m ^%i ?i''^^:., i W Jr^. ^ j**U^ i 'Ij %«s^-k!»'-: H? !>h.#^ Jà^ ^!k^^i( ^0^ oeJû ^^^P| ^ •e, w ■-.;*.•■. 4»... i'jk. 'j ïWk**^ s^i'. V? >-^-:-^ fsw \^ ^\ r V., \ y / ->-\i^ \'^' i^ REVUE DKS SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES BULLETIN BIMENSUEL DE LA. SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE { VERSAILLES, IMPRIMERIE CERF ET G''', 59, RUE DUPLESSIS- REVUE DES SCIEICES NATORELLES âPPLlQOÉES BULLETIN BIMENSUEL DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE Fondée le 10 février 1854 RECONNUE ÉTABLISSEMENT D'UTILITÉ PUBLIQUE P\R DÉCRET DU 26 FÉVRIER 1855 1893 — DEUXIÈME SEMESTRE QUARANTIEME ANNÉH Uf:i( AK^ !'*izV '■■ 18 8J -1 >. 2 » 6 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. En 1885, il j eut une chute profonde ; pour l'année 1888 le prix moj^en ne peut pas être évalué à plus de 1 £8 sli., les. cours pratiqués en 1893 sont encore plus bas. Voici le tableau comparatif des quantités exportées et des valeurs déclarées en douane durant la période décennale 18^9-1888 : Livres anglaises , Livres sterling. AVOIR DU poids „,.. nw « (40o GR.) Années 1879. — 1880. — 1881. — 1882. — 1883. — 1884. — 1885. ■ — 1886. — 1887. — 1888. 96 582 655.756 163.065 883.632 193.612 894.241 253.954 1.093.989 247.179 931.380 233.411 966.479 251.084 585.278 288.568 546.230 268.832 365.587 259.967 347.792 2.256.254 £ Fr. 11 7.290.364 KiL 1.022.083 34.081.691 Voici un aperçu des prix de vente pratiqués durant cette période pour oiseaux vivants : En 1881-1882 un couple d'oiseaux reproducteurs (Breeding Birds) se vendait jusqu'à 250 £ (6,250 francs), en 1883 ce prix était descendu entre 40 et 50 livres (1,000 à 1,250 francs), en 1889, le bulletin mensuel delà maison Thomson, Watson et C"" de Port-Elizabeth cote les prix suivants pour les oiseaux vivants : Couples reproducteurs d'Autruches. Prix inconnu. N'ayant pas encore couvé 4 à 5 £ Oiseaux de 4 ans 3 à 4 ij — de 2 à 3 ans 2 à 3 £ — de 1 à 2 ans Iâ2£ Autruchons de 1 à 3 mois. 5 à 7 sh. 6 d. (G fr. 25 à 9fr. 25). Jusqu'en 1880 les colons du Cap n'avaient i)as encore de concurrents pour cette industrie lucrative. En 1881, quelques expéditions d'Autruches du Cap à destination de Buenos- L'AUTRUCHE ZT LA CoLOXLSATION. , 7 Ayres et de Montevideo, s'ajoutant aux entreprises de l'Aus-t tralie, de la Nouvelle-Zélande et de l'ile Maurice, provoquèrent rétablissement d'un droit de sortie de 2,500 francs par oiseau et de 125 francs par œuf, que le gouvernement colonial a maintenu depuis 1883. Les établissements fondés dans les pays sus-mentionnés sont tous prospères, l'Exposition de 1889 a permis d'en appré- cier les produits remarquables. L'établissement de Mataryeh, près du Caire (Egypte), et ceux de l'Algérie n'ont pas été aussi heureux; toutefois, celui de l'Egypte existe encore, alors que les établissements algé- riens sont fortement éprouvés ou ont disparu. Les diverses entreprises algériennes ont échoué par suite de causes assez complexes, nous ne signalerons que celles d'ordre général, soit : climat humide du littoral, emi)lace- ments mauvais et manquant de l'espace nécessaire au déve^ loppement des jeunes oiseaux. En qualité d'ancien éleveur, je fais les affirmations sui^ vantes : Je crois à la possibilité de reconstitution de nom- breux troupeaux d'Autruches dans le Sud algérien, j'ai la conviction qu'en important dans une oasis un nombre de reproducteurs bien installés et soignés convenablement, le bon effet du climat saharien qui est nécessaire à ces oiseaux, ne tardera pas à produire son efïét naturel, soit une repro- duction régulière et normale. Cette tentative serait facilitée aujourd'hui par la sécurité existant dans le Sahara algérien ; les risques de transport sont réduits aux risques habituels d'un envoi d'animaux vivants par chemin de fer. En effet, grâce à ce moyen de transport l'on peut espérer le moins d'accidents de route fort préjudiciables, car les frais de transport sont très élevés et le nombre d'oiseaux disponibles assez restreint. Il ne faut pas songera en importer du dehors, à moins d'y consacrer des sommes importantes. C'est avec des moyens modestes qu'il faut réussir. Or la réussite s'obtiendra par la possibilité de nourrir sur place des couples reproducteurs, sans grands frais de clôture, de garde, d'entretien, etc. La progéniture sera élevée en liberté et conduite au pâturage dans la compagnie des trou^ peaux de moutons ou de chameaux, complément de l'élevage saharien. Aussit(jt l'existence d'un nombre d'oiseaux suffisant aux charges de l'exploitation, l'excédant des oiseaux dispc^- 8 HEVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. nihles poiiri-ait être placé en cheptel sous la direction admi- nistrative des tribus nomades du Sud, constituées en Djemàâ, là oii ce système social est pratiqué ; certainement avec cette organisation il laudrait peu d'années pour créer la vie et une certaine industrie dans ces immenses régions, actuelle- ment improductives. L'Autruche est omnivore, tout ce qui est à portée de son bec sera englouti, grâce à ses yeux perçants. Elle mange l'herbe à la façon des oies et devient fort grasse dans la pé- riode de temps oii elle sera nourrie de verdure en abondance. Autrefois, avant que l'Autruche ne fût refoulée au-delà des limites extrêmes de l'Algérie par les chasses dont nous parle le général Margueritte, elle venait pâturer dans les Daïas et sur les bords des Chotts des Hauts-Plateaux. Dans ces dépres- sions salées, le sol est couvert d'une végétation caractéris- tique (coloquinte, guethaf, térébinthe, jujubier, armoise, drinn, etc.. ) qui compose les pâturages des troupeaux et qui est aussi recherchée par l'Autruche. Elle mange aussi toute espèce d'insectes, des larves, des lézards, des scorpions, etc., etc...., on peut dire qu'elle absorbe tout ce qui est à portée de son bec et la qualifier à bon droit d'omnivore. L'Autruche aime beaucoup l'eau, elle en boit souvent plus de six litres par jour en été, ce besoin est moindre en hiver surtout si l'oiseau est nourri de fourrage vert. L'Autruche en liberté mange des sauterelles toute la jour- née. Nous observerons encore que l'Autruche en captivité, bien nourrie, ne mange pas de sauterelles, mais les tue à coup de bec; il faut lui supprimer le grain et l'herbage pour la for- cer à se nourrir d'acridiens. Cette qualité d'acridiphage doit être encore une des considérations qui militent en faveur de la reconstitution de nombreux troupeaux d'Autruches dans les steppes du Sahara et des Hauts-Plateaux et qui nous aiderait dans la lutte contre le fléau africain qui se reproduit régulière- ment et cause la ruine et la misère dans toutes ses apparitions. L'Autruche, dont les œufs et la chair sont essentiellement comestibles, ne saurait-elle être élevée que pour produire des plumes dont la valeur est subordonnée à toutes les fluctuations des caprices de la mode ? Déjà, en 1849 (Ij, Isidore Geottroy Saint-Hilaire avait qua- (1) Rapport à M. Laiijuiuaif, minisire de lAgiicullure et du Commerce. L'AUTRUCHE ET LA COLONISATION. 9 lifié rAutriiclie '< oiseau de boucherie » : le jour est peut- être proche où cet anin^al justifiera cette appellation, en fournissant une ressource nouvelle à l'alimentation publique. On sait que l'Autruche pond annuellement de 25 à 30 œufs et que souvent ce nombre est porté à 45 et 50. Les œufs d'Autruche sont de fort bon goût, mais pour les servir sur la table en omelette, en œufs bouillis, etc., il con- vient d'enlever à peu près le quart du blanc. Dans ces œufs, la proportion du blanc est beaucoup plus considérable que dans les œufs de Poule. Si Ton adopte une moyenne de 35 œufs i)ar couple et que, sur ce chiffre, 15 soient reversés à la reproduction de l'espèce, il restera 20 œufs à livrer à la consommation, soit l'équivalent d'environ 600 œufs de poule, dont on pourra retirer une va- leur relative importante, parla vente des coquilles vides assez recherchées. D'autre part, les 15 œufs afïectés à la reproduc- tion pouvant produire environ 10 jeunes, ces derniers pèseront à un an 25 à 30 kilos qui, comparables à la chair de dindon- neau, trouveront un écoulement facile au prix moyen de 1 franc le kilogramme. En ajoutant la valeur des plumes à celle produite par la vente pour l'alimentation d'une dizaine de jeunes oiseaux par couple reproducteur, le revenu annuel pourrait se chiffrer à 500 francs minimum. La viande d'Autruche, comparable à celle du bœuf, est supérieure à celle du cheval, du buffle, du chameau. La viande crue présente l'apparence de celle du jeune bœuf. Le bouilli ne difïere en rien de celui de la bonne viande de bœuf : couleur, odeur, saveur et ayant l'avantage d'être excessivement tendre. La viande est d'une cuisson très facile. La peau, quoique plus épaisse, devient très tendre et n'est pas plus dure que celle d'une dinde. Le filet rôti et très peu cuit d'une viande juteuse, tendre, couleur de bœuf légèrement foncé, est supérieur au filet de cheval. On peut en conclure que l'acceptation de la viande d'Autruche par la consommation aurait plus de succès encore que n'a eu la viande de cheval, le jour où cette con- sommation serait facilitée par une production régulière et normale. Pour terminer faisons rapidement l'exposé des rares pro- ductions sahariennes. Un élément de fortune sur lequel nous avons déjà appelé 10 BEVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. l'attention (1) pourrait tenter les recherches de quelques aven- turiers hasardeux. Nous faisons allusion aux émeraudes dont nombre de la grosseur d'un œuf, ont été recueillies près du lac VIengough, au cours de la deuxième mission Flatters. L'énumération des productions sahariennes, fort courte, d'ailleurs, se réduit aujourd'hui aux dattes produites par main- d'œuvre humaine dans les oasis, et à la gomme qui se recueille dans les forets bordières du Sahara, dans toute l'Afrique cen- trale. A ce maigre résumé, la prévoyance commande d'ajouter l'élevage des Autruches et ma conclusion justifiera toutes les tentatives devant amener ce résultat. GO^CLUSIOX. 1° Les cultures industrielles de palmiers-dattiers (phœnix dactylifera) sont excessivement coûteuses à créer et ne rap- portent qu'environ dix ans après leur plantation; la néces- sité des puits artésiens s'impose avec des chances extrê- mement aléatoires et toujours fort coûteuses. La production prodigieuse des dattes communes du Chatt el Arab inonde tous les lieux de consommation, sans concurrence possible par la création d'oasis par des Européens ; les dattes fines exclusivement destinées à la consommation européenne pour- ront manquer du débouché nécessaire à une trop grande production. 2° Les Gommiers se trouvent en forêts exploitées sur la lisière méridionale du Sahara depuis l'Atlantique jusqu'à la mer Rouge et dans la péninsule arabique. Par semis, ces arbres pourront être répandus beaucoup plus au Nord. La récolte des gommes est subordonnée à une main-d'œuvre d'esclaves qui ne représente aucun capital pour les Indigènes ; c'est donc une industrie très précaire pour l'Européen qui ne pourrait exploiter que l'écorce très précieuse employée dans la tanne- rie des peaux de chèvres. 3° Le seul, lunique élément de prospérité dans tout le Sahara est, sans conteste aucun, l'AUTRUCHE. L'Autruche est l'auxiliaire indispensable de toute installation [1) ALGÉniE AGRICOLE, 1890, • A PROPOS DES GoMMiERS > et « Comptes rendus • de la Société de Géographie, 18'J1. L'AUTRUCHE ET LA COLONISATION. U permanente, elle sera au besoin l'animal do boucherie du Sahara (1). L'Autruche est parfaitement domesticable lorsqu'elle est élevée en liberté. Nous rappellerons qu'en 1849 on a présenté au lieutenant -colonel Bazaine, chef du bureau arabe de Tlemcen, un troupeau de 21 Autruches domestiquées, qui, parfaitement libres, vaguaient tous les jours avec les trou- peaux sans chercher à s'échapper et à reprendre leur liberté. Heuglin, Brehm ont voyagé dans l'Afrique orientale avec des Autruches parmi les chevaux et les chameaux de leur convoi, elles se promenaient en toute liberté dans les localités des parcours à la recherche de leur nourriture. Edouard Molir, Mauch, Holub ont [)arcouru TAfrique australe avec des Au- truches en liberté, suivant leurs chariots très paisiblement. En 1880, le J)' Lenz à Tombouctou voyait les Autruches domestiques menées à l'abreuvoir avec les autres animaux domestiques du pays. Tous les voyageurs des pays Somalis ont vu des troupeaux d'Autruches dans tous les lieux habités, en complète liberté ou menées à la pâture avec les autres animaux domestiques du pays. On apprécie déjà la diminution des relations par caravanes de la Méditerranée avec le Soudan. Le commerce tripolitain des plumes d'autruches ne suffit pas à l'entretien des coû- teuses caravanes allant de Tripoli au Bornou et au Wadaï; l'ivoire en provenance du Baghirmi et de l'Adamaoua prend aujourd'hui la voie du Niger-Bénoué (2j. Par l'extension de notre puissance dans le Soudan septen- trional le commerce des esclaves avec le Nord se restreindra certainement; on doit prévoir que bientôt dans le Sahara, il y aura nombre de routes mortes, c'est-à-dire abandonnées. Le désir actuel de rapprochement des Touareg avec nous ,1) Les Tiircomans des steppes de l'Asie centrale élèvent principalement des chevaux qui servent aussi à leur alimentation. (2) Cette opinion publiée en 1887 [Algérie agricole), est conlirmée aujourd'hui par les déclarations précises du commandant Monleil : < Nous pourrions Ira- liquer de ce que les caravanes de Kano vont prendre du côté du Baj^hirmi pour porter en Tnpolitaine, c'est-à-dire les plumes d'Autruches, l'ivoire et surtout le caoutchouc si abondant dans ces régions et encore délaissé. Ce mouvement déjà créé est plus facile à exploiter par le Haut-Niger qu'ai', uioycii d'un chemin de fer tran-ssahcrie,/. » [Discours de réception à la Sorbonne, 29 janvier 1893.) 12 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. s'explique naturellement : « La faim fait sortir le loup du bois », il n'y a plus de caravanes à piller et nos ennemis meurent de faim. Fidèles aux traditions de générosité de notre nation, oublions nos justes ressentiments envers ces barbares, nous pourrons en faire « nos gardiens d'autruches «.avec plus de certitude que « les convoyeurs des caravanes » de marchan- dises qui prendront des routes plus rapides et plus écono- miques. Nous devons admettre que la reconstitution de nombreux troupeaux d'autruches serait un bienfaisant moyen de civili- sation sur les Touareg qui leur permettrait de renoncer au pillage et à la tuerie en pratique chez eux. Ils pourraient devenir nos auxiliaires pour l'extension de notre influence dans toute l'Afrique centrale. On a parlé de transsaharien ? En admettant même le modeste rétablissement des moyens habituels de communi- cation soit : caravanes par chameaux, quel animal, plus que l'Autruche, pourrait rendre des services en aidant au ravi- taillement de viande nécessaire dans ce long parcours. L'entreprise est donc des plus intéressantes et grosse en fécondes conséquences. Elle ne saurait manquer de prendre place dans l'histoire de la civilisation en Afrique comme un fait d'une importance très considérable en faveur des intérêts français et de l'Humanité. LE LAC MARKA-KOUL ET SA PÊCHE Par m. TCHERNIGOFF. Le district de Zaïssan, territoire de Sémipalatinsk, où se trouve le lac Marka-koul, ne fait partie de l'Empire Russe que depuis fort peu de temps. C'est en 1883, comme on se le rappelle, que fut conclu le traité par lequel, en échange de la ville de Kouldja, la Chine cédait à la Russie, en dehors de plusieurs millions de roubles payés comptant, une portion de son territoire avec le lac alpestre Marka-koul. Ce lac est situé sur le versant méridional du Grand-Altaï ; cet Altaï qui, par ses cimes grandioses couronnées de neiges éternelles, ses glaciers, ses bouillonnants ruisseaux, par tout l'ensemble de sa nature alpestre si pittoresque et si pleine d'imprévu, a mérité le surnom de Suisse Russe. Les masses de neiges accumulées sur ces montagnes don- nent naissance à de nombreux ruisseaux qui viennent se jeter dans la partie nord du lac Marka-koul. A l'ouest de ce der- nier, se déroule la chaîne de Kourtchoume avec le pic Sara- taou éternellement blanc ; les monts Asou plantés entière- ment de Piniis Ledehouri jusqu'aux sommets, descendent, au midi, jusqu'aux bords mêmes du lac. On aperçoit, au sud-est, les sommets toujours blancs de Tarbagataï, de Saouk etdeMonrak. Ainsi donc, le lac Marka- koul est encadré, encaissé, pour ainsi dire, entre plusieurs chaînes de montagnes ; ses bords sont fort escarpés, à l'excep- tion toutefois de celui de l'ouest que la chaîne de Kourt- choume en reculant laisse quelque peu à découvert et qui présente une plaine basse avec des bois par place. D'après M. Matoussovski, le lac se trouve à 5,100 pieds d'altitude. Il est oblong de forme et s'étend dans la direction ouest-est. Le lac Marka-koul a 40 verstes (kilomètres) de longueur environ sur 10 ou 15 verstes de large ; ce ne sont là, d'ailleurs, que des indications fort peu précises données par les kirghizes du pays qui prétendent, en outre, que sa profondeur est fort considérable. 14 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Un des rares explorateurs qui aient étudié ce pays, M. Abi-a- movitscli, donne, dans le Journal de pêche de Saint-Péters- bourg, les renseignements suivants sur la température de l'eau, observée au mois d'août à une heure de l'après-midi, avec 4-21 1/2° R. de température atmosphérique : elle était de 4- 14" à la surface du lac et à quelques mètres de profondeur, de _}-llo aux. embouchures des ruisseaux, et de -f- 9 1/2» dans ces derniers. — L'eau du lac est tout à fait douce par suite de l'affluence des eaux provenant (le la fonte de neiges qui y sont apportées par de nombreux ruisseaux. — Tous ces cours d'eaux tarissent i)endant les chaleurs de l'été. — La rivière Koldjir seule prend sa source dans le lac, pour aller se jeter da)T,s rirtisch. — Le fond du lac Marka-koul, au moins près des ])ords, est composé de menu quartz très uni, comme poli par le courant. Le lac qui est fort peu profond, même à une assez grande distance des bords, atteint cependant dans cer- tains endroits jusqu'à 30 mètres de profondeur. Si ses bords sont dépourvus de roseaux, en revanche de magnifiques Pi- nus Ledehouri forment un riche cadre pour ses eaux bleues. Le lac est fort difficilement accessible; il ne faut pas faire moins de 'TO verstes par l'Altaï pour y arriver. — L'agglomé- ration russe la plus rapprochée, la Stanitza d'Altaï Koton- Karagaï, est à 60 verstes du lac. Après avoir esquissé en ces quelques mots les conditions physiques du lac dont nous allons nous occuper, passons au sujet même du présent article : la pèche dans ses eaux, unique industrie du pays. Depuis un temps fort éloigné, le lac Marka était connu pour sa très grande abondance en poissons, objet de convoitises des habitants du versant nord du Grand-Altaï, qui y descen- daient pour se livrer à la pêche. Il est à noter, cependant, qu'en dépit de sa très grande ri- chesse en individus, la faune du lac n'est guère variée : elle se compose de trois espèces eoccluslvement appartenant à des familles différentes : l'Ombre d'Auvergne, Thymallus vulgwis NiLSS, « khaïkouz », comme on l'appelle dans le pays ; Drachymystax coregonoïdes Pall, « ouskoutsch » particulièrement apprécié des pêcheurs venant dans le pays, et GoViO fluvialUls Fl., le Goujon dont les paysans locaux ne font guère grand cas et qui a pu, par suite, se multiplier au détriment des deux premiers. Le Brachijmystacû core- LE LAC MARKA--KUUL ET SA l'ECHE. 15 (jonoïdes atteint jus(|u'à 22 pouces de taille et pèse jusqu'à 8 livres, c'est l'objet principal de la pèche. L'abondance des poissons a déterminé, de la pai't de l'homme, une adaptation particulière dans la pèche ; on est obligé de procéder avec précaution, suivant des règles spé- ciales déduites d'une longue praticjue; autrement, on est ex- posé à prendre un trop grand nombre de poissons qui, par leur poids, percent les filets. « Nous avions un petit filet-traineau, raconte M. Souvortzefï", qui a visité le lac au mois de juin 1887, à chaque coup, notre filet se trouvait rempli de poissons, par pouds (un poud = 14 kilog.), de sorte que l'on n'osait le tirer entièrement en dehors de l'eau, de peur de le casser. Le Gou- jon était le plus nombreux, nous les jetions dans l'eau, afin d'alléger i>eu à peu notre traîneau ; suivaient ensuite les B^-a- clivmystax coregonoïdes de diflférentes tailles; les Ombres d'Auvergne venaient en dernier lieu, w « Il est à remarquer, dit un autre explorateur de ce pays, M. Abramovitsch, que jamais, dans la pèche par n'importe quels procédés, au traîneali jeté d'un train de bois flotté, au filet fixe, à la drague, on n'a pu ramener aucune autre espèce, en dehors des trois poissons déjà nommés. Les vagues qui jettent d'ordinaire sur les côtes sablonneuses des masses de coquilles de mollusques, n'en ont jamais laissé une seule sur le rivage de Marka-koul. » La rivière Koldjir estla seule qui prenne source dans le lac. Sa largeur à la source est de 20-25 mètres, mais à cet en- droit elle est fort peu profonde, il existe même un chemin de gué. Mais à quelques dizaines de mètres de là, la Koldjir, serrée entre les montagnes Asou, devient un véritable torrent tombant de cascade en cascade sur un sol en pente raide. C'est cette circonstance qui empêche les poissons de l'Irtisch Noir, oii se jette la Koldjir, de pénétrer dans le Marka-koul, et c'est à cela surtout que l'on doit attribuer la profonde dis- semblance de ces deux faunes aquati(]ues qui ne peuvent point se confondre. Les eaux de la Koldjir sont si limpides ({ue l'on distingue parfaitement le fond ainsi que les poissons fort abondants à ses sources. Des Cigognes noires et des Macreuses « var- nads » de leur nom local, y viennent innombrables. En ce qui concerne les poissons, M. Souvortzeff" note ce fait carac- téristique : plus d'une fois, ayant eu à traverser à cheval la 16 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. rivière, il y a vu les poissons restés très confiants, se tenir tranquillement à moins d'un demi-mètre des jambes de l'ani- mal, sans songer à s'éloigner. Dans ces conditions, on ne sera pas étonné de ce que, encore du temps de la domination chinoise, les paysans russes aient souvent traversé à cheval le Grand -Altaï pour venir pêcher, en contrebande, dans le lac Marka-koul. Arri- vés le matin des villages situés sur le versant septentrional de l'Altaï, ils pouvaient, grâce à l'extrême richesse en pois- sons du lac, faire leurs provisions et les emballer dans le courant de la journée, de manière à pouvoir rentrer chez eux le soir. Cependant, ce braconnage ne restait pas toujours im- puni, mais lors(iue le « piquet » chinois surprenait les frau- deurs sur le fait, il se contentait de confisquer la pèche ainsi que tous les ustensiles et outils : filets, bâches, etc., tandis que les hommes s'en allaient tranquillement. On conçoit que ce ne sont point des procédés semblables qui ont pu empêcher les braconniers de continuer leur petite industrie. Aujour- d'hui, le lac appartenant à la Russie, les mêmes paysans s'y livrent librement à la pêche pendant la chaude saison. Il n'existe aucune population fixe autour du lac. L'hiver, ses bords sont absolument inhabités, les fauves seuls trou- blent par leurs hurlements le silence des montagnes désertes. — L"homme ne fait sa courte apparition que l'été. — Après avoir hiverné dans la vallée du lac Zaïssan, les kirghizes se dirigent au printemps avec leurs innombrables troupeaux de chevaux, de brebis et de chameaux, vers les Monts Altaï. Vers le commencement de mai, ces pasteurs et leurs bêtes amaigries par les privations de l'hiver, viennent camper aux bords du Marka aux eaux bleues. — La pêche est pour cette population nomade d'une grande ressource, le poisson étant un des principaux éléments de son alimentation. Ils se ser- vent de filets, de lignes et d'astrogues. Cependant, le kirghize n'est guère amateur de poissons qu'il mange faute de mieux; aussi, dès que les premières neiges sont fondues et que, avec les journées tièdes, vient le « maca » (le cousin), il remonte dans la montagne. Les Russes viennent au lac, de derrière le grand Altaï, des villages Médvedka, Talovka, Solonovka, Miakonkaïa et Bi- kovaïa, des baillages Narimsky et Verkh-boukhtarminsky, district Oust-Kaménnogorsky. Il n'existe aucune habitation LE LAC -MARKA-KOUL ET SA PECHE. -17 russe sur le versant méridional de cette chaîne Tort éleviîe ici et presque inabordable. Les cosaques, plus entreprenants et plus mobiles, songent également à venir prendre part à l'ex- ploitation de ces eaux. Certains voyageurs racontent avoir rencontré de leurs « délégués » partis en éclaireurs afin de se rendre compte de la situation. Les paysans proprement dits viennent « à la mer », comme ils disent, au printemps, les travaux d'ensemencement finis; ils arrivent par groupes composés des habitants d'un même village. On amène des chevaux de trait pour ramener le pro- duit de la pêche. Malheureusement, — chose commune d'ailleurs en Russie — cette pêche exercée d'une façon inintelligente a tous les caractères d'un gaspillage ; elle a lieu surtout à l'époque du Irai lorsque des masses de poissons se dirigent dans les ri- vières qui se jettent dans le lac Marka-koul, Une longue pratique ainsi que la connaissance des condi- tions locales ont suggéré aux paysans une modification spé- ciale du filet. Cette particularité consiste en ce que les filets sont à trois compartiments, pour ainsi dire. On les fait à grandes mailles de faron que le menu poisson puisse passer à travers. Les canots de pêche sont souvent de véritables pé- rissoires ou bien des petits trains de bois flotté que l'on laisse bien dissimulés dans les baies des ruisseaux où ils reçoivent souvent la visite des ours à la recherche des poissons. L'endroit qui a la réi>utation de la plus forte pèche est la source de la Koldjir oii de gros poissons viennent en masse pour frayer. Lorsque tout est préparé, les paysans se mettent à l'œuvre. Ils jettent les filets, et les traînent ensuite derrière leurs ca- nots. Le menu poisson ne fait, pour ainsi dire, que traverser le filet dont les mailles sont d'un diamètre relativement con- sidérable, tandis que les plus grosses pièces y restent. A me- sure que l'on se rapproche du rivage, le poisson devient de plus en plus inquiet, se jette de tous les côtés, et échoue dans les grandes poches des «ailes » du filet. Le filet tiré, on procède au triage des poissons dont on ne garde que les plus gros et surtout le Brachymystax corego- noïdes, tandis que les autres sont laissés sur le rivage. Quel- quefois — c'est là un cas tout à fait exceptionnel — on prend la peine de rejeter ces poissons superflus dans Peau. Avec un 5 Juillet 1893. 2 AS REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. filet de 300 mètres, on retire jusqu'à 400 ponds de Brachy- mystaoG co^-egonoïdes par jour. Le poisson est salé aussitôt sur place, ou bien il est emporté vers les habitations, à dos de cheval. En outre, après avoir coupé les poissons en deux dans le sens de la longueur et les avoir salés légèrement, on les fait sécher à l'air et au soleil, préparant ainsi du poisson essoré. Ce dernier procédé est préférable au point de vue de la conservation, car le poisson simplement salé et emporté presque aussitôt, s'aigrit pendant la traversée, et se gâte. Les cosaques pratiquent en outre sur le lac Marka-koul leur procédé habituel de pêche : des digues installées sur les rivières qui se jettent dans le lac et qui sont surtout nom- breuses dans sa partie septentrionale. Cette partie du lac présente d'ailleurs l'avantage, au point de vue de la pèche, d'être basse tandis que le rivage méridional est abrupt, les montagnes Asou descendant presque perpendiculairement dans l'eau. Parmi les cours d'eau qui viennent se déverser dans le lac Marka-koul, le plus important est la rivière ïsclioumok. La Terexta, qui se trouve plus à l'ouest, forme à son embouchure une quantité de bras — circonstance qui favorise particu- lièrement la pêche au moyen des digues. Voici en quelques mots quelle est cette installation. On commence par relier entre eux, à l'aide des canaux, les bras d'une rivière voisins l'un de l'autre. Ensuite, dans le premier bras dont on veut détourner l'eau, on enfonce en travers du courant une rangée de pieux, et lorsque le pre- mier canal est terminé, cette espèce de cloison est vivement bouchée avec de la' terre et des pierres, barrant ainsi à l'eau le passage par le lit naturel. Force lui est donc de se diriger par le canal dans le bras voisin. Ainsi donc, l'eau qui se trouve en aval de la digue s'en va et les poissons qui dans ces eaux montagneuses vont toujours contre le courant, restent dans le lit mis presque à sec. Et alors, les pêcheurs les ramassent tout simplement à l'épuisette et même à la main, directement. . Le poisson pris ainsi dans le Marka-koul et salé se répand sous le nom d'(')uskoutsch, par tout l'Altaï. L' « Ouskoutsch n qui aime l'eau fraîche est surtout péché dans la seconde moitié du mois de mars , lorsqu'il vient LE LAC MARKA-KOUL ET SA PÈCHE- 1!» frayer, et au commencement du mois d'avril quand la glace commence à fondre le long des bords du lac, ainsi qu'au mois de septembre, époque oîi il tombe déjà de la neige dans ce pays. L'hiver, toute pêche cesse, car il est impossible aux pé- cheurs de traverser l'Altaï en cette saison. Les Brachijytnjstax coregonoïdes (ouskoutsch) se nourris- sent de Goujons dont le nombre, à ce que prétendent les pécheurs, s'accroit tous les jours, car on ne les pèche point et lorsque, par hasard, il s'en trouve quelques-uns dans le filet, on s'empresse de les rejeter dans l'eau. La richesse ichtyologique de ces eaux n'est protégée par aucune loi contre une destruction aussi implacable qu'ab- sur-de. Sans parler de la pèche à l'époque du frai, notons que par les Annamites. Son bois, de couleur rouge fauve, dur et pesant, peut être utilisé avec avantage pour le tour et la confection de divers objets. Le fruit est une petite baie coriace non comestible. HARPULLIA PENDULA Planch. Tulipier d'Australie Australie (Colons anglais) : Tulipwood. Bel arbre d'une hauteur de 15-20 mètres sur un diamètre de 5U centimètres et plus, à feuilles composées de 3-6 folioles ovales ou elliptiques-oblongues, acuminées, un peu obtuses, membraneuses. Originaire de l'Australie, cette espèce se rencontre dans la plupart des jungles septentrionales de la Nouvelle-Galles du Sud et au Queensland, où elle est assez répandue siir les bancs des rivières, dans les terrains d'alluvion. Son bois est remarquable par sa couleur foncée présentant de magnifiques veines dont les teintes varient du jaune au brun noirâtre. Solide, d'un grain fin lui permettant de re- cevoir un très beau poli, ce bois est très estimé des ébénistes (1) Le fruit ou Longane est une baie globuleuse à coque crustace'e jaunâtre et à surface presque lisse. La graine est entourée d'un arille épais, chainu, sapide, pulpeux, jaunâtre et sucré, offrant beaucoup d'analogie avec le Litchi, mais dont il se distingue par son plus petit voluuie, son goiit acidulé et plus vineux, aussi est-il moins recherché des Européens. La grauie proprement dite porte à l'ombilic une tache orbiculaire caractéristique qui fait donner au fruit, par les Chinois, le nom de Lômj yen (Œil-de-dragon). Les Longanes se mangent ordmairemcnt crues; cependant, il arrive souvent qu'où les conserve pour l'hiver en leur faisant subir une légère dessiccation au four après la récolte. A Java, les indigènes s'en servent pour préparer une boisson très rafraî- chissante, à laquelle ils accordent des proprie'te's stomachiques et an- tibilieuses. LES BÛlS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. ?17 et surtout des menuisiers qui l'emploient beaucoup pour tous les travaux de luxe. UHarpuKia HUlii F. Muell., connu en Australie sous le même nom vulgaire, est une espèce du Qneensland dont le bois est également très recherché pour l'ébénisterie. Suivant M. Naudin, ces arbres intéressants pourraient être introduits avec profit dans les régions méditerranéennes de l'Europe et dans le nord de l'Afrique, au moins comme arbres d'avenues ou d'ornement. h' HarpiiUia ciipanioïdes Roxb. {H. IhanotopJiora Bl.) ap- pelé Harpolli en Bengali et Koenter gaiaoa à la Nouvelle- Guinée, donne un bois de bonne qualité propre à divers usages. Les graines et autres parties de la plante sont répu- tées très vénéneuses. Le Kclengan des Célèbes est une espèce indéterminée du même genre, dont le bois est employé pour divers matériaux de construction. LITCHI GHINENSIS Sonn. Litchi ou Litschi ponceau. Diinocarpus lychi Lour. Huphoria Litschi Desf. — punicea Lamk. NepheLium Litchi L. Sapuidus edaiis Ait. Hci/talia chinensis Certn. Annamite vulpaire : Câj-bai, Nhûn, Vat/, 2'râi-cii ; mandarin : Ly-tcht'. Bengali ; Lechee. Cambodge : Mii^ii. Chine : Li-tschi, Ly-tchè. Java : Litjik, Litjeh. Malais : Leng-heny. Tonkin : Qua vai. Très bel arbre de moyenne grandeur dont le tronc, d'un diamètre moyen de 30 centimètres, porte des branches hori- zontales formant une cime large et étalée ; feuilles alternes, paripennées, composées dB 2-3 paires de folioles lancéolées, lisses en dessus, ternes et à une seule nervure en dessous. Originaire de la Chine et de l'Inde où il est d'ailleurs cultivé comme arbre fruitier, le Litchi a été introduit avec succès à la Louisiane, à Maurice, à la Réunion où il est maintenant assez répandu. Il est également cultivé en Cochinchine, dans tous les villages annamites. Son bois, blanc ou blanchâtre, plus rarement d'un rose tendre, est lourd, dur, noueux et difficile à mettre en œuvre. 38 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. D'un grain serré et uni et d'une résistance au dessus de la moyenne, on le considère comme presque incorruptible lors- qu'il a été immergé après l'abatage. Ce bois est propre à di- vers travaux de cbarronnage et convient particulièrement pour la construction et quelques ouvrages d'ébénisterie. Sa densité de coupe fraîche est de l,01(i(i). MELICOGCA BIJUGA L. Quenette ou Knépier. Melicocca carpoodea Juss. 3IeUcoccus bijugatus Jagq. Anglais : Hoiioj berrj of Guiana. Cuba : JUamOiicillo. Curaçao : Knippa ou Genij). Guadeloupe : Kencp, Qnénette. Jamaïque : lieiiip tree. Martinique : Quenette. Paraguay : Yho-pomo. Trinité (Franc. : Qncnepe ; Angl. : Guenepe ; Esp. : JMaco). Venezuela : Maniûii. Grand et bel arbre, d'un beau port, à cime rameuse et touffue dont le tronc peut acquérir un diamètre de 40 centi- mètres environ ; feuilles persistantes, alternes, paripennées, à folioles sessiles, subopposées, elliptiques-ovales, aiguës aux extrémités. Originaire des régions élevées de l'Amérique centrale, cette espèce croît surtout aux Antilles, à la Guyane, au Venezuela et dans tout le Paraguay oii il est surtout commun dans les provinces de la partie occidentale. Son bois, de couleur jaune, est parsemé de veines très fines (1) Le fruit, appelé commune'ment Litchi ou Letclii et Cerise de Chine par le commerce parisien, est une sorte de petite noix arrondie et un peu cordiforme, tuberculeuse, ayant le volume.d'uue prune de Reine- Claude. Le péricarpe ou enveloppe l'orme une coque mince, coriace, assez facile à briser entre les doigts, remarquable par sa belle couleur rouge-ponceau et parles aréoles irrégulièrement pentagouales ou hexa- gonales marquées à la surface et se relevant en un mamelon central. Sous le péricarpe, se trouve une cavité dans laquelle on rencontre une graine dure et luisante, entourée d'un arille charnu et pulpeux, de couleur claire, qui constitue la partie comestible. Sucré et acidulé avec un arrière-goiit de muscat, le Litchi possède une saveur délicieuse toute particulière qui ne ressemble à aucune de celle de nos frnits, et le fait regarder avec raison comme le meilleur de la Chine. Le Litchi frais est d'un goût supe'rieur à celui qui a subi la dessiccation, mais on en pre'pare aussi, sous diSérenles formes, d'excellentes conserves qui commencent à venir en France. La pulpe le'gèrement se'chée au four est encore employe'e pour faire des bois- sons rafraîchissantes utiles dan^ les accès de fièvre le'gère et les afifec- tions bilieuses. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 39 qui tranchent agréablement sur le fond par leur nuance tant soit peu plus foncée. Les couches concentriques du tissu ligneux sont peu distinctes; les pores sont plus grands et plus apparents à la périphérie qu'au centre et les rayons mé- dullaires nombreux et un peu ondulés. Dur et pesant, com- pact et d'une texture serrée, ce bois convient très bien aux travaux d'ébénisterie, de tour, de tabletterie et de marque- terie ; ses qualités de lorce et de résistance en ibnt aussi un bon bois de charpente. Sa densité approximative est de 0,900. Le fruit est un drupe oblong et aigu dont la pulpe, d'une saveur douce, acidulé et sucrée, se mange crue ; ses graines, épaisses et cliarnues, se mangent grillées comme des châtai- gnes dont elles rappellent un peu le goût. Nous avons re- marqué au Pavillon du Venezuela (Exp. univ. 1889; un flacon renfermant de la fécule de noyau [sic] de Mamôn ; nous igno- rons à quel usage elle est employée dans ce pays. C'est sans doute à cette espèce qu'il faut rapporter le Capomo du Mexique. M. le D'' Rafaël Cevallos a retiré de l'amande de ce fruit un extrait consistant, de couleur noire, auquel il attribue des propriétés galactogènes remarquables. MELIGOCCA DIVERSIFOLIA Juss. Doraioxijlon Mauritianum Thouars. Eypelate diversifolia Cambess. Melicocca apetala Poir. Stadmannia diversifolia Spreng. Réunion et Maurice : Gaulcttc rou(]c. Bois çiaulettcs ou de Caillette, A')"'j)iei% Bois de Canne, de Sagaie, de Gaillard, de Requin. Arbrisseau ou petit arbre à feuilles alternes, imparipennées, composées de 2-8 folioles sessiles, de formes très varia- bles, lancéolées, oblongues ou obovales, etc., obtuses ou subaigués, lisses et coriaces, originaire des îles Maurice et de la Réunion. Son bois est dur, liant et se conserve bien en terre ; ses petites dimensions ne permettent guère de l'employer que pour faire des cannes, des manches d'outils, de parapluies et d'ombrelles, des lignes, des gaules, des sagaies, etc. Les char- pentiers s'en .servent aussi pour cheviller leurs pièces d'as- semblage ; il est encore utilisé pour pieux et petites échelles. 40 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. La pulpe acidulé et sucrée du fruit est comestible ; lesindi- oènes mangent également l'amande ai)rès l'avoir fait rôtir pour lui enlever son goût acerbe. Le Mflicocca olivœformis H. B. (Venezuela : Cotoperiz) est une espèce remarquable par son port élégant. C'est un arbre de 8-10 mètres de hauteur siir un diamètre de 25-30 centi- mètres dont le bois, mou et de qualité médiocre, est peu usité. Le tissu ligneux, un peu spongieux, se compose de zones peu compactes alternant avec d'autres encore plus lâches ; les rayons médullaires sont très abondants et un peu ondulés. NEPHELIUM LAPPACEUM L. Ramboutan. Eupkoria Nephelium DC. — crinala Steud. DMocarpui, crinita Louk. Scylalia crinata Hauesgh. — Rambootan G.ertn. Annamite : Chom-chom. Java et Sumatra : Ramboctan Kampong, Toentoen. Mnlacca : Rambiitan Pachut. Sondauais et Malaia : Ramboetan, Ramboetan atjeh. Grand arbre à feuilles pennées, composées de folioles lan- céolées, originaire de l'Archipel indien et croissant également à Singapoore et dans ia presqu'île de Malacca. Cette espèce est très souvent cultivée pour ses fruits, mais elle n'atteint guère alors que des dimensions moyennes en hauteur et en diamètre. Son bois, de couleur rougeâtreàla périphérie, plus sombre vers le cœur, est souvent parsemé de stries, de veines ou de taches plus foncées que le fond. D'une dureté moyenne, lourd, mais d'une texture grossière, ce bois n'est pas non plus d'une grande solidité et ne résiste pas aux attaques des termites. Malgré ces défauts, les Malais l'utilisent i)ourtant dans cer- taines parties de leurs constructions. La variété Rambidan jantan de Malacca donne un bois semblable comme aspect, mais plus dur et d'un grain fin, excellent pour petites char- pentes, poutres, etc. Le fruit renferme un arille pulpeux, sapide, acidulé, d'un goût agréable, possédant des propriétés fébrifuges, antibi- lieuses et rafraîchissantes. L'amande donne une huile que l'on utilise pour l'éclairage. Les graines ne renferment pas LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 41 de graisse par expression, mais, par l'action dissolvante de l'étlier, M. de Vry obtint une belle matière grasse, très cris- talline, l"usi])le à 68*^ environ, saponifiable, dont la composi- tion cliimiqiie s'accorderait avec celle de l'acide arachique. PANCOVIA EDULIS Wii.ld. Urioglossum edule Bl. Sapiudus ruijiginosus Roxb. — eduUs Bl. Vttenia edulis Steud. Javanais et Soadanais : KUn/oc. KUala i/oe, KUalaijoe hicdiinij, Ki-Mdocng. Malacca : Kliit Lyoo. Grand arbre dont le tronc acquiert jusqu'à 1 mètre et plus de diamètre, à feuilles alternes, fort amples, ailées, à 8-10 folioles opposées, oblongues, lancéolées, aiguës, entières, velues en dessous. Oi-iginaire des îles de la Sonde, cette espèce se rencontre également dans les forêts du Pégou, sur les montagnes de la côte de Coroniandel et dans le Nor-tli Australia. Son bois, de couleur blanchâtre tirant légèrement sur le rouge, dur, d'un grain fin, est généralement de bonne qualité et ne se fend pas en séchant. Ses qualités de force et de résis- tance le font employer avantageusement dans la construction comme bois de charpente. A Java, le péricarpe du fruit est utilisé pour préparer une boisson offrant quelque analogie avec le cidre. PT-aiROXYLON UTILE Eck. et Zeyh. Cap et Natal [Anglais : Siieezewood ; Hollandais : Nies hont). Cafre : Umtata. Arbre d'une hauteur de 15-20 mètres sur un diamètre de 1 mètre environ, dont le tronc est recouvert d'une écorce mince et blanche, d'une saveur amère ; feuilles paripennées, à folioles opposées, subtrapézoïdes, obliques, entières. Originaire des régions chaudes et humides de l'Afrique austi^ale, cet arbre croît dans les provinces de l'Est de la colonie du Cap ; on le rencontre assez abondamment dans les forêts voisines de la côte et plus rarement dans les monta- 42 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. gnes où il atteint ses pins grandes dimensions. Dans les pos- sessions portugaises de l'Afrique, cette espèce est assez com- mune à Angola, mais elle ne dépasse guère les proportions d'un arbre de petite taille. Son bois, jaune ou jaunâtre, est parsemé de veines d'une nuance plus foncée, surtout dans les vieux arbres, ce qui lui donnent un superbe aspect ; son grain fin et serré lui permet de recevoir un beau poli. Solide, indestructible dans toutes les situations, il résiste admirablement dans l'eau de mer aux attaques des tarets et ne redoute pas davantage celles des Xylophages des pays tropicaux. Excellent pour les travaux hydrauliques, piles de ponts, moulin'^, pilotis, etc., on en tire aussi un très bon parti dans Tébénisterie comme bois plein et pour le placage. C'est aussi un bon bois de fente, mais qui ne paraît guère convenir à la charpente à cause de la facilité même avec laquelle il se fend. Le Ptœroxylon utile est considéré avec raison comme un des arbres forestiers les plus précieux du sud de l'Afrique et son bois est un des plus durables que l'on connaisse dans le monde entier ; sa limite de durée est même encore actuelle- ment inconnue. Des poteaux de clôture utilisés pour les fermes au moment des premières constructions faites par les colons du Cap et de Natal sont tout à fait intacts aujourd'hui. Disons toutefois que le cœur seul offre cette qualité de dura- bilité, car l'aubier ne résiste pas plus longtemi)S à l'humidité que celui des autres arbres. Des poteaux télégraphiques faits avec de jeunes sujets ne se conservent guère que quelques années. La longue durée de ce bois semble due à la présence d'une résine particulière qui produit une poussière irritante lorsqu'on le débite à la scie. Les feuilles de cet arbre possèdent une odeur aromatique et une saveur légèrement acre ; elles sont recherchées des daims et des chevreuils. L'avidité avec laquelle ces animaux ron- gent la plante est même une des causes pour lesquelles la reproduction naturelle au moyen des semences laisse quel- quefois à désirer, quoiqu'elle se fasse habituellement avec assez d'abondance. [A suivre.) III. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. Importation de gibier en France. — Selon la statistique officielle, émanant de Vienne (Autriche), il est entre en France, pen- dant l'année 1892 : Quintaux métriques Valeur en francs. 921 gibier vivant 322,343 fr. 17,295 gibier mort 3,458,932 50 conserves de gibier 40,080 fr. Totaux : 18,216 quintaux métriques. 3,821,355 fr. La provenance n'est pas indique'e ; mais l'Autriche-Hongrie tient certainement une large place dans celte exportation. De B. Sur l'acclimatation des Ptarmigans [Lagopus rupestris Gm.) aux îles Feroë. — On avait Ulché aux Feroë, en 1890, un certain nombre de ces Tétras importés du Groenland (1). La notice de M. Dal- gleish parue dans le Zoologist (1890, p. 392) est basée sur les observa- tions de M. IL-C. Mûller qui signala le 21 aoiit, soit deux mois après leur introduction, un couple de ces Gallinacés et huit à dix jeunes, presque emplumés à Kirbeko Rein près de Thorshavn. M. II.-W. Fielden rend compte dans cette même revue (1S92, p. 413) du résultat de l'expérience. Elle paraissait d'abord avoir réussi. On reconnaît maintenant son insuccès. En effet depuis 1890, on a tué deux Ptarmigans dans les îles ; l'un, en 1890, à Huisavick dans l'île de Sandoé, l'autre, la même année, à Tranjisvaag sur l'île de Suderoë. M. Fielden a séjourné l'été dernier aux Feroë et a visité presque tout Tarcbipel. Ses compagnons et lui gravirent les chaînes les plus élevées, entre autres celle de Slatteritinde, ([uestionnèrent les habitants, mais ne recueillirent aucun fait qui piit prouver l'exis- tence des Ptarmigans. On ne s'explique pas pourquoi ces Oiseaux ont disparu. La nourri- ture était suffisante et aurait diî leur convenir. Dans la terre de Grinnell ils recherchent exclusivement le Haxatlle, oppoùtlfoUa : or cette plante abonde même sur les montagnes des Feroë. Cependant, leur climat relativement doux et humide difïèro de celui du Groenland qui est plus sec et plus froid pendant l'hiver. Il est possible que quelques Tétras subsistent sur certains sommets des Stromoë et des Sandoë qui n'ont pas été explorés. Pourtant, c'est peu probable. Car ces régions sont visitées par les pâtres qui y ras- semblent leurs troupeaux à certains moments de l'année et qui re- (1) Voir Bci-ue des Sciences naturelles applijm'es, 1891, t. II, p. 313. ii REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. connaîtraient fort bien le vol caraclérislique d'une compagnie de Plarniigans. Peut-èire réussirait-on mieux avec des Ptarmigans importes d'Is- lande. Dk S. Le Sandre acclimaté dans le lac de Constance. — Le Sandre Lacioperca sandra Cm. , introduit il y a quelques années dans le lac de Constance, prospère et devient une ressource importante pour la région. L'hiver dernier, les bateaux qui traversaient de Romanshorn à Lindau en apportaient chaque jour des paniers d'une vingtaine de livres. Les poissons pesaient de deux à trois livres. Mais, dans cer- taines localite's, on en a pêche' d'un poids de neuf à onze livres. L'es- pèce habile le Nord-Est de l'Europe. Elle manque en France, en Suisse, en Italie et en Angleterre. Sa chair blanche est très estimée. De B. La pêche du Saumon dans le Rhin près de Saint-Goars- hausen. — Le Zoolor/ische Garten publie d'après le Saiat-Goarer Kreisblatt les renseignements suivants : pendant la saison 1890-91 on a pris dans les deux Erbleifisch erei pour Saumons, Wooglung et "Woogsann seulement 12 Saumons d'un poids total de 197 livres. Le produit net de la vente se monte à 429 francs dont l'Elat eut 154 francs à recevoir. Le poids des Poissons variait de 10 à 16 livres. Les années pre'ce'denles furent plus pi-oduclives. PÊCHE Poids Produit de la vente. 1889-90 104 Saumons 1.609 livres 3.000 francs. 1888-89 200 — 3.624 — 6.219 — 1887-88 151 — 2.968 — 3.261 — 1886-87 183 — 3.224 — » — G. Le fruit du Fusain. — Le fruit de VEvonymus Europœus est une pctile capsule globuleuse, déprimée, marque'e de 3-5 côtes saillantes, prenant une couleur d'un rouge vif à la maturité ; il renferme quelques graines blanchâtres enveloppe'es dans un arille rouge orangé. Ces fruits, très recherchés naguère pour la teinture en jaune, sont encore quelquefois utilisés dans les campagnes pour guérir la gale des animaux domestiques en les faisant infuser dans du vinaigre. Quoique d'un usage assez restreint au point de vue industriel, les graines et leur arille sont surtout intéressants sous le rapport de leur composi- tion chimique e'iudiôe assez récemment par M. Lepage. Les graines seules, sechées à l'air libre, contiennent de la gomme, des matières protéiques, du sucre incristallisable, un principe amer, etc. ; elles renferment en outre 41,50 % d'une huile fixe, fluide, d'une couleur jaune tirant sur le brun, presque insoluble dans l'alcool, et supportant CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 4j jusqu'à — 10 degrés sans se congeler; sa densité est de 0,921. Celte huile donne avec .'a soude caustique un savon dur propre aux usa"-es domestiques, et produit sur les Chiens un effet légèrement purgatif. Employée pour l'éclairage, surtout en Allemagne, elle produit une lumière vive et belle. Quelques auteurs la disent bonne pour ralinien- tation, quoique posse'dant une odeur particulière et une saveur qui rappelle un peu celle de la plante Le rendement est d'environ un litre par 10 litres de graines Quant aux arilles, M. Lepage en a extrait environ 25 "/o d'une huile grasse, d'une belle couleur rouge, présen- tant une consistance gélatineuse à — 11 degro's. Le principe amer ou Emmjmine a pu èlre obtenu sous forme de cristaux solubles dans l'alcool, d'une saveur amère et désagréable. Le tanin des graines colore en vert les sels de sesquioxyde de fer. Enfin, M. Kubel a retiré du cambiuni un principe ternaire isomère avec la mannite et qui en diffère par sa structure cristalline et son ' point de fusion : c'est VEvonijniite. J. G. L'Hovenia dulcis. — Au moment où les petites capsules qui constituent le fruit de VHovenia dulcis couimcncent à sécher, c'est-à- dire vers le milieu ou la fin de l'automne, les pédoncules se tume'fient, deviennent jaunâtres, charnus et sont comestibles. Leur goiit rappelle celui de la poire de beurre', ce qui leur fait donner, dans quelques localite's du Japon, le nom de Dtokouaashi. Lorsqu'ils sont secs, ces pe'doncules sont très sucre's et peuvent même être substitués au miel dont ils possèdent l'action adoucissante. D'après une croyance japo- naise, les enfants qui consomment une grande quantité' de ce fruit singulier n'ont jamais la petite ve'role ; on croit encore qu'ils dissipent l'ivresse produite par l'abus du Saké, sorte de bière composée avec du riz fermenté. Suivant M. Schmitt, les pe'doncules sépares des rameaux et des fruits et traités convenablement, e'taul secs, ont donne' 28 gr. 570 p. 100 de sucre interverti ou glucose. Ils ne renferment alors pas de sucre de canne, soit que la plante n'en produise pas normalement, soit qu'il se transforme en glucose par la dessiccation. Or, 28 gr. 570 cor- respondant à 13 gr. 84 d'alcool absolu, il serait facile de tirer parti de ce produit par la fabrication d'uu vui ou d'une boisson alcoolique quelconque. D'accord avec l'auteur, nous croyons utile de rappeler ce fait à la connaissance des propriétaires algériens, qui peuvent trouver une res- source nouvelle dans la culture de Vllovenia dulcis. .M. V.-B. Le Caoutchouc de Sumatra. — Le Caoutchouc, connu dans le commerce sous le nom Getah Gltaag. a une grande valeur, mais il ne peut obtenir son prix sur le marche de Smgapore parce qu'il est re- cueilli par des indigènes, selon l'habitude des Malais, sans le moindre 46 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. soin. Ils coupent tout simplement les branches de l'arbre et laissent couler le suc par terre. Ils reviennent ensuite après pour recueillir ce suc épaissi, mêle de sable et d'autres matières étrangères. Ce produit sali n'a pas de prix. Le Getab Gitang pousse dans les forêts du sud et de l'est de Su- matra et y est récolté par les indigènes. C'est une plante grimpante qui pousse à l'ombre des arbres. Il est probable qu'elle ne pousserait point sur un terrain ouvert. Pour tenter cette culture, il faudrait donc choisir une terre plantée d'arbres. M. d'E. Le Jujube. — Le fruit du Jujubier commun est un petit drupe ovale-obloug, composé d'un péricarpe mince, de couleur jaune rou- geâtre à maturité, d'une chair blanche ou jaunûlre, succulente, assez ferme, inodore, qui est la partie comestible et, enfin, d'un noyau osseux, rugueux, à deux loges renfermant chacune une semence. Les Jujubes frais constituent un aliment sain, nutritif et d'un goiît agréable; leur saveur est mucilagcuse, acidulé et très légèrement astringente. Ces fruits, connus dans le Bas-Languedoc sous le nom ds Guindoulos, sont manges abondamment dans le midi de la France et en Orient. Ceux que l'on trouve dans le commerce ont été séche's alternativement au soleil et au four, sur des claies disposées à cet effet. Par la dessiccation, la pellicule extérieure se ride, la pulpe s'a- mollit et devient spongieuse; dans cet état, les jujubes sont beaucoup plus sucrés, mais en même temps d'une consistance qui les rend plus difficiles à digérer. Ces fruits se composent chimiquement de tanin incrislallisable, d'acide zizi/phique (Latour), de sucre et surtout d'un mucilage doux et visqueux, soluble dans l'eau. En médecine, les jujubes privés de leur noyau font partie des Quatre fruits pectoraux. On les considère comme très adoucissants dans les irritations du poumou ; ils exercent e'galement une action utile dans la néphrite, les inflammations de la vessie, les affections calculeuses, etc. Les jujubes font quelquefois partie de la pâfe de jujube dans laquelle n'entrent souvent que de la gomme et du sucre auxquels on ajoute des substances aromatisantes. J. G. Usage des baies de Sapindus. — Un des caractères généraux de la plupart des espèces du genre Sapindus est de renfermer dans leurs diverses parties, surtout dans la pulpe des fruits, un principe particulier, amer, de nature alcaline, la Saponine, qui possède la pro- prie'té de rendre l'eau mousseuse et de produire sur le linge une action analogue à celle du savon. Les fruits du Savonnier ou Arbre à savon des Antilles [Sapindus sapo- naria) portent les noms de -< Pommes de savon, Cerises gommeuses »; ce sont des baies arrondies, de couleur rougcâtre, dont le péricarpe CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 47 se compose d'une pulpe transparente, visqueuse, astringenta, de sa- veur acre et amère. Ces fruits étant très riches en saponine, sont frc'quemment utilisés au lavage et au dégraissage des e'toffes de laine, de soie et d'alpaga auxquelles ils communiquent de la souplesse et un nouveau brillant après chaque lavage. Leur mode d'emploi est très simple : il suffit d'écraser les baies, d'en séparer la graine et de faire bouillir la pulpe, dans uuo quantité suffisante d'eau, pendant un quart d'heure environ. On laisse tremper l'e'toffe à nettoyer pendant une nuit, et, le lende- main, il ne reste qu'à la frotter et à la rincer dans l'eau claire pour obtenir un tissu de la plus grande propreté. Ce procédé otire, en outre, un grand avantage, celui de laisser aux lainages leur blancheur primitive, toujours altérée par les lavages aux savons, même ceux de meilleure qualité. Dans l'Inde, les fruits du Sai^indus emarginatus sont employe's exclusivement pour laver les soieries, tant foulards de l'Inde impri- més, que corahs ou Inulards bruts et eu pièces, dont on emploie une très grande quantité pour la confection des vêtements d'hommes et de femmes. L'usage des « Graines de Kita » est encore d'un emploi très répandu chez les dames de l'Inde pour se laver la tête et débarrasser leurs longues chevelures des corps étrangers qui flottent continuelle- ment dans l'air. Au lieu de rendre les cheveux rudes, secs et cas- sants comme le font le plus souvent les savons les plus délicats, l'eau de Rita leur communique un aspect soyeux et brillant ; de plus, ils ont encore une tendance à se friser naturellement. Cette opération se fait aussi avec le môme succès sur les chevaux et chaque lavage ajoute à la beauté de leur robe. L'écorce de la tige et des racines possède les mômes pvoprie'tés dé- tergentes que la pulpe du fruit, mais il s'y rencontre un principe acre et caustique uni à la saponine, qui attaque et corrode les tissus, ce qui a fait dire, à tort, par plusieurs auteurs que les '<■ Pommes de Savon w usaient rapidement le linge en le brûlant. Aux Antilles et au Sénégal, le suc visqueux des fruits du Sapindus Saponaria est utilise' dans la médecme indigène pour combattre les hémorrhagies utérines, soit en injections, soit pris intérieurement. En Angleterre, on eu prépare un vin que l'on dit excellent pour cal- mer les coliques. Les noyaux, noirs, presque ronds et très durs, sont souvent utilisés pour faire des chapelets, des colliers et bracelets et auties ornements de parure. L'amande qu'ils renferment contient une huile que l'on retire par expression ; d'une saveur douce avec un léger goii! de noi- sette, cette huile est bonne pour l'alimentation, lorsqu'elle est fraîche, et pour l'éclairage quand elle est vieille. M. V.-L'. III. BIBLIOGRAPHIE. Les Orchidées, ^Manuel de l'amateur, par D. Bois, assistant de la chaire de culture au Muséum d'histoire naturelle. 1 vol. in-16 de 323 pages avec 119 figures, cartonne' (Bibliothèque des connaissances utiles), 4 fr. — Librairie J.-B. Bailliére et fils, lï), rue Hautefeuille, à Paris. Après être reste'es, pendant de nombreuses années, confinées dans de rares collections, où on les conservait difficilement et à grand frais, les Orchide'es, qui, en somme, n'exigent que des soins judicieux, sont devenues les fleurs à la mode : elles se sont rc'pandues à ce point, qu'aujourd'hui il n'est pas de serre qui n'en renferme au moins quel- ques représentants. Ces plantes, si bizarres par leur mode de végétation, aux fleurs d'une beauté' si originale, si agréablement parfume'es et d'une durée atteignant parfois plusieurs mois, sont sans rivales pour l'ornement de nos serres. Coupées et mises dans l'eau, les fleurs conservent leur fraîcheur pendant un très long temps ; aussi s'explique-t-on parfaite- ment l'importance de plus en plus grande du commerce auquel elles donnent lieu. Les amateurs de ces belles plantes sont devenus le'giou. Des jour- naux spéciaux ont e'té cre'e's pour faire connaître les espèces nouvelles introduites par les voyageurs, ou les hybrides obtenus entre espèces déjà connues. Mais, à part quelques rarete's qui se vendent au poids de l'or, les importations d'Orchidces ont ete si considérables dans ces dernières anne'es, que môme les plus belles espèces sont maintenant accessibles à la grande majorité des amateurs. Le livre de M. Bois contient un choix des Orchidées les plus orne- mentales. Un tableau synoptique, accompagne' de figures explica- tives, des descriptions claires et précises, permettront d'arriver à en trouver les noms corrects, ainsi que l'indication de leur pairie ou de leur origine et le genre de culture qui leur est favorable. L'amateur d'Orchidées trouvera dans ce livre les notions qui lui sont indispen- sables pour suivre la culture de ses collections, et se rendre compte des procédés de plantation, d'arrosage et do multiplication qui leur conviennent. M. Bois, assistant au Muséum, est bien connu des horticulteurs et des amateurs par les deux volumes qu'il a précédemment publiés dans la môiiie collection sur Le Petit Jard'u et sur Les Plantes d'appartement. Son nouveau volume ne peut manquer d'avoir le môme succès que ses aîne's. Le Gérant: Jules Grisard. I. TRAVAUX ADRESSÉS A LA SOCIÉTÉ. VIEILLES CHASSES ET ANIMAUX DISPARUS Par m. le Baron DE NOIRMONT. Une revue allemande, Daheim, Velliagen iind Klaslng's neue Monatshefte, publiait dernièrement (1), à Leipzig, un article intéressant (2) sur les chasses de l'ancien temps {Jagd- bikler ans altcr Zeit] (3), dans lequel M. Knackfuss, qui n'avait peut-être pas lu nos études sur le ni»^me sujet, con- firme et complète ce que nous avons dit de ces sports histo- riques, ayant pu consulter certains documents que nous n'avions pas alors à notre disposition. C'est pourquoi il nous parait intéressant de revenir sur ce sujet, qui est encore loin d'être épuisé. Il y a, dans le travail de M. Knackfuss, des pages curieuses sur les chasses du moyen âge, que nous analyserons en y joi- gnant des passages, extraits d'anciens auteurs allemands. A son entrée en matière, M. Knackfuss cite, comme les preuves incontestables les plus anciennes qu'on possède de l'existence de l'homme en Europe, des représentations d'une bête de chasse trouvées en France et en Suisse. Ce sont des ossements fossiles de Renne, sur lesquels l'image du Renne lui-même est gravée avec un sentiment de la vie et une sûreté de dessin qui pourraient faire envie à plus d'un anmialier moderne (4). A quelle époque ces antiques dessins ont-ils été exécutés ? Tout moyen de calcul nous fait défaut ; ils peuvent être antérieurs de milliers d'années aux plus anciens ouvrages figurés de l'antiquité égyptienne. (1) Août 1889. (2) Cet article est illustré de l'ort jolies gravures que nous regrettons de ne pouvoir reproduire. (3) Images de chasse de l'ancien temps. (4) Voir dans l'ouvrage de M. A. Bertrand, Archéologie celtique et ffauloise, une reproduction très exacte du plus remarquable de ces dessins, découvert en 187 1 à Thuïngen, dans les environs de Schatihouse. 20 Juillet 1893. 4 m REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. Après avoir passé en revue les monuments assyriens où les scènes de chasse tiennent une si grande place, l'auteur alle- mand donne l'analyse des documents les plus anciens que nous possédions sur les chasses de notre Europe, et qui se trouvent intercalés d'une si étrange façon dans les Conimen- i aires de César (1) : « La guerre que César dut faire à quelques tribus germa- niques qui infestaient les frontières de la Gaule le mit en contact avec ces voisins turbulents. Ce fut le premier rayon de lumière qui pénétra les ombres des forêts de la Germanie. » L'illustre Romain, dans ses récits de la guerre des Gaules, n'a pas dédaigné de décrire, comme choses dignes de re- marque, ce qui lui paraissait le plus étrange parmi les qua- drupèdes habitant ces forêts primitives. » Il est difficile d'admettre qu'il ait m de ses propres yeux les animaux en question ; mais il a certainement vu leurs cornes, qu'il décrit évidemment d'après ses observations per- sonnelles. » 11 mentionne d'abord le Renne, qu'il appelle un Cerf snn- hlaole à un Bœuf (2), dont la corne est plus haute et plus menue que celle des autres Cerfs et se termine par des an- douillers écartés comme des palmes ou des rameaux. » Il est douteux que le Renne se montrât encore à cette époque dans la forêt liercynienne, César n'en ayant point vu un bois entier, mais seulement une des perches (ou branches), qui pouvait avoir été apportée de fort loin dans le Nord. Ce- pendant, il a su fort exactement que les deux sexes portaient des bois d'égale force (3). César cite, en second lieu, l'Elan, dont il indique les larges paleltes [Schaiifeln) sous le nom de cornes tronquées (4). Tandis qu'il ne donne aucun nom au Renne, il reproduit très exactement le mot tudesque Elch par Alces. Nous igno- (1) Voir la Revue des Dcux-2Iondes, d'avril 18S7. (2) Plutôt un Bœuf semblable à un Cerf, Bos Cervi figura. (3) Il y a ici une légère erreur : la femelle du Renne, seule dans le j^cnre cerf, porte des bois, mais un peu plus petits que ceux du mâle. [Il] Le nom de palettes^ en style de vénerie, s'applique aux bois aplatis du Daira. Les bois beaucoup ]ilus larges de l'Elan se nomment pelles [Schaufeln en allemana). Cette interprétation des mots de César, iniitilm sunt cornihus, est loin d'être généralement adoptée. La plupart des traducteurs les interprètent par t dépour- vus de cornes •, VIEILLES CHASSES ET ANIMAUX DISPARUS. 51 rons quel langage le général romain employait pour s'en- tendre avec les témoins qui lui révélaient les mystères de l'Hercynie; mais que ceux-ci aient su parler un très bon « latin de chasseur » (1), c'est ce qui résulte de l'historiette qu'ils lui ont contée sur la manière de prendre les Élans. « Ils n'ont point d'articulations aux jamhes et, par suite, ne se couchent jamais pour se reposer, et lorsqu'ils sont tombés, ils ne peuvent se relever. Les arbres leur servent de lits ; ils s'y appuient, et prennent ainsi, en s'inclinant, un peu de re- ])0s. Quand les chasseurs ont reconnu, par leurs traces, l'en- droit oii les alccs ont pris l'habitude de se retirer, ils y déra- cinent tous les arbres ou les scient de façon à leur laisser l'apparence d'être debout. Lorsque les animaux viennent s'y accoter, suivant leur habitude, ils font tomber ces arbres sans résistance et tombent avec (2). » En troisième lieu, César nous montre le plus puissant ani- mal des forêts germaniques, YUrus, sous son nom tudesque, comme VAlcc (Ur ou Urochs) ; il exalte la force et la vitesse de ce taureau sauvage, dont la taille n'est que de peu infé- rieure à celle de l'Éléphant et qui attaque aussi bien l'homme que tout autre animal de proie, dès qu'il l'aperçoit. On prend les Unis dans des fosses. « Les jeunes gens s'endurcissent et exercent leur adresse en les combattant; ceux qui en ont tué le plus grand nombre font montre de leurs cornes comme trophées, et obtiennent beaucoup de louanges. » César dit encore de VUrus que les essais pour le dompter, même lorsque ces animaux sont pris tout jeunes, ne réussis- sent pas, et que leurs cornes gigantesques, garnies d'argent, servent aux indigènes de coupes à boire dans leurs festins d'apparat. Les poursuites acharnées dirigées contre les Urus ou Au- [\] Gain (jutes Jarjcrlatcin, en français, des hâbleries de chasseiir. (2) Dans le numéro de septembre 1889 de celte même revue Dahciru. on lit un article très bien l'ait sur TElan [ilas Elrhwild), par M. Schlolfeld, avec d'excellents dessins de M. R. Friese. M. Schlolleld croit comme nous que le général romain s'en était laissé conter par un Germain, peut-être aïeul du célèbre baron de Miinchhausen, après avoir vidé plus d'une corne d'hydromel. Voici, du reste, une explication assez plausible de la bizarre lét;eude qui donnait à VAlce des jcmbcs sans articulations : l'Elan a toujours passé pour très sujet au mal caduc. Supposez qu'un de ces animaux ait un accès en vue des chasseurs, il est évidei.t que ce prand et pesant quadrupède tombé ne se relèvera pas aussi lestement qu'un Cerf ou un Chevreuil, et que si le pa- roxisme se prolonge, les chasseurs auront toute facilité pour s'en emparer. 52 REVUE DES SCIEiNCES NATURELLES APPLIQUÉES. rochs à cause de leur férocité paraissent en avoir rendu l'espèce rare d'assez bonne heure. L'Urus est néanmoins cité fréquemment pendant tout le moyen âge avec son congénère, le Bison [Wisent), qui, dans la suite des temps, avait reçu aussi, par confusion, le même nom dJ Auerochs. Le poème des Niehelungcn fait tuer au héros Siegfrid, pendant sa grande chasse dans le Wasgenioald, un W'isent et quatre Urochs. Dans le roman d'Iwein (1), les Wlsents et les Urochs sont nommés en même temps. Un chroniqueur poméranien, par- lant d'un Wisent tué en 1364, fait remarquer qu'il était plus grand qu'un Urochs. Au commencement du quinzième siècle, les deux espèces sont mentionnées comme existant ensemble en Prusse. V Urochs apparaît encore isolément longtemps après en Allemagne. « L'Exposition de chasse, pêche et sport, ouverte cet été (LSR9), à Cassel, a montré, comme une des grandes curio- sités de sa section historique, les cornes d'un Urochs, tué, vers l'an 1600, dans le Primerwald, près de Gùstrow (Mec- klembourg-Schwerin). Ces cornes gigantesques, appartenant à M. le comte de Schlieffen, à Schlieffènberg, en Mecklem- bourg, sont identiques, par leur dimension, aux cornes fossiles du Bœuf des âges préliistoriques (2), tandis qu'on les distingue à la première vue de celles des Bisons, appelés de nos jours Auerochs, lesquelles sont représentées dans la même Expo- sition par toute une série de tètes. « Nous devons à un écrit du baron de Herberstain, accré- dité près du roi Sigismond-Auguste de Pologne comme con- seiller d'ambassade (Reducr), qui visita deux fois la Russie, en 1517 et 1526, avec une mission de l'empereur d'Alle- magne (3), la description la plus complète de l'Urus et du Bison, avec figure de ces deux animaux (4). » Par lui, nous apprenons que, dès lors, pour empêcher la destruction de l'espèce, les Urochs étaient conservés, en Ma- zovie, dans des enceintes à part. (1) Traiuclion allemande du romau de Chrestien de Troyes (xiii» siècle), in- titulé Yvain ou le Chevalier au lijon. (2] Bos primigenias des paléontologistes. (3) 1517, Masimilien I"; 1526. Charles-Quint. (4) La figure très l)ien faite de VUrus le représente comme uu Bœuf très épais de corsage avec de hautes cornes, le poil ras et les jambes courtes (comme dans la figure donnée par Gesner). Au-dessus est écrit, en allemand : « Je suis uu iirus appelé par les Polonais un tur, par les Allemands, un Auras et au- jourdimi, par les ignorants, ua ôisoii i^bisons). • VIEILLES CHASSES ET ANIMAUX DISPARUS. 53 » h' Unis apparaît, pour la dernière lois, en 1G69, dans la relation d'un voyageur (Gratiani), qui a vu des Aiierochs et des Wisents dans le parc de I linigsberg, et goûté de la chair des veaux tV Aiierochs. » Depuis lors, cette puissante espèce de bœufs sauvages est complètement éteinte, et le Wisent a immédiatement hérité de leur nom. Ilerberstain remarque déjà que les Allemands, par ignorance, appellent parfois le Wisent, Uroclis. « « Le Wisent ou Bison, qui, certainement, vivait en grand nombre dans la forêt hercynienne, n'est pas mentionné par César, probablement par la raison que ce bœuf sauvage n'é- tait pas inconnu de l'antiquité classique. Pline, qui rapporte dans son Histoire naturelle que l'Urus est remarquable par la grandeur de ses cornes et le Bison par sa crinière touffue, dit que, de son temps, des Bisons vivants avaient été amenés de Germanie à Rome i)Our figurer dans les combats d'ani- maux de l'amphithéâtre. Il transcrit aussi le nom tudesque de la bête par le mot hisontes. » Un passage du chroniqueur langobard Paulus, fils de Warnefried (1), mérite d'être remarqué : lorsque les Lango- bards traversèrent les Alpes en 568, ils rencontrèrent des troupeaux de Bisons sur la montagne d"où leur roi Alboin aperçut pour la première fois l'Italie, et qui fut, par la suite; appelée le « mont du roi » [Kônigsherg]. Le chroniqueur ajoute que la chose ne parut pas extraordinaire, puisque cette chaîne de montagnes s'étend jusqu'en Pannonie, où ces ani- maux sont si communs. Un vieillard « très ami de la vérité » raconta à Paulus qu'il avait vu la peau d'un Bison tué sur cette même montagne, et qu'elle était si grande que quinze hommes auraient pu s'y coucher côte à côte. Le Bison parait encore avoir été répandu dans toute l'Allemagne au dou- zième siècle; sainte Hildegarde, contemporaine de l'empereur Frédéric Barberousse (mort en 1189), recommande, dans un de ses écrits, la chair du Bison comme très salubre. » Peu à peu, il fut repoussé de plus en i)las vers le nord- est. En Prusse, les Bisons étaient encore nombreux au quin- zième siècle, mais au dix-huitième, il ne s'en trouvait plus que dans une forêt située entre Labiau et Tilsit (50 kilomètres au nord-est du Kônigsberg), où on ne les cliassait plus ; mais 1 Gel historien du viii° siècle est généralement connu sous le nom de Paul Warnel'ride ou de Paul Diacre. oi REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. de temps en temps on en capturait quelques-uns pour les envoyer en présent à quelque cour étrangère. C'est ainsi qu'en IIH, deux Bisons lurent envoyés à Cassel pour être offerts au landgrave Karl. « Le dernier Bison de Prusse doit être tombé sous la Lalle d'un braconnier en ITio. » L'espèce du Bison européen qui, à la lin du siècle der- nier, a été détruite en Hongrie, oîi elle existait encore en bon nombre au dix-septième siècle, a trouvé, comme on le sait, son dernier refuge dans la Ibrèt de Bjcdov^csch {sic}, et ré- cemment le prince de Plesz l'a introduite de nouveau en x\llc- magne dans une Ibrèt close de la Haute-Silésie. » Herberstain donne les détails suivants sur la chasse de ces puissants animaux : ))• Ceux qui chassent les Bisons doivent être doués de beau- V COU]» de vigueur, d'adresse et d'expérience. On choisit un » terrain de chasse bien approprié oii les arbres se trouvent » à distance égale. Il faut aussi que leurs troncs ne soient pas » trop épais pour qu'on puisse facilement tourner autour, ni » trop minces pour qu'ils sulflsent à couvrir un homme. Les » chasseurs se postent isolément derrière ces arbres, et » lorsque le Bison, poursuivi }>ar les Chiens, arrive en tem- » pête [Hervorstih-mi), il charge furieusement le premier » chasseur qui se trouve devant lui. Celui-ci se met à l'abri » derrière son arbre et perce, oii il peut la bête sauvage, de » son épieu. Lorsque celle-ci, en attaquant le chasseur, peut » seulement atteindre son habit et l'attirer à soi (1), elle ne )) l'abandonne pas avant de l'avoir tué. Mais si quelqu'un, fa- » tigué de courir et de frapper, veut prendre un moment de )) repos, il présente à la bête un chapeau de feutre rouge, sur » lequel celle-ci passe sa colère avec ses pieds et ses cornes. » Dans le cas où la bête n'est pas encore complètement morte, » si un autre chasseur veut prendre part au combat, comme » il est nécessaire pour que tous puissent quitter la place » sains et saufs, il attire le Bison à lui en criant une fois il'une » voix rauque : Lulnlu. » » La figure que donne la revue allemande, d'après Herber- (1) Le passage d'Herberstain, tel que le donne la Pologne pittoresque^ est bien plus élrunge : « Ou racontait que si, dans sa rage, la bêle l'arouclie dres- sait la queue, la force eu était telle, qu'eu louchant Thabil d'un chasseur elle l'arrachait et entraînait celui qui en était revêtu. • VIEILLES CHASSES ET ANIMAUX DISPARUS. So stain est tout à fait l'image cVun Bison de Bialowiez, avec une certaine exagération de la bosse. On lit au-dessus : « Je » suis un Bisons, que les Polonais appellent un Zuber^ les » Allemands un Disont ou Dondhier [sic), et les ignorants » un Aicrox. » Ici finissent les pages où l'auteur allemand a traité de,s ani- maux chassés dans la forêt hercynienne du temps de César. M. Knackfuss y revient un peu plus loin en parlant des grandes chasses de parade que les rois de Pologne faisaient au dix- huitième siècle, dans la foret de Bialowiez, où les Bisons tom- baient par centaines. Avant de le suivre sur ce terrain, il ne nous semble pas hors de propos de donner quelques détails sur la manière dont on s'y prenait pour conduire aux princes étrangers les Bisons destinés à figurer dans les combats d'ani- maux, appelés en allemand Kampfjagen (1) , auxquels les souverains de toute l'Allemagne ont pris si grand plaisir jus- qu'à la fin du dix-huitième siècle (2). Dans un traité de chasse, imprimé en 1719, à Leipzig, sous le titre du Parfait chasseur atlcniand [Der vollkonimene deutsche Juger), llanns Friedrich von Fleming, après avoir exposé comment, par suite du défrichement des immenses forêts de la Germanie, les Aiieroclts ou Bisons se sont retirés dans les contrées du septentrion, Litliuanie, Russie, Prusse, ajoute que la chair de ces animaux était grossière et indi- geste ;3), ils sont considérés comme absolument nuisibles à l'homme, et ne sont mentionnés dans son livre qu'à cause du plaisir que prennent les grands seigneurs à les faire combattre avec d'autres animaux dans les chasses d'amphithéâtre, où ils montrent beaucoup de vigueur et de vélocité (4). 1) Comme les Romaios nommaient « chasses • (vcnationes les combats d'ani- maux de l'amphithéâtre, \i) Le docteur Robert Townson vit encore en 1793, à Vienne, un Aurochs privé scïx uni à des combats d'animaux. < On lui lâcha huit ou dix Chiens; il ne bougeait pas, baissait son mullle à terre, et, avec ses courtes cornes, se débarrassait facilement de ses adversaires, abattant d'un coup de pied ceux qui Tattaquaient par derrière. » [Voyages en Hoiuiric, etc., traduction t'rançaise, t. IL) Cet Aurochs avait été pris très jeune en Hongrie. Dans le Dictionnaire (hi sciences naturelles, publié à Paris, en 18U3, l'ancien collaborateur de BuH'on, Sonnini, dit que les Aurochs ont péri en Hongrie pendant les dernières guerres. (3) Grohes v.nverdauliches Fleisch. Probablement celle des vieux mâles qui, de plus, exhalent une iorte odeur de musc. Le nom du Bison serait dérivé, suivant quelques-uns, du mot allemand Bisani (musc). La chair des jeunes animaux était, au contraire, fort appréciée. (4) On a vu souvent en Prusse des combats de ces animaux contre des 56 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. » Tls sont capturés ou plus souvent élevés exprès pour être envoyés en Allemagne, et comme leur force terrible et leur énorme taille ne permettent pas de les transporter dans des caisses, pour les conduire, on les attache avec de grosses chaînes entre deux chariots lourdement chargés de jjierres, Tun devant, l'autre derrière. Le célèbre peintre de chasses et d'animaux Ridinger(l) a représenté plusieurs fois VAiierochs soit isolé, soit chassé par des Chiens. Sur une de ces planches, on voit un de ces tau- reaux sauvages terrassant un Léopard. En 1760, on chassait encore quelquefois TAurochs dans des parcs réservés, où les grands seigneurs conservaient, pour leurs plaisirs, « ces animaux farouches, doués d'une force et d'une agilité extraordinaires », qui ne se trouvaient plus en liberté dans les forêts. On les tirait avec des carabines rayées de fort calibre, et s'ils ne restaient pas sur le coup, on les fai- sait coiffer par des Dogues d'Angleterre et autres Chiens de force, très vigoureux, qui finissaient, non sans perte, par ar- rêter le terrible animal, si bien que le chasseur pouvait lui donner le coup de grâce (2). Après avoir passé rapidement en revue les différents mo- numents représentant les chasses du vieux temps [Jagdbilder ans altcr Zeit), M. Knackfuss revient aux Bisons de Bialo- \viez : « Les grands du temps rococo (Rokoliozeit), à quelques exceptions près, aimaient à chasser sans péril et sans peine ; ils imaginèrent de tuer en sécurité, du haut d'une tribune, les animaux qu'on leur rabattait en masse (3). Les dames pre- naient aussi part à ces « chasses de cour [Hofjagde). Dans une brillante chasse, organisée par le roi de Pologne Au- guste III, dans la forêt de Bjaloivesch, la reine, placée sur un échafaud élevé, tua vingt Bisons de sa main, s'amusant, entre temps, à la lecture d'un roman français. » Ours, des Sangliers, des Chiens, et c'est Frédéric-Willielm I''', électeur de Braudebourj^-, qui, au rapport de Chrétien Menlzelius, observa le premier que le cerveau et le crâne des Aurochs avaient une odeur de musc. (1) Né en 1695 ; mort en 17(J7. (2) Voir la série des <;:ravures intitulée : Animaux de chasse àUaqtifs par des Chiens de races diverses, Johann Eiias Ridinger, 1761 ; Die von den verschide- nen Arthcn (sic) der Hunden behaeste Jagdbare Thiere, pi. II. (3] Ceci n'est exact que pour l'Allemagne. Ces grandes tueries dans les toiles, qui portaient le nom spécial de chasses allemandes, ne figurent qu'exceptionnel- lement parmi les chasses royales et princières de France. VIEILLES CHASSES ET ANIMAUX DISPARUS. 57 On comprend facilement, comme le dit M. Knackt'uss, que les écrivains du vieux temps ne se soient pas crus obligés de raconter les chasses vulgaires et sans danger qui se faisaient tous- les jours. On en trouve néanmoins des récits là oîi on aurait le moins pensé les rencontrer. C'est ainsi que M. Knack- fuss a découvert la description assez animée d'une chasse an Lièvre dans une Vie de saint Marti)/, écrite au seizième siècle, par le poète latin Venantius Fortunatus. « Une troupe à cheval de chasseurs fend l'air joyeusement. L'odorat subtil des Chiens a éventé une proie dans les brous- sailles, les cavaliers galopent à travers champs et suivent la chasse à grands cris. Les Chiens s'élancent avec ardeur pour forcer le Lièvre fugitif. Découplés sur ses traces, ils se préci- pitent en bondissant avec de grands abois et des grincements de dents ; emportés par le désir de saisir leur proie, tantôt dispersés et tantôt se pressant sur les pas les uns des autres ; l'un est muet, l'autre remplit l'air de ses aboiements ; celui-ci fouille un buisson vide cherchant une trace perdue, celui-là est arrêté dans sa course par des branches qui le frai>pent ; tous sont altérés du sang de la bète ; plus d'un mord le vide lorsqu'il est sur le point de happer le Lièvre qui se dérobe lestement aux griffes (sic, Krallen) qui vont l'atteindre, et, à l'instant où la meute s'empresse, la petite bète s'échappe adroitement. » Suit l'analyse d'un poème , dont l'auteur (probablement Angilbert, chapelain de rem})ereur) décrit avec tous ses dé- tails une somptueuse chasse de la cour de Charlemagne dans un vaste parc clos de murs, traversé par une rivière et ren- fermant dans son enceinte des bois et des prairies. C'est dans ce parc, situé près d'Aix-la-Chapelle, que le grand Karl pre- nait plaisir à poursuivre avec ses Chiens ou à percer de ses flèclies les Cerfs et les Daims.» Après, vient le tableau plein de vie du cortège princier avec ses riches costumes oii brillent de toutes parts l'or, les étoffes précieuses et les pierreries, sans parler des fourrures d'her- mine et de taupes. Comme on peut lire l'analyse du poème d'Angilbert dans V Histoire de France de MM. Bordier et Charton, et dans l'ar- ticle d'Amédée Thierry, intitulé Charle^nagnc et les Huns {Revue des Deux-Mondes, 15 février 1856), il nous semble inutile de suivre plus longtemps M. Knackfuss sur ce terrain. 58 HEVUE DES SCIENCES NATUIŒLLES APPLIQUEES. Après avoir reproduit la peinture animée tracée par Angil- ]jert, l'auteur allemand nous raconte, d'après d'autres docu- ments, que Cliarlemagne ne dédaignait pas de parcourir les forêts avec moins d'appareil et sous les costumes les plus simples, et que les i)lus illustres parmi les Francs reclier- cliaient avec passion les chasses les plus périlleuses : « Le l)rince mérovingien Tlieudebert perd la vie en chassant IT'rochs, et nous pouvons nous figurer sans peine Karl alfron- tant souvent l'Ours et l' Unis et leur assénant des coups d'épée I)areils à ceux de son père Pépin, lorsque pour donner à tous une preuve de sa vigueur, dans un combat d'animaux il abat- tit la tète d'un Lion acharné sur le col d'un Taïu'eau, et tua le Taureau du même coup (1). « Quelque incroyables que nous paraissent aujourd'hui de tels coujis d'éj)ée, on ne peut mettre en doute leur réalité. Les exercices d'escrime, encore en vogue de nos jours i)armi les populations à demi sauvages des Balkans et du Caucase en démontrent la possibilité. Ce n'est pas la force du bras seu- lement qui permet de porter de i)areils coups, mais plutôt l'adresse acquise par l'exercice qui fait passer comme l'éclair un coup oblique du tranchant (2). « Le poète qui, au douzième siècle, a donné sa forme ac- tuelle au JSlebtiujigenlled, savait sans aucun doute, (ju'il serait compris par ses auditeurs lorsqu'il racontait que, du haut de son rapide coursier, Siegfiùd abattait Wiscnt, Elan, L'rïis et ScliclcJi. K Oii doit certes admirer gr-andement la sûreté de coup d'œil et de main avec laquelle il savait atteindre infaillible- ment les vertèbres cervicales d'un animal fusant ou tenant tète; mais on peut, à ce proi)OS, citer les chasseurs indigènes de Java qui, poursuivant à cheval le Taur-eau sauvage très dangereux du pays, savent, en galopant à ses côtés, lui tran- cher le col de leur jjesant couteau de chasse. » (1) Au lieu du coup d'épée plus ou moins aulheiUi(]ue de Pépin le Bref, il auFdil mieux valu, pour ai'lirmcr les prouesses de Chark-aiagne, citer le passade curieux du moine de Saint-Gall, où l'on voit ce vuillunt chasseur, blessé à la jambe, au moment où il s'elloicc d'abullre d'un coup d''épée, la tête d''un des Lirochs ou Bisons [ufornm vcl hisontiu'iii) qu'il chassait dans les bois voisins d'Aix-la-Chapelle. (2) Quelques olliciers de l'armée d'Afrique se sont exercés, avec succès, a aliatire d'un coup de sabre des tôles de Chevaux, de Bœuls et de Cha- meaux. VIEILLES CHASSES ET ANIMAUX DISPARUS. o9 Le GrinimeschdcJi des jSiehclungcn a donné lieu à d'intei- niinables controverses entre les savants, surtout en Alle- magne. Suivant M. Knackfuss, la description que donne ([(^Vcn'uj- matique animal [der râtselliafte Schclch) la vieille épopée germanique, se rapporte très bien à l'Elan, sauf la furie ba- tailleuse et l'usage dangereux des bois. Cette description à laquelle l'ait allusion notre auteur ne se trouve pas dans le texte des Niebelungen, mais bien dans le glossaire que le docteur L. Braunlels a joint à son édition (le la grande épopée germanique avec traduction en allemand moderne (1). Schelcli, hocJisIiirsch, scliielencl, mit Bart wul Zottdn am Ilalse, Cerl-bouc. louche, avec barbe et longs poils au cou !2). Le docteur ne cite, du reste, aucun texte ancien à l'appui de cette interprétation. Brelim, dans sa Vie des anmiaux (t. Il de la traduction iVançaise), voit aussi dans le Grlniineschelch un vieil Elan mâle, dangereux aux abois (3). }.[. Knackfuss cite, plus loin, une ordonnance de l'emiiereur Otlion T'=^ en date du 2G novembre 943, renouvelée en lOOG et 102,5, qui défend de chasser, sans la permission de l'évêque d'Utrecht, dans la forêt de Drenthe, sur le Rhin inférieur, les Cerfs, les Ours, les Chevreuils, les Sangliers, « aussi bien que la bête appelée en langue germanique, Elo ou Schelo » ; il en conclut que le mystéiieux Grininiescliclch serait synonyme (ï Eldi ou Élan, au moins dans le dialecte du Bas-Rhin. Cependant, dit-il, des Gloses alemannviues (explication de mots de la langue tudes(|ue) indiquent une différence entre XElch et le Schelch, comme le fait plus tard le poème des Niebclungen. M. Gérard, dans sa Faune historique de V Alsace, affirme que le terrible Schelcli était « un taureau Aurochs [Urus de César , un vieux mâle de l'espèce, méchant et formidable », il] Dcr Nlchclunqe Nôt. J'iteœt mit geficnnhcrstehendci- Uchersetzunfj, nchst Eudettniif/ und Worterf/iich, lieraus gegeben von docteur Ludwig Braunlols, Franckfurl am Main, 1846. [i] M. E. de Laveleye , dans son estimable traduction française (Paris et Bruxelles, 1861), dit simplement : • Un terrible cerf a barbe de bouc. > (3) Le capilame Mayne-Keid dit la même chose du JlooiC, qui ne diilere que bien peu de Writ/ual des Canadiens et de l'Elan d'Europe [Ccrviis alces). 60 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. et s'appuie de l'autorité de Scherz [Glossarium medli œvi) qui cite, sous le mot Schelcli le vers des Niehelungen. « On a pensé, continue M. Knackfuss, au Cerf gigantesque [Cervus megaccros); mais la plupart des naturalistes nient la possibilité de l'existence de celui-ci dans les temps préhisto- riques. » Si l'existence du cerf megaceros, aux temps historiques, a été niée par sir John Lubhock, d'autres paléontologistes, parmi lesquels l'éminent M. Lartet, ont cru au contraire pou- voir admettre que quelques descendants du cerf aux bois gigantesques [Cervus m.egaceros [1]), dont les restes se sont rencontrés à la fois dans le nord de la France et jusqu'au i)ied des Pj-rénées, ont survécu, jusqu'aux temps historiques, dans quelques grandes forêts du continent et des Iles Britanni- ques (2). Julins Capitolinus, l'un des auteurs de la collection dite Histoire Au gi(Ste, contemporain de Dioclétien, dit que, dans « la maison aux rostres de Cn. Pompée », appartenant depuis longtemps à sa famille (3), l'empereur Gordien l'Ancien (mort en 237), avait fait peindre « une forêt mémorable [sllva me- 7noraI)ilis), sans doute une de ces forêts artificielles qu'on plan- tait dans l'amphithéâtre les jours de « chasses » solennelles et qu'on remplissait de gibier offert au peuple. Dans cette pein- ture on voyait encore représentés longtemps après, avec des chevaux sauvages, des mouflons [Oi'es ferœ), des élans, des daims, des autruches bardouillées de minium, des onagres, des sangliers et des bouquetins, deux cents cervi paimaii, mixtis hritannis. JStO)i nostînim est tanias componere lites ; si cependant (1) Appelé quelquefois > grand Elan d'Irlande » [Mcgaccros hihernicus] à cause des nombreux ossements trouvés dans les hogs de Tlrlande. Ces restes, d'époque relativement très récente et contemporaine de l'homme, sont en telle quanlué dans certains cantons, que presque toutes les cabanes sont ornées des bois friganlesques du Meijaceros. (2) C'est sur l'autorité de ces naturalistes que M. L. Figuier écrit dans sou livre de la Terre avarU le déluge : . VUrsus spelaus, le Cervus megaceros, le Bos primtqenius sont des variétés d'Ours, de Cerl', et de Bœuf contempo- raines de l'homme et qui sont éteintes aujourd'hui ; nous ne connaissons plus le Cerf à bois gigantesques que les Romains ont iiguré sur leurs mo- numents et qu'ils faisaient venir à' Angleterre {sic) à cause des qualités de sa chair. • (3) In domo rostrata Cn. Pompeii 'jîue ipsius et patris ejus et proavi fuit . Ces rostres ou proues de galères étaient sans doute en souvenir des victoires navales du jeune Pompée. rl>f ùm&m^mê4^mmÉM}^Mm VIEILLES CHASSES ET ANIMAUX DISPARUS. il est permis à un pro- fane d'émettre une opi- nion, je croirais vo- lontiers que le Schelch était un cerf de grande taille, formidablement armé et d'humeur agressive , apparte - nant à une espèce au- jourd'hui éteinte, peut - être descendue du megaceros , dont quelques individus pa- raissent avoir subsisté jusqu'aux temps his- toriques dans l'ile de Bretagne, d'où les em- pereurs romains en faisaient venir pour les combats de l'am- phitliéàtre et aussi pour l'excellence de leur chair (1). On pourrait peut- Htre retrouver le Sclielch dans ces Cervi palmati ou dans les Brliamii de Capitolin, à moins que ces der- niers ne soient des bestiaires et non des animaux. Les grands Cerfs donnés en spectacle dans les amphithéâ- tres, à cause de leur force et de leur na- turel farouche , sont représentés sur un feuillet de diptyque en ivoire , conservé au 61 SIMSIIMISI^IB M ^Ky'*»>t.,jfc (1) Voir plus haut. Cerfs féroces à barbe. (Cliché prêté gracieusement par.Ia maison Hachette,) 62 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. musée Mayer de Liverpool(l). On y voit des bestiaires com- battant des Cerfs tellement formidables, qu'il a fallu installer- dans l'arène des refuges en forme de guérites à portes bat- tantes, où la plupart des gladiateurs ont été contraints de se mettre à l'abri de la fureur de ces bêtes. Celles-ci portent do grands bois à larges empaumures, et deux paraissent avoir de longs poils sous le col. N'aurions-nous pas ici la « portraiture » des Co^vi palmatl ou Britanni de Gordien, dont quelques descendants auraient subsisté , jusqu'au dixième siècle , dans les marais de la Drenthe et sur la rive droite du Rhin ? Si le diptyque est de provenance britannique, ce serait une probabilité de plus. Avec le Schelch se termine la partie du curieux travail de M. Knackfuss. qui se trouve en rai)port avec nos études sur les espèces d'animaux éteintes de la Germanie et de l'ancienne Gaule ; mais, en feuilletant, à propos de ce travail, quelques vieux traités de chasse allemands, j'y ai trouvé, affirmée de la manière la plus positive, l'existence, dans les forêts de l'Allemagne, d'une espèce de félins d'assez grande taille, in- connue de tous les zoologistes anciens et modernes, et par conséquent innommée. Les chasseurs allemands leur don- naient le nom de Kœlberliichsen (lynx-veaux) à cause de leur couleur uniforme, semblable à celle d'un Veau. Je les appellerai Lynx concolores, les assimilant au Couguar [Felis concolor) qui est de même pelage. L'existence relativement récente de ce Lynx concolore , dont nous avons dit déjà quelques mots dans un précédent article (janvier 1889), comme ayant })robablement existé en France et dans les Pays-Bas (2), pourra peut-être intéresser les curieux. Voici en quels termes Fleming, dans son Traité de chasse déjà cité (3), parle du Lynx concolore, qu'il ne connaissait évidemment que par tradition : « Quelques chasseurs expérimentés constatent [staiiiiren] {[\\\\ doit y avoir deux espèces de Lynx, savoir : Lynx-chats et Lynx- veaux [Katz-en nnd KœWerliichsen) . Les Chais doi- vent se trouver principalement sur les sommets rocailleux (1) Ce petit bas-reîief, d'époque incertaine, a été reproduit par le Magasin pittoresque (année 18371 et le Dictionnaire des antiquités grecques et romaines de Saglij et Daremberg, 13"' fascicule, v" Diptyciius. (2) V^oir les Chasses de Stradan et Magné de Marolles. (3) Le Parfait chasseur allemand, Leipzig, 1719. VIEILLES CIL4SSES ET ANLMAUX DISPARCï>. G:5 (les montagnes; leur pelage serait moelleux, jaune clair avec des taches rouges et le ventre blanc, et, à cause des froids du Nord, leur fourrure, comme celle de toutes les Lêtes de proie, serait plus estimée de beaucoup. Ils sont aussi plus bas de taille, courts et épais, et de poil plus doux. « Les Veaux, qui habitent les grandes forêts de plaine où il n'y a pas de montagnes, comme dans nos contrées méri- dionales, n'avaient pas la couleur si belle, ni le poil si épais. . . Cependant, ils avaient, comme les Lynx mouchetés, une tête de Chat, avec de longues oreilles pointues, étant, d'ailleui-s, d'un fauve couleur de tuile ( Ziegelroih) comme un veau de paysan nouveau-né, avec des marques blanches (1), élancés et hauts sur pattes. Ils ont été presque entièrement détruits chez nous, Dieu merci ! » Ces Lynx concolores ont disparu de l'Europe entière, car les variétés de Lynx du Nord dont les taches disparaissent en hiver, ne peuvent être confondues avec ce Lynx- veau, parce que leur pelage prend alors une teinte blanchâtre uni- forme. Le Lynx des marais [Felis cJiaus), qui se montre sur les bords de la mer Caspienne et qui aurait pu autrefois s'a- vancer dans l'Europe occidentale, en dinèi'e sensiblement par sa fourrure, d'un gris jaunâtre avec des bandes confuses un peu plus foncées (2). L'espèce féline, qui présente le plus d'analogie avec le Lynx concolore est celle du Caracal [Felis caracal), Lynx d'Asie et d'Afrique qui parait avoir habité dans l'antiquité les montagnes de la Thrace (3). Il est plus petit que le Loup- cervier ou Lynx moucheté ; mais on peut supposer que quelques individus, ayant gagné les Carpathes et l'immense forêt hercynienne, ont acquis une plus grande taille, comme il est arrivé aux Lynx de l'espèce mouchetée, qui sont bien plus grands en Norvège et en Russie que leurs races congénères de l'Europe centrale. Pour en finir avec ceux-ci, l'espèce mouchetée {Felis lynx , presque éteinte en Fi'ance (sinon tout à fait) est aussi bien près de disparaître en Allemagne. La revue, à laquelle nous (1) La planche coloriée <_Ui Tierrcich de Ridinp;er uous montre un Kalberlurhs sans tache d'aucune espèce, absolument concolore. (•2) Ikehm, t. I. (3) Quelques naturalistes croient même que le Caraca! est le Lynx des an- ciens. 64 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES, avons emprunté les observations qui précèdent sur les ani- maux décrits par Jules César, cite, comme un fait digne de remarque, la capture, au commencement de ce siècle, d'un puissant Lynx du poids de 53 livres allemandes dans les mon- tagnes voisines du château de Wernigerode situé sur le ver- sant septentrional du Hartz (1). Depuis la même époque, dit Brehm, il n'en a été tué que trois dans toute l'Allemagne. Quant à la France, j'ai appris à Cannes, depuis mon dernier article de la Revue Britannique, que Mgr le comte de Caserta gardait dans sa villa Henri IV, un Lynx empaillé de poil fauve moucheté, grand comme un Dogue de forte race, tué à une de ses chasses en 1883 ou 1884, près du col de Fenestre, aux environs de Saint-Martin - de - Lantosque (Alpes-Maritimes, 59 kilomètres au nord de Nice). Cette montagne étant située sur la frontière d'Italie, non loin du col de Tende, où l'on a toujours signalé la présence de quelques Lynx, il est probable que celui-ci venait des montagnes italiennes. (1) Dahe;m, avril 1889. L'ISATIS OU RENARD RLEU {CANIS ou VULPES LAGOPUS L.) Par m. de SCHÀECK. L'Isatis appelé aussi Renard bleu, Renard blanc, Renard polaire, possède, comme on sait, une fourrure très estimée. Les Tchouktcliïs de Sibérie l'apportent, chaque année, en grand nombre sur les marchés de Srredue Kolymsm, et l'un des premiers prix pour les courses de Chevaux à Anadyr consiste en une peau d'Isatis. D'ailleurs, cette robe est l'objet d'un commerce important ; sa valeur et sa beauté devraient encourager à ménager l'espèce. D'après les recherclies de M. B. Langkavel publiées ré- cemment par le Zoologische Gcv'toi (1;, l'habitat de l'Isatis comprend de nos jours : En Europe, la partie septentrionale de la Scandinavie, la Laponie, les îles de la mer Blanche ; le nord de la Russie, depuis Mézène jusque dans les Toundras; Nowaja-Semlja ; l'île des Ours, située entre le cap Nord et le Spitzberg ; Jan Mayen, l'L'^lande, le Spitzberg, les terres du roi Charles, du prince Rodolphe et de François-Joseph. En Sibérie, la région des côtes, le gouvernement de Bere- sow près du golfe de l'Ob; Tourouchansh sur le Bas-Yenisse'i; la i)resqu"ile de Taïmyr, Anni, Baranicha, Kovima dans le bassin inférieur de la Lena ; les bords du Kolyma dans le pays des Tchouktch'is ; enfin le Kamtchatka. Les îles de la Nouvelle-Sibérie, Kotelmji ou île Chaudière, Ljachow, Bering, l'île du Cuivre et la terre de AVrangel. En Amérique : les îles Aléoutiennes, Atton, Ounalachka [lies aux Renards) ; l'Alaska ; les îles du Commandeur ; les côtes jusqu'aux bassins supérieurs des fleuves Youkou, Makenzie, la région de Mistassini, le Labrador et Terre-Neuve. — Les archipels au nord : l'île du Roi-William, Melville, le canal de (1) T. XXXIII, 1S92, pp. 7'J-88; 111-119. 20 Juillet 1893. 5 ■ 66 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. AVellington, la baie de Ciimberland, les terres de Grinnell et d'Ellesmore, le Lincoln nord et le Devon septentrional. L'expédition de Bessel nota des traces de l'Isatis par 81° de latitude nord dans le Groenland ; celle de Greely en décou- vrit jusqu'au 83° de latitude. On a les ossements de cet ani- mal à côté des bracelets en pierre des Esquimaux qui vivaient autrefois dans cette région. D'ailleurs, le Renard bleu n'a pas toujours été confiné dans les contrées les plus septentrionales comme il l'est mainte- nant. On a exhumé ses restes dans les couches les plus an- ciennes en Pologne, en Bohème, en Allemagne, en Suisse, en Belgique et en Angleterre. La coloration variable de l'Isatis a été expliquée de diffé- rentes façons par les naturalistes. Les uns ont pensé qu'elle était due au changement des saisons, comme cela a lieu chez le Lièvre des Alpes, l'Hermine, les Lagopèdes, la Niverolle ou Pinson des neiges et d'autres animaux, dont la livrée s'as- simile avec le sol ou la neige au milieu desquels ils vivent. Les autres, comme M. Max Schmidt, ont reconnu (1) que la couleur de l'Isatis dépend plut(3t de l'âge ou du sexe. • Les observations de M. B. Langkavel font admettre que l'espèce possède deux livrées qui se développent parallèle- ment : d'une part, une fourrure bleue, ne devenant jamais blanche en hiver, et, d'autre part, une fourrure fauve, qui devient d'un blanc pur à l'approche de l'hiver. On a reconnu que les Isatis blancs ne sont point confinés dans les régions les plus septentrionales ; on les rencontre sous toutes les lati- tudes. Mais ils constituent une race particulière, car le chan- gement de couleur n'a pas lieu chez tous. Les Renards blancs ne passent jamais au gris et les Renards gris ou fauves ne deviennent jamais blancs. Certains auteurs ont affirmé que les Renards blancs du nord du Japon étaient des Isatis. On avait affaire à des albi- nos du Renard ordinaire, comme nous en observons quelque- fois en Europe. On suppose que les peaux de Renards blancs, dont les mandarins de haut rang sont revêtus, doivent pro- venir soit d'Isatis importés en Chine, soit d'exemplaires albi- nos de l'espèce indigène. Le froid n'a aucune influence sur ces modifications. On a (1) Zooloijkal Garden, 1871, p. 303. L'ISATIS OU RENARD BLEU. 67 conservé des Isatis pendant toute Tannée dans des chambres relativement chaudes et Ton a vu le même phénomène pério- dique se produire. Dans le détroit du prince de Galles, tous les Isatis ont, vers les premiers jours de septembre, une robe ])eu épaisse, courte, de couleur bleu ardoisé ; les extrémités des poils sont noirs. En novembre, leur pelage est grisâtre surtout à la base des poils. Un mois plus tard, on n'y voit presque aucun chan- gement. Mais en janvier, la fourrure s'épaissit et, vers le milieu du mois, elle blanchit entièrement à l'exception de quelques toulïés de l'ancien pelage qui persistent parfois pen- dant tout l'hiver. D'après Richardson, chez les Isatis américains, la livrée d'hiver est blanche ; celle d'été est plus ou moins brune. On en observe rarement qui soient tout à fait blancs en hiver. Dans d'autres régions , comme dans la Basse-Léna, les Isatis possèdent encore à la fin du mois de juin, la fourrure blanche d'hiver. Au Spitzberg, le poil blanc tombe en juin et juillet pour faire place à une robe d'un gris-bleu noirâtre qui dans les dernier-s jours d'août blanchira de nouveau. A Jan May en, le pelage normal reste brun-fauve pendant toute l'année ; le pelage blanc constitue une variété qui ne change pas en été. Middendorlï avançait que les Renards bleus étaient surtout distribués près de la mer et se demandait si leur nourriture, consistant principalement en graisse de Baleine, n'influait pas sur la coloration. On a reconnu que cette faune habite même loin des côtes. Toujours est-il que la fourrure bleue reste plus rare dans certaines contrées que la fourrure blanche. Dans le district de Beresow, on capture, chaque année, près de 15,000 Isatis ; il s'en trouve à peine cinquante qui soient bleus. En Sibérie, sur une centaine d'Isatis blancs, on rencontre trois ou quatre individus blancs ; autrefois, on y observait toujours cinquante Renards bleus sur un millier (le blancs. Depuis quelques années, ce rapport s'est encore modifié sur l'île de Behring. D'après Krascheninikow, on y trouvait beaucoup d'Isatis à fourrure bleue. Aujourd'hui, ils sont devenus rares a Behring, car Nordenskiold n'en vit aucun. Au contraire, ils abondent dans l'Ile du Cuivre. M. L. Stesneger a relevé les chiffres suivants : 68 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. FOURRURES D'ISATIS EXPORTÉES DE L'ILE DU CUIVRE. BLEUE. BLANCHE. 1871-72 836 4 1872-73 580 28 1873-74 514 24 1875-76 1.087 50 .1876-77 573 19 1878-79 789 — 1881-82 1.447 20 1882-83 872 13 Le revenu moyen se monte annuellement à 1,600 roubles (6,840 fr.). Sur les 3,000 habitants de cette île, chacun reçoit 18 roubles (70 fr.). Les Isatis à fourrure bleue ne sont pas chassés tcfute l'année, mais seulement entre le 10 novembre et le 31 décembre (ancien st3'le). En Europe, on prend des Renards à pelage bleu, surtout aux environs d'Aroidjane et de Kola. Ils deviennent rares dans les Tundras. Sur Nowaja-Semlja, on en captura de 1832-33, une'quarantaine d'individus dont un seul exemplaire bleu. Litke rencontra à Grumant, sur dix de ces animaux, huit Isatis bleus. La race bleue est cependant commune en Is- lande. Au Groenland, la blanche est la plus abondande ; les Groënlandais tuent, chaque année, de 1,000 à 3,000 Isatis dont les deux tiers sont de couleur bleue. Karr nous dit qu'en Amérique les deux races abondent dans le Nord. A Beresow on apporta, en 1830, sur le marché, 15,000 four- rures. En 1888, on vendit, à l'occasion de la foire d'été, sur les marchés d'irkit, 11,000 Isatis et, dans la même année, on envoya 38,000 peaux à ceux de Jakutsk. Dans la région basse de la Lena, cette fourrure constitue, avec les dents de Mam- mouths, le principal article de commerce. On capture, chaque année, dans le delta de ce fleuve environ 300 Isatis. Une four- rure bleue vaut, dans le district de Yénisséï, de 10 à 12 roubles (39 à 46 fr.) ; une fourrure blanche coûte seulement 3 ou 5 roubles (11 à 19 i'v.). En 1885, on expédia du Groenland au Danemark 1,700 fourrures bleues, d'une valeur de 66,000 tha- 1ers (244,200 fr.). En 1874, on en exporta pour 99,000 marks (113,750 fr.). D'après le Geographical Magazine, la Compa- L'ISATIS OU RENARD BLEU. 69 gnie de Iliulson rerut, en 1887, 10,257 peaux blanches contre 1408 jieaiix bleues. Pendant ces dix dernières années, les Isatis de Sibérie Turent surtout dirigés sur les principaux marchés à fourrures d'Europe. Ceux d'Amérique sont presque tous rassemblés à l'Ouest, près de Fort-Michael dans l'Alaska et prennent le même chemin. L'emploi de cette fourrure est différent suivant les pays. Dans le Groenland oriental, les habitants portent en été des casquettes faites en peau d'Isatis ; la queue de l'animal pend derrière. A Werchojansk, on a des guêtres en Isatis et au- dessus des guêtres en peau de Renne. Le manteau est doublé de fourrure d'Isatis et revêtu de fourrure de Renne. A To- bolsk, la fourrure blanche est particulièrement recherchée pour le vêtement des dames. On emploie la peau des Renards jeunes pour border les Parkis. LES POULES PONDEUSES D'après M. TEGETMEIER. Quand on se trouve dans des conditions où la production des œul's est plus rémunératrice que la préparation des vo- lailles de table, il peut être bon d'élever des variétés ne cou- vant pas, afin que la période de ponte dure plus longtemps ; l'incubation ou le désir de se livrer à l'incubation ne venant pas interrompre la ponte. Les meilleures variétés de Poules non couveuses sont certainement celles qui ont été amenées des côtes de la Méditerranée. Ce sont les Espagnoles, les Minorque, les Andalouses, les Livourne ou Leghorn des An- glais. Toutes ces variétés ont un t3'pe bien marqué quoique leur coloration ne soit pas constante et que les caractères se- condaires varient beaucoup. Ces volailles sont caractérisées par des crêtes uniques, larges, plates et dentées, droites chez les Coqs, retombant d'un côté ou de l'autre chez les Poules, à cause de leur faible épaisseur. Toutes les Poules de ces races ont une tendance à avoir de longues jambes et une poitrine décharnée, aussi ne fournissent-elles pas de bonnes volailles de table. On reconnaît aussi les races méditerranéennes à leurs oreillons blancs et charnus. Chez la plus ancienne de ces variétés, la teinte blanche s'étend sur toute la crête qui est rouge dans toutes les autres races. Race Espagnole. La Poule espagnole présente un remarquable exemple de la dégénérescence dans laquelle peut parfois tomber une race de volaille excellente à l'origine. Depuis de nombreuses an- nées, les amateurs ont dirigé leur éducation de manière à avoir des joues absolument blanches chez les volailles d'ex- position, sans la moindre trace de rouge. L'oreillon blanc, lui aussi, s'est fort accru, fort étendu ; on en a vu de 7 à 10 cen- timètres de diamètre et susceptibles d'être amenés latérale- ment à une largeur égale à cette longueur. La crête est pro- LES POULES PONDEUSES. 71 fondement et largement dentelée et se tient droite et rigide chez le Coq. Elle est relativement plus large chez la Poule que chez le Coq et retombe à droite ou à gauche de la face eii masquant un des yeux. On arrive cà ce résultat au moyen d'une méthode artificielle ; on ne laisse pas aller ces Poules au soleil, qui altérerait la blancheur de la face. Elles sont tenues à une température fort élevée afin de faire prendre aux accessoires de la face le plus grand développement pos- sible et d'empêcher les crêtes d'être gelées. II est à remarquer que pendant qu'on obtenait ces résultats, les jambes des vola- tiles allongeaient, leur taille diminuait, leur constitution s'a- mollissait et qu'elles perdaient presque l'habitude de pondre. Les Espagnoles noires qu'on trouvait autrefois dans les basses- cours sont passées cà l'état de souvenir, et quant aux volailles qu'on fabrique aujourd'hui pour les concours, ce sont des volatiles absolument inutiles, que les amateurs seuls peuvent s'amuser à élever; la race espagnole, race de rap- port, n'existe plus. On élève si peu maintenant du reste de ces Poules, que leur nom ne figure plus sur les catalogues de la majeure partie des expositions d'aviculture. Race de Minorque. Dans les basses-cours des fermiers et des maisons de cam- pagne delà région Sud-Ouest de l'Angleterre, principalement dans les comtés de Cornouailles et du Devon, on voit fré- quemment une volaille noire dite d'origine espagnole. C'est la Poule de Minorque, une Poule plus rémunératrice pour l'ex- ploitant que ses aristocratiques compagnes. La Minorque telle qu'elle existait il y a quelques années encore, était une race plus grosse, à la chair plus compacte, aux jambes plus courtes que l'Espagnole, et offrant plus de force et plus de résistance. La face, contrairement à celle de la race précédente, était rouge, les oreillons seuls ayant une teinte blanche. La Poule de Minorque ne constitue pas une variété couveuse, mais elle pond en abondance de gros œufs blaui^s. Ces Poules couvent rarement, si nK'niie on peut dire qu'elles couvent. Quand les poulets ont été obtenus de bonne heure, et si on les nourrit bien pendant les mois d'hiver, ils fourniront toujours une bonne provision d'œufs, même i»endant la mauvaise saison. Comme productrice d'œufs distinguées des volailles de table, 72 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. laissant de côté la valeur comestible, qui bien qu'inférieure n'est pas sans intérêt pour la consommation, il est douteux qu'aucune race puisse dépasser l'ancienne Minorque des cours de ferme. Elle est malheureusement pour sa valeur écono- mique, passée à l'époque actuelle entre les mains des ama- teurs et dans les expositions, les classes des Minorque sont toujours Lien fournies et bien complètes. Il est inutile de dire que les qualités de ponte ne peuvent être reconnues dans une exposition. Cette race a une crête extraordinairement large, régulièrement dentée, rigide, ayant 8 à 11 centimètres de hauteur pour les Coqs. Les deux sexes portent des oreillons immaculés. L'élévation de la Minorque à la dignité de race d'exposition est fort regrettable pour le commerce de consom- mation, car dans quelques années elle rivalisera probable- ment en stérilité et en inutilité avec l'Espagnole. Nous pour- rons alors trouver dans les volailles de Minorque exposées en Angleterre ce que l'on voit déjà pour les Espagnoles, une Poule recevant un premier prix, alors qu'en toute son exis- tence elle n'a pondu qu'un seul œuf. Race Andalouse. Une autre poule du type méditerranéen se distinguant de la Minorque par la coloration, est la Poule dite de race Anda- louse. Elle avait autrefois une teinte gris-ardoise, bleuâtre, mais dans les expositions actuelles elle doit avoir un liseré sombre formant bordure autour de cliaque plume du tronc. Libre d'errer à sa guise, née de parents qui n'avaient pas l'existence confinée de la majeure partie des volailles d'expo- sition, l'Andalouse était une pondeuse très rémunératrice, donnant de gros œufs blancs et rivalisant avec la Minorque sous ce rapport. Les poulets, quand ils naissaient de bonne heure, donnaient d'excellentes pondeuses d'hiver, et si on avait employé pour l'obtenir la race de Poules la plus proli- fique au lieu de prendre la race la plus emplumée on eût obtenu une des meilleures espèces de Poules pondeuses. Race de Leghorn. _ La race de Leghorn ou de Livourne est originaire des côtes de la Méditerranée, mais elle arriva en Angleterre par l'Ame- LES POULES PONDEUSES. 73 rique en 1869. Elle avait primitivement les jambes Jaunes et le plumage blanc. La Poule de cette race n'est pas une couveuse, mais une excellente pondeuse d'œuls blancs. On l'a récem- ment élevée au rang de Poule d'expositions, et on a déve- loppé plusieurs teintes diverses dans son plumage. La Poule dite Leghorn brune a été obtenue par croisement avec le combattant noir et rouge, et on a créé récemment une race de Poules Leghorn (jui a beaucoup de blanc avec des taches de noir et coucou dans son plumage. La Leghorn est géné- ralement plus petite que la Minorque et l'Andalouse. SUR LA PROPAGATION DES POISSONS D'EAU DOUCE Par Cath. KRANTZ. En étudiant la localisation des poissons d'eau douce, on se trouve souvent en présence d'espèces particulières et même des faunes entières occupant, d'une façon exclusive, des sys- tèmes fluviaux voisins, mais n'aj'ant entre eux aucune com- munication aquatique, se déversant quelquefois dans deux mers différentes, ne se rapprochant l'un de l'autre que par leurs sommets séparés eux-mêmes, dans certains cas, par des chaînes de montagnes d'une hauteur considérable. Les exemjiles de ce genre ne sont pas rares, ils sont connus de tous ceux qui s'occupent d'ichtyologie, mais c'est seule- ment dans ces derniers temps que ces phénomènes ont été étudiés d'une faron [ilus spéciale au point de vue théorique. Les recherches entreprises dans ce but ont amené cer- tains auteurs à conclure que la similitude de la faune des deux systèmes fluviaux indépendants, partant, par exemple, des deux versants opposés d'une chaîne de montagnes — fût- elle d'une altitude considérable — était un indice certain dé- montrant irréfutablement que ces deux bassins n'en avaient formé qu'un, dans une période rapprochée, au point de vue géologique, bien entendu. — D'autres savants, tout en admet- tant cette raison dans tous les cas où des preuves tirées d'un autre ordre de faits, venaient la corroborer pour établir le fait de la formation, dans un temps relativement récent, d'une modification de la surface du sol, — refusent d'y voir une explication universelle, complète, intégrale en ce qui concerne ces phénomènes spéciaux de la géographie zoologi- que. — Ils se sont tournés vers d'autres catégories de faits qui n'ont pas cessé d'exercer leur influence sur la diffusion des différentes espèces de poissons, faits qui se trouvent ab- solument en dehors des perturbations géologiques ou des changements des conditions physiques des divers points de la surface terrestre. SUR L.\ PROPACtATIÛX IiES POISSONS D'EAU DOUCE. 7") C'est à cette dernière opinion qii'ai)partient M. Nikitine qui vient de publier dans le Jownial de pèche de Saint-Péters- bourg de très précises notes d'observation personnelle. La question ainsi posée nous semble de nature à intéresser non saulement des zoologistes, mais aussi les pêcheurs, les pisci- culteurs et en général tous ceux qui s'occupent d'élevage ou de sport dans les eaux douces. Que la menue faune des crustacés, des insectes aquatiques, etc., émigré très facilement, par des procédés variables, d'un système fluvial dans un autre, sans qu'il y ait pour cela be- soin d'une communication même temporaire entre eux — c'est là un fait bien connu ; le phénomène a été décrit tant de fols, et étudié d'une façon assez complète, pour que nous n'ayons pas à y revenir. La question à la résolution de la- quelle les présentes notes pourront peut-être contribuer, se résume ainsi : les représentants de la faune d'eau douce, tels que les poissons, peuvent -ils émigrer et par quels moyens, d'un système fluvial dans un autre sans qu'il y eût évolution géologique importante. Au point de vue théorique, le problème a été déjà résolu, d'une façon affirmative, mais des preuves matérielles, des exemples, sans faire absolument défaut, sont assez rares. L'attention des chercheurs qui se sont occupés de la question, s'est tout d'abord portée sur ce fait qu'à l'époque du frai, les poissons ont une tendance marquée à remonter le cours des ruisseaux, cherchent un refuge dans les sources des rivières, les marais, les petits lacs et autres réservoirs d'eau si fréquents dans les pays servant de déniai'cation entre deux systèmes aquatiques. Ces bassins qui relient souvent les eaux des deux versants opposés, seraient le point neutre où les deux faunes viennent se mêler. Ce pro- cédé de la propagation des poissons est surtout admissible en ce qui concerne les pays où après une période prolongée de neige, arrive nn printemps à température élevée amenant une augmentation considérable dans le nombre de ces bas- sins provisoires, transformant, pour ainsi dire, les plateaux démarcateurs en une suite ininterrompue de lacs. C'est là une explication qui a l'avantage de concilier les ichtyologistes des écoles et des opinions les plus diff"érentes. O.pendant, les débordements printaniers ne sauraient être considérés comme la cause unique des phénomènes qui nous 76 RKVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. occupent en ce moment. II existe en effet des catégories de laits où l'intluence de la crue doit être absolument écartée et dont l'origine se trouve dans d'autres conditions encore, lavorisant la diffusion des poissons. Parmi ces conditions, par son importance et son universa- lité, pour ainsi dire, le transport des œufs de poissons par les oiseaux nageants, doit être placé au premier rang. Le i)hé- nomène a lieu surtout au moment du passage de ces der- niers qui coïncide avec l'époque du frai de la plupart des poissons d'une vaste proi)agation géographique. Ces faits ont été surtout étudiés par des Anglais : Layel, Darwin, Wolles, Gunter et parmi les Russes, par M. Sévértzeff. 11 est vrai qu'un autre éminent ichtyologiste russe Kessler semble pres- que nier un rôle quelconque des oiseaux dans les phénomè- nes dont il s'agit, mais ce n'est là qu'une remarque en pas- sant. D'ailleurs, Kessler fut un fanatique des évolutions géo- logiques (réelles ou supposées) dans l'explication des faits de la géographie zoologique. Malheureusement, autant que nous savons, il n'existe guère d'observations permettant de définir d'une façon pré- cise le rôle des oiseaux dans le transport des œufs de pois- sons, nous n'en pouvons citer qu'une, celle dont parle Layel. Il est donc fort à désirer pour la science que des ob- servations des faits de migrations de poissons, de repeuple- ment en poissons des bassins aquatiques nouveaux, des étangs récemment creusés, etc., viennent étayer définitive- ment cette hypothèse aussi ingénieuse que rationnelle. A ce point de vue, la diffusion du Brochet dans des digues nouvellement installées, des bassins et des viviers présente une source d'observations probantes. En effet, tout piscicul- teur soucieux de la prospérité de son élevage prend en ins- tallant un nouveau bassin à poissons, toutes les mesures de précaution possibles afin de ne pas y laisser pénétrer ce pil- lard dangereux — mais en vain, ordinairement, les plus grands efforts n'aboutissent à rien. Pour expliquer le fait, on l'attribue à la tendance qu'a le Brochet de remonter, pendant le frai, le cours des rivières, d'entrer dans les anses, les marais, etc., les canaux et les fosses qui se trouvent remplies d'eau, etc., Et, il est à noter que, dans ce cas, le Brochet se contente d'une quantité minime d'eau, quelquefois il ne s'en trouve même pas assez pour couvrir le corps du poisson, de sorte que son SUR LA PROPAGATION DES POISSONS D'EAU DOUCE. 