- y/2 ./vto, l'CiVi. m Sa REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES BULLETIN BIMENSUEL DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE VERSAILLES, IMPRIMERIE CERF ET Gio, 59, U'JE D'JPLSSSIS. REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES BULLETIN BIMENSUEL, DE LA SOCIETE NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE Fondée le 10 février 1854 RECONNUE ÉTABLISSEMENT D'UTILITÉ PUBLIQUE [PAR DÉCRET DU 26 FÉVKIKR 1855 1894 — DEUXIEME SEMESTRE QUARANTE ET UNIEME ANNEE KA* i oW YU*«L (SOTAMCAI PARIS AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ 4I , RUE DE LILLE, 41 1894 1. TRAVAUX ADRESSÉS A LA SOCIÉTÉ. A » Y**K£ K»ï AMICAL i -* K Ufc'N LA DESTRUCTION DU BISON AMERICAIN d'après m. hornaday, superintendant du parc zoologique de washington Par M. H. BREZOL. (suite*) Pour donner une simple idée de l'énorme valeur de ces peaux et de ces robes, nous reproduisons le compte détaillé des chiffres d'affaires de deux des principales maisons de fourrures de New- York, pendant ces dernières années. La faible importance des dernières transactions marque approxi- mativement la date de l'extinction de cette espèce animale. Robes et cicirs achetés par MM. Boshowitz de New- York et Chicago. ROBES. CUIRS- NOMBRE. VALEUR. NOMBRE. VALEUR. or 1876 31,838 1877.... .. 9,353 1878 41,268 1879 28,613 1880 34,901 1881 23,355 1882 2,124 1883 5,690 1884 » Totaux 177,142 211,570 fr. 190,424 803,670 589,642 940,908 810,612 83,304 158,971 » 3,789,101 » » 4,570 26,601 15,464 21,869 529 » » » 70,167 475,420 235,707 358,794 9,184 69,033 1,149,272 {*) Voyez Revue, 1893, 1' semestre, p. 433, et 1894, 1" semestre, p. 337. 5 Juillet 1894. * 2 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Ce sont donc 246,175 peaux valant 4,938,373 fr. qui ont été achetées en neuf ans par une seule maison. Le chiffre d'affaires de M. Joseph Ullmann, importateur et exportateur de fourrures à New-York et à Saint-Paul, Min- nesota, n'était pas moins important. En 1881, il a acheté 14,000 cuirs au prix moyen de 18 fr. 70 l'un, et 12,000 rohes à 40 fr. En 1882, de 35 à 40,000 cuirs valant 18 fr. 70 et 10,000 robes à 45 fr. 35. En 1883, de 6 à 7,000 cuirs et 1 ,500 robes payées un prix un peu plus élevé que l'année précédente. En 1884, il n'a pu se procurer que 2,500 cuirs, venant du Nord- Ouest, et M. Ullman suppose qu'iN devaient avoir été fournis par des animaux tués pendant la campagne précé- dente et non par des animaux abattus en 1884. Quant aux robes on n'en trouva que quelques unes et elles aussi da- taient de 1*83. En 1885, les achats furent presque nuls. Ces robes et ces cuirs, travaillés par les Indiens, venaient généralement du Nord-Ouest, surtout du Montana. Les cuirs se subdivisaient en deux catégories : ceux qui conservaient leur fourrure et pouvaient se vendre comme des robes préparées à l'indienne, et les lourdes peaux au pe- lage court des taureaux. Les premiers se vendaient à la maison May de Budgeport, Connecticut, et à de petits tanneurs de robes Les autres étaient achetées à raison de 66 centimes à 1 franc le kilog par les tanneries de cuir. La société Wilcox, à Wilcox, Pensylvanie, en travaillait surtout une grande quantité. L'établissement de la ligne du Pacifique-Nord, en facilitant les transports des peaux, a surtout accéléré la destruction des Bisons, qu'on tuait alors simplement pour leur peau, les ca- davres pourrissant sur les plaines. De 1880 à 1884, le prix moyen payé au chasseur était de 16 fr. pour une peau de vache, 13 fr. 35 pour une peau de taureau, 8 fr. pour une peau de veau d'un an, de Yearling, 4 fr. pour une peau de veau. Les frais du transport élevaient le prix moyen à 18 fr. 70. A côté des deux maisons citées ci -dessus, il en existait encore d'autres : MM. Baker et Ci0, de Fort Benton ; Weare LA DESTRUCTION DU BISON AMERICAIN. 3 et Ci0, de Chicago; Obern Hoosick et Cie, de Chicago; Martin Bâtes et Ci9, de New-York ; Shearer Nichols et Ci0, de New- York, etc. Au Canada, le commerce des robes et des peaux de Bisons fut longtemps monopolisé par la Compagnie des fourrures de la Baie d'Hudson ; les troupeaux n'étaient du reste pas nom- breux dans cette région, et le chiffre d'affaires peu élevé. La Compagnie trouva ensuite sur son meilleur terrain de chasse, sur le pays du Sud du Saskatchewann, un concur- rent redoutable dans la maison Baker et Ci0, du Fort Benton. La saison pour la chasse des Bisons fournissant des robes durait du 15 octobre au 15 février, elle se prolongeait un peu plus tard dans l'extrême Nord Aux Etats-Unis, le poil res- tait court et les robes peu estimées jusqu'au 1er novembre. Dans le Montana, les plus belles robes étaient celles des ani- meaux tués du 15 novembre au 15 décembre. Le poil n'avait pas encore atteint toute sa longueur avant la première de ces dates, et après la seconde, sa teinte brune s'effaçait et se dé- colorait. Les tempêtes de décembre et de janvier pâlissant et emmêlant les poils commençaient surtout à produire des effets visibles vers le 1er février. Le poil était absolument dé- coloré vers le 15 février et la chasse se ralentissait considé- rablement ; souvent cependant on continuait jusqu'en mars, mais elle cessait alors par suite et du peu de valeur qu'a- vaient les robes, des troupeaux en migration vers le Nord, et du besoin qu'éprouvaient les chasseurs de dépenser le pro- duit de leurs fatigues Dans la région du Nord, ie chasseur isolé, et c'était le cas le plus fréquent, s'empressait de dépouiller le cadavre encore chaud du Bison abattu, l'opération étant beaucoup plus facile que si la rigidité cadavérique s'en était emparée. Il le faisait tourner jusqu'à ce qu'il portât sur le dos, les pieds en l'air, et le maintenait clans cette position en ramenant la tête de côté, près de l'épaule, en guise de cale. Une incision annu- laire pénétrait jusqu'à l'os de chaque jambe, à 12 centimètres au-dessus des sabots, et la peau des quatre membres était fendue longitudinalement sur la face intérieure, depuis cette incision jusqu'à la ligne médiane du corps. Le chasseur pra- tiquait ensuite sur la poitrine et l'abdomen une longue inci- sion allant de la naissance de la queue au menton, puis il détachait la peau sans oublier celle qui recouvrait la queue * REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. Avec les vaches et les veaux, on n'abandonnait que la peau de la face et des naseaux, celle de la gorge et des joues ve- nant avec le reste de la dépouille. Sur les vieux taureaux, qui avaient le cuir de la tête dur et résistant, on arrêtait l'é- corchage par une incision transversale passant sur le cou derrière les oreilles, la tête restant alors couverte de son cuir. Ces énormes crânes, conservant longtemps leurs touffes de poils d'un brun noir et la blancheur d'ivoire du squelette, donnaient aux prairies qui en étaient parsemées un aspect sinistre et macabre. Ce lugubre caractère persiste encore dans les vastes plaines d'herbes du Montana, là où les ramas- seurs d'os n'ont pas encore achevé leur tâche. Les crânes des veaux et des vaches sont blancs et polis comme s'ils sortaient des mains d'un ostéologiste. Aussitôt que la peau était enlevée, on retirait en tous sens, et on retendait le côté chair en dehors sur un endroit de la prairie où le sol était propre, uni et bien de niveau ; elle res- tait ainsi jusqu'à parfaite dessiccation, sur les touffes bouclées de l'herbe aux Bisons. Dans les régions du Nord, les peaux étaient souvent ten- dues au moyen de piquets enfoncés dans le sol, et cette pra- tique avait également pénétré dans le range du Sud, alors que les Bisons devenant plus rares, le chasseur pouvait con- sacrer plus de temps à la bonne conservation des peaux. L'absence de bois sur l'immense étendue de la prairie em- pêchait seule ce procédé de se généraliser. Dans le range du Nord encore le chasseur découpait ses initiales dans le mince muscle peaussier qui adhérait toujours au cuir des deux côtés. Les marchands qui allaient acheter des robes sur le range du Sud emmenaient parfois une solide presse à quatre mon- tants verticaux entre lesquels on empilait les robes préala- blement pliées, pour les presser en balles comme du coton, au moyen d'une vis manœuvrée par un levier. Le transport sur les chariots était moins coûteux alors que celui des robes libres. D'après M. Théodore Davis, le marchand répar- tissait ses robes en piles de dix, en ayant soin de n'en pas mettre trop des plus belles dans chaque lot. Ces piles étaient ensuite grossièrement pressées au moyen de chaînes et de leviers. Quand la chasse était terminée sur le range du Nord le LA DESTRUCTION DU BISON AMERICAIN. S chasseur revenait avec un chariot à ridelles attelé de quatre chevaux, rassemblait ses peaux, les pliait en deux suivant la longueur, le poil à l'intérieur et les chargeait. Un chariot pouvait en recevoir une centaine environ. On avait adopté dans cette région la classification suivante : Sous le nom de robe, on comprenait toutes les peaux des vaches de plus d'un an, tuées pendant la bonne saison de chasse, et les peaux des taureaux de un à trois ans abattus dans les mêmes conditions. Les peaux des taureaux de plus de trois ans étaient classées comme cuir, mais les meilleures d'entre elles s'employaient comme les robes, les plus mau- vaises seules étant tannées pour en faire du cuir. Les grandes robes servaient généralement comme garnitures et couver- tures de traîneaux dans les parties froides des États-Unis, et comme couvertures de lit dans les régions de froid extrême. On faisait avec les robes des jeunes animaux et aussi avec certaines robes de Bisons adultes des pardessus excessivement chauds, mais par cela même très incommodes. Beaucoup de peaux de vieux Bisons servaient à confectionner des chaus- sures très chaudes, mais extrêmement longues et larges. Au dessus des robes ordinaires, communes, chasseurs et marchands distinguaient quatre catégories spéciales : La Beaver Robe, la robe de castor, à la fourrure la plus fine, ondulée, couleur castor, parsemée de poils longs, gros- siers et rigides, qui devaient être enlevés à la main. Peu de robes pouvaient être rangées dans cette catégorie et, en 1882, on en trouva seulement une dans un lot de 1200 ; elle fut payée 400 francs, alors que les robes ordinaires valaient 18 fr. 10. La robe Black and tan, la robe noir et tan, avait la face, les flancs et les parties intérieures des membres d'un brun sombre, couleur de la tannée et le reste d'un noir parfait. Puis c'était la Buchshin Robe, la robe peau de daim, nom- mée encore Bison blanc. Elle avait en réalité une teinte plu- tôt jaunâtre, couleur crème que blanche. En 1882, une de ces robes se vendit 1068 francs. C'était la seule de ce genre qui eût été trouvée sur le range du Nord pendant l'hiver. Les Indiens ont quelquefois, mais plus rarement encore abattu des Bisons ayant la robe d'un blanc pur. La robe bleue, ou couleur souris, avait le poil long et fin, de nuance bleuâtre. Sur un lot de douze cents robes achetées 6 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. en 1882, M. Mac Nancy n'en trouva que douze de cette caté- gorie, elles se vendirent 85 fr. 50 chacune. Comme il a déjà été dit, les prix payés sur le terrain de chasse pour les robes communes, variaient avec la saison, avec les circonstances, avec la région où l'animal était tué, avec l'âge et le sexe, depuis 3 fr. 35 jusqu'à 53 francs. Ce dernier prix fut demandé en 1882 au Texas pour les robes des derniers Bisons tués dans cette état. Les robes attei- gnirent leur taux le plus bas, pendant l'horrible massacre qui anéantit ce troupeau du Sud. En 1877, une robe de vache se payait de 3 fr. 35 à 4 fr. 65 dans le range du Sud, et les robes des taureaux 6 fr. 85. Sur le range du Nord, les prix va- riaient entre 13 fr. 35 et 22 fr., de 1881 à 1883. Les marchands de fourrures de Montréal, Chicago, New- York ne possèdent plus guère actuellement que quelques centaines de robes, et ne les vendent pas trop cher, quoique ce stock ultime ne soit pas renouvelable. En 1888, les bonnes robes préparées à l'Indienne se vendaient de 80 à 160 francs, suivant la taille et la qualité, à New- York. Les prix étaient plus élevés à Montréal, où ils atteignaient 213 francs environ. Sous le nom de cuirs, se classaient toutes les peaux qui pour une raison quelconque ne possédaient pas assez de fourrure pour être vendues comme robes, et ne pouvaient être utilisées que par la tannerie. C'étaient pour la plupart des peaux de vieux taureaux, aux poils rares, trop épaisses et trop lourdes pour être employées comme les robes. Il s'y ajoutait quelques peaux de bisons tués au printemps et en été alors que le corps et les quartiers de derrière sont presque dépouillés de tout poil. On trouvait du reste peu de peaux d'été sur le marché, car c'étaient seulement les membres les plus tarés, les moins honnêtes de la grande armée des chas- seurs, qui poursuivaient les Bisons à cette époque pour leur peau. La chasse d'été s'était cependant si communément pratiquée pendant quelque temps sur le range du Sud, que les chasseurs sérieux en avaient été alarmés, mais ceux qui s'y livraient encoururent des blâmes si unanimes qu'ils durent renoncer à leurs errements. Après les robes et les cuirs, le produit du Bison le plus im- portant était représenté par les os, dont le climat, des plaines à bisons rendait l'utilisation possible. Sous l'action du vent, du soleil, des températures extrêmes pour la chaleur ou le LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN. 7 froid, la chair des Bisons dépouillés de leur robe se desséchait et tombait en poussière, laissant presque tous les os du sque- lette aussi nets que s'ils avaient été traités par un procédé chimique. Aussitôt que les Bisons diminuèrent, on songea à utiliser ces millions de tonnes d'os blanchissant. L'Est leur fournit aussitôt un marché en les employant sous forme de superphosphate ou de noir animal pour sucreries et raffi- neries. La récolte des os commença en 1872, et pendant cette an- née, une seule voie ferrée, la ligne d'Atchinson à Topeha et Santa-Fé, en transporta 515.000 kilogs. Elle en expédia 1.250.000 kilogs en 1873, et 3.140.000 kilogs en 1874. Ces transports se continuèrent tant que les plaines ne furent pas entièrement glanées jusqu'à une distance des chemins de fer où les transports devenaient trop coûteux, et il paraîtrait même qu'il ne reste plus un seul os sur toute la région située au sud de la ligne Union Pacific. L'établissement de la ligne Northern-Pacific permit sur- tout de faire d'importantes expéditions, et, en 1886, la récolte des os occupait de nombreux bras entre James-Town, dans le Dakota, et Billings, dans le Montana. A toutes les stations, des montagnes d'ossements attendaient les trains chargés de les enlever. En 1885, une seule maison en expédia plus de 200 tonnes de Miles-City. La vallée du Missouri fut glanée par des chariots qui bat- taient toute la région jusqu'à 160 kilomètres à droite et à gauche du fleuve, ramenant les os vers cette grande voie de communication, où on les chargeait sur des navires. Ils étaient généralement moulus avant d'être embarqués. Une compagnie de marchands d'engrais du Michigan payait la tonne de poudre d'os mise en sacs et chargée sur navire, 96 fr. 10. Les os bruts, verts, chargés sur wagon, valaient 64 fr. 10 la tonne. On ne saurait déterminer la valeur exacte de l'engrais ainsi recueilli, mais il est certain qu'il y en avait des milliers de tonnes, représentant des sommes considérables. La quantité de viande de Bison fraîche mise sur le marché, était insignifiante. Tant que ces animaux abondèrent, elle se vendait seulement de 25 à 35 centimes le kilog. dans les centres de consommation, et beaucoup de raisons rendaient cette vente peu rémunératrice. Le poids de la viande qu'on écoulait ainsi, ne représentait 8 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. peut-être pas le millième de la quantité de chair de Bison, qui n'était pas utilisée. Les corps des Bisons gaspillés, perdus chaque année sur les grandes plaines du Nord-Ouest et du Sud-Ouest pendant la saison du massacre, auraient sans doute suffi à nourrir pendant ce temps plus d'un million d'individus. Quant à la qualité, la viande de Bison différait fort peu de la viande du Bœuf nourri des mêmes espèces d'herbes. Les plus beaux pâturages du monde sont peut-être ceux du Montana, et les Bœufs qu'ils produisent actuellement figurent parmi les plus estimés pour la saveur de leur chair, or, ces Bœufs sont les successeurs directs des Bisons qui trouvaient jadis dans ces prairies des conditions d'alimen- tation similaires. Beaucoup de personnes prétendent, trouver une certaine différence entre la saveur de la viande du Bœuf et la saveur de celle du Bison. M. Hornaday pense qu'il n'y a aucune différence entre la chair d'un Bœuf de trois ans et celle d'un Bison du même âge, sinon que la viande du Bison est plus tendre et plus juteuse. Ayant vu du reste un boucher manger une tranche d'Éléphant, la prenant pour du Bœuf de son étal, et un autre boucher déjeuner d'un morceau de Tortue, croyant également que c'était du Bœuf, M. Hornaday se défie beaucoup des impressions du palais des dégustateurs. Il a mangé du Bison de tout âge, depuis un an jusqu'à onze ans, accommodé de toutes façons, grillé, frit, rôti, bouilli, étuvé, et estime sur- tout les tranches étuvées, levées sur un quartier de derrière gelé, les déclarant supérieures au meilleur Bœuf du monde. La chair de la bosse du Bison femelle, coupée en tranches, qu'on fait frire dans la pâte à la cowboy, est un régal digne des dieux. On a dit que la texture de la chair du Bison avait un grain plus grossier que celle du Bœuf. M.. Hornaday est d'un avis contraire. Quant à la répartition de la graisse dans la chair, ilne peut en parler, les animaux dont il a mangé étant tous absolument dépourvus de graisse. Il est très probable que l'infiltration de la graisse à travers la chair, le persillé si ca- ractéristique de la race Durham, qui n'a été obtenu que par un élevage méthodique, ne se rencontre pas chez le Bison, pas plus du reste que chez le bétail commun. La viande du Durham prime évidemment, sous ce rapport, la viande du Bison et celle du bétail commun, mais à tous les autres points LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN. 9 de vue, saveur, texture, tendresse, il n'y a aucune différence. Les opinions erronées répandues sur la qualité de la viande du Bison tiennent à ce que des chasseurs ayant abattu un taureau patriarcal essayaient vainement d'en manger, et s'appuyaient ensuite sur cette pseudo-expérience, pour dé- clarer le Bison en général, dur, coriace et sec. Un taureau domestique du même âge eût donné des résultats similaires. Le Pemmican était la l'orme sous laquelle on utilisait sur- tout la viande du Bison. Quoique préparé presque exclusive- ment par les Indiens du Nord-Ouest et les métis, il consti- tuait un article régulier de commerce, acquérant une grande valeur pour les voyageurs. On l'appréciait d'autant plus, qu'il était plus vieux. Son principal avantage était de ren- fermer beaucoup d'éléments nutritifs sous un faible volume, ce qui lui donnait une valeur inestimable pour les voyageurs, dont les expéditions n'étaient possibles qu'avec un faible bagage. Une poignée de Pemmican suffisait à un repas. En 1883, le Pemmican se vendait de 1 fr. 65 à 2 fr. 20 le kilogramme. C'était probablement le dernier qui ait été pré- paré. En 1878, il valait 3 fr. 45. Un prêtre catholique, le Père Belcourt, qui fit partie d'une grande expédition contre les Bisons, décrit, dans les termes suivants, la préparation du Pemmican par les métis de la rivière Rouge : « Les morceaux de viande destinés à être » transformés en pimihehigan, Pemmican, sont exposés à » une ardente chaleur, qui les dessèche et les rend cassants, » et on les pulvérise à coups de fléau sur une peau de Bison. » La graisse, découpée et fondue dans de grandes chaudières » en fonte, ayant été versée sur cette viande pulvérisée, on » malaxe toute la masse avec des pelles jusqu'à ce qu'elle » soit devenue bien homogène, et on la comprime chaude » encore dans des sacs en peau de Bison, qu'on coud soi- » gneusement. Le mélange, se refroidissant lentement, » devient aussi dur que la pierre. Quand on fait entrer dans » cette préparation la graisse des régions voisines du pis, on » obtient un Pemmican qualifié de fin. Dans quelques cas, on » ajoute des fruits secs à la viande, des poires des prairies, » des cerises, et on a alors le Pemmican à graines. La pre- » mière de ces trois variétés de Pemmican serait très bonne » au dire des gourmets, la seconde meilleure encore, et la » troisième excellente. La fabrication du Pemmican entraîne 10 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. » un grand gaspillage de matière, car une vache en fournit » seulement un demi-sac (25 kilogs environ) et 20 à 25 kilogs » de viande sèche ou les trois quarts d'une liasse, de sorte » qu'il faut les produits obtenus de huit ou dix Bisons, pour » constituer le chargement d'un chariot. » D'après le témoignage de nombreux voyageurs désinté- ressés dans cette question, il fallait une certaine habitude pour apprécier le Pemmican, mais c'était une ressource très précieuse pour les Indiens et les chasseurs canadiens, aussi les marchands qui en vendaient ne pouvaient-ils satisfaire à toutes les demandes. La façon la plus populaire et la plus employée de conserver la viande du Bison, consistait à la découper en bandes minces de moins de deux centimètres d'épaisseur et de longueur indéfinie, qu'on desséchait sans les saler, en les exposant au soleil, sur des perches, des claies d'osier ou des cordes, ou en les étalant sur des touffes de Sagebrush, à'Artemisia ludo- viciana, une Composée croissant dans les sols alcalins. Ce procédé donnait le fameux Jerked des Anglo- Américains, le Tasajo des Hispano-x^méricains, d'une consommation si géné- rale autrefois, depuis le Rio-Grande jusqu'au Saskatchewan. Le Père Belcourt, qui a assisté chez les Indiens du Nord- Ouest et chez les métis à la préparation de cette viande sèche, en a laissé la description suivante : « La viande rapportée au a camp est découpée par les femmes en longues bandelettes » épaisses d'un quart de pouce, qui sont jetées sur des treil- » lages afin de les dessécher. Ces treillages consistant en » deux poutres parallèles, portées par des chevalets, et en » travers desquelles de petites pièces de bois sont disposées » à égale distance, rappellent vaguement un immense gril. -> La viande absolument desséchée au bout de quelques jours, » est alors pliée et mise en liasses de 27 à 32 kilogs. » « Les femmes font une sorte de parchemin avec les peaux » tendues sur un châssis et grattées du côté chair avec un os » aiguisé, du côté poil avec une lame recourbée. Les hommes •> brisent les os, et les plongent ensuite dans l'eau bouillante, » pour extraire la moelle qui trouve de nombreux emplois cu- » linaires. La moelle fondue surnageant, est versée dans des » vessies, qui en contiennent chacune douze livres, 5 kilogs 5 » environ, produit des os de deux Bisons. » Dans les territoires du Nord-Ouest, la viande séchée, qui LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN. 11 se vendait jadis 2 francs 45 le kilog., valait 11 francs en 1878. Le Bison jerhed répugnait à beaucoup de personnes. Il émettait en effet après cuisson, peut-être parce qu'on évi- tait l'emploi du sel dans sa préparation, une désagréable odeur de corne grillée , mais malgré son goût d'extrait de Liebig, il se mangeait plus facilement que le Pemmican commun. Les Indiens desséchaient autrefois, pendant l'été, de grandes quantités de viande de Bison qu'ils employaient l'hiver, mais les distributions officielles de vivres, connues sous le nom de Bœuf du Gouvernement, ont épargné depuis longtemps déjà aux squaws, le soin de préparer ces appro- visionnements. Quand les troupeaux de Bisons existaient encore, quelques chasseurs intelligents eurent l'idée de dessécher la chair des animaux qu'ils tuaient, mais en la laissant en masses et sans la découper en lanières comme pour la préparation du jerked. Ils employaient des procédés analogues à ceux qui sont actuellement encore en usage aux États-Unis pour la dessic- cation de la viande de Bœuf, qui y jouit d'une grande vogue sous cette forme. D'après M. Allen, un chasseur de Hays City, expédiait annuellement plusieurs centaines de barils de viande ainsi desséchée, et les consommateurs l'achetaient sans doute pour du bœuf. De nombreuses tentatives ont été faites pour utiliser le poil des Bisons dans les industries textiles. En 1636, Thomas Morton rapportait que les Indiens du lac Erocoise, qu'on suppose être le lac Ontario, en faisaient des vêtements. Le colonel William Byrd, répéta cette assertion en 1729. Le professeur Allen a cité une foule d'autorités parlant de cein- tures, de jarretières, d'écbarpes, de sacs, etc., fabriqués par différentes tribus indiennes. Il rappelle aussi que dans son ouvrage intitulé Red River Settlements (les établissements de la rivière Rouge), Roy mentionne des colons anglais éta- blis sur cette rivière, qui fondèrent en 1821 une compagnie industrielle pour l'exploitation de la laine du Bison, compa- gnie qui devait fabriquer avec cette matière un succédané de la laine du Mouton. On fit venir d'Angleterre un grand nombre d'ouvriers et de machines, mais on reconnut, trop tard pour les actionnaires, que la quantité de poil de Bisons 12 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. qu'on pouvait trouver sur le marché était absolument insuffi- sante pour alimenter une semblable entreprise. La matière première coûtait du reste 3 fr. 90 le kilog et le drap qu'on en faisait revenait à 62 francs le yard, de 91 cen- timètres de longueur, alors qu'une étoffe équivalente ne coû- tait que 5 fr. 25 en Angleterre. Les tissus de poils de Bison sont peut-être intéressants comme objets de curiosité, mais c'est là le seul rôle qu'ils aient jamais joué. Le Muséum national de Washington possède une paire de bas faits au Canada avec des échantillons les plus fins de cette laine, ils sont grossiers, lourds, hérissés de poils ri- gides et durs qui, paraît-il, ne peuvent jamais être séparés de la laine. On y voit également un lasso de poils de Bison fabriqué par les Comanches, et un autre lasso, plus mince, qui vient de chez les Indiens Otoe du Nebraska. Préparés avec les longs poils de la tête et des épaules, ils ont été tor- dus du mieux qu'on a pu, mais leur surface reste cependant couverte de poils raides. Les déjections des Bisons, nommées bnffalo chips, copeaux de Bison, n'étaient pas les produits de cet utile animal ayant le moins de valeur pour le voyageur errant dans la plaine privée d'arbres. Après un an de dessiccation, elles consti- tuaient un excellent combustible. D'autant plus précieuses qu'elles ne se rencontraient que là ou le bois faisait absolu- ment défaut, elles étaient quotidiennement employées par des milliers de chasseurs ou de voyageurs. Bien sèches, ces déjections, ces chips s'allumaient facilement, brûlaient vite, et donnaient un feu ardent, d'où se dégageait seulement une faible fumée, mais elles se consumaient rapidement. Infé- rieures comme combustible au plus mauvais des bois, elles va- laient cependant mieux que V Artemisia hidovAciuua, qui devenait la dernière ressource du voyageur quand les chips lui faisaient défaut. Les chips se rencontraient surtout dans le fond des vallées abritées, auprès des trous où stagnait l'eau, dans les endroits enfin que les pionniers choisissaient de préférence pour y établir leur camp. C'était également là, en effet, que les troupeaux se rassemblaient, afin d'être à l'abri du vent pendant l'hiver et d'avoir de l'eau à volonté pendant l'été. Quand le cow-boy, le ranchman, le chasseur, l'arpen- teur devaient camper dans la prairie herbue, leur premier LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN. \'i soin était de se mettre en quête de chips pour l'entretien de leur feu. Les plus infimes produits eux-mêmes, de cet utile animal, rendaient donc à l'homme d'incomparables services. Les Bœufs sont si rarement employés comme animaux de trait aux Etats-Unis, que ceux qu'on exploite ainsi, de- viennent presque des objets de curiosité. Il n'y avait donc qu'un faible intérêt à essayer de leur substituer des Bisons, aussi fit-on peu d'expériences à ce sujet. A. Miles City, Montana, on a parlé à M. Hornaday, d'un Allemand propriétaire d'une petite ferme située dans la vallée de la Tongue, qui avait dressé deux vaches Bisons au joug. Elles passaient pour de solides et lestes marcheuses, suscep- tibles de rivaliser avec les meilleurs bœufs domestiques ; mais elles se montraient si obstinées en certaines circons- tances, si absolument entêtées, que ce défaut annihilait toutes leurs qualités. L'événement le plus remarquable à signaler, dans l'existence de ces Bisons domestiques, survint un jour que leur maître était allé avec eux, à la ville voisine de sa ferme, chercher un chariot de pommes de terre. Les ani- maux altérés par cette longue course se dirigèrent soudain à toute vitesse vers une rivière qu'ils apercevaient dans le lointain, les cris et les coups d'aiguillon de leur propriétaire ne servant qu'à accélérer leur allure. Arrivés sur la berge, ils se précipitèrent dans l'eau entraînant à leur suite le cha- riot qui se renversa avec son contenu et fut bientôt emporté par le courant ; ce fut même à grand'peine que leur proprié- taire les empêcha de se noyer. D'après M. Robert Wickliffe, les Bisons bien dressés, bien brisés au joug valent les meilleurs bœufs ; ils leur seraient même préférables pour la traction des chariots, des char- rettes et autres véhicules lourdement chargés et destinés à parcourir de longs trajets. Il est probable qu'à défaut du che- val, le Bison aurait fourni un animal de trait plus leste et plus résistant que le Bœuf, mais il eût peut-être manqué de force. La faible puissance de son bassin et de ses quartiers postérieurs serait cependant largement contrebalancée dans certaines circonstances, par sa vitesse plus grande et sa longue endurance. (A suivre.) u CONTRIBUTIONS ORNITHOLOGIQUES DE LA NOUVELLE- GUINÉE OU PAPOUASIE a l'industrie de la mode Par M. J. FOREST aLné. (suite *) 37. EPIMACHUS MAXIMUS. — E. SPECIOSUS Cuvieb. Français : Le Grand, Epimaque. Anglais : The Great Sickle Bird of Paradise, The Great Promerops. Allemand : Der KragenJtopf. Hollandais : De Langstaartige Paradijsvogel. Papou, à Dorey : Mam-isap (oiseau de passage) , sur la côle nord- ouest : Tei ou Tai-mandoe, aux monts Arfak : les mâles adultes Kambilnja et Lessoa pour les jeunes mâles et femelles. Fig. Part. VII, Gould. Elliot. L'espèce la plus remarquable de ce groupe est le grand Promerops, de Sonnerat et de Buffon ; Promerops rayé, de Vieillot; Promerops à large patwr. de Levaillant; Cln- namolegus magnus. de Lesson. C'est le géant de la famille des Paradisiers. Voici sa description d'après mes exemplaires. Bec noir ; pattes noires ; plumes de la tète, vert glauque métallique ; plumes du corps, brunâtres avec des reflets luisants, dorés et violets: plumes des flancs, noir velouté, avec raie azur relevée par une frange d'un vert émeraude ; plumes postérieures, bordées d'un bleu céleste, etc. ; longue queue, d'un beau teint de vert émeraude en dessus et uniformément d'un brun marron ou cbocolat en dessous. Il se distingue par la longueur de son bec qui a le poli de l'ivoire, incurvé comme celui d'une huppe et par la longueur de ses pennes caudales atteignant à l'état adulte près de cin- (*) Voy. Revue, 1894, Ie1' sumestre, p. 441. 15 CONTRIBUTIONS ORNITHOLOGIQUES DE LA NOUVELLE -GUINEE. quante centimètres de long. Le dessus du corps, les ailes, sont d'un noir velouté à reflets métalliques, beaucoup moins bril- lants sur la dépouille que sur l'oiseau vivant ; la tête est cou- ■ m \\ \erte d'une calotte métallique, le dos est recouvert par une plaque de plumes métalliques de forme effilée. Mais ce qui est le plus remarquable, ce sont les parures des flancs variant de dimension, de l'orme et diver- sement bordées de couleurs ve- loutées très vives et d'un riche coloris. L'aigrette des flancs, de couleur marron bronze, est bor- dée de couleurs métalliques na- rrées, auxquelles s'ajoutent en se graduant d'autres plumes ayant la forme d'une hache, très velou- tées et bordées d'un liseré bleu- âtre à reflets d'acier , complétées par d'autres plumes à liseré pourpré bordé bleu acier. Ces Le Grand Epimaque [hptmactms J 1 , ,. Lximus). aigrettes prennent diverses posi- tions, selon les caprices de l'oi- seau, et constituent une parure d'un caractère tout parti- culier n'ayant d'analogie avec celle d'aucun autre Paradisier. Cette parure des adultes, pour atteindre son plein dévelop- 45 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. pement, exige plusieurs années. Les jeunes mâles ont le bec beaucoup moins prolongé que les mâles adultes et que les femelles, auxquels ils ressemblent d'ailleurs par le plumage brun dessus, blanc roussâtre en dessous du corps, avec de nombreuses stries transversales sur la poitrine et l'ab- domen. Cette espèce se rencontre sur les Monts Arfak , où Beccari la trouvait avec Astrapia niger, à 2,000 mètres d'altitude environ ; elle se nourrit des fruits de diverses Pandanées, entre autres de ceux des Pandanus et Freycinelia. Dans ces dernières années, l'énorme quantité d'oiseaux fournis à l'industrie par la Nouvelle- Guinée a permis l'em- ploi très courant des belles parures du grand Epimaque. Les plumes les plus recherchées pour la parure dans la mode sont celles des flancs qui, pour ainsi dire, constituent la valeur intrinsèque de l'oiseau. La tête, en raison de son énorme bec, est d'un emploi difficile ; la queue est rarement utilisable, la tige trop raide de ses pennes ne peut subir la préparation nécessaire pour l'utilisation dans un but somp- tuaire. Les ailes n'ont rien de particulier qui leur donne une valeur; ce sont donc les flancs qui constituent toute la valeur industrielle du grand Epimaque. Il y a une dizaine d'années le prix de cinquante francs était celui d'un bon exemplaire ; aujourd'hui les exemplaires défectueux, mais abondants, valent de 15 à 20 francs ; il est vrai qu'ils remplacent mal les belles dépouilles d'autrefois. 38. EPIMACHUS ELLIOTII Ward Word, Proceed. Zool. Soc. (1873, nov. 18). Fig. Gould. Elliot. On ne connaît aujourd'hui qu'un unique exemplaire de ce splendide oiseau. Sa patrie est inconnue; Bernstein croit qu'il se trouve dans le N.-O. de la Nouvelle-Guinée. D'après Labillardière, Lesson, Vieillot et plus récemment Beccari, on le trouverait à Waigiov. Sa dimension est à peu près celle du grand Epimaque, mais sa coloration générale est d'un riche violet améthyste. Il se- distingue encore par l'extrémité des plumes caudales se ter- minant en pointe, et par l'aigrette de ses flancs formée par CONTRIBUTIONS OIIN1TIIOLOGIQUES DE LA NOUVELLE -GUINÉE. 17 une série de plumes graduées, de couleur uniforme à la base, au bout frangé vert bleu métallique. Voici sa description d'après la superbe figure dans EllioVs Monog. of the Paradis et dans Gould Part. XI : Dessus de la tète d'un brillant améthyste ; occiput et côtés du cou, nacrés de couleur améthyste se dégradant suivant le jeu de la lumière jusqu'au vert métallique clair. Dos, ailes, couverture supérieure de la queue et queue, d'un brillant vio- let pourpré ; les ailes et la queue sont marbrées d'une teinte améthyste claire, lustrée comme de la soie, changeant de ton à la lumière; la gorge, la partie supérieure de la poitrine, les côtés de la poitrine, les flancs et le reste des parties infé- rieures, vert foncé. 39. EPIMACHUS (SELEUCIDES) ALBUS. NIGRA ou NIGRICANS. Lesson, 1835. Anglais : The twelve-vnred Paradise Bird. Allemand : Der Fadenhopf. Français : Le MultifU. Malais : Malingo. Fig. Part. XII. Gould. Elliot. Le Multifil a été décrit, en premier, par Valentyn ; sous le nom de Manucode à douze filets, par Audebert- et Vieillot; sous le nom de Nébuleux ou Promerops multifil, par Levail- lant, il porte, selon l'auteur moderne, les noms contradic- toires de Seleucides nigra et de Seleucides alb.us, qui ne sont très heureux ni l'un ni l'autre , le nom de Seleucides albus fut créé par Blumenbach et Le Vaillant. Celui de « res- plendens », de Vieillot, ou « Violacea », de Bernstein, seraient mieux appropriés. Ce courageux naturaliste a en- voyé plusieurs Ep. multifil et des Epimaques gorge d'acier vivants en Europe: malheureusement leur existence, dans nos contrées, est de courte durée. La tète, le dos, la poitrine sont couverts de plumes velou- tées, d'un violet intense à reflets bronzés; les couvertures des ailes et les pennes sont violet évêque foncé ; le velours de la poitrine est frangé à l'extrémité par une écharpe de plumes veloutées noires, bordées de vert métallique très clair et très brillant, tranchant vivement sur l'ensemble du 5 Juillet 18S4. 2 18 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. corps et des flancs , qui sont garnis , à chaque côté , d'une touffe de plumes vaporeuses, jaune or pâle sur l'oiseau vi- vant, mais très fugaces, et se décolorant jusqu'au blanc sale au moment des mues, ou sur la dépouille plus ou moins an- cienne. Ces touffes sont terminées chacune par six longs brins dénudés qui ont donné le nom de Multifil à l'oiseau, et que celui-ci lait mouvoir à volonté, ainsi que ses flancs et les plumes de sa poitrine qui se redressent en forme de bouclier. Cet oiseau, fort abondant aujourd'hui, est un de ceux qui offrent le plus de ressources dans la plumasserie de luxe, c'est aussi un de ceux dont l'extermination se fait aujourd'hui à tout âge, à toute époque, si j'en juge d'après un lot impor- tant venu en ma possession, tout récemment. Il y a une vingtaine d'années, un bel exemplaire, en peau ronde, se payait 80 à 100 francs, les peaux plates, moins rares, valaient moitié de ce prix; aujourd'hui, le nombre des peaux rondes domine, mais ce sont généralement des dé- pouilles de jeunes oiseaux en formation de plumage. Les peaux plates, d'il y a vingt ans, étaient préparées unique- ment par les Papous du nord-ouest de la Nouvelle-Guinée et de l'ile Salawatty, patrie du Multifil, lesquels aujourd'hui font la mise en peau européenne, qui leur a été enseignée par les chasseurs malais au service des divers explorateurs natura- listes européens qui ont visité leur pays. M, Ralfray, un des rares Français qui ont parcouru la pa- trie du Multifil, nous dit que le Rajah de l'île Salawatty dé- sire garder pour lui son trésor, et que tous les Multiflls doivent passer par ses mains ; il est sage de tenir compte de cet avis, car ce souverain ne se ferait aucun scrupule de sup- primer tout voyageur téméraire, quitte à mettre son crime sur le compte des sauvages insulaires agissant à son instiga- tion occulte. C'est sans doute pour ce motif que, depuis de longues années, tous les essais de pénétration européenne, dans l'intérieur de la Nouvelle Guinée, soit anglaise, soit alle- mande ont échoué, à quelques kilomètres de la côte, souvent avec perte de vies humaines. Les Hollandais, moins hasar- deux, entretiennent leurs relations habituelles comme par le passé, par l'intermédiaire des Malais placés sous leur pro- tectorat ; aussi la majorité des productions papoues passe- t-elle par leurs mains non seulement par troc, mais aussi contre espèces sonnantes. M. Meyners d'Estrey, d'api es Ro- CONTRIBUTIONS OUN1TUOLOGIQUKS DE LA NOUVELLE-GUINÉE. 4 3 senberg, nous apprend que, depuis quelques années, les habi- tants de Dorey commencent à connaître la monnaie d'argent, et qu'ils préfèrent aujourd'hui être payés de leurs produits en espèce plutôt qu'en marchandises. Pourtant ils ne refusent jamais les bouteilles de genièvre, car, si sur d'autres points de la Nouvelle- Guinée, les Papous n'ont pas encore su apprécier les boissons alcooliques, ceux de Dorey en sont avides et ne cessent de boire, tant qu'il reste une goutte dans la bouteille. On voit que là, comme ailleurs, les peuples sauvages com- mencent toujours par emprunter à notre civilisation ce qu'elle a de vicieux. Wallace, parlant de Dorey où il séjourna quelque temps, dit que les Fourmis et les Mouches lui faisaient endurer des souffrances intolérables et abîmaient ses préparations d'oi- seaux qu'elles infestaient de leurs œufs , dont les larves étaient écloses le lendemain de la ponte. « In no other loca- » lity T bave ever been troubled with such a plague as this. » M. Meyners, d'autre part, signale la férocité des indigènes, j'en conclus que rien de tout cela ne rebute l'Européen à la recherche de nouveautés scientifiques ou , plus prosaïque- ment, cherchant à gagner sa vie. D'après Bernstein, le cri habituel très sonore du Multifil est « Iokh-Iokh ». D'Albertis nous donne les renseignements suivants recueillis à son cinquième voyage, en 1877, près la rivière Fly ou des Mouches. — « Les Pam/anus abondent et par conséquent les Paradisiers. — J'ai abattu aujourd'hui un superbe Séleucide blanc qui, perché sur la branche, chantait sa mélancolique chanson. Ce bel oiseau est fort circonspect, mais une fois qu'on a découvert l'arbre où il fait son séjour, on n'a qu'à l'y attendre, il y revient toujours. » Les Paradisiers, d'après mes observations, sont surtout frugivores, les Séleucides, principalement. Sur plus d'une cinquantaine de ceux-ci, dont j'ai ouvert l'estomac, j'en ai trouvé un seul renfermant un petit Lézard. Le docteur Bec- cari a vu une Grenouille dans un autre. Un peu de chair pour varier 1 régime, voilà tout. D'insectes, onc^ues n'en ai aperçu. » Les Séleucides, étant une des espèces les mieux connues, n'offrent pas maintenant un grand intérêt scientifique, mais leur beauté leur assure une place élevée parmi les hôtes de la forêt; de tous leurs congénères, je ne mets au-dessus d'eux 20 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. que VAsLrapia, YEpimachus speeiosus, YEpimachus El- liotii. Pour la splendeur du coloris et la disposition singu- lière de sa brillante parure, certes le Séleucide peut lutter avec le Magnifique, la Lophorine, le Sifilet. De chaque côté de la poitrine, six plumes diminuent de largeur jusqu'à n'être plus qu'un fil noir d'une ténuité extrême, terminé par une pointe blanche. Si l'on passe la main sur son dos, d'un noir si doux à l'œil, on croit toucher du velours, et sous une vive lumière, le chatoyant bouclier vert du thorax devient cou- leur de bronze, pour se changer ensuite en pourpre. » Les longues plumes qui recouvrent la partie inférieure du corps sont du jaune le plus délicat, qui, par degrés, passe au blanc, pour s'accentuer sur les côtés : les yeux grands et rouges brûlent comme des escarboucles sous la cape noire. Chez les tout jeunes Séleucides, ils sont brun clair, puis ils tournent au jaune et prennent définitivement chez les adultes, le plus éclatant vermillon... mais quelles jambes informes, quels pieds maladroits, quelles vilaines cuisses dé- nudées, et tout cela d'un rouge si dur ! Les femelles et les jeunes ont la queue plus longue de moitié que les mâles par- venus à toute leur croissance. » Les admirables planches coloriées, de Gould, représentent un Multifil en train d'absorber une Sauterelle (Part. XII, 2 pi.) l'une représente deux mâles, l'autre deux jeunes mâles et une femelle. 40. EPIMACHUS ( SEMIOPTERA ) WALLACEI. G. R. Gray. 1859. Français : Le Semioptère de Wallace. Anglais : Wallace Standard Bird- Le Paradisier se rapprochant par ses formes de la Lopho- rine sans posséder son riche plumage, est le Semioptera, trouvé en 1859, par le célèbre naturaliste anglais, Alfred Russel Wallace, à Batchian et à Gilolo (Halmaheira) ; il n'a pas été trouvé ailleurs en Nouvelle-Guinée. (Wallace.) Cet oiseau et le Drepanomis se distinguent dans la fa- mille des Paradisiers par l'ensemble de leur coloration géné- ralement claire, qui est l'exception. Wallace nous décrit la découverte du Semioptera de la CONTRIBUTIONS ORNITHOLOGIQUES DE LA NOUVELLE -GUINEE. 21 façon pittoresque suivante : « Look hère, sir, what a curions bird », lui dit son chasseur Ali au retour d'une expédition, tenant à la main ce qui d'abord intriguait fort le savant na- turaliste. Le chasseur avait trouvé l'oiseau grimpant sur le tronc d'un arbre, à la façon des Pics, cherchant des insectes dont il est friand et regardant curieusement le chasseur sans se déranger. « Je vis un oiseau avec une grande quantité de plumes vertes splendides sur la poitrine, allongées en deux touffes brillantes ; mais ce qui m'étonnait le plus, ce fut une paire de longues plumes blanches qui sortaient roides de chaque épaule. Je vis alors que j'avais acquis un oiseau de haute valeur, au moins une forme complètement nouvelle d'oiseau de Paradis, différant d'une manière remarquable de toutes les autres espèces. Le plumage complet est très sobre, étant d'un pur olive cendré, avec une légère teinte pourprée sur le dos; le sommet de la tête est couvert de très belle nuance violet pâle métallique superbe et les plumes du front s'étendent largement sur le dos, comme dans d'autres genres de la famille. Le cou et la poitrine sont écaillés de fine couleur verte métallique et les plumes de la partie inférieure sont allongées de chaque côté, en forme de camail à doubles pointes pouvant se replier contre les ailes ou se redresser et s'étaler hérissées, de la même manière que les plumes des flancs de la plupart des oiseaux de Paradis. Les quatre longues plumes blanches qui donnent d'ailleurs un caractère unique â l'oiseau, sortent de petits tubercules fermés, placés sur le coin supérieur de l'épaule, implantés sur l'aile; elles sont étroites, gracieusement recourbées et d'égale dimension sur les deux côtés, leur couleur est blanc crème pur. Elles ont environ six pouces de long, ainsi que les ailes, et peuvent se redresser droit au-dessus d'elles, ou s'allonger le long du corps de l'oiseau et à sa volonté. Le bec est de couleur corne, l'iris est de couleur olive pâle, les jambes sont jaunes. Cette remarquable nouveauté a été dénommée par M. G.-R. Gray, du British Muséum, « Semioptera Wallacei », ou « "Wallace's Standard Wing ». Le Wallace, malgré son caractère ornemental, unique dans le groupe des Paradisiers, est d'un emploi somptuaire très limité. Cet oiseau n'a jamais eu le succès qu'il méritait en raison de sa rareté et de l'étrangeté de son riche plumage. 22 ItEVL'E DES iJCIKNCKS NATURELLES APPLIQUÉES. EPIMACHUS (SEMIOPPERA) WALLACEI ; Var. Halmaheira. Cette variété diffère de l'espèce précédente par des dimen- sions plus grandes et une coloration plus accentuée. Bernstein dit que ces oiseaux se nourrissent des insectes qu'ils cherchent à la façon des Pics, sur les troncs des Leptospernium. Les Semioptères sont devenus assez abondants pour être offerts dans la mode, mais leur étrangeté et leur aspect parti- culier, d'une élégance remarquable, ne sont pas appréciés, aussi ont-ils une valeur peu importante dans le commerce, variant de 10 à 35 francs. 41. DREPANORN1S ALBERT1SI. Sclater, 1873. Français : Le Drepanornis d'Alberlis. Anglais : D' Albert is Bird o/ ' Paradise (1). Fig. T. I. Gould. Beccari et d'Albertis trouvèrent cet oiseau en 1872, à Dorey, dans la baie du Geelvink ; son nom indigène est Sa- graja. Meyer le trouva en 1873 sur les monts Arfak et lui donna le nom de Epimachus Wilhelminœ [Journal fur Or- nithologie, 1873, p. 4()5). Mais la description de Sclater dans Naiura, 1873 (p. 405), et encore dans Proced. Zoot. soc. Jvni 1873, p. 557, 60, pi. xlvii, accordent la priorité à d'Al- bertis, d'où le nom d«i 'Drepanornis Alberlisi. D'autre part, Rosenberg, en 1870, rapporta un exemplaire de Ternate. Sa description, sous le nom de Epimachus V% et Mam- Audjier ; Aux Arfak, Komieda. Fig. Part. VI. Gould. Cette espèce anciennement connue sous le nom de Prince Orange en provenance du nord-ouest de la Nouvelle-Guinée a été trouvée dans le sud par d'Albertis, avec une dissem- blance suffisante pour la création par Salvadori d'un genre spécial sous le nom de Xantlwmelus arclens. Wallace le trouva à Salawatty, Beccari autour de la baie de Humboldt ; il est probable qu'il est répandu dans une grande partie de la Nouvelle-Guinée. D'Albertis dans son Exploration des monts Arfak nous décrit sa trouvaille du Prince Orange comme suit : « Nous passons au milieu d'un bouquet de Chênes aux feuilles et aux glands en tout semblables à ceux d'Europe; j'aperçois deux oiseaux que je ne connais pas encore, mais leurs couleurs éblouissantes ne me laissent aucun doute, je suis enfin dans la patrie du Xantlwmelus aureus! » Cet oiseau n'a de remarquable qu'une espèce de collet qu'il peut redresser à volonté sur la nuque, d'une belle couleur orange rougeâtre, rappelant la nuance du Coq de roche du Pérou et de la Guyane, mais plus vif et à barbules plus 26 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. longues, plus soyeuses. Son emploi industriel pour cette raison (le bas prix des Coqs de Roche), est peu important, les deux espèces précédentes le remplacent avantageusement dans toutes sortes d'emplois. 45. ORIOLUS (XANTHOMELUSi ARDENS. D'Albertis D'Albertis trouva cette variété, en août 1877, le long de la rivière Fly. Sa couleur plus éclatante en fait une espèce par- ticulière dénommée par Salvadori Xanlhomelus ardens. {Ami. Mus. Genova, XIV, 113, 1879.) 46. SERICULUS MELINUS-AUREUS. — ORIOLUS REGIUS AURkUS. SwAlNSON 1825. Français : Le Loriot Prince Régent. Anglais : The Régent Bird ou Honei/sucker des colons anglais de l'Australie. Allemand : Der Prin: pirol. Cette espèce, que Quoy et Gaimard ont les premiers (ait connaître sous le nom de loriot Prince régent, a été décrite en 1825 par Swainson. sous le nom de Sericulus melinus et par ïemminck sous le nom de Oriolns rngius, D'après Gould, le Prince Régent paraît limité à l'Australie orientale et ne se nourrit que de fruits : il ne trouva jamais d'insectes dans l'estomac de ceux qu'il tua. Cet oiseau, fort apprécié dans la mode, est une des plus jolies créatures que l'on connaisse. Sa forme générale est fort gracieuse et per- met de l'employer sans le dénaturer. La tête, la nuque et une bande recourbée se dirigeant de la nuque vers la poitrine, sont d'un jaune vif velouté ; le reste du corps est noir velouté à reflets loutre foncé. La première des rémiges primaires est noire; les autres sont noires à la racine et à la pointe, jaunes dans le milieu; les rémiges secondaires sont jaunes, bordées -extérieurement de noir. L'iris est jaune clair ; le bec jaune ; les pattes sont noires. La femelle et les jeunes ont un plumage complètement dif- férent. Tète et gorge brunâtres, une tache noire au sommet de la tête; le dessus des ailes et de la queue brun-olive; les plumes CONTRIBUTIONS ORNITHOLOG1QUES DE LA. NOUVELLE -GUINÉE. 27 du dos marquées à leur extrémité d'une tache triangulaire brunâtre ; la lace inférieure du corps d'un brun olive, avec des taches plus foncées ; l'iris brun ; le bec et les pattes noires. Il y a une vingtaine d'années, le Prince Régent, se payait «ncore 60 à 80 francs ; progressivement le prix diminua, va- riant de 50 à 35 francs. Aujourd'hui ce bel oiseau ne vaut plus qu'une dizaine de francs, mais ce prix accidentel pourra augmenter sensiblement, lorsque la mode de l'oiseau naturel et sa couleur jaune d'or si harmonieuse, lui accorderont, à nouveau, les faveurs de nos élégantes. 47. SERIGULUS RAWNSLEVI Deggles. Cat. Birds. Brit. Mus B. d. V. M. VI, 138. Fig. Gould. Elliot. D'Australie, très rare, peu connu, se trouve dans de rares collections. D'après Sharpe qui le décrit, il forme la transi- tion entre Je genre Sericulus et le genre Ptilonorynchus. (A suiv?^e.) 28 PISCICULTURE AUX LABORATOIRES DE QUILLAN ET DE GESSE Par M. BOUFFET, Ingénieur en chef du département de l'Aude. Lettre adressée à M. le Président de la Société nationale d 'Acclimatation de France. Vous m'avez témoigné le désir d'être tenu au courant des résultats de la campagne de 1893, aux. établissements de pis- ciculture que l'Administration des Ponts et Chaussées a éta- blis depuis 1888 dans la haute vallée de l'Aude, à Quillan et à Gesse. Quoique je n'aie pas de trop bonnes nouvelles à vous en donner cette année, je défère bien volontiers à votre de- mande, car elle me fournit une nouvelle occasion de remer- cier la Société Nationale d'Acclimatation de l'intérêt qu'elle n'a cessé de porter à l'œuvre que nous avons entreprise. Cette œuvre, vous le savez, Monsieur, a de hautes visées : Notre espoir ne s'élève à rien moins que d'acclimater le Sau- mon Quinnat de Californie dans les eaux de la Méditerranée. Ces eaux étant dépourvues de toute espèce de Saumon, on peut dire que le succès de notre tentative sur le cours de la Rivière d'Aude serait sûrement un immense bienfait pour toute la contrée qu'arrosent le Rhône et ses nombreux af- fluents. Il n'est pas douteux en effet, que si nous parvenions à faire définitivement prendre souche, sur notre petit fleuve côtier, à cette précieuse espèce, elle ne tarderait pas dans ses migrations annuelles et alternatives, des hautes régions des fleuves aux profondeurs de la mer, à s'engager dans les embouchures du Rhône, et peu à peu à remonter son cours pour y frayer. Les embouchures de l'Aude et du petit Rhône ne sont séparées que par une distance de 100 kilomètres ; la franchir n'est qu'un jeu pour un Saumon adulte. D'autre part, les fleuves de Californie débouchent dans le Pacifique par la PISCICULTURE A QUILLAN ET A GOESSE. 29 moyenne latitude de 37°, qui est celle de la côte algérienne ; il est à croire par suite que le Saumon Quinnat peut trouver dans le golfe du Lion un habitat â sa convenance. Nos vastes espoirs s'appuient donc sur une confiance raisonnée. Sans revenir sur nos premiers essais dont le compte rendu a été inséré dans le Bulletin de la Société du 20 mars 1889, je rappellerai seulement que, grâce aux bons offices de la Société Nationale d'Acclimatation, nos deux laboratoires de Quillan et de Gesse ont déjà reçu par trois fois de grandes quantités d'œufs fécondés de Saumon Quinnat. Recueillis sur les bords du Sacramento par les soins du Commissaire Général des Pêcheries des États-Unis, puis transmis avec les précautions requises et par les voies les plus rapides, ces œufs sont arrivés avant l'éclosion, à nos laboratoires de Quillan et de Gesse. Là ils ont achevé leur incubation dans les conditions les plus satisfaisantes. Dé- duction faite des pertes au déballage ou en cours d'éclosion dans les augettes, les bassins d'alevinage, où les jeunes sujets étaient versés après résorption de leur vésicule nourricière, reçurent en janvier 1889, 70.000 alevins, 39.000 en janvier 1890 et 64.000 en mars 1891. Grâce à une nourriture appropriée, ces colonies se déve- loppèrent normalement dans les bassins ; et après un laps de temps de 4 â 5 mois elles furent lâchées dans la Rivière d'Aude entre Quillan et Gesse. Les Saumoneaux avaient, â ce moment, de 6 à 8 centimètres de longueur, et jusqu'à 15 centimètres lors des dernières mises en liberté. Les lâchers successifs portèrent en 1889 sur 61.500 sujets; en 1890 sur 36.300, et en 1891 sur 50.600. C'est donc en tout 148.000 Saumons Quinnat qui ont été versés dans l'Aude de 1889 à 1891. Qu'est devenue depuis lors cette colonie ? sans nul doute elle a accompli sa descente â la mer, puisqu'â diverses re- prises de jeunes Saumons ont été trouvés dans la partie basse du cours de l'Aude, particulièrement lorsqu'on mettait â sec les canaux agricoles, dérivés de cette rivière, qui arrosent les plaines de Narbonne. Une preuve directe de la descente â la mer a d'ailleurs été fournie par la capture, dans la baie de Banyuls-sur-Mer, d'un Saumon Quinnat mesurant 0m,21 de longueur qui fut apporté le 25 mai 1890 au laboratoire Arago. 30 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. M. de Lacaze-Duthiers en a rendu compte à la séance de l'Académie des Sciences du 23 juin 1890. Mais la remonte, à 1 époque du frai, de la mer vers le haut du fleuve s'est-elle également accomplie? Jusqu'à ces der- niers temps aucune observation directe n'avait été relevée, lorsque dans les premiers jours de janvier 1894 on a capturé aux environs de Carcassonne une femelle dont les ovaires étaient pleins, et qui pesait près de 3 kilos. Ce poids, déjà notable, permet de supposer qu'elle revenait de la mer, après y avoir acquis un développement qu'elle n'aurait guère pu atteindre dans la rivière d'Aude elle-même, aux eaux rapides et peu profondes. Quoi qu'il en soit, ce qu'il importe de retenir, c'est que si l'on a déjà fait heureusement les premiers pas, il reste encore beaucoup à faire, (le n'est pas avec les quelques milliers de Saumoneaux déjà versés dans la rivière, qu'on peut se flatter d'avoir atteint le but convoité. Trop de causes de destruction permanentes ou accidentelles sont à craindre : je n'en citerai qu'une. Le 25 octobre 1891 l'Aude a éprouvé une crue extra- ordinaire qui a atteint 8 mètres de hauteur à Carcassonne et 10 mètres à Narbonne, en dépassant toutes celles dont les siècles passés nous avaient gardé la mémoire. En débordant de toutes parts les eaux ont dû entraîner dans les terres et faire ainsi périr des quantités considérables de jeunes pois- sons. Que sont devenus nos Saumoneaux dans cette débâcle? Je vous le laisse à penser. Je m'en serais cependant consolé sans trop de peine, si une autre partie de nos opérations avait aussi bien réussi que celle dont je viens de vous rendre compte. Pour parer à tout accident, non moins que pour ne pas mettre sans cesse à l'épreuve la complaisance du bureau des pêcheries des États-Unis, j'avais eu le soin, en effet, de con- server en stabulation, comme reproducteurs, un certain nombre de sujets de chaque envoi. J'espérais, d'après les résultats obtenus au Trocadéro et grâce à l'opération bien connue de la ponte artificielle, m'affranchir de tout souci pour l'avenir de notre œuvre. C'est ainsi que j'avais fait ré- server 300 Saumoneaux des éclosions de 1889, 1.200 de celles de 1^90 et 2.000 de celles de 1891. Des viviers suffisamment amples, et bien alimentés en eau courante, avaient été dis- posés pour eux à l'établissement de Gesse. Jusqu'au mois de PISCICULTURE A QUILLAN ET A GESSE. 