- maient les rivières , et les lacs d'où sortaient encore comme d'une source quelques fleuves , furent appelés par les Scythes non pas les pères mais les mères des fleuves {Uérod. iv , 52K d'après une idée analogue à celle qui a fait donner plus tard au grand réservoir d'eau, à Lisbonne, le nom àe Mère des eaux (portug. Jlfat das agoas). Lors- que \e$ Scythes priginaires des pays appelés aujourd'hui le Turkei^tan»

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LES SGTTHBS. 135

ft*établirent sur les bords de la mer Caspienne et de la mer Noire ils parent se livrer à la pèche et à la navigation , nonvelles sources de^richesses pour eux , ils considéraient aussi le dieu et la déesse Yrmdui comme présidant également à la pécbe et à la navigation fluviale et cotière. En outre , comme les Scythes prétendaient* que beaucoup de rivières et de fleuves » surtout ceux qui se jetaient dans la mer Noire , prenaient leur source dans des lacs , ces lacs qui pas- saient pour alimenter ainsi de leurs eaux la mer , furent appelés non seulement les Uères des fleuves mais aussi les Mères de VOcéan (scyth. Tama-vrindus ; Plln. Tama^rinda). Voilà pourquoi Vrindus le dieu et la déesse des sources furent aussi mis en rapport avec le dieu de YOeéan appelé chez ces Scythes Tanù-'masa'das c'est*à-dire le Beaucoufhsachant {masa'das; zend maz'dào) on le Génie du RedoU' tabk (Tama ; norr. Samr) à savoir de l'Océan (sansc. (îmt redoutable, mer» cf. lat. timeo craindre). Ensuite , comme chez les peuples de l'antiquité » l'eau jaillissante était Tembléme du sperme fécondateur et que d'ailleurs l'idée de source réveillait naturellement celle d'ori- gine 9 de génération » le dieu et la déesse Vrindus qui présidaient aux sources jaillissantes furent aussi préposés à la géoération et à la fécondation par rapport à la terre et par rapport aux hommes. En cette qualité le dieu et la déesse Vrindus entrèrent en relation avec rOrage-Fécondateur (scyth, Pirehunist norr. Ftôrgynr) et avec le Soteil fécondateur Targitavus surnommé le Montre (Pravys), enfin avec la Lune-Mère appelée NobU'-Dame (scyth. Àrtimpasa) et surnommée la MaUresse (Pravaîa). Aussi chez les Slaves issus de la branche sar- maie des Scythes » le dieu et la déesse Vrindus furent-ils considérés comme le Père et la Mère de Pravy et de Pravaîa; et de même que ces peuples avaient formé leur nom de Slave par transposition du nom de SvaU (Soleil Solaire, cf. Jomandes de Jordanes; Galates de Gadhales) de même ils changèrent le nom de Vrindus en celui de Vnirdus et plus tard eu celui de Nirdus. Chez les peuples de la branche gétique le dieu des Eaux et de rAbondance Vrindus prit le nom épithétique de Chaguneis (Agréable ; norr. Hoenir p. Hagunis » Haunir) ou de Vili (Agréable) lequel efllaça de plus en plus l'ancien nom de Vrin^ qui disparut ainsi de la mythologie des Gètes et ne fut pas transmis par eux aux Germains et aux Scandinaves. Aussi les Germains et les Scandinaves n'eurent-ils plus de dieu du nom de JtindiM ou Jttndttr. Mais quant à la déesse Vrindus , elle se main-

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134 RKVUB D*AUàCE.

tint soas ce aom méoie dam la religion des Gètes el elle fat trausmîee aux Germains et aux Scandinaves qui loi donnèrent, dans leur idiome» le nom de Rindur (p. Hrindui). Seuleoftnl les Germains qui habitaient les bords orientaux de la mer Bal- tique et surtout les Svives (p. Svaves « Slaves) qui étaient un peuple germanique mêlé à des SUwet (comme l'indique son nom même de Svavei dérivé de celui de Svalei ou Slaves) donnaient à la déesse Mnduê 9 à l'exemple des Slaves , le nom de Nirdu». C'est celte déesse même que Taeiu dans sa Germanie appelle Nerànu et qui est iden- tjqoe avec la déesse Rindur des Scandinaves. Quant au dieu Yrindui qui avait reçu chez les peuples gitiques le nom de Chagwmi et de FUt, tl fut transmis sous ces noms à leurs descendants les Scandinaves et^gurepar conséquent , dans la mythologie norraine» sous le nom de Aoeiilr ou de ViU et non aous celui de Jtimiiir qui aurait été cor- rélatif an nom de la déesse Rindur, Le dieu Vrindut n'étant plus tra- ditionnel dans la religion * les Scandinaves et principalement les Svêda^ qui étaient les voisins les phis directs des Slaves qu'ils appelaient Fmtei (Les seigneurs » cf. russ. pan) y adoptèrent de ceux-ci le dieu Nirduê qui passa dans la mythologie norraine sous le nom de Niôrdnit. Les Scandinaves ne s'aperçurent pas que leur déesse lliiMittr(Vrindtta) était originairement l'épouse ou la sœur dieu Niordur (Vrimtas) qu'ils venaient d'adopter des Slaves ou des Vanes. Aussi ne songèrent- Us pas à associer de nouveau la déesse Rindur , soit comme épouse » aoit comme soeur , au dieu Niordur nouvellement introduit dans leur relii^on. Ayant d^à antérieurement adopté des Finnes une déesse de la chasse dont ils traduisirent le nom dans leur langue par celui de Skadi (Nuisible) et ayant fait de Niërdur non seulement le dieu de la péçhe , mais aussi de la chasse , les Scandinaves , pour cette raison , considéraient ce dieu comme l'époux de Skadi et dès lors , n'ayant plus besoin d'une déesse pour l'associer comme épouse à Niordur, ils se dispensèrent d'adopter encore ies Slaves la déesse Nirdus (Nirthus) en compagnie du dieu Nirdus, Aussi n'y a-t-il pas , dans la mytho- logie norraine, de déesse Niôrdr correspondant au dieu Niôrdr. Mais dans cette religion le dieu Niordur passait , comme chez les Slaves (Vanes) , pour être le Père de Freyr (sarm. Pravys) et de Fireyia (sarm. Pravaia) et tous les trois le père et les deux enfants , vu leur origine slave (vane) furent^ appelés les Dieux Vanes. Niordur était considéré comme présidant à toutes les sources de l'abondance et du

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LB8 6GTTHIS* 138

bien*étre; il était ea général le dieu des richesses et pour cette raison il fat surnommé le Riche. Telle est en résumé l'origine de Tfaistotre mythologique du dieu Yrindus dans la religion des Scythei, des GèUM , des Slavei et des Scandmavei,

La stupeur qui dut saisir les peuples iafétiques lorsque» descendaiit des plateaux de l'Asie qu'ils habitaient originairement » ils firent pour la première fois TOcéan redoutable, fit donner i oe ¥sste élément le nom i'SIfraffÊau (sansc. itmt, scyth. tkamt» Toma, assyr. Semi on ZamÎM , voy. Eusèb. Gbronic. arm. i » p. 98 , pélasge Somof). Ce nom se rattachait i un thème loma ou mata qui exprimait l'idée de frapper, àoÊtrdir, effrayer. Les Scythes qui arriérent tard sur les bords de l'Océan indien et de la mer Caspienne ont dft cependant connattre le nom de Thami (Océan) au moins depuis le septième siècle a? ant notre ère. Car les Uoea^ee^ qni s'étendaient jusqu'à la mer Caspienne et vivaient en fMirtie de la pèche , avaient pour reine Thaïaym on Jo- mm dont le nom sigroSe Océaniie on fUfe de Thami (cf. sansc. tamorn fleuve , eau; gr. Thamgrii, Thamyros, Thymbroi^ JAjfèrii; hit. nberit fila de Neptune) et était presque synonyme du nom assy- rien de Semî-ramiêf mère de NmyaSt qni était surnommé Zamie (l*Océan). Jhomt était adoré des Seythee royaux établis sur les èorda septentrionaux de la mer Noire et qui mangeaient des poissons de mer {Hérod. iv , 59). L'eau» cet élément clair et limpide, étant le sym- bole de la darté , de rintelligence , et la mer, par sa profondeur, son étendue et son ancienneté , rappelant la profondeur et les mys- tères de la science antique» le dieu de l'Océan passait pour être en possession d'un trésor de science, d'autant plus que son nom (Thami, Etourdissant) était presque synonyme de celui du breuvage itaurdiê' sont (sansc. madhu y gr. maxhu » nprr. mxodr) ou efmranX auquel l'an- tiquité attribuait la propriété d'exciter les bcultés intellectuelles (gr. lAom&os étourdissement, ivresse) et d'inspirer la science » la poésie et la prescience. Aussi les Scythes donnaient-ils au dieu Thmi l'épithète de MaMa^dâs (zeod mas^daô) qui signifie Beaucaup'bpiUant ou BeaU' coup-sachant ou ce que les Latins désignaient par le mot de Génie (cf. scyth. OctKh-màeardae ; norr. alltt-t;<Biir Génie de la contrée; zend ^nro-mos-dad Soleil beaucoup-sachant). C'est probablement le dÎM

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i36 REVUE D'ALSACE.

Thanù le beauœup'êaehant qui a donné naissance plus tard au mytbe grec sur le poète thrace Thamyrat , Ois de Neptune,

Les peuples gétiques donnèrent au mot tham (Effrayant) la forme de tomi (norr. tomr) et de^sanù (norr. sanir l'Océan ; samleitr visage effrayant). Aussi la Tille principale des Gèles qui était située sur la mer et qui sans doute était consacrée au dieu de l'Océan portait-elle le nom de Tomi (Maritime). Le nom propre de Tombago$ (Boekh. Çorp. Ins. gr. n"" 2061 , â071) signifiait sans doute adorateur de Tom ou de Thami (cf. mar-paft soigne-chevaux). Mais dans la suite lorsque le mot tom avait pris de plus en plus la signification de trouble ^ obêcur^ déiert, vide , et perdu celle de mer ou d'océan » à mesure que les na- tions ^^afue^ , s'étant familiarisées avec la mer, ne la considéraient plus comme redoutahk (tami) » le nom de Thami , comme dieu de V Océan redoutable^ fut remplacé par le nom plus moderne et plus expressif de Ogii (Redoutable , norr. Oegir).

Dans les langues Scandinaves le mot Sami conserva exceptionndle* ment raneienne signification de Océan, comme, par exemple, dans Sami-ey (Ile de l'Océan) Sam-land (pays maritime ; cf. Samo-gitia la Gétie maritime ; cL Samo-thrakè la Tbrace maritime) ; mais la signi- fication ordinaire était £ffrayant^ sombre (norr. Sam-fetir Visage sombre). Oegtr^ remplaçant l'ancien Thami ^ était comme lui le dieu redoutable de l'Océan par opposition à Niordur qui passait pour être le dieu bienfaisant des eaux et des fleuves. L'ancienne épithète hono- rifique de Beaucoup-sachant (masa-das) prit dans la suite chez les Scandinaves la signification défavorable de magicien (norr. fiolvitr). Aussi Oegir comme probablement déjà son prototype Thanù n'était- il plus adoré, comme les dieux proprement dits , mais il fut seulement compté parmi les êtres mythologiques nommés Thurses ou lotnes qui portaient également le nom de Beaucoup^soehants (uorr. hund^ visir) et passaient pour de grands magiciens.

F. G. Bergmann.

(La suite à la prochains Itvraifon).

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NOTICE HISTORIQUE

SUR L'ÉGLISE RÉFORMÉE DE SAINTE-HÂRIE-AUX-BUNES.

Swiie (*).

X.

En ceue même année 1558 se place an bit rapporté par Théodore de Beie 0) <pî prouverait qae l'église réformée de Sainte-Marie-aux- Mines » dès cette époque et peu de temps après sa naissance» jouissait déjà d'une certaine réputation auprès de ses coreligionnaires de France. Vers la fin d'octobre » dit-il , les protestants de Metz firent venir de Sainte-Marie-aux-Mines un ministre nommé François Peintre qui avait pris le nom de La Chapelle. Peintre prêcha publiquement dans la maison d'un nommé Jean Eslienne , mais le maréchal de la Vieille- ville le fit mettre en prison et chasser de la ville quelques-uns des principaux protestants. «Snr l'intercession du duc de Deux-ponts Peintre fut remis en liberté. (^)

Nous devons avouer qu'il nous semble difficile de concilier ce fait avec la teneur d'une lettre portant la date du 16 septembre 1558, écrite par les protestants de Metz c aux frères tenant la vraye religion chré- c tienne estans sortys pour icelle de la cité de Metz quelque part qu'ils c soyent et spécialement à ceulx qui se sont retirez à Strasbourg et c à Ste-Marle-aux-Mines. > Dans cette lettre ceux de Metz prient leurs compatriotes réfugiés de solliciter l'intervention des états alle- mands à reflet d'obtenir la cessation des rigueurs exercées contre les

(*) Voir la iiTnîson de février , page 77. [*) ERttoirê de$ égUses réformées de Frqnee, tom. m, p. 445. n Conf. Meorisb . Histoire de la naissanee, des progris et de la décadenoe de l'hérésie à Méi%. Metz , i670 , 4% p. 126.

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138 REVUE D'ALSàGB.

protestants à Metz. (M II est peu probable qu'un mois à peine après avoir écrit cette lettre , les réformés de Metz » persécutés cbez eux , aient pu demander à ceux de Sainte-Marie-aux-Hities de leur envoyer uu pasteur. Nous pensons que François Peintre a été un ministre réfugié à S**-Marie et qu'il se sera rendu à Metz soit sur l'invitation de Marbœuf» soit de son propre mouvement, mais muni de recom- mandations du consistoire de Sainte-Marie. Le livre consistorial ne mentionne François de La Chapelle que comme ayant c subsidié le ministre Qaude Masson » demeuré seul en 1574 , mais il ne lui donne pas la qualiOcation de pasteur. Ce La Chapelle est-il celui que Théodore de Bèze dit avoir été envoyé à Metz en 1S58? est-il revenu à S*^Marie après avoir été libéré des prisons du maréchal de la Vieilleville ? Ce sont des questions « qu'il n'est plus possible de résoudre et dont la solution , au surplus» ne présenterait qu'un faible intérêt.

XI.

Marbœuf ne jouit pas longtemps des fruits de son zèle et de son courage. Il décéda à Escbery en 1560» deux années après l'organisation de son église qui s'empressa de s'adresser de nouveau à Genève pour obtenir un pasteur digne de succéder à l'homme vénéré que la mort venait de lui enlever.

Ce successeur fut un réfugié français, MaUre Renard (>) qui, depuis quelque temps, avait séjourné en Suisse. Il arriva à Sainte-Marie en février 1561 et fut immédiatement accepté par le seigneur de Ribeau- pierre.

Il trouva la communauté parfaitement organisée, l'esprit religieux entretenu , l'ordre partout établi , mais si la paroisse be faisait pas défaut à son pasteur, le temple faisait défaut au pasteur et à la paroisse. L'on a vu , en effet , que le ministre Marbœuf et ses prédécesseurs avaient jusque alternativement prêché à Sainte-Marie , à Escbery ,

[*) Cette lettre se trouve en original aux archives des églises de Strasbourg.

(*) Le pastear désigné sous le nom de Renard par le livre ooosistorial de S^*- Marie , porte le nom de Renaud Ban ou Bau dans la lettre du pasteur la Bacbelle déjà citée et d'Amolphe Baucus dans an docoment de 1561 dont il sera parlé ci- après.

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NOTICE RISTOBIQUB, ETC. 139

ai Perlrupl el à Aubure sans avoir obtena dans ancttoe de ces localités an bâdmeiit spécialement el exelanvemeDt aCTecté à leors exercices religieux. Les prédications se faisaient soit à ciei découvert , soit dans des maisons que leur pieux habitants offraient à cet effet. A Sainte- Marie seolement , le service divin parait » dans ces temps , avoir été tenu au temple situé sur le pré et qui était affecté depuis quelques années aux protestants de la Confession d^Augsboiirg. (<) Hais ce' n'était qu'une concession temporaire , révocaUe » et qui ne conférait aucun droit à ceux qui en jouissaient.

XH.

Cet état des choses devait bientôt cesser. Peu après Tarrivée du pasteur Renard , le curé d'Eschery , voyant que sa paroisse presque tout entière avait abandonné la religion catholique pour embrasser le culte réformé , se décida à quitter une commune dans laquelle » désormais , il ne trouvait plus d'adhérents. Son église resta déserte et le seigneur de Ribeaupierre » surles instantes prières des protestants» consentit à l'affecter au culte réformé en lui accordant , en outre » la moitié de la grande dlme qui lui appartenait pour servir à l'entretien du bâtiment et du service divin,

XIII.

Tout paraissait désormais réglé ; les ' réformés de Sainte-Marie possédaient une église , des revenus Àufllsants pour l'entretien du culte » un pasteur , une organisation consistoriale ; ils avaient Fespoir

(*) Noos n'sTOns pas TiotentioD d'entrer id dans la question de savoir laquelle des deux confessions, d^Aagsboorg on helvétique, s'est établie la première dans la vallée de S*«-Marie. M. le pasteur Caspari , dans un ouvrage écrit en langue allemande intitulé : Hiitoire de l'égUsê éwxngélique luthérienne de S^^^Marie, s'en est longuement préoccupé* Il cherche à prouver que la priorité appartient ^ l'église luthérienne, mais nousavouons que ses arguments ne nous paraissent pas concluants puisqu'ils ne sont basés que sur des rapprochements de dates fort incertaines. Le débat, lui-même, est au surplus sans intérêt historique et la discussion ne pourrait, tout au phis, que venir en aide à quelque vanité locale on raviver des passions depuis longtemps éteintes. Conf. R(EQRICH , MiUKeilungen, tom. u , p. i05.

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140 REVUE D'ALSACE.

fondé de jouir de quelques instants de repos sous Tégide d'un seigneur favorable à leur culte et sous la garantie du traité de paix conclu le 25 septembre 1555 entre l'empereur d'Allemagne et les princes protestants, (i) Cet espoir fut encore une fois déçu.

L'on sait que le traité de paix d'Augsbourg » après avoir proclamé l'indigne maxime : cujus regio » qus religio , et avoir établi » en consé- quence • que la religion du prince doit être nécessairement la religion du peuple , avait exclu les calvinistes ou protestants réformés de la tolérance accordée à ceux de la confession d'Augsbourg et les avait livrés à la vengeance de leurs seigneurs'catboliques, ou aux vexations des seigneurs luthériens. Egénolf de Ribeaupierre n'avait pas suivi l'exemple donné par ces derniers ; il avait accordé une égale protec- tion à ses sujets des deux confessions protestantes. Hais des excitations venant , soit de la régence catholique d'Ensisheim » soit de l'intolérante orthodoxie luthérienne » l'engagèrent bientôt à conseiller aux réformés d'Eschery et de Sainte-Marie k se rapprocher, au moins ostensiblement» du culte luthérien afin de pouvoir invoquer les immunités et la protection promises par la paix d'Augsbourg. En conséquence le 28 mai 1561 , en la maison de justice de Sainte-Marie, comparurent d'après les ordres c des deux autorités > , (celle autrichienne et celle du seigneur) les représentants de l'église allemande 0^ luthérienne) et de celle française (la réformée) afin de tenter un essai d'union des deux églises, tant sous le rapport du dogme que sous celui de l'agende. L'église luthérienne était représentée par le juge du lieu , le pasteur Pierre Hoger, et par des préposés aux mines. Les réformés comparais- saient par leur ministre Arùolphe Boucas (ou Arnault Bon, selon la lettre du pasteur le Bachelle , ou Renard , selon le livre consistbrial) et par plusieurs Anciens : Guillaume Gerhard , Jean Prun , Claude Bernbard et autres. Le pasteur luthérien prit la parole et s'étendit longuement sur les avantages que retireraient les réformés de leur réunion à l'église de la confession d'Augsbourg. Ensuite le juge, qui présidait la séance , soumit au pasteur réformé les quatre questions

(*) A ce moment déjà h communauté de S^«-Marie arait pris un dé?eloppement considérable. La preu?6 de ce fali résulte des livres de bsptéme qui commencent en 1561 et qui établissent qu'en 1562 il y a eu 80 baptêmes , ce qui correspond à une population de 1800 ftmes. Trois ans plus tard , en 1565 , ce nombre dépassa le chiffre de cent»

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KOTIGG HlâTORIQCti, ETC. 1*1

suivantes : 1^ Consentira-t-il , et sa commuDauté avec lui , à accepter et à signer la confession d'Augsbourg? T Adoptera-t-il les cérémonies usités dans l'église allemande? S"" Existe-t-il un obstacle à l'union? 4<* L'église française consent-elle à reconnaître la suprématie de l'église allemande ? A ces questions » le pasteur Renard ayant demandé un délai de huitaine pour réunir «a communauté et la consulter, et l'ayant obtenu , répondit à son expiration : qu'il n'existait aucun obstacle à l'acceptation de la confession d'Augsbourg sous la réserve toutefois d'expliquer les articles x et xn (i) selon la parole de Dieu ; il demanda que chaque église fut autorisée à garder ses cérémonies particulières et refusa enfin de reconnaître la suprématie de l'église allemande . en déclarant que toutes les églises n'ont qu'un seul chef commun à toutes : le Christ. Le dimanche suivant , 8 juin 1561 , fût alors publié un décret du seigneur de Ribeaupierre il est dit : t Après avoir été informé que les deux églises ont accepté la confession ( d'Augsbourg et que la seule difficulté consiste dans les. cérémonies f et usages d'église , Nous ordonnons que chacune d'elles suivra c paisiblement et pacifiquement ses anciens usages et que le pasteur c allemand (luthérien) prêchera seul dans l'église sur le pré « et le < pasteur fiançais dans l'église d'Eschery ? (S)

C'était 9 au moyen d'un mensonge que nous n'entendons ni justifier ni même excuser , procurer une existence légale à l'église réformée de Sainte-Marie et terminer, en même temps, les discussions qui s'étaient élevées entre les deux cultes au sujet de la possession exclusive .de l'église du pré réclamée à juste titre par les protestants luthériens.

XIV.

A partir de ce moment la paix et la concorde furent rétablies entre les luthériens et les calvinistes du val. Ces derniers , à l'abri de la déclaration que l'on vient de rapporter, continuèrent à professer leur culte dans l'église d'Eschery , mais dans le courant de la même année 156.1 leur pasteur Renard fut rappelé par l'église de Nîmes à

(*) Nous n'avons pas besoin de dire que rarlicle x esl relalif à la Sainte-Cène el à Tinterprétation des paroles d'institution el que l'article xil traite de la pénitence. (■) Voy. Gaspari , loc. cit. , page 26.

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ètô . RHVUB D'aLSACB.

laquelle il apparlenaii et remplacé par M. Jean Figon <|ue le consis- toire de Metz , sur la demande de l'église , lui envoya au mois d'oc- tobre. Ce ministre était très-lîé avec Pierre de Cologne (ou Colongue) alors pasteur à Metz » lequel l'introduisit A S*«-Harie et édifia l'église à différentes fois par ses éloquentes prédications. (*)

Figon ne resta dans sa nouvelle, cure que jusqu'en juillet de l'année suivante. Il quitta Escbery pour accepter une vocation à Badonvilliers. M. Nicolat François , autrefois prêtre catholique i S**-Marie , partie Lorraine» nouvellement converti au protestantisme , lui succéda le 11 juillet 1763 après , toutefois , avoir été obligé de promettre qu'il observerait et garderait les articles de la discipline de l'église tels qu'ils avaient été arrêtés par son prédécesseur Marbœuf et sanctionnés par le pouvoir temporel du seigneur du lieu.

XV.

En 1566, Nicolas François après quatre années de travaux pé- nibles, mais fructueux, fut remplacé par le pasteur Carbon qui avait été proposé par le consistoire de Metz , sur la demande expresse des Anciens de l'église.

C'est pendant le ministère de Carbon que le temple de Saint-Biaise, bameau dépendant en partie de la commune de S'*-Marie , Ait ouvert aux réformés du Val qui en prirent possession en y envoyant le pas- teur d'Eschery pour prêcher les dimanches après midi , concurrem- ment , à ce qu'il paraît , avec le pasteur luthérien.

Hais ce service était trop pénible pour un seul ecclésiastique déjà chargé d'une grande cure d'âme composée des réformés de S^-Harie et d'Eschery ; l'on songea donc immédiatement à lui trouver un col- lègue qui serait exclusivement chargé de cette nouvelle partie de la paroisse.

Il fut trouvé en la personne de Claude Manon ^ ancien catholique. Masson , après avoir abjuré, était devenu maître d'école, puis Ancien de l'église de S^*Marie , et , se sentant une vocation irrésistible au saint ministère, il était allé se retirer à Genève il s'était livré aux études ihéologiques. A son retour , et après avoir obtenu l'imposition des

(*) Voy. Lettre du pasteur le Baehelle, Loc. cit.

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N0T1GS R18T0R1QUS» ETC. <4S

mains par le mimacre Carbon , it fut iaslallé à Saiot-Blaiae en qualité de pasteur de la nouvdie paroisse.

Vers le même temps, en 1567, un autre catholique converti vint se fixer à S^-Harie et y rendre des services à l'église. C'était Louis Desmasures , ancien secrétaire du duc de Lorraine qui après avoir séjourné pendant quelque temps à Metz, il.s'était exercé à la pré<- dication » se fit recevoir bourgeois à S'^-Marie et offrit son assistance au pasteur Carbon lequel > en effet , se fit quelque fois remplacer par lui en chaire. Il remplit même, temporairement» les fonctions pastorales à Escbery quand Carbon se fut décidé , en i 568 , à quitter TAbace et à retourner dans l'intérieur de. la France.

XVI.

Bientôt un nouvel orage vint menacer l'église réformée à peine établie dans la vallée de Llèpvre. L'on a vu plus haut que pour se faire tolérer » cette église , du consentement du seigneur de Ribeau- pierre, avait été obligée, en i561, d'adçpter ostensiblement la doctrine religieuse enseignée par la confession d'Augsbourg , tout en conser- vant réellement le culte calviniste tant en ce qui touche le dogme que quant aux cérémonies. Mais l'ardeur des convictions religieuses s'accordait mal au xv!""* siècle avec les ménagements et les transactions qui pouvaient amener l'union confessionnelle des deux cultes et qui» aujourd'hui encore , rencontrent en France et en Allemagne des adversaires chaleureux et convaincus. Il ne faut donc pas s'étonner si la seule apparence d'un changement de doctrine a révolté les zélés réformés de Sainte-Marie et s'ils ont accueilli avec transport les prédications dogmatiques d'un ministre réfugié de Lyon, lequel, après avoir séjourné pendant quelque temps à Genève» s'annonçait aux fidèles comme préchant la seule , la véritable parole de Dieu.

Le ministre Thomas Berette (i) était arrivé à Sainte-Marie vers la fin de l'année i568 et , sans y avoir été autorisé par le seigneur de Aibeanpierre » sans même s'être enquis du consentement des deux

(*) Ou Burette. Voy. la lettre du pâsteur le Eachelle. L'on ne comprend pas comment M. Caspari ait pu confondre le mJDistre Berelte avec le pasteur Moret. La différence des noms et surtout les époques diverses de l'apparition de ces deux bomines à Sainte-Marie repoussent hautement cette confusion.

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i44 RKnm d'alsaûb.

pasteurs d'Eschery el de S*-BIaise , il s'éuil mis à prêcher mUgté les défenses qui lui en furent notifiées. La foule avait écouté ses sermons avec avidité et ne s'était nullement inquiétée des fâcheux résultats que pouvait entraîner pour elle le rétablissement public d'un culte qui n'était pas protégé par les stipulations du traité de paix de religion conclu à Augsbourg.

Mais Egénolf de Ribeaupierre ne pouvait ignorer ce danger. Pour le conjurer , il dut recourir à une mesure extrême. Il ordonna le ai décembre de la même année 1568 la fermeture des ^lises d'Eschery et de S*-Blaise , étant par cette décision rigoureuse tout prétexte aux ennemis du protestantisme de l'accuser d'avoir favorisé les secta- teurs de la religion réformée. Le livre consistorial» dont nous suivons les indications autant qu'il est possible , s'exprime en ces termes : c Les deux temples, savoir celui d'Eschery et celui de S^-Blaise furent f fermés depuis le 21 décembre 1568 jusqu'au mois de mars de c l'année suivante avec défense d'y tenir le service divin pour le$ t réformés sur ce que M. Thomas Berette, ci-devant prédicateur de c la ville de Lyon , arrivé ici le 22 août 1568 de Genève , il s'était c retiré , se mit à prêcher dans la vallée sans y être authorisé et c continua à le faire pendant cinq mois contre les défenses qui lui en c furent faites ce qui l'obligea enfin à quitter l'endroit. >

xvn.

Le ministre Berette s'étant enfin retiré du val de Sainte-Marie et la tranquilité ayant été rétablie , le seigneur de Ribeaupierre permit la réouverture du temple d*Escbery et , comme la chaire était devenue vacante par le départ du pasteur Carbon . ce fut le ministre Claude Masson de Saint-Biaise qu'il désigna pour desservir l'église. Mais Masson ne remplit pas longtemps ces fonctions. Déjà dix-neuf mois après » en 1570 , les réformés d'Eschery et de Sainte-Marie ayant été avertis qu'il se trouvait à Strasbourg un prédicateur français très^ estimé du nom de Jean Gerran (i) et qui alors était entretenu par la dame de Malbert dont il était l'aumônier , s'adressèrent i cette dame et au sieur Gerran lui-même pour obtenir leur consentement à ce qu'il vint se mettre à la tête du troupeau et à faciliter ainsi le retour

{}) Ou Jean Harrang , selon la lettre du pasteur le Baclielle.

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pOTICB HISTORIQUE, ETC. 445

de MatsoD à Saint-Biaise » localité devenue veuve* de son pasteur. Cet arrangement ayant été accepté ^ le pasteur Gerran comnlença ses prédications en septembre 1570; ce qui permit de rétablir le service régulier dans les deux églises.

XVIIL

Yen ce tempe-là , les idées de la réformàtion , s'étant propagées dans la seigneurie de Ribeaupierre , avaient fini par aboutir jusqu'au village du Bonhomme (en allemand . DiedoUhaïuen ou JûdeUnêhuss , selon une charte de 4444) situé au sommet de l'une des montagnes les. plus élevées des Vosges. Les opinions religieuses y étaient divisées, le catholicisme y avait conservé det Cartes racines , mais les réformés* s*appuyant sur les tendances protestantes et sur la protection du seigneur, avaient réclamé l'envoi et les secours spirituels de l'un des pasteurs du val de la Lièpvre. consistoire de Sainte-Marie s'était empressé de' déférer à cette* demande et le ministre Claude Hasson fut momentanément détaché de S^-Blaise pour aller prêcher TEvangile aux nouveaux convertis du Bonhomme. Mais , soit que ce pasteur ait éprouvé le' désir de retourner dans sa paroisse , soit qu'il lui ait manqué l'énergie nécessaire pour résister aux contrariétés et aux persécutions que ses adversaires en religion lui suscitèrent , il demeure certain qu'il revint bientôt reprendre ses fondions à S'-Blaise. Alors le ministre Gerran d'Eschery se décida à le remplacer au Bonhorome« mais il fut encore moins heureux que Hasson , car , après y avoir administré une seule fois la Sainte-Cène et baptisé quelques enfants, il fut obligé de partir et le livre consistorial nous apprend qu'il ne lui fut pas niéme permis de retourner à Sainte-Marie , mais qu'on l'^l^ea à quitter la province; c par les persécutions qu'on lui suscita >• Le motif ou le prétexte de ces persécutions n'est pas indiqué. 0)

Il arriva ainsi que l'église d'Eschery et de S**-Marie fut de nouveau privée de son pasteur , ce qui engagea le seigneur du val à y envoyer

(M Le Bachelle , IqC. cit. , nous apprend « que le pasteur Gerran (ou Harrang , (I comme U l'appelle) , s'étant relire aux Pays-Bas , y scandalisa les églises par « sa révolte , de laquelle , néanmoins , le seigneur le retira , étant depuis mort au « voisinage de Bacarat , il s'était retiré en une vie particulière. »

«•Aimée. iO

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146 aETUB D*AL$ÀCat. .

pour la secondeYois Claude Maasou , lequel , i partir de ce moment . 4572 y jusqu'à Tépoque de sa mort » arrivée en grande vieillesse vers 4605 y ne quitta plus cette paroisse.

XIX.

L*on ne peut qu'admirer le courage persévérant dont , pendant toute sa vie » Egénolphe de Rîbeaupierre a fait preuve en protégeant la religion protestante qu'il avait embrassée. Déjà il avait eu à lutter contre les prétentions de la chancellerie d'Ensisheim et contre les admonitions de l'empereur Ferdinand, mais, du moins, il devait espérer maintenant que la réunion , officiellement consentie des ré- formés au culte luthérien leur permettrait désormais de participer aux avantages stipulés par la paix de religion d'Augsbonrg. Il s'était trompé ! La tentative de l'établissement d'un paslenr réformé au Bonhomme avait , de nouveau , éveillé la sollicitude ombrageuse du gouvernement autrichien et , en 1573*, l'archiduc Ferdinand , écri- vant à Ëgénolph , lui défendit , sous menace de punition sévère » de tolérer dans ses domaines aucuns sectaires , ni des individus chassés pour cause de religion , ni leurs prédicants. Mais le seigneur de Ribeaupierre lui répondit , le 6 septembre de la même année , en déclarant » qu'il n'accordait aucun asile aux fugitifs des états voisins, c notamment à ceux qui ne pourraient justiOer d'un congé honorable ; c que l'ancienne religion (la religion catholique) continuait à être c suivie dans toutes les villes et dans tous les villages de ses domaines, c sauf que, conformémeut à son droit reconnu parla paii de religion c et en vertu des généreuses dispenses accordées par feu Tempe- c reur Ferdinand , il suivait dans, la chapelle de son château ( t sans c bruit le culte de la confession d'Augsbourg ; mais que quant à S^- ( Marie, il serait difficile d'y faire changer l'état des choses puisque ' c les mineurs y entretenaient un prédicant à leurs frais et que les c mines de cette localité relevaient directement du Saint-Empire ro- c main et pouvaient par conséquent invoquer les immunités accordées « par la paix d'Augsbourg. » (i)

H paraît que ce fut le dernier acte de tolérance éclairée fait par

(*) Yoy. RoEHRiCH, lUmMlungen ^ etc. , lom. ii , p. 108.

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NOTICE HÏSTOniQUÏ, ETC. iil

Egénolph en faveur des réformés du val de Liëpvre. Il mourut en 1585 y laissant un fils mineur du nom d'Eberbard qui eut pour tuteurs deux comtes d'Erbacb professant le culte lutbérien et un comte de Fûrstenberg , catbolique.

XX,

C'est en l'année 1579 qu'il convient de placer les premiers com^ mencements de l'existence d'une église réformée allemande à Sainte- Marie-aux-Mines. L'on trouve, en effets la mention suivante dans le livre consistorial de TégUse française, c Monsieur Louis Desmasures c étant mort en 1574 et Monsieur Claude Masson ayant précbé long- ( temps seul en l'église d'Escbery sans élre subsidié que quelques c fois par Tbouvenin et par H* François de La Chapelle » quoiqu'il « eut peu de santé et que le troupeau fut nombreux , l'église cher- t chant les moyens- de le soulager fit venir du Palatiuat M"" Caspar c Ândernach, ministre allemand, lequel étant venu dans la vallée t après avoir été autorisé par Monseigneur le comte de Ribeau- ( pierre » 0) fut joint audit Claude Masson pour desservif l'église < d'Escbery , ce qui arriva au mois de juin de Tannée 1579. > Or, jusqu'à ce moment , tous les prédicateurs réformés appelés au val avaient été Français d'origine et n'avaient parlé que la langue fran- çaise , leurs sermons avaient nécessairement clé prononcés en cette langue et le service divin , en général , avait été fait en français. Cela s'expliquait par ce fait, que la population de S^«Marie (partie d'Alsace) ne se composait alors presqu'exclusivement que de mineurs et em- ployés français venant de l'intérieur de la France ou des cantons suisses parlant la langue française qui professaient le culte réformé , et d'ouvriers et employés allemands venant de la Saxe ou du nord de l'Allemagne qui appartenaient , pour la majeure partie du moins»

(*) Le livre consistorial fiait erreur en attribuant, dès 1579 , le titre de Comte aux seigneurs de Ribeaupierre. Ce titre n*a été obtenu que par Jean-Jacques , le dernier de la dynastie mâle de celle maison , mort en 1675. L*erreur se com- prend , alors que Ton se rappelle que le livre consistorial n'a été rédigé qu'en 1771 sur le vu des anciens livres et qu'évidemment son rédacteur n'a pas atta- cher un grand intérêt à la recherche du litre ({uc prenaient , au seizième siècle , les seigneurs du val de la Lièpvrc.

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148 REvtnc d'alsack.

à la doctrine luthérienne. Les réformés avaient donc adopté la langue de leur pays natal» celle qu'ils comprenaient le mieux. Mais les dis- positions de la paix de religion d' Augsbourg et Tanimosité qui régnait à cette époque entre les luthériens et les calvinistes peu nombreux qui restaient en Allemagne , avaient engagé un grand nombre de ces derniers à quitter leur patrie pour chercher en Suisse ou en France des coreligionnaires plus affectueux» ou » du moins une tolérance plus chrétienne. C'est ainsi » nous le présumons , que des réformés alle- mands vinrent peu à peu se joindre à S^-Marie au troupeau des ré- formés français et que l'on finit par sentir la nécessité d'établir pour eux une prédication allemande.

Le livre consistorial ne fait pas connaître les motifs qui ont décidé l'appel du pasteur Andemach et semble n'attribuer sa nomination qu'à la nécessité de donner un collaborateur et un aide au ministre français valétudinaire ; mais il faut se reporter à l'époque de la con- fection de ce livre , il faut se rappeler qu'il a été composé sur les fragments des anciens livres consistoriaux aujourd'hui perdus ; que son rédacteur a été l'un des pasteurs de l'église française et que son travail a, uniquement été destiné à conserver les faits qui concernaient celte église » alors séparée de l'église réformée allemande ; qu'il n'a donc éprouver ni intérêt » ni besoin à retracer les premières ori- gines de cette dernière. Il est certain » dans tous les cas » que le mi- nistre Andemach » allemand de naissance et de langue , n'a pq suppléer le pasteur François-Qaude Masson dans les fonctions pastorales fran- çaises et qu'il a se borner à prêcher et à instruire ses coreligion- naires allemands, (i) Quoiqu'il en soit » Andernach ne resta que peu de temps à S'^-Marie-aux-Mines. Au bout de deux années il fut rappelé par l'électeur palatin et pqurvu d'une cure au sein de sa patrie. Sa place resta vacante au val de la Lièpvre et ce n'est que beaucoup plus tard que la communauté réformée allemande parvint à s'organiser et à obtenir un service régulier avec un pasteur parlant sa langue.

XXL

A partir de ce moment (l'année 1581) nous rencontrons une lacune considérable dans le> livre consistorial de l'église réformée de Sainte- té U importe toutefois de constater que les actes de baptême faits par \e mi- nislre Andernach sont écrits en langue française.

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NOTICE HISTORIQUE > ETC. 140

Marie, lacune qui 8'éteod jusqu'en Tannée J618 ce livre reprend la narration des faits. Faut-il en conclure , ainsi que Ta fait M. Cas- pari (t) et qua semble le faire M. Rœhrich , (^) que pendant toute cette période , c'est-à-dire , pendant 39 ans , l'exercice du culte ré« formé a été supprimé ou suspendu dans la vallée de la Lièpvre ?

Examinons les faits.

M. Gaspari déclare (^) que les inscriptions des baptêmes » mariages et décès ne manquent dans les livres de l'église réformée qu'à partir de Tannée 1895 jusqu'à 1618» (^) tOut en constatant, quoiqn'à tort , le silence du livre consistorial depuis 1579 jusqu'en 1634, puisque , dès 1618 , ce livre indique une séance du grand consistoire tenue le 6 février. Il est d'ailleurs certain qu'en 1582 l'église réformée de S**- Marie était encore desservie par le pasteur Claude Masson ^ puisque deux lettres découvertes dans les archives de Neufchâtel, par M. le professeur Baum , de Strasbourg , attestât qu'à cette époque ce mi- nistre et les Anciens de Téglise se sont adressés à leur coreligion- naire de ladite ville de Neufchâtel pour en obtenir l'envoi d'un second pasteur , la paroisse étant trop populeuse pour pouvoir être desservie par un seul. (^)

Ce silence n'établirait donc uiie solution de continuité , si nous pouvons nous servir de cette expression , qu'à partir de Tannée 1595 jusqu'en 1618 , et la période de ce sommeil ou de cette mort pourrait s'expliquer ainsi qu'il suit :

Egénolph de Rîbeaupierre était décédé , ainsi que nous l'avons dit , en 1585, et n'avait laissé qu'un enfant mineur, Eberhard , qui fat placé sous l'autorité de deux tuteurs protestants et d'un tuteur catho- lique. La maison d'Autriche saisit le moment de l'affaiblissement du pouvoir de son vassal et imposa aux représentants du seigneur Tobli-

(^) Gaspari , loc. cit. , page 60.

(2) RcEBEiCH , loc. cit. , page 111.

(») Page 60.

(*) Ceci est une erreur. Il n*existe absolument aucune lacune dans ces livres. L'erreur de MM. Caspari et Rœhrich provient de ce que les actes de baptême de 15S5 à 1618 sont inscrite dans un registre Ton a recopié ceux de 1562 à 1585 et se trouvent à la suite de'oe registre copié , au lieu de Tèlre sur Tancien registre origiDat.

(') Nous devons à Tobligeance de M. le professeur Baum la communication de ces deu lettres. On les trouvera à Tappendice sous II,

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<50 TIKVIE D'aLSACE.

galion de faire cesser l'exercice do coite protesUot, luthérien et calviniste partout il avait été introduit dans la seigneurie Ribeaupierre. ' »

Effrayés et intimidés par cette rigueur inattendue , les protestants s'adressèrent au magistrat de la ville libre de Strasbourg à l'effet d'en obtenir des conseils sur le parti à prendre et les démarches à faire. Le magistrat leur répondit que la décision autrichienne ne pouvait être applicable qu'aux réformés du val de la Lièpvre et non à ceux de la confession d'Augsbourg auxquels la paix de religion avait assuré la liberté de conscience et l'exercice de leur culte dans toute l'éteudue de l'empire d'Allemagne.

Alors les réformés se décidèrent à rédiger une confesiion de foi de r église française de S^- Marie dam la vaHée dv la Liepvre {Rekanntnusz des Glaubens der weUchen Kirehe zu Mariakirch im LéberthalJ f con- fession qui , écrite en langue française , n'existe plus qu'en une tra- duction allemande , sans date , déposée aux archives des églises à Strasbourg (<) et qui n'est probablement que la reproduction de celle rédigée par le pasteur Marbœuf en i558, aujourd'hui perdue.

Ce qui décida sans doute les réformés à recourir à cette manifes- tation de leur foi religieuse , ce fut. la tendance que montraient alors les princes de l'Allemagne , de confondre les doctrines calvinistes avec celles des anabaptistes et des autres sectes si nombreuses qui avaient surgi dans ce pays et qui menaçaient plus ou moins les bases de la constitution sociale tout entière*

Malgré cette déclaration nette et loyale, les réformés. du val ne réussirent pas à faire lever l'anathèmé prononcé contre eux. Prenant texte des dissidences qui existaient entre la profession de foi de l'église réformée de Sainte-Marie et celle d'Augsbourg, le gouverne- ment autrichien maintint sa décision et* défendit de nouveau l'exer- cice public du culte réformé , tout en concédant celui du culte luthérien. (S)

(') Voy. BoEHRiCH, loc. cit. , page iii. Nous donnons ce document précieux et inédit à Tappendice sons N<> III.

(*) G*est surtout en Taonée 1K86 qu'il coqvient de placer les efforts bits par 1t régence d*Ensisheim pour mettre à exécution le mandat de rsUpon autrichien et pour forcer les réformés du val de la Lièpvre à se convertir au catholicisme , ou ï <)uitter les domaines du seigneur de Ril^eaupierre. L*on en trouve des preuves

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NOTICE HISTORIQUE, EX<^. 151

Tel est en rësomé le récit fait par M. Rœhrich sous une fomie dubitative, récit que M. Caspari a reproduit. L'on ne peut disconvenir qu'il oïïre une explication assez probable du fait d'interruption de l'exercice du culte appuyé sur le silence du livre consistorial et sur celui des livres d'église.

Il nous reste cependant des doutes.

La seigneurie de Ribeaupierre , quoique relevant de l'Autriche , avait eu pendant longtentps pour maître Egénodph qui , professant le culte de la confession d'Augsbourg , n'avait pas caché ses sympathies pour réglise calviniste. Ces sympathies , manifestées par une gêné* reuse tolérance , ont lui survivre et disposer en sa faveur deux , au moins, des tuteurs du jeune Eberhard qui étaient protestants eux« mêmes. Le moment, d'ailleurs , aurait été mal choisi pour commencer une croisade contre des réformés établis en quelque sorte sur les frontières du royaume de France. Henri iv venait d'être sacré roi , le pape l'avait absous et relevé de l'excommunication , le roi de France était puissant et protégeait les calvinstes , déjà l'édit de Nantes se préparait dans ses conseils ; il eut donc été imprudent de faire naitre une agitation qui . trouvant un appui eu France , aurait pu entraîner à des conséquences fatales.

Uais à côté et à Tappui de ces considérations générales , il existe des faits particuliers à la localité qui semblent établir , que si peut- être pendant la période de 1595 à ^618 le culte réformé n'a pas été favorisé et ouvertement protégé à Sainte-Marie-aiix-Mines il n'a, du moins , pas cessé d'être suivi et que les pasteurs ne lui ont pas fait défaut.

fin effet , la lettre^ du ministre Jean le Bachelle , écrite en l'année 1643 et, par conséquent . à une époque très-rapprochée de la période dont-il s'agit , (f) émane d'un pasteur de l'église réformée de Sainte- * Marie qui devait connaître toutes les traditions de cette église et posséder encore tous les documents dont nous regrettons aujourd'hui la perte. Or , le Bachelle , après nous avoir appris que le pasteur

dans plusieurs actes conservés aux archiVes des églises Ue Strasbourg qui portent notamment les dates des 27 mars , iS avril , 19 novembre et 4 décembre. Mais ces actes prouvent en même temps que les ouvriers mineurs profes^nt le culte* réformé ont opposé une vive résistance ^ l'exécution de ces ordres et n*ont cessé d'invoquer leurs privilèges auciens et leurs libertés garanties par le prince. (') Voy. BulUHn de Vhittoire du proteitantisme français, tom. P^ p. 160, .

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182 nE\1JE D'ALSACE.

allemaRd Andernacb, élu en 1579, eM resté pendant deux ans !^ côté de son collègue Claude Masson , dit que M. Mathieu Barthol lui succéda après avoir été ministre dans le comté de Montbéiiard et qu'il a qui^tté en 1590 pour mourir plus tard au service de Téglise de Badonvillers. Il dit encore , qu'en Tannée 4589 fut reçu au ministère de réglise de Sainte-Marie M. Mathieu Robert , lequel a servi cette église jusqu'en l'année i626 et qu'après la mort de Claude Masson, arrivée seulement en 1603» Josias de Mont a été reçu mais n'est resté qu'un an au service de l'église ; qu'enfin en l'année 4607 le ministre Claude Perrochet lui succéda et est resté Jusqn'en l'année 4658.

Voici donc une succession de pasteurs établie sans interruption depuis 4579 jusqu'en 4638. L'on ne ssurait nier, toutefois, qu'il existe quelque obscurité dans cette relaiion ; ainsi l'on ne comprend pas trop bien comment le pasteur Mathieu Robert a pu succéder déjà en 4589 à Mathieu Barthol, lequel n'a quitté ses fonctions qu'en 4590 et avait alors pour collègue le vieux Claude Masson. Il parait aussi , d'après le récit de le Bachelle que , dans Tiotervalle entre 4604 , date du départ Je Josias de Moni , et 4607 , année de la nomination de Claude Perrochet , un seul pasteur , Mathieu Robert , aurait administré les intérêts spirituels des fidèles de l'église réformée de Sainte-Marie-aux-Mines. {})

Mais il en ressort , dans tous les cas , la preuve que cette église n'a pas été entièrement abandonnée , qu'elle a conservé des pasteurs et que la vie religieuse n'y a pas été éteinte , fait attesté d'ailleurs par le registre de baptême qui , ainsi que nous l'avons déjà dit plus haut , n'a subi aucune interruption pendant les années dont il s'agit.

(*) L'on nous a communiqaé un ouvrage intitulé : Histoire de ia vallée de la lÂipvre , extraite de la livraison des Vuee jntloresques de C Alsace , par l'abbé GRàiiniDiER , S^^-Marie-aux-Mines 4840. Ce livre contient, f ntre autres , page 402; une liste des pasteurs réformés français qui ont desservi Téglise depuis la léfor- mation. Cette liste est complètement erronée, surtout quant i la période de 4569 ^ 4664. C'est ainsi qu'elle indique Claude Masson comme étant mort dès rannéé 4570 ; qu'elle désigne Louis Desmasures comme ayant été pasteur à Eschery , de 459Q à 4596 , Undts qu'il était déjà décédé en 4574 ; qu'elle désigne enfin Félix ' Perrochet comme pasteur de l'église de Sainte-Marie de 4596 à 4664, c'est-Mire pendant 68 ans ! Il est inutile de s'arrêter à de pareilles indication^ dont l'erreur matérielle est démontrée par les documents du temps et par les invraisemblances qu'elles renferment.

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NOTICE 0ISTORIQUE, ZlC.

453

S'il en Allait une démonstration plus éclatante encore » nona la poiseriona dans la mention faite an livre consistorial de la tenue du ^rani^nmleire assembl^ le 9 janvier i6i8, fait qui établit victorieuse- ment Texistence de la communauté et son organisation réglée» surtout en ce qui concerne le maintien sévère de la discipline.

L'on trouve , en effet » à la suite du règlement de discipline ecclé* siastique établi par le pasteur Marbœuf et conservé sur parchemin aux archives de l'église, l'annotation suivante: c Au surplus est à noter que s'étant glissé entre notre peuple un tel désordre entre toute sorte de qualité de personnes sur le fait des danses et autres scandales » et en telle sorte que notre discipline semblait être éteinte ou , du moins » abAtardie » à raison de quoi s'en seraient ensuivies de grandes plaintes ; à cette cause , lotu let PoMUnrs » Anciens et. Diacres de cette église » insistants- sur le devoir de nos charges , pour remédier à un tel désordre et confusion » ont expressément et extraordinairement et suivant Fordre établi de toute ancienneté en cette église, convoqué le grand consistoire le mardi 6 février 1018» et a été unanimement et par la commune voix de tous.» arrêté que notre discipline serait à la même mode et manière qu'elle aurait été du passé» à savoir» que tous ceux qui auront dansé ou assis- teront es danses» loueront ménestriers» seront retranchés des cènes. Cet article a été s^jouté à noire discipline aAn que nul n'en prétende cause d'ignorance ».

XXIL

C'est ici le lieu d'expliquer ce que l'église réformée de Sainte-Marie entend sous les mots de grand et de peUl œnsiitoire^ ces désignations devant se reurouver très-souveot dans la suite de ce récit.

Le grand consiêtoire se composait de la réunion plénière de tous les pères de famille de la paroisse. Ces sortes de réunions ont con- tinué jusque dans la première moitié du dix-neuvième siècle. Elles s'occupaient de la régularisation des souscriptions charitables » des règlements d'écQle et d'écolage, des questions qui intéressaient l'église entière » de la nomination » enfin , des membres du petit consistoire.

lepeûi€onii$toire ne représentait pas seulement le conseil presbytéral actuel » c'éuit un collège composé de douze membres se renouvelant

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184 H:vuE d'alsace.

tons les deux ans par moitié. Voici comment se faisait l'électiofl. Qaand le moment était venu , le membre sortant proposait deax can- didats, pris dans la paroisse, pour le remplacer, loi-méme était rééligible. Pendant trois dimanches consécutifs , le pasteur lisait en chaire la liste des dix-huit noms et à l'issue du troisième service, Use plaçait devant l'autel il recueillait » en grand consistoire , les voii des pères de famille qui lui étaient communiquées à voix basse de manière à n'être entendues que de lui. Il en prenait note et à la fin du vote , il proclamait les noms des élus. A la tête du petit consistoire était placé un membre qui prenait le nom de Diacre et qui avait un ou deux diacres-adjoiots. C'était lui qui , dans les derniers temps , •administrait les aumônes d'une manière entièrement indépendante ; au commencement . cette distribution s'était faite sans l'intervention et la surveillance du petit consistoire. Ce dernier se réunissait chaque dimanche à la sortie du culte et tenait une séance dans laquelle il s'occupait des scandales (c'est-à-dire , des faits contraires à la disci- .pline ecclésiastique) , des faits d'église regardant le bien spirituel ou matériel de la communauté et de l'assistance publique en unt que le permettaient les ressources.

Les membres du petit consistoire prenaient aussi le nom de Conduc- teurs de Péglise. Ils se composaient des pasteurs et des Anciens. Les diacres étaient les premiers parmi les Anciens et nommés par eux après les élections bisannuelles ; ils cessaient leurs fonctions après deux années d'exercice.

L'organisation de l'église de Sainte-Marie reposait ainsi sur un laicisme oligarchique qui , en remettant aux mains de certains élus parmi les pères de famille » un pouvoir presque dictatorial , complète- ment indépendant , en faisait une autorité forte , compacte , prête à réprimer au-(fedans , comme à résister et à défendre au-dehors. La domination de l'élément laïque au milieu de cette oligarchie était, au surplus , de nature à écarter tout empiétement de l'élément ecclé- siastique , à le maintenir dans de justes limites et à lui servir d'égide contre les attaques tendant à affaiblir ou à menacer son autorité morale.

XXIII.

Aucun événement important ne signala la période de 1618 à 1654. C'est en cette dernière année que la communauté ayant continué à croître en nombre et en ressources pécuniaires , put enûn songer à

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NOTICE HISTORIQl'E , ETC. 155

réaliser un projet flepais Jonglemps conçu , mais que te malheur des temps et l'absence des fonds nécessaires» awient fait ajourner d*année en année.

L'on se rappelle que depuis la décision rendue par le comte Egé- noipb m , le 8 juin i^l , les réformés de Sainte-Marie-aux-Mines , privés de la cojonissance de Téglise située au pré et exclusivement affectée au service lutbéiieo , en avaient été réduits à exercer leur culte dans le temple d'Eschery que le seigneur de Ribeaupierre leur avait concédé vers le même temps. Pour remplir leurk devoirs religieux ils étaient donc obligés de se rendre en toute saison , par de mauvais chemins , à une distance assez considérable (S kilomètres) et Tincon- vénient grandissait quand il fallait procéder à des baptêmes « à des enterrements ou lorsque la santé du ministre était altérée par l'âge ou la maladie.

La construction d'un temple à S^'-Marie devenait donc une entre- prise d'urgente nécessité et il y fut pourvu , dit le livre consistorial » en 1654 » c aux frais de l'église , pendant le ministère de Claude et < Félix Perrochet qui firent mettre , l'un et l'autre , leurs armoiries c avec leurs noms aux vitraux dudit temple, avec la date. >

XXIV.

Mais les mauvais temps étaient revenus. La guerre de trente ans avait étendu ses dévastations et ses fureurs jusque sur l'Alsace , Suédqis, Français et Autrichiens se comportaient «;omme en pays conquis , levant contribution^ forcées sur leurs partisans au&si bien que sur leurs ennemis, pillant, incendiant et tuant de manière i convertir en solitude , couverte de ruines , une province naguères encore populeuse et florissante.

Le val de la Lièpvre ne devait pas échapper aux vicissitudes de la guerre. Tour à tour il fut envahi par tous les partis belligérants et bientôt la misère , la disette, les violences de toute espèce dépeu- plèrent ce vallon si riche , autrefois , de son industrie et de l'activité laborieuse de ses habitants.

La position des pasieurs luthériens et calvinistes était surtout cruellement compromise. Bien plus que les simples habitants , ils se voyaient exposés aux menaces et aux vexations de la soldatesque in- disciplinée; les Autrichiens et leurs alliés leur faisaient une guerre d'extermination et s'il est vrai que les Français prenaient alors la

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iS6 nEvuE d'alsàcb.

qualité d'amis des Suédois protestants , il n'en est pas moins certain qoe lear haine contre la réforme les excitait à faire partout ou ils se trouvaient 9 tout le mal qui était en leur pouvoir aux ministres des cultes hérétiques.

Ces ministres furent donc obligés de s'expatrier. Le 9 septembre 1635 le pasteur Félix Perrochet quitta S^-Marie pour n'y revenir que le 4 novembre de l'année suivante, (i) Avec lui partit le sieur Fattet , alors justicier au val et l'un des Anciens de l'église. Le pasteur luthé- rien Schweiger dut bientôt après suivre leur exemple et se retirer à l'abri des murs de la ville libre de Strasbourg.

Dès lors le service divin resta interrompu dans l'église réformée jusqu'au 4 novembre 1636 (^lon le livre consistorial) époque à la- quelle le retour du ministre Perrochet permit d'en rouvrir les 'portes à une population avidp de la parole Dieu , mais décimée par les malheurs de la guerre et appauvrie par les charges qu'elle avait eu à supporter. Le 25 du même mois la Sainte-Cène (ht célébrée extraor- dinairement à Bschery, sur la demande expresse des pères de famille.

Ch. Drion,

Préitdeat du tribunal civU de Schlsitadt. (La suite à la prochaine Uvraiton).

(*)'Voj. EKiîoire de la vallée de la Idèpwe , p. lOS , en noie : « Félix Perrocliet M qoitta le 9 septembre i635 avec le justicier Fattet ce pays qui était en proie aax « troubles de la guerre de 30 ans et le service divin fut interrompu Jusqu'à son « retour le 4 novembre 1636 il fut rappelé. » La' lettre de le Badielle ne fait aucune mention de Félix Perrochet. Elle dit, au contraire, a que le sieur Hugues « Fallol r enftnt St«-Marie , avait succédé en i 626 à MaUiieu Robert et qu'en « Tannée 1635 la confusion des guerres le contraignit i se retirer en Suisse. » De part et d'autre il y a ici évidemment erreur. La version de VHistoire de la wUUe de Lièpwre est confirmée par le livre consistorial .qui fixe le départ du* pasteur Perrochet au 29 novembre 1635 sans mentionner son retour ni son prénom. 0 est d'ailleurs certain que Perrochet, i cette époque, était pasteur réformé à S'«-Marie, puisque l'on a vu ci-dessus que dans la même année 1635 son nom a été inscrit , avec celui de Claude Perrochet, sur les vitraux de l'église nouvellement construite. D'un autre côté , le Bachelle ne cite pas le nom de Félix et cependant cinq ans après (1655 i 1641) il est devenu lui-même pasteur à St^Marie. Ne serait-il pas po68U>le de coneUier ces contradictions apparentes en admettant que Félix Perro- ' chett fils et suffragant de Claude , lui a succédé en 1635 et que le Bachelle a bit confusion entre les deux en même temps qu'il a confondu les dates en racontant que Claude Perrochet a été obligé de quitter St«-Marie en 1638 , tandis que Hugues Fallot , son collègue , s'est déjà retiré en 1635 ?

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LES FOUILLES DU TUHULUS DE SOULTZ.

DâGOUVEATE ITtiNE ENCEINTE FORTIFIÉE.

De concert avec quelques personnes de Guebwiller » qui » à côté de leurs occupations industrielles , paient néanmoins un large tribut à la sciencç » noua avons entrepris de fouiller le monticnlede S^ Georges, que l'on considère depuis un temps iminémorial comme étant un tumulus. (1) Pour nous guider dans nos recherches nous avons prié M. de Ring » secrétaire de la société pour la conservation des monu- ments historiques de l'Alsace , de venir nous assister ; H. de Ring a répondu obligeamment à notre appel « et a passé une huitaine de jours aiec nous.

Le monticule de S* Georges est assis aux pieds des Vosges , entière- ment isolé ; il a la forme d'un cône régulier tronqué , sa hauteur est de 7«- SO^^* et son diamètre pris à la base mesure 50»- 80^»»- L'observateur voit , de prime-abord , que ce tertre a été élevé par la main de l'homme.

Dès les premiers travaux , nous avons découvert un mur d'enceinte situé dans l'intérieur de la butte et recouvert de terres rapportées ; ce mur a partout un mètre d'épaisseur, la pioche l'entame difficilement ; il forme un polygone irrégulier de quinze côtés et devait être exces^ sivement élevé , vu la masse de décombres qui obstruent l'espace qu'il circonscrit. (*)

Cette enceinte une fois découverte, nous avons fait faire une tranchée à fleur de sol du côté de la montagne (ouest) en procédant de la base du tumulus au mur d'enceinte ; cette tranchée a mis au jour l'entrée de cette dernière ; le mur cessait , devait être la porte ou la poterne. De cette^entrée , deux autres murs se dirigeaient

(*] Schqepflin-Ravenèz , article TumulL

(*) Le diamèlre de reDceinle d*uD mur à l'autre est de 24 mètres ; il esl bien siiiH'^rk'ur à celui des chJlitraux du Freundsteio et du Hugstein.

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488 KEVOE D^ALSACfi.

parallèlemeat vers la base oaest du mooCicule, probablement tk formaient un chemin co\iyert , reliant l'enceinte dont on ne voit plus de traces.

Désirant pénétrer dans l'intérieur de la petite montagne , et ne pouvant opérer par larges tranchées , vu qu'il aurait fallu démolir le tout et que cette opération nous aurait entraîné à des frais énormes , car il s'agissait alors de déplacer puis de remettre (^) en place quelques mille voitures de terre » et de replanter les trois scbatz de vignes qui forment cette propriété : nous avons essayé d'établir une galerie de mine qui nous conduise au milieu du tumulus ; cette. idée a eu un commencement d'exécution ; mais bientôt des obstacles imprévus se sont présentés, l'intérieur de l'enceinte étant plein de décombres., l'étalement devenait impossible et tout s'écroulait au moindre coup de pioche ; les ouvriers refusaient péremptoirement de continuer les travaux.

Devious-nons sacrifier quatre ou cinq njille francs pour déplacer toute cette masse et pour probablement ne mettre i jour que des décombres? certes , si le monticule avait été inculte « et s'il n'avait fallu le refaire après l'avoir défait , car c'étaient les conditions que nous imposait le propriétaire » nous n'aurions pas hésité.

Dans nos fouilles nous avons découvert quelques ossements d'homme et d'animaux , ainsi que des fers de flèche , une clé et les débris d'un fer à cheval. , "^

Une question se présente maintenant.

Quelle est la signification de ces ruines? y avait-il un fort romain ou un burg féodal ? pourquoi n'a-i-on pas démoli celte enceinte , et surtout , pourquoi l'a-t-on recouverte de terre pour en former uu monticule régulier , qui a tout l'aspect d'un tumulus ?

Ici un vaste champ s^ouvre aux conjectures , et néanmoins nous ne pouvons rien préciser , n*ayunt pu aller au fond de la chose et n'ayant pu désigner la butte archéologiquement parlant. M. de Ring ne pense pas que cette construction soit romaine ; (') il croit que c'était un

(*) Le propriétaire exigeait qu'on remti les choses en leur ancien état cl qu'on FindemoisAt quant aux récoltes perdues* Rien de plus juste au reste. Mais cette manière de voir entraînait à des frais énormes.

(*) Les Romains , d'après M. do Ring , employaient plus de mortier que de pierres , et les tours romaines étaient carrées et non polygonales. Je laisse la rcs- (lonsabiliié de ce fait à qui de droit , m'avouant incompétent en cette matière,

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LES FOUILLES DO tUMtLIlS DE 80ULTZ. iS9

burg féodal ; dans cette supposition cela ne peut être que le burg d'Alacbwiller. En effet , la tradiiion place le village d'Alschiriller à la droite du monticule S^ Georges ; or » comme il y avait une ramifie noble d'AIschviller 0) le&ruines que nous avons découvertes formaient- elles leur antique manoir ? (')

Mais pourquoi alors n'a-t*on pas nivelé ces murs? il y avait beau- coup de burgs en plaine O ; nulle part on s'est amusé à constituer leurs ruines en monticule , et ici seul , par caprice , on aurait élevé ce tertre , dans le but unique de posséder une colline » quand on avait ù deux cents pas les belles collines des Vosges ? Non , les populations de ce pays avaient peut-être un moiif pour épargner ces ruines elles ont voulu qu'elles marquassent dans les siècles à venir » mais ce motif quel était-il ?

Si c'était le burg d'AIschvîller tout se comprend : le village éUni détruit on a conservé les ruines du cbâteau , et pour les protéger , on les a couvertes d'un manteau de terre ; peut-être a»t-on enfoui dans ces ruines les ossements des habitants du village qui oui été immolés par les compagnies anglaises , et à la droite du monticule on a bâli l'église de S* Georges » les Soultzieus allaient en pèleri- nage chaque année jusqu'en 1789. Bien ; mais la tradition ne nous

(') Achille d*Alschwiller , général des Dominicains , prêcha la guerre sainte à Bftie en i266. Strobel , tom. u , p. 76 et ÀnnaUs du Dominieairu d$ Colmar,

{*) On Ut dans le Rudiment d'archéologie par M. Caumont {Architecture mi- litaire du moyen-àge , page S91) qu'aux et xi« siècles , les châteaux éuient en général composés de deux parties principales : d'une cour basse et d'une seconde enceinte renfermant une tour ou donjon. Ce dernier était assis sur une éminence* arrondie , souvent artificielle , quelque fois naturelle. Lorsque cette butte était artificielle , elle offrait habituellement l'image assez régulière d'un cône tronqué. C'est ce que l'on appelait une motte. Peut-être l'origine des mottes remonte-t-elle (p. 2d5) jusqu'aux temps de la. domination romaine , ce qui du reste n'est pas démontré. Puis , M. de Canmont donne le spécimen d'un château garni de palisr- tades enbois avec motte conique (p. 292) , il décrit ensuite le château d'Aulnay (p. 296). La moite du donjon est ronde, son diamètre est de 150 pieds , on y voit encore des fondations de murailles et un puits , etc.

Le monticule de Saint-Georges ne serait-il pas aussi une motte ayant supporté un donjon ? ce rapprochement parait assez naturel , c'est peut-être \h la seule véritable explication du fait , la motte existant déjà on a ti*rminé le cône en cou- vrant le sommet des ruines avec de la Verre.

\;'] le castel de Pierre de Rege&heini , TUngerstein , etc.

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160 MTDB d'aLSACK.

permet pas celle sappositioD ; les Sonliuent appellent l'OrschTiller- burg '(rAIschyillerborg) la petite montagne qoi est à l'ooest do monti- cole , ce qui indique que le burg d'AIschTiller était situé sur cette montagne.

Cette enceinte , qui certes n'était pas habitée par un simple particulier , formait-elle l'église d'AlschviUer ?

Non encore non ; cette enceinte n'a pas la forme d'une église , et d'un autre côté elle est trop petite pour avoir pu senrlr à cet effet , car d'après Berler » Alschviller était un très-grand Tillage.

Mais que sont*elles donc , ces ruines ? datent*elles de l'époque gallo-romaine ? y ayait*il un manjtones » ou bien une tour d'obser- vation qui dominait la plaine ? ces ruines ne se trouvent-elles pas sur une ligne perpendiculaire au Schimmelrain , à deux pas d'une voie romaine» près de la source delà fontaine dite Meneubrunnen» la quelle, si le mot Merzen veut dire en celtique 0) hauteur , et cette source vient d'une hauteur , n'en serait que plus ancienne et que plus esti- mée sous le'point de vue historique ?

La tradition raconte qu'un couventi qui était situé jadis au Schimmel* rain , dépendait du monticule el de l'église de S' Georges ; or , au Schimmelrain, il y avait un établissement gallo-romain, cela est incontestable; ne se peut-il pas maintenant, que cette dépendance datait de temps bien antérieurs, et que l'établissement du Schimmelrain relevait du castel romain établi à S' Georges ?

Tout ceci , il est vrai » n'est que hypothétique , tout ceci n'est que conjectural et nous devons avouer que le dernier mot n'a pas encore été dit sur le monticule de S* Georges ; néanmoins l'archéologie a acquis deux faits positifs ; le premier , c'est qu'un burg ou un castel existait près d' Alschviller ; le second , c'est que tous les lumuli (et ici nous V€Miions dire buttes , monticules isolés en plaine) ne sont pas des tombeaux celtiques. (*)

Charles Knoll, aîné, médedo-Tétérinaire.

(V D*après Mone , Celiiâehê Far$ekungm , page if S , le mot M9rxm Ycut d)re une petite éléfation , eim Meine Ankifhe.

(') Nous afons rencontré dans nos excursions une dixaine de tumuH dans la forêt de rAllmendt , appartenant h la commune d'Ensisheim ; il y en a aussi quatre dans le HAbelwiildle de M. le baron de Gohr, près de Wiitenbeim ; au retour de la bonne saison nous nous proposons de les faire fouiHfT si tant est que les pro- priétaires 1c permettent.

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NOTICE HISTORIQUE

SUR L'ÉGLISE RÉFORMÉE DE SAINTE-MARIE-AUX*MINES.

SuUe (♦).

XXV.

A partir de ce moment et jusqu'à nos jours » salMwâlRtre temps de la terreur en 4795, le service* divin n'éprouva plus d'interruption dans l'église réformée de Sainte-Marie-aui-Mines. Les jours des grandes épreuves étaient passés et si cette église qui , bientôt après, a été » avec la seigneurie de Ribeaupierre , placée sous la suzeraineté de la France , eut encore à subir des tribulations dont nous rendrons compte , son existence , du moins , ne fut plus remise en question et les fidèles conservèrent la liberté de conscience que le courage de leur prédécesseurs et la protection éclairée de leurs seigneurs leur avaient acquis.

XXVI.

Ce fut le 25 avril 1641 que le pasteur le Bachelle , auteur de la lettre historique adressée au ministre Ferry de Metz et dont il a été question déjà à plusieurs reprises , entra en fonctions à Sainte-Marie. Le â7 septembre suivant , pour le soulager , eu égard à sa santé chancelante, le grand consistoire décida qu'il ne serait pas obligé de prêcher au temple d'Eschery lorsqu'il ferait mauvais temps et que la prédication , alors , se ferait pour la communauté entière en celui de Sainte-Marie , f sans rien déranger toutefois à l'ordre établi entre les « deux églises. »

(*) Voir les liYraisons de février et mars , pages 77 et 157. ^Aué: il

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iOS REVDI D'ALSACB.

Nous apprenons , par la lettre citée, qu'en i6i\ il y avait à Sainte- Marie environ cinq cents communians et qu'en temps ordinaire le service divin alternait , de semaine en semaine , entre Sainte-Marie et Eschery. Mais ne se bornait pas l'activité du pasteur. Il déclare qu'il donnait une partie de son ministère à l'église recueillie à Scblestadt au logis.du marquis de Montausieroù se réunissaient habi- tuellement environ quatre-vingts personnes. Ce service à Scblestadt était d'autant plus méritoire pour le pasteur le Bachelle qu'il pouvait ne pas être sans danger et que , dans tons les cas , il exigeait un déplacement Jpltiguant et ooûteux. Nous ignorons si les successeurs de le Bacbeifé ont .continué à pourvoir à l'exercice du culte réformé à Scblestadt , mais nous en doutons , puisqu'aucun document de l'é- poque n'en ftit mention.

xxyn.

En l'année i6S0 de nombreuses discussions s'étant élevées entre les réformés et les lutbériens, et les deux communautés ayant été réduites à un très-petit nombre de familles , le ministre calviniste Jean Mellet ou Melletus » originaire du canton de Berne , songea sérieusement à opérer l'union des deux cultes , union constamment désirée par les protestants éclairés et que 9 de nos jours , une ortho- doxie intolérante » quelque peu mêlée à des mtéréts mondains , a de nouveau repoussée en faisant éclater tantôt des sentiments baineux , tantôt en se retranchant derrière la prétendue volonté de Dieu qui , stion elle , unira les églises quand le moment en sera venu , comme si la volonté de Dieu n'était pas la paix » l'union et la concorde parmi tous les croyants , disciples du Christ !

Pour arriver à son but , Mellet publia plusieurs écrits qui témoignent d'un esprit cultivé et sincèrement religieux , mais il éprouva le cha- grin d'être méconnu et de ne pas réussir. Il s'attira , ainsi qu'à ses amis» le nom de Syneritiste ayant eu le tort, aux yeux de ses adver- saires » de chercher à démontrer que les différences dogmatiques qui séparent les deux confessions n'ont rien de substantiel et ne doivent pas empêcher une réunion basée sur les principes étemels contenus dans les Ecritures saintes. (M ' If

(') Voy. RcBBRlGfl f MiUheikmgenf tom. u , p. 122.

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NOTICB HISTORIQUE; ETC. iOS

xxvni.

C'est vers la même époque , en i655 , que Véglise réformée aHe- mande s'est constituée à Sainte-Marie par l'arrivée successive d'un assez grand nombre d'ouvriers allemands originaires des cantons de Berne et de Zuricb qui , d'abord , n'ont demandé qu'à être admis à célébrer la Sainte*Gène avec les réformés français, mais qui» bientôt^ éprouvant le besoin d'une prédication faite dans une langue intelligible pour eux , ont sollicité la concession d'un pasteur allemand et leur formation en communauté séparée.

Ce pasteur leur fut accordé en 4666 en la personne de Jeao Biscboff , originaire de Bâie , et dès le 15 août 4670 le grand consis- toire se réunit pour délibérer sur la question de savoir s'il serait opportun d'accorder aux réformés allemands l'autorisation par eux sollicitée de communier séparément de la communauté française ? La décision fut négative , mais l'on arrêta un ordre de prédication d'après lequel certains jours de dimanches et fêtes furent spécialement affectés aux sermons allemands.

XXIX.

Les réformés allemands ne se tinrent pas pour satisfaits. Ils s'a- dressèrent au seigneur commun , Jean-Jacques , et obtinrent de lui , sous la date du 27 mai 4672, un règlement dont il n'est pas sans intérêt de faire connaître les dispositions. Il porte que les Allemands feront la cène séparément aux époques de Pâques , de la Pentecôte » en septembre et à Noél ; S'' qu'il y aura sept Anciens de la langue allemande; 5<> que de ces sept , deux seront diacres; qu'aucun étranger ne sera reçu en charge si ce n'est sur bonne attestation ; 5<^ que les places des conducteurs français à l'église leur resteront en tout temps exclusivement réservées ; Q^" que les diacres français qui se trouveront aux prêches allemands tiendront la cueillette avant tous autres, mais que les diacres allemands la tiendront avant les Anciens français ; 7^ que le ministre français , bien qu'il fût le plus jeune d'âge et de réception , présidera toutes les réunions consisto- riales; S"" que l'on procédera par toutes sortes de censures ecclésias- tiques jusqu'à excommunication contre ceux qui auraient recours

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164 REVUE D'ALSACE.

sans sujet aa Magistrat pour contrarier les résolutions consistoriales purement ecclésiastiques; 9^ que les Allemands se cotiseront» chacun selon ses moyens et que l'on ne fera qu'une seule bourse de tout ce qui sera donné pour le ministère ; 40^ que les Anciens allemands seront tenus de faire un rôle de leurs gens et de le communiquer au diacre français , qui sera toujours le comptable et le premier de tous les diacres; M^ que les conducteurs allemands seront à l'avenir nommés , élus , installés en même temps et de la même manière que lés français ; ii^ que tous ces articles seront ajoutés à la discipline pour être observés aussi inviolablement que tous les autres., à moins que l'église n'en ait autrement disposé par une assemblée générale sous le bon plaisir de Monseigneur le comte de Ribeauplerre. (i)

XXX.

L'extinction de la dynastie mâle des seigneurs de Ribeaupierre suivit de près cet acte de réglementation. Le comte Jean- Jacques qui avait hérité de son frère George-Frédéric , mort sans enfants en 1651 , décéda lui-même en 4673» laissant une fille unique, Catherine- Agathe , mariée à Chrétien ii » comte palatin de Birckenfeld » et qui a été l'élève du célèbre Speiier. Ce seigneur , voyant que l'empire d'Allemagne éuit hors d'état de protéger l'Alsace contre l'esprit d'envahissement et de conquête du roi Louis xiv , avait été l'un des premiers parmi les nobles de la province à se soumettre volontaire- ment à la suzeraineté de la France. Il en avait été récompensé par de nombreuses faveurs et par des privilèges dont il s'était empressé de faire jouir ses sujets protestants. De i*ésulta pour eux une position préférable à celle des autres habitants de l'Alsace. Us continuèrent à jouir de la liberté de conscience et de culte » et si » de loin en loin , les agents royaux essayèrent de leur faire éprouver une partie des vexations dont on accablait alors les réformés dans l'in- térieur et au midi de la France , l'intervention énergique du seigneur auprès de la personne du souverain parvenait bientôt à redresser leurs justes griefs et à rétablir dans l'église et dans les familles la sécurité et la paix.

{*) Jean-Jacques a été le premier des seigneurs de Ribeaupierre qui ail pris le titre et la couronne de comte.

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NOTICE HISTORIQUE, ETC. 165

XXXI.

Hais si le nouveau s^goeur était toujours prêt a accorder sa protection eflBcace aux protestants luthériens et calvinistes de Sainte- Marie-aux-Mines » il devait leur abandonner le soin de pourvoir à l'entretien de leurs pasteurs et de leurs églises , puisque le malheur des temps avait réduit même les princes régnants , à l'impossibilité de faire lace à tous \es b^oins. L'église réformée possédait bien , ainsi qu'il a déjà été dit, la moitié de la grande dime d'Eschery qu'elle devait à la générosité d'Egénolph m , mais cette concession , suffisante au temps l'exploitation des mines avait réuni au val de Lièpvre une grande affluence de mineurs et d'employés divers , n'était plus qu'une faible ressource au moment oii , à la suite des guerres » les usines avaient été abandonnées et la misère avait envahi presque toutes les familles.

Dans cette extrémité le consistoire se décida à recourir à la charité et à la fraternité des cantons suisses , et déjà en 1657 , il obtint des cantons de Zurich » Berne et Claris et des villes de S*-6altes , Bonne- ville et Neufcbâtel un secours considérable qui lui permit de subvenbr aux besoins les plus pressants et d'allouer aux pasteurs le traitement nécessaire à leur subsistance. La Suisse avait toujours considéré la communauté réformée de Sainte-Marie comme issue de la grande église calviniste de Genève et elle aurait cru manquer aux obligations morales qui résultaient de ce fait , si elle l'avait abandonnée dans un moment suprême , exposée à périr faute de secours.

Ces secours *se renouvelèrent , depuis » presqu'annuellement et la ville de Bâle se chargea bientôt de pourvoir , à son tour , à l'entretien du ministre réformé allemand. Aussi voyons-nous que pendant une longue série d'années les ministres réformés français et allemands ont été constamment désignés par les autorités ecclésiastiques de la Suisse évangélique. C'est ainsi qu'un 1676 le consistoire chargea l'un de ses diacres » Jean-Louis Marchand , l'un des jurés de justice de Sainte-Marie , d'aller à Bâle pour y demander un ministre fran- çais qui lui fut désigné dans la personne du pasteur Robert , lequel » ayant été agréé par le comte de Birckenfeld , fut installé dans sa chaire le 20 décembre de la même année. C'est ainsi encore qu'en 1702 le pasteur français BoUe , originaire de Neufchâtel, ayant

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166 REVUE D* ALSACE.

été rappelé par ses sopérieurs ecclésiastiques, ces derniers pro- posèrent et 6rent agréer en qualité de successeur le pasteur Pesgaux, candidat originaire du même pays.

XXXII.

Nieolai Bischoff^ le premier pasteur de l'église réformée allemande» était resté à Sainte-Marie jusqu'en Tannée 1676 , époque à laquelle / appelé ft desservir le temple de I^auffén f canton de Bâle » il fut rem* placé par le pasteur Jean-Rodolphe Pareus qui , en 1682 , lui succéda aussi à Lauffen. Pareus parait avoir renouvelé les discussions qui , antérieurement, s'étaient élevées entre ses prédécesseurs et* les ministres français. Il est certain , moins , et le livre consistorial en Ihit foi , qu'en Tannée 1680 le grand consistoire fut encore une fois obligé de se réunir pour faire droit aux réclamations du pasteur réformé allemand qui; contrairement au règlement du comte de Ribeaupierre du 17 mai 1671 , prétendait concourir avec le pasteur Ihin^s à la présidence du grand et du petit consistoire. Cette pré- tention fut encore une fois repoussée et le grand consistoire , interprétant le règlement de 1672 , déclara c que dans toutes les c assemblées le ministre français devait demander et recueillir les c avis dfi tous et chacun des frères et porter la parole à tous ceux du c consistoire et à tous ceux qui y comparaissaient , à moins qu'il n'y c eut des Allemands qui n'entendissent point le français , auquel c cas il devait donner charge au ministre allemand de parler pour c lui . i

XXXIII.

Le successeur de Pareus fut Jean^Jacques Rapp qui décéda k son poste en 1684 et fut remplacé par le pasteur André Mérian de Bâle. Ce dernier ne resta à Sainte*Harie que pendant deux ans et huit mois et dût son éloignement i l'un de ces excès de pouvoir dont les intendants royaux de Tépoque étaient alors trop prodigues, impatients qu'ils étaient de faire preuve éclatante de leur zèle pour la religion catholique et pour le service du roi.

Passant un jour dans les rues de Sainte-Marie , probablement du côté Lorraine» Mérian fit la rencontre d'un curé portant le viatique

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NOTICE HISTORIQUB, ETC. 167.

à ttD mourant. Les artides 35 de la déclaration du 3 avril 4666 el 35 de celle de i«' février 1669 (^) prescrivaient aux réformés en pareille dr** constance c de se retirer au son de la cloche précédant le prêtre, f sinon de se mettre en état de respect en ôtant , pour les hommes , leurs chapeaux » avec défense de paraître aux portes , boutiques et fenêtres de leurs maisons lorsque le Saint-Sacrement passera s'ils f ne se mettent en pareil état. > Ainsi avait fait le pasteur réformé ; ne pouvant se retirer à temps . il s'éuit découvert. Mais cette tenue respectueuse ne suflSsait pas à la populace fanatisée qui suivait le Saint-Sacrement ; elle voulut le forcer à se mettre à genoux , et , sur son refus , se jeta sur lui en l'accablant d'injures grossières et de violents coups.

Loin de faire droit aux justes plaintes de la victime » l'Intendant d'Alsace lui attribua tous les torts, prétendit que Mérian avait outragé la religion du prince de propos délibéré , et exigea sa des* titutîon qui dut être immédiatement prononcée. Le pasteur Mérian retourna à Bâie il fut aussitôt nommé ministre acyoint et succéda en 1702 à son père dans les fonctions de pasteur prindpal en la dite ville.

XXXIV.

L'injuste expulsion du ministre Mérian était de nature à frapper de stupeur les réformés de Sainte-Marie. Après un pareil exemple de sévérité et en présence d'un mépris aussi flagrant des garanties accordées aux dissidents irançais, ils devaient craindre que le gouverne- ment saissh*ait la première occasion qui s'offrirait pour fermer leur temple et interdire l'exercice de leur culte.

Ils résolurent , dès lors , de se tenir sur leurs gardes. Un édit du mois de juillet 1680 avait défendu aux catholiques de quitter leur religion pour professer la religion prétendue réformée (^) et avait à cette occasion c défendu aux ministres de cette religion de recevoir c aucun catholique à faire profession , et aux dits ministres , ainsi c qu'aux anciens des consistoires de les souffrir d^ns leurs temples

C) Voy. Histoire chronologique de VégUte protestante de France , tom. n , p. 402 et 115. (*] Voy. ibidem , tom. u , p. 150. -

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.168 REVUE D*ALSACE.

c OU assemblées . à peine aux dits ministres d'être privés pour ton- c jours de fisiire aucune fonction de leur ministère dans le royaume c et d'interdiction pour jamais de l'exerdce de la religion dans le c lieu ou un catholique aura été reçu à faire profession de la dite c religion. » Par un autre édit du mois de mars 4683 , (t)' le roi après s'être plaint de ce que les minières réformés continuaient à opérer des conversions malgré les défenses contenues en redit de 1680 , avait ordonné , c que les ministres de la R. P. R. qui recevront < à l'avenir aucun catholique à faire profession de la religion prétendue c réformée» ou les souffriront dans les temples et prêches et qui y reoe- c vront ou souffriront aussi aucun de ceux de la dite religion prétendue c réformée qui l'auront abjuré et embrassé la catholique , seront con- c damnés à faire amende honorable et au bannissement perpétuel c buts du royaume , avec confiscation de tous leurs biens et qu'au c surplus le contenu aux déclarations et édita soit gardé et observé.»

Cet édit avait été rendu exécutoire dans la province d'Alsace par son enregistrement au conseil souverain » le 30 avril suivant , ^') et son application avait donné lieu à de nombreuses poursuites et à la fermeture d'un grand nombre de temples , puisqu'il suflSsait de la déclaration d'un seul témoin attestant avoir vu un protestant précé- demment converti assister à un sermon au milieu de la foule des fidèles, pour autoriser la mesure rigoureuse de l'interdiction de l'exercice et de la démolition du bâtiment servant aux réunions du culte.

Les réformés de Sainte-Marie , pour échapper à ce danger qui les menaçait aussi bien que leurs frères de Tintérieur , décidèrent alors que chaque fois avant la distribution de la Sainte-Cène , le pasteur lirait en chaire un acte de protestation par lequel il serait enjoint à tous les protestants convertis ou censés l'être , de se retirer à l'instant afin de ne pas exposer la communauté entière aux peines de la loi. Cet acte , écrit sur parchemin , est conservé aux archives de l'église. Il est trop curieux et porte un caractère historique trop prononcé pour que nous hésitions à le transcrire en entier. Sa suscription porte : c ProleUatian que Momieur le Pasieur doit lire avant ta f communien. > Elle est ainsi conçue: c Mes frères. Par la présente

(*) Voy. Histoire ehronoiogique , etc. , tom. n , p. 193. ('} Ordormaneei d'Al$ae$f tom. PS p. 125.

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NOTICE HISTOBIQUfi, ETC.

prolesutioo Nous avertissons tous ceux qai se sont bài inscrire dans la religion catholique romaine, tous ceux qui ont assisté à quelque exercice de leur culte pour y imiter les autres . qui ont ftit la moindre dévotion dans leurs temples » tous ceux qui se sont réellement souscripts , ou qufoot fait profession de vouloir être catholiques romains. Nous les avertissons tous qu'ils :ûent à s'ésioigner de la Table du Seigneur et à se retirer de nos saintes assemblées. Car s'il arrive que contre nostre exhortation , ils s'y veuUent mesler , Nous protestons et témoignons par la présente déclaration à la face de Dieu et devant l'Eglise de Christ , que ce sera contre nostre connaissance et contre nostre intention ; Et nous dénonçons à de semblables gens qui veullent mettre en danger les innocents , que Dieu leur fera sentir le jugement et la punition dont il a menacé les trompeurs et les malins. Et n&n que personne ne se rende coupable en participant de ce péché et de sa punition par son silence » Nous avertissons tous ceux qui connaîtront de ces sortes de gens , qu'ils aient à les descouvrir par un sincère mouve- ment de conscience , de peur qu'ib ne tombent dans le même péché et dans le même jugement qu'eux : Suivant quoi chacun aura à se gouverner pour «pi^^^onir le mal qu'une conduite contraire luy pourrait attirer. »

U fiiut croire que cette protestation a produit son eSèt et que » anciens comme nouveaux catholiques , se sont abstenus d'entrer par fraude au temple de Sainte-Marie , car nous ne trouvons aucune trace d'une dénonciation faite à ce sujet , ni d'une poursuite commencée.

XXXV.

L'on a précédemment vu qu'en l'année iS61 l'église d'Eschery ayant été abandonnée par le curé qui la desservait, avait été concédée aux réformés par le seigneur de Rlbeaupierre. Celui-ci était devenu propriétaire de la moitié du fief d'Eschery par l'extinction des nobles de ce nom et l'autre moitié appartenait aux ducs de Lorraine. Egé- nolph avait joint au don de l'église celui de la moitié» à lui apparte- nant » de la grande dime pour servir à l'entretien du temple et au service divin. Ce secours avait été » surtout dans les derniers temps» très-précieux aux réformés de Sainte-Marie et d'Eschery et leur avait permis, en y joignant le produit des subventions accordées par les

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470 REVUE D'ALSACE.

cantons suisses » de faire face anx dépenses nombreuses nécessitées par leur culte et auxquelles la misère des habitants n'aurait pu sub- venir.

L'on devait espérer que la donation d'Egénolph serait respeaée par le nouveau suzerain , le roi*de France , puisque la paix de West- phalie avait garanti aux réformés, aussi bien qu'aux luthériens , toutes les possessions acquises et jouies en l'année normale 1624. Or, la possession de l'église d'Eschery et celle de la moitié de la grande dime , remontait déjà en 1561 et n'avait jamais été interrompue. De plus , la petite dime appartenant autrefois à l'évécbé de Strasbourg , était devenue la propriété de l'église , l'évéque l'ayant vendue aux nommés Nicolas Bées et Vincent Peter et les successeurs de ces der- niers, Colin-Jean Sutti et Veliin Sorgen, en ayant fait donation à l'église par un acte de l'année 1S79. Mais par l'un de ces actes arbitraires dont Louis xiv a été si prodigue envers les protestants , il rendit ,.en 1686, une ordonnance qui , déchirant le traité de paix, remit les catholiques en possession du chœur et de la moitié de la nef de l'é- glise de Saint-Pierre d'Ëschery et disposa qu'à l'avenir ces derniers auraient le droit d'entrer les premiers dans l'église pour le service divin , en été à huit heures du matin , et les derniers en hiver à neuf heures. Cela ne suffit pas. Renchérissant, comme d'ordinaire, sur les intentions et la volonté du maitre, l'Intendant d'Alsace prit phis tard, ' le 27 novembre 1699 , un arrêté par lequel il attribua de sa propre autorité la moitié des revenus de l'église aux catholiques peu nom- breux d'Eschery et en dépouilla les réformés qui firent de vains efforts pour se maintenir .dans un patrimoine acquis par donation et provenant non seulement de leur ancien seigneur mais aussi de la libéralité de quelques uns de leurs coreligionnaires.

XXXVI.

C'est au milieu des entraves suscitées aiyc protestants des deux confessions par le pouvoir soupçonneux du roi Louis xiv , que l'on regrette d'avoir à signaler la naissance de nouvelles diffi- cultés entre les réformés et les luthériens de Sainte-Marie. Cette fois il ne s'agit plus de la possession d'une église , ni de l'acceptation fic- tive des dogmes de la confession d'Augsbourg, mais bien d'un prosé- lytisme ardent dont les pasteurs des deux cultes s'accusent récipro-

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NOTICfi HISTORIQUE, ETC.

171

ijoementi prosélythme qui consiste priocipalemeDt à attirer dans lear église et par le baptême les enfants issus des mariages mixtes. Ces plaintes devenant journellement plus vives » et les familles , excitées par l'excès de zèle douleurs ministres, étant sur le point de se désunir , le comte Chrétien de Birckenfeld , après avoir entendu à plusieurs reprises les pasteurs des deux cultes et avoir pesé les arguments invoqués de part et d'autre , crut devoir terminer le diffé- rend en publiant le règlement suivant dont nous donnons la traduc- tion littérale : c Le prince-seigneur, ayant été informé qu'il s'est élevé des dis- cussions entre les pasteurs luthérien et réformé aussi bien qu'entre les membres des deux communautés au siyet de quelques enfants issus des mariages mixtes , au point que s'il n'y était remédié , il pourrait en résulter des conséquences fâcheuses , -^ voyant avec déphiisir ces discussions , s'est décidé à établir un règlement por- tant égalité de droits pour chaque partie afin que qui ne puisse se plaindre, lequel règlement devra être strictement observé tant par les ecclésiastiques que par les fidèles. En conséquence il ordonne en vertu des présentes : i^ Que tous les enfant» mflles suivront la religion de leur père et toutes les filles celle de leur mère, qu'il en ait été fait mention dans les contrats de mariage ou non.* ^^^ Et comme il est arrivé quelquefois qu^ lors de certains mariages les époux sont convenus dans leurs contrats de faire suivre à tous les enfants à nattre la religimi soit du père , soit de la mère, le prince^ seigneur déclare qu'à l'avenir de pareilles conventions ne pourront plus être faites par les futurs époux et leurs proches sans le consen- tement exprès et préalable du seigneur , lequel examinera si elles ont été consenties en l'absence de toutes manœuvres , de toute suggestion et de toute contrainte de conscience » et rendra sa déci- sion en conséquence. 5<^ Qu'à l'avenir il ne sera dressé aucun contrat de mariage sans y avoir appelé des deux côtés des témoins profes- sant le culte de ceux qui les convoquent. 4^ En ce qui touche le baptême , il est ordonné que chaque ministre observera le présent règlement sans se permettre aucune usurpation sur les droits de son collègue , hors le cas de maladie ou d'absence de l'un des mi- nistres , auquel cas de nécessité le pasteur luthérien ou réformé qui se trouvera sur les lieux , sera autorisé à procéder au baptême sans préjudice aucun au culte auquel devra appartenir l'enfant.

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172 R^VUB D'ALSACE.

c 5<^ Que quant aux contestations qui ont été portées devant la chan- c cellerie du seigneur » elles demeureront éteintes au moyen des c décisions rendues. 6^ Le prince-seigneur ordonne enfin que tous c ceux qui se permettront d'enfreindf e le présent règlement , seront c punis , selon Timporiance de la contravention . d'une amende au c profit des pauvres dont la somme sera fixée par lui et le paye- ment poursuivi avec rigueur» se réservant, au surplus, le seigneur f de modifier les présentes dispositions le cas échéant. Décrété a c Ribeauvillé le 19 mars de l'an 4696. Signé : Çhr]$tibn-Augustb. >

XXXVIl,

A peine cette décision si sage et si convenable eut-elle été rendue

*^par le prince-seigneur.de Ribeauvillé et du val de Sainte-Marie » qu'un

autre différend jion moins grave surgit entre les réformés eux-mêmes

et appela de nouveau sa sollicitude sur les intérêts religieux d'une

partie de ses sujets.

L'on n'a pas oublié qu'en 1680 le ministre réformé allemand, Pareus , avait élevé la prétention de concourir avec le ministre fran- çais k la présidence du consistoire et de faire dépendre la possession de cette charge honorifique de l'ancienneté des fonctions pastorales remplies en l'église de Sainte-Marie. L'on sait aussi que cette pré- tention a été repoussée par une décision du grand consistoire qui , interprétant le règlement de 1672, avait maintenu le pasteur français dans les droits que lui avait attribués ce règlement » en admettant » toutefois , quelques cas d'exception. Or , il paraît que cette décision, loin de satisfaire les réformés allemands , devenus plus nombreux et plus riches que les français , leur avait peu à peu inspiré le désir d'une séparation complète entre les habitués des deux langues.

Nous trouvons en effet aux archives de l'église une pétition adressée le 27 avril 1698 au prince de Birckenfeld par les pasteur allemand Joseph-Rodolphe Brenner et les Anciens de l'église allemande , dans laquelle ils se plaignent que malgré leur désir de maintenir la paix et l'union avec la communauté française , ils ne rencontrent qu'op- pression et mépris et que les choses ont été si loin qu'une séparation définitive des deux communautés devient indispensable; Ils font appel à l'intervention du prince et invoquent l'exemple récemment donné

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NOTICE HISTORIQUE , ETC. i73

par les deux églises réfomnées allemande et française établies à Bischwîller.

De leur côté » le pasteur et les Anciens de l'église française s'étaient, déjà » vers l'année 4685, adressés au sieur Fattet , conseiller de S. A. S. le prince Chrétien de Birckenfeid , et lui avaient eiposé que le pas- teur allemand Meyer tenait une conduite c iocompatible avec l'an- c'cienne coutume de l'église, aux articles de discipline et prinfiipa- f lement à ceux qui ont été ratifiés par S. E. Monseigneur le comte f de Ribeaupierre de glorieuse mémoire, i Ils lui reprochaient, entre autres , d'avoir fait faire des amendes honorables en l'église sans en ' avoir , au préalable , averti le consistoire ; d'avoir béni des mariages sans publication des bans à l'église; d'avoir tenu consistoire à Sainte- Marie et d'y avoir censuré des personnes pendant que le ministre français tenait consistoire à Eschery ; de n'avoir tenu aucun compte des décisions du consistoire ; de s'être abstenu d'assister aux séances flepuis plus de trois mois et d'avoir ainsi empêché les Anciens alle- mands de s'y trouver, ce qui a porté le plus grand préjudice aux pauvres et aux malades ; qil'enfln le but de sa conduite n'a été autre c qu'à &ire naître la désunion , afin de parvenir le plus facilement à c une séparation , et que même il n'a pas pu s'empêcher de déclarer c dans la maison de M. Fattet . que tant et si longtemps qu'on ne * c sera séparé l'un de l'autre , l'on ne vivra'^pas en paix. » La pétition se terminait par la prière adressée au représentant du prince , de la communiquer au sieur Meyer afin d'être ensuite fait droit à la plainte.

Celte situation était trop tendue pour pouvoir se prolonger. La désunion au sein de «l'église donnait trop beau jeu à ses ennemis du dehors , et , à rintérieur , il fallait à tout prix faire cesser de^Dccasions de scandale qui éclatait jusque , parmi les pasteurs et les Anciens. L'unique moyen consistait dans la séparation complète des deux, langues , ^séparation qui était le but des efforts de la communauté allemande ; mais il fallait, en même temps , faire respecter les droits de propriété et d'ancienneté de la communauté française. C'est dans ce but que le 44 mai 1698 intervint un décret du prince Chrétien dont voici les dispositions.* (^) c Article i. Sur les diflBcultés qui sont „i .,

4

(<) Ce décret se trouYe littéralement transcrit au livre consistonal allemand. Le livre français n'en contient qu'on extrait et lui assigne la date du 20 juillet 1698 qui est probablement celle de sa publication au consistoire.

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474 REVUE D'ALSACE.

arrivées entre les Françail et les Allemands de la religion réfonnée à Sainte-Marie et pour mettre fin à toutes ces difficultés , Son Altesse Sérénissime Monseigneur le prince a ordonné que les Français soient séparés des Allemands en sorte et manière néan- moins que tous les capitaux et autres choses appartenant , présente* ment aux dites églises , appartiendront toujours aux Français ; que les uns et les autres vivent en bonne paix et concorde. Article ^. Qu'à cause que le temple de Sainte-Marie a été bâti par les Français^ les Allemands paieront annuellement au receveur de l'église française la somme de cinquante florins , monnaie de Ribeauvillé (ou JS3 livres ou 6 sols , 8 deniers , valeur de France) à charge néanmoins que les Français seront obligés d'entretenir le dit temple de réfec- tions aussi bien que la maison de Fécole. Atiicle 3. Que les dits Allemands payeront la moitié de ce que l'on paye aux maîtres d'école, tant de S^'-Marie » qu'à celui d'Escfiery , pourvu qu'on leur paye de la bourse des pauvres , bien entendu que ceux qui enver* ront leurs enfants , soit français , soit allemands , payeront Jes dits maîtres d'école comme on a toujours été obligé de faire. Arikle 4. Qu'aucun Français de la communion française ne pourra aller communier avec les allemands sans le consentement du ministre français , et aussi aucun Allemand ne pourra aller communier avec les Français sans le consentement du ministre allemand. Article 5. ' Que l'on conviendra par ensemble des heures que les Français et Allemands entreront à l'église afin qu'il n'y arrive aucun désordre. Article 6. Que les Allemands laisseront la place au banc aux églises aux Français, le cas arrivant que les dits Français se trouve- ront aiÊL actions allemandes , après lesquelles places les Allemands pourraient prendre leurs places. »

XXXVIII.

Ainsi s'est opérée la séparation entre des frères professant le même culte » habitant le même lieu , priant Dieu dans le même temple, et cette séparation motivée sur de frivoles intérêts d'amour* propre ou sur des prétentions de supériorité peu conciliables avec les prescriptions de l'humilité chrétienne . a duré près de cent trente années! Hâtons*nous, toutefois, de dire que déjà cinq ans

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NOTICE HISTORIQUE, ETC. 175

après la séparation (en 1703) le consistoire» français a fait acte de charité et de bienveillance fraternelle envers le pasteur allemand . Brenner en lui permettant de faire inhumer les restes mortels de sa femme aux pieds même de la chaire du temple de Sainte*Marie. Il est vrai que pour obtenir cette concession le ministre Brenner a été obligé de souscrire un écrit par lequel il reconn&tt n'avoir aucun droit à la place qui a été accordée pour l'inhumation du corps de sa femme , autorisant en même temps c Messieurs de l'église française t a disposer de cette place après que le corps sera définitivement c réduit en poudre, i

XXXIX,

L'agitation produite au sein de l'église réformée française de Sainte- Marie par les luttes qu'elle avait été obligée de soutenir dans un si court espace de temps contre le pouvoir catholique contre les protestants de la confession d'Augsbourg et contre ses frères allemands n'avait pu la distraire du devoir important de maintenir parmi ses membres une discipline ecclésiastique rigoureuse. A la suite des guerres nombreuses dont l'intolérance religieuse d'abord , puis l'am** bition de Louis xiv avaient affligé le centre de l'Europe et notamment l'Alsace , il n'était pas étonnant que le relâchement des mœurs , le mépris (des lois divines et humaines avalent pris la place des habi- tudes sobres et du respect des choses saintes. C'est pour rétablir la discipline ancienne et pour arrêter les progrès de la dissolution que le grand consistoire, convoqué le 16 août 1699^ prit une délibéra- tion que nous trouvons inscrite à la suite de la disciplina arrêtée par le pasteur Harbœuf et sur le même parchemin. Elle est ainsi conçue: ( De plus » est à remarquer que le grand consistoire ayant été I assemblé le 16 août 1699 au sujet que plusieurs de l'église méprisent c la discipline ecclésiastique , ne voulant pas comparaître au cousis-

< toire lorsqu'ils y sont cités pour avoir commis des scandales , soit

< pour Cuit de paillardise , danses et pour mépris qu'on fait de MM. les f pasteurs et conducteurs de l'église. Ledit grand consistoire a

< arrêté qu'on observerait de 4)oint en point la discipline ecclésiastique c et le petit consistoire signifierait comme il le jugerait à propos aux

< scandaleux le jour auquel ils auraient H témoigner leur repentance

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i76 UmnS D*AL8iGE.

c dans l'église el qu'à l'égard de ceux qui se rendront rebelles en c ne comparaissant pas au consistoire « seront retranchés de la com- c munion ; que s'ils persistent dans cet élat , Monsieur le pasteur « les fera connaître hautement dans la chaire et on leur interdira ff l'entrée dans la maison de Dieu , surtout aux scandaleux qui ne c feront pas la réparation dans le temps qui leur aura été indiqué, et f qu'on portera tout le respect possible à Monsieur le pasteur et aux c conducteurs établis. Et comme quelques uns des membres de

l'église font difficulté de payer aux Anciens de leur quartier la sub-

yention établie pour l'entretien du saint ministère , il a été arrêté

de tous les chefs de famille que s'il arrive qu'il y en ait qui fassent

refus de payer leur dite subvention après que lèsdits Anciens leur f auront demandé deux et trois fois , ils prendront le sergeant du ff lieu pour les contraindre audit payement. Ce présent arrêt a été f rendu le août 4699. >

XL.

Pour en terminer avec les règlements disciplinaires établis par l'église française et qui » très-probablement » ont aussi fait loi pour l'église allemande, nous mentionnerons encore une décision prise par le grand consistoire le 1*' décembre 1705 qui se trouve inscrite , comme les précédentes , au parchemin contenant le règlement disci- plinaire Marbœuf. Cette décision témoigne du zèle avec lequel l'église de Sainte-Marie cherchait à maintenir le respect dik au sacrement de la Sainte-Cène , et en même temps , du relâchement des convictions religieuses dans une partie de la population réformée. Elle est ainsi conçue : f D'autant que plusieurs personnes ont paru point , ou , du c moins, fort peu touchées de leur suspension de la Sainte-Cène, c regardant sans doute la participation à ce saint sacrement comme c une chose indifférente , il a été jugé unanimement par le grand « consistoire tenu le 4^' décembre 4705 , que toute personne qui se f rendra digne par sa mauvaise vie de cette suspension de la Cène ,

< sera nommée publiquement en chaire par le pasteur les jours de « communion, aussi bjen que les raisonique l'on a eues de lui infliger

< ce châtiment et ce afin d'imprimer à tous les scandaleux tant plus i de honte et de confusion. »

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NOTICE HISTORIQUE , ETC. 477

XLI.

li n'est peut-être pas sans intérêt pour l'histoire des mœurs et des usages disciplinaires ecclésiastiques d'un temps qui est déjà loin de nous 9 de faire connaître ici les procédés établis par l'église réformée de Sainte-Marie dans les cas d'amende honorable imposée à l'un de ses membres. Parmi les pièces conservées dans les archives nous choisirons celles qui ont trait au fait suivant et qui se reportent à

l'année 1764. Suzanne G 0), fille d'un Ancien de l'église, avait

eu le malheur de succomber à la séduction et de devenir mère avant d'être épouse. Voulant rentrer dans le sein de l'église dont son incon- duite l'avait retranchée » elle adressa ^ le 9 mai 1764, au pasteur la requête suivante signée d'elle et de deux témoins : f Suzanne , fille c de Pierre G.... , régent de l'église française de S*^-Marie-aux-Mines, ff ayant eu le malheur de mettre au monde un enfant illégitime , ff demande et supplie l'église et son pasteur de vouloir recevoir pu- c bliquement les témoignages* de son repentir de ce crime, désirant, < pour cet effet , de faire amende honorable à la face de l'église, afin c de se réconcilier avec elle et avec Dieu et cela de son bon vouloir t et sans y être forcée ni sollicitée par qui que ce soit ; en foi de quoi c elle a signé avec les deux témoins de sa demande dont les noms c sont cy-joints, à Saînte-Marie-aux-Mines , ce 9°"^ mai 4764. c Signé Suzanne G et J. Pierre Karl et Jean Gossat. »

Cette demande ayant été favorablement accueillie par le petit consistoire et l'amende honorable ayant été faite , procès-verbal en a été dressé par le pasteur Boizol dans les termes suivants :

ff La demande volontaire de Suzanne G ayant été écoutée favo-

rablement par son pasteur et les Anciens de l'église , elle s'est c présentée le lendemain iO mai 1764 à Eschery devant la face de t l'église pour y entendre les exhortations et remontrances qui lui t ont été adressées après un discours général sur le crime de l'Im- « pureté dont le texte a été tiré du T^ chapitre de l'Evangile selon t Saint Luc depuis le vers 57 jusqu'à la fin ; aprè^ quoi elle a répété

(^) Nous n'indiquons que l'initiale da nom de famille puisqu'il serait possible qu'il exist&t encore des membres de cette famille et qu'il est loin de notre pensée d'affliger les descendants au souvenir des fautes de leurs ancêtres.

9- Aanéo. ^^

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178

«BVGS B*ALSACB.

à genoax une prière que son pasteur lui a dictée , par laquelle elle demande pardon à Dieu de ses crimes et la grâce de n*y retomber plus ; ensuite » se tournant du côté des fidèles , elle les conjura de pardonner et d'oublier le scandale qu'elle leur a donné par sa con- duite déréglée et d'implorer pour elle la miséricorde et la grâce de Dieu ; ensuile de quoi son pasteur lui adressa encore une exborla* tion particulière à laquelle a succédé une générale pour tout le

peuple. Au sortir de l'église» ladite Suzanne G s'est encore

présentée devant le vénérable consistoire pour y ratifier sur la main du pasteur et des Anciens la sincérité de son repentir et de la pro- messe qu'elle vient de faire de ne plus retomber dans le crime qui l'avait séparée de Dieu et de sa communauté. Nous déclarons ce- pendant , que si nous avons reçu son amende honorable à Escbery» ça été sans qu'elle eut aucun droit à le demander plutdt qu'à Sainte-Marie elle devait naturellement avoir lieu et cela un jour du dimanche ; mais par considération pour son père qui avait servi pendant longtemps l'église en qualité d'Ancien et cela avec appro- bation , qui la sert encore comme Régent , et pour sa famille » j'ai bien voulu recevoir sa soumission un jeudi à Eschery » sans que cependant cela puisse tirer à aucune conséquence pour l'avenir ; j'ai cru devoir laisser ce mémoire à l'église pour servir d'indice touchant cette cérémonie à mes successeurs qui pourront en ignorer les règles » vu que , grâces à Dieu , ces cas sont fort rares dans notre église , et je prie Tigternel qu'ils le deviennent tellement dans la suite qu'on n'en entende plus parler , ce qui attirera la béné- diction de Dieu sur elle « procurera sa gloire ici-bas et le repos de son pasteur. Amen. Signé : J. F. L. BoizoL , pasteur de l'église française réformée à Sainte-Marie-aux-Mines. >

XLU.

Jusqu'au commencement du dix-huitième siècle les pasteurs de réglise réformée de Sainte-Marie avaient été obligés de se loger à leurs frais dans des maisons particulières , les ressources de l'église n'ayant pas encore permis l'acquisition d'un ou de plusieurs presby- tères soit à Sainte-Marie soit à Eschery. C'est en l'année 1707 que Ton parvint enfin à se procurer les fonds nécessaires à l'achat d'une

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NOTICE HISTORIQUE , ETC. i79

maison destinée an logement du pasteur français et le consistoire , réuni le 20 novembre , décida que f pour l'avantage qu'on a d'avoir f un pasteur dans ce lieu , Ton travaillera incessamment à acheter une maison pour le loger le plus commodément possible et pour f cet effet l'on a choisi le sieur Abraham Grand pierron , receveur , et c Paul Karl , Ancien , pour accompagner M. Dubrit, pasteur, afin de c voir quelle maison lui agréera pour en faire son logement et celui f de ses^successeurs. » Cette maison fut trouvée dans la proximité de réglise et sur l'emplacement qu'occupe aujourd'hui le presbytère. Mais il parait qu'elle éiait en mauvais état , car sa reconstruction complète fut jugée indispensable dès l'année 1737 et coûta une somme de 2521 livres i 8 sols, laquelle, selon l'indication du livre consis- torial fut payée f au moyen des fonds de l'église , des contributions c des particuliers , membres de notre troupeau , d'une gratification f de Madame la duchesse , notre gracieuse maltresse , d'une contri- c bution de l'église réformée de Strasbourg , d'un don gratuit du c consistoire réformé de Deux-Ponts et d'une gratification de leurs ff Excellences de Berne, nos protecteurs spirituels, t En même temps le consistoire acheta un jardin attenant à l'école et le réunit au pres- bytère. Ce jardin fut , en 1744 , échangé contre un autre situé entre l'église et le presbytère et en fait aujourd'hui encore partie.

Ch. Drion,

PrMdeDt da tribnnal cîTil ScUesttdt.

(la /Sfi cl la prochaine Hvraiion).

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LES SCYTHES.

LEUR ÉTAT SOCIAL, MORAL» INTELLECTUEL ET RELIGIEUX.

Smi» et fin. 0

LB« TBVRSBS BT l^EM lOTliBS*

Les dieux qu'on adorait étaient originairement les représentants des objets bienfaisants de la nature et passaient pour être les protecteurs du monde et des hommes. Ces dieux n'avaient pas encore chez les Scythes de nom générique ; ils ne pouvaient pas en avoir un , aus^ longtemps qu'ils étaient zootnorphes et ne formaient par conséquent pas un même genre. (Voy. les Chants de Soi » p. 6). Plus tard éunt devenus anthropomorphes ^ ils pouvaient être considérés comme for*^ mant une famille et l'on pouvait leur assigner à toutf le ciel comme demeure. Aussi le nom générique des dieux , le plus ancien , fut celui de célestes (norr. tîvar^ diar; sansc. daivas; gr. theoi p. deifoi, dethoif dheoi; lat. dît p. deivi). Mais ordinairement ces peuples employaient le nom du dieu qu'ils adoraient le plus» pour exprimer l'idée de Dieu en général. Ainsi les peuples scythes de la branche parthe et sarmate vénéraient surtout le Soleil auquel ils donnaient le nom épithétique de Pak (Respectable ; sansc. bhagas ; pers. baga; sassanid. bag; gr. bakchos; phryg. Bagaios ; v. Hésych. ; arm. Pakin; slave bog). Aussi les princes parthes se donnaient-ils le titre de Pak-pur (cf. norr. 6urr fils) qui dans l'origine signifiait Fils du Respectable c'est-à-dire Fils du Ciel ou Fils du Soleil^ mais qui prit» plus tard , le sens plus gé- néral de Fils de DieUf de sorte que les historiens persans et arabes purent employer le nom de Fakfur pour traduire et exprimer le titre de Fils du Ciel (chinois Tien-tseu) que portaient les empereurs de la

(**) Voir les livraisons de janvier^ février et mars , pages 5 » 58 et 116.

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LES SCYTHES. 181

Chine. Les peuples géto-gothtques rattachaient Tidée de Dieu à celle i'inulUgence (sansc. tchit ; norr. gedh). Ils faisaient dériver leur propre nom de GêUi (Intelligents) ou de Goies (lat. catus avisé ; norr. gautt avisé) de l'épithète de gautr ou goi qu'ils donnaient au dieu du Soleil' dont ils se disaient issus , et Tépithète de got (avisé , intelligent) devint chez eux dans la suite l'expression pour désigner Tétre divin en général. Enfin pour désigner les dieux (norr. godh) plas spéciale- ment comme protecteurs des hommes » les peuples gotho-germaniqties les ont nommés Ageè (norr. JEsîr ; goth. ans ; v. h.-all. ans; anglos. ôs) c'est-à-dire Supports ou Soutiens (sansc. ansa épaule ; lat. ansa sup- port, épaule 9 anse ; âra p. ansa support » autel). Les déesses furent appelées les Amies ou Amantes des Ases (norr. asynior p. às»vinior).

A côté des dieux les peuples scythes conçurent des êtres nommés Thurses et lotnes^ qui représentaient les forces gigantesques, terribles et pernicieuses de la nature et qui passaient par conséquent pour être plus ou moins les ennemis des dieux et des hommes. Comme dans Yongin^\e& Scythes habitaient dans l'Asie des plateaux élevés , ces démons étaient les représentants ou les personnifications mytholo- giques des vents secs', impétueux et brûlants qui, dans ces contrées, chassaient, absorbaient ou , comme on disait» mangeaient les nuages fécondateurs rassemblés par le dieu du Ciel Divus surnommé Pirchunis (norr. Fiôrgynn^ Aime-pluie; sansc. Parddjanyas). Aussi ces démons portaient-ils le nom de Thurses (Secs , Arides ; gr. tarsos ; goth. thairs; ail. dûrr) et de lotnes (Uangeurs). Le nom du roi scythe Ithari'thursos (Justin , l-an^dyssus ; norr. lôtun^thurs) prouve que les Thurses et les Ilunes ou lotnes étaient déjà connus sous ces noms dans la mythologie des Scythes. Les traces de la foudre (Hercule) que Ton montrait dans le pays scythe sur les bords du Tyras (Hérod. iv, 8â) étaient sans doute les marques du combat terrible que le dieu du tonnerre {Pirchunis) avait livré en cet endroit à ses ennemis les Thurses et les lotnes. Dans les langues gétxques le mot thurs ne signi- fiait pas seulement sec par opposition à mouillé , mais il prit aussi la signification métaphorique de raide^ de rigide, de courageux (cf. gr. thrasus; Aga^thurses; cf. ail. slrakkr2Ade et stark fort) par opposition h mou qui, outre le sens physique, prit également la signification mé- taphorique de lâche. Dans la mythologie des Scandinaves les Thurses et les lotnes (norr. lôinar) des Scythes durent prendre un caractère tout nouveau. En effet comme dans le nord ce ne sont^as les vents

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48î REVUE 0' ALSACE.

brûlants et secs» mais les froids excessifs de rhiyer, 4111 sont perei» deux , les Thurses , de géants de sécheresse qu'ils étaient dons l'ori- gine , devinrent en Scandinavie des géants de glace et leur nom de Thurses (Raides) désigna dès lors soit la raideur des corps transis de froid 9 soit lasécberesse ou le manque d*eau des régions polaires , soit enfin Taridité de la nature manquant de sève en hiver.

Les peuples iafétiqnes croyaient généralement qu'après la mort les défunts seraient encore les protecteurs de leur famille et c'est pourquoi les Hindous, par exemple, donnaient aux mânes ou âmes protectrices , le nom de Piiaras (Pères). On se figurait l'âme bumaine comme quelque chose de vivant (gr. zoon) , comme un animal, ou comme une figure en miniature de l'individu laquelle était renfermée dans son corps et qu'elle quittait à la mort. Les Hindous croyaient que l'âme préexistante (sansc. pouroucha p. prai;|ua f^réexisiant , âme ; zend. fravashi; pers. ferver) au corps , et renfermée en lui, était une petite figure matérielle » image du défunt, de la grandeur du pouce (v. Mahâbhàrata Savltri ; cf. gr. pugmaios Haut comme le poing ; vieux-prussien parstuk Petit doigt). Les Perses aussi pour exprimer , par exemple , que le roi régnant était sous la protection de l'âme du Voi défunt (cf. Darius dans f^/ii^/e, Les Perses) représentaient sur leurs monuments la figure en miniature du roi dé- funt ou son Ferver (Ame) planant au-dessus du roi régnant. En général l'antiquité se figurait les génies protecteurs comme des nains d'une taille plus ou moins petite , parce qu'on se représentait ainsi les âmes: tels étaient chez les Hindous les Balakhilgas (Issus de YlncuUe aux poils) ainsi nommés parce que , selon la tradition , ces nains étaient sortis, au nombre de 60,000, des poils (sansc. bala) du corps de V Inculte (sansc. Khila) ou de Brahmâ; tels étaient les Pataikes (héb. Petauchim les Libéraux Généreux , Simples) des Phéniciens; les Téraphim (aram. teraf noble; arab. shérif) des Hébreux ; les Kabeires ou Kobeires (Pro- tecteurs; cf. gaêlic, cahhair . cohhair) des Kelies-Kimméries, et les Svarkes {Lucien, Toxaris: Korakoï) des Scythes. Le nom même de Kvar^ kes signifiait Nains et se rapportait à un thème {KRaka, lat. ex-tendere) qui exprimait l'idée de élancé^ mince, peut, c/iér?/' (sansc. krças petit; lat. gracchus , gracens , gracdîs ; fr, gjrèle : non*, kraki uaiû ; russe

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tVS SCTTHfiB. 185

kdrla p. k»rkla ; polon. karltk, karzel; ail. kvereh , kvarehU, krekel; cf. Schrat , Schraz). Le nom scyibe de Kvarkus a se changer dans les langues gétiques en chvarichus et ihvarichui d'où se sont formés le gothiqae dvairgs, le norrain dvergr ^ le saxon qverek^ rallemand zwerg , l'anglosaxon dveorg , l'anglais dwarf (p. dvarv) » mots qui ont tous la signification de nain. Ces Nains qui étaient dans l'origine les Ames des défunts les mânes des pères, étaient d'abord les Protecteurs de la famille et de la maison. De Protecteurs du foyer ou de l'âtre domestique (scytb. taviii) ils devinrent ensuite les Pro- tecteurs du pays (norr. landvœttir , cf. scytbe octo-masadoê Génie la contrée) et présidaient , en cette qualité , à tout ce qu'on considé- rait comme produisant le bien-être du pays tels que les vents , les pluies , les rosées et les autres phénomènes météorologiques. C'est ainsi que chez les Kimméries de la Tauride deux Kabires avaient un sanctuaire dans la Cbersonèse et présidaient aux vents favorables à la navigation si pleine de dangers sur le Pont-Euxin. Les Scythes qui vinrent dans la suite remplacer dans la Cbersonèse les Eimmériei qu'ils avaient vaincus et chassés de cette contrée , conservèrent ce sanctuaire et le culte des Kabires kimméries. Seulement ils donnèrent à ces Kabires le nom scytbe de Kvarkes ; et les Grecs qui aimaient à rapporter à leur culte et à leur religion tout ce qu'ils voyaient chez les peuples étrangers , confondirent ces deux Kabires ou Kvarkes avec Castor et Pollux ou avec Orestès et Piladès (v. Lucien , Toxaris) lesquels présidaient également aux vents favorables et à la navigation heureuse .

Les fonctions de prêtre , dans l'antiquité » consistaient à servir d'organe intermédiaire entre la divinité adorée et le peuple adorateur. Pour le peuple le prêtre était l'interprète de ses vœux moyennant la prière , de sa gratitude ou de ses craintes moyennant le sacrifice ; par rapport à la divinité , le prêtre était l'organe de sa clouté moyen- nant l'oracle et la dtmatton, et l'interprète de ses mystères par le dogme et les cérémonies du culte. Chez les Scythes dont la civilisation à l'état patriarchal était ^'ucore trop peu avancée pour comporter et nécessiter la division du travail ou des fonctions sociales, le sacerdoce n'était pas encore une fonction spéciale. La prière et le sacrifice se disaient dans l'intérêt de la fumUle par le chef de la famille et dans

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184 REVUE D'ALSACE,

l'intérêt de la tribu par le chef de tribu oo par le roi. Gomme les rois passaient pour être les fils des dieux (cf. Pak-pwr) on attribuait à leur intercession toutes les bénédictions du ciel ; mais par la même raison ils devenaient aussi responsables des malheurs publics» et quel- quefois en temps de détresse ils étaient punis de mort par le peuple pour avoir perdu et détourné du pays la faveur et la protection de la divinité. En sa qualité de pontife suprême du peuple » le roi était responsable des infractions à la religion commises par ses subor« donnés. C'est ainsi que la déesse rai;t(t punissait le roi par une ma» todie , si quelqu'un de ses siqets avait commis un paijure. Le roi comme pontife avait également à veiller sur l'ensemble du culte et voilà pourquoi le roi scythe Satdios (Solaire) se crut en droit de tuer son frère l'illustre Anakharsu (Ânak-hrasis » Coureur rapide) qui avait essayé d'introduire dan$ le culte d*Apia de nouvelles cérémonies reli- gieuses (Hérod. IV , 76). Le roi Skuies (cf. norr. SkuU Protecteur) fut chassé par son peuple et tué par son frère Okio^moio-das (Beaucoup- sachant ou Génie de la contrée) pour avoir pris part secrètement au culte de Bacchus (Vénérable ; slav. Bog dieu) célébré à Olbie et pour avoir introduit sans doute dans le culte de TargUatms surnommé Bag (Vénérable Bacchus) dés cérémonies empruntées à la religion de Bacchus. Chez les Scythes qui étaient gouvernés par une reine, celle-ci était également grande-prêtresse et présidait au culte des dieux , prin- cipalement au culte des déesses et particulièrement à celui d'ilritm- pasa. Elle avait à ses ordres des femmes victimaires qui faisaient les sacrifices et qui portaient le nom de Tueuses d'hommes (scyth. vhro* pata^ Hérod. viro'pala; sanscl vîra-hadhâs) parce que les victimes qu'on sacrifiait dans les grî^ndes occasions étaient généralement des hommes faits prisonniers à la guerre. Gomme ces femmes victimaires ainsi que plus tard les Conseillères du sanctuaire (aUù»hrunàs) for- maient une espèce de corporation , elles étaient désignées par le nom abstrait neutre de viro-pata qui signifie proprement Tuerie d*hommes comme plus tard , chez les Scandinaves les poètes qui formaient également un corps furent désignés par le nom abstrait neutre de Skald (Sonnerie ; cf. chapelle). Lorsque les Scythes se furent établis dans la Ghersonèse taurique , les Grecs après avoir confondu VArté' mis tauropolos des Kimméries avec la déesse Artimpasa des Scythes confondirent également les prétresses d'Artémis nommées Amazones (mammelues) avec les femmes victimaires ou la Tuerie d'hommes des

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LES SCYTHES. 18S

Sc!Ftbes » et donnèrent à celle-ci le nom qu'avaient celles-là. C'est ainsi que les traditions moitié historiques moitié fabaleases sur les Amazones furent ratuchées faussement par les Grecs à l'histoire et à la religion des Scythes avec lesquelles cependant elles n'avaient origi- nairement aucun rapport, (i)

Bien que par Finfluence des peuples thràkes et keltiques avec les- quels les Gèles s'étaient mêlés , la prêtrise prit cbez ce peuple un caraaère plus sacerdotal » elle n'était cependant pas non plus une fonction toute spéciale quoiqu'elle devint héréditaire dans les familles nobles. En effet lorsque les dieux, qui dans l'origine étaient seulement particaliers aux fanùUes nobles , furent dans la suite devenus peu à pea les dieux de la tribu et de la nation , il était naturel que la prêtrise appartint aux familles qui avaient institué le culte de ces divinités. Ensuite comme» suivant l'opinion généralement répandue dans l'antiquité , ceux qui avaient fondé le culte de quelque divinité n'étaient non seulement ses prêtres» mais passaient aussi pour être les fils ou les descendants de cette divinité , ces familles à la fois nobles , royales et sacerdotales furent encore considérées comme des familles divtiiM» ou comme issues des dieux. Aussi les chefs elles principaux membres de ces familles nobles prirent-ils le nom de ékvins (gr. dUn ; dans Jomandès lisez Dit au lieu de PU.) Us s'attribnèrei^t même le nom spécial du dieu dont ils se disaient les des- cendants , et ce nom par extension fut quelquefois appliqué ensuite à toute leur descendance , à la tribu ou nation entière. C'est ainsi , par exemple » que chez les Austro-^otes le nom du dieu Soleil appelé Amal (Sans-tache) après avoir été le nom de la famille princière qui avait institué son culte devint celui de toute la tribu des Awtales. Chez lesGètes de la Thrace (P/tn. il) la famille sacerdotale des Dio- (efiei(0ur8-de-INeu; norr. Ty^bassi; Tys-biôm) étaient probablement les adorateurs de leur prétendu Aïeul le dieu Tius (scyth. Divus « norr. Tyr). Les Svèdes se disaient issus du dieu Soleil qu'ils adoraient sous le nom épithétique de Svidr (norr. Svinnr versé » avisé). Aussi prirent-ils le nohi de Svidthioth (peuple de Svidr) ou de Svenskes (Issus de Svinnr ; cf. Cheru-skes Issus de Cheru). Le chapeau que portaient les nobles chez les Scythes et par lequel » sous le nom de Porte-chapeaux (Luc. Pilophores ; norr. hâit-berandi) , ils se distin-

(*) Voir Les Àmaxones dans r histoire et dans ta fable. Colmar, 1852.

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guaient des roturiers libres nommés oeiopodes , devint chez les Gètes presque un attribut de la prêtrise et resta encore dans la suite le signe distinctif sacerdotal du dieu Odinn (cf. Sidhëur Chapeau rabattu). D'après Dio Cassius et Petrus Patricius les Dace$ et les Gèles se distinguaient en hommes libres laïcs nommés Chevelus (gr. Komelaï ; goth. hazdingôs ; norr. haddingiar) et en nobles sacerdotaux nommés d'abord Révérends (gr. Tarabustesi de tarbuzpn^ lat. Tremendi ; cf. gét. Plêstai , angl. BUssed) et appelés phia tard PorU'Chapeaux (Jomand* de rébus get;)

iMm vtmviMâm*

Les Inspirés avaient un caractère plus sacerdotal » plus mystique et ascétique que la prôurise exercée par les familles nobles , royales et é^nes ; ils passaient pour des hommes chéris des dieux dont ils étaient les prophètes » et le peuple qui leur attribuait des inspirations surnaturelles « les écoutait et leur obéissait avec un saint respea. Tels étaient chez les Scythes les Enâres ( Vên-varês ; Uniques-hommes) qui étaient inspirés , protégés et béAis (Pléstai) par la déesse Ariimpasa. L'ascétisme originaire de Tlnde se répandit et s'établit chez les peuples kimméries qui le communiquèrent à leurs voisins \eB Gèles de la Tbrace. Suivant Posidonlus (Strabo. vu,, 5, 3) les Mtfses peuple kimro-thrace qui s'est mêlé plus tard avec les Gaihs dans la Moesthgothie avaient parmi eux des Ascètes nommés les Pieux lesquels s'abstenaient de la viande et se nourrissaient seulement de lait, de miel , de fromage et de gâteaux secs (gr. Kapoura). Aussi portaient-Hs le sobriquet de Aime-galeaux (gr. Kaprônies) et de Tueurs de gâteaux {Kapro-batai au lieu de Kapno-batai). Chez les Dnko^gètes les Inspirés vivaient dans la continence et portaient le nom de Bénis (gét. Pléthtai ; Hérod. Pleisloï cf. angl. blessed, ail. blêien; norr. blôta consacrer). Us se disaient sans doute inspirés par le dieu Soleil qui pour cette raison portait probablement Tépithète de PkistôrcLs {Pleist^ varas Garde-les-Bénis v. Hérod.) L'ascélisme était plus mitigé chez les Gètes qui vivaient plus en dehors des relations avec les Thraces et les Celtes; néanmoins les Inspirés exerçaient encore un assez grand ascendant sur ce peuple. Les rois se les attachaient pour foriiSer ainsi» par eux, leur propre autorité. Aussi ces Inspirés étaient-ils les familiers , les conseillers et les ministres des princes.

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LES SCTTRE8. 187

Tel était riiispîré gèle Zalmoacis {StrcAon 3, 5) ainsi Dommé sans doute d'après le dieu Skalmo-fkaig dont 11 se disait le prêtre, l'inspiré ou le divin (norr. godi). Il habitait une contrée cayerneuse et sauvage. La montagne et la rivière auprès desquelles ce saint personnage deinenrait et qui l'un et l'autre portaient communément le nom de K(hgaiones (Kd-gaviuni , celle du district de$ vaches) furent appelées les saintes y à peu près comme en Scythle un carrefour et la source qui s'y trouvait portaient l'un et l'autre le nom de Sacré du carrefour (vek'saman-vmhus. Hérod. Heksampaios). Zalmosàs n'eut de commerce avec personne si ce n'est avec le roi et avec les serviteurs du roi. Un autre inspiré de cette espèce c'était Dikenaios .(goth. diki^hnaivs bas de taille) le conseiller et le prophète du roi Bmehistes ( Fairo-vistas Gagne-héros; cf. Ariovistus Gagne-honneur). Il avait un tel ascendant sur les Gètes qu'il parvint , bien qu'ils fussent très-adonnés au vin » à leur persuader de détruire chez eux les vignes {Slrabon vit, 5, 11). Après lui se distingua le Divin nommé Dekeballus (goth. Bagi-falhus Faucon diurne, norr. Dag-valr , anglos. Dàg-vaf) et surnommé Dittr» faneus (goth. driufaneis^ norr. drufnir le triste) . Après que son souverain . le roi des Gètes lui eut cédé son trône , il inspira à la nation une telle confiance et un tel enthousiasme qu'il remporta plusieurs victoires sur les Rt^mains et qu'il força l'empereur Domitien à lui payer un tribut annuel (annô). Encore chez les Scandinaves il y eut de ces prétendus Inspirés. Tel était, par exemple, Brum personnage mysté- rieux qui était le conseiller secret (norr. runi) du roi AaraUd Dent-de- guerre (norr. HiUdaf'tônd) et de Sigurd Ring. .

LA BITOrATIOlV.