77 dos émerge en dehors (1). Comme l'époque du frai de cette espèce coïncide à peu près avec la crue printanière des eaux, on s'explique ainsi ces rencontres des alevins de Brochet, en été, dans des bassins absolument fermés où, à première vue, quand on les observe en été, il semble impossible d'admettre la pénétration des poissons adultes. Cependant la pratique, les conclusions personnelles de M. Nikitine ne lui permettent pas d'accepter cette constatation comme le mot derénigme, la clef de ces phénomènes fort obs- curs encore. Il croit d'ailleurs avoii' avec lui tous les observa- teurs attentifs, en exposant les faits que nous citons ci-dessous. Dans sa propriété des environs de Moscou, il existe plu- sieurs petits bassins creusés dans des vallées basses , des étangs, etc. Chacun de ces bassins était spécialement aflfecté à l'élevage d'une espèce particulière, et on prenait toutes les mesures connues pour y interdire l'accès aux Brochets fort répandus dans les cours d'eau voisins. Cependant, imman- quablement, le rapace poisson faisait son apparition dans chacun de ces bassins. Dans ceux des étangs qui étaient à eau courante ou reliés par un ruisseau avec la rivière Sétou- nia, riclie en poissons de toute espèce, y compris le Brochet, la pénétration de ce dernier s'expliquait tout naturellement ; notons, cependant, que les étangs étaient barrés d'une digue très haute. Mais il existait un petit réservoir creusé au milieu d'une tourbière et qui même au moment des débordements printaniers n'avait aucune communication avec les rivières. L'eau des sources qui l'alimentait ne débordait jamais en dehors du vallon comme encaissé tout autour, mais grâce aux conditions du sous-sol, le trop-plein de cette eau se dé- versait dans les rivières par infiltration souterraine. Et ce- pendant, même ces conditions d'isolement absolu, n'ont pas empêché la pénétration du Brochet. Où chercher la cause de ce phénomène si ce n'est dans l'importation des œufs de pois- sons qui, ne pouvant pas être opérée par l'homme. Ta été par les oiseaux nageants. Un autre cas vient confirmer cette opi- nion, partagée d'ailleurs par les paysans, les pêcheurs et les chasseui-s du pays. Nous insistons sur l'observation suivante, car le fait se présente dans toute sa pureté, tel qu'il se produit au milieu de la nature inculte. (1) Sabanéeir, La Poissons de la Russie. 78 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. A 10-15 verstes (kilomètres) de Moscou, la localité que traverse aujourd'hui la ligne du chemin, de fer Moscou-Brest et dont la gare de Niémtchinovo avec les maisons de cam- pagne environnantes est le centre, cette localité n'était, il y a vingt à trente ans, qu'une plaine inculte recouverte de buissons, inhabitée ; elle appartenait à des communes qui ne l'utilisaient que commme prairie. La plaine en question s'en va par une pente douce vers la rivière de Moscou d'un côté, tandis que, de l'autre, elle s'incline dans la direction de la Sétounia. Les eaux atmosphériques et surtout celles prove- nant de la fonte de la neige, en ont considérablement creusé le sol et l'ont transformé, sur une surface de 20-30 verstes carrées, en une série de ravins larges mais peu profonds à pentes douces. Les eaux printanières ont de leur côté formé, en lavant la terre, des excavations et des bassins. Grâce au sous-sol argileux, l'eau s'y garde assez longtemps. Cependant, ordinairement, vers la fin juillet, tous les réservoirs ta- rissent entièrement, et seuls de petits marais tout envahis par les herbes, situés sur les hauts bouts des ravins, con- servent quelque humidité. D'un autre côté, jamais, même pendant les plus fortes crues, il n'y avait communication ininterrompue de ces bas- sins provisoires ni avec la rivière de Moscou par le ruis- seau du village Romaschkofï", ni avec la Sétounia pas plus qu'avec le lac Koukouëff— les seuls bassins aquatiques per- manents d'où le Brochet pût pénétrer, à l'époque du frai. Connaissant à fond le pays, oii il a passé son enfance, l'au- teur peut afhrmer le fait d'une façon absolue. Notons que les bassins en question étaient fort abondants au printemps et en automne, en oiseaux sauvages, chose bien connue des chasseurs dont c'était un des rendez-vous favoris. Or, dans les réservoirs ainsi dépourvus de toute communi- cation, il arrivait de pêcher de petits Brochets de 6-10 centi- mètres qui, d'ailleurs, mourraient infailliblement avec toute la laune qui peuple ces bassins intermittents. Il est à remar- (juer que les cas observés l'ont été sur les points les plus éloi- gnés des bassins d'où le poisson aurait pu venir si une com- munication a(iuatique quelconque y était admissible. Le cas ne peut être relié ([u'au passage des oiseaux aquatiques sau- vages que l'on y voit en abondance. NOTE SUK UNE INVASION DE LÉPIDOPTÈRES DE LA FAMILLE DES PSYCHIDÉS OBSERVÉE DANS LES DEPARTEMENTS DU PUY-DEDÛME ET DU CANTAL Par m. Jules FALLOU, Président de la Section enlomologique. Combien de choses n'a-t-on pas dites sur les. Insectes nui- sibles depuis l'époque où écrivait Réaumur, cette grande illustration de la science entomologique française jusqu'à nos jours, témoins les importantes publications de nos savants collègues, le D'" Boisduval, Guérin-Méneville, le colonel Goureau, Guenée, Maurice Girard, le D"" Laboulbène, etc. Ce thème est cependant loin d'être épuisé, et chaque jour les observateurs font connaître les mœurs, jusqu'ici inconnues de beaucoup d'insectes, et certainement si l'étude de l'ento- mologie était plus répandue parmi les agriculteurs et horti- culteurs, nous obtiendrions de .précieux renseignements qui ne leur seraient pas moins utiles qu'aux amateurs d'insectes. Parmi les nombreux parasites des plantes, la famille des Lépidoptères est une de celles qui en fournit le plus grand nombre. Ces insectes se nourrissent de toutes sortes de végétaux, depuis les Champignons, Fougères et Graminées jusqu'aux plus grands arbres des forêts, vergers, etc.; ils mangent les feuilles, les racines, la moelle des tiges, l'écorce, le bois sain ou pourri des arbres. Toutes les plantes ont, pour ainsi dire, leurs parasites spéciaux. Le but de Tento- mologiste praticien consiste donc à apprendre l'histoire complète de chaque espèce de rechercher où et quand l'œuf est déposé par la femelle, à quelle époque se trouve la chenille, de quelle manière elle' vit, et si elle choisit exclusi- vement une seule espèce de plante ou plusieurs espèces de la même famille, ou bien encore si elle est polyphage, 80 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. d'apprendre comment et où elle se transforme en chrysalide, l'époque de l'apparition de l'insecte partait et ses mœurs ; de savoir dans quel état l'espèce passe l'hiver en œuf, che- nille, chrysalide ou papillon: Naturellement, tous ces renseignements ne s'obtiennent qu'à la longue et le plus souvent par des observations répé- tées ; Ces détails nous ont paru de quelque utilité afin d'attirer davantage l'attention sur ces insecte^; et d'indiquer, autant que possible, les moyens d'empêcher leur trop grande multi- plication sur les plantes utiles ou d'ornement. Nous avons l'intention d'entretenir de temps en temps les lecteurs de la Revue des sciences naturelles appliquées des mœurs des insectes qui sont plus ou moins nuisibles aux vé- gétaux de toutes espèces. Nous parlerons aujourd'hui d'un nouvel insecte, signalé en 1892, comme étant l'un des destructeurs des pâturages des régions montagneuses de l'Auvergne. Depuis quelques années, les cultivateurs du canton de Besse et des cantons limitrophes du Puy-de Dôme voyaient leurs prairies envahies par un insecte qui leur était inconnu et qui y causait d'importants dégâts. En 1892, la récolte des prés de ces contrées a été en grande partie compromise, principalement dans la commune d'Eglise-Neuve. Au mois de mai de l'année précitée, il nous a été envoyé d'Auvergne un grand noml)re de fourreaux renfermant des chenilles vivantes d'un Lépidoptère Hétérocère, que nous avons reconnu pour être de la famille des Psychidés (1). A cette époque, nous n'avons pas pu préciser qu'elle était son espèce. Ce n'est que vers le commencement de juillet de la même année, que les papillons, étant sortis des chrysalides renfermées dans les lourreanx, il nous fût facile de recon- naître en eux une espèce de Psyché bien connue le Psyché Atra, 1785; synonymie (2) {Bombyx Atra, Linn.) , Erger, Angiistellaaiervich-SchaÏÏGr, 1847); Stomoxella (Boisduval, 1852] ; Hissidella (Duponchel, Hirtella, Bruand). (1) Les Teignes de Réauœur. (2) Extraite du C«;rt%î iVancs, parfois même il s'élève à 125 francs; mais aussi que de perfections l'amateur en exige ! Un bon liolilroller doit commencer son chant sur un rythme lent et doux, puis pas- sant, sans interruption, du })ianissimo au piano, arriver aux notes les plus hautes, sans offenser les oreilles des juges en cette délicate matic're et de fai.-on à pouvoir être entendu même par les personnes aux nerfs les plus irritables. Ce chant se compose surtout de roulades entremêlées de long's silHements et de trilles de rossignol. Chacune de ces roulades a reçu un nom différent servant à la caractériser. La plus dilïlcile, la plus recherchée est la Heulrolle au son douloureux, émis dans le ton mineur. Elle se compose d'une infinité de doubles vocalises en ruo, roii, rju, souvent répétées et terminées par des roulades en ro, puis en ru, et enfin en rou, mais sans sons accessoires. Les Klingelrolle commencent alors, se compliquant de plus en plus, et prenant un timbre métallique, argentin; le con- cert est alors à son apogée. Le Koller se fait rarement entendre, il est comparable au murmure des eaux. Le GluchroU vient ensuite analogue au chant du rossignol, mais avec des notes plus longuement filées encore, plus pro- longées. Le KnaîV'/'olle aux sons de crécelle, forme la basse de ce concert. On distingue encore les Shi/'rrolle, qui vont vibrer les i et les r, les Wasserrolle , imitant le bruit de l'eau, les Sclmatler Zdlerçi les Lispel r-ollen. Les amateurs cherchent du reste continuellement de nouvelles combinaisons. Les sifïiements, iuh, inh, accompagnent toujours les l'oulades et constituent peut-être la partie la plus agréable du chant quand ils sont longuement prolongés. Tout oiseau émettant des sons très aigus, tels que zizizl, zia, zi'i, ziJ;, inP,, schak, schaîj, commet une faute, qui lui enlève beaucoup de sa valeur. Un Jiohlroller est d'autant plus estimé, au contraire, qu'il accumule plus de roulades et de sifffements en une suite harmonieuse, et qu'il soutient plus longtemps son cliant sans s'interrompre. Tous les Serins du Harz ne possèdent pas la généralité des tons énumérés ci-dessus. Chaque race a ses airs propres que les éleveurs cherchent à augmenter et à iierfectionner ])ar la bonne éducation des jeunes. 104 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. La nourriture qui ne doit être ni trop mesurée, ni trop abondante, exerce une grande influence sur le chant. On donne aux bons chanteurs une tranche de carotte, 10 à 15 grains d'avoine moulue, et une cuiller à cale d'œuf dur haché avec du biscuit ; tous les deux jours on complète ce régime par une feuille de salade en été, un morceau de pomme en hiver. On recommande de ne pas donner aux Serins des graines de chanvre et de pavot, qui portent à l'obésité. L'éducation artistique des jeunes Serins commence en mai, et se prolonge pour les oiseaux de prix jusqu'en novembre ; mais ce sont seulement les holilroller destinés aux amateurs allemands qu'on conserve aussi longtemps, les schrcler, les oiseaux d'exportation pour l'Amérique se vendent beaucoup plus tôt. Grâce à la perfection des métliodes des montagnards, les oiseaux du Saint-Andreasberg chantent beaucoup mieux et après un apprentissage plus court que tous les autres Serins. De plus, comme ils sont élevés dans la maison même en contact continuel avec l'homme, ils se montrent beaucoup moins farouclies. Les jeunes Serins à instruire doivent être tenus éloignés des autres oiseaux et même des Serins plus âgés qui pour- raient leur faire retenir des chants plus ou moins incorrects. En restant avec leurs parents par exemple, ils prendraient les intonations du père, les cris d'appel de la mère, ceux des petits demandant à manger, et les entremêleraient dans leurs chants. Ils ne doivent entendre 'que la voix d'un maître chan- teur soigneusement choisi et qu'ils s'efforceront d'égaler, mais ils ont un talent d'imitation tout particulier, et si on leur donnait un rossignol pour maître, ils rivaliseraient avec le rossignol. On place les jeunes, au nombre de vingt environ, dans une cage commune en compagnie du maître chargé de leur éducation artistique. Souvent, il est vrai, celui-ci trou- blé par le nombre de ses disciples, refuse obstinément de chanter et de les faire profiter de ses connaissances. On prend généralement pour maîtres des oiseaux de un à trois ans. Après la mue qui se termine en août pour les premiers nés, les jeunes oiseaux sont séi)arés et isolés chacun dans une cage, l'époque de cette séparation dépendant principalement, du reste, des progrès ({u'ils ont accomplis. On y recourt d'or- dinaire quand leur chant tend â devenir trop perçant, même si la mue n'est pas entièrement terminée. Ils sont alors placés QUELQUES VARIÉTÉS DE SERINS. 105 flans de [)etites cages de 20 centimètres de long sur 15 de large et 20 de hauteur, n'ayant que deux perchoirs, car les exercices physiques ne doivent pas leur l'aire négliger le chant. Ceux dont le tempérament est trop vif, trop remuant, sont placés dans des cages plus petites, de IG centimètres seulement de longueur, sur 12 de large et 17 de haut, cela afin de les maintenir en repos et de mieux ouvrir leurs oreilles aux leçons du maitre. Toutes les cages, celle du maître comme celles des élèves, sont disposées au nombre de sept par rayon, sur les rayons d'une sorte de i)lacard de manière que les oiseaux puissent se voir. La plupart des Serins se remettent bientôt à chanter, et si l'un d'eux s'y refuse, on le place dans une cage de dimensions moins exi- guës, ayant 25 centimètres de long sur 11 de large et 30 de haut, munie de trois perchoirs. Juché sur le perchoir le plus élevé, l'oiseau ne tarde pas alors à rompre son mutisme. Quand tous les exercices sont bien repris, on sépare les cages au moyen de légères planchettes, et Téleveur étudie séparément le chant de chaque oiseau. Ceux qui exécutent leur chant longtemps et tranquillement, et donnent simple- ment les notes propres à leur race, en se gardant de tout cri discordant, sont placés auprès du maitre chanteur, sur la ta- blette la plus élevée. Les tablettes inlerieures reçoivent les autres oiseaux au talent moins prononcé. On a remarqué de longue date, en efïèt, qu'un oiseau chante d'autant [)lus que sa cage occupe une situation plus élevée, et il est tout na- turel d'exercer surtout les oiseaux d'avenir. Les autres Se- rins, entendant mieux les sons émis par leurs comi)agnons, profitent en outre de la leçon qui leur est ainsi donnée. Les tablettes recevant les cages ont d'ordinaire 1 m. 20 de long, 30 centimètres de large et sont distantes de 1 m. 50. Ce ne sont encore là que les prélinnnaires de l'éducation artistique des Serins. Atin qu'aucune distraction ne puisse les détourner de l'art auquel ils sont consacrés, on voile bientôt les cages derrière un morceau d'étofié, assez claire d'abord, puis de plus en plus serrée, laissant pénétrer assez de lumière, mais empêchant les oiseaux de voir ce qui se passe dans la chambre. On se garde bien de condamner brus- quement les Serins à l'obscurité, car il en résulterait des ma- ladies. On procède à de fréquents déplacements des cages, soit quand un oiseau, rangé sur les rayons supérieurs, ne lOG RKVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. justifie plus cette marque d'estime, soit, au contraire, quand un oisf^au, classé parmi les plus vulgaires, en ajjpelle de ce Jugement préalable par ses progrès artistiques. On doit sur- tout éviter que les mouvements d'individus ou d'objets leur api)ortent des sujets de distraction qui auraient pour ])remier résultat d'interrompre les chants. On cherche à renforcer les sons par tous les artifices possible, par des cages dont le som- met est cintré, des cages en fer blanc, mais ces dernières pré- sentent, il est vrai, l'inconvénient de se refroidir rapidement par conductibilité. La mue des maîtres chanteurs est très gênante, car, pen- dant cette période de mutisme du professeur, les élèves re- prendront les mauvaises intonations si difficilement élimi- nées. Elle dure dix semaines ordinairement, plus quelques semaines supplémentaires i)Our ipie la voix se reforme. Le Harz élève chaque année ^oO.OOO Ser-ins environ, dont 200,000 vont en Amérique, 27,000 en Angleteri-e, 10,000 en Russie et 3,000 dans les autres contrées de rp>iroj)e ; 10,000 Iiofili'Ollrr les maîtres ès-chant restent en Allemagne. Plus de moitié des oiseaux livrés à l'exportation et dont l'éducation artistique n'est pas poussée à beaucoup près aussi loin que celle des Serins destinés à finir leurs jours chez les amateurs allemands, sont accaparés par deux importantes maisons, la maison Ruhr et les frères Reiche d'Alfeldt qui ont des agents acheteurs partout où on lait de l'élevage en Allemagne et font d'importantes expéditions en Angleterre et aux États-Unis; les États-Unis reçoivent, en outre, il est vrai, un certain nombre de Serins d'Angleterre. Le commerce des mâles est parfaitement distinct de celui des femelles. La vente des femelles commence en juin, et ces oiseaux, payés de 40 à 60 centimes, sont expédiés à Londres par lots de 1,200 et 1,500. Les prix se maintiennent jusqu'à la fin de juillet, puis ils baissent , et à la fin d'août , une vieille femelle ne vaut plus que 10 centimes et une jeune 20 centimes. Ils remontent parfois en février et peuvent même atteindre alors 80 centimes, 1 l'ranc et 1 fr. 25. Ces oi- seaux se vendent à Londres, mais difficilement et, au prix moyen de Ib à 80 centimes, souvent même, ils tombent à 40 et 45 centimes ne laissant aucun bénéfice au marchand. L'a- chat de 1,500 Serins dans le Harz coûte en moyenne 500 francs à cet intermédiaire et il a 90 francs de frais de trans- QUELQUES VARIETES DE SERINS. 107 Ijort. Il doit vendre ses oiseaux par couples, dans des cages, les "750 cages lui reviennent à 100 IVancs environ et la mor- talité pendant le voyage lui enlève enfin 7 % de ses oiseaux. Ce sont donc 1,400 Serins environ qui arrivent à Londres à chaque envoi. Là, l'exportateur les lait vendre dans les rues, à raison de 75 centimes, par des enfants, et il lui reste donc un assez faible Lénéti(;e quand il a rétribué ses intermé- diaires. Les Serins mâles sont achetés dans le Ilarz par les exportateurs américains de la fin de juin à Noël, mais leur connnerce est surtout actif jusqu'en septembre et pendant la durée de cette période, les deux grandes maisons expédient toutes les semaines, aux Etats-Unis, deux et trois envois d'un millier de Serins chacun. Un individu, chargé de pren- dre soin des oiseaux, les accompagne pendant tout le voyage. Payés de 2 fr. ar leur coloration ; 2° Serins à plumage jiarticulier ; :> Serins caractérisés par la forme du corps et l'attitude. Tous les Serins anglais appartiennent aux races longues. Chaque race forme deux classes : les Serins jaunes et les Se- rins chamois. lntff\ Chacune de ces classes se subdivise à son tour en trois sections ; la section claire, la section unifor- mément tachetée, la section panachée et verte. Dans chacune de ces sections, on distingue les oiseaux nourris ou non nourris de poivre de Cayenne. Les premiers ont leur couleur rehaussée d'une teinte orange par l'alimentation qu'on leur 108 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. donne an moment de la mue, alimentation dont le poivre de Cayenne et les fleurs de Souci constituent une l'orte partie, tandis qu'une bonne dose de Safran entre dans l'eau qui leur est offerte comme boisson. Le plus beau des Serins anglais est le Serin de Norwich, élégant, de formes élancées, au plumage d'un jaune d'or foncé, c'est le type da Serin caractérisé par sa coloration et aussi du Serin cher à l'amateur anglais, qui recherche plutôt des couleurs éclatantes que l'élégance des formes ou la douceur du chant. Le Serin de Norwich est une variété fort ancienne, car il dériverait de Serins amenés dans le Norfolk, vers la fin du seizième siècle, par des ouvriers flamands fuyant le joug du duc d'Albe qui vinrent travailler dans les filatures de ce comté. Il possède une sous-variété, le Serin de Norwich à crête, nommé autrefois Tw'ncroion, qui porte sur la tète une sorte de petite coiffé de plumes noires, s'incurvant jusque sur les yeux. La coloration des Norwich, assez variée, est généralement rouge canelle avec les ailes de même couleur ou noires. La ville de Norwich ne possède pas moins de 4,000 éle- veurs de Serins, généralement des ouvriers, qui se font avec cette petite industrie de 500 à 1;000 francs de revenus supplé- mentaires par saison d'élevage. On y vend chaque année 80,000 Serins qui vont généralement en Amérique, aux États- Unis, oii on les reclierche pour donner par le croisement un peu de leur élégant plumage aux chanteurs allemands si chétifs et si peu gracieux. Le Canada, la France, rAllema- gne, l'Autriclie, la Russie, la Nouvelle-Zélande et l'Afrique comptent plus ou moins d'amateurs de Serins de Norwich. Un oiseau commun de cette race vaut de 20 à 32 francs aux États-Unis, mais un Norwich un peu élégant peut atteindre un prix fort élevé. A l'Exposition du Palais de Cristal à Londres, de 1890, un de ces oiseaux, nommé le roi des champions King of Champions Jnt \em\\\ 1,900 francs par son propriétaire M. Jacob Mackley, à un amateur américain. Comme Serin coloré, on distingue encore en Angleterre le Cinnamon, le Cannelle dont la coloration est en teintes plus intenses, celles du Serin de Norwich. Le dos, la tète et la queue sont couleur cannelle, le cou et la face jaunes. Cette combinaison de couleurs s'obtient en soumettant ces malheu- reux oiseaux dès qu'ils ont atteint l'âge de six semaines à un QUELQUES VARIÉTÉS DE SERINS- - 109 horrible régime d'œufs cuits durs, triturés dans le poivre de Cayenne. Nous arrivons aux variétés de plumage, en tète desquelles figure le Lizzard anglais ou Lizard, le favori des ouvriers du Lancashire et du Nottingham. Le plumage de coloration plus ou moins variée, mais d'un ton gris verdâtre du Lizzard simule vaguement des écailles, disposition à ki quelle il doit son nom. Sur un fond plus ou moins bronzé se détachent des ocelles vert olive, la tète est d'un jaune brillant. Le Silvo't spangled Lizzard, le Lizard pailleté d'argent, porte une huppe argentée, étincelante. Le Mealy Lizzard, le Lizard poudré, a le plumage coumie poudré ou couvert de givre. Ai)rès le Lizzard vient une variété anglaise similaire, le London Fancy, qui en serait une forme modifiée. C'est le pre- mier Serin élevé pour sa coloration, car cette variété date d'un siècle environ, c'est aussi la première qui ait reçu un nom. Le plumage du corps est jaune avec les ailes et la queue gris verdâtre. Avec les Serins belges nous passons aux oiseaux de forme ou de tenue, auxquels on ne demande ni chant harmonieux, ni plumage élégant, mais une conformation générale du corps constituant aux yeux de l'amateur belge et de certains ama- teurs anglais, l'idéal de l'esthétique du Serin. Le Serin belge appartient aux races longues. Ses représentants les plus re- nommés viennent de Courtray, niais les Brabançons, les Bruxellois, les Anversois, les Gantois et les Brugeois leur disputent cette priorité. Ils sont plus longs, plus fins, i)lus gracieux peut-être que les Serins chanteurs allemands, mais tout le monde ne peut apprécier les jambes longues et minces, les épaules hautes, faisant paraître l'oiseau bossu, des serins belges dénommés Posturvogels. oiseaux de forme par leurs propriétaires. Le plumage est d'un jaune pâle, parfois le dos et la tète sont gris verdâtre. Pour les Serins belges, l'esthétique con- siste à avoir les jambes sur le prolongement du tronc, la queue et le tronc se prolongeant en une ligne rigide, le cou formant angle obtus avec l'axe du corps, de manière que la tête se trouve portée en avant, plus bas que les épaules, l'en- semble constituant un Serin bossu. Quoiqu'ils ne soient pas 110 HEVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES (les clianteurs ils sont Tobjet d'une certaine vogue aux Etats- Unis où on les paie de 50 à 80 francs. De nomLi-eux amateurs américains croisent le Belge et le Serin du Harz, afin d'allier les formes bizarres du premier de ces oiseaux au chant si doux du second. Le Scotch Fancy, le Serin écossais est analogue au belge, mais le cou, au lieu de s'imi)lanter en angle obtus sur le tronc, décrit avec celui-ci une courbe harmonieuse. L'Ecossais est un Belge recourbé. Là encore, on ne s'occupe ni du chant, ni du plumage, qui est jaune ou jaune et vert, mais plus l'oiseau est voûté, plus il est beau. C'est là une (|uestion de mesure d'angle, se décomi)tant par degrés, minutes et secondes, le Serin écossais le plus })arfait est celui dont l'axe du corps décrit la courbe la plus fermée. Le Yorksliire anglais, un favori de la population de ce comté anglais, est l'inverse de l'Ecossais. C'est un oiseau au corps long, droit, rigide, mince, à la poitrine jaune pâle, à la tète et à l'extrémité des ailes d'un brun verdàtre. Le LancasMre Coppy, le huppé du Lancashire, coppy si- gnifiant huppe, est le géant des Serins anglais. Elevé dans les villes d'Oldham, Rochdale, Ashton under Lyne, et les villages voisins, c'est un oiseau élégant, d'un beau jaune, à la tète couronnée d'une épaisse calotte de plumes. On le désignait autrefois sous le nom de Manchester Coppy, mais les éleveurs du Lancashire firent modifier cette dénomination. Cette va- riété est des i»lus estimée aux Etats-Unis où on la paie une cinquantaine de francs. Elle sert elle aussi à des croisements avec le Serin du Harz. Comme dernières variétés anglaises citons le Londoner orange, aux ailes et à la queue noires, le Trompeter, le ParisUm, le Lord-Maire, et arrivons au Hollandais, un des plus beaux Serins longs. Le Hollandais ou Serin frisé tend, depuis une trentaine d'années, à se répandre en Belgique et en France. C'est un oiseau au cou long, aux jambes hautes, au pelage présentant tiu caractère tout particulier par la fri- sure des plumes. Moins robuste que les autres Serins, il ne couve pas. les femelles étant généralement atteintes de ma- ladies après la ponte, et on doit faire couver les œufs par des oiseaux de races plus résistantes. Les bons Hollandais valent de 35 à 40 francs la paire dans leur patrie. HISTOIRE DU POISSON DORE {CARASSWS AURATUS L.) Pak m. de schaeck. Origine, commerce, caractères, mjîurs et variétés. Le Cyprin ou Poisson doré, vulgairement connu sous le nom de Poisson rouge, que l'on élève dans les étaLlissements de pisciculture, que les oiseliers des quais vendent aux par- ticuliers dans des aquariums de toute dimension, est telle- ment répandu chez nous qu'il semblerait, au premier abord, qu'on n'eût plus rien à ajouter â son histoire. Cependant, quand on l'étudié, on y trouve un certain nombre de points à ap[)rorondir. L'époque de l'introduction du Poisson doré en Europe n'est pas déterminée. Son origine n'est encore pas prouvée. Ow considère généralement la Chine comme sa patrie ; on l'y re- présente souvent sur les peintures et sur les armoiries. De tout temps on lui a voué un culte particulier; les anciens Chinois l'avaient consacré à leur Vénus. Cependant, on mentionne pour la [iremière lois le Poisson doré dans un conte plut(3t persan, celui du Pécheur et p. •124 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Son bois, de couleur jaune brunissant au verni, est l)on pour le tour et les travaux de menuiserie et d'ébénisterie. Saplndiis laurlfolms Vahl. [S. Irifollatus L., .5. acidus RoxB.). Bengali et Ilindoustani : Rit ha. Tanioul : Ponnan ou Pennan Kotlai. Grand arbre à feuilles alternes, à trois fo- lioles, originaire de l'Inde. Son bois, à grain fin, serré, est bon pour le tour et l'ébénisterie. Les fruits et la racine, doués d'une certaine amertume, sont employés dans la médecine indigène. Sapindus Muhorosi G.ert.n. (Japon: Michorosi, Miihu- rodji ou Monhourodji.). Arbre d'une hauteur moyenne de 10 mètres sur un diamètre de 30 centimètres environ, crois- sant naturellement dans les iles de Kiusiu et surtout de Nippon. Son bois, d'un blanc jaunâtre et d'une texture grossière, s'emploie ordinairement en menuiserie ; les Japo- nais en font aussi des boites et des balanciers pour porter des fardeaux sur les épaules. Les fleurs peuvent servir à teindre en jaune ; les médecins japonais les prescrivent aussi pour combattre les conjonctivites et les inflammations de la paupière. Cette espèce a été introduite en France où elle est cultivée à Segrez. Sapindus Barak DC. (S. pinnatus Mill., S. Saponaiia LouR.) Grand et bel arbre â feuilles pennées, croissant sur les parties élevées des montagnes de Java. Son bois est employé à divers ouvrages de tabletterie. La pulpe du fruit passe i)0ur vénéneuse. SCHLEIGHERA. TRIJUGA Willd. Conghas. Melicoccr„ trijuga Juss. Stadmannia sideroxylon Bl. Anglais : Lac Tree. Aunumite : Dzio-truon;]. Bima : Hamhi. Cyngalais : Kun- i/has, Cvnfi-tjass. Javanais, Malais, Soudanais : Krsambi, Kof,amh:e. kmer : Pougro. Macassar : BaJo. Solor : Koele. Tamoul : Pu-Marum-enney, May. Télenf^a : Roataiif/ha-niine, Yelim-bunki. Arbre de première grandeur et d'un fort diamètre, à feuilles alternes, pennées avec ou sans impaire, composées de folioles subopposées, glabres, ovales, oblongues, obtuses, entières, luisantes en dessus, réticulées en dessous. Originaire de l'Asie tropicale, cette espèce se rencontre abondamment dans Tlnde tout entière, à Ceylan, aux lies de LES Buis INDUSTRIELS INDIGENES ET EXOTIQUES. 12o la Sonde, aux Moluqiies, dans les parties basses de Timor, ainsi qu'en Cochincliine et en Birmanie. Son bois, de couleur brun clair, est dur, assez lourd et d'un grain serré ; ses fibres droites, assez longues et coriaces, lui donnent une très grande souplesse. Il résiste bien aux alter- natives de sécheresse et d'humidité et se conserve bien dans l'eau douce. Excellent pour les constructions, on en (ait aussi des pieux, des piquets de clôture, des dents de herses, etc. Les Malais l'estiment beaucoup pour faire les pilons qui servent à décortiquer le riz, parce qu'il s'use régulièrement sans se Tendre. On s'en sert aussi jiour le chauffage des fours à plâtre et des (diaudières dans les manufactures de sucre ; on en fabrique un charbon de très bonne qualité. Sa densité moyenne est de 0,878. Les jeunes branches laissent exsuder une grande quantité de matière résineuse connue sous le nom de gomme laque. Le fruit est comestible et ses semences brunes, appelées Katjang Kossamljixm, fournissent une huile jaunâtre, odo- rante, d'une saveur un peu amère, (jui sert pour l'éclairage et le graissage des machines. LTne seconde qualité nommée Ketjatkil-Olie, de couleur brune, presque fluide, provenant de Sourakarta, est employée en frictions par les indigènes contre les maladies de la peau. Cette huile, analogue à V Huile de Macassar dont elle porte même le nom dans le commerce allemand et hollandais, est considérée comme un bon stimu- lant du cuir chevelu. SCHMIDELTA SERRATA DC Oi'uitrophe 'panigera La. Bill. — serrata Roxb. Schmidelia Timorensis DC. Arbre de petites dimensions ne dépassant guère 7-8 mètres de hauteur sur un diamètre de 25-30 centimètres environ, dont la tige est très rameuse et recouverte d'une écorce mince, grisâtre, fendillée et assez rugueuse. Feuilles alternes, longuement pétiolées, portant trois folioles ovales-aiguës, légèrement serretées au sommet, les latérales courtement pétiolées, la médiane plus longuement. Originaire des régions montagneuses de la côte de Coro- mandel où elle croît fréquemment, cette espèce se rencontre 126 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. égalemont à la Nouyelle-Calédonie, sur les bords du littoral, et au North-Australia. L'aubier est blanchâtre et très épais ; le cœur, d'un rouge violet foncé veiné de brun, est lourd, dur et d'un grain très lin. Etant verni, ce bois prend une belle couleur marron et l'aubier une belle teinte jaune ; on l'emploie ordinairement pour le tour, la tabletterie et ({uelques travaux de petite ébénisterie. Les fruits, gros comme un pois, sont comestibles dans l'Inde. Les propriétés fortement astringentes de la racine la l'ont utiliser au Malabar comme antidiarrhéique. ScIimuieliaAfrlccoiaDC. Arbre d'une liauteui' de 12 mètres environ, à feuilles composées de 3 folioles sessiles, oblongues, cunéiformes, croissant naturellement dans les forêts de la Sénégambie et de la Guinée. Cette espèce fournit un bois à grain serré bon pour le tour et l'ébénisterie. Schmidelia edidls A. St-Hil. (République Argentine : Clial-chal, Chalchal de (jalllna, Vacu). Arbre d'une hauteur de 10-12 mètres sur un diamètre de 40 centimètres environ, croissant au Brésil et à la République Argentine, dans les provinces de Jujuy, Tucuman, Catamarca et des Missions où il est surtout très abondant. Son bois, d'une densité moyenne (0,'700), est employé pour la fabrication des meubles communs; c'est aussi un combustible assez estimé. Le fruit est un petit drupe rouge semblable à une cerise, dont la pulpe possède une saveur douce et sucrée. Ce fruit est très recherché des Bré- siliens et des Argentins t[\ù en fabri({uent aussi une sorte de boisson fermentée d'un goût agréable. Schmidelia pinnata DC. [Euplwria Pometia Pom. ; NejiJielUon pinnotum Cambess.) Grand arbre forestier des îles Fidji, Taïti, Nouvelles-Hébrides et autres, dont le bois, blanc et dur, connu sous les noms de « Bois de pieux et de Bois de Caju-bélo » est employé en Océanie à divers usages. Le fruit, de la grosseur d'une noix, contient une pulpe blanche et mielleuse estimée des indigènes. Schmidelia pyriformis F. Mukll. {Raionia pyriformis Benth.) x\rl)re de moyenne grandeur, dont le tronc atteint un diamètre de 40 centimètres et plus. Son bois, dur, à grain serré, est excellent pour le tour et un grand nombre d'autres usages, mais il est encore peu exploité jusqu'ici au Queens- land, son pays d'origine. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXUTIQUES. 12' FAMILLE DES HIPPOGASTANÉES. Cette famille ne comprend que trois genres et environ une ({uinzaine d'espèces. Elle se compose d'un petit nombre d'ar- bres et d'arbrisseaux à feuilles opposées, digitées, comi)Osées de 5-9 folioles obovales-oljlongues, dentées dépourvues de stipules. Originaires de l'Amériiiue boréale et des régions élevées de l'Himalaya, ces végétaux sont pour la plupart naturalisés en Euro[)e et souvent cultivés en allées et en quinconces sur nos promenades publiques, aussi qu'en massifs ou isolément dans les i)arcs et les bosquets. Les Hippocastanées sont d'un emploi tout à fait secondaire sous le rapport des applications médicales et industrielles et ne présentent guère d'intérêt qu'au point de vue purement décoratif, par leur i)ort gracieux, l'élégance de leur épais feuillage et la beauté de leurs inflorescences blanches ou rouges. Leur bois est souvent utilisable, mais il n'offre au- cune des qualités exigées pour faire un bois d'œuvre propre- ment dit. Les graines de quelques espèces de Pavia sont comestibles. JESGULUS HIPPOGASTANUM L. Marronnier d'Inde. Hi-ppocasiamtm vulgare Tourn. Castanea equlna Dod. Allemand : Ross-Kastanie. Anj^lais : Horse-Chestnnt. Chine : Tsïj yé cliov. Danois : Hestckastanie. Espagnol : CastaTio de Indias. Hollandais : Indiaaii- sr/ie Kastanjchoom. Italien : Gastaqno d'India. Portugais : Castanhciro da India. Russe : Konskoi Kaztan. Suédois : Hiest Kastanie. Turc : Jabaiii Kestam'. Bel arbre d'une hauteur moyenne de 12 mètres, mais pou- vant atteindre jusqu'à 20 mètres et plus d'élévation sur un diamètre de 80 centimètres environ, à tronc droit et cylin- drique, très ramifié, recouvert d'une écorce brune et ru- gueuse, terminé par une cime dense, large et touff"ue. Feuilles caduques, opposées, longuement pétiolées, amples, digitées, composées de 5-7 folioles sessiles, obovales-oblongues, cunéi- formes à la base, très élargies au sommet et terminées par une pointe obtuse, variant de dimensions suivant leur posi- '128 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. tion, la plus longue au centre, les deux inférieures plus petites, inégalement dentées en scie sur les bords. Supposée originaire des régions tempérées de l'Asie, cette espèce est regardée comme indigène dans le nord de l'Inde et en Perse ; on la rencontre également au Caucase et dans la Turquie d'Europe. M. Orphanidès l'a signalée comme croissant à l'état sauA^age sur les monts de la Thessalie et de l'Épire. Introduit en Europe vers 1575, le Marron- nier d'Inde ne l'ut connu à Paris qu'en 1615; il est aujour- d'hui complètement naturalisé sous notre climat. L'élégance de son port, sa croissance rapide, la précocité de son feuil- lage épais et d'un heau vert, la beauté de ses fleurs nom- breuses, blanches ou jaunâtres nuancées de rose ou de rouge, disposées en grappes pyramidales redressées , en font un des plus beaux arbres d'ornement pour la décoration des [)arcs et des jardins. Tout le monde peut admirer, pendant la belle saison, le magnifique ombrage qu'il procure dans les promenades publiques et les avenues de notre capitale. Très rustique sous le climat de Paris, il résiste aux plus grands froids et supporte facilement la plus grande chaleur de nos régions ; sa culture exige peu de soin, il croit dans tous les terrains, mais les sols légers, humides sans être ma- récageux, lui sont plus particulièrement favorables. Il se re- produit de graines avec une étonnante facilité. Son bois, généralement blanc, varie aussi connne couleur du blanc jaunâtre au blanc rougeâtre surtout vers le cœur; tendre, poreux quoique d'un grain assez fin, il se coupe aisé- ment dans tous les sens lorsqu'il est vert. La dessiccation lui fait perdre une grande partie de son poids ; il est alors assez dil'ficile à mettre en œuvre, car ses fibres sont souvent con- tournées. Peu ou point sujet à la vermoulure, ce bois se conserve bien étant abrité, mais il résiste mal aux intempé- ries. Toutefois, il est i»lus incorruptible que les autres bois tendres et peut, jus(|u"â un certain point, être substitué à l'Aune pour les conduits souterrains, probablement à cause de sa richesse en tanin. La blancheur de ce bois qui fait son prix, tient au soin qu'il faut prendre de le priver de son eau de végétation qui le jaunit rapidement. Aussi, dit M. Ch. Laboulaye, faut-il l'a- battre par un temps sec et froid, et aussitôt qu'il a égoutté son eau, le refendre avec une scie à dents écartées [en planches LES BOIS INDUSTRIELS IXDIGÈXES ET EXOTIQUES. 129 aussi minces que possible d'après l'usage qu'on en doit faire. La sève se répand alors au dehors, elle y jaunit la surface de la planche; mais aussitôt que celle-ci est sèche, le rabot enlève la couche jaune très mince qui la recouvre et le blanc du bois parait pour ne plus s'altérer. ■• Comme bois de travail proprement dit, le Marronnier est de très médiocre qualité ; il manque de force et d'élasticité et se tourmente beaucoup en séchant ; sa valeur commerciale est d'ailleurs jtresque nulle. Cet arbre se débite ordinairement en planches utilisées dans la menuiserie comme bois de fond ; on en tire aussi des membrures pour l'intérieur des meubles et des voliges pour les layetiers. Quelquefois employé pour le tour et pour la confection des cadres de miroiterie, on s'en sert aussi dans les campag-nes pour faire des sabots communs et des meu])les de peu d'importance, des tablettes et des éta- gères pour les fruitiers, etc. Depuis quelques années, cette es- sence est assez recherchée pour la préparation de la pâte à pa- pier et la fabrication des cartes de visite en bois tranché. Teint en noir et poli, le Marronnier imite un peu l'ébène et s'emploie, sous cette forme, à confectionner une foule de petits objets de fantaisie d'un prix peu élevé. Choisi d'un blanc pur et d'un beau grain, le Marronnier prend un poli assez brillant et ressemble à l'ivoire. Sous le nom de « Bois de Spa », il sert à fabriquer une multitude de menus objets tels que cou- teaux à papier, nécessaires de bureau, porte-montres, boites à thé ou à ouvrage, etc., qui se vendent surtout à Spa, et qu'on orne généralement de peintures à l'huile ou de rayures genre écossais ; on en fait aussi des corbeilles, de très belles tables, des guéridons, des jardinières, etc., sur lesquels on peint souvent des figures chinoises pour imiter les meubles laqués de Chine. '"'•' ■ ' • Enfin, le Marronnier est considéré en général comme un mauvais bois de chauffage, quoique étant sec il brûle assez bien et avec fiamme en donnant un premier jet de chaleur assez vif; les plâtriers et les chaufourniers l'emploient vo- lontiers pour leurs besoins. On en retire aussi un charbon léger de qualité médiocre pour les usages domestiques, mais bon pour entrer dans la composition de la poudre. - L'écorce a été vantée comme fébrifuge et Alphonse Leroi en avait même fait la base de son Quinquina factice ; sans nier d'une façon absolue l'efficacité de l'écorce fraîche ré- y Août 1893. 9 )30 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. coltée sur les jeunes branches, on est en droit d'affirmer, d'après les expériences très nombreuses faites par les prati- ciens , que son action contre les fièvres intermittentes est faible ou nulle dans un grand nombre de cas. Pelletier et Caventou ont trouvé dans cette écorce une matière astrin- gente rougeâtre, une huile verdâtre, une matière colorante jaune, un acide, de la gomme et du ligneux. Lœseke y a signalé la présence d'une substance particulière, de nature alcaline, qui a reçu le nom cVEscuUne. L'écorce de Marron- nier est encore employée dans le tannage des peaux ; elle renferme 2 °/o de tanin. Les feuilles peuvent servir à teindre en jaune ; traitées par les sels d'étain, elles donnent une belle nuance d'un rouge orangé vif. . , : > . • - La partie extérieure du fruit est également utilisée pour la teinture en vert-olive ; la graine constitue le Marron cV Inde bien connu de tout le monde. iESCULUS TURBINATA Bl. JEsculiis Pavi.a Thunb. non L. ^j "^ ■' — dissiiiiiUs Bl. . -'-'r '■■■■' f : ■:-,■.- .Tupon : Tochi, Tochi-noki, Totzi, Arbre diine hauteur de 10-12 mètres sur un diamètre moyen de 50 centimètres, à feuilles digitées, croissant spontanément dans les forêts des montagnes d'IIakone, au Japon ; cette espèce se rencontre surtout dans les provinces de Kaï, Shi- modzuke et Shinano, ainsi que dans l'île de Nippon et les régions montagneuses de l'île de Yéso. Les Japonais cultivent souvent cet arbre comme ornement autour de leurs temples et de leurs pagodes où il atteint parfois des dimensions con- sidérables. . :■ ' :. ,. ;■;;:;.(;■ • . Son bois, de couleur blanc rosâtre, est dur, d'un grain fin et serré ; ses fibres irrégulières le rendent assez dilflcile à tra- vailler. On l'emploie quelquefois dans la construction des ha- bitations, mais plus souvent pour le tour et la menuiserie; on en fait aussi des tables, des boites, des coffrets et des plateaux qu'on vernit. Une variété de cette espèce, appelée « Chiire dochi », fournit un beau bois à fibres ondulées, recherché pour la confection, de meubles et autres objets (1^ lu;&e.. ^j • LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 131 Les feuilles de ce Marronnier' sont iiartbis prises en infusion en guise de thé. Au Japon, dit M. PI. Dupont, la mauvaise qualité des eaux et l'humidité permanente de l'atmosphère, imposent aux montagnards l'obligation d'une boisson chaude, mais ils ne regardent pas à la qualité du breuvage. Les graines, écrasées ou bouillies, puis débarrassées de leur amertume par le lavage, sont mangées par les habitants de quelques villages pauvres situés dans les hautes montagnes des provinces de Hida et Shinano ; la fécule qu'ils en retirent est ordinairement cuite avec un mélange de farine de sar- rasin et de millet. PAVIA CAIJFORNIGA Torr. Pavier de Californie. Calothyrsus CaUforiiica Spagh. Jlsculus Californica Nutt. Californie : Buckcye. Bel arbre à cime large, arrondie et toufïiie, dont le tronc, haut de 10 mètres au maximum, est recouvert d'une écorce assez lisse qui se détache par plaques comme celle du Pla- tane. Feuilles digitées, moins amples que celles du Mar- ronnier d'Inde, mais d'un vert plus sombre et persistant plus longtemps sur les rameaux. Originaire de l'Amérique du nord, cette espèce se rencontre dans la haute Californie sur le bord des petits cours d'eau, au bas des vallées et sur le versant des collines. Son bois est d'une belle couleur gris blanc, mais nous ne possédons pas de grandes données sur sa valeur réelle ; tou- tefois, nous pensons qu'il possède des qualités, sinon supé- rieures, du moins égales à celles du Marronnier. Suivant M. Gh. Naudin, (lui n'oublie jamais de signaler les végétaux exotiques qui pourraient être acclimatés avec profit dans nos régions, le Pavier de Californie deviendra peut-être l'espèce la plus utile de la famille des Hippocastanées. Ses graines, en effet, sont d'un volume double de celui du Mar- ron d'Inde ; riches en fécule et très nourrissantes, elles sont aussi d'une saveur beaucoup moins amère ; elles servent, du reste, de nourriture au petit nombre d'Indiens qui vivent encore à l'état errant dans les vallées du Sacramento, du San-Joaquin et dans celles de la côte oîi croît cette espèce. 132 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. PAVIA RUBRA Lamk. Pavier rouge, ^sculus Pavia L. Petit arbre croissant naturellement dans les vallées fer- tiles du sud des Etats-Unis, à feuilles digitées, composées de 3-5 folioles oblongues, d'un beau vert, régulièrement et finement dentées. Son bois, blanchâtre, tendre et léger, est utilisable, mais il ne peut guère servir qu'à faire des planches communes pour la menuiserie, la fabrication des caisses d'emballage et autres travaux peu importants. Le fruit est une cai)sule lisse et inerme dont la graine, semblable au marron d'Inde, offre les mêmes propriétés et une composition chimique presque identique. Le Pavia riibra est souvent cultivé en France comme arbre d'ornement sous le nom de Marronnier rouge; ses fleurs, d'un beau rouge et maculées de jaune, sont disposées en panicules pyramidales et dressées. {A suivre.) 11. CHRONIQUE DES COLONIES ET DES PAYS D'OUTRE-MER. Sur divers produits végétaux de Manille. Un produit qui, à Manille, a pris une place importante dans l'expor- tation est le Coprah, dont la présence n'est nullement releve'e dans les tableaux officiels publiés par l'administration centrale des douanes des Philippines. Et pourtant, voici la proportion de sortie de ces Cocos desse'chés pendant les deux dernières années : Eu 1891 182,000 piculs. En 1892 253,900 — La valeur de ces 250,000 piculs a mis, en 1892, cet article d'expor- tation au cinquième rang avec une estimation de 825,000 piastres. Avant 1870, les habitants de Jolo s'adonnaient à la préparation du Coprah et ce produit était exporte' de cet archipel à Singapour dans des proportions assez difficiles à déterminer. Vers 1862 ou 1863, un Franrais aurait aussi essaye' de faire du Coprah sur des bases assez étendues, mais cette tentative e'choua. En 1878, un petit navire arriva des îles Carolines avec une soixan- taine de tonneaux de Coprah, mais l'administration do la douane de Manille déclara que ce n'e'tait pas un produit national, et il fallut réex- porter ce Coprah. Actuellement, ces petites îles fout le commerce de ces Cocos desséche's sur une e'chelle relativement assez grande. Suivant certaines données, le Coprah exporte de Misamis aurait fourni les chifiFres suivants: en 1882, 175 piculs auraient o'té expe'diés, et les anne'es postérieures, l'exportation se serait ainsi accrue : En 1883 415 piculs. En 1884 1,324 — En 1885 4,783 — pour arrivera 182,000 piculs en 1891 et 253,900 en 1892, dans toutes les Philippines. Il est incontestable, môme sans s'arrêter à la plus ou moins com- plète exactitude de cette comparaison, que l'on se trouve eu présence d'un de'veloppement considérable du commerce du Coprah dans ces îles. J'ai parle', à plusieurs reprises, dans mes rapports mensuels, des obstacles qui, pourtant, se dressaient devant l'accroissement de l'ex- portation de ce produit, obstacles qu'il serait très facile de renverser, puisqu'il s'agit uniquement de soigner la pro'paralion des Cocos. Les Anglais, qui font d'immenses achats de Coprah, préfèrent celui que les Indes leur fournissent, pourquoi ? Parce que les Indiens sont plus patients que les habitants des Philippines et que le Coprah livré par eux est d'une meilleure qualité à cause de la façon dont ils le pre- 134 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. paront. Ils étalent sur des planches chauffe'es, au degré nécessaire, les Cocos ou les font se'cher au soleil, tandis que, dans ces îles, très sou- vent l'on emploie des procédés expédilifs qui nuisent à la qualité du produit et le déconsidèrent sur les marches de vente. La préparation du Coprah a remplacé, dans certaines provinces des Philippines, la fabrication de l'huile de coco et l'éclairage par le moyen de celle-ci ayant fait place au pétrole, en attendant que l'électricité' se substitue, pour beaucoup d'applications, à tous deux, il est à supposer que l'exportation de l'huile de coco de la Laguna et de Visayas ne subira guère d'accroissement d'ici quelque temps. Il faut cependant noter que la nouvelle compagnie manufacturière' des Philippines a décide' de monter une grande fabrique d'huile de coco. Avec une exploitation bien mene'e. il n'est pas douteux que cette société réussisse à re'aliser de bonnes affaires pendant quelque temps. La consommation locale diminue et diminuera encore davantage par suite de la substitution du pétrole et de l'électricité' à la fumeuse et désagréablement odorante huile de coco ; mais il y aura toujours une espèce d'approvisionnement de cette dernière qui se maintiendra. Je fais allusion à la lumière des illuminations constantes dont sont l'objet les fêtes presque quotidiennes qui sont célébrées dans les divers quar- tiers de Manille aussi bien que dans tous les environs de la capitale et dans toutes les provinces. La fourniture de l'huile indispensable pour remplir les milliers de verres employés dans ces manifestations popu- laires et l'exportation au dehors, du côté de la Chine, des Etats-Unis et autres pays, assurera l'écoulement de toutes les qualités d'huile fabriquées dans le nouvel établissement. Le Café figure à l'exportation de l'année 1892 pour un total de 21,223 piculs, soit une valeur de 740,000 piastres. En 1891, l'ensemble des quantités expédiées avait été de 45,916 piculs. Il y a donc là une diminution de plus de moitié qui s'explique par la faiblesse de la pro- duction de la dernière récolle. J'ai fait mention, l'anne'e dernière, de la principale cause de l'arrêt survenu dans la production du café. C'est la série de ravages qu'exerce dans les plantations de cet arbuste l'insecte appelé « Unus ». Le mal augmente rapidement et jusqu'à ce jour il ne semble pas que l'on se soit occupé sérieusement de le combattre. On cite des plantations entières qui ont été dévastées et détruites dans l'espace d'une année. Si encore cet insecte destructeur s'était montré dans quelques en- droits isolés ! Mais son existence est signalée sur tous les points de production du Café et les provinces de l'île de Luçon et des autres îles de l'archipel, où l'on ne relève que des petites plantations de cet ar- buste, sont tout aussi envahies que celles de Balangas, de la Laguna et de Tayabas qui contiennent les plus vastes étendues plantées de Café. Jusqu'à quel point se feront sentir les effets de la propagation du CHRONIQUE DES COLONIES ET DES PAYS D'OUTRE -MER. 135 fléau? La réponse est difficile, quand on voit l'inefficacilé des moyens (peu énergiques, il faut l'avouer) employés contre lui. ■ .• C'est là un malheur d'autant plus grand que le Café des Philippines est bon et qu'il serait encore de qualité supérieure si la cnllure et la préparation en étaient dirigées avec une surveillance plus attentive et plus intelligente. J'ai énuraéré, dans mes pre'cédents rapports, les causes pour lesquelles cette espèce de culture est au-dessous du degré' de perfectionnement qui a été atteint, depuis longtemps, dans d'autres contre'es. Les difficultés que je signalais, il y a deux ans, ont décidé- ment eËfrayé la société' qui avait envoyé à Manille un représentant chargé d'examiner les chances d'appliquer avec succès ses procédés dans ce pays. En effet, cet agent n'est revenu ni l'année dernière, ni cette année. Il s'écoulera bien du temps avant que l'on puisse donner aux plan- tations de Café des Philippines rimi)ulsion si prospère qu'avaient reçue les caféiéres des Antilles il y a déjà plus de trente ans. Je suis heureux de constater que l'espoir émis l'année dernière d'as- sister au relèvement de l'industrie de la fabrication de VIndigo s'est en partie réalisé et que l'administration s'est rendue aux réclamations des habitants de la province d'Ilocos, en modifiant l'application des droits qui étaient perçus sur ce produit. Le commerce de l'indigo est rentré dans une bonne voie, à en juger par les chiffres de l'exportation, puisque Manille a chargé pour di- verses destinations les quantités ci-dessous énumérées, pendant les trois dernières années : En 1890 395 piculs. En 1891 1,T80 — En 1892 5,570 — L'exportation de Tannée passée a eu une valeur approximative de 177,000 piastres. C'est un progrès marqué; pourvu que les fâcheuses dispositions des cultivateurs de ce pays à restreindre le plus possible le travail et à chercher des moyens expéditifs et funestes pour le ren- dement no leur suggèrent pas, de nouveau, quelque idée capable de faire rétrograder la faveur renaissante. Manille a un marché tout trouvé, le Japon, pour le placement de son Indigo : il n'y a qu'à continuer à fournir un produit de bonne qua- lité pour en accroître d'année en année l'exportation de ce côté. Les États-Unis semblent disposés à prendre dans les Philippines la quantité d'Indigo que ces îles pourront leur procurer, mais à condition de ne pas éprouver de mécomptes, à l'ouverture des caisses, sur le contenu. Le Sibucao ou Bois de Campêche est l'objet d'un commerce d'expor- tation assez régulier, et la différence entre les années 1891 et 1892 est peu sensible, quoique l'on soil forcé, de cpnstater une diminution pour 436 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. la dernière, ce qui prouve l'abseuce de proférés de celte brauche de commerce. Voici les quantités exportées : En 1891 6'7,U7 piculs. En 1892 61,459 — Ces soixante et un mille piculs représentent une somme de 53,000 piastres qvii serait susceptible de doubler avec une exploitation autre que celle dont on est appelé actuellement à suivre la marche. La résine de Pistachier figure à l'exportation, en 1892, avec un chififre de 4,855 piculs d'une valeur de 21,000 piastres. C'est plus du double des envois de l'année préce'dente, qui n'étaient que de 2,177 piculs, mais c'est moins qu'en 1889, année qui a vu sortir 7,8'35 piculs de ce produit. L'Angleterre s'est fournie en droite ligne de 482 piculs de cette résine, tandis que, en 1891, elle n'eu avait reçu que 48. Il reste à dé- couvrir combien de piculs lui étaient destinés parmi les 3,607 embar- que's pour Singapour et les 629 qui ont pris la roule de Hong-Kong. 137 piculs de ce produit spe'cial sont allés en Espagne; y attireronl- ils d'autres demandes ? La résine de Pistachier a eu des prix basés sur la provenance. Ainsi, celle de Calamiaues a etë cotée sur la place entre 5 piastres 75 et 8 le picul ; celle de Davao ne valait pas plus de 2 piastres 25 à 3. Les Philippines sont abondamment pourvues de cet arbuste ; il n'y aurait donc qu'à extraire le plus de résine possible pour augmenter un commerce qui paraît prospérer. Afin d'arriver à ce résultat, il serait ne'cessairc d'organiser, de centraliser la pre'paralion de la résine ; et cet esprit spécial fait défaut dans cette colonie- Les habitants travail- lent chacun pour soi sans souci, dans leur ignorance de toute amélio- ration, de ce qui leur serait profitable; et, d'autre part, il y a peu d'hommes qui pèsent les chances de re'ussite attachées à l'exploitation de toutes ces petites industries. On préfère se lancer, quand on a de gros capitaux, du côte' de la grande culture ou des grandes affaires, et le reste est complètement ne'gligé. Il y a bien d'autres articles adresse's de Manille un peu de tous les côte's, tels que les cornes et les os de buffle, Yécorce de imlmier, les rotins, Vessence à.'Hong-Kong, les Chapemix, etc., etc. qui entrent dans l'en- semble des produits de cet archipel cxporle's avec plus ou moins de succès, selon que le commerce en est fait avec plus ou moins d'intel- ligence ; mais, pour en développer le mouvement, il est indispensable d'être dans le pays et de suivre les fluctuations du marche'. (Extrait partiel du Rapport de M. G. de Bébaud, consul de Fraace, sur la situation des Philippines eu IS!)^.) III. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. Le rôle de l'albinisme au Japon. — L'année dernière, on cap- tura à l'ouest de l'île Ye'so un Ours atteint d'albinisme qui causa quel- que omoi parmi les Aïnos. Ce sujet, offert Ji l'empereur du Japon, fut placé dans le Jardin zoologique deToiviooù M. Janson a pu l'examiner. Cet animal entièrement blanc avait les yeux rouges. Les Japonais donnent une signification particulière à l'apparition des animaux blancs qui promettraient au souverain bonheur et prospe'rité pour son ro,yaume. On désigne même, d'après eux, la période du règne. Ainsi, il y a plus d'un siècle, le règne de l'empereur Haruchi fut appelé' Période du F(n\v(it bhiitc; on avait trouve' de son temps un Faisan blanc. De S. Lunettes pour Chevaux. — La revue hebdomadaire The Opti-, cian, de Londres, rapporte Texpe'rience que l'un de ses correspondants vient de faire. Persuadé que son Cheval ëlait atteint de myopie, il chargea un opticien de prendre les mesures pour lui fabriquer des lunettes. L'animal parut d'abord gène', mais il s'y habitua bientôt ; quand on oubliait de les lui mettre, il était mal à son aise. Toutes les fois que son propriétaire les lui mettait, il manifestait sa joie en frot- tant son museau contre les e'paules de son maître. L'emballement chez le Cheval, ajoute ce journal, devrait être attri- bue' dans certains cas à la myopie. De B. Une nouvelle conserve de poisson. — A une des séances de la société russe de pêche, M. Vaquier, de Sébastopol, a pre'senté quatre sortes de conserves de poissons, parmi lesquelles les sardines pre'parées avec V Englaiclis eacra^iicliolus ont attiré particulièrement l'at- tention. Cette nouvelle utilisation d'un poisson peu connu en gé- ne'ral, nous semble mériter une mention. 'VEnglaiilfs encrasicliolus , un petit poisson argenté, long d'en- viron 9 centimètres ordinairement, se rencontre en masse dans toute la mer Noire et dans la mer d'Azoff; il est également très abondant le long des côtes du Caucase, près Soukhoum-Kolé. Les Grecs de Ba- klawa et de Kertsch en fout une pêche conside'rable ; dans d'autres localités on n'attache aucune imporlance à la pêche de ce poisson, à cause de son abondance et de son bas prix même. Tout le poisson est vendu sur place frais ; on n'en a jamais fait de conserves pour le commerce. Cependant, il y a déjà une vingtaine d'anne'es, W. Dani- lewsky, inspecteur au Ministère des domaines, avait indiqué le parti que l'on aurait pu tirer de VEnglaulis dont il parle comme du poisson le plus utile, peut-être, de la mer Noire. 138 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Les frères Vaquier (français) ont été les premiers à s'occuper sé- rieusement de ce poisson au point de vue de l'indvistrie, et ils ont réussi à fabriquer avec d'excellentes conserves. Aujourd'hui, une usine prospère existant à Balaklawa, est dirige'e par des contre- maîtres russes exclusivement. — MM. Vaquier expe'dient leurs pro- duits surtout à l'e'tranger, et la demande croît tous les jours. Si ces conserves ne sont point dirigées sur les marchés de l'intérieur de la Russie, cela tient à cette circonstance spe'ciale que le transport par chemin de fer d'un poud (= 14 kilog.)de conserves à Saint-Pe'lersbourg coiJte 1 rouble 50 kopecks — fret net, sans compter les faux frais, tandis que le même poids expédié à Marseille et dans d'autres ports de l'Europe occidentale, n'est payé que 20 kopecks. En dehors de MM. Vaquier frères, un négociant grec, sujet turc, a préparé, en 1888, 250 pouds à.' Encrasicholus , en sardines d'Estonie. Le poisson fut emballé dans de petits tonneaux de 10 livres chacun et vendu à Constantinople 4 roubles le tonneau, c'est-à-dire 40 kopecks le poud. Or, voici quels ont été les frais de celte opération. 250 pouds de poisson à 1 rouble 10 k 275 roubles. 40 — de sel à 40 kopecks le poud 16 1 .000 tonneaux de hêtre à 45 kopecks 450 Main-d'œuvre, transport, droits et autres frais 415 1 .156 roubles. Ainsi donc, avec une dépense de 1,156 roubles, l'industriel en ques- tion a réalisé 2,844 roubles, soit 24 o o. De la part des industriels russes, il n'y eut que des tentatives isolées d'imiter cette exemple. Un petit employé, ^I. Ch., risqua 60 roubles pour acheter : 50 pouds de poisson à 60 kopecks 30 roubles » k. 12 — de sel à 40 kopecks 4 .80 10 vieilles caisses à 60 kopecks 6 » Le transport à Varsovie avait coîilé. .. . 19 — 10 59 roubles 70 k. Il sala le poisson de la manière la plus primitive, l'emballa et l'en- voya à Varsovie, oii le produit se vendit 2 roubles 45 k. le poud. Il réalisa 122 roubles 50 k. Des tentatives de l'utilisation d'un autre genre de ce même poisson donnèrent des résultats non moins brillants. Dernièrement, M. l'Ingé- nieur Korvine-Kroukovsky réussit à extraire de VE)/gla/ili's une ex- cellente huile. — On voit d'après les exemples ci- dessus, que l'exploi- tation de VEnglavAis encrasidiolus sur une grande échelle, présenterait des avantages multiples, l'incurie et l'apathie des commerçants russes CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 139 seules les empêchent de mcllre à profil une source considérable de bene'fices qu'ils oui sous la main. En effet, parmi les poissons de la mer Noire, cette espèce est la plus utilisable et le meilleur marché (40 à 50 kopecks le poud, selon la saison et l'importance de la poche). Le poisson est bon pour en fabriquer des conserves l'i l'huile imitant les sardines d'Estonie, les anchois ; il peut être salé et donne de très bonne huile. De plus, il a la propriété de se conserver — après être reste' fortement sale' pendant une anne'e — pendant des années sans rien perdre de sa saveur et sans s'altérer par les plus grandes chaleurs ni les plus fortes gelées. Actuellement, on pêche ce poisson sur les côtes de la Crime'e au filet, ou bien au Iramail et au moyen de filets fixes d'une espèce par- ticulière. La poche, commençant en octobre, dure jusqu'au mois de mai. Le poisson du printemps est d'un prix plus élevé; il est plus gras, plus savoureux que celui pris pendant les mois d'automne. Les filets à mailles serre'es, jetés à une certaine distance de la cùte, où les poissons sont plus abondants, en ramènent des quantités o'normes. C. K. Repeuplons en Écrevisses d'Amérique. — M. Max von der Borne rapporte que depuis cinq ans la plupart des Écrevisses de ses domaines meurent de la maladie. Récemment il hlcha encore une centaine de ces Crustacés qui furent également atteints. Par contre, cent Écrevisses d'Amérique [G. Cambarus) se sont montrées re'frac- laires. On sait que la qualité' de la chair de ces dernières n'est pas inférieure. De S. La Persicaire de Sakhalin {Poli/yonum Sacchalinense). — Les récentes communications de M. Duchartre à l'Acade'mie des sciences et celles que nous avons laites à la Socie'le' nationale d'Agriculture, relativement au nouveau fourrage, le Polygonum de Sakhalin, jus- qu'alors conside're' comme une belle plante ornementale , ont fait rechercher son origine et quels services elle était appele'e à rendre. Notre Persicaire ou Renoue'e asiatique fut découverte, il y a une trentaine d'années, par l'explorateur russe Maximowic/'^ dans l'île de Sakhalin située mer d'Okhotsk, entre le Japon et la Riissie : cette île a e'ié ce'dèe par le Japon à la Russie eu échange des Kouriles. La plante est signale'e parmi les végétaux rares ou ine'dils, remar- quo's au Jardin d'acclimatation de Moscou par notre ami, Edouard André, lors de son voyage au Congrès international d'horticulture à Saint-Pe'tersbourg en 18(59. A dater de celte e'poque, l'établissement Ballet frères a la bonne fortune de posse'der la nouvelle venue, de la multiplier et de la pro- pager dans les parcs et les jardins ; ses tiges annuelles s'élèvent à une hauteur de 3 mètres et au-delà ; ses racines tracent en longs 140 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. rhizomes vigoureux, traversant les sols les plus durs, pierreux ou compacts, soutenant les terres des talus ou des bords de rivière tou- jours fragiles. Les jeunes pousses, blanchies à la façon du houblon, sont comes- tibles ; les feuilles, belles et larges, deviennent vui accessoire des des- serts, et la floraison automnale est recherchée des abeilles. La plante, par sa puissance drageonnante, constitue, à bref de'lai, des massifs ou des groupes de belle verdure. La tige meurt en hiver, la souche résiste aux gelées du sol aussi bien qu'aux se'cheresses de l'e'le. Au printemps, la ve'gétation est prompte. Il arrive parfois que les gele'es printanières en saisissent les extré- mite's, mais le temps d'arrêt n'est pas long, la sève continue et les jeunes tiges ne tardent pas à atteindre 2 mètres, puis 3 mètres et da- vantage si le sol est un peu frais, à sève prolongée. Les expériences de M. Doumet-Adanson sont assez concluantes sur la question fourragère. Un jeune plant, mis en terre, ne tarde pas à couvrir de ses rameaux feuillus une surface d'un mètre carre' ; dès la première année notre Polygone'e fournirait deux coupes, et dans la suite au moins trois coupes annuelles. Le poids total à l'état vert varierait de vingt à quarante kilos par mètre carré ; le produit vert pourrait donc s'élever de 200^000 à 400,000 kilos à l'hectare -- daprès les calculs de l'honorable président de la Société de l'Allier ; — et les animaux de l'espèce bovine en seraient très friands. Nous l'avons essayée dans ces conditions et avons pu constater l'exactitude des faits. En même temps, nous avons étudié, avec le même succès, l'emploi des jeunes sarments herbacés et du feuillage toujours verdoyant de la vigne américaine Vitis cinerea qui, dans nos parages, n'a jamais été' atteinte par les maladies. Où il y a de la vigueur, il y a de la ressource. La multiplication du Polygonum Sacchali rieuse se fait par sectionne- ment des rhizomes et la plantation aura lieu à l'automne et au prin- temps. Les jeunes plants sont mis en terre à peu près à un mètre en tous sens dans un sol labouré auparavant, sans qu'il soit nécessaire de le fumer ; la première année, au début de la végétation, à peine est-il besoin de supprimer les mauvaises herbes, et dans la suite les tiges et les feuilles se développent à la môme place avec une vigueur extrême sans aucun engrais ni soins de culture. Nous propagerons volontiers cette plante remarquable et nous en offrons de jeunes plants aux Écoles d'agriculture qui voudraient en essayer la culture et l'emploi. Charles Baltet, horticulteur à Troyes. IV. BIBLIOGRAPHIE. Le 'pyopriélaire 'planteur. Semer et planter. Traite pratique et éco- nomique de reboisement et des plantations des parcs et jardins, par D. Cannon. 2" éd., XII = 364 p. 380 grav. sur bois. Paris, Jules Rothschild, éditeur. Les travaux de reboisement ont toujours vivement préoccupé les économistes soucieux de l'avenir de nos forêts, et, si la question n'est pas nouvelle, elle n'en est pas moins des plus intéressantes. Aussi est-ce avec plaisir que nous signalons à nos confrères le nouvel ouvrage, si e'minemment pratique, édite par la maison Rothschild. Il existe en France de vastes régions incultes où des plantations d'essences forestières rustiques variant avec la nature des terrains, pourraient compenser en partie la dépréciation des produits agricoles qui est une cause actuelle de la crise que subit encore eu ce moment l'agriculture. Depuis plus de vingt ans, M. D. Cannon, joignant la pratique à la Ihe'orie, a entrepris en Sologne, une des re'gions les plus déshérite'es de la France, une se'rie de travaux d'ensemble, qui tendent à transfor- mer rapidement ce pays et à y cre'cr une prospérité relative et qui va sans cesse croissant. Il devient urgent, suivant cet auteur : • de boiser toute vieille terre en culture qui ne rend plus de be'ne'fîce soit en labour, soit en pâtu- rage; — de remplacer les terres use'es, là où l'utilité en est de'montrée, par la mise en culture des friches qui peuvent être rendues produc- tives au moyen de nouveaux engrais et d'outillages perfectionnés, — enfin, de constituer des ressources pour l'avenir, en reboisant, autant que possible, les friches impropres à la culture ». . . - M. Cannon examine tout d'abord, dans son ouvrage, ce qu'il importe aux proprie'taires de connaître avant d'entreprendre des boisements im- portants ; le choix du terrain à boiser et des essences qui doivent l'oc- cuper ; les travaux préalables et les dispositions générales à prendre, etc. Puis viennent plusieurs chapitres consacrés à l'étude des diverses essences forestières et faisant connaître leurs aptitudes diverses, aux principes géne'raux des semis et des plantations et enfin à l'entretien des bois. Les nombreuses illustrations qui ornent celte nouvelle édition ont été choisies de manière à compléter utilement le texte. Les principales essences forestières sont figurées par des planches qui montrent en dé- tail les caractères botaniques de leurs organes essentiels. Disons e'ga- lement que la parfaite exe'culion typographique ajoute encore à l'attrait de cet élégant et utile ouvrage. G. de G. 4 42 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES, Au bord de la mer, Ge'ulo^^ie, Flore et Fauuc des côtes de France, par le D-" Trouessart. 1 vol. in-16 de 344 pages avec 149 fig. {Bibliothèqne scientifique co)deniporaine.) Librairie J.-B. Baillirre et fils, 19, rue Hautefeuille, à Paris. 3 Ir. 50, Entre toutes les localités que les habitants des grandes villes re- cherchent pour se reposer pendant la belle saison, les plages de l'Océan et de la Manche occupent le premier rang : le climat tempe're' de ces côtes, leur vaste étendue, les sites pittoresques et varies qu'elles pré- sentent, tout se réunit pour en l'aire le rendez-vous des touristes. Les distractions qu'olïre la plage laissent le loisir de s'intéresser aux beaute's de la nature, aux aspects changeants de la mer et du rivage, d'examiner les pierres, les plantes et les animaux de formes si singulières que les vagues poussent sans cesse aux pieds du prome- nevir ou qui sont ramene's par le filet du pêcheur. Pour étudier av^ec fruit ces objets si variés et bien dignes de fixer l'attention des esprits curieux, il n'est pas besoin d'avoir les connais- sances étendues d'un naturaliste : cependant beaucoup de personnes sont délourne'es de cette utile distraction faute d'un gn'de e'ie'mentaire et sur qui leur dise le nom et l'histoire de ces pierres, de ces animaux et de ces plantes. Réunir en un volume les principales notions qui constituent l'his- toire naturelle de nos côtes de l'Océan (Géologie, Botanique et Zoolo- gie], résumer ces notions sous une forme claire, exacte et pre'cise, de manière à être compris de tout le monde, tel a été le but de M. Troues- sart, 11 y a parfaitement re'nssi. Dans cette étude, il a suivi l'ordre le plus naturel, c'est-à-dire qu'il a fait d'abord l'histoire des côtes et des roches qui la constituent et celle de la mer qui les baigne, puis celle des plantes qui poussent sur ces rivages, enfin celle des animaux qui vivent au milieu de ces plantes ou nagent dans cette mer et dont le nombre est immense. - L'ouvrage est illustre' de 149 figures qui complètent très heureuse- ment l'aspect de ce petit volume.' O. de G. Petit Dictionnaire de médecine canine, à Vmage des éleveurs, chasseurs et propriétaires de chiens, par Gaston Percheron, me'de- cin-véte'rinaire, directeur de l'hôpital Sanfourche, re'dacteur en chef ; de la Semaine Vétérinaire. — 1 vol. in-12 de 160 pages : 2 francs. - P. Dubi-euil, éditeur, 18 bis, rue des Martyrs, Paris. Dans ce petit traite, sans aucune prétention scientifique, l'auteur s'est attache' à donner une description exacte et claire de tous les maux qui affligent le chien ; il indique les moyens de le soulager à l'aide de formules que vingt anne'cs passe'es dans l'exercice de la me'- BIBLIOirRAPHlE r;- : - 143 decine canine lui ont appris à regarder comme les meilleures, et de plus, toutes les t'ois que cela a elé possible, il a choisi parmi ces for- mules celles que l'on peut préparer soi-même à l'aide des ressources de la maison. Voilà donc un livre qui ne manquera pas d'être appreVié par tous ceux qui regardent le chien comme un ami qu'il faut soigner. Liste des principaux ouvrages français et étrangers traitant des Animaux de basse-cour (i). 1° OUVRAGES FRANÇAIS {sulle). 1886. Canard du Labrador, par Benoist, p. 570. — Canard de Pékin, par Benoist, p. 569. — Canard de Rouen, par Benoist, p. 545. — Diphtérie des volailles, traitement, par Benoist, p. 404. - ■ — Élevage des Autruches, p. 154. — Gale des pattes des volailles, par P. Mégnin, p. 379. — Incubation artificielle, par P. Me'gnin, p. 52, 558. — Insectes (Les), emploi en aviculture, par Leroy, p. 244, 257, 271,283. . — . Oies (Les), par M. d'H., p. 493. — Pigeons militaires (Les) en France, p. 607. — Pigeon voyageur iLe), par E. Ouslalet, p. 337. — Pigeons voyageurs (Les), par Louis Sedix, p. 92. — Pigeons voyageurs français et allemands, par Theo-Crilt, p. 559. — Poulailler (Hygiène du), par Benoist, p. 474. — Poule de Barbézieux, par Benoist, p. 421. — Poule Campine, par Benoist, p. 413. — Poule (Caractères des races de), fournis par les plumes, par M. d'H., p. 49. — Poule Dorking, par M- d'H., p. 481. '■ — Poule de Houdan, par M. d'H., p. 415. — Poule Langshan, par M. d'il., p. 4i5. — Volailles (Conseil aux ménagères sur l'élevage des), par Benoist, p. 412. 1887. Abreuvoir (Un nouvel), par MM. Benoist frères, p. 203, 215. — Barbézieux (Race de Poules de), p. 517. . , — Brahma (Race de Poules de), p. 425. '. __-7- Bresse (Race de Poules de), p. 330. (1) Voyez Reçue, 1" semestre 1893, p. 430. ni REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. 1887. Caumont ou Pavilly (Race de Poules de), par M. d'H., p. 597. — Cochinchinoise (Race de Poule), par M. d'H., p. 307. — Combattants anglais (Race de Poule), par M. d'H., p. 221. — Coucou (Race de Poule), par M. d'H., p. 522. • — Courtes-pattes (Race de Poule), par M. d'H., p. 595. — Croisement (Du) de la Poule de Bresse avec le Crèvecœur, par E. Bannet, p. 277. ." — Engraissement des Poulets et de la volaille, par P. Mégnin, p. 8. — Espagnoles (Races de Poules), par M. d'H., p. 17. — Espagnole (La Poule) à face blanche, par Psyché, p. 163. — Houdan (Race de), par M. d'H., p. 187. — La Flèche (Race de), par M. d'H., p. 233. — Lapins (Question desj, par P. Mégnin, p. 101, 118, 128. — Leghorn (Races de Poules), par M. d'H., p. 449. — Mans (Races de Poules du), par M. d'il., p. 235. — Padoue (Races de Poules), par M. d'il., p. 401. — Padoue (Poules), origine du nom, par E. Bouvet, p. 432. — Pintade (La), par M. d'H., p. 559. — Poulailler (Petit), invention de M. de Coninck, p. 324. — Poule commune ou gauloise (race delà), par M. d'H., p. 490, 510. • • . • • '■ • ■■'; — Poulets et volailles (Engraissement), par P. Mégnin, p. 8, 31, 69, 79, 105. . 1888. Age des oiseaux de basse-cour, par M. d'H., p. 511, 522. — Aviculture: la basse-cour, par Benoist, p. 22. — Aviculture industrielle, par E.-L. V., p. 464. — Brakel (Poule de), par M. d'il., p. 55. .c»/ — Bréda (Poule de), par M. d'H., p. 56. — Campine et Hambourg (Race de Poules), par M. d'il., p. 30. — Canards (Les), par M. d'H., p. 450. — Canard (Le) d'Aylesbury, par M. d'H., p. 463. ..— ^. • , . — ., de Barbarie, — p. 559. — — de la Caroline, — . p. 521. , — — du Labrador, — p. 476. — — Mandarin, — p. 488. — — Mignon, '.,.,. — p. 477. — — de Po'kin, — p. 476. — — de Rouen, — p. 452. . — Choléra des Canards, par Cornil et Toupet, p. 334. ' — Choléra des Poules, par Paul Mégnin, p. 346, 357. — Combattant (Le) anglais, par P. Mégnin, p. 187. La Gérant: Jules Grisard. I. TRAVAUX ADRESSES A LA SOCIETE, LE MUSÉE COLONIAL DE HARLEM Par m. F. W. VAN EEDEN, . • ' Directeur du Musée. '• • Les Pays-Bas jouissent d'un grand privilège, celui de pos- séder les plus riches et les plus belles colonies du monde et d'en être restés la seconde puissance coloniale, privilège qu'on n'a point cessé de leur reconnaître, par respect pour leurs célèbres ancêtres, (^ui leur ont laissé ces colonies comme un précieux héritage. . • - . ..-i. ,;. / Au xvii° siècle, les Hollandais dominaient les mers. Leurs intrépides navigateurs avaient fondé des colonies en Asie, en Amérique, en Afrique, en Australie, et celles qui sont restées à leurs descendants dans l'Archipel de la Sonde et dans la Guyane occupent encore une superlicie de 33,000 lieues géographiques carrées, qui est 50 fois celle de leur patrie. Avec leurs colonies, les Pays-Bas comptent au moins 40 millions d'habitants, et il est certain que sans ces possessions le petit territoire des Hollandais aurait été depuis longtemps englouti par un des grands pays voisins. Ce précieux héritage impose à la nation hollandaise une tache immense en même temps qu'une grave responsa])iIité envers le monde civilisé. Elle doit, non seulement consi- dérer ses possessions coloniales comme une partie intégrante de la mère-patrie, mais encore api)liquer toutes ses forces morales et matérielles à retirer tous les avantages possibles de cet immense aréal, sans perdre de vue les intérêts des peuples indigènes qui subissent sa domination. En Hollande, la question coloniale doit stimuler toutes les ' facultés d'une nation civilisée : l'Art, la Science, l'Industrie, FAgriculture, le Commerce, tout ce qui constitue la forcé des nations, doit y offrir un cachet particulier, le cacliet colonial. Et ce serait là la vraie gloire d'une nation, qui doit toutes ses richesses et le maintien de son indéi)endance à ses colonies. 20 Août 1893. 10 U6 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Dans le domaine de la science, l'énorme étendue de terres, encore inexplorées doit attirer des centaines d'intrépides explorateurs. Dans celui de l'agriculture et de l'industrie des milliers d'individus énergiques. La marine hollandaise doit subvenir aux. exigences des colonies, et son développement aura une influence énorme sur la navigation commerciale et l'industrie. Les sciences naturelles appliquées aux colonies, voilà ce qui doit constituer le véritable but de l'étudiant hollandais. En Hollande, l'étude de la Botanique, de la Géologie, de la Minéralogie, de l'Ethnographie, de l'Anthropologie et de la Linguistique a une double valeur, comparée à celle des na- tions non coloniales. Dans toutes ces sciences, les colonies offrent à la jeunesse studieuse une carrière brillante. Comment mettre sur la bonne voie une nation aussi pri- vilégiée ? Comment lui faire entrevoir la perspective de cette carrière si pleine de ressources, comment lui persuader d'abandonner toute étude et tout effort stérile, et de ne se vouer qu'à une vie active ? Voilà la question que le Musée colonial a mis en tête de son programme. Ce Musée a pour but d'instruire le public dans tout ce qui concerne les produits utiles des colonies, leur origine et leurs applications. On y trouve rangés par ordre scientifique les produits du règne minéral, végétal et animal, formant des séries de collections, auxquelles on a joint des dessins et des tableaux explicatifs. Les productions végétales y figurent au premier rang. La flore de l'archipel de la Sonde ainsi que celle de la Guyane hollandaise n'ont encore été étudiées qu'en très petite partie. Les forêts de Java et de Sumatra sont les plus connues, mais renferment encore d'immenses trésors pour les botanistes explorateurs. La flore de Bornéo, de Célèbes, d'une grande partie des îles Moluques et des lies orientales de l'archipel est encore pleine de mystères pour la science. Nos ancêtres nous ont donné en ceci un exemple éclatant. Déjà dans la période où les Hollandais étaient au milieu de leurs conquêtes coloniales et où le drapeau hollandais flottait tant au Brésil qu'à Ceylan, tant à Java qu'au cap de Bonne- Espérance, le célèbre Rumphius s'occupait à Amboine de LE MUSÉE COLONIAL DE HARLEM. 1 i7 l'étude de la nature et parvint à composer avec une exacti- tude et une persévérance énormes l'ouvrage classique publié sous le titre (T Herbarium Ambonense, ouvrage encore considéré par les botanistes de toutes les nations comme un des piliers fondamentaux de la Flore tropicale. Vers la même époque le chevalier Reede tôt Drakestein, gouverneur de la côte de Malabar, a publié son Ilorlus Ma- labaricus, ouvrage non moins précieux et non moins célèbre que celui de Rumphius. Il est remarquable que depuis le milieu du xvii'' jusqu'au milieu du xviii" siècle, l'étude de l'histoire naturelle fut en Hollande une des occupations favorites de la classe élevée. A côté de Rumphius et de Reede on peut citer Leeuwenhoek, Swammerdam , Boerliave et tant d'autres , qui ont brillé comme des étoiles de première gi^andeur. En dehors de ces grandes lumières brillait alors au ciel scientifique de la Hol- lande une multitude d'étoiles de moindre grandeur, et l'on peut affirmer que dans les classes supérieures le goût pour les sciences était alors très développé. Partout les curieux rassemblaient des objets rares provenant de pays lointains et particulièrement des colonies, soit dans leurs propres de- meures , soit dans de petits musées dont quelques-uns seule- ment ont eu l'avantage de se maintenir jusqu'à nos jours. Ces collections n'avaient d'autre but que de procurer quelque distraction dans la vie monotone de ces jours, un peu de lumière tropicale dans ces hivers gris et mornes de la Hollande. Ce zèle est tombé presque entièrement au com- mencement de notre siècle, sous le malaise général qui dépri- mait alors l'énergie primitive de la nation. Sous la Restauration et sous la protection libérale du roi Guillaume !<='' la culture des sciences naturelles commença à renaître. Les grands musées de Leyde furent fondés, et bien- tôt la formation d'un comité pour l'exploration scientifique de l'Archipel indien fit revivre l'étude de l'histoire naturelle dans les colonies, encouragée par des savants tels que Rein- ^vardt, Blume, Korthals, Muller, Temminck, Junghulin et Miquel. Dans cette période, le projet de former un musée spéciale- ment destiné aux produits utiles des colonies avait pénétré jus'qu'au gouvernement. Mais ce projet ne devait se réaliser que trente années plus tard. us REVUE DES SCIEN'CES NATURELLES AFPLIQUÉES. Le Musée colonial a été fondé par une société particulière, la Société néerlandaise pour le progrès de l'industrie, société formée dès 1777, dans le but de relever les diverses branches d'industrie de leur décadence. La Société a opéré dès le début selon le système adopté par toutes les institutions analogues en décernant de nom- breux prix et récompenses à l'agriculture, les arts et métiers, le commerce et la navigation. Elle a publié des mémoires sur les branches de Pindustrie nationale et plus tard un recueil périodique, et par la formation de départements dans les principales villes du pays elle se proposait de pénétrer la nation de ses principes. Cependant la Société comprit qu'elle n'obtiendrait qu'un résultat douteux et médiocre ; son but était trop vague. — Le bien-être du peuple d'aujourd'hui exige autre chose que des prix offerts, ou des adresses au gouvernement ; il exige un résultat plus pratique. Elle comprit que l'instruction i)rati({ue du peuple est de beaucoup supérieure aux discussions théoriques. Elle décou- vrit de bonne heure une grande lacune dans cette instruc- tion, l'absence d'une institution où le peuple recevrait des notions exactes sur l'importance matérielle des colonies. Depuis l'abolition presque complète des monopoles par le gouvernement dans les possessions coloniales et le libre abandon des terrains à l'exploitation iiarticulière, une insti- tution de cette nature était devenue indispensable. Convaincue de cette nécessité la Société résolut en 1864 de fonder un musée colonial. Ce projet a été mis en exécution avec un zèle qui ne s'est jamais démenti. La question du local fut résolue dès 1865 par le gouver- nement, qui abandonna à la Société une partie du Pavillon dans le Bois du Harlem, grand et bel édifice, construit dans le style italien, à la fin du dix-huitième siècle, et habité successivement par le banquier Ilope, le Roi Louis Napoléon et la Princesse-Mère d'Orange (1). Dans la première période du Musée, depuis 1865 jusqu'à l'ouverture solennelle en 1871, on n'avait pas encore adopté (Il Dans ce même édifice, la Sociélé a fondé en 1877 un Musée des Arls appliqués à Tinduslrie, inslitution non moins importante pour le bien-êlre national. LE MUSÉE COLONIAL DE HARLEM. 149 une règle définitive pour la classification des objets, qui afiluaient de tous côtés. Les premières contributions furent pour la }ilupart des objets ethnographiques, des arcs et des flèches, des poi- gnards à manche finement sculptés, des modèles d'instru- m-ents aratoires. On ne s'occuj)ait alors que d'augmenter les collections jusqu'à ce que leur nombre permit un arrangement métho- dique. Cette augmentation ne se fit pas attendre. Le gouverne- ment même prit l'initiative, en offrant des collections nom- breuses de bois indigènes, de fibres végétales, de dessins, cartes et gravures, enfin tout ce qui se trouvait alors en ce genre dans les archives du Ministère des Colonies. Les expositions coloniales et universelles ont fourni de temps en temps un contingent bien apprécié, et beaucoup de produits utiles, qui sans le Musée colonial auraient été per- dus à jamais, y ont trouvé leur place. L'arrangement systématique offrait toujours de grande? difficultés. Mais petit à petit l'ordre commença à régner, quoique beaucoup de collections présentassent encore de grandes lacunes. Peu à peu l'accroissement des collections spéciales permit une classification, de sorte que trois grandes subdivisions, celles des bois, des minéraux et des fibres végétales commen- cèrent à prendre quelque importance. Alors il fut possible de compléter plus ou moins chaque sous-division. Des circulaires furent adressées à tous les hauts fonctionnaires du gouvernement dans l'Archipel et reçurent un accueil très bienveillant des directeurs du célèbre Jardin botanique de Buitenzorg à Java, MM. Teysmann, Scheffer et Treub. Il faut considérer Teysmann comme un des fondateurs du Musée. Dans ses nombreux voyages il a rassemblé un grand nombre de produits végétaux et minéraux, qui enrichirent les collections du Musée, et son zèle a donné l'élan h. la ten- dance spéciale, qui constitue encore maintenant le caractère particulier du Musée : la connaissance des produits coloniaux et leurs applications à l'industrie. Teysmann était encore un de ces naturalistes-explorateurs qui furent, pendant tout un siècle, la gloire des sciences natu- 130 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. relies, mais qui deviennent de plus en plus rares, maintenant que heaucoup de savants se bornent aux observations micros- copiques. Teysmann a marché sur les traces dellumboldt, de Scliom- burgk, et pour Java, de Junghuhn, auteur d'un ouvrage célèbre sur la Botanique et la Géologie de cette île. Après Teysmann ce furent ses successeurs, Sclieffer et Treub, qui continuèrent à enrichir le Musée de collections précieuses de produits végétaux recueillis au Jardin de Bui- tenzorg. Ainsi se formèrent peu à peu les collections remarquables, indiquées dans le catalogue descrii)tif, dont le 11^ volume vient de paraître et dont la publication a été subventionnée par le Ministère des colonies (1). Depuis l'année 1885 l'administration du ^lusée a été réor- ganisée. En dehors du comité de direction, un conseil a été nommé, dont les membres sont choisis parmi les particuliers et les chefs des grandes maisons de commerce et des associa- tions pour les cultures coloniales. Ces conseillers versent an- nuellement une somme de 100 francs' et constituent une des principales forces financières du Musée. En outre, le gouvernement, ainsi que la Société-mère ont accordé un subside annuel, exemple suivi en 1892 par les États provinciaux et la commune de Harlem. Depuis sa réorganisation, le Musée est devenu de plus en plus une institution publique. Son arrangement s'est perfec- tionné, de sorte que les grandes subdivisions occupent des salles différentes et peuvent être étudiées à l'aide du catalogue descriptif composé par un comité de coopérateurs spéciaux. Une bibliothèque consacrée aux produits utiles, coloniaux et tropicaux, a été jointe au Musée. Le Musée est ouvert tous les jours, et des indications spéciales sont données à tous ceux qui désirent en profiter pour leurs études ou qui ont choisi une carrière dans les colonies. L'administration du Musée s'est mis en correspondance avec tous les pays coloniaux et tropicaux, avec les grands (1) Ces volumes conlieunent les descriptions suivanles : Café, Thé, Cacao et Vanille, (Jumquina, Sucre, Epices, Tabac, Riz, Graisses, Résines, Huiles, Fruits, Médicaments, Matières tannantes et Couleurs, Matières alimentaires, Caoutchouc et Gutta-perclia, Bois, Fibres végétales. Produits des Indes occi- dentales. Minéraux. LE MUSÉE COLONIAL DE HARLEM. 1o1 centres du commerce, et avec tous ceux qui s'intéressent au commerce et à l'industrie coloniale, même dans les paj's les plus lointains. De plus en plus le Musée devient un centre d'informations concernant les applications des produits nouveaux ou récem- ment obtenus par la culture. Pour autant que les moyens le lui permettent, le Musée se fait un devoir de venir en aide à plusieurs institutions d'en- seignement public, en leur offrant les collections qui peuvent leur être utiles dans le but qu'elles ont en vue. Le Musée ne désire qu'étendre cette libéralité à toutes les écoles. Mais le but du Musée est non seulement de faire revivre l'activité nationale dans le domaine des colonies, il travaille aussi à la prospérité des indigènes en favorisant leurs arts et leurs industries nationales. Le développement artistique des peuples de l'Arcbipel In- dien n'est pas inférieur à celui des autres peuples de l'Asie, et si Java et Sumatra eussent été exploités comme le Japon, leurs produits artistiques auraient été mieux appréciés dans les grands centres du monde civilisé. Leurs vêtements natio- naux brodés à la main et ornés de dessins originaux, se ven- dent à des prix élevés: leurs dessins se rapportent à cer- taines traditions ou représentent des objets de la nature exécutés dans le style national. La sculpture en bois et l'orfèvrerie ont également eu leurs applications dans l'Arcbipel depuis un temps immémo- rial, et les armes de luxe javanaises, à poignées sculptées en bois et en ivoire, incrustées d'or et ornées de diamants, dont le Musée possède de magnifiques exemplaires, excitent l'envie de tous les grands musées etlmograpbiques. Les objets en filigrane de Padang, ceux en bois laqué du Palembang pourraient rivaliser avec les meilleurs produits de l'art japonais. Le grand développement de l'art javanais date de la période hindoue, qui a vu bâtir les temples magnifiques, dont les im- menses ruines forment un attrait spécial pour les archéo- logues. C'est non seulement à Java, mais encore dans les îles de Sumatra, Célèbes, Bornéo et les Moluques que l'art indigène fait preuve d'une ingéniosité aussi merveilleuse que naïve. Beaucoup de produits de l'industrie indigène sont dignes de 152 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. l'attention des nations civilisées, mais tandis que le Japon a inondé ITAirope d'un torrent de japoneries, l'art des habi- tants de l'Archipel indien est à peine connu. Non moins que les Javanais, les habitants de Bornéo (I)ayaks) possèdent un goût inné dans les conceptions de l'art industriel, et leurs tissus, leurs nattes, excellent non seulement par leur solidité, mais surtout par leurs dessins originaux. Le Musée a pour Lut d'ouvr-ir en Europe des débouchés ré- guliers pour ces produits coloniaux et continue à fixer son attention sur tous les objets de l'industrie indigène, qui ont quelque valeur artistique et d'en encourager le commerce et l'importation. L'année dernière il a introduit en Europe des nattes provenant de diverses résidences, et en a publié les dessins dans son bulletin. Ces nattes sont très solides et très bon marché et se font dans toutes les grandeurs voulues. Les couleurs en sont très harmonieuses, et elles sont probablement destinées à devenir un des ornements favoris des maisons de campagne. Tous les efforts du Musée tendent donc vers le bien pu- blic : 1° en faisant connaître les trésors inépuisables que ren- ferme la nature dans les colonies ; 2° en encourageant la jeu- nesse hollandaise à se vouera une carrière coloniale; 3° en faisant connaître les produits récemment découverts, dont l'exploitation et la culture offrent de nouvelles ressources à l'industrie nationale, et 4" en encourageant l'industrie natu- relle des indigènes. Cette taclie énorme n'a été que commencée. Pour l'accom- plir selon les exigences du temps, il faudrait au Musée des ressources financières au moins dix fois i)lus grandes que celles dont il dispose. Si l'on prend réellement à cœur l'inté- rêt de la nation néerlandaise, on doit avouer qu'aucune ins- titution n'a plus de droit d'être soutenue par la nation en- tière, d'être le centre industriel et commercial des Pays- Bas, que le Musée colonial qui porte en soi le germe d'un grand avenir et qui n'attend que le mot d'ordre pour se mettre à la tête de tous les amis du peuple qui désirent que les colonies avec leurs richesses naturelles et leurs im- menses étendues restent la base de la prospérité nationale. Harlem,. février 1893. LE BETAIL SAUVAGE DE LA GRANDE-BRETAGNE ET LE CROISEMENT DES BOVIDÉS Par m. J. PETIT. On entretient encore, dans (quelques parcs du nord de la Grande-Bretagne, des représentants d'une race autochtone de bétail vivant jadis à l'état sauvage dans les forêts aux- quelles ont succédé les pâturages actuels. C'est la race Wanche des forêls, qui se distingue par ses cornes à section circulaire, arquées en avant chez la majeure partie des indi- vidus, puis brusquement relevées et recourbées en arrière, ses sus-naseaux courts et larges, unis en voûte surbaissée. La taille est petite, 1 mètre 25 environ, la tète forte, le cou épais, le fanon fort pendant, le garrot large, les épaules ro- bustes, le corps allongé, le dos droit, la croupe courte et tran- chante, la queue attacliée haut, très longue et terminée par un fort bouquet de poils tombant presque jusqu'à terre. Les cuisses sont peu cliarnues, la peau dure et épaisse est cou- verte de poils longs et frisés. Très rustique, cette race donne de bonne viande, peu de lait, uiais un lait très butyreux, elle s'engraisse facilement. Depuis des siècles, elle vit répartie entre un certain nombre de troupeaux isolés, dont l'importance numérique décroit sans cesse par suite de la reproduction en consanguinité con- tinuelle et peut-être aussi des dures conditions de son exis- tence. De quatorze au commencement du dix-neuvième siècle le nombre de ces troupeaux s'est progressivement réduit à cinq ou six. Un ouvrage inachevé du révérend J. Storer contient d'in- téressants détails sur cette race primitive et son habitat à l'é- poque oii elle errait libre et indomptée à travers les landes et les forêts de la Grande-Bretagne. Ces forêts s'étendaient sans interruption du Trent à la Clyde, peuplées d'Ours, de Loups, 454 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. (le fiers Taureaux sauvages ; leur délncliement se fit lente- ment, et au xi'^ siècle, à l'époque où régnait Edouard III, Edouard le Confesseur, la grande forêt d'Enfield, dont il reste aujourd'hui quelques traces aux alentours de Londres, s'a- vançait encore jusqu'aux faubourgs de cette capitale, aux habitants de laquelle elle servait de lieu de chasse favori. Au milieu de cette sauvage nature, une seule voie, un exutoire unique s'ouvrait à l'extension de la civilisation, vers le nord : la vieille chaussée romaine, qui, sous le nom de Watling Street, traverse la Grande-Bretagne du midi au septentrion. L'apparition progressive de l'homme sur la scène de la na- ture confina peu à peu quelques troupeaux de ces Bœufs sauvages sur des parties de forêts, où ils vivent encore au- jourd'hui. Le plus important, le phis célèbre de ces troupeaux, est celui de Chillingham, dans le Northumberland près de Bedford, qui s'est maintenu là, dans les Cheviots, sur la fron- tière écossaise, maître de ce qui constituait jadis une faible partie de son aire naturelle, et a vu de longues années s'é- couler, avant que l'àpre sifflet de la locomotive ne vienne troubler sa paisible possession. Isolé, disent les traditions, vers l'an 1240, le troupeau de Chillingham-Park serait le plus ancien et le plus pur des quatre ou cinq groupes de ces ani- maux qui existent encore en Angleterre, et le fait suivant semblerait l'établir. Une forêt s'étendait sur le comté d'Essex, au temps du roi Etienne, couvrant entre autres points la ré- gion sur laquelle a été bâtie la petite ville de Walton sur la Naze non loin de l'endroit où l'Orwell se jette dans la mer. L'abbé du district autorisait alors certains individus, men- tionnés dans un ancien manuscrit, conservé dans la région, et dont un se nommait Hubert Fitz Walton, à chasser le bétail sauvage de la forêt, dont la lisière s'arrêtait à o kilomètres environ de l'euibouchure de l'Orwell. Sous le règne de Henri T''", le fils de Guillaume-le-Conquérant, au commence- ment du douzième siècle, un terrible catacl^^sme submergea la forêt et son bétail sauvage, puis peu à peu, après des siècles, le pays conquis par les eaux fit lentement sa réappa- rition à l'embouchure de l'Orwell, ramenant au jour les ossements des bœufs noyés. On envoya à Richard Owen des crânes de ces bovidés, que le célèbre naturaliste reconnut absolument identiques à ceux des animaux existant h Chil- lingham et il s'appuyait même sur ce fait démonstratif, pour LE BÉTAIL SAUVAGE IiE LA GRANDE -BRETACxNE. 155 affirmer que ces bœufs représentaient les derniers survivants des grands troupeaux qui peuplaient autrefois les forêts de l'Angleterre et de l'Ecosse. Depuis des générations, on conserve donc à peu près inté- gralement ces animaux, plutôt, il est vrai, comme un apa- nage, une dépendance du domaine familial, comme les types d'une espèce primitive se transmettant dans toute la pureté de sa race, qu'avec une idée d'intérêt mercantile, le revenu qu'on peut en tirer étant à peu près nul. Bewick en exécuta jadis des dessins reproduits par la gravure, et plus tard Landseer prit ces Bœufs majestueux comme sujets de deux grandes toiles qui figurent dans la galerie de Chillingliam. La race de Cliillingiiam est le type le plus pur de la descendance des animaux préhistoriques qui peuplaient jadis les forêts de la Grande-Bretagne, sa taille cependant a subi une légère dé- pression par suite d'une demi-civilisation et d'une reproduc- tion continue en consanguinité remontant à une époque fort reculée. Cette race est petite, en efïét, mais sa taille s'accroît considérablement par le croisement, ainsi qu'on en pourra juger par les expériences citées plus Imn, où l'accroissement se constate dès la première génération. Cette race conserve cependant avec une grande énergie ce qui lui est propre, et les produits du premier croisement ne diffèrent en rien du type i)ur et primitif, comme caractères spécifiques et de colo- ration. Ces particularités de couleur, très uniformes, carac- térisent absolument le bétail sauvage. Elles sont un peu arti- ficielles il est vrai, là comme dans les autres troupeaux, tout animal dont le pelage n'est pas blanc, se voyant impi- toyablement abattu. Les jeunes récemment nés sont d'un blanc pur et amou- reusement léchés par leurs mères, deviennent bientôt d'un blanc crémeux. Les oreilles sont d'un brun rougeàtre, les cornes blanches avec leurs extrémités noires. Les sabots et le nez sont noirs, les yeux bordés de longs cils qui leur donnent à la fois de la profondeur et du caractère. Leurs fines épaules permettent aux animaux de ce troupeau de trotter très lestement. De 1862 à LS89, le poids moyen des individus qu'on faisait abattre était de 254 kilos pour les Taureaux, 190 kilos pour les Vaches, 259 kilos pour les Bœufs. En 1875, on entrepre- nait une série d'expériences, afin de déterminer les résultats 156 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. que produirait sur le bétail sauvage, l'induence d'un croise- ment avec la race Durham. Un Taureau sauvage capturé dans le Parc, servit à la saillie de deux génisses Durham, soigneu- sement sélectées. On obtint 1 Taureau et ] Génisse; le Tau- reau, nommé Adam, fut envoyé à l'Exposition de la Société roj^ale agricole de Vilburn en 1879. On reconnut bientôt que la meilleure méthode à suivre dans ces expériences pour obtenir un résultat pratique, consistait à prendre dans la race sauvage les femelles destinées à ce croisement et on adopta dès lors un système de reproduction inverse, qui s'est pour- suivi jusqu'à l'époque actuelle. 3 Génisses sauvages choisies dans le parc furent croisées avec un Taureau Durham de souche authentique, le baron Bruce, appartenant au troupeau de M. Hugh Aylmer, à Norfolk. Pendant plusieurs années, on n'obtint aucun résultat. A la fin cependant, un Taureau et une Génisse naissaient en 18.S5, et un autre Taureau et une seconde Génisse en 1886, consti- tuant les premiers produits de croisement obtenus dans cette ligne femelle si désirée et permettant de pousser plus loin les expériences. • Nous donnons dans le tableau suivant les résultats de ce premier croisement : ANNÉES. PRODUITS. NOMS. PERE. MERE. 1885.... Taureau. Chillinfibani I. B arou Bruce. ^■ ac h e sauvage 1885.... Génisse. Wild Rose I. Id. Id. 1886.... Taureau. Chillingham II. Id. Id. 1886.... Génisse. Wild Blûssom. Id. Id. Le taureau de demi-sang sauvage Chillingham, né le 17 Jan- vier 1885, figura à l'exposition de bétail gras de Smithfield en décembre 1888, et y obtint un '3" prix dans une excellente classe d'animaux de croiseriient. Il avait alors trois ans dix mois et deux semaines ; son poids vif atteignait 849 Idlogs, et ayant été acheté par M. Dodds, boucher à Berwick-sur- Tweed, qui le paya 1639 francs, il rendit 557 Idlogs de viande et 75 kilogs 5 de suif. Son cuir très mince pesait 40 kilogs. Une caractéristique spéciale à cet animal était son fort ren- dement en viande nette comestible, surtout abondante sur les régions où la chair a le plus de valeur, sur l'aloyau, les côtes, etc., et l'extrême légèreté de son svstème osseux. Trois ou LE BÉTAIL SAUVAdE DE LA GRANDE-BRETAGNE. 1;i7 quatre mois avant le (léi)art pour l'exposition Cliillingham I n'avait encore reçu aucune autre nourriture que ce ({u"il trouvait sur son pâturage. p]n 188(S, le taureau demi-sang sauvage Cliillingham II, né le 10 mars 1S86, fut également envoyé à l'exposition du bé- tail gras de Smithlield, où il remporta lui aussi un 3° prix. Il avait alors trois ans huit mois et un jour, son poids vif s'élevait à 942 kilogs, et vendu â un Loucher de Saint-Neots, M. Banks, ({ui déclarait n'avoir jamais vu un animal aussi charnu, et souhaitait en débiter beaucoup de semblables, il rendit 609 kilogs 5 de viande nette. Ces deux animaux, dont la chair fut fort appréciée des connaisseurs, avaient éveillé lin grand intérêt parmi les éleveurs. Les deux génisses Wild Rose I et Wild Blossom I, résultant également d'un premier croisement, ont prouvé qu'elles étaient de bonnes reproductrices et permirent de continuer l'expérience dont les résultats sont donnés par le tableau suivant : 2^ Croisement. ANNÉES. SEXE. NOM. PERE. MERE. 1887 Taureau. Cbilliughain III. White Priucc. Wild Rose I. 1888 Génisse. Wild Rose II. The Rajah. Wild Rose I. 18SV) ... Taureau. Chillingham IV. Id. Wild Blossou I. 1890 Taureau. Chillingham V. Id. , Id. Le taureau Chillingham III, né en 1887, a été abattu pour la fête de Noël 1890. La génisse Wild Rose II, née en 1888, 1111e de Rajali, un taureau prêté par M. Booth, le propriétaire du fameux trou- peau de Durhams de Warlabjs est la seule femelle obtenue dans cette génération, et c'est elle qui permettra de pour- suivre l'expérience. Wild Rose II, sa mère Wild Rose 1 et Wild Blossom I, ont été saillies, en 1890, par un autre tau- reau de Warlab)', Sir Reginald. Tel est le point auquel on est arrivé dans ces expériences de croisements. Tous les tau- reaux obtenus ont été castrés et engraissés, aucun d'eux ne devant servira la reproduction. Par les deux croisements ainsi réalisés entre la race sau- vage et la race domestique améliorée, on a donc perfectionné matériellement les formes des animaux et accru surtout le 4o8 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. développement des aloyaux et des régions fournissant la viande la plus estimée ; tout en augmentant leur taille et leur poids, et en accentuant la i)récocité, la tendance à la matu- rité hâtive et à l'engraissement, ces deux derniers caractères surtout pouvant être considérés comme la part d'apport du sangDurliam. La race sauvage, elle, a fourni aux métis ses formes, sa vigueur, sa robuste constitution, son ossature lé- gère, l'allure vive due à ses épaules finement articulées. La couleur des animaux obtenus par croisement est exac- tement celle de la race sauvage excepté sur le nez, où le noir a disparu remplacé par une teinte rosée, et sur les oreilles où les poils rouges se sont étendus. Ces expériences n'ont influé en rien sur le bétail sauvage du parc de Chillingham, les génisses, qui en étaient l'objet n'ayant jamais repris place dans le troupeau, et leurs pro- duits ne devant plus avoir aucune relation avec les membres de ce troupeau. Rutimeyer, en effet, et la presque totalité des zootechni- ciens ont nettement démontré que la dégénérescence et l'extinction pratique de certains troupeaux de bétail sauvage de la Grande-Bretagne devaient être uniquement attribuées à l'intervention intempestive de l'homme. On trouve encore dans le centre de l'Angleterre, dans le Stafford, le troupeau de la forêt de Chartley près d'Uttoxe- ter, forêt possédant les plus yieux Chênes de la Grande- Bretagne, et son propriétaire, Lord Ferrers, le conserve aussi scrupuleusement que celui de Chillingham. Ce troupeau aurait été isolé au xiii^ siècle , il vit actuellement dans un parc de 459 hectares, qui a conservé sa végétation primitive. Le type de la variété de Chartley différerait beaucoup de celui de Chillingham, révélant, paraît-il, un ancien croise- ment avec la race primitive dont Bakewell fit en l'amélio- rant la race Longhorn, aux longues cornes, qui précéda en Angleteri-e les Shortliorns, les courtes cornes, ou Durhams de CoUing. Dans son histoire de Tutbruy, M. Oswald Mosley affirme que le troupeau de Chartley a une origine beaucoup plus ancienne que celui de Chillingham, et la fait remonter à 1248 ou 1249 en attribuant alors une date plus récente à celui-ci. Ces animaux, mieux traités que ceux de Chillingham, reçoivent du foin pendant l'hiver et peuvent s'abriter sous des hangars. LE BÉTAIL SAUVAGE DE LA CtRANDE- BRETAGNE. ^^9 Le duc crilamiltoii possède près d'Hamilton en Lancasliire dans le parc de Cad zone, dernier reste de la forêt calédo- dienne, qui ombrageait les bords de la Cljde, un troupeau célèbre,, chassé jadis, vers l'an 1320 par Robert Bruce, puis deux siècles plus tard, par le roi d'Ecosse, James, et dont Walter Scott a chanté les ancêtres dans son poème de Cadzone Castle : « Le taureau de la montagne, la plus ter- y rible bête do chasse qui erre dans les forêts de la Calé- » donie, fracassant les arbres sur son passage, s'élance fu- » rieux contre les chasseurs tremblants. Roulant ses yeux » étincelants d'ardeur, il fait voler le sable sous ses cornes » et son noir sabot et dresse fièrement sa crinière nei- » geuse. » La tête du bétail de la forêt de Cadzone est, elle aussi, moins caractéristique que celle du bétail de Chillingham et semble également révéler une trace d'ancien croisement avec un bétail de moins noble origine. Ses cornes sont plus ou moins modifiées, comme chez les autres troupeaux de ces animaux, du reste, au lieu d'avoir conservé les inflexions primitives des ferœnaturœ, des bêtes de la nature, comme dans le troupeau de Chillingham. Les Bœufs de Cadzone sont, en outre, moins sauvages que ceux de Chillingham. Il existe encore en Grande-Bretagne un troupeau de bétail sauvage à Lyme-Park, près de Disley, dans le Cheshire, troupeau appartenant à A[. W.-J. Legh, et un autre à Som- merford-Park, près de Congleton, Cheshire également appar- tenant à M. Charles Shakerley. Ce dernier troupeau, comprenant 200 tètes, est absolument domestiqué à l'heure actuelle. On ignore s'il vit en cet en- droit depuis l'époque oti son parc a été séparé de la forêt, ou s'il n'aurait pas été amené là au xviiie siècle, venant de Mid- dleton, dans le Lancasliire. Le troupeau de Middleton, Lancasliire, éteint en grande partie, aujourd'hui, n'est plus représenté que par des animaux métis ou domestiqués. En 1765, il fut vendu à Lord Suffi eld de Gunton-Park, près Norwich, et s'éteignit complètement en 1853 ; mais en 1793 et en 1810, on avait cédé quelques animaux à un ancêtre de la marquise de Lothian, qui en con- serve les descendants à Blickling-Hall, près d'Aylsham dans le Norfolk, et en 1840, d'autres avaient été vendus à M. Cator de Woodbastwick-Hall, près de Norwich. 1G0 REVUE DES SCIENCES NATURELLES AITLIQUÉES. Les quelques animaux de Somerford, de Blichliiig et de Woodbastwick n'ont plus de cornes et leur taille ainsi que leur fécondité se sont considérablement réduits. Ils consti- tueraient cependant, peut-être, les restes d'un 3° type na- turel, les deux premiers étant ceux de Cliillingliam et de Cliartley. Il y avait autrefois à Blair-Atliol, dans le Perth, un trou- peau qui fut vendu au marquis de Bredalbane â Taymouth, et au duc de Buccleucli à Dalkeitli. Cette seconde partie du troupeau se réduisit bient(3t à un seul survivant, à un tau- reau acheté par M. John Orde, et transporté à Vilmory où on lui fit saillir des vaches Kyloc et du West Ilighland soigneu- sement sélectées. Son propriétaire l'échangea ensuite contre un taureau de Taymouth, de Lord Bredalbane, et ce taureau donna d'excellents produits jusqu'en L'^52, époque où il fut remplacé par un taurillon West Highland qui améliora beau- coup le troupeau. En 1872, M. John Orde vendit 22 de ses • animaux â M. Assheton Smith, de Vaynol-Park, près Bangor, (|ui devint également propriétaire, en 188(3, des 32 bêtes qui lui restaient. Dans une lettre, écrite le P'" juin 1887, M. John Orde disait qu'un peu avant de se séparer de son troupeau, il avait obtenu 2 jeunes taureaux du duc d"Hamilton à Cadzone afin d'en améliorer le sang, mais ces animaux éprouvèrent des accidents qui obligèrent â les abattre. Son désii- d'intro- duire du sang étranger dans son troupeau était provoqué par l'opinion assez courante en Angleterre, que la reproduction en consanguinité et la captivité déterminent une altération de l'ossature et du cornage. Les animaux du parc de Vaynol ne sont jamais abrités l'hiver, mais on leur fait alors parfois une distribution de foin. On trouvait encore au x'^' siècle dans le pays de Galles, une race semblable à celle de Cliillingham, ayant la même robe blanche, les mêmes oreilles rouges. Elle existait encore, mais à l'état domestique au commencement du xix" siècle dans le comté de Pembroke, et le professeur Lowe la si- gnale, dans son ouvrage intitulé : Domcsticated Animais of the Dritannic Islands, Les Animaux domestiqués des Iles britanniques. Il est probable que la race autochtone, la 7"ace blanche des forêts, s'est alliée à toutes les races importées en Angleterre LE BÉTAIL SAUVAliE DE LA GRANDE -BRETAGNE. A6\ dès les premiei's jours de la civilisation. Ses taureaux sau- vages, errant à travers tout le pays, ne pouvaient manquer de se croiser avec les vaches des communes, des villages, constituant la forme primitive des institutions sociales dans toute la partie orientale de la Grande-Bretagne, et celles des tribus vivant sur sa partie occidentale. Les poids cités comme moyenne pour les animaux de Cliil- lingliam abattus pendant la période de 1862 à 1889, sont à peu près identiques à ceux des animaux vendus il y a deux siècles au marché de Smithfield et si le troupeau de Chil- lingliara est un parent commun à toutes les races anglaises actuelles, c'est aussi le meilleur terme de comparaison dont on dispose, pour apprécier les améliorations apportées aux bestiaux par les élèves de Bakewell, le propriétaire de Dish- ley Grange. Il y a quelque temps, le jardin zoologique de Londres a reçu deux animaux de l'espèce bovine sauvage, appartenant à des troupeaux difterents ; un taureau lui a été envoyé par le comte Ferrers de Chartley, une génisse lui a été donnée par M. Assheton Smith de Vaynol Park. Ces deux animaux appartiennent évidemment à deux variétés distinctes de l'espèce. La génisse a les cornes des animaux de Chillingham, le taureau les cornes beaucoup plus droites de la race de Chartley. La génisse est une des rares descendantes d'un ancien troupeau écossais qui, à la veille de l'extinction, fut ressuscité d'abord par le sang des vaches du West Highland, puis par celui du taureau du duc Hamilton de Cadzone, jus- qu'à ce qu'une judicieuse sélection l'ait reconstitué en lui conservant l'ancien type qui est bien celui du troupeau de Chillingham. Les Chartleys ont les quartiers antérieurs plus lourds, et les quartiers postérieurs plus légers que les autres variétés de la race sauvage, et ils rappellent généralement par leurs formes et leur cornage, Tancienne race domestique du Staf- ford, les Longhorns, les longues cornes. Leur pelage est uniformément blanc, avec le nez, les oreilles et les pieds noirs. Les animaux du troupeau de Vaynol, aux jambes courtes, au dos rectiligne, aux cornes aiguës, courtes et redressées, sont bien supérieurs sous le rapport des formes à ceux du W Août 1893. W 1o2 REVUE DES SClEiNCES NATURELLES APPLIQUÉES. troupeau de Cliartley. Leur pelage est également blanc et leur museau noir avec les extrémités des oreilles noires, et plus ou moins de poils de la même couleur sur les jambes. La femelle quoique sortie d'un troupeau d'origine plus ré- cente et plus domestiqué que celui du mâle est cependant plus sauvage que celui-ci à cause des conditions ambiantes, le bétail de Cbartlej- étant abrité l'biver. Elle ne se laisse pas approcher comme le mâle. Le Jardin zoologique de Londres possède en ce moment. un jeune taureau Gam ou Gayal de l'Inde, Bos Gaurus, et cer- tains zootechniciens anglais verraient avec quelque intérêt ■entreprendre des expériences de croisement entre cet ani- mal et la génisse de la race blanche des forêts. Le cornage du Gam diffère peu en effet de celui du bétail de Chillingham, et le Gam ne constituerait peut-être avec la race blanche des forêts qu'une seule et même espèce, ayant simplement subi des modifications de coloration adaptant chacune de ses variétés aux climats sous lesquels elles étaient appelées à vivre. Le Gam, exposé au soleil brûlant de l'Inde, aurait con- servé sa couleur rougeâtre primitive avec les jambes blan- ches ; le bétail britannique aurait pris depuis des siècles une livrée blanche, afin de résister au froid. Le Bos Gaurus et le Bos pj'imigenius, dont les animaux de Chillingham sont les représentants les plus purs, pourraient donc ne consti- tuer qu'une seule et même espèce zoologique. Des expériences de croisement entre taureau Gayal et des vaches de différentes races, ont été du reste entreprises vers 1818, à l'Institut agricole de l'Université de Halle, province de Saxe (Prusse), par M. le docteur J. Kïihn, directeur de cet établissement. Ces expériences semblent réfuter, dans cer- taines limites, l'hypothèse des savants anglais , les métis demi-sang mâles s'étant toujours montrés inféconds. Le docteur Kiihn a obtenu en effet dix-huit produits de demi-sang neuf mâles et neuf femelles, par le croisement d'un taureau Gayal avec des vaches appartenant à différentes races domestiques. Dans la reproduction entre Gayals de pur «ang, la gestation dure 280 jours en moyenne, elle s'éleva à 284 jours 1/2 pour les métis de demi-sang. Les mâles ainsi obtenus semblaient être de bonne heure aptes à la reproduc- tion, mais ils se montrèrent toujours inféconds dans les nom- breuses tentatives qui ont été faites. On a cependant constaté LE BÉTAIL SAUVAGE DE LA ilRANDE- BRETAGNE. IC3 lors de l'autopsie d'un de ces animaux, qu'il possédait des spermatozoïdes doués d'une parfaite vitalité, et s'agitant vivement. Un de ces taureaux métis l'ut l'objet de dix-sept expériences infructueuses de reproduction , soit avec des vaches domestiques de race allemande Iladersleben, soit avec des métisses de sa propre race. Si les taureaux métis se mon- trèrent toujours stériles, les vaches métisses, par contre, furent fécondées par des taureaux de races Durham, Devon, Hollandaise, etc. et fournirent des métisses quart de sang- Gayal trois taureaux et trois génisses qui naquirent après une gestation moyenne de 281 jours 3/4 allant de 254 jours 1/8 à 294 jours 1/G. Les vaches de demi-sang Gayal donnent beaucoup de lait, et un lait fort riche en matière grasse. Un de ces animaux, croisement de taureau Gayal et de vache de race Budjading, donnait du reste plus de lait et un lait plus butyreux que celui de sa propre mère, et même que celui d'une vache de Jersey, sa compagne d'étable. Après avoir mis bas un premier veau, la vache de Jersey donna, pendant 50 semaines, 0 litres 42 en moyenne de lait par jour, alors que la métisse Gayal-Budjading en donna 6 litres 44 pendant 51 semaines, dans les mêmes conditions de primipartui-ition, et que sa propre mère, la vache Budja- ding n'en fournissait que 4 litres 73 par jour pendant 41 se- maines après l'avoir mise bas, et en donna 4 litres 77 par jour pendant 54 semaines après la mise bas suivante, due à la saillie d'un taureau Durham. Nous reproduisons dans le tableau suivant les analyses comparatives du lait de la vache de Jersey et de la vache Gayal-Budjading : VACHE DE JERSEY. VACHE GAYAL-BUDJADING. Matière sèche 15,32 «/o 16,73 "/o Matières grasses.. 5,51 °/o 5,81 °/o Protéine 3,86 °/o 4,67 "/o Sucre de lait 5,17 "/o 5,43 '^/o Ceudres 0,78 "/o 0,82 «/o On voit que pour tous les éléments dosés l'avantage est pour le lait de la vache métisse. Quant à sa mère elle donnait un lait contenant 3,41 7o de matières grasses. Ce produit de 164 KEVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. croisement a donc fourni un rendement en lait supérieur comme quantité de 35,5 °/o à celui de sa mère et composé d'un lait plus riche de 70 % en matière grasse. Un autre produit de croisement , par taureau Gajal et vache suisse de race Simmenthal, donna 5 litres 1 de lait par jour, pendant une période de lactation de 48 semaines, ce lait titrait 6,41 % de matières grasses. 