31 mai 1892 tout allait â souhait, et malgré sa captivité notre colonie ne cessait de prospérer, quand, au moment presque de toucher au but, une maladie qui n'a pu être déterminée, et dont il a été impossible d'enrayer les effets meurtriers, est venue arrêter le développement et détruire peu à peu notre précieuse réserve. Une ou deux femelles ont seules pu, l'an- née dernière et cette année, nous donner quelques centaines- d'œufs qui ne sont pas venus â éclosion. Aujourd'hui il n& nous reste plus dans les viviers qu'une douzaine de sujets de 20 â 30 centimètres de longueur. Vous voilà, Monsieur, au lait de nos déboires ; mais la bonne volonté et la foi dans le succès définitif restent entières chez mes collaborateurs de Quillan et de Gesse. Ils n'ignorent pas qu'une œuvre d'acclimatation comme celle que nous avons entreprise ne peut réussir qu'à la condition d'être poursuivie pendant de longues années avec un esprit de ferme persévérance. Et c'est pourquoi aussi je me flatte de l'espoir que la So- ciété Nationale d'Acclimatation voudra bien, à notice in- tention, renouveler ses démarches auprès du Commissaire Général des pêcheries des États-Unis, pour obtenir, pendant plusieurs années encore, de nouveaux envois d'œufs fécondés de Saumon Quinnat. Notre but offre un trop grand intérêt; pour qu'à la première traverse nous renoncions à l'atteindre. 32 LES ESPÈCES DE BAMBOUS DU JAPON LEUR CULTURE ET LEUR EMPLOI Par M. le Dr MEYNERS D'ESTREY. Le Bambou du Japon trouve par sa qualité exceptionnelle, un emploi croissant pour la fabrication des meubles ; jadis il fut importé en Europe, exclusivement par la France et par la ville libre de Hambourg. Tout récemment on en a importé aux Indes orientales néerlandaises afin d'y encourager l'amélioration et l'exten- sion de cette culture. A l'exposition de Batavia, en 1893, on avait. exbibé une grande collection de Bambous du Japon. Nous allons tàclier de donner, dans cet article, quelques ren- seignements concernant la culture du Bambou qui permet aux Japonais de fournir aux fabricants de meubles une ma- tière première si précieuse. Ces renseignements nous sont fournis par M. Léon Van de Polder, chargé d'affaires des Pays-Bas, à Tokio (Japon), qui a déjà fait connaître en Europe beaucoup d'industries célèbres du pays où il est accrédité, notamment celle de la laque (1). L'espèce de Bambou appelée Madàke ou N.igadahe ; en vieux japonais : Kaicadake ou Kogaivadake; en chinois : Kutchlku, est l'espèce la plus utile du monde entier. Elle est cultivée avec le plus grand succès dans les terres noires, grasses ou argileuses, mélangées de sables qui lui donnent son brillant et sa solidité. Les terres dures ou humides ne lui conviennent point. Les hauts plateaux, les pentes douces ou raides des vallées, les bords des rivières et dés canaux sont très favorables à cette culture, mais il faut choisir de préfé- rence les pays chauds, et faire en sorte que les plantations soient abritées par des forêts contre les vents du sud -ouest. (1) Nous possédons dans notre bibliothèque le travail original en hollandais de M. Léon Van de Polder sur le Bambou; il est illustré de 66 figures d'après des dessins japonais. LES ESPÈCES DE BAMBOUS DU JAPON. 33 Les engrais qu'on emploie sont les cadavres de Chiens, de Chats, de Chèvres, de Rats et d'autres animaux à peaux poi- lues ; des sabots et des- os de Chevaux et de Vaches; des feuilles de Riz pourries ; des cendres ; du fumier d'écurie et enfin des excréments de toutes sortes d'animaux et même humains, mais ceux-ci dissous ou liquéfiés. Si le Bambou est cultivé sur un terrain ne contenant pas de sable, il est abso- lument nécessaire de mêler un peu de chaux aux engrais. Il faut éviter comme engrais, l'emploi des herbes marines ou les eaux dans lesquelles celles-ci ont trempé ; les poisons de toutes sortes ; le sel et les enveloppes du Maïs qui font mourir le Bambou en peu de temps. La fin de juin est la meilleure époque de l'année pour com- mencer une nouvelle plantation de Bambous. Si l'on veut planter un Bambou, on creuse un trou de trois pieds carrés et l'on dépose dans le fond une couche d'un des engrais indiqués plus haut, d'un pied d'épaisseur, ensuite trois ou quatre couches de 5 à 6 pouces d'épaisseur, de terre très légère ou de terre mélangée d'engrais, et par dessus tout cela une petite couche d'engrais ou de terre fine, jusqu'à ce que le trou soit rempli à 5 ou 6 pouces près. On y place ensuite le plant de Bambou, on l'arrose avec de l'eau ordi- naire et on lui donne un tuteur, afin d'empêcher que le vent ne le déracine. En plantant une trentaine de Bambous sur un terrain d'un millier de mètres carrés environ, on obtient facilement, en y donnant les soins nécessaires, en quatre ou cinq années, un véritable bois de Bambous. Le Bambou se multiplie surtout dans la direction du nord-ouest vers le sud-est. S'il ne tombe pas de pluie après qu'on a planté le Bambou, il est bon de l'arroser tous les soirs. Un bois de Bambous, bien soigné, ne tarde pas à devenir une forêt inépuisable ; pourvu que l'on évite, surtout dans les pays chauds, d'en couper trop à la ibis et que l'on choisisse toujours les plus anciens. En observant constamment ces précautions, le bois de Bambous restera toujours bien fourni. Il faut avoir soin qu'un bois de Bambous ne soit ni trop serré, ni trop ouvert ; car dans ce dernier cas les rayons du soleil y pénétrant avec trop de force, dessèchent le sol et les engrais, jaunissent les Bambous et les l'ont dépérir. Il faut donc couper ceux qui ont atteint l'âge de quatre ans et avoir soin que le sol ne se dessèche point. Dans ces conditions les 5 Juillet 1894. 3 34 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. feuilles pourrissent et procurent un engrais constamment renouvelé qui donne au Bambou une belle nuance verte fon- cée et le rend de plus en plus fort. Dans les pays froids où tombe beaucoup de neige, on prend une mesure appelée au Japon Yabu maki (lier ou entourer le bois) afin d'empêcher les Bambous de se casser et par suite de mourir. On attache les tiges avec des cordes à 4 ou 5 pieds au-dessus du sol de sorte que l'on n'a rien à craindre ni du vent, ni de la neige. Un bois de Bambous ainsi préparé pour l'hiver a l'aspect d'une quantité de petites pyramides. A la fin de l'hiver on coupe les cordes, en commençant par le haut, et les Bambous reprennent tout seuls leur position na- turelle. Le Bambou fleurit après soixante ans, et quelques auteurs prétendent qu'ensuite il meurt ; mais dans un ouvrage qui traite des cultures de l'Inde centrale, on dit que le Bambou fleurit généralement après trente ans. On a remarqué ce l'ait en 1802, 1832 et 1862, c'est-à-dire tous les 30 ans. De notre temps, lorsque l'on voit fleurir le Bambou, on dit que c'est un signe de famine et que le Bambou va mourir. Ce fait est en effet confirmé par un auteur hindou. Le Bambou est employé à la fabrication d'une foule d'ob- jets. Au Japon on s'en sert souvent comme moule, pour fondre des tuyaux de fer ou de cuivre pour les conduites d'eau, etc. Les plus grands servent à fabriquer des radeaux, pour les rizières des contrées basses ou marécageuses et même pour aller à la pêche sur les côtes de la mer. Dans les construc- tions on emploie le Bambou comme poutres, gouttières, palis- sades, plafonds et toiture. On en fabrique aussi des tables, des bancs, des sofas et autres meubles ; ainsi que des car- casses de boites, des paniers, des cerceaux et des feuillards pour les tonneaux et les seaux de toutes sortes ; des armes et des centaines d'objets de tout genre. L'espèce de Bambou appelée Mosotchihu ou Wasedahe en chinois : Konantchihu, Rilolchihu, Biotanlchihu, Biodjit- chiJui ou Matotchihu, n'est pas dure et plutôt courte, par con- tre, très épaisse. Les feuilles sont courtes, minces et étroites, les jeunes pousses recouvertes d'une sorte de duvet. Elle est d'une nuance vert tendre et jaunit au bout de quel- ques années. Cette espèce est originaire de la Chine, d'où elle fut importée au Japon, il y a cent cinquante-sept ans, par LES ESPÈCES LE BAMBOUS DU JAPON. 3o un nommé Liou Kiou. Aujourd'hui on la rencontre dans toutes les provinces, excepté celles du nord et l'île de Yeddo. Sa force et sa beauté font l'admiration de l'étranger. Sa cul- ture prend constamment de l'extension. Il lui faut un ter- rain chaud ou tempéré. Elle acquiert une hauteur considé- rable dans les provinces de Thuga, Osumi et Satsuma et une épaisseur de plus de trois pieds de circonférence Aux envi- rons de Tokio on la cultive principalement pour les jeunes pousses. Les terres qui conviennent le mieux à cette espèce sont celles qui ont été travaillées pendant des années et qui sont, par conséquent, légères jusqu'à une bonne profondeur. Les sols durs, pierreux et argileux ne lui convient pas du tout. L'engrais à employer est composé comme suit : Excréments humains. . . 2 parties. Fumier de cheval 1 — — paille 1 — mêlés à des feuilles pourries. Les pousses de cette espèce de Bambou constituent un mets délicieux au printemps. Cinq années après la plantation ce Bambou produit les premières pousses pour la table des gourmets, mais il faut dix ans avant qu'un bois de Bambous en produise des quantités suffisantes. Ces pousses consti- tuent un légume exquis, même pour les étrangers qui visi- tent le Japon. Si on trouvait le moyen de les conserver dans des boîtes en fer blanc ou des flacons, elles deviendraient un important article d'exportation. Il y a au Japon encore beaucoup d'autres espèces de Bam- bous moins importantes et dont nous ne pouvons parler ici faute de place. Nous terminons cet article par quelques observations con- cernant le travail, le traitement et l'emploi du Bambou en général. Pour obtenir un Bambou propre à faire des cannes, on at- tend que la tige ait atteint une hauteur de 8 à 9 pieds. Pour rendre un Bambou léger, on le coupe lorsqu'il a un an, on attache une pierre à l'une de ses extrémités et on le pend dans un endroit où il est exposé à la fumée. Pour "aplatir le Bambou, on enlève les boutons des extré- mités, ainsi que les parties dures du milieu avec le rabot. 36 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Ensuite on le fend avec un couteau dans toute sa longueur et on le fait bouillir dans un pot de fer avec de l'eau mélangée de son de Maïs. Puis, en le plaçant sur une table unie, on l'ouvre doucement. On répète ce procédé, s'il le faut, jusqu'à ce que le Bambou soit parfaitement plat. Finalement on le re- passe avec un fer chaud afin d'éviter qu'il ne reprenne sa forme primitive. On peut remplacer le son de Maïs par une certaine herbe appelée en chinois Hakurakkwai {Macleya cordata). Afin de pouvoir plier le Bambou on le fait bouillir dans de l'eau mélangée d'Hotaros (espèce de petits Vers luisants) séchés à l'ombre ; une poignée dans un litre d'eau. Pour donner au Bambou la couleur de la Tortue, on l'en- toure d'une corde enduite de boue et on l'expose au feu. Les parties enveloppées restent blanches, tandis que les autres deviennent brunâtres. On peut, de cette manière, produire toutes sortes de dessins sur le Bambou. Depuis quelque temps, on demande beaucoup de Bambou fumé pour les parapluies, les cannes, etc. On frotte le Bam- bou avec de l'eau contenant un peu d'acide nitrique, on le sèche et on le lave, puis on l'expose à la fumée, dans la che- minée ou au-dessus du feu. Pour le blanchir, on le plonge dans de l'eau de riz, pen- dant trois à quatre jours, puis on le frotte avec du sable ou de l'écorce de riz et on le laisse blanchir au soleil. Les Japonais ont un grand nombre d'autres procédés pour travailler le Bambou, mais la place nous manque pour les dé- crire ici. 37 II. CHRONIQUE DES COLONIES ET DES PAYS D'OUTRE-MER. Production et commerce des fruits au Cap. (suite et fin *.) Les Compagnies de navigation ont demande, dès le mois de juillet dernier, que les expéditeurs retinssent d'avance l'espace dont ils ont besoin pour leurs chargements en chambre réfrigérante, des produits de la saison prochaine, et elles ont demandé une garantie pour le paiement de l'espace alloué, utilisé ou non. Il en est re'sulté que l'Association des Cultivateurs de fruits a accaparé le tonnage des chambres de refroidissement et les particuliers ne pourront faire d'en- vois que sous certaines conditions. Les emballages ont été fixés d'une grandeur égale, afin de ne pas perdre de place dans les chambres. Ces grandeurs sont : Raisins tardifs 60 centimètres. X 45 centimètres, x 15 centimètres. — précoces 60 — X 45 — x 12.5 — Pêches, Brugnons 45 — X 30 — X 10 — — et Tomates 47.5 — x 32.5 — X 12.5 — Poires 47.5 — X 32.5 — X 12.5 — Abricots et Prunes .. . 45 — X 30 — x 7.5 — Pour les Pommes et les Melons qui ne vont pas dans les chambres, les caisses peuvent être de toutes dimensions : les Coings sont emma- gasinés sur le pont. Les proce'de's d'emballage varient suivant les fruits et ont donné lieu à de nombreux tâtonnements. Pour les Pèches, c'est assurément, le Liège en poudre qui a donné les meilleurs résultats. Les Tomates sont emballe'es de la manière suivante : Dans le fond de chaque boîte on place une couche mince d'un papier spe'cial de'- coupé en étroites bandes. Puis les Tomates de choix e'tant trie'es par grandeur, de manière à être aussi semblables que possible, même en forme et maturité, sont entourées avec dexte'rité d'une poignée de ha- chures du même papier, en laissant le dessus et le dessous dégage's de manière à laisser voir la qualité' du fruit. On place ensuite les To- mates l'une à côte' de l'autre, sans laisser de vide, mais sans leur donner aucune pression mutuelle, et les interstices sont remplis du même papier hache'. Par dessus tout on place une feuille de papier tissu intacte, et enfin une nouvelle couche de hachures. Le couvert doit être place' et cloue' en ne produisant qu'une légère pression sur (*) Voir 1894, 1er semestre, page 518. 38 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. le contenu. Les boîtes sont empilées par dix et on les maintient l'une au-dessus de l'autre, avec d'e'troites lattes de bois sur chaque côté, soit diagonalement d'un coin à l'autre, soit perpendiculairement au milieu des côte's. Les noms de l'expéditeur et de la variété' de To- mates sont estampe's sur le sommet. Il y a toujours une demande re'gulière pour les Tomates, du com- mencement à la fin de l'année. Les Tomates cultivées en Angleterre arrivent tardivement en juin jusqu'à la fin d'août, Madère et les Ca- naries commencent leurs expéditions d'assez bonne heure, mais elles sont incapables de remplir les ordres, et les besoins anglais devien- nent alors une opportunité' pour le Cap. En lévrier, mars, avril et mai, une boîte de vingt-quatre, en bonne condition, se paye à Londres de 2 sh. à 2/6, et s'il y a une grande demande ou des approvisionne- ments difficiles, le double peut être paye'. Les Pommes extra et les Poires sont enveloppe'es une par une dans une feuille de papier tissu et disposées en plusieurs couches se'parées par des lits de hachures ; la contenance des boîtes est de 40 lbs. Les Prunes enveloppées de papier se comportent très bien, spécia- lement la varie'té Reine-Claude de Bray. Il est à remarquer que l'on expédie des Pommes de terre nou- velles, en boîtes carrées de 45 à 60 livres et aussi en barils de ci- ment vides qui ont trouve' là un emploi inattendu. Les prix obtenus à Londres ont été très variables et certains char- gements arrivant dans un mauvais état, ont donné de pauvres résul- tats. Cependant, des Pêches ont re'alisé plus d'un shelling pièce, les Brugnons 21/- la boîte de 4 douz. ; mais beaucoup se sont vendues à 2 pence pièce. Les boîtes d'Abricots de 36 à 13/- la boîte. Des boîtes de Prunes contenant de 70 à 80 fruits ont été payées 17/6 d. et des caisses plus petites de 48, mais plus beaux fruits jusqu'à 10 et 13 sh. 6 d. Le Raisin en caisses de 20 à 25 lbs s'est bien vendu : le beau noir à à 16/-, le rouge Ilaanepoot à 11/6 et 2e qualilé à 7/6, le Barberousse noir ou blanc à 11/- ; le blanc commun de 5 sh. à 9/6. Les petites Pommes se sont vendues couramment à 1 d. pièce ou de 10/6 à 13/- la boîte de 40 lbs. Une sorte de Pommes vertes appele'es Reinettes de New-York a e'té en faveur à 14/6, et une autre dite Alexandre à 9/6. Une variété récemment découverte dans la colonie et qui lui paraît propre, elle porte le nom local de « fleur tardive », atteindrait les plus hauts prix, paraît-il, si elle était fournie en quan- tité appréciable. Les Poires ont obtenu relativement un moins bon prix, mais on les payerait de 15 à 20/- pour 40 livres. Les Tomates qui arrivèrent cependant, ou encore vertes, ou trop CHRONIQUE DES COLONIES ET DES PAYS D'OUTRE -MER. 39 mûres, meurtries et avec le goût de Pommes de Sodome, furent payées de 3/6 à 5/6 pour 14 lbs. Les Coings ont e'te' revendus de 2 d. jusqu'à 4 d. pièce, tandis que dans la colonie, ils sont sans valeur, le Cognassier poussant en haies le long des roules. Une variété qui devient rouge en cuisant, dite Portugal, a paru très en faveur. Ces prix payent les frais et au delà certainement, c'est pourquoi tout le inonde se prépare activement pour la prochaine saison. Le tableau suivant donne l'état des exportations de la saison 1892-93. Nombre d'emballages en caisses, boîtes et mannes : Sortes déc. janv. fév. mars avril totaux Pommes » 27 112 213 51 523 Abricots 146 335 » » » 481 Raisin » 60 3.951 5.559 1.326 10.896 Melons » 34 117 30 » 181 Brugnons » 13 17 » » 30 Poires » 11 182 399 62 654 Pêches » 1-670 734 24 » 2.428 Prunes » » "' » » 7 Grenades » » » 5 » 5 Coings » » » 121 85 206 Tomates » 13 501 1.833 3^0 2.717 Nombre do colis .. . 146 2.163 5.681 8.244 1.894 18.128 Valeur déclarée (liv. st.) : 105 521 1.836 3.318 856 6.636 Ces exportations sont dues principalement à des marchands de Londres qui ont placé des capitaux dans celte entreprise. Avec MM. W. N. White et Cie et Duthoit Sainsbury et Cic de Co- Ven-Garden il s'est formé à Loudies deux Sociétés, la « Cape Orchard Cie» elle « Cape Fruit syndicale /> qui sont les qualre grands acheteurs du Cap, actuellement; ils ont un agent ou représentant à Capetown, pour faire leurs acbals, aulant que possible du cultivateur directe- ment, pour soiguer l'emballage opérer la séledion du fruit et assurer à sa maison beaux bénéfices que donne seulement le fruit de choix. Au contraire, les fermiers eux-mêmes peuvent envoyer leurs mar- chandises à des consignataires de Londres en leur payant une com- mission raisonnable sur le prix de vente obtenu. Dans ce cas, il n'est pas de leur intérêt de consigner ces marchandises à des maisons qui achètent directement au Cap. MM. George Munroé et Gaicia Jacob et Cie de Covent-Garden ont aussi reçu de forles consignations cette saison. 11 serait préférable que 40 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. le cultivateur consignât tous ses produits à ses risques et périls ; le fruit gagnerait à ne pas changer de mains, à être emballe', trie' sur place ; mais il est peu de personnes qui prendront cette initiative. Les autres seront trop heureuses de voir le courtier venir sur leur ferme, leur faire une offre pour une certaine classe de produits, et payer imme'diatcment par chèque. Le fermier est bien plus satisfait ainsi, que d'une affaire en commission. A Londres, le fruit est généralement vendu aux enchères et l'ha- bileté' du crieur est pour beaucoup dans les prix obtenus. Les maisons indiquées se sont efforcées de s'assurer des prix à peu près réguliers et suffisamment remune'raleurs. La Chambre de commerce de Londres a môme été sollicite'e de donner son appui à un projet de monopole, mais elle a répondu que, n'étant pas opposée en principe aux moyens nécessaires à maintenir les prix, elle ne pouvait cependant en assurer l'exécution. La saison prochaine va marquer une recrudescence certaine, et l'on se demande si le marche' de Londres pourra absorber les expéditions. On fait remarquer cependant la part croissante qu"occupe le fruit dans l'alimentation, et que la demande s'accroît aussi bien que l'offre. Les Tomates étaient inconnues il y a vingt ans, tandis qu'aujourd'hui sur les tables anglaises ce n'est plus un légume, mais un fruit qui se consomme journellement. La Banane était, il y a quelques années seulement, considérée comme un fruit insipide digne des sauvages ; et aujourd'hui, une maison de Covent-Garden distribue à elle seule jusqu'à dix mille ré- gimes par semaine. Vu l'intention des Anglais de faire des expéditions à Paris, la saison prochaine, il serait peut-être à désirer que des maisons de Paris agissent comme on l'a fait à Londres, et envoient quelques acheteurs au Cap. Nos compatriotes, cultivateurs de fruits, pourraient trouver aussi, je crois, une entreprise fructueuse dans cette région. Malgré tout, les bonnes fermes, même dans le voisinage du Cap proprement dit, ne sont pas rares, et sont encore d'un prix peu élevé ; dans quelques années, au contraire, le prix s'en élèvera beaucoup parce qu'elles seront de plus en plus recherchées. G. Vassahd, Titulaire d'une bourse commerciale à l'étranger. [Moniteur officiel du Commerce.) 41 III. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. Exportations du Honduras. — D'après les Colonial Office Reports (n° 91 pour 1893), cette possession anglaise de l'Amérique centrale a exporté dans l'année : 616,838 livres anglaises de bois de Campêche, 389,855 livres d'Acajou, 212,882 livres de Bananes, 12,191 livres de plantains (fibres de Bananier), 7,450 livres de Caoutchouc et 2,610 livres de bois de Cèdre des Indes occidentales (Cedrela). Le chiffre d'exportation des fruits, en y comptant les noix de Coco, atteint maintenant les deux tiers de l'exportation d'Acajou. De S. Reproduction de l'Hippopotame amphibie (H. amphibiusL.) en captivité. — Depuis 1887, on a obtenu cinq jeunes des Hip- popotames du Jardin zoologique d'Anvers (1). On en garda un ; les autres furent élevés, puis vendus. La durée de la gestation chez les femelles varia entre 233 jours (1887), 241 (1889), 238 (1890), 239 (1891) et 243 jours (1893), ce qui re- présente comme moyenne 259 jours ou environ huit mois. De 1887 à 1891, la mère Hippopotame mit bas sur terre; l'an der- nier, elle accoucha dans l'eau du bassin où le petit se mit aussitôt à nager avec aisance. Il fut toujours nourri par elle jusqu'à ce qu'il fut sevré; il cessait de téter au sixième ou au septième mois. Le jeune, né en 1893, fut sevré à cinq mois. — La femelle allaite son petit aussi bien à l'air que dans l'eau. Elle se montre remplie de sollicitude. L'on s'étonne aussi de voir cette masse gigantesque se remuer près du jeune sans lui causer jamais le moindre froissement (2). Db B. Piège à Pigeons des Maoris. — Le Rév. W. Colenso de Na- pier, dans la Nouvelle-Zélande, a recueilli une foule d'objets curieux en usage chez les anciens Maoris. Le musée royal de Kew a reçu encore de ce zélé collectionneur une sorte de tasse faite en écorce de Totara (Podocarpus totara A. Cunn.) qui mesure dix pouces de long sur huit pouces de large. L'écorce est en partie grattée à l'extérieur ; ses deux extrémités sont ramenées et attachées avec soin. Cet auget a donc à peu près la forme d'un petit bateau. Les Maoris s'en servaient comme accessoire dans leur chasse. Ils le plaçaient rempli d'eau au haut des arbres. Les Pigeons attirés (1) La Revue (1890 p. 262) publia dans son Procès- Verbal des observations sur la naissance d'un Hippopotame obtenue en 1890 dans ce même éta- blissement. (2) Les Hippopotames captifs ont reproduit dans plusieurs établissements zoologiques. Notons en particulier les intéressants élevages de ces animaux menés à bien au Jardin zoologique d'Amsterdam grâce au dévouement du sous-directeur M. Noordhoeck Hegt. 42 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. pour boire étaient transpercés par un dard partant d'un piège dissi- mulé à côté de l'auget. Le Rév. Colenso rapporte ailleurs, dans les Transactions of the New Zealand Institute (XXIV, 1891, p. 451), avoir été témoin de cette chasse. Dans la région boisée d'Urewera, il vit des Oiseaux atteints de cette façon et les Maoris, entièrement nus, montant aux arbres avec l'agilité de Singes pour s'emparer de leur butin. G. L'époque du frai chez le Saumon de fontaine. — L tige où les divers Poissons cultive's dans nos établissements sont aptes à la reproduction n'a été contrôle' que pour un petit nombre d'es- pèces. Le Saumon de fontaine [Salmo fontinalis) paraît atteindre sa puberté à des époques peu régulières ; les causes qui influent sur son développement mériteraient donc d'être étudiées de plus près. La Fischerei Zeitung (1) mentionne les faits suivants : Le 15 mars 1893, on avait mis dans les viviers de l'établissement de Starnberg, en Bavière, des Saumons de fontaine qui venaient de perdre leur ve'si- cule embryonnaire. Au 10 février 1894, soit onze mois plus tard, cer- tains d'entre eux, mesurant 13 centimètres de taille, e'taient prêts à frayer. A leurs vives couleurs, on présumait que leurs organes sexuels e'taient de'veloppés. Chez plusieurs femelles que l'on ouvrit, on vit la laitance sortir de l'ovaire. Par contre, on constata que d'autres fe- melles du même âge n'étaient point aptes à engendrer. Une observation analogue a été notée précédemment dans la pisci- culture de Seewiese où l'on retira, au mois de novembre 1891, un Saumon de fontaine mQle, mis au printemps, alors qu'il possédait en- core une partie de la ve'sicule. Ce Poisson avait les organes de repro- duction bien développés. Pendant son séjour dans le vivier, il n'avait reçu aucune nourriture artificielle. De S. Composition chimique des Bois de Santal rouge et de Campêche. — Vers 1832, Pelletier a extrait le principe colorant des bois de Santal rouge sous l'orme d'une matière réslnoïde pulvérulente, blanchâtre, qu'il a nommée Santaline ou Acide santalique. Un peu plus tard, Preisser a pu obtenir ce corps à l'état cristallin, pur et incolore. La Santaline absorbe facilement l'oxygène de l'air et se colore instan- tanément en rouge foncé sous l'action des alcalis. Presque insoluble dans l'eau froide, les huiles fixes et volatiles, cette substance est un peu plus soluble dans l'eau bouillante ; elle se dissout presque entiè- rement dans les acides étendus, les solutions alcalines, l'éther et exceptionnellement, dans les essences de lavande, de romarin, d'a- mandes amères et de girofle ; la santaline est fusible à 104°. Soumise à l'ébullition, la solution de Santaline laisse déposer après refroidis- (1) N» 4 du 14 février et n° 5 du 28 février 1894. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 43 sèment une poudre rouge dans laquelle on distingue, à l'aide du mi- croscope, une foule de petites aiguilles prismatiques d'un rouge vil qui constituent la Santalène- Le bois de Santal rouge renferme en outre plusieurs autres compose's chimiques étudiés plus récemment par Wcidel, Francbimont, Sicherer, Cazeneuve, Hugounenq, etc. Les mieux connus sont la Ptérocarpine, Y Homoptérocarpine et le Santol, encore n'offrent-ils qu'un intérêt secondaire. Une chose plus impor- tante serait de connaître, et de pouvoir éliminer pratiquement, une autre matière colorante brune qui entrave les procédés industriels basés sur l'emploi du Santal rouge en teinture. L'eau froide et les huiles grasses sont à peine colore'es par le Santal rouge, l'eau bouillante ne lui enlève que très peu de matière colorante, mais celle-ci se dissout facilement dans l'alcool, l'e'iher, les solutions alcalines et l'acide acétique concentré. En résumé, le Santal rouge est un bois non extiactif qui ne cède sa couleur qu'aux tissus mordancés. Il donne en teinture un beau ronge marron solide et sert à la prépara- tion du « Bleu de Nemours ». On l'emploie surtout pour les lainages. Le bois de Campêche se distingue du Santal rouge par la solu- bilité de sa matière colorante dans l'eau, avec laquelle il donne un macère' d'un rouge foncé qui devient d'un rcuge jaunâtre sous l'action des acides et passe au violet presque noir par les alcalis. Ses princi- pales réactions sont les suivantes : Coloration rouge violet très fonce' par l'alun, plus claire par les sets d'étaiu; précipite' violet noirâtre avec le chlorure ferrique, bleu grisâtre avec le sous-ace'tate de plomb, bleu noirâtre avec l'acétate de cuivre, laque bleue en présence de l'ammo- niaque Ainsi qu'il résulte des travaux de Guibourt et des remarquables recherches de Preisser, il est bien établi que le principe colorant des bois rouges de teinture est le produit de l'oxygénation de l'air sur une matière incolore qui existe naturellement dans le tissu ligneux. Celui du Bois de Campêche a été isolé en 1810 par Chevreul qui l'appela Eëmatine. L'élude de ce corps, nommé aujourd'hui Hématoxglme, a été reprise en 1842 par Erdmann et vers 1859 par O. Hesse. C'est une substance non azotée, d'une saveur douce et sucrée, peu solublc dans l'eau froide et dans l'éthcr, facilement soluble dans l'eau bouillante et dans l'alcool. Sa solution aqueuse rougit sous l'action de l'air et de la lumière solaire, mais cette coloration s'efface en présence de l'acide sulfhydrique ; les autres acides la colorent en rouge vif et les alcalis la font passeï au violet pourpre foncé. A l'état de pureté, l'Hémaloxyline cristallise, en paillettes dorées ou en prismes trétragonaux incolores ou d'un jaune clair, brillants et transparents. VHématéine est le produit de l'action combinée de l'oxygène et de l'ammoniaque sur l'Héma- toxyline. Le Bois de Campêche est employé, le plus souvent sous forme d'ex- trait, pour la teinture des fonds bleus, noirs et violets, sur les tissus 44 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. de lin, de coton, de laine et de soie. On l'associe encore aux Brésil- leis, au Quercilron et au Sumac pour en obtenir de belles nuances va- riant avec les différents procèdes de mordançages. C'est à cette ma- tière colorante que les draps noirs de Sedan doivent le mérite de leur douceur et de leur velouté. L'extrait solido se prépare eu grand pour les besoins de l'industrie; on le trouve dans le commerce sous forme d'une masse rouge brun très foncé, cassante, réunissant les composés chimiques de l'Hématoxyline et de l'IIématine. En médecine, le Bois de Campêche est parfois administre' contre la diarrhe'e chronique, surtout chez les enfants, à cause de ses propriétés astringentes tempére'es par une saveur douçûtre. M. V.-B. Naturalisation de végétaux en Tunisie. — J'ai l'honneur de rendre compte à la Socie'te' nationale d'Acclimatation des résultats obtenus dans le Sud de la Tunisie avec les graines qu'elle a eu l'o- bligeance de me remettre. Les divers Atriplex australiens, les Atriplex nummularium, semibac- catum, halimoïdes, Muelleri, vesicarium, etc., ont parfaitement réussi dans les terrains salants. Ces plantes, semées au printemps de l'anne'e 1893, ont de'jà donné des graines en abondance qui ont e'te' utilisées en novembre dernier ; — nous avons ainsi obtenu beaucoup de nouveaux plants. — Cela rendra de grands services pour la nourriture du bé- tail; — les Moutons surtout broutent les Atriplex avec avidité. Les Kochia villosa se fout remarquer également par la vigueur de leur croissance. Les graines d'Halimodeiidron argenteum données par M. Cornu ont produit une vingtaine de pieds, mais les jeunes plants paraissent encore chétifs. La Société m'avait procuré aussi des graines de divers Eucalyptus. Trois espèces (les Eucalyptus incrassata, incrassata var. Dumasa et co- ■rynocalyx) se sont très bien développées. L'E. incrassata ne serait-il pas celui que le baron von Mueller de'signe comme produisant une essence précieuse? Quant aux E. corynocalyx, selon les conseils du baron von Mueller, je les ai fait placer dans des endroits désertiques ; ils y ont déjà passe près d'une année, sans recevoir d'autre irrigation que celle produite par les rares pluies de ces contrées et ils se com- portent très bien. Excellente réussite également pour les graines des Casuarina glauca, Callitris verrucosa, Acacias decurrens, pyenantha et New South Walss. On peut dire, d'une façon générale, que les essences australiennes viennent très bien sous la latitude de Gabés et dans les terrains de cette contrée, composés uniformément de sable et de gypse très cal- caire. J'ai l'honneur de présenter à la Société nationale des Galles de Ta- marix et de Limoniasirum Gtuyonianum. Le Limoniastrum Guyonianum CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 45 est un petit arbuste que l'on trouve en très grande abondance dans les terres fortement salées : il y aurait probablement inte'rêt à faire analyser ces Galles pour savoir la quantité de tanin qu'elles con- tiennent. J'ai cru devoir aussi pre'senter du Charbon de Tamarix. Des contro- verses se sont établies depuis longtemps sur le point de savoir si le Tamarix produisait ou ne produisait pas de bon ebarbon. D'après les expériences faites avec celui-ci, l'épreuve paraît tout à fait satisfai- sante. Ce ebarbon est de première qualité; il est lourd, compact, brûle lentement en produisant beaucoup de cbaleur. La culture du Tamarix demanderait à être encouragée. Grâce à cet arbre si intéressant, on pourrait boiser de grands espaces de terrains salés, qui jusqu'ici ont été complètement inutilise's. J'ai môme fait des essais de boutures de Tamarix en pleine Sebka et ces boutures ont parfaitement poussé. Dans notre domaine, nous avons, depuis deux ans, donné un très grand développement à la culture du Tamarix (nous en avons déjà plus de 10,000 pieds ) et cela dans des terres qui n'avaient aucune valeur et dont on n'aurait jamais pu tirer parti. Il est curieux de noter, à propos du Tamarix, la singulière vénéra- tion dont cet arbre est l'objet de la part des Arabes du Sud de la Tu- nisie. Pour eux, cet arbre est feguir. C'est un sacrilège de brûler une branebe de Tamarix et même un danger, car la fumée se rabattrait sur l'imprudent qui tenterait la chose et le rendrait aveugle! Mais tous les Arabes ont un bâton de Tamarix : c'est pour eux un porte-bonbeur. Le Tamarix, lorsqu'il est planté dans un sol très humide, atteint de grandes dimensions. Nous en avons un échantillon qui a e'té plante' il y a six ans, dont le tronc a plus d'un mètre de circonfe'rence et dont la hauteur atteint près de 7 mètres. Paris, le 15 mai 1894. Baronnet, Administrateur délégué de la C10 française du Sud-Tunisien. Le fruit du Canéficier est une gousse ligneuse inde'hiscente, cylindrique, noirâtre et unie, pendante, longue de 10-50 centimètres sur un diamètre de 2-3 centimètres environ, composée de deux valves réunies par deux sutures longitudinales. On rencontre souvent sur une même branche, rassemblées par un pe'doncule commun, jusqu'à 12-15 gousses qui font, en se heurtant, lorsque le vent les agite, un grand bruit et tombent lorsqu'elles sont mûres. L'intérieur du fruit présente un grand nombre de petites loges formées par des cloisons transversales, renfermant chacune une semence elliptique, aplatie, rougeàtre, lisse et assez dure. Ces semences sont entoure'es d'une pulpe noire, épaisse, douce, sucrée et un peu acidulée qui constitue la Casse proprement dite. 46 UEVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Fraîche, elle est inodore, d'une saveur fade et douçâtre; la fer- mentation à laquelle elle est sujette lui communique un goût désa- gréable analogue à celui des fruits gâtés. Pour l'extraire, on ouvre la gousse en frappant sur la suture ; on racle ensuite à l'inte'ricur les deux valves avec une spatule, et l'on sépare les graines et les de'bris ligneux mêles à la pulpe en passant celle-ci sur un tamis de crin. Elle constitue alors ce qu'on nomme la Cause mondée ; elle est dite casse en noyaux lorsque les graines n'ont point e'té enlevées. La casse mondée repre'sente environ la moitié du poids total des gousses. On la prépare en conserve, bouillie dans de l'eau, passe'e au tamis, coudense'e en extrait et renfermée dans des pots. C'est en cet état, sous le nom de Casse cuite ou confite, qu'on la trouve ordinairement dans le commerce. Les gousses entières prennent le nom de Casse en bâtons. Dans quelques contre'es, les gousses sont recueillies avant leur ma turité pour être confites au sucre après avoir e'te' préalablement bouil- lies dans l'eau. Les nègres sont très friands de casses vertes. D'après Vauqueliu, la Casse se compose chimiquement de : sucre (glucose et saccharose) 148,44 ; pectine 31,25 ; gomme 15,62 ; glutine 7,92 ; matière extractive amère ou principe actif 5,10 ; eau 236,99. La Casse e'iait fort en usage autrefois, mais son emploi tend à dis- paraître peu à peu. C'est un purgatif doux, utilisé dans les fièvres inflammatoires, à la dose de 60 à 125 grammes, soit pur, soit mélangé à d'autres substaaces, telles que la manne, le tamarin, les pruneaux, les sels neutres, etc. Ce produit, qui arrivait jadis du Levant, est reçu aujourd'hui en presque totalité de l'Amérique. J. G. Exportation des bois en Suisse. — On évalue à deux millions de francs la valeur des bois qui ont été' exporle's, en 1893, du canton de Fribourg. Malgré les nouveaux tarifs français, une grande partie a e'te' dirigée sur la France. Cela s'explique, car les bois fribourgeois sont supérieurs par leur finesse à beaucoup d'autres. De S. Le Chêne de Turquie dans le sud de l'Afrique. — Grâce aux envois de glands qu'expédie tous les ans le Jardin royal de Kew, l'introduction du Chêne turc [Quercus cerris) dans l'Afrique méridio- nale est maintenant un fait accompli. M. D -E. Hutchins, conser- vateur des forêts de la division orientale, recommande cette espèce, de préférence au Chêne commun (Quercus pedunculata) ; elle s'adapte mieux au climat. La colonie du Cap vient encore de recevoir, en un seul envoi, trente boisseaux (1,080 litres) de glands re'coltés à Kew. Ces glands furent transportés soit dans des barils pleins d'eau, soit dans des caisses remplies de fibres humides de Cocotier ; ce second mode d'emballage prévaut sur le premier. G. 47 IV. BIBLIOGRAPHIE. Les Plantes industrielles. Tome III. Plantes aromatiques, à parfums, à e'piccs et coudimentaires, par Gustave Heuzé. Un volume in-12 avec figures. Librairie de la Maison rustique, 26, rue Jacob, Paris. On donne le nom de Plantes aromatiques à celles que l'on utilise industriellement pour fabriquer des liqueurs, aromatiser certains ali- ments, etc. Le Houblon, qui joue un rôle si important dans la prépa- ration de la bière, est incontestablement la plante la plus intéressante de ce groupe. Aussi M. Heuzé a-t-il fait de ce vége'tai une ve'ritablc monographie comprenant : l'historique du Houblon, son mode de vé- gétation, ses diverses varie'tes, sa composition chimique, puis ensuite les différents proce'dés de culture, choix du terrain, re'colle, produits commerciaux, rendement, valeur numérique, etc. Nous trouvons en- core, traités dans les mêmes conditions, mais d'une façon plus suc- cincte, l'Anis, la Coriandre, l'Aneth, le Carvi et le Cumin. Parmi les plantes aromatiques cultivées pour leurs parties herba- cées, nous voyons l'Ange'lique, le Fenouil, l'Estragon, avec l'indica- tion du mode de végétation, la re'colte des graines ou des tiges, l'em- ploi des produits et leur valeur commerciale. La deuxième partie de ce volume comprend les plantes à parfums, c'est-à-dire celles dont les feuilles, les fleurs, les fruits ou les racines fournissent des odeurs remarquables de finesse et que l'on utilise dans les arts et l'industrie. Nous trouvons en première ligne, dans celte catégorie, une e'tude très complète sur le Vanillier; viennent après, avec un développement suffisant, la fève Tonka, la Ketmie odo- rante, le Rosier, le Jasmin d'Espagne, la Tube'reuse, l'Acacie de Farnèse, le Géranium rosat, etc., etc. Nous trouvons de plus, dans cette même partie, plusieurs ve'ge'taux fournissant des huiles essen- tielles employe'es en médecine et en parfumerie, telles sont les es- sences de Thym, de Marjolaine, de Cajeput, d'Eucalyptus, de Pat- chouli, etc. Les bois de rose, de Santal blanc, de Sassafras sont éga- lement décrits ; un chapitre spécial termine cette partie par l'examen de quelques plantes cultivées pour leurs racines ou leurs rhizomes : Iris de Florence, de Nard de l'Inde, Galanga, Acore odorant. Enfin, la troisième partie du livre est consacre'e aux plantes coudi- mentaires et à e'pices. Les premières sont toutes herbace'es et an- nuelles et ont une certaine importance au point de vue cultural ; elles comprennent la Moutarde, le Fenu-grcc, la Sarriette et autres, de'jà mentionne'es dans la première partie du volume. Les plantes à e'pices appartiennent principalement aux re'gions intertropicales ; elles sont toutes ligneuses. Leurs produits, connus sous les noms de poivre, 48 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. cannelle, girofle, muscade, elc, donnent lieu chaque anne'e à un com- merce 1res important dans nos colonies et autres pays d'outre-mer. Par ce simple énoncé des sujets traités, nos lecteurs pourront voir que le troisième volume de l'ouvrage de M. Heuzé n'est pas moins attrayant ni moins pratique que ceux pre'ce'demment publiés. M. V.-B. Les Ennemis de la Vigne et les moyens de les combattre, par E. Dussuc, inge'nieur agronome, laure'at de l'Ecole de Grignon, ex-stagiaire au Laboratoire de viticulture de Montpellier, 1 vol. in-16 de 308 pages, avec 140 figures, cartonne {Bibliothèque des Connais- sances utiles), 4 fr. — Librairie J.-B. Baillièrc et fils, 19, rue Ilau- tefeuille, à Paris. La Vigne est attaque'e par une foule d'ennemis dont plusieurs sont des plus redoutables. Ce sont ces ravageurs de la Vigne et les moyens de les combattre que M. Dussuc, mettant à profit l'expérience qu'il avait acquise au Laboratoire de viticulture de l'Ecole d'agriculture de Montpellier, a exposés en un volume simple, précis et concis, que la Société des agriculteurs de France vient de couronner. L'auteur étudie successivement les insectes souterrains et aériens nuisibles à la vigne, les maladies cryptogamiques et les altérations organiques de la Vigne. Parmi les insectes souterrains, le plus important est le Phylloxéra : M. Dussuc s'occupe longuement des moyens de destruction, soit pre- ventifs (plantation dans les sables, destruction de l'œuf d'hiver, dé- sinfection des boutures), soit curatifs (traitement au sulfure de car- bone et au sulfocarbonate, submersion des Vignes). Il passe successivement en revue tous les insectes nuisibles à la Vigne, les plus répandus, Pyrale, Cochylis, etc., comme les moins connus, tels que le Tétranyque tisserand qui produit la maladie rouge de la Vigne. Parmi les maladies cryptogamiques de la Vigne, le Mildiou occupe la première place, avec les procédés pour le combattre soit par les liquides, soit par les poudres. Viennent ensuite les moyens de com- battre l'Oïdium, l'Anthracnose, le Black-Rot, le Rot-Blanc, la Brunis- sure, la maladie de Californie, le Pourridie', etc. L'ouvrage se termine par l'étude de la chlorose et des autres altéra- tions organiques de la Vigne et les moyens de remédier aux de'gâts commis par la gelée et la grêle. < C'est un livre essentiellement pratique donnant tous les moyens proposés pour combattre les ennemis de la Vigne, leurs inconvénients et leurs avautages respectifs et leur prix de revient. G. de G. Le Gérant : Jules Grisard. 49 I. TRAVAUX ADRESSÉS A LA SOCIÉTÉ. ELEVAGES ET CHASSES AU PARC DE BOULANCOURT (HAUTE-MARNE) Par M. Jules PEHSIN. Lettre adressée à M. le Président de la Société nationale d' 'Acclimatation. En 1879, je vous avais demandé en cheptel un lot de Cerfs- Cochons, que vous avez bien voulu m'accorder. Pour les loger, je me suis hâté de clore une propriété boisée de 150 hectares, en terrain argilo-silicieux imperméable, de forme à peu près carrée avec légère pente partant du centre aux rives. J'ai creusé des fossés tout autour en rejetant extérieure- ment la terre de ces fossés, et sur le talus j'ai mis des gril- lages de 1 mètre au-dessus du sol, composés de deux bandes de 0m,50, plus une bande de 0m,25 que j'ai noyée dans le sol. J'ai fait mon grillage de trois pièces pour qu'il soit plus solide, pour que les réparations soient moins coûteuses et plus faciles à faire. Mon fossé et mon grillage donnent une hauteur d'environ 2 mètres. De l'extérieur il n'j' a que 1 mètre ; par deux fois il est entré des Sangliers qui ne pouvaient plus sortir, nous les avons tués ; quelque temps après, plusieurs Chevreuils ont franchi la clôture, nous les avons tués également. Nous ne voulons pas en conserver dans la crainte des braconniers, car la vente et le transport en seraient plus faciles que ceux des Cerfs-Cochons, qui ne sont pas communs. En mars 1880, vous m'avez livré le lot de trois Cerfs- Co- chons qui devait être composé d'un mâle et de deux femelles ; je les ai d'abord tenus dans un petit parc de 1/2 hectare pour les mieux surveiller. 20 Juillet 1894. 4 50 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Ceci m'a permis de voir qu'un des trois avait été forcé en voyage par les efforts qu'il avait faits dans sa cage; trois jours après son arrivée, il se traînait sur ses pattes de derrière en marchant sur ses jarrets, malgré cela on ne pouvait pas l'ap- procher pour le soigner. Tout doucement, cela s'est remis, et quinze jours après, il était bien redressé. Je les ai conservés encore un mois dans ce petit parc, et ensuite je les ai remis dans le grand de 150 hectares composé de 2/3 bois taillis et de 1/3 pâturage et tranches. Ces tranches sont très larges pour qu'on puisse tirer faci- lement et divisent le bois en carrés de 1 hectare chaque, ce qui permet de chasser très facilement et de retrouver facile- ment aussi, le gibier blessé. J'ai mis dans ce parc des Lapins qui, bien que le sol ne convienne guère pour faire les terriers, ont parfaitement réussi. Quant aux Lièvres, il y en avait assez pour la reproduction. Au mois de septembre suivant, nous chassions Lièvres et Lapins avec quatre ou cinq petits Chiens courants, Bassets à jambes droites, auxquels deux ou trois corrections ont suffi pour comprendre qu'ils ne devaient pas chasser les Cerfs. Nous avons, dès cette première année, tué beaucoup de Lièvres, Lapins et Perdreaux, sans que la voix des Chiens et les nombreux coups de fusil parussent trop effrayer les Cerfs. En mars 1881, nous nous aperçûmes que nous avions un jeune Cerf. En 1882, nous en avons eu deux. Dès lors, nous étions bien partis, et depuis, le nombre a augmenté assez vite, jusqu'à environ quarante à cinquante, • mais ce chiffre semble stationnaire. En 1883, nous avons tué un mâle, il pesait 60 kilos ; il était très bon à manger, sa chair ressemblait beaucoup à celle du Sanglier. A partir de cette époque, nous en avons tué tous les ans, en moyenne, de cinq à huit par an. Nous avons, dans ce parc, en liberté avec le gibier, trente ou quarante Vaches et vingt à trente Poulains. Quand nous voulons tuer un Cerf, nous l'approchons en voiture. Ayant l'habitude de vivre avec les Poulains, ils se défient peu; no:is les tirons sans descendre de la voiture. ELEVAGES ET CHASSES A BAULANCOURT. 51 Le poil de ces animaux est très fourré, la peau est assez épaisse, aussi supportent-ils gaillardement un coup de fusil chargé à très gros plomb ; j'estime qu'ils sont aussi durs à tuer que les Sangliers. Jamais nous n'en avons trouvé pesant plus de 60 kilos, c'est le poids maximum des mâles ; la plus grosse femelle que nous ayons tuée ne pesait que 45 kilos. La peau fait de très beaux et bon tapis. Je crois que si notre nombre ne s'augmente plus, c'est que nous laissons trop de mâles. Les mâles seuls abîment le bois avec leurs cornes, mais c'est peu important, ils ne le touchent pas de leurs dents comme font les Daims. Ils se nourrissent uniquement d'herbe ; dans les moments de neige, ils ne mangent que les feuilles de ronces, ils ne savent pas la gratter comme le font les Chevaux, les Lièvres et les Lapins, pour trouver l'herbe. Comme les Vaches, ils se laisseraient mourir de faim une fois les feuilles de ronces mangées, si on ne leur portait du foin de place en place sur la neige. Ils n'ont pas même, comme les Chevaux, les Vaches, les Lièvres, les Lapins, et je crois aussi les Kangourous, la res- source de manger le taillis, mais, contrairement aux Lièvres, ils viennent parfaitement trouver la nourriture qu'on leur porte. En 1884, la Société d'Acclimatation me mit en cheptel un lot de Kangourous, je les tins pendant longtemps dans un petit parc de 1/2 hectare ; j'eus assez de réussite comme production, mais les vieux mouraient de la cachexie. Je les conservai dans ce petit parc craignant qu'ils ne puissent résister aux Chiens courants, c'était une erreur. Ennuyé de les voir ainsi mourir, je lâchai les quatre qui me restaient dans le grand parc, pensant que là ils choisi- raient l'herbe qui leur convenait le mieux et s'élèveraient ainsi. Je suis à peu près certain que j'aurais réussi aussi bien qu'avec les Cerfs, si je n'avais eu des accidents. Une femelle qui était déjà malade au lâcher est morte, une deuxième a été étranglée par un Chien de berger qui était entré dans le parc, la troisième a été tuée par un de nos chasseurs maladroits, elle avait une femelle en poche ; malgré qu'elle allaitait, nous l'avons mangée et l'avons trouvée bonne, la chair ressemble à celle du Lièvre. 52 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Il ne reste plus qu'un mâle qui est bien gaillard et résiste à tout. Nous l'avions perdu de vue pendant six. mois, nous le croyions mort, quand un voisin vint nous dire: « Mes Chiens ont chassé un de vos Kangurous dans mes bois, n'ayant pas voulu le tirer au passage, je l'ai vu rentrer à votre parc, sur- veillez vos clôtures. » En effet, il était sorti, mais il est actuellement rentré. Si vous vouliez nous confier deux femelles, nous sommes cer- tains que nous réussirions aussi bien qu'avec les Cerfs. Notre parc est clôturé de grillages maintenus par des pieux en bois, quelques-uns sont déjà pourris, il sort bien quelques Lièvres et Lapins, jamais un seul Cerf n'est sorti. Ils sont tellement en famille, que s'il n'en sortait qu'un, je crois qu'il rentrerait, et cependant le Cerf-Cochon ne va pas en bande comme le Daim ; on les voit par deux ou trois, il y en a dans toutes les parties boisées de la propriété, ils ne recherchent pas plus un endroit qu'un autre. Les Kangourous recherchent les endroits humides, les bas-fonds. Les Lièvres et les Lapins se mettent un peu partout à l'ex- ception des endroits humides. Il n'y a pas plus de Lapins que de Lièvres, nous en tuons environ deux cents par an, moitié de chaque espèce; je crois que si nous en tuions plus ça n'en irait pas plus mal. Nous avons toujours cinq ou six compagnies de perdreaux gris. J'ai essayé des Faisans, je n'ai pas réussi, peut-être n'ai-je pas été assez persévérant. Notre parc est bordé sur deux côtés d'un étang appelé l'étang de la Horre (350 hectares d'eau), dans lequel nous tuons en moyenne par an, deux mille Canards, Sarcelles et oiseaux maigres, sans compter les Bécassines. Boulancourt, par Montiérender (Haute-Marne), le 14 juin 1894. 33 DES CHIENS D'AFRIQUE Par M. DE SCH.ECK d'après m. siber de sihlwald. (suite *) Les Lévriers de la région du Haut-Nil. L'origine africaine des Lévriers semble devoir être établie dans la région du Haut-Nil, au Soudan, au Kordofan et prin- cipalement dans le pays des Chillouks où la race est surtout renommée ; la plupart de leurs Chiens dérivent de cette souche. Cette race des Lévriers prédomine sur une assez grande étendue aux environs de Khartoum, mais princi- palement lorsqu'on remonte le Nil au Sud ; on s'en sert comme Chiens courants pour la chasse ; dans tous les cas, ils existaient déjà dans le sud au temps des anciens Egyp- tiens. On les voit souvent représentés, dessinés en noir, au milieu du butin de guerre des anciens Egyptiens ; ils prove- naient sans doute du Haut-Nil. On sait que le Lévrier n'est pas désigné en langue arabe sous le nom de « Kelb », ce qui signifierait Chien ; mais sous les noms de Suluk, Salak ou Seluh (ce mot proviendrait soit de la ville de Seluk dans l'Yemen, soit, d'après le géographe Al Hamdani, du nom de la ville de Suluku.) Suivant le Dr Glaser, Sloughi désigne le Lévrier arabe ; c'est l'adjectif de Salak; Suluk exprime la pluralité. (Le Lévrier écossais est appelé Slogie en langue gallique.) Il est néanmoins curieux que Ton recherche l'origine des Lévriers du Soudan chez les Chillouks, alors que leur nom ressemble tant à la désignation du Lévrier arabe, Suluk. N'existerait-il pas là, en réalité, une liaison entre Chillouk et Suluk ? Les Lévriers des Arabes n'auraient- ils pas em- prunté leur nom : Suluk, à la localité de laquelle ils pro- viennent : Chillouk (1) ? (*) Voyez Bévue, 1893, 2« semestre, p. 529, et 1894, 1" semestre, p. 385. (1) Ratzel dans sou ouvrage Vôlkerhunde III, p. 137 partage une opinion 54 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Richard Strebel fait observer que les deux mots se prêtent facilement à une confusion, et il montra ses dessins de Chiens des Chillouks à des Suahelis qui se trouvaient à Munich ; ces gens reconnurent immédiatement les animaux pour des Lévriers et ils s'écrièrent : « Suluk », mot qui fut mis à tort pour celui de Chillouk par la plupart des personnes pré-' sentes qui savaient qu'il s'agissait de Chiens de ce pays. Par contre, quand on demanda aux Suahelis s'ils reconnaissaient les Chillouks, ils l'affirmèrent sans hésitation. Ainsi ils n'ont fait aucune différence entre Chillouk et le Siduh, qui leur était familier, c'est-à-dire le Lévrier. Nous avons déjà reproduit les renseignements détaillés de Sclrweinfurth sur le Chien des Chillouks, peuplade habitant le Haut-Nil par 12°-8° de latitude Nord et par 30-33° de lon- gitude Est. La figure 38 représente des Chiens de cette race ; elle est due au dessinateur Richard Strebel de Munich. Au sujet de cette forme de Lévrier j'ajouterai quelques notices que j'ai trouvées dispersées dans des ouvrages de géographie et d'histoire naturelle ; elles confirmeront et compléteront les données de Sclrweinfurth. Pendant son voyage dans la vallée du Nil, Robert Hart- mann observa attentivement ces Chiens et il en fit plusieurs portraits. Malheureusement il manquait de connaissances ap- profondies sur nos races actuelles. Voici un passage extrait de son ouvrage, d'ailleurs remarquable, qui le prouve : en parlant des Nigritiens, il réunit le Chien dit Basset de l'an- tique Egypte (figure 26) au Chien du Niam-Niam de Sclrwein- furth, ce qui est tout à fait inexact, comme je le démon- trerai plus loin en reparlant du Chien du Niam-Niam de Schweinfurth. D'après cet auteur, il existe chez les Dinkas (Denkas, Dengas) et chez les Chillouks, non loin du Haut-Nil, « une race de Lévriers qui serait la plus belle du monde entier et très estimée ». Si l'on tient compte de la description donnée par Schweinfurth et de notre gravure (figure 38), la louange qu'en fait Hartmann est très exagérée ; le Lévrier que l'on contraire. Il admet que les Lévriers du Hassanieh et ceux d'autres tribus du Soudan devenus arabes viendraient aussi d'Arabie; ceux des Chillouks auraient la même origine. DES CHIENS D'AFRIQUE. 