Comme le nombre des hommes qui passaient pour éire directement inspirés par la divinité était naturellement restreint et que pour con- naître la volonté des dieux , on n'avait pas toujours à sa disposition ces prophètes les peuples de l'antiquité, dans les circonstances ordinaires, suppléaient à la prophétie par la divination. La divination différait de la vision prophétique en ce qu'elle n'était pas comme eelIeH» , la vue directe (par inspiration divine) et la vue immédiate (par intuition contemplative) de l'avenir ou du destin , mais qu'elle était seulement l'art de prédire la destinée par conjecture , à la vue de certains signes qui passaient pour être des indices précurseurs et

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. 188 lUEVUB D'ALSACB.

coDComitante de réyénement attenda» indices qui, ou bien s'offraient d'eux-mêmes ou bien étaient provoqués par des paroles et par des opérations magiques. La divinaUon religieute différait de la magie scientifique en ce que la première se contentait de deviner la destinée telle que les dieux Tavaient décrétée sans avoir, comme la seconde, la prétention de déterminer et de modifier à volonté sans les dieux et même contre les dieux le destin et les événements , en provoquant par des moyens naturels indiqués et choisis par la science occuUe , les causes qui passaient pour produire nécessairement les effets surna- turels que le magicien désirait obtenir. Chez les Scythes on pratiquait principalement trois espèces de divination : V la divination par la tille; ^ la divination par le chaudron et la divination par les 6a- guettes. La divination par la tille (norr. lindbast) usitée encore plus tard dans la Scandinavie était surtout pratiquée par les Enâre$ , et consistait à entourer les doigts d'une certaine façon avec les filaments de la tille à l'effet de produire certains empêchements (cf. nouer l'aiguiUette). La divination par X^chaudron (norr. ketUl) était princi- palement usitée après les sacrifices comme Varuspicina chez les Ro- mains. On prédisait les événements d'après la couleur , l'évaporation et la congulation du sang des victimes recueilli dans le chaudron ou bol de sc^crifice (norr. hlaut-hoUr). Le chaudron étant ainsiiion seule- ment un ustensile de sacrifice mais encore un instrument de divina- tion , était considéré par cela même , comme un vase f acre et comme tel c'était un objet dont on pouvait convenablement faire un présent honorifique aux dieux et aux princes. De même que les Grecs pla- çaient comme anathêmes dans les temples , de grands trépieds (ori- ginairement des chaudrons de sacrifices sur trépied), de même le roi Scythe Ariantas (cf. goth. harjands ; norr. heriandi) fit ériger dans un carrefour {Hérod, iv , 81) ou , comme disaient les Scythes , dans une rencontre de chemins (scyth. vech-saman; norr. veg-'Saman) un grand chaudron d'airain qu'il avait fait fabriquer avec le métal provenant de la fonte des pointes de flèches de ses sujets. Ce carrefour était con- sacré au dieu du Soleil Oitosuros ou Targitavus comme l'ont été plus tard chez les Germains certains carrefours (anglos. Irmen-gestrœtte) consacrés au dieu du Soleil Irmin (sansc. aryaman Vénérable , cf. Bhaga Baccbus ; slav. bog Vénérable). Ce chaudron , comme instru- ment de divination , était également consacré au dieu Soleil (cf. gr. skufos la coupe du soleil) qui, comme ApoUon chez les Grecs , prési-

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LES SGTTHBS. 189

dail à la divination , et il fut fabriqué ayec le métal des pointes de flèches parce que la flèche (slaV. uréU) était le symbole des rayons da soleil (ail. itràl) et pour cette raison également consacrée au dieu Soleil, lia plaine du carrefour fut érigé ce chaudron gigantesque ainsi que la icurce qui s'y trouvait » ayant été Tune et Fautre sanctifiées (scytb. vaihus; gotb. veihs; norr. vé) par la, présence de ce vase sacré (cf. iKo^gavmni) furent aussi Tun et Fautre appelés le Sacré du carrefour (scytb. vech-saman^vaihus ^ Hérod. hek-samp'aihus ; gotb. veg-saman^veihs), La divination par le chaudron usitée chez les Scythes se transmit à leurs descendants les peuples gétiques. Elle fut exercée chez ces peuples par les femmes victimaires nommées les ConseiUères iusanctume (dhi-hrûnas) lesquelles, par l'inspection du sang des victimes recueilli dans le bol du sacrifice , prédisaient le destin et les événements futurs. Telles étaient les devineresses qui se trouvaient dans Farmée du roi goih Filimer , fils de Gandarik. Comme elles mê- laient la magie à la divination et qu'elles menaient une vie dissolue, elles inspirèrent un tel dégeût par leurs dérèglements et une telle horreur pour leurs opérations magiques» qu'elles furent expulsées de Farmée des Goths (Jorn. de Rébus gelic. cap. â4).

La divination par les bagueties ou la rabdomancie était le gpnre divinatoire le plus usité chez les Scythes. Elle se pratiquait au moyen de baguettes (norr. siafir) uu flèches faites de tamariske , de coudrier ou de hêtre , ces espèces d'arbres étant consacrés au Soleil comme à la divinité qui présidait à la divination et à la prévision. D'après les caractères runiques dont ces baguettes jetées à terre retraçaient for- tuitement la figure on conjecturait ou on lisait (cf. lat. sorii-legus) l'avenir et l'on donnait la réponse en conséquence. Toutes les fois que , chez les Scythes , un roi tomba malade parce que , comme on le supposait , quelqu'un avait fait un faux serment » on faisait venir » selon l'usage , trois devins qui durent faire connaître par la rhabdo- mancie Fbomme dont le parjure avait attiré au prince sa maladie. Si l'indication faite par ces trois premiers devins était encore confirmée par celle de trois autres appelés en second lieu » Findividu ainsi dé- noncé par eux comme parjure , était mis à mort c'est-à-dire qu'il fut consacré (Pleithtus , angl. blessed) et sacrifié à la déesse du feu {Taviti) et les devins se partageaient entre eux sa fortune. Mais si la dénon- ciation faite par les premiers devins était déclarée fausse par les trois autres , ceux-là furent consacrés et sacrifiés avec toute leur descen-

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490 RSVUB D'ALiACB.

dance mâle au dieu SolM (OUosuros) dont ils avaient été les faux interprèles, et à la déesse du /èu*(Taviti) dont ils avaient violé la pureté; on les brûlait sur un char attelé de bœufs et chargé de fiigots auxquels on mit le feu (Hérod. iv , 69). D'après le mythe Scandinave les Aies percèrent de lances (norr. gàrum s(uddu) la devineresse ou la louve {valchova) des Vanes (Slaves) et la brûlèrent trois fois parce qu'ils croyaient qu'elle en avait menti trois fois (voy. Poèmes ùlané,^ p. 192).

L'adoration, la principale pratique du culte» exigeait qu'on s'adres- sât directement aux dieux et qu'on connût par conséquent le lieu qu'on supposait être celui de leur séjour habituel. Dans l'origine , lorsque les dieux étaient encore zoomorphes et des objets de la nature visibles tels que le ciel , le soleil , la lune » etc. , on s'adressait directement à ces objets divinisés pour les adorer. Plus tard lorsque les àieux , de- venus anthropomorphes » furent supposés bs^biter le ciel (cf. sansc. dêvas célestes ; gr. theoi; lat. dit), c'est en dirigeant ses regards au ciel qu'on pratiquait l'adoration.

Aussi longtemps que les Scythes, encore nomades i n'avaient pas eux-mêmes des demeures fixes , ils ne songeaient pas non plus à construire des demeures ou des temples à leurs dieux (Hérod, n, 59) ; ils n'avaient qu'un offertotr ou table de sacrifice (norr. biod) dressée en plein air et en face du ciel. Comme cet offertoir servait à toute la tribu , il était érigé sur le lieu de l'assemblée ou sur le tertre public (norr. màl-biorg , lôgbiôrg ; Hérod. iv , 62). Cet offertoir était une espèce de support (lat. âra p. ansa; sansc. an«a épaule, soutien, anse ; cf. norr. as) , un échafaud ou une grande table faite en char- pente ou de dalles de pierre à l'instar des tables-pierres (kelt. dôl-men) des Keltes. Monté sur cet offertoir auprès duquel se trouvait fiché en terre le glaive (scyth. gaizus) ce symbole du dieu suprême qui prési- dait à la guerre (Hérod. iv , 59) , le sacrificateur y immolait les vic- times. Quand la tribu séjournait longtemps au même endroit cet offertoir était entouré d'un fossé et d'une clôtdre à claire-voie faîte de bâtons de coudrier (norr. hôsliir). La terrasse ainsi enfermée était sacrée (scytb. vaihus; norr. vê) et inviolable et formait une espèce de fort (goth. alhs temple ; gr. alkè force ; lat. arcs forteresse). Dans

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LB8 scmass. 191

ce fort on gardait aussi les objets sacrés et le trésor dn dieu. (<) Chez les Scythes de la mer Noire ce trésor renfermait la charrue d*or le joug d'or, la fiole d'or et la hache d'armes d'or , tous objets sacrés tombés du ciel {Hérod. iv , 5). La possession de ce trésor du dieu était attachée à la royauté parce que le roi était aussi le chpf religieux de la tribu. Aussi est-il dit , dans le mythe , que Hleipo-skaU etArvo* tkaii ont cédé la royauté à leur frère Kola-skats lorsque celui-ci fut devenu possesseur de ce trésor sacré {Héro^. ly ^ ^). Pour que les rois pussent disposer librement de ce trésor ils préposaient à sa garde des esclaves qu'on mettait à mort quand on jugeait nécessaire d'employer ce moyen violent (cf. Tacit, Germ. 44) pour prévenir leur indiscrétion. Un certain jour de l'année ces objets sacrés étaient montrés au peuple et ensuite un esclave faisait auprès d'eux la veillée de nuit. Ordinairement le gardien qu'on avait déterminé par* de grandes promesses à cette veillée fatale disparut dans la nuit d'une manière mystérieuse , comme ces serfs dont parle Tacite qui avaient assisté à la procession de la déesse Nerthus.

Chez les Scandinaves les temples renfermaient , ainsi que les sanc- tuaires chez leurs ancêtres les Scythes et les temples chez les Grecs» le trésor pubHc composé d'objets précieux provenant soit de dons volontaires , soit du produit de l'impôt sacré ou de la rétribution par tête. Cet impôt , le seul que les rois eussent le droit de lever au profit du culte et du temple , en leur qualité de chefs religieux (norr. drôttinn) était payé par toute âme respirante ou comme on disait dans le nord, par tout nés (norr. nef nez) et pour cette raison il était appelé Yimpôt du nez (norr. nef giôild). Le temple i'Upsalir ren- fermait un si grand trésor que la richesse en devint proverbiale (oorr. Vppsala audr Trésor d'Upsal ; cf. aurum Totosanuin le Trésor de Toulouse). Les trésors des temples Scandinaves étaient gardés comme cbez les Scythes par un esclave (Tacit. Germ.) Aussi est-il dit dans le Heimskringla (le Cercle du monde, ouvrage de Snorri fils de Stnria) que le trésor du roi On le vieux, c'est-à-dire le fré^or pubUc était sous la garde de l'esclave Tunni , le confident du roi. Dans

(') Encore au moyen-àge chrétien pour mettre les églises à l'abri du pillage et de la spoliation , on en faisait de» espèces de forteresses; on construisait certaines églises sur un terra.'n entouré d*eau (Ecclesia in undis ; ail. Wasserkirehê) et seulement accessible par un ponceau.

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192 REVUE D'ALSACE.

l'antiquité les armes comptaient parmi les objets précieux et c'est pourquoi chez les Grecs les trésors (thèsauroï) privés ou publics étaient également des dépôts d'armes. Voilà pourquoi le mythe grec rapporte que Héraklès distribua à ses compagnons les armes qu'il avait enlevées au trésor d'un temple. Cet usage de faire du trésor du temple également un dépôt d'armes subsistait aussi dans le nord et les rois des Sviones {Tadt. Germ. 45) le mirent à profit pour rendre leur puissance absolue en désarmant ainsi les nobles et les manants. Car sous prétexte de confier les armes à la garde de la divinité « ils les enlevèrent à leurs sujets et les retinrent enfermées dans le temple. Les temples Scandinaves et. slaves étaient ainsi en même temps des arsenaux fortifiés (norr. vapnhus maison d'armes; salhus» voy. Atlakv. 17). Encore du temps du christianisme on donnait, en Suède» le nom de dépôt d'armes (vapnhus) au porche de l'église.

Lorsque les Scythes et les peuples gétiques eurent un culte plus développé et perfectionné, le signe symbolique de la divinité , l'épée de Divus (Tyr) ne resta plus fiché en terre en plein air auprès de l'offertoir , sur la butte de l'assemblée , mais il fut placé sous une tente (goth. hleithra treillage » cf. gr. kleithron) faite de claies et de peaux. L'offertoir lui-même devint une simple table de sacrifice placée devant la tente dans Venceinu sacrée (goth. alhs). Cette enceinte prit alors le nom de sanctuaire (gr. herkos \ v. ail. haruc ; norr. horgr) par lequel , plus tard, on désignait plus spécialement la partie couverte du sanctuaire (angles. Kyrie ; angl. church ; ail. Kirche) ou la tente par opposition à la cour découverte (norr. hof) qui entourait ou ren- fermait cette tente. De même que, ayant la construction du temple, les Israélites eurent, un tabernacle portatif et que les Arabes, avant Moham- med avaient de petites tentes carrées (ar. caabah) qu'on pouvait trans- porter d'un endroit à l'autre (>), de même les tribus gétiques, quand elles étaient en marche portaient au-devant des rangs une tente destinée à servir de sanctuaire. Cet usage subsistait encore chez les Goths chrétiens (Hieronym. Epistol. ad Lsetit. iv.) dont les prêtres précédaient le convoi (v. Amien MarceU.) tandis que le peuple qui suivait chantait des psaumes (Hieronym. ad Héliod.) Au commencement , les Scandt- naves avaient aussi pour sanctuaires de simples tentes (Hléthra). Delà le nom de Leire (p. Lledre , tente) que portait en Fionie le plus ancien

(*) Voyez : de Rdigiont arakum antsislamica.

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LB8 SCYTHES. 493

sanctuaire des Danes. Si Adam de Brème dit que le temple d'Upsal était tout en or » cela veut dire qu'au lieu de la tente primitive en peaux t on voyait à Vp$al les planches des parois (norr. veggihiHor) tendues comme une tente (norr. tiôldut) de tapis d'or.

Les files religieuses étaient originairement des jours /ires consacrés

par le peuple à célébrer le souvenir de quelque action mythologique

de la divinité » à lui en témoigner de la joie , de la gratitude et à lui

adresser , à cette occasion , les prières et les vœux publics. On

croyait que dans ces jours solennels la divinité entrait en contact

plus direct avec les hommes » qu'elle se montrait à ses favoris et

adorateurs et qu'elle venait en hôte visiter ses protégés pour les

bénir. Aussi les jours de fête étaient-ils essentiellement des jours

consacrés à faire la réception et l'accueil de la divinité. Ces fêtes ou

ces jours d'accueil de la divinité étaient généralement célébrés par

des sacrifices ; car de même qu'on honorait l'étranger ou l'hôte non

seulement par des présents mais surtout par des repas ou festins

qu'on donnait en son honneur , de même aussi on crut devoir honorer

la visite supposée du dieu non seulement par . des offrandes mais

encore par des sacrifices. Les sacrifices différaient des offrandes en

ce qu'ils n'étaient pas , comme celles-ci , des présents d'objets utiles

ou agréables à la divinité » mais des oblations de comesiibUs destinées

à régaler l'hôte-dieu. Les sacrifices publics étaient donc des repas

offerts à la divinité par la tribu entière et tous Jes membres de

la tribu avaient le droit d'y prendre part. Les sacrifices privés, faits

en dehors des jours de fête / étaient des festins offerts à la divinité

au nom de la famille et il n'y avait que les membres de cette famille

et ceux qu'on considérait comme alliés à elle par le sang qui pussent

y prendre part. Comme le sacrifice était un festin auquel ceux qui

le donnaient aussi bien que le dieu-hôte auquel on l'offrait , devaient

participer » on ne présentait ou l'on ne sacrifiait dans l'origine que

des victimes ou des comestibles dont on pouvait goûter soi-même.

Ensuite comme tout festin consistait non-seulement dans le manger

mais encore et surtout dans le boire, on faisait aussi des sacrifices de

boissons ou des libations (voy. Just. ; Luc. Toxaris , 45). Cependant

on faisait toujours le plus grand cas des sacrifices sanglants. Les

a* Aiioéi. *5

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peuples nomades et chasseurs lels que les Scythes et leurs descen- danis sacrifiaient comme victimes les animaux pris à la chasse » ou choisis dans leurs troupeaux. A chaque divinité on sacrifiait de pré- férence les animaux qui lui étaient plus spécialement contactés. Ainsi au dieu Soleil on sacrifiait dans les grandes occasions des chevaux blancs. Voilà pourquoi à Athènes on sacrifiait aussi annuellement un cheval blanc à V Archer scythe ou au Préservateur (AlkAn) ou à VEôlC' médecin c'est-à-dire au dieu du Soleil Targitavus ou Zabnaskis consi- déré comme guérissant les maladies. Les sacrifices de chevaux usités également dans l'Inde (sansc. açva-'mêdhas) furent aussi en usage chez les descendants des Scythes surtout chez les Slaves et les Scan- dinaves (oorr. hrossa-slâir).

La manière d'immoler les victimes et les cérémonies qui accom- pagnaient ces sacrifices sanglants » dépendaient , chez les différents peuples . du mode employé habituellement pour tuer les animaux et pour préparer le repas ou le festin. Les Scythes avaient la coutume de tuer les victimes en les étouffant ou en les faisant mourir par strangulation (cf. ail. u^ur^en.étoufier » tuer) , afin que le sang ne se perdît pas mais restât tout entier dans la victime offerte à la divinité {Bérod. IV » 60 ; cf. iv » 71 , 72). Cependant dans la suite, et surtout chez les descendants des Scythes , chez les Gètes et les Scandinaves , la victime était immolée principalement avec le glaive ou le couteau (cf. les femmes victimaires ; norr. skera couper , immoler). Le sang de la victime fut recueilli soigneusement dans un chaudron ou bol de sacrifice et c'est d'après la couleur » les vapeurs et la qongulation du sang qu'on prédisait les événements et qu*on proclamait le destin. Après que la victime fut tuée et dépouillée de la peau » on la mit dans un chaudron pour la cuire ou bien on la plaça pour la rôtir immédiatement sur un feu qu'on alluma avec les os qu'on avait extraits du corps de l'animal (Hérod. iv» 61). Les viandes étant cuites ou rôties et préparées pour le repas » on choisit les meilleurs mor- ceaux pour en faire la part du dieu (Hérod. w, 61), et pour faire parvenir sa portion à la divinité , ou bien on la suspendit aux arbres de l'enceinte sacrée qui entourait le temple qu'habitait cette divinité, ou bien on la brûlait pour en faire monter le goût et l'odeur du ciel le séjour des célestes ou des dieux, ou bien enfin on la livrait aux ser- viteurs de la divinité qui en disposaient en son nom. La part revenant au dieu étant livrée , le reste de la victime formait le repas des hommes

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LES SCYTHES. 195

de la iribu » sr c'était an sacrifice public qu'on faisait » ou des membres de la famille si c'était un sacrifice privé. Chez des peuples comme . les Scythes et leurs descendants qui étaient grands buveurs » les fes- tins ou repas de sacrifice dégénérèrent dans la suite en banquets appelés compotaiions (norr. drykkior). Les compotations avaient lieu principalement à la grande féie de l'année qui était probablement la fête du solstice d*biver ou la fête de la roue ou du char (slav. koli; norr. hiul). Cest à cette fête que les Nomarques ou chefs de district donnaient leurs festins au prince comme le faisaient plus tard encore les larUê (comtes) et les Herses (ail. herren seigneurs) Scandinaves. A ces festins on faisait une -grande consommation de vin {Hérod. iv, 66, VI , 84) au point que les Grecs pour dire boire beaucoup se servaient de la locution boire comme un Scythe (Aristoi. Probl. m , 7 ; Anakr. Ode 55). Les femmes prenaient part aux festins comme elles le firent plus tard chez les Scandinaves {Strabon xi , c. 8 ; Plat, de legi- bus I » c. 9). Cette habitude de boire outre mesure passa aussi aux descendants des Scythes , aux Germains » aux Scandinaves et surtout aux Slaves. Comme aux yeux de ces peuples tous les jeux et les amu- sements auxquels ils se livraient devaient être plus ou moins un I moyen d'éprouver ce qu'on estimait le plus dans Thomme savoir la

r force physique, il se -fit qu'on jugeait de Ja force corporelle d'un indi-

I vidu d'après sa plus ou moins grande aptitude à boire vite et beau-

coup. Ainsi le roi slave Vasily n'admettait parmi ses compagnons d'armes que les individus qui étaient les plus capables de sabler les cornes à boire (norr. drinkhom). C'est dans ces compotations qui accompagnaient les sacrifices» aux grands jours de fêtes, que les Nobles Scythes comme encore plus tard les Nobles Scandinaves avaient l'habitude de boire à la mémoire de leurs pères , ce qu'on appelait la rasade commémoratàve (norr. minnis-full) , et de faire des vœux so- lennels soit de subir telle ou telle aventure périlleuse , soit de vaincre on de tuer quelque ennemi redoutable , soit enfin d'apporter au roi la tête ou le sçalp {Svidas v. aposkuthizeïn) du vaincu pour acquérir ainsi , selon l'usage des pères , le droit de participer au butin qu'on faisait dans l'année {Hérod. iv , 64). Enfin , pour qife tout dans ces festins rappelât les combats et les exploits , on ne buvait pdis toujours dans des coupes ou tasses de table (norr. bord^ker) ou dans des cornes pointues appelées piqueurs (goth. siîckls; v. sax. stikil) on préférait boire dans une tasse (norr. skala) faite du crftne (ail. himschale) de

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196 RBVm D'ALSâCB.

reonemi qu'on avait vaincu et lue {Snmta Edda^ p. lii; Paul, fils de Waroefrled» i . cap. 27 ; Hérod. lVg66; Pltn. H. N. vu, 2 ; Siraioii» vn , p. 206 ; ru.^Uv. lib. SS; ilmm. MareeU. lib. 27 ; Foitciidaiiv).

UM comécAATioira*

Les c(m«écraiioni ditTéraient des sacrifices en oe que dans celles-là les victimes immolées n'étaient pas des animaux mais des hommes et que ces victimes humaines étaient immolées non pour servir de repas au dieu-hôte et aux hommes de la iribu assistant au sacrifice , mais afin que les victimes ainsi dévouées ou consacrées pussent aller auprès de la divinité pour la servir ou pour lui porter quelque message. Ces consécrations tenaient d'un côté de l'offrande en ce que la victime humaine était en quelque sorte un don fait à la divinité dans la per- sonne d'un serviteur venant se joindre» au ciel» aux autres qui l'avaient précédé; d'un autre côté elles ressemblaient, extérieuremeni du moins, à des sacrifices parce que l'homme qu*on dévouait ainsi à la divinité pour être son serviteur dans l'autre monde, était mis à mort comme les victimes dans un sacrifice. Ces consécrations étaient usitées dans l'antiquité chez tous les peuples qui croyaient à l'immor- talité de l'âme ou du moins à une existence après cette vie (cf. Eté-* cfcîe/39, 48; Bhogavat-Pouramm, édit. Burnouf, ii, p. 281). Elles étaient aussi en usage chez les Scythes et se maintinrent, plus tard, chez les Gèus et chez les ScanJUnaves. Comme elles étaient des actes religieux elles eurent lieu ordinairement aux grandes fêtes nationales (Hirod, I, 246; Mêla 2,1; SoUn. 15 , 2, 3). C'est probablement à la fête du solstice d'hiver ou à la fête de la roue que les Scythes con- sacraient au dieu de la Guerre (Gaixus) quelque prisonnier désigné par le sort parmi ceux qu'on avait pris dans le cours de l'année et dont ordinairement un sur cent (Hérod. iv , 62) revenait au dieu ou devait lui être consacré comme sa part au butin ou comme sa récom- pense pour la victoire qu'il avait accordée à la tribu dans le cours de Tannée. Le prisonnier de guerre ou l'esclave consacré au dieu était considéré, chez les Scythes, non seulement comme dévoué serviteur de ce dieu , mais aussi comme un messager envoyé au ciel pour y porter les vœux et les prières des Hommes de sa tribu. La consécra- tion ou le sacrifice de ce flicrviteur ou messager était donc regardée presque comme une &veur qui lui était faite , et comme il avait été

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LB8 flcrnms. 497

jàgé digoe par le destin d'aller auprès de la divinité , on crut devoir l'honorer d'avance en le traitant comme un noble ou un roi pendant la fête qui précédait sa mise à mort. Les autres prisonniers de guerre réservés (cf. lat. servus réservé) pour le service des hommes» se livraient également dans c^tte fête à toutes sortes de réjouissances. Âpres avoir fait mourir par strangulation la victime humaine consa* crée f on lui coupa le bras droit qui avait porté l'épée et qui était par cela même le membre honoré par excellence et l'on jeta ce bras dans l'air, ce qui signifiait ou indiquait symboliquement que ce bras éuài une oCBrande livrée exclusivement au dieu du CSel, (Oivus) ou de l'air (Vatans) lequel était aussi le dieu de l'épée et de la guerre. Ckunme l'immolation de la victime consacrée était assimilée à un sacrifice, on mêlait aussi , selon l'usage généralement suivi dans les sacrifices, un peu de son sang à la viande de boucherie qui servait au repas du sacrifice (cf. Hérod. iv, 26). Cet usage de mêler du sang humain à la viande du repas fut cause que les étrangers , et particulièrement les historiens grecs, croyaient que les Scythes étaient anthropophages ou qu'ils avaient l'habitude de manger de la chair humaine dans les sacri* fices {Ptin. H. N. vu , â).

Cyrus, en souvenir de la victoire qu'il avait remportée sur les Scythes ou les Sakes et comme pour consacrer à son tour à la divinité les prisonniers scythes qu'il avait faits à cette occasion, adopta des Sakes leurs fêtes de la consécration célébrées annuellement chez ce peuple et leur donna également le nom de Sakéennes (gr. Sakata; V. Hésych. s. v.) ou féus scythiques {Kusias, éd. Baehr, p. 99, 447). A Babylone cette fête durait cinq jours (Athén. Deipnosoph. 44, 44) i commencer du 45* du mois makédonien Lôos. Durant cette fête ainsi qu'aux Satumtdes romaines , il éuit permis aux esclaves de se livrer entièrement aux plaisirs. A la place du prisonnier de guerre on prenait ordinairement pour victime consacrée quelqu'un qui avait été condamnée mort. Ce consacré prit le titre de prince (pers. schahbneh ; aram. sagan ; gr. xôganès) , et après avoir joui de tous les plaisirs et prérogatives des Grands il fut mis à mort le ànqmème jour , moyen- nant la pendaison {Strab. p. 780 ; Chrysost. de la rayante, 4* oraison) qui , pour les raisons que nous avons indiquées , ne passait pas chez les Scythes ni chez leurs descendants pour un supplice ignommevtx. Les Gètes célébraient tous les dnq ans une fête ils sacrifiaient un homme en le perçant de lances (cf. getrom styàia étayer de piques).

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198 REVinS D*AL8àCE.

Cet homme qui était probablement, comme chez les Seythett ud pri" sonnîer de guerre ou un esclave comme le gardien du trésor public , était censé être envoyé comme messager dans l'autre monde pour transmettre à Zalmoxu les vœux de la nation.

Comme la consécration procurait , à ce qu'on croyait « l'avantage d'aller auprès de la divinité » il y eut parmi les Scythes et leurs des- cendants beaucoup d'individus <\m , par une mort volontaire ou par le suicide se consacraient aux dieux. En général on aimait à assimiler la mort autant que possible à une consécration faite à la divinité. Les vieillards surtout croyaient ainsi échanger contre une vie meilleure une existence qui élait devenue à charge à eux-mêmes et aux autres. Dans la Scandinavie , appelée anciennement par les Grecs le pays dés HyperboréeSf les vieillards» qui voulaient ainsi se consacrer . se jetaient dans un gouffre ou dans la mer ou dans un lac du haut de certains rochers élevés {Plin. H. N. iv, 4 S) qu'on appelait plus tard les rochers de familk {œttemis-stupar ; suéd. àite-stupor). Les vieillards qui n'a- vaient plus la force de se précipiter du haut de ces rochers étaient tués par leurs parents assemblés comme pour un sacrifice ; on leur donna la mon en ' les frappant avec une massue qu'on appelait la massue de famille (norr. œttemis'klubba). La consécration étant un acte religieuiL, on ne se faisait pas scrupule d'engager les vieillards è se donner ou se faire donner la mort et même à les y contraindre s'ils s'y refusaient. Il devait arriver assez fréquemment qu'on fit passer pour volontaire la mort des vieillards qu'on avait ainsi amenée par des moyens violents. Aussi les Scythes , principalement les JVaja- gèies (Hérod- 1 » Si5) et les Dervikkfs , passaient-ils, chez les Grecs » pour avoir l'habitude de sacrifier aux dieux les vieillards. Mais même de jeunes héros se consacraient aux dieux par le suicide ou par une mort volontaire. C'est ainsi que Spargavisis^ le fils de la reine Tamyris^ se priva lui-même de la vie [Hérod, i « 215) ou se consacra au dieu de la guerre pour échapper à l'esclavage qui l'attendafl après sa défaite. La mort sanglante par les armes était réputée la plus glorieuse. Erik fils de Ragnar Braie-velue (Lôd-brôk) désirant aller chez Odinn (dieu de l'air et des venis) se fit jeter dans l'air comme une victime consa- crée à ce dieu ei recevoir à sa chute sur des lances hérissées (geirom stydia). La tradition norraine devenue evhémériste après l'introduction du christianisme dans le nord, rapporte qu* Odinn Uii-mème » sentant sa fin approcher , pour échapper à la mort natui^elle et sans gloire ,

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se fil percer ou marquer avec la lance (▼. Behmkringla^ Yogi, saga) afin de se consacrer ainsi à lui-même» Comme c'était un usage ancien de suspendre aux arbres les victimes sacrifiées aux dieux, la pendaison qui n'avak dans Torigine rien d'ignominieux» était aussi un moyen de se consacrer à la divinité , surtout à Odinn^ le dieu de l'air et de la guerre et qui était » pour cette raison^ surnommé le dieu des suspendus (Dorr. Hanfagud). C'e^t ainsi que le héros Hadding voulant se dévouer i Odinn » se pendit à un arbre . en présence de la foule qui s'était assemblée autour de lui comme pour assister à une amsicraAon ou à un sacrifice public.

De même qu'on aimait à assimiler la mort à une dévotion ou consi^ croAon volontaire; de même on donnait aussi aux funérailles^ autant que possible» la forme extérieure d'une consécration et même d'un sacrifice. Les morts étaient ou suspendus dans Tair aux arbres c'est- à-dire consacrés à Divus le dieu du ciel et des vents» ou enfouis dans la terre c'est-à-dire consacrés à la déesse Afia (Terre) , ou brûlés en l'honneur de Taviii sur un bftcher et assimilés ainsi à une victime de sacrifice. Le plus ancien mode de funérailles parait avoir été la pen- dauon. Cet usage , imité peut-être des Kimméries , se maintint le plus longtemps dans les pays du Pont-Euxin , étaient établis d'a- bord les peuples kimriques et après eux les Scythes. Dans le cimetière ou bois sacré de Aîa Colchis on voyait attachés par des chaînes aux branches des arbres et agités par les vents les cadavres des trépassés enveloppés dans des peaux de taureau non tannées (voy. Argonaut. 3 » V. 202-209). Evidemment ces cadavres étaient censés consacrés au dieu du ciel et de l'air ou au dieu des suspendis (aorr. Hangagud) » comme les victimes que plus tard , en Scandinavie à Vpsal et à Hlei- drut on avait l'habitude de suspendre aux arbres du bois sacré. Lors- que Divus fut devenu dans la suite plus particulièrement dieu des combats (norr. Tyr) , on préférait aussi à la pendaison ou à la mort par la strangulation la consécration par une mort sanglante » et dès lors on assimila les cadavres à des victimes de sacrifice qu'on brûlait au lieu de les suspendre et de les exposer en plein air. Un mode de funérailles plus récent encore et le plus généralement suivi était le brûlement suivi d'enterrement et enfin l'enterrement tout seul. A leur

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aOO MTUB D'ALSACB.

mort les Scythes du comman étaient enterrés après que leurs plus proches parents les eussent conduits sur un cbar (voy. les Chants de Sdl^ p. 99) chez tous les amis du défunt^ lesquels, l'un après l'autre, donnaient aux gens du convoi un repas funèbre {Hirod. iv, 9). Plus tard en Scandinavie on appelait ce repas funèbre la eompotation thé* fiîier (norr. erfiriryek) parce que c'est à ce festin que Théritier Ait déclaré le successeur du défunt. (<) Les tombeaux étaierit probable- ment creusés à l'endroit le défunt ^tait mort (v. Luc. Dandamis et Amizokes). Après l'enterrement , les Scythes qui avaient fiaiit partie convoi funèbre se purifiaient par des fumigations de graines deKn ou de chanvre {Berod. n , 75) parce qu'ils croyaient avoir contracté des souillures par le maniement et le contact du cadavre du défunt ; ensuite ils commencèrent les lamentations et le deuil qui consistait à se couper les cheveux et à se mutiler soit la figure , soit les mains.

Chez les Scythes , les rois et les nobles avaient un lieu de sépulture ou un cimetière particulier» ainsi que l'avaient eu les rois kimmêriens dont on montrait encore du temps d'Hérodote (iv . il) les tombeaux sur le Tyras. Pour les Scythes de la mer Noire , ce cimetière était à Gerrhes (Enceinte de claies) et il était ainsi nommé par les Seytho- grecs parce qu'on y avait rassemblé beaucoup de claies qui servaient soit pour construire la chambre souterraine du mort » soit pour faire une clôture (norr. gardht) autour du cimetière. Le cadavre embaumé du rot après avoir été promené sur un char Ainèbre par tout le pays» afin que tous les sujets pussent le voir et faire le deuil , fut enfin placé dans une grande fosse carrée (cf. hôrgr, p. 192) et sous une claie ou natte d'osier (cf. Hleidra) qui couvrait la moitié de la fosse et était soutenue par quatre lances. Dans la partie de la fosse qui n'était pas couverte par la claie (cf. hof, p. 192) et qui formait une espèce d'anti- chambre devant la chambre sépulcrale du roi , on plaça » après les avoir étranglés et consacrés au roi pour le servir dans l'autre vie, une de ses concubines (norr. fridla) » son échanson (norr. skutilsveinn) , son écuyer (langob. mar^pahis ; ail. mar-bach soigne-cbevaux) , son

(^) Les Grecs et les Romains non seulement célébraient les funérailles des morls par des sacrtûces et des repas funèbres , mais ces sacrifices et ces repas fgr néhi- sia , lat. parentalia) se répétaient aux anniversaires des funérailles. Cet usage passa aussi du paganisme dans le christianisme (voy. Bingham. , Orig, eeel, , tom. X f p. 69).

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valel de pied (norr. ûcâ-^tvemn garçon de chaussure) et son messager (norr. undirtnâir). On y plaça aossi son cheval » des vases d'or et d'antres objets précieux qui faisaient partie , non de la propriété de famiUe (norr. adalt^fê) laquelle devait toi]yours rester intacte aux hé- ritiers» mais de la propriété privée (norr. lama-fê) ou individuelle du défunt. Puis on recouvrit de terre la fosse et Ton éleva au-dessus du sépulcre une butte d'une hauteur proportionnée à l'honneur qu'on voulait ou qu'on devait rendre au mort. Après une année révolue on eaïuacra encore , en les égorgeant , cinquante des principaux servi- teurs du roi et l'on plaça leurs cadavres desséchés sur cinquante che- vaux empaillés qu'on rangea tout autour du tertre tumulaire , afin qu'ils pussent ainsi à la fois servir de garde d'honneur (norr. hirdslay an défont » le protéger contre les attaques des mauvais génies (norr. éraugar; zend. àrudj) et inspirer par leur présence de la terreur à ceux qui voudraient violer le tombeau {Hérod. iv, 71) pour en enlever tes trésors. Tous ces usages funéraires que nous venons de décrira se maintinrent généralement aussi chez les descendants des Scythes^ Chez les peuples de la branche gétique on préférait cependant cama^ erer les morts au dieu Soleil plutôt qu'à la Terre » et c'est pourquoi ou avait généralement l'habitude de les brûler. Les Goth$ brûlaient les morts placés sur dçs chars comme antérieurement les Scythes l'avaient fait avec les devins consacrés au dieu Soleil et comme plus tard les Scandinaves le pratiquaient en brûlant les corps des rois de mer sur des navires qu'on lançait à la mer et qu'on abandonnait aUx flots. Les Gètes ainsi que les Slaves conservèrent l'habitude de conM- erer la femme du défunt en la brûlant avec son époux décédé {Sieph. de Byz. s. v. Getia). Dans l'origine les ScanéUnaves , euivant l'usage de leurs ancêtres les Gètes , brûlaient les morts et assimilaient ainsi les funérailles à une consécration faite au dieu de l'air et du soleil. Aussi les plus anciennes traditions mythologiques , épiques et histo- riques rapportent-elles que les dieux (cf. Baliur) , les héros et les princes étaient brûlés sur un bûcher » érigé soit sur un char, soit sur un navire. La place avait lieu ce brûlement était sacrée comme celle s'était fait un sacrifice, et afin qu'on ne la profanât point en la foulant du pied » on l'entoura d'une enceinte construite de pierres qu'on nommait les pierres repoussantes (norr. bauta-steinir pierres fihutantes) qui devaient rebuter ou repousser le pied du passant. A celé de l'usage de brûler les morts ^ existait cependant aussi l'anden

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usage de les enterrer et cet usage-ci prit peu à peu le dessus sur l'autre , à mesure que Tagriculiure qui favorisa le mode de Teuterre- meut se répandit de plus en plus dans le nord , et que la mort fut assimilée moins à un iacrifice qu'à un voyage souterrain que le défiint était censé faire pour aller dans l'autre monde soit à cheval ou eu voiture on à bord d'un navire (cf. Chants de Soi , p. 100),

Les Scythes » du moins ceux qui étaient établis sur la mer Noire » croyaient comme la plupart des peuples de l'antiquité que les défunts continueraient à vivre d'une existence à peu près semblable à celle quils venaient de quitter et que , pour cette raison » il fallait les pourvoir de toutes les choses qui leur avaient été nécessaires ou agréables dans ce monde. Cette croyance n'était pas généralement admise par les Gètes. Aussi le devin ou divin Zalnums. prêtre du dieu du Soleil Skalmoskis^ s'avisa-t-iK selon la tradition, d'un moyen singulier pour prouver à ses compatriotes la continuation de l'existence après la mort. Il se creusa secrètement une loge souterraine com- muniquant avec la fosse du tombeau qu'il s'était fait préparer. Puis s'étant fait passer pour mort et ensevelir dans la fosse » il se rendit de dans la loge et s'y tint caché pendant trois ans. Ce temps-là étant rtfVolu il se montra à ses compatriotes, leur prouvant ainsi ostensible- ment qu'après son décès il n'en avait pas moins continué à vivre jusqu'ici. Prévoyant cependant qu'il ne pourrait pas toujours donner après sa mort cette preuve manifeste de son immortalité , il eut soin de dire que dorénavant il ne viendrait plus les visiter, mais que s'ils voulaient lui faire connaître leurs vœux , ils devaient tous les cinq ans lui envoyer un messager dans l'autre monde {Bérod. 4, 94). Depuis cette époque les Gètes crurent à la vie future. Aussi Eustaihius (ad Homer. ix, 65) rapporte-t-il , qu'instruits par Zalmosàs les Gètes sacrifiaient (dévouaient) les morts et banquetaient (faisaient le repas funèbre) en l'honneur des trépassés , dans l'idée que les morts renaU traient plus lard de nouveau à la vie. La tradition sur le tombeau dans lequel vivait pendant trois ans Zalmoxis se conserva chez les Scandinaves , surtout chez les Suèdes qui l'appliquèrent au dieu Freyr et rapportèrent de ce dieu que , même, après être descendu dans la

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tombe* il contioaa néanmoins encore à faire sentir au pays sa protection dî?lne.en loi procurant de la fertilité et Tabondance de tous les biens. Après avoir prouvé par le tableau rapide que nous venons de tracer de l'état social, moral » intellectuel et religieux des Scythes que ées peuples appartiennent non à la race latare , mais à la race iafitique . il nous reste encore , pour lever toute espèce de doute à cet égard à montrer par Tétat social , moral , intellectuel et religieux des Gète$ et des SarmatcM^ que ces deux nations forment l'intermédiaire sons tous les rapports» entre les Srythes leurs pères et les Germains^ les Scandinaves et les Slavei , leurs descendants immédiats.

F. G. Bergmann.

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BIBLIOGRAPHIE.

Cosmographie moscovite, par André The vet, recueilUe et.puhUée par le prince AuG. Galitzin. Paris, 1858, in-i6 de 200 pages. Prix : 8 francs.

M. le prioce AugusUa Galitzin , dans son zèle de bibliophile , et je me bâte d'ajouter de bibliophile très-savant , parait avoir deax pré- dilections bien marquées : il aime Chenonceaux , mais il aime encore davantage sa patrie.

La Touraine, grâce à Chenonceaux, a permis à H. le prince Ga- litzin d'enrichir notre bibliographie provinciale de V Inventaire de la royne Loy$e de Lorraine, puis des Triomphe$ faictz à Ventrée de Fran- çois Il et de Marye Stuart dans cette royale demeure. C'est une noble manière de prendre ses lettres de naturalisation littéraire sur cette terre de France si sympathique à tous ceux qui veulent s'oc- cuper d'histoire i de sciences et d'arts. R'econâiissons , du reste , que les hommes de qualité du xix* siècle ont un bien autre mérite que les grands seigneurs d'autrefois. Ceux-ci aidaient les savants et les hommes de lettres de leur bourse et de leur protection , mais ils ne venaient pas souvent prendre place dans leurs rangs. En revanche, ils étaient prodigues de coups de bâtons , lorsque les barbouilleurs de papier se permettaient des licences trop grandes : n'en voulons pas trop à ces Mécènes qui entr'eux , quelque fois , plus rarement à la vérité , usaient du bâton comme dernier argument. Mais enfin nous pouvons constater que Lattaignant , Voltaire , Boisrobert , Ri- chelet , Furetière , Boileau , et bien d'autres apprirent , aux dépens de leurs épaules , ce que pesait un bâton bien sec et habilement manié. Les hommes de lettres , à l'occasion , se traitaient mu- tuellement aussi comme de grand seigneur à grimaud ; la main leur démangeait même parfois en pensant à leurs imprimeurs. Dernière- Aient y dans un article très-spirituel sur le c Rôle des coups de bâton au

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BDUOCRAPHIE. 905

vi^tiècle^ > M. Victor Fournel rappelait ces quatre vers de S'-Amand en rhonneur de son typog^raphe :

Pour moi , je lui promets tant de coups de bftton , Si jamais sur son dos je puis prendre le ton » Qu'il croira que du del , qu'à sa perte j'oblige , 11 pleuvra des cotrots par un nouveau prodige.

Aujourd'hui» les temps sont heureusement changées, et les plus brillants blasons de France figurent dans la république littéraire, loyalement » sans dispenses » payant de leur plume comme de leur fortune leurs droits de cité dans les domaines de la science et du vrai savoir : Je connais plus d'un personnage de notre époque, à qui on peut , sans mentir dire : c Mœcenas , atavis édite regtbus , » tout en l'appelante sans flatterie : c Monsieur et très-savant confrère. >

Mais , ainsi que je le faisais pressentir tout à Theure , les souvenirs de Françoise de Mercœur , de Diane de Valentinois , de Louise de Lorraine-Vaudemont et de tant d'autres célébrités , ne (ont pas ou- blier à M. le prince Galitzin c ceste brave nation russienne toujours c de peu vaincue et qui souvente fois a eu le dessus de plusieurs. > Et comment l'oublierait-il ? Les Montmorency et les Coucy ou- blièrent-ils jamais la mère-patrie? Il est des noms qui sont des immeubles nationaux.

La collection des publications relatives à l'histoire de Russie qu'édite M. Galitzib comprend déjà plusieurs ouvrages qui ont trouvé promptement place dans les bibliothèques: c'est le Discours sur Vorigine des Russiens et leur miraculeuse conversion » par le cardinal Baronius : c'est un document de la fin du ivi« siècle sur le Patriarcat moscovite ; puis aussi la relation des Particularités de la rebelUon de Stenko Razm contre le Grand^duc de Moscovie. Aujourd'hui c'est le tour de la Cosmographie moscovite de notre Angoumois André Tbevet*

J'aime à voir notre idiome employé ainsi à répandre des publications qui touchent à l'histoire étrangère : ces vdumes seront recherchés et lus en Russie avec autant d'intérêt , plus de plaisir encore que chez nous ; et par le fait , s'il en était besoin , ils seraient une nouvelle preuve de la préexcellence de la langue française , et de la faveur qui s'attache aux ouvrages dans lesquels elle est employée. Jamais » autant que de nos jours , on n'a pu mieux constater que la langue française a hérité de la préséance de la langue latine» de même que pour la haute direction de rioteUigence , la race gallo-fraoque s'est

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206 REVUS B'ALSACS.

emparée du monopole jadis usurpé par le peuple romain. (<) André Thevet a beaucoup voyagé au ivi* siècle » et sa Cosmographie » résumée de tout ce qu'il a vu et entendu » a un parfum de bonne foi et de véracité dont les périégètes n'abusent pas ordinairement , mais les gros in-folio dont il est l'auteur sont un peu effrayants à lire aujour- d'hui. Nous aimons les livres faciles à manier et surtout ceux qui promettent , par leur format , de se laisser lire rapidement. Aussi H. le prince Galitzin a-t-il cru » pour sa collection russe , devoir extraire de la Cosmographie universelle de Thevet tout ce qui touche à ses pérégrinations en Russie; et des Vrais portraiu des hommes illustres^ autre in-folio du même auteur» dédié à Henri m » la biographie de Basile , duc de Moscovie. Je n'ai pas besoin de rappeler que cette nouvelle publication vient se placer naturellement auprès de la RelalUm des trois ambassades de M^ le comte de Carlisle^ éditée aussi par M. Galitzin ; dans cette Relation » en effet , après les incidents et les détails purement diplomatiques » on trouve une curieuse géographie de la Moscovie , postérieure d'un siècle à celle de Thevet et qui fournit des sujets de comparaison intéressants. O

C'est vraiment prodigieux» tout ce qu'un savant du xvr siècle faisait entrer dans un in-folio ; on était alors si peu éloigné des temps

(^) André TheTet » natif d'Angouléme , voyagea pendant dix-huit ans pour recueillir les notes avec lesquelles il oomposa sa Cosmographie qui fbt pubUée en 1S63. On lui doit encore les Singularités de ta France antarctique » et un Dis» cours sur la bataille de Dreux. Pierre de Lestoille , dans ses mémoires , le traite à mon avis d'une fiiçon beaucoup trop cavalière : voici l'article nécrologique qu'il lui consacre et qui semble avoir été écrit un Jour de mauvaise humeur. Nous ne serons qu'équitable en rappelant que le grand audiender de la chancellerie avait souvent la plume partiale et peu aimable : « En œ mesme mois (novembre 1990)» « monrust à Paris André Thevet le cosmographe , grant voiageur » mais insigne « menteur et Ibrt ignorant , comme ses livres et escrits en font foy. M. de Thou , « en ronziesme livre de son histoire » descrit la suffisance et vie du personnage, « Un docle homme de notre temps lui fist croire qu'Anacréon avait lui-même a escrit qu'il estoit mort d'un pépin de raisin ; ce que ce pauvre homme alloit a publiant et confirmant partout. Son sépulchre est aux Gordeliers, lequel il a «c fait faire ; et se sentant proche de sa fin , y alloit tous les Jours pour le haster. <( Comme aussi il mourut toul aussitosl , estant fort aagé. «

(*) Cette relaUon que M. Galitzin attribue avec assez de probabilité an Suisse Guy Mlége , l'un des compagnons de voyage du comte de GarUsle , eut Jadis lea

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BDLIOGRAPHIB. 907

OÙ» rimprimerie n*étant pas ipveDtée, les livres étaient chose rare , qoe l'on se fissurait encore qu'il fallait savoir à fond toutes les sciences dont on désirait entretenir le public. Hnet , évéque d'Âvranches , ce prélat qui , eu égard à son immense érudition , n'a maintenant qu'une bien faible célébrité, disait que grâce à rimprimerie, il devenait tous les jours plus facile d'être savant : c'est d'un air presque chagrin qu'il écrivait: c Nous avons tant de secours pour devenir savants.... c qu'il semble qu'il ne faille que vouloir être savant pour réussir, c Tant de grammaires, tant de dictionnaires, tant d'index, tant d'abrégés c tant d'ouvrages méthodiques dans toutes les sciences , qui se sont c infiniment multipliés à la faveur de l'imprimerie , sont autant de c chemins abrégés et aplanis pour parvenir promptement au sommet c de la vraie érudition. >

Hélas , n'en déplaise au prélat , ces chemins abrégés et aplanis , ont eu pour résultat de développer la paresse naturelle à l'homme : on s'est bourré d'une teinture d'érudition , on a fini par ne plus rien approfondir ; on en est arrivé à contracter l'outrecuidante habitude de disserter gravement sur ce que l'on ne sait pas , en paraphrasant des dictionnaires et des index , souvent très-mal compilés. Je maintiens que si , par l'effet d'un prodige , notre génération voulait se donner la peine de lire paisiblement ces terribles volumes , elle ferait une foule de découvertes ; elle retrouverait chez les Anciens bon nombre de solutions à des problèmes en étude ; bon nombre de choses nouvelles , dans les antiquités. On peut le dire pour Thevet quand , en feuilletant le chapitre relatif à la religion et aux premiers ducs des Moscovites , on voit notre voyageur avancer gravement qu'il tient à ce c que chacun voye et cognoisse que le Moscovite n'est point c aussi infidèle qu'on le croie , ains vray chrestien. > Voilà plus de trois siècles que cette réflexion se répète de loin en loin ; mais la Providence et l'orgueil humain n'ont pas encore permis que l'heure sonnât l'empire russe, rentré dans l'unité religieuse, prit dans le monde la place qui lui semble réservée. Je me souviens que je ne pouvais pas m'empécher de sourire quand, il n'y a pas si longtemps ,

honneurs de sspt éditions. Ce succès est facile à expliquer si on réfléchit que ce document était les premiers renseignements officiels que Ton avait alors sur un payé à peu près inconnu. M. de Carliste fut ambassadeur, pour l'Angleterre , en i663etl664.

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f08 REV0E B'AUACE.

j'entendais des' personnes très-orthodoxes me dire de bonne foi qae les Russes » an point de vae religieox » étaient bien pis que les Turcs; sans avoir Itt Thevet » il me semblait cependant qu'entre les HosooYites et les Catholiques la cause de la désunion est si maigre et si fresle t qu'il serait aisé de les attirer à concorde. > Vraiment, je viens de prononcer le nom du Turc ; mais 9 est bon juge de l'avenir, notre cosmographe , quand il avançait que si on n'arrêtait pas la Russie , c elle luy eust faict la barbe et plumé ses moustaches i de belle façon » et jusqu'au point de le chasser d'Europe , d'Asie et d'Afrique. Le fait est que sans les descendants des croisés » h barbe et les moustaches du Turc seraient dans un fâdieax état.

H. le prince Galitzin a accompagné le texte de Thevet de noies sobres mais précieuses , que lui seul pouvait tracer et qui JijoQtent singulièrement à l'intérêt du récit du voyageur angoomois ; ces notes, l'éditeur le dit lui-même, n'ont d'autre but que de relever les erreurs historiques de l'auteur. Nous autres Français , nous aurions souhaité voir un Russe rectiâer aussi l'orthographe des noms propres d'hommes et de lieux ; c'eût été aussi une donnée certaine pour fixer la forme des noms étrangers, que généralement nous écrivons d'une manière variable et capricieuse.

Du reste , H. Galitzin parle de ses notes avec trop de modestie : elles ne contiennent pas seulement des rectifications historiques , on y voit aussi des idées larges et générales qui sentent le véritable pa- triotisme , et le désir de voir la réalisation de faits « encore éloignés peut-être , mais qui ne pourront , quand ils seront venus , qu'aug- menter le bonheur et la puissance de l'empire russe. La méfianee réciproque de l'Occident pour l'Orient semble, aujourd'hui, reléguée au nombre des préjugés surannés'; les nationalités de l'ancien monde paraissent maintenant avoir leurs limites fixes et l'on n'a plus à redouter ces inondations humaines qui, du Nord et de l'Est, venaient jadis bouleverser les empires.

Anatole de Barthélémy.

ERRATUM. Livraison de février, page 95, ligne i**, au lieu de : sur la route de Schlestadt à MarclLOlsbeim , lisez : de Guémar à ManholiMm.

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DOMINIQUE DIETRICH.

Suite et fin (*).

L'ammeistre , quelque contrarié qu'il lût , sent^uoS^gg^iiti^ux ordres transmis par Louvois. Il fut bien accueilJi ; mais personne ne lui dit un mot sur le motif oflSciel de sa présence à Paris. On voulait qu'il devinât lui-même les intentions royales. Un mois après son arrivée , il tâtonne encore ; il ne touche pas encore du doigt la cause de son pénible voyage et du séjour dispendieux qu'on lui fait faire dans la capitale. Le 5 avril , il écrit à son fils et coassocié , que ce n'est point parce qu'il serait un empêchement pour la religion qu'il a été appelé à Paris ; il n'aurait par sa présence à Strasbourg empêché la conversion de qui que ce soit ; mais c'est , comme le pense M. Cor- reur , à cause de la nouvelle charge d'Obrecht , dont le brevet n'a

pas encore été expédié «Qu'il en soit ce qui voudra , ce voyage

c est pour moi plus qu'une mortification ; c'est ma ruine ! . . . . Quel- ques-uns auront à s'en réjouir ; mais je ne vois pas ce que cela profi-

< tera aux autres , à moins gue l'amour de la vengeance ne soit fort , c au point de préférer souffrir , pourvu qu'une personne qu'on n'aime

c point soit écrasée Que je demande moi-même ma démission »

c je ne saurais m'y résoudre. Ce serait contre nos lois fondameniales ,

< et contre mon devoir. Je sais bien que dés hommes poMques riront c à gorge déployée feffusissime) de ma simplicité ; mais je sens d'une c manière difllérente. En second lieu , je suis en estime auprès de t beaucoup de braves bourgeois ; mais ceux-là me trouveraient traître c à la patrie.

c Plutôt que de m'attirer pareille infamie , plutôt perdre vie et fortune ! Pourvu que je conserve ma bonne renommée , c'est tout ce qui me reste.

c Je me suis comporté (guhemirt) de telle façon dans mes chargea c que personne n'a pu m'attaquer (dass man mir nicht an die Haut

(*) Voir les livraisons de novembre et décembre , pages 494 et 529. 9* Aanée. ^^

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SIO EKVTJE D'ALSAOS.

c hat kônnen kommen) ; car si l'on avait trouvé eo moi quelque chose c de répréhensible , on ne s'en serait pas fait faute ; on m'en aurait < accusé avec âpreté en haut lieu , et cherché à me punir.

c Souffrir le mal, ce n*esl ni honteux ni dangereux pour fârne,*

c Me priver moi-même de ce qui me revient de la ville « ce sérail ma c perte. Je ne sais pas de métier; je ne puis me rendre en un autre c endroit, je prendrais volontiers l'emploi le plus infime. Mourir , €jele voudrais du fond de mon âme ; mais je n'ai pas le droit de me c tuer moi-même ; je dois attendre la volonté de Dieu. . .

c J'ai permis à Daniel (soi^ second fils) de faire le voyage ; je le c presserai même de le faire. Qatuaf, à ce qui s'est passé à la cour à c mon égard , je l'ai écrit en détail à M Mollinger ; il vous le dira. »

H a appris que lorsque son fils Jean n'est point à Strasbourg » les domestiques ouvrent les lettres ; il les mettra à l'avenir sous le cou- vert de Mollinger,

Le reste de cette remarquable lettre est employé à mettre sou fils au courant de quelques affaires commerciales qu'il a traitées à Paria; il avait commencé son éplire par le compte rendu d'un diner de carême chez l'un de ses correspondants » qui a fait servir des soles d'une dimension extraordinaire. On reconnaît à cette remarque la naïveté du provincial qui n'a guère mangé de marée à Strasbourg. Il mentionné aussi l'attention qu'a eue la maîtresse de la maison de lui faire cadeau d'une orange de Portugal , qu'il aurait volontiers envoyée à sa famille.

Singulier cadre d'une missive qui traite des intérêts aussi graves mais miroir d'autant plus fidèle de ce caractère simple et candide dominé par l'idée de son devoir et ne reculant pas devant toute l'amertume de la coupe qu'on lui présente ! Le cri de douleur invo- lontaire qu'il pousse , ce désir de mourir qui s'est emparé de lui , et qu'il ne craint point de confier à son fils ; ce découragement profond et incurable des hommes et des choses , inévitable suite des ruines qu'il a vu s'amonceler autour de lui , et des ingratitudes qu'il a re- cueillies pour prix de ses efforts dans la carrière publique « inspirent dès ce moment une profonde sympathie pour cette âme tourmentée.

Une note écrite de sa main . non datée , mais évidemment des pre- miers mois de son séjour à Paris , nous initie plus avant dans ses souffrances. L'ammeistre a consigné sur ce papier le souvenir de quelques conversations avec des personnes haut placées. M. de Cha- milly a insisté vivement pour qu'il aille voir M. de Meaux ; mais il a

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DOMINIQUE DIETRICH. iî\

refasé , et il en appelle encore une fois à la liberté de conscience garantie par la capitulation. If. de Cbamilly lui donne l'assurance qu'on ne lui dira rien sur la religion ; c mais , ajoute-t-il , vous n'aurez jamais votre démission , si vous ne faites ce que je vous conseille. >

Les mêmes instances lui sont faites par M. Correur. Dietrich demande : .c le Roi Ta-i-il ordonné , ou bien H. de Louvois? > c Noâ , il Ta dit sourdement, i c Eh bien ! je ne me résoudrai à aller voir H. de Heaux , qu'autant que le Roi ou M. de Louvois me l'ordonneront expressément ; dans ce cas même je supplierai le Roi de m'en dispenser , car des conférences ne me feront pas changer

d'avis. Voici mes raisons >

Ces raisons , il les résume méthodiquement en dix points : c il ne pourrait changer de religion sans blesser sa conscience et commettre un péché contre le Saint-Esprit ; il connaît les écrits de l'évéque de Heaux ; ce n'est point en allant visiter purement et simplement le prélat qu'il pourra rétablir ses affaires. H. de'Meaux doit être éco- nome de son temps et ne voudra pas le perdre en discussions avec un homme qui ne peut se laisser convaincre , et qui n'est pas assez maître de la langue française pour ne pas donner lieu à des malen- tendus. Il se refuse à croire un propos prêté sur son compte à M. de Louvois. Le ministre aurait dit qu'on traiterait l'ammeistre de manière à le fatiguer par l'attente, c Le Roi est trop juste» et la capitulation ne peut être enfreinte, >

Dans un compte rendu qu'il adresse aux membres du magistrat de Strasbourg, il parle d'une audience que M. de Louvois lui a accordée à Versailles. Il a insisté pour connaître l'époque on lui permettrait de rentrer dans ses foyers, c J'attends les ordres de votre Grandeur. < Je vous les ferai connaître , > réplique le ministre » et il s'éclipse dans la salle des courtisans qui remplissent le salon de ré<:eption.

Les premiers commis de M. de Louvois , M. Dufrenoy et M. Correur lui ont conseillé de ne pas renouveler les démarches avant huit jours. Il demande l'avis de ses anciens collègues sur ce qu'il aura à faire , et ne peut s'empêcher d'exhaler ses plaintes : il se sent la cause de la mine de ses fils , lucro cessante el damno émergente. Comme s'il pres- sentait le sort qui l'attend , il renvoie à Strasbourg le jeune Daniel , qui jusqu'ici était resté auprès de lui. De Strasbourg , ses amis lui font parvenir des paroles d'encoura-

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2i2 REVUE D'ALSACE.

gement et de consolation. Le D* Bebelin le tient au courant des affaires locales , poor régler là-dessus ses démarches et ses discours à Paris, c Les R. R. P. P. n'agissent guère publiquemeot» mais par conversations confidentielles. (Lettre du 23 avril 4685). Obrecbt et Gûntzer sont très-fervents dans leur foi nouvelle , du moins dans les démonstrations extérieures ; tandis que leurs femmes tiennent ferme dans leur foi évangélique.... Que Dieu les fortifie ! >

Le docteur annonce qu'Obreeht va être installé en sa qualité de préteur : c Nous verrons bien les suites ! On répand des bruits sin- guliers sur le chapitre de Saint-Thomas ' Dieu fasse que ces prévi- sions ne se réalisent pas ! M°** Dietrich est bien affligée ; mais elle esc un modèle de résignation » et sait porter sa croix. > (0

Si vous-même vous persistez dans la foi évangélique , lui dit-il dans une lettre du 17 mai , ce sera l'œuvre du Saint-Esprit qui -vont donne ce courage, i

Quant à la visite à faire à Tévéque de Meaux » le docteur est pour la négative (lettre du U mai) ; la chose a été débattue dans un conci- liabule d'amis» qui sont d'avis unanime que l'ammeistre doit s'abstenir.

Dans une autre note de la même époque» et qui a servi de minute, comme les précédentes » à quelques lettres de Dietrich , il consigne à titre de mémento i < Je n'ai point écrit à Gûnizer , parce que J'ai appris avec effroi qu'il veut me persuader de changer de religion. >

J'aime à penser que , pour d'autres motifs encore , l'amm^îstre hésitait à écrire à un homme tel que Gûntzer , qui , vers la même époque » exploitait impudemment sa position , en chassant de son château de Plobsheim la veuve de son bienfaiteur» le sieur Bemhold. Obrecbt et Giintzer » au surplus » avaient des chagrins domestiques qui devaient singulièrement troubler leur intérieur et amoindrir les jouissances que leur ambition s'était promises. Nous venons de voir, dans une lettre de M. Bebelin » que les épouses de ces nouveaux convertis se refusaient obstinément à suivre l'exemple de leurs maria qui recevaient de Louvois 9 par l'intermédiaire de l'intendance » des reproches sur le peu de zèle qu'ils portaient à cette affaire de reli- gion. Je dois croire qu'ils réussirent quelque temps après à ramener leurs compagnes, car Je ne vois nulle pan que la faveur dont ils jouissaient auprès dngouvernement » ait décliné avant leur mort.

(*) Même lettre que dessus.

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DOMINIQUE DIETRICH. 213

f^ séjour proloDgé de l'ammeislre Dietrîch à Paris commençait à produire quelque sensation à l'étranger. La < Renommée européenne i , journal publié à Vienne » inséra, dans son numéro du 15 juin 1685 , la note suivante sous la rubrique de Francfort : (9 juin) f On nous écrit de Strasbourg , que M. Taromeistre Dieiricb a reçu l'avis formel qu'il eût à se faire catholique , ou bien à passer sa vie durant au fond de la Bastille. Nous ignorons quelle déclaration il a donnée. >

Ce n'était peut-être qu'un avis d'intimidation indirecte qu'on faisait parvenir à l'ammeistre ; peut-être aussi la question de l'embastiHe- ment a-t-elle été agiiée. Dans le courant de juillet , M. de Louvols , d'autres disent M. de Chamilly» interpella l'ammeistre en plein salon » en lui présentant la Bible ouverte au i^* livre des Machabées, cMp. ii, V. i7 , i8 : c Et les capitaines d'Ântiochus dirent à Mattalhias : Tu es le premier et le plus puissant de cette ville et tu as beaucoup de fils et une gripde parenté , fais donc ce que le Roi t'ordonne » et comme ont fait tous les pays » et les gens de Juda , qui sont encore à Jéru- salem ; afin que toi et tes fils vous ayez un Roi gracieux et que vous soyez comblés d'or et d'argent et de cadeaux, i

Mais Dominique Dietrich , sans hésiter , retourna le feuillet et lut ce qui suit (v. i9, SO, 21) : c Et Hattathias répondit: Quand même toutes les terres obéiraient à Antiochus , et que tous vinssent à aban- donner les lois éi mon père et consentissent à faire les commande- ments du Roi. moi et mes fils et mes frères nous ne renierons pas les lois de nos pères. Que Dieu nops en préserve ! car ce serait mal de faire défection à la parole et à la loi divine, i

Le ministre mortifié envoya le lendemain même à ce bourgeois intraitable et hérétiqile une lettre de cachet portant qu'il aurait i se rendre directement dans la ville de Guéret. C'était un arrêt moins rigide que celui qui l'aurait consigné à la Bastille ; mais pour un vieillard de 66 ans , qui ne s'était point enrichi dans les fonctions publiques et qui allait être révoqué , cet exil , dans une petite bour- gade du centre de la France » équivalait à une ruine totale et peut-être ft arrêt de mort.

Dietrich obéit. Une ordonnance royale , datée du âO juillet , fit connaître à ses anciens collègues qu'il cessait d'être ammeistre de Strasbourg. Trois mois plus tard (le 22 octobre i685) l'éditde Nantes allait être révoqué ; le malheur individuel d'un ancien functionnaire républicain de Strasbourg disparaissait dans ce terrible coup d'Etat ,

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Si 4 REVUE D'ALSàCK.

cause première de la ruine des Onauces françaises et des malheurs qui assombrirent la fin du règne de Louis XIV.

A la date du iS octobre » Obrecbt signalait à Louvois trois libelles difiamatoires , publiés contre le Roi sur la frontière de l'Allemagne ; il les a fait saisir et les transmet comme documents de son zèle ; il travaillera lors du renouvellement du magistrat à faire nommer aux places vacantes des personnes dévouées au service de son maître. Le terrain était décidément déblayé , et l'opposition sourde , que faisait le magistrat local, était amortie par cet éloignement forcé d'un homme de tête et de cœur, qui ne pouvait comprendre que le sou- verain d'un grand Etat n'eût , sur toutes les matières, des idées éga- lement larges et grandes.

Il j avait quelque raffinement de sévérité dans le choix du séjour que l'on assignait à Dominique Dietrich. Guéret , à l'époque dont nous parlons, quoique capitale d'une partie de la Marche, atavait pas l'importance d'un chef-lieu de canton d'Alsace; l'exilé strasbourgeois se trouvait jeté à plus de deux cents lieues de ses foyers , dans un pays dont le climat était âpre en hiver et le peu de ressources intellectuelles et matérielles allaient aggraver la tristesse et les souflRrances physiques d'un vieillard infirme.

On lui avait permis d'emmener un fidèle domestique , qui écrivait du fond de cette province des lettres lamentables àti famille de son maître. Soit que ces lettres eussent été ouvertes , soit qu'on eut jugé nécessaire d'isoler complètement l'aitfen ammeistre et de le priver des soins d'un coreligionnaire , bref, Dietrich resta bientôt livré à lui-même ; et dans les ennuis de cette solitude , il ne reçoit pour toute distraction que des lettres qui devaient empoisonner sa vie et mettre sa patience et sa fermeté à de cruelles épreuves.

Parmi les ecclésiastiques en résidence à Strasbourg avec la mission spéciale d'agir contre le protestantisme par les voies de douceur et de persuasion , sans enfreindre le texte du traité de 1681 , on remar- quait , en i685 , le père Tarade, esprit souple, réunissant à des con- victions fortement assises , le talent de les faire valoir , le désir de* plaire au Roi et à ses supérieurs religieux , et la ferme volonté d'ap- pliquer , pour parvenir à un but qu'à son point de vue il devait croire parfaitement légitime , tous les moyens que de hautes influences met- taient à ^a disposition* Je dois croire qu'il avait été en rapport avec l'ammeistre Dietrich avant que celui-ci ne partît pour Paris , car je

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DOMINIQUE DIBTRICH. SIS

trouve une correspondance engagt'e avec l'exilé dans le courant de novembre et faisant des allusions à des relations antérieures. Par lettre du 45 novembre» le père Tarade Invite l'ancien ammeistre à abjurer, sans retard , entre les mains de M. de Tournyot , qui paraît

avoir été curé aux environs de Guéret c Vous êtes vous-môpie ,

lui dit-il, maître de votre destinée J'ai envoyé votre supplique à

M. de Louvois C'est beaucoup que mon dit seigneur se soit expli- qué sur votre sujet comme il l'a fait, d'autant qu'il vous pouvait arriver d'être encore le reste de vos jours dans une position plus f3cheuse que celle vous êtes/ puisque par votre conduite vous avez eu le malheur de déplaire au Roi. >

A celte lettre se trouve annexée , par extrait , une note que M. de Louvois avait envoyée au père Tarade , à la date du 7 novembre. Je la copie textuellement :

c Le curé de Saunage peut retourner voir le sieur Dietrich quand il le voudra » et lui faire entendre, qu'il ne doit pas douter que, s'il se convertissait, le Roi n'oubliât la mauvaise conduite qu'il a tenue. » (0

Ainsi , on imputait , sans nul doute, à*rex*ammeistre le tort de n'avoir pas répondu par des actes positifs aux espérances qu'on avait fondées sur lui. En effet , il devait sembler bizarre à des hommes élevés à l'école de l'obéissance passive , qu'un fonctionnaire haut placé d'une petite république qai s'est appliqué à ranger cet Etat , sous l'empire du Roi très-chrétien , n'eût pas été à l'avance bien dé- cidé à adopter sur tous les points la politique du maître qu'il se donnait. Rien ne déroute plus les hommes d'Etat et les directeurs de conscience systématiques que ces esprits indépendants qui » dans la conduite des choses de ce monde , séparent le spirituel du temporel. Là-dessus 9 le parti de Dominique Dietrich était irrévocablement pris.

En décembre 1685 « il est informé, par l'intermédiaire du même ecclésiastique , de la conversion de son propre gendre à la religion de l'Etat. Il baisse la tête et ne répond pas. Un mois plus tard , le père Tarade reprend sa controverse babile , éloquente , persuasive , 6% il reproduit» d'une manière souvent incisive, leSi motUs que l'Eglise catholique a fait valoir en tout temps en faveur de sbn

infaillibilité.

- - . .. ..1^ >

(') La note de Loavols est copiée de la nuin de M. de Tarade.

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216 REVUE D* ALSACE.

c Vos aïeux étaient autrefois dans la même Ëglise que nous

Luther leur a persuadé d'en sortir. Mais quelle raison a-t-il pu avoir de faire un schisme dans l'Eglise ? Vous direz que c'est parce qu'il

reconnut qu'il s'était introduit divers abus dans l'Eglise Mais

quels sont ces abus ? sont-ils dans la doctrine ou dans la morale ? S'ils' sont dans la morale , nous eu convenons » il y a eu toujours de mauvais catholiques, et l'Eglise a toujours prêché contre ces dérè- glements des mœurs et travaillé à les réformer. Si ce sont des abus dans la doctrine » il faut donc avouer que l'Eglise est tombée dans Terreur et qu'elle a perdu l'infaillibilité qu'elle avait. Luther a*t-il fait une Eglise plus infaillible que la nôtre? entend-il mieux l'Ecriture que les doctenrs de l'Eglise romaine , et qui nous dit qu'il explique

les Ecritures d'une manière qui ne peut vous tromper? > Puis »

il discute , au point de vue historique et traditionnel » la question de la communion sous les deux espèces» cherche à prouvera Dietridi que ce n'est point un empêchement sérieux » un abime infranchis- sable entre les deux confessions ; enfln il termine par des raisons de prudence humaine : c Prenez la résolution d'un homme sage et faites connaître à Dieu que Vous voulez travailler par votre exemple au rétablissement de la véritable religion dans cette ville (Strasbourg). Depuis que vous vivez avec les catholiques » vous êtes désabusé de bien des choses que vous aviez crues contre notre religion. Nous condamnons la simonie » l'idolâtrie , la superstition ; faites connaître * au Roi que vous voulez seconder son zèle pour ramener ses sujets dans l'Eglise. Je sais que » si Dieu vous fait la grâce de reconnaître ces choses, vous serez bientôt ici , dans Strasbourg, par votre auto- rité et voire exemple , l'appui de l'ancienne religion et le plus Bdèle magistrat que le Roi ait en cette province. Je ne vous parle point des avantages que vous et votre famille recevriez par votre conversion ; mais l'Evangile dit : Cherchez le royaume du ciel , et toutes les autres choses vous seront données. Je puis vous assurer qu'il y a déjà » selon le dénombrement qu'on a fait, plus de 1500 familles converties et bons catholiques. Dieu veuille que vous en augmentiez le nombre ! Je finis et je suis , Monsieur , votre très-humble et très-obéissant

serviteur.

Signé Tarade. c

Voici la réponse indirecte que fait Dominique Dietricb à cette missive de Tarade :

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DOMINIQUE DIBTRIGH. 9i7

6aTrili686>GuÉRBT.

Profoaion de foi luthérietme écrite de la main même de Dietrick et munie de son cachet.

Je, Dominique Dietrich , de Strasbourg, atteste devant Dieu, le Tout-Puissant , que je suis assuré en mon âme et conscience , crois et reconnais .que la religion évangélique , confession d'Augsbourg , de la façon dont elle est consignée dans notre Eglise , est conforme i la Parole de Dieu , qui seule peut donner le salut; que Je n'ai aucun scrupule à ce sujet ; mais que je suis au contraire dévoué à ladite religion de cœur et d'âme et suis résolu à rester ferme en cette foi à la vie et à la mort. Par grâce spéciale de Dieu , j'ai appris à l'aide de sa sainte Parole et acquis science certaine (sans vaine gloire) que , si je fais défection à cette religion, je deviendrais infidèle à mon Dieu et i ma conscience , et serais un vil hypocrite , en conséquence con- damné devant le tribunal de Jésus-Christ , d'après sa sentence très- nette (Saint-Mathieu , 24 ,51). Et pour confirmer et corroborer cette ferme résolution , j'ai écrit de ma propre main ce certificat de ma foi et de ma confession , et j*y ai apposé mon cachet ordinaire , pour servir de document certain , comme si je l'avais écrit au dernier moment de ma vie et scellé de mon sang; et ce surtout dans le but, afin que , si je devais mourir en tel lieu personne de ma religion ne se trouverait auprès de moi et ne pourrait porter témoignage en faveur de ma constance (vu que déjà on m'a forcé d'éloigner de moi mon domestique , parce qu'il était de ma religion , avec menace de 1000 fr. d'amende pour moi et des galères pour mon serviteur) , cette même constance en la foi évangélique pût être prouvée et notifiée par cet acte, et que toute prétenlion contraire, que l'on mettrait faussement à mon endroit, pftt être déniée et annulée, comme n'ayant aucun fondement.

Fait à Guéret dans la Marche , le 4 avril 1686.

DoMiiiiQUE DiETRiCH , de Strasbourg.

Le récit que je fais à mes lecteurs ne doit point s'égarer sur le ten*ain de la controvers'e. Je raconte une vie douloureuse ; je ne dis- cute pas des questions de doctrine, mais je ne puis m'empécber de reconnaître dans cet acte d'un- vieillard infirme, la manifestation d'un esprit sincère , qui puise ses convictions inébranlables dans un ordre d'idées supérieur à des considérations égoïstes et terrestres. Au point de vue catholique , Tammeistre Dietrich persévérait dans l'erreur ;

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318 RBVUB D'ALSàCB.

mais il y persévérait de bonne foi. S'il étaii rentré dans le sein de TEglise de ses pères , il n'y aurait point trouvé le calme , puisqu'il y aurait passé comme un iiypccrite en vue de ces avantages matériels que le gouvernement tout- puissant laissait entrevoir » et qu'il octroyait littéralement à ceux de ses anciens collègues qui avaient été moina scrupuleux que lui.

Ne pouvant agir sur le chef de la famille , les ecclésiastiques bien- veHlants qui avaient pris à cœur le salut de ces âmes» s'adressèrent à l'épouse de Dietrich. î^e curé Tournyot lui donne (lettre du 9 sep- tembre 1686) des nouvelles de son mari » c qui est an peu sur l'âge , et chagrin de son sort , et dans un lieu fort exposé aux rigueurs du hroid > Puis il continue:

« Je vous ai marqué la manière dontj'ai usé avec lui pour l'aider

à sortir de » et comme il m'a toujours rebuté» ainsi que la véritable voie que je lui présentais pour se bien mettre avec Dieu et avec son souverain. Je ne sais ce qui l'oblige à rejeter tous ces bons moyens , si ce n'est certaine prudence opiniâtre de fausse science » jointe à quelque serment qu'on dit ici qu'il a fait. Cette prudence et cette science saut réprouvées dans l'Ecriture-Sainte , et nous nous tenons pour assuré qu'on n'est pas obligé de garder un serment qu'on a Adt mal à propos pour une chose mauvaise, t

Dins une lettre précédente du 14 août, M. Tournyot qui signe c pasteur indigne, > a déjà fait auprès de Marguerite Dietrich les plus vives instances pour qu'elle arrive à convertir son mari « c qui ne veut entendre rien avant qu'il ne soit en liberté avec ses livres et ses

écrits > c Vous ne séries pas la seule femme dont Dieu s'est

servi pour la conversion des maris t Et il lui cite l'exemple de

la mère de S* Augustin , de celle de Conslantin et de l'épouse de CloVis. C'est une longue lettre de controverse , écrite dans le but de faire ressortir les qualités distioctives de l'Eglise catholique et de discuter les points principaux , tels que la communion , le célibat des prêtres, qui éloignent les protestants de l'Eglîse-mère. Le curé Tour- nyot est un esprit moins distingué que le P. Tarade ; il est diffus ; mais il ne manque point de chaleur d'âme , et je n'ai aucun droit de soupçonner qu'il n'ait fait des démarches auprès de la famille de l'exilé, dans le but de retirer ce dernier d'une passe dangereuse, de sauver à la fois une existence matérielle digue d'intérêt et une âme digne d'affection compatissante.

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DOMINIQUK DIËTRICH. 349

Lorsqu'on s'aperçut^ que les démarches réitérées auprès de la femme de Dominique Dietricb n'amenaient pas le résultat désiré » c'est sur le fils qu'on essaya d'agir. Le R. P. Perrin , recteur du col- lège de Cabors , qui avait eu l'occasion d^ voir Jean Dietricb (f) à Strasbourg , lui écrit à la date du 4 février i687 ; c'est une lettre remarquable que je prends la liberté d'insérer textuellement :

c II y a déjà quelque temps que j'ai quitté l'Alsace , et qu'on m'a arrêté en France pour gouverner le collège de Cabors ; mais je ne vous •i jamais abandonné ni de cœur ni d'esprit , et vous avez été présent à toutes mes pensées. Dieu m'a fait espérer que j'apprendrais bientôt le cbangement que je lui demande pour vous et pour votre famille. Comme j'ai pour vous tous les sentiments d'une amitié sincère, je désire aussi vous procurer les véritables et les solides biens. Vtus êtes assez con- vaincu de la vérité de notre religion » et s'il vous reste quelque diffi- culté, H vous est aisé de vous éclaircir, et vous êtes sans doute obligé de le faire pour satisfaire votre conscience. Ne voulez-vous pas enfin écouter la voix de'Dieu? Vous aurez l'avantage de faire en cela la volonté de votre Père céleste et même de procurer le salut tem* porel et éternel du père que Dieu vous a donné sur la terre. Je ne suis pas fort éloigné de celui-ci. 11 n'est qu'à une ou deux journées d'ici ; je voudrais bien lui faire savoir ou lui porter moi-même la nouvelle de votre conversion. Il en serait sans doute touché , et il ne ârderait pas longtemps à suivre votre exemple. Vous auriez la con- solation de le revoir bientôt , et bon catholique et bon serviteur du Roi dans Strasbourg. Souvenez-vous de ce que votre ly Beble (^ m'en dit souvent lorsque je lui parlais de sa conversion : Qu'il attendait de voir l'exemple de M. Obrecbt. Il l'a attendu ; mais il n'en a pas profité et l'on m'écrit qu'il est mort d'une mort soudaine » qui ne lui a pas donné le loisir de se repentir de son obstination ; vous avez l'exemple de tant d'autres ; si vous n'en profitez point , Dieu ne vous donnera peut-être pas un plus long terme; pour ce vous (vous) reprocherez un jour devant le jugement de Dieu , le mépris que vous

{}) Jean Dietrich , fils aîné de Dominique , naqail le 3 avril 1651 ; il épousa Marie-Barbe Knirbs, fille d'un siettmeistre et eut d'elle dix garçons et six filles. Toute cette nombreuse descendance a tu le jour de 1683 à 1708.

Jean Dietricb est le grand-père du maire de Strasbourg.

('] Bebelin , le même dont il a été question plus haut.

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2S0 REVOB d'alsâge.

avez fait de ses inspirations , et je vods dirai que vous avez préféré à votre salut la considération d'une femme et de quelques faux amis , et que la crainte des hommes a eu plus de pouvoir sur votre esprit que Dieu et le salut de votre âme. Voilà , Monsieur , les avis préalables qu'un véritable ami vous envoie de loin ; s'il y a quelque chose à faire en France pour votre service » vous pouvez m'écrire en toute sûreté par la voie du courrier de Paris, avec ce dessus : au Révérend Père Perrin , recteur du collège des jésuites i Cahors ; par Paris. Vous savez de quelle manière je suis votre très-bumble et très-obéissant serviteur. Perrin » jésuite. >

Cette lettre , dont pas un lecteur , au surplus , ne méconnaîtra la simplicité , et qui a été écrite par un bomme de cœur , digne d'être compris et entendu s'il avait pu l'être dans une famille exaspérée par des malheurs sans exemple , cette lettre resta sans effet.

Quelques mois plus tard , la belle-mère de Jean Dietricb qui passait à Strasbourg ses tristes journées dans un veuvage anticipé , crut sans manquer à sa propre dignité ou à ses devoirs envers son mari , pouvoir recourir à une princesse du sang » à une femme , digne de comprendre les douleurs intenses d'une mère de famille.

Lors de la première visite de Louis xiv à Strasbourg , en octobre 4681 , la Daupbine (<) avait habité la maison de l'ammeistre Dietricb , et la femme de ce fonctionnaire avait prodigué à la jeune princesse , récemment mariée » les soins respectueux , commandés par les cir- constances , mais relevés par la* naïve cordialité qui distinguait à cette époque la bourgeoisie des villes libres de l'Allemagne. La Daupbine avait été vivement touchée; elle s'était, sans doute , attendue à voir d^ns cette ville conquise des visages attristés ; elle fut étonnée de trouver dans l'intérieur du chef de la république que son beau-père venait de détruire d'un soufiBe de sa volonté , «la sérénité confiante, et une soumission nullement servile , mais religieuse , à la volonté de Dieu , manifestée par l'un de ses représentants sur terre. Au moment de partir , la princesse , allemande d'origine , assura de sa protection la femme allemande de l'ammeistre.

Celle-ci pria l'un des amis de son époux exilé de rédiger une sup- plique , qui fut adressée en ces termes à Madame la Dauphine :

(*) Le Dauphin avait épousé , le 7 mars 1680, à Chftlons-sur-Manie , Anne- Bfarie-Gbrisiine-Victoire , fille de Ferdinand, électeur de Bavière.

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DOMINIQUE DflBTRICH. ttl

t Sapplie en profonde humilité la femme ^e Dominique Dietrich de Strasbourg, disant Qu'elle a une confiance d'autant plus respectueuse et plus assurée à se jeter à vos pieds , qu'elle a eu l'honneur de vous voir loger chez elle en octobre i68i . bientôt après la réunion de la ville de Strasbourg , et que vous lui fîtes la grâce Madame » de lui offrir votre puissante protection , de laquelle » comme elle a extrê- mement besoin dans la misère se trouve présentement sondit mari , ci-devant le plus ancien des consuls ou bourguemestres de la ville de Strasbodrg, âgé de soixante et sept ans , et qui a passé sa vie en dévotion et en prières et administré la justice avec toute l'in- tégrité possible , et qu'elle n'a pu apprendrejusqu'à cette heure ce qui lui peut avoir attiré le malheur de se voir rélégué à Guéret , en la Haute-Marche du Limousin , depuis l'espace de deux ans , privé de toutes les charges de magistrature , éloigné de sa famille et de tout ce qui peut lui être cber au monde , déchu de santé et réduit à une vie languissante. Elle vous supplie très*humblement, Madame » de lui vouloir faire la grâce de représenter à sa Majesté le pitoyable état dans lequel se trouve présentement sondit mari , la caducité de son âge, la débilité de son corps , la faiblesse de sa santé « la ruine de sa maison par son absence, l'abîme de tristesse et de douleur il se trouve plongé , et le comble de grâce et de miséricorde que Sa Majesté lui pourrait faire en lui accordant sa liberté et la permission de s'en retourner à Strasbourg. La suppliante a d'autant plus d'espérance d'obtenir cette grâce de notre invincible monarque , par votre puis- sante entremise , qu'elle se repose entièrement sur la bonté et la clémence de Sa Majesté , et qu'elle est assurée de la parfaite obéis- sance et fidélité que son mari a pour sadite Majesté. Et pour vous témoigner , Madame , le cœur reconnaissant avec lequel elle recevra celte grâce de votre main charitable , elle emploiera tout le reste de ses jours à prier Dieu pour l'affermissement et perpétuité de votre grandeur, prospérité et santé, i

Cette supplique , non datée , dans la copie que j'ai eue sous les yeux , parait avoir été accueillie favorablement ; car à la date du 19 décembre 4687^ Dufresnoy, le premier commis de Louvois, annonce à Dominique Dietrich que le ministre lui accorde la facilité de re- tourner à Strasbourg , fendant deux mois , pour y mettre ordre à ses affaires. Le délai expiré, il se rendra à Vesoul , jusqu'à nouvel ordre. Dufresnoy l'attend , sans faute à Paris, hôtel d'Orléans, rue de la Verrerie.

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SIS umiB d*âl8âcb.

DomioiqaQ Dietrich $• prépare à partir poar Strasbourg , mais aa lieo de prendre par la grande route de Paris » il manifeste rintention de se diriger par Moulins et Besançon.

Cette infraction à la consigne lai vaut une sévère admoQestatioa de la part de son protecteur. Le jour de Noël , Dufresnoy lui écrit une lettre pleine de reproches : il a appris ayec peine que M. Dietrich passe par Besançon. 11 lui réitère l'offre de le recevoir et de le diriger à Paris; il espère que Tavis le trouvera assez à temps encore à Guéret. ( Je vous supplie , pour Tamour de vous-même » de* prendre le parti de venir ici ; je vous assure que vous serez content de votre voyage.»

Dominique Dietrich ne se laisse point fléchir; il est fatigué des obsessions auxquelles il a été en butte, et de plus il est sérieusement malade : il appréhende les fatigues physiques et morales de Paris» ei prend décidément par le plus court chemin » en compagnie de son fils , qui est venu lui donner la conduite.

Ce voyage est long et semé d'incidents. Dominique , brisé par le chagrin , se traîne à petites journées ; il reste malade dans plusieurs localités. Le 30 janvier 4688» il est à Moulins» et il écrit à M. de Louvois » pour le remercier» et donner les raisons les meilleures sur ce changement dans sa feuille de route ; son fils écrit dans le même but et à la même date à M. DufresnSy. Le 18 février seulement» il parvient à atteindre Strasbourg » il entre» de jour» en litière; quelques-uns de ses vieux amis » prévenus de son arrivée , le reçoivent à la porte» lui font cortège» comme le feront cent trois ans plus urd» presque jour par jour » les fidèles adhérents du muire de Strasbourg, lorsque ce dernier est renvoyé par la Convention , devant le tribunal criminel de Strasbourg.

On lui fait un crime de cette ovation spontanée » modeste ; il l'a provoquée 1 Ce malheureux se sent poussé irrésistiblement à remer* der le Seigneur souverain d'où découle toute grâce ; il se rend dans sa paroisse» dans la petite église de Saint-Nicolas; cette visite si simple lui est imputée comme le méfait le plus grave : il reçoit chez lui quelques amis » quelques pasteurs » qui viennent serrer les mains tremblantes du pauvre vieillard » qui a souffert pour sa foi ; ce sont des conciliabules contre la sûreté publique.

Dufresnoy écrit à Dietrich fils » dès le 8 février » en réponse à sa lettre de Moulins. Cette missive est trop curieuse pour ne pas motiver et faire admettre avec indulgence l'insertion textuelle de cette pièce :

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DOMINIQUE DIBTRICH. SS5

C'est, Monsieor, la réponse à la lettre que vous avez pris la peine de m'écrire à Moulins le 30 janvier , dans laquelle j'en ai trouvé une incluse pour Monseigneur le marquis de Louvois, de la part de M* votre père. Je la iuy ay rendue avant hier , il ne m'a i^ien dit en la recevant , mais j*ay scu depuis qu'il était mal satisfait de ce que U. votre père, au sortir de son exil de Guéret, n'était pas venu droit icy f et à vous parler franchement , je ne vois pas comment il pourra racommoder cette affaire.

c Je vous ay mandé tant de fois, qu'il était désiré icy» et que Monseigneur de Louvois désirait Iuy parler. Je vous ay mime marqué que $a liberté entière dépendait de $e faire voir icy ; ainsi je n'ay plus rien à y adjouter ; vous verrez par l'événement que Je vous ay dit vray.

i Vous me mandez que ces (rie) maladies et ces faiblesses l'en ont empescbé ; j'ai dit icy la même chose , mais l'on m'a répondu qu'il devait plutôt se faire mettre en litière , et que rien au monde ne pouvait le dispenser de venir de droiture remercier son libérateur, et apprendre de Iuy ce qu'il avait à faire. Il s'est peut-être persuadé que c- estait pour Iuy parler de religion , point du tout ; ce n'était point le sujet qui demandait icy sa présence.

c J'ay fait voir sa lettre et la vôtre par laquelle il parait qu'il est à la veuille [sic) de sa mort; je prie Dieu qui («te) Iuy conserve sa santé; mais vous comprené (sic) bien que s'il vient à se bien porter » lors- qu'il sera arrivé à Strasbourg » que ses ennemis ne manqueront p9B de tirer avantage , et de publier qu'il n'aurait tenu qu'à Iuy de se rendre à la cour aussi bien qu'à Strasbourg.

c Je vous avoue que ces contretemps m'ont causé bien du chagrin . car je m'estait (sic) fait une grande joye de le recevoir icy » de le conduire à la cour et de vous le renvoyer glorieux et satisfait.

.c J'attends , Monsieur » de vos nouvelles sur l'arrivée de M. votre père 9 et suis , à mon ordinaire , votre très-humble et très-obéissant serviteur. (Sans signature.)

c Adr^se : A Monsieur » Monsieur Dietrich , licencié es loys pris de la grande église de Strasbourg.

( Au bord de l'adresse : reçu le 15 février 1688. »

Mais le mois suivant , le commis épouvanté écrit à Dietrich fils , une lettre véhémente : c Votre père a tout perdu, en allant à Stras- bourg. > Dufresnoy appréhende pour l'ammeistre des suites très-

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324 UVOB D'ALSàCB.

graves , très-fâcheases. On a mandé à Paria (pie la maladie de Domi- nique Dietrich n'était que feinte , que tout ce qu'il a dit n'était point vrai. Il est allé au précbe avec ostentation ; ce qui le rend criminel c'est le mauvais exemple qu'il donne au peuple ; l'empêchement qu'il apporte à leur conversion ; les assemblées secrètes qui se tiennent chez lui ; ses amis de Paris l'abandonneront ; c car dans ce pays-ci , les gens ne veulent pas employer leur crédit en vain i

La maladie du pauvre vieillard n'était pas feinte du tout; il appro- chait de soixante et dix ans » situation qui à elle seule constitue une maladie incurable , puis , il se sentait pris de ces palpitations , de ces spasmes qui torturent les tempéraments débiles , usés par les insom- nies t et minés par les tortures morales.

N'osant lui-même s'adresser à l'inflexible Lonvois» pour obtenir une prolongation de ces quarts d'heure de grâce» il prie le magistrat» ses anciens collègues et ses successeurs d'intercédei^ en sa faveur. < Il n'a pu arriver qu'après le terme fixé pour son voyage ; à peine s'il a eu le tentps d'entamer les affaires. » Mais je ne trouve point de traces du bon effet produit par cette pétition. Dietrich s'achemine au printemps de 1688 vers son exil à Vesoul. C'est une amélioration in* contestable , car il est beaucoup plus rapproché de sa ville natale , et au milieu d'une population qui devait lui être moins antipathique que celle du centre de la France.

Les attaques de sa maladie cependant recommencent ; il court de sérieux dangers » et sa famille , au risque d'importuner les puissances de Versailles , recommence à supplier en faveur de son chef.

Après dix-huit moit d'attente , la lettre de grâce arrive enfin ; cinq ans d'inflexible constance ont prouvé au ministre de Louis xiv , si ce dernier daignait descendre à ce détail de service , et s'occuper du sort d'un bourgeois de Strasbourg, qu'à moins de tuer d'un coup de massue l'ancien ammeistre , cette nature opiniâtre résisterail à toutes les injonctions » et à toutes les menaces.

A la date du 3 octobre i689 , Louvois permet à Dietrich de rentrer à Strasbourg y sous condition, toutefois, qu'arrivé chez 4ui, il ne quittera point sa maison , et ne verra que les personnes de sa famille.

La signification de cet ordre est claire comme le jour. On voulait , tout en se donnant l'air de la miséricorde , empêcher Dietrich d'ex- citer les sympathies du public en se montrant au temple, dans les rues ou dans les salles du conseil. Consigné chez lui, il n'était plus

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DOBOMIQUE DIETRICH. iSK5

daDgereux ; c'était une capUirité mitigëe, mais cruelle au fond > puis- qu'elle infligeait au prisonnier le supplice de Tantale; il respirait Tair natal, mais à travers les stores de son cabinet de travail , il entendait sa langue maternelle et les chants de l'église voisine , (f) mais affai- blis par la distance ; il épiait ses amis dans la rue , mais il ne pouvait leur tendre la main. Cet eut de réclusion dura près de deux ans et demi.

Après de nouvelles suppliques réitérées arrive , à la date du 42 janvier 1692, une dépêche de M. de Barbézieux à M. de La Grange , intendant d'Alsace : c Le roi permettra à H. Dietrich de sortir de Strasbourg pour prendre les eaux . lorsque cela sera nécessaire à sa santé, i

Et à la date du 26 mai » de la même année , une lettre de M. de La Grange à Jean Dietrich fils, contient une pièce annexée ; c'est la copie d'une dépêche de M.de Barbézieux , qui permet à Dominique Dietrich de fréquenter le service divin protestant , mais renouvelle et maintient la défense d'assister aux séances du Conseil de la ville de Strasbourg*.

Les pensées d'ambition , si jamais il en avait eues , étaient bien éteintes dans son âme » depuis de longues années détachée du monde. On se rappelle les expressions navrantes dont ils se sert lors de son dernier voyage à Paris , pour dépeindre les angoisses dont il est assiégé, et le dégoût dont il ^st pris pour les choses terrestres. Cette disposition d'esprit n'avait fait qu'augmenter. Il accepta comme une grâce divine la faveur qui lui fut accordée par Louis xiv de professer librement son culte , et , incapable de marcher , à la suite d'une longue réclusion , il se fit porter en litière au pied de l'autel de Saint-Nicolas.

Il prolongea encore près de deux ans cette existence infirme. La méditation de l'Ecriture et le culte domestique avaient pris la place des exercices du culte public auxquels il ne pouvait plus assister. Enfin, le 9 mars 4694, il expira au milieu de sa famille, en lui recommandant le pardon et l'oubli des injures.

Les funérailles furent simples et silencieuses. On aurait craint de choquer le pouvoir par une démonstration solennelle.

(*) La maison habitée par Tammeistre Dietrich était située non loin de TégUse Saint-Nicolas , sa paroisse. 9'AMte. 45

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226 RBVUB D'ALSACB.

La carrière de son fils fui terne et calme ; mais comme si le meurtre judiciaire de George Obrecht n'avait point reçu une suffisante expia- tion par le long martyre moral de Dominique Dietrich » comme si le sang , cruellement répandu , exigeait » d'après la loi mystérieuse du talion , la réparation par le sang , il arriva que l'arrlère-petit^flls de l'ammeistre , non réconcilié avec Dieu par la foi dans le sacrifice du Sauveur, expia d'une manière plus cruelle en 4795 le supplice de 4672.

Je sais fort bien que par ce mode d'interpréter les événements , j'encours le soupçon d'être superstitieux ; je n'ai rien à répondre , si ce n'est que des nations entières aussi longtemps qu'elles n'ont point été corrodées par l'incrédulité* ont partagé, et partagent encore cette conviction qui fait la morale de l'histoire, et qui est la digue la plus forte contre le débordement des passions politiques et sociales.

L. Spach ,

AreUvitta en elièf da Bm-RUa

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NOTICE HISTORIQUE

SUR L'ÉGLISE RÉFORMÉE DE SAINTE-MARIE-AUX-MINES.

Suit» et fin. f)

XUII.

Si rindifféreDce religieuse et le relâchement des mœurs a engagé à plusieurs reprises les conducteurs de l'église a renouveler et même à rendre 'plus sévères les dispositions du règlement disciplinaire rédigé par le pasteur Marbœuf , un danger d'une autre nature et provenant de l'excès contraire , éveilla en 1716 la juste sollicitude du comte palatin Chrétien m , alors seigneur du comté de Rlbeaùvillé I et l'engagea à prémunir ses sujets contre les malheurs qui pourraient

' en résulter. Depuis quelque temps» en effet, des hommes désignés

tous les noms de PUiistes et de Séparatistes parcouraient l'Alsace et '^ le Palatinat , engageant les fidèles à renoncer non seulement à la

I fréquentation des églises mais encore à toute participation à la Sainte-

Cène , sous le prétexte que la parole de Dieu n'était pas enseignée purement par les pasteurs et que ces derniers , adonnés à tous les péchés, ne pouvaient qu'entraîner dans leur perdition ceux qui auraient recours à eux. Ils les invitaient à prendre part à des assemblées secrètes , espèces de conventicules , dans lesquelles , interprétant à leur manière certains passages des Ecritures saintes et faisantjecture d'ouvrages mystiques , ils exaltaient l'imagination de leurs auditeurs » les portaient au mépris de l'autorité religieuse et les excitaient à supporter toutes les privations plutôt que de se soumettre à la discipline et à l'ordre établis dans l'église. Ces prédi- cations fanatiques avaient eu un grand succès dans certaines localités, notamment à Bischwiller, et menaçaient de jeter le désordre dans

(*) Voir les livraisons de février, mars et avril , pages 77 , 137 et 161.

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S% REVCB D'âLSâCB.

le pays en faisant nattre des troables dans les communautés aussi bien que dans Fintérieur des familles. Pour y remédier » le comte Chrétien publia le 31 octobre 1716 un décret dans lequel , après avoir signalé le danger , Il flétrit la coupable présomption de ces prétendus , apôtres nomades qui , sans mission et sans y avoir été préparés par des études spéciales , se substituaient aux pasteurs « renversaient le culte établi semaient la discorde et exaltaient leurs adhérents au ' point de leur faire abandonner la protection due à leurs familles et le respect à l'autorité. Il eiûoignit à tous ses siyets de dénoncer immé- diatement aux magistrats ceux qui participeraient aux conventicules dont s'agit et ordonna que les coupables seraient tenus de faire pu- bliquement amende honorable » et en cas de refus , punis par la des- titution des emplois qu'ils pouvaient posséder, ou par d'autres peines , s'il^? avait lieu. La récidive devait être suivie d'un bannisse* ment perpétuel.

Mais tout en déployant, cette juste sévérité contre les perturbateurs de l'église , le comte protesta contre l'intention que des malveillants pourraient aflTecter de lui supposer de vouloir supprimer ou défendre les instructions ou conférences que les pasteurs avaient l'habitude de tenir dans les maisons particulières » ou le. culte domestique du père de famille ; il recommande, au contraire, de faire des prières en pré- sence des enfants et des domestiques , d'engager ceux-ci à la lecture fréquente des Saintes-Ecriturçs et à celle du catéchisme et de s'a- dresser, au besoin, à l'autorité locale pour en obtenir aide et encou- ragement.

Ce décret fut transmis aux pasteurs réformés de Sainte-Marie par la chancellerie seigneuriale de Ribeauvillé et publié au prône le 5 no- vembre 1716.^ Il parait qu'il produisit des efl'ets salutaires , car rien n'établit qu'à cette époque le séparatisme dont les menées y sont signalées , ait fait de nouveaux prosélytes dans 1^ vallée de la Lièpvre. D'ailleurs , l'esprit positif des habitanu, leurs habitudes de travail, le milieu catholique dans lequel ils vivaient , devaient peu les disposer à se laisser aller à un mysticisme nuageux et fanatique proscrit par le prince et repoussé par l'église.

XLIV.

Mais si le piétisme ne parvint pas à jeter de l'agitation parmi les habitants protestants de Sainte-Marie , le repos des familles n'en fut

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NOTICE HISTORIQUE , ETC. 239

pas moins. troublé par des dissensions religieuses qui prirent leur ori- gine, il faut bien le dire, autant dans les intérêts temporels de Téglise. qne dans les convictions ardentes des fidèles. En effet , la paix rétablie par le règlement du i9 mars 1696 entre les protestants de la confession d'Augsbourg et ceux réformés , n'avait pas été de longue durée. A tort ou à raison » ces derniers prétendaient avoir à se plaindre des pasteurs luthériens qui » selon eux » non seulement attiraient sous divers pré- textes les enfants issus des mariages mixtes, mais encore cherchaient à détacher de leur église les adultes appartenant à la religion réfor- mée et possédant quelque fortune , qui avaient la faiblesse de céder à leur prosélytisme , qui donnaient ainsi le scandale d'une abjuration publique et qui diminuaient par leur retraite les revenus de l'église. Les choses en étaient venues à ce point que les réformés avaient cru devoir s'adresser à l'autorité royale et lui porter leurs plaintes. Mais cette autorité qui ne trouvait pas de peines assez sévères pour ceux qui abjuraient la religion catholique et qui les flétrissait du nom de relaps t avait déjà, sous la date du i^' mars 1727, dans une lettre adressée par le secrétaire-d'Etat Le Blanc au maréchal du Bourg , lettre insérée au Recueil des ordonnances d'Alsace, (i) déclaré c qu'il < arrive si rarement que des calvinistes passent au luthéranisme, que c Sa Mî^esté n'a pas jugé à propos que cet article méritât un règle- c ment. Elle désire seulement que vous empêchiez en ce cas que cette ( espèce d'abjuration soit accompagnée d'aucune pompe ni éclat , la c solennité de ces cérémonies ne devant être autorisée dans le c royaume qu'à l'égard de ceux qui embrassent la religion catholique.! L'indifférence royale pour les querelles des protestants entre eux , d'accord , cette fois et par exception ,- avec, le principe de la liberté des consciences , privait dès lors les réformés de tout moyen légal d'empêcher leurs coreligionnaires d'embrasser le culte luthérien. Ils se bornèrent donc, en s'adressant à leur seigneur, à réclamer l'exé- cution du règlement de 1696 relatif aux mariages mixtes. A cet effet, le consistoire de l'église réformée allemande présenta, le 10 mars 1759 , une requête à la chancellerie de Ribeau ville investie des pou- voirs de la princesse Caroline de Deux-Ponts, dans laquelle il signale divers faits et demande l'intervention du seigneur. Le consistoire français ne prit aucune part à cette démarche , probablement parce

(^) Ordonnaneei d'Alsace f tom. ii, p. 13.

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S50 REVUE D'ALSACE.

qu'il n'y était pas directement intéressé» puisque la communauté luthérienne, étant exclusivement allemande, ne pouvait exercer aucuoe action sur ceux qui ne parlaient que la langue française.

La plainte transmise à Deux-Ponts et après que le pasteur Stauber (luthérien) eut été entendu dans sa justiûcation , fut répondue par un décret en date du 12 juin 1759 par lequel S. A. S. la princesse Caroline renouvela la prescription que dans les mariages mixtes les enfants mâles auraient à suivre la religion du père et les Glles celle de la mère à moins de conventions contraires stipulées dans les contrats de mariage. En même temps, le décret fait défense aux pasteurs des deux cultes de se livrer à des tentatives de changement de religion , dé- clarant toutefois qu'il sera permis à tous et à chacun de passer d'une église à l'autre et même aux parents d'y amener avec eux leurs enfants à ce consentants c puisque , dit le décret , nous voulons laisser à cha- c cun liberté de conscience pleine et entière. Nous invitons en outre c les ministres des deux cultes à vivre dans une mutuelle harmonie c et dans une union chrétienne. >

XLV.

Cette harmonie mutuelle , à l'époque nous sommes arrivés . n'existait, malheureusement, pas même entre les pasteurs du culte réformé. Depuis qiie la séparation des églises réformées française et allemande avait été consommée , de nombreux changements étaient survenus dans la population protestante. Nous avons expliqué au commencement de ce travail comment II s'est fait que l'église calvi- niste formée du côté allemand de Sainte-Marie a été française dans son origine et comment ce n'est que successivement que les réformés allemands sont devenus assez nombreux pour fonder eux-mêmes une communauté et se séparer de leurs frères français. Nous ajouterons , que déjà dès le commencement du dix-huitième siècle et même avant, les mines de Sainte*Marie avaient cessé d'être exploitées , ou ne Té- taient plus qu'avec peu de succès. L'industrie cotonnière s'était répandue dans la vallée et de nombreux ouvriers tisseurs étaient venus remplacer les hommes qui , autrefois , avaient travaillé aux mines. Ces tisseurs étaient , pour la majeure pariie , originaires de l'Alsace et de l'Allemagne , ignorant , par conséquent , l'usage de la langue française. D'autre part, les relations entre les habitants du val

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NOTICE HISTORIQUE , ETC. 231

et ceux de l'Alsace , se traitaient presque toujours dans l'idiome alle- mand , il était donc naturel de penser que ce dernier exercerait bientAt une certaine prépondérance sur le français et tendrait peu à peu à l'expulser de Téglise.

C'est cette crainte qui agitait incessamment la communauté et le pasteur français , et qui les engagea à renouveler dans une séance du grand consistoire» tenue le 16 août i759, les prescriptions sévères de leur ancienne discipline, à établir un règlement pour la fréquentation des écoles , à enjoindre à tous les paroissiens de se souvenir du res« pect au pasteur , et à exiger que la langue française fut exclusi- vement employée dans les relations des membres de l'église et dans les écoles. Parmi ces dispositions nous citerons *celle qui permettait à tout membre de la communauté française de reprendre , ou répri- mander l'enfant qu'il rencontrerait dans la rue » parlant allemand avec un autre de la même communion.

Nous citerons aussi les articles suivants extraits du règlement des écoles arrêté le il octobre de la même année. < Devoirs du maître c d'école. Art. 2. L'école se fera en langue française» sans qu'il soit c en aucune façon permis d*y parler allemand , pas même sous pré- ( texte d'interpréter aux enfants ce qu'ils n'auront pas compris ; on c ne s'y servira point non plus de livres allemands ni moitié allemands c pendant les heures destinées à l'école. Art, 9. Les enfants qui , dans c l'école f ou hors de l'école auront été surpris à jurer , se battre , c manquer de respect à qui que ce soit » ou parler allemand avec c d'autres de la même communion , seront châtiés à proportion de c leur faute. »

Malgré ces précautions méticuleuses qui avaient pour but d'empê- cher les membres de la communauté française de contracter l'habi- tude de la langue allemande et de leur Ater ainsi la possibilité de passer dans l'église allemande » celte dernière continua à grandir et déjà en l'année 1779 le nombre de ses membres était quatre fois plus élevé que celui des membres de l'église française. Nous en trouvons la preuve dans une requête présentée le i" décembre 1779 par le receveur de4'église française à la chancellerie de Ribeauvillé, requête dans laquelle il demande que le loyer annuel à payer par les Allemands et qui par le décret de séparation du 14 mai 1698 avait été flxé à 50 florins fut dorénavant élevé à 150 florins, par le motif entre autres ( que la communanté réformée allemande qui , lors de sa séparation

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c d'avec les Français n'était que de la même force qae ceux-ci » est c aiyourd'hui quatre fois plus nombreuse , ce qui est aisé de vérifier c en mettant sous les yeux de la sérénissime chancellerie la note des c communiants des deux côtés, i Il est vrai que , dans sa réponse, le pasteur allemand dénie ce fait en déclarant que son église a , pen* dant les dernières années, perdu beaucoup de ses membres qui sont allés se fixer dans les communes protestantes avoisinantes, mais il convient néanmoins que lors des services d'église le nombre des Allemands est plus considérable que celui des Français, parce que, dit-il : c beaucoup de fidèles qui descendent d'ancêtres français et c qui sont tenus de rester membres de l'église française quoiqu'ils ne c comprennent pas un mot de cette langue , assistent pour s'édifier c aux exercices du culte allemand. >

XLVL

Cette assertion du pasteur allemand était tellement vraie que nous trouvons en l'année 1745 une délibération du consistoire français qui , reconnaissant que beaucoup d'enfants de son église ne com- prenaient pas la langue que parlaient leurs aïeux , permet leur envoi à l'école allemande pour les préparer à la confirmation et consent même à ce qu'ils communient la première fois avec les Allemands mais c pour cette fois seulement et à la charge de retourner ensuite c à l'église française dont ils sont membres. >

XLVII.

Il est évident qu'un pareil état de choses devait occasionner des froissements assez nombreux et produire quelque fois une Irritation que les préposés des deux paroisses ne cherchaient pas toujours à calmer par des paroles et des actes de tolérance et de fraternité réci- proques. Pendant la seconde moitié du dix-huitième siècle , de fré- quentes contestations furent portées par les deux partis devant la chancellerie du prince Palatin de Deux-Ponts devenu seigneur de Ribeauvillé ; eHes se rapportaient tantôt au loyer de l'église , tantôt à l'arrangement intérieur des bancs , tantôt à une indemnité réclamée par les Français pour le salaire du maître d'école et les honoraires du sacristain , tantôt , enfin , à un prétendu prosélytisme reproché

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NOTICE HISTORIQUE , ETC. 255

aux ÂllemaDds. Toutes ces plaintes furent examinées avec soin par les agents du seigneur et il faut reconnaître que dans les décisions rendues » il respire un esprit de justice et d'impartialité qui aurait ramener la paix et la concorde parmi des frères , appartenants au même culte et qui avaient , au fond , les mêmes-intérêts.

XLVin.

Hais les petites passions% celles qui s'agitent dans les familles et dans les localités restreintes, sont toujours les plus vives et les plus impatientes à se produire. C'est envain que la grande révolution de 1789 est venue à S**-Marie» comme dans la France entière , changer la Ace de la société, anéantir des institutions vieillies pour lui substi- tuer des lois et des intérêts nouveaux , proclamer la liberté de conscience et feire appel à une fraternité générale » les petites passions ont survécu à la grande révolution et nous en trouvons la preuve écrite au dernier feuillet du livre consistorial français conte* nant 'copie d'une lettre adressée le 2 février 4795 au conshtoire alle- mand par le consistoire français. Dans cette lettre ce dernier se plaint de ce que le pasteur allemand reçoit à communion les membres de l'église française et cherche ainsi à les attirer dans son église. Il rap- pelle longuement l'origine de la communauté réformée à S**-Marie, l'ancienneté de celle française qui a existé un siècle avant la paroisse allemande, il exprime Tespoir que les frères allemands respecteront leurs engagements consacrés par le temps et ne troubleront pas une harmonie fondée sur des conventions réciproques ; il Bnit en déclarant qu'il pense c que les réfordués français ne seront jamais dans le cas d'exiger judiciairement l'exécution de ces conventions, c puisqu'une pareille démarche pourrait conduire leurs frères allemands < des conséquences qu'ils ne pourraient prévoir, i

Nous ignorons quelle est la suite que les circonstances du moment ont permis de donner à cette lettre, mais sa date indique assez qu'elle a coïncidé avec cette époque d'exaltation politique qui a absorbé tous les autres intérêts, a porté vers nos frontières menacées la moitié de la nation en armes et , au cri de liberté et d'égalité , a nivelé toutes les positions sociales , en même temps qu'elle a fait disparaître tous les signes extérieurs des cultes.

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234 REVUE D'ALSACE,

XLIX.

L'on sait qu'après la malhearease joarnée du 51 mai i 793 la France, selon l'expression de Portalis , t fut subitement couverte de deuil , c que les temples furent dépouîllés et abattus et que tous les exercices t religieux furent interdits. > Le 5 octobre suivant , l'ère chrétienne fut abolie; la Convention nationale vit paraître à sa barre l'évéque constitutionnel de Paris et ses vicaires abjurant leurs croyances et des ministres protestants déclarant qu'ils n'aurt)nt plus désormais d'autres temples que le sanctuaire des lois, d'autre culte que celui de la patrie et d'autre Evangile que la constitution républicaine. Le 12 novembre 4795 (22 brumaire n) la Convention ordonoa la démolition des clo- chers des églises qui < par leur élévation blessaient le principe de c l'égalité, i et le 24 août 1794 (7 fructidor ii) elle tléclara que le gouvernement ne payera plus les frais d'aucun culte , ni les salaires de leurs ministres et qu'aucun local ne sera alloué aux différentes sectes pour y célébrer leurs pratiques religieuses. Les églises , deve- nues propriétés nationales , furent fermées et dans un grand nombre de localités Ton emprisonna les ministres, restés Bdèles à leur foi en les plaçant dans la catégorie des suspects.

L'église réformée de Sainte-Marie dût subir le sort commun. Les portes du temple furent fermées au culte et ne se rouvrirent que pour donner entrée aux membres du club révolutionnaire qui y tinrent longtemps leurs séances, il est probable que son enceinte servit aussi à la célébration de ces fêtes dédiées à la raison , à la liberté , aux vieillards» à l'agriculture, que le gouvernement avait institué pour donner un aliment à l'imagination du peuple et pour lui faire oublier les pompes proscrites de l'église romaine.

Mais si le culte public est resté suspendu à Sainte-Marie pendant un temps plus ou moins long , temps qu'il n'est plus possible de pré- ciser exactement » il n'en faut pas conclure que l'exercice de la reli- gion réformée y ait été complètement supprimé. La ville de S^-Marie sise au milieu des Vosges , isolée , en quelque sorte des centres du mouvement, habitée par une population calme et laborieuse, devait

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NOTICE HISTORIQUE . ETC. 35S

moins que toute autre ressentir l'action qui se progageait sur la sur- face de la France, âauf quelques hommes turbulents, quelques esprits inquiets et exaltés, la majorité des habitants avait su se préserver du vertige qui avait envahi la société presque tout entière. Obéissants aux lois de l'Etat en ce qui concernait la défense de l'exercice public du culte , les réformés n'en continuèrent pas moins à le suivre dans l'intérieur de leurs maisons^ dans des réunions privées, et ils y furent encouragés et secondés par la présence de leurs pa&teurs qui , eux aussi en partie du moins , avaient échappé aux persécutions révolu- tionnaires.

Les registres de recette de l'église allemande prouvent» qu'en l'année. 4793 les fidèles ont continué à verser leurs offrandes à l'issue du service divin et les comptes arrêtés par le pasteur Rodolphe Rapp le il mai 4794 et dans le courant de 4795» établissent aon seulement sa présence à Sainte-Marie , mais aussi la continuation de ses fonc- tions. C'est à la fin de cette même année 1795 . ou an commeqcement de 1796 » que le ministre Rapp a été remplacé par le pasteur Jean^ Daniel Meyer idont la signature se retrouve à la suite des comptes d'église depuis 1796 jusqu'en juin 1805.

Le service religieux n'a donc souffert aucune interruption > au moins quant à ce qui concerne la communauté allemande. Il n'en a pas été de même quant à celle française qui a été momentanément privée de son pasteur.

En effet» Prançois-Aimé Testas était ministre de cette église encore en 1793 » les comptes de cette année en font foi » car l'on y trouve sous la date du 4 mars 1794 la mention que le quartier de Pâques a été payé à M. Testus avec 161 livres» et cette mention lui donne la qualification £ ancien pasteur. A cette époque il avait donc cessé ses fonctions» probablement à la suite de graves dissentiments survenus entre lui et la paroisse. A [lartir de ce moment jusqu'en 1801 » époque de la nomination du pasteur Descombes » l'église réformée française est restée veuve et le service a être confié successivement aux pasteurs allemands Rapp et Meyer pour tous les réformés indistincte- ment. Il y avait peu d'inconvénients à adopter cet expédient» imposé, d'ailleurs» par la nécessité» car depuis longtemps l'usage des deux langues était devenu familier aux habitants de Sainte-Marie » celle allemande avait même pris faveur et la langue française n'avait été exclusivement conservée que par un petit nombre de fidèles.

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256 REVUE D'àLSÀGB.

U.

Le rétablissement de l'ordre et la réorganisation de tous les pou- voirs de l'Etat qui tarent la suite de la journée du 18 brumaire , ne pouvaient manquer d'exercer une salutaire influence sur l'exercice public des divers^ cultes. La révolution de i789 avait , pour toujours » arboré en France le drapeau de la liberté des consciences, mais la baine décbalnée contre les prêtres » aidée par l'anarchie terroriste, avait , plus tard , fait proscrire la religion elle-même. Il appartenait au génie du premier consul d'en rétablir et faire reconnaître l'empire, d'en régler l'exercice, d'assurer une égale protection à tous les cultes et de déterminer nettement leurs rapports avec l'Etat. Cest alors que parut la loi organique du 45 germinal x (8 avril 1802) , loi qui , si elle n'a pas répondu en tous points à la juste attente des cultes protes- tants, n'en a pas moins été un immense bienfait, un hommage écla- tant rendu aux principes de la tolérance chrétienne.

Cette loi disposait qu'à l'avenir les églises réformées auront des pasteurs , des consistoires locaux et des synodes ; que l'église cousis- toriale comprendra six mille âmes de la même confession , et que cinq églises consistoriales formeront un synode.

En exécution de cette disposition , un décret du 18 thermidor de l'an XI (6 août 1805) organisa l'église consistoriale de Mulhouse com- posée des communes de Mulhouse , Illzach et S**-Marie. Six pasteurs furent attachés à cette consistoriale , deux d'entre eux restèrent spé- cialement chargés du service du culte à S*«-Marie. Ce n'est que beau- coup plus tard et par une ordonnance royale rendue en 18S0 que l'église réformée de Saint-Dié ayant été reconnue par l'Etat, fut réunie à celle de Sainte-Marie désormais détachée de Mulhouse , pour former avec elle une église consistoriale séparée. Tel est l'état des choses sous l'empire de l'organisation actuelle.

LU.

En accordant en 1805 deux pasteurs à l'église réformée de Sainte- Marie , le gouvernement ne s'était pas prononcé sur le maintien de la séparation des deux communautés française et allemande. Il avait sans doute pensé» que c'était une question d'intérieur à débattre et

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NOTICE HI8T0RIQUB , ETC. 257

à résoudre en famille. De «son côté , le consistoire de Mulhouse avait laissé subsister cette séparation en donnant dans ses actes officiels à Fun des pasteurs la qualification de ministre français et à l'autre celle de ministre allemand. Elle continua donc jusqu'en 1827 et ce n'est qu'à cette époque que grâce au zèle persistant et éclairé du pasteur français Paira et au concours loyal , conciliant et décisif du pasteur allemand Mseder , la réunion a pu s'opérer et a été solennellement inaugurée le li novembre de la même année. Aujourd'hui les deux paroisses n'en forment plus qu'une, il n'existe plus qu'un seul conseil presbytéral. Les écoles, les biens d'église sont réunis. Dans les com- mencements de la réunion et pour ne soulever aucun mécontentement, le service était mixte aux jours de fête et de communion. Deux dis- cours dans les deux langues se suivaient. Les Allemands e) les Fran- çais communiaient ensemble , l'un des pasteurs prononçant les paroles de distribution de la cène en français , l'autre en allemand. Depuis deux années ces derniers vestiges d'un temps qui n'est plus , ont disparu. Les services mixtes sont supprimés ; les deux ministres alternent par semaine pour les fonctions pastorales et donnent chacun l'instruction religieuse dans les deux langues, l'un aux garçons, l'autre aux iiles. (1)

un.

Ce n'est pas entre les réformés seulement que les effets d'upe tolé- rance réciproque et d'une fraternité toute chrétienne, se sont mani- festés depuis le commencement du i9°^^ siècle; ils ont propagé leur vivifiante action jusqu'aux rapports autrefois si tendus et si pénibles qui existaient entre les protestants de la confession d'Augsbourg et ceux du culte helvétique. Sans amener cette fusion des deux cultes que rêvait en 1650 l'honnête pasteur Helet , ils ont fait cesser des rivalités et des dissentiments qui n'avaient aucune raison d'être et ont fait comprendre aux pasteurs d'abord , aux fidèles ensuite , que la religion , que le protestantisme surtout , ne gagne rien aux vaines disputes de

(*) La population actuelle de la paroisse réformée de Sainte-Marie et des secr tioDs qui en dépendent , est de 2736 âmes. L'église possède à elle seule un hos- pice renfermant treize lits desservis par trois diaconesses. Elle a un diaconat de 16 membres et dont font partie tous les membres du conseil presbytéral et du consistoire. Ce diaconat s'occupe des pauvres de l'église.

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238 BBYUK D*AL8àGB.

mots 9 aux chicanes scolastiques » à une orthodoxie raide et peu con- ciliante. Aussi voit-on aujourd'hui à Eschery » à S^Biaise et à Fertrupt les réformés et les luthériens fréquenter les mêmes services alterna- tivement célébrés par les pasteurs des deux cuites. A Surlates , le Simultaneum est établi avec les catholiques, mais l'humidité du temple le fait peu fréquenter. A Eschery la commune a établi un oratoire protestant dans la maison commune. A Fertrupt- et à Saint-Biaise , la chapelle destinée au culte est la propriété des luthériens qui en ont concédé l'usage concurremment avec eux aux réformés

LIV.

C'est ainsi qu'après trois siècles de périls , de luttes et fie sacrifices » l'église évangélique réformée a pu s'établir et prospérer dans la vallée de la Lièpvre. Fondée par quelques ouvriers mineurs étrangers au pays , soutenue et protégée par le seigneur féodal qui eut à lutter pour elle contre la puissante maison d'Autriche , aidée par les sympa- thies et les secours pécuniaires de ses coreligionnaires, les cantons suisses, l'église réformée de Sainte-Marie a survécu aux persécutions fanatiques , aux horreurs des guerres religieuses , à l'action dissol- vante des lois de Louis xiv et de ses successeurs.

L'époque de la réformation a été l'époque des convictions fortes , persistantes , inaltérables ; catholiques et pi*otestants étaient prêts à sacrifier leur fortune et leur vie au triomphe de leur foi. De nos jours les caractères ne sont plus aussi fermes , les mœurs se sont adoucies , la persécution ne rencontrerait plus qu'un petit nombre d'hommes qui , à l'imitation des Huss , des Schuh , des Louis de Berquin , pré- féreraient la gloire du mar,tyr à la honte de l'apostasie; mais aussi elle ne parviendrait plus i faire renaître ni les massacres de Mérindol , ni une journée de Saint-Barthélémy , ni même les dragonades du grand roi. Rendons* grâces à Dieu du calme dont nous jouissons , de l'égalité des droits, de la liberté de conscience qui nous sont désormais assurés , mais n'oublions pas que nous devons ces bienfaits à l'héroïque constance, à Ja foi vive et ardente i aux sacrifices et aux luttes de ceux qui nous ont précédé.

Cu. Drion,

Préiidwt da trOwMl dvU àê ScUwUdU

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SUR

QUELQUES MONNAIES ÉPISCOPALES

DE STRASBOURG.

La Revue numiimatique , dans ane de ses dernières liyraisoiM» a psbiié une Diitertatkm $ur quelques monnaies épiseopales de Stras* bourg » écrite par M. Adrien de Longpirier , membre de rinstitot. Cet opuscule se recommande à tous les amis de la««cience par les éclair- cies nouvelles. qu'il découvre dans Tborizon si brumeux de la numis- matique alsacienne du moyen-Age. Il n'est pas un numismatiste » un collectionneur de monnaie d'Alsace , qui n'y trouvera d'utiles rensei- gnements. Tous regretteront que l'auteur se soit arrêté au dixième siècle» et les ait abandonnés au milieu des téoèbres des siècles sui- vants. Dans un cadre restreint» sous le titre le plus modeste» l'auteur passe réellement en revue» non quelques monnaies épiseopales» mais pour ainsi dire » tous les monuments qui nous out été légués » à l'é- poque où il s'est placé » par les souverains auxquels l'Alsace était soumise et par les évéques de Strasbourg. Ce que le texte ne dit point » les notes le mentionnent avec une riche profusion. Le but de l'auteur a été d'inauguer un nouveau mode de classement pour les deniers des évéques de Strasbourg. A notre avis il l'a parfaitement atteint » et comme la Revue numismatique est peu répandue en Alsace» on nous saura quelque gré , rendre compte d'une œuvre aussi éminemment alsacienne.

Avant d'aborder la classification de ses monnaies épiseopales i M. de Longpérier , justement froissé de ce que ses idées » émises déjà en 1848» au sujet des deniers frappés avec la légende Hludowicus plus et Carolus pius (sans titres de roi ou d'empereur) et portant de

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240 mwE d'alsàgb.

plus au revers une inscriplioo bilinéaire, avec ces mots : ÂR6ENTINA CIVITAS, n'aient pas généralement été adoptées., revient sur ses propositions et leur donne un nouveau développement.

Pour faire comprendre la difficulté , prenons-la dès son débat. H avait semblé rationnel à ceux qui les premiers se sont occupés de ces deniers , de rapporter à Charlemagne , canonisé par l'Eglise , et à Louis-le-Débonnaire , l'un des bienfaiteurs les plus généreux de l'Eglise V des légendes les noms de ces princes, étaient accompa- gnés du titre de pieux.' Dans le principe , l'entratnement fut général. Peu à peu la critique 8e*souvint que ce titre avait été ambitionné et adopté , même durant leur vie , par les successeurs de Cbarleroagoe et de Louis-le-Débonnaire. Elle s'aperçut combien étaient différentes des deniers en question , les pièces marquées au coin de Carkit rex francorum, et surtout celles marquées au coin^ de Hludowicui tmpe- rator, avec revers portant Straiburc, Siraiburcui^ et elle conçut des doutes. Mais les éléments de comparaison étant rares et très-dispersés, les suffrages s'égarèrent entre les fondateurs de la monarchie cario- vingienne et teure successeurs, La confusion devint complète.

Au lieu de procéder par tâtonnements , d'examiner et d'étudier chaque pièce prise au hasard , M. de Longpérier se fit une collection d'empreintes de tous les deniers strasbonrgeois connus, et, assem- blant empereurs , rois , évéques , sans se préoccuper d'abord des noms , les classa dans l'ordre que lui indiquait » non les termes des légendes des deniers , mais leur style de fabrication. Son expérience paléographique ne lui fit pas défaut. La filiation chronologique des types étant ainsi établie , il découvrit l'analogie qu'il y avait entre les deniers marqués au coin de Louis-le-Pieux , de Charles-le-Pieux et ceux de Henri-l'Oiseleur. Ces derniers avaient pris naturellement leur place l'un à côté de l'autre , à un long intervalle des Chariemagne et des Louis^le-Débonnaire. Dès lors il devint évident aux yeux de notre habile numismatiste , que ces trois deniers devaient appartenir à trois règnes qui s'étaient sucpédés. Aussi n'bésita-t-il plus i les altribuer à Louis de Germanie, aCharles-le-Simpleet à Henrii*', princes qui ont successivement occupé le trône de Lorraine , auquel l'Alsace était annexée.

De nouvelles observations lui démontrèrent qu'il ne s'était pas mépris. Comme nous l'avons dit plus haut , dans le champ de ces deniers était inscrit : ARGENTINA CIVITAS. Déjà Hader, en 1811,

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SUR QUELQUES MONNAIES ÉPISCOPALES DE STRASBOURG. 241

âYatt pensé que remploi de répithète argenlina ne s'accommodait pas à des deniers de Charlemagne » puisque celte expression n'a été mise en usage qu'à une époque beaucoup plus récente. Cette remarque n'avait sans doute pas échappé a M.^de Longpérier, qui prouve par sa dissertation qu'il a touMu avec soin. Il la vérifie scrupuleusement, interroge tous les titres contemporains , les passe au creuset de la plus saine critique , les discute avec l'autorité d'une science con- sommée et démontre que , jusqu'en 880 > dans les chartes » sur les monnaies , dans les chroniques , dans tous les écrits dignes de foi , l'afttiqM cité des Triboques a conservé le nom û*Argentùmîum ou livis celui de Straieburc qui lui a été donné an sixième siècle , que le nom d'Argentina ne lui est venu qu'à la fin du neuvième siècle. La conséquence qu'il tire de cette constatation , c'est qu'un denier sur lequel on rencontre la dénomination d'Argentina » ne peut appartenir à LouiS'-le^Débonnafre , mort en 840. Nous ajoutons qu'il ne peut non plus être accordé à Louis n » puisque ce prince , héritier pré- somptif du trône de Lorraine» s'en est laissé dépouiller avant. d'y atoir pris place, par ses deux oncles, Louis-le-Germ^nique et . Charles*le-Chauve ; qu'il n'y a de raison particulière pour l'attribuer à LoUis-^Ie-Germanique tandis que tout concourt à l'assigner à Louis defieitnanie le prédécesseur médiat de Henri-l'Oiseleur , et qu'un Hen de similitude si intime » en quelque sorte indissoluble , unit les trois deniers , frappés au coin de Louis-le-Pieux , de Charles-le- Pienx et de Henri« Il est superflu d'ajouter que Louis de Germanie » dans les actes àe sou gouvernement, employait tantôt la formule: aeimm Sirazburg eivitale , tantôt celle de actum Argentina ctmlate.

En bisant le classement des deniers palatins » frappés à Strasbourg , rautéur a été amené à reconnaître sur plusieurs de ces pièces le nom d'évéques , qui se trouvaient tous rangés suivant leur date historique. Gétie remar^ Ta engagé à faire de la monnaie strasbonrgeoise une nouvelle étude. Avant qu'il ne se fût occupé de la matière , on s'imaginait que les monnaies vraiment épiscopales ne dataient que de la toncession de battre monnaie » octroyée par Otton ii à l'évéque Brkenbald. Les études de M. de Longpériër lui ont démontré , et par sa dissertation il prouve aux plus difficiles , que plusieurs des prédé- cesseurs d'Erckenbald ont signé leurs monnaies. Tout le monde savait y et il avait été répt^té :\ satiété que les évéques , en leur qualité de comtes impériaux de la vjtle, avaient sous leur garde l'atelier

9'Anoéo. iO

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242 REYUS D'ALSACE.

monétaire deSirasbourg« attaché au palais de l'empereur^ sinon depuis Cbarlemagne , du moins dès le règne de Louis-le-Débonnairej mais on était persuadé que tous les produits sortis de cet atelier , étaient frap- pés purement au coin de l'empereur , de sorte que 6i le bénéfice était usurpé , le droit régalien n'avait en apparence reçu aucune atteinte, c Le plus ancien titre qui atteste les droits monétaires de l'évéque c de Strasbourg, dit M. Levrault, dans son Eaai sur tanàenne

< monnaie de Strasbourg , est relaté par Grandidier, dans son lucide c inventaire des droits de Tévéché , et existe encore en original aux ( archives de la préfecture du Bas-Rhin. C'est une charte de Louls- c le-Germanique » datée d'Aix-la-Chapelle, la SG^' année de son règne, c 6* de l'indiction , le deux des ides de juin (853) , et non pas 873 , c comme on l'a publié par erreur; car le premier partage de l'empire c fait par Louis-le-Débonnaire entre ses trois fils aines ayant eu lieu c en 817, c'est bien en 853 que court la 36« année du règne de c Louib-le-Germanique, roi des pays d'oulre-Rhin , depuis ce premier

< partage de 817. >

M. de Longpérier ne partage pas l'avis de M. Levrault sur la date de ce document , et II me paraît impossible de résister aux raison^ qu'il donne à l'appui de son opinion, c Ce document, dit-il, est « souscrit et daté ainsi : Helarhardus cancellarius ad vicem Luilberii c archicapellam recognovi. Data ii idus Junii anno , christo propilio , c xxxiv (1) regni Domni Hludowici serenissimi régis in orienlali Francia régnante , indictione vi ; c'est-à-dire qu'il est du 12 juin 873. On a c proposé de le reporter à l'année 853 ; mais c'est une opinion qui

< tombe devant la première étude des documents contemporains.

< D'abord , Helarhardus n'était pas encore chancelier en 853 ; « ensuite cette année ne correspond pas à une sixième indiction, c Cette indictiqu tombe en 858 et en 873. c Louis-le-Germanique, c disent les auteurs de VArt de vérifier ks dates , datait ses diplômes c suivant diverses époques. La première est de la fin de 8S5; la c deuxième de l'an 833 ou 34; la troisième de Tan 838 ou 39 ; la quatrième de l'an 840 après la mort de son père. > 11 est facile de c voir que le chancelier Helarhardus se servait de la troisième ère , c celle de 839. Deux chartes souscrites par lui à Aix-la-Chapelle,

(*) Grandidier . Histoire de Véglise de Strasbourg , lomc il , preuves 159 , met XXXVL La version de l'auteur esl conforme à la copie de Schaten.