'M. Kiihn ne désespère pas du reste de voir réapparaître la fécondité des mâles par un croisement continu et il a l'intention de continuer ses ex[)ériences jusqu'à ce que ce résultat soit obtenu. Ce ne sont pas là du reste les seules expt^riences de croi- sement auxquelles se soit livré le savant directeur de l'Insti- tut agricole de Halle, il s'est également occupé de la relation existante entre l'Yak, Bos gnuiniens de l'Asie, et le Bœuf domestique, Bos Taurus. Jusqu'à réi)oque de la publication en 1872 de l'ouvrage de Von Nathusius sur le bétail et ses races, la totalité des zootechniciens admettait que l'Yak du Tliibet diffère des autres espèces de bétail, est bien une e>pèce propre. Pour les uns, c'était un Buffle, un Bison pour d'autres, d'autres, enfin, en faisant un Pocphagus, le classaient dans la section des Blborina, à laquelle appartient lu bétail sauvage de Java et des îles de la Sonde. On fut donc fort surpris, quand Von Nathusius émit l'opinion que l'Yak appartenait au genre Bos. Voulant élucider cette ques- tion, M. Kuhn résolut, en 1877, de procéder à des croise- ments de Taureaux Yaks et de Vaches domestiques appar- tenant à différentes races européennes. Il obtenait un premier produit de croisement le 3 décembre 1877, i)uis successive- ment dix-huit autres, fournissant un nombre total de neuf mâles et de dix femelles. La gestation de 259 jours 1/2 en moj-enne i)our les deux sexes, avait une durée moyenne de 255 jours 1/2 pour les produits mâles et de 263 jours 1/3 pour les produits femelles. Cette durée s'écarte donc considéra- blement de celle de la gestation de la Vache domestique quf.nd elle est saillie par un Taureau de son espèce, durée qui varie alors de 243 à 307 jours, mais est le plus souvent de 270 jours; elle se rapproche, par contre, de la durée de la gestation de la femelle de l'Yak saillie par un Taureau de son espèce, qui est de 249 à 250 quand le produit est une Génisse, et de 271 jours pour les produits mâles. La partu- rition s'opérait toujours facilement. LE BÉTAIL SALVAItE DE LA GRANDE-BRETAGNE. 165 Le développement de ces métis était rapide, et avant la fin de leur première année, les mâles faisaient déjà montre de désirs génésiqnes, mais les essais au nombre de soixante-huit, qu'on fit sur la reproduction de ces animaux avec des fe- melles métisses ou des Vaches domestiques, furent tous éfia- lement infructueux, et on constatait chez TensemLIe des mâles une dégénérescence graisseuse des testicules. Les femelles métisses, au contraire, se montrèrent fé- condes, soit qu'on les fit saillir par un Taureau Yak, soit que ce fut par un Taureau Durham ou Devon. On obtint ainsi des quarts de sang Yak, dont l'élevage ne fut pas heureux. Deux de ces mâles étaient morts en venant en monde, un autre mâle, vigoureux et bien constitué au moment de sa naissance, mourut quatre semaines plus tard ; 4 femelles moururent dans les neuf jours ayant suivi leur naissance; trois mâles seulement et une femelle de ces quarts de sang vécurent, mais on pouvait constater qu'ils utilisaient moins bien leur nourriture, s'accroissaient plus lentement que les produits de demi-sang. La gestation des femelles nées du premier croisement, durait en moyenne '2^i3 jours 11/12, se rapprochant ainsi de la durée moyenne observée pour les Vaches domestiques. Un des Taureaux quart de sang fut à six reprises diffé- rentes essayé comme reproducteur, mais sans aucun résultat. Les quarts de sang femelles donnèrent avec des Taureaux Durham et Hollandais, trois Veaux, dont deux mâles, nés après une gestation de 277 jours 3/4 à 280 jours. Deux de ces animaux, un mâle et une femelle, moururent dans les quatre mois ayant suivi leur naissance; l'autre mâle se dé- veloppa parfaitement, et put être essayé comme reproducteur à l'âge de dix-huit mois. On a également fait saillir des femelles demi-sang par des Taureaux Yaks, et on a o]:)tenu ainsi des trois quarts de sang, trois mâles et une femelle. Les mâles se montrèrent en- core inféconds, quant à la Génisse, couverte par un Taureau Yak, elle donna, le 2G novembre 1887, naissance à un Veau femelle 7/8 de sang. D'autres croisements furent opérés entre Taureau Devon et Yak femelle, et l'un d'eux fournit un Taureau né après une gestation de 279 jours 5/8, qui est encore trop jeune pour avoir pu être essayé comme reproducteur. 166 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Los demi-sang mâles, qui se montrent très calmes et pleins de bonne volonté, ne possèdent cependant pas la force de résistance du Létail domestique, et se fatiguent très "vite l'été. Les demi-sang femelles sont de beaucoup inférieures sous le rai)port de la lactation aux Taches des races spécialisées pour la laiterie, mais elles donnent plus de lait que les vaches des races exclusivement affectées à la boucherie. Leur lait, d'excellente qualité, très savoureux ainsi que son beurre, a la composition suivante : Matière sèche. ." de 14,85 à 16,40% ' Matière azotée de 3,23 a 4,28 °/o Matière grasse de 5,20 à 6,63 °/o ''i-[ ' Sucre de lait de 4,21 à 5,15% ' ; Cendres de 0.65 à 0,75 % Le lait des vaches domestiques contient en moyenne : Matière azote'c 3,40 % Matière grasse 3,30 "/o Sucre de lait 4,80 % Cendres 0,'75 °/o Il est donc plus pauvre en matière azotée, beaucoup plus pauvre en matière grasse, et plus riche en sels. Pour le croisement de l'Yak (1), la non fécondité des mâles de demi-sang a porté sur trop de sujets, pour pouvoir constituer un fait anormal. Quant aux demi-sang Gayal, on peut trouver singulier que des animaux émettant une liqueur séminale féconde, se soient montrés stériles comme reproducteurs, et les expériences auraient besoin d'être reprises. Ce 755 31 i 347 75 .301 9.000 7,647 40 530 . 1 .995 . 295 95 45 120 50 61.253 12 3.819 05 1.250 . 3.437 27 4.687 27 184 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES, BILAN AU A« TIF. Valeurs disponibles Caisse Banque de France. . . . Oblipatious Titre do renie Dutrûue. Colisalions, droits d'en- trée, etc., à recouvrer. Crédit Lyonnais 1890. Valeurs r<^alisablcs, Bibliothèque. Mobilier 2. '04 70 1 3.135 70 j .^i9.336 4bf 2.700 20.150 120 90 I 88.207 '5 Valeur des animaux chez les chepteliers Lover d'avance Compagnie parisienne du gaz (cautionne- ment). ... Divers. Cinquante actions du Jardin d'Acclimata- tion de Paris LeKs Vauvert de Méan. 7.027 95 \ 15.756 35 5.242 55! 32.30G 85 4 . 000 280 ■I 25.000 15.000 'l 40,000 160. .514 60 1891 2.943 17\ 106 50 ] 52.617 4of 2.700 ./ 23 970 . 2.159 00' 8i.490 67 «893. 7.027 95' 15 766 35 1 5.670 15\ ^c ■j^/j /|| 4,000 . 280 1.422 73 \ 106 soi 52.501 4of 2.700 ./ 27.259 G5\ 2.144 o5i 86.134 83 25.C00 •! 15.000 >\ 40.000 157.241 12 7.061 95 15.766 35 6.767 45\ 4.000 280 33.875 7E 25.000 15 000 .) i 40.000 160.010 5S RAPPORT SUR LA SITUATION FINANCIÈRE DE L.\ SOCIÉTÉ. 18o 31 DÉCEMBRE 1892. PASSIF. Divers à payer Jardin d'Acclimatation de Paris Prix fondé par M. Agron de Germigny. Don Bérend Prix fondé par M. Cornély, de Tours . . Prix fondé par M"*" veuve Dutrône Prix fondé par M. Jules Fallou Prix fondé par M°"' Guérineau Prix londé par M. Mathias, Georges.. . . Recettes faites pour l'exercice •1890. G. 221 10 2.C87 2() 300 1.00O 1.000 1(10 > 500 500 U'M. 2.906 83 15.213 13 143.299 43 100.514 00 1891. 13.2.30 S9 11.930 93 300 1 . 000 1.000 100 100 500 500 1892. 1.700 GO 1892. 15.202 47 17. ses 40 300 1.000 1.000 100 100 510 500 1833. 3.574 40 32.388 44 124.852 68 157.241 12 40.203 27 119.805 31 1G0.010 38 186 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES.- DÉPENSES ORDINAIRES. Les frais de la Revue des Sciences naturelles appliquées se sont élevés, on' 1891, à la somme de 33,T30 fr., et, en 1892, à la somme de 21,728 fr. 65. Je vous en expliquerai plus loin les motifs. Les dépenses pour le chapitre Section d'Aviculture et expositions d'Aviculture, dont j'aurai aussi à vous parler tout à l'heure, ont atteint le chiffre de 11,646 francs 55 pour 1891, et le cLilIre de 13,054 francs pour 1892. Les frais de chauffage et d'éclairage ont été de 1,440 fr. 95 en 1891, et de 894 fr. 65 en 1892, en légère diminution. Cotisations et droits perdus s'élèvent à 2,425 fr. en 1891, cl à 1,875 fr. en 1892. Les frais généraux, qui étaient, en 1891, de 2,323 fr. 25, ne sont, en 1892, que de 1,509 fr. 30. Les frais de bureau : 131 fr. 15 eu 1891, 83 fr. 55 en 1892. . . Les frais de correspondance se sont élevés, en 1891, à la somme de 547 fr. 10, et à 755 fr. 30 en 1892. Frais de recouvrement ont été un peu plus élevés eu 1892 qu'en 1891 : 347 fr. 75 au lieu de 217 fr. 30. Impositions. Une légère différence provient de ce que nous avons payé, en 1892, un petit arriéré de 1891 : 1,273 fr. 30; 1,301 fr. 55. Le loger a été de 9,000 fr. Personnel. 8,172 fr. en 1891; 7,647 fr. 40 en 1.S02 : diminution, 500 fr. environ. Tous les ans, comme vous pouvez le voir, Messieurs, nous cherchons à faire des éconmies et, sur ce chapitre seul, qu'il nous soit permis de vous dire que le Personnel qui était, en 1887, de 11.276 fr. 75, après avoir diminué tous les ans, est arrive', en 1892, au chiffre de 7,647 fr. 40, soit 4,000 fr. environ de moins. La sténographie, 800 fr. en 1891, 550 fr. en 1892. \ Redevance au Jardin, sur cotisations encaissées : en 1891, 2,275 fr., eu 1892, 1,995 fr. Cheptels (pertes) : eu 1891, 354 fr. 30, en 1892, 295 fr.; légère diminution. Les dépenses Assurances et Eaux sont, à peu de chose près, les mêmes en 1891 qu'en 1892. ,, DÉPENSES EXTRAORDINAIRES. : En 1891, il a été dépensé, pour travaux de Pisciculture, 3,819 fr. 05 et en 1892, 1 250 fr. pour solde du Manuel de V Acclimate ur. RAPPORT DE LA COMMISSION DE COMPTABILITÉ. 187 BILAN AU 31 DÉCEMBRE 1892. Actif. .- ; Le bilan de la Société, à la fin de l'exercice 1892, pressente un excédent d'actif de 119,805 fr. 31. L'encaisse, l'argent déposé à la Banque de France et au Créclit Lyonnais, s'élève à la somme de 3,673 fr. 78. Une large part de notre actif est représentée par des valeurs mobi- lières de premier ordre (obligations de chemins de fer, obligations fon- cières, etc.), qui figurent au bilan, suivant le prix d'achat, pour lu somme de 52,501 fr. 40. Je n'ai pas besoin de vous dire. Messieurs, qu'en réalite', la valeur eu est plus grande au cours actuel. Les cotisations et droits d'entrée à recouvrer arrivent au chiffre élevo de 27,069 fr. 65. Nous avons dû, après nous elre assures que de fortes créances n'étaient pas absolument bonnes, réduire cette somme pour l'exercice 1893. La bibliothèque est estimée 7,061 fr. 95. ' Le mobilier figure dans notre actif pour la somme de 15,766 fr. 35. Les cheptels confiés à divers membres de notre Socie'té sont, à notre actif, pour 6,767 fr. 45. Le loyer d'avance est porté pour 4,000 fr., et le cautionnement à la Compagnie du Gaz pour 280 fr. Enfin, les cinquante actions du Jardin d'acclimatation figurent pour 25,000 fr. Le legs Vauvert de Méan pour la somme de 15,000 fr. Passif. Notre passif comprend les factures de diverses sortes et les comptes avec le Jardin d'acclimatation, qui n'ont pas pu être réglés avant le 31 décembre 1892, plus 1,000 fr. off'erts à la Société par feu M. Bercnd, pour Ôtre donnés en prix ; plus 2,500 fr. pour divers prix fondés, et enfin les recettes faites pour l'exercice 1893, s'elevant à la somme de 3,574 fr. 40. II. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. L'Ebénite. — Sous le nom d'e'bénile, le Mon'kur des produils cJd- miques douno le piocëdd de fabricalion d'une substance découverte par M. Pauchon, de Lacourlensourt, qui peut remplacer le bois, le fer, la uutla-percba, etc. On prend des bois re'sineux, on les débarrasse de leur c'corce, on les rc'duit en petits morceaux, cl on les lessive aux sulfates, sulfites et bisulfites, suivant les proce'des habituellement employés pour la pro- paration de pâte do bois cliimiquc ou cellulose. On les broie finement sous les meules en usaçe dans la papeterie, et l'on obtient une pûte à papier qui est raffinée, puis addilioimée de colorants et produits cbi- miqucs convenables. On la transforme en feuilles suivant les procédés ordinaires, et Ton empile les feuilles obtenues suivant une c'paisseur convenable. On transporte le bloc ainsi prépare sous la presse bydrau- lique oii il abandonne la plus grande partie de son eau, et l'on sècbe lentement. On obtient ainsi Véhnute, qui peut se mouler suivant les formes les plus variées, se travailler, et donner des produits capables de rem- placer avantageu.semeut les me'taux et d'autres corps. Concours de vitesse pour Pigeons -voyageurs entre Vienne-Berlin et Berlin-Vienne. — La Reme des Sciences naturelles ap- pliçîiées anuoacail dans sa chronique (1) le concours pour Pigeons- voyageurs qui s'organisait entre les deux capitales. La distance à franchir est de 250 kilomètres (ligne aérienne); elle ne réclame pas de la part des Oiseaux une dépense de forces considérable. Les essais d'entraînement où l'on comptait près de 800 Pigeons ont commencé le 20 mai. L'épreuve est fixée au '30 juillet. Si le temps est favorable on pense que les Pigeons mettront prés d'une heure par 100 kilo- mètres. Les premiers, lûche's à quatre heures du matin, arriveraient au but vers midi. . ., , , De S. Oiseaux hybrides à Crystal Palace iLondres). -^ On remarque actuellement h Cri/stal Palace une série d'hybrides vivants. Ce sont les produits obtenus en captivité des espèces suivantes : 1. Bouvreuil ':< Chardonneret. 2. Bouvreuil X Linotte. 3. Chardonneret X Yerdier. 4. Chardonneret >< Linotte. 5. Linotte X Verdier. G. Linotte ;< Bouvreuil. (1] 1893, 1, 143. 7. Sizerin X Chardonneret. 8. Tarin X Sizerin. 9. Pinson d'Ardenncs X Pinson commun. 10. Merle noir X Grive chan- teuse. De s. GimONIQUK GÉNÉUALK ET FAITS DIVERS. 189 Culture du Polygonum Sacchalinense. — Sur la dcmaudc do plusieurs de nos confrères, nous nous empressons de cotnplclcr, par quelques détails de culture, les renseignements que nous avons donnés dans le pre'cedcnt numéro. Tous les sols et tous les climats conviennent à notre Tolygonéc mJ f ^4 - La Persicaire de Sakhaliu (d'après une photographie] [Polygonum sacchalincnse.] sibérienne. Une foismîso cû place, on n'y touche plus ; elle se déve- loppe elle-même, sous lerre et hors terre. Depuis plus de vingt ans que notre Etablissement la possède, elle constitue un sui)crbe massif qui n'a jamais reçu ni culture ni engrais d'hiver ou d'été. 190 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Elle a supporté bravement les 30'^ de froid de 1879 et les 40° de cha- leur de 1881 et de 1892, sans fléchir- Plantation. — Labourer le sol à la charrue ou à la bêche, si la terre est compacte ou en friche ; mais sur une emblave de plantes binées ou sarclées : betteraves, pommes de terre, maïs, pois, haricots, colza, etc., ou enfouies en vert, il suffira de planter à la pioche sans de'foncement préalable. La distance de un mètre convient entre les plants ; elle pourrait être augmentée dans un sol riche et fertile. La jeune plante, e'ievée en pe'pinière, est racinée et feuillue ou bourgeonnée; la plantation se fait comme s'il s'agissait d'un plant de chou. Un temps doux et couvert est pre'fe'rable pour cette opération. La bonne e'poque est août et septembre, ou mars et avril. Soins. — La première année, supprimer les mauvaises herbes ; dans la suite, elles seront étoufTées parl'exube'rante ve'gétation de la Persi- caire. Aucun soin ne sera donc alors nécessaire, sauf à arrêter, par un coup de pioche, le drageonnage qui de'passerait les limites assi- gne'es à l'emblave. Nous n'avons jamais eu recours à la moindre fumure ; cependant un engrais liquide ou pulvérisé, avant la sève, devrait produire son effet. Récolte. — Lorsque, au printemps, les tiges atteignent de 1 mètre à l'",50, on les coupe au ras du sol et on les porte au bétail. Si la seconde pousse croît vigoureusement, on fait une nouvelle coupe dans le même but. La dernière récolte n'est fauchée qu'à l'automne, à l'approche des gele'es . Les anne'es suivantes, on peut faire trois et même quatre coupes. Il est bien entendu que si la plante n'est pas assez forte la première année, ce qui peut arriver avec une plantation faite au printemps, il vaut mieux laisser le jeune pied se fortifier dans le sol et ajourner le rccepagc. Rendement. — Les rameaux et les feuilles garnissent promptement un espace de un mètre carre'; d'après les calculs de l'honorable agro- nome de l'vVllier, « le poids total du produit vert peut s'e'lever de 200,000 à 400,000 kilos de fourrages à Ihectare. » Un pareil résultat devrait être obtenu avec un lorrain qui conserve sa sève à l'arrièrc- saison. Soumis à la pratique de l'euMilago, comme le maïs, on suppose que ce fourrage constituerait en hiver une pre'cieuse re'scrve de nourriture succulente, très appréciée des animaux de travail ou d'e'levage. Ch. Baltet. • III. BIBLIOGRAPHIE. Les Kolas africains. — Monographie botanique, chimiiiuc, thé- rapeutique et pharmacologique [emploi stratégique et alimentaire ; commerce), par le D"" Edouard Heckel, professeur à la Faculté des Sciences et à l'Ecole de médecine de Marseille, etc. Grand in-8° de 400 pages, avec figures intercalées dans le texte, planches noires et une chromo-lilhographie. Paris, Socie'te' d'c'tudes scientitiques, 4, rue Antoine-Dubois. Paris, 7 fr. 50. , . , . Bien que d'un usage très re'pandu parmi les populations indigènes de l'Afrique équatoriale, les proprie'te's du Kola étaient peu connues de l'Europe savante avant la publication des recherches si précises du D'- Heckel, en 1883. Depuis cette époque peu éloignée et grâce aux efïorts soutenus et à la perse'vérance infatigable de notre confrère, ce produit est entré rapidement, et avec le plus grand succès, dans notre thérapeutique ; on peut affirmer que c'est aujourd'hui une des matières les plus appré- ciées et les plus efficaces dans l'art de guérir. De plus, l'alimentation publique a trouvé dans le Kola un aliment d'épargne de premier ordre. Aussi, a-t-il donné lieu à de nombreux ouvrages, mais aucun ne pre'- sente un ensemble aussi documenté que celui sur lequel nous appe- lons l'attention de nos lecteurs. M. le D'' Heckel divise son travail en cinq parties : ; I. — Botanique, matière médicale, sophistication, production, ré- colte, commerce, usages, symbole ; II. — Etude chimique de la noix de Kola et de la graine de Clarcinia Kola ; III. — Elude physiologique de la noix de Kola ; . IV. — Emploi thérapeutique, bromatologique et stratégique de la noix de Kola ; V. — Elude pharmacologique, posologie, re'tlexions finales. Cette monographie, très complète, consciencieusement et profondé- ment e'iudiée, réunit l'attrait des choses historiques aux données posi- tives de la science. Que de soins, que de peines l'auteur ne s'esl-il pas donnés pour réunir et grouper d'une façon claire et précise les nombreux documents qu'il a dii consulter et qui font de son ouvrage un véritable monument élevé à la botanique scientifique et appliquée. Non content de lutter par la plume pour mettre en relief la haute valeur de sa chère plante, M. le D^ Heckel a encore joint la pratique à la théorie. En effet, c'est à ses efforts perse'vérants et multipliés, que nous devons aujourd'hui l'introduction et la propagation du Kola dans 192 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. nos colonies. En raison de ses nombreux envois de graines et de plantes vivantes dans nos possessions lointaines, on peut dire que notre confrère en est le véritable acclimalcur. Depuis longtemps, du reste, M. le D'' Heckel travaille avec ardeur à faire connaître les richesses de nos colonies et il a publié, soit seul, soit en collaboration avec le professeur Schlagdenhauscn, de nom- breux me'moires sur les produits ve'gétaux utiles de nos possessions tropicales. Cette mise en valeur de nos colonies au moyen de la science et sans eifusion du sang, n'est-elle pas la conquête véritablement utile et pacifique à laquelle nous devons tendre avec le concours de tous ceux qui ont un re'el souci de notre avenir colonial ? J. G. L'art de greffer. — Arbres et arbustes fruitiers, arbres forestiers ou d'ornement, reconstitution du vignoble. 5" e'ditiou, entièrement revue, par Cfi. Baltet, horticulteur à Troycs. Paris, G. Masson, éditeur. Quatre c'ditions successives n'ont pas c'pùise' le succès de l'œuvre de notre confrère M. Ch. Baltet, de Troyes, la cinquième vient de pa- raître. N'est-ce pas le plus bel éloge qu'on puisse faire de cet ouvrage et ne se recommaudc-t-il pas de lui-même? Il y a peu d'années, nous avons déjà rendu compte et exposé le plan de cet utile ouvrage, nous nous bornerons donc aujourd'hui à signaler quelques additions heureuses, relatives au greffage de divers végc'taux rares et utiles de nos colonies (Cannellier, Eucalyptus, etc.), ainsi qu'à la greffe herbacée et sous verre. Dix-sept nouvelles figures sont venues enrichir le texte. N'oublions pas que la greffe est un puissant facteur de l'acclimata- lion et que, dans cet ordre d'idées, l'art de greffer rendra de réels ser- vices, non seulement à l'amateur, mais à l'horticulteur de profession lui-même. ' ' ' Nous sommes heureux d'applaudir au succès de cet excellent livre qui est le complément indispensable de toute bibliothèque horticole. . . J. G. Le Gérant: Jules Grisard. I. TRAVAUX ADRESSES A LA SOCIETE. DES CHIENS D'AFRIQUE Par m. de SCHIECK. Les Chiens du Maroc. — Le Nimrod rapporte (lue l'on rencontre au Maroc une race de Chien dont les Marocains sont très fiers et sur laquelle ils veillent avec le plus grand soin. Il existe même une loi qui empêche son exportation dans d'autres pays. La défense est si sévère qu'un Mârocai'i se rendant par nier d'un port de son pays à l'autre n'a pas le droit d'embarquer son Chien. Dernièrement, un Anglais, qui partait pour un port voisin, fut obligé de laisser chez lui son Chien pour éviter les frais et les complications d'un voyage par terre. A son retour, il ne trouva plus son favori qui avait péri soit d'ennui en l'absence de son maître, soit par suite de mauvais soins. Le consul général d'Angleterre prit en main l'affaire et démontra au Sultan l'absurdité de la loi qui prohibe toute exportation des Chiens du Maroc. On semble disposé à la modifier, de sorte que l'on espère bientôt voir apparaître en Europe cette race du Nord de l'Afrique tout à fait inconnue dans nos contrées. Nous n'avons malheureusement aucun renseignement sur elle : sont-ce des Lévriers, des Loulous ou des Chiens de-, berger ? Il s'agit très probablement d'une bonne race de Sloughis, semblable à celle que l'on rencontre chez les Arabes en Algérie, peut-être aussi du Chien de berger à longs poils se rapprochant du Chien des Douars que nous a représenté M. Mégnin, ou bien encore d'une sorte de Spitz dont Kobelt observa dans son voyage en Algérie plusieurs exemplaires typiques. Nous ne devons d'ailleurs pas nous attendre à faire de ce côté une grande découverte, à moins qu'il ne s Dit question (*] Traduction du mémoire de M. Max Siber de Sihlwald : Von dci Eunlcn Afi-ikas, paru dans le Zentra'.blatt fier Jag /, Hunde-Liebhaber xmd Fischcrci (St-Gall), 1892-1893. a Septembre 1893. /|3 il 94 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. d'une race de Chien des montagnes originaire des vallées de l'Atlas et se rappi'ocliant des races propres aux régions montao-nenses plus froides. L'Afrique et tous les pays chauds olfrant'de grandes étendues occupées par des steppes ou des déserts, et, en général, tous les pays maliométans ne nous présentent, à l'exception des Lévriers, aucune race qui, sous le rapport de la beauté, de l'intelligence oa de l'utilité, puisse rivaliser avec celles originaires des climats tempérés. Chiens de la côte occidentale d'Afrique. — Dans le royaume d'Assinie, près de la Côte d'Or, Reichenbach men- tionna, dans le Bulletin de la Société de Géographie, une petite race intéressante et jusqu'ici inconnue en Europe. Elle se rapproche le plus du Foxterrier anglais, mais sa structure est plus fine, ses oreilles absolument droites. Reichenbach dressa pour la chasse plusieurs de ces animaux qui sont identiques à ceux du Gabon; il en fut très satisfait. Ni la rosée, ni la chaleur ne les empêchaient de suivre pendant des heures les traces des Antilopes, des Gazelles ou des Porc-épics ; ils possèdent en outre un courage sans égal. Comme nous l'avons fait remarquer, ils sont semblables à ceux des Pahovins du Gabon ; dans ce pays on les dresse aussi pour la chasse ; ils atteignent le Porc-épic et le Léopard, mais ne réussissent pas toujours avec ce dernier. Il serait intéressant pour les clubs de Foxterriers européens ■ de se procurer en vue du dressage des individus de ces Fox- terriers d'Afrique et de les comparer avec ceux d'Angleterre sur lesquels ils auraient peut-être quelque avantage. En croisant les deux on obtiendrait probablement un produit qui unirait aux bonnes qualités du « Fuchspinscher « les dis- positions pour la chasse du Terrier africain ; cela en permet- trait l'introduction dans les pays chauds où le Terrier anglais ne vit que peu de temps. Les Chiens des Bazes et des Bar cas. — Un voyageur suisse, M. Werner Munzinger, qui séjourna longtemps dans les régions situées entre la Mer Rouge et le Nil, signala il y a déjà plusieurs années une troisième race. Il fit, en traversant le pays des Kunama (15-10^ de latitude Nord et 37-38° de longitude Est^ (1) dans la région des Bareas et des Bazes, les 11] Méridien de Greenwich. DES CHIENS D'AFRIQUE. ■ . , 193 observations suivantes : ces peuplades n'ont pas do Chevaux, mais ils possèdent des Chats domestiques et des Chiens dont ils se servent pour la chasse ; ces animaux sont pour la plupart grands, maigres et élancés (Lévriers) comme ceux que l'on voit dans tout le Barka et le Gash. Nous trouvâmes par contre à Betkom fpar IG'^ 40' de latitude Nord et 37° 40' de longitude Est), une race très particulière, solidement bâtie, mais si petite que nous croyions avoir sous nos yeux des chiots. Ces Chiens sont très courageux pour la garde et très agressifs vis-à-vis des étrangers. Nous essayâmes en vain de nous en procurer, mais il semble que les Bazes ne s'en séparent pas volontiers. Il existe chez eux une loi qui prescrit à celui qui a tué un Chien de chasse de donner au maître une Chèvre comme indemnité. Joseph Menges, le commerçant en animaux bien connu, qui parcourut récemment avec une caravane de Somalis plu- sieurs villes suisses, mentionne dans son ouvrage, publié en 1883, les animaux domestiques de la tribu païenne des Bazes, qui est entourée d'une i)art par les tribus mahomé- tanes du Soudan oriental, et de l'autre, par les Abyssins chrétiens du Tigré. L'Ane qui soufi're le moins des piqûres de la Mouche Tsétsé est, parait -il, leur bète de somme préférée ; ils élèvent des Chèvres, des Moutons et des Chiens ; ces derniers leur servent de nourriture. La chasse des Bazes consiste à tendre des pièges ou à creuser des fossés pour capturer l'Eléphant ; quelquefois ils chassent à courre le Bulile ou l'Antilope avec leurs meutes de Mâtins, couleur Renard, sortes de Lévriers (M. Menges ne mentionne pas la petite race dont nous avons parlé plus haut). Les Chiens "^des Schillulis. — Le savant botaniste D'" Schweinfurth, qui explora le bassin supérieur du Nil, observa et décrivit d'une manière détaillée les Chiens qu'il rencontra dans ses voyages, quand la plupart des autres explorateurs ne font que les mentionner. Les meilleures des- criptions d'animaux domestiques se trouvent dans son ou- vrage : Au cœur de V Afrique (Brockhaus, 18741. La région conquise par les Schilluks, au-dessus de Khartoum, sur la rive gauche du'^Nil-Blanc oii se jette le fleuve des Gazelles, est une des parties les plus peuplées du continent (située par 12°-8'' de latitude Nord et par 30-33" de longitude Est). 196 REVUE DES SCIENCSS NATURELLES APPLIQUÉES. A l'époque des expéditions de Scliweinfurth, le pays des Scliilhiks appartenait à l'Egypte à laquelle il était entière- ment soumis. Ces gens élèvent des Bœufs, des Moutons et des Chè- vres de la même race que ceux des Dinkas et en outre des Poules et des Chiens. Tous les autres animaux domestiques leur sont étrangers ; ils ne supporteraient d'ailleurs pas le climat. Dans tout ce pays, les Chiens sont nombreux ; ils ressem- blent à des Lévriers un peu massifs, mais atteignent rare- ment la taille de nos Chiens d'arrêt. Leur pelage est ordinai- rement de la couleur du Renard ; leur museau noir est tou- jours très allongé. Leur poil est court et lisse ; leur queue développée rappelle celle du Rat ; les oreilles longues, plutôt molles dans leur partie supérieure, sont repliées de moitié sur elles-mêmes. Ils sautent et courent avec une légèreté sans pareille et atteignent facilement les Gazelles ; aussi s'en sert-on partout pour cette chasse. Semblables à des Chats, ils gravissent des talus et des collines de Termites hautes de dix pieds et franchissent d'un élan une distance mesurant trois ou quatre fois leur propre taille. J'en ai possédé plu- sieurs qui prospérèrent parfaitement et même se multipliè- rent beaucoup. Comme chez ceux du bassin du Nil, depuis le Pariah d'Egypte jusqu'au Mâtin du Soudan, les pattes postérieures n'ont pas les ergots qui s'observent chez nos Chiens d'Europe. D'une manière générale, celui des Schil- luks diffère peu des races des Bédouins du Kordofan et du Sennaar. Les Chiens des Dinkas. — Le Chien de la peuplade de bergers des Dinkas (Q-T» de latitude Nord et 27-29° de lon- gitude Est), où l'on élève de grands troupeaux de Bœufs, se rapproche par sa structure du Mâtin si commun dans les villages de Nubie et qui représente le passage entre le Lévrier des steppes nubiennes et le Pariah des rues du Caire. La plupart sont bruns cuir, rarement noirs. Les Dingas prati- quent la castration non seulement sur leurs Bœufs, leurs Chèvres et leurs Moutons, mais encore sur leurs Chiens, per- suadés que ceux-ci deviennent plus lestes, plus résistants et plus aptes à la chasse ; c'est encore pour cette raison qu'on leur coupe les oreilles et la queue. Ils nous déclarèrent qu'ils DES CHIENS D'AFRIQUE. 4 97 préféreraient se laisser mourir de faim plutôt que de manger ces animaux. Les Chiens des Bongos. — Dans le cours de son yoyage plus au Sud, vers la région du fleuA^e des Gazelles, Schweinfurtli rencontra chez les Bongos (6-8° de latitude Nord et 27-29° de longitude Est) une autre race. Celle des Bongos, quant à la taille, tient le milieu entre la petite race du îsiam-Niam et celle des Dinkas qui se rapproche surtout du Pariah ordi- naire d'Egypte. La yéritable race des Bongos est rarement pure aujourd'hui à cause des croisements fréquents ; elle se reconnaît à son pelage d'un brun roux, à ses oreilles droites et à sa queue fournie comme celle du Renard. Une particula- rité qui m'a frappée chez le Chien des Bongos, c'est la faculté qu'il possède de hérisser beaucoup les poils du dos ; chaque fois qu'on l'irrite, ce phénomène qui s'observe souvent chez nos Chats, se produit. Sa queue très épaisse, le distin- gue de prime abord du Dinka qui possède une queue garnie de poils ras, et du Niam-Niam, dont la queue en spirale ressemble à celle du Cochon de lait. Si les Bongos sont peu difficiles dans le choix de leur nourriture, ils dédaignent cependant et ne mangeraient sous aucun prétexte la chair du Chien dont leurs voisins du Midi et du Sud-Est sont si friands. Ils éprouvent pour elle la même répugnance que pour la chair liumaine. Une superstition étrange [se rattache à la mort des Chiens. Lorsque je voulus enterrer un des miens, les Bongos me supplièrent de n'en rien faire pour éviter que leurs semailles ne fussent privées de pluie, conséquence inévitable. Pour ce motif, les Bongos se débarrassent de leurs Chiens crevés en les laissant pourrir sur le champ. • • Les Chiens des Niam-Niams . — Chez les Niam-Niams, (4-'7» de latitude Nord et 25-29" de longitude Est) le Chien et les Poules sont les seuls animaux domestiques. Le Chien est d'une petite race analogue au Spitz ; mais son poil est lisse et ras, ses oreilles grandes et droites, sa queue courte, raide et enroulée comme chez le Cochon de lait. Sa couleur est toujours jaune pâle avec un collier blanc sur le cou. Le museau très pointu se détache brusquement de la tête voûtée. Les jambes assez élevées et droites prouvent que cette race est parfaitement distincte du Basset figuré sur 198 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. les anciens temples égyptiens dont l'origine africaine n'a pas encore été établie. Ce Chien de l'antique Egypte a été généralement regardé comme l'ancien Basset ; quelques auteurs prétendent même qu'il s'appelait « Tehal « et serait par conséquent l'ancêtre du Basset « Teckel « de l'Allemagne du Nord. Nous avons là un Basset très élancé de corps, à pattes courtes et à oreilles droites. On trouve des individus semblables, sans que nous puissions affirmer qu'ils appartiennent à une race distincte, dans tous les pays tropicaux où les Pariahs se croisent avec les races d'Europe et de l'Asie orientale. Scliweinfurtli nous donne du Chien des Niam-Niams une image copiée certainement d'après un exemplaire empaillé. L'animal est représenté assis ; or, ce dessin est relativement trop grand pour qu'on puisse se faire une idée exacte du Chien tel qu'il a dû être vivant ; cependant nous devons en conclure que l'ancien pseudo-Basset était tout différent. Le Niam- Niam, comme toutes les races des régions du -Nil, n'a pas d'ergots aux pattes postérieures. Ceux des Loups ne se ren- contrent ni chez les Pariahs purs des tropiques des Indes, ni chez la race primitive du genre Spitz qui a été décrite sous le nom de Chien de Battak et qui est répandue dans l'Ar- chipel Indien et l'Gcéan Pacifique. Mais on voit les éperons chez la race montagnarde de l'Inde, chez le Dogue du Tibet et chez quelques races chinoises. Les Niam-Niams attachent au cou de leurs Chiens des clochettes de bois pour empêcher qu'ils ne s'égarent dans les hautes herbeS' des steppes. Ces animaux sont, comme leurs maîtres, très portés à prendre de l'embonpoint. D'ailleurs on favorise en eux cette disposition, leur chair constituant un mets très recherché. Les Chèvres et les Vaches sont à peu près inconnues aux Niam-Niams, qui de temps à autre s'en procurent dans leurs incursions chez leurs voisins de l'Est, les Babukurs, les Mittus et autres peuplades. ■-'Avant de quitter le Niam-Niam, je cherchai à me procu- rer un exemplaire de cette race si remarquable pour l'en- mener en Europe et le présenter comme curiosité aux éle- veurs. J'achetai contre deux anneaux de cuivre une Chienne qui paraissait intelligente et qui, en effet, s'attacha très vite à moi. Malheureusement, je ne pus accomphr mon projet; ma DES CHIENS L'AFRIQUE. 499 petite Chienne arriva à bon port jusqu'à Alexandrie, mais là elle se précipita du second étage dans la rue et se tua sur le coup. J'avais essuyé bien des ennuis en vain, et l'on com- prendra mieux mon désespoir si l'on sait que je l'ai trans- portée à dos de Chameau à travers le désert; plus d'une fois, on a dû la repêcher des eaux du Xil. Les Chiens des Monljultus. — La tribu anthropophage des Monbuttus (2-4° de latitude Nord et 21-29° de longitude Est) n'élève aucun bétail ; les seuls animaux domestiques qu'elle possède sont les Poules et les petits Chiens de race Nlam-Niam. Ceux-ci se rencontrent en très grand nom- bre chez les Niam-Niams et chez les Monbuttus qui ont leur chair en haute estime et les élèvent même en vue de la consommation. Quand le roi des Monbuttus, Munsa vit les exemplaires si dilTérents de la race indigène rapportés par le docteur Schweinfurth, il n'eut de repos que lorsqu'il fut entré en pos- session de l'un d'eux. « Il m'envoya des messagers pour me )) demander les deux Chiens que j'avais recueillis. C'étaient » des Mâtins ordinaires de Bongo, de petite taille, mais très » différents de la race minuscule de Niam-Niam et de Mon- » buttu. Il éveillèrent la convoitise du roi qui n'avait jamais » vu de Chiens de cette taille et les réclamait non pas pour » les manger, mais pour les garder auprès de lui. » La même chose m'arriva à Sumatra avec des chefs Battak. li'un d'eux, Toean Bandar, m'adressa des messagers pour m'acheter ma Chienne Saint-Bernard qu'il trouvait assez grande et vigou- reuse pour chasser le Tigre; ce n'était pas non plus pour la manger comme les Chiens indigènes, mais comme Chien de luxe qu'il la désirait. Un autre chef redouté de la tribu an- thropophage des Rajas, Toean Raja, me demanda deux Chiens à oreilles pendantes [asii sang i>ing), qui lui plaisaient tout particulièrement par le contraste qu'ils présentaient avec les siens, des Loulou.^ch. Canada : Plaiac ou Pleine. Canada et Etals-Unis : Sicamp Mapl'\ Red Maple, Red flowering Maple, Soft JUajjle, Water Maplc. Grand et bel arbre forestier atteignant une hantenr de 20-25 mètres et plus, sur un diamètre de 0'",90 à 1"\50 ; tronc recouvert d'une écorce lisse rougeâtre, marquée de grandes taches d'abord blancliâti^es puis brunes, dispai^ais- sant avec l'âge dans les crevasses. Feuilles cordées à la base, à 5 lobes triangulaires pointus, incisés-dentés, à sinus aigusi d'un vert souvent nuancé de rouge, un peu glauques en des- sous. Originaire de l'Amérique du Nord, cette espèce croît sur- tout dans les terrains fertiles, humides et profonds du Ca- nada et du nord des Etats-Unis. Elle doit son nom spéci- fique à ses lieurs d'un beau rouge foncé auxquelles succèdent des samares de même couleur. Son bois, de couleur brun clair, plus rarement blanchâtre souvent lavé de rouge, est peu résistant, sujet à la pourri- ture et à la vermoulure ; on s'en sert quelquefois comme char- pentes provisoires, mais il n'offre aucune des qualités exigées pour les grandes constructions. D'une dureté et d'une den- sité moyennes, d'un gi^ain fin et serré, il se travaille facile- ment et le poli lui donne une apparence soyeuse et lustrée ce qui le fait employer fréquemment pour la fabrication des meubles, des objets tournés, des montures d'armes à feu, etc. Les Canadiens en font des chaises, des vis de pressoirs, des selles, des jougs, ainsi que divers objets d'économie domes- tique ou agricole. Comme bois de chauffage, il est inférieur cà celui de l'Érable à sucre et ne brûle bien que coupé longtemps à l'avance. Sa densité est de 0.618. Une variété de cette essence donne le Bois d'EraUe mou- cheté, onde ou piqué du commerce. Cette disposition particu- lière n'est pas caractéristique de l'espèce : c'est une simple 224 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. variation clans la texture des fibres. L'effet que produisent ces ondulations ou ces mouchetures parfaitement dessinées sur un fond blanc a fait, depuis longtemps, rechercher par les ébénistes les pièces qui offrent ces singulières dispositions pour le placage et les incrustations. Avant que l'Acajou fût devenu à la mode en Amérique, les plus beaux meubles se faisaient avec l'Erable rouge. VAcer riibrmn est souvent exploité pour le sucre que contient sa sève, mais celle-ci est bien moins riche en ma- tière saccharine que le véritable Erable à sucre et donne un produit de qualité inférieure. L'écorce, jadis utilisée en teinture, est encore parfois em- ployée par les habitants des campagnes pour faire de l'encre. ACER SACGHARINUM Wangenh. Erable à sucre. Acer saccharum Marsh. — iarbatum Mighx. Allemand : Zuckerahorn. Canada et Etats-Unis : Erable dm; Hard Maj)le, Swijar Maple, S;igar tree, Bock M.aplc. Un des plus beaux et des plus grands arbres du genre, s'élevant jusqu'à 25 et même quelquefois 30 mètres de hau- teur, sur un diamètre atteignant de 2 à 3 mètres. Feuilles longuement pétiolées, cordées, découpées en 5 lobes entiers et aigus, lisses, d'un vert clair en dessus, glauques ou blan- châtres en dessous. A l'automne, ces feuilles prennent un beau ton rouge pourpre qui produit un effet pittoresque et fait de cet arbre un des plus riches ornements des paysages boisés. Par son port, il ressemble beaucoup à l'Erable plane, et, cultivé isolé- ment, il se charge d'un feuillage si luxuriant, dit l'abbé Pro- vancher. que les rayons du soleil peuvent à peine le traverser, aussi est-ce une des plantes ligneuses les plus estimées pour la décoration. Originaire de l'Amérique du Nord, on le rencontre au Canada, dans le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Ecosse, les Etats de la Nouvelle- Angleterre, etc. Il croit également dans toute la chaîne des Alleghanys et sur les bords escarpés des rivières qui prennent leur source dans ces montagnes. Il se plait dans les localités froides et humides, mais non mare- LES BOIS INDUSTRIELS INDIGENES ET EXOTIQUES. 225 cageuses, dont le sol est fertile et montagneux, léger, pier- reux et non sablonneux ; dans ces conditions, il pousse "vite et facilement. Son bois, de couleur brun clair ou gris-blanc, est lourd, dur, fort, élastique, à grain fin et très serré ; il off"re un as- pect soyeux et lustré que ne possède pas notre Erable syco- more. Lorsqu'il est nouvellement travaillé et poli il présente à l'œil une surface d'un blanc argenté et cbatoyant du plus bel effet ; en vieillissant, il prend un ton rose ou jaunâtre mais reste toujours brillant. Précieux pour tous les usages domestiques, en Amérique, on le préfère au Cliène pour le par- quetage des appartements, il est aussi dur, plus facile à tra- vailler et moins cher. Il est employé comme bois de charpente et remplace le Chêne, non seulement dans les constructions civiles, mais aussi dans les constructions navales pour former la quille et les parties des navires qui, étant toujours submer- gées, ne sont pas sujettes aux alternatives de sécheresse et d'humidité qui font promptement pourrir le bois et le rendent peu propres aux travaux extérieurs. Quand il est parfaite- ment sec, les charrons s'en servent pour faire des essieux de voitures et des jantes de roues ; enfin, on l'emploie à la confection d'instruments aratoires, haches, pelles, pioches, râteaux, etc. Ce bois est quelquefois assez difficile à travailler à cause de ses fibres tordues et quand on le fend, il suit les lignes sinueuses des fibres ligneuses, en sorte que les sections pré- sentent des surfaces ondulées. On le désigne alors sous le nom d' « Erable gris ondulé » [Curled Maple) et il est re- cherché des ébénistes pour meubles de luxe. Une autre variété de bois dite « Erable à œil d'oiseau » {Bird eijes Maple) est aussi très appréciée ; elle est formée par les vieux arbres et tire son nom de petites taches circulaires dont le bois est parsemé et qui n'ont guère plus d'un millimètre de diamètre. Ces œils sont quelquefois contigus les uns aux autres et quelquefois distants de quelques centimètres, mais le bois est d'autant plus estimé qu'ils sont plus rapprochés. Il est alors employé comme bois plein pour quelques menus travaux de fantaisie ou débité en feuilles très minces pour la marqueterie ou pour plaquer sur d'autres bois et confec- tionner des ouvrages de prix. Cette particularité qui fait la richesse incomparable de l'Erable à œil d'oiseau et qui se 5 Septembre 1893. 45 226 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. rencontre parfois dans le pin et le noyer, est un caprice de la nature qui reste encore inexpliqué. L'Erable à sucre fournit en outre un excellent bois de chauffage ; il brûle en produisant beaucoup de chaleur, et ses cendres, riches en principes alcalins, donnent beaucoup de potasse. Son charbon est estimé aux Etats-Unis pour les forges. Outre la valeur intrinsèque de son bois, VAcer sacchari- nicm est surtout précieux par la grande proportion de sucre que l'on retire de sa sève ; à ce point de vue, il offre une réelle importance pour certaines contrées de l'Amérique du Nord où il abonde. L'Erable à sucre est un arbre dont nous recommandons la propagation dans l'Europe septentrionale ; il conviendra de le planter dans toutes les contrées où le Sycomore et le Plane croissent naturellement. L'Erable noir (Acer nigruni Mieux., A. saccharinum MiCHX.) n'est sans doute qu'une variété de l'Erable à sucre. Son bois est un peu plus lourd que celui de l'espèce, plus grossier, et parait moins lustré lorsqu'il est travaillé. ACER SPIGATUM Lamk. Erable de montagne. Acer Pensylvanicum Du Roi. — montanum Ait. — parvijloi'um Ehrh. Anglais : SpUie-flowered Maple. Etals-Unis : Motmiain Maple. Petit arbre à écorce rougeâtre, d'une hauteur de 8-10 mè- tres sur un diamètre de 15-30 centimètres,, souvent réduit à l'état de buisson. Il prend son plus grand développement sur les pentes des Alleghany et les montagnes du nord de la Ca- roline et du Tennessee. Feuilles ovales un peu cordiformes à la base, acuminées, à 3-5 lobes pointus, crénelés-dentés, le terminal plus grand, lisses supérieurement, pubescentes en dessous. Son bois, hrun-clair teinté de rouge, l'aubier plus pâle, est tendre, léger, compact, d'un grain fin et serré. Ses rayons médullaires sont peu visibles. Cette essence offre à peu près les mêmes qualités qu'une partie des autres Erables améri- cains et peut être employée pour tous les travaux n'exigeant pas une très longue durée et une grande résistance. Sa den- sité est de 0,533. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 227 ACER TATARICUM L- Erable de Tartarie. Âcer cordifoUum Mœngh. Petit arbre de 6-8 mètres de hauteur, à écorce lisse, grisâtre ou brunâtre portant de nombreux rameaux glabres, très lisses, d'un brun roussâtre. Feuilles longuement pé- tiolées, presqu'ovales, cordées à la base, entières ou irré- gulièrement divisées en trois lobes peu marqués et très ouverts, un peu chiffonnées, inégalement et finement dentées en scie, d'un vert gai sur les deux faces. Répandu dans la partie occidentale de la Russie asiatique, on le rencontre encore dans la Mandchourie et dans l'Ile Nippon. Sa croissance est assez rapide dans les sols légers, calcaires et un peu humides. Son bois possède un grain fin et homogène. Sa dureté est assez grande lorsqu'il est bien sec et il pourrait sans doute servir aux mêmes usages que celui de la plupart de ses congénères. Il fournit aussi un excellent combustible et un charbon de bonne qualité. Ses fruits ont été préconisés comme antifébriles et ses se- mences sont mangées par les Kalmouks. NEGUNDO AGEROIDES Mcench. Négondo. Acer fj'axinifoUiim Nutt. — Negundo L. Negundium fraxineum Rapinesq. Negundo Califovnicum Scheel. , — fraxinifolium Nutt. Anglais, Canada et Etats-Unis : Box Elder, Ash-leaved Maple. Français : Erable à feuilles de frêne. Mexique : Erablo, Azezincle. Arbre de grande taille, atteignant une hauteur moyenne de 20 mètres, sur un diamètre de 60-90 centimètres et plus, dont le tronc recouvert d'une écorce brune se termine par une cime large et très ramifiée. Feuilles opposées, à pétioles cylindriques, composées de 3-5 folioles ovales acuminées, fortement et inégalement dentées, entières à la base, d'un vert gai sur les deux faces. Originaire de la Virginie, cette espèce se rencontre dans 228 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. tous les États, au Canada, au Mexique, etc., où on la trouve le plus souvent dans les bas-fonds et les endroits maréca- geux à sol meuble et très profond. Elle est cultivée en France, en Angleterre, en Allemagne, etc., et ses variétés sont fort rechercliées pour l'ornement des parcs et des jardins. Son bois, ordinairement blanc ou blanchâtre, parfois de couleur safranée légèrement nuancée de violet, est tendre, assez léger, souple, liant et d'une texture fine, très serrée, qui le rend susceptible de prendre un beau poli. Ce bois se travaille aisément, se fend très difficilement, mais il s'altère très promptement quand il est exposé aux influences atmos- phériques, ce qui en restreint beaucoup l'emploi pour les travaux importants tels que la construction et le gros char- ronnage. En Europe, cette essence reçoit à peu près les mêmes applications que l'Erable champêtre, il est aussi très bon pour les usages de la marqueterie ; en Amérique, on fait des panneaux, des lambris, des caisses, des meubles et autres ustensiles, ainsi que de la pâte à papier. Sa densité est de 0,603 à 0,644. Le Negundo donne du sucre, mais en trop petite quantité pour l'exploitation. Cette espèce a donné naissance à une belle variété très ornementale à feuillage panaché de vert et de blanc rosé ou jaunâtre. Cette variété est très robuste, sup- porte des froids assez rigoureux et sa croissance est rapide dans presque tous les terrains, surtout dans les sols profonds, meubles et un peu humides. L'eflet bizarre que produit cette plante au clair de lune lui a fait donner le nom d'Arbre fantôme. Le Negundo Californicwn Torr. et Gray. (Acer Californi- cum DiETRicH, Negundo aceroïdes Torrey.), « Box Elder » des Etats-Unis, est un petit arbre d'une hauteur de 6- 12 mètres, sur un diamètre de 30-60 centimètres, croissant naturellement au bord des cours d'eau, principalement dans la vallée du Sacramento aux Etats-Unis. Son bois, presque blanc, ou légèrement teinté de jaune, est tendre, léger, com- pact et d'un grain serré, mais il manque de force et de téna- cité. Ses raj'ons médullaires sont minces et nombreux. Cette espèce est employée accidentellement pour la fabrication de meubles communs. Sa densité est de 0,482. '"'""'" --■..-..-. ....-.,..,, .-,.,■ ■■ .^^ suivre.) II. CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. Huile de Sauterelles. — M. Raphaël Dubois a récemment communique à l'Académie des Sciences une note donnant quelques de'tails sur une huile extraite des œufs du Criquet pèlerin d'Algérie. La coque de ces œufs est mince, souple et fragile ; elle est remplie d'un vitellus rappelant beaucoup, par sa couleur, sa consistance et môme sa saveur, le jaune de l'œuf de poule. Soumis à la presse, les œufs ont laissé échapper un fluide visqueux semblable à du miel, qui, traité t\ froid par l'étber et l'alcool, a fourni un liquide d'un beau jaune d'or. Celui-ci, laissé à l'air, abandonne une huile jaune facile à se'parer par décantation. Cette huile rancit rapidement et prend une odeur d'huile de foie de morue très accentuée, en môme temps que son âcreté augmente. Enfin, à la température de 2 degrés, elle prend la consistance du beurre, et, chaulTe'e, elle briile sans fumée avec une flamme claire bleuâtre comme celle de l'alcool. La pro- portion d'huile contenue dans 1 Ivilog. d'œufs de ponte re'cente est d'environ 40 à 50 grammes. On pourrait sans doute utiliser cette ma- tière en thérapeutique ou dans l'industrie ; ce serait la meilleure prime ofTerle à la destruction du fle'au de notre agriculture coloniale. Le Rhizoctone de la Luzerne. — En 1813, A. de Candolle eut l'occasion d'observer, dans les environs de Montpellier, sur des racines de Luzerne [Medicago sativa L.) en voie de dépérissement, le mycélium d'un Champignon parasite, auquel il donna le nom de Rhizoctone de la Luzerne [Rhizoctonia medicaginis D. C). Depuis cette époque, et surtout dans ces dernières années, la maladie de la Luzerne cause'e par ce parasite s'est répandue en France, et, en particulier, dans le Midi et le Sud-Ouest, au point de devenir un redoutable fle'au. L'ex- tension croissante du Rhizoctone pouvant avoir des conse'quences spe'cialement graves pour nos de'partements méridionaux, où la Lu- zerne, grâce à ses racines profondes qui lui permettent de résister à la se'cheresse, représente une plante fourragère qu'il serait difficile de remplacer. M. Prunet vient de présenter à l'Acade'mie des Sciences le re'sultat de ses recherches sur les mœurs de ce Champignon parasite et sur les dégâts qu'il cause. Il serait illusoire, suivant l'auteur, de chercher une substance ca- pable de tuer le parasite tout en respectant son hôte; le mycélium de propagation re'siste mieux, en effet, aux solutions anticryptogamiques que les racines ou du moins que les radicelles. D'ailleurs on ne saurait atteindre le mycélium interne sans tuer immédiatement la racine. ^30 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. L'expérience lui a prouvé que la maladie peut être arrêtée par l'ap- plication du traitement suivant. De juin à aofit, alors que les organes de propagation et de reproduc- tion sont encore peu abondants, il faut : Défricher profonde'ment les foyers ainsi qu'une bande de l'",50 à 2 métrés de large autour de chacun d'eux; emporter soigneusement les débris de plantes hors du champ et les brûler ; enclore le défrichement d'un fossé de 0'",60 de profondeur; recouvrir les revers inclinés et le fond du fossé d'une couche assez épaisse de soufre, remplir de nouveau le fosse' de terre que l'on tasse sur les bords, re'pandre à la surface du de'fricbement une couche assez épaisse de chaux. Enfin les organes de multiplication du Rhizoctone pouvant rester vivants dans le sol pendant au moins trois ans, il faut évidemment éviter de semer de nouveau de la Lu- zerne sur l'emplacement des anciens foyers. Sur un Champignon parasite de la Cochylis. — L'at- tention de l'Acade'mie a e'té appele'e par MM. C. Sauvageau et J. Per- raud sur un Champignon qu'ils viennent d'étudier et qui leur paraît pouvoir être utilisé comme destructeur du ver de raisin ou larve de la Cochylis amUguella, qui est, après le Phylloxéra, l'insecte le plus redouté des viticulteurs. En effet, ses dogfits sont parfois consi- dérables dans les vignes du Beaujolais, de la Bourgogne, de la Gironde et, en ge'néral, de tous les climats frais. Au mois de mars dernier, ils ont observe' sous les écorces de ceps, à Villefranche, un assez grand nombre de chrysalides de Cochylis réduites à leur enveloppe de chitine, dont l'intérieur était garni de nombreux filaments myce'liens blancs, et recouverte extérieurement de filaments sporifères formant une sorte de bourre compacte. Des filaments semblables rampaient au voisinage, sur la surface interne de l'e'corce. Il n'e'tait pas douteux que le Champignon ne fût la cause de la mort des chrysalides envahies. Or ce Champignon n'était autre que VIsaria fariaosa abondamment répandu dans la nature. MM. Sauva- geau et Perraud ont alors fait des expe'riences avec des cultures de ce Champignon sur des chenilles de Codiylis et ont constaté son action destructive. Les résultats ont surtout e'té favorables en aspergeant les grappes de raisin avec de l'eau dans laquelle on avait délayé des spores d'Tsaria farinom. Le fait d'asperger les grappes d'un vignoble pre'sente certaines difficultés pratiques, il est vrai, et nécessite des cultures abondantes. Les pulvérisateurs à liquides pourraient être employés pour re'pandre les spores. III. CHRONIQUE DES COLONIES ET DES PAYS D'OUTRE-MER. La Pêche, les Poissons et les Huîtres au Torkin. L'industrie de la pêche a alleint aujourd'hui au Tonkin un dévelop- pement considérable, qui ne peut manquer de se continuer si aucune entrave n'est apporte'e. Le poisson pêche' par les jonques chinoises est transborde' sur d'au- tres jonques de grande vitesse pour être immédiatement dirige', dans un peu de saumure, sur Packhoï, lieu de la préparation en vue de son transport dans l'inte'rieur. Il en a été exporté 2,829,000 kil., 039,000 kil. de Crevettes et 140,000 kil. d'autres produits de pêche. La pêche est faite au moyen d'engins divers dont les principaux sont la drague, le filet couplé, le chalut et les lignes de fond. L'in- dustrie de la pêche n'étant pas réglemente'e, il n'y a aucune restriction concernant les dimensions des mailles des filets ni pour l'e'poque de la pêche. Quoique le poisson ait jusqu'à pre'sent ro'sislé aux plus grandes pêches sans accuser de diminution sur les bancs, les vieux pêcheurs chinois affirment qu'il y a une trentaine d'années, il a fait complète- ment défaut à la suite de pêches excessives pratiquées pendant plu- sieurs saisons conse'cutives. Cette assertion a besoin d'être con- trôle'e, car il semble impossible que la reproduction du poisson soit faite exclusivement sur nos côtes, où les filets fonctionnent constam- ment. Il y a au contraire de fortes raisons en faveur de l'hypothèse contraire. Les fonds avoisinant Bac-long-vi et les innombrables refuges de l'archipel tonkinois sont autant de points où le poisson peut, en toute sécurité, de'poser son frai et le laisser éclore. La saison de la pêche mobile commence vers septembre et octobre, derniers mois des grosses chaleurs. A cette époque, les jonques de Chine, de Packhoï notamment, arrive par flottilles de 50 à 60 au port de la Cac-bâ, où les patrons se mettent en règle avec la douane : payement des droits de navigation ou de pêche, numérotage des jonques, dépôt de leurs armes et munitions. Après quelques jours employés à la mise en e'tat des engins et les hommages rendus à Bouddha dans la pagode maritime, cette popula- tion se met en pêche. Chaque jonque est montée par 7 à 10 personnes, dont quelques femmes et souvent des enfants. Elles vont toujours deux à deux. Leur nombre, qui a atteint 710 en 1891, détermine sur la côte, à Haïphong d'abord et à Nam-dinh et Thanh-hoa ensuite, un mouvement de produits destinés à l'alimentation des équipages, qui laisse des be'néfices très appréciables au petit commerce. Tous les jours des jonques chargées de provisions et d'objets de toutes sortes vont à la Cac-bâ ou sur les lieux de pêche ravitailler celte popu- lation. 232 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Le poisson pêche dans les eaux du Tonkin e^^t compose', sauf quel- ques exceptions sans importance, des espèces suivantes, lesquelles ne prosentent qu'une très vague analogie avec les espèces d'Europe auxquelles on les compare cependant : - - ->■ Le Vang-tiack, Bonite blanche qui atteint un poids de 25 kilog., très recherché des consommateurs ; valeur 8 piastres le picul sale' ; Le Taï-teï, genre de Dorade rouge, quelquefois argentée, d'un poids moyen de 8 à 10 kilog. ; valeur 10 piastres le picul ; Les Xi-pha-gui et Ougui, espèces de Grondins gris ou tachetés, d'un poids moyen de 5 à 6 kilog. ; valeur, 5 piastres le picul ; Le Sa-hi ou Chien de mer, qui atteint un poids de 550 kilog., chair très inférieure ; valeur, 3 piastres le picul ; Le Stiong-loià, espèce se rapprochant de la Sardine comme chair et couleur, mais atteignant la taille du Mulet, espèce très re'pandue , va- leur, 2 à 3 piastres le picul ; Le Mau-gui qui ressemble au Marsouin, mais qui donne une très bonne chair, atteint quelquefois un poids de 80 à 90 kilog. ; valeur, 4 à 5 piastres le picul ; Le Sha-hi, Thon gris d'un poids de 5 à 6 kilog. ; valeur, 10 piastres le picul ; Les autres espèces sont grnoralemcnt employe'es à la fatrication du nam^ genre de saumure mélange'e de poisson pilé et qui n'a pas beau- coup de valeur: 1 piastre le picul. Ce sont le Ta-hou-lou ou Carpes de mer, très rc'pandues : poids de 1 kilog. à 1 kilog. 1/2 ; les Loug-ly, Soles énormes ; le Moung-tsin, genre de Tazard ou Casque d'empereur. Deux autres espèces sont traitées à part, et valent de 20 à 30 piastres le picul. ce sont le Mahi (la Se'pia) et le Fao-hi {l'Encornet). Selon la disposition des bancs de sable contre lesquels le poisson vient s'agglomérer, la pêche est faite au moyen d'un grand filet attei- gnant parfois 500 métrés de long et portant dans le milieu une vaste poche en mailles fortes et serrées. Une jonque prend chaque bout en remorque et les deux jonques, faisant route à la voile parallèlement, traînent cet immense engin sur un parcours de plusieurs milles. Un homme dans une embarcation va de temps à autre plonger sur la poche pour voir s'il y a du poisson. En cas d'affirmative les deux jon- ques se rejoignent en halant chacune la moitié du filet, et la poche est enfin tirée à fleur d'eau, d'où le poisson qui y est renferme' est extrait au moyen de paniers. Il arrive souvent qu'après une journée de traîne, la poche contient plusieurs milliers de kilog. de poisson. Lorsque le temps et la disposition des bancs ne permettent pas ce mode de pêche, chaque jonque remorque un chalut de 50 mètres de long ou une drague lorsqu'il s'agit de prendre les Soles et les Raies de fond. En dehors de la pêche mobile exclusivement exercée par les Chinois qui habitent la Chine, les habitants des côtes pèchent dans la partie des eaux la plus rapprochée de la terre une varie'te' infinie de poissons CHRONIQUE. DES COLONIES ET DES PAYS L'OUTRE-MER. 233 qui affectionnent les eaux me'lange'es (eaux saumutres) ; mais comme ils ne disposent que d'un outillage jncomplet et très rudimontaire, le produit de leur travail est de beaucoup inférieur à celui des Chinois. Dans toutes les bouches des fleuves, et même jusque très avant dans les rivières, les Annamites ont établi des pêcheries fixes au moyen de gros pieux formant barrage et supportant un filet à poche qui est re- levé' chaque jour. En mer, sur les bancs qui de'couvrent à marée basse, ils ont établi des milliers de haies en gros bois ou en petits bois, qui forment de vastes triangles aboutissant à un filet en poche dans lequel le poisson vient s'engager. Enfin, une infinité de barques, dont quel- ques-unes ne cubent pas doux piculs, sont continuellement en pêche avec toutes sortes d'engins, depuis la torche, la planche lumineuse, la fouène, etc., jusqu'à la ligne de pêche classique, qui ne diffère pas du tout de celle employée en France par les amateurs de cet exercice. Il y a peu de Langoustes au Tonkin ; on en trouve cependant quel- ques-unes à la Cac-ba. Les rochers de l'archipel sont tous constello's d'Huîtres qui, quoique de petite dimensions, sont excellentes pendant quelques mois de l'an- née. Les Européens seuls sont friands de ce mollusque qui n'est pêche' que pour eux. Les Annamites le font cuire et le mangent faute d'autre aliment. Il y a des espèces qui sont dangereuses pour le consomma- teur et on a vu de nombreuses personnes qui avaient e'te' prises, à la suite d'absorption d'Huîtres, de véritables symptômes d'empoisonne- ment. Aucune tentative d'e'levage au parc n'a été' faite. Dans la baie de Van-haï, il y a ou des Huîtres perlières, qui ont été, suivant la tradition, exploite'es par les Chinois à la fin du siècle der- nier. Cette exploitation aurait même donnée des résultats surprenants pendant une vingtaine d'années et, faute de réglementation, le banc a été' dilapidé et ne s'est pas reconstitue'. Toute la production e'iait em- ployée dans la fabrication des médicaments chinois. J'ai fait faire des recherches dans ces parages, et il a été' en effet trouvé trace d'une ancienne exploitation tout à côte', entre les îles Ti- ma-tiao et Koan-lau ; on a péché des huîtres plates, qui rappellent par- faitement par leur forme l'huître perlière de l'Inde. Dans quelques- unes on a trouvé des perles de très petites dimensions, il est vrai, mais d'une belle eau. Les Chinois les achètent 200 piastres le tael. La quantité des matières d'alimentation fournie parles eaux du lit- toral est immense. Sans compter les milliers d'individus qui en vivent, les expéditions de poissons frais, salés, sèches, en saumure, dans l'in- térieur du pays sont considc'rables et les eaux sont toujours aussi poissonneuses. D'après des statistiques approximatives, on estime à 30 millions de kilogrammes le poisson pêche' sur le littoral et con- sommé dans le pays. (Moniteur officiel du Commerce-) IV. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. L'agriculture dans le pays des Bazibas i^rive occidentale du lac Victoria Nijanza). — Des renseignements nouveaux sur cette peu- plade que ne donnait pas la relation du voyage du missionnaire P. Scliynse nous parviennent maintenant. La tribu des Bazibas, pacifique, superstitieuse à l'excès, se compose de bons agriculteurs. M. P. Schynse trouva pour la première fois chez eux certains Caféiers qui produisent un petit fruit très recherché par les marchands arabes qui le nomment « Café de Karagwé ». L'e'levage du bétail est extrêmement développe' ; leurs magnifiques troupeaux firent l'admiration de ce voyageur. Ces gens ont l'habitude de porter constamment avec eux de grosses citrouilles creuses et remplies de vin de banane, leur boisson préférée. De S. Sur des espèces qui disparaissent en Espagne. — L'Es- pagne compte dans sa faune trois Mammifères que l'on ne trouve pas ailleurs en Europe. Le Porc-Epic, qui vivait, il y a un demi-siècle, dans l'Andalousie et l'Estramadure, a complètement disparu de ces contrées. On sait qu'il subsiste en Algérie et au Maroc. L'Ichneumou ou Meloncillo, autrefois commun dans un grand nombre de régions, devient très rare. On ne conserve qu'avec peine le Singe Magot à Gibraltar ; encore faut-il sou- vent renouveler son sang. D'après M. le professeur Calderon, ces trois espèces^ dont on a de'couvert les restes fossiles en Andalousie, auraient été' importe'es par les Maures. Avant l'introduction du Chat domestique, on connaissait de'jà le Meloncillo, animal favori des Espagnols. Régnera nous dit que les habitants de la Sierra-Morena gardent encore aujour- d'hui la même prédilection pour l'Ichneumon. Dh B. Les Rennes dans l'Alaska — Le gouvernement ame'ricain a acquis, l'été dernier (1892), 175 Rennes de Sibérie qui furent dirige's dans l'Alaska. En 1891, on en avait introduit 16 dans l'Ounalaska ; ces animaux réussirent et se propagèrent (1). G. Projet d'une Société protectrice des Alouettes en Angleterre. — La Revue des Sciences naturelles appliquées (u° du 5 février) a mentionné dans ses faits divers (p. 143) le massacre de Grives et d'Alouettes qui a lieu pendant l'hiver sur les dunes de Brighton. Le Land and Waier parle de 2,000 à 4,000 Alouettes qui sont reçues chaque jour, en cette saison, sur le marché de Londres. Pour (1) "Voyez Revue des Sciences naturelles appliquées, 1891, II, p. 312; 1892, 11, p. 46. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 23,> y remédier, M. Elwell a propose de fonder une Société' spéciale de proteclion dont les membres s'engageraient à ne faire aucun trafic d'Alouettes avec les marchands de volaille ou de gibier. Cette insti- tution mettrait certainement un terme à la vente abusive de ces oi- seaux. , De S. L'intelligence des Couleuvres. — Le 23 juin, on m'apporta une petite Couleuvre vivante que je mis dans mon terrarium. Le len- demain, sur la demande d'un de mes enfants qui désirait s'en amuser, je la transférai dans une cage à grillon. Ce petit Reptile chercha alors à s'e'chapper en essayant successivement de se glisser au dehors par chacun des interstices de sa prison (sa tête et son cou passaient bien à travers quelques barreaux, mais son corps ne pouvait suivre la tête). Comprenant enfin l'impossibilité' absolue de pouvoir sortir, cette Couleuvre fut prise tout à coup de contorsions des plus violentes et régurgita sous nos yeux, en moins d'une minute, un Le'zard des murailles. Quelques instants après, remise de sa fatigue, elle passa très facilement à travers les barreaux de la cage, mais comme j'avais eu soin de remettre cette dernière dans mon terrarium, elle n'en resta pas moins ma prisonnière. Je mesurai le Lézard : il avait 1-1 centimètres de longueur. La tête et une partie du cou e'taient digére's. Ce Lézard pesait 2 gr. 80. La Couleuvre mesurait 23 centimètres et pesait 4 gr. 10. On est e'tonne de voir que ce Le'zard ait pu devenir la proie d'une aussi petite Couleuvre. Celte dernière, ayant e'videmment compris qu'il ne lui serait possible d'avoir sa liberté' qu'en s'amincissant, vomit ce qui la grossissait et, devenue plus mince, elle put passer très facilement à travers les bar- reaux de la cage. N'est-ce pas là un cas d intelligence bien carac- te'risé ? Cette observation m'amène à en citer une autre du même genre. En 1871, j'habitais la campagne près Montpellier. J'avais deux Canaris dans une cage que je suspendais, le jour, à un petit platane entoure de troènes et de fusains formant un bosquet et distants de la maison d'environ 8 mètres. Un jour d'été mes parents et moi furent étonne's, à l'heure de la sieste, d'entendre nos Canaris jeter des cris plaintifs ; mais nous n'attachâmes aucune importance à ce fait. Vers cinq heures, en allant prendre le frais dans le bosquet nous vîmes avec stupe'faclion la cage un peu renverse'e et nos pauvres Canaris gisant près de leurs mangeoires. En les regardant de plus près, nous cous- talùmes que leurs plumes étaient colle'es à leurs corps et euglue'es ; ils étaient raides et allonge's. Nous supposâmes de suite qu'une Cou-_ leuvre, attirée par l'appât des oiseaux, avait dû s'enrouler à l'arbre et, qu'arrivée à la cage, elle y avait péne'tre' pour manger les Canaris,, mais qu'ensuite, ne pouvant en sortir à cause de son ventre grossi 236 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. par ses deux victimes (quelques barreaux étant distendus probable- ment par les efiforls faits par cette Couleuvre pour s'en aller), elle les avait régurgite's. On sait que les Reptiles sont assez dépourvus de facultés psychiques; pourtant ces deux observations prouvent bien qu'à de certains mo- ments, lorsque la lutte pour l'existence les y oblige, les Couleuvres font preuve d'intelligence. C'est, du moins, ce qui me paraît ressortir des deux cas que je viens de signaler. [Revue scientifique.) . Galien Mingaud. Voracité de l'Écrevissc mâle. — D'après une communication faite à la Société allemande de pêche, les Écrevisses mâles dévorent parfois les femelles. En septembre 1892, on institua des expériences dans un petit étang alimenté par de l'eau de source où l'on rendit toute retraite impossible. On y introduisit 165 Écrevisses mâles et autant de femelles. Durant tout l'hiver on leur distribua des poissons en abondance que les Crustacés recherchaient. En mars 1893, on des- sécha l'étang où l'on y trouva seulement 52 femelles; 113 d'entre elles avaient été mange'es par les mâles. L'on découvrit sur le fond de l'e'tang les restes de leurs carapaces et principalement leurs pinces qui sont plus dures à croquer. En outre. Ton a pu observer la manière dont l'Écrevisse attaque sa victime. Elle la saisit par la tête, déchire sa carapace, puis elle continue par le dos en faisant sauter la carapace jusqu'à la queue. G. L'Araucaria Bidwillii. — L'Australie, caractérisée par une flore si riche et si variée, possède cependant peu d'espèces ve'gétales susceptibles de contribuer à l'alimentation de l'homme, aussi les quelques arbres portant des fruits comestibles qui y croissent, sont-ils d'autant plus précieux pour les indigènes. Un de plus intéressants parmi ces végétaux, est le Bunya-bunya, Araucaria Bidi'jillii, dont les graines, longues de 4 centimètres sur 2 de large, insérées par deux sous les écailles des cônes, leur fournissent une alimentation très estime'e, mais peu abondante, cet arbre ne fructifiant qu'une fois en trois ans ; la re'colte effectuée en janvier, est donc une véritable fête pour les Australiens. Depuis de longues anne'cs, ils ont dressé le compte des Araucarias croissant à proximité de leurs villages et les ont répartis entre les tribus, qui, à leur tour, ont par- tagé leur lot entre les différentes familles dont elles se composent. Le groupe d'arbres attribue à chaque famille est un bien bére'di- taire, se transmettant de génération en génération, et cette coutume est vue d'un œil très favorable par les autorités anglaises, qui cher- chent autant que possible à la propager. Les graines d'Araucaria se consomment fraîches, cueillies avant leur maturité parfaite, ou loties, quand on les a laissé mûrir. Leur puis- CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 237 sance nulrilive serait très développée, paraîl-il, car les indigènes s'engraissent d'une façon très appréciable pendant le peu de temps qu'ils peuvent en consommer. ContrairemcQt à leur habitude de vivre au jour le jour, ils en font du reste des réserves, enfouies dans de>; trous creuse's en terre, mais elles subissent alors un commencement de germination, qui les rend très dangereuses à consommer pour les Europe'ens, tandis que les Australiens n'en éprouvent aucun malaise et les préfèrent même aux graines re'cemment cueillies. Suivant le docteur Bennet. les indigènes o'[.rouveraient, après s'être nourris pendant un certain temps de graines d'Araucaria, un besoin absolu de nourriture animale, et celte sorte d'excitation déterminait jadis, les années de récoltes, des luttes entre tribus, [toujours suivies de scènes de cannibalisme. \^' Araucaria BidioilUi supporte très bien le climat de la région de l'Oranger, on voit à Hyères et en d'autres lieux de la Provence du littoral de beaux exemplaires. H. B. Les produits de l'Acajou à fruit. — L'acajou à fruit [Ana- carcUmn occidentale L.), qu'il ne faut pas confondre avec l'Acajou à bois, est un arbre de la famille des Anaga-Rdiagées croissant au Bre'sil, dans l'Inde, et, en général, dans toutes les régions chaudes du globe. De l'écorce de cette espèce, exsude une gomme jaunâtre, transpa- rente, offrant quelque analogie avec la gomme arabique. Ce produit, connu sous le nom de « Gomme d'Acajou, Gomme de Kaschou » [Casheio gum des Anglais], se présente sous forme de larmes stalacti- formes, grosses et souvent très longues, dures, à cassure vitreuse. Presque entièrement soluble dans l'eau, elle laisse un résidu posse'- dant tous les caractères de la Bassoriue. Quant à la solution, elle est peu consistante, ne rougit pas le tournesol et se trouble sous l'action de l'oxalale d'ammoniaque. Le pre'cipite' blanc, floconneux et abondant qu'elle forme en présence de l'alcool, la fait regarder, par Guibourt, comme de l'Arabine. En Amérique et dans l'Inde, la gomme d'Acajou sert souvent pour pre'parer une excellente colle et pour se garantir de la piqûre des insectes. Malgré son emploi assez restreint, jusqu'ici, celte matière pourrait certainement recevoir, en Europe, quelques applications in- dustrielles en raison de sa grande solubilité. L'écorce elle-même est recherchée comme matière tannante, et ses propriétés astringentes la font utiliser en gargarismes pour guérir les aphtes et autres affections légères de la bouche. La Pomme d'Acajou, souvent confondue avec le fruit, est un corps charnu, de consistance spongieuse, qui affecte la forme d'une poire rouge ou jaune de moyenne grosseur ; elle provient non du dévelop- pement de l'ovaire, mais du lorus calicinal. A sa maturité, ce pseudo- fruit renferme une grande quantité de jus d'une saveur vineuse, su- 238 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. -crée, un peu aigre et astringente, propre à calmer la soif. Dans l'Inde, les natifs mangent avec avidité cette partie de la plante que Rheede dit diurétique. Au Brésil, on en fait des confitures, d'excel- lentes cumpotes et une sorte de limonade rafraîchissante ; par la fer- mentation du suc exprimé, on retire aussi une eau-de-vie très estimée et un vinaigre de bonne qualité pour les usages domestiques. Depuis quelques années, on fabrique, en Amérique, avec la Pomme d'Acajou, un vin d'un goiit agre'ablc dont l'usage commence à se gé- néraliser dans quelques provinces du Brésil. Ce vin se fait avec le jus exprimé, du miel ou du sucre, et en ajoutant à ce mélange une petite quantité d'eau-de-vie de canne à sucre de bonne qualité'. On peut aussi le préparer directement en faisant fermenter le suc dans la cuve comme on procède pour le raisin. Cette nouvelle industrie compte aujourd'hui quelques fabriques assez importantes. Outre sa valeur tonique el digestive, le Vin de CajU passe encore pour exercer une action utile dans les fièvres intermittentes, l'obstruction de la rate, etc. Le fruit, nommé « Noix d'Acajou, Noix d'Alcbin, Poux d'éléphant », etc. est composé d'un pe'ricarpe lisse, réniforme, gris-blanc, et d'une enveloppe coriace sous laquelle se trouvent des alve'oles gorgées d'un suc renfermant 35 % d'une huile e'paisse, vésicanle, caustique et très siccative. Presque incolore dans les alvéoles, elle prend une couleur foncée au contact de l'air. 'L'huile d'Anacarde est insoluble dans l'eau, mais se dissout presque entièrement dans l'éther et l'al- cool. On l'employait autrefois en chirurgie comme caute'risant ; on s'en sert encore aujourd'hui contre la carie dentaire, certaines mala- dies de la peau, notamment les dartres, et, surtout pour détruire les excroissances épidermiques tels que cors, durillons, etc. Dans les colonies, on l'utilise e'galement pour badigeonner les bois et les pré- server des attaques des insectes. Cette huile marque aussi le linge en marron jaune, et les taches ou les signes obtenus ne s'effacent pas, même par un lavage prolongé. L'endocarpe renferme une amande blanche, huileuse, douce au toucher et d'un goût fin. Cette amande se mange à la façon des châ- taignes, lorsqu'elle est grillée, ce qui lui a fait donner, au Bre'ail, le nom de Çastaaha de Cajâ. Les confiseurs en font aussi des nougats, des macarons, des émulsions et des sirops d'une perfection telle, qu'il est facile de les confondre avec les produits de l'amandier de Pro- vence. Par expression à froid, on retire 40 % d'une huile d'un jaune pâle, d'une douceur et d'une finesse remarquables, sans odeur et sans la moindre âcreté ; elle offre beaucoup d'analogie avec l'huile d'aman- des douces qu'elle peut remplacer dans certains cas. Sa densité' est de 0,910. Maximilien Vanden-Berghe. V. BIBLIOGRAPHIE. Le Chien, races, hygiène et maladies, par J. Pertus, médecin- vëtériuaire à Paris. 1 vol. in-lG, de 320 pages avec 80 figures, car- tonne', 4 fr. — Librairie J.-B. Bailliére et fils, 19, rue Hautefeuille (près du boulevard Saiut-Germain), à Paris. Ce volume est un expose' complet de tout ce qu'il est intéressant et utile de connaître sur le Chien. M. Pertus passe d'abord en revue les dififérentes races, espèces et variétés, indique leur valeur relative et le choix à faire suivant le service auquel on veut utiliser le Chien. Ce premier chapitre est illus- tré de 30 figures repre'sentant les principaux types. Vient ensuite l'e'lude de l'extérieur et de la détermination de l'âge, — l'hygiène de l'alimentation et de l'habitation, — l'accouplement et la parturition. L'auteur aborde ensuite l'e'tude des maladies : maladies conta- gieuses, maladie du jeune âge, rage, tuberculose, etc. ; — maladies de la peau, démangeaisons, eczéma, herpès, plaies et brûlures, para- sites, gale, etc., — maladies de l'appareil respiratoire, — maladies du tube digestif, constipation, diarrhée, gastrite, vers intestinaux, etc., — maladies de l'appareil gc'nito-urinaire et des mamelles, — maladies des yeux et des oreilles, — accidents de chasse, — mala- dies chirurgicales. L'ouvrage se termine par l'étude des pansements, bandages et su- tures, — l'administration des médicaments et un formulaire. Ce livre très clairemennt e'crit, au courant des derniers progrès de la science, est indispensable à toute personne qui possède un chien, à la ville comme à la campagne, proprie'taire, chasseur, fermier, etc. G. DE G. Les Pyrénées, les Montagnes, les Glaciers, les Eaux minérales, les Phénomènes de l'Atmosphère, la Flore, la Faune et VHomme, par J. Trutat, directeur du Muse'e d'histoire naturelle de Toulouse. 1 vol. in-16 de 380 pages avec 100 figures. — 5 fr. Librairie J.-B, Bailliére et fils, 19, rue Hautefeuille (près du boulevard Saint-Ger- main), à Paris. M. Trulat, directeur du Musée d'histoire naturelle de Toulouse, a explore' depuis de longues années les Pyre'nées, et en fait le sujet favori de ses études : il e'tait donc mieux préparé que tout autre à pre'senter sous une forme claire et concise une étude d'ensemble 240 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. sur l'orographie de la chaîne, la géologie, la llore, la faune et les habitants des Pyrénées. Le 1^'' chapitre de son livre est consacré à la description de la chaîne, principalement du versant français, tout en signalant les points intéressants du versant espagnol, avec la description des ri- vières, des lacs et des glaciers. La constitution ge'ologique est l'objet du 2^ chapitre. Les gisements métalliques, les marbres, les minéraux, les eaux minérales en forment les subdivisions. Vient ensuite l'e'tude de la flore, de la faune et de l'homme, de ses races et de son langage. Outre ses observations personnelles, l'auteur a mis à contribution les travaux de tous les naturalistes qui se sont occupés des Pyrénées. . Enfin la partie artistique a e'té l'objet de soins particuliers : l'ou- vrage est illustre' de près de 100 figures dues aux meilleurs artistes, MM. de Calmels, Sadoux, Dosso, Schrader, etc. G. de G. , Le Conseiller du pêcheur (193, rue de l'Université, Paris). — Parmi les nombreuses personnes qui trouvent dans la pêche à la ligne une salutaire distraction, on ne se figure pas combien ignorent les plus élémentaires notions, grûce auxquelles elles doubleraient leur plaisir, en garnissant bien leur panier, combien d'autres plus expéri- mentées sont pourtant souvent encore embarrassées. Le Conseiller du Pécheur leur servira de guide. Paraissant tous les samedis^ il donnera d'utiles conseils à ses lecteurs et re'pondra à toutes les questions de ses abonne's. Organe populaire, son prix est à la porle'e des ressources modestes de la foule à laquelle il s'adresse ; l'abonnement n'est que de 3 fr. par an, et cette petite somme sera bien vile legagne'e par les bons conseils donnes aux pêcheurs. Ils dépensent chaque mois, dans l'espoir de prendre du poisson, bien davantage en drogues soi-disant merveilleuses, mais qui n'attrapent que l'acheteur. L'Élevage. Revue hebdomadaire illustrée, à Fouras (Charente- Inférieure). — Nous recevons les premiers nume'ros du journal l'Jile- vage publie' sous la direction de notre collègue, M. Louis Rouille'. , — Articles bien choisis, varie's et parfaitement illustrés. Nos meil- leurs souhaits au nouveau journal. Revue britannique. (71, rue de la Victoire, Paris.) N° 8, Aoiit 1893. — Vente d'Orchidées à Londres. — Les Tigres du Jar- din zoologique d'Anvers. — La protection des oiseaux. — Chro- nique scientifique. . _'.. _.:;-,,• . !• •! ■ .'!•": Le Gérant: Jules Grisard. 1. TRAVAUX ADRESSES A LA SOCIETE. L.-V DESTRUCTIOX DU BISON AMÉRICAIN d'après m. nORNADAY, SUI'KFINTENDANT DU PARC ZOOLOGIQUE DE WASHINGTON Par m. h. BRÉZOL. Le Bison, Bison americawi.s, qni ei-rait jadis par troupes innombrables à travers les immenses déserts herbus du Far- West, a presque disparu, on le sait, du continent américain. Los causes de cette extinction, ou plutôt de cette destruction, sont connues. Le i>i-incipal facteur était la tolérance dont le gouvernement des Etats-Unis Taisait preuve envers les impi- toyables massacreurs. Regrettant son erreur, mais tro[) tard, le gouvernement américain vient de l'aire éditer sur le Bison. et sa destruction un volume écrit par M. Ilornada}-, superin- tendant du Parc zoologique de Washington, souvenir ultime accordé à l'animal dont les squelettes blanchis ont jalonné les étajies de la civilisation. On songe également a tirer jiarti des rares survivants des grands troupeaux, et leur rôle est tout indiqué pour la création d'une race de bétail adaptée à la rude existence des prairies. Le 28 janvier 1890, M. Peters présentait à la Chambre des représentants un bill tendant à la protection des derniers Bisons et à leur cantonnement sur ■aux, est arrivée trop tard pour sauver le Bison, mais, dans la pensée de son auteur, elle aura peut-être pour LA DESTRUCTION HU BISON AMÉRICAIN. -243 résultat d'aircHer de semblables hécatombes et de conserver aux diverses régions du globe quelques-unes des espèces qui les caractérisent. 1"^ PARTIE. — L'HISTOIRE DU BISON. DÉCOUVERTE DU BISON. Tous les monuments de la littérature aztè(|ue ayant été dé- truits par le fanatisme des prêtres espagnols, les renseigne- ments sur le Bison, antérieurs à la conquête du Mexique, nous font absolument défaut aujourd'hui. C'est en 1521, à Anahuac, que les soldats de Fernand Cor- tez, les premiers Européens qui se trouvèrent en présence du Bison, contemplèrent pour la première fois cet animal. Mo- narque intelligent et éclairé, Montézuma avait en effet ras- semblé dans son palais, pour l'instruction de ses sujets, une . ménagerie très complète, sur laquelle l'historiem De Salis donnait, en 1124, les renseignements suivants : « Dans la se- » conde cour du palais, étaient enfermées les bêtes sauvages, » provenant de présents faits à Montézuma, ou des captures » de ses chasseurs. On 3' voyait dans de solides cages en bois, » rangées en bon ordre, des Lions, des Tigres, des Ours, et » divers autres animaux de la Nouvelle-Espagne, dont le » plus remarquable et le plus rare était le Taureau mexicain, » un étonnant assemblage des caractères de plusieurs autres » espèces. Il a, en eliét, les épaules arquées, le pied fourchu, » une bosse sur le dos comme le chameau. Ses lianes sont » décharnés, sa queue longue, son cou couvert d'une cri- » nière semblable à celle du lion. Sa tête, enfin, est armée » comme celle du taureau, dont il se rapproche par sa force, » son agilité et sa sauvagerie. » Tel était alors le Bison. Les animaux conservés par le roi mexicain avaient sans doute été capturés dans la pravince de Coahuila, à 600 ou 800 kilo- mètres dans le nord du Mexique, et, comme à cette époque les Aztèques ignoraient absolument l'usage des véhicules, ils avaient dû éprouver de grandes difficultés jiour amener ces bêtes farouches. C'est neuf ans après le débarquement de Fei'uand Cortez, que le Bison fut rencontré à l'état de nature par des Euro- 2ii REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. péens. Un explorateur espagnol, Alvai' Nunez Caheza, ayant lait naulVage sur la cote du golfe du Mexique, non loin du delta du Mississipi, s'avança vers l'ouest et gagna la région qui forme le Texas actuel, i"égion dans la partie méridionale de laquelle il vit de nombreuses bandes de Bisons. Cabeza donne de cet animal une description sommaire, dont la briè- veté est excusée par l'état de dénuement dans lequel se trou- vait alors le naufragé. Mourant de faim, il songeait fort peu à apprécier les choses de la nature. « J'ai vu trois fois cetani- » mal, dit-il, et j'en ai mangé. Il a la taille du Bœuf espagnol, « de petites cornes comme le taureau marocain, le poil long » et floconneux comme le Mouton mérinos, tantôt brun clair, » tantôt noir. A mon avis, sa cliair est moins dui-e que celle » de nos animaux domestiques. Les Indiens font des couver- » tures avec la peau des veaux, et des chaussures ou des » boucliers avec celle des animaux plus âgés. Ils s'avancent )j en Floride (on donnait aloi's le nom de Floride au Texas » actuel) jusqu'au bord de la mer. Les gens en tuent beau- » coup pour se nouri'ir, de sorte que les peaux abondent » dans le pays. » , , Un auti'e explorateur, Coronado, pénétra ensuite sur les l)âturages du Bison ; il y arriva en venant de l'ouest, par l'Arizona et le Nouveau - Mexique, et traversa le nord du Texas jus/prâ la région qui forme actuellement le teri-itoire indien, [mis i-evint par le môme chemin. C'est en 1542 qu'il atteignit la région des Bisons oîi, dit-il, il vit des i)laines aussi chargées de Bœufs que la Sierra-Serena, en Espagne, est chargée de Moutons. Un comi)agnon de Coronado a laissé la description suivante du Bison : « La première fois que >• nous rencontrâmes des Bisons, tous les Chevaux s'enfui- >' rent dans le plus grand désordre, tant ils sont horribles à >> voir. Ces animaux ont la face large et courte, les yeux à >^ deux palmes l'un de l'autre, et faisant sui' le côté une saillie » si forte qu'elle leur permet de voir celui (pii les jtoursuit. K Leur barbe, analogue à celle des Chèvres, est si longue, )^ que son extrémité touche le sol quand ils baissent la tête. » Ils portent sui* la part;ie antéi'ieure du coi'i)s un poil ondulé >> comme la laine des moutons, luisant comme une crinière » de lion. Les cornes fortes et courtes, sont complètement » masquées par les poils, les Bisons, comme les vipères qui » changent de peau, muent en mai, et se roulent alors dans LA DESTRUrTlON DU BIÏ^ON AMKRirAlX. "215 M les broussailles des ravins pour faire tomber le poil d'iii- » ver. Quand le nouveau poil est repoussé, ils ressemblent y> à des lions. Leur (jueue, ti'ès courte, S(i termine par eue » longue toutïe de poils, et ils la dressent en l'air en courant. » Le i)oil est fauve chez les animaux, très jeunes, qui se rap- » prochent assez de nos veaux., mais ils changent de teinfo » et de forme avec l'âge. Un fait singulier et dont nous » n'avons jamais pu connaître la cause nous a sui'tout » frappés: c'est que tous les vieux Bisons que nous tuâmes » avaient l'oreille gauche fendue, alors qu'elle est inta(;te » chez les jeunes. Le poil de ces animaux, est si fin qu'on en » ferait certainement d'excellents vêtements, mais sa cou- 1) leur d'un brun fauve empêcherait de le teindiv. Nous avons » été for't suri)ris de rencontrer' des troupeaux entiers com- » posés exclusivement de vaches sans un seul taureau, et » d'autres troupeaux n'ayant que des mâles, sans une seule » femelle. » Ni De Soto, ni Ponce de Léon, ni Vasquez de Ayllon, ni Pami»hilo de Narvaez, explorateurs espagnols qui parcou- rurent le Mexi(iue ne revirent de Bisons, car ils traversèrent seulement le jiays situé au sud de l'habitat de cet animal. Do Soto lit, de 1539 à 1541, une grande reconnaissance à travers la Floride, le Mississipi, l'Arkansas, et franchit au nord du ]^Iississii»i et de la Louisiane, une région qui fut plus tard occupée par le Bison, mais il y était inconnu à cette époqi^e. Quel(iues-uns de ses hommes, envoyés dans le nord de rx\r- kansas, rapportèrent qu'ils avaient vu des peaux de Bisons entre les mains des Indiens, et on leur avait dit (lue ces ani- maux vivaient à une demi-journée de marche du point ex- trême qu'ils atteignirent. C'est seulement en 1G12 que le Bison fut découver-t dans la partie orientale de l'Amérique du Nord ; un voyageur anglais, Samuel Argoll, y vit des animaux de cette espèce dans la région où s'élève actuellement Washington. Argoll s'exprime en ces termes, sur sa découverte : -' Ayant mis mes hommes » à couper du bois pour achever la frégate (jue j'avais laissée » à demi terminée à Port-Comfort, je partis avec le navire » sur la rivière Pembrook (le Potomac actuel). En parcourant » le pays, je vis beaucouj) d'animaux gros commentes va- » ches, dont les Indiens qui me servaient de guides tuèrent » une paire. Nous en mangeâmes, et leur chair fut trouvée 2iG REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. » saine et excellente. Ce sont des animaux très l'aciles à » abattre, cai* ils sont lourds, ont les niouveinents lents, et )) ne se montrent pas sauvajies. n Le nari-ateur ne [o-écise pas le point où cette intéressante chasse fut faite, mais comme il est douteux que des marins pussent s'écarter beau- coup du i'otomac, les premiers Jiisons vus dans le nord-est des l'itats-lJnis et par des Européens autres que des Espa- gnols, rm-ent sans doute l'encontrés à 25 ou 30 kilomètres de la cai)itale actuelle des États-Unis, et peut-être dans le dis- trict de Colombie lui-même. Le Père Hennequin, ipii remonta le Saint-Laurent en KHO et [lénétra jusqu'à l'illinois, retrouva le Bison, mais cette ibis sur la partie nord de son habitat. < .- > , En octobre HiO, des arpenteurs, commandés par le colo- nel William Byrd , (jui traçaient la ligne frontière enti-e la Caroline du nord et la Virginie, virent trois Bisons non loin d'un ruisseau, le Sugar Tree Creek (le i-uisseau de l'arbre à sucre), mais ils ne purent en tuer aucun. Pendant leur retour à la côte, en novembre, un B'ison mâle isolé dans une éi)aisse IbnH fut tué sur le canton d'Halifax (Virginie), à 250 kilo- mètres (le la côte En octobre iTXi, dans une autre expédi- tion d'ari»entage, le colonel Byrd tua un second Bison non loin du Sugar Tr(^e Creek. Distribution géograpiiiqce du Bison. Commençant presque à la côte de l'Océan Atlantique, le domaine du Bison s'étendait, au xviii" siècle, sur le tiers en- viron de l'Amérique du nord. 11 s'avançait vers l'ouest, oc- cupé par une ibrêt épaisse et continue, couvrait la chaîne des Alleghanys, arrivait aux pi-airies longeant le Mississipi et au delta de ce grand fleuve. Quoique les vastes plaines de Foue.st constituassent le berceau de cette espèce et la région où elle était le plus abondante, on la rencontrait également au sud, au Texas, et Jusque sur les plaines brûlantes du nord-est du Mexique. Sur la région occidentale on retrou- vait le Bison dans les vallées des Montagnes Rocheuses, au Nouveau-Mexique, dans l'Ctah et ridaho. Au nord, il re- montait à travers une immense plaine déserte, dépourvue d'arlires, jusqu'aux rivages glacés et inhospitaliers du (rrand LA DESIRL'CTIUX DU lîISON AMÉRICAIN 217 îac de rEsclave. Il est plus que i)r()l)able que si l'homme avait; laissé en paix, libre de se reproduire, le Bison, rrancliissant ■en Calilbniie la Sieri'a-Nevada et le Coast-Hange, chaîne pa- rallèle à la côte de l'Océan Pacifique, aurait pris pied sur les terres lertiles de cette région occidentale. Si, en outi-e, il avait pu se ré[iandre à sa volonté sur tout le continent nord américain, nous com|)terions aujourd'hui, grâce à l'in- fluence des climats et des conditions d'existence, plusieurs variétés bien dislincti^s. Le ]?ison des réijions chaudes de rexirr-nie sud serait devenu un auiuial au poil ras, analogue au Gaur di3 l'Inde el au Buffle africain. Ceux du noi-d, au ■conti'aire, des contrées voisines du grand lac de l'Ksciave, par exemjde, auraient vu leur pelage s'allongeant et s'épais- sissant, prendre la densité de celui du BoMif musqué. Dans le type dit Bison des bois ou Bison des montagnes, habitant les montagnes escarpées, on avait di'Jâ un avant-coureur bien •distinct des modilica fions qui se sei-aient manifestées. On emidirait des volumes avec les faits concernant la dis- tribution géograjihique du Bison, les dates de son arrivée ■dans les innombrable^s localités embi'assées })ar l'aire im- mense sur laquelle il régnait, ainsi que celles de sa dispari- tion. Les cji)ricieux changements de certaines fi'actions des grands troupeaux, qui envahissaient souvent de vastes sur- faces absoluivKMit abandonnées i)endant de longues années, pourraient être étudiées à l'infini, mais tout cela sans grande utilité. Nous nous contenterons donc de donner quelques indications sur l'existence du Bison dan.s les différents états et sur les contrées limitrophes des Etats ■Unis. Les preuves absolues qm^ le Bison a vécu jadis dans le dis- trict de Colombie nous l'ont défaut, mais de fortes probabi- lités semblent y pi-ouver son existence passée. Eu 1612, le capitaine Argoll en rencontra non loin de la rivière Pem- bi'ook, que l'on dit généralement être le Potomac actuel, mais mais que dans son ouvi-age intitulé Tlie Amcfican Bi.son (Le Bison américain), M. Allen croit être la James River, fleuve de la Mrginie. En admettant la [)remière hypothèse, parta- gée iiar la plupart des autorités en cette matière, le Bison aurait autrefois h ibité le district actuel de Colombie. Un autre fait tend, du reste, à établir que les Bisons erraient au xvifc siècle sur les rives du Potomac, entre Washington et les -chutes inférieures. En 1(324, en effet, un marchand de four- 248 HEVUE DES SCIENCES NATL'KELLES APPLIQUÉES. rures anglais nommé Fltjtt, vint laire du commerce avec lesï Indiens Anacostiens qui vivaient sur l'emplacement actuel de la ville de Washington et avec les tribus du hautPotomac. Après une description de la région où s'élève maintenant Washington, Fleet dit que les Bisons, les Ours et les Dindons sauvages y abondaient. Oji n'a aucune preuve que le Bison ait jamais habité le Maryland, mais s'il vivait dans le district de Colombin, il de- vait également se rencontrer dans le Mai'yland (]ui (i-ntoure cette région de laible étendue. Il est fort ])robable du reste qu'on trouvera un jour ou l'auti'O au Maryland et dans le dis- trict de Colombie des restes l'ossiles de Bisons L'existence passée du Bison en Virginie fut attestée par le colonel William Byrd, qui iii tua au xviir siècle, à l'époque où il déterminait la limite sud de cet Etat. M. Allen men- tionne également, d'après un ouvrage édité à Londres en 173', et intitulé Présent slatc of Virginia (L'état actuel d& la Virginie), la présence de cet animal sur les versants orien- taux des montagnes. Des colons huguenots, entin, en captu- rèrent et en domestiquèrent en 1701 à Manikintown, localité située sur la James Hiver, à 24 kilomètres de Richmond. Les Bisons étaient, selon toutes probabilités, plus nombreux en Virginie que dans tous les autres états de l'Atlantique. Nous: rappellerons encore, pour la Caroline du Nord, les Bisons vus. et tués par le colonel Byrd sur la ligne séparant la Virginie de cet Etat. Ln habitant de la région, M. C. ^loore, a, du reste, écrit qu'ayant passé, en 1857, une nuit, chez un vieil- lard nommé Houston, âgé de soixante-dix ans environ, vivant auprès de Butialo Ford, sur la rivière Catawba, à G kilomètres de Statesville, celui-ci lui avait raconté que les Bisons étaient fort nombreux dans les environs à l'époque- de sa jeunesse, et que, quand les rochers du lit de la rivière- étaient â découvert, il les avait vus souvent venir manger la mousse qui y croissait. Le professeur Allen cite de nombreuses autorités dont les observations démontrent l'existence du Bison dans la Caro- line du sud pendant la première moitié du xviii" siècle. Il semble résulter de ces aflirmations qu'ils étaient excessive- ment nombi'eux alors dans la partie nord-ouest de cet Etat, et les premiers colons qui s'établirent en 1756 dans le district d'Abbeville en trouvèrent encore des échantillons. LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN. 249 L'extrême limite sud-est ciu Bison aux Etats-Unis se trou- vait en Géorgie, non loin de l'embouchure de Altamaha. près de rile Saint-Simon. Pendant son voyage en Géorgie entre- pris en 1736, Francis Moore dit que les Lapins et le gibier abondent sur l'ilot Saint-Simon, mais qu'il ne s'y trouve pas un seul Bison, quoique cet animal vive en grands troupeaux non loin de là, sur la terre ferme, et un peu plus tard, il • parle des chasses au Bison auxquelles les Indiens se Hvraient en Géorgie près deDarien. A l'époque de ce voyage le littoral seul de la Géorgie commençait à être habité, et il est certain que les Bisons devaient venir jusqu'à la côte pour qu'on ait pu les remarquer. Dans son énumération des bêtes sauvages de la Géorgie et de la Caroline du sud, Oglethorpe mentionne l'Élan, l'Ours, le Loup, le Bison. • L'existence du Bison ayant été établie dans le nord-Ouest et le centre de la Géorgie, et sur le Mississi|)i Jusqu'au voisi- nage de la côte, il est évident que cet animal a dû habiter le nord de l'Alabama. Au commencement du xviii'^ siècle, les Bisons abondaient en Louisiane et sur la partie méridionale de l'Etat du Missis- si\)\, jusqu'à l'extrémité du delta du fleuve, car dans un rap- port adressé le 10 décembre 1697 au comte de Pontcharti'ain, M. de Rémonville, décrivant le pays voisin de l'embouchure du Mississipi, dit qu'on y trouve de nombreux échantillons d'un bétail sauvage susceptible d'être domestiqué en élevant de jeunes veaux en captivité, et il ajoute que l'exportation des peaux de Bisons serait une industrie rémunératrice, vu le nombre des animaux errant dans la plaine. Dans un autre rapport daté de l'année suivante, M. de Pé- nicaut dit que les Bisons sont très nombreux sur la côte, princii)alement .sur celle de la baie Saint-Louis, au confluent de la Red River, de la Rivière Rouge, et du Missis.sipi, et à Natchez. ' ' En 1690, M. d'Iberville constatait encore la présence du Bison dans le delta du Mississipi. Clayborne rapporte une intéressante tradition recueillie chez les Indiens du Mississipi sur la disparition de ces Bisons. Au commencement du xviii* siècle, la sécheresse aurait été telle que pendant trois années il ne tomba pas une goutte de pluie. Les rivières Nowubec et Tombigbec ayant été des- séchées, les Élans et les Bisons, si nombreux jusqu'alors. '2o0 llEVliE DKS î^ClENCtS N AlUltfLLKS Al'I'LlQl'ÉKS. ilul'ent émigrer au-delà du Mississipi et ne reparurent plus ; les ai'bves des forêts eux-mêmes périrent faute d'humidité. C'est probablement dans le sud-est du Texas, ainsi que nous l'avons déjà dit, à 70 kilomètres environ de la ville actuelle d'Houston, au nord-ouest de Gai veston, qu'Alvar Nu nez Cabeza, le dernier survivant i)resque de la célèbre •expédition qui brûla ses vaisseaux, vit i)our la première fois en 1530, des Bisons en liberté. Le professeur Allen dit qu'on, trouvait des Bisons en immenses troupeaux sur la côte du Texas, à la baie Saint-Bernai-d, sur le cours inlerieur du Rio- Grande et sur les rivières Brazos et Triiiity, mais ils ne des- cendaient pas sur la côte à l'est de remboucliure de la rivière Brazos. ■ Le docteur' Berlandier est seul à affirmer que le Bison ait \écu au Mexique au sud du Rio-Grande. Le mémoire sur les Mammifères du Mexique dans lequel il afiirme cette oitinion, fut brûlé en 1805, mais le professeur Allen en avait extrait une copie dans laquelle se trouve le passage suivant : « Kn ir)02, les jNIoines franciscains qui découvrirent le » Nouveau-Léon, rencontrèrent de nombreux troupeaux de ■» Bisons aux environs de Monterey. Distr-ibués également » dans la Nouvelle- Biscaye qui a formé les États mexicains ») actuels de Chihualiua et de Durango, ils avançaient parfois )) jusqu'à l'extrême sud du Mexique. Au xviii» siècle, ils » se concentraient pi'ogressivement vers le noi-d, tout en )j restant nombreux dans le voisinage de la province de » Bexar, puis recalaient au xix*" siècle d'une façon définitive. » Chaque printemps alors, en avril et en mai, ils s'avancent )) plus haut encore vers le Jiord i)our redescendre au sud en i' septembre et octobre. On ne connaît pas les linntes de ces » migrations annuelles, mais il est probable que les Bisons ne » i-emontent jamais au-delà des rives du Rio Bravo, du » moins dans les Etats de Cohahnila et du Texas. Vers le » nord cependant, comme ils ne sont i)as arrêtés i)ar le Mis- » souri, ils s'avancent jusqu'au Michigan, et on les retrouve » dans les États et les territoires de l'intérieur des États-Unis. » Les routes frayées par ces animaux dans les changements i> de pâturages ont une largeur de plusieurs kilomètres, et » sur toute leur surface, l'herbe foulée a disparu, cachée piar » une couclie épaisse de déjections. Ces migrations ne sont' )) pas générales, des bandes abandonnent le courant principal. lA DESTRUCTION DU BISOX AMElilL'AlN. 251 ' ») et restent toute l'année sur les rives aux i)rairies plan- » tureiises du Rio de Giiadalupe et du Rio Colorado au w Texas. » On peut conclure de ces observations que le Bison liabilait snitout la zone tempéi'ée du Nouveau-Monde, ne dépassant jamais vers le nord les parallèles situés entre le 48® et le 58". Vers le sud il franchissait rarement les 27'^ et 28« parallèles nord, du moins dans les régions habitées, et on n'a jamais constaté sa présence au-delà du ^b". Dans sa céiébi-e expédition de 1542, Coronado trouva de .:grands troupeaux de Bisons sur le cours supérieur du fleuve Pecos au Nouveau-Mexique, et ce l'ait fut ensuite; confirmé à •(.liversos reprises. En relatant le voyage entrepris par p]s])ijo vn 1584 dans la i-égion que traverse la rivière Pecos, Davis dit : « Ils traversèrent une rivière (le Pecos actuel), qu'ils » nommèi-ent Rio de las Vacas, fleuve des Vaches, à cause V du gi'and nombre de Bisons qui paissaient sur ses rives ; *i et sur un espace de 120 lieu(^s, ils ne cessèrent d'en ren- » contrer de nombreux troupeaux. » Le ijrofesseur Allen place au Rio Grande del Norte la limite occidentale de l'aire du Bison au Nouveau-Mexique. lï est [)arfaitement reconnu que des Bisons, en petit nombre il est vrai, ont habité le nord-est de l'Utah et quelques-uns furent tués i)ar les Mormons à une époque antérieure â 1840 au voisinage du (irand Lac Salé. On conserve au Muséum de Sait Lake City une tète de Bison montée provenant, dit-on, d'un animal tué dans la vallée du lac, mais cette assertion ])arait assez douteuse. Quant à la partie sud-ouest de cet État, elle était si stérile avant qu'on ne la fertilisât par des irrigations, qu'il est peu probable que le Bison ait jamais pu y vivre. ■ " ■ ■ L'ancienne aire du Bison embrassait tout l'Idaho, et Fre- mont r-apporte qu'au printemps de 1824 des quantités innom- brables de ces animaux erraient dans les vallées de la Green River, de la rivière Verte, le Colorado actuel et de la Bear River, de la rivière de l'Ours et a travers le pays situé entre la Green Hiver, le golfe de Californie et la bouche Lewis de la Columbia ; h' méridien du fort Hall constituait alors la limite occidentale de leur territoire. Dans son voyage aux Montagnes Rocheuses entrepris en 1834, Townsend dit avoir rencontré des troupeaux de Bisons à dix jours de marche, à 252 REVUE DES bClENCEti NATURELLES APPLlyUÉES. SCO kilomètres environ à Toiiest du Ibrt Hall, sur la Mellade,. la Boise et la rivière du Saumon. Les ruminants séjournèi'ent plusieurs années dans cette région et descendaient souvent par la vallée de la Golumbia dont ils suivaient les deux rives, allant jusqu'aux chutes des pêcheries; c'étaient seulement de petits groupes et des individus isolés qui franchissaient ce point. Tls commencèrent à diminuer très r-apidement vers 1834 et 1835, puis abandonnèrent en 1838 et 1840 toutes les -vallées aboutissant au Pacili(iue, au nord de la Fourche de Lewis, sur la Columbia, ai)i)elée actuellement Snake River,, rivière du Serpent. Les Indiens Tètes Plates chassaient à cette époque le Bison vers It-s sources de la rivière du Saumon et des autres fleuves de In Cuiomltie anglaise. Le professeur Allen seul a mentionné la présence du Bison dans rOrégon, et cela d'après une lettre du professeur Marsh disant qu'il a trouvé en 1872 des os de Bison à Willow Creek, au ruisseau du Saule, Orégon oriental, le long des contreforts du versant est des Montagnes Bleues. Ces os, absolument caractéristiques, étaient presque décomposés et avaient dû appartenir à un solitaire qui s'était égaré jusque-là. Le Bison n'a jamais traversé qu'en deux ou trois points la barrière des Montagnes Rocheuses pour gagner la Colombie britannique. Un de ces lieux de passage était le détilé que suit actuellement le Canadian Pacific Railway, à 300 kilo- mètres au nord do la frontière des États-Unis. D'après le docteur Richardson, les Bisons qui traversaient chaque année les montagnes étaient assez nombreux pour donner un carac- tère particulier à la faune de la région située au-delà de leur versant occidental. On a dit également que des Bisons fran- chissaient la passe Kootenai à quelques milles au nord de la frontière, mais en très petit nombre. La région favorite de l'animal dans cette partie de l'Amérique anglaise était le pro- longement vers le nord de la grande région à pâturages située entre le Missouri et le Grand Lac de l'Esclave. Le point le plus septentrional que le Bison ait jamais atteint, serait Slave Point, la Pointe de l'Esclave, au nord du Grand Lac de l'Esclave, où Franklin en vit un en 1820. Le docteur Richardson décrit dans les termes suivants l'aire septentrionale du Bison dans l'Amérique anglaise : « Ces ruminants ne fréquentent pas les districts formés par » les roches primitives, et vers l'est ils ne dépassent pas sur LA HEST^lUCriuN DU lilSON AMERICAIN. 253 w le territoire de la comp:ignie de la Baie d'IIudsoii une liy:ne ») i>ni'tant de la Red River, de la rivière Rouge, qui sort de » la i)artie sud du lac Winnipeg, coupant le Saskatcliewau *) à l'ouest des Basquian Hills, des collines Basques, puis » gagnant par TÂthapescoNV, l'extrémité est du (irand lac *> de l'Esclave. Vers l'ouest leurs migrations étaient autre- » fois limitées par les Montagnes Rocheuses, et on ne les » voyait primitivement jamais dans la région voisine du » Pacifique située au nord de la livière Columbia, mais dans » ces dernières années ils ont trouvé un passage à travers les i) montagnes, près des .sources du Saskatcliewan, et leur »> nombre s'accroît sans cesse vers le littoral. » L'extrait suivant d'une letti-e écrite le 11 juillet 1877 par M. K.-W. Nelson à M. Allen prouve absolument que le Bison a habité jadis la côte sud du CIrand Lac de l'Esclave : « En >' 1871, j'ai rencontré à Saint-Michaels, Alaska, deux indi- f> vidus qui, pour atteindre cette région, avaient franchi les » montagnes de la Colombie britannique, gagné le fort Yukon « en descendant la Peace, la Paix, dans un canot, et finale- » ment, exécuté un portage en marchant vers le nord, entre » ce fleuve et la rivière Ilay. Pendant ce ti-ajet, ils ont vu » des milliers de crânes de Bisons et d'anciennes pistes » frayées autrefois par ces animaux dans leurs migi'ations, « pistes se dirigeant de l'est à l'ouest, et atteignant parfois >; une prolbndeur de deux pieds. Les explorateurs passèrent » 1 hiver non loin du point oii la Hay se jette dans le Grand ■)) Lac de l'Esclave, et trouvèrent sur la rive sud de C3 lac » de nombreux Bisons occupant un assez faible espace de » terrain. Ayant demandé des renseignements sur les innom- » brables crânes qui pavaient la voie suivie pendant le por- » tage, ils apprirent qu'on avait subi cinquante ans aupara- » vaut de si violentes chutes de neige, qu'une couche glacée » s'était accumulée sur une épaisseur de 3 à 4 mètres, et que » des milliers de bêtes diverses étaient mortes de froid et de » faim pendant ce cruel hiver. Les Bisons seraient plus gros » dans cette région, parait-il, que dans les plaines situées » plus au sud. » Une ligne tracée du lac Winnipeg à Chicago, s'incurvant légèrement vers l'est en son milieu, détermine ensuite assez exactement la limite orientale du Bison dans le Minnesota et le Wisconsin. 2b4 HEVUE DES SCIENCES NATURELLES APFLIQL'ÉES. L'IUinois et rindiana possédaient autrefois d'importants troupeaux, de ces animaux et les i)lantureuses praii-ies de rillinois devaient largement satisfaire à tous leurs besoins, mais il est douteux que les Bisons aient dépassé le nord de rindiana. Quant au Micliigan, le sud de cet Etat présentait des conditions d'alimentation aussi favorables que l'Ohio et l'Tndiana. On n'y a cependant jamais rencontré de Bisons, mais cette absence aurait plutôt été un fait accidentel qu'un cas normal. La côte sud du lac Erié formait une partie de la limite nord de l'aire des Bisons dans l'est des États-Unis, dans l'Ohio. La Houtan, qui visita ces parages, les décrivait ainsi en 1687 : « Je ne puis exprimer la quantité de Daims et de » Dindons que nous trouvâmes dans les bois et les vastes » prairies situées au sud du lac. A l'extrémité de celui-ci les j) Bisons abondaient sur les rives de deux charmantes petites » rivières qui viennent s'y jeter. » Le professeur Allen admet l'existence passée du Bison dans la partie occidentale de l'État de New-York, non seulement au voisinage de la pointe est du lac Erié, à l'endroit oii la ville de Buftalo, nom qui doit être un souvenir, a été cons- truite sur le ruisseau portant le même nom, mais aussi sur la rive du lac Ontario, probablement dans le comté d'Orléans, Dans sa monograithiedu Bison américain, hi professeur Allen dit : « L'existence dans la parh'e occidentale de l'Etat de » New- York d'une rivière appelée rivière des Bisons, Buf- » falo Creek, qui se jette dans l'angle oriental du lac Erié, est » généralement considérée comme une preuve traditionnelle » de l'existenco jiassée du Bison sur ce point, qui fut sans » doute l'extrémité orientale de l'aire de cet animal le long » des lacs, mais on manque totalement de témoignages posi- » tifs, et on ne peut que s'appuyer sur des hypothèses. » En 1C37, Norton écrivait : -< Les Indiens nous ont égale- » ment parlé de grands troupeaux d'animaux, qui vivent sur » les bords du lac Erocoise. De la taille des Vaches, ils ont » une chair excellente, leur peau fournit des vêtements aux » Indiens et un cuir résistant. » La plupart des géographes voient dans ce lac Erocoise le lac Ontario actuel. De l'extrémité orientale du lac Ki-ié, la limite de riiabiiat du Bison descendait au sud, à travers la Pennsylvanie ocit- LA DESTRUCTION DU HISUN AMÉlilCAIN. 2î);> dentale, jusqu'à un marais désigné sous le nom de lîullalo Swamp, marais des Bisons, sur une carte publiée en 1771 par Peter Kalm, Le professeur Allen dit que ce marais était in- diqué comme situé entre la rivière AUeghany et la branch*^ occidentale de la Susquehanna, près des sources du Licking et du ruisseau de Toby, connus actuellement sous les noms de ruisseau de l'Huile, Oil Creek , et ruisseau Clarion. Tl y avait alors, paralt-il, des milliers de Bisons sur cette région. ' ■ Nous n'avons pas de. preuve positive que le Bison ait jamais habité la portion sud-ouest de la Pennsylvanie, mais sa pré- sence au point ci-dessus mentionné et dans la Virginie occi- dentale est une raison suffisante pour étendre son aire sur cette partie de TEtat, ce qui nous ramène au point de départ de la délimitation du domaine du Bison , le district de Colombie. ■ {A siiwre.) ■ • i I . I : , ■ , ; ■/ Il I Mil ) i i' • < ' ' 1 I - U ■ • : r ■ , : . ' ' , ; () -, Ci,!. ! (•- ,ir ' ■ I ' ; I : . M I I I ; I , I . M LES HERONS-AIGRETTES Par m. J. FUREST aîné. (suite et fin *.] m. LA GARZETTE, LE HÉRON CROSSE. {Ardea. — Ilerudias garzetta.) Allemand : Der Scidcnreiher. Anglais : The Stlk Héron. Italien : Airone minore Sgarzclla. St/n. — Ardea garzetla Linno, Syst. Nat., I, p. 237. Ilarll. Orn. Wosl. Afr., p. 221. Monteiro l'rocced. Z. S-, Lond., 18(35, p. 89 ; Boc, Joru. Acad. S^-. Lisboa, 11° II, 1867, j). 147. ibii., n" XIII, 1872, p. 69 ; Finsch et Ilarll., Vôfr. Osl. Air., p. 687. Heugliii, Orn. N. O. Afr., p. 1067 ; Reichonow, Journ. f. Orn., 1877, pp. 13 et 271. Sharpe cl Bouvier, Bull. S. Z. France, III, j). 80. — Herodias garzetta, Gurucy in Andcrss- B. Dainara, p. 290. Boc., Joru. Acad. Se. Lis- boa, n^ XVI, 1873, p. 288. Fi g. — Wekner, Atlas des Oiseaux d'Earupe, pi., Reichenb., Gralla- tores, pi. 161. fig. 1023-35. Caract. — Adulte. Plumage blanc ; une pclile huppe occipitale com- posée de quelques jjlumes biugues cl .subulées ; sur le bas du cou, à sa face antérieure, d'autres plumes semblables, étroites et luslre'es; haut du dos orne' de longues pliunes à barbes décomposc'es, rares cl effilées variant suivant élal de l'oiseau et pouvant alteiudre en plu- mage de noces 'JO brins crosses. Espace nu pcriophtalmique jaune ver- dairc ; bec noir, d'un jaune verdtltre à la base de la mandibule; pieds noirs olivôltre avec le dessous des doigts jaune ; iris jaune vif. DîTiiens. — Longueur totale, 600 millimètres ; aile, 280 miilimëlres ; queue, 95 millimètres ; bec, 85 millimètres ; tarse, 90 millimètres. Un connaît deux vai'iétés de Hérons garzette ou crosse, l'espèce A. garzetla i)ai'ticulière à l'ancien monde, d'une taille plus petite ([ue VA. candidisslnia dont elle se distingue encoi'e par sa liu])[)e occipitale en plumes décomposées de la nature de la crosse non crossée se trouvant sur les parties (*) Vojoz plus haut, p. 201. LES HÉRONS -AiaRETTES. 21)7 dorsales; l'espèce candidlssinia répandue dans les parties méridionales des deux Amériques est plus grande que VA. Garzctta, ses plumes occii)itales sont composées de 3 à 5 plumes effilées à barbules compactes et asse/i longues. La crosse de cette variété est plus Une, plus légère au poids, que celle de r^. Garzetia; pour cette cause elle est davantage recherchée pour la l'aLrication des crosses ornant le chapeau des dames. Cette parure ne se trouve sur l'oiseau qu'à l'é- poque des pariades, la longueur des brins de crosse varie suivant Tàge et l'état de l'oiseau; la forme arrondie très par- ticulière de cette plume Ini a sans doute valu le nom de <« Crosse » par les plumassiers, en ce qu'elle rappelle la forme d'une crosse épiscopale ; les naturalistes lui donnent le nom de petite Aigrette ou encore de Garzette blanche. La Garzette est cosmopolite, toutefois elle a disparu de nombre de régions qu'elle fréquentait, par extinction de l'es- pèce, la recherche des adultes en plumage de noces se faisant industriellement, c'est-à-dire organisée pour en récolter le plus grand nombre an moment des pariades, il ne saurait être admis aucnne autre cause à leur disparition. Elles portent à tous les âges et à toutes les époques nne livrée blanche ; dans la saison des amours leurs plumes dorsales et scapulaires s'allongent en se décomposant de manière à constitner des aigrettes arrondies en forme de lyre ou encore de crosse d'évèque, d'où la dénomination « Héron crosse » usitée dans le commerce. Les mœurs, les habitndes, le régime (1) ne dis- tinguent la Garzette des autres Hérons que par des caractères de minime importance. De nombreuses observations des na- turalistes voyageurs du siècle précédent accordent à la Gar- zette les mœurs du Garde-bœuf si utile par son habitude de nettoyer les ruminants de leurs parasites. J'ai pu contrôler ces observations au Maroc où je les voyais en compagnie de Biibulcus ibis fort nombreux, et de Buphiis comatus plus rares, très affairés an « dépouillage » du bétail, accompagné de leurs gardiens, surveillant paternellement leurs bêtes et s'amnsant des contorsions et de la voltige des oiseaux happant les insectes. (L'on sait que les peuplesVpasteurs ont une vénération très remarquable pour tous les oiseaux utiles à leur troupeau et qu'ils ne les chassent qu'à l'instigation (1) Heuglia a trouvé dans leur gésier et clans l'estomac des petits poissons du genre Chromys avec de nombreux ascarides. 20 Septembre 1893. , -I7 258 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. des Européens.) Incontesta])lement la })Oursuite industrielle contemporaine a dû modilier Tinstinct sociable de la Gar- zette et lui lait rechercher des retraites assurant une sécu- rité relative ; les armes à feu (|ui servent à la chasse de ces oiseaux en l'ont d'innombrables \ictimes, malgré la dété- rioration de leur précieuse parure qui se produit souvent. Brehm citant le l'ait de pontes au Jardin Zoologique de Cologne, avec espoir de reproduction en captivité, je suis étonné que, pour cet oiseau beaucoup moins sauvage que l'Aigrette, Ton n'ait pas encore songé a l'aire des essais per- sévérants pour sa domestication et l'exploitation raisonnée de sa parure qui en fait l'unique valeur. Nous avons en France de nombreux amateurs d'oiseaux qui, joignant l'utile à l'agréable, pourraient se faire un revenu assez tentant par l'élevage des Garzettes. La possibilité de s'en procurer est assurée par les réceptions annuelles de ces oiseaux dans les jardins zoologiques de Buda-Pesth, Vienne, etc., en provenance des marais de la Hongrie ou de la Bul- garie. .J'ai eu l'intention, il y a une dizaine d'années, d'ouvrir la voie à de nombreux émules et d'entreprendre cet élevage au .Jardin d'essai d'Alger, dont les emplacements variés au- raient permis de faire l'expérience et assuraient la réussite. Diverses considérations m'ont empêché de donner suite à ce projet bien séduisant qui pourrait, je l'espère, tenter un de nos collègues, mieux placé que je ne le suis pour réussir dans une entreprise très intéressante à divers points de vue. .Je ne doute pas qu'il y aurait une large rémunération et cer- tainement un grand honneur pour l'éleveur heureux qui réussirait dans cette voie et créerait l'élevage industriel des Aigrettes. Pour la conservation et l'exploitation raisonnée de la Gœr- zclie je formule le souhait de la prise en considération du vœu suivant : Création d'un prix imj)ortant par la Société nationale d'Acclimatation de France, en faveur de l'éleveur ayant fait reproduire la Garzette en domesticité. Ce con- cours pourrait être organisé de façon à susciter l'émulation en France et dans nos Colonies dont nombre offrent des faci- lités incontestables pour- la réussite de cette entreprise. En Asie, toutes les régions cultivées en rizières ; les marais du Cambodge, du Tonkin, de l'Annam, de la Cochinchine se- raient des plus favorables. En Afrique, toute la r'égion aqui- LES HÉRONS -AIGRETTES. 