55 trouve chez cette peuplade de nègres peut passer dans la ré- gion pour distingué quand on le compare avec les autres Chiens de ces contrées, mais il ne s'agit nullement d'une race dont l'élevage soit estimé. L'Annuaire 1881-82 de la Société de géographie de Berne mentionne les Chiens des Chillouks en ces termes : « Les Chillouks possèdent une fort belle race de Chiens ; leur struc- ture élégante leur donne quelque ressemblance avec nos Lé- vriers, mais ils sont plus petits. On leur confie la garde des troupeaux pendant la nuit, D'ailleurs, les Chillouks s'occupent peu de leurs Chiens. Leurs habitations consistent en grottes où ils vivent, en- fantent et meurent. Tout leur désir est qu'on ne leur fasse aucun mal. Le Zeitsclirift der Gesellscliaft fur Erdkunde, tome V, page 45, rapporte, d'après Schweinfurth, « qu'on rencontre les Chiens des Chillouks près de chaque hutte ; ils constituent une race particulière, laquelle cependant diffère peu de celle des Bédouins, peuplade de la région basse du Nil. Ils sont très répandus à Khartoum où ils sont connus sous le nom de « Chiens des Chillouks » ; peut-être, furent-ils tous introduits des pays nègres dont ils sont originaires. Leur conformation est celle d'un Lévrier bien bâti ; ils atteignent rarement la taille d'un Chien d'arrêt ; presque tous, sans exception, ont un pelage rouge couleur de Renard et un museau noir très allongé ...» Nous avons mentionné plus haut le Chien des Dinkas, peuplade voisine des Chillouks. Nous ajouterons seulement ce que Casati [Zehn Jahre in Aeqnaloria, I, p. 40) nous dit sur ces Chiens et ce que le Zeitsclirift fur allgemeine Erd- kunde, tome XIV, nous rapporte à leur sujet : « Les Dinkas cultivent généralement le Millet, les Fèves, les Courges, le Sésame et le Tabac ; ils élèvent des volailles et possèdent des Chiens de petite taille qui sont d'excellents gardiens de leurs huttes; ces Chiens appartiennent à une race de Lévriers. » Les cahiers supplémentaires de Petermann, n° 50, p. 24, nous donnent un récit opposé à celui de Casati : « Les Dinkas ont un petit nombre de Chiens, de petite taille, laids, qui ne se prêtent point à la chasse ou à la garde des huttes et des troupeaux. » 56 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Toutes les régions qui limitent le pays des Chillouks dans une vaste étendue possèdent des Lévriers ; la plupart des tribus en ont et, comme nous l'avons déjà dit, elles se vantent que leurs Chiens descendent de ceux des Chillouks ; elles DES CHIENS D'AFRIQUE- 57 considèrent ces derniers comme la l'orme ancestrale de leur race si précieuse. Nous reproduisons maintenant quelques renseignements sur les races voisines de celle des Chillouks. Brehm nous dit dans ses Récits de voyage du Nord-Est de V Afrique que le Chien du Soudan est un très bel animal, de forme élégante et de race noble. Les Nomades élèvent sur- tout d'excellents Lévriers qui chassent et capturent la Gazelle. Ces animaux remarquablement bien bâtis ont un pelage jaunâtre et soyeux. Les Arabes les estiment beaucoup et les paient très cher. Leur fidélité, leur attachement et leur courage sont sans égals; ils méritent donc toute l'estime que les indigènes montrent pour eux. Aux environs d'Assouan, je tuai un de ces Chiens qui, furieux, s'était précipité sur moi. Son propriétaire survint et fut inconsolable. « Puisque tu as tué|mon Chien, tu peux me tuer », s'écria-t-il avec désespoir en agitant ses bras au-dessus de sa tête. Plus loin (t. III, page 51), Brehm nous parle du Lévrier de Kordofan : « D'Amboukohl, qui est éloigné de neuf jours de marche de Dongola, nous poursuivîmes notre route, au milieu des steppes, dans la direction du Sud-Est et nous arrivâmes à un campement nomade. Une magnifique jument de la race si renommée de Dongolawi se tenait devant une tente et plu- sieurs Chiens Lévriers de Kordofan nous tombèrent dessus avec des aboiements furieux. » D'après les Mittheilungen de Petermann, les Hyènes se- raient abondantes en Nubie, entre Gebel Kassala et Khar- toum, mais elles ont un grand respect pour les Chiens ; elles rebroussent chemin devant eux. Les Chiens de leur côté se retirent devant les Hyènes, la queue entre les jambes, et re- viennent dans leur territoire respectif. Aussi ne surgit-il jamais de conflit sérieux entre ces animaux. Les Arabes Choukouriehs, qui occupent presque toute la ré- gion s'étendant entre l'Atbara inférieur et le Nil (c'est-à-dire entre Berber et Khartoum, sur la rive droite du Nil au-des- sus de la jonction de ce fleuve avec l'Atbara), possèdent de très beaux Chiens qui descendent de ceux des Chillouks et que des croisements avec des Chiens sauvages doivent avoir améliorés. En face des Choukouriehs, sur la rive gauche du Nil, on trouve les Arabes d'Hassanieh. Schweinfurth parle de cette peuplade dans les lettres qu'il adresse à sa mère et il rap- 58 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. porte que' ces gens possèdent une magnifique race de Lévriers réunissant toutes les qualités nécessaires pour la chasse à la Gazelle. Nous empruntons encore à Brehm ReisesMzzen ans Nor- do-tafriha la note suivante : « En arrivant au petit village de Butri au-dessus de Khartoum, peuplé par une tribu no- made des Hassanielis, nous vîmes des sortes de Lévriers d'un caractère très vif qui, à l'approche des étrangers, se grou- paient et aboyaient furieusement pour les obliger à re- brousser chemin. » Les Berouns qui habitent la région du Sennaar, au sud de Khartoum, entre le Nil-Bleu et le Nil-Blanc, élèvent encore de beaux Lévriers. Sdeudner en rencontra aussi une belle race à l'est du Sennaar, non loin de Dender et de Kedaref, et Schweinfurth nous dit dans sa Faune descriptive des mon- tagnes d'Elba que certains Bischarins possèdent des Lé- vriers qu'ils reçoivent des tribus nomades de l'Ethiopie. La peuplade des Bischarins qui habitent vers la frontière septentrionale de l'Abyssinie, entre le Nil et la mer Rouge, vit surtout de l'élevage du bétail. Ils ont une race de Chameaux renommée, un grand nombre de Chèvres et de Moutons, quelques Bœufs et quelques Anes. — Les Chevaux et les Lévriers de Nubie y sont rares, on les regarde comme des animaux de luxe. (L. Berghoff, Globus, 1881.) Les Nouers qui occupent la contrée près du Sobat, au sud du pays des Chillouks (par 10-7° de latitude Nord et 28-33° de longitude Est) possèdent, d'après Petermann, seulement des Chiens, « la plupart ont des oreilles droites, un pelage variant du fauve jusqu'au rouge. Leur poil est ras. Ils sont très disposés à aboyer. » Les Chiens que l'on observe entre Bahr-el-Azrag et le Sobat sont des Lévriers à peu près semblables. Ils ont pres- que tous des oreilles droites, un pelage lisse variant comme couleur depuis l'isabelle-jaunâtre jusqu'au brun-rougeâtre. Pruyssenaere constate en particulier (suivant R. Hartmann) que ces animaux aboient. Ce voyageur croyait probablement que cette qualité se perdait dans les contrées tropicales, mais on a reconnu que ce fait est rare. Junker (Reisen in Afrïka, 1. 1. p. 258) découvrit dans un village près Sobat plusieurs Chiens qui lui parurent être d'une race particulière : a Ils sont hauts sur pattes, de corps DES CHIENS D'AFRIQUE. 59 élancé, ont de grandes oreilles, un museau pointu, un pelage rouge-brunâtre et se rapprochent un peu des Mâtins du type Lévrier que l'on voit dans le Soudan oriental ; cepen- dant leur aspect général est plus massif. » Je ne dois pas omettre, pour compléter nos renseignements sur les Lévriers du Soudan, l'excellente description qu'en donne Brelim, dans la 3° édition de son ouvrage Tierleben. Brehm nous a décrit les mœurs et l'attitude du Lévrier du Kordofan ; ses données peuvent aussi bien se rapporter à toutes les races pures de Lévrier du Haut-Nil. « Au Nord, les Lévriers sont très différents sous le rapport de leur structure et de leur pelage, mais ceux du Soudan semblent appartenir à une race qui représente le Lévrier des steppes. Cet animal est de race noble, de caractère doux ; son pelage est soyeux, d'un jaune-isabelle pâle qui tire parfois au blanchâtre, mais souvent de couleur sombre, se rappro- chant de celle de la robe du Chevreuil. On remarque sur les anciens monuments d'Egypte cette race représentée avec d'autres, principalement le Lévrier tacheté, d'où il faut con- clure que cet animal remarquable était déjà élevé dans la plus haute antiquité. Pour ma part, j'ai pu l'observer à Kordofan. » Toutes les peuplades des steppes, aussi bien les séden- taires que les nomades , estiment le Lévrier d'une façon toute particulière. Je n'ai pas réussi à acheter un de ces Lévriers, parce que ces gens ne voulurent entendre parler d'aucun marché. » Certaines coutumes qui sont devenues en quelque sorte des lois prouvent la valeur que Ton attache à ces Chiens. En voici un exemple : dans l'Yemen, la tradition impose à celui qui tue un Lévrier de donner, comme expiation, du froment en quantité suffisante pour en couvrir le Chien ; on suspend celui-ci à une lance de manière à ce que l'extrémité de son museau touche le sol. Or le prix du froment est assez élevé dans ces contrées ; cela représente donc une forte somme. Car un Lévrier que l'on suspend de cette façon demande, pour être entièrement recouvert de grains , un très grand nombre de boisseaux. » 60 REVUE LES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. DEUXIEME PARTIE En 1848, durant un séjour de plusieurs semaines au village de Melbess, dans le Kordofan, j'eus souvent l'occasion d'ob- server les Lévriers de cette région. Les habitants des cam- pagnes cultivent les Céréales, mais ils se nourrissent princi- palement des produits du bétail et de gibier. C'est pour cette raison qu'on voit chez eux seulement des Chiens de berger et des Lévriers ; les premiers gardent les troupeaux, les seconds, les habitations. C'était vraiment plaisir de parcourir ce vil- lage, car l'on voyait devant chaque hutte trois ou quatre de ces magnifiques animaux, plus beaux les uns que les autres. Ils se montraient très éveillés, ce qui les distingue des races voisines. Ils protégeaient le village contre les surprises noc- turnes des Hyènes et des Léopards ; mais on ne les a jamais vus repousser les Lions. Pendant le jour, ils restaient tran- quilles et silencieux ; mais, au crépuscule, leur activité com- mençait. On pouvait les voir alors grimper le long des murs et escalader même les toits coniques en paille, des dohhâls ou huttes de l'orme arrondie ; car ils avaient là leurs postes d'observation. La souplesse dont ils font preuve en grimpant suscita à bon droit notre admiration. En Egypte, j'avais déjà remarqué que les Chiens des villages vivent pendant la nuit, plutôt sur les habitations que dans les rues ; en Egypte, tous les toits sont plats ; au contraire, à Melbess, cette l'orme est l'exception ; cependant nos animaux s'y promenaient aussi bien que sur terre. Quand la nuit arrivait, on entendait d'abord des jappements et des aboiements, mais bientôt tout devenait tranquille, et, l'on percevait à peine le bruit que les Chiens faisaient en par- courant les toits sous lesquels nous reposions. Durant tout mon séjour, il ne se pas.^a pas de nuit sans qu'ils trouvassent l'occasion de rendre service aux habitants. Chaque nuit, une Hyène , un Léopard, un Guépard, des Chiens sauvages et autres animaux de rapine s'approchaient du village. Le Chien signalait aussitôt l'approche de ces hôtes maudits en aboyant vivement d'une manière saccadée et particulière. Une nuit, à Nu, la troupe entière paraissait agitée ; tous les Chiens bon- dirent de leurs postes élevés ; en un clin-d'œil, une meute s'était formée dans la rue et s'élançait hors du village pour DES CHIENS D'AFRIQUE. 61 soutenir le combat contre l'ennemi. Généralement, un quart d'heure plus tard, la société s'était rassemblée de nouveau. L'ennemi avait été mis en fuite ; les Chiens rentraient victo- rieux. Cependant, vis-à-vis du Lion, ils se montraient lâches et rampaient en hurlant dans un coin de la seribâ ou clôture de haies entourant le village. Chaque semaine, il y avait quelques jours de fête pour ces animaux. A l'aube, on entendait parfois dans le village le son d'une corne qui déterminait chez eux une agitation indescrip- tible. Lorsque j'entendis pour la première t'ois le son de cet instrument, j'ignorais ce qu'il annonçait; les Chiens le sa- vaient fort bien. Deux ou quatre d'entre eux partaient de chaque hutte et se dirigeaient avec des bonds sauvages vers l'endroit d'où partait le son ; en quelques minutes, une troupe d'au moins cinquante ou soixante Chiens se trouvait réunie autour du sonneur de corne. Semblables à des enfants impa- tients, ils se pressaient contre l'homme, lui sautaient au visage, hurlaient, aboyaient, jappaient, gémissaient, se pré- cipitaient sur lui, se serraient les uns contre les autres et chassaient avec jalousie ceux qui se tenaient trop près du musicien ; en somme, leurs allures et leur voix décelaient une excitation sans bornes. Lorsque je vis apparaître devant la plupart des huttes des hommes avec leurs épieux et des cordes diverses, je compris alors ce que voulait dire le bruit de la corne ; c'était un appel pour la chasse. Les chasseurs se rassemblèrent près des Chiens, chacun cherchant le sien au milieu de la troupe confuse. Un homme en conduisait ordi nairement quatre ou six. Mais il avait souvent toutes les peines du monde à modérer l'ardeur de ces animaux. C'était une bousculade, des jappements et des aboiements sans fin. Finalement, tout le cortège de chasse sortit en bon ordre du village ; le défilé offrait un beau spectacle. On n'allait pas loin, car les forêts voisines étaient giboyeuses et la chasse deve- nait productive grâce au zèle et à l'adresse des Chiens. Ar- rivés près d'un taillis, les chasseurs se rangeaient en cercle; on détachait les Chiens qui se précipitaient au milieu des broussailles et prenaient presque tout le gibier qui s'y trou - vait. On m'apporta des Outardes, des Pintades, des Franco- lins, même des Poules des steppes capturées par eux. Une Antilope ne leur échappe jamais, car ils se mettent toujours quatre ou six à sa poursuite. Le butin ordinaire se composait 62 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. d'Antilopes , de Lièvres et de Gallinacés , parfois aussi de Chiens sauvages (Canis simcnsis), de Renards de steppes ( Vitlpe s famellca) et d'autres bêtes de rapine de ce genre; on m'assura que le Léopard, le Guépard ou la Hyène de- venaient souvent la proie de ces Lévriers. Ces Chiens font la gloire des habitants des steppes qui les conservent avec une sorte de jalousie. On n'en voit aucun chez les Arabes sédentaires des plaines basses du Nil; mais rarement un habitant des steppes descend le fleuve sans em- mener deux ou trois de ses animaux préférés ; il perd ordi- nairement l'un d'eux qui lui est ravi par les Crocodiles. Les Chiens nés et élevés sur les rives du Nil ou dans son delta ne se laissent jamais surprendre par les Crocodiles. Quand ils veulent boire, ils s'approchent du courant avec pré- caution et ne s'y hasardent pas aveuglément, comme c est le cas pour les Chiens des steppes qui ignorent le danger. Un Chien du Nil, pour le décrire en peu de mots, arrive avec quelque défiance sur la rive du fleuve, observe attentivement l'eau, avance avec prudence jusqu'à elle, tient les yeux fixés sur l'élément trompeur, et boit à plusieurs reprises, se re- tirant promptement au moindre mouvement des vagues ; au contraire, le Chien des steppes ne pense pas que quelque chose puisse être caché dans l'eau ; insouciant, il entre dans le courant pour se rafraîchir le corps, et il devient souvent la proie des Crocodiles. Je ne puis du reste aflirmer si c'est seulement pour cette raison qu'on ne garde aucun Lévrier près du Nil. M. Pierre Mégnin nous donne un dessin (flg. 39) et la des- cription du Lévrier du Soudan ; il rapporte à ce sujet les ob- servations de Brehm; il mentionne que Brehm a signalé ce Chien comme ayant été représenté sur les monuments de l'Ancienne Egypte, où il est figuré soit d'une seule couleur, soit avec des taches ; il cite un bas-relief de l'un des temples de Pharaon dans la Basse-Nubie (Ibrimj où l'on voit Osorsate, gouverneur de la province, offrir des présents au roi Ameno- phis II; on y remarque entre autres des Lévriers qui sont le portrait du Lévrier actuel du Soudan. « Malheureusement Brehm ne nous donne aucun dessin ; nous sommes en état de combler cette lacune, grâce au marquis d'Assereto, de Bour- deleau, près de Villefranche (Rhône], qui posséda un exem- plaire remarquable de cette race. Il le reçut il y a environ DES CHIENS D'AFRIQUE. 63 cinq ans de Zanzibar (fig. 39). L'animal périt accidentelle- ment, mais son propriétaire eut l'obligeance de nous faire parvenir son cadavre et nous permit de relever les mesures exactes de cet individu. Voici ses dimensions : Hauteur aux épaules . . . 0"\68 Longueur de l'extrémité du museau jusqu'à la racine de la queue. . . . lm,10 Longueur de la queue. . . . 0m,50 Longueur de la tête 0m,28 Tour de la tête au-dessus des yeux 0m,42 Tour du museau 0m,22 Longueur des oreilles droites 0m,13 Tour de la poitrine 0m,T8 Tour du ventre 0m,55 Distance de l'articulation de la patte jusqu'aux ongles 0m,16 Longueur des paltes 0m,18 N. B. — Il n'y a aucune trace d'ongles de Loups. Le poil de ce Lévrier était un peu grossier, plutôt mi-long que fin et court; il était plus long dans la région du cou, du dos et sur la queue où le pelage se rapprochait plus de celui du Chien courant. Sa coloration était pie rousse, rouge jau- nâtre et blanche ; sa peau, une fois dépouillée, ressemblait à celle d'un Veau. On distinguera facilement sur notre figure la distribution des couleurs. D'après le récit de son propriétaire , ce Chien faisait preuve d'une grande intelligence et il avait un nez remar- quable, ce qui est rare chez les Lévriers; en outre, il aimait l'eau et se montrait excellent nageur. Il adorait les enfants ; un jour, il retira de l'eau un jeune garçon et alla ensuite re- pêcher son chapeau. Il défendait les petits Chiens qu'il con- naissait contre ceux de forte taille et cherchait volontiers querelle à ceux-ci, ce fut même la cause de sa fin; pendant une bataille, le maître de son adversaire lui lança des coups de bottes qui déterminèrent une lésion interne mortelle. Cet animal était excellent pour la chasse ; il tuait aussi les Serpents d'une manière spéciale : quand il jugeait le mo- ment favorable, il s'élançait sur le Serpent et lui écrasait la tête avec ses pattes. A mon avis, M. Mégnin va trop loin, en considérant cet animal comme descendant direct du Lévrier du Soudan. La localité d'où il est originaire, Zanzibar, qui n'a aucun lien avec le Soudan, paraît d'abord s'y refuser. J'ajouterai que je n'ai observé aucun Lévrier de ce genre à Zanzibar. Tous ceux 64 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIOUEES. que je rencontrai portaient les oreilles pendantes, comme on peut le voir plus haut sur le Lévrier de Syrie ; cette race n'en reste pas moins un type entièrement africain ; elle semble se rapprocher des races peu nombreuses de Lévriers améliorés que l'on trouve répandus dans tout le Nord et le Nord-Est Fig. 59. de l'Afrique. Le Chien serait trop grand et trop fort pour être placé à côté du Lévrier des Chillouks qui ressemble de son côté au Sloughi du Kordof'an et du Soudan. La forme de ses oreilles et la rudesse de son pelage font conclure plutôt à un croisement ancien avec le Pariah. Dans tous les cas, ce portrait authentique d'un Lévrier de l'Afrique orientale offre de l'intérêt. (A suivre.) 65 AQUICULTURE EN BELGIQUE (1) Par M. YANDER SN'ICKT. Monsieur le Président, Si je me suis permis d'écrire que la fécondation et l'alimen- tation artificielle ont pour résultat d'amoindrir la qualité du poisson et de produire une race abâtardie et dégénérée, je l'ai fait d'après des renseignements que le Dr Hamilton a tien voulu mettre â ma disposition, et aussi parce que c'est l'avis des Chinois, dont, en cette matière, l'opinion n'est pas à dédaigner. Nous ne sommes pas, je crois, moi du moins, suffisamment expérimentés, pour pouvoir les contredir ne appuyant la divergence de notre appréciation par des preuves. Nous nous réjouissons pour l'avenir de la pisciculture, d'apprendre par M. Raveret-Yûtttel, qui certes fait autorité en cette matière, que c'est précisément le contraire de ce que nous avancions qui se produit. Les expériences en aquarium, les méthodes de féconda- tion artificielle, de stabulation et conséquemment d'alimen- tation artificielle, ont beaucoup contribué à vulgariser le goût de la pisciculture, à introduire et à faire connaître des races de poissons supérieures à nos races indigènes ; mais après de longues recherches nous ne sommes pas encore par- venus â tirer de ces élevages un profit réel, soit au point de vue de la qualité et de la quantité de chair comestible, soit simplement au point de vue de l'argent. Une Truite d'un kilogramme nourrie â la viande de bœuf, aura non seulement coûté 25 francs au bas mot à l'éleveur, mais sera de plus le produit d'un gaspillage. La viande de cheval employée au même usage eût été tout aussi nutritive, et peu importe que, par suite d'un préjugé, elle se mange peu en France. Ces exemples de dédain injustifié ne sont pas rares. Les (1) Note en réponse aux observations présentées dans la séance générale du 2 février 1894. [Voy.Bevue, 1- semestre 1894, page 271.) 20 Juillet 1894. 5 66 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Allemands ont été longtemps avant de se décider à manger du Lapin, les Hollandais ne veulent pas du Mouton, les Ir- landais ne toucheraient pour rien au monde aune Anguille, ce qui n'empêche pas Lapin, Mouton et Anguille d'être très jus- tement appréciés ailleurs. Le seul bénéfice réel à tirer du poisson est de lui faire con- vertir en saine et excellente chair, des matières animales ou végétales qui autrement seraient perdues. M. le Président l'a parfaitement compris et exprimé, l'a- venir de la pisciculture est dans l'aquiculture, c'est-à-dire dans l'industrie qui fait rapporter à une pièce d'eau plus d'argent qu'elle n'en coûte en frais d'entretien et de peuple- ment ; qui fait produire un revenu largement rémunérateur du capital que représente l'étang par la surface qu'il occupe et la dépense qu'a pu entraîner sa création. C'est le même principe qui régit l'agriculture pour la mise en valeur des terres. D'après des comptes de plusieurs années, un hectare d'é- tang dans nos bonnes terres de Belgique, peut donner en moyenne 500 kilos de chair de poisson par année, tandis que la même surface en prairie, fournit ordinairement dans le même laps de temps 200 kilos de viande. Notre principe est de verser chaque année le nombre exact de poissons nécessaire pour utiliser toute la nourriture four- nie naturellement par la pièce d'eau, et d'autre part d'at- tendre que le poisson ait atteint le maximum de sa croissance. Le choix de la race et surtout des reproducteurs a donc une importance capitale. Au début nous avons sélectionné avec soin, comme futurs reproducteurs, les exemplaires les plus parfaits, les plus vi- goureux. Ils étaient élevés dans des petits étangs admirable- ment aménagés, et nourris sans égard à la dépense, nous souvenant du principe agricole, qu'un bon reproducteur ne coûte jamais trop cher. Hélas ! nous faisions de la théorie pure dont la pratique nous a bientôt démontré l'erreur. Des poissons de même es- pèce et de même âge dédaignés par nous et lâcbés dans la grande eau, où ils vivaient une saison sans être l'objet d'au- cun soin, mais à l'état naturel, étaient repêchés en même temps que nos favoris du début, et se trouvaient deux et trois fois plus gros qu'eux. AQUICULTURE EN BELGIQUE. 67 Admettons qu'en servant de la viande à des Truites, de la pâte à des Carpes, on parvienne à obtenir des reproducteurs de grande taille, cette obésité héréditaire ou non, obtenue par la stabulation, pourra-t-elle nous être utile ? Quand ces poissons seront lâchés, la Truite ne se demandera-t-elle pas de quel côté va lui arriver sa ration de viande hachée ? La Carpe ne cherchera-t-elle pas à happer sa pomme de terre bouillie habituelle ? Nous préférons, quant à nous, sélectionner des Truites dont le développement précoce est dû à la voracité innée avec laquelle elles se jettent sur tout alevin, à l'agilité avec, laquelle elles saisissent, pour ainsi dire au vol, des mouches passant à plus d'un pied de la surface de l'eau. Nous préfé- rons des Carpes actives, continuellement la trompe en bas, la queue en l'air qui, au lieu de rester tout l'hiver engourdies dans la vase, profitent de chaque beau jour pour pâturer et grossir. Nous ne nous sommes pas exprimé sans doute, avec assez de clarté au sujet des syndicats destinés à régler l'écoule- ment du produit des étangs. Nous avons en ce moment sous notre direction plus de 200 hectares d'étangs, et chaque jour nous sommes appelés à contracter avec de nouveaux propriétaires. Ils ne se plai- gnent nullement d'être dépossédés par nous ; bien au con- traire ils s'intéressent vivement à une culture dont ils n'a- vaient pas la moindre idée. Antérieurement leurs étangs ne leur donnaient aucun re- venu, ou étaient affermés pour une somme insignifiante; de- puis que nous nous sommes fait le régisseur, le gérant de la section aquicole de leurs domaines, ils touchent chaque an- née une bonne somme d'argent, et s'ils en abandonnent le quart à celui qui la leur procure, ils le font bien volontiers. Nous proposons le mode de culture pouvant rapporter le maximum, nous insistons principalement sur la prépara- tion du plafond des étangs qui est, en aquiculture, ce qu'est le labour en agriculture ; si pour des motifs personnels le propriétaire ne veut pas suivre à la lettre nos instructions, il en fait à sa guise, et nous proposons autre chose. Dans tous les cas, il n'est jamais contrarié ni gêné plus qu'il n'y consent, dans la jouissance pleine et entière de sa propriété. Il lui suffit de bien vouloir vider ses étangs en hiver, à prix con- 68 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. venu, ou pendant que le château est inhabité, pour être as- suré de l'écoulement le plus avantageux de son poisson. Le syndicat pour la vente est une autre affaire, greffée sur la première, et dont les actionnaires doivent être choisis exclusivement parmi les propriétaires d'étangs. Il existe à Bruxelles une chambre syndicale d'alimentation dans la- quelle il vient d'être fondé une section de pisciculture. M. le comte de Biïey en est le président, et nous avons l'honneur d'en être le secrétaire. Les intérêts des producteurs, des in- termédiaires et des consommateurs se confondent. Comme le disait fort bien M. le Président, le syndicat sera peut-être obligé de créer des réservoirs ; cependant nous es- pérons trouver un moyen plus économique de fournir le marché de poisson tué, saigné et dans toute sa fraîcheur, n'importe combien de jours ou de mois après la pêche. Le Dr Lawrence Hatnilton de Brighton a consacré sa vie à vulgariser l'aquiculture en Angleterre. Nous lui avons de- mandé un jour de vouloir bien nous communiquer le résul- tat de ses investigations à ce sujet. Le D1 Hamilton s'est exé- cuté de bonne grâce, généreusement et sans réticence. Nous ne voulons pas être en reste de courtoisie internationale et cacher les procédés qu'il nous a indiqués ; nous voulons au contraire les divulguer pour le bien et le profit de tous. Chaque année, pendant la seconde quinzaine du mois de mai, nous disposons d'une quantité infinie de petites Carpes que nous ne pourrions conserver qu'à la condition de posséder un établissement d'élevage d'été de quelques centaines d'hec- tares d'étendue. Celui de la Hulpe n'en a que vingt, et celui de Court-Saint-Etienne six. Nous engageons donc les propriétaires d'étangs syndiqués, à bien vouloir laisser à sec tous les étangs qui s'y prêtent sans inconvénient, et cela jusqu'au 15 mai. Ils reçoivent alors les alevins proportionnellement à l'é- tendue dont ils disposent, pour le produit être mis en com- mun et partagé au mois de novembre suivant. Grâce à cette combinaison , l'empoissonnement de leurs étangs s'est fait sans qu'il leur en ait coûté autre chose que les frais de trans- port par chemin de fer. Or en Belgique le poisson vivant voyage par expvess et ne paie qu'au tarif de la petite vitesse; de plus des dépêches télégraphiques sont transmises du bu- reau de départ à toutes les gares où doit s'opérer le transbor- AQUICULTURE EN BELGIQUE. 69 dément. Il n'est pas douteux que vos grandes Compagnies de France ne vous accordassent en vue de l'intérêt général les mêmes faveurs, si elles en étaient sollicitées par une société comme la vôtre. Depuis cette année nous espérons pouvoir appliquer le même système de peuplement aux Truites arc-en-ciel. Nous sommes enfin parvenu à nous débarrasser définitivement delà reproduction et du nourrissement artificiels, en réalité contre nature. M. le comte Goblet d'Alvielle possède actuellement à Court, dans un terrain d'un hectare, 300 Truites arc- en-ciel, de trois saisons, vivant au milieu de bandes innombrables de Perches-soleil , de Goujons , de Vérons et autres petits poissons. Le 28 mars dernier, le matin de bonne heure, le premier couple est venu frayer sur le lit de cailloux préparé à cet effet. Sur 300 œufs récoltés, un seul était blanc et un autre blessé. Ces frayères perfectionnées à la suite d'expé- riences faites l'année dernière, sont construites de la façon la plus primitive. La récolte des œufs peut s'opérer chaque jour. Il suffit pour cela de tendre un filet en tulle, de lever d'un doigt une planchette et le courant qui s'établit sur le faux fond entraine tous les œufs dans le filet. Ils peuvent ensuite être comptés, ou plutôt mesurés, et transportés sur les frayères d'éclosion, d'où les alevins descendent directement dans les étangs à Carpes, ou dans un bac à cadre qui les in- tercepte, pour être vendus, ou mieux pour être expédiés aux étangs d'autres propriétaires dont la culture nous est confiée. Contrairement à ce qui se pratique généralement, nous traitons les œufs de Truites recueillis au printemps, autre- ment que les œufs déposés avant l'hiver, et dont l'éclosion doit être retardée le plus possible. Nous tâchons d'avancer l'incubation dans de l'eau préa- lablement chauffée au soleil et chargée d'infusoires. Dans ces conditions, la vésicule peut être absorbée en moins de cinq jours, et nos alevins atteignent en moyenne 18 centimètres avant l'hiver suivant. Naturellement la croissance dépend du nombre des sujets réunis dans le même étang et de la nourriture qu'ils y trouvent. La Truite arc-en-ciel se développe rapidement dans l'eau chaude et stagnante, et nous avons toujours observé que 70 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. celles qui s'attardent dans l'eau courante des frayères, n'at- teignent pas la taille du Véron au moment de l'hiver. Une des grandes causes d'insuccès dans l'élevage des Truites, est la facilité avec laquelle elles s'échappent par la moindre fuite, ou la moindre galerie de Taupe vers les ruis- seaux et les rivières, à l'embouchure desquelles elles se font prendre à la ligne. Il n'y aurait là qu'un demi-mal ; mais les Brochets sont généralement plus adroits que les pêcheurs. Après avoir vainement essayé tous les systèmes de grilles pour arrêter les évasions, nous avons fini par trouver le moyen de couper la retraite aux Truites vagabondes en en- diguant les prairies dans lesquelles à la suite d'un orage ou d'une fonte de neige subite l'eau peut s'accumuler et ensuite se décanter par une grille à cinq pans. En route, le 18 avril 1894. Ma grande préoccupation pour le moment était l'élevage pratique de la Truite arc-en-ciel poursuivi depuis trois ans. J'ai réussi au-delà de mes espérances et je tenais à ne pas perdre du temps pour vous l'apprendre. J'ai parlé de la nécessité de chercher à conserver le pois- son, parce que ces recherches seront une des premières et des plus utiles dépenses à faire par le Syndicat. Jusqu'ici, nous n'avons pas encore élevé plus de poissons que nos réser- voirs n'ont pu en contenir en attendant le jour de la vente ; mais avant deux ans il y aura excès. Dans le pays plat, les Truites ne pourront pas toujours être pêchées vivantes au milieu des Carpes, et les étangs sont souvent loin d'une gare de chemin de fer. En dehors de notre service d'approvision- nement régulier des marchés, consistant à échelonner les pêches et à expédier directement le poisson de l'étang au marché, nous avons à étudier trois procédés de conservation: 1° Le système du docteur Laurence Hamilton, décrit dans sa brochure « Imperishable fresh fish ». J'aurai l'honneur de vous mettre en rapport avec M. Hamilton qui a passé sa vie à étudier l'aquiculture en Chine et autres pays, afin de l'in- troduire en Angleterre. C'est encore le docteur Hamilton qui préconise le procédé de saigner et tuer rapidement tous les AQUICULTURE EN BELGIQUE. 71 animaux avant de les livrer à la consommation, qui a donné des modèles des marchés aux poissons, etc. ; 2° Le système allemand : Il a été trouvé en Allemagne d'a- bord un liquide servant à conserver les animaux, sans au- cune altération et dans toute leur souplesse. Le gouvernement a acheté le secret et a fait publier la recette, il y a dix ans environ, je crois. Depuis M. Wickersheimer a trouvé un li- quide semblable, mais anodin, applicable aux volailles à expédier au-delà de l'Equateur et à toutes autres viandes ; peut-être aussi au poisson, et c'est ce qui nous intéresse ; 3° Enfin les différents systèmes d'encaquer, de fumer, de mettre en boites le poisson surabondant décrits dans les rap- ports de la Fish Commission des États-Unis, des Nouvelles- Galles du Sud, le Bulletin de la Société d'Acclimatation de France, etc. La Chambre syndicale alimentaire (section poisson) étudie ces questions, et nous espérons en faire pro- fiter le Syndicat des Aquiculteurs. Je crois vous avoir écrit que ces questions sont l'avenir de notre Syndicat ; mais pour le présent, il est basé sur la pro- duction économique de la Truite, de la Carpe, du Catflsh et de poissons secondaires, comestibles étant adultes et alimen- taires pour les Truites à l'état d'alevins. Ce sont les moyens d'arriver à cette production économique que je voudrais vul- gariser dans l'intérêt général. Le Catflsh n'exige aucun soin. La Carpe géante donne chaque année des millions d'alevins le 15 mai, des dizaines de mille de feuilles le 1er juillet, des milliers de têtes d'empois- sonnage le 1er novembre, il n'en reste plus que des centaines sur réservoirs au printemps. La Truite arc-en-ciel a com- mencé sa ponte naturelle, cette année, le 28 mars, elle est dans son plein maintenant. Les premiers œufs étaient em- bryonnés le 4 avril, les premières éclosions ne tarderont pas, et dans de l'eau à 16 et 20° c, la résorption se fait en moins de cinq jours. Ces alevins (race blanche) atteignent 18 centi- mètres en novembre, nous venons d'en pêcher à La Roche (Brabant), le 17 avril 1894, mesurant presque 27 centimètres de long. Le 15 avril, nous avons repris à La Hulpe, pour les faire pondre dans de l'eau chaude, des sujets (race rouge de Gouville) de deux ans, mesurant 42 centimètres de long sur 10 de large. La saison étant un peu avancée, nous nous hâtons d'ex- 72 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. pédier sur réservoir le poisson qui n'a pas été lâché dans les étangs. Il doit rester à La Hulpe un millier de Catfish que je vends 1 fr. 50 pièce, 12 fr. 50 la douzaine, 50 fr. le cent. Toutes les Carpes miroir (feuilles) ont été expédiées avant l'hiver, il en reste peut-être quelques centaines de 10 à 12 centimètres qui sont expédiées à 25 fr. le cent ; un millier de kilos de Carpes de deux étés (3 au kilo) et autant de Carpes de trois étés (de 1 à 2 kilos) sexe encore indéfini. Ces der- nières, de très belle race, mais toutes ayant eu à souffrir de l'encombrement ; aussi 18,000 feuilles (d'août) à écailles (croi- sées miroir + campines + luxembourgeoises longues et à croissance rapide), 100 fr. le mille ; des croisées miroir et campines de deux étés (3 à 4 au kilo), 1 fr. 50 le kilo. Le 15 mai, j'aurai des centaines de mille alevins de Carpes miroir. Comme je vous l'ai annoncé précédemment, j'ai trouvé un moyen d'en tirer parti en les mettant en pension à compte à demi chez des propriétaires syndiqués, sur des étangs spécialement aménagés à cet effet. Si vous voulez faire un essai, je pourrai, vers cette époque, fournir des alevins — mettons à 50 fr. le bidon de 50 litres et un bidon doit supporter de 4 à 5,000 alevins de quelques jours. Il y a quelques jours, les Truites avaient pondu environ 10,000 œufs recueillis et transportés sur des frayères atte- nantes à des étangs qui attendent les Alevins et les jeunes Carpes. Nous avons reçu le 11, 8,000 œufs d'Amérique par la Société centrale d'Aquiculture de France, et nous atten- dons les résultats de la ponte de nos propres Truites avant de commander des œufs en Allemagne. Je ne puis donc savoir si nous aurons des œufs ou des alevins à vendre cette année. Voici pour la partie commerciale. Si la Société nationale d'Acclimatation veut, à l'occasion du prochain Congrès d'Anvers, probablement au mois de juin, déléguer quelques- uns de ses membres, je me mettrai volontiers à leur dispo- sition pour leur montrer des étangs d'élevage. 73 LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES Par Jules GRISARD et Maximilien VANDEN-BERGHE. ( SUITE * ) ACACIA CATECHU Willd. Cachou. Acacia catechuoides Roxb. Mimosa Catechu L. BeDgali : Khuera, Khayer. Canara : Kachu. Cyn palais : Khehiree, Rat-kihiri- gass. Dukni : Katthah. Hindoustani : K'hayar, Khata, Khuera. Sanscrit : Khadira. Tamoul : Kash-katti, Kashu-katti. Télenga : Kanchu, Podeelmaun, Podulamanu. Petit arbre d'une hauteur de 9-12 mètres, dont le tronc ordinairement court, assez gros et peu droit, est recouvert d'une écorce brune extérieurement, rougeâtre et fibreuse en dedans. Feuilles bipennées portant 10-20 paires de pinnules chargées elles-mêmes de 30-50 paires de petites folioles ai- guës, entières, pubescentes sur les deux faces. Originaire des Indes Orientales, cet arbre est très commun dans les jungles, sur les côtes de Bombay, de Malabar, de Coromandel, dans le Népaul et autres parties de l'Inde, ainsi qu'en Birmanie où il croît sur de vastes étendues. Il est aujourd'hui naturalisé aux Antilles , notamment à la Ja- maïque. Son bois, de couleur brun pâle à la périphérie, est d'un rouge très foncé et même quelquefois noirâtre au centre. Dur, compact et incorruptible, il est très estimé, dans l'Inde, pour faire des poteaux et servir à divers autres usages domestiques. La finesse de sa texture et sa couleur souvent nuancée de tons différents le rendent propre à un grand nombre d'emplois, particulièrement pour le tour, la marqueterie, l'ébénisterie de (*) Voyez Bévue, année 1894, !•' semestre, note p. 540. « 74 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. fantaisie, etc. A Ceylan, on s'en sert beaucoup pour faire des coupes à boire et son infusion est regardée comme un excel- lent dépuratif du sang. Malgré ses qualités, le Cachou n'est pas précisément un véritable bois d'œuvre ; sa valeur in- dustrielle consiste dans le produit extractif que l'on retire par décoction de la partie centrale de l'arbre. Cet extrait, connu sous le nom de Cachou [Terre du Japon des anciens auteurs), se prépare en soumettant le bois, préalablement divisé en menus fragments , à l'action prolongée de l'eau bouillante et en laissant le mélange sur le feu jusqu'à éva- poration presque complète du liquide. La pâte ainsi ob- tenue est ensuite exposée au soleil ; lorsque la masse est devenue solide, on la divise en morceaux quadrangulaires et on l'expose de nouveau à l'air pour finir de la dessécher. Le Cachou est unesubstance dure, de couleur brun foncé, à cassure d'un brun noirâtre avec des reflets rougeâtres, d'une saveur amère et astringente, puis douceâtre. On le trouve dans le commerce sous forme de pains rectangulaires, solides et fragiles. Dans l'industrie, ce produit est recherché comme mordant et pour teindre en brun ou en noir les étoffes de soie ; sa grande teneur en tanin en fait un des plus puissants astringents usités en médecine (1). (1) On distingue dans le commerce plusieurs sortes de Cachou, dont les principales sont : le cachou brun en masses ou coule sur terre, qualité inférieure en masses plus ou moins volumineuses, en partie recou- vertes de terre et dont l'intérieur est d'un brun rougeâtre ou noirâtre ; le cachou brun coulé sur riz, qualité supérieure à la précédente; le ca- chou noir coulé sur feuilles, cette variété est la plus recherchée; les pains nous arrivent encore enveloppés dans les feuilles de Dipterocarpus, sur lesquelles s'est opérée la dessiccation. Le Cachou du Pégou est le plus estimé pour l'usage médical. C'est d'ailleurs la seule sorte com- mune en Europe. Le Cachou se donne en teinture, en pilules, en tablettes, etc., soit pour aider la cicatrisation des aphtes et des ulcères superficiels de la bouche, des gerçures du sein, soit pour combattre les diarrhées chro- niques et les dysenteries atoniques, notamment chez les vieillards; mais, dans ce dernier cas, il ne doit être administré que lorsqu'il y a absence totale de symptômes inflammatoires. Le Cachou se donne encore en injections dans la leucorrhée, et en gargarismes pour arrêter au début les engorgements passifs du larynx. Mélangé avec du charbon finement pulvérisé, il constitue un excellent dentifrice: il est aussi associé avec certaines substances aromatiques et employé, sous cette forme, pour corriger la fétidité de l'haleine et masquer l'odeur du tabac chez les fumeurs. Les personnes qui font un LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 75 ACACIA CAVENIA Hcok. et Arn. Chili : Caven, Churgne, Espino, Flor de Aroma. Paraguay : Aromita. République Argentine : Espinillo, Churqui negro, Nandubay. Arbre épineux, de petite taille, ne dépassant guère 6-8 mè- .tres de hauteur sur un diamètre de 40 centimètres environ, .à tronc tortueux recouvert d'une écorce crevassée, noirâtre, terminé par une cime formée de grosses branches striées, garnies de fortes épines blanchâtres. Feuilles bipennées, composées de 10-12 paires de petites folioles oblongues, à peine mucronées au sommet, portées par sept pétioles se- condaires. Originaire de l'Amérique du Sud, cette espèce se rencontre au Chili, au Paraguay, dans la République Argentine, notam- ment dans les provinces de Tucuman et de Formosa, ainsi qu'au Chaco austral et sur le territoire des Missions. Cet arbre croît de préférence dans les endroits secs et pierreux. Son bois, de couleur jaunâtre ou rougeâtre, est parsemé de taches rondes d'un beau rouge, ou jaspées de belles veines brunâtres d'un gracieux effet. Il est excessivement dur, noueux, d'une densité moyenne évaluée à 0,766; ses fibres sont contournées et très irrégulières. Très estimé des ébé- nistes pour le placage et la menuiserie de luxe, ce bois est encore employé dans les campagnes pour faire des jougs et, surtout des poteaux, à cause de sa longue durée en terre. C'est en même temps un bon combustible, donnant par la calcination un charbon d'excellente qualité dont le degré de calorique est très élevé ; les cendres sont d'une grande ri- chesse en matières alcalines. usage habituel de la parole prennent souvent du Cachou pour prévenir l'enrouement. Le Cachou se compose chimiquement, en grande partie, soit environ près de 50 %, d'un tanin particulier appelé Acide cachoutannique ; on y rencontre, en outre, une matière mucilagineuse et une substance in- soluble dans l'eau, soluble dans l'éther, cristallisant en petites ai- guilles incolores, la Catéchine. Le CacDou se dissout bien dans l'eau bouillante et dans l'alcool; sa solution aqueuse forme, eu présence du chlorure ferrique, un précipité vert foncé qui tourne immédiate- ment au pourpre lorsqu'on ajoute une trace d'alcali libre. •Ce produit est l'objet de nombreuses. falsifications. 76 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. L'écorce et les fruits renferment une certaine quantité de tanin et une matière colorante qui les font utiliser tant pour le tannage que pour la teinture de la soie. L'écorce sert éga- lement à préparer une encre noire, qui n'est pas altérée sons l'action des acides et des alcalis. La décoction de la partie interne est employée par les Chiliens pour panser les bles- sures, les plaies et les ulcères. Les fleurs sont très odorantes et souvent utilisées en parfumerie. Les gousses vertes, ap- pelées Quirinco, servent de nourriture au bétail. Enfin, sui- vant M. Murillo, les graines sont quelquefois données comme sternutatoires ; grillées et pulvérisées, on les administre sous forme de café comme digestives et stimulantes. ACACIA DEALBATA Link. Mimosa ou Cassie. Acacia irrorata Sieb. Mimosa dealbata Hort. Australie : Silvcr Wattle. Arbre d'une hauteur moyenne de 20-30 mètres et souvent plus, avec un diamètre de 0,80-1 mètre ; tronc brunâtre et rameaux faiblement anguleux couverts, ainsi que les pé- tioles, d'un léger duvet glauque ou blanchâtre, à folioles linéaires, petites, très nombreuses, obtuses, pubescentes. Originaire du continent australien, cette espèce se ren- contre en Victoria, dans la Nouvelle-Galles du Sud et la Tas- . manie, particulièrement sur le bord des cours d'eau, dans les terrains dérivés du granit et du gneiss ; les sols calcaires lui conviennent peu. Depuis longtemps naturalisé dans le Midi ûe la France, dit M. Ch. Naudin, cet arbre est assez rustique pour qu'on en voie de beaux échantillons en Bretagne et même sur les côtes de Normandie. Sous le climat de Paris, Va. dealbata est une des plus belles et des plus gracieuses plantes ornementales de nos serres tempérées. Son bois, de couleur blanchâtre ou jaunâtre, à grain assez gros, à cassure courte et sèche, est assez facile à travailler, mais il est peu résistant et ne s'emploie guère que comme bois de chauffage. Toutefois, on peut cependant en tirer un bon parti pour la fabrication des barriques pour l'expédition des marchandises, ou pour faire des planches aussi tenaces et aussi légères que celles que l'on obtient avec le peuplier. Il LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 77 fournit aussi un excellent charbon. Sa densité de coupe fraîche est de 0,773. L'écorce peu épaisse qui entoure le tronc est utilisée et même recherchée pour le tannage des cuirs légers ; il en découle aussi une gomme qui se rapproche beaucoup de la gomme arabique et peut être employée dans les mêmes con- ditions. En Provence, Y Acacia dealbata est cultivé sur une grande échelle pour la production des rameaux fleuris, et donne lieu à un commerce assez important. Ses fleurs réunies par pe- tites têtes globuleuses , disposées en grappes paniculées jaunes, très odorantes, sont bien connues à Paris sous le nom de Mimosa. ACACIA DECURRENS Willd. Acacia mollissima Willd. Mimosa decurrens Wendl. Australie (colons auglais) : Black Wattle, Wattle trec. Arbre inerme, d'une hauteur de 12-15, mais atteignant parfois, dans des conditions favorables, jusqu'à 25 mètres d'élévation. Feuilles composées de 10-14 pinnules portant chacune 30-40 petites folioles linéaires, subcoriaces, d'un beau vert en dessus, un peu glauques en dessous. Originaire de l'Australie, cette espèce s'étend depuis la partie orientale du sud du continent, par Victoria et la Nou- velle-Galles du Sud, jusqu'à la partie méridionale du Queens- land, elle est surtout commune dans la Tasmanie. Elle croît aussi bien dans les plaines ouvertes qu'au centre des forêts ; sa croissance est très rapide, même dans les sols les plus arides et les plus ingrats. Cet arbre réussit bien en France sur le littoral des Alpes-Maritimes, et l'on voit de beaux sujets dans le jardin de la villa Thuret. Son bois, de couleur blanchâtre, plus foncé vers le centre, est tendre, léger, mais assez fort et tenace. Employé à de nombreux usages économiques dans la colonie anglaise, on l'utilise surtout à préparer des merrains pour la tonnellerie parce que ses fibres longues et droites permettent de le fen- dre facilement. On en fabrique aussi un charbon de bonne qualité. Toutefois, si ce bois est presque dépourvu de valeur 78 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. commerciale, l'arbre n'en est pas moins d'une importance remarquable par sa gomme (1) et surtout par son écorce ( Wattle barfi) qui renferme jusqu'à 40 % de tanin que l'on peut extraire pour les applications industrielles, notamment pour la teinture. Cette écorce est l'objet d'un commerce étendu en Australie, qui en exporte de grandes quantités en Amérique et en An- gleterre, où elle sert plus particulièrement à la préparation des cuirs forts. Son principe tanniqne, dit M. Cb. Naudin, n'est pas tout à fait identique à celui du Cbène, mais il équivaut, dit-on, jusqu'à près de cinq fois à ce dernier dans l'opération du tannage. Le cuir ainsi obtenu a toutes les qualités de durée et de force que lui donnerait le tan, mais la couleur est un peu moins belle. Cette écorce offre en outre l'avantage de donner, grâce aux matières fermentescibles qu'elle ren- ferme, des jus acides aidant au gonflement des peaux. En Angleterre elle est entrée dans la matière médicale, les cou- ches corticales les plus internes sont employées en infusion contre la dysenterie. Les fleurs sont odorantes et donnent par la distillation une huile essentielle employée dans la parfumerie pour la com- position de divers cosmétiques. ACACIA FARNESIANA TVilld. Acacie de Farnèse. Acacia lenticellata F. Muell. Farnesiana odorata Gasp. Mimosa scorpioides Forsk. Yachellia Farnesiana W. et Arn. Amérique espagnole : Aroma. Angola : Fspongciro. Annamite : Keo, Hoa xiem gai. Batavia : Nagassari, Nagasari. Français : Cassie, Acacie odorante, Acacie à /leurs jaunes. Mexique : Huisache, Matitas, Xcantiris. Réunion : Bois puant, Bois caca. Venezuela : Cttji aroma. Petit arbre épineux dans les forêts, mais restant à l'état d'arbrisseau dans les cultures; ses rameaux, fort robustes, écartés, disposés en tous sens, lui donnent un port singulier. (1) Cette gomme, suivant M. W. Hooker, est transparente, insipide et très nutritive ; les aborigènes de Tasmanie la consomment soit fraî- che, soit le'gèrement bouillie, et les enfants des colons s'en montrent également très friands. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 19 Feuilles bipennées, composées de 10-20 folioles opposées, linéaires-oblongues, lisses, glabres d'un beau vert, longtemps persistantes et très irritables. Originaire des Indes orientales, cette espèce croît naturel- lement sur plusieurs points de la péninsule indienne, en Co- chinchine et s "étend jusqu'au Japon ; on la retrouve dans plusieurs parties de l'Amérique, aux Antilles, au Venezuela, au Mexique, etc., ainsi qu'à Maurice, à la Réunion et en Aus- tralie. Cette belle plante a été introduite de Saint-Domingue en Italie, vers 1656, et cultivée dans le jardin Farnèse, en Toscane, Son bois, de couleur jaunâtre, marqué de larges plaques grises, exbale, étant frais, une odeur très désagréable. D'une dureté moyenne, noueux, d'un grain fin et serré, il se travaille bien malgré ses fibres le plus souvent contournées. Quoique de petites dimensions, ce bois est très utile et même excellent pour quelques travaux de cbarronnage tels que jantes de roues, moyeux, etc. ; on s'en sert aussi comme combustible. Les parties noueuses du pied sont d'un très bel effet, surtout étant vernies, et pourraient certainement être employées dans l'industrie du meuble. Sa densité moyenne est de 0,780. L'Acacie de Farnèse peut être placée au premier rang des espèces odoriférantes du genre Acacia ; sa gomme (1) et sur- tout les fruits tannifères, qu'elle produit dans les pays chauds, en font une véritable plante industrielle que l'on cultive au- jourd'hui dans le Midi de la France et en Algérie. On la re- produit par semis ou par bouture ; elle s'accommode assez bien de tous les terrains, quoiqu'elle affectionne plus par- ticulièrement les sols légers, sablonneux, profonds et frais sans être humides. L'exposition au sud et les endroits abrités doivent être recherchés de préférence. (1) L'Acacia Faniesiana produit une gomme qui se présente en mor- ceaux transparents, généralement colorés d'une manière inégale par le suc de la plante; on la trouve aussi en masses, résultant de l'ag- glomération de fragments réunis et collés ensemble. Cette gomme va- rie en couleur du jaune pâle au rouge brun ; elle ne se dissout que partiellement dans l'eau et forme une solution épaisse, visqueuse, trouble et âpre au goût. Elle noircit par le contact avec le sulfate de fer, ce qui la fait utiliser dans l'industrie; mais elle est impropre à tout usage médical. Les fleurs exhalent une odeur très suave; par la distillation, on en 80 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. ACACIA HOMALOPHYLLA A. Gunn. Bois de Violette. Australie : Mi/all-Wood, Scented Myall tree, Violet -Wood. Arbre de petite taille, très élégant de formes, dépassant rarement 10 mètres de hauteur, sur un diamètre de 0,30, se distinguant par ses feuilles transformées en phyllodes al- ternes, arqués, obtus, mucronés au sommet, pourvus d'une petite glande tuberculeuse à la base. Originaire de l'Australie, cette espèce est très répandue en Victoria dans le South -Australia et la Nouvelle-Galles du Sud, où elle croît dans les sols les plus arides. On le dit très résistant à la sécheresse, mais sa croissance est moins rapide que celle du lophanta. Son bois, considéré comme un des plus beaux du genre Acacia, est remarquable par la richesse de sa nuance brune agréablement mouchetée de noir et, surtout, par son parfum agréable qui rappelle celui delà violette. Dur, solide, extrê- mement lourd et dense, et d'un grain très fin, il convient admirablement à tous les travaux de luxe demandant plus d'élégance et de solidité que de volume, par exemple : le tour, la tabletterie, la petite ébénisterie et certaines pièces de me- nuiserie fine. On en fait aussi des crosses de fusils, des ar- ticles de bureau, des porte-cigares et des pipes de fantaisie très demandés par le commerce local. Ce bois était recherché, autrefois, des indigènes pour confectionner leurs lances et ce sont ses racines qui servent d'ordinaire à fabriquer leurs boomerangs , sorte de croissant qu'ils lancent avec une adresse remarquable. L'écorce laisse exuder une gomme arabique dont on fait un fréquent usage en Australie comme antidiarrhéique. obtient une eau très parfume'e et jouissant de propriétés stimulantes marquées qui est employée pour la toilette. Le fruit est une gousse arrondie, très gonflée, longue de 7 à 8 centi- mètres, de couleur noire, vendue sous le nom de gousses de Casse ou de Cassie (par corruption du nom générique), quoique u'ayant rien de commun avec la Casse officinale. La gousse de Casse diffère du Bablah de l'Inde par ses caractères extérieurs, mais s'en rapproche beaucoup au point de vue de ses propriétés tinctoriales et tannantes. Ce produit est importé de Pondichcry en balles de 100 à 150 kilogrammes. Les graines, d'un brun brillant et de forme ovoïde, possèdent une saveur styptique. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 81 ACACIA LEBBEK Willd. Bois noir de la Réunion. Acacia specîosa "Willd. Albizzia Lebbeh Benth. — latifolia Boiv. Mimosa Lebbek L:nn. — Sirissa Roxb. Antilles : 5ms à frire ou à friture. Inde (Bengali, Hindoustani et Sanscrit) : Siris, Stras, Cirsa, Shireesh, Shirisha. (Coromandel) : Cotton varay. (Mala- bar) : Cautwallee. (Tamoul) : Katuvagi, Kattou-vagé-marcm. (Pondichéry) : Bois noir. Guadeloupe : Bois noir de la Réunion, Vieilles filles. Réunion : Bois noir des bas, Noir rouge, Noir blanc, Noir noir. Grand arbre â tronc inerme, droit et élancé, d'un diamètre assez fort, à feuilles composées de 4-8 pennes portant cha- cune 6-8 paires de folioles ovales-obtuses. Originaire de l'Inde où il croît naturellement dans les fo- rêts de Travancore et de Coromandel, on le rencontre encore dans plusieurs îles des Antilles ainsi qu'aux îles Masca- reignes ; il est assez répandu à la Réunion sur toute la sur- face du pays et souvent planté pour servir d'abri aux caféiers et comme support â la vanille. Son bois, le plus souvent d'une belle couleur rouge noi- râtre, est agréablement veiné et devient d'un noir assez in- tense en vieillissant. D'une densité moyenne, assez dur, liant et d'un travail facile, il est d'une bonne conservation, étant abrité, mais il ne résiste guère plus de dix à quinze ans lorsqu'il est exposé aux intempéries. Il contient assez sou- vent des défauts consistant particulièrement dans la présence de gouttières et aussi d'un double aubier ; celui-ci , d'ail- leurs, est très épais et sans aucune valeur : attaqué par les vers immédiatement après l'abatage, il ne tarde pas à tomber en poussière en peu de temps. Susceptible de recevoir un beau poli malgré sa texture ordinairement grossière, ce bois est toujours d'un bel effet quand il est travaillé. C'est une des essences les plus employées, à la Réunion, dans le charron- nage, pour moyeux et jantes de roues, ainsi que pour le tour, l'ébénisterie, la menuiserie, membrures de bateaux, instru- ments aratoires, etc. On en fait aussi un charbon de bonne qualité, que l'on recueillait soigneusement autrefois, pour la fabrication de la poudre de chasse. Le Bois noir de la Réu- 20 Juillet 1894. 