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80R QUELQUES MONNAIES ÉPISCOPALES DE STRASBOURG. S!i5

c datées de la xxxiv* année du règne et de la vi« indictîon , ont été c publiées par Schaten dans les Annales de Paderbom , et l'une c d'elles , donnée le xvi des calendes de juillet , c'est-à-dire , comme

< l'a remarqué Grandidier , postérieure de quatre jours à la conces- c sion monétaire qui nous occupe , porte en outre cette indication : iAnno ab Incamatione Dominica i)G€GLXXiii. En 853 , Louîs-le-Germa- c nique n'avait rien à voir dans les affaires de Strasbourg , qui appar- c tenait à son frère , le puissant empereur Lotbaire. Cette ville fut c ensuite depuis 855 au pouvoir de Lotbaire ii , qui y babitait , comme c nous le voyons par un acte de 858 et qui y frappait monnaie. On se c ferait une idée bien fausse di^droit des gens pendant le moyen-âge,

< si l'on pensait qu'un souverain eut toléré que, dans sa ville, un c évéque ait joui.de prérogatives obtenues d'un prince voisin. En c 875 , au contraire , Louis-le-Germanique était , par suite de son c accord avec Cbafles-le-Cbauve , depuis trois ans , maître de Stras- c bourg il se rendit, quelques mois après avoir octroyé à l'évéque c Ratàld les privilèges qu'il lui appartenait alors d'accorder. >

11 nous semble qu'il n'y a rien à répondre à une argumentation aussi précise , aussi vigoureuse et aussi concluante. Déjà Grandidier avait émis la même opinion au bas de la charte même, c IncUctio texia , quœ concidit in annum 873 , indicat Ludovicum Germanicum hic regni sut inilium repetere non à communi epochâ an, 833 , sed ab anno 838 ^ quo , Imperator , ut testantur annales Fuldenses, Noviomagi conventu genreali habita , Hludowico fUîo suo regnum orientalium Francorum inlerdixit. »

C'est donc en l'année 873 que l'évéque de Ratald fut autorisé à battre monnaie , dans tout le district de son évêché ; mais comme par cette charte , l'empereur n'avait pas abdiqué le droit de faire frapper monnaie pour son propre compte , l'évéque ne conçut pas la pensée ambitieuse d'imprimer son nom sur les deniers qu'il jetait * dans la circulation. Aussi devenait- il bien difficile de décider quelles étaient les pièces palatines et quelles étaient les pièces épiscopales. Cette difficulté n'a cessé qu'à l'époque , , encouragé par une nou- velle concession plus précise , octroyée en 974 par l'empereur Otton n à l'évéque Erçkenbald , ce prélat profita du privilège en plaçant ton nom à côté de celui du souverain , et cet exemple fut imité par les successeurs immédiats d'Erckenbald.

Cependant on ne pouvait admettre que les évéques , qui avaient

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244 REVUE D'àLSACE.

r6cb6rcbé si vivenient le droit de battre monnaie « comme complé- melt de leur puissance » eusseni négligé d'user d'ub droit aussi pré- eîeax. C'est ici surtout ^ue brille la sagacité de H. de Longpérier» et qu'il est f^arveau i frayer à la numismatique de l'Alsace une voie mnivellbi EcMitous*-le lul-niéme : i Entre la charte de Louis-le-Ger- t matàque » dénuée en 875 , et celle d'Otton ii , concédée en 974 , il c s'est éoouié un sîècte pendant lequel la numismaiique strasbour- « géôîse seridble présenter de considérables lacunes. L'attribution que I nous avomi faite à Loai»<d«*-Gehnanie « i Gbarles^U-Simple et à t Hènfi4*0iseleiir des deniers cités précédemment, comUe une partie < de ce vMei mais de nouvelles vuriéi^s de ces monnaies nous amènent c à tfiiculer le monnayage de cette époque à l'aide d'éléments qui t aniiéat manqué à tties prédécesseurs ; et Je crois , pour plus de c charte y devoir procéder en prenant pour bise la chronologie épis- c zopdik eoÉibinée avec oeHe des souverains auxquels Strasbourg a c appartenu » à f>artir de 873 » date de la concession. >

Ratâld, 873-874. . . . Loais-Ie-Germanique 8*^5-874

ÎLouis-le-Germanique 874 - 876 Charles-le-Gros . . 876-887 Arnoul 887-888

/ Arnoul ^888 - 895

Mdrtito, M8-906. . . | Zwentibold .... 895-900

( Louis de Germanie .900-900

i Louis de Germanie 906 - 9iS Conrad 9iî-9l5 Cbal-les-ie^Bple . 943-915

Hi Futt ni fautive âe ces quatre évéques ne marquait la monnaie à mt Mm« H. de Le^gpét*let* droit pouvoir attribuer soit il Ratald, soit i fteiginftHhSt denier pubKé par Le Blanc qui porte pour légendes :

HLVDOWlCVS PlVS autour d'une croix

SITPA eiauR. iiTiniT ^'" considère comme une altération

IXllJIl

j^ STRATB

CIVITA' , qu'oft lil SMT la monnaie de Lothaire h (865*869). L'auteur remarque que le denier, qui porte cette légende altérée, convient par sa fabrique, par son poids , à la fin du règne de Louis-le-Germanique.

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SUR QUELQUES MONNAIES ÉPISCOPALES DE STRASBOURG. 2 lo

fl lui trouve b^^ucoup d'analogie avec le dénier sor lequel oi lit HADTVREGVM ea deux lignée, pièce frappée par Louît-le^Gernoa-* nique , après le partage de 870. '

M. de Longpérler , parmi Ie3 deniers connus , n'en connaît aucun qui puisse convenir à Cbarles«le*Groft. Noos avons vu plus haut quelles raisons il donne pour attribuer à Gbar|e8**le^8imple , les de^ niers avec légende Carohun Pins » et revers Arqenîina eiviêas que la généralité des numlsmatistes avaient jugée devoir appartenir a Charle8*le«6ros. Il nous a fallu bien dea efforts pour nous décider à admettre que ce prince qui a vécu si longtemps en Aisaoe » qvî y à laissé tant de témoignages de son séjour n'y ait laifisé attoone trace monétaire ; mais nous sommaa obligé d'avouer que la logiqijle de notre habile numismatlste , l'examen si attentif qu'il a consacré aux pièces connues et frappées au nom de Charles » ont fait tai^e notre susceptibilité. Que ponvait-^on dire en effet contre le téiMMgaage de l'analogie qui existe entre les deniers de Henri-l'Oisaleiir et oenx frappés au nom de Charles ? Invoquer le type local contre les types de Cbarles-le-Gros émanés d'autres ateliers. Mais c'était une pau- vreté , que les circonstances n'autorisaient point ; c'eut été vouloir , sans preuve , attaquer une combinaison , approuvée par la logique la pins rigoureuse. Prenons plutôt patience. La terre n'a pas encore rejeté de son sein toutes les richesses qu'elle recèle , et » si naguères diîs deniers épiscopaux de Strasbourg , inconnus jusqu'alors , ont pu surgir jusques du sol de la Russie , pourquoi désespérer des révéla-* lions que nous réserve l'avenir.

M. de Longpérier place sous l'épiscopat de Baidram ou d'Othbert l'émission des deniers et oboles de Louis de Germanie qui ont peur légendes ;

t HLVODOWICVS MVS , autour d'une oroîs et pour- revers : ARGENTINA CVNAS {civiias en deux lignes dans la champ).

La forme de la croix » dit«il , est toute particulière , et ne ae trouva sur aucune monnaie de Louis-le-Débonnaire » auquel plusieurs nu- mismatistes ont attribué ces deniers. Par les mêmes raisons, il assigne à répiscopat d'Othbert et à Cbarles-le«Simple la monnaie qui a pour légende;

KAROLVS PIVS REX , autour d'une croix semblable à la préeé* dente -- et pour revers: ARGENTINA CViTS ^ en deux lignes.

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246 REVUE D*AL$àCE.

La preuve de l'exactitude de cette attribution résulte clairement de Texamen du denier que nous allons décrire dans le paragraphe suivant.

Godfried, 913. CharUs-le'Smple , 913.

Le nom de ce prélat découvert par M. de Longpérier sur la mon- naie de Cbarles-le-Simpîe fixe toutes les incertitudes. M. de Long- périer a eu sous les yeux » et nous possédons dans notre collection un grand denier, bien mince, bien aplati , dont voici la description :

A. -h KAROLVS PIVS REX : croix dont les branches vont en s'épaississant vers l'extrémité.

R. Inscription en deux lignes dans le champ : ARGENTINA CIVIT ; au-dessus un G au bas un D.

Dans l'avers du denier de M. de Longpérier le KA est illisible , dans notre exemplaire l'empreinte a un relief remarquable. Le K et l'A s'unissent par une combinaison étrange à l'R. L'ensemble produit comme l'effet d'un M dont les traits sont écartés les uns des autres outre mesure. C'est la reproduction de l'obole et du denier, attribués à l'épiscopat d'Othbert , dont nous avons deux variétés sous les yeux.

Avant H. de Longpérier ces oboles et ces deniers étaient presque généralement attribués , les premiers à Gharlemagne et le denier à Charles-le-Gros. Le peu d'épaisseur de ces pièces , leur style dégé- néré , leur forme bizarre ne permettaient pas de maintenir avec con- fiance ces attributions. Il suffit de les placer en regard des deniers de Gharlemagne , pour voir toute illusion se dissiper. L'inexistence de pièces de Gharles-le-Gros , frappées à Strasbourg , ne permet pas une semblable comparaison dont le résultat serait inévitablement le même. La découverte sur ce denier du nom de Godfried , l'^lu de Charles-le-Simple , lève toute difficulté. La question est de savoir si ces deux lettres inscrites sur le denier G-D représentent réellement le nom de l'évéque Godfried. Selon nous, le doute serait permis si l'exemple de Godfried n'avait pas été imité par ses successeurs » et si nous ne trouvions sur leurs deniers , dans la même forme , les ini- tiales et finales de leurs noms , jusqu'à ce que le nom tout entier apparaisse. C'est le grand mérite de M. de Longpérier d'avoir saisi « mis au jour la filiation de ces types , qu'aucun de ses prédécesseurs n'avait entrevu. La progression vers le but est si claire , qu'on ne saurait sérieusement nier le point de départ. C'est ici le premier pas de la monnaie épiscopale de Strasbourg vers son indépendance. Du

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SUR QUELQUES MONNAIES ÉPISCOPALES DE STRASBOURG. 217

moment donc qae dans ie G - D » il faut voir le nom de l'évéque Godfrîed » la difficulté est tranchée au sujet de l'attribution du denier au règne de Charles-le-Simple.

Richwin, 914-933. . . j Charles-Ie-Simple . 914 - 923.

l Henri-rOiseleur . 923-933. Le successeur de Godfried continue l'œuvre d'émancipation de son prédécesseur. M. de Loogpérier décrit deux variétés de monnaies frappées sous le règne de Henri-rOiseleur. i. + HEINRICVS REX. Croix.

R. ARGENTINÂ CIVITS en deux lignes , au-dessus de

l'inscription R •— au bas S- 2. + HEINRICVS REX. Croix.

R. ARGENTINÂ CIVIT. En deux lignes au-dessus et

* au-dessous de cette inscription R.S disposés dans le sens rétro- grade. Nous possédons une troisième variété de ce denier.

t HËINRCYS REX. (R retourné , pas d'I). Croix. R. ARGENTINA CIVI. Au-dessus de cette inscription bili-

néaire un S et au-dessous un R •— renversés.

Ces R - S multipliés découvrent évidemment la\nain de celui qui a fait frapper ces monnaies, et l'on n'y peut lire autre chose que Richwinui,

La fin de l'épîscopat de Richwin fut troublée par les invasions des Huns en Alsace. Le siège épiscopal resta vacant. A la tête du cha- pitre se trouvait alors , comme doyen ou prévôt » un homme que Wimpheling , dans son catalogue , appelle vir sanctut et deo amabtlis» C'est lui sans doute qui prit les rênes de l'administration de l'église. M. de Longpérier croit devoir lui attribuer un denier qu'il décrit ainsi : + HREISICVS REX. Croix. R. ARGENTINA CVTI (civitas) en deux lignes, au-dessus et

au-dessous de celte inscription bilinéaire, VEB.

Cet exemple du chapitre frappant monnaie en l'absence de l'évêque a été renouvelé , sous la minorité de l'évêque Léopold-Guillaume. H n'y aurait donc d'étrange que l'apparition du nom de l'administrateur, sous les mots VEB ; mais l'anarchie qui régnait dans le pays permet de tout expliquer. Le Y qui précède ES , ne contrarie nullement l'attribution. M. de Longpérier, à l'appui de son attribution , cite avec raison les monnaies d'Ekbert, comte de Frise, sur lesquelles on

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2i8 ntVt'K-DALSACE.

trouve tantôt Egbertus et tantôt Vegbertus . les monnaies d'iielia ou Hetzel qni portent Vicelinus » les monnaies de Conrad n i frappées à Strasbourg qui écrivent CVONRAD.

Jusqu'à ce que l'on soit donc parvenu à traduire autrement les lettres YEB » nous acceptons la proposition de M. de Longpérier ; car enfin il faut donner un sens à ces lettres.

Ruthard, 9i7'9oO. Ouoni, 937-950.

Rutbard ne resta pas longtemps paisible possesseur de son siège. Il fut de ceuK qui cherchèrent à favoriser les projets de Louis d'Ou- tremer, rêvant la conquête de l'Alsace, çt dans ce bQt* durant la nuit, il déserta le camp d'Otton à Brisacb. Pour le punir de cette félonie, l'empereur l'envoya en exil dans l'abbaye de Corbie. Cet exil fut de courte durée. Il parait que la prudence ne permit plus i But- * bard de marquer les monnaies de son nom , à l'instar de ses prédé- cesseurs. Au moins jusqu'ici l'on ne connaît aucun denier qui porte une pareille empreinte.

L'on pourrait peut-être lui attribuer une obole qui se trouve dans ma collection et que je décris de la manière suivante ;

A. 4- ADTIA*OTTO (Adelheidê, Ono) une croix. .

R. AR. ENTINA; Une croix » ayant entre les branches supé-

rieures une crosse ; poids 0,35.

Je propose de reporter à la même époque un denier du poids de I »55 que je possède.

OTTO. SY,... M. Croix ancrée dans un cercle perlé.

R. STRAZBVCH en deux lignes.

Je dois l'avouer cependant il ne règne aucufte analogie entre ces monnaies et le denier que M. de Longpérier assigne également à cette époque. «

Ma collection comprend deux variétés magnifiques de ce denier : t OTTO REX PACIFICVS. Tête diadêmée à droite. ÂRGENTNA Cl VIT. Un double toit sommé d'un lis , comme la pièce décrite par H. de Longpérier.

Dans la seconde , le dessin de la tête de l'empereur eai d'iu style moins barbare et plus petite.

La légende du revers porte : ARGENTINA CIVITAS.

Ces deux deniers ont un module plus grand que les précédtAls et le style des légendes^est beaucoup plus pur.

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SUR QUELQUES MONNAIES ÉPISGOPAI^ES DE STRASBOURG. 2 id

Utm ott Uotm . 950. 96S. ^ Ouon i,950- 965.

Voici comment M. de Longpérier s'exprime au sujet de cet évéque : c Uoton , petit-fils de Gebehard , comte de Fraoconie , appartenait à c une grande famille , qui avait rendu d'importants services aux son- c verains de la France orientale. Gebehard étant mort en 910 , sous « Louis de Germanie , dans un combat livré aux Hongrois , Udon et c Herman, ses fils» avaient pris une part active à la défaite des ducs c Giselbrecht et Eberhard, partisans de Louis d'Outremer^ et Tévéque c de Strasbourg était fils de cet Udon. Il était allié au fils d'Otton i , c Ludolf » duc de Souabe et d'Alsace après Herman. Un prélat si « puissant ne pouvait manquer de ressaisir des droits, qui, du reste, c n'avaient pas été abrogés régulièrement sans doute. Il existe au c cabinet royal des médailles de Berlin un très-beau denier , dont « void la description :

c OTTO REX PACIFIC N. Buste diadème d'Otton tourné à gavcfae.

c R. ARGENTT^A VOTO. La cathédrale de Strasbourg surmontée c d'un lys en l'honneur de la Vierge, i

M. de Longpérier fait observer avec raison « que les monnaies c d'Uoton sont très-importantes pour la thèse qu'il soutient , car le c nom épiscopal qui y est inscrit et qui est à l'abri de toute contas- < Ution. consacre les interprétations qu'il a proposées pour les carac- f tères tracés sur les autres monnaies. > Il défend avec énergie son allribution contre ceux qui voudraient relevçr le V qui commence le nom d'Oton , et s'étaye de Torihographe employée par ce prélat dans la description des diplômes.

Nous possédons ^atre variétés peu difiérentes de ce dernier; l'un d'eux confirme pleinement la proposition de M. de Longpérier , et si des DQmhmatistes ont traduit le VOTO du cabinet de Berlin par Urbs Otlonis , ils se seraient abstenu de cette interprétation s'ils avaient eu sous les yeux notre denier , dont la légende du revers porte : ARGENTNA VTO.

Dans nos quatre exemplaires, la tête de l'empereur est ornée de favoris , qui ne figurent pas sur le dessin de H. de Longpérier.

Outre ces deniers ma collection comprend une obole , un peu fruste , au même type.

La légende dit aussi : ARGENTNA VTO.

L'attribution est donc parfaitement Justifiée , et selon nous » lève

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350 REVUE d*àlsàce.

lous les doutes qu'auraient pu soulever les interprétatious des autres deniers.

M. de Longpérier a donc ouvert une ère nouvelle pour la classifi- cation des monnaies épiscopales. Son système repose sur des données positives , tandis que tous ses prédécesseurs marchaient dans la nuit du hasard. Il finit son précieux travail par un coup-d'œil sur les monnaies d'Erkenbald, et s'énonce ainsi: c Me voici parvenu au c temps la numismatique épiscopale de Strasbourg est , sinon ( parfaitement étudiée » du moins généralement reconnue. >

Cette proposition est vraie pour les monnaies d'Erckenbald , de Widerolff, deHetzel» d'Alutwic que M. de Longpérier a su habile- ment intercaler dans son texte et dans ses notes , sans nuire à la force de ses arguments; mais est-elle exacte pour le denier attribué à Werner i par M. de Berstett, et qui représente au milieu des têtes d'empereurs , couvertes de leurs diadèmes , le front chauve d'un abbé ; pour les deniers , attribués au même prélat et à Werner h , par M. Levrault , dans la Revue numismatique de 1846 , p. 59 « aux- quels nous avons peine à reconnaître le type strasbourgeois. Tout a-t-il été dit sur les deniers des Otton , sur ceux des Henri qui étalent aussi la crosse épiscopale » sur d'autres deniers encore d'un âge plus récent» attribués à Henri de Weringen , à Henri de Staleck » à Ber- thold de Bucheck» etc. ; faut-il désespérer d'un mode de classification pour les monnaies muettes des évèques? nous ne le pensons.

Nous espérons que M.* de Longpérier nous fournira sur ces deniers et d'autres encore , les clartés de son expérience. Il a trop bien com- mencé pour vouloir laisser son œuvre imparfaite.

A. DORLANy avocat à SchlMtadl.

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BIBLIOGRAPHIE.

i

L'Union alsacienne , Recueil religieux , scientifique , historique » Utté" raire et bibliographique, rédigé par MM. Tabbé FuÈset A. Steinhetz. VVnion parait da 13 ou 20 de chaque mois cbezL. F. Leroux, rue des Hallebardes, 34» Strasboui^. Le prix de l'abonneoient est de 6 fr. par an pour Strasbourg , et de 6 fr. 50 c. pour le .surplus de l'Empire français.

L'Union alsacienne , dont le premier numéro vient seulement de nous être communiqué , est la transformation en langue française de l'ancienne Katholisches Kirehen- und Schulblatt fur dos Elsass* Deux pages d'introduction définissent le but du journal qui c sera avant tout un recueil religieux, i Les questions religieuses c soit théoriques soit pratiques , qui de nos jours préoccupent le plus vivement les esprits » seront l'objet de ses études. L'Union c ne sera pas agressive de sa nature; > elle se contentera c d'exposer les vérités religieuses* sans aigreur, ni hostilité systématique. > Elle réfutera c les assertions erronées de l'ignorance par des arguments clairs et péremptoires , repoussera sans ménagement , Hagellera sans pitié la méchanceté provocatrice et l'hypocrisie. » Tel est son programme au point de vue des questions religieuses.

En ce qui concerne la science» la rédaction traitera c les questions religieuses avec ordre et solidité ; i celles qui sont agitées dans le monda savant et qui se rapportent aux vérités de la foi c seront dis- cutées avec un soin proportionné à l'intérêt qu'elles pourront exciter. > La rédaction tâchera d'éviter c ces formes raides et lourdes qui ren- draient sa publication rebutante et indigeste. Voilà pour la science.

En matière historique ['Union admettra dans ses colonnes c tout ce qui se rapporte à l'histoire ecclésiastique et profane de notre province ; puis toutes les nouvelles religieuses d'Alsace qui mériteront d'être conservées dans les archives paroissiales, i Enfin elle donnera le c résumé substantiel de tous les faits religieux qui se passeront dans les différentes contrées du globe. »

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252 REVUE D'ALSACE.

L'Union sera liuéraire et bibliographique, < parce qu'elle publiera des productions littéraires et instructives ou édifiantes, qu'elle traitera de l'enseignement et de Téducation et entretiendra ses lecteurs des ouvrages les plus intéressants qui paraîtront en Alsace » en France et en Allemagne. >

L'Union compte c sur le bienveillant concours de tous ceux à qui. le triomphe de la bonne cause tient à cœur. > Elle annonce que des hommes d'un grand mérite lui c ont promis leur honorable collabo- ration. >

M. l'abbé Fuès consacre les neuf pages qui suivent l'introduction ù une revue des Recueils mensuels qui se publient en Alsace. Après avoir nommé, pour les éliminer de l'examen , les différents journaux poli- tiques de la province et les recueils qui se vouent à une spécialité , l'écrivain ébauche , à son point de vue , une esquisse de la Revue d*Atâaeet de la Bévue de théologie et de philosophie chrétienne et du JLti;ii SlsraèL M. Steinmetz se livre ensuite à un examen critique du sermon prononcé le i<^' novembre 1857 au Temple-neuf de Strasbourg, par un de MM. les pasteurs de cette paroisse. Cet examen est suivi de la première partie d'une dissertation historique sur Saint Amaud , évéque de Strasbourg ; elle est signée D. S. Puis vient une c rectifi* cation concernant l'exécution de Kuhn d'Epfig , racontée dans la Revue d^AUaee. Cette c rectification » tend à établir que le juge de paix Kuhn ne fat point arrêté par Schneider à l'issue d'un repas comme l'opinion en était jusqu'ici généralement accréditée , mais dans son lit alors que, malgré des avertissements réitérés, Kuhn assurait que l'ex-moine terroriste ne lui était' point hostile. La leçon nouvelle est fournie par M. Schaffner, curé de Bischv(riller. M. l'abbé Fuès fait ensuite la critique d'un opuscule allemand , édité à Gotha et ayant pour titre : Histoire de Vivèché de Strasbourg, M. P. Mury relève diffé- rents passages de la thèse de M. le pasteur de Haguenau dont le siiget est UM appréciation de nnftuence de Luther sur l'éducation du peuple. Enftn UD extrait du journal d'un missionnaire dans l'Amérique du Nord (peuple de la secte des Vaudoux) termine , avec les Nouvelles religieuses 9 la série des matières contenues dans ce premier numéro.

Un coup-d'œil rétrospectif permet de rattacher bibliographique* ment , par des analogies diverses , le recueil que nous annonçons à ordre de publications fort intéressantes à consulter pour l'histoire contemporaine. En première ligne figure : « TAbeille , petti^ revue

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BIBLIOGRAPHIE. 253

(TAhace et de Lorraine, journal lUtêraire, religieux » instructif et amu^ tant. » Fondé en mai 4842 et dirigé par M. A. de Humbourg , ce journal aborda avec une ardeur extrême les questions les plus diverses et surtout celles qui de nos jours préoccupent le plus vivement les esprits. > Nous ne saurions dire exactement si la collection de YÀbeiUe forme plus de deux volumes. Le premier contient 846 pages , format de V Union actuelle. Les livraisons du second sont plus volumineuses, d'Un format plus grand et composent un tome dont bous ne pou- vons préciser le nombfe de pages. VAbdlle est sortie des presses de L. F. Leroux , rue des Hallebardes , 39 , Strasbourg. En deuxième ligne vient se placer : c L'Obsbbvatbur du Rhin , revue eaihoUque ûUttcienne, » jusqu'au 30 avril i843 et c Revue catholique de tËst. > jusqu'à sa fin, arrivée au mois de décembre de la même année. L'Oft- servaieur^ commencé le 45 janvier 4843, était dirigé pair M. le cba- noine J. M. Axinger et fut imprimé par Bruckert et Vogeliiveith à Cuebwiiler. Les seize premiers numéros sont in-8<*, format de V Abeille ; du NM7 au N'' 43 le format est in-4<' et du N<^ 44 au N*» 52 , petit in- fblio , en tout 542 pages. En 4S4t M. L. W. Ravenèz , après la dispa- rition du journal le Progrès, publié à Colmar^ essaya de fonder < L'UNiOtt ÀL9ÂCIEN9IS, Re\)ue taiholiqixe de tE$t, rédigée pât une soctéîé d^ecclésiasliqveÈ d^hûifimes de lettms. > L't/nion devait paraître tous les dimanches. Il n'en parut que très-peu de livraisons , croyons- nous, car à la deuxième nous voyons s'opérer une transformation asset biatarre. V Union annonce qu'elle sera mensuelle au lieu d'être hebdomadaire et que pour remplir les promesses de son ÎH'' êpêcimen, ses lecteurs recevraient , gratuitement , les trois premiers dimanches du mois , VEcho du Rhin , feuille hebdomadaire exclusivement con- sacrée aux questions religieuses. Dans le même ordre d'idées s'en- cadrent Le Dimanche, fondé plus tard, rédigé par M. Ravenèz, et imprimé h Mulhouse ; L'Etoile du Haut-Rhin , tentative faite en sep- tembre 4850 et demeurée sans suite; Le Volksfreund, publié â (jueb- willer , rédigée par M. l'abbé Braua et qui a fourni une carrière très- active jusqu'à l'avènement de l'Empire ; VOberrhdnkche Zàtung , publiée à Colmar et rédigée par M. le chanoine Hunckler ; et enfin le Katholisches .Kirchen" und Schulblait que rUNfON ja.SA€iltNNB vienl de remplacer.

Quelques uns des écrivains qui ont pris part à la rédaction de ces feuilles ont d'ailleurs fourni aux c amateurs i'ahatica » des livres

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854 RBVUE. D'ALSACE.

plus OU moins importants sur Tfaistoire d'Alsace : de M. de Humbourg , nous ne connaissons sur cette matière aucune œuvre qui mérite d'être signalée car dans une collection l'on peut à peine ranger série des pamphlets les 18 pages in-8^ éditées par lui et intitulées: Véritable came de la levée de boucUers de Saint-Thomas. De M. Âxinger, une brochure à classer dans la même catégorie , et intitulée : La correspondance catholique refusée ou lettres adressées au Courrier du Bas-Rhin, par le chanoine Axinger^ in-S** de 88 pages. Publié à Strasbourg c le Jour de Saint- Dominique 1843. » Nous avons de M. Ra venez 1^ une brochure in-8® avec encadrements de 88 pages , publiée à Ôblmar en 4846-47 dont voici le titre : Annales des Domi' nicains de Colmar , publiées en MDXXCIY par Ursteis » (Wursteisen- Urstisius) professeur de mathématiques à Bâle ; traduites » commen- tées ET AUGMENTÉES, par L. W. Ravenèz^ qui dans l'occasion adopta cette épigraphe: Scribitur ad narrandum^ sed non ad probandum. 8^ Son importante traduction de Schœpflin Alsace illustrée ^ 5 forts volumes in-8% édités en 1849-4858 par Perrin, libraire à Mulhouse et imprimés par G. Silbermann à Strasbourg ; de M. l'abbé Braun , une excellente a: notice sur l'église chapitrale aujourd'hui paroissiale de Guebviller i , ln-8^ de 86 pages avec une planche. Guebwiller , Bruckeri-Vogelweith , 1845. De M. le chanoine Hunckler son histoire de Colmar (en allemand) , un autre fort volume contenant la vie des saints d'Alsace , en français » et en allemand un abrégé du même ou- vrage à l'usage des écoles primaires de la province. Enfin on a de M. l'abbé Fuès La vie de Saint Morand^ brochure in-18 de 147 pages, imprimée par Huder à Strasbourg» 1840.

II.

Mémoire adressé a l'Académie de Rhedis sur cette question : Est-ce him à Tolbiac que CUms a remporté la victoire à la suite de laquelle il s'est fait chrétien ? Ne serait'^ pas plutôt sous les murs de Strasbourg (rArgentorat des anciens) qu'elle a eu lieut Brochure m-8® de 87 pages , Urée à 85 exem- plaires chez P. Régnier 9 imprimear à Rheims. Juillet 1857.

Cette excellente dissertation est de M. L. W. Rayenèz, le traducteur de Schœpflin. L'auteur est de l'avis d'Henschenius , Bertholet, Laguilleet Labararre qui prétendent que cette bataille eut lieu près de Strasbourg. Adoptant les raisons que Grandidicr fait valoir en faveur de cette opinion , M. Ra venez en ajoute de

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BIBLIOGRAPHIE. 255

nouvelles et dous dirons volontiers de plus décisîTes , parce qu'il les tire de la mauvaise interprétation des textes qu'il élucide et met d'accord et enfin de la topographie des lieux. La dissertation de M. Ravenèz a donc sa place marquée dans le catalogue des travaux concernant notre histoire.

III.

Frédéric de Dietrigh , premier maire de Strasbourg, par L. Spach, arekiviite en chef du département du Bat-Rhin. !n-8o de 142 pages avec une planche. Strasbourg , chez Berger-Levrault et fils, rue des Juifs , 33 , et Paris, rue des Saint*.Père8,8. 1857.

Dominique de Dietrigh, ammeittre de Straebourg. Brochure iaS^ de 66 pag. Du même auteur et à la même librairie.

Ces deux biographies ont paru en entier dans la Hevue d'AUace qui , si nous sommes bien informé , et par sentiment de justice , en demanda la rédaction à H. L. Spach , l'un de ses plus éminents collaborateurs. En même temps que la Rwuê publiait la première, elles furent éditées séparément par la maison Levrtult l'on peut se les procurer au prix de 1 fr. l'exemplaire.

IV.

Dbr I^ochersberg , 0tn landechaftliehes fiiid, ausdem Unter-Sltaes , von Augost Stqeber. Mulhouse , chez J. P. Risler , 1857. Une brochure in-12 de 66 pages.

DiB Abtei Murbach , bei Gebweiler (im Ober-BUati) naeh Natur , Sage und Gtechiehte, von Friedrich Otte. Mulhouse , chez J. P. Risler, 1856. Une brochure in-12 de 33 pages.

DiARiiiH von EcKARD WiEGERSHEiM xu Beichmweyer , 1525. ^ Kleine Ghronick Uber den Bcntrenkrieg , 1525. Mulhouse , J. P. Risler , 1857. In-8o de 25 pages.

Les deux premières de ces brochures sont la réunion d'une série d'articles qui ont paru dans VEUiUiitchen Samstagblatt et' dont l'éditeur , chez qui on peut se les procurer , a fait un tirage à part.

La troisième est un extrait de VAUatia pour 1857-1858. Le Diarium de Wle- gersheim et la petite chronique ont été fournis à VAUatia par M. Ch. Gérard pour pour qui on en a tiré à part un très-petit nombre d'exemplaires: 10 sont dans le commerce , chez Held-Balzinger, libraire à Golmar.

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256 llimjB D'ALSACE.

Notice sur li yie et les outrages de H. A. Dupont» ifuttfulauf, par M. Matter, ancien inspecteur général des études. Paris , 1857, librairie élémeotalre de E. Ducrocq , me Haule-Feuille , ÎO. Brocliure in-18 deS4 pages.

Cette biographie, dont le premier et le dernier nom rappellent le premier et le dernier échelon de la hiérarchie universitaire, est tout à la fois un acte de justice pour la mémoire d*un hompoe de mérite et une dette payée à Tamitié par ud homme de bien.

VI.

Histoire de la Réforhation française , par M. Puaux, Ministre du S^ Evangile à Uulhoiue.'—ii vol. fomk. CharpenUei*, 16 feuilles dlmpres^oii , beau papier et beaux caractères. Prix : 3 fr. c. le volume , rendu franco i domicile. S'adresser à l'auteur.

Le premier voIum a para et ftés quatre suiTanto font mis j^rease* Ces cfaui pfMilers TOlnons foriiefont en quelque sorte «■ ouvrage complet y car ils réa- fémetft le rédt dee événeneMU depuis Tetiglbe de h Héforme Jtequ'A J*édit <«e Nantes. On n'a , nous trewms de le dire t de Toevrage de M. Feaex qM le premier volume et s'il est permis de se faire une opinion sur ce qu'il sera dans son ensemble , on peut dire dès aujourd'hui que si l'histoire ne consistait que dans le récit chronologique des faits M. Puain n'ajoutera que peu de chose à ce qu'ont si bien dit MM. d'Aubigné^ de Félice et tant d'autres auteurs estimables. Or M. niavt M Mot autre ehese , et il k lUi si Men qu'il ne peet Mfiqeerilliité- fesder les files ledffférents.

vn.

TaIr^ii canemOLtlGi^si kt snmiiw^ des gomermmmstê ^wi se leuf mÊ$oêâé en France , depuis la Révolution de 1 789 jusfu'tm rUubUtêmiima «il f JMi^^, au S déeemkre tô52 , par M. Uatbieu-Saint-Laurent, woêaùre à CoUnar , prém- dent de la thmmbre dm notaires de VarrondiseeÊnent» -^ 5 tableaux » ia-lélio , avec titre et répertoire. ~ Prix : 3 fr. 7S c. chez tous les libraires de GohBMr.

L'auteur , en dressant ces tableaux , avait en vue un double but : « i^ celui de rappeler sommaîremeM aux personnes qn! cbnukaissent l*hfstoii« de nos soSxante- diip-htiit deMières années les litits et les événements les plus mémorables , fes causes qui les ont fait naître et les hommes qui y ont pris paît Ou les ôttt dirigés \ 2«» cehri d*inSpirer à ceux qui ne comiaissent pas cette hlstofte , le ddfttr de l'étu- dier oe ae moins de la lire. » Le travail de M. Wathîeu atteint certainement le but modeste qu'il s'est proposé en récrivant.

Un Bibliophile.

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VILLES LIBRES ET IMPÉRIALES

DE L'A\CIEI^>£ ALSACE.

SuUe (•).

LANDAU.

Pour qui ose se plonger dans le sombre chaos des ioféodaiions et des engagements du quatorzième siècle il ressort bientôt cette vérité que nulle part les divisions territoriales n'étaient bien tracées , non plus que les limites entre les diverses juridictions. C'était un imbroglio permanent de droits presque toujours contradictoires , de telle sorte que la même localité pouvait être à la fois aux mains de divers maîtres^ pouvait être tout ensemble terre immédiate et terre seigneu- riale , aleUi 6ef et sous-Gef, ville impériale et marchandise donnée en gage.

Depuis le grand interrègne du siècle précédent chacun avait con- tinué h tirer à soi ; les comtes, les dynastes , les châtelains , les villes et les abbayes ne cessaient plus de viser ù l'indépendance, de cher- cher à étendre leur territoire et leurs franchises » à se libérer des obligations féodales et à en imposer à de plus faibles, d'empiéter sur lo droit du voisin, de passer suivant l'intérêt du moment d'un suze- rain à un autre, de se déprovincialiser en un mot pour devenir individu , burgrave , république ou ganerbinat.

Ce fut pour obvier autant que possible à cette anarchie que les landvogts impériaux reçurent à partir du règne de Rodolphe de Habsbourg des pouvoirs plus étendus , plus spéciaux , et pour ainsi dire plus légaux. Ils devaient être non seulement les juges ou grand'- justiciers de l'Empire dans le rayon de leur juridiction, mais les gar- diens de l'immédiateté des villes , les médiateurs de toutes querelles

[') Voir les livraisons de février oi mars , pages 49 et 07.

«•Année. ^"7

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St58 RBVUB D*AL8àGB.

féodales , les conservateurs de l'autorité impériale au sein de cette décentralisation excessive qui allait minant de plus en plus FEmpire.

L'institution était bonne en principe, malheureusement elle fut très-vite dénaturée et viciée par l'usage des engagements ou des charges hypothéquées » par ce besoin de battre monnaie avec tout ce dont ils pouvaient encore disposer qui était devenu la fatalité des empereurs élus.

Landau fut une des villes qui eut le plus longtemps à souffrir d'un état de choses dont ne profltait guères que la force brutale. Placée à l'extrême limite de deux provinces , l'Alsace et le Palaiinat , et de deux comtés , le Nordgau et le Spiregau , cette ville flottait en quelque sorte entre les juridictions rivales , pas assez pour s'en affranchir mais assez pour avoir à les supporter toutes à la fois ou alternative- ment, moins heureuse sous ce rapport que ces territoires contestés entre l'Angleterre et l'Ecosse dont Walter Scott nous a donné le pittoresque tableau.

Cependant entre ces juridictions qui se côtoyaient si près d'elle, il en était une que dès lors elle préférait et vers laquelle tendaient tous ses efforts, c'était celle du landvogt d'Alsace qu'elle tâchait de sub- stituer autant que possible à l'évéque de Spire et au comte palatin du Rhin.

En 1561 la ville avait obtenu de l'évéque de Spire, Gerhardt d'Ern- berg, et grâce à l'intervention de l'un de ses casirenses^ Burckhard , burgrave de Madenburg , landvogt d'Alsace , l'adjonction à ses douze échevins de vingt*quatre conseillers de ville ou sénateurs élus chaque année par les tribus. Ces sénateurs ne devaient s'occuper que des affaires administratives , la justice restant dévolue aux seuls échevins sous la présidence du schulihets impérial nommé par l'évéque. Ce tribunal s'appelait Schœffen'Rath ou Oher-Gerichi ; il était eu quelque sorte un tribunal d'appel , quoiqu'il eût le droit de juger en première instance , si l'accusé niait le fait qui lui était imputé. Dans le cas au contraire oii l'accusé avouait de suite, le jugement était rendu par le SchuUheis assisté de deux échevins seulement , et dans ce cas le tribunal se nommait ^I/mer-6e^ic/l^ (<) Si la cause était au-dessous de dix florins , le Schuliheis jugeait seul. Il y avait en outre un tribunal subsidiaire en cas de non exécution immédiate à l'échéance des

(') ScHCfiPFUN, ÀUai. UkuL , tome ii , Landavia.

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VILLES LIBRES ET IMPÉRIALES DE L' ANCIENNE ALSACE. ^59

termes 6xës par les sentences deVUnler-GerichL C'était le tribunal dit Voll^Gerichi ou Vol»ogungs»Gerichl , qui se réunissait d'urgence et prononçait au besoin la réduction en un terme des trois termes flxés par YUnter-GerichL II suppléait en qi^ejque sorte VOter-Gericht, du moins quant au prompt exécutoire. On pouvait appeler des juge- ments de ces tribunaux devant les Cours suprêmes de l'Empire, (t)

C'était ce Schultheis impérial qui, depuis l'engagement de Louis de Bavière , pesait le plus au cœur des bourgeois de Landau , car , au lieu d'être d'investiture directe de l'empereur , il était nommé par l'évéque de Spire et presque toujours^ surtout dans les commence- ments» choisi parmi les bourgeois de Spire ou les seigneurs du voisi- nage. En i574 nous voyons Adolphe, évéque de Spire, nommer Schultheis de Landau un chevalier nommé Conrad Schnidelauch ; il est ou il parait être le premier habitant de Landau promu à ces fonc- tions depuis l'engagement de la ville à l'évéché de Spire.

Le quatorzième siècle ne fut pas seulement malheureux pour la jeune indépendance ou les velléités d'indépendance de Landau, il porta aussi malheur à la ville sous d'autres rapports. Ainsi , indépen- damment des deux pestes de iol5 et de 1549, il fit subir à Landau deux tremblements de terre, l'un en 1356 et l'autre en 1564. (^) Il est assez probable que la tour de la primitive église due aux Augustins^ souOrit de l'un ou l'autre de ces tremblements.de terre, à moins que cette tour n'ait été déjà renversée lors du tremblement de terre du siècle précédent , en 1289. L'inscription placée sur la porte de la tour rappelant la date de 1549, on pourrait conjecturer que, com- mencée à cette dernière date , elle ne fut achevée dans sa partie actuellement la plus ancienne qu'à la fin du quatoi^ième siècle et après le tremblement de terre de 1564.

La grande ligue des villes impériales du Rhin et de Souabe, qui en 1382 se forma contre les princes de l'Empire, avait paru aux bourgeois de Landau une bonne occasion de se débarrasser de la tutelle de l'évéché de Spire et de rompre au besoin en visière à l'évéque enga- giste. Ils se hâtèrent donc d'envoyer leurs députés a l'assemblée générale de Constance , et ceux-ci furent admis à y siéger au rang des villes impériales simples , qui venaient après les villes impériales

(*) Slatt Landau erneuert Gerichtsordnung. Spire ^ 165 4. (•) ScnoEPFLiN , Als. m. , lome ii , page 351 .

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â60 REVUE D'aLSACB.

libres. Déjà en 1349 , puis en 1367 Landau avait obtenu de Tempe* rear Charles iv le privilège de non-évocation (<) et celui de ne voir citer ses bourgeois devant aucun autre juge que le Schulfheis impérial de la ville. C'était peu s^s doute pour une cité a laquelle Rodolphe de Habsbourg avait naguères octroyé les mêmes droits qu'à Hague- nau » mais enfin c'était un retour à un peu plus d'indépendance. Malheureusement sa tentative de participation à ta ligue de 1382 devait être funeste à la ville. Elle avait pourtant plus de motifs que beaucoup d'autres villes pour vouloir en . finir avec les petites tyran- nies seigneuriales qui l'entouraient , et la tenaient comme dans un réseau » car nulle part les seigneurs et les châtelains du pays rhénan ne commirent plus d'excès de pouvoir^ plus de déprédations, plus d'attaques de grandes routes , et plus d'actes outrageants pour les bourgeois impériaux qu'aux environs de Landau , de Spire , de Worms et de Mayence. C'était pis que pendant le grand interrègne du siècle précédent ; tout commerce était interrompu d'une ville à l'autre ; toute promenade hors des murs exposait à être surpris par les hommes d'armes des seigneurs , emmené prisonnier , enfermé dans quelque donjon , et rançonné , et parfois mis à mort en cas de non- paiement de la rançon. Et tandis que les châtelains faisaient ainsi sur les routes , sous prétexte de droits de péage , le métier de brigands , les suzerains et les seigneurs puissants venaient frapper parfois des contributions jusque dans les villes mêmes au mépris des privilèges concédés par l'empereur. Les souffrances de Landau augmentèrent encore , lorsqu'après leurs défaites de Weyl et de Worms , les villes impériales furent obligées de se soumettre et de recourir en déses- poir de cause à la protection de l'empereur W«nceslas. Ce monarque» dont la maladroite politique avait soufflé le feu de la guerre civile afin de réduire à la fois et de détrul»e l'un par l'autre les deux partis, dominé désormais par la victoire des princes , n'intervint que faible- ment en faveur des villes , les laissant mettre de nouveau à rançon , et confirmant sans vergogne les engagements anciens , même ceux dont les paiements avaient eu lieu aux échéances stipulées. Landau se trouva donc à la fin du quatorzième siècle plus abandonné que jamais au gantelet de fer du comte-évéque de Spire.

Le siècle suivant ne se montra pas , surtout dans la première partie

f ) ScuccPFLiN , AU. iU. » tojnc il , Landau.

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VILLES LIBRES ET IMPÉRIALES DE L' ANCIENNE ALSACE. 261

de son cours , plus favorable à la ville de Landau. Il lui fallait tou- jours obéir à Tévéque de Spire en sa qualité de tenancier ou de bé- néficier de rengagement consenti par Louis de Bavière. Néanmoins , toute engagée qu'elle était à un prince ecclésiastique, la ville impériale sut faire valoir son droit de suffrage dans les diètes , et ce malgré l'opposition de l'évéque de Spire , qui prétendait avoir seul le droit de la représenter.

Après la déposition de Wenceslas Télévation à l'Empire du comte palatin Robert ne pouvait être que préjudiciable aux tendances d'é- mancipation de Landau:, car elle mit la landvogtey d'Alsace aux mains de la maison palatine. Déjà Louis de Bavière avait en 1341 institué landvogt d'Alsace son fils Etienne , et en 1554 la landvogtey avait passé aux mains de Robert , électeur palatin. Mais ces deux prises de possession de la maison de Bavière n'avaient été que tem- poraire; ou viagères, et dèa 1556 Charles iv lui avait retiré le pro- tectorat des villes impériales d'Alsace. Robert , en donnant à vie la landvogtey à son fils Louis-le-Barbu , électeur palatin , privait donc Landau de ses protecteurs naturels ou préférés , les landvogts d'Alsace indépendants des Palatins. Néanmoins la possession de la charge de landvogt d'Alsace par la maison palatine, possession qui dura pen- dant tout le quinzième siècle à partir de l'an 1408 . eut au moins cet avantage pour Landau de confondre dans les mêmes mains les pré- tentions opposées des possesseurs du Palatinat ^t de la landvogtey d'Alsace , et de confondre aussi sur ce point les limites des deux provinces , la maison palatine , n'ayant plus autant d'intérêt à main- tenir la démarcation des deux juridictions.

Déjà auparavant , sons l'empereur Henri vu , la charge de landvogt d'Alsace confiée successivement en 1508 et en 1511 à Syboth de Lich- tenberg , évéque de Spire , et à Godefroi , comte de Linange , avait contribué à donner moins d'importance à la question des limites , et à rapprocher en quelque sorte la Queich et la Lauier de la Seliz et de r/U, rapprochement plus complet encore lorsque , sous Frédéric-le- Bel, son landvogt d'Alsace, Olton d'Ochsenstein , établit sa résidence à Landau. (i)

Sous ce rapport auçsi la charge d'Unter^Lanàvogi d'Alsace confiée» ù celte première époque de la possession héréditaire palatine, à

(') Lehmanm, Chron. Spir. , p. 297 , et Crolucjs in Annvillert p. 39.

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20:2 REVUE D'ALSACE

Schwartz-Reinbardt de Sickingen dut plutôt effacer que tracer de nouveau les limites entre le Nordgau et le Spiregau.

Le règne de Sigismond diminua d*abord quelque peu la puissance palatine en Alsace, et s'il ne retira pas à cette* maison les droits et les principales prérogatives de landvogt, il entreprit un instant de les amoindrir en désignant lui-même VUnter-Landvogt au lieu de Je laisser désigner comme c'était l'usage par le landvogt. C'était pour l'empe- reur reconquérir, autant qu'il le pouvait sans bourse délier, une action directe sur l'Alsace , d'autant plus qu'il relira en même temps à l'électeur palatin , landvogt d'Alsace, la délégation impériale pour l'arbitrage des prétentions féodales, cbarge qui était distincte de celle de landvogt de Haguenau , quoique presque toujours réunie jans les mêmes mains. C'est en effet à titre de délégué direct de l'empereur que nous voyons Y Unier- Landvogt d'Alsace, Bernard d'Eber- stein» conclure en 1415 la transaction enirc Nicolas-Bernard J^orn de Bulacb et Walther Erb , seigneur de .Graffenstaden. (i) Cette délégation directe de l'empereur n'a pas d'ailleurs empêché Louis-Ie- Barbu d'accréditer à son tour auprès des' villes d'Alsace ce même Vnter-Landvogt , Bernard d'Eberstein , comme nous l'apprend Schœpflin. (2)

Mais Sigismond était trop besogneux pour ne pas faire argent de la landvogtey d'Alsace , et ne pas annihiler ainsi lui*même ses efforts pour y diminuer ledpouvoir des Palatins. Il lui fallait des fonds pour son expédition d'Italie au secours du pape Jean xxm. 11 engagea donc la landvogtey à l'électeur palatin , d'abord en i4t5 pour 25,000 livres florins du Rhin et en i423 pour 50,000. Grâce à ce beau trafic les villes impériales et les seigneuries immédiates de l'Alsace ne se trouvèrent plus que de nom relever directement de l'empereur.

Il ne parait pas que l'Empire rentré , .après la mort de Sigismond , dans la maison d'Autriche par l'élection d'Albert n ait apporté quel- que soulagement à la position de Landau. Son règne si court peut expliquer cet abandon d'une cité cliente si dévouée de sa maison , mais le long règne suivant , celui d'un autre archiduc d'Autriche , de l'em- pereur Frédéric III (ou Frédéric iv si l'on admet au nombre des empe- reurs l'ancien ami de Landau , Frédéric-le-Bel , compétiteur de Louis

(') LuNiG , ReichS'Archiv. , et Schoepflin , tom. u.

(') Sghoepfun f Àlsat. ilL , tome u. Landvogts de la période palatine.

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VILLES LIBRES ET niPÉRIALES DE L'ANCIENNE ALSACE. 363

de Bavière) n'a pas la même excuse à fournir pour le refus de racheter Landau à l'évéché de Spire. La nécessité de ménager les princes de TEmpire et surlout les princes ecclésiastiques du Rhin ne permit pas sans doute à ces deux empereurs du sang des Habsbourg, de donner cours , en faveur de cette ville » â la politique traditionnelle de la maison d'Autriche. D'ailleurs pour que Laudau retrouvât toutes ses franchises du temps de Rodolphe Habsbourg, il aurait fallu non seulement racheter la ville à l'évéché de Spire, mais racheter la land- vogtey d'Alsace à l'électeur palatin. C'était trop demander à un prince faible et avare comme le second empereur Frédéric m , cet homonyme si prosaïque du chevaleresque Frédéric-le-Bel de 1320.

Ce n'est pas que l'envie de reprendre la. mouvance delà landvogtey d'Alsace ait manqué au successeur d'Albert n. Malheureusement c'é- taient des velléités plus que de la volonté , des projets , des demi- mesures plus que de l'action. Au nombre de ces velléités on peut ranger l'encouragement donné par l'empereur à la ville de Landau (>) pour adhérer en 1462 à la ligue des villes et des dynastes de l'Alsace contre la compétence des tribunaux weslphaliens, ces fameux comités de salut public qui prétendirent tenir de Cbarlemagne le droit de juger et de condamner en secret et sans appel.

Le même empereur avait même osé retirer sans rachat 4a land- vogtey à l'életeur palatin Frédéric-le- Victorieux et la donner à Louis- le-Noir, duc de Deux-Ponts, tandis qu'il invitait les villes d'Alsace, et entr'autres Landau , à secouer le joug de l'électeur palatin. Mais bientôt Louis-le-Noir, abandonné à ses propres forces par l'empereur, dut recéder la landvogtey d'Alsace à l'électeur Frédéric , laissant les villes qui avaient pris son parti se dépêtrer comme elles pourraient.

Peu de temps auparavant la ville de Landau avait été entraînée par l'évêque de Spire à la guerre contre le même électeur à l'occa- sion dej'anathême lancé par le pape Pie ii contre l'archevêque de Hayence Thierry d'Isenbourg, allié de Frédéric-le-Victorieux. Les batailles de Seckenheim et de Giengen ayant donné raison à ces der- niers contre l'empereur et le pape , Landau dut se soumettre comme les autres villes de la landvogtey à la maison palatine, malgré les négociations , assez timides d'ailleurs , renouvelées encore par l'em- pereur en 1471, 1473 et 1474 pour reprendre la landvogtey d'Alsace.

(') SCHCEPFLIN , Ali. ilL , tome u. Landau

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2(U REVUE D'ALSACE.

Les faits parilculiers à Landau pendant cette période sonl assez clairsemés. Il ne parait pas que la ville ail eu plus à souffrir des Armagnacs, en i4U, que des compagnies anglo-gasconnes, en 1390. Mais cette année 1 ii4 fut marquée à Landau par un tremblement de terre qui se renouvela en 1459. (*) Dans la première moitié de ce même siècle la ville avait acquis Thypotlièque du château de Maden- burg situé sur l'un des contreforts du Rodenberg , à une lieue et demie de Trifels au-dessus du village d'Eschbach , que les comtes de Linange avaient donné en gage aux sires de Sickingen et de Flecken- stein. (^) Ce château, cheMieu de Fun des bailliages épiscopaux de Spire et dont les ruines sont fort dignes d'intérêt, parait avoir été un de ces ganerbinats que les Burgmaenner ou Castrenses de Landau tinrent successivement et parfois simultanément de la maison de Linange. de l'Empire, de la maison palatine , de Tévéché de Spire et de la ville de Landau elle-même. Go pourrait s'étonner que, quoi- qu'engagée à cette époque , la ville ait pu acquérir pour son propre compte le.gage de Madenburg , mais ces anomalies se rencontrent fréquemment dans l'histoire du quinzième siècle. Et ce n'est pas le seul contraste de ce genre qu'offrent les annales de Landau. Au sur- plus cette ville n'usa de son hypothèque sur le château de Madenburg que pour la céder à la famille de Landeck, originaire d'un château voisin de Madenburg. Ce château de Landeck était un fief d'Ochsen- stein , mi-partie de mouvance palatine et mi-partie de l'abbaye de Klingen ou KUngen^JUunster. (3) C'est ce qui explique comment Ma- denburg une fois en la possession des Landeck devint aussi fief sans doute oblat de Klïngen-Munster, Madenburg était en 1498 possédé par les nobles de Heydeck , soit par suite d'extinction des Landeck , soit par indivis avec ces derniers, et ce sous la suzeraineté de l'évéché de Spire. (^)

Ce fut encore dans ce même siècle que la ville acquit le domaine de Qumhhetm qui jusqu'en 1 164 était sous le patronage de l'électeur palatin quoique donné dès 1294 par Adolphe de Nassau au monastère

(') ScHOEPFLiN , AUat, illustr, , tom. if , p. 55i. (') Ibidem , (terres de révôché de Spire).

(') ScHOEPFLiN , AUat, m. , tom. n. Familles éteintes , par. 440 , et Domaines des villes libres , par. S06. (*) Ibidem.

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VILLES LiBBES ET IMPÉRIALES DE L* ANCIENNE ALSACE. 265

des Atigustins de Landau. H semble que l'acquisition de Quetehheim par la ville n'ait servi d'abord à cette dernière qu'à engager le do- maine aux mains de son propre engagiste , ce qui faisait de ce der- nier à la fois le suzerain et le tenancier de Landau. Du moins Schœpflin rapporte qu'en 4465 Landau donna pour vingt ans Queich- heim en gage à l'évécbé de Spire. (^) La bulle de 1485 , par laquelle Sixte IV convertit le monastère des Âugustins de Landau en collé- giale, (^) paraît n'avoir pas été étrangère à cette translation des droits de» Âugustins sur Queichheim à la ville elle-même.

Lors des démêlés de Raban de Helm'stadt , évéque de Spire , avec sa ville épiscopale , Landau , toujours empressée de saisir toutes les occasions de s*affrancbir de la suprématie temporelle de l'évéché de Spire , avait fait cause commune avec les ennemis de Raban , dont elle avait chassé le prévôt (Unter- Vogi) quoique Raban Helmstadt fût agnat d'une des familles patriciennes de Landau. Irrité de cette rébellion, le belliqueux prélat se porta sur Landau, après avoir préa- lablement lancé ses foudres spirituelles contre les habitants. Il fallut pour fléchir Raban que le sénat de Landau vint la corde au cou aux portes de la ville lui en présenter les clés. (3) Cette attitude de la magistrature landavienne ne témoignerait pas beaucoup en faveur du courage des bourgeois . si selon toute apparence elle n'avait été inspirée par un sentiment de piété plutôt que par la crainte des armes temporelles de l'évéché de Spire. L'évéque, en effet , désarmé par leur humilité chrétienne , releva les bourgeois de l'excommuni- cation.

La prise d'armes générale des villes et des seigneurs de l'Alsace contre Gharles-le-Téméraife , nous fait voir vers la fin de ce même quinzième siècle le courage des bourgeois de Landau sous un jour plus brillant. De nombreux volontaires de cette ville s'étaient joints à ces braves milices de Strasbourg , de Colmar , de Mulhouse , de Ha- guenau et des autres villes de la ligue d'Alsace qui combattirent si vaillamment les Bourguignons devant Neuss et dans les champs de •Nancy. (*)

(') S<;hoepflln , Àlsat. Ul. , tom. ii. Domaines' des villes libres, par. 506.

(') ibidem. Par. 730.

(') BiRNBADM , Gesehiehte der Stadt Landau , p. 95.

f ') ArchiTes de Landau, et Stettler , NUehtland , lib. v.

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26C REVUE D' ALSACE.

AGE DE l'indépendance.

Eofia en 4495 *ud autre descendant de Rodolphe de Babsbourg , plus digne du chef de la maison d^Aulricbe que son prédécrsseur , est appelé au trône impérial. Maximilien i*', brave, juste, généreux, cheva- leresque , ami de cette Alsace qui fut le premier théâtre de Fillustration de ses ancêtres , ami des villes impériales qui sont la dernière force des empereurs contre les princes de l'Empire . se charge enfin à% compléter le bienfait du grand Rodolphe » et de restituer à Landau ses destinées déjà promises en quelque sorte dès Tannée 1391.

La mort de George-le-Riche, dernier duc de Bavière de la branche de Landshut. avait amené une guerre entre ses deux plus proches héritiers , l'électeur palatin du Rhin Philippe-l'Ingénu et Albert de la branche de Bavière-Munich. Maximilien se prononce en faveur de ce dernier et met l'électeur palatin au ban de l'Empire. Il appelle en même temps toutes les villes impériales du Rhin à prendre les armes contre le prince rebelle. Landau n'eut garde de ne pas répondre à cet appel impérial. Son engagiste héréditaire, Tévéque de Spire, Louis de Helmstadt , était du parti de l'électeur palatin. Quelle bonne fortune pour la cité impatiente du joug de l'évéché de Spire ! Elle chasse aussitôt de ses murs VUnier- Yogi épiscopal, et la voilà qui fait cause commune avec Maximilien d'Autriche substitué lui-même, de son propre cbef> à l'électeur palatin Philippe comme landvogt d'Alsace» et ayant pour son unter-laùdvogt dans la province le baron de Mœrs- perg ou Morimont. (>)

Cependant l'évêque de Spire ne se tenait pas pour battu. Aidé par le Palatin il arme à son tour. Dans ce siècle d'acier les princes ecclé- siastiques ne portent pas vainement un casque sur leur mitre et une armure de chevalier sous leur manteau épiscopal : Philippe de Rosen- berg successeur de Louis de Helmstadt, se met donc en campagne pour aller réduire Landau , mais l'empereur Maximilien en personne vient au secours de la ville , il y fait son entrée le 24 avril 1508 . à la tête de quatre cents lances , et il ordonnera l'évêque de Spire de poser les armes, déclarant nul pour l'avenir, sauf finances de rachat,

(') ScHOEPFLiN , AU. m. , tome u , Landvogts d'Alsace , et Sihonis , Beschrwr- bung aller Biêchoffm »u Speyr, p. 190.

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VILLES LIBRES BT IMPÉRIALES DE L'ANCIENNE ALSACE. 367

l'eDgagement de Landau consenti plus de 150 ans auparavant par Louis de Bavière à Tévéché de Spire.

Cette visite de Maximilied fut pour Landau Toccasion de liesses et de fêtes semblables à celles faites précédemment pour Rodolphe de Habsbourg» Adolphe de Nassau et Frédéric-le-Bel d'Alitriche. Le duc de Milan » le margrave de Brandebourg , les évéques de Bâie , de Strasbourg et de Worms avaient accompagné ou rejoint l'empereur à Landau , il occupa la maison d'Ehrardt de Helmstadt , (i) un des patriciens de la ville.

L'accueil fait en cette circonstance par les bourgeois de Landau à Maximilien i" et à sa brillante suite ne fut pas perdu. Ï!n 1509 , in- formé que l'évéque de Spire menace de nouveau la ville de Landau , l'empereur écrit d'Italie à son unler-landvogt d'Alsace , Gaspard de Mœrsperg, de la prendre sous sa protection spéciale et de la défendre à outrance, s'il le faut. (^) En i5f i » par lettres du 13 janvier, il est plus explicite encore et stipqle un prix de rachat à payer à l'évéque de Spire» moyennant quoi la cité de Landau, située en Basse- Alsace , doit faire à jamais retour à l'immédiateté impériale, c AU wir die Sladt Landaw in under EUass gelegen » wiederumb an uns^ u. dai H. Reiehs als ihr recht Herrseha/fi , braeht, » p)

L'histoire doit consigner à l'honneur du patriotisme des bourgeois de Landau que ce prix de rachat fut aussitôt couvert par les dons volontaires et empressés de chaque habitant , tant ils avaient tous bâte de déchirer ce contrat odieux qui dépuis près de deux siècles les soumettait au prince ecclésiastique de Spire. Aussi le i9 avril de la même année , six jours seulement après le diplôme de rachat , Maxîmilien , par lettres datées de Gengenbach , les déclara-l-il relevés de tout serment d'allégeance à l'évéque» (*) qui de son côté, par acte du i*' avril 1517 , reconnut avoir reçu de la ville i5»000 florins du Rhin et n'avoir plus de droits à prétendre sur Landau. (^)

Ce fut saos doute pour jouir de la reconnaissance des habitants de Landau ou peut-être pour se faire payer ses bienfaits par une nou-

(*) Actes du sénat de Spire , vol A.

(•) LuNic , Reichs.'Arch. , iv , lib. i , p. 4285 , num. 5.

(j") ScHCEPFLLN , Àlsat. Diplom, , tome il , p. 448, et Lunig » ibidem , num. 4.

[*) LuNiG , Bom. 5.

n Ibidem , nam, 9.

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268 REVUE D'ALSACE,

velle et généreuse hospitalilé , que Tempereur Maximitien i*'' reviol à Landau en 1513, comme le témoignent des lettres datées de cette ville et de cette année écrites par lui au margrave de Bade. (^)

ne devaient pas s'arrêter les bons vouloirs de Maximîlien pour Landau , car décidément les mauvaises chances de la ville semblaient finies , et elle allait entrer enfin dans Tère de prospérité. Jusqu'alors il ne s'était encore agi pour elle que de recouvrer les droits de l'im- médiateté impériale et les franchises assez limitées qui y étaient atta- chées. Mais la voilà qui de prime saut , à peine rentrée au giron du gouvernement direct de l'empereur , parvient à s'affranchir aussi des officiers de ce gouvernement , et à prendre rang de ville libre. En 1517 l'empereur cède ou vend pour ainsi dire Landau aux Landaviens, et pour leur garantir qu'ils ne seront plus jamais engagés, il leur engage moyennant 12,000 florins l'ofiice de schulteis întpérial ainsi que tous les autres fiefs impériaux établis dans la ville ou sur le territoire de la ville. (^ C'était en quelque sorte la formule de l'émancipation com- plète, la charte d'une liberté municipale presque sans contrôle impérial : au nom de l'empereur l'unter-landvogt d'Alsace , Jean- Jacques de Mœrsperg, confirma, dès cette même année 1517 par lettres reversâtes , cet engagement de Landau à Landau , ainsi que le droit de prendre rang parmi les villes libres de la décapole d'Alsace. (')

Elle est donc enfin à son tour République du Saint-Empire romain, cette ville dont les premières libertés sont dues à un empereur d'o* rigine alsacienne (Rodolphe de Habsbourg , issu des comtes du Sundgau) , cette ville, dont les premiers malheurs sont dus à un empe- reur bavarois (Louis v) , et dont les plus nobles souvenirs de force , d'individualité y de self-governement se rattachent à l'ère véritable de la nationalité alsacienne , à la ligue des dix villes.

Il faut remarquer toutefois que l'engagement de Landau à Landau par Maximilien i"'' ne stipulait d'abord qu'une durée de vingt ans , (^) .mais cette condition n'était et ne pouvait être qu'une réserve pour obtf nir par la suite, sous prétexte du nouveau prix de rachat, quelque

(') JoANNis, SpidUg. Tabular , p. 529.

(*} Archives de Landau. Volume A. Diplôme du !«' avril 1517.

(') ScHCEPFLiN , Als. Dipl. , tom. II , p. 453 , Simoms , Besehreibung aller Bùcho/fen su Speyr , Laguille , pièces justificatives , p. 109 , et Birnbaum , pièces justiGcatives , p. 498.

(') Ibidem.

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VUXES LIBRES ET IMPÉRIALES DE L'ANCIENNE ALSACE. 269

nouveau subside, puisque le même acie promettait que jamais laiille ne serait plus engagée à des tiers.

En 152i , par un diplôme daté de Worms» Cbarles-Quint renouvela en effet la cession de son prédécesseur et conûrma tous les droits , toutes les libertés de Landau , en ajoutant que cette ville devait rester à jamais liée à la landvogtey d'Alsace, (i)

Ce retour définitif de Landau à la landvogtey d'Alsace semblerait en partie à la suppression des charges de comte et de landvogt du Spiregau, qui en i495 devinrent un apanage héréditaire de la maison palatine, tandis qu'auparavant, quoique possédées par cette maison à titre d'engagère , elles étaient censées viagères et d'investiture impé- riale. Ainsi les longs tiraillements de Landau entre la landvogtey d'Alsace et celle du Spiregau avaient cessé par la suppression de cette dernière; la restitution du titre de landvogt d'Alsace à l'électeiir palatin» restitution accordée par Cbarles-Quint , en iSSO, ne put désormais rien pour rattacher Landau à l'ancien Spiregau et consolida au contraire son annexion déGoitive à la landvogtey d'Alsace.

Les frais de rachat de l'engagement à l'é véché de Spire et ceux d'achat des offices impériaux dans la ville immédiate avaient épuisé le trésor municipal et la bourse des bourgeois de Landau , comme l'avaient déjà fait précédemment les frais des premières franchises octroyées par Rodolphe de Habsbourg. Maximilien , comme Rodolphe , narmît donc à la ville de se rembourser à la façon depuis longtemps usitée » c'est-à*dire en battant monnaie sur les juifs. Depuis les massacres du quatorzième siècle ils étaient exclus de Landau. Par un diplôme de 4517 la ville fut autorisée à louer de nouveau un droit de résidence à dix familles juives moyennant 400 florins à payer chaque année à la caisse municipale. (^) Au bout de huit ans les clameurs contre ces dix familles étaient devenues si vives à Landau, que le magistrat prononça leur renvoi. Sur les instances de l'archiduc Ferdinand , .landvogt d'Alsace, et de l'électeur palatin, il consentit toutefois a retarder kur expulsion de quatre ans , bien entendu sous condition de nouvelles finances. Cette expulsion ne fut d'ailleurs que momentanée ; lorsque les besoins fiscaux de la ville l'exigeaient, les bourgeois consentaient à vivre plus ou moins longtemps côte-à-côte avec ces mécréants , ils

(') LuNiG , Reichs Âreh. , conl. iv , tom. i", nuni. 7 et 13 , p. 128o. (') ScHOEPFLiN , AU. m. y tom. il , Landau.

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270 RBVOE D'ALSACE.

Suirent même par s'habituer si bien à leur voisinage, que du temps de Schoepflin et d'après son témoignage (>) on comptait à Landau plus de vingt maisons de juifs plus ou moins riches.

Maîtres enfin de se gouverner et de s'administrer eux-mêmes , les bourgeois de la ville libre impériale de Landau firent quelques chan- gements au régime et à la constitution de la cité. Nous avons vu qu'en 1561 vingt-quatre sénateurs annuels furent adjoints pour les affaires administratives aux douze échevlns. Ces vingt-quatre sénateurs ou , pour nous servir d'un titre moderne moins pompeax , ces vingt-quatre conseillers municipaux avaient été ensuite réduits à douze. Ils repré- sentaient l'élément démocratique dans l'administration municipale et appartenaient à la bourgeoisie proprement dite , c'est-à-dire aux tribus de cultivateurs , de marchands et d'artisans. Leur action n'é- tait , pendant période de l'engagement à l'évéché de Spire , que très-secondaire. Au contraire les échevins formaient un petit sénat qui se recrutait exclusivement et au choix du vogt épiscopo-iAipérial dans les familles patriciennes de la ville , telles que les Stein , les Brack, les Helmstadt , les Homeck , lesMulbof» lesRamberg, les Schnidelauch, les Walsdorff« les Zeinheim , (^) tous ou presque tous descendus de ces hommes propres {yiri Uberi , Munizer, Hausgenossen^ Burgmaenner) que l'empereur Henri i^' établit dans un grand nombre de vflles comme autant de colonies militaires ou de garnisons perma- nentes.

Remarquons à cette occasion, comme un des faits les plus constants du développement féodal et municipal, que cette espèce d'aristocratie intermédiaire entre les seigneurs 'et les bourgeois exerça seule d'a- bord l'autorité dans les villes impériales. Elle fut même , on peut le dire , le premier boulevard des villes contre les barons voisins et ce fut probablement à son intention que les empereurs octroyèrent ou reconnurent les premières franchises municipales. Tel fut même sort prestige que beaucoup de burgraves et même de barons de franc aleu, possesseurs de domaines et de vassaux dans le voisinage^ tinrent à honneur ou trouvèrent leuc intérêt à s'affilier à elle et à avoir leur cour {Hof) ou au moins quelque pied-à-lerre donnant droit de cité dans les villes administrées par ces patriciens.

(') SCH(r.PFLiN , Als, m. , lom. Il , tjindau. (') Ibidem.

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VILLES LIBRES ET IHPÉRULES DE L'ANCIENNE ALSACE. 271

Tant que le pouvoir ne leur fut pas contesté , tant que la noblessse urbaine conserva la prééminence dans les villes impériales y ces pri- vilégiés continuèrent à faire cause commune avec les bourgeois non nobles ou artisans contre le suzerain ou l'engagiste impérial. Mais à mesure que Tindividualité municipale augmenta son indépen- dance du pouvoir extérieur , à mesure que les villes devinrent plus fortes , l'inOuence de Taristocratie citadine alla décroissant. Bientôt les familles patriciennes durent entrer en partage de la tenance da certains offices avec les délégués des tribus marchandes ou ouvrières et peu à peu elles furent évincées de ces offices ou de ces fonctions. Lorsqu'elles voulurent résister elles furent même chassées et pro- scrites. Enfin , dans beaucoup de villes, à Strasbourg par exemple , elles ne purent conserver un droit de résidence qu'en se faisant inscrire dans les tribus, c'est-à-dire en renonçant à leurs plus chers privilèges , à leur autonomie en quelque sorte , et , pour ainsi dire , en abdiquant leur noblesse.

A Landau l'autorité était restée plus longtemps que dans la plupart de nos autres villes impériales d'Alsace le patrimoine de quelques familles. Les malheurs de la ville et son long engagement à l'évéché de Spire avaient surtout contribué à maintenir la possession des patri- ciens. En effet » pour se garer de leurs anciens auxiliaires, les corps de métiers, devenus leurs rivaux , il avait fallu que les nobles de la ville revirassent de bord, abandonnant les intérêts de la commune pour les intérêts de leurs offices , se vouant corps et âme à l'évéque de Spire après avoir été d'abord ses adversaires les plus opiniâtres , se faisant ses champions dans la cité^ percevant pour lui les taxes et les rentes et se proclamant ses tenanciers , eux qui avaient si long- temps prétendu n'être que les tenanciers de l'empereur. En un mot , la cause de l'évéque de Spire et.celle des patriciens de Landau avaient fini par s'identifier, le privilège s'était abrité derrière le privilège > et l'engagiste étranger avait fait alliance avec l'aristocratie locale.

Hais à peine le premier eut-il perdu ses droits , l'autre se vit arra- cher les siens. Vainement les nobles de Landau s'adressèrent-ils à l'empereur pour qu'il garantît le maintien de leurs prérogatives. Maximilien i*' en enlevant la ville à l'évéque avait voulu punir ce der- nier de son adhésion au parti de l'électeur palatin pendant la guerre de i504 , et en abandonnant, ou à peu près, les patriciens de Landan, il voulut sans doute les punir de leur dévouement à l'évéque.

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272 RKVUB D'ALSACE.

Dès 1508 les sénateurs sortis des tribus bourgeoises avaient pré- tendu imposer aux habitants nobles de la ville un serment d'obéis- sance; les nobles s*y étant refusés; dès 1511 l'empereur leur ordonna de le prêter et de se soumettre dorénavant à tous les ordres du ma- gistrat. La formule de ce serment était : c Je jure d'être fidèle au Saint-Empire et à la ville , et notamment d'obéir au sénat de la ville dans toutes les circonstances et de lui être dévoué. » (i)

En vain la noblesse urbaine voulut-elle encore résister, la réaction démocratique était devenue si forte à Landau qu'elle ne laissa pas le temps à la minorité d'essayer de la guerre civile. La plupart des patriciens prirent donc le parti de la soumission , d'autres en très- petit nombre préférèrent s'expatrier^ et aller se placer sous la protec- tion de l'électeur palatin ou des princes ecclésiastiques du Rhin.

C'est probablement à cette occasion que. s'éloigna de la ville Jean Boner , quoique Scbœpflin paraisse ne pas le comprendre parmi les patriciens. (^) Boner dut à son exil volontaire de Landau le rôle im- portant qu'il joua bientôt après en Pologne. S'il fût resté dans sa ville natale » on ne saurait sans doute rien de lui , et tous ses talents ne l'eussent mené qu'à un poste plus ou moins obscur dans le magistrat. Etabli en Pologne , il fut sans doute attiré par ses compatriotes d'Alsace, les nombreux Wissembourgeois réfugiés à Cracovie depuis la malheureuse guerre de Wissembourg contre l'électeur palatin à la fin du quinzième siècle. Jean Bouer, après avoir fait une grande fortune dans le commerce , fut , comme l'on sait , le conseil et l'ami des rois de Pologne , Alexandre et Sigismond. Ce dernier surtout l'appela plus d'une fois à venir en aide à l'Etat par son crédit , sa bourse et ses avis. (')

L. Levrault.

(La suite à la prochaine livraison).

(') BiRNBAUM t Geschichteder Stadt Landau^ \iige 109.

(') ScmEPFi.iN, Als» m. , lom. Il, Landau.

C") Decius, De Sigismundi Régit temporibus, pages 108 ul suivantes.

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DE U NÉCESSITÉ DE RÉPIUMER L'IVRESSE.

Nal ^n sans lie.

En tavenie Pas ne t'byverae , Car c'est une dangereuse caverne.

Meurjder, Thréior d$ii$nimo$$.

Cest une vériié généralement répandue , et qui ne trouve d'incré- dules que parmi les membres du parquet , que les sévérités de la répression pénale ne sont pas le moyen le plus eflScace pour obtenir une-diminution dans les délits : pour s'en convaincre , il ne faut que consulter les statistiques criminelles , nous voyods les mêmes mé- faits se reproduire avec une désolante uniformité de chiffres. Ce n'est donc pas uniquement à la répression qu'il faut demander le remède ; un procédé plus philosophique et plus sûr , c'est de remonter à la cause même qui a engendré le mal » et de chercher à l'étouffer ainsi dans sa source ; c'est de faire l'expérience salutaire des aoyens pré- ventifs, suivant le conseil que donne Montesquieu c aux bons légis- lateurs, » (<) et de renoncer enfin au luxe des rigueurs inutiles ; voilà ce que conseillent l'humanité , la raison et l'expérience , voilà la morale à tirer des statistiques.

Diaprés les criminalistes modernes, les causes efficientes des délits sont d'ordinaire la perversité native , l'absence de culture ou d'édu- caUon , les vices et les passions , et enfin l'égoïste indifférence de b société pour les infortunés dont la nature ou le malheur ont fait des parias.

Dans ce triste inventaire des misères humaines, on ne se préoccupe pas assez , ce nous semble , d'un vice particulier qui fait commettre â lui seul autant de délits que tous les autres, nous voulons parler de l'ivrognerie.

(') BiprU d€i Uns , Uv. vi , ehap. 8.

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274 ' REVUE D'àLSACB.

Nous savons que cerlaines contrées , renommées par la sobriéié de leurs babitanu , sont à Tabri de ce dangereux fléau ; mais il est in- contestable qu'il sévit dans les provinces du Nord et de l'Esl » dans tous les grands centres industriels , partout il y a des aggloméra- tions d'ouvriers , à Paris surtout , c'est-à-dire en un mot dans la ma- jeure partie de la France.

Mais c'est surtout en Alsace , province autrefois allemande » et qui n'a conservé que sous ce rapport les habitudes , devenues prover- biales, de la mère-patrie» (t)que le fléau exerce particulièrement ses ravages^ et l'on peut dire d'elle, comme de l'Angleterre, que l'ivro- gnerie est son mauvais démon.

(') Depuis Tacite jusqu'à nos jours, le goût excessif de la nation allemande pour le vin , a donné lieu à un déluge d'épigrammes et d'anecdotes. Si la vérité , comme le prétend un proverbe, est cachée dans le vin, disait le poète Owen, Efi$*y les Allemands sont bien sûrs de la trouver :

Si latet in vino wrum , ut proverhia dieuni , Jfwenit verum Teuto , vel invenieL H foui hurler avec les loups ; avec les Allemands il faut boire , disait un vieux dicton.

Dans son voyage en Allemagne , Montaigne dit : « Et c'est un crime de voir un gobelet ¥ide. » Observation ingénieusement complétée par un autre voyageur, le duc de Rohan : « Je passai à Trente , me réjouissant de sortir de la petite barbarie et beuvettç universelle ; ne trouvant pas que tous les mathématiciens de notre temps puissent jamais si bien trouver le mouvement perpétuel que les Allemands le font faire à leurs gobelets.... Cette si grande fréquentation de bouteilles obs^ curcit tellement leurs autres belles qualités , que cela les rend mépritebles et inacostables de tout le monde. Car ils ne peuvent faire bonne chère ny permettre amitié ou fraternité , comme ils disent , à personne, sans y apporter le seau plein de vin pour la scéler à perpétuité. » l^Voffoge fait en Van 1600, en ItaUa^ AUê- magne, Pays-Ba» unis, Anglêttrre et Ecoeee^ p. 27. -^ Amsterdam, chez Isys Ehevier , 1646). De Thou , dans ses mémoires , raconte qu'en (fiiitumt Bftle il avait reçu une gracieuse hospitalité , il arriva vers le soir à Mulhouse {Mulusenam) , qu'il y vit une quantité innombrable d'ivrognes de tout Sge et de tous sexes : « Dans les cabarets , dit-il , tout est plein de buveurs ; de jeunes filles qui les servent , leur versent du vin dans des gobelets d'une grande bouteiUe i long eol , sans en répandre une goutte ; elles les pressent de boire avec les plaisanteries les plus agréables , boivent et retiennent k toute heure fiiire la même chose , après s'être soulagées du vin qu'elles ont pris. « Ubi biberunt inp^aoêmam aream divergentes mingere et mox ad minieteria redire,*,. » (Dr vrrA sua » Comment. Ilv. H , p. 20 , édit. de Genève. L'amour du via était si générale-

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DE LA NÉCESSITÉ DE BÉPBIMBR L'IVRESSE. $75

Noos ne voulons parler aujourd'hui que des faits qui sont à notre connaissance personuelle , des plaies dévoilées devant nous » et qui nous font réclamer comme une nécessité urgente le bienfait d*une mesure préventive contre un penchant qui se traduit en effets tou- jours plus désastreux.

Nous pouvons affirmer, sans crainte d'être démenti, que» dans notre province , l'ivrognerie est la cause habituelle de la majeure

ment répandu qne les papes exigeaient des empereurs le serment de sobriété avant leur conronnement : Vis êobrietaiem cim auxilio dei euttodire ? Telle était la formule usitée. « Gomme si ce n'eût pas été assez à la nation allemande , dit l'abbé Grandidier , de se iiyrer au vin dans l'intérieur de ses foyers , et de soeUer même par son moyen les choses publiques , elle sut encore , dans les siëcles d'ignorance, allier son incUnation bachique à l'esprit de religion. Elle n'eut pas même honte d'accompagner les saints mystères de ses festins et des désordres qui suivent naturellement l'ivresse. Le peuple de Strasbourg et d'une partie du diocèse s'assemblait à la cathédrale le jour de la dédicace de cette église, 29 août» fête de S^ Adelphe ; les hommes et les femmes y passaient la uuit , non k chanter les louanges du Seigneur , mais à boire et k manger. Dans ces banquets^ on se livrait aux excès les plus criminels ; on ne connaissait plus le respect au lieu saint. Le prêtre, comme le là!c, y chantait des chansons dissolues ; on dansait et on sautait dans l'église avec toutes les postures indécentes dont les bateleurs se ser- vent pour amuser la populace. Le grand autel servait de biiifet, il restait à peine une place pour célébrer le sacrifice , qui ne s'interrompait pas au milieu de ces abominations ; le9 autels étaient pareillement chargés de vin , on y forçait à boire jusqu'à réveiller à coups d'aiguillons ceux que la lassitude ou l'ivresse avaient endormis, des orgies , autorisées par la superstitieuse simplicité de nos pères , scandalisèrent les vrais fidèles pendant plusieurs siècles. 11 a fellu tous les efforts d'une piété éclairée pour anéantir des cérémonies qui trouvèrent toujours quelques défenseurs dans la multitude , ou dans l'avarice de ceux mêmes qui semblaient destinés par état à les condamner.... Enfin , ajoute le même auteur , après avoir bien bu pendant la vie , les Allemands voulaient encore en essayer après la mort, le vin se répandait aux obsèques avec profusion ; on en trouve un exemple à l'occasion d'un limeux poète allemand du quatorzième siècle, nommé Maitre Hwri fHfwmhp, qui avait chanté les vertus comme les amours des femmes, et les avait vengées des sarcasmes grossiers et amers des autres poètes. Etant mort à Mayence en i5i7 , tes dames par reconnaissance voulurent elles-mêmes le porter au lieu de sa sépulture , y versèrent des larmes . et , pour honorer d'une manière plus particulière la mémoire de leur panégyriste, elles firent répandre sur sa tombe une si grande quantité de vin qne le cloître de l'église cathédrale en fut tout inondé. » [Anêedotti relaliv9$ à une aneimne confrérie de buveurs,)

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376 REVUE D'ALSACE.

partie des délits ; chez nous« du cabaret à la cour d'assises il u'y a qu'un pas. Les assassinats sont fort rares^ mais les meurtres fréquents et les coups et blessures innombrables. Comment concilier la perversité ouja méchanceté que supposent ces méfaits » si ce n'est par l'abus du vin qui opère les plus cruelles métamorphoses » aveeia douceur naturelle et la moralité bien connues des habitants , et le cabaret ne nous donne-t-il pas ici le mot de Fénigme ? Quel malheur immense pour celte population , si favorisée sous tant de rapports et qui se recommande par tant de qualités , d'être en proie à ce vice dégradant qui les anéantit toutes! Et ce qu'il y a de particulièrement déplorable, c'est la manière dont le vin agit sur ces robustes organi- sations. Ces hommes que la nature a faits doux et paisibles » le vin les rend querelleurs , méchants et même sanguinaires. Us entrent au cabaret dans les dispositions les plus pacifiques ; ils en sortent le couteau à la main ; puis venUur ad manut aut ad ferrum. Ecoutez les témoins en matière de coups et blessures ; leur exorde invariable est toujours celui-ci: Nous sortions du cabaret, nous avions beaucoup bu , etc. Aussi tous ces délits ont-ils toujours lieu les dimanches et jours de fêtes ; (i) il est peu d'exemples d'un coup de couteau donné un autre jour. Cela est si vrai qu'un prévenu d'un méfait de ce genre répondit au juge d'instruction qui l'interrogeait : Je ne puis être cou- pable du fait; c'était, un mardi! moyen de défense sans réplique suivant lui . et qui caractérise parfaitement les mœurs du pays. Que de fois en voyant les résultats de ces tristes habitudes , n'avons-nous pas été tenté d'accuser l'indifférence de la société ou l'incurie du législateur ! que de condamnations qui pèsent sur le cœur et qui pourtant étaient inévitables ! Voilà devant nous un père de famille , un ouvrier laborieux.... Dans une rixe provoquée par la folle exalta- tion de l'ivresse, il a frappé, il a fait couler du sang.... Que dira-t-il pour sa défense ? ce qu'ils disent presque tous , hélas ! j'étais ivre.... je ne sais comment cela s'est fait.... je ne me souviens plus de rien. Et comme cette excuse est inadmissible, nous sommes bien forcés, à moins de faillir à notre devoir , de frapper , avec une infinité

(*) La même remarque a été faite en Angleterre. Dans la seule ville de Glascow, 10,000 individus s'enivrent régulièrement tous les samedis soirs , et restent dans cet état les dimanches et les lundis. 8i Ton voulait s'occuper d'un pareil dénom- brement dans une grande ville industrielle de notre département , ou arriverait à un chiffra eiGrayant.

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DR LA NÉCESSITÉ DE RÉPHrMER L'IVRESSE. 277

d'autres , cette victime inerte et inintelligente d'un ennemi interne qui maîtrisa sa volonté et sa raison !

Voilà des eSéls pénibles et déplorables auxquels il est temps de mettre un terme. Il n'est que trop constaté que les punitions sont un remède impuissant. Â quoi bon frapper sans cesse les fruits du mal , lorsqu'on laisse vivre la cause génératrice dont la fécondité est tou- jours la même? Il faut donc aviser aux moyens d'anéantir ou d'affai- blir au moins cette cause intarissable. Mais ces moyens , les trouver? A quelles mesures faut-il les demander? En existe-t-il qui soient praticables et efficaces? Voilà ce que nous allons rechercher.

!•

En Angleterre et aux Etats-Unis, l'esprit d'association existe avec une grande chaleur de sentiment , il s'est formé de nombreuses sociétés de tempérance dans le but d'arracher les basses classes à un vice qui les dégrade et les décime ; leurs efforts , surtout dans cer- taines contrées de l'Amérique,' ont obtenu de merveilleux succès, c Le mouvement des sociétés de tempérance , dit M. Ampère , Prom. en Amérique , tom. i«', p. 286 , a commencé en Amérique, à Boston , en l'année i826, et cinq ans après en Angleterre. Son progrès a été immense dans les deux pays. Le gouvernement de l'Union s'y est associé en supprimant les distributions d'eau-de-vie aui soldats et en interdisant l'usage des liqueurs fortes aux marins ; mais ce qui a agi surtout , comme toujours > c'est le principe volontaire. En 4836 , il y avait déjà 8000 sociétés de tempérance dans les Etats-Unis , compre- nant environ 1,500,000 membres. Les femmes , les jeunes gens ont formé des sociétés de tempérance. Enfin la volonté générale sur ce point s'est manifestée par des actes législatifs. Ainsi , dans les Etats du Maine la vente des spiritueux est absolument interdite, sauf, en cas de maladie , sur une ordonnance du médecin ou pour servir dans les arts. Ce qui est bien digne de remarque , c*est que ce soit dans un pays on le grand nombre règne qu'on ait ainsi interdit l'objet de la passion du grand nombre. Du reste on s'y est parfaitement soumis, et le maire de Portiand félicite en ce moment ses concitoyens des bons effets de la loi qui a diminué les crimes et le paupérisme dans la cité. A Bangor , seconde ville du même Etat , un Vachtmann a dé^

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278 REVUE D'ALSACE.

posé que depuis que la loi est en vigueur , c'est-à-dire depuis trok mois les prisons sont presque vides » que la police n'a pas fut une seule arrestation » et cet état de choses forme le contraste le plus parfait avec les scènes de violence qui troublaient sans cesse les rues de la même ville l'hiver dernier.... Voilà en est cette campagne contre rivrognerie, entreprise il y a moins de trente ans, et qui a déjà fort entamé l'ennemi « car en 1836 on comptait 12,000 ivrognes notoires qui s'étaient corrigés.

Voilà certes d'admirables résultats » et bien faits pour nous piquer d'émulation. Hais ne nous flattons pas de voir naître jamais en France un si généreux mouvement» secondé par une si touchante soumis- sion. Où trouver, d'un côté, au milieu de la somnolence générale , cette ardente charité qui crée et multiplie les associations > et , de l'autre, celte docilité chrétienne nécessaire pour que leurs remon- trances puissent arriver aux cœurs et produire d'heureux fruits ? N'est-il pas d'ailleurs reçu chez nous et passé en axiome qu'au j^ou- verneroent seul appartient l'initiative de toutes les mesures d'amélio- jration sociale ? opinion sous laquelle se déguise mal un froid indivi- dualisme. Qu'attendre d'une époque la pbilantropie n'est qu'une vertu de parade propre tout au plus à orner un discours académique pu à embellir les rêveries des économistes? N'est-on pas frappé chaque jour du spectacle dégradant de l'ivrognerie et de ses perni- cieux effets? La sollicitude privée s'en est-elle émue? y a-t-il la moindre tentative d'association pour y mettre un terme» la moindre déclaration de guerre contre ce redoutable ennemi ? y a-t-on seule- ment songé ? Ne comptons donc pas sur les miracles de l'effort individuel , et cherchons ailleurs le remède.

IL

Quelques économistes ont conseillé l'élévation des droits sur les boissons 9 moyen auquel les gouvernements ont tout naturellement donné les mains. On n'a pas tardé à reconnaître son inefficacité. Les exigences du fisc n'ont fait que surexciter la contrebande et multiplier les fraudes , au grand détriment de la santé publique. A ces causes est venu se joindre l'appât du fruit défendu. L'on en a usé moins souvent » il est vrai , mais à plus fortes doses » en sorte que si l'Etat a gagné » l'ivrognerie n'a rien perdu.

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DE LA NÉCESSITÉ DE RÉPRIMER LIVRESSE. 279

On a Qisayé enfin de diminuer le nombre des ivrognes, en dimi- nuant celui des cabarets. Il faut applaudir aux efforts du gouverne- ment qui , en exerçant une surveillance active et sévère sur les caba- retiers , en leur défendant de donner à boire aux mineurs et aux hommes déjà ivres, en les maintenant sous la crainte incessante d'une suppression, est entré dans la voie des améliorations. (^) Mais ces mesores ne sont pas suflBsamment énergiques. Supprimât-on la moitié des cabarets , qu'ils seraient encore assez nombreux pour favoriser l'habitude populaire. Il faut donc un moyen plus radical et plus puisèant.

III.

Et en nous exprimant ainsi , nous n'entendons pas assurément proposer qu'on opère comme ce roi des Daces» qui ne trouva rien de mieux pour extirper l'ivrognerie que de faire arracher les vignes : ce serait procéder à la façon des sauvages.

Le moyen que nous proposons n'est pas sujet à soulever des tem- pêtes; ce moyen n'est autre qu'une répression pénale contre les hommes trouvés ivres » avec faculté pour la police d'arrestation immé- diate. Nous disons : frappez la cause même du mal , la mère des délits , mater omnium flagUiorum , et vous verrez bientôt diminuer sa

(') On a remarqué, comme une singularité assez curieuse , qu'en grec .le même mot , Capélo», signifiait tout à la fois cabaretieri marchand et voleur. Un auteur (Guillaume Boucbet) prétend que ^(0 vient de koêtùy parce que l'aubergiste esi l'ennemi de ceux qu'il héberge, en lui servant du vin frelaté et en l'enivrant {Seréêt), On sait que Platon n'admettait pas les aubergistes dans sa république , et que la législation de presque tous les peuples les traitait avec une extrême rigueur. {BiiUrirê du eabants et hôteltâriês , par MM. Francisque Michel et Edouard Fournier , pàfftm.) En France, il leur était défendu de laisser instrumenter chez eux les notaires , les contrats passés au cabaret étant nuls. {Coutume de Mqnalf art. 30 , citée par Monteil , Hùt. des Franc, des divers Etats , épitres , lettre xlii.) Un cabaretier, emprisonné pour dettes , ne pouvait faire cession de biens pour en sortir. Lettres du Roi du 29 novembre i487. (Monteil , eod, op, , histoire xv , VMteUer,) La coutume de Normandie , art. 555, et celle de Paris, art. i28 , leur refusaient même une action contre les gens qui avaient contracté des dettes chez eux. En Alsace , à Strasbourg , on leur imposait une singulière humi- liation : ils étaient tenus de nettoyer chaque lundi les latrines (neeessarium) âe l'éjêqae.

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380 RE\UB D'ALSACB*

progéniture! Noos demandons en conséquence une loi qui érige l'ivresse même accidentelle en délit et la punisse d'une peine correc- tionnelle. Destinée à éviter l'application de pénalités plus fortes et plus multipliées » cette loi , surtout au point de Yue de la séquestra- tion préventive , serait en réalité plutôt une loi de police qu'une loi pénale ; elle préviendrait plus de délits qu'elle n'en punirait.

Comment se fait-il que la nécessité d'une pareille mesure n'ait pat frappé nos législateurs modernes? Et cependant leur attention s'est portée sur les mendiants et les vagabonds , qui ne sont p comme les ivrognes» que des déUnquants éuentueliî Quelles peuvent être les objections qui ont fait grâce à ces derniers, bien plus proches voisins du délit? Nous en cherchons vainement qui oflBrent quel* qu'apparence de solidité.

IV.

Voudrait-on soutenir qu'il s'agit ici d'une infirmité morale qui appartient bien plus au domaine de religion ou de la morale qu'à celui de la législation positive» et qu'il serait injuste de punir des hommes qui n'ont encore fait de mal qu'à eux-mêmes» et dont l'é* briété peut être inoffensive ? Autant voudrait dire : Pourquoi traquer un pauvre animal échappé de sa ménagerie , et qui n'a encore mordu personne ! Et les vagabonds » les mendiants » les infractaires de ban ! attendez-vous qu'ils aient fait du mal pour les arrêter et les punir ? non ; leur état seul les constitue en délit » et avec raison ; parce que cet état» quoique passif» n'en est pas moins pour la société une menace constante , un danger imminent. C'est la tendance » la dispo- sition prochaine au délit que vous réprimez. Or cette tendance n'est- elle pas mille fois plus menaçante chez l'homme ivre qui a perdu la boussole de sa raison et avec elle la conscience de ses actions? (>) Il y a donc dans la loi une lacune inexplicable.

V.

Si l'on voulait exciper de la diflSculté de réglementer par une loi une pareille matière» nous répondrions par l'expérience des siècles.

(*) Il est encore d'autres faits qui n*ont rien d'immoral en soi et de néoesisire- ment dommageable , et que la loi punit , et à Juste titre , par mesure de sécurité publique ; tels sont l'exercice illégal de la médecine, l'infraction aux lois sinitaires.

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DE LA NÉCESSITÉ DE RÉPRIMER L'HTRESSB. 381

Tous les peuples de rantiquité avaient établi des pénalités » même fort sévères , contre l'ivresse » et parmi les nations modernes » la nécessité de la réprimer a été généralement reconnue. Sans noas arrêter aux monuments de la littérature biblique , qui nous font connaître les écarts et les punitions des premiers ivrognes , les ter* ribles anathêmes qui les frappaient , (i) nous rappellerons que , dans la Grèce et à Rome » ils étaient notés d'infamie et exclus des emplois publics ; il existait même une loi de Dracon qui les punissait de mort. (D. Db RE MiLrrARf » et L. Penpîdendum , de poenis. Les lexiques de Spiegel et de Calvin , W" Ebrei.) Ebrei, disent ces derniers » vel ipsis Ethnios (même chez les païens) adeo exoH fuére ut cemores » (anfttom iné^oà, qui honores et publica munera gérèrent, genatu numerent, notâque et ignominià perstringerent. Et Pitlacm temulentOM, (les ivrognes) ri quid deliquiuent , iupUâ pœnà puniri curavit, ut, formidine supplicii » à vino promptim abitinerent. Ce système d'une double pénalité était conforme à l'opinion des philosophes et des écrivains. (Arist. 2 , Potit. 10; Quint. , Orat. Inst. , lib. 7 , cap. i ; Laert, De viiâ philos. 5.) Dans les premiers âges de Rome, l'usage du vin était surtout sévèrement interdit aux femmes , comme condui- sant tout droit à l'adultère. Ignatus Bietellus, rapporte Valère

[*) Voy. les Prw. , chap. 25 , vers. 29 , 30, 31 , 32 et 33 ; chap. 3 , ^en. 4 et soiv. Noé , qai le premier cultiva la vigne , devait aussi le premier abuser de ses produits. Un jovr qu'il s'était enivré , le sommeil le surprit dans un état quelque peu indécent. Gham , le second de ses fils , au Ueu de couvrir la nudité de son père, courut chercher ses deux frères pour s'en divertir avec eux. Instruit, i son réveil , de cette irrévérence , Noé le maudit dans sa race : Quod eum v^ diêssi Chcm^ patsr Chanaant véranda seiUcet patris «m* eue nudata , fitmftaftîr duohus frairibus suis foras. Evigilans autem Noë ex vtno, eùm didieisset qwB fecerat ei fUius suus minor , ait : maledietus Chanaan: servus servorum erit fror tribus suis I (Genèse ,ix, 20, 21, 22, 23, 24 et 25. Berruver , Histoire du peuple de Dieu, tom. i«% p. 74.) Le second &it d'ivrognerie signalé par la Genèse , est celui du vieux Loth. En fuyant de Sodome avec ses filles , il se retire dans une caverne elles l'enivrent. On sait ce qui arriva > et tout le monde con- naît les jolis, vers de Boufilers, traduction fort atténuée du texte qui raconte l'a- venture : Dixitque major ad minorem .- Pater noster senex est et nullus vùrorum remansit in terra , qui possit ingredi ad nos juxtà morem utùversœ terres. Fffw ; ebr%emus eum vino , dormiamusque eum eo , ut servare possimus sx jMUre nostro semen. {Gen, , xu , 31.)

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iSS RBVUB O'ALSàCB.

Maxime » lib. cap. 1 » ayant surpris sa femme bavant da vin et l'ayant taée, fut absous par Romulus. Les parents d'une Romaine l'ayant surprise forçant la serrure d'un coffre se trouvait du vin » l'enfermèrent et la firent mourir de faim. D'après le conseil de Caton, (1) les Romains avaient introduit l'usage d'embrasser les femmes quand elles entraient dans une maison pour s'assurer par son baleine qu'elles n'avaient pas pris de vin , usage qui ne subsista que dans les temps de la République. (Pline , lib. 14, cap. i4 ; Plutarqub, Oeuvres meslées, Demanda dei choies ramainei, trad. d'Amyot, édit. in-folio de 1603 , tom. u , p. 468.)

Si nous descendons chez les peuples modernes, nous voyons près- que partout l'ivrognerie flétrie et punie. Oo connaît les prohibitions de la loi musulmane » qui considère le vin comme une liqueur infer- pale; elles remontent c au livre sacré, source de toute science. » Mahomet ayant appris que , dans plusieurs banquets , les convives ivres en étaient venus aux mains , et qu'il y avait eu mort d'homoMs, inséra dans le Koran , chap. \, Delà table, les versets suivants (M et 93) : t 0 croyants , le vin , les jeux de hasard , les statues » sont une abomination inventée par Satan ; abstenez-vous*en et vous serez heureux. Satan désire exciter la haine et l'inimitié entre vous par le vin et le jeu et vous éloigner du souvenir de Dieu et de la prière. Ne vous en abstlendrez-vous donc pas? i (^)

A Candahar , en Perse , l'ivresse est regardée comme une chose si immonde » que l'ivrogne est placé à rebours sur un âne , et promené ainsi par toute la ville au son d'un petit tambour. En Allemagne méme« l'ivrognerie était punie d'une amenje; c'était une des sources les plus abondantes du trésor public : Jwtœ imprimis mnt pmnœ et muUlœ f qvibui œrarium leguimè augetur, quœ comiiiuuntur , » 3^ ,

(') L'sustère censeur n*éuit pas aussi sévère pour lui-même ; il sacrifiait assez ToloDtiers au dieu du vin , si l*on en croit ces vers d*Horace : Narratur et prisd CaUmii Sœpè mero iruMluiste virtut,

La vertu du vieux Caton , Cliez les Romains tant prônée , Etait souvent , nous dit-on , Oe Faleme enluminée. J.-B. Rousseau.

(*) Trad. wmelU , par M. Kasimirski , p. 94.

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DE LA NÉCESSITÉ DE RÉPRIMER L'IVRESSE. 385

S* In ehrioiOê et iUas qui keiê vmm ac ceremriam veniunL (KDip«- schild » Dejnr. et prâ. etc. imp. , p. 400. Adde, Besold , D. num. 4; Klockt De œrario^ lib. cap. 19; Vehoer » Ote. procl.» L. Z., pag. S42. Ce dernier auteur cite les constitutions et statuts répressib de rivrognerie.)

Dans certaines parties de la Suisse , les ivrognes étaient pnnb de la prison; il leur était en outre interdit de boire pendant une année ; ils ne recouvraient cette faculté qu'avec Tassentiment de leurs conci- toyens: In Helvetiœ parfifacx» ehrtii» peccans non punitur modo carcere , ied et vinum bibere pet amium prohibetur , neque LiCEimAli REBiBBNDi vinum nanàêcitur, niri ea ab omm helvetiorum communhne iUi concedatur. (Vehner , loc. cit.) Nous ne pourrions affirmer que celte%i ingénieuse soit toqjours en vigueur ; mais ce qu'il y a de certain . c'est qu'il existe encort dans ce pays des pénalités contre le vice dont s'agit. Dans les cantons d'Uri et d'Unterwald , tous ceux qui pressent quelqu'un à boire et à s'enivrer sont punis d'une amende de 25 florins ; cette peine est doublée pour les aubergistes. Il leur est de plus sévèrement défendu de donner à boire à crédit, ainsi qu'aux personnes mal famées. Tout citoyen qui s'enivre un jour de Londi* gemme (assemblée populaire) e^t puni de dix florins d'amende. (Uevuc étrang. de légiil. , tom. ii , p. 89.)

Si toute loi pénale » comme le dit Portails . na!t d'un abus , on ne s'étonnera pas que l'Alsace ait eu des lois répressives de l'ivrognerie. Le statut de Strasboui^ punissait d'une amende assez forte les excès bacchiques commis dans des réunions publiques. {Polizei'Ordnung der Stadt Strasburg , de 1628 , tit. vii, p. 55.) L'art. iS du règle- ment de police d'Ensisheim» de 1590, condamnait les hommes et femmes ivres à trois jours de prison , au pain et à l'eau ; la seconde fois à huit jours; la troisième à une peine plus forte. (Mercklen, Elit. d'Ensisheim^ tom. ii , p. 149.)

Nous avons déjà parlé de l'Angleterre. tout homme trouvé ivre est arrêté , et conduit , quelle que soit la classe à laquelle il appar- tienne , (^) devant le juge de police » qui le condamne à une amende on l'envoie en prison. Un journal anglais du mois de juin 1856 rend

(') En Angleterre l'ivrognerie n*est pas an vice qui se concentre dans les basses classes. Il n'est pas rare de rencontrer dans les mes de Londres des hommes ivres fort bien mis. (Hwlotfe dei eabanU «l hâteUerkê , précitée , Um. n , p. 242,

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284 REVUE D'ALSACE.

compte ainsi d'une séance du tribunal de simple police à Londres , qui nous donne un curieux exemple de Justice expéditive : c On corn- mença par les personnes arrêtées pendant la nuit. N... éiait si soûl qu'il ne pouvait se remuer. En convient-il ? Oui. Qu'il paye 5 schillings d'amende. N... était soûl? En convient-il? Non. Son habit n'était-il pas crotté par derrière ? Oui. Qu'il paye 5 schellings d'amende. Monsieur a cassé un carreau dans mon omnibus* -- Quand avez-vous vu le carreau entier pour la dernière fois ? ^ Je ne sais pas au juste. Avez-vous d'autres preuves? Non, mais Monsieur était gris. Qu'il paye 5 schellings d'amende , et la première fois que cela lui arrivera de nouveau , je l'enverrai à la maison de correction. > (t) ^

On connaît la législation américaine , si puissamment secondée par l'assistance privée. Mais c'est en Suède que nous trouvons la législation la plus complète sur la matière et qui pourrait nous servir de type en certaines parties. D'après un statut du 24 août 1815, tout individu qui a été vu ivre est condamné pour la première fois à une amende de trois dollars ; pour la seconde fois à une peine double ; pojir la troisième et la quatrième fois à une amende plus forte encore , avec privation du droit de voter aux élections , de celui d'être nommé représentant ^ et de quelques autres droits fondés sur la confiance que peuvent avoir en lui ses concitoyens. En outre , il est exposé publiquement dans sa paroisse le dimanche suivant. S'il est trouvé en faute une cinquième fois, il est enfermé dans une maison de correction et condamné à six mois de travaux forcés, et, s'il recommence, il est emprisonné pendant une année entière. Si le scandale a lieu dans une assemblée publique , comme une foire , une vente à l'enchère . etc. , l'amende est double et si c'est dans une église, le délinquant est traité plus rigoureusemeot encore. ~ Quiconque est convaincu d'avoir entraîné un autre à s'enivrer est condamné à une amende de trois dollars . qui est doublée lorsque celui qu'il a dérangé est un mineur. Un ecclésiastique coupable de ce délit perd immédiatement son emploi ; si c'est un laïque qui occupe quelque place considérable , il est suspendu de ses fonctions et sou-

(*) Nous empruntons ce détail de mœurs au curieux ouvrage de MM. Francisque Michel et Edonard Foomier que nous avons déjà cité plusieurs fois , et qui nous fournira tout-à-rbeure sur la Suède un document des plus intéressants.

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BB LA NÉCESSITÉ DB RÉPRIMER L'IVRESSB. ttS

vent destitué. L'ivresse n'est en aucun cas admise comme excuse d'une autre faute. Quiconque est ivre dans les rues» ou faisant du bruit dans un cabaret , est sûr d'être emprisonné et détenu jusqu'à ce qu'il soit dégrisé , sans être pour cela dispensé de l'amende. De ces amendes une partie revient aux dénonciateurs , qui d'ordinaire sont des officiers de police ; l'autre est donnée aux pauvres. Si le dé* linquant est sans argent , il est gardé en prison , au pain et à l'eau , jusqu'à ce que quelqu'un ait payé pour lui ou qu'il se soit acquitté de dix journées de travail. Deux fois par an ces ordonnances sont lues du haut de la chaire par les pasteurs , et tout aubergiste est tenu , sous peine d'une forte amende » d'en avoir un exemplaire affiché dans les principales chambres de sa maison. Un voyageur, le docteur Schubert « Reise durch Schweden , atteste que cet édit a obtenu les plus heureux résultats. (<)

VI.

Nous pourrions pousser plus loin ces recherches de législation comparée ; mais nous avons hâte d'arriver à notre législation natio- nale. Dans l'ancienne France , nous trouvons , dès le commencement du neuvième siècle , des lois répressives de l'ivrognerie. Un édit de Charlemagne de 802 faisait défenses à toutes personnes de s'enivrer , de ravir le bien d'autrui , de voler , de blasphémer , et d'avoir des querelles et des différends, c Ainsi » dit Delamarre, dans son savant Traité de la police , tom. i«% p. 195 , ce prince me( l'ébriété à la tête de tous ces grands crimes , parce qu'elle en est souvent la source. Par cinq ordonnances de 802 803 , 810 , 812 et 815 , ce même prince déclare les ivrognes d'habitude indignes d'être ouïs en justice dans leur propre cause , et incapables de rendre aucun témoignage pour leur prochain ; il défend de s'exciter les uns les autres à boire avec excès jusqu'à s'enivrer , à peine d'être condamnés à ne boire que de l'eau , et d'être séparés de toute société pendant un certain temps; il défend enfin de s'abandonner à l'ivrognerie sous peine d'une punition corporelle. ~ Après deux siècles de troubles intérieurs qui firent taire les lois , des dispositions de même nature ftirent reproduites par Saint-Louis et Philippe-le-Bel. Enfin François i** ayant

(') Francisque Michel et Edouard Foumier , op. eit. , tom. ii , p. 216.

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été ioformé des désordres qoe rhrrognerie causait dans sa province de Bretagne» y poqrvut par un édit général dn 304'aofit 1536 pour tout le royaume » lequel était ainsi conçu : c Pour obvier aux oisivetés, blasphèmes 9 homicides et autres inconvénients et dommages qui arrivent à rébriété, est ordonné: que quiconque sera trouvé ivre^ soit incontinent constitué et retenu prisonnier au pain et à Tean pour la première fois , et si secondement il est repris , sera, outre ce que devant , battu des verges ou fouets par la prison , et la troisième fois fttsUgé publiquement, et , s'il est incorrigible, sera puni d'amputation d'oreille , d'infamie et de bannissement de sa personne , et si est par exprès commandé atfx juges , chacun en son territoire et district , d'y regarder diligemment. > (t)

vn.

Cette ordonnance est restée en vigueur jusqu'à notre première révolution , époque l'on rêvait un perfectionnement universel par làgrflcedes institutions politiques. (>) Pourquoi donc, aijyourd'hui que l'expérience nous a éclairés sur la cause toiyours plus agissante d une infinité de délits , ne ferait-on pas revivre des dispositions, qui»

(*) Aac. gén. des ane. Uns franc.; par MM. Istmbert, Decmssy et Armet, tom. XIII , p. p. 527. La même ordonDance ajoutait : « Et s'il advient que par ébriété ou chaleur de vin , les ivrognes commettent aucun mauvais cas , ne leur sera pour cette occasion pardonné , mais seront punis de la peine due au dit délit, et davantage pour la dite ébriété à l'arbitrage du juge. »

(') « L'ivresse elle-même est une espèce de délit public dont la punition est réservée à la sagesse des Juges : une ordonnance de François , etc. » (Rép. de Guyot , Vo excuse , p. 45.) « Un homme ne peut pas excuser une mauvaise ac- tion y parce qu'il l'a commise étant ivre. Son état seul est un crime , U a consenti ou dn moins il s'est exposé à perdre la raison ; c'est assez pour le condamner. » (Denisard, \^.ivrogtwrie.) Voy. aussi Despeisses, tom. u, part, r*» titre xn» sect. 1^ , no 4. C'est dans cet auteur qu'on trouve cette définition oratoire de llvrésse , que nous croyons empruntée aux Pères de l'Eglise : Ebrieias est hlandus dœmon , duke venmum , quam qui habetf se ipsitm non habet , quam gui faeii peeeatum non faeit , sed ipse totus est peeeatum, Shrietas est flagitiorum omnium maier, radix eriminum , origo vitiorum , turbatio capUis, subversio sens^ , fffiNfMfffcu Unguœ , proeella eorporis , naufragium casOtatis , iMiHU YOLONTARIA , turpUudo morum , dedeeut vUw , honestatis infamia et anima eoT" rvptela.

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DE LA NÉCESSITA BÉFRIMm L'IVRBSSB. 187

ftaiif des pénalhés dont la première était pourtant fort ingénieuse , offrent en déOnitive , dans l'état de nos mœurs » le seul moyen efficace de prévenir les effets désastreux de c rébriëté ou chaleur du vin? i

Nous ne nous flattons pas sans doute qu'une pareille loi parvien* drait, comme par enchantement, à déraciner des habitudes si pro« fbflMlément ancrées dans les mœurs du peuple; mais, ce qu'on ne saurait dénier, elles les généraient à coup sAr , et les modifieraient. Ce résultat ne serait-il pas déjà un immense bienfait? Mais c'est surtout dans l'arrestation immédiate que nous voyons l'utilité directe de la mesure. Qui oserait contester qu'on éviterait une foule de délits, qu'on préviendrait une infinité de souflirances , en arrêtant tons cet hommes qni n'ont plus c le gouvernement de soy i (t) sur la pente ils vont glisser dans le crime , en les arrachant à la possibilité de le commettre?

VIII.

Nous entrevoyons encore une dernière objeetion. Comment carac- tériser et constater un pareil délit » nous dira-t-on peut*étre ? L'ivresse n'est pas un fait simple et uniforme ; elle a des degrés divers, des' anances plus ou moins perceptibles , qui en diversifient singulière- ment les effets ou le danger. Ne faudra-t-il pas , pour être Juste , distinguer, avec les anciens criminalistes, entre l'ivresse complète et l'ivresse légère , entre celle imprévue et celle procurée ? La loi entrera-t-elle dans tous ces détails difficilement saisissables par le commun des témoins ? Se livrera-t-elle au danger des définitions? ou bien se confiera-t-elle à l'appréciation arbitraire du juge? Détona c6téa, on le voit, la mesure proposée, qui n'est qu'une honnête utopie , vient se heurter contre des écueils.

Ces appréhensions et ces difficultés nous paraissent chimériques. Aujourd'hui . pas plus qu'en 4556 , il ne sera nécessaire de définir un Ihit on un désordre des sens qui se trahit par des signes extérieun non équivoques , C) et se qualifie ainsi de lui-même. Sans se

(*) IkWTAiCNE , Etêais , chap. il , De VTvrov^erie. (*) Quum vini vis penetravit

Contequitur gravitât mêmbrorum , prœpediuntur

Crura vtuillanti , tardeteit lingtui , mmdet mmu ,

Nant oeuU -, clamor^ iinguHui , jurgia gUâcurU.

LdcbèGB , Ul , 47tf .

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BEVUB D'ALSàCB.

perdre dans des distinctions casaistiqaes , la loi se bornerait à dire : L'ivresse est an délit. Quiconque sera trouvé ivre dans un calNirec ou tout autre lieu public » sera incontinent arrêté , et détenu jusqu'à ce qu'il soit dégrisé. Il sera en outre punissable d'une amende de â5 à 100 fr. , laquelle sera partagée entre les officiers de police qui auront procédé à l'arrestation et les pauvres. En cas dlnsolvabîlité, la peine sera convertie en celle de l'emprisonnement , qui ne pourra excéder trois mois ni être inférieure à six jours. Ces peines seront doublées en cas de récidive dans l'année du délit » le tout sauf l'ap- plication de l'art. 465 du Code pénal. Nous voudrions en outre que, comme en Suède , la loi fût affichée dans tous les cabarets ou auberges, sous peine d'une forte amende , et que de plus , conformément au droit coutumier, aucune action ne fût accordée pour les dettes de cabaret.

Personne assurément ne se tromperait sur le sens d'une pareille loi , et son application offrirait peu de difficultés. Qui ne sait en effet saisir le moment commence l'ivresse proprement dite , voloniaria 'vMania ? Ne se traduit-elle pas par la décomposition des traits , la divagation de la parole , les emportements sans cause et l'accent tapageur? Aucun témoin ne s'y trompe. Aussi tous ceux auxquels on demande : Un tel était-il ivre ? répondent , sans hésiter , oui on non. N'oublions pas d'ailleurs qu'il s'agit d'une loi qui serait faite en vue du peuple , contre et pour lui tout à la fols. Or , le peuple ne connaît pas la demi-ivresse particulière aux classes plus élevées ; il n'a pas le don de savoir déguiser ses vices. Son ivresse à lui est franchement bruyante ; elle se dessine en gros caractères. Elle débute par des chants , auxquels succèdent bientôt des vociférations et des menaces qui vont se traduire infailliblement , si la force publique n'intervient, en querelles et en coups. C'est ainsi que procède d'ordinaire, se signale et s'envenime l'ivresse du peuple , surtout dans nos contrées , par un phénomène des plus étranges , le chant, à la sortie du cabaret , n'est que trop souvent le précurseur du couteau et la san- glante préface du meurtre ! En présence de caractères aussi éner- giquement accusés , l'on n'a pas à craindre la difficulté des consta- tations ou le danger des méprises.

IX.

En résumé , la mesure que nous proposons ne présente pas les incertitudes d'une innovation; ce n'est pas seulement en France

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DB LA NÉCESSITÉ DE RÉPRIMER L'IVRBSSE. 289

qu'elle a eiisté jadis : les peuples anciens et modernes en ont reconnu la nécessité ; elle vit encore et fonctionne chez presque toutes les nations étrangères de l'Europe; partout elle a produit les plus heureux fruits; elle s*appuie aujourd'hui sur la meilleure des épreuves, l'expérience. La France seule, qui se dit le pays du progrès» qui prétend marcher à la tête de la civilisation » continuera- t-elle à se croiser les bras devant le développement d'un mal qui démoralise et décime sa population agricole et ouvrière? Restera-t- elle plus longtemps insensible au spectacle ou plutôt à la cause de ces innombrables querelles trempées de sang et de vin , contre les- quelles la justice épuise en vain ses rigueurs ? Laissera- t-elle plus longtemps , sans daigner y jeter un regard , la plaie s'envenimer , et n'est-il pas temps enfin d'aviser au remède qui doit la guérir ou la diminuer ?

Ce remède, nous croyons l'avoir indiqué. Une expérience de chaque jour nous en a révélé l'impérieuse nécessité. Et ce n'est pas seulement sur l'étroit théâtre nous vivons, que les excès du vin sont déplo- rables et pernicieux : ouvrez les journaux judiciaires , qui nous apportent chaque jour les tristes bulletins du crime ; dans la plupart des méfaits vous trouverez le doigt de l'ivresse !

c L'ordre public doit s'armer plus fortement contre ceux qui le menacent davantage. > (^) Conçoit-on qu'après avoir posé ce principe pour justifier ses dispositions contre le vagabondage , le législateur de 1810 n'ait pas songé à l'ivresse qui est une situation cent fois plus dangereuse pour l'ordre public ?

En signalant cette déplorable lacune, nous croyons entrer dans les vues d'un gouvernement qui s'occupe avec une si touchante sollicitude du sort des classes populaires. Notre appel , nous osons l'espérer , trouvera des échos : heureux si , répété par des voix plus autorisées , il parvient à éveiller l'attention publique sur un des sujets les plus dignes de l'occuper.

De Netremand ,

président du tribunal ciTil d'Altkircb.

[*) Bbrlier , Sxp, des motifs du chap. ni da Utre !•' du Code pénal. ( Locfià , Ugisl. eiv. si erim., toiu. xxx , p. 26 J.)

9«ABBét. 19

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MÉMOIBE

SUR L'ANCIENNE COHMÀNDERIE DE L'ORDRE DE HALTE , SITUÉE A SOULTZ (BAUT-RHIN).

§1.

DE L'ORDRE DE MALTE EN GÉNÉRAL.

Bien longtemps avant la prise de Jérusalem par les croisés « il exis- tait dans cette ville une confrérie d'hommes qui s'occupaient à loger et à soigner les pèlerins qui venaient en terre sainte.

Le fondateur de celte institution se nommait Gérard.

Plus tard » quand la Palestine était acquise aux chrétiens , du temps du roi de France , Philippe i«% en l'an i 100 , Raymond Dupuy » geuUl- homme du Dauphiné, réorganisa cet ordre et aux premiers statuts de l'hospitalité , ajouta l'obligation de porter les armes contre les ennemis de la religion.

Dupuy divisa son personnel en trois classes : les chevaliers , les frères servants et les chapelains ou aumôniers.

Les chevaliers prirent la croix blanche à huit pointes sur un habit noir ; ils furent appelés chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem , hospi- taliers , et plus tard chevaliers de Rhodes et de Malte, (i)

C'est sous ces derniers noms qu'ils remplirent le monde du bruit de leurs exploits sur les infidèles ; ils firent une guerre à mort aux Turcs et aux barbaresques d'Alger , de Tunis et de Tripoli.

Charles-Quînt leur avait donné l'île de Malte , ce rocher dont Fran- çois I*' disait» dans sa légèreté » que le don ne valait pas le parchemin

(*) Les Templiers portaient no babit blanc et une croix rouge à huit pointes ; cet ordre militaire fat aussi fondé par un Français , Hugues de Payens , en 1118 ; il fût aboli en 1512 sous Philippe-le-Bel. Les hospitaliers héritèrent en grande partie des biens de cet oi\ire.

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MÉMOIRE , ETC. 291

sar lequel Tacte était écrit. Or , la position de l'ile de Malle est telle , qae deux Tai^seaux qui croisent à l'Est de cette Ile jusqu'en Sicile , et deux autres à l'Ouest jusqu'en Barbarie , peuvent interrompre tout le commerce de la Méditerranée et du Levant.

Charles-Quint avait créé un surveillant et un protecteur utile au commerce ; les Anglais de nos jours ont mieux compris que Fran- çois i^^" l'importance de cette position , aussi s'en sont-iis emparés.

Des îles de Rhodes et de. Malte» les religieux militaires de cet ordre se répandirent dans touie l'Europe et formèrent des établissements connus sous le nom de commanderies. Ces commanderies acquirent des richesses énormes , soit par des legs , des dotations , soit aussi par faveur; c'est ainsi que Phiiippe-le-Bel en i 31 4 leur donna un grand nombre de biens provenant des Templiers ; c'est ainsi encore qu'ils absorbèrent les biens de l'ordre de S'-Anloine de Viennois , ordre qui fut incorporé dans leur congrégation.

En 1790 il y avait en France deux cent cinquante-quatre comman- deries f dont le revenu net était de 3,600,000 livres.

Pour empêcher la révocation de l'ordre , le grand prieur de France fit offrir à l'assemblée nationale un don patriotique , formant le quart du revenu général, c'est-à-dire près de 900,000 francs; de plus , un mémoire fut rédigé par M. de Meyer (i) à l'effet de démontrer » par des considérations politiques et commerciales , la nécessité de main- tenir l'ordre de Malte tel qu'ifétait.

La révolution passa outre : l'ordre fut aboli et ses biens vendus comme propriété nationale.

Les immunités et les privilèges de cette corporation religieuse et indépendante étaient très-larges; elles leur furent accordées en 1194 par Richard d'Angleterre , duc de Normandie , de Guyenne et comte d'Anjou t et plus tard renouvelées en 1190 par Philippe-Auguste , en 1225 par Louis viii , en 1267 par Saint-Louis, et en 1312 par Philippe- le-Bel , et enfin en dernier lieu par Louis xvi. (^)

L'ordre de Malte comptait sept commanderies en Alsace qui dépen- daient du grand prieuré d'Allemagne; ces commanderies étaient celles de Soultz , de Colmar , de Strasbourg , de Schlestadt , de Wis- sembourg , de Dorlisheim (près de Molsheim) et celle de Mulhouse ,

{') Voyez aux pièces jusUficatives l'analyse du mémoire de M. Mejer , N^" 5. (') Pièces justificatives 3, relatant les fr»n'»hises de l'ordre.

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293 REVUE D'ALSiCB. .

ville confédérée alors de la Suisse. (Il y avait aassi une commanderie à Bâie).

Lorsque TAIsace fut réunie à la France, le traité de Ryswick, en date du 30 octobre 1697 , garantit à Tordre de Malte tous les pri- vilèges qui lui avaient été accordés par Tenipereur Frédéric en 1185, (i) par l'empereur Louis en 1309, par Charles iv en 1366, par Nathias en 1378, par Frédéric en 1466, et plus tard par les empereurs Charles v , Haiimîlien , Rudolph , Ferdinand , etc. . A côté des établissements de l'ordre de Malte , il y avait en Alsace plusieurs commanderies de Tordre teutonique , ordre qui en France n'avait aucun établissement ; il y avait une commanderie de cet ordre à Guebviller , maison Munscb , rue de la Commanderie.

§n.

LA GOMMAimERlB DE SOULTZ.

Dans le faubourg de Saint-Jean , actuellement le faubourg de Gueb* willer , sur la gauche en sortant de la ville de Soultz , il existait jadis un vaste établissement religieux et militaire : c'était la comnoanderie des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Cet établissement avait pour limites , au sud la rivière dite l'Altenbach , au nord et à l'ouest les remparts et à Test la rue dite de Saint-Jean.

il y avait deux grands corps de bikliments , des écuries , des granges, des hangars, de magnifiques jardins, cinq cours, deux fon- taines jaillissantes , un étang poissonneux , une belle avenue d'arbres , puis des salles spacieuses , des caves voûtées et une magnifique église, dite église de Saint-Jean.

La commanderie de Soultz était très-riche ; elle possédait des biens dans tout le Haut-Rhin , et après bien des pertes et bien des frustra- tions elle avait encore en 1789 un revenu net de 12,000 livres. (^)

C*est Jean , dit de Saint-Amarin , chanoine de Lautenbach (près Guebwiller) qui a fait en 1312 une magnifique dotation en faveur de cet ëiablissement religieux ; nous reviendrons sur ce fait sous peu, car il nous servira à prouver l'ancienneté de cette commanderie. (')

«— i^»^-^»^— 1— ■— ^—1 i— ^— ,, I fc I 1. !■■ I Il

('] Voyez aux pièces jusUflcaUves 4. (') Mercklen , Histoire d*Ensisheim,

{*) Ce Jean dil de SaiDl-Amario est le personnage que Schœpflin appelle Nort- wind et qui bfttit le chSteau de Uerrenfluch près de Waitwiller.

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MÉMOIRB, BTC. 293

Bo 1528 elle fat englobée daos les fortifications de la ville comme le prouve une lettre de Jean de Dirpheim , évéque de Strasbourg et seigneur de Souliz , au commandeur et aui frères chevaliers résidant à Soullz. (1)

Les préceptorats de Colmar , de Friesen et de Mulhouse dépendaient de cette commanderie , dont le titulaire portait le nom de Receptor in Oberdeuuchland,

Conrad de Schwalbach , mort le 1 7 mars 1568, s'intitulait : Detuscher Landen'Commenihur xu Francfurt, Sulu und Colmar; un autre signait : Receptor im Oberdeuuchland , Commenihur in Wyssel et Schwobisthat^

Lors de la révolte des paysans en 1525 , la commanderie fut sac- cagée; elle fut restaurée aux frais de la ville comme le prouve une quittance signée du commandeur Schyllung. (^)

En 1792 elle fut vendue (le verger y compris) comme bien national.

ÉGUSE DE SAINT-JEAN.

L'église de Saint-Jean (c'est-à-dire l'église de la commanderie) oc« cupait rem($lacement qui s'étend depu's la brasserie Hug, parallèlement an château de M. de Heeckeren, jusque vers la fontaine de la porte de Guebwiller. C'était un grand et bel édifice à triple nef et à style ogival; les chapelles présentaient des mausolées et de nombreuses pierres tombales provenant de chevaliers inhumés. On y voyait aussi le mau- solée de Christophe d'Angreth , mort et enterré le 6 juin 1710.

Au chœur étaient suspendus des étendards pris aux infidèles. En 1774 y cette église , qui menaçait ruine , fut démolie et une chapelle fut bâtie à sa place ; cette chapelle existe encore: elle sert de grange au sieur Wolff. On y voit deux pierres tombales^ dont je recommande Tacquisition à la Société archéologique de l'Alsace,

La première, celle de gauche, représente le baron Jean de Scbwinzbell , en tenue guerrière , prosterné aux pieds d'un Christ en croix ; Scbwinzbell avait été tué en duel par Rheinhold de Rosen , le 22 décembre 1692. (»)

(') Voyez aux pièces jusUScatives le 2.

{*) Pièces jasUfieatives 6.

(') Ce Rosen éuit venu en Alsace à la suite des Suédois.

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2ri i REVUE D* ALSACE.

^'^ La seconde , celle de droite , concerne le commandeur Connid de Scbwalbach , mort le 17 mars 1568.

Voici son épitapbe :

Anno Domini 1568 , den 17 Merz , ïsi in GoU venchieden, der êhr*

ivurdige adel und geslrenger Herr Conrad von SehwMach » RiUer

Sand Johanns Ordens , deuîscher Landen-Commenihur xu Francfurt ,

Sullz und Colmar , des und allen christgheubigen Setlen de aUnuech-

tige GoU durch Yerdienii und Mitleiden eine chmUiche Aufeniehung

geben woUt.

Amen»

Dans récurie du dit sieur Wolff, on voit une pierre sépulcrale énorme sur laquelle est représenté un commandeur en grand cos- tume ; cette pierre à moitié mutilée laisse encore distinguer les mots suivants: An. D. M. CCCXIIIXocu mag. 5^ Jom. P. Alaman. («)

§ 111.

LISTE DBS COMMANDEURS DE SAlNT-iEAN.

1287. Schœpflin cite , comme étant commandeur de Souitz en 1387 , un certain Jacques de Neufcbâtel ; je n'ai pas rencontré ce personnage dans mes recherches « mais parcontre

1292. j'ai constaté qu'en 1292 il y avait une contestation entre les Waldner de Freundstein et un commandeur de Saint-Jean.

1300. En 1300 il est aussi question d'un certain baron de Mulbeim.

1 31 1 . Rodolphe de Massevaux , celui à qui Jean de Saint-Amarin légua tant de biens. (Cartulaire de la commanderie en ma possession, page 313 et suivantes.)

1372. Conrad de Suitzmatt. (Cart. ibid. p. 233).

1381. Reinbardt Poiren. (Ibid. p. 302).

1420. Jean de Massevaux.

1460. Loujs de Melchingen. (Cart. p. 195 et 220). ^

1526. Philippe Schyllung. (Cart. p. 201).

1533. Georges de Hohenheim dit Bombast. (Cart. p. 176, 195, 297).

1563. Jean-Philippe Lœsch de Molenbeim.

(') Si cette pierre était dégagée du mur , oo pourrait mieu analyser riiiacrip- tion qu'elle porte.

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MEMOIRE, STC. 298

4603. Marimann de ta Thano » iHulaire de Colmar.

4643. Balthasar de Ramsvag.

4655. Pierre Rauch , coadjuteur.

4658. Gotfried Drost , baron de Fischingeriao.

4686. Jean Henri , baron de Schventzbell , tué par Rosen, en 4693.

4697. Henri Ferdinand de Stein, baron de Reichenstein , titulaire des

préceptorats de Colmar et de Mulhouse. 4754. François Joseph» baron de Foreli , commandeur de Soultz , de

Colmar , de Mulhouse » de Friesen , chapelain de sa Majesté le

roi de Pologne , et conseiller et ministre de son Altesse élec-

rale de Saxe. 1789. Le dernier commandeur, de Hompesch.

§1V.

ORIGIMB DE LA COMMAHDERIB DE SOULTZ.

Selon François Méglin , (^) qui dans le temps a foit une petite notice historique sur Soultz » la commanderie de cette ville appartenait en principe aux Templiers qui vinrent se fixer en Alsace vers l'an 4260.

Lors de leur fatale catastrophe et de la suppression entière de leur ordre en 4343 > leurs possessions furent concédées à celui de Saint- Jean de Jérusalem dit de Malte.

Le docteur Méglin se trompe : la commanderie de Soultz apparte- nait aux hospitaliers dès l'an 4344 » comme il nous est facile de le prouver.

Dans le vieux cartulaire que nous avons déjà cité , nous trouvons une très-riche dotation que Jean , dit de Saint-Amarin , établit au profit de Rodolphe de Massevaux , commandeur des hospitaliers à Soultz ; cette dotation est datée du samedi avant la fête de Saint* Barthélémy» en 4344 , donc bien avant la ruine des Templiers. (Voyez la note 4).

Tout nous porte à croire que cet établissement fut fondé vers le milieu du treizième siècle , vers Fan 4250-60; nous ne possédons rien

(') La notice que le docteur Méglin a écrit sur Soultz est extraite d*un mémoire inédilr de l'abbé Graudidier , mémoire dont feu le docteur Méglin a été mis en possesiion , J'Ignore de quelle manière.

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206 REVUE D' ALSACE.

de posilif à cet égard ; le titre le plus ancien ne remonte pas au-deli de l'année 4300.

ANALYSE DES PIÈCES JUSTIFICATIVES.

\.

DOTATION DE JEAN DB SAINT-A MARIN.

Le samedi , avant la fête de la Saint-Barthélémy , en iSii » ont comparu devant le SchuUheiss et le magistrat de la ville de Soultz » du diocèse de Bâie , le frère Rodolphe de la vallée de Massevaux , de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem» commandeur des frères da même ordre de la maison de Soultz , d'une part ; et maître Jean de Saint- Âmarin , chanoine de l'église de Lautenbacb , d'autre part. Le même maître Jean, sain d'esprit et de corps, donne » par dotation entre vifs, aux dits commandeurs et frères , tous les biens , champs , maisons et possessions qu'il possède dans les bans de Ruelesheim , Wittenheim , Kingersheim, Ungersheim, etc. (Cette pièce est écrite en latin, page 31 1-312 du Cartulaire).

N«2.

LETTRE DE L'ÉVÉQUE JEAN.

Jean de Dirpheim , par sa lettre en date du dernier samedi après la Saint-Mathieu en l'année i3!28, informe le commandeur de Soultz, que la commanderie va être englobée dans les fortifications de la ville. (Cart. p. 120).

3.

Mémoire pçur les commanderies de Malte pour être exemptées du 20* , porté par l'édit du mois de mars 1749.

L'auteur de ce mémoire relate les franchises de l'ordre ; il cite toutes les lettres-patentes accordées par les empereurs et rois , et supplie le roi de France , actuellement maître de l'Alsace, de res- pecter ces immunités. (Texte français).

NM.

Cette pièce écrite en allemand est une lettre-patente de Louis xvi , en date de l'année 1776, confirmant les privilèges de Tordre de Malte.

KœntgUcher Vrkundsbrief wekher die Privilegien und FreyheUen des Maltaer ordent betuetigen.

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MÉMOIRE, ETC. 297

Ici te place le mémoire de U. de Meyer.