239 1ère (le la Sénégambie et du Congo pourrait devenir un champ lertile pour l'exploitation des crosses ; Madagascar est aussi très favorable ; en Algérie, le lac Fezzara, autrefois très riche en Aigrettes et en Garzettes, pourrait redevenir un lieu de production. En France, à l'ouest, les régions tem- pérées par le Gulf Stream et la région littorale s'étendant depuis le delta du Rhône jusque près Port-Vendres, seraient aussi très favorables. Aurai-je la bonne fortune de ne pas avoir fait cet ai)pel en vain : est-il permis d'espérer que la réussite sera obtenue par des éleveurs français '? J'ai trop présent à la mémoire l'insuccès des tentatives françaises d'élevage d'Autruches pour ne pas craindre encore que mes indications ne soient mises à profit par nos rivaux, à l'aflfùt de toutes conceptions nouvelles. Serons-nous toujours les serviteurs de la théorie ? auront-ils toujours les profits de la i)ratique ? ■ Habitat. Europe. — Le Héron crosse se trouve dans les régions tempérées de toute l'Europe et du bassin de la Méditerranée; cette espèce est sédentaire dans la Sardaigne, de passage au l»rintemps et en automne en Vénétie, Giolioli. Avifauna iTALiCA. Elle est assez abondante dans les grands marais de la Hongrie et des Princi|)autés danubiennes. M. Alléon (Les OISEAUX DANS LA DOBRODJA ET LA BULGARIE, Omis-Wien, 1887) dit que la Garzette est très abondante sur les bords du Bas-Danube où elle niche sur les arbres, dans le voisinage de la grande Aigrette et de ses compagnons habituels dési- gnés dans la description de l'Aigrette. Elle se trouve encore dans la Russie méridionale, en Bessa- rabie, en Moldavie, où elle forme des petites colonies dans les prairies humides et niche dans les roseaux des maré- cages. Aux lies Baléares, en Espagne et en Portugal, les régions marécageuses en abritent un nombre assez im- portant, elle s'y reproduit régulièrement ; en Allemagne elle est une rareté ; parfois des oiseaux erratiques ont été trouvés en Hollande, en Angleterre et en Irlande, jamais en Ecosse ni en Scandinavie. Elle se trouve très rarement en France. Afrique. —Assez commune en Egypte, dans le bassin du 260 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Nil et le Delta. Le lac Meiizaleh a fourni un appoint assez considérable dans la production de la crosse durant cette décade écoulée. — Accidentellement dans la Cyrénaïque et la Tripolitaine. —Les Comptes rendus de la Société de Géogra- phie de Paris, n° 11, 1892, nous donnent le résultat des re- cherches de M. Oustalet en Tunisie où, par suite de persé- cution trop acharnée, cet oiseau ne se rencontre plus qu'à l'état erratique. J'ai pu constater leur présence au Maroc et en ai fait la communication à la Société de Géographie (Comptes rendus de la Soc. Géog. P., 1892, n" 13.) « Dans les » environs de :Mogador, la Garzette est rare et seulement » erratique, ne niche pas. Se trouve parfois sur l'îlot près du » port dans les lagunes autour de la ville sur la route de Saftl ; » dans le petit fleuve Kseb et les coteaux boisés qui l'oncais- » sent. Existe dans la lagune de Oualidaya, l'ancien port d'El » Ghaït au sud-est de Mazagan entre cette ville et le cap » Cantin. Aussi dans l'Oum-er-Rbia qui se jette dans l'Atlan- » tique à Azemmour. Se trouve en quantité en compagnie » du Bulndcus Wis et du Buphus cûmrdus et niche dans » les marais salants de Bou-Regrag entre Rabat et Salé. — » Au sud d'El Araïch (Larache) et de l'embouchure du Louk- » kos jusqu'à l'emboucluire du Sebou, la plage est bordée » de dunes et de nombreux étangs qui servent de refuge à » quantité de Garzettes, Garde-Bœufs, etc. Ces oiseaux dans » la journée fréquentent les espaces herbeux parcourus par » les troupeaux sur les i»lateaux couverts de chênes-liège, de » lentisques et d'arganiers qui avoisinent le littoral. Leur » chasse est fort, dilHcile et n'est pratiquée ({u'accidentelle- » ment à l'instigation des Européens : d'habitude les indi- » gènes ne i)Oursuivent pas ces oiseaux. Les Aigrettes-Gar- » zettes ont presque complètement disparu de l'Algérie. » Pendant plusieurs années j'ai fait des recherches autour » du chott de Misserghin sans jamais en trouver. Les quel- » ques exemplaires recueillis proviennent de la région des » Dayas (Djelfa) et du lac Fezzara. L'hiver il y a quelques » passages d'oiseaux erratiques sur les hauts plateaux, dans » la région des Chotts et des Dayas, mais il serait hasardeux » d'en faire la recherche. » Dans les premières années de la conquête, ces oiseaux étaient assez abondants, aujourd'lmi c'est une rareté de trouver un exemplaire dans toute l'Algérie. LES HÉRONS-AIGRETTES. 261 J'attribue cette disparition à l'extension de la culture euro- péenne et à la manie destructive des colons qui généralement ne respectent aucun oiseau utile ou non. La Garzette se trouve sur tout le littoral Atlantique, dans les lagunes du Sahara occidental, au Sénégal dans la Séné- gambie, la Guinée, au Congo. Assez répandue dans la pro- vince d'Angola, principalement à Benguella, l'île de Loanda, le Rio Coroco et au Ilumbe, à Landan-a et à Chinclionxo. Au sud du Cunène, elle est plus commune dans l'intérieur que sur le littoral (Andersson). Se trouve auprès de tous les grands lacs du Centre et de l'Afrique orientale et dans tout le Soudan et les pays Haoussas. Holub a trouvé la Garzette en bandes d'environ dix individus dans les prairies maréca- geuses du Harts-River et du Molapu. L'eau dans ces empla- cements se conserve suffisamment fraîche et pure, étant cou- verte de joncs très élevés et de roseaux indigènes, elle fournit à nos Hérons des mollusques aquatiques, des insectes, etc., dont ils sont très friands. Heuglin, Brelim, ont trouvé la Garzette dans la Haute- Egypte, la Nubie, le Kordofan et en Abyssinie. Elle est séden- taire à Zanzibar et au Zanguebar ainsi qu'à Madagascar. Il est remarquable que la qualité des crosses fournies par l'Afrique méridionale et australe est fort inférieure à celle de l'Afrique du Nord et en général à toute autre provenance. Asie. — L'Asie héberge nombre de Garzettes ; il s'en trouve dans l'Asie-Mineure, en Palestine, près du fleuve Jourdain et de la mer Morte, en Syrie, en Arabie, en Perse, la mer Noire, la mer Caspienne, le lac Aral. Aux Indes, à l'embouchure du Sindh, du Gange, de l'Iraouddy, dans toutes les régions ma.- récageuses où la culture du Riz est pratiquée. Dans l'Indo- Chine, à l'embouchure du Meinam, du Meikong, dans les ri- zières, les marais et les lacs du Cambodge, de Siam, de l'Annam, du Tonkin et de la Chine. Se trouve au Japon, sur le littoral principalement. Amérique. — Dans l'Amérique du Nord elle est très rare, autrefois nombreuse dans la vallée du Mississipi, la Géorgie, l'Alabama, la Floride, les grands lacs ; victime des chas- seurs industriels, elle a complètement disparu aujourd'hui de presque toutes ces contrées. Dans l'Amérique centrale, elle est très commune dans le Nicaragua, la Colombie, le Venezuela, le Mexique et sur le 262 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. plateau des Andes centrales. Elle est répandue dans toute l'Amérique méridionale, sur les côtes de l'Atlantique et du Pacifique, sur les îles Malouines et la Terre de Feu. Les provinces du Brésil méridional en contiennent de grandes quantités, Rio-Grande-do-Sul est un grand centre d'exportation. Buenos-Ayres fournit aussi un apiioint consi- dérable. Océanie. — Elle est pins ou moins répandue dans les îles Philippines, les îles Andaman, des Moluques, de la Sonde, le Queensland dans l'Australie. Les Hérons Garzette et Aigrette sont assez communs en Nouvelle-Guinée. Leur parure est de qualité supérieure quoique assez lourde au poids ; ces der- nières années, il en a été importé des petits lots, alors que précédemment dans ce pays on dédaignait ces oiseaux et on se livrait à la chasse des Paradisiers et autres oiseaux de parure. Leur recherche est fort difficile et se pratique au fusil, dans les régions côtières du littoral. L'épouvante résul- tant des coups de feu les fait fuir dans les régions impéné- trables des forêts vierges et des marais inaccessibles de l'in- térieur du pays. Il a été constaté que les oiseaux qui ont subi l'épreuve du plomb des chasseurs ne reviennent plus dans les lieux de leur agression, ce seront d'autres (pii les y rem- placeront. Nous avons reproduit quelques descriptions pittoresques de l'habitat des Aigrettes dans quelques régions asiatiques et américaines, leur complément africain trouve sa place utile- ment ici. Le curieux Voijage dans V Afrique occidentale, en 1846, de Raffénel, nous fournit les renseignements suivants, encore exacts aujourd'hui : IG octobre. — « Les bords de la Falémé se repeuplent en ce moment des oiseaux qui les désertent pendant le temps des grandes eaux pour aller vivre dans les marigots. Ces oiseaux généralement échassiers et palmipèdes, sont de même espèce que ceux qui habitent les bords inférieurs du Sénégal, sui- vant aussi les mêmes migrations périodiques ; mais dans le fleuve et la rivière, la répartition de ces divers animaux n'a point lieu d'une manière égale. Ainsi dans la Falémé, on rencontre fréquemment des Ibis et des Flamants qui ne paraissent au bas Sénégal que très rarement et par compensati(^n on trouve dans la Falémé moins de palmipèdes que dans le Sénégal. Je n'ai point, en etïet, aperçu dans cette rivière les nombreuses LES HÉRONS-AIGRETTES. 263 bandes de Canards aux ailes éperonnées et de Sarcelles au plumage éclatant qui couvrent fiuelquelbis un hectomètre d'étendue sur les rives du fleuve comprises entre Podor et Saint-Louis. Les Aigrettes grises allant ordinairement par couples et les Aigrettes blanches de petite taille (^1 . Garz-dial) Ibruient des vols considérables qui s'abattent de [)r('lerence dans les endroits où paissent les trou[)eaux, abondent dans la Falémé, aussi bien que dans le Sénégal et donnent dans la saison actuelle, surtout ces dernières, de la vie à leurs prés flétris. La couleur blanche de neige de ces Aigrettes réu- nies oi'dinairement en masses serrées (ait un lieureux con- traste avec les couleurs ternes du sol et de l'herbe desséchée qui le couvre. » L'importance de la destruction des Garzettes , consé- quence de l'emploi industriel et de la laveur en mode de sa parure, sera lacilement appréciable lorsque l'on saura que la moyenne des brins de crosse Iburnit par la Garzette ne dépasse jamais le poids moyen de un c/ra^nme (environ 30 a 45 brins = 1 gramme) [lar oiseau et s'élève, suivant l'âge ou la saison, de 30 à 90 brins environ, quantité se trouvant sur un oiseau adulte en plumage complet. En plus de cette plume dénommée crosse, l'oiseau fournit encore une^ quantité de brins de crosse non crossée, dénommés fausse crosse ayant une valeur très inférieure (50 à "75 "/o de moins). Lorsque la mode affecte à l'ornement des chapeaux des dames et emploie comme coiffures de soirées « la crosse » vulgairement et à tort dénommée aigy^etie (l'aigrette provient du Héron ai- grette), la valeur de ces plumages subira des fluctuations très importantes. Il y a une vingtaine d'années, les peaux d'Ai- grettes valaient de 1 fr. 50 à 2fr. 50; les provinces danu- biennes fournissaient de fort belles peaux, l'Afrique et les Indes les moins estimées, celles de l'Amérique centrale et méridionale très estimées ; les peaux de Garzettes avaient à peu près la même valeur, aujo.urd'hui cette production se ré- duit à l'aigrette et à la crosse détachées de la peau qui ne s"exi)édie plus, étant plus volumineuse, plus embarrassante et souvent une cause de détérioration de la précieuse parure dorsale. Cette plumée qui autrefois valait : l'aigrette de 7,50 à 15 l'r. l'once, a triplé de valeur; la crosse, qui valait de 25 à 40 francs l'once, a atteint des prix s'élevant à de certaines éi)oques jusqu'à 200 francs l'once (30 g.) ! Malgré ces varia- 264 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. tions de prix extravagants nous pouvons constater que per- sonne n'a fait fortune dans cette production ni comme chasseur, ni comme négociant, encore bien moins le fabri- cant industriel. Cette observation s'ap])lique en général en Afrique aux chasseurs d'éléphants ; en Amérique aux cher- cheurs de caoutchouc également chasseurs d'aigrettes , à l'occasion. Il est à remarquer que partout où l'Aigrette a été poursui- vie avec des armes à feu, elle a disparu progressivement et ne se trouve que dans des régions où des obstacles na- turels importants aideront et protégeront sa paisible repro- duction. Les plumes dorsales et scapulaires, si recherchées, ne se trouvent en bon état, avec pleine valeur, que dans la saison des amours, d'où la désignation en plumage de noces ; après cette époque, elles sont usées par la couvée et tombent pour repousser seulement l'année suivante, dès le printemps. Les plumassiers distinguent deux sortes d'Aigrettes fournies par des Ardea egretta bien distinctes; celles en provenance de la Russie et de l'Asie mineure et centrale ont une con- formation spéciale, la tige est plus plate, les barbules plus raides n'ont pas l'élégance dans leur courbe des autres pro- venances ; là sorte la plus estimée est celle de l'Amérique méridionale, des fleuves et des marais de la Guyane, du Venezuela, du Brésil, des Républiques argentine, Uruguay, etc. : c'est l'espèce désignée Egretta leucc. La valeur com- merciale des parures de l'Aigrette et de la Crosse sont sujettes à des fluctuations très considérables, dont les diverses opéra- tions sont pour nombre de négociants un jeu de Bourse dont souvent le fabricant plumassier pâtira. Mais l'inconstance de la mode modifie les cours dans un temps si bref qu'il arrive que les ordres d'achat à un prix de X peuvent souvent causer la ruine du commettant d'une année sur l'autre. C'est ce qui est arrivé pour la plume d'Autruche dont la valeur, depuis vingt ans, a diminué de 75 % ! Toutes recommandations de prudence et de sagacité sont déroutées par cette chose fugace et inconstante « la Mode », qui n'a jamais fait la fortune de ceux qui l'ont servi, en re- cherchant soit les plumages, soit les fourrures, ou même les pierres précieuses, malgré les dangers des climats malsains et des populations sauvages. Toutes ces peines sont prises au LES IIÉRONS-AIGRETTES. 2Go profit des intermédiaires Lien tranquilles derrière leurs comptoirs et des marchands au détail des quartiers élégants des grands centres modernes, lesquels ignorent généralement au prix de quelles difficultés ces objets leur parviennent, sans aucun risque pour eux. Les dépouilles d'Aigrettes arrivent à la consommation soit par importation directe à Paris, ou en vente publique bi- mensuelle aux Docks de Londres, le grand marché d'impor- tation du monde entier ])our la fourrure, l'ivoire et les dé- pouilles d'oiseaux. Les prix pratiqués en vente publi(|ue a Londres établissent les cours qui, relativement, dans les ra[)- ports des détenteurs en gros vis-à-vis du fabricant plumas- sier produisant les aigrettes prêtes à l'emploi en mode, sont purement fictifs, en raison des diverses sophistications dont cette matière précieuse est l'objet. •» Voici l'exposé des diverses préparations usitées : 1° En peau ronde, c'est-à-dire l'oiseau naturalisé, possé- dant les os des jambes et des ailes, permettant son emploi dans les collections d'histoire naturelle ou de zoologie, bourré suivant les principes enseignés pour conserver intacts la forme et l'aspect de l'oiseau en vie. 2° En peau plate, cette préparation est semblable à la pré- cédente, la dépouille est également complète, la différence consistera en ce qu'elle ne sera pas bourrée et par conséquent son emploi en collection, %iour être monté, sera plus diffi- cultueux. Ce procédé est économique dans l'emploi commer- cial et il est plus avantageux comme frais de préparation et d'envoi ; il est moins encombrant. 3° En parure, c'est-à-dire avec suppression de toute la peau, excepté la partie dorsale possédant les aigrettes. C'est le procédé classique des chasseurs de la Guj'ane et de l'Afrique, justifié par la difficulté de préparation, conséquence du cli- mat ardent et des moyens de transports limités. Générale- ment les peaux préparées de la sorte sont fort sales, le cuir n'est pas arseniqué, à peine passé à l'alun. 4° En vrac. C'est le mode commercial le plus pratique sous tous les rapports consistant à présenter uniquement les plumes dorsales de l'Aigrette et de la Garzette, détachées et sans mélange de toute autre plume de corps. Les plumes fili- formes duveteuses au pied de la Garzette, ne crossant pas naturellement, forment un classement à part sous le nom 2G6 REVUE DES SCIENCES NATURELLES ArPLIQUÉES. de fausse crosse. Il y a fraude lorsijue les deux sortes sont mélangées et offertes sous la rubrique crosse. Pour l'Aigrette la fraude consiste à fourrer dans les paquets des tiges d'Ai- grettes cassées, manquant de leur partie supérieure. Les quatre procédés que nous venons de décrire yarient encore à l'infini, toutefois ce sont les plus usités dans le commerce d'importation, mais ce n'est pas cette préparation originelle qui généralement parvient au fabricant travaillant l'aigrette pour la consommation; les négociants intermé- diaires y apportent de grandes, modifications. Les Aigrettes de toutes sortes sont offertes dans le com- merce et vendues à l'once de trente grammes. Les plumes sont régulièrement mises sur pied, liées en gerbe au moyen d'un fil. C'est par ce lien que commence la série des fraudes. Il est rare que cette ligature pèse moins d'un granmie, ce qui l)our une marchandise d'un i)rix élevé augmente sensible- ment le j)rix de la matière d'emploi. En admettant le prix de 100 francs pour une once, il y aurait trois l'rancs pour le lien? Une fraude plus dil'ficile à reconnaître à première vue con- siste à mélanger la crosse crossaat avec la fausse crosse ne crossant pas, dont la valeur est de 75 % moindre. Le moyen de se garer de toute surprise fàclieuse consiste à défaire les paquets et à compter le nombre de brins de cliaque sorte en prenant environ deux grammes par paquet pour l'essai. D'habitude on doit trouver mille à douze cent cinquante brins crosses dans les provenances de l'Amérique méridio- nale (.-1. candidisslma). Les i)rovenances du Tonkin, des Guyanes sont i)lus lourdes et fournissent de huit à neuf cent cinquante brins à l'once ; la sorte la plus lourde est fournie par l'Egypte et donne de cinq à six cents brins à l'once.- On estime qu'il faut au moins sept cents dépouilles de Garzettes pour produire un kilogramme de crosse. Une fraude bien connue est de charger le poids par l'ad- dition de poudre de talc qui est fort pesante, de fécule ou d'amidon qui seront mis pour donner un aspect de blancheur plus éclatant, l'humidité aussi augmente le poids, mais la fraude qui se pratiquait i)0ur la plume sous-caudale du Marabout ad.iudant de l'Inde, consistant à introduire un grain de plomb dans le canon de la plume, à ma connais- sance n'a jamais été prati(|uée pour les Aigrettes ; les procédés dévoilés sont très suffisants. LES HÉRCiNS-AIItRETTES. 267 IV. LA GARZETTE NÈGRE. {Arclea Sturmi, Egreita plumhea Swains.) Si/n- — A. Herodias Linn. Catesb. Carol. app., pi. 10, f. 1. — Wihon Amer. Orn., pi. 65, 1'. 5. Audub. B. of. Aust., pi. Ardea hudsonias Liuu., Edward's Birds, pi. 135. — A. alba Gmel. Pi. enl. 886. Anlea candida Briss. — A. egrett6lô.es Gmel. Reise ii l. 25. — A. egrettoïdes Temm. Man. d'Oru., pi. IV, p. 374. — A. llaDl/'oséris Temm. Wagl. Syst. Av. ar. sp. 9. — A. egrella Gmel. PL cnl. 925. — Ardea leuce 111. Wilson Amer. Orn., pi. 61, f. 4. — xl. Garzetta Linn. Ardea divea, N. G. Petr. XV, p. 458, t. 17. — .4. Xanthodact.i/los Gmel- ; type of Herodias Boïe (1822). — A. Candldissima Gmel. Jacq. Vog. t. 13. Wils Amer. Orn. — A. Candid'ssiim, pi. 62, L 4, PL enl. 901. — Ardea Thula Mol. Fig. — Gray, Gênera of Birds, pi. cl, t. III. CaracL — Celle variété peu nombreuse, non aiiaUe,.a le ventre et la gorge de couleur blanc jaunâtre avec des stries noires, loule> les autres parties du corps sont couleur gris ardoise fonce' qui e'^l la livrée uniforme de l'oiseau adulte. Les scapulaires avant de se transformer eu crosse forment des plumes longues, étroites, com- pactes qui arrivent à se décomposer et prendre la forme et l'aspect de la crosse, mais de couleur ardoise. Les mœurs et les habitudes de cette crosse sont celles de la famille ; nous n'avons pas de détails pai^ticuliers sur cet oiseau dont la parui^e exploitée pour le commerce vient des Indes et se vend aux enchères publiques dans les Docks de Londres. LES PATURAGES DU CAP DE BONNE -ESPÉRANCE LES MEILLEURS FOURRAGES — LES PLANTES NUISIBLES d'après m. mac-owan, directeur du jardin ' botanique de cape-town Par m. Jean YILBOUCHEVITCIL Les acclimateiirs français, et pins particulièrement ceux qui habitent l'AIrique, ont un très réel intérêt à connaître les ressources végétales de l'Â-lrique australe, une grande partie de l'extrémité sud de ce continent produisant des espèces utiles particulières, en même temps que le climat présente une ressemblance essentielle avec les régions semi-déser- tiques du nord, occupées par la France. Aussi la Société nationale dAcclimatation est-elle très re- connaissante au savant directeur du Jardin de Cape-Town, qui, du reste, lui a déjà souvent donné des marques de sa complaisance éclairée, de lui avoir communiqué un travail (1) dont les lecteurs de la Revue retireront d'autant plus d'en- seignement utile, que les végétaux traités dans cet opuscule, — dont un second exemi»laire n'existe probablement pas à Paris, — ne sont que simi)lement signalés, sans autres dé- tails, dans les Recueils classiques ou même encore complète- ment inconnus des acclimateurs français. La flore agricole de la région pastorale de la colonie du Cap de Bonne-Espérance est caractérisée par une gi'ande abondance de formes frutescentes (broussailles) ; plusieurs espèces constituent, pour ainsi dire, le gros de la nourriture des innombrables troupeaux do Moutons de la colonie. Les (1) Plants that furnish Stock fou] at the Cape, troisième réimpression, com- plétée d'un rapport présenté en 1877 à une < Commission gouvernementale pour l'étude des causes de la décadence des pâturages et des maladies du bétail », extrait du South African Agriculiural Almanach, de 1887, vingt pages. Nous ne donnons ici qu'un résumé. LES PATURAGES DU CAP TE BOXXE-ESPÉRANCE. 2(j<.) meilleures, les plus dignes d'être protégées et propagées sont : 1. Pentzia virgata Less. 2. Adenachœna parvifolia DC. 3. DiplopappiiS fdifotius DC. Le Pentzia virgata présente la grande qualité, au i)()int de vue de l'élevage des Moutons, de croître en société et d'oc- cuper fréquemment de vastes superficies, presque à l'exclu- sion comitléte de toute autre broussaille ; ces sortes d'ilôts de Penizia sont également communs à l'est et à l'ouest de cette ligne de démarcation naturelle qu'est la crête du Kiyn Bruintjes Hoogte ; ils correspondent généralement à des sols argileux, tenaces, un peu limoneux, riches; Ips terres sa- bleuses, pauvres ou pierreuses ne conviennent point au Pen- tzia; pas plus que les coteaux rocheux, où le Diplopappus, luieux approprié, lui lait une concurrence insouteuahhv L'espèce a l'avantage de grainei- abondamment, mais ce qui, dans les conditions spéciales du pays, lui donne nue im- portance toute spéciale, c"est un auti'e mode ti'ès singulier de propagation qui consiste dans une sorte de marcottage spon- tané : des branches ayant atteint une certaine longueur dé- terminée, se recourbent vers le sol, s'y enterrent et repren- nent racine par le sommet. 11 en résulte une protection très efficace de la surface du sol contre le ravinement; or ce dernier phénomène est une des plus grosses calamités de rélevage dans la colonie. Il i»i'ovient de ce que les éleveurs mettent dans leurs i)àturages plus de bêtes que la surface donnée n'en peut raisonnablement nourrir; les Moufons ^t les Chèvres, réduits à la portion congrue, rongent (ont ce qu'ils peuvent découvrii-; le sol dénudé s'etïrite et est em- porté par les eaux de pluie; il se forme ainsi autour de chaque touiïè un petit ravin (pii dorénavant sert de ehemin prédestiné aux eaux; dans ces conditions le sol s'approfondit de plus -en plus, d'une part, et d'autre part, l'eau s'écoule rapidement sans tremper le terrain; or, avec le climat si sec du pays, c'est le plus grand malheur qui puisse être (1 Le ravinement de la steppe doit donc, de toute faeoii. être arrêté dans ses funestes progrès sous peine de voir l'élevage sérieusement coin[)romis. (1) Ce phénomène fâcheux n"csl muiheu.'-eu;< ment pas particulier uu Cap seulement. J. V. . , ■ 270 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. La propagation du Pentzia est un remède tout trouvé. Le rehuissonnement [sic] de la steppe à l'aide du Pentzia est facile. D'abord, au Cap, l'espèce existe un peu partout; il suffira donc do supprimer les concurrents inutiles ou nui- sibles et de répandre une certaine quantité de graines de l'espèce qu'on entend favoriser, et puis, surtout, il faudra interdire aux troupeaux le pâturage compromis pendant une saison ou deux, jusqu'à ce qu'il ait repris un aspect ras- surant. Peut-être y aurait-il avantage à remuer le sol intelligem- ment avec un instrument aratoire approprié, plus particuliè- rement pour hâter le marcottage spontané des sommets. Souvent il sera aussi indispensable de combler les rigoles les plus profondes en y mettant — ce qui sera le plus simple — des fagots de branches mortes prises sur la broussaille envi- ronnante même, et en posant quelques pierres dessus ; on prendra soin de disposer ces sortes de fascines rudimentaires dans le sens opposé au courant habituel des eaux des pluies ; l'accumulation naturelle de toute espèce^ de détritus et de particules terreuses autour de ces barrières improvisées fera le reste. « Je suis convaincu », conclut M. Ma c-Owan, « que c'est avec le Pentzia qu'on reconstituera le mieux nos steppes menacées. Les gens du peuple qui l'appelle « le hon Karroo ». savent bien ce qu'ils disent lorsqu'ils appliquent à la plante cette épithète... » «J'ai, d'ailleurs, fait ce que j'ai pu», ajoute-t-il ailleurs, « pour la répandre dans les autres pays. J'en ai distribué des graines à profusion dans les quatre prin- cipales divisions de l'Australie; et cette année encore (1887) j'en ai envoyé en Algérie, en Sicile et à Kew (pour être réparties plus loin). » L'AdenacJiœna parait offrir une croissance moins luxu- riante et être moins apte à conquérir des surfaces considé- rables à l'exclusion d'autres plantes ; sa propagation par graines demanderait encore aussi à être plus directement expérimentée ; mais la valeur fourragère de la plante est con- sidérable, peut-être même supérieure à celle du Penf:-la, et puis, elle offre cet avantage important de prospérer par- faitement dans des endroits rocailleux qu'il serait difficile d'utiliser autrement. Le Diplopappiis fdifoUus DC. (Draaï-Bosje) convient ad- LES PATURAfiES DU CAP DE liONNE-ESPERAXCE. 271 miraljlement à tous les coteaux pierreux, rocheux, ayant une forte pente, surtout s'ils sont exposés au midi. Peu de végétaux grainent plus abondamment et offrent autant de facilité pour la récolte des semences ; la propagation des « Draaï-Bosje » sur les coteaux i)auYres, par voie de semis, parait donc être une chose facilement réalisable; il y aurait à semer à la volée, en y mettant des quantités de graines considérables (puisqu'on peut s'gn procurer autant qu'on veut), mélangées avec trois ou quatre fois leur volume de terre, après une bonne pluie, et en ayant soin de bien lancer les graines dans les coins et dans les crevasses. Ce fourrage parait cependant avoir l'inconvénient de com- nuini(|uer ;i la chair du bétail une saveur et une odeur aro- matiques très fortes et particulières qui ne sont pas du goût de tout le monde; ce n'est d'ailleurs pas une ol)jection à sa propagation, puisqu'il suffit de faire changer les bètes de nourriture quinze jours avant l'abatage, pour enlever à la chair tout caractère déplaisant. Le Portidacaria afra, Jacq. (Spek-boom), est une superbe espèce qui vient sur les coteaux pareils à ceux que carac- térise le Diplopappus, mais plus ensoleillés, mieux partagés au point de vue de la richesse du sol, et plus doux, comme pente ; aussi, dans ces prairies (veldts) spéciales à relief on- dulé, à sol rouge, souvent quelque l'ieu saumàtre, qui sont particulières à la région du Karroo. Il est véritablement étonnant qu'une plante fourragère d'aussi grande taille, aussi avidement dévorée par toutes les bètes à cornes (les chevaux s'y habituent d'ailleurs aussi vite) n'ait pas encore été mise en culture régulière; elle tend même plutôt à disparaître, elle- est de plus en plus supplantée dans son habitat naturel par toutes sortes de végétaux indifférents ou nuisibles, comme c'est le sort forcé de toutes les bonnes plantes fourragères abandonnées au hasard dans une contrée livrée à la faim de troupeaux, dont nulle main intelligente ne s'applique à ré- parer les dégâts. 11 n'y a pas d'autre plante fourragère au Cap dont les mé- rites soient aussi indiscutables et aussi frappants. La faculté du Spek-boom de repousser par rejets après broutage, en dépit des mutilations les plus graves, est absolument hors ligne; la multiplication, par boutures, des plus aisées. Le semis pa- rait moins recommandable, les graines étant fort petites, 272 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES très caduques et de peu de durée. M. Mac Owan a tenté à maintes reprises de l'aire parvenir des graines viables en Californie et en Australie, mais il a toujours échoué. 11 pense cependant que l'essai serait à renouveler, en mettant des o-raines mûres aussit(3t cueillies, avec le double de leur volume de terre à peu près sèche (ail but dry) dans quelque boîte en fer blanc hermétiquement close et en expédiant celle-ci par la poste. Au Cap même, il paraît n'y avoir eu qu'une seule tenta- tive de culture en grand du « Spek-boom », faite par M. Lu- deritz, un colon fort entreprenant d'Angra Pequina; les jeunes plants et les boutures importés dans ce pays, par ses soins, reprirent admirablement, mais les bestiaux mal surveillés anéantirent le résultat, se jetant sur la plantation lorsque les i)ieds n'avaient pas encore l'âge d'un an et ayant tout dévoré sans en laisser trace. Un avertissement : Pareil à d'autres plantes du Karroo, le Poriulacaria afra parait exiger, pour parfaire son entier développement, une saison i)luvieuse chaude (ce qui cons- titue un caractère distinctlf des régimes tropicaux) ; ainsi, à Cai)e-Town, où les pluies viennent dans la saison froide et non dans la saison chaude (par conséquent comme en France), il atteint bien de belles dimensions, mais se re- fuse à fleurir. Le Cactus {Opuntia) a cochenille, variété presque ou même tout à fait inerme (ce qui lui a valu dans les quelques exploi- tations de boérs où elle a été introduite le nom de « Kaal- blad »). semble à M. Mac-Owan mériter la plus grande atten- tion, comme ressource fourragère en temps de sécheresse pour toutes les régions « karroïdes » de la colonie. C'est encore sur M. Luderitz ({ue l'on compte pour un essai en grand, à quelle fin le Jardin de Cape-ïown lui a cédé tout ce qui a pu être réuni en fait de « Kaalblad » - boutures et graines. » — Selago leplosfachija V.. Mey (« Aarbosje»; dans le Carnarvon et à Fraserburg — « Water-fînder ») parait être recherché par les Chèvres et résister admirablement â la sé- cheresse. L'espèce produit peu de graines, mais se ressème tout de même naturellement, pourvu que les troupeaux soient tenus à l'écart pendant une saison; el.t s'accorde bien avec les Gra- LES PATURAGES DU CAP DE BONNE-ESPÉRAXGE. 273 minées et semble appartenir, d'une l'açon générale, plutôt à la flore des « gebroken veldts » qu'à celle du « Karroo a proprement dite. Les autres Selago du Cap n'ont aucune importance éco- nomique. ■ ' — Les fourrages lialophUes (compatibles avec les sols sa- lants) : Airiplex halimus L, var. Capensis (Vaal Bosje) ; A. nummularia Lindl. (introduit d'Australie de même que les A. clno'ca Poir. ; Kochia sedl/olia F. Mueller et autres « salt-buslies »); Kochia pubesceas, Moq. ; Caroxijlon sal- sola, Tliunb. ; Telragonia at^h^/scula, Fenzl. ; Exomis axyrioidcs, Fenzl. ; divers GUmts et Galenia ; Mesembrian- ihemum genicuUfl^orian, L. ; M. andifloriim, L. ; M.angu- latum, Thunb. ; M. edulc, L. (T'(romkum); M. acinaci foi-ync (T'Gouna) ; M. floi:ibundiim, Haw. ; M. obliqinim, Llaw... ont déjà été traités dans un extrait du travail de M. Mac-Owan, publié par anticipation dans la Revue du 20 avril dernier, p. .3()(i. Les deux premiers Atriplex paraissent seuls présenter une importance pratique, au point de vue des espèces à propager artificiellement ; tout au plus encore quelques-uns des Mesembrianiliemum: M. crystalHnnm, L. ; M. angulaium, Thunb. ; M. floribundum, Ilaw. ; et M. o'jUqimm, Haw., bien que les capsules de ce genre ne soient pas précisément faciles à récolter et à conserver. Le reste des plantes énumérées ci-dessus ne semblent guère destinées à avoir jamais les honneurs de la culture agricole. Il faut en.dir-e autant de quelques Hermannia, Mahernia, Hypertelis, Aizoon, etc.. (nous ne sommes plus dans les véjiétaux halophites auxquels nous n'aurons pas l'occasion de revenii' au cours de cet exi)osé), toutes plantes que l'éle- veur du Ca|) est bien aise de constater dans son « veldt », lorsqu'il les y trouve, mais (ju'il n'aurait tout au plus qu'à prot/'ger, toute idée de véritable culture n'étant, pour ce qui concerne ce genre de végétaux, qu'une fantaisie innocente, mais sans conséquences. — Le Lasiocorys Capensis, Benth., est une Labiée semi- ligneuse, assez peu connue sous le rapport économique pour ([u'il soit utile de citer en ilétail ce qui en est dit dans le travail de M. Mac-Owan : 2(J Septembre 18P3. ^8 274 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. (( C'est un ami , décédé depuis longtemps , qui a attiré mon attention sur cette plante et m'a fait reconnaître avec lui ses réels mérites. La première année de végétation est employée à la constitution du vigoureux pivot qui llxe la plante en terre, les années suivantes voient naître une multi- tude de racines latérales et, en même temps, une masse touf- fue de branches courbes et ascendantes, qui finissent par l'ormer un buisson haut de 1 pied ou 2. La floraison et grai- naison ont lieu au moment des pluies automnales; les feuilles et pousses sont aromatiques et quelque peu amères; les bètes iry tOTichent point autant qu'elles ont autre chose à se mettre sous la dent; mais pendant toute la durée de l'hiver, lorsque les autres herbes font défaut, le bétail se rejette avidement sur le Lasiocorys, lequel, ayant passé la belle saison en paix, offre une masse considérable de nourriture qui vient à point; et vers la lin de la sais5n froide, il n'en reste souvent même plus que ce qui est caché sous la terre. C'est donc un fourrage d'hiver de la première utilité ; mais ce qui est encore plus important, si possible, c'est la faculté du Lasiocorys de pousser luxurieusement sur les détritus stériles accumulés dans les gerçures ravinées des « veldts » dégradés par les excès de pacage (voyez ce qui est dit à ce sujet à l'occasion du Penlzia) ; d'arrêter l'écoulement torren- tiel des eaux de pluies et de contribuer ainsi grandement à la reconstitution d'une surface unie et d'un gazon normal. Cette propriété, jointe à son rôle comme fourrage, me pa- raissent donner à cette plante un intérêt assez sérieux pour que je ne craigne pas d'en recommander vivement la propa- gation, en dépit de la difficulté qu'offre la récolte des graines, trop facilement emportées par le vent. y> ■ L'habitat naturel préféré du Lasiocorys est les pentes basses, rocailleuses des collinettes qui émergent en contours ondoyants au-dessus de la plaine du « Karroo » ; c'est abso- lument la même chose que pour VAdenacJicena. Passons aux Graminées. VAnihistiria ciliata, Retz. (Rooigras) est, de l'aveu de tous, la meilleure graminée fourragère de la colonie ; suivant la saison, elle se présente plus ou moins dure et, en consé- quence, plus ou moins nutritive; en tout cas, c'est l'herbe qui de toutes celles dont on dispose au Cap, fournit le gazon pé- LES PATURAGES DU CAP DE BONxXE-ESPÉaANCE. Ho rennant le plus utile, le plus rustique et le plus menacé ])ar les sauterelles ; c'est donc, de toutes, celle qui a le plus de chances d'être employée à l'établissement de prairies artili- cielles. Le jour, « combien éloigné encore », spécifie M. Mac- Owan avec prudence, « les plus Jeunes d'entre nous ne le verront point », le jour, disons-nous, où les éleveurs du Cap seront assez avancés [)our ressentir le besoin de prairies permanentes artificielles. Les fermiers australiens ont, d'ailleurs, une opinion sem- blable sur leur « Kangoroo grass » [Anthisliria aiisfralis, R. Br.), que M. Mac-Owan croit pouvoir être identifié à r « espèce » du Cap. — Le Cynodon dactijlon, Pers., espèce i'ort cosiiio[)olite, qui porte dans l'Inde le nom de « Doabe-grass » et au Cap celui de « Small quick-grass », donne un gazon d'une très grande densité; mais il faut que le sol soit assez bas et hu- mide pour que les brins deviennent assez hauts pour [)Ouvoir être broutés par le gros bétail; les Chevaux et les Moutons qui savent brouter au ras du sol, s'il le faut, trouvent plus facilement en toute situation leur compte avec ce Cynodon ; mais, en moyenne, cette herbe ne vaut guère que les trois quarts de ce que vaut VAniMstiria. Son grand avantage, par contre, est de pouvoir être propagée, à l'aide de fragments de rhizomes, avec une facilité sans pareil. Le Sloiotaphrwn glabrum, Trin., plus grossier, est fort commun dans les Cai> Flats et, d'un bout à l'autre de la colonie, sur tous les points sablonneux liumides. Les moyens de pro- pagation sont les mêmes que pour l'espèce précédente. — Les Panicum du pays : P. maxinihyn, Jacq. ; P. barbi- node, Trin.; P.lœvinode, Lindl.; P. fnanentaceuni, Roset., pas plus que les Setarin, ne paraissent offrir pour le moment aucun intérêt comme fourrage à propager. — Le Planlago lanceolaia L. a été introduit avec succès et s'est complètement acclimaté sur le plateau du sommet du Boschberg, derrière Sommerset Bast; ce plantain menace même d'envahir toute la place au détriment d'autres four- rages locaux meilleurs. D'une façon générale, ce n'est que dans des régions ana- logues (l'altitude du plateau est de 5,000 pieds), dans des dé- pressions fraîches et humides qu'on peut songer au Cap d'introduire les bonnes graminées fourragères d'Europe : les 276 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Festiœa ovina L.; F. elaiior L. ; F. 2Jratcnsis Euds; Poa liratensis L.; P. irivwlis L. ; Phlœum pratenseL.; Dac- iylis glomerata L. ; Molinia cœrulea, Mœnch.; Ilierocldoa Itorealis R. ; VAgrostis aWa L.; de même que les Trèfles, le Sainfoin, etc.; mais au point de vue social et économique, le moment ne semble pas encore arrivé pour ce genre de cul- tures qui correspondent à une agriculture déjà plus in- tensive. Les XJlanles à dcl j'uirr :FA\es sont nombreuses, ces plantes qui prennent la place des bonnes, d'autant plus que celles-ci sont davantage recherchées par le bétail ; l'acclimateur a intérêt à les connaître afin d'éviter leur introduction par ha- sard ou négligence, malheur qui est arrivé déjà plus d'une fois. Celles qui. causent le plus de mal au Cap sont : Le Chrysocoma temdfoiia, Berg. (« Karroo bosje ») qui est excessivement envahissant et yénéneux si , faute de mieux, il est consommé en quantité tant soit peu notable. V Elyiropapims Rfmiocerotis, Less. primitivement intro- duit du Congo est devenu une plaie, de même que le Rel- liania genistœfolia, L'Her. Le Mesenibrlanthemum spinosum L., dangereux par ses terribles pointes. Les Asparagus stipulaceus, Lam. : un i)etit Lyciiim égale- ment épineux; le fâcheux Xantliium spinosum ; le Medicago laciidata, Ail. ; VE china sper77ium lap%nda, Lehm, causent le plus grand dommage aux Moutons et plus encore aux Chèvres angoras, dont elles déi»récient la laine; ces dange- reuses itlantes se propagent, malheureusement, de plus en plus. Le Lesscriia annidaris, Burch. (T'Nenta), agit sur les Moutons et les Chèvres comme poison, à la faron du Oastro- lohium hUobum, R. Br., de l'Australie occidentale. Le Dimorphoteca cuneata, Less. (« Bietouw ») et YOrni- ihoglossvmi glaucmn, Salisb, semblent causer aussi la mort des animaux assez imprudents pour brouter dessus, quoique sous ce rapport il y aurait encore à vérifier. La toxicité de la belle « Tulipe », de la province occi- dentale, Morea polyanthos, Thunb., est malheureusement hors de doute. Le Melico dendroïdes, Lehm. (« Dronk Grass »,« herbe LES PATURAGES DU CAP DF BOXXE ES 2RANCE. 277 saoule )) des fermiers), une espèce qui se répand de plus en plus dans le pays, met les Moutons et les Chèvres dans un état pathologique fort curieux, comparable à ce qui a lieu avec le Lolium iemulentuni , L. , et qui mériterait d'être étudié de plus près. L'Ergot (Claviceps purpurea, Tnl.) semble avoir causé souvent des avortements dits « épidémiques » par le brou- tage de plusieurs graminées spontanées qu'il envahit facile- ment et dont le Gymnothrijc hordeiformis. Nées, semble être le plus exposé à ce genre de calamité. Il y aurait à aviser sous ce rapport. II. CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. La Touboulane ou Truffe du Caucase. — M. A. Cliatin vient de présculer à T Académie des sciences le rcsullat de ses re- cherches sur une nouvelle espèce de Truffe qu'il a reçue récemment de M. Auzepi, consul de France à Tiflis. La Touboulane est assez abondante pour remplir, dans la région caucasienne, un rôle important comme malicre alimentaire; elle se vend couramment dans les grandes villes, notamment à Bakou et à Tiflis, et pourra devenii., eu raison de ia modicité de son prix (5 à 10 kop., 4 à 8 cent , la livre russe de •109 grammes), devenir un article d'exportation en Europe. Cette année, les Touboulanes ont été rares en raison de l'iusuffi- -sance des pluies qui jouent un grand rôle dans la production truffière aussi bien an Caucase qu'en Europe et en Afrique. Mais tandis que nos Tuberace'es d'Europe rc'clameut des pluies d'été, celles du Cau- case, d'Arabie et d'Afrique, espèces de printemps, sont favorisées par les pluies d'hiver ou de premier printemps; ce qui indique assez que c'est vers la première période du développement des Trulles que .s'exerce plus spécialement faclion bienfaisante des pluies. La saison (le printemps) de maturation des Touboulanes, à peu près la même que pour les Torfils d'Algérie et les Kamis d'Arabie, semblait indiquer que leurs analogies botaniques seraient plutôt avec ceux-ci qu'avec les Truffes d'Europe. Du volume d'une grosse noix (volume qu'on peut regarder comme e'tant au-dessous de la moyenne en raison de la sécheresse du prin- temps], les Touboulanes sont irrégulièrement rondes ou en forme de' poire, leur base atténuée paraissant être seule hypogée à la matura- ration, comme cela a lieu le plus souvent pour les Terfàs. La coloration, d'abord faible, se fonce par la dessiccation, plus sur le pe'riderme que dans la chair, encore comme dans les Terftzia, à l'exclusion des Tirraunia, qui restent blancs. La saveur et l'arôme des Touboulanes sont d'ailleurs agréables, mais faibles comme tous les Terfâs. L'examen chimique n'a pu être complet, par l'insuffisance des ma- tériaux. Toutefois l'azote, le phosphore, la potasse, la chaux et la magnésie ont e'te très approximativement doses. La proportion de la magnésie est toujours élevée, comme l'a cons- tate le professeur Gayon, môme dans les Truffes provenant de terres l>eu magnésiennes. Ce fait a même suggéré à M. Gayon l'idée que la terre à Truffe par excellence serait celle qui contiendrait le plus de magnésie. III. CHRONIQUE DES COLONIES ET DES PAYS D'OUTRE-MER. L'industrie de la pêche du homard au Canada. Le Departemeul de la marine et des pêcheries du Canada publie un inl'irossanl rapport sur la pèche du homard en 1892, rapport dont nous analyserons les parties principales. L'auteur de ce document, l'Lonorable W. Smith, sous-ministre de la marine et des pêcheries, fait ressortir tout d'abord l'importance de cette industrie, dont la valeur s'est progressivement élevée de 76 875 francs, en 1869, à 11,250,000 francs eu 1891. Dans cette der- nière année, il a été confectionné 14,285,157 boîtes de homard con- servé. Eu admettant qu'il faille en moyenne 5 crustacés par boîte — esccptiounellemeut, dans quelques localités, la moyenne a atteint 6 à 7 — on arrive au chiffre de 71,425,785 crustacés. De plus, les pécheurs ont liv^ré, tant aux consommateurs canadiens qu'aux ache- teurs étrauirers, 6,315 tonnes de homards vivants ou frais, pesant en moyenne 2 1:2 livres par unité, ce qui donne environ 5,049,600 crus- tacés. Le nombre total de homards capturés durant la saison s'élève donc à 76,475,385. On pourrait s'étonner qu'un développement si rapide de la pêche n'ait pas déjà contribué à l'épuisement des fonds. Heureusement, la fécondité du Homard est merveilleuse : on a calculé que chaque femelle, arrivée à l'âge de « maturité » , pond de 10,000 à 20,000 œuls à chaque saison. Il y a donc, dans ces conditions, de grandes chances pour que l'espèce ne se ressente pas profondément des pertes qu'elle subit chaque année, par suite de la destruction dont elle est l'objet. Et cependant, les administrateurs des pêcheries canadiennes ont été assez clairvoyants pour réagir contre les tendances qui les pous- saient à admettre le régime de la liberté de la pêche. Persuadés que, si féconde qu'elle soit, une espèce ne saurait réparer à la fois les pertes dues aux causes naturelles et celles qui résultent d'une exploitation anti-méthodique, ils ont, des 1873, soumis la pêche du homard à certaines régies restrictives. Après avoir subi quelques modifications, que les circonstances semblaient comporter, la régle- mentation actuellement en vigueur se résume dans les trois disposi- tions suivantes : 1° La capture des femelles de homard chargées d'oeufs est prohibée ; 2° Il est interdit de livrer à la consommation des homards dont la taille est inférieure à 0'",225, mesurée aux extrémités de l'animal ; 3° La pêche du homard est suspendue, chaque année, du 1<='' juillet au 31 décembre, dans la partie de la baie de Fundy qui s'étend de la frontière des États-Unis h Canso, et du 15 juillet au 31 décembre 28f REVUE DES SCIENCES NATURELLLS APPLIQUÉES. dans tout le reste des eaux de la Nouvelle-Ecosse, du Nouveau- Brunswick, de l'île du Prince-Edouard et de Qne'bec. Maigre- ces sages mesures, l'adminislration canadienne constate que, chaque année, les homards diminuent de grosseur. Or les naturalistes les plus distingue's affirment que la diminution constante de la taille d'une espèce est un signe certain de sa raréfaction. 11 est en eCTet prouvé, qu'avant d'être aptes à la reproduction, les sujets doivent atteindre un développement qui varie suivant les espèces : à mesure que la taille de l'ensemble des individus diminue, la reproduction doit s'en ressentir et perdre de son activité'. C'est ce qui ressort des e'tudes remarquables auxquelles s'est livré M. Neilsen, le surintendant des pêcheries de Terre-Neuve. En ce qui concerne le homard canadien, la preuve cerlaiiie de la décroissance de sa taille réside dans ce fait, qu'il y a dix a douze ans, il fallait deux ou trois de ces crustacés pour emplir une boîte de conserves, et qu'il eu faut aujourd'hui cinq, et le plus souvent six ou sept, même jusqu'à huit, dans les comtés de Gloucester et de Kent. La multiplication rapide des usines n'est certainement pas étran- gère à cette situation. C'est ainsi qne, dans la seule province de Québec, on comptait, en 1877, 11 fabriques ; dix ans après, en 1887, il en existait 45 qui ont livre' 857,098 livres de boîtes. Dans les quatre provinces canadiennes où se pratique cette industrie, les usines, dont le nombre s'élevait à 370 en 1890, ont passé, en 1892^ à HSG, et les casiers, dans ces deux mêmes années, ont progressé de 5;j3,068 à 768,479. Cette diminution du rendement de la pêche du homard u'affeclerait pas, au dire des administrateurs canadiens, seulement les eaux du Dominion. Aux Éiats-Unis, un grand nombre de fonds de pêche sont déjà épuise's. Les rapports des commissaires des Etats-Unis sur la pêche et les pêcheries citent le fait suivant : << Le cap Cod était autrefois » un fonds de pêche renommé. Il s'y faisait un trafic considérable avec » New-York. On pouvait compter que chaque casier à homard pren- » drait de 100 à 200 crustacés par nuit. Depuis 1885, on a remarqué » une diminution rapide. En 1880, JtuU hommes seulement s'occu- » paient de cette pêche dans ces parages, et, tout en employant les » appareils les plus perfectionnés, leur produit brut annuel n'a pas » de'passe' 300 francs par tête. » Les mêmes observations s'appliquent à la région de Bolh Bay . En » 1886, le homard abondait dans les environs des îles ; la pêche se » faisait près de la côte et chaque pêcheur réalisait environ 3,500 » francs par saison. En 1889, le nombre des pêcheurs s'était accru, mais les profits se réduisaient à 875 francs par tête. » Les mêmes constatations sur la diminution du homard sont faites depuis plusieurs anne'es à Terre-Neuve, en Angleterre, en France, en CFilONIQUE DES COLONIES ET DUS PAYS D'OUTRE MER. 28' Portugal, où l'on vient d'établir une re'glementation protectrice. Mais alors que dans tous ces pays les statistiques annuelles font concevoir les craintes les plus vives sur l'avenir de cette industrie autrefois prospère, le produit de la poche au Canada semble n'avoir subi que des oscillations légères. Il résulte, en eliet, de la statistique des dix dernières années que le rendement de la pêche qui, en 1882, s'élevait à 14,248,525 francs, a subi une diminution importante en 1888, où il n'a atteint que 7,41 fi, U40 francs. Mais il a remonté pro- gressivement en 1891, où il se traduit par 11,262,105 francs, pour redescendre en 1892 h 9,983,625 francs. Nous ne voyons pas là, au point de vue des résultats en valeur, des symptômes bien alarmants ; mais nous croyons que le Canada doit cette situation à la sage re'glementation dont cette pèche est l'objet. Cette re'glementation semble répondre à tous les besoins, et le seul entraînement auquel les autorités canadiennes devront résister, c'est de tomber dans l'excès de réglementation. Nous sommes assez dispose' à croire que la protection en matière de pêche est un mal nécessaire. C'est sous cet aspect qu'il faut l'envisager. Par suite, à moins d'une ne'cessite' impérieuse, il faut, sinon revenir brusquement au régime de la liberté', du moins amender la réglementation restrictive afin de la rendre plus acceptable. C'est pourquoi l'œuvre la plus intéressante consisterait à persuader le pêcheur lui-même de la nécessité de cette réglementation et de lui en démontrer l'avantage de manière à avoir devant soi, au lieu d'un mécontent et d'un fraudeur, un pre'cieux auxiliaire ; mais celte démonstration ne sera facile qu'autant qu'elle s'appuiera sur des preuves se'rieuses. Nous sommes heureux de trou- ver ces ide'es de'veloppe'es sous une autre forme, à propos de la pêche du homard, dans le rapport d'un inspecteur canadien, M. Hockin, auquel nous empruntons les lignes suivantes : « Ce que je veux faire » voir, c'est que le De'partement devrait appuyer ses règlements sur » quelque chose de mieux que des rumeurs ou des assertions. Il » devrait être fait des investigations officielles qui pourraient établir » ce qui est vrai de tout ce qu'on prétend. On devrait soumettre le » poisson à des examens pour constater sa taille, son poids, sa qua- » lité à différentes saisons et en faire une analyse sérieuse au prin- » temps et à l'automne. Ce serait encore un bon moyen d'instruire » les inte'ressés que de publier et de faire publier un travail où serait ^> donné un aperçu de l'histoire de la pêche dans les autres pays, » appuyé de la statistique, ainsi que de l'histoire naturelle du pois- '> son, et les expériences mentionnées plus haut. Si un travail comme » celui-là e'tait distribué dans les établissements de pêche (usines), » il mettrait fin à l'appui moral qui est donne aux violateurs de la » loi. » Ces idées nous semblent très rationnelles et rentrent dans le cadre de celles que notre administration se propose de réaliser. (Extrait de la Revue maritime et coloniale.) IV. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. La race chevaline en Allemagne. — Il existait, l'an dernier, 2,()47,'3SS Chevaux dans toute rAllomague. Eu 1891, on en importa de i'etranger 90,129, représentant une valeur de 90 millicns de francs, et l'on en exporta, la même année, 8,869 d'une valeur de près de 10 mil- lions de francs. De S. Chats sans queue. — L'île de Man, dans la mer d'Irlande, pro- duit une race de Chats domestiques reuiarquable par le manque piesque absolu de queue et qu'on ne rencontre nuHe part ailleurs en Europe ; il faut aller jusqu'au Japon pour retrouver semblables ani- maux. Les auteurs ne renferment que peu de détails sur cette race qui est cependant menliounee dans les rc'cils de divers voyageurs. On semble généralement admeltre que la race s'est formée dans lïle de Man même. Sou origine ne serait donc pas très ancienne. Il n'est cependant pas invraisemblable de croire que ces chats descen- dent de quelques sujets apportés de l'Exlrème-Oiient par des marins. La Malaisie fournit aussi son contingent de chats à queue écourtée el William Marsden nous apprend que les chats de l'île de Sumatra ont une queue imparfaite, bouppée à l'exlrémilo et comme échancre'e de distance en distance. Le chat annamite est ainsi décrit par le Docteur Morice : « De taille inférieure au nùtre, sa robe est tachetée de noir ou, plus rare- ment, d'un blanc sans, tache. Mais ce qu'il a de particulier, c'est la forme de sa queue. Long de quelques centimètres à peine, cet appen- dice est plusieurs fois recourbe sur lui-même, comme s'il avait été brisé à plusieurs reprises en sens inverse ; cette disposition est si prononcée qu'on peut soulever un de ces animaux par le crochet de la queue. Cette singularité est héréditaire. » D'après Léon Metchuikotr, les chats importés dans l'île de Java perdraient leur queue à partir de la troisième ou de la quatrième génération. , ,•, Nous signalons ces animaux à litre de simple curiosité, car, dépour- vus du plus -bel ornement de leur race, ils sont loin d'offrir l'ensemble gracieux qu'on leur connaît el soûl rien moins que jolis pour ne pas dire absolument disgracieux. ■ M.^x. D. ^c' Industrie du sucre d'Erable en Amérique. — Dans le Mavvort sur r industrie sucrière aux lUati-Unis, pulilié à l'occasion de 'exposition universelle de 1889, par M. H. W. Wiley, chimiste du _Ministère de l'Agriculture, nous trouvons d'inte'ressants renseigne- ments sur le sucre d'Érable. Celte industrie s'exerce surtout dans les États de la Nouvelle-Angleterre, cependant on en produit de grandes CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 2S3 qnanliLés daus les États de New-York, d'Obio et d'Indiana. La sève d'Érable recueillie au printemps contient de 2 à 10 °/o de saccharose pure; aucun autre sucre ne se trouve dans la sève jusqu'à ce qu'elle commence à dégénérer vers la fin do la saison. On ne trouve la pro- portion élevée de 10 " o de saccbaro;=!e que dans certaines conditions oii le débit de sève est 1res fuJljle ; la sève normale ne contient peut- être que 3 "/o de sucre. La quantité de sève recueillie varie avec la situation des arbres, leur i\-c, leur taille, l'époque, l'état atmosphérique et la méthode de saignée. Pendant les temps chauds, couverts ou pluvieux la quantité de sève augmente. On admet gene'ralement que les arbres très élevés donnent du sucre plus doux, mais moins abondant. Les plantations les pins vivaces et les mieux abritées donnent la sève plus tôt et avec plus de continuité ; les meilleurs résultats paraissent èlre obtenus avec environ 400 arbres par hectare de terrain. Il est presque impossible d'établir un tableau exact de la produc- tion de sucre et de mêlasse d'Erable, car les plantations appartien- nent à de petits fermiers qui souvent ne tiennenl pas le compte du sucre fabriqué; et on ne fait quelques efforts en vue d'obtenir des données précises qu'une fois tous les dix ans, au moment du recense- ment décennal. Pour les États-Unis ou peut évaluer la production annuelle à 10,000,000 de kilogrammes de sucre et à 8,000,000 de litres de mélasse, et l'estimer à 18,000,000 de francs pour le sucre, 7.000,000 de francs pour la mélasse ; la valeur totale des produits sucrés de l'Érable étant ainsi de 25,000,000 de francs environ. Daus beaucoup de localités la récolte se fait encore d'une façon très primitive. Voici comment elle se pratique, suivant AI. de Pai- basque, dans le bas Canada : C'est vers la fin d'avril que s'opère le travail de la sève. Le thermomètre Réauraur s'élève alors vers midi de G jusqu'à 15 degre's, et retombe chaque nuit à zéro, parfois même plus bas ; la debûcle du Saint-Laurent n'est pas commencée, quoi- qu'elle paraisse imminente, et la neige qui couvre encore la terre entièrement n'a pas moins d'un mètre dans les bois. Sous les aller- natives journalières de gelée et de dégel, la sève de l'Erable se resserre et se détend tour à tour ; elle semble augmenter en raison même des réactions qu'elle sujiit. '■ ■ La récolte du sucre est aussi simple que celle de la résine dans les Landes. Une incision, ou plutôt un trou profond de quelques cen- timèlres est pratique' à un demi-mètre du sol, et un récipient place au pied do l'arbre recueille tout ce qui s'écoule. Pour éviter les transports, accélérer et simi)lifier la manipulation, un abri entr'ouver par le haut pour le passage de la fumée est dressé au milieu même des bois : une grande chaudière est suspendue sur un feu très vif ;.on y verse sans aucun mélange la sève tombée dans les récipients, et on la tourne avec une pelle de bois. Des qu'elle entre en ébullition, elle 284 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. s'épaissit, change sa couleur blanchâtre en jaune doré assez semblable à la couleur de la cassonade, et prend une telle consistance, qu'il faut se hâter de la verser dans les formes-mesures faites de bois d'orme ou de bouleau, où elle passe k l'e'lat solide avant môme d'être refroidie. Depuis quelques années l'oulillage ainsi que les procédés de fa- brication ont e'té notablement perfectiouue's. Aux auges de ))ois qui donnaient parfois un mauvais goiit à l'eau d'Érable et facilitaient son évaporation par le moindre vent, ont succédé les chaudières en fer blanc que l'on fixe à l'arbre au moyen d'un clou. On les fabrique de dilTerenles grandeurs suivant la taille du sujet mis en exploitation de façon qu'il est facile de les transporter emboîte'es les unes dans les autres. De même pour levaporation, on emploie maintenant des chaudrons en fonte e'maille'e ou en cuivre e'tame qui ne noircissent pas le sucre. Les formes en poterie ont remplace, sur quelques points, les formes en bois, mais on leur reproche de ne pas conserver l'arôme agréable du sucre ; quoique plus blanc, sa qualité est, paraît-il, sacrific'e à l'ap- parence. Nous compléterons ces renseignements par quelques extraits em- pruntés à la Revista de montes : C'est quand le sol est couvert de neige, le temps clair et le vent à l'ouest, que la récolte est la plus abondante. On évalue à 27 kilogrammes de sève la production moyenne d'un arbre. Cette quantité' de sève donne environ 907 grammes de sucre. On cite comme un phénomène un Erable de Leverett, dans l'État de Massachusetts, qui donne 635 kilogrammes de sève produisant 6 ki- logrammes de sucre. Il a été fait, en 1873, au collège d'agriculture de Amherst (Massa- chusetts), une série d'expériences curieuses pour déterminer la marche delà sève dans l'Érable et dans d'autres espèces d'arbres susceptibles de produire du sucre. Le Noyer, le (ari/a alla donnent, comme l'É- rable, du sucre de canne, le Bouleau et d'autres espèces produisent du sucre de raisin. Il résulte d'observations re'pe'te'es que la sève coule en plus grande quantité quand la proportion atteint le duramen que lorsqu'elle trouve seulement l'aubier, mais en revanche l'écoulement cesse plus toi. On obtient une plus grande quantité de sève en enlevant un morceau d'écorce de 5 décimètres de longueur sur 10 de hauteur, mais l'e'coulement s'arrête onze jours plus tôt. 11 a été constate' par ces expériences : 1" que si l'on coupe une tige, la sève s'écoule par les deux faces de la section ; 2° que deux trous de tarière donnent plus de sève qu'un seul, mais pas une quantité double , 3° que si l'on augmente la profondeur des trous la quantité' de sève augmente, mais celte sève moins concenti'ée donne moins de sucre. CmtONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 285 Enfin, les expériences ont démoatre' qu'à certains moments et quelquefois pendant des jours entiers, la sève, au lieu de sortir, obéit à une force de succion ou d'a])sorptiou très marquée qui paraît réta- blir l'e'quilibre entre les fonctions de nutrition. D'autres espèces fournissent également du sucre, notamment les A. rubrum, daxi/carjnini, macropht/llum, Pens//li)aiucuin, etc. Jusqu'à présent on n'a pas constaté que l'extracliou de la sève ait nui à raccroissement des arbres soumis à celle opération. On conserve toujours une certaine quantité de sucre à l'élat de sirop pour la confection des sauces et autres pro'parations culinaires. L'ecorce Jjlanc-grisâtre, raide et écailleuse de l'Érabîe à sucre est utilisée dans la teinture. Plus d'une fois, dit M. Naudin, on a tenté en Europe la culture de l'Érable à sucre, mais jusqu'ici avec peu de succès. Il y devient moins grand qu'en Ame'rique et donne comparativement peu de sève. Toute- fois ces essais faits au basard sans choix des terrains et sans consi- dération pour le climat ne peuvent pas être considérés comme de'ci- sifs ne'gativcment et il .y aurait lieu de les reprendre. Il seniJ)le, suivant le même auteur, que c'est surtout en Norvège où le sol et le climat ont beaucoup d'analogie avec celui du Canada que l'Érable à sucre pourrait être cultivé avec succès comme, arbre industriel. L'acclimatation de cette espèce nous semble des plus désira])les et pourrait être essaye'e sur les revers septentrionaux des Pyrénées, des Alpes, des régions les plus froides de la Savoie, de l'Auvergne et des Céveunes. J- G. Graines dansantes. — Les graines de diverses espèces d'Eu- phorbiacécs exotiques, et uolammeul celles du Croton colliguai/a, renfer- ment parfois une pelile chenille dont les mœurs présentent un certain inte'rêl entomologique. Cette espèce est nomme'e Carpocapsa DeJiai- siana. Quand les graines ainsi habitées sont expose'es à une tempé- rature élevée elles commencent à se mouvoir d'une manière presque imperceptible, puis la chaleur se faisant sentir plus vivement leurs mouvements deviennent brusques, rapides, et on les voit progresser, marcher par saccades ; enfin si on les laisse exposées à la chaleur, elles ne tardent pas à sauter et à s'élever au dessus du plan d'appui à une hauteur de 5 à G millimètres environ. Ces mouvements sont dus aux contractions musculaires de la chenille qui habite l'intérieur de la graine. Celte chenille reste ainsi environ sept mois avant de se transformer en chrysalide ; le papillon e'clot au bout de peu de temps. Nous devons la communication de ces graines à l'obligeance de M. Laurent, propriétaire, à Nogent-sur-Marne. Cachet. V. BIBLIOGRAPHIE. Encyclopédie vétérinaire, publiée sous la direction de C Ca- DÉAG, professeur de clinique à l'École vétérinaire de Lyon. Collec- tion nouvelle de 16 volumes in-18je'sus de 400 à 500 p. avec figures, à 5 IV. le volume cartonne'. Tome premier : Pathologie générale et Anatomie pathologique générale des animaux domestiques, par C. Cadéac. 1 vol. in-18 Jésus de 480 pages, avec 40 figures. Cart. 5 fr. — Librairie J.-B. Baillière et fils, 19, rue Ilautefcuille (près du boulevard Saint-Germain), à Paris. 'L'' Encyclopédie vétérinaire a pour objet les matières les plus indii- pensables à la profession vétérinaire : Pathologie et anatomie patholo- gique générales, séméiologie et diagnostic, manuel opératoire, pathologie interne, maladies parasitaires et contagieuses, pathologie chirurgicale, obstétrique, police sanitaire, jurisprudence, médecine légale, inspection des viandes, thérapeutique, hggiène, zootechnie, maréchalerie, etc. Toutes ces matières seront traitées en seize volumes portatifs ; l'é- lève y trouvera la somme des connaissances exigibles pour ses exa- mens ; le praticien, un tableau lidéle du mouvement scientifique contemporain et une initiation à toutes les méthodes nouvelles, cli- niques et thérapeutiques ; le chercheur, des aperçus originaux ou des difficultés à aplanir, toute une bibliographie choisie et e'clairée per- meltant de remonter aux source^ dos principaux documents sans per- dre un temps précieux à rechercher des faits stériles. On évitera soigneusement les re'po'titions qui paraissent être l'iné- vitable écueil de toute œuvre encyclopédique et les empiètrements auxquels se livrent forcement les auteurs de traites didactiques. Ou sera bref, car la science progresse si rapidement qu'il devient de plus en plus difficile aux spécialistes eux-mêmes de lire tous les ouvrages et tous les recueils traitant de leurs o'tudes de prédilection. Toutes les matières seront dirigées dans le même esprit, parce que les idées géne'rales des collaborateurs choisis sont les mômes. Les microbes occupent aujourd'hui une place prépondr-raute dans la pathologie ge'ne'rale vétérinaire. On trouvera dans le premier volume de VEncijcUipédie vétérinaire un expose très clair de leur action et de l'ensemble des conditions exle'- rieures ou individuelles qui leur permettent d'agir. La pathologie interne, la pathologie chirurgicale, la pathologie des maladies contagieuses continueront la pathologie générale. Le lecteur retrouvera dans chacune de ces parties les mômes principes, la môme méthode et les mêmes divisions. La rédaction de chaque matière a e'té confiée à un ou plusieurs col- laborateurs, où chacun a pris la part que ses études antérieures lui BIBLIOrtRAPIIlE _ 2S7 avaient déjà rendue familière et vers laquelle il se sentait attire' par les tendances de son esprit. Grâce à la multiplicité des collaborateurs, cette Encyclopédie pourra être menée à bonne lin très rapidement. Il paraîtra un volume par mois : la collection sera donc complète avauf la Cm de l'année 1894. C. Cadéac. Liste des principaux ouvrages français et étrangers traitant des Animaux de basse-cour ii). 1" OUVRAGES FRANÇAIS {siiUe). 1888. L'ÉLEVEUR (suite). — Coucou de Matines ou de Bruxelles, par M. d'il., p. 55. — Coryza contagieux des volailles, par P. Mégnin, p. 117. — Cygne (Le), par P. Megnin, p. 413. • — Diarrhée chez les volailles, par P. Mo'gnin, p. 297. — Dindon (Le), par M. d'IL, p. 378. — Faim (Maladies de la faim) chez les volailles, par P. Megniu, p. 202. — Goutte et rhumatisme chez les volailles, par P. Mégnin, p. 309- — Indigestion du g(>'sier chez les volailles, par P. Mégnin, p. 201. — Indigestion avec surcharge de l'estomac chez les volailles, par P. Me'gniu, p. 177. — Indigestion avec surcharge du jabot chez les volailles, par P. Mégnin, p. 176. — Obstruction intestinale des volailles, par P. Me'gnin. p. 322. — Oies (Les), par M. d'H., p. 428, 450. — Pe'pie (La) des volailles, par P. Me'gnin, p. 167. — Pigeonnier (Le), p. 313. — Ponte (La) pendant l'hiver, p. (JlO. — Poules américaines, par M. d'H., p. 200. — — Bantams, par M. d'il., p. 333. — — — japonaises, par M. d'H., p. 344. — Poule (Race de) barbue d'Anvers, par M. d'H., p. 357. — Poules (Les races de) de la Belgique et des Pays-Bas. p. 3i). — Poule (Race de) Coucou d'Anvers, par M. d'il., p. 35(3. — — Coucou d'Ecosse, par M. d'H., p. 200. — — (Race de) de Dominique, par M. d'H,, p. 200. — — Dorking, par M. dll., p. 150. (1) Voyez Berne, 1" semestre 1893, p. 430, et plus haut p. 143, 288 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. 1888. Poules (Race de) de Langshan, par P. Mégnin, p. 236. — • — naines (Race de), par M. d'il., p. 30iî. — — (Races de) naines de Belgique et de Hollande, par M. d'H., p. 35(5. — Poules naines du Japon, par M. d'il., p. 343. — — (Race de) de Nangasaki, par M. d'H., p. 343. — Poule nègre (Uace de), par M. d'H., p. 343. — — Plymouth-Uock, par M. d'il., p. 200. — — (Race de) Sabot, p. M. d'H., p. 357. — — Wyandotte (La), par P. Me'gnin, p. 213. — Poules (Race de) Yokohama et Pho'nix, par M. d'il., p. 358. — Septice'mie de volailles, par P. Mégnin, p. 3(58. — Tuberculose ou phtisie du foie des volailles, par P. Mégnin, p. 155. — Vers intestinaux des gallinacés, par P. Me'gnin, p. 322. 1889. Acclimatation du Dindon sauvage, par M. de Cherville, p. 22. — Correspondance à propos de la race malaise, par Louis Relane, p. 337. — Diphtérie et coryza, par P. Me'gnin, p. 78. — Diphtérie (La) de l'homme et celle des volailles, par MM. Roux et Yersin, p. 47. — Diphtérie (La) des volailles, par E. P're'chon, p. 65- — Engraissement des volailes, par M. d'il., p. 611. — Langshan (La race), par M. J. de Foucault (Bibl.), p. 133. — Malaise (Race), par J. P., p. 308. — Q'^ufs (Choix des) pour couver, par E. Lemoine, p. 247. — Q''ufs (Production des) en hiver, p. 573. — Pigeon carrier anglais, par M. d'il., p. 175. — Pigeon (Le) cravaté, par M. d'il., p. 234. — Pigeon-voyageur (Le), par M. d'il., p. '.)1. — Pigeons-voyageurs (Éducation des), par le colonel Serval, p. 372. — Pigeon-voyageur (Le) et la grande pêche, par E. Fre'chon, p. 329. — Pigeon -voyageur (Souches du), par M. d'il., p. 101, 116. — Piulade (La), par M. de Cherville. — Poules couveuses (Choix des], par E. Lemoine, p. 247. — — (Les) dans la ferme, par E. Lemoine, p. 33. — Poule hollandaise huppe'e, par J. P., p. 317. — Poule-mère (Choix de la), par E. Lemoine, p. 287. . — Poussins (Élevage des), par E. Lemoine, p. 298. — — (Premiers soins à donner aux), par E. Lemoine, p. 287. Le Gérant: Jules Grisard. I. TRAVAUX ADRESSES A LA SOCIETE. DES CHIENS D'AFRIQUE • Par m. de SCILECK. (suite *.) L'étude de la peinture et de la sculpture des monuments de l'ancienne EL;y])te nous apprend qu'un grand nomljre di' races difïerentes de Gliiens existaient déjà avant les temps historiques les plus reculés. Deux savants américains, Nott et Gliddon, ont cherché à donner, il y a quelque cinquante ans, dans leur ouvrage Types of manliind, la preuve, devenue aujourd'hui inutile, de l'existence de plusieurs races d'hommes. Ils ont cherché à prouver qu'il était impossible qu'ils descendissent tous de Noë, etc. . . A cette occasion, ils ont l'ait observer qu'il exis- tait déjà sur les })lus anciens monuments de l'Egypte, près de 4000 ans avant Jésus-Christ, c'est-à-dire dans un temps an- térieur au déluge, différentes espèces de Chiens qu'ils ont re- présentées et dont la plupart existent encore aujourd'hui, soit parmi les races africaines, soit parmi les Chiens domes- tiques d'Egypte que l'on élève actuellement en Europe. Nott et Gliddon ont voulu aussi démontrer, ce qui est de- venu superflu depuis les travaux de Darwin, que les Chiens de différentes races ont leur origine propre et qu'ils ne peuvent être les descendants du couple de Loups emmenés l)ar Noë dans son arche au mont Ararat : l'opinion de Buffon, qui regardait le Chien de berger comme type originaire de toutes les races, leur a paru aussi inadmissible, et ils ont cherché à démontrer que ceux qui veulent considérer nos Chiens comme issus des Loups et des Chacals domestiqués sont aussi dans l'erreur. Ce qui nous intéresse surtout dans cet ouvrage, ce sont les Chiens qui ont dû exister il y a environ 6000 ans et qui ont été dessinés à cette époque. Nous reproduisons ces dessins, (*) Voyez plus haut, page 193. ' ' ■j Octobre 1893. 49 290 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. complétés par ceux de Wilkinsoii et de llamiltoii Smith, dans l'espoir d'engager nos lecteurs à poursuivre cette étude et pour confirmer le dicton du sage Ben Akibas : « qu'il n'existe rien de nouveau sous le soleil. » Les dessins que nous possédons nous démontrent d'une manière indubitable qu'il existait, il y a 3000 et GOOO ans, plu.s d'une douzaine de races possédant des caractères dif- férents, bien que le plus ancien naturaliste européen, Aris- tote, n'en connut dans un temps plus récent qu'une demi- douzaine à peine, auxquelles il attribuait les origines les plus extraordinaires, par exemple : celle du Tigre croisé avec le Chien ! Ce n'est guère qu'aujoui'd'hui que nous commen- çons, d'une manière un peu générale, à distinguer et à élever à part les races nombreuses et les variétés qui se sont con- servées intactes pendant des siècles, et le plus souvent sans l'intervention de l'homme. En comparant nos Chiens actuels avec les dessins un peu primitifs, il est vrai, nous représen- tant des Lévriers, des Braques, des Chiens de chasse et des Dogues égyptiens ou assyriens, que nous représentons ici, nous reconnaissons les résultats qui ont été obtenus dans le perfectionnement des races distinctes. Nous ne sommes pas des égyptologues ; on voudra bien en tenir compte et nous pardonner les petites erreui^s qui pour- raient s'être glissées dans les questions de dynasties ou de siècles. Ce sont les figures qui nous importent le plus et nous pouvons garantir l'authenticité de la plupart d'entre elles, ayant visité et étudié nous-mêmes plusieurs monuments égyptiens. Nous devons, il nous faut l'ajouter, toute notre reconnaissance à MM. Wilkinson, Rosselini et Lepsius pour avoir entrepris, il y a plus de cinquante ans, des copies exactes d'anciennes peintures et sculptures, car ce que les Arabes, les Fellas, les Bédouins ne purent faire, les Euro- péens le firent; ce sont eux qui achevèrent la destruction de ces merveilleux et vénérables chefs-d'œuvre par méchanceté, par zèle de collectionner, ou encore par simple étourderie comme ces innombrables Grecs barbares et autres voyageurs qui trouvèrent bon de graver leurs noms sur des fresques datant de plus de dix mille ans ! Sans les copies des égypto- logues de la itrerniere moitié de notre siècle, il ne sei-ait guère possible de reproduire maintenant les dessins que nous possédons. DES CHIENS D'AFUIOUE. ' ' •:' 291 Les races de Chiens, comme les races d'Hommes, re- riîontent dans leurs variétés actuelles sur les monuments égyptiens à 4000 et 6000 ans. Puisque nous n'avons pas la preuve d'une origine commune des Cliiens, et qu'il est d'ail- leurs impossible qu'un couple de Mastiffs produisent des Lévriers ou des Bassets, puisqu'enfin ces types conservèrent pendant des siècles leurs formes caractéristiques, les natu- ralistes doivent les considérer comme distincts. (Nott et Gliddon.) ''i :■'-' ■■)■ ■ .m; ': i ■■' ■-■■■'■ ■ ■ ';M' ' ,: ■ i, . 'O 'i La plus ancienne représentation de Chien est celle qui a été désigée par les savants sous le nom de Fox-dog et qui nous donne une idée de l'animal en général dans la plus liante antiquité (époque de Menés 3893 av. J.-C.) jusqu'au v° siècle de notre ère, époque de la disparition de l'écri- ture hiéroglyphique (Fig. 1). ; • •, ■' ^"J- '• De ce signe caractéristique, qui représente le Chien des temps les plus reculés jusqu'au christianisme, on peut con- clure que cette même l'orme a persisté à exister pendant cette longue période et n'a pas été dessinée d'imagination, d'autant mieux que des animaux semblables existent encore aujourd'hui au Caire, dans la Basse-Egypte, et sont fré- ({uents, sous le nom de Chiens paria/is, dans la vallée basse du Nil. Les dessins représentent généralement des animaux vigoureux roux ou jaunes et se rapprochent beaucoup plus du groupe des Roquets [Canis palastrls , Spitz , Tscliau, Battak) que des races légères de Pariahs de l'Asie et de l'Afrique orientale, -m > : : // i/;/ ; , . ,i ii, ■)'■. L'Américain Morton, l'Anglais CIot-Bey et Martin dans son ouvrage History of tlie dog, l'appelle Fox-dog et non Fox-hound, c'est-à-dire un Chien du type du Renard et du Spitz. Il fait observer que l'on a trouvé plusieurs spécimens de ce Chien domestique embaumés dans les tombeaux. Clôt Bey nous dit (ju'ils mènent aujourd'hui une sorte de vie nomade; ils n'ont pas de maître (ce sont donc des Chiens Pariahs), on les rencontre dans cet état demi sauvage errant autour des habitations jusqu'à la limite du désert. Martin les considère aussi comme une race qui s'est conservée intacte pendant des milliers d'années. Les Chiens semblables, ou possédant du moins les mêmes quahtés, s'observent dans les 2'92 EEVuE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. villes et dans les établissements de toute l'Afrique septen- trionale et en général dans TOrient asiatique. Ils appar- tiennent beaucoup plus à la population d'une région, d'une yille, d'un quartier qu'à des particuliers. Si, quand ils sont tout jeunes, on les élève à la maison, comme nos Chiens eu- ropéens, devenus adultes, ils réclament la liberté et quittent leur maitre, non sans lui témoigner une certaine reconnais- sance pour les soins qu'il leur a prodigués. Ils errent alors dans le quartier qui les a vus naître, ne s'attachent à per- sonne, n'entrent dans aucun rapport de domesticité avec l'homme, et ne se laissent point chasser du lieu oîi ils ont élu domicile et auquel ils veulent appartenir. Ils deviennent pu- rificateurs des villes de l'Orient ; les Musulmans les tolèrent, les nouri-issent, les protègent et reconnaissent leur utilité, bien qu'ils les considèrent comme impurs et craignent sur- tout le contact de leur museau Trais et humide. L'attachement de ces Chiens pour les habitants de leur quartier se manifeste quand un étranger y pénètre ; ils ac- cueillent sa présence par des aboiements continus et aigus et ne se calment que lorsqu'il a quitté le quartier ou disparu dans quebjue maison. Nous parierons plus tard et avec plus de détails des Lé- vriers qui appartiennent tout particulièrement à l'Afrique septentrionale et à l'Arabie ; ils figurent aussi sur les plus anciens monuments (iV' et v^ dynasties). Nous mentionnerons d'abord les variétés de Chiens de chasse qui sont re^irésen- tées par des dessins très intéressants'. Ils nous montrent clairement que les savants anciens et modernes et Darwin qui considèrent les Chiens de chasse à longues oreilles comme n'ayant guère fait leur apparition que deux ou trois siècles après Jésus-Christ, sont dans l'erreur. On doit abandonner l'hypothèse qui ne fait remonter l'o- reille pendante du Chien courant qu'à 1500 ans environ et qui prétend qu'elle est un résultat de la domestication et provient de l'oreille droite, lorsqu'on voit que l'Egypte pos- sédait, il y a 3000 et 5000 ans, des Chiens à longues oreilles semblables aux nôtres et rendant les mêmes services. Voici l'opinion de Nott et Gliddon sur les Chiens de chasse égyptiens (en anglais : liounds). Les monuments antiques de toutes les époques représentent à côté des Lévriers [Grey Jioioids), des Leit, — Hirsch, — Antilopen, — Hasenhunde, DES CUIEXS D'AFRIQUE. 2 9'^ bref, des Chiens courants de toutes sortes ; il est difficile de savoir aujourd'hui si ce sont des variétés d'une seule espèce ou s'ils descendent de plusieurs souches difïerentes. Il sera curieux de remarquer d'après l'ensemble de nos données sur « les Chiens africains », que l'Afrique ne pos- sède aujourd'hui que peu de Chiens du type du Chien de chasse [hoimd). Leur présence dans l'antique Egypte s'ex- plique cependant par le lait qu'ils figurent, pour la plupui-t du temps, sur des tableaux représentant des marches triom- phales, ou des peuples étrangers payant leur tribut. Autant qu'on peut s'en assurer par l'histoire, il semblerait qu'il ait toujours existé plusieurs races très distinctes de Chiens courants [liounds). Les monuments égyptiens nous offrent d'innombrables scènes de chasse, dans lesquelles ligu- rent des Chiens courants à la poursuite des animaux sau- Firj. 2. vagesles plus variés (fig. 2). Ces scènes sont généralement dessinées avec beaucoup de goût et leur fidélité à la nature ne peut être mise en question, puisqu'aujourd'liui encore, elles nous offrent des images pleines de réalité. Notons que, dans tous ces tableaux, ce sont des animaux africains, tels que des Autruches, des Antilopes, des Gazelles, des Lièvres qui sont poursuivis. On peut en conclure qu'il ne s'agit pas ici de scènes de chasse observées dans d'autres pays, mais de la chasse qui se pratiquait dans la contrée même. Fiff. s. 294 REVUE LES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. Dans les figures 2, 3 et 4, le tyiie des Chiens courants est remarquable; l'attitude de la Chienne qui aboie der- l'ière l'Autruche est très vraie ainsi que celle La fig. 11 représente un type de Chien de chasse un peu difïérent. Sur ce dessin, l'artiste a donné à la queue une po- sition tout à lait extraordinaire; mais elle était sans doute longue, forte et enroulée à son extrémité. Il est probable que ce défaut provient de ce que la pierre sur laquelle le relief a été fait n'offrait pas l'espace nécessaire pour lui donner une Fiij. 10. DES CiriFA'S D'AFRIQUE. 297 Fuj. /.', position naturelle. Je crois me rappeler que l'original est maintenant au Musée de Bulak. Ce Chien est très élancé et haut sur pattes. Par sa queue épaisse de Braiiue et sa tète courte , il s"éloigne du Lé- vrier ; mais il s'en rapproche un peu [)ar la structure géné- rale de son corps et de ses membres allongés. Il est at- taché, probablement dans un enclos. Sa position assise semble indiquer qu'il attend sa nourriture. Cette figure re- monte à plus de 2000 ans avant Jésus-Christ. Au sujet de ces anciens dessins, Nott et Gliddon l'ont les observations suivantes : ces Chiens de chasse composent le petit nombre d'exemphiires que nous avons empruntés aux œuvres des égyptologues. Il serait aisé d'en réunir quelques centaines de plus, non moins caractéristiques. On s'étonne seulement que ces esquisses, remontant à l'é- poque de la xii^ dj-nastie (vingt-trois siècles avant Jésus- Christ), qui se trouvent donc gravées sur les monuments de- puis plus de 4,000 ans, peuvent être rapprochées des Limiers [Dlooclhounds) qui existent en Afrique à l'heure actuelle. Vers 1830, une paire de Chiens africains, désignés sous le nom de (c Bloodhounds of Katzena », parvint dans le jardin zoolo- gique de la forteresse de Londres ; ces individus, qui s'éloi- gnaient beaucoup de tous les Chiens d'Afrique, furent très remarqués. Je n'ai malheureusement pas réussi jusqu'à pré- sent à me procurer le dessin de ces curieux animaux qui sont représentés dans l'ouvrage de Bennet, intitulé « The Toioer Menagery ». Suivant les descriptions données parles zoolo- gistes de ce temps, Hamilton, Smith et d'autres, ces Chiens étaient des animaux vigoureux que l'on emploj'ait pour la chasse à l'homme. Actuellement, l'existence de cette forme est complètement inconnue dans la contrée du Nil. Dans la grande procession de Thotmes III, vers 1500 avant Jésus- Christ (fig. 5), on remarque une meute de Chiens de chasse qui est accompagnée des chasseurs portant les produits de l'intérieur de l'Afrique. Une meute semblable se voit sur un tombeau de Gourneli, près de Tlièbes, d'é[»o({ue plus récente, 298 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. et ({ue Chanipollion a reproduit. M. Cli. Bircb nous parle, dans son ouvrage sur les Anti(|uités de Karnak, de ces mêmes Chiens et rapporte que Gandace, reine d'Ethiopie, envoya, entre autres présents, à Alexandre- le- Grand, le Macédonien, 90 Chiens dressés pour la chasse à l'homme, — canes etiam in homines efferacissimos nonaginta, — et qui étaient indiqués comme originaires du pays. (Ces animaux sont du type de la fig. 5). Ces Chiens de chasse ou Limiers [Bloodhounds), envoyés comme tribut 1600 ans avant Jésus- Christ en Egypte et provenant des hautes contrées du Nil, existent encore 325 ans avant Jésus-Christ sans avoir changé jusqu'en 1830, — après 3400 ans, — époque oii ils furent dé- signés comme « Bloodlioiinds of Kalzena ». Les vrais Lévriers et leurs formes voisines sont naturelle- ment très communs dans l'ancienne Egypte; encore aujour- d'hui, comme nous en parlerons dans les notices suivantes, la région de l'Afrique septentrionale s'étendant jusqu'à l'E- quateur, est peuplée principalement de Chiens qui ont gardé le type du Lévrier. Plusieurs savants français admettent que le Lévrier est issu d'une forme du Nord-Ouest africain le Canis simensis [Simenia simensis) ou « Waliehund » de l'Abyssinie ; les crânes des Lévriers Sloughiset du Soudan ont les plus grands rapports. Le Lévrier est très répandu dans une grande partie de l'Orient et dans l'Afrique septentrionale; les variétés sont nombreuses et diffèrent entre elles, suivant les régions où elles se rencontrent. Nous en remarquons trois bien dis- tinctes sur les monuments égyptfens. La fig. 12 nous présente l'une des puis anciennes et ])rovient d'un tombeau de la iv^' dynastie. La tête et le corps rappellent le Lévrier; les oreilles abso- lument droites, le Chien Pariah. Cette variété est aussi ancienne que le Chien des hiéroglyphes (tlg. 1), ce ({ui nous prouve l'existence simultanée il y a 5300 ans des variétés Paliisiris (Spitz) et Bronzchund (Lévrier pariah). Fit]. 12. DES CHIENS D'AFUIQUE. 29Î) Les monuments des Iv^ v et vi" dynasties sont les plus anciens «lui nous aient été conservés, mais ce n'est guère que sous la XI'' que nous rencontrons quelques dessins intéres- sants. Les parties intermédiaires ou secondaires faisant jus- que-là entièrement défaut , les représentations de Chiens manquent aussi. . , . , , . , Leur présence sur les anciennes pyramides est tout à fait accidentelle et l'artiste égyptien ne les y lait figurer que comme un accessoire, avec le portrait du propriétaire défunt et comme une des choses auxquelles il aurait tenu le plus F if]. 15. dans sa vie; ])armi ces derniers, on remarque un Lévrier (jui a dû jouir de l'alfection particulière de son maître. Sous la Xlfe dynastie, nous trouvons une collection de Chiens et cela sur le tomheau d'un liomme qui en était grand amateur. La tig. 13, plus récente que la figure 12, nous montre un Lévrier très perfectionné qui se rapproche heaucoup des meilleures races de nos jours. ' ■' ■ . •■ La figure 14 nous ])ré- sente une forme i>articu- lière par la queue très fournie. Hamilton Smith la désigne sous le nom de Greyhowul , auquel l'a- nimal ressemble aussi par sa conformation. D'autre part, les Égyp- Fig. n. 300 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. tiens ne prêtent généralement qu'au Chacal la queue à longs poils. Il pourrait y avoir eu erreur, Lien qu'en Arabie et dans la vallée du Nil, les Lévriers a longs poils soient assez i'réquents, résultat naturel de certains croisements avec des individus à poils plus longs du Palustris. On remarque avec intérêt que si les Égyptiens nous ont laissé sur leurs monu- ments des représentations de presque toute la l'aune de la vallée du Nil, certains animaux vulgaires font complètement défaut, par exemple, l'Ane sauvage, le Sanglier, etc. Nous en concluons que certaines races de Chiens manquent aussi par la raison qu'il n'y avait pas eu lieu de le représenter. A propos de la fig. 12, Martin nous affirme qu'une race en- tièrement semblable est encore aujourd'hui répandue en Asie et en Afrique. Nott et Ghddon ajoutent que M. William Glid- don, qui a séjourné pendant des années dans l'archipel indien, a rencontré en grand nombre chez les Dayaks, dans l'île de Bornéo et dans la presqu'île Malaise, des Lévriers bruns foncés dont les indigènes se servent pour la chasse. Mais Gliddon commet une erreur en identihant le Chien de l'archipel Malais au Lévrier de l'ancienne Egypte. Celui ori- ginaire de Bornéo, de Sumatra et de Malacca est un Sinlz, soit une variété du Palustris qui fut décrite populairement et scientifiquement sous le nom de BattaUhund dans les cahiers II et III du livre généalogique des Chiens en Suisse. Ce n'est certainement pas un Lévrier; les contrées tropicales avec leur végétation exubérante qui ne ménage que peu d'es- paces libres ne conviendrait nullement au descendant de l'habitant des steppes. La forme de Lévrier que nous montre la fig. 12 se trouve fréquemment sur les monuments des IV^ V" et VP dynas- ties; elle offre toujours les mêmes caractères : de longues oreilles droites et pointues , une tête allongée , un corps élancé. Plusieurs de ces Chiens ont une forte queue enroulée, comme sur la figure 15; d'autres, une queue très coui'te dont le boijt est re- courbé en avant (fig. 12). La queue enroulée et la queue courte sont les seules mar- Firi. 15. DES CIIIEXS D'AFRIQUE. :i{)l ques que les fig. 12 et 13 aient commîmes avec le Spi/z de l'archipel Malais. La tig. 15 est moins typique que les fi g. 12 et 13. Le Cliien représenté ici est plus ramassé, moins haut sur jamhes que les précédents ; il présente déjà par la struc- ture de la tète une l'orme intermédiaire entre la hg. 1 {Spitz) et les tig. 12 et 13 (Lévriers proprement dits). Il est intéressant, au point de vue de la comparaison, de voir comment les anciens Égyptiens représentaient les ani- maux qui se rapprochaient le ])lus du Chien et qu'ils ont tou- jours su, il y a 4,000 et 6,000 ans, distinguer parfaitement de celui-ci. La lîg. IG nous donne le Chacal; mais sur la lîg. 14 il est plus conforme au type de cet animal. La hg. n est un Loup, la fig. 18 un Chacal et la lig. 10 une Hyène rayée bien reconnaissable à son corps s'ahais- sant dans la partie postérieure. Fh- '», dit Toussenel. La femelle est plus grosse que le mâle, avec des teintes moins pures et la première rémige d'un blanc jaunâtre, sans taches le long du bord externe. Les jeunes ressemblent aux adultes, mais avec des couleurs moins foncées. Les variétés que présente le plumage de cette espèce sont assez fréquentes. On rencontre des individus qui sont entiè- rement blaiic ou roux, ou isabelles, d'autres tapirés de ces difïé rentes nuances. Bufïbn raconte avec orgueil, dans une de ses lettres, qu'une Bécasse blanche et une Bécasse rousse ayant été tuées à la chasse du roi, en décembre 1755, Sa Majesté lui lit l'honneur de les lui envoyer par le comte d'Angiviller. <' M. (le BufFon seul est digne de manger ces oiseaux », avait dit le roi. Buflfon remercia Louis XV, fit empailler les Bécasses et les plaça dans la collection du cabinet d'histoire naturelle (1). Les chasseurs de beaucoup de pays distinguent plusieurs espèces de Bécasses, sous les noms de grande, moyenne et - (1) Correspondance de Bu fou. ■•' ' a Octobre ISyj. 20 306 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. petite. Celle qui est de taille intermédiaire représenterait la Bécasse commune au plumage roux jaimâtre, à bec et pieds gris légèrement rosés, et de passage avant les autres. La o-rande, d'un tiers plus forte au moins que celle-ci, à pieds d'un brun gris, mais n'en différant pas quant au plum.age, se montrerait la dernière à l'époque des migrations et annonce- rait la fin du passage de la Bécasse ordinaire. La troisième serait, au contraire, d'un tiers plus petite que la Bécasse ordinaire et en différerait aussi par un plumage plus foncé, un bec plus long et des pieds bleuâtres. Elle terminerait le passage de la saison. Cette dernière se distinguerait en outre de la Bécasse commune par ses mœurs. Elle serait plus rusée, plus sauvage, aurait une course plus précipitée, un vol plus rapide et plus irrégulier. Ces trois espèces ou races sont connues sous des noms vul- gaires qui varient suivant les provinces. En Savoie, on ap- pelle volet, Msomiette, petite bécasse, celle qui est la plus petite ; me^inière, petite meunière, celle qui est d'une movenne grosseur; bo^nbarde, grosse meunière. Bécasse rousse, celle qui est la plus grosse. Dans la Seine-Lilerieure on nonmie suclette la plus grosse, parce qu'on a remarqué qu'elle arrive par les vents de sud- est, et nordette, la plus petite qui ne parait qu'après les vents de nord-est. Celle-ci, en Normandie, a reçu le nom de mat^- tinet et martinctle en Picardie. Les différences de taille et de plumage que l'on constate chez les Bécasses proviennent de l'inffuence du milieu où elles ont vu le jour et grandi. Des localités plus ou moins élevées, humides, froides ou peu abritées où les Bécasses trouvent une nourriture plus ou moins abondante, et aussi des éclosions tardives, peuvent déterminer des modifications dans le développement de ces oiseaux. Ce ne sont pas des espèces distinctes, mais des races locales, en appliquant ce mot non aux pays que visitent les Bécasses, mais à ceux où elles naissent. Ces oiseaux traversent, chaque année, deux fois la France, au commencement du printemps, en allant du sud vers le nord-est; au commencement de Thiver, en allant du nord-est vers le sud-ouest et le sud. Selon le degré d'abaissement de la température dans les contrées du nord et la direction des vents régnants, les Bé- CONTRIBUTIOX A L'HISTOIRE DE LA BÉCASSE. 307 casses nous arrivent plus ou moins tôt, mais, en général, leurs voyages s'efïectuent à certaines époques à peu près fixes. C'est ordinairement dans les premiers jours d'octobre que nous voyons ai>paraître les premiers émigrants. Les chasseurs ont des dictons qui indiquent assez exactement l'époque de ce passage, de cette « descente » d'automne. Ainsi on dit en Poitou : ' '■■'■■ ' « Quand arrive la Saint-Denis (9 octobre), » Les Bécasses sont au pays. » Et encore : ; « A la Saint-François (10 octobre) ' ■ ■ » La Bécasse est au bois. » • ' « A la foire Saint-Pol (10 octobre), dit-on en Bretagne, Bécasse sur table. » Les vents d'est et de nord-est sont les plus favorables. Le passage dure jusque vers le 15 novembre. Du l"'' au 8, il bat son plein, vers la lune de novembre, que pour cette raison les chasseurs ont nommé « la lune des bécasses » ; si le temps reste doux, les émigrantes s'échelonnent jusque vers la fin de décembre. On les trouve alors dans les bois humides, à proximité des prairies et des pâturages. Pendant leur séjour d'automne, elles semblent, d'après quelques chasseurs, adop- ter de préférence les taillis de seize à dix-huit ans. D'autres ont indiqué des coupes d'âges différents. Je ne crois pas qu'il faille beaucoup s'inquiéter de la hauteur du taillis. L'es- sentiel pour la Bécasse est qu'elle puisse se procurer une table abondamment servie en vermisseaux. Elle s'arrêtera dans le bois qui lui offrira les plus grandes commodités d'ali- mentation. C'est surtout la qualité du terrain qui la guide dans son choix. J'ai rencontré des Bécasses dans des taillis de toute grandeur, mais comme ces oiseaux sont très sen- sibles aux variations de la température, j'ai toujours eu égard, en les cherchant, à l'état de l'atmosphère. Quand il fait de grands vents froids, après les petites gelées, par la sécheresse, il faut les chercher dans les endroits bas et hu- mides ; par les temps humides, au contraire, dans les terrains secs et sur les coteaux exposés au midi. Est-il tombé de la neige le soir ou pendant la nuit, vous les trouverez le len- demain matin, jusqu'à huit ou neuf heures, dans les grandes 3G8 REVUK DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. clairières où il y a de l'eau de neiiie fondue, puis elles retour- nent à pied dans les taillis. A. l'approche des gelées, toutes ne vont pas prendre leurs quartiers d'hiver dans des stations plus méridionales. Tl en reste dans nos bois bien abrités, aux environs de quelque source aux eaux tièdes. Le chasseur s'apercevra de leur pré- sence aux empreintes des pieds et aux fientes ou « miroirs », larges plarjues blanchâtres, mouchetées d'un point noir ou roux au milieu. Le passage de retour, au printemps, a lieu au commence- ment de mars, quelquefois dès la lin de février. Tl n'est pas moins abondant que celui d'automne, mais les oiseaux séjour- nent peu, ils ont hâte de regagner les forêis du nord où l'es- pèce se reproduit en si grande abondance. Lorsque les Bécasses opèrent leur mouvement rétrograde, elles s'arrêtent à peu près aux mêmes étapes qu'au passage d'automne, bien qu'elles ne se remisent pas aux mêmes ex- positions. Pendant le cours du voj-age, on les voit voler au crépuscule du matin et du soir et se poursuivre, en faisant entendre une sorte de roucoulement amoureux, « crrou, crrou ». On dit alors que la Bécasse « croule ». A cette époque, les chasseurs la guettent à l'aftat. C'est ce qu'on appelle : Alicr à la passe, aller à la rôde, aller au crou, aller à la croulée ou à la croule. ■ On voit figurer des Widecoqs dans le menu d'un banquet oflèrt à François P'" par la ville de Honfleur au mois (Vaoût 1596. Ces prétendues Bécasses étaient très ])robableinent des Bécassines ou plutôt des Courlis qu'on appelle souvent « Bé- casses de mer» (1). Alors comme aujourd'hui, les Bécasses n'arrivaient pas en France avant les premiers jours d'octo- bre et s'en retournaient en mars. Quelques coui)les cependant nichent dans notre pays. On en trouve toute l'année dans la forêt de Compiègne, sur les hautes montagnes des Alpes, «lu Jura et des Vosges, et dans quelques grands bois de la Bourgogne et de la Champagne. J'ai tenu moi-même dans mes mains de jeunes Bécasses, encore couvertes de leur duvet, qui avaient été prises dans la forêt de Randan, en Auvergne. Ces « bécasseaux » nais- (1^ On donne oussi le nom de t Bécasse de mer » à la barge commune ou à 'qucue iioirc dont, la chair est très estimée. • CONTRIBUTION A L'HISTOIRE DE LA BÉCASSE. 30!» sent revêtus (Vun duvet grisâtre ; leurs pattes et leur bec sont tellement Jaibles qu'ils ne peuvent ni courir, ni chercher leur nourriture. Aussi, dans les premiers temps, restent-ils près du nid, et les jiarents vont chercher de quoi subvenir à leurs besoins. Le nid est placé à terre, dans un petit enfon- cement garni de feuilles sèches, d'herbes et de mousse, à l'abri de quelque broussaille, au pied d'un grand arbre. La femelle y dépose trois ou quatre œufs, fortement renflés, à coquille lisse, terne, d'un roux clair ou jaunâtre marqués irrégulièrement de taches d'un cendré violet, peu apparentes, et d'un brun roux, plus serrées vers le gros bout. Ces œufs, d'ailleurs, varient beaucoup de forme et de volume. Ils me- surent ordinairement : grand diamètre, ()i',042; petit dia- mètre, 0">,025. La femelle les couve pendant dix-sept à dix- huit jours, et avec une telle ardeur qu'a l'approche d'un homme elle ne se lève du nid (pie lorsque le visiteur impor- tun est arrivé à quelques pas. Elle ne s'envole pas loin et, re- venant presque aussitôt à son nid, se remet à couver. Durant l'incubation le mâle ne parait pas s'inquiéter de la femelle, mais, après les premiers soins, lorsque les petits ont quitté le nid il rejoint sa famille et se montre aussi soigneux de sa progéniture que la femelle. Ils usent l'un et l'autre de cette ruse bien connue employée par d'autres oiseaux, tels que la perdrix, la caille, le pluvier à demi-collier qui consiste a attirer sur soi le danger en poussant des cris plaintifs, se jetant à terre, imitant les allures d'un oiseau blessé. A trois semaines les jeunes Bécasses commencent â voleter. Si l'on veut s'assurer qu'il y a des « bécasseaux » dans un bois, il faut visiter, dès le milieu du mois de mai, quand il fait sec depuis plusieurs jours, les mares, les ruisseaux, les fossés, tous les endroits où la terre est douce, humide ou boueuse, on reconnaît facilement leur présence aux traces des pieds, aux fientes, aux piqûres. C'est là, en efïét, qu'ils viennent aux vers, leurs becs étant alors encore trop tendres pour percer la terre comme le font leurs parents. Beaucoup de personnes se font une idée très inexacte de ce que l'on appelle un passage de Bécasses. Ces oiseaux ne se réunissent point en troupe compacte comme le font d'au- tres oiseaux migrateurs qui voyagent en escadrons serrés. Si plusieurs individus se rencontrent, ils ne s'associent pres- que jamais pour faire route. C'est à peine si deux ou trois 310 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. paraissent aller de conserve. Les autres se succèdent isolé- ment, souvent à quelques minutes de distance. Lorsqu'on en trouve réunis en assez grand nombre sur le même point, il est probable qu'un accident quelconque, un coup de vent, un changement brusque dans l'état de l'atmosphère, les auront successivement forcés de l'aire halte au même endroit. Les étapes privilégiées de la Bécasse, en France, sont à l'est l'Alsace, les Ardennes, les "V^osges, le Jura, la Franche-Comté et les Alpes ; à l'ouest, la Bretagne, la Vendée et les Landes ; au centre le Cantal et les Cévennes. Elle était autrefois si abondante en Bretagne, au moment de ses migrations d'au- tomne, qu'on en donnait deux pour huit sous. Dans les Iles-Britanniques, la meilleure chasse à la Bécasse est en Irlande. Ces oiseaux arrivent du continent par le vent d'est. On les trouve alors en grand nombre sur les côtes. Dans l'ouest de l'Ecosse, on les rencontre sur les grandes étendues de bruyères, elles s'abritent sous les touffes de bruyère ou dans les buissons de houx. La Grèce est pour les Bécasses une station d'hiver, elles s'arrêtent dans les montagnes et y demeurent jusqu'à ce que le froid les en chasse. Elles descendent alors dans la plaine, et arrivent en grande quantité par le vent du nord. Il en est de même dans les autres pays du sud de l'Europe. A partir du mois de février commence leur mouvement de retraite. Dans ses voyages, la Bécasse passe d'Europe en Afrique, au Maroc, en Algérie. J'ai dit ailleurs (1 ), que quelques indi- vidus égarés font, tous les ans, des apparitions en Egypte, dans le Delta. Au mois de décembre dernier on a tué quatre Bécasses dans le jardin du Musée de Ghizeh, près du Caire. D'autres ont été tuées , à la même époque, aux environs d'Alexandrie. Les Bécasses d'Europe vont jusqu'en Asie-Mineure, celles du nord de l'Asie s'acheminent vers les Indes et poussent jusqu'aux environs de Calcutta et de Madras. Dans ces différents pays, on ne chasse pas la Bécasse seule- ment au fusil, on lui tend encore des inèges de toute sorte, lllets, collets. . . , etc. Il en a été de même à toutes les époques. Au XYi" siècle, suivant Belon, on prenait les Bécasses matin [1) Les Ec/inssiers d'Egijple, Lisie raiscnn^e des espères qvi eut ete observées dans ce pays (1892), p. 25 et in Rev. Se. Nat. a/iji., aimée 1892. CONTRIBUTIÛN A L'HISTOIRE DE LA BÉCASSE. 311 et soir, « à la volée, tant aux panneaux qu'au pannelet et au royzelet (petit roys ou retz), et à ce faire, on se couvre d'un cheval à perdrix ou d'un foluel. » Le cheval à perdrix était un engin semblable à la vaciie artilicielle dont on usait sur- tout dans l'ancienne chasse à tir pour approciier le gibier à portée. Némésien, poète latin du m'' siècle qui écrivit sous Numérien un poème didactique sur hi chasse, nous apprend que les Romains se servaient de même de la peau d"un cheval blanc pour prendre des Bécasses : FuUus equi niveis silvas pete protinus altax Exicviis, prœda est facilfs et amœna scolopax (1). Les phares de nos côtes maritimes sont aussi très fatals aux Bécasses. Attirées par la lumière, les nocturnes émi- grantes viennent se briser la tête contre les panneaux de la cage de verre. Je me rappelle avoir vu, il y a quelques années à Arcachon, la galerie du feu du cap Ferret jonchée des cadavres de ces imprudentes voyageuses. On pourrait croire que le naturel déliant de la Bécasse la rend complètement rebelle à toute tentative d'apprivoise- ment. On se tromperait, car elle s'habitue, au contraire, assez rapidement à la captivité et devient familière. Il ne s'agit que de lui fournir une nourriture spéciale, richement animalisée, et de l'eau claire oii elle aime à faire matin et soir ses ablutions. La meilleure nourriture pour les Bécasses captives est, en commençant, des vers de terre, puis en con- tinuant le régime par des insectes et des larves de fourmis on les accoutume peu à peu à la pâtée universelle et même à manger du pain. Les Jeunes pris au nid s'élèvent heureuse- ment jusqu'à l'âge adulle, et des expériences faites récem- ment en Suède tendraient à prouver que la Bécasse est essen- tiellement domesticable. Un jour, peut-être, arrivera-t-on à créer des « bécassières », source d'une nouvelle et précieuse industrie. (1) Les Ci/nc'rjé/iqncs. Cynegitica, sivc de venatione. Nous ne possédons que des i'ragmenls de ce pnème. SUR LA DESTRUCTION DES COCOTIERS PAR LES SCARABÉES Par m. le D' xMEYNERS D'ESTREY. Les ravages causés aux Cocotiers i)ar deux espèces de Scarabées, aux Indes et en Extrême-Orient, sont devenus tels qu'il est absolument nécessaire de trouver un remède quelconque contre ce tléau. Dans ce but M. Ilenry Ridley, de Singapoure, a pris tous les renseignements nécessaires relatifs aux mœurs et habitudes de ces insectes chez les planteurs des Détroits. D'autre part, T/ie tropical Agr-icullurist publie un article sur le même sujet, du D'' Simon. Les deux espèces de Scarabées en question diflterent com- plètement au point de vue de leur aspect, de leurs habitudes et de leur manière de détruire, quoiqu'on les trouve généra- lement ensemble. L'une, V Oyycles rltinoceros, appelée com- munément rhinocéros, éléphant ou scarabée noir, appartient au groupe des Lamellicor-nes . L'autre, le Rliynchophorus fe>vi;g meus, connu sous le nom de Scarabée rouge, est une espèce de grand Charançon. Il existe deux autres espèces en Malaisie, mais elles n'attaquent point les Cocotiers. La larve de la première espèce vit dans les matières végé- tales en décomposition. L'insecte dépose ses œufs dans les palmes mortes du Cocotier, tombées ou encore sur l'arbre. On en trouve aussi dans les engi*ais, dans le tan, dans les cannes à sucre écrasées et autres débris végétaux. Il est assez difficile de les reconnaître. La larve est un ver blanc, charnu, de deux à trois pouces de long. La tète est ronde, large, dure, de nuance brune fon- cée. Le corps est renflé à la partie postérieure, ce qui oblige le ver à se coucher sur le liane. Il est couvert de poils raides. Les pattes ont à peu près un demi-pouce de long. Le ver passe à l'état de chrysalide dans l'ai-bre ou la ma- tière dans laquelle il a vécu. Il se fait un gite ovale dans le bois pourri. La chrysalide est grande et cliarnue, douce et SUR LA DESTRUCTION DES COCOTIERS PAR LES SCARABÉES. 313 Llanclie et a la forme de l'insecte. Elle dure peu de temps, car on en trouve rarement. Le Scarabée varie beaucoup de grandeur, mais on le reconnaît lacilement. Tl a quelquefois 2 pouces 1/2 de longueur. La tète du mâle est petite et pour- vue d'une corne longue d'un demi-pouce. Le corps est dur et solide. Le ventre est rouge brunâtre sans poil, mais la bouche et toute la tète, en avant de la corne, sont couvertes de poils rouges. Les pattes sont solides, armées de crochets à l'aide desquels l'insecte se hisse dans les arbres. La fe- melle se distingue à sa corne très courte et [lar la dépression de son corps. Ces insectes volent généralement à une hau- teur assez grande dans l'air et attaquent les Cocotiers pen- dant la nuit. La larve est complètement inoflfensive, mais c'est l'insecte parfait qui fait son œuvre de destruction. Il pratique pendant la nuit un trou dans l'arbre et y reste généralement toute la journée du lendemain ; plus souvent, il pénètre profondé- ment dans le tronc et y fait des ravages tels que celui-ci ne tarde pas à périr. Un arbre ainsi atteint fait le bonheur de ces insectes qui y reviennent constamment les uns après les autres. Leur but est de se nourrir de la sève du Cocotier. On reconnaît les arbres qui ont souffert de ce fléau à leur piteux aspect. Ce sont généralement les plantations de Cocotiers à ])roximité des villes qui ont le plus à craindre des ravages de cet insecte. Les arbres qui entourent les cases des villages indigènes sont rarement attaqués. Lorsqu'une plantation est abandonnée, dès que quelques arbres meurent, les Scarabées arrivent en masse et pondent leurs œufs dans les troncs des arbres dépérissants. Ils vont d'un arbre à l'autre et toute la plantation est bientôt mou- rante. S'il y a d'autres plantations dans le voisinage ils ne tardent pas à y continuer leur œuvre de destruction. Généralement, pour détruire cet insecte on emploie des hommes qui surveillent constamment les arbres, cherchent les Scarabées et les retirent de leurs trous au moyen d'un instrument flexible en fer ou en cuivre qui leur permet d'ex- plorer les cavités. Les arbres une fois atteints réclament plus de soin que ceux qui sont indemnes. Pourvu que l'in- secte soit tué, il est inutile de l'extraire de son trou ; il est même préférable de l'y laisser, car aucun Scarabée vivant ne pénétrera dans le trou tant que le mort y sera. Mais il est 314 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. ])on (le boucher les trous avec des chifibns trempés clans un acide dilué. Bien des planteurs prétendent qu'en mettant du sel dans le haut de l'arbre on éloigne les Scarabées, mais ce moyen a peu de succès. Il est su])posable que les iduies l'ont descendre le sel aux racines qui l'absorbent de sorte que l'arbre en profite et recouvre ses forces, après les attaques des Scarabées. On peut aussi employer la kérosine ou le phénol, mais ces produits sont moins efficaces. Une autre manière i»our tuer ces insectes est de brûler pendant la nuit les feuilles tombées dans les plantations. Le feu attire les Scarabées qui y trouvent la mort, chassés par des hommes armés débranches d'arbres. ' > • ■■-^'' Quoiqu'il y ait toujours assez de matières végétales en décomposition pour nourrir les Scarabées il est presque impossible de les exterminer. Cependant on peut en réduire considérablement le nombre en veillant à ce que ces sortes de matières ne s'accumulent pas près des plantations de Cocotiers. Il faut brûler tous les arbres morts, les feuilles tombées et, en général, toutes sortes de matières pouvant devenir un foyer d'infection de ce genre. : ' Le Scarabée rouge [Rhynchopliorus femiginens) est en- core i)lus à craindre que l'espèce précédente. Il attaque les Cocotiers d'une autre façon. Ici, c'est le ver qui cause les dommages. Comme le Scarabée noir, le Charançon rouge fait son œuvre pendant la nuit. Il dépose ses œufs dans les Cocotiers et les pousse aussi loin que possible dans l'intérieur du trou. Souvent il se sert des trous creusés par le Scarabée éléphant. Son œuf produit un ver blanc, d'a])parence com- plètement différente de celui du Scarabée éléphant. Il creuse des espèces de tunnels dans la partie molle de l'arbre, forme enfin un cocon et se transforme en chrysalide. • De même que le Scarabée éléphant, cette espèce attaque aussi d'autres palmiers et il n'est pas chose facile de décou- vrir si un arbre est atteint par cet insecte, qui détruit l'ar- bre complètement à l'intérieur, sans se faire remarquer au dehors. En appliquant l'oreille contre le tronc de l'arbre on peut l'entendre ronger le bois. Le ver dont il s'agit est une larve charnue, épaisse, cylin- drique, de couleur blanche, sans pieds ni antennes, ni poils, excepté sur la tète et à la (jueue. La tète est petite en pro- SUR LA DESTRUCTION DES COCOTIERS PAR LES SCARABÉES. 315 portion du corps, longue et noire. L'épaisscui- du corps est uniibrme, l'extrémité postérieure est plate au bout. ' Quoiqu'il soit beaucoup plus difficile de se débarrasser de cet insecte, les mêmes moyens indiqués pour le précédent, peuvent servir dans bien des cas pour le détruire. On le trouve souvent à la base des feuilles, d'où on peut l'extraire avec l'instrument cité plus haut, avant qu'il n'ait pondu ses œufs. Généralement, il choisit les trous faits par les Scara- bées éléphant pour déposer ses œufs, de sorte que l'exter- mination des Scarabées noirs réduit en même temps le nom- bre des Scarabées rouges en les empêchant de pénétrer au cœur de l'arbre. Bien des i)lanteurs affirment que les arbres attaqués par le Scarabée rouge devraient être immédiatement abattus, mais beaucoup d'arbres atteints en reviennent. A moins que le ver ne perce le tronc à la base et ne pénètre au cœur de l'arbre, le Cocotier a beaucoup de chance de se remettre. Cependant, comme nous le disions plus haut, un arbre atteint risque fort d'être attaqué une seconde fois, de sorte que si ce n'est pas un sujet d'une grande valeur, il est préférable de l'a- battre. On voit donc par ce qui précède, quoiqu'il soit difficile, sinon impossible, d'exterminer les Scarabées, qu'il existe des moyens pour diminuer leur nombre, de manière à ce que les dommages occasionnés se réduisent à peu de chose. La grande précaution à prendre est de tenir les plantations aussi propres que possible et d'éloigner soigneusement toute espèce de matières en décomposition et de veiller à ce que l'on en fasse autant dans les plantations voisines de canne à sucre et d'autres produits. C'est aux autorités locales qu'incombent ces soins. En prenant ces précautions, le mal ne tardera pas â être enrayé. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES Par Jules GRISARD et Maximilien VANDEN-BERGIIE. ! (suite*) FAMILLE DES ANAGARDIAGÉES. La laïuille des Anacardiacées se compose d'arbres et d'ar- brisseaux généralement résineux ou gommeux, plus ou moins aromatiques, à feuilles alternes ou très rarement opposées, simples, ternées ou pennées avec impaire terminale, dépour- vues de stipules. Ces végétaux sont fréquents dans la zone intertropicale des deux continents, ils diminuent rapidement en dehors de cette zone et s'arrêtent, en Europe, à la région méditerranéenne. La plupart tiennent ordinairement en dissolution, dans toutes leurs parties, une résine unie à un principe volatil, souvent d'une grande âcreté, (jui leur communique des pro- priétés vénéneuses; plusieurs distillent dans leur écorce et dans les cellules du tissu ligneux, un suc plus ou moins coloré employé dans les ai-ts sous forme de laques et de vernis, d'autres une substance balsamique usitée en mé- decine. Un grand nombre d'espèces, appartenant à des genres différents, ont des écorces astringentes, des feuilles et des galles riches en tanin, des gommes solubles utili- sables, des fruits comestibles, des graines oléagineuses ou cérifères. Les arbres donnent des bois d'industrie, de tan- nage et de teinture. Les Anacardiacées fournissent à nos Jardins d'agrément et à nos serres un grand nombre de végétaux à feuillage très ornemental, (+1 Voyez Revue, années 1891, note p. u42 ; 1892, 1" semestre, note p. JJSS, et 2" semestre, note p. 517 ; 1893, !"■ semestre, note p. 512, et plus haut, p. 29.* et 212. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 'M7 ANAGARDIUM OCCIDENTALE L. Anacardier occidental. Acajiiha occidentale G.ertn. Casauvium pomiferum Lamk.. : Allemand : Acnjonbaum. Anprlais : Cashcn-nnt trce, Beau of 3Ialacca. Anna- mite vuli^a'.re : Bàc lôii. hôt. Antilles : Acajou, Acojcu à pomme ou à fvnit^ l'ommier d'acajou. Brésil : C'ff/V, Vajucim, Ctijueiro do mata. Cuba, Salvador et Mexique : MaraTion. Espaj^nol : Anacardio occidental. Ilindoustan : Kajoo, Kaju. ïloUanaals ■.Catsjoc-appclhoom. Ka^jnelioom, Akajoùboom. Indes orienlales : Djiiinboo (jocloc (Banka;, Kadjoc octaii (Malais fl Soudanais) Djainboc mekdch^ Djainhoc moujet, Maïuja inoiijct. Boeina franql. Brc^a jah- kies (à Menado), Kadjoe (Sondanais). Italien : Albero acoju. Puriujiais : Ana- cardciro. Sénéf^al et Sérères : Dnrcassou. Trinité : Caskc" trce. Venezuela : M Cl- ci, Mcrcij, Paiiji. Petit arbre d'ime hauteur de 10-12 mètres sur nu dia- mètre de 35 centimètres eiivii'oii, souvent tortueux, par- Ibis buissonnant, ramifié dès la base et couvrant un espace de plusieurs mètres. Feuilles alternes, ovales, un peu at- ténuées à la base, très obtuses, échancrées ou émarginées au sommet. .]' Originaire de l'Amérique intertropicale où elle se rencontre au Brésil, à la Guyane, aux Antilles, au Venezuela, au Sal- vador, etc. . cette espèce a été introduite aux Moluques et dans rinde; elle est aujourd'hui très répandue dans toutes les régions chaudes du globe. Son bois, d'un blanc rougeàtre ou plutôt d'un rose moiré, plus rarement de couleur rouge pâle, est dur et résistant, quoique léger. Son grain fin et serré lui permettant de rece- voir un poli luisant, le rend propre â la fabrication des meu- bles.; cette essence est fréquemment employée pour les tra- vaux de menuiserie et pour les petites constructions. Dans riude, on ne s'en sert guère que pour colonnes de varandes et pour caisses d'emballage. Par sa conformation naturelle, I(^ tronc donne quelquefois des pièces courbées et cintrées si parfaites qu'il ne suffit souvent que de quelques coups de ciseaux pour les apprêter. Cette espèce donne un bois de chauffage de bonne qualité, mais seulement lorsque l'arbre a atteint son complet déveloiqjement ; ses cendres sont riches en potasse. Sa densité approximative est de 0,500. Dans la province des Amazones, au Brésil, les feuilles 318 REVUE DES SGIEiN'CES ISATURELLES APPLIQUÉES. vertes, ou mouillées si elles sont sèches, sont employées pour polir le bois ; on les utilise dans la Guyane pour la teinture et le corroyage. L'Anacardium rîiinocarpus DC. [Rhinocarpus excelsa Bert.) Venezuela : « Caracoli, Mijagua » est un arbre de grandes dimensions, mais dont le bois, de médiocre qualité, est cependant utilisé dans la labrication des pirogues ; on en retire aussi d'assez bonnes planches pour caisses d'emballage. ASTRONIUM FRAXINIFOLIUM Schott. Bois de Chat ou de Gonzalo alvès. Brésil : Aroeira, Aroeira do campo, Gonçalo-alves ou Gonsalo alves. (Var. [i glabrum : Gonçaleiro hranco.) Puraf,'uay : Urundey-parâ. Arbre de dimensions assez fortes, atteignant une hauteur moyenne de 15 mètres sur un diamètre de 1 mètre et plus. Feuilles composées de sept petites folioles lancéolées dont les latérales sont opposées. Originaire de l'Amérique tropicale, cette espèce croît na- turellement dans les forêts du Brésil et du Paraguay, Son bois, de couleur jaune veiné de noir, est dur, lourd et solide ; d'une longue conservation dans la terre et sous l'eau, il est même regardé comme presque indestructible. Excellent pour les constructions civiles et navales, il convient égale- ment aux travaux d'ébénisterie, de menuiserie et de scul- pture. Ce bois est importé du Brésil en Europe pour la fabri- cation des meubles de luxe : c'est le * Bois de Courbaril » du commerce parisien, qu'il ne faut pas confondre avec celui de ' YHymenœa CourbmHl, désigné également sous ce nom. Sa densité varie entre 0,933 et 1,091. Son écorce renferme environ 12 à 13 pour 100 de tanin. ASTRONIUM URUNDEUVA Engl. Urundey. Asti'onium juglandifoliuni Grisb. Mijracroiruon Urnndeuva Fr. Allem. Brésil : Arnreira, Aroeira, Aroeira do campo, Urundenva. Paraguay : Uriindey-mi. République Argentine : Vriindey ou Urunday. Grand arbre forestier d'une hauteur de 20 mètres environ sur un diamètre de 1 mètre 50 et plus, dont le tronc est re- LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 319 couvert d'une écorce peu épaisse. Feuilles composées de petites folioles lancéolées. Oritiinaire de l'Amérique tropicale, cette espèce croît natu- rellement au Brésil, au Paraguay et surtout à la République Argentine où on la rencontre abondamment dans les pro- vinces de Corrientes, Catamarca, Formosa, Jujuy, etc. ; il est moins commun aux Missions. Son bois, généralement de couleur noire, souvent parsemé de belles veines blanches, est parfois marqué de points blancs ou jaunes qui tranclient agréablement sur le fond brun noi- râtre de la section transversale. Très résineux, lourd et d'un grain serré, ce bois offre la plus grande résistance et se con- serve admirablement sous terre; aussi, est-il très estimé pour poteaux télégraphiques et traverses de chemins de fer. Con- sidérée à la République Argentine comme occupant un des premiers rangs pour l'utilité, cette essence est désignée na- turellement, par ses qualités physiques, pour les construc- tions navales ; c'est de plus un excellent bois de charpente que l'on emploie presque exclusivement aujourd'hui pour les solives de toitures. On s'en sert également pour dormants, colonnes, essieux et brancards de charrettes, poulies, petits moulins de sucrerie, etc. Sa beauté et sa texture fine en font de plus un bois de premier choix pour l'ébénisterie et la me- nuiserie fine. L'Urundey ne se présente que rarement dans le commerce, car les bûcherons indigènes abattent peu les grands arbres à cause de la difficulté qu'ils rencontrent à les transporter. Sa densité varie de 0,920 à 1,2'70. A la République Argentine, l'écorce est employée de pré- férence pour la préparation des cuirs ; sa richesse en tanin est de 12 à 14 pour 100. Astronium gra^K'Olens Jaco. {A. Planchoiiianum Engl.) Nouvelle-Grenade : « Diomate, Tibigara, Quebrahacha ». Ve- nezuela : « Gateado, ïibigaro, Tibijaro ». Cette espèce four- nit un bois lourd, dur, compact, susceptible du plus beau poli, propre à toute espèce de travaux et particulièrement à l'ébénisterie de luxe. Ce bois se distingue par ses belles veines presque noires qui se détachent sur un fond un peu plus clair. Sa densité est de 1,300. L'écorce est usitée pour le tannage. Plusieurs espèces, déterminées ou indéterminées, du genre Astronium, croissant dans les forêts de l'Amérique tropicale, no REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES; iiotamuient au Brésil, produisent crexcellents bois pour les constructions et l'éLénisterie ; durs, compacts et de longue diu^ée, ils ne différent guère que par leur couleur et leurs dimensions. Tels sont les : A. concinnum Schott. Brésil: " Gurulm preto ou Gurubu cliibatan ». A. gracile Engler.. Brésil: « Ubatào ». A. macrocahjjo Engl. {Myracrodruon macrocalyx Engl.) Brésil: « Aroeira do Mucury » et parmi les indéterminés : les Aroeira Landy-moreira, Aroeira de rainas, et \q Chibatan du Brésil, V Urundey-injta, du Para- guay, etc. VUrundey-mi de la République Argentine est un petit arbre du même genre dont le bois ne peut guère être utilisé que pour le tour et menus objets, à cause de ses faibles dimensions. . • COTINUS COGGYGRIA Scop. Fustet. • ■, - ■ CoUnus coriaria Seg. ■ ■", ; ,.. ., , , -, ■ ■ Jikus coiinus L. i • ■ .,,:,.. , ■ • — arenaria Wierzb. . : . ^ — velutina ^x'Li'. Allemand : PeriUkcnbmim: Periicli en- Sumac, RujastvanrJi. Aralais : WM Olive-trec. Smolie tree, Wifj-iree, Fustic. Canaàa. : Vcnetian Sumach. Espa- gnol : Fnstctc. Français : Sumac fmtct. Bois de fu.stet, FmteL Fustu, Bots " 'jamc de Hongrie ou du T>jrol^ Arbre à fternujue. Ilalien : Scotano, Scotanello. Arbrisseau ou petit arbre â tige dressée, touffue, à ra- meaux étalés, haute de 4-5 mètres environ, et recouverte d'une écorce lisse, grisâtre sur les jeunes branches, plus • tard rugueuse, écailleuse et rougeàtre. Feuilles alternes, 'simples, ovales-elliptiques ou suborbiculaires, glabres, en- tières, vertes en dessus, glauques, en dessous, exhalant lors- qu'on les froisse une odeur prononcée de citron. Le Fustet croit en Espagne, en Italie et sur les collines -sèches du midi de la France, notamment en Provence et dans le Dauphiné, en Hongrie, Turquie, Grèce, etc. On le rencontre encore dans l'Asie-Mineure, la Syrie, l'Arménie, etc.,' et l'Amérique boréale. Cette plante est souvent cultivée •- comme ornement dans les parcs et les jardins pour son feuil- lage élégant et les panaches soyeux de ses panicules stéi-iles. Rustique sous le climat de Paris et même plus au nord, elle ' pro:q)ère dans les terrains secs et légers, à nne exposition . chaude, et se contente des sols les plus médiocres. LES BOIS INDUSTRIELS L\DIGÈNES ET EXOTIQUES. 