6 82 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. nion a été employé par la Direction militaire de Saint-Denis, vers 1872, à la confection de diverses parties de son matériel d'artillerie. Sa densité est de 0,802 étant sec, sa résistance à la rupture de 0,737 et son élasticité de 0,700 ; sa cassure est courte et sèche. L'Acacia Lebbek donne une gomme variant du jaune pâle au rouge un peu brunâtre ; ce produit est très inférieur aux gommes du Sénégal et d'un emploi limité dans l'industrie. L'écorce est utilisée pour le tannage ; dans l'Inde, ses pro- priétés astringentes sont mises à profit pour combattre les affections intestinales. Ses fleurs, de couleur blanc-jaunâtre, disposées en aigrettes, sont très odorantes ; on les emploie quelquefois en cataplasmes émollients contre les furoncles. ACACIA MELANOXYLON R. Brown. Acacia arcuata Sieb. — brevipes A. Cunm. — latifolia Hort. Australie : Black Wood, nommé aussi par les colons : Lightwood. Aborigènes du Yarra : Mooeyang. Bel arbre forestier d'Australie dont le tronc, droit et co- nique, atteint une hauteur de 25-30 mètres sur un diamètre moyen de 80 centimètres et beaucoup plus à la base ; rameaux glabres, inermes, anguleux et dressés. C'est une des espèces phyllodaires, mais où l'on voit souvent les feuilles composées normales s'entremêler à des phyllodes oblongs, obtus, co- riaces, d'un vert sombre. Se rencontre dans le voisinage des ■rivières, dans les sols riches des vallées et aussi les ravins des grandes forêts. Son bois, d'une belle couleur brune très foncée, est d'une dureté et d'une densité moj'ennes, solide, facile à travailler ; son grain fin et serré permet de lui communiquer un poli ma- gnifique qui lui donne l'aspect du noyer. Sa résistance et ses qualités physiques sont comparables à celles du Cbéne blanc d'Amérique; de plus, c'est un des bois qui se courbent le plus aisément sous l'action de la vapeur d'eau. Cette essence est considérée comme une des meilleures de la colonie anglaise, aussi est-elle très estimée pour un grand nombre d'applica- tions industrielles importantes, telles que constructions civiles LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 83 et navales, traverses et wagons de chemins de fer, ainsi que pour tous les ouvrages de tonnellerie en général, l'ébéniste- rie, la menuiserie fine ou commune, la carrosserie, etc. On en fait aussi de bonnes tables de billard parce qu'il n'est pas sujet à se tourmenter ; lorsqu'il est bien sec son élasticité et sa sonorité le font employer par les facteurs de pianos pour tables d'harmonie. Le Black-wood est l'objet d'un commerce important en Australie où on le trouve, soit en pièces de grandes dimensions pour la charpente, soit en madriers ou en planches comme bois de travail ; on le débite également en feuilles de placage pour les travaux d'ameublement. Il était autrefois employé par les indigènes pour fabriquer leurs armes de guerre. L'écorce est employée pour le tannage. L'A. melanoxylon a été introduit en Algérie; il se re- produit naturellement de semences dans le périmètre de Baïhnen, aux environs d'Alger. Cette plante demande la serre d'orangerie sous le climat de Paris; c'est une des rares es- pèces dont la tige, droite et rigide, se forme naturellement sans le secours de la taille. Les sols riches et un peu humides lui sont particulièrement favorables. ACACIA PYCNANTHA Benth. Acacia petiolaris Lkhm. — falcinella Meissn. Australie : Golden Wattlc, Green Wattle. Petit arbre ornemental dont le tronc lisse, de couleur brun rouge, atteint rarement plus d'une dizaine de mètres de hauteur ; phyllodes larges, lancéolés-falqués, un peu obtus ou acuminés, fortement rétrécis vers la base, luisants et coriaces. Croissant rapidement dans tous les sols, même sablonneux, il est commun dans la plus grande partie de Victoria, où on le rencontre dans les forêts découvertes et parmi les buis- sons, ainsi que dans l'Australie méridionale, sur les ondula- tions des collines. Sa culture constitue, du reste, une industrie importante dans l'Australie, à cause de la valeur de son écorce comme matière tannante. Il résiste parfaitement à la chaleur et à la sécheresse et supporte sans grands dommages les vents de mer si pernicieux pour d'autres espèces. Son 84 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. introduction en Algérie a parfaitement réussi, mais il réclame des soins attentifs dans la taille pour la formation du tronc. Son bois, dur, à grain serré, jadis peu apprécié par le commerce, est aujourd'hui justement estimé pour ses excel- lentes qualités. On l'emploie à de nombreux usages, mais principalement dans la cbarronnerie et la carrosserie pour diverses pièces telles que moyeux, rais, jantes, ainsi que pour traverses de chemins de fer, douves de tonneaux, man- ches d'outils, piquets de clôture et, en général, pour tous ob- jets demandant un bois fort et durable. Quand il est sec, c'est, de plus, un excellent combustible; il donne un feu clair et une grande chaleur, aussi les boulangers en font-ils un grand usage pour le chauffage des fours. Cette essence fournit en outre un charbon de qualité supérieure pour les besoins économiques et autres. Son écorce , quoique moins épaisse et de dimensions plus faibles que celles de V Acacia decurrens, est presque aussi riche en principes tannifères. D'après les expériences de M. le baron F. vonMueller, elle contiendrait, lorsqu'elle a été séchée artificiellement, de 30 à 45 % de tanin dont la qualité est d'autant meilleure que les arbres sont plus âgés. Cette écorce sert aussi à préparer, par l'ébullition, un extrait dit Mimosa baril, analogue au Cachou, très employé en Aus- tralie pour la conservation des cordages, filets de pêche et autres objets destinés à subir l'action de l'eau. Cet arbre est encore un bon producteur de gomme arabique , employée dans l'industrie locale et qui, suivant M. Ch. Naudin, est même quelquefois exportée ; c'est une des variétés de la Gomme ti Australie du commerce européen. L'A. pycnantha peut être écorce entre six et dix ans, mais sa longévité, dit- on, n'est pas très grande. Comme plusieurs de ses congénères, cette espèce produit des fleurs odoriférantes {Mimosa) qui pourraient être uti- lisées dans la parfumerie. ACACIA. SCLEROXYLON Tussac. Mimosa muricata L. . Arbre forestier d'une hauteur de 12-15 mètres, quelquefois plus, sur un diamètre moyen de 50 centimètres, recouvert d'une écorce grisâtre parsemée de petits tubercules. Feuilles LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 85 bipennées, composées de 15-20 paires de folioles linéaires un peu obtuses. Originaire des Antilles, on le rencontre dans nos colonies de la Guadeloupe et de la Martinique où il est même assez commun dans quelques localités. Son bois, de couleur rougeâtre au centre, plus clair à la périphérie, est lourd et d'une dureté excessive. Excellent pour tous les ouvrages où la durée et la solidité sont indispen- sables, il est surtout employé pour faire les cylindres et les axes des grandes roues des moulins à sucre. Son incorrupti- bilité aux intempéries et dans l'eau le fait également utiliser avec avantage comme bois de charpente et pour les travaux hydrauliques. On s'en sert peu comme bois de travail propre- ment dit parce qu'il émousse le tranchant des meilleurs outils. C'est une des essences désignées par les nègres des Antilles sous le nom de Tendre à caillou. Sa densité moyenne est de 1,235, son élasticité de 1,368 et sa résistance à la rupture de 2,653 ; sa cassure est très fibreuse. ACACIA SPIRORBIS La Bill. Nouvelle-Calédonie : Gaiac. (Indigènes) : Beuro. Petit arbre d'une hauteur de 7-10 mètres, à cime étalée, d'un vert pâle, recouvert d'une écorce brunâtre obliquement crevassée. Feuilles alternes longuement lancéolées, plus ou moins recourbées, à nervures peu apparentes, longitudinales, fines et très rapprochées. Très commun à la Nouvelle-Calédonie, sur les sables du rivage où il croît en massifs, cet arbre se rencontre encore isolément sur les coteaux pierreux du littoral. Le bois, de couleur brun foncé, très dense, à grain fin et très serré, est entouré d'une couche d'aubier jaune très épaisse dans les jeunes arbres, mais n'offrant qu'une faible épaisseur dans les vieux sujets. Sa dureté et sa texture ex- pliquent le nom de « Gaïac » donné à ce bois par les ouvriers européens, qui l'emploient pour la fabrication de diverses pièces de mécanique telles que vis, poulies, galets, engre- nages, etc. Quoique joli étant verni, il est peu susceptible d'être employé pour l'ébénisterie, mais c'est un excellent bois de tour. Sa densité moyenne est de 1,074. Une variété de cette espèce, peut-être même une espèce différente, se distingue par une taille beaucoup plus élevée et 86 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. par la couleur violacée de son bois. Désignée également par les Européens sous le nom de Gaïac, elle est nommée Hue par les indigènes. ACACIA TORTILIS Hayne. Gommier de Tunisie. Arabe (Tunisie) : Thalah. Arbre d'une hauteur de 12-15 mètres sur un diamètre de 50 centimètres environ, dont le tronc se bifurque ordinai- rement assez près du pied et n'offre que peu de bois utilisable. Ses feuilles sont peu nombreuses et composées de folioles extrêmement petites, ce qui fait que le feuillage est peu ap- parent et que les rameaux, vus à distance, semblent toujours dépouillés, même dans la saison où la végétation est la plus active. A ce moment, les stipules rigides et blanchâtres qui accompagnent les feuilles se soudent ensemble et prennent un développement énorme aux dépens de celles-ci ; ils cons- tituent alors de formidables épines ayant la forme de deux fuseaux divergents, mesurant "7-8 centimètres de longueur. Originaire de la Tunisie, ce Gommier constitue un boise- ment important dans la partie méridionale de ce pays, entre Gafsa et Mahrès, dans la région appelée Bled Thalah, du nom de l'arbre. On rencontre encore quelques sujets isolés sur la route de Gabès à Kairouan, au nord du massif de Bou- Hedma et au pied de la chaîne du Cherb. Son bois est d'une couleur jaune assez vive et non uni- forme, nuancée par places de rouge et de brun. Il est sillonné par un tissu réticulé d'une teinte gris brunâtre, disposé en ponctuations et en lignes sinueuses interrompues et dirigées généralement dans un sens parallèle à la circonférence ; ces lignes se confondent souvent entre elles. Les rayons médul- laires sont nombreux, minces et allongés. Dur, lourd, com- pact et presque toujours sain, ce bois ne se tourmente pas et ne se gerce pas en séchant ; son grain fin et serré permet de lui donner un beau poli. Quoique peu employé jusqu'ici, il peut être regardé comme convenant très bien à l'ébénisterie de luxe et aux ouvrages de tour, tels que pieds de tables, fauteuils, chaises, colonnettes, manches d'outils, chevilles, etc. Sa densité est de 0,990. Contrairement à l'opinion de plusieurs auteurs, M. E. Blanc LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 87 dit que la gomme de Y Acacia lortilis n'est pas exploitée, ni recueillie par les Arabes ; il considère même que ce n'est pas une expérience à tenter industriellement. Non seulement elle n'aboutirait qu'à une perte au point de vue économique, mais de plus elle serait très regrettable au point de vue forestier, en hâtant la destruction des arbres, déjà si menacés par d'autres causes. D'ailleurs, la gomme n'est pas exploitable : elle ne se produit qu'en quantité infime, et il en existe deux variétés : l'une , très chargée de tanin, exsude du tronc sous forme de gouttelettes transparentes d'un rouge foncé, d'une saveur brûlante et aromatique ; l'autre coule en masses beaucoup plus grosses de certaines gerçures de la tige ; elle est jaune, sans odeur et d'une saveur fade, assez semblable à la gomme de nos arbres fruitiers. Quant au bois lui-même , ajoute M. E. Blanc, la forêt du Bled Thalah est trop clairsemée et trop éloignée des centres de population pour faire l'objet d'aucune exploitation ; il faudrait au contraire multiplier considérablement le nombre des Gommiers avant de songer à en abattre aucun. Outre les espèces principales que nous venons d'examiner, le genre Acacia renferme encore un très grand nombre de végétaux ligneux répandus dans toutes les parties chaudes de l'Afrique, de l'Amérique, de l'Asie et surtout de l'Australie. Ce sont des arbres de petite ou de moyenne taille, rarement de grands arbres, souvent d'élégants arbustes ou des arbris- seaux cultivés dans nos serres comme plantes d'ornement. Leurs feuilles, ordinairement composées, sont quelquefois remplacées par des phyllodes lancéolés, falqués, plus ou moins coriaces. Le bois de la tige, à quelques exceptions près, est presque toujours assez dur et assez résistant pour être utilisé industriellement ; plusieurs espèces fournissent des bois odo- rants (Mijali) recherchés des tablettiers et des tourneurs. La plupart possèdent des écorces astringentes ou des fruits riches en tanin, employés en médecine, ainsi que pour la teinture et la préparation des peaux. Enfin, un grand nombre laissent exsuder des gommes plus ou moins colorées, donnant lieu à des transactions commerciales suivies dans les pays de production. (A suivre.) 88 II. CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. Société entomologique de France. M. le Dr P. Marchai a reçu récemment, du Ministère de l'Agri- culture la mission de visiter la région de'vasle'e par 1' 'Heliophobus (Neu- ronia) popularis. Celte région est située sur la limite des départements du Nord et de l'Aisne et intéresse, dans le premier département, les communes de Cartignies et de Beaurepaire [arr. d'Âvesne), et, dans le second, la commune de Fontenelle. Elle constitue un foyer assez lo- calise', embrassant quelques centaines d'hectares et correspondant à un plateau relativement élevé pour la région (199 mètres) ; ce plateau, boisé dans sa partie centrale, est, pour le reste, formé de terrains connus dans le pays sous le nom de « Défrichés », à cause des bois qui les occupaient encore assez récemment. Ces bois se trouvent actuel- lement remplacés par des prairies assez maigres, envahies par les mousses, et ce sont ces prairies qui sont aujourd'hui dévastées par les chenilles à."1 Heliophobus popularis. « La propagation du fléau semble, surtout dans l'Aisne, s'être faite en divergeant de la lisière du bois et en envahissant progressive- ment les prairies environnantes. Beaucoup de prairies devaient aussi contenir elles-mêmes de nombreux foyers de pontes et ont dû être atteintes d'emblée. » L'invasion peut revêtir deux formes différentes. Dans la première, les Chenilles s'avancent de front, sous forme de cordon se déroulant sur une longueur de 80 à 100 mètres (1). La largeur de cette bande grouillante est en moyenne de 1 mètre à 1 mètre 50, sans compter les nombreuses chenilles qui restent en arrière du gros de l'armée sur un espace assez considérable, sans compter celles qui, plus alertes et plus vives, ont pris les devants et semblent cheminer en éclaireurs. La zone qui suit immédiatement le front de la bande est la plus dense. Là, sur une largeur de 15 à 20 centimètres, c'est un grouillement inexprimable, surtout lorsque le soleil vient exciter de ces rayons l'al- lure de la horde rampante ; leur nombre est alors si considérable qu'elles chevauchent souvent les unes sur les autres. En un endroit, prés de Nouvion (Aisne), je les ai vues amoncelées en ligne sur 3 cen- timètres d épaisseur, et des témoins différents, dont la sincérité du reste ne saurait être mise en doute, m'ont affirmé que, quelques jours avant mon arrivée, des lignes entières présentaient pour leur zone cen- trale une épaisseur de 3 à 5 centimètres de Chenilles superposées. « (1) On m'a parlé, dans le pays, de cordons de 150 à 200 mètres ayant existé les jours précédents; cela n'a rien d'invraisemblable, mais je ne les ai pas constatés. CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. . 89 » Il est facile de supposer les dégâts que doivent occasionner ces bandes de Chenilles affamées, luttant de vitesse pour retrouver l'herbe qui disparaît derrière elles à mesure qu'elles progressent. On peut éva- luer à plus de 100 hectares l'étendue des prairies qui ont été ravagées par elles en une quinzaine de jours. Toute la partie de la prairie se trouvant derrière le cordon est rasée et présente l'aspect d'uu champ brûlé par une sécheresse persistante ; seules quelques plantes, telles que les Renoncules, au goût acre et aux fibres résistantes, échappent à la dévastation. De là résulte que chaque cordon d'invasion tra- duit de loin par une ligne de partage bien tranchée entre la prairie verte qui se trouve au devant de lui et la prairie dévastée et rousse qu'il laisse en arrière. » Les directions suivies par ces bandes sont assez différentes : d'une façon générale pourtant, mais sans qu'on puisse se fixer de règle ab- solue, elles paraissent progresser d'un foyer central commun, corres- pondant à la région boisée, à peu près comme une ligne d'onde s'é- carle du centre dont elle émane. » Une seconde forme d'invasion se révèle dans les prairies par la présence d'îlots contrastant par leur teinte rousse avec la verdure qui les entoure. Dans ce cas, la marche du fléau est beaucoup plus insi- dieuse, et, lorsque les Chenilles ne sont pas trop nombreuses, elles conservent leurs mœurs noclurnes et sont, pendant le jour, entière- ment dissimulées sous la mousse. » Il est facile de comprend) e comment la première forme doit dériver de la seconde par fusion d'îlots voisins à population dense. Les Che- nilles d'il, popularis, naturellement sédentaires et se nourrissant sur place, doivent, lorsqu'elles sont très abondantes sur le même point, se trouver forcées à émigrer après avoir épuisé la surface qu'elles occu- paient. Elles se portent alors toutes à l'endroit le plus proche qui puisse encore leur fournir de la nourriture, c'est-à-dire à la périphérie de l'îlot de terrain qu'elles ont dévasté; qu'elles viennent alors à se rencontrer avec les Chenilles provenant des îlots voisins, et elles se réuniront fatalement avec elles pour constituer les ligues envahis- santes. C'est ainsi que peuvent s'expliquer la présence de deux lignes d'invasion à peu près parallèles, mais marchant en sens inverse et s'éloignant graduellement l'une de l'autre, ainsi que j'ai pu en cons- tater à Cartignies. » La formation de ces cordons de Chenilles n'a donc, je crois, rien à faire avec l'instinct, mais peut s'expliquer d'une façon passive par leur extrême abondance et le besoin qu'elles ont de se nourrir. » D'où provient maintenant cette abondance extraordinaire de Che- nilles dans une région où elle est totalement inconnue du vulgaire et où elle est assez rare pour manquer dans les collections de la plupart des lépidoptéristes? C'est là une question à laquelle on ne peut ré- pondre que par des conjectures. Les paysans disent qu'à la fin de l'été 90 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. dernier ils ont été' frappés de l'abondance des Papillons nocturnes. Heliophobus jjopularis pondant à cette époque, il faut admettre que ces Papillons, dont l'éclosion et la ponte ont certainement e'té favorisées par la saison exceptionnellement sèche et chaude de 1893, se sont réunis en grand nombre dans cette région, attirés sans doute pour y déposer leurs œufs par la nature spéciale du terrain des « Défrichés ». Ce plateau sec et élevé a évidemment présenté les conditions re- quises pour le développement des Chenilles ; celles-ci sont passées inaperçues pendant l'hiver et au commencement du printemps, à cause de leur petite taille et aussi de la façon dont elles se cachent sous la mousse lorsqu'elles sont réunies en bandes ; et c'est seule- ment au printemps de cette année que l'on a pu s'apercevoir de leurs dégâts dans les prairies. » Pour combattre ces Chenilles, le meilleur moyen consiste à creuser à 4 ou 5 mètres en avant de la ligne d invasion, des fosse's de 15 à 20 centimètres de profondeur sur 15 centimètres de large, présentant des parois verticales. On peut ébaucher ce travail à la charrue et le ter- miner à la bêche. Des fosses à parois verticales creusées dans la tranchée tous les 5 à G mètres et ayant environ 30 centimètres de pro- fondeur complètent le travail. Les Chenilles arrivées au fossé, s'y pré- cipitent et s'entassent dans les fosses, où il devient alors facile de les détruire par un procédé quelconque : avec de la chaux vive, par exemple ; dans les localités que j'ai parcourues, les paysans préfé- raient les utiliser comme engrais ; ils en remplissaient des sacs qu'ils vidaient dans la mare au purin. C'est par myriades que les Chenilles ont été ainsi détruites et que l'on a pu faire échec à l'invasion. Le rouleau a aussi été employé : mais l'élasticité des Chenilles, la façon dont elles se logent dans les anfracluosités du terrain, font qu'un grand nombre échappent à ce mode de destruction. Parmi les nom- breux insecticides essayés, le sulfate d'ammoniaque au 10°, en disso- lution dans le purin dilué et employé en arrosage pour les îlots in- festés, est le seul qui ait donné des résultats assez satisfaisants. Il offre aussi l'avantage d'agir à titre d'engrais puissant. » En terminant cette note, je tiens à faire remarquer l'analogie de cette invasion avec celles de Charceas grarninis {Antler moth) en Suède, en Norvège, en Allemagne, en Ecosse et dans le Pays de Galles (Brehm, Ormerod), et celles de Leucania unipunctata (Army-worm) dans l'Amérique du Nord (Riley). C'est un fait fort curieux que les che- nilles de ces trois Papillons, si différents entre eux à l'état adulte, présentent entre elles uue ressemblance assez frappante pour rendre leur diagnose différentielle délicate, et que, de plus, elles offrent toutes trois le même genre de vie et les mêmes particularités bio- logiques. » 91 III. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. Porcs nourris de Vipères. — Pans ses Mémoires (1), au cours de son ambassade en Espagne, le Duc de Saint-Simon rapporte cer- tain de'tail culinaire qui ne laisse pas d'étonner. « ...J'allai souper avec tous les Français de marque chez le Duc del Arco, qui nous avait invités, où plusieurs des plus distingués de la Cour se trouvèrent. Le souper fut à l'espagnole. On y servit de petits jambons vermeils, fort rares en Espagne même, qui ne se font que chez le Duc d'Arco et deux autres seigneurs, propriétaires de Co- chons renfermés dans des espèces de petits parcs, remplis de halliers où tout fourmille de vipères, dont ces Cochons se nourrissent unique- ment. Ces jambons ont un parfum admirable et un goût si relevé et si vivifiant qu'on est surpris, et qu'il est impossible de manger rien de si exquis. » Substitution de couvées entre Passereaux d'espèce différente. — En traitant du parasitisme chez le Coucou, M. Rzehak rapporte dans le Monatsschrifb (2) de Géra un autre fait curieux : Ayant découvert, l'été dernier, un nid de Gobe-mouches gris (Musci- capa grisola L.) contenant cinq jeunes âgés de quelques jours et, dans le voisinage, un nid de Rossignols de murailles {Ruticilla phœnicura L.) avec également cinq petits tout aussi jeunes, il échangea les deux couvées. Cette substitution n'empêcha point les parents adoptits de nourrir jusqu'au bout les petits; les jeunes Gobe-mouches quittèrent le nid le 6 juillet, les Rossignols de murailles le 9 juillet. De S. Une Chrysalide comestible. — Les Chinois se régalent des chrysalides de Vers à soie que nous jetons après le dévidage. Voici, d'après un missionnaire, le Révérend Père Favand, des re- cettes qui servent à les accommoder. Pendant le long séjour que j'ai fait en Chine, dit l'auteur, j'ai sou- vent vu manger et j'ai mangé moi-même des chrysalides de Vers à soie. Je puis affirmer que c'est un excellent stomachique, à la fois for- tifiant et rafraîchissant, et dont les personnes faibles font usage avec succès. Après avoir filé les cocons, on prend une certaine quantité de chrysalides; on les fait bien griller à la poêle pour que la partie aqueuse s'écoule entièrement. On les dépouille de leur enveloppe qui s'enlève sans effort et elles se présentent alors sous forme de petites masses jaunâtres, assez semblables aux œufs de Carpe aggloméiés. On les fait frire au beurre, à la graisse ou à l'huile, et on les arrose de (1) Saint-Simon, Mémoires, Édition Dellaye, 1841, t. XXXVii, p. 64. (2) N° de février 1894, p. 44. 92 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. bouillon (relui de poulet est le meilleur). Lorsqu'elles ont bouilli pen- dant cinq ou six minutes, on les écrase avec une cuiller de bois, en ayant soin de remuer le tout, de manière qu'il ne reste rien au fond du vase. Ou bat quelques jaunes d'oeufs, dans la proportion de 3 pour 100 chrysalides ; on les verse dessus et l'on obtient par là une belle crème d'un jaune d'or et d'un goût exquis. C'est ainsi qu'on prépare ce mets pour les mandarius et les gens riches. Quant aux pauvres, après avoir bien fait griller les chrysalides et les avoir dépouillées de leur enveloppe, ils les font frire au beurre ou à la graisse, avec un peu de sel, de poivre ou de vinaigre; ou enfin ils les mangent telles qu'elles sont, avec du Riz, après s'être contenté de les dépouiller. {L'Apiculteur.) A. Wallès. De la chasse des Loutres et des Rats d'eau. — L'usage de pièges ou de poison, la chasse au fusil sont les moyens le plus souvent employés pour venir à bout de ces animaux très nuisibles à la pêche. Ou réussit encore mieux avec les Chiens. M. Tûchner re- commande pour cet usage, dans la Fischerei Zeitung, l'emploi d'un Chien croisé de Fox-terrier avec une petite Chienne désignée sous le nom de Spion, dont la race est très répandue dans l'Allemagne du Nord. Ces sortes de Chiens peuvent, dit-il, remplacer les vrais Chiens à Loutres qu'il n'est pas toujours facile de se procurer. G. Propriétés tinctoriales du Sophora du Japon. — A la suite de la mission de M. de Lagrenée, en Chine, en 1846, les délé- gués commerciaux attachés à cette mission firent connaître en Eu- rope divers produits tinctoriaux , parmi lesquels se trouvait une substance, d'origine végétale, employée depuis plusieurs siècles par les Chinois sous le nom de Hoaï-Hoa pour la teinture en jaune. Après un examen attentif, tous les botanistes furent d'accord pour recon- naître dans cette nouvelle matière tinctoriale, les fleurs non encore développées du Sophora Japonica. Examiné d'abord chimiquement par Daniel Ilanbury, le Heaï-Hoa ou Waifa, a été de nouveau étudié par Th. Martius qui, en traitant le produit par l'alcool chaud, a obtenu environ 11 % d'une matière pulvérulente d'un vert pâle, appelée Waifine. D'un autre côté, M. W. Stein a isolé le principe colorant qui n'est autre , selon lui , que l'acide rutinique, identique à la Waifine de Martius. Voici, d'après un rapport de M. Guinon présenté à la Société d'Agri- culture de Lyon, le résultat des expériences faites en France sur les propriétés tinctoriales du Waifa : la couleur jaune n'existe ni dans l'écorce, ni dans le bois. A peine sensible dans la feuille, on la trouve en grande quantité dans les boutons, et surtout dans les fleurs ; mais celle des fleurs est plus brune que celle des boutons, ce qui explique la préférence que les Chinois donnent à ceux-ci. Le calice en donne CHRONIQUE GENERALE ET FAITS DIVERS. 93 peu, les e'tamines davantage, et enfin les pe'tales, qui sont blancs, en contiennent beaucoup. Elle paraît être en combinaison avec un acide ve'ge'tal qui affaiblit et masque la couleur, laquelle passe instantané- ment du blanc au jaune foncé, par l'action de l'ammoniaque. Cette proprie'té n'appartient pas exclusivement au Sopbora du Japon; on la retrouve dans plusieurs arbres et plantes dont la fleur est blanche. Le Robinier présente sous ce rapport de l'analogie avec le Sopbora, mais avec beaucoup moins d'intensité. La couleur jaune a beaucoup d'analogie avec celle de la gaude; mais elle est moins propre à produire des jaunes clairs, tels que paille, citron, etc-, qui restent pauvres et de'sagréables à l'oeil. Dans les jaunes oranges, comme le bouton d'or, cet inconvénient se change en avantage, et la couleur riche et nourrie possède un degré de solidité supérieur à celui obtenu d'un mélange de gaude et de rocou. Cette dernière condition est importante pour les étoffes d'ameublement, quoique la teinte soit un peu moins pure. Les alcalis rougissent la nuance, les acides la décolorent, — le bichromate de potasse fait rougir à l'instant la solution, ainsi que la soie teinte, en les poussant à une couleur acajou clair. Une partie de fleurs du Sophora donne une nuance équivalente à celle fournie par trois parties de gaude, li^es et racines comprises. Maigre' les avantages incontestables que l'industrie française pour- rait tirer de l'emploi des fleurs de Sophora, ce produit est aujourd'hui à peu près tombe dans l'oubli. Pourquoi? Nous l'ignorons. Le Hoaï-hoa est d'un emploi très répandu en Chine, où on s'en sert pour teindre les sacs, les toiles de coton et les étoffes de soie portées par les mandarins. Cette teintuie prend également bien sur la laine et le poil de chèvre utilisés pour la confection des tapis et donne une couleur jaune jonquille assez vive, dont la beauté' de la nuance varie selon la nature du mordant avec lequel on la fixe. D'après le R. P. Cibot, ancien missionnaire à Pe'kin, les fleurs du Robinier sont également employc'es à la pre'paration du Hoaï-hoa : cet arbre croît partout sans aucun soin, et ses fleurs donnent un très beau jaune. Quand elles sont ■ prés de s'e'panouir, on les recueille, on les détache de leur calice, et on les fait sécher à un soleil ardent, ou encore mieux dans une casserole de fer, et on les tourne et retourne, comme si l'on voulait les rissoler; puis on les humecte avec le suc d'autres fleurs qu'on a pUée3, et dans lequel on a mis du sel. Après les avoir bien maniées, on en fait des boules qui doivent être séche'es au nord. Au lieu de sel, on se sert en certains endroits de chaux, ou même on se contente d'en saupoudrer les fleurs, après l'avoir tamisée très fin. Des livres chinois et des observations de plusieurs voyageurs, il résulterait que le Hoaï-hoa sert aussi à teindre directement en vert, mais que le proce'de est tenu secret par les Chinois. Quoique très 94 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. vraisemblable, cette assertion n'a pas encore pu être vérifiée expéri- mentalement en Europe ; la question reste donc indécise. Disons de plus, pour terminer, que l'écorce intérieure du tronc du Sopbora fournit des filaments tenaces et très loDgs dont on pourrait tirer parti pour faire des cordages, de la pâte à papier, etc. Ses feuilles sont usitées au Japon comme succédané du thé; fraîches, elles servent à composer, avec de l'huile et de la chaux, une sorte d'emplâtre pour combattre les affections charbonneuses, les dartres et les hémorrhoïdes. L'écorce des racines est astringente. Il résulte des expériences entre- prises par M. Cornevin que les diverses parties du Sophora peuvent être données sans danger aux animaux de la ferme -, elles ne contien- nent aucun principe toxique. Le chimiste allemand Foerster a retiré des graines un glycoside qu'il a nomme' Sophorine : c'est une matière colorante jaune se rap- prochant de la Quercitine, qui ne doit pas être confondue avec la Sophorine de II. Wood., alcaloïde très toxique retiré des graines du Sophora speciosa Benth. La Sophorine est un alcaloïde découvert en 1878 par le docteur H. Wood, de Philadelphie, dans les graines du Sophora speciosa Benth, puis étudie' de nouveau par Kalteyer et Neil. C'est une substance amorphe d'un blanc grisâtre, soluble dans l'eau acidule'e. l'éther, le chloroforme, le sulfure de carbone, etc. Sa solution, dans l'acide sul- furique concentré, prend une coloration pourpre, qui passe ensuite au vert, au jaune et s'efface peu à peu. Cet alcaloïde présente une réac- tion franchement alcaline et se combine aux acides pour former des sels, dont quelques-uns sont cristallisables. La Sophorine est le prin- cipe toxique des semences du Sophora speciosa, appele'es au Texas « Fèves poison ». Son action physiologique est très énergique, elle se manifeste surtout sur la moelle épinière et peu sur les muscles moteurs. Une seule de ces graines suffit, dit-on, à déterminer des accidents mortels chez l'homme. La Sophorine n'a pas encore reçu, jusqu'ici, d'applications thérapeutiques. M. V.-B. Bambous japonais. — Dans le dernier numéro de la Revue, nous avons publié une note de M. le Dr Meyners d'Estrey sur la culture du Bambou au Japon. Ce travail est extrait, en partie, d'un long mémoire de M. Le'on Van Polder qui forme la livraison du mois de mars 1894 du Bulletin van liet Koloniaal Muséum et Haarlem. Ajou- tons que c'est le Musée colonial qui a pris l'initiative d'encourager la culture des Bambous japonais dans les possessions néerlandaises des Indes orientales ainsi que nous le fait connaître son directeur, M. Van Eeden, dans une lettre re'cente. Red. 95 IV. BIBLIOGRAPHIE. L'Apiculture moderne, par A. L. Clément, secrétaire de la Société centrale d'Apiculture et d'Insectologie. In-8°, illustré de 115 figures. Librairie Larousse, Paris. Prix, 1 fr. 25. Sous ce titre la librairie Larousse vient de publier un joli volume qui, nous en sommes persuadés, est appelé' à rendre de réels services. Tel semble être aussi l'avis du public, car la première édition (2,000 exemplaires) parue dans* le courant d'Avril a été enlevée en moins de six semaines, et la deuxième en vente en ce moment semble vou- loir obtenir le même succès. :-» «^= r>- L'auteur s'attache tout d'abord à faire ressortir les avantages nom- breux et trop souvent méconnus que présente l'Apiculture, et dé- montre qu'indépendamment du parti que l'on peut tirer du miel et de la cire dans les usages domestiques et industriels, les Abeilles nous rendent encore des services d'un ordre plus élevé'. En effet en buti- nant sur les fleurs elles transportent leur pollen de Tune à l'autre, et en assurent la fécondation sur une vaste échelle par leur grand nombre et leurs nombreuses visites. Après les exemples que cite M. Clément, il n'est pas permis de douter de leur influence énorme dans la prospérité agricole du pays où elles vivent. 96 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Un chapitre d'un puissant intérêt fait connaître les mœurs, le dé- veloppement, les métamorphoses de l'Abeille. Un autre est consacré à l'étude des divers types de ruches, puis l'auteur nous initie aux soins que réclame le rucher, il nous apprend quelles sont les maladies auxquelles sont sujettes les Abeilles, nous fait connaître leurs ennemis, et l'ouvrage se termine par une étude du miel et de la cire et des nombreux produits qu'ils servent à fa- briquer : hydromels, vins, liqueurs, etc., sans oublier leurs emplois thérapeutiques. D'une lecture facile ce petit volume a été illustré par l'auteur lui- même de 115 figures qui complètent le texte, eu lui donnant plus de précision encore. Les habitants des campagnes, cultivateurs, prêtres, instituteurs, qui peuvent disposer des loisirs de quelques heures trouveront dans le livre de M. Clément tous les renseignements nécessaires, pour se créer, sans beaucoup de peine, un appoint très appréciable à leurs ressources ordinaires par la culture raisonnée des Abeilles. Le prix excessivement modeste de l'Apiculture moderne, 1 fr. 25, eu rend d'ailleurs l'acquisition facile à tous. Au moment de mettre sous presse, nous apprenons que la Société centrale d'Apiculture et d'Insectologie vient de décerner à l'auteur une médaille d'argent pour son ouvrage. G. de G. Le Gérant : Jules Grisard. 97 I. TRAVAUX ADRESSÉS A M SOCIÉTÉ. LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN ,i D APRES M. HORNADAY, SUPERINTENDANT DU PARC ZOOLOGIQUE DE "WASHINGTON Par M. H. BREZOL. (suite*) Valeur actuelle du Bison pour les éleveurs de bétail. On sait depuis un temps presque immémorial, que le Bison américain s'accoutume à la captivité, vit parfaitement dans les troupeaux de bétail domestique, se croise facilement avec celui-ci. On croyait autrefois, et cette idée erronée s'est transmise pendant longtemps, qu'une vache domestique ne pouvait donner naissance à un produit de croisement avec le Bison, la bosse du jeune veau s'opposant à la parturition. Les tentatives faites sur l'élevage du Bison en captivité* sont nombreuses. Dès 1701, les colons huguenots de Mini- kintown, sur la James River, à quelques kilomètres de Rich-- mond, commençaient à domestiquer des Bisons. Tous les historiens rapportent également qu'en 1786 ou vers cette époque, les Bisons étaient domestiqués et élevés en captivité dans certaines fermes de la Virginie et la race métisse eût été très commune dans quelques régions du Nord-Ouest au dire d'Albert Gallantin. En 1815, une série de sérieuses expériences sur le croise- ment du Bison avec le bétail domestique, fut entreprise par M. Robert Wickliffe de Lemington, Kentucky, qui les con- tinua pendant trente ans, et publia une notice sur les résul- (*) Voyez Bévue, 1893, 2« semestre, p. 433, et 1894, i" semestre, p. 337; et plus haut, p. 1. 5 Août 1894, 98 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. tats obtenus, dans l'ouvrage d'Audubon et Backman, inti- tulé : Quadrupecls of North America (les Quadrupèdes de l'Amérique du Nord). Ces opérations ont été reprises récemment par MM. Bedson de Stony-Mountains dans le Manitoba, Canada, et Jones de Garden City, Kansas, mais elles ont d'autant plus attiré l'attention, que les deux expérimentateurs ont eu surtout en vue l'amélioration du bétail domestique actuel, par l'intro- duction du sang du Bison. On ne saurait attacher trop d'im- portance à cette question, et les résultats obtenus par M. Bedson, dont les expériences sont antérieures à celles de M. Jones présentent le plus grand intérêt. Si on peut encore trouver aux Etats-Unis un nombre suffisant de Bisons, M. Hornaday est persuadé que leur croisement avec le bétail domestique modifiera avantageusement et graduellement la race bovine de l'Ouest. Les expériences entreprises jusqu'ici, ont parfaitement démontré que le Bison mâle se croise bien avec la vache domestique, mais par contre on n'a jamais pu obtenir de veau demi-sang d'une vache Bison. Les produits de ce croisement sont féconds et peuvent donner des trois quarts et des quarts de sang. Le Bison se reproduit très régulièrement en captivité. Si dès les premières années de l'élevage du bétail dans les vastes prairies de l'Ouest, les stochmen, les éleveurs avaient disposé d'une race bovine produisant autant de viande de bonne qualité que les meilleures, mais adaptée pour suppor- ter sur ces pâturages les rigueurs de l'hiver, ils n'auraient pas subi les énormes pertes qui rendent souvent leur pro- fession si aléatoire. En une période de dix ans, on peut compter dans cette région sur trois hivers si rudes, que les Bœufs périssent par milliers. Indépendamment du froid, l'ali- mentation joue encore son rôle, le propriétaire de plusieurs milliers ou seulement de plusieurs centaines de têtes de bétail ne pouvant leur fournir à toutes le foin nécessaire à leur subsistance. Le bétail de ces prairies doit donc être en état de vivre uniquement des ressources qu'elles peuvent lui fournir, des ressources du range. Quand les froids ne sont pas trop intenses, que la neige pas trop épaisse reste peu de temps sur le sol, il supporte facilement l'hiver. Le vent balaie alors la neige du sommet des ondulations du terrain aussitôt qu'elle est tombée, laissant l'herbe émerger assez pour que LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN. 99 les Bœufs puissent paître. Si une neige meuble s'étend en nappe de quelques centimètres seulement d'épaisseur, le bétail peut encore saisir les touffes d'herbes à travers cette couche friable , et se procurer çà et là une alimentation peu copieuse sans doute, mais qui lui permettra cependant d'attendre qu'un rayon de soleil ait complètement débar- rassé le sol. Quand la neige s'accumule en masse épaisse pen- dant des semaines, si le soleil vient à fondre sa surface, un retour du froid peut la congeler en croûte dure mettant une lame de glace entre les lèvres du malheureux bétail et son unique nourriture. Les animaux qui ne sont pas disposés par la nature pour résister à des conditions aussi anormales meurent alors par milliers, pavant la prairie de leurs ca- davres que la gelée a raidis. Dans l'état actuel, le stockman, l'éleveur se contente de rassembler son bétail pour l'hiver, en faisant des vœux pour que cette saison lui soit aussi peu néfaste que possible. Le souvenir du terrible hiver de 1886-87 restera certainement toujours présent à l'esprit des éleveurs de l'Ouest, qui, sur une grande partie du Montana et du Wyoming, subirent des pertes de 50 %, se majorant encore dans certaines localités. Les mêmes circonstances pouvant se représenter à chaque instant, un seul mois d'hiver suffi- rait pour faire périr plus de la moitié du bétail des prairies de l'Ouest. L'unique moyen qui soit en la possession des éle- veurs pour éviter ces catastrophes, consisterait à infuser à leur bétail un peu de sang de Bison, le rendant apte à sup- porter la faim et le froid. Il est réellement étonnant que le croisement du Bison et du bétail domestique ait été aussi longtemps négligé. Tandis que les éleveurs faisaient preuve d'une grande initiative en créant des races spéciales productrices de lait, de beurre, de viande : le bétail Durham, le bétail sans cornes, deux ou trois personnes seulement ont songé à demander au croisement une race caractérisée par sa sobriété et sa force de résistance. Un Bison peut endurer les tempêtes et résister à la faim et au froid, dans les conditions où le bétail domestique périrait, car en le plaçant sur l'herbage privé d'arbres, balayé par le blizzard, la nature l'avait équipé pour résister à tous les ac- cidents qui pouvaient se présenter. Le caractère le plus frap- pant dont il soit doté , c'est cet excellent vêtement de poils et de fourrure, impénétrable au froid, qui en fait après le 100 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. bœuf musqué, le quadrupède le mieux protégé de la création. Les formes mêmes du Bison, son tronc court, ses grosses jambes, sa tête s'abaissant vers le sol, tout son ensemble en- fin, éveillent chez l'observateur l'idée d'un individu engen- dré pour la lutte contre la parcimonie de sa marâtre, la terre. Un Bison marchera des jours entiers, sans nourriture, fouetté par les tourbillons de neige, et survivra là où les plus ro- bustes taureaux de la prairie se congèleraient sur pied, res- tant debout et glacés sur la plaine, comme il arriva à des centaines d'entre eux pendant l'hiver 1886-1887. Le bétail du range, le bétail des prairies, tourne le dos à la tempête, au blizzard, et fuit affolé sous sa poussée. Le Bison lui fait face et résiste à ses attaques. La prépondérance de l'hérédité paternelle est remarquable chez les produits du croisement du Bison avec la vache do- mestique ; à première vue on les prendrait pour des Bisons purs. Tête, cou, bosse, long poil laineux, révèlent immédiate- ment le sang paternel, avec cette seule différence cependant, entre le Bison et son métis, que chez celui-ci, le poil des épaules et de la bosse n'est pas plus long que celui du reste du corps. M. Jones signale sa couleur comme gris fer, et af- firme que la bosse se forme seulement plusieurs mois après la naissance. Si le veau métis ressemble à son père, on reconnaît cependant l'influence du sang maternel sur la vache métisse adulte. Elle a le corps moins étroit que la fe- melle du Bison, le bassin plus charnu, plus large, se rappro- chant, de celui de la vache domestique, ce qui est un grand perfectionnement par rapport aux étroits quartiers de derrière du Bison sauvage. La bosse est assez haute, moins cependant que chez la vache Bison. Les poils des quartiers antérieurs sont plus courts surtout sur la tête ; la touffe du front et la barbe font visiblement défaut. Les touffes de longs poils noirs, grossiers, qui revêtent l'avant-bras du Bison, sont presque absents, mais le poil recouvrant le corps n'a rien perdu de sa densité, de sa longueur, de sa finesse. Les cornes sont celles de la race maternelle, comme forme, courbure et longueur. M. Bedson créa son troupeau avec un noyau composé d'un jeune taureau et de 4 génisses achetés en 1877, et qu'il accrut très rapidement. Les expériences de reproduction en sang pur furent bientôt suivies d'essais sur le croisement du taureau LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN. 401 Bison avec la vache domestique, ils donnèrent les résultats les plus encourageants, la bosse ne gênant pas la parturition, puisqu'elle apparaît seulement plusieurs mois après la nais- sance. Vaches Bisons et vaches métisses ont mis bas par une température de 29 degrés au dessous de 0, en donnant des veaux sains et vigoureux. Une vache demi-sang croisée avec un taureau Bison donne des 3/4 de sang, ressemblant beau- coup au Bison. Les vaches demi-sang fort prolifiques, ont un veau chaque année. Très robustes, elles prennent contre le blizzard l'attitude du Bison, et ne fuient pas comme le bétail ordinaire. Pendant les hivers les plus rudes, alors que le thermomètre centigrade marque 35 et 40 degrés au dessous de 0, elles restent sur la prairie ouverte à tous les vents, sans le moindre abri, vivant de ce qu'elles peuvent enlever au pâturage. N'exigeant aucun fourrage, elles fouillent dans la neige la plus épaisse, pour y trouver quelques brins d'herbe, se domestiquent bien, et n'exigent presque pas de surveil- lance. La race croisée de Bison s'élève donc facilement, se nourrit économiquement, et n'a pas besoin d'étable pour l'hi- ver. Ce sont là trois points essentiels dans la pratique de l'élevage. Sa viande vaut mieux que celle du bétail domes- tique et M. Bedson a pu vendre à raison de 1 franc 95 le kilog. la chair de 2 de ses métis, morts accidentellement. Les peaux mégissées de ces 2 animaux vaudraient certainement de 260 à 400 francs. Un bœuf demi-sang par mère Durham, tué en 1887, four- nit 580 kilogs de viande comestible. Une vache arriva à pe- ser 817 kilogs à l'âge de 6 ans. Un des taureaux Bison pur sang du troupeau de M. Bedson pèse 907 kilogs, et un tau- reau demi-sang, de 770 à 820 kilogs. Les trois quarts de sang sont énormes, et leur robe vaut de 215 à 260 francs. Très prolifiques, ils constituent, d'après M. Bedson, le bétail de l'avenir pour le range du Nord, les de- mi-sang et les quarts de sang étant plus à même de prospé- rer sur les régions moins septentrionales. Les vaches trois quarts de sang pèsent de 635 à 815 kilogs. M. Bedson pense qu'un croisement du Bison avec la variété Galloway de la race bovine britannique sans cornes, donnerait un bétail qui serait le premier du monde pour la vie en toute saison sur le range et dont la robe acquérerait une haute valeur. Le trou- peau de M. Bedson a, nous l'avons dit, été créé par l'achat 402 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. en 1877 de 5 veaux dont 1 mâle, payés 1,000 dollars, 5,340 fr. par cet intelligent propriétaire. En 1888, il se composait de 23 taureaux pur sang, de 35 vaches pur sang, de 5 taureaux demi -sang, de 3 vaches demi -sang et de 17 veaux métis et pur [[sang, se partageant sans doute de la fa- çon suivante : 12 pur sang, 5 demi-sang, le tout formant un troupeau de 83 têtes. En novembre 1888. ces animaux ont été vendus pour 50,000 dollars, 267,600 francs, à M. Jones de Garden City, Kansas, déjà propriétaire d'un autre troupeau. Outre ces 83 têtes, M. Bedson en avait donné 9 autres à dif- férentes personnes, et fait abattre 5, ce qui forme un total de 97 animaux obtenus en 11 ans des 5 Bisons achetés en 1877. M. Jones de Garden City, qui connaît parfaitement le Bi- son, l'ayant poursuivi comme chasseur avant de se faire éleveur, s'occupe lui aussi depuis cinq ou six ans d'améliorer le bétail des prairies , le bétail du range, en le croisant avec le Bison. En cinq expéditions, faites sur la région où vivaient les derniers représentants du troupeau du Sud, il a capturé 68 veaux et 11 vaches adultes dont il a constitué un troupeau. Dans le numéro de la Farmers Review (Revue du Fermier de Chicago) du 22 août 1888, M. Jones expri- mait, dans les termes suivants, son opinion sur l'avenir des métis Bison comme bétail domestique : « La grande question » à résoudre par les États-Unis consiste à obtenir une race de » bétail susceptible de résister aux blizzards, aux bourrasques » de neige ; qui ne soit pas chassée par la tempête contre les » barrières des chemins de fer et des pâturages, où elle ne » tarderait pas à périr ; qui possède l'énergie nécessaire pour » franchir en marchant vers le Nord, contre le vent, les » quelques kilomètres la séparant des pâturages où les » herbes hivernales abondent. 11 faut donc aux États-Unis un » animal robuste, nerveux, faisant tête aux blizzards, suppor- » tant la tempête, un animal se plaisant dans les prairies » sans se laisser entraîner au découragement, un animal en- » fin, susceptible de donner de la viande de qualité, et en » abondance. Toutes ces conditions peuvent être remplies » par le Bison, sauf la dernière, et encore sa viande a-t-elle » la qualité voulue, la quantité seule lui faisant défaut. Des » anciens chasseurs qui ont pu manger à l'automne un mor- » ceau de bosse ou d'aloyau de Bison femelle, bien engraissé, » quel est celui qui nierait que c'était la meilleure viande LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN. -103 » qu'il y eut sur terre ? La graisse était aussi délicate que la » moelle des os du bœuf domestique. » La grande question, celle de la quantité, restant toute- » l'ois pendante, je me suis attaché à la résoudre dans le Co- » lorado, par le croisement. J'achetai une vache demi-sang » de 5 ans, qui avait été croisée avec un taureau domestique, » et avait donné 2 veaux : 1 yearling, veau d'un an, et un » veau de lait, promettant beaucoup pour l'avenir. Cette » vache n'avait jamais été nourrie, toujours elle avait vécu » sur le range, et quand je la vis pour la première fois en » 1883, je l'estimai peser un peu plus de 800 kilogs. Elle » avait une bonne robe bringée, même en septembre, des » quartiers postérieurs aussi développés que ceux du bétail » domestique, des quartiers antérieurs massifs ressemblant » à ceux, du Bison, sa bosse était peu prononcée. Les veaux » tenaient peu du Bison, et leurs robes se rapprochaient » beaucoup du pelage du bétail domestique. » Nous pouvons obtenir avec les quarts de sang, les demi- » sang, et les trois quarts de sang, une race de bétail sans » égale au monde pour la dureté et la résistance; composée » de bons animaux porte viande ; la seule de toutes les » races bovines qui soit revêtue d'une véritable fourrure, » ne fuyant jamais la tempête quand elle fait rage, si so- » ciable que jamais le troupeau ne se partage, que jamais un » de ses membres ne s'égare, race susceptible de trouver sa » nourriture partout où elle existe, et là où toute autre péri- » rait , race susceptible de boire seulement tous les trois » jours, en parcourant 30 et 50 kilomètres pour trouver de » l'eau, et cela sans cesser d'engraisser. » Des animaux ainsi constitués fourniraient aux plaines de » l'Amérique du Nord le bétail le mieux accommodé aux con- » ditions d'existence de cette région. Les quart de sang » conviendraient surtout au Texas, les demi-sang au Colo- » rado et au Kansas, les trois quarts sang aux régions situées » plus au Nord. Dans ces conditions, on ne trouverait plus » sur les prairies de cadavres d'animaux morts de froid, de » faim et d'épuisement, ou du manque d'énergie, ainsi qu'on » en a tant vu dans les années précédentes. » Le troupeau de M. Jones se composait primitivement de 57 Bisons capturés au lasso pour la plupart. Pendant les cinq dernières années de l'existence du Bison sur les plaines du 104 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Sud, il faisait chaque année une expédition au Texas pour capturer les Veaux du petit troupeau de 100 ou 200 têtes, qui représentaient les restes des innombrables bandes vivant autrefois sur le range du Sud. Chacune de ces expéditions était fort coûteuse, car il fallait payer des hommes, acheter et entretenir des chevaux, des véhicules, du matériel, et même une douzaine de Vaches laitières, destinées à devenir les mères adoptives des Veaux capturés, qu'elles empêchaient de mourir de faim. La région de chasse était horriblement stérile, presque dépourvue d'eau, les Bisons se laissaient dif- ficilement approcher, mais le sol uni, sans accidents, sans vallons ni collines, permettait aux chasseurs montés, de pro- fiter de la supériorité de leur vitesse sur celle du Bison. Ils pouvaient alors surprendre un troupeau, en séparer quelques Veaux, et les lasser. Il fallait, dans ces expéditions, déployer beaucoup d'habileté et d'audace. La dernière que M. Jones ait entreprise, celle de 1888, fut surtout remarquable pour ses résultats. En mai, la troupe des chasseurs capturait 7 Veaux et 11 Vaches adultes, dont quelques-unes furent lassées, en pleine course sur la prairie, puis entravées et attachées. Pour s'emparer des autres Vaches, les chasseurs les entouraient et les gardaient à vue, puis on faisait avancer un groupe de Bisons apprivoisés qui se mêlaient à leurs sauvages congé- nères, et les entraînaient peu à peu vers un enclos où tous pénétraient. Les difficultés de ces chasses ne peuvent être appréciées que par ceux qui ont poursuivi le Bison aux derniers temps de son existence. Les cinq expéditions produisirent les résultats suivants : En 1884, on ne captura pas de Veaux. En 1885, on prit 11 Veaux, dont 5 moururent pendant le retour, 6 survécurent. En 1886, on prit 14 Veaux, dont 7 moururent, les 7 autres survécurent. En 1887, on prit 36 Veaux, dont 6 moururent, les 30 autres survécurent. En 1888, on prit il Vaches et 7 Veaux, tous ces animaux survécurent. Total : 79 captures, 57 animaux ayant survécu, 18 pertes. Le troupeau de M. Jones comprenait au 1er janvier 1889: 11 Bisons femelles adultes, 7 Bisons de trois ans, dont deux mâles et cinq femelles, 4 Taureaux de deux ans, 28 yearlings, LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN. *0o Veaux d'un an, comprenant quinze mâles et treize femelles, 1 Veaux de lait, dont trois mâles et quatre femelles. En tout, 57 animaux, dont vingt-quatre mâles et trente-trois femelles. On doit ajouter à cet inventaire, le troupeau acquis en no- vembre 1888 de M. Bedson, et composé de 83 têtes diverses, qu'on commença à expédier au Kansas, dans le courant de décembre de la même année. Les animaux du premier envoi protestèrent à leur façon contre ce changement de pâturages : 33 Bisons et demi-sang avaient été séparés du reste du troupeau, dans les herbages des Stony-Mountains, demeure de M. Betson, à 18 kilomètres de Winnipeg (Canada), et conduits à la station du chemin de fer, mais plusieurs des vieux Taureaux purent s'échapper et rejoindre leurs compagnons restés dans les prairies. En attendant l'arrivée du train qui devait les emmener, les ani- maux expédiés aux États-Unis, avaient été enfermés dans un enclos voisin du chemin de fer, mais pris d'une frénésie subite, ils se précipitèrent soudain les uns contre les autres, se bousculant furieusement. Les plus vieux projetaient les Veaux en l'air sur leurs cornes et les clouaient en terre quand ils retombaient. Pendant le trajet en wagon, 3 des demi-sang furent tués par leurs compagnons. En arrivant à Kansas-City, 13 des survivants prirent la fuite, traversèrent la ville, et ne furent capturés de nouveau que dans les pâtu- rages où on les accula à une rivière. Depuis l'acquisition de ce troupeau, les nombreuses demandes de renseignements reçues par M. Jones, font supposer que beaucoup d'éleveurs ont l'intention de le suivre dans ses expériences de croi- sement du Bison. M. Jones donnait, en 1889, les indications suivantes sur ses projets : « Mes plus vieux Taureaux ont trois ans, et je les » croiserai cette année avec une centaine de Vaches domes- » tiques , choisies parmi la race du Texas et parmi les » Galloways sans cornes, les Durhams et les Herefords, » celles-ci appartenant à une variété anglaise de la race » germanique, proche parente des excellentes laitières de la » Normandie. Je compte surtout sur de bons résultats avec » les métis Galloways. Si je puis conserver à la fois le lustre » du pelage de cette variété et la fourrure du Bison, les » robes seules rapporteront plus que l'élevage actuel du » bétail de boucherie. » 106 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Outre ces deux troupeaux, réunis aujourd'hui en un seul, il existe encore aux États-Unis quelques petits groupes de Bisons vivant en captivité. M. Charles Allard de Flathead, dans la réserve indienne du Montana, possède un troupeau de 35 Bisons pur sang, comprenant 2 Taureaux de quatorze ans, 4 vaches, 7 Veaux de 1888, 6 yearlings, Veaux d'un an, 6 Veaux de deux ans. M. Cody, alias Buffalo-Bill, possède 18 Bisons qui prennent une part importante aux exercices de sa troupe. Ces animaux ont séjourné à Londres, à Paris, en Italie, et 4 Veaux sont même nés à Londres en 1888, prouvant la productivité de cette race même dans les conditions les plus défavorables. En 1886-87, ce troupeau avait beaucoup souffert de la pé- ripneumonie à New-York. M. Charles Goodnight, de Clarendon (Texas), possède, de- puis dix ans, un troupeau de 13 tètes, dont 2 Taureaux de trois ans, 6 Vaches de tout âge, 1 Vache demi-sang et 4 Veaux. La Société zoologique de Philadelphie, dont M. Arthur Brown est président, entretient dans son jardin un troupeau de 10 Bisons, comprenant 4 Taureaux et 6 Vaches dont deux sont nées en 1877. Cette Société a vendu en 1886 pour 1,600 francs, un Taureau adulte et une Vache à M. Cody. La Compagnie des chemins de fer Atchinson-Topeka et Santa-Fé, possède, à Bismarck-Grove (Kansas), un troupeau de 10 têtes, comprenant 1 très gros Taureau de six ans, 2 jeunes Taurillons, 5 Vaches de différents âges, et 2 Gé- nisses de deux ans. Cette bande comptait en 1875, au moment de son acquisition par le colonel Staunton, 1 beau Veau mâle payé 43 francs et 2 Génisses payées 133 francs. Elle arriva à comprendre 17 membres dont un certain nombre moururent, furent vendus ou abattus. Ces dix animaux vivent dans un enclos de 12 hectares attenant au parc de la ville, et y restent toute l'année sans le moindre abri. Bien nourris de foin, ils sont en parfait état et le vieux Taureau Cleveland ne pèse pas moins de 1,360 kilogs. M. Frederik Dupree entretient à l'agence des Indiens Cheyenne, près du fort Bennett, Dakota, un troupeau de 9 Bisons pur sang, et de 7 demi-sang. Les Bisons pur sang comprennent : 2 taureaux adultes , 4 vaches adultes et 3 veaux; les métis se composent de 6 demi-sang et de 1 quart LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN. 107 de sang. Le noyau du troupeau fut constitué par 5 veaux capturés par M. Dupree, en 1882, à 160 kilomètres du fort Bennett; deux d'entre eux moururent au bout de deux mois, un autre fut tué par un Indien, en 1885. Ces animaux, très soumis, vivent ensemble, excepté le plus vieux taureau, qui préfère la société du bétail domestique. M. Dupree pense que ses demi-sang lui fourniront un excellent bétail. Le parc Lincoln à Chicago, dont M. Walker est directeur, possède un troupeau composé de Tf Bisons comprenant 1 tau- reau de huit ans, 1 de quatre ans, 2 vaches de huit ans, 2 de deux ans, 1 génisse née au printemps de 1888. Le Jardin zoologique de Cincinnati, Ohio, possède 4 Bisons comprenant 1 taureau, 1 métis adulte et 2 veaux. Le docteur Mac Gillicuddy, de Rapid City, Dakota, possède 4 Bisons dont 1 taureau et 2 vaches achetés en 1882 près des Black Hills, aux Indiens Sioux. La ménagerie du Parc Central, à Washington, dont M. le docteur Conklin est directeur, possède 4 Bisons : 1 taureau, 1 vache, 2 veaux. M. John Starin, de Glen Island, près de New-York, est également propriétaire de 4 Bisons. Le Muséum de Washington entretient 1 jeune taureau de quatre ans et 1 vache de trois ans capturés dans l'ouest du Nebraska, par M. Jackett d'Ogalalla, qui les vendit 2,100 francs à M. Blackford, de New-York. M. Winston, d'Hamlin (Minnesota), possède 2 Bisons : 1 jeune taureau acheté dans l'ouest du Dakota, au printemps de 1886, et 1 vache, payée 1,200 francs, l'année suivante, à Rosseau, Dakota. M. Buller, de Colorado (Texas), possède un jeune taureau Bison et 1 veau demi-sang. M. Joseph Huston, de Miles-City (Montana), est proprié- taire d'un taureau de neuf ans. M. Gardner, de Bellwood (Orégon), également. La Compagaie du Riverside Ranch, dans le Dakota, pos- sède 2 Bisons. M. James Hitch, à Optima, territoire indien, élève deux jeunes veaux. M. Joseph Hudson, d'Estell (Nebraska), possède un taureau de trois ans. 168 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Il existe encore, au Dakota, 4 Bisons appartenant à des propriétaires inconnus. Quant aux Bisons vivant à l'étranger, ils sont moins nom- breux encore qu'aux Etats-Unis. Le Jardin Bellevue, de Manchester (Angleterre), en pos- sède 2. Le Jardin zoologique de Londres, 1. La ville de Liverpool en a acheté 1, en 1888, à M. Gody. Le Jardin zoologique de Dresde en entretient 2. Le Jardin zoologique de Calcutta en possède 1. On peut, somme toute, résumer de la façon suivante la sta- tistique des derniers survivants des grands troupeaux de l'ouest, actuellement nourris par l'homme ou vivant encore à l'état de nature : Bisons pur-sang entretenus dans un but d'exploitation 216 Bisons pur sang entretenus comme objets d'exhibition 40 Total des Bisons pur sang vivant en captivité . . . 