Ce mémoire que je possède 9 fat écrit en 4790 par un noble de Heyer; il renferme 68 pages et a été adressé aux membres de l'as- semblée nationale. M. de Meyer énamère les services que l'ordre de Halte a rendus au commerce français, il examine la nature des biens de l'ordre , son revenu et conclut à son maintien. Pour mieux faire accepter cette proposition, l'ordre offre à la France une contribution patriotique, se montant au quart de son revenu, c'est-à-dire à 900,000 fr. , somme que le chevalier d'Estournerel , procureur général de l'ordre de Malte au grand prieuré de France, s'oblige de payer au trésor dans un bref délai , désirant faire ce sacrifice comme un hom- mage de plus de son dévouement à la nation française. (Texte français).

Cette pièce est la quittance que Philippe Schyllung , commandeur de Saint-J6an , donne au magistrat de Souitz quant aux réparations que ce dernier a fait faire à la commanderie , par suite des dégrada- tions faites par les paysans révoltés (1525) et que la bourgeoisie a laissés entrer dans la ville; ces réparations se montaient à 450 livres. (Féxte allemand).

Charles Knoll, aîné, méà^wh-yMnnmn.

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NOUVELLE CONJECTURE

SUR LE LIEU OU S'EST LIVRÉE LA BATAILLE DÉCISIVE ENTRE JULES-CÉSAR ET ARIOVISTE.

Ad de Rbme 596 ; Av. J.-€. 58.

On connaît la diversité des opinions émises par nos historiens sur le lieu Jules-César, à la tête de ses légions , livra au fameux irto- wisi (f) des Germains la grande bataille qui eut pour résultat la dé- faite complète et la fuite précipitée de ces derniers » et la soumission aux aigles romaines d'une partie de la Gaule.

En effet, les uns ont cherché le champ de bataille dans le Sundgau, soit à Folgensbourg , soit près de l'église de Saint^ApoUinaire , soit au canton dit t 6dm rofh^n Rœderhubel , » près Mulhouse ; soit enfin entre Ensislieitii et Cemay ; tandis que d'autres l'ont placé dans les environs de Co\mar\ d'autres à une lieue de Porreniruy; aux environs de Belfort ou à Dampierre » à cinq milles au-dessus de Montbéliard.

M. le conseiller J. Boyer , dont le premier et unique volume de son Histoire d'Alsace , (') si riche en conjectures nouvelles et hardies, place le champ de bataille à YOchsenfeld^ cette vaste plaine, en grande partie inculte et qui a une étendue de dix kilomètres carrés. Cest , sur ce terrain , illustré par tant de légendes populaires , et qui revendique aussi l'insigne honneur d'avoir été le théâtre de la trahison des fils de Louis-le-Débonnaire » qu'il faudra donc chercher désormais la poussière ensanglantée des Germains , mêlée aux osse- ments décomposés de leurs vainqueurs. M. Boyer appuie son opinion sur des preuves péremptoires , à noire avis , qu'on lira avec plaisir aux pages 266-270 de son ouvrage.

Un savant militaire allemand , M. le baron Auguste de Gœler , c colonel et adijudant de S. A. R. le grand-duc Frédéric de Bade , >

(') De art ou hari, armée , Heer , et owist , conducteur, chef; smtoUûs éua^. [ (>) Gobnar, 1855.

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NOUVELLE CONiBCnmB, ETC. 399

se fondant à la fois sur des preuves stratégiques et philologiques , arrive au même résultat, bien qu'il ne s'accorde pas avec H. Boyer sur les mesures de distance entre le point de départ de la fuite des Germains et le Rbin. (>) Voici la substance de son raisonnement :

Après avoir été défait par Jules-César , Ariavisîe prit la fuite avec les débris de son armée et se dirigea.,, sans s'arrêter » vers le Rhin , éloigné du champ de bataille d'environ deux lieues et un tiers. La rivière de VIll était , à cette époque , jointe à un bras du Rhin , et le passage des Germains sur la rive opposée de ce bras , eut c indubi- tablement » lieu près de Mulhouse,

César , en parlant de l'endroit pu commença la faite » relativement à celui le combat eut lieu » dit : c miUia passuum ex eo loco cir- citer fum^ue. »

Les éditions des Commentaires de Nipperdei , faites sur les Codices Cassaris, accusent , c quinque miliia passuum» i ^) tandis que des textes postérieurs présentent la variante tquinquaginta, i (3) variante d'au- tant plus regrettable » selon M. de Gœler, qu'elle a fait chercher le champ de bataille beaucoup trop à l'ouest.

L'auteur a déjà , en partie répondu à l'objection qu'on pourrait lui faire quant à la distance qui existe entre le Rtm et la ville de Cemay ; car c'est entre cette dernière ville , comme limite septen- trionale 9 et Àspach'le-Haut , comme limite méridionale, qu'il place ce champ de bataille. H appuie son assertion sur l'autorité de TuUa , qu'il appelle c le fondateur des coupures du Rbin , > (^) et qui » selon lui , dans une brochure , imprimée comme manuscrit et tirée seule- ment à un petit nombre d'exemplaires , a établi , d'une manière po- sitive» qu'un bras du Rhin traversait jadis le bassin de YIll , et que la distance entre ce bras et Cemay n'était réellement que de deux lieues et un tiers, ou , comme le dit César; f Circiter quinque milita passuum. >

D'après M. de Gœler » il est vraisemblable que les Germains » dans leur fuite, ont suivi la rive droite de la DoUer , aflDuent de l'Ill , dont

(*) Cœsar's galliseher Krieg , etc. Kriegsunueniehaftlieh und phUologisch hêorbeiiei , mit iOTaféln. Stuttgart, 1858 , chez Karl Aue.

O C*est aussi Topinion émise par Napoléon dans son PréeU des guerres de César, Paris 1856 , p, 35.

(*} Elle a été adoptée par M. Boyer,

(^) GrUnder dsr BhéndurohsehnUte.

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300 ftEVCE D'ALSACE.

le cours irrégulier aurait opposé quelques difficultés à la cavalerie romaine qui les serrait de près. Les troupes d'Arioviste se seraient portées de ce cAté dès que Talle droite des Romains se fut repliée sur eux pendant le combat. Arrivés sur les bords du Rhin , ou plutôt d'un de ses bras , près de Mulhouse , les Germains , et parmi eux Arioviste , se seraient jetés dans le fleuve ou auraient confié leur salut à quelques nacelles dont ils purent s'emparer. Tous les autres , on le sait, furent atteints et taillés en pièces par la cavalerie romaine.

AuG. Stqbbeb ,

LETTRE

QUE LB8 RBLIGIBUSES DU GOUVBNT DES UITTERLINDEN IHS LA VILLE DE OOLMAR Omr ADRBSSfiE A LA CONVENTION NATIONALE, EN FÉVBIER 1791 .

c A no9 trèt'Chert et fidèles , les Députés de C Assemblée nationale

de France,

c Messieurs ,

« Les reliffieuses d'Unterlinden, ordre S^ Dominique à Golmar, ne cessent d'être inquiétées par des menaces continuelles de la privation du monastère qui leur sert de retraite.

EUes se persuadaient que s'étant distinguées par la soumission la plus respectueuse aux décrets émanés de votre autorité , par la déclaration la plus complète de leurs biens , par une telle exactitude dans la manière dont elles ont rendu leurs comptes qui «euls n'ont pas été rejetés , par l'abandon sans plaintes ni murmures de biens immenses , en un mot , par des témoianages non équivoques de leurs paU*iottsme et leur entier dévouement à la Consti- tution , elles pourraient au moins jouir sans trouble de l'avantage que leur promettaiCEi différents décrets , de fmtr leurs jours ensemble puisqu'étant au nombre de 39 , elles excèdent de beaucoup celui auquel votre sagesse a fixé la conservation des maisons. Cependant à peine la nouvelle d'une déci- sion du comité de constitution ecclésiastique les eût-elle rassurées , il y a quelques jours, qu'elles ont eu la douleur d'apprendre qu'il se faisait de nouveaux efforts pour les déjeter de cet asile , seul et unique lieu qui leur reste ; et que le département du Haut-Rhin ainsi que la municipaUtc de cette irille ne tarderont pas à vous adresser de nouveaux mémoires qui , sans être le vœu unanime de ces corps, n'en seront pas moins des adresses dignes de votre attention.

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LETTRE , ETC. 301

c Comme il leur importe de prévenir les impressions que ces adresses pourraient produire sur vos esprits , elles vous supplient d observer que le monastère n'étant sous aucun rapport propre à des casernes , le prétexte qui servira à légitimer ces efforts nouveaux n'est rien moins que relevant et que rintérét qui guide la municipalité contrarie celui de la nation.

c Leur monastère est un très-ancien bÂliment dont on ne pourrait pas conserver un seul mur pour un édifice tel qu'il en faut pour oes casernes. La rivière qui coule le long de son mur d'enceinte et que l'on annoncera sans doute comme la plus grande considération qui doive porter au choix de cet emplacement n'est rien moins que |>ropre à cette destination , la plupart du temps chargée des couleurs des fabriques , de la poussière malfaisante des usines a broyer le chanvre et des tanneries établies sur son cours, ce qui ne manquerait pas de procurer des épidémies.

f Les vuidanges d'ailleurs , et des casernes et des écuries infecteraient in- failliblement la ville si on les établissait à l'entrée des eaux dans la ville, et les très-humbles exposantes ne croient trop s'avancer, en disant que la munici- palité remplirait mal le vœu de la commune en lui causant un tel mconvénient.

c Enfin il n'est personne à Golmar qui ne sache qu'au moindre froid l'on est obligé de détourner les eaux qui se prennent d'abord , de peur de causer des inondations et que souvent il se passe des mois entiers sans qu'on puisse les faire rentrer, en sorte que Ton serait sans abreuvoir pendant un temps aussi considérable.

c Les mêmes inconvénients ne se présenteraient pas , si Ton employait pour caserne la cour de S^ Jean ; cet emplacement fort étendu est baigné par une rivière bien plus large qui dans cet endroit est au moment de se porter hors de la ville , qui jamais n'est dans le cas d'être détournée et qui, produite en grande partie par des eaux de source , n'a pas été gelée de mé- moire d'homme.

c N'y ayant donc ni avantage» ni nécessité de les priver de l'asile qu'elles ont juré de n'abandonner jamais et qui , à raison de sa localité même , n'est pas entré pour peu dans le choix qu'elles ont fait , pourraient-elles avoir à craindre d'en être arrachées? il y a plus de cinq siècles qu'il est occupé par leur ordre ; elles l'afilectionnent ; il renferme les dépouilles des amies que la mort leur a enlevées , il les rappelle sans cesse a la contemplation et à la prière à ce qu'elles ont promis au Dieu saint qu'elles adorent. Rien ne pour- rait remplacer le prix qu'elles y attachent ; elles y sont accoutumées à une vie innocente et heureuse ; jamais elles ne se consoleraient de la privation d'une retraite qu'elles ont mille motifs encore de chérir.

f Les condamner à vivre avec des étrangères , ou leur assigner un autre ciel serait les vouer à la mort. Telle ne sera sans doute pas , après les saeri* fices qu'elles ont faits, la résolution des Représentants d une nation, toujours juste , toujours généreuse , toujours compatissante. Leur auguste Assemblée ne rejettera pas les prières d'un sexe faible et timide qui s'est voué au repos et qui a couronné sa renonciation sérieuse au monde par l'abaidon de ses biens temporels pour n'embrasser que le but unique qu'il s'est proposé : la félicité éternelle.

c Sœur Marie-âlbert Reighstetter , supérieure.

t Sœur Marie-Rosaue Ghristnaght , économe.

[Cùmmuniqué par C. Gûnther fils.)

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BIBLIOGRAPHIE.

L'ANNte SCIENTIFIQUE ET INDUSTRIELLE , par M. L. FiGUIER.

2* année 4858 i vol. in-48 avec une carte.

ta science a encore bravement marché pendant l'année 1857 et M. L. Biguier Ta bravement suivie dans sa nouvelle année scienti- fique. Astronomie , physique» chimie, constructions, marine, chemins de fer, télégraphie électrique, linguistique, histoire naturelle, physiologie, médecine, hygiène, agriculture, arts industriels, voyages scientifiques : tous les progrès qui se rattachent à ces branches des connaissances humaines sont consciencieusement passés en revue dans ce volume, qui se termine par un résumé du rapport sur l'eipo« sition universelle de 1855, présenté à PEmpereur par le prince Napoléop ; puis une énumération des prix décernés par l'Académie des sciences et la Société d'encouragement. La carte est consacrée au hardi projet du tunnel sous-marin entre la France et l'Angleterre, conçu par H. Thomé de Gamond.

Pour donner une idée de cette nouvelle publication, nous nous bor- nerons i mettre en relief deux sujets de genre tout-à-fait opposés, l'un de science élevée, l'autre de science vulgaire; la comète du iS juin et la fabrication des allumettes. Après avoir rapporté tout ce que la science a dit , dans son temps , au sujet de cette fameuse comète , râuteur termine par une spirituelle raillerie à l'adresse de ceux qui ont eu peur.

' Il y a trente ans , dit M. Figuier, le comédien Periet jouait un f ifaudeville intitulé : Lei inconvénknu de la diligence. Au troisième < acte , la jiligence était arrêtée par un voleur , qui avait eu l'idée c ingénieuse de disposer sur les bords de la route six mannequins c vêtus en brigands , armés jusqu'aux griffes , et dont le terrifiant c aspect ajoutait à l'épouvante des habitants de la machine roulàbte. c Mais bientôt le subterfuge était reconnu et les mannequins détollés, c Cette constatation établie, on voyait Periet, une fois bien sûr de son c fait , s'élancer avec intrépidité à la gorge de l'un des brigands pos- c liclies , en s'écrianl : Ahl lu n*e8 qu*un mannequin I

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BIBLIOGRAPmB. SOS

ff Et, le 8aisi88aDt par sa barbe de filasse, il le traînait sur le théâtre, c à la grande joie des spectateurs ; il l'accablait coups de poing et de coups de pied pour se yenger des terreurs qu'il avait ressenties, en s'écriant toujours :

c Ahl tu n'es qu'un mannequin l

c Ce qui s'est passé le 43 juin , à propos de la comète , rappelait c l'histoire du mannequin des Variétés. Toutes les personnes bien plus c nombreuses qu'on ne l'imagine, qui avaient conçu de secrètes et « de très^réelles alarmes sur le terrible conflit dont la comète nous I menaçait de par Hathieu Lœnsberg, étaient aussi, après ce jour 1 redouté , les plus empressées à accabler de leurs sarcasmes l'astre c vagabond, cause innocente de leurs terreurs. Ces intrépides du t lendemain n'avaient pas- assez de mépris, pas assez de colère contre « le mannequin céleste qui venait de s'évanouir. »

Dans le premier volume de l'Année scientifique et induslrielle un long, et intéressant article a été consacré au phosphore et aux allu* mettes. Les allumettes phosphorées présentent de graves inconvé-' nients: ,i^ La pâte constitue un dangereux poison dont l'usage com- mence à trop se répandre; 3<^ par leur extrême inOammabilité elles sont une cau§e fréquente d'incendie; 5" leur préparation est dange- reuse pour les ouvriers auxquels les vapeurs de phosphore donnent une affreuse maladie , la nécrou ou carie de la mâchoire. Il y a plu- sieurs années un chimiste de Vienne , M. Schrôttert a trouvé qu'en sou- mettant le phosphore pendant plusieurs jours à une température élevée et à l'abri de l'oxygène, il prend une couleur rouge, perd son inflammabilité à l'air, ses propriétés vénéneuses, etc. Dans cet état on l'appelle phosphore rouge ou phosphore amorphe. Il est prouvé aujourd'hui qu'au moyen du phosphore ainsi modifié , on peut fMr^ des allumettes qui ne présentent aucun des inconvénients indiquée ci-dessus. Dans son nouveau volume , H. Figuier a repris cette ques» tion pour la suivre dans son évolution progressive et le chapitre qu'il y a consacré est l'un des plus intéressants. Il le termine par la citation d'un fait qui donne beaucoup à réfléchir :

f Causant un jour avec un honorable lieutenant du corps des sapeurs- ( pompiers de Paris , nous reçûmes de lui l'assurance que les neuf «dixièmes des incendies ne reconnaissent que deux causes: i*" les < allumettes chimiques ; ^ le cigare. La première de ces causes est « sur le point de disparaître ; la seconde serait plus difliclle à ei^tirper. »

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304 REVUB D' ALSACE.

Voici les Alsaciens qui figurent sur )a table des noms d'auteurs cités dans ce livre :

M. Bérard . professeur de physiologie à la faculté de médecine de Paris (né au fort de Licbtenberg) : Digestion et absorption des matières grasses sans le concours du fluide pancréatique.

H. Boiusingault , professeur au Conservatoire des aru et métiers : Questions de physiologie végétale ; insalubrité des eaui employées à Paris pour la confection du pain.

M. Grager, de Mulhouse: Sels ammoniacaux dans les eaux de pluie.

titH. Hauftmann , Jordan et Htm, au Logelbach, prèsColmar: Cordes métalliques pour transmission de mouvement; application de rhydrostat de M. Kseppelin.

M. Heibnann^ Joiué, de Mulhouse : Prix du marquis d'Argenteuil pour l'invention de la pàgneuse mécanique.

M. HiffeUhem , D' en médecine à Paris : Prix Monthyon pour ses recherches et ses expériences sur les mouvements du cœur chez les animaux.

H. Kœffelïn, professeur à Golmar : Invention de YhydT09iat, nouvel instrument de pet»age.

M. Kûhlmann^ à Lille: Emploi pour la peinture du silicafe de potasse.

M. LerebouUet , professeur de zoologie à la faculté des sciences de Strasbourg : Grand prix des sciences physiques remporté à l'Académie des sciences pour ses études sur le développement de l'embryon.

M. MûUer , Emile, de Mulhouse : Prix de la Société d'encourage- ment pour sa publication sur les habitations ouvrières.

M. Nicklèt , Jérôme , professeur de chimie à la faculté des sciences dQ Nancy : Nouveaux gisements du fluor, sa présence dans beaucoup d'e^x minérales (entr'auires celle de Cbftlenois qui en est une des l^us riches) ; procédé perfectionné pour découvrir ce corps. . M. Sacc, à Wesseriing: Emploi alimentaire de la racine du cerfeuil bulbeux.

M. Schauenmann, directeur des minés de Bouxwiller : Action des sels ammoniacaux sur la végétation.

M. Tourdei , professeur de médecine légale à la faculté de médecine de Strasbourg : Expériences sur Tamylène comme anesthésique.

Le succès de cette publication annuelle est assuré ; elle trouvera place dans toutes les bibliothèques.

Napoléon Nicklès.

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LES mm DE LA PRINCESSE DE WURTEMBERG.

(sounraat du consEiuioimâtaM^'ALSACE.*)

Dans les premières années da dix-baitM«gg.^j|j^e, Tivaient au cbfl* teau d'Ostbelm deux sœurs , dames de haute naissance : c'étaient les princesses Edwige et Anne de Wurtemberg. En vertu d'arrangements de famille , ce village avait été distrait de la seigneurie de Riquewibr et conféré en toute propriété à la duchesse Anne , avec les droits seigneuriaux qui s'y ratiachaient. Quand le bon Schœpflin nous dit qu'elle gouverna tranquillement ce domaine jusqu'à sa mort » arrivée en 4733» c'est une façon de parler: jamais , au contraire» on le verra bientôt , il n'y eut de gouvernement plus tourmenté et plus agité que celui de la princesse Anne , à Ostbeim.

Il faut bien le dire » dussions-nous être accusé de manquer au res- pect dû au rang et au sexe des deux sœurs , c'étaient , chacune dans son genre , deux extravagantes qui capsèrent à leur frère Léopold-* Eberbard , duc régnant de Montbéliard , bien des soucis et des désa- gréments de tout genre. Un instant même » elles parurent se com- promettre gravement, en s'engageant dans une politique hostile à la France. C'était en 4703 » pendant lu guerre de la succession d'Espagne; l'Alsace avait été envahie» Landau était tombé au pouvoir de l'ennemi.

* Ce récit est tiré d'aa volame déposé à la bibliothèque de la ville de Colmar , et qui se compose de documents mauuscrits réunis en vingt-sept dossiers divers. Tout indique que ce volume dépareillé provient des papiers de M. le premier président de Corberon et faisait partie d*uDe collection beaucoup plus considérable ce laborieux magistrat a pris les matériaux dont il a formé le recueil connu sous le nom de : Note* d'arrêts du Conseil souverain d' Alsace, Nous devons la cwnmnniimtion de ce manuscrit à M. Hugot , le savant bibliothécaire de la ville.

V. R.

iHAmét. 20

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306 RETOE D' ALSACE.

Un jour , on vit entrer au château d'Ostheîm un homme simulant l'ivresse , porteur de gro^ paquets paraissant renfermer des papiers. On sut bientôt que c'était un émissaire du gouverneur de Landau . chargé de répandre des mandements , en venu desquels des imposi- tions venaient , au nom de l'empereur , frapper diverses parties de la province. La princesse Anne ne craignit pas d'envoyer tout ouvert» au bailli de Riquevibr, le mandement par lequel le bnilliage était taxé pour une somme de SâOO Oorins; et , comme cette officier refu- sait de le recevoir, elle déclara hautement que c'était elle qui se chargerait d'en faire publier le contenu. M. de Corberon » Premier Président du Conseil Souverain , informé du fait , en donna aussitôt avis au ministre de la guerre et à M. de la Houssaye , Intendant d'Alsace. Une eûquéte eut lieu ; te prince de Montbéliard adressa des excuses au roi , et comme il fut établi qu'aucun inconvénient sérieox n'était résulté de cet événement , que les baillis avaient élé partout bien et dûment avertis de n'avoir aucun égard à ces mandements oo . ne jugea pas à propos de pousser les choses plus loin, c D'ailleors, écrivait M. de la Houssaye, en parlant de la princesse Anne» sa teste est si mal timbrée » sauf le respect deu à sa naissance» qu'il faut ioy pardonner ce qu'on ne passeroil pas à d'autres. >

Cependant la princesse Edwige » tourmentée de je ne sais quelle humeur vagabonde , allait partout , parcourant la province » battant la campagne , se livrant à mille extravagances. On parla beaucoup » dans le temps, d'une fugue qu'elle fit, de l'autre côté du Rhin , au- près du prince Louis de Baden, qu'elle alla trouver à Rastadt» seule, sans escorte ni passeport. A son retour, passant à Strasbourg, elle vendit son carosse ses chevaux , ses effets ; à peine garda-tielle les vêlements qui la couvraient. Elle en fit tant » qu'à la fin son frère-, le prince de Montbéliard , se vit obligé de la rappeler et de la garder auprès de lui. La princesse Anne resta donc seule^dans sa seigneurie d'Ostheim: nous allons voir les effets de ce gouvernement pabible dont parle si complaisamment Schœpflin.

La princesse aimait passionnément les chiens : elle en avait cens* ' tamment vingt-cinq ou trente dans sa chambre. Si ces chiens étaient restés enfermés au château , certes personne n'eût pu trouver à redire à un pareil goût; malheureusement ils se répandaient souvent au- dehors et faisaient alors le désespoir du village , mordant les jambes des manants et étranglant , sans pitié , leurs volailles. Encore si les

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LES CHIENS DE LA PRINCESSE DE WURTEMBERG. 307

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choses s'étaient bornées , peut-être les pauvres gens se seraient-ils résignés à faire le sacrifice de leurs mollets et de leurs poulets, mais ils avaient à subir bien d'autres tribulations. La princesse était aca- riâtre , tracassière » en même temps que d'un orgueil indomptable. Les paysans de ses domaines étalent » pour elle » l'objet d'un profond mépris. Elle voulait bien consentir à les laisser vivre et à ne pas leur mesurer trop l'air qu'ils respiraient ; mais quant à leur reconnaître des droits quelconques , soit comme individus » soit comme membres de tommunauté , elle n'admettait rien de pareil. En conséquence » elle meltajt la main sur tout ; elle disposait en maître des propriétés communales, des pâturages des forêts, toutes choses sacrées , en quelque sorte , et de première nécessité pour une population rurale ; elle créait arbitrairement ou surélevait les taxes seigneuriales. Depuis longtemps déjà , la dame d'Ostbeim avait , par sa conduite excen- trique , perdu toute considération , ces mesures la rendirent odieuse. Froissés, humiliés, mal- menés de toute manière, les habitants se roidirent contre l'oppression; on leur demandait ce qu'ils ne devaient pas, ils finirent par ne plus rien vouloir accorder du tout, si bien qu'ils refusaient même ce qui était le plus légitimement à leur seigneur. Il en résulta des conflits , des débats sans fin , attisés par les nombreux procureurs dont la princesse était constamment en- tourée, et qui exploitaient habilement son humeur tracassière et processive.

Voilà donc le Conseil Souverain appelé.à prononcer entre les par- ties. Toutefois , tel était encore , à cette époque , le prestige du rang et de la naissance, que les efforts du Conseil s'appliquèrent, avant tout , à réprimer énergiquement tout ce qui était de nature à porter atteinte au respect à la princesse. Ainsi , une rixe sans gravité s'éleva , un jour, entre des habitants et des gens du château. Aussitôt le Premier Président se croit obligé d'en donner avis au gouverne- ment ; une information est ordonnée par le Conseil. Il en ressort que les gens de la princesse ont presque tous les torts , néanmoins ce sont les paysans qui paieront pour tout le monde, c Voilà , Hon- c seigneur, écrivait H. de^Corberon à M. de Chamillart , tout ce qui < résulte^ de cette information , d'où il paroist que le boucher et le c cocher de cette princesse ont attaqué imprudemment une troupe c d'habitants qui estoient plus forts qu'eux et qui auroient esté en « estât de leur faire un mauvais party , s'il n'avoient esté retenus par

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308 RBVCB D'ALSAGB.

I le respect qu'ils loi doivent. Cependant le Conseil d'Alsace ne lais* c sera pas » par l'arrest qu'il rendra dans cette affaire , de scevir c contre les babiians qui s'y trouvent impliquez , afln de leur foire c connoistre que rien ne peut excuser le manquement de respect pour elle en la personne de ses domestiques. >

Mais s'arrêteront les complaisances de la justice : quand il s'agira de statuer sur des contestations régulièrement portées devant elle , c'est le droit qu'elle appliquera, rien que le droit , sans acception de personnes , et quelles que puissent être les suites de ses arrêts. C'est ainsi', pour passer du petit au grand , que le Conseil eut à s'occuper d'abord des licences que se permettaient par fois les chiens de la princesse , et dont on n'hésiia pas à la déclarer responsable. Nous voyons notamment , par une annotation de la main de M. de Cor» beron , que le 22 juillet 1706, ces chiens mordirent craellement une femme qui passait à Ostheim : c'était la veuve d'un nommé Rossée t dit Belle-Rose , soldat de la compagnie de Lampadeux « régiment des carabiniers , tué récemment près de Spire, allant en parti. Un arrêt» rendu par provision , lui adjugea 30 1.

c Sur quoy elle a receu :

c Un manteau d'estamine qui a cousté 7 I.

c Un flchu 1 I. 13 s.

c En argent pour avoir du pa>n . H s. >

C'est , paratt-îl , tout ce qu'obtint la pauvre femme.

La princesse Anne ne fut pas plus ménagée dans les procès injustes qu'elle soutint contre la communauté d*05ibeim. Elle avait établi une taxe de 20O sacs de grain ; on la réduisit à 100. Elle avait dépouillé les habitants de leurs droits au pâturage, de leurs droits d'usage dans les bois , droits dont l'origine se conrondait avec celle de la commu* nauté elle-même, droits maintes fois consacrés par les titres les plus authentiques ; la Cour réprima toutes ces usurpations. Ces décisions irritèrent au plus haut degré la dame d'Ostheim , et- quand elles lui furent signifiées à la requête des habitants , elle s'en prit à une insU- tution qui ne leur était pas moins chère, parce qu'elle était l'apanage le plus précieux de leur autonomie communale , et qu'ils étaient par- venus à la conserver intacte, au milieu des vicissitudes du moyen- âge. Deux fois lu princesse flt casser par son procureur fiscal et par son bailli les jurés élus par les habitants , qui composaient la justice locale ; deux fois le Conseil Souverain les rétablit solennellement dans

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LB8 CHIENS DE LA PRINCESSE DE WCRTEMBEBG. 309

leurs foDctioDS. Tant d*échecs« subis coup sur coup» achevèrent d'exaspérer la princesse , qui jeta les hauts cris » se plaignant d'être sacrifiée , et cependant , il est constant que les gens d'Ostbeim n'a- Taient fait que se défendre contre les agressions dont ils avaient été injustement l'objet. C'est ce qu'il leur fut facile d'établir dans un mémoire qu'ils adressèrent au Premier Président du Conseil , et dans lequel ils énumèrent toute la série de leurs griefs. Après avoir rappelé les taxes illégales dont ils ont été frappés , les procès qu'ils se sont vus dans la nécessité d'intenter , à raison de leurs pâturages et de leurs forêts , ils exposent que leurs droits de propriété ont subi bien d'autres atteintes encore. Le seigneur s'est emparé de tous les bâti- ments ^ de toutes les places publiques » de la maison commune même, si bien que la communauté ne sait plus tenir ses assemblées. Il n'y a pas jusqu'à l'horloge avec sa cloche , dont il n'ait cru devoir s'emparer. A son tour» la princesse adressa à la Cour un mémoire en réponse à celui des rebelles tOnhem. Ce facmm , nous l'avons lu sous les yeux : on croit rêver en le lisant ; il semble que l'on soit reporté en plein treizième siècle » aux plus beaux jours du Famirechi, Un instantlecœur se serre, mais bientôt on se sent soulagé quand on se rappelle que c'est , après tout , une folle qui parle. Non , ce ne sont pas les sentiments de l'ancienne noblesse alsacienne , qui , en général » se montrait bienveillante dans ses rapports avec ses vassaux. Ce sont bien moins encore les sentiments des princes de celte illustre maison de Wurtemberg-Monibéliard , dont l'administration populaire et paternelle a laissé, dans le cœur de nos populations , des souvenirs qui ne se sont pas encore effacés.

Le mémoire est signé : Anna , duchesse de Wirtemberg. La seule inspection de la signature témoigne , chez son auteur , d'une liitéra* ture for.t médiocre. Nous en dirons autant du rédacteur de la pièce » dont le style et l'orthographe laissent singulièrement à désirer. La princesse commence par manifester son étonnement de voir le Conseil accueillir si facilement les plaintes des rebelles d'Osiheim, tandis qu'ils ne mériteraient , en réalité , qu'une seule chose , à savoir , d'être pendus et roués. Cette canaille n'a évidemment qu'un but , c'est de la compromettre aux yeux du Roi , sous la protection de qui elle s'est placée. Passant ensuite à l'examen des divers griefs de la communauté , la princesse les réfute un à un. On va voir que si ses molib ne sont pas très-concluants , ils ne laissent pas» du moins»

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310 REVUE D'ALSACE.

que d'être très-câCégoriques : c Nous tous prions d'avoir esgard à c Nous; que Nous ne soient pas traitté comme cela pour passer pour c une servante de paisans , et que Nous serons maintenu dans nos c droits, car Nous ne dépendons pas des paisans , mais ils dépendent c de Nous , et la justice appartient à Nous et pas aux paisans; cepen^ i dant ils osent prendre l'hardiesse à se mesler de la justice ce qui c n'a pas esté jamais oui , et que nous n'appartient pas de souffrir . car s'il nous souffriroient cela » ce seroit aussi un despect à Sa Ma- c jesté , que si Elle ne peut pas maintenir une princesse dans ses c droits. Le village nous appartient en propre, ainsi il est à Noos , i quand il y a une cloche ou horloge , d'indiquer et dire4'endroit c Nous voulons qu'on les mette. La justice appartient aussi à Nous , c et Nous pouvons faire ce que Nous voulons, et non pas les paisants. < La permission à bastir Nous appartient aussi et pas aux paysants. c Les places communales appartiennent à la Seigneurie , et elle a commandement dessus » et pas les paysants. Le bois appartient aussi c à la Seigneurie , et a le commandement dessus , et pas les pay^ils^ c La taxe en grain appartient pareillement à la Seigneurie , et elle a c le commandement dessus , et pas les paysans. »

Nous touchons au dénouement. Les détails qui vont suivre feraietfl presque sourire, s'ils ne témoignaient une fois de plus, du degré de misère et d'aberration peut parfois conduire l'infirmité de la nature humaine.

La princesse , avons-nous dit , aimait passionnément les cJhieill. Chaque portée nouvelle était, à son avèhement , l'occasion , au dhi- teau , de fêtes et de réjouissances. Les nouveaux venus recevaient . avec un simulacre de baptême » des noms de saints. A leur mort , il leur était fait des funérailles en règle ; les choses en vinrent au poidt que la princesse voulut contraindre le curé à les enterrer dans sOta église , et il ne fellut rien moins qu'un arrêt du Conseil Souveraiki pour empêcher cette odieuse profanation de s'accomplir. Ce fiit en* suite dans le temple protestant qu'elle voulue inhumer ses bêtes » mais le ministre résista à son tour, et la princesse n'osa pas insister. Elle prit alors le parti de construire t pour ses chiens , une chapelle funéraire qu'elle fit établir à grands frais. Au milieu de la nef s'élemlt un mausolée surmonté de l'écusson ducal de Wurtemberg, avec cette inscription : Par la grâce de Dieu, nom tanvnei ee que noUê i&mmë.

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LES CHIENS DE LA PRINCESSE DE WURTEMBERG. 514

Sur les quatre faces du monumeni étaient gravés les passages de VËcriture-Sainte se rapportant aux chiens de Job et à celui de Tobie.

Dans les premiers jours du mois de juillet i7i2, un des chiens fovoris de la duchesse vint à mourir. Cette perte la plongea dans une profonde douleur. Pendant plusieurs jours , elle s'enferma chez elle , observant le jeûne le plus rigoureux. Pour mieux honorer la mémoire du défunt et lui faire des obsèques plus solennelles » elle décida que l'inhumation aurait lieu le jour de la Sainte-Anne qui était celui de sa fête. En conséquence , durant trois semaines entières , elle garda le cadavre de la béte dans sa chambre et même dans son lit. Enfin le jour de rinhùmation arriva : les obsèques se firent avec une pompe extraordinaire; le corps » recouvert d'un voile noir, fut porté à la

chapelle par une des femmes de la princesse , qui pleurait du

rôle humiliant qu'on lui faisait remplir , en même temps que de l'o- deur infecte qui se dégageait de dessous le drap mortuaire.

Ce n'est pas tout encore. Dans sa douleur, Is princesse s'était ima- giné que la béte avait été empoisonnée par son cocher et par une de ses servantes , et elle . résolut de punir ce crime par un châtiment exemplaire. Sur ses ordres, le cocher fut arrêté et enfermé dans un des caveaui du château , avec défense de lui servir aucune nourriture. Le malheureux serait infailliblement mort de faim , si des personnes charitables n'étaient parvenues à lui glisser, â la dérobée, quelques aliments , au risque d'encourir elles-mêmes la disgrâce de l'impi- toyable princesse. Quant à la servante , dès qu'elle avait appris les sonpçons dont elle était l'objet , prévoyant le sort qui l'attendait , elle s'était empressée de fuir et de se réfugier auprès de sa famille; mais sur la sommation qui lui fut adressée de venir se justifier , elle fut ramenée au château par son père lui-même. La princesse la fit enfermer, comme elle avait fait du cocher, puis, elle manda le bourreau de la seigneurie de Riquevrihr et lui ordonna de faire subir la question à rincul[)ée. Fort heureusement , le bourreau craignit de se compromettre et refusa son ministère ; mais la pauvre fille n'en fut pas moins l'objet , de la part de la princesse , des violences les plus graves et les plus coupables.

Ces faits , qui violaient si outrageusement les bonnes mœurs et l'humanité , avaient eu , dans la contrée , iin retentissement scanda- leux. Sur les réquisitions du Procureur général, le Conseil Souverain ordonna une information au criminel ; mais bientôt des considérations

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Si 2 REVUE D'ALSACE.

particulières vinrent « encore une fois , entraver ta marche de la jos- tice. D'une part, l'insanité d'esprit de la princesse était notoire* d'autre part , la haute position du prince régnant de Montbéliard était de nature à mériter quelques égards. Le roi fit donc savoir au duc qu'il serait sursis à toute poursuite ultérieure contre sa sœur, sous la condition expresse qu'elle sortirait , sans délai , du royaume. Le difficile était de faire prendre ce parti à la princesse qui « bien con- vaincue qu'elle avait agi dans la plénitude de ce qu'elle appelait son autorité souveraine , se croyait à l'abri de toute recherche. En vain le prince , son frère , fit-il auprès d'elle toutes les démarches possibles pour l'attirer ù Montbéliard , il ne put rien obtenir , et pourtant il lai répugnait de recourir à la violence. Son intendant » qu'il envoya sur lesMbx, obtint du Premier Président six agents sûrs, parmi lesquels le prévôt de la maréchaussée d'Alsace qui reçurent l'ordre de lui obéir ponctuellement et de se tenir entièrement à sa dévotion. Toiit en ménageant l'esprit de la princesse » on parvint à lui faire entrevoir le danger de sa position et l'éventualité d'une arrestation possible ; elle se décida alors à partir et se retira à Montbéliard. Cependant , moins de six mois après » une autre dame de Wurtemberg , connue sous le nom de princesse douairière de Silésie» qui était fort bien vue à la cour de Versailles , supplia le roi d'accorder sa grâce à sa sœur et de lui permettre de rentrer dans ses domaines d'Ostheim » s'ofl'rant comme caution de sa conduite pour l'avenir. Du reste . l'im- pression produite par les faits que nous avons rapportés avait été s'affaiblissant de plus en plus, la chapelle t cause principale de tant de scandale, avait été rasée à la diligence de l'Intendant d'Alsace, les parties lésées avaient été désintéressées : le roi ne vit donc aucun inconvénient ù. accorder la grâce qui lui était demandée « et la prin- cesse reprit possession de sa seigneurie d'Ostheim. Etait-elle revenue réellement â des sentiments meilleurs , ou bien était-ce l'efl'et des sévérités du Conseil , ce qui parait certain » c'est que la justice n'eut plus ù s'occuper d'elle « à dater de cette époque.

Peut-être SchœpOin faisait-il allusion aux dernières années de la vie de la princesse Anne quand il disait : Anna hœc princept , ad an, MDCCXXXllI usque quo obiii , vicum islam tranquille pouedit,

VÉRON-RëVIUJE.

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VILLES LIBRES ET IMPÉRIALES

Dl L'AncmiNB AlSAa.

LANDAU.

RefenoDft à la coDStitotioD de Landau. Le Schœffen-Raih ou conseil des écbevins était depuis longtemps odieux aux tribus plébéiennes parce qu'il n'avait jamais été composé que de patriciens. On le sup- prima donc et on lui substitua quatre bourguemestres d'abord élus directement par les tribus, puis se renouvelant non seulement dans le sein du sénat mais dans le sein des tribus par le cboix des bour- guemestres en exercice au fur et à mesure des vacances. Ces charges d'abord annuelles ne tardèrent pas à devenir à vie comme l'avaient été précédemment celles des écbevins. Elles conféraient à la fois les pouvoirs administratifs, politiques et judiciaires. Quant aux sénateurs ils étaient pris indifféremment parmi les bourgeois des diverses tribus et élus par le magistrat collectif ou réunion des quatre bourgue- mestres et des sénateurs en exercice. Le premier d'entre les séna- teurs avait le titre de maréchal comme à Haguenau et à Wissembourg; il assistait le bourguemestre en exercice dans toutes ses fonctions , il était aussi en quelque sorte le représentant par excellence de la démocratie , et ne conservait ses fonctions que pendant trois mois' ainsi que le bourguemestre en exercice; (^) ce qui implique ou semble impliquer que tous les trois mois les sénateurs élisaient dans leur sein le maréchal. Plus tard le nombre des maréchaux assistant le bourguemestre en exercice fut porté à deux. (^)

n Voir les livraisons de février, mars et juin, pages 49 , 97 et £{7. (*) BiEMiàOM , pages iii et 112. (■) BiRiiBiiM , ibidem.

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514 BEVUE D'ALSACE.

C'est ici le cas d'établir uue distinction entre les fonctions du mare- chai dans les villes libres et dans les villes impériales simples. Dans ces dernières , à Laudau par exemple « tant que l'office impérial de schuhheis fut à la disposition de Tévèque de Spire et tant que ce dernier resta substitué aux droits de l'empereur » le soin de la police et le commandement de la force armée appartinrent exclusivement au délégué de l'évéque , le stadt-vogt ou i'unter-vogt. Les offices d'échevins étant pour lors des espèces de fiefs entre les mains des familles patriciennes» l'empereur ou le seigneur étranger qui le rem- plaçait à titre d'eng^îste avaient jugé à propos d'adjoindre à l'échevin en exercice un magistrat plébéien avec le titre de maréchal. C'était en quelque sorte une satisfaction donnée à la vanité de la bour- geoisie, mais ces fonctions se trouvaient être plus honorifiques que réelles elles ne conféraient au titulaire que fort peu d'autorité » et ne lui assuraient guères que le pas sur les autres conseillers plébéiens de la ville et les délégués des tribus.

Il n'en fut plus ainsi dès que i'élément plébéin eut décidément la prépondérance à Landau. L'importance du maréchal de la ville grandit avec la puissance démocratique , il devint l'édile de la cité comme les bourguemeslres en étaient les consuls . et il en fût sans doute devenu le tribun si l'aristocratie avait essayé de ressaisir le pouvoir.

Les tribus de Landau étaient an nombre de douze ; elles existaient dès avant l'ère de l'indépendance de la ville, peut-être toutefois n'étaient-elles que onze avant l'émancipation de 1511 , ou du moins il y a lieu de supposer que sous l'évéque de Spire , la première d'en- tr'elles n'était pas précisément une tribu , mais plutôt le corps de la noblesse» une curie, marchant en tête des tribus plébéiennes eo vertu de son droit propre.

En effet cette première tribu conserva même après la révolution du commencement du seizième siècle le nom de tribu des chevalien , et elle se composa non-seulement des anciens castrensei et des autres membres des familles patriciennes restées dans la ville , mais encore des professions réputées libérales ou plus ou moins en rapportavec la noblesse. Ainsi à Landau, au moins à partir de i 51 7 et peut-être même de 1508 ou de 1504, les écrivains, les rentiers, les verriers, les financiers ou argentiers , les chirurgiens-barbiers , les divers officiers municipaux et même les hôteliers , (<) faisaient partie de la tribu des

DBlRNBAUM, page 115.

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TILLES LIBRES ET imbtrALBS DE L'ANGENNE ALSACE. SIS

cbëvatters, les ans sans doute parce que leurs foDCtioDS les ennoblis- saient en quelque sorte » les autres parce qu'en raison de leur profes- sion même ils se trouvaient en relations plus directes avec l*aristo« craUe. On devrait supposer que l'annexion des hôteliers dflftait surtout de la réaction démocratique , cette classe de la bourgeoisie ayant intérêt i se mettre le plus possible sur un pied d*égaHté avec ttM patriciens» principaux habitués de ses poêles ou buvettes» (TVttiefc- Siuben) , et pour la plupart ses débiteurs. Cependant comme la mêniis aasimilalion des hôteliers aux professions nobles se retrouve dans beaucoup d'autres statuts municipaux d'Allemagne » et ce » même dans des villes soumises au pouvoir féodal d'un simple baron » on pourrait l'attribuer à un préjugé populaire et à une sympathie généi^te en leur faveur, sympathie qu'expKquerait le goût prédominonit des vieux et bons Allemands pour la boisson et dont » en tiraift un peu tes choses par les cheveux , on découvrirait le germfe dans ce titre de 6f»$h hôte » donné naguères par les Franks âf leurs cbeft et à leurs juges.

Les autres tribus de la bourgeoisie de Landau étaient : celle du hoi$t comprenant les tonneliers» tourneurs» charrons » charpenilers.

Celle des lotUeun» à laquelle appartenaient les fripiers et 'reven- deurs de vieux habits.

'Celle des cordaitnierM et savetiers.

Celle des matùm , y compris les tailleof^ de pierres et -potiera.

Celle des marchamU de 1^ cloise » ou commerçants en draps » en soie et en cuirs.

Celle des marchandé de P elaue » tels que merciers » conAseurs » tMieurs » marebands de comestibles.

Celle du /eu on des serruriers» maréchanx-ferraflts » armoriera^ couteliers.

Celle des tanneurt et ehamoueurs.

'Celle des bouehen, d'où dépendaient les saucissiers » chandeliem» snifflers.

Celle des boulangers.

Celle des braueun et garçons brasseurs.

Celle des vigneroni. (i)

Les chefs de ces diverses tribus étaient élus chaque année par les membres de la tribu. Ils étaient de véritables fonctionnaires et comp-

ntoiaitiii» p. iiS.

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Si6 RETOB h'àlMa.

tables I chargés non-seulement de la police de la tribn » mais encore des recettes et des dépenses qui la concernaient comme corporation ; chaque tribn et chaque fraction de tribu ou métier avait sa bannière.

Il est probable que cette organisation en tribus d'artisans datait du treizième siècle ou du quatorzième , et était contemporaine ou du grand mou?ement municipal provoqué et encouragé par la chute de la maison de Hohenstaufen , ou au moins de la révolution démocra- tique de Strasbourg » pendant les luttes de Liouis de Bavière et de Frédéric»le-Bel d'Autriche. Le nombre des tribus dut être plus res* treint à cette première époque » quelques unes même » telle que celle des brasseurs ne se formèrent sans doute que longtemps après. Les deux tribus de marchands dites de 1^ et de S* classes témoignent de l'importance du commerce de Landau ; pour diviser ainsi en deux classes les vendeurs de produits non ouvrés par leurs mains « il fallait que le commerce fût non-seulement très-considérable en gros et en détail, mais occupât un grand nombre de personnes.

Les dénominations de tribus du boU et du feu ont quelque chose d'ingénieux; cette classification des métiers ressemble à celle de quelques grands établissements industriels de notre temps , elle est fort remarquable dans un petit centre de population cbaque métier devait dans l'origine empiéter sur le métier voisin, et la sépara- tion du rabot et de l'enclume n'a pu se produire que par un fort déve- loppement d'industrie.

Le rang assigné à la tribu du bm ou des tonneliers , menuisiers » charrons , etc. , indique aussi que ces métiers étaient les plus floris- sants à Landau à l'époque de l'organisation en tribus. Ainsi les tonne- liers marchaient immédiatement après les chevaliers; on pourrait se demander pourquoi pas les marchands « qui « n'étant pas artisans ou ouvriers de leurs mains , avaient plus d'analogie d'éducation et de fortune avec les patriciens et les professions assimilées à ces derniers? Serait-ce parce que les cinq premières tribus étaient plus anciennes , et parce que les autres ne furent que des démembrements des premières , démembrements nécessités par l'extension du commerce et de l'industrie? A Strasbourg , par exemple» les négociants for- maient la sixième tribu , et ils étaient précédés par les bateliers ou industriels en bois. Hais à Strasbourg l'expansion démocratique fut beaucoup plus prompte et plus complète qu'à Landau , les tribus d'artisans avaient un certain nombre d'afiUiés étrangers à la profession

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VILLES LIBRES ET IMPÉRIALES ME L'ARGIEMNE ALSACE. S17

indiquée par la bannière» et que pour cela on appelait dérisoirement membres oisirs on fainéants {BÊûssiggœnger) ^ ou plus oflBcleliement Zudienrr (assistants), (t) Cette admission des rentiers et des gens de loisir (Contioffler) dans les sections d'artisans devait avoir plus d'un inconvénient, que la constitution de Landau parait avoir voulu éviter en rangeant dans la tribu des chevaliers tous les bourgeois sans profession manuelle ou commerciale.

Il faut d'ailleurs bien se garder de confondre ce qu'on peut appeler la démocratie du moyen-âge avec ce qu'on entend généralement au- jourd'hui par ce mot. Les tribus de métiers ou d'artisans , quelque démocratiques que fussent leurs tendances et leurs entreprises» étaient des corps presqu'aristocratiques » si on veut les comparer à la liberté des individus et des professions dans nos sociétés modernes. Ao moyen-âge c'était la corporation qui visait à l'indépendance et ;iion l'individu. Le Zunftmeister avait dans chaque tribu une autorité qui pa- raîtrait bien arbitraire et excessive aujourd'hui : N'était pas d'ailleurs artisan qui voulait ; pour appartenir à une tribu quelconque il fallait être reçu par cette tribu , il fallait » sauf l'exception des Zudiener stras- bourgeois, faire ses preuves de cordonnier ou de tonnelier ou de tailleur comme le gentilhomme était obligé de faire ses preuves de noblesse pour entrer dans tel ou tel chapitre; en un mot, les asso- ciations d'artisans pendant les siècles féodaux étaient de petites oli- garchies , vivant de privilèges comme la noblesse.

Le diplôme de i29i par lequel Rodolphe de Habsbourg conféra i Landau tous les droits et privilèges de la ville de Haguenau , semblait autoriser implicitement cette ville à avoir un atelier monétaire. Sous Albert i** il y eut en eflet un fief caurense de monnayeurs à Landau » bien entendu de monnayeurs au coin ou poinçon impérial. Mais l'im- pignoration de la ville et de ses fiefs castrenses à l'évéque de Spire fit passer peu après aux mains de l'évéque ce droit de monnaie. Con- serva-t-il l'atelier de Landau ? o'est ce qu'il est difficile d'établir. Il avait déjà , comme abbé de Wissembourg et comme évéque de Spire»' droit de monnaie , ces droits locaux conférés au même prince ne tardèrent pas à se confondre ; l'usage des bractéaies muettes , ce mode monétaire si expéditif » si mobile , si défectueux et si barbare , ne permet pas de suivre l'application du droit de monnaie à Landau

(') HsaEMAiCf » iVoffCM histariqu€$ » itoHitifuM » etc. » Und. u , p. 3,

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31:8 EEVUK n'àUUCM.

^fldam la période de reogagemeot à. l'évéché. Wisaemboarg Tut iMms- keiireux $ou8. ce rapport , parce que Tabbaye avait » même lors- qu'elle étaii gouvernée par le même prélat que l'évéché de Spire , son coin particulier. Il est d'ailleurs assez probable que pendant cette période l'atelier de Landau , s'il exista » ne fut qu'une succursale de l'atelier épiscopal de Spire , et eut par conséquent le même coin ou le même poinçon ou le même moule gravé en creux pour les solides doubles ou unifaces» comme pour les bractéades* les uns et les autres éiant surplus également anonymes.

La busse monnaie » car il but bien appeler par son nom cette inva- siMi de ietoBS anonymes ayant cours forcé et dépourvus de valeur intrinsèque» offrait des ressources fiscales trop faciles et trop sûres de rimpoaîté pour que les petits souverains ecclésiastiques et laïques de l'Allemagne se fissent faute de la substituer dans les ateliers dont ils disposaient aux solides impériaux plus ou moins conservateurs du titire et du poids carlowingjens. Quelques uns de ces seigneurs , et sprDout ceux qui appartenaient à l'Eglise » avaient cependant le scru- pule d'établir deux, aiteliers » l'un de monnaies à titre et à poids plus réguliers qu'ils signaient de leur écusson ou de quelque signe destiné à les. bire reconnaître, l'autre de bracLéates libres, formées des alliages les plus divers, Eohl-Mûnum, Blech-lfunuen ^ Schûssel' Mûnuen. destinées à servir de monnaie vulg^iire, de monnaie du peuple , dans l'étendue de la seigneurie et qui , une fois sorties , étaient proscrites par le seigneur lui-même comme entachées de fausseté, et ne pouvaient plus rentrer, (i)

Il serait possible aussi que les monnayeurs de Landau , car il n'est pas douteux qu'une partie des patriciens de cette ville n'ait porté ce titre synonyme de noble au moyen-âge féodal , se fussent trouvés tenanciers d'un atelier établi hors de la ville dans un des fiefs cas- iremet qui en dépendaient ou même sur quelque territoire de mou- vance indépendante de Landau. Avoir un atelier monétaire ou avoir dana ses murs des monnayeurs sont chose fort différente et qu'il ne but pas confondre. Tels monnayeurs pouvaient résider à Landau et être bénéficiers ou oflBciers d'un atelier existant hors de Landau. Cela est vrai surtout pour les monnayeurs (Mûnix-Genouen , MûntZ"

(*) Bnai Idêtoriquê êur ViÊiMimmê m(mniriê de Si^ parL Lbvxaqlt,

pages S52 et suifaotes.

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VILLES LIBRES ET DIPÉRIALES DE L'ANHEMNE ALSACE. 519

Jlwnkem , Mûntz^Herren du quatorzième et du quinzième siècles , les bractéates et semi-bractéates unifaces changeaient souvent d'ate- liers « les impignorations monétaires étant devenues un abus dont il importait de dérober le scandale au public et surtout à la chambre impériale. Tant Ton était déjù loin du temps Tévéque de Stras- bourg, Archambauit, prescrivait à ses monnayeurs de faire battre toujours la monnaie dans une seule et même maison afin que tout le monée pût être témoin de la besogne ie$ ouvriers ! {^)

L'atelier des monnayeurs domiciliés à Landau a être caché pen- dant la période des plus mauvaises bractéates anonymes dans quel- qu'un de ces châteaux possédés en commun par les Burgnuenner de cette ville. S'il faut ajouter foi à Sébastien Munster, ces châteaux au- raient été en très-grand nombre aux environs de Landau, car il compte jusqu'à trois cent cinquante villages et hameaux groupés dans un rayon de deux milles d'Allemagne autour de la ville , et dont plusieurs auraient eu leur Burg. (^)

Parmi ces Burgs était Drachenfels, qui n'est pas le seul château de ce nom dans les contrées rhénanes , et qui » en partie allodial , en partie fief palatin de Denx-Ponts-Bitsche par provenance de l'abbaye Klingen , fut assiégé et rasé plus ou moins , comme servant de repaire des brigands, par les intrépides milices strasbourgeoises en J355. (') Ce château de Drachenfels relevé ou réparé peu après , cédé par la maison de Deux-Ponts-Bitsche à un chevalier Eckbrecbt de Durckheim, mais pour une part seulement, et pour l'autre part inféodé par Télecieur palatin à plusieurs associés nobles de Landau (Burgnuenner ou Ganerben) n'a pas cessé déjouer un rôle assez néfaste dans l'histoire féodale de la frontière alsaio-palatine. La tradition veut qu'il ait servi i des faux-monnayeurs , et il était maudit dans la contrée même avant le temps de François de Sickingen et de ses vingt-trois compagnons de ganerbinat à Drachenfels. Sa prise en 1517 par l'électeur palatin , l'électeur archevêque de Trêves et le landgrave de Hesse fut , comme l'on sait, un de ces faits d'armes populaires que l'histoire et la poésie se sont plu à célébrer. (^)

(*) Buai hiêtoriquê $ur Vaneienne monnaie de Strasbourg , p. 146. (') Sébastien Munster , Cosmographia , lib. ii, cap. clv. (*) Kqenigsboten , cap. v, p. 322.

n ScBLEGfiL, tfi 9ita Casp. aquUœ, p. il2 , et Barth. Latomos, voyez Scrip- torss rsrum germ, , lom. ii , p. 130.

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3S0 BBVOB D'ALaAGB.

LechflleaiideHadenbonrg, donl il a d^jà été qoesliOD dans ce travail , pourrait aussi avoir servi d'atelier aoonyme pour ces Sehuud- Uûnizen et HohUMûntzen qui inondèrent l'AHemagne dans les qua- torzième et quinzième siècles» et dont, à l'instar des monnayenn mayençais , les nobles monnayeura landaviens ont se rendre les éditeurs peu scrupuleux.

Enfin un autre château non loin de a pour lui ou contre loi om notoriété plus grande encore, le chflteau de Scharflenberg ou Scbar- feneck» encore aujourd'hui appelé dieMûntze (la Monnaie) (t) et situé à côté de l'antique cbAteau à'Andm sur l'une des trois crêtes de rocbera à pic qui ont valu son nom à la non moins antique ruine castrale de Trifels , si célèbre pour avoir servi de refuge à rinfortoné empereur Henri iv après son excommunication et la révolte de ses fils, de résidence à Frédéric Barberousse , et de prison à l'archevêque Adalbert de Hayence, au margrave Wiprecht Groltscb de Lausitzet au roi d'Angleterre Richard Cœur-de-Lioo, 0

Ce château de Scharfenberg possédé avant l'année 1307 par Jean de Châlons , seigneur d'Arles et inféodé à cette époque , 1307 , par l'emiiereur Albert i"' à son protonotaire Nicolas de Spire , (>) éuit en I3i8 aux mains de Nicolas Bernbach, chanoine de Spire , qui Favait cédé à trois ganerbiens, Epho, doyen de Spire, Pierre d'Erbqltzbeim et Emich Wollensleger , chevalier. Ces trois ganerbiens sentent déjà fort les faux monnayeura de bractéates anonymes. El il semble que ce fut pour leur arracher la monnaie que Louis de Bavière inféoda Scharfi'nberg en 1339 à Eberhardt , abbé de Wissemboorg* Cette inféodation motivée par une acquisition antérieure de 1334, que l'abbé Jean de Frankenstein obtint d'un Sigismond de Mulhnhoven, parait n'avoir pas été suivie de mise en possession , car en 1366 seule- ment Jean , abbé de Wissembourg , successeur d'Eberhardt , fut insulié à Scharfenberg par l'électeur palatin Robert. («) Tel éuit apparemment l'importance monétaire de Scharfenberg dans ce temps de fabrication sans contrôle que les abbés de Wissembourg, gardiens

{*) G. LOBSTEIN , Hiitorùekê Naehriehtm Ubêr dm TrifnU , p. 7. f ) GoSTB , NoticB sur Trifeli^ Rwue d'Àlêac$ de 1881. (*) ScBOBPFLiif , AU. ill. , tome ii , Terres de Tévèché de Spire. (*) L. Sfach , Vahhaye de Wiuembourg , p. 137 , note dsns le tome i*' du BulkHn de la Société de coneervaHon dee momumehU hieUniquee d'Àleoee,

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VILLES LIBRES ET IICPÉRIifLBS DE l'aNOENNE ALSACE. 5^1

eo général assez coiwdencienx da coin ofl3ciel on 1^1 , comme le fareùi pteaqae to«s les princes ecclésiastiques , durent faire d'assez larges concessions à leurs tenanciers de Sebarfenberg , Wentz de UnzwiUer en 1408, Jean de Witenmâble en 1425, Spirer dit Altdorf Cleisel en 444S, Kontz PfOI d'Utenbach en 4445, et Reinfried Jong- ISintli en 4447 , (i) pour empécber le retour des monnayeurs ano- nymes. V^rs h On dti qninaème siècle , lors des luttes entre Tabbaye de Wissembourg et l'électeur palatin, le fief de Sebarfenberg, dont disposait, on ne sait i quel titre, le duc de Bavière Alexandre, était redevenu un ganerbinac qui compuit parmi ses membres des patriciens de Landau. L'émission de la monnaie anonyme dut donc reprendre à Sebarfenberg et continuer jusqu'en 4554, époque rOM Rndiger inféoda ce chflteau i Robert de Deux-Ponts-Teldentz, petit-fils de Louis4e-Noir, qui en 4400 l'avait remis aux mains de l'électeur Frédéric i". («)

Le retour que nous venons de faire vers l'époque antérieure à la complète émancipation de Landau a eu pour but de montrer que si des Bwgnwsrmer de cette ville se trouvaient avoir fabriqué dans ses nrars ou au-dehors des bractéates muettes , Landau ne saurait en être responsable devant le tribunal de l'histoire au moins tant que . dura son engagement à l'évéché de Spire. Une fois libre et pourvue , diaprés les termes mêmes du diplôme de Haximilien i«', du droit de disposer des anciens fiefs caurenies , la ville a-t-elle usé pour son compte des privilèges monétaires attachés selon toute apparence à l^un ou à l'autre de ces fiefe? Si elle l'a fait, il parait au moins qu'eMe n'a pas eu de coin à elle , car on ne connaît pas d'autres monnaie» commémoratives de Landau que les pièces obsidionales du siècle de Louis xiv. (S)

Cependant die aurait eu le droit de battre monnaie, non en vertu d'un diplôme spécial que Schœpflin confesse avoir vainement cher- ché, (^) et que H. de Berstett croit n'avoir Jamais existé , (') mais en

{*) L. Spach, Vahbayede Wiuembourg^ note dans le tome i*^ du BulUHn de la SœUti ctmurwaioH dtê momimmCff hi$toriqmu d^AUaee , ptge i57. (') ScHCEPFLiN , Alt. iU. , tome u , Terres de réyèché de Spire. (') Berstett , Venueh nner MOnU-GetehiehU dtê BUasm , p. 22. {*) ScHOEPFLiM , AU. iU. , tome u , page 399. (') Bebstett , page 23. d'Amie*. 21

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323 REVUE D'ilLSÀCE.

vertu des diplômes impériaux qui lui conféraient tous les droits pré- cédemment accordés à la ville de Haguenau. Ëi^ n'usant pas de ce droit de monnaie la villQ libre et impériale de Landau pourrait avoir été retenue par la conscience du discrédit des anciennes monnaies anonymes de ses Burgmœnner de Tépoque épiscopale > noble exemple de désintéressement qui prouverait le haut degré de moralité des bourgeois, et leur soin de répudier toute responsabilité des pièces de mauvais aloi antérieures à leur liberté.

Avant l'engagement de Landau à la ville même » le tribut annuel ou Steuer impérial à payer à Tévêque de Spire était de SOOilorins d'or. Ce tribut , après avoir fait retour à l'Empire en i5ii , fut cédé à la ville en i5i7 , et elle ne fut plus assujettie qu'à une redevance de 45 florins d'or à la chambre impériale , avec exemption du droit de pro- tection que les autres villes de la décapole , à l'exception de Wissem- bourg , de Munster et de Landau » devaient payer au landvogt d'Al- sace. {}) Landau était aussi exempt de prêter serment à r{7n<er- Yogi. (^) Son contingent pour les guerres de l'Empire diies expéditions ro- maines , était de deux cavaliers complets et de dix-huit fantassins. Landau , comme les autres villes de la décapole » avait en outre des frais de cotisations accessoires et accidentels. Ainsi pour toutes dé- penses provinciales ou autres ù supporter en commun par les villes d'Alsace , Haguenau et Colmar avaient à fournir la moitié , Schlestadt et Wissembourg le quart» Landau ei Obernai l'un des. huitièmes , tandis que l'autre huitième était réparti entre Kaysersberg, Munster, Turckheim et Rosheim. Les frais éventuels étaient parfois assez con- sidérables et avaient pour but de contribuer aux dépenses des guerres de l'Empire ainsi en i628 , lors de la guerre de ^rentç ans Landau fut taxé à 250 florins d'or. (3)

Landau , conune les autres villes impériales d'Alsace , avait dans les diètes la préséance sur la noblesse immédiate, malgré les contestations de la noblesse , contestations qui ne paraissent avoir commencé qu'au seizième siècle. (^)

*

(') ScHCEPFLiN, Altai, ilkitt. , tome ii. Landau, par. 754, et par. 527.

(') Ibidem , par. 527.

n Ibidem, par. 522.

(*) Ibidem , paragraphrs i>âl oi 717.

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VILLES LIBRES ET IMPÉRL4LES DE L'ANCIENNE ALSACE. 323

Les armes de Laodau » telles que nous les montrent les sceaux et les titres de l'ère d'indépendance sont de gueules à la porte d'argent surmontée de deux tours de même , desquelles issent de chaque côté trois personnages, les deux premiers paraissant représenter des moines ou des clercs à genoux » et les deux derniers des gardes son- nant de la trompe ou du cor. La porte est sommée d'un écu d'argent à lion de sabk debout et attaquant. Cet écu est soutenu par deux personnages à tète nimbée , placés l'un à dextre, l'autre à sénestre, dans l'angle de l'écu et de la tour. Ces deux saints sont probablement ou S' Guillaume et S* Eberhardt, patrons de l'église curiale, ou S' Justin , patron de l'église dite chapelle , et S^ Catherine. La porte est accompagnée d'étoiles en pal de chaque côté, deux autres étoiles couronnant l'écusson et deux en support. Sous la période française ces étoiles Turent remplacées par des fleurs de lys d'or.

Le territoire de Landau comprenait , à l'époque nous sommes parvenus, les trois villages de iVuM(ior/f, Damheim et Queichheim. Le village de Mulhausen^ dont le marché transféré à Landau par concession de Rodolphe de Habsbourg, avait été l'origine des démêlés de la ville avec les comtes de Linange et l'évéché de Spire , n'existait déjà plus , ses habitants s'étant empressés, dès l'époque de la première enceinte de la ville , de se fondre dans la population urbaine. (<) Plus tard 9 en 1462, (*) le territoire du village abandonné fut acquis par la ville , mais deux ans après cédé par elle aux comtes de Linange à titre de fief épiscopal de Spire , (^) transaction destinée , comme il y a lieu de le croire , à terminer les diflërends féodaux nés des préten- tions des Linange sur leurs anciens vassaux de Mulhausen devenus bourgeois de Landau. La population de Landau s'était aussi accrue à cause de son enceinte, cette amorce si puissante au moyen-âge i des paysans A'Iizingen et û*Ober'Bomheim ou S^*Justin , dont le territoire quoiqu'acquis depuis longtemps par la ville était encore néanmoins au seizième siècle grevé de dîmes au profit de quelques familles nobles ou de bourgeoisie impériale , entr'autres celles de Haller et Lang. (^) Les habitants d'ObeuBomheim ou S^-Jttfitn une fois établis à

(') ScHCEPFLiN , Aliat. illuitr» , tom. il, par. 729. Landau, (•) Ibidem , par. 738.

('} SiMûNis , Besehreibung aller BUchoffm zu Speyr, (*) MoSER , Rviehi Hoffratki Procen , lom. m , p. 736.

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324 REVUB D'ALSAGB.

Landau donnèrent ausai an patron de lear TiUage droit de boorgeottie dans la ville » en lui faisant dédier l'église dite chapeUe fondée nm un couvent de religieuses sur Tancien empiacenent du chfttean de Rymberg en vertu d'un dipidme de Frédéric-le-Bel d'Autriche, daté de Scblestadt le S des kalendes d'avril 1315. (t) Cette église dont le vaisseau existe encore et appartient à un particulier , se voit , quoique masquée en grande partie par une construction moderne» derrière la halle commerciale {Kaufhauie). D'après TinscriptioB d'un des piliers elle aurait été bâtie en 1344, quoique son caractère soit plutôt celui du quinzième siècle. Le couvent de religieuses , qui y atlenàit i a servi depuis aux dépendances de l'hôtel de la Fleur et à quelques maisons voisines. La cloche de cette église servait à appeler aux séances les membres du magistrat et du sénat. On y voit ou w y voyait encore , il n'y a pas très-longtemps , quelques pierres sépul- chrales , et puisque nous y sonmiee , nous anticiperons sur les évé- nements qui nous restent è rappeler , en citant dès à présent ce fait d'une femme tuée par un boulet dans celte église pendant le siège de 1704. (3)

Le village de iVtii«dor/f ou Nutdarf éiBii une ancienne dépendance de la seigneurie de Madenbourg. Il fut acheté par la ville de Landau à Conrad de Heydeck ou Heddeg en ilS08 pour la somme de 3000 florins. Ce village avait trois siècles auparavant , en iWè, donné lieu à d'asseï vives contestations entre l'évéché de Strasbourg d'une part et d'autre part Bertbold et Henri de Seharfenbeiig , la tenancière de Nussdorff, une certaine dame Bertrade ayant été déclarée avec son frère» ses fils «t ses agnats mmiitériate de l'église de Strasbourg, tandis que les sires de: Scharfenberg prétendaient qu'elle était leur mnisiériak. (^) En 4498 Jean de Heydeck avait aCfrandii les paysans de Nussdorff de l'obligation de fournir des corvées à Madenbourg , attendu l'éloignement de ce château. Originairement l'électeur palatin et fai ville de Spire avaient des hommes en propre dans ce village , l'évéché de Spire et la maison de Linange y prétendaient aussi des droits , si bien qu'après avoir acquis Nussdorff de Conrad Heydeck ,

(*) Sghoepflin » Ali. Biplom. , u>m. n , p. IIS ,

(') BiRNBAIJH.

(') SCHOEPFUN , AU, ilL y tom. n , par. 30Si , Terres de Vévêché de Spire , et par. I!$06 , Propriétés des wlles libres.

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VILLES LIBRES ET IMPÉaiÀLES DE L'ANCIENNE ALSACE. ^ ÔTÔ

la ville de Landau dut encore payer 200 florins d'or à Emîcon de Li- nange , uSn d'éviter tout conflit avec cette maison » qui lui avait si souvent déjà été hostile. Au surplus Nussdorff ayant été une dépen- dance de Madenbourg devak déjà avoir été possédé par Landau dans le quioEièilie siècle, lorsque la ville acquit l'hypothèque du chftteau , et ce Alt probablement pour rentrer dans d'anciens droits on pour mettre sa possession à l'abri de toutes réclamations ultérieures qu'elle traita à la fois avec le tenancier de Madenbourg , Conrad de Heydeck et avec Emicon de Linaoge.

Datnhem étpit possédé par la ville de Landau depuis 129S en vertu de la concession à titre onéreux d'Adolphe de Nassau , dont il a déjà été fait* mention. C'était primitivement une ferme impériale , compre- nant des hommes > des terres arables et des forêts, et devenue village, comme presque tontes les anciennes fermes impériales > par le béné* fice du temps. {^)

Nous avons vu qu'avant d'être ville et d'avoir son enceinte de murs Landau faisait partie de la cure probablement régionale de Queich^ Adm, et qu'une fois devenue vHIe , l'aBnexe absorba le chef-Ueu ecclé" siastiqueetméme le domaine temporel. L'engagement de Queichheim'i révêché de Spire consenti par la ville pour vingt ans, en 1465, ne donna lieu à rachat qu'en 1958, suivant Schœpflin, (>) mais il est plus que probable que dès 1808 ou au moins 4547 Qu^hheim Ait retiré par la ville, et en devint dès lors un domaine utile. Ce rachat de 4588 aura suivre d'assez près un nouvel engagement temporaire moiivé peut-être par les embarras pécuniaires de la ville à la suite du séjour bit en ses murs par Charles-Quint et du passage sur son territoire de l'armée de Henri n, roi de France.

Indépendamment de ces trois domaines la ville de Landau possédait aussi de nombreux droits de Geraydie ou Gere^dt. Les geraydies fOidtyenf Hayngeraidt^ Bruderschaffi , Canfrateniiiai , GerdUe^ WMgenaêienJ sont une des coutumes alsaciennes les plus anciennes , et la tradition en rapporte Torigine à l'un de nos rois Dagober^ Elles sembleraient dans ce cas être nées bien près de Landau , car d'après les traditions frissemboui|[ecrises le testament de Dagobert en foveur des geraydies fut écrit par un certain Emfericus Morolius, alors que le roi

(*) ScHOEPFLiN, Altat. ilhut, , tome ii , par. 806 et 732. L*) Ibidem, par, 730.

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326 REVUE d'alsàce.

habitait le château de Landeck , (>) avant de se rendre à celai de GockUnga. Ce qui parait prouvé c'est l'espèce de parenté des geray^ die$ avec les deux mundats d'Alsace , et surtout avec le mundat de Wissembourg. Schœpflin qui fulmine très-vivement contre le malen- contreux Emfericus Morolius a compté seize geraydies qui s'étendaient depuis la Queich et par de cette rivière jusqu'au-delà de Turck- heim. (<) Ces droits d'usage forestiers accordés ou possédés de temps immémorial constituaient en faveur des localités usufruitières une sorte de propriété par indivis moins viagère et moins conditionnelle que celle des colonges et des ganerbinats avec lesquels d'ailleurs elle a plus d'un point de ressemblance. C'était en effet Tassociaiion établie entre certaines localités au lieu ,de l'être entre certains nobles ou entre certains fermiers plébéiens. La geraydie dont Landau avait sa part était In septième et la plus considérable» elle comprenait des territoires situés sur les deux rives de la Queich et avait plus de seize lieues de circuit , près de vingt lieues suivant Schœpflin. C) On l'ap- pelait Gereydt de Godranutein ou Oberhayngereydt , et Landau foissiit partie de la troisième Zent ou division de cette geraydie » {Vnter" Zent). Ses co-partageants étaient les villages bourgs» châteaux , ou lieux d'exploitation de Godramstein, de Siebeliingen, de BurckweSer, de Grevenhausen , d'AWersweiler , de Frankweiler , de Queich^Ham" bach , de Savnt^Jean » de RûsseUorff et de DahUnheim. En outre , la ville de Landau avait ou prétendais» à titre d'ancienne engagiste de Madenbourg » des droits de forêts dans la confratemitas ou geraydie de LerazweiUr. Quant à l'autre geraydie , ses droits sont établis par un titre de 1291 de Rodolphe de Habsbourg » titre qui témoigne de l'an- cienneté des Gereydu d'Alsace dès cette époque. Etrange chose que ce moyen-âge l'on voit les faibles et les manants autorisés par des chartes et en vertu de droits préexistants à entrer en partage des domaines royaux , et l'association à tous les degrés cdtoie le vas* selage » les ganerbinats nobles » les colonges » les geraydies sem- blent autant de précurseurs ou d'aïeux pour ces questions d'associa- tion si redoutables et si ardues en nos sociétés modernes !

(^) Jac. Beyrlini, Antiquit. Paka. in Miegii monummUii, p. 261 , et 7rtuf. Wiisemhurgemu.

(') SCHILTER , Cod. Jur. Feud, akm, de euriit Dominical , pag. 575 , et ScBGEPFUN , Altai. m, , tom. Il , par. 215.

(') Ibidem I époque francique, par. 64 et 65.

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VILLES LIBRES ET IMPÉRIALES DE L'ANCIENNE ALSACE. 527

ÉPOQUE DE LA RÉFORMATION.

Tel était dépuis bien pea de temps Télat civil et politique de Landau lorsque la nouvelle cité libre eut à passer par deux terribles épreuves, la guerre des paysans et la réformation.

Dès les premières controverses du moine audacieux de Wittemberg la doctrine du libre examen avait rencontré un ardent adepte i Landau. Jean Bader était curé de Téglise collégiale de cette ville. Jeune homme de passion et d*énergie , érudit théologien, préilicateur fougueux, il ne tarda pas à embrasser avec enthousiasme la cause de Témanci- pation religieuse. II avait été précepteur de Louis ii , prince de Deux« Ponts, qui fut par la suite Tun des protecteurs du naissant protesun- tisme en Allemagne > (}) et il était en relations actives avec Jean Schwebel, le réformateur de la cour de Deux«Pont8. C) Bientôt les sermons de Bader dans la chaire encore catholique de Landau de- viennent si hostiles à la vieille orthodoxie , que les chanoines s'é- meuvent; ils croient leur conscience Intéressée à ne pas tolérer dans leur collégiale un langage aussi hardi , aussi subversif des traditions , et ils dénoncent le curé à i*évéque de Spire , qui » en perdant ses droits temporels sur Landau, y avait conservé la juridiction spiri- tuelle. Hais Bader ne tient nul compte de ces premières protestations, et Ton peut présumer que les rancunes encore mal éteintes des bour- geois nouvellement émancipés de Landau contre leur ancien enga- giste , l'évéque de Spire , aidèrent puissamment l'opposition de Bader à l'évéché , ainsi que l'œuvre 4e la nouvelle foi au sein de la cifé. En effet la réforme religieuse ne devait pas seulement apparaître aux yeux d'un grand nombre de Landaviens comme une conquête de la liberté de conscience , mais comme une garantie de plus , une sorte de fortification de plus contre l'ancien seigneur ecclésiastique ; elle mettait plus d'intervalle entre ce dernier et la ville ; elle sanctionnait pour ainsi dire et semblait devoir rendre éternel leur divorce. Si l'on veut bien creuser l'histoire de cette époque , et si , pour la mieux apprécier, on se dégage un instant des préventions de l'esprit de

(*) ROEHRiCH , lom. i«, pag. 589.

(') M. Th. de Bossierre , Histoire de la Réformation à Strasbourg , tom. i«% page 319.

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S28 REVUE D'aLSAGE.

parti 8oit catholique, ftoit protestant» on trouvera assez généraleiDent les mêmes causes pour les mêmes effets. Oui , presque partout les villes TEglise posséda le plus de privilèges séculiers furent aussi les premières à rompre avec l'EgUse, presque partout des rivalités purement temporelles amenèrent les divorces spirituels» presque partout, comme à Strasbourg, à Munster, à Wissembourg et à Landau , entr'autres villes d'Alsace , la bourgeoisie se fit protestante parce qu'elle avait ou croyait avoir des griefs mdns contre r«nsei« gnement que contre le pouvoir temporel ou les prétentions de pou* voir temporel du clergé catholique. Les meilleures institutions, et sous le rapport historique celle du pouvoir temporel de l'Eglise est de ce nombre , ont ainsi leurs époques néCutes l'on ne tient jplus compte des bienfaits ou des services du passé , et les paisioiis du moment détruisent sans rien ou presque rien édifier en place. Peut- être la ville de Landau, ù l'exemple de ses soeurs les villes d'Obemai» de Schlestadt , de Rosheim et de Kaysersberg » serait*elle resiée seizième siècle à la religion catholique » si elle n'eût pas eu si longleiups pour chef féodal ou engagiste un évéque ?

En 1522 la réformation naissante eut. à Landau deux promoteurs bien4liSérents, quoique tous deux également aaife et puissants. Si l'un était prêtre, l'autre était soldat , François de Sickingen aussi terrible à l'orthodoxie catholique par l'épée que Bader par la parole. Singuliers alliés que ces deux hommes, l'un aussi brouillé jivecil'iBoH pire que l'autre avec la papauté, et s'attaquant avec Jine mène ardeur , chacun de son côté , avec des armes différentes , à l'aniorité temporelle et à l'autorité spirituelle.. Ce baron féodal et €e «prêtre représentent tons deux parfaitement cette alliance des passions veli- gieuses^et des ambitions terrestres auxquelles est le suooès de la réformation en Allemagne.

François de Sickingen, 4'un des principaux membres deganer» binât de Drachenfels et l'un des héritiers des anciens engagistes.de Madenbouif; , était presqu'un eniant de Landau , et avait , dès sa jeu- nesse , une influence fort grande en cette ville. Peu de cbefode parti résument en eux , autant que François de Sickingen , les oaradènss et les abus de l'organisation féodale. On a de nos jours encore, en se faisant fort innocemment l'écho des vieilles passions catholiques et protestantes du seizième siècle, beaucoup trop vanté et beaucoup trop rabaissé ce champion des guerres de religion.

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VILLES LIBRES ET DfPÉRIALES DE L'ANCIENNE ALSACE. 329

Çûadoltier allemand » il noos apparaît dès sa première jeunesse comoie ùMsai fort bon marché des convictions et lenr préféi:aQt les iAtéréts. Ifeus le voyons mettre son épée au service des causes les plus opposées. D'abord , prenant la défense de Georges de Rodalba contre son suzerain^ le comte de Deux-Ponts , il fait la guerre à ce dernier en dépit de l'arbitrage du landvogt d'Alsace et des villes de Strasbourg, de Haguenau et de Wissembourg. Puis avec les soudarts qu'il a réussi à grouper autour de lui , il se met au service de Maxi- milieu et va combattre la République de Venise. Plus ricbe de renom- mie militaire que d'argent à la suite de cette expédition qui tourna mal pour les troupes de l'empereur, il revient à son cbâteau bérédi- taire de Nannstein, près Landstuhl, et obtient d'être admis à la solde de l'archevêque de Mayence. Bientôt la guerre intestine de Worms lui otBrant l'occasion de prendre les armes pour son propre compte , il se déclara le champion du parti vaincu à Worms , parti dont les principaux membres s'étaient, en 1515 , réfugiés à Landau, (i) Frantz de Sickingen marche contre Worms et essaye de prendre cette ville par un coup de main , mais la surprise n'ayant pas réussi , et ayant été obligé d'investir la ville régulièrement, il ne tarde pas à se trouver réduit è lever le siège devant les forces qu'amène l'unter- landvogt d'Alsace. Cet éthec, précurseur de celui qu'il devait quel- ques années plus tard rencontrer devant Trêves , ne le décourage pas. Le voili qui prend bit et cause pour le comte de Hoh-Géroldseck contre le duc Antoine de Lorraine , mais le duc le désarme en lui faisant payer quelques centaines de florins. Notre audacieux aven- turier passe alors successivement aux services opposés du roi de France et de l'empereur Charles-Quint , se vendant ou plutôt se louant au plus offrant avec sa bande de plus en plus nombreuse. Tout-à-coup l'aurore des guerres de religion se lève sur l'Europe centrale , et Sickrogen n'a garde de laisser échapper l'occasion de jouer un rôle important en Allemagne. En se rangeant du côté des partisans de la réforme naissante était-il par un sentiment religieux? D'après ce que l'histoire nous montre du caractère de ce soldat mercenaire, il est permis d'en douter, et l'on ne saurait s'étonner si François de Sickingen embrassa la cause de la réforme plutôt par ambition poli* tique que par dévouement d'apôtre.

(') Archives do sénat de Landau , le vendredi aprèe la Saira-Ofiw 1513.

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550 REVUE D'ALSACE.

C'est à Landau que François de Sickingen forma ou inaugura la première ligue prolestante , dont après lui les principaux adhérents du corps de la noblesse furent les sires de Fleckenstein , de Schwarzen- berg, de Windeck, de Rudesheim, de Venningen et de Durckheim. (<) Cette ligue ne tarda pas à le mettre à la tête de 5,000 reitres et de 14,000 lansquenets avec lesquels il put d'abord remporter d'assez brillants succès, jusqu'à ce que» repoussé de devant Trêves et de devant Lutzelstein d'Alsace , abandonné par une partie de son armée et assiégé à son tour dans son château de Landstuh| par l'électeur palatin » l'archevêque de Trêves et le landgrave de Hesse » il tomba frappé d'un boulet en défendant , quoique malade , la brèche de Nannstein, le 7 mai 1525, sans qu'il ait été possible de déterminer si dans ses derniers instants il témoigna des sentiments de retour à la foi catholique ou d'adhésion à la foi protestante.

L. Levrault. (La suite à la prochaine livraison).

(') BmNBAUM , p. 181 , et dans Mûngh , tome n , p. 188 , l*acte d*alliaace dit li^ de Landau,

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LBS FOUILLES DES TUMULl D'ENSISHEIH.

En parcourant la plaine de l'Alsace, l'observatear atteniif est frappé do nombre de petits monticules qui s'y rencontrent ; on les voit isolés près de SouUz , à Uffboitz , à Bergboltz et à Issenbeim ; agglomérés dans la forêt d'Ensisbeim , près de Wittenbeim et de Battenbeim ; que signifient-elles ces éminences? quelle était leur des- tination ? étaient-ce des points fortifiés ? ou bien sqnt-ce des tom- beaux romains» ou des sépultures germaines comme l'insinue le savant Schœpflin. (i)

Pour répondre catégoriquement à cette question ou a fouillé les tumoli (car c'est ainsi qu'on désigne ces éminences)» on a renversé ces tertres » et des résultats divers ont été obtenus ; à Schlestadt , à Heidolsheim et à Brumath on a découvert des tombeaux; on a ' trouvé dans ces buttes des squelettes » on a déterré des bracelets , des anneaux en or et en bronze » des objets en ivoire ; à Brumath même » M. de Ring a trouvé le couteau sacré du druide avec un kelt en bronze. (^)

Nous aussi » nous avons fait des recherches et nous ayons obtenu des résultats divers. Le monticule de Soultz » que Schœpflin considé- rait comme un tumulus aux Vandales , me renferme autre chose que les ruines d'un château fort ; (') était peut-être le burg d'AIsch- vriller. Un monticule pareil se voit à Bergboltz près de la tuilerie » et cache dans son sein les restes du château des nobles de ce village; (*) à Issenbeim le même fait se répète : aussi existe une butte s'éle-

(*) Alioee illuttréej par Schœpflin-Ravenèz , article tnmuli.

(') BuUeHn de la société pwr la eomervation dei monuments historiques d'Alsace , livraison , tome ii , p. 93.

(') Voyez la Bmme d'Alsace de 1858 , numéro da mois de mars» page 157.

(') Ce cbàteaiii dont il restait encore une tour carrée du temps de Schœpflin , était l'œuvre de la famiUle noble de Bergholtz , dont U est souvent quesUon au treizième siècle.

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352 REVUE D'ALSACE.

vaît le cbâleaa d'Ostein. (<) Nous pourrions maltiplier les ciiations mais celles-ci sont suflBsanles.

Notre opinion maintenant est formée. Nous croyons que les mon- ticules isolés renferment des raines semblables à celles trouvées dans la butte de Saint-Georges, mais nous pensons qu'il y a des tombeaux il y a une agglomération de tertres ; nous faisons cependant une réserve : un cas particulier peut se présenter ; d'un groupe de tumuli il peut n'en rester qu'un ou deux, les antres ayant été nivelés par le Soc de la charrue , comme cela se voit près de Réguisheim et au Westenfeld à Ensisheim. (*)

Ces considérations posées , abordons notre sujet.

La forêt communale d'Ensisheim , (') appelée VAUmend, renferme une vingtaine de tertres ; nous en avons fouillé plusieurs « et nous y avons trouvé tout ce qui caractérise les tombes celtiques : des char* tN)ns provenant du sacrifice, des squelettes , des vases cinéraires , (^) des colliers en bronze , des fibules en ambre , des coulants en ivoipe« mais pas d'armes; étaient inhumés non des guerriers , mais de |]fd8lbles G^es-laboureurs provenant de la population primitive l'Alsace.

Les ouvriers que nous employions, et qui croyaiem que nous étions à la recherche de quelque trésor, étaient saisis d'une sainte liorreur à l'aspect ces vases qui renfermaient des os d'hommes et d'animaux, et à la vue de ces squelettes confiés à la terre il y a peut-être déni mille ans.

Jules-César raconte dans ses commentaires , que dans les temps antérieurs à son arrivée en Gaule et quand un chef de tribu mourait, m

(') Le village (fOstein n'existe plus ; il était situé à l'Est d'Kssenheim. On a déooQVert snr cet emplacement beaucoup de cercaells en pierre qui servent main- tenant â'abrenvdrs.

(*) Les deux buttes de Réguisheim se trouvent vers la fofèt du Rothlenblé , près du Scfawitzerstrœslé , l'ancienne voie romaine qui passait par les maisons du péage d'Ensisheim , et qui se dirigeait par ie.Heidenwincliel de Battenbeim sur Urnnci (Ulzaoh).

(') La ville d'Ensisheim porte un nom celtique ; au huitième siècle , époque Enaisbflim Qgurepour la première fois, on écrivit Enghèsehaim , ce qui vaut dire en celtique Wohnttm, endroit habité. (Sghccpfun , tom. iv , p. 165 , et Mome , CêUitehe Forsehungm),

(*) M. de Ring a emporté une vingtaine de ces unies i dont dei^x sont à i

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LES FOUILLES DES TUMULI D'ENSISHEIM. 335

on brûlait sa femme, ses esclaves , son cheval et son chien ; les osse- ments provenant de ce sacrifice étaient alors renfermés dans des âmes qu'on déposait près da mort.

Noos avons été à même de vérifier ce fait. Dans la tombe N<» 3 nous rencontrâmes un squelette d'homme entre deux couches de charbon; autour de la tète » formant comme une auréole , se trouvaient trois vases hermétiquement fermés qui renfermaient des os d'hommes et d'animaux; il était facile de distinguer sur ces os, les effets de la combustion. Un quatrième vase déposé à la droite du cadavre avait renfermé assurément le dernier repas du trépassé, (t)

Une question maintenant : à quelle époque remontent ces sépul- tures? sont-elles celtiques, romaines, gallo-romaines ou mérovin- giennes?

Les Romains brûlaient le cadavre , car ils avaient horreur des vers et de la putréftction ; cette société délicate tenait à une longue durée matérielle et elle demandait au feu de purifier les restes de l'homme, afin de conserver plus longtemps ces restes; les cendres étaient dé- posées dans des urnes , les unes en plomp , les autres en verre , et d'autres enfin en terre de toute forme et de toute couleur. (^ Les tnmuli l'on trouve des squelettes ne sont donc pas des tombeaux romains. Ils ne datent pas non plus de l'époque mérovingienne. En tWdi , chez le Franc , le corps est rendu à la terre , le cadavre , après avoir séjourné quelque temps sur le sol , est déposé dans un coffire de bois ou dans un cercueil de pierre , puis descendu dans une fosse. Ce squelette est confié à la terre , couvert de ses plus beaux vête- ments et paré de son plus riche butin , et , comme derniers témoins de cette coutume disparue , nous trouvons autour du mort la lance , la hache , le sabre , le poignard et le casque en fer. Dans ces tombes aussi , l'on trouve les indices du christianisme et souvent le mono- gramme du Christ.

Dans les tombes celtiques , dans les tombes gauloises , dans les collines funèbres appelées tumuli , on voit peu de fer , mais du bronze,

(*) M. de Ring fournira un rapport détaillé quant à ce qui concerne les objets trouvés : chose curieuse , pas une seule médaille , pas une seule arme n'a été ooDStatée ; la forme grossière des vases funèbres et Tabsenoe de toute arme iadlque un peuple ignorant et primitif.

(*) Fm Normandie touterraine , par Tabbé Cochet, page 16.

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334 REVUE D'ALSACE.

des poteries grossières , des hachettes en silex , des armatures de flèches en os ; , les squelettes formant souvent une ronde de dan- seurs, sont couchés sur le charbon provenant du sacrifice. Voici, d'après M. de Ring , comment se pratiquait à cette époque l'inha- mation.

Le druide avec la baifbette traçait le cercle sacré, qui représentait la divinité, géométriquement parlant, vu que le cercle n'a ni com- mencement ni fin. Le terrain était purifié par le feu 0) et les cendres provenant du sacrifice répandues par terre ; puis on couchait les morts dessus , ensuite on élevait le tertre. Chaque habitant de la bourgade apportait un mouchoir ou un vase plein de terre pour for- mer cette élévation ; or ne voyons-nous pas encore de nos jours le prêtre jeter la première pelletée de terre sur le cadavre . et ce au nom de la communauté , et n'élevons-nous pas aussi une éminence sur la fosse sépulcrale. Hais, dira-t-on, ces tumuli ne sont pas si an- ciens qu'on veut bien le dire ! Ils ne sont pas romains « cela est vrai , ils ne sont pas mérovingiens , cela est vrai encore , mais proba- blement ils datent de l'époque gallo-romaine.

Voici notre réponse : ces tombes ne sont d'abord pas chrétiennes ; (^) elles appartiennent aux habitants primitifs du pays ; nous accordons qu'à l'époque gallo-romaine et plus tard même , les gentils avaient conservé l'habitude d'enterrer les morts dans des tertres , et ce qui le prouve , c'est la citation suivante empruntée à un des capitulaires de Cbarlemagnê cet empereur défend d'enterrer les Saxons chré- tiens dans les tumuli , suivant l'ancienne coutume tu corpora chrii^ tianorum êoxonum ad cœmeterïa eccleriœ deferantur et non ad tumulos paganorum. Dos ist wortUch Heidengrâber, (S)

Car l'habitude chez un peuple est invétérée, et lorsqu'il était chris- tianisé il conservait encore des coutumes païennes. Témoin Grégoire de Tours qui nous apprend qu'on couvrit de gazon le corps de Tévêque d'Avemum (Clermont) en 554 ; quelque fois aussi on couvrait le mort de gazon dans son cercueil, et on le portait ainsi dans la tombe; aujourd'hui encore , on pourrait conseiller fortement aux chrétiens

(*) La purification par le feu est antérieure à la purification par Teau. (*) Vber Christengrëbem hahen $ich bisjetxt noch keine HUgel findw laum. thu gemianisehe Todienlager bei Selsen, par LinDensciiihdt , page 50, note 20. (') MoNE , UrgescMchU dei badiichen Landea.

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LES FOUILLES DES TUMULl D'ENSISHEIV. 55S

de notre temps cet usage des barbares , car je oe connais rien de plus sinistre ni de plus-douloureusement impressionnant, dit l'abbé Cochet , (^) que le bruit fait par la terre 'roulant sur un cercueil sonore.

Ainsi le Celte enterrait le cadavre et élevait le tertre . le Romain le brûlait et le Gallo-Romain faisait les deux, et le Franc isolait le mort dans un coffre en pierre ou en bois. Si donc Ton trouve dans un tumulus des squelettes , des urnes cinéraires , mais pas de médailles romaines, peu de fer et beaucoup de bronze Ton peut dire,bardiment que ce tumulus est celtique ou gallo-romain.

Nous avons remarqué que les tumuli se trouvent de préférence le long des voies romaines; cela s'explique. En arrivant en Alsace, les Romains devaient faire passer leurs routes par les bourgades habi- tées , de même que les Français de nos jours font passer leurs routes en Algérie par les bourgades arabes ; or , à ces bourgades étaient annexés des cimetières ; l'habitation de l'homme a disparu , celle du mort est restée. (^)

Charles KNO^^L, atné, médecin-yétérinaire.

i*) La Normandie iouterraine.

(^] Wo Menschm gewesm , da sind auch Gràber geweien , hat man aueh die Wiuur der Lehenden versttfrt , jene der Todten hlieben m Ruhe, Wae ouf dem Boden stand iet in vielen Orten tpurlot vertchwunden ; die Fundainente unter der Erde^ die versehUtteten TrUmtner und die Gritber Hnd noeh griSixtentheiU g^borgen^ aber awk verbargen. (Mone*, tom. i-, pag. 214 , UrgeechiehU des ba- disehen landes,)

BIBLI06RÂPHIE.

Gedichte vonF. k JAakcker , etc.— Poésies de F. A. M^rcker. Seconde édition , très-augment^e , 2 vol. Berlin , 1858.

Les sentiments qui nous unissent aux auteurs entrent si souvent dans nos appréciations de leurs œuvres qu'on peut les avouer, les professer bien ouver- tement. Je professe les miens pour le poète que je signale aux lecteurs de la Rem^, Et ces sentiments sont vifs ; les hommes de beaucoup d'esprit et d'une grande instruction n'en inspirent pas d'autres. Ce ne sont pourtant pas des assertions qui me font parler de ces deux volumes ; ce sont des raisons : ils sont beaux , ils sont peu connus en France et peuvent y être très-utiles. Enfin

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536 BBTDB D*AL8ÀCB.

'ûs ont un cachet spécial qni me sédnit et qui me semble excuser le phUosophe de parler d'un poète : ils sont très-philosopbiqiies. Us viendraleiit prouver , au oesoin , que si la religion et la poésie sont sœurs , la philosophie est leur très-proche parente.

Yoici la preuve qu'ils en fourniraient au besoin.

Je traduis Ultéralement la petite composition intitulée : L'Homme.

t Que la plus haute parure de l'homme soit la liberté. Que , libre it élève, sa tête jusques aux étoiles. Qu'il marche le frost haut , le roi de la teire. Car lui^ seul devine , sent celui qui l'a créé , qui a marqué les routes à l'armée des sphères. Peuples , élevez vos regards vers celui dont l'amour appela des mfllions de créatures dans l'univers étoile ; vers celui qui , de génération en génération , règne sur l'homme, en père.

c C'est à son image qu'il créa l'homme. Que l'homme vive donc , diene fils de son père , créant , vivifiant , sans cesse agissant et sans lassitude , libre et fort , image sur la terre de l'Etemel dans les cieux. >

Voilà ie crois l'origine de l'bomme , la mission de l'homme , la liberté morale de l'homme , c'est-à-dire l'élévation de son esipnt dans la hidde ré- gion des étoiles, bien formulées, ou, comme disent les poètes , bien chantées.

Je n'ai pas eu la prétention de reproduire le rythme du vers , la beauté du style : j'ai eu le simple désir de rendre des idées que je trouve bdles , parce qu'elles sont vraies et suj^mes.

Après l'homme religieux et sa mission , vient l'homme politique et sa mis- sion. Ici le poète ne chante pas seulement, il enseigne. Son chant est iotimM : Ma Patrie. Sa patrie , il ne la veut pas plus grande qu'elle n'est , il la de- mande plus vivante ; il veut qu'elle soit elle-même et à elle seule. On n'a pas {>lus raison et on if est pas plus fort. Et tous les grands sujets , M. Maercker es traite de même. A cette hauteur la poésie est réellement la sœur de la religion et de la philosophie , si différente , si parée et si periée que soit sa toilette. Elle ne devrait jamais oublier cette parenté auguste , fors même qu'elle remplit sa mission spéciale.

Car elle a la sienne. Si la philosophie a celle d'expliquer la vie, la religion celle de la consoler et de la sanctifier , la poésie a celle de la pmdre et de la chanter.

Nos deux volumes n'y manquent pas. Ils pelraeni et diantent quelques uns des plus grands et des plus beaux moments du drame d'une vie bûmaîne. J'entends une vie de Berlin , une vie les idées figurent largement à cêté des aJBTections. La jeunesse , le sentiment (Virginie et Marie), la maison ou le foyer , la patrie : tels sont les sujets principaux qu'aborde le poète. Mais , on le pense bien , les élégies , les sonnets , les épigrammes , les idylles , les xénies et les dédicaces ne manquent pas dans ce recueil , et M. Msercker verse sur la variété des situations de la vie toute la richesse d'idées d'bn esprit très-cultivé. Son langase nourri des meilleurs modèles et inspiré, porté par l'étude des chef»-a'œuvre de l'âge moderne comme de ceux de l'antiquité , est singidièrement propre à plaire , ce nous semble , dans un pays qui a toqours aimé la poésie. J'entends l'Alsace , qui aime tovyours encore , et beaucoup , une langue qui , pour n'être plus cette de ses àteo- tions politiques , est tot^ours celle qu'il a parlé autrefois avee amour , qu'il

|u'il apprendra désormais avec

â'our elle ne sera plus la !e voisins conduits par des écrivains noblement inspirés , très-lettrés , grands savants , éminents philo- sophes.

Matter.

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MOUVEMENT ET TRAVAIL.

Dès qoe nous élevons nos esprits vers Tautear de la splendide et merveilleuse création qui nous entoure , nous nous le représentons , placé au sein de deux immensités » infinies comme lui ; l'une , est la série des siècles s'écoulant les uns à la suite des autres pour aller se perdre dans Tablme de Tétemité , sans origine ni fin ; l'autre , est rincommensurable succession des espaces « qui , incessamment fran- chie >'dans une même direction , par Talle de la pensée , ne lui pré- senterait jamais un seul point de repos, et lui offrirait toujours et toujours de nouveaux vides à parcourir , des vides sans rives et sans bornes !

Au sein de ces deux infinis de l'espace et du temps , Dieu créa les globes lumineux qu'il y dispersa de toute part dans un ordre immuable, et auxquels il imposa les lois d'un immense mouvement ; et par ce travail éternel des globes célestes , il maintient l'harmonie instituée comme base de son œuvre adorable et puissante !

Parmi les mondes tombés de la main de Dieu , il en est un dont la tâche est de se mouvoir autour de son brillant soleil , dans une partie restreinte de l'étendue infinie ; et « de sa surface , nous contemplons avec jidmiration , le splendide firmament que forment autour de lui les astres étincelants de lumière , jetés dans cette étroite portion de l'immensité: et de même qu'autour de lui tout est mouvement et harmonie céleste , de même en lui et sur lui , tout est harmonie et travail.

Embrasé d'abord d'une chaleur ardente, il n'était dans l'origine , qu'une masse incaudescente et liquide , entourée d'une atmosphère lourde, épaisse et obscure. Livré au travail qui résultait de sa propre nature , il se modifia à mesure que les siècles s'accumulaient dans sa

0* Année. 2^2

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338 BKVUB D'àLSACB.

dorée. Il vint un jour il put envelopper sa surface d'une eoucbe solidifiée, et les eaux » jusqu'alors suspendues dans les airs à l'état de vapeurs, purent se liquifier à leur tour et se répandre de toute part sur cette surface solide, si récente encore» et vers laquelle l'atmosphère é|Airèe , (til4[)ide et transparente , laissait parvenir enfin les rayons du soleil.

A partir de ce moment , un long et immense travail s'exécute in- cessamment à la surface de la terre , devenue terne et opaque : tantôt les feux souterrains qui constituent aujourd'hui encore sa masse presqu'entière « s'agitent violemment sous la croûte solide qui les entoure, l'ébrânlent, la soulèvent, la déchirent» et lancent à travers «es icl^evtttaes;» d^énermes amas de ses matières fluides internes <; ttitôt ses eamx » pmssanMMnt agitées par ces ébranlemeiits formidables^, Aandonnent les lieux elles se trouvaient accumulées et s'élancent au , etttrrinaat avec eUes d'innombrables débris qu'elles vont déposer lentement ou jeter avec violence , sur les nouvelles contrées qu'elles parcourent ou qu'elles creusent en profonds et larges bassins. Fréquemment bouleversée par ces grands cataclysmes, chaque partie de la surfiice de ta terre subit alternativement l'action des feux inté- rienn et ceHe des eaux non moins puissantes : les continents s'y transformaient en vastes mers et du sein des mers surgissaient deb eontinenls tfouveauxv <ik ne formèrent , dans la sdite des temps , ces ebatnes ûolcfssales dont nous voyons les cimes orgueilleuses et sadi- vages s'élever jusqu'aux nues ^ et ces océans immenses qui embrassent de Ieu#8 •étreinies agitées et mugissantes, les flancs des terres modernes.

Tmidis que ee grand travail s'exécutait dans la nature terrestre , «He s'animait |^ar la présence d'dtres vivants dont les races apparais- aaient et di^araissaieM tour-'à-toor , par la volonté puissante du Oétfteur. Dès que les eaux , devenues tièdes enfin , purent tolérer la lAe dans leur sein , il les fNfn(rfa d'animaux marins ; dès que les terres Airent suflkamment consolidées, il les couvrit d'une végétatien luxu- riante $ dès que les airs fnroit épurés , il répandit à profusien la ifc sur le globe, par des myriades d'insectes , de quadrupèdes et d'oi- seain.

fin passant par tous ces grands phénomènes du travail el de la vie, la terre est devenue ce qu'elle est aujourd'hui , et propre , enfin , à servir de séjour à Thomme , réservé par Dieu pour être le dernier

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MOUVEMfilfr ET TRAVAIL. 359

preduk de cMe vaace création tarresire dont il vonlait le rendre maiire et souverain»

Mais le globe , tel qu'H est de nos joars, n'est pas entré en repos ! Ne nous montre-t-il pas encore en tons Uenx , dans sa matière inerte» le travail continuel auquel il est soumis, et que Tair, la terre et l'eau subissent ou exécutent incessamment? La terre, ne la voyons-nous pas s'ébranler sous le choc de ses fluides intérieurs, se soulever, s'affisiisser , déchirer ses entrailles , briser ses rivages . entr'ouvrir les cratères de ses volcans , et lancer jusqu'au ciel les nuages de fumées et de cendres qui obscurcissent des contrées entières , ou épancher les larges flots de ses laves brûlantes ?

Si les agitations subies par les continents actuels, pour les étendre, les restreindre ou les modifier, ne sont plus que locales et acciden» telles , il n'en est pas de même de celles qui mettent sans cesse en mouvement cette immense quantité de substances gaseuses» dont le l^be est entouré comme d'un voile limpide et transparent. le repos n'existe jamais, et les mouvements se succèdent sans interrup- tion : tantôt , faibles et doux , ils produisent ces légers z^birs qui rafratcbissent de leur haleine et balancent gracieusement dans Içs airst les feuillages de nos bois; tantôt, forts et puissants, ils forment les veais impétueux dont l'aile rapide emporte sur les contrées les plus lointaines , les flots de nuages élevés sans cesse du sein des mers ; quelque fois encore ils atteignent le degré d'eflroyable violence qui se manifeste sur la terre , ravagée par la fureur de ces ouragans dont l'impétuosité ne souffre aucune résistance et détruit tout obstacle.

Mais en-dehors de ces mouvements généraux, dont la tâche est de distribuer, d'une manière plus égale , la température aux diverses régions du globe , d'y disséminer les gaz alimentaires des plantes » et 4e leur envoyer les pluies el les neiges fécondantes, il en est d'antres eioore cbarg:és d'un travail plus régulier et plus constant* Ce sont les grands courants atmosphériques qui , dans les régions équatoriales, viennent jidoudr alternativement, dans chaque hémisphère, les ardeurs croissantes d'un soleil brûlant; et ces douces brises dont les jeox inverses de jour et de nuit , égalisent la température des rivages des mers.

Les eaux qui couvrent la plus grande partie de la surface du globe. ne nous montrent pas, dans leurs vastes seins, moins de mouvement

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iiO lUSVtJE D*AL8AGE.

et d'action. Nous y découvrons avec admiration des courants puis- sants , agitant d'une manière régulière , l'immense masse liquide jns^ qu'au fond de ses gouflï*es les plus profonds. Nous y voyons aussi , sous l'influence des deux grands astres qui nous éclairent , les flots se soulever et s'abaisser alternativement dans une admirable hâr- monie, et, deux fois par Jour » se précipiter en mugissant sur. les rivages qu'ils assaillent et franchissent » et deux fois encore entraîner, en fuyant ces rivages , les nombreux débris qui s'y sont accumulés.

En sus de ce travail des eaux , dont l'objet est de régulariser la température des mers et de maintenir la pureté de leur constitution, il en est un autre » plus remarquable même , qu'elles exécutent avec une harmonie si parfaite, qu'un savant étranger voulait considérer le globe comme un grand être animé dont le mouvement de l'eau serait la vivifiante circulation.

Sur toute l'immensité de la plaine liquide s'élèvent les vapeurs légères qu'aspire la bienfaisante chaleur du soleil ; mêlées à Tair , dont elles augmentent d'abord la limpide transparence , elles se ré- pandent avec lui sur toute la surface du globe, pour y porter la fraî- cheur et les douces rosées qui raniment les plantes altérées ; ou bien encore, rapprochées, obscurcies, elles se rassemblent en masses nuageuses dont les formes mobiles et changeantes obéissent à tous les caprices des vents , et s'élancent avec eux, en quelques heures , jusqu'au centre des plus vastes continents. , elles s'alourdissent , davantage, s'abaissent, et bientôt se résolvent en pluies ou en neiges, fertilisant ainsi les terres qu'elles impreignent des principes alimen- taires des plantes. Ailleurs encore , elles vont s'accumuler en neiges éternelles sur les cimes glacées des grandes chaînes dont le front audacieux s'élève jusqu'aux régions de ces nuages qui viennent leur former une majestueuse mais fragile couronne. *

Amenées ainsi sur les continents, les eaux y produisent les sources limpides d'où jaillissent les nombreux ruisseaux qui sillonnent les terres , en y répandant de toute part la grâce , la fertilité et la vie , et , bientôt réuuis en rivières , vont se rassembler au fond des grands bassins que parcourent de leurs flots rapides les fleuves aux larges bords ; ceux-ci enfin vont se précipiter et se perdre dans les abîmes des mers. Ce puissant travail des eaux et des vapeurs, établit l'admi- rable harmonie du niveau général des océans , et donne aux diverses contrées du globe , la vie , la force et la beauté. En eflet , c'est

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MOUVEMENT ET TRAVAIL. 541

SOUS son influence que croisseni et se uiuliiplient ces plantes innom- brables qui couvrent la surface. de la terre, et forment: là, les immenses savanes que peuplent les hantes herbes; ailleurs» les vastes forêts , sombres asiles de la solitude , dont les plus anciennes pro- tègent un sol vierge encore; et, sur nos plaines fertiles, les riches moissons , les prairies émaillées de fleurs , et les bois pleins de fraî- cheur et de silence.

Cette végétation puissante devient le principe et le moyen d'exis- tence de la multitude d'êtres vivants auxquels le Créateur a accordé le don précieux de parcourir l'espace à volonté . et celui, bien plus précieux encore , de sentir et d'aimer.

Quelque part que nous»portions nos regards vers la terre , nous la voyons peuplée d'une foule immense d'animaux qui vivifient to sur* face par leurs travaux , leurs jeux et leurs combats. Les profondeurs des mers nous oflTrent le spectacle non moins merveilleux de popu- lations infinies sillonnant leurs flots. Les airs eux-mêmes étincellent en tout lieu sous l'aile de myriades d'insectes et sous les brillantes couleurs des oiseaux qui les franchissent de leur vol rapide et léger.

Tous ces êtres animés que la main de Dieu a multipliés avec une inépuisable profusion , et qu'il a appelés à une agitation incessante , puisent dans la nature végétale les éléments nécessaires à leur exis- tence ; et c'est ici que se manifeste à nos esprits ravis , Tune des plus belles et des plus grandes harmonies de la création. En effet , ces éléments que les animaux reçoivent des plantes , ils les exhalent constamment pendant leur vie, et surtout quand ils tombent dansl'appa- rente immobilité de la mort , par la transformation de leur propre substance , en fluides qui retournent à la terre, au moyen des jeux de l'atmosphère, et reviennent ainsi servir d'aliments aux plantes elles- mêmes. C'est par cette vaste et merveilleuse métempsycose , que les mêmes éléments passent et repassent sans cesse dans le grand cycle des êtres organisés , et que les sujets et les espèces se succèdent à travers les siècles.

Nous venons de le voir , la loi du travail a été imposée par la créa- tion , à la nature entière , pour exécuter les grands phénomènes que nos regards émerveillés contemplent dans le ciel , dans les eaux , dans les airs , sur la terre , et dans j'incommensurable ensemble d'existences qui produit toutes les nations vivantes dont la surface du globe est peuplée avec tant de magnificence. Mais combien cette

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loi du travail se montre à nous avec des eiiefences plus rigonreoses encore» quand nous examinons les oondilîons soiis lesquelles est placée chacune de ces existences dont nous venons d'évoquer la pensée. Notre cadre est trop restreint , pour pouvoir les présenter en un tableau complet , tableau dont les innombrables détails dépas-* seraient la portée de nos regards ; contentons-nous d'y choisir seulfr- ment quelques traits épars dont les esquisses légères et trèSHmpir* faites, sans doute, pourront cependant faire ressortir la vérité de cette grande loi du travail que Dieu a imposée à toutes ses créatures* Un ohéne majestueux et couvert de ses fruits » protège un vaste terrain de son puissant ombrage : parvenu à sa maturité , Ton d'entre eux se détache et tombe; emporté par le vent , entraîné par le bible ruisseau qui murmure sous le feuillage , ou enlevé même par qoel- Qtt'animal insoucieux de l'utiliser , il est jeté à quelque distance de l'arbre qui l'a produit et se fixe à la terre. Bientôt un travail plein de prodiges s'exécute en lui , et sous l'influence de la chaleur , de l'air et de l'eau , sa propre substance se transforme en une liqueur suave qui sert d*aliment au germe imperceptible renfermé dans son sein. Ce germe se développe alors , s'étend , plonge en terre ses faiblea et premières racines, soulève vers l'air une tige frêle el légère, et devient plante à son tour» Par sa racine , il va incessamment puiser dans le sol , les sucs humides qu'elle recherche en s'allongeant et se contournant pour les atteindre ; il les absorbe , les élève dans sa tjgé» s'en nourrit activement , s'accroît chaque jour , el se couvre 4e feuilles et d'un léger branchage. Son jeune feuillage prend alors part à ses travaux : il fait circuler la sève , exsude l'excès des fluide aqueux , respire et absorbe les gaz nutritifs répandus dans l'atmO"» sphère , et transforme les sucs séveux en aliments nouveaux» Toutes les parties de la jeune plante travaillent et fonctionnent, et de l'en^ semble de leurs actions résulte le merveilleux phénomène qui change un fruit infime en un arbre robuste, dont, pendant deuxou troii$ siècles , la cime majestueuse et puissante s'élèvera dans les nues 9t osera y braver la foudre et les tempêtes.

Et ce que fait le chêne , dans son imposante grandeur , chaque plante , même la plus chétive , l'exécute avec une activité et une énergie semblables. Hais ces premiers labeurs de la plante ne sont pas les seuls qu'elle ait àeflectuer . et elle doit encore perpétuer son espèce. Pour satisfaire à cette obligation nouvelle, elle se couvce de

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MOUVEMBNT ET TRAVAIL. 34S^

fleura aux brillantes couleurs , aux odeurs suaves » aux formes ^lé- gaBtes ei variées. Ces fleurs reniermeot de gnacî^x pnHM^es appefé^ à se vivifier réciproqnemeai , tantôt par leup^ propres oiouyeaoemj^ , et tantôt par le secours des vents» des oiseaux et surtout des ia$|^c^ de Tair qui ont reçu pour mission d'échanger leurs dou:i^ me^sige^ Cette viviflcation des organes internes de 1^ fleur produit Ueii^ {^ transformation en un fruit dont les graines renferment les gerif^^ dastinés à perpétuer la race, et si nombreux » que d'une seul|9 pl9Q|.a naîtrait en quelques années, s'ils pouvaient tous rencontrer )^ cou? ditions nécessaires à leur développement , une popuUt^n de SHji^ capable de couvrir la surface entière du globe.

Tout merveilleux qu'il soit , ce travail intçri^ 4es pl^qtej^ QSt Py^ inférieur i celui qui s'exécute dans les anlipaux n)é(i^le9pl^ îffNWi'- faits. Pour ceux-ci il nesuflStplus, en eSist» d's^rb^ dos^&uç^ nourriciers, mais il faut pouvoir lest çlierçbpr et les choisi^. \ff\\^ travail grandit et s'élève, car il doit produire, non seul^ept def^ mouvements intérieurs , mai« encore des q^vepents extéri^r^ ^ propres à rendre ranimai capable de frapcbir l'e^^cf»» ^e trouver .^ aliments ^ de fuir ses ennemis.

De quelle admiration ne sommes-nous pas saisis, dans la cqntjÇffiit plation des nombreux instruments de travaV , dppt l'eaieipl^e oqw^ttie yétre complexe doué des facultés de se mouvoir et ^ s^bif* le^. i^n pressions mystérieuses qui forment les sensations ! Que de varX^ dans le nombre , la disi^sjlion^t l'arjrangement ^ tPW <^ org;s^^s, dont chacun exécute son labeur spécial , ppur concourir a^ dével^p* pepent, à l'entretien, à la vie si active et si agitée de l'anUnfl in^mq •le plus débile; et combien ne nous apparaissent-ils pas pleins 4ei. pro- diges , quand nous les examinons tels qu'ils se présentant à pqi^ d^ les animaux supérieurs et surtout dans l'homme ?

Lesi nns composent ces chairâ , souples et fermes , agents actifs ^ mouvement, qui donnent au corps se$ ^létgants contpurs, e^qim couvre et protège une enveloppe mince , unie , flexible et susceptible de mille sensations variées. Les autres , prodiguent à toutes 1^ parties de l'étpe, la liqueur généreuse oq elles- pui^nf leurs substances mjir tritives et une douce, uniforme et constante chaleur- D'autres ^pcore sont appelés à servir nos sens et notre intelligence , cette sublime émanation de la puissance divine ! A ceux-ci , il a confié Ip pouvqir d'apprécier lea oA^qrs 1/bs plus siubtilesi , les saveurs les plus waves ;

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Si4 REVUE n'ALSACK.

les impressions si multiples et si profondes des sons , dont le choix et l'arrangement savent exercer sur nous , avec tant de charmes » leurs mélodieuses influences ; et celles bien plus nombreuses » plus continues , plus saisissantes', qui nous dévoilent le magique spectacle de la nature entière , avec toutes ses beautés , ses richesses, ses mer* veilles, sa majesté et son incommensurable grandeur. Pour eux, enfin » il a conformé un visage plein de noblesse et de grâce , par l'assemblage de ces traits dont Faction et le mouvement s'ajoutent au don précieux de la voix, en complètent les effets» et expriment, avec et même sans elle , nos pensées , nos joies , nos douleurs , nos passions , et, dans upe certaine limite, nos fiatcultés intellectuelles et nos dispositions morales.

Mais c'est en vain que l'on tenterait, par de bibles paroles, de tracer rapidement les merveilles de cette splendide organisation de l'homme et des animaux les plus parfaits! Aussi n'avons-nous eu d'autre espoir, en les signalant, que de rappeler le travail actif , continuel et spécial de toutes les parties de notre être , et d'observer que de l'ensemble de ces nombreuses et admirables fonctions, résulte la vitalité puissante qui est le principe et le moteur de l'existence animée.

II nous reste à voir maintenant , de quelle manière cette vitalité si active et si variée dans ses moyens , se manifeste en mouvements extérieurs.

Examinée au microscope , une faible goutte d'eau , à peine percep- tible à l'œil, apparaît comme un petit monde peuplé d'animaux divers. Les uns s'agitent rapidement en tournant sans cesse sur eux* mêmes; d'autres se meuvent par dés roues attachées à leurs flancs; d'autres encore nagent à la manière des serpents, et il en est qui , insaisissables prêtées, changent de forme à chaque instant de leur vie. Quelle agitation et que de labeurs , dans tous ces petits éures imperceptibles qui peuplent les abîmes de l'infinfe petitesse !

Si , de la contemplation d'une simple goutte d'eau , nous passons à celle des vastes mers , nous lés voyons remplies d'une nombreuse population d'animaux dont l'organisation n'est guères plus complète que celle des précédents , et qui cependant exécutent de remar- quables travaux. se trouvent ces innombrables polypes qui élaborent et produisent les éponges, le corail et les roches madréporiques dont les arêtes puissantes s'élèvent du fond de l'Océan pacifique pour y

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MOUVEMENT ET TRAVAIL. 34S

lormer des bancs immenses» de larges écueils, et des lies nombreuses et bienlèt vivifiées et rendaes florissantes par les chaudes influences d*an soleil ardent. aussi se rencontrent à profusion cas êtres d'une organisation plus parfaite déjà » habiles à se construire de solides et brillantes demeures dont nous admirons les couleurs et l'éclat et qu'enrichit la matière précieuse de' la nacre et des perles. Des my- riades de poissons illuminent les vagues du reflet scintillant de leurs écailles ai^entées et de leurs nageoires d'or , occupés qu'ils sont constamment à poursuivre leur proie , se fuir ou se rechercher les uns les autres » choisir les eaux ils doivent déposer les germes de leur postérité future , ou accomplir la rude tâche de ces migrations lointaines qui les amènent, chaque année, des goufiires des mers polaires, à des rivages qu'éclaire un ciel plus doux et ils viennent apporter la richesse de leur propre substance à des nations entières.

Le travail individuel imposé à chacun des êtres vivants , se montre encore plus facilement à nous, dans l'innombrable multitude d'in« sectes que nos regards rencontrent de toute part à la surface de la terre et dans les airs. Mais chez presque tous, ce travail se manifeste déjà sous une forme nouvelle qui a pour caractère la prévision néces- saire au salut de leur postérité. En eflèt, la plupart périssent dès qu'ils ont produit les germes de leur progéniture; aussi chacun d'eux les dépose-t-il , et souvent avec d'admirables précautions , sur les objets capables de présenter à sa future &millé, un séjour et des aliments assurés. L'un confie ses œufs à la fleur qi|i plus tard produira le fruit dont ses jeunes descendants devront se nourrir ; un autre , à Yèoorce de l'arbre dont les bourgeons pourront seuls , dans quelques mois , leur ofiHr l'abri et la nourriture nécessaires à leurs premiers jours. La plupart des insectes sont attachés ainsi, à certaines plantes spéciales qu'ils aiment et recherchent, et, voltigeant sans cesse de l'un à l'autre des siyets de cette espèce , ils servent à échanger entre eux la poussière fécondante qui doit en vivifier les fleurs et en per- pétuer la race.

Dans le feuillage du mûrier s'ébat un papillon dont les douces teintes n'ont pas l'éclat brillant qui décore l'aile de la plupart de ces gracieux habitants de l'air ; il dépose ses œufs sur les branches de l'arbre qu'il chérit , et dès que celui-ci se sera couvert de feuilles nouvelle^ et tendres , de chacun d'eux sortira un petit être délicat et Irêle auquel elles oflriront une pâture abondante et salutaire. Aussi

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se développe-t-il si rapidement dans sa hâtive croissance » que » ciuatre fois en peu de josrs ^ il renouvelle sa légère tunique ; puis il fisiit suc- céder à son activité avide» un travail nouveau : insoucieux d'aliments, il choisit une branche à laquelle il attache un mince fil de soie qu'il prol(Hige et tisse avec une infatigable ardeur , jusqu'à oe qu'il ait su s'envelopper entièrement de la brillante étofié qui le cache à la lu- mière. Dans cette chaude et douce demeure , il perd le mouvement, sa souplesse et sa forme primitfve ; puis, quelques joinrs après» il se réveille de ce repos léthargique , brise son cocon doré » agite l'air de ses jeunes ailes , voltige de branche en branche , les couvre de germes nouveaux « et , ce dernier travail accompli , il s'afibiblit et meurt !

Kon moins habile ouvrier que l'insecte précieux dont nous venons d'esquisser les travaux^ l'araignée nous fait admirer la toile légère qu'elle tisse d'un fil subtil dont chaque brin est le merveilleux assesH Mage d'une centaine de filaments réunis avec art. Le délicat réseau se brise à chaque instant; mais le lsdiM>rieux insecte ne se décourage jamais et reconstruit incessamment les fileu destinés à saisir et enlacer sa proie.

Cependant » tous ces labeurs individuels sont bien faibles auprès des travaux qu'exécutent en commun certains insectes rassemblés en peuplades nombreuses. Aussi ne pouvons-nous assez admirer hi coa- struetion légère^ vaste et solide suspendue par la guêpe à quelque branche flexiMe dont l'ombre protectrice abrite la ville aérienne ; et surtout l'œuvre meneeiMeuse de ces abeilles qui s'assooieM par milliers pour construire leurs ruches et tes remplir d'un miel succulent. Ce qui rend la loi du travail surtout évidente chez ces laborieux artisans, c^est que sur un peuple de MiOM sujets, plus de 19,000 vivent ubh quemenl fOur le travail et ne sont point admis à perpétuer la race ; 4 eux seuls revient le soin de réoolter la cire et le miel dans les prés et lesbooages voisins , de bâtir les cellules, et d'élever et nourrir les jeunes rejetons de celte nation » active et si industrieuse. Lesiermiles et les fourmis nous ofiirent de nouveaux exemples d'un nombre imr mense de citoyens , réunis en société , pour fonder la cité, la défendre, l'approvisionner, l'enrîobir, et y élever les jeunes générations que quelques-uns d'entre eux seulement sont destinés à produire.

La vie des animaux d'organisation 'supérieure nous dévoile mieux encore le spectacle continuel du travail exigé par te besoin de s'â- briier , de se nourrir et de pourvoir à l'éducation de la fiindUe. Tous,

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MODTBMENT CT TRAVAIL. 347

sans exception , sont soumis à ces labeurs ; mais beaucoup se diva- guent dans la foule » par la nature même de lemrs travaux*. N'est*ce pas ua admirable sujet d'observation giie celui d^ ç^ douioes , chaudes et légères demeures suspendues au fem'lli«e p^r les oiseaux^ et ils couvent leurs œufs avec tant de zèle et d'amour ? N'est-ce pas ou touchant spectacle » que de les voir suffire ^ à force d'4nergie et d'activité, à tous les besoios de leur nombreuse et avide progé- niture i Enfin , ne sofomes-nous pas ravis d'un étonnement profond t en considérant les remarquables travaux des castors , qui savent» eu ingémeurs et architectes habiles^ protéger par de larges digues et di^ solides barrages les rives marécageuses ils coostruiaent sur pilotjs leurs commodes et spacieuses cabanes ?

Mais «ne chose importante et graine fait mieux encore ressortir la lui do travail imposé à tous les animaux : c'est le dévouement labo- oeux manifssté par ceux qui se sont soumis à la domination dfi l'homme et emploient leur vie à le servir^

Comment «'adwrerions^nous pas avec un vif sentiment de grati* tode,, la persévérance et la ^gueur du bœuf, creusant péniblement les firofonds sillons de nos guérets ; rintelligente volonté des.tiamas 4u Pérou ei de ces utiles «înumx que le génie de Buffon osa nommer les vaisseaux du désert i, se repliant sur eui:-méines pom* recevoir tes (aideapixdont ils apprécient Je poids avec tant, de jqstesse,. qu'ils rsfusent.d'en accepter ua excès qui dépasserait leurs tarces; la docile et puissante énei^e des éléphants , A la taille colossale , emportant d^im pas iafatig^e les chargea immenaes. des marchandises qu'é- changent entre elles les cités populeuses de l'Orient» la touchw^ affiicti#a du chien ^ se livrant ponr l'homme aux travaux det la Kavde de ses troupeaux ^p'fl surveille avec «ne si remarquable mCBUigeni^ et défsnd avec un si noble courage » ou à ceux de la cbassfi amNHels U s'abandonne avec une passion si vive et si désinté^ressée ; euQn )e«s f9i|gueuses ardeurs du cheval, entfainant dans sa comw rapide 4e fihai! auquel il se laisse attacher , qu précipiunt jusqu'aaseio d^ tumulte des batailles » à travers le bruit , les cris , le fer et le feu » le pierrier qa'expite au combat l'amour sacré de la {)atrie !

Ainsi nous le voyons , tous les êtres doués de mouvement subissent Ja loi immuable du travail , base de leur existence et de la perpétqité de leur race; et parmi eux il en est un certain nombre qui com- j^enneni et aiment le trawl en lui-ménçie , comtne ils Ja prouveMten

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348 REVUE D'ALSACE.

rexécutant généreusement pour d'autres et sans que ses résultats s'appliquent à leurs propres besoins.

Après avoir ainsi fixé notre attention , par d'incomplètes esquisses, sur tout ce qu'il s'effectue d'actions et de travaux dans la nature inerte et dans la nature vivante et animée » il ne nous reste plus qu'à la porter sur l'homme , que Dieu a donné pour chef à la création ter- restre. — Taât que l'homme vit en faibles peuplades , les seuls travaux auxquels il se livre , sont ceux de la chasse , de la pèche, de la cour fection de quelques vêtements et de la construction de sa cabane. Et cependant quelle activité ne faut-il pas qu'il déploie déjà et que d'ba- bileté pour la fabrication de ses filets, de sa nacelle , de ses armes et des ornementa dont il fait sa parure? Isolé au sein des vastes hori- zons de l'Océan pacifique, le Mélanésien, le plus chétif des humains, emploie ses jours à façonner sa pirogue, son pagne, et les objets dont il orne sa chevelure , ses oreilles et ses narines. L'Esquimau et le Kamtschadale , situés aux confins du monde , dans des régions glacées, trouvent par leur industrieuse énergie, leurs aliments, leurs* costumes, leurs barques audacieuses et les matériaux de leurs buttes et de leurs foyers , dans les produits de la chasse dangereuse qu'ils font incessamment aux amphibies marins qui habitent seuls avec eux les froides et obscures régions voisines du pôle. L'Indien et le Pata- gon» dispersés sous des cieux moins inhospitaliers, savent déjà asso- cier le cheval et le.chien à leurs travaux de chasse , de pèche et de guerre.

Si de ces peuplades primitives, nous portons nos regards sur celles que la bienfaisante influence d'un soleil plus doux , une intelligence plus civilisatrice, ou quelqu'autre circonstance, rassemblent en hordes pli|s nombreuses, nous les voyons passer du travail incertain qu'exige la poursuite des animaux sauvages , à celui d'en dompter quelques* uns et de les réduire à l'état domestique. Alors se forment ces peuples de pasteurs qui vivent du produit des troupeaux asservis par leurs soins. Dans les froides contrées du Nord , le Lapon satisfait à tous ses besoins, par les trophées de sa conquête sur les rennes , presque sauvages encore, tandis qu'à l'extrémité opposée de la terre, le Cafre et le Hottentot savent trouver des ressources suffisantes dans les chétifs bestiaux qu'ils ont à défendre sans cesse contre la famine des grandes sécheresses et contre les hôtes féroces de leur aride et brûlante patrie; et que l'Arabe , sous le beau ciel de l'Orient, pro-

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MOUVEMENT ET TRAVAIL. 549

mène sa tente d'oasis en oasis , pour abriter sons leurs frai? ombrages, ses brebis et ses chamelles dociles.

La nature même des travaux des peuples pasteurs, développe leur intelligence ,. adoucit leurs mœurs , fait naître en eux le sentiment qui attache Thomme à son lieu natal » et l'appelle ainsi à une mission plus élevée : celle de tirer de la terre elle-même les objets nécessaires à son existence. Fatigué do sa vie nomade , il établit sa demeure sur quelque rive fertile il trouve les plantes nécessaires à l'entretien de sa famille et des animaux devenus ses utiles auxiliaires ; il donne à ces plantes les soins qui les font prospérer , et acquiert ainsi les premières notions de l'agriculture. La terre « reconnaissante de ses soins /lui prodigue bientôt ses plus beaux fruits; et, sûr ses champs couverts de moissons , il peut élever ses premières bourgades , qui deviennent en peu de temps des centres de civilisation et de progrès. C'est alors que naissent les premiers arts , car il sent le besoin de posséder des demeures plus vastes et plus durables , des armes plus parfaites, des vêtements plus commodes et plus gracieux , des instru- ments de culture plus puissants.

Le progrès du travail produit les premières relations commerciales entre ces bourgades agricoles qui cherchent à échanger entre elles les fruits de leurs labeurs. Chaque membre de ces petites sociétés » ^nimé du désir d'améliorer le bien-être de ceux qu'il chérit et d'élever son intelligence » se livre avec ardeur à la recherche de tout objet dont la découverte pourra contribuer à augmenter ses richesses par le commerce , et de cette source féconde découlent les premiers bienfaits l'industrie. Les relations s'étendent de hameaux en ha- meaux, des pays voisins aux contrées lointaines, et finissent par ras- sembler les hommes en grandes et puissantes nations » constituant ainsi la société civilisée.

Ces transformations des associations humaines , fondées sur le tra- vail , éclairées par le flambeau de l'intelligence , embellies par la naissance et le développement des lettres et des arts, ont produit les PjBuples antiques dont l'histoire de la Chine et des Indes nous apprend l'ancienneté, et que suivirent, dans la voie des siècles , la Perse, l'Egypte, la Grèce, et Rome enfin, Rome, dont la civilisation glo- rieuse se répandit en quelques jours sur la plus grande partie du monde connu.

A la suite de ces temps est venue l'ère nouvelle , l'ère de la charité

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MSO MKVUË D'âUMCt.

«t de Itt frutemité ëimt fès ttonmès . rèrre du Christ tiMm^tir. Les principes divins du christianisme, flbOllMmt Fesclavirge, Mt «ppelé tods les ffiMibres de la société homahie ft s'y revidre miles par leurs travaui et ont eotistitoé la société moderne , si rettarqnaMe fw raciMté qui anitte d'un fea sacré > chacun de ses enfants. Jetés att& cœurs de la race énergique dont l'Europe est le berceau, les {luîmes ^viNsateurs otit développé en elle «ne irrésistiMe puissance qM M «bttmei «ncoeasivetnent tôui les t>edpl0s 4a wonde , «i dont ^èNe finira fiar répandre les finihs bienfiiisanis sur l'entière étendue du fildie te(twm>

Fertidtts «É 'mettent loa Mgands sur oette société moderm^ tiMft irataillent avec une noUe àrdèur « qui dok dtre pour tous aussi «m sujet constant d'émulation et de zèle«

Uvré «ans cesse i ses pénfl)le8 mais attruyànts travaux » le cultfm- tettir laboure » «ntemence , défruîte et laboure eucoru ^ sans repos et sHtas relâche, la terre nourricière des peuples. L'artisan commence sa longue journée dès l'aurore et la prolonge juaques dans les ombres de la nuit , s'interrompant à peine pour prendre ses aiodestea repas et livrer au sommeil ses meud)res fatigués. Le commerçant sc^gne ses marchandises , s'occupe de ses yemes , et «onsacre sou uaips aux taicttls com(>liqués qu'exigent «es échafngesi. L^tndustriel parcourt ses mffiufaMdreSt stimule le xèle de ses ouvriers^ et obtient chaque joiir, du génie de ses onécuniciens et de ses chimistes, demmueaux per- ftctlonneibents et de nouveaux progrès. Chuque jour mbsî le littéra- téurecruniéliefiroduisent de plus éclatants diefnl'oeuvre , nobles émUéb «tt safvant qui passe ua vie à approfoudir les secrets de 3a nature «t 'lui urracherde plus utiles bienfaits^ Lelégisleconsacre aen existence à l'étude des laisdetônées 4 garantir Isa droits de dmoun des membres de la société ; tandis que le prêtre les «assiste dans-leurs eéuÉlritticea, lus 'encourage par la prière, «I que tle^soldat apprend à les détendre avec «ne 4iabileiié digne de eon courage et «de «on dé- tommenft. ftrmi les nfâfgistrau cfnfin , lesflusf^reclameni'lesfiriu- tipes divins de Ift (justice , é«aboretft >et tsmiuatgueut les lais que les autres onctN)tir devoir d'appliquer avec ttftégrité et 'nageuse.