321 Le Fastet fournit un bois de couleur jaune foncé à la pé- riphérie et d'un brun verdâtre très prononcé au centre, par- fois agréablement veiné, surtout dans la partie inférieure de la tige; l'aubier est blanc, poreux et peu épais. Dur, assez dense, à grain fin et homogène, ce bois est assez facile à travailler et peut recevoir un beau poli. Ses qualités le font utiliser, malgré ses petites dimensions, pour quelques me- nus ouvrages d'ébénisterie, ainsi que pour la marqueterie, la lutherie et le tour, mais son emploi industriel consiste plus particulièrement à teindre les laines, les soies, les cuirs, et plus rarement les cotons (1). Il est désigné dans le com- merce anglais sous le nom de Yoimg Fustic pour le distinguer du MacUira tinctoria et des Xanthoxylon qui portent le même nom vulgaire. En médecine, le Fustet a été vanté comme antifébrile et ses feuilles sont encore usitées en gargarismes astringents pour combattre les inflammations et les ulcérations de la bouche et du pharynx. L'écorce et les feuilles sont employées pour tanner les peaux et, au Tyrol et en Turquie, il est parti- culièrement estimé pour la préparation des cuirs fins qui doivent être teints en jaune ou en rouge. (I) Le Fustet, ccnside'ré comme produit tinctorial, a e'té étudié par Chevreul qui l'a trouve' composé d'un principe astringent et de trois matières colorantes, une hmna, une rouge et une jaune. Cette der- nière, qui est la plus importante, a été isolée sous le nom de Fustine : c'est une substance jaune, cristallisablc, solublo dans l'eau, l'alcool et rëther, que Bolley et Mylius ont cru devoir identifier avec la « Quer- cetine », ce qui n'est pas admis par M. Schùtzenberger. Maisch dit avoir découvert dans le suc des Sumacs un principe volatil, corrosif, qu'il nomme acide toxicodendrique. Le bois de Fustet donne une décoction d'un jaune orange' fonce' que la potasse fait passer au rouge, le sulfate de fer au vert olive, le sel d'étain à l'orangé rougeâtre et les acides au jaune verdâtre. L'alun a peu d'action sur cette de'coction et ne fait que de l'affaiblir lé^^ère- ment. Le Fustet n'est jamais employé pour teindre directemen't les tissus, parce que sa couleur est peu solide, mais on s'en sert beau- coup pour donner aux étoff"es déjà teintes une nuance jaune orangé qui doit se composer avec leurs couleurs primitives et en rehaus- ser l'e'clat. Dans le commerce, le Fustet se trouve le plus souvent en paquets de petites baguettes de branches refendues et prive'es de leur ecorce, plus rarement en bûches tortueuses, un peu plus grosses, provenant de la tige ou de la racine. On doit le choisir sec, d'un beau jaune et complètement dépouillé de son écorce. Le plus estime est celui qui uous vient d'Amérique. 5 Octobre 1893. 2< 322 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES, GLUTA RENGHAS L. Anacardium duhium Roxb. ' Arhor vernicis Rumph. Manga deleteria Noroxh. Stagmaria vernicljlua Jack. Bornéo: Raiigas t,-ras, Belava. Java : Lujas. Malais : Kajuc saiiga. Soudanais : Rcngas, Runghas, Renghas ou Renggas-poctih. Arbre de grande taille dont le tronc, recouvert d'une écorce grise, atteint souvent un diamètre considérable. Feuilles alternes, sessiles, simples, oblongues lancéolées, ob- tuses, très entières, subcoriaces, glabres, placées au sommet des ramules. Origine de l'archipel Malais, cette espèce croît spontanément à Bornéo, Java et autres îles de la Sonde ; elle est surtout commune à Sumatra dans les forêts du littoral de Lampongs et de Palembang. Son bois, d'un beau rouge un peu sombre au cœur, souvent moucheté ou tacheté de brun, ressemble beaucoup à l'acajou, mais il est moins agréablement nuancé. Assez lourd, très dur et d'un grain assez fin, ce bois est particulièrement recher- ché pour tous les travaux d'ébénisterie et de menuiserie de luxe. Il est également estimé pour les constructions bien qu'il ne soit que d'une résistance médiocre, surtout lorsqu'on le débite en charpentes ou en madriers de faible épaisseur. Cette essence est encore employée, mais plus rarement, à fabri- quer des embarcations fort jolies, qui ont le défaut de se dé- tériorer rapidement au contact de l'eau. Les Malais en font aussi quelquefois des fourreaux pour les armes, mais ce bois est si dur qu'il émousse très vite le tranchant des lames. Sa densité moyenne est de 0,800. . ,, , . L'écorce et toutes les parties vertes de cet arbre sont im- prégnées d'un suc résineux de couleur rouge, acre et caus- tique, qui en rend l'abatage assez difficile. En effet, ce latex agit comme rubéfiant et cause souvent des accidents inflam- matoires aux bûcherons qui ne s'entourent pas des précau- tions nécessaires pendant leur travail. Le Glnta coarclata Hook. {G. velutlna Bl,, Sijnclesmis coat^data Griff.) est un petit arbre de Sumatra dont le bois, durable sous l'eau et inattaquable par les insectes, est utilisé pour la charpente et la menuiserie. - .. . LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 323 LITHR^A. GAUSTIGA. Miers. Litre du Ghili. Duvaua pleuropo(/oii TuRCz. Laurus caustica Molina. Lithrea venenosa Miers. Persea caustica Spreng. Rlms cau&tica Hook. et Arn. Chili : Litre, Li/hi, Liti. Petit arbre très ornemental par son riche feuillage tou- jours vert et porté par de nombreux rameaux, atteignant parfois, dans des conditions favorables, les dimensions d'un arbre de moyenne taille. Feuilles persistantes, alternes, subcoriaces, glabres. Originaire du Chili où on la rencontre depuis Coquimbo jusqu'à Arauco, cette espèce croît spontanément sur les mon- tagnes et dans les plaines exposées au soleil, mais dans les sols plutôt frais que secs. Son bois, de couleur jaune brun ou verdâtre, agréablement veiné et jaspé, est lourd, dur, solide et résistant. La très grande dureté qu'il acquiert après avoir été séché à F ombre ou immergé dans l'eau, tout en assurant sa parfaite conser- vation, le rend en même temps propre à suppléer au fer pour la fabrication de certaines pièces de mécanique, dents d'engrenages, rouets, poulies, arbres de couche pour les ma- chines, pointes de charrues, montures d'outils, etc. Sa force et sa ténacité le font également employer dans les construc- tions civiles et navales, soit comme bois de charpente, soit pour faire des courbes pour les navires, mais ce, toutefois, lorsque les dimensions de l'arbre le permettent. C'est de plus un excellent bois de charronnage souvent utilisé pour faire des essieux de charrettes. Le bois des racines est particu- lièrement recherché des ébénistes pour la fabrication des meubles de luxe, parce qu'il présente une plus grande sur- face que celui de la tige et que ses veines brunes sont encore plus belles et disposées d'une façon plus symétrique. La teinture alcoolique des feuilles a été conseillée pour gué- rir le pithyriasis rebelle et quelques affections chroniques de peau, dartres, eczémas, etc. '■ ■ Les fruits, petits et très abondants, sont employés par les habitants des campagnes pour faire des sucreries. 32 i REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Bien que les propriétés vénéneuses du Lithrœa caus- tica, signalées par Rosalès, le botaniste Gay et nombre d'auteurs, aient été contestées par le D"" Pliilippi, nous croyons que cette plante exerce réellement une action délé- tère et produit même quelquefois des accidents qui se mani- festent par une éruption eczémateuse, plus ou moins grave, selon les personnes, toujours accompagnée d'une réaction fébrile légère, en rapport avec le degré d'intensité de l'érup- tion. Lithrœa Lorentziana Hieron. (République Argentine : Co- razon de biigre), arbre de petite taille, à tronc court et gros, croissant naturellement dans diverses parties de la province des Missions, à la République Argentine. Cette espèce fournit un bois d'excellente qualité, particulièrement recherché pour tous les travaux de menuiserie demandant de la résistance et de la durée. L'écorce est employée pour le tannage. Lithrœa molleoïcles Engl. {L. Gilliesii Griseb., Schinus leucocay^pus Mart.) République Argentine : « Molle ou Moya à beber, Molle, Molle dulce, Quina ». Brésil : « Aroeira branca », bel arbre d'une hauteur de 10 mètres environ et d'un fort diamètre, croissant dans les régions élevées du Brésil et de la République Argentine, notamment dans la pro- vince de San Luis. Son bois présente les mêmes qualités de force et de durabilité que celui du Litre et s'emploie dans les mêmes conditions. Les feuilles sont usitées en teinture et pour la préparation des peaux; on les regarde aussi comme dépuratives. Les fruits servent à préparer des confitures et une boisson rafraîchissante analogue au cidre. -'o^ MANGIFERA INDICA L. Manguier. ri 1 ' ■ ,'. ,- . ;..■ . . ; Mangifem Amha Forsk. . .-, . . , — • domestica GfMKi^. '. Amérique espagnole : 3Iango. Anglais : Mango pickle. Annamite (vulg.) : Bùi^ Cây Xoàï, Sài, Xô anh ca, (mand.) : Mâng hâ chou, Cân xû. Arabe : Shaj- ratul-asmar. Batavia : Manga. Brésil : Mangueira. Cambodge : Chhu Sioaï- préy, S'oaï pûm seii. Cyngalais : Amha. Hollandais : Manga-boom. Indes orientales : Taiba (Amboine), Mangga (Javanais et Sondanais), Taipô bonka (Macassar), Pao (Madura), Plam djawa (Sumatra). Persan : Ai'i-M-darakht. Salvador: Sunzapote. Sanscrit: Aynra. Taïti : Vipapa. TonViu. : Quamuon, Qua queo. Trinité (Franc.) : Mangotier. (Anglais) : Mango iree. Grand et bel arbre d'une hauteur de 20 mètres environ. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 325 dont le tronc, droit et élevé, atteint souvent un diamètre considérable et se termine par une cîme dense et très touffue. Feuilles alternes, simples, oblongues-lancéolées, acuminées aux deux extrémités, lisses, luisantes, coriaces et d'un beau vert foncé. Originaire des Indes orientales, de la Cochinchine et du Cambodge, oii elle croît naturellement et abondamment, cette espèce se rencontre à l'état sauvage à la base des montagnes des Nilgherry où elle forme des forêts épaisses et assez éten- dues. Cultivé comme arbre fruitier dans toute l'Asie équato- riale, le Manguier a été introduit en Amérique vers 1782 ; il est aujourd'hui très commun aux Antilles, à la Guj'ane, au Brésil, au Venezuela, au Salvador, etc., ainsi qu'aux îles Maurice et de la Réunion. Considéré sous le rapport de ses propriétés et de ses qua- lités, le bois du Manguier offre des caractères si tranchés dans les arbres croissant spontanément et ceux que l'on trouve à l'état de culture, que nous croyons devoir les exami- ner ici séparément. Cette variation dans la valeur du bois d'une seule et même espèce n'est pas rare, et se rencontre surtout dans les végétaux cultivés pour leurs fruits. Le Manguier des forets produit un bois de couleur mauve foncé au moment de la coupe, prenant une teinte d'un beau brun-noir veiné de blanc ou de jaune en vieillissant. Ses fibres sont longues et fines et ses couches annuelles se sé- parent nettement les unes des autres à la rupture par flexion. L'aubier est très épais, jaune pâle avec de longues taches grises, aussi dur que le bois. D'un grain très fin et très serré, dur, d'une densité supérieure à celle de l'eau, le Manguier sau- vage se conserve très bien à l'air, résiste pendant de longues années à la pourriture humide, mais se travaille assez diffi- cilement. Excellent pour la construction et la fabrication des outils de menuiserie, ce bois est assez joli étant verni pour être essayé dans l'ébénisterie. M. Blanchard nous apprend que la charpente de flèche de la Sainte-Enfance, à Saigon, a été construite en partie avec ce bois et avec le Trâc [Dalber- gia sp.), sa densité moyenne est de 1,079. Le bois de la ra- cine peut servir à certains ouvrages particuliers, à cause de la difficulté avec laquelle il se fend ; c'est même cette qualité qui le fait utiliser par les Annamites pour faire les mortiers à décortiquer le riz. 326 -REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Le Manguier cultivé donne un bois blanchâtre ou grisâtre mélangé de taches jaunes, d'une dureté et d'une densité moyennes. De texture assez grossière, rarement fine et ser- rée, assez liant, mais souvent diflicile à travailler lorsque ses fibres sont sinueuses et contournées, il est d'une conser- vation très limitée et ne résiste pas à l'humidité ni aux at- taques des Termites. Dans l'Inde, le tronc est ordinairement débité en planches utilisées pour la confection des caisses destinées à l'emballage et à l'expédition des pains d'indigo. Ce bois, mélangé >u Santal, était recherché autrefois des Hindous pour incinérer le corps des personnes de distinction. Les Malais l'emploient parfois dans leurs constructions. A la Réunion, le Manguier est fréquemment utilisé par les bourre- liers pour faire des colliers, ainsi que comme combustible et pour faire du charbon. Sa densité moyenne est de 0,680. Le Manguier comprend environ 500 variétés fruitières dont quelques-unes sont cultivées en serre chaude comme plantes d'ornement. MELANORRH.a:A EYRIESII Thorel. Acajou de Gochinchine, Bois rouge. Anr.amilft vulgaire : Câij Hôn. Cambodge : ChhuCruol, Crul, Crtcoî. Petit arbre d'une hauteur de àle et d'une teinte rosée tirant sur le jaune à la périphérie, est formé de fibres ligneuses entremêlées d'un assez grand nombre de gros vaisseaux ponctués, arrondis; ses rayons médullaires ne sont composés que d'une seule rangée radiale de cellules quadrangulaires ponctuées. Résineux, compact, lourd, dur, fibreux, le Lentisque est très élastique et d'une grande résistance à la rupture ; sa densité moyenne est de 0,815. L'aubier, blanc, assez épais, est sujet à la vermoulure et doit être rejeté lors de la mise en œuvre. Malgré ses faibles dimensions, cette essence est fréquem- ment utilisée en ébénisterie où elle a sa place dans la catégo- LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 331 rie des hois de rose et de Tiolette, pour rornementation des meubles en Thuya et en Olivier, dans la disposition des mou- lures, des frises et des sculptures. La richesse de ses nuances et la finesse de son grain qui lui permet de recevoir un heau poli, le rendent précieux pour le tour, la tabletterie et la mar- queterie. Excellent pour le chauffage, même étant vert, le Lentisque constitue un des principaux combustibles de notre colonie algérienne; c'est lui qui fournit en grande partie les fagots employés par les boulangers, et son charbon qui brûle sans pétiller, est très recherché pour la forge et les usages domes- tiques. Outre son incontestable utilité comme bois de feu, il alimente encore, en Algérie, la branche assez importante de la vannerie. En effet, toutes les membrures des corbeilles, hottes, paniers et autres objets de ce genre employés par les cultivateurs, les vignerons et dans les ménages, sont faites avec de jeunes tiges, parce que, dans ce pays, nulle autre essence ne peut rivaliser avec ce bois sous le rapport de la souplesse. ........ . . . ,. . ; ,.-...:,. Les fruits bouillis avec de l'alun donnent une encre indé- lébile; on retire aussi, soit par expression, soit par l'ébuUition des graines piiées, une huile grasse très odorante, bonne pour l'alimentation et qu'on préfère même, en Italie, à celle d'olive pour l'éclairage. Dans la médecine arabe, cette huile est em- ployée dans le traitement de la galle et des douleurs rhuma- tismales. Lliuile de Lentisque se prépare surtout en Italie, mais elle ne donne lieu qu'à un commerce insignifiant. (.4 suivre.') M-';i;) : tée à 1,600 mètres environ, par une île située au milieu de » son lit, les deux rives étaient réunies par une masse noire » et épaisse d'animaux, qui nous ebligèrent à attendre une >i heure pour que notre bateau eût libre passage, Nous i)ro- » fitàmes de cet ari'èt pour tuer 4 Bisons. A 45 milles, à » 73 kilomètres plus loin, nous nous arrêtâmes dans une lie » en aval de laquelle deux troupeaux aussi puissants que la » première fois, étaient en train de traverser le fleuve. » Le tableau le plus frappant sur l'abondance des Bisons aux Eiats-Unis, nous a été donné par le colonel Dodge, dans son ouvrage intitulé : TJw 'plains of llw Great West, les plaines du Grand-Ouest : « En mai LSIl, dit-il, nous parlions avec un » léger chariot de Old Fort Zara, pour nous rendre à 34 milles » (à 55 kilomètres) de là, au fort Larned situé sur l'Arkansas. » Au 25° mille (au 40° kilomètre), nous nous heurtâmes à une w immense caravane de Bisons, formée d'une quantité innom- » brable de peMts troupeaux marchant lentement vers le » jiord, en se [rayant une large route dans la vallée d'une » rivière. C'est seulement quand nous nous sommes assez 340 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. » approchés que nous reconnûmes la nature réelle de cette » masse, compacte en apparence, mais composée en réalité » d'une inimité de petits troupeaux de 50 à 200 têtes, sépa- » rés les uns des autres par des intervalles plus ou moins » grands, mais toujours nettement marqués. Ils s'écartaient » maussadement sur notre passage, i)uis s'arrêtaient à » quelques mètres de distance, et se retournaient pour » nous regarder stupidement. Nous nous ti^ouvions alors en » tm endroit situé seulement à 1,500 ou 1,600 mètres du » sommet des collines constituant la vallée; les Bisons qui » suivaient la crête de ces collines, reconnaissant en nous » quelque cliose d'insolite, s'arrêtèrent et nous contemplèrent » longuement. S'élançant alors en trépignant, ils l'ondireut à » toute vitesse droit sur nous, entraînant à leur suite tous » les petits troupeaux rencontrés sur leur trajet, qui réuni- » rent leurs groupes distincts pour rouler en une masse com » pacte d'animaux affolés par l'épouvante irrésistible connue » une avalanche. La situation était critique. Contenant notre » cheval, un vieux serviteur, Tort calme heureusement, qui » avait assisté à l'hallali de maint Bison, et dressant seule- » ment un peu les oreilles au spectacle de leurs courses les » plus l'oUes et les plus désordonnées, nous attendîmes que » le front de la colonne ennemie fut arrivé à 50 mètres, et » quelques bons coups de carabines partagèrent la masse en » deux courants, passant latéralement à droite et a gauche. » Quand ce défilé fut terminé, tous s'arrêtèrent, les plus » proches à moins de 100 mètres, mais dédaignant de faire » de nouvelles victimes, nous envoyâmes notre ordoniiance » couper les langues des Bisons abattus. Le même fait se re- » produisit si souvent pendant les 10 milles, 16 kilomètres. ■» qui nous restaient à parcourir, qu'en arrivant au foiv Lar- » ned nous avions 36 langues provenant de Bisons tués non » pour le plaisir de la chasse, mais pour notre défense per- » sonnelle, et presque toujours du haut du chariot sur lequel » nous achevions le voyage. )> A la demande de M. Hornaday, le colonel IJodge a bien voulu compléter ces renseignements dans les termes sui- vants : <.< Le grand troupeau de l'Arkansas au milieu duquel » je me suis trouvé, comptait 15 à 20 individus par acre de » superficie du terrain (par 40 ares), il occupait une largeur » de 25 nr lies environ (40 kilomèt:\s), et dViprès h s rap- LA DESTRUCTION DU BISON AMERICAIN. 341 » poi'ts des chasseurs de la région, il ne mettait pas moins de w 5 Jours ])Oiir défiler entièrement à un point donné, ce qui » représenterait une longueur a[)proximatiYe de 50 milles, » (8!) kilomètres). De la ixiiiite du Pawnee Rock, du rocher » des Pawnies nous pûmes l'apercevoir s'étendant à G ou >^ ]i) milles, dans toutes les directions, hien au-delà de la » portée extrême de notre vue, et l'ormant, grâce à la dis- » tance, une masse compact(î qui, par suite de l'angle visuel, » faisait paraître le sol ahsolument couvert d'animaux. C'é- » tait, je crois, le dernier des grands troupeaux. » Eu admettant que ce trouiieau s'étendait sur 25 milles ou 40 kilomètres en travers de la vallée, et que la vue du colo- nel portait â 1 mille, l.GOO mètres en avant et en arrière, il a donc vu â la ibis des Bisons rassemblés sur un rectangle de 40 kilomètres de long pour 3 kilomètres 200 de large ou r2S kilomètres carrés ; â 15 ou 20 Bisons par acre, par 40 ares, c'étaient 480,000 animaux au minimum, et le nombre devait s'élever à 500 000 au moins, quand il contemplait les Bisons du haut du rocher des Pawnies. Si, d'après l'hypo- thèî^e du colonel, la multitude avançant avait eu une largeur unilbiine de 40 kilomètres, sur toute sa longueur évaluée à 80 kilomètres, elle aurait compté P2 millions de têtes, mais suivant les principes qui règlent ces migrations, la masse devait plut(3t marcher en formant un coin ayant sa base en avant, ce qui détermine une réduction des 2/3 dans le nombre et donne pour l'ensemble du troupeau un chiffre de 4 millions de têtes au moins. 11 n'est donc pas étonnant qu'au tem[)s de la splendeur du Bison les chasseurs blancs ou rouges aient affirmé l'impossi- bilité d'exterminer une semblable multitude. Les Indiens de certaines tribus croyaient que les Bisons sortaient continuel- lement du sol, et que leur nombre était inépuisable, or il a su ni de quatre années pour anéantir presque complètement le troupeau vivant dans le sud des Etats-Unis. Après une aussi cruelle leçon, qui donc oserait affirmer que dans cinquante ans, dans vingt-cinq ans même, les États-Unis posséderont encore un seul Moufflon, une seule Antilope, nn seul Elan, un seul Daim, un seul Caribou, un seul spécimen de gibier vivant : « Voj'ageant pendant l'automne de 1868 sur la ligne » du Eansas Pacific Rail road, dit encore â ce sujet M. Wil- » liam Blackmore, le train dans lequel nous nous trouvions iiZ REVUE DES SGIENCilS NATURELLES APPLIQUEES- )> traversa entre Ellsworth et Sheridan un immense ti'oupeau » (le Bisons couvrant uniformément la plaine et dut s'arrêter » à plusieurs reprises ])our les laisser jjasser. » Le même nar- rateur ajoute plus loin : « En 1872, pendant une reconnais- « sance dans le territoire indien, nous eûmes constamment » des Bisons en vue. » A vingt ans de distance, alors qu'il ne reste plus même un ossement de Bison sui' les prairies pour attester leur ])uissancë passée, les populations comprennent ditïicilement que ces animaux aient \)n jamais être aussi nombreux, non-seule- ment pour constituer un ennui séiieux, mais souvent même une cause de danger dans les voyages à travers les vastes l)laines, les Bisons étant susceptibles d'arrêter les trains et même de les faire dérailler. Le témoignage du colonel Dodge doit encore être invoqué sous ce rai)port. Son ouvrage : The Plains of the Great IJ't'st contient, en elïét, le passage suivant : « Le chemin de fer d'Acliinson Topeka et Santa Fé, » était en construction en 1871 et 1872 et on ne pouvait avoir » de meilleur observatoire que ses trains pour étudier les )) mœurs des Bisons. Quand un troupeau se trouvait au nord » de la voie, les animaux cessaient stupidement de paître au » passage des wagons, et les regardaient sans la moindre » marque d'inquiétude, quoiqu'ils roulassent à loo mètres » d'eux à peine. Quand, au contraire, ils paissaient sur le C(3té » sud, même à 1 ou 2 milles, 1,G00 à 3,200 mètres de la ligne, » le passage d'un train mettait tout le troupeau en émoi; se » précipitant vers la voie, qui barrait alors sa ligne de re- » traite, il essayait de la traverser avant le passage du » train. Réussissait-elle, toute la bande s'arrêtait alors de » l'autre côté, donnant des signes évidents de satisfaction. » S'il était trop tard, tous les Bisons inspirés i)ar une aveugle » folie, s'élançaient contre le train, avec le courage du dé- » sespéré, se jetant sur la locomotive ou entre la locomotive » et les Avagons. On en écrasait ainsi un grand nombre, mais » les autres passaient et s'arrêtaient ensuite pour regarder » stupidement comme à l'ordinaire. A deux rei)rises diffé- » rentes dans la même semaine, des trains furent ainsi jetés » hors des rails, aussi les mécaniciens apprirent-ils à res- » pecter le Bison, et quand il y avait danger de se heurter à » un troupeau cherchant à gagner le côté nord de la voie, on » ralentissait l'allure et arrêtait i)arfois le train. » » LA DESTRUCTION DU BISOX AMÉUICAIX'. 3i3 M. Callin fournit de son enté de nombreux renseignements snr l'abondance des Risons aux temps où ils existaient en- core : « Près de l'euibonchure de la Wliite Hiver, de la » Rivière Blanche, dans le Dakota, dit-il, nous aperrùmes •■ uji immense troupeau de Bisons en train de traverser le » Missouri, et notre bateau se trouva entraîné au milieu » d'eux par suite d'une imprudence. Nous n'eûmes cepen- ): dant pas à nous en repentir. On était alors au milieu de la ); saison d'émigration, et les mugissements de ces animaux » s'entendaient de plusieurs kilomètres. Arrivés à proximité )> nous fûmes terrifiés par le nombre des Bisons (pii descen- » daient les collines verdoyantes, longeant ujie des rives du Missouri, traversaient ce fleuve à la nage et remon- » talent au galop les escari)ements de l'autre rive. Le fleuve » était noir de cornes et de têt.-s Jugeant imprudent de nous » aventurer au milieu de cette liorde en mouvement, nous >) hàlàmes le canot à terre, mais après avoir attendu plusieurs .) heures, le défilé durait toujours. Les rangs commencèrent » enlin à s'éclaircir, et nous pûmes nous frayer un passage. >. L'énorme masse des Bisons avait creusé dans le talus haut » de 5 mètres de la rive oii ils abordaient, une véritable rampe ou place d'atterrisscment par laauelle ils montaient ). tous. Le courant en avait entraîné beaucoui) en aval de ce ): point, et sa violence les emp'Vhant de le regagner, ils se » tenaient en grappes le long de la rive escariiée qui les do- » minait, se cramponnant de leur mieux pour ne pas être en- » traînés. Croyant ne plus rien avoir à craindre au moment .) oii notre bateau passait devant eux, nous en tirànu^s un .; à la tète, il s'affaissa aussitôt dans l'eau, entraînant avec « lui une centaine de ses compagnons, qui se mirent à nager n autour du caïuU, nous mettant ainsi en grand danger. Ils . ne nous attaquèrent cei)endant i)as, et ne remarquèrent .^ l)eut-ètre même pas. dans letu- troulile, l'ennemi ({ui se ') trouvait à leur merci. » CaRACT/RES de l/l^SPÈCE. La grande al)on>lance des Bisons leur a valu le mépris du peuple américain. Leur m)ni])re incroyable rendant les mas- sacres faciles, les cliasseurs qui les détruisaient en arrivèrent à émettre une opinion très dédaigneuse sur leur taille et leurs y 344 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. qualités intellectuelles. Comment du reste, un chasseur eût-il pu estimer une biHe qu'il tuait pour la modique somme de cinq francs, représentant le prix de la peau. Les individus (pii massacrent les éléphants africains pour leur seul ivoire, a.uissent de même du reste, envers leurs victimes. En dehors du Bœuf musqué et du Buffle européen, le Bison est certes le plus grand des ruminants restés sur terre. Sous les autres rapports, il ne pourrait avoir comme rivaux que le Bison indien ou Gaur, Bos Ganrus, du Sud de la presqu'île iudoue et l'Auroch, ou Bison européen, Bos Unis. Si ces ani- maux dépassent le Bison en hauteur, ils lui sont de beaucoup inférieurs comme grosseur. L'Auroch est plus haut, il a le hnssin plus large, des quartiers de derrière plus massifs, mais les autres dimensions sont plus faibles, ce qui lui donne un aspect maigre, efflanqué. Le poil de rAuroch n'est ni aussi long ni aussi épais sur la tète, le cou, les quartiers de devant qu(:' celui du Bison dont ce revêtement amplifie beaucoup la taille. Si l'Auroch en était doté, s'il avait l'ampleur du tronc du Bison, ce serait un animal magnifique et sans rival, mais en examinant successivement un échantillon de chaque es- pèce, le Bison l'emporte évidemment sur son rival. Le Gaur, lui, ne porte pas de crinière sur la tête ou aucune autre partie du corjts. Les rares poils qu'il possède sont clairsemés et presque totalement absents sur les quartiers de derrière. 11. Ilorimday a vu de près des centaines de ces animaux mais malgré la puissance de leur tronc, ils n'ont pas dit-il l'aspect imposant des Bisons mâles, et ressemblent plutôt à d'énormes bo.Hifs. La touffe frontale du Bison de couleur sombre, sa cri- nière hérissée, couvrant le cou, la bosse et les épaules, des- cendant jusqu'au genoux en une masse épaisse de boucles noires, la fourrure à la fois fine et dense des quartiers de der- rière donnent à l'espèce américaine une taille api)arente égale à celle du Gaur, mais avec une grandeur et une noblesse qui n'existent chez aucun autre ruminant. La diflférence de taille (Ml faveur du Gaur ne signifie absolument rien pour de telles comparaisons, car une lionne de 220 kilogs, entièrement dépourvue de crinière serait alors un plus bel animal qu'un lion, de 210 kilogs paré de la crinière qui lui a valu son titre de roi des animaux. Par suite d'un malheureux ensemble de circonstances, le Bison passera donc à la postérité dépouillé des honneurs qui LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN. 345 lui étaient dus, et apprécié seulement à une faible partie de sa valeur. Les chasseurs qui le massacraient étaient trop oc- cupés à se disputer ses dépouilles, pour prendre le temps de le peser, de mesurer sa haute taille, d'apprécier la majesté de son allure sur la prairie natale. Le Bison ne se développe pas aussi bien à l'état captif qu'en liberté, et prend l'aspect d'un animal domestique. Une nour- riture plus abondante l'engraisse, le raccourcit, l'absence d'exercice arrête le développement osseux ou musculaire. D'après M. Ilornaday, le confinement et une demi domes- tication font subir d'importantes modifications aux formes du Bison, modifications plus sensibles que chez tout autre ani- mal. Les muscles des épaules, les quartiers de derrière se développent mo;ns, ainsi qu'on peut en juger par la vache de la ménagerie du Parc central, et les Bisons du Muséum natio- nal de Washington. La captivité réagit surtout sur l'organe de la vue. Le Bison sauvage a Tœil parfait d'expression et de forme, profondément enfoncé, bien protégé par l'arête de roihitc osseux. Les paupières fortement tendues parle globe, laissent une ouverture si étroite, que le blanc est absolument couvert. L'expression du regard est celle d'un fauve. En cap- tivité, les muscles qui supportent et contractent le globe de l'œil semblent se relâcher, le globe descend en dessous de sa jjosition normale, et fait saiUie en avant, laissant apercevoir un anneau blanc autour de l'iris. On constate en même temps une courbure de l'échiné, ten- dant à abaisser la bosse au-dessous des épaules et altérant visiblement l'arête du dos. Cette tendance à arrondir le dos est très visible par les temps de pluie chez le bétail domes- tique et les chevaux. C'est une attitude que le Bison ne vou- drait jamais prendre à l'état libre, mais elle deviendra certai- nement un caractère permanent parle régime de la captivité. La i)ériode de gestation des femelles, commence du L'"' juil- let au !«'■ octobre, les veaux naissent en avril, mai, juin, et parfois, mais rarement, jusqu'au milieu d'août. La jeune Vache a son premier veau vers trois ans et demi. Le veau ne quitte sa mère qu'à l'âge d'un an et même plus. Dans les premiers mois de son existence, le veau bison a les poils longuement ondulés, d'un jaune uniforme très diffé- rent de la couleur qu'il revêtira ensuite pour le reste de sa vie. La teinte de ce pelage d'un jaune de sable ou couleur 346 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. cannelle, s'obtiendrait en ajoutant un peu de jaune indien à de l'ocre jaune. Le poil, plus long sur les épaules et la bosse, y atteint 37 millimètres, il y est aussi plus ondulé, et se dis- pose déjà en ces petites toufïés ou bou(piets, qui le caracté- risent si bien chez l'adulte. Une bande plus sombre part du ]jas de la tète, s'étend le long de l'échiné à travers la l)osse, puis disparaît vers la région lombaire. La i)ai'tie nue du nez, est d'un bi'un Van Dyck i)àle. L'iris de l'œil est brun sombre. La corne du veau de ti-ois mois a un pouce de long. La bosse est nettement marquée cbe;^ le mâle. Vers le 1^'' août, le poil rouge commence à tomber par petites touffes, et un })oil lin plus sombre, le remplace. La transformation est complète le l'-'' octobre. Comme beaucoup d'autres animaux, le veau bison s'apprivoise facilement, sur- tout s'il a été capturé â Làge de quelques semaines seulement. On raconte ([ue les chasseurs se faisaient suivre parles veaux leurs prisonniers, en leur introduisant un doigt dans la bouche et le leur laissant sucer. Ils les amenaient ainsi à parcourir jjlusieurs kilomètres. On prétend aussi qu'on obte- nait les mêmes résultats en soufflant un peu dans leurs naseaux. Catlin ra[iporte le même fait, en disant qu'on pla- çait les mains sur les yeux du veau et respirait à cinq ou six reprises dans ses naseaux. Le veau suivait alors le cavalier comme il eût suivi sa mère, pendant huit ou dix kilomètres, jusqu'au canii» des chasseurs. Catlin a vu apprivoiser de cette façon une douzaine de veaux, non loin du point où la rivière Teton se jette dans le Missouri. Ces cas cependant ne se présentaient qu'a ré[»oque oii le nombre des Bisons était tel, que Tinfluence de l'homme n'avait pas encore pu agir sur leur caractère. La guerre d'extermination a ensuite inspiré au veau, même dès sa naissance une frayeur mortelle de l'homme et du cheval, et l'instinct de les fuir. Capturés, ils donnent de grands cou[)S de tète aux hommes et aux che- vaux. L'instinct maternel cédant à la peur, les Vaches aban- donnent généralement leurs veaux pour s'enfuir seules à la moindre attaque de l'homme, mais en temps ordinaire, elles se montrent assez dévouées, et après avoir traversé un fleuve, attendent sur la rive que le veau ait pris pied. Pendant les six premiers mois de son existence, le veau a complètement changé de livrée, et a adopté sa coloration dé- linitive, excepté sur les quartiers antérieurs. Tl passe à un an LA IiESTIiUCTIOX DU UlSuX AMÉRICAIN. 3i7 à rétat de Yearling, de veau d'un an, et possède alors de petites cornes de 10 à 15 centimètres. L'expression inoflen- sive et innocente du très jeune veau a totalement disparu, remplacée par un regard méchant et sauvage. Il devient ensuite Spike, terme de vénerie américaine ser- vant â désigner le Bison pendant la période comprise entre rage du Yearling et quatre ans. Ce nom est emprunté à la l'orme de la corne, en pointe, spike, pari'aitement droite ou coudée à la base, courbure masquée par la crinière qui ne laisse voir qu'une pointe rigide. A quatre ans, l'animal est adulte, les pointes des cornes se courbent alors vers l'intérieur allant â la rencontre l'une de l'autre. Quand les Bisons étaient nombreux ils prenaient beaucoup d'embonpoint pendant l'automne, Audubon parle de poids de 910 kilogs pour les Taureaux, de 550 kilogs pour les Vaches. Pendant les dernières années de leur existence, une pour- suite continuelle empêchant l'accumulation de la graisse, les Taureaux étaient tombés a 715 kilogs au plus. La couleur des quartiers postérieurs de l'animal adulte, est toute particulière. Audubon la dit intermédiaire entre la terre d'Ombre et le foie de bœuf. Elle est l'ort dillicile à figu- rer et d'après M. Hornaday ce serait m\ gris brun pâle, pas- sant parlbis au gris couleur l'umée, avec de fort grandes va- riations individuelles, tous les sujets ayant le pelage ou plus sombre ou plus clair. Les parties inierieures sont d'un brun foncé, parfois même noires. Toute la région antérieure, épaules, bosse, partie supérieure du cou, est couverte d'une masse de poils jaunes pâles, teinte pouvant être rendue par un mélange de jaune de Naples et d'ocre jaune, formant de nombreuses touliés assez raides, laineuses, et aussi régulières que si elles venaient d'être rognées avec des ciseaux. Leur longueur est de 10 centimètres environ Placée entre le poil plus .sombre du corjjs, et le poil presque noir de la tête, cette surface plus iiàle frappe par un double contraste. Elle ne couvre que les épaules, mais retombe sur la poitrine où elle se termine brusquement à hauteur de la sixième côte, se fonçant progressivement à [lartirdes épaules, elle est presque noire â hauteur du genou. L'avant bras, fort volumineux, est caché dans une masse épaisse de longs poils grossiers, presque durs, de 25 centimètres de long, qui s'arrêtent brus- M'd REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. qnoment au genou, en i)assaiit du brun noir au noir de jais. Au sommet de la tête, une masse compacte de poils nattés l'orme une sorte de couronne d'une teinte terre de Sienne brûlée, ayant 40 centimètres de long, enveloppant les cornes, pendant sur les yeux, descendant sur le cou. Les poils du menton, d'un noir de jais, rudes et grossiers, mesurent 33 centimètres de long. Avec l'âge, les couches extérieures des cornes des taureaux deviennent rugueuses ; elles ne présentent plus qu'une pointe très courte, mais très aigué Le taureau est alors im Stubhorn, uu t(Hu, et ses cornes continueront à devenir de plus en plus difformes avec l'âge. Les frottements continuels contre le sol usent en outre la courbe extérieure remplacée par une sur- face plane. Les cornes indiquent exactement l'âge, mi nouvel anneau se formant à leur base cliaque année à partir de la troisième. D'après les cornes et la dentition la vie moyenne du taureau serait de vingt-cinq ans. La vache a l'aspect vigoureux du Bison mâle. Les parties supérieures du corps sont chez elle d'une teinte brun Van Dyck, se nuançant de faron insensible et passant sur les côtés au noir qui est la couleur des parties inférieures. L'avant- bras est caché dans une masse de poils presque noirs se dé- gradant à partir du coude. Sur l'épaule, le poil est d'un jaune j)àle, couleur paille, teinte qu'on })OTirrait obtenir par un mé- lange de jaune de Naples et d'ocre jaune. Du bas de la tête, une bande de poils frisés, ])i'un foncé, s'allonge en crinière sur le cou et jusqu'au sommet de la bosse. Le poil de la tête est brun, terre de Sienne brûlée. Les cornes sont plus faibles que celles du taureau, et souvent de forme défectueuse ; sur cinq paires, une au moins est irré- gulière, et la plupart du temps une des cornes est toute courte et fort épaisse. Le pis est petit comme on peut s'y at- tendre chez un animal appelé à faire de longs voyages, mais le lait est très riche, et on a même prétendu qu'il fallait le lait de deux vaches domestiques pour nourrir un veau Bi- son ; il y aurait exagération d'après M. Ilornaday qui a fait des constatations à cet égard au Muséum de Washington. ^ ■ ' '- • ' (.4 suivre.) NOTES SUR LA REPRODUCTION A LA CROIX VEUTE DES HOGGOS GLOBIGÈRES Par m. LâGRANGE, Aviculteur à Autun (Saône-el-Loire'ï. Au mois de mars 1888, je fis l'acquisition, au Jardin dAc- climatation de Paris, d'un couple de Hoccos globicères ; le 4 juiu de l'année suivante, je rachetais une autre lemelle. Ai)i'ès quelques mois de séjour dans de vastes ])arquefs gr-illagés, de 80 à 120 mètres de sui^erficie, pour les ludntuer à leur nouvelle demeure, je les mis en }ileine liljerté. Ces oiseaux ne cherchèrent nullement à en profiter i)Our s'en- fuir, au contraire, ils devinrent même d'une familiarité gê- nante ; le mâle surtout était terrible pour les chinns : il les poursuivait jusque dans leur chenil. Plus tard, ce fat ce qui causa sa perte. Une des deux femelles (la dernière achetée) pondit son 1""" onif, le 3 avril 18U0 ; poids 227 grammes. 2« — le 5 — 1890; — 235 — ;> _ le 6 — 1890 ; — 220 — Ces trois œufs furent mis en incubation le 10 avi-il au matin sous une poule et n'ont rien valu. La femelle Hocco a couvé un jour environ, mais ayant été dérangée au moment de lui donner ses œul's et rel'aire le nid, elle n'y est plus retournée (elle aurait mal couvé, je crois) ; son nid était à terre, fait de quelques branchages sous un sapin. Les œufs de Hocco sont tous bien semblables de forme, blancs, légèrement rosés, finement granulés comme une peau d'orange, à coquille forte, de l'cpaisseur d'une [)ièce de ~)Q centimes. Le mâle a^été tué par les chiens le 10 avril au matin. Voici dans quelles circonstances : La veille, il me parut plus excité que de coutume et ne 350 TxEVUE DES SCIENCES XATUIŒLLES APPLIQUÉES. quittait pas les abords (l(\s chenils. Chaque fois que, pour une raison quelcon([ue, l'employé sortait un cliien, à gi'ands ren- forts de coups de hec et de i):ittes il oblip:eait ce dernier à fuir et à se cacher; il est vrai de dire que lorsque les chiens le rencontraient dans les cours, ils en avaient une peur bleue ; le soir quand tout fut rentré, personne ne remarqua qu'il manquait un barreau à l'une des portes des chenils. Le Hocco ne voyant plus de chien à battre, vint passer sa tête à travers cette ouverture. Les chiiuis se sentant en foi^.e (ils étaient quatre !) se jetèrent sur lui. Le matin on le trouva décapité auprès de la porte ensanglantée ; la tète, devait probablement se trouver dans l'estomac ? veut d'ailleurs dire en Kir"hizc 35G KEVUE DES SCIENCES NATlRELLES APPLIQUÉES- '. lac cliand » (c'est-à-dire ne gelant pas) ; l'ancien nom chi- nois du lac — « Je-Khaï » — a la même signification. jrond. — Le nom mongole, « Temonrtou-Nor », a traita une antre de ses particularités, précisément à sa richesse en fer. Des dragages exécutés dans des Laies de l'extrémité est ont montré que le fond y est constitué par un limon noir saturé de fer ; sur certains points de la côte les vagues dépo- sent des quantités immenses de ce limon ; autrefois, les Kirghizes le mettaient à pr-ofit pour en tirer du fer métal- lique, par un procédé métallurgique des plus primitifs ; cette industrie a disparu depuis (|ue les commerçants russes ap- portent aux nomades le fer dont ils ont besoin tout fait et à meilleur compte. Sur les bords du lac, il y a beaucoup de sources miné- rales ferrugineuses. En plusieurs endroits on a découvert également des gisements d'ocre. Pourtour. — Le paysage est d'un grand pittoresque, le lac étant encaissé au milieu des hautes montagnes neigeuses qui constituent le massif du Tian-Clian Occidental, dit Russe. La base des montagnes reste généralement à 10-20 verstes de distance du bord du lac; par endroits, cependant, elles se rapprochent au point de former falaise. De plaines d'une certaine étendue, il n'y en a qu'aux deux extrémités. Le ca- ractère de la végétation sur le pourtour du lac est subor- donné â la présence ou absence d'irrigation. Arrosé, le sol fournit des pâturages plantureux et de riches cultures ; à sec, le même sol n'est qu'un affreux désert, d'une désolation inexprimable, c'est que la région est une région salante (1). Pour le moment, la vallée de la pointe est est seule pourvue de canaux d'irrigation ; et il n'y a que là qu'on trouve une poi)ulation sédentaire et agricole; le reste du i)ays n'est que rarement parcouru par des tribus pastorales. Origines. — Ce qui rend l'étude zoologique de l'Lssykkoul (1) Toutes les régions salantes du jrlobe sont ainsi- Voyez les recherches spéciales publiées à ce sujet, cette année même, par notre savaut collaborateur, le professeur E.-W. Hilgard, dans le Bull, de la Soc. vat. d' A tjricultnre de France et dans \cs Annales de la Science af/ronomijie française et clrangère. [La Rédaction.) LE LAC ISSYKKOUL. 357 particulièrement attiraiite pour le naturaliste, c'est le mys- tère de ses origines géologiques, beaucoup discutées, mais point encore éclairées. Nous n'avons pas à entrei- ici dans l'exposé des différentes hypothèses proposées, d'autant plus, qu'aucune ne s'appuie sur des arguments solides, le lac n'ayant pas encore été sui'iisamment exploré ; nous nous bornons à constater simplement le fait. Faune. — La faune du lac n'est encore connue, en effet, avec quelque précision, que pour la partie iclityologique. Les collections de M. Schmidt auquel nous empruntons nos ren- seignements comprennent également des invertébrés, mais les espèces n'ont pas encore été vérifiées sauf pour quelques mollusques dont voici les noms : Caspia nov. sp. ; Llninœa auricidaria L. ; Limnœa lagotis Schraak ; PlanorMs limo- pîiilus; P. marglnatus [déterminés par le D'' S. Clessin]. Espèces de poissons. — Même pour ce qui est des poissons, les petites espèces, dont la collection de M. Schmidt contient un certain nombre, n'ont pas encore été déterminées sauf deux, les Phoxiniis Lœvis Âgass, et Diplophiza Strauchli Kessl. Nous ne nous occuperons donc ici que des seules espèces plus grosses qui offrent un intérêt économique II est curieux de constater que, pareillement au Markakoul, l'issykkoul, tout en étant d'une pèche excessivement fructueuse, ne nour- rit dans ses eaux qu'un très petit nombre cVespèccs impor- tantes au point de vue de ralimentation. Au Markakoul il y en a 3 ; ici 4. Ce sont : 1. La Carpe (« ssasan ») qui est bien le Cijprinns carplo L. vulgaire d'Europe. La Carpe est excessivement rare dans les lacs de la Sibérie ; le pays le plus proche de l'issykkoul où il y en ait est la basse plaine du Syr-Daria et de l'Amou- Daria. 2. L'Idus (Scjualius) oxlanas Kessl (« tcliebak ») ; c'est une espèce spéciale au Turkestan ; en dehors de l'issykkoul, elle n'a été signalée encore que seulement dans l'Amou-Daria. 3. Le Schizotliorax argenteus Kessl (« marinka »), qui est encore une espèce exclusivement Turkestanienne. Elle n'a été encore signalée jusqu'ici que dans le bassin du Balkhach et dans la rivière Tarym. 358 REVUE DES SCIENCES NATURELLES AfFLlQUEES. 4 Le Diphjchus Dyhoioslih Kessl (« osman >), qui n'a été jusqu'ici sionalé d'une .manière nette que seulement jiour le Balkhacli ; il parait cependant ({iie le p/oisson du Tchirik (affluent du Syr-Darya; décrit parRouzski (de Kazan) sous le nom de Diptyclnis Kcssleri Ruzski, ne se distingue également en rien du « o^;nian » de l'Issykkoul. I)'a]»i'ès les témoignages des p'^clieurs on rencontrerait encore dans l'Issykkoul, rarement d'ailleurs, des Marinkas {Sc/iizot/ioro.v] « noirs », c'est-à-dire à écailles noires sur le dos au lieu d'argentées ; mais il y aurait encore à vérifier s'il s'agit d'une espèce distincte ou bien si cette différence de robe n'est pas sim[)lement une afitaire d'âge ou de nourri- ture (1). Il parait que ces Marinkas noirs viennent de quelques petits lacs voisins, en communication avec le grand, où ces singuliers poissons ne se pèchent qu'au printemps, acci- dentellement. Ces petite lacs posséderaient de même, toujours d'après des témoignages de prêcheurs qui n'ont pas encore pu être contrcMés, une variété noire de Carpe. Leur dLtribuiio)}. — Le Ssasan serait particulier aux deux extrémités, est et ouest, du lac, qui lui oiiVent des con- ditions d'existence spéciales : du lait des nombreuses petites rivières alpines qui débouchent là, il s'y forme une série de petits golfes peu profonds, ))résentant un cai'actère particu- lier ; il y vient des algues, le fond est couvert d'une couche épaisse de limon, l'eau est beaucoup moins saumâtre qu'au centre, et sur les bords poussent des roseaux absents sur les rives du lac même. Au contraire, la Marin ka et l'Osman sont fort rares aux extrémités du lac, surtout l'Osman, et fréquentent de pré- férence la partie centrale de l'Issykkoul et le côté nord ; le Tond y est sableux ou rocheux; il n'y a i)resque pas de limon ni d'algues. Enfin, le Tchebak semble habiter le lac tout entier. Ces données ne peuvent cejjendant i)as encore être consi- dérées comme définitives ; le côté sud du lac n'a pas encore été exploré du tout et n'est même pas fréquenté i)ar les pêcheurs; c'est que la rive sud est complètement déserte : pas une seule créature humaine n'y habite. (1) M. A. M. Nikolski aurait l'ail uuc observation dans ce sens au lao do Bulkhach. LE LAC ISSYKKOIIL. 359 Comme abondance, la première place revient au Ssasan et au Tchebak. La pèche. — Le développement de la pêche dans le lac Issykkonl est loin de ce qu'il devrait être, de ce qu'il sera assurément un jour. Il y a cela plusieurs causes. En première ligne l'éloigne- ment des centres populeux : En eliét, Piclipek et Yerny, deux villes qui sont les principales consommatrices de pois- son de la i)rovincc, sont la première à 200 verstes de route, l'autre à 400 (1). Puis le peu de population du pourtour même du lac, l'origine de cette population, et les conditions agricoles du pays : Il n'y a en tout que trois villages qui touchent au bord du lac : Ssasanovka, Ouital et Preobra- jenskoïe ; tous les trois sont situés vers la pointe nord-est, autour de l'embouchure du Tioup, et sont peuplés par des paysans venus, il y a vingt à vingt-cinq ans, d'une région du centre de la Russie, où on pratique peu la pêche. Le sol, que ces gens cultivent à Issykkoul, à l'aide d'irriga- tion, est, à cette condition, si généreux (2) qu'il absorbe toute l'attention du cultivateur. La plupart ne s'occupent donc de la pêche qu'à titre accessoire. Deux familles seulement, établies à part, vers la pointe ouest du lac, dans une localité absolument déserte, prati- quent la pêche (Carpes et Tchebaks) comme métier exclusif, en vendant le produit à destination des villes de Pichpek et de Verny. En revanche, comme métier accessoire, la pêche est exer- cée non seulement par la totalité des habitants des trois vil- lages nommés plus haut, mais aussi par le personnel des cinq postes militaires échelonnés le long de la rive nord, et par les moines du petit couvent établi sur le bord même du lac, entre Ouital et Préobrajensk. Le produit est mangé par les pêcheurs mêmes ou vendu à Slivkino et à Prjevalsk. Les deux villes sont à 12 verstes du bord du lac. (1) Eu lijrne droite, par le défilé d'Alraatin, seulement ■12(), mais cette voie n'est praticable qu'eu été, et encore seulement pour les caravanes, mais pas pour les voitures, (2) Qu'on en juge par le bon marclié léf^endaire des subsistances : le poud (16 kilos) de farine de froment se vend en outomne au prix de 10 à 12 kopèks [5 à 6 sous}. 360 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. L'outillage des pécheurs est misérable ; les embarcations sont pour la plupart des périssoires à une rame, creusées dans un tronc d'arbre; instables au possible. Parmi les ha- bitants il y en a cependant quelques-uns qui osent tout de même faire avec ces canots des voyages tels que traverser le lac et revenir au point de départ (80 verstes de chemin en comptant les deux trajets). Le lac n'est pas toujours inof- l'ensif, en efTet ; de temps à autre il survient des coups de vent terribles. Les filets sont généralement travaillés par les i)ècheurs mêmes; ils sont de forme fort banale; les dimensions sont très variables. Les procédés sont ceux de la Russie centrale et n'offrent rien d'intéressant. La pèche à l'Osman porte seule un cachet original. Dès le commencement de l'été et jusqu'au milieu de la saison, ce poisson remonte dans les rapides alpins qui alimen- tent le lac ; probablement pour frayer ; les pêcheurs l'arrêtent au passage. Gomme engins, ce sont souvent des nasses en osier de forme ordinaire, comme on en emploie partout en Russie, sous la dénomination de « mordotchki » ; les pécheurs de rissykkoul s'en servent en les plaçant de façon à ce que l'ouverture soit du côté du lac, et la pointe du C(3té de l'em- bouchure de la rivière. D'autres fois, on recourt à un dis- positif plus original : Il consiste en un grand sac muni d'une perche faisant fonc- tion de manche; il est fait avec un filet à larges mailles et fixé après un cadre semi-circulaire de 1 mètre à 2 mè- tres 40 de base, c'est donc une sorte de drague primitive. Pour pêcher les Osmans avec cet appareil, les gens du pays se mettent à deux ou à plusieurs. L'un d'eux entre dans l'eau et maintient le sac au fond, les autres descendent la rivière, également à pied, armés de gourdins avec lesquels ils frappent sur l'eau en s'ingéniant à faii'e le plus de bruit possible ; tout le monde se met nu naturellement. Les Osmans qui ont l'habitude de passer la journée sur le fond de la rivière, blottis sous les pierres, prennent peur, se jettent droit devant eux dans la direction du courant et tombent dans le sac. Les pêcheurs vident le sac, déposent les pois- sons sur la rive, redescendent plus bas et répètent l'opération, et ainsi de suite. Bien que le butin soit considérable, ce genre LE LAC ISSYKKOIIL. 361 de péclie ressemble plutôt à une sorte d'amusement, ou de sport, qu'à une industrie. Beaucoup de pêcheurs se passent même du sac tout à l'heure décrit, et s'en vont prendre les Osmans simplement à la main, en les extrayant de dessous les pierres , iiar les ouïes; avec un peu d'habitude ils arrivent facilement à dé- couvrir leurs cachettes. Enfin, on ramasse les Osmans même par terre, sur les champs : ils ont l'habitude de remonter dans les canaux d'ir- rigation (« aryks ») ; aussitôt les écluses rétablies, l'eau est vite absorbée par le sol assoiffé et les poissons, restés en dé- tresse dans les rigoles, n'ont plus aucun moyen de se sauver. On pense bien que, pour qu'on puisse se contenter de pro- cédés aussi simples, il faut qu'il y ait une extrême abon- dance de ce poisson. Cette heureuse saison dure un mois ou six semaines. Déjà dans la seconde moitié de juillet on ne trouve plus beaucoup d'Osmans dans les cours d'eau, et en août il n'y en a plus du tout; il faut croire qu'ils se retirent dans les couches profondes du lac ; il est alors fort rare d'en prendre, tout au plus s'en égare-t-il dans les filets un ou deux, de loin en loin, par pur hasard. Les Osmans se consomment de suite, ou bien ils se salent ou bien encore on en prépare du poisson essoré. Ils ne sortent pas du pays ayant la chair trop délicate pour pouvoir être transportés tant soit peu loin ; on en prend aussi trop peu pour alimenter le commerce. Les Carpes (« Ssasans ») se pèchent en été par les mêmes procédés comme les Osmans ; aussitôt la saison chaude passée, elles s'en vont se cacher dans les profondeurs encore inex- Itlorées du lac. Les filets qui servent à cette pêche mesurent de L5 à GO sajènes (la sajène = 2 m. 10) de long sur 1 sajène de large. La pêche aux Carpes est particulièrement facile au prin- temps, lorsqu'elles se dirigent sur les bancs de sable ou s'ap- prochent très près des bords pour frayer. On les prend alors non seulement au filet, mais même simplement à la foêne. Le dernier procédé est le seul employé par les Kirghizes, de piètres pêcheurs : avant l'arrivée des Russes, ils ne man- geaient pas même de poisson, en prétextant une prescrip- tion religieuse. 302 RKVUK IJES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. Le poids des Cai'pes dMs.s\kkoiil est Tort variable ; en moyenne c'est 1~H livres; le maxiniuui dont M. Schmidt ait entendu parler est de 34 livres (la livre russe = 409 gram- mes). Impossible de donner des chiffres précis sur la quantité (le Carpes pècliées dans Tannée ; elle est, en tout cas, ou [)lu((")t, pourrait être considérable; (ju'on en juue par ces quelques exemples. Une lamille de Koutemalda (le hameau de la iiointe occi- dentab:; , il en a été question plus haut), au pi-ès de laquelle M. Schmidt a pu recueillir qiudques renseignements, prend généralement dans le courant de l'été 500 à l,0i)O individus, ce ortantes cultures spéciales exotiiiues intro- duites en Russie dans ces dernières années. 2" Les jardins d'acclimatation de végétaux. 3° Les végétaux indigènes re- marquables, méritant d'être propagés au dehors. 4° La section des animaux. 5° Les communications diverses ne rentrant pas dans les chapitres iirécédents. Autant que possible, nous nous sommes efforcés de ne pas sortir du cadre des faits apportés au Congrès. S'il y a lieu de compléter les renseignements réunis ci-dessous par des données puisées h d'autres sources, nous en ferons l'objet d'une autre note. Les travaux du Congrès de Moscou sont déjà à eux seuls assez importants pour qu'il nous soit permis de nous y borner pour le moment. 1,0 PARTIE : VÉGÉTAUX 1" Chapitre : Cultures spéciales. Le Coton. En 1885, le gouverneur général du Turkestan. N. 0. Rosen- 3G6 KiaUK liES SCIl'NCES NATURELLES APPLIQUEES. Lacli, créa à Taclikent, une « station d'expérience.s pour le Coton » dont il confia la direction à un homme de science fort distingué, feu ^\. A. J. Vilkins, avec mission d'introduire les procédés rationnels dans la culture et dans la préparation indigènes alors encore tout à fait arriérées, et de substituer à la mauvaise race du pays, peu faite pour le commerce inter- nationale, les bonnes sortes des Etats-Unis. Déjà, sous les gouverneurs précédents il y avait eu à Taclikent deux « plantations modèles m de coton, dirigées par l'Etat. M. Vilkins se mit à la tâche avec infiniment de zèle et d'intelligence, et, puissamment aidé par un concours de circonstances favorables, finit par obtenir des résultats dont le gouvernement a tout le droit auJourd"hui d'être fier, ré- sultats qui se chiffrent déjà par des bénéfices considérables pour l'économie tout entière de la région et pour la caisse publique. On sait que la consommation du Coton du Turkestan par les filatures de Moscou et même d(^ Lodz a atteint des proportions imposantes. L'entrée de Cotons étrangers va en diminuant et le jour n'est peut être déjà pas bien loin, où de pays importateur, la Russie deviendra pays exportateur. L'exiguïté de la i)lace dont nous disposons dans cette " Revue » ne nous permet point d'entrer dans les détails des mesures par lesquelles le gouvernement est arrivé à ce succès, ni dans la description particulière de l'état actuel et des pro- cédés de la culture moderne du Coton au Turkestan (1). Il y a cependant intérêt général à citer les conclusions sui- vantes présentées i)ar M. Vilkins au Congrès : L'espèce la plus renommée des Etats-Unis : le « Sea Island » [Gossypium Barhadense L.) — celle qui produit le Coton le plus long, le plus fin et le plus soyeux du monde, n'est pas cultivable au Turkestan ; elle n'a pas le temps d'y mûrir. Les cultivateurs de la vallée du Ferghana réussissent bien avec cette variété spéciale du « Sea Island » qui est généra- lement connue sous le nom de « Coton d'Egypte » ; ils la pro- duisent aujourd'hui en fort grande quantité ; mais à Taclikent même cette sorte ne mûrit pas plus que le « Sea-Island )i d'origine. M) Les intéressés uouc sauront pré de leur indiquer un livre puhiié sur ce sujet par M. Vilkins. eu 1880, sous le litre : k Les bases de Id culiure du ccton au Turkestan • (en russe). L'ACCLIMATATION' EN' RUSSIE. 3G7 Ce qui contient le mieux an Tiirkestan, ce sont les diffé- rentes variétés de 1' « Upland » [Gossyrnnmhiy^sulum Z>), dont le« Peterkin » a senl donné des résultats peu satisfaisants. Eu moyenne, l' Upland produit, dans la région de Taclikent, sans fumure, 16 à 18 pouds de coton net par déciatine (1 hec- tare, 1) ; dans les environs de Kodjent et au Ferghana, encore davantage. Le Cotonnier du pays, Cotonnier asiatique (Gossypium hcr- haccttm L.) améliore notablement sa soie sous l'influence d'une culture rationnelle ; des planteurs s'imaginent même qu'un jour il finira par atteindre le même degré de perfection qu(; r « Upland » ; M. Vilkins taxe toutefois cette opinion d'illu- soire et pense (]ue le Cotonnier indigène restera toujours inférieur de beaucou[) aux nouveaux Cotonniers acclimatés. En même temps qu'il conquérait le Turkestan. le Cotonnier américain faisait son entrée au Caucase. « L'espèce indigène » a raconté au Congrès M. Chavrov, le « Karanyz », n'a que peu de valein^ commerciale. Le célèbre fabricant de Moscou. M. T. S. MorosoY a plus que tout le monde, le mérite d'avoir propagé les bonnes espèces exotiques. 'A la suite d'une mis- sion, il passa une année en Amérique à étudier les cliose'^ sur place et rapporta des graines authentiques ; des quan- tités considérables en furent distribuées gratuitement à qui- conque voulait en prendre, pendant plusieurs années con- sécutives. Au début, non -seulement les paysans mais même les cultivateurs instruits opposèrent une défiance caractéris- tique. « Les cotons américains rapportent moins de bénéfice que le coton indigène » aflirmaient-ils. Il y avait un point de vrai en cela : en effè^ les nouvelles sortes avaient été fré- quemment mises en terre à côté du Cotonnier du pays ; dans ces conditions il y avait eu hybridation et les capsules qui en résultaient s'étaient trouvées infiniment inférieures à ce qu'on avait pu esi»érer. M. Morosov ne se découragea cependant pas ; il envoya dans lé Transcaucase des instructeurs, et continua à distri- buer des graines et à acheter à un bon prix le coton de race américaine. Un succès complet n'a pas tardé à couronner ces intelligents efforts ; aujourd'hui le coton américain est prédo- minant, la production alimente non-seulement la maison Morosov mais déjà aussi d'autres filatures. L'œuvre de la 3C8 UEVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES- maison Morosov est un des pins beaux et des pins enconra- o-eants exemples de ce que peut obtenir en matière d'acclima- tation aiiricole une initiative privée largement courue, intel- ligemment réalisée. Le coton peut être définitivement classé dans les grands produits agricoles de la Russie. Le Jute. Le Comité avait posé cette question : « Le Jute [Ccn^choriis capsularis) peut-il être cultivé en Russie avec avantage in- dustriellement'? » Le Congrès y a répondu affirmativement. La conversation et la correspondance sur ce sujet ont apporté les renseignements suivants qui ne sont pas dépourvus d'in- térêt, pensons-nous, pour les lecteurs de la Revue. Il y a vingt ans, M. Kasanski faisait déjà des efforts pour l'introduction du Jute dans le pays de Novorossiisk. La bonne venue de ce végétal dans une grande partie du Cau- case et du Midi ne peut plus faire l'objet d'un doute.- La « Ma- nufacture Linière de Narva » a eu Toccasion de tisser du Jute provenant de l'arrondissement de Lenkoran (Caucase) et en dit le i>lus grand bien. La maison Rodokonaki, d'Odessa, fait de son ciUé de sérieux efforts pour propager la culture du Jute dans les gouvernements avoisinants : un essai a été fait dans l'arrondissement d'Elisavetgrad, un autre à l'Ecole d'Agriculture de Kherson (communication de M. Bertenson) ; le résultat a été indécis ; en tout cas, on va continuer les observations. La station d'acclimatation de Tachkent, sur la féconde ac- tivité de laquelle nous aurons encore à revenir, a constaté, depuis 1890, la possibilité climatérique (1) de la culture du Jute au Turkestan, et à plus forte raison, dans la Région Transcaspienne, où la belle saison dure plus longtemps. A côté de l'espèce C. Capsularis, cette station a expérimenté [tendant deux ans (ISSô-S'T) aussi le C. Oliiorius, cultivé dans certaines localités des Etats-Unis ; mais l'observation lui a été défavorable ; on a eu des plantes relativement basses (1 m. 40 et au-dessous) et rameuses, dont la propagation ne parait offrir aucun intérêt. [1] • Sans préjuger de la possibililé économique qu'il est encore impossible d'apprécier. > L'ACCLIMVTATIOX EX RUSSIE. 369 La Russie importe des quantités énormes de Jute de rétranp-er. Jusqu'en 1882 l'importation se faisait surtout sous l'aspect de Jute tissé ; ainsi en 1879 il est entré en Russie 710,000 pouds de sacs de Jute, représentant la valeur de 4,277,000 roubles. Une élévation considérable des droits de douane sur le Jute travaillé étant intervenue à ce moment, l'importation a changé de nature ; il n'entre plus guère que de la tilasse, et le tissage a lieu en Russie même. Eh bien, en 188811 est entré 481, 000 pouds de hlasse de Jute; aujourd'hui l'entrée annuelle est estimée déjà à un million de pouds ; et ceci — en dépit du droit d'entrée considérable de 60 kopeks, or par pond, en dépit de l'instabilité et des désa- vantages du change qui font revenir le Jute aux acheteurs russes entre 80 kopeks et 1 rouble 50 kopeks le poud (pris à Londres ou Dundee). Des fabricants ont pris part par correspondance aux délibérations du Congrès, et voici ce qu'écrit l'un d'eux : Pour les gros numéros de filasse réclamés par Tindustrie des sacs et toiles à emballer, le Jute présente des qualités uniques. La grande distinction entre la filasse grossière de lin et de chanvre et le Jute est que ce dernier se prête émi- nemment à la confection des tissus d'emballage pour mar- chandises demandant à ne pas être salies telles que : sucre raffiné, farine, etc. Avec le lin on ne pourrait arriver au même résultat qu'en employant les qualités supérieures ; de pareils sacs reviendraient trop cher. Un autre avantage des sacs en Jute est de peser moins que les autres Meux fois et demie moins que les sacs en chanvre). A\ec les énormes dis- tances russes c'est très important. Le Jute se prête de plus très ])ien à la fabrication de tissus plus soignés : tapis, étoffes d'ameublement, nappes, serviettes de table, draperies, etc. Toutefois, l'industrie des sacs à blé et à farine et des bâches d'emballage pour le coton suffirait à elle seule pour assurer le placement de plusieurs millions de pouds (1) de jute. 11 existe aujourd'hui en Russie dix fabriques de sacs de Jute, qui toutes tirent la matière première de l'Inde. On se demande comment, en présence d'un ensemble de (1] Le poud =■ IG kilos. 'in Octobre 181t3. 24 370 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. conditions si lavorablos, la culture du Jute n'a-t-elle pas pris déjà, dans Féconomie de l'Empire russe, la place qui lui revient. ■ . Divers membres du Congrès en ont donné les explications suivantes : Les expériences sérieuses de culture ne datent que de quel- ques années. Le commerce n'est pas encore organisé. L'ex- traction de la fibre n'a pas encore été laite dans des condi- tions raisonnables ; ainsi on ne s'est pas encore servi de ma- chines ; or, dans les gouvernements où le climat est favorable à la culture du Jute, la main-d'anivre est relativement clière. Les graines distribuées un peu à tout le monde par le mi- nistère, n'ont pas toujours été bonnes. Ce sont là, comme on voit, des difficultés facilement sur- montables et dont le temps ne tardera pas à avoir raison. La Ramie. D'après M. Mlokosevitch, la Ramie {Bœlimeria nivea) fut introduite au Transcaucase déjà vers Ls.jO, par le prince M. S. Vorontsov ; la propagande, menée autour de ce pré- cieux textile dans ces derniers temps, avait, dans ces condi- tions, toutes les chances d'être écoutée en Russie. En effet, tout compté, il y a été fait, un assez grand noml)re d'expé- riences de culture de la Ramie. M. Mlokosevitch, pour son jardin de Lagodekhi, eut des pieds de Bœhmeria nivea vers LS7Û, au jardin botanique de Tifiis. L'autre espèce, — le Bœhmeria idilis [« ortie de Java »] fut introduite par jM. Mloko- sevitch, en 1816, avec des plants apportés du Hamma. De- puis, elle prospère dans le même endroit, sans s'affaiblir par le temps et sans souffrir des hivers quelquefois assez rigou- reux — il y en a eu, oii le thermomètre accusait, à la levée du jour, — 12'' C. Les plantes, que personne ne soigne, at- teignent la taille de 4 arschines (2 m. 8U) et davantage, et se sont acclimatées à ce point que la centaine de mètres carrés qu'elles occupent fait l'impression de quelque station natu- relle de végétal indigène. Il y a cependant à faire remarquer que, malgré une florai- son toujours abondante et prolongée, on n'a jamais encore pu recueillir de graines mûres. Au point de vue de la culture industrielle, ce n'est pas un obstacle, comme on sait ; la niul- L'ACCLIMATATION EX RUSSIE. 371 tiplication étant même plus avantageuse par boutures et di- vision des racines. Après M. Mlokosevitch, M. Chavrov, directeur de la station séricicole de Titiis, a dit au Congrès de son coté : « La Ramie, propagée au Caucase, par la voie de graines distribuées par le Département de l'Agriculture, se plaît chez nous si bien, que plusieurs acclimateurs ont même fini par en être effrayés-, car elle a une tendance à envahir les cultures a voisinantes et à devenir une véritable mauvaise herbe; une fois que la Ramie a pris possession d'un endroit on a bien de la peine à l'en déloger. Je considère que la Ramie peut être cultivée sans difficulté non seulement au Caucase, mais encore presque dans tout le midi de la Russie d'Europe. Il est malheu- reux que la question de l'extraction de la fibre ne soit pas encore résolue. » M. Gondatti a mis également les membres du Congrès en garde contre la propension de la Ramie à envahir tout au- tour d'elle, et a cité à preuve une plantation établie, à titre de curiosité par M. Rechetnikov, à Samarkand. D'après M. Vilkins, cette plantation de M. Rechetnikov, exis- tant depuis 1889, est la seule qu'on soit arrivé à provoquer au Turkestan, malgré une propagande soutenue menée depuis plusieurs années. Entre autres, en 1889, il y a eu une bro- chure de publiée (d'après le livre de Favier : « La Nouvelle industrie de la Ramie »), dont il fut fait, sur les ordres du général Rosenbach, une large distribution â tous ceux qui en demandaient. L'édition l'ut épuisée dans la pi^emière année même ; mais l'application des idées émises va moins vite, comme on voit. Le Turkestan est, de tous les pays où l'on a essayé la cul- ture de la Ramie, probablement celui oîi les hivers sont les plus rigoureux; sous ce rapport, les observations suivantes de M. Vilkins ne ptnivent pas manquer de présenter un vil" intérêt théorique pour tous les acclimateurs : « Excepté la première, année, la Ramie est toujours restée sans couver- ture artificielle pendant toute la durée de l'année; or en 1889- 90 et en 189ii-91, il y a eu jusqu'à des gelées de — 22^ C; la Ramie n'en a pas péri; il est vrai qu'elle se trouvait naturellement protégée par une bonne couche de neige. » D"une manière générale, un hiver ])ien froid détruit tou- tefois, toujours une partie des plants jeunes, qu'il y a alors 372 REVUE LES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. à remplacer au printemps. Mais à partir de la deuxième an- née d'existence, les racines liivernantes ne souffrent plus guère du froid. » <( Si le semis a été fait en temps utile, continue M. Vilkins, et si la culture a été conduite raisonnablement, — nous n'a- vons pas été du premier coup à trouver les bons procédés, — - la Ramie atteint à l'automne taille d'homme ou davan- tage... Puis, la végétation aérienne meurt. Le renouveau se produit vers la fin de mars (en style français) ; si le prin- temps a été chaud, dans la première moitié du mois d'août on peut enlever une belle coupe ; il est prématuré de dire, s'il sera possible d'en obtenir une seconde tous les ans sous le climat de Tachkent. En tout cas, si l'expérience apportait sur ce point une réponse négative, il ne faudrait pas étendre a prioi'i la conclusion à l'ensemble du territoire, car Tachkent est situé sous le 41"^ de lat. N.; or, par exemple Merv, se trouve sous le 39°. On sait qu'à moins de deux coupes assu- rées dans l'année, la culture de la Ramie est industriellement impossible : tout avantage cesse. A Tachkent, comme au Caucase, la Ramie ne mûrit pas ses graines ; la floraison commence dans les derniers jours d'août. La multiplication par division des racines est celle qui a donné les meilleurs résultats chez M. Vilkins. Les boutures n'ont jamais réussi. L'Oranger et le Citronnier. Il a été beaucoup disserté au Congrès sur cette ques- tion, qui avait été posée, dès le début, dans une circulaire adressée à un grand nombre de personnes plusieurs mois avant la session. Il y a eu plus particulièrement une com- munication très intéressante, par ]M. Mlokosevitch. Depuis vingt ans, il a maintes fois planté des Citronniers à Lagode- khi, sans jamais réussir à les garder longtemps à cause des gelées hivernales. D'après M. Chavrov, il y a eu, autrefois, un nombre considérable d'Orangers, au Jardin d'acclimata- tion de Batoum oii d'ailleurs le sol peu profond et humide ne pouvait guère leur convenir. Les Turcs ont détruit ces arbres au moment de la cession de la ville aux Russes ; il en est resté tout de même quelques individus isolés, dont l'un L'ACCLIMATATION EN RUSSIE. 373 fournit, bon an mal an, près de deux milliers de fruits. A Poti, il y avait également dans le temps de beaux Orangers et Citronniers, qui mûrissaient parfaitement leurs fruits sous l'abri du mur d'enceinte des anciennes fortifications qui les protégeait contre les vents du nord ; mais les habitants ayant détruit ce mur, les arbres ont été gelés ; il n'en reste que de jeunes rejets. A Koutaiss, les Orangers et Citronniers gèlent. Dans l'ar- rondissement de Lenkoran ils mûrissent et rapportent même fort bien, étant cultivés en caisses ; toutefois, des plantations en pleine terre n'y existent pas. Il y a cependant d'autres localités où la culture des Oran- gers et des Citronniers a paru aux membres du Congrès par- faitement recommandable, surtout à la condition de les pro- téger contre le vent par des murs élevés, ce qui n'est pas aussi dispendieux qu'on pourrait le penser au premier abord et se fait, d'ailleurs, même dans des pays où la culture de ces ar- bres est tout à fait entrée dans les mœurs et rapporte de gros bénéfices, par exemple, comme l'a fait observer M. Cliavrov, dans certaines localités d'Italie, La grande dilliculté est de se procurer de bons plants, l'introduction de tous végétaux venant de France, d'Italie, de la Turquie d'Europe et d'Asie, étant interdite par les rè- glements antipbyloxériques. Reste la Perse ; les Orangers et Citronniers de ce pays ne sont pas très fameux ; mais comme on n'a pas le choix, il ne faut pas trop faire les difficiles. M. Mlokosevitch, qui a voyagé en Perse, témoigne que « les Orangers et les Citronniers sont très abondants au Talych Persan, au Masadorane et au Giliane et y atteignent des dimensions importantes, A Mechedisser et au jardin du Chah-Abbaza à Achref il y a des arbres d'un diamètre de 10 pouces à la hauteur de la poitrine (le pouce russe = 44 mil- limètres 4) ; or, les habitants disent qu'en hiver, il y tombe de la neige, et quelquefois même beaucoup. » M. Mlokosevitch a fait, en 1878, un voyge dans le but de s'assurer de la limite septentrionale exacte de la culture en grand des Orangers et Citronniers en Perse. Il se trouve que c'est le village de Tchoubar, situé à 30 kilomètres de la fron- tière russe d'Astara et à 60 kilomètres seulement de Lenko- ran On doit savoir gré à M. Mlokosevitcli de ne pas avoir reculé devant lès difficultés d'un voyage dans une contrée 374 REVUE LES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. dépourvue de routes et féconde en dangers de toute nature, et d'avoir enrichi la statistique de l'acclimatation d'une donnée i^récise de plus. L'Olivier. La même question avait été posée, par lé Comité d'orga- nisation du Congrès, au sujet de l'Olivier M. Cliavrov y a répondu dans les termes suivants : « L'Olivier prospère dans maintes localités du Transcau- case, depuis des temps fort reculés, par exemple dans l'ar- rondissement de Zougdid, gouvernement de Koutaiss. Dans la circonscription de Artvinn la culture de l'Olivier est chose générale. Les moines du couvent de Novo-Afon viennent de créer une vaste oliveraie, qui a déjà même commencé à produire. En dehors des endroits nommés, il y a encore de petites plantations isolées au village de Kardonakh en Kakhetie ; il y a aussi des Oliviers au jardin publique de Bakou. On sait que le versant méridional de la chaîne Taurique est aussi très favorable à l'Olivier. Cette culture parait donc avoir en Russie un avenir sérieux. Le Thé. • Cinquante années d'expérience ont prouvé que l'arbre à Thé supporte très bien le climat de Soukhoum-Kalé, de Sotchi, de Batoum ; il y atteint des dimensions imposantes, fleurit et fructifie abondamment. Le jardin publique de Soukhoum possède un superbe petit bosquet de Théiers, plantés vers 1840 par le gouverneur général d"alors, le prince M. S. Vo- rontzov; ce sont les plus anciens Théiers du pays. M. F. -F. Noev, horticulteur, à Soukhoum, a présenté de son coté au Congrès des individus de toute beauté, provenant du jardin de S. A. le grand duc Alexandre Mikhaïlovitch. Il y a eu de même, à l'exposition du Congrès, des Théiers de Tchakva, propriété située à 17 verstes de Batoum, sur la ligne du che- min de fer Batoum-Tiflis, et appartenant à M. Solovtzov ; il y existe une plantation de plusieurs centaines de pieds, dont la plupart ont été importés de la Chine par Hankow, par le propriétaire même, et quelques-uns — par des officiers de la L'ACCLIMATATION EN RUSSIE, 37.j Flotte Voltaire qui lait le service entre les ports de la mer Noire et l'Extrême-Orient. A Sonklioum, le Théier tleurit jusqu'à trois fois dans l'année; il a même fini par se propager tout seul et est en passe d'être classé dans les « végétaux subspontanés ». L'une des plus grandes maisons do Thés du monde, K.-S. Popov, de Moscou, s'est décidée, en présence de ces laits, de tenter une expérience de culture commerciale. Une mission de cinq personnes, dont M. V.-A. Tikhomirov, pro- . l'esseur de « matière médicale a à la Faculté de médecijie de Moscou, lut donc envoyée, en 1891 , i)()ur visiter la Chine, Java, Geylan, l'Inde, le Japon, étudier dans tous leurs dé- tails, les conditions de croissance du Théier dans ces diffé- rents pays, les variétés botaniques et culturales, les pro- cédés de culture et de préparation et rapporter une provision de graines. Cette mission s'est admirablement acquittée de sa tâche, comme on en peut juger par le spirituel récit publié à la suite du voyage, par M. Tikhomirov, et que la Société nationale d'Acclimatation de France possède dans sa biblio- thèque (1). Le savant botaniste a rapporté la ferme convic- tion que la culture du Théier en grand au Caucase est chose possible. Il prétend que les conditions générales climatéri- ques et végétales de la région indiquée au début de ce para- graphe, présentent une analogie remarquable avec ce qu'il a eu l'occasion d'observer dans certaines localités de la Chine, dont les Thés noirs sont très particulièrement appré- ciés sur le marché russe. Au Congrès, il a dit textuellement : « Le pays qui s'étend en forme de triangle, entre Koutaïss, lagra et Batou.m, le long de la côte orientale de la mer Noire, est situé à peu près sous la latitude (42°-44° lat. N.) de la limite septentrionale de la culture du Thé en Chine (40'^-41'5 lat. N.), et lui est abso- lument identique comme végétation naturelle, ce qui est dû aux montagnes qui l'abritent contre les vents de l'est et du nord. M. Noev nous a apporté ici — vous les avez tous admirés — des Camphriers {Camphora offlcinarion), des Cunninghamias {Cunninghamia Chinensis], des Chama?rops {Chamœrops excelsa) élevés à Soukhoum en i>leine terre, sans précautions particulières ; or, ce sont là précisément des (1) Eu allemand, avec quelques planches. 376 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. végétaux caractéristiques, que j'ai vu toujours en compagnie des Théiers, par exemple aux environs de la ville de Lind- jàou, d'où la Russie et l'Angleterre tirent, par les ports de Kiou-Kiang et de Hankow, leurs meilleurs Tliés noirs ». Et, plus loin : « La culture industrielle du Thé au Caucase méridional, paraît possible et désirable... Il y aura à com- mencer par les graines et boutures des Théiers déjà accli- matés de Souklioum et de Batoum ; le Théier de Chine sera préférable à la variété dite d'A.ssam, en raison de sa plus grande rusticité, qui s'explique par la forme même et l'é^jais- seur des feuilles ... Le gouvernement devrait encourager toute initiative dans cette direction. » Il n'existe encore aucune donnée sérieuse sur la qualité du Thé fait avec les feuilles des Théiers acclimatés du Caucase. Des expériences précises ne tarderont toutefois pas à être faites. La maison Popov a l'intention de faire venir, comme le lui conseille le professeur Tikhomirov, de bons ouvriers chinois, afin d'entreprendre son premier essai dans les meil- leures conditions. On sait, la vigueur de l'arbre à Thé et le mérite du pro- duit sont deux facteurs qui n'ont aucun lien forcé entre eux; la production commerciale du Thé a échoué dans maints pays, où l'arbuste vient admirablement. Il est donc impos- sible de dire d'avance ce que vaudra le Thé caucasien. Pour pouvoir juger de l'avenir de l'aflaire en pleine connaissance de cause, il faudra patienter encore quelques années. Les intéressés n'attendent d'ailleurs pas le résultat pour pro- céder à la création de nouvelles plantations. Le Département des Apanages vient de décider de son côté l'envoi d'une nou- velle mission agricole en Chine. (.4 suivre.) II. CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. La reproduction des Huîtres en eau close, — M. de Lacaze-Duthiers vient de communiquer à l'Acade'mie des Sciences les résultais de ses expériences d'oslréiculLure dans le vivier du labo- ratoire de Roscolî'. Il s'agissait de prouver que l'Huître pouvait y vivre, y croître, et qu'elle y acquérait d'excellentes qualités. La série des expériences a montre que. pendant son passade de deux années dans le vivier du laboratoire, le naissain y avait acquis une très belle taille et un goût parfait comme aliment de luxe. De plus, des preuves non douteuses de la production des embryons viables se remarquaient en 1891, dès la deuxième année, après un an de parcage- En 1892, les mêmes Huîtres déjà beaucoup plus belles, plus lourdes, ayant plus de corps qu'en 1891 et arrivant à leur troisième été de so'- jour dans le vivier, se sont de même reproduites. Enfin, en 1893, soit la quatrième année d'âge et la troisième anne'e de parcage, le naissain a été très abondant, à ce point que M. de La- caze-Duthiers espère pouvoir ne plus en acheter pour les expériences qu'il poursuit et continue à Roscolî et dans d'autres localités. Son gardien Ch. Marty pense arriver a détroquer au moins quatre à cinq mille petites Huîtres, car il a badigeonné avec la bouillie de chaux, dont se servent les ostréiculteurs, les collecteurs de toutes sortes : tuiles, canal, briques, fascines de brindilles, pierres qu'il avait placés sur les caisses d'élevage. Ainsi se trouve vérifiée cette indication un peu dubitative, que l'âge est pour beaucoup dans la reproduction des Huîtres, puisque ce n'est qu'à la quatrième année que le naissain s'est largement produit et développé. En résumé, dans le vivier de Roscoff, dont la surface n'est pas très étendue, oii l'eau ne se renouvelle très bien qu'aux grandes marées et où, pendant la morte-eau, les courants sont faibles, le naissain a été produit en très grande abondance, et cela par des Huîtres âgées de quatre ans, élevées dans un vivier clos et ayant trois années de par- cage. Voilà un fait certain qui répond victorieusement aux doutes émis par un certain nombre d'ostréiculteurs que la reproduction des Huîtres ne pouvait avoir lieu dans les conditions énoncées ci-dessus. m. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. Introduction de Cerfs hybrides de l'île Maurice à Ceylan et à Madagascar. — Grâce à l'obligeance de M. George Robinson, de Maurice, et, par l'inlermédiaire de l'amiral W. K. Ken- nedy, un certain nomlH'e de Cerfs de Maurice ont été importes à Ceylan et à Madagascar. Ces animaux appartiennent à l'espèce du Cervus moluccetms. A Maurice et à Rodriguez ces Cerfs hybrides sont parfaitement acclimates et constituent un beau gibier. De S. Singes chinois. — Le BaHij News rapporte, et nous donnons ce fait sous toutes réserves, que le D'" Alacgovan, qui est arrive récem- ment à Tien-Tsin après avoir traversé la Mandchourie, affirme, en se basant sur le témoignage des indigènes de ce pays, qu'il existe une race de Singes qui savent fabriquer de !a i)oterie et qui, en outre, connaissent la fabrication du vin. Dernièrement, une bande de Singes traversa un village, en passant d'une montagne à une autre. Des gamins les clfrayèrcnt cl, eu fuyant avec leurs petits, ils laissèrent tomber des jarres en terre. En les bri- sant, les villageois les trouvèrent remplies de deux sortes de vin : un vin rose et un vin vert provenant de deux espèces de miires de mon- tagnes. On affirme dans le pays que les Singes font des provisions de cette liqueur pour l'hiver, pour remplacer l'eau qui gèle. Le D'' Mac- govan cite d'autres témoignages de faits analogues. Il paraît que dans le Chekiang les Singes pilent des fruits dans des mortiers de terre pour en faire luie boisson. On soit que Stanley et Jeplison rencontreront sur les bords du lac Albert une tribu de Singes qui entretenait le feu qu'elle avait volé aux indigènes et battait le tambour qu'elle leur avait également enlevé. De B. Résultat du Concours de vitesse pour Pigeons voya- geurs entre Vienne et Berlin. — Nous avons annoncé à deux reprises, dans la lieinie des Sciddces ,iaturelles appliquées (1), l'organisa- tion de cette course dont le résultat a produit quelque de'ception. Sur les 117 Pigeons lancés de Vienne, le premier arrivé a mis trente et une heures pour faire un trajet qui peut s'accomplir en neuf heures. On avait calculé, sans les circonstances atpjospbériques, que les Pigeons mettraient vingt-quatre heures de moins. Mais on doit retrancher au moins huit heures. Car il est probable qu'entre huit heures du soir et quatre heures du matin, le Pigeon cesse de voyager. Cela donne donc vingt-trois heures pour un parcours de 5G0 kilomètres en ligne directe, soit une moyenne de 20 kilomètres par heure. G. (1) 1893, I, 143; II, 188. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 379 Les Alligators de la Louisiane. — MM. Smiley et Gopebri- vitch ont étd charges, par le gouvernement de la Louisiane, de faire une enquête sur l'etal des industries de la pêche et de l'ostréiculture dans les eaux de cet Etat. Pour s'acquitter de cette mission, les com- missaires ont dii faire plus de 1,600 kilomètres dans les méandres des bayous, des lacs, des baies qui découpent le sud de la Louisiane. La chasse aux Alligators, qui occupait plusieurs centaines de chas- seurs en Louisiane et fournissait une précieuse matière première à diverses industries transformant les cuirs d'Alligator en chaussures, sacs de voyage, malles, gibecières, etc., s'est presque eutièrement arrêtée après avoir pris un grand développement il y a douze ou quinze ans. Les chasseurs ayant à peu près détruit tous les sauriens de la Loui- siane, on n'a plus que quelques lacs et quelques bayons où la chasse soit encore possible. Les Alligators qu'on prend actuellement sont, du reste, beaucoup plus petits que ceux d'autrefois. On a parlé d'Alliga- tors de 13 mètres de long, alors qu'ils ne dépassaient guère 4 mètres à 4'", 85 il y a une dizaine d'années. A l'heure actuelle, leur taille s'est réduite de moitié, et il en reste si peu en Louisiane qu'on peut voyager lui jour entier à travers les marais sans en découvrir un seul. La plupart des habitants du Sud de la Louisiane n'en ont jamais vu à l'état de nature. Le nombre des individus se reproduisant encore est si faible, que l'xAlligator sera certainement éteint en Louisiane dans une dizaine d'années, bien qu'il soit à peu prés iuofïensif. Ces sauriens enlevaient parfois un jeune porc, mais on signalait à peine cinq à six cas d'individus blessés ou dévorés, car ils étaient peu enclins à atta- quer l'homme. Le principal reproche qu'ils encouraient était de dé- truire les poissons des ileuves, qu'ils avaient à peu près dépeuplés, et l'extinction si proche, désormais, permettra sans doute aux cours d'eau de la Louisiane de se rempoissouner- [Journal des Yoijages). L. M. Un fleuve salé. ~ On est très inquiet dans la région de l'Elbe, aux environs de Magdebourg. Les eaux de ce fleuve et celles de ses affluents deviennent de jour en jour plus salées. L'on s'occupe d'y re- médier dans l'intérêt de la pêche. On en attribue la cause aux salines de Slrassfurt-Halbersladt. De S. Commerce des Poissons gelés de la Norvège (1). — 150, UOO kilogrammes de poissons gelés débarqués à Hambourg ont été vendus dans l'espace de quinze jours. On attend ce mois-ci une nou- velle cargaison du Cap Nord. G. (1) Voyez notice : Eevue des Sciences naturelles applir^uffes, 1892, II, p. 441. H80 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Le Mastic et la Térébenthine de Chio. — On donne, dans le commerce, le nom de Mastic de Chio ou même simplement de Mastic^ à une substance re'sineuse qui exsude de la tise et des bran- ches du Pistacia lentiscus. et doit sa de'nomination à l'usage qu'en font les Orientaux comme masticatoire. Dans l'île de Cbio, l'exploitation des Lentisques a c'te' de tout temps l'objet de réglementations plus ou moins se'véres, suivant les époques, mais ayant toujours pour but d'empêcher l'e'puisement prématuré des arbres et de mettre ainsi un frein à la cupidité ordinaire des paysans. La récolle a lieu dans le courant de l'e'te' : on fait de nombreuses et légères incisions à la tige et aux grosses branches, et on recueille, avec tous les soins nécessaires, le Mastic qui en découle. Cette re'colte dure une huitaine de jours, après quoi on pratique de nouvelles en- tailles. A partir du commencement d'octobre, il est interdit d'inciser les arbres et même de recueillir la résine qui peut encore s'écouler des fentes de Técorce. Chaque arbre en plein rapport peut donner annuel- lement de 4 à 5 kilog. de mastic. Un fait bizarre que l'on ne peut guère expliquer jusqu'ici, c'est que les Lentisques croissant dans la partie me'ridionale de 1 île, ont seuls le privilège de sécréter le mastic ; ceux qui végètent dans le nord ainsi que dans toutes les îles voisines, sont aussi vigoureux, mais ils ne fournissent que quelques parcelles de re'sine sans aucune saveur. Tel qu'il se trouve dans le commerce, le Mastic est une re'sine jaune pâle brunissant légèrement avec le temps, qui se pre'sente sous forme de grains arrondis de grosseur variable. Ces larmes sont pous- siéreuses, un peu opaques à la surface, transparentes intérieurement ; leur cassure est cireuse et conchoïdale. D'une odeur aromatique et d'une saveur balsamique, très légèrement acre et te'rebinthacec, le Mastic se ramollit rapidement dans la bouche et peut être facilement mâché et pétri entre les dents. Entièrement soluble dans l'e'lher et dans la térébenthine à chaud, le Mastic se dissout environ aux quatre cinquièmes dans l'alcool. La partie soluble ou Résine a de Mastic, pre'sente une réaction franche- ment acide ; on y rencontre en outre une petite quantité d'huile essen- tielle. Le re'sidu, appelé' Masticlne ou Résine P de Mastic, est une subs- tance solide, élastique, tenace, qui devient cassante et friable par la dessiccation. Très usité autrefois en médecine, le Mastic de Chio est considère' aujourd'hui comme ne jouissant d'aucune propriété thérapeutique. Les femmes de Smyrne et de Conslantinople le mâchent pour par- fumer leur haleine ou le briilent comme encens dans des cassolettes. On eu prépare aussi, au moyeu de l'alcool, une liqueur connue dans tout le Levant sous le nom de liaAi ou Eau-de-vie de Mastic. Avant l'introduction des résines exotiques, notamment des Dammars, le Mastic de Chio était employé à la fabrication de vernis transparents CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 381 recherchés pour les peintures à l'huile, mais son prix élevd ne permet plus, aujourd'hui, de l'utiliser dans les mêmes conditions. Les commerçants de l'île de Chio distinguent plusieurs qualités de ce produit. Les plus belles sont nommées Kulhto et Phliskari ; la plus inférieure, celle qui est ramassée sur le sol, est appelée Pklouda. La plus grande partie du Mastic récolté à Chio est exportée en Turquie, et le reste en Autriche, en France et en Angleterre. On trouve parfois, dans le commerce européen, sous le nom de Mastic (le VInde ou de Bombai/, une substance résineuse se rapprochant beaucoup du Mastic de Chio ; elle est produite par des arbres origi- naires du Sind, du Bélouchistan et du Caboul : ce sont les Pistacia KhinjuJi, et CabuUiia Stocks. La Téi'ébentJdne de Chio, produite par le P. terebinthus, se récolte à peu près de la même manière que le Mastic, c'est-à-dire que l'on dis- pose des pierres plates au pied des arbres et que l'on y recueille chaque malin le suc qui s'est écoulé des incisions et epai^isi pendant la fraîcheur de la nuit. Chaque arbre ne produit guère annuellement plus de 300 à 350 grammes de suc résineux. La térébenthine pure est rare dans le commerce et toujours d'un prix e'ieve; sa consistance est molle, presque solide étant fraîche, mais l'exposition à l'air la rend cassante et un peu nébuleuse ; sa cou- leur est grise ou jaune avec des nuances verdûlres. Presque inodore à l'air, elle prend une agréable odeur de fenouil après un séjour de quel- ques heures en vase clos ; sa saveur est aromatique, sans acrelé ni amertume. Comme composition chimique, la Te'rëbenthine se rapproche du Mastic, mais elle ne paraît pas contenir de masticine. Cette subs- tance entre dans certaines préparations pharmaceutiques et semble posséder exactement les mêmes propriétés que la térébenthine du Pin. En Grèce, on l'ajoute parfois au vin et on s'en sert pour aroma- tiser des liqueurs. Outre sa matière balsamique, le P. terebinîlim fournit encore des galles recherchées en médecine et dans l'industrie. Ces galles, appe- lées commercialement Caroiib de Jades ou Pommes, de Sodome, se déve- loppent sur la tige, les feuilles et les pédoncules. Ce sont des sortes de vésicules longues, étroites et très minces, à surface lisse, douce au toucher, rouges extérieurement et ma rque'es de stries longitu- dinales ; l'intérieur est compact, résineux, blanchâtre et translucide. La saveur astringente et aromatique de ces galles rappelle le Mastic de Chio. Ce produit est importé de Syrie et de Palestine en Europe ; il est l'objet d'un commerce étendu en Orient où il est surtout utilise pour la teinture de la soie. La médecine allemande en fait grand usag comme médicament astringent. Maximilien Vande.n-Berghe. IV. BIBLIOGRAPHIS. Guide colombophile contenant les gravures des types exacts de toutes les espùces de Pigeons voyageurs et de fantaisie, par Richard DE BoEVE, colombophile-aviculteur. Roubaix. Prix, 2 fr. 50. Ce recueil se compose de 15 planches gravées reproduisant 90 types en noir des diverses variétés de Pigeons. Les espèces figurées sont très re'duites mais suffisantes cependant pour être reconnues facilement môme par les dé])ulants. Mais pourquoi l'auteur n'a-t-il pas adopté un modèle uniforme ou place' auprès de chaque dessin une e'chelle indiquant les proportions du sujet, en hau- teur et largeur, comme le font les entomologistes ? Les arbres à cidre et le cidre du pays dOthe. — Conseils aux cultivateurs, par Eugène Noël, avec une préface par Charles Baltet. 2" édition. Prix, 1 fr. 25, par la poste, 1 fr. 50 chei; l'auteur à la Mi-Voie, commune de Saint-.Mards-en-Otlie (Aube), 114 pages. Guide vciitablement pratique, écrit par un cultivateur convaincu, désireux de faire connaître et de propager les bonnes méthodes de culture et d'exploitation en usage dans le pays d'Othe. — Etude des variéte's cultivées, celles qu'il faudrait cultiver, plantation, soins à donner aux pommeraies, engrais, insectes nuisibles, parasites et ma- ladies, récolte, broyage, pressurage, fermentation, soutirage, etc., font l'objet d'autant de chapitres. L'auteur termine par l'élude des maladies du cidre et des produits accessoires qu'on peut eu retirer. Nous recommandons ce petit ouvrage à nos collègues. Les vieux arbres de la Normandie. Etude botauico-historique, par Ileari Gadi^àu de Kerville. Librairie J.-B. Baillière et Fils, 10, rue llautefeuille, 2 fascicules iu-S*^. Les productions végétales remarquables, soit par leur grand âge, soit par leurs grandes dimensions, ont toujours eu le don d'iiitc'resscr vivement, non-seulement les botanistes, mais encore tous les amis de la nature et du pittoresque. Dans les fascicules parus, M. Gadeau de Kerville donne la repro- duction en photogravure, toutes inédites et faites sur ses photo'n'a- phies de quarante ve'téraus normands tous dignes de passer à la postérité. La monographie de chaque groupe se compose, outre les noms BIBLIOGRAPHIE. 383 français vulgaires et scientifiques des espèces , des paragraphes suivants: Situation actuelle, nature du sol, description actuelle, Sge actuel, historique, légende, bibliographie et iconographie. Liste des principaux ouvrages français et étrangers traitant des Animaux de basse-cour (i). 1° OUVRAGES FRANÇAIS {suite). 1890. r ÉLEVEUR (suite).— Poules (Ilygiùne des), par un avicul- teur, p. 84. — Poulet Le) selon la nature..., par Fréchon, p. 251. — Vermine des poulaillers, moyen de destruction, p. 5o-i. — Volailles (Soins à donner aux) pendant l'hiver, p. 59G. — Wyandotte (La Poule), par Jean-Jacques, p. 3G9. 1891. Apoplexie chez les oiseaux, p. 551, 561. — Argas (L") des pigeonniers, p. 3G6. — Batailles de Coqs, moyen de les e'viter, p. 3'75. — Bizet (Le Pigeon), p. GT. — Canard Morillon (Le), p. 138. — — (Le) de Rouen, p. 353. _ _ sifdeur et Canard Pilet, p. 12G. — — Tadorne (Le), par Gondc'ric, p. IGl. — Choléra (Le) des Canards, p. 584. — — des gallinacés, \). 573. — Cœur et des vaisseaux (Rupture du) chez les oiseaux, p. 537. — Colombiers (Les) de la marine, p. 23. — Congestion pulmonaire chez les oiseaux, p. 475. — Coryza et diphtérie des oiseaux, p. 332, 347. — Couvées de Poules (Les) et le tonnerre, p. 572. — Couveuse (Choix d'une Poule), p. 354, 384. — Maladies de l'appareil circulatoire des oiseaux, p. 491. — Montauban (Le Pigeon), i). 3G5, 391. — Œufs de Fourmis (Triage et récolte des), p. 158, 162, 175. — (Les) et leurs succédanés, p. 187, 202. — Oie Cabouc (Monostome de F), p. 22. — Oiseaux de basse-cour (Transport des\ p. 158. — (Nourriture dcs\ p. 224. — Pépie (Remède contre la pépie), p. 134. — Pdricai'dite chez les oiseaux, p. 491. [1] Voyez Rente, 1" semestre 1803, p. /i30, et plus haut p. 143 et 287, 384 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. 1891. Pigeon (Le) boulant, p. 41. — — (Le) polonais, p. 7. — — romain (Le), par Jean Coulon, p. 111. — Poulaillers modèles, p. 20, 31, 139, loi, 164. — Poule (La) de fantaisie et la Poule de rapport, par E. Frochon, p. 317. — Poussins (Production des), incubation, p. 235, 249, 296, 308, 330, 342. — Poussins l'Élevage des), p. 416. — Seplicéniie, maladie des oiseaux, p. 609. 1892. Acariase des plumes des faisans et des perdrix, par P. M. p. 562. ■ — Acariase des sacs aériens, cliez les faisans et perdrix, par P. M. p. 575. — Arthrite de l'aile du pigeon, p. 203 — Arthrite du jaret (maladies des oiseaux), par P. M. p. 202. — Arlhiites des jeunes oiseaux, par P. M. p. 230. — Aviculture (L') en Hongrie, p. 602, — Bankiva (Le coq), par M. d'H. p. 31. — Barbe'zieux (La race de poules de), par M. d'il. p. 488. — Caumont (Poules de) et de Pavilly, par M. d'il. p. 222. — Combattant (Le) français du Nord, par P. M. p. 545. — Coucou (Races de poules), p. 463. — Courtes-pattes (L.a race de poules) par M. d'il. p. 439. — Crèvecœur (La race de poules de), par M, d'il. p. 414 — Ejointagc des oiseaux, par P. M. p. 587. — Flèche (Races de poules de la), par M. d'il. p. 427. — lloudau (Races de poules de), par M. d'il. p. 390. — Java (Le coq de), par M. d'H. p. 42. — Lopin (Le) japonais, parJeannot, p. 137. — Mans (Races de poules du), par M. d'il. p. 429. — Mantes (La poule de), par M. d'H. p. 378. — Padoue de Hollande (Races de poules de) par M. d'il. p. 583. — Padoue (Races de poules de), par M. d'H. p. 570. — Poules (Les) de ferme, par M. d'il. p. 90. — Sonnerat (Le coq de), par :M. d'H. p. 32, — Stauky (Le coq de), par M. d'il. p. 32. (i suivre.) Le Gérant: Jules Grisard. I. TRAVAUX ADRESSES A LA SOCIÉTÉ. ■.> ^ , ■ '/V !^J■I DES CHIENS D'AFRIQUE Par m. de SCII^GK. (suite *] ■) La figure 23 représente un très beau Lévrier à longues oreilles « Retour de la chasse » tiré de l'ouvrage de G. de Mortillet : Origines de la chasse, de la pêche et de l'agri- culture (1). Une variété qui s'en rapproche et existe en Syrie a été reproduite par le Chenil, 1890, n^' 43. J'ai rencontré un animal semblable à Zanzibar au palais des Sultans (lig. 24). Les observations de l'Anglais Martin qui a lait des études détaillées sur les Chiens présenteront peut-être ici quelque intérêt. « Nous rencontrons actuellement en Arabie, en Egypte et en Perse des Lévriers ressemblant exactement à ceux des anciens monuments. Il parait en exister trois races distinctes, dont une à poil ras, une à poil long et une troisième a poil ras, aux oreilles longues comme l'épagneul (fig. 25) et à la queue garnie de longs poils. » D'après les exemplaires que nous connaissons, le Lévrier de Perse a le poil soyeux et la queue souvent noire. Il en existe cependant de la couleur des Chiens à poil ras et res- semblant à certains Lévriers de l'ancienne Egypte. L'on ren- contre aujourd'hui en Arabie une race à longs poils, grande et vigoureuse et près d'Akaba, il se trouve, d'après Laborde, une espèce aux formes élégantes et délicates Taisant supposer une allure rapide, dont la queue est garnie de longs poils, et ressemblant parfaitement aux dessins que nous ont laissés les anciens monuments (fig. 14). « Il existe aussi, en Roumélie, une race qui a les oreilles à longs poils de l'Épagneul. Au (*) Voyez plus haut, p. 103 et 289. (Ij Paris, Lecrosuier et Babé, 1890. 5 Novexbre 1893. .: . . ' - - 23 386 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. nord de la mer Caspienne, en Tartarie et en Russie, on ren- contre encore une grande race de Lévriers à longs poils. » D'après ce qui précède on peut faire remonter le Lévrier « -- — ~~ ^~ ^ ji^.'^. — Fiij. 25. — Keluur de chairse. dans plusieurs de ses variétés à 3000 ans ; dans l'une d'elles - même à 5000 ans (fig. 12). Nous avons la preuve que les Lévriers égyptiens étaient di- \isés en deux ou trois souches typiques. En opposition avec tous les autres Chiens de chasse, l'odorat DES CHIENS D'AFRIQUE. 389 Fig. %. manque au Lévrier qui ne poursuit le gibier ffig. 24), qu'avec ses yeux. Cette lacune est-elle en rapport avec certaines par- ticularités anatoniiques qu'il ne faut pas ou])lier, car, on ne peut par l'élevage arriver à faire chasser ce Chien par l'odorat (Nott et Gliddon). L'Egypte possédait aussi une race de Basset {Canis verta- gics on Turnspit des Anglais). La fig. 26 ainsi que quelques autres représentant le même type bien marqué et nous montre ces Chiens tels qu'il en existe encore aujourd'hui. Il ne s'agit pas ici d'un « Dachshund » digne de concours à nos expositions; l'exemplaire que nous avons sous les yeux est tout simplement un Chien à oreilles droites, bâti comme un « Dachshund » au corps al- longé et aux pattes antérieures courtes et recourbées. On ren- contre des races semblables en Orient et partout où les Pariahs à oreilles droites sont nom- breux. C'est le Turnspit anglais destiné à tourner la broche, bas sur jambes et au corps allongé qui répond le plus à ce type chez plusieurs individus. La fig. 27 est de la même époque et bien qu'elle nous montre un Chien au corps allongé et aux jambes courtes, elle représente un type tout différent. Cette race étrangère aux Européens est familière à ceux qui ont voyagé en Afrique. Le Niam-Niam Imnd du docteur Schweinfurth doit être de ce genre et ne point ressembler comme quelques personnes l'ont prétendu au type de Dachshund (fig. 26). • Les chiens A. Sandhehund d'Emin Pacha et de Casatis dans le haut Nil et celui du D-- Nachtigal de Baghirmi, dont nous donnerons plus loin les dessins, ressemblent à la lig. 27. Elle nous montre un Chien debout sur la chaise de son maître ; ce dessin provient du tombeau de ce dernier à El Bersheh dans l'Egypte centrale. '■ Les monuments égyptiens qui remontent jusqu'à la xii^ dy- nastie nous montrent encore différentes autres variétés de Fil, 390 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Chiens dont nous n'avons encore pu découvrir l'analogie avec les races europé3nnes, vu l'insuffisance des dessins qui sont pour la plupart des esquisses. Fil}. l-'ii]. 2U. Les fig. 28 et 29 sont de cette catégorie et représentent des types totalement diflérents. Ce sont probablement des ani- maux dont on se servait i)Our la chasse, car dans la plupart des peintures les chasseurs sont accompagnés d'une sorte de Spitz ressemblant à la lig. 28. Les monuments ne nous fournissent pas de dessins repré- sentant des Chiens du type Bulldogue, du Mastift' ou chien de montagne (chien du Thibet ou du Saint-Bernard). Ceux représentés sur les fig. 30, 31 et 32 qui proviennent de l'Assyrie sont inconnus en Egypte bien que les Egyptiens, grâce à leurs rapports fréquents avec TAsie-Mineure, aient dû en avoir connaissance. DES CHIENS D'AFRIQUE. 391 La fig. 30 nous présente un gros Dogue ilu type du Chien du Thibet dont le Saint-Bernai'd est proche parent. Ch. Darwin pré- tend que ce MastifFde PAn- cienne Assyrie n'a aucun rai)port avec le Chien du Thibet et cette alîirmation a été malheureusement ré- pétée par plusieurs au- teurs. Ce Dogue assyrien appartient cependant sans contredit au groupe des races du Thibet, le Mastifï" et le Saint-Bernard. C'est tout simplement un Chien du Thibet ou de l'Himalaya élevé dans l'Asie centrale. L'original de la fig. 3U vient de Birs Nimrud des Arabes ou de l'emplace- ment de l'ancienne Baby- lone. On croit que le frag- ment auquel il appartient est du siècle de IN'ébucad- netzar. Il se trouve main- tenant à Londres au Bri- tish Muséum et faisait autrefois partie de la col- lection du colonel Raw- jinson. M. H. Layard a donné de ce Chien un dessin qui diffère quelque peu du nô- tre : « Une race de Chiens originaires des Indes était très estimée chez les an- ciens Babyloniens . Un satrape de Babylone, d'a- près Hérodote, poussa son Fig. 31. 392 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. amour des Chiens si loin qu'il dépensa pour sa meute les revenus de quatre villes. L'animal est représenté sur une plaque de terre cuite tenu en laisse par un homme ; on croit qu'il a été importé des Indes. La même race doit, parait-il, exister encore aujourd'hui dans le Thibet. » Les historiens d'Alexandre le Grand mentionnent fréquem- ment ces Chiens. Alexandre lui-même dut en rencontrer dans sa campagne aux Indes ou en recevoir en présent de quel- que prince. L'histoire du roi Porus qui lui offrit deux Chiens de combat fameux est bien connue. Pline attribue l'exil en Europe du roi indien au cadeau offert à Alexandre et désigne ces animaux comme étant des molosses originaires de la Macédoine ou de l'Épire. En réa- lité, cet épisode où figurent des Lions, des Tigres, des Élé- phants, — animaux dont aucun n'existe en Grèce et en Macédoine — doit s'être passé aux Indes et il ne peut être question que de Chiens du Thibet. Curtius le raconte de la manière suivante : Après avoir passé l'Hydaspe et battu le roi Porus, Alexandre arriva dans le royaume de Sophites. « L'on trouve dans ce pays d'excel- » lents Chiens de chasse, qui, à ce que l'on dit, cessent » d'aboyer à la vue du gibier et sont excellents pour la chasse » au Lion. Pour convaincre Alexandre, Sophites fit amener » un Lion de très grande taille et le fit poursuivre par quatre » Chiens seulement qui s'en emparèrent aussitôt. Un piqueur, » pour détacher l'un d'eux du Lion, le saisit par la patte et » la lui coupa ; comme il ne se décidait pas à lâcher prise, » il lui coupa une seconde patte, et cette opération n'ayant » pas eu de meilleur résultat que la première, il le priva de » tous ses membres, mais, bien qu'à moitié mort, le Chien » tenait toujours sa proie. Cet épisode nous prouve combien » ces animaux sont ardents à la chasse. » La chasse aux Chevaux sauvages, à l'aide de grands Dogues, était l'un des sports préférés des Assyriens ; plu- sieurs peintures nous représentent ces scènes. Les Égyptiens grands amateurs de chasse n'ont jamais possédé des Chiens de ce genre qui probablement ne supportaient pas le climat africain. La fig. 31 nous montre un Dogue qui devait être de grande taille ; le poulain qu'il poursuit n'est pas beaucoup plus grand que lui. D'après ce dessin, l'animal pourchassé n'est DES CHIENS D'AFRIQUE. 393 certainement pas un Ane sauvage ou Kiang ; sa tête et son attitude dénotent bien plutôt VEquus Przewalstliii, qui a été de nouveau découvert dernièrement dans l'Asie centrale. La fig. 32 représente une scène du même genre ; ici les Dogues sont sur le point de saisir le cheval et de ralentir ainsi la course. Ce dessin est tiré de l'ouvrage de G. de Mor- Fig. ôi. tillet Origines de la chasse, de la pèche, etc., que nous avons déjà mentionné. Il ajoute encore : Les Assyriens se servaient pour la chasse au Cheval sau- vage et à l'Ane sauvage de grands Chiens. On les employait aussi à chasser d'autres gibiers et même le Lion. En Assyrie comme en Egypte, on a trouvé des dessins représentant des Chiens de difierentes races ; mais, tandis qu'en P^gypte c'est le Lévrier qui figurait le plus souvent, comme la race la plus répandue et la plus estimée,^ c'est au contraire en Assyrie la race opposée, c'est-à-dire le Dogue, Canis molossus. Le Dogue assyrien avait, comme tous les vrais Dogues, le museau court, la tête ronde, le corps lourd et ramassé. C'é- tait un animal très vigoureux, très bien musclé, excessive- ment fort, leste et d'un courage sans égal. On s'en servait pour la chasse des gibiers nobles et des plus dangereux. Les peintres assyriens ont représenté cette race de Chiens dans des scènes de chasse aux Chevaux sau- vages ; on en voit surtout aux prises avec les Lions. Ce Dogue de conformation massive (qui se rapporterait au Canis molossus de G. de Mortillet) est particulier à l'Assyrie ; MM. Perrot et Chipiez en ont publié deux dessins dans l'ar- 39 i REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. ticle « Chien » du volume sur l'Assyrie de leur ouvrage His- toire de VA7't. Sur nos figures (30, 31 et 32) les types de ces trois Chiens ne diffèrent pas beaucoup quand on les envisage dans leur ensemble. Ils devaient atteindre la taille du grand Mâtin des paysans suisses, ou du Dogue répandu dans le canton de Sclnv.yz ou encore du Saint-Bernard à poil ras que les guerriers suisses emmenèrent avec eux pour com- battre Charles le Téméraire ; ce sont les mêmes dont Jean Waldmann interdisait la possession aux habitants de la vallée de la Sihl (canton de Zurich). Nous en retrouvons de nos jours quelques représentants dans les fermes de cette contrée. Avant de terminer ce chapitre sur les Chiens de l'ancienne Egypte, il ne sera pas superflu de parler du rôle qu'ils oi t rempli dans l'Antiquité. M. J. G. Wilkinson en dit quelque chose dans son ouvrage Manners and Customs of (lie Ancient Egyptians. Les an- ciens Egyptiens possédaient plusieurs races qu'ils élevaient soit pour la chasse et pour la garde, soit pour la parade à cause de leur beauté, de leur originalité ou même de leur laideur extrême. Tous ces animaux étaient l'objet d'une cer- taine vénération ; si l'un d'eux venait à mourir, la famille entière le pleurait. Les races les plus communes étaient des sortes de Spitz. des Lévriers et des Chiens de chasse. On connaissait aussi des races à jambes torses qui, à réi)oque des Osirtasen [Useriesen), étaient particulièrement recherchées. On suppose que les grands personnages, tels que le Roi, por- taient leur choix sur une race spéciale qui excitait bientôt la convoitise de tous et peu à peu se répandait dans le pays. En Haute-Egypte, on a découvert les momies d'une race très voisine de celle du Spitz. Il est probable que le Chien des rues, existant aujourd'hui dans la Basse-Egypte, lui ressemble. Les anciens Egyptiens adoraient les Chats et les Cliiens et les embaumaient ; Hérodote parle des cérémonies funèbres qui suivaient leur mort : toute la maison prenait le deuil et cliaque membre devait, à la mort d'un Chat, s'arracher les sourcils et, à celle d'un Chien, les cheveux. En cas de ma- ladie on leur prodiguait tous les soins imaginables -, enfin si l'un d'entre eux périssait par suite de négligence, c'était crime. Cynopolis, lu riUe des Chiens, était la principale localité de l'antique Egypte où l'on pratiquait ce genre de DES niIEXS L'AFRIQUE. 393 culte : on y adorait ces animaux à l'instar de divinités. D'après Strabon, les Cynopolitains contribuaient volontai- rement à la nourriture que l'on distribuait journellement et largement aux Cliiens des rues. De leur côté, les ha- bitants d'Oxyrliinclius. ville voisine de la précédente, ren- dant un culte à des Poissons, tuèrent une fois des Chiens de Cynopolis qu'ils firent rôtir. Pour s'en venger, les Cynopoli- tains mangèrent des Poissons sacrés. Il s'en suivit une guerre interminable. Plutarque rapporte que le culte des Chiens commenra à disi)araltre sous le règne de Cambyse, soit après l'invasion des Perses en Egypte. Les Perses por- tèrent les mains sur le Bœuf Apis ; Cambyse regorgea et le fit jeter à la voirie. C'est tout au moins l'assertion de cet histo- rien. Mais l'on reconnaîtra que le Chien n'a occupé nulle part ailleurs, sauf à Cynopolis, un rang aussi élevé que le Chat, animal sacré par excellence. On l'appréciait pour sa fidélité, mais on ne l'adorait pas partout. Le culte du Chien résulte- rait, paraît-il, d'une légende d'après laquelle il aurait été le gardien d'Lsis et d'Osiris et aurait servi de guide à Isis dans la recherche du cadavre d'Osiris : ceci nous explique pour- quoi les Chiens figuraient régulièrement en tète des proces- sions que l'on faisait en l'honneur d'Isis. Hérodote ne men- tionne aucune localité qui leur ait servi de sépulture spéciale ; mais il nous dit seulement qu'on les enterrait souvent près des endroits où ils étaient morts. Un des plus importants sarcophages de Chiens a été mis h jour près d'El-Hareib, au-dessus du Manfalut actuel, non loin de l'ancienne Thèbes, dans la Haute-Egypte. Chaque ville possédait probablement ses nécropoles canines. Suivant Elien, les Chiens de cliasse égyptiens (il doit s'agir des Lé- vriers) constituaient la race la plus rapide à la course que l'on connût dans l'Antiquité ; cet historien parle dans ses récits de leur prudence et de la manière curieuse dont ils s'y prenaient pour éviter les Crocodiles quand ils allaient s'abreuver dans le Nil : « Ils se gardent bien, à cause des » Crocodiles, de stationner pour boire à un endi\)it du fleuve, » mais bien au contraire ils courent en lapant l'eau tout le » long de la rive ; grâce à ce manège, les monstres n'ont pas » le temps de se jeter sur eux. » D'après Elien, il existait une sorte de communauté chez les Chiens de Memphis ; on en a vu apporter dans un lieu 396 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. déterminé la nourriture qu'ils avaient trouvée ou volée et plus tard se partager le butin total. Cette anecdote paraît confirmer le caractère que l'on observe chez certains Chiens orientaux qui se répartissent par compagnies, fréquentent les mêmes rues, ou bien s'unissent pour combattre les intrus d'autres quartiers. Si le Chien était estimé des anciens Egyptiens pour sa fidé- lité et ses services, comme les peintures de cette époque nous l'attestent, et s'il 5^ jouissait de tous les privilèges accordés à un animal domestique que l'on aime, les Musulmans actuels ne le tolèrent point et gardent contre lui un préjugé religieux. On sait que même les partisans des sectes libres d'Egypte ont de l'aversion à toucher son museau et surtout son poil mouillé, persuadés qu'ils sont que ce seul contact les rendra impurs. Aussi les Maliométans laissent-ils rarement le Chien pénétrer dans leurs maisons. Ils s'imaginent que sa présence dans une habitation en chasse les bons esprits, l'ourtant on ne lui fait aucun mal, et on lui distribue parfois de la nourri- ture sur la voie publique. On place même à l'angle des rues des auges que l'on i^emplit régulièrement d'eau pour que ces animaux puissent se désaltérer. L'expression de Chien {Kelb) adressée à quelqu'un est une injure très usitée, d'au- tant plus acerbe si l'on y ajoute « Chien de Juif ». C'est alors du dernier mépris. On remarquera que, même chez nous, dire à un homme qu'il est un Chien est une insulte ; cependant nous ne mésestimons pas l'animal. L'injure de son nom nous \ient probablement de la Bible où le Chien est ordinairement déprécié. Les Juifs considéraient le terme de « Chien crevé», comme la plus grosse des insultes. ■ ' - - - Dans l'ancienne Egypte, on se servait beaucoup des Chiens pour la chasse. Le chasseur s'y rendait dans une voiture légère; son piqueur, conduisant la meute, suivait à pied. D'ordinaire, le maître, arrivé sur le terrain, congédiait son équipage. Les Chiens, tenus en laisse, n'étaient lâchés qu'en \ue du gibier. En plaine, le chasseur restait dans sa voitni'e, et, muni de sonépieu, de son arc et de ses flèches, il pour- suivait le gibier pour le transpercer. Parfois, il partait seul, ■ accompagné d'un seul Chien (fig. 33). En ce temps, on avait des piqueurs chargés spécialement du service de la meute, comme on trouve les xuvaywyot chez les Grecs (J. Pollux) à qui Ton confiait son dressage et sa surveillance. Dans les grandes DES CHIENS D'AFRIQUE. 