256 Bisons sauvages vivant sous la protection du gouverne- ment dans le parc de Yellowstone : 200. Bisons domestiques demi-sang : 40. Le Manitoba (Canada) posséderait, parait-il, un certain nombre de Bisons demi-sang, dont on ignore l'importance ; peut-être aussi quelques Bisons vivant çà et là en captivité ont-ils été omis dans cette récapitulation. (A suivre.) 409 CONTRIBUTIONS ORNITHOLOGIQUES DE LA NOUVELLE- GUINÉE OU PAPOUASIE a l'industrie de la mode Par M. J. FOREST aîné, (suite *) VI PTILONORYNCHYNÉS. Cette famille, établie par Swainson comme une des sous- familles de ses Sturnidae, forme un groupe assez naturel comme groupe géographique, car elle ne renferme que des oiseaux appartenant à la Malaisie ou à l'Australie. Brehm dit que ce genre forme la transition des Lampro- tornidés aux Loriots proprement dits tandis que ceux-ci se rapprochent plus des Paradisiers. Les Ptilonorynques ont pour caractère essentiel des na- rines entièrement recouvertes par les plumes veloutées, qui, du front, s'avancent jusqu'au milieu de la mandibule supé- rieure. Ils ont des ailes courtes et arrondies; une queue de moyenne longueur et tronquée ; des tarses assez élevés et des ongles médiocrement recourbés. On connaît six espèces. Nous décrirons celle qui est employée régulièrement dans l'industrie et forme le type de tout le groupe, le satin-Bird, qui a valu 80 francs, et ne vaut plus môme le quart au- jourd'hui. Les mœurs très curieuses et particulièrement intéressantes de cette famille, sont décrites, d'après Gould, dans Y Ency- clopédie du Dr Chenu, et dans la traduction française de Brehm. (*) Voy.. Revue, 1894, 1" semestre, p. 441 et plus haut, p. 14. <10 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. 48. PTILONORYNCHUS HOLOSERIGEUS, Kuhl, 1820. Français : L'Oiseau satiné. Anglais : The Satin Boioer Bird, the Satin Graille. Allemand : Der Atlas vogel. Hollandais : De Speehogel, Salijiwogel, Prieelvogel. Fig. Gould, Birds of Australia, IV, pi. 10. Description : Mâle adulte, le plumage d'un bleu-noir foncé, satiné, avec les rémiges, les rectrices et les couvertures supé- rieures de l'aile d'un noir mat ; l'iris est bleu clair, bordé en dedans d'un cercle étroit ronge ; le bec est bleuâtre clair, à pointe jaune ; les pattes sont rougeâtres. La femelle a le dos vert, les ailes et la queue d'un brun- jaune foncé, le ventre vert jaunâtre, avec une tache brun foncé , en forme de croissant à la pointe des plumes. Les jeunes ressemblent beaucoup aux femelles. Habitat : L'Australie orientale, les forêts de Port-Ma- quarie; le comté de Cumberland, dans la Nouvelle-Galles du Sud. 49. PTILONORYNCHUS (AILUROEDUS) GRASSIROSTRIS, G.-R. Gray. Anglais : Barbet-lïke Cat-Bird. Le Cat-Bird des Australiens, décrit par Temminck, sous le nom de Kitta virescens dans Transactions de V Académie d'Upsal, 1815 (YH,*t. 10). 50. PTILONORYNCHUS (AILUROEDUS) BUCCOIDES, Gray. Anglais : Common Cat-Bird. Fig. Temminck, Planches coloiiées, 575. De la Nouvelle-Guinée, Salawatty, Batanta, Waigiou, A été trouvé par d'Albertis, près la rivière Fly, en 1877. Bernstein l'a trouvé dans les trois îles précitées. CONTRIBUTIONS ORNITHOLOGIQUES DE LA NOUVELLE -GUINÉE. 111 51. PTILONORYNCKUS (AILUROEDUS) ARFAKIANUS, V. Rosenberg. Du N.-O. de la Nouvelle-Guinée, a été trouvé par d'Al- bertis, Beccari et Meyer, sur les monts Arfak. Décrit par Meyer dans Comptes rendus de V Académie Impériale des Sciences à Vienne, en 1874 ( LXIX, 82). D'après Sharpe [Calai., VI, 384), doit se trouver à Misole, ce que Bernstein admet également. 52. PTILONORYNGHUS (AILUROEDUS) MELANOTIS. Anglais : Black- Clieekeâ, Cat-Bird. Des îles Arou, Rosenberg le trouva à Wokam et à Mai- koor, où il se nomme, d'après son cri d'appel « Batoetoe », d'Albertis le trouva le long de la rivière Fly (Ann. Mus. Genova, XIV, p. 114). 53. PTILONORYNCHUS (AILUROEDUS) STONEI, Sharpe, 1876. Anglais : Stones Cat-Bird. A été trouvé, par Stone, dans le S.-E. de la Nouvelle- Guinée, près la rivière Lalokiou-Laroki et vers l'intérieur (Goldie river), a été décrit par Sharpe, dans Nature, du 17 août 1876, p. 339, et par Gould, dans Birds of New-Guinea ; part. XII (1881). 54. PTILONORYNGHUS (AMBLYORNIS) INORNATUS, Rosenberg {in litt.) 1870. Du nord de la Nouvelle - Guinée, a été découvert par Rosenberg, en 1870, sur les monts Arfak, plus tard par d'Albertis, Beccari et Meyer. A été décrit par Schlegel, dans son Tijds. v. Dierh (IV, 51). M 2 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. vu t CHLAMYDÈRES. Cette famille, dont on connaît quatre espèces austra- liennes, est très voisine des Ptilonorinques, dont ils se dis- tinguent par leurs narines découvertes , percées dans une large membrane dépourvue de plumes. Leurs ailes sont lon- gues et pointues, leur queue allongée et légèrement arron- die. Cette famille est caractérisée par une espèce de collerette ou fraise qui orne la nuque du mâle. Les jeunes oiseaux et la femelle sont privés de cet ornement. Ces oiseaux ont, comme les Ptilonorinques, l'habitude de construire des es- pèces de cabanes minuscules, où ils se livrent à leurs ébats et nichent dans des buissons épais, au voisinage de leur nid de plaisance. Ils se nourrissent presque exclusivement de graines et de fruits. Ces oiseaux, encore assez rares, ont peu ou pas d'emploi pour la parure, leur plumage n'a rien de particulièrement caractéristique pour justifier leur recherche spéciale en vue d'emplois industriels. Nous décrirons, d'après Brehm : 55. CHLAMYDERA MACULATA, GouLD. Français : Le Chlamydère tacheté. Anglais : The Spotted Botver Bird. Allemand : Der geflecktte Kragenvogel. Fig. 8, Gould Bird of Australia. Le Chlamydère tacheté a 29 centimètres de long ; les plumes de la partie supérieure de la tète, brunes, avec la pointe gris d'argent ; celles de la gorge, également brunes, avec un fin liseré noir; le dos, les ailes, la queue d'un brun foncé, toutes les plumes portant une tache ronde d'un jaune- brun à la pointe ; le cou, entouré d'une sorte de collerette ou de fraise, formée de plumes longues, d'un rouge fleur de Pêcher; les rémiges primaires, blanches; les rectrices, d'un jaune brun à l'extrémité; le ventre, d'un blanc grisâtre; les flancs, marqués de petites lignes en zig-zag; l'iris, brun CONTRIBUTIONS ORNITIIOLOGIQUES DE LA NOUVELLE-GUINÉE. Il" foncé ; le bec et les pattes bruns, la femelle ne diffère guère du mâle. 56. CHLAMYDERâ NUCHALIS, Gould. Français : Chlamydère à nuque ornée. Anglais : Eastem lilace-naped Bover-Bird. ■ Fig. Gould, Birds of Aust. (IV, pi. 9), décrit par Jardine et Selby (111. Orn., pi. 103). Du nord de l'Australie, dans les environs de Port-Darwin et Port-Essington, en face Timor, se répand jusque dans le N.-O. de l'Australie. Cette espèce a été décrite par Sharpe {Calai., VI, p. 392), sous le nom de Cldamydera orientalisx Ramsay, Ibis, 1865, p. 85, et anciennement par Hombron et Jacquinot dans Voyage au Pôle Sud, atlas, pi. 7, fig. 2. 57. CHLAMYDERA GUTTATA. Anglais : Large Spotted Bou-er-Bird. Fig. Gould, Supp., 1869, pi. 35. De l'intérieur du N.-O. de l'Australie. Décrit par Gould, dans Supplément (pi. 35, en 1869). Espèce très rare qui diffère peu du Ch. maculât a. 58. CHLAMYDERA CERVINIVENTRIS. Anglais : The favjn-brexsted Bower-Bird. Fig. Gould, Supp., pi. 36. ©'après Mac Gillivray, du Cap York, Australie septentrio- nale, d'après Gray, dans les îles du détroit de Torrès. A été trouvé par d'Albertis, dans le S.-E. de la Nouvelle-Guinée. VIII PIGEONS. Cette famille, aux. variétés multiples, est particulièrement favorisée par la richesse de son plumage, dans la Malaisie, 5 Août 1894. " 8 *U REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. la Papouasie et l'Australie. Les Tourterelles, les Colombes percheuses, les Pigeons terrestres rivalisent par la splendeur des coloris variés et des plumages métallisés dont ils sont revêtus. D'autres, enfin, de couleur moins marquante, sont ornés d'une huppe, égalant la valeur industrielle et complé- tant les emplois somptuaires des Hérons-aigrettes, tant re- cherchés. Nous laissons de côté les Phaps, Œdiphaps et Carpophagues et ne décrirons que les espèces les plus im- portantes, soit les Gouras et le Pigeon Nicobar. Les Phaps, Ocyphaps Treron, etc., de l'Australie et de la Papouasie n'ont d'intérêt que par leurs jolies ailes de tons neutres avec plaques de couleurs métallisées. Le plumage insignifiant du corps n'ajoute aucune valeur relative malgré la rareté de ces oiseaux. Les Carpophaga, dont quelques variétés de prix élevé se remplacent dans la plumasserie par l'Ibis falcinelle, ne sont plus particulièrement recherchés pour la mode ; toutefois, la variété blanche, C luctuosa, a un plumage blanc velouté n'existant sur aucun autre oiseau, lequel, suivant les cir- constances, aura une grande valeur d'emploi. Tous ces pigeons sont rares et n'ont qu'un débouché industriel fort limité, alors que le Goura et le Nicobar sont d'un emploi régulier et d'une grande consommation. J'ai omis d'ajouter que tous ces Pigeons sont d'un excellent manger et par- faitement susceptibles d'être domestiqués dans presque toutes nos colonies tropicales. Je suis même étonné qu'il n'ait pas encore été tenté des essais d'acclimatation, pour enrichir leur faune par ces oiseaux de rapport. L'Indo-Chine, Mada- gascar, le Congo, la Guyane me paraissent être des pays où l'élevage du Goura, du Nicobar, donnerait des bons résultats. IX GOURAS. Les Gouras sont les plus grands de tous les Pigeons-. Leur tête est ornée d'une huppe disposée en écran qu'ils redres- sent ou actionnent à volonté. C'est l'unique groupe à huppe en aigrette de toute la famille des Pigeons. Ces oiseaux ont des habitudes terrestres, ils sont lourds de corps, très gras. CONTRIBUTIONS ORNITHOLOGIQUES LE LA NOUVELLE -GUINÉE. 145 d'habitude ; leurs ailes, bien conformées, d'ailleurs, leur ser- vent pour se déplacer rapidement, ce ne sont pas des oiseaux de vol, c'est exceptionnellement qu'ils font usage de cette locomotion, leur habitat est limité par leurs facultés de vol; Le Goura Victoria. ils sont confinés dans toute la Nouvelle-Guinée et îles ad- jacentes. D'après Brehm, ces oiseaux sont fort communs dans les basses-cours aux Indes -Orientales. Wallace nous dit que dans la Nouvelle-Guinée, l'absence de carnassiers, la rareté 'i'i6 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. des oiseaux de proie et des grands reptiles ont permis à cet oiseau de se reproduire facilement. L'édition française de Brehm contient nombre de détails intéressants sur ces oi- seaux dont je ne saurais trop recommander l'introduction et l'acclimatation dans nos colonies dont le climat se rap- procherait de celui de la Nouvelle-Guinée. Les premiers emplois de Gouras, dans la mode, datent d'une quinzaine d'années. A cette époque, le Goura couronné se payait chez l'im porteur de 18 à 35 francs en peau ronde ; la production peu importante suffisait largement aux besoins industriels. Aujourd'hui, triste effet du massacre général, dans l'objectif commercial ; la surabondance a déprécié con- sidérablement les Gouras qui arrivent principalement en état spécial, soit la tète avec sa huppe d'une valeur de 7 à 15 francs, suivant l'espèce et qualité. Schlegel a donné la description d'une variété Goura minor particulier à l'île de Waigiou. 59. GOURA CORONATA, L. Français : Le Goura couronné. Al'emand : Die Kronentaube. Anglais : The Crotaned Pigeon. Ce superbe Pigeon bien connu aujourd'hui, par sa présence habituelle dans les volières des nombreux jardins zoolo- giques, a le dessus du corps d'un joli gris ardoise clair qui forme la caractéristique des trois espèces connues, dont la variation s'opère sur la huppe et la coloration de l'abdomen et encore par les secondaires en forme de miroir de l'aile. GO. GOURA VICTORIA, Fras. Français : Le Goura de Victoria. Allemand : Die Fàchertaube. Anglais : The fan-pigeon. Le caractère le plus important différentiel de l'espèce pré- cédente se trouve dans la huppe, dont les barbules termi- nales sont bordées de gris blanc et forment un petit écran ; le miroir de l'aile est gris bleu au lieu d'être blanc comme dans l'espèce précédente. Cette espèce a l'aigrette bien moins CONTRIBUTIONS ORNITHOLOGIQUES DE LA NOUVELLE-GUINÉE. 1 47 fourni que le Goura couronné, mais une variété voisine dé- nommée par les importateurs « Goura Sheepmakeri », a une huppe excessivement développée en hauteur et très fournie, ayant l'extrémité voilée de blanc comme le Victoria. Sa patrie paraît être l'île de Jobie. X 61. CÂLŒNAS NICOBARICA. Français : Le Pigeon Nicobar. Anglais : The Nicobar Pigeon. Allemand : Die Miihnentaube. Cette espèce, unique dans toute la famille des pigeons, se distingue par une espèce de camail de plumes longues effi- lées, comme celles du dos de l'Anhinga, mais d'un vert mé- tallique. Les ailes, le dos sont recouverts d'un plumage vert métallique doré bien plus riche que celui des Lophophores. La prodigieuse quantité de Nicobars fournis à l'industrie depuis quelques années a démodé le Lophophore, au point que cet oiseau, qui valait 45 à 50 francs il y a une dizaine d'années, en vaut le quart aujourd'hui. Le Nicobar, qui se vendait il y a dix ans 25 francs, est tombé â 2 fr. 50 en qualité inférieure. Ces prix sont approximatifs, les beaux exemplaires, comme l'on sait, sont fort rares et se paient toujours des prix bien supérieurs. Deux espèces sont connues : C. Nicobcwica L. et C. Gouldii, Gr., de Gilolo. (A suivre.) 118 CULTURES D'ACACIAS AUSTRALIENS EN ALGÉRIE Par M. le Dr BOURLIER, Professeur à l'Ecole de médecine d'Alger. 11 y a quelques années, dans un cas d'empoisonnement par un alcaloïde, loin d'Alger, j'ai eu recours à l'écorce d'Acacia pyaianiha. Frappé de la quantité considérable de tanin contenue dans cette plante, j'ai pensé que sa culture pouvait être tentée avec succès en Algérie. J'ensemençai donc, il y a cinq ans, avec des graines du pays, une certaine surface. Entre temps je reçus d'Australie quelques documents. Néanmoins je fis école pendant plus de trois ans, ainsi qu'en témoignent les sept hectares affectés à mes premiers débuts. Les procédés australiens doivent être modifiés en ce pays. . — La végétation rapide des plantes herbacées qui suit l'en- semencement en novembre, nécessite des soins de sarclage trop onéreux. J'ai dû procéder au moyen de pépinières me donnant de jeunes sujets pris en petites mottes à l'âge de quelques mois seulement, et mis en place en février-mars. Je ne fus bien fixé au point de vue agricultural qu'en 1891-1892. — Il en est de cette culture comme de toutes les autres ; en raison de la vie presque aérienne des racines, il faut travailler, aérer le sol, et cela souvent durant l'été. Pas d'irrigations. — Je vais cependant en essayer cette année, mais seulement sur de très jeunes sujets, ceux de l'année. En mars 1892, je me décidai à planter six hectares sur dé- foncement à 0,60 et deux hectares sur non défoncement, mais après de multiples labours. — Eh bien, il n'y a pas grande différence entre les plantes poussant sur l'une ou sur l'autre partie. CULTURES D'ACACIAS AUSTRALIENS EN ALGÉRIE. 119 Le passage fréquent en été, de houes à travers les lignes, vaut mieux qu'une irrigation à la deuxième ou troisième année. Les graines employées pour cet essai proviennent d'Aus- tralie. J'ai eu mille peines à me les procurer au pays d'ori- gine et dans les divers centres de culture du Waltle. J'ai été contraint, à mon grand regret, de m'adresser à des consuls des Etats-Unis, ou même d'Allemagne ! lesquels m'ont fait parvenir directement, ou par l'intermédiaire de colons ou de marchands de graines, ce que je désirais obtenir des diverses régions de la côte Sud Australienne, afin de pouvoir réunir chez moi toutes les variétés cultivées. Je n'ai eu qu'à me féliciter de ma persévérance : je pos- sède, sur huit hectares, douze ou quinze variétés à! Acacia pycnantha hybrides et même des espèces très intéressantes, différant beaucoup entre elles comme rapidité de végétation, port de l'arbre, rectitude du* bois, épaisseur de l'écorce, forme des feuilles, etc., etc. Ces variétés ont aujourd'hui vingt-quatre mois et malgré cela il y a beaucoup à hésiter pour les spécifier par un nom. Hybrides à part, il y a des pycnanlha, petiolaris, macradenia, etc. Mes graines proviennent des districts situés autour de Perth, Albany, Adélaïde et Melbourne. Alors que dans le pays d'origine ces espèces ne fleurissent jamais avant la troisième année, elles étaient chez moi en fleurs au vingt-troisième mois, et fin juin elles vont me donner de bonnes graines pour mes prochains ensemen- cements. — Quelques arbres mesurent aujourd'hui (vingt- quatre mois) plus de cinq mètres. Ces plantations m'ont permis de constituer en ce laps de temps une petite forêt. Fin juin je pourrai, après examen comparatif portant sur la richesse en tanin, l'épaisseur d'écorce, la rectitude du tronc, la blancheur de la gomme, etc., adopter définitive- ment la, ou les deux ou trois variétés, qui me promettront le plus. En ce moment, malgré la taille de ces plantes, les premières feuilles juvéniles de transformation situées presqu'au niveau du sol comportent encore quelques pinnules qui persistent et le tronc, suivant les variétés, reproduit les couleurs 420 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. d'écorce les plus variées : gris, glauque, bleu-vert, vert- jaune, rouge, saumon, chocolat. Certaines écorces fort épaisses sont comme gondolées. Bois. — Le bois, employé à de nombreux usages en Aus- tralie, ne semble perdre ici aucune de ses qualités. Déjà des roues de voiture faites de toutes pièces avec le Pycnantha circulent en ville. Les charrons ou carrossiers prévoient un seul défaut à leur point de vue personnel : une trop longue durée ! Presque toute la tonnellerie de la Nouvelle-Galles du Sud est faite avec le Pycnantha. Comme bois de chauffage, ou transformé en charbon, je ne lui connais pas de rival. Les ateliers du P.-L.-M. Algérien, après essais, estiment ce bois à 80 fr. le stère en grumes de 12 à 15 centimètres de diamètre. Ecorce. — L'écorce donnera en sept années (très proba- blement même en six), récoltées par tiers, en abattant les cinquième, sixième et septième années, ou les quatrième, cinquième et sixième années et remplaçant aussitôt, 20 tonnes à l'hectare valant 30 fr. à Anvers, ou 30 fr. à quai à Alger, soit 8,000 fr. ou 7,000 fr. sans compter le bois et la gomme. Les frais de culture sont relativement peu considérables. Inutile de dire que j'ai adressé vainement à beaucoup de tanneurs de France des échantillons d'écorce. La réponse a été partout la même : un refus déguisé sous des formules différentes. — Pas un tanneur français qui m'ait demandé une quantité d'écorce pouvant permettre un essai sérieux. Par contre, pas un tanneur à l'étranger qui ne m'ait ré- pondu, courrier par courrier, en m'envoyant son prix-cou- rant, en tête duquel se trouve toujours l'écorce de Mimosa et en me demandant de lui réserver tout ce que j'avais de dis- ponible. Pas de semaine qu'il ne passe devant Alger plusieurs va- peurs anglais bondés de cette écorce destinée surtout à An- vers, Hambourg ou Glascow et Liverpool et où depuis trente-deux ans elle est la base du tannage. Mon écorce titre de 30 à 40 % de tanin, supérieur d'un cinquième en pouvoir tannant à l'acide querci-tannique. CULTURES D'ACACIAS AUSTRALIENS EN ALGÉRIE. 124 Cette richesse, ce pouvoir supérieur, permet en certains cas d'abréger la durée si longue du tannage. — Le fret, d'au- tre part, se trouve moins élevé puisqu'il faut une quantité moindre, et c'est ainsi que l'étranger arrive à fournir des cuirs à bien meilleur marché que les nôtres, ce à quoi le Français se contente de riposter, malheureusement comme en beaucoup d'autres cas, par l'établissement de droits pro- tecteurs. En ce moment, je possède 24 à 25 hectares plantés d'Aca- cias, dont l'un, le decnrrens, variété plus délicate que le pycnaniha : 7 hectares plantés au début ) 8 en 1892. Ensemble 24-25 hectares. 9-10 en 1893 et 1894. ] Cette année mon choix sera arrêté, je marcherai avec plus d'assurance ; aussi je compte planter à nouveau l'hiver pro- chain de 12 à 15 hectares. En somme, j'ai déjà réussi à constituer en deux ans une petite forêt composée d'arbres dont les divers produits sont susceptibles de nombreuses applications. Je crains d'être obligé de commencer à exploiter en juin 1895 , c'est-à-dire au trente-neuvième mois , les intervalles entre les arbres me paraissant insuffisants d'un bon tiers. Gomme. — La production de la Gomme est encore un des côtés intéressants de la culture de mes Acacias. Je suis arrivé à cette conclusion assez inattendue, que la Gomme arabique est une production physiologique et non pathologique. C'est un fait selon moi indiscutable, et que prouve jusqu'à l'évidence la simple section transversale du tronc d'un arbre sain et vivant de n'importe quel âge. Au niveau des couches génératrices, on voit en quelques instants la Gomme s'accu- muler et se dessécher. Dès lors, je suis maître de la sécrétion que je maintiens à ma volonté dans la saison propice. Je puis considérer mon arbre comme une vache laitière, et le pousser à la produc- tion en lui fournissant, par un engrais approprié, une ali- mentation plus abondante. La saison sèche est évidemment la plus favorable à la ré- 122 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. coite de la Gomme, elle dure de juillet à fin octobre. J'ai pu en vingt-deux jours faire produire à un arbre de cinq ans plus de 1,200 grammes d'une belle Gomme cotée 3 francs. Cette superproduction a certainement besoin d'être régle- mentée et l'arbre exige du repos; néanmoins, il y aurait peut-être avantage à ne s'attacher qu'à la production de la Gomme, mais c'est une question qui mérite un examen ap- profondi. Insectes. — Un parasite, lépidoptère voisin du Bombyx Liparis dispar, a préféré mes Acacias aux Chênes des forêts du voisinage, sur lesquels il vivait d'habitude. Il a trouvé sans doute chez moi une nourriture équivalente comme goût, mais toujours tendre et aqueuse en raison de la permanence de la sève. J'ai pensé à essayer en plein air, sur mes arbres, des vers à soie. Dans quelques jours, je vais y placer des graines de Yama-Maï et de Pernyi que je viens de recevoir de Lyon. J'aurais voulu avoir des graines de quelques races japonaises, mais, à mon grand regret, je n'ai pu m'en procurer. J'ai tenté aussi cette année la culture de la Truffe en se- mant sur les racines de mes arbres des spores traités dans un milieu digestif artificiel et en répandant des larves de mouches récoltées sur des Truffes trop mûres. Le chlorhydrate d'am- moniaque m'a servi d'engrais. Apiculture. — L'apiculture pourrait retirer grand profit de la plantation des Acacias, car les fleurs qu'ils produisent à profusion sont envahies, quinze jours avant leur complet épanouissement, par des légions d'abeilles. Eucalyptus. — Mes plantations méthodiques par hectare de 200 mètres sur 50, encadrées de rideaux brise -vents, for- més par des arbres plus élevés et plantés en bordure à de- meure, contiennent cent soixante-six variétés d'Eucalyptus pouvant se condenser en plus de cent espèces et en hybrides d'avenir. Il y a encore là un champ d'études très intéressant au point de vue de l'adaptation des espèces aux milieux qui leur conviennent. Les déceptions sans nombre éprouvées jusqu'ici et les découragements insurmontables qui en ont été la con- CULïURES D'ACACIAS AUSTRALIENS EN ALGÉRIE. î*23 séquence proviennent de ce qu'on a jusqu'à présent planté au hasard. J'aurais encore beaucoup de choses à ajouter au sujet de mes arbres et de quelques espèces d'Acacias dont je ne vous ai pas parlé, mais que je collectionne parce qu'ils pourront, je crois, rendre également de grands services. Je suis certain que ces cultures concourront bientôt pour une large part à la richesse de la colonie. Malgré de nombreuses sollicitations, je ne veux rien pu- blier in extenso, ni exposer, avant qu'une première récolte ne me permette de produire des chiffres authentiques. Les questions que je ne fais qu'effleurer ici feront sans doute l'objet de mémoires que j'espère rendre intéressants. Je par- lerai aussi de la richesse en azote des feuilles des Acacias et de leurs racines (blocs énormes de renflements) et de l'utili- sation de cet azote en agriculture. Je compte, pour ma part, tirer cette année de l'élagage de mes arbres plus de 2,000 ki- los d'azote que j'utiliserai comme engrais. Je termine en me tenant à votre disposition pour tous les renseignements que vous pourriez désirer dès à présent, et pour les envois des échantillons que vous jugeriez utiles (1). (1) Ces plantations m'ont valu à l'Exposition agricole de cette année, tenue à Alger, pour l'Algérie et la Tunisie, la première prime de reboisement. — J'avais refusé toute exhibition de mes produits. • 124 RAPPORT DE LA. COMMISSION DE COMPTABILITÉ SUR L'EXERCICE 1893 PAR M. Georges MATHIAS, Trésorier. Messieurs, Au nom de votre Commission des finances j'ai l'honneur de vous rendre compte des recettes et des dépenses de notre Société pendant l'exercice 1893 et de vous exposer la situation financière au 31 dé- cembre dernier. Les recettes ordinaires qui avaient e'té en 1892 de 50,908 fr. 70 ont été en 1893 de 44,103 fr. 40. Les de'penses ordinaires qui s'étaient e'ieve'es en 1892 à Gl,253 fr. 10 n'ont atteint en 1893 que le chiffre de 50,612 fr. 90, néanmoins nous avons eu, pour 1893, un exce'dant de dépenses de 6,509 fr. 45, excé- dant bien inférieur à celui de 1891 et à celui de 1892. Par contre, les recettes extraordinaires ont produit un excédant de 8,516 fr. 70. Nous n'avons pas eu de dépenses extraordinaires pour 1893. RECETTES ORDINAIRES. Colisatiêiis annuelles. — Le chiffre de 25,350 fr. indique le produit net des cotisations après déduction de celles des membres démission- naires, décédés et supprimés. Votre Commission des finances a décidé qu'à l'avenir, le chiffre porté au tableau de notre compte d'exploita- tion, serait le produit net des cotisations encaissées. Droits d'entrée. — En 1892, la somme des droits d'entrée a été de 440 fr., en 1893 de 470 fr., soit 3 entrées de plus qu'en 1892. Section et Exposition d 'Aviculture. — Comme vous le savez, Messieurs, malgré tous nos efforts, les Expositions d'Aviculture n'ont pas donné les résultats que nous espérions, et votre Conseil d'administration a dû RAPPORT SUR LA SITUATION FINANCIÈRE DE LA SOCIÉTÉ. 1 25 les supprimer pour l'année 1894, en présence des de'penses que ces deux chapitres occasionnaient à notre Société depuis trois ans. 1891. 1892. 1893. Dépenses : — — — Section et Exposition d'Aviculture. 11.646 55 13.054 » 9.538 60 Recettes : Section et Exposition d'Aviculture. 3 381 95 5.387 55 5.282 60 Excédant de dépenses 8.264 60 7.666 45 4.256 » Le total des exce'dants de de'penses de ces trois anne'es a e'té de 20,187 fr. 05. Revenus des valeurs de la Société. — En 1892, ils étaient de 2,547 fr. 65 c, en 1893 de 2,364 fr. 60, le'gère différence en moins. La subvention du ministère de l'Agriculture a été maintemie à 1,500 fr. Les annonces et abonnements au Bulletin qui se sont élevés à 3,642 fr. 90 c. en 1892 sont en diminution de 300 fr. environ en 1893 (3,324 fr. 45 c). La location Barbier se continue à 3,000 fr. La location de la salle a produit : Société centrale des Vétérinaires, 1,000 fr.; à divers, en 1892, 1,670 fr., en 1893, 1,725 fr., en le'gère augmentation. Tirages à part. — En 1892, 45 fr. 40, en 1893, 86 fr. 75. RECETTES EXTRAORDINAIRES. La Société a reçu en 1893 une subvention de 1,000 fr. du Ministre des Travaux publics, subvention qui n'avait pas été' allouée en 1892. Les cotisations définitives se sont élevées en 1892 à 3,600 fr. et à 750 fr. seulement en 1893. Différence entre le prix d'achat et celui de vente d'obligations. En 1892, 998 fr. 95; en 1893, 6,766 fr. 70. Ce chiffre provient en 1892, de la différence de l'achat et du remboursement de certaines valeurs sorties, et en 1893, de certaines valeurs qui ont été aliénées et dont je vais avoir à vous entretenir un peu plus loin. 426 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. COMPTE D'EXPLOITATI Recettes ordinaires. Cotisations annuelles Droits d'entrée Section d'Av.iculture Expositions d'Aviculture Revenus des valeurs de la Société Subvention du Ministère de l'Agriculture Bulletin (abonnements, vente, etc.) Barbier Location 1 de la salle < à la Société des vétérinaires. des séances f , ,. \ a divers Ventes diverses Tirages à part Excédent de dépenses pour 1893. Recettes extraordinaires. Subvention pour travaux de pisciculture Cotisations définitives Manuel de l'Acclimateur Naudin Différence en notre faveur entre le prix d'achat et celui de vente des obligations Affaire Brenier de Montmorand 1893. 31.650 » 440 . 588 » 4.799 oo 2.547 85 1.500 > 3.642 90 3.000 . 1.000 » 1.670 . 25 • 45 40 50.90S 70 3.600 » 9 i 998 97 79 30 4.6S7 87 1893. 25.350 » 470 . 348 . 4.934 60 2.364 60 1.500 . 3.324 45 3.000 » 1.000 » 1.725 . > > 86 75 44.103 40 6.509 48 50.612 88 1.000 » 750 » » > 6.766 70 > > 8.516 70 I RAPPORT SUR LA SITUATION FINANCIÈRE DE LA SOCIÉTÉ. 427 31 DÉCEMBRE 1893. Dépenses ordinaires. Bulletin Section d'Aviculture Exposition d'Aviculture Chauffage et éclairage Cotisations et droits perdu? Frais généraux Frais de bureau Impressions diverses Frais de correspondance Frais de recouvrement Impositions Loyer Personnel Sténographie Redevance au Jardin sur les cotisations encaissées Cheptels (pertes) Assurance^ Eaux Dépenses extraordinaires. Traite Marchand. Excédent de recettes pour 1893. 1892. 21. 2. 10, 1, 1, 728 65 565 84 488 18 894 65 .875 » .509 30 83 55 > » 755 30 347 75 .301 55 .000 » .647 40 550 » .995 » 295 » 95 45 120 50 61.253 12 1.250 1893. 16.948 36 1.165 43 8.373 15 700 05 I » 1.838 73 32 95 748 76 693 • 561 70 1.315 80 9.000 . 8.014 80 550 » I I 400 65 95 05 174 45 50.612 88 1.250 8.516 70 8.516 70 4 23 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. BILAN A ACTIF. Valeurs disponibles. Caisse Banque de France Obligations Titre de rente Dutrône Cotisations, droits d'entrée, etc., à recouvrer Crédit Lyonnais Valeurs réalisables. Bibliothèque Mobilier Valeur des animaux chez les chep- teliers Loyer d'avance Compagnie parisienne du gaz (cau- tionnement) Divers. Actions du Jardin d'Acclimatation de Paris Leprs Vauvert de Méan 1893. 1.422 73 106 50 52.501 40 2.700 • 27.259 65 2.144 55 7.061 95 15.766 35 6.767 45 4.000 . 280 • S6.134 83 33.873 75 25.000 » / \ 40.000 15.000 t 1C0. 010 58 1803. 2.074 95 106 50 39.098 95 2.700 » > > 8.574 70 7.108 75 15.766 35 7.820 . 4.000 • 280 . 25.CO0 15.000 52.555 10 34.975 10 I 40.000 127.530 20 RAPPORT SUR LA SITUATION FINANCIÈRE DE LA SOCIÉTÉ. DÉCEMBRE 1893. 129 PASSIF. Divers à payer Jardin d'Acclimatation de Paris Don Bérard Prix fondé par M. Cornély, de Tours . Prix fondé par M. Mathias, Georges... Prix fondé par Mme Guérineau Prix fondé par M, Agron de Germigny Prix fondé par Mme veuve Dutrône. . .. Prix fondé par M. Jules Fallou Receltes faites pour Texercice Excédent de l'actif. 1898. 15.262 47 17 .114 15 17.868 40 1 l 1.000 1 1 .000 » 1.000 1 1 .000 » 500 » 500 . 500 » 500 . 300 » 300 . 1C0 » 100 . 100 a 100 . 1353. 3.574 40 '94. 4 .950 • 40.205 27 119.805 31 160.010 58 1893. 101.966 0;. 127.530 20 5 Août 1894. 130 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. DÉPENSES ORDINAIRES. Revue des sciences naturelles. — Les frais de notre Revue qui s'étaient élevés en 1891 à 33,730 fr., en 1892 à 21,728 fr. 55, n'ont été que de 16,948 fr. 35 en 1893. La Revue a donc coûté à notre Société dans ces trois dernières anne'es la somme de 72,407 fr. Comme je vous le di- sais l'année dernière, votre Conseil d'administration effrayé de cette forte dépense a pris de nouvelles mesures qui rendront moindres les frais de la Revue pour l'année 1894, sans toutefois diminuer l'intérêt de cette publication. Section et Exposition d'Aviculture. — J'ai eu déjà à ni'expliquer de ces dépenses en vous parlant des recettes. Chauffage et éclairage ont coûté en 1892, 894 fr. 65 ; en 1893, 700 fr. 05 c, en diminution de 200 fr. environ. Cotisations et droits perdus étaient en 1892 de 1,875 fr. Cette perte ajoutée aux cotisations et droits perdus des années précédentes était arrivée à faire une somme élevée que votre Conseil d'administration a décidé de faire disparaître de l'actif en la portant à profits et pertes. A l'avenir tous les recouvrements seront faits avant la fin de l'année. Le chiffre des cotisations annuelles porté tous les ans au tableau de notre compte d'exploitation sera le produit net des cotisations en- caissées comme je vous l'ai dit plus haut. Frais généraux se sont élevés à 1,509 fr. 30 en 1892, et à 1,838 fr. 70 c en 1893. Les frais généraux comprennent les dépenses qui ne sont pas portées à un article spécial. Les timbres de quittances, les frais de timbre de nos cartes d'entrée au Jardin, les jetons de pré- sence, les frais d'achat d'oeufs de poissons, de graines, de cocons, etc., "etc. Les frais de bureau sont toujours de moins en moins élevés, en 1892, 83 fr. 55 ; en 1893, 32 fr. 95. Les impressions diverses (bandes, lettres de convocation, diplômes, circulaires, etc.) ont coûté 748 fr. 75. Les frais de correspondance ont été moins élevés en 1893 qu'en 1892. Les frais de recouvrement s'élevant à 561 fr. 70 ont dépassé de 200 fr. ceux de 1892. Les impositions sont restées les mêmes. Le loyer est de 9,000 fr. Personnel. — Le chiffre de cette année a été un peu plus élevé qu'en 1892 par suite d'une augmentation accordée par le Conseil à un des employés de notre administration. Sténographie. — 550 fr. en 1893 comme en 1892. Redevance au Jardin sur cotisations encaissées. — Cette redevance a été soldée en 1894, et par ce fait n'a pu être portée dans les dépenses de 1893. RAPPORT SUR LA SITUATION FINANCIÈRE DE LA SOCIÉTÉ. M\ Les cheptels confiés aux membres de la Socie'te' sont l'occasion d'une perte de 400 fr. 65 pour 1893. Cette perte n'avait été' que de 295 fr. en 1892. Les assurances en 1893 comme en 1892 ont été' de 95 fr. 05. Les eaux ont été d'une dépense de 120 fr. 50 en 1892, et de 174 fr. 45 c. en 1893. DÉPENSES EXTRAORDINAIRES. Nous n'avons eu aucune dépense extraordinaire en 1893. SITUATION AU 31 DÉCEMBRE 1893. Actif. L'encaisse est de 2,074 fr. 95, l'argent déposé à la Banque de France 106 fr. 50, au Crédit Lyonnais 8,574 fr. 70, soit un total de 10,756 fr. 15 c. Les valeurs mobilières qui ne sont, comme vous le savez, que des va- leurs de premier ordre figurent au bilan, toujours suivant le prix d'acbat, pour 39,098 fr. 95 en 1893, au lieu de 52,501 fr. 40 en 1892. Cette différence provient de l'aliénation de certaines valeurs dont j'aurai à vous parler plus loin. Les anciennes cotisations et droits d'entrée à recouvrer qui figuraient en 1892 pour la somme élevée de 27,259 fr. 65 ayant été reconnues irrécouvrables, notre Commission des finances, comme j'aurai à vous l'expliquer tout à l'heure, a décidé de ne plus les faire figurer à l'actif de la Société. La bibliothèque est estimée 7,108 fr. 75. Le mobilier figure à l'actif pour 15,766 fr. 35. Les cheptels confiés à divers membres de la Société s'élèvent à la somme de 7,820 fr. Le loyer d'avance est porté à 4,000 fr. Le cautionnement à la Compagnie du Gaz est de 280 fr. Les actions du Jardin d'Acclimatation figurent pour 25,000 fr. Le legs Vauvert de Méan pour la somme de 15,000 fr. Passif. Le passif de notre Société comprend : 1° des comptes et des fac- tures à divers pour une somme de 17,114 fr., comme vous le voyez une somme de 17,868 fr. 40 due au Jardin d'Acclimatation a été rem- boursée en 1893; 2° 1,000 fr. offerts par feu M. Bérend pour être donnés en prix ; 3° 2,500 fr. abandonnés à la Société par plusieurs de nos collègues pour la fondation de divers prix. 132 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. Enfin, les recettes faites pour l'exercice 1894 s'élevant à la somme de 4,950 fr. Comme je vous le disais l'année dernière, par suite des lourdes charges que nous avions eu à supporter en 1891 et 1892, et par con- séquent des dépenses s'e'levant au-dessus de nos recettes, il nous restait au 31 décembre 1892 des dettes importantes à payer, tant au Jardin qu'à divers, nous devions 33,000 fr. Nous avons dû. cette année pour faire cesser cet état de choses aliéner certaines valeurs de la Société, votre Commission des finances a e'té d'avis qu'il était préfé- rable de faire ce sacrifice et de solder une partie de ce passif. De même, votre Commission des finances a cru qu'il était indis- pensable de faire disparaître de l'actif de la Société une somme de 27,259 fr. 65 portée au chapitre cotisations à recouvrer, droits d'entre'e perdus qui depuis plus de dix années augmentaient naturellement tous les ans. Votre Commission n'a pris cette décision qu'après avoir e'té bien certaine que ces cotisations étaient irrécouvrables. Voilà, Messieurs, pourquoi l'actif de la Socie'te' a diminué, mais d'un autre côté vous remarquerez que le Passif, qui était de 40,205 fr. 25 c au 31 de'ccmbre 1892, n'était plus que de 25,564 fr. 15 au 31 de'- cembre 1893, ce qui nous a permis d'avoir un excédent d'actif de 101,966 fr. 05. La situation de la Socie'te' n'est donc pas mauvaise. Qu'il nous soit permis néanmoins de faire appel encore une fois à votre dévouement pour notre Société et de vous demander de coopérer tous au recru- tement de nouveaux membres. Nos cotisations annuelles sont nos seules ressources ; donc plus elles seront nombreuses, plus la Société sera prospère. M. le Dr Saint-Yves Ménard disait à cette place en 1884 : « Quel résultat n'obliendrions-nous pas, si des ressources matérielles plus importantes encore venaient seconder les efforts que nous faisons en commun ! N'oublions pas, Messieurs, que tout membre nouveau nous apportera à ce point de vue un précieux concours. » Eh bien, Messieurs, ce que notre excellent confrère nous disait il y a dix ans, nous vous le re'pétons aujourd'hui, persuadé que ce n'est pas en vain que nous faisons appel à votre dévouement. Bref, pour l'avenir et la prospe'rite' de la Socie'te' deux choses sont indispensables : 1° les économies ; 2° les adhésions nouvelles. Les économies, nous vous promettons de les faire. Les adhésions nou- velles, nous vous les demandons. 133 II. CHRONIQUE DES COLONIES ET DES PAYS D'OUTRE-MER. Les Gommes du Sénégal. Le nom de Gomme, souvent donné à tort à certains sucs résineux, doit être réservé à un produit visqueux se; solidifiant assez rapide- ment au cuntact de l'air, exsudé naturellement par divers végétaux, notamment par plusieurs espèces du genre Acacia. C'est une substance neutre, incristallisable, soluble dans l'eau, insoluble dans l'alcool. On distingue généralement dans le commerce quatre sortes de Gommes : lu Gomme arabique vraie, la Gomme du Sénégal, la Gomme adragante et la Gomme indigène, mais nous nous occuperons seulement ici des Gommes fournies par les Acacia. La production de ces Gommes est entièrement soumise aux varia- tions de la température dans la parLie du désert du Sahara qui avoi- sine le Sénégal. Les commerçants indigènes appelés traitants se trans- portent sur les divers poiuts du fleuve où les Maures apportent la Gomme et là, s'opèrent les échanges directs de ce produit contre les marchandises d'Europe que demandent ordinairement les Maures , telles que les toiles bleues de l'Inde, les calicots, l'ambre, le corail, le sucre, le tabac et quelques objets de moindre importance. La Gomme est achetée aussi dans le Haut-Sénégal, à Bakel et à Médine. Comme nous l'avons dit plus haut, les quantités de Gommes ramas- sées varient beaucoup suivant les années : il y a quelquefois de trois à quatre mille tonneaux et d'autres années seulement la moitié ou le tiers de ces chiffres, d'où les variations de prix importantes. Avant l'apparition du madhi dans la haute Egypte, il descendait du haut Nil une assez grande quantité de Gomme dite arabique, produite par une variété de l'Acacia Arabica {Nilotica^, qui faisait concurrence à la Gomme du Sénégal. Ce dernier produit valait seulement 120 à 150 fr. les 100 kilogrammes en Europe ; mais, depuis la disparition de la Gomme de la haute Egypte, les prix de la Gomme du Sénégal se sont élevés à 250 et 300 francs le^ 100 kilogrammes. Les principaux centres de production de la Gomme du Sénégal sont : sur la rive droite du fleuve de ce nom, les pays des Braknas et des Trarzas, sur la rive gauche, le pays de Galam, le Bondou, le Bambouk, le Yoloff et le Oualo. Le Cayor en exportait aussi quelques chargements, mais il a cessé ses envois. Les forêts qui fournissent la plus grande partie des Gommes du Sé- négal sont, d'après J. B. Roussel : la forêt de Sahel, la forêt d'El- Ebiar et celle d'El-Fatah. La forêt de Sahel est la moins étendue ; elle est surtout composée de Gommiers blancs {Acacia Verek) fournissant la Gomme blanche la 134 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. plus estimée. Cette Gomme se présente en larmes vermiculées ovoïdes ou sphe'roïdes, ride'es extérieurement, transparentes et vitreuses à l'intérieur. Ce produit s'achète aujourd'hui à Podor et à Dagana, autour des deux ports construits vers 1855 sous le gouvernement du ge'néral Faidherbe. La forêt d'El-Ebiar, qui avoisine la côte sablonneuse qui borde l'O- ce'an, est composée en grande partie de Neb-neb {Acacia Arabica var. tomeniosa) ; c'est aussi la plus grande. Elle est le centre d'une exploi- tation très régulière de la part de la tribu des Auled-el-Agi. La forêt d'El-Fatah commence au bord du lac Caëv et s'étend con- sidérablement dans l'est; elle renferme principalement des go naMés [Acacia Adansonii) dont la Gomme est recueillie par la tribu des Ebragena ; les Maures viennent porter le produit de leur récolle à l'escale de Donaï. De son côté, M. le vice-amiral Flcu;iot de Langle dit, dans le Tour du Monde (1er septembre 1872), que les forêts de Gommiers se trouvent dans le Sahel (littoral), situé à 20 lieues à l'est de Portendik, et à Du- bar, qui est à 25 lieues du cap Mirick ; une troisième forêt, El Fatah, ainsi que le Tagant, fournissent encore une grande quantité de Gomme. Ces forêts sont surtout exploitées par les Douaichs. La récolte et le trafic des Gommes au Sénégal sont trop connus pour que nous insistons sur ce sujet. Avant d'être expédiées en France, les Gommes sont l'objet d'un premier classement par quali- tés. Dans le commerce, les Gommes sont désignées suivant leur pro- venance ou le lieu de traite d'où elles ont été apportées en Gomme de Galam ou du Haut du fleuve et en Gomme de Podor ou du Bas du fleuve. La première vient de Galam, Médine et Bakel ; la seconde de Po- dor, de Dagana, du pays des Maures Braknas et Trarzas et du désert de Bounoum. La Gomme dure de Galam est reconnaissable à sa couleur blanche ; sa saveur est douce et accompagnée d'une légère acidité qui ne se laisse soupçonner que par les personnes qui en font un usage habituel. La plus grande partie des récoltes est expédiée dans notre port de Bordeaux où elle arrive en sacs de 80 à 90 kilog. Après le décharge- ment et le transport en magasin, on procède immédiatement au triage. Le triage des Gommes du Sénégal est une industrie toute borde- laise, créée en 1832 par M. Adrien Doris père ; ce travail est presque exclusivement réservé à des femmes. Aujourd'hui, plusieurs maisons établies à l'instar de celle de M. Doris se sont fondées pour exploiter ce produit : MM. Calvé frères, Maurel et II. Prom, Buhan père et fils et A. Teisseire, etc., et livrer à l'industrie les qualités appropriées à ses besoins. Ces qualités sout désignées commercialement sous les dénomina- tions suivantes : CHRONIQUE DES COLONIES ET DES PAYS D'OUTRE -MER. 435 1° Gommes grosse et petite blanche, recherchées en pharmacie pour la préparation des sirops, des pâtes, etc., dans la confiserie, la distil- lerie, pour l'apprêt des dentelles et de la lingerie fine. 2° Gommes grosse et petite blonde, employées aux mêmes usages et en outre pour les impressions sur tissus, la préparation de la colle en tablette et pour étiquettes, enveloppes, allumettes ; on s'en sert éga- lement pour la fabrication des couleurs pour l'aquarelle ; 3° Gommes boules naturelles, pour droguerie, pharmacie et apprêt des soieries de Lyon ; 4° Gommes fabrique, utilisée principalement dans l'industrie pour l'apprêt des étoffes de coton impression sur tissus communs, fabrica- tion de l'encre et du cirage, etc. ; 5° Gomme grabeaux et poussière, servant à peu près aux mêmes usages que la pre'cédeute. La Gomme du Sénégal, qui est la plus répandue dans le commerce, est employée en médecine et en pharmacie au même titre que là Gomme arabique vraie ou thurique, fournie par Y Acacia Arabica va- riété Nilotica. La Gomme arabique vraie se présente sous forme de petites larmes blanches ou rousseâtres, transparentes, qui se fendillent en tous sens au contact de l'air et paraissent opaques lorsqu'on les voit en masse. Cette Gomme est très friable, très soluble dans l'eau, d'une saveur douceâtre mais presque nulle. Dissoute dans l'eau froide, la Gomme forme un mucilage plus ou moins épais, selon sa provenance, d'une saveur fade et d'une réaction nettement acide ; sa solubilité entière dans un volume d'eau égal à son poids constitue son caractère dislinctif. Sa solution traitée par les acides dilués précipite, au moyen de l'alcool, un principe particu- lier composant la partie la plus importante de la Gomme, auquel on donne le nom d'Arabine, Acide arabique ou guramique. Chauffée avec l'acide azotique, elle produit Y Acide mucique et, avec l'acide sulfurique, une matière saccharine particulière. A dose égale, la Gomme du Sénégal donne par dissolution un mucilage plus épais, enveloppe et divise mieux les corps gras que la Gomme arabique. Elle est composée des mêmes éléments chi- miques, mais en proportions un peu différentes : YArabine y entre pour 81,10 p. r/o. J. G. 136 III. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. Le marché des pelleteries à Leipzig. — Leipzig reste le principal centre commercial allemand pour les peaux et les fourrures qui sont de trois provenances : allemande, russe et américaine. En 1893, le transit a été surtout accentué pendant les trois premiers mois et vers Pâques, époque à laquelle a lieu la foire la plus impor- tante de l'année pour le commerce des pelleteries. D'Allemagne, on a vu affluer les dépouilles de Loutres, de Putois, de Martres, de Chats noirs et de Blaireaux qu'on a bien vendues. Par contre, les peaux de Renards et de Chats gris ont été' moins recher- chées. De Russie, on a reçu les peaux de Moutons d'Astrakan et de la Cri- mée, celles de Martres Zibelines et de Blaireaux ; les peaux de Mou- tons persans ont atteint des prix très élevés tandis que les Renards bleus et les Écureuils de Sibérie ou Petit gris des fourreurs, ont trouve' relativement peu d'acheteurs. Entre les provenances d'Amérique, les peaux de Skunds (1) ont été particulièrement favorisées par la mode ; puis viennent les Martres canadiennes, les Renards argentés (R. bleus), les Loutres marines et les Opossums aussi très recherchés. Les dépouilles de Ratons, de Vi- sons, de Renards rouges (2) et de Loutres de Virginie ont été peu de- mande'es. L'importation de fourrures étrangères en Allemagne, en 1893, nous dit ce rapport, a dépassé celle de 1892 de 80.420 kilogs. (environ 50 pour cent) tandis que l'exportation (surtout pour la Russie) a diminué de 4.450 kilogs soit environ 3 1/2 pour cent. La valeur totale de l'im- portation atteint près de 30 millions de marcs. De S. Saumons du Rhin. — La pêche du Saumon a été particuliè- rement abondante dans la partie du fleuve qui arrose le canton de Zu- rich. Du 11 novembre au 24 de'cembre 1893, l'on a capturé à Dachsen 569 Saumons dont 278 mâles et 291 femelles d'un poids total de 4 658 kilogs. Dans la même saison d'hiver, on a péché à Eglisau 123 Sau- mons, 73 mâles et 53 femelles pesant ensemble 908 kilogs. Environ quatre millions d'œufs obtenus de ces Poissons furent fécondés, puis répartis entre plusieurs établissements. La Revue (3) a signalé le résultat de l'année précédente. De B. (1) Nom que les Américaias donnent aux Moufettes et aux Putois du Nord. (2) Se rencontre dans les deux Carolines, la Floride et l'Alabama. (3) 1893, II, 91. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 137 La pisciculture en Italie en 1893-1894 (1). — Voici la re- partition des Alevins lâchés par les soins du Ministère de l'Agriculture, de l'Industrie et du Commerce : I. Italie septentrionale. RÉGION. ESPÈCE. NOMBRE d'alevins. Lac de Garde Truite de lacs Lac d'Iseo — Lac Majeur — Rivière Ciete Truite de rivières — Mella — — Grigna (Oglio) — — Taro — Torrent Lanterna (Mallaro) . . — Lac de Palù Truite des Alpes Lac de Côme Corre'gones. . . Lac Majeur — Lac Majeur Anguilles .... Lac d'Iseo — II. Italie centrale et méridionale. Cours d'eau : Arno et affluents Truite de rivières Fiora (Grosseto) — Esino (Macerata) — Potenza ( Macerata) — Simbrivio (Rome) — Sacco (Rome) — Liri (Aquila) — Sangro (Aquila) — Melfo (Caserta) — Volturno (Caserta) — Tomagro (Salerne) — Sarno (Salerne) Truite de rivières Agri (Potenza) — Snini (Potenza) — Lac Bracciano (Rome) Truite de lacs Lac Bolsena (Rome) Corre'gones. . . Lac Bolsena Anguilles .... Rivière Sarno (Salerne) — Total des alevins immergés 500.000 75.000 2.000.000 50.000 100.000 50.000 1C0. 000 50.000 25.000 500.000 500.000 600.000 400.000 25.000 20.000 20.000 20.000 25.000 10.000 20.000 20.000 25.000 30.000 20.000 5.000 25.000 10.000 50.000 100.000 200.000 100 000 5.675.000 [\) D'après Neptunia, Rivista italiana di oceanografia. Pesca ed Aquicultura, numéro du 15 mars 1894. 438 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. N. B. Peut-être le Ministère italien sera-t-il oblige' de restreindre la quantité de Truites de lacs à immerger, en raison du faible produit de la pêche faite à Peschiera en vue de la fécondation artificielle* G. Parasites d'aquariums. — « Triton » Société berlinoise pour la culture en aquarium et l'élevage en terrarium ouvre un concours original. Un prix de 1000 marks (1250 fr.) sera décerné à l'inventeur d'un procédé qui puisse ane'antir les animaux parasites d'aquariums sans nuire aux plantes et aux Poissons. Cette question intéresse non seu- lement les cultivateurs de plantes d'aquarium, mais surtout les pisci- culteurs. De S. Exportation de 1 Opium de l'Inde. — La récolte et la prépa- ration de V Opium dans l'Inde, tel est le titre de l'intéressante notice publiée par M. Brézol dans la Revue des Sciences naturelles appliquées (1). Pour faire suite à ces renseignements, nous relevons (2) sur le com- merce de l'Opium des chiffres qui ont été officiellement communiqués à la Chambre des Communes. Nombre de caisses d'Opium exportées de l'Inde en Chine. 1892. 1893. Octobre 5,619 Octobre 6,591 Novembre 6,332 Novembre 6,647 Décembre 4,410 Décembre 5,027 1893. 1894. Janvier 3,442 Janvier 5,521 Février 3,815 Février 3,795 Mars 4,448 Mars.. 2,498 Total en douze mois : 58,145 caisses. Le prix actuel de la caisse d'Opium de Benarès est de 850 francs et celui de l'Opium de Behar d'environ 1,030 francs. • G. Absence d'Orchis en 1894. — Une vieille et aimable amie, à laquelle l'âge et les infirmités ne permettent guère de franchir les limites de son jardin qui, du reste, est grand, beau et planté avec goût, m'avait prié de lui procurer quelques variétés d'Orchis indi- gènes. Je me suis donc mis en campagne,, mais grande fut ma stupéfac- (11 Revue, 1890, p. 172. (2) Pharmaceutical Journal, n° du 12 mai 1894. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 139 tion, de n'en pas trouver un seul dans les régions qui, ordinairement, en sont abondamment pourvues en nombreuses espèces. Les plus ordinaires et les plus communes, comme les plus belles et les plus rares, font également défaut. Plusieurs personnes qui s'occupent de botanique et auxquelles j'ai parlé de ce fait, l'ont constaté comme moi. Un de mes cousins, propriétaire d'un bois qui produit de belles Orchidées et en grande quantité, a exprimé, devant moi, le môme étonnement et les mêmes plaintes au sujet de leur absence. Nous attribuons cette pénurie d'Orchide'es, à ce que l'année der- nière, grâce au manque général de fourrages, les clairières des bois, les friches, les bords des chemins, tous lieux où poussent les Orchis, ont été pâture's par les chevaux. Ceci corrobore une observation que j'avais déjà faite et dont j'ai eu l'honneur, en son temps, d'entretenir la Société' d'Acclimatation. A savoir : que les Orchis ne veulent pas être coupés ni entravés dans leur végétation et que ceux qui ont e'te' cueillis une anne'e, ne refleurissent pas l'année suivante. De Confevron. Résine et fruit du Courbaril. — Le tronc de cet arbre laisse exsuder naturellement, ou par incisions, une variété de re'sine connue sous les noms de Résine de Courbaril, Copal d'Amérique, Animé occi- dental, Résiné animé tendre, Copal tendre, etc., et, improprement aussi de Gomme Copale. Ce produit est d'une certaine dureté, jaunâtre, translucide, à cassure vitreuse. Il se re'colte soit sur l'arbre même ou au pied, soit aussi à une faible profondeur dans le sol. On le trouve alors en morceaux assez volumineux, presque toujours recouverts d'une légère efflorescence formant une couche d'un blanc jaunâtre, opaque et friable. Insoluble dans l'eau, la résine copale se dissout partiellement dans l'alcool et en presque totalité' dans un mélange d'éther et d'essence de te'rébenthine. Elle se compose chimiquement d'une très petite quantité d'huile volatile, remarquable par son arôme particulier, et d'un prin- cipe immédiat, la C'opaline, substance incolore, dure, friable, insoluble dans l'eau et dans l'alcool, formant avec l'ether une masse gélati- neuse. La résine de Courbaril s'amollit sous la dent ; la chaleur la transforme en une pâte épaisse qui s'étire en fils déliés comme de la soie; mise en contact avec un corps incandescent, elle brûle en exha- lant une odeur balsamique agréable. La re'sine de Courbaril a été préconisée autrefois en me'decine dans une foule de maladies les plus diverses, mais elle est reconnue au- jourd'hui comme étant presque de'pourvue d'action. En Amérique, les Indiens en font un fréquent usage comme masticatoire et s'en servent en fumigations dans les rhumatismes, la paralysie, etc. Au Brésil, elle est employée, sous forme d'émulsion, dans les affections pulmonaires, 140 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. la toux, l'hémoptysie, etc. Dans les pays de production, on l'emploie aussi à faire des torches et à vernir divers ustensiles domestiques, notamment des poteries. D'autres espèces du même genre, notamment V Hymenœa Martiana Hayne, donnent une résine semblable. Le Copal d'Amérique est utilisé en Europe pour la préparation des vernis gras, mais il est moins estimé que le Copal dur d'Afrique. On le désigne actuellement sous le nom de Copal demi-dur pour éviter la confusion avec la résine Damar appelée aussi Copal tendre. Ce pro- duit comprend plusieurs sortes commerciales dont la plus estimée est connue sous le nom d'Ambre blanc de Cayenne. Il se présente sous forme de larmes du poids de 15-25 grammes, ternes et blanchâtres à leur surface, transparentes et vitreuses intérieurement. Celte variété se distingue par une grande pureté et une régularité de larmes que l'on ne rencontre pas dans les Copals du Brésil. Le fruit du Courbaril présente aussi un certain intérêl : c'est une gousse obliquement oblongue, indéhiscente, aplatie et comprimée laté- ralement, obtuse, longue de 10-15 centimètres environ, couverte d'une écorce épaisse, de couleur foie ou brun rougeâtre, dure, légèrement chagrinée, mais non verruqueuse, renfermant 3-4 graines ovales, à té- guments très durs qui contiennent une amande oblongue, blanche, un peu amère avec un goût d'aveline. Ces graines sont entourées d'une pulpe sèche, jaune rougeâtre et farineuse. Cette pulpe friable et nour- rissante, formée d'un grand nombre de poils qui contiennent une subs- tance résineuse et des graines de fécule en abondance, est remar- quable par son odeur aromatique et par son goût agréable de pain d'épice. On l'emploie en Amérique comme aliment sucré sous le nom de Faroba, qui est aussi celui du fruit. Elle est réputée pectorale. Les singes sont fort friands de cette substance. Avant la conquête de Saint-Domingue, au dire de Valmont de Bomare, les naturels de cette île fabriquaient avec cette espèce de farine un pain non moins remar- quable par sa qualité que par sa beauté. Les nègres se servent du fruit concassé et fermenté en décoction pour piéparer une boisson alcoolique avec laquelle ils s'enivrent, et dont la saveur légèrement sucrée peut être comparée à celle d'une bière douce. Le fruit du Courbaril a été étudié récemment par MM. Heckel et Schlagdenhauffen.qui ont montré que la pulpe est surtout riche en matière sucrée et en fécule très propre à l'alimentation. M. V.-B. 141 IV. BIBLIOGRAPHIE. Fetit guide pratique de la culture des Orchidées, par L. Du val, horticulteur. — Chez l'auteur, 8, rue de l'Ermitage, à Versailles, et dans les librairies horticoles. L'auteur en écrivant ce traite' a eu pour but d'éviter aux personnes éprouvant le désir de se livrer à la culture des Orchidées et aux jar- diniers ses collègues obligés de s'y adonner, les déceptions nom- breuses qu'il a éprouvées lui-même à ses débuts et qui ont failli le faire renoncer à ses essais. — L'expérience lui a de'montré que les Orchidées ne sont pas d'une culture si difficile qu'on se l'imagine généralement, elles ont une rusticité' que leur apparence ne laisse pas soupçonner, mais il s'agit de connaître les espèces à acquérir et les conditions dans lesquelles elles doivent être place'es. M. Duval donne sur l'aménagement des serres de'jà construites et de celles à établir, des instructions détaillées avec planches à l'appui. Le chauf- fage, l'arrosage, le bassinage des plantes, leur multiplication, le ma- tériel à re'unir, les rempotages et surfacages, la manière de traiter les variétés importées, la culture en appartement, font l'objet de chapitres spéciaux qui justifient par leur clarté et leur précision le titre de l'ou- vrage, aussi ne doutons-nous pas du succès qui lui est réservé. J. G. Contribution à l'étude des Gommes laques des Indes et de Madagascar, par Albert Gascard, licencié ès-sciences, pharmacien de lre classe, professeur suppléant à l'Ecole de Médecine et de Pharmacie, suivie d'une note de M. Targioni Tozzetti, sur les Cochenilles à laque. — Société d'éditions scientifiques, Paris, 4, rue Antoine-Dubois. Etude très complète des laques de l'Inde dont l'importation en France atteint un chiffre d'environ 1 million et dont la composition chimique était pourtant à peu près inconnue. A cette étude vient s'a- jouter celle d'une laque non employée encore dans notre industrie, quoique parfaitement utilisable et provenant de Madagascar. Enfin comme complément à ses recherches, M. Gascard publie un mémoire de M. Targioni Tozzetti, sur l'insecte auquel est dû cette laque de Madagascar, insecte d'une espèce jusqu'alors non déterminée et au- quel il donne le nom de Qascardia Madagascariensis. Les personnes qui s'occupent du meuble et des vernis trouveront de précieux renseignements dans le travail de M. A. Gascard. J. G. U2 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Liste des principaux ouvrages français et étrangers traitant des Animaux de basse-cour (i). 2° OUVRAGES ALLEMANDS [suite). Baldamus. Das Hausgeflùgel . Besckreibung der Rassen aller Arten des wirthschaftlichen Federviehs, mit Anleitung zur A.ufzucht, Pne^e, Ernâhrung und Vermekrung desselben, mit besonderer Berûcksich- tigung der Krankbeiten u. ihrer Heilung, mit 33 Holzscbnitten. Dresden, G. Schônfeld, 1882. Baldamus. La -volaille domestique. Description des races de toutes le6 espèces de volailles domestiques, sur les maladies et leur guérison (33 gravures sur bois). Dresde, Schônfeld, 1882. Barleti (Th.). Die rationelle Geflùgelzucht fur die Frauen uuserer Landwirlke. Passau, Bûcher, 1883. 50 Pfennige. Barlett [Th.). L'élevage rationnel des volailles pour les femmes de nos agriculteurs. Passau, Bûcher, 1883. 50 pfennigs. Baumeyer (Eermann). Das kûnstlicbe Ausbrùten und die Hùhnerzucbt nacb zwanzigjàhrigeu Erfahrungen, etc. 2t0 Auflage, Hamburg, J.-F. Richler, 1887. M. 2. Baumeyer [Herm.). L'incubation artificielle et l'élevage des Poules, d'après des expériences de vingt ans, etc. 2e édition, Hambourg, J.-F. Rich- ter, 1887. 2 marks. Behrends. Ein gebôrntes Hubn. Mit 1 Abbildung, im Zoologischen Gar- ten. 30,or Jabrgang, p. 171-173. Behrends. Une Poule à corne. Avec une figure, dans le Jardiu zoologique. 30» année, p. 171-173. Bibliotheh illust. fur Nutz- u. Sportgeflùgelzucbt. In zwanglosen Helten. 1-3 Heft. Minden, Kôhler, 1885, à 75 Pfennige. Bibliothèque illustrée pour l'élevage des oiseaux d'utilité et de sport. En cahiers détachés. Cahier 1 à 3. Minden, Kôhler, 1887, à 75 pfennigs. Bibra (Fredr., Baron). Unser Hausbuhn. Die âusseren typischen Merk- male der verscbiedenen Rassen. Nacb den verlâsslichsten Quellen zusammengestellt. Dresden, Schônfeld, 1878. Bibra [Fréd., baron). Notre Poule domestique. Les caractères typiques extérieurs des différentes races, réunies d'après les sources les plus autorisées. Dresde, Schônfeld, 1878. (1) Voyez Bévue, année 1893, p. 564 ; 1894, 1" semestre, p. 383. BIBLIOGRAPHIE. U3 Brandi {Alex.). Anatomiscb.es u. Allgemeines ùber die so genannte Hahnenfedrigkeit u. anderweitige Geschlecbtsanomalien bei Vô- geln. Mil 3 Tafeln, in Zeitscbiift fur wissenschaftliche Zoologie. 48 Bande. B'-andt [Alex.]. Considérations générales et anatomiques sur la soi- disant altération du plumage et d'autres anomalies du sexe chez les oiseaux, avec trois planches dans le Journal pour la Zoologie scienti- fique. 48 vol. Brida (Geo. Si.) Regeln fur den Geflûgelhof. Praktische Anleitung fur jeden Gefliigelzùchter, aus dem Dânischen ùbertragen von Cl. An- dresen. Kiel, Biernatzki, 1885. 50 Pfg. Bricka [Geo. St.). Règles pour la basse-cour. Guide pratique de l'éleveur de volailles. Traduit du danois de Cl. Andresen. Kiel, Bernatzki, 1885. 50 pfennigs. Brinhmeier (Ed.). Der Hùhnerbof. Vollslândige u. deutliche Anwei- sung Hùhner zu zùchten, zu veredeln, u. s. w. 9t0 Auflage, llrnenau u. Leipzig, Aug. Schroter. 10ic Auflage, 1888. M. 1,50. Brinkmcier (Ed.). La basse-cour. Instruction complète et précise pour élever les Poules, les améliorer, etc. 9e édition, llrnenau et Leipzig, Aug. 'Schroter, 188G ; 10» édition, 1888. 1 m. 50 pf. Brose (Max.). Die Tùmmler- u. Hocbûug- Taubenrassen. Leipzig. Expédition der allgeaieinen deutschen Geflùgelzeitung (C. Wahl), 1890. Brose (Max.). Les races des Pigeons culbutants et de haut vol. Leipzig. Extrait de la Revue générale allemande de la volaille. (C. Wahl), 1890. Buchmann (F. S.) Die kluge lândlicbe Hausapotbeke, die besten Hausarzneimittel gegen die Krankbeiten der Menscben, Pferde, u. s. w., und des Federviehs. 9ta Auflage, S'-Gallen, Mâder, 1883. M. 2,80. Buchmann (F. J.). La pharmacie complète de la maison de campagne, les meilleurs remèdes de maison contre les maladies des bommes, des chevaux et des volailles, etc. 9» édition, St-Gall, Mâder, 1883. M 2,80. Bungartz (Jean). Hùhnerrassen. Illustrirtes Handbuch zur Beurtbeilung der Rassen des Hausnuhns. 24 Tafeln mit ùber 50 Abbildungen. Leipzig, E. Twietmeyer, 1885. Bungartz (Jean). Races de Poules. Manuel illustré pour la connaissance des races de Poules domestiques. 24 planches avec plus de 50 figures. Leipzig, E. Twietmeyer, 1885. Bungartz (Jean). Taubenrassen. Illustrirtes Handbucb zur Beurthei- lung der Rassen der Haustaube. 24 Tafeln, mit ùber 100 Abbildun- gen. Leipzig, Twietmeyer, 1885. M. 4,50. Bungartz (Jean). Races de Pigeons. Manuel illustré pour la connaissance des races des Pigeons domestiques. 24 planches et plus de 100 figures. Leipzig, Twietmeyer, 1883. M. 4, 50 pf. 144 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Bungartz {Jean). Moiell-Brieflauben Album, mit einem Vorwort von J.-C. Hirsch, 10 Tafeln in Farbendruck. Leipzig, E. Twietmeyer, • 1888. Bungartz [Jean). Album des Pigeons voyageurs Morcll avec une préface de J.-C. Hirsch, 11) planches coloriées. Leipzig, E. Twietmeyer, 1888. Bungartz [Jean). Wasser- und Ziergeflùgel. Illustrirlcs Ilandbucb zur Beurtheilung der Rassen u. Schlâge unsers Wasser- u. Ziergefliigels. 16 Tafeln mit ûber 50 Abbildungen. Leipzig, Twietmeyer, 1886. M. 4.50. Bungartz {Jean). Oiseaux aquatiques et d'ornement. Manuel illustré pour la connaissance des races et des familles de nos oiseaux aqua- tiques et d'ornement. 16 planches avec plus de S0 figures. Leipzig, Twietmeyer, 1886. M. 4, 50. Bungartz {Jean). Calender fur Hunde-, Kaninchen-, Geflûgel- und Slng- vôgel- Liebbaber u. Zùcbter, auf das Jahr 1888. Augsburg, Gebr. Reichel, 1888. M. 2. Bungartz [Jean). Calendrier pour l'an 1888 pour les amateurs et éle- veurs de Chiens, de Lapins, de volailles et d'oiseaux chanteurs. Augs- bourg, Reichel frères, 1888. M. 2. Buxbaum {L.). Kônnen die Hùhnereier, obne Scbaden zu nebmen, wâb- rend der Bebrùtung ofter Bewegung u. Abkùhlung vertragen ? In "ZoologischenGarten", 26ter Jabrgang, p. 126-127. Buxbaum (L.). Les œufs de Poules peuvent-ils supporter sans danger des mouvements répétés et des refroidissements pendant la durée de l'incubation? Dans le «Jardin zoologique», 25e année, p. 126-127. Canic [Geo). Die Brieftaubenpost im Beiblatt z. d. Mittheil. d. Ornitbol. Vereins. Wien, ltor Jabrgang, p. 4-7. Canic [Geo). La poste par Pigeons voyageurs, dans le supplément des Comptes-rendus de la Société ornithol. Vienne, 1" année, p. 4-7. Chapuis [F.). Die Abstammung der belgiscben Brieftaube, in Mitlheil. d. Ornithol. Vereins. Wien, 10ter Jahrgang, p. 46-47 u. 58-49. Chapuis [F.). L'origine du Pigeon voyageur belge, dans les rapports de la Société ornithol. Vienne, 10» année, p. 46-47 et 58-59. Cronau (C). Die Hùbnervôgel mit besonderer Rùcksicht auf ihre Pflege u. Zucht in der Gefangenscbaft. Hierzu ein Atlas mit 25 Tafeln Vo- lierenzeichnungen. Berlin, L. Groscbel, 1880. M. 40. Cronau (C). Les Poules en considérant spécialement leur traitement et leur élevage en captivité (en volière). Avec atlas et 25 planches de des- sins de volières. Berlin, L. Grosche!, 1880. M. 40. Cronau (C). Die Fasanen, ihre Pflege und Aufzucht, mit 4 Tafeln. ' Strassburg, K.-L. Trùbner, 1884. M. 6. Cronau [C). Les Faisans, leur traitement et leur élevage. Avec 4 plan- ches. Strasbourg, K.-L. Trùbner, 1884. M. 6. {A, suivre.) Le Gérant: Jules Grisard. 145 I. TRAVAUX ADRESSÉS A LA SOCIÉTÉ. DES CHIENS D'AFRIQUE Par M. DE SCILECK d'après m. siber de sihlwald. (suite *] John Hanning Speke, qui découvrit les sources du Nil, et qui, de 1859 à 1864, fraya une route de Zanzibar au Victoria Nyanza, puis descendit le Nil vers l'Egypte et le Caire, fut le premier explorateur de la région septentrionale du Victoria Nyanza, l'Ouganda. Ce royaume situé dans la zone équa- toriale est habité et dominé par les nègres Ougandas qui cultivent les champs et par les Ouahumas , peuplade com- posée de bergers de race sémitique, parente des Galias et des Massai. Speke nous parle de la prédilection que les Ougandas mon- trent pour leurs Chiens ; il nous représente souvent le roi de l'Ouganda tenant en laisse un Chien qui est considéré comme son inséparable. Stanley , et plus tard les missionnaires Wilsoti et Felkin, qui firent de l'Ouganda leur patrie, rap- portent que cette mode est abandonnée ; ils ne mentionnent aucun exemple d'un Chien jouissant de quelque prérogative. Il paraît évident que si la vogue des Chiens a cessé dans l'A- frique centrale depuis le règne de Mtesa, on peut attribuer le fait à une influence arabe. Les gens de Zanzibar, auxquels Speke ouvrit la route de l'Afrique centrale, et les Egyptiens qui, grâce encore à lui, remontèrent par le Nil jusqu'au Victoria Nyanza, sont tous Mahométans; pour eux, le Chien est un animal impur et un objet de mépris. Or, quand Mtesa et son peuple virent des étrangers plus haut placés, tels que les marchands arabes, ' (*) Voyez Revue, 1893, 2 toria, Nouvelle- Galles du Sud et au Queensland, dans les vallées humides, sur les bords des cours d'eau et dans les criques. Son bois, d'une riche couleur brune agrémentée de belles veines jaunâtres, est dur, serré, fort et tenace ; il est peu inférieur, comme qualité, â VA. rnelanoxylon. Excellent pour le tour et la petite mécanique, il est encore utilisé à un grand nombre d'autres objets demandant de la solidité. Acacia insularum Guill. (Taïti : Toroire.) Cette espèce, d'origine océanienne, est assez répandue â Taïti. Son bois, blanc, dur et de bonne qualité, est susceptible d'emplois di- 480 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. vers ; il semble surtout convenir aux travaux de menuiserie. Acacia julifera Benth. Petit arbre d'une hauteur de 7-8 mètres sur un diamètre moyen de 20-30 centimètres, croissant naturellement au Queensland, dans les terrains secs des régions du littoral. Son bois, élégamment veiné et d'un travail facile, peut être employé pour faire des meubles. Acacia juniperina Willd. (A. ulicifolia Wendl., A . verii- clllata Sieb.) Australie : « Prickly Wattle. » Arbre de petites dimensions à phyllodes linéaires, raides et piquants, assez semblables aux feuilles du Genévrier, originaire du Queens- land, de Victoria, de la Nouvelle-Galles du Sud et de la Tasmanie. Son bois, blanc, léger mais flexible et tenace, est très apprécié pour faire des manches d'outils et divers ins- truments d'agriculture. Acacia Jurema Mart. (S Iry philodendron Jurema Lindl.) Brésil : « Jurema, Angico-Barbatimâo. » Paraguay : « Curu- pay-itâ. » Arbre de dimensions moyennes, croissant sponta- nément dans les forêts du Brésil et du Paraguay. Son bois, très fort et d'excellente qualité, est employé au Brésil dans les constructions civiles et navales. L'écorce, contenant en moyenne 20 p. % de tanin, est la plus employée dans les tanneries du Paraguay ; ses propriétés amères, astringentes et narcotiques la font utiliser en médecine : c'est une des Écorces de jeunesse du pays. Acacia Koa A. Gkay. [A. heterophylla Hook. non Willd.) Sandwich : « Koa. » Bel arbre de hauteur moyenne, attei- gnant un diamètre de 50 centimètres, croissant dans les ter- rains sablonneux des îles Sandwich. Son bois, de couleur foncée, avec des nuances moirées plus claires, est fort joli ; il est imprégné d'une substance tinctoriale jaune. Léger, très élastique, se conservant bien à l'abri des intempéries, cette essence est employée avantageusement pour la charpente, le charronnage, etc. On la débite aussi en planches pour la me- nuiserie et, en ébénisterie, on en fait des boîtes et des cof- frets. Sa densité approximative est de 0,405, son élasticité de 1,260 et sa résistance à la rupture de 0,562 (1). (1) Nous possédons dans notre collection, sous le nom de Mimosa (Acacia) heterophylla de l'île de la Réunion, un échantillon de bois cor- respondant assez bien à la description ci-dessus, mais n'offrant aucune analogie avec celle qui en est donnée par le capitaine d'artillerie Morcbain et dans le Catalogue des produits des colonies : c'est un bois LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 481 Acacia lauriifolia Willd. Petit arbre d'une hauteur de 10 mètres environ, sur un diamètre moyen de 50 centi- mètres, à feuilles inéquilatérales, lancéolées aiguës aux deux extrémités. Originaire de la Nouvelle-Calédonie, cette espèce est abondante sur les plages sablonneuses où elle retient les sables abandonnés par la mer. Son bois, de couleur brune assez foncée, est de bonne qualité, mais il se tourmente beau- coup et exhale une odeur désagréable en brûlant. Le fruit est une gousse recourbée articulée, brunâtre, à valves minces et coriaces ; il renferme intérieurement plusieurs petites se- mences noirâtres de la grosseur d'une lentille ; ces graines sont très recherchées des jeunes indigènes qui les mangent sur l'arbre. Acacia leucophlœa Willd. (Anglais de l'Inde : Panicleb Acacia, Java : Pilang). Arbre de moyenne taille à tronc gros, que l'on rencontre sur la côte de Coromandel et dans la Malai- sie. Son bois est dur, solide, mais difficile à travailler; le cœur fournit un excellent matériel de construction, à la condition de le débarrasser de l'aubier sitôt l'abatage, car il entraîne la pourriture rapide de la pièce. Cette essence est employée par les Indiens et les Malais pour la charpente de leurs paillottes et pour pieux. L'écorce est fibreuse et bonne pour confec- tionner des cordes grossières et des filets de pêche ; ses pro- priétés astringentes la font aussi utiliser en médecine. Mé- langée à d'autres écorces, elle sert à fabriquer une liqueur alcoolique, d'une saveur désagréable, de mauvaise qualité et même vénéneuse, connue sous le nom tYArak- patte. Les feuilles servent pour la teinture en noir. Acacia longifolia Willd. [Acacia floribunda Willd., A. mucronata Willd., A. Sophorœ R. Bf.., etc.). Tasmanie : Booby-alla ». Petit arbre touffu, très ornemental, d'une crois- sance rapide, pouvant atteindre une hauteur de 7-8 mètres au bout de cinq à six ans ; phyllodes oblongs, allongés, obtus, longuement rétrécis à la base, plus ou moins coriaces. Ori- ginaire de l'Australie, cette espèce se rencontre à la Nou- velle-Galles du Sud, Victoria, South-Australia et Tasmanie ; elle affectionne particulièrement les terrains sablonneux du de couleur jaune rougeàtre, à pores apparents, d'une dureté et d'une densité moyennes. Très joli étant verni, il pre'sente une série de petites veines transversales plus foncées, formant par miroitement à la lu- mière des reflets satine's d'un bel effet. 182 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES- littoral. Son bois est lourd, dur, solide et durable ; sa belle couleur blanche uniforme et son grain fin le recommandent particulièrement pour l'ébénisterie de luxe et de fantaisie ; on s'en sert aussi pour le tour, la fabrication de chevilles et autres objets. Ce bois est également employé comme combus- tible et pour faire du charbon. Cet Acacia est un des produc- teurs de la gomme dite d'Australie. L'écorce est employée pour le tannage des peaux de Moutons. Les gousses sont sou- vent rôties par les natifs de la Tasmanie, qui en mangent les graines féculentes. Cette espèce comprend un grand nombre de variétés, servant surtout de sujets pour greffer les autres Acacias australiens cultivés en horticulture. L'A. longifolia est une des espèces mises en culture en Provence pour sa fleur {Mimosa). Acacia lutea Léc. (Sénégal et Casamance : Remcle ou Reinde). Arbre de deuxième grandeur, très commun dans les terrains secs et arides du Sénégal et de la Casamance. Son bois, de couleur jaune clair, dur, à grain serré, est excellent pour le charronnage et l'ébénisterie. Celui qui provient des arbres, qui croissent abondamment sur les rives du lac de Ghier, dans le Oualo, est de nuance très foncée et res- semble au Palissandre. Acacia macradenia Benth. (Indigènes du Queensland : Toney , Myall.) Arbre souvent pyramidal, d'une hauteur moyenne de 15 mètres, sur un diamètre de 35 centimètres environ, à phyllodes lancéolés, falqués, coriaces, croissant dans les massifs et les forêts ouvertes du Queensland. Son bois, d'un beau noir, dur, à grain fin et serré, susceptible d'un beau poli, peut être utilisé avec avantage pour le tour et l'ébénisterie. Acacia maleolens"! (Brésil : Vinhatico. Paraguay et Répu- blique argentine : Tataré, Tatané, Palo amarillo). Arbre de 10-12 mètres de haut sur un diamètre de 0n\80-l mètre, écorce très épaisse. Originaire de l'Amérique méridionale, il croît généralement isolé ou tout au moins par petits groupes, ce qui fait qu'il n'est pas très commun. Bois jaune, compact, très résistant, facile à travailler; employé pour charpente et construction, il a le grand avantage de ne pas jouer sous l'influence de la température, mais il ne se conserve ni dans l'eau ni sous terre. Il est très recherché pour la menuiserie et la fabrication des meubles de luxe, le tour, etc. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 483 Acacia Meœicana ? Cet arbre donne un bois de bonne qualité, très estimé à la Guadeloupe pour divers travaux. Les gousses, astringentes , riches en tanin, sont recherchées pour le tannage. Acacia microphylla Léc. (Sénégal : N' débarga). Espèce très commune au Oualo où elle se rencontre sur les hauteurs qui avoisinent le lac de Ghier. Son bois, de couleur jaune clair et brillant, veiné de filets noirs, est considéré comme un des plus beaux de la Sénégambie ; il convient surtout aux ouvrages d'ébénisterie. Acacia pendilla A. Cunn. (A. leucophylla Lindl). « Wee- ping Myall». Arbre de petites dimensions croissant généra- lement dans les terrains marécageux de l'intérieur , au Queensland et à la Nouvelle-Galles du Sud. Bois de couleur brunâtre, magnifiquement veiné, dur, à grain fin et serré; très employé pour la menuiserie d'art, ainsi que par les ébénistes et les tourneurs, il est encore très apprécié pour la confection des pipes, des fume-cigares et divers objets de tabletterie. Acacia ret inodes Schl. (Australie : Silver Waltle, Bald Acacia). Petite espèce de Victoria et du South- Australia, re- marquable par son port gracieux ainsi que par le grand nombre de ses fleurs très odorantes, qui se succèdent toute l'année; phyllodes longs et étroits, falqués, très glauques. Son bois, d'un joli grain, fort et durable, est peu employé. Le tronc laisse exsuder assez abondamment une gomme pâle, transparente. L'écorce est astringente et sert pour le tan- nage. Cette espèce demande la serre d'orangerie sous le cli- mat de Paris. Acacia ruhra. Léc. Espèce africaine, assez rare sur les rives de la Casamance, mais croissant très abondamment sur les coteaux élevés et boisés de l'intérieur. Bois rouge d'une dureté moyenne, à grain fin, serré, assez facile à travailler, bon pour la menuiserie et l'ébénisterie. Acacia salicina Lindl. (A. ligulata A. Cunn). Queensland (colons) : « Brougton Willow », (indigènes) : « Bakka ». Petit arbre d'une hauteur de 10-12 mètres sur un diamètre de 20- 30 centimètres très décoratif, à rameaux pendants, croissant naturellement à la Nouvelle- Galles du Sud, au South-Austra- lia et au Queensland. Bois foncé et joli, lourd, durable, d'une texture fine, facile à travailler, excellent pour la menuiserie, 184 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. le tour et la fabrication des meubles. Cette espèce a été si- gnalée par sir Thomas Mitchell comme l'arbre dont l'écorce à propriétés délétères, est employée par les indigènes pour empoisonner le poisson dans les petites lagunes. Acacia saligna ~\Vendl. [A. leiophylla Benth. ; Mimosa saligna La -Bill.) Australie: « Weeping Acacia. » Arbre de petite taille à tronc noueux et à feuillage dense porté par des branches et des rameaux fortement inclinés. Originaire du sud de l'Australie occidentale, cette espèce est souvent cul- tivée pour orner les avenues. Son bois, d'un beau grain et bien nuancé, convient parfaitement à l'ébénisterie. L'écorce est particulièrement recherchée pour le tannage ; elle contient environ 30 p. % de tanin. Cet arbre produit en outre une gomme estimée. En Algérie, il paraît bien résister à la sé- cheresse et aux vents brûlants du Sud. Acacia Seyal Delil. (A. fistida Schw.) Anglais : Shittim toood. Sennaar et Nubie : So/far. Arbre d'une hauteur moyenne de 12 mètres, dont les branches sont recouvertes d'une écorce d'un jaune très pâle et munies de fortes épines d'un blanc laiteux. Originaire de l'Afrique, cette espèce croît naturellement au Sennaar et dans la partie méridionale de la Nubie. Son bois, de couleur chêne, est assez dur, mais amy- lacé et facilement attaquable par les insectes. L'écorce laisse exsuder une gomme brunâtre de qualité inférieure. Cet Acacia fournit une partie des Bablahs du Sénégal. Son écorce astringente est employée en médecine et dans l'industrie pour le tannage et la teinture. Acacia silacca. Lie. Arbre de dimensions moyennes assez commun dans les forêts de la haute Casamance, produisant un beau et bon bois, de couleur jaune veiné de rouge, utilisable pour la menuiserie de luxe et autres travaux. Cette espèce est regardée comme pouvant être facilement exploitée. Acacia Sing Perr. Petit arbre du Sénégal dont les racines, extrêmement longues, produisent un bois dur et flexible, d'un brun rougeâtre employé par les nègres pour faire des manches de sagaies. Le tronc laisse exsuder une gomme blanchâtre utilisable. Acacia stenocarpa Hochst. (Abyssinie et Nubie: Talch, Talha, Kakul.) Grand arbre de la Nubie et de l'Abyssinie dont le bois est sans emploi spécial. Il fournit une gomme arabique de couleur brune, de qualité assez médiocre, que LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 185 l'on recueille en grande quantité dans le district de Geradef . Acacia stenophylla A. Cunn. [A. sericophylla F. Muell.) Colons anglais : a Iron wood. » Bel arbre ornemental d'une hauteur moyenne de 15 mètres, croissant naturellement sur le bord des cours d'eau et dans les forêts ouvertes, au Queen- sland, la Nouvelle-Galles du Sud, Victoria, South et North- Australia. Son bois, d'une belle couleur brune agréablement nuancée, est lourd, très dur et prend un beau poli ; on l'emploie aux mêmes usages que celui des Myall-wood. Acacia striata W. H. Australie : « Erect Acacia. » Arbre de petite taille atteignant quelquefois jusqu'à 12-15 mètres de hauteur, recouvert d'une belle écorce striée de vert et de blanc. Originaire du continent australien, on le rencontre en Victoria, la Nouvelle-Galles du Sud, au Queensland, ainsi que dans la Tasmanie. Son bois, de couleur jaunâtre, dur, solide, durable et d'une texture fine, est excellent pour le tour et l'ébénisterie ; il a quelque ressemblance avec notre noyer. Acacia subcœrulea Lindl. [A. hemiteles Benth. ; A. api- culata Meissn.) Petit arbre à feuilles lancéolées, obtuses, épaisses, croissant spontanément dans la Nouvelle-Galles du Sud et l'Australie occidentale, dont le bois est assez dur et assez beau pour être utilisé à la fabrication d'objets tournés. Acacia subporosa F. Muell. Gippsland (Australie) : Na- tive Hicliory. Arbre de dimensions moyennes croissant na- turellement dans les forêts de Victoria et de la Nouvelle- Galles du Sud. La tige fournit un excellent bois, souple et très élastique, dont on fait des brancards de voitures, des manches d'outils, des bois de fusils, ainsi que des mâts pour les embarcations. Acacia Sundra DC. {Mimosa Sundra Roxburg.) Tamoul : « Carungaly, Garrougally. » Télenga : « Sundra. » Arbre de 8-10 mètres de hauteur, à branches épineuses et à feuilles bi- pennées composées de folioles linéaires nombreuses, crois- sant communément dans l'Inde. Le bois, blanc et léger, offre une certaine dureté, mais il est très facilement attaqué par les vers, il est peu employé en menuiserie ; lorsqu'il a été injecté, il est bon pour faire des poteaux télégraphiques, des palissades, des piquets de clôture, etc. L'écorce est usitée en médecine comme astringente. Cette espèce semble produire une gomme incolore et non une sorte de Cachou comme le prétendent quelques auteurs anglais. 186 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Acacia temdfolia Willd. (Mimosa temdfolia L.) (Guade- loupe: « Bois d'Amourette. » Un des Tendre à caillou des Antilles et de Caracas). Cette espèce, originaire des Antilles, produit un bois très dur et très nerveux, jaune à la péri- phérie et rouge au cœur, employé pour l'ébénisterie et la menuiserie. Ce bois offre la coupe horizontale de l'Angico et la coupe longitudinale palmiforme de l'Andira. Les racines et les bourgeons sont recherchés à Saint-Domingue comme astringents dans la diarrhée, les hémorrhagies et les vomis- sements. Acacia tomentosa Benth. (Mimosa tomentosa Willd.) Inde : « Touroungy » (Bengali) : « Shalshaeei-babula » (Ta- moul) : « Kodi-vela? ». Java : « Klampis, Klampok ». Arbre de petite taille originaire de l'Inde et de la Malaisie. Bois dur, fort et flexible; d'une texture assez fine il est bon pour le tour; il résiste bien à l'humidité, mais est enclin à se gercer. Quoique de dimensions assez faibles, il peut être utilisé comme bois de construction pour petites charpentes; on en fait aussi quelques meubles et divers objets d'économie do- mestique. Dans l'Inde, les femmes indigènes se servent des feuilles pour nettoyer leur chevelure. Acacia verniciflua A. Cunn. (A. graveolens Cunn.; A, virgata Lodd.) Australie : « Varnish Wattle ». Arbrisseau ou petit arbre croissant naturellement en Victoria, la Nouvelle' Galles du Sud, le South- Australia et la Tasmanie, où on le rencontre assez communément sur le bord des rivières, ainsi que sur les pentes rocheuses et dans les ravins des forêts. Son bois, dur et de longue conservation, utilisable pour le tour. La tige laisse écouler un suc résineux semblable à un vernis. A. verticillata Willd. (Mimosa verticillata Lhérit.) Aus- tralie : « Whorled Acacia ». Petit arbre d'un port élégant, haut de 8-10 mètres, très rameux, à feuilles (phyllodes) aci- culaires, piquantes, presque verticillées, originaire de Victo- ria et de la Tasmanie. Son bois offre les mêmes qualités que celui de VA. juniperina. Cette espèce comprend plusieurs va- riétés horticoles très ornementales. (A suivre.) 187 II. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. Chasses à l'Elan en Norvège. — Un adjudicataire de chasses de Namsos (Norvège) se charge, moyennant un prix à de'battre, de faire tirer des Elans à des chasseurs e'trangers. La Deutsche Jmger-Zei- tung donne ainsi qu'il suit le relevé de ces chasses, abstraction faite du petit gibier : En 1889, entre 22 chasseurs allemands, il a été tué dans ce district (Revier), 43 Elans et 2 Ours; En 1890, par 28 chasseurs, 58 Elans, 1 Ours; En 1891, par 31 chasseurs, 76 Elans, 2 Ours ; En 1892, entre 13 chasseurs, 40 Elans, 1 Ours ; En 1893, par 29 chasseurs, 71 Elans, 1 Ours, 1 Loup et 2 Lynx. Soit un total de 288 Elans en 5 ans, sur le même district (1). P. Zeiller. Plumes d'Autruche. — L'anne'e 1892 a eu des résultats favo- rables pour tous ceux qui ont des intérêts dans la production ou le commerce des plumes d'Autruche. Le marché a subi quelques violentes fluctuations, mais il y a eu toujours une bonne demande aux prix cotés. Dans les districts se livrant à la production des plumes, les fermiers négligent moins cette industrie et les quantite's offertes en vente de- viennent plus considérables. Cela devra apparemment continuer ainsi chaque année, aussi longtemps que la demande pour ce produit sera assurée. L'incubation artificielle a été délaissée, et les Autruchons éclos par les soins de leurs parents, sont plus sains et capables de donner par la suite de plus belles plumes. Dans quelques-unes des provinces se livrant à l'élevage de l'Autruche, principalement dans celle d'Oudtshorn, le commerce des plumes est concentré entièrement entre les mains de certains marchands juifs qui ont adopté l'usage d'acheter les plumes « sur pied », c'est-à-dire trois, six, neuf mois, même un an, avant l'époque de l'arrachement et à raison de tant par tête d'oiseau, ce qui leur fait courir de légers risques et par consé- quent les oblige à payer un prix moins élevé au producteur. Il est probable que le commerce sera dorénavent forcé de passer par leur intermédiaire. Ce sujet a donné lieu à beaucoup de discussions parmi les expor- tateurs intéressés et les intermédiaires indiqués furent mis en cause peu favorablement, leur spéculation ayant pleinement réussi grâce à l'état du marché. Le rôle de ces nouveaux agents n'est cependant pas sans utilité. En effet, ils classent leurs marchandises avec beaucoup (1) Deutsche Jœger-Zeitung, Neudamm (Prusse). Numéro du l6' juillet 1894. 188 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. d'attention, et les lots tels qu'ils sont préparés ne présentent aucune défectuosité. Au contraire, les fermiers expédient trop souvent les plumes empaquete'es de toutes façons et rassemblées sans soin ni adresse. Il en résulte, comme toujours, que les marchandises mal assorties sont négligées par les acheteurs, alors que celles bien pré- parées sont recherchées et se vendent bien. La production de la colonie est représentée actuellement par une ex- portation de 257,027 lbs (de 453 gr.) ayant une valeur de 13,028,626 fr. Le marché de Cape-Town a disposé en 1892 de 77,129 lbs de plumes pour 3,889,846 fr. et les exportations de cette ville ont atteint 115,093 lbs évaluées à 5,734,461 fr. La différence avec l'exportation totale a été expédiée de Port Elizabeth dont le marché de plumes est plus important. Cette exportation ne représente pas, comme on le voit, une quantité négligeable et, bien que les prix ne soient plus actuellement que moitié de ceux d'il y a dix ans, et le quart de ceux de 1879, l'é- levage de l'Autruche est encore profitable. Depuis 1879, la production a triplé; cela contribue à maintenir la valeur de l'exportation. Les œufs de l'Autruche constituent encore une autre ressource, car ils sont parfaitement comestibles, et leur grosseur fait considérer l'un de ces œufs comme l'équivalent de vingt- deux œufs de Poule. Les Algériens, dont le pays se trouve dans des conditions aussi fa- vorables que celui-ci, devraient s'occuper sérieusement de l'élevage de l'Autruche et relever la France du tribut qu'elle paye à ses concur- rents. Les frais de premier établissement sont insignifiants et la pro- duction pourrait être favorisée en France par un droit. L'exportation des œufs d'Autruche n'est plus interdite au Cap, et on peut s'y pro- curer des œufs sans difficulté. {Moniteur officiel du Commerce.) G. Vassard. Repeuplement des eaux de la Westphalie. — La Société westphalienne de pêche doit lâcher celte année 25,000 alevins de Truites arc-en-ciel (Salmo irideus) dans la Lippe, l'Ems et autres cours d'eau qui arrosent les districts de Mùnsler et de Bielefeld ; 40,500 alevins de Truites de rivière (Trulta fario) dans la Bever, l'Afte, la Nethe, la Môhne et quelques rivières moins importantes des districts de Bielefeld et de Lùdenscheid. La même Société s'occupe activement d'améliorer les échelles à Poissons de la région. De S. Dégâts du Lasiocampe du Pin en Champagne. — Le centre le plus important où ces chenilles ont causé des ravages est celui des environs d'Arcis-sur-Aube. Le second centre est aux envi- rons de Troyes, et le troisième est à la ferme de Varsovie, commune de Chapelle-Lasson, canton d'Anglure (Marne). CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 189 On peut évaluer à 2,000 hectares au moins les terres atteintes aux environs d'Arcis, le pays de beaucoup le plus malheureux, et 250 à 300 hectares pour chacun des deux autres centres. La chenille qui cause tous ces dégâts est appele'e par tous les fo- restiers français Lasiocampe du Pin [Lasiocampa pini) ; le livre classique de Mathieu la nomme Bombyx du Pin ; dans l'ouvrage plus récent d'un professeur de Neustadt Eberswalde, M. Allum, elle est appelée Gastro- pacha du Pin (Gastropacha pini). Cette espèce vit de préférence sur le Pin sylvestre et ne s'attaque aux autres conifères qu'après avoir de'truit toutes les aiguilles du syl- vestre. M. le professeur Fliche, auteur du rapport dont nous extrayons ces renseignements, a constaté son existence, il y a plus de quinze ans, aux environs de Nancy. M. l'abbé d'Autessauty, aumônier du lyce'e de Troyes, entomologiste distingué, l'avait observé depuis plusieurs anne'es. Cet insecte vient d'Allemagne où il y en a eu des invasions restées historiques. Son entre'e a commencé en 1892, dans le de'partement de la Marne et aux environs d'Arcis, massif des environs de Champfieury. pour sévir d'une façon très grave aux mêmes endroits en 1893. Cette anne'e, le fléau présente son maximum d'intensité au massif de Grange l'Evêque-le-Pavillon. Quelles que soient les causes qui ont amené' la multiplication de la chenille, les dégâts sont considérables. D'abord les Pins sylvestres, ensuite les Pins d'Autriche, puis quelques Épicéas qui se trouvent dans les plantations ont e'té tellement dévastés que les premiers sont morts ou sans avenir ; quelques Pins d'Autriche pourront résister quoique atteints. Çà et là quelques arbres sont indemnes ; plusieurs petites pièces peuplées de pins sylvestres ont été aussi épargne'es, sans qu'on puisse découvrir la cause de cette immunité. Heureusement les insectes parasites, les Ichneumonides, en pre- mière ligne, des maladies qui paraissent causées souvent par des Champignons, ont généralement raison d'une invasion au bout de trois ou quatre ans. On aperçoit déjà des signes de déclin sur les points primitivement attaqués. L'expérience a montré que la récolte des œufs, des chenilles, des cocons ou des papillons, que l'emploi des insecticides, le creusement des fossés d'isolement, sont des mesures à la fois coûteuses et de peu d'efficacité- Les seules mesures efficaces sont : la récolte des chenilles durant leur hivernage dans le sol lorsque, au début d'une invasion, elles sont encore peu nombreuses, et l'établissement d'une ceinture d'enduit visqueux sur les arbres, avant la remontée des chenilles au mois de mars, de manière à les affamer. Ce procédé, employé en Allemagne, y est évalué à 56 francs l'hec- tare, somme exorbibante, puisque la valeur du bois à l'hectare est à <90 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. peine de 100 francs ; de plus, on n'est pas certain de réussir en France, avec l'irre'gularité de la température à la fin de l'hiver et au printemps. La seule mesure utile est la surveillance active des bois non encore atteints, même loin des foyers d'infection, et la destruction des che- nilles, que Ton peut trouver en certain nombre au pied de quelques arbres fin octobre, commencement novembre. Les propriétaires de pineraies atteintes doivent exploiter le plus rapidement possible les arbres morts ou mourants, leur bois étant plus sujet à s'altérer. L'invasion qui a sévi dans la Champagne pouvant se répandre ailleurs en France, tous les propriétaires de forêts de Pin sylvestre feront bien d'exercer partout la même surveillance, principalement fin octobre et commencement novembre. [Afin. Agr.) Une nouvelle maladie de la Canne à sucre aux Antilles. — Le steamer Atrato, venant des Antilles, annonce qu'une maladie encore inconnue s'est déclare'e sur les racines de la Canne à sucre ; la plante meurt très vile. Le mal se'vit surtout dans l'île de Barbade où tous les plants sont détruits. De B. Le Téosinté (Euchlœna luxuriant) à Ceylan. — La Revue des Sciences naturelles appliquées (1) a traite' à diverses reprises de la cul- ture et du rendement de cette Graminée. Aux Indes, dans la ferme de Poona, près Colombo, le Téosinté a donné l'année dernière jusqu'à 80.778 livres anglaises de fourrage par acre (4046 mètres carre's), ce qui équivaut à un produit de 200.000 kilogs à l'hectare, et l'on sait pourtant que le sol ne s'y prête pas très bien à sa culture. G. Culture chez les Chinois et les Japonais. — La méthode suivie en Chine et au Japon, qui consiste à établir dans un même champ plusieurs cultures différentes, offre des avantages. Les culti- vateurs de ces pays s'occupent avant tout de rendre leurs terres fer- tiles ; dans l'Inde, ce point est trop souvent néglige'. La fertilité du sol est d'ailleurs largement entretenue par ce système. Il n'est pas rare de rencontrer à la fois quatre cultures alternantes : une première ligne de Coton, une seconde de Blé, une troisième de Dhal [Ci/lisus cajan), enfin la quatrième d'une plante fibreuse, le Day hemp (Cannabis saliva var. indica). Ces divers végétaux, appartenant à des types distincts, n'épuisent pas les éléments nutritifs du sol ; les Légumineuses fournissent aux autres l'azote nécessaire. De S. (I) Années 1876 et 1877. 191 III. BIBLIOGRAPHIE. L'Algérie. Organisation administrative. Justice. Sécurité. Instruction publique. Travaux publics. Colonisation française et europe'enne. Agriculture et forêts. Propriété et état civil cbez les indigènes. Voyage de la délégation de la Commission sénatoriale d'étude des questions algériennes, présidée par Jules Ferry. Préface par E. Combes, vice-président du Sénat. Cartes indiquant l'itinéraire de la délégation et le programme de la colonisation de 1891 à 1895, par Henri Pensa, chef adjoint du cabinet du ministre des Travaux pu- blics, secrétaire de la délégation. — Rothschild, éditeur, Paris, 13, rue des Saints-Pères. La colonisation de l'Algérie, les résultats obtenus jusqu'à ce jour, ceux à atteindre, intéressent au plus haut point tous ceux qui se préoccupent du développement de la richesse nationale. Le procès - verbal détaillé de l'enquête à laquelle s'est livrée la délégation du Sénat, donne sur ces questions des renseignements détaillés qu'un voyage, ou même un séjour prolongé en Algérie, ne pourraient per- mettre à un particulier de réunir. Partout où la conduit son itinéraire, la délégation tient de véritables assises, où sont appelés les indigènes comme les Européens, et ce sont les procès-verbaux des interroga- toires, que transcrit fidèlement M. Henri Pensa, sans négliger d'autre part les constatations de toutes sortes faites pendant le trajet d'une localité à une autre. Il y a dans ce beau volume un ensemble de documents qui le rendront indispensable à tous ceux qui voudront bien connaître l'Algérie. J. G. Les Papillons de France, par Gustave Panis. 320 pages, avec 4 planches hors texte. — Chez Charles Mendel, 118, rue d'Assas, Paris. Prix : 3 fr. 50. Catalogue méthodique, synonymique et alphabétique , contenant plusieurs chapitres sur la classification et la conservation des Lépi- doptères, la manière d'élever les Chenilles, les emplois des Papillons dans l'industrie et les travaux d'agrément, la description des princi- paux genres, etc., etc.. suivi d'un catalogue de 2,599 espèces avec leur nom vulgaire. L'ouvrage forme un manuel complet du Lépidoptériste et nous avons parcouru ce volume avec l'intérêt spécial que lui donnent pour nous nos longues années de chasse aux Lépidoptères, de recherches et d'élevage de Chenilles, etc. ; nous n'avons rien trouvé à y reprendre; les procédés indiqués sont ceux que l'expérience nous avait fait adop- ter ; mais une parole bien plus autorisée que la nôtre résumera en la confirmant notre appréciation ; M. Em. Blanchard, le savant profes- 192 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. seur d'eiilomologie du Muséum, écrit à l'auteur : « J'ai lu voire Ma- » nuel et j'estime que vous avez fait uu ouvrage vraiment utile en vul- » garisant les proce'dés les plus convenables pour l'étude et pour la » recherche des Papillons et des Chenilles. Vos descriptions faites » avec une grande clarté me semblent de nature à séduire beaucoup » de jeunes amateurs et je ne saurais trop vous en féliciter. » G. de G. La pratique de la Viticulture, adaptation des ce'pages franco- américains à tous les sols français, par Mmo la duchesse de Fitz- James. 1 volume in-16 de 380 pages, avec 92 figures, cartonne' {Bibliothèque des connaissances utiles), 4 fr. — Librairie J.-B. Bail- lère et fils, 19, rue Hautefeuille, à Paris. La Vigne américaine, après avoir provoque' un enthousiasme sans mélange de la pari des viticulteurs ruinés par le phylloxéra, est entrée depuis quelques années dans une pe'riode de déception et de décou- ragement, par suite des difficultés d'adaptation des Vignes américaines à nombre de terrains qui jadis portaient fructueusement la vigne fran- çaise. C'est aux viticulteurs malheureux et déçus que s'adresse ce volume. Il leur montrera comment en choisissant bien ses porte-greffes on peut vaincre les difficulte's de l'adaptation et leur prouvera qu'une souche américaine greffe'e peu produire plus qu'une souche française franche de pied. La première partie s'occupe des vignobles reconstitue's qui se di- visent eux-mêmes en deux grandes fractions, ceux qui donnent des re'sultats re'munérateurs et ceux qui n'en donnent pas : l'auteur y passe en revue le choix des ce'pages et les procédés de multiplication, le rôle favorable ou de'favorable du terrain, des racines et des affi- nite's respectives entre porte-greffes et greffons. La deuxième partie traite des vignobles en voie de perdition et se divise encore en deux sections : vignobles menace's à courte e'chéance par le manque d'adaptation et la chlorose, et vignobles menacés d'une façon plus ou moins lointaine. La question toute nouvelle de la re- constitution par le provignage franco-ame'ricain est très longuement traitée. Ce volume re'sume les travaux tout re'cents de MM. Foex, P. Viala. Muntz, Prillieux, Mares, etc., au Congrès de Montpellier de 1893 et à la seclion de viticulture de la Société' des agriculteurs de France en 1894. Il est illustre' de 92 figures dessinées spécialement pour cet ouvrage par l'auteur. G. de G. Le Gérant : Jules Grisard. 193 I. TRAVAUX ADRESSÉS A LA SOCIÉTÉ. LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN d'après m. hornaday, superintendant du parc zoologique de washington Pau M. H. BREZOL. (suite*) 2* PARTIE. — LE MASSACRE. Causes du massacre. Les causes qui ont amené l'extinction pratique, à l'état de nature du moins, ùe l'animal sauvage le plus précieux que le continent américain ait jamais possédé, ne sent nullement obscures. Il est bon cependant de les déterminer, de procéder à leur étude, afin d'éviter, si la chose est possible, que le triste sort du Bison ne soit partagé par l'Élan, l'Antilope, le Daim, le Caribou, le Mouflon, la Chèvre des montagnes, le Walrus et autres animaux, dont les Etats-Unis possèdent encore de nombreux échantillons. Il serait doublement dé- plorable que l'impitoyable massacre des Bisons , auquel la population des États-Unis a assisté pendant vingt longues années, ne servit pas de leçon pour l'avenir. En continuant à se l'aire ainsi les bouchers du gibier, les Américains mérite- raient certes que la postérité les mit au même niveau que les Troglodytes et les habitants des cavernes, dont les actes se résumaient en ces deux mots : manger et tuer, La cause principale de l'extermination du Bison renferme du reste les causes secondaires, qui en sont les simples con- (*) Voyez Revue, 1893, 1° setaestre, p. 433 ; 1804, i" semestre, p. 337, et plus haut, p. 1 et 97. o septembre 1894. Î3 194 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. séquences. C'est l'arrivée de la civilisation, accompagnée de tous ses éléments de destruction, sur la région où errait cet animal. Sa retraite ayant été envahie de tous les côtés à la fois, depuis le Grand Lac de l'Esclave jusqu'au Rio-Grande, par des hommes armés de fusils, tous les animaux sauvages en furent graduellement repoussés, et, comme à l'ordinaire, ce sont les plus beaux et les plus gros qui ont disparu les premiers. Si nous passons aux causes secondaires , la destruction du Bison est surtout imputable à l'insouciante avidité de l'homme, à sa manie de détruire, à son imprévoyance, mau- vaise ménagère des ressources que la nature lui fournit. On peut encore l'attribuer à l'absence totale et inexcu- sable de mesures protectrices prises par le gouvernement na- tional, et par les gouvernements des Etats et territoires de l'Ouest. A ce que les chasseurs en général, blancs ou Indiens, tuaient plutôt les vaches que les taureaux, dont la chair et la robe avaient une moindre valeur. A la perfection actuelle des armes se chargeant par la cu- lasse et de toutes les armes à feu en général. Toutes ces influences agissaient simultanément contre le Bison, sans se gêner réciproquement, et le faisaient reculer devant leur action combinée. Le funeste résultat se fut fait attendre beaucoup plus longtemps si l'une de ces causes avait été supprimée. Si le Bison, par exemple, avait reçu en par- tage moitié seulement des qualités guerrières de l'Ours griz- zly, sa destinée n'eût certes pas été la même, mais son défaut de courage, son inertie, amenaient presque à nier, en ce qui concerne cet animal, la sagesse des lois ,de la nature. Méthodes de massacre. — Le still hunt. De toutes les méthodes de destruction ayant concouru au massacre du Bison, le slill hunt, la chasse isolée, était certes ïa plus meurtrière. C'était, à tous égards, la plus vile et la plus lâche de toutes les chasses, et sa pratique eut déshonoré un véritable sportman. Dépourvu de l'excitation, des dan- gers de la chasse à courre, le still hunt était une simple bou- cherie des plus sauvages et des plus cruelles: Sans avoir l"en- LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN. 195 traînement de la chasse, elle se caractérisait par une avide âpreté à abattre chaque jour le plus possible d'animaux, et pouvait être assimilée au travail des bouchers payés à tant par tête dans les abattoirs. D'après les nombreuses descrip- tions faites de ce mode de chasse, il provoquait autant d'ex- citation et exposait à peu près aux mêmes dangers que si on s'en était allé tuer du bétail dans les prairies du Texas ou du Montana. En réalité, ce dernier exercice eût probablement été plus dangereux que le still hunt, car, au lieu d'imiter le Bison en fuyant l'homme, le bétail des prairies, le bétail du range, le charge généralement, peut-être par simple curio- sité, mais, en tout cas, en lui faisant courir un danger parfois très sérieux. Le Bison doit surtout imputer sa disparition à sa stupidité sans égale. Quel autre animal, en effet, aurait permis au chasseur isolé d'accomplir en aussi peu de temps son œuvre de destruction ? Tant que la chasse à courre resta seule en usage contre le Bison, il fallait au moins, pour en tuer un millier en une sai- son de chasse, les efforts combinés de quinze à vingt-cinq chasseurs. Un seul still hunter arrivait à lui seul, dans le même espace de temps, à abattre un nombre égal de têtes, souvent même un nombre double ou triple, et cela à la seule condition de savoir se glisser dans l'herbe pour trouver un endroit favorable au tir. Un des still hunter les plus cé- lèbres dans les fastes des massacreurs , le capitaine Jack Brydges, du Kansas, qui joua un des principaux rôles dans l'anéantissement du troupeau du Sud, tua en six semaines 1,142 Bisons. Aussi longtemps que les Bisons restèrent en grands trou- peaux comprenant des milliers de têtes, leur nombre donnait aux individus du troupeau un sentiment de protection mu- tuelle assurant la tranquillité générale, même en présence des choses que leur défaut d'intelligence les empêchait de comprendre. Quand ils entendaient retentir la détonation d'un fusil et voyaient un petit nuage de fumée blanche s'é- lever lentement au-dessus d'un ravin, d'une touffe de Sage brush, Artemisia ludoviciana, du sommet d'une colline, d'un point quelconque situé à 200 mètres d'eux, ils s'étonnaient généralement et se préparaient à suivre dans sa fuite le guide, le chef du troupeau, généralement une vache des plus 196 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. âgées. Si le chef tombait alors saignant sous le plomb meur- trier, si aucun des survivants n'assumait la responsabilité du commandement, les animaux de la bande, au lieu de se dis- perser, de fuir chacun de leur côté, se pelotonnaient les uns contre les autres, attendant que leur tour lut venu d'être tués, aucun d'entre eux ne pouvant se décider â fuir isolé- ment. Dans les derniers temps cependant de l'existence du Bison, quand les troupeaux lurent désunis, dispersés en pe- tits groupes donnant à chaque animal une existence plus in- dépendante, ils devinrent sauvages et farouches, toujours prêts à fuir â la moindre alarme et à courir au loin. S'ils avaient déployé dix-sept ans plus tôt la circonspection dont ils ont fait preuve pendant les trois ou quatre dernières an- nées de leur existence, les Bisons parcourraient encore par centaines de milliers les immenses prairies de l'Ouest, sur lesquelles 300 individus â peine errent à l'époque actuelle. Malgré la guerre sans trêve et sans merci que blancs et Indiens avaient déclarée aux Bisons il y a un siècle environ, malgré la décroissance continuelle de leur population et des prairies sur lesquelles ils vivaient, il en restait encore plu- sieurs millions de tètes non-seulement à l'époque de l'achè- vement de la ligne transversale de chemin de fer Union- Pacific en 1869, mais même en 1870. Avant cette époque, les blancs voyaient surtout dans la chasse du Bison un moyen de se procurer de la viande, les robes étant peu recherchées, et les Indiens n'en vendant guère que i00,000 par an. Quoique 500,000 Bisons environ fussent tués chaque année par les mé- tis, les Indiens et les blancs, l'accroissement naturel était assez considérable pour empêcher de prévoir la triste éventualité de l'extermination complète. Par une coïncidence fatale au Bison, avec l'établissement de trois lignes de chemin de fer â travers la région où ses individus étaient le plus nombreux, arrivèrent d'importantes demandes de robes et de cuirs, dont les armes se chargeant par la culasse devaient faciliter la ré- colte. Et alors, une meute sauvage de chasseurs s'élança sur les prairies du Bison, tous avides de détruire le plus possible de ces animaux dans le plus faible espace de temps. Pour ces individus, la chasse à cheval eût été trop lente, trop peu rémunératrice. C'était tuer en détail ; eux voulaient opérer en gros. Le still hunt, entassant victimes sur victimes, était la chasse par excellence à leur avis et, s'ils en avaient eu la LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN. 197 faculté, ils auraient joyeusement employé la mitrailleuse Gatling pour détruire un troupeau tout à la l'ois. Le still liunt exerça son œuvre de destruction en 1871, 1872 et 1873, pendant trois années seulement, sur les prairies où vivait le troupeau des Bisons du -Sud. puis, dix ans plus tard dans les régions du Montana pâturées par le troupeau du Nord. L'élévation du prix des robes, qui signale l'anéantissement du grand troupeau du Sud, fit de la chasse du Bison une pro- fession plus rémunératrice encore qu'elle ne l'avait été dans le Sud, où ses prix restèrent toujours assez bas. Il n'était pas rare de voir un chasseur de Montana dépenser 5,000 à 10,000 francs pour son équipement, ses chevaux, ses chariots, ses armes, ses munitions, ses provisions, etc. Une expédition à la recherche des Bisons, dont les dépouilles devaient figurer dans les musées américains, entreprise, en 1886, par la Smithsonian Institution, comptait parmi ses chasseurs un individu nommé James Mac Nancy, de Miles City, Montana, qui avait passé trois campagnes consécutives à tuer des Bi- sons dans la prairie et jouissait dune excellente réputation comme chasseur. Ce sont les impedimenta de M. Mac Nancy que nous prendrons comme type de ce qu'exigeait l'exercice du still hunt. M. Mac Nancy avait servi comme chasseur pendant les hivers de 1880 et 1881, dans la troupe de M. Max- well, et recevait des appointements mensuels; mais il acquit une telle adresse qu'il résolut de chasser pour son propre compte en 1882, quoiqu'il n'eût alors que dix-sept ans. Ayant pris pour compagnon un de ses frères plus âgé que lui, il acheta à Miles City un matériel et des approvisionnements composés : de 2 chariots, 2 attelages de 4 chevaux, 2 che- vaux de selle, 2 tentes, 1 fourneau de cuisine avec ses tuyaux, 1 fusil Sharp se chargeant par la culasse du calibre 40, 2 autres Sharp du calibre 45. 