Tous "se livrent uvec ardeur aux travaux qu>exlgem leurs litières il Variées , 'et de tous ces labeurs réunis , vésiflte le grand tnMN , incessamment progressif, de la société humaine , donttcspedUide imposant nous frappe d'étonnement et d'admiration.

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MOUVEMBNT ET TRAVAIL. 3SI

C'est lui qui nous montre la surface presqu'entière de la terre , ornée de riches et nombreuses cultures , du milieu desquelles s'élève une multitude de tiameaux , <k boufgades et de (^"andes et floris- santes tités reliées entre elles par un lititneitse réseau idé hAites , de canaux et de voies ferrées que sillonnent incessamment une foule de chars , de bateaux , de navires et de convoie rapides chargés de mar- chandises et de voyageurs. Il nous dévoile encore le magique aspect des mers » couvertes de milliers the vaisseaux franchissant les vagues sur l'aile de la vapeur et des véai^ » iet peuplant l'Océan de la grande et valeureuse nation des marins. Cest lui enfin qui présente à nos regards émerveillés , dans nos viUes populeuses , ces assemblages de temples » de palais » de demettrëb élégantes et de vastes ateliers y s'accumulent avec une inépuisable profusion » toutes les richesses de l'industrie , des sciences M des arts ; touk ces funésors ^ae génie de l'himme a su conquérir par le travail intMtcHMwpn et^ntioellles siècles écoulés > et que chaque génération «doii augmeoitfr •encore -et léguer en héi^itage à la tgénération suivante, chargée à son tenr de t€to nuttipller et les «dévelepper , po» en ftire ove «owrce noiJMVlte de bien^ute intellectuel ^ moral et «nuériel i

'prt>teùé6r & pfi3%tque au lycée im(MSrial ét'Co&Ok.

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VILLES LIBRES ET IMPÉRIALES

DB L'ARCISIINI ALSACE.

LANDAU.

Cependant la mort de François de Sickiogen ne refroidit pas le zèle de Bader , et le lutteur de la chaire tient encore quand le lutteur du champ de bataille a succombé. En vain Georges Mnsbach » promoteur de révéché de Spire, le cite à comparaître devant. le tribunal de révéque , en vain l'excommunication épiscopale est fulminée contre lui 9 (^) en vain la chambre impériale elle-même le condamne. O A Tanathéme de l'Eglise, Bader répond, le dimanche de Cantate 1524, par un sermon des plus violents : Il parvient à entraîner tout le corps du magistrat et du sénat , qui le soutient hautement , signe séance tenante une protestation contre la sentence épiscopale , et joint sa demande à celle des nouveaux Etats dissidents d'Allemagne pour obtenir de la Diète de Nuremberg la convocation d'un concile libre. (^)

Cette désertion du curé catholique de Landau et ce passage du magistrat de la ville libre dans le camp de la réforme ne se font pas toutefois sans de vives protestations d'un grand nombre de bourgeois restés fidèles à l'ancien culte. Bientôt des troubles éclatent , catho- liques et séparatistes sont en présence , les uns maudissant et mena- çant Bader qu'ils appellent un apostat , les autres l'exaltant et jurant de le défendre. A la tête des partisans de l'antique foi est Nicolas de Winden ^ vieillard qui veut mourir dans la religion de ses pères , et

0 Voir les livraisons de février, mars , Juin et juillet, pages 49, 97, 257 et SIS. {*) M. Th. de Bossierre , Histoirô de la BéfomuUion à Stratbowrg et en AUaee, page 317. (2) ScHQKPFLm , Ali. iU, , tom. ii , par. 737. O ibidem , et Actes du iénat de Landau , vol. B.

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VILLES LIBRES ET IMPÉEIALES DE L* ANCIENNE ALSACE. 353

qui trouve dans son zèle . dans ses convictions , la force de lutter , quoique sans mission ecclésiastique et sans caractère officiel » contre le curé toujours en possession de la chaire malgré l'interdit » et contre le sénat son protecteur. Ce dernier » soit pour apaiser les troubles » soit pour faire acte de soumission apparente ù l'autorité impériale, s'était enfin décidé à inviter Bader à plus de modération. Inutile recommandation ! La modération » celte vertu des tempéraments calmes ou des consciences timorées ne pouvait convenir ù ce prêtre si ardent à fouler aux pieds ce qu'il avait adoré et juré d'enseigner à adorer. De nouveaux troubles excités par Bader ne tardent donc pas à surgir » Nicolas de Winden et les principaux chefs du parti catho- lique sont chassés successivement de la paroisse et de la ville ; ils se retirent comme des guerriers blessés mais non pas découragés, et ils vont faire retentir de leurs plaintes non-seulement le palais épiscopal de Spire , mais la chambre impériale.

Us ne furent que trop bien vengés par les désordres qui survinrent peu après , et qui « après avoir ruiné les bourgeois de Landau , fail- lirent coûter à la ville son indépendance à peine acquise. En 1525, six ans après l'avènement de Charles-Quint à l'Empire d'Allemagne , et huit ans après les premières controverses de Luther , un mouve- ment plus ou moins prononcé de révolte, non-seulement contre l'Eglise , mais contre toute espèce de propriété et contre tous les genres d'autorité, avait éclaté en Allemagne. Ce mouvement, qui eut ses phases diverses et distinctes au nord et au midi , ne s'inspirait pas seulement d'une sorte de fanatisme biblique de la doctrine nouvelle du libre examen , mais d'idées communistes , que l'on est fort étonné de rencontrer au seizième siècle se formulant presque dans les mêmes termes que de nos jours. Ce communisme , dont les jacqueries des époques précédentes semblent avoir recelé le germe , et qu'il faut bien avouer avoir été provoqué par l'extrême misère des paysans , tant serfs attachés à la glèbe , que bas-vassaux des fiefs sans glèbe reconnue ou des domaines ecclésiastiques , nous apparaît en traits curieux dans la chronique de Berler que l'administration municipale de Strasbourg a éditée il y a quelques années. (0 On le voit dès avant la réformation , et dégagé encore de toute passion religieuse , préluder par des conspirations ou des émeutes contre les

(*) Codex , partie , chronique de Materne Berler . p. 104 et suivantes.

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pouvoirs temporels et surtout contre le pouvoir temporel des commu* nauiés ecclésiastiques. Pourquoi s'aitaquait-il de préférence à ces dernières? n'était-ce pas d'autant plus injuste que l'histoire du moyen* âge prouve de la part des seigneurs ecclésiastiques une mansuétude pour leurs serfs ou leurs vassaux bien supérieure à celle des seigneurs laïcs? Mais peut-être cette mansuétude » qui ressemblait parfois à de la faiblesse , encourageait-elle à son insu l'esprit de révolte » ou bien la conscience des communistes de ce temps-là se révoltait moins peut-être à la pensée de détruire les biens des communautés mona- cales ou chapitrales que ceux des familles ou des particuliers. Con- traste étrange! Les aflSliés encore catholiques des Bunuchu de i483 et de 1515 en voulaient surtout aux biens, des couvents ou des abbayes , tandis que les farouches sectaires de i525 et de 1555 fai- saient main basse sur toutes les propriétés , tant ecclésiastiques que baroniales et même bourgeoises !

En Alsace la conjuration ou le Bundschu de rUogersberg « ce rendez-vous de paysans rebelles , à qui ejà 1495 il n'a peut-être manqué que le succès et un but plus patriotique pour prendre dans l'histoire les proportions poétiques de la célèbre conjuration du Gruttli» fut le préliminaire ou l'éclair précurseur de l'ouragan communiste de 1525, Et il semble que ses chefs , au nombre de trois , comme les trois grands chefs de la révolution helvétique , Jean Ulman de Schlestadt» Jacob Hanser de Blienswiller, et Nicolas Ziegler de Stotzheim » l'aient prévu y lorsque, leur complot ayant été déjoué par Ik fermeté d'Albert de Bavière » évéque de Strasbourg, ils s'écrièrent, dit-on, en congé- diant leurs adhérents : L'heure n'est pas venue encore , mais elle viendra ! prédiction que deux d'entr'eux ne craignirent pas de répéter * après être tombés entre les mains de leurs juges et , lorsque sur le point de subir le sort réservé aux conspirateurs vaincus » ils mar- chèrent à l'échafaud. (<)

On la voit en effet revenir dès le comencement du siècle suivant, cette heure de l'insurrection des prolétaires cette heure du Bund' schu, invoquée en mourant par Ulman et par Ziegler. Dès 1515 les paysans du Brisgau, ralliés par uu certain nombre de paysans du muudat de Rouffach et du Sundgau , menacent Fribourg et Bri- sach , après avoir mis à feu et à sang la contrée environnante. (^)

C) Codw , part., chronique de Materne Berler, p. 105. (') Ibidem, p. 126.

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TILLES LIBBES ET IMPÉRIALES DE L'ANCIENNE ALSACE. ^58

Vaincus enfin et dispersés malgré les efforts de leurs chefs Jérôme . Fritz Jost et Jacob Hanser, ils trouvent pour la plupart un refuge sur les territoires de Bâle et de Schaffbouse , les ferments d'insurrec- tion future parviennent à couver assez librement.

Ces ferments se font jour en 1524 avec la conspiration de Schûiz de Traubach à Schlestadt; (i) Et le sang de Schûiz, exécuté peu après à Strasboui^ , ne parvient pas à les éteindre ; comme pour lotîtes les passions ou les maladies morales dont le paroxysme est arrivé , il semble que les armes de la compression ne soient plus en quelque sorte que des stimulants.

En i525 la chance étai^ devenue meilleure pour ces réactions de la misère contre la propriété. Aussi les paysans se soulèvent-ils dès lors en masse , non-seulement sur les rives du Rhin . mais dans toute TAIIemagne , au nord comme au midi. Leurs soulèvements ont enfin un point d'appui nouveau dans la fermentation des passions religieuses éveillées au contact de la réforme. La révolution religieuse du sei- zième siècle a en effet , surtout en Allemagne , ce point de ressem- blance avec notre révolution française qu'elle donna naissance à des doctrines et à des excès que ses premiers et plus célèbres chefs ne prévoyaient guères et qu'ils désavouaient ou auraient voulu désa- vouer. Tandis qu'au nom de la liberté de conscience les princes et les villes s'insurgaient contre la hiérarchie ecclésiastique au nom de cette même liberté les paysans s'insurgèrent contre les princes , les seigneurs et les villes. Le libre droit d'interpréter la Bible servit ainsi à organiser le communisme du seizième siècle , comme la déclaration des droits de l'homme et les travaux des économistes modernes ont servi à accréditer les idées communistes de notre époque.

Ce communisme contemporain de la réformation et qui se formula surtout chez les premiers anabaptistes» devait à son farouche et sombre mysticisme une faculté d'expansion dont est bien loin sans doute cette opinion plus philosophique peut-être ou spéculative que pratique , qu'on appelle aujourd'hui le communisme. A l'époque de Luther les déshérités de la société étaient bien plus nombreux et bien plus irrévocablement liés à leur sort que ceux d'aujourd'hui. Ils avaient à souffrir , non-seulement de la pauvreté , mais de la servitude

(*) Voyez Beatds Ruenanus , rerwn Germ. , lib. m , p. 304 , et Strobel , kme IV , page 12.

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SS6 REVUE D'ALSACE.

corporelle , de la glèbe ou du vasselage , de l'arbitraire seigneurial , et d*une foule de préleutions ou de droits excentriques qui blessaient la dignité humaine et les plus humbles instincts de la vie de famille ou de ménage. Aussi se livrèrent-ils bientôt à tous lés excès lorsqu'ils rencontrèrent des chefs ou des prédicants pour leur promettre à la fois le paradis en ce monde et dans l'autre.

Il ne peut entrer dans notre plan de retracer l'histoire de ces ter- ribles insurrections qui couvrirent de tant de sang et tant de raines les diverses contrées de l'Allemagne , mais les annales de Landau ont aussi leur page de désordres et de souffrances à offrir à cette histoire.

Egalement aptes h posséder des fiefs , les villes impériales et les bourgeois de ces villes ne partagèrent que trop le sort des barons et des domaines^ecclésiastiques pendant ces années de meurtres » de pillages t et de sévices de toutes sortes. Celles surtout d'entre ces villes qui avaient ouvert leurs portes et leurs églises aux novateurs religieux» furent les plus exposées aux malheurs de la guerre» parce qu'en leur propre sein les paysans insurgés trouvèrent plus facilement des adhérents ou des complices de fanatisme , qui les pouvaient aider à faire brèche. A Landau comme à Wissembourg quelques gens de métier, et surtout les valets et les serviteurs des gens de métier, ainsi que les journaliers et fermiers des terres de la ville avaient dé- passé bien vite en enthousiasme réformateur leurs maîtres ou leurs patrons. C'était au nom de l'égalité chrétienne qu'ils demandaient l'égalité des droits, le partage des biens, l'abolition des privilèges, des dîmes et même des canons de fermages. Bader contribua-t-il à les pousser à la révolte ? Cela est probable , car nous le voyons à peu près à cette époque obligé de quitter la ville , chassé par ceux mêmes qu'il avait rangés sous la bannière du libre examen. Ce fut pendant cet exil qu'il publia à Strasbourg « en 1526 , sa lettre apologétique à l'électeur palat|n lettre où, comme dans son catéchisme , mais a un degré moindre , on reconnaît l'exagération et le radicalisme de la doctrine de Schwenckfeld , (^) ce sectaire également odieux aux catholiques et à la msyorité des protestants , et dont Luther disait que le diable avait vomi les écrits.

Quelqu'aient été en réalité les relations de Bader avec les Insurgés de 1525 et quelqu'ait pu être la cause de la mesure quF le bannit

(<} SCBCEPFLIM , Àls. m. f tom. u , par. 727.

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VILLES LIBRES ET IMPÉRIALES DE L'ANCIENNE ALSACE. 357

momentanément de la chaire paroissiale d'où il venait de bannir l'an* cienne lithurgie , le jetant comme un proscrit ou comme un rebelle hors des murs d'une cité peu de mois auparavant si enthousiaste encore de sa parole» on ne saurait douter que Bader fut à Landau le chef du parti le plus exalté , parti recruté surtout comme à Wissem- bourg par la classe la plus pauvre » et dont les bourgeois à pignon sur rue» quoique zélés partisans de la réforme» commençaient à avoir plus de peur que du parti catholique. ^

Dès le mois d'avril 1525, en même temps que les villageois du Sundgau » du haut mundat, des bailliages de Dachstein et de Saverne se soulevaient ou s'agitaient pour se soulever , des troubles graves avaienté éclaté dans le Mundat inférieur. Ces troubles » provoqués » comme quelques historiens le prétendent , (<) par les démêlés de l'abbé de Wissembourg, Rudiger» avec les bourgeois de cette ville ou plutôt seulement occasionnés par cette querelle féodale » et nés des mêmes causes que les autres soulèvements de cette époque, n'avaient pas tardé à prendre toutes les proportions d'une insurrection terrible. Au signal de la révolte d'abord donné à Neubourg puis à Cléebourg , un grand nombre de paysans s'étaient rassemblés sur ce dernier point . accourant non-seulement de Schvireighofen et des autres villages abbatiaux» mais du Palatinat» de l'évéché de Spire » des terres de Fleckenstein et de Veldentz» et en général de tout le pays compris entre Seltz et Worms. (3)

Le chef de cette armée» car bientôt le rassemblement de Cléebourg devint une armée , était Bacchus Fischbach » vigneron de Wissem- bourg. Ce Bacchus qui ne devait peut-être son surnom mythologique qu'à la manie de latiniser les noms si fréquente au seizième siècle , ou peut-être aussi à une certaine propansion à boire outre mesure que ses adversaires lui reprochaient , avait marqué par son exaltation et son énergie dès le début de la querelle entre l'abbaye et la ville de Wissembourg. Obligé de quitter la ville et traqué par les gens de l'abbaye dans les divers villages du ressort il s'était jeté à corps perdu dans un mouvement qui promettait à la fois sanction à ses rancunes et à ses rêves d'amélioration sociale. Dès les premiers jours , à la tête

{*) Voyez Strobel , lom. iv , p. 64.

('] Petr. Gondalius, Seditio repentina vulgi prcBCipue Rwtieorum anno 1525 exorta. me » Hmrici Petn » 1570 » 8o, page 158.

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de quelques milliers d'insurgés^ il avait investi le château abbatial de Saint-Remy. Ce château , défendu par une brave garnison » aurait pu tenir longtemps contre des paysans armés de fauli et de haches, si les intelligences de Bacchus avec une partie de la tribu des vignerons de Wissembourg » ne lui eussent fait livrer les fauconneaux et les engins d'artillerie que renfermait l'arsenal de cette ville. Grâce à cet équi- page de siège le château de Saint-Reipy fut bientôt forcé de capituler, et de capituler en pure perte , car les paysans, sans respect de la foi jurée , pillèrent aussitôt et incendièrent la forteresse à eux livrée ou confiée.

Pendant que, de plus en plus animés par ce premier succès , ils allaient investir Wissemboui^, de toutes parts dans les environs s'or- ganisait la révolte contre les seigneuries dynastiques ou municipales» Les paysans du village de Nussdorf , l'un des fiefs de la ville de Landau , se montrèrent ardents parmi tous dans cette insurrection* Aidés par une partie des artisans de Landau, ils faillirent s'emparer de la ville , qu'ils menaçaient hautement de livrer au pillage. C'était an nom de Dieu , au nom de l'égalité chrétienne , que , comme leurs adhérente campés devant Wissembourg , ils sommaient le magistrat et le sénat de Landau de leur rendre la ville. La situation du gouver- nement municipal de Landau était certes fort difficile ; il ne voulait pas appeler à son aide la réaction catholique , et cependant il se sen- tait miné par l'exaltation d'une partie des adhérents de la réforme , et il voyait à chaque instant du jour et de la nuit les vassaux révoltés de la ville sur le point de s'emparer des portes et des murailles pour ensuite livrer au sac et au meurtre les maisons des meilleurs bour- geois. 11 parvint toutefois à refouler hors des murs une partie des habitante les plus compromis avec les insurgés de Nussdorf , (i) et grâce à cette énergie d'un instant il réussit à se maintenir dans une sorte de neutralité entre Bacchus et les princes qui s'armaient pour le combattre. Ses complimente et même ses bons offices étaient pour les insurgés , auxquels il ne se faisait faute de donner , comme on dit vulgairement , de l'eau bénite de cour , mais tout en caressant les chefs des paysans , il n'avait garde de leur ouvrir les portes de la ville , et il affectait de faire une distinction entre les vassaux révoltés de la ville de Landau et les vassaux révoltés des seigneuries voisines,

(') ScuoEPFUK , Ali, m. , tom. a , p. 740.

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TILLES LIBRE8 ET IHPÉRULES DE L'ANCIENNE ALSACE. 589

bien que la cause des uns el des antres fût la même, et bien qu'en bonne logique, si les rebelles de Schweigtaofen , de Gléebourg et autres lieux avaient raison , les rebelles de Nnssdorf ne pussent avoir tort.

Déjà les paysans , enorgueillis par leurs succès et encore ivres des excès commis à Saint-Remy, avaient successivement emporté et pillé les cbflteaux de Gravenstein et de Landeck , Bergzabern et Anweiler, lorsqu'un matin , appelés par leurs confédérés de Nussdorf et par leurs complices de l'intérieur de Landau , ils se présentèrent en masse sous la conduite de Michel Busch aux portes de la ville ^ demandant à y être reçus en amis et menaçant des dernières extrémités si cette réception amicale n'avait lieu incontinent. En même temps les jour- naliers et une partie des vignerons de Landau s'agitaient , menaçant d'aller ouvrir les portes.

Le magistrat dut se résoudre à laisser entrer ces hordes indiscipli- nées qui s'abattirent aussitôt sur les cloîtres et surtout sur les caves et celliers des Augustins» ainsi que sur les autres biens ecclésiastiques, dont les bourgeois se gardèrent d'autant plus volontiers peut-être de prendre la défense qu'ils espéraient éviter par qu'on ne s'attaquât à leurs propres biens. Cette tolérance ou cette coupable connivence ne réussit toutefois qu'à demi » et plus d'un vit sa cave et sa maison pillée aussi bien que les caves et le couvent des infortunés Augustins. Cependant l'autorité municipale ayant paru dans cette occasion faire -cause commune avec les envahisseurs , parvint à se prévaloir de sa complaisance pour persuader aux insurgés de passer outre. Cette bande s'était mise en marche sous prétexte d'aller rejoindre Bacchus devant Wissembourg. Et vite le magistrat de Landau tâcha de faire écouler le torrent dans la direction de Wissembourg ; la rubrique était toujours la même , c'était toujours l'abominable abbé Rudiger et sa riche abbaye qu'il s'agissait d'anéantir. Ce malheureux abbé Rudiger reste encore aiyonrd'hui chargé des malédictions de quelques écri- vains. Cependant il semble n'avoir été qu'une sorte de bouc émissaire ; sa destinée voulut qu'il se trouvât être à la fois le dernier abbé sou- verain du monastère de Wissembourg et le premier prévôt mttré du chapitre des chanoines séculiers substitué au monastère par la bulle de Clément vu du 25 août 1524. Cette sécularisation de l'abbaye au moment même des prédications des premiers réformateurs ne pouvait que prêter beaucoup aux vieux ferments de discorde entre l'abbaye et la ville de Wissembourg. Aussi Rudiger devint-il en peu de temps

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\e but de toutes les attaques non-seulement des adversaires du pou- voir temporel de Tabbaye, mais des ennemis de sa juridiction spiri- tuelle. Il eut celte chance ou ce malheur de résumer en lui tous les griefs des nouveaux sectaires « et de paraître aussi odieux à la bour- geoisie qu'aux prolétaires des bandes pillardes de Bacchus. Enfin sa restauration par les armes des princes ses alliés acheva de vouer sa personne et sa mémoire à Texécration des Wissembourgeois.

Cependant la défaite des principaux corps d'armée des paysans à Scberwiller et à Saverne par le duc Antoine de Lorraine » celle d'une autre de leurs bandes ù Pfeddersheim par l'électeur palatin Louis v, et la terreur panique , qui à la suite de ces désastres et même de l'escarmouche assez insignifiante de Pfaffenhofen s'empara des masses mobiles de l'insurrection , avaient dispersé presqu'aussi vite qu'elle s'était formée cette armée du désordre. Les insurgés fuyant et se dé- bandant de toutes parts avaient laissé la plupart de leurs chefs à la discrétion d'un vainqueur impitoyable. Des échafauds , des gibets » des mains coupées ou des doigts coupés avaient été les trophées de la répression. La bourgeoisie de Wissembourg avait payer cher sa prétendue neutralité entre Bacchus et l'abbé Rudiger , qui s'était réfugié dans l'armée combinée de l'archevêque de Trêves et de l'élec- teur palatin, après avoir réussi à quitter furtivement le château abbatial bloqué par les paysans. Le supplice de Jean Merckel » de Cléebourg , (<) ce prédicant peu auparavant si cher aux insurgés , ne présageait rien de bien rassurant aux partisans de Jean Bader à Landau. Le sénat de cette ville avait donc été réduit à passer d'une inquiétude à une autre. S'il était rassuré quant aux éventualités dont le menaçaient Bacchus et les rebelles de Nussdorf» il pouvait et. devait craindre l'éventualité d'une attaque par les troupes palatines et archi- épiscopales de Trêves. Et l'exemple de Wissembourg assiégé « bom- bardé et forcé de capituler, était pour lui faire redouter une restau- ration semblable à celle de l'abbé Rudiger , une restauration plus désastreuse encore , celle de Tévêque de Spire.

La ville de Landau se tira assez heureusement de ce mauvais pas. Elle obtint sinon la bienveillance , du moins la non-intervention de rélecteur palatin et de ses alliés en leur fournissant des vivres pour leur armée. Elle se chargea aussi de faire la police chez elle en chas-

C) Strobel , tome iv , page 30.

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VILLES LIBRES ET IMPÉRIALES DE L*ANGfENKE ALSACE. 361

sani les priDcipaox complices de rinsnrreciion des rustauds , ou les plus compromis d'entre ses bourgeois; et en livrant quelques uns des paysans qui» sans y être autorisés, s'étaient réfugiés en ses murs. Grâce à cette conduite prudente et grâce aussi à l'intervention de l'unter-landvogt d'Alsace , Jacques de Mttrsperg ou Morimont . elle échappa au sort de sa malheureuse voisine d'en-deçà de la Lauter.

C'est peut-être alors seulement que Bader fut forcé de s'éloigner de sa chaire devenue un danger pour les intérêts matériels de Landau. Nous venons de le voir réfugié à Strasbourg et y écrivant en 4526 sa lettre à l'électeur palatin. U ne tarda pas à retourner à Landau , ou du moins il y revint après les poursuites faites en 4528 par ordre du sénat de cette ville contre les adhérants , fauteurs ou complices des ^abapfistes. Ses sermons toujours marqués au coin d'une sorte >de mysticisme sombre et farouche lui suscitèrent encore h diverses reprises des démêlés avec les plus modérés des partisans de la ré- forme, quoiqu'il ne paraisse pas avoir pris parti ostensible dans la querelle des sacramentaireSi. Il ne mourut qu'en 1545, après avoir mis la dernière main à l'édition de son catéchisme, publié en 1544. (i)

Son successeur à la cure de Landau, Léonard Brunner , de Worms, acheva son œuvre et maintint plus paisiblement dans la paroisse l'en- seignement de la doctrine des réformateurs. Brunner avait publié à Strasbourg des concordances sur la Bible et le Nouveau-Testament ; il est aussi l'auteur d'une iofstruction sur la conduite à tenir au lit des malades et des mourants. (^)

On sait que Landau fut avec Munster l'une des deux premières cités d'Alsace qui adhérèrent à la formule dite de Concorde.

Notre petite république venait à peine de cicatriser les plaies faites à ses finances par la guerre des paysans et les exigences des princes victorieux , lorsque la guerre dite de Smalkalden les compromit de nouveau. Quoiqu'il ne paraisse pas que Landau ait pris une part active à cette guerre , les sympathies de la ville pour le parti protestant ne lui valurent pas moins le courroux de Charles-Quint , et elle dut payer sa part des amendes imposées par l'empereur aux villes impériales qui avaient adhéré, noq-seulement ouvertement comme Strasbourg,

(') SciKEPFLiN , j41s, m. , tome II , Landau* (2) Strobel , tome iv , page 126*

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362 . REVUE D'ALSACB«

mais même tacitement et par leurs vceox plas on ,m<^ns exprimés spontanément , à la ligue de Smalkalden.

La ville avait dû. aussi accepter Vimirim^ cette transaction que Charles-Quint fit décréter dans la diète d'Augsbourg de 1548 » et qui devint également odieui» aux catholiques et aux protestants , parce que tout en rétablissant la messe dans les paroisses elle avait été abolie» elle autorisait les prêtres mariés à conserver leurs femmes au moins jusqu'après la décision du prochain concile, et à continuer & administrer à leurs ouailles la communion sous les deux espèces.

En 1552 Henri ii » roi de France, s'étant déclaré le protecteur de la liberté germanique contre l'empereur d'Allemagne , avait Tait mar- cher son armée vers le Rhin. Déji son avant-garde aux ordres du connétable de Montmorency s'était avancée jusqu'au territoire de Strasbourg» et le roi » après s'être emparé des trois évéchés lorrains, avait donné rendez-vous à Saverne aux princes et aux députés des villes protestantes , (^) lorsque l'insurrection des paysans des environs de Saverne et de Bouxwiller provoquée par l'indiscipline de ses sol- dats , ainsi que le mauvais vouloir des Etats protestants pour ce pro- tecteur étranger et catholique, déterminèrent le changement du plan de campagne et le retour du roi de France vers Metz en passant par îa partie nord de la Basse-Alsace et par la principauté de Deux-Ponts.

Les troupes du connétable de Montmorency irritées d'avoir vu tomber entre les mains des paysans vosgiens et alsaciens une partie de leurs équipages démontés dans les mauvais passages des Vosges , et plus irritées encore de la réception à coups de canon faite à leurs coureurs sous les murs de Strasbourg , (') se livrèrent dans cette retraite à toutes sortes d'excès» et les terres de Landau » se trouvant malheureusenaent sur leur route eurent surtout à souffrir.

Le territoire de Landau ne devait pas en être quitte pour ces pre- miers sévices de l'année 1552 ; peu après les Français, vinrent les Brandebourgeois du margrave Albert » et quoique ces troupes aussi se présentassent au nom de la cause protestante, elles n'en traitèrent pas moins en ennemis les malheureux vassaux de la ville.

Henri u et Albert de Brandebourg eurent une entrevue à Landau afin de se concerter sur les opérations ultérieures de la campagne.

(') H. DE Kentzinger . Docununts da arehivet de Strasbourg , lom. l'S p. 37. (*j Ibidem , page 40 , ei Strobel , lon^e iv , page 90.

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VILLES UBRES ET DIPÉRULES DE L'ANGENNE ALSACE. S65

Mais la convention de Passaa du 2 août suivant ayant neutralisé leurs projeu » ils ne tardèrent pas à se séparer , le roi de France pour aller achever la conquête du pays de Luxembourg et aller ensuite Caire une diversion en Italie , tandis que le margrave de Brandebourg se « portait en partisan sur les derrières de l'armée impériale qui marchait du Tyrol sur le Rhin.

Cette troisième armée n'avait pas tardé à achever dans la Basse- Alsace l'œuvre de dévastation commencée par les armées française et brandebourgeoise. S'il restait encore aux vassaux de la ville de Landau quelque champ non ravagé ou quelque maison échappée au pillage des soudarts de Montmorency ou des lansquenets d'Albert de Brande- bourg , les piquiers espagnols et les arquebusiers italiens de Charles- Quint ne manquèrent pas d'en faire table rase.

Pour comble de ruine Sa Majesté Impériale et Royale daigna octroyer le don de sa visite, et d'une assez longue visite» à la ville de Landau.

Charles-Quint » qui arrivait de Strasbourg et se disposait à aller foire le siège de Metz , que devait si glorieusement défendre le duc de Guise , fit son entrée à Landau avec une grande pompe. Moins complaisant qu'à Strasbourg pour les susceptibilités des bourgeois, il avait voulu être accompagné, non pas comme en cette grande ville par une très-faible escorte , mais par une partie de son armée. Il fallut remettre à ses hallebardiers castillans les portes de la ville , et cette garde étrangère , enorgueillie d'appartenir au monarque le plus puissant de l'Europe, zélée catholique comme le furent toujours, au moins jusqu'à ces derniers temps, les Espagnols, mit bientôt le comble à la stupéfaction des protestants de Landau , en témoignant hautement de son mauvais vouloir et de son dédain pour les sectateurs du nouveau culte. Cet effroi redoubla encore lorsque les bourgmestres et le sénat étant allés recevoir l'empereur et lui présenter les clés de la ville, le virent s'avancer précédé par de nombreux chapelains et aumôniers à cheval , qui formaient en quelque sorte ses gardes-du- corps spirituels, tandis qa'une brillante chevalerie autrichienne, flamande et espagnole dressait derrière eux sa formidable forêt de lances à banderoles et de casques empanachés.

Malgré ces pronostics d'hostilité Charles-Quint, pendant les seize jours qu'if séjourna à Landau , se montra fort peu hostile aux protes- tants de cette ville. Bienqu'il ne fût plus dans la période de sa poli-

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304 REVUE D'ALSACE.

tique qui avait caressé , pour s'en faire une force contre Rome » les dissidents d'Allemagne , il sut dans cette circonstance faire taire son zèle et rester sourd aux suggestions de son entourage. Au moment d*avoir sur les bras les forces du roi de FrancCi il ne voulait pas laisser derrière lui en Allemagne des foyers nouveaux d'insurrection. Aussi * se borna-t-il à montrer sa prédilection aux quelques catholiques restés à Landau en faisant célébrer une messe solennelle dans l'église qui était depuis près de trente ans déjà l'objet du litige entre les partisans de l'ancien et du nouveau cultes. Cette église ne fut pas même enlevée par aux prédications des ministres luthériens » soit que dans la pensée de l'empereur elle dût rester mixte , soit plutôt que Charles-Quint affectât de croire qu'en y faisant une fois célébrer la messe il la rendait implicitement aux catholiques.

Les stipulations de Passau ramenaient d'ailleurs quelque peu Fem- pereur vers le parti qti'à son avènement au trône germanique il avait paru vouloir favoriser ou du moins ne pas contrarier. Vintérim venait d'être aboli en attendant la réunion d'une nouvelle diète destinée à terminer à l'amiable les disputes sur la religion , et les protestants avaient reçu l'assurance de jouir en sécurité de la liberté de conscience Jusqu'après les décisions de cette diète substituée au concile pour le jugement du dogme. Promesse leur avait même été faite que si la diète ne parvenait pas ù accorder catholiques et luthériens » la trans- action de Passau et la liberté de conscience , qu'elle stipulait , devien* draient loi de l'Empire , (*) ou auraient force de loi perpétuelle. Ce retour de Charles-Quint vers les idées de tolérance ne réussit pas » il est vrai , à faire tomber les armes des mains de tous les protestants. Le margrave de Brandebourg-Bareuth , mis au ban de l'Empire, per- sistait à refuser de se soumettre et continuait les hostilités contre les princes ecclésiastiques de la Franconie et de la province rhénane. Peut-être était-il sous main encouragé par la politique de l'empereur, qui , tout en se déclarant le champion de la foi catholique en Alle- magne, n'était pas fâché de voir les princes des deux cultes s'affaiblir les uns les autres par leurs querelles et préparer ainsi eux-mêmes les voies au pouvoir absolu du nouveau Charlemagne.

Ce fut peut-être pour ménager à la fois , comme on dit vulgaire- ment , la chèvre et le chou , que Charles-Quint alla se loger à Landau

(') Pfeffel , Histoire du droit publie de VAUemagne , tome u , page 177.

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TILLES LIBRES ET IMPÉRIALES DE L'ANCIENNE ALSACE. o6î>

dans la maison d'Ëhrliardt de Helmsladt , (i) qui élall ù la fois proche parent de Tévéque de. Spire el de l'un des principaux membres de l'ancienne ligue de Landau sous Frantz de Sickingen.

Rassuré sur les disposition des bourgeois de Landau par ce séjour de plus de deux semaines au milieu d'eux , et plus rassuré encore sur l'échéance possible de leurs mauvais vouloirs par la mise à sec des épargnes municipales , ruinées coup sur coup dans le cours de celle année 1552 d'abord par le passage du roi de France , Henrj ii , el du margrave de Brandebourg » puis par sa gracieuse visite , Charles* Quint quitta enfin Landau pour marcher a la tête de son armée conlre le duc de Guise retranché dans Metz.

Toutefois , à l'exemple des empereurs ses prédécesseurs , il ne se mit pas en route sans payer l'hospitalité des bourgeois par quelques coufirmalîons de privilèges. Car Landau n'en était plus à avoir besoin de privilèges nouveaux. Déjà en 1521 il avait , par un diplôme daté de Worms , ratiOé l'annexion définitive de la ville à la landvogley d'Alsace et confirmé l'engagement de la ville ù la ville même. Ces confirmations de privilèges ou de droits dès lors non contestés, étaient sans doute un papier-monnaie peu coûteux pour la chancellerie impé- riale, mais elles avaient toujours l'avantage de rassurer les bourgeois de Landau sur les chances inconnues de l'avenir, surtout lorsque, par suite de la cession des duchés d'Autriche et de Wurtemberg à l'ar- chiduc Ferdinand , frère de l'empereur, le titre de landvogt d'Alsace, d'abord conféré à ce dernier, fut restitué à l'électeur palatin. Ce retour de la landvogley d'Alsace à la maison palatine n'était d'ailleurs qu'un engagement ou plutôt un sous-engagement provisoire. Chose étrange que ces engagements et sous-engagements de la féodale Allemagne! La landvogley d'Alsace retirée par Maximiiien i®' à la maison palatine, avait été par lui-même , en sa qualité d'empereur , engagée à la maison d'Autriche , et c'était la maison d'Autriche , non l'empereur . c'était Charles-Quint chef de la maison d'Autriche , plutôt que Charles- Quint empereur d'Allemagne » qui engageait de nouveau celte land- vogley aux Palatins , moyennant 40,000 écus du Rhin et une rente de 8000 florins d'or sur les Pays-Bas. (^) Il fallait que l'abus des engage-

(*) Voyez BiRNBiiim.

(*]SCH(EPFUN, Alt.illf tomeu, Landvogis d'Alsace ^ paragraphe 266 des généalogies historiques.

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366 REVUE D'ALSACE.

menu eût poussé de bien profondes racines en Allemagne ponr que même l'empereur Cbarles-Quini, si riche déjà de ses possessions espagnoles de Flnde occidentale , n'eût pas bonté d'y avoir recours. Mais ce retour au comte palatin ne fut pas de longue durée , car en 1556 la landvogtey d'Alsace retirée à l'électeur Otton-Henri » fils de Rupert ou Robert, rentra dans la maison d'Autriche, qui la conserva jusqu'aux traités de Westpbalie.

Landau» comme le reste de l'Alsace , n'eut plus de rôle marqué , depuis 1552 , dans la guerre entre la France et l'Empire , guerre que ne finit pas même immédiatement l'abdication de Charles-Quint. Elle avait fourni pour cette 'guerre son contingent de soldats à l'armée impériale.

La période de paix ou plutôt la trêve armée dans laquelle les catho* liques et les protestants d'Allemagne entrèrent pour leur commun avantage vers la fin du règne de Cbarles-Quint et sous son successeur Ferdinand i**, eut peut-être pour Landau plus de bienCaiils encore que pour la plupart des autres cités les deux cultes restaient en présence. Il y a lieu sans doute d'en faire honneur à la modération du parti dominant, mais peut-être l'épuisement des finances de la ville contribua-t-il à cette modération , car l'abus de la force contre les bourgeois restés catholiques , aurait eu pour effet de les obliger à s'expatrier , ce qui n'aurait pu se faire sans de nouveaux dommages pour la fortune publique. Au contraire grâce à la tolérance on à la prudence montrée en cette occasion par le magistrat de Landau , la situation financière ne tarda pas à s'améliorer assez rapidement, malgré les années de sécheresse qui sévirent à cette époque, entr'autres et surtout l'année 1559.

Ce n'est pas que pendant la seconde moitié du seizième siècle Landau ait pu tout-à-fait se garer des malheurs de ce temps. Le contre-coup des guerres de religion ne pouvait manquer de s'y faire parfois sentir. La lutte entre catholiques et protestants , quoiqu'elle eût passé avec ses plus grandes fureurs du sol de l'Allemagne sur le sol de France, avait parfois des incidents désastreux pour les pro- vinces fi-ontières , mais ces accidents n'étaient pas assez prolongés pour altérer sensiblement leur bien-être.

A titre de voisine du théâtre de la guerre la ville de Landau eut donc, comme d'autres villes d'Alsace, à souffrir assez souvent du passage des reitres et des lansqueneu levés en Allemagne pour aller

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VILLES LIBRES ET IMPÉRIALES DE L'ANCIENNE ALSACE. 567

renforcer rarmée des huguenots de France. Ainsi en i 868 la cani- pagne autour de la ville fut fort maltraitée malgré la communauté de principes religieux , par le contingent que Casimir , fils de l'électeur palatin , Frédéric ui , amena à l'amiral de Coligny.

Dans cette même année 1568 une autre troupe de huguenots réfu- giée à Strasbourg sous les ordres du capitaine dauphinois La Coche (* ) ayant fait une tentative sur Neubourg y y avait été taillée en pièces par le duc d'Aumale accouru de Metz à la tête d'un corps de troupes royales. Une partie des vaincus avait cherché un refiigesur les terres de Deux-Ponts et jusques sur le territoire de Landau , mettant tout à feu et à sang sur son passage , si bien que même les paysans protes- tants s'armèrent contre eux , et les traquèrent comme des bêtes fauves , tandis que les coureurs du duc d'Aumale menaçaient à leur tour les campagnes du Palatinat et de la Basse-Alsace. Cette dernière invasion fut heureusement arrêtée grâce aux vives réclamations de l'empereur Maximilien u auprès du roi de France, Charles ix» qui invita le duc d'Aumale à ne pas continuer la poursuite sur les terres de l'Empire*

La nouvelle armée que Jean Casimir vint au mois de juillet 1887 réunir près de Strasbourg aux régiments suisses levés par Clairvaut pour le service de Henri iv ou plutôt Henri de Navarre , ne fit pas moins sentir son passage aux terres de Landau qu'à celles de Stras- bourg» et les regrets témoignés par le chef des réformés de France à ses bons amis les magnifiques ieigneun Ammeistre , SteUmeisîreê H Conseil de la République de Strasbourg (>) au sujet des excès commis contre leurs corréligionnaires d'Alsace par les soldats mercenaires levés en Allemagne et en Suisse auraient pu à aussi bon droit être adressés aux bourguemestres et sénat de la ville impériale et libre de Landau.

En 1877 , le il mars , fut renouvelé le pacte de défense mutuelle entre les dix villes libres de la landvogtey d'Alsace , parmi lesquelles Landau , quoique la dernière venue, eut le rang. (')

La mort de l'évêque de Strasbourg , Jean de Manderscheid , avait rallumé dès iS92 ce fatal brandon des guerres de religion qui » depuis

(*) Strobel 9 tome iv , page 186. *

(') Documents des archives de Strasbourg , par M. DE Kbntzinger, t. i<S p. 108. '

(*) Strobel, tome iv , p. 176 , oote.

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368 REVUE D'ALSACE.

d 556, avait été éloigné du pays par la sagesse des successeurs de Gbarles-Quiut. La dignité épiscopale de Strasbourg ou plutôt la prin* cipauté épiscopale se trouvait disputée par des représentants des deux cultes. D'une part Jean^Georges de Brandebourg élu fiar les quatorze chanoines protestants du grand chapitre^ et d'autre part le jeune cardinal Charles de Lorraine , évéque de Metz, élu par les sept chanoines restés catholiques , avaient couru aux armes. Il peut pa- raitre assez singulier de voir une mitre d'évéque servir ainsi de but à l'ambition non-seulement d'un prince catholique mais d'un prince protestant ; mais la mitre épiscopale de Strasbourg ne conférait pas seulement des droits spirituels , elle était en outre le signe d'une puissance féodale aussi riche que militaire.

Landau, quoique ne faisant point partie du diocèse de Strasbourg, n'avait pu garder une complète neutralité dans cette querelle. Les vœux du parti dominant étaient pour la ville de Strasbourg et son prétendant protestant à Tévéché. Aussi , lorsque les chances de la guerre eurent tourné en foveur du cardinal de Lorraine , lorsque la prise de Wasselonne et de son château eut permis aux troupes épis- copales de Lorraine , de pousser des partis en-dehors de leur ligne d'opération et de menacer les alliés ou les adhérents des Strasbour- geois, on put craindre un instant à Landau quelqu'attaque du cardinal. Déjà des préparatifs étaient faits pour soutenir un siège, et les portes de la ville avaient reçu double garde de bourgeois armés de pied en cap. Mais tout se borna à quelques sévices de maraudeurs sur les terres de Nussdorf et autres de la dépendance de Landau. La trêve de dix ans conclue à Sarrebourg entre le cardinal de Lorraine et le mar- grave de Brandebourg ôta bientôt à nos bourgeois toute inquiétude touchant les projets du cardinal , et lorsque cette trêve expira vers la fin de l'année 1602, il ne paraît pas que Landau ait pris aucune part, même par quelque démonstration sans portée, au renouvellement des hostilités.

L. Levhaclt.

(La tuite à la prochaine Hvraiion).

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HYDROLOGIE ALSACIENNE.

Longtemps dominée par des vues purement empiriques, la méde- cine thermale semblait ne pouvoir s'engager dans la voie du progrès si largement ouverte aux différentes branches de l'art médical. Au- jourd'hui de nombreux et importants travaux et plusieurs revues d'hydrologie médicale témoignent de l'intérêt toujours croissant qui s'attache à ce mode de traitement contre lequel la classe aisée se révolte rarement.

La vallée du Rhin » déjà favorisée sous tant de rapports , compte un grand nombre de sources minérales» mais personne encore n'avait songé à faire le précieux inventaire de ces richesses hydrologiques , en réunissant dans un seul ouvrage l'histoire médicale de ces sources et leurs indications thérapeutiques. Comprenant cette exigence du moment H. le docteur Robert vient de combler cette lacune de la manière la plus heureuse par la publication d'un livre qui se recom- mande à la juste appréciation des médecins et des touristes.

Indispensable comme guide, vrai comme expression thérapeutique de la valeur des eaux , riche d'érudition hydrologique , le livre de M. Robert , capricieux comme un voyage » vient nous distraire sou- vent de l'aridité et de la monotonie de l'analyse chimique par des détails historiques et la description artistique de la contrée , consi- dérée au point de vue de l'économie sociale. L'ouvrage de M. Robert a encore le mérite de réhabiliter nos établissements français, surtout ceux de l'Alsace , dont quelques uns rivalisent d'élégance et de con- fortable. C'est une attention toute patriotique dont nous félicitons très-sincèrement le docteur Robert. Car il faut bien l'avouer, il est peu de médecins qui n'aient pas vu accueillir avec un sourire de

0* Atiflév. 24

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dédaigneuse incrédulité , la prescripUon d'une saison à Tun de nos établissements thermaux. Quelque salutaire que soit l'action spécifique des eaux , quelque pittoresque que soit la contrée» quelque gracieuse que soit la naïade ou la légende, le charme et le prestige restent à la rive étrangère. L'écho lointain du bruissement de l'or et des billets de banque des salons de M. Benazet se. mêle au chant des sy rênes qui murmurent sur la rive droite de fallacieuses promesses, et bientôt l'on est séduit par ce raflSnement attractih Les chances de santé et de fortune sont donc en raison directe du carré des distances parcourues.

Nous revenons à un sujet plus sérieux , l'analyse chimique , détail aride et insignifiant pour la plupart des touristes » mais très«intéressant ^ au point de vue médical. Recueillies avec beaucoup de soins par le docteur Robert » ces analyses chimiques ont presque toutes été faites par des hommes occupant une position éminente dans carrière scientifique. Celles du pays de Baden sont le résultat de travaux récenu et encore inédits du professeur Bunsen, de Heidelberg. Sous ce rapport on ne peut rien désirer de plus complet. Ce détail a été né- gligé par M. C. James qui , sur cent quatre-vingt-quatre bains dont il fait mention dans son traité » ne donne que soixante-une analyses; les médecins qui consultent cet ouvrage sont donc obligés pour cent vingt-trois sources d'accorder une foi aveugle aux indications tbéra- peutiques formulées par l'auteur.

Peut*étre le docteur Robert aurait-il joindre à son ouvrage quelques relevés de statistique ou de clinique thermale. Hais l'on ne peut pas trop exiger d'une première édition. D'ailleurs M. Robert qui parait embrasser la spécialité de la médecine thermale , vient de fonder une Revue d'hydrologie médicale ; il est donc en mesure de répondre aux desiderata formulés par les confrères les plus exigeants.

Nous croyons bien faire en reproduisant dans la Revue â^AUaee un travail du plus haut intérêt : Sur la fornuuian des eourcei miné- raies , publié dans la Revue hydralogique médicale de Strasbourg , par M. le docteur Charles Braun.

La solution de ce problème grandiose a de tour temps vivement sollicité les efforts des intelligences d'élite ; mais » par un contraste frappant » le géDie de l'homme qui surprend dans les régions éthérées le secret de la lumière et les lois de la mécanique céleste » ne peut qu'avec peine sonder les profondeurs du chaos. Longtemps l'esprit humain n'a pu saisir aucune des scènes du grtind drame géologique

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HYDROLOGIE ALSAHENNE. S7l

qui se déroule au centre de notre globe» souvent ébranlé par la ré- volte incessante d'éléments encore inconnus. Aujourd'hui la question de ininéralisaiion et de thermalisalion des sources se rattachant aux phénomènes les plus considérables de notre planète, semble marcher vers une solution définitive , et malgré la boutade de Rabelais (^) la science moderne triomphera. Nous laissons parler M, le docteur Charles Braun » nos lecteurs n*y perdront rien.

Jules-Frédéric Pothod, docteur c

FORMATION DES SOURCES MINÉRALES DE WEESBADEN , par H. Charles Braun, docteur en médecine et en chirurgie. (^

Un article sur la formation des eaux minérales aurait déjà fi^rer dans un des premiers numéros de notre Revue , comme introduction à la science hydrologiqye ; malheureusement cette question est encore à l'état de théories ou d'hypothèses plus ou moins fondées; ces documents sont épars , et nous ne les avons encore nulle part trouvés réunis en faisceau comme dans le savant ouvrage de notre honoral>Ie confrère y M. le docteur Braun , intitulé : Monographie des eaux minérales de Wiesbaden. Nous ne pouvons donner un exposé plus clair et nlus érudit de cette Question , qu en extrayant textuellement le chapitre VlII de cet ouvrage. Bien qu'il traite des eaux de Wiesbaden , il n'en résume pas moins toutes les théories qui ont cours dans la science sur ce sujet.

Les eaux minérales ,' et principalement les sources thermales , pré- sentent un phénomène de la nature si remarquable , leur emploi dans les cas les plus graves , a produit des résultats tellement merveilleux , que l'étude de leur origine et des conditions de leur existence ne saurait être indifférente pour personne. Pour le médecin , elle est d'un grand intérêt en ce qu'elle lui fait connaître la véritable cause de l'efficacité des eaux , leurs prppriétés curatives et , par voie de conséquence , l'op- portunité et le mode de leur application.

Dans tous les temps , l'origine et la formation ^es sources minérales ont été un sujet de méditations et de recherches pour le philosophe et pour le naturaliste , et ont donné lieu à des théories telles que les com- portait l'état des sciences naturelles de l'époque , à des doctrines répon-

(*) Livre ii . chapitre xxxin. «i Et m'éhahys grandement d*un taz de folz philo- sophes et midicins qui perdent temps Ik desputer d*ou vient la chaleur de ces dictes eaues si c'est à cause du baurach ou du soulphre ou de l'alun ou du salpêtre qui est dedans les minières car ilz n'y font que rauasser et mieux leur vauldrait aller se frotter le cul au Panicault que de perdre ainsi le temps à desputer de ce dont ils ne savent l'origine.

(*) Les eaux minirake de Wiesboden , par M. G. Braun , docteur en médecine et en chirurgie. i85â.

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Wi RBVUB D'ALSACE.

dant à des idées préconçues des écoles philosophiques ou en harmonie avec la disposition d'esprit des savants qui les avaient imaginées.

Ces théories appartiennent à deux ordres d'idées très-différents. Les unes assignent à la formation des sources minérales une cause surnatu- relle ; les autres expliquent leur origine au moyen des lois de la phy- sique et sont par conséquent du domaine de science. Les premières reposent souvent sur une donnée purement religieuse. L'antiquité payenne ^* par exemple , voyait dans les sources thermales autant de divinités bienfaisantes ; dans les idées du moyen-âge elles passaient pour des émanations de la volonté divine et , suivant Origène , ce sont ded larmes versées par les anges déchus en expiation des péchés de l'hu- manité. D'autres fois ces théories s'élèvent à des considérations philoso- phiques et y quoique datant d'une époque plus rapprochée de la' nôtre , elles ne sont guères plus judicieuses que les précédientes et reposent en général sur les conceptions erronées de l'école de la philosophie natu- relle. Pour les inventeurs de ces dernières, Keferstein^ (<) Steffens, Alexis et autres, les eaux thermales sont le produit organique du travail vital de la terre , du principe vital primordial. En donnant libre carrière à leur imagination , ils ont dit sur cette matière des choses fort belles^ mais hélas , bien peu vraies ! Keferstein fait dériver la formation des sources du travail respirîttoire de la terre ; il veut y voir le produit d^ l'acte d'exhalation du globe. Steffens va plus loin dans cette voie fantas- tique ; il attribue à l'organisme terrestre une acUon spontanée sur la lune en vertus de prétendus rapports de polarité , et considère les sources comme le produit d'organes de sécrétion de notre planète , ce ui fit dire plaisamment à Berzelius que la terre devait être pourvue l'un grand nombre de reins. Nous ne mentionnons ces singulières élu- cubrations que comme un objet de pure curiosité et tenons toute espèce de réfutation pour superflue.

Parmi les théories qui reposent sur une base scientifique , trois , de nos jours , comptent encore des partisans ; celles du travail électro- galvanique , de la sublimation et du lavagç.

La théorie du travail électro^lvanique appartient aussi à l'école 4e la philosophie naturelle , mais elle a la prétention de s'appuyer sur les données de l'histoire naturelle et sur les lois de la physique. En Alle- magne , ses défenseurs les phis ingénieux furent Hariess et Wurtzer. En France même, elle eut des adhérents dans Socquet, Martinet et Fodéré.

Elle suppose dans l'intérieur du globe des couches immenses de fos- siles juxtaposées et superposées, formant de gigantesques batteries galvaniques en activité et oéposant des sels à leurs extrémités polaires en même temps qu'il s'y développe du calorique; c'est-à-dhre un modèle de la pile de Volta exécuté par la nature sur une échelle colossale. Par les efiets continus et d'une intensité toujours é^le de ces batteries gigantesques , les partisans de cette doctrine croient expliquer les pro- portions toujours constantes dans la composition chimique , l'égalité^de

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(') Keferstein, Rvdimentt d'histoire tiaturelli du corps terrestre, Leipzig 1834.

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tlYDBOLOGlB ALSACIENNE. 375

la température ainsi que la durée des sources minérales qu*ils appellent les créations vivantes de l'organisme minéral primordial ou les produits organiques de l'organisme terrestre.

Il est inutile de dire que cette théorie ne repose sur aucune preuve fournie par Texpérience. La géologie n'a jusau'à ce jour découvert nulfe part, dans le sein des montagnes, des coucnes dans un état de tension et d'activité électro-galvanique.

Supposons d'ailleurs que le hasard se soit chargé de construire dans le sein du globe une immense pile voltaïque ; cette pile serait insuffi- sante pour expliquer l'origine des sources minérales , car à l'un des pôles il ne se formerait que des bases , à l'autre que des acides , et il faudrait, pour arriver à la formation des sels contenus dans les sources, imaginer à côté de la première une seconde pile composée de couches inversement disposées. Remarquons en outre que si les partisans du travail électro*çalvanique veulent mener leur théorie à bonne fin , ils doivent nécessairement admettre dans le sein de la terre l'existence de ces immenses magasins de sels si vivement combattue par eux dans la théorie de la formation des sources par le lavage , à moins qu'ils n'aillent jusqu'à affirmer que les bases et les acides sont tirés du néant par l'ac- tion galvanique , conformément à la belle découverte de Paciani à la- quelle aucun naturaliste, pas même son auteur, ne saurait croire sérieusement.

Dans la théorie par la sublimation, on envisage les sources minérales comme les manifestations , les productions durables et paisibles d'un foyer volcanique. On y admet , et en ceci elle est d'accord avec la plui)art des systèmes anciens ajnsi qu'avec la théorie du lavage, qu'il existe dans les profondeurs de la terre une masse ignée , cause coëffîcente des sources minérales ; mais elle s'écarte de cette dernière en ce qu'elle considère les eaux comme le produit direct de ce foyer central , tandis que la théorie du lavage n'en Jait dépendre que certaines conditions de la formation des sources.

Stift {^) est le premier qui se prononça ouvertement pour la théorie

Sr la suolimation. Suivant lui les sources minérales sont, à l'instar des uptioas volcaniques , un effet de ce feu central , témoin irrécusable Se notre globe est sorti des mains du Créateur à l'état de masse en non. « Aussi longtemps , dit-il , que les émanations gazeuses de ce foyer furent contenues par les masses des montagnes , leur force expan- sive dut augmenter jusqu'à ce qu'elle leur frayât un passage par des soulèvements et des déchirements. Au même instant les laves firent éruption , les roches volcaniques se formèrent et les émanations terres- tres trouvèrent une issue à travers les crevasses de ces roches. Puis les éruptions cessèrent , le ^rand travail de la nature dans les entrailles de la terre s'organisa régulièrement et put se manifester d'une manière continue dans les sources minérales auxquelles l'eau météorologique , affluant par les fissures du sol , servit de véhicule. »

(*) Dueription géognoitique du duché de Naaau.

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374 REVUE D* ALSACE.

Voici les faits sur lesqu*5ls cet auteur prétend baser son opinion :

i^ Les sources minérales sont généralement répandues sur la terre ; elles prennent naissance dans toutes les formations montagneuses , de même que ces dernières sont toutes traversées par des productions volcaniques.

Leur composition chimique, leur température, leur principal caractère, dans une contrée donnée, ne varient pas; il en est de même des caractères distinctifs des produits volcaniques.

3^ Elles sont remarquables comme les volcans par leurs exhalaisons gazeuses.

A^ La plupart des éléments des eaux minérales se trouvent également à l'état de subUmation dans les produits des éruptions volcaniques.

5*^ Les tremblements de terre les plus étendus et les plus destructeurs ne se font que faiblement sentir dans les contrées qui possèdent des sources minérales. '

6^ Quelques sources minérales ont été visiblement influencées par des tremblements de terre considérables dont le foyer était cependant très- éloigné.

7^ Les éruptions volcaniques donnent fréquemment naissance à des sources minérales nouvelles qui tarissent lorsque les productions volca- niques cessent , ou sont périodiaues comme les éruptions elles-mêmes; toutes les contrées il existe des traces d'un foyer volcanique éteint , possèdent également des sources minérales contenant plus ou moins les principes (]ui constituent le caractère distinctif de la production volcanique.

Stift rejette Faction exclusive de la sublimation dans la formation des eaux minérales , et admet le concours de certains phénomènes atmo- sphériques. II suppose même que la majeure partie de l'eau des sources minérales chaudes et toute celle des froides n'est autre que de l'eau météorologique qui s'infiltre dans les profondeurs de la terre par les voies déjà indiquées , tantôt pour se combiner avec l'eau formée au foyer central et chargée de substances minérales , tantôt , sans pénétrer jus- qu'au foyer même , pour en recevoir les exhalaisons et les sublimations et de , revenir au jour en vertu des lois hydrostatiques dont la puis^ sance est encore augmentée par la pression des gaz.

La théorie de la sublimation se distingue de la précédente en ce qu'elle repose sur une base véritablement scientifique. Elle a été développée avec beaucoup de talent , et il est à regretter que Slifl n'ait pas tenu sa promesse , en poussant iusqu^au bout ses savantes investigations. Nous mettrons à profit , pour la théorie du lavage , son excellente démonstra- tion de l'origine simultanée des roches volcaniques et des sources miné- rales. Un grand nombre de celles-ci , on ne saurait le méconnaître , doivent leur naissance à l'action volcanique , et dans J)ien des cas , les eaux n'ont recevoir leurs principes minéraux qu'à la suite d'un travail de sublimation. Mais par contre , dans beaucoup d'autres cas , il serait difficile de prouver qu'une pareille action ait jamais existé ou existe encore. La proportion toujours constante des substances minérales , régalité de la température et du volume des sources ne témoignent pas

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UTDROLOOIE ALSAaBN!«B. 375

en faveur de Faction volcanique continue ; elles la rendent au contraire invraisemblable , car on com])rend aisément qu'un volcan puisse s'é* teindre , mais non comment il se réduirait aux proportions minimes d'un feu égal et modéré.

Nous arrivons maintenant à la théorie qui explique la formation des eaux minérales par le lavage des fossiles terrestres , théorie qui dans ces derniers temps a été Totyet de nombreuses recherches et s'est élevée par des démonstrations scientifiques au rang des vérités les mieux éta- blies. Elle remonte à l'antiquité la plus reculée. Aristote dit , dans sa météorologie et ses problèmes , que la couleur et la saveur de l'eau dé- pendent des propriétés du sol qu'elle traverse. Pline formule toute la théorie en ce peu de mots : taies sutU aquœ qualis est terra fer quam fiuunt (Telle est la terre , telles les eaux qui la pénètrent). Mais ce qui n'était pour l'antiquité qu'un axiome philosonhique , fut confirmé , dans les temps modernes , par les découvertes ae la science. D'abord , des savants comme Berzetius, Fontan, BischofT et Vetter , montrèrent, la grande conformité de la composition chimique des eaux minérales avec celle des roches qui se trouvent dans leur voisinage. Ensuite , on dé- montra que, dans de certaines conditions , les roches abandonnent aux eaux filtrant à travers' leurs assises les substances chimiques constitu- tives des eaux minérales. C'est à Struve (i) qu'appartient le mérite d'avoir le premier prouvé ce fait directement au moyen de l'analyse chimique et d'avoir par dissipé toute espèce de doute sur la formation d un grand nombre de sources minérales. Il produisit artificiellement , à .Quelques diflérences insi^ifiantes près et en opérant sous une pression ne deux atmosphères environ , de l'eau de Bilin (Josephsquelle) avec du porphyre schisteux venant du Donnersberg , près Tœplitz (Bohème) et de Teau chargée d'acide carbonique. La voie étant ainsi tracée, de nou- velles investigations firent voir que le sol des montagnes , aux environs des sources, en contient tout les éléments, et par des travaux ultérieurs, Struve put se convaincre que l'eau chargée d'acide carbonique opère dans la plupart des roches, même sous la pression modérée dune atmi^phère et demie , la décomposition des silicates de soude et de po- tasse , que l'eau pure exerce déià une action décomposante sur certaines roches et dissout , dans le porphyre schisteux et les basaltes de Platten- berg , le carbonate de soude et surtout le sulfate de soude et le chlorure de sodium , mais qu'il faut que l'eau soit chargée d'acide carbonique , pour dissoudre les silicates et donner naissance à des bicarbonates solubles.

(La suite produsinement).

(*) Beproduetion orHficieUê des mnw mMraUs thermc^.

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SAINTE FOI, SAINTE ESPÉRANCE ET SAINTE CHARITÉ,

FILLES DE SAINTE SAPIENCE. ÉTUDES HAGIOGRAPHIQUES.

Non seulement tons les dieux du ciel « non seulement ceux de le terre et de l'agriculture, ceux des montagnes , des mers, des fleuves, des fontaines, tous ceux, en un mot, qui présidaient à la nature physique , avaient un culte à Rome , mais encore les génies qui pré- sidaient aux phénomènes les plus abstraits de l'esprit humain , y avaient des autels. Je citerai , enlr'autres , la Raison . (>) la Piété , (') la Pndkité , (3) la Vertu , (*) l'Hoaneor , (») 1* Excellence , (<) la Pro-^ prêté-, O l'Equité , if) la Clémence. (*) La Foi y eut aussi plusieurs* temples. (^^) On l'adorait comme une divinité» fille de Jupiter. Numa, diiaitron « lui avait dédié le plus ancien de ses sanctuaires sur le mont Palatin. Elle en eut par la suite deux autres , dont Tun , sous l'invo- cation de Ftdei fubUca (la foi qui préside aux droits des nations) fut consacré dans le Capitole par EmiliusScaurus, et dont l'autre, sous

■' ' ■'■'■' l'i I II ■■ .1 ■■■, I I ,.- I. , .1. .1 .y ■■ .

(*) Jtfimt. V. Oto). , Fatt. , vi , 241 ; Liv. , xin , 9 et 20 ; Cic. , N. D. n : S2, Ug. u , il ; Augustin , 4v, 21 ; Lactant. , i , 20 , 13.

(*) Jyroi. V. Pl». , H..N. VII , 36 ; Valbr. Hax. , v , 4 , 7. Son tfimple éiait placé à c6té da UiéStre de Maroellos

('] FudUitia. Y. Lrv. , x , 23 ; Festus , p. 207 ; P. Victor , ng. tiré.» vin»

(*) Yirtui. V. Liv. , xxvu , 23 ; xxix ,11; Valer. Max. ,1.1,8.

(•) Bbfiot. V. Cic. , l0^. ii , 23 ; P. Victor , r§g. urb. i.

(•) Proêstana, V. Arnob. , iv , 3.

(^J Mundiiieê. -— V. P. Victor , reg. utb. xul

(•) ASquitas. V. Arnob. , rv, 1.

OCUmmtia. V. Plir. , n, S, 7.

('*) Fidet. ^ V. Liv. , i , 21 ; Servius , JBnrid. , i , 296 ; Lactamt. , i , 20, 26;HORAT.,acl.i,33,21.

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ÉTUDES mGIOGRAPHIQUBS. 377

rinvoGation de Ftdei eanéUda (la foi pure, ou sincère)» le fut» en l'an 400 de Rome » dans le Forum par Attilius Calatinus auquel fut » la même année » celui de l'Espérance ^ (*) situé devant la porte Car- mentale. Au service du temple du Capitole était préposé le collège des prêtres féciaux au nombre de vingt.

L'Amour ou la Charité avait aussi un autel à côté de celui de la Concorde dans le temple de Jupiter Capitolin. La fête de ces deux génies avait Ifeu sous le nom de Chartitia, le vui de kalendes de mars on 22 février. On brûlait l'encens devant leurs images ; et » en les invoquant» on joignait à leurs noms celui de Junon Conciliatrice , qui avait son temple sur le mont Palatin. C'était dans ce dernier temple que se rendaient principalement les épouses malheureuses, pour confier à la tagt déeue la cause des discordes qui les éloignaient de leurs maris. Elles y témoignaient de leur f<A envers elle et de lenr apéranee en sa protection. Cette fête des Charisties était encore d'u- sage sous les règnes de Constantin et de Julien » a|i iv« siède de l'ère chrétienne. (*)

Lorsque le christianisme finit par devenir l'unique culte de la niasse des habitants de Rome » et que le paganisme n'exista plus que dans la campagne» on substitua à la Charité payenne Sainte Charité et l'on broda sur cette prétendue sainte une légende. On en fit la sœur de Sainte Foi et de Sainte Espérance » et» comme ces deux dernières . la fille de Sainte Sapience ou de Sagesse ; c'est-à-dire qu'on réunit dans cette petite histoire tous les noms des différents génies qu'on invoquait an jour des Charisties.

n fallait » à cette époque» peu d'effort de la part du clei^é » pour répandre de telles histoires. Grâce aux nouveaux noms mis en scène, au cuite qu'on rendit à ces saintes » aux prières qui furent composées en l'honneur de leur prétendu martyre» le culte de la Foi» de l'Espé- rance et de la Charité » vertus que l'ancienne religion faisait découler du sein de Junon Sospita^ personniBcation la plus parfaite de la fenune déesse» à laquelle avaient recours non seulement les matrones» mais encore les vierges» ce qui lui fit donner à It fois le titre de Vierge et celui de Reine » que Ton transmit par la suite à la Vierge chrétienne» fut bien vite oublié. On ne parla que de Sapience» qui »

(*) Spêi, STiTics parle de cette déesse.

(*} Calendrier de Constantin » dans Petad » Uranolog. , tom. m.

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578 REVUE d'alsacb.

avec une sagesse an-dessas de tout éloge , avait fSa résister à toutes les épreuves de sa nature de mère , pour laisser immoler ses filles plutôt que de renier son Dieu.

La légende raconte que Sainte Sapience était la veuve d*un illustre Romain , laquelle venue dans la capitale de Fempire avec ses trois filles Foi » Espérance et Charité, y avait été dénoncée comme chré- tienne au temps de la persécution de Dioclétien. Invitée à se rendre au tribunal du préteur» elle n'avait pas hésité à reconnaître le fait. Mais loin de se disculper, elle engagea ses filles à témoigner de leur foi en Jésus-Christ. Envain le préteur tenta tons les moyens pour la ramener à d'autres sentiments. Pensant que son cœur faibli- rait en présence des peines infligées à ses filles , Il fit mettre à nu la plus Jeune, et la fit attacher au pilori , pour être battue de verges. La mère t loin de s'émouvoir , ne parla que pour encourager son enfant à souffrir , et, par ses discours , releva son courage» chaque fois que la douleur lui arrachait un cri. Elle assista de même la se« conde , de même i'alnée , ne cessant d'invoquer le Christ . et leur montrant le ciel ouvert, d'où la palme de martyre leur était présentée. Sourde à toutes les remontrances , et n'ayant point voulu sacrifier aux faux dieux , le préteur ordonna qu'elle fût pour toujours privée de ses enfants. Il les fit l'une après l'autre décapiter en sa présence , sans que Sapience pût être timorée. Elle contemplait le ciel, et» dans son extase semblait suivre le vol de chacune de ses filles vers le Dieu qui les appelait pour les couronner. Enfin, privée de tout ce qui lui fut cher , elle fut jetée dehors du prétoire , et , ainsi seule , et sans autre soutien que sa foi , son espérance , la charité qui lui or* donnait de prier pour ses bourreaux , elle passa le reste de sa vie dans l'isolement et la méditation, jusqu'à ce qu'après tant d*eprenves» Dieu enfin eut pitié d'elle et l'appela dans son sein.

Cette légende date évidemment de l'époque culte des trois génies païens fut abandonné , mais néanmoins lajnémoire en était encore en partie restée. Elle acquit d'autant plus de popularité que , par les autels qui furent mis sous Tinvocation des trois saintes , leur martyre fut consacré par la peinture, l'on montra même leura reliques (car bon nombre d'églises en contiennent encore de nos jours) , le nouveau culte voulut en constater la vérité , et que , par les prières qu'il formula en leur honneur , il provoqua chez les fidèles la demande d'intercession de ces bienheureuses auprès de Dieu.

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ÉTUDES HAGIOORAPHIQUES. 579

Quelques générations s'étaient à peine succédées que personne t parmi le peuple , ne douta plus de leur existence réelle* Si TEglise elle-même » i une époque moins lointaine » regarda comme symbo- lique cette conjonction de noms , qui ne sont que l'exprestfon des Tertus les plus parfaites du chrétien , elle n'osa plus néanmoins s'é- lever^contreleur authenticité historique, et, au contraire » lescon* signa toujours depuis dans ses martyrologes , dans ses litanies , dans ses prières comme ceux d'êtres réels.

De Rome la légende passa de bonne heure aux Grecs qui , de noms pris dans leur langue , appelèrent les trois saintes PistU , Elpk et Agapé. Ils leup donnèrent pour mère Sophia, cette sagesse éternelle, sous la tutelle de laquelle Censtaniin , dans sa ville du Bosphore , avait placé Téglise , qui , après les nombreuses reconstructions qu'elle eut à subir , porte encore aujourd'hui ce nom comme mos- quée. (1) Chez eux néanmoins , comme chez les Ladns , le culte des trois saintes ne réunit pas toujours leurs trois noms. Souvent chacune d'elles est isolée, ainsi que l'étaient les trois génies de l'antiquité. Comme emblèmes des vertus théologales et chrétiennes, on les' trouve au contraire toujours représentées ensemble, et souvent, peintes sous les figures les plus gracieuses , tenant l'une la croix et le livre quien explique les mystères , l'autre , portant ses regards vers le ciel qui s'entr'ouvre , et vers lequel son âme vole ; la troi- sième , donnant le sein à un jeune enfant qu'elle allaite , et distri- buant du fruit et de l'or aux autres enfaots qui l'entourent. C'est sans contredit la plus précieuse allégorie que nous ayons imitée de l'anti- quité ; je dirai même que nous l'avons embellie, autant que la morale chrétienne , dégagée de tout fanatisme religieux , l'emporte sur celle du paganisme.

Les Allemands reconnaissent les trois saintes sous les noms de Ftdei, Spei et Charitas que leur donne la légende latine. Néanmoins, comme êtres allégoriques, ils leur laissent la dénomination allemande de Glaube, Hoffhung et Liebe. La légende chez eux a remplacé mythe bien plus ancien , qui se perd dans l'origine de la nationalité germanique et qui mettait en scènes les trx>is Nomes ou filles du destin. Elles représentaient le passé , le présent et l'avenir , c'est*à-

[*)Âia Sofia, Y. les différentes bâtisses de ce roonoment, Robert Wàlsh, traddctioD de Kaisbr , Cinutantinapêl und seine Umgehungm , p. 96.

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380 RETUE D*ALSAGB.

dire le cercle de réternité à laquelle présidé celte sagesse éternelle et imInl1able^« d'où découlent les vertus que le christianisme a per- sonnifiées.

L'on n'a reproché ma philosophie panthéique. C'est certainement le reproche que je mérite le moins, puisque, convaincu qu'il n'existe qu'une seule et unique cause immatérielle , je tends au contraire à persuader qu'il ne peut y avoir de médiateurs entre cette cause im- matérielle, quelque nom qu'on lui donne, et l'homme, et qu'en l'admettant , on ne fait que remplacer par des êtres , souvent fictifs , telles que le sont les quatre saintes dont je viens de commenter la légende, d'autres êtres fictifs dont l'ancien culte avait peuplé la nature, et qu'il subordonnait au Grand^oui.

Max, db Ring.

BIBLIOGRAPHIE.

ETUDES MYTHOLOGIQUES.

Mœurt eouiumei et croyanees iuper$titieu$e$ du peuple tyrolun , par M. IGN. ZiNGERLÉ. SUten, Br&ttche und Meinungen des Iiroler Foiftej, .gesammelt und herausgegeben von Ignaz Zingerl^. •— Innsbruck , 1857 , 8», 213 pages , avec xxii pages renfermant l'in* troduction et la littérature.

En recueillant avec soin les légendes populaires ainsi que les contes de famille et d'enfants , s! répandus en Alfemagne , les frères firrtmm ont jeté les véritables fondements du système reUgieux des ancien» Germains. Ils ont fait plus, leur exemple a provoqué, non-seulement dans leur patrie , mais encore dans le reste de l'Europe, des recueils analogues , qui , outre leur intérêt local , présentent des points de comparaison importants et permettent de poursuivre jusqu'à son origine , la grande filiation des peuples de race japhétfque. (^)

(*) C'est ce qu'oui entrepris aussi MM. DÉsnÉ MomaER et AniÉ VnusTRnaiR dans lean Traditions pofuUiirm comparées ^ dont le premier volume lenfénnQ

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BlBLlOGtUPHIB. 381

Il appartenait au créateur de la grammaire historique , à l'iobti- gable Jacob Grimm, de rassembler les éléments épars, d'en établir la véritable signification , de faire revivre œs grandes figures mytho- logiques , telles qu'elles se présentent soit dans les épopées natio- nales » soit dans les chansons ou les légendes populaires; en un mot » de devenir aussi le créateur de la mythologie germanique.

Grâce à lui » la science » qui p trop longtemps » s'était uniquement adressée aux parchemins ou aux monuments d'architecture et de sculpture est descendue des régions élevées elle planait , pomr interroger aussi les traditions i>opulaires , ces documents vivants » transmis fidèlement de génération en génération sous des formes aussi riches que variées. En effet , elle étudie maintenant avec ardeur ^ ce qu'autrefois elle avait ignoré , négligé ou dédaigné : les contes des veillées et les légendes xles prêtres et des chasseurs , les croyances superstitieuses et les chansons populaires, voire même jusqu'aux rondes et aux jeux d'enfants. Heureusement elle a commencé à se mêler de ces bluettes si pleines de sens» de ces niaiseries si profondes et si riches en résultats ! c'est à elle » c'est à la science critique sur- tout qu'était dévolu le droit de coordonner tous ces éléments de les trier , d'en élaguer les faux joyaux ; car » de même qu'il y a des fabri- cants d'antiques et d'antiquailles , il existe des faiseurs de contes et de légendes, faussaires non moins condamnables que les premiers»

M. Ignace Zingerlé, professeur au gymnase d'Innsbruck » dont nous annonçons un recueil de Moeurs , ccutumes et croyancei iupers6tieu$ei du peuple îgroUen, n'est certainement pas du nombre de ces derniers. Il n'en est pas non plus à son début , dans ces recherches si pleines d'intérêt ; il nous a déjà donné» conjointement avec son frère cadet, H. Joseph Zingerlé , prêtre à Méran » deux beaux volumes de Contes de famille du Tyrol, et a publié récemment un travail remarquable sur la pbétiqne Légende de S^ Oswald » ainsi que d'autres productions estimées de tous ceux qui s'occupent d'études mythologiques ou de poésie populaire.

les nègnss de Voir €i de la tsrre^ Pans 1854» 802 pages iii-8«; tandis que le rédacteur de la il0vu0 mylAoJo^iM {Zeitsehrift fUr âsuUeh» Mythologis) , vient de nous donner ses Mythes germaniquss {Germanisehe Fonehungen) » l^* parUe» Berlin 1858 » 400 pages iii-8% dans iesqueMes il chexcbe à ratUcher les principales divinités Scandinaves ou germaniques k leurs prototypes correspondants dans la myibologie indienne.

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S82 REYins d'alsacb.

Sorli de la bonne école des Grimm et des Simroek^ M. ZingerU a réuni dans le volume doni nous parlons » une série de notices inté- ressantes sur la vie intima et les croyances pieuses ou superstitieuses de ce peuple du Tyrol si simple et si primitif encore » et que nous nous garderons bien de juger d'après ces chanteurs ambulants , dont l'extrait de naissance est d'ordinaire peu d'accord a?ec leur pitto- resque travestissement.

Le travail de M. ZingerU est serré , sobre dans l'expression » mais d'autant plus substantiel dans son contenu. En analyser les différentes parties y serait chose diflScile; car, à peu d'exceptions près » cène sont, pour ainsi dire, que des aphôrismes populaires , dont 997 nu- méros se rattachent aux usages et aux croyances populaires , et 326 aux chansons on énigmes d'enfants. Dans chacune de ces deux caté- gories , noDS avons trouvé bon nombre de morceaux connus aussi en Alsace. Voici , d'ailleurs , la division du recueil tyrolien :

I. La naiuance et les années d'enfance. II. L'amour et le mariage. III.. La maison. IV. La mort et les esprits. V. Le diable , les sorcières , les sortilèges. VI. Les animaux. VII. Les plantes. VIII. Les vents et les différents phénomènes météorologiques. K. l'an- née du paysan , les fêtes et les usages qui s'y rattachent. X. Varia et euppléments. Xli Chansons et énigmes du jeune âge. XII. Appendice.

Cet appendice renferme un fragment très-curieux d'un poème du quinzième siècle , intitulé : c La fleur de la vertu , i par le Tyrolien Tintler et dont il existe un manuscrit à la bibliothèque d'Innsbruck. M. Zingerlé a choisi les passages de cet auteur qui traitent des super- stitions populaires <du Tyrol, à l'époque vivait Yintler^ poète aussi gracieux que plein de sens. Son poème mériterait bien l'honneur d'une publication complète et consciencieuse , et personne ne serait mieux que U. Zingerlé, en état de se charger d'un pareil travail, que le monde savant , nous en sommes sûr , accueillerait avec un* vif sen- timent de reconnaissance.

AUG. Stoeber,

pporMwnr an ooUége de MoIhmiM.

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BtBLlOORAPHlB. 38S

Zoologie du jbunb âge ou HUtom naturelle de» ammanx, écrke pour la jeunesse , par M. bBREBOULLBT » professenr à la faculté des aciences de Strasbourg , directeur du musée d'histoire naturelle » chevalier de la Légion-d'Houneur, etc. (<)

Rieu n'est rare comme les bons ouvrages de zoologie à la |K>rtée de tous les esprits. Les livres d'histoire naturelle destinés à la jeunesse» ne sont ordinairement que des Collections d'images {dus ou moins mal faites, accompagnées de descriptions entachées d'erreurs et de fables. S'ils peuvent servir à amuser la basse enfance, ils sont com- plètement insuffisants pour jeter dans les jeunes têtes les bases d'une instruction solide. Aujourd'hui les sciences naturelles» quoique basées uniquement sur l'observation, visent à l'exactitude et ai elles ne peuvent prétendre à une précision mathématique , elles tiennent au moins à l'exactitude des faits. Il importe beaucoup que tout ce qui est destiné à la jeunesse , porte un cachet absolu de vérité. L'erreur inculquée à une jeune intelligence , détermine une déviation d'esprit bien difficile à redresser plus tard. On veille avec tant de sollicitude à préserver les enfants de toute difformité physique ,. pourquoi n'en ferait-on pas autant à l'égard des difformités d'esprit? Disons«le tout de suite , cet écueîl n'est pas à craindre avec un observateur aussi consciencieux que M. Lereboullet ; il n'avance que ce qui lui est prouvé , et s'il est amené à parler d'un fait douteux , il a soin de ne le donner que pour ce qu'il vaut.

L'histoire naturelle des animaux a acquis une nouvelle importance par les utiles travaux de la Société zoologique d'acclimatation ; donc au mérite de combler une lacune dans les moyens d'enseignement , l'ouvrage de M. Lereboullet joint encore celui de l'à^propos. SI l'au- teur le destine tout modestement à la jeunesse , il sera souvent étudié ou consulté avec fruit par l'âge mûr et il vaudra certainement plus d'un membre de plus à cette illustre société.

£a zoologie du jeune âge commence par une introduction M. Lereboullet précise les caractères des différents règnes de la nature ; puis il s'arrête au règne animal et termine par un tableau de classifi* cation des animaux.

(*) A Strasbourg, librairie Dériraiiz , me des Hallebardes. Une livraison toai les dix Jours , texte in-4o, à deux colonnes, 320 dessins ooloriés.

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384 Mvm d'alsâcs.

Confonnément aux -principes de Umi^ il déflnit aîasi les trois règnes , tels qu'on les admet généralement :

c Les minéraux sont inertes, ils ne vivent pas, mais ils cmuem, Les végétaux iToûieni et vivent, Les animaux crotfâeni vtveni et êentenu Chaque règne » ajoute-t*il . s'élève donc d'un degré au- dessus du règne qui précède. »

En ce qui concerne rhonune , M. Lereboullet paruge les idées modernes et il Texclut ^ avec raison , du règne animal, c A ces trois règnes de la nature , dil-il » on pourrait , disons mieux » on devrait en ajouter un quatrième, un règne particulier pour l'homme* L'homme « en effet , est de deux natures ; outre sa nature animale qui le fait participer au reste de la Création , il a une nature spiri- tuelle étrangère à toute autre créature terrestre et qui se révèle par les actes de son Intelligence. L'homme est le seul être qui ait de la

raison , qui pense et qui parle... L'homme doit donc étreséparé

des animaux , et son histoire naturelle , qui constitue une science étendue, désignée sous le nom d'anifcropoloj^ , doit être traitée A part. La zoologie sera donc pour nous YhUloire naturelle des anwMux proprement diu. i

Passant à la classification , il divise le règne animal en quatre grands embranchements , savoir : Les animaux vertébrée ; les animaux orA- eulés ou anneléê; les animaux moUusquei ; les animaux rayonnes ou zoophytes»

Nous nous arrêterons de cette analyse. Dans des articles vM* rieurs nous passerons «n revue ces quatre embranchements à mesure de leur publication.

Il faut beaucoup de science pour bien faire un ouvrage élémentaire* Nous sommes heureux que M. Lereboullet se soit dévoué à oe travail aussi ingrat^qu'utile ; la jeune génération en sera reconnaissante à notre savant lauréat de l'Institut. Le succès immanquable de la Zoo-' togie du jeune âge prouvera à l'éditeur, que malgré les préjugés de centralisation qui existent en France, l'on peut toi^ours entreprendre en province la publication d'un bon livre , surtout lorsqu'on dispose d'une typographie comme celle de M. Silbermann , qui sait exécuter les planches coloriées avec autant de perfection que le texte.

Le livre de M. Lereboullet trouvera place dans toutes les familles ei dans toutes les écoles.

NaI>0LÉ0N NlCRLÈS,

correspondant do rAoadéinio de Stanifln.

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GERTRUDE DE

Si desplakkes de la Lorraine oa de l'Alsace rapprochées des oioau ▼osgiens , le fôyagear porte ses regards vers ces derniers » il manqae rarement de s'enqaérir d'une roche en grès rouge , couronnée d'une chapelle et qui dessine sa masse irrégulière sur l'azur du del ; cha- cun alors de lui répondre : c'est le clocher de Dagsbourg « aujour- d'hui Dabo, au sommet du Schbmberg , à la base duquel jaillit la source de la Bièvre qui ya arroser la yallée sablonneuse de BrimzUuU. Au sommet de la roche était le Burg seigneurial du comté de. Dags- bourg que les Français ont détruit Q).

En 4906 , son possesseur éuit Adelbert III , de la famille de Saint- Léon et l'un des plus puissants seigneurs de l'Alsace; car, aussi loin que sa Tue pouvait s'étendre depuis la plate-forme de son donjon , il n'était guère de domaine qui ne relevât de lui à un titre quelconque. Deux fils dans la force de l'âge et de la plus belle espérance , Henri et Wilhelm , et une fille du nom de Gertrude* composaient sa famille pour laquelle il rêvait les plus brillantes destinées « lorsqu'un jour le gardien des échanguettes lui signala l'approche d'un messager dont la cotte de mailles était recouverte d'un surcot noir : on le vit gravir lentement le Schhuberg , s'approcher du pont-levis et» saisissant la trompe appendue auprès » il en tira un son rauque et sauvage ; la porte lui est bientôt ouverte , et le messager» admis en présence d' Adelbert» è'incline respectueusement et lui remettant entre les mains une lettre qu'entourait un large ruban noir» relié à ses extré- mités par uii sceau en cire de même couleur, c Noble comte, dit-iU de la part de Monseigneur Tévêque de Liège. » Adelbert a pâli

(* Le 13 novombiN' 1679.

9* Amm. â5

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386 REVUB D'ALSiCB.

il brise le sceau d'une main tremblante C'était Tannonce de la

mort de ses deux fils qui \ dans un tournois donné à Andenne » s'é- itaient tous deux frappés mortellement ! (1200.)

Âdelbert» resté sans d'autre enfant que Gertrude, s'occupa dès lors à lui donner une éducation brillante, et elle répondit à ses soins. Quand elle apparut sur la scène du monde » on s'entrtf enait encore dans toute l'Allemagne , mais surtout en Alsace , de la haute piété et des éclatantes vertus du Saint*Pape Léon IX. Comme lui » Gertrude allait briller quoique d'un éclat bien différent. De sa beauté nul ne parlait , mais chacun célébrait à l'envi l'esprit » le savoir, mais sur- tout les richesses de la fille d'Adelbert , de la future héritière des comtés d'Ggui&heim , de Dagsbourg et de Metz. Les reUgimx de Biarmoutier avaient été ses maîtres ; la langue latine«e lui était pas moins familière que l'allemande et la française , et sa mémoire était ornée des traits les plus saillants de ces Romains de chevalerie dont les belles châtelaines faisaient alors leurs délices ; ces lectures jointes aux Lkds des Minenagers , exercèrent une grande iofluenoe sur la jeune comtesse qui se plaisait surtout en la compagnie de ces hommes dont la vie se passait à aller demander de château en château une hospitalité qu'on était heureux de l^r donner^ et soldant leur dé« pense avec des chants de guerre ou d'amour ; ces chants firent une vive impression sur l'esprit de Gertrude et développèrent en elle avec le génie de la poésie un vif penchant à l'amour « dont la nature avait déposé le germe au fond de son coeur et qui devait fatalement influer sur sa vie.

A peine Gertrude était^elle parvenue à l'âge de seize ans qu'on vit afQuer au Bwrg seigneurial les jeunes nobles alsaciens » désireux d'ob- tenir sa main; mais tous se retirèrent bieqtôt, quand Thiébaud, le fils de Ferry , duc de Lorraine , et l'un des plus beaux hommes de son temps {}) , se présenta. Qui aurait , en effet, osé faire concur- rence à un prétendant qui , indépendanunent de ses avantages per- sonnels, devait placer une couronne fermée au front de 4son épouse? Leurs noces furent célébrées en grande pompe » à Colmar , en 1216 , et Frédéric , roi des Romains » les honora de sa présence. Peu de temps après , Adelbert mourut , et son corps fut placé dans le tom-

(^) Formosittimus fuU omnium kominumewisuntiuminpravinciam» (Alberic, ad anno 1215).

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OEBTMMB ns DAGSiOURG. 38/

beau reréia de son «nnare ^mplèie , ainsi qa*il était d'usage en Allemagna poor les DObles dbnt la its^Dée s'éteignait en eut. Lors- qu'en 1828 , on ouTrit , au flanc du Schh$iberg , le chemin qui con- duit an pied de la roche , les ouvriers trouTèrent, m*a-t*ôn assuré » un coffre en pierre recouvert d'une dalle épaisse : il renfermait des ossements > un glaive à demKrongé par -la rouille et des éperons. Ne sont-«e'pas les restes du comte 4e Dagsbourg, dont le hanbert mnîUé , en usage de son temps » a été oiûdé et délmit entièrement?

Le dac Ferry lui survécot de peu. Ainsi Gertrnde et son époux se trouvèrent en possession de leurs riches héritages, etl'évéquede Metz » qui avait le droit de reprendre le comté de cette ville après t'exlinctloQ de la ligne masculine» consentit à ei| lafsser la jouissance viagère ft Gerirude. Quel brillant avenir s'offrait dès lors en per- spective aux jeunes époux 1 Esprit , beauté , gloire » puissance » ils réimîsaaienl tout ce qui fait , dit-on , te bonhenr » et cependant pen d'existences ftirent plus tourmentées et plus malheureases que la leur» ainsi qu'on va le voir.

Vers cette éfoqfÊ» , deux puissants eompiéciteors se disputaient l'empire : c'était Frédéric II» roi des Romains > et Othon » qui venait de prendre la couronne impériale. Le premier avait jugé à propos de s'assurer Tassistaiioe du duc Ferry» moyennant la promesse de 4»000 marcs d^argent » pour quoi il lui remit en gage la ville de Rosheim , m Alsace ; mais à la mort de <op dernier» Frédéric s'en remit en pos* session sans avoir rien déboursé » et au grand déplaisir de Tbiébaud qui avait formé des projeta d'agrandissement de ce côté et voulait Ure de Rosheim la base de ses opérations htures : il résolut donc d'y rentrer a tont prix et envoya à cet effet un corps de milices sons le conMOÉndeflient de Lambyria d'Arches» son migordome» s'em- busquer dans la vallée de la Bruche » située à la frontière de son comté de Dagsbourg. Ce dernier avait ordre d'y attendre le duc » mais ne voyant arriver personne et tochant» du reste» que les portes de la ville n'étaient pas gardées , Il pénétra sans peine jusqu'au centre » et aussitôt ses hommes se mirent à piller et se livrèrent à tous les excès trop ordinaires à ceux qui prennent une place d'assaut.

Cependant les bourgeois » surpris » s'étaient d'abord retirés dans l'église et le cimetière. Un chevalier » nommé Othon » qui se trouvait avec eux » se mit à leur tête » et quand il vit que les hommes de Lamhyrin , repus de viandes et de boisson « avaient peine ù f;e sou-

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388 a8?0K d'alsacs.

tenir , il fil ttoe sortie , toiDl>a snr eux et en massicra la plus grande partie. Lambyrin lai-méme eut granéTpeine à s'écbapper pour aller faire part au duc de sa mésaventure (i).

Frédéric qui était alors occupé à guerroyer contre Otboo , ne pouvait songer à tirer vengeance de ce guet-apens ; mais Thiébaud , qui en redoutait les conséquences pour l'avenir si Frédéric avait le dessus , crut .devoir les prévenir en allant se joindre à Otbon éous les enseignes duquel il combattit bravement ; toutefois l'issue de cette guerre ne lui fut pas favorable. Frédéric vainquit son rival dans les^ plaines de Bouvines et dès lors Tbiébaud fit tous ses efforts pour se réconcilier avec lui et vint même lui faire visite i Metz (1214). Mais, ne pouvant se consoler de la perte de Rosbeim « il entreprit , trois ans après , de s'en rendre maître et cette fois il y réussit. Frédéric indigné , convoqua à la bâte ses vassaux , marcha contre Thiébaud qui n'était pas en mesure de tenir la campagne et le contraignit. à chercher un refuge au château d'Amance il l'assiégea avec l'aide des troupes que lui fournirent Blanche de Champagne et Henri, comte de Bar » lesquels avaient de graves siyets de plainte envers le duc de Lorraine.

Durant ces événemenu, que faisait Gertrude?

Délaissée par son volage époux , (') elle cherchait des distractions dans l'étude « la poésie et les etbau ammreux dont ne u fil ftmUe. Cette conduite fut dénoncée au duc qui chassa probablement d'auprès d'elle des amu par trop compromettants , et la fit rigoureusement surveiller ; c^est, du moins , ce qu'on peut conjecturer en lieant les strophes suivantes elle déplore d'une manière un peu vive la perte d'un de ses amis et l'éloignement des autres , et leur exprime ses regrets de n'avoir pas fait pour eux tout ce qu'ils poavafeni déitm*.

LA DtJCHAlSSE DE LORRAINE.

I.

Per tnintat fois Bor^i esteit requiie C'ains ne chantai ainû com' je soléie. Car je suis si aloignie de joie Ke j'en devraie èstre plut entreprise

^ - - -

(*) RicuR, Chron. Senon. ^ 11b. tif , c. tu. ^ Alberic , Chron. , p. 465. (■} E8SAR0, dans iÊory^'Elvange. Soivadt <5Bt écrivain , on avait noué Vaipùl- ktt$ à Tbiéinad.

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GERTRCDB DB DA66B0UR6. 589

Al mien Toloir mondé en iteil gaiie Com celle Ûst cul je «embler voroie Dido ke ftut por Enéag occise.

il.

Ahi aims, tout à vostro devise Ke oe fls-ge tant com je vo veoie ! Gens vilainne , cui je tant redovtoie M'ont si greveit et si arière mise, C'ains ne vos pot mérir votre senrixe , S'estre poet , plux m'en repentlroye C'Adam ne fist de la pome c'et prise. III.

Çains por Forcon ne fit tant Anfeliie (') Com je por vos , amis s'or vos r'avoie ; Haix ce n'iert j'ai la première moroie Naix je ne puis morir en itel guisse C'ancor me r'ait amors joie promise. Ci veul doloir an len de meneir joie : Poene et travail iert mais ma rente aiise.

IV,

Per Dien , amis , en grant dolor m'ait meiae. Mort vilaine , ke tout le monde guerroie Veux m'a tolut la riens ke tant amoie ; Or suis fénix , lasse » soûle et eschive , Dont il n'est c'uns si comme on le devise » Mais à Boiennes m'en reconfortiroie Se por ce non c'amors m'ait en justice. (*)

(*y Ces deux amants sont les héros de la chanson de Gest de Foulqua de Candie, branche de Guillaume au Gourt-nes.

(*) Traduction littérale :

I. Maintes fois j'û été requise De chanter suivant ma coutume , Mais je suis si éloignée de toute joie. Qu'il faudrait que je lusse mieux disposée , (que je ne le suis) Car mon vouloir serait de mourir Comme celle à qui je voudrais ressembler , Didon qui mourut pour Enée.

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S90 REVmt B'ALSACS.

Ces stances font partie d'un recueil maonscrit de poésies do trei- zième siècle que possède la bîUiotbèqoe impériale (>) ; elles existent aussi » mais avec quelques transpositions et' variantes » dans un ma- nuscrit de la bibliothèque de Berne » sous le titre de la Duehai$$e de Lorraine (^). Or, cette duchesse » qui pourrait-elle être sinon Ger- trude 9 la dame aux ùurigues et etbau amoureux ? Que pour le style et la versification ces strophes soient inférieures à celles du comte Thiébaud de Champagne , nul ne le conteste » mais il y a dans celles de Gertrude plus de sensibilité et de naturel ; on doit d'ailleurs prendre en considération que Gertrude écrivait dans une langue qui n'était pas la sienne. Maintenant revenons-en à son malheureux époux » que nous avons laissé assiégé dans son château d'Amance.

u.

Hélas ! amis, que ne fU-je tout i votre pUisîr

Pendant que je vous avais ;

Mais les enideuz que tant je redoutais

M'ont teUement adlii^e et humiliée ,

Que je n'ai pu récompenser vos services.

Si cela eut été possible , je me repentirais (de ne

L'avoir pas fUt) plus qu'Adam d'avoir pris la pqmme.

m.

Certes Forcon ne fit pour Amfélize

Autant que je ferais pour vous , amis , si je vous r'avais ;

Mais cela ne saurait être que la première que je mourusse ;

Et je ne puis mourir ainsi

Avant quO" l'amour ne me procure encore quelque joie ,

Maintenant je veux me plaindre loin de me réjouir.

Peine et travaU seront désormais ma rente assurée.

!Y. Pour Dieu , amis , je suis mise en grande douleur. Mort cruelle , qui faites la guerre à tout le monde , Vous m'avez ravi la chose que j'aimais tant ! Maintenant , malheureuse , délaissée , sans ressources , Je suis comme le phénix qui est seul , oomme on le dit ; Toutefois je m'en consolerais sans peine Si je n'éprouvais le besoin d'aimer.

(*) Collection de Saint-Germain, 1989.

(') N* 389. On en doit la connaissaaoe 4 M. A. JiibiBal.

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GERTRUDE DE DAGSBOURG. 391

Eq présence d'un péril si imminent » le duc de Lorraine envoya des^ messagers reguérir l'aide de ses nobles , qui la lui refusèrent » et il reçat en même temps la nouvelle que plusieurs d'entre eux s'étaient joints à ses ennemis. Y a*t-il lieu de s'en étonner ? Et pourquoi? Richa et puissant , Thiébaud s'était fait détester pour son orgueil ; tombé dans l'infortune » il ne trouvait pins que dédain et abandon ; juste chfltimMt des princes qui , aveuglés par la prospérité , ne craignent pas d'humilier leurs sujets ou ceux qu'ils ont vaincus*. Tous se sou* mettent d'abord ; tons courbent la tête et dévorent en sîlenee lea affronts ; mais que le vent de l'adversité vienne à souffler sur le co- losse » alors les esclaves se relèvent » ils le frappent à l'envi ; ils sa vengent , et souvent d*une façon cruelle. Ainsi fut-il de Thiébaud ; non-seulement sa chevalerie lui refusa son secours , mais elle sq réanît en assemblée générale pour aviser au sort de l'Etat et élire un autre souverain à sa place (*). La duohesse Gertrude ne fat pas » dit-on 9 étrangère i ces menées , qui d'ailleurs restèrent sans résuU tatsP).

TUébaud , se voyant abandonné de ses sujets et serré de près par ses ennemis , sortit un jour du chAteau d'Amance et vint se jeter aux pieds de Frédéric en sollicitant un pardon qne ce dernier voulut bien lui •accorder» mais en le lui faisant acheter chèrement. D'abord il le traîna durant quelque temps à sa suite comme prisonnier ; puis il l'emmena en Allemagne pour y . attendre la décision qu'il prendrait à son égard. Ce fut dans une modeste auberge de 'Wurtzbonrg que Richer rencontra le souverain de la Lorraine.^ Quatre gentilshommes et un .page composaient la suite de Thiébaud , dont l'orgueil était alors bien abaissé ('). 11 se prêta à tous les sacrifices qu'on exigea de lui , et obtint à ce prix sa liberté , dont il ne devait pas jonir long- temps , car 9 de retour en ses Etats , il y traîna une vie languissante,

. (*) Ce ùÀi , tout extraordinaire 4u'il paraisse , ne dépassait pas les droits de raneienne chevalerie lorraine , qui formait un corps peu nombreux., mais distinct de la noblesse. H ju|feait souverainement dans les assises , et le duc lui-même éUit soumis à ses arrêts. Pour faire partie de ce cçrps il fallait qu'un gentilhomme f&t noble de nom et d'armes , et que son origine se perdit dans la nuit des temps.

(') « Ce qui surprist les bons et affidés serviteurs à Monseigneur , c'est que la duchesse Gertrude ne parut en porter plalncte , mais bien approuver les susdits déportements. » (Florentin de Thiriat , dans Mary d'Elvange.)

(') Chron, Senon, , lib. lu. Errard raconte cette affaire d'une façon différente.

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593 KEvas d'àlsaci.

et mourut au bout de deux ans (1220) » non sans quelque soupçon de poison.

Cette perte dut affliger médiocreiçent Gertmde. Désormais plus de contrainte , plus d'incommodes surveillants ; elle pouvait à son gré se livrer à ses pencbants ; elle était jeune « spirituelle , riche de ses domaines héréditaires , riche du douaire qui lui avait été assuré par son contrat de mariage ; et cependant la veuve du duc de Lorraine « au lieu jouir de son indépendance , se hâta de la sacrifier en don- nant sa main , trois an^ après » à Thiébaud » comte de Champagne.

La cour de ce prince était alors renommée pour son élégance et son bon goût. On y voyait affluer les artistes et ceux qui faisaient profession de gaie tâence; lui-même » comme on sait » était l'un des poètes les plus distingués de son temps ; Gertmde aussi était poète. Mais Thiébaud bien que plus tard il ait fait preuve de constance dans ses amours avec la reine Blanche , mère de saint Louis » était d'un caractère léger « et parait, en épousant Gertrude, avoir eu plutôt en vue la possession du comté que celle de la comtesse (>)• Celle-ci , de son côté , se voyant négligée , et se considérant comme une femme tncompriie , ainsi qu'on dit aujourd'hui , tenait peu à ses * liens ; aussi quand » au bout de deux années de mariage , Thiébaud se pourvut à Rome pour en obtenir la dissolution sous prétexte de stérilité et d'une parenté au moins douteuse , Gertmde n'y mit-elle pas obstacle , et » la séparation ayant été prononcée » elle retourna dans ses domaines d'Alsace.

On pouvait croire que deux hymens aussi malheureux détourne- raient la comtesse de' prendre un troisième époux ; il n'en fut rien cependant » car , peu de temps après , elle donnait sa main à Sigis- mond ou Simond de Leinîngen » comte d'Altorf » de l'illustre maison de Sarrebmck; un mde guerrier vraiment , mais beaucoup plus propre à manier la lance et l'épée qu'à devit galans et gais propoi qui plaisaient tant à Gertmde. L'admioistration de ses domaines , devenue difficile par la turbulence de ses vassaux et les tentatives d'usurpation des nobles ses voisins » lui en firent peut-être une né- , cessité ; peut-être aussi elle y fut amenée par ce besoin d'aimer qui influença tous les actes de sa vie. Trouva-t-elle dans les bras de Simond ce bonheur qu'elle avait attendu en vain de ses devanciers?

(') Chron. Seium. , cap. uni.

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GBRTRTOE DE DAG8B0UEG. 303

On ne sait-, mais » en tout cas » leur union Ait de bien courte durée ; en iS25 » la femme qui atait surmonté sa couronne ducale de celle de poète expiait par une mort prématurée les erreurs de sa fie ; elle s'éteignit sans postérité (<) « et de sa double gloire il ne reste plus aujourd'hui qu'un nom» un titre et quelques vers qu'on vient délire» et qui sont , jusqu'à présent , les seuls qu'un hasard ait fait parrenir jusqu'à nous.

.DUOAS DB BBAULIBU.

(') Richer , lib. iv , fait entendre atec beaucoup de réierve que oft fut ea pani« tion de. son inoonduite. Si fa$ estei ot ponere ta eœlum, dit-il, dicerem çuare iam nolrilis progenies ei tam iancta penœpe dieiam nrnUerem hmmit OÊruU. Gertnide Ait iolinmée & l'abbaje de Stunelbronn.

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LE PAGANISME

ET

SA SIGNIFICATION POUR LE CHRISTIANISME ,

PAR LE D' SEPP » Prdretseor d'Histoira à lUnivmtté dd Munich.

Suite $t fin (*).

LIVRE m.

LE CULTE DES HÉROS ET LES MESSIES DES PAYENS.

C'est rinipatieoce des peuples de voir se réaliser leur attente d'un Sauveur qui donne naissance au culte des Héros , ou comme dit l'au- teur, des Mesiies avant le Mam.

c Partoia c'est un Dieu qui descend dans ce monde » s'introduit dans une famUle royale et engendre avec la fille de la Terre le fils du temps nouveau, dont procède un renversement et un renouvellement des choses. Cest ce qui fait de lui le fondateur d'une nouvelle époque historique, £une ère nouvelle, après quoi il a à souffrir des persécutions semblables à celles de notre Sauveur et souvent il finit aussi de la même manière. » (Tome 3 , p. 6).

L'idée de l'attente d'un Sauveur se retrouve surtout dans le mythe de Prométhée et d'Hercule souvent reproduit d'une manière si frap- pante dans 1^ Trilogie d'Eschyle sur Prométhée. On peut lire dans notre auteur une étude approfondie de ce mythe , tout-à-fait d'accord avec les résultats de recherches analogues faites par d'autres savants défenseurs de la religion. En rapprochant le mythe de Prométhée de celui de Pandore on trouve un rapport visible avec le récit de la faute originelle et de la punition d'Adam et d'Eve selon la Genèse. Cette

(*) Voir les liTraispns de septembre et novembre .1857 ^ pages 414 et M4,

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LE PAGANISME ET SA SIGNIFICATION POUR LE GHRISTIANISHE. S98

férité ressort surtout du rapprochement de ceriains passages du poème de la Thégonie d'Hésiode et de son poème des Travaux et dei Jown (I).

Ces deux mythes ont on rapport non moins intime avec celoi A'itereule, comme l'a fait ressortir Eschyle dans les trois tragédies qn'il a Csntes sur ce sujet d*nne si haute importance pour les destinées de l'humanité, c Dans cette Trilogie, dit H. Nicolas» il avait disiriboé c les trois grandes phases de l'humanité personnifiée dans Prométhée. c La première avait ponr titre : Pramitkée dirobeur de feu ; ta seconde , c ffomàkèe emhainé; et la troisième, Promithie dilivrirW nTest c malheiireusement parvenu Jusqu'à nous que la seconde de ces trois c pièces; Fromiihie enehaÈni. Entre autres vers insignifiants, un vers < prridevx de la troisième a été conservé négligemmentpar Ptetarqne. f Néanmoins, ce monument des traditions grecques^ ainsi rédnit, c laisse percer, à travers l'obscurité terrible qui l'enveloppe, des c traits de lumière qui découvrent visiblement le dogme chrétien dans les profondeurs de l'aveirir. i Nous engageons ceux des lectetoMrs de la Ktvue qui sont désireux d'approfondir ce.mythe de lire les pages si remarquables que M. Nicolas lui a consacrées dans ses JBfiubi pbilotopbiquee eur le ehriitkmume.

La même idée de la nécessité d'une Rédemption se retrouvé encore d'une manière plus surprenante dans les mythes indiens. Le caractère figuré se montre surtout dans celui de Crischna.

c Dans la grande épopée Ramayana, *le poète chante d'abord Vin- carnation de Viscbnu, sous le nom de Rama» puis dans le Mt^habha" rata, la Théophanie du même dieu sous le nom de Crischna. Crischna est rincamation la plus récente et la plus parfaite de la seconde personne de la Trinité indoue; c'est ce vainqueur prifiguratif Au ser- pent qui réunit dans sa vie , d'une manière prophétique , les traits principaux du Rédempteur promis au moude. Viscbnu , dont la vie a pour symbole comme celle du Christ , o ixêfc , le poisson » consola un jour la Terre, son épouse et tous les dieux avec la promesse : c Qu'il c viendrait un Rédempteur qui apportera un remède à leurs peines et c mettra un terme à la domination des Daytias ou démons. Dans ce

C) HteûM, IhéogmiÊt (y. 510 etsoiv.) Des Tnmtm et in Jown, (r. 47 ets8iiv«>.

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t

S96 REYOB D*AL8ACB.

c but il s'abaissera à s'incarner lui-même « dans la hnlte d'un berger, c el & vivre au milieu d'eux comme un -frère. >

c Viscbnu descendit donc du ciel et se fit homme. Il viendra au c monde dans la ville de Scambelam un brahmane un prêtre (est-il < dit dans le très-ancien poème sacré Barta ChMramJ, et c'est VUchnu Jemdu. Il vivra au milieu des hommes » purifiera la terre de* c péchés , en fera une demeure de la justice et de la vérité , et I appwtera un saerifice. i

c L'impatience de voir réalisée cette promesse fit également croire aux Indous qu'elle avait été accomplie depuis longtemps. C'est pour- quoi les Puranoi racontent comment Viscbnu résolut pour sauver les hommes, de s'incarner dans le sein d'une vierge et -de venir sur la terre sous le nom de Crischna , pour accomplir son neuvième arofor. s

(Page*0)-

Une antre incarnation on aratar de Vischnu, c'est celle de Bouddha Sakjfa Mouni (le Pohi des Chinois) , ce grand réformateur du Brah- manisme qui provoqua une révolution sociale si considérable dans l'Inde en renversant les barrières des castes, c II mourut , dit le IK Sepp » selon les données les plus certaines » l'an 544 on 543 av. J. C. Jamais mortel n'exerga une plus grande influence sur l'humanité » car les adhérents du Bouddhisme dans l'Ile de Ceylan, l'Inde , la Chine» le Thibet et la Mongolie s'élèvent à 250 et jusqu'à 300 millions , et dépassent du double le nombre des croyants du Brahmanisme. »

Qn mythe semblable a été retrouvé chez les Japonais sous le nom de Chekia ou Chaka » et en Amérique chez les Astèques » sous le nom de Quetzaikoatl.

La religion des Perses nous montre dans l'Asie centrale des mythes analogues dans celui de Hithras , cette seconde personne de la Tri- nité persane, et dans cehii de Sosioeh. Sosioch est^ selon le ly Sepp, identique avec Saos , Saoset ou Saothes , le grand instituteur de la religion et du culte des mystères dans l'Occident, t A la fin des temps, c est-il dit, dans le Zendavesta (III , 411), quand le mal aura pris le c dessus parmi les hommes, apparaîtra soudainement Sosioch, le c Sauveur, le fiU d*une Vierge , pour tenir le jugement dernier. >

c Qae l'attente d'un Rédempteur dans un temps l'humanité en c sentait le plus grand besoin fut l'objet d'une antique croyance des c peuples, c'est ce que ne démontre pas seulement la manière dont f il en est parlé dans les livres zends comme d'une chose généralement

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LB PAGAIUSIIB ET SA SIGNIPiCATIO!! POCE LB CHRISTIAlflSiaL 307

t coniHie, mais encore de ce qu'elle forme le food de loat le système c relis^eux des Indous (^). >

La même pensée religieuse se joue encore dans la fiiUe de Persée» et en partie dans celle de Siegfried » le héros germain» dans les légendes de Paris et d'Hellène, de Cyrii39 d'Alexandre-le-Grand , de Romnlus, d'Arthur, de Charlemagne» etc.

Quand le temps fut venu le Sauveur réel devait paraître eonfor* mément à l'attente des nations » l'adulation des courtisans des empe- reurs romains les porta à diviniser ces princes. Us se com|riurent à reconnaître Auguste et ses successeurs pour le Sauveur promis au monde. L'apothéose des empereurs romains n'a pas d'autre origme. C'est l'attente générale des peuples de la venue du Sauveur à cette époque qui donna lieu à cette bassesse impie.

La quatrième églogue de Virgile nous montre à quel point l'esprit public était préoccupé è Rome de Tapparition prochaine du Sauveur du monde. Aussi , no|re auteur regarde-t-il cette églogûe comme un véritable chant memanique. Virgile s'y fait l'interprété des idées qui avaient cours dans Rome sur l'attente de cet enfant divin dont les oracles avaient annoncé la naissance , et auquel les dieux de l'Olympe devaient céder le pouvoir (>)• Le poète chante le retour du règne de Saturne indiqué par l'apparition de la constellation d' Astrée , la Vierge céleste, c Astrée , la déesse de la justice, fille de Jupiter et de Thémis, et soeur d'Eunomie et d'Irène , c'est-à-dire , de l'Ordre et de la Paix, qui habitait au milieu des hommes dans l'âge d'or de Saturne , lors- qu'ils vivaient dans l'innocence et en communication confidentielle avec les dieux , mais qui , dans l'âge d'airain , épouvantée par leurs crimes, s'était enfuie dans les cieux. Elle figure dans le Zodiaque comme la Vierge céleste > (t. 3, p. 266). Virgile monu*e le.Paganisme dans l'attente de la délivrance de cette terreur continuelle qui l'obsé- dait depuis cette époque fatale :

Si qua manent tceleru tfe$tigia nottri Irrita perpeîiia tolvent formidine terrai.

(' ) Rhode , Die heilige Sage de$ Zmdvolks. (TradUion ioerée des Aryene).

(*] Un onde attribué à VAppolon de Delphes et dlé ptr Suidas disait :

« Un en&nt de la race des Hébreux qui commande aux dieux m'ordonne de quitter cette demeure et de retourner dans le Hades (l'enfer). »

La sibylle de Cumes avait également annoncé la naissance du Sauveur; c'est d'elle que parle Gicéron dans sou traité de la DivinatUm,

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S98 BBi^mE h'àiâkcE.

< Le poète payeB nom oavre ici , A la fin de l'aoeien temps , «ne vie merveilleuse , ce qui en fait un véritable prophète dtt cbrisiiasnisaie. Dans le iiiît , les poésies de Virgile forent longtemps , à cause de leur signification religieuse, l'objet d'une considération telle ^'on les employait comme des oracles. On voit entre antres Le Dante attriboer, dans le vingt-deuxième cbant de son Pitrgatmre, à cette prophétie de son guide une infloence extraordraaîre sur la conversion des pay^s » et spécialement sur celle du poète Stace. Arétin (H , 41d) ajoute au nom de ce poète ceux de Secundianus Jogalus» de Verianus, le peintre , et de Mtercelliamis » orateur distingué , que la vue de la constance des martyrs chrétiens et l'influence exercée sur leur esprit par la lecture de cette églogue de Virgile convertirent au christianiékne. On prétend même que ce Chant vraimeni meêikaàque doit avoir exercé de l'in- fleooe sur la conversion de Constantin» quoique le poète de Mantooe qui parait s'être inspiré de l'oracle de la Sibylle, a'ait pas été initié au sens caché et à la portée élevée de cette prophétie > (t. 3 , p. M7). ~ « De même que la naissance du Rédempteur du monde n'a pu rester inconnue au pagairisme, au t^nps d'Auguste » aœsi peu put le rester sa mort. »

c Une histoire bien remarquable c'est ceHe qae Mutarque rapporte dans son écrit intitulé : La Chute des (hadei, comme étant arrivée dans le temps du règne de l'empereur Tibère , et qu'il à insérée dans un dialogue entre des philosophes romains. Voici comment il la raconte :

«fiptthersèsy le père du rhéteur. Emilianus , mou concitoyen » et

< professeur de grammaire » qne quelques-uns d'entre vous ont en- c tendu , raconte qu'il avait une fois fait le voyage d'Italie «ur un t vaisseau marchand qtii avait beaucoup de passagers à bord. Un soir c lorsqu'ils passaient près des Ilet Echmeiiet (>) , le vent tomba et le c vaisseau fut poussé près de l'Ile de Paxos. La plupart étaient encore c éveillés » beaucoup d'entre eux buvaient encok*e après le souper,

< lorsqu'on entendit tout-à-coup une voix venant de cette Ile qui f semblait appeler Thamus. C'était le nom du pilote» un Egyptien,

< que le petit nombre de passagers connaissait cependant par son c nom. Cela causa une stupéfaction générale , et le pilote ne répondit

(*) Gibbon, But, de la décadence de l'empire romain , (chap. 20).

C) Aujourd*liui Goreolari, Paxos et AntNPaxos, dans le voîsioago de Gorfou.

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LB PA6ANISMB BT SA ftlGNlFlGATiÛII POUR LB GHBISTIANISMB. 399

pas malgré ua second appeU A la troisième fois seufement il répon- dit; la voix lui répliqpia fortement : c Quand tu arriveras à Fendroit nommé Paiudeê , annonce que le grand Ptm eu moru i Tout le monde fat extrêmement frappé » comme le racontait Epithersës ; on examina eosemble si Ton devait réelleatent obéir à cet ordre» ou ne s'en pas soucier et laisser la cbose là* Tiiamus déclara que si le vent soufflait» il laisserait le vaisseau passer silencieusement, mais que si le calm^le forçait à s'arrêter en oet endroit* il dirait ce qu'il avait entendu.

c Lorsque donc on arriva près de Palades , et que ni le vent ni le flot ne se faisaient sentir, Thamus cria de l'arrière du vaisseau , la face tournée vers le rivage , ainsi qu'il l'avait entendu : c Le grfind Pan est mort 1 1 A peine avait-il prononcé ces mois , qu'on entendit de grands soupirs mêlés de paroles de stupéfaction venant non d'un seul mais d'une foule. Comme il y avait beaucoup de monde sur le vaisseau, cet événement fut biratôt le si^t de toutes les conversations à Rome , et l'empereur Tibère fit appeler Thamus , pour se le faire confirmer par lui. Tibère y v^o^fSi tellement foi, qu'il fit (Jj^ire des recherches minutieuses sur lou( ce qui concernait Pan. Les nombreux philosophes de son entourage émirent rofunion que ce devait être Pan , le fils de Mercure et de Pénélope.

c Quelques-uns des auditeurs de Philippe (le narrateur) avaient entendu eux-mêmes le récit de cet événement du vieillard Emilia*

Le D' Sepp recherchant à son tour quel pouvait être le Dien Pan dont il est question dans cette remarquable histoire , et d'où pouvaient venir ces soupirs et ces plaintes , est perte à croire qu'ils venaient des démons déplorant la chute de leur pouvoir sur le monde par la mort de Jésus-Christ.

c C'est ainsi , dit-il , que des apparitions surnaturelles eurent lieu sur toute la terre à la mort du Fils de Dieu , que le paganisme ressentit ce grand événement dans le plus profond de son organisme, les oracles , et que les démons soupirèrent à cause de leur chute. De même qu'à Ja naissance du Sauveur l'étoile du salut apparut comme un signe céleste aux Mages de: l'Orient savants dans l'histoire des astres , ainsi fut révélé aux Occidentaux , au centre même du paga- nisme , à Rome , par les oracles de l'Abtme , la mort de .celui qui est descendu aux enfers > (tome 3 , p. 269-271).

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400 BBYUB D'ALSiCa.

L'auteur termine son ouvrage par rélucidation de deux question! ëminemment intéressantes : Tinfluence du paganisme sur la société civile, et son influence sur l'homme privé» sur son salut étemel.

c Toutes les religions payennes » observe*t-il , étaient des religions nationales et le monde payen tout entier ne connut que des Eglises d'état; le Mosaisme lui-même resta confiné dans le sein du peuple d'braêL Le cbristianisme seulement abolit ce privilège religieux et fut établi par son divin fondateur comme rel^on universelle pour tous les peuples et tous les temps » (tome 3 » p. 271);

Puis» prenant Rome pour exemple, il trace à grands traits Thistoire religieuse de la cité impériale ; mais comme il se laisse aller à des rapprochements politiques , incompatibles avec le tempérament actuel des Revue» périodiques, nous nous interdirons de les citer: Il y a cependant des pages dignes de Tacite ; mais comme celles du grand écrivain romain « nous craignons fort qu'elles ne soient tout aussi inutiles pour l'amendement de ses contemporains que celles de Tacite l'ont été pour les siens. c C'est ainsi que finit le paganisme dans un affaissement général , religieux , politique et social , lors- qu'apparut dans Je même temps le divin Padficaieur, qui remplit l'ardent désir des peuples de voir venir un Sauveur et un Rédempteur, prit sur lui leurs croix et leurs souffrances , et par son obéissance jusqu'à la mort et la grâce qui en découla . allégea le joug qui pesait sur l'humanité , et, depuis, aida à le porter à tous ceux qui en ont été trop péniblement chargés. >

c Et celui qui fut ainsi la clef de voûte de l'ancien temps et la pierre fondamentale des temps nouveaux , et qui scella la nouvelle alliance de son sang , c'est Jésus , l'oint du Seigneur, i

c Dès son apparition , les Anges chantent : GUnre à Dieu dam leê eieux et ptùx eur la terre aux hommes de bonne volonté , par conséquent , aussi paix et pardon aux payons qui avaient servi Dieu jusqu'ici avec de bonnes intentions et des vues honnêtes , quoique d'une manière erronnée. C'est à eux avant tous que la bonne nouvelle ou l'Evangile tomba en partage, c en tant qu'eux, qui n'avaient pas de loi , ont fait c d'après la nature ce que commande la loi , et furent à «eux-mêmes c la loi , ou montrèrent que le contenu de la loi était écrit dans leurs c cœurs. Rs seront jugés d'après leur conscience , et leurs pensées I les absoudront ou les condamneront. (II* ^P* ^^^ Romains, chap. •'X, 14). f C'est avec celte annonce consolante qu'entre tous , Paul ,

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tB nôAinmE n sa sicranCATiôN M>im le cmusTumsiiB. 401

l'apôtre des gentils , se hxh connailre aux payens , et conduit eu foule les brebis égarées dans l'Eglise de la nouvelle alliance i (t. 3, p. 285-86). Nous avons terminé notre tâche. Paissent ces citations, nécessai* rement insuflBsantes , engager les lecteurs sérieux de la Reime à lire dans sa langue originale ce livre remarquable & plus d'un titre, dans lequel le savant professeur de Munich à su réfuter avec une érudition et une profondeur de vues qu'on a pu apprécier les idées systéma- tiaues des écrivains de l'école mythiste.

J. Fessemmateh

ptennaeiMi k Noof-BriMAb.

ERRATAS DES ARTICLES ANTÉRIEURS !

iSS7. Page 414 » ligne 18 , lisez tentatives su lieu de teniatiom* Page 4Se ^ ligne IS , Usez animé au lieu d*ameni.

lignes 15 et S7, lisez antéchréliennee au lieu d'onlt-

ehrétiennee.

ligne 20 , lisez intuitiom au lieu dHntentions.

Page 426 , ligne 34 , lisez philologique au lieu de philoiophique. Page 427 , ligne 25 , lisez Ghillany au lieu de Ghillang.

ftgne 17 , lisez ohiter au lieu à*obita.

Page 517 /dans les citations de Prudence , lisez arctum et denrU

au lieu d'aretum et d'escrt(. Page -520 , ligne 7 , Uses cènes au lieu de «cénei. Page 52S , ligne 27 , Usez Attidamie au lieu d*A$timadie, etc.» «te.

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VILLES LIBRES ET IMPÉRIALES

Dl L'ARaKUlK ALSACI.

SmUO*

LANDAU.

GUBBRB DB TRENTB ANS ET GB88I0B A LA PRAIICB*

Le rôle politique et militaire de Landao ne fut pas préctsément trte* brillant « mais pour ainsi dire très-accidenté pendant les viciasiUiâes de ces grandes luttes de la première moitié du dix-septième siède Suédois , Espagnols , Français , Anglais » Allemands du Nord et da Midi, catholiques et protestants, se ruèrent les uns contre les autres, en Alsace et sur les bords du Rhin, comme en Belgique, en Bohème, en Saxe et en Hollande.

Dès la naissance de ce siècle rhorizon s'étsit montré de plus en plus obscurci par ces nuages bas et épais qui recèlent et annoncent la tempête. La paix assez mal plâtrée entre les princes et Etats catholiques et protestants atait d^à maintefois été troublée par des prises d'armes isolées telles que la lutte entre la ville de Strasbourg et son prince-évéque, ou celle qui fit expulser de Cologne Farchevéq^ électeur Gerhard de Tnichsess, ce vieillard amoureux qui, pour épouser la belle Agnès de Mansfeld , avait rompu avec TEglise et s'était fait calviniste. Chaque incident de la guerre des Pays-Bas contre TEspsgne avait , comme dans le siècle précédentes luttes de la Ligue en France, son contre-iX>up en Bohème et sur le Rhin allemand. Les passions fermentaient de plus en plus, les têtes se montaient , en attendant que partout les épées sortissent toutes seules

0 Voir les livraisoDS de lénier, mars,, juin. Juillet et «oSt , ptges 40, 07, «SI «S.

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VILLES LIBRES ET OnÉRIALES DE L'ANGIENIIE ALSiCE. 403

du fonrreaii. Do côié des proiesumts les moUb de mécomentement étaient le caractère astucieux ou faible de Rodolphe II, les relations toujours plus intimes du chef de l'Empire germanique avec ITspagne , sa partialité dans les querelles relatives à la succession des duchés de JuUers de Clèves et de Berg, et dans les nouvelles querelles et luttes à mainfarmeé de Tévéque de Strasbourg, Léopold d'Autriche, contre sa ville épiscopale devenue Tune des capitales du protestantisme , enfin , et surtout dans l'abolition de la suprématie protestante dans les villes impériales d' Aix-la-Chapelle et de Donavertb (1599 et 1606) , et la destruction de Mulheim par les troupes Espagnoles (1614).

De leur côté , les princes ecclésiastiques et les villes restées catho- liques s'indignaient des violences et des insultes trop prodiguées à leurs coréligionaires dans les lieux ces derniers étaient en minorité, des coups portés à Tabbé de Sainte-Croix à Donaverth pendant qn'9 oflBciait dans une procession, des tendances protestantes de l'arehidttc Matbias , le futur successeur de Rodolphe II , surtout des ligues on pactes d'union des Etats protestants à Heilbronn , à Fried- berg , à Francfort , ft Spire , à Heidelberg , à Aschausen , à Halle , à Nuremberg I de leurs intelligences avec le roi de France, Henri IV» et avec le ministère de son successeur.

Ainsi des deux côtés déjà en Allemagne les deux partis étaient si exaspérés qu'ils ne se bornaient plus à vouloir vider leurs querelles entKeux , mais qu'ils cherchaient des appuis à l'étranger; les prptes- lams allemands tournaient leurs regards vers la France comme les catholiques allemands tournaient les leurs vers l'Espagne , et il était dès4ors focile de prévoir que la guerre, une fois allumée, se ferait surtout au profit de l'une ou l'autre de ces deux puissances étran- gères. *

L'introduction du protestautisme en Allemagne avait donc été un dissolvant de plus pour cette unité germanique déjà si diflScile à maintenir alors qu'une seule religion y flori&sait.

Landau appartenait entièrement à cette époque à l'alliance protes- tante. Non pas qu'il n'y eût plus de catholiques à Landau , mais ils avaient perdu toute influence , et n'étaient plus que tolérés , ce qui , dans ce temps-là , ne laissait pas que d'être un assez rare mérite de ia part du culte dominant et fait honneur à la modération des protes- tants de Landau.

Ces derniers a?aient donné une nouvelle preuve de cette modéra-

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éOi REVUB D'ALSiCB,

lion en adoptant les premiers en Alsace atec Monster la farmuk de concorde» cette profession d'orthodoxie noavelle que le lathéranisme opposa ao protestantisme plus radical de Calvin, sor le point de s'étendre en Allemagne et de modifier profondément l'œuvre du réformateur de Witiemberg. Il est probable que si Bader eût encore vécu à cette époque il se fût indigné de cette reculade ou 4e cette halte de ses ouailles dans la voie qu'il leur avait ouverte. Car la fomnule de concorde était dans le fond aussi hostile au principe de la libre interprétation de l'Evangile^que pouvait l'être la doctrine catho- lique, et le synode assemblé à Haulbronn, puis à Bergen , ne pouvait prétendre à plus d'auiori$é que le pape et le concile de Trente. On peut conjecturer que les sentiments alsaciens des habitants de Laodan furent pour quelque chose dans cette adhésion » car les théologiens du Palatioat repoussaient la formule de concorde , undis qu'à. Stras* bourg même, cet ancien chef-lieu de la Tetrapole» on abandonnait on se disposait à abandonner l'œuvre de Hédion pour revenu à la con- fession saxonne.

Hais à l'approche de la guerre de trente ans il ne s'agissait guères de doctrine; les intérêts matériels des deux cuhes, devenus des partis politiques , avaient bien plus d'empire que les contestations théologiques, et le canon allait devenir le seul argument des cultes opposés , ou plutôt les cultes opposés n'allaient plu^ servir que de prétextes ou d'appoint à l'ambition de la domination temporelle. .

Repoussé de la Bohème après la défaite de l'union protesumte à Weisenberg, près de Prague, le 8 novembre iOSO» le conœ de Mansfeld était venu former une nouvelle armée aux lieux mêmes ou un siècle auparavant François de Sickingen avait organisé les.premières phalanges luthériennes. Il avait grand besoin d'argenwet, habituée ne pas ménager beaucoup plus les cités protestantes que les cités catholiques, il en avait demandé au magistrat de Landau. Ce n'était pas le compte de la ville; ses sympathies étaient toujours encore pour l'armée des princes protestants , mais elle ne voulait pas risquer de se brouiller avec l'empereur Ferdinand II en faisant trop ouverte* ment cause commune avec ses ennemis déclarés. La somme exigée ., 20,000 florins, était d'ailleurs exorbitante aux yeux des bourgeois, lis représentèrent humblement à Mansfeld que l'épargne municjpate ne contenait pas 20,000 florins, et restèrent même insensibles i la répanse un peu ironique peut-être du t;énéral protestant : Bah . mes

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VILLK8 UBRB8 ET IMPÉRUUU DB t'ÀNaBMm ALSACE. 40S

\ j songtt donc qu'il 8'agil de aotre religion ! Ne préférez pas les biens de ce monde aux biens éternels (*).

Impatienté du p^u d'eflet que son homélie paraissait faire sar les gens de Landan » et des délais qu'ils apportaient à payer les 20»000 florins» le comté de Mansfetd vint de son camp de Franckenthal investir Landau et y entra après une faible résistance. Tandis que les reitres pillaient les maisons des bourgeois » il renouvela au sénat sa demande de subvention ajoutant que par égard pour ses coreligion- naires il se contenterait de 15,000 florins.

Il fallut bien cette fois s'exécuter, mais prendre même les 15,000 florins? Le trésor public comme les bourses des4>articuliers venaient d'être mis ft sec par les reitres , les lansquenets et les mousquetaires à pied du terrible champion de l'union protestante. Dans cette extré« mité le sénat de Landau eut recours à la ville de Strasbourg , cette protectrise née pour ainsi dire des autres cités d'Alsace. 11 députa denx de ses membres à Strasbourg et ils en revinrent avec la somme demandée (*) , et , de plus , avec toutes sortes de bons conseils que les sages Ammeistre, Steltmeistres, Treize, Quinze et Vingt et un de Strasbourg ne manquèrent pas l'occasion de leur donner à l'effet du règlement de-cette somme à titre de don particulier et non à titre de subside , afin d'éviter de se commettre avec l'Empire.

Mansfeld n'était pas homme à chicaner beaucoup sur le mot, pourvu que la chose fût payée. Il daigna donc accepter les 15,000 florins à titre de don particulier des habitants de Landan . puis , voyant qu'il n'y avait plus rien, pour le moment, à tirer de la ville, il partit avec son armée pour aller, en passant, livrer au pillage l'abbaye de Wissembourg , mettre à rançon la ville , assiéger et prendre Lauter- bourg , Haguenau , Niedernai , Obernai , Andiau , Rosheim , B<£i*scb , Mutzig (3) , investir à deux reprises et sans succès Saverne , insulter Wasselonne, alors seigneurie de Strasbourg, mettre & contributions cette grande cité libre elle-même , pousser des partis jusqu'à Brisach , Ensisheim, Cemay; dévaster à sac, feu et sang, les villages de la plaine, aussi bien les protestants que les catholiques, et enfin, exécré par les deux partis , évacuer l'Alsace ruinée devant les forces

. (?) Strobel , tome iv , page 126. («) ïbiùem, (») U>ldem.

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40%^ RBVDS D'ALSACB.

bavaro-autrichiennes et espagnoles de l'archiduc Léop(dd| pourav replier par l'évéché de Spire et le Palatinat sur la Belgique.

Ces deux campagnes de Mansfeld', commencées dans l'autonme 1631 et terminées vers l'automne de l'année suivante » avaient près- qu'autant alarmé les cités protestantes de l'Alsace que les catholiques » car le comte avait témoigné hautement l'intention de se foire de l'Alsace une principauté , et en attendant , ses soldats avaient bk main basse sur tout le pays sans guères respecter davantage les docherS protestants que les clochers catholiques. Aussi l'arcblduG Léopold en sa qualité de Landvogt d'Alsace, sinon en celle de prince- évéque de Strasbourg, fût-il reçu sans trop de.défaveur par les protes- tants des villes et des campagnes. Landau , aussi , n'avait pas de regrets à donner au départ de Mansfeld , Aais l'arrière-garde de ce dernier ayant laissé quelque garnison dans la ville , les bourgeoia durent à cette circonstance la mortiflcation d'un investissement par les troupes espagnoles détachées de l'année de Spinola et mises à b disposition de l'archiduc Léopold, investissement qui aboutit non sans quelque effusion de sang à rentrée des Espagnols dansXiandau.

Le théâtre de la, guerre ayant ensuite été porté en Saxe ei les victoires de Tilly ayant assuré sur le Rhin la domii^ation împ^iale , la garnison espagnole ne tarda pas à quitter Lsvidau qui jouit pendant quelques années d'un simulacre de neutralité et d'indépendance soos le bon plaisir des généraux de l'Empire. Hais, en4626, les hostilités ayant recommencé avec assez de vivacité sur le Rhin par suite de la prise d'armes du margrave de Bade*Dourlach qui, après la mort de Man$reld , avait rallié quelques débris de son armée et l'avait réor- ganisée en Alsace, les troupes austro-espagnoles de l'archiduc- landvogt revinrent investir Landau , y entrèrent par capitulation et l'occupèrent jusqu'en 1 631 .