397 chasses à courre à l'aide de Lévriers et autres Chiens cou- rants, chasseurs et piqueurs suivaient la chasse, en|coupant les angles de terrain, et se tenaient au plus près de la bête ^=^ éTtc Fia- 55, OU des Chiens, soit pour atteindre la proie, soit pour l'ar- racher aux Chiens après sa prise. Souvent, dans ces battues, on entourait d'une cl<3ture un vallon entier pour obliger le gibier à passer près des chasseurs. La fig. 34 représente une scène de chasse, empruntée à un bas-reliel" de Thèbes, re- \ ••'V" F,g. 5i. :VJ8 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. montant à la xviii" dynastie. L'on y voit, au milieu du cercle, des Hyènes, des Gazelles, des Antilopes, des Bouquetins, des Lièvres, des BœuCs sauvages, des Sangliers et des Chacals et une meute lancée contre ces animaux. Au dehors des haies, se tient un personnage de distinction avec un arc tendu entre ses mains et une provision de flèches. On constate que les llèches ne sont pas acérées ; leur extrémité est plutôt émoussée; peut-être portaient-elles du poison? Une blessure, même peu profonde, entraînait la mort. On remarque près du chasseur, un piqueur armé d'un bâton et retenant un Chien courant. Sur ce tableau, le valet, ou personne subalterne, est dessiné en petit, tandis que son maitre est de grandeur démesurée. Si l'on tient compte de ce rapport, il semblerait que notre homme était un personnage haut placé, peut-être un Roi. (G. de Mortillet, Origines de la Chasse, de la Pèche et de VArjriculiiire, 1890, vol. L) Des scènes de ce genre se rapportant à l'ancienne Egypte ne sont pas rares. (A smv?''e.) LES PIGEONS EN CHINE D'APRÈS LES LIVRES CHINOIS Par m. le D-- MEYNERS D'ESTREY. Les Oiseaux sont divisés \\av les Chinois en quatre grandes classes : oiseaux aquatiques, oiseaux de terre, oiseaux des Ibrèts et oiseaux des montagnes. Les Pigeons sont com])ris dans les oiseaux de terre et se subdivisent en Ko-izn. ou Pi- geons domestiques et C/iUi ou Colombes. Ko-tzu. — On suppose que Po-Jio, synonyme de Ko -tzu, imite le roucoulement des Pigeons. Le Pigeon voyageur s'ap- pelle Fei-nu, littéralement Esclave volant, nom qui lui a été donné au temps de l'empereur Ming, de la dynastie de T'ang. D'autres prétendent que Chang-Cbin-Ling s'est servi le premier de ce nom. Les Pigeons voyageurs qui ont de petits silUets attachés à la queue pour chasser les oiseaux de proie (1) se nomment Pan-Vioi-cJilao-Jen (lilles qui char- ment les airs). Les Pigeons sont de diverses couleurs : bleus, blancs, noirs, yerts et tachetés. Quelques-uns ont de grands yeux, d'autres de petits, de nuances jaunes, bleues ou vertes. Le Pigeon en Chine est très attaché à sa demeure et cons- titue un excellent pigeon voyageur. Il est rare que le Chi- nois en voyage n'ait pas un certain nombre de Pigeons avec lui afin de pouvoir donner de temps en temps de ses nou- velles à ses parents et amis restés à la maison. Le Pigeon était une des six espèces d'oiseaux sauvages que le boucher de l'empereur avait à fournir pour la table impé- riale et pour les sacrifices, pendant la dynastie des Chow. Parmi les divers genres de Pigeons, le blanc est le favori des Chinois et il joue un grand rôle dans la médecine de ce peuple. Sa chair, disent-ils, est un peu salée et non veni- meuse, elle n'échauffe ni ne rafraîchit le sang ; elle dissi[)e (1 ) Voy. figures de ces sirUcts dans le Bull, mensuel de la Soc. dAcclimat. 1872, p. .•;84 et oSj, 400 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. les effets nuisibles des drogues et guérit les démangeaisons même anciennes. Ceci ressemble beaucoup à ce qu'a dit Bacon dans son Historia VUœ et Mortis : « C'est une pra- tique commune, dans les maladies extrêmes et désespérées, de couper des Pigeons en deux et de les appliquer sur la l)lante des pieds du moribond. Ce moyen réussit quelquefois admirablement bien, ce que l'on attribue à leur propriété à'exlraire la malignité de la maladie. En tout cas, ce trai- tement affecte la tête et soulage l'esiirit. » La chair de Pigeon régularise aussi les sécrétions sémi- nales, augmente l'esprit animal et guérit plusieurs affections cutanées, mais il ne faut pas en abuser, car dans ce cas elle perd sa valeur thérapeutique. Elle est bonne aussi contre la soif et dissipe le ])oison des pustules de la petite vérole. On prévient l'éruption de la petite vérole chez les enfants en leur donnant du Pigeon blanc cuit à manger et en lavant en même temps leur corps avec une décoction de plume de Pigeon. Le sang de ces oiseaux dissipe les effets venimeux de toute sorte de vers nuisibles. Les œufs sont un antidote contre la petite vérole et les furoncles. Si une personne encore jeune mange ces œufs elle n'aura jamais la petite vérole ou du moins les pustules seront l)eu nouibreuses. La fiente du Pigeon blanc est également un médicament qu'on appelle Tso-p'an-lung. Celle du Pigeon sauvage est la l)lus estimée. Appliquée sur les ulcères, elle les guérit. On la lait prendre aussi à l'intérieur aux chevaux et aux mulets. Elle fait disparaître les enflures, elle est ai)éritive et rend de grands services dans les affections utérines. Dissoute dans le vin, elle guérit les fluxions de poitrine, et elle est très utile dans bien d'autres maladies ! Chiu. — Les Cliia sont la i)remière des dix-sept espèces de la classe des oiseaux des forêts, Chili est le nom ordinaire l)ar lequel on désigne la Colombe. ^lais les noms que les Chinois donnent à ces oiseaux sont très nombreux et diffi- ciles à distinguer surtout pour quelqu'un qui n'est pas versé dans l'ornithologie. Je vais cependant signaler tous ceux ({u'on trouve dans leurs livres et donner une courte descrip- tion de leurs mœurs et habitudes : LES PIGEONS EN CHINE. 40-1 1° Le Pan-chiu, c'est la Tourterelle chinoise, mais les Chinois donnent ce nom aussi à d'autres espèces. Le mot j^an veut dire tacheté et un synonyme de pan-chiu, par rapport au plumage, est Chin-chlu ou Colomhe-hrodée. D'autres sy- nonymes sont pu-chlu- ou plutôt più-JUu, selon l'ancienne pro- nonciation, et chou-chiu la Colombe des prières, appelée ainsi parce qu'autrefois elle servait pour les sacrifices impériaux ; 2" Le S/ii-chiu que le !)'■ Williams traduit par Pigeon des bois. Cette espèce a plusieurs autres noms : Pu-Jm, Ka-h'ii, Hu-ku, Po-liu et Kuo-Tiung. Li-Shi-Chen, le dernier éditeur du Pen-ts'ao, sous la dynastie des Ming, prétend que ces noms imitent le roucoulement de l'oiseau, mais d'autres au- teurs les expliquent. Ainsi Hti-hu est le nom qu'on lui donne dans le Hunan, Pa-hu dans le nord de la Chine, et on l'aj)- pelle aussi dans d'autres endroits Sang-chm, ce qui veut dire Colombe des mûres ou du mûrier. On la nomme encore Tai-shin ou porteuse de slieng, shcng étant un joli orne- ment de tête que portent les femmes. 3'^ La Pai-Cklu ou Colombe blanche. M. Swinhoe prétend que cet oiseau est le Turtiir risorius, var. albine de l'Inde. Les étrangers le connaissaient sous le nom deColombe de Pei- cadore, la plu[)art des exemplaires que l'on voit venant des îles Pescadore où les Chinois les élèvent. D'autres auteurs chinois lui donnent une origine sauvage. 4" La Huo-Chiu, Colombe de feu, appelée par M. Swinhoe, Turtur hwnilis. On ne la trouve mentionnée dans aucun autre ouvrage. ^ ' • ' 5° La Chin-Chiu, ou Kimka-tsiu dans le dialecte d'Amoy, Colombe d'or. C'est la Colombe or-verdâtre du sud de For- mose, le Chalcophaps Formosana . 6° La Lii-CJiiu, ou Colombe verte. Autre Colombe de l'île de Formose. La Ku-Chiu est une Colombe qui vient au prin- temps et s'en A-a en automne, mais il est probable que cet oi- seau n'est pas une Colombe. Du reste, les Chinois donnent le nom de Cliiu à plusieurs oiseaux, même à quelques espèces de Canards. Mœurs et coutumes. Les Chinois considèrent le Pigeon comme la bête la moins intelligente de toutes les créatures de la terre. ; ' 5 Novembre 1893. 26 402 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. D'où l'expression Chhi-Cli'u, il est bête comme un Pigeon. Mais les qualités morales du Pigeon lui valent en Chine une meilleure réputation que les oiseaux les plus intelligents et les plus Ans. Le Pigeon est cependant très habile à construire son nid, deux ou trois branches lui suffisent pour cela. Généralement il choisit le coin d'une habitation, au-dessus d'une porte, ou même les temples. La monogamie a été observée chez les Pigeons par les Chinois depuis fort longtemps. Cependant ils disent que le mâle abandonne la femelle pendant la saison pluvieuse et la rappelle lorsque le beau temps revient. Ils insistent fort sur la fidélité des deux époux. Une idée particulière et purement chinoise veut que la Colombe concentre en elle le Yang-chi, c'est-à-dire la meil- leure et la plus pure part de l'essence des choses. C'est ce qu'elle fait pendant qu'elle est perchée le matin de bonne heure sur le toit d'une maison ou sur la cime d'un arbre. Les Chinois croient aussi que la Colombe subit des méta- morphoses périodiques. A l'automne la Tourterelle ou Pan- Chiu se transformerait en Kioong-Kohon, oiseau semblable à la Colombe de couleur grisâtre. La première qualité morale que les Chinois reconnaissent au Pigeon est la piété filiale. Deux espèces sont particulière- ment notées sous ce rapport, le CJiiu, Pigeon de la prière, et le Pigeon blanc, ce dernier surtout a grand soin de ses parents et sympathise avec les êtres humains qui agissent de la même manière. On raconte en Chine de nombreuses histoires dans ce sens, de Pigeons construisant leurs nids sur le toit de la maison d'un fils soutenant sa vieille mère et continuant à y habiter pendant les années où le fils pleurait la perte de cette mère tant aimée. La compassion est une autre vertu de la Colombe, surtout de la blanche. L'impartialité est une vertu de la Colombe des forêts, surtout dans le traitement de ses petits. Le matin elle les nourrit en suivant l'ordre du plus grand au plus petit et le soir elle suit Tordre opposé. Les Chinois croient que le pouvoir d'avaler des Pigeons est remarquable, et que, même à un âge très avancé, ils n'étoufient jamais . C'est pour cette raison et la piété filiale du Pigeon que le bâton off"ert aux vieillards par l'Empereur LES PIGEONS EN CHINE. ^03 et les grands officiers de l'Empire s'appelle bâton de pigeon. Vers le milieu de l'automne les magistrats de districts offrent aux vieillards de soixante-dix ans faisant partie de leur juri- diction un Mton et du riz ; à ceux de quatre-vingt et quatre- vingt-dix ans un bâton de 9 pieds surmonté d'un Pigeon, ce qui veut dire qu'ils souhaitent que la vie de ces vieillards se prolonge et que leur puissance d'avaler et de digérer leurs aliments ne diminue point, une longue vie et une bonne di- gestion étant des attributs de la Colombe. Passons maintenant aux services que ces oiseaux ren- dent à l'humanité, toujours d'après les documents chinois. L'histoire de la Chine cite plusieurs actes de bonté des Pigeons à l'égard de certains individus. On leur attri- buée une forte dose de bons sentiments pour les hommes qui souffrent. Un cas bien connu est celui de Han-Kao-tsu. Cet empereur avait été chassé par l'usurpateur Hsiang-Yu, il était en fuite. S'étant caché dans une espèce de puits, une Colombe vint se percher immédiatement sur le bord du puits et se mit à roucouler. Yu survint et voyant la Colombe ne soupçonna pas la présence de l'empereur dans ce puits. Il passa et l'infortuné empereur put se sauver. Il y a d'autres actes de bonté des Pigeons. Entre autres le Pigeon des forêts qui rappelle à l'agriculteur le moment de semer. Le Pigeon prédit aussi le beau temps et la pluie. Ainsi que nous le disons plus haut, à l'approche de la pluie, le Pigeon ren- voie sa compagne, qui, désolée de cette séparation temporaire, roucoule plaintivement sur le toit d'une maison et prévient ainsi le cultivateur de la pluie prochaine. La pluie ayant cessé, le Pigeon rappelle sa compagne dans la demeure conjugale. Au" point de vue médical les Pigeons sont aussi d'une grande utilité pour l'homme. Leur chair est tendre et exempte de poison. Elle améliore la vue et augmente les éléments essen- tiellement nécessaires à la vie. Elle reconstitue les forces du ^convalescent. On voit par ces notes tirées de la littérature chinoise, que l'étude de l'histoire naturelle delà Chine diffère complètement de la nôtre. LA PISCICULTURE EN SUISSE ^^^ Par m. Ch. GABOR. Si l'on compare les résultats de pisciculture obtenus en Suisse de 1891-1892 avec ceux de la saison précédente (2) on Résultats de l'élève des alevins en CANTONS. NOMlIliE DES ÉTABLISSEMENTS. -1 HYBRIDES DE SAUMONS. Trutla lacmtris. 0 Bahm irideus. Trntta levenensis. Salmo fontinalis. Zurich 5 15 6 1 1 k 2 G 2 5 1 k 3 9 4 1 11 14 302 . 300 125.700 i 15.000 72 000 140.000 1 103.200 io.oo:j 111.000 a a i.doii 16.000 • a a 1 25.000 159.400 85.600 » > 61.000 25.000 909.000 423.100 228.700 • 955.400 83.200 A 1 50.000 16.000 58.000 215.300 69.00U 159.800 2.000 26.000 58.900 383.100 91.30;) 50.000 6.500 5.000 1 a 700 5.000 1.200 Bfcru? • ..*....•... Lucerne 13.2U0 a > 1 i 5.000 > • a 5.500 S ■ > 3.0OO a 4.400 Schwvz Nidwald (Unterwald) Zoupr Fribuurir Soleure Bàle-Viilo Bâle-Caiv pagne Schaffhcuse Saint-Gall Grisous Argovie T*hnr£ro\ i^- Tessin Vaud 94 955.000 241.200 1.688.100 2.458.200 27.900 4.400 6.200 (1) D'après le BundesMatt, 1893 (n» 4, du 15 mars]. LA PISCICULTURE EN SUISSE. 405 trouve 94 établissements en activité (contre 84) ({ui ont récolté ensemble 22,921,900 œufs, lesquels ont donné 15,401,200 alevins (contre 13,617,532 alevins en 1890-1891). Nous y comptons 15,342,700 produits développés d'espèce indigène et 58,500 d'espèce étrangère. Cette culture se répartit entre 18 cantons ou sous-cantons comme l'indique le tableau ci-après : Suisse pendant la saison 1891-1892. S -2 Thi/mallus vulgaris. GORÉGONES. A nguilla vulgaris. MÉTIS DE S. fontinalis X S. salvelinus. Lucioperca sandra. TOTAUX. NOMBRE DES ALEVINS LÂCHÉS SOUS CONTRÔLE OFFICIEL. 24 .000 135.300 850.000 10.000 20.000 1.998.500 1.997.500 20 .000 188.500 349.000 1.803.700 1.770.300 U .200 > 2.736.000 460.000 3.392.200 3.392.100 35 000 > • » 800.000 35.000 850.000 35.000 850.000 1.091 200 o.uOO » > 12.0ÛU 1 60.500 t 1 279.000 10.700 > 12.000 720.000 ■ » > » > 19.000 650.000 1.495.000 > » ' 22.000 1.800 1.916.400 88.000 215.300 106.000 270.800 134.500 31.500 80.700 1.468.100 1.601.400 50.000 931.000 1.916.400 88.000 141.5110 68.000 112.700 134.500 26.200 51.900 1.426.100 1.601. 40(1 50.000 881.000 » • 23.800 428.100 425.000 1.184 400 703.000 7.619.000 460.00(1 10.000 20.000 15.401.200 14.967.700 (2) Voyez Revue des Sciences naturelles appliquées, 1892, II, p. 514. 406 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. On s'est surtout appliqué à la culture des Truites, des Sau- mons de fontaine et des Corégones. Malheureusement, les œufs de rOmbre commun se conservent avec quelque difficulté. Cette année, la Confédération contribua à la diffusion des alevins pour une somme de frs. 14,713, y compris un subside employé à l'achat de 2,800 Ecrevisses qui furent lâchées dans les eaux suisses. On repeupla pour frs. 90 en poissons les lacs d'Avançon et de Nairvau (canton de Vaud). En outre, le canton des Grisons reçut comme présent de Feldkirch (Tyrol) 12,000 alevins de la Truite des lacs. ,, Vers la fin de 1892, les régions à bans (où la pèche est prohibée) représentaient 749 hectares de su[ierficie en lacs et cours d'eau ; Berne comptait pour 336,50 ; Lucerne, 360; Glaris, 0,70; Grisons, 6,60 et Vaud, 45,27. On distribua, dans 25 cantons, pour frs. 3,325,70 de primes (subside fédéral : frs. 1,586,30) en vue de la destruction d'a- nimaux nuisibles à la pèche, tels que : Loutres, Martins- pêcheurs, Grèbes, Cincles et Musaraignes aquatiques. Pendant cette saison, les cantons de Lucerne, Sch^Tz et Zoug formèrent un concordat pour régler la pêche dans le lac de Zoug ; ceux de Fribourg et de Vaud s'allièrent de même pour le lac de Morat (Fribourg). Obwald (canton d Un- terwald), Saint-Gall et Zoug accordèrent des autorisations spéciales pour la pêche du Brochet au printemps. 11 existe actuellement en Suisse 109 inspecteurs spéciaux de pêche avec des appointements totaux de frs. 41,348. La Confédération y contribue pour la moitié. Dans plusieurs ré- gions, notamment à Saint-Gall, le personnel forestier fait aussi l'office de gardes-pêche. Des mesures furent prises pour prévenir la destruction du poisson par les eaux de certaines fabriques ; la fabrique de papier près de Gilikon sur la Reuss (Lucerne) et celle de sucre à Monthey (Valais) y ont remédié. L'exposition ichthyologique de Rapperschwyl (Saint-Gall; a été très visitée. Plusieurs réunions furent tenues : le 16 mai, à Zurich, une conférence fut présidée par le chef du Dé- partement de l'Industrie et de l'Agriculture. Les représen- tants des cantons intéressés examinèrent les questions de pêche dans le lac de Constance. Du 24 au 26 octobre, une se- conde conférence à laquelle assistèrent deux délégués suisses eut lieu à Constance. Les décisions seront prises dans la pro- chaine réunion de Brégenz. LA PISCICULTURE EN SUISSE. 407 Le Gouvernement français conviait, le 5 octobre dernier, la Suisse à se faire représenter à un congrès français, luxem- bourgeois et allemand, en vue d'examiner la reproduction et la remonte des Saumons dans la Moselle et dans ses aflluents. La Suisse dut décliner cette invitation, mais les décisions de cette réunion seront publiées dans un protocole. Le 26 novembre, la France avait terminé sa négociation antérieure (de 1880) avec la Suisse pour ce qui concerne les eaux frontières. Dès le 1«'" janvier 1893, les nouvelles lois ont été appliquées. Pendant cette même année, les commissaires français et suisses se sont réunis à deux reprises pour trai- ter surtout de la police de la pêche exercée sur le lac de Genève. La convention avec l'Italie laisse toujours à désirer; on n'a pas encore construit d'échelle à Creva qui faciliterait la remonte des Truites du lac de Langen dans la rivière Tes- sin; il serait encore désirable d'en établir une autre près des barrages de Villoresi, au-dessous de Sesto-Calende, dans ce même cours d'eau. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES Par Jules GRISARD et Maximilien VANDEN-RERGHE. ( SUITE * ) PISTAGIA TEREBINTHUS L. Térébinthe. Pistachier térébinthe. Pistacia mulica Raul. Terebmthus vulgaris Cup. Arabe : Ibejji. (Kabyle) : Bethoum-el-Kifan. (Tunisie). Italie : Terelinto^ Spaccacasso terchinth. Arbre généralement de petite taille, mais pouvant atteindre 12-15 mètres de hauteur sur 1.50-2 mètres de circonférence, à feuillage caduc, dont le port est assez semblable à celui du Pistachier franc. Feuilles composées de 7-9 folioles ovales- lancéolées, arrondies à la base, aiguës et mucronées au som- met, d'un vert foncé et brillant en dessus, pâles et blanchâtres en dessous, portées sur un pétiole un peu ailé. Originaire de l'Orient, cette espèce habite le Levant, la Barbarie, l'Europe méridionale et le nord de l'Afrique ; elle est très répandue dans nos trois provinces algériennes, mais assez rare sur les Hauts-Plateaux ; en Tunisie, elle est peu abondante et reste à l'état d'arbuste buissonnant. Le Téré- binthe est l'espèce la plus rustique dans son genre et s'a- vance, en France, jusque dans le haut du Lot-et-Garonne. Son bois, rougeâtre ou brun marron, est résineux, dur, compact, lourd et d'une texture fine et serrée. Possédant les mêmes qualités que celui du Lentisque mais moins beau, i^ peut être utilisé surtout pour le tour et la marqueterie La racine présente des nuances plus belles et plus variées que la (*) Voyez Revue, années 1891, note p. 542 ; 1892, I''"' semestre, note p. ;1S3, et 2" semestre, note p. 517 ; 1893, l'"' semestre, note p. 512, et plus haut, p. 29, 212 et 316. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 409 tige qui la rendent propre à divers travaux d'ébénisterie et de tabletterie. Le tronc laisse exsuder un suc résineux appelé « Téré- binllie de Chypre ou de Chio » qui est la véritable térében- thine des anciens. Les feuilles renferment beaucoup de tanin ; M. Dufourc Firmin, industriel à Alger, en a retiré un extrait inaltérable à l'humidité et exempt du défaut de colorer les cuirs, qui n'est pas encore entré dans la pratique. Elles fournissent, en outre, les galles dites « Caroub de Judée ou Pommes de Sodome». Les graines servent parfois d'aliment aux Arabes. RHUS PENTAPHYLLA Desf. Sumac Thézera. Ehamnus pentaphyllus L. Bhus Thezera Pers. Arabe : Djedari, Djdari, Scqqoum, Thaza, Thezera ou Tezera. Petit arbre d'une hauteur de 4-5 mètres, à rameaux épi- neux dont la tige présente une circonférence de 45-70 centi- mètres, croissant assez communément en Algérie, au Maroc, au nord de la Tunisie, dans la Sénégambie et qui se retrouve également en Sicile. Feuilles composées de 3-5 folioles li- néaires, lancéolées, élargies, obtuses au sommet, entières ou à trois dents, portées sur des pétioles légèrement ailés. Son bois est d'un rouge bien prononcé au cœur et plus pâle à la périphérie ; ses vaisseaux ouverts sont très appa- rents dans la section longitudinale. Lourd, assez dur, d'une texture compacte et homogène, il convient très bien au tour et à la confection de menus objets, mais ses dimensions sont trop restreintes pour qu'on puisse l'utiliser avec quelque avantage poui- l'ébénisterie. C'est un excellent combustible qui donne aussi un charbon estimé. Le Rlws oxyacantha Cav. [R. oxijacanilioïcles Dum. Cours.) est une autre espèce du nord de l'Afrique que l'on rencontre dans les mêmes régions ; en Tunisie, elle est par- fois assez abondante, notamment sur les montagnes dénudées de la partie méridionale de la Régence. Sa croissance rapide dans les terrains secs et arides Ta fait recommander comme une des essences à choisir pour le reboisement des coteaux ilO RF.VUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. un peu élevés. Son bois est identique à celui du R. penta- phylla. Ces deux espèces, désignées sous les mêmes noms arabes, sont utilisées en teinture et pour l'apprêt des peaux. C'est avec leur écorce que les habitants du Maroc tannent et colorent en rouge, concurremment avec le Taksioîû [Tamarix orientalis] les cuirs de luxe connus du monde entier sous le nom de Maroquins. RHUS RHODANTHEMA F. Muell. Australie (colons anjrlais) : Daik Yelloio wood. Arbre forestier de moyenne taille, atteignant parfois jus- qu'à 20-25 mètres d'élévation sur un diamètre de 60-80 centi- mètres environ, portant des branches inermes, un peu vorru- queuses. Feuilles persistantes, pennées, formées de 2-5 paires de folioles ovales ou ovales-lancéolées, terminées en pointe mousse,' légèrement sinuées, planes, subcoriaces, d'un beau vert lustré en dessus, d'un vert plus pâle sur la face infé- rieure. Originaire de l'Australie, cette espèce croit naturellement au Queensland et à la Nouvelle-Galles du Sud, dans les vallées boisées arrosées par les cours d'eau. Son bois blanchâtre ou légèrement teinté de jaune, est agréablement marqué de belles et larges veines d'un beau jaune foncé. Tendre sans être mou, durable, d'un grain fin, facile à travailler et à pohr, ce bois est très estimé pour les travaux d'ébénisterie et de menuiserie de luxe. Il est égale- ment remarquable par sa richesse en matière colorante et la beauté des nuances qu'il donne en teinture. Cette essence est l'objet d'un trafic assez important au Queensland et atteint même un prix relativement élevé sur le marché. RHUS SUGGEDANEA L. Arbre à cire du Japon. Rhus pubiger Bl. . • . Batavia : Pohoon tjat. Chinois : Pc la chou. Japon : Haji, Hiizc, Einkiu hast, Ilaze-no-ki^ Fasi-no-hi, Harinoki, Satuma-han. Petit arbre d'une hauteur moyenne de 8-10 mètres, sur un diamètre de 20-25 centimètres, mais atteignant parfois des LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 411 dimensions considérables. Feuilles persistantes à 5-1 paires de petites folioles oblongnes-Iancéolées, acuminées, luisantes, d'un vert tendre, prenant une teinte rougeàtre à l'autonine. Cet arbre croit à l'état sauvage dans toutes les parties du Japon, surtout dans File de Kiusiu et dans la partie centrale de Nippon ; il est fréquemment cultivé dans les provinces de Hizen et de Iligo. Il réussit aussi bien en plaine que sur les montagnes et les terres sa])lonneuses mêlées de gravier lui conviennent particulièrement. Son bois, d'un beau jaune, dur et serré, olTre une gramle analogie avec celui du Rhus vernicifera. Quoique assez re- cherché en ébénisterie pour confectionner de petits meubles, des cotfrets, des boites, des plateaux et autres objets de ce genre, cette essence ne présente qu'un intérêt secondaire comme bois industriel. Cette espèce est surtout intéressante par la matière cireuse contenue dans l'enveloppe des graines et qui est Tobjet d'une exploitation raisonnée au Japon. RHUS TYPHINA L. Rlius Canadensis Mill. , — gracilis IIort. — viridijlora Poir. Canada et Élals-Uuis : Staghorii Suiitac. Français : Sumac de Virginie ou Sumac amaranthc. Arbrisseau ou petit arbre d'une hauteur de 8-9 mètres sur un diamètre de 15-30 centimètres, restant parfois à l'état de buisson sur les rochers arides. Feuilles pennées, composées de 8-16 paires de folioles lancéolées, très aiguës, linement dentées en scie, glabres en dessus, pubescentes en dessous, ainsi que les pétioles et les jeunes rameaux. Originaire de l'Amérique septentrionale où elle se ren- contre surtout aux Etats-Unis et au Canada, cette esi)èce croit également au Sénégal, suivant M. de Lanessan, et serait très abondante dans les forets de la Casamance, au dire- de Lécart. Elle est cultivée depuis longtemps en Europe comme ornement des jardins. Son bois est d'un beau jaune orangé rayé de vert. Ses cou- ches annuelles d'accroissement sont nettement marquées par 4-G rangs de gros vaisseaux ouverts et ses ravons médul- 412 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. laires nombreux et peu apparents. Tendre, compact, facile à travailler, mais d'une ténacité au-dessous de la moyenne, ce bois est quelquefois employé, en Amérique, pour certains ou- vrages d'ébénisterie et de marqueterie, à cause de son éclat satiné et le beau poli qu'il peut recevoir. Suivant M. Bâillon, son écorce laisse écouler, par incision, un suc lactescent qui se solidifie en une gomme-résine, acre, nommée suc de Papaw. L'écorce et les feuilles sont astringentes ; leur richesse en tanin les fait d'ailleurs employer dans les mêmes conditions que le Sumac des corroyeurs, c'est-à-dire pour la teinture et la préparation des cuirs. Ses fruits sont de petites baies arrondies, rouges, pubes- centes, disposées en grappes et serrées les unes contre les autres ; leur saveur est acide et d'une astringence très mar- quée. Aux Etats-Unis, les habitants des campagnes se servent de leur infusion contre les maux de gorge. Suivant l'abbé Provancher, les Canadiens en font une limonade rafraîchis- sante et d'un goût assez agréable. RHUS VERNIGIFERA DC. Arbre à vernis ou à laque. Rhus vernix Thunb. non L. — juglandifolinm Wall. Cliiuois : Tsy choit,. Japon : Sitz, Sitz dszu. Unis, Uritsi, Unnhi, Oc.roiichi, Bel arbre ornemental de dimensions moyennes, à écorce jaunâtre et à rameaux cotonneux. Feuilles pennées compo- sées de 6-T paires de folioles oblongues ou ovales-acuminées, aiguës, entières, veloutées en dessous, d'un vert foncé en dessus, passant successivement au marron puis au rouge vif à l'époque automnale. Indigène au Japon dans les régions montagneuses de Kiusiu et de Nippon. l'Arbre à vernis croît encore naturellement au Népaul et en Chine, où il est surtout commun dans les pro- vinces de Se-tchuen, de Kiang-si, du Tche-kiang et du Ho- nan. Il est aussi l'objet d'une culture étendue dans les diverses provinces de la Chine et du Japon ; il vient bien dans tous les teiM'ains, mais il ne doit pas être exposé aux forts coups de vent ou trop près des forêts où dominent les conifères ; sa croissance est lente. Introduit en Europe depuis plusieurs LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 4115 année5ï, il est aujourd'hui assez répandu en France dans les jardins et les pépinières. Il ne doit pas être confondu avtc l'Allante, souvent désigné sous le nom de Vernis du Ja] on. Son bois, d'une belle couleur jaune, agréablement veiné de brun noirâtre, est solide, dur, compact et d'un grain serré. Très apprécié dans l'industrie, ce bois convient bien à l'ébé- nisterie, la marqueterie, le tour et autres travaux. Les Japonais en l'ont toutes sortes de petits objets, notamment des navettes de tisserands et divers engins de pêche. Sa longue conservation dans la terre le fait également recher- cher pour faire des palissades et des piquets de clôture. Les branches et les jeunes tiges fournissent en outre un excellent bois de feu. L'écorce et les feuilles pulvérisées, administrées intérieu- rement, même à l'aible dose, provoquent des vomissements et de la diarrhée. Le suc résineux ou vernis qui découle de l'écorce est également très vénéneux ; aussi, les ouvriers qui récoltent ce produit prennent-ils les plus grandes précautions pour se garantir le visage et les mains. Ses fruits, plus petits que ceux du Wius siiccedanra, donnent également une cire blanche de très belle qualité. Toutefois, comme l'exploitation de la cire et du vernis ne peut se faire simultanément, on préfère généralement cul- tiver cette espèce pour sa laque. Rhus copallbia L. {R. levcuntha Jacq.), Canada : « Moun- tain Sumac », Etats-Unis : « Dwarf Sumac ». Petit arbre d'une hauteur de 6-9 mètres sur un diamètre de L5-20 centi- mètres, croissant naturellement dans les forêts du Canada et des Etat.s-Unis. Bois brun clair rayé de vert ou parfois teinté de rouge, l'aubier plus pâle. Léger, tendre, compact, satiné, susceptible d'un peau poli quoique d'une texture un ])eu gros- sière ; ses couches annuelles sont nettement marquées par plusieurs rangs de gros vaisseaux ouverts ; sa densité est de 0,527. Cette essence n'offre aucune importance couime bois d'industrie. Ses racines sont astringentes et les Indiens font usage de ses feuilles comme tabac à fumer. L'écorce et les feuilles, riches en tanin, sont recherchées pour la teintui'e et le tannage, principalement au Mar^land, dans la Virgini.» et le Tennessee. Son fruit, acide et astringent, est usité en gargarisme contre les maux de gorge. Cette espèce laisse exsuder une résine jaune qui entre dans la composition d,i ;S il 4 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. vernis et a passé longtemps pour être le Copal d'Amérique. L'huile de ses graines est employée au Mexique comme an- tihémorrhoïdale. Rliiis coriaria L. {R. Snmac Targ. Tozz.). « Roure, Roux, Sumac des corroyeurs, Corroyère, Vinaigrier ». Arbrisseau (l'une hauteur de 3-4 mètres, à feuilles alternes, impari- pennées, composées de nombreuses foholes opposées, ses- siles, ovales-ohlongues ou lancéolées, largement dentées, puhescentes sur la lace inférieure. Indigène dans les parties méridionales de l'Europe, cette espèce croit naturellement et communément dans les lieux arides du ^lidi de la France, ainsi qu'en Algérie ; elle est l'objet d'une culture spéciale en Sicile. Bois d'une belle couleur verte assez agréablement nuancée au cœur, léger, très tendre, cassant, sans valeur industrielle et sans emploi. En Sicile, notamment à Palerme où le combustible est d'un prix assez élevé, le Sumac est em- ployé comme bois de chauffage et entre même, à ce titre, en ligne de compte dans l'exploitation de la plante. Ses feuilles et les jeunes pousses, séchées et pulvérisées, constituent le Sumac du commerce employé en teinture et pour le tannage. Les fruits possèdent une saveur acidulé agréable ; les Turcs en font usage comme assaisonnement et pour remplacer le vinaigre. Le Sumac est une plante ornementale qui produit un bel effet dans les massifs par la coloration pourpre de son feuillage à l'automne. Rhus coiinoïdes Nutt. [Coiinus Amer ic amis "^mi. Rhus cotinus ToRR. et Gray.). États-Unis : « Chittam wood ». Petit arbre d'une hauteur de 10 mètres environ sur un dia- mètre de 30 centimètres environ, originaire de l'Amérique du Nord. Bois d'une belle couleur jaune orangé brillant, l'aubier presque blanc, léger, tendre, d'une texture plutôt grossière ; ses couches annuelles se distinguent par plusieurs rangs de gros vaisseaux ouverts, ses rayons médullaires sont nom- breux et peu apparents. Sa densité est de 0,642. D'une longue conservation dans la terre, ce bois est utilisé dans les cam- pagnes pour palissades et piquets de clôture ; on en tire aussi une teinture orangé clair assez semblable à celle du Fustet. Rhus juglandifolia H B. K. (Venezuela : Manzanillo de cerro). Petit arbre d'une hauteur de 8-10 mètres sur un dia- mètre de 15-20 centimètres croissant au Venezuela. Bois jaunâtre ou rougeâtre, d'une densité moyenne, assez compact ; LES BUIS INDUSTRIELS IXDIGÈNES ET EXOTIQUES. 413 ses conciles concentriques annuelles sont très distinctes, ses pores nombreux et ses rayons médullaires étroits, un peu on- dulés. Propre à divers petits travaux, mais sans emploi spé- cial. Sa den.sité est de 0.750. Eh'is retiisa Zoll. {R. rufa Teysm. et Binnd.) Indes néer- landaises : « Kambieng, Tetoel ». Arbre forestier d'une hau- teur de 20 mètres environ, croissant cà Menado. Bois jaune, un peu rougeâtre, très solide Bon pour la construction, on l'emploie surtout pour poteaux parce qu'il se conserve bien en terre. Les Chinois s'en servent pour faire des cercueils. Le Boegirs, également de Menado, est une espèce indéterminée du même genre : c'est un arbre de grandes dimensions dont le bois brun, compact et résistant, est très bon pour la char- pente. Rhus semi-alata MuRR. {R. Jarnmcumh., R. Buclil-Ame- lam RoxB., R. Osbechi DC.) Chine : « Où péy tsè ». .lapon : « Nurude ou Nouroudé ». Petit arbre d'une hauteur de 10 mè- tres environ sur un diamètre de 30-3.5 centimètres. Bois blanc ou blanchâtre élégamment veiné de lignes fines d'un brun noi- râtre qui tranchent agréablement sur le fond. Fibreux, fort et durable, cette essence présente une grande ressemblance avec celui des RUus vernicifera et succedanea et peut être employée dans l'ébénisterie ; les .Japonais en font surtout des boites et autres petits objets. Les leuilles produisent des galles riches en tanin qui, depuis un demi-siècle environ, consti- tuent un article important ponr la Chine et le .Japon. Ces galles sont connues commercialement sous le nom de Galles de Chine. Les fruits donnent une teinture gris de fer; les efflorescences produites par la dessiccation de ces fruits sont utihsées par les habitants des campagnes pour remplacer le sel. Rhus simariibcefolia Asa Gray [R. Apape G. Benn. R. 7'aitensis GmLLEM.) Taïti « Apape ». Arbre forestier dont le tronc, droit et élevé, mesure une hauteur totale de 20-25 mètres sur un diamètre de 1 mètre environ. Indigène aux îles de la Société, cette espèce croit également dans les ré- gions montagneuses de Taïti, à une altitude de 800 à 1000 mètres. Bois blanc, d'une densité moyenne , recherché des indigènes qui en font des pirogues d'une longue durée, niais qui ofï'rent le défaut d'être un peu lourdes ; cette essence convient également à la charpente et autres travaux. 416 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Rhus venenata 1)C. {R. vernlx L., Toxicodendron pinna- ium MiLL.) Canada : « Bois chandelle ». Etats-Unis : « Poi- son Sumac, Poison Elder ». Petit arbre de 6-8 mètres de hau- teur sur un diamètre de 15-20 cent., croissant dans les forêts de l'Amérique du Nord. Bois jaune pâle raj'é de brun, Tau- bier plus clair ; couches annuelles nettement marquées par 3-4 rangs de gros vaisseaux ouverts, rayons médullaires très peu distincts. Léger, tendre, d'une texture grossière et modérément com^jact, ce bois ne présente aucun intérêt. Toutes les parties de la plante sont vénéneuses et la tige laisse exsuder un suc lactescent qui brunit fortement en séchant, Rhus viminalis Vaiil. (Cap. : Karree hoom, Karreelioni). Cette espèce, originaire du Cap, croit dans les situations les plus ingrates du Karrou. Son bois, inattaquable par les in- sectes, est employé dans la colonie pour lattes et bardeaux. SCHINOPSIS LORENTZII Engl. Quebracho rouge. Loxopteri/gimn LorentzU Grisb. Queùrachia Lorentzii Grisb. Amérique du Sud : Quebracho Colorado. Arbre de dimensions variables, mais atteignant souvent une hauteur de 15-25 mètres sur un diamètre de 1 mètre en- viron, à feuilles alternes, imparipennées, à folioles opposées, lancéolées, acuminées. Originaire de l'Amérique du Sud, on le rencontre abon- damment à la Républi({ue Argentine, dans le bassin de la Plata, surtout dans les provinces d'Entre-Rios, de Santa-Fé et de Corrientes, ainsi que dans tout le Paraguay, notam- ment au Chaco. Son bois, de couleur brun-rougeâtre, plus rarement d'un rouge vif, est d'un grain fin et serré, compact, lourd et plus dur que le Chêne; sa densité varie entre 1,232 et 1,392. In- corruptible dans toutes les conditions, soit dans la terre, soit dans l'eau douce ou salée, il est de plus inattaquable par les insectes. Ces qualités sont dues à l'absence de pores, bouchés par un dépôt de matières incrustantes insolubles. A la Répu- blique Argentine, on trouve ce bois dans divers vestiges de travaux que firent les Jésuites, sur plusieurs points de ce LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 417 pays, il y a plus d'un siècle; il est encore parfaitement sain et a nirmo acquis une dureté plus grande. Le Quebraclio est l'arbre de charpente par excellence sur tout le littoral; à la République Argentine, il fournit le principal et presque l'u- nique bois de constructions de toutes sortes. Les lourdes ter- rasses des maisons sont soutenues par des poutres et des lambourdes de Quebracho sur lesquelles on maçonne direc- tement la bri([ne. On s'en sert encore pour la cuustruction des moulins destinés à écraser la canne à sucre, r.insi que pour poteaux, baquets, dormants de portes et fenêtres, comme bois de tour, etc. Les navires de cabotage (pii font le service des lieuves Parana et Uruguay sont génoi-alement construits avec le Quebracho à cause de sa longue durée; c'est aussi lui ({ui fournit les bordages des « Chata » para- guayennes, sortes de petites balanières de 12-15 mètres de longueur, que les' boulets ne peuvent couler ({u'en les pre- nant par le travers, ceux qui les frappent par l'avant ri- cochent sur ce bois de fer. Débité en planches et en madriers, il prend sous le poli de la scie l'aspect d'un acajou d'assez belle qualité et peut alors être utilisé comme bois d'ébénisterie. Enfin, il est en outre employé, à l'exclusion de tout autre, comme traverses de che- mins de fer, par l'Etat et les Compagnies de la République Argentine; au bout d"un quart de siècle environ, on n'avait pas encore pu établir la durée minima de ce bois. Bien que le prix de revient des traverses de Quebracho soit plus élevé que celui du Chêne, nous pensons que la durée de cette essence compense, même au-delà, l'élévation du i)rix de re- vient; aussi, serions-nous heureux de voir nos proi)res Com- pagnies, et même l'Etat, employer cette essence pour les lignes en exploitation, ne serait-ce qu'à titre d'essai. Nous avons également remarqué à l'Exposition universelle de 1889 un Quebracho colu>-ado catalogué sous le nom de Schinopsls BalansœE'SGL. — D'après les renseignements qui nous ont été fournis par M. Niederlein, membre du commis- .sariat général, ce serait un arbre d'assez grandes dimensions, 15 mètres environ, sur un diamètre de 80 centimètres à 1 mètre. Son bois, très dur et très lourd, est employé pour bordages de bateaux, tirants, dormants, étais et dans la cons- truction. Sa densité est de 1.303. Son écorce et sa sciure sont utilisées comme madère tannante et en teinture. 3 Novembre 1893. - 27 418 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. SGHINUS DEPENDENS Ortega. Amyris polygama Cav. Duvaua depeniens Kuntz. — fasciculata Griseb. — jjrœcox Gv.is'E'B. Schinus Huynan Mol. Chili : Huigan ou Huighaii. Paraguay : Incicnsn, Jacaranda, Molle, Molle de ctiriir. (variétés : Incieiiso moroti, I. hâ, I. pyla). République Argen- liue : Molle, Molle pisto, Incienso. Petit arbre d'une hauteur de 8-12 mètres sur un diamètre de 30-40 centimètres, à écorce rugueuse ; à feuilles persis- tantes, ovales-lancéolées, généralement ondulées, trifides ou entières, portées sur des rameaux pendants. Originaire de l'Amérique méridionale, cette espèce croît surtout au Chili, à la République Argentine, au Paraguay, à la Plata, etc. Son bois, ordinairement brunâtre vers le centre, parfois agréablement veiné, est souvent employé dans l'ébénisterie et dans la construction pour petites charpentes ; il présente des différences très marquées dans la dureté et la densité, suivant qu'il provient de l'une ou de l'autre des nombreuses variétés de l'arbre. Comme ses congénères, cette espèce produit une résine aromatique employée en médecine comme purgatif et comme spécifique contre les douleurs et tensions des muscles, ou brûlée comme encens. L'écorce est astringente et les feuilles contiennent jusqu'à 20 % de tanin ; elles sont recherchées pour le tannage et offrent l'avantage de ne pas colorer les cuirs. La décoction de l'écorce est utilisée au Chili contre les accès de goutte arthritiques des jambes. Les fruits, qui ont un peu l'odeur de genévrier, servent à préparer une boisson vineuse, sorte de Cfiicha très piquante qui ressemble au cidre ; on les utilise aussi dans quelques confiseries. Schinus latifolius Engl. [Lilhrœa Molle Gay. Duvaua Molle Bert.) ChiU : cr Molle». République Argentine : « Molle morado ». Très bel arbre du Chili et de la République Argen- tine dont le bois, nuancé et veiné, s'emploie surtout pour la menuiserie et la fabrication des meubles. L'écorce et les feuilles servent pour le tannage. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGENES ET EXOTIQUES. 419 SchUius Molle L. {S. Aroeifa L.) Brésil : « AroHira ». Mexique : « Arbol del Perù, Pimienta de America, Pelonqua- liutl, Copalquahuitl ». Paraguay : « Molle ». République Ar- gentine : « Aguaribay, Molle de Castilla ». Arbre de petites dimensions, ne dépassant guèi'e 8-10 mètres de hauteur sur un diamètre de 25-30 centimètres ; feuilles pennées avec impaire, composées de 5-P2 paires de folioles allongées, ar- rondies à la base, un peu sinuées. Originaire du Péi'ou, cette espèce est cultivée au Paraguay, au Mexique, à la Répu- blique Argentine, etc. ; elle est assez répandue en Algérie et en Provence. Son bois, léger, élastique et résistant, est fréquemment utilisé pour la fabrication de divers petits objets, plus rai'(^- ment pour l'ébénisterie et petites charpentes ; sa densité moyenne 0.663. La tige laisse exsuder un suc résineux blan- châtre, très odorant, appelé Résine de Molle, Mastic d'Aïnâ- rique dont les Péruviens se servent comme masticatoire pour raffermir les gencives et les Argentins pour guérir hi cataracte. L'écorce est astringente et balsamique ; les feuilles servent à teindre en jaune et sont regardées comme résohi- tives (1). Schiims ierehiailiifolius Raddi. [S. Aroeira Velloso) Bré- sil : « Aroeira, Aroeira branca, Aroeira de Minas ». Répu- blique Argentine : « Aroeira negra ». Arbre de petites dimen- sions à feuilles persistantes, pennées, pouvant atteindre une hauteur moyenne de 10 mètres sur un diamètre de 30-40 (1) Les fruits du Schiaus Molle sont de petits drupes pyriformcs, à épicarpe rose ou rouge, dispose's en grappes à rexlrémilé des pédon- cules. La notable proportion de sucie qu'ils renferment permet d'en obtenir, au moyen delà fermentation, une boisson agréable. En Amé- rique, CCS fruits sont recherche's pour la nourriture des oiseaux chan- teurs. Les graines ont l'odeur et la saveur du poivre indien et pour- raient, selon toute probabilité, lui être substituées comme condiment. Ces graines, finement pulvérisées et mises en pilules avec une très minime quantité de sirop de gomme, ont etc essayées avec succès comme antiblenuorrhagiques par le docteur Bertherand, qui, après de nombreuses expériences, n'he'site pas à leur accorder une .supc'riorild incontestable sur les préparations de Cubébe. Ajoutons de plus que le Poivrier d'Amc'rique est une espèce 1res ornementale qui se recommande par son port gracieux et son feuillage pyramidal, léger et toujours d'un beau vert, porté sur des rameaux flexibles pendants comme ceux du saule pleureur ; sa culhue est fa- cile et sa croissance rapide. 420 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. centimètres, croissant naturellement au Brésil, à la Répu- blique Argentine, introduit à la Réunion. Son bois est excel- lent pour la menuiserie ; les Brésiliens s'en servent dans les constructions civiles et navales pour les pièces demandant de la résistance mais peu de volume. L'écorce est astringente et usitée comme antidiarrhéique ; exposée à la clialeur, elle laisse écouler une sorte de baume qui entre dans la compo- sition d'un emplâtre réputé très efïlcace, au Brésil, contre les afléctions rhumatismales et arthritiques avec atonie et dis- tension des tendons. Les feuilles fraîches servent à préparer une eau distillée iiropre à la toilette et qui passe pour anti- fébrile ; rhydrolat des feuilles et des fruits est considérée comme diurétique et antisyphilitique. Les fruits seuls don- nent une teinture rose ; enfin Vextrail d'Aroeira est em- ployé comme succédané du cachou. SPONDIAS DULGIS Forst. Pommier de Cythère. Evia acida Bl. — diilcis COWSÏT.K^ ■ Poupartia dnlc's Bl. Spondias Ci/therœa Sonn. — acida Bl. Iles Fidji : Ivy-Ivi, (colons) : Brazilian Hog-plnm. Indes Orientales : Oelit, Oerlt [Amboine). Hoerek, Katsjem, Inisji (Banda). Karocnroenfj (Célèbesj. Kadoiif/ilong, Kc'loiifjdoiiri malahha, KadoafjdoïKj goenentj (Malais) Ki-hoiih (Sondanair). Réunion : Evi, Révij, Taïli : Fy ou Vilii. Bel arbre à feuilles imparipennées, atteignant une hau- teur de 20-25 mètres, sur un diamètre dépassant souvent un mètre. Indigène aux îles Fidji, à Taïti, aux Marquises, et dans l'archipel Malais, cet arbre a été introduit à la Guyane, à Maurice et à la Réunion et autres pays tropicaux où il est aujourd'hui assez répandu. Son bois, blanc, blanchâtre ou grisâtre, mou, léger, d'une texture grossière, à cassure courte et sèche, est employé par les indigènes de Taïti pour faire des pirogues ; à la Réunion on le débite aussi quelquefois en planches uti- lisées pour les travaux de menuiserie commune et pour la fabrication des caisses d'emballage, mais il est de peu de durée. Les Malais ne s'en servent que comme bois de chauf- fage. Sa densité au moment de la coupe est de 0,848, mais il perd rapidement une partie de son poids par la dessiccation. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 421 Le Spondias lutea L. {S. Mornlnn Jacq., S. Myrobalanus L.) est un petit arbre des Antilles que l'on rencontre sur- tout communément à la Martinique. Son bois, grisâtre, léger, à grain uni, à cassure courte et fibreuse, un peu sujet à la vermoulure, peut être* employé pour la marqueterie et autres menus travaux. Cette espèce est désignée sous les noms de « Evi marron » à la Réunion, « Mombin blanc » par les co- lons français des Antilles, « Hogplum » des Anglais, « Jovo » des Espagnols et sous ceux de « Ciruelo agrio-hobo, Jobo, ou Hobo, Hostilxocotl » au Mexique. — Densité sec 0,431. Ces deux espèces donnent des fruits comestibles (1). Les Spondias acwniaaia Roxb. et mangifera Pers , donnent des bois mous, tendres et légers dont l'emploi est fort restreint. - {A suivre.) (1) Le fruit du Spond'/i.s dulcis, dispose en grappes, appelé' coui- mune'ment Pomme ou Raisin de Cijthèi'e, est un petit drupe ovale conte- nant une pulpe jaune très parfumée, d'une saveur à la fois acide cl sucrée, qui rappelle un peu celle de la Mangue. Ce fruit est très estimé des créoles qui le mangent vert ou conservé, mais il ne plaît pas tout d'abord aux Européens à cause de son arriére-goiit de téré- benthine. On le consomme également cuit ou en confitures. L'intérieur du fruit renferme des filaments au milieu desquels se trouve une gomme complètement incolore, insoluble, ayant la consistance d'une gelée tremblante, inodore et d'une saveur fade, presque nulle. Cette substance est conside'rée comme de la bassorine pure. Le fruit du Spondias lutea, connu aux Antilles sous le nom Aq Mom- bin, offre une très grande analogie avec celui de l'espèce précédente : c'est e'galement un drupe oblong, jaune, parfois tacheté de rouille, à chair acidulé et aromatique ; le fruit du Spondias Mombin L., nomme' Prune d' Espagne, P. d'Amérique et à Cayenne Mombin Jamaïque est d'un violet clair et a la forme d'une pruue. Sa pulpe, alliée à une proportion convenable de sucre, fournit une marmelade dont l'arôme est assez suave et la saveur agréable. On fait sécher ce fruit comme les pruneaux et on l'utilise de même ; il est rafraîchissant et laxatif. Le tronc des Spondias laisse en outre exsuder une grande quantité de gomme qui se concrète sous forme de larmes brunes ou noirâtres par- fois très volumineuses. Cette gomme demeure longtemps dans les crevassés de l'écorce et constitue alors un suc visqueux, très épais, que l'on peut utiliser en guise de colle pour joindre les bois qui ne sont pas destinés à subir l'action dissolvante de l'eau ou de l'humidité prolongée. Cette gomme, appelée Hycaya ou Hucare aux Antilles et Piupia ou Tapan par les Taïtiens, présente quelque analogie avec la gomme arabique et pourrait probablement lui être substituée indus- triellement dans quelques cas, notamment pour l'apprêt des étoffes communes. II. CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. Un nouvel ennemi de la Vigne. Le 27 avril dernier, M. Fontaine faisait planter dans un terrain d'al- luvions sîililenscs de la Loire, situé entre Varades et la Gare, préa- lablement di-loncé à une profondeur moyenne de 0"',55, des boutures non enracii)('es de Vignes américaines des varioles liiparia, Rupestris, Vtalla-Soloiiîs et Jacqaex. Afin d'éviter tout dessèchement de la plante, chaque bouture avait été lorteinent butte'e, ju>qu'au-dessus de l'œil supérieur. Le terrain e'iail au moment do la planlalion des mieux prépare's, et les précaution- prises faisaient espe'ror un succès complet. Un mois après environ, quelques bourgeons seulement s'étaient de'veloppés de ci, de là dans la popinicre, mais le jeune plaulier ne débourrait, en général, que fort irrégulièrement. M. Fonlainc fit déchausser les plants pour les examiner en détail et constata que les bourgeons des sujets qui n'avaient pas encore donné signe de vie étaient envahis, entourés de petits myriapodes, au noml)re de cinq, six et quelquefois dix par bourgeon, formant ainsi de véritables boules de la grosseur d'un petit pois. Ceux de la partie véritablement souterraine e'taicnt également attaqués. Quelques jeunes pousses avaient aussi reçu la visite de ces dévastateurs, et des ga- leries de plusieurs centimètres de longueur étaient creusées à 1 inté- rieur du rameau herbacé. L'auteur fît visiter tous les plants et ramasser le plus grand nombre possible d'insectes ; il put, de la sorte, sauver les deux lirrs de la plantation. L'étude qu'a faite M. Ilenneguy de ce niyriapode lui a montré qu'il s'agissait d'une Blanyule {Blani/ulus guttulatm). Celte bestiole, très nuisible aux fraisiers, aux salades et aux plantes délicates, n'avait jamais été signalée jusqu'à présent comme s'attaquant à la Vigne. Le sol dans lequel elle a commis ses de'prédations est e'minemment propre à la culture des plants greiies. Bon nombre de pépinie'risles ont déjà fait des plantations de ce genre dans la vallée de la Loire, et à bref délai beaucoup de terrains d'alluvions sableuses analogues à ceux de la pe'piniére de Varades seront utilisés pour cet objet. Le buttage des greifes e'tant une façon culturale indispensable, les bourgeons seront à la merci de la Blanyule. M. Henueguy pense qu'on peut se débarrasser de cet insecte au moyen d'un arrosage avec une solution de sulfocarbonate de potas- sium. Il serait peut-être aussi bon, d'après lui, de sulfurer énergique- ment le terrain avant la plantation. III. CHRONIQUE DES COLONIES ET DES PAYS D'OUTRE-MER. Commerce du Caoutchouc à Madagascar. Le commerce du Caoutchouc continue à défrayer toutes les conver- sations à Tamatave et à occuper l'esprit de tous les négociants. De Diego-Suarez au Cap Sainte-Marie, il n'est guère question, à l'heure actuelle, que do la découverte et de la re'colte de cette subs- tance. Je vais essayer de résumer ici les divers renseignements que je re- çois à ce sujet. A Diégo-Suarez, un Caoutchouc dilIeVent de celui de Fort-Dauphin et de celui du détroit Jailiet a été trouve'. Les arbres producleurs, très abondants, poussent presque partout. Ils se reproduisent par graines et par boutures ; des plantations faites déjà depuis quelque temps à Maurice ont donné d'excellents re'sultats. Ici même, dans le sable, au bord de la mer, des boutures coupées sur un arbre existant dans le jardin des frères Bontemps ont repris immédiatement. Ce lait se traite facilement et le produit possède une élasticité remarquable. Le gouverneur de Diego- Suarez a accordé, paraît-il, le monopole de la récolte de cette substance sur le territoire de notre colonie et, en pre'visioD d'une extension future, sur les forêts situées au sud jusqu'à 60 kilomètres de la frontière, à des particuliers moyennant une rede- vance de 10 à 15 francs par 100 kilog. fabriqués. A la presqu'île d'Autorail, sur le territoire de la concession Magro et probablement dans les autres forêts environnantes, des Caoutchoucs existent également. Le consul d'Italie en aurait cedè l'esploitatiun à la même maison Laroque, et celle-ci envoie le docteur Jailiet avec M. Maigrot, sur le Touareg, pour procéder à des recherches et à des analyses. Le docteur Jailiet se propose ensuite de remonter, par terre, vers le Nord, jusqu'à Die'go-Suarez pour étendre le champ de ses ob- servations. Son absence durera un mois et demi environ. Dans les mêmes parages, la compagnie forestière, dont le siège est à Paris, s'occupe de la question, et son président, M. lUas Maltac, stimulé d'ici par l'avoué Desvaux, a, dit-on, l'intention de monter celte affaire. Dans les forêts avoisinant Tamatave, Vatomandry et Mahanoro, ou prétend avoir rencontré des arbres à lait, mais, de ce côté, les re- cherches ont été moins actives et moins fructueuses, car on en parle peu. C'est vers le sud de Fort-Dauphin, aux environs du Cap Sainte- Marie, que la fièvre du Caoutchouc sévit et semble devoir persister encore longtemps, malgré les bruits contradictoires mis en circulation 424 REVUE DES SCIEXCES NATURELLES APPLIQUÉES. h ce sujet. Si, en effet, plusieurs personnes assurent que le moment favorable est passe', le produit devenant rare, e'tant mal préparé pur les indigènes et augmentant de valeur dans des proportions exces- sives, d'autres, au contraire, annoncent une reprise dans les transac- tions, une baisse dans les prix d'acbats et la découverte de nouvelles forêts. Je pencberais plutùt du côté de ces derniers, en voyant l'em- pressemcnt des commerçants à se rendre dans le Sud. Ainsi que vous le voyez par cet exposé rapide, la question du Caoutchouc est à l'ordre du jour sur toute la côte est. Elle passionne tous les colons, chacun espérant re'aliser par ce moyen une rapide fortune. L'exemple de MM. Marchai et Heraud est là pour encourager les timides. Nous ne pouvons que nous féliciter de ces heureuses découvertes qui sont venues, fort à propos, réveiller le commerce et le sortir du marasme où il est plonge' depuis longtemps. Mais je crois qu'il est into'ressanl e'galement de rechercher de quel rôté sont allés les béné- fices réalises. Or, il est triste de le constater, ce sont des étrangers qui les ont accaparés en majeure partie. A Fort-Dauphin, la presque totalité du Caoutchouc a été' enlevée par les deux maisons allemandes O'Suald et C'" et Compagnie de l'Es'. Africain et par la maison Procter B'', de Londres, dont les navires ont e'te' seuls à desservir cette localité. Maîtres des moyens de trans- port, CCS étrangers ont refusé du fret à leurs concurrents et ceux-ci n'ont eu d'autres ressources que de leur vendre leurs produits aux prix qui leur ont e'té impose's. Si une ligne de vapeurs eût relie' le Sud-Est à Tamatave ou à un autre port, en relations constantes avec l'Europe, cette situation n'aurait pas pu être cre'e'e, et les commer- çants opérant avec de modestes capitaux, comme le sont nos compa- triotes, auraient profité de cette fortune en achetant et en vendant pour leur compte. Aujourd'hui que la découverte de nouvelles espèces de Caoutchouc, non seulement s'affirme, mais encore tend à se ge'néraliser de Fort- Dauphin à Diégo-Suarez, il est urgent de prendre des mesures pour que ces richesses naturelles ne soient pas la proie de quelques com- pagnies étrangères puissantes et, pour cela, créer le long de la cote est une ligne de vapeurs analogue à celle qui fonctionne actuellement sur la côte ouest. ' ■ ' " ' Le Résident de France. Tamatave, le 20 juillet 1893. {Moditeur officiel du Commerce.) IV. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. Force de traction chez la Baleine. — Un professeur d'Edim- bourg, M. Turaer, a t'ait récemment avec un armateur des expériences curieuses à ce sujet. On captura en mer une Baleine mesurant 23 mètres de long et d'un poids évalue' à 70 tonnes. La corde du har- pon qui Tavait prise fut attachée au baleinier. On constata que sa force e'tait de 145 chevaux. De S. Le Bœuf Sanga comme animal de transport sonida- nais. — Un fait des plus importants, d'un heureux pre'sagc pour l'extension de notre influence dans le Soudan français, c'est l'uti- lisation comme animal de transport par charrette du Sanga ou Bœuf à bosse africain '.Bos africanns) (1). L'unique animal utilise' pour le transport dans le Soudan est l'Ane auquel suivant possibilité' s'ajou- tent les indigènes portant les fardeaux sur la tête. Un de nos compa- triotes, « missionnaire d'intérêts matériels » M. E. Bechet, dans sou rapport sur sa mission industrielle et commerciale de 1890-1891 adressé au Syndicat du Soudan français, rend compte de cet événe- ment qui pourra modifier dans un avenir prochain les relations com- merciales de cette immense contrée, au profit de nos commerçants et industriels qui y trouveront des debouche's nouveaux et très oppor- tuns. Nous reproduisons le récit que fait M. Bechet à qui appartient tout l'honneur de cette innovation féconde en conséquences, à tous points de vue : « Enfin, les Bœufs sont attele's à l'aide du joug; je » vais donc marcher, mais dès le deuxième jour je dois renoncer à » ce moyen qui n'est praticable que sur les routes trace'es. Les ca- » hots fatiguent énormément les animaux, souvent renverse's, et qui, » après quelques violentes secousses, refusent d'avancer. J'imaginai » alors d'utiliser la prolube'rance dorsale dont la nature a orne les » Bœufs africains, à l'aide d'une sorte de bricole qui, au lieu de » passer sur l'avant du poitrail, passe sur l'avant de la bosse. Ce svs- » tème roussit à merveille. C'est le seul à employer et je suis élonue » qu'on n'y ait pas songé plus tôt. Le parcours est très mauvais entre » Bafoulabé et Badoumbe' ; c'est une suite de montagnes et de col- » lines rocheuses, de ruisseaux, de fondrières qu'un cavalier même » gravit ou franchit avec difficulté ; aussi le trajet est-il des plus pr>'- » nibles et nous n'avançons qu'avec lenteur. ■» A partir de Badoumbe, le voyage s'effectue beaucoup plus lacile- » ment; le pays se transforme. Ce sont ge'ne'ralement de grandes » plaines broussailleuses à travers lesquelles on pourrait tracer de » magnifiques avenues. » (1) Le Zèbu est le Bjcuf à bosse asiatique, il a des cornes rudimentaires, Pespèce africaine est très bien cornée. 426 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Celte rdgiou oCfre un intérêt tout particulier étant dans les condi- tions les plus favorables pour la reconstitution de l'Autruche autrefois ' fort abondante dans ces contrées. La description qui précède se rapporte exactement à celles des pays d'élevage de l'Afrique australe que nous avons décrites dans VMyérie agricole, ]5 septembre 1893. Ne serait-il pas du devoir du gouvernement colonial de répandre la connaissance des résultats obtenus par les Nègres de l'Afrique aus- trale dans la pratique de l'élevage des Autruches? Ce serait un grand litre à la reconnaissance de nos sujets bambaras, pcuhls, maures, etc., de les mettre dans cette voie profitable qui leur fournirait des res- sources financières par l'exploitalion raisonnée des plumes et encore des ressources alimentaires, qui ne sont pas à dédaigner dans ces pays généralement assez pauvres, en viande sur pied.. Le comple'meut du récit de M. Bechet, son entrée avec son chariot à Kila ne doit pas être omis, comme suite au hors-d'œuvrc précédent, nous donnons la parole à l'explorateur : « Je fais mon entrée à Kita, » le 9 mars. Je vous ai de'jà dit, dans une lettre écrite à cette e'poque, » quelle avait été la stupéfaction des indigènes eu voyant arriver » mon énorme véhicule. Toute la population n'a pas lardé à s'attrou- » per et à me faire une ovation à laquelle j'ai e't<_' très sensible. » La conquête du Soudan par le chariot à bœufs, porteur de mar- ■ chandises françaises, est pour nous le digne complément de la con- quèle du Soudan par les armes françaises qui se sont paiticuliére- rneut illustre'es dans ce pays. Ce petit nombre a triomphé de la masse indigène, grâce à nos chefs distingués, Gallieni, Archinard, Ilum- beit, etc., et de leurs soldais admirables, européens et indigènes FOREST aîné. Les Chiens de guerre allemands. — D'intéressants résul- tats avec les Chiens de guerre ont été constatc's à Wiersen, au re- tour des manœuvres, par le 8'' bataillon de chasseurs, n" 15. Ledit bataillon, le premier de l'armée allemande, où des essais en grand avec les Chiens de guerre ont été tentés, en possède neuf, choisis parmi les Chiens de bergers allemands et e'cossais. Ces deux races seules, dont la première se distingue par un grand attache- ment, et la seconde par une vitesse bien supérieure, sont propres au service de guerre. De ces Chiens, cinq ont assisté aux grandes ma- nœuvres du corps d'arme'e saxon, dans les Erz Gebirge, où ils ont fait grand honneur à leurs dresseurs, un sergent et un soldat de première classe, tous deux gardes-forestiers de leur elat. Les Chiens ont été' employés principalement au service d'ordonnance. Ils avan- çaient avec leur poste et portaient à leur corps d'armée, sur l'ordre de en avant, l'avis contenu dans un sachet fixé au collier ; puis re- tournant imme'diatemeut à leur poste sur l'ordre retour. Au service des avants-poste, le Chien de guerre « Filly » a, par exemple, par- CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 427 rouru en sept minute-^ une distance de trois kilomètres aller et ro- lour. La nuit, aux avant-postes, les Chiens de guerre, par suite de la finesse de leur odorat, ne sont pas h remplacer et sont d'un .^rrand soulagement aux tiommes. Ils sont encore exercés à la recherche des blessés. On les envoie, surtout la nuit, avec l'ordre « clierehe blesses » ; ils aboient jusqu'à l'arrivée du secours, s'ils voient par terre ou dans les broussailles un .homme en uniforme de chasseur. Ils ont donne de nombreuses occasions pour constater combien ces Chiens tiennent à leur corps d'armée; comme ils évitent, par de grands cir- cuits, tout civil ; comme dans leurs tournées militaires, ils savent se couvrir du feu ennemi, et comme ils savent choisir les chemins les plus courts. {VÉleveur.) Les productions de Tahiti. — Nous relevons dans le=; Reports from (lie Consul of tlie United States (décembre 1892) des renseigne- ments sur les productions do l'île. Elle possède 1,000 habitants, dont 3,500 indigènes. Son sol montagneux est aride et stérile sur les pla- teaux ; au contraire, le long des rivières et dans les terrains d'alluvion des côtes qui occu^ient IGO kilomètres, il est productif. Le café, le sucre et le coton y réussissent à merveille. Pourtant, on importe encore à Tahiti du cafc et du sucre ; les raisons en sont le manque de capital et de main-d'œuvre pour développer les plantations. ():i exporte actuellement du Coprah (noix de Coco sèches), une cer- taine quantité' de coton et de la Vanille. Eu 1891, on a expédié 2i 585 livies de vanille aux Etats-Unis- Maigre le caractère accidenté du pays, il reste ii défricher 200,000 acres de terrain qui se prêteraient bien à la culture du café et du coton. Ou exporta, en outre, en 1891, 6,107 tonnes de Coprah et 598 tonnes de coquilles à nacre, qui fuient apportées à Tahiti des îles Touamotou et Gambier. Depuis quelques années, on utilise les scaphandres pour cette pêche; on compte 19 scaphandriers. Dans la même anne'e 1891, on exporta 572,246 livres de coton, d'une valeur de 102,490 dollars. Le chiffre total d'exportation se moule, pour 1891, à 807,831 dollars, doni: 321,906 aux Etats-Unis; 283,723 au Portugal; 74,577 aux Iles Britanniques ; 62,245 en France; 51,300 en Allemagne et 10,990 dans d'autres pays. De S. Usages économiques du Manguier. — Le fruit du Manguier, bien connu sous le nom de Mangue, est un des plus répandus et des plus recherches de l'Inde et des pays tropicaux où il constitue même, pendant une saison, une ressource alimentaire assez importante. C'est un gros drupe ovoide, un peu roniforme, charnu, très variable pour la grosseur, la couleur elle goîil. Sa chair, ordinairement jaune, parfois rouge ou rougeâtre, est pulpeuse, sucre'e, très aromatique, avec une 428 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES- saveur lérébinthacée à laquelle les Européens s'habituent vite ; elle se connpose eu grande partie de gomme, de sucre et d'acide citiiquc. La pulpe qui entoure le noyau est souvent un peu fibreuse. La Mangue se consomme verte ou arrivée à maturité. Les fruits verts contiennent une proportion assez forte de fe'cule qui les rend très nutritifs; aussi eu fait-on une grande consommation sous forme de conserves au sel et au sucre. Fraîches et mûries à point, les MauL'^ues se coupent par tranches que l'on fait macérer dans du vin et du sucre, aromatises avec de la cannelle ; on eu pre'pare aussi de délicieuses marmelades avec du sucre et des e'corces de citron, des beignets, des compotes, dilïerentes sortes de gelées, une boisson fermentéc, de l'al- cool et du vinaigre. En re'sumé, la Mangue est un fruit délicieux, rafraîchissant, pouvant supporter la comparaison avec les meilleurs fruits connus. On dit qu'ingérées en quantité les Mangues agissent comme purgatif. Ses vaiiclcs sont fort nombreuses et diffèrent entre elles par une saveur particulière à chacune ; les plus estimées sont celles qui ont été' greffées et améliorées par la culture. Les fruits de l'espèce sauvage sont également comestibles, mais leur goiit est peu agréable. Cueillis verts les jeunes fruits servent à faire d'excellents achards. La pellicule qui recouvre le finit mûr a une odeur assez suave ; mace'rée dans l'eau-de-vie etsucre'e convenablement elle cons- titue une liqueur de table qui n'est pas sans agrément. Le péricarpe est regarde' comme autiscorbutiquc et anlidysontc'rique. Les noyaux contiennent une amande épaisse que l'on fait griller et qui sert alors à confectionner une sorte de pûti?serie. Cette amande est amère, fortement astringente et riche en acide gallique libre; on la prescrit, séchêe et pulve'rise'e, comme anthelminlique. De l'e'corce des vieux arbres suinte un suc ole'o-résineux, inodore, d'une saveur acre, amère et un peu piquante, assez sembla])le au Bdellium d'Afrique. Ce suc est employé' par les habitants de la cote du Malabar, comme médicament contre la diarrhée et la dysenterie, après avoir été mélangé avec du blanc d œuf et une faible dose d'opium; on lui attribue e'galement des proprie'lés stimulantes et sudorifiques qui le font administrer dans les affections syphilitiques et les maladies de la peau. L'écorce elle-même est prescrite en infusion contre la leu- corrhée et la ménorrhagie. Les feuilles sont astringentes et riches en tanin. Dans l'Inde, les natifs les prennent en de'coclion dans le traitement des angines, de l'asthme et contre la toux, on les ordonne aussi, sous forme de poudre, pour combattre l'odontalgic. Disons de plus que le jaune indieu connu sous le nom de Piun est un produit colorant qu'on retire de l'urine du be'tail nourri avec les feuilles du Manguier. Dans les îles de la Sonde, les indigènes se servent de la de'coction de la racine pour teindre en vert des étoffes pre'alablement colorées par l'indigo. Jules Grisard. V. BIBLIOGRAPHIE. Les anomalies chez l'homme et chez les mammifères, par L. Blanc, chef des travaux d'analomie à l'école vétérinaire do Lyon, préface par M. le professeur C. Dareste, 1893, 1 vol. in-16 de 324: pages avec 127 figures, 3 fr. 50, librairie J.-B. Baillière et Fils, 19, rue Hautefeuille, Paris. Les Ecoles vélériuaires, tout eu préparant d'habiles praticiens, de- viennent tous les jours, de plus eu plus, de ve'ritables instituts biolo- giques où s'élaborent les questions les plus élevées de la science. Elles sont devenues de véiilable.". foyers d'espe'rimentation téralolo- gique préparant ainsi les progrès futurs de la zootechnie. Car la téra- tologie est la base ve'ritable de la zoologie et, par suite, de la zootech- nie. Les vétérinaires praticiens liront, avec le plus grand profit, le petit volume de M. Blanc. En effet, l'examen des monstres et la recherche des causes qui déterminent leur production ne sont pas seulement un objet de curiosité. Certaines recherches, d'une application immé- diate, ne peuvent être poursuivies avec quelque certitude que grâce à l'élude des anomalies. Les phénomènes d'hérédité, par exemple, ne se manifestent clairement que dans les cas de transmission anormales. L'apparition de certaines anomalies, leur fixation chez les descendants, peuvent seules donner la clef de l'origine des races et permettre d'en- trevoir le mode de formation des espèces. L'âge du Cheval et des principaux animaux domestiques, Ane, Mulet, Bœuf, Mouton, Chèvre, Chien, Porc et Oiseaux, par M. Mar- celin Dupont, me'decin-ve'lérinaire, professeur à l'Ecole d'agricul- ture pratique A.. Delhomme de Cre'zancy, 1 vol. in-16 avec 3(3 plan- ches dont 30 coloriées. Cartonné 5 fr. Librairie J.-B. Baillière et Fils, 19, rue Hautefeuille, Paris. l)e;juis quelques années, le Ministère de la guerre fait procéder, par des commissions spéciales, à l'inspection et au classement de tous les Chevaux et Mulets susceptibles d'êlre requis pour le service de l'armée. Pour faciliter ces opérations, les propriétaires sont tenus de de'cla- rer, chaque année, le nonibre et le signalement des sujets qu'ils pos- sèdent. Toute fausse de'claration étant sévèrement punie, Vétude de rage (la cheml est devenue d'aclualile. Ede a même pris, de ce fait, un iutërôt spécial, une importance sans pre'cédent, Si cette étude n'est ni longue, ni ardue, elle exige cependant, dans sou application, une certaine habitude, une certaine pratique. 420 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Pour Icjeuuc vétérinaire, il n'est pas de meilleur professeur que ces inspections bisannuelles, pendant lesquelles des milliers de chevaux de tous âges, de toutes races sont soumis à son examen. ^lais avant d'avoir acquis la sûreté, la compe'tence nécessaire pour imposer son autorité, à combien de fautes le jeune praticien n'est-il pas ex;)0sé! Pour parer à tous ces ennuis, il était utile de faire intervenir, au moment psychologique, un conseiller intime et compétent. Ce conseil- ler, c'est le livre. Mais pour remplir efficacement sa mission délicate, pour pouvoir être transporté et consulté en tous lieux, le livre devait présenter cer- taines qualite's toutes spéciales. C'est pourquoi l'on a donné à ce Gukle prat'que un format de poche. Puis dans un texte aussi clair et succinct que possible, on a iuler- calo de nombreuses planches en couleurs. Cette disposition doit permettre une consultation rapide et par con- séquent éviter au lecteur les longues et ennuyeuses recherches. Ainsi prc'sente', ce petit livre constitue une sorte de vademecurn qui sera bien accueilli de tous les vétérinaires civ'ls et militaires, ainsi que de Messieurs les officiers et sous-officiers de cavalerie. Le sportsman s'inle'ressera à sa lecture comme il s'inle'resse à tout ce qui parle de son animal favori. Enfin, les acheteurs, en gênerai, pourront y puiser, sur l'âge de nos aaimaux domestiques, les renseignements, les imlications nécessaires pour mieux détendre leurs intérêts. L'ouvrage est illustré de 30 aquarelles, d'un gofit fort artistique, qui donnent un attrait tout spe'cial à cette publication. Revue britannique, 71, rue delà Victoire, Paris. N° 9, septembre 189'3. — F.kcage du lapin sauvage en garenne. — Analyse très complète d'un volume fort intéressant récemment publié eu Angleterre par M. J. Spixson, régisseur du domaine de Yv'orlley, Hall, appartenant au comte de Warnclitîe. L'auteur démontre, par ses propres expc'rienccs, que l'élevage bien conduit du Lapin de ga- renne peut produire des béue'fices comparables à ceux qu'on obtient du grand be'tail. Nous recommandons la lecture de ce consciencieux tra- vail à nos collègues, ils y verront comment M. Simpson a réussi à éta- blir une garenne modèle que visitent aujourd'hui à l'envi les propiié- taires de chasse, les sport-^mcn et aussi les fermiers d'Angleterre et d'Ecosse. N" 10, octobre. — Les Serpents. — Etude fort attachante d'histoire naturelle sur les divers ophidiens du globe. G. de G. BIBLIOGIL\PIIIE. 431 Liste des principaux ouvrages français et étrangers traitant des Animaux de basse-cour (i). 1" OUVRAGES FRANÇAIS {suile). ESPaNET (Alexis). — De l'éducaiion des Dindons, Pintades, Oies, Ca- nards, CtjgneSy Paons, Faisans, Perdrix, Cailles et Colins. — Paris, Goin, 1885, 4" cdit., in-]8jésus ; 108 p. avec lig. — De l'éducation des Pigeons. — Paris, Goin, 1885, iii-lS, lOG p. avec fîg. — Éducation des Poules et Poulets. — Paris, Goin, 1885, in-18, 108 p. avec fig. — De l'éducation du Lapin domestique. — Paris, 1880, in-IS jesus, 126 p, avec fig- GAYOT (E.). — La culture intensive de l'œuf et son incubation. — Vi- site à Gambais. — Paris, 18~8, iu-8° de 101 p. — Poules et Œufs. — Paris. 1876 in-18, 216 p. — Le Léporide et le Lapin de Haint- Pierre. (Extrait du journal Clndus- trie laitière.) — Paris, imp. Scinnidt, 1880, in 8° à 2 col., 73 p. GOBIN (A.). — Préas pratique de Velenage des Lapins, Lièvres, Léporides, en garenne et clapier, etc., etc. — Paris, Pion, Nourrit et G'°, 1881, 208 p., in-18 jcsus, 38 fig. — Les Pigeons de volière, de col.rnbier, messagers, etc. — Paris, 1878, iu-18 jcsus, 258 p., 46 fig. — Traité des oiseaux ôx basse-cour, d,' agrément et de 2]rodait, etc. — Paris, Aiidot, 1882, 446 p., in-18 je'sus, 35 grav. GUILLEBERT (L.). — Étude sur quelques types de Gallinacés. (Extrait daV Annuaire no^'niand, 1882.) — Caen, Le Blanc-Hardel, 1882, in-S" de 22 p. GUYOT (E.). — Les animaux de la ferme. — 1889, 320 p., iu-i2,. 146 fig. IIOFMAN (J.-G.)- — Observations sur V organisation des pigeonniers. — Paris, 1888, in-18, 16 p. .lACQUE ;Ch.). — Le poulailler. Monographie des Poules indigènes et exotiques, ame'nagements, élevage, hygiène, etc. — Paris, Librairie agricole de la Maison rustique, 1879, 4*^ édit., 350 p., in-18 avec figures. JOUBERT. — La nouvelle parfaite basse-cour, Poules françaises et étran- gères, etc., suivie de l'art d'élever le Lapin domestique, etc. — Paris, Dupont, 1881, 144 p. in-12, avec fig. (1] Voyez Rcu'.c, \" semestre 1893, p. 430, et plus haut p. 143, 287 et 3'-3. 432 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. LEMOINE. — Élevage des animaux de basse-cour. — Paris, Masson, 1885, in-12, 149 p. LEROY (E.)- — Aviculture : La volière omnibus démontable. [Bulletin de la Soc. nat. d'accl. du 5 décembre 1888. — Paris, 41, rue de Lille.) — Aviculture : outillage spécial ; o'closion ; animaux nuisibles ; re- production eu volière, hygiène des volières; repeuplement des chasses; Faisans, Perdrix, Cailles, etc., etc. — 1 vol. in-is de 422 pages et 51 fîg. — La Poule pratique. Choix des races pratiques : 1*^ pour la ferme ; 2" pour le parquet. — Exploitation pratique de la la volaille. — Ins- lallalious. — Ponte. — Incubation. — Éducation des Poulets. — Paris, Didot, 1889, in-18, 316 p. avec fig. LETliONE (Paul). — Notice sur un mode de régénérer les Gallinacés. — Paris, B. Huzard, 1858, 024 p. in-8°, 2 pi. — Monographie des Gallinacés. {Bulletin de la Soc. nat. d'accl., t. VII, p. 531.) — Paris, 1860. LONCtEVILLE. — L'art d'élever les Lapins, contenant la manière de les multiplier et de les engraisser. — Paris, Blanc, 1878, 16 p. in-32. LULLIN (Fe'lix). — L'art de distinguer, d'élever, de multiplier et d'en- graiiser Us différentes espèces et variétés de Pigeons, de colombier et de volière. — Paris, Tissot, 1860, 174 p. in-8°, pi. color. MALÉZIEUX (F.). — Manuel de la fille de basse-cour. — Paris, Bou- chord-IIuzard, 1856, 326 p. avec fig. MALEZIEUX (F.). — Essai sur les différentes races de Coqs domestiques, suivi de quelques mots sur riucubation artificielle chez les anciens cl les modernes. — Paris, Bouchard-Huzard, 1852, in-12 de 64 p. MAKIOT-DIDIEUX. — Guide pratique de l'éducation lucrative des Poules, ou traité raisonné de Galliuoculture. — Paris, E. Lacroix, iu-18, 432 p. — Guide pratique de l'éducation lucrative des Oies et Canards. — Paris, E. Lacroix, 1864, in-12, 180 p. — Éducation des Pigeons. 7— Éducation des Dindons et Pintades. — Guide pratique de l'éducateur des Lapins, ou traite' de la race cuni- culiue, suivi de l'art de mégisser les peaux et d'en confectionner des fourrures. — Paris, Hetzel et C'^ 1886, in-18 de 180 p. MAUGER (L). — La basse-cour : organisation des poulaillers, pigeon- niers, faisanderies, etc. (Préface par Ch. Diguet.). — Paris, 1885, iu-18, 312 p. avec 100 iig. MERCIER (A.). — Les Gallinacés : Faisans, Perdrix, Poules; repro- duction naturelle et incubation artificielle comparées. — Paris, 1886. 3'' édil., in-32 de 152 p. {A suivre.) Le Gérant: Jules Grisard. I. TRAVAUX ADRESSES A LA SOCIETE. LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN d'après m. hornaday, superintendant du parc ZOOIOGIQUE de WASHINGTON Par m. h. BREZOL. (suite *.) Le Bison est soumis à une mue annuelle, aussi la descrip- tion qu'on peut faire d'un individu dépend beaucoup de l'é- poque à laquelle on se trouve. A la fin de l'hiver, toute la robe est lanée, pâlie par l'action combinée du soleil, du vent, de la pluie, de la neige, la fraîcheur de ses couleurs autom- nales est totalement disparue. Bient(3t avec le printemps, et même les dernières semaines de février, il enlève son vête- ment d'hiver, opération longue et difficile. Le nouveau poil fait tomber en s'accroissant la dépouille d'hiver qui se détache en larges plaques laissant la peau dé- nudée. Sur les parties fortement fourrées, la tète, le cou, les quartiers antérieurs, le vieux poil cesse de croître, meurt, et le nouveau poussant rapidement traverse son épais feutrage. Ce nouveau poil est brun sombre ou noir sur la tête, mais sur le cou, les quartiers antérieurs et la bosse il conserve, jus- qu'à ce qu'il ait atteint une longueur de 5 centimètres, une teinte spéciale, mélange de gris et de brun, très différente de la teinte finale. Le vieux et le nouveau poil adhèrent énergi- quement l'un à l'autre, longtemps après que le vieux aurait dû disparaître, et on a vu sur certains taureaux tués en oc- tobre, des plaques feutrées de vieux poils, sohdement collées aux épaules et sous lesquelles apparaissaient des poils d'été de couleur différente. Sur les flancs et les quartiers de der- rière, le vieux poil se détache partiellement et flotte au vent (*') Voyez plus haut, pages 241 et 337. 20 Novembre 1893. 28 434 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. en grandes plaques d'un pied carré parfois. La mue se fait irrégulièrement, le vieux poil persistant plus longtemps sur certains points. En avril, en mai, en juin, l'animal n'est réellement pas élé- gant à contempler, des îlots de poils d'hiver alternent sur son corps avec des plaques de peau nue et de grandes loques de poils détachés flottent au vent autour de lui, comme des signaux de détresse. Celui qui rencontre un Bison dans cette piteuse situation, se sent toujours tenté de venir en aide à la nature, mais même à l'état domestique le Bison s'y refuse. Vers la fin de juin, parfois avant, le corps est nu comme une peau d'hippopotame. Le cuir, d'un brun luisant, est tanné, rôti par le soleil, attaqué par les mouches, et bientôt l'animal doit se mettre en quête d'un étang, d'une mare, d'un lit de boue où il puisse se rouler. Il s'y vautre avec délices, non par amour de l'eau ou de la boue, mais pour sa défense per- sonnelle, et quand il émerge de sa bauge, cuirassé d'ordure de la tète à la queue, on peut dire que sa dégradation est com- plète. Vers le l*^"" octobre une transformation se produisait si l'a- nimal avait entièrement revêtu sa nouvelle robe aux poils fins, nets, brillants, luisants, sans une tache de boue, sans une boucle de travers qui s'allongeaient rapidement pour le froid hiver. Le pelage atteignait toute sa longueur entre le 20 novembre et le 20 décembre ; avec son maximum d'éclat, le Bison vif et luisant était alors à son apogée. A cette époque, la longueur des poils des différentes régions répondait à peu près aux chiffres suivants chez l'animal adulte : Sur les épaules ... 10 cenlimétres de long. Sur le sommet de la bosse 16 à 17 — Au milieu du flanc 5 — Sur les quartiers de derrière 4 — Sur le front 40 — Barbe du menton 30 — Touffe de la poitrine 20 — Touffe des membres antérieurs 2G — Touffe terminale de la queue 50 — Les cas d'albinisme étaient extrêmement rares chez les Bisons, et de nombreux et habiles chasseurs tuèrent des mil- liers de ces animaux sans jamais en voir un aux poils blancs. LA DESTRUCTIOX DU P.1S0X AMÉRICAIN. ' 435 On n'a pu citer, dit M. Hornaday, comme possesseur d'une robe authentique de Bison blanc, que le général Marcy. 10 ou 12 individus albinos au plus ont été vus par des chasseurs blancs, depuis les premiers jours où le Bison a été chassé jusqu'à l'époque de son extinction. Les Bisons pies, très rares également, l'étaient cependant moins que les blancs, mais les robes de ces colorations se vendaient à un prix si élevé que les Bisons, leurs porteurs, ne pouvaient jamais atteindre l'âge adulte. On voyait à l'exposition de la Nouvelle-Orléans, en 1(S(S4, une peau de Bison qu'on pouvait dire albinos. Cette peau, exposée par le territoire du Dakota, n'était pas absolument blanche, mais d'une teinte crème sale, et elle ne présentait en aucun point de trace de la couleur normale. Le lieutenant-colonel Kellogg a déposé au Muséum natio- nal une peau qu'il dit être celle d'un Bison d'un an. Elle a le poil court, bouclé, ondulé et plutôt grossier que fin, mais du blanc le plus pur. Comme longueur et comme texture, ce poil rappelle en un point seulement la robe du Bison d'un an, et cela par l'étroite bande de laineux existant sur le cou et la bosse. M. Hornaday suppose que ce remarquable spécimen vient d'un Bison demi-sang sauvage, veau résultant du croisement d'une vache domestique, au pelage blanc, avec un Bison mâle. Il arrivait assez fréquemment autrefois, en effet, que de petites bandes de vaches domestiques partaient avec des troupes de Bisons. ^ Certains auteurs ont créé sous le nom de Bison des bois, ou Bison des montagnes, une variété distincte du Bison pro- prement dit, à, laquelle appartiendrait la totalité du troupeau entretenu dans le parc de Yellowstone. La plupart des chas- seurs des Montagnes-Rocheuses, région sur laquelle cet ani- mal se rencontrait, le disent nettement caractérisé, mais sans pouvoir s'entendre sur les signes distinctifs. D'après le colonel Dodge, son corps serait plus léger, ses jambes plus courtes, plus grosses, plus fortes que chez l'animal de la plaine, ce qui lui permet d'escalader des pentes abruptes, de sauter d'une hauteur extraordinaire pour un animal aussi lourd et aussi massif. On rencontrait souvent, sur les prairies, des Bisons émas- culés par les Loups; ils atteignaient alors une taille colossale. 436 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. La peau du Bison dit des bois est plus grande que celle du Bison des prairies, les poils en sont courts, ainsi que la cri- nière, mous, non bouclés, alors que la disposition en boucles caractérise l'animal des prairies. Deux robes de Bisons des bols, vues par M. Hornaday à Selhirk Settlement, ressem- blaient beaucoup, paraît-il, à des peaux de Bisons lithua- niens, d'Aurochs. Le Bison des bois, très rare, se rencontrait seulement au nord du Saskatchewan et sur les flancs des Montagnes-Ro- cheuses, jamais il ne s'aventurait dans les plaines. Le Bison des prairies, au contraire, fuyait généralement les bois l'été, pour se tenir en pays découvert. L'hiver il rentrait souvent sous forêt, dans la région de la Petite-Souris, du Saskat- chewan, sur les collines Touchwood, dans les bosquets bor- dant la rivière Qu'Appelle. Il n'y a pas de doute que le Bison n'ait été aussi abondant jadis dans les forêts qu'il le fut en- suite dans les prairies. Dans ces derniers temps, M. Harrison Young, officier de la Compagnie de la baie d'Hudson, en résidence au fort Ed- monton, écrivait â M. Hordanay qu'on tuait encore chaque année quelques Bisons des bois dans le district d'Athabasca, sur la Rivière Salée, mais qu'ils y diminuaient et étaient devenus très farouches. Dans son ouvrage intitulé : Manitoba and ihe Gy^eat Northwest, M. John Macoun a consacré les lignes suivantes au Bison des bois : « Les derniers Bisons vivant au nord de » la Peaçe river furent tués en 1870, mais en 1875 il en res- » tait un millier environ entre Athabasca et la Peace, au » nord du petit lac de l'Esclave. Ils appartenaient au type » que les chasseurs désignent sous le nom de Bison des bois » et difleraient seulement par la taille de ceux des plaines. » N'ayant eu l'occasion de faire aucune observation person- nelle, M. Hornaday en est réduit à admettre la possibilité de certains changements de forme chez les Bisons confinés dans les régions à montagnes escarpées. Il est facile de comprendre combien un changement de milieu aussi absolu peut, dans une succession de générations, transformer l'organisme d'un animal, et on peut même prévoir avec un certain degré de certitude les modifications qui se manifesteraient sur une bande de Bisons des plaines, transférés définitivement dans les montagnes. LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN. 437 On a déjà constaté des transformations produites par les mêmes influences sur des Chèvres, des Porcs, etc., les résul- tats seraient probablement identiques avec le Bison. La nourriture des montagnes étant plus rare, l'animal doit, pour se la procurer, faire une grande dépense d'énergie vitale, ce qui le dote d'une vigueur supérieure à celle du Bison des plaines, qui se procure, lui, avec peu de fatigue, une alimentation quotidienne abondante, et de meilleure qua- lité. On doit donc s'attendre à trouver le Bison des monta- gnes plus petit de corps, plus maigre que l'animal des plaines, mais avec un meilleur développement des jambes et des quar- tiers de derrière très forts. Le bassin du Bison des plaines est excessivement étroit et faible pour un animal aussi large. Une marche continuelle en région accidentée provoque sur- tout la formation des muscles et des os, éléments utiles, et empêche au contraire les inutiles dépôts de graisse. De même que le Lion africain transporté dans une région boisée y perd une partie de sa crinière, le Bison des bois, pour s'adapter à la course à travers les arbres et les brous- sailles, devra voir ses longs poils des épaules et des jambes antérieures considérablement réduits. Les poils du reste du corps seront également plus courts. La teinte du pelage de- viendra plus sombre à cause de l'habitat ombragé, qui atté- nue l'ardeur du soleil. Il aura acquis force et agilité à un degré inconnu de son frère de la plaine. Avec l'accumulation des siècles, ces modifications deviendraient constantes immé- diatement perceptibles, mais à l'époque où les Bisons ont dis- paru, il n'y avait aucune raison pour faire du Bison des bois une variété du Bison américain. Le colonel Dodge a encore écrit les lignes suivantes sur le Bison des bois : « Sur plusieurs points des montagnes ro- « cheuses, et principalement dans la région des parcs, on » trouve un animal que tous les vieux montagnards appellent » Bison. Il y a entre lui et le Bison des plaines la même dif- » férence qu'entre un vigoureux poney de montagne et un » cheval de selle. Son corps est plus léger, ses jambes plus » courtes, mais plus grosses, plus robustes que chez l'animal » des plaines lui permettent de grimper et de sauter d'une » façon surprenante, chez une bête aussi énorme et aussi » pesante. Très farouches, ils ne sont pas nombreux. Ils ha- » bitent les vallées les plus profondes et les plus sombres 438 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. » des montagnes, de véritables précipices dont les flancs sont w seulement accessibles aux plus habiles montagnards. Du » sommet des montagnes au fond de ces vallées, les pluies » ont creusé de profonds ravins dans chacun desquels coule » un ruisseau d'eau fraîche et limpide, fertilisant une bor- » dure d'alluvions, oîi pousse par places un épais fourré de » sapins et autres arbres de la montagne. Ces bosquets )> alternent avec des prairies à l'herbe la plus nutritive, » aussi le Bison des montagnes fait-il sa retraite favorite de •> ces gorges. De bon matin, il y pâture l'herbe nourris- » santé, s'abreuve au ruisseau, puis il se retire dans le fourré, » où, couché sur Fherbe, il se repose une partie de la journée. » A rencontre du Bison des plaines il ne reste pas à exami- » ner stupidement l'étranger s'approchant de son domaine, .» mais disparait au galop dans les profondeurs du bois au » moindre symptôme de danger et ne ralentit son allure que » quand il est certain de ne plus être poursuivi. J'ai vu bien » des fois des traces fraîches, une couche tout récemment .) abandonnée, mais je n'ai jamais pu surprendre le Bison « lui-même, et peu de personnes parmi celles qui l'ont chassé » ont tué plus d'un individu. » Ce type de Bison abondait jadis dans les montagnes, mais, d'après les vieux montagnards et les trappeurs, leur rareté actuelle serait due à une grande tempête de neige qui les anéantit en 1844-45, ainsi que les Bisons des plaines du comté de Laramie. N' '■■ Les mœurs du Bison. Les mois d'août et de septembre étaient la saison des amours pour le Bison. Pendant toute sa durée, ces animaux inquiets, excités, se trouvaient dans un état tout difierent du calme qui leur était habituel en temps ordinaire. Ils vivaient alors sur les pâturages d'été, et les veaux, nés au printemps, comptaient de deux à quatre mois. La nourriture substan- tielle que leur fournissait la bunch grasse, l'herbe la plus nutritive peut-être qu'il y ait au monde, accroissait leur vi- gueur tout en leur donnant de la graisse. Le poil d'hiver, fané et souillé, avait fait place à la nouvelle livrée un peu courte, d'un gris sombre mêlé de noir. Ils se trouvaient donc dans d'excellentes conditions. LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN. 43» Au lieu de vivre alors distribué en une infinité de petits groupes, le troupeau, dispersé sur une vaste étendue se ras- semblait, noircissant le sol de sa masse dense et confuse, de plusieurs milliers d'individus Tous les détachements, animés d'une impulsion commune, se rapprochaient les uns des autres pour constituer une immense armée, centre commun autour duquel le pays était absolument déserté. La plus grande ani- jnation régnait dans ce troupeau, les Taureaux étant conti- nuellement en querelles ou à la poursuite des Vaches. Les démonstrations menaçantes des deux adversaires précédaient toujours ces combats très courts et durant quelques se- condes à peine. Les Taureaux se provoquaient, baissant la tête jusqu'à toucher terre du nez, mugissant effroyablement, braquant l'un sur l'autre des yeux à demi blancs, trépignant des pieds de devant. Leurs mugissements réunis, semblables au grondement du tonnerre, s'entendaient à une distance de 6 à 12 kilomètres. Ces combats cependant se terminaient presque toujours sans graves blessures, grâce à l'épaisseur du poil et de la peau couvrant la tète et les épaules. Jamais on ne constatait entre mâles et femelles d'unions perma- nentes durant un certain temps. On trouvait toujours chez les Bisons les mêmes habitudes que chez le bétail domes- tique. A la suite d'observations mal interprétées, l'opinion s'était répandue, il y a quelques années, que l'identité des familles se perpétuait dans les troupeaux, chaque vieux Tau- reau vivant au milieu d'un harem de femelles et d'un groupe de descendants. C'était attribuer au Bison un degré d'intel- ligence qu'il est loin de posséder, et les observations du colo- nel Dodge ont absolument réfuté cette théorie. Après la saison des amours, le troupeau se distribuait à nouveau en cette foule de petites bandes de 20 à 100 indi- vidus qui caractérisait si bien la vie normale de ces animaux, bandes se dispersant progressivement à la recherche des meil- leurs pâturages, jusqu'à ce que le troupeau primitif couvrit une immense étendue. Dans cette marche à la conquête des herbages les plus fertiles, les Bisons déployaient peu d'intel- ligence, une faible originalité d'idées. Au lieu de suivre les cours d'eau, dont les bords plus fertiles fournissaient une nourriture abondante, ils n'hésitaient pas à abandonner un bon pâturage, pour se lancer sur des terrains stériles, cou- verts de maigres broussailles, aux herbes rares et pauvres. 440 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Dans les régions accidentées, telles que le Montana, le Wyoming et le sud-ouest du Dakota, les troupeaux arrivés sui' les terrains fertiles, s'y arrêtaient jusqu'à ce que la soif les obligeât à se mettre en quête d'un peu d'eau. Ils partaient alors tous sous la conduite d'un guide, généralement une Vache âgée, marchant sur une file , vers le ruisseau ou le fleuve le plus proche. Dès que cette expédition était com- mencée, les Bisons ne mangeaient plus que les quelques touffes d'herbe qu'ils pouvaient saisir au passage, sans s'ar- rêter ni se détourner de leur chemin, qu'ils poursuivaient en longue file de 100 ou 200 animaux, occupant parfois une lon- gueur d'un kilomètre. La bande s'avançait ainsi en lente pro- cession, descendant toujours les vallées, contournant les accidents de terrain. Plusieurs troupeaux passant successi- vement sur les traces les uns des autres, le sentier suivi se transformait bientôt en une étroite rigole de plusieurs cen- timètres de profondeur sur 35 centimètres ou plus de large. Avec le temps et la répétition des passages, le sentier s'ap- profondissait sans que sa largeur s'accrût. Quand cette espèce de fossé atteignait une profondeur de 15 à 16 centimètres, les Bisons éprouvaient quelque dilliculté à y marcher, ils l'aban- donnaient alors pour en frayer un autre, destiné, lui aussi, à être bientôt déserté. On rencontre encore de ces sentiers aujourd'hui dans certaines régions où ils représentent les derniers souvenirs d'une race disparue. Le bétail domestique les suit aujourd'hui comme les Bisons les suivaient jadis, car il cherche l'eau de la même façon. Les sentiers à Bisons, qui existent encore en certaines régions de l'ouest, sont par- Ibis creusés à plus de "70 centimètres. Quand les ardeurs de l'été se prolongeaient, les ruisseaux se desséchaient l'un après l'autre et l'expédition pour la re- cherche de l'eau durait parfois fort longtemps. Toutes les dé- pressions du fond des vallées, où coulaient d'ordinaire des rivières, étaient dépassées sans y rencontrer la moindre mare. A la fin, on trouvait un trou contenant encore un peu de boue humide, plus loin, un peu d'eau bourbeuse, et à 1 ou 2 kilomètres plus bas, le guide de la bande découvrait une mare peu profonde, entourée d'une large auréole de nei- geuses ettlorescences de sels alcalins blanchissant le sable, revêtant les feuilles des herbes aquatiques et des joncs qui émergeaient au-dessus de la nappe liquide. Tout autour de la LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN. 441 mare, la ferre humide portait en creux les empreintes de mil- liers de sabots, son eau était chaude, saturée de sels alcalins, jaunie par les déjections des animaux qui y étaient passés antérieurement, mais enfin c'était de Feau. La bande des Bi- sons altérés entourait la bienheureuse mare et son immonde contenu, les plus forts, les vieux, repoussant les jeunes pour se faire meilleure place, mais après de longues bousculades, après quelques batailles, chacun parvenait à se désaltérer. Les Bisons passaient d'ordinaire quelques heures autour de la mare, se couchant longuement, allant boire, se recouchant pour boire de nouveau jusqu'à ce que leur soif fût complè- tement apaisée. Le troupeau se remettait ensuite lentement en route, mais sans jamais retourner vers les fertiles prairies d'où il était venu, la nouvelle direction suivie faisant un angle droit avec celle de la marche primitive. Pendant quelque temps, 11 paissait les herbes nourrissantes de la vallée, puis, escaladant les collines qui la bordaient, arrivait de nouveau sur de vastes étendues privées de fourrages où il se voyait bientcH obligé de chercher un nouvel abreuvoir. Quand les Bisons s'arrêtaient quelque temps sur les mêmes pâturages, ils adoptaient une mare où ils venaient se désal- térer à intervalles plus ou moins réguliers. S'ils y trouvaient toutes garanties de tranquillité, ils y passaient de longues heures couchés dans l'herbe. Les chasseurs rapportent que' les jeunes Bisons s'égayaient alors, bondissant comme de petits Veaux domestiques bien repus. C'était chose commune de les voir folâtrer, se roulant, se cabrant çà et là, la queue relevée en l'air, avec autant de grâce à peu près, qu'en dé- ploieraient de jeunes Éléphants. Les Bisons aimaient à se ro uler dans la boue humide ou des- séchée, et cette habitude persiste énergiquement chez ceux qui ont été élevés en captivité. Ils s'y livraient même en automne et en hiver, les mâles y étaient plus enclins que les Vaches, surtout à l'époque où ils devenaient adultes. Ils s'étendaient de tout leur long, se frottant violemment sur le sol, contre lequel ils faisaient glisser leur corps en entier. Après s'être bien frottés d'un côté, ils se retournaient pour en faire autant de l'autre, et la proéminence de leur bosse ne les empêchait pas de se retourner aussi facilement que des Chevaux. Cette habitude amenait souvent l'usure delà courbe extérieure des cornes qui arrivaient à perdre plus 442 HEVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. d'un centimètre de leur épaisseur. M. Catlin a relaté ces faits, en parlant également des cercles des fées qui ont tant intri- gué les A'oyageurs et dont l'explication a provoqué de si nom- breuses discussions. Pendant les chaleurs de l'été, l'abondance de leurs longs poils emmêlés gênait certainement ces animaux. Ils pais- saient alors sur des prairies où les dépressions du sol, for- mant de petites cuvettes, retenaient un peu d'eau stagnante imprégnant leurs bords, dont elle rendait la terre moins compacte. Pliant un genou, les Bisons venaient y plonger leurs cornes, puis leur tète, en approfondissant la mare. L'eau s'y rassemblait en coulant à travers les herbes, pour en faire une baignoire dans laquelle l'animal se vautrait avec délices, à la façon des Porcs. Se couchant sur le côté, pivotant sur lui-même, il en travaillait les parois et le fond avec sa bosse, ses épaules et ses cornes, creusant le sol, s'en- fonçant de plus en plus en élargissant le bassin dans lequel il disparaissait bientôt tout entier. Quand il se relevait cou- vert de boue qui coulait en filets de tous ses poils dont elle changeait absolument la couleur, quand il se dressait sur ses pieds, c'était un monstre hideux, d'aspect trop bizarre pour pouvoir être décrit. La Vache chef du troupeau commençait généralement cette fouille, parfois c'était un Bison quel- conque, mais alors le chef le chassait, et il se laissait dépos- séder sans protestation. Quand le chef s'était bien vautré, bien couvert de boue qui se desséchait ensuite en une ar- mure grise ou blanchâtre, il cédait la place au Bison mar- chant après lui, et chaque animal à son tour venait se vau- trer longuement, augmentant de plus en plus les dimensions du bassin. Au bout d'une heure ou deux, celui-ci mesurait 5 à 7 mètres de diamètre sur "70 centimètres de profondeur. Ces dépressions ne tardaient pas à s'emplir complètement des eaux superficielles de la prairie qui y amenaient des débris végétaux les comblant en quelques années d'un sol excessi- vement riche. L'herbe y poussait alors, dominant sur toute leur surface le niveau de la prairie ambiante, et formant de grands cercles dont le vert foncé tranchant sur une nappe d'un vert plus pâle, frappait l'attention des voyageurs. Pendant les dernières années du xyiii^ siècle, quand il y avait encore des Bisons dans le Kentuchy et la Pennsylvanie, les sources d'eau salée attiraient des milliers de ces animaux LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN. 443 venant pour y Loire ou pour lécher la terre chargée de sels . Dans son ouvrage intitulé Travels in America (Voyages en Amérique), M. Thomas Ashe invoque le témoignage d'un des premiers colons qui s'étaient établis dans une prairie de l'ouest de la Pennsylvanie. Pendant les premières années de son installation, les Bisons venaient très régulièrement Loire à une source salée voisine de son liaLitation. Ils s'avançaient marchant à la file indienne, à distance égale les uns des autres, au nomLre de 300 environ par troupeau. A deux re- prises différentes, ils détruisirent l'haLitation du colon, pre- nant plaisir à projeter, avec leurs cornes, les troncs d'arLres dont elle était construite, et ce n'est qu'à grand'peine que le propriétaire lui-même évita d'être foulé aux pieds et Lroyé sur les ruines de sa demeure. 2,000 Bisons au moins se réu- nissaient alors au printemps autour du point oîi le colon s'était installé. Ne se mettant pas en quête de nourriture, ils se contentaient de venir trois ou quatre fois par jour boire et se Laigner aux sources, et passaient le reste du temps cou- chés sur le flanc à l'omLre ou à se rouler sur l'herLe, puis repartaient en file indienne comme ils étaient venus. Se vau- trant l'un après l'autre dans le même trou bourbeux, ils se cuirassaient de boue se desséchant ensuite, et les préservant des piqûres des myriades d'insectes qui les auraient persé- cutés sans cette précaution. Aux approches de l'hiver, tous les troupeaux de Bisons rétrogradaient de 300 à 600 kilomètres vers le sud. Parfois ils marchaient lentement, avec calme, mais parfois aussi, accélérant l'allure, ils franchissaient d'un seul élan une grande distance à travers les pâturages. Ils allaient ou sur un front de quatre à dix animaux, ou en niasse plus com- pacte, qui, venant souvent se jeter dans des sables mouvants, des marais alcalins et des contrées bourbeuses ou sur une glace perfide, perdait ainsi des milliers d'individus, les derniers rangs Lai'rant toute retraite aux animaux marchant les pre- miers, qu'ils refoulaient brutalement. C'est ainsi que plus de la moitié d'un troupeau de 4,000 têtes périt pendant l'été de 1867, en essayant de franchir les sables mouvants de la Platte River, près de Plum Creck. Dans le Minnesota, un autre troupeau de 100 tètes environ, qui avait essayé de tra- verser le Lac qui parle, dont la surface était gelée par l'hiver, s'abima tout entier dans les flots par suite de la rupture de la 444 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. glace. Au temps où les Etats-Unis avaient encore des Bisons, c'était chose commune pour les voyageurs remontant ou des- cendant le Missouri, de voir de ces animaux, morts ou mou- rants, enlisés désespérément le long du fleuve, dans les sables mouvants ou la vase. De nombreux cadavres suivaient le fil de l'eau, ou s'arrêtaient à la pointe des îles et des bancs de sable. Les marches forcées des grands troupeaux ressem- blaient à la déroute d'une armée vaincue. La l'orce brutale de la masse qui se précipitait aveuglément derrière les guides marchant en tête, poussait les animaux des premiers rangs les jetant au milieu du danger. On pouvait ainsi chasser un. troypeau vers un précipice où il s'engouffrait tout entier, les Bisons ouvrant la marche étant refoulés par les autres qui se précipitaient ensuite volontairement, comme une bande de moutons. En 1880-81, plus de 100,000 Bisons moururent de froid et d'inanition dans la région du ruisseau du Castor, Beaver Creck, à 160 kilomètres au nord de Glendive, une immense couche de neige ayant recouvert toute trace de végétation. C'était pour fuir ces dangers, le froid et la faim, que les troupeaux redescendaient vers le sud au début de l'hiver. Ils allaient lentement, avec des haltes fréquentes pour paître, distribués en grandes masses ou divisés en petits troupeaux, occupant une vaste étendue de pays et marchant tous dans une direction commune. Le Bison ne se lançait dans les ré- gions montagneuses qu'à la dernière extrémité, quand il était suivi de près. Même quand un chasseur le poursuivait, il montait toujours les pentes au pas, ne se mettant à courir que quand il était arrivé au sommet ; il descendait alors l'autre versant au galop ou au grand trot. Aux temps passés, quand l'aire du Bison était étendue, il allait toujours contre le vent en fu^-ant une attaque, afin sans doute de ne pas se jeter sur un nouvel ennemi. Il prouvait en cette circonstance, qu'il accordait plus de confiance à son odorat qu'à sa vue. Pendant les dernières années de son existence, il avait presque complètement perdu cette habi- tude, et fuyait au plus vite vers le point où il se croyait le plus en sécurité. L'hiver, le Bison faisait face aux tempêtes, au lieu de leur tourner le dos, et de fuir devant elles à la façon du bétail domestique. Mais quand il était surpris par un blizzard, il LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN. 415 cherchait prudemment abri dans quelque vallée étroite et profonde ou quelque ravin. Là, le troupeau se couchait, at- tendant patiemment la fin de la tourmente. Après une forte chute de neige, on était toujours certain de rencontrer des Bisons dans les vallées des ruisseaux, où la bunch-grass montrait ses hautes tiges au-dessus de la neige, lui fournis- sant ainsi la seule nourriture qu'il pût se procurer. Quand la chute de neige se prolongeait longtemps et avec intensité, couvrant le sol d'une couclie épaisse et uniforme, le Bison devait jeûner pendant plusieurs jours, parfois même pendant plusieurs semaines. Lorsque le soleil se dégageant des nuages liquéfiait la couche supérieure de neige et que celle-ci se congelait ensuite en une nappe de glace compacte, l'existence du Bison commençait à devenir fort précaire. Un homme, en effet, passera sur une surface glacée que les pieds du Bison traverseraient, laissant l'animal s'enfoncer jusqu'au ventre. C'était alors que les Indiens les chassaient avec des souliers à neige, les tuant à coups de lance pendant que l'é- paisseur de la neige les immobilisait et paralysait leurs mou- vements. Les loups s'engraissaient également de ces victimes qu'ils dévoraient sans danger. La faim et le froid faisaient rarement périr les Bisons, il fallait des circonstances tout à fait exceptionnelles pour qu'ils succombassent, mais la fin de l'hiver les trouvait en fort triste état et les vieux Taureaux souffraient plus encore peut- être ({ue les autres Bisons. Différant en cela "de la plupart des quadrupèdes américains, le Bison avait des mœurs migratrices. Alors que l'Elan et le Daim à queue noire changent d'altitude deux fois par an, au commencement et à la fin de l'hiver, le Bison, lui, opérait des changements de latitude. Ces migrations se remarquaient surtout dans la grande région occidentale des pâturages, oîi les bandes étaient nombreuses, et leurs mouvements faciles à observer. Aux approches de l'hiver, tous les troupeaux qui s'étendaient de la Peace River, de la rivière de la Paix, au Territoire indien, avançaient de quelques centaines de kilo- mètres vers le sud, afin d'hiverner dans de meilleures condi- tions, et occupaient la presque totalité de la grande région située au sud du Saskatchewan. Avec le retour de la belle saison, au premier printemps, commençait la marche vers le nord, entreprise par les Bisons, plutôt afin de se soustraire 446 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. aux chaleurs de Tété que pour chercher des pâturages plus fertiles, (l'était donc plutôt une question de préférence que la nécessité qui faisait alors remonter le Bison vers le nord. Le colonel Dodge, qui a fait une excellente étude des habi- tudes migratrices des Bisons, a écrit sur ce sujet les lignes suivantes : « De bonne heure au printemps, quand la prairie desséchée » et déserte jusqu'alors a échangé son vêtement d'un brun » sombre contre un autre du vert le plus tendre, le Bison » apparaît à l'horizon, seul ou par groupes de deux à trois " individus. Ce sont les éclaireurs du troupeau. Bientôt après, » dès que l'herbe a atteint un développement suffisant, l'im- » mense plaine s'anime d'une multitude de Bisons, de plus en » plus nombreux, formant des groupes de plus en plus puis- » sants. Les uns marchent, d'autres mangent, d'autres se » couchent, mais l'ensemble de l'innombrable masse pro- » gresse lentement vers le nord. Certaines années, comme ;» en 1871, le Bison exécutait sa marche vers le nord en im- '3 menses colonnes occupant parfois de 35 à 40 kilomètres, et » dont on ne pouvait apprécier la largeur. Parfois encore, » cette migration s'exécutait en plusieurs colonnes parallèles, » marchant à la même hauteur, reliées les unes aux autres » par de nombreux flanqueurs, et occupant un front de plus » de 160 kilomètres. L'itinéraire de ces caravanes variait » seulement entre certaines limites, et pendant 25 ans, elles » ne traversèrent jamais l'Arkansas au delà de Great Bend » vers l'est, et du Big Sand Creek, du gros Ruisseau des « Sables vers l'ouest. Les routes les plus en faveur coupaient » l'Arkansas à l'embouchure du ruisseau des Noyers du "Wal- » nut Creeh, à la fourche des Pawnees, à l'embouchure du » ruisseau du Mûrier, Mulberry Creek, du Cimarron et du » gros Ruisseau des Sables. En marchant vers le nord, le » grand troupeau s'étendait peu à peu à droite et à gauche, » se subdivisant en petits groupes, dispersés sur les vastes » plaines où ils passaient l'été. Après avoir épuisé l'herbe sur » le lieu où ils se trouvaient, ils en gagnaient un autre, et » vers l'automne, quand l'ardeur du soleil' avait desséché les » pâturages, ils redescendaient progressivement vers le Sud, » se concentrant sur les riches prairies du Texas et du Ter- » ritoire indien, d'où ils repartaient au printemps suivant, » après la poussée de l'herbe, » LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN. 447 Tant que le Bison resta sans compétition maître des grandes plaines, il conserva ses habitudes régulières de migration. Les troupeaux qui hivernaient au Texas, dans le Territoire indien, le Nouveau-Mexique, passaient probablement Tété dans le Nebraska, le sud-ouest du Dakota, le AVyoming. Ceux qui hivernaient dans le nord du Colorado, le Wyoming, le Nel)raFka, le sud du Dakota, passaient l'été dans le nord du Dakota et le Montana, tandis que les Bisons du Montana allaient hiverner sur le vaste versant de prairies situé entre la Saskatchewan et le Missouri. Chaque été, les métis de la Rivière Rouge organisaient deux grandes expéditions partant du Winnipeg et de Pembina. L'une, la section de la plaine du Cheval blanc, se dirigeait à l'ouest, le long de la rivière Qu'appelle, vers le \mys du Saskatchewan. L'autre, la section de la Rivière Rouge, mar- chait au sud-ouest à travers le Dakota. En 1840, l'emplace- ment sur lequel s'élève dans cet Etat la ville actuelle de Ja- mestown, était la limite nord-est que se fixaient les troupeaux passant l'été dans le Dakota et le pays situé entre ce point et le Missouri servit pendant de longues années de territoire de chasse à la section de la Rivière Rouge. Les Bisons qui hi- vernaient dans le Montana, montaient toujours vers le nord au printemps, en mars d'ordinaire, désertant complètement les prairies de cet État pendant la saison où les chasseurs ras- semblaient les peaux des animaux abattus l'hiver. Il est ce- pendant certain que quelques petites bandes restaient tout l'été dans plusieurs parties du Montana, mais la masse prin- cipale, franchissant la frontière canadienne, passait la belle saison dans les plaines de la Saskatchewan , où elle était chassée par les métis de la Rivière Rouge et les Indiens. Presque tous les Bisons du Montana et du Dakota partici- paient à ce mouvement. Les troupeaux qui passaient l'hiver dans le Dakota où ils étaient chassés par les mêmes métis, venaient du Kansas, du Colorado et du Nebraska. La majeure partie des Veaux naissait sur les pâturages d'été, mais beaucoup aussi venaient au monde pendant le trajet. La vache gagnait alors un endroit retiré, autant que possible un ravin bien caché ; elle y mettait bas, et y nour- rissait son veau jusqu'à ce qu'il fût assez fort pour rejoindre le troupeau avec elle. Les femelles donnaient le plus souvent un seul veau, mais les jumeaux étaient cependant nombreux. 448 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Ces veaux naissaient de mars à juillet, (juelques-uns même en août. Sur les pâturages d'été, les vaches avaient l'habitude de se séparer des taureaux, qui se réunissaient alors en pe- tits troupeaux exclusivement composés de mâles. Pendant la durée de la marche, les taureaux étaient char- gés de défendre les Veaux contre les attaques des Loups, qui suivaient toujours les troupeaux en grand nombre, attendant l'occasion propice pour s'emparer d'un Veau ou d'un Bison blessé resté en arrière. D'ordinaire, les Veaux suivaient leur mère tant qu'elle n'avait pas mis bas de nouveau. Ils té- taient jusqu'à l'âge de neuf mois et même plus. Un Bison ve- nait-il à être blessé, il quittait immédiatement le troupeau, s'écartant de la direction suivie par celui-ci ; afin d'échapper aux chasseurs marchant sur la piste du corps principal. Rencontrait-il quelque profond ravin, l'animal blessé s'y glissait, remontant jusqu'à son origine où il s'acculait dans une sorte de cul-de-sac assez large à peine pour le recevoir. Il était alors si bien caché par les parois du ravin que le chas- seur le découvrait seulement quand il n'en était plus qu'à quelques mètres. L'inexpugnabilité de la retraite que les ani- maux blessés savaient ainsi se choisir était réellement sur- prenante. Absolument garantis par derrière et sur les côtés, ils se défendaient facilement avec leurs cornes contre les Loups qui ne pouvaient les attaquer que de face. Des ani- maux ayant reçu plusieurs graves blessures, sont souvent restés fort longtemps dans ces conditions, sans pouvoir man- ger ni boire. La force de résistance des Bisons était surpre- nante du reste, et d'après le nombre des membres brisés et parfaitement ressoudés trouvés sur des individus abattus, on peut affirmer que jamais un Bison ne mourait d'une rupture de la jambe. Un vieux taureau disséqué par M. Hornaday avait eu l'humérus brisé en deux et ressoudé. La tête du fé- mur et une partie de l'os iliaque avaient été complètement réduits en miettes chez un autre individu, mais tout s'était reconstitué, et il ne le cédait en rien à ses congénères pour la rapidité de la course. [A suivre.) L'ACCLIMATATION EN RUSSIE Par m, Jkan VILBOUCHEVITGH. (suite *) 2® chapitre : Jardins d'acclimatation. Tout jardin botanique est, naturellement, par la force même des choses, un jardin d'acclimatation et un centre de dispersion de nouvelles cultures. Nous ne voulons cependant parler ici que des quelques stations d'acclimatation par- ticulièrement efficaces, sur lesquelles des communications détaillées ont été présentées au Congrès. La station cotonnière de Tachkent, dont il a déjà été question dans le chapitre précédent, à propos du Coton, de la Ramie et du Jute, s'est encore occupée d'une série d'autres plantes utiles. Nous allons les reprendre une à une. Le Kendijr. — M. Vilkins a apporté au Congrès des obser- vations fort instructives sur ce textile [Apocymim Slbiricurii) dont nous avons déjà, à plusieurs reprises, entretenu les lec- teurs de la Revue, en traitant des plantes utiles des terrains salants, « Des fabricants russes et étrangers, a-t-il dit, ne cessent d'adresser à leurs correspondants du Turkestan des demandes d'envoi de quantités plus ou moins considé- rables de filasse de Kendyr ; on pourrait donc penser qu'il est réservé un brillant avenir à cette matière première. Mais il se trouve que les stations naturelles de la plante sont fort disséminées, sporadiques en quelque sorte ; en somme, la surface totale qu'elle occupe à l'état spontané est infini- ment au-dessous de ce qu'il aurait fallu pour alimenter un commerce sérieux et régulier. » La culture du Kendyr s'impose donc. La station d'expé- rience de Tachkent n'a pas tardé à entreprendre cette tâche. [*) Voir plus haut, page 363. 20 Novembre 1893. ' 29 ' 450 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Malheureusement, quatre années d'essais n'ont pas encore amené à un résultat satisfaisant. Nous l'avons cultive en plein champ, tantôt sur plate-bandes, tantôt en surface unie, en irrigant copieusement sept à huit fois pendant la durée de l'été ; nous n'en avons pas moins obtenu des tiges grêles, ne dépassant pas la taille d'un homme moyen, ramifiées dès la base même ; en somme, impropres à être utilisées indus- triellement. Or, dans les conditions naturelles on trouve des touffes de 4 à 5 archines de haut (1 archine = à peu près ^0 cent.), à tiges fortes, droites, ornées au sommet seulement d'un bouquet de rameaux latéraux ; voici ce que l'on récolte lorsque le végétal croît en un sol constamment humide, mouillé même, comme c'est le cas sur le bord des cours d'eau, où le Kendyr se présente à l'état naturel. .Je ne vois pas comment, au Turkestan du moins, on pourrait satisfaire aux énormes exigences du Kendyr en fait d'eau, sans que la fibre revint à un prix déraisonnable. Car telle serait la consé- quence d'irrigations plus fréquentes que celles que nous lui avons octroyées. » La propriété du Kendyr d'envahir, grâce à ses rhizomes traçants, le terrain tout autour de lui, doit être considérée aussi comme une circonstance défavorable à la culture ; car, sans parler des cultures voisines auxquelles le Kendyr nuit, la plantation se transforme, dès la deuxième année, en un fouillis, impossible à tenir propre ni à bien soigner. Les rhizomes ont à tel point la vie dure, qu'une fois que le Ken- dyr a poussé quelque part, on a toutes les peines du monde à l'en déloger. » Je suppose que ce sont ces raisons qui ont fait que le Kendyr, dont la variété méditerranéenne [Apocynum vene- tuin) est connue depuis les temps les plus reculés, n'a pas encore été jusqu'à ce jour introduit en culture. » « Je me rends, cependant, parfaitement compte », se hâte d'ajouter M. Vilkins avec la prudence qui sied à un savant, « qu'il ne faut pas que les déboires de la station de Tachkent arrêtent les efforts des autres institutions et des personnes qui poursuivent le même but; je me garderai bien de soute- nir qu'on- ne réussira jamais à dompter cette plante et à en faire une nouvelle richesse de l'agriculture. J'ai simplement tenu à faire profiter le public de ma propre expérience et à faciliter le chemin. » L'ACCLIMATATION EN RUSSIE. 