25 kilogs de poudre, 250 kilogs de balles et de plomb, 4,500 capsules, 600 douilles de cartouches, 4 rames de papier, 60 couteaux à écorcher de Wilson, 3 fusils à aiguiser, 1 meule à aiguiser portative, de la farine, du lard, du café, du sucre, de la mélasse, des pommes sèches, des légumes conservés, des haricots secs, le tout en quantité suffisante. Chevaux, matériel et approvi- sionnements avaient coûté 7,400 francs. Deux hommes furent engagés pour la campagne à raison de 2G5 francs par mois, 198 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. et, le 10 novembre 1882, la petite troupe quittait Miles City pour gagner les prairies. C'était un départ assez tardif, les chasseurs se mettant d'ordinaire en route vers le 1er octobre. Chevaux, véhicules et provisions furent expédiés par chemin de fer vers le Nord- Est jusqu'à Terry, d'où les chasseurs s'avancèrent de 160 ki- lomètres environ vers le Sud, dans la région des sources du ruisseau O'Fallon et du ruisseau du Castor, Beaver Creek, un des affluents du Petit Missouri. Un bon cantonnement, n'empiétant nullement sur le domaine de chasse des still hun- ters déjà arrivés, mais où les Bisons abondaient cependant, fut choisi, et on installa le camp sur le bord d'un ruisseau ombragé, de façon à avoir l'eau et le bois à sa disposition. Un cercle de collines empêchait de l'apercevoir à distance. Les deux tentes furent montées sur le prolongement l'une de l'autre, le fourneau de cuisine se trouvant placé sur la ligne de séparation. On disposait ainsi de deux salles devant servir la première de cuisine et de salle à manger, la seconde de chambre à coucher. Il avait d'abord été convenu que chacun des membres de la petite troupe ferait la cuisine à son tour pendant une se- maine, mais l'un d'eux déploya dès les premiers jours une si grande habileté dans le pétrissage du pain et des connais- sances culinaires si développées, qu'il fut par acclamation nommé cuisinier pour toute la durée de la campagne. La chasse incombait donc aux trois autres. Vu la date tardive de l'arrivée de la bande Mac Nancy sur le range, les Bisons y étaient déjà installés et le massacre put immédiatement commencer. Chacun des cbasseurs devait agir isolément et dépouiller lui-même les victimes qu'il abattrait. Au petit jour, le still limiter quittait le camp, à pied, son lourd fusil Sharp à la main, avec 75 à 100 cartouches dans ses poches ou sa ceinture. A cette ceinture pendait le compagnon du chasseur, une gaine de cuir contenant un couteau à éventrer, un cou- teau à écorcher et un fusil de boucher pour les aiguiser. Cet équipement pesait rarement moins de 1*7 kilos et souvent plus. Comme il était très important de déplacer le camp aussi rarement que possible, une fois la campagne de chasse com- mencée, le still limiter prenait les plus grandes précautions en tuant son gibier, afin de ne pas effrayer les Bisons vivant dans les alentours. LA DESTRUCTION DU BISON AMERICAIN. 199 Avec 10,000 Bisons sur le range choisi pour la chasse, on pouvait espérer rencontrer de nombreuses petites bandes d'une cinquantaine de têtes retirées dans un vallon ou un ravin où il serait possible de les exterminer sans inquiéter le troupeau principal. Le still limiter s'en allait à pied, car si la distance à parcourir pour trouver des Bisons avait été assez longue pour exiger l'emploi du cheval, ce mode de chasse n'eût plus été rémunérateur. A l'époque dont nous parlons, le chasseur ne faisait guère que 4 ou 5 kilomètres pour trou- ver des Bisons s'il y en avait sur son terrain de chasse. Il fouillait soigneusement le pays, du sommet d'une colline ou d'une haute butte, puis s'il apercevait plusieurs petits trou- peaux en train de paître, il choisissait pour l'attaquer celui qui lui paraissait le plus facile à approcher. Le chasseur pré- férait toujours attaquer un troupeau couché ou en train de paître tranquillement, ou abrité contre la fraîcheur du vent, plutôt qu'un troupeau en marche, car si une course de 2 ou 3 kilomètres lui permettait de rattraper le troupeau en marche et de lui abattre un certain nombre de têtes, les ré- sultats n'étaient jamais aussi satisfaisants qu'avec un trou- peau au repos. L'attaque décidée, le chasseur se plaçait sous le vent du groupe choisi, puis il s'en approchait, autant que le lui per- mettait la nature du sol. Si le troupeau paissait dans une dépression il choisissait un poste sur la colline la plus proche. S'il paissait sur une plaine unie, il cherchait un ravin où, il put ramper jusqu'à bonne portée. Faute de ravin il devait parfois franchir un espace d'un kilomètre sur les mains et les genoux dans la neige ou au milieu des touffes de Poiriers épineux, en profitant des moindres couverts tels que le Sage brush. Quelques-uns des still hunters du Montana rampaient et tiraient, le haut du corps enfoui dans un sac percé de trous pour les yeux et les bras. Ce dispositif, simple mais peu élégant, leur permettait de s'approcher beaucoup plus près des Bisons. S étant assuré un poste à 100 ou 200 mètres du troupeau parfois même plus loin, le still hunter cherchait sans se laisser voir un appui pour son fusil, appréciait la distance, disposait la hausse de son arme, mettait enjoué et la journée de travail était commencée. Quand le troupeau était en marche, il fallait d'abord abattre son chef, l'animal tenant la 200 BEVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. tête. Les chasseurs choisissaient toujours comme point de mire la région située derrière la jambe de devant du Bison, présentant le flanc au tireur, de manière à envoyer leur balle à travers les poumons. Cette région commençant à 30 centi- mètres au-dessus du sternum, mesurait 30 à 35 centimètres de diamètre et même plus chez les taureaux. Quand le trou- peau était immobile on ne pouvait reconnaître le chef à la place qu'il occupait dans le rang, mais comme ce chef était d'ordinaire la vache la plus vieille, on abattait alors l'animal répondant le mieux à cette condition. La détonation faisait tressaillir les Bisons, ils regardaient le petit nuage de fumée blanche s'élevant au-dessus de l'abri du chasseur et parais- saient tout prêts à prendre la fuite, mais voyant leur chef hésiter, ils attendaient. Le guide atteint par une balle faisait un bond violent en avant, puis s'arrêtait, le sang coulant en deux torrents cra- moisis, de ses naseaux, puis son corps oscillait à droite et à gauche, l'animal chancelait, essayait de rester debout, mais ses jambes s'affaissant, bientôt il roulait sur l'herbe. Quelques-uns de ses compagnons venaient l'entourer, le re- gardant curieusement, les yeux grands ouverts d'étonnement, le flairant, et un des plus résolus semblait vouloir se décider à emmener le troupeau loin de ce lieu maudit. Il avait à peine eu le temps de faire quelques pas, qu'un second coup de fusil mettait fin à son commandement éphémère. Cette nouvelle chute mystérieuse portait à son comble le trouble du trou- peau, mais le danger étant invisible, aucun des Bisons ne songeait à le fuir. Bs s'assemblaient autour des victimes, flairant le sang chaud, mugissant dans leur ignorant éton- nement. La tactique du chasseur consistait à ne pas tirer trop rapidement, il devait agir méthodiquement, et tuer tout Bison essayant de prendre la fuite. Un coup de feu par minute donnait un tir fort régulier, mais si les circonstances l'exi- geaient, on pouvait envoyer avec précision deux balles par minute. Un tireur doué d'un certain calme abattait, grâce à la perfection des armes en usage, un Bison de chacune de ses balles. Quand le chasseur avait su trouver un poste favorable, il pouvait ménager ses victimes, prendre son temps, et les abattre de la façon la plus méthodique, l'une après l'autre, LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN. 201 jusqu'à ce que la dernière tombât, que ses cartouches fussent épuisées, ou que ces brutes stupides, revenant un peu à la raison, prissent la fuite. Parfois, son fusil s'échauffait au point de l'obliger à interrompre le massacre, mais s'il y avait un peu de neige à proximité de son poste de tir, il y plon- geait, sans autre précaution, l'arme brûlante, et reprenait bientôt son œuvre de destruction. Le choix d'une bonne position pouvait amener l'anéantissement complet d'un beau troupeau. Un chasseur du Montana, M. Harry Andrews, abattit un jour un troupeau de 115 têtes, et tua, une autre fois, 63 Bisons en moins d'une heure. Un autre chasseur, M. Mac Nancy, tua 90 Bisons à un troupeau, et le colonel Dodge compta un jour 112 cadavres de Bisons répartis sur un cercle de 400 mètres de diamètre ; ces animaux avaient été abattus en trois quarts d'heure et sans changer de poste, par le même individu. Le massacre terminé, le chasseur se mettait à dépouiller ses victimes. On ne pouvait reprocher aux chasseurs du Nord l'insouciance et le système de gaspillage dont leurs confrères du Sud ont fait preuve pendant si longtemps. A l'époque où les blancs se mirent à chasser le Bison en grand sur le range du Nord, ces animaux commençaient déjà à devenir rares et leurs robes valaient de 10 fr. 50 à 21 fr. Par l'argument infaillible du prix payé, les fourreurs avaient démontré- aux chasseurs, qu'une robe proprement et -soigneu- sement enlevée, étirée, pas trop souillée de sang et de boue, valait sur le marché plus qu'une robe levée sans aucun soin. Après 1880 , les Bisons du troupeau du Nord furent dé- pouillés avec toutes les précautions voulues et les chasseurs ne subissaient que les pertes qu'il leur était impossible d'é- viter. Chaque robe représentant une somme moyenne de 18 fr. 50, on la traitait suivant sa valeur. Le chasseur ou l'é- corcheur étirait chaque robe sur le sol quand elle était encore chaude et tailladait les initiales de son maître dans le mince muscle sous cutané qui adhérait toujours à la robe. Les robes avaient une telle valeur sur le range du Nord que de sérieuses querelles s'élevaient souvent pour la propriété d'un Bison mort entre des bandes rivales, et se terminaient souvent par des luttes sanglantes. 202 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Chasse a courre ou Running bcffalo, Bison courant. Le mode de chasse, le plus meurtrier et le plus employé après le still hunt, était la chasse à courre du Bison, le run- ning huffalo. Moins vile, moins hasse que la première au point de vue sportique, elle permettait de l'aire d'impor- tantes prises, mais en exposant à de réels dangers. Les che- vaux eux-mêmes partageaient l'excitation du cavalier. Tant que les Indiens ne connurent que l'arc, les flèches et la lance, il leur fallait, pour tuer des Bisons, les approcher de très près. Les premières armes à feu qu'ils possédèrent étaient de très petit calibre, et employaient une faible charge de poudre, de plus, les Indiens étaient de détestables tireurs, aussi persistèrent-ils longtemps à forcer les Bisons, montés sur des chevaux dressés à cette chasse et à les tuer seulement quand ils en étaient très rapprochés. Les blancs qui se mirent les premiers à chasser le Bison à cheval, abattirent leurs victimes à coups de revolvers Coït de gros calibre, dont ils tenaient un de chaque main. Le fusil à répétition remplaça ensuite le revolver, et c'est alors que commença le massacre insensé pour les robes, les cuirs et la chair, mais les avides écorcheurs, trouvant trop lente cette méthode .de chasse, la seule qui eût quelque chose de loyal en exposant l'homme à de véritables dangers, adoptèrent la boucherie de sang-froid du still hunt, beaucoup plus expé- ditive. Depuis lors, le Bison perdit de plus en plus son rang comme gibier, et on en vint à déclarer que la chasse de cet animal ne pouvait constituer un sport. Cette assertion était assez vraie, quand on le massacrait par le still hunt ; quand le chasseur, gagnant son poste en rampant sur les genoux, tuait les Bisons un à un, à une assez longue distance pour que la détonation ne pût les effrayer. En ne s'occupant que de la correction du procédé, ce mode de chasse était aussi vil que celui qui consisterait à empoisonner le gibier. La chasse à cheval était tout autre chose. Elle exigeait un bon cheval, un hardi cavalier, solide en selle, et une grande dextérité à manier les armes. Extrêmement entraînante, elle exposait le chasseur à de véritables dangers. Dès que les chasseurs découvraient un troupeau de Bisons, LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN. 203 ils s'en approchaient à cheval, galopant en ligne régulière, en ayant soin de se dérober aussi longtemps que possible à leur vue. Le plus souvent ces animaux peu soupçonneux, et empruntant surtout à leur grand nombre un sentiment de quiétude, permettaient aux chasseurs de s'approcher à 400 mètres, à 200 mètres même de leurs flancs et se décidaient seulement alors à prendre la fuite à un trot assez lent. Les chasseurs éperonnaient leurs chevaux, cherchant â rejoindre le troupeau et dès qu'ils étaient arrivés à sa hauteur, chacun d'eux choisissait l'animal qui lui paraissait le meilleur de ceux se trouvant à sa proximité, il s'attachait alors à le poursuivre, jusqu'à ce qu'il l'eût rejoint, et le servait d'une flèche ou d'une balle. Le point de mire, le point mortel, situé derrière la jambe de devant, s'étendait sur une surface cir- culaire, mesurant un diamètre de 35 à 40 centimètres, et des- cendant jusqu'à une ligne horizontale passant par le coude. Cette chasse présentait, nous l'avons dit, de grands dan- gers. Souvent, un chasseur se trouvait entouré par le trou- peau, et l'épais nuage de poussière qu'il soulevait dans sa fuite, aveuglant le cavalier et sa monture, les accidents étaient fréquents. Des chasseurs tiraient les uns sur les autres sans se voir, souvent, un Bison blessé faisait tête et renversait ses agresseurs. Les chutes dues aux obstacles pré- sentés par le terrain étaient surtowt très nombreuses. Nous trouvons dans le passage suivant du colonel Dodge quelques impressions sur cet ordre de dangers : «Le Bison ne songe » guère à attaquer celui qui le poursuit, aussi le péril ne » vient-il pas de sa résistance, mais de ce que ni 1 homme, ni » le cheval, ne voient le sol sur lequel ils passent, sol ra- » boteux, rompu, semé de trous creusés par les Chiens des » prairies. Le péril est tel, qu'on peut affirmer qu'un homme » courant au milieu d'un troupeau de Bisons, tient sa vie » entre ses mains. Je n'ai jamais entendu dire que des Bisons » aient blessé un cavalier marchant avec eux, mais j'ai en- » tendu parler de six individus au moins qui avaient été tués, » et d'un certain nombre d'autres qui furent plus ou moins » grièvement blessés par la chute de leurs chevaux lancés au » galop. » M. Hornaday, qui a pris part à plusieurs de ces chasses, ajoute qu'ayant appris dans une première expérience ce qu'étaient les dangers de la chasse à courre du Bison, il avait 20i REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. une crainte mortelle de se trouver un jour entraîné au mi- lieu d'une cité de Chiens des prairies. L'entrée du terrier de ces animaux est en effet assez large pour que la jambe d'un cheval y pénètre jusqu'au genou, déterminant une chute vio- lente de la monture et du cavalier. Le moindre mal qui puisse dès lors arriver au cheval est une jambe cassée. Quant au cavalier, s'il se tient mollement en selle, il est projeté à une vingtaine de pieds en avant, comme par le choc d'une cata- pulte, et sur un sol un peu dur il se fracturera quelques os, se brisera la colonne vertébrale ou le crâne. Si le cavalier est réellement solide en selle, son sort est encore moins enviable, car le cheval Taisant panache retombe sur lui la plupart du temps et l'écrase Un sol sous lequel nichent des Chiens des prairies apparaît creusé comme un rayon de miel, de trous béants plus ou moins profonds, réunis souvent par des l'entes radiales aux parois droites, ne se révélant, vu l'étroitesse de leur ouverture, qu'au moment où on ne peut plus les éviter. A ce moment, le chasseur, qui voit le gibier fuir partout devant et autour de lui, ne songe plus à rien autre qu'à le rejoindre. Les yeux fouillant au loin la prairie, il se gardera bien des principaux obstacles éloignés et vi- sibles à distance, mais en abandonnant à sa monture la plus forte partie de cette mission. Dans la fièvre de la course, le cavalier lacère de ses éperons les flancs de son cheval, s'at- tendant à tout moment à être jeté à terre. Plus loin, M. Cat- lin donne les détails suivants sur une chasse dont il fut un des acteurs : « Je me lançai au travers de la masse en mou- » veinent qui couvrait au loin la plaine, incapable de dire si » je chevauchais un Cheval ou un Bison, bousculé, heurté, » pressé de toutes parts, jusqu'à ce que, passant enfin auprès » d'un animal de bonne taille, je lui envoyai une balle. Des » fusils jetaient du feu tout autour de moi, mais je n'en- » tendais rien. Au milieu de cette cohue piétinante, mon » ami Chardon avait blessé un énorme taureau, et se prépa- » rait, la carabine épaulée, à lui envoyer une seconde balle. » Chasseur et Bison galopaient à toute vitesse, quand le » taureau se retournant brusquement reçut le cheval sur ses » cornes, et le pauvre Chardon, faisant un saut de grenouille » de vingt pieds et plus par dessus le Bison, retomba lour- f> dément sur le sol aux pieds de mon cheval. Ayant arrêté » ma monture aussitôt que je le pus, je revins vers mon LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN. 20o » camarade. Chardon gisait à terre poussant de profonds » soupirs à quelques pas de son énorme victime, couchée, les » jambes en l'air à côté du cheval. Au moment où je mettais » pied à terre, Chardon se souleva sur les mains, les yeux et » la bouche pleins de poussière, réclamant son fusil tombé à » 10 mètres en avant de lui. « Etes-vous blessé, Chardon? » m'écriai-je. — Non, non, je ne crois pas, monsieur Catlin, v ce n'est rien, mais la terre est bien dure ici. » Là dessus, le » pauvre garçon s'évanouit. Peu de temps après il revenait à » lui, ramassait son fusil, saisissait la bride de son cheval, et » celui-ci, se remettant aussitôt sur ses pieds secouait la » poussière dont il était couvert, de sorte que nous nous » retrouvions tous sur nos jambes, excepté le taureau, passé, » lui, de vie à trépas. » Le passage suivant emprunté à l'ouvrage de M. Alexandre Ross : Red River Settlements (Les établissements de la Ri- vière Rouge), donne des détails analogues sur une grande chasse à laquelle 400 cavaliers prenaient part : « A un rao- » ment donné, 23 chevaux et leurs cavaliers se débattaient » sur le sol rocheux et parsemé de trous de Blaireaux ; un » des chevaux avait été tué net par un taureau, deux autres » étaient grièvement blessés, un cavalier s'était cassé l'omo- » plate, le fusil d'un autre chasseur avait, en éclatant, brisé » 3 ou 4 doigts à son propriétaire ; un troisième venait de » recevoir une balle perdue. Ces accidents, si sérieux qu'ils » fussent, inquiétaient assez peu les chasseurs, car ils étaient » compensés par les 1375 langues de Bisons qu'on rapportait » au camp ce soir- là. » Les chevaux de la prairie semblaient alors entrer de leur pleine volonté en guerre contre les troupeaux condamnés. Il est vrai que, sans cette volonté, sans cette ardeur, dont les chevaux à Bisons des blancs et des Indiens faisaient preuve pendant la poursuite, la chasse à courre du Bison eût ren- contré des difficultés presque insurmontables et eut été beau- coup moins destructive pour cette espèce. D'après toutes les relations, les chevaux des métis et des Indiens étaient beau- coup mieux entraînés que ceux de leurs rivaux, les chasseurs blancs, sans doute à cause de l'usage exclusif de l'arc qui, nécessitant l'emploi des deux mains, obligeait le chasseur à laisser galoper son cheval librement en ligne droite, ou à le diriger seulement par la pression des genoux. Les chevaux 206 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. des Indiens, disent ces relations, dont on n'aurait aucun motif de mettre en doute la véracité, déployaient presque plus d'intelligence et d'ardeur à cette chasse que leurs cavaliers. Lewis et Clarke rapportent, dans le compte-rendu de leurs voyages, qu'un sous-officier de l'armée des États-Unis, chargé de conduire un groupe de chevaux pris à des Indiens, à tra- vers une région où les Bisons abondaient, voyait ces che- vaux s'échapper à chaque instant, prendre le galop, et aller entourer les groupes de Bisons paissant dans la prairie, absolument comme s'ils avaient été montés et guidés par leurs cavaliers. Il dut, pour éviter la trop fréquente répé- tition de ces escapades, détacher en avant un cavalier, chargé de chasser tous les Bisons qui se trouvaient à quelque dis- tance de la route suivie. M. Sibley, qui accompagna les métis de la Rivière Rouge dans une de leurs chasses annuelles, a rapporté, de son côté, le fait suivant : « Les chevaux s'éprennent d'une telle passion » pour la chasse du Bison, qu'un des chasseurs étant tombé » de sa monture pendant la poursuite d'un troupeau, celle-ci » continua à suivre la chasse comme si elle avait pu con- » tribuer à son succès. Dans une autre circonstance, un » métis avait laissé au camp son cheval favori, légèrement » indisposé, en recommandant à sa femme de veiller sur lui. » Le brave animal, n'admettant pas qu'on le privât de son » exercice favori, partit sur la piste des chasseurs, les re- » joignit, et se lança avec eux à la poursuite des Bisons, » semblant attendre avec impatience la chute de ces ani- v maux. La chasse terminée, il vint en hennissant à la ren- » contre de son maître qu'il découvrit immédiatement, quoi- » que les chasseurs fussent dispersés à des kilomètres de » distance. » {A suivre.) 207 LES VERS BLANCS ET LES FREUX Par M. Gabsisl ROGERON. Depuis un certain nombre d'années, ces dernières surtout, les Vers blancs causent un tort considérable aux cultures les plus diverses, au point de devenir, pour nos campagnes, une sorte de fléau nouveau. Car bien que ces larves aient existé de tout temps, jamais leur nombre n'avait pris encore les proportions inquiétantes actuelles. Cbez nous, en Anjou, des prairies sont jaunies, presque entièrement détruites, cliaque brin d'herbe ayant ses racines rongées, tandis que la reconstitution de nos vignobles est souvent gravement entravée par ces mêmes Vers, qui, enva- hissant nos pépinières de cépages américains, y font périr un grand nombre de plants. L'an dernier, nos Chênes, ainsi que maintes autres espèces d'arbres entièrement broutés, rongés par d'innombrables essaims de Hannetons, offraient l'aspect le plus désolant; on eût cru, en voyant certains d'entre eux, être au cœur de l'hiver; toutes leurs branches se trouvaient dénuées de leurs feuilles dévorées par ces vo- races et non moins bruyants insectes qu'on entendait bour- donner partout, et qu'on écrasait à chaque instant sous les pieds, jusqu'au centre de notre ville. Cet état de choses n'est pas sans inspirer d'inquiétude, d'au- tant plus qu'on ne sait où en arrivera la multiplication d'un insecte dont la progression est constante depuis un certain nombre d'années. Aussi cherche-t-on, mais toujours vaine- ment, le moyen de le combattre. Il y a deux ou trois ans, on croyait avoir infailliblement trouvé ce moyen. On avait prétendu qu'en inoculant un cer- tain virus à quelques-uns des vers, puis en les relâchant ensuite parmi leurs semblables, ils y répandraient la conta- gion et que tous périraient en même temps. J'ai été témoin de plusieurs de ces expériences. On faisait venir à bon prix quelques douzaines de ces bêtes préalablement inoculées, ou bien on les préparait soi-même au moyen d'un mélange venu 208 RK\UE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. du même endroit et dont on les saupoudrait ; puis on les en- fouissait de droite et de gauche dans le champ ou la prairie atteinte; après quoi on attendait patiemment un résultat qui n'arrivait jamais, les autres Vers hlancs persistant à se porter aussi bien que par le passé. Comment, en effet, en eût-il été autrement, et comment ces Vers, répandus forcément de loin en loin, eussent-ils pu com- muniquer la contagion aux autres, isolés dans leurs galeries souterraines, et ne franchissant chaque jour pour pourvoir à leur nourriture que des distances insignifiantes, n'ayant par là même que bien peu de chances de se rencontrer ? Une fois seulement, il m'a été donné de constater des ré- sultats appréciables, mais il est vrai en sens absolument inverse de ce qu'on attendait. On désirait purger un potager de ces hôtes redoutables ; pour cela on y répandit une très forte dose de larves inoculées ; l'effet ne tarda pas à se faire sentir par l'augmentation des dégâts qu'occasionnèrent les nouvelles recrues. Ce procédé reconnu inefficace, on en est revenu aux an- ciens moyens plus simples, plus vrais, mais en somme guère plus pratiques, consistant à rechercher soit les larves, soit l'insecte parlait, pour les détruire ensuite. La recherche des larves qui serait la plus rationnelle, en fait et comme mesure générale, est absolument irréalisable. D'abord dans la plupart des cas il faudrait détruire les cul- tures elles-mêmes, les prairies, les plantations ; car on ne peut trouver les vers sans bouleverser complètement la terre. Ensuite, si on le faisait pour certains espaces, une infi- nité d'autres resteraient inexplorés ; il faudrait remuer ainsi des communes entières et tous leurs habitants n'y suffi- raient pas. Quant à la recherche de l'insecte parfait, au hanneionage, qui a les faveurs de l'administration, dont nos conseils géné- raux s'occupent à chaque session et que nous courons risque de nous voir imposer comme l'échenillage, ce sera une lourde charge de plus et absolument sans résultat appréciable. D'a- bord, quand même la chose serait possible, serait exécu- table, elle aurait encore à peine sa raison d'être. Car, quand même on parviendrait à s'emparer de tous les Hannetons, tine notable partie de ces prises serait encore inutile et sans objet ; nombre de ces insectes dont la vie est très courte, à LES VERS BLANCS ET LES FREUX. 209 moins de les saisir au moment même de leur apparition, au- raient déjà confié leurs œufs à la terre. Avec la larve, au moins, on eût été sûr de détruire toute la descendance future. Mais c'est pur enfantillage de penser qu'avec tous les arrêtés préfectoraux et les pénalités les plus sévères, on puisse détruire la vingtième partie de ces insectes attachés, par grappes, aux branches des arbres. Si l'on cite chaque année des enfants des écoles qui, sous l'intelligente direction de l'instituteur, ont ramassé quelques dizaines de décalitres de Hannetons aux basses branches, ils en ont laissé des cen- taines sur les cimes. Encore, je le répète, une partie des insectes récoltés avec tant de peine, ne comptaient déjà plus comme propagateurs de leur espèce; et souvent quelques jours eussent suffi pour que la terre, sous ces mêmes arbres, eût été semée de leurs cadavres. Je m'étonne qu'à notre époque de science et de progrès, nous n'ayons pas aperçu plutôt le vrai remède, que nous soyons encore assez ignorants des faits les plus simples de l'histoire naturelle et assez peu clairvoyants pour ne pas voir que c'est à nous-mêmes qu'il faut nous en prendre, que nous sommes les auteurs du mal, la cause indirecte de la progression effrayante du Hanneton, et cela, en proscrivant et mettant hors la loi les ennemis les plus acharnés des Vers blancs, leurs principaux destructeurs, qui ne sont autres que les Corbeaux et en particulier les Freux. D'abord je commence par dire que je ne comprends pas l'acharnement stupide que l'on montre en général contre ces pauvres oiseaux. Car, abstraction faite des services qu'ils rendent comme destructeurs de Vers blancs, services, il est vrai, restés généralement incompris, il n'est aucun grief sérieux que l'on puisse invoquer contre eux. Et je ne sais pourquoi on leur fait une situation si dure en les classant parmi les animaux nuisibles, surtout ces honnêtes Freux,, les plus répandus chez nous, oiseaux au régime insectivore et végétal, dont la maigreur ordinaire indique assez le peu d'excès culinaire, et qu'on pourrait citer à juste titre comme types de la sobriété. Le principal reproche qu'on puisse leur faire, c'est d'aller à l'époque des semailles sur les champs prélever quelques grains de blé en payement des immenses services qu'ils rendent par ailleurs. Mais en cela ils n'agis- sent pas autrement que maints autres oiseaux, Perdrix, 5 teptembre 1894. 14 210 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Alouettes, Pinsons, Bruants, etc., qu'on n'a jamais songé à ■ranger, comme eux, parmi les animaux nuisibles et à vouer à l'extermination, avec cette différence, toutefois, que plu- sieurs parmi ces derniers, les Perdrix entre autres, conti- nuent encore assez longtemps, le grain levé, à en manger les germes et les tiges sucrées sortant de terre, tandis que les Corbeaux ne s'attaquent guère qu'au grain encore farineux. Pourquoi donc cette inégalité de justice, haine et proscription pour les uns, amitié et protection pour les autres, quand le délit est le même, et plutôt atténué pour les premiers, le temps précédant la germination étant extrêmement court? A-t-on jamais vu les récoltes manquer par le l'ait des Cor- beaux, tandis que bien souvent elles sont détruites par les insectes que dévorent les Corbeaux. Ces oiseaux sont du reste si défiants, si craintifs, que le cultivateur ne manque pas de moyens pour le's écarter du champ qu'il désire protéger. D'ailleurs, est-on bien sûr que les bandes de Corbeaux, qui s'abattent sur les terres nouvellement ensemencées, n'y mangent alors que du grain; n'est-il pas plutôt présumable qu'ils y joignent nombre d'insectes, Vers blancs et autres, dont ils sont si friands? En effet, tout le reste de l'hiver quand le blé est levé, et ne peut plus leur servir d'aliment, nous continuons à les voir, comme par le passé, fréquenter les mêmes champs et y chercher leur vie qui doit désormais consister exclusivement en insectes. Ne peut-on donc pas en induire que ce genre de nourriture n'a guère varié pen- dant et depuis les semailles, et qu'ils ne font que continuer leur œuvre d'assainissement commencée alors ? Mais admettant même qu'on puisse reprocher aux Cor- beaux, en général, quelques dégâts réels au moment des se- mailles, ce qui n'est pas démontré, aux Choucas, un goût assez prononcé pour les petits pois et les cerises, et aux Corneilles, .quelques méfaits à l'égard de jeunes couvées, ces griefs de- vront s'effacer en songeant aux importants services qu'ils rendent à l'agriculture comme destructeurs de Vers blancs, services qui deviendraient bien plus importants si ces oiseaux n'étaient l'objet de constantes persécutions ; car la multipli- cation de plus en plus désastreuse des Hannetons coïncide avec la destruction des Corbeaux. Il y a vingt -cinq ou trente ans, en effet, les Freux, qui sont seulement de passage périodique en Anjou, commençaient à LES VERS BLANCS ET LES FREUX. 211 nous arriver vers la fin d'octobre, pour former bientôt des bandes innombrables , auxquelles se joignaient quelques Choucas, Corneilles noires et mantelées. Les champs où ils se réunissaient en étaient littéralement noirs ; à certaines places c'est à peine si on apercevait la terre. De quoi pou- vaient vivre ces gros et si nombreux oiseaux, à une époque de l'année où il n'y a plus ni récolte dans les champs, ni fruits sur les arbres, ni sauterelles ni autres insectes en circula- tion ? Je sais bien qu'à leur arrivée ils pouvaient se nourrir de quelques grains trouvés dans les champs nouvellement ensemencés ; mais ce moment est "vite passé, et une fois le blé levé, c'est-à-dire depuis la mi-novembre jusqu'à la fin mars, c'est-à-dire pendant quatre ou cinq longs mois d'hiver, de quoi vivaient-ils, si ce n'est de Vers blancs ou autres, en fouillant de leur bec l'intérieur de la terre ; et cela forcément, je le répète, puisqu'ils n'ont pas d'autre ressource, puisqu'il n'est alors nulle autre nourriture à leur disposition. Aussi, c'est surtout les prairies, particulièrement infestées de ces larves , qu'ils recherchent de préférence et où nous les voyions autrefois faire en si nombreuse compagnie les cent pas en tous sens pendant des journées entières. Je le répète, dans ces prairies dénudées, rasées, désertes, où il ne se trouve ni grain ni insectes à la surface du sol, de quoi pour- raient vivre ces oiseaux qui ne mangent pas d'herbe, si ce n'est de Vers blancs, de Grillons, de Chrysalides, qu'ils retirent de terre ? D'ailleurs, on en n'est pas réduit aux simples suppositions, les faits sont là. Si par hasard on examine le contenu du jabot de quelques-unes de ces trop nombreuses victimes de notre ignorance, tuées dans l'exercice de leurs fonctions répa- ratrices, on n'y trouvera guère que des Vers blancs, des Vers gris, des Grillons, ces derniers aussi très nuisibles à l'herbe des prairies. Et si après le départ d'une de ces bandes de Cor- beaux d'un champ ou d'un pâturage, on prend la peine d'ins- pecter de près les lieux où ils étaient répandus naguère, on remarquera çà et là de petits trous de forme conique qu'ils viennent de pratiquer dans la terre pour atteindre leur proie. Il faut que ces oiseaux aient un odorat d'une admirable subtilité et. approprié entièrement aux fonctions spéciales qui leur sont départies, pour pouvoir, avec une telle sûreté, tom- ber juste sur l'insecte, caché parfois à plusieurs pouces sous 212 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. terre, sans abîmer le terrain qu'ils n'entr'ouvrent qu'à l'en- droit précis où se trouve le ver. Les Freux, ceux des Cor- beaux les plus spécialement voués à la destruction des Vers blancs, ont été parfaitement outillés à cet effet. Leur bec n'est pas un peu obtus et recourbé à son extrémité comme des Corneilles et des Choucas, c'est une longue et véritable pioche absolument conique et pointue, prédestinée à être en- foncée dans la terre, qu'ils emploient avec une telle convic- tion et une si louable persévérance, que toute la partie an- térieure de leur visage , presque toujours d'ailleurs souillée de boue ou de terre séchée, se dénude bientôt, jusqu'aux yeux, ne présentant plus qu'une peau chauve, dure, calleuse, fournissant la preuve de leur rude et énergique labeur. C'est même à cette calvitie que l'on distingue dans cette dernière espèce les vieux des jeunes qui jouissent d'un bec et d'une tête aussi emplumés que celle de leurs congénères. Mais la coquetterie n'est pas le fond de leurs préoccupations, ils sont piocheurs et travailleurs avant tout, et peu leur importe s i l«ur tenue, si leur aspect en souffre. Ces bandes de Corbeaux ou plutôt de Freux, car ces der- niers les composaient jadis pour les neuf dixièmes, ne se ras- semblent pas toujours dans les mêmes prairies, dans les mêmes champs. Ils en changent au contraire souvent, pas- sant une matinée dans les uns, une soirée dans les autres, séjournant un temps plus ou moins long, suivant les res- sources qu'ils rencontrent. Ils portent ainsi successivement leur œuvre d'assainissement dans toute la région, revenant le même hiver nombre de fois dans les mêmes endroits, surtout dans ceux qui réclament davantage leurs services, et dans lesquels par conséquent leur chasse est le plus lucra- tive. Dans l'intervalle de ces allées et venues, en effet les larves qu'ils n'ont pu découvrir ou atteindre les premières fois, à cause de la trop grande profondeur en terre de leur gîte ou de leur situation sous des racines et des pierres, se sont déplacées ou ont remonté à la surface, et par là même sont redevenues d'une capture plus facile. On conçoit que ces terrains ainsi fouillés, explorés tant de fois dans le courant de l'hiver par ces oiseaux jadis si nom- breux que le sol en était noir sur des hectares entiers et qu'à peine ils étaient espacés de quelques pieds dans leurs travaux de recherches incessantes, on conçoit, dis-je, que ces champs LES VERS BLANCS ET LES FREUX. 213 fouillés de la sorte, fussent, en grande partie au moins, dé- barrassés de ces désastreux insectes le printemps venu. Il est aisé, du reste, de se rendre compte à première vue de l'im- mensité du service rendu, quand on songe à la consommation effrayante que devaient faire autrefois ces milliers de gros oiseaux à la digestion facile et rapide, cantonnés pour la mauvaise saison dans des régions relativement assez res- treintes et revenant maintes fois explorer les mêmes lieux. Il faut tenir compte aussi de ce fait, qu'à la différence de la plupart des insectes d'une naissance et d'une reproduction si rapide, les Vers blancs sont trois années à accomplir leur évolution, à devenir insectes parfaits, et que par là même les vides produits parmi eux sont un temps semblable à se combler ! Comment reconnaît-on d'aussi signalés services envers les oiseaux les plus utiles, peut-être, à l'agriculture ? Notre re- connaissance se borne à les traiter comme nos pires ennemis. Nos paysans qui devraient être à même de constater leurs services journaliers, au moins de remarquer que les trois quarts de l'hiver ces pauvres oiseaux ne leur font pas ombre de tort, puisqu'ils passent leur temps dans des prairies, dans des champs absolument nus et vides de toute récolte domma- geable, ces paysans, dis-je, pour quelques grains de blé qui ont pu être mangés lors des semailles, leur font une guerre d'embuscade acharnée. Les Corbeaux, en effet, sont si intelli- gents, si défiants, qu'on en est venu à croire qu'ils sentent la poudre. Ils sont si habiles à déjouer toutes les ruses du chas- seur que ce n'est qu'en se cachant, en buissonnant avec la plus grande adresse derrière les haies que celui-ci parvient à les approcher, à les tirer ; il est certain, j'en ai eu maintes fois la preuve, que ces perspicaces oiseaux savent parfaite- ment distinguer l'homme qui semble avoir de mauvais des- sins , celui qui porte un fusil, de celui muni seulement d'une pioche ou d'un instrument de labourage; ce dernier en appro- chera à vingt pas, tandis qu'ils partent à des centaines de mètres de l'autre; et il n'est presque jamais les bandes de ces oiseaux ne butinent dans un champ, sans que de vigilantes sentinelles ne soient postées en haut des arbres pour donner l'éveil au premier danger. C'est du reste un assaut journalier de ruse et de finesse entre le Corbeau qui veut défendre sa peau et le féroce paysan qui 214 MVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. cherche à tout prix à s'en emparer pour l'accrocher en forme de harhare trophée au milieu de son champ, non sans toute- fois en avoir retiré de quoi faire un maigre ragoût. Là, c'est encore la guerre, hien que sauvage et injustifiée, l'oiseau peut lutter de vigilance, de prudence, et, grâce à sa finesse, ses gros bataillons n'auraient encore été ainsi que peu endom- magés; mais depuis un certain nombre d'années, â cette guerre d'escarmouches sont venus se joindre de véritables massacres. Des gens mus par un sentiment de cupidité plutôt que de haine, sachant que ces oiseaux viennent régulière- ment se coucher en bandes compactes sur la cime de cer- tains grands arbres de nos bois et forêts, vont la nuit tirer, au, milieu de leur sommeil, ces malheureux qui tombent alors pêle-mêle par douzaines sous le plomb meurtrier. Ces Corbeaux, se composant presque exclusivement de Freux, doivent être sans doute expédiés en gros à quelques res- taurateurs de second ordre de la capitale ou d'ailleurs qui les convertissent en salmis de Ramiers après en avoir rem- placé le bec et les pattes par d'autres moins compromettants. C'est sous les yeux de l'Administration, qui, elle, au moins, devrait être plus instruite et plus intelligente, avec encouragement des préfets et conseils généraux, que ces énormités, ces barbares et désastreuses inepties se prati- quent ! Les grands protecteurs de nos récoltes, sans doute plus utiles qu'aucun des autres oiseaux de nos pays, sont dé- clarés nuisibles par des textes formels de lois et règlements, officiellement proscrits et voués â l'extermination. Chaque année, tous les arrêtés préfectoraux fixant la clôture de la chasse du gibier emplumé, en proscrivant celle des petits oiseaux, ont bien soin d'en excepter les espèces dites nui- sibles, parmi lesquelles les Corbeaux, qui peuvent être chassés toute l'année et avec toutes sortes d'engins de des- truction. Par suite de cette guerre inepte et sans merci, le nombre des Freux décroît chaque année à tel point que ces im- menses armées de destructeurs d'insectes, qui se compo- saient autrefois de milliers d'individus , sont remplacées , l'hiver, par de petites compagnies de quelques douzaines de ces Corbeaux mélangés d'un petit nombre de Choucas et de Corneilles, lesquels à cause de leurs mœurs différentes ont moins souffert des massacres de nuit. LES VERS BLANCS ET LES FRELX. 215 Les Vers blancs lisant plus l'ennemi spécial que, dans sa sagesse, la nature sait susciter contre tout animal ou insecte nuisible, l'équilibre a été rompu, et ils sont arrivés, depuU, quelques années surtout, à se multiplier d'une façon redou- table, au point de compromettre gravement nombre de ré- coltes. Les agriculteurs gémissent sans perdre toutefois tout espoir, ils comptent sur la grande éclosion de l'insecte par- fait, après laquelle ils auront au moins trois ans de relâche, puisque cette larve met trois ans à se développer ; et je lisais encore dernièrement dans un journal ces consolantes espé- rances pour cette année. Mais le malheur est que, derrière cette génération de trois ans, il y a celle de deux ans qui lui succédera, de sorte que chaque année ramène la grande génération qui devient toujours de plus en plus grande. Aussi comprend - on toute la gravité de la situation, et pour combattre, pour arrêter la progression effrayante de ces désastreux insectes, s'ingénie-t-on à chercher et à mettre en œuvre, ainsi que nous avons vu, toutes sortes de moyens, depuis les plus primitifs, le hannetonage et la recherche des leurs larves, jusqu'à ceux dérivant des procédés scientifiques les plus modernes, de ceux empruntés à la méthode Pasteur, sans s'apercevoir que le véritable remède a été placé par la nature auprès du mal et que, s'il est devenu inefficace, c'est à nous seuls que nous devons nous en prendre, puisque, dans notre ignorance, nous l'avons en partie supprimé en rédui- sant à un nombre infime les destructeurs naturels de nos ravageurs. Quand même les Corbeaux n'eussent pas travaillé pour nous sous nos yeux et au grand jour, la multiplication inu- sitée du Ver blanc eût dû nous faire réfléchir, nous mon- trer à elle seule qu'il y avait désormais quelque chose man- quant, de dérangé dans l'équilibre, l'harmonie de la nature en ce point. La seule mesure rationnelle et pratique à prendre pour in- terrompre la progression désastreuse et indéfinie des Han- netons et de leurs larves serait donc, au lieu d'encourager, comme nous le faisons follement, la destruction des Cor- beaux, de leur accorder au contraire une prompte, vigoureuse et vigilante protection. Pour cela, il faudrait tout d'abord que l'Administration, au lieu de les désigner ainsi qu'elle le fait sur ses circulaires et arrêtés comme oiseaux nuisibles, s'at- 2*6 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. tachât bien plutôt à détruire les préjugés fâcheux dont ils sont victimes, à faire comprendre aux populations rurales si mal disposées pour eux, qu'elles n'ont pas de meilleurs, de plus puissants auxiliaires pour la protection de leurs récoltes. Leurs couvées devraient désormais être respectées à l'égal de celles des petits oiseaux que la loi défend rigoureusement de détruire. Aussi et plus insectivores qu'eux sans être plus coupables, ils devraient jouir de la même immunité, et en particulier ces nombreuses colonies de Freux s'établissant au printemps pour nicher sur la cime des grands arbres de nos forêts, de nos bois et même de nos jardins publics, comme jadis sur les platanes de la fontaine Médicis au Luxembourg. Quant à la chasse des Corbeaux, surtout celle de nuit si meurtrière, ainsi qu'à leur vente sur nos marchés, elles devraient être sévèrement prohibées. De la sorte notre pro- tection accordée aux Corbeaux, ou pour parler plus exacte- ment, notre meurtrière hostilité une fois cessée, ceux-ci n'ayant désormais pas plus de motifs naturels de décroître que les Hannetons n'en eussent eu d'augmenter sans la dis- parition des Freux, il est à présumer que ces derniers, reve- nant bien vite à leurs gros bataillons, pourraient réduire les Vers blancs à leur nombre presque inoffensif d'autrefois et par là même rétablir l'équilibre un instant rompu par notre faute (1). (1) En Angleterre, on leur faisait également la guerre, mais on n'a pas tardé à voir que la destruction de ces oiseaux avait été suivie de mauvaises récoltes, aussi nos voisins, plus sages que nous, les respectent- ils à présent (Brehm, Les Oiseaux, t. I, page 297). ' • 217 CULTURE ET PROPAGATION DE VÉGÉTAUX EN ALGÉRIE Par M. LEROY, Membre de la Société nationale d'Acclimatation, de la Société d'Agriculture et de la Société de reboisement du département d'Orau. Les personnes qui s'intéressent à la prospérité de l'Algérie ont toujours considéré qu'un des moyens d'augmenter sa ri- chesse était d'y propager des végétaux exotiques, écono- miques ou d'ornement. Poursuivant depuis 1885 des essais de cette nature, nous croyons utile de faire connaître les résultats que nous avons obtenus. Nos expériences ont été faites dans un jardin de la ban- lieue d'Oran que nous avons entouré d'une muraille et de plantations de Casaarina, faux Poivriers {Sc/iinus molle) et de Cyprès, afin d'éviter, autant que possible, les effets des vents d'ouest et de nord-ouest qui soufflent violemment en hiver et au printemps, et d'atténuer l'inconvénient résultant du voisinage de la mer dont les vapeurs salées nuisent à beaucoup de jeunes plantes. La température, très élevée en été, y descend parfois, en hiver, à 2 ou 3 degrés au dessous de 0 ; l'irrigation y est assurée au moyen des eaux des sources de Brédéah. La terre, en couche de 1 à 2m,50 de profondeur, sur fond rocheux, est de nature argilo-siliceuse. Des analyses de terres de la même localité et de même na- ture ont révélé que leur composition en éléments utiles comprend : Carbonate de chaux 1.5 p. %. Matières organiques 8 — Sesquioxyde de fer 12 — ■ Acide pbosphorique 1.01 — Potasse 1.86 — Azote 0.35 — 218 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. Les semis sont faits, généralement, en plein air, à mi- ombre, quelquefois sous des vitres, et autant que possible en pots. Ce dernier procédé nous paraît préférable au semis en pleine terre, lorsqu'il s'agit d'essayer des graines d'espèces inconnues dont la germination se fait souvent attendre plu- sieurs mois ; on peut ainsi maintenir la terre en bon état, plus aisément qu'en planclie. Nos résultats ont été obtenus, nous insistons sur ce point, sans serres, par des moyens simples à la portée de tous. Mais nous ajoutons que, pour réussir, il faut beaucoup de patience et qu'il est indispensable de soigner soi-même les semis, ou du moins de les surveiller de très près, au lieu de les confier à des jardiniers que la culture de végétaux inconnus intéresse médiocrement. Nos essais ayant porté sur 311 variétés de plantes, nous aurions à entrer dans trop de détails, si nous voulions donner des renseignements sur chacune de ces variétés. Nous ju- geons préférable de résumer nos observations en un relevé ci-joint indiquant les noms des plantes, l'année des semis, les résultats obtenus. Pour 112 plantes, les praines n'ont pas levé, soit qu'elles fussent avariées, soit pour toute autre cause. Nous considérons nos résultats comme incomplets pour 68 variétés dont les semis ont réussi, mais dont les plants ont péri dans le jeune âge, ou même après plusieurs années. Ainsi, beaucoup prêtre accompagne parfois l'expédition, et célèbre la messe » en pleine prairie. En 1840, quand un homme se lançait à la » poursuite des Bisons avant que le président eût déclaré la » chasse ouverte, on lui mettait d'abord sa selle et sa bride » en pièces ; en cas de récidive, ses vêtements étaient lacé- » rés et mis hors d'usage. Ces punitions sont actuellement » remplacées par des amendes, celles que l'on encoure à la » première infraction s'élevant à 23 francs. Il est expressé- »■ ment interdit de tirer des coups de fusil sur les prairies des » Bisons avant que le signal de la cbasse n'ait été donné. » Pendant la marche vers ces prairies, les chariots sont placés » chaque soir en demi-cercle, les attelages, chevaux ou bœufs, » à l'intérieur. Les capitaines et leurs agents doivent veiller » à ce que le parc soit régulièrement formé. Au cours de la » route tous les ordres pour le campement sont communiqués » au moyen de signaux que des guides nommés à l'élection » transmettent en agitant des drapeaux. Chaque guide est de » service pendant une journée, et le chasseur qui dépasse le » guide pendant la marche est puni d'une amende de 5 sliil- »• lings, 15 francs 80. Aucun chasseur ne peut abandonner le » camp pour regagner ses foyers, sans autorisation préalable. 292 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. » Toute autorisation est refusée, si on a constaté la dispari- » tion d'un animal ou d'un objet de valeur. A la tombée de la » nuit, les bommes désignés par les capitaines pour veiller » au bon ordre du camp sont en droit de saisir autant de » cbariots qu'ils le jugent nécessaire et de les disposer dans » l'intérêt de la sécurité publique, mais ils doivent les recon- » duire le matin aux points où ils les ont pris. Cette autorité » est indispensable contre les attaques nocturnes des Crées » ou autres Indiens en guerre avec les métis. Celui qui né- » gligerait d'éteindre un feu le matin quand on lève le camp, » s'exposerait à une forte amende. » Dès qu'on arrive en vue des Bisons, tous les chas- » seurs se mettent en ligne, le président, les capitaines, les » bommes chargés de la police et quelques autres chasseurs » marchant en avant pour retenir les impatients : « Pas y> encore, pas encore », répète à voix basse le président. La » ligue marche prudemment et sans bruit : « Allez ! » crie le » président, quand il croit le moment favorable arrivé ; aus- •» sitôt ce mot tombé de ses lèvres, la charge s'élance, et quel- » ques minutes après, les métis excités galopent au milieu » des Bisons affolés. » La grande chasse de l'automne était un événement régulier pour toutes les tribus indiennes vivant sur les prairies ou aune certaine distance de celles-ci. Un grand nombre de Bisons étaient tués, on séchait des masses de viande, on préparait des réserves de pemmican , et les peaux étaient conservées de différentes façons, pour les divers besoins auxquels elles pouvaient satisfaire. Quand les Bisons se rencontraient encore à l'ouest du Ne- braska, 300 familles d'Omahas, Indiens qui n'avaient pas en- core été chassés vers le sud par les Sioux, prenaient souvent part à la chasse d'automne. Elles représentaient un total de 3,000 individus des deux sexes, dont 600 guerriers. Chacun de ceux-ci tuait d'ordinaire 10 Bisons. Ils se soumettaient pour cette chasse à des lois très sévères et strictement exé- cutées. Afin que les chances de chaque chasseur fussent égales, tout individu surpris chassant seul, se livrant au still hunt, était impitoyablement fouetté. Un de ces chasseurs en fraude n'ayant pu être capturé, les hommes chargés de la police lui envoyèrent une volée de flèches et le poursuivirent à cheval, mais, comme il était mieux monté, il s'échappa et LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN. 293 on ne le revit plus de toute la saison de chasse. Dans une autre circonstance, à Omaha, un individu coupable du même délit, énergiquement poursuivi par ses compagnons, tomba avec son cheval, qui se cassa la jambe; on saisit cependant le fugitif et il fut énergiquement fouetté, malgré son triste accident. Après l'invention du revolver Coït et des fusils se char- geant par la culasse, la chasse à cheval fut beaucoup plus terrible pour le Bison. Il devint, en effet, possible de galoper pendant 3 et 6 kilomètres au milieu d'un troupeau en fuite, en lui envoyant de 12 à 40 balles tirées à quelques pieds de distance. Le lourd revolver adopté pour la marine était l'arme favorite, car il pouvait être tiré d'une seule main avec beau- coup plus de précision qu'un fusil exigeant l'emploi des deux mains. Le fusil n'était conservé que par les tireurs émérites, mais même entre des mains très expérimentées, son manie- ment dans ces conditions constituait un exercice fort dan- gereux. Le revolver, lui, pouvait souvent servir là où on n'eût pu tirer avec un fusil et il avait l'avantage de laisser une main libre pour les rênes. Beaucoup de chasseurs étaient arrivés à tenir un revolver de chaque main, ou à se servir d'un revolver avec l'une ou l'autre main. En 18(57, le général Wallace déclarait que le revolver Smith et Wesson était la meilleure arme pour cette chasse. C'était sa merveilleuse adresse à tirer le Bison au fusil, monté sur un cheval au galop, qui valut à M. Cody le surnom de Buffalo Bill, sous lequel il est familièrement connu du monde entier. Chacun sait qu'il n'est pas de tir aussi difficile que celui du fusil pour un homme à cheval. Buffalo Bill, mer- veilleusement habile à cet exercice, conclut en 1867, avec la direction de la ligne de chemin de fer Kansas Pacific, un traité en vertu duquel il s'engageait, moyennant 550 dollars par mois, soit 2,937 francs, à livrer à cette compagnie toute la viande de Bison nécessaire à l'alimentation des ouvriers travaillant à la construction de la ligne. En dix-huit mois, il tua et livra ainsi 4,280 Bisons. L'enceinte. Il semble, à première vue, peu croyable que les Indiens aient jamais pu construire des enceintes et y refouler des 294 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. bandes de Bisons, comme les cowboys font avec leur bétail. Ce mode de chasse était cependant fréquemment employé chez les Crées des plaines situées au sud du Saskatchewann, et on le retrouvait sans la moindre modification chez les In- diens de l'Assinniboine, les Pieds-Noirs, les Gros-Ventres et les autres tribus du Nord-Ouest. De même que pour la cap- ture de l'Eléphant au keddah, dans l'Inde, cette chasse n'é- tait possible que dans une contrée où on pouvait facilement se procurer du bois et compter avec certitude sur la présence du Bison. L'enceinte, de forme circulaire, avait une entrée unique, mais les Indiens étant incapables de construire une lourde porte en charpente, comme celles qui servent dans l'Inde à fermer le passage derrière l'Eléphant prisonnier, tournaient la difficulté en faisant pénétrer les Bisons dans l'enceinte au moyen d'un remblai en plan incliné qui les ame- nait à une ouverture dominant le fond de l'arène de 3 ou 4 mètres. Poussés par la peur, ils sautaient facilement du haut en bas, mais il leur était ensuite impossible de remonter. Il est probable que les Indiens, qui savaient attaquer et tuer le Bison en liberté, s'imposaient uniquement le long et pénible travail de construire une enceinte afin de jouir de la sauvage excitation du massacre qui suivait la chasse, ce massacre constituant pour tous les membres de la tribu , guerriers, femmes et enfants, un spectacle des plus captivants. La meilleure description de ce mode de chasse qui nous ait été laissée par un témoin oculaire est celle du professeur Hind, qui suivit en 1858 une expédition des Crées des plaines vers les sources de la rivière Qu'Appelle : « L'enceinte cir- » culaire et mesurant 40 mètres environ de diamètre, dit-il, » occupait une petite vallée située entre des collines de sable. » Elle était constituée par des troncs d'arbres plantés debout, » réunis à l'aide de harts en osier vert et que d'autres troncs » formant arcs-boutants maintenaient extérieurement. De » l'enceinte partaient deux lignes divergentes de touffes de » branchages , placées à 15 ou 20 mètres d'intervalle sur » chaque ligne, et nommées cadavres par les Indiens. Ces » lignes, destinées à conduire les Bisons jusqu'à l'enceinte, » s'avançaient à 6 ou 7 kilomètres dans la prairie, en s'écar- » tant progressivement, de façon que leurs extrémités se » trouvaient à 2 ou 3 kilomètres l'une de l'autre. Quand les » chasseurs ont pu tourner un troupeau de Bisons, ils di- LA DESTRUCTION DU UISON AMÉRICAIN. 