Cette année à jamais célèbre de la j^uerre de trente ans qui marqua l'apparition en Allemagne du héros de la Suède ne tarda pas à avoir pour Landau et pour l'Alsace sa part de combats et de malheurs. La victoire de Leipsîck avait ouvert aux Suédois l'accès de la haute Allemagne, et le rhingrave Louis Otton qui commandait leur avant- garde, après avoir défait les Espagnols près de Franckenthal , s'em- para successivement de Spire , de Germersheim et de Landau. Cette dernière place avait été abandonnée par les impériaux et se rendit sans coup férir aux Suédois. C'était la quatrième prise de cette ville

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TOUS uhatt n HinbuALBs db L'ANoram albâcb. J07

depvis le eonmeiioemeiit de la guerre » et ce ne deTait pas être la dernière.

Cependant les Espagnols avaient repris possession de Franckenthal et finsaient de fréquentes sorties sur le territoire de Landau , tandis - ^e le colonel Ossa , chassant devant lui en Alsace les corps Suédois que le comte palatin Christian de Birckenfeld y avait cantonnés et trop disséminés , débloquait Haguenau , reprenait Lauteril>ourg et s'avançait «pour reprendre aussi Landau. Mais il dut s'arrêter sur la Lanter à l'approche du duc de Saxe*Weimar qui partit de Worms pour se porter entre lui et FrancMInthal * afin d'empêcher la jonction des Espagnols et des Impériaux devant Landau.

Ce mouvement sauva, sans doute, Landau d'une reprise immé- diate, mais les Espagnols, commandés par le comte d'Embden , avaient été renforcés par un fort détachement sous les ordres de don Philippe de Silva ; ils purent reprendre la campagne et menacer les places du parti protestant. En attendant l'arrivée de leur principale armée qui s'avançait des Flandres » ils avaient déjà repris Spire sur le colonel suédois Homeck, lorsque la jonction des corps suédois et protestants du rUngrave , du comte de Nassau, d'Oxenstiem , et du duc de Saxe- Wdmar les força de battre en retraite, en se bornant à ravitailler Franckenthal ils lainèrent trois cornettes ou escadrons de cava* lerie et ISOO fantassins {^).

Bientôt après arrivèrent à Wissenbourg et devant Landau les premiers coureurs de l'armée française envoyée pour agir de concert avec les Suédois contre les diverses places du Palatinat et de la Souabe restées au pouvoir des Impériaux et des Espagnols , mais le maréchal d'Effiat qui la commandait étant venu à mourir à Lutzelstein , ses troupes reçurent l'ordre de se porter sur la Moselle et de couvrir l'attaque de Coblentz par le maréchal Horn , qui se remit ensuite en possession de Spire, et, pour aider Landau à se protéger contre la garnison de Franckenthal , y jeta quelque faible détachement.

Pendant les opérations de l'armée du maréchal Horn et du rhin* grave contre les places tenues en Alsace par les Espagnols, les Lorrains et les Impériaux , Landau ne fut pas à l'abri non plus des calamités de la guerre , car les Espagnols tenaient toqours , non-

O £0 Mdolni^doîi 1634 , p. 474.

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408 REYim d'alsagk.

seulement. Frankeotbal mais Germersbeim et. de l'autre côté do Rhin , Heidâlberg. D*abord cooteous par le voisinage des forces suédoises et françaises , ils n'avaient pas tardé » dès que les premières s'étaient répafidues dans Téveché de Strasbourg « et les secondes concentrées sur la Moselle » à pousser leurs sorties au loin pour essayer de faire divension pendant l'aitaque d'Obernai et surtopt pendant le siAge de Benfeld. Les villages du territoire de Landau se ressentirent plusieurs fois de leurs incursions.

La mort de Gustave-Adolphe et la dislocation de l'armée suédoise par suite de cet événement» ne tbangèrent pas beaucoup d'abord la situation de l'Alsace que les Suédois continuèrent à occuper» mène après le départ de leur illustre chef» pour aller rejoindre avec une partie de ses troupes le duc Bernard de Saie-Weimar et tenter de faire lever le siège de Nôrdiingen. La défaite des armées suédois^ ei protestante près de celte ville , le 6 septembre 1634 » par l'archiduc Ferdinand , roi de Hongrie » l'infant d'Espagne » les généraux Gallas et Piccolominl , eut des retours plus caractérisés pour les. récentes conquêtes suédoises en Alsace. Pendant que le rhingrave , pressé d'un c6té par l'inj^urection des paysans du Sundgau et par le duc de Lorraine» de l'autre par les Espagnols du duc de Feria » se repliait avec sa petite armée de six ou sept mille hommes » les villes catho- liques de l'Alsace , un Instant soumises aux Suédois » se déclarèrent de nouveau pour l'Empii e » et d'autre part les cités protestantes , plutôt que de retomber aux mains des Espagnols et des Impériaux appelaient à leur aide les troupes françaises* «

Le cardinal de Richelieu , cet adversaire implacable des protestants de France et cet allié dévoué des protestants d'Allemagne, épiait ce moment pour intervenir avec plus d'autorité dans les affaires de l'Empire. Tandis qu'une armée française» aux ordres du cardinal de La Valette , s'avançait au secours des vaincus de Nôrdiingen » un détachement moins considérable» commandé par le maréchal de La Force , fournissait des garnisons à Hagu^nau » au château de Hoh-Barr et à Reichshoffen» occupait ensuite Ingwiller» Neuwiller et Bischvriller» et courait investir Landau une garnison impériale venait à peine de s'installer après le di'part de Tan ière-garde suédoise.

Le siège ne fut pas long et en 4634 les Français entrèrent dans Landau » ils laissèrent garnison ainsi qu'au château de Madenburg sous le commandement, du comte d'Arpajôn, Landau fut ainsi » avec

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VILLES LIBRES ET UIPiRIALES DE L'A!!«GIElllf E ALSACE. 109

les localités ci-dessus citées, l'une des premières places de l'Alsace qui passa sous la domination de la France (0*

Désormais la guerre avait changé de caractère et de but. Il ne s'agissait plus d'assurer en Allemagne la prépondérance de la religion catholique ou de la religion protestante, mais de conserver la pré- pondérance de la maison d'Autriche ou.de lui substituer la domina- tion du roi de France et de son ministre, le cardiqal de Richelieu. Les troupes royales de France, ces mêmes troupes qui avaient com- battu à La Rochelle les dernières bandes calvinistes, étaient appelées par les Etats protestants d'Allemagne pour leur servir de dernier appui contre l'empereur et l'Empire , et ce qu'il y avait de plus étrange , c'est que Tecclésiastique catholique qui gouvernait le royaume de Louis XIII chargeait un autre ecclésiastique catholique (le cardinal de La Valette) de commander les troupes envoyées au secours des hérétiques allemands. Cette politique, qui n'était au fond que la continuation de la politique de Henri IV, et qui , on ne saurait le nier, porta à son comble dans le dix-septième siècle la grandeur de la France, eut pour phase première, en Alsace, l'achat par la France^en 4635 des places de la province occupées par les Suédois oa plutôt l'érection de la landvogtey en un gouvernement pour le doc de Saxe-VITeimar, chef des régimenu suédois et allemands passés à la solde de France. Si l'on pouvait douter que, dès-lors, l'Alsace fut con- sidérée par Richelieu comme devant rester française, il suffirait de se rappeler que le même acte qui octroya l'Alsace au chef de l'armée weimarienne , détermina que 12,000 hommes de troupes française^ feraient partie de cette armée (>).

Toutefois l'Alsace n'avait pas encore échappé à l'étreinte impé- riale. Le traité de Prague , en terminant la guerre de Bohème et en séparant de l'alliance franco-suédoise l'électeur de Saxe ainsi que les autres princes de l'union protestante à l'exception du landgrave de Hesse-Cassel et du duc de Saxe-Weimar (^) , avait permis aux géné- raux de l'empereur de s'occuper davantage des possessions hérédi- taires de l'Autriche en Alsace et des Etats d'Empire en cette pro- vince. Ils se remirent en possession de Saverne et du Sundgau ,

(*) BéunUm de V Alsace à la France, par M. le baroa Hallez-Glaparède, p. 106.

(') Traité de Compiègne du 26 octobre 1635.

(') Pfeffkl , BieUnre ifÀUmnagne , tome n , page 331.

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410 BETtB D'ALSACK.

s'emparèrent de PbHippsboui^ et forcèrent la petite g^mbon fran- çaise de Landau d'évacuer cette place afin de ne pas se trouver compromise entre les Bavarois et les Espagnols du Palatinat » et les Impériaux redevenus maîtres de la Haute-Alsace et de Tévéché de Strasbourg.

Landau dut à ces opérations militaires de pouvoir reprendre» pendant quelque. temps, son autonomie et de pouvoir se garder elle-même comme aux beaux jours de son indépendance» mais ce répit octroyé au patriotisme des bourgeois ne fut pas long.

Brentôt le combat de Vandrevange ayant cbassé le général Gallas et le duc de Lorraine de la ligne de la Saar, les troupes françaises etweimariennesreprirent possession de la Basse -Alsace, moins les quelques places encore occupées par les Impériaux. Les Français rentrèrent alors dans Landau » et ce fut de leur quartier général en cette ville que les maréchaux de La Force et de Brézé partirent pour investir Spire, de concert avec le duc de Saxe-Weimar (<).

L'occupation de Landau par la France n'avait» d'ailleurs» rien encore de permanent; elle se modifiait suivant les circonstances de la guerre» et celle-ci ayant de nouveau» en 1636» permis aur Impé- riaux et aux Espagnols on mouvement offensif» Landau fut deredief remis à la garde de ses bourgeois » et il ne paraît pas que les Fran- çais en aient peu après repris possession » lorsque» par suite des opé- rations du cardinal de La Valette pour faire lever le siège de Colmar» et des succès dii maréchal de La Force et du duc de Saxe-Weimar» les Lorrains et les impériaux furent de nouveau refoulés* jusqu'au Rhin.

Mais en 1638^ le duc de Saxe-Weimar préluda par la prise on f occupation de Landau à cette brillante campagne qui aboutit à la bataille de Rheinfelden et à la conquête de Brisach. Ce qui n'empê- cha pas ou ce qui fut cause que l'année suivante les Impériaux » aux ordres du général de Bamberg» s'en remirent en possession lorsque la garnison weimarienne en fut retirée pour marcher avec le comte de Nassau au secours de Brisach (').

- Possession de courte durée » car les Français » commandés par le duc de Longueville» vinrent dans cette même année 16S9 assiéger

(*) LlGCU^LB » Histoire d^Àlioce » page 125. (S) Uidem » tome u » pages 152-185.

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TILLES LIBRES ET IMPÉRULBS DE L^ANCIENME ALSACE. 411

Landaa et s'en rendre mattre ainsi que de Nenstadt, AnwiHèr et Bergzabern, après une lutte courte mais fort vive. C'était , pour Je coup , la septième fois de la prise et reprise de Landau par les deux partis belligérants depuis le commencement de cette longue guerre.

Suivant Schœpflin, les Français ne cessèrent plus de Toccuper depuis Tannée 1639 jusqu'en 1650» après la paix de Westpbalie (t) ; mais il parait que cette occupation fut de nouveau interrompue par les succès de^mpériaux du général Mercy , au commencement de la campagnedel644. Après labaiailledeFribourg, gagnée par Coudé et par Tnrenne contre ce général » les places précédemment évacuées forent réoccupées, et l^andau fut du nombre (^). Tandis que le prince de Condé se portait avec' le gros de l'armée sur PhiKppsboarg et Mayence , Tttrenne reprenait pour la France, Landau, Crentznach et Bingen (>)•

C'est donc aux grands noms de Turenne et de Condé que se rattache la conquête définitive de Landau par la France, dans les dernières années de la guerre de trente ans , et cette ville déjà prise* et reprise depuis 1634 , par les Français , ne cesse plus , i partir de 1644 jusqu'à la paix de Munster et même après la paix de Munster jusqu'en 1650 , d'avoir une garnison française. -

Dire combien Uandau dut souffrir pendant ces fluctuations de la guerre de trente ans et ces prises et reprises continuelles par les ar- mées belligérantes , c'est faire saigner les plaies de la plupart de nos villes d'Alsace pendant cette période. Délabrement des finances, pillage des propriétés municipales et particulières , sévices contre les personnes , famine , peste , tout concourut à frapper les malheureux* bourgeois de Landau , qui , dès le début de cette guerre , avaient eu le désappointement de voir leur ville prise et rançonnée par leur coreligionnaire Mansfeld , et qui , à force de subir mêmes rigueurs et mêmes exactions de la part des défenseurs de la ligue catholique et de la ligue protestante , de la part, en un mot , de tous les* géné- raux allemands , avaient été conduits à saluer avec joie les lys de France comme une garantie de repos , de sécurité et de bien-être.

Indépendamment des contributions de guerre tant en nature qu'en argent , des corvées imposées par les chefs et même par les

(') ScHCEPFLiN, \ilt. m. , tom. u , latuiaii.

(*) BmiiBAUif , Gêichiehte der Stadt Landau ^ page 330.

(') Hêuclt , page 714 du tome m , et Pfeffel > tome n, page 544.

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ils REVUE D'aLSACS.

soldats des diverses années de la destruction des moissons et des vignes ^ des pillages et des incendies » la ville de Landau était restée imposée pendant toute cette période aux charges légales envers TEm* pire* Seulement chaque maître du moment prétendait bénéficier du paiement de ces impositions » ce qui faisait souvent payer deux fois la mém^ contribution dans le cours d'une même année , suivant que la ligue Hispano-impériale ou Tuaion franco-prptestante dominaient dans la ville.

Aussi le traité de Munster» signé le 24 octobre 1648 , fut-il pour Landau , cdmme []t>ur le reste de l'Alsace , le commencement d'une ère de prospérité ou du moins une trêve bienfaisante » car la nou* . velle frontière- du Rhin ne devait pas tarder à être de nouveau le théâtre de la gueire entre l'Empire et la France. En attendant , l'Al- sace put s'occuper de panser ses blessures ; mais si ce traité favorisait ses intérêts matériels , il froissait vivement ses traditions et son juste orgueil de pays privilégié d'Empire. Les dix villes libres et impériales surtout ne voulaient point devenir françaises ; elles s'indignaient de l'abandon de l'empereur , de l'abandon des Electeurs , de l'abandon de tout le monde ; elles s'agitaient pour garde^leur individualité au sein du grand corps germanique ; elles regrettaient cette suprématie autrichienne à laquelle la plupart » surtout les cités protestantes > avaient si souvent essayé de résister ; enfin elles unirent leurs pro- tesutions à celles de la ville et de l'évêque de Strasbourg , .d'accord pour cette fois » et à celles des princes de Deux-Ponts » de Valdentz » du comte de Hontbéliard cause de Horbourg et de Reichenvreiler)» du comte de Hanau » du baron de Fleckenstein , des princes-abbés de Murbach et de Munster au val Saint-Grégoire » de l'évêque de Bftie et de l'abbesse d'Andlau (t)

La ville de Landau avait en outre un motif particulier de réclamer» motif fondé sur le maintien de la garnison française après la signa- ture du traité de paix. La ville prétendait que le roi de France ne pouvait avoir plus de droits sur les villes libres de la Landvogtey d'Al- sace que n'en avait eus l'empereur d'Allemagne; or l'empereur d'Alle- magne n'avait pas le droit de mettre garnison permanente en ses murs ; si » pendant les vicissitudes si diverses de la guerre de trente ans » la ville avait été occupée successivement par les divers belli-

(') Béunhn de l'Àlioee à la France^ par H. le baron HaUefr-Giapsfède, p. 214.

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TILLES LIBRES ET mPÉIlULBS DE L'ANCIENNE ALSACE. 413

gérants » cet état de choses devait cesser , disait-elle dès qoe les bostilités cessaient 0).

Elle fit tant de bruit de ses doléances que lors de la ratification de la paix à Nuremberg, le 2 juillet 4650, elle obtint le départ de sa garnison qui évacua ses murs le 7 août suivant 0. Cette faveur Ait peut-être autant le résultat de la guerre de la Fronde que de son crédit aux conférences de Nuremberg , Mazarin avait besoin des troupes françaises restées fidèles au roi pour les opposer aux Fron» deurs. Henri de Lorraine , comte d'Harcourt, nommé par Louis XIV, le 20 avril i649 , gouverneur de l'Alsace avec le titre de grand bailli de Haguenau » avait envoyé des lettres réversaleè à Landau, selon Tusage des Landvogts , ses prédécesseurs^ il garantissait à la ville toutes ses franchises , possessions , libertés et immédiateté envers l'Empire ('). Ces reversâtes , dictées selon toute apparence par te désir de se concilier l'Alsace pour s'en faire un point d'appui dans les éventualités de la guerre de la Fronde , ayant ensuite été rap- portées , j|j|pisi que celles données par le comte d'Harcourt aux autres villes impériales de la Landvogtey , lors de l'accomodement de ce prince avec te maréchal de La Ferté , Landau n'était nullement ga- ranti par le départ momentané de sa garnison contre les éventualités d'un prochain retour des troupes du roi.

C'était au surplus un singulier imbroglio que cette première ces* sion* de l'Alsace à la France par le #ai(é de i646. Les diplomates français comprenaient pat* une cession absolue , une sorte d'incor- poration de l'Alsace à la monarchie française ; les diplomates alle- mands, au contraire , et surtout ceux de la maison d'Autriche ; en- tendaient ou afl'ectaient d'entendre que le roi de France , substitué aux droits de l'empereur d'Allemagne , n'exercerait qu'une sorte de protectorat sur l'Alsace qui n'en resterait pas moins pays d'Empire et , comme tel , soumis aux décisions de la Diète. Si le Sundgau et les autres possessions autrichiennes étaient dévolus au roi à titre.de cessionnaire de la maison d'Autriche , pour tout te reste il ne devait» selon eux , être considéré que comme une sorte d'Ober-Landvogt , à peu près comme au temps la Landvogtey d'Alsace était engagée

{*) Archives de Landau.

(') ScHOEPFLiN , Ali, m. , toc. XI, Lctûdaut et Scbkxtt, Neuere G^êekkhtÊ dtr Dnsiêehm , Buch vi , Cap. 29. (*) Archives de Laadau. ,

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414 ISVOS B'ALSiGB.

aux Electeurs pahitins. En outre , la ville de Strasbourg devait rester Indépendante de la France , et les antres villes Jalousaient fort cette prérogative , elles ne cessaient de négocier pour faire plaider leur cause par la>chaneellerie impériale « par la Diète de TEmpire et pour se Ëii^e des. protecteurs en Allemagne.

La matricule de Nuremberg avait fixé le subside dit Rcememumau pour cbacune des dix villes de la Landvogtoy d'Alsace. Ce subside était pour Landau 96 florins « pour Wissemboiffg 112 , pour Hague- nau 192 , pour Rosheim 24 , pour Obernai 80 , pour Scblestadt 146, pour Kaysersberg 48 , pour Turckbeim 20 , pour Munster 48 , pour Colmar 168. Les dix villes auraient voulu continuer à le payer à l'Em- pire , mais la France s'y. opposait. De nouvelles complications.

En outre « la chambre impériale de Spire prétendait , malgré la cession à la France , continuer à recevoir le subside spécial qui fau était par la décapole, conformément aux anciennes constitutions de l'Empire. La ville de Landau n'aurait pas demandé mieux que de refuser sa quote-part , car tout argent versé à Spire lui^^ait dou- blement et réveillait ses vieux ressentiments contre Spire. Ce con- tingent était toujours de 45 florins , et elle fut la première des villes d'Alsace à le refuser.

Indépendamment de ces subsides fixes ou réguliers» la ville .mi, par suite des traités de Munster, d'assez fortes sommes à verser comme charges, non phis^de guerre, mais de départ des guer- royants. Ainsi elle eut sa part des Schwedischen evacualiani GeUer, cette indemnité de 5 millions de Reichsthalers consentie par les Etats de l'Empire à la couronne de Suède, pour rançon des places qui lui restaient dans l'Empire. Elle eut en outre à payer sa quote-part des frais d'évacuation de Franckenthal pour les Espagnols (Francken^ thaliichen évacuation» GelderJ, et il est probable qu'elle paya cette dernière quote-part plus volontiers que l'autre , car pendant toute la guerre de trente ans le voisinage des Espagnols de Franckenthal avait été son cauchemar perpétuel.

De l'année 1650 à la coalition de 1672, nous voyons Landau, .comme les autres villes de la Landvogtey d'Alsace, guerroyer à coups de protocoles ou plutôt à coups d'épingles , moîns contre la suzerai- neté de la France que contre les prétentions du grand-bailli français de hi préfecture de Haguenau, qui, délégué d'une centralisation plus forte que celle de l'Empire germanique , ne cessait d'avoir des exi-

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TOLLES UBliBS ET ttPÉRUU» DE L'ANCaDOIB ALSiCB. 415

genees que les anciens Landvogts impériaux se gardaient depuis longtemps de montrer.

On peut appeler cette première époque de la domination française en Alsace l'époque des protestations. L'esprit des parlanents de la Fronde inspirait peut-être ces protestations autant que le Yieil esprit germanique; et, au fond , la lutte des Yilles impériales de l'Alsace contre la suprématie du gouyemement français n'était que la conti- nuation de leur vieille lutte contre la suprématie de l'empereur d'Allemagne et du comte palatin du Rbin»

En 1655 , lors des réclamations des dix villes à la Diète de Ratis- boune , Landau ne se fit pas représenter par un député pris dans son sein , mais confia sa cause aux délégués de Golmar et de Haguo'» nau , Jean-Baitbasar Schneider» Daniel Bûrr et Jean-Jacques Barth , se bornant à adbérer' purement et simplement- à la délibération du 9 novembre 1655. En cela, Landau se montra plus avisé qu'Obemai » qui , obéissant à des susceptibilités municipales fort déplacées plutôt qu'à l'intérêt bien entendu de la cité , voulut faire assez follement bande k part , s'aliéna ainsi l'intérêt des autres villes » et subit» par suite de cette maladresse, des conditions plus humiliantes ou au moins des échecs de vanité , malgré les efforts dévoués de son délégué spé- cial , François Pistorius.

Ce fut à cette époque » 1655 , que nos dix villes durent , bon gré mal gré, prêter serment au roi et au Landvogt royal, 1^ comte d'Harcourt.

L. Lbvrault.

(Zfl «iiili à la prochaine Uvraiêon).

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TROISIÊHE RÉUNION DES CHANTEURS ALSACIENS. GRAND FESTIVAL DE COLMAR.

Mir wird dU Brust io wiU , $o umU , AU ob'9 d'rin bluht und triêbe. KomfMt du noch einmal, JugenàMit?,... * Geibel. (FrUhlingi'Anfang , par les chanteun de Mayence.)

Qui donc nous a dit que les cbemins de fer et les Iocomoti?es étaient les agents de destruction de toute poésie » et que désormais notre existence, réglée par l'ingénieur et par le mécanicien » ne connaîtrait plus que des joies positives comme les théorèmes, et aussi prosaïques que la démonstration du carré de l'hypotbénuse?

Oh faiblesse de la perspicacité humaine, oh présomption de Téphé- mère créature ! Celte désolante assertion a été répétée sur tous les tons, et adoptée sans réplique même par les amis du progrès, se résignant à faire leur deuil de la pqésîe de Texistence , en présence des avantages humanitaires obtenus an moyen de la merveilleuse invention du dii-neuvième siècle.

Et les rails et la locomotive datent d'hier, et déjà leur union a engendrée les associations de chanteurs et leurs festivals aussi riches de poésie pour Toeil de l'esprit, que de brillantes couleurs pour celui du corps I

Qui donc aurait pu réaliser, jadis, d'aussi nombreuses et d'aussi cordiales réunions? Qui donc aurait pu voir , à jour fixe , accourir de tous les points de l'horizon , dans un but d'harmonie et de fraternité, des citoyens de toutes les localités de notre antique Alsace, des bords de la Moselle , du Rhin inférieur, et jusque du cœur de l'Helvétie?

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GRAND FESTIVAL DE COtMAB. 4^17

Les classes moyennes doivent être économes de temps et d'argent ; la vapeur, aujourd'hui , les a nflfranclues pour de certaines occasions de celte préoccupation prosaïque ; clic a mis ù leur portée les jouis- sances que jadis n'auraient |;û se permettre même des princes. li9ibour|nrs , artisans , commerçants » hommes de science , vous tous qui faites le Tond vivace, intelligent et producteur de la nation , vous tous que le travail matériel ou intellectuel recommande^ la sympathie de rbomme de cœur, tout en vous enchuinant ù la Res augusia Jomi , vous pouvez aujourd'hui y quand le moment en est venu« vous rapprocher, vous connaître, vous estimer dans de solennelles et ^ brillantes réunions, popr peu que votre cœur et votre esprit soient accessibles aux nobles émotions que procure la culture du plus simple, du plus naturel, du plus sympathique de tous les instruments de musique , de la voix humaine.

C'est le progès au point de vue humanitaire, et ce progrès est le flrnit immédiat du chemin de fer et de la locomotive tant calomniés par la sensiblerie de certaines ftmes pseudo-poétiques.

Hais si la vapeur et ses applications ont fourni les moyens de se réunir, n'oublions pas que la culture de l'art musical et de la musique vocale surtout , est devenue le grand levier civilisateur qui a adouci les mœurs et qui a rapproché les cœurs.

Qui eut osé réunir dans un autre but, le même jour, dans une localité relativement aussi restreinte que Colmar, tous ces cœurs plus ou moins enthousiastes , toutes ces têtes chaudes , tous ces hommes aux sentiments plus ou moins exaltés par le bruit, la multitude, une chaleur tropicale faisant mûrir le bon raisin de 4858 , et les libations faîtes de préférence avec le pétulant vin de la dernière réculte ; qui eut osé rassembler ainsi et mettre en contact près d'un millier d'hommes depuis la chaleureuse adolescence jusqii'à l'âge mûr et consciencieux de sa force , toutes ces naiionàliiés diverses , tous ces préjugés de localité, ce chaos de convictions politiques et religietises, fervents disciples de l'Eglise et libres-penseurs , catholiques , protes- tants , Israélites, enthousiastes du gouvernement impérial et républi- cains boudeurs t rêveurs légitimistes , fusionistes et orléanistes , qui eut osé faire cela sans appréhender les plus fâcheuses complications? Que les magistrats , que les administrateurs , que 1rs chefs mili- taires qui ont vécu pendant un certain temps au milieu de nos populations» répondent.

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418 REVUE D'ALSACE.

Que nous ont montré les fêtes de Colmar? Rien qu'amitié et hien- veillance mutuelles. Français, Allemands, Suisses, Alsaciens do Haut- et du Bas-4\hin , tous se serrant la main , se féliciiant d'avoir pu apprendre à se connaître , et Tratemisant tous dans un sublime et merveilleux accord » à la faveur de Tbospitalîté cordiale de Qolmar %t de ses environs (i).

« Des classes qu'à peine on éclaire

< Relevant les mœurs et les goûts t Par toi , devenu populaire

« Vart va faire vn del plus doux.

« Les notes sylphides puissantes

« Rendront moins lourd soc et marteau,

< Et feront des mains menaçatUes « Tomber l'homicide couteau.

< BÉRÀIIGER à WlLHEM. *

Il est évident, pour tout esprit droit, que ce beau résultat est dû, uniquement, à la puissance civili^lrlce et humanitaire de la musique, et la queëiion posée par une des plumes les plus compétentes sur la matière est résolue, désormais, parmi nous, c L* esprit tT association, , c se détournant des voies politiques , ou il a si souvent erré , oii U a c tant de fois engendré de funestes discordes , envahirait 'il le royaume c de l'harmonie non plus pour diviser les eœurs , mais pour Us rtàlier

{*] Les sociétés chantantes venues.au festival sont les' suivantes : 1. Paris : Les enfants deChoisy, 2. Harmonie, 3. Conservatoire, 4. Alsacienne. 5. Sainte-Marie-aux-Mines : Société chorale. 6. Schiltigheim : Société chorale. 7. Strasbourg : Société Chorale , 8. Union , 9. Harmonie , 10. Société phUhar- monique. ll.Nutzig : Chorale. 12. Mulhouse : Saint^Cécile , 18. Union chorale, 14. Harmonie. 15. Les sociétés de Carlsrube. 16. Metz : Sainte^Cédle , 17. Or- phéon. 18. Thann : Société chorale. 19. Brumath : Cercle choral. 20. Oôle : Les enfants du Jura. 21. Porrentruy : le Mœnnerchor. 22. Dijon : Société chorale. 23. Wihr-en-plaine : Union musicale. 24. Baden : Eintracht. 25. Colmar : Harmonie, 26. Orphéon. 27. Wintzenheim : Chorale. 28. Guebwiller : Har- monie. 29. Schlestadt : Harmonie. 30. Saint-Âmarin : l'Echo de la vallée. 81. La Ferté-sous-Jouare : Orphéon. 32. Haguenau : Société chorale. 33. Bâlc : Liedertafel. 84. Pfafienhoffen : Société chorale. 85. Guebwiller : Orphéenne. 36. Achern : tiesangverein. 87. Eclcwersheim : Orphéon villageois. 88. Barr : Union chorale* 39. Munster : Chorale. 44). Mayence : Kirehenmusiekverem. 41. Les sociétés de Zurich.

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GRAND FESTlTAt DE COLMAB. 419

c comme U rallie lee votx » et pour réahur de la sorte , au point de vue « moral , et au point de vue artistique , un double progrès i (i). '^ NéaDoioins, malgré cette évideoce, ces associations artistiques , cette discipline f ces réunions , ces fôtes , forment encore toujours un sujet de préoccupation chez de certains esprits timorés et superficiels , ou même chez de bons esprits mais qui n'ont pas eu l'occasion, ou la volonté, ou le temps, d'examiner cette question ave*c attention , et d'en scruter scrupuleusement les conditions et les éléments. Elles forment un sujet de préoccupation bien plus fort encore dans un certain monde , fort respectable aussi , mais qui ne pourra se vanter jamais, s'il persiste dans son exclusivisme, de conquérir les sym- pathies nationales, qui au contraire , possède le talent d'aliéner de plus en plus celles qui lui restent encore.

Dans ce monde , on entend dire : Méfiez-vous , c'est le carba* narisme , ce sont des clubs , c'est le socialisme , c'est la terreur qui préludent par ces chants pacifiques à leurs futurs et terribles ébats. Eh bien non , rassurez-vous , braves gens ;* les chanteurs sont plus charitables que vous , et en vous voyant vous isoler au milieu de la joie générale , en vous voyant vous réunir dans vos conciliabules épouvantés , aucun d'eux ne songe à vous soupçonner seulement de vouloir, à l'aide d'un nouveau père Letellicr et d'une nouvelle Madame de Maintenon , nous ramener à une seconde édition de la révocation de redit de Nantes , ou des dragonnades , ou en remontant encore plus haut dans l'histoire, à une nouvelle Saint-B;irihélémiy. Imitez-les donc , ne soyez pas plus méfiant qu'eux » ils sont aussi incapables de bire ce que vous redoutez, que vous n'êtes vous-mêmes désireux de commettre les crimes dont iU. ne vous accusent pas.

Ce cortège que vous voyez passer, ces bannières, ces figures épanouies , cette réunion de tant de gens venus de si loin et réunis fraternellement pour la première fois , c'est tout bonnement le Progrès , le Progrès social (et non socialiste . ne faisons pas de con- fusion). La Sainte-Cécile de Mulhouse vous l'a chanté , leur devise est : Alliance et Progrès,

Les réunions de chanteurs n'ont qu'un but humanitaire; s'ils adoptaient un autre but quelconque, elles se dissoudraient immédia- tement, vft la. variété infinie des convictions représentées dans leur

(*) Georges Kastner , Les chants de la vie. Paris 1SS4#

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420 RBVtJB D'ALSACB.

sein. El ici encore noas invoquerons l'autorité de celui qui dans ses Chant» de lavievL^ pour ainsi dire , codifié l'art de former et de diri- ger les sociétés chorales et qui termine les conseils donnés aux chan- geurs par la phrase suivante , dictée autant par le bon sens que par une solide expérience, c Somme toute , il importe au plu» haut point c que le» société» de chanteur» d^homme» ne »oientjameù» exploitée» au c profit d'un parti politique ou d'une secte religieu»e i (i).

C'est en ce sens que le but du festival choral de Colmar a été com- pris par les autorités , et le département du Haut-Rhin ainsi que la ville de Colmar doivent se féliciter hautement d'avoir vu conGer la direction de leurs affaires, publiques à des magistrats aussi éclairés. Des esprits élevés comme M. le Préfet du Haut-Rhin» des hommes de cœur comme M. le Maire de Colmar savent servir aussi bien le Gou- vernement qui les a institués , ^ue diriger et concilier les populations qu'ils doivent représenter. Certainement l'exercice de l'autorité a des exigences que le grand public ne sait pas toujours comprendre , et qu'il n'est que trop disposé à critiquer, à condamner ; l'autorité doit avant tout être respectée et obéie , mais après cela elle peut être exercée de différentes manières , et il est diflScile de se rendre compte des dangers auxquels s'exposent ses dépositaires , lorsque dans une grande occasion ils savent , comme on l'a vu à' Colmar, se concilier l'estime des esprits d'élite et les sympathies des masses.

Les commandants militaires aussi ont droit à plus vive recon- naissance de tout ceux qui de près pu de loin se sont intéressés au festival. Leur concours seul a pu rendre la fête possible» les nombreux moyens dont ils ont si libéralement disposé en sa faveur» en ont certainement relevé l'éclat d'une manière tout«à*fait exceptionnelle.

Le but de ces lignes ne peut pas être de donner un récit détaillé » une amplification pittoresque du programme du festival» un grand nombre d'autres publications s'étant déjà chargé de ce soin. Hais son appréciation sous le point de vue social» moral» ou poétique» n'exclut point une relation de ses épisodes les plus marquants » une espèce d'aperçu sommaire de ce qu'il a été pour ceux qui y ont participé.

Et » d'abord » il est bon de constater que la science héraldique commence à revivre pour les chanteurs » et qu'elle émaille de ses

C) KASTKSR , 0. c. p. 109.

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GRAND FESTIVAL DE COLMAE. 4l4

brillante» couleurs ces cortèges que notre costume contemporéla rendrait assez ternes sans elles. Bien des blasons nobles ont disparu dans la grande tempête qui a régénéré notre nation , mais patrieien» et plébéiens» partout ils étaient constitués en communes, ont con- sente les emblèmes traditionnnels de leur antique existence politique. Aujourd'hui » ces écussons sont adoptés généralement pour orner et distinguer les bannières des sociétés de chant , et l'on a pu voir fraternellement réunis sur Testrade.de la mairie et sur l'orchestre do manège la masse d'armes de Golmar en champ de gueules et de sinople, la bande de gueules en champ d'argent de Strasbourg, l'écusson d'argent et de sable de Metz » la rose d'argent en champ d'azur de Haguenau , les roues de Mayence et de Mulhouse; les herses de Barr et de Wasselonne , et tant d'autres qui mériteraient d'être cités au même titre. Si toutes ces bannières ne sont pas toujours correctes au point de vue de la science du blason « beaucoup d'entre elles se distinguent par une grande richesse ou par une remarquable élégance. Les bannières serrent à distinguer les sociétés en corps , les chanteurs se distinguent individuellement par des rosettes^, des emblèmes , des petites cocardes , qui relèvent le costume » donnent un air de fête à tous les participants, et facilitent la bonne entente et le maintien du bon ordre. Le costume oblige » et ces décorations constituent déjù un costume. Il serait à désirer que pour le complé- ter, les chanteurs adoptassent une coiffure uniforooe et moins banale que ne l'est notre chapeau-tuyau de rigueur avec notre tenue habillée. Il faut que leurs cortèges se distinguent de tous les autres» il. faut surtout ne pas s'y rendre habillé comme pour un convoi funèbre. Le feutre gris de forme basse » léger et souple , semblerait tottt-à-fait acceptable. Il n'embarasseralt pas, lorsque réunis en masse on doit rester tête nue , comme dans les concerts ; il ne fati- guerait pas quand il faut rester couvert longtemps ; comme dans les cortèges et autres cérémonies en plein air, il peut parfaitement se porter avec l'habit noir ; il comporte des ornements et des signes de ralliement » et ne serait aucunement déplacé avec son petit air éman- cipé dans des occasions oit l'art et la poésie font disparaître pour un moment les prosaïques préoccupations de la vie matérielle.

En récapitulant les nombreux épisodes qui ont marqué les divers jours sur lesquels Vest répartie la fête, on arrive à constater la consolante vérité que les grandes réunions .d'hommes » lorsqu'une

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423 RBTns d'alsaci.

bonne pensée les a rassemblés , foni éclater et exaltent les bons sentiments. Cette vérité balance ainsi pour Thonneur du genre humain la proposition » trop souvent sanctionnée par Texpérience « que les réunions en masse peuvent faire éclater et peuvent exalter les plus mauvaises passions.

La soirée de l'arrivée des chanteurs vit inaugurer une innovation* dans les annales de nos festivals alsaciens* Le champ -de- mars pré^ sentait un aspect féerique avec la douce lumi<^re répandue par les innombrables lampions de couleur» suspendus en guirlandes aux arbres de celle magnlGque promenade. Le kiosque resplendissait de lumière , et la musique du régiment de cuirassiers » que Tarmée musicale par excellence , Tarrnée autrichienne nous envierait , répandait des flots d^barmonie sur les masses compactes qui Tentou* rent, et auxquels on voit mêlés déjà de nombreux chanteurs. Plus Için y la belle musique du 97« régiment de ligne , et près de la statue de Rapp la musique des sapeurs- pompiers de Colmar» coulinueni la tâche si bien commencée par les cuirassiers » alternent ensemble et cxé< iitent un concert populaire sur cet immense espace.

fout-à-coup le- canon tonne, ne puisse-t-il plus jamais résonner sur nof frontières que pour des fêtes aussi gaies l et les chan- teurs se groupent autour des écritaux portant le nom de leurs sociétés , et dont le sort a réglé' la préséance. Les torches s'allument, les musiques précédéf's de nombreuses lanternes fixées au bout de perches divisent le cortège en trois sections » qui prend le chemin de la ville, accompagné de la multitude émerveillée de ce spectacle grandiose. Une grande partie de la ville est ainsi traversée par ce torrent de feu et d'enthousiasme; de chaleureux vivats éclatent quand il passe devant la préfecture car les chanteurs ne sont point des ingrats, et ils sont heureux de témoigner leur reconnaissance au protecteur de leur fêle qui commence si bien.

Le dimanche la lumière d*un solt^il éclatant, a remplacé la lueur des torches, et à midi les (Jianteurs se groupent de nouveau à' leurs places désignées. L'abandon de la veille a fait place à des dispositions plus graves, presque solennelles. Tout le monde a revêtu les habits de fétc; les bannières de grande cérémonie sont déployées ; hier on a pris possession de la ville, aujourd'hui il s'agit de se montrer dignes des honneurs qu'on a reçus, de la confijnce des hommes éminents qui ont engagé leur respousabiliiéi et de la cordiale hospi-

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6RAKD FESTIfAL DB GOLMAlt. 498

talilé. dont déjà on a pn apprécier les mérites ; il s'agit de se mon- trer dignes d'interpréter les œuvres de tant d'hommes de talent et de génie ; il s'agit surtout de prouver que la musique est le but et noo le prétexte de la fête. Le cortège se met en mouvement ; le Maire de Colmar» entouré des membres de son administration , tous en costume oflBciel « marche en tête, sanctionnant ainsi de la manière la plus solennelle l'harmonie qui doit régner dans un pays bien gou- verné et bien administré , la confiance mutuelle et indispensable entre gouvernants et gouvernés.

Aussi t dès l'entrée en ville l'enthousiasme éclate sans qu'il soit facile de dire s'il est propagé des chanteurs- an public ou bien da public aux chanteurs. Le fait est que , par une réaction sympathique, il s'est propagé en grandissant des uns aux autres. Les spectateurs sont impressionnés par ce brillant cortège , par ces musiques entrai* nantes ; le cortège Test par ces rues enguirlandées, pavoisées, par ces devises tantôt spirituelles , tantôt cordiales , par-dessus tout par cette multitude pressée aux croisées et le long des maisons. De belles mains font tomber sur lui une pluie de bouquets, les distributrices sont récompensées par de joyeuses acclamations , souvent par des démonstrations plus significatives qu'excuse le moment , que justifie la galté générale.

Voici les chanteurs de Strasbourg qui reconnaissent à une fenêtre une charmante compatriote, une sœur en Apollon , venue tout exprès pour relever l'éclat de la féie. Les vivats enthousiastes saluent un talent hors ligne aussi bien que l'amabilité et la modestie du caratctère.

Les chanteurs ont la mémoire du cœur. Plus loin » c'est M. le Maire de Barr qu'ils reconnaissent, lui, /jui l'année passée à pareille époque les a accueillis chez lui dans des circonstances analogues , et avec la même cordialité. Les plus sympathiques acclamations éclatent et se propagent à travers tout le cortège , et il lui en arrivera de même tontes les fois qu'il se montrera dans une grande réunion de chan- teurs alsaciens. Si M. Paul Odent et M. H. de Peyerimhoff n'aiment pas les ovations bruyantes quoique coNiales , il faut leur conseiller fortement de ne pas se montrer aux fêtes qui devront avoir lieu , en I8è9, à Schlestadt, et, en 1860, à Mulhouse. Si au contraire ils ne les dédaignent pas, et ils auraient tort de le faire, car ces démons- trations parties du cœur honorent ceux auxquels ils s'adressient , qu'ils y viennent , et ils verront s'ils ont fait des ingrats.

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m RËVCE o'aLSACB.

Mais voici le cort<^go devant la mairie , occupant en colonne serrée le vaste f:uibourg de Bûle. Los bAinières se groupent sur Testrade et le président du comité ceniral présente à M. le Maire l'association des sociétés chorales d'Alsoce et le remercie eh terme chaleureux de Taccueil sympathique et empressé qu'elle a trouvé dans la cité hospi* tal ère d<' Colmar.

M. de Peyerimhoff prend alors* la parole au milieu d'un silence religieux. On était sûr d'entendre de généreuses pensées , d'y retrouver la courtoisie pai faite du gentilhomme, la cordialité du représentant de la ville de C«>lmar, dont toutes les dispositions de la fêle avait déjà révélé rheureuse inllotïnce; mais tous les cœurs se mirent ù battre plus vite lorsque dès les premiers mots on put reconnaître la sympathie profonde qu'éprouvait IVrateur pour la belle cause du progrès social dont il avait devaut lui les pacifiques représentants ; et » lorsqu'en s*adress:int aux chanteurs de Paris et des provinces de l'intérieur, il les salua au nom du penseur profond » du philosophe charitable , du chanteur aimé du peuple , de l'infatigable promoteur des unions chorales , lorsque le nom de Déranger fut sorti de ses lèvres, un tonnerre d'acclamations éclata et ne se calma que par respect pour l'orateur et pour ne point se priver plus longtemps de ses sympathiques paroles. Aîors seulement H. le Uaire put terminer sa phrase qui excita de nouveaux transports, c Chanteun de Parti et c des provinres de l'intérieur, vous serez, au milieu de nous comme t tâcho de la voix de Déranger ^ éieinie , héla» l mais loupurs vibrante c dans le ccettr des Français ; car ta corde qu'elle a touchée est celle du c palrintisme cl de tons les seniiments généreux» i

Après avoir complimenté It^s chanteurs d^AHemagne au nom de leurs grands poètes et de leurs grands musiciens , les chanteiirs de rilelvétio au nom de la nature grandiose au milieu de laquelle ils- vivent et dont ils s'inspirent , et les chanteurs alsaciens au nom de la noble émulation qu'ils montrent et au iiom des devises de leurs ban^ nières : Harmonie' Union , deux vers de la chanson de Béranger, dédiée à son ami Wilhem et intitulée : V Orphéon, terminent ce sympathique discours

« Les cœurs sont bim près de s'entendre « Quand les voix ont fraternisé, > qni provoque un enthousiasme impossible à décrire. Le vin d'honneur est alors offert dans la coupe que les chanteurs

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GRAND FESTIVAL DE CALMAR. 4S5

lorjf^ois ayaient donoé le matin même au& cbanleurs d*Aisace et confiée à la garde des chanteurs de Coloiar, en souvenir d'une alliance - qui avait été cimentée entre Zurich et Coimar par un traité datant de raiinéeil353.

Pendant que le vin d'honneur municipal se dégustait à l'estrade» une concurrence toute amicale s'établit dans un local voisin de la mairie » occupée par la Corporation des vigneron» qui , eux aussi tiennent à fêter les chanteurs. Ce vin d'honneur tout officieux <BSt offert e( accepté avec lu même cordialité.

Mais voici le générallissime de celte armée pacifique , voici Louis Libb£ qui monte sur l'estrade. Il saisit le bâton de commandement » et le solennel chœur de Mozart, VEiniracht est entonné par un millier de vois 9 avec une précison et un sentiment musical qui auront enfin pu convaincre les plus incrédules qu'ils étaient en présence de chan- teurs sérieux , ayant fuit une étude conscienv ieuse du chant choral , et que réellement , comme il a été dit déjà , la musique était le but et non le .prétexte de leurs réunions.

Rien lie saurait rendre l'effet grandiose de celte composition exé- cutée dans de pareilles circonstances , et avec des moyens si puis- sants.

Après un nouveau trajet triomphal à travers des quartiers nqn encore visités, le Cortège arrive au beau manège de cavalerie disposé eu salle de concert et offrant un coup d'œil ravissant. Les chanteurs descendent dans l'arène qui va être témoin de leurs luttes pacifiques.

La solennité s'ouvre par une nouvelle exécution du cœur de IMozart qui immédiatement rassure toutes les oreilles compétentes sur les excellentes qualités acoustiques de l'immense local. L'intérêt du public 9 dont une partie s'était attendu à une production assez mono- tone , s'acçroit de morceau en morceau , et si quelques productions plus faibles recueillent des applaudissements d'encouragement , par contre les morceaux réellement remarquables font éclater des trans- ports d'enthousiasme. Les morceaux d'ensemble, d'un effet merveil- leux , alternent avec des cbœurs ou des quatuors dotiblés , triplés et quadruples des différentes sociétés et c'est dans cette dernière caté- gorie qu'éclate la perfection véritablement artistique à laquelle sont arrivées certaines réunions chantantes venues à cette fêle.

La Chorale de Mutxig , la Samle^Cicile de Mulhouse . V Harmonie , VVnion musicale et la Société chorale de Strasbourg , le Kirehenmusik".

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416 REYUB D'ALSACE.

verein de Mayence fie couvrent de gloire ; de celte gloire noblt et pure , qui ne sacrifie personne » élève les cœurs et ne fait couler que des larmes de joie.

Quelques-uns des morcejiqx d'ensemble se terminent par d^émou- vants épisodes. Le Chàni de» batelière , composé par le savant prési- dent honoraire du comité central » G. Kastner» lui vaut une ovation de la part des chanteurs , à laquelle toute sa modestie ne peut le soustraire. Autant en arrive à un membre de la Société chorale de Strasbourg » le D' F. Sirohl pour sa belle composition intitulée : Am Abend. Mais la démonstration la plus chaleureuse échoit au direc* teur musical de toute la solennité, à Louis Liebé auquel les chanteurs d'Alsace sont redevables en grande partie des éclatants progrès faits depuis une série d'années. Après l'exécution du chœur général-, c An einem Fruhlingsmorgen , > composé par lui » des tonneres de bravos éclatent dans toute la salle et parmi les chanteurs et ceux-ci » qui avaient pu faire ample provision de bouquets dans leur pérégrination à travers la ville , grâce à la charmante libéralité des dames d^ Colmar, les font pleuvoir maintenant dans un bombardement à jet continu sur leur chef aimé. L'enthousiasme est porté à son comble lorsque M. le Maire vient lui remettre une couronne au nom des comités de CoImai\

Le culte de )a musique et surtout du chant choral console les cœurs attristés , raffermit les convictions , élève l'âme. Si dans ces solen- nités « dans un but de variété qu'on ne saurait perdre de vue , on exécute des morceaux gais et quelquefois badins , par contre on en exécute d'autres ayant pour texte de subKmes poésies , et recueil- lement avec lequel de pareils morceaux sont interprétés témoigne hautement de Timpression qu'ils produisent sur l'esprit des chan- teurs eux-mêmes. Quelle place peuvent trouver dans les cœurs des sentiroens vulgaires ou condamnables « quand on chante comme l'a chanté VVnion muêicale de Strasbourg des strophes comme celles qui terminent le magnifique Mânnergesang :

Der Erde Sohn von oben siammt , Der Odem Gottes ihn umweht ! Dos deutet ihm sein heilig Amt , Dos skhert ihm sein fromm Gebet. Morgensegen «et dein Klang , Fnnhmer, frc/nmer Mttnnenang i

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GRAND FESTIVAL DR ClOLMAR. 427

Mais le concert se termine an milieu de la joyeuse agitation excitée par le cbœur général La Sainê^ Hubert , de Laurent de Rillé » et le cortège se reforme pour se diriger vers la salle du banquet.

Le vaste hôtel de l'Europe a peine à contenir les convives » qui ne peuvent tous trouver place dans la même salle. Les différentes so- ciétés , dont beaucoup de membres ne s'étalent jamais vus , frater- nisent ensemble autant que le permet l'espace encombré. Ce» dé« monstrations d'une cordiale confraternité s'échangent surtout entre les tables que le hasard a rapprochées.

Le président du comité central prend la parole le premier et porte un teste à l'Empereur, protecteur des arts. Dès ses premières paroles ses intentions sont comprises , et il n'a pas encore prononcé le nom de l'Empereur que de toutes parts de chaleureux vivats éclatent » et que tous ces démocrates » tant redoutés dans de certains milieus » saluent de leurs acclamations spontanées , le grand disciplinateur de la démocratie , le représentant inébranlable des nobles sentiments de h nationalité française.

De nombreux testes de circonstance se succèdent , tous accueillis avec transport, mais celui qui provoqua une démonstration colossale, celui qui excita un véritable délire de reconnaissance, fut celui porté à M. le Maire de Golmar et à l'hospitalité de ses administrés. Les voix ne paraissant plus suffisantes pbur exprimer toute la gratitude dont les chanteurs se sentaient pénétrés , un roulement formidable fut exécuté sur les tables accompagné d'un trépignement de joie^è faire crouler la maison.

L'atmosphère étouffante de la salle contribua peut-être avec Tes attraits du feu d'artifice à faire lever la sëance plutôt qu'on ne le pro* jetait j mais cette circonstance para aux inconvénients qui auraient pu résulter d'une prolongation au milieu de la surexcitation générale.

Ici encore l'influence civilisatrice du but commun se révéla d'une manière victorieuse. Pas une inconvenance , rien de repréhensible ne fut remarqué.

La dernière journée du festival fut riche encore en émotions artis- tistiques et poétiques. Le concert instrumental avait réuni un public encore plus nombreux que le concert vocal ; à tort peut-être , car l'effet produit par les masses de chanteurs réunis le premier jour ne peut être égalé par aucun autre genre de musique.

La magnifique symphonie en ut mneur de Beethoven, exécutée par

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428 MBYUB D'ALSACE.

un orchestre porté ao quiotople des orchestres ordinaires » remplit d'admiration l'auditoire émerveillé » destiné à marcher de surprise en surprise. Car immédiatement après la symphonie « la perle de la fête, l'aimable et modeste cantatrice » elle que ses compatriotes les chan* teurs de Strasbourg avaient si joyeusement acclamé la veille, apparut sur l'orchestre , parée des insignes de YUnion musicale qui devait l'accompagner dans te grand air de Norma,

Les pathétiques accens , la beauté et la flexibilité de son organe , le goût parfait , la sensibilité exquise tout ce qui peut contribuer i faire une cantatrice d'élite , fut saisi applaudi, exalté par l'auditoire le plus sympathique devant lequel elle ait peut-être jamais chanté. Puis ce fut le tour de MM. Schvaedérlé et Oudshom, puis de M. Wuille , puis la cantatrice obtint un nouveau triomphe avec la valse de Venzano , qui Ht ressortir encore davantage la perfection de son éducation artistique; puis les chanteurs de Mayence se cou* vrirent de nouveaux lauriers avec le Stândchen d'Otto » une compo- sition de leur directeur musical , M. Gênée: Der Frûhlingianfang , et durent répéter la satyre musicale exécutée au concert.de veille» le Hummoristische» Quodlibet. Impossible de passer sous silence les ou- vertures i'Obiron et de Guillaume Tell, magistralement exécutées.

Somme toute , la ville de Colmar peut dire à juste titre que jamais elle n'a connu de jouissances musicales comparables à celles que lui ont préparées les deux journées du 8 et du 9 août 4858.

Mais déjà les chanteurs commencent à se séparer ; pourtant avant de disparaître pour longtemps et en répondant aux généreux senti- ments de M. le Maire , ils vont encore exécuter leurs beaux chœurs généraux, au kiosque du Champde-Mars » faisant ainsi participer toute la population de Colmar aux douces émotions du festival.

Ils terminèrent en remplissant un devoir bien doux , celui d'ex- primer à leur manière leur reconnaissance aux prindpaux protec- teurs et |>romoteurs de la fête , en leur portant des sérénades. H. le Maire » qui a conquis les cœurs ^e tous les chanteurs , prit congé d'eux avec l'émotion qu'on éprouve en se séparant d'anciens amis . et les présidents du comité local et du comité de patronage purent se dire avec satisfaction qu'ils n'avaient point travaillé pour des in- grau.

Un brillant bal , très*appréclé par la partie la plus jeune des chan*

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GBAim RESnVAL DE COLKAR. 4S9

leun et offert par la ville de Colmar, termina joyeusement ce beaa cycle de fêtes.

Tel fut le festival des chanteurs alsaciens à Colmar, qu'aucune dissonnance n*est venue troubler, réponse victorieuse à tous les doutes , à toutes les appréhensions , triomphe des cœurs généreux , confusion des âmes timorées ou des détracteurs systématiques.

Honneur à tous ceux qui l'ont qrganisé, protégé, facilité; hon- neur aux chanteurs et aux artistes qiy l'ont illustré.

ly EissfiN,

/

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BIBLIOGRAPHIE.

Pbtbr Marttk Vermigli. Lehen ttnd ausgfwàhUe Schriften naeh handgehrifiUchcn und gleichMeitigen Quellen. (Pierre Martyr Yer- MiGLi » d'après des sources manuscrites et contemporaines) vm D* C. Schnùdl, Profeêior der Théologie xu Strasburg. Elberfeld 1858. 1 vol. de S96 pages in-8<>. Prix : 6 francs (par souscription 4 francs).

Sous le titre de : Vie et œuvres ehoiriet des pères et fondateurs de F Eglise réformée , une librairie d'Allemagne publie une collection de biographies en 9 volumes. L'ouvrage que nous annonçons en forme le septième; le premier et le huitième qui ont déjà paru* contiennent les vies de Zwingli , d'Oiévianus et d'Ursinus (réformateurs du Palatinat).

Plusieurs de ces biographies intéresseront l'Alsace » les hommes distingués dont elles s'occupent ayant enseigné à l'ancienne et illustre Université de Strasbourg ; de ce nombre est Pierre Martyr Vermigli.

Ge réfonoofateur excite l'intérêt à d.'autres titres encore. Il fut de cette phalange d'hommes savants et convaincus qui enseignèrent les principes de la réforme en Italie et qui s'expatrièrent plus tard pour éviter le sort de Jérôme Savonarola , ce moine dominicain brûlé vif à Florence» pour avoir attaqué les mœurs du clergé. Aujourd'hui » à trois siècles de distance , ils ont trouvé des succes- seurs ; leurs noms sont tirés de l'oubli» leurs livres, détruits autrefois par la main du bourreau, sortent de quelque coin obscur d'une bibliothèque et sont réimprimés à des milliers d'exemplaires (')•

Vermigli a été le plus illustre de tous ces anciens protestants ita- liens ; Théodore <le Bè^e l'appelle le c phénix sorti des cendres de

C) Noua fatsonK allusion ici au magniflque traité : del beneficio di Cristo , par Aon 10 Paleario , retrouvé en Angleterre et déjà traduit dans plusieurs langues.

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BlBLIOGRAPfllB. 491

SaToranola. > Il eoseigna dans trois capitales de la réforme: à Strasbourg , à Oxford , à Zarich ; sa correspondance s'étendit sur presque tous les autres pays protestants. II assista au colloque de Poissy. Il eut une grande part à la rédaction définitive du common frayer book , c'est-à-dire » de la liturgie anglicane qui est en usage encore maintenant ; sa doctrine sur la Sainte Cène est très-remarquable et exerça une grande influence; enfin, il fut tout près de justifier son prénom de Pierre Martyr sous le règne de Marie la sanglante, pendant lequel 288 protestants furent brûlés en Angleterre dans l'espace de cinq ans. Vermigli avait quitté ce pays en temps utile; un peu plus tard le corps de sa femme , morte auparavant , Ait exhumé de l'église d'un couvent d'Oxford et jeté dans un lieu d'infâ- mie. On avouera que , vis-à-vis de faits pareils dont l'histoire de tons les pays est remplie, un certain parti dans le journalisme actuel ne fait pas précisément preuve d'habileté ni de bon goût en jetant constamment à la face de l'Eglise réformée le nom de Servet. Remarquons de plus en passant , que rexéciiiion de ce malheureux est aujourd'hui unanimement reprouvée par cetteEglise— tandis que le parti dont nous parlons ne demanderait pas mieux que de rallumer les 288 bûchers de Marie plus ceux de tous les autres pays.

Revenons à Vermigli. Il nacquit à Florence , le 8 septembre 4500 , d'une famille considérable. Son prénom, lui vient d'un moine domi- nicain , tué par des gentilshommes catharres et canonisé après sa mort , auquel la mère de Vermigli consacra son enfant. A l'âge de seixe ans il entra dans l'ordre des Augustins à Fiésole. Ses supérieurs l'envoyèrent étudier à Padoue , \i'oii il sortit pour se vouer à la pré- dication et à l'enseignement de la philosophie. Bientôt ses qualités le firent élever au poste d'abbé de Spolète, il devait réformer les mœurs des couvents d'hommes et de femmes ; il passa de à Naples en qualité de prieur de St.-Pierre ad aram. C'est dans celle ville qu'il copnut les doctrines des réformateurs allemands et suisses II en fut pénétré et se mit à prêcher la justification par la foi. On le nomma visiteur des couvents de son ordre en Italie ; mais la sévérité qu'il déploya dans cette charge le fit détester et il fut placé de nou* veau comme prieur de San Fredtan^ à Lucques. Ici, comme à Naples » il trouva un certain nombre d'adhérents de la réforme ; ses convictions se fortifièrent et finirent par lui attirer une accusation d'hérésie au tribunal de l'inquisition. Cité devant le chapitre de

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432 REYITB D'iiSACE.

l'ordre à Gènes, il comprit qu'il n'y avait plus de sëcarité pour luieD Italie et il prit le parti de la fuite eo même temps que son ami , Bernardino Ocbino , général des Capucins. Vermigli se dirigea d'abord sur Ferrare à la cour de Renée de France» fille de Louis XII » épouse du duc Hercule d'Esté , qui réunissait autour d'elle un petit nombre de protestants distingués. De il passa en Suisse. Il avait alors atteint l'âge de 42 ans.

Nous ne suivrons pas en détail ses destinées* ultérieures. Disons seulement qu'il enseigna avec éclat à Strasbourg à deux reprises , depuis i542 jusqu'en 1547 et depuis 1553 jusqu'en 1556. Entre ces deux périodes il vécut à Oxford, il fut r^oint par deux autres théologiens strasbourgeois : Butzer, le plus célèbre de tous , et son ami Paul Fage» lesquels quittaient leurs places par suite de l'intérim. Revenu à Strasbourg pour échapper à la persécution , Vermigli fat bientôt attristé par les malheureuses dissensions entre les lathérieoa et les réformés. Genève » Heidelberg et Zurich se disputèrent l'hon- neur de le posséder ; il choisit cette dernière ville il trouva Ocbiiio et une communauté protestante italienne. C'est comme député de Zurich qu'il se rendit à Poissy il fut comblé d'honneurs. Il mourut à Zurich le 12 novembre 1562» après avoir confessé sa foi en ces paroles : c Je n'espère le salut et la vie que par Jésus-Christ que le Père a donné aux hommes comme Sauveur unique. > Il laissa plusieurs ouvrages dont la célébrité fut telle qu'en 1575 Robert Hasson « pasteur français à Londres « put en extraire quatre livres de c loci communes > concernant le dogme et la morale.

Nous avons donné, dans ce qui {)récède> un aperçu bien aride du contenu d'un livre qui se recommande autant par la facilité de narration que par la profondeur de l'érudition historique. Il est d'une lecture agréable en même temps qu'instructive; aucun de ceux qui connaissent les publications antérieures de H. le professeur Schmidt ne s'étonneront de retrouver ici des qualités qu'ils ont appréciées ailleurs. 11 nous a tracé d'une main sûre , guidée par un cœur sympathique» la vie d'un savant distingué, d'un réformateBr influent et d'un homme d^ bien.

Strasbourg.

H.KlENLKR.

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L'ALSACE ROMAINE.

ÉTUDE

SUR LES ANCIENNES VOIES DE COMMUNICATION.

Les recherches historiques de notre époque ont jeté un jour tout nouveau sur les migrations des peuples anciens d'Orient en Occident. Nous n'ignorons plus aujourd'hui d'où sont venues les populations Gaéliques et les Belges qui les ont fait reculer vers le Sud. Au mo- ment où Rome fit la conquête de la Gaule transalpine , on savait en- core • mais par tradition seulement , que les Belges , qui avaient plus de rapports avec les Germains que les Celtes , étaient arrivés des contrées transrhénanes et avaient refoulé les populations Celtiques jusqu'aux bords de la Seine et de la Marne (^).

Les Séquanais s'étendaient dans la plaine de la haute Alsace jus- que vers la limite actuelle des deux départements ; au nord de cette limite commençaient les terres des Médiomatriciens. Quant aux Rau- raques , ils habitaient les environs de Bâle (ville fondée vers la fin du iv« siècle) et occupaient au nord les collines du Sundgau. Arioviste ayant passé le Rhin avec des Suèves et d'autres bandes de Germains , au nombre desquelles on voit cités, pour la première fois, les Vangtons, Némètes et Triboques , ces trois peuples restèrent sur le sol Gaulois après la défaite du chef dont ils avaient suivi la fortune et occupèrent les régions limitrophes du Rhin chez les Médiomatriciens. Les Tri- boques devinrent ainsi possesseurs de la Basse-Alsace , à l'exception d'une faible portion qui échut aux Némètes , vers le nord. Les Mé- diomatriciens se retirèrent alors au-delà des Vosges. Les nombreuses

(') CÉSAR, Guerre des Gaules , livre i, ch. i.

9* Ai»M. SB

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454 IUSVIJ]Ë D'AL8àGE.

pierres levées que ringénieur Specklé signalait au seizième siècle comme existant sur les sommets de nos montagnes, et dont le Spitxstein et le BreUenstein des environs de la Petite-Pierre paraissent être les derniers témoins restés debout, n'étaient probablement autre chose que les limites des peuples établis sur les deux versants des Vosges (<).

Quant à la partie sud de l'Alsace , qui était habitée par les Séqua- nais et les Rauraques avant Tinvasion d'Arioviste . il paraît , bien que César ne parle point du retour des Rauraques dans leurs foyers , que ce peuple revint prendre sa place et s'étendit dès lors jusqu'au pays des Triboqnes.

Nous ne raconterons point la lutte héroïque soutenue par la Gaule contre l'un des plus grands capitaines de l'antiquité. Alise, Avaricum, Gergovie et leurs nobles défenseurs seront , pour tous les âges et pour lous les cœurs qui comprennent le sentiment de l'indépendance nationale , un éternel sujet d'admiration.

César n'eut pas le temps d'organiser la Gaule ; il ne put que la comprimer, la dompter (^]. Ce n'est qu'à dater du règne d'Auguste et de la célèbre assemblée de Narbonne (an 27 avant J.-C.) que date une distribution plus régulière de cette magnifique conquête. La Celtique , ayant pour capitale la nouvelle colonie de Lyon , fondée par Munatius Plancus qui conduisit aussi , l'an 43 avant J.-C. , une colonie chez les Rauraques et fonda la ville d'Augusta-Ranracorum ou Rauricorum la Celtique , disons-nous , s'étendait à partir de cette époque jusqu'au Rhin , et l'Alsace entière se trouva comprise dans la Belgique (3).

(*) On trouve des exemples analogues de pareilles limiles au-delà du Rhin , avant la grande invasion du siècle. « Ubi terminales lapides Alemannorum et Burgun- dionum confinia distinguebant , » dit Ammien Marcellin , livre xviii , chap. ii«. (CoUecUon Nisard , page 94 , in-fine).

(*) < Bellum in Galliâ gcstum est : domilœ sunt a Cœsare maxima nationes , sed nundum legibus , nondum jure certo , nondum satis firmâpace devincti GalU. GiCERO , in oratione de Provinciis Consularibus.

(') L'Alsace fit donc partie de la Belgique , puis de la Germanie supérieure jus- qu'à l'époque l'on forma la Grande-Séquanaise en joignant le sud de l'Alsace , le pays des Rauraques à celui des Séquanais : c'est aussi à dater de ce moment que les deux Germanies sont qualifiées de !>•• et de II*. L'Alsace du Nord fut comprise dans* la l^^, et y resta pour la juridiction ecclésiastique de Mayence , bien que.

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L'ALSACB aOMAiNB. 435

Nous ne suivrons pas Drusus et Germanicus dans leurs luUes contre les Germains : elles n'appartiennent point à notre pays. ' Drusus établit des postés de défense partout il prévoyait quelque danger pour la nouvelle conquête et fit construire plus de cinquante forts ou castels le long du Rhin. Florus , qui donne ces détails , ne désigne remplacement d'aucun de ces postes de défense (i).

Rome , après les désastres de Yarus » ne songea plus à faire la conquête de la grande Germanie » mais toute sa sollicitude se porta sur la conservation de la frontière du Rhin. C'est alors que nous ▼oyons apparaître les deux commandements de la Germanie , consti- tués dans la Belgique et comprenant notamment les peuples d'origine Germaine , transplantés sur la rive gauche du fleuve. L'autorité do chef ou des chefs de ces nouvelles divisions , tantôt confiée à un seul général , tantôt divisée , s'étendit sur les terres conquises au-delà du Rhin. Huit légions occupèrent cette frontière de la Gaule depuis te pays des Helvètes et des Séquanais jusqu'à l'Ile Batave. Une force aussi imposante permit de cultiver, en toute sécurité , sous la pro- tection d'une fortification artificielle partant du Danube et s'étendant le long de la forêt Hercynienne jusqu'au Mein (?).

Des routes militaires furent ouvertes dans la Gaule transalpine dès le règne d'Auguste , par Marcus Agrippa , son gendre : les grandes artères de communication qui ont sillonné notre province et dont il nous reste des fragments si imposants , datent , plus ou moins , de cette époque.

César ne parle ^ue de deux villes des Séquanais, Vesontio et Uagétobria; il n'en mentionne aucune de l'Alsace. Cependant la science archéologique n'en revendique pas moins comme villes d'ori- gine ou de noms celtiques : Olin, Urunc, Gramat, Cambet, Brisiac,

dans les dernières. années de I*enipire, elle eut été détachée de la province pour former un district spécial , placé sous l'autorité d'un Comte , indépendant du Duc de Mayence.

(*) Florus , livre iv , ch. xii : « Nam per Rheni quidem ripam quinquaginia amplius castella direxit. »

(*) Consulter , pour description de ce fossé palissade , les ouvages suivants : Bened. Wilhelh , Germanien und seine Bewohner , 8», Weimar 1813. Mone , Urgeschichte des badischev Landes , 1345. Max. de Ring, Eiablissements romains du Rhin et du Danube.

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436 RBVOB D'ALSàOS.

Argenlouar, Helvet » Argentorat et Breueomag (i). Rien n'a sunréctt à la conquête , de ces maisons faites de claies , semblables à des huttes de cliarbonniers , qui constituaient les habitations gauloises; il en est de même de ces rangées alernalives de poutres et de pierres qui formaient leurs murailles : tout , jusqu'au souvenir, en serait perdu , si César ne nous en avait laissé la despription » car les Gaulois brû- laient leurs villes à rapproche de Tennemi ou quand ils voulaient émigrer.

Les routes militaires que l'on nommait consulaires , prétoriennes et quelquefois regiœ ou basilicœ, portaient le nom de leur auteur, c'est- à-dire de ceux qui en ordonnaient la construction 0* Auguste n'é- pargna point les trésors ni même les statues » provenant de la con- quête de l'Orient et de la Grèce , pour subvenir aux dépenses qu'en- traînait la création des grands chemins de l'empire » aboutissant tous au milliaire doré du Forum de la capitale. Les travaux exécutés par les Romains pour établir leurs routes ont bien des rapports avec les prodiges réalisés de nos jours dans les constructions de chemins de fer : alors , comme de nos jours , nul obstacle n'était capable d'ar- rêter les ingénieurs ; marais desséchés et comblés , vallées jointes par des levées ou chaussées , montagnes ou roches percées et quel- quefois tournées afin de ménager les pentes , voilà ce qu'attestent les

(*) Ptolémée qui a composé sa géographie du temps d'Adrien ou de Marc-Aurèle (de ]'an 125 à 135) est le premier auteur ancien qui nous parle des villes d'Alsace. Voici ce que Ton trouve au livre ii , ch. ix : La viii" légion Auguste chez les Tri- boques , ayant pour villes Breucomagus et Elcebus (Brumath , £hl} auxquelles on peut ajojiter Argentoratum qu'il attribue par erreur aux Vangions. Les villes des Rauraques sont Augusta Rauracorum et Argentouarla. , Quant aux autres villes . elles ne sont arrivées à notre connaissance que par Ammieo Marcellin et les Itiné- raires. — Les Gaulois avaient aussi des routes dont il nous est impossible de con- stater plus que le souvenir : ils avaient une aptitude particulière pour l'agriculture et c'est à eux que l'on doit l'invention de la charrue : « GaUos adinvenisse formam . aratri cum rôtis ^ etc. » Pline l'ancien, livre xvui, chap. 18.

(^] Digeste , livre xliii, titre 8», loi 2, § 21. Ulpien : VUun publicam eam dicimus cujus eiiam solum publicum est : ptiblicas vias didmus 22} quœ Grœci Basilicas id est Regias , nosiri prœtorias , alH consulares , viûs appellant. Isidore de Séville , Origines , livre xv , chap. 16 , de Hineribus : Primi autem Pœni (Carthaginois) dicuntur lapidibus vias stravisse: posteà Romani- eas pef omnem penè orhem disposuerunt , propter rectUudinem ilinenim et ne pUbs otiosa esse t.

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L* ALSACE ROMAINE. 437

débris des voies qui couvrent le sol de l'ancien Empire romain. Ces grandes voies étaient ordinairement faites de plusieurs couches de matériaux » superposées à une assez grande profondeur dans le sol et variant suivant les pays que Ton avait à traverser. La chaussée du milieu » Vaggery était la voie principale ayant au moins huit pieds (romains) de largeur. Elle était garnie des deux côtés de bordures marginei, espèces de trottoirs » qui étaient plus élevées et servaient de montoir aux cavaliers » les Romains n'ayant point d'étriers (t).

Lyon était véritablement pour les Romains le commencement de la Gaule : jusque-là ils étaient dans la province qui était soumise depuis longtemps. C'est de Lyon que l'on commençait à compter par lieues gauloises (iSOO pas ou demi-lieue ancienne de France . de 25 au degré) et que partaient les grandes voies militaires qui conduisaient aux extrémités de l'empire (*). Celle de Besançon fut établie des pre- mières : elle fut prolongée dans la direction d'Âugusta Rauracorum et le long du Rhin ; d'autres routes venant des Alpes eurent aussi pour continuation la route de Mayence. Cette route , qui venait de Besançon par Handeure , entrait en Alsace près de Féche-rEglise , décrivait une courbe vers le nord et se dirigeait sur Augusta-Raura- corum. Près de Hirsingue » elle poussait un embranchement vers la route du Rhin qu'elle coupait pour aller à Kembs il se faisait un passage vers Badenwiller, etc. La route du Rhin entrait en Alsace près d'Arialbinum (Binningen » en Suisse) , passait près de Kembs » allait à Rumersheim et Bantzenheim , près desquels il y avait un relai itabula et se dirigeait sur Mons-Brisiacus ou Argenlouaria. Près de Heiteren , la voie disparaît sous la route qui conduit à Neuf-Brisach , et « à peu de distance de cette ville , elle se bifurque : l'embranche- ment de droite va , en ligne directe » sur Biesheim la voie rencon- trait les premières habitations de Mons-Brisiacus ; quant à l'embran- chement de gauche» il continue à être confondu avec la route , tra- verse la partie sud de Neuf-Brisach, sort de cette ville près du

(*) Digeste , livre viii , litre S», loi l'«. lier , le sentier , a deux pieds de lar- geui' ; actus , cheif^in d'une bête de somme ou charette de culture , k pieds ; via , la voie , 8 pieds , pour permettre aux chars d'aller et venir. Le pied romain est do 10 pouces 10 ligpnes 6 , ou 0>",946,116.

(') Ammien Marcellin dit en parlant de Lyon : « qui locus exordium est Gallia- rum exindèque non millenis passibus sed leugis iiinera metiuntur. Livre xv , chap. XI.

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438 REVUE d'alsace«

cimeiière , longe le canal Vaubaii jusqu'à Widensohlen et &e dirige sur Ârgentouaria (près d'Ohnenbeitn) , Helvelus (Ehl) et Argenlora* tum. Au-delà de Helvetus ou Elcebus» La voie se coufoud avec la route de Colmar à Strasbourg ; mais elle s'en sépare à rentrée de Fegers- taeiffl pour aller droit vers Kœnigshovea ou la Chartreuse » puis faire son entrée dans l'antique Argentorat , confondu avec la voie de Sa- verne , Très Tabemœ. Celle-ci passait par le Kochersberg » entrait à Saverne près du cimetière , entre les routes actuelles de Marmoutier et Hochrelden , franchissait les Vosges et se dirigeait vers Metz. Quant à la route du Rhin que nous avons quittée pour un instant» elle allait en droite ligne d'Argentorat sur Brumath Brocomagus , puis » faisant un coude à droite » longeait la lisière méridionale de la forêt de Ha- guenau pour s'approcher de Seltz , » reprenant sa direction en ligne droite » elle allait vers Lauterbourg qui a remplacé Concordia et de à Mayence.

Ces routes présentent , partout l'administration des ponts et chaussées a été dans le cas de faire des décapements , une couche épaisse de gravier lié avec de la chaux : il serait tr^s-iniéressant de rechercher à quelle profondeur s'étend cette couche qui , dans nos contrées « présentait des caractères e£Qcaces de résistance aux eaux souterraines d'infiltration. 11 est à présumer qu'une couche supé- rieure » composée de pierres plus larges , a disparu successivement quand ces routes ont cessé d'être entretenues d'une façon régulière.

Mais , à côté de ces voies que Ton appelait du nom de leur auteur (voie Domitienne , Appienne t Agrippine , etc.) , il existait une autre classe de chemins publics nommé viœ vicinales ou chemins vicinaux, conduisant , par exemple » d'une grande voie militaire à une autre , ou bien vers les villes , villas et postes fortifiés, tels que les oppida, castels et camps permanents , castra siaiiva, qui n'étaient point pla- cés sur les grandes voies. Celaient aussi parfois des chemins de tra- verse qui ne conduisaient qu'aux exploitations agricoles où.iIs s'ar- rêtaient sans avoir de débouchés, c Les traverses, ditBergier, auteur c du commencement du xv!!"" siècle , se faisaient à la diligence des

c magistrats (locaux) ausqnels il estoit enjoint de les faire munir

« ou paver chacun selon son destroit (districtusj ou territoire , non c pas aux despcns du public , mais des particuliers qui avoient leur

{*) Histoire des grands chemins de l'empire romain, tome P'', ch. xxii, §§ 3 et 4.

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L'ALSAGB ROMÀiraS. 459

c domicile en ces boargs el villages ou qui poâsédoient des maisons , c terres et héritages. >

c Donc ces magistrats dés villages » etc. , faisoient travailler en ces c chemins de traverse de deux manières : sçavoir par corvées et par c contribations : car ils avoient pouvoir de contraindre ceux de la c commune populace qui y possédoient quelques terres » d'y venir c travailler en personne » les uns pour charrier les pierres el les c cailloux » l'arène et le gravois arenam et glaream et autres maté- < riaux nécessaires qu'il falloit souvent aller quérir en lieux fort éloi- c gnez de l'ouvrage : les autres à cuire la chaux : les autres à assem- c bler les matières par ordre , les battre , massiver et affefmir : les c autres à trancher des montagnes » à combler des marais » escouler c les eaux des fondrières et y faire maints autres ouvrages fascbeux c et difficiles , qui ont souvent excité de grandes plaintes el séditions par les Provinces. »

Celte différence entre les grandes voies consulaires et les chemins vicinaux a encore été clairement établie par deux célèbres juriscon- sultes , Paul et Ulpien : il en est de même de Siculus Flaccus dont nous citerons un passage (>).

Les chemins publics , quel que fut leur nature» consulaires ou vici- naux » devaient toujours être réparés dans les mêmes conditions , avec les mêmes matériaux : il était sévèrement interdit d'apporter

C) Digeste , livre xuii , titre ?•, loi : « VicR vicinales quœ ex agris privaio- mm eoUatis factœ stmt , (puarum memoria rum extat (ne portent pas le nom de leur auteur) publiearum viarum numéro gunt. (Paul dit aussi : VUb tnainaleê pu- blioarum viarum numéro 9un(), Ulpieo igoute, à ce qu'il a dit : Sed inter ea$ et cœtera$ vias mUitares hoc interest : quod viœ militares exitum in mare aut in urhe$ aui in fiumina publica aut ad aliam viam militarem habent : harum autem vicinalium viarum dissimilis conditio est : nam pars earum in militares vias exi^ tum habent , pars sine ullo exiiu intermoriuntur. »

SiGULUS Flaccus , de conditionibus agrorum , libro : « Nam sunt vice publicx regales , quœ publiée muniuntur et auctorum nomina obtinent : nam et Curatores accipiunt , et per Redemptores muniuntur. Sunt et vicinales viœ , quœ de publicis divertunt in agros et sœpè ad altéras pttblicas perveniunt. muniuntur per pagosy id est, per magistros pagorum, qui opéras a possessoribus ad eas tuendas exigere soliti sunt : aut , ut comperimus , unicuique possessori per singulos agros certa spatia assignautur , quœ suis impensis iueantur. »

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440 REVIJE D'ALSACE.

des modifications à leur mode de constniclion (^) et ils étaient de plas imprescriptibles.

Rome occupa assez paisiblement la Gaule pendant les deux pre- miers siècles et une partie du troisième. Outre la ligne du Rhin » elle s'étendait dans la Forét-Noire jusqu'à la barrière avtificielle qui la sé- parait des peuples barbares ; les terres situées entre cette ligne de défense et le Rbin étant distribuées comme terres décumates à des colons militaires ou celtes , toute la contrée jouissait d'une véritable sécurité. Les monuments d'Augusta-RauracorumydeBadenwiller, de Zarten , Tarodunwn, près de Friboui^ , de Riegel , Kgola, de Baden-Baden Aquœ-Badensei et les nombreuses voies de communi- cation qui sillonnaient la plaine , le KaysersthuI et la forêt Hercy- nienne , attestent l'existence d'un établissement solide et durable. Si nous passons de dans l'Alsace qui était placée en arrière » rela- tivement à la grande Germanie des voies vicinales importantes , communiquant avec l'intérieur de la Gaule , ou traversant le pays dans tous les sens» en se rattachant aux grandes voies militaires dont le tracé est déjà connu , devaient nécessairement av(Sir été créés par les possesseurs et habitants de cette belle contrée. Le sud de notre Province » qui était i au dire de César, l'un des meilleurs terroirs de la Gaule , se serait-il instantanément couvert de marécages et de forêts impénétrables ? Ne voyons-nous pas que les Rauraques l'habi- taient et qu'ils avaient des villes? Larga , Urunci , Mons-Brisiacus , Argentouaria et Horbourg qui recelait dans son sol des restes si im- posants de la grandeur romaine » mais dont le nom n'est malheureu- sement point parvenu jusqu'à nous. Si nous allons vers le nord » habité par les Triboques , ne rencontrons-nous pas tout prèsde la limite des deux peuples (Rauraques et Triboques) la belle mosaïque de Bergheim » la ville d'Helvetus , espèce de Ville-Forum , c'est-à^ dire une localité importante par ses iharchés périodiques : Burgheim» le mur païen de Sainte-Odile, Ittenwiller^ près de Barr, les nom- breuses antiquités de la vallée de la Bruche , Argentoratum , Broco- magus , Tres^Tabernse , les bains de Bouxwiller, Ingwiller, et toute

{*) Digeste , livre xliu , titre xk, liv. lef et loi ï«. Viam publicam populua non utendo amittere non potest etiam longissimo tempore, Titre viii*, g 22. Si (via) ex collatûme privatorum reficialur , non utique privata est : refictio enim idcircd de communi fit , quia usum utilitatemque communem habet.

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' L'ALSACE ROMAINE. 441

la vallée de Niederbruon , avec Wœrth et LangensouUzbacb , aux- quels nous pouvons joindre Concordia, Saietio et Niederrœderen diez les Néfnètes » qui journellement nous fournissent de nouveaux trésors de rart antique. Ne trouvons-nous point des témoignages irrécu- sables de la prospérité du pays après la conquête romaine? Ces cen- tres d'babitations n'avaient-iis donc pas leurs voies de communica- tion? Etaient-ils perdus dans les marécages? Cela est inadmissible : l'Alsace eut , comme toutes les autres provinces de l'Empire , ses chemins vicinaux indépendamment des routes consulaires. Disons même qu'elle les eut dans de meilleures conditions de solidité » de durée que les pays éloignés de la Germanie.

En effet, lorsque les armées romaines, oubliant les liens salutaires de la discipline , ne songèrent plus qu'à flaire et à défaire des empe- reurs , lorsque les rives du Rbin étaient à tout instant dégarnies des légions qui couraient à une antre extrémité de l'Empire pour com- battre un chef opposé à celui qu'il leur avait plu de choisir, les Alle- mands franchissaient rapidement le fossé palissade , traversaient le fleuve à la nage et venaient dévaster la Gaule , en étendant souvent fort loin leurs incursions. Les terres de la rive droite , n'étant plus défendues , furent abandonnées par leurs possesseurs , et le Rhin ftit désormais la seule barrière des provinces gauloises. L'Alsace elle- même était envahie et comme perdue , au iv« siècle , lorsque le César Julien livra bataille , près d'Argentoratum , aux bandes qui l'occu- paient. Valentinien P', l'uïi des derniers chefs dignes du nom romain , s'occupa très-activement des fortifications qui furent prodiguées sur les bords du Rhin. C'est à lui , comme à Julien , que l'on peut attri- buer la création des castels de la chaîne des Vosges qui formaient une . véritable triangulation de défense avec ceux qui étaient assis sur les bord du fleuve (i).

Les chemins vicinaux de l'Alsace ont dû, à partir de cette époque, prendre , pour la plupart , le caractère de voies militaires et il est probable qu'ils ont été , dès-lors , refaits dans des conditions de so-

(') Nous citerons la correspondance qui existait entre le Sponeck et Limbour^ (Bade) avec le Frankenbourj (val de Ville) ; entre le Frankenbourg et Burg- heim (près d'Obernai) ; entre Burgheim et la Heidenmauer d'iine part et le Glœckelsberg (Blœsheim) d'autre part ; entre le Gloeckelsberg et Ârgento- ratum, etc.

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44t REVUE D'ALUCX.

lidité telle qu'il en doit subsister des restes comme nous en avons des voies consulaires..Les généraux devaient avoir des itinéraires dé- taillés des pays qu'ils avaient à parcourir : outre les villes , mansions et mutations avec les camps et postes fortifiés , leurs cartes de route devaient indiquer les chemins de traverse , les montagnes » fleuves , forêts , les détours , les courbes que décrivaient les routes et ne rien négliger de ce qui pouvait leur indiquer la marche à suivre sans compromettre une armée (^).

Puisque les itinéraires comprenaient, non-seulement les voies con- sulaires mais encore les autres chemins que pouvait suivre une ar- mée , n'est-il pas présumable que l'ignorance de ce fait a amener nécessairement des erreurs de calcul dans les distances qui séparent les stations et que l'on aura voulu , plus d'une fois » et bien à tort» placer une localité » dont le nom ne nous est parvenu que par l'un des deux itinéraires qui nous restent » sur une voie consulab*e , alors qu'elle trouverait naturellement sa place sur un chemin de traverse et que » ce chemin étant connu , les distances viendraient à s'expli- quer très-facilement?

Après la grande invasion de l'an 406 et la chute de l'empire d'Oc- cident, les chemins , surtout les grandes voies , ont particulière- ment souffrir du passage incessant des barbares. Les nations de la Germanie , qui ont conquis le territoire de la Gaule , ne se sont point , suivant leur habitude , renfermées dans des villes et n'ont cer- tainement pas relevé les ruines fumantes qui attestaient leur passage et leurs dévastations. Les chemins de traverse se trouvaient cepen- dant près de leurs établissements : des villas détruites furent ça et

(*) Itinéraire , suivant Isidore de Séville vient d*Itiner itus Umgœ vue et ipse hbor ambidandi ut quà velis pervenias.

Itinerarium dicitur Mappa geographica , inquâ depinguntur pretattones mili- tares , loca et oppida provinciarum prcecipua , cum intervallis ac distantiis. Voir VÉGÉCE , Collection Nisard , page 693-94. (Livre m, chap. 6).

Les cartes de ce genre étaient anciennes puisque Pline Tancien cite celle d* Agrippa (de qui nous avons parlé plus haut) , qui comprenait tout le monde ancien. (Pline, livre in , chap. 2,3,4, &c.)

La Table théodosienne et Titinéraire dit d'Ântonin sont des cartes de ce genre. Il parait qu'il y avait beaucoup de cartes étaient figurées les villes et autres choses nécessaires à connaître , car nos trouvons dans la 3^ èpître de Saint-Jérôme ; Sicut a qui in brevi tabellâ terrarum situs pingunt.

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l'alsacs romaine. 445

rétablies ; de plus» quand rautorîté des rois cl des ducs fui plus soli- dement assise , empruntant alors à l'organisation romaine ce qu'elle en pouvait comprendre et utiliser à son profit , elle fit réparer et entreteair les chemins publics : c'est ce qu'attestent de nombreux passages des capitulaires (i).

L'Alsace étant occupée par des peuples de langue tudesque et ayant été séparée du pays des Fraocks , les chemins ont pris » dans les anciens titres dés monastères et des seigneuries qui se sont suc* cessivement établis , des noms allemands qui sont en partie arrivés jusqu'à nous. C'est dans les archives se sont' conservés les titres des redevances féodales » que l'on rencontre ça et , dans les indi- cations de limites » des noms de chemins et de cantons qui répon- dent à ceux de chemin élevé ou haute-chaussée (Hohwey, Hoh»ira$s) , chemin de pierres {Stdnweg) , route militaire {Hêrweg ou Hêrsirati de Heriitraxheerj exercitus). Quant au mol weg, weka ou wega dans l'ancien allemand, il a plus d'une affinité avec via. Varron nous apprend (livre 1") que , de son temps , les gens des campagnes en Italie disaient vea au lieu de via de vehiculum ou vehere.

M. Moné (^) , le savant archiviste de Carlsruhe , a colligé avec pa- tience tous ces noms pour lesquels il a fait d'iieureuses applications au pays de Bade : ses recherches lui ont fourni l'occasion de men- tionner des désignations similaires pour l'Alsace , et il nous a donné la lisie de ce qu'il a pu recueillir pour notre pays (S).

[*) On retrouve un vague et curieux souvenir de l'usaf^e que Ton faisait de ces voies après la conquête franke , dans le passage , suivant de Volzir de SéronviUe : Expédition du due Antoine de Lorraine contre le$ paysans révoltés d*Alsace , en 1S%5. Voici ce qu'il dit (livre ii , ch. 8) en faisant la description de Saveme :

« Et s'appelloit la dite ville selon Toppinion de plusieurs anciennement Tabema, pour ce que les Roys anciens partant de la grant cité de Soltom (Solodurum So- leure , route de Milan à Mayence par Strasbourg) pour euix transporter à Trieue et Belge (Trêves et les Belgiques) , rafreschissoient leurs gens en la taverne , dont par succession du temps le T a esté conuerti en S et s'appelle Sabema ou Sabemia, Saueme. >

(*) Urgeschichte des badischen Landes , 8<>, 1845,

(*) Tome i«', page 148 : Munzen ou Muntzenheim 1420 hohweg, Baltersen ou Baltzenheim 1400 hohe-weg. Oriesheim 1450 hohe-siross.

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444 REYUB D'ALSACE.

Les explorations de M. de Golbéry et de M. Scbweigbseaser avaient aussi rois en relief une partie de ces dénominations qu'ils ont eu soin d'indiquer en décrivant les grandes routes militaires ; celles-ci , en effet , ne portent pas uniformément le nom de roiue païenne ou /fet* denstrass, mais souvent ceux de Hohweg, Hohslrau, etc. Nous avions aussi, de notre côté, colligé» depuis bien des années, des noms de ce genre . en attendant l'occasion d'en faire l'application.

Les travaux de la topograpbie de la Gaule nous ont enfin permis de faire une expérimentation assez vaste de ce genre de recbercbes dans les buit cantons composant l'arrondissement de Schlestadt et les résultats obtenus ont de beaucoup dépassé nos espérances. L'exa- men de la carte jointe à notre travail en fournira la preuve hi plus convaincante. Certainement tous les cbemins que nous y avons rc'* portés ne sont pas d'origine romaine : mais pour ceux même qui ne datent que du moyen-âge, il était urgent d'en conserver le souvenir, car ils appartiennent au même titre à la géograpbie notre pays.

GOSTB,

Juge tu Iribuiial civil Schtottadt.

Dûrningen 14 7S hohe-'Stross der heuenerweg.

Wintenhausen 1478 dit Herre^trass , hertweg.

Gros-Kems (lay® siècle) die hohe-strass,

Ohnenheim 1420 hoh^weg , hoh-stross,

Sundhausen (xiv« siècle) Herstras^e , &c. , &c.

A ces noms il est essentiel d'ajouter celui de Dietoeg ou Ditweg , Dieiweg , che- min du peuple , chemin public qui par corruption ou par ignorance est devenu Diebsirœssle ou Diebweg. H. le professeur G. Schmidt a eu Tobligeance de nous communiquer toute une série de ces noms pour la Basse-Alsace , et nous lui en témoignons ici toute notre gratitude.

Une mention spéciale est également due à Grristophorus pour le curieux travail qu'il a communiqué à cette Revue , dans le cours de Tannée dernière , sur les Herweg de Dirlinsdorif.

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VILLES LIBRES ET IMPÉRIALES

Dl yARGlENNB âLSAGI.

LANDAU.

En i654 , le marquis de la Suze ayant pris à Belfort le parti des princes contre Mazarin , ce dernier écrivit an magistrat et sénat de' la ville de Landau une lettre presqu'obséquieuse pour solliciter le concours des bourgeois aux opérations du maréchal de la Ferté 0) , ou au moins leur neutralité pendant les attaques de Belfort et de Thann , ainsi que pendant l'investissement de Brisach la Ferté . força le comte d'HaV^court à se soumettre au cardinal-ministre. Grâce à ces tristes luttes de la Fronde , l'orgueil des bourgeois de Landau , comme celui des autres bourgeois des cités d'Alsace , put encore un instant croire à un simulacre d'indépendance , car nos dix villes se virent tour à tour enjôlées et sollicitées par le parti des princes et par celui de la cour. Mais c'est déjà de l'histoire de France.

Nous voyons encore Landau se joindre en i658 à ses confédérées de l'Alsace , pour protester contre la création du Conseil Souverain d'Ensisheim , appelé à remplacer, avec plus d'attributions administra- tives et judiciaires, la CourRoyale de Brisach créée en i651. Puis en 16S9 et en i661 la ville prend part d'abord anx conférences de Stras- bourg , puis à celles d'Obemai des 25 juin , i" et 2 juillet et 20 sep- tembre i66i f à l'effet de s'opposer, autant que les représentations des faibles pouvaient s'opposer, au remplacement » sans reversâtes satisfaisantes, du comte d'Harcourt par le cardinal de Mazarin comme

(*) Voir les UvraisoDS de février , mars , juin , juillet , août et septembre, pages 49, 97, 887, 313 et 402. (') Archives de Landau.

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446 REYUB D'ALSACE.

grand bailli de la préfecture de Haguenau , et à la substituiion du duc de Mazarin au cardinal son onclef (i). Ces conférences n'aboutirent qu'à obliger les villes à prêter, d'assez mauvaise grâce , par leurs dé- putés réunis à Haguenau » serment de fidélité au roi de France.

La Diète et la chambre impériales s'évertuaient cependant à re- prendre autant que possible les dix villes à la France. L'assemblée de Ratisbonne imagina à cet effet le prétexte de la guerre des Turcs . cette croisade officielle et toujours populaire dans l'Empire pour demander aux villes impériales de la Landvogtey d'Alsace de concou- rir » comme par le passé , à cette guerre » non-seulement par des subsides , mais par un contingent en hommes destinés à être incor- porés dans l'armée impériale. Ce condugent fut fixé pour Landau au même taux qu'antérieurement à la soumission à la France , c'est-ù- dire à quatre cavaliers montés et équipés et à trente-six fantassins. Colmar et Scblestadt durent fournir aussi , chacune des deux villes . huit cavaliers , et Obemai quatre cavaliers et un même nombre de fantassins que Landau. Pour mieux prouver à nos villes d'Alsace qu'elles étaient toujours considérées comme partie intégrante du saint Empire germanique » on avait décidé que ces contingents se- raient réunis aux contingents de Spire , de Worms , de Strasbourg , et d'autres villes non encore soumises à la France » pour former un même escadron de cavalerie et un même demi-bataillon d'infanterie. Le drapeau devait être le même que l'ancien drapeau du cercle du Haut-Rhin » msûs avec les écussons de Strasbourg , de Landau , de Colmar, d'Obernai , de Scblestadt » de Rosheim » unis à ceux de Spire et de Worms. Le rendez-vous fut à Strasbourg pour la cavalerie et à Francfort pour l'infanterie.

Dès que les officiers de la préfecture de Haguenau eurent avis de ces levées 9 ils s'y opposèrent vivement» mais tel était encore le pres- tige de la Diète en nos villes d'Alsace et telle encore la confraternité germanique inspirée par la vieille crainte des Turcs que, partout il n'y eut pas de troupes françaises pour s'opposer au départ des con- tmgents , ces derniers se mirent en marche au milieu des acclamations et des hommages de la foule. Le gouvernement français ne jugea pas à propos de sévir contre ce retour déguisé à la suprématie impériale ou aux intérêts allemands , car, cédant à son tour à l'opinion euro-

('} Archives de Landau.

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VnXBS LIBRES BT IMPÉRIALES DE L'àNCIEMNE ALSACE. 447

péenne qui poussait alors à s'opposer aux invasions des Turcs en Hongrie et en Bohême , il ne tarda pas à joindre à l'armée impériale et rhénane » commandée par Montecuculli , le margrave de Bade » et le comte de Hohenlohe » une Torte division française sous les ordres du comte de Coligui et du marquis de la Feuillade. Ce fut , comme l'on sait , à ce corps auxiliaire français que l'armée allemande dut son salut à la bataille de Saint-Godard , le 2 août i664 (<) , et le petit contingent alsacien , qui comptait aussi cinquante cavaliers strasbour- geois , y fit vaillamment son devoir à côté des soldats de la vieille France.

Malgré cette confraternité d'armes et de gloire » nos dix villes avaient toujours beaucoup de peine à se soumettre au gouvernement français. Dan^ toutes les occasions , elles essayaient de défendre leur indépendance par des protestations » ou tout au moins d'humbles doléances.

En i664, le duc de Mazarin » grand-bailli de Haguenau « avait pro« duit un édit royal , connu sous le nom des Quatre articles , qui sou- leva au plus haut degré l'opposition de la décapole.

Le premier de ces articles assujétissait les dix villes à la juridiction des tribunaux du roi comme précédemment elles l'avaient été pour certains cas à la juridiction des tribunaux de* l'Empire.

Le second établissait le droit du roi de mettre garnison dans les villes et de disposer de leurs fortifications ainsi que de leurs armes et munitions de guerre.

Le troisième mettait la nomination du magistrsi^ à la disposition du grand-bailli de Haguenau.

Le dernier article enfin attribuait au roi la haute surveillance et direction des affaires ecclésiastiques dans les dix villes.

Ce dernier article avait trait surtout aux villes protestantes dont il semblait menacer la liberté de conscience , du moins telle qu'on la comprenait en ces cités , et telle qu'on s'y était habitué depuis la transaction de Passau.

Les quatre villes protestantes de la Landvogtey , Colmar, Landau » Wissembourg et Munster , se montrèrent donc les plus ardentes à réclamer contre ce 4* article , en même temps que pour les trois autres , elles joignaient leurs protestations à celles des six villes ca-

'y}) Pfeffel , tome ii , page TOO , et Hënault , lome ni » page 778.

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us REVUE D'ALSiCB.

tholiqaes , ou plutôt des cinq villes , car Hagaenau s'abstint ou du moins n'appuya que faiblement ses confédérées , ce qui s'explique par la présence d'une garnison française et du duc de Hazarin en ses murs.

Ce dernier ayant fait sonner la grosse clocbe des menaces et or- donné quelques mouvements de troupes contre les villes récalci- trantes» il avait bien fallu» sinon se soumettre» au moins accepter sous conditions les quatre malheureux articles. Landau et Wissem- bourg émirent l'avis , en désespoir de cause, d'en référer à la Diète de Ratisbonne» Obemai» Scblestadt» Colmar, Munster» Rosbeim» Kaysersberg et Turckheim se rallièrent successivement à cet avis , et l'on vit , chose assez étrange » l'appel d'un édit du roi de France sou- mis aux délibérations de la Diète de l'Empire d'Allemagne par des villes que le traité de Munster avait soumises au roi de France.

Ce qu'il y a de plus curieux et ce qui prouve combien peu encore le gouvernement français se rendait compte de ses droits sur l'Al- sace » c'est que Louis XIV , oui , Louis XIV, finit par tolérer cet appel à la Diète de Ratisbonne, et consentit, en i665» à ce que l'affaire fut remise à des arbitres. Ces arbitres > qui n'entrèrent en fonctions qu'en 1667 , furent , pour la France » les électeurs de Mayence et de Cologne , le roi de Suède et le Landgrave de Hesse ; pour l'empereur ou pour les dix villes , l'électeur de Saxe, les évéques d'Eichstett et de Constance et fe magistrat de la ville de Ratisbonne , siège de la Diète.. Leur décision ne fut rendue qu'en 1672 , et comme on pouvait s'y attendre , e\[e ne satisfit personne. La guerr^ rallumée entre la France et l'Empire se chargea bientôt de l'annuler complètement et d'ôter aux dix villes toute velléité d'opposition ultérieure.

Pendant ces complications , Landau dut à son voisinage du Pala- tinat d'avoir sa part des troubles occasionnés par la revendication de rélecteur palatin , concernant ses anciens droits de Wildfangiat , de péage et de conduite. En vertu du premier de ces droits « les électeurs palatins se croyaient fondés à réduire en une sorte de servitude et à imposer à une capitation tous les étrangers rencontrés sur leurs terres qui , ne pouvant justifier de leur qualité ou de leur nationalité, étaient réputés bâtards et vagabonds , et comme tels assujettis au Wildfangiat. L'exercice de ce droit; négligé pendant la guerre de trente ans , avait d'autant plus révolté les populations des campagnes dans le Palatinat , que par suite des malheurs de cette longue guerre

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VILLES LIBBES ET IBfPÉRIALES DE L'ANCIENNE ALSACE. 449

beaucoup de familles étraDgères étaient venues s'établir sur les ter- rains vagues ou restés en friebe. Or, depuis 1491 jusqu*ù Témanci- pation complète de Landau par Maximilien I'', plusieurs actes de révéque de Spire » engagiste impérial de la ville , avaient conféré les mêmes droits de WUdfangiat à Télecteur palatin sur le territoire mémo de la ville (i). Ce dernier voulut assez intempestivement les ré- clamer, et se fondant sur un article de la paix publique de i351 , qui soumettait à des droits différents de haut-conduit les vins d'Alsace et les vins du Spiregau (^), il voulut aussi faire peser sur les provenances des vignobles de Landau des taxes insolites. On l'accusa même d'avoir fait enlever » sous prétexte qu'ils étaient bâtards ou vagabonds » et par conséquent ses sujets nés , des vassaux de la ville afin de les éta- blir sur les nombreuses landes incultes du Palatinat. Le sénat de Landau porta d'abord ses plaintes à la Diète de Ralisbonne , mais cette dernière n'ayant point paru empressée d'y faire droit , il fallut bien un peu à contre-cœur recourir au nouveau maître , le roi de France. Enfin , après des conférences fort vives à Spire et à Oppen- beim l'électeur palatin consentit à s'en rapporter à l'arbitrage des rois de France et de Suède (^) , et grâce surtout au premier, l'affaire fut décidée en 1667 dans le sens des intérêts de Landau et des sei- gneuries alsaciennes « voisines du Palatinat.

Dans le même temps, il surgit des difficultés au sujet des droits de Geraydies (Gedeyen , GeraydeJ, Nous avons vu que Lundau était dans la troisième zent de la septième Geraydie qui portait le nom de Go* dramstein (^) et qui comprenait dos forêts tant en deçà qu'audelà de la Queich. L'électeur palatin prétendait refuser ou du moins chica- nait à Landau ses droits dans celles de ces forêts qui étaient situées sur le territoire palatin. Dans cette occasion encore la France inter- vint » et les bourgeois de Landau purent reconnaître que s'ils avaient perdu leur indépendance , ils avaient en revanche trouvé un protec- teur puissant.

(*) Considérations sur les rapports des possessions palatines sous la souverain neté de la France. Paris , imprimerie Didot, année 1792 , page 41.

n Ibidem, page. 210.

('] PrEFFEL , Histoire du droit public de V Allemagne , tome n , page 394, et archives de Landau.

(^) SCHQEPFLIN , AlSé ill» , tom. Il , Landgraviat infériear , Geraydies.

9* Ajinéii. ^3

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4S0 REVUE D*ALSàCE.

ÉPOQUE FRANÇAISE.

La poix de Munster avait fait trop de jaloux à la France pour qu'elle pût durer bien longtemps. L'ambition de Louis XIV aiguil- lonnait d'ailleurs sans cesse cette jalousie. Dès i667» la guerre avait recommencé entre la France et l'Espagne , et les succès des armes françaises en Flandre et en Francbe-Gomté achevaient d'irriter et d'inquiéter non-seulement la maison d'Autriche , mais l'Empire et même les anciens alliés allemands de la France pendant la guerre de trente ans. L'invasion de la Lorraine, en 1670, et celle de la Hollande, en 1672 , firent enfin éclater l'orage , et pour cette fois les princes protestants formèrent alliance avec la maison d'Autriche contre la France.

UéXecienr de Brandebourg, l'électeur de Saxe , le duc de Lorraine réunirent leurs troupes à l'armée impériale que commandait Monte- cuculli ; le plan des alliés était de pénétrer par le Palatinat en Alsace et de reconquérir cette province ainsi que la Franche*Comté. Ils es« péraient que les dix villes n'ayant plus de garnison française devien- draient pour eux autant de places de sûreté ou de lignes d'opération; mais celte partie du plan fut déjouée , car dès le commencement de la guerre , Louis XIV ordonna au duc de La Feuillade 9e se remettre de gré ou de force en possession des dix villes , et il mit à cet eSet à ses ordres un corps de 10,000 hommes. Tandis que La Feuillade exé- cutait ses instructions , démolissait les fortifications de Schlestadt et de Colmar, désarmait Obernai , Rosheim , Kaysersberg , Turckheim , et occupait Haguenau , Wissembourg et Landau , le maréchal de Tureune passait le Rhin . allait chercher Montecuculli sur le Mein , et après avoir repoussé les ennemis au pont d'Andernach , les pour- suivait eu Westphalie , les refoulait au-delà du Weser et forçait en ^ deux campagnes brillantes l'électeur de Brandebourg , dont tous les Etats étaient envahis , à signer pour son compte , le 10 avril 1673 , la paix ou plutôt la capitulation de Saint-Germain ratifiée au camp de Wossem , près Louvain , le 6 juin suivant.

Louis XIV s'était porté de sa personne en Alsace pendant cette campagne de 1675 , pour de reconquérir la Franche-Comté et as- siéger Besançon. Les vliles impériales envoyèrent des députés au-

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VILLES LIBRES ET MPÉRULES DE L'aNCIENIŒ ALSACE. 451

devant du roi jusqu'à Naucy » pour lui présenter non-seulement leurs hommages , mais surtout leurs doléances au sujet de la mesure qui prescrivait leur désarmement et la démolition de leurs foriincations au moyen de brèches que le marquis de Vauban avait ordre d'ouvrir à coups de canon , si les bourgeois ne se prêtaient pas à les ouvrir et à les déblayer eux-mêmes. Ces députés , Antoine Hitschler de Landau , Streit d'Immendingen de Haguenau, Jean-Georges Schôpfif de Schles- tadt et Henri Klein de Golmar, furent fort mal reçus par Louvois qui conseilla au roi de ne pas leur accorder audience. Louvois leur re- prochait d'avoir , par leurs continuelles réclamations depuis le traité de Munster et par leurs appels à la diète , contribué à encourager ii nouvelle coalition. Les ordres de désarmement furent donc maintenus pour toutes celles des dix villes qui ne seraient pas jugées susceptibles . de recevoir garnison. ^

La trahison du prince-évêque de Wurtzbourg ayant sur ces entre- faites forcé Turenne à se replier sur le Rhin » la coalition un moment ébranlée par les premières victoires du maréchal » s'était reformée plus ardente que jamais, et l'électeur de Brandebourg lui-même, violant la foi jurée quelques mois auparavant , s'y était rallié. Mais Turenne a bientôt repris l'offensive, il laisse un détachement à Landau et se hâte de repasser le Rhin à Philippsbourg avec 9,000 hommes . en majeure partie cavalerie. C'est avec cette faible armée qu'il livre ù Sentzheim, entre Philippsbourg et Heilbronn , une bataille l'armée impériale , commandée par le vieux duc de Lorraine et par Caprara , est délogée de toutes ses positions , et forcée de battre en retraite sur l'armée des cercles d'Allemagne qui accourt à son secours sous la conduite du margrave de Bade-Durlach et du duc de Brunswick- Lunebourg. L'extrême supériorité numérique de ces deux armées réunies force toutefois les 9.000 hommes de Turenne à se retirer et à repasser le Rhin pour défendre l'Alsace , car la ville de Strasbourg a livré son pont de Kehl aux alliés. Turenne se retranche d'abord entre la Queich et la Lauter , puis II établit son camp à la Wan- tzenau et , tandis que les Lorrains et les Impériaux aux ordres du duc de Boumonville et du général Caprara débouchent de Stras- bourg par Illkirch et Grafenstaden , il marche à eux et les défait à Entzheim. Puis, trop faible en nombre pour les déloger immédiate- ment de leur camp retranché sur la colline du Glôckelsberg et der- rière la ligne de l'Ergers , il se porte d*abord sur Marlenheim ,

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tëi REVUE D'ALSACE.

repasse les Vosges par une manœuvre habile» et comme les Impériaux» qui ne voyent plus d*enncinis devant eux , se répandent dans la Haute-ÂIsace il les bal coup sur coup, le 8 et le 9 janvier, en débouchant à Timprovisle des montagnes de Bussang , à Mul- house ^ à Ensisheim , à Turckbeim , les forçant à évacuer en désordre FAIsace par ce même pont de Keltl qui leur en avait ouvert l'entrée.

Celle campagne, que les écrivains compétents s'accordent à recon- naître comme une des plus belles de Turenne , fut en quelque sorte la conGrmation des conquêtes assurées vingt-cinq années auparavant par le traité de Munster et l'un des plus beaux titres militaires de la France à la possession défînitive de l'Alsace.

Cependant MontecucuUi fit passer le Rhin à une division deTarmée impériale et la porta sur Landau, espérant y attirer le maréchal fran- çais et passer ensuite impunément le Hhin avec le gros de son armée par le pont de Kehl ; mais Turenne le prévint , passa lui-même sur l'autre rive du Hhin , et sut y reporter le théâtre de la guerre : le boulet de canon , qui l'enleva peu après à l'armée et à la France » amena seul le retour des hostilités en Alsace , et ramena aussi les mauvais jours pour Landau. La petite garnison que Turenne y avait placée fut contrainte à évacuer celte ville lorsque MontecucuUi, pas- sant le Rhin h Kehl , vint assiéger Haguenau. Les marches et contre- marches des campagnes qui suivirent , campagnes les généraux français , appelés à suppléer à Turenne , disputèrent si souvent et pied à pied l'Alsace aux armées impériales et des cercles d'Alle- magne . eurent pour Landau les mêmes vicissitudes que précédem* ment pendant la guerre de trente ans.

Le grand Condé , envoyé vers la Gn de 1675 pour prêter le pres- tige de son nom à l'année veuve de Turenne , avait réussi par ses manœuvres à faire successivement évacuer à MontecucuUi le camp devant Haguenau , la position d'Obernai et le camp devant Saverne , pour bientôt abandonner toute l'Alsace. Mais la campagne de 1676 , le maréchal de Luxembourg remplaça Condé en Alsace et . MontecucuUi fut remplacé par le jeune duc Charles Y de Lorraine , beau-frère de l'empereur Léopold , fut plus fâcheuse pour nos armes. Le duc de Lorraine ayant pris Philippsbourg , la ville de Landau fut menacée alors par l'armée impériale. Elle lui échappa toutefois pour le moment grâce aux brillantes manœuvres du maréchal de Créqui , chargé en 1677 de remplacer le maréchal de Luxembourg et surtout

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Villes libres et impériales de l'ancienne alsace. 453

grâce au combat du Kochersberg » le 7 octobre 1677 , le général impérial SchuUz fut défait.

' Mais en 1678 le duc de Lorraine à la léte de l'armée impériale , voulant dégager Strasbourg dont le maréchal de Créqui menaçait de faire le siège et doot le fort de Kehl venait déjà d'être pris d*assaut par le régiment de Champagne aux ordres de M. de Bois-David (*) , passa le Rhin et investit Landau. Cette ville ne pouvait encore qu'être compromise par les garnisons qu'on lui imposait. Elle fut prise d'as- saut (^) malgré les efforts du brave détachement qu'on y avait laissé^» et l'armée allemande la traita comme on traite et comme on traitait surtout dans ce siècle les villes prises d'assaut. Le pillage durait en* core lorsque la défaite du général autrichien Mercy, à Hochfelden , par les troupes françaises du comte de Langalerie , et la marche du maréchal de Créqui sur la Lauler décidèrent les Impériaux à évacuer leur conquête et à repasser le Rhin.

La paix de Nimègue ayant enfm en 1679 permis aux malheureux bourgeois de Landau de réparer leurs brèches et de rebâtir leurs maisons , Louis XiV » qui ne voulait plus de villes immédiates d'Em- pire dans son royaume , compléta par les voies juridiques la soumis- sion de la decapole conquise par les armes à la France. En 1680 » le conseil souverain d'Alsace , érigé en chambre de réunion , déclara qu'en vertu des traités de Munster et de Nimègue , ces dix villes avaient cessé de relever de TEmpire , ne pouvaient plus , sous peine de rébellion , faire appel à la diète d'Allemagne » et devaient échan- ger sans délai les sceaux et armoiries de l'Empire contre les Fleurs de Lys de France. Pour les consoler un peu de cet arrêt de dé- chéance, le roi daigna autoriser les dix villes à se faire appeler royales au lieu d'impériales ; mais ce n'était qu'une distinction ho- norifique ou plutôt dérisoire, le mot de ville royale ne pouvant avoir en France l'acception qu'avait en Allemagne le titre de ville libre et impériale.

Cependant Landau , quoiqu'à l'extrême frontière de France , du côté du Palalinat , offrait d'assez pauvres fortifications , si pauvres ou si faibles que depuis Mansfeld elles ne lui avalent guère servi qu'à être prise et reprise par tous les belligérants.

(*) M. DE Kentzinger , Documents des archivas de Strasbourg, tom. a , p. 235. (*) ScHOEPFLiN , AU, m, 9 tome n , Landau,

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ioA REVUE D'ALSACE.

Ce n'était encore en effet que le revêtement hérissé de nombreases tours et couvert par un a^sez large fossé que Meriaa nous a conservé dans la Topographia Alsatiœ, éditée en 1663(1). Ces tours et ces courtines avaient reçu mainte brèche pendant la guerre de trente ans et pendant la dernière guerre. Comme de vieux soldats couverts de blessures elles avaient peine à se tenir debout. Par-ci par-là un bas- tion en terre ou redan modernes masquaient les brèches les plus béantes , mais Tenceinte n'était plus continue , et un ennemi un peu entreprenant f&t bien vite entré dans la ville. Cette dernière » depuis que l'art de la guerre avaîc pris des dimensions plus colossales et surtout plus coûteuses , n'était plus en état de réparer les avaries faites à son enceinte. Louis XIV , désireux de couvrir par une bonne place forte la frontière de France du tôté du Palatinat, ordonna donc en 1686 , au célèbre ingénieur Vauban , de dresser le plan des forti- fications nouvelles de Landau. Vauban se mit à l'œuvre , mais, malgré tout son zèle , ses plans de fortifications n'avaient encore reçu qu'un commencement d'exécution lorsque la guerre de la succession pala- tine vint à éclater.

La campagne de 1688 se passa presqu'aux portes de Landau ; le dauphin de France , ayant pour lieutenants MM. d'Huxelles , de Boufflers et de Montclar, s'empara successivement de Neusiadt, de Kayserslautern , de Spire , d'Openheim , de Mayence et reprit Phi- lippsbourg , cette tête de pont si chère à la France pendant ses pre- mières luttes pour la suprématie rhénane. Il passa ensuite le Rhin et occupa Mannheim et Heidelberg.

Dans la seconde année de cette guerre , en 1689 , le Palatinat des deux rives du Rbin , déjà dévasté en 1674 par les ordres de Louvois et malgré Turenne dont le cœur saignait à ces ordres de dévasta- tion impitoyable » fut livré entièrement par les ordres du même mi- nistre à une dévastation bien plus terrible encore. Louvois croyait de bonne politique de faire sentir cruellement aux Ëtats voisins de la France la puissance française. Ce fut à cette époque, 1689 » et non pas en 1674 , que les villes de Spire et de Heidelberg eurent à re- gretter la perte de leurs principaux monuments. On a donc imputé à tort à Turenne leur destruction ou leur mutilation » et le héros » frappé si glorieusement à Saspach le 27 juillet 1675 » était inhumé depuis

(*} Mérun , page 28 et planche 7.

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VILLES LIBRES ET IMPÉRIALES DE L'ANCIENNE ALSACE. 4oo

quatorze ans sous les voûtes de l'abbaye royale de Saini-Denis, lors- que le Palatinat reçut ces douloureuses blessures , presqu'encore saignantes aujourd'hui au point de vue des monuments.

La démolition des remparts de Spire par ordre de Louvois , en 4689 » coïncide avec le commencement des premiers travaux de for- tification' de Landau d'après les plans de Yauban. Le canal dit de Landau fut alors créé pour servir non-seulement au transport des matériaux , mais à l'entretien des eaux dans les fossés de la place et, au besoin , aux transactions du commerce. Ce canal fut un des pre- miers bienfaits de la France pour Landau. Il a un peu plus de deux lieues de long et part d'Alberswiller. En outre , la Queich fut rendue navigable ou plus navigable jusqu'à son arrivée au Rhin. La tradition rapporte ou prétend que beaucoup de pierres provenant de la démo- lition des murs de Spire furent employées aux travaux de revête- ment des fronts nouveaux de la place et aux travaux du canal'. Des bateliers partis de Spire les auraient conduits par le Rhin et en re- montant la Queich. Etrange revanche » si le fait est vrai, de la démo- lition des premiers murs de Landau sur la demande de la ville de Spire à l'époque de Louis de Bavière ! 11 est vrai que 1% ans plus tard, grâce à nos désastres de 1814 et de 1815, Spire a pu aussi avoir une revanche , en voyant son ancienne ennemie ou vassale émancipée , la ville de Landau , soumise de nouveau à une régence établie à Spire.

Les campagnes de 1690 , 1691 et suivantes jusqu'à la paix de Rys- wick en 1697 , laissèrent toujours Landau aux avant-postes ou sur la ligne stratégique des opérations militaires. Ses fortifications étaient encore loin d'être achevées , et elles fureut interrompues par suite de la guerre , qui ne permettait plus de réunir sur ce point des tra- vailleurs et surtout d'imputer des fonds à ces travaux. La ville perdit beaucoup à ce retard , néanmoins elle fut déjà plus difficilement oc- cupée que dans les guerres précédentes par les belligérants. Son territoire souffrit davantage, il était presque toujours, sinon un champ de bataille , au moins un champ de bivouac , mais pour peu qu'une trêve se fit entre ces marches et contremarches dans les environs de Landau , telle était l'activité des bourgeois et telle la fertilité du sol que fort vite la cité et les habitants savaient retrouver de l'aisance.

Un événement malheureux marqua surtout l'une de ces luttes des Français et des Impériaux devant Landau , luttes moins vives et moins

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48Ô REVUE D'ALSACE.

importantes que dans la guerre précédente , parce que les grands coups se portaient surtout en Flandre. Un corps autrichien s'étant approché de Landau , tout-ù-coup l'explosion d'un magasin à poudre eut Heu , sans que Ton sache encore bien si cette explosion fut déter- minée par une bombe de Fenneini ou par quelque circonstance for- tuite. Quoiqu'il en soit » la défense ayant été rendue impossible , le détachement français évacua la ville les Impériaux s'établirent quelque temps.

Us en furent presqu'aussitôt délogés. Ce sinistre fut le plus grand sinon le seul grand malheur éprouvé par Landau pendant la guerre de la succession d'Orléans ; il eudommagea la plupart des monuments de la ville ainsi qu'un grand nombre de maisons particulières » et força de recommencer , sur nouveaux frais, une partie des travaux de fortification.

Ces dernières n'étaient pas encore achevées , lorsqu'en i702 , la seconde année de cette terrible guerre de la succession d'Espagne « qui allait mettre la France si près de sa ruine, l'armée des alliés , aux ordres du prince Louis de Bade » envahit la Basse-Âlsace et mit le siège devant Landau. Cette place , qui jusqti'alors avait presque toujours été prise aussitôt qu'attaquée » protégée cette fols par les travaux de Vauban » quoique ces travaux ne fussent encore qu'à demi-exécutés , résista pendant quatre mois à tous les efforts de Tenneml. Il fallut quatre-vingt*neuf jours de tranchée ouverte » il fallut la disette , les épidémies , le manque de munitions et de bras pour réduire à capituler sa brave garnison que commandait le cheva- lier de Mélac. EnGn, le 11 novembre , l'archiduc Joseph , que son père l'empereur Léopold avait fait proclamer roi des Romains, obtint l'entrée de Landau au milieu des boulets et des brèches , qui attes- taient la magnifique défense de la ville et qui semblaient glorifier le génie militaire de la France sur les décombres de cette citadelle à peine créée.

La garnison française sortit de Landau avec les honneurs de la guerre, emmenant son artillerie, ses bagages et conservant ses armes pour aller rejoindre l'armée du maréchal de Catinat. Quant à l'armée allemande elle perdit au siège de Landau un grand nombre de ses chefs les plus distingués, enir'aulres le prince de Bade-

(*)BiRNBAUU, page 286

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TILLES LIBRES ET IMPÉRIALES DE L*ÀNGIENNB ALSACE. 487

Dorlach , le comte de Soissons , frère da prince Eugène de Savoie « et le comte de KœuiEseck.

C'est à ce siège de i7052 que se passa un de ces traits militaires dans le goût du fameux tirez le$ premiers de Fontenoy. M. de Mélac , averti de Farrivée du roi Joseph devant Landau , le fait prier de lui indiquer son quartier-général afin d'éviter de faire tirer dessus. Le prince autrichien lui répond que son quartier-général est partout dans le camp des assiégeants , puis pour reconnaître la prévenance du commandant français » il lui envoie , sachant que la disette est grande dans la ville , quelques bourriches de venaison que Mélac s'empresse de partager avec ses soldats affamés comme lui.

C'est aussi à son héroïque défense de 1702 et à son brave com- mandant français que Landau doit l'honneur d'avoir imprimé pour la première fois son nom sur des pièces de monnaie. Il ne parait pas , en effet , ainsi que nous l'avons déjà fait observer et quoiqu'il existe à Landau une vieille construction appelée encore die Mûnze Oa Mon- naie)» que Landau ait battu monnaie à son coia pendant l'ère de son indépendance , Mélac y fit frapper des monnaies obsidionales » tant d'or et d'argent que de cuivre , aux fleurs de lys au-dessus du Lion et de la porte à la tour qui formaient l'écusson de Landau à cette époque.

Cette place avait pris dans la guerre du commencement du i8« siècle l'importance lie Philippsbourg dans les deux guerres précédentes. Elle était devenue pour sa gloire , mais aussi pour son malheur, le but des opérations stratégiques sur le Rhin et l'ambition des chefs jaloux de la renommée que l'opinion du temps mettait au-dessus de toutes les autres renommées militaires , celle de conquérant de places fortes. Aussi dès l'année suivante » i 703 » les maréchaux de Tallard et de Vauban , après avoir repris Brisach , vinrent-ils mettre le siège devant Landau. Il était piquant de voir le célèbre ingénieur, dont les plans « en partie seulement exécutés , avaient valu à Landau une si belle défense l'année précédente , conduire les opérations d'attaque contre une place qu'il avait lui-même fortifiée ou appris à fortifier. Les alliés » pour faire lever ce siège , marchent en force , Anglais » Hollandais et Allemands , sous les ordres au comte de Nassau et du prince de Hesse-Cassel , depuis roi de Suède sous le nom de Fré- déric 1®'. Le maréchal de Tallard court alors à la rencontre de cette armée et la défait , à Speirbach , près de Spire » le 15 novembre

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468 REVUE D*ALSàCE.

4703, après avoir laissé Vaaban et M. de Laabanie continuer le siège de Landaa. Celte ville , que commandait pour les alliés le comte de Pries , capitula le 23 novembre suivant (i) après un investissement d'un mois et après avoir eu le spectacle de la reprise de ses princi- paux ouvrages par celui-méme qui les avait conçus.

Cependant » Tannée suivante , elle échappa encore aux mains de la France , mais encore après un glorieux siège. La désastreuse bataille de Hochstett» gagnée par Mariborough et le prince Eugène sur l'élec- teur de Bavière et le maréchal de Tallard qui y fut blessé et fait prison- nier après avoir vu tuer son fils , avait rouvert nos frontières aux armées de la coalition , et la pauvre ville de Landau , toute couverte des blessures mal cicatrisées des sièges des deux années précédentes» avait à peine eu le temps de s'entourer à la hâte de retranchements de campagne pour couvrir les brèches faites aux revêtements de ses remparts y lorsque le roi Joseph et le prince de Bade l'investirent, pendant que Mariborough se rendait maître de Trêves. Ce nouveau siège dura deux mois et demi , défense aussi admirable que celle de i702 par la valeur de la garnison. Mélac avait été dignement rem- placé par M. de Laubanie, qui derrière des remparts brisés re- poussa à plusieurs reprises les assauts de l'ennemi ; ayant perdu la vue par suite de l'explosion d'une bombe » il s'était fait porter sur la brèche semblable à ce soldat de Tantiquiié qui , ayant eu les deux bras coupés » combattait encore en essayant de mordre !

Cette reprise de Landau par les coalisés eut lieu juste un an , jour pour jour, après la capitulation de l'année précédente, qui , le S3 no- vembre , avait remis la place aux Français ; elle fut précédée par la capitulation conclue le 17 novembre au quartier-général de Joseph » à libersheim , devant Landau , par l'électrice de Bavière , fille du roi Sobieskit qui, pour sauver au moins une partie de ses Etats, déclara les céder tous , à l'exception de la ville et du cercle de Munich (>)•

Ce fut peut-être pour donner à Landau , devenu deux fois sa con- quête , un témoignage éclatant d'admiration pour ses deux belles défenses que Joseph , aussitôt après son élection à l'empire en 1703, lui rendit le titre de ville libre et immédiate d'Empire {^) ; ou plutôt , il voulut par réparer le mal fait par ses canons.

(') Hénaclt, tom. ui, p. 893, et Ppeffel, tom. ii, p. 471, et Birnbaum, p. 293. C) Pfeffel, tome ii, page 477. (') Ibidem, page 488,

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yUAM LIBRES ET IMPÉRIALES DE L'ANGIBMME ALSACE. 459

Dei70uà 1715, Landau reparaît donc comme ville d'Empire, mais un litre non moins glorieux était acquis à Landau devenu ville française par tant de faits d'armes des 17« et 18* siècles. En vain rAllemagne veut conserver cette conquête payée si cher; en vain elle s'y barricade à son tour , et , après la victoire de Denain , qui rend aux armes françaises tout leur prestige , en vain elle s'efforce de retenir Landau en y mettant pour garnison toute une armée aux ordres du prince Alexandre de Wurtemberg.

Déjà les opérations du comte du Bourg et le combat de Rumers- heim avaient , en 1709 , mis l'Alsace à l'abri de nouvelles attaques des alliés. Il ne restait plus que Landau à rendre à la France : le maréchal de Villars se porte devant cette ville et l'investit le 9 Juin 1713. Hais instruit que le prince Eugène , avec une nouvelle armée ennemie , veut dégager la place , il marche à sa rencontre , s'em- pare • en passant , de Spire , de Worms et de Kayserslautern , passe le Rhin et va défaire le général impérial Vaubonne dans ses retran- chements de Fribourg. Pendant cette brillante offensive de Villars , le maréchal de Bezons ouvre » le 21 juin , la tranchée devant Landau dont depuis près de huit ans les troupes impériales et palatines ont relevé les fortifications. De vifs combats , presque des batailles , ont lieu en avant de cette ville, car le prince' de Wurtemberg fait de fréquentes sorties , et dans une de ces sorties non moins vigoureu- sement repoussées que vigoureusement conduites , le maréchal de Bezons a eu le bras emporté. Il continue néanmoins à diriger le siège , et enfin , le SO août , il plante du bras qui lui reste le drapeau de la France sur Landau reconquis {^).

L. Levrault.

(La fin à la prochaine Hvraiswi.)

(*) BiRNVAUM, page 307.

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ÉPITRE

M. AUGUSTE LAMEY,

JU6B HOlfORAIRB AU TIUBUNAL DK STRASBOURG.

J'ai relu , cher Lamey , vos chants si poétiques , (*) Dont la verve du temps a su braver le cours. Ces hymnes pleins de feu , d*élans patriotiques , D'une époque de deuil m'ont rappelé les jours. Vous étiez jeune alors : au début de la vie On erre volontiers aux champs de l'Utopie... Le monde vous offrait un espoir radieux ; La sainte liberté , le bon droit , la justice , Inspiraient , transportaient votre âme encor novice. Vous rôviez un réveil paisible et glorieux ; Mais le sang qui souilla ces jours dès leur aurore , Le sang de ces martyrs que nous pleurons encore ; De lâches attentats , des crimes odieux Firent tomber à temps le bandeau de vos yeux , Et jamais votre muse , en ces jours déplorables Ne prodigua l'encens à d'ignobles bourreaux... Sans doute des bienfaits immenses et durables , Mais chèrement acquit , font oublier ces maux : Puissent-ils profiter à notre expérience !

Désormais, cher Lamey, que nous faut-il en France Pour fonder sur le roc notre prospérité ?

(*) Gedkhie von Augtut Lamey , 2 vol. in-18. Strasbourg . 1856. Les premières poésies de M. Lamey datent de 1789 , et ont été souvent réimprimées.

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ÉPITRE À M. AUGUSTE LAHET. 46i

L'ordre public y la paix et la stabilité ;

Un peu plus de sagesse et moins d'impatience.

Ami de mon pays , j'ai déploré souvent

Son eitréme prestesse à tourner à tout vent ,

A sourire aux éclairs , à provoquer l'orage...

N'étions-nous pas naguère exposés au naufrage?

Le vaisseau de l'Etat chancelait démâté ;

Le flot socialiste avait monté , monté ;

La discorde régnait au sein de l'équipage y

Et nous allions sombrer, quand un homme au grand cœur,

Le mien reconnaissant lui rend ce libre honunage !

Saisit le gouvernail et fut notre sauveur...

Voilà , mon cher Lamey , ce que dira l'histoire ;

Ah ! que du moins le peuple en garde la mémoire I

Mais le peuple français , hélas I très-oublieux y

Même après les leçons d'un destin bien sévère ,

Sert trop souvent d'enclume à des ambitieux.

Quelques mots séducteurs nous fascinent les yeux...

Nous maudissons le mal et nous le laissons faire y

Tant un lâche égoïsme abat le caractère I

On nous a vus bridés par la minorité y

Qui d'un coup nous prouva ce que chez nous elle ose.

Nous invoquons toujours nos Droits, la Liberté,

Sans songer au Devoir que chaque Droit impose...

Faut-il en accuser la pauvre humanité?

L'histoire nous apprend qu'elle a toujours boité ;

N'en déplaise à l'orgueil de maint tribun classique y

Plût à Dieu que ce fût la seule infirmité

Qui dût faire avorter chez nous la République !

Mais au lieu de céder à ses trompeurs appâts ,

Assurons le progrès en allant pas à pas ;

Le progrès est le prix de la persévérance ,

Et quels que soient les temps rései^és à la France,

Jusqu'au jour le cœur en nous se glacera ,

Disons : « Fais ce que dois , advienne que pourra t >

Cher Lamey , vous vivez en poète, en vrai sage ; Votre esprit en son vol se rit du poids de l'âge ;

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462 RETOS D'ALSiCe.

L'amour du vrai, du beau soutient son libre essor. Vous dites anathème k la sotte ignorance , Aux bigots , s'ils voulaient nous dominer encor : Plaider pour le bon sens , la paix , la tolérance y C'est en gagner déjà la noble cause en France... La docte Germanie , écoute avec faveur Vos chants alsaciens : son écho les répète y Et nous confirmons tous son jugement flatteur... Digne ami , puissiez-vous au sein de la retraite Garder , comme Nestor, malgré le Temps jaloux y Cette rare vigueur , qu'on voit briller en vous. Que votre verve encor s'anime et vous inspire Ces généreux élans de l'esprit et du cœur y Aimés du patriote , admirés du penseur y Et qui de la raison vengent le noble empire !

Strasbourg, août, IS&S.

Paul Lier.

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CAUSERIES LITTÉRAIRES.

Paupérisme et bienfaisance dans le Bas-Rhin , par L. J. Reboul- Denetrol» secrétaire général de la préfecture, docteur en droit, chevalier de la Légion-d' Honneur, comniandeur de 2^ classe de V ordre du mérite de Philippe le magnanime. Paris et Strasbourg » chez veuve Berger-Levrault et 61$ , 1858. 4 vol. iD-8«.

Dans le siècle dernier on avait la manie de généraliser, de cons- truire des systèmes , d'établir des formules philosophiques et reli- gieuses , la plupart «du temps sans connaître , ex-professo , la matière traitée. Quant à nous et c'est en noire honneur que je le dis , nous avons bien changé nos allures. Si jamais il fut dans le monde scientifique une époque les études de détail , les monographies de toute nature, ont dominé , c'est bien la nôtre. Mal avisé serait celui , qui oserait en face d'un public sérieux je ne parle ai des auteurs ni des lecteurs futiles entamer un sujet dont il n'aurait point étudié toutes' les parties ; malvenu serait l'écrivain placé sur un terrain dont il ne connaîtrait pas à fond toutes les sinuosités. Depuis un certain nombre d'années l'Allemagne scientifique a donné au monde savant l'exemple de ces ouvrages consciencieux , l'on applique au travail intellectuel le principe de la spécialité , qui domine dans le monde de la production matérielle. En France , cet exemple est plus ou moins suivi , sans qu'il soit nécessaire pour cela de renoncer à la puissante faculté de généralisation et de déduction » qui semble l'apanage du génie français.

Ces réflexions me sont suggérées naturellement par la monographie dont j'ai transcrit le titre en tête de ces causeries, c Paupérisme et bienfaisance dans le Bas^Rhin ! i C'est prendre un bien petit coin dans le vaste et saisissant tableau , qu'ofire l'aspect de la misère sur le globe entier, et surtout dans la vieille Europe centrale ! Qu'est-ce que le Bas-Rhin, un seul département de la France,' qu'est-ce que la

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464 REVUE D'ALSACE.

ville de Strasbourg avec sa médiocre étendaei en face de ces gigan- tesques capitales plus vastes que Niuive et que Rome impériale , en face de ces métropoles , côte à côte du luxe le plus effréoé\ les spectres de la famine de la honte et du désespoir se sont établis à demeure , et le bruit de l'orgie » le roulement des carosses » les fanfares du bal ne peuvent étouffer les cris d'angoisse ou de colère , qui partent de ce mondç souterrain du prolétariat.