4o1 Rappelons que les expériences de M. Tchexmoglasov et de M. Diakov semblent avoir contenté davantage leurs au- teurs. M. Vilkins établit définitivement le fait que VApocynum siblricum ne fleurit qu'à la seconde année de son dévelop- pement. Le Sorgho à sucre. — Cette plante est indigène dans le pays où les cultivateurs l'appellent « chakar païa » ce qui si- gnifie: tige sucrée; elle se présente comme herbe adventice dans les champs de « djougara » [Sorghum cernuum). L'attention apportée par la station à l'essai du Sorgho à sucre^ se justifie par l'importance que sa culture a acquise aux États-Unis. La réussite matérielle de la culture ne pou- vait pas manquer, le Sorgho étant du pays. La richesse sac- charine s'est montrée également fort satisfaisante. La cul- ture pratique et industrielle dans le but de l'obtention du sucre ne peut cependant pas être recommandée, étant donné que le problème des procédés d'extraction de celui-ci n'est toujours pas résolu, comme on sait, même aux États-Unis. Les idées de M. Vilkins, à ce sujet, sont fort sages et concor- dent parfaitement avec les conclusions de M. Grosjean, ins- pecteur général de l'Enseignement agricole, qui a été à plusieurs reprises chargé par le Ministère français d'étudier l'état de la question aux États-Unis. « Les efforts opiniâtres des Américains », dit M. Vilkins, « n'ont pas encore abouti à un procédé sûr pour empêcher le sucre de Sorgho de « tourner » (devenir incristallisable) au cours de l'extrac- tion ou sur pied. » On se demande, dans ces conditions, s'il ne faut pas se résigner à limiter l'industrie du Sorgho à la préparation du sirop ; d'autant que cette marchandise trouve toujours pre- neurs dans les grandes villes. Peut-être trouvera-t-on encore plus d'avantages à produire de l'alcool ; l'eau-de-vie de Sor- gho possède un bon arôme de rhum. En tout cas, d'une façon ou d'une autre, il y a toujours moyen de tirer profit d'un champ de Sorgho à sucre, même sans poursuivre l'obtention de ce dernier; et nous sommes bien aise d'avoir démontré la parfaite cultivabilité de la variété spontanée du pays. Le Sorgho de la station, semé au commencement du mois d'avril (date russe), met cinq mois à atteindre son parlait 452 KEVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. développement, et présente alors des pieds superbes, d'une taille de 3™, 50 et au-dessus. D'après un calcul théorique, par conséquent un peu au- dessus de la réalitu, le Sorgho à sucre du pays pourrait •fournir, dans la région de Tachkent, par deciatine (1 hec- tare, 1), 304 pouds (le poud = environ 16 kilos) de sucre cristallisable, 30 pouds de glucose, 2,000 pouds de tiges ex- primées, pouvant servir de combustible (le combustible est cher dans ce pays, 800 pouds de feuilles vertes fort appré- ciées par le bétail, et 1,8"6 pouds de têtes (inflorescences) avec graines; ces dernières font les délices des animaux de basse-cour. La variété « Early amber » du Minnesota, cultivée com- parativement avec le Sorgho spontané du pays récolté à la môme époque, s'est montrée plus riche en sucre ; cela tient à sa plus grande précocité. On sait, malheureusement, que les variétés perfectionnées du Sorgho à sucre sont sujettes à dégénérer (par hybridation) en fort peu d'années (1). Le Sorgho des Mandjours (« gao-lann » des Chinois). — Cette céréale fait depuis plusieurs années, en Russie, l'objet d'essais multiples, dont nous aurons encore l'occasion de re- parler ailleurs. Les conclusions de M. Vilkins à son sujet sont les suivantes : « D'après notre première expérience compa- rative, j'estime que le Gao-lann est moins prolifique que le Djougara {Sorghum cernuum) du pays, aussi bien pour ce qui est du grain que pour ce qui est de la masse verte. Je ne pense donc pas que les cultivateurs indigènes veuillent l'ac- cepter. Je reconnais cependant au Gao-lann certains avan- tages : il a la croissance plus rapide ; mûrit donc plus tôt ; les tiges demeurent plus tendres et sont, de ce fait, un fourrage meilleur que celles du Djougara; d'autant plus que, d'après une analyse de M. Teich, chimiste à Tachkent, elles contien- nent encore jusqu'à 10 % de sucre (7,35 % de sucre cristallin et 3,12 V» de glucose), bien que la plante n'appartienne pas au groupe botanique des Sorghos à sucre. » M. Vilkins reçut le Gao-lann du Ministère des Domaines ; d'après un rapport consulaire qui y était joint, les Chinois (1) D'après une autre inl'ormatioQ apportée au Congrès, on cultiverait du Sorirlio à sucre dans rarrondissement de Lenkorann (Caucase). L'ACCLIMATATIUN EX RUSSIE. 453 fabriquent de l'alcool avec les graines et utilisent les tiges et les feuilles comme fourrage. Le Ri'- sec. — Cette variété de VOnjza saliva est active- ment propagée par le département de l'Agriculture. M. Villdns approuve ses elïbrts. « Les quelques essais, dit-il, que nous avons entrepris font voir que le Riz sec peut donner au Tur- kestan des récoltes égales à celles du Riz ordinaire, tout en se contentant de beaucoup moins d'eau pour son développe- ment... Or, l'eau est excessivement chère dans ce pays ; ce qui sera économisé sur l'irrigation du Riz trouvera toujours un excellent placement ailleurs. » Le Riz sec peut, de plus, être avantageusement cultivé sur n'importe quel emplacement, pourvu qu'il y ait irrigation de temps à autre. Il ne réclame pas la submersion, obligatoire pour le Riz ordinaire. On a donc bien plus de latitude pour le choix topographique des terrains à lui consacrer. » Pour toutes ces raisons, il serait absolument à souhaiter que la population substituât dans ses cultures, le Riz sec au Riz commun, dans la plus grande mesure possible. L'état sanitaire de maintes localités aujourd'hui empoisonnées par les émanations des rizières submergées y gagnerait du même coup. » M. Chavrov désirerait qu'il en lut fait autant au Transcau- case où le Riz (« Tchaltyre ») constitue également l'une des principales cultures. Le Pjp'èlhre de Dalmatie {Pi/yelhrnm cinerariœfolium].— Les entomologues du département de l'Agriculture des Etats- Unis ayant vivement recommandé la poudre de Pyrèthre insecticide, excellente pour combattre certains ennemis du Cotonnier (1), la « Station cotonnière » de Taclikent s'est trouvée tout naturellement amenée à expérimenter la culture de la plante qui fournit cette précieuse matière. On sait que la poudre de Pyrèthre du commerce vient (lorsqu'elle n'est pas falsifiée !) de la Dalmatie et des Etats- Unis (plus particulièrement de la Californie) ; la Revue a pu- blié, à diverses reprises, des renseignements sur ce sujet. L'espèce cultivée en Dalmatie, et de là introduite en Amé- (11 United States Entomological Commission. Foui ih Eeport. Washington, 1885. 434 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. riqne, est le P. ci7ienariœfolnmi; c'est celle-ci que la Station a choisie pour ses essais. La plante a fait preuve d'une adap- tation parfaite aux conditions climatériques et culturales du pays. En fait d'irrigation, ses exigences sont fort modérées. La floraison, qui ne commence qu'à la seconde année (la plante est vivace), a lieu « dès la fin du mois d'avril et se continue pen- dant la plus grande partie du mois de mai (date russe). Les graines sont mûres à la fin du mois de juin (date russe). A l'automne, on voit lever tout autour de jeunes plantules ve- nues spontanément : excellente preuve que l'acclimatement est parfait. M. Vilkins pense même « qu'il y aurait à répandre une grande quantité de graines de ce Pyrèthre au pied de la chaîne montagneuse du Turkestan, région où les pluies sont assez fréquentes ; afin que la plante s'y naturalise com- plètement. Elle finirait par se propager d'elle-même de tous les côtés, et les indigènes n'auraient qu'à cueillir les capi- tules et à les sécher. Dans ces conditions, la poudre de Pyrè- thre reviendrait à très bon compte et tous les agriculteurs pourraient s'en servir. » « La Station », ajoute-t-il, « s'occu- pera aussi du Pyrèthre de Perse qui, probablement, ne se montrera pas plus difficile que l'autre. » Ce post-scriptum nous entraîne à citer ici même une communication lue dans une autre séance du Congrès, pré- cisément sur ce Pyrèthre dit « de Perse », et produit au Caucase. La commission préparatoire du Congrès avait posé dans ses circulaires, sur la demande du président de la sec- tion des végétaux, M. F. Zolotnitski, la question : « A quoi tient la décadence de l'industrie du Pyrèthre de Perse [Py- 7-eilirmn roseimi Bibrst ) au Transcaucase ? » j\L Mirzaïanz, de la maison S. Mirzaïanz C°, d'Alexandropol, qui s'occupe commercialement du Pyrèthre, depuis le début de cette indus- trie dans le pays, est venu y répondre. MM. Tikhomirov, Keler, Brandt, Chavrov sont intervenus de leur côté, et voici ce qui résulte du débat : Les mérites insecticides de la poudre, tirée des capitules floraux du Pyrcilirum roseum, croissant spontanément dans l'arrondissement d'Alexandropol, furent révélés en 18-48. Dès 1849, le gouverneur-général, prince Vorontsov, poussa plu- sieurs commerçants d'Alexandropol à exploiter la matière que les marchés étrangers appelèrent « Poudre de Perse », L'ACCLIMATATION EN RUSSIE. 'iSS et les indigènes : « Loui-dekh » (remède contre les Puces). Pendant quelques années les affaires marchèrent admirable- ment. Des maisons de Paris, de Berlin, de Vienne et d'autres grands centres envoyèrent d'une façon régulière des agents à Alexandropol pour faire leurs approvisionnements. La de- mande allait toujours en croissant; et, bien que la plante eût été découverte aussi depuis, dans d'autres localités du Caucase, la production se trouva vite au-dessous de la con- sommation. Les indigènes, trop âpres au gain pour refuser des commandes, et cependant incapables de fournir les quantités nécessaires de la vraie poudre de Pi/reihrwn 7^oseum, commencèrent alors à la sophistiquer par le pro- duit de la trituration de capitules d'autres espèces, produit très ressemblant à la vraie « Poudre de Perse » comme aspect et odeur, mais dépourvu, ou à peu près, d'action insec- ticide. Les maisons russes et étrangères, avisées du subterfuge, demandèrent alors aux producteurs de leur fournir, au lieu de la poudre, les capitules desséchés tels quels, espérant, par ce moyen, rendre la falsification impossible ; il n'en fut rien : les capitules des mauvaises espèces ne se distinguent pas assez de ceux des bonnes pour pouvoir être aisément re- connus par des personnes étrangères au pays. D'autre part, l'expédition en capitules est défavorable à la conservation du principe toxique, même dans le cas de fleurs de bonne origine. La « poudre de Perse » était donc bien déconsidérée sur les principaux marchés d'Europe au moment où fut décou- verte en Dalmatie l'autre espèce dont il a été question au début de ce paragraphe. Les Dalmates, plus avancés que les peuplades demi-sau- vages du Caucase, se mirent tout de suite à cultiver leur Pyrèthre sur une grande échelle, et, le commerce étant fait dans des conditions de probité parfaite, la poudre de Dal- matie ne tarda pas à supplanter complètement celle « de Perse » dans la consommation internationale. L'introduction du Pyrèthre de Dalmatie en Californie n'a fait naturelle- ment qu'empirer encore la situation des producteurs cau- casiens. Aujourd'hui on ne leur demande plus de poudre pour l'étranger que dans les années de mauvaise récolte en Dalmatie ; et même dans ce cas les commandes sont insi- gnifiantes. Et cependant, d'après des analyses citées par 4!ifa UEVUK DES SCIENCES 1... L'UHELLES APPLIQUÉES- M. Tikliomirov, professeur de matière médicale à la Faculté de Moscou, le Pyrôthre de Dalmatie et celui du Caucase sont en tout semblables au point de vue du principe actif qu'ils contiennent. D'après M. Keler, qui est l'un des grands dro- guistes de Moscou, les Pyrèthres spontanés tels que ceux exploités au Caucase, fournissent même une poudre beau- coup plus efficace que les individus cultivés ; la vraie poudre de Pyrètlire spontané, de bonne qualité, se paierait de 50 0/0 plus cher que la poudre des plantations. La plupart des per- sonnes ayant pris part à la discussion ont été d'accord pour trouver que pour relever le renom et le commerce du Pyrèthre du Caucase, le seul bon moyen est d'en faire une culture régulière. Cette solution s'impose d'autant plus, que les stations naturelles du Pyrcthrura roseum se sont consi- dérablement appauvries par le fait de l'accroissement de la population et des troupeaux. Des bestiaux, amenés en grand nombre par des peuplades pastorales kourdes et tartares, sont installés dès le commencement du printemps dans les pâ- turages élevés où autrefois se faisaient les principales cueil- lettes de Pyrèthre ; cette plante, qui ne se présente guère qu'à l'état d'individus isolés, dispersés un peu partout, leur va très bien ; ils ne se bornent pas seulement à la brouter, ils l'enlèvent avec les racines ; le résultat est facile à concevoir. Autrefois, il était possible de réunir dans les différents pays à Pyrèthre du Caucase, bon an mal an, 240,000 à 320,000 kilos de poudre authentique. Aujourd'hui, dans les meilleures années on n'en récolte plus que 48,000 à 80,000 kilos ; et dans les mauvaises années à peine 16,000 kilos. D'ailleurs, tandis que les quelques centaines de milliers de kilos du bon vieux temps ne suffisaient pas à la demande, sur les quelques dizaines de milliers d'aujourd'hui, chaque année environ 16,000 kilos demeurent invendus dans les dépôts d'Alexandropol et d'Akhaltsykh (M. Keler), Mais ceci n'est pas un argument contre l'opportunité des plantations ; car, du moment même où les précieuses qua- lités naturelles du Pyrèthre du Caucase seraient remises en lumière sur les marchés de l'intérieur de la Russie et sur ceux des pays étrangers, la production actuelle deviendrait du coup insuffisante et, à moins de plantations prêtes à parer à l'éventualité, nous verrions recommencer la vieille his- toire des falsifications et le procès serait à nouveau perdu. L'ACCLIMATATION EN RUSSIE. 457 La culture est donc indispensable. Cependant, elle n'a pas l'air d'aller sans quelques ditiicultés. M. Mirzaïanz raconte, notamment, que plusieurs tentatives dans ce sens ont produit « de très beaux capitules, fort décoratifs mais dépourvus de propriétés insecticides, bons tout au plus â figurer dans des bouquets ». D'après lui, cela tient à ce que Jes essais ont été faits dans des régions â climat peu convenable. Il voudrait que les plantations se créassent dans les localités mêmes où la cueillette des capitules spontanés est faite actuellement. Avant de terminei', disons encore que. d'après une infor- mation apportée par le professeur A. -F. Brandt, la poudre de Pyrètlire du Caucase s'est montrée comme remède effi- cace contre certain « puceron » qui cause des dégâts ef- frayants dans les vergers de la Crimée. Il y a donc là un nouveau débouché tout ouvert et qui pourrait être considé- rable. M. Mirzaïanz indique de son côté différents usages médici- naux auxquels le Pyrètlire sert dans son pays d'origine. Les indigènes du pays' d'Alexandropol emploient la poudre de Pyrètlire telle quelle ou en infusion acquée ou alcoolée, pour traiter toute sorte de plaies et les vers chez les bêtes domestiques de toute espèce, sans excepter la volaille. De plus, depuis quelque temps, le Pyrètlire est employé contre la gale chez les enfants. Une teinture alcoolée de Pyrètlire est appliquée comme remède contre les maux de dents. Mais revenons à la station de Tachkent. Il nous reste encore à parler de six plantes des plus utiles qui y ont réussi ou échoué : Le Gombo ou Bahmia [Hibiscus esculentus) convient par- faitement au climat du Turkestan. On sait que cette plante annuelle est cultivée principalement pour ses fruits à peine noués, mets que beaucoup de personnes trouvent délicieux. A la station, on a obtenu des récoltes très satisfaisantes même avec fort peu d'arrosage. L'excès d'irrigation est davantage à éviter, car, tout en favorisant une végétation des plus luxu- riantes, il retarde considérablement le développement des fruits. Un seul insecte local s'est montré friand du Gombo, le HelioUiis m^migera Hbn ; mais les dégâts par lui causés sont demeurés insignifiants. Le café étant inabordable pour une 4o8 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. grande partie de la population du Turkestan, M, Vilkins émet la supposition que le Gomho, dont les graines mûres conve- nablement préparées sont un excellent succédané du café, pourrait bien prendre dans les cultures du pays quelque im- portance à ce titre. lu Alfa (Macrochloa tenacissima) a. résisté plusieurs hivers de suite, aux plus fortes gelées, sans abri ni couverture; tous les ans, dans la seconde moitié de juin (date russe), il y a abondance de graines ; cependant, il n'a pas encore été constaté de reproduction spontanée. Des personnes ayant vu l'Alfa en Algérie ont trouvé que les touffes de la station n'étaient pas aussi hautes. Il serait puéril de vouloir faire cultiver l'Alfa dans le pays industriel- lement, aussi M. Vilkins n'y pense pas; mais il serait con- tent, dit-il, d'obtenir sa naturalisation dans la steppe. Rappelons à ce propos que TAsie centrale possède une graminée halophile indigène très pareille à l'Alfa, sous le rapport de ses propriétés textiles. Cette plante très remar- quable, le Lasiagrostis sidendens (tchi) a été décrite dans la présente Revue il y a quelques années. Le Chardon à Foulon {Dipsacus fallonum L.) vient admi- rablement. Cette culture a été tentée avec plus ou moins de succès déjà dans plusieurs régions de la Russie (entre autres dans le gouvernement de Minsk) ; mais la presque totalité des cardes employées dans les manufactures russes continue tou- jours à venir de l'étranger, plus spécialement de France. Au Turkestan, la culture de la Cardère pourrait, d'après M. Vil- kins, être substituée utilement à celle du Safflore {Carthamus tinctorius L.) qui s'y fait aujourd'hui, et qui ne donne pas de bénéfices suflflsants. V Arachide (Avachis hypogœa L.) s'est montrée à peu près incultivable dans la région pour deux raisons : 1° la plupart des « noix » nouées n'ont pas le temps de mûrir ; 2° le sol de loess, qui domine au Turkestan, est trop dur ; les tiges fruc- tifères n'y pénètrent point ; dans ces conditions, les fruits ne se nouent pas. Les Luffa de diverses espèces, « même celles des pays chauds, comme la Ltiffa Sooly-Qua », ont toutes réussi admi- rablement. Le Phylolacca decandra est devenu spontané après la L'ACCLIMATATION EX RUSSIE. 459. ■première année de culture ; les oiseaux du pays sont telle- ment avides des Laies, qu'ils n'en laissent pas une seule sur la plante. Ces Laies, rouges et sucrées, servent, comme on sait, dans des proportions importantes, à la sophistication des vins (1). Soukhoum-Kalé (Transcaucase). — Souklioum-Kalé est. de par sa situation, le plus admiraLle centre d'acclimatation qu'on puisse imaginer. Plusieurs horticulteurs d'initiative ont saisi les avantages de tout étaLlissement de culture dans cette région, et quel- ques-uns ont même déjà atteint des résultats remarquaLles. Parmi trois entreprises, dont M. Zolotniski a longuement entretenu le Congrès, la palme, au point de vue économique, revient au Vice-Président de la section des végétaux de la Société d'Acclimatation de Moscou, M. F. Noev. C'est par lui que nous allons commencer. M. Noev a oLtenu à Sonkhoum un résultat de la plus grande portée : la production industrielle, très avantageuse, de bulbes de Jacvdhes qui, d'après le rapporteur, ne le cè- dent en rien à ceux dont la culture est encore jusqu'à nos jours considérée comme l'apanage exclusif de la Hollande ; ils leur sont peut-être même supérieurs ; en effet, à Sou- khoum, les Jacinthes forment dans l'espace de deux à trois ans des LulLes d'une grosseur qui en Hollande n'est atteinte qu'à la quatrième année, et encore dans des cas exception- nels seulement ; mis à fleur, les hulLes de Soukhoum émet- tent trois , quatre et cinq superLes hampes tandis que les LulLes hollandais n'en donnent qu'une seule. La floraison serait aussi plus précoce que celle des LulLes importés ; il y a une différence de deux et même de trois semaines. Des variétés qui en Hollande passent pour tardives, se montrent précoces à Soukhoum. Avant de transporter ses essais au Caucase, M. Noev en avait déjà lait dans les environs de Moscou, et avait échoué. Émerveillé par les résultats des cultures de Soukhoum, il leur donna tout de suite une grande importance. En 1892, il (•] M. Vilkins est mort à Moscou, au moment même du Congrès. Il faut es- pérer que l'établissement, dont il a su tirer tant de profit pour le pays, ne périra pas avec son créateur. Ce serait trop dommage. 460 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. possédait d^jà un stock de 600,000 bulbes de Jacinthes. De- puis, l'entreprise n'a pas cessé de progresser. Les Tulipes, Jonquilles. Narcisses et autres plantes à bulbes ont donné des résultats comparables ; leur culture est aujourd'hui également faite industriellement et en grand ; les Jacinthes demeureront quand même l'affaire principale, car la consommation russe de bulbes de Jacinthes est de beau- coup la plus considérable. « Il est né là au commerce hor- ticole des Hollandais une concurrence des plus sérieuses », dit M. Zolotnitski. . ' Les Camellias prennent à Soukhoum, à l'air libi-e, en trois ou quatre ans, un développement que, dans les serres, ils mettent dix ans et plus à atteindre. Au « Jardin de Flore », dont nous aurons à reparler avec plus de détails tout à l'heure, il existe une allée de Camellias ayant environ 5 mètres de haut ; ces arbres sont âgés de quinze à vingt ans. En présence de ces faits, M. Noev s'est mis à produire les Camellias pour le commerce et a encore réussi. Cet horticulteur obtient aussi en grandes quantités, de su- perbes Palmiers, toujours à l'air libre. M. Zolotnitski parle d'une vingtaine d'espèces, dont : Clia- mœrops excelsa: Ch. humilis; Cocos aiistralis: C. Bonneli; Pfiœnix Canariensis; Pli. temds ; Sabal palmetlo; Prit- chardia filif'era, etc. Il a déjà été question' plus haut de la culture industrielle (['Orangers et de Citronniers faite dans la même propriété. Ç)i\di\\idL\\^ Amandiers, ils poussent presque à l'état sau- vage ; les amandes de la variété prédominante sont comme grosseur presque le double de celles importées de la région méditerranéenne ; une autre variété a les amandes plus pe- tites, mais d'une saveur exquise. La culture des Rosiers promet à son tour de gros bénéfices. Tous les ans, des quantités considérables de roses sont im- portées en Russie pendant l'hiver, d'Italie. Le trajet étant long, il n'y a que la variété jaune-rosée, appelée « Safrano », qui le supporte. Soukhoum pourra fournir, au contraire, une série de variétés superbes et dans des conditions meilleures. Les feuilles de Laurier constitueront encore un objet de commerce lucratif. L'arbre est pour ainsi dire sauvage à Soukhoum. Des expé- L'ACCLIMATATIOM EN RUSSIE. 46i ditions laites à titre d'essai ont prouvé que la feuille cueillie arrive à Moscou en parfait état. D'après M. Chavrov, le Laurier est déjà à l'heure qu'il est l'objet d'une exploitation considérable, dans le nu}me but, dans d'autres localités du gouvernement de Koutaïss, où il abonde en général sur les pentes des montagnes ; les habitants, pour dépouiller les arbres de leurs feuilles, les abattent tout simplement ; le Laurier serait même déjà, de ce fait, devenu beaucoup i)lus rare qu'il n'était. C'est là, naturel- lement, un excès qu'il s'agira de combattre énergiquement. 2. Le « Jardin de Flore, » créé par M. A.-N. Wedenski, aujourd'hui propriété de S. A. L le grand-duc Alexandre Mikhaïlovitch, couvre une surface de près de 9 hectares et représente un arboritum des plus merveilleux. Il a déjà été question de l'allée de Camellias. M. Zolotnitski signale en- core des Camphriers [Caniphora offîcbiarum) ayant des troncs de plusieurs pouces de diamètre; des Eucalyptus de dix ans, mesurant 15 à 1*7 mètres de haut sur 35 cent, de diamètre. D'après M. Chavrov, à Batoum, il en est de même; on 3^ récolte des graines parfaites à la cinquième année ; des D/'a- cœna [D. indivisa; D. superbissinia ; D. Veilchi) et Yucca { y. gloriosa, T. giganlea et autres) de 5 met. à 5"', 60 de haut ; de beaux Chamœrops, Acacias d'Australie (A. decurrens; A. melanoxylon; A. deaWata et autres); le Chêne-liège (Quercus suher); des Théiers de l"", 50 et au-dessus; des Grevillea robusia de 4'", 50; des Araucaria brasilieusis de 5"s60 ; des allées de Magnolias aussi superbes que celles des Camellias^ etc., etc. En tout, 100 espèces de conifères et 250 arbres ou arbrisseaux d'autres familles. Des échantillons des productions les plus remarquables de ce jardin avaient été apportés à Moscou par les soins et aux frais de M. Noev qui avait tenu à faire constater de visu, à tout le monde, ce que vaut Soukhoum. 3. Le Jariin de Son Ejccellence M. P. G. Talarinov, con- tigu à celui de M. Noev, couvre près de 11 hectares. Les espèces ne présentent pas encore les dimensions majestueuses qui font la fierté de M. Wedenski; mais la collection est encore plus nombreuse. M. Zolotniski la qualifie d' « éton- nante » : 32 espèces de Palmiers ; Broméliacées, 5 espèces ; Bambous, 14; Dracœnas, 8 ; Yuccas, 21 ; Agaves, 36 ; Aloës, 462 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. 12; Phormiums, 10; Liliacées, 66; Iris, 15; Cannas. 7 ; Ara- lias, 10 ; Aurantiacées, 5, dont Citrus trifoliata et C. myrli- folia; Berbéridées, 9; Bégonias, 5; Cactées, 55; Cupressus, 24; Tlmyas, 13; Retinospora, 11 ; Juniperiis, 22; Conifères divers, 125. Ericinées, 20. Acacias de la Nouvelle-Zélande, 17; Eucalyptes, 26; Myrtes, 30; Oléacées, 18, etc.; au total plus d'un millier d'espèces et variétés (la plupart ayant une valeur décorative). Tout cela a été obtenu en sept à huit années. « C'est un vrai jardin d'acclimatation», dit le rapporteur, et pas autre chose, car le propriétaire laisse aux autres l'exploitation commerciale des résultats acquis. Il ne tra- vaille que pour le bien du pays ; la générosité avec laquelle il distribue boutures, plants et graines à tout le monde, en est la meilleure preuve. Pendant que nous sommes au Caucase, notons un docu- ment fort instructif dans le volume des « Travaux » du Congrès, aux pages 108-112, c'est une liste complète des ar^bres et arbrisseaux représentés dans le district forestier de Signahli et au hameau de Lagodehlii (1) où habite, de- puis 1852, M. L.-F. Mlokosevitch, conservateur des forêts, dont le nom a été mentionné à plusieurs reprises au cours de cet article. Pour chaque espèce, la liste donne les altitudes propres à l'espèce dans les limites du district ; et pour les essences exotiques, la date de l'introductien et l'origine nominative des premières graines ou plants . Les espèces étant désignées, non seulement en russe, mais aussi en latin, cette liste, de près de 250 noms, sera facile- ment consultée, même par les personnes ne connaissant pas le russe. {A suivre.') (1) 41°, 31' de lat. N. ; (J^o, 56' Je longit. Est ; à 1570 pieds anglais d'alti- tude. LES SOCIÉTÉS PISCICOLES DE NORVÈGE ET LEUR ŒUVRE MUSÉES. EMPOISSONNEMENT. EXPOSITIONS. BUDGETS. ENCOURAGEMENTS A l'iNDUSTRIE DES CONSERVES. STATIONS d'expériences ET ÉCOLES. FARINE DE POISSON. ÉTAT GÉNÉRAL DE l'inDUSTRIE DU POISSON EN NORVÈGE. Exposé d'après un rapport de M. BORODINN A LA SOCIÉTÉ PISCICOLE DE RUSSIE. Les Sociétés piscicoles ont en Norvège, sur le développe- ment de la pèche et des industries qui s'y rattachent, une influence dont aucun autre pays n'offre l'analogue. D'une manière générale, c'est une chose fréquente en Nor- vège de voir des entreprises privées nées de la rencontre fortuite de quelques bonnes volontés, prendre une place et une importance assez grandes pour en imposer au gouver- nement et obtenir la direction effective des branches les plus considérables de l'industrie nationale. L'origine première de toute l'organisation actuelle est dans une petite Société d'hommes de bien, fondée dans la ville de Bergen. La Société débuta par l'étude de la situation à l'étranger. Puis elle se mit à instruire les pêcheurs par la voie de la presse et plus particulièrement par un système de 77insées et expositions qui constitue la partie la plus originale de sa propagande; l'utilité de l'entreprise éclata bientôt aux yeux de tous : l'industrie du maquereau salé à l'américaine par exemple, — article aujourd'hui exporté déjà en grande quantité — doit son introduction en Norvège entièrement à -la Société de Bergen ; c'est encore elle qui a enseigné aux pêcheurs norvégiens la préparation de conserves de poisson fumé confites à l'huile. 464 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. L'Etat ne tarda pas à s'apercevoir du parti qu'il y avait à tirer d'une institution aussi heureusement inaugurée, et alloua à la Société une subvention annuelle de 45,000 kroners. De toutes parts surgirent des sociétés similaires : aujourd'hui il y en a dix, comptant ensemble deux mille membres. Parmi ceux-ci, il y en a beaucoup qui sont de simples pécheurs. Leur humble situation sociale ne les empêche nullement de participer aux efforts communs avec un dévouement exem- plaire et une conscience parfaite des choses. C'est que les Sociétés en question ont su, dès le début, de- venir des instruments de travail et de progrès dont l'appui est vivement apprécié même par les plus simples. Les Musées attachés à chacune des Sociétés permettent aux adhérents de se tenir facilement au courant de toutes les nouveautés ; tout intéressé peut venir demander conseil et est 'SÙr de ren- contrer le plus cordial accueil. Les personnes désireuses de faire des essais avec quelque nouvel appareil avant d'en dé- cider l'achat, ont la faculté d'emprunter au musée, à cer- taines conditions fort acceptables, le ou les exemplaires de la collection de celui-ci ; de même lorsqu'elles en ont besoin comme modèle. Les constructeurs d'embarcations, entre autres, empruntent, couramment aux musées, des modèles de bateaux pour construire d'après eux ; plusieurs innovations dans l'outillage, propagées par ce moyen, ont déjà pris fer- mement pied dans le pays. Les Sociétés se rendent bien compte que leurs musées leur valent, plus que tout le reste, les sympathies du public, et ne ménagent ni efforts, ni argent pour les agrandir et les enrichir continuellement. Ce sont encore les mêmes Sociétés qui ont suscité un peu partout en Norvège la création de caisses d'assurances mu- tuelles des pécheurs contre les accidents ; d'asiles pour les invalides et les orphelins de la carrière, etc. Quelques-unes des Sociétés se sont assigné des tâches spé- ciales. Telle la Société d'Aretidal qui poursuit la multiplica- tion artificielle des poissons de mer, plus particulièrement de la Morue et du Homard. Pour arrivera son but cette Société a créé, à Fiodviken, avec le produit d'une souscri[.tion publique (30,000 kroners), un établissement de pisciculture « qui dépasse », selon M. Bo- rodinn, tout ce qui existe ailleurs dans ce 'genre au point de vue de l'importance des opérations. LES SOCIÉTÉS PISCICOLES DE NORVÈGE ET LEUR OEUVRE. 465 Ici encore, le gouvernement n'a apporté son aide qu'a- près coup. Aujourd'hui, la subvention annuelle de l'Etat est de 8,000 kroners. L'établissement consiste en un bâtiment à deux étages, si- . tué sur le bord du fjord ; il est [)0urvu d'un moteur à vapeur et d'un moteur à vent, pour assurer l'arrivage continu d'eau fraîche. Il n'y a pas, à proprement parler, de fécondation artifi- cielle. La Morue, sur le point de frayer, est mise dans un réser- voir situé plus haut que le bâtiment principal où se trouvent les appareils d'élevage. Ce réservoir peut donner abri à un millier de reproducteurs des deux sexes. Le frai se passe comme en liberté ; les œufs fécondés par voie naturelle surnagent ; le courant les emporte dans des caisses-collecteurs ; de là ils sont transportés dans les appareils d'élevage. La quantité d'œufs qu'on manipule ainsi s'élève à 620 litr.es, dont on obtient jusqu'à 200 millions de naissain en état d'être lancé à la mer. La Société se propose de doubler sa production à partir de cette année ; dorénavant il y aura donc quatre cent mil- lions déjeunes Morues versées dans la mer chaque année. . L établissement existe depuis 18o9. « En 1892 on constatait déjà «, d'après M. Borodinn, dans les fjords des environs, beaucouj) })lus déjeunes Morues qu'autrel'ois, sans qu'il y ait eu encore de résultat sensible au point de vue de la pèche ; les choses ne marchent pas aussi vite que cela dans la mer ; on aura cependant remarqué une notice rej)roduite derniè- rement dans presque tous les journaux de Paris et d après laquelle, cette année, il y aurait déjà eu accroissement sen- sible de la ]ièche même de la Morue, accroissement que les l)èclieurs n'hésiteraient pas à attribuer à l'établissement de Flodviken. Pour ce qui est du Homard, le travail de l'établissement n'est pas encoi'e sorti de la période des études préparatoires ; il n'a encore été l'ait que des essais sans importance. Les quelques petits établissements qui existent en Norvège l)Our l'élevage du Saumon ont la même origine que celui de Fb'xlviken. Ce sont encore des créations de Sociétés pro- vinciales, auxquelles le gouvernement n'est venu en aide 20 Novembre 1893. 30 466 HEVUK DES i^CIENCKS NATURELLES APPLIQUÉES. oiu'après. Les Sociétés réagissent Ibrteineiit sur le gouver- nement : les inspecteurs gouvernementaux de la pêche, ins- titution qui Conctionne fort utilement, ont été créés, par exemple, sous l'impulsion directe des Sociétés de pèche. Les instructions (lui régissent l'inspection ont été élaborées par elles. : On conçoit que, pour exercer autour d'elles une action aussi efficace et aussi multiple, les sociétés norvégiennes aient be- hesoin d'une organisation iiitérieure spéciale. Elles se dis- tinguent en ellét essentiellement des associations similaires des^autres pays par le lait quelles ont des secrétaires ap- ])ointés, choisis parmi les honunes les plus compétents et les plus énergi(iues de la région, touchant de bons traitements et pouvant, de cette manière, consacrer tout leur temps à la société. Le secrétaire est visible à son bureau tous les jours, et chacun peut venir lui demander conseil ; on est toujours bien reçu. Généralement le secrétaire gère à la fois le Musée et la Bibliothèque. ' ' * ' ' Les expositions périodiques, que les Sociétés organisent, de concert, tantôt dans un endroit, tantôt dans un autre, à tour de rôle, sont un autre grand moyen d'action. Leur succès va toujours croissant. M. Borodinn a pu visiter celle qui a eu lieu dernièrement à Christiansund. Il en dit le plus grand bien. Le plus souvent ces sortes d'Expositions centrales sont aussi l'occasion de Congrès, auxquels prennent part des délégués des Sociétés et les inspecteurs gouvernementaux. L'Exposition de Christiansund était l'occasion d'un Con- grès particulièrement imi)ortant. Ce dernier a travaillé du matin au soir pendant deux semaines ; c'est assez dire combien ces réunions sont sérieuses. L'une des décisions du Congrès mérite d'être signalée ici. car elle ne manquera pas d'avoir des conséquences essentielles au point de vue de l'or- ganisation future de toutes les Sociétés similaires et de leur rapport avec la Société mère. Notamment, jusfpi'ici la sub- vention de l'Etat était payée à la Société de Bergen ; celle-ci qui à son tour en cédait à chacune des sociétés formées à son exemple la part qu'elle jugeait utile de lui accorder. Dorénavant, la répartition se fera par les soins d'un co- mité composé de délégués de toutes les Sociétés. Les Sociétés LES SOCIÉTÉS PISCICOLES DE NORVÈtlE ET LEUR OEUVRE. 467 provinciales acquièrent ainsi une indépendance dont elles sauront, à coup sur, tirer le plus grand profit. Le budget général des Pêches. — Il va de soi que les So- ciétés de pèche n'auraient pas pu réaliser tout ce qu'elles ont fait, si l'Etat n'était pas toujours derrière elles pour les aider de sa caisse et de son autorité. En 1892, le Storting a alloué « pour la direction et le développement de la pèche » en tout 208,040 kroners, dont 5,200 destinés aux recherches scientifiques générales et aux études; 45,000 aux Sociétés; 7,000 à l'Ecole des Pêcheries sise à Bergen ; 4,500 à une autre, à Bodo ; 5,000 pour l'Exposition de Christiansund ; 1,000 « pour faire à Fhulviken des recherches sur l'élevage de la Morue et du Homard » ; 0,250 kroners pour les re- cherches scientifiques et essais, concernant l'élevage des salmonidés. Le reste est emplojé en traitements et autres frais, occasionnés par l'inspection des pèches. La Norvège a quatre inspecteurs pour la p(''che marine, et un pour la pèche fluviale. La direction centrale de toutes les institutions s'occupant des Pêcheries et branches connexes est entre les mains de deux fonctionnaires supérieurs, en rapport continu avec la Société de Bergen. Toutes les Sociétés, sans exception, se trouvent dans des centres importants de pêche . Parmi leurs adhérents il y a peu d'amateurs et de sportsmen, à rencontre de ce qui se passe dans les autres pays ; mais partout on trouve en majo- rité des industriels, des commerçants, des armateurs, tous personnellement et pécuniairement intéressés â la pèche, de simples pêcheurs, enfin, comme nous l'avons déjà dit, tout le secret du succès est là. « Il est curieux », dit M. Borodinn, de comparer l'activité brillante des Sociétés norvégiennes avec celle des autres l»ays: en Allemagne, dans chaque ville ou bourg où il est resté encore un peu de poisson, vous trouverez un » Fische- rei-Verein », mais ces « Vereins » passent tout leur temps à combattre les ennemis du poisson — oiseaux pêcheurs, lou- tres, etc., et ne s'occupent que fort peu du côté sérieux de leur mission. Pour ce qui touche plus particulièrement à la multiplica- tion artificielle du poisson, il n'y a que la Société du Hanovre 468 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. qui arrive à des résultats sérieux (« section d'Hanovre de l'Union Piscicole Allemande » ; spécialité de la pêche ma- ritime). En France, la centralisation administrative poussée à l'excès étouffe toute initiative privée. L'unique Société, consacrée directement à la pêclie et aux brandies connexes — la Société centrale d'Aquiculture — est encore trop jeune et trop peu influente pour pouvoir aborder de grandes entreprises. On pourrait s'attendre davantage à trouver quelque chose de comparable aux Sociétés norvégiennes, en Angleterre, ce pays classique de l'initiative privée et des Associations de tout genre ; il n'en est rien ; il n'y a qu'une seule Société connue, la « National Sea Fisheries Protection Association « de Londres, et encore n'a-t-elle rien produit de bien remar- quable. Ce jugement, pour un peu sévère qu'il soit, n'en était pas moins intéressant à l'aire connaître. Mais revenons aux Sociétés norvégiennes. Nous avons mentionné tout à Theure. en passant, les Ecoles de Pêcheurs. La Norvège vient de créer encore un nouveau genre, totalement « inédit », d'établissements d'instruction technique au profit de la population qui vit de la pêche ; nous voulons parler des Stations d'expériences et Ecoles pour V industrie des Conserves de poisson. L'année courante est la première année de leur fonctionnement. Le plan général en a été arrêté en 1892, pour deux villes : Bergen et Bod(). Une particularité intéressante des Stations d'expériences en question, est, qu'à côté des recherches scientifiques et essais propres du personnel chargé de leur direction, elles sont tenues « à prêter en même temps tout appui technique aux inventeurs de nouveaux procédés qui s'adresseraient aux Directeurs dans ce but, k titre privé»; le personnel ayant, dans ce cas, l'obligation de garder le secret absolu sur tout ce qui se passerait à la Station relativement au procédé mis en expérience. M. Borodinn, qui a visité la Station et l'Ecole de Bergen, donne sur elles les renseignements suivants : La Station comprend à la l'ois une usine en miniature et un laboratoire de chimie. .. , . LES SOCIÉTÉS PISCICOLES DE NORVÈGE ET LEUR OEUVRE. 469 La collection de machines et appareils de toute sorte est remarquable. La personne placée à la tête de rétablissement est un chimiste de carrière, ayant longuement visité, par mission de la Société des Pèches, les usines américaines, avant d'aborder son travail actuel. L'Ecole d'application, jointe à la Station, est calculée pour douze élèves. Elle ne fonctionnera que trois mois dans l'année, de février à mars, ce qui est la période principale de la pèche dans la région. Il y aura un cours de chimie appli- quée k l'industrie des conserves de poisson (six heures par semaine) ; deux heures de physique appliquée; deux heures de zoologie appliquée à la pèche maritime. Puis, vingt-huit heures de manipulations pratiques : emballage du poisson dans la glace ; congélation du poisson ; emploi des préserva- tifs chimiques pour l'expédition à l'état frais ; confection des boites en fer-blanc ; préparation et emballage des conserves de tout genre ; fumage, par voie chaude et par voie froide ; salaison du hareng et des autres espèces par les différents procédés en usage. Il y aura encore un cours d'une heure par semaine pour la législation des Pèches, statistique piscicole et usages commerciaux, et une fois par semaine, également, visite au musée et étude des collections. Les travaux pratiques, la chimie et la physique seront ensei- gnés par le Directeur lui-même. La zoologie, à titre gracieux, par le Directeur du Muséum d'Histoire naturelle de la ville de Bergen ; la législation et le commerce, par le bourgmestre de la ville, dans les mêmes conditions ; la démonstration heb- domadaire des collections du Musée des Pèches sera faite par le secrétaire de la Société. L'Ecole occupe l'édifice d'une ancienne prison ; ce bâti- ment a été fort bien aménagé pour sa nouvelle destination. Au rez-de-chaussée se trouve un atelier des boîtes en fer-blanc. On y applique tous les derniers perfectionnements de la ferblanterie. Citons, notamment, une chambre contenant un autoclave et une chaudière fournissant de la vapeur pour ce dernier et de l'eau bouillante pour tous les besoins de l'éta- blissement. Un manomètre, en communication avec cette chaudière, se trouve dans le cabinet du directeur qui peut ainsi vérifier l'exactitude des expériences sans se dépla- cer. Le sous-sol sert de remise pour le combustible, le sel et toutes les matières premières; il y a aussi une petite 470 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. glacière. Au premier sont situés le cabinet du directeur, un laboratoire richement installé et une vaste pièce contenant les nombreuses machines qui servent directement à la pré- paration des conserves. C'est là qu'ont lieu les cours de physique et de chimie et aussi les démonstrations des appa- reils. Dans la cour est un autre petit bâtiment pour la fabri- cation des conserves et pour le fumage. Tout cela est très économique , et convient néanmoins parfaitement au but poursuivi. L'école reçoit, gratuitement, des élèves des deux sexes ayant au moins 17 ans et sachant bien lire, écrire et calculer. Il n'y a pas de limite d'âge maxima. A la fin des études, les élèves, reçoivent un certificat. La gestion de l'école est con- fiée à un comité de cinq personnes. Le directeur fait partie de ce comité dont il est le secrétaire permanent. Les indus- triels delà localité ont leurs représentants dans le comité; cela contribuera beaucoup à établir des relations cordiales entre l'école et la population. En efî'et, la population prend une part active aux affaires de l'école, et la considère, par suite, comme sa propre œuvre; elle fera toujours tout son possible pour contribuer à ses progrès. L'école est créée sur l'initiative et les plans de la société de Bergen ; elle est subventionnée par le gouvernement qui lui allouera annuellement 7,000 kroners. Le Starting a en outre donné pour les constructions et l'acliat des machines 12,000 kroners. L'école de Bodo sera organisée de même; on n'y établira pas de station d'expériences, il y aura un cours de sciences élémentaires farithmétique, tenue des livres, dessin technique). Les études auront lieu du 15 avril au 15 juillet. Pour être admis il faudra toujours être âgé de 16 ans au moins. Puisque nous parlons conserves, signalons la farine de iwisson, produit très curieux et nouveau, pour la fabrication duquel il existe en Norvège deux fabriques ; le mode de pré- paration dans ces fabriques est différent. La farine de meil- leure qualité est préparée d'après la méthode de M. Voguel, prof, de chimie à l'université de Christiania. Cette méthode consiste en ce que le poisson débarrassé des os et de la peau est desséché à basse température et réduit en poudre. Le Gadus œglefimis seul est employé. Pour l'exploitation de cette invention, il s'est fondé une société (« Norsk fiskmehl LES SOCIÉTÉS PISCICOLES DE NORVÈGE ET LEUR OEUVRE. 471 sels Kobet ») qui a construit en 1891 à Vardoe une grande usine. Elle Iburnit annuellement au commerce jusqu'à 70,000 klg. de farine, qui est employée dans la préparation de mets tels que les poudings, les potages, etc. Dans ces derniers temps on a essayé avec succès d'en l'aire des biscuits en y mélangeant de la farine de froment. Ces biscuits contiennent de 10 à 40 % de farine de poisson, ont un goût agréable, et peuvent être conservés jjendant longtemps. Ils sont en outre très nutritifs, car ils contiennent d'après l'analyse jusqu'à 16 °/o de substances albumineuses. Le prix de cette farine est assez élevé, mais il ne faut pas oublier qu'un kilo de farine représente l'extrait nutritif de 20 kilos de chair de jjoisson et que la farine contient b'5 °/o d'éléments albuminés et extractifs. L'autre usine, établie aux Loffoden et qui compte déjà quelques années d'existence, prépare la farine en broyant la morue sèche débarrassée de sa peau (Stocktisch). Si les matières employées sont de bonne qualité, la farine ainsi produite convient parfaitement à l'alimentation de l'homme. Dans le nord, le « Stockflscli » de mauvaise qualité et les tètes de i)oisson fournissent une nourriture pour le bétail. L'usine des Loflbden a exposé à Christiansund un nouveau produit, des « copeaux de poisson ». On les obtient par simple rabotage de la morue sèche. Enfin, c'est encore cette maison qui a exi)Osé, toujours à la même occasion, de la rogue de morue à l'état desséché, bonne pour pou- dings, etc.. Les poudings de poisson constituent d'une manière géné- rale une spécialité de la cuisine norvégienne et des fabriques de conserves du pays. C'est, en effet, le mode le plus écono- mique de conserver le poisson, car on ne conserve que la chair, tout comme dans le cas de la farine de poisson. La différence est en ce que dans le premier cas on cuit la chair et on verse dessus le résidu gélatineux extrait de la tête et des os, tandis que, dans le second cas, on dessèche la chair pure- ment et simplement. Il va sans dire que, pour conserver le pouding, on le met dans des boîtes hermétiquement closes. Un tel pouding, préparé d'après le procédé Bakker, a obtenu à l'exposition de Christiansund une médaille d'or. Des pour- parlers sont entamés avec la marine allemande qui a l'inten- tion de faire des provisions de cette conserve, dont le prix est très peu élevé. 472 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Dans la fabrication de la farine ou du pouding, toutes les parties du poisson sont utilisées d'une façon ou d'une autre ; la tête desséchée sert à la préparation d'un guano fort recher- ché ; la peau fournit une colle ; la chair donne la farine ou le pouding ou toute autre conserve ; les œufs sont salés et servent en partie d'aliment, mais ils sont surtout exportés en France pour être employés comme amorce pour la pèche du hareng; enfin, le foie fournit Thuile qu'on connaît. On nous saura gré de dire, avant de terminer, quelques mots sur la pêche en Norvège en général. Son déveloi)pe- ment considérable est universellement connu. La Morue, dont la pèche des Lolfoden fournit des quantités innombrables, entre dans le commerce sous deux formes : à l'état desséché, non salé (Stockfisch, Rundfisch, etc.) et à l'état salé (Klipflsch). Les deux modes de préparation fournissent des conserves également répandues dans le monde entier. Quant au Hareng norvégien il est de qualité inférieure à celle du Hareng de Hollande et d'Ecosse ; si on en vend tout de même de grandes quantités, c'est grâce à ce que l'Allemagne et l'Autriche, les principales consommatrices du Hareng nor- végien, le transforment et en font des marchandises de haute qualité « Koll-hering » (hareng mariné, etc.). En outre, une partie notable des Harengs exportés de Norvège est fumée dans d'autres pays. La préparation, d'après le procédé norvégien, consiste dans le simple enlèvement (par les ongles) d'un petit morceau de peau avec de la chair et les nageoires pulmonaires en des- sous du gosier du Hareng. Les intestins et les branchies restent dans le poisson. La salaison s'effectue sur la plage dans les tonneaux mêmes. Comme particularité de l'industrie du Hareng, il faut signaler l'usage général de tonneaux con- fectionnés par voie mécanique et de préférence en bois de sapin. Au dire des Ecossais, la qualité relativement inférieure du Hareng norvégien tient en partie à la mauvaise qualité des tonneaux. En considération de l'abondance du poisson et du grand nombre de demandes de marchandise à bon marché, on ne saurait accuser les Norvégiens de routine pour les procédés primitifs qu'ils emploient. Cependant il faut dire que la diffé- rence de qualité a déterminé sur certains marchés l'évincé- LES SOCIÉTÉS PISCICOLES DE NÛRVÈliE ET LEUR OEUVRE. 473 ment du Hareng norvégien par celui d'Ecosse. Les efforts des Sociétés de pêche sont en conséquence dirigés sur l'introduc- tion des procédés usités en Ecosse, et avec la rare énergie des industriels norvégiens, il n'y a pas de doute qu'ils ne réussissent. Le procédé écossais se pratique même déjà, mais peu encore; de même que la préparation de la Morue sans peau ni os, à l'américaine. Pour conclure, citons quelques chiffres sur l'exportation : (1891?) 14,400,100 kilos de Stockfisch, Rundfisch et autres; 45,069,600 kilos de Klipfisch ; 194,914 hectolitres d'huile de foie de Morue ; 63,355 kilos d'œuls de Morue, et 61,539,326 kilos de Harengs (1). (1) On comparera utilement ces chilTres et renseignements à ceux donnés dans la Revue de 1892, dans un excellent travail de M. Berthoule dont celui-ci donne le complément nécessaire. ! n :• i; ;; ..M ,.-1.i- ,(( 1 II. CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. M. Milne-Edwards a présenté à l'Académie des Sciences une note de M. Remy Saint-Loup sur la continuité' craniologique sdriale dans le penre Lej^ns. Les naturalistes classifîcateurs considèrent le Lièvre, Lepus timidus de France, et le Lapin, Lepus cunfxulus du même pays, comme des espèces distinctes; quant au Lapin domestique, il est généralement classé comme une variété de l'espèce sauvage. Ces distinctions spéci- fiques sont-elles soutenables, et dans quelles limites? L'examen des caractères extérieurs du Lièvre et du Lapin ne permet qu'une distinction spécifique conventionnelle, appuyée sur les diiïé- rences de volume de deux types. La considération de ce fait que les noviveau-nés ne présentent pas, chez le Lièvre et chez le Lapin, le même état d'évolution, vient pour quelques auteurs autoriser davan- tage la distinction spécifique. Mais la comparaison anatomique portant sur les crûnes permettrait d'admettre une distinction très nette entre le Lapin domestique et le Lièvre, une différence moins profonde entre le Lapin de garenne et le Lièvre. Il paraît donc possible d'accorder aux classificaieurs l'espèce Lspus timidus et l'espèce Lepus cuniculus, à la condition qu'il s'agisse des types d'une région déterminée, de la France, par exemple. Mais il reste à savoir si la séparation ainsi admise ne sera pas rendue illusoire par suite de l'existence de formes intermédiaires ; M. Saint-Loup répond que : P Les crânes provenant de lièvres tués dans les différentes régions de nos déparlements et de l'Alsace présentent tous un écarlement de la région maxillaire supe'rieure, dont les dimensions sont telles que les nombres qui expriment la largeur de la fosse palatine antérieure et celle de la fosse palatine postérieure sont sensiblement égaux; de plus, la somme de ces nombres est sensiblement égale au cinquième de la longueur crânienne curviligne. L'auteur entend par longueur crânienne curviligne la somme des longueurs de l'occipital, de l'inter- pariélal, des pariétaux, des frontaux et des os nasaux ; 2*^ Les crânes appartenant aux Lapins domestiques (Lapin gris, commun, de clapier) présentent tous un écartement palatin tel que la fosse palatine postérieure a sensiblement moitié de la largeur de la fosse antérieure (rapport —-) ; en outre, la somme de ces largeurs est inférieure au septième et voisine du huitième de la longueur crânienne curviligne. Les caractères différentiels sur ces points sont donc de deux ordres : dimensions de l'une des fosses par rapport à l'autre ; dimensions de ces fosses par rapport au crâne. Il reste acquis, dans la limite des faits exposés, qu'entre des types animaux du même genre paraissant consti- tuer des espèces, il existe une série de types intermédiaires qui ren- dent au mot « espèces » sa signification illusoire. III. CHRONIQUE DES COLONIES ET DES PAYS D'OUTRE-MEF L'industrie du Guano de poisson à Yeso, d'après M. de Volan (1). L"ile de Yeso, connue officiellement sous le nom de Ilokaïdo, au- rait pu devenir depuis longtemps l'une des provinces les plus floris- santes du Japon. Eu effet, le sol se prête à la culture de l'indigo, du mai-;, du ble, des graminées fourragères ; il y a aussi de nombreux gise- ments de soufre, de charbon et d'autres richesses minérales ; les ports de Hakodate et de Mororan sont excellents ; la mer et les rivières abondent en poisson ; des forêts primitives promettent le plus grand profit à celui qui s'entendrait à les exploiter ; tout semble fait pour un avenir brillant. En 1871, ce pays attira l'attention du gouvernement japonais qui créa un ministère spécial des colonies (« KaUakoiissi ») pour s'en oc- cuper. En 1882 le ministère étant supprimé, Hokaïdo fut divise en trois préfectures (« Ken ») ; mais cet arrangement, lui aussi, ne subsista pas longtemps. En 1886 la gestion de l'île fut confiée à une nouvelle ad- ministration— « liokaidotchio » — qui réside à Sapporo. Ayant à cœur la colonisation de l'île, le gouvernement japonais adjoignit même au « ministère des colonies » un gênerai américain et quelques autres spécialistes. Après avoir dépense 18 millions en diverses fantaisies, le ministère en est cependant toujours au point de départ sous ce rapport que l'île est encore à peu yirés déserte. -. ■ ' Les .Américains ont fait néanmoins plusieurs tentatives utiles; et, entre autres, ils ont le mérite d'avoir fait faire de ?érieux progrès à une industrie fort curieuse dont nous voulons parler ici : l'industrie du guano de poisson. Le poisson est la principale des richesses de Yeso ; mais les marchés japonais et chinois sont très peu avantageux. Les pêcheurs ne pourraient donc faire un grand commerce qu'en four- nissant les marches européens et américains. Us ne sont pas encore assez avances pour cela; et la plus grande partie de la pèche ne sert qu'à la préparation d'un engrais qui est employé au sud du Japon. Cet engrais est préparé avec le hareng qu'on pêche en grande quantité sur la côte occidentale. La pêche commence au mois d'avril et finit au mois de mai. Les pêcheurs se servent de sacs qu'ils immergent à une profondeur de 40 pieds en les attachant à des radeaux ou canots. Le poisson prend ces sacs pour du chou marin, fond dessus et ne peut plus sortir. Pendant la période du frai, le poisson, selon les pêcheurs, ne voit pas clair ; il est donc alors facile de le tromper, comme ou voit, même sans avoir recours à (1) 4w/)rtys ) Castor fîber des naturalistes, habitait l'Europe presque » entière, depuis le Pont-Euxin jusqu'à l'Océan atlantique, y » compris l'Espagne et les Iles Britanniques. Il paraît même » en avoir existé dans l'Italie subalpine. Quant à la Grèce, » bien qu'Aristote fasse mention des Castors, rien ne prouve » positivement qu'ils aient habité au sud des Balkans, quoique » l'espèce fût si nombreuse vers les bouches du Danube, que » les Romains donnaient au Castor le nom de Canis ponti- » ficu.s (Chien du Pont-Euxin) et que Solinus ait été jusqu'à » dire qu'il ne s'en trouve que là. » L'auteur de l'article Les Castors dans l'Elbe (7) prétend que les Castors sont encore aujourd'hui nombreux dans ce fleuve, où ils ont renoncé, comme en France, à leurs construc- tions. Cependant M. de Noirmont nous dit qu'ils diminuent (1) EeriiC, 1888, p. 123. ,.., (2) 1888, p. 2o6. ■ ■■ •■ ' ; (3) N° du 23 mars 1SS8, p. 271. " ' '' .(4) Revue des Sciences naturelles appliquées, ISSO, p. 1-7. - '-'^ (.=i) 1888, p. -49-78. (6) La rivière la Bièvre. qui se jette dans la Seiije à Paris même, d"it son nom au Castor qui en vieux français s'appelle Bièore: (7) Revue, 1889, p. 1010. 484 REVUE LES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. en Allemagne. « De nos jours, outre le Danube, on n'en » rencontre plus qu'isolément sur les bords de la Nab, de la » Moselle, de la Meuse, de la Lippe, du Weser, de l'Allier, de » la Riss, du Rober, et l'on sait que sur tous ces points ils » tendent à disparaître. » Suivant M. V. Mayet, ils existeraient en Russie dans le Dnieper, en Allemagne dans la Vistule (ou Weser), et dans l'Elbe (1). En Bohème, ajoute M. Mayet, le prince de Schwartzemberg en a créé une colonie dans ses domaines, à Frauenberg et Rothenhof sur la Moldau. Il en existe une à Schunau et une autre à Sulina, dans le Bas-Danube. A Wormlitz, d'après Breum, le duc d'Anhalt a pris les Castors sous sa protection. Le château royal de Nymphenbourg en Bavière en conserve une tribu. Nous empruntons à M. de Noirmont des renseignements sur l'ancien habitat du Castor en Suisse : « Dans l'PIelvétie, » qui faisait également partie de la vieille Gaule, les Cas- » tors, au dire de Gessner, étaient encore communs au » xvi^ siècle, surtout le long de la Reuss, de l'Aar, de la » Limmat et de la Birse. Suivant M. de Tschudi, quelques » individus vivaient encore au siècle dernier sur les bords de 0 la Birse, de la Reuss et de la Thiele. » Les comptes-rendus des séances du Congrès de zoologie (2) publièrent une Note sur les Castors de la Russie occiden- tale, où M. A. Bogdanov fait mention des localités et des conditions actuelles de leur habitat dans la région. Malgré tout ces matériaux, l'étude des Castors était restée incomplète. En s'appuyant sur l'histoire du Castor d'Amérique, l'au- teur de la Castorologia (3) le rapproche du Castor de nos pays et apporte dans son ouvrage des notions nouvelles à ce sujet. Quand on sait que l'existence du Castor en Europe date du temps des animaux gigantesques comme VElephas primi- geniiis^ le Mastodon arvernensis, etc., etc., et que son ha- ll) Comptes-rendus des séances du Congrès international de Zoologie, Paris, ■1S89, p. .58. (2) Comptes-rendus (Paris), p. 63-64. (31 On the Historg and Traditions of the Canadian Beaver, par M. Horace T. Martin. Londres et Moulréal, 1892. NOTICE SUR LES CASTORS D'EUROPE ET D'AMÉRIQUE. hSo bitat comprenait alors toute l'Europe, la plus grande partie du Continent asiatique et le nord de l'Afrique, l'on s'étonne de ne pas le connaître davantage. Pourtant, en Amérique, depuis plus de deux siècles, les fortunes faites par ceux qui avaient le monopole de sa fourrure prouvèrent l'importance de ce commerce. On désignait, avec raison, le Canada comme étant le « home » du Castor. Mais Fopinion populaire qui limite son habitat à cette région est dans l'erreur. Il était beaucoup plus largement répandu. En Amérique comme en Europe, nous le voyons reculer graduellement devant les progrès de la civili- sation. Partout, l'on observe une diminution qui devient alar- mante et qui dans les deux Mondes subit les mêmes phases. Elle a pour conséquence l'établissement de lois protectrices. En Europe, l'existence du Castor ne peut durer dans des conditions qui lui sont contraires. Il est curieux de constater que quelques colonies ont survécu dans les solitudes sau- vages de la Scandinavie et que la Sibérie envoie encore sur nos marchés quelques-unes de ces fourrures, toujours plus rares. M. Horace T. Martin nous raconte, comme exemple, l'histoire du Castor dans les Iles-Britanniques, pour nous faire mieux saisir la question dans son ensemble. Grâce aux re- cherches d'archéologie, nous connaissons intimement la vie des peuples préhistoriques de la Grande-Bretagne. Les marques de dents de Castor dans les anciennes pi- rogues et leur présence à côté des outils primitifs en pierre, sont la preuve certaine des analogies existantes entre les découvertes de l'Angleterre et celles du Canada, où des dé- bris semblables remontant à près de trois siècles furent mis à jour dans quelques tribus indiennes. La découverte d'os de Castor sur un grand nombre de points de l'Angleterre et de l'Ecosse prouvent déjà que l'habitat de ce Rongeur s'étendait autrefois sur toute la Grande-Bretagne. On le chassait à cette époque ; mais, d'après les rapports de ce temps, le but de cette chasse était très différent de celui qui cause actuelle- ment l'extermination du Castor d'Amérique. Car en Europe, dans les âges les plus reculés, ce que l'on appréciait le plus chez cet animal, c'était ses propriétés médicinales, bien que sa chair et sa fourrure fussent très estimées. Mais le Castor anglais a eu son utilité économique dans la vie domestique des indigènes, en leur fournissant nourriture et vêtement. 486 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Vint une période, vers le douzième siècle environ, où on le chassa avec ardeur soit pour le castoréiim, soit pour sa peau. Celle-ci devint un article d'exportation pour le Conti- jient où elle était déjà appréciée (1). A cette époque, nous lisons que « Tivy se vante de possé- der seul cet animal vivant ». Il disparaissait déjà en Angle- terre. On fît certains efforts pour le protéger en vue de sa multiplication. Mais des documents datant de 152G ne le men- tionnent plus. C'est alors que la tradition vint amplifier l'his- toire du Castor anglais, et l'esprit populaire se trouva disposé à ajouter foi aux contes les plus fabuleux concernant le Castor américain. L'Europe, comme nous venons de le voir, en a conservé par miracle quelques colonies. L'Amérique septentrionale possède seule maintenant des Castors dont l'existence paraît être condamnée sur tous les autres points du globe. Avant de traiter de l'espèce canadienne, l'auteur de la Castorologia passe en revue les divers représentants de ce groupe qui sont : 1° le Castor musqué ou « Miisqimsh w ou Musk beaver [Fiber zlbeUiicus Cuv.) ; 2Me Coypou ou Castor sud-américain [Myoïiotamus coypu Mol.) ; 3° le Capy- bara ou Cabiai ou Cochon d'eau « Watp.r-1iog^-> [Hijdrûcliœrus capybara Erxl.) ; 4" le Castor du Canada « Canadian Beaver » que l'on doit considérer comme le type du groupe. On peut voir actuellement au Jardin zoologique d'Acclima- tation du Bois de Boulogne des exemplaires vivants du Coy- pou, du Cabiai et du Castor canadien. Le Castor musqué, unique représentant du genre Fiber, vient après le Castor proprement dit, si l'on tient compte de l'intérêt qu'il oflre au point de vue historique et commercial. Il habite l'Amérique du Nord. M. Horace T. Martin assurp que s'il augmente en nombre, il éclipsera bient(3t son pa- rent, le Castor. On prévoit d'ailleurs que le Musquash lui survivra. Sa rapide propagation et son habileté à se dissimu- ler lui donnent des avantages. (1) Nous savons qu'il existe chez le mâle deux glandes qui s'ouvrent dans le fourreau de la ver^'e. Le liquide à forte odeur musquée qu'elles sécrètent, sem- blable à celui du Chevrotin Porte-musc {Jloschns mnschifenis L.), possède une action thérapeutique analogue à celle du musc. Ce liquide se durcit par la des- siccatiou ; on l'exporte généralement enfermé dans les glandes. Il est connu dans le commerce sous le nom de Castoréum. NOTICE SUR LES CASTURS D'EUROPE ET D'AMÉHIQUE. 487 L'habitation du Miisquash ressemble beaucoup à celle du Castor; mais elle est creusée à une plus grande profondeur. Les légendes indiennes mentionnent souvent cet animal. Sa fourrure est recherchée pour la fabrication des chapeaux ; elle remplace même la fourrure du Castor, en restant à un prix moins élevé. Actuellement la i>eau du Musquash consti- tue un article de commerce très important sur le Nouveau- Continent. Elle sert, en outre, à imiter la peau du Phoque, les fourrures de la Loutre et du « Mink « ou Vison {Pidorius vison Briss.). Chaque année, la chasse de ce Kongeur produit plus d'un million de dépouilles. Sa chair est bonne. Le Coypou ou « Castor de la Plata » est encore voisin du Castor, bien (ju'il forme un genre parfaitement distinct. Vers la fin du siècle dernier, Ton prévoyait que le Castor allait s'éteindre au Canada, le commerce de sa peau prenant des I)roportions considérables, lorsqu'en 1820, l'emploi de la four- rure du Coypou vint répondre aux exigences des chapeliers ; abondante, assez fine et bon marclié, elle supplanta celle du Castor. Encore, n'aurait-elle point suffi, si la découverte de la soie n'était venue changer le mode de fabrication et la matière de nos chapeaux. D'entre tous les Rongeurs, le Capybara ou Cabiai atteint la plus grande taille. Malgré le développement de ses incisives, sa mâchoire est faible. Aussi ne fait-il preuve d'aucune habi- leté dans l'installation de sa demeure. Il ne donne de produit utile que sa chair qui est passable. Le Castor du Canada, assez voisin de celui d'Europe, est assurément le type le plus parfait du groui)e. La taille relati- vement forte de cet animal, la forme de ses 'incisives taillées en ciseaux, les travaux merveilleux de ses constructions, enfin, la finesse de sa robe et l'excellence de sa chair lui assi- gnent la première place. Nous ne décrirons pas le Castor que tout le monde connaît soit pour l'avoir vu dans nos ménageries, dans nos Musées ou pour avoir examiné les nombreux dessins qui le repré- sentent. Rappelons qu'il se distingue principalement des autres animaux que nous venons de citer par sa queue cou- verte d'écaillés et en forme de rame. Ses membres posté- rieurs sont huit fois plus longs que ceux de devant. Dans l'étude d'un animal, ce qui frappe d'emblée, ce sont les diff"érences individuelles ou constantes que l'on observe 488 REVUE DES SCIENCES NATUUELLES APPLIQUEES. dans sa coloration. L'ouvrage du D"' JohnRichardson » Fauna boreall-Americana » nous offre les renseignements les plus complets sur les variations du pelage chez le Castor d'Amé- rique. Elles se résument dans trois variétés principales. Le pelage normal est généralement brun marron. Mais si d'une part, il se change vers le sud en un jaune pâle, d'autre part, vers le nord, il devient brun noir. Castor noir. — La tendance vers le mélanisme est relati- vement rare. M. Hearne reconnaît le beau lustre qu'a cette fourrure; on y voit des reflets bleuâtres plutôt que bruns. La variété noire se rencontre surtout à Churchill sur les bords de la baie d'Hudson ; elle est purement locale et à peine constante. Sous le rapport de sa structure, le Castor noir ressemble entièrement aux autres Castors. Castor tacheté ou varie. — Cette variété fut considérée par M. Richardson comme plus rare que la variété noire. Ce- pendant toutes deux vivent ensemble près de la baie d'Hudson. Le Castor varié incline à l'albinisme ; la gorge et les flancs portent des taches blanches. Tous ses autres caractères sont normaux. Le Castor blanc est le plus rare. On n'en cite que quelques exemples. M. Samuel Hirn en vit un seul dans l'espace de vingt années. Le Prince de AVied nous parle des Castors qu'il observa en 1823 sur les rives du Yellowstone et assure que des albinos ont été souvent capturés le long du fleuve. Il y a vingt ans à peine, M. Harrison Young de Montréal, attaché à la Mission géologique du Canada, voyagea près du Petit-Lac des Esclaves et s'y procura neuf peaux qui étaient entière- ment blanches. Ce fait sans précédent dans les descriptions de l'espèce, suggère la possibilité de perpétuer une race blanche de Castors. . L'Indien attache une grande valeur à la fourrure blanche. L'heureux chasseur la convertit en sac pour renfermer des médicaments. Il emploie encore au même usage les peaux blanches du Phoque, de la Loutre ou du Musquash ; mais elles sont moins recherchées que celles du Canadian Beaver. II En hiver, le Castor met bas trois à quatre petits qui restent dans l'habitation oîi ils sont allaités jusqu'au printemps. A la NOTICE SUR LES CASTORS D'EUROPE ET D'AMÉRIQUE. A 89 l'onte (les neiges et de la glace des rivières, toute la famille se dispose à émigrer ; elle remonte de lac en lac et d'étang en étang. Ces animaux recherchent en cette saison, aux abords des forêts, les branches de divers arbustes et des fruits. La température étant plus douce, l'abri qui leur sert de lieu de repos consiste en une touffe d'herbes moelleuses située près de l'eau. A cette époque, on ne les chasse pas; ils passent tout l'été sans être inquiétés. Mais bientôt, les nuits deviennent plus fraîches et les Cas- tors songent à la demeure confortable qu'ils ont laissée au bas du fleuve. Ils la regagnent. Que de changements sont survenus au logis pendant leur absence : des glaçons flottants à la dérive ont emporté les digues, ou bien ont détruit une partie de leur habitation. On ne perd aucun temps; aussitôt tous se mettent à l'œuvre. Les plus vieux abattent de grands arbres aux environs pour raffermir les fondations, tandis que les jeunes transportant des branches, les mêlent à des racines et à des herbes qu'ils consolident avec de la boue en guise de mortier. On se hâte d'agrandir et d'augmenter le nombre des ter- riers ou ivasJies ; les entrées de la digue sont aménagées de manière à rester au-dessous du niveau de l'eau ; en hiver, cela permettra aux Castors de nager sous la glace. Enfin, tout est prêt pour l'hivernage. Bientôt, ils vivront continuellement sous terre ou sous la glace : ils seront obligés de chercher dans l'eau leur nourri- ture qui se composera uniquement de racines de Nénuphars [Nénuphar advena). Lorsque cette nourriture sera épuisée, un vieux Castor se dévouera pour sa famille. Il pratiquera une ouverture dans la glace et se hasardera à travers la neige jus- qu'au bois voisin ; là, il coupera un arbre pour rapporter des provisions à la colonie. Hélas ! bien souvent, ses traces dans la neige guident le piégeur qui s'en empare ; c'est à cette époque que sa robe est la plus fournie. Les bêtes de rapine, également affamées, le guettent au passage. D'après M. Martin, l'aire de distribution du Castor fut la plus vaste d'entre celles de tous les animaux du continent américain. Elle s'étendait avec l'habitat des Indiens, soit au sud, depuis le golfe du Mexique jusqu'au Rio Grande, entre l'Atlantique et le Pacifique, vers les régions polaires. L'espèce était plus rare dans les « Prairies » ; elle abondait surtout 490 lŒVUE DES SCIENCKS NATL'RELLKS APPLIQUÉES. dans les terres arrosées telles que la baie crHiulson, les bas- sins du Saskatchevan, du l\Iississipi et du Saint-Laurent. Autrefois les conquérants visitèrent ces pays de fourrures, plutôt pour ramasser d'autres trésors que pour recueillir des peaux. L'Indien lui-même ne chassait pas ces animaux pour leurs produits. A la Renaissance en Europe, cela changea. Les Français vinrent coloniser au Saint-Laurent, les Anglais et les Danois s'établirent près de la baie d'Hudson et le long de ce lleuve. Au temi^s de Champlain (1(304) une première suc- cursale fut fondée à Québec ; d'autres le long des rives du Saint-Laurent. Elles constituaient les principaux marchés de peaux. Ensuite, les chasseurs affluèrent sur les bords du Ca- taraqui et remontèrent jusqu'aux lacs Ontario ou Frontenac, Errié ou De Conti, occupant le pays des Hurons et l'Illinois. En ce moment, nous voyons les Iroquois et quelques autres peuplades tenter de protéger les colonies de Castors, mais sans succès. Lors de la lutte de l'Angleterre pour la conquête du Canada (1760-1820), l'animal avait beaucoup diminué ; des mesures de i)rotection furent alors établies. La comjiagnie commerciale de la baie d'Hudson obtint le monopole de sa fourrure. De nos jours, les colonies de Castors sont très disséminées sur le nouveau continent ; elles occupent principalement les hauts tributaires des grands fleuves. On rencontre les plus nombreuses à la base des Montagnes-Rocheuses, entre la baie d'Hudson et le Saint -Laurent, en remontant les rivières Frazer et Peace. Nous ne reviendrons pas sur les mœurs des Castors, les deux variétés d'Europe et d'Amérique ofl"rant peu de diffé- rence sous le rapport des habitations. On sait encore com- ment ces animaux s'y prennent pour abattre les arbres qu'ils scient à leur base. Un jour, le capitaine Bonneville observa, près du Snake-River, un Castor à la besogne ; mais le tronc, mesurant 18 pouces de diamètre, écrasa l'animal pris dans l'entaille qu'il pratiquait. Le volume de M. Levis H. Morgan : The American Bea- vc>^ an t his ivorhs, consacre de nombreuses pages très re- marquables aux travaux du Castor ; on y trouve décrites les nombreuses formes que peuvent prendre la digue, et les modes de creusement du canal. M. le marquis de Lorme, dans Canadian Pichires , loitfi Pca and Pencil (1885), NOTICE SUR LES CASTORS D'EUROPE ET D'AMÉRIQUE. 491 rapporte encore des observations personnelles à ce sujet. Les produits du Castor américain sont multiples. D'abord, sa chair passe pour être très fine. Longtemps on l'apprêta en faisant rôtir l'animal dans sa peau. Souvent on sacriliait pour un seul plat i)lusieurs fourrures. Quand l'exportation des peaux s'accentua et que l'espèce devint rare on renonça à l'apprêter de cette façon. La cliair est tendre, bonne en toutes saisons ; elle rappelle la viande de Porc. Aujourd'hui, on la débite encore sur les marchés ; on la voit figurer sur les menus des hôtels. Quelquefois on la sèche ou bien on en prépare des i)âtés. Les membres du « Beaver Club » (Club des Castors) de Montréal servent dans leurs banquets un Castor rôti. Les missionnaires en mangèrent pendant le carême, per- suadés qu'ils étaient que le Castor avait des habitudes ich- thyoïdiages ; pour cette raison on le détruisit même dans riatérêt de la pêche. La queue est un morceau délicat rappelant par son goût et par sa saveur le meilleur lard. De la peau, une fois tannée, on confectionne des mocassins, des gants, des guêtres, des ceinturons et des carquois. Le cuir en est fort et résistant ; chez les Hurons, il sert à re- couvrir les tentes ; dans d'autres contrées, la peau du Bison trouve le même emploi. Avant l'introduction des couvertures de fabrication européenne, les Indiens se revêtaient du « fog- gey » ou manteau en Castor, et l'exportaient même en Eu- rope. De nos jours, ils ne le portent plus. (Le « foggey « consistait en plusieurs peaux tannées et cousues ensemble sous forme de couverture ; le dedans en cuir était peint et orné de dessins variés.) Avec la graisse du Castor, l'Indien prépare un baume qui possède, parait-il, certaines propriétés thérapeutiques ; en particulier, celle de préserver le corps contre l'action du froid. Dans les régions polaires, cette qualité seule donne une très grande valeur à l'animal. Le produit qui a la plus grande valeur est le castoréum. Nous avons expliqué précédemment, en parlant de la struc- ture de l'animal, en quoi consiste cette substance. L'Indien l'a toujours appréciée pour ses propriétés thérapeutiques ; mais il l'estimait encore comme substance de luxe. Dans les assemblées du pays, on avait l'habitude de fumer la pipe en 492 IlEVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. pierre ou « calumet » nommé '< Pipe of Peace « (Pipe tle la paix). Or, (|uand le tabac manquait, on prenait ordinaire- ment de la moelle d'arbres [Klllinic] que l'on mélangeait au castoréum ; ce dernier donnait une saveur piquante et du parfum à la composition ; en outre, il possède des effets cal- mants. Le ciseau, fait en dent de Castor, resta longtemps un outil indispensable aux indigènes ; à l'arrivée des Blancs, il dis- parut. Les Indiens de l'Amérique septentrionale ne firent jamais usage du fer ; ils ne connurent pas non plus le silex des races néolithiques. Dans les riches dépôts du Lac Supé- rieur, ils exploitaient un peu de cuivre, mais ils l'appliquaient surtout à la fabrication d'objets décoratifs. Les peuplades semblent s'être contentées de cette région de bois, de corne, d'os et de silex. On sait que toutes ces matières, à l'excep- tion du silex, se laissent tailler par la dent du Castor. Leurs instruments en os servaient à fabriquer principalement les bateaux — faits en écorce de Bouleau —, les souliers de neige (mocassins), etc.. Quand l'Indien renonça à ces outils primitifs, le ciseau en dent de Castor fut aussi remplacé. Arrivons maintenant aux produits usités en médecine. 500 ans avant l'ère chrétienne, Hippocrate mentionne le casto- réum ; Pline nous dit qu'on chassait l'animal surtout pour ses poches. Car il s'écoula près d'un millier d'années jusqu'à ce que l'utilité de sa fourrure fût reconnue. Un ouvrage, publié en 1685, traite des remèdes tirés du Castor et de leurs appli- cations. Aujourd'liui, le castoréum est encore répandu dans les drogueries d'Amérique ; sa valeur tend à augmenter puis- qu'on paye une livre à l'état brut de 8 cà 10 livres ster- ling (200 à 250 francs). — Le castoréum russe est plus cher. — On compte généralement douze poches, soit six animaux pour faire une livre. Voici, d'après M. Martin, l'analyse de cette substance. Elle contient quelquefois des traces étran- gères à celles indiquées sur ce tableau. NOTICE SUR LES CASTORS D'EUROPE ET D'AMÉRIQUE. 493 CASTOR CASTOn ANALYSE DU CASTOREUM. DE RUSSIE. DU CANADA. Huile volatile 1.00 2.00 Re'sine (colophane) de Castor 13.85 58.60 Cholestcrinc. » ] . 20 Castorine 0.33 2.50 Albumine 0.05 1.60 Substance glutineuse 2.30 2.00 Produit solide d'eau et d'alcool 0.20 2.40 Carbonate d'ammoniaque 0.82 0.80 Phosphale de calcium 1.41 1.40 Carbonate de calcium 33 . 60 2 . 60 Sulfates de potassium, calcium et magnésium. 0.20 — Substance ge'lalineuse extraite parla potasse. 2.30 8.40 Substance ge'lalineuse extraite par la potasse et soluble dans l'alcool — 1 . 60 Membranes, peau, etc 20.03 3.30 E^u et déchets 22.83 11.70 98.95 100.10 Une thérapeutique qui semblera crédule autant (|u'arnérée emploie le castoréum, comme remède externe, pour guérir les maux d'oreilles, la surdité, les abcès ; il est utile contre la goutte, le.s névralgies, l'épilepsie, les tumeurs du foie et les sciatiques. Il possède des propriétés stomachiques et cal- mantes; il fortifie la vue. On s'en sert comme antidote pour les piqûres des Scorpions et des Tarentules; il combat les effets produits par l'Opium voire même certaines épidémies. Les médecins de la ville d'Ausbourg en Amérique l'ont in- troduit comme base dans la composition d'une trentaine de remèdes très répandus. Mais on doit l'administrer à l'état pur avec quelque précaution. On utilise la peau du Castor pour guérir les coliques, les spasmes, la consomption chez les enfants et même la folie! Dans les maladies nerveuses, l'épilepsie, l'apoplexie, la lé- thargie, l'asthme ou la dyssenterie, on fait usage surtout de la graisse du Castor. Son sang guérit aussi l'épilepsie ; son poil arrête les hémoiThagies. Ses dents, attachées au cou des bébés, facilitent, parait-il, la dentition; on les administre encore en poudre contre la pleurésie et l'épilepsie. Quant à la fourrure du Castor, son rôle est plus sérieux. Les peuplades primitives l'appréciaient plutôt pour son utilité 494 BEVUE LES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. comme vêtement que pour sa l)eauté. Le commerce des peaux remonterait au xv^ siècle, époque où le trafic avec l'Italie dominait le monde entier. Vers 1549, les relations commer- ciales avec l'Amérique lurent presque suspendues. Mais, en 1603, après la publication d'une charte royale, les marchés à fourrures prospérèrent de nouveau jusqu'en 1626. Puis, nous les voyons subir une crise. Leurs avantages sont exi)loités par une compagnie privilégée dirigée par un M. de Chanion qui songea surtout à ses intérêts personnels. — Les marchés les plus importants qui trafiquaient avec l'Europe étaient alors ceux du nord de l'Asie; . . En 1628, une Société qui s'intitule : Tlie Company of ihe one hundrcd Partners » (Compagnie des cent associés) est créée dans la Nouvelle-France, le Canada actuel. Elle dura Jusqu'en 1663. Les anciens documents prouvent que le premier établis- sement régulier lut fondé en 1603 à Tadousac (rivière Saque- ney); suivirent : ceux de Stadacona (Québec), des Trois- Rivières et de Ville-Marie (Montréal), ce dernier fut fondé en 16n. Longtemps celui des Trois-Rivières resta plus impor- tant que Ville-Marie. Mais depuis 1640, l'établissement de Montréal devint et demeura jusqu'à nos jours le véritable centre des marchés. Les peaux de Castor y affluent de tous côtés. Les missionnaires ont de tout temps i)ratiqué, à côté du prosélytisme, le commerce des peaux ; ils créèrent même plusieurs comptoirs. Le 2 mai 1669, le roi Charles II publia une charte qui ac- cordait à la Compagnie de la baie d'Hudson le monopole sur toute la contrée maritime, sous la condition d'établir un dé- bouché par la mer du sud. En outre, elle s'engageait à offrir aux membres de la famille royale qui arriveraient dans cette région, deux Élans et deux Castors noirs (1). Telle est l'ori- gine d'une des plus grandes entreprises commerciales amé- ricaines. Sous la domination britannique, la Compagnie de la baie d'Hudson avait rempli les obhgations de son contrat. La découverte du passage Nord-Ouest et l'expédition de, Franklin l'attestent. Elle fut d'ailleurs largement récom-- pensée par le trafic des fourrures. , i . . On constate avec intérêt que le. Castor était autrefois le (1] "Nous avons parlé précédemment de ceUe variété. fci NOTICE SUR LES CASTORS D'EUROPE ET D'AMÉRIQUE. iO."! seul moyen d'échange avec les peaux de divers animaux et tontes les marchandises. C'était la monnaie courante. On achetait pour deux Castors une peau de Loutre ou d'Élan ; pour un Castor, celle d'un Loup, ou hien une livre de cas- toréum, ou dix livres de plumes, ou une livre de tahac du Brésil. On échangeait contre un Castor et demi, un yard (1) de flanelle, ou vingt fusils. Enfin on ohtenait i)Our quatre Castors un gallon (1) de hrandy et pour douze Castors un canon. Nqy^ 1700, la Compagnie de la baie d'Hudson exportait annuellement 15.000 fourrures et 175,000 peaux. En 1715, selon M. d'Anteuil, les marchés français en rer-urent plus de 100,000 par an, représentant deirx millions de francs. Malgré les contestations qui s'élevèrent entre le Gouvernement du Canada et la province de New- York, cette proviuce fournit en une année 80,000 peaux. Au traité d'Utrecht qui pacifia rAmérique, il y eut encore une recrudescence dans le com- merce. Fort-du-Prince de Galles produisit 20,000 fourrures par an. Les dépouilles du Castor représentèrent bientijt les deux tiers de l'exportation de tout le pays. En 1700, il y eut une crise ; les marchés étaient encombrés. En voici un exemple frappant : un moment, on reçut une telle quantité de peaux à Ville-Marie (Montréal) que les trois quarts durent être brûlées ; le reste fut exporté. M. P. -A. Pichot nous donne dans le Jardin. d'Acclima- tation illustré (p. 120) les renseignements suivants : « En 1624, la compagnie hollandaise des Indes Occiden- » taies Inaugura ce commerce par l'exportation de 400 peaux ; » en 1635 ce chifïre s'était élevé à 14,981. Jusqu'en 1664, fin » de la domination hollandaise dans ce pa3-s, ce commerce » ne fit qu'augmenter; la peau du Castor était alors devenue » monnaie courante pour faire les échanges et les achats ; » le Castor lui-même figurait sur le sceau de la Nouvelle - » Amsterdam, aujourd'hui New-York. A partir de 1700, le » nombre des Castors diminua sensiblement dans l'État de » New- York. » D'après ce même ouvrage, la Compagnie de la baie d'Hud- son envoyait, en 1743, près de 150,000 peaux à Londres et à la Rochelle; en 18o4, elle en vendait à Londres .et. Édim- (1) Mesure qui vaut ',)14 milUmètres, soit environ 1 mètre. ['2) Equivaut à 4 litres. 496 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. bourg 509,240 peaux; en 1855, 62,352; en 1856, 56,033. Il y a nn siècle et demi, le classement des peaux différait de celui d'aujourd'hui. On recevait à Farmer Office huit sortes de fourrures, savoir : VALEUR d'une livre. 1° Castor gras d'hiver 5 s. 6 d. 2° Castor gras d'été 2 s. 6 d. 3° Castor sec d'hiver } „ „ , , J s. D d. 4° Castor dit Bordeau ) 5" Castor sec d'étd 1 s. 9 d. 6° Coaf Beaver ( 1 ) 4 s. 1 d. 7° Castor sec (Moscovite) 4 s. G d. 8" Mittatn Beaver [2] 1 s. 9 d. Selon M. Ch. Laboulaye (3), on divise actuellement les dé- pouilles en trois catégoiies, qui sont : « 1« les \)Qdx\y. fraîches, >7 qui proviennent de Castors tués pendant l'hiver, avant la 5) mue, et qui sont regardées comme des fourrures très pré- » cieuses, parce qu'elles sont garnies de poils longs, soyeux » et très fournis. — 2° Les peaux sèches, provenant de Gas- » tors tués en été, qui ont perdu une partie de leur poil et » qui sont beaucoup moins estimées ; enfin 3" les peaux w grasses, provenant de Castors tués en hiver, mais qui ont » déjà servi de fouri^ures aux sauvages pendant un certain » temps et qui sont imprégnées de sueur. Ces dernières sont » surtout employées pour la fabrication des chapeaux de » feutre. )^ Examinons maintenant ce dernier article de commerce. L'histoire des chapeaux de feutre, dont la forme varie à Fin- fini suivant les pays et suivant les climats, entraînerait un trop grand développement pour être exposé dans cette notice. On ne sait pas exactement à quelle époque le feuti^e fut em- ployé pour la première fois. Au xive siècle, les chapeaux de feutre constituaient un article de luxe dans toute l'Europe occidentale. On sait que les matières premièi^es qui servent à leur fabri- (1 ) Sert surtout à confectionner les manteaux dont nous avons parlé plus haut. (2) QuoQ utilise pour fabriquer les guêtres et les gants. l3j Dictionnaire des Arts et Manufactures. Paris, 1Î67. - - • NOTICE SUR LES CASTORS D'EUROPE ET D'AMÉRIQUE. 497 cation sont les poils des Castors, des Lièvres et des Lapins, des Agneaux et même des Chameaux. Ceux des Castors sont surtout estimés pour les chapeaux fins ; ceux du Lapin et du Chameau produisent un feutre plus grossier. Sous fin- fluence de la pression, les poils forment un tissu naturel, extrêmement solide qu'on nomme feutre. A qui reviendrait la découverte de cette propriété des poils? Nous l'ignorons. Cependant la légende l'attribue à saint Clément. Au cours d'un pèlerinage, saint Clément fut i)ris de fatigue; ses pieds meurtris l'obligèrent à s'arrêter. Dans cette halte, il aperçut un Renard qui guettait un Agneau. Le pèlerin, en homme charitable, effraya maître Renard pour sauver sa proie. L'A- gneau, en signe de reconnaissance, vint se coucher à ses pieds. Saint Clément se mit à le care.sser; sa laine lui parut si belle et si fine qu'il en prit pour panser ses blessures. Le pèlerin continua sa route. A son arrivée, il constata que la laine qui entourait ses pieds s'était transformée en feutre. Depuis ce temps, saint Clément passe pour le patron de l'As- sociation des chapeliers [Hatters Guild). En Irlande et dans tous les pays catholiques-romains, son anniversaire est fêté le 23 novembre. . :, « Le Castor, nous dit M. Laboulaye (1), est le ])oil le plus » lin employé en chapellerie; il est aussi le plus cher; sa ^> valeur est de 80 à 150 francs la livre anglaise qui équivaut » à 14 onces ou 434 grammes. (Il nous vient de Londres qui » le reçoit du Canada.) Les poils les plus estimés en Castor » sont ceux dont le pied est argenté ou rosé très clair ; la » pointe est généralement foncée, mais au tondage elle » tombe et laisse voir la nuance du pied. Quant à la prépa- » ration que l'on fait subir au poil du Castor, afin de pouvoir ^> l'employer, elle consiste à le dégraisser complètement et à » le souffler, c'est-à-dire qu'au moyen d'un ventilateur on » débarrasse le poil de tout le gros poil dur ou jarre qui » s'y trouve mêlé. » Le pelage du Castor a toujours été universellement estimé. Il y a deux siècles et demi environ, celui du Lapin tendit à le remplacer. Le Parlement anglais intervint pour empêcher cette substitution et établit en 1638 une loi sur ce commerce. En 1663, un bon chapeau en Castor coûtait 4 livres 5 shel- (1) Diction, laire des Arts et Manufactures. Loc. cit. a Décembre 1893. 32 498 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. lings, soit une centaine de francs. Sons le règne d'Elisabeth, ces chapeaux étaient très réitandns ; la forme et la couleur varièrent. Leurs Lords d'abord étroits s'élargirent; on pouvait les rabattre. Cela n'était point commode. On se mit à les relever sur un côté, puis sur deux côtés, ce qui forma une sorte de « bicorne ». Au tem])s de la reine Anne on porta le « tricorne » à trois côtés relevés. C'est le Coelied liât ou Continental liai. Plusieurs formes de tricorne continuèrent à être à la mode pendant tout le siècle dernier; ensuite ce genre se transforma en ce chapeau haut de forme en usage aujourd'hui. M. H. -F. Martin représente dans son ouvrage (1) les difïérentes modifications du chapeau de Castor. Nous y voyons figurés les modèles du Cack^'/lhat du continent (1176), et de la marine (1800), ceux de l'armée (1837) et du clergé (xviip siècle) jusqu'aux chapeaux civils : ^Yellington fl81"2), Beau -Paris (1815), D'Orsay (1820), Régent (1825). Nous signalerons encore un produit qu'on mentionne ra- rement dans l'histoire du Castor. Les piégeurs d'Amérique obtenaient par le nettoyage de la peau une sorte d'enduit. Ils s'en servaient, après l'avoir fait bouillir, en guise de goudron pour calfeutrer leurs bateaux. En Europe, les mar- chands d'enduits achetèrent même une grande quantité de peaux. Heureusement, les cornes et les sabots d'animaux divers sni)plantèrent bientôt les peaux de Castor dans cette application. On hésita longtemps à considérer le Castor d'Europe et d'Asie comme distinct de celui d'Amérique. Brisson, Linné, Bufïbn, Schreber admettaient une seule espèce. Cependant Georges Cuvier s'exprime ainsi : « Nous n'avons pu encore » constater, malgré des comparaisons scrupuleuses, si les » Castors ou Bièvres qui vivent dans les terriers le long du » Rhône, du Danube, du Weser et d'autres rivières sont dif- » férents de ceux d'Amérique 12). » Mais deux ans après la publication du Règne animai, Frédéric Cuvier exposa dans son Hisloire naturelle des Ma^nmifères {\819), les caractères d'un Castor canadien vivant alors à la Ménagerie du Jardin des Plantes, sans faire toutefois la comparaison avec celui d'Europe. Ce fut J.-F. Brandt qui élucida cette question dans (1) Castoroloi/ia, p. 125. , , . (2) Eègne animal, I, p. 191 (1817). NOTICK SUR LES CASTORS D'EUROPE ET D'AMÉRIQUE. 499 plusieurs notes insérées dans les Mémoires de VAcadérdie impériale des scl"nces de Saint-Pétersbourg (1). L'examen de ce naturaliste se porta sur une série de dépouilles, de squelettes et surtout de crânes du Castor dans ses différents âges, qui lurent recueillis par Wosnessenski, Kuprianow et Wrangel en Amérique, soit sur des spécimens envoyés par Ménétriés du Caucase et de Laponie. Les recherches de Brandt ont été récemment discutées par le D'" W. Ely dans un supplément à l'ouvrage de M. Lévis Morgan (2), que nous avons déjà mentionné en parlant des mœurs de l'animal. Elles peuvent se résumer de la façon suivante : sous le rapport de la taille, de la conformation des pattes, de la disposition des écailles de la queue, les deux Castors ne diffèrent pas sen- siblement. Quant au crâne, il office un caractère différentiel constant à tous les .âges. Les os lacrymaux comparés avec les dimen- sions de la boîte crânienne sont beaucoup plus allongés chez le Castor d'Europe que chez celui d'Amérique. En outre, une différence histologique a été relevée dans l'analyse du Casto- reum (3) provenant soit de Castors de l'ancien Continent, soit de ceux du Nouveau-Monde. Nous lisons dans la Revue Britannique (4) : Un jeune ento- » mologiste, M. A. Bonhome, a pris en 1803, sur des Castors » de Camargue, un curieux Insecte (5) parasite le Platypsyl- » lus Casions (Ritsema), découvert en 1869 par M. Ritsema » sur des Castors américains du Jardin zoologique de Rotter- » dam. )3 Cet Insecte est d'ailleurs figuré sur la planche 6 des Annales de la Société entomologi.que de France, pour 1884. M. A. Salle annonce dans ce même volume (6) que le Platijpsyllus américain serait identique à l'européen. (1) 18o5, p. 43-71). Beitrâge znr nâhei-e KcinUiii.se der Gattung Castor : UnierstichîiH'/ der Fra^/e, ob der Bihcr Amerika's von dem des Europàixch- Asiatischeu Continents spccifisch verschicden sci ? (2) The A^nerican Bcaver and his loorks. (3) Voyez les tableaux d'aualvse page 4'j3. (4) ^887, p. 57. (o) Hexapode (Martin) ? (6) P. CXLV (ISS.'i). SUR LA PLASTICITE EVOLUTIVE DES SALMONIDES sous L'INFLUENCE DES CONDITIONS AMBIANTES Par m. J. KUNSTLER. S'il est une question de haute importance pratique qui ait suscité, dans ces dernières années, beaucoup d'elïorts, de re- cherches et de travaux, tant théoriques que pratiques, c'est bien celle de l'élevage des salmonidés au moyen d'éléments nutritifs iilns ou moins lavorables au ])ur que l'on se propose d'atteindre. Il n'est guère de pays où ce problème ne soit l'objet des préoccupations de la plupart de ceux qui ont à cœur le succès des pratiques de la ]iisciculture. Grâce à une expérimentation persévérante, l'on a pu arri- ver à des i-ésultats fort importants. La science abonde en exemples qui démontrent l'influence immédiate du régime sur la jirospérité de ces poissons. C'est dans cet ordre d'idées que nous venons apporter ici notre contribution aux connais- sances déjà acquises et préciser, à l'aide de faits dignes de remarque, certains points encore peu mis en lumière. Les observations que nous avons faites montrent, en eflet, avec la plus grande évidence, que le mode de nutrition peut abou- tir aux extrêmes les plus inattendus. Ces observations ont jiorté sur de jeunes salmonidés, nés au ])rintemps dernier, et qui, par conséquent, ne sont pas en- core arrivés à l'âge d'un an. Dans nos aquariums, les jeunes Salmo irideus, nés au mois d'avril, atteignent actuellement de belles dimensions et pè- sent environ 125 grammes. Les autres espèces de salmonidés, quoique plus âgées, sont un i)eu moins avancées. Ce beau ré- sultat est attribuable à la manière soigneuse dont il est j)onrvu à leurs besoins. Cet exemple n'est donné ici que pour servir, en quelque sorte, de mesure pouvant constituer un.' base d'appréciation des faits suivants. SUR LA TLASTICITÉ ÉVOLUTIVE DES SALMONIDES îJOI L'espèce sur laquelle nos expériences ont porté plus spé- cialement est la Truite des lacs, originaire de la Suisse. Par des exemples de développements extraordinaireraent diffé- rents, cette espèce nous a permis de constater d'une farou fort intéressante l'effet du régime. Dans des conditions de nutrition défectueuses, tout dé- veloppement s'est à peu près complètement arrêté, souvent sans paraître affaiblir beaucoup les alevins. Ceux-ci, nés au printemps dernier et mal nourris ou ne mangeant guère, ont conservé des proportions minimes, une longueur de 3 ou 4 centimètres, et un poids de quelques grammes. Leur viva- cité n'en paraissait néanmoins guère amoindrie. Aujourd'liui encore, nous possédons des individus de 8 à 9 mois qui ré- pondent â la description précédente. Mais, dans d'autres conditions de milieu, le résultat a été bien différent. Des alevins de la même espèce, placés dans de petits étangs purgés depuis longtemps de tout poisson Carnivore et ricliement ensemencés de petits crustacés, ont atteint, dans le même laps de temps, des dimensions et un poids fort extraordinaires. Outre ces petits crustacés, Dapii- nies, Cyclops, Aselles, Gammares, etc., ces bassins étaient richement pourvus de petites Loches. Sous l'influence de cette nourriture animée, d'une abon- dance inépuisable, ces poissons se développèrent d'une façon inattendue. La pèche, faite au mois d'octobre, nous fournit des individus atteignant une longueur d'environ 40 centimètres et un poids de près de 800 grammes. Leurs ovaires avaient subi un développement correspondant; énormes, d'une lon- gueur de 20 centimètres, ils contenaient des œufs ayant déjà les deux tiers du volume des œufs mûrs et, par conséquent, peu éloignés d'une complète maturité. Nul doute que, grâce à ces individus, nous ne puissions opérer, cet hiver encore, la reproduction artificielle. Si nous arrivons réellement à cela, avec des poissons nés au printemps dernier, ce sera un fait de haut intérêt et ce sera un spectacle inattendu que celui d'alevins de l'année, capables de se reproduire (1). — Entre ces deux résultats extrêmes nous possédons les intermé- diaires les plus variés. (1) Depuis le dépôi de cet article, des pêches faites à la fm du mois de no- vembre nous ont donné des individus arrivés à la maturité sexuelle. 502 KEVUK DES SCIENCES NATLHELLKS APPLIQUÉES. Outre la constatation d'une plasticité évolutive extraoï-di- naire chez les Salmonidés, sous l'influence du régime, ces observations présentent encore un autre intérêt. La question de l'élevage des Truites et Saumons, soit au moyen de proies vivantes, soit à l'aide de débris hachés, est encore diversement appréciée par les auteurs qui traitent de ces méthodes. Il en est qui ont préconisé délibérément l'alimentation à l'aide de produits morts, contre ceux qui voudraient se rap- procher des conditions naturelles. Leur principal argument est que les petits crustacés qui sont les proies vivantes toutes désignées pour cet usage, pré- sentent un énorme développement tégumentaire, de telle sorte que les parties molles et assimilables ne leur semblent tenir qu'une place relativement minime et ne présenter qu'une importance peu considérable. Les faits énoncés plus haut démontrent péremptoirement que cette opinion est erronée et que nul raisonnement théo- rique ne saurait infirmer les affirmations des partisans de l'alimentation des alevins de salmonidés à l'aide de proies vi- vantes. La nutrition à l'aide de i)etits crustacés est préfé- rable aux méthodes précédemment adoptées. Une manière de faire qui donne de pareils résultats est, certes, au-dessus de certaines des critiques qui l'ont accueillie. Bordeaux, le 30 octobre 1893. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES Par Jules GRISARD et Maximilien VANDEN-BERGHE. (suite*) I.a famille des Anacardiacées comprend encore un certain nombre d'essences ntiles parmi lesquelles nous devons citer : Anaphrenium Abyssinicmn IIociist. (RJius insignis (>L!V., Ozoroa bisignis Delile) Afrique portugaise : « Qui- tnndo ». Petit arbre très ornemental par son feuillage d'un blanc argenté en dessous, originaire de l'Afrique tropicale. Les forgerons indigènes se servent de préférence du charbon de liois de cet arbre pour Ibrger les petits ornements de cuivre et de l'er que portent les nègres. Bouea diversifolia Miq. (Sumatra : Rammi oelan). Arbre o.e taille médiocre, des Lampongs. Bois d'un brun nuancé au centre, dur, compact, généralement employé pour faire des fourreaux de kriss et des bois de fusil. Le D. macrophylla Griff. (ô. Gandarla Bl.) est un grand arbre de Bornéo et de Malacca dont le bois est bon pour la charpente, mais rlont les Malais se servent surtout pour confectionner des fourreaux pour leurs armes. C'est un bois blanc jaunâtre tournant au brun vers le cœur, à grain moyen et très dur, ne se fendant pas en séchant. Cet arbre est connu dans son lieu d'origine sous les noms de « Ramania » à Bornéo, « Roo- minyah, Roomaniya, Baitool et Gandaria » en malais, et de « Goenajah et Kendara >3 en soudanais. Ces deux espèces donnent des fruits comestibles d'une saveur un peu acide. Buchanania sessilifolia Bl. [B. acnmlnata Turcz., Ilypericinca lucida Wall.) Malacca : « Katawa oudong », Petit arbre à feuilles alternes, simples, entières, coriaces, croissant spontanément dans les forets de la presqu'île de (*) \"oyez Revue, années 1891, note p. o42 ; 1892, \" semestre, note p. 583, et 2° senaeslre. note p. 517 ; 1893, l""- semestre, note p. 512, et plus haut, p. 29, 212, 3 If, et /:08. S04 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Malacca et aussi à Sumatra. Bois Liane jaunâtre pâle, tendre, d'une texture grossière, se gerçant profondément en sé- chant; peu ou point employé à Malacca, cette essence est utilisée à Sumatra dans les constructions indigènes sous le nom de « Ranglias halang ». Le B. floricla Schauer. [B. arliorescens Bl.) Java : « Popoan » Malais : « Ranghas manoek, Ingas hoeroeng » est une espèce originaire de l'ar- chipel malais, dont le bois ne sert que comme combustible. Campnosperma macrophylla Hooker f. {Bv.chanania raceimllora Min., B. macroxjhylla Min.) Banka : « Teren- tong, Tarantang, Berentang ». Sumatra : « Medang sangko ». Petit arbre de Sumatra, Bornéo, Banka, etc., dont le bois est utilisable dans la charpente et la menuiserie. Cam])nosperma aurlculata Hook. [Bv.chanania aiiricu- lata Bl.) Sumatra « Trantang » dont le bois est également employé dans la construction. Comocladia integrifoîia L. « Faux Brésillet «. Arbre fo- restier de la Guadeloupe a feuilles alternes, imparipennées, folioles op[)Osées. Bois d'un beau rouge, ressemblant à l'aca- jou, très dur, bon pour bardeaux, travaux de menuiserie, de marqueterie, de tour, etc. Un suc très caustique, acre, odo- rant, noircissant à l'air, découle des incisions faites au tronc. Le Comocladia dentata .Tacq. donne un suc analogue. Corynocarpus leevigatus Forst. (Merretia lucida So- LAND.) Nouvelle-Zélande : « Karaka ». Arbre de grande taille à feuilles alternes, simples, très entières, ovales ou cunéi- formes, glabres, penninerves, croissant spontanément dans les forêts humides de la Nouvelle-Zélande, notamment à l'île de Ghatam où il atteint environ 20 mètres de hauteur. Cette espèce est souvent cultivée dans ce pays comme ornement pour garnir les avenues, à cause de son beau feuillage tou- jours vert. Bois léger, à grain fin et mou, employé par les indigènes pour construire des canots ; peut également donner de bonnes planches pour la menuiserie commune et la fabri- cation des caisses d'emballage. Son fruit pulpeux est comes- tible, mais l'amande possède des propriétés vénéneuses qu'un séjour de quelque temps dans l'eau fait disi)araître. D'après M. Naudin, il existe des exemplaires de cet arbre dans les jardins de la Basse-Provence où ils résistent facilement au froid des hivers. Dracontomelon mangiferum Bl. [Poupariia mangifera LES BOIS INDUSTRIELS INDIGENES ET EXOTIQUES. 505 Bl., p. pinnata Blanco). Amboine : « Laoe » Java : « Ralio, Rawoe » Soudanais : « Daoe ». Grand arbre des îles de la Sonde dont le bois à grain grossier et à fibres assez courtes est employé dans les constructions indigènes et pour la fabri- cation de divers ustensiles d'économie domestique. Cette essence est de peu de durée et ne résiste pas aux attaques des insectes ni à l'humidité. Les feuilles et le suc qui exsude de récorce sont employés dans la médecine des natifs. Les fruits sont comestibles. Meîanochyla Maingayi Hooker f. (Malacca : Chungal Ijatu bi(kil). Arbre forestier de la presqu'île de Malacca. Bois blanc jaunâtre pâle avec un petit centre brun, à grain fin, d'une densité moyenne, enclin à se gercer en séchant, em- ployé comme supports de toiture dans les habitations ma- laises. Cette espèce fournit en quantité un vernis noir utili- sable. Le M. angustifolia Hook. f. est un arbre des mêmes localités où il porte le nom de « Rapat bookit ». Son bois, de couleur citron pâle, à grain moyen, dur, se gerçant en séchant est employé pour la charpente. Odiua Wodier Roxb. [Odina gînmnifera Bl., Rhusodina Hamilt., Spondias Wirigcni Hassk., Tapiria Wodier ^March.) Cyngalais : « Hig ou Ilik-gass «, Java : « Djaran, Garong, Goema goema, Koeda koeda », Tamoul : « Odian- piemi, Odian-marom », arbre d'une hauteur moyenne de 15 mètres, croissant à Java, à Ceylan et dans l'Inde. Bois rouge au centre, d'un grain serré, léger et sans grande résistance, employé à Java pour faire des selles et pour le montage des objet de vannerie après avoir été divisé en lanières ; dans l'Inde, le tronc entier est utilisé comme support des balan- ciers des machines à élever l'eau des puits et des étangs pour arroser les terres. Cet arbre laisse exsuder en grande quantité une gomme usitée dans la médecine indoue pour le traitement des con- tusions , entorses , etc. ; mélangée avec du lait de coco elle devient un aliment. A Java, les jeunes pousses et les feuilles sont mangées crues avec du riz. Les feuilles nour- rissent en outre la larve d'un insecte séricigène, VAttacus arrindla, qui produit un cocon formé de soie rousse, forte, nerveuse et élastique, avec la(iuelle on fait des bas et des chaussettes d'une longue durée ; c'est la soie Tussah ou Tiissor du commerce. L'écorce est astringente et utilisée 506 lUaUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. dans la guérison des }ilaies, de la goutte et de la dysenterie. Poupartia Borbonica Lamk. ( Spondias Borhûnica BAKEh.j Réunion : (^ Janvier, Evi marron, Bois Poupart, Sandal du p^^y-"^) Bois blanc-rouge ». Grand arbre à tronc droit, élevé, assez gros, originaire des iles Mascareignes ; léuilh.'s persistantes composées de neuf folioles ojjposées, acuminées. Bois blanc ou blanchâtre, tendre, mais assez résistant pour être utilisé dans les constructions. Ses fruits sont mangés ]iar les nègres. Sclerocarya Birrea IIochst. [Spondias Birrea Rich.) Abj^ssin : Gornalle. Yoloff : Biï^r, arbre élevé des forets de la Sénégambie, de l'Abyssinie, d'Angola et de l'Afrique centrale. Bois solide et résistant, employé surtout en menui- serie et pour faire des manches d'outils. Les indigènes retirent du fruit, (j[ui renferme une assez forte proportion de sucre, une liqueur analogue à la bière et qui est d'un usage très réi)andu ; elle se transforme en alcool par la fermentatioii. L'amande grosse et charnue possède â peu [)res la même saveur que la noix, elle est oléagineuse et les Abyssins la mangent. On en retire par expression une huile douce qui est employée dans les préparations culinaires et peut remplacer le beurre. Le Sclerocarya Cofra Sond., Jacoa du Ca[), foui'uit aussi un dru|)e sucré dont on fait une boisson fermentée. Semecarpus anacardium L. f ^Aiiacardiain laiifollum L.AMK., A ofllcinaruiii G.ertn.) Anglais ; « Marking nut ». Arabe : « Inqardiya w. Tamonl : « Sheran-Kottai ». Grand et bel arbre à tronc droit et à feuilles amples, lancéolées, crois- sant naturellement dans l'Inde, aux Philii*pines, etc., notam- ment sur le bord des cours. d'eau où il atteint ses plus fortes dimensions. Bois léger, joli, peu dur, propre à divers usages, mais sans emploi spécial. Cette esi)èce offre la i)lus grande analogie avec V Anacardiuin occldtnlale et n'en ditière que par les organes sexuels de sa fleur. Son fruit est une noix ovoïde semblable à la noix d'Acajou dont elle partage toutes les i)roi)riétés. Ce fruit est connu depuis plusieurs siècles sous les noms de Anaca>de d'Orioil, KoIjo des Marais on Fève deMalic; il est emi)loyé dans la médecine arabe. Dans l'Inde, riiuiie acre et vésicante fournie par le péricarpe du fruit est usitée dans les affections cutanées et aussi comme remède préventif contre les attaques des fourmis blanches. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. ;J07 SemccarpKS Atra Vieill. et Depl. [Oncocarpvs AIra Sekm., Rhus Ah-a Forst.) Nouvelle-Calédonie : « Atra, Nolé ". Arbre d'une hauteur de 10-15 mètres, à tronc droit, très i-ameux, revêtu d'une écorce subéreuse, à lèuilles ellip- tiques-lancéolées, coriaces et cassantes, croissant communé- ment â la Nouvelle-Calédonie dans tous les sols. Bois léger, tendi-e, poreux, facile à travailler, recherché des indigènes pour faire des pirogues parce qu'il se creuse aisément. Le suc blanc laiteux dont l'écorce est imprégnée se noircit à l'air et se transforme en une espèce de laque noire et brillante, nom- mée rrsine de Nolé, possédant des propriétés toxiques éner- gi(|ue< (]ui rendent l'exploitation de cet arbre assez dange- reu>:.^ Dissout dans une quantité d'eau proportionnée, ce produit donne une belle teintui'e noire. Le l'ruit est un drupe assez gros, réniforme, dont la l)ase est enclavée dans une soi'te de cupule comprimée, blanche ou pouri)re. La Ponrme de yole est comestible et fournit, après avoir été écrasée dans l'eau, une boisson analogue au cidre; l'amande se mange aussi cuite ou grillée. Le sarcocarpe laisse exsuder des gout- telettes d'une huile très caustique comme celle de la noix d'Anacarde. Enfin, le tronc des vieux arbres renferme la larve du Mallodon cotœsius recherchée par les Néo-Calédo- niens comme une friandise. St',/i"car/nis /iele?' Malgache « Voa Sorindi ». Arbre à feuilles alternes, imparipennées, qu'on rencontre principalement à Madagascar et aux îles Mascareignes. Son bois, quoique médiocrement dur, est employé pour divers travaux de menuiserie. Son fruit, assez semblable comme forme et comme couleur à nos olives, possède une pulpe à saveur térébinthacée qui ne répugne pas aux Madécasses qui le consomment. Swintonia Scîi-wenkii . Kurz. [ Anaux anovetalum Sc/iioenkii T. et B.) Malacca : « Balow ou Barlow. » Grand arbre de Malacca. Bois blanchâtre, légèrement strié de brun, sans éclat, très dur, d'un grain moyen, très durable dans l'eau de mer, ne se gerce pas en séchant, recherché pour la construction des chaloupes. FAMILLE DES GOWNARAGÉES. La famille des Connaracées se compose d'arbres ou d'ar- bustes quelquefois sarmenteux , à feuilles i)ersistantes , al- ternes, imparipennées ou rarement trifoliées, dépourvues de stipules. Ces végétaux se rencontrent dans les régions inter- tropicales de l'Asie, de l'Afrique et de l'Amérique ; leurs usages sont peu nombreux. Les Connaracées contiennent, en général, dans leurs tissus dermiques une certaine quantité de subs- tances résineuses, balsamiques, qui les fait employer comme toniques astringents. Plusieurs espèces sont ornementales par leurs fleurs odorantes ou leurs fruits de couleur rouge ou orangée, quelques-unes ont un arille comestible et des graines oléagineuses. La plupart ont des fruits garnis de poils brû- lants. Le nombre des arbres à bois utile est fort restreint dans cette famille ; nous nous bornerons à citer les suivants : LES BOIS INDUSTHIKLS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 509 GONNARUS LAMBERTII IIooK. Bois de zèbre. Connariis Guianens's Lamb. mss. Omphalobium Lamhertii DC. Anglais : Zelra /nood. Guyane : Uaiawaballi, Hiawa-halli. Gi'and arbre pouvant atteindre une hauteur de 30 mètres environ, à feuilles alternes, imparipennées, composées de 3 folioles elliptiques-oblongues, aiguiis à la base, glabres, submenibraneuses. Originaire de la Guyane cette espèce se rencontre dans les savanes sablonneuses et les sols rocailleux de l'intérieur, mais elle y est très rare. Le bois fourni par cette espèce doit son nom aux bandes d'un brun rouge clair qui alternent avec de larges zébrures plus obscures d'un très bel effet. Quoique un peu lourd, le Bois de zèbre est très recherché des ébénistes à cause de son travail facile et de sa grande beauté, pour la confection des meubles de luxe ; sa texture serrée le rend susceptible de recevoir un poli brillant. L'aubier, d'une consistance plus lâche et surtout moins régulière, doit être rejeté comme sans utilité, mais le cœur, d'un diamètre de 30-35 centi- mètres, possède un grain net et une jolie coloration qui en fait sa valeur; sa densité est de 1,032. Ce bois est très peu répandu dans le commerce et on le considère même comme presque introuvable. L'écorce renferme un suc gommeux dont nous ignorons l'usage. L"arille charnu du fruit est comestible et l'amande passe pour contenir une grande quantité d'huile. Le Connarus semidecandrus Jack. (Sumatra : Haraoe, Karaboe, SUatoet] est une espèce originaire de Sumatra dont le bois s'emploie pour toitures. Le Rourea pulchella Planch. (Malacca : Bahatay dookit) donne un bois dur, de couleur brun ohve pâle, à grain moyen, qui a le défaut de se gercer en séchant, aussi, quoique employé dans la construction, son usage est-il limité. Le KaijH Kliit Sana, variété de l'espèce ci-dessus, fournit un bois rouge, dur, à grain fin, se fendant par la dessicca- tion, qui est surtout utilisé pour faire des pilons à réduire le riz en farine. 510 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. FAMILLE DES LÉGUMINEUSES La famille des Légiimmenses comprend des végétaux de toutes dimensions et du poi-t le plus varié, depuis les arbres les plus élevés jusqu'aux plantes herbacées les plus humbles. Leurs Ceuilles sont souvent alternes, simples ou le plus gé- néralement composées et stipulées. Los espèces nombreuses, qui composent cette iamillo, lia- bitent dans presque toutes les régions du globe, sous toutes les latitudes, à toute hauteur, sous tous les climats excepté pour- tant dans les régions glaciab^s. Les plantes ligneuses se ren- contrent plus communément dans les parties chaudes de Thé- misphère austral tandis que les plantes herbacées abondent dans les latitudes tempérées de l'Ancien-Monde, devenant relativement de plus en plus rares dans les pays tropicaux. Si on les considère dans leur ensemble, le nombre total des es- pèces va en augmentant des pôles câ l'équateur ; elles deviennent extrêmement nombreuses dans les zones torrides et tempérées. Les Légumineuses peuvent être comparées aux Graminées au point de vue de l'utilité générale, car elles servent d'ali- ments aux hommes et aux animaux, tout en fournissant beaucoup de substances précieuses à la médecine, aux arts et à l'industrie. Toutefois, nous devons dire qu'elles ne sont pas uniformes dans leurs produits, et qu'elles en renferment au contraire de si variés et même de si disparates, que l'on peut avancer, sans exagération, que cette intéressante famille na- turelle représente à elle seule tout une partie du règne végé- tal. C'est dans cette famille surtout que se rencontrent les plus beaux bois d'ébénisterie, et les meilleures essences forestières employées comme bois de travail et pour les cons- tructions de toutes sortes. Un grand nombre d'espèces sont alimentaires par leurs gousses ou leurs graines à fécule abondante, par exemple les Pois, les Haricots, les Fèves, les Lentilles, etc. ; les semences souterraines de l'Arachide fournissent, en outre, une luiile très appréciée. Les plantes herbacées sont riches en prin- cipes nutritifs et très souvent cultivées comme fourrage, tels sont les Trèfles, Luzernes, Sainfoins, etc. Les feuilles des Cassia constituent le « Séné », bien connu pour ses propriétés purgatives ; les graines du Cytise, du LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. oll Baguenaudiei' et du Genêt, jouissent également des mAnies propriétés, qui deviennent même cathartiques dans quelques espèces. Les écorces cVAndira renferment un principe très amer qui lui donne une action vermifiige. Les espèces des genres Copaïfera et Myroxijlon Iburnissent à la thérapeu- tique les baumes de Copaliu, de Tolu, du Salvador, etc. L'écorcc des AcacVi laisse exsuder les gommes dites « d'Ara- bie ou du Sénégal » ; c'est encore à un des arbres du genre Acacia (\\\% nous devons le « Cachou » regardé connue le plus énergique dos astringents. Les Plerocarpus fournissent les sucs gommo-résineux appelés « Kino » et f. Sandragon ». la'Hymenœa donne une très belle résine qui est la base des vernis copals; dans les Myroxylou., cette résine est parfois odoriférante et est alors brûlée comme parfum. Les graines des Dipterix sont également riches en principes aromatiques et utilisées en parfumerie. Beaucoup de plantes de la famille des Légumineuses con- tiennent dans leurs diverses parties des principes colorants bleus, rouges ou jaunes, très recherchés dans l'industrie, tels sont l'Indigo, le bois de Campêchc, les Brésillets, le Santal rouge, le Sappan et autres bois de teinture. Les Sop/tora et les Cladrasiis produisent également des matières tinctoriales. Si dans certains de ces végétaux on observe un principe sucré (la racine de la Réglisse, les gousses du Caroubier, du Tamarinier et de la Casse), on rencontre chez d'autres un principe vénéneux, quelquefois simplement narcotique, comme dans le Piscidia, souvent toxiques comme dans l'Anagyre, le Cytise et surtout dans le Pliijsostigma. Rappelons enfin après cette bien incomplète énumération de produits utiles, le remarquable phénomène que présentent certaines Légumineuses : celui d'avoir un mouvement très marqué dans leurs folioles, soit lorsqu'on les touche comme les Sensitives, soit au déclin du jour, où elles semblent prendre part au repos de la nuit et se livrer au sommeil, comme cela s'observe dans les Mimosées. PAPILÏONAGEES Les Papilionacées qui forment la subdivision la plus im- portante de la famille des Légumineuses, se composent d'ar- 312 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. bres, d'ai'bustes et de plantes herbacées vivaces ou annuelles. Leurs feuilles, opposées dans le jeune âge, puis alternes, sont souvent simples ou pennées avec ou sans impaire, souvent trifoliées lorsqu'elles sont, dans le premier cas, réduites à une paire unique, unifoliées lorsque, dans le second, les paires latérales avortent, quelquefois même manquent toutes, elles sont remplacées par le pétiole métamorphosé en vrille. Leurs stipules, plus ou moins développées, souvent foliacées, quel- quefois spiniformes, sont persistantes ou caduques ; à l'origine des folioles, se trouvent parfois aussi des stipelles. Les plantes de cette sous-famille se distinguent aisément par leurs fleurs à corolle ordinairement irréguliëre offrant les couleurs les plus vives et les plus variées. On y trouve un grand nombre de végétaux, tant indigHînes qu'exotiques, très intéressants au triple point de vue de la médecine, de l'agri- culture et de l'industrie. Les bois d'œuvre et de luxe n'y sont pas rares, mais ils sont plus répandus dans les régions chaudes qu'en Europe. ANAGYRIS FŒTIDA L. Anagyre fétide. Anagyris gïauca IIort. — Neapoiitana Ténor. Arabe : Anar'' Ourèn. Januebotil. Karoua ou Kheroaa, Solani. (le Iriiil) : Khc- rouh-el-Muâi. (Alf^érie) : Bon mcnten. (Berbère) : A'inoutouac, Sortie, Khe- rouh-el-Khi^n^ir, Bcgoul-el-Eelnh, (le l'ruil) : Tlrille (Kabjle) : Oiifenin-eu~ Tar' at. (Tunisie) ; Kharoub-el-Klab , Arbrisseau très ornemental, d'une hauteur de 3-4 mètres au plus, sur une circonférence de 50-80 centimètres, à tige droite et rameuse, revêtue d'une écorce cendrée. Feuilles persistantes, stipulées, alternes, trifoliées, à folioles sessiles, ovales-oblongues, terminées par une petite poiute, d'un vert glauque en dessus, pubescentes en dessous. Originaire de l'Europe méridionale et du nord de l'Afrique, cette espèce croît dans toutes les îles et sur le pourtour du bassin de la Méditerranée, l'Egypte excepté, dans les lieux secs, pierreux, exposés au midi, sur les rochers et les coteaux arides. Son bois, de couleur jaune brunâtre devenant d'un brun foncé en vieillissant, est lourd, très dur, compact, assez ho- mogène et résiste longtemps aux intempéries. Etant frais, il LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 513 exhale une odeur désagréable, surtout lorsqu'on le frotte, ce qui lui a fait donner le nom de Bois puant. Les Arabes' en font des arcs très résistants, ainsi que des piquets de tentes et d'excellents éclialas. Malgré ses faibles dimensions, ce bois est assez beau pour être employé à des ouvrages de tour, de tabletterie, de lutherie et autres objets demandant peu de volume. Le fruit est une gousse un peu recourbée renfermant 3-5 graines, bleuâtres à maturité ; cette gousse et les semences qu'elle contient ressemblent beaucoup aux haricots communs, mais elles sont vénéneuses et ont même parfois occasionné des empoisonnements. Toutes les parties de la plante, notam- ment l'écorce, possèdent une saveur amère et une odeur désa- gréable. MM. Hardy et Gallois en ont retiré un alcaloïde très toxique, VAnagyrine, considéré comme le principe actif. Cette substance parait agir surtout sur le bulbe et les fonctions respiratoires. Les feuilles sont légèrement purgatives et peu- vent être comparées au Séné. L'A. fœlida est cultivé en pleine terre dans le midi de la France sous le nom de Caroubier nabalhéen, mais il de- mande la serre d'orangerie dans le nord; on le multi[)lie de graines. ANDIRA AUBLETII Bknth Angelin de la Guyans, Wacapou. Andira Pisonis Avtor. ' ■■ — racemosa Lamic. . ■'•- • ••■ Geofrœa Pisonis Rauesgh. — racemosa Poir. Vouacapoua A7nericana Aubl. Brésil .• Acapu. Chivane : Warapoji. Bois de Vo/iacnpou. Epi de hU, Bis d'épi de blc. (Arroua-es) : Dwamahalli. Colons an-lais : Blarh heart] Pur- truhjl-wool. Martinique et Tniiilé : Ang-Ain, Gra.il hcis. Venezuela : ' Pilo,i. Bel arbre d'une hauteur de 15-20 mètres sur un diamètre de 70 centimètres environ , remarquable par son tronc marqué de C(3tes saillantes et d'excavations, à feuilles al- ternes, imparipennées. Originaire de la Guyane où il croît assez communément dans les forêts de l'intérieur, en approchant des premiers sauts des rivières et au-dessus. Cette espèce se rencontre 5 Décembre 1893. 33 514 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. également à la Martinique, à la Trinité, au Brésil et au Venezuela. L'aubier est blanchâtre et de faible épaisseur ; le bois par- fait est d'un beau brun foncé, quelquefois presque noir. Sa coupe horizontale présente une quantité innombrable de petits points blanchâtres qui, suivant qu'ils sont plus ou moins serrés et espacés, forment des lignes concentriques plus ou moins nombreuses et foncées. Cette môme disposition des fibres produit quelquefois, sur des coupes parallèles à l'axe, des dessins imitant vaguement des épis de blé, ce qui lui a fait donner le nom sous lequel on le désigne parfois dans le commerce parisien. Les sections obliques à l'axe pré- sentent également des ailes de perdrix. Incorruptible, d'excellente qualité, inattaqué par les in- sectes, le Wacapou est considéré comme le type classique des bois durs de la Guyane et aussi comme le meilleur. Toute- fois, sa dureté n'est pas telle qu'il ne puisse être facilement mis en œuvre, mais il durcit en vieillissant et sa durée est très longue. Ses fibres sont assez droites pour qu'il puisse se fendre sans difficulté, tout en offrant une grande résistance dans tous les sens. A la Guyane, cette essence est préférée à toute autre pour la construction, comme charpentes et bar- deaux ; on en tire aussi d'excellentes pièces pour la marine, la confection des traverses de chemins de fer, etc. ; à la Tri- nité il est très employé pour faire des jantes et moyeux. C'est de plus un bon bois d'ébénisterie pour la fabrication des meu- bles de luxe, dont on peut voir de beaux spécimens à l'Expo- sition permanente des produits des Colonies. — Sa densité varie entre 0,900 et 1,113 et sa résistance à la rupture est de .S04 kilogrammes. (Dumonteil.) A la Martinique l'écorce est considérée comme un bon vermiluge. ANDIRA INERMIS H. B. K. Angelin. ., , , Oeoffroi/a inennie Swartz. — Janiaicensis Wright. An-luis: Aiirjelini, C'abbaçc Bark tree. AiUilles : Angelin, Angelim, Bois An- gelin, Bois palmiste. Brésil : Umari, Angelim. Cuba : JaOa^ Llaba. Espa- jj'nul : Lombiiccro. Venezuela : Pilon, Arbre forestier d'une hauteur de 10-15 mètres, sur un dia- LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES.' 515 mètre de 1 mètre environ, à feuilles imparipennées, folioles opposées, lancéolées, oblongues, aciiminées, glabres, crois- sant naturellement au Brésil et aux Antilles, où il est assez commun dans nos colonies de la Martinique et de la Guade- loupe. " Son bois, de couleur rouge brun un peu noirâtre, assez dur et de bonne qualité, offre la plus grande analogie avec celui de l'espèce précédente. La coupe longitudinale du tronc pré- sente une infinité de fibres blanchâtres presque également reparties sur le fond brun, qui donnent au bois une certaine ressemblance avec la tige des palmiers ; c'est d'ailleurs cette particularité qui lui fait donner aux Antilles le nom de Bois palmiste. Cette essence est employée dans les mêmes condi- tions que le Wacapou. D'après Guibourt, les marchands de bois exotiques vendent à Paris sous les noms de « Bois de saint François, Bois de saint Martin » des bois de même nature que l'Angelin et le "Wacapou et qui présentent les mêmes dispositions fibreuses et les mômes couleurs que les « Bois de perdrix -). BAPHIA NITIDA Lodd. Bois de Gam ou Cham. Colons anglais : Cam-n-oud. Arbre de taille moyenne, à feuilles alternes, croissant natu- rellement dans la colonie anglaise de Sierra-Leone, sur la €Ôte occidentale de l'Afrique. Son bois, blanc intérieurement au moment de la coupe et devenant rouge au contact de l'air, est d'une texture très fine et reçoit admirablement le poli ; sa densité est supé- rieure à celle de l'eau. Par la teinte noire qu'il prend à la surface, à l'humidité et probablement sous l'influence d'éma- nations ammoniacales, ce bois offre la plus grande ressem- blance avec le Caliatour [Pterocarpus santalimis). Toutes- fois, voici d'après M. Guibourt, les caractères auxquels on peut les distinguer : le bois de Cam est d'une structure encore plus fine que le Caliatour ; sa coupe transversale et polie est complètement privée de points blanchâtres, indiquant l'ex- trémité des fibres ligneuses et ne présente que d'innombra- bles lignes concentriques, régulièrement ondulées et très rap- prochées, que l'on dirait avoir été dessinées avec le tour à 516 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES, giiilloclier. C'est à peine si l'on constate, à l'aide d'une très forte loupe, l'existence d'autres lignes radiaires droites, très fines et très serrées. Le Cam-wood fournit avec l'eau froide une teinture d'un rouge assez vif, tandis que le Caliatour ne lui communique aucune couleur ; enfin, le Cam-wood exhale, lorsqu'on le râpe, une odeur qui se rapproche plus de la vio- lette ou du palissandre que de la rose, et cette odeur, qui est assez fugace, disparaît avec le temi)s. Le bois de Cam est l'objet d'un trafic important à Sierra-Leone; on le trouve dans le commerce en bûches courtes pour les travaux d'ébé- nisterie de luxe, et en morceaux, racines ou écailles pour la teinture. Le Baphia nitida est un des Bols de Corail durs du commerce ; c'est aussi le plus estimé des Anglais comme bois rouge. Le Baphia angolensis Welw^ est une espèce voisine que l'on rencontre dans les forêts des possessions portugaises de l'Afrique. Son bois semble })Osséder les mêmes propriétés tinctoriales que le B. nitida et pourrait donner lieu à une exploitation lucrative s'il était mieux connu. Le Baphia laurifolia H.Bn. [B. pubescens IIook.) M'Pano des Gabonais. Arbre de moyenne taille, originaire du Gabon. Son bois se rapproche du Cam-wood et s'emploie surtout en teinture. Il est l'objet d'un grand commerce à la côte d'Afrique, entre le cap des Palmes et le Grand-Bassam. BOGOA PROVAGENSIS AuBL. Bois de Boco. MahalUa Guianensis Benth. , Brésil : Pau ferro vermelho ou roxo. Français : Bois de fer de la Giiyane. Bois de Boco ou Bois Boco, Bois de Coco. Guyane : Boco, Etaballi. Arbre de grandes dimensions dont le tronc recouvert d'une écorce grisâtre lisse, atteint une hauteur moyenne de 20 mè- tres sur un diamètre de 1 mètre et plus ; feuilles simples, coriaces, penninerves. Originaire de l'Amérique tropicale, cette espèce croît spon- tanément et assez communément dans les forêts de la Guyane et du Brésil. . . L'aubier, d'une très forte épaisseiir, est presque aussi dur et aussi compact que le bois, même sous l'écorce ; le cœur est d'un brun noir très foncé d'une teinte presque uniforme et LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 517 IDrésente, sur la coupe transversale, un cercle régulier et tranchant bien sur la nuance jaune clair de l'aubier. Lourd, compact et d'une texture fine, le bois de Boco se travaille ai- sément et dans tous les sens, malgré sa très grande dureté. Très recherché autrefois en France pour l'ébénisterie de luxe, ce bois est encore fréquemment employé pour le tour, la sculpture, la fabrication des instruments à vent ; il est en outre excellent pour étais, solives, poulies et autres pièces de mécanique, en un mot, pour tous les objets exigeant un bois éminemment dur. D'après les expériences de M. Dumonteil, sa densité moyenne est de 1,220 et sa résistance à la rupture de 4-20 kilog. Cette essence se trouve dans le commerce en billes de médiocre diamètre, mais toujours saines. C'est à tort que, dans certaines collections, elle est parfois désignée sous le nom de Bois de Perdrix et même de Panacoco, qui appar- tiennent bien en réalité à des Légumineuses, mais à des genres différents. BO"WDICHIA MAJOR Makt. Sebipira major Makt. Brésil : Sucupira. Sncopira. Soucoujnric. ' Grand arbre à feuilles imparipennées, composées de fo- lioles nombreuses, croissant naturellement dans les diverses provinces du Brésil. Son bois, lourd, très -boutants. Chez les jeunes arbres, le tronc et les branches por- tent des épines fort acérées, très aiguës qui disparaissent avec l'âge. Les feuilles amples, glabres, palmées à six ou se;jl folioles oblongaes et lancéolées. Les fleurs, à calice persistant, composé de cinq pétales re'flcxes roses, ont la douce odeur des primevères. Le fruit est une grosse capsule, ligneuse, ronde, obtuse, composée de cinq cellules et s'ouvrantpar cinq valves, chaque cellule contenant un grand nombre de graines entourées, d'un duvet sombre d'où le nom d'arbre à Coton. L'arbre à Coton croît rapiicmcnt et ses branches s'étendent comme celles du Gumbo Lumbo, un autre arbre de l'Ouest Indien, qui est également commun dans les îles de la Floride. On le plante souvent le long des routes. Les Caraïbes faisaient du Ceiba, car tel était le nom qu'ils donnaient à l'arbre à Coton, de grands canots fort légers, dans lesquels ils traversaient de grandes distances en pleine mer. Les jeunes feuilles sont mucilagineuscs et sont parfois employées par les nègres comme un succédané de l'Okro, fruit d'une autre plante de la même famille. Le Coton qui garnit les fruits ne peut être tissé, mais il peut servir de matière pour caler les objets fragiles envoye's dans dts boîtes. La taille imposante et la grande beauté de cet arbre, et peut-être la croyance que les soies de la graine avaient de la valeur indus- trielle, comme matière première d'une industrie, ont attiré do bonne heure l'attenlion sur lui. Oviedo y Yaldos qui débarqua eu 1514 à San Domingue, et écrivit le premier sur les productions de rAmérique, mentionne de'jà cette espèce. L'Eriodendron appartient à la tribu des Bombacées de la famille des Malvacécs, qui contient de très gros arbres. Le Baobab africain, YAdamoma des botanistes, est une des merveilles du règne végétal. Le tronc de cet arbre atteint une circonférence de 30 mètres. 11 est ori- ginaire des îles du Cap-Vert, où les nègres le vénèrent. Son écorce est fine et de couleur verle et semble jouer jusqu'à un certain point le rôle des feuilles, qui ne restent sur les branches que trois ou quatre 526 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. mois de l'année. C'est la pulpe qui entoure les graines du Baobab qui a fourni la Terra Leninà, la mystérieuse poudre rapportée d'E- gypte par les caravanes, et qui e'iait en haute re'putation auprès des anciens Phe'niciens pour le traitement des maladies à grandes distances. Une autre espèce d'Adansonia se rencontre à Madagascar et une troisième en Australie. Le Durio, Durio Zibelkinia, appartient à la famille des Bombaco'es, c'est un bel arbre de l'Archipel indieu, qui fournit à Darien des fruits très délicats; cet arbre contribue, du reste, à l'alimenttition des populations d'une grande partie des Indes orientales et les arbres qui les produisent sont toujours laisse's debout quand ou abat et défriche la forêt dans laquelle ils croissent. On cultive le Durio pour ses fruits sur tout la partie orientale de l'Asie, ainsi qu'une autre plante de la môme espèce, le Bombax asiatique qui a également beaucoup de qualite's. H. B. Nouveaux fourrages. — Ou parle beaucoup depuis quelque temps, dans les journaux agricoles, d'un nouveau fourrage fourni par les Poli/gonurd Sacdiaiuiense et Sieboldii. Il n'est peut-être pas inutile de rappeler le rôle que la Société d'Acclimatation a joué à une cer- taine époque dans la propagation de l'une de ces polygonées. Dès 1858, en envoyant à notre association des pieds de P. Sieboldii^ M. le D"" Sacc appelait son attention sur l'inte'rêt que pouvait pré- senter sa culture comme plante fourragère qu'il qualifiait, à ce point de vue, « de reraai-quable »(1\ Dans une autre lettre (2), notre confrère estime cette Renoue'e excel- lente pour former des prairies artificielles dans les terrains humides où elle donne 6 à 7 coupes par an. Un peu plus tard, en 1860, M. Belhomme, conservateur du Jardin des Plantes à Metz (3), fait connaître que cette espèce est d'une culture facile et, qu'en outre de ses qualités comme fourrage, elle est encore fort ornementale et qu'elle constitue de plus un très bon légume à ajouter à nos plantes e'conomiques, ses tiges pouvant être mangées en guise d'asperges et ses feuilles étant un bon succédané de l'Épinard. Puisque nous parlons des nouveaux fourrages signalons encore à nos confrères une note étendus de M. le baron de Servières intitulée : Mé- moire sur la manière de cueillir les feuilles des arbres, de les' conserver et de les donner à manger aux bestiaux (41, ils y trouveront d'utiles renseigne- ments, quoiqu'elle date de plus d'un siècle ! Nil novi siib sole. J. G. (1] Bull. Soc. Accl., 1858, p. 337, (2) Idem, p. 5o5. .i. ■ . , : •. (3) Ibidem, p, 405, (4) Mémoires d'agriculture, d'économie rurale et domestique, publiés par la Société Royale d'Agriculture de Paris, année 1785. ... IV. BIBLIOGRAPHIE. Les insectes nuisibles à la vigne ou Histoire abrégée de ses 'principaux faras' tes, d'après les insectes de la vigne de M. le professeur Valéry Mayet, par Galien Mingaud, ancien délègue de la Société centrale d'agriculture de THérault pour l'élude du phylloxéra en 1870, secrétaire général cl lauréat de la Société d'étude des Sciences naturelles de Nîmes, correspondant du Ministère de l'Instruction publique, Officier d'Acade'mie, Nîmes, imprimerie Gaillard et C'«, boulevard Amiral-Courbet. 10, 1893. Dans cette brochure de trente pages, l'auteur a condense' les ren- seignements nécessaires à tous ceux qui s'occupent de la culture do la vigne, pour protéger le plant et le raisin contre les nombreux ennemis qui l'assaillent sous toutes les formes. Le viticulteur trouvera dans cet instructif opuscule des indications pre'cises sur les moyens de lutter contre l'envahissement du phyl- loxéra et sur le traitement à appliquer aux vignes attaquées. D'autre part, la description des divers insectes, hémiptères, colc'op- tères, le'pidopléres, sous leurs ditférentes transformations, en facilitera la recherche et la destruction. Ce petit manuel est donc appelé' à rendre de nombreux services. Notes pour servir à l'histoire des Loups dans le département du Gard et dans les départements limitrophes, par Galien Mingaud, Nîmes, imprimerie Roger et Laporte, 7, ruelle des Saintes-Mariés, 1893. . , ■■ En publiant celte note, l'auteur a voulu conserver aux natura- listes de l'avenir, des documents qu'il sera sans doute impossible dé reunir plus tard, si en France comme en Angleterre on parvient à l'extinction complète des loups dont chaque année voit le domaine se restreindre. La brochure contient une statistique comparative des animaux tués de 1882 à 1802, non seulement dans le Gard, mais aussi dans l'Hérault, l'Aveyron, la Lozère, l'Ardèche, les Bouches-du-Rhône et Vaucluse. Elle est précédée d'un aperçu sur la législation, en ce qui a rapport aux mesures de destruction et aux agents chargc's officiellement de les appliquer. G- '^^ ^' 528 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Liste des principaux ouvrages français et étrangers traitant des Animaux de basse-cour (i). 1° OUVRAGES FRANÇAIS {sicile). - MICHELIN (II.)- — L'élevage des volailles. — Paris, 1879, 1(5 p. iu-8°. MILLET et GÉRARD. — Traité méthodique de l'éducation des diverses esjjéces de Lapins. . . - '.' . MILLET-ROBINET (}.P). — Basse-cour, Pigeons et Lapins. — In-S» de 180 p. et 2G gravures [1 fr. 25). OUDOT (J.). — Le fermage des Autruches en Algérie; incubation artiiicielle. — Paris, Challamel aîné, 1880, 281 p., 10-8", avec planches. PASSY (M°). — Lettre sur V éducation et les avantages de la Poule cochin- chinoise. [Bulletin de la Société d'acclimatation, t, I, p. 170.) — Paris, 1854. . ^ ; PEERS (baron E.). — La basse-cour : Poules, Oies. Canards, Pintades, Dindons, Pigeons. — Bruxelles, 1855, ia-12, 181 p. avec fig. PELLETAN (J.). — Pigeons, Dindons, Oies, Canards. — Paris, iQ-8° de 180 p. et 20 gravures (1 fr. 25). PENNETIER (G.). — Leçons sur les oiseauv de la ferme. — 18(59, 15 p. in-4". — Le Pigeon. — 1806, 32 p. in-S». ■•."•■. ■ : PERRE DE ROO (V. La). — De l'art d'engraisser les volailles, ou les tortures de l'engraissement. —Paris, Martinet, 1877, 27 p. in-18. — Le Pigeon messager, ou guide pour l'élève du Pigeon voyageur. — Paris, Deyrolle, 1877, xi-309 p. iu-8« av. fig. PIERRE DE ROO (V. La). — Monographie des races de Poules. — Paris, Deyrolle, 1882, 454 p. in-8°. — Monographie des Pigeons domestiques. — Paris, 1883, in-8'^, iv-309 p. av. fig. — Le Guide illustré de l'éleveur. — Paris, Deyrolle, 2 vol. in-S". — Pigeons voyageurs : Installation d'un colombier, nourrilurc des Pi- geons, peuplement et reproduction, etc. — Paris, 1885, in-12, 23 p. et 2 pi. ... (1) Voyez S;r,j;^ 1er se Ticslre 1835, p. 430, et plus haut pa:ces 143. 287 3S3 et 431. I .1 . . > Le Gérant: Jules Grisard. I. TRAVAUX ADRESSES A LA SOCIETE. DES CHIENS D'AFRIQUE Par m. de SCH.ECK. (suite *] Chiens européens en Afrique. Quant aux avantages et à l'utilité qui ressortiraient de l'introduction des Chiens d'Europe dans l'Afrique tropicale, les avis sont partagés. S'ils gardaient toutes les qualités qui les distinguent dans leur pays natal, ils deviendraient une res- source inestimable. Malheureusement, ils ont i)eu de chance de réussir, pour la même raison qui s'oppose à l'établis- sement de l'Européen sous les tropiques. Hommes et Chiens soutirent également du climat, des fatigues et des privations; le Chien s'en ressent même davantage, car sa vie étant plus courte, les suites néfastes amenées par des conditions d'exis- tence trop diflerentes se manifestent plus rapidement chez lui. Comme son maître, il s'amollit, devient indolent, ané- mique; il prend des maladies de peau (gale); ou bien les pa- rasites le tourmentent ; tous les bons traitements des indi- gènes restent sans effet sur cet invalide qui, au lieu de vivre six ou huit ans, en étant utile, périt en moins de trois ans. On sait que les soins et l'alimentation sont susceptibles d'a- méliorer son état, mais non pas de le sauver. D'ailleurs, combien de propriétaires pourront -ils, sous les tropiques, soigner attentivement leur animal pendant plus d'une année ? La tempilrature moj'enne du Cap semblerait i)lus favorable aux. Chiens européens. D'après le prof. Fritsch, ce n'est pour- tant pas le cas. Dans son récit, cet auteur considère probable- ment les Chiens qui accompagnent, dans l'intérieur du pays, le voyageur arrivant d'Europe, et qui ont à endurer les fatigues de la route, puis la soif et la faim, épreuves que supporte- (*) Voyez plus haut, p. 193, 289 et 3Sb. ■.:i) Décembre 1^0.;. 33 530 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. raient sans doute des animaux ménagés, bien nourris et ap- partenant à des races vigoureuses, encore à la condition que leur maître veillât continuellement sur eux. Fritsch écrit à ce sujet : « Les Chiens d'Europe que l'on a introduits au Cap ); succombent presque tous, en peu de temps, à diverses ma- » ladies. On reconnaît que le climat ne leur convient pas. » Beaucoup de chasseurs émérites qui y amenaient d'excel- » lents Chiens de leur pays eurent de tristes déceptions. » Outre l'influence climatérique qui se déclare de diverses » manières, on observe chez eux une maladie, restée jus- " qu'ici peu connue, qui ressemble au Horse sichness (l) et )) qui de même, sous la forme épidémique, envahit toute une )) région en emportant parfois, en un clin-d'œil, un très » grand nombre de Chiens ; on n'est pas encore en état d'y » remédier. » » On constate que la rage est presque inconnue dans le » Sud-Africain ; on doit en rechercher la cause dans le peu » de différence qu'offrent les saisons ; car l'on sait que chez » nous la forte chaleur comme l'extrême i'roid contribuent » au développement de l'hydrophobie. » Depuis l'ouvrage de Fritsch, il s'est écoulé un quart de siècle pendant lequel la rage, maladie infectieuse qui ne se déclare pas subitement, a fait son apparition dans l'Afrique méridionale. En 1884, j'eus l'occasion d'observer une épidémie de rage dans l'archipel indien qui, jusqu'alors, était resté indemne. On reconnut qu'elle avait été importée de Londres oii elle sévissait à la même époque. Un capitaine de vaisseau ayant acheté des Dogues à Battersea, des produits de choix, alla les vendre à Singapore, principal marché des Chiens d'Eu- rope. Ils transmirent l'hydrophobie et pendant plusieurs mois on eût des morts d'hommes et de grandes pertes à déplorer parmi les bestiaux. On proscrivit immédiatement sur toutes les places anglaises de la contrée les Chiens indigènes ; peu s'en fallut qu'ils ne disparussent. Le fléau s'éteignit lentement. Il semblerait donc que depuis le séjour de Fritsch, la rage ait fait aussi son apparition dans le sud de l'Afrique, puisque le D'- Jean Schinz signale un antidote dont les Ovambos de [\) Epizoolie de la race chevaline, qui n'a pas été étudiée, el qui rè^nc dans beaucoup de localités ; les 5/6" des Chevaux y succombent. DES CHIENS D'AFRIQUE. 531 l'est se servent contre la morsure des Chiens hydrophobes ; ce genre de remède qui consisterait dans la racine d'une Cu- curbitacée aurait de nombreux partisans. — Une cxuestion se pose toujours, c'est celle de savoir si la véritable rage s'observe réellement dans ces régions, et si l'on ne désigne pas comme « enragés » des animaux atteints d'autres mala- dies, telles que l'épilepsie. Ainsi Livingstone, qui explora l'Afrique vingt ans avant Fritsch, se montre sceptique sur cette désignation de « Chien enragé ». Dans les Voyages de sa mission il nous raconte ceci : « J'appris que Maleka, prin- » cipal chef des Baquenas, était mort par suite de la morsure » d'un Chien enragé; ce fait me sembla erroné, car pendant » mon séjour plusieurs Chiens furent atteints d'une maladie » qui les rendait comme fous ; mais c'était en réalité une V affection du cerveau. » Les membres de l'expédition du Loango, MM. Gùssfeld, de Falkenstein, Peschuel-Lôsche se prononcent d'une façon encore moins favorable sur l'adaptation et l'utilité des Chiens d'Europe en Afrique ; ces explorateurs sont non seulement des amateurs de Chiens, mais encore des connaisseurs. Ils restèrent trois ans dans l'Afrique tropicale proprement dite. Dans le second volume de ses relations de voyage, l'un d'eux s'exprime de la manière suivante : « Je ferai encore remarquer une condition que les novices » considèrent comme nécessaire pour jouir du repos et de la » sécurité pendant la nuit ; je veux parler de la présence du » Chien. Cela paraît si naturel que l'on compte toujours se M munir de ce gardien fidèle en vue des dangers qui s'offri- » raient en route, et rarement le voyageur quitte l'Europe » sans emmener avec lui un ou plusieurs Chiens. Leur uti- » lité est cependant tout à fait illusoire, même s'ils suppor- » tent bien la traversée — le tiers d'entre eux s'en ressent » — et arrive en bonne santé sous le climat torride. Dans » le nouveau pays, on verra bientôt le Chien fraterniser avec » le Nègre, pour peu que ce dernier dispose de plus de loisir » que le maître pour s'en occuper, » (Cela semble confirmer l'hypothèse que nous avons faite précédemment ; quand un Chien européen suit un Nègre, à l'exception de celui qui est chargé de le nourrir, c'est la faute de son maître; car, en principe, tout Chien d'Europe, bien élevé, méprisera d'abord l'indigène, en particulier ici le 532 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Nègre.} On ne pourra donc guère compter sur ses fidèles ser- vices. En second lieu, un lait assez singulier, bien qu'il ne soit point confirmé par notre expérience personnelle, c'est que le Chien perd promptement son nez, dans les climats très chauds (à ce propos, nous reproduisons plus loin la lettre d'un Hollandais de Java qui envisage la question à un point de vue particulier). « En outre, la chasse se pratique autrement que dans nos » pays, et pour mieux réussir, on se sert de Chiens indigènes » sous la conduite de leurs maîtres, de préférence aux euro- » péens. Enfin, les animaux importés supportent mal la cha- » leur, languissent ou deviennent hargneux et agressifs, » ce qui occasionne facilement des querelles avec les gens » du pays, même si les blessures ont un caractère insigni- » fiant. Puis on manque parfois de nourriture pour eux, car )) la viande est chose rare ; les nègres se partagent, jus- ^^ qu'aux dernières miettes, les restes des assiettes. En der- » nier lieu, la multitude des parasites qui les envahissent est » eff'rayante. Nous avions enmené, sans trop de difficultés, » deux Chiens de berger doux mais vigoureux que nous en- » visagions comme la race la plus apte à être introduite et » nous les gardâmes trois ans pendant lesquels ils ont même » reproduit. Je pourrais écrire des pages entières sur les » désagréments et les soucis qu'ils nous donnèrent, sans » nous être de la moindre utilité. Aussi, d'après ma propre » expérience, aucune race ne vaut la peine d'être introduite » en Afrique. Nos Chiens ne nous laissaient pas même dor- » mir tranquillement ; au contraire, leurs aboiements répétés » et sans motif nous obligeaient à nous lever, ce qui aug- » mentait nos insomnies causées par la fièvre. » J'ai eu l'occasion de faire l'expérience des avantages et de l'utilité que peut avoir cet animal dans les voyages en Afrique tropicale. Le résultat fut négatif. Nous étions sur le continent en face de la petite île de Mozambique qui porte le même nom que la principale ville de la province portugaise. La route pendant laquelle j'ai pu faire ces observations de- vait nous faire explorer les côtes du district du contiment opposé et tenter l'ascension de deux montagnes, limites du Mozambique, le Pico de Paô ou mont Pipa (Stockhorn) et la Serra da Mesa (Tafelberg), du pays des Makùas. Natuli, dernier poste militaire portugais de l'intérieur, se trouve à DES CHIENS D'AFRIQUE. 533 une demi-journée de marche de Mussurili, établissement portugais très ancien situé sur la côte. Nous restâmes la nuit dans ce poste pendant qu'on répandait de tous côtés l'alarme, un des principaux chefs de Makica ayant fait savoir qu'il attaquerait cette station pendant la nuit. Malheureu- sement, il n'y eut rien, probablement parce que la garnison se trouvait renforcée par notre présence, et nous pûmes gra- vir, le lendemain à l'aube, le Pico de Paô, montagne escarpée de gneiss et de granit qui s'élève dans une plaine sans fin. Le lieutenant Antonio Trinidade de Santos, chef du poste, accompagné de six Mâtins indigènes conservant quelque sang européen, nous conduisit pendant une partie de la route. « Namarali », l'un de ces Mâtins, qui était en tête de notre caravane, négligea de se séparer, n'osant sans doute revenir seul ; il resta avec nous et se joignit aussitôt à nos deux Européens. Nous étions très contents de le posséder comme guide et nous nous remîmes aussitôt à lui. Ce Chien rappelait par sa forme le Bullterrier ; il était noir et blanc, avec des oreilles un peu dressées, comme on en rencontre souvent dans cette contrée. Il était bien nourri, déve- loppé, né et élevé en Afrique et habitué aux conditions lo- cales. Il trottait avec aise à côté de notre caravane et ne dépensait point inutilement ses forces à se détourner de son chemin. Nous lui donnions autant que possible de l'eau à chaque halte. Il manifestait peu le désir de boire malgré la chaleur suffocante qui régnait alors au milieu de ces steppes arides. D'ailleurs, il ne paraissait guère en souffrir ; on re- connaît que ce besoin se fait moins sentir chez les Chiens des tropiques que chez ceux d'Europe. On le nourrissait des restes de volailles que nous mangions, en y ajoutant du riz, du ma- nioc et tout ce que nous pouvions laisser de notre frugal repas. Ici apparaît le premier point litigieux de la question d'emmener des Chiens. Dans toute la région, la nourriture est très restreinte. Ce que nous donnions à l'animal échap- pait à nos gens, surtout aux porteurs qui, partout dans « l'Afrique des Nègres », se disputent les os déjà rongés par les Blancs et les brisent même avec leurs dents pour les manger. Ils se montrèrent jaloux du Chien qui leur prenait ces « friandises » ; à la jalousie succéda bientôt le méconten- tement, d'abord envers le Chien, puis envers nous. Si l'un de ces coquins pouvait jouer quelque mauvais tour à l'animal, 534 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. cela ne manquait jamais ; nous étions obligés d'intervenir pour empêcher de le maltraiter. Le moyen le plus énergique de s'y opposer était de menacer ces gens du bâton, regardé en Afrique comme un symbole de prépondérance divine. Arrivés au pied du mont Pipa, dans les Etats du roi des Makutus, nous nous trouvâmes en pays ennemi, bien que nous eussions envoyé aussitôt de nombreux présents au roi pour demander la paix et qu'il nous eût offert son propre fils comme guide ; ce dernier ne se montra pas. Notre lâche escorte, composée de quelques vieux soldats nègres et de policiers, armés de fusils Snyder, manifesta une certaine crainte en entrant dans le principal village, entouré d'une palissade de haies dont les piquets étaient surmontés de crânes humains soigneusement blanchis. Nous étions à ce moment satisfaits de notre Chien qui avait pris l'habi- tude de se coucher à l'entrée de notre tente ; car quiconque entrait était obligé de le heurter. C'était réellement un avan- tage de l'avoir. Les premiers jours ne furent pas heureux. Namarâli, qui ménageait autant que possible ses forces et ne chassait plus qu'à quelques pas quand il rencontrait des traces d'Antilope ou de Gazelle, ne poursuivait pas le gibier et ne perdait guère de son embonpoint. A cela s'ajou- tèrent la marche continuelle, la chaleur et toutes les fatigues de notre existence, dans un pays où l'on va toujours à pied et où l'on n'a que le hamac pour dormir ; cependant, nous ne fîmes aucune marche trop rapide ou forcée. Notre Mâtin devint toujours plus maigre ; il perdit son peu de gaité, ses yeux ne brillaient plus ; il s'affaissait malgré tous les soins qu'on lui prodiguait. Habitué au flegme africain, il n'était pas fait pour endurer ces fatigues ; il continuait à nous suivre fidèlement, mais restait indifférent à tout et principalement â la vocation du Chien, celle de monter la garde. Ses services étaient nuls. Trois semaines plus tard, à notre retour sur la côte, Na- marâli, que nous avions emmené bien portant et plein de vigueur, revenait languissant, amaigri, épuisé, ne possédant plus que la peau et les os. Ses efforts, pendant ce voyage re- lativement court, furent trop grands pour lui ; et bien que nous l'eussions toujours nourri suffisamment en lui donnant à boire, il aurait certainement succombé à une nouvelle en- treprise de ce genre. Pour la chasse, ses services furent DES CHIENS D'AFRIQUE. 535 presque nuls ; pour la garde, sa valeur, qui paraissait d'abord un peu factice, était devenue problématique. Comme « com- pagnon » qui aurait pu nous réjouir pendant notre voyage — il se montra appréciable seulement les premiers jours. A la lin de l'expédition, cet animal, appartenant pourtant à la meil- leure race indigène et élevé avec rudesse, que sa taille aurait (lu soutenir contre la fatigue, fut pour nous un objet de souci perpétuel. Voici donc un exemple dont le résultat ne m'a d'ail- leurs point surpris après l'expérience que j'avais faite précé- demment aux Indes, mais qui m'a prouvé que l'utilité d'in- troduire les Chiens dans l'Afrique tropicale en vue des expéditions, est, dans tous les cas, très aléatoire, quand les races indigènes n'endurent pas les fatigues de la route. On sait encore que Stanlej- emmena dans ses différentes explorations des Chiens de races diverses , mais qu'il ne réussit jamais avec eux et que tous succombèrent tût ou tard au climat, aux privations, au brigandage. En outre, on se rappelle que l'Expédition hollandaise, sous la conduite de l'ingénieur Veth, au moment de traverser de l'Angola au pla- teau élevé de Humpata, perdit, en très peu de temps, tous ses Chiens, originaires de Java, c'est-à-dire des tropiques, sur l'utilité desquels elle avait fondé une grande espérance; elle ne put en faire aucun usage. Le Chien, animal domestique le plus domestiqué, endure encore moins que l'Européen les labeurs de ces voyages sous le climat africain. A propos de la remarque que j'ai faite plus haut sur la perte de l'odorat chez le Chien vivant sous les tropiques, je puis ajouter l'opinion d'un Hollandais habitant Java ; ce récit fut publié par le Nederlandsche Sx)ori, sous le titre de Chas- ser en Afrique. Un des premiers Nemrods belges veut entreprendre une chasse au Congo. Il s'informe auprès d'un ami qui séjourna et chassa longtemps dans les Indes Hollandaises, pour savoir quel est le Chien d'Europe le plus apte à la chasse sous les tropiques. La réponse au sujet de la meilleure race d'arrêt est ainsi conçue : « Ce n"est pas chose aisée de décider de cette question, » mais je veux tâcher en suivant ma propre expérience de » vous éclairer de mon mieux, ensuite vous pourrez former » votre jugement. J'ai chassé à Java pendant près de vingt- 536 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. » cinq ans avec des Chiens d'arrêt et avec succès. En réalité. » pour la Bécassine, ils sont inutiles ; ceux qui apportent suf- » fisent. Mais au contraire, ils se montrent excellents à l'est » de Java pour la chasse à la Caille, aux différents Gallinacés » et pour celle du Lièvre. Pourtant, on trouverait peut-être » à peine cinq chasseurs dans les Indes Hollandaises qui se » servent du Chien d'arrêt. J'ai chassé avec des Chiens d'ar- » rêt allemands et hollandais, à poil long ou ras, avec des » Griffons à poil dur ou soyeux, avec des Pointers et des Set- » ters. Si l'on me demande quelle était la race la mieux ap- » propriée, je répondrais : le Setter anglais que j'avais acquis » à Bruxelles, en 1881, et emmené en décembre 1882 à Java » oii on le dressa. Bien que de taille un peu petite, il était » ardent et infatigable. Les premiers mois, pendant les jour- » nées chaudes, il était déjà exténué après quelques heures » de travail, mais ensuite j'ai pu l'employer sans relâche » depuis six heures du matin jusqu'à une heure du soir. » Il chassa pendant sept ans, puis fut retraité. Il atteignit » environ neuf ans ; en janvier 1890, son apparence était » déjà celle d'un animal très vieux. Le poil chez le Setter, » comme chez toutes les races à long pelage, disparaît très » vite dans l'Inde tropicale ; il est remplacé par un poil plus » court, grossier, mais encore trop long pour le climat, en » ce sens surtout qu'il offre des retraites aux innombrables » parasites qui tourmentent le pauvre animal. » Les Chiens de race allemande ont une structure trop » massive et sont bientôt fatigués. Mon dernier était un Chien » d'arrêt allemand né aux Indes et de pure race. Après trois » ou quatre heures de chasse, principalement dans des ter- » rains difficiles, il était exténué. J'ai chassé avec lui pendant » quatre ans et il vivait encore lorsque je quittai récemment » les Indes. ' » Les Griffons ne valent pas mieux, car ils n'endurent » guère la chaleur extrême ou les terrains difficiles. A côté V du Setter, un Chien d'arrêt hollandais à poil ras était mon » préféré. De taille plus petite, mais bien conformé, je l'avais » reçu âgé de six ans et j'ai pu m'en servir pendant quatre » ans. Il me semble que celui désigné en Belgique et en Hol- » lande comme « Chien du pays » qui est très répandu, mais » n'appartient pas à une race distincte, conviendrait pour » l'introduction. On devra choisir attentivement et préférer DES CHIENS D'AFRIQUE, 537 » un Chien de petite taille et alerte à un animal grand et » lourd. Il faudra rechercher les exemplaires à poil ras » qui sont plus tenaces et robustes. Un individu de ce genre « pourra, s'il est nourri avec de la viande, de la farine et des ■>, légumes, chasser régulièrement pendant la moitié du jour, » et servir pendant cinq ou six ans. J'estime qu'une bonne )) alimentation est un point important. Je ne suis pas de » l'avis des chasseurs hollandais qui recommandent de » donner au Chien de chasse peu ou point de viande. C'est » une erreur : même en Hollande, l'animal reçoit une nour- » riture en partie animale. Sous les tropiques, elle lui est en- V core bien plus nécessaire, surtout quand il y doit travailler. » Dans ces pays, on doit rarement le baigner ; mais il est » bon de le brosser soigneusement chaque jour, au retour de » Il chasse. » Suivant moi, le climat du Congo se rapproche de celui » des côtes javanaises. S'il existe au Congo, comme sur Java, » (les Chiens indigènes possédant un bon nez et des disposi- » lions pour la chasse, on pourrait essayer leur croisement M en choisissant une Chienne de race européenne et un Chien » du Congo ; on obtiendra à coup sur un produit utile. Le » lait que le Chien d'arrêt perd son odorat aux Indes paraît » tabuleux. Il va de soi que le meilleur Chien a peu de nez » par une température de 30" centigrades à l'ombre ; mais par » ces chaleurs, on ne chasse généralement pas. De bonne » heure, dans la matinée, le Chien indien flaire aussi bien » qu'en Europe. Si vous désirez d'autres renseignements, je » reste tout à votre disposition. » Bien à vous, Kedirian. » Les observations que j'ai faites moi-même aux Indes et en Afrique ne concordent pas toutes avec celles de notre chasseur javanais. Je pense que les Chiens à longs poils, — le pelage ne doit pas être épais — comme ceux à poils fins, sont les meilleurs dans les tropiques, du moins dans la région des Moustiques. Car ici, les animaux à poil ras souffrent beaucoup du fléau des Mouches. Pendant la saison des pluies, ils n'ont pas de nuit tranquille ; ils se grattent et se frottent continuellement pour adoucir le tourment que les piqûres leur causent ; leur peau devient une plaie. Dans ces contrées tropicales et « humides », surtout près des ter- rains sablonneux où les germes de Champignons sont abon- 538 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. liants, les parasites émigrent facilement dans la peau qui est peu résistante à leurs blessures. Le Chien devient galeux et, malgré tous les soins, ne se rétablit que dans la saison sèche, quand les Moustiques ont disparu; il se gratte moins, et les germes de Champignons restent stériles pendant la sé- cheresse. Ceux à longs poils sont moins exposés à l'attaque des Insectes, à l'exception des Puces, des Tiques et des Poux. Aussi, voyons-nous, dans les régions de Moustiques, des Chiens du pays avec un pelage ras, mais grossier et très robustes. Nous admettons que les Setters, comme d'autres Chiens à poil long, sont sujets à une modification dans leur pelage sous les tropiques; le poil devient sec, perd son éclat et prend un aspect un peu grossier et hérissé. La surabondance diminue; un individu à pelage long ne revêtira jamais un pelage ras, même dans son jeune âge. Les couleurs brillantes pâlissent; ainsi, un Gordon noir et feu deviendra noir et jaune clair. Quant à la perte de l'odorat, d'après nos observations, elle se produirait (cependant, il se peut que par la température ti'ès volatile de ces latitudes, les Chiens paraissent n'avoir pas de nez) tant chez les Chiens importés récemment que chez ceux de race européenne que l'on y élève. Dans tous les cas, l'odorat ne disparait pas, mais diminue seulement. On sait que les Chiens flairent mieux le matin par la rosée ou le soir qu'aux heures chaudes du milieu du jour. Il est facile de démontrer que le nez est mauvais chez les jeunes Chiens qui souvent cherchent longtemps leurs soupes qu'ils ne dis- tinguent pas de leurs yeux délicats. L'odorat ne disparaît pas entièrement; je ne l'affirmerais point, car ma Chienne Saint- Bernard pouvait chasser des demi-heures entières en forêt les Cerfs, mais son flair diminuait beaucoup. Chez les jeunes Chiens de chasse qu'on élève aux Indes, la partie charnue du nez (l'éponge, la fr-itte) reste plus petite; elle ne se déve- loppe jamais autant que chez les Chiens d'arrêt européens. Une de mes Chiennes épagneules, née aux Indes, m'en a fourni une preuve incontestable. Son nez a toujours été très petit et ses narines étroites. Mais à Sumatra, elle quêtait comme les autres Chiens du pays, en s'éloignant et en arrê- tant de la môme façon. Quand ils n'ont pas le gibier très en vue, ils le perdent bient(3t. En cette matière, je suis d'accord avec Kedirian que l'on doit choisir un Chien de petite taille, alerte et pas lourd, un DES CHIENS D'AFRIQUE. 339 animal qui ne dépense pas des forces pour se mouvoir. Plus il sera de ce tempérament, mieux il s'adaptera à la chaleur tro- picale, et moins il se relâchera. Pour cette raison, les Chiens anglais ont du bon ; ils possèdent le sang et l'énergie ; un Cliîen allemand ou français sera depuis longtemps exténué alors qu'un anglais travaillera encore avec souplesse. Je prendrai volontiers, pour la région des Moustiques et ia ])roussaille, un Setter léger et agile plutôt qu'une race à poil lisse. Les sortes de Caniches, que l'on rencontre partout, prouvent que le long pelage réussit néanmoins dans les con- trées tropicales. Je mentionnerai les Caniches de Manille, les petits Barbets de Ténériffe, les Chiens de manchons du Mexique, enfin les bâtards de Caniches que l'on trouve dans les Indes Orientales. Kedirian a probablement fait ses obser- vations dans les montagnes javanaises, à un niveau élevé au- dessus de la mer, où les conditions sont naturellement très différentes de celles des plaines basses, chaudes et humides. Pour terminer, nous rappellerons la manière de voir du !)'■ Peschuel-Losche, membre de l'expédition au Loango, que nous avons cité plus haut ; il l'a exposée dans la troisième édition de la Vie des animaux de Brehm : « Je n'ai découvert aucune preuve qui vienne à l'appui du fait généralement répandu que les Chiens, introduits aux tropiques, perdraient leur odorat. Nos Chiens de Berger, que nous gardâmes pendant trois ans, près des côtes, prou- veraient le contraire et leurs chiots avaient aussi d'excel- lents nez. Je crois que l'assertion provient d'observations inexactes. L'Européen se soucie peu de ses Chiens quand il se trouve sous les tropiques. Il ne peut les mener d'après les principes de la chasse. Pour cette raison, ils perdent beaucoup et changent complètement d'allures sous l'in- fluence du climat et de la nourriture insuffisante; ils de- viennent paresseux et indifîérents. ou hargneux et agressifs, s'attachent beaucoup aux indigènes ou bien se montrent très hostiles envers eux. Il leur est plus difficile qu'au chasseur de s'adapter aux conditions, dans un pays entièrement nou- veau pour eux, et en présence d'autres gibiers. Leur com- plète inutilité serait plutôt à déplorer que la perte de leur odorat. Quelques-uns succomberaient à l'apoplexie, mais,, pour ma part, je n'ai noté aucun cas de ce genre. » {A suivre.) PISCICULTURE A LA BUISSE, PRÈS VOIRON (ISÈRE) Par m. le Comte DE GALBERT. Monsieur le Président, Vous avez bien voulu me demander quelques renseigne- ments sur les résultats obtenus à la Buisse, dans l'élevage des Salmonidés. Je vous remercie de me fournir cette occasion d'adresser au Conseil de la Société d'Acclimatation et à vous en particulier, l'expression de ma haute gratitude pour les envois qui m'ont été faits en 1892 et 1893. L'établissement de Pisciculture de la Buisse est un des doyens des établissements de ce genre ; il date de 1849, époque à laquelle mon père, ayant dû, pour l'amélioration des prai- ries du parc, faire de grands drainages, en profita pour creu- ser quatre pièces d'eau superposées, communiquant entre elles par des cascades et des vannes. 11 put ainsi exhausser le sol environnant sillonné de ruisseaux couverts et le mettre à l'abri de l'humidité. La Buisse est, en effet, un pays oîi sourd ent des sources extrêmement abondantes et d'une très grande fraîcheur. Sous les Romains, un établissement hydrothérapique con- sidérable existait à l'endroit précisément où est bâtie la vieille habitation de ma famille. Des ruines nombreuses de piscines et leurs accessoires existent encore ou ont été dé- truites depuis quelques années pour faire actuellement place à des prairies ou à des plantations d'arbres fruitiers. De nombreux vestiges ont été retrouvés : urnes, sta- tuettes, mosaïques indiquant quelle fut l'importance de cet établissement. Les eaux fluent en partie d'une grotte en amont du village et, avant d'arriver chez moi, elles font tourner les roues d'un moulin. Elles sont d'une limpidité extrême, mais l'énorme couche de tuf qui existe dans le pays indique qu'elles contiennent de la chaux. Elles ne se troublent jamais, môme par les pluies abondantes, les ruisseaux d'adduction étant bien à l'abri des PISCICULTURE A LA BUISSE, PRÈS VOIRON- 541 infiltrations des chemins. Ti'ès remuées par les roues des moulins et par les cascades , elles contiennent beaucoup d'oxj-gène. Leur température est très basse et ce n'est que dans les pièces d'eau, sous l'influence du soleil et surtout de la grande quantité d'autres eaux provenant des sources qui sourdent directement dans les bassins qu'elles parviennent à se ré- chauffer. Les eaux de ces sources sont â une température constante de 9°. Elles sont en assez grande abondance pour que les bassins restent à 4° ou 5° par 0" de température. Ils ne gèlent jamais, chose très utile pour l'élevage du poisson. Les bassins varient de 0"',50 à 1"\90 de profondeur. Un seul, qui sert de vivier d'approvisionnement et de conserve pour les fécondations, a 4 mètres de profondeur. Au printemps, les eaux donnent naissance â une grande variété de plantes aquatiques dans lesquelles vivent en extrême abondance des insectes hydrophiles, des infusoires, des mollusques de tous genres, des crevettes, des daphnies, toutes bétes qui sont pour la Truite et les jeunes alevins la meilleure des nourritures, j'ajoute celle qui coûte le meilleur marché. Tout cela nous dispense de jeter dans les pièces d'eau de la viande cuite ou crue hachée qui a le grand inconvénient de coûter ordinairement cher, de vicier l'eau peu ou prou, et de permettre aux propriétaires inférieurs de se plaindre, ajuste titre, car ils n'ont que les écoulements de ces eaux pour l'alimentation de leurs bestiaux et leur usage particulier. Dans le premier âge, les herbages seraient un danger, car ils peuvent obstruer les organes respiratoires et étouffer les jeunes poissons, aussi le bassin où sont versés les jeunes alevins de l'année est-il soigneusement entretenu et nettoyé de façon qu'une partie du fond soit recouverte de pierres propres sous lesquelles ils peuvent se cacher pendant quel- ques semaines, et afin de ne laisser pousser les herbages qu'à une époque relativement avancée de l'année, le mois de juillet. Dans les autres bassins, ces parties empierrées n'existent que sous les cascades, elles servent de frayères naturelles. C'est aussi là que sont établies les grilles permettant de prendre les poissons à l'époque du frai. o42 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. Dans tous ces bassins, sauf celui des jeunes, j'élève di- verses variétés de poissons blancs, roses, blanchaille, dont les œufs très nombreux et l'Alevin sont une nourriture hors ligne et économique pour la Truite dès la seconde année. La surface est garnie à certaines heures du jour, au lever et coucher du soleil de myriades de Mouches, Cousins, voire même Sauterelles, après lesquels courre le truiton en se livrant à un steeple-chase très curieux et très intéres- sant. Par un beau coucher de soleil d'été on dirait, à chaque saut de Truite, une étincelle électrique tirée de l'eau. Les résultats obtenus à la Buisse, par mon père, avaient été très importants et ils ont été, de la part de la Société d'Acclimatation, l'objet d'une haute récompense. A sa mort, en 1873, nous étions absents, mon frère et moi, par suite de nos fonctions, et la pisciculture fut abandonnée. Mais les braconniers n'abandonnèrent pas les bassins, ils les ruinè- rent, et, là où j'aurais pu raisonnablement espérer trouver au moins les produits naturels des Truites, il ne m'a été donné de retrouver que quelques roses et des poissons blancs de la plus piètre qualité. Quand j'ai repris la propriété en 1892, à la mort de ma mère, les bassins vides de poissons étaient presque comblés par les détritus abondants de feuilles mortes et de plantes aqua- tiques. Leur niveau moj^eUj avait été exhaussé de 0™,60 à 0"\80 en moyenne. Deux pièces et la moitié d'une troi- sième sont déjà rémises]à neuf, une autre le sera cet hiver et la dernière partie l'année prochaine. L'enlèvement de ces boues est extrêmement cher, heureu- sement on retrouve une partie de ses Trais dans l'engrais excellent qu'elles fournissent pour les prairies qui sont le seul revenu de la propriété. Me souvenant des travaux]^de mon père, me livrant aussi à quelques études nouvelles, j'ai entrepris de rempoissonner mes bassins. Grâce à la", bienveillance de M. le Directeur du Trocadéro, des ingénieurs de l'État, et ce que j'aurai dû dire tout d'abord, aux envois de la^Société d'Acclimatation, j'ai versé, en 1892, 15,000 alevins dans mon bassin de première année, et, en 1893, 6,000 seulement par suite de grosses pertes survenues au chemin de fer pendant les retards apportés par l'amoncellement des neiges. Deux bassins sont donc aujourd'hui largement fournis. PISCICULTURE A LA BUISSE, PRÈS VOIRON. 34 i Dans celui de deuxième année, j'ai pu mesurer des Truites qui, nées dans les premiers jours de 1892, ont actuellement de 22 à 25 centimètres, quelques-unes davantage, et il y a quelques jours, ayant eu la visite de quelques-uns de mes collègues du Conseil départemental d'Agriculture, j'en ai pris huit que nous avons mangées. Parmi elles, une seule l'emeile mesurait. 30 centimètres 1/2, ayant sur elle environ 150 à 160 œufs. A ce sujet, j'ai été surpris de la quantité extraordinaire de mâles et cette surprise devient extrême, car en ce mo- ment (16 novembre) je prends dans des nasses placées sous les ponts de nombreuses Truites du même âge dont je veux essayer de féconder les œufs. Le nombre des mâles est dans la proportion de 85 % au moins. Cela doit tenir à la laron dont ont été faites les fécondations. Le bassin de première année a reçu cette année environ 6,000 alevins dont 3,000 de la Société d'Acclimatation, ils sont plus beaux que ceux de l'année dernière. Cela tient sar.s doute à ce qu'une circonstance, heureuse pour moi, m'a mis à même de pouvoir leur donner pendant deux mois du mulet haché. Je viens d'en mesurer un qui a 15 centimètres. Le troisième bassin d'un demi-hectare, au moins, n'a encore été nettoyé qu'à moitié, j'y ai élevé cette année des milliers de petits Meuniers, qui seront, dès l'arrivée des Truites après le froid, une nourrriture parfaite pour cet hiver. Ces alevins de 1893 ont environ 9 à 15 centimètres de longueur actuellement. Dès que ceux de 1892 seront tombés dans le grand bassin, ils prendront leur place pour céder à leur tour la leur aux alevins de 1894. Ainsi que j'ai déjà eu l'honneur de l'écrire, l'un des envois fait Tannée dernière a complètement péri, c'est celui des Truites auxquelles je tenais le plus, les arc-en-ciel. Je l'ai bien vivement regretté, car je ne possède aucun sujet de cette variété qui est, dit-on, très belle. Réussirait-elle à la Buisse, je l'ignore, elle demande de grandes profondeurs ; mais enfln je serais heureux de l'expérimenter. Les deux autres envois ont réussi, l'un complètement et sans perte appréciable, celui des Truites ordinaires, l'autre, moins bien, celui des Truites des lacs, quelques avaries étant survenues en route, par suite du retard des trains. L'établissement du Bouzey m'a envoyé 500 œufs de San- 544 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. mon ; il n'en a pas péri un seul et j'ai pu, sans perte aucune, les mettre en liberté. Aujourd'hui, bien que venus bien en retard sur les Truites, ils ne sont plus reconnaissables. Je ne puis que vivement remercier la Société d'Acclimata- tion de l'aide qu'elle a bien voulu me donner en me permet- tant de remonter rapidement mes bassins. J'espère qu'en 1895 je pourrais largement me suffire, mais j'ose demander encore quelques envois en 18*J3-1894. Je serais heureux de recevoir quelques œuls de Truites de VYton dont la Revue des Sciences naturelles appliquées a dit d'excellentes choses, de la Truite des lacs et de la Truite arc-en-ciel. Je n'ose aller plus loin, il ne faut jamais être indiscret et je craindrais le devenir. Je crois devoir indiquer que le mode d'envoi sur plaque de flanelle où les œufs sont chacun à leur place et non superpo- sés, est très supérieur au mode qui consiste à les placer tous ensemble dans de la mousseline et du coton. La pourriture s'y met bien moins facilement et les chocs du chemin de fer se font moins sentir. J'ai signalé la chose à MM. les ingénieurs de l'Isère et ils m'en ont remercié après épreuve faite l'hiver dernier. Vax résumé, et j'ai pu le faire constater cet été, par MM. les ingénieurs des ponts-et-chaussées de l'Isère, par mes collègues du Conseil départemental d'agriculture, et par M. le D''Brocchi, qui faisait une tournée officielle dans notre dé- partement en même temps que des conférences sur la pisci- culture, j'ai obtenu des résultats fort satisfaisants. Je n'attends que le temps voulu pour pouvoir à mon tour être utile à mes compatriotes en leur fournissant œufs et alevins. Je ne compte cette année faire qu'une très petite quantité d'opérations artificielles, j'aurais peur que mes jeunes Truites n'y résistassent pas et que la fécondation se fit mal. Je ne compte pas faire de spéculation sur mes pois- sons. Je me bornerai à des études et à constituer un appro- visionnement pour la famille. Heureux si je puis en jeter un certain nombre d'élèves dans nos ruisseaux malheureusement dévastés par le braconnier, impos.sible à saisir et sur lequel, du reste, la répression n'a aucune prise. Telles sont, Monsieur le Président, les quelques observa- tions et résultats que je suis heureux de soumettre à la So- ciété d'Acclimatation. L'ACCLIMATATION EN RUSSIE Par m. Jean VILBOUCHEVITCII. {suite *) Tout à riienre, nous aurons à parler encore du Caucase ; mais signalons ici tout de suite, pour n'y plus revenir, une autre liste dendrologique de 59 conifères et 318 arbres et ar- brisseaux de familles diverses, publiée également en latin, aux pages 18-19 du même volume, au nom de S. E. M. P. -A. Kotclioubeï, et qui montre ce qu'un homme de bonne volonté peut faire, avec de l'argent et du temps, même en pleine steppe : la propriété de M. Koîchoubeï est située à Zgou- rovka, arrondissement de Prilouki, gouvernement de Pol- tava, dans la « Petite Russie » ; les difîerentes plantations boisées depuis 1860 par le propriétaire actuel, couvrent près de 500 hectares, dont 275 sont réunis en un merveilleux parc. Le Congrès de Moscou s'est longuement occupé de l'historique et des procédés de cette admirable entreprise ; M. Kotchoubeï avait d'ailleurs beaucoup fait pour faciliter aux membres du Congrès l'intelligence des résultats obtenus, en exposant une série considérable d'échantillons, coupes, bûches, plans, outils et même d'arbres vivants de dimen- sions imposantes. Je regrette beaucoup de ne pas avoir ici la place nécessaire pour reproduire les renseignements variés apportés au Congrès au sujet des boisements et acclimata- tions de M. Kotchoubeï. Je me propose d'en reparler à la première occasion qui se présentera. A présent, pour terminer le chapitre, revenons â une com- munication sommaire de M. Chavrov, sur les jardins bota- niques et autres centres d'acclimatation de végétaux auf Caucase. L'auteur signale les établissements suivants : 1. Le Jardin botanique de Tiflis, dont les meilleures collections sont dues à M. I.-S. Medvedev, aujourd'hui fondé de pou- voirs, à Tiflis, du Ministre des Domaines (et de l'Agriculture), auteur d'un livre remarquable et des plus complets sur les {*) Voir plus haut, pages 365 et 449. 20 Décembre 1893. 34 546 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. arbres et arbrisseaux de cette perle de la couronne russe : le Caucase. — 2. La station séricicoLe de Tifiis, dont M. Cha- vrov est directeur, et ses différentes succursales de pro- vince; la station cultive une collection importante de plantes mellifères et de mûriers. — 3. La station cotonnière du Mi- nistère des Domaines, à Kojantsy. — 4. La pépinière de vignes américaines, à Ssakar, appartenant également à l'Etat. — 5. Le Jardin botanique de Soukhoum-Kalé, très intéres- sant malgré la dévastation qu'il a eu à subir en 1817, lors de la guerre avec les Turcs. — 6, Le Jardin public de Batoum, créé en 1884. — 7. Deux vieux jardins publics négligés de- puis 1870, mais toujours instructifs, à Bakou et à Elissa- vetpol. A la suite de l'examen des divers faits et communications exposés ci- dessus, le Congrès résolut de rechercher les moyens d'étendre à l'ensemble du pays le bénéfice des excel- lents exemples cités et de créer un réseau plus complet de stations d'acclimatation, reliées entre elles par un pro- gramme coordonné. Ce vœu n'est pas demeuré stérile. Avant la clôture même du Congrès, un généreux membre de la So- ciété de Moscou fit à celle-ci un don de plusieurs milliers de francs destiné à servir d'amorce pour la constitution d'un fonds spécial à employer à la création des susdites sta- tions. D'autre part, voici qu'une communication de M. Zolot- nitski dans les « Moskooskija Viedomosti » nous apprend que l'un des points désignés dans les desiderata du Congrès, Askhabad, dans la région Transcaspienne, est déjà pourvu depuis le printemps de l'année courante, grâce au concours puissant du général Kouropatkinn, commandant cette région. D'après une communication, présentée au Congrès par M. Varentsov, les paysans d'Askhabad cultivent presque exclusivement le blé et l'orge ; ils en récoltent quelquefois à deux reprises dans la même année ; la population est très travailleuse et possède dans la perfection l'art des irrigations. La sériciculture, la culture du Coton et du Sésame existent, mais en proportions fort minimes qui ne suffisent même pas à la consommation locale. Mais, d'autre part, la Vigne occupe une place importante, pousse admirablement et procure, par la vente des raisins de iaUe, de gros bénéfices à ceux qui s'adonnent spécialement à sa culture. A 11 verstes d'Askhabad, un propriétaire particulier l'acclimatation en RUSSIE. 547 M. Bobochko cultive avec succès l'Amandier et le Pistachier. Sur la rive du Kouchka, aux confins de l'Afghanistan, le Pistachier forme un bois poussé spontanément dont la ré- colte fort appréciée est afïérmée par l'État â des indigènes qui en retirent un joli profit. Dans le massif du Koped-Dagh, qui touche à la Perse, près de l'Aoul (village) de Deinn, il existe un pareil Lois d'Amandiers. Près de Merv, M. Minder obtient du beau Coton américain. Aux alentours de la gare de Bala-Icheli l'on récolte des quan- tités notables d'une espèce de Truffe qui, conservée dans de la saumure ou du vinaigre a un goût délicieux ; comme le reste des productions du pays, ces truffés ne sont point ex- portées; les Turkomans réalisent pour les Truff"es fraîches, même sur place des prix qui, vu les conditions générales du pays, peuvent être considérés comme fort élevés (trouble 40 à 2 roubles le poud (1). L'Apiculture n'existe, pour ainsi dire pas, quoique la population soit bien habituée à la con- sommation du Miel, qui lui arrive des Khanats de Dereg et de Kotchan (Perse), en de grandes calebasses pyriformes, et se vend au prix élevé de 50 à 60 kopeks la livre russe. La nouvelle station est confiée à l'auteur de la communi- cation que nous venons de résumer : M. Varentsov. Elle occupe 300 toises carrées de terrain, bien irrigué, dans le jardin public de la ville. Les premiers semis sont représentés par 112 espèces ou variétés dont 4 cotons d'Amé- rique ; 5 moutardes, 14 tabacs ; 6 betteraves et autant de variétés de grand-soleil ; 30 espèces mellifères ; 25 céréales ; une plate-bande de Voandzea subterrmiea, de Madagascar, et 10 espèces arborescentes d'Amérique et de Chine. L'année prochaine, la station abordera l'apiculture et la sériculture ; elle comprend aussi dans son programme d'ac- tivité le collectionnage d'échantillons de la faune locale pour les musées de la métropole. Cette station nous parait appelée à un brillant avenir. (1) M. Chavrov mentionne de son cûlé < des trullos qui poussent en abon- dance, par les temps humiaes, sur les excréments abandonnés par les trou- peaux • dans les steppes quelque peu salantes du TrauEcaucase. 5i8 REVUE LES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. 30 chapitre : Miscellanse Botanlcae. Cultures médicinales — Faits acquis — Centres d'in- troduction — Avenir. — Communication de M. Ferrein (1). — La Russie est encore forcée de faire venir beaucoup de plantes médicinales de l'étranger, mais cependant la culture de plusieurs plantes existe aussi sur le sol de ce pays. Le meilleur anis du marché européen est fourni aux maisons en gros de Leipzig par les cultivateurs des gouvernements de Voronège, de Toula et d'Orel. La culture de la Menthe poivrée et la fabrication de l'es- sence de menthe se font dans les gouvernements de Voronège et de Kazan et encore dans quelques localités. Le produit du fabricant russe M. Blank n'est pas beaucoup inférieur à l'huile si connue de Midchan, ce qui prouve les grandes qualités de la matière première et la perfecticn du mode de fabrication. Le plus grand centre de culture est la ville de Loubny fgouv. Pultava), où le premier Jardin des plantes médicinales a été créé par Pierre le Grand; viennent ensuite Rostov (gouv. Jareslav) et Bournac (gouv. Tambow). Les herbes de M. Tinoguénov de Moscou : Viola iricolor, R'da gnweolens, Origamun majoraaa, Tanacetian, Balsa- mi'a, CochleatHa, Melissa officinalis, SalviaofflcmaUs, TJiy- m"s serpyllum, Laciuca virosa, Carduits henedidus et autres lui ont donné depuis longtemps par leurs qualités su- périeures une grande notoriété dans la Russie entière. Il est incontestablement un des acclimateurs les plus éminents et les plus intelligents de ce centre important qu'est la ville de Moscou. La mise en culture des plantes du groupe narcotique soulève des questions compliquées, dont M. Ferrein a fait un exposé très clair. « Il est difficile, dit-il, d'obtenir par la culture une plus grande quantité d'alcaloïdes narcotiques sans abaisser la qualité de ces derniers. Par exemple, la Belladone cultivée, par la quantité d'alcaloïde qu'elle contient, ne sou- tient pas de comparaison avec la Belladone sauvage. Voilà pourquoi en Russie, comme dans d'autres pays, d'ailleurs, le code pharmaceutique prescrit de ne se servir que d'herbes (1) M. Ferrein est propriétaire de la plus grande pharmacie russe en même t -iiips que d'une maison -ie droguerie de premier ordre ; il fait un cours libre ù la Faculté de Mu?cou, L'ACCLIMATATION EN RUSSIE. 5*9 narcotiques sauvages. Cette mesure a de grands inconvé- nients • elle a pour conséquence l'extermination rapide de l'espèce. Ce qui est arrivé, par exemple, pour les Cinchonas. X, II n'y a pas de doute qu'en étudiant davantage le climat et le sol propres aux plantes en question, on ne réussisse un jour non seulement à conserver aux plantes médicinales cultivées leur dose naturelle d'alcaloïde, mais encore à l'augmenter. » Gérard a observé une différence de proportionnalité d al caloïdes dans des plantes sauvages suivant qu'elles se trou- vaient dans un sol de forêt ou dans un sol calcaire. » Des expériences de cultures variées suivies d'analyses, contribuèrent beaucoup à obtenir des résultats favorables ; l'âge des plantes, la partie de la plante que l'on vise et le mo- ment de la récolte jouent un rôle énorme. » Grâce à des études minutieuses et persévérantes, on sait déjà par exemple, qu'il existe une proportionnalité fixe entre la quantité d'amidon et d'atropine dans la racine de la Bella- done, de même que la quantité d'éthérol dans la racine de 17- nulnhelenium est en raison inverse de la quantité d'amidon. Par suite des progrès remarquables de l'anatomie et de la physiologie végétale on réussira peut-être à définir bientôt au moyen des expériences physiologiques le rôle qui appar- tient aux alcaloïdes dans l'économie même des plantes. « Alors, dit Ischiret {Real Encyclopàdie der Pharmacie{\]. on trouvera les moyens de retarder à souhait la formation d'une matière et par là activer la formation d'une autre. » Ces conclusions sont très ingénieuses, mais il ne faut pas perdre de vue que vérifier des données théoriques l'éprou- vette à la main et faire des expériences sur des plantes vivantes sont deux. Ischiret paraît aller loin et je n'ai cite ses paroles que comme exemple. » M Ferrein a terminé sa communication si intéressante par les conclusions suivantes : 1« Il a été déjà fait bien des choses en Russie en matière d'acclimatation de plantes médicinales ; 20 la Bessarabie, la Crimée, la Transcaucasie et le Turkestan présentent des conditions excellentes pour la culture du Ricin et plus encore des Sumacs en Transcaucasie, qui don- nent les gales tannantes dites de Chine, la cire japonaise et le vernis {_Rhus semialafa, R. vernicifera, R. succedanea) ; (1) Ischiret, l-auteur du bel ouvrage récent : hidische Heil Nutz Pflamen (1892), remarquable par ses planches photographiques. — J. V. 550 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. 3° la propagation de la culture des plantes médicinales amé- ricaines : PodophyUiim peltahmi, Rhamnus Purschiana, Hydrasiis Canadensis et Polygala Senega est très à sou- haiter en présence du succès déjà obtenu pour les trois pre- mières dans le gouvernement de Pskov. .L'AiLANTHus GLANDULOSA. — Cet arbre peut aujourd'hui être considéré comme acclimaté dans la plupart des localités du midi de la Russie, que le rapporteur a eu l'occasion de visiter. Il convient admirablement aux sols argileux secs et mauvais. Sa sobriété est au-dessus de tout éloge ; la crois- sance rapide et le port donnent l'illusion d'un arbre des tro- piques. Aucun insecte ne s'attaque à l'Allante. Le feuillage conserve son beau teint vert et frais jusque très tard dans l'automne, etc. La propagation de l'Ailante dans le midi de la Russie doit être encouragée de toute manière, dit M. Bertenson. Je peux ajouter à mon tour, pour l'avoir observé dans la partie step- pienne du gouvernement de Crimée, en 1887, que l'Ailante s'accommode non seulement d'une glaise compacte et des sécheresses les plus terribles, mais encore, jusqu'à un cer- tain degré, du salant. (Voyez détails dans une notice que j'ai publiée, il y a quelques années, dans le Journal d'Agji- culture, sous le titre : « Essai de boisement de steppes salantes en Crimée ; domaine de M. A.-J. Falz-Fein. )>i Mon ami, M. P. -F. Kaminski, l'initiateur de la culture fores- tière du Tamarix en Russie, a donné à l'Allante également une place importante, dans le mélange d'essences avec les- quelles il établit ses plantations steppiennes. Cependant, pour décider si cet exemple est à suivre, il faut d'abord être en mesure d'écarter les objections qui pourraient être présentées, visant le pouvoir drageonnant excessif de l'Allante ; et aussi être davantage renseigné sur sa manière de se comporter vis-à-vis de ses voisins au point de vue de la lumière. Les plantations que j'ai vu moi-même étaient encore trop jeunes à ce moment-là pour permettre de tirer une conclu- sion quelconque. J'ai cependant lu depuis que l'Allante aurait été introduit en grande proportion dans les boisements créés par M. Mar- graf, dans un terrain giaiseux-salant, partiellement irrigué L'ACCLIMATATION EN RUSSIE. 551 au domaine de Mourgab (oasis de Merv), propriété de l'empe- reur de Russie. M. Bertenson ne fait pas mention de l'acîtion particulière des gelées automnales, qui, dans certaines localités du midi de la Russie, ne manquent jamais d'atteindre le sommet des Allantes, ce qui fait prendi^e un port fort particulier aux couronnes sans que le développement général des arbres, en souffre sensiblement. Chez M. Falz-Fein, tous les Allantes que j'ai vus étaient dans ce cas. I^oms vulgaires : Les Petits-Russiens du midi appellent l'Allante : « Tchoumak » (le routier) ; il serait bien intéres- sant de connaître les origines de ce nom, qui nous a l'air d'avoir quelque rapport avec le mode de dispersion de cette essence exotique dans le pays. Les Russes instruits di- sent aussi souvent — « Allante « ou bien encore « Kitaïski iasien » (Frêne chinois). Les cultivateurs des steppes de la Crimée confondent couramment, dans leur nomenclature, l'Allante et le Bhus, en appliquant aux deux indistincte- ment le nom d'arbre à vinaigre « ouksousnoïe dérevo ». L'Olivier de Bohème. [Elœagnus argenteus et angusti- folius). — M Bertens.n insiste pour que l'en cherche à répan- dre davantage au nord cette espèce dont la culture dans les steppes du midi est déjà des plus fréquentes. Croyez encore ma notice du Journal de C Agriculture, citée plus haut.) Il pense qu'il y aurait à utihser industriellement le prin- cipe odorant des innombrables fleurs de cet arbre, dont le suave parfum embaume au commencement de l'été, dans les steppes du midi, des contrées entières, au point de donner le vertige. Y aurait-il déjà eu quebiue part des tentatives faites dans cette direction ? J'avais envoyé, de mon côté, au bureau organisateur du Congrès, quelques considérations sur l'avenir cultural des Eiéagnacées; on m'a fait l'honneur d'imprimer ma notice dans le volume des « travaux » à la page 101. J'y attirais l'attention des acclimateurs russes sur : 1° les essais de culture du Goumi, récompensés par la Société nationale d'Acclimatation de France ; 2° sur l'initiative de M. Ed. Blanc et de M. le professeur Maxime Cornu en vue de l'introduction, dans le nord français de l'Afrique, de cette 552 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. autre espèce fruitière perfectionnée VE. orientalis de l'Asie centrale et orientale; 3° sur l'élégante vannerie en Elœa- gnns, exposée en 1889 dans la section égyptienne ; 4" sur la résistance considérable à l'action du salant dont VEIœagnus fait preuve sur la plage sablonneuse des alentours du Grau- de-Roi (Bouches-du-Rhône) où il est si répandu qu'il donne au paysage un aspect particulier, etc-, . . La famille des Eléagnacées possède dans son mode d'enra- cinement, dans le revêtement pileux de ses feuilles, dans les forme et disposition de ses fleurs, des adaptations multiples aux conditions climatériques sjiéciales des steppes arides. Le fait que VE. angustifoUus est indigène dans le bassin de l'Amou et en général dans les fourrés de l'Asie centrale où on l'appelle : « djidda », et que VHippophaë rhamnoïdes qui l'accompagne souvent est nommé « tchaklakovetz », nom fort significatif (car « tcliaklak » signifie tache salante, en tartare), devrait valoir aux Eléagnacées encore une attention spéciale au point de vue du boisement des sols salants. D'une manière générale, il nous semble que, malgré qu'il ait été déjà beaucoup fait, il y aurait encore à tirer des Eléa- gnacées en Russie bien des choses auxquelles on n'a pas pensé jusqu'ici (1). Les Eucalyptus. — M. Bertenson (qui s'est appliqué à vulgarisé en Russie les écrits de M. Charles Naudin et de M. Sahut sur la matière) et M. Chavrov ont tous les deux attiré l'attention du Congrès sur la possibilité et l'avantage qu'il y aurait de répandre certains Eucalyptus au Transcau- case. Il n'a pas d'ailleurs été présenté au Congrès d'autres détails sur ce sujet. Je relève cette seule observation de M. Chavrov, que les Eucalyptus qui se trouvent tout à fait bien du climat de Soukhoum et de Batoum, ne résistent pas aux gelées hivernales sur les autres points de la côte orien- tale de la mer Noire. Quelques détails sur l'acclimatation dans le pays de Zaïssang (Sibérie méridionale). — La communication pré- sentée sous ce titre par M. Lissovski est si intéressante que nous croyons utile de la traduire in extenso. []] L'olivier de Bohême porte encore en Russie les noms de • lokh » ; olivier sauvage (< dikaia maslina ») ; o raisgoie dérevo » (arbre du paradis) ; saule da Jérusalem (« ierousalimskaïa verba »), etc... L'ACCLDIATATION EN RUSSIE. 553 « Les plantes qui ont été acclimatées dernièrement au pays de Zaïssang sont les suivantes : » P Le Mûrier blanc. On a commencé à cultiver ici cette plante il y a six-sept ans. On s'est servi d'abord de fruits de Mûrier reçus de Vierny, ensuite de semences venues de Kiev, de l'université de Saint- Vladimir. Les expériences ont dé- montré que le Mûrier de Vierny est un peu sensible aux froids de l'hiver local, mais celui de Kiev les supporte bien. L'expérience de nourrissago d'un ver à soie qui a été faite ici, a donné des résultats très satisfaisants. » 2° Le Pommier chinois [Pyrus prunifolia). Cette espèce de Pommier croit à l'état sauvage dans les régions limi- trophes de la Chine, sur les montagnes de Barlyk. Il y pousse dans les vallées des gorges à une hauteur assez grande au-dessus du niveau de la mer; il supporte bien de grands froids et se contente d'un sol très mauvais. Le Pommier chi- nois mérite la plus grande attention comme sauvageon pour des espèces fines de pommier. C'est dans ce but que quelques habitants et l'école locale d'agriculture ont commencé à le cultiver. On avait semé dans la pépinière de l'école au prin- temps de 1891 des semences du Pommier de Chine et du Pommier sauvage d'Europe ; en automne celui de Chine a donné des pousses deux fois plus grandes que celle du Pom- mier d'Europe, avec un système de racines qui ne laisse rien à désirer. ). 3" Le Groseillier d'Altaï. Cette espèce de Groseillier vient d'être importée cette année de l'Altaï dans les jardins de Zaïssang. D'après sa grandeur et la couleur des grains, elle diffère complètement de la groseille noire, rouge et verte que nous connaissons. Le grain de la groseille d'Altaï est grand et d'un brun bariolé ; son goût est agréable et aroma- tique et ressemble peu à celui de la groseille ordinaire. » Il y a dans le pays de Zaïssang beaucoup de plantes qui, quoique étant à l'état sauvage, servent néanmoins à la popu- lation de nourriture et à la satisfaction d'autres besoins. Telles sont : 1° le Chanvre sauvage {Kindire en kirghise). Ce chanvre croît dans les vallées et aux bords des rivières, sur un sol humide et riche en matières organiques. Du fila- ment, les Kirghises font des cordes pour leur propre usage et pour la vente ; 2° le Beh, dont les racines se mangent cuites et préparées au lait. Les habitants de l'Ouroun-khaï 334 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. font même des conserves des racines tubéreuses du Bek ; ils les sèchent, après les avoir coupé en tranches minces. On commence à les manger au mois de juillet et en faire des conserves au mois d'août; 3" Jarala [bariolée — enkirghise), plante Lulbeuse. On en mange le suc dont on fait une sorte de soupe avec du lait ou de l'eau; on mange aussi le bulbe lui-même cuit; 4° Cosoiibaure (poitrine de mouton), plante rhizocarpienne, ressemble à une betterave. Elle sert de nour- riture aux bergers et se mange cuite dans la cendre; elle pousse dans les vallées, sur un sol sablonneux et mûrit au mois d'août; 5" Biemtchih (mamelon de jument). Cette plante, comme l'assurent des personnes qui l'ont vue, res- semble beaucoup à l'artichaut. Les Kirghises la mangent sous différentes formes; 6° Forte-Bourche (carré). Plante rampante, poussant dans les marais. Le fruit est une noix carrée qu'on mange cuite dans l'eau ; 7" Choimdanak, plante bulbeuse, contenant du lait d'un goût douceâtre. Se mange comme friandise. Elle pousse sur des terrains sablonneux ; 8° Djaondjoumire. La racine ressemble au panais. Cette plante contient un suc laiteux et on la cuit. Elle pousse dans les endroits sablonneux de la vallée de Zaïssang. » Parmi les animaux sauvages du pays de Zaïssang on a commencé dernièrement à apprivoiser le Maral (1). Chaque hiver, quand la neige couvre le sol d'une couche épaisse, on attrape dans les montagnes de Saour à la frontière de la Chine et de la Russie, des Marais sauvages. Dans les endroits d'Altaï, qui avoisinent Zaïssang, on considère les Marais comme des animaux domestiques à cause de leurs cornes : celles-ci se vendent très bien en Chine, et le prix en atteint souvent 15 roubles la livre. Cette nouvelle bran- che de l'économie rurale est tellement avantageuse qu'on cherche à donner une certaine extension à l'élevage des ^la- rals. Circonstance qui en a haussé le prix et a attiré encore un plus grand nombre de chasseurs. Le Maral sauvage s'ex- termine ainsi avec une grande rapidité, et le moment est probablement proche, où sera tué ou attrapé le dernier re- présentant de cette espèce, vivant encore à l'état sauvage. y> Parmi les oiseaux, pour l'apprivoisement desquels des (1) La Revue a déjà cité d''autres détails sur le Maral d'aprfjs le même auteur. Voy. 1" semestre lS'J3, p. 226 et 229. i L'ACCLIMATATION EN RUSSIE. Loo tentatives ont été faites, l'Oie noire sauvage (en kirghise — Caracas) mérite l'attention ; elle est plus grande ({ue l'Oie grise (goumennik) et se distingue par sa fécondité. » Le Planera crenata Desf. [Zelcoioa car^nnifolia Spacli). M. Mlokosevitch, conservateur des forets à Signakli (Trans- caucase), a attiré l'attention du Congrès sur cette essence, dont il y aurait aA^antage à favoriser la propagation. « L'arbre, nous a-t-il dit, connu dans le paj-s sous le nom de « dzelkoa », en tartare : « azat », qui veut dire Lion, est fort répandu dans la partie orientale du Transcaucase (surtout dans l'arrondissement de Lenkoran) ; beaucoup moins dans la partie occidentale, où on ne le rencontre guère que dans la vallée duRion. Les indigènes autant que les co- lons russes immigrés, tiennent le Dzelkoa en haute estime, et l'auteur des Arbres et arbrisseaux du Caucase, M. Medve- dev, ne fait qu'exprimer l'opinion générale lorsqu'il donne cette appréciation : « Le bois de Dzelkoa est de première qualité. Etant très dense il est excessivement dur et lourd, résistant et élastique; quant à la durée, je ne crois pas qu'il y ait au monde un autre bois capable de rivaliser avec lui. Ainsi, l'Immeretie, la Mingrelie et le Talycli possèdent un climat extrêmement humide, qui détériore et fait pourrir tous les bois en fort peu de temps sans excepter le Chêne ; or, les constructions faites en Dzelkoa y résistent de longues an- nées ; il y en a qui comptent plusieurs siècles d'existence. Ce bois n'est pas non plus attaqué parles vers. Pour les moulins, les ponts, bref, pour toutes les constructions du pays qui demandent à être faites en bon bois, on emploie le Dzelkoa, autant que possible. Les planches en Dzelkoa ne se gon- dolent point ni ne se gercent. On préfère aussi le Dzelkoa à tout autre bois pour les cercles. En raison de tout ceci, je n'hésite pas à placer le Dzelkoa comme l'une des meilleures, peut-être mêm.e comme la meilleure essence du pays. » Le Dzelkoa a une croissance rapide, le climat de maintes régions du midi de la Russie lui convient. Il y aurait à prendre des mesures spéciales pour faire largement connaître ce Pla- nera chez vous, car il trouvera très avantageusement sa place dans vos forêts Quant à son mérite décoratif, son nom même d'azat-Iion dit assez combien cet arbre est beau. [A suivre.) II. CHRONIQUE DES COLONIES ET DES PAYS D'OUTRE-MEB. La loi sur la chasse et sur la protection des Oiseaux insectivores au Japon. Le 5 octobre 1892, une loi sur la chasse et sur la protection des Oiseaux fut promulguée dans l'empire du Japon. M. R. Blasius en parle en détail dans VOrnithologische Monatsschrift (1) de Géra. Nous en relevons les principaux traits pour la Revue des Hciences naturelles appliquées, qui, à plusieurs reprises, s'est occupée de la question en France, en reproduisant la liste des espèces visées, ainsi que les noms japonais, d'après la publication de MM. Blakiston et Pryer (2). Toute personne qui désire cbasser au Japon demande une autorisa- tion au gouverneur de la province. Elle n'est pas nécessaire quand la chasse est pratiquée sans fusils sur des terrains entoure's de murs. Il existe deux catégories de chasseurs : ceux qui travaillent pour le gain; ceux qui ne cherchent que leur agrément. Chaque catégorie se subdivise elle-même en deux classes de chasseurs ; ceux avec fusils et ceux sans fusils. La chasse faite en vue du gain est interdite aux employés du Gouvernement, aux personnes qui payent une taxe sur leurs revenus, à celles qui versent un impôt de'passant 15 yen (56 fr.) et aux familles de ces dernières. Le permis de chasse en vue d'un gain coûte, sans fusil, 0,5 yen (1 fr. 85 c), et avec fusil 1 yen (4 fr.). Le permis de chasse d'agrément, sans fusil, 5 yen (20 fr], et avec fu- sil, 10 yen (40 fr.). La chasse sans arme à feu peut être pratiquée pendant toute l'an- née, à partir du 15 octobre ; elle comprend au maximum trois Ira- queurs. L'autre est autorisée du 15 octobre au 15 avril. Le permis est, comme chez nous, personnel. En cas de perte, il peut être remplacé moyennant 25 sen (1 fr.]. Le chasseur doit avoir seize ans. Pour louer une chasse, le Japonais s'adresse par l'intermédiaire des autorités de sa province au Ministre du commerce et de l'agriculture. La location ne peut dépasser dix ans. L'étendue du terrain réservé atteint au maximum 1,500 Mo., environ 1,500 hectares; la location est de 10 yen (40 fr.) par an. Dans les chasses louées, chaque chas- seurs est muni d'un permis. Voici la liste des Oiseaux qu'il est interdit, en toute saison, de tuer ou de capturer dans l'Empire du Japon. (1] 1893, p. 364. (2) < Birds of Japan • in : Transactions of îhe Âsiatic Society of Japan, X, May, 1882, CHROxXIQUE DES COLONIES ET DES PAYS D'OUTRE -MER, 557 NOMS SCIENTIFIQUES DES ESPECES. NOMS JAPONAIS. Hirondelles et Martinets : 1. Hirundo rustica h. Tsubakuro. 2. Hirundo javanica Sparrm. 3. Hirundo alpestris Pall. Jamalsubakuro. 4. Chelidon das//pusBp. Jwamaki-tsubame. 5. Coti/le riparia L. Tsuma-mugari-tsubamc. 6. Cypselus pacificus Latb. Nairi-tsubame. Alouettes, Pipits et Accenteurs : 1. Alauda arvensis L. Hibari. 8. Alauda alpestris L. 9. A nfJius maculatus lldgs. Biudzui. 10. Anthus spinoletta'L. Ta-bibari. 11 . Anthus cervinus Pall. 12. Accentor alpinus Gm. ' Kaya-bibari. 13. Accentor modularis h. Iwa-bibaii. Bergeronnettes : 14. MotacillalugensVdW. 15. Mntacilla japonica Swiub. 16. Mntacilla boarula L. Ki-sekiroi. 17. Motacilla flavz L. Roitelets et Mésanges : 18. Regulus cristatuslioch. Kiku-iladaki. 19. Parus palustris h. Ko-gara. 20. Parus ater L. Hi-gara. 21. Parus atriceps llovsî. Shi-jiukara. 22. Parus varias Tem. el L. Yama-gara. 23. Acredula caudata L. Shima-o-naga. 24. Acredula trivir gâta Tam. ai 'èchl. U-naga, 25. JEgithalus consobrinus SwiDb. 26. Troglodytes fumigatus Tem. Mi-sosazci. Fauvettes des roseaux : 27. AcrocepJialus orientalis Tem. el Schl. 0 gosbi. 28. Âcrocephalus bistrigiceps Swinb. Ko-gosbi. Coucous : 29. Cuculus canorus L. Kakd. 30. Cuculus i)ztermedius\ah\. Tsu-lsu-doii. 31. Cuculus peliocephalus Lalh. Ho-to-to-gi=îu. 32. Cuculus hypergtlirus Gould. Jiu-icbi. 538 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Pics : 33. Gecidus aicoTiera Tem. 34. Gecinus canus Gm. 35. Picus martius L. 36. Picus Richardsi Trist. 37. Picus Noffuchii Secb. 38. Picus leuconotus Bchst. 39. Picus Namii/ei Stejn. 40. Picus major L. 41 . Ji/ngipicus Kisu^i Temm. 42. Ji/hjB torquilla L. 43. Pratincola maura Pall. 44. Ruticilla aurorea Gm. 45 . Tarsiger ajanurus Pall. Traquets Awo-gera. Yama-gera. Kuma-gera. 0-akagera. Ko-gera. Arisu. Nobitaki. Jo-Litaki. Ruribitake. Gohe-mouoJies 4G. Niltava cyanomelœna Tem. 47. Siphia Juteola Pall. 48. Xaiithopygia narcissina Tem. 49. Musicapa sibirica Gm. 50. Musicapa latirostris Raffl. 51 . Terpsiphone pr inceps Tem. Orusi. Ko-tsubame. Ki-bitaki. Schima-modzu. San-koscho. RuUettes 52. Eritliacus akaliige Tem. 53. Eritliacus Namigei Slejn. 54. JErithacus Komadori Tem. 55. Erithacus caUiope Pall. 56. Erithacus cijaiieus Pall. Etourneaux 57. Sturnus ciiieraceus Tem. 58. Sturnus pi/rrJiogenys leva, et Schl. Komador [■1. Aka-bigi. Nogoma. Ko-ruri. Muku-dori. Shima-muku-dori. Cigognes et Grues : 59. Ciconia loijàana Swinb. Ko-dzuru. 60. Grus cinerea Bcbst. 61. Grus leucogeranus Pall. 62. Grus japonensis '\i\i\\. 0-tsuri; Tsurisama; Tau-cbo. 63. Grus leucaucJien Icm. Mana-dzuru. 64. Grus monachus Tem. Nabe-dzuru. De s. III. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. Les Anes espagnols exportés aux États-Unis. — Selon le Glohna, on a noté, dans le dernier rGcensemcnt, 73G,418 Anes qui vivent en Espagne. On compte en outre, pour le môme pays, "760 285 Mulets et 383,113 Chevaux. Eu Espagne, on se sert do l'Ane comme bête de trait et de somme et comme monture. Son entretien étant peu coiàteus, on le rencontre partout. A l'inverse de nos Anes en général, l'tlne espagnol est distingué ; il possède d'ailleurs du sang arabe. Son poil est court et lisse ; son œil ardent, son trot léger. Le paquebot Nueao MaJionès vient d'embarquer à Barcelone sept magnifiques e'talons, originaires de Majorque. Ils me- suraient plus de six pieds au garrot. L'un d'eux fui payé 4,500 pesetas (4,725 francs). Ensemble, ils coûtèrent 17,175 pesetas (17,858 francs). Les États-Uuis, qui ont fait la commande, font venir en outre 335 Anes d'Espagne d'une valeur de 160,000 dollars (800,000 francs), soit une moyenne de 2,388 francs par tète. G. Les Chevaux anciens et actuels en Amérique. — Il n'existe plus aucun doute que les Chevaux qui vivent aujourd'hui tant à l'état sauvage qu'à l'état domestique dans les deux Amériques furent introduits à l'époque de la colonisation. Mais on a constaté que d'autres races et des formes voisines y ont vécu dans des temps plus recule's ; leurs restes ont été mis à jour aux Etats-Unis, au Brésil, dans la République Argentine et au Chili. De B. Perruches souris vivant en liberté près de Berlin. — Dans un domaine des environs de la capitale sont établies depuis plus d'un an quatre Perruches souris {Bolborhijiichus monachus Finsch ) échappées de leur cage. Elles furent remarquées au mois de juin. Ou constata encore leur présence au printemps suivant. De S. Culture du Flet (Pleuronectes flesus BL] en eau douce. Les mœurs de quelques Poissons qui remontent de la mer dans les rivières pour y vivre un certain temps, comme on le voit chez le Saumon et l'Anguille, décidèrent un savant anglais à cultiver le Flet dans l'eau douce. Il y a réussi. L'étang dans lequel a été faite l'expé- rience donne des revenus assez importants. G. Empoissonnement d'un lac des Alpes du Tyrol — A quelques heures de la frontière tyrolienne, sur la route de Greitan à (1] Il convient de rappeler ici, qu'en outre de ses célèbres Anes poitevins, la France possède en Gascogne, et particulièrement dans les Landes, des Anes légers de grand mérite. 560 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Miesing, se trouve le polit lac do Soinsee, situe à l.bGO mètres d'alti- tude. Jusqu'ici on trouvait dans ses eaux divers petits Poissons [Phoxinus lœvis Agass. ,Goàio vulgaris Cuv.),'introduits parles touristes ou dont les œufs ont pu être apportes par des Oiseaux aquatiques. En mai dernier, on y a lâché soixante-cinq Salmonidés donnés par la Société bavaroise de pêche. De S. Propriétés tinctoriales du Sophora du Japon. — .\ la suite de la mission de M. de Lagrenéc, en Chine en 1846, les délégués commerciaux attachés à cette mission firent connaître en Europe divers produits tinctoriaux, parmi lesquels se trouvait une substance, d'origine vége'tale, employe'e depuis plusieurs siècles par les Chinois sous le nom de Hoaï-Hoa pour la teinture en jaune. Après un examen attenlif, tous les botanistes furent d'accord pour recouuaîlre dans cette nouvelle manière tinctoriale, les fleurs non encore de'veloppées du So- Xiliora Japonica. Examiné d'abord chimiquement par Daniel Ilanbury, le IIoaï-Hoa ou Waifa, a été de nouveau étudié par Th Martius qui, en traitant le produit par l'alcool chaud, a obtenu environ 11 % d'une matière pulve'ruleule d'un vert pâle, appelée Waifine. D'un autre côle', M. W. Stein a isole le principe colorant qui n'est autre , selon lui , que l'acide rutinique, identique à la Waifine de Marlius. Voici, d'après un rapport de M. Guinon présente' à la Société d'Agri- culture de Lyon, le résultat des expériences faites en France sur les propriéte's tinctoriales du Waifa : la couleur jaune n'existe ni dans l'e'corce, ni dans le bois. A peine sensible dans la feuille, on la trouve eu grande quantité dans les boutons, et surtout dans les fleurs ; mais celle des fleurs est plus brune que celle des boutons, ce qui explique la préférence que les Chinois donnent à ceux-ci. Le calice en donne peu, les e'tamines davantage, et enfin les p.'?'Lales, qui sont blancs, en contiennent beaucoup. Elle paraît être en combinaison avec un acide ve'""e'tal qui alïaiblit et masque la couleur, laquelle passe inslantane'- menl du blanc au jaune foncé, par l'aclion de l'ammoniaque. Cette proprie'té n'appartient pas exclusivement au Sophora du Jai)on; ou la retrouve dans plusieurs arbres et plantes dont la fleur est blanche. Le Robinier présente sous ce rapport de l'analogie avec le Sophora, mais avec beaucoup moins d'inlensilé. La couleur jaune a beaucoup d'analogie avec celle de la gaude; mais elle est moins propre à produire des jaunes clairs, tels que paille, citron, etc-, qui restent pauvres et de'sagréables à l'œil. Dans les jaunes oranges, comme le bouton d'or, cet inconvénient se change en avantage, et la couleur riche et nourrie possède un degré de solidité supe'rieur à celui obtenu d'un me'lauge de gaude et de rocon. Cette dernière condition est importante pour les ctofles d'ameublement, quoique la teinte soit un peu moins pure. Les alcalis rougissent la CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 561 nuance, les acides la décolorent, — le bichromate de potasse fait rougir à l'instant la solution, ainsi que la soie teinte, en les poussant à une couleur acajou clair. Une partie de fleurs du Sophora donne une nuance équivalente à celle fournie par trois parties de gaude, tiges et racines comprises. Maigre' les avantages incontestables que l'industrie française pour- rait tirer de l'emploi des fleurs de Sopbora, ce produit est aujourd'hui à peu près tombe dans l'oubli. Pourquoi? Nous l'ignorons. ■ Le Hoaï-hoa est d'un emploi très répandu en Cliiue, où on s'en sert pour teindre les sacs, les toiles de coton et les étoffes de soie portées par les mandarins. Cette teinture prend également bien sur la laine et le poil de chèvre utilises pour la confection des tapis et donne une couleur jaune jonquille assez vive, dont la beauté' de la nuance varie avec la nature du mordant avec lequel on la fixe. D'après le R. P. Cibot, ancien missionnaire à Pe'kin, les fleurs du Robinier sont également employées à la préparation du Iloaï-hoa : cet arbre croît partout sans aucun soin, et ses fleurs donnent un très beau jaune. Quand elles sont prés de s'e'panouir, on les recueille, on les détache de leur calice, et on les fait sécher à un soleil ardent, ou encore mieux dans une casserole de fer, et on les tourne et retourne, comme si l'on voulait les rissoler; puis on les humecte avec du suc d'autres fleurs qu'on a pilées, et où l'on a mis du sel. Après les avoir bien maniées, on en fait des boules qui doivent être scche'es au nord. Au lieu de sel, on se sert en certains endroits de chaux, ou même on se contente d'en saupoudrer les fleurs, après l'avoir tamisée très fin. Des livres chinois et des observations de plusieurs voj^ageurs, il résulterait que le Iloaï-hoa sert aussi à teindre directetnenl en vert, mais que le proce'de est tenu secret par les Chinois. Quoique très vraisemblal)lc, celte assertion n'a pas encore pu être vérifiée expéri- mentalement eu Europe ; la question reste donc encore indécise. Disons de plus, pour terminer, que l'écorce intérieure du tronc du Sophora fournit des filaments tenaces ot très longs dont on pourrait tirer parti pour faire des cordages, de la pâte à papier, etc. Ses feuilles sont usitées au Japon comme succédané du thé; fraîches, elles servent à composer, avec de l'huile et de la chaux, une sorte d'empiatre pour combattre les affections charbonneuses, les dartres et les hémorrhoïdes. L'écorce des racines est astringente. Il résulte des expériences entre- prises par M. Cornevin que les diverses parties du Hoyliora peuvent être données sans danger aux animaux de la ferme ; elles ne contieu- nenl. aucun principe toxique. Le chimiste allemand Foerster a retiré des graines un glycosidc qu'il a nomme' Sophorine : c'est une matière colorante jaune se rap- prochant de Qaercitine, qui ne doit pas être confondu avec la Sopho- rine de H. Wood., alcaloïde très toxique retiré des graiues du Sophora speciosa Bexth. Max. V.vnden-Berghe. •20 Décemlire 1893. 33 562 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. Emploi de l'écorce d'Erythrine. — L'écorce de VEri/(hrina corallodeudroji, désignée au Brésil sous le nom de Casca de Mulundh, est un me'dicament très populaire, eu Anae'rique, contre l'atonie géné- rale des organes ; c'est aussi un excellent calmant du système ner- veux, dont les propriétés réelles sont aujourd'hui reconnues dans la the'rapeutique. Au Brésil, on l'administre généralement en poudre et sous forme de sirop, à petites doses fréquemment répétées; c'est en même temps un bon diure'tique et un purgatif e'nergique. Son principe actif est un alcaloïde, YEri/thriae, de'couvert et expé- rimente' par Bochefontaine et Rey. Cette substance est un hypnoti- sant qui narcotise sans déterminer l'hyperphe'mie cérébrale, c'est-à- dire qu'elle agit sur le système nerveux central dont elle diminue ou abolit le fonctionnement normal, tout en laissant persister l'excitabi- lité motrice nerveuse et la contractibilité musculaire. L'Erythrine, trouve'e également dans l'écorce de VE- corulloides par le D'' F. AUamirano, de Mexico, est une matière blanche et spon- gieuse, cristallisable, soluble dans l'eau et les autres réactifs, notam- ment dans l'alcool ; sa fusion à basse température donne un liquide jaune d'une odeur désagréable. L'Erythrine serait Tantidote de la Strychine et pourrait, suivant le D"" Dujardin-Beaumelz, être ingérée sans danger à la dose de 0,60 centigrammes. M. Young a donné le nom de Migar/'hine à un glycoside qu'il a re- tiré de l'écorce d'Erythrine ; cette substance, assez semblable à la Saponine, posséderait en outre la proprie'té de dilater la pupille. Enfin, M. Rio de la Loza y a constate' la présence d'un alcaloïde particulier, y Eri/throcoraloïdiiie, qui n'est sans doute autre chose que VErythrine de Bochefontaine et Rey ; mais qu'il est parvenu à extraire non seu- lement de l'écorce, mais aussi des fleurs et des graines. J. G. A propos du pain russe usité dans les cas de famine. — Cette manne nouvelle, que le professeur Wirchow a soumise au der- nier Congrès d'anthropologie de Moscou, donne des résultats remar- quables. Rappelons que, pendant la dernière famine, les gens pauvres rem- plaçaient le pain de seigle par ce pain fabriqué avec les graines d'une mauvaise herbe (genre Cheiiopodium) très répandue autour des villages. Cette préparation, de couleur noirâtre, ressemble à la tourbe. Selon les expériences publie'es dans les comptes-rendus delà Société anthro- pologique de Berlin (1893, p. 507), l'analyse a prouvé que ce pain russe contient une plus grande dose d'albumine et de matière grais- seuse que celui de seigle ; par contre, il renferme moitié moins de . farine. Il est donc beaucoup plus nutritif que le pain ordinaire. G. IV. BIBLIOGRAPHIE. Médecine des oiseaux. — Causes, nature et traitement de leurs maladies, par P. Mégnin 'membre de l'Académie de me'decine', 2^ e'dition, entièrement remanie'e et considérablement augmente'e. Un volume in-8° de 400 pages, orne' de 56 figures dont une hors texte et colorie'e. En vente aux bureaux de VEleveur, à Yincenues, et 12, boulevard Poissonnière. — Prix, 6 fr. 50. L'ouvrage dont nous donnons le titre ci-dessus et qui vient de paraître, est le re'sultat de vingt-cinq ans de recherckes et d'observa- tions sur les maladies des oiseaux, domestiques ou sauvages, et c'est le seul travail d'ensemble qui existe en France sur la matière. Il y a bien, éparpillés dans les revues et journaux scientifiques, quelques bons travaux sur certaines maladies isolées des oiseaux, mais un traité complet de médecine" à leur usage n'existait pas dans notre langue; celte lacune est maintenant comblée. En 1876, l'auteur avait déjà fait paraître un premier essai sur la médecine des oiseaux, mais ce premier travail, d'à-peine 150 pages, fut vite épuisé, parce que, tout imparfait qu'il était, il répondait à un grand besoin : les éleveurs et les amateurs d'oiseaux, n'ayant eu jus- qu'alors aucun guide pour les aider dans les embarras que leur causent les maladies ordinairement épidémiques qui sévissent si fréquemment dans les volières , les parquets et les basses-cours ; aussi une deuxième édition était-elle souvent et instamment réclamée à l'au- teur. L'ouvrage actuel est plus qu'une deuxième édition; c'est un nouvel ouvrage trois fois plus volumineux que le premier et enrichi de tous les progrès accomplis dans cette branche des sciences médicales com- parées à l'étude desquelles l'auteur se consacre tout spécialement. Ce livre comprend dix chapitres : Le premier est consacré à une exposition claire, mais succincte de l'anatomie et de la physiologie des oiseaux. Le chapitre II comprend les maladies de l'appareil digestif et de ses annexes, le foie, la rate, le péritoine, etc. Le chapitre III, les maladies de l'appareil respiratoire et est divisé en trois sections : 1° Maladies causées par les corps étrangers; 2'^ Maladies causées par les parasites ; 3" Maladies à frigoré, et microbiennes. Le chapitre IV, les maladies de l'appareil circulatoire et du sang. Le chapitre V, les maladies des membres. Le chapitre "VI, les maladies des organes génito-urinaircs. Le chapitre VII, les maladies de la peau. Le chapitre VIII, les maladies nerveuses. o64 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Le cuapilre IX, les empoisonnements. Enfin, un dernier chapitre, le X'', est consacre' à la petite chirurgie de l'éleveur d'oiseaux. Cette e'numération suffit pour montrer l'importance et l'utilité' de cet ouvrage, unique dans son genre; mais nous voulons cependant signaler quelques articles d'une importance re'ellement majeure, par exemple celui sur la maladie causée par le ver rouge {Syngamus tra- chealis), e'tudiée pour la première fois en France par l'auteur, et qui fait des ravages considérables parmi les gallinace's, surtout dans les élevages de faisans. M. Mégnin, se basant sur les me'lamorphoses du parasite, sur ses modes de développement et de propagation, est arrivé à arrêter les e'pidemies qu'il cause, à les prévenir et même à de'sin- fecter les forêts, qui, à la longue, o'taient devenues complètement impropres à l'e'levage des faisans, leur sol étant saturé d'embryons de parasites vivant d'une vie latente comme les rotifères desse'che's. Cet exemple suffit à montrer l'importance de l'ouvrage. G. de G. Liste des principaux ouvrages français et étrangers traitant des Animaux de basse-cour (i). . .. 1° OUVRAGES FRANÇAIS {suite). PRÉVOST et LEBERT. — Forme des organes de la circulation et du sang chez l'embrgon de Poulet. — 184-4, 6 pi. REA.UMUR. — L'art de faire éclore la volaille aie mon en d'une chaleur artificielle. — Paris, Guillaume, au VII, 428 p. in-S", planches. RENDU (V.). — La basse-cour. — Paris, Hachette, 1880, 154 p. in-32 et 14 gr. REYNAL et LANQUETIN. — Maladie parasitaire des oiseaux de basse- cour. — 22 p. in-4'^, 1 pi. ROULLlER-ARNOULT et E. ARNOULT, — Guide pratique illustré ■pour téclosion et Véleoige artificiels des oiseaux de chasse et de basse- cour par les hydro-incubateurs et hydromères RouUier et Ar- noult contenant les rapports de MM. GeoEfroy-Saint-IIilaire et Eug. Gayot. — Paris, Firmiu-Didot, 1886, 4° e'dit., in-8° jcsus de 178 p. avec dessins. '\A suivre.) (1) Voyez Eccne, 1" semestre 1893, p. 430, et plus haut pages 143, 287, 383, 431 et r.'is. TABLE ALPHABETIQUE DES AUTEURS MENTIONNÉS DANS CE VOLUME. Baltet (Ch.\ La Persicaire de Sak- kalin, 139. — Culture du Polygonum Saccha'.i- nense, 189. Bellerive (de). Iirportation du gi- bier en France, 43. — La Sandre acclimatée dans le lac de Constance, 44. — Sur les oiseaux qui se reproduisent dans les nids artificiels, 89. — Requins avides de laiton, 00. — Le Poisson bleu, 91. — Lunettes pour chevaux, 137. — Sur des espèces qui disparaissent en Espafz;ne, '234. — Une Huître gigantesque, 332. — Singes chinois, 378. — Disparition des Tortues des lacs de la Marche, 479. — Les Castors d'Europe et d'Amé- rique, 4SI. — Les Chevaux anciens et actuels en Amérique, iJ.'VJ- Bérard (G. de]. Sur divers produits végétaux de Manille, 133. BoBODiNN. Les Sociétés piscicoles de Norvège et leur œuvre, 4Gi{. Bougon. Les Serpents grimpeurs, 9-2. Bbézol (h.). Quelques variétés de Serins, 101. — UAraiicaria Bidivillî, 236. — La destruction liu Bison améri- cain, 241, 337, 433. — L'arbre à coton soyeux, 525. Cachet. Graines dansantes, 285. Cadéag (C). Encyclopédie vétéri- naire, 286. . DuMONT (Max). Chats sans queue. 282. . . Durand. La question des Sauterelles, 20. Eeden (F.-W. Van). Le Musée co- lonial de Harlem, 145. Eleveur (L'). Les Chiens de guerre allemands, 426. Fallou (Jules). Note sur une inva- sion de lépidoptères de la t'a- mille des Psj'cliidés, 79. Forest aîné. L'Autruche et la colo- nisation, 1. — Les Hérons-Aigrettes, 201, 250. — Le Bœuf Sanga comme animal de transport Soudanais, 425. — Le Chien des Douars, 477. Gabor. La pêche du Saumon dans le Rhin, 44. — Projet d'introduction des Grouses eu Danemark, 90. — ■ La pêche des Saumons du Rhin dans le canton de Zurich, 91 . — Les Rennes dans l'Alaska, 234. — \'oracité de l'Ecrevisse mâle, 236. — Collections d'oiseaux utiles pour les agriculteurs australiens , 332. — Résultat du concours de vitesse pour Pigeons voyageurs, 378. — Commerce des Poissons gelés de la Norvège, 379. — La Pisciculture en Suisse, 404. — Un Perroquet rare exposé à la Société ['Omis de Berlin, 478. — De l'incubation des œufs de Bro- chet dans les appareils desti- nés aux Corégones, 479. — Les Anes espagnols exportés aux Etats-Unis, 559. — Culture du Flet, 559. 566 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES, Gabor. a propos du pain russe usité dans les cas de famine, ")G2. Galbert (Comte de). Pisciculture à la Buisse (Isère), iJ40. Grisard (Jules). Le i'ruit du Fusain, 44. — Le Jujube, 46. — Le Marron d'Inde, 04. — Les Kolas africains, par le doc- teur Ed. Heckel, 191. — V Art de grefer, par Ch. Baltet, 192. — Chronique des sociétés savantes, 229, 278, 377, 422, 474. — Industrie du sucre d'Erable en Amérique, 282. — L'Industrie des laques en Chine, 333. — Usages économiques du Manguier, 427. — Noijveaux fourrages, iJ26. — Emploi de l'écorce d'Erylhrine, :;g2. — et Van'den-Bergiie (Max.). Les Bois industriels indigènes et exotiques, 29, 121, 212, 310, 408, 503. GuÉiURD (G. de). Les Orchidées, ma- nuel de l'amateur, par D. Bois, 48. — Pêches et chasses zoologiques, par le marquis de Folin, 9G. — Le Propriétaire planteur, par D. Canon, 141. — Au bord de la mer, par le docteur Trouessart, 142- — Petit dictionnaire de médecine ca- nine, par G. Percheron, 142. — Le Chien; races, hygiène, maladies, par J. Pertus, 239. — L(s Pyrénées ; les montagnes, les glaciers, etc., par J. Trulat, 239. — Le respect des Singes dans l'Inde, 332. — Guide colomlophile , par Richard de Boeve, 382- — Les arbres à cidre et le cidre du pays d'Othe, par Eug. Ncël, 382. Guérard (G. de). Les vieux arbres de la Normandie, par H. Ca- deau de Kerville, 382. — L'(2ge du Cheval, par Marcelin Dupont, 429. — Les anomalies chez Vhomme et chex les mammifères, par L. Blanc, 429. — La terre avant l'apparition de l'homme, par F. Priera, 480- — Guy de La Brosse et V. Jacque- mont, 523. — Bibliographie agraire, par Picco- lomini, 524. — ■ Les insectes nuisibles de la vigne, nar G. Mingaud, 527. — Notes pour servir à f histoire des Loups, par G. Mingaud, 527. — Médecine des oiseaux , par P. Mégnin, ol>3. J. D. Les Bois iudicsiriels indigènes et exotiques, par J. Grisard et M. Vanden-Berghe, 95. Krantz. Sur la propagation des pois- sons d'eau douce, 7 4. — Essai de croisement entre le Cerf Wapiti et le Cerf commun, 97. — Une nouvelle conserve de poisson, 137. KuNTZLER (J.). Plasticité évolutive des salmonidés, 500. Lagrange. Notes sur la reproduction à la Croix-Verte des Hoccos globicères, 349. L. M. Les Alligators de la Loui- siane, 379. Magaud d'Aubusson. Contribution à l'histoire de la Bécasse, 303. Mathias (G.). Rapport de la Com- missiou de comptabilité sur les exercices 1891 et 1892, 179. Meyners d'Esthey. Le Caoutchouc de Sumatra, 45. — Vers à soie sauvages de la Chine, 8G. — Sur la destruction des Cocotiers, par les Scarabées, 312. — Les Pigeons en Chine, 399. Mingaud (Galiea). L'intelligence des Couleuvres, 235. TABLE ALPHABETIQUE DES AUTEURS. S67 Moniteur officiel du commerce. La Pêche, les Poissons et les Huîtres au Tonkin, 231. — Commerce du Caoutchouc à Ma- dagascar, 4 '2 3. NoiRMONT (Baron de). Vieilles chas- ses et animaux disparus, 40. Petit (J-)- Le bétail sauvage de la Grande-Bretagne et le croise- ment des Bovidés, l.J3. Pétrov. L'industrie du guano de poisson à Yéso, 47^». Revue maritime et coloniale. L'in- dustrie de la pêche du Homard au Canada, 279. ScH.'ECK (de). Sur racilimalation des Ptarmigans aux îles Feroë, 43. — L'Isatis ou Renard bleu, 60. — Métis de Lion et de Tigre, 89- — Les mœurs terrestres de 1 An- guille, 90. — Observations sur les femelles de Chabot, 91. — Histoire du Poisson doré, 111, 1G8. — Le rôle de l'Albinisme au Japon, 137. — Repeuplons en Ecrevisses d'Amé- rique, 139. — Concours de vitesse pour Pigeons voyageurs, 188. — Oiseaux hybrides à Cristal Palace (Londres), 188. — Des Chiens d'Afrique, 193, 289, 385, 529. — L'Agriculture dans le pays des Bazibas, 234. — Projet d'une Société protectrice des Alouettes en Angleterre, 234. — La race chevaline en Allemagne, 282. — Les Marmottes en Suisse, 332. — Une Baleine rare sur les côtes anglaises, 332. — Les Poissons d'Amérique en Alle- magne, 333. — La sciure de bois prohibée des cours d'eau, 335. Sgh.eck; (de). Introduction de Cerfs hybrides de l'île Maurice à Cey- lan et à Madagascar, 378. — Un fleuve salé, 379. — Force de traction de la Baleine, 425. — Les productions de Tahiti, 427. — Canards empoisonnés par des marrons, 478. — En Islande, autour du lac My- vatn, 519. — Croisement des Cobayes, 523. — Utilisation du Renne en Europe, 524. — La loi sur la chasse au Japon, 55 G. — Perruches souris en liberté près de Berlin, 5.")9. — Empoissonnement d'un lac du Tyrol, 559. Scumiut (P.-J.). Le lac Issykkoul, poisson et pêche, 354. TcHERNiGOFF. Le lac Marka-Koul et sa pêche, 13. — La pèche dans le district de Pe- trosavodsk, 200. Tegetmeier. Les Poules pondeuses, 70. Vanden-Berghe (Max.). L'Hovenia dulcis, 45. — Usage des baies de Sapindus, 4G. — La Gomme laque, 93. — L'Eoéiiite, 188- — Les produits de l'Acajou à fruit, 237. — Le Mastic et la Térébenthine de Chio. 380. — Propriétés tinctoriales du Sopbora, 560. Voyez aussi Gbisard. ViLBOUCHEViTCU (Jean). Les pâtu- rages du Cap de Bonne-Espé- rance, 268. — L'.Acclimalation en Russie, 3G5, 449, 545. — Emploi du Chameau en Russie, 477. FIN DE L.A TABLE ALPHABETIQUE DES .AUTEURS. INDEX ALPHABETIQUE DES ANIMAUX MENTIONNES DANS CE VOLUME. GENERALITES. Albinisme, 137. Animaux disparus, 49-64. Aviculture, 143-144, 287-288, 383-384, 431-432. Bovidés, 1.J3-167. Chass», 4'J-G4. Commerce du poisson pelé, 370. Conserve de poisson, 137-139. Gibier (importation en France), 43. '-' "' Guano de. poisson, 475-476. Huile de Sauterelle, 229. Insectes nuisibles à la Vipne, 527. •• • . Lunettes pour Chevaux, 137. Métis de Lion et de Tigre, 89. ■ ' Nids artificiels, 89-90. Oiseaux, 332, 5j6-5o8. Oiseaux hj'brides, 188. Pêche et pisciculture, 13-19, 44, 91. 96, 2(19-211, 231-233, 240, 335,354-364. 379, 404-407, 462-473, 540-544, 559-560. Poissons, 74-78, 231-233, 333. Alligators, 379. Alouettes, 234-235. Ane, 559. Anguilles, 90. Auroch 51-59. Autruche. 1-12. Baleine, 3;(2, 425. ' Bécasse, 303-311. ^■ Bi il-59, 2 'i 1-255, 337-3 '»8, 433-448. Blanyule, 422. Bœul, 425-426. BoL-hets, 470. Canards, 478-479. Castors, 481-499. Cerfs. 59-62, 98-100, 378. Chameau, 477. Chabot, 91. Chats, 282.' Cheval, 282, 420-430. Chiens, 142, 193-200, 239, 289- 302, 385-398, 426-427, 477-478. Cobayes, 523. Cochylis, 230. Couleuvre, 235-236. Écrevisse, 139, 236. INDEX ALPHABÉTIQUE DES ANIMAUX. b69 Englaulis, 137-loO. Flet, j59. Grouses, 90. Hérons, 201-208, 2;;G-267. Hoccos, 349-333. Homard, 279-281. Huîtres, 231-233, 332, 377. Isatis, 6o-09, Lapin, 430, 474. Lépidoptères, 79-83. Lepus, 474. Lièvre, 474. Loups, 327. Lynx, 02-03. Marmottes, 332. ' Perroquet, 478. Perruches, 339. Pigeons, 188, 378, 399-403. Poisson bleu, 91. Poisson doré, 111-120, 168-178. Porc-épic, 234. Poules, 70-73. Psychides, 79-83. • - • Ptarmigans, 43-'44. Renard bleu, 65-69. Renne, 50-51, 234, 524. Requins, 90. Salmonidés, 300-502. Sandre, 4 4. Saumons, 44, 91. Sauterelles, 20-28, 229. Serins, 101-110. Serpents grimpeurs, 92. Singes, 332, 378. Tortues. 479. Z7/-WS, 31-39. Vers à soie, 86-88. FIN DE L INDEX ALPHABETIQUE DES ANIMAUX. INDEX ALPHABÉTIQUE DES VEGETAUX MENTIONNES DANS C^ VOLUME. GÉNÉRALITÉS. L'agriculture chez les Bazibas, 23 4. L'art de greffer, 102. Les bois industriels, 29-42, Oli, 121-132,212-228, 316-331,408- 421, 503-;; 18. L'Ebénite, 188. Fourrages, 526. Graines dansantes, 28"5. La Gomme laque, 03. L'industrie des laques en Chine, 333-335. Les pâturages du Cap de Bonne-Espérance, 268-277. Les productions de Tahiti, 427. Produits végétaux de Manille, 133. Le propriétaire planteur, 141. Sucre d'Érable, 282-285. Végétaux, 449-462, 545-555. ' Acajou, 237-238. Acer, 212-227. ■ ^sculus, 127-131. Alectryon excelsum, 30. Allophyllus, 30-31. Anacardinm, 317-318. Anagyris fcetida, 512-513. Anaphreninm, 503. Andira, 513-515. Araricaria Bidivilîi, 236-237. Astronimn, 318-320. Baphia, 515-516. Blighia sapida, 31-32. Bocoa, 516-517. Bouea, 503. Bowdichia, 517-518. Buckanania, 503. Campnosperma, 504 . Caoutchouc, 45-46, 423-424. Champignon, 230. Chenopodimn, 562. Citronnier, 372-374. Cûssignia Borlonka, 32-33. Cocotier, 312-315. Clomocladia, 504. Connarus, 509. Corgnocarpiis, 504. Cûtinus, 320-321. Coton, 365-368, 525. Ciipania, 33-34. Dodonaa viscosa, 34-35. Dracontoiiielon, 504-505. Érable, 212-227, 282-285. Sriodeudroii, 525-526. INDEX ALPHABETIQUE DES VÉGÉTAUX. Wl JEri/thrina, tJG2. . .. ^. .' ,. Huphorta, 3o-3G. Fusain, 44-4o. Ghita, 322. Gombo, 4 '37- 4.') S. Earpullia, 30-37- Hovenia duîcis, 4j. Jujube, 46. Jute, 368-370. Kelengan, 37. Kendyr, 449-4;Jl. ' ' ' Kolas, 101-102. Litchi Chiuensis, 37-38. Zilhrœa, 323-324. Luzerne, 220-230. JMangifera, 324-326. Manguier, 427-428. Marron d'Inde, 04, 478-470. Mastic, 380-381. Melanochyla, "JOo. Melatiorrhaa, 326-327. Alelicocca, 38-40. Metopium, 327-328. Négondo, 227-228. Nephelium lappacenm, 40-41. Odina Wodief, ■"iOo-iJ06. Olivier, 374. Oranger, 372-374. Orchidées, 48. Pancovia edulis, 41. Pavier, 131-132. Persicaire, 130-140, 180-100, 526. Pistacia, 328-331,380-381, 408-409. Polygonum, 130-140, 180-100, 5526. Ptœrozylon ntile, 41-42. Poîtpartia, iiOG. Pyrèthrcy 453-457. Ramboulan, 40-41. Ramie, 370-372. Rhizoctone, 220-230. Rhus, 409-416. Riz, 453. Rourea, 500. Sapindus, 46-47, 121-124. Schinopsis, 416-417. Schinus, 418-420. Sclerocarya, 500. Semecarpus, 506-508. Schleichera, 124-125. Schmidelia, 125-126. Sopkora, 560-561. Sorgho, 451-453. Sorindeia, 508. Spondias, 420-421. Sirintoaia, 508. Térébenthine, 380-381. Thé, 374-370. Touboulane, 278. Truffe, 278. Vigne, 527. FIN DE L INDEX ALPHABETIQUE DES VEGETAUX. A^^ .\.y TABLE DES MATIERES GENERALITES. De Bellerive. — Importation du gibier en France 43 Baron de Noirmont. — Vieilles chasses et animaux disparus 49 De Sghaeck. — Le rôle de l'Albinisme au Japon 137 F.-W. Van Eeden. — Le musée colonial de Harlem 143 G. Mathias. — Rapport de la commission de comptabilité sur les exer- cices 1891 et 1892 170 De Schaeck. — L'agriculture dans le pays des Bazibas 234 Max. Vanden-Berghe. — L'Ebénite 188 De Bellerive. — Sur des espèces qui disparaissent en Espagne 234 J. Vilbouchevitcii. — L'acclimatation en Russie 361), 449, 345 Gabor. — Commerce du poisson gelé de la Norvège 370 De Schaeck. — Un fleuve salé 370 Le même. — En Islande 510 G. DE GuÉRARD. — Guy de La Brosse et V. Jacquemont 323 PREMIÈRE SECTION. — MAMMIFÈRES. De Schaeck. — L'Isatis ou Renard bleu 63 Le même, — Métis de Lion et de Tigre 80 Cath. Krantz. — Essai de croisement entre le Cerf Wapiti et le Cerf commun 98 De Bellerive. — Lunettes pour Chevaux 137 J. Petit. — Le bétail sauvage de la Grande-Bretagne et le croisement des Bovidés 133 De Schaeck. — Des Chiens d'Afrique 193, 289, 383, 329 Gabor. — Les Rennes dans l'Alaska 23 4 H. Bkézol. — La destruction du Bison américain 241, 337, 433 Max DuMONT. — Chats sans queue 282 De Schaeck. — La race chevaline en Allemagne 282 Le même. — Une Baleine rare sur les eûtes d'Angleterre 332 Le même. — Les Marmottes en Suisse 332 G. DE GuÉRARD. — Le respect des Singes dans l'Inde 332 De Bellerive. — Singes chinois 378 De Schaeck- — Introduction de Cerfs hj-brides de l'île Maurice à Ceylan et Madagascar 378 Le même. — Force de traction de la Baleine 425 Forest aîné. — Le Bœuf Sanga comme animal de transport soudanais. 423 L'Éleveur. — Les Chiens de guerre allemands 426 Vilbouchevitch. — Emploi du Chameau en Russie 477 Forest aîné. — Le Chien des Douars 477 De Bellerive. — Castors d'Europe et d'Amérique '481 TABLE DES MATIÈRES DU DEUXIÈME SEMESTRE. 573 De Sghaeck. — Croisement des Cobaj-es 503 Le mcine. — Utilisation du Renne en Europe •304 Gabor. — Les Anes espagnols exportés aux Etals-Unis 559 De BifLLERiVE. — Les Chevaus anciens et actuels en Amérique ")'')<) DEUXIÈME SECTION. — OISEAUX. FoREST aîné. — L'Autruche et la colonisation -] De Sghaeck. — Sur l'acclimatation des Ptarmigans aux îles Feroé.. . 4:i Tegetmeier. — Les Poules pondeuses 79 De Bellehive. — Oiseaux et nids artificiels 89 Gabor. — Projet d'introduction des Grouses en Danemark 90 H. BnÉzoL. — Quelques variétés de Serins ;101 De Sghaeck. — Concours de vitesse pour Pigeons voyageurs 188 Le mcme. — Oiseaux hybrides à Cristal Palace (Londres) 188 FoBEST aîné. — Les Hérons-aigrettes oui 05g Gabor. — Collections d'oiseaux utiles pour les agriculteurs australiens. 232 De Sghaeck. — Projet d'une Société protectrice des Alouettes en Angleterre 034 Magaud d'Aubusson. — Contribution à l'histoire de la Bécasse 303 Lagraxge. — Notes sur la reproduction à la Croix- Verte des Hoccos globicères ; 349 Gaeor. — Résultat du concours des Pigeons voyageurs 378 D"" Meyners d'Estrey. — Les Pigeons en Chine 399 Gabor. — Un Perroquet rare exposé à la Société Omis de Berlin. . . . 478 De Schaegk. — Canards empoisonnés par des marrons 478 Le mê/iie. — La loi sur la chasse au Japon et la protection des oiseaux insectivores 55g Le même. — Perruches souris vivant en liberté près de Berlin ;;a9 TROISIÈME SECTION. - POISSONS, CRUSTACÉS MOLLUSQUES, ETC. Tchernigoff. — Le lac Marka-Koul et sa pèche 13 De Bellerive. — Le Sandre acclimaté dans le lac de Constance. ... 44 Gabor. — La poche du Saumon dans le Rhin 44 Cath. Krantz. — Sur la propagation des poissons d'eau douce 74 De Sghaeck. — Les mœurs terrestres de l'Anguille 90 De Bellerive. — Requins avides de laiton Oy Gabor. — La pêche des Saumons du Rhin dans le lac de Zurich. ... 91 Db Sghaeck. — Observations curieuses sur les femelles de Chabot.. . 91 Le même. — Le Poisson bleu gi Bougon. — Les Serpents grimpeurs 90 De Sghaeck. — Histoire du Poisson doré 111 158 Cath. Krantz. — Une nouvelle conserve de poisson I37 De Sghaeck. — Repeuplons en Ècrevisses d'Amé.dque I39 Tchernigoff. — La pêche dans le district de Pètrosavodsk. 200 Moniteur of/iciel du. Commerce'. — La pècho, le poi?son et les huîtres au Tonkin _ 031 o74 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Gai.ien Mingaud. — L'intelligence des Couleuvres 235 Gabor. — Voracité de l'Écrevisse mâle 230 Bévue maritime et coloniale. — L'industrie de la pêche du Homard au Canada -' J De Bellerivk. — Une Huître gigantesque 332 De Schaegk. — Les poissons d'Amérique en Allemagne 333 P.-J. ScnMiDT. — ^ Le lac IssykUoul. poissons et pêche 354 L. \I. — Les Alligators de la Louisiane 379 Gabor. — La pisciculture en Suisse 404 BoRODiNN. — Les Sociétés piscicoles de Norvège et leur œuvre 463 Pétrov. — L'industrie du guano de poisson à Yéso 47."» De Bellerive. — Disparition des Tortues des lacs de la Marche 479 Gabor. — De l'incubation d'œufs de Brochet dans les appareils des- tinés aux Corégones 479 J. KuNTZLER. — Plasticité évolutive des Salmonidés oOO Comte DE Galbert. — Pisciculture à la Buisse, près Voiron (Isère). 540 Gabor, — Culture du Flet 559 De Schaeck. — Empoissonnement d'un lac du Tyrol 559 QUATRIÈME SECTION. — INSECTES. Durand. — La question des Sauterelles 20 J. Fallou. — Note sur une invasion de Lépidoptères de la famille des Psychidés "^ ^ D'' Meyners d'Estrey. — Vers à soie sauvages de la Chine 86 Le même. — Un nouvel ennemi de la Vigne 422 CINQUIÈME SECTION. — VÉGÉTAUX. J. Grisard et Max. Vanden-Bergre. ■ — Les bois industriels indigènes et exotiques 29, 121, 212, 310, 408, 503 J. Grisard. — Le fruit du Fusain 44 Max. Vanden-Bergue. — UHovenia dulcis 45 D'' Meyners d'Estrey. — Le Caoutchouc de Sumatra 45 J. Grisard. — Le Jujube 40 Max. Vanden-Bergiie. — Usage des baies de Sapindus 46 Le 'iiignie. — La Gromme laque 93 J. Grisard. — Le marron d'Inde 94 G. DE Béhard. — Sur divers produits végétaux de Manille 133 Ch- Baltet. — La Persicaire de Sakhalin 139 Le mcme. — Culture du Polygoimm Hacchalinense 189 IL Brézol. — l^' Araucaria Bidioilli 236 Max. Vanden-Bergiie. — Les produits de l'Acajou à fruit 237 J. ViLBOUCHEviTGH- — Les pâturages du Cap de Bonne-Espérance.. . 268 J. Grisard. — Industrie du sucre d'Érable en Amérique 282 Cachet. — Graines dansantes 285 D"" Meyners d'Estrey. — Sur la destruction des Cocotiers par les Scarabées 312 J. Grisard. — L'industrie des laques en Chine 333 Max. Vanden-Bergiie. — Le mastic et la térébenthine de Chio 380 TABLE DES MATIÈRES DU DEUXIÈME SEMESTRE. 575 Moniteur officiel du Commerce. — Commerce du Caoutchouc à Mada- gascar ^-"^ De Scuaeck. — Les produclions de Tahiti i-1 J. Grisard. — Usages économiques du Manguier 427 H. Brézol. — L'arbre à colon soyeux 323 J. Grisard. — Nouveaux fourrages 326 Max. Vanden-Berghe. — Propriétés tinctoriales du Sophora 360 J. Grisard. — Emploi de l'écorce d'Erythrine 3G2 Gabor. — A propos du pain russe usité dans les cas de famine 3G2 CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. Académie des Sciences '220, 278, ;{77, 422, 47 4 BIBLIOGRAPHIE. Les Orchidées, manuel de Tamateur, par D. Bois 48 Les bois industriels indigènes et exotiques, par J. Grisard et Max. Vanden-Berghe "J'J Pêches et chasse zoologiques, par le marquis de Folin '.16 Le propriétaire planteur, par D. Cannon 141 Au bord de la mer, par le D'' Trouessart 142 Petit dictionnaire de médecine canine, par G. Percheron 142 Liste des principaux ouvrages français et étrangers traitant des animaux de basse-cour 143, 287, 336, 383, 431, 528, 304 Les Kolas africains, par le D'' Ed. Heckel 101 L'art de greffer, par Ch. Baltet 102 Le Chien. Races, hygiène, maladies, par J. Pertus 230 Les Pyrénées. Les montagnes, les glaciers, etc., par J. Trutat 230 Le conseiller du pêcheur 240 L'élevage 240 Revue Britannique 240, 430 C. Cadeag. — Encyclopédie vétérinaire. 280 Guide colombophile, par Richard de Boeve 382 Les arbres à cidre et le cidre du pays d'Olhe, par Eugène Noël 382 Les vieux arbres de la Normandie, par Henri Gadeau de Kerville. . . 382 Les anomalies chez l'homme et chez les mammifères, par L. Blanc . . . 420 ■ i^^âge du Cheval, par Marcelin Dupont 420 Elevage du Lapin sauvage en garenne, par Spinson. . . - 430 La terre avant l'apparilion de l'homme, par F. Priem 480 Bibliographie agraire, par M. Pigcolomini 324 Les insectes nuisibles à la Vigne, par G. Mingaod 327 Noies pour servir à Thistoire des Loups, par G. Mingaud 327 Médecine des oiseaux, par P. Mégnin 303 FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES. TABLE DES GRAVURES Cerfs féroce à barbe Cl Chiens d'Afrique 291, 203-302, 38r,-391, 393, 307 Persicaire de Sakkalin 180 Psyché alra 81 FIN DES TABLES. Le Gérant : Jules Grisard. VERSA.ILLES, lUPniMERIE CERF ET C'", 59, RUE DUPLKÎSiS. New York Botanical Garden Libran 3 5185 00259 9262 V V ^ 'iî^-n Mtt^. '«»a là il il flfil'ilii: lïii m M Ï •~. ■■■* '-% j#-,m-