Nous n'en sommes point , Dieu merci , dans notre bonne terre d'Alsace. Il s'y rencontre » comme partout » de grandes souffrances ; mais on peut encore les sonder sans trop de découragement ; et » à voir les nombreuses associations destinées à lutter avec le génie du mal ou du malheur, il est permis de penser que quelques larmes y sont taries » et quelques blessures cicatrisées. Le premier mérite de l'ouvrage de M. Reboul est celui d'être complet dans sa sphère restreinte ; le second est celui d'être franc. Il n'omet rien et ii ne cache rien. En limitant son sujet, lia pu le dominer sans trop de peine ; en sondant son cœur» il y a trouvé inscrit le devoir de tout dire.

Pour ne rien omettre dans un sijyet , immense en dépit du terrain étroit à explorer^ l'auteur de c Paupérisme et bienfaisance dans le Bas'Rhin, t s'est adjoint un grand nombre de collaborateurs. Sa position oflScielle lui en fournissait les moyens. Les curés , les pas- teurs , les maires du département , les présidents ou les secrétaires des institutions de bienfaisance publique ou privée , ont répondu aux questions posées sur la situation les mœurs , le chiffre des pauvres, dans leurs paroisses et leurs communes; à l'aide de ces données i qui arrivaient par centaines, et que M. le secrétaire générai a comparées, rectifiées, triées, complétées, a été composé l'ouvrage remarquable, dont nous entretenons les lecteurs de la Revue , et qui vaudra , nous en sommes sûrs , à H. Reboul , le suffrage de tous les hommes com- pétents. Si l'honneur principal lui en revient, lui-même reportera les éléments du succès que nous lui prédisons , à ces travailleurs béné- voles , qui ont livré , chacun , des chiffres et des réflexions à ce for- midable appareil de tableaux statistiques , et à la belle et philoso- phique préface qui leur sert à la fois d'introduction et de com- mentaire.

Lorsqu'un auteur traite une question littéraire , un sujet emprunté au monde de la fantaisie 9 ou même de l'histoire , il est assez facile

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CAUSERIES LITTÉRAIRES. 46S

d'inspirer de l'iniérét ; les sources , puise le poète , le romancier» l'historien . lui donnent des forces , et , s'il m'est permis de me ser- vir de cette expression , font pousser les ailes » qui doivent l'enlever au-dessus de la terre ou dans le domaine du passé , et emporter avec lui ses lecteurs dans une région disparaissent les préoccupations du jour. Captiver» enlever des suffrages par un sujet abstrait ou triste et désespérant en lui-même» comme l'est celui du paupérisme » voilà une tâche plus ardue. Or l'introduclion » écrite par l'auteur de cette statistique de la bienfaisance dans le Bas-Rhin » non -seulement se lit sans fatigue je parle toujours des lecteurs sérieux elle attache par une exposition lucide du sujet» ainsi formulé : c Rapports du paupérisme avec le travail » et devoirs qui en découlent pour la bienfaisance ; > elle présente de plus à l'intelligence un aliment subs- tantiel» par des considérations à la fois élevées et pratiques. M. Reboul n'a pu avoir et n'a point eu la prétention de construire des théories nouvelles» et de trouver sur un sujet traité depuis vingt-cinq ans dans toutes les langues de l'Europe » des idées neuves » hardies » qui déchirent comme un éclair les nuages du doute , et ouvrent sur l'avenir des échappées de vues prophétiques. Hais il a su grouper habilement les causes du paupérisme » toujours en se bornant au sol même du Bas-Rhin ; et c'est » nous le répétons » cette patiente inves- tigation de la misère alsacienne » qui fait le mérite principal de l'ou- vrage. Jamais» aussi» la partie historique des établissements de bien- faisance » à Strasbourg et dans le département » n'a été traitée d'une manière aossi complète , et par cela même aussi remarquable.

Et ceci nous le disons nullement à titre d'éloge. Agir autrement » dans la position occupée par l'auteur» c'eût été un manque de tact et une absence de sentiment d'équité. Lorsqu'on se mêle par devoir ou par goût» d'écrire sur des matières aussi graves que celles de la misère publique et les remèdes à appliquer à ce mal rongeur, la droiture dans le jugement est indispensable. On éprouve une irrésistible salis- faction à signaler les bons médecins partout ils se montrent » et à compter un à un tous les travailleurs dans cette œuvre commune » qu'ils agissent sous la loi de Moïse ou celle du Christ » et même sous l'empire seul de cette impulsion instinctive » qui dirige , selon l'ex- pression de l'auteur, le pas du bon Samaritain vers le malheureux étendu sur le bord de la route.

Dans une société fractionnée comme celle d'Alsace par les divisions

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466 RETUB D'ALSACB.

du culte i récrivain qui touche à la question de la diarité publique , doit » à moins de se Taire rbomme d'un parti » Tavocat eiclusif de telle ou telle Eglise , se borner à laisser aux faits et aui chifirea leur éloquence naturelle ; il mettra le lecteur en mesure de juger, en lui fournissant des matériaux bien coordonnés.

Je prendrai la liberté d'user de cette latitude que l'ouvrage de M. Reboul me laisse; pour en donner une idée, je découperai presqu'au basard quelques lignes dans ce vaste recueil de faits , et j'exprimerai la pensée qu'elles m'inspireou

Au chapitre de la bienfaisance privée, je vois à la première section du chapitre II « œuvres catholiques » , douze articles consacrés à l'exposé du but et des moyens d'action de quinze sociétés de bienfai- sance privée telles que la société de St.-yincent de Paul , de St.- Joaeph , de la Providence , de S*«-Elisabeth , etc., etc. La section suivante traitant des œuvres protestantes , énumère dans 27 articles une trentaine d'associations charitables protestantes. Or. les adhérents du culte protestant forment à peine le tiers des habitants du Bas-Rhin , et même en tenant compte de cette infériorité de chiffre , les pauvres des confessions protestantes sont infiniment moins nombreux que ceux appartenant à l'Eglise catholique. Je n'ai point à examiner ici les causes de cette disproportion , toute à l'avantage de la société protestante. Je prétends seulement dire , que , le prolétariat protes- . tant étant bien moins considérable que le prolétariat catholique , il semble qu'un nombre plus restreint d'associations charitables devrait suffire aux besoins physiques et moraux de la classe protes- tante dépourvue de moyens de subsistances , ou de nourriture intel- lectuelle et religieuse. Or, la simple énumération , telle que je l'ai indiquée, donne, sous la rubrique protestante, deux fois plus d'asso- ciations de bienfaisance que pour le culte catholique.

Qu'est-ce à dire?.... la charité serait-elle plus active , plus ingé- nieuse» plus pratique chez les protestants d'Alsace?.... embrasserait- elle , dans sa prévoyance , un plus grand nombre de malheurs ? les nuances de la douleur privée qui se cache loin des yeux de la foule , seraient-elles mieux révélées aux uns qu'aux autres? les philantropes protesunts auraient-ils des moyens d'action plus certains, plus variés que les membres des associations catholiques ?

A dieu ne plaise ; ce serait pour ces dernières un sujet bUme •t de comparaison désavantageuse , qu'elles n'accepteraient point ,

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CAUSERIES LITTÉRAIRES. 467

OU qu'elles s'efforceraient, au besoin, de prévenir, en comblant les lacunes qui leur seraient signalées dans leur système.

Mais ne git point la cause de cette notable disproportion dans le chiffre comparé des étabissements charitables des deux cultes. Il est d'abord un genre d'infortunes, qui demeure spécialement réservé à l'Eglise protestante ; c'est la classe, d'ailleurs si digne d'in- térêt , des veuves de pasteurs. Le célibat des prêtres élevé à l'état d'institution à la fois religieuse et politique , dispense les 6dèle8 de l'Eglise romaine de pourvoir au sort de la famille de ses ministres. C'est un immense , un Incontestable avantage. Mais , ce point admis , pourquoi la caisse de secours en faveur des veuves de pasteurs protes- tants n'est-elle point, par exemple, réunie à la caisse de l'éméritat des pasteurs? et, en supposant que ce soit impossible, en vue d'une bonne gestion d'intérêts distincts, pourquoi deux sociétés de secours , une pour les veuves de pasteurs protestants , à Strasbourg , et une autre pour les veuves et orphelins d'ecclésiastiques de la confession d'Ângsbourg en Francet n'y a-t-il point uhe regrettable dissémi- nation de force et de moyens d'action ?

Et cette observation timide , indirecte , que l'on serait tenté d'a- dresser aux fondateurs de ces sociétés diverses , ne pourrait-on pas la répéter, lorsque dans la suite des mêmes têtes de chapitre on trouve une fondation Blesstg , à Strasbourg , destinée à faire élever des enfants orphelins dans des maisons chrétiennes? et une associa- tion évangélique en faveur des enfants pauvres à Strasbourg? N'y a-t-il point un but à peu près identique , poursuivi par deux so- ciétés séparées? la fondation Blessig ne serait-elle, par hasard, point évangélique? Certes non, puisqu'elle «st destinée à l'éducation d'en- fants privés de père et de mère dans des familles chrétiennes ? ou bien l'association évangélique appliquerait-elle , à l'éducation des en- fants pauvres , des principes différents , opposés à ceux qui consti- tuent la fondation Blessig? -- Je le répète, les questions posées n'impliquent point une critique , ni contre les fondateurs , ni contre les exécuteurs des statuts. Ce serait un véritable péché, en face d'œuvres de charité , sous quelque nom qu'elles se présentent , et quelque but qu'elles poursuivent. Il y aurait un luxe de charité , qu'il faudrait encore l'encourager. Mais les doutes sur la distribution plus ou moins avantageuse des moyens d'action doivent être permis. Or, comment ne pas reproduire la même question, lorsqu'un

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168 REVUS D'àLSàCS.

peu plas loin » je trouve une.c société Privée de bienfaisance pour les pauvres honteux , > et une c société des amis des pauvres à Stras- bourg. > Ce sont évidemment des associations qui pourraient avec avantage être fondues en une seule, et doubler leurs moyens d'action par la concentration des forces.

Encore quelques lignes plus loin , je vois c une mission intérieure », se subdivisant en société pour la propagation de l'instruction morale et religieuse à Strasbourg , et en société de patronage en faveur des familles indigentes à Strasbourg. Je comprends sans peine cette sub- division de travail , quoique je ne voie pas la nécessité absolue d'une séparation en deux sociétés de ce qui pourrait jse faire sous une seule et même direction. Mais comment expliquer, encore quelques lignes plus loin , une c société auxiliaire de dames pour la confection de vêtements , destinés aux protestants disséminés , pauvres , et visités par la société d'évangélisation à Strasbourg? i Cette spécialité sorti- rait-elle du cadre de la mission intérieure , dont il a été question plus haut ? formerait-elle un département tellement distinct , qu'elle ne puisse être fondue dans le grand tout de moralisation et d'adoucis- sement de misère, que la société de la mission intérieure porte inscrit sur son drapeau ?

La c société de patronage à Strasbourg pour Tamélioration des détenues protestantes dans les prisons du Bas-Rbin i ne trouve-t-elle pas naturellement sa place dans la mission intérieure ? n'est-elle pas une branche de l'arbre de charité qui essaie de couvrir de son ombre et de nourrir de ses fruits les déshérités , les pauvres de corps et d'esprit?

Il y a donc , ce me semble , un dédoublement parfois désavan- tageux , et auquel il serait facile de porter remède , s'il ne trouvait sa raison d'être dans le fractionnement de l'église protestante qui donne naissance à ces subdivisions subtiles dans une œuvre , tons les cœurs et toutes les mains devraient agir sous l'empire d'une seule et même pensée , d'une seule et même impulsion.

Je voudrais me tromper; mais la découverte d'une nouvelle et dernière rubrique confirme les doutes que j'exprime. L'article XXV porte : Œuvres charitables des vieux luthériens à Strasbourg? œuvres qui se subdivisent en trois espèces distinctes , contre lesquelles je n'élèverais aucune objection et qui seraient parfaitement fondées , si le parti religieux que porte sur sa bannière, le titre de c luthériens >

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GÀUâBRlBS LITTÉRAIRES. 460

par excelleace , avait une aërieuse raison d'être, et sll ne constituait dans une église déjà intérieurement scindée , un nouvel élément de séparation.

J'ai hâte d'ajouter que Je n'ignore point que ce fractionnement est inévitable partout règne la liberté, et qu'il faut l'avouer* l'accepter franchement comme on accepte un revers de monnaie. Pourvu que la grande œuvre de charité s'accomplisse , et que celui qui donne , le fasse librement, à son gré. Il importe moins de sauver un principe d'économie politique , qui veut » en tout état de cause , la répartition régulière des ressources ; l'essentiel c'est d'opérer, de faire le bien ; sans contraindre les consciences par une fusion d'éléments antipathiques.

Je crois donc avoir trouvé , à la simple lecture de quelques létes de chapitre de c Paupérisme et bienfaisance dans le Bas-Rhin >, une cause réelle de la singulière disproportion entre les sociétés chari- tables des deux cultes , considérées au point de vue de leur insiitu* tion primitive et du but qu'elles poursuivent. H. Reboul ne le dit point, et ne le donne point à entendre ; ce n'était point son but. liais tout lecteur attentif, en examinant de près les tableaux qui consti* tuent le fond du travail de M. le secrétaire*général du Bas-Rhin , pourra déduire de ce vaste appareil de chiffres , telle conséquence qui souvent n'a pas être «dans la pensée du collecteur. Tel est le caractère propre de tout ouvrage de statistique , en le supposant aussi bien disposé» que celui, dont nous annonçons la publication en ce moment ; ces recueils livrent à la réflexion les matériaux, sur les- quels on lui permet d'exercer son activité ; comme le joueur d'un instrument de musique use à son gré de l'embouchure ou des cordes harmonieuses , que le facteur a remises entre ses mains.

Avant de faire de l'ouvrage c Sur le paupérisme dans le Bas-Rhin > le sujet d'un entrelien avec les lecteurs de la Berne d'Alsace , j'ai éprouvé quelqu'hésitalion. Je me suis demandé s'il était bienséant de signer de mon nom des réflexions sur un écrit , sorti de la plume d'un homme , auquel m'unissent les liens d'une vieille amitié , et qui est placé au-dessus de moi dans l'échelle hiérarchique de l'admini- stration. Ne serait-on pas en droit de suspecter l'indépendance de mon jugement , et la liberté de mes allures?... J'aime à me flatter que le petit nombre de personnes qui auront jeté les yeux sur ces pages perdues , rendront justice à l'absence de toute préoccupation personnelle , qui les caractérise. Si j'avais eu l'intention de me rendre

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470 KBYUE D*AL8àCB.

agréable, soie a l'auteur, soii aux lecteurs qu'il a déjà-rencontrés» j'aurais essayé de penser ei d'écrire d'une manière toute difTéreate. En dernière analyse , je ne vois pas , pourquoi il serait défendu » en face de l'indifférence avec laquelle le grand public accaeilled'babi- lude les productions sérieuses , de dire le bien qae l'on pense de l'œuvre d'un ami : je ne vois pas pourquoi une appréciation hostile serait seule admise en face d'un auteur, dont vous connaissez la peo^ sée , et lorsque vous lui réservez à lui-^roéme toute latitude de cri- tique , s'il était tenté d'appliquer à vos propres élucubrations la verve de son esprit ou la sévérité de son jugement.

L. Spach,

Archiviite dn Bis-Rliin.

CORRESPONDANCE.

Au Directeur de la Revue i* Alsace. Monsieur »

Permettez-moi de me servir de ta publicité de la Revt^ et Alsace pour répondre au Rapport que M. Delbos a présenté à la Société tnrfiM(rte//6 de Mulhouse , stir ma Flore d'Alsace; rapport dont les conclusions m'honorent d'une médaille d'argent. Ce rapport est inséré dans \e Bulletin de la Société industrielle, n<* 444, p. 37.

Ne pouvant publier cette réponse dans le Bulletin , j'ai pris la liberté d'avoir recours ù votre bienveillance connue !

Je crois , d'ailleurs , qu'il est bon que les auteurs jugés puissent trouver, dans votre recueil, une tribune du haut de laquelle il leur soit permis d'apprécier^ à leur tour et à leur point de vue , les opinions et les arguments d'un rapporteur ou d'un critique.

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C0BRE8P0AIUNCE. 411

En général . je n*ai qn*à me louer des procédés de M. Delbof 4 mon égard. Néanmoins» il y a quelques points que j'aime à ditcoter avechii.

M. D. commence son rapport par l'examen des limites de l'Alsace. 11 cite le passage de l'introduction qui détermine ces limites. *- Je dis que V Alsace actuelle se compose exclusivement des deux départements du Rhin ; mais que les bornes administratives ne pouvaient pas me convenir comme limites d'une Flore i'Âhace et qu'il me fallait un domaine plus large , fourni par la nature orograpbique et géologique de notre sol , et en harmonie avec mes moyens d'exploration.

Ce qui nous intéresse dans une flore » c'est d'y trouver des simili- tudes et jdes contrastes fournis par les divers accidents du sol.

Or, YAUace réduite aux deux départements du Rhin ne me présentait pas assez de contrastes et ne me fournissait pas la preuve de similitudes nombreuses. Ainsi il fallait montrer que la flore du système vosgien était » à des altitudes égales , la même partout» au Nord comme au Sud , à l'Est comme à l'Ouest. Il était absolument néoes- saire d'admettre tout le système des Vosges ; tous ses chatnmis » situés dans la Haute-Saône » les Vosges » la Meurlhe , la Moselle , la Bavière et la Prusse rhénanes» afin de montrer la conformité de la végétation dans toutes les parties de notre magnifique chaîne de montagnes. Le Haut -Rhin appartient pour une grande partie de sa région méridionale (connue sous le nom de Sanàgau) au système jurassique, ofihint dans sa végétation des contrastes remarquables et frappauts avec celle des Vosges; contrastes que nous avions déjà signalés en 1842» mais que M. Thurmann a fait connaître de la manière la plus saisissante en 1848. Le versant septentrional du Jura sund- govien nous présente le bassin de l'Ill (la Largue y comprise) ; le côté méridional verse ses eaux dans la Lucelle (qui se jette dans la Birse) et dans l'Alaine qui » après avoir passé par Poreotruy et Délie » va se réunir au Doubs (près de Hontbéliard) à Voujaucourt^

On se rappellera que l'ancien département du Mont-Terrible fut réuni » sous le I"^ Empire , au département du Haut-Rhin ; c'était une raison de plus » en-dehors des motifs géologiques et géographîco- botaniques » d'englober les anciens arrondissements de Porentruy et de Delémont dans le domaine de notre flore. Toutefois nous avoua agi principalement dans le but de montrer le contraste entre la flore juras- sique alpezire et montagneuse, et celle des Vosges à des altitudes de 800

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472 REYUB D'ALSACE.

à i,400 mètres; le Jura sundgovien seal étant trop restreint. Restait le Schwarizwald et la rive droite du Rhin , depuis Bâie jusqu'à Mann- heim. Ici des critiques gaulois pourraient parfaitement eicercer leor piume spirituelle et nous objecter : Qu'aviez-vous à faire au-delà des limites de la France? Pourquoi passez-vous le Rhin? ce fleuve est une limite très-naturelle, très-tranchée! Je répondrais à roonGauIob: Cher ami» votre patriotisme vous emporte et vous fait dire des sottises. Voyez -vous cette belle chaîne de montagnes d'un bien tellement foncé qu'elles ont paru noirei à certains yeux ; pour cette raison on Ta appelée la Forii^Noire (Schwarzwalà) ; vous le voyez cette chaîne est parallèle aux Vosges ! Entre ces deux sœurs rivales coule le plus magnifique fleuve de l'Europe. Le Schwarzvirald est donc « depuis Lœrrach jusqu'à Heidelberg , l'encadrement du côté droit de la vallée rhénane » tandis que les Vosges dessinent les contours de cette vallée sur le flanc gauche. La végétation est presqu'Identique dans les deux chaînes. Un seul point dans le Schwarwald est plus élevé (de 80 mètres) que le Ballon de Souitz , la cime la plus haute des Vosges. Cela explique la présence au Feldberg de quelques plantes alpestres qui manquent à nos montagnes.

Cette similitude frappante devait être signalée au botaniste alsacien qui» certes» n'oubliera pas de faire de nombreuses visites au Schwarz- vrald ; il fallait lui indiquer les ressemblances et les rares dissem- blances. Il fallait encore lui parler du KaisersthuI auquel on arrive en beaucoup moins de temps qu'au Ballon de Souitz; et que les habitants de r Alace . entre Colmar et Schlestadt » ont journellement devant leurs yeux. Colline admirable» aux points de vue pittoresque, botanique, agricole » géologique et minéralogique.

Voilà donc nofr^ domaine floral. Nous convenons que les extrémités ne sont pas tirées au cordeau » ni découpées à l'emporte-pièce ! C'est à peu près le panorama du Hohneck (moins les Alpes) qui constitue notre champ d'étude ; il est vaste . mais il est naturel ; il nous ofijre des contrastes intéressants » et des similitudes plus intéressantes encore. Certes... il ne mérite pas répitbèted'ilbafîftte, d'une manière absolue et exclusive ; aussi » avons-nous ajouté au titre de notre Flore d^ Alsace : et des contrées limitrophes,

. M. Delbos regrette le vague de ces limites ! Dans son opinion une flore devrait se borner à l'énuroération des plantes d'une région naturelle (c'est aussi notre opinion). Pour constituer une . région

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CORRESPONDANCE. 47S

DatareHe» M. Delbps noas construit une Alsice à sa façon, c L'Alsace , dit-il, coosidérée dans son acception la plus étendue» est cette éiraile et longue plaioe , arrosée par le RUn qui commence au pied du Jura de Belfort à Bâie et se prolonge au NordjusqrCau Taunw el aux eimroni de Wetzlar, bornée à VOuen par les Vosges et le Hundsruck , à Y Est par le Schwarxwald , et puis à pariir de Baden par Us terrains iriu' siques jusqu'à Aschaffenburg* > Respirons un peu ! Ah! si nous avions admis ces limites pour notre Alsace , que les Allemands nous seraient tombés dessus l cette expression vulgaire est encore trop peu énergique ! On nous aurait fustigé jusqu'au sang et avec raison ! Le domaine que vous nous proposez aurait pu porter le nom de : Flore rhénane depuis B Aie jusqu'à Coblence ou Cologne et de tous les affluents du Rhin entres ces villes (bassins du Neckar et du Hein , y compris). Mais conserver (même vaguement) pour un domaine semblable le nom d'iifaace, étendre celte province jusqu'à Wetzlar et Asehaffenburg , c'eût été annuler d'un trait de plume , les deux Hesses » le duché de Nassau , la ville libre de Francfort et plusieurs autres petites principautés germaniques. Savez- vous bien est situé Wetzlar? à 75 kilomètres Est du Rhin , à 55 kilom. Nord de Francfort » à iO kilom. Ouest de Giessen ! Savez*vous bien ce que c'est que le Hundsruck , que vous placez à l'Ouest de votre plaine d'Alsace? C'est tout le système de montagnes (Grauwacke) situé dans l'angle formé par le Rhin et la Moselle entre Trêves , Mayence et Co- blence; système qui » sur la rive droite» s'appelle le Taunus et le Westerwald, au pied oriental duquel est situé Wetzlar. Et vous vou- lez qu'un botaniste alsacien s'occupe de la flore de ces régions lointaines (d'ailleurs parfaitement étudiées par Wirtgen» Bogenhardt, Lôhr; Fresenius, etc., etc.» dans leurs Flores respectives). Je n'ai jamais mis le pied ni sur le Hundsruck . ni sur le Taunus » ni sur l'Odenwald. Non » M. Delbos ! l'Alsace n'a rien à voir ni à Wetzlar» ni à Asehaf- fenburg , ni au l'aunus » ni au Hundsruck » ni à l'Odenwald^ ni même au systè me houillier à Saarbrûck.

L'Alsace, au point de vue phytostatique et dans sa plus vaste acception » ne peut aller aa Nord que jusqu'à la fin du Grès Vosgien], près de Kaiserslautern. Les Allemands accordent ceci aux botanistes de l'Alsace» comme dernière limite. Ils ne nous permettent pas d'aller jusqu'au Mont-Tonnerre (conglomerat-porpbyrique)» ni jusqu'au calcaire-tertiaire entre Mayence et Dûrkheim. On nous accordera

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474 EKYDB D'AUiCB.

encore» qaoîque avec répognaoce, les plaines rhénanes situées entre Landaa, Wîssemboorg, Lanterboarg el Germersheim , que l'on a détachées en 4815 du département du Bas-Rhin. Telles sont les limites extrêmes an Nord que nous avons osé revendiquer comme faisant partie de notre domaine fioral. Aller plus loin eût été plus que téméraire.

Arrivons aux limites méridionales. M. Delbos parle ici d'une Abace française, ayant pour limites les derniers contreforts du Jura au Midi^ le Rhm à VEn, les Vosges cristallines à l'Ouest. Qu'appelez -vous Y Alsace française? Probablement celle le peuple parie français ou patois ! Eh bien , encore ici , vos limites de cette Alsace française sont peu conformes à la vérité , et je doute fort que vous l'ayez jamais parcourue autrement qu'en chemin de fer ou en diligence. Les limites de cette Alsace française sont celles des bassins de la Savoureuse et de l'Allaine. Partout ailleurs c'est le plus détestable patois allemand que l'on parle , surtout entre Ferrette » Buningue et Dannemarie. Il nous était impossible de ne pas nous occuper de la ek>re du Jura sundgovien et même du Jura dulmsien. Le premier, au point de vue historique et administratif» fait partie du Haut^Rhin. De plus » il bk un curieux contraste avec nos Vosges. Quant aux Vosges lorraines nous ne pouvions pas ne pas en parler» ni renvoyer nos lecteurs i M. Godron » ni forcer le botaniste alsacien, voyageant dans les Vosges lorraines» à porter deux Flores dans sa gibecière.

M. Godron » dans sa Flore lorraine» d'ailleurs , négligé une foule de considérations dont il nous a paru important de parier. *— M. Delbos , enfin » croit que nous aurions noter» par un signe typographique » les espèces se trouvant dans les limites de l'Alsace réelle. Or» nous avons toujours indiqué» dans la partie phytostatique » l'aire d'extension d'espèce ; en sorte que le lecteur est prévenu ; d'ailleurs » dans la 3* partie (qui va paraître) nous avons catalogué toutes les espèces contrastantes.

En résumé » les prétendues limites naturelles que nous propose M. Delbos sont infiniment plus arbitraires que les nôtres » que nous n'avons admises» d'ailleurs» qu'après mutre délibération. En prenant Strasbourg pour centre nous avons admis un rayon d'environ de 120 à iSO kilom. vers le Nord « le Sud et l'Ouest ; vers l'Est , le rayon n*est que de 50 kilom. ; les bassins du Danube et du Neckar ayant été rejetés de notre champ d'étude.

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CaRBBSPONDAMGB. 47K

Nôas passons à d'antres considéraiiotts. M. Deibos a {larfaitement raison de nous reprocher nn manque d'ensemble dans l'éiaboraUon du i*' vol.; nous avons même indiqué franchement ce défaut» et nous avons dit que c'était la partie faible et vulnérable de l'ouvrage. Je passe condamnation , et je fais mon mea culpa , avec la contrition la plus complète. Il a fallu , dans les addenda , ajouter une foule choses qui auraient dft faire partie du texte. Je conviens, au surplus, qu'au commencement, je n'avais pas encore entre mes mains les trésors littéraires qui , plus tard sont venus en foule s'accumuler sur mon bureau ! Plusieurs de ces trésors étaient enfouis assez profon* dément; il a fallu en secouer la poussière séculaire ; d'autres ne m'ont été révélés que pendant le cours de la publication ; de , une foule dlnégalités et de soubresauts que je regrette infiniment aujourd'hui. Quand je pense à la masse énorme du matériel , qui trop souvent menaçait de m'écraser ou de m'intimider, je m'étonne maintenant que je n'aie pas succombé à la peine,

M. D. nous donne la flore parisienne de MM. Cosson et Germain comme un modèle typographique à suivre. MM. Cosson et Germain ont eu l'avantage d'imprimer à Paris, d'avoir un éditeur habile. Or, je n'ai pas eu d'éditeur ; généralement nos libraires de province ne brillent pas par le courage , Ils veulent bien profiter de vos lubeurs, mais ils ne vous soutiennent pas ; ils sont , avant toot , commerçants. Or» M. V. Masson, l'éditeur de MM. C. et G.» est un libraire rompu aux affaires ! Les imprimeurs de Paris sont fournis admiraUe- meot de toutes sortes de caractères ; il y a des protes intelligents et expérimentés. Tout cela m'a fait défaut ù Strasbourg. On y a mis tout le zèle et toute la bonne volonté possibles et nous avons fait tout ce qui était dans nos petits moyens. C'est mon excuse quand en me reproche que la disposition des tableaux, le choix des caractères , la composition des titres , etc., etc., laHfent beaucoup à désirer» Oh ! j'en conviens parfaitement I ^

M. D. croit que j'aurais faire comme MM. Cosson et Germain , et publier les analyses dans un livre à part. Tout cela m'aurait coûté un milier de francs de plus. On aurait acheté ce c poni d'âne > et le travail sérieux aurait eu le temps de moisir.

M. Deibos a raison de dire que le trop riche ou trop lourd addenda rend l'usage de la flore d'Alsace un peu pénible. J'en con- viens , déjà dans la préface , et s'il m'est demie de publier une

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476 REVtB D'ALSACE.

édition du 1^' volume, les considérations éparpillées dans les addenda seront intercalées dans le texte.

M. D. aborde ensuite le système ou la méthode suivis dans la Flore SAlsace.

Nous trouvons qu'ici M. D. se donne beaucoup trop de peine pour nous montrer des lacunes, des erreurs , des choix malheureux » des classes inég^ales ; des subordinations arbitraires ; que sais-je encore? Rien de plus facile que de faire de la critique à ce point de vue. Nous avons déclaré d'avance que nous n'avions pas la moindre prétention.à la nouveauté » que nous avions modifié le système de Decandolle par quelques lambeaux arrachés à Endiicher ; nous aurions pu ajouter que nous avons puisé quelques données chez Grisebach , Perleb^ Bart- ling, Spenner, Reicbenbach. Nous avons fait des emprunts par-ci par- 9 et nous avons érigé un petit système qui n'a d'autre but que de faciliter aux élèves l'étude de la subordination des caratères généraux.

Nous n'imposons à personne cet essai modeste qui n'est même applicable qu'à la flore rhénane. M. Delbos» à en juger par son rapport, connaît très-bien l'histoire des systèmes et méthodes depuis Jussieu , surtout en France; il connaît les Nexus plantarum de Lindlbt, et VEnchirMon n'ENnucHER ; et il doit être arrivé à la conviction que tous les systèmes modernes se valent à peu-près.

Je défends la subordination des familles à un chef immédiatement supérieur, que j'appelle Ordre et qn'EndIicher à nommé Classis t Mes ordres sont en général ceux de Bartling et de Spenner; et puis, j'ai subordonné les Ordres aux Classes qui sont les subdivisions d'End- licber. La série candoUéenne ou kochienne m'a paru, en général , peu satisfaisante , quoique la plus généralement admise.

M. Delbos a eu l'extrême bonté de résumer en tableau mon petit système ; chose que je n'ai||f3s faite d'une manière aussi complète , aussi synoptique que lui. Encore une fois » c'est une partie à laquelle je ne liens pas ; je n'ai pas d'entrailles de père pour elle. Avec Gœthe j'ai pour principe que la nature n'a point de système (i)! c'est Thorome qui en a besoin , comme le perclus a besoin de béquilles. * Certainement il faut un ordre logique dans l'exposition des objets

(') DU Natwr hat hein System. (Gcethe).

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GOBRESPONDANGB. 477

d'histoire naturelle » mais les bases de cet ordre peuvent être très- va- riables; il suflSt de suivre une méthode plus ou moins rigoureuse.

Le meillenr classement est celui qui est basé sur le plus grand nombre de ressemblances fondamentales , fournies par la physiologie et la morphologie des organes les plus importants de la vie indivi- duelle et surtout sexuelle. Tous les anciens , depuis Gesner et Césal- pin» ont entrevu ces nécessités; les i7« et 18« siècles ont travaillé presqa'exclusivement dans ce sens; Tournefort, Rajus» Wachendorf , Haller, Linné , Jussieu» etc., etc., ont fait merveille à cet égard. Au i9* siècle ces questions commencent à nous intéresser beaucoup moins ; nous les trouvons trop scolastiques , et nous pensons que l'histoire de Y Evolution des Etres est la partie la plus saisissante » la plus dramatique , dans l'étude des objets d'histoire naturelle.

Cette nouvelle voie a été ouverte par Wollf, Batsch et Gœthe; reprise pwDecandoUe , et depuis , si admirablement poursuivie par Gh. Schimper et Al. Brauriy par Jrmûch et Henri Wydler. Il y a beaucoup à espérer de ces investigations dans l'intérêt d'une future méthode. Ge que nous avons produit jusqu'ici en fait de systèmes et de méthodes a été l^de travailler pour les commençaots , de leur fournir le fil d'Ariane , afin qu'ils ne s'égarassent pas trop. S^ Aux esprits sérieux et philoso- phiques on a servi le Gênera de JussiEU comme un modèle admirable. D l'a été pobr son temps ! alors on pouvait encore maîtriser ses maté- riaux ! aujourd'hui le poids en est écrasant. Tout devient immense , et se gonfle démesurément en tout sens ! Les discussions sur les sys- tèmes et les méthodes deviennent aujourd'hui d'un insupportable ennui 9 on les esquive tant qu'on peut. Ici» on laisse à chacun le droit de faire comme bon lui semble; la critique en Allemagne» ordinaire- ment aussi hargneuse que Cerbère » s'endort ou s'amollit même lors- qu'il s'agit de systèmes on de méthodes en botanique ! Elle est satis- faite, dès qu'elle remarque un lien logique quelconque entre les divers ternies de subordination de la méthode. Nous n'en dirons pas da* vantage à cet égard et nous passons à un autre chapitre.

M. Delbos nous reproche l'emploi de certains termes nouveaux , par exemple : conceptacle carpique (Fruchtgehœuse des Allemands) , au lieu de péricarpe. Le mot conceptaculum est depuis longtemps employé en Allemagne , Gœthe même s'en sert fréquemment. Nous avons autant que possible évité le mot de péricarpe qui nous parait exprimer, au point de vue étymologique , une idée fausse. C'est ,

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478 REnJË JfÀUkCE»

d'ailleurs, un mot fort inuiile, jd'uoe signification vague et incertaine. Si nous nous sommes servi du mot carpidie comme synonyme de carpelle, c'est que la construction du mot carpeUe a été vivement blâmée par les Allemands. Un diminutif latin ne doit pas être appliqué à un mot grec. Nous nous sommes servi du mot préanthimk et M. Delbos croit qu'il signifie autant que préflvraifon ; erreur ! il signifie état jeune du houion d'inflore$eence et non du bouton de fleur! Nous avons rejeté le mot de glande pour certains organes des Euphorbes . et nous avons admis celui de duque nectarifluë emprunté aux auteurs allemands. Le mot glande est si vague qu'il faut le réserver aux organes conglobés ou cellulaires , sécrétant un liquide » et non à des organes foliacés , métamorphosés. Nous avons employé le mot ec- blattésie, créé par Engelmann» adopté depuis 15 ans par M. ifo^usii- Tandem, pour indiquer la naissance d'un rameau à l'aisselle d'un sépale ou d'un pétale. Nous disons innovations avec Fribs (et avec une foule d'autres) pour indiquer le renouvellement (VerjûngungJ non sexuel des plantes. Capiul, est de H. Seringe» mot vieux de 20 ans» pour indiquer la réunion en petite tête» des carpelles libres monos- permes, des renunculacées» des fragariés; parapétale et parasiè^ nume sont des mots très-anciens. CarpophiUe (Fruchiblau}6eà\i\on' qu'on veut qiécialement insister sur la nature foliaire du carpeUe. CoaUlion ou codeicence ne signifient pas adhérence ou cohérence, mais des actes organiques préparent ces états. Podosiémone indique par- faitement le pied , le support d'une étamine ; isomères, mêjo, poly, onisomères sont des mots déjà proposés par Decandolle; admis par tous les Allemands ; la chimie les a même empruntés à la botanique. Je dis ovaire baccien , pour dire : ovaire qui se changera en une bcùe* Loges anthériques est très- vieux.

. Les terminaisons dimlnutlves en uscule sont très^anciennes aussi : puisque decidius et cadueus ne sont pas synonymes en latin (voyez . RicnykRD). U est évident que le langage technique de la botanique exige la connaissance du latin et même du grec» la langue française, n'étant pas une langue-mère » ne peut puiser des mots nouveaux qu'à ces deux sources. Lorsqu'un terme latin ou grec a été créé par les botanistes Allemands on anglais ou suédois, et qu'il n'a pas d'équivalent dans le diaionnaire de la langue française, pourquoi , quand il est nécessaire, ne pas l'admettre avec une terminaison française ? La morphologie mo^ deme, créée en Allemagne , a introduit une foule de mots nouveaux,

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CORRESPOmANCE. 479

peur des idées nouvelles. Il est vrai , la langue allemande a une fle- xibilité extrême , tandis que le français est raide et tenace dans Tin- lérét de la conservation de son trésor linguistique. On est très-em- barrassé quand on veut traduire les traités et mémoires morphologiques allemands. Des mots , depuis longtemps dans le domaine de la glos- sologie botanique » n'ont pas leur équivalent en français. Par ex. : Vorblatt, Hochblatt , Bûllblatt, Niederblatt; j*ai traduit ces mots par : préphylle ou préfolîole ; feuille suprême , feuille involucrale , feuiUe infime. Voyez , dans le BulUiin de la Société botanique de France (passim) , à quels mots les botanistes français sont obligés d'avoir recours , et vous serez forcé de convenir que j'ai été extrêmement sobre et retenu dans mes termes que , d'ailleurs , je n'ai pas créés , mais simplement empruntés aux morpbologues allemands. J'ai voulu familiariser mes élèves avec les termes allemands nouveaux; le langage botanique français de MM. Richard» Mirbel» Adr. de Jossieu ayant beaucoup vieilli, quoique ne datant que de 4845 à 4845.

Je conviens qu'un petit dictionnaire est indispensable pour les per- sonnes qui n'ont pas à leur disposition les livres modernes de terminologie botanique. Je l'ai promis , ce petit dictionnaire ; il se trouvera dans le volume.

Après la critique, souvent fort jpste, de certains mots techniques, M. Delbos n*a plus que des éloges ^ parfois légèrement tempérés, par quelques restrictions ou par de modestes regrets.

Ainsi , M. Delbos croit que nous avons été sévère envers certains botanistes, auteursdefloresgénérales ou locales, pour n'avoir pas fait remonter Thistoire de leurs espèces de plantes au-delà de Linné. Nous trouvons le mot sévère un peu trop fort. Ainsi , quant à M. Godet , nous avons simplement exprimé un regret. Quant à H. Dœll , conseiller aulique et bibliothécaire, nous avons plus vivement regretté cette absence de l'élément historique. On exige beaucoup plus de celui qui a reçu beaucoup , que de l'homme dont les moyens sont plus restreints* Nous n'avons pas eu cette exigence à l'égard de MM. Gre- nier et Godron. C'est aussi pourquoi la flore de France est encore à refaire. Une flore de France , historique comme nous l'entendons , exigerait la collaboration de plusieurs botanistes non-seulement versés dans la connaissance critique des espèces , mais encore dans l'histoire de la flore depuis le i6<' siècle jusqu'à nos jours , dans la géographie botanique ou dans la phytostatique de tout l'Empire. C'estau gouverne^

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480 ftBVtnt d'alsâgb.

ment à patroner une œuvre semblable. Il faudrait un atlas pour les plantes douteuses et nouvelles, à peu près comme celui de MM. Cos- son et Germain , mais en petit in-folio ; à peu près dans le genre du flora germanka de ReUhenbach. De plus , il faudrait les noms populaires et les usages des espèces dans les diverses provinces. Je ne blâme donc pas les auteurs d'avoir fait selon leurs forces et moyens, mais je dis que leur œuvre est incomplète et insuflBsante au point de vue des exigences modernes. Je suis bien loin de donner la Flore d^AUace comme com- plète à cet égard. Je suis même le premier à en signaler les défauts, auxquels j'ai fait , dans l'Introduction , une large part ; car, j'ai beaucoup appris pendant la rédaction de ce travail (de 8 années). Toutefois j'aime à croire que j'ai contribué à remettre les flores dans la voie historique qu'elles avaient depuis longtemps abandonnée. La première partie du volume est sur le point de paraître , les pre* mières six feuilles ont été déjà distribuées aux membres du congrès botanique de Strasbourg ; déjà on en a fait de nombreux extraits , dans les récits de nos excursions (du 46-2^ juillet). J'ai été très- sobre dans ce travail , et je n'ai pas voulu faire un volume de 600 pages. Cet opuscule n'a que 8 feuilles ou 192 pages in-i2.

Je termine cette lettre en priant M. Delbos de croire que j'ai été trèMensible aux éloges qu'il a bien voulu donner à quelques parties de -la Flore iAhace; je le remercie bien sincèrement de ses condttslons bienveillantes.

F. KmSGBLBGKB.

CORRECTIONS A FAIRE A LA CARTE.

Schlestadt, le 23 septembre 1858. Mon cher Directeur, en comparant l'épreuve à la carte que j'avais ici, j'ai trouvé qu'il existe bien des chemins qui ne sont point tracés en roug^ et que j'avais calqués comme routes modernes droite vers le bas). !<> la route de Hilsenheim à Diebols- heim ; de Hilsenheim à Wittisheim ; de Muttersholtz à Wittisheim , io de Ralden- heim sur Richtolsbeim et Schœnau. Gomme il n'y a rien à effacer mais à ajouter

un trait = au lieu de veuilles faire la correction si le tirage n'est pas fait.

Au haut de la carte il y a Glœckels&our(7 au lieu de herg. Le chemin de Krauter- l^rsheim à la route d'Obemai à Strasbourg est aussi une route moderne = au lieu de . Même observation de Schœffersheim à Erstein = au lieu de et au- dessous de la route à Kraffl idem. Le cours de l'Andlau n'est pas indiqué de Valf jusqu'à Andlau , la rivière traverse Andlau , Eichhoffen , etc. , on pourrait écrire Andlau R au-dessus de la ville de ce nom pour que ce ne soit pas pris pour un chemin.

Je désire que ma lettre arrive encore à temps. Votre dévoué , CosTE.

La lettre est arrivée trop tard ; c'est pourquoi on la publie comme erratum.

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L'ABBÉ GRÂNDIDIER ET LE fOftSEILLER RADIUS.

L'abbé Grandidier venait de mourir àS^bftaye fie Lucelle. Tous ceux que son talent et son caracJLère avaienhMtîiinés se relevèrent presqu'aussitdt et montrèrent par leur attitude combien ce joug leur avait pesé. On put juger alors seulement de l'influence qu'il avait exercée dans le pays et du soin que l'on avait pris dans les rangs les plus élevés pour ne pas lui déplaire , dans les questions les plus futiles.

Ainsi 9 quelques années avant sa mort , on avait publié à Stras- bourg les Vues pittoresques de PAlsace (*) pour lesquelles il avait fait le texte. Dans la notice sur Guémar, il attribue à la bour- geoisie la faculté de présenter des candidats pour les fonctions de bourguemestre et de conseillers» qui étaient à la nomination du 'Seigneur territorial. M. Radius, conseiller intime du prince Maxî- milien de Deux-Ponts, dans les domaines duquel était compris le village de Guémar , dut être froissé vivement de l'assertion de Grandidier qui donnait un privilège inusité aux bourgeois et amoin- drissait les droits du seigneur. Réclamer contre ce qu'il appelait une /fausseté-, eut pu indisposer l'auteur, et amener une polémique dans laquelle Radius aurait sans doute eu le dessous . alors que de tous côtés déjà s'élevaient des réclamations conti'e les privilèges de la no- blesse et que l'horizon politique commençait à s'obscurcir. L'auteur,

(*) Cet ouvrage a été publié en 1786 1 vol. in-4o. Il renferme 12 planches dessinées et gravées par M. Walter, citoyen de Strasbourg ; elles sont accompagnées d'un texte historique par Grandidier et représentent Ribeauvillé , le château de Girsberg , Busenbach , Zellenberg , Sainte-Marie-aux-Mines , Ëschery , Guémar , Bergheim , le lac noir , Pairis , Kaysersberg et Munster avec la vallée de Saint- Grégoire. Ces vues pittoresques sont dédiées au prince Maximilien-Joseph de Deux- Ponts à qui appartenaient alors la plupart des lieux qu'elles représentent.

9*Aiaée. 31

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483

REVUE D'ALSACE.

d'ailleurs » aurait peat-étre produit des preuves irrécusables du droit de présentation qu'avait eu la bourgeoisie de Guémar et dont elle avait été dépossédée par son seigneur.

Malgré son zèle bien connu et son dévouement absolu aux intérêts du prince de Deux-Ponts » M. Radius garda le silence et attendit le décès de l'abbé Grandidier pour protester. Après 5 années d'attente , il écrivit , au nom de la chambre du conseil de Ribeauvillé dont il était l'âme (^) la lettre suivante au curé-recteur de Guémar qui avait été l'ami de Grandidier.

c Ribeauvillé , le 50 janvier 4788. c Monsieur » c Nous voyons dans un cahier des Vues pittoresques de P Alsace, sous l'article de Guémar , page 5 , les expressions suivantes : Le greffier est nommé par le seigneur; la bourgeoisie lui présente deux sujets pour les places de bourgmaîtres et de conseillers, el il choisit l'un des deux.

c La fausseté de cette dernière partie rendue publique dans une pièce dédiée à S. A. S. Monseigneur le prince palatin de Deux- Ponts même , nous a obligé de nous informer de la source feu M. Tabbé Grandidier doit l'avoir puisée.

c On nous a dit que c'était de vous que cet historien avait tiré ce renseignement. Mous n'y ajoutons pas foi , puisque nous vous en savons mieux instruit ; mais peut-Stre pourriés-vous nous ensei- gner la personne qui a fournie à M. Grandidier cette fausse ane- docte , contre laquelle il faut que nous nous élevions en particulier, sans que nous entendions par adopter tous les autres objets renfermés dans la description de Guémar. c Nous vous prions d'avoir la complaisance de nous en faire quel- qu'ouverture que nous espérons d'obtenir de votre amitié dans la considération aussi sincer que distinguée avec laquelle nous avons l'honneur d'être , etc. i

La réponse de H. le curé Lefébvre ne se fait pas attendre ; elle est du 3 février. Je la transcris en entier:

C) Quatre conseillers composaient alors cette chambre chargée de Tadministration de la seigneurie de Ribeaupierre ; c'étaient le conseiller intime Radius qui en avait la présidence, et les conseillers Wetzel, Hedinger et Steinheil ; ce dernier était en même temps archiviste.

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L'ABBÉ GRANDIDIEB ET LB G0N8B1LLER RADIUS. 485

c Messieurs »

c II y a déjà plusieurs années que feu M. Tabbé Grandidier m'a fait c l'honneur de m'addresser une feuille portant plusieurs questions c concernant l'histoire de la ville de Guémar, sur lesquelles il me c prioit de lui procurer des notions et des éclaircissements. Sentant > l'importance et les conséquences de cet objet , j'ai pris d'abord le c parti de m'adresser à M. Steinheil votre collègue , conseiller archi- c vaire de S. Â. S°>« , à qui j'ai présenté dans ma lettre une copie de c la feuille sur laquelle je devois répondre.

c H. Steinheil m'ayant déclaré avec toute Thonnéteté dont il porte c toujours l'empreinte sur sa personne , qu'il ne lui étoit pas libre «d'extrader» quoique ce (di des archives de Ribeauvillé sans la per- « mission expresse de son prince , j'ai été obligé de me retourner de « mon mieux ici pour satisfaire aux désirs de mon ancien ami. Après c des conférences avec les personnes les plus notables de Guémar et c quelques idées qui me restoient un peu confusément , de ce que c m'en avait autrefois appris feu mon frère » j*ai adressé de bonne c foy à l'autheur en question toutes mes remarques , en le priant de c ne pas trop s'y rapporter » eu égard à la source dont je les avois c tiré I Mais je ne crois pas m'étre expliqué jamais de la manière « dont vous l'exprimés , Messieurs , dans votre lettre « sur les droits ff respectifs de S. Â. S^ et la ville de Guémar, dans la nomination aux

< places de Stettmeistre et conseillers du . magistrat. Pour vous en « convaincre jusqu'à l'évidence , je vous donne ici , Messieurs , avec

< cette simplicité du cœur et ce dévouement sans réserve dont je fais « profession avec vous « la minute même de ma réponse à M. l'abbé « Granddidier, dans tout le désordre elle se trouve, et aux risques c d'être peut-être bien censuré de votre part, vous priant. Messieurs, « de vouloir bien me la renvoyer ; c'est vrajment une providence que « J'aye conservé cette minute d'ailleurs si peu intéressante , mais qui « me le devient depuis l'opinion qu'on a voulu vous donner de plus « d'influence que je n'en ai dans l'ouvrage dont il s'agit.

c Au reste, je m'offre , Messieurs, de donner lecture à qui vous « jugerés à propos de votre part , d'un article de la dernière lettre « de feu mon ami , il me promet de rectifier quelques endroits V de l'histoire de Guémar sur lesquels je croyois qu'il pouvoit s'expli- « quer autrement. Ceci vous prouve que M. l'abbé Grandidier ne me « doit pas tout ce qu'il a dit et écrit sur Guémar ; et que de mon côté

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4M BETOB D'AUiCB.

« je ne sonscrirois pas partout non plas , quoique je n'aye troQTé c dans cette partie de son ouvrage aucune erreur essentielle.

c Je suis avec un respect singulier, Messieurs , le plus humble et c le plus dévoué de vos serviteurs.

c Lefebvre.

c A Guémar » ce 3 février 4788. »

A cette lettre tout à lu fois humble et digne , l'auteur avait joint , comme il l'annonce » les questions que son ami l'abbé Grandidier lui avait adressées sur Gémar. Voici la copie textuelle de ces questions présentées sous forme de note et qui font connaître le mode adopté par l'auteur pour la composition de ses notices historiques, c On demande

c i. Combien de familles catholiques il y a à Guémar; combien à « Ulhœusseren?

c 2. Combien y a-t-il de luthériennes , calvinistes et juives tant i i Guémar qu'à Illhseusseren?

c 5. Le nombre et le nom des portes de Guémar.

c 4. De quoi est composé le magistrat de Guémar?

c 5. Quelles sont les armoiries de Guémar ?

c 6. Son château existe-t-il encore? Y a-t-il encore des restes de c ses murs » de ses fossés et de ses anciennes fortifications?

c 7. Quel est le décimateur du ban de Guémar et de celui d'Ul- c hseusseren?

c 8. Y a-t-il outre la cure , d'autres bénéfices sous la paroisse ?

c 9. Quel est le S^ Patron de l'église paroissiale ? En quel tems fut- < elle bâtie ? Combien a-t-elle d'autels et quels sont les titres des c saints de ces autels? Y a-t-il quelques confréries? Y a-t-il quelques i épitaphes ou monuments remarquables?

c iO. Quel est le S* Patron de l'église d'Ilihseusseren ?

c il. Y a-t-il dans le district de la paroisse de Guémar quelqu'au- c très chapelles ou stations ?

c 42. Qu'est-ce que c'est que la chapelle de S* Maximin?

c 43. Sur quelle rivière est placé Guémar ?

c 44. Le ruisseau d'Eckenbach ou le Landgraben est-il éloigné de c Guémar ? de quelle paroisse sont les habitans voisins de cet Ecken- c bach ?

c 45. Y a-il un hôpital à Guémar et par qui fondé?

c 16. Y a-t-il quelques cours franches à Guémar?

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L'ABBÉ GRANblDIER Ef LE CONSEILLER RADIUS. 488

c i7. Le chapitre de la primaliale de Naacy et celui de S' Dié ont- c ils encore des biens à Guémar?

c 16. Y a-t-ii des traces du villag^e inférieur et du village supérieur c de Guémar» Under et Oberdorffî

c 49. était situé le château de Molckenbourg ?

c 20. A quel titre la maison de Ribeaupierre est-elle Patronne de c la cure ?

c 2i. A-t-on quelques connaissances sur Jean Jud » curé de Gué- c mar, en 4482?

c 22. En quel jour se tient le Uarck Schwûriag d'Illhaeusseren et c comment il se tient? i

Le curé Lefébvre a répondu à toutes ces questions : le mémoire qui résume ses réponses et qu'il a soumis à la chambre du conseil pour sa Justi6cation » me parafe digne d'être mis sous les yeux des lecteurs. L'abbé Grandidier a puisé dans ce document » mais la plus grande partie des indications que renferme le mémoire est demeurée inédite, (i)

c Dans la ville de Guémar, qui , à ce que l'on dit » est de plusieurs siècles plus ancienne que celle de Bergheim , il se trouve aujourd'hui 148 feux , non compris deux au château , lesquels composent 64 fa- milles presque toutes bourgeoises , parmi lesquelles on peut compter dix familles notables et patriciennes : il n'y a jamais eu ni juifs ni luthériens » ni calvinistes dans la ville. Le château est habité depuis un temps immémorial par des calvinistes (il l'a été pendant quelque tems par un anabaptiste), fermiers du seigneur de génération ea génération.

c Illheussem , qui n'était composé , il y a soixante et dix ans , que d'un très-petit nombre d'habitations , s'est tellement peuplé depuis , que l'on y compte à ce moment soixante-trdls familles , dont huit sont calvinistes et la principale est celle de Farny , anciens fermiers du seigneur. Parmi tes catholiques , il y en a sept plus anciennes , qui sont les notables du lieu. A un quart de lieu se trouve la Rieth- muhl 9 une emphyteose seigneuriale , possédé par un calviniste , qui

(') Cette notice et la correspondance que nous publions existent à la préfecture du Haut-Rhin et fait partie des fonds de la maison de Ribeaupierre.

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486 REYUB D'ALSACB.

ainsi que les deux parcs de Guémar et de Ribeaaviller daos le Gemeind Rielh , dépendent de la paroisse de Guémar, Il n'y a jamais eu ni juifs ni luthériens à Ilibeussem. Le curé de Guémar est le propre curé des calvinistes pour le baptême , le mariage et la sépul- ture , parce qu'ils n'y ont aucun exercice de religion. Ils vont à la Cène à S'^-Marie , et fréquentent les prêches indifféremment à Ost- heim y Ribeauviiler.

c II n'y a jamais eu que deux portes à Guémar ; Tune sur la place dite Freytag Platz, qui répondoit au Laadhofft ou port de Guémar les bateliers chargeoient et déchargeoient ; cette porte s'appeloît Ober Thor ou Fischer Thor, au dire des plus anciens habitanls. Elle est murée depuis que la tribu des bateliers s'est retiré à Illheussern ; à sa place on a pratiqué une fausse porte à l'Orient de Guémar, pour la commodité des habitants. L'autre porte est la porte d'entrée ac- tuelle , sans ponts levis mais on y dislingue parfaitement les restes de fortifications » tant par la double entrée » l'ancien corps de garde qui est entre ces deux portes , les remparts » les souterrins les fossés.

c Le magistrat de Guémar était composé autrefois de 4 Stettmei- stress, qui avoient chacun à son tour la régence une année et tenoient audiance à Guémar avec le baiilif. Depuis que le bailliage de Guémar qui comprend avec celte ville» les villages d'Illheussern » Ohnenbelmy Heidolsheim . Mussig et Jebsheim a été uni au bailliage de Ribeauviiler» le magistrat de Guémar n'est composé que du greffier, d'un Slett- meistre , en même tems prévAt» et de trois conseillers qui ne siègent plus ; toutes les sentences se rendent à Ribeauvillé.

c Les armoiries de Guémar portent sur un champ , les 3 talons

de Ribeauviiler» une herse» au-dessus de laquelle sont deux pois- sons » qui marquent l'ancienne tribu des pêcheurs d'illheusseren (i)» mais qui depuis^ leur transmigration ne jouissent plus du droit de bourgeoisie à Guémar.

c Le château de* Guémar appelé Holeckenbourg » fameux dans l'histoire , va être rasé entièrement ; on a commencé sa démolition il y a déjà trois ans ; il a été rebatti plusieurs fois. Le milliaire qu'on y

(*) Cette indication n'est pas exacte : les talons dont parle Tauteur du mémoire sont les trois écus ou boucliers de gueules de la maison de Ribeaupierre sur champ d'argent. A la fm du seizième siècle , le sceau du tribunal de Guémar porte un poisson au Ueu de deux.

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l'abbé grandidibr vt le conseiller rabius. 487

trouve aujourd'hui est i580 ; en fouillant on y a trouvé beaucoup de grains brûlés aparement du dernier siège des François et des Suédois; on dit que les François y ont fait prisonniers 1500 Allemands , je ne sais à quelle époque.

c Illbeussern n'a aucun ban. La seigneurie a distribué à quelques particuliers des portions du Gemein Marck pour les cultiver. Le gros décimateur en grains à Guémar, est le seigneur. Le gros decimateur en foin est le curé qui jouit encore de la dixme de l'Enclos ou Etter et des Novalles qui ont existé avant l'époque de 1768. Le même curé a la dixme du vin au canton dit Rirlenberg dans le ban de Bergbeim , une autre en vin au canton dit Altenberg, etc.» dans le ban de S^ Hypolite en Lorraine. Il avait aussi dix mesures de rentes foncières du Geis- berg au ban de Ribeauviller, mais qui est prescrite aujourd'hui.

c II y avait deux Chapellainies autrefois à Guémar » avec un pré- missaire ; les biens du primissariat sont entre les mains de la sei- gneurie depuis le changement de religion.

c Le Patron de l'église de Guémar est S' Léger évéque d'Autun , ministre de Childéric un de nos rois de la première race et martyr. Comme la paroisse de S^ Denis hors les murs » dont Jean Muller étoit curé en 1548 du patronage du chapitre de S' George de Nancy a été reunie à celle de S^ Léger, on honore comme Patrons les deux saints; cependant la fête de S' Léger est toujours la principale. Personne ne connaît à Guémar l'époque de la construction de l'ancienne église de Guémar, celle d'aujourd'hui a été bâtie en 1742 elle est fort jolie et très bien entretenue. Il s'y trouve 3 autels : le maitre autel est dans le goût de l'ancien autel de la cathédrale de Strasbourg , avec des pé- llers pilastres , etc. , etc. ; les autels collatéraux {iicj sont celui du Rosaire et celui de S^ Sébastien. Il y a 4 cloches , la grande a plus de quintaux.

c II y a une confrérie du S^ Rosaire qui peut avoir 12 à 1500^ de fond ; le curé recteur en est le prseces. Le magistrat de la confrérie est composé de 2 prefects , deux assistants , d'un secrétaire , du senior, le premier des quinze ou quindecimvir et d'autres employés ; elle est fort bien en ornementSé Le même nombre de personnes se trouve parmi les filles et les femmes à peu près.

< Il n'y a point d'autres monuments à Guémar, que sur le cimetière hors les murs une pierre sépulcrale qui porte le nom et les armes de Hans Juncker von Ottmarsheim t et une autre qui

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i88 REVUE D'ALSACE.

porte pour armes un bras avec un marteau en main et qni , à ce que quelques uns pensent , marque un de Schmittberg enteré à c6té du chevalier d'Ottmarsheim. Il y a bien apparance qu'en fouillant on trouverait encore d'autres monuments distingués.

c II n'y a qu'une petite chapelle à Illbeussern , cependant an- jourd'hui les habitants du lieu , se font desservir les dimanches et fêtes ordinaires à leurs frais par un Augustin de Ribeauvillef avec l'agrément du curé et tarit qu'il jugera à propos de le permettre , parce que d'ailleurs ils sont obligés de se rendre toute l'année à l'église de Guémar.

c La construction de la chapelle de S^ Maximin , la seule qui reste dans le district de la paroisse de Guémar, se perd dans les siècles les plus reculés. Le milliaire connu est de 1262. On ne sait quel comte de Ribeaupierre l'a bâtie. Le vulgaire pense , que c'est le comte Smassmann après son retour de la Terre Sainte. Mais le pieux voyage de ce comte a eu lien postérieurement à l'époque de 1262. Il y a ap- parance que l'ancien nom de cette chapelle appelée Sanct Smatmann n'est autre que S' Maxioain , et que le peuple en unisant dans la pro- nonciation la lettre S , qui signifiait Sanct , au mot Masmann , sans distinguer le point entre cette lettre S et le mot suivant , en a fait Smasmann et ce Masmann vieux mot , en prononçant Ts par un x » et chiingeant la lettre a en i (ce qui est arrivé à l'égard de bien d'autres noms) est enfin devenu le mot d'aujourd'hui , Masimin , on Maximin , quoique bien des gens conservent encore aujourd'hui le nom de Schmasmann. La nef de cette chapelle , qui n'est ni parois- siale ni bénéficiale , qui n'a plus aucune fondation , et qui parait être purement votive , a été rebâtie de ses propres fonds en 1783. II n'y a qu'un autel aujourd'hui , mais très bien construit en bois , chargé de dorures , de quantité de saints , haut de plus de 30 pieds, et qui tient toute la largeur du chœur bien vonté. Les deux autels collatéraux qui seront placés au mois d'aoftt prochain seront faits de bois de chêne en pilastres avec beaucoup de dorure ; à droite sera l'autel du Sacré Cœur, à gauche celui de la S^« famille. Le Marguillier, bourgeois de Guémar , jouit pour son salaire de 3 arpens de terre partie en vigne et d'une bonne habitation qui sera rebâtie toute à neuve cet été. Ce qu'il y a de singulier, c'est que cette chapelle a échappé à toutes les fureurs des guerres et de la révolution de reli- gion en Alsace. Les comtes de Ribeaupierre , dont les personnages

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L'ABBÉ GRANDIDIER BT LE CONSEILLER RADIUS. 489

et les armoiries étoient anciennement peints sur les vitrages , y ve- noient faire leur dévotion avec tonte leur cour. La fête du Saint se tient solennellement le 29 may et le mardy de Pentecôte » avec les indulgences plenières et le concours , y est immense ; on a déjà compté 80 à iOO voitures et bennes. Il y a cinq fondations d'anniver- saires dans celte chapelle , i* pour un Barth » greffier, une dame Ândiauer , 3"^ la nièce de M. Tévéque de Messala , 4<^ et deux curés , et une messe fondée tous les vendredis ayec un concours ordinaire assez considérable. On y fait alors chaque fois des prières publiques pour la conversion des hérétiques de la Province.

Guémar est placé sur la rivière de la Fecht , proprement un tor- rent qui baigne ses remparts vers l'Orient , et qui se jette dans l'ill à nibeussern.

Le Landgraben est à petite lieue de Guémar, il coule par les bans de Bergheim, ROdern , Rohrschvrihr et S^ Hypolite.

11 n'y a jamais eu d'hôpital à Guémar.

c II n'y a qtte deux cours franches à Guémar; le château et le presbytère qui était aussi appelé Freyhoff.

c Le chapitre de la Primatiale de Nancy est propriétaire d'une grande emphyteose dont les Wendiing sont en possession. La colonge de Liepvre, Leherauische Dinckhof, en dépend aussi. L'Obermeyer de ce Pinckhoff est le fermier des biens du même chapitre à S^ Hypo- lite ; rUntermeyer est le fermier ou l'emphyteole de Guémar. La colonge se tient le mardy après la S' Martin. Il y a encore 2 Dinck- hoff seigneuriaux au château. L'un appelé der trockene , parce que les colongers n'y ont ni à boire ni à manger; l'autre der nasse, parce qu'on y mange et boit bien. De même qu'a l'autre du chapitre de S^Diez , c'est toujours l'Untermeyer qui en fait les frais. On y édicté des amandes dont on appelle à d'autres Dinckoffs , qui prononcent en dernier ressort ; du moins le conseil ne s'en mêle pas et y renvoit. La colonge de Liepvre est chargée d'acquitter annuellement au curé de Guémar 25 livres pour une messe tous les mercredis de l'année.

c II n'y a plus d'autres traces des villages Unier et Oberdarf, que les décombres souterrains que les laboureurs rencontrent encore quelquefois en labourant. Ces deux vilbges étoient situés sur le ter- rain , qui depuis la forêt en deçà de la Fecht , prend jusques sur la nouvelle chaussée royale de Colmar, à l'endroit à peu près de la petite chapelle appelée Obères KapeUin , étoit le puit appelé der

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490 REYUE D'ALSàGE.

Neuen bronnen, et depuis jusqu'au Uûhlbaeh qui baigne les rem- parts du château et de la ville du côté du midi.

c Guémar appartenait cy devant à la maison de Baden qui l'a vendu à un nommé Kunu Meerschwein de Strasbourg pour onze cent GuU den. Meerschwein Ta cédé à l'évéque et grand chapitre de cette ville et l'évéque l'a donné ensuite en fief à la maison de Rappolstein ; c'est en vertu de ce fief, que cette maison est patrone de la cure. On peut tirer les lettres d'investiture des archives de Saverne ; c'est de feu mon frère , que j'en connois ce que je cite ici , et je ne suis pas tout à fait assuré , si tout ce qui compose ce fief a appartenu à la maison de Baden. Il serait plus sûr de consulter le titre original.

c Jean Jud est appelé Luc Juda dans l'abrégé historique et géogra- phique de l'Alsace qui a paru en allemand en i782« édition de Basle. On n'en sait pas la moindre chose ici. Il paroit que c'était un sa- vant 0).

C'est la seigneurie qui indique annuellement le jour de Schwôr- tag à lllheussern , quand il lui plaît , ordinairement au mois de roay. Tous les prévôts des sept communautés s'y trouvent. Le bailly donne le serment aux paires , qui les oblige à ne recevoir aucune pièce de bétail d'autres communautés , à ne pas souffrir de béte malade, etc., etc. Tous les sept ans se fait solennellement VVmrin, ou reconnais- sance des pierres bornes. Auprès de chacune on lit le procès*verbal de son emplacement en présence de tous les préposés des 7 commu« nautés , et en particulier d'un député et d'un jeune garçon de cha- cune avec lui , afin que la mémoire locale soit mieux imprimée» Le bourreau de Ribeauviller se rend aussi à cette Umritt , et porte sur les deux premières roues d'un chariot dont il n'attelle que cette moitié » un tonnelet de vin , pour les patres qui sont obligés de l'In- former des bêles mortes dans le Rieih (^). >

(*] Jean Jude ou Juda était curé à Guémar ; son fils Léon Jud , dans cette commune , en 1482 , et qui devint plus tard curé de Saint-Hypolite , a été un des défenseurs les plus ardents de la doctrine de Zwingle.

(*) En marge de cette notice se trouve l'annotation qui suit : « Liste des curés-recteurs de la ville de Guémar depuis 1600, Magister « Joannes Straub Scheimbergensis. Hagister Joannes Freytag. Carolus Hamock. « Johannes Christoph Zolleren. Doctor Franciscus. Glaudius François. « Joannes Christophorus Hauss , episcopus domit. anopolitanus , (il a resté curé « jusqu'il sa mort et des chanoines de Golmar desservaient la cure). Niisolas

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L*ABBÉ GRAMDimBR BT LE CONSEILLER AÂDIUS. 491

Les preuves produites par le curé de Gaémar paraissent avoir con- vaincu M. Radius » s'il faut en croire la lettre qu'il fit écrire , le len« demain même » à cet ecclésiastique par la chambre du conseil et que nous reproduisons ici :

4 février i788. Monsieur

c Autant que nous vous sommes obligés des éclaircissements que c vous avés eu la complaisance de nous donner» autant sommes nous < surpris de la transgression de H. Tabbé Granddidier des notions > que vous lui avés fournies sur la composition du magistrat de ff Guemar.

c Nous ne trouvons dans la minute de vos renseignements aucune ff trace de la prétendue élection de deux membres par la bourgeoisie t de Guémar.

Il faut donc que l'historien ait eu d'autres indicateurs ou mal in- c struits ou intéressés à l'affciblissement des droits du seigneur dans c le choix des membres de la magistrature (t).

c Nous sommes très charmés , Monsieur , que vous nous ayés dé- trompé et par les assurances que vous avés eu la bonté de nous donner et p9r la minute de vos renseignements auxquels nous ajou- tons toute la foi deûe à la dignité de votre caractère, à l'excellence de votre cœur et à la noblesse de vos sentimeots auxquels nous ff faisons un hommage d'autant plus sincer, plus que {iicj nous avons

« Genger. Jean-Baptiste Hauss , frère du défont , évèque de Messala. Jean- « Baptiste Léo , oiScinal de Basie et chanoine de la cathédrale. Jean-Henry « Schnebelin. Jean-Baptiste Weegbecber, doyen du chapitre ultra colles, après « l'avoir desservi sous K. Léo , comme vicaire résident et amanuel pendant 32 ans , « est parvenu à en être curé après la mort de M. Léo et en a joui de dix dernières « années de sa vie. Jean-Ghristophe-Philippe Lefebure, conseiller ecclésiastique de révêché. >

{*) Dans la minute de la lettre rédigée en entier par M. Radius , ce dernier avait ajouté ici la phrase suivante qu'il a retranchée ensuite : < Ce que nous ne pouvions réunir dans la forme de nos combinaisons , c'est les lumières que nous c vous connoissons et la publication d'une fausseté que l'on nous asseura venir de « vous , puisque M. l'abbé Granddidier doit avoir dit peu de jours avant son tré^ « pas , tenir de vous tous les renseignements locaux, »

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492 RBVUi: D'ALSAGB.

l'hooneur d'être avec l'estime la plus Traye et la considération la c plas absolue. >

Cette affaire en resta ; aucune rectification ne fut faite pour donner satisfaction au seigneur territorial et détruire le mauvais effet que pouvait avoir produit la publication de la phrase incriminée sur l'esprit de la population. M. Radius avait d'autres préoccupations ; il avait à lutter dans toute l'étendue des domaines seigneuriaux contre les incessantes prétentions de la bourgeoisie ; les forêts du prince » qu'on avait si longtemps respectées, commençaient à être dévastées; on refusait les dîmes et les corvées ; sur divers points on brisait les bornes qui portaient l'écusson de l'ancienne maison de Ribeaupierre i et le moment n'était pas bien loin le conseiller Radius , obligé de céder devant la colère et les excès du peuple, allait suivre sur la terre étrangère son seigneur et maître, dépossédé comme lui, de ses biens d'Alsace.

J. J. DlETEICH ,

«M db dhrWon à la préflKCura da Bant-aUft.

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VILLES LIBRES ET IMPÉRIALES

Dl L'ARGnimi ALS&a

(•)•

LANDAU.

Le traité d'Utrecbt en 1743 et ceux de Rastadt et de Baden-Argaa en 1714 confirmèrent à la France la possession de Landau que lui avaient déjà reconnue dans le siècle précédent les traités de Munster» de Nimègue et de Ryswick.

Ce dernier siège de 1713 , et ce fut en effet pour Landau le dernier siège jusqu'à la guerre de 1793, fut marqué comme celui de 1702 par des monnaies commémoratives. Tandis que celles de Hélac ont les fleurs de lys , celles du prince de Wurtemberg portent Técusson de sa maison , avec les mots : Pro Cœi. Imp. Landav.

Indépendamment de ces monnaies obsidionales* il y a plusieurs médailles commémoratives de l'importance du rôle militaire de Landau pendant la guerre dite de la succession d'Espagne. Les unes furent frappées à Paris , les autres à Vienne » en l'honneur des géné- raux et des armées qui, de 1702 à 1713, surent si vaillamment se dis- puter la possession de cette place de guerre. La dernière, de 1713 , frappée à Paris , porte à l'avers la tête de Louis xiv et en légende Ludovicus Magnm rex chri9lianis$mu9. Au revers l'inscripiion MARS DEBELLATOR et la figure du dieu Mars foulant aux pieds des boucliers. En légende on lit : Landavia et Friburgo expugnatis, MVCCXIIL

n Voir les limisoDS de février, mars , Juin , jaiUet, août, septembre et octobre, pages 49 , 97 , 257 , 313 , 402 et 445.

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494 REVUB d'alsàcb.

Lorsqu'il voit ces médailles de victoire et ces monnaies obsidionales , lorsqu'il lit le récit de ces grandes guerres dont Landau était , en quelque sorte Tenjeu , enjeu gagné au prix de tant de sang » que le Français se sent au fond du cœur un généreux regret en pensant qu'aujourd'hui Landau n'est plus à la France !

Pendant la guerre de i/55 pour la réintégration du roi de Pologne Stanislas , qui , après sa première expulsion de Pologne , avait été reçu à Landau » cette ville ne fut pas menacée » mais cet avant-poste de l'Alsace eut bientôt à faire preuve d'un courageux dévouement.

Ce fut lors de cette campagne de 1744 le duc Charles de Lorraine , après avoir fait passer le Rhin à son armée et forcé la ligne de la Queicb » naalgré le corps allié aux ordres du comte de Seckendorf, envahit l'Alsace à la tête de ces 60,000 Hongrois et Croates dont les pillages et les dévastations ont fait appeler cette guerre la guerre des pandours. Grâce aux remparts créés par Vauban et au peu de solidité des pandours devant des batteries de canon , la place fut seulement, à cette époque, exposée à ua blocas. Ce blocus ne futpiéme pas très-long, car le maréchal de Coigny. imitant les manœuvres du comte du Bourg pendant la campagne de 1709, ne tarda pas à rejeter les Autrichiens et les Croates du prince Charles au-delà du Rhin. Mais de ce blocus date, eo quelque sorte, le patriotisme français des habitants de Landau. Jusqu'alors ils étaient restés plus ou moins neutres entre les belligérants , et le regret de leur ancienne Indépendance locale les avait laissés presqu'indifférents entre les prétentions opposées des Autrichiens et des Français , pré* tentions également hostiles à cette indépendance. Pour cette fois ils n'hésitèrent plus , ils coururent en aide à la garnison française , se formèrent en corps de milice et contribuèrent à maintenir sur leurs remparts le drapeau de la France. La défense de cette ville fut puis* samment aidée par les écluses et bâtardeaux établis en 1745 par ordre du maréchal de Saxe et qui permirent d'inonder les approches.

Pendant cette période la ville reçut l'organisation politique des autres cités de la décapole. Le roi lui laissa comme à ses neuf sœurs un simulacre d'indépendance. Les bourguemestres et le sénat conti- nuèrent à être élus par les tribus et par les délégués des tribus, fls purent encore administrer ou paraître administrer la fortune muni- cipale, mais tout pouvoir politique leur fut enlevé et ils furent mis en

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TILLES LDRES ET IMFÉIUALBS W L'AMCIENNE ALSACE. 495

tutèle SOUS an délégaé du pouvoir royal revécu ou affublé du [titre romain et trop pompeux de préteur.

Grâce à cette ère de paix et de prospérité , Landau put à loisir se consoler d'avoir perdu son autonomie en prenant sa part des derniers éléments de vie facile et commode qu'offrait encore la monarchie* Son commerce se développa aisément, grâce au voisinage de la frontière et à la protection du roi de France. Les charges de la ville étaient peu nombreuses, car c'était toujours à peu près l'organisation financière d'avant la réunion , seulement l'impôt se payait aux offi- ciers du fisc français. Ces contributions étaient la capUation, le vingtième, et le 'droit d*indu$tne; la caisse municipare faisait l'avance des fonds sauf à se récupérer sur les habitants par l'entremise de son receveur des rentes. Ce mode avait l'avantage de ne point faire peser sur les contribuables l'action du fisc central , et le receveur de la ville» n'étant pas soumis à la pression des fermiers généraux , pouvait de concert avec le magistrat laisser une assez grande latitude pour les payements. On ne saurait douter que cette apparente mansuétude du fisc royal contribua beaucoup à populariser dans les anciennes villes impériales d'Alsace la vieille monarchie française. Aussi , lorsque les mauvais jours vinrent pour cette monarchie , les anciennes villes impériales devenues royales lui fournirent-elles un assez grand nombre d'amis plus dévoués et plus courageux que puissants » il est vrai , mais qui auraient pu lui venir en aide plus utilement si à cette époque l'ancien régime ne se fût pour ainsi dire abandonné luf-méme.

Ce fut aussi pendant cette période que la religion catholique reprit , non la suprématie à Landau , mais une position d'égalité avec le culte protestant. La garnison française et les divers emplois à la nomination royale ou ministérielle n'avaient pas tardé à ramener dans la ville un grand nombre de catholiques. Plusieurs s'y fixèrent et augmentèrent Télénient catholique au sein de la population qui compta bientôt aussi un grand nombre d'artisans catholiques. Il fallut donc songer à donner plus d'extension à l'exercice du culte catholique à Landau , et les capucins furent autorisés à y établir un couvent en 4740 (^).

Dès le quatorzième siècle la ville avait eu des béguines et en 4508 le magistrat les avait autorisées à se vouer au soin des malades (^.

(«) ScHozPFLiN , Landau. (*) Ibidem.

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486 BBYOS D*iJiSA€B.

Hais la réformatioD ne tarda pas , sinon à les forcer, au moins à les délermioer à quitter la ^ille. Cependant il ne parait pas qu'on ait confisqué leurs biens ; par la suite d'autres religieuses y revinrent à l'époque française , se vouant comme leurs devancières à la sainte mission de sœurs de charité.

Après avoir pendant près -d'un siècle et demi vécu» combattu et prospéré sous le vieux drapeau blanc , Landau eut en 1793 sa noble part des dangers et des luttes qui inaugurèrent la gloire naissante du Jeune drapeau tricolore. Là, comme partout, la révolution avait déjà éveillé et déçu bien des espérances , trompé bien des dévouements , suscité bien de» troubles et fait couler bien des larmes , lorsque le canon de l'étranger vint rappeler Landau à son vaillant rôle de boule- vard de FAIsace sur la frontière du Palatinat. L'armée des coalisés , après la reddition de Mayence et la retraite des troupes françaises sur les lignes de Wissembourg, avait investi Landau dont la garnison réduite à un chiffre assez faible privée de plusieurs de ses chefs par l'émigration , et très-mal approvisionnée de vivres et de munitions « n'avait guères que ses baïonnettes et son Intrépidité à opposer à la puissante artillerie de l'ennemi. Dans cette circonstance encore Lan- dau se montra digne de son passé , digne de ses belles défenses de 1702 et de 1704. Et mieux qu'alors les habitants de Landau surent &ire cause commune avec la garnison » car , depuis plusieurs généra- tions» ils étaient français. Aussi la garde nationale de Landau , ren- forcée par quelques volontaires slrasbourgeois » se montra-t-elle au niveau du patriotisme d'alors» et les bourgeois laissèrent stoïquement incendier leurs maisons par les bombes des Autrichiens et des Prussiens pour courir sur les remparts rivaliser de courage avec les soldats de la ligne.

Ce blocus et ce siège de 1793 offrent quelques-uns des traits caractéristiques de l'époque à laquelle l'histoire laissera pour toujours le titre si tragique de 93.

En effet, Landau n'est pas seulement menacé à cette époque parle feu de l'ennemi » mais par les divisions intestines.

Dès le 8 avril 1793 » le feld- maréchal Wurmser avait fait sommer de se rendre l'adjudant-général Gilot qui, sous les ordres du général Beauharnais , commandait provisoirement la place de Laudau. Cette première sommation étant restée sans effet et même sans réponse, le feld-maréchal envoya un oflScier au général Beauharnais pour lui

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VILLES L1BRB8 ET IWÉIUALES DE L'aSCIENNB ALSACE. 497

représenter que Landau dépourvu de vivres , de munitions et de soldats, ' ne pouvait tenir, que la place ne pouvait éire secourue par les troupes sous ses ordres trop Taibles pour livrer bsuaillc à l'aruiée austro-prussienne , et que , pour éviter une effusion de san^ inutile, il valail mieux auioriser Gilot à faire une cnpiiulation honorable.

Dîtes à voire cher, ri^pond Beaiiharnais à Taide-de-canip auirichion, que Landau ne se rendra pas , et que n'eus.«^é-je plus qu'un seul gre- nadier et une seule cartouche , j'irai au secoui*s de la place !

Le brave et infortuné Beauharnais Teùi fait comme il Tavnît dit , mais dénoncé par les terroristes , qui ne pouvaient lui pardonmr ni son origine et ses formes arislocrutîques , ni la modération de ses opinions, ni l'attachement de ses soldats, il fut peu après enlevé à l'armée , mandé devant le comité de Salut public , et le 25 juillet 1793 , cinq jours avant la chute de KulN^spierrc , il dut aller expier sur l'érhafaud de la révolution l'Iionneur d'avoir été l'un des premiers et des plus chevaleresques rhcfs de ces vaillantes phalanges dont la gloire allait bientôt s'identifier avec celle de sa famille.

Nouvelle sommation au nom du roi de Prtisse adressée le 7 mai 1793 à Marie-Joseph Laubadère, uppeb' au commandement su|)rri<*ur de Landau. Il répond comme Beauharuais. Le blocus durait dôjù depuis un mois et la famine cominençaii à se fairp sentir. C«'S priva- tions aigrissaient les esprits , on accusait la parcimonie du gênrrul qui se gardait de laisser trop vile épuiser les ré&erves des magasins ; on alla même bientôt à accuser son patriotisme , et les membres lies clubs criaient qu'il voulait laisser mourir de faim les patriotes. Le représentant du peuple Denzel se fait riuteriiréte de ces murmures ; il somme le chef militaire de prendre des mesures plus révoliaion- oaires pour pugmenter les rations , de faire fouiller les maious des suspects, et enlever les sacs de grains qu'elles recèlent sans doute; il lui dit que le blocus ne peut durer longtemps , que la nation ne sau* rait tarder à délivrer Landau , et que , par conséqttent , c'est une trahison que de garder en magasin des vivres nécessaires ù la nour- riture quotidienne du peuple.

Laubadère répondait vainement que le blocus pouvait durer très- longtemps; que la nation avait trop d'ennemis sur les bi*as pour accourir de sitôt en masse au secours de Landau ; que les faniillcs des pauvres suspects an étés par ordre de Denzel avaient d< a.^scz de peine à vivre ; que les patriotes des clubs devaient savoir comme

9*i

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498 UtUB ifMLUCÈ.

ses soldats ji'ûner et mourir pour la patrie ; que si l*oa ^puittaît eu un jour les bibles réserves des magasins , on serait réduit à se manger vifs le lendemain et que , déiei miné comme il Téiaii à ne Jamais rendre la place, il voulait en les diminuant allonger autaut que possible les rations.

Ces diseussions s'envenimaient de plus en plus; Denzel avait d*abord eu pour auxiliaire l'adjudani-général Delmasdont la lK>nillunle ardeur accusait les mesures trop méthodiques de Laubadère ; mats bientôt il s'était rallié au commandant supérieur et deux camps presqn'aussi hostiles enir'eux que les assiégeants et les assiégés s'étaient formés dans la ville. L'un , le camp militaire ou le parti militaire avait pour cbefk Laubadère et Delmas » et ralliait ù lui la majetire partie de la garde nationale ; l'autre était recruté surtout d'individus étrangers à la ville» venus à la suite de l'armée et restés sans emploi , ainsi que d'un certain nombre de réfugiés du Palaiinat , du Liixembciurg et du duché de Deux-Ponts qui s'étairnt compromis par des démonstrations révolutionnaires pendant l'occupation de leur pays par les troupes républicaines, et qui » obligés de s'expatrier par suite de la retraite des Français , remplissaient Landau de leurs plaintes , de leur exaU tation et de leurs terreurs. Ce dernier parti avait pour chef le repré- sentant Denzel , originaire du Palatinat , et que ses adversaires accu« saient de n'avoir embrassé la cause de la révolution que pour pécher en eau trouble.

Les choses en vinrent au point que Ton allait se battre entre assié- gés en présence des assiégants. Denzel ne se lassait pas de dénon(*er comme ennemi du peuple et comme traître à la patrie le chef des défenseurs de L.andau ; il veut même le déclarer hors la loi et d»jà un complot est formé pour s'assurer de sa personne. Mais celui-ci en prévient l'exécution et fait mettre Denzel aux arréu.

Cette espèce de coup d'Etat ne laisse pas cependant que de mon* ter encore davantage les esprits , quelques militaires même et une partie de la garde nationale hésitent à se rendre complices d'une arrestation que la Convention nationale pourrait punir avec la rigueur ordinaire. On se rassemble, on demande la mise en liberté du repré~ sentant du peuple. Par bonheur» en ce moment , l'ennemi , instruit par les espions de ce qui se passe dans la ville, croit le moment venu d'attaquer. Le général s'écrie aussitôt que c'est aux remparts qu'il faut aller et non pas & la maison de Denzel. Il se met à la tête des ses sot

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Villes libres et impériales de l'ancienne alsacb. 4Ô9

dats , attire dans leurs rangs quelques-uns des plus exaltés d'entre les émpuliers , fait une sortie et repousse les Prussiens.

Tant d*énergie de la part du cher parvint enfui à remettre un peu d'ordre dans la ville toujours étroitement bloquée. Ce blocus, resserré davantage encore a partir du f août, ne lasse pas fins letutirnge des bourgeois que celui de la garnison. A mesure qu*îl se prolonge chacun est conduit à rcconnaiue coiiibicn le général a agi prudcuunfnt en économisant les provisions. A défaut de viandes rraiclics on se Douitissaii gairinenl de farinagcs et de quelques salaisons, ou appai- saii sa faim en buvant de l't au. Le vin avait ac(iuis un prix, fabuleux , et dans les cabaiets on veu'iait de la déiiemi e de bois ou de \ieux cuir pour de la bieire. De fnquentes sorties toujours heureuses ranimèreul le moi al , c'était ù qui ferait le coup du fusil contre les Autrichiens et les Prussiens.'

Les femmes même s'en mêlaient ; Landau pondant son long inves- tissement du printemps de n95 à fui décembre, blocus devenu siège vers la fin, a pu contpter >iiion une Jeanne d'Arc au moins plus d'une intrépide amazone. Indépeuitammeni d<'S femmes qui se dévouaient , couformément à Tiusiiurt de leur sexe, pour soigner les malades et les blessés il en élait qui ue rraiguaient pas d'aiïroirier les balles et d'accompagner le^ soldats dans les sorties. L'une d'elles fut prise par les Prussiens dans une de ces sorties et reconnue malgré SQD travestissement en garde national. Conduite devant le roi de Prusse qui venait depuis peu d'arriver au camp , elle fut battue de verges par ordie du monaïque, ahu d'apprendre aux autres feuunes , s'écria te successeur du grand Frédéric , ù ne plus méconnaître les convenances de leur sexe (^). Cet exemple , lo n d'eiïrayrr les jeunes guerrières de Landau , les exaspi ra ; il y eut comme une gageure ù qui monterait sur les remparts pour faire le coup de fusil. Sur ces remparts » elles couraient s'exposer si follement , elles risqu:iient bien de recevoir la moit, mais non plus d'être battues de verges. Parmi les plus audacieuses se faisait surtout remarquer une jeune fille née à Lsmdau son père , ancien soldai du régiment de Béarn , s'était fixé. Mlle irélail pas moins ardente révolutionnairo . qu'intrépide soldat , et dans l'émeuie pour la mise en liberté du repré« sentant Denzel on ne Tavail que trop remarquée. Uè^ que la généi*ale

(*) âcs£RMAn:« et BiasBAUH , page 318.

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500 RSVIJS D*ALSàCB.

était battne dans la ville ou dès qu'un coup de canon se faisah entendre sur les remparts elle courait aux armes. On disait que c'était pour venger son amant ou son fiancé qui avait été tué dans un des premiers engagements. Loin de se cacher, comme ses compagnes, sous l'habit de soldat , elle se montrait au premier rang vêtue en montagnarde « comme on disait alors , c'est-à-dire » avec le jii|Hm court et un large casaquin ou carmagnole. Sa coiflure était le bonnet rouge auquel se fixait la cocarde nationale. Dès qu'elle voyait l'ennemi elle le provoquait par ses bravades et les balles pteuvaieni ausbiiôt autour d'elle. Enfin l'un de ces projectiles l'atieignit et l'enthotisiasle Maiîanne mourut en soldat sur le champ de bataille.

Dans les premiers mois» l'ennemi n'ayant que de Tartillerie de cam- pagne , les édiGces de la ville n'avaient giières eu à soulTrir que de quelques boulets perdus. Mais après que les lignes de Wissembouiig eurent été forcées, le 43 octobre* les opérations du siège commen- cèrent » et les bombes firent d'assez grands ravages dans la ville. Cependant , le feu de la place fut si vif que l'ennemi dut suspendre l'attaque. Elle reprit de plus belle le ^ octobre , à trois heures du matin , et le bombardement continua sans interruption jusqu'au 29 octobre à onze heures du soir. Des incendies éclatèrent dans tous les quartiers de la ville et détruisirent les magasins d'approvisionnement et d'effets militaires. Les archives de l'hôpital et avec elles la chronique de Jacques Marzolph furent brûlés » des bourgeois » des femmes , 4^ enfants furent frappés par les éclats de bombes jusques dans leurs caves. Puis» le 50 et le 31 octobre encore deux bombardements, moins actifii toutefois, et quise taisent enfindanslanuiiduSloctobreaul'' novembre. Plus de 30.000 bombes et boulets ont, dit-on , été tirés par l'ennemi pendant ces attaques et les munitions paraissent lui manquer pour coutinuer. En outre , le but de l'ennemi n'a pu être atteint ; Lauba* dère , toujours debout sur les remparts , n'a pas permis aux paral- lèles d'avancer. Une vigoureuse sortie achève d'arrêter les travaux de siège , et le général prussien Knobelsdorf, qui a remplacé devant Landau le felJ-maréchal Wurniser, est de nouveau réduit à se borner à bloquer l'invincible forteresse.

Ne pouvant réussir par le feu , l'ennemi alors a recours à l'élément opposé , et ne pouvant plus brûler la ville il tente de la noyer. Ce plan diabolique aurait été suggéré au feld - maréchal Wurmser»

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yniUSS UBRBS BT OfPÉRIÀLBS M L*AlfCIBllIIB ALSACE. SOI

d'abord » pnU , an général Knobelsdorf par on nommé TraUteur 0) , de Heldelberg. H ne s'agit de rien moins que de barrer le cours de la Qiieich au sortir de Landau pour contraindre les eaux à reOuer Vf rs la ville, rinonder et se transformer au pied des imprenables remparts en autaut de mines ou d'attaques ù la sape . Mais Laubudère fait exé* cuter des contre-travaux; l'eau repoussée vers la ville se répand »ur les glacis et ne sert qu'à couvrir davantage les approches de la plaee. Enfin , puisque tout est inutile contre Landau » le fer et la famine , l'eau et le feu » le général ennemi essaye un dernier moyen : il veut négocier et lâcher de faire ouvrir de gré ces portes qu*il n*a pu forcer. Avant la révolution M. deLaubadère, déjù chevalier de St.-Louis , était capitaine du génie attaché à IVtat-major de cette arme à Stras* bourg. Il avait eu l'occasion d'y rencontrer M. le prince de Hohen* lohe alors colonel d'un régiment allemand au service de France. Ce prince qui a émigré et qui lommande un corps de l'armée prussienne « a déj:\ une fuis, depuis l'investissement de Landau et pour obéir à un sentiment de courtoisie chevaleresque » fait parvenir par les vedettes ses compliments à M. de Laubadère. Une lettre » soie écrite par le prince, soit supposée venir de sa part, est donc remise par un parle* mentaire au commandant républicain de Landau. Dans cette lettre , api*ès les félicitations d'un ancien frère d'armes pour sa belle défense, on exprime le regret que tant de bravoure et de talent soient dépen- sés pour une cause perdue, car, assure-l on, sur toutes les frontières les armées de la République sont battues , et , notamment , l'armée du Rhin , n;foulée jusques sur les glacis de Strasbourg , est dans l'impossibilité de dégager ou de ravitailler Landau. Ne vaut-il pas mieux évacuer la ville pour aller rejoindre cette armée que s'obstiner à défendre des murs , lurs mémequ'un nouveausiègeresteraltencore sans résultat , il tiudrait finir par mourir de faim ?

Lanbadère n'était pas homme à se payer de cette monnaie, il fit one réponse polie mais dont chaque phrase disait : c Landau ne se rendra pai I i Et cette réponse il la renouvela encore deux fois le prince royal de Prusse et le général Knobelsdorf l'ayant à deux reprises encore fait sommer de capituler (<). L. Letrault.

(La fin à la prochaine livraison.)

{*) Bin?mACM , page 364.

('} UMdem , ptge 532 (preuves).

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LISTE

PCS VILLAGES DÉTRUITS AINSI QUE DES NOMS DE VILUCES DISPARUS, DANS LA HAUTE- ALSACE.

Srhœpflîn a donnô , dan^ YAhnifa Uhixtrata . une liste des vîlta£:es dôtniiis (le notre province : V. tome il , p. 3.VJ de lu induction de Ravenôz. Celle liste «si devenue tncotnplèie pir snîie des travaux liisioiiqiios pnMiés depuis cet :uiienr. Nous allons lâcher de la mettre au niveau di>s connaissances actuelles, pour ce qui concerne la Haute* Alsace et le Siind^au.

S. (h AiUihhehn , près d'Ensîshcim , est compris dans la b«)nliea6 de celle ville (Scliœpnin , lor. cil.). M. Meriklen , diinn son hisioire tTEnshlieiin , I, 156, app( Ile ce villa^^e Adolheim ou linvoUhàm.

S. AhchwilU'r et AlmtztvUler, Au 15* siècle, ces deux villai,'es sont citôs comme formant deux paroisses du déc:inal vUm colles Otionis. (Tronîllal , Momnwnts de lliisiohc de Vanckn cvêché de Bâle , I , p. Lxxvii). L*oi'iho{;raptiedcsdenX noms s*esi constamment maintenue di>lincie , de sorte qu'il s'agit bien de deux villages, quoique Ton ne sache plus ce que le second e>t devenu , ni il était situé. Quant au premier, on sait, pnr RtM'ler, qu'il a éié détruit, au 14* siècle, | ar les Anglais , et qni> les habitams se rériigi(*'reni a Sutltz. La butte de Sl.-Ge>»i'ges , situé au canton dit OiNchwillerburg , corruption d'Alsi h\villerbui*g , a un kilomètre de Soullz , indique encore rem- placement de ce dernii-r village.

ANchwiller. au I3>îe(l0s sVcrîvah Aliswilre (Schœpnin-Ravenèz » ÎV , 200) et , ai'Ienis , Al>wilre . en I2G8.

AIraizwiller. A l.i même époque, s'écriv.ih Aîricldswîlrc (ibîd. , îV, 200) et AIriaWilre , d a|ircs un règlemeiil colongcr d'issjuheiiu de 1382.

S. Altenhrhn , près de Zeîlenberg. Détruit an commencement du K* sièeîe Le territoîie en a été partagé entre Urblenheim et Zetlen-

(*) Nous ferons précéder de la lettre S le» noms cités par Schopflin.

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LIfTB DBS TfU^AGBS DttmnTS, BTC. 069

berg : entendant » les babilants en ont été , ponr la plupart , trans- portas 6 Zelleiiberg (ibid., IY« 190 et S63). Du temps de Scbœpflin on voyait encore la fonlaine, indice d'anciennes habitations, -^ Un renouvellement des renies de la cour franche de Zellenberg , de i568 , «ppellece teriitoire c le ban commun. »

Bemhamen. Berinbuson est cité entre Rubunlewa et Mietersbeim » sur les confins de la Hart, dans un titre de 1004 (ibid., iv, 98). Dans un autre tiire de i040, cet endroit est appelé Bembuson. (Trouillat, J, I6S).

S. ff/r/er/m]}^, entre Ober-etNiederhergheim. (Scbœpflin-Ravenèi « V, 3S9). Au 14* siècle, Tabbesse d*Crsieîn y possédait une cour colon* gère.

S. Blrlingen . près de Cernay. Du temps de Scbœpflin il y avait encore une église et deux habitations (ibtd., iv» i&iu 11 y avait autrefois un prieuré et un pèlerinage. La statue miraculeuse de la Vierge, qui s'y trouvait, est aujourd'hui à l'église paroissiale de Cernay.

S* Binen^ près de Huningue, sur l'emplacement de S.-Louis, (ibtd., V , 359). Cité sur l'autorité de la topographie d'Ichtersheim.

Bleyenhem , près de GundoUbeim. Dans un cartulaire de Tabbaye de Murbach (archives du département du Haut-lthin) on trouve » ù la date de 1453« des noms tels que c in Blûenhein velde^ zuo Btuenhin, vff dm Blûwenhein weg, » Un titre de la colonge de Gundolhbeim , de 1551, porte: t zwiêchenl GundeUxhin und Btûwenhin bann, > (mêmes archives).

BlidoUheitn , près de Bantz^nheim. L'état des rentes et revenus de la maison d'Auiiiche, dressé en 1303, par Bourcart de Frick (mêmes archives) cite ensemble : die zwei dœrfer %e BUdulezhein vnn ze Banunhein.

S. BUemwiUer. L'emplacement de ce village, près de la route entre &>lmar et S^-Croiien-plaine , est encoe connu sous le nom de Blieêchwihr. Oa y voit une grande quantité de tuiles. La iradiiion rap|>orie qu'il s'y trouvait un couvent de fcnmes : on croit encore entendre quelquefois leurs voix dans le silence de la nuit.

D'après Schœpflin ce village aurait péri pendant la guerre des Armagnacs, au 15* siècle, et le t»*rritoii*e en aurait i^té réuni , en partie, àcelui deSundhofTen. (Schœpflin-Ravenèz, iv, i81 etSiO).

S. Bmgwrun. * Dans le Sundgau (ibid., v, 339). Le Baamnhof,

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i(04 REVUE D'aUKX.

-- contracté de Bmgarthof, sur le territoire de Riespach , en efC le reste.

Bnmen^ pr^s de Broni^Uilt. 15* Mècle, paroisse du dfcanat haef colleff. iTi-otiUlat, i, p. LXxx). U'ic croix « dite Rurnenkreuz , seiroofe à ronilroit oii élaii sîuié ce villaj^e. Cette croix remplace elle-méim une chapelle démolie pendant la révolution. Tout près delà sourd la fontaine dite Burnonbrnnnen.

Bnnik'trch. Le clocher et une chapelle existent encore près d'Ill« fnrih. Cité , au 15* siècle , cooime paroisse du décanat du Suodg^. (Ibid., I . p. LXXVIX).

Bimincoiiri. Un litre de 1 186 signale une église de ButiheoH qui , d*après des indications postérieures ajoutées sur le titre méme^ doit être la ni^^me que celle de Habsheim. (Trouillat, i, 403). H. Troaillat Bupfiose que c*e>t le nom français de Uabsbeim. Peut-être est-ce celui d'un ancien village détruit.

Buicuheim, près de Hombourg. Cité» au l-V siècle, ooaime paroisse du décanat cltra BUeniun. (Troutllat « i p. LXXViii).

S. Deckwitlcr^ anciennement Dechunwilre. Près d'Oeleoberg , dans le Sundgan. (SchœpOin-ltavf nèz , v , 559).

Un urbaire de 1581 (archives du Haut Uhin» fonds Mazarin) porte» page 122, c dht Dorf Bemwgen hal aber dritthalben bann^ al» Reinm^ gen vnd /hrkhenwcijler bnnn gnr^ und fltm^en bnnn tehier haib. »

S. Demhehn , près de Colmar. Autrefois Deigenheim ou Theigenheim. Ac(|uis en 1319 « par la ville de C'dmar, il y fut transporté peu après en raison dosnoml)rense^ déprédations auxquelles lf>s habitants étaient exposés. (Scliœi»nin-l\jvencz » iv» 175). 11 y a encore à Colmar un faubourg de Deinheim.

S. OintjMhem^ près lie S^ Croix-en-plaine. Autrefois Tûngensheim. A péri au 15* siècle/ pendant la guerre des Armargnacs : le territoire en a rié réuni a celui de S'^-Croix. (Schœpflin-Ravenèz, iv, 219ï. Il en e:it resté uue chapelle et une niai^^ou d'hennito jusqu'à la révolution. Un tertre peu étendu » à Teodroit dit Dinzenplon , en ludique encore remplacement.

S. Dùnen-Loglenhcim : entre Coîmar et Tûrckhelm. A péri dans la g/ierre de trente ans (ibiil., iv. 278). Ce village dépendait du b^illage de Wiiu'-aii-Val . seigneurie de Ribeaupierre.

S. Edenburg^ près Je Riesh/im. Ce vilhige a été d»*truit pendant le siège de Biûuch » eu iCL8. Les titres Tappelleut Œden-Burckbeim.

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LISTE DES VILUGBS DÉTRUITS , ETC. S05

(Ibid., V , 3S9). Au 18* siècle, Œdenburgheim était encore cité comme paroisse da décanat citra Rhenum. (Trouillat , i , p. Lxxviii).

S. EUenwUler, près de Ribeauvillé. EleDwIller élait voisin de Reg« genbausen » autre village détruit , mais plus rapproché de la ville. N'a disparu complètement qu*à la An du i6« siècle. Un couvent de dominicains » sis dans le village » a péri en même iempA que lui. (ScbœpOin-Ravenèz , iv , 263),

S. EnwiUer. cité comme ch&teau avec un bourg , entre Scbweig- bausenetMichelbach (ibid., iv» iH). En 1187» Anuwlrre. (AU. dipL, 1,286.)

S. Brhsheim : entre Cernay et Aspar*h-le-Hant. SchœpOin dit qu*il en reste une ferme et une chapelle. Les habitants ont se transplanter i Tbann, vers 1544. (SchœpOin-Ra venez, iv, 103: v, 360).

Erbsbeim est nommé Arabaahaîm , dans un tiire de 784 (AU. dipL, 1 , 53). A cette occasion , Schœpflin désigne ce li^u comme villa hicena ; cependant Tidendité des deux noms parait évidente. Un autre titre de 1187 écrit ce nom Berbheim. (Ibid., i , 286).

EMchehzheim. Eschoitzhein est cité dans deux titres, de 1273 et de i278. (Trouillat , Il , 235 6t 264). Il s'agit d'un village qui est aujour- d'hui réuni à celui de Rixheim et non d*Eichentzwiller comme le suppose M. Trouillat.

S. Emuiller, près de Schlierbach. Suivant Schœpflin, ce nom s'écrivait EUweiler et figurait dans la seigneurie de Lnndser. (Schœpflin* Ravenèz, v, 360). Suivant Bourcart de Frick 1303, il s'écrivait Emwilr.

Feldkirch, près de Wettolsheim. Au 18« siècle, paroisse du décanat ttbra collet Otionii. (Trouillat , i , p. Lxxvi). L'église était dédiée à St.-Fridolin et le but d'un pèlerinage fréquenté , lequel fut transféré en 1780 dans le village de Wettolsheim.

S. Genchwiller^ près de Pfetterhausen. Il en restait une chapelle du temps de Schœpflin. (Schœpflin-Ravenèz, v, 360).

Ginperg^ près de SouUzbach. Etait aussi appelé Gei»perg, Cité, au 15* siècle 9 comme église paroissiale du àèc*ùnvtl ullra collet Ouonis. (Trouillat, i, p. lxxvi). Un urbaire de 1441, de la seigneurie de . Ribeaupierre (archives du Haut-Rhin) , décrit ainsi le ban de Girsperg : c Girgperg izwing und ban zu beiden Sbsscn gehœrende hebel an , an dem Mûmler wege , der da gai hinab zwÎMchent dem Klemettelin vni dem tchûchfer acker vnd zûhei den onlechl wegk (l'Erschlecht actuel de Wintzenbeim) Un jn vnu an den Bergk , vnd zûheî vnder dem Berge

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tôt BBVUR D^AUACS.

den wfffk kinjn vnt9 an dh grotUetffe vnd die grouVe/f vffaUder tm imilzel vnU an den bolutt mnffen »nd d'us une nnùlii vff deia graie herabe vniz an den ntargsteijn der zwischent fVihr, SuUzbach vnd Girsperg HaL i

Grenzarh. Cilé en 4503 , par Bourcari de Frick » comme faisaol partie de la maii ie de Srppois.

GuizwUler. Déli'uii vers la fin rlii 16* siècle et réuni à Kœtzingeo« (BaqiiuL Diction, d* Alsace, p. i90). CM sous les formes de Giiez- wilre , eu i 146 el de Cruzwilre » en 11S3, par Trouillal» dans le i*^ toi. de ses Htunumenis.

IJammerâiadi , près de Rumersheim. Au 15* siècle, paroisse da décaiial dira Rhennm. (Trouillal i , p. Lixvni). Est appelé Huma* ristad, dans un titre de 750 (AUal. dipL, i, 13).

Banensiein. Hôwenstein esi cité, au 15' siècle* comme paroisse du déc^nal citra colles Oiloiiis, enti*e Gueberscliwihr ei HatUiatU (Trouillai , i p. Lxxvii). C'est encore le nom d'un canton rural à Gufberscbwihr.

S. llausen, près de Schwefghaasen^ dans le Sundgan. A péri avant 1468. (Schœpflin-Kuvenèz, iv, 111). V. le mot Dm-kwiller.

S. Uahenkirch, près de Sierentz. (Ibid., v. 5GU). L'églice, qui ôtatt d* tuée prèsd*une ancienne route romaine, n*a été démolie que depuis pou.

S. Ktizenivciler, près d*Ammei*scbwibr. (Ibid.) Etait aussi appelé Katzenbach. A été réuni à Atnmerscbwibr. (Ibid., iv, 250).

S. Kaizwangen. S'e^t confondu avec Bennwibr au commoncement du 13* siècle. Il re&te de ce vilkign une cliapeUe dite de ^ aiut-Sévèrin, Tulgairement appelé Sam- Griniuien. (Scliœpfliu-ltavenèz^ iv , 275). Au 15* siècle, Katzwangcu était euc(»re cit«^ comme paroisse du décatiat ultra colles Ottonis, (Trouiliat, i , p. LXXVI).

Kippitigen. Ancien village dé:ruil dans le ban de Brinighoflien ; son emplacement est encore marqué par un puits qui existe dans les champs, non loin du moulin. (

Kdchhelnu 1305, Baurcart de Frick cite, parmi les localités de la Haute-Alsace, un Kilchheim, lequel devait être sitné de ce côté -ci du Rhin, vis-a-vts du Kirchen bailois, est aujourd'hui l.i Itosfnau. Voici ce qu'il on dit : c Der selbc hnfhal twvh XX Vjuchrri holizes , vu 1 zid v[ di'm Kine ze Kilvlicn..., dvr selb ho[ hni mit dem doifnichi ze schn fende ^ wanl er hai wn vn weide holtz vn vfli, »

Krispingeu. Au Id* siècle, pai*uisso du dccanat du Suodgan*

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LISTE DES YIIX40E8 OtTRCITS . ETC. SOI

(TroaHIat, i. p. uxvix). Cost ranciett nom de la partie du villsge de Walheim qui est siiuée sur la route*

Leberatiwiller, Au 15'' siècle, fiaroisse du di^canai inUr Colles. (Ibid.^ p. LXxxvu). La chapelle diie de Sl.-Murc» près de lliedi^beim , indique encore remplacement de ce village; des restes de conslrunioû y ont été trouvés à différenies époques , et le chemin qui y conduit s'appelle Leibersche-Gasse. La chapelle a été démolie en 4857.

S. Lengenberg. Au 15' siècle « paroisse du di^canat uUra collc$ Ouonis. (Ibid., i » lxxvi). C'est encore le nom d'une ferme au-dessus de VœgtlinshoOen.

Lilengelida. Aujourd'hui Holizvihr. Ce nom se trouve cité dans un titi*e de 7^8 (AU. J/p/.. 8). Dans un autre Itire de 760 (ibid.. i 36) il est dit : Lielisme, qiue voeaiur BeloUowilare-lIffUzwihr. Il s'agît dans les deux titres de donations eu faveur de Tabbayc de Murbach*

Les variations que l'horthograpbe des noms a subies au moyen-Age » les racourcissements surtout que beaucoup de noms ont éprouvés en se rapprochant des temps modernes « sont connus de tous ceux qui se sont occupés de ce sujet. Ainsi, nous voyons que Holnldowildre devient UoltEwibr ; nous savons aussi que Monisensisheim esi devenu Uunlzf^nheim et nous verrons par l'article suivant que Lunari&kil(*be di'vient Liliskilcke. En disant donc que LUentdida est Lieimne , nous ne croyons pas être loin de la vérité. Et , certes , la différence n'est pas si grande que celle qui se remarque entre l'antique Joahbagine et le moderne Hochbûbn. Joahbagine n'a pjs pu être détermina par Schœpflin fAls. dipl., i , 30) , tellement la coniexture de ce mot lui paraissait éloigné de celle de Hochbûhn , et cependant « Hochbuhn est siué à proximité de l'abbaye de H«mau , en faveur de laquelle le titre était délivi*é. Ce n'est que Mone qui a fait récemment ce rappro* obement (Zeitschrîfl fur die GeMchirhie dés Oberrhehn , m , t50).

Lfinamkilche. Aujourd'hui St.- Biaise , près de Linsdorf. Un titre de 1139 cite la paroisse de Lnnamkdche avec l'église et les dîmes. (Trouillat , l , 277). Uu volume de Reyhfratnra dociinieniomm ceconomœ Lucellemis in AUada , de 178 1 , cite UUxkit ch ou Lini-hstorf » à la date de 1316-1341. Autre part il y est dit : fit Banno villas de Ldiikirch.

Linden. Faisait partie de la mairie de Faickwiller. (Si'hœpllin* Ravenèz, iv , 109). L'urkiire général Ju comté de Thaun » de 1581 » nomme Lindçn aprè^ Guewenatten.

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608 mvm d'alsàgb.

S. Machtobheim. Bonrcart de Frick cUe ce village en 1S03. Au 18» siècle c'était encore une fiaroisse du décanat cUra colles Oitonu. (Trouillat » i « p. Lxsvn). Scliœpniu « qui appelle ce vilLige Marckols- beim , dit (|u'il s*est depuis longtemps Tondu duns Ja ville d'Ensisheim » qui en possède la banlieue. (Schœpflin-Havenèz^ t, 361). V. aussi Mercklen « Huîoire d'Ensisheini i , 156.

Uan. Au 15* siècle paroisse du décanat ultra eoUes OUtmii. (Trouillat , p. Lxxvi). Ciié après L«Migcriberg.

S. Mauchenhem, près d*Arizenheini, sur la route du déparlement. Schœpflin dit à tort vers Baldeiib^iin (Schoepllin-Uavenèz, v, 561).

S. Mendelack. Dans le baillage d'Alikirch , près de St.-Luckar. (Ibid., V, 361). Cité entre les noms de Willer et Bongarten. (Ibid.» iv, 9â).

S. Meriheim. Dans la seigneurie de Landser. A péri dans le 14* siècle. (Ibid., iv, 143 et v, 361).

Uetierdorf. Ciié, au 15* siècle* comme piiroisse du décanat du Sundgau, entre Ballersdorf et Sl.-Léger» prèsdeMiinspacb. (Trouillat»

I, p. LXXVIX).

S. Utyenhart , près de Dietwiller» auquel il a été réuni au 14* siècle. (SchœpOin«Ra venez, iv, 143).

S. Meijweijer ou Mi^ywilir. R'^uni à Ammersohwihr au 14* siècle. Aussi appelé Hinrenwilr ou Minrwilr. Au 15* siècle, Hinnwilr ttait une paroisse du décanat ultra colks Ottoiiis. (Trouillat » i « p. LXXVi).

Mktenhem ou Mûlersheim, près de Mûuclib luseu. Appelé Muothe« resbeim. dans un titre de 1004. (Schœiiflin-Ila venez, iv/J8). V. aussi Hercklen , Histoire (PEmishuim^ i, p. 13â et suiv.

Mfttelentzen. Au 15* siècle, paroisse du d(*canat citra colles Ollanis, entre Ober-ei Niederentzen. (Trouillat l p. i^x&vii). Le Uber marca* rum , cité par Trouillat , dit : médius Eystbeiu , Eystbein superior et Eystbein infetior.

S. Modenhcinu II existe encore une ferme de ce nom près d*Illzacb* Anciennement Matunheim.

MatzenwHler. Nom d'un canton rural près d'Eguisbeim , cité dans on urbaire de la collonge des Caiberiuettes de Colmar» en 1514. (Archives du Haut-Kbiu).

Trouillat, i, 279, cite un Muzwilare avant Dorrenbuson , autre village détruit près de Speclibacb-le-Haut , comme faisant partie » en 1139, des possessions de l'abbaye de Luc^^lle. Il est vrai qu'il reporte ce Muzwillare sur le Moutsevelier du val de Délémont ; mais rien ne

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USTB DES ^LUGBS DÉTRUITS , ETC. 809

pronve qne ce ne puisse aussi bien éire notre Muzen^viller. La termi- DSison wilter indique dans tous les cas un ancien lieu habile.

Obemdorff, Cité comme paroisse « au 15* siècle , du décanatm/er Colles , entre Hnbsheim et Eschenizigviller. (Trouillat , i, p. LXUl). La tradition , b Hubsbeim , confirme Texislence d'un ancien village.

S. OrzenwiUer, près de Tbann , cité entre Rammersmatt et Leira- bach. Les habitants ont éuiigrcr ù Thann , vers 13G1 (Scbœpflin* Ra venez, iv , i05).

Osthein , près d*lsenheim. Au 15« siècle , paroisse du décanat dira colles Oitonîs. (Trouillat , i , Lxxvii).

S. Oije, |<rès de Deiforl. Se trouvait entre Ch&tenois et Bermont et a été réuni à ce dernier. (Schœpflin-Ravenèz , iv » il?).

Pleni. Cité, en 1503, par Bourcart de Frick, comme faisant partie de la mairie de Seppois. •— Il existe à BIsel un canton du nom de BUnden.

S. Hegenhnusen. Entre Hunawihr et Zellenberg , sur le ban de Ri- beauviilé. Scbœpflin dit qu*au-de&80us de la ville il existe un canton du nom de Rogg<'nhauscn qui a toujours été distinct du b:in de Ribeauvillé , et qui montre encore les ruines d'une chapelle et d'un village détruit depuis plusieurs années (Schœ^flinRavenèz, iv, 2C2). Au 15* siècle, Regkenhusen était encore cité comme paroisse du décanat ullra colles Otumts. (Trouillat , l , lxxv).

Bol'ingen. Au 15* siècle, paroisse du décanat du Snndgau. (Ibid., l, p. Lxxvix). CVst la partie du village de Wulheim qui est situé à TEst de rill. Les hubitanis en portent encore le surnom de Dnthle.

Ruhunlewa. Cité dans une charte de 1004 , entre Ruochsheim et Bernliuson , sur les confins de la Hari. (Schœiiflin-Ravenèz» iv« 98; et Trouillat, i , 145). Il n'y a guères que le nom de de Rothleiblé, prés de Hirtzrelden , qui se rapproche un peu de ce mot. H. Trouillat croit que c'est Roggenliauscn.

Ruochsheim . Cil é sous la Terme erronée de Buonheim et Buocheiro dans destitrpsde1004et1040. ^Trouillat, i, 145 et 168). Un renouvellement des revenus de la Camerene de Muusier, en 1407, nomme un canton dans le ban de Biltzheim : c vf Rnocheshein weg, » BaquoI , p. 366 , dit que le village de Ruestenhart était appelé autrefois Rueschen ou Ruesen ; qu'il avait été détruit au 13« siècle et qu'il fut rebâti en 1692.

jRiiefij6rttnn. Au 15* siècle , paroisse du décanat du Sundgaa , dté

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510 REVUB D*AL8ACB.

entre St.-Léger, près de Carspach, et Urgitzen. (Trouillat , t , page

LXXVIX).

S. Si.'Uger, près de Hirlzbach , dans le Sundgau. (Schœpflin-Ra- Tenez, y, 362). An 15* siècle, paroisse du décanai du Sundgau. (Trouillal , i , Lxxvix).

Viilg:iiremenl appelé Si.-Clûcrker. Le Glûckerwald, forêt apparie- nant à la ville d'Alikirch , en a pris son nom.

S. Sappenhem, Entre Oitmarsheim el Buntzenhelm. A p(^ri avant 1594. (Schœpflin-Havcnèz, iv, 147 et v, 5B2). Est encore cité, au 15* siècle, comme paroisse du décannt cilra Rhenum. (Trcuillat , i, page Lxwni). Un canton rural appelé Sappenheimerrain indique Teuipla- cément de ce villa|;e.

Sarmenzn. Villa citée avant Réguisheim et Gnndolsheim , dans un titre dft 817 fAh. dipL, i , 66). Un autre titre de 1183 cite : c Capelia Sarmenzhe, i (Ibid., i , 278). Suivant M. Merckleu, Sermersheim était situé dans le Uoibleiblé , près d'Ensisbeim , et a été réuni en grande partie à Réguisheim. fHht. d*Emuheim , l , 136).

Schoppenw'hr ou Sbapen^vibr. Au 15* siècle, paroisse du décanat ultra colleg Oiionit. (Trouillat , i , p. LXXVt). Il reste aujourd'hui le châ* teau de Schop|>enw*ibr sur l«i banlieue d'Osiheira.

S. Sundheim, près de Rouiïacb. Il s*y trouvait une commanderie de l'ordre teutoniqne. (Scbœpflin-Ravenèz , iv , 205).

Tanwîller. Un urbaire de Murbach . de 1487, porte : hinder Tan^ wHer : vff den garten tanwyler : von huêe^ hojf, ichwm vnd yarlen zuo Tanwiler, Etait situé près de Souitzmatt.

S. Heni/iffm, près de Balgau. A péri avant 1394. (Schœpflin-Rave- nèz, 1 , 147). Il reste encore la chappelle de Thierhnrst.

Turnhnsen. .Village détruit , près de Spechbach-le-Hant (B'iquol , p. 407). Dorrenhusin est cité daus un titre de 1139. (Trouillat, i, 273).

S. ViwHler. Réuni à Reiningen avant 1300. (Schœpflin-Ravenèz,

IV, MO). Un règlement colonger de Bernwiller, de 1483, porte:

c ein Probsl (von OellenbergJ soli vnd mag den dinckho/f hallen vnd

' haben jn Vsweyler bann odcr sonsten allenihalben wo in de mexjer von

Sernwegler legen ist. i

S. ViUar4e-ser. Le territoire de Villar-le-sec appartient aujourd'hui au village de Châtenois. (Schœpflin-Ravenèz, iv , 117).

Wiclierebini. Cité dans le même titre que Lilenselida. (AU. dipl.,

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USTB DES VILUOES 0ÉTBUIT8 , ETC. 511

I, 8). Ne serait-ce pas Wickerfclivihr qui, jusqu'à ces dernières années , ne fonnail qu'une seule ci même commune avec Hohzwibr?

S. W'dler. Le village de Wilrr, siiuô près de KeiclK'nberg. banl eue de Bergheiui. a déjà péri depuis quelques siècles. (Schœpfliu-Uaveuèz» IV , 272).

Whiignizhnten. Un urbaire de labbaye de Marbach, de N3S, meiilioune un Wiuigoiziiusen-burnnen près d'Eguisheim ei de Vœgiliusb(»nen. Un uibairedclacoIougedesCalhenueUesde Colmar, à Egui»heim , mrniinnne ég:ilemeni uu Wynguitzhusen , veis Ober- niorschiivibr, on 1«oU. Un autre iirb.-iire de* la collonge dite Kaiscrs- dimklioir, au même lieu, i^orle Winrkiieisbuuszen , en i6G0-l788. Enfin, un titre de 1508 Tappclla Wyngelbusen. (Archives du Haut- Rbin). Serait ce Hûsseren ?

S. Woffenheim. Appelé anciennement Wnfcnhem. A pW , au 15» siècle, pendant la guerre d<'S Armagnacs. (Scbœpflin-ltavenèz, iv, 219). Une croix placée entre S'^'^Croix-en-plaine et Logleubeim indique encore l'emplacement de ce village. Une chapelle et un her- oiitage y ont existé jusqu'à la révolution.

Nous ajouterons une liste de nom» se terminant en wîller^ dorf, heîm ou hausen , indice certain d'anciens lieux h»bii<^s « muis pour lesquels nous n'avons pas d'autres renseignements. Ainsi nous trou« tons :

Butenw'Mer^ près de Guebwiller.

EmwHler, à Kurnhaupt-le-Haut.

GrnnivUler, près de Bisel.

UnjwiUer^ près de Seppnis«le-Bas*

Brckw'illtr, près de Bloubeim.

StyivUler, près de NiederliagenthaK

Mùnchendorff, près de Folgenspurg.

GHilheim , près de Hochslalt.

Kûhhusfn, près de Vœgilinshoflen. Kûncnhusen, en 1424, el Kûnhusen, en 1487.

ZnUhitâen , près de Soulizmatt , an 18' siècle.

Sant Michels ban , à Houssen , au t&* siècle.

Sant Stbaslkns ban , a Beblenbeim , au 16« siècle.

Chbistophorus.

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REVUE BIBLIOGRAPHIQUE.

LA NCMISHATIQUE EN 1857.

La numismatique a pris un tel développement depuis quelques années ; elle est devenue une des branches si importantes de Thistoire et de l*ai*chéologie que l'on ne nous saura pas mauvais gré . sans doute , de venir dire quelques mots des principales publications dont elle a été Tobjet en 4857 : si ce travail trouve grâce devant nos lec* teurs , nous pourrons le renouveler chaque année. Peut-être donne* rons-nous ainsi aux archéologues d'Alsace le désir et l'occasion de lire des ouvrages dont l'existence leur était inconnue.

La science des médailles et des vieilles monnaies , notons«le , n'est pas aussi abstraite , ni aussi spéciale que beaucoup de personnes le supposent ; elle est accessible à chacun , et , depuis quelques années, elle a rendu de si éminents services aux études historiques . qu'il est temps t en vérité , que les recherches de ceux qui s'en occupent avec succès soient signalés à toutes les personnes qui , sans s'y adonner exclusivement , s'intéressent aux progrès des sciences. Ces précau* tiens oratoires ne sout pas iuutiles , car il est bon nombre de per* sonnes qui ne voient dans un numismatiste qu'un original ramassant des vieux mous. Je ne nie pas qu'il n'y ait beaucoup de ramasseurs de vieux sous, voire même de brocanteurs, mais il ne faut pas confondre le bouquiniste avec, le littérateur , ni le simple tailleur de pierres avec l'architecte.

Que nos lecteurs se tranquillisent : nous ne parlerons ni du flou , ni du fruste , ni du fleur de ann ; nous ne chercherons pas à abuser de leurs moments en entrant dans des détails de nomenclature qui ne sont utiles qu'aux seuls numismatistes. Notre but est de leur iaire part des résultats importants obtenus durant l'année 4857. Nous cher-

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cberons aussi à signaler quelques travaux publiés par des sodétës savanies de province » et qui ne spnt pas assez connus.

C'est véritablement un fait à remarquer que manque regrettable de publicité des travaux des Académies des départements : il semble que » pour ces travaux seuls , la centralisation , si générale à notre époque « trop générale quelquefois . n'ait produit aucun effet. Pour ne parler que du siqet qui nous occupe dans cet article , nous citerons un excellent travail de feu M. Colson sur la numsmatique du Roui- sillon 9 publié à Perpignan il y a déjà quelques années : ce mémoire considérable n'est guères plus connu que les recherches sur les mon- naies d'Agen , qui ne datent que de 1856 , etc. » etc. Espérons que le Bulletin des Sociéiéi savanus contribuera puissamment à faire cesser un pareil état de choses.

Deux Revues spéciales » l'une en France l'autre en Belgique , en- tretiennent singulièrement l'activité des études numismatiques ; nous leur devons à chacune d'elles une mention spéciale.

La Revue numismatique française, qui a commencé en 1836 « a changé de direction en 1857 » et ses nouveaux rédacteurs en chef, MM. de Longpérier et le baron de Witte , marchent vaillamment sur les traces de leurs savants prédécesseurs , MM. de La Saussaye et Cartier. Les archéologues les plus éminents de notre temps ont apporté leur collaboration à la rédaction des premiers volumes delà nouvelle série: il suflBt de nommer MM. le marquis de Lsgoys E. Beulé» Ch. Lenormant, C. Cavedoni» pour faire la réputation d'un livre » et ces doctes archéologues ont une nombreuse suite de collaborateurs qui, bien que moins connus en-dehors du monde nu- mismatique » jouissent cependant dans^ celui-ci d'une juste considéra- tion. — Nous avons principalement remarqué un article de M. Lenor- mant sur Harcia . concubine de Commode « dont le buste est gravé sur une améthiste du cabinet de France et sur un médaillon de bronze » sans que le nom de cette femme y paraisse. M. Lenormaqt nous reconstitue » en traçant la vie de Marcia 9 un curieux "chapitre d'histoire qui se rattache à l'influence du christianisme naissant dans le palais des empereurs romains. Déjà , il y a quelque temps , M. de Witte , à propos de Salonina » avait abordé cette question » et le mé- moire de M. Cavedoni s'y rattache aussi implicitement, puisqu'il traite des signes chrétiens mêlés à des types païens sur des médailles contemporaines d'Honorius. Avant l'invention de rimprimerie , les s* Aante. 55

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814 BBVUB D'àLSAGS*

monnaies furent un moyen généralement employé pour parler oiB- ciellement au peuple ; outre leur valeur de convention elles avaient leur valeur historique « et l'on y cbercbait, en les palpant» autre chose que la représentation d'un moyen d'échange ; on ne saurait trop étudier les traces du christianisme qui peuvent s'y rencontrer, d'autant plus que , personnellement » nous sommes porté à penser que les oflBciers subalternes et les ouvriers chargés de la fabrication appartinrent de bonne heure à la nouvelle religion . devant laquelle toutes les fausses croyances de l'antiquité devaient disparaître bientôt. Nous sommes convaincu que l'on en trouvera des traces multipliées.

Sous ce titre : le Stéphanophore , M. Beulé nous révèle un détail inédit de l'administration des Athéniens , qui avait échappé aui auteurs anciens » en même temps qu'il retrouve sur les monnaies . la copie d'une antique statue de Thésée , protecteur des monnaies et des poids publics et surnommé Siéphanophoroi , parce qu'il était repré- senté tenant une couronne ; le nom primitif avait été complètement oublié et remplacé par le surnom : la belle dissertation de M. Beulé dans laquelle l'archéologue et l'historien ont beaucoup à apprendre » n'est pas le seul service de ce genre que la numismatique a rendu à l'art. Plusieurs fois déjà les médailles antiques ont permis de déter- miner et de restituer des statues et même des monuments : La repro- duction des chefs-d'œuvre contemporains est un fait qui est particulier aux médailles et aux pierres gravées de l'aniiquité ; la monnaie les vulgarisait » la glyptique les éternisait en quelque sorte sur des pierres précieuses. Remarquons que ces reproductions avaient bien leur mérite puisque des graveurs de talent ont également signé de leurs noms des coins monétaires et des pierres dus concurremment à leurs burins. Il semble que de nos jours , la gravure sur pierres pré- cieuses des chefs-d'œuvre de notre temps devrait prendre une exten- sion considérable » car nous aimons le luxe » au xix* siècle » et les choses ^ue l'on nous assure coûter cher. Du moment que cet art n'est pas à la mode , et que nos monnaies sont si arides pour la pensée » je suis tenté de croire que nous n'avons pas la délicatesse artistique des anciens : il est positif qu'une pièce de cinq centimes, aujourd'hui , me représente simplement un petit morceau de cuivre ayant une valeur conventionnelle d'un «ou , de par l'effigie du souverain. Pourquoi ce morceau de cuivre n'est-il pas employé à vulgariser comme jadis le principal monument , ou le grand événement de l'année ou du mois ?

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RBVUE BIBLIOGRAPHIQUE. 81 S

Si Doas passons de Taotiquité au moyen-âge» nous signalerons trois mémoires qui nous semblent avoir une haute importance : deux d'entr'eux sont dus à MM. de Pétigny et Deloche sur l'histoire moné* taire du iv« au vir siècle ; dans le troisième , M. de Longpérier, traite des monnaies les plus anciennes des évéques de Strasbourg et de Constance; ces articles ouvrent une large voie aux études historiques et feront faire , nous n'en doutons pas , des conquêtes précieuses : ce sont des fils solides destinés à guider ceux qui ne craignent pas d'aborder la numismatique du bas-empire et des époques mérovingienne et cariovingienne* Nous avons l'espoir que M. de Long- périer nous pennettra de reproduire dans notre Revue t Alsace son mémoire sur les monnaies épiscopales de Strasbourg enrichi de nou- velles recherches.

Nous venons de signaler les articles qui nous ont principalement frappés dans la Revue numùmatique françaue de 1857 , mais nous croirions manquer à l'équité si nous n'ajoutions pas que les notices signées par HM. Boudard » de Crazannes , Hucher » Mantellier » de Witte 9 de Lagoy , Dauban , Prosper Dupré ne nous ont pas moins intéressé : nous aurons , tout-à*i'heure , à parler d'ouvrages spéciaux de plusienro de ces archéologues , et nous ne pouvons que féliciter la Revue munumaiique de compter en eux des collaborateurs zélés» savants , et qui ont le talent de rendre la science attrayante. Le Re- cueil auquel ils travaillent devrait se trouver» non-seulement dans les mains de ceux qui ont le loisir de s'occuper d*études scientifiques » mais encore dans celles de toutes les personnes qui ont mission de professer.

La Revue numumç^Aque belge, bien qu'elle ne soit pas à la hauteur scientifique de sa sœur française » est cependant une publication qui mérite d'être lue et consultée : nos compatriotes » du. reste » y appor- tent encore assez souvent le fruit de leurs recherches » et nous avons remarqué les articles signés par BIM. Boudard » Deschamps de Pas » baron de Crazannes » P. Salmon » Penon et Chalande.

Il est bien naturel que les anciennes monnaies féodales de Belgique soient particulièrement étudiées dans le Recueil dont nous nous occu- pons en ce moment : la mine est riche , car il n'est pas de pays on ait tant frappé monnaie. Il faut rendre à MM. les numismatistes belges la justice de reconnaître qu'ils étudient avec beaucoup de soin leurs anciens monuments monétaires , et qu'ils ne négligent rien pour

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546 REVin: B'ALSàCB.

éclaircir des généalogies» quelquefois fori embrouillées. Nous reoom- mandons surtout , à ce point de Yue » un mémoire de M. Cb. Piot sur les monnaies des sires de Bunde, Bicbt , Schoonvorst » Elsloo » et do commandeur de Gruytrode. N'oublions pas un article biogra- phique sur notre compatriote feu A.-P.-M. Leys , qui fut un archéo- logue distingué à Sens.

Cette année, la Revue belge nous semble avoir sensiblement renoncé à donner à l'ensemble de sa rédaction une couleur politique » qui n'é- tait pas du goût de tout le monde, bien qu'elle représentât l'opinion de beaucoup de Belges : l'archéologie dans toutes ses branches est sœur de l'histoire» et» comme celle-ci » elle doit conserver un sérieux et un calme toujours dignes. C'est, il nous semble, en 1856, que parurent dans la Revue belge » sur les décorations , quelques pages qui auraient pu figurer dans le Charivari: en i857 il n'y a plus rien de pareil , et nous comprenons facilement cette preuve de bon goût , puisque M. R. Chalon, l'un des directeurs, a reçu le 15 octobre 1857 la croix de Tordre de la Couronne de Chêne de Hollande. Il n'y a plus moyen de parler des haricots rouges dont se parent les sauvages , ni de rire de ceux qui courent après les décorations, lorsque soi*méme- on porte un ordre que l'en a , du reste , bien mérité.

Maintenant que nous avons parlé de recueils périodiques» exami- nons les principaux ouvrages qui ont paru individuellement.

Commençons par le Catalogue des médailles et antiquités composant le cabinet de M. le baron Behr, ancien minisire de Belgique A Constant tinople. Il y a quelque chose de triste à réfléchir au sort des collec- tions : un homme consacre de longues années et beaucoup de peines et d'argent à réunir des objets rares: il a des notes curieuses» des renseignements précieux sur les richesses qu'il s'est procurées; - vienne la mort du collectionneur , et tout est dispersé dilapidé , et perdu pour les savants. Aussi nous ne connaissons rien de plus utile que les catalogues raisonnes des collections : les objets qui compo- saient celles-ci disparaissent , et la collection elle-même est immobi- lisée dans un bon volume auquel chacun peut recourir. Mais il faut que cet ouvrage de patience et de grand savoir soit fait par des hommes qui présentent des garanties solides : les catalogues édités jadis par M. de Longpérier (coll. de Hagnoocourt et Rousseau) » par M. de Witte (coll. Gieppo) » appartiennent à ce genre d'ouvrages qui doivent figurer dans toutes les bibliothèques : M. Fr. Lenormant ,

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REVUE BIBLIOGRAPHIQUE. 547

prar la livre dont nous avons transcric le titre plus haat , a suivi K^exempledes académiciens que nous venons de nommer» et a prouvé qu'il tenait à montrer qu'il portait un nom auquel la science est héré- diiairement attachée.

Nous tenions à faire connaître notre avis, en général , sur les cata- logues de collections numismatiques , et il peut s'appliquer à toute espèce de collections » car lorsque ces travaux sont conflés à des personnes peu capables, ils deviennent, non-seulement ridicules, mais même gênants.

Dans les catalogues des faiseurs , on voit des descriptions bizarres et inexactes , des attributions absurdes, des notions « en un mot, qui ne peuvent qu'égarer les amateurs et tromper les travailleurs. Puis « confessons-le , le marchand laisse percer le bout de l'oreille : pour séduire la pratique , il baptise une pièce quelconque de manière à exciter la convoitise. J'ignore qui a rédigé , fan dernier , le catalogue de la collection Gouaux , mais j'y vois des lignes qui ne peuvent être considérées que comme des réclames de marchand : un denier d'Otton, par exemple , (lequel "*) . est attibué à Mulhouse , parce qu'il porte , dit-on : nvsifio. civ : Mais Mulhouse n'a jamais été cité sous les rois de Germanie , et son nom n'a jamais pu , en latin , être métamorphosé en musinum ; évidemment c'est une traite lancée sur les Alsaciens pour leur faire acheter cher une pièce incertaine.

A propos de cette rectification numismatique qui touche à l'histoire d'Alsace > je signalerai une autre erreur , déjà ancienne , et qui est plus grave parce qu'elle émane de personnages sérieux. Le Numis» maiie Chronicle, tom. 14, p. 44, renfermait en i851 une lettre de H. R. Chalon relative à un Sterling of Blumberg , in Alsace. Il s'agis- sait d'un denier , déjà mentionné précédemment par M. Thomson , de Copenhague , et dont un nouvel exemplaire était signalé d'ans la collection Decoster à Malines. Cette pièce , imitée des sierlings du roi d'Angleterre Henri III, porte pour légendes: blomenbericici BERNUARDUS IN. L'attribution de cette monnaie à l'Alsace n'est pas admissible : Blumberg ou Blumenberg n'est autre chose que l'ancien fief de Florimont (arrondissement de Belfort , canton de Délie) , qui au xiu* siècle appartenait aux comtes de Ferrette. Non-seulement on ne trouve pas , à cette époque , de comte de Ferretle du nom de Ber- nard , mais encore rien ne peut faire supposer que l'on ait pu mon- noyer à Florimont qui , au point de vue féodal , relevait de l'évéque

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54S REVUIS D'ALSACE.

de Bâie : resterait d'ailleurs à éublir encore qu'il y a en , en Alsace* des imitations de la monnaie sterling. Je reste convaincu que c'est -en Frise ou en Hollande qn'il faut rechercher l'atelier d'où est sortie la pièce en question. On ne saurait trop se méfier d'un système d'attri* bution qui consiste à prendre un dictionnaire géographique et à y chercher les noms qui ont le plus de rapport avec celui que l'on désire déterminer. Ce travail ressemble à celui du poète qui abuse du die* tionnaire des rimes.

L'ouvrage de H. Lenormant est une tentative heureuse qui » si elle est imitée, comme nous l'espérons , permettra de perfectionner l'ordre adopté par Eckhel : c'est un système de classification qui cou- cilié la géographie et l'histoire. La collection de M. le baron Behr, très-riche en médailles grecques » parmi lesquelles se trouvaient bon nombre de pièces inédiles» se recommandait surtout par une certaine quantité de médailles d'Asie dont M. F. Lenormant fait mieux que la description. Citons les articles traiunt des monnaies deCilicie»de Cypre » de Phénicie d'Arabie , de Perse. A propos des rois de ce dernier pays» l'auteur donne de précieux renseignements pour reconnaître les monnai'es de ces souverains depuis Darius , fils d'Hys* taspe. Citons encore ce qui concerne les rois de Bactriane» des Indes, etc. » etc. Si quelque savant entreprenait une édition du Doe* trina d'Eckhel» il aurait largement à puiser dans les pages de H. F. Lenormant pour mettre cet ouvrage à la hauteur de la science moderne.

Voici un autre oavrage qui a autant d'intérêt pour le professeur et l'historien que pour le numismatiste : c'est la DeicriptUm générale des Monnaiei de la République romeùne, communément appeUeê MédaUke coMulaireê» par H. H. Cohen. Ce grand in-4* se compose de 150 pages de texte et de 75 planches admirablement gravées » et qui repré* sentent tous les types les plus importants que les Romains gravèrent sur leur numéraire avant l'empire. Un éditeur zélé de Tite-Live, comme il y en avait autrefois , pourrait intercaler tous ces types dans le texte de cet historien : le récit comme la gravure se compléteraient et s'expliqueraient l'un par l'autre.

Cette pensée que nous venons de hasarder exprime tout l'intérêt qui s'attache à l'étude des monnaies de la République romaine » dans lesquelles il y aura beaucoup à étudier et à expliquer : H. Cohen a résumé très-convenablement l'état de la science pour ce qui touche

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REVUE BIBLIOGRAPOTOUE. 519

cette série Dumistnatique ; mais, il le reconnaîtra sans doute arec nous» il n'a pas dit le dernier mot : ses descriptions sont généralement d'nne grande exactîtnde , et nous le félicitons d'avoir enfin donné à son livre un titre sérieux , reléguant en seconde ligne ces expressions de médailles coruulaires qui représentent un non*sens. Cette dernière expression devra même disparaître tout-à-fait, car» sous la République, les consuls ne paraissent avoir pu consacrer les types de la monnaie à leur glorification personnelle que par exception : il faut aussi noter que dans cette série numismatique , il se trouve des pièces frappées bors de Rome par des chefs d'expédition militaires: on n'a pas encore décidé , je crois , si dans certaines circonstances les légions n'avaient pas des ateliers temporaires ou ambulants.

On arrivera sans doute plus tard , à renoncer au classement de ces monuments par famiUef , rangées dans l'ordre de l'alpbabet. Dans notre numismatique mérovingienne , nous voyons le même inconvé- nient à ranger tous les monuments connus par noms de lieux ou d'ateliers monétaires.

Dès à présent il est des monnaies de la République romaine donc la date peut être fixée : ne serait-il pas temps de les ranger cbrono^ logiquement ? L'histoire y gagnera , et la classification des pièces dont la date est encore douteuse , n'en sera que plus facile. Notre observation n'est autre chose que la justification du titre que H. Cohen a donné à son livre » à notre grande joie.

L'auteur aurait pu aussi , ce nous semble » approfondir davantage quelques points qui » dès maintenant , nous semblent prêts à être élucidés : par exemple la chronologie des triumvirs monétaires qui , pensons-nous, ont exercé une grande influence sur le choix des types : ensuite les circonstances qui ont fait graver sous les empereurs les restitutions de certaines pièces républicaines. Nous sommes per- suadé que l'on arrivera à reconnaître que ces restitutions toutes exceptionnelles , n'étaient ordonnées que pour flatter certains per- sonnages contemporains : par exemple pour l'accession au consulat ou à de hauts emplois de quelques individus descendus d'ancêtres qui comme triumvirs , ou à tout autre titre , avaient figuré sur les monnaies de la République. La Revue numismatique française contient de longues et intéressantes observations de M. l'abbé Cavedoni » sur la c Description » : néanmoins nous maintenons que ce dernier ou- vrage est bon , et nous tie saurions trop en recommander la lecture..

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S20 lUmnS D*ÀLSAGE.

Souhaitons que , dans quelques années » tes études et les découvertes permettent de donner une édition nouvelle, suivant un plan plus scientifique mais dont la réalisation offre encore aujourd'hui de grandes difficultés. '

H. F. Feuardent , de Cherbourg » est déjà connu par plusieurs opuscules « et principalement par un travail curieux relatif à Tépoque Constantin commença à graver officiellement des symboles chré- tiens sur les monnaies. En 1857 » Tauteur a publié une courte notice dont le but est de faire douter que Constance II , dont le caractère était » du reste, peu bienveillant , ait fait assassiner Hanniballien » roi de Pont» neveu et gendre de Constantin. L'argumentation de M. Feuardent est adroite , et il la base surtout sur une pièce évidem* ment frappée à Constantinople , et portant en légende fl. hahnibal- LUNO. HB6I. Constantinople était au pouvoir de Constance : la légende audolif» indique une eoméeraihn, par conséquent une médaiUe frappée après la mort du prince dont elle porte l'effigie. Or , Cons- tance II , après avoir fait assassiner son cousin » n'aurait pas eu l'au- dace de lui conférer un honneur qui rappelait l'ancienne apothéose impériale.

Le fait nous parait mériter l'attention ; seulement, comme il n*est pas sans exemple dans l'histoire que des princes aient rendu des honneurs publics à leurs victimes > il y a lieu d'étudier avec som les historiens. N'est-ce pas Caracalla qui , après l'apothéose de Géta qu'il avait fait tuer , disait qu'il aimait mieux que son frère régnât au ciel, lui laissant l'empire de la terre ?

, La numismatique gauloise , outre les articles de MM. de Saulcy, de Crazannes et de Lagoy , édités dans les Revues française et belge, est représentée en 1857 par YEaiù »ur le» monnaie» de» Àrvemi , de M. A. Pegboux» et la lettre de if. Hacher à M. le marquis de Lagoy , insérée dans les Mémoires de la société académique du Mans.

Je commence par faire un sérieax reproche à M. Peghoux : c'est l'imperfection de ses planches. Aujourd'hui l'art du dessin , pour re- produire les monnaies et les médailles , est arrivé à une perfection telle que l'on a le droit d'être difficile : les dessins de M. Peghoux indiquent une main qui sait dessiner , voire même qui comprend l'antiquité ; mais ce ne sont néanmoins que des croquis très-nalvement tracés , et bons , tout au plus , à figurer dans un album de notes personnelles. Nous avons été fk-appé de ce détail , d'autant plus forte*

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REIHDB BiBUOGlUPBIQUE. 5S1

meni qae ptusieurs des pièces crayonnées par le numismatiste anver- gnatt ont été très-finement gravées dans la Revue numitmatique frwnçaiie de 1856 ; elles figurent sur des planches qui accompagnent un mémoire de H. Lenormant , sur la numismatique gauloise » relatif aux numnaiei des Arvemes » que M. Peghoux ne semble pas avoir connu» et qu'il lirait sans doute avec intérêt.

A ce sujet , nous ne saurions trop engager les numismatistes à n'entreprendre une publication qu'après avoir consulté les ouvrages déjà édités, surtout ceux qui sont les plus propres à mettre au cou* rant du mouvement scientifique : nous savons bien qu'il est difficile quelquefois de se procurer de tels ouvrages , de les compulser» et qu'un examen est fat^uant pour l'impatience de celui qui croit avoir troavfr quelque chose de nouveau , et qui a grande hâte de le dire de peur d'être devancé. Hais il faut se souvenir que l'archéologie et la numismatique ne sont pas des sciences que l'on puisse aborder de prime saut . sans de longues études , sans un stage pénible.

Si M. Peghoux avait pu Ihre la Revue numumatique , il aurait reconnu » ce qui n'est pas , du reste , un petit honneur, que pour les pièces au monogramme des Arvernes , il se rencontre avec M. Lenor- mant ; il aurait vu aussi en quoi il difière d'opinion avec cet acadé* micien» par exemple , pour certains Philippes que le savant Auvei^nat donne aux Velauni , et M. Lenormant aux Biturigei Vivisd»

Quoiqu'il en soit, si H. Peghoux veut bien substituer à ses trois planches lithographiées trois planches gravées , comme sait les buri* ner M. Dardel , il aura rendu un service véritable à la science : en eflet » il aura réuni et décrit soigneusement les principales médailles gauloises qui se trouvent en Auvergne , et nous faisons depuis long- temps des vœux sincères pour que des travaux de ce genre soient entrepris dans toutes nos anciennes provinces : nous demandons un recensement général des monnaies gauloises connues , et le plus de dessins possibles.

Les monnaies gauloises sont les monuments les plus authentiques et les plus concluants ; je dirai plus, ce sont les seuls monuments qui peuvent nous donner quelques notions sur nos ancêtres. seulement nous retrouvons leurs divinités , leurs noms tels qu'ils les pronon- çaient; là , seulement , nous retrouvons des vestiges de ce que l'au- torité druidique permettait de figurer.

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592 RBVUB d'ALSACE.

La lettre de M. Hucher à M. de Lagoy , rentre dans la catégorie des travaux dont nous venons de parler : c'est la description de pièces gauloises inédites et parfaitement dessinées : ootre qu'il est savant archéologue , M. Hucher e&t un véritable artiste pour le dessin : il comprend ce que trace sa main. S'il nous est permis d'emprunter une expression peu académique, nous dirons qu'il a un crayon intelligent, ce qui n'est pas aussi commun que beaucoup de personnes veulent bien le croire.

M. P.-A. Boudard s'occupe avec une patience toute scientiflque de l'étude de la numismatique Ibérienne, et il a déjà fait paraître trois fascicules, sur les huit qui compléteront son ouvrage : les recherches de ce savant sont importantes , puisqu'elles auront pour résultat de retrouver un alphabet perdu depuis longtemps , et qui a exercé la sagacité de plus d'un savant. Suivant l'exemple donné par H. de Saulcy, il procède avec une méthode presque mathématique en expli* quant l'alphabet ibérien par des légendes ibéro-latines : des monnaies portent le même mot deux fois répété : l'une des formes est latine, l'aotre Ibérienne , et les caractères latins et ibériens sont employés pour les tracer chacune : de on arrive à pouvoir lire les monnaies sur lesquelles les légendes sont purement ibériennes : c'est ainsi que l'inscription de Rosette écrite en caractères grecs , hiéroglyphiques et démotiques , a donné à Champollion Irclé des seconds, et à M. de Saulcy celle de la langue démotique des Egyptiens. Une fois l'alphabet ibérien reconstitué , H. Boudard donne les preuves de l'identité de ridiôme ibérien avec la langue basque , par l'identité des suffixes ; puis il étudie la combinaison des voyelles , la transformation des mots, les mots eux-mêmes et leurs radicaux. On voit, par ce court exposé, de quelle utilité peut être la science des médailles : sgoutons que dans plusieurs articles déjà édités par les Revueê , H. Boudard arrive à lire des monnaies à légendes ibériennes frappée» dans le fiid- oue»i et le midi de» GauUs.

Au mois d'août dernier , une trouvaille très-importante fut faite en Vendée, dans la commune de St-Hilaire de Talmont : elle se compo- sait de monnaies, d'ustensiles et de bijoux de l'époque gallo-romaine, et fut l'objet d'un article de M. Benjamin Fillon , inséré dans les Mé- moires de la Sociéié d*émulation de la Vendée,, Au point de vue numis* matique, cette découverte était précieuse puisqu'elle comprenait environ 30,000 pièces de billon ou d'argent, trois grands bronzes.

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REVUE BIBUOGRAPHIQUE. 523

on médaillon de ce dernier métal et huit ou dix monnaies d'or. H. Fillon n'a pas reconnu de types inédits » mais plus d'une pièce rare et il a pu facilement établir que Tenfouissement avait eu lieu vers Tan 264 ou 265 , puisque les monnaies de Postume y sont nom- breuses et bien conservées » tandis que l'on n'y a rencontré aucune pièce de l'empereur Viclorin qui avait été associé à l'empire gaulois par Postume en 265 : c'est , du reste , un fait remarquable que la rareté relative des monnaies de Victorin et de Tétricus dans l'ouest des Gaules : il semble qu'elles se rencontrent de préférence dans l'Est» et M* le baron de Witte » qui prépare un ouvrage complet sur la nu- mismatique des empereurs gaulois » ne manquera pas de tirer de ce rapprochement des conséquences importantes pour l'histoire.

La découverte de St*Hilaire de Talmoot » par la date certaine que l'on peut donner à l'enfouissement des objets qui la composent » don- nera lieu à des recherches ultérieures qui auront un grand intérêt. Ainsi H. de Witte » se fondant sur une légende monétaire » avait établi , il y a déjà quelques années , qu'une pièce de billon de la femme de Gallien , Timpératrice de Salonina » frappée après sa mort » indiquait que cette princesse avait été chrétienne. H. Fillon observe Judicieusement que cette pièce se trouvait à St-Hilaire de Talmont» en 265 » et par conséquent antérieurement à la mort de Salonina. Il reste donc à établir maintenant si on a osé rendre hommage » de son vivant, à l'orthodoxie de l'impératrice, ou si cette monnaie n'est pas l'œuvre de quelques-uns des chrétiens qui , suivant nous , se trouvaient déjà en grand nombre parmi les monnoyers. M. Fillon a trouvé aussi l'occasion de rectifier la lecture, séculaîrement erronée, d'une inscrip« tion de Nantes , et de proposer des remarques curieuses et savantes sur le style des monnaies contemporaines de Gallien.

Il serait bien à désirer que les découvertes de trésors numisma- tiques, de toute époque, trouvassent des historiographes aussi habiles que M. B. Fillon. Le plus souvent , ces trouvailles sont dispersées et tombent entre les mains des infidèles , et les hommes sérieux sont ainsi privés du secours de c ces archives qui n'auront plus de secrets, « du moment on aura trouvé moyen de les faire parler. »

Jusqu'à ce jour la numismatique de la province de Bretagne , qui fut royaume» puis duché , était peu connue: H. Alexis Bigot a fait un gros in-octavo qui contient la description exacte de i54i mo^maies diflérentes , émises dans la péninsule armoricaine depuis l'époque

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5S4 RETUB D'ALSACE.

méroviogieDQe jasqn'à Taonée 1539: le texte est accompagné de quarante planches » bien remplies. Le livre qai porle pour titre c Essai sur les monnaies du royaume et duché de Bretagne > , est » à mon avis » mal baptisé ; il aurait se nommer Catalogue raisonné des monncàes bretonnes : en effet » ce n'est pas une monographie, mais une description soi^eusement élaborée : c'est une mine précieuse pour celui qui entreprendra l'histoire numismatique de Bretagne » et il est de mon devoir de recommander cet ouvrage aux savants qui étudient les monnaies françaises. Il n'est pas facile de faire une mo* nographie , et je puis le dire avec d'autant plus de franchise que j'en sais quelque chose ; il faut d'abord être bien fixé sur l'histoire, ensuite colliger à grand'peine tous les matériaux et tous les documents : M. Bigot V pour la Bretagne » a largement rempli cette dernière obli- gation. Pour la partie historique » il l'a négligée parce que l'histoire de Bretagne est encore à l'étude. Celle que nous avons est stéréo- typée» en quelque sorte « sur le modèle que, dans tout le royaume de France , on a suivi pendant les deux derniers siècles ; on faisait alors l'histoire comme M. de Vertot est accusé d'avoir fait son siège de Malte» ou comme il n'y a pas si longues années» un journal célèbre narrait la prise et le pillage de Missolonghi. Aujourd'hui » pour peu que Ton mette la main dans les archives » et que l'on cherche les docn^ ments originaux » on est effrayé de la masse de matériaux que nos bons ancêtres ont négligés» dans la crainte d'être forcés de sortir du cadre que l'on avait coutume de respecter » et aussi » avouons-le » de rappeler des faits que la monarchie absolue n'aimait pas entendre exhumer.

Dans le Bulletin de la Société d^émulation du département de F Allier, M. le comte Georges de Soultrait a publié la première partie d'un Essai sur la numismatique Bourbonnaise. La seconde partie traitera des méreaux et des jetons de cette province.

Dans sa publication » M. de Soultrait » qui s'est déjà occupé avec succès des espèces d'un pays voisin » le Nivernais» s'occupe des mon- naies proprement dites » c'est-à-dire d'un trions mérovingien , puis des pièces émises par le prieuré de Souvigoy et par les sires de Bourbon ; nous avons vu avec intérêt la gravure qui représente les monnoyers du prieuré » et nous regrettons seulement l'absence d'au* très planches consacrées aux monnaies elles-mêmes. Nous espérons que M. de Soultrait comblera cette lacune i et que la seconde partie

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RBTm BlBLIOGBAPHIfilIE. 6iS

sera aecompognée dea c pourtraictures > des monnaies précédani les méreaux et les jetons.

Puisque je viens de prononcer ces deux mots , je ne puis résister au désir de signaler un livre que j'ai lu avec un vif plaisir : un texte irès-érudit , suivi d'excellentes planches , forme l'ouvrage intitulé : Biêtoire du Jeton au moyen-^ge , par HM. Jules Rouyer et Eugène Hucber. Ce livre n'est encore qu'une première partie» qui fait sou- pirer après la seconde. .

Il n'y a pas déjà si longtemps que l'on ose s'occuper des vieux je- tons , et on a eu tort de les mépriser jadis , car ces petits monuments» si modestes » furent d'un usage tellement répandu » qu'il était impos- sible que les habitudes et les événements contemporains n'eussent pas sur eux une influence qui n'est pas à dédaigner. Les jetons » murc'^ fdê » servaient à calculer » à faire des comptes : depuis le petit mar- chand jusqu'à la reine de France , chacun avait sa série de jetons qui lui était indispensable pour établir sa dépense» en s'en servant à peu près comme nous , aujourd'hui , au jeu de piquet.

C'est à dessein que j*ai souligné le mot autrefoù , car il y a long- temps que ces pauvres pièces sont négligées ; MM. Rouyer et Rucher rappellent que » du temps de Molière ce genre de calcul était déjà suranné. Les pauvres gens se servaient de jetons de plomb ; le com- mun des mortels en avait des jeux en cuivre ; les personnes des classes élevées poussaient le luxe jusqu'à l'argent; Charles-le-Téméraire et les rois comptaient avec des jetons d'or.

Les types et les légendes de ces pièces sont très-variés » tellement variés que » sans exagération , l'on peut dire que le jeton » en dehocs de son utilité journalière ». a précédé nos médailles modernes. Les devises politiques» amoureuses» philosophiques, les armoiries» les symboles s'y multiplient » et tout cela vaut bien la peine d'être étudié lorsque l'on réfléchit que le xiv% le xv* et le X¥i* siècles y ont chacun apporté leur empreinte.

MM. Rouyer et Rucher ont adopté» à mon avis » un plan excellent: à des remarques générales qui sont intéressantes pour tous » ils font succéder six chapitres dont les titres indiquent des divisions judi- cieusement fixées : jetons des cours et administrations supérieures des finances du roi. Service de la maison du roi. Reines de France. Princes du sang royal de France et seigneurs d'origine française. Villes de France. Jetons étrangers et anglo-français.

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526 MTUB D'ALSaCB.

Comme deasiQ, les jetons du xiv* et xir* siècles sont d'assesboa goût : plusieurs d'entr'eux valent bien les monnaies contemporaines : Ils les imitaient si bien quelquefois qu'on Usait dessus : je ne ma pa$ vrai agneil éCor; je ne iu\s pas d'argent, de peur qu'on ne les con- fondit avec leurs prototypes officiels ; sur plusieurs on Ht qu'ils sont d^or varmel; cet or vermeil, c'est-à-dire rouge , n'est-il pas à rappro- cher de cette locution populaire qui traite le cuivre d*or hmneux , parce qu'il fougit ? C'est , du reste « de cette imitation des monnaies véritables qu'est le proverbe faux comme un jeton.

J'aurais bien envie de dire aux auteurs de VHiitobre du Jeton qu'ils ne conservent pas toujours assez d'uniformité dans l'usage de la langue héraldique; mais vraiment » j'aurais honte d'entrer dans ces deuils ; devant un bon livre on a des scrupules à relever des vétilles : d'aO- leurs 9 MM. Ronyer et Huchert sur ce point , prêtent bien moins à la critique qu'une foule d'auteurs qui semélent chaque joiur de se servir de la langue du blason , sans supposer que cette langue doit s'ap- prendre comme toutes les nomenclatures scientifiques.

L'étude des anciens jetons a également fourni des articles aux revues numismatiques : dans la Revue belge , M. R. Chalon a consacré plusieurs pages à des jetons et à des méreaux inédits; dans la Reme françaiic^ un jeton de Jeanne d'Albret fournit à MM. de Crazannes et de Longérier l'occasion de prouver encore une fois que l'S barré t qui a passé longtemps » dans les sculptures du Louvre » pour le mo- nogramme de Gabrielle d'Estrées , n'est que le symbole de fermesse, synonyme de constance. Jadis il a été dit et répété , et beaucoup de phraseurs actuels répètent encore, que deux rois de France mirent au Louvre les chiffres de Diane de Poitiers et de Gabrielle d'Estrées , leurs maltresses » et la numismatique enseigne cependant que le pré- tendu chiffre de Diane est celui de Catherine de Médicis , tandis, que le chiffre attribué à Gabrielle est une simple devise mise à la mode par Jeanne d'Albret d'abord » puis par Henri IV. Ceci prouve en- core qu'il faut bien plus de temps pour déraciner un absurde pr^ngé, que pour le faire passer, dans la foule des badauds « à titre de vérité.

La manie de vouloir expliquer les anciennes devises de manière à y trouver du scandale» donna même naissance à une traduction qui dans la plus modeste école » ne manquerait pas de faire appliquer un long pensum au maladroit qui commettrait quelque chose d'appro- chant. — Des chercheurs remarquèrent sur certaines pièces d'Henri II

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RBTUB BIBLIOGBAPHIOUB. 6S7

on*croi8iant avec la deyise : Dtmec toium tmpfeoi orbem ; ils se hâtèrent d'y irouver cette superbe phrase : c Jusqu'à ce que ma maltresse monte sur le trône. Cette foîs-ci encore , Diane de Poitiers n'avait rien à démêler avec le croissant, et la devise même était antérieure à Henri II. On ferait» du reste , un recueil curieux , et je rentre- prendrai peut-être , des balourdises numismatiques et archéologiques auxquelles chaque année » les journaux les plus sérieux donnent asile : Le MimieuT univenel lui-même, en 1857 , a enregistré la dé- couverte d'une monnaie barbare de Justin ou de Justinien sur la- quelle un érudit de je ne sais trop quel pays déchiffrait le nom d'un empereur parfaitement inédit et inconnu dans l'histoire.

Dans le T. VIII du BulUlin de la Société d^agricuUure, induiirielle^ sôences et artê , du département de la Lozère , H. Gh. Roussel a publié un mémoire sur les monnaïet frappées en Crévaudan , et partieuKère" ment à Banasiac, mous la dynaitie mérovingienne. M. Roussel résume, avec beaucoup de netteté , les recherches que Duchalais , ainsi que MM. Ch. Lenormant et Bretagne ont éditées sur les tiers de sou de cette province, et s'attache à établir l'influence que les évêques des GabaU ont pu avoir sur le monnoyage de leur diocèse. Il termine en proposant de chercher dans le pouvoir épiscopal et L'influence morale des prélats à cette époque , l'origine de la puissance temporelle des évêques de Mende. Je crois que M. Roussel aura grandement raison d'approfondir cette conjecture qu'il n'a fait qu'ébaucher » et qu'il obtiendra des renseignements certains en combinant son système avec les travaux publiés dans la Revue numismatique française , par tIM. de Pétigny et Deloche.

LiS province de la première Aquitaine semble avoir suivi un système monétaire uniforme » dont on retrouve des traces évidentes dans les diocèses de Clermont, des ffafroies et de Limoges. Nous engageons donc les numismatistes de Clermont et de Hende à faire chacun , pour leur grand pagus , ce que M. Deloche fait pour le Limousin ; leurs efforts réunis ne seront pas infructueux.

Nous remarquons , en Gévaudan » deux pièces sur lesquelles il y a lien de demander un jugement en dernier ressort : l'une est celle que M. Bretagne attribue à Childebert II » l'autre est le trions du musée de Vienne, rappelé par M. Lenormant, au nom de Justin II , et sur lequel figurait la légende gabalorvm , avec un type parfaitement étranger au Gévaudan.

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S28 REVUE D'AUACB*

La moDiiaie de M. Bretagne porte-t-elle le nom d'nn roi oa d'on monétaire » son homonyme ? Le triens de Justin , laisse-t-il lire bien anthentiquement le mot Gabalorum ? Voilà deux points qai me sem* bleraient devoir être bien arrêtés avant que l'on pût tirer des conclu- sions. Je confesse que , jusqu'à plus ample information , je suis porté à douter de Childebert II comme de Gabalorum.

Dans un temps tant d'écrivains empruntent hardiment des idées sans dire quel est leur prêteur » on est heureux de voir la conscience avec laquelle M. Théophile Roussel rappelle l'un des premiers et meilleurs travaux de notre ami commun , Duchalais. Celui-ci était très-peu avare de bons renseignements ; il aimait » dans la conver- sation, à faire part de ses découvertes scientifiques, et nous reconnais- sons quelquefois des emprunts qui lui ont été faits et qui sont «gnés d'un autre nom que le sien : Sic vos , non vobU fertiê araira bovet.

Peur être équitable, je ne puis pas m'empêcher de signaler aux amateurs de monnaies antiques un livre qui porte ce titre assez pom- peux : c Larî de reconnaître les médmlles fausses des vraies antiques , et les divers moyens qu'emploient les faussaires pour les contrefaire et les patiner^ suivi d'un catalogue de médmlles fausses frappées dans des coins anciens et modernes j » par A. Pagnon, numismatiste. Trou de Tair» quel beau titre i pardonnons-lui de contenir quelques fautes énormes de français , puisqu'il a été conçu dans la ville des Phocéens, quelque peu célèbre par son accent. Oui , c'est à Marseille qu'a paru ce volume ini-i3, contenant 58 pages y compris les faux-titre et tables et coûtant cent sous , monnaie moderne.

Je ne pois pas me permettre de suspecter les excellentes intentions de M. Pagnon : si.>on livre est écrit dans un français aussi bizarre qu'incorrect; si ce livre n'apprend rien aux lecteurs, quelque jeunes qu'ils soient ; si ce livre semble singulièrement conforme à c X'm- troduction à la science des médailles ^ > publiée par Hangeart en 1763, tout cela sont de fâcheux détails qui n'enlèvent rien à la bonne volonté de l'auteur. Une remarque seulement : le livre de Mangeart que je viens de signaler est in-folio, d'un embonpoint respectable, et orné de 55 planches : il coûte iO fr. Le livre de M. Pagnon , de 58 pages in*lS , sans gravures , coûte 5 fr. : j'aime mieux Mangeart , j'ai au moins du papier pour mon argent. Marseille aurait-elle voulu faire une petite mystification aux numismatistes perdus loin des frontières de Provence? Anatole de Bartbélbmt.

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VILLES LIBRES ET IMPÉRIALES

DB L'iNOBIlNB ALSACB.

SuUe et fn (*).

LANDAU.

Le bombardement recommença donc » mais touVours sai^ ^sultat. Enfin^ au bout de neuf mois de blocus etdesiègerSH^méeâiiRbinaux ordres de Hocbe et de Pictaegru vînt» après une sérRrde combats» délivrer Landau» et le 7 frimaire an II (23 décembre 1795) ses portes depuis si longtemps fermées se rouvrirent.

La Convention décréta que la garnison et la garde nationale de Landau avaient bien mérité de la patrie.

En i 795 Landau fut de nouveau bloqué par les ennemis de la France , mais les succès des armées du Rbin et de Sambre-et-Heuse rendirent cet investissement moins long et moins terrible que celui de 1793.

Ce fut la dernière épreuve imposée à la place forte française jus- qu'à nos désastres de 1814 et de 1815. La réunion du Palatinat » des électorats de Hayence » de Trêves et de Cologne à la France semblait désormais lui réserver une destinée militaire moins périlleuse» car elle cessait d'être à l'extrême frontière de la rive gauche du Rhin , et elle n'avait plus de voisins étrangers que sur la rive droite (>).

Le canton de Landau qui faisait partie de l'arrondissement de Wissembourg comprenait vingt communes. Il était divisé en quatre assemblées primaires dont les chefs-lieux étaient Landau » Queichheim »

(*) Voir les livraisoDS de février, mars , juin , jaillet , août, septembre , octobre et novembre , pages 49 , 97 , 257 , 315 , 402 , 445 et 495.

(*) En Tan vu le général Ney , commandant par intérim de Tarmée du Rhin , étabUt pendant quelque temps son quartier-général à Landau.

î)' Année. o4

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530 RBVUB D^AIiftAGE.

Henbeim et Niederbochstatt. Il y avait dans la ville une direction d'artillerie et une du génie, trots casernes et un hôpital militaire fort considérable. Sous le consulat et TEmpire , jusqu'en 1842, le com- mandement illustré par Laubadère fut conflé au général Jordy.

Ce n'est pas que , durant cette période nos armées portèrent si loin leurs drapeaux et nos frontières furent reculées si loin , la ville de Landau n'ait pas encore eu à souffrir des effets de la poudre et des bombes. L'après-midi du 5* jour complémentaire de l'an VII 45 septembre 1799 une explosion épouvantable vint tout-à-coup tirer les habitants de leur sécurité. C'était le laboratoire d'artillerie qui sautait et faisait éclater quelques obus jusques dans les maisons de la ville , dont toutes les vitres furent brisées et plusieurs per- sonnes furent blessées, tandis que trois malheureux canonniers étaient mis en pièces dans l'arsenal. Sans le dévouement intrépide des géné- raux Baragay-d'Hilliers et Delaborde en passage à Landau qui , avec quelques généreux citoyens et les canonniers de la garde nationale et de l'armée, parvinrent à éloigner du contact des flammes de nom- breux caissons d'artillerie préparés pour l'armée du Rhin , cet acci- dent eût eu pour Landau des suites aussi graves que les bombarde- ments de 1793.

Mais il devait venir, enfin , le jour de la défaite pour cette France qui depuis vingt ans , de 1792 à 1842, avait si souvent ébloui l'Europe de sa gloire et semblait appelée par le nouveau César à une domination aussi étendue-que celle de l'antique Empire romain. En 1842, nos armées détruites à la fois en Espagne par la fièvre jaune et l'éner- gique insurrection d'un peuple désespéré, en Russie par la famine et les frimas , avaient pour la première fois appris à l'Europe étonnée qu'elles n'étaient pas invincibles. Les levées de conscrits , envoyées en 1843 en Allemagne pour remplacer les vieilles bandes disparues dans la retraite de Moscou, n'avaient pu repousser que dans les deux premiers jours de la bataille de Leipsick les armées réunies de la Russie , de l'Autriche et de la Prusse» et le troisième jour elles avaient céder la victoire , moins peut-élre aux efforts des masses qui les attaquaient de front et sur les flancs qu'à la trahison des troupes saxonnes qui étaient mêlées à leurs rangs. Les Etats de la confédé- ration du Rhin , jusqu'alors vassaux si soumis de l'empereur Napoléon »

(2) Ânntiaire du Bas-Rhin de Van vni , page 387.

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VILLES LIBRES ET IMPÉRIALES DE L* ANCIENNE ALSACE. 551

s*ëtaient retouroés vers la fio de i8i5 conlre la France « et m^igté leur écbec de Hanau , n'avaient pas tardé à joindre leurs forces aux armées et aux levées en masse des alliés pour l'accabler.

L'Alsace fut envahie à la fois., dès les premiers jours de 4814 , par Tannée autrichienne t russe, bavaroise, wurtembergeoise du prince de Scbwartzenberg , et par l'aile gauche de l'armée russe-saxonne et prussienne du maréchal Biûcher. Cette dernière avait passé le Rhin à Mannheim , à Caub et à Neuwied , tandis que hi première se faisait livrer le pont de Bâie par les Suisses du général Watteville et pénétrait par le Haut*Rhin.

Dans la nuit du 51 décembre au 1~ janvier les premiers coups de fusil avaient été tirés sur la ligne du Rhin en avant de Landau , entre les avant-postes , puis , le passage effectué , le détachement de la garnison envoyé pour border la rive gauche du Rhin et trop faible pour s'y opposer sérieusement , s'était replié sur la place. Cette dernière était commandée par le général de brigade Verrières, vieux brave des premières campagnes de la République , couvert de bles- sures , mais infirme , qui avait succédé en 1815 au général Jordy. La garnison se composait des dépdis des 59<^* et 155°"* de ligne , du 5<^« régiment suisse , d'un escadron de gardes-d'honneur, d'une compa- gnie du 1*' régiment d'artillerie à pied» de quelques canonniers appar^ tenant à divers autres régiments, et d'une cohorte de garde nationale mobile des Vosges (i). La garde naliooale de Landau formée en com- pagnie d'artillerie et en cohorte urbaine complétait cette liste des défenseurs de la place et ne se montrait pas moins décidée que les soldats de la ligne à la résistance la plus énergique.

L'investissement régulier de la place eut lieu le 5 janvier par une forte division russe aux ordres du général de Sokolowski , par une bri- gade badoise et par quelques escadrons de cavalerie bavaroise. Dès le 16 une sortie , composée de 150 hommes choisis dans les dépôts des 59"°* et 155°"» de ligne et de 50 gardes-d'honneur, refoula l'en- nemi qui serrait de trop près la place et periçit de la ravitailler. Le commandant d'artillerie, M. le lieutenant-colonel de Peyerimhoff, les soutint vigoureusement par les batteries de la place. Il ne se

(') Nous devoDS à Tobligeance de H. Blanchard, aocien secrétaire-général du ministère du grand duché de Berg et ancien sous-préfet à Schlestadt la communi- eaiion d'un journal du blocus de Landau on i 814.

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532 REVUE D'ALSàCK.

passait guères de jour sans qae ces batteries n'éclairassent les approches et ne missent obstacle aux préparatifs d'attaqae. Le SI janvier, nouvelle sortie d'égal nombre d'hommes environ pour reprendre et démolir une tuilerie l'ennemi s'était logé. Le com- mandant d'artillerie fait remarquer à cette occasion qu'aux yeux des soldats le seul malheur de cette sortie fut , non pas la mort de trois soldats frappés par le feu de l'ennemi » mais une maudite balle qui traversa une marmite au moment Ton faisait la soupe et fit perdre tout le bouillon.

Le 29 on repoussa une attaque d'infanterie sur le bastion de droite et l'on eut occasion de mitrailler la cavalerie bavaroise qui s'était avancée pour empêcher que cette infanterie ne fût poursuivie trop loin par le détachement sorti de la place.

Il faisait si froid et la terre était si gelée qu'on ne pouvait ni du côté des assaillants , ni du côté de la place , travailler à la pioche , ouvrir des tranchées et faire des terrassements. Cdmme le général commandant la place ou plutôt le chef du génie que ce soin concer- nait plus spécialement , n'avaient pas songé à faire raser les cons- truclions et les jardins que l'usage d'un long éloignement du théâtre de la guerre avait laissé établir jusque sur les glacis, l'ennemi pouvait très facilement se loger à portée de fusil de la place et l'in- commoder beaucoup. 11 fallut toute une série de petites sorties et toute l'énergie du commandant Peyerimhoff pour parvenir à la des- truction successive de ces dangereuses approches.

Ces petits combats continuels et le typhus ne laissaient pas que d'enlever beaucoup des défenseurs de la place. Chaque jour le corbillard renouvelait plus souvent ses visites au cimetière] en-dehors des palissades. Une fois il fut enlevé par les cosaques qui agoutèrent à ce mauvais procédé l'enlèvement du moulin de l'hôpital à 150 toises de la place. Cela criait vengeance» une sortie plus nombreuse que de coutume eut lieu , elle se composait outre deux ou trois pelotons de soldats de ligne et de soldats suisses » des deux cents jeunes gardes mobiles de la cohorte des Vosges. Deux bouches à feu et les quelques gardes-d'honneurs encore montés appuyaient cette petite troupe. On reprit d'abord le moulin , puis on poussa jusqu'à Oiïenbach et Isen- heim pour ramasser autant de provisions que possible . car la disette comaiençait à se faire sentir ; la retraite fut soutenue par les braves

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VILLES LIBBES ET IHPÉRULES DE L'ANCIENNE ALSACE. 533

enfants des Vosges qat se couvrirent de gloire ainsi que quelques gardes nationaux de Landau mêlés à leurs rangs.

Cependant on ignorait absolument ce qui se passait hors du rayon de la place. Le général russe ayant une fois voulu faire parve- nir quelques nouvelles des succès des alliés en France , le conseil de défense avait interdit sous peinç de mort , toute communication avec l'ennemi. On continuait donc à se battre pour l'empereur à Landau lorsque déjà Paris était occupé par les alliés.

Quelques-uns de ces officiers , plus braves au feu que fermes dans les vicissitudes de la politique , commençaient toutefois à s'inquiéter ; un peu avant l'investissement» le colonel du régiment suisse qui faisait partie de la garnison de Landau avait , pour lui épargner les dangers d'un siège 9 envoyé sa femme dans les environs de la ville. Le général Sokolowski 6t dire que cette dame gravement malade demandait à être traitée par le médecin du chirurgien-major de son mari et il offrit un sauf-conduit pour cet officier de santé. Le général Verrières ayant , malgré l'avis du conseil de défense » autorisé le voyage , on apprit enfin au retour du chirurgien suisse les graves événements survenus à Paris et à Fontainebleau en mars et en avril.

Presqu'aussitôt un parlementaire russe se présentait pour sommer de suspendre les hostilités contre des troupes alliées du nouveau gouvernement français. Le général Verrières hésitait , mais sur les instances du commandant Peyerimhoff il refusa de recevoir l'officier russe. Le lendemain nouveau parlementaire, il apporte des journaux , des lettres , mais il n'est pas reçu , et le conseil de défense brûle lettres et journaux. Enfin , au bout de quelques jours , un troisième parlementaire se présente aux avant-postes ; cette fois ce n'est plus un officier russe , mais un officier français quoiqu'il soit accompagné d'un trompette des troupes ennemies. Le commandant Peyerimhoff est envoyé au-devant de lui jusqu'aux vedettes , en approchant il remarque que cet officier porte une cocarde blanche : Qui êtes- vous? lui dit-il. Vous le voyez , je suis comme vous officier français et je

suis envoyé par le ministre de la guerre Quel ministre? - Le

ministre du roi. Je ne connais que le ministre de l'empereur Napoléon Enfin, reprend l'interlocuteur de M. de Peyerim- hoff, je n'ai point de comptes à vous rendre, c'est au général Verrières que je suis envoyé , faites-moi conduire au général , ou prévenez-le que le chef-d'escadron Brossard est chargé d'une mission du ministre

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534 BEVCB D'ALSACE.

pour lui. Votre ministre ne peut avoir de mission à donner pour un généra) de Tempereur, retirez-vous, on je serai forcé de vous fiiire fusiller.

Ainsi éconduit, Tofflcier royaliste dut se retirer, et le drapeau tricolore continua à flotter à Landau lorsque déjà le drapeau blanc l'avait presque partout ailleurs remplacé.

Ce ne fut que quelques semaines après sur les instances du vieux général Scbramm , nommé commissaire extraordinaire près la garnison de Landau, que cette dernière consentit à reconnaître le nouveau gouvernement. En même temps Ton signifia an général russe que Ton gardait la place , sinon pour l'empereur qui avait abdiqué » au moins pour la France qui n'abdiquait pas.

Landau resta donc ville française même après la paix de 1814 , et aux termes de l'article 5 du traité du 30 mai 1814 les villages de Queichheim Merlenbeim » Knitteisbeim , Belheim ainsi que tout le rayon de la forteresse tel qu'il était en 1792, même Bergzabern , furent conservés à la France et au département du Bas-Rhin.

Mais voici 1815 et avec les premières violettes du printemps l'exilé de l'Ile d*Eibe reparaît en cette France toute meurtrie encore des luttes vaillantes de 1814. La garde nationale de Landau salua avec enthousiasme le retour du drapeau tricolore qui, aux yeux des géné- rations contemporaines , représentait et représente encore plus particulièrement l'bonneur des armes et les intérêts modernes. Te morituri salulanî auraient pu dire beaucoup de ces braves qui le saluaient alors , et la France aussi et Landau surtout auraient peut- être hésité à fêter son retour, si les prochains résultats de ce retour se fussent dévoilés à leurs yeux et si le spectre sanglant de Waterloo eût pu , dès-lors , se dégager des nuages qui allaient le cacher pen- dant cent jours encore.

Mais n'importe! le patriotisme des habitants de Landau ne se dément pas plus en 1815 qu'en 1814 et en 1792. Ils voient s'avancer de nouveau vers cette frontière française , qu'ils couvrent , les innombrables armées de, l'Europe et de nouveau ils serrent leurs rangs pour recevoir bravement le choc. Leur maire , M. Scbatten- mann (i) , leur donne l'exemple du dévouement , et aide le colonel du génie Athalin à préparer la défense de la place.

(*) Frère de M. Schatteomann , membre du Conseil général du Bas-Rhin , directeur des mines de Bouxwiller.

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VILLES LIBRES ET IMPÉRIALES DE L' ANCIENNE ALSACE. 555

L'empereur Napoléon avait nommé , à la date du 4 mai 4815 , le générai de brigade Buquet au commandement supérieur de Landau ; mais ce général » retenu par une grave maladie , n'avait pu encore prendre possession de son commandement lorsque les premières hostilités vinrent à éclater sur la frontière. Le général Happ , qui commandait en chef le corps d'armée destiné à opérer sur le Rhin , prit alors sur lui d'envoyer à Landau le général de brigade Geither» car il lui fallait un chef sur lequel il pût compter pour défendre une place, qui » d'après son premier plan de campagne » devait lui servir de base d'opération.

Michel Geither, à Obstadi , non loin de Landau , était un de ces vieux soldats de la République et de l'Empiie qui, partis le sac sur le dos . devaient leurs épaulettes à leur instinct militaire et à leur saug glorieusement versé dans les combats (f). Son bras droit était resté à laBérésina, mais il savait tenir son épée aussi ferme du bras gauche» et était digne de présider aux dernières destinées françaises de Landau.

{*) Nous pensoDibfaire plaisir aux lecteurs de la Rewie d'Alioee eu leur donnant GOfflmuaicaUon d-après des élats de services du général Geither :

SERVICES SUCCESSIFS

de Jf. Michel Geither , Maréchal-deHiainp , Offleier de la Légionrd' Honneur ,

Chevalier de Saint-Louis , à Obstadt (évéché de Spire) le 10 novembre 1769,

SERVICES.

Soldat , au régiment de Reinach (Suisse) au serviee de France, le 4 juin 1784.

Caporal , le 6 juin 1786.

Sergent , le 3 janvier 1788.

Congédié au licenciement du régiment, le 26 septembre 1792*

Entré sergent au 1*^ bataillon franc au service de France , le 2 octobre . 1792.

Adjudant sous-officier , le 3 novembre 1792.

5otM-Ltett/enan/ , le 8 août 1793.

Lieutenant , le 11 mai 1795.

Passé par Tincorporation du l^'' bataillon franc à la 21* demi-brigade d'infanterie légère dont il a fait partie , capitaine au même corps devenu

demi-brigade d'infanterie légère , le 5 octobre 1796.

Chef de bataillon , le 3 septembre 1798.

Major , au 15* régiment d'infanterie légère, le 22 janvier . . .1804.

Passé par ordre de l'Empereur au service du grand duché de Berg et

nommé (7otoie/ , le 21 juiUet 1806.

jBrtyodier, le l*r novembre. . . < 1808.

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536 REVUE D*AL8ACB.

Le général Rapp rédaît à opposer 46 ou 17,000 hommes aux 60,000 ÂutrJcbieDs , Russes , Bavarois » Wartembergeois et Badois qui débouchaient du Palatinat sur l'Alsace , menacé en outre d'être pris à revers par une autre armée autrichienne qui , après avoir

Général de hrigade , le 28 juin ISliy

Rentré en France avec l'armée en 1818,

A commandé une brigade, pendant le blocus de Strasbourg , en . . . 1814.

Mis en, non-activité, le l*r septembre 1814.

Nommé provisoirement au commandement supérieur de la citadelle de

Strasbourg , par M. le Maréchal Suchet , le 23 mars 1815.

Passé au commandement supérieur provisoire de Landau , par ordre de M. le Comte Rapp , Général en chef de l'armée du Rhin , le 24 mai . .1815.

Cessé ses fonctions, le 18 septembre 181S

par ordre de M. le Ministre de la Guerre , en date du 80 août 1815.

CAMPAGMES.

A fait les campagnes : Aui^ armées du Nord et de Sambre-et-Meuse 1798 , 1798 , 1794 , 1795 , 1796.

A l'armée en Italie 1797.

En Egypte 1798 , 1799 , 1800.

A Boulogne (armée des côtes d'Angleterre) '. . 1803,1804.

Grande armée d'Allemagne 1808 , 1806.

Grande armée 1807,1808.

En Catalogne 1809,1810.

En Russie 1812.

En Allemagne 1818.

En France 1814,1815.

ACTtOlfS D'ÉCLAT ET BLESSURES.

Reçu deux coups de feu , l'un au bras droit , l'autre à la cuisse gauche , à l'affaire de Jemmapes, le 6 novembre 1792. S'est distingué dans les affaires du 8 germinal an V (23 mars 1797) à Tarvise prés Panteba , le 18 germinal an V contre les grenadiers hongrois , et le 14 germinal an V à Hundsmarck il com- mandait la compagnie de carabiniers du 2* régiment d'infanterie légère.

Reçu à Bogaz de Lesbey en Egypte un coup de feu à l'épaule gauche. Ayant été démonté en marchant à la tête de son bataillon , il est entré le premier dans le fossé derrière lequel l'ennemi était retranché , et a reçu , en faisant décider la vic- toire, un coup de sabre sur la main droite, le l«r novembre 1799. Il lui avait été décerné un sabre d'honneur par le général Kléber qui n'a pu lui être accordé à cause de la mort de ce général , ainsi qu'il est constaté par un certificat de M. le général Verdier.

Blessé de deux coups de feu à la bataille d'Ayterlitz , le 2 décembre 1808, dont un à la main droite et l'autre à la hanche droite. Ce fUt sous les ordres du miyor

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VILLES LIBRES ET IMPÉRIALES DE L' ANCIENNE ALSACE. S37

envahi la Haute-Alsace » marchait sur Schlestadt et Strasbourg» avait renoncer à la ligne de la Queicb et se replier successivement sur la Lauter et sur la Seltz , pour venir enfin s'adosser aux remparts de Strasbourg.

En quittant sa première ligne d'opérations il avait retiré de Landau presque toutes les trouQes disponibles , ne laissant à Geitber qu'un faible bataillon du S?"** de ligne » quelques canonniers et sapeurs du génie et des cadres de garde nationale mobile parmi lesquels il n'y avait guères d'organisé que le contingent de Wissembourg. Hais la garde nationale sédentaire de Landau venait en aide à ces braves et ses canonniers » surtout , savaient toujours rivaliser d'ardeur et de justesse de tir avec les canonniers de la ligne.

Le corps d'armée ennemi , chargé de l'investissement de Landau , se composait d'Autrichiens, de Badois et de Wurtembergeois. Il débuta par l'attaque du moulin dit SpUteUMûhl , déjà l'objet des premiers combats pendant les sièges et blocus de i795 et de I8U. Un brave officier du génie » M. Cugnot , y Tut tué en défendant un nouvel épaulement construit l[>ar les ordres du colonel Athalin.

Geither que le 15* régiment d'infanterie légère se déploya à l'approche du village de Solkonitz , qu'il emporta de vive force , quoiqu'il fut défendu par des troupes russes en nombre au-dessus de toutes proportions avec celui des troupes qui l'atta- quaient.

Il commandait les troupes qui ont pris le fort rouge de Gironne en Catalogne , le 16 juin 1809. Blessé d'un éclat de bombe à la tranchée devant Gironne , le 3 août 1809. Blessé à la hanche droite d'un éclat de bombe lorsqu'il commandait les troupes qui ont avancé les travaux de la demi-lune en avant du Mont-Joui près Gironne , le 8 août 1809.

II. a commandé les troupes qui ont repoussé les sorties de Gironne , les 8 août et 16 septembre 1809 , celles qui ont pris les forts du Calvaire et du Chapitre près de la même ville , du 5 au 8 décembre 1809 , il a montré beaucoup de bra- voure et de talents utilitaires.

Blessé d'un boulet de 8 au village de Gamionze près Tarragone , en faisant une reconnaissance sur cette dernière ville son cheval fut tué sous lui par le même coup, le 31 août 1810.

A eu le poignet droit emporté par un boulet, le 28 novembre 1818, au passage de la Bérézina en Russie. À été amputé par suite de cette blessure.

Certifié le présent relevé des services conforme aux titres représentés et rendus. Strasbourg, le 6 décembre 1880.

Le Soui-Intendant militaire , signé : Wolf.

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538 REVUB D'ALSACE.

Le principal forl de Laadau , dit le Comkhon , fut ensuite l'objet d'une attaque des plus vives » les obus y pieuvaient ainsi que dans la ville et allumèrent plusieurs incendies dont on parvint toutefois à se rendre maître. Quelques-uns des projectiles avaient nécessité des travaux qui furent exécutés immédiatement sous le feu de l'eunemi par les sapeurs du génie et par quelques travailleurs volontaires de la ville que dirigeait le lieutenant du génie Samain (i).

Le manchot de la Bérésina, comme on avait coutume d'appeler à Landau le général Geither, semblait se multiplier pour être partout ou il y avait danger, et bien des fois « quelques vieux habitants de Landau s'en souviennent encore, lorsque les bombas et les obus pieuvaient avec le plus de fracas , on le voyait , s'^il n'était pas sur les remparts , se promener tranquillement sur la place d'Armes, comme pour défier la mort ou plutôt pour encourager, par son exemple, les habitants et les aguerrir contre les bombardements.

La place était approvisionnée de vivres pour six mois d'après les états officiels (^) mais en réalité , elle n'avait guères que pour six semaines de vivres et de munitions de guerre. La prolongation de sa défense était donc subordonnée à un mouvement offensif de l'armée du général Rapp , ou du moins à un ravitaillement par suite de quel- que circonstance fortuite de la guerre.

Cependant Waterloo avait déjà depuis deux mois vu tomber en ses plaines fatales la fortune de la France , et déjà le drapeau blanc avait rendu quelque simulacre de paix à presque tous les clochers du royaume restitué à Louis XVIII, pendant que Geither s'obstinait encore, à l'instar de Verrières et de Peyerimhoff en i8i4| à con- server l'étendart aux trois couleurs sur les remparts de Landau. Dès la fin de juillet 1815 le général ennemi lui avait fait remettre par un parlementaire l'ampliation de l'armistice conclu le 27 juillet à Stras- bourg , armistice obligatoire pour tous les commandants des places fortes de la b^^ division militaire. Geither ne voulait entendre à rien , il ne cesserait les hostilités, disait-il, que sur Tordre formel de l'empereur; mais on lui répondait qu'il n'y avait plus d'empereur, que le roi Louis XVIil était reconnu partout en France comme à l'étranger, et qu'il fallait obéir au nouveau gouvernement français ou

{*) Aujourd'hui percepteur des contributions directes à Matzenheim. (*) Mémoires pour êeroir à Vhittoir^ d$ France en 1815, page 19.

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VILLES LIBRES ET IMPÉRfALES DE L'ANCIENNE ALSACE. 539

assumer sur sa tête la responsabilité d'une lutte sans autres résultats possibles désormais qu'une inutile effusion de sang. On offrait, en' outre, des sauf-conduits pour les officiers ou commissaires qu'il désignerait afin d'aller prendre les ordres du nouveau gouvernement fhinçais ou de ses représentants en Alsace.

Aucun officier n'ayant voulu se charger de cette mission , il fut convenu que le maire de Landau , H. Schattenroann , accompagné de deux conseillers municipaux , traverserait les troupes alliées , muni d'un laissez-passer, afin d'aller à Strasbourg prendre les ordres du général Rapp.

Ce dernier venait de publier un ordre du jour qui annonçait aux troupes la cessation des hostilités et leur ordonnait de quitter la cocarde tricolore pour reprendre la cocarde blanche , ordre du jour qui fut't comme l'on sait, suivi de la révolte du corps d'armée campé sous Strasbourg. Il donna communication de cet ordre aux délégués de Landau et leur fit connaître que ses pouvoirs allaient cesser. De son côté» le général Dubreton , envoyé en Alsace par le roi Louis XViH pour prendre 1er commandement de la b^^ division militaire , signifia dès la première dizaine d'août au général Geither l'ordonnance royale qui licenciait l'armée , et prescrivait de renvoyer dans leurs foyers non-seulement les gardes nationaux mobiles , mais les officiers et ' soldats des troupes de ligne. Que' résoudre en présence d'ordres si péremptoires? Persister à ne pas se soumettre c'était non-seulement se placer en dehors du droit des gens , se faire mettre au ban des nations , c'était aussi condamner de braves soldats à une sorte de dégradation civique, les priver de la protection des traités, les vouer non-seulement à la mort , mais presqu'à l'infamie légale.

Geither, désintéressé quant à lui , car il était bien déterminé à n'accepter aucun emploi du nouveau gouvernement , ne se sentit pas assez indifférent au sort de ses compagnons d'armes pour vouloir leur faire perdre gratuitement ce qui pouvait leur rester d'avenir. H com- mença par licencier les cadres de garde nationale mobile , espérant qu'en présence des troupes étrangères qui serraient de si près la place on lui permettrait au moins de conserver son bataillon du 57<°^ et ses canonniers et sapeurs jusqu'à ce que la nouvelle armée royale étant réorganisée pût fournir un détachement pour les relever. Mais les ordres étaient formels, il n'avait plus pouvoir légal de retenir sous le drapeau des corps licenciés par le gouvernement , et lui-même il

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540 REVUE D'ALSACE.

reçut UD arrêté du ministre de la guerre qui le destituait de son com- maudement et le mettait en non activité. Il fellut donc aussi licencier la troupe de ligne et se résoudre à laisser la défense de Landau à la seule garde nationale sédentaire.

Celte brave milice locale restait toujours aussi dévouée, et fidèle jusqu'au bout à la patrie française , elle était prête à s'ensevelir sous les remparts de la place pour conserver Landau à la France. Mais enhardi par le licenciement des troupes de ligne , l'ennemi res» serrait toujours la ville de plus près ; il s'était mis en possession de tous les postes avancés et menaçait d'un assaut si on ne le traitait pas en ami. Déjà le sort de Landau était fixé par les puissances qui refaisaient , à cette époque , la carte de l'Europe , et les conférences de Paris avaient décidé que la frontière de la France serait du côté du Palatinat reculée de la Queicb à la Lauter. Le général des troupes alliées d'investissement signifia cette décision à la municipalité et au général Geitber ; il ofihiit une capitulation bonorable et la sécurité pour tous , quelqu'eussent été les opinions et les actes politiques.

Néanmoins, on répugnait toujours à recevoir les étrangers bien qu'ils se présentassent non plus en ennemis mais en alliés. Geitber voulait encore espérer que Landau ne serait pas rayé de la carte de France ; il offrait de tenir bon avec la garde nationale pourvu que leur résistance ne fût pas désavouée par le gouvernement français. Mais aucune réponse ne lui venait ; peu importait au ministère de la fin de 1815 l'intégrité de l'Alsace , enfin , le 15 septembre il résigna son commandement. La garde nationale de Landau abandonnée à elle-même continua dès lors à faire le service de la ville et le drapeau de la vieille monarchie française y fut maintenu par elle jusqu'au il décembre 1815. Alors seulement , en vertu de l'article !«' du traité de Paris du âO novembre 1815 » les Autrichiens furent reçus dans la ville. Us y restèrent sous le commandement du feld-maréchal lieutenant Mazzuchelli jusqu'au 1*' mai 1816 » époque de la remise de la place au gouvernement bavarois, conformément aux stipulations du traité d'avril 1816.

L. Lbvrault*

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ÉTAT DE L'ALSACE PAR UN FINANQER.

Il n'est pas de petites économies, dit un proverbe. Nous sommes de ravis du proverbe , et c'est avec raison qu'il nous est revenu en tête à propos d'une trouvaille qui ne nous parait pas indigne de figurer dans la Revue. Il s'agit d'un document , égaré sans doute du Contrôle général, et relatif à notre pays. C'est, sous le titre d'Abrégé hisunique d*Ahace^ l'introduction d'un rapport sur l'organisation financière de cette province qui manque malheureusement. On y re- connaît facilement la préface obligée de quelque beau travail de financier du dernier siècle , aujourd'hui enfoui , poudreux et oublié. Nous nous décidons à la publier, quand ce ne serait que pour engager de plus hardis et de plus compétents à recompléter l'un de ces nom- breux mémoires doctement composés , sous l'ancienne monarchie , à l'usage des ministres et des traitants ayant privilège de taillera merci les peuples du bon vieux temps.

La pièce en question ne porte pas de date; mais en marge on lit ce qui suit : Du Proeèi-verbal de M, Duptn. f «' cahier. Cette indi- cation peut suffire, avec l'évaluation de la population qu'on rencontre plus loin , pour préciser l'époque à laquelle elle appartient.

Ce M. Dupin n'est autre , sans aucun doute , que le Receveur des tailles de Châteauroux devenu Receveur général des finances des Trois- Evéchés et Alsace, et entré ensuite dans la ferme en i726. On le trouve dans cette entreprise chargé de la correspondance du dépar- tement de Lorraine, Franche-Comté , Trois-Evéchés et Alsace. Nous pensons donc que le fragment que nous avons sous la main date de ^26, ou peu de temps avant, avec d'autant plus de raison qu'en partant de l'indication des populations , fournie par Schœpflin , pour es années 4720 et 1750, le chiffre donné par le Receveur général

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542 REVUE D'ALSACE.

correspond à peu près à cette année , qui est aussi celle du renou- vellement du bail. Ce qui ferait de ce travail tout à la fois le coup d'essai de M, Dupin et la pièce administrative destinée à guider la direction de la nouvelle compagnie.

Rien ne prouve mieux Tintérét qui peut s'attacher à ce document que cet autre Mémoire que Ton rencontre manuscrit dans beaucoup de bibliothèques , et que rédigea l'intendant d'Alsace » de Lagrange ; description curieuse et utile à plus d'un titre , qui fut demandée aux intendants pour toute la France , et qui servit à l'éducation de l'élève de Fénélon , ce Dauphin si regretté et de si grandes espérances. C'est à cette source qu'a puisé Vauban , et en abrégeant cette volumineuse collection, Boulainvilliers a préludé à ses idées de réforme financière.

N'y aurait-il déjà d'instructif que les rapprochements à faire dès à présent entre le mémoire de Lagrange et le fragment en question que toute peine ne serait pas perdue. Voyez , par exemple , comment éclate à des degrés différents l'esprit fiscal des agents du nouveau pouvoir. N'est-elle pas frappante , l'unanimité de l'intendant et du financier sur cette plantureuse conquête d'Alsace? Le premier la proclame t l'une des plus fertiles et abondantes provinces qui soient en Europe i ; l'autre , se bornant presqu'à copier , pour être plus exact sans doute , s'écrie qu'elle c peut passer pour une des plus fer- tiles et des plus abondantes qui soient dans le monde. > Il y a ères- cendo dans ce concert admiratif , mais enfin 11 y a aussi progrès ; le financier avait déjà mieux étudié sa matière , et pour cause.

Mais plus la province est belle et digne des sympathies de la recette et des fermes , plus il importe d'assurer les droits du souverain par une lumineuse démonstration. Quoi de plus reconnaissable, dans cette suite d'erreurs grossières sous prétexte de précis historique , que l'expression de la pensée politique léguée par Louis xvy , amoindrie et étriquée sans doute , mais enfin devenue pratique? A coup sûr ce n'est pas la netteté de tendance qui fait défaut ici , et l'on est obligé de s'incliner devant cette parfaite intelligence du but et des moyens qui a toujours été comme la vertu du fisc français.

Que durent penser les cadets des grandes familles de France , en apprenant de M. Dupin l'opulente organisation ecclésiastique de l'Alsace ? On voit clairement que Plutus veut mettre de son côté l'or- gueil français blessé par cette prétention à la pureté généalogique des comtes d'Empire , exclusivement en possession des riches pré-

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L'ÉTAT DE L'ALSAGB PAR DN nMANOER. K43

bendes de la province. M. le Receveur général, en homme qui connatt son monde et son temps» renchérit sur l'intendant, qui s'était borné à rappeler à la menue noblesse d'Alsace les usurpations du passé. Il apprend auï roturiers qu'ils ont été les premiers dépossédés. Je re- connais à la fois la tradition d'égalité de l'école de Colbert, et la ruse nécessaire à qui n'est pas encore tout-à-faît maître. Mais ce [qui est , pardon , je voulais dire ce qui était éminemment français , c'est l'opposition des papes qui n'est pas oubliée en cette affaire , et ce n'est pas certainement ce qu'il y avait de moins adroit.

On aime à rencontrer plus loin cet éloge du bon esprit de la Répu- blique strasbourgeoise : c II y a peu de villes en Europe les ordon- . nances de police soient plus belles et mieux observées. > Malheureu- sement l'amour du traitant pour la police de Strasbourg aura été . perdu, et ce ne sera pas l'avis du ministre qui, à la veille de la révo- lution , arrachera au roi Louis xvi l'abolition de cette législation.

Enfin ce qui fait Infiniment d'honneur au bon esprit séculaire de nos compatriotes , c'ei^t l'hommage rendu par M. Dupin à l'exactitude et à la riégularité de la rentrée de l'impôt. < L'on n'y connaît ni les plaintes des contribuables , ni les huissiers pour les contraindre au payement de leurs cottes. > Et plus loin , ce qui fait pâmer d'aise ce galant homme d'affaire: c La juste répartition des impôts et la facilité du recouvremeut font rechercher la collecte avec autant d'empresse- ment que l'on se donne de soins et de peines pour l'éviter dans les pays d'élections. » L'on n'est jamais trahi que par les siens , et je crains bien que sous ce rapport nous n'ayons pas dégénéré.

Remarquons encore que ce ne sont plus les douloureux compte- rendus de l'intendant sur les dévastations de la province. La popu- lation semble s'être enfin remise des longs désastres de l'époque de Louis XIV. Du moins le Receveur général se tait ou le laisse penser.

Un mot maintenant sur ce M. Dupin et sa famille. Aussi bien c'est avoir assez parlé , pour un profane , d'intendance et de ferme. Les souvenirs se pressent et abondent sur ce nom , et nous n'avons que l'embarras du choix. Et pour commencer , voici l'auteur de notre Mémoire qui épouse une fille naturelle de Samuel Bernard et que nous voyons installé dans de magnifiques demeures à l'hôtel Lambert à Paris, et dans le château de Cbenonceaux , ce bijou architectural tout plein encore des noms de François i*' et de Diane de Poitiers. iM. Dupin , qualifié quelque part de bon ingénieur, était encore bon

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544 RBYUB D'âLBâÛB*

économiste puisqu'il ne craignit point de publier une réfutation de VEtprii des Uni ^ et t chose étrange on attribue assez généralement à sa femme, célèbre par sa beauté et son esprit , une large part dans cet ouvrage.

Puis vient le fils du fermier général . Dupin de Francueil , qui succéda à son père dans la recette générale de Metz et Alsace. (Que notre Alsace devait être connue de cette famille qui a manié ses finances pendant près de 70 ans !) Ce n'est pas le personnage le moins intéressant et les eon/èt«ton< de Rousseau en diraient assez pour le sauver de Foubli , si M"* d'Epinay n'avait attaché son nom à celui de cet aimsdi^le débauché. Mais voici une aventure qui aura un bien autre éclat. Une fille naturelle du maréchal de Saxe» Marie-Aurore (les noms même de cette belle comtesse de Kœnigsmarck , mère de Maurice de Saxe) devient veuve , à peine mariée à un certain comte de Hom , fils naturel lui-même de Louis xv. Tout était si naturel à l'époque que nous racontons ! Ce comte se fait tuer en duel à peine arrivé à Sehlestadt il venait d'être nommé lieutenant de roi. M. Dupin de Francueil rencontre sa veuve i l'abbaye aux Bois elle s'était retirée , et l'épousa.

Mais que pensez-vous qu'il arriva de ce mariage et de qui la com- tesse de Hom, maintenant M""* de Francueil , fût-elle la grand'mère? D'un grand cœur, d'un illustre écrivain , de Geoi^es Sand (Aurore Dupin). ,

Nous vous renvoyons , pour les détails , aux mémoires du tempe , à ceux si intéressants de la célèbre descendante des Dupin , car nous voilà jetés fort loin du procès-verbal du Receveur général , et je ne m'en plains pas. Mais je vous jure que ce ne sera pas moi qui irai à la découverte des belles choses qu'on peut avoir dites sur la taille , la capitation, la grande et la petite gabelles , les aides et droits y joints. Ed. Bavbuër.

ABRÉGÉ mSTORlQUB D'ALSACB.

L'Alsace est une province qui a quarante-six lieues dans sa plus grande longueur et douze dans sa plus grande largeur.

Cette province peut passer pour une des plus fertiles et des plus abondantes qui soient dans le monde.

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L'ÉTAT DE L'ALSACe PAR ON FINANOBR. 545

On la divise en haute et basse , et celle division étoit établie dez le tenis des Romains : la haute Alsace faisoit partie de la province nom- mée Maiima Sequanorum , et la Basse étoit de la première Germanie.

Les Allemands conquirent cette province sur les Romains et les. François n'en devinrent les maîtres qu'après la bataille de Tolbiac , sous Clovis f l'an 495.

Par le partage des enfants de Clovis, l'Alsace eschut à Thiery , et fit alors partie du Royaume d'Austrasie.

Louis 4 dit d'Outremer est le dernier des rois de France qui l'ait possédée , elle passa après lui sous la domination des empereurs d'Allemagne . fut jointe à la Souabe, fit partie de l'empire et comprise ensuite dans le cercle du Haut-Rhin.

L'Alsace fut gouvernée par des Ducs jusques vers l'an 770 que Charlemagne redoutant leur excessive puissance et craignant qu'ils n'usurpassent la souveraine autorité , les obligea de se contenter du titre de Landgraves, c'est-à-dire Comtes ou Juges provinciaux , en exceptant de leur juridiction les maisons royalles , les villes épisco- pales et celle de Strasbourg ainsi que plusieurs fiefs particuliers.

Quoique les fonctions des Landgraves fussent bornées par leur institution à rendre la justice aux peuples de leurs territoires, cepen- dant la négligence et la foiblesse des Empereurs leur aiant présenté des occasions favorables à secouer le joug , ils empiétèrent peu à peu sur l'autorité souveraine et ainsi que les Margraves, Burgraves, etc.» se rendirent maîtres et propriétaires des provinces , pays et villes dont ils n'étoient que juges ou Gouverneurs de même qu'il étoit arrivé en France lors du passage de la 2* à la 5" race.

Le landgraviat d'Alsace étoit divisé comme la province en inférieur et supérieur , l'un et l'autre ont été possédé par différentes maisons ; mais celle de Hapsbourg maintenant Autriche , paroît avoir été en possession de ce titre séparé ou réuni depuis l'an 1210 jusqu'au traité de Munster de l'an 1648 que l'Empereur Ferdinand céda au Roi Louis 14" et à sa courone à perpétuité et en toute souveraineté le landgraviat de la Haute et Basse-Alsace , comme la maison d'Autriche en avoit joui avec le Sundgau , la ville de Brisac et la préfecture de Haguenau et des neuf autres villes impérialles d'Alsace , à la charge que ces villes et les seigneurs eclésiastiques et séculiers qui avoient été immédiats de l'empire , seroient maintenus dans le même état

9- Année. 55

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546 RfiVtlB D'ALSACE.

aiusi que TEvéque et la ville de Strasbourg » eo sorte que le Roi oe pourroit prétendre sur cos Etats aucune autoriié royalle.

Cependant comme les Archiducs dlnsprurk étoieut d'anciens pro- priétaires de plusieurs seigneuries et notamment du comté deFerrctte et de partie du Sundtgaw, le Roi fit un traité 1 au 1605 avec l'Archi- duc Sigismond par lequel il abandonna tous ses droits à Sa Majesté moiennaut trois millions de livres.

On appelle maintenant ancienne Domination les pays ei territoires qui composent la haute Alsace ainsi qu'ils ont cédés par le traité de 4663. Et nouvelle Domination ce qui a été cédé ù la France par le traité de Riswick.

La liberté des villes iropérialles subsista jusqu'en 1673 que le Roi voiant l'Empereur Léopold prêt à lui déclarer la guerre » vint en Alsace » s'assura desdites villes et les fit démanteler ensuite de quoi le premier traité de i648 fut confirmé par celui de Nimègue de 1679.

L'année suivante le Roi établit un Conseil royal dans la ville de Brisac qui procéda contre toutes les villes seigneurs et nobles qui ne voulaient pas reconnaître la souveraineté de Sa Majesté ce qui occasionna beaucoup de plaintes à Vienne et A la Diète de l'Empire , et fut suivi d'un traité conclu à Ratisbonne au mois d'août 1684 par lequel on convint que tout ce qui avoii été adjugé au Roi par les tri- bunaux de Brisac , Metz et Besançon et dont le Roi étoit en posses- sion actuelle demeureroit à la France pendant vingt ans seulement.

Mais la guerre de 1689 n'aiant pas été heureuse à l'Empire» Stras- bourg et toutes les autres villes et pays de l'Alsace furent cédés à la couronne en toute souveraineté par le traité conclu à Riswick au mois de septembre 1697. Les arrêts desdits tribunaux n'aiantété révoqués que pour ce qui étoit situé hors de l'Alsace et les choses subsistent aujourd'hui en cet état.

GOUVERNEMENT EGLÉSI ASTIQUE.

Cette province [se compose?] de quatre diocèses différons , savoir : Besançon , Basie , Spire et Strasbourg. Nous dirons seulement un mot de celui-cy.

L'évéché do Strasbourg fut déclaré suffragant de Maycnce par Charlemagne qui érigea cette dernière ville en métropolitaine. Les Rois des deux premières races et les Empereurs Othon , Henry et Lotaire ont donné de si grandes possessions à cette Eglise que les

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l'état de l'ALSACE PAU UN FINANaift. 84*7

plas grands princes en recherchèrent les bénéfices, et en exclurent les roturiers , et ensuite les simples gentilshommes malgré les oppo- sitions des Papes.

Cette ville aiant embrassé le Luthéranisme l'an 1529, chassa l'Evéque» les moines et les prêtres attachés à la Religion catholique. Ils y re-> tournèrent en 1550 ; mais après Tabdicaiion de Charles-Quint arrivée en 1556, ils furent si effrayés de se trouver sans appuy au milieu d'un peuple nombreux , qui leur étoit opposé , qu'ils se retirèrent à Molsheim.

L'Evéque étant mort sur ces entrefaites les chanoines luthériens élurent Georges Prince de Brandebourg et les Catholiques assemblés à Saverne élurent Charles Cardinal de Lorraine , ce qui excita une longne guerre entre les deux partis » qui diminua considérablement les revenus de l'évéché; car par un traité conclu à Haguenau en 1604» on convint que l'évéché demeureroit au Cardiual de Lorraine^ moyen- nant une grande somme pour le payement de laquelle il aliéna à la ville de Strasbourg le baillage de Molsheim et beaucoup d'autres droits. Cependant le chapitre ne retourna à Strasbourg que sons François-Egon de Fiïrstemberg l'an 1681 , et par la capitulation les Luthériens sont demeurés en possession de plusieurs églises.

L'Evéque est membre de l'Empire , et jouit avec la même supé- riorité territorialle que les autres souverains d'Allemagne » de deux grands baillages situés au-delù du Rhin. Il est élu par le chapitre, et pour être chanoine il faut faire preuve de 16 quartiers de haute noblesse.

GOUVERNEMENT DVIL.

Toute l'Alsace est du ressort du Conseil supérieur mainte;iant séant à Colmar. 11 connoit en première instance de toutes les affaires qui se portoient autrefois à la régence d'Autriche et par appel des jugemens des autres tribunaux de la province, tant des justices royalles que de celles des villes et communautés , seigneurs eclésias- tiques ou séculiers , noblesse , et même des appels comme d'abus , à l'exception des jugemens rendus par la table de marbre dont les appels se relèvent au Parlement de Metz.

Les Justices royalles sont les baillages de Haguenau et de Wissero- bourg et les prévosté de Neu-Brisac, d'Hunîngue, d'Einsisheim et de

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K48 HEYUE d'alsâCE.

Fort-Louis, toutes créées eu i694. II y a en outre un Juge royal pour les forts et ciiadelle de la ville de Strasbourg.

La noblesse de la Basse-Alsace , les terres de révéché , le conué de Hanau et la ville de Strasbourg out leurs justices particulières. Celle du sénat de Strasbourg a plusieurs chambres qui relèvent des unes aux autres et toutes ces jurisdictions jugent en dernier ressort au Civil jusques à certaines sommes » au-delà desquelles est apel au Conseil de Colmar ; la ville de Strasbourg juge au criminel en dernier ressort.

Cette ville est divisée en vingt tribus ou corps de métiers qui ont chacun une justice particulière, qui connoit seulement des affaires les plus sommaires ; il y a peu de villes en Europe les ordonnances de police soient plus belles et mieux observées.

Le Roi créa en 1694 deux maîtrises particulières des eaux et forêts, savoir , une à Einsisbeim pour la haute Alsace , et une à Haguenau pour la basse , qui relèvent de la Grande-Maitrise de Champagne.

Dans la même année le Roi créa aussi des oflSciers pour l'hôtel des monnoies de Strasbourg » le Magistrat faisoit frapper des espèces » avant que cette ville fust sous la domination de la France.

L'Intendant connoit de tout ce qui concerne la ûnance » domaines et revenus du Roy de la voirie , des grands chemins « des ponts et chaussées et des deniers communs et patrimoniaux , à l'exception de ceux de la ville de Strasbourg.

Il n'y a en Alsace ni élection , ni cour des aides , ni bureau des Onances.

Le droit écrit » ou le droit romain est la seule loi sur laquelle on rend la justice en Alsace.

' L'Universiié a été établie en 1558 , et fondée des revenus du cha- pitre de S^ Thomas ; elle est composée des quatre facultés. C'est la seule du royaume il y ait une chaire de droit public , les profes- seurs sont luthériens.

GOUVERNEMENT MILITAIRE.

L'importance de cette frontière a engagé le Roi à augmenter les fortifications des anciennes places . et à y en construire de nouvelles» dans lesquelles Sa Majesté entretient un état-major et de nombreuses garnisons. Ces places sont : Landau , le fort Louis du Rhin , le châ-

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L*ÉTAT DE L'ALSACG PAR UN FINANCIER. .'>49

teau de Lîclitemberg, Strasbourg, Scelestat, le Neuf-Brîsac» Huningue, LandscrooD et Belfort. Pbaitzbourg dépend des évéchés pour le tem- porel » et de Strasbourg pour le spirituel et le militaire.

La provioce a un gouverneur, un Lieutenant général » un Lieute- nant de Roi , deux autres Lieutenans de Roi à titre de finance et un commandant général.

Il y a aussi une maréchaussée composée d'un Prcvot général , deux Lieutenants et quarante-six cavaliers divisés en dix brigades dont il y en a deux ù Strasbourg et une en chacun des lieux cy après , savoir : Haguenau, Weissembourg, Saverne, Scelestat» Colmar, Belfort, Cernay et Altkirch.

FINANCE.

La province d'Alsace qui étoit sous les Empereurs un [Says d'Etats, est maintenant un pays d'impositions ; la taille y porte le nom de subvention ; elle s'y impose à proportion du bien et des facultés d'un chacun , suivant d'anciennes évaluations ou cadastres; mais avec tant d'équité pour les fonds et l'industrie , que l'on n'y connoit ni les plaintes des contribuables ni les huissierst pour les contraindre au payement de leurs cottes.

La capitation et les autres impositions ont aussi lieu en cette pro- vince et s'imposent au marc la livre de la subvention. La ville de Strasbourg paye au Roy annuellement sous le nom de capitation la somme de 72000'*'" qui se lève sur les bourgeois par les députés du Magistrat.'

Les Bourguemestres font l'office de Collecteurs dans le plat pays. Ils remettent les deniers aux Baillifs et ceux-ci aux Receveurs parti- culiers des ûnances. La juste répartition des impôts et la facilité du recouvrement font rechercher la collecte avec autant d'empressement que l'on se donne de soins et de peines pour l'éviter dans les pays d'élections.

Le Roi perçoit encore les droits sur le sel , sur le vin , sur les mar*' chandises entrant et sortant de la province et autres qui font partie de la ferme générale , desquels il sera cy-après amplement parlé.

Le papier timbré , le contrôle des actes et des exploits , les impots sur le bled« bois et tabac n'ont point lieu en cette province.

Les bois appartenans au Roi consistent dans les forêts d'Haguenau

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530 REVUE P'ALSACB.

et de la Harte» le surplus des terres doniauialles a été donné par le Roi Louis 14 au Cardinal Mazarin. Sa Majesté retire année ami mune de la province d'Alsace environ

Savoir :

Recette généralle des Gnanoes la somme de 1500000^*''-

Domaines et gabelles 590000

Coupe des bois du Roy 41600

Don gratuit du clergé 30000

2091600»'-

Outre ces droits il se lève encore sur les peuples de la province plusieurs sommes en vertu d'arrêts du Conseil au profit des seigneurs particuliers, lesquelles jointes aux dépenses que la ville de Strasbourg fait pour les fortifications et l'entretien de près de 300 ponts et atfx corvées d'hommes et de chevaux que la province fournit au Roi » peuvent encore être considérées comme une charge d'environ un million , ce qui double au moins en tems de guerre.

L'Alsace contient suivant le dernier dénombrement qui en a été fait» 1037 paroisses et 61785 feux y compris lu ville de Strasbourg, qui » i raison de trois^ personnes et demie par feu » font 216255 habitans.

COMMERCE.

L'extrême fertilité de cette province sembleroit permettre un commerce fort étendu au-dedans et au-dehors; mais sûrs du néces- saire et bornés au débit de leurs denrées , les habiians se contentent d'être les commissionnaires de l'étranger, sans vouloir négocier pour leur compte et l'on remarque qu'aucun d'eux ne s'est intéressé dans les entreprises pour la fourniture des armées.

Le produit de la terre et les fabriques consistent en (abac qui fait un objet considérable , chanvre, garence pour la teinture en écar- latte en cuirs de chamois , suifs , tapisseries de moquettes et de bergame , en petites étoffes , comme tiretaine et futaine , en couver- tures de laine, en cannovas et treillis et quelques toilles de lin et de chanvre, en vins, eaux-de-vie et vinaigre, porcs et bestiaux en- g' aissés » térébentine » tartre « bled de toutes espèces » prunes , cha-

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L*ÉTAT DE L'ALSACB PAR UiN FINANCIER. 5ol

taignes et autres fruits , graines de toute sorte de légumrs et de plantes, bois à brûler . à bâtir et pour la marine , etc.

Les Hollandais , les Suisses et les habitans du Palatinat sont ceux qui consomment presque toutes les denrées de l'Alsace à l'exception de ce qui s'enlève pour la subsistance des troupes du Roi et pour l'approvisionnement des places.

La plus grande partie du commerce so dit par cbarois dont le tirage est très-facile au moien des chaussées qui traversent toute U province , la rivière d'Ill qui se jette dans le Rhin au-dessous de Strasbourg est navigable depuis Colmar; cette rivière ainsi que le Rhin y dont la navigation , malgré la grande rapidité , n'est pas dan- gereuse, contribuent beaucoup au commerce de cette province.

Il y a aussi des mines de fer , de cuivre et d'argent ; il se fabrique une assés grande quantité de fer du costé de Belfoi t ; les mines de cuivre donnent annuellement 2i à 25 milliers de ce métal et celles d'argent produisent environ 16 à 1700 marcs de matière purifiée.

Les privilèges de la ville de Strasbourg dont il sera parlé cy après et la liberté que l'arrêt du Conseil de 1685 acconie aux négocians de faire seulement déclaration des poids des marchandises sans accuser la qualité, ne permettent pas de savoir à quoi peut monter l'importa- tion et l'exportation des marchandises de cette province et parconsc- quent de faire une évaluation et une balance de son commerce.

Nous allons maintenant passer à l'examen de toutes les parties qui composent cette direction , mais avant que d'entrer dans le détail nous créions qu'il est à propos de donner une idée générale des magasins à sel et des bureaux des domaines dont le département est composé.

IDÉE GÉNÉRALE DE LA DIRECTION.

Il y a dans l'Alsace sept magasins à set , qui sont Thann , Amer- schwir » Coiraar , Strasbourg , Haguenau , AUkirch et Belfort ; Tiiann est l'entrepôt de ces deux derniers magasins et les uns et les ;uilres fournissent les baillages qui en dépendent dans lesquels il y a des Entrepreneurs ou Regrattiers qui eu font ensuite la distribution aux ressortissans a l'exception de Strasbourg et de Colmar qui n'ont point de dépendance.

Les bureaux établis pour la perception des domaines du Roi sont

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852 REVUE D'ALSACE.

au nombre de iâ? divisés en cinq départements qui sont Thann» Amerscbwir , AUkirch , Belfort et Haguenau ordinairement appelle Haguenau et Laudau. Il y a à chacun un Receveur principal qui reçoit les deniers provenants des bureaux subordonnés dont le recouvre* ment se fait par six controUeurs ambulants.

Les teintes de la carte géographique jointe à ce mémoire marquent les bureaux principaux , et ceux qui leur sont subordonnés.

Les employés supérieurs de la province d'Alsace sont un Directeur et un Receveur général résidents à Strasbourg; celui-cy outre la recette générale est encore chargé de celle des péages de la ville.

L'état de frais de régie dont copie est jointe à ce mémoire fera suffisamment connoitre le nombre et la qualité des autres emploies ; nous ajouterons seulement qu'en général le département est fort bien monté , que chacun y remplit avec assiduité les fonctions de son employ et que les Receveurs sont tous bons comptables.

(Communiqué par M. Lefebvre , de Paris.)

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UN MOT

SUR LE MANUSCRIT DE GOLMAR,

ACHETÉ PAR LA BIBUOTHÉQUE DE MUNICH.

La Gazetu éPAugêbourg a jeté une assez vive émotion dans le petit monde littéraire de l'Alsace. Elle nous a révélé que la bibliothèque royale de Munich avait fait Tacquisition d'un volumineux manuscrit qui aurait appartenu autrefois soit à la ville de Coiroar, soit à l'une de ses corporations d'artisans. Ce manuscrit, d'après ce qu'on rap- porte, contiendrait un nombre considérable d'anciens mmneUeder des xnr et xiv* siècles « et de meutergescenge des xv* et xvi* siècles. ' L'on s'étonne que le roi de Bavière ait acheté ce monument pré- cieux de la vieille littérature allemande. Il nous paraîtrait bien plus naturel de s'étonner qu'il ne l'eût point acheté , puisque , jusqu'à présent , personne n'en a voulu » personne ne s'est préoccupé de son sort.

Comment ! ce livre manque depuis un demi-siècle dans un dépôt public, et l'on ne s'en aperçoit qu'au moment il est restitué à la lumière? Il semble qu'on aurait s'inquiéter un peu plus tôt de ce triSsor 9 d'autant plus qu'on assure qu'il se trouvait dans une ville voisine de Colmar.

A-t-il jamais appartenu à la ville de Colmar ?

Quand est-il sorti de sa bibliothèque ?

Comment espère-t-on l'y faire rentrer ?

Nous n'examinerons aucune de ces questions , n'ayant point compé- tence pour le faire. Nous laissons l'honneur et la charge de les résoudre à ceux qui , par état et par devoir , sont obligés d'avoir une opinion là-dessus. A notre avis, ils auraient déjà parler, au lieu de laisser

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5âi REVUE D'ALSACE.

la parole aax faiseurs de conjectures et aux narrateurs d'anecdotes douteuses. Peut-être aussi j'eusseot-ils fait , si les Apollom , les gla- dîateurs et les Vénus en plâtre n'absorbaient tous leurs soins et tout leur temps.

Chose singulière, avant l'acbat dont on s'étonne si naïvement» personne ne parlait du manuscrit de Colmar ; aujourd'hui c'est à qui dii^a son mot, à l'exception, comme nous l'avons dit» de ceux dont le devoir serait de mettre un frein aux suppositions bazardées et de jeter quelque lueur sur cette affaire si obscure.

Quant à nous, nous tte voulons dire que ce que chacun sait, mais ce que personne n'a encore jugé à propos d'apprendre au public. Nous venons dire deux mots du manuscrit lui-même, et faire juger de l'intérêt de ce monument par deux extraits que les savants de profession connaissent certainement mieux que nous.

On sait qu'il se forma au xiv* siècle , en Allemagne , des sociétés de maîtres-chanteurs (Meniersœnger) qui se développèrent et se pro- pagèrent surtout dans les deux siècles suivants. Ce n'étaient point des associations littéraires proprement dites ; il suffisait pour y être reçu de faire profession d'aimer la poésie et d'être capable d'édifier , soit avec le secours de la mémoire, soit au moyen de l'inspiration per- sonnelle , une pièce de vers , fabliau , chanson ou récit. Pour quel- ques uns peut-être même une belle voix était tout ce qu'on demandait. Ces corporations chantantes recrutaient leurs membres indifférem- ment dans toutes, les professions ; l'Apollon tudesque formait sa tribu privilégiée de ses enfants égarés dans toutes les tribus travaillantes de la cité prosaïque. Selon Gervinus (<) de pareilles sociétés auraient déjà été florissantes au xiv« siècle, à Mayence» à Strasbourg, à Colmar , à Francfort , à Wurzbourg , à Zwickau et à Prague. Celles de Nuremberg et d'Augsbourg ne se montrent qu'au xvs et le xvi« voit s'organiser celles de Munich , de Ratisbonne, d'Ulm, de Breslau» de Gôrlitz, de Dahtzig, etc. Il paraît certain que c'est à Mayence que l'on a vu le premier fonctionnement poétique de cette espèce d'in- stitut; dès le commencement du xiv« siècle, le prêtre Frédéric Frauenlob produisait des Wetigesœnge avec le maître forgeron Barlhel Regenbogen. {*)

(*) Deutsche poeliscke National-Litteratur , ii , 261. (3) BoDTERWECK , Deutsche Litteratur , ix , 287.

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UN MOT SUR LB MANUSCRIT DB COLMAR , ETC. 53S

Il est sensible que le Meistergesariff n'est qu'un effort bourgeois et vulgaire pour remplacer le lUinnegetang , la véritable poésie du moyen-âge qui s'éiaît éteinte avec l'époque héroïque de celui-ci.

La culture poétique des Meistersœnger n'a guères donné que des fruits aigres et lourds. Leurs productions manquent généralement de verve» de galté» d'originalité. Ce sont en grande partie des para- phrases de l'Ecriture sainte , des récits empruntés aux Deux Testa- ments. Cependant l'orgueil ne manquait pas à ces pauvres versifica- teurs. Leur registre remontant à 1597 (Tahulaiurhuch) , conservé à la bibliothèque de Strasbourg , et que le roi de Bavière ne trouvera pas à acheter, leur donne une institution à peu près divine , calquée sur la mission évangélique des douze apôtres. Selon cette légende , Dieu, au temps de l'empereur Otton I*% suscita dans l'empire germa- nique, douze hommes qui» sans se connaître, se mirent à faire spontanément de la poésie et à la chanter , et cette poésie est natu- rellement magnifique; ils le disent , du moins :

maehten hernach

viel Tifn lëblich geflissen ,

Schdn iugericht , da8% es weit thUt erschallen.

Le titre de ce registre n'est pas moins pompeux que leur origine , et ils espéraient naïvement qu'il serait continué jusqu'à la venue de l'Antéchrist, c II a été commencé , disent-ils , en l'an 962 et il doit être continué sans interruption jusqu'à la fin du monde, i II n'en fallut heureusement pas tant pour interrompre leurs chants. Avant la révolution même, dès 1780 , ils déclarèrent que leur feu poétique était éteint , leur veine épuisée. La société de Strasbourg ferma son temple le S3 décembre 1780 , en faisant hommage de sa caisse et de ses revenus à la maison des orphelins de Strasbourg. De toutes ses œuvres, c'est incontestablement la meilleure.

Outre Strasbourg , l'Alsace compta encore trois corporations de Meistergœnger , celles de Haguenau, de Wissembourg et de Colmar. Les deux premières n'eurent vraisemblablement qu'une célébrité toute locale. Nous ne connaissons d'elles que leur existence attestée par le Tabulaiurbuch de Strasbourg. Celle de Colmar a au contraire, joui d'une grande renommée , si nous en croyons les historiens alle- mands , notamment Gervinus et Bouterwcck. Elle remonte au xiv* siècle. On ne donne point de détails , ni sur son origine , ni sur son

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Kft6 REVUE d'alsage.

orgaoisation , ni sur ses travaux , ni sur les élémeDU dont elle était composée. Elle ressemblait , sans doute « à celle de Strasbourg » était formée sur le même plan, suivait les mêmes règles de travail » obéis- sait aux mêmes lois poétiques et recrutait ses adeptes dans toutes les classes de la bourgeoisie. Bouterweck (i) pense que les membres de la tribu des cordonniers s'adonnaient particulièrement au Meistergesang, et il fonde son opinion sur la circonstance que le recueil de poésies formé par la corporation de Colmar s'est trouvé dans les archives de la tribu des cordonniers. La. conjecture est forcée puisqu'elle ne repose que sur une circonstance accidentelle et nullement décisive ; le recueil s'est trouvé dans les papiers des cordonniers comme il au- rait pu se trouver dans ceux d'une autre tribu. Personne n'a jamais entendu dire, que les cordonniers de Colmar, ni au moyen-âge , ni depuis , eussent le privilège d'avoir l'esprit spécialement porté à la poésie. Il serait bien singulier que l'association des maîtres chanteurs de Strasbourg n'ait pas eu trop du secours de 20 tribus pour produire de si mauvais vers et que les cordonniers de Colmar eussent suflS à eux seuls pour nous en laisser de meilleurs.

Tout ce que l'on pourrait concéder , pour l'honneur de la verve présumée des cordonniers de Colmar, c'est qu'appartenant à une des professions le plus naturellement répandues , leur représentation au sein de l'association colmarienne a été relativement plus nom- breuse que celle des autres métiers. Cela suffirait , à défaut de toute autre cause demeurée inconnue, pour expliquer comment par la suite du temps et la décadence successive de la société ce recueil a bit partie de leurs archives.

Comment cette société a^t-elle vécu? Quand et comment est-elle morte ? Personne n'en a jamais rien dit , et notre ignorance , nous le confessons , est complète à cet égard. Les archives municipales de Colmar contiennent , sans aucun doute , des renseignements sur cette institution poétique et chantante. Mais ces archives sont un arcane dans lequel personne n'a jamais pu pénétrer, si ce n'est M. l'archi- viste de la ville. Luj seul les connaît et peut les connaître. Nous attendons de sa complaisance qu'il veuille bien donner au public le résultat de ses investigations.

Un mot maintenant du manuscrit connu dans la littérature sous le

(*) Loc. cit. , p. «87.

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m MOT SUR LE MANUSCRIT DE COLMAR , ETC. 557

nom de Manuscrit ou de Codex de la ville de Colmar. Bouterweck , qui en parle comme d'un objet qu'il a vu , dit qu'il doit contenir plus de mille lieder (i) parmi lesquels plusieurs du xiv« siècle , notamment ceux de Muskatblût qui ont avec les minneUeder l'analogie et la parenté la plus rapprochée. '

Le Bragur, recueil de chants populaires édité à Berlin par GnâTER, de noi à 4812» contient au tome premier , page 280 une notice sur ce manuscrit ; nous ne l'avons pas sous les yeux , mais ce recueil existe sans doute à la bibliothèque de Strasbourg.

Haug qui a édité à Tubingen en 1819 un recueil d'anciennes poésies, sous le titre de Poetischer Lustivald^ donne à la page 232 un extrait du manuscrit de Colmar ; il porte pour titre : Eiti sauberlich Liedlein avec la date de 1450. H. d'Erlach, dans ses Yolkslieder, édités à Mannheim en 1834 , tome page 171 , a reproduit cette poésie. C'est la première des deux qne nous mettons sous les yeux de nos lecteurs.

M. d'Erlach donne à la page 172 et sous le titre Ein ander sauber" lich Liedlein et comme appartenant à la même année 1450 une autre poésie dans le même goût » mais sans dire qu'elle est puisée dans le manuscrit de Colmar , ce qui cependant est infiniment vraisemblable. Elle commence ainsi :

Mich bat ein traut rein selig Weib,

BuscnrNG dans ses Volkslîeder a également inséré à la page 132 un Lied tiré du manuscrit de Colmar. Il porte le titre der Mat et est attribué par Busching à Muskatblût ; nous le reproduisons plus loin.

Ainsi , sans compter les emprunts qui. ont certainement été faits au manuscrit de Colmar par la masse de recueils de chants populaires que possède l'Allemagne , et qu'il nous est impossible de consulter ici , cette simple note constate que Haug » en 1819 , et Busching plus anciennement , ont pu donner des extraits du Codex de Colmar. les ont-ils pris? Ils ne le disent pas. Ont-ils vu eux-mêmes le manu- scrit? Nous ne pouvons rien affirmer, bien qu'il semble qu'ils en parlent, non comme d'un trésor mystérieux, mais comme d'une source officielle connue de tout le monde , de leur temps.

C'était aussi le sentiment des Alsaciens , qui ne pouvaient deviner qu'un manuscrit dont on parlait si simplement , si naturellement ,

(•) Loc. cit, , IX , 289.

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558 REVUE D'àLSâCE.

<ievait être perdu ou Tolé. Lobblein dit » (Gesch. der Musik im EUasi. Sirasb. i840, p. â) : < Eine der grôssten Sammlungen vo7i altdeuUchen Minnc' und Meuter'Sàngem , die ûber iOOO Lieder enlkàll , wurde in der Schuêterzunfi «a Colmar aufbewahri , und soll sich dermalen in der Siadlbiblioihek dagelbxi befinden, > Pauvre Lobsteio ! il est du moins mort avec cette illusion si naturelle !

Nous ajouterons que le Liedersaal de M. de Lassberg contient aussi un grand nombre de poésies empruntées à ce recueil . mais qu'il est plus difficile de distinguer leur origine, ce savant n'ayant pas une seule fois nommé le recueil de Colmar. Toutefois le fait est notoire et authentique.

il nous semble qu'au moyen de ces Indications , de la notice du Bragitr de Graeter, du témoignage de Bouterweck, des lueurs éparses de la tradition alsacienne» il doit être possible au bibliothécaire de la ville de Colmar de donner au public lettré quelques renseignements précis sur la présence plus ou moins ancienne et certaine de ce ma- nuscrit dans notre dépôt. Son savoir et les recherches qu'il fait , sans doute, depuis longtemps, sur le sort de ce mauuscrit, lui ont, en outre , fourni des données plus nombreuses et plus décisives peut* être que celles que nous offrons modestement ici. Tout le monde sera charmé d'en recevoir la communication officielle. Quand on règne en maître dans une bibliothèque , on sait naturellemîent une foule de choses que le pauvre vulgaire est bien excusable d'ignorer.

Voici les deux poésies que nous avons promis de communiquer à nos lecteurs :

I.

EIM SâUBERLIGH LIEDLEIN. ,

1450.

Mach dem colmarischen Codex.

(Hàug , Poetischer LustwM , Tubiogen , 1819 , p. 231).

Holdselige Muthgeberin !

Du Mailicht , wie noch keines schien !

Du auserwshlte Kaiserin !

Meiu Herz muss dir sich neigen.

In deine Macht , gar mannigfalt. Nie war ein Weib so wohlgestalt, Der sonst in ihre Hochgewalt Ich gâbe mich zu eifpen.

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UN MOT SUA LE MANUSCRIT DE COLMAR , ETC. 580

Sprich, Uerz ! kann dir nichts theurer werden Durch Liebe , Lust und Leidvertreib Als dièses rein traut sel'ge Weib ? Nein ! sagt mein Herz ! Ihr zarter Leib Geniigt , alleinzig, mir auf Erden.

Mîr ist so weh , mir ist so wohl. Ja du , vor allen wonnevoU , Du Klee , siisswtirzige Viol ! Erfreust mich im Geniûthe.

Ich harrte lângst der gjrossen Stunde^ Bis mir Gott selber bat bescheert , Was neue Sorgen von mihr wehrt , Der Seele hôchsten Wunsch erhôrt , Und'trostend heilt aus Herzensgrunde.

Laiig strebt' ich nach dem siissen Bund. Yiel fremde Strassen zind mir kund. Wisst : « Such' und finde » hiess mein Hund ; Der bat gesucht wie lange.

Wie vieler Schnobert , lohnerpicht , Doch Lieb'rea konnt* et finden nicht , Denn Weib , dein zartes Angesicht , Nach meines Herzens Drange.

Dein lÉcheln kann mir Freude bringan.

0 sage mir binwieder an :

Willst du von Herzen mich empfahn ?

Ich bin dir gânzlich unterthan.

Gott lasB' es Beiden wohl gelingen !

II.

DER MAI.

Aus dem in Kolmar aufgef^ndenen Liederbuch der Meistersinger.

Der Verfasser dièses Lied soll Muskatbllit sein.

(BuscHiNo, Volkslieder, p. 13Î).

Nach Lust ritt ich , Da freut' ich mich Der Sommerzeit ; Der Anger weit Stand lusliglich gezieret.

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560 Rsvins d*alsàcb.

Da hatt' die Haid Ibr WinterUeid Gezogen ab , Mit reicher Hab* , Hat 8ie sich auwtaffieret.

Mein Herz çanz voiler Freuden wat Ich sah die Blumen knopfen , So'klein war nir^nd nicht ein Gras , Daran da hingen Tropfen. Von sûssem Thau Hat sich die Au Lusttglich ûberzogen , Mit Lilien und mit Rosen roth. Aus sehn'nder Noth Kam mein Gemûth ; Des Maien Gut Hat mich noch nie betrogen.

Schaut wie àw Wald Gar mannigfait In Grûne stat ; Ein jeglich Blatt ,

In seiner Art ausspriesset. Seht wie das Reis Trâgt hohen Preis , In's Maien Kraft Sein linder Saft

Aus hartem Ho^e fliesset.

Schaut an , wie wunniglicben stat , Berg , Vaid' und auch der Anger. Mit mancher lustiglichen Saat Das Feld ist worden schwanger ; Mit rechter Frucht Manch' liebe Zucht , Die nur der Mai kann bringen , Mit lichten Blumen wonnebar. Die Sonne klar Giebt lichten Schein , Die Yôgelein Schôn in dem Walde singén.

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UN MOT SUR LE MANUSCRIT COLMAR , ETC. 561

Avant de terminer , noas oserons poser une question indiscrète sans doute, mais qui pour l'avenir , peut-être , aura l'avantage de former un point de départ certain pour la recherche d'un autre ma- nuscrit de notre bibliothèque. Quand M. le Bibliothécaire espère-t-il faire rentrer au dépôt la relation de l'abbé Martin de Pairis sur la première croisade, manuscrit qui se trouve depuis 6 ou 8 ans à Paris?

Puisque l'on est si lent à l'éditer à Paris , il y a des personnes de bonne volonté qui le publieraient volontiers ici.

CH. Gérard, avocat ilaeonr impériale.

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QUELQUES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

DE L'ANCIENNE VILLE LIBRE DE STRASBOURG.

Rien de Doaveau sous le soleil ; j'en trouve lapreuve dans quelques dispositions législatives de notre ancienne ville libre » et j'en conclus que le monde ne vas pas de mal en pis » comme quelques esprits atrabilaires veulent nous faire accroire.

A les entendre on serait tenté de croire que nos grands-pères étaient de petits saints. Ecoutons plutôt ce que nous apprennent à ce sujet les arrêtés des ammeistres; qu'on n*aille point croire cependant que je veuille médire de nos pères , que je veuille , avec une légèreté sacrilège » mettre en oubli le respect aux morts. Dieu m'en garde » de moriuis nil nisi bene. Tout ce que je tiens à prouver c'est que notre pauvre xix* siècle, si mal mené par les uns » si prôné par les autres , n'est ni meilleur, ni pire que ses aînés, et que de tous temps le pou- voir législatif a sévir contre les duellistes et contre les banque- routiers , contre le tapage nocture , l'usure et les délits de presse sans parler d'autres cas plus ou moins pendables.

Voici donc contre le duel un décret du 9 février i6B0.

c Wir Wolff Dietricb Zorn , der Meister und der Rath dieser der f He;l. Rôm. Reichs Freyen Statt Straszburg, sambt unsere Freundeo « den Ein und zv^antzigen Fûgen sie mânniglich zu wlssen, dasz v^ir eine I zeilhero mit hôchstem unserm miszfallen erfahren und vemehmen c mûssen , welcher gestalt Gottsvergessene , racbgirige und blut- « durstige Namespersonen , aus allzu grosser hitz und frechbeit , sich c entweder durch ûberflûssige Beweinung, oder andere ohnzulâssige c reitzungen dabin bewegen lassen , dasz sie , den ihren etwa zuge- c standenen scbimpff zu rechen , oder sonsien ibr racbgieriges c roûtbiein zuerkublen, einanier bey vermintlicbem verlust der

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QUELQUES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES, ETC. 563

t ebren » aasz*u. unter dem nichtigen vorwandt cavallierschne ausz- trags» yor die faust zum kampff gefordert , dadurch auch » wo nicht c gar umb seel uud leib , jedaunoch weuigsteDS umb gesundbeit und c gerade glieder offtermahls gebracbt babeo ; in massen eio solches c die leidige erfahrung uod vorgelassene trawrige exemple , mit c grossem ârgernusz aller ehr uad friediiebender geroûther , nur c allzuviel beschieneD. Gleichwienundurcb solches ohoeObrisiliches « beslirlisches uod abscbewlicbes begiuDen , zovorderst die Gôulicbe c Majesteiimbiromel , als in deren mâchlen und gewalt daszmenscben c leib und leben lediglich bestehet , zum hefftigsten erzùrnet , ver- c 8uchl und yerâchtlicb auf eine seitten geselzt , dem Teuiïel dagegen c ûber leib und seel gewalt eingeraumet , Statt und Land mit blut- schalden beflechert , Gottes Zorn und fluch darauff geladen » der c weltlichen Obrigkeit in verrichtung ihres amptes vorgegriffen , und c dem Politischen friedlichen wesen dargestelt zuwider gehandelt c wûrdt , das es auch gar die weisen Heyden » ohnangesehn sie das c geschôpff mehr, denn den Schôpffer geehrt und geachtet » nicht c fur obnstriflich angesehn und gehaiten. Also kônnen vil weniger c Wir, als eine Christliche Obrigkeit , dergleichen goitlose , viebische c und hôcbst schâdlicbe vornehroen , rauffund schlaghândel nachge- c ben , billichen und ohngestrafTt hingehniassen.

c Gebieten demnach nicht allein unsern Burgern , Burgerssôhnen I und Underthanen , sondern auch den Student^n , Schirmbâver- wandten , Handwercksgesellen und in summa allen Innwohnern u. c beisassen , sie seyen was slandies , herkommens und ansehens sie c immer wollen , nicht weniger als hinbevor in annis i583 » d609 u. c i628 geschehen» hiemit nochmalen ailes ernsls » dasz sie sich < sowohl des auszforderns als erscheinens , und ailes dessen , was zu c beschâdigung desz andern immer erdaclH werden und gereichen c mag , in Stalt und Landt , so weit sich unser Geblet und Obrigkeit c erstrecket , ganz und gar enihalton , und ein jeder umb seiner zu c dem andern habender spruch und forderungen willen , ordenlicher c und erlaubter, so gut so rechtlicher ausziragsmiitel gebrauche , c derseiben auch begnûgen lasse , u. erinnerlich bedenke , dasz das c auszbleiben und nicht erscheinen an wolhergebrachlen ehren , c guten nahmen und leumulh im geringslen keinen abbruch oder f schm|ilerung gebâren kônne. Widrigen falls , da dergleichen auszfordern , ohngeacht dièses

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!>6i REVUE D*ALSAGE.

unsers abermahligen verbqtts und vohimeinend widerhoUen war- nang , nichts desto weniger vorgebn und geschehn wûrde solle der provocans obscbon sein gegentbeil iboen nicbt erscbeiDen, unserm fisco 200 Reicbstbaler zur siraff verfallen sein ; deszwegen aucb, sobald es zur wissenscbafft gebracbl, von unserm jederweîls Regîerenden Âmroeister mît arresi bescblagen , und darinnen so lang entbaUen worden , bisz gemeldie straff erlegt , und die sacb , darûber sicb die streittigkeit erhoben ; zwischen den Parteyen ent- weder gût oder recbtlicb beygelegt und vertragen, oder dem geforderten uff sein begebren cautio de non offendendo geleistel sein wird.

c Falls aber dergleicben Duell ehe Wibr desselben gevabr und innen worden , vorgehen , und einige entleibung darausz entsteben wûrd , solle zwar wann der provocans gebliben , oder ausz emp- fangener verwundtung gestorben seinen Brben kein recbt wider den ibâter gestattet : dieser aber durch Uns , nichts desto weniger von Obrigkeitlicben Ampis wegen , befundenen Umstanden nach , am leib oder leben gestrafft , und der provocans , so er den geforderten erlegt , als ein vorsalzlicber todtschiager, vermôg weyiend Kayser Caris y Peinlicber Haiszgerichtordnung , am leben , und da gleich kein todtschlag oder verwundung erfoigt , dannoch beude theil , verachtern Gottes und der Obrigkeit , Je nach bescbaffenheit der saeben , am geit , leib oder leben gezûchtiget werden.

c Gleichmàssiger bestraffung sollen auch die enstiflter, beschiks- leut , secunden , beystander, zuseher, und die wissenscbafll darumb getragen , gehdriger orten aber nicbt vormeldei , von Uns gewurtig seyn. Und damit solcbe thàtlichkeiten desto mehr verbûtet werden und underbleiben môgen , ordnen und wollen Wir auch hierbey , dasz die Studenteojungen und Lakeyen » desz degentragens sicb hinfuro gantzlicb mûssigen und entbalten : dann welche damit, nach publication dièses mandats bedretten wûrden , denen sollen ihre gewebr, sowobl bey Tag als Nacht, durch unsere hierzu insonderheit bestelte diener abgegùrtet , unserm jederweilen Regîerenden Ammeister zuhanden gelûiïert , und die fernere gebûhr gegen Herren und Dienern vorgenommen werden. Darnach sicb mânniglich zu ricbten und vor scbaden , schimpff und gefahr zu hùien wissen wùrdt. »

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QUELQUES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES , ETC. * aOo

Vous voyez que ce décret contient déjà en germe toute la jurîspra- deuce Dupîn.

J'ai devant moi deux autres décrets , l'un du ^9 juin i850 et l'autre du ââ décembre 1666 , sur les faillites ; dans le second je trouve les considérants suivants :

c Demnach die leidige Erfahrung eine Zeit h'ero mehr dann gut zu c erkonnen gegeben » virelcher gestalt etliche Gewarbs-Kauff-und c Handels-Lcut, denen ihr Unvermôgen vorbin zu Genîîgen bekanndt « gewesen , von andern namhaffte Summen Gelds und Wabren , zu c fortfûbrung Ihrer Gewarb und Hanthierungen , theils vermittelst i angebottener hôherer Interesse , theils durch Ihrer gebrauchter c Zutreiber faisches Vorgeben , ob wâre am Crédit und Glauben c allerdings kein Mangel , geràhrlicher und betrûglicher Weisz auff-

< geborgi, und den Scbulden - Last von lahren zu lahren dermassen c vergiôssert , dasz sie endiich darunter erliegen bleiben , und ihre c Creditoren umb das Ihrige » wo nicht ganziich und furvoll . jedannoch

< grôssern und guten Theils leictsinniger weisz betrogen u. gefahrdet : c nichts desto weniger aber bei Ehren zu verbleiben sîch angemasst » <( und nach getroffenem scbadiichen Accord » mit unterschiagenem « frembdem Guth von neuem zu handlen angefangen , reichlicber als c vorbero Hauszgehalten , und in Kleidung sich dergesiallt sehen

< lassèn , als wenn sie kcin Talliment und banquerott gemacht hatten. > Déjà alors les choses se passaient exactement comme de nos jours. Mais voici maintenant les pénalités édictées par ce décret :

i) Le failli est incarcéré au pain et à l'eau jusqu'à ce qu'il se soit arrangé avec ses créanciers*

2) Tout son avoir mobilier et immobilier est distribué entre ses créanciers.

5) En cas d'arrangement et avant de l'obtenir, le failli devra prêter serment de remettre tout son avoir entre les mains de ses créanciers , et de les payer intégralement si plus tard il reprenait des forces.

4) S'il manquait à ce serment la peine en était soit un exil honteux , soit une détention à perpétuité.

5) Le failli perdait toutes ses dignités » n'eu pouvait plus obtenir par la suite , et était Inscrit dans sa tribu après tous les antres ; H était incapable de rendre témoignage en justice.

6) Ni lui ni les siens ne pouvaient plus porter de bijoux d'or ou d'argent ^ ni s'habiller de soie et si la femme avait contribué à sa

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566 REVUE D'ALSACE.

déconfiture , ou la connaissant ne l'avait pas*dénoncée , elle éiait tenue du tiers des dettes contractées pendant le mariage.

On exceptait cependant de ces peines ceux qui se trouvaient en faillite sans qu'il y eut de faute ou négligence à leur reprocher.

Dans un décret du 4 juillet 1622, le tapage nocturne est défendu sous peine de prison et les gardes de nuii sont même autorisés à user de moyens de repression violents à en juger par le passage suivant : c denn einmahl bezeugen wir offenilich , ob einem oder dem andern c durcb unsere Wachten (welche bierauff insonderbeit , und ohn c einigen respect der Personen , ernsllicb befelcbt sind) 9m Leib » c Leben , Haab oder Gut , eiwas ungleicbes oder widriges begegnen c wfirde» dasz er soll Unglûck ihnen seibst verursacbt , und weil kein c chrisilicbe Warnung verfangen , nicbts anders dann nur den ver- c dienien recbten Lobn empfangen babe. >

Et un autre décret du i8 février 4651 défend non seulement le tapage dans les rues c das viebiscbe und ârgerlicbe lûblen , leucblzen c und scbreyen auf den Gassen , Plut/en und Hâusern , bey Nacht c und bey Tag mais aussi das unniâssige Tabac-lrinken » wodurch c nicht allein in offenen Gasl berbergen , Wein , Bier und Scbaff- c hâusern » die Gen)ache mil Rauch und Gestank zu des Wûrlhs und c der ûbriger Gâsie beschwerlicher Ungelegenheit. erfûllet, sondern t aucb die Gerlnerskuecbte , > Gesinde , Gesellschaften und andern f nichi obne grosse gefahr mit Lundten und Pippen auffder Gasse» c in Hâusern, 'aucb gar in Scheueren, Siâllen und Belber umbzugehn c sich frowelich gelusien lass^n. > il est défendu par ce décret non- seulement de fumer duns les rues, mais même dans les maisons, in c oder ausserbalb des Hauses , Nacbts oder Tags . aller Orlen unserer t Stall Jurisdiclion unterworfen , sich des Pippen gehens oder Tabac

< trinkens , ganziichen zu enlhalten , > sous peine d'amende et de prison.

Un décret du 21 août 1592 punit de peines corporelles et même de mort les auteurs de libelles ou pamphlets : c gebieten von Ampts und c Obrigkeitswegen , allen denen wir zu gebieten baben , bei Leibs und c Lebensstraff, dasz sich keiner , er sey wes Stands , Ansebens oder

< berkommens erwôlle , gelâsten lassen solle , dergleichen Pasquîllos » f famos schrifïïen , Schandgedicht , dadurch ehrlich Leuth an ihren c und Ehren guten Nabmen y angegriffen, geschàmehtundverkleinen

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QUELQUES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES ETC. S67

c xvorden » zu dichten , zu schreibeD , bey vermeidung ob angezogener

< Pôn , allerdîngs zu enthallen. >

Vous voyez combien Paul Louis avait raison de ne publier ses pamphlets que sous la Restauration. Il en fut quitte pour quelques amendes et quelques mois de Ste. -Pélagie ; dans la ville libre de Strasbourg il risquait sa tête.

. Quant à l'usure on voit de même que la différence morale entre le XIX* et le xvii" siècle n'est pas à notre désavantage. Je trouve dans un recueil : Extract der Statt Straszburg Ordnungen von Contracten de i6i8 , dans le préambule : c Wann aucb bisz bero vielfaltig geblagt c worden , dasz nicht die luden allein , sondern wobi gar eilich der

< genannten Cbristen , durch mannigfaldige wucherliche contract « vvider Gott und recht , unzimmiicb handein » und darin mit heim* lichem vortheil und verschlagener boszheit also zu verfahren wissen , c das soich ohnchristliches wesen und straffbares ûbel , entweder I vertuscht und in der still verdeckt bliebt , oder doch mit scheinbarn c und gefahriichen griffen , namen und wordten arglistig kam untult , beschônt und der straff entzogen v^ird. >

Plus loin , dans le même Extnict , on interdit aux juifs tout com- merce outre que celui des chevaux et des comestibles » sous des peines pécuniaires plus ou moins fortes.

Ainsi duel , tapage nocturne , dérèglement des mœurs, pamphlets » usure, banqueroutes ou délits étaient assez fréquents pour éveiller la sollicitude des magistrats et provoquer des mesures législatives de répression. Quant au luxe il en était de même et je rapporterai pro- chainement quelques dispositions curieuses à ce sujet.

G. WOLPF,'

licencié en droit , atone à Strasbourg-

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$68 HEVUS D'ALSACE.

RECTIFICATION BIBLIOGRAPHIQUE A PROPOS DES VUES PITTORESQUES DE L'ALSACE.

Stroibourg , (• 13 novimhrB 18S8. Monsieur ,

Permettez-moi de vous adresser une petite rectification bibliogra* pbique concernant les Vue» pittoresques de V Alsace. D'après l'avis de M. Dietrich, dans son intéressant article : < Labbé Grandidier et le conseiller Radius , > l'abbé Grandidier serait l'auteur du texte de cet ouvrage. Cette opinion » partagée par un grand nombre de personnes, n'est fondée qu'en partie. Il suffit de lire la dernière phrase de l'ar* ticle de Munster pour s'en convaincre : t Aujourd'hui elle (la ville de c Munster) est administrée comme toutes les autres municipalités du t royaume » elle fait partie du département du Haut-Rhin et du db- trict de Colmar. Avant la révolution l'abbaye était du diocèse de c l'évéque. >

L'abbé Grandidier est mort le iO novembre i787 » il est donc de toute évidence que ces lignes ne sont pas de lui. Il ne serait pas difficile de réunir un plus grand nombre de passager qui ne pour- raient être de sa plume. Du reste il existe un témoignage plus direct. Voici ce qn'on lit dans le N* 2 de l'énumération des ouvrages de J. P. Schœll qu'a publiée M. Pinau de la Forest , dans son livre sur la vie et les ouvrages de ce fécond publiciste : (Paris 1834 , in-8<^.) c II. Voyage piuoresque en Alsace , Strasbourg 4790. Cet ouvrage ne c porte pas de nom d'auteur , les 5 premières livraisons sont de c l'abbé Grandidier et les autres de Schœll. >

Dans la note , p. 481 , de la Revue d'Alsace , il est question de 13 planches que contiennent les Vues pittoresques. L'ouvrage n'est vrai- ment complet qu'avec 18 planches. Aux 12 mentionnées il faut ajouter

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/

RECTIFICATION BIBLIOGRAPHIOUB , ETC. 569

celles qui représentent le Bœlcheu » Kiensheim , Exem , Nieder- mûQster» MurbachetSchirmeck, planches qui ne sont pas accom- pagnées de texte.

Pour compléter la petite notice sur les vues pittoresques restées incomplètes . comme toutes celles qui de ce grand historien ont été publiées « il faut ajouter que trois des articles de l'ouvrage en ques- tion ont paru séparément ; ce sont ceux sur Sainte-Marie et Eschéry, imprimés en iSiO en français et en allemand , enrichis d'un grand nombre de notes par le célèbre industriel Reber , de Munster , paru sans lieu ni nom d'imprimeur » et sans date ; la première de ces petites monographies est in-8^ et l'autre in-12.

rai l'honneur , Monsieur » etc.

F. Heitz ,

imprineiir et libraire à Strasbourg.

V

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570 REVUE D'ALSACE.

ADDITION A LA LISTE DES VILLAGES DÉTRUITS DE LA HAUTE-ALSACE.

Babslmm , U 16 wn)mbr$ f 89a.

Mon cher Directeur »

Mon ami Stœber vient de me signaler an ancien village détmit , qui ne 6gure pas sur la liste que vous avez bien voulu insérer dans la Revue iT Alsace de cette année , page 502. Voici ce qu'il en dit :

c DurrgebwiUer > village détruit dans la guerre de trente ans près de Didenheim et de Hocbstatt. Ces trois villages n'avaient à cette époque qu'une seule église qui se trouvait sur la colline de Diden- heim. L'emplacement elle s'élevait est signalé par une croix , élevée en i846 et portant l'inscription suivante : c Zum Andenken der ehe* c maligen auf dieser Stàiie gewesenen Pfarrklrche der dreï chrisllichen c Gemeinden Didenheim » Uochstatt und im Schwedenkrieg zerstôrten c Dûrrgebwiller. >

Il me fait connaître de plus qu'en i586, le village détruit de Willer, près de Bergbeim , parait encore sous la forme de IFeU/, dans le Malefizbuch d'Oberbergheim , fol. 60^, et que l'on trouve fréquemment dans les champs et les vignes , près du château de Reichenberg, des restes de fondations , des tuiles et des pierres taillées.

Il rappelle enOn que Borrer , dans son Dtctionnaire d* Alsace, pag. i55-i56, a déjà complété la liste de Schœpflin par l'adjonction de 27 noms nouveaux. Cette circonstance » qui m'était inconnue » mérite d'être signalée dans l'intérêt des recherches ultérieures.

Je vous serai obligé d'insérer ces renseignements dans le numéro delà Revue ^ qui paraîtra encore cette année. Aussi bien n'aurai-je pu me dispenser de vous signaler quelques errata dont la rectiOcation m'Importe» rectification qui pourra être faite en même temps.

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ADDITION A LA LISTE DES VILLAGES DÉTROITS . ETC. 571

CepeDdaot , avaoi d'y procéder » je crois devoir ajouter quelques mots sur le village de GtUzwiUer. L'emplacement de ce village se trouve sur une hauteur» près de FembraDchement de voie romaine » qui » partant de Kembs va rejoindre près de Hirsingen la grande route de Mandeure à Augusta. On y a déjà trouvé des restes de construc- tions , ainsi qu'un grand nombre de monnaies romaines , parmi les- quelles l'on m'a cité un Néron en or. La tradition rapporte qu'il y existait anciennement une grande ville dont les deux Magslatt étaient les faubourgs. La légende populaire ou pour mieux dire c die Sage > iDot qui n'a pas son équivalent en français , brode encore là- dessus et veut voir de temps en temps des bandes armées traverser la combe, qui court entre les hauteurs : elle prétend alors entendre la cloche d'alarme tinter au fond de la fontaine qui verse ses eaux dans la combe.

FAUTES A CORRIGER :

PageSOâ, 2*li

gne

^ au lieu de : V. tome ii , lisez

: V. tome v.

16*

14» siècle

i5« siècle.

Page 505, 29«

Banunheim

Bancenheim.

32«

quantité de tuiles

quantité de débris de tuiles.

Page 506, !'•

grothleiffe

grolsleiffe.

36«

Kine

Rine.

Page 307, i5*

horthograpbe

orthographe.

- 16-

racourcissements

raccourcissements.

18«

HoloUowUare

BeloUawUare.

26*

éloigné

éloignée.

27«

siué

situé.

Agréez , mon cher Directeur, mes civilités empressées.

Stoffel.

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S72 REVUE D'ALSACE.

LEHRE INÉDITE DE KLÉBER.

' A MM> les Administrateurs du département du Haut^Rhm* {*)

Messieurs ,

Les bontés qae vous m'avez témoignez sans cesse me font espérer que vous vouderez bien jointre une lettre de recommandation vive et déterminente a celle que j'adresse à H. le maréchal Luckner et que j'ai l'honneur de mettre sous vos yeux pour vous faire connaître l'objet de mes demandes.

Vous connaissez , Messieurs , mon zèle à servir la chose publique; je lui ai sacrifié toute mon exisiance. Cependant je sens que dans la position je me trouve , tonte ma bonne volonté restera sans effet » et qu'aucun des taleus militaires que je crois poseder ne sera employé utilement au service de ma Patrie. Contribuer à m'en tirer. Messieurs, en me faisant employer d'une manière quelconque aux extrême fron- tières» et se donneront les grands coups» seroit m'engager à la plus vive reconnoissance. Je suis avec respect »

Messieurs »

Votre très humble et très obeisant serviteur,

KLEBER. Besançon ce 7 may 1792.

P.S, En ce moment arrive une estafette qui aporte à M. de la Morlière, général commandant en cette ville » l'ordre d'aller remplacer M. le maréchal Luckner , ce dernier devant prendre le commandement de l'armée de Hochambeau. Ceci , Messieurs , ne doit point vous empê- cher de faire partir ma lettre le plutôt posible et d'y jointre la votre. Si M. de la Morllère se presentoit au département à son passage à^

(•) Kléber était adjudant-major du bataillon du Haut-Rhin. en 1754 , il avait alors 38 ans. Nous conservons rigoureusement l'orthographe de sa lettre.

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LETTRE INÉDITE DE KLÉBBR. 575

Colmar , daignez , Messieurs , également lui parler de moi ; je vais dès ce pas me transporter chez lui. Notre bataillon a passé dans le département de Laiu , je pars demain pour Bcurg en braisse le re- jointre. M. de la Morlière à 84 ans » il est sourd et paroit un exelent homme, il s'est conduit avec beaucoup de prudence ici. Je ne le crois guère propre à commander une armée offensive.

Cofnmuniquée par M. Frantz, cbef de division à la préfectare do Haut-Rhio.

{Archives du Haut-RhinJ,

HISTOIRE DU COMTÉ DE DABO.

Strasbourg y iS novembre 1858.

Monsieur le Directeur »

Empêché par un travail spécial de rendre compte immédiatement de la nouvelle édition que M. Dugas de Beaulieu vient de publier de son Hutoire du comté de Dabo , je m'acquitterai de ce devoir sans trop de retard. Veuillez en attendant annoncer à vos lecteurs l'appa- rition de ce beau volume ou permettre que ces lignes la leur annoncent.

Recevez , Monsieur le Directeur, l'expression de ma considération distinguée.

Matter.

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TABLE DES MATIÈRES. - NECVIÉHE ANNËL

HISTOIRE. ARCHÉOLOGIE.

L0UI8 LbyradIiT. Villes libres impériales de Tandenne Alsace. Lamdau 49

..__-. Première suite 97

Deuxième SKTT

•— Troiiième M3

Quatrième 382

Cinquième 402

Siofième 445

^ Septième 493

Fin

Gh. Drion. Notice historique sur l'église réformée de S^MarieHiux-Mines 77

Première suite 137

Deuxième 191

_ - - Fin 227

GosTB. Argentouaria , sUUod gallonromaine de l'Alnoe S7

L'Alsace romaine. Etude sur les andennes voies de communication (avec une carte) 433

Gh. Knoll. Les fouilles du tumulus de Soultz. Découverte d'une enceinte fortifiée 137

_ Mémoire sur l'andenne commanderie de l'ordre de Bfalte, située kSoulu 290

Les fouilles des tumuli d'Ensisheim 331

A06. Stoebbr. Nouvelle conjecture sur le lieu s'est livrée la l>^taiUe

décisive entre Jules-César et Arioviste 298

Véron-Révillb. Les cbiens de la princesse de Wurtemberg, (Souvenirs

du Conseil Souverain d'Alsace) 305

DcGAS DE Bbaulieu. Gertrude de Dagsbourg 385

J. J. DiBTRiCH. L'abbé Grandidier et le conseiller Radius 481

F. Heitz. Une rectification bibliographique à propos des vues pittoresques

de l'Alsace 568

Christophorijs. Liste des villages détruits ainsi que des noms de villages

disparus » dans la Haute-Alsace , mise au niveau des connaissances actuelles 502

Addition à celle liste 570

Ed. BàvELAêR. L'état de l'Alsace par un financier 541

Ch. Gérard. Un mot sur le manuscrit de Golmar, acheté par la biblio- thèque de Munich 5'^

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TABLE DES MATIÈRES. 875

BIOGRAPHIE.

PaCM.

L. SoHifBEGANS. Jean Bein 18

L. Spach. Domioique Bietrich. f5mre «f /(n) 209

ÉTUDES LITTÉRAIRES.

F. G. Bergmann. Les Scythes. Leur état social , moral , intellectuel et religieux . . 5

Première iuite « 58

Dewrième 116

- Fin 180

NUMISMATIQUE.

A. DoRLAN. Sur quelques monnaies épiscopales de Strasbourg Î39

Anatole de Barthélehy. La numismatique en 1857 512

ÉTUDES MYTHOLOGIQUES. HAGIOGRAPHIE. .

Max de Ring. Sainte Foi , Sainte Espérance et Sainte Charité , filles de Sainte Sapience. Etudes hagiographiques 576

AuG. Stqeber. Mœurs , coutumes et croyances superstitieuses du peuple tyrolien , par M. Ig. Zingerlé. Sitten , Bràuche und Meinungen des TiroUr Volkes, gesammelt und herausgegeben yon Ignaz Zingerlb . . 380

J. Fessenmayer. Le paganisme et sa signification pour le chrisUanisme » par le D' Sepp. (Suite et fin) 304

SCIENCES NATURELLES.

R. Lcppelin. Mouvement et travail 337

J.-P. PuTHOD. Hydrologie alsacienne 369

LÉGISLATION ÉCONOMIE'.

De Netremand. De la nécessité de réprimer l'ivresse 273

L. Spach. - Causeries littéraires. Paupérisme et bienfiiisance dans le Bas- Rhin , par L. J, RebùuJ^Deneyrol 463

G. WoLFF. Quelques dispositions législatives de randenne ville libre de Strasbouig * 562

VARIÉTÉS. D' EissBN. Troisième réunion des chanteurs alsaciens. Grand festival

de Golmar ^ 416

Paul Lehr. Epttre à M. Auguste Lamey 460

DOCUMENTS HISTORIQUES.

Lelabodbeur. Origine du luthéraoisme à Colmar 26

C. GflNTQER. Lettre que les religieuses du couvent des Unterlinden de la

ville de Colmar ont adressée à la Convention nationale , en février 1791 . 300 Fkantz. Une Irltre inédile de Kiéber 572

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k ^

576 TABLE DES MATIÈaBS.

BIBLIOGRAPHIE.

Anatole de Barthélémy. -— Les nobles et leê vilains du temps passé , on recherches criliqnes sur la noblesse et les usurpations nobiliaires, par

Alp. Choisantj paléographe Zi

Cosmographie mosooyite , par André Thevet , recueillie

et publiée par le prince Aug, Galitxin 204

Emile Grocker. La philosophie et la religion , par M. Mattir 36

ËMM. Le Maout. Flore d'Alsace et des contrées limitrophes , par le D*

, F. EineMeger 46

Ch. Gérard. Alsatia de 18S6-18S7, par iiii^. 5l<B(0r 96

Un BoBLiOPmLB. I. V Union aUaeiminey recueil religieux, scientifique, liistorique , littéraire et bibliographique. II. Mémoire à TAcadémie de Rheims , par L. W. Havenèx, III. Frédéric de Dietrich , premier maire et Dominique de Dietrich, ammeistre de Strasbourg, par L. Spach. IV. Der Kochersberg, par A, Stœher.— Die Abtei Murbach, par Fréd. Oite, Chronique de Wiegersheim. ^ V. Notice sur la vie et les ouvrages de H. A. Dupont, par M. Ifoffer .«-YI. Histoire de la Réformation firançaise, par M. Puauœ, VII. Tableau chronologique et synoptique des gouveme- ments qui se sont succédés depuis 1789 jusqu'k nos Jours, par M. Mathim»-

5atnf-£atirsnf, notaire à Colmar ^ËSi

N. NiCKLÈS. L'année scientifique et industrielle, par M. £. FiguMUr ... 302 -- Zoologie du jeune âge ou histoire naturelle des animaux ,

écrite pour la jeunesse , par M. lera&ouUsf , etc 385

Matter. Gediehie von F. A. Haercker, etc. Poésies de Mareker . . . . 3SJ H. KiENLEN. Peter-Martyr Vermiglf. Leben und ausgewOhUe Sehriflen nach handtchriftlichen tmd gUichAeitigen QueUen. (Pierre-Martjr Vermigli , d'a- près des sources manuscrites et contemporaines) von iP C. Sehmidt . . 430

F. KmscHLEGER. Correspondance 470

Matter. Correspondance S75

^••PS"

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