295 » ripent la fuite de ces animaux vers l'ouverture de l'en- » ceinte. A cet effet, des individus cachés dans des trous » ou de petites dépressions du sol se montrent brusque- « ment et agitent leurs robes quand les animaux semblent » vouloir prendre une direction autre que celle conduisant aux « deux rangées de cadavres, puis se cachent de nouveau. Les » Bisons, changeant aussitôt de route, finissent par s'engager » entre les deux lignes convergentes, dont les Indiens cachés » derrière les touffes de branchages, les empêchent de sortir. » Aussitôt que les animaux ont exécuté le saut fatal, qui les » fait entrer dans l'arène ils se mettent à courir autour de son » enceinte, cherchant un passage, mais les femmes et les en- » fants se tiennent dans le plus grand silence à l'extérieur, » fermant avec leurs robes étendues les ouvertures com- » prises entre les troncs d'arbres. Quand tout le troupeau a •) pénétré, femmes et enfants montent avec les chasseurs sur » cette barrière et tous se mettent à massacrer à coups de » fusil, ou en les criblant de flèches et de coups de lance, les » animaux affolés, furieux de rage et de terreur, galopant >< dans l'étroite enceinte. » » Une effroyable scène de confusion et de carnage com- » mence alors, les Bisons les plus vieux et les plus forts » écrasent et foulent sous leurs pieds les animaux plus » faibles. Les cris, les appels des Indiens dominent les mu- » gissements des taureaux, les beuglements des vaches, et » les tristes gémissements des veaux. L'agonie de tous ces » énormes et puissants animaux, expirant çâ et là, constitue » une scène d'une horreur révoltante, terrible par l'excès de » sa cruauté et de son sanglant gaspillage, mais avec des dé- » ploiements accidentels de force brutale et de rage réelle - » ment étonnants. Combien l'homme à l'état sauvage, â » l'état de nature, montre peu de supériorité sur les nobles » bêtes qu'il détruit si cruellement et si inutilement. » Une semaine après cette sanglante tragédie, le lieu du mas- sacre présentait l'aspect suivant : « Dans l'enceinte circu- » laire, gisaient 200 cadavres de Bisons, tombés dans toutes " les positions imaginables. Le chiffre exact était 240. Du » vieux taureau au veau de 3 mois, des animaux de tout âge » étaient jetés pêle-mêle, dans toutes les attitudes d'une mort » violente. Quelques-uns gisaient sur le dos, les yeux sortis » de leurs orbites, et la langue pendant dans le sang coagulé, '296 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. » D'autres étaient empalés sur les cornes de vieux et solides » taureaux. D'autres étaient couchés, entassés par 2 et 3, les » reins brisés. Aux cornes d'un vieux taureau pendait un » petit veau, massacré pendant la course sauvage à travers » l'enceinte. Les Indiens regardaient avec une satisfaction » évidente ce terrible et dégoûtant spectacle et se montraient » les uns aux autres les preuves de résistance ou de force » données pendant le combat mortel par tel taureau ou telle » vache. On avait enlevé la viande de beaucoup de vaches » pour la faire sécher au soleil sur des châssis voisins des » tentes. L'odeur était épouvantable , et des milliers de » grosses mouches bleues, bourdonnant et murmurant sur » les cadavres en putréfaction, ne constituaient pas l'élément » le moins répugnant de ce spectacle. » Quelques jours avant ce massacre, un troupeau de 200 tètes avait pu être amené et enfermé dans l'enceinte de mort, quand un vieux taureau, remarquant un point faible dans le rem- part de troncs d'arbres, s'élança à toute vitesse contre cette partie de sa prison. Il l'enfonça, reconquérant ainsi sa liberté et la donnant à tout le troupeau. Cette singulière méthode de chasse était même employée dans le Montana, car, dans sa monographie du Bison améri- cain, M. J. Allen rapporte que, voyageant en 1873 à travers ce territoire, il rencontra plusieurs fois des débris d'en- ceintes avec leurs lignes convergentes, non loin de l'embou- chure de la rivière de la Grosse Corne [Big Horn River). M. Thomas Simpson a affirmé de son côté, qu'en 1840, trois groupes d'Indiens Assiniboines campaient au voisinage de Carlton House et que chacun de ces groupes avait installé une enceinte dans laquelle il tuait quotidiennement une cin- quantaine de Bisons. L'entourage. L'extermination du Bison a été prédite pendant les 40 années qui l'ont précédée non seulement par les blancs de l'ouest qui avaient un peu d'esprit d'observation, mais même presque par tous les Indiens et les métis, qui emprun- taient primitivement à cet animal de quoi subvenir à la plupart de leurs besoins, et à ce qui leur tenait lieu de luxe. LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN. 297 Ils ont vu les grands troupeaux chassés de plus en plus vers l'ouest, jusqu'à ce que les plaines fussent devenues libres, et que le dénument eût remplacé l'abondance sous leurs tentes et leurs cabanes. N'est-il pas singulier que jamais les tribus indiennes n'aient songé à ménager ces troupeaux afin de les faire durer aussi longtemps que possible. Jamais cette idée n'entra dans l'esprit des Indiens, mais ils jetaient un regard jaloux sur le chasseur blanc et le considéraient d'autant plus comme un voleur, qu'ils considéraient la chasse du Bison comme leur privilège exclusif. Quelques auteurs ont prétendu que les Indiens tuaient avec moins d'esprit de gaspillage que les blancs, mais cette assertion n'a jamais été prouvée. Tous, blancs et rouges, tuaient avec prodigalité, de gaité de cœur, et toujours ils abattaient cinq fois autant de têtes qu'il leur en fallait. C'était sans cesse une répétition des mêmes scènes, chaque fois que les Indiens avaient besoin de viande, ils mas- sacraient un troupeau entier, prenaient les parties les plus fines des meilleurs animaux, et laissaient les 3/4 de la chair se corrompre ou engraisser les loups. Et maintenant, on peut à peine réprimer un sentiment de satisfaction, quand on ap- prend que les anciens massacreurs de Bisons sont en train de mourir de faim, faute des masses de viande et de graisse savoureuses, qu'ils gaspillaient il y a quelques années. Réel- lement, le Bison est en grande partie vengé. Nous empruntons à M. Catlin la description d'une autre méthode de massacre, l'entourage, non moins meurtrière que la précédente, et qui prouve également le degré d'inten- sité qu'atteignait la folle manie de détruire des Indiens, même quand ils devaient peu de temps après subir durement les conséquences de leurs actes d'imprévoyance et de gas- pillage : «. Les Minatarees et les Mandans souffraient depuis » plusieurs mois de la faim et craignaient que les troupeaux » de Bisons n'eussent à jamais abandonné la région qu'ils » habitaient, quand un matin de bonne heure, on annonça » dans le village qu'un troupeau de Bisons était en vue. Une » centaine de jeunes gens sautèrent aussitôt à cheval, leurs » armes à la main, et s'élancèrent à travers la prairie. Le » mode de chasse nommé entourage dans la région ayant » été adopté d'un commun accord, les chasseurs armés » d'arcs, de flèches et de longues lances se partagèrent » en deux colonnes , qui partirent chacune de son côté 298 KEYUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. » dans la direction du troupeau autour duquel elles dé- » crivirent graduellement un grand arc de cercle avant que » leurs tètes se rejoignissent. Le troupeau se trouvait ainsi »> former le centre d'un cercle de cavaliers marchant à égale » distance les uns des autres, et à 1 ou 2 kilomètres du point » sur lequel il paissait. A un signai donné, ce cercle se res- » serra lentement et progressivement autour du troupeau » sans défiance, qui sentit et vit seulement ses ennemis s'ap- » procher quand il était trop tard pour les fuir. Des cavaliers » s'élançaient à toute vitesse, pour renforcer le cercle aux » points où les Bisons essayaient de le rompre et se mas- » saient en colonne criant et brandissant leurs armes de » manière à les effrayer. L'impétueuse masse noire se pré- » cipitait alors dans une autre direction et se faisait refouler » de la même façon, puis elle se mettait à tournoyer dans le » plus grand désordre. Pendant ce temps les cavaliers » avaient entouré les Bisons de tous côtés, formant une ligne » continue, et quand les pauvres animaux affolés se mirent » à tourbillonner en masse confuse et serrée, se bousculant, » montant les uns sur les autres, l'œuvre de mort com- » mença. Je m'étais approché du cercle fatal et occupais un » point d'où je pouvais, monté sur mon cheval, juger des » progrès de l'action, mais sans la moindre autorité, et sans » qu'il me lut permis d'en modifier l'issue. » « Un épais nuage de poussière s'était bientôt élevé au- » dessus de cet immense tumulte voilant en partie le lieu du » massacre autour duquel les chasseurs galopaient en en- » voyant leurs flèches sifflantes et enfonçant leurs longues » lances dans la poitrine des nobles animaux. S'irritant » de leurs blessures, les Bisons hérissaient leurs crinières » aux longs poils sur leurs yeux injectés de sang et se lan- » çaient furieusement contre les flancs des chevaux, aux- » quels ils plongeaient parfois leurs cornes dans la poitrine » obligeant les cavaliers démontés à prendre la fuite. » Quelquefois leur masse compacte s'entr'onvrait, et les chas- » seurs qui se précipitaient au milieu d'eux dans une pour- » suite trop ardente de leur proie, se voyaient bientôt pressés » et bousculés, et devaient souvent, abandonnant leur mon- » ture à elle-même, chercher un refuge sur le dos d'un des » Bisons. De nombreux Taureaux se retournaient contre » les assaillants, les chargeant avec le courage du déses- LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN. 299 » poir, et beaucoup de guerriers démontés devaient cher- » cher leur salut dans la vitesse de leur course. Quelques-uns » d'entre eux, serrés de près, se dévêtaient de leur manteau » fait d'une robe de Bison, et le jetaient sur la tète et les » yeux de la bète furieuse, en lui envoyant au passage une » flèche ou un coup de lance au travers du cœur. D'autres » couraient sur la prairie, à côté des Bisons échappés du » cercle des chasseurs, les lardant de coups de lance, et fai- » sant rouler leurs cadavres énormes sur l'herbe émaillée de » fleurs. » La chasse, tournant bientôt en une lutte désespérée le » troupeau était anéanti en une quinzaine de minutes, sort » commun de tout animal, de toute chose vivante qui tombe » entre les mains puissantes de l'homme. » Aucun détail de cette scène extraordinaire, à laquelle b j'assistais, spectateur silencieux, ne pouvait m'échapper. » Beaucoup de Bisons parvenaient à sortir du cercle et à » gagner la prairie, mais ils étaient aussitôt rejoints et égor- » gés. Quoique je n'ai pu relever le nombre exact des vic- » times, je suis cependant persuadé que plusieurs centaines » de cadavres jonchaient le champ de carnage. Quelques- » unes de ces pauvres bêtes affolées s'étaient fait une trouée » à travers les rangs de leurs ennemis et fuyaient sur la » prairie, mais comme si un destin fatal les eût vouées d'a- » vance à une mort inévitable, elles s'arrêtaient soudain, » alors que quelques pas de plus leur eussent assuré le salut, » et revenaient se jeter au milieu du cercle de mort. D'autres » s'éloignaient un peu plus, puis s'arrêtaient et regardaient » la scène de carnage, semblant se tenir à la disposition des » égorgeurs, afin qu'aucune victime n'échappât au mas- » sacre. » Tous les animaux de ce troupeau comprenant plusieurs centaines de tètes furent donc massacrés, et plus de moitié de la viande resta livrée à la putréfaction sur le sol. Cette méthode de l'entourage et du massacre complet était également pratiquée par les Cheyennes, les Arapahaoes, les Sioux, les Pawnees, les Omahas, et probablement par beau- coup d'autres tribus en pleine décadence depuis; il est juste qu'il n'y ait pas de place sur terre pour des hommes assez in- sensés pour détruire aussi follement leur unique source de nourriture. 300 REVUE LES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Chasse au précipice. Une autre méthode de massacre complet a été décrite dans les termes suivants par Lewis et Clarke qui l'avaient vu pratiquer dans le Montana vers le point où la rivière Judith se jette dans le Missouri : « Au Nord, nous traversâmes un » précipice de 120 pieds de profondeur, au fond duquel gi- » saient encore les débris de plus de cent squelettes de Bisons, » quoique l'eau en eût sans doute entraîné un grand nombre » d'autres. Ces Bisons avaient été précipités là par un mode » de chasse fort commun chez les Indiens du Missouri, et » qui permet de détruire en un instant de puissants trou- » peaux. Cette méthode consiste à choisir un des jeunes gens » de la tribu des plus vils et des plus agiles et à le couvrir, » afin de tromper le troupeau, d'une peau de Bison à laquelle » on a laissé la tête, les cornes, et les oreilles. Le faux Bison » se cache alors en un point favorable situé entre la prairie » sur laquelle un beau troupeau est en train de paître et un » précipice long parfois de plusieurs kilomètres, tandis que » les autres Indiens gagnent les derrières et les flancs de ce » troupeau, vers lequel ils se mettent en marche à un signal » donné. Les Bisons effrayés prennent aussitôt pour guide » l'Indien déguisé, qui vient de se montrer à son tour, et ce- » lui-ci les conduit à toute vitesse vers le précipice, en ayant » soin de se jeter au dernier moment dans quelque crevasse » de rocher, quelque trou, dont il a bien repéré la position â » l'avance, laissant le troupeau sur le bord de l'abîme. C'est » en vain que les animaux marchant en tête essaient de ré- » trograder ou même de s'arrêter, ceux qui viennent der- » rière, et ne voient eux qu'un danger, les chasseurs, les re- » poussent et les précipitent, puis se jettent eux-mêmes dans » le piège béant par esprit d'imitation. Dans sa périlleuse » mission, l'Indien chargé d'entraîner les Bisons est souvent » foulé aux pieds ou poussé dans l'abîme par le troupeau » affolé. Les chasseurs descendant par des sentiers qu'ils » connaissent, enlèvent autant de viande qu'ils peuvent en » porter, et le reste abandonné aux Loups, ne tarde pas à » tomber en putréfaction. » Un article de M. Th. Davis, publié par le Harper's Maga- LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN. 30» zine, donnait aussi les détails suivants sur ce mode de chasse : « Ainsi que nous l'avons dit précédemment, le meilleur ter- » rain de chasse est compris entre la Platte et l'Arkansas. » C'est là que nous avons vu les Indiens recourir à un mode » de massacre du Bison très facile, mais très cruel à notre » avis, car pour un Bison tué, plusieurs autres plus ou moins » grièvement blessés, doivent être achevés à coups de lance » ou de fusil par les Indiens. » Pour cette chasse, on doit surprendre un troupeau pais- » sant sur un haut plateau. Les Indiens, qui connaissent par- » faitement le pays, savent en quel endroit ce plateau aboutit » à un précipice de 100 pieds et souvent plus de profondeur. » Chassant le troupeau vers ce point, ils le poussent pêle- » mêle dans l'abîme et quelques-uns d'entre eux, descendus » par des sentiers qu'ils connaissent, achèvent tranquille- » ment les animaux estropiés se traînant au fond du préci- » pice. La plupart des Bisons sont du reste tués par cette » chute, de sorte qu'il en échappe fort peu. Certains blancs » se livrent parfois aussi à ce genre de chasse, mais plutôt » pour le plaisir de tuer, que pour le bénéfice qu'ils en reti- » rent. Je n'ai jamais entendu dire qu'il ait été pratiqué par » des officiers ou des personnes considérant la chasse au » Bison comme un sport. » (A suivre.) :jo2 NOTE SUH L'HIBERNATION DES HIRONDELLES Pak M. MAGAUD D'AUBUSSON. Un des phénomènes les plus intéressants de la vie des Hi- rondelles est, sans contredit, celui de leur migration. Nous savons aujourd'hui que le froid, réuni au manque de nourri- ture, donne lieu à ces voyages lointains, et que ne trouvant plus, dans nos contrées, les insectes dont ils font leur proie, ces oiseaux sont obligés d'aller en demander à d'autres cli- mats. Il est donc naturel qu'ils passent dans des pays où ces insectes, leur seul aliment, se trouvent en abondance. Ce- pendant quels contes absurdes n'a-t-on pas débités, en oppo- sition aux lois les plus générales de la physiologie, pour ex- pliquer leur disparition à une certaine époque de l'année. On a imaginé leur submersion. Un évèque d'Upsal, Olatis Magnus, écrivit que des pêcheurs avaient pris dans leurs filets, en même temps que des poissons, un grand nombre d'Hirondelles, « pelotonnées ensemble, réunies ventre contre ventre, bec contre bec, pattes contre pattes, et qu'exposées dans des fours, à une douce température, elles étaient reve- nues petit à petit à la vie et sorties complètement de leur engourdissement (1) ». Malgré ce qu'avait d'extraordinaire une telle assertion, plusieurs naturalistes, Aldrovandi, Klein, d'autres encore, y ajoutèrent foi. Le jésuite Kircher alla plus loin ; il prétendit que les hirondelles venaient, à certaines époques, se jeter dans les puits et les citernes (2). Ces affir- (1) Tabula terrarum septenîrionalium et rerum mirabilium, etc., Venise, 1639. Olaùs Magnus mourut à Rome, au couvent de Sainte-Brigitte, en 1568. De son vivant avait été publiée : Historia de gentibus septentrionalibus, etc., Rome, 1555. in-f'ol., Bàle, 1567. Cet ouvrage renferme des choses très curieuses, bien qu'un grand nombre soient le fruit d'une extrême crédulité. (2) Mundtts subtenaneus, in quo universœ nctxirm majestas et divitice démons- trantur, Amsterdam, in-io!., 1668. — Ce jésuite allemand était l'un des hommes NOTE SUR L'HIBERNATION DES HIRONDELLES. 303 mations, toutefois, ne reposaient que sur les rapports de personnes inconnues, et aucun des hommes de mérite qui les défendaient n'avait vu ce qu'il soutenait exister. D'après ces récits, des milliers d'hirondelles devaient donc se plonger périodiquement au sein des eaux, sans que jamais personne ait pu en surprendre une seule, soit au moment où elle y en- trait, soit lorsqu'elle en sortait. Le cas était au moins fort étrange. Une académie d'Allemagne, désireuse de vérifier les faits, proposa autant d'argent, poids pour poids, que l'on pourrait montrer d'hirondelles ainsi extraites des eaux, mais l'appât du gain ne réussit pas à produire la démonstration que le simple bon sens, d'ailleurs, devait l'aire considérer comme impossible. Cependant, dans les erreurs populaires les plus évidentes il y a souvent un petit fondement de vérité , et peut-être trouvera-t-on l'origine des singulières opinions que je viens de signaler dans un fait très naturel, mais mal observé. En automne, les Hirondelles deviennent fort grasses : la saveur et la délicatesse de leur chair font, dans certaines contrées, oublier leurs bienfaits et déclarer à ces oiseaux utiles une guerre sans merci. A cette époque, les Hirondelles passent la nuit sur les roseaux et les joncs qui sont dans les marais, et il suffit de laisser tomber, à l'entrée de la nuit, un filet tendu sur ces plantes marécageuses pour noyer tous les oiseaux qui s'y sont réfugiés. Telle est la chasse qu'on leur faisait dans le Modénois, près de Ruinera, au temps de Spal- lanzani et que le célèbre naturaliste raconte dans son Mé- moire sur V Hirondelle rustique. « Au milieu (d'un marais), dit-il, les chasseurs avaient formé une nappe d'eau, au-dessus de laquelle ils attachaient un vaste filet. La chasse commençait à nuit close ; on avait une corde qui traversait l'extrémité de la langue de marais opposée à la nappe d'eau ; des hommes la tenaient par chaque bout et l'agitaient doucement parmi les roseaux, ils s'avan- çaient ainsi formant une ligne courbe. A ce bruit inattendu, les oiseaux effrayés quittaient leur place et allaient se per- cher un peu plus loin ; bientôt troublés dans ce nouveau poste, ils l'abandonnaient et, poursuivis de place en place, ils les plus laborieux et les plus savants de son temps. Il est regrettable que le père Kircher ait joint à une science profonde beaucoup de crédulité. Il mourut à Rome en 16S0. 301 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. étaient forcés de se concentrer tous sur la portion de roseaux contignë à la nappe d'eau. Alors, les chasseurs donnant un mouvement rapide à la corde, toute cette multitude d'oiseaux se levait précipitamment pour gagner les roseaux situés à l'autre bord ; mais le filet suspendu sur leur tète tombait tout à coup, les enveloppait dans ses mailles et les entraînait ainsi à la surface de l'eau, où, se débattant inutilement, ils restaient bientôt suffoqués. » On conçoit aisément quelle méprise a pu se produire. Il a suffi, en effet, que quelques-unes de ces Hirondelles ainsi submergées aient été ramenées dans les filets d'un pêcheur peu de temps après leur immersion, et rappelées à la vie, pour donner naissance à la fable si bien accueillie par la cré- dulité populaire et même par quelques esprits distingués. Mais si les lois de la physiologie s'opposent à ce que l'on puisse admettre le phénomène de l'immersion des Hirondelles, en est-il de même d'un autre phénomène dont la réalité, souvent contestée, en dépit d'un grand nombre de témoi- gnages, semble, il est vrai, tenir encore du merveilleux? Je veux parler du sommeil léthargique ou engourdissement temporaire et hibernal, "dans lequel les Hirondelles sont sus- ceptibles de tomber : phénomène connu sous le nom d'hi- bernation. Aristote, copié par Pline, pensait que lorsque les Hiron- delles se trouvent trop éloignées des climats tempérés, elles passent l'hiver dans leur pays natal, en ayant soin seulement de chercher des retraites dans les gorges des montagnes ex- posées au soleil. C'est le fond de cette opinion ancienne que nous allons voir corroborée, du moins en partie et à titre d'exception, par des observations modernes. Nous rencontrons d'abord le récit bien connu d'Achard re- laté dans les Philosophical Transactions (1) : A la fin du mois de mars 1/761, Achard descendait le Rhin pour se rendre à Rotterdam lorsque, étant arrivé à un en- droit où la rive du fleuve est escarpée et composée de terre sablonneuse, il vit des enfants qui se glissaient le long des falaises et, munies de baguettes armées de tire-bourres, fouillaient dans les trous et en tiraient des oiseaux. Ces oi- seaux étaient des Hirondelles. Achard en acheta quelques- (1) 1763. NOTE SUR L'HIBERNATION DES HIRONDELLES. 303 unes qu'il trouva d'abord engourdies et comme inanimées. Il en plaça une dans son sein et une autre sur un banc au soleil. Celle-ci, à cause de la température extérieure trop basse, ne put jamais recouvrer assez de force pour s'envoler. La première, au contraire, se réveilla au bout d'un quart d'heure, mais insuffisamment ranimée pour qu'elle pût se servir de ses ailes. Achard la remit dans son sein et, après avoir été réchauffe pendant un autre quart d'heure, l'oiseau recouvra sa vigueur, prit son vol et s'enfuit. Il est évident que Achard eut affaire en cette circonstance à des Hirondelles de rivage (Colyle riparia), endormies dans les trous où elles ont coutume d'établir leurs nids. Ghatelux, dans son Voyage dans V Amérique septentrio- nale (1), cite également un fait d'hibernation relatif à une autre espèce d'Hirondelles, la Progné pourpre, connue aussi sous le nom d'Hirondelle bleue (Hirundo cœndea, Vieillot). Un juge de Virginie , faisant abattre des arbres pendant l'hiver , fut fort surpris de trouver dans l'intérieur d'un vieux chêne fendu une grande quantité de ces Hirondelles, qui s'étaient réfugiées et engourdies dans les crevasses de l'arbre. Gérardin (2) trouva une Hirondelle étendue sur le foyer de sa cheminée, à Epinal, dans les Vosges, au mois de décembre. Il la tira de son engourdissement en l'enveloppant dans un oreiller et en l'approchant d'un feu modéré. Vieillot vit à Rouen, pendant l'hiver de 1775 à 1776, une Hirondelle de cheminée qui avait pour retraite un trou dans la voûte basse d'un pont, et qui en sortait régulièrement clans les beaux jours tempérés des mois de novembre, de décembre et de février. Mais comme elle ne pouvait réunir de provi- sions, ainsi que font certains oiseaux pour subvenir à leurs besoins, et que l'on sait que tout oiseau insectivore ne peut supporter longtemps la privation d'aliments, comment, se demande le célèbre ornithologiste, pouvait-elle vivre aux époques où la rigueur du froid la forçait de rester dans sa re- traite pendant vingt ou trente jours ? « Elle s'engourdissait donc, répond-il, ce dont je ne doute pas, puisque nous (1) T. II, p. 329 et 330. (2) Né à Mirecourt et mort en 1816. Est l'auteur du Tableau élémentaire d'or- nithologie ou Histoire naturelle des oiseaux que l'on rencontre communément en France, suivie des moyens d'en former des collections, 1801, 12 vol. in-8" et atlas. 5 Octobre 1894. 20 306 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. avons des faits qui confirment cette espèce de léthargie. » Le baron Dominique Larrey raconte, dans sa Campagne d'Italie, que, passant à la fin de l'hiver de lrJ92 dans la vallée de Maurienne, pour revenir en France, il avait découvert dans une grotte profonde d'une montagne nommée « l'Hiron- dellière » , parce qu'elle est couverte d'Hirondelles à l'au- tomne, une grande quantité de ces oiseaux suspendus comme un essaim d'aheilles dans l'un des coins de la voûte de cette grotte. De ce fait, l'illustre chirurgien concluait, d'une façon évidemment trop générale, que, loin d'émigrer et de passer les mers, comme on l'avait cru jusqu'alors, les Hirondelles, du moins celles de nos climats, hibernaient dans les antres et les anfractuosités des montagnes des Alpes et des Py- rénées. C'était revenir purement et simplement à l'opinion d'Aristote. Le révérend Colin Smith rapporte , de son côté, que le 16 novembre 1826, on trouva, dans une remise de l'Argyles- hire, en Ecosse, cinq Hirondelles de cheminée qui avaient pris leur quartier d'hiver à l'abri d'un chevron de la toiture, et dans un état complet de torpeur. On déposa ces oiseaux engourdis dans une chambre bien chauffée et, au bout d'un quart d'heure, ils revinrent graduellement à la vie (1). En rapprochant des observations que je viens de men- tionner celle que fit le savant naturaliste Pallas, dans des cir- constances qui lui donnent un caractère particulièrement dé- monstratif, on trouvera un argument nouveau en faveur de la possibilité de l'hibernation chez les Hirondelles. « Les Hirondelles, dit-il, parurent le 15 mars 1770, par un temps clair et chaud ; mais le vent, qui était au sud-ouest, passa subitement au nord et amena une gelée qui dura jus- qu'à la nuit du 19. Les Hirondelles disparurent aussitôt avec plusieurs autres espèces de petits oiseaux, et elles ne revin- rent que le 20, par un temps très doux. Ceci donna lieu à une observation remarquable. Un Tatar apporta, le 18 mars, à mon empailleur, une Hirondelle de cheminée (Hirundo rus- ticci; ; il l'avait trouvée étendue par terre dans les champs et elle paraissait morte de froid. A peine fut-elle un quart d'heure dans la chambre, où il faisait une chaleur tempérée, qu'elle commença à respirer et à remuer ; elle vola peu après, (1) Edxnl. New. Philos. Journal, 1827, p. 231. NOTE SUR L'HIBERNATION DES HIRONDELLES. 307 vécut pendant plusieurs jours dans cette chambre et ne mou- rut que par accident (1). » Pallas conclut, avec raison, de ce fait, que les Hirondelles que Ton trouve dans des trous et dans des creux d'arbres ois elles ont passé l'hiver, sont des individus qui ont été saisis de froid par accident, froid qui les a surpris trop rapidement à l'automne, et que c'est la raison pour laquelle ils ont passé l'hiver dans un état si extraordinaire et si opposé aux. lois de la nature. Cette question de l'hibernation des Hirondelles offrait trop d'intérêt pour ne pas attirer l'attention des corps savants et, en 1838, l'Académie des sciences, dans les Instructions con- cernant la zoologie qu'elle chargea Isidore Geoffroy Saint- Hilaire de rédiger pour l'expédition scientifique qui se ren- dait dans le nord de l'Europe, invita les naturalistes de l'expédition à recueillir des renseignements sur cet important phénomène. Cette note valut à Isidore Geoffroy une lettre de son col- lègue Dutrochet, contenant une observation personnelle du célèbre physiologiste, qui venait établir par une preuve nou- velle et authentique un fait dont la réalité, malgré des témoi- gnages pressants, était encore regardé comme fait douteux par les ornithologistes. « Je peux vous citer un fait, disait Dutrochet, dont j'ai été le témoin. Au milieu de l'hiver, deux Hirondelles ont été trouvées engourdies dans un enfoncement qui existait dans une muraille, et dans l'intérieur d'un bâtiment. Entre les mains de ceux qui les avaient prises, elles ne tardèrent pas â se réchauffer et elles s'envolèrent. Je fus témoin de ces faits. Peut-être ces Hirondelles, entrées par hasard dans le bâti- ment, n'avaient pu en sortir ; peut-être appartenant â une couvée tardive, étaient-elles trop jeunes et trop faibles pour entreprendre ou pour continuer le long voyage de la mi- gration. Quoi qu'il en soit, ce fait prouve que les Hirondelles sont susceptibles d'hibernation, bien qu'elles n'hibernent pas ordinairement. » La lettre de Dutrochet rappela â Larrey l'observation qu'il avait eu l'occasion de faire près d'un demi-siècle auparavant, (1) Voyage dans plusieurs provinces de l'Empire de Russie et dans l'Asie sep- tentrionale, édit. française, ia-8°, Paris, an 111, t. H, p. 409. 308 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. à son retour d'Italie. Dans l'espoir d'apporter des faits nou- veaux à l'enquête dont se préoccupait alors l'Académie, il écrivit à l'un de ses compatriotes, M. Gensen, en résidence à Briançon, pour le prier de recueillir, s'il lui était possible, des informations précises sur l'hibernation des Hirondelles dans les grottes de la vallée de Maurienne, et notamment dans celle dite de l'Hirondellière, visitée par lui en H92. M. le baron Hippolyte Larrey, membre de l'Académie des sciences et de l'Académie de médecine, a bien voulu me com- muniquer les deux lettres que son père reçut, â cette époque, de son correspondant. Dans la première, en date du 21 no- vembre 1840, M. Gensen informe seulement Dominique Lar- rey de la démarcbe qu'il vient de faire auprès du directeur de la poste de Briançon qui doit écrire à ses collègues de la Maurienne, et leur adresser l'instruction destinée à les guider dans leurs recherches. La seconde lettre, datée du 30 janvier 1841, sans jeter malheureusement beaucoup de lumière sur la question, contient néanmoins quelques faits qui me paraissent dignes d'être rapportés. • « Monsieur le baron, » Voyant avec peine que je ne puis obtenir d'autres ren- seignements depuis l'arrivée du nouveau directeur des postes aux lettres, j'ai l'honneur de vous adresser les deux sui- vants, donnés par les directeurs d'Aiguebelie et de Moustier. » Aiguebelie, 2 décembre 1S40 : La grotte dite de l'Hi- rondellière est située au-dessous de la commune de Bonneval dans un lieu dit le Vallon. Elle appartient à M. Grosset Pierre, cafetier à Lyon. Il pourrait vous en donner des nou- velles d'autant plus positives qu'il a été élevé dans ce pays. Il est vrai, dit-il, que beaucoup d'Hirondelles y font leurs nids, et y passent l'hiver, mais je ne crois pas que ce soit un asile commun pour les autres. » Moustier, 12 décembre 1840: Ni la province de Taren- taise que j'habite, ni celle de Maurienne ne possèdent cette grotte dite l'Hirondellière. Moustier n'a qu'une source d'eau salée souterraine où il existe, en effet, quantité de chauves- souris attachées en monceaux aux voûtes, et qui prennent l'essor pour se réfugier dans l'obscurité dès qu'elles aper- çoivent la lumière. Il n'existe de grotte proprement dite que sur la route de Chambéry à Lyon, près du bourg des Échèles, NOTE SUR L'HIBERNATION DES HIRONDELLES. 309 Savoie. Ce lien, en effet, cache des Hirondelles, où j'ai écrit en vain, avec le nouveau directeur [sic). )> Voici, monsieur le baron, ce qu'un employé de Briançon m'a dit, il y a quelques jours : M. Bessière, orfèvre à Gange, mit, il y a environ vingt ans, une plaque en argent portant d'un côté le mot : France, à la patte d'une Hirondelle, au retour de celle-ci, il vit à l'autre face de la même plaque le mot : Tunis. » Voilà, monsieur l'inspecteur, les renseignements insuf- fisants que j'ai pu me procurer pour l'instant. J'ai vivement regretté, etc. Gensen. » La mort vint interrompre l'intéressante enquête entreprise par Dominique Larrey, mais nous pouvons, grâce à lui, ajouter aux espèces d'Hirondelles chez lesquelles ont été constatés déjà des cas d'hibernation, une autre espèce, l'Hi- rondelle de rocher [Biblis rupestris). Ces Hirondelles, qui font leurs nids dans la grotte et y passent V hiver, dont les bandes, à la fin de l'automne, volent si nombreuses autour de la montagne qu'elles semblent en faire une véritable « hirondellière », appartiennent certainement à cette espèce. On sait, en effet, que c'est au milieu des rochers, dans leurs anfractuosités, à l'entrée ou à l'intérieur des cavernes que cette Hirondelle place son nid. Elle émigré souvent très tard, tout à fait à la fin de l'automne, et est même sédentaire dans plusieurs contrées du midi de l'Europe. Lorsque l'hiver n'est pas rigoureux, il en reste un grand nombre dans certaines localités du Piémont. Pendant tout un hiver, j'en ai vu, à Nice, voler au-dessus du lit du Paillon et autour des grottes des Baoussé-Roussés, près de Menton, sur la frontière d'I- talie. Comme ces oiseaux affectionnent surtout les régions les plus élevées, si quelques individus s'attardent trop dans des lieux où la température s'abaisse rapidement, ils sont saisis par le froid et envahis par le sommeil léthargique. J'ajouterai que le phénomène de l'hibernation se manifeste également, dans le monde des oiseaux, chez d'autres espèces que chez les Hirondelles. Dans une famille voisine, par exemple, celle des Podargidés, les curieuses observations de Gould (1) sur le Podarge humerai [Podargas humeralis), de (1) The Birds of Austral ia. 310 REVUE LES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Jules Verreaux (1) sur l'JSgothèle de la Nouvelle-Hollande {uEgolhelcs Novœ-Hollandlœ) ne laissent aucun doute à cet égard. Il semble donc difficile de ne pas admettre que les Hiron- delles, dans certains cas, et sous l'influence de circonstances dont la cause précise nous échappe encore peut-être, sont susceptibles de s'engourdir pendant les saisons froides de l'année. Je ne parle ici, bien entendu, que de laits isolés et exceptionnels, et non d'un phénomène général et commun à tous les individus d'une même espèce ou d'un même genre. Bien que Réaumur, à qui on parlait un jour d'Hirondelles trouvées, l'hiver, en peloton, dans les carrières de Vitry, près de Paris, ait répondu avec un sourire sceptique «qu'il reste toujours un désir de voir de pareils laits », les faits sont là, devant lesquels il faut s'incliner, et ils s'appuient sur des noms qui sont une garantie de leur authenticité (2). Toutefois, en pareille matière, on ne saurait réunir trop de preuves. Mon but, on rappelant ici des faits bien connus et admis aujourd'hui par la plupart des ornithologistes, est d'éveiller l'attention de mes collègues de la Société et des nombreux lecteurs de la Revue sur ces cas d'engourdis- sement qu'offrent les Hirondelles qui sont restées, pendant la saison froide, dans nos contrées, et de provoquer des obser- vations qui, en apportant des témoignages nouveaux, per- mettront de mieux étudier cet intéressant phénomène. Les faits, au surplus, tout en restant exceptionnels, paraissent ne pas être aussi rares que l'on serait disposé à le croire. Plusieurs personnes, en effet, m'ont signalé, en ces temps derniers, des Hirondelles volant, par des journées d'hiver douces et ensoleillées des mois de décembre, de janvier, de (1) Journal de voyage en Australie et en Tasmcuie. (2) On ne pourrait alléguer, comme objection, les expériences de Spallanzani qui n'a jamais pu réussir à l'aire tomber à l'état de torpeur les Hirondelles qu'il soumettait à un froid au dessous de la congélation. M. Gerbe me paraît y avoir très judicieusement répondu en disant que ces expériences ne pouvaient prouver qu'une chose, savoir : « que ces oiseaux subitement soustraits à une tempéra- ture as^ez élevée, et soumis ans transition a un iroid de quelques degrés au dessous de zéro, suppoitent ce iroid bien plus aisément qu'on n'aurait pu le croire et sans eu paraître fort incommodés. Les phénomènes, ajoute-t-il, se passent dans la nature tout autrement que dans les laboratoires. Avant de soumettre les Hirondelles à l'expérience, peut-être aurait-on dû se demander si, au mo- ment où on opérait sur elles, leur organisation était disposée à reproduire le phénomène particulier qu'on voulait obtnnir. » NOTE SUR L'HIBERNATION DES HIRONDELLES. 3H février. Tout en se montrant fort étonnées, ces personnes très dignes de foi, n'en cherchaient point d'explication scien- tifique. Les uns pensaient qu'il s'agissait d'Hirondelles re- tenues en captivité et qu'on avait laissé échapper, d'autres que ces Hirondelles, empêchées par une cause quelconque d'accomplir leur migration , trouvaient assez facilement à vivre, comme les oiseaux d'autres espèces restés dans le pays, malgré la rigueur de la saison. Aucune n'avait songé à constater les longues intermittences de leurs apparitions, et encore moins, par conséquent, à s'enquérir par des obser- vations suivies du lieu qui donnait asile à ces oiseaux pen- dant le temps de leur réclusion et des conditions physiolo- giques dans lesquelles ils y prenaient leur quartier d'hiver. Ces communications m'ont déterminé à reprendre sur cette question, si longtemps controversée, de l'hibernation des Plirondelles et à m'adresser, par l'organe de la Revue, aux observateurs de la nature, afin de recueillir, s'il est possible, pour grossir mon dossier, des informations précises et des documents certains. Pour cela, il serait nécessaire de se procurer quelques- unes de ces hirondelles engourdies et de les faire parvenir, en cet état, au siège de la Société, en ayant soin de les mettre dans une boite où elles ne puissent se blesser et de façon à ne pas trop élever la température intérieure, ce qui est facile à l'époque où on les ferait voyager. Je n'ai pas besoin d'insister sur l'intérêt qu'offre une pa- reille enquête au double point de vue de la physiologie et de l'histoire naturelle. 342 LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES Par Jules GRISARD et Maximilien VANDEN-BERGHE. ( SUITE * ) ADENANTHERA PAVONINA L. Bois de Condori Bois de Corail. Corallaria parvifolia Rumph. Batavia : Saga Kaju. Ceylan : Mandsjadi, Madetiye. Cochinchine : Cây Som rang. Cuba : Coralitos. Guadeloupe : Arbre à corail. Java : Segnweh. Ma- dura : Bajeh. Malais : Saga, Saga Eajne. Martinique : Condori, Œil ou C'rctc de Paon. Venezuela : Pionia colorada. Grand et bel arbre à feuilles bipennées, composées de 6-10 folioles alternes, ovales ou ovales-oblongues, glabres en dessus et en dessous. Originaire de l'Asie et de l'Amérique tropicales, on le rencontre aux Antilles, au Venezuela, à Ceylan et dans l'Inde où il est assez commun; on le trouve également dans les îles de Java et de la Réunion. Le bois de Y Adenanihera pavonina présente des qualités et des caractères physiques assez différents, suivant la nature des terrains ou le pays dans lesquels l'arbre s'est développé, ce qui explique les contradictions qui se rencontrent chez les auteurs. D'après les divers échantillons qu'il nous a été donné d'étudier, la couleur de ce bois varie du jaune grisâtre ou brunâtre au brun noirâtre, souvent avec une mince bande longitudinale d'un rouge brun au cœur. Sa coupe longitu- dinale montre parfois de longues veines brunes ondulées qui se détachent sur un fond plus clair. Dans aucun cas, il n'est d'un rouge vif et n'offre aucun rapport avec le Bois de corail qui provient des arbres du genre Pterocarpus. La dénomi- nation erronée de « Bois de corail » lui vient incontesta- (*) Voyez Revue, année 1894, 1" semestre, note p. 540, et plus haut, p. 73 et 172. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 313 blement de la belle couleur rouge de ses graines. Générale- ment lourd, assez dur et d'un grain moyen, ce bois convient à la menuiserie et à divers travaux; on l'emploie quelquefois dans la construction, notamment à Java, où on s'en sert aussi pour l'aire des maillets et les parties dures d'un jeu local offrant quelque analogie avec nos jeux de boules et de quilles. Les plus beaux échantillons peuvent être utilisés pour l'ébé- nisterie. A la Réunion, cette espèce ne produit qu'un bois blanchâtre, très léger, à grain spongieux, toujours de faibles dimensions. Son manque de résistance le fait exclure des ou- vrages demandant quelque solidité. Dans l'Inde et à Java , les feuilles sont prescrites pour calmer les douleurs rhumatismales (1). Aclenanthera Mcolor Moon. (Malacca : Saga). Arbre fores- tier de la presqu'île de Malacca, dont le bois, de couleur blanc sale, dur, à grain moyen, ne gerce pas en séchant. Ses usages sont inconnus. Adenanthera falcala L. Le bois de cet arbre est très léger; on s'en sert aux Moluques pour faire des boucliers, ainsi que des vases de ménage destinés à préparer et à recevoir les aliments. ALBIZZIA GRANULOSA Benth. Acacia granulosa La Bill. Indigènes de la Nouvelle-Calédonie : Merikoven. Grand arbre d'une hauteur de 25 mètres environ et d'un (1) Les graines, d'un beau rouge uniforme et brillant, sont re- cherchées pour des ornements de parure, colliers, bracelets, etc. Quoique alimentaires dans certaines contre'es de l'Inde, les graines A'A. 'pavonina sont considérées comme vénéneuses par les natifs de Travancore ; elles sont d'ailleurs souvent confondues avec celles de l'Abrus precatorius. On les a préconisées récemment contre la rage, et l'on dit qu'à cet égard, elles inspirent une confiance absolue à cer- taines populations de l'Indo-Chine. Les Annamites les font, à cet efiet, macérer dans l'eau-dc-vie de riz et les administrent en potions. Au contact de l'eau, le tégument superficiel de la graine se gonfle et produit une grande quantité de mucilage, employé parfois comme cosmétique. C'est, en somme, une plante intéressante qui mériterait d'être expé- rimentée, mais qui n'est pas usitée chez nous. 3U REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. fort diamètre, dont le tronc, recouvert d'une écorce blan- châtre mince, assez rugueuse, fendillée, est couronné par une cime étalée, légère, d'un beau vert. Feuilles alternes, bipennées, petites, luisantes, à nervures saillantes. Originaire de la Nouvelle-Calédonie, cette espèce est assez commune dans les forêts élevées de la baie du Sud. Son bois, de couleur gris jaunâtre, est liant, flexible, mais assez difficile à travailler étant vert, à cause de ses longues fibres qui s'arrachent sous le rabot. Lorsqu'il est sec, on peut l'employer avantageusement en menuiserie, ainsi que pour membrures et bordages d'embarcations. Les charrons en tirent un bon parti pour la confection des moyeux, jantes, etc. ; il est assez joli étant verni. Sa densité moyenne est de 0,690. Cette espèce comprend, en outre, deux variétés de forêts : l'une indigène des coteaux secs et boisés des environs de Nouméa, l'autre que Ton rencontre dans les mêmes localités, mais sur le bord des cours d'eau. La première offre un bois presque identique à l'espèce d'un beau brun veiné, imitant le noyer, employé dans la colonie aux mêmes usages que le Fail-fail et propre à l'ébénisterie. La seconde produit un bois blanc léger, fibreux, élastique, d'assez bonne qualité, mais moins estimé que les précédents et paraissant se conserver moins bien; sa densité moyenne est de 0,482. ALBIZZIA JULIBRISSIN Durazz. Arbre de soie. Acacia arborea Forsk. — Julibrissin Willd. Mimosa Julibrissin Scop. Japon : Nemu-Nolti ou Némounoki. Un des plus beaux arbres d'ornement connus, dont le tronc haut de 10-15 mètres sur un diamètre de 25-30 centimètres, est terminé par une cime large et très ramifiée. Feuilles bi- pennées, amples, très élégantes, composées d'un nombre infini de petites folioles d'un beau vert. Originaire de la Perse, de la Chine et du Japon, cette espèce croît généralement à l'état sauvage sur les collines et les montagnes ; elle est cultivée dans les jardins de plusieurs provinces de Kiusiu; on la rencontre aussi dans plusieurs localités de l'île de Nippon. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 34o Son bois, de couleur jaune ou jaunâtre un peu plus l'once vers le cœur, est de bonne qualité, d'une dureté et d'une densité moyenne. Assez résistant et de conservation assez longue pour servir dans les constructions japonaises, on en fait aussi des boites, des coffrets et un grand nombre de petits objets façonnés au tour. L'écorce est employée parles Chinois et les Japonais pour guérir les loupes et combattre les dou- leurs consécutives à des contusions anciennes. Cette belle espèce, introduite dans l'horticulture du sud de l'Europe, est remarquable par son beau feuillage et par ses fleurs, blanches ou rosées, soyeuses, en tètes paniculées dont les étamines, dépassant de beaucoup les pétales, forment des aigrettes magnifiques. Assez rustique pour se passer de tout abri et donner des graines fertiles dans le midi de la France et même sur les côtes de Bretagne, elle résiste rarement en pleine terre pendant plusieurs années sous le climat de Paris; aussi est-il plus prudent de la cultiver en serre d'orangerie. ALBIZZIA LOPHANTA Bknth. Acacia lophanta Willd. Mimosa distachya Vent. — elegans Andr. Grand et bel arbrisseau inerme, d'une croissance rapide, mais n'atteignant jamais les dimensions d'un arbre réel. Feuilles bipennées, composées de 16-20 petites pennes por- tant chacune 20-30 petites folioles linéaires, obtuses. Originaire de la partie occidentale du sud de l'Australie, où elle croit fréquemment dans les taillis, cette espèce a été in- troduite en Europe en 1803; en Algérie et dans le midi de la France, on la cultive comme plante décorative dans les parcs et les jardins, isolément ou en massifs. Son bois, dur, compact, d'une densité considérable, facile à travailler, peut être employé à divers usages, notamment pour le tour et quelques petites pièces d'ébénisterie. En Al- gérie, par suite même de sa végétation exceptionnellement rapide, YAlbizzla lophanla ne produit qu'un bois assez mé- diocre que l'on peut, cependant, employer utilement à faire des perches, des échalas, etc., en pratiquant des coupes bis ou trisannuelles. 316 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. L'écorce contient environ 8 % de tanin-mimosa et M. Rum- mel a trouvé dans les racines desséchées 10 % de saponine dont on se sert dans les manufactures de laine et de soie ; ces racines possèdent une odeur très désagréable étant fraîches. Les feuilles sont acceptées comme fourrage par le bétail. L'Albizzia lophania est surtout connu en horticulture par sa variété Neumannii , remarquable par ses feuilles plus grandes, ses enveloppes florales et ses pétioles d'un très beau rouge plus ou moins foncé. Les fleurs de l'espèce type sont petites, d'une couleur jaune pâle, un peu odoriférantes, dis- posées en houppes longues et légères. ALBIZZIA PROGERA Benth. Acacia proce.ra Willd. Inga gracilis Jung h. Mimosa coriacea Blanc. — procera Roxb. Hindoustani : Su/ed-sins. Java : Wëroe, Wcrou. Sondanais : KihianiJ. South Austra'.ia : Tce Como. Tamoul : Veloungue-marom, Pedda-j)atseru. Telenga : Pedda-patsiroo. Chikul. Arbre de taille moyenne et d'un fort diamètre, croissant naturellement et abondamment dans les endroits bas de l'île de Java, aux Philippines, dans l'Inde, en Birmanie et en Australie. Son bois, d'une belle couleur brune, se travaille bien et prend un magnifique poli ; très propre à la construction, à la menuiserie fine et à toutes sortes de travaux, il est considéré comme un des meilleurs bois de l'Inde. Toutefois, celui qui provient des arbres de Java est plus mou et plus grossier ; quoique peu estimé, en général, il est cependant largement employé dans la construction des habitations, parce que, sui- vant Kooders, il n'est pas attaqué par les Bangbaras, sorte de xylophage spécial au pays. L'écorce laisse exsuder une gomme de médiocre qualité. Albizzia Angolensis Welw. (Angola : Mufufulu). Arbre de dimensions assez fortes, des forêts de Golungo Alto, dans les possessions portugaises de l'Afrique. Son bois, de bonne qualité et d'une belle couleur, est d'un emploi avantageux pour divers travaux et donne lieu à un commerce local. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 317 AWizzia o.nihclminlica A. Brong. Arbre de taille moyenne croissant naturellement en Abyssinie, au Zambèze et à An- gola, mais ne dépassant pas, dans cette dernière contrée, les dimensions d'un très petit arbre. Son bois, solide et résis- tant, est employé pour la construction des barques. L'écorce est utilisée par les Abyssins comme remède anthelmintique. AWizzia canescens Benth. (Indigènes du Queensland : Walhor). Arbre ornemental, stolonifère, à grandes feuilles pennées. Son bois, de couleur jaune clair à la périphérie, est peu différent du Cèdre vers le centre, il est très estimé au Queensland pour les travaux d'ébénisterie. AWizzia latifolia (Java : Tekeh. Sondanais et Malais : Ki- takee, Kitohé). Arbre de dimensions moyennes, indigène aux îles de la Sonde. Son bois est employé par les Malais dans leurs constructions. 1? AWizzia Moluccana Miq. appelé « Se- lewakoe et Sikat » aux Moluques, est utilisé dans les mêmes conditions par les naturels. AWizzia monlana (Benth. A. vulcanica Korth. , Inga montana Jungh.) « Bois de souris ». Indes néerlandaises: « Caju Ticcos major, Grana » (Java) : « Wangkol, Kiharoe- man » (Madura) : « Bangkol ». Cette espèce fournit un bon bois de charpente qu'on peut employer dans les construc- tions; joli et facile à polir, il sert aussi a faire des boites élé- gantes et divers autres objets. Son odeur particulière a la propriété d'attirer les souris; elle le fait utiliser quelquefois comme condiment culinaire. AWizzia ocloralissima Benth. {Acacia odoratissima Willd., AWizzia micrantha Boiv.) Hindoustani : « Sirsa ». Malabar: « Cherymaram ». Tamoul : « Karrou-vengay-ma- rom, Karroo-vangay, Solomani, Karuvaga, Saelae-marom ». Télenga : « Shinduga ». Arbre d'une hauteur de 10-12 mètres, ; croissant à l'état sauvage dans diverses régions de la pénin- sule indienne. Le tronc produit un bois de charpente assez solide, mais de peu de durée et ne résistant que très faible- ment aux attaques des insectes. L'écorce pulvérisée est consi- dérée comme utile dans les ulcères et même aussi dans la lèpre ; il exsude en outre de la tige une gomme astringente d'un brun foncé, regardée comme une sorte de Cachou. AWizzia stipulata Benth. (Acacia stipidata DC, Mimosa stipulala Roxb.) Java: « Sengon ». Bengali : « Amlukee ». Arbre de dimensions assez fortes, croissant naturellement à Java et 31 S REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. au Bengale. Son bois, de bonne qualité, présente une grande analogie avec celui de V Albizzia procera, mais il est un peu plus léger et d'une texture moins fine. Inattaquable par les termites, il est en général un bon bois de charpente et de me' nuiserie très employé à Java. Les arbres acquièrent souvent un diamètre suffisant pour qu'on puisse en tirer de larges planches et de beaux madriers. Albizzia Thozeliana F. Muell. {Acacia Thozeliana F. Muell ) Arbre de taille moyenne à tronc droit, très rameux, recouvert d'une écorce mince, blanchâtre et terminé par une cime touffue d'un vert foncé, se rencontrant assez communé- ment dans les sols pauvres et pierreux du Queensland. Son bois, â grain fin, est lourd, élastique et très dur; on l'emploie surtout dans la carrosserie et la charronnerie pour flèches, timons et brancards. Albizzia Welwitschii Oliv. (Angola: Muance). Bel arbre d'un port particulier, à cime large, atteignant parfois des dimensions considérables, commun clans les forêts de Go- lungo Alto. Son bois, blanc et léger, est peu employé â An- gola, quoique paraissant propre à divers travaux communs, tels que menuiserie intérieure, caisses d'emballages, etc. CALLIANDRA SAMAN Bunth. Albizzia Saman F. Muell. Inga Saman Willd. Mimosa Samau Jagq. PUliecolohiam Saman Benth. Antilles (Martinique) : Saman. (Jamaïque) : South American- Acacia. Trinité [Anglais) : Caracas trce. (Espagnol) : Zaman ou Samano. (Français) : Za- man. Mexique : Guanrjo. Grand et très bel arbre atteignant environ 20 mètres et plus de hauteur sur un diamètre de lm,50 à 2 mètres à la base ; tronc naturellement peu élevé portant des branches d'une grosseur colossale qui s'étendent horizontalement et couvrent un grand espace de terrain, ce qui en fait un arbre paysager de premier ordre. Feuilles bipennées, â folioles glabres r ovales-oblongues, obtuses. Originaire des régions chaudes et humides de l'Amérique centrale, on le rencontre depuis le Mexique jusqu'au Brésil, ainsi qu'aux Antilles, notamment â la Jamaïque et à la Marti- LES BUIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 319 nique ; il a été introduit assez récemment dans l'Inde et à Ceylan. Cet arbre produit un beau et bon bois, dur, solide et résis- tant, Tort employé pour le charronnage et pour tous les tra- vaux de menuiserie en général. A la Jamaïque, cette essence est particulièrement recherchée pour la confection des affûts de canons, et à la Martinique pour divers ouvrages d'ébénis- terie et de marqueterie. Toutefois, malgré la valeur industrielle de son bois, le C. Saman est surtout utile par ses gousses comestibles, pulpeuses- et sucrées, offrant une grande analogie avec les siliques du Caroubier. Calliandra Hildebrandtii H. Bn\ Petit arbre à feuilles bi- pennées, originaire de Nossi-Bé. Son bois, de petites dimen- sions mais à grain serré, convient très bien à la fabrication des objets tournés. Une espèce indigène des mêmes localités, le C. Thnuarsiana produit un bois semblable. Calliandra Portoricensis Benth. {Acacia Portoricensis Willu.) Répub. Argentine : « Palo santo, Guayacan blanco ». Petit arbre du Brésil et de la République Argentine, à feuilles bipennées, composées de 4-6 paires de folioles. Son bois, dur et lourd, convient bien au tour et à la confection de divers objets. D'après M. de Lanessan, le tronc laisse exsuder une gomme particulière nommée Copallic au Brésil. Calliandra ietragona Benth. (Acacia telragona Willd. A. quadrangularis Lamk.) Cette espèce, originaire du Vene- zuela, produit un bois rongeâtre, très dur, regardé comme le véritable « Tendre à Caillou » de Caracas. Cet arbre four- nit une des « Ecorces de jeunesse ou de virginité » de l'A- mérique du Sud. ENTEROLOBIUM CYGLOGARPUM Griseb. Salvador : Genacaste, Conacaste. "Venezuela : Caro. Grand arbre forestier d'une hauteur de 30 mètres environ sur un diamètre de 1 mètre, croissant naturellement au Sal- vador, au Venezuela, et probablement dans quelques autres parties de l'Amérique tropicale. L'aubier est facilement attaquable par les insectes et doit être rejeté entièrement avant la mise en œuvre; le bois, de couleur gris clair un peu jaunâtre veiné de brun, est dur et 320 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. résistant, quoique assez léger. Ses fibres sont réticulées, ses pores nombreux et assez grands. Les dimensions du tronc et sa rectitude parfaite à une grande élévation, permettent d'en tirer des pièces excellentes pour la construction et de forts madriers utilisés pour la menuiserie et l'ébénisterie. Les In- diens se servent du tronc entier pour faire des pirogues d'une longue durée. L'écorce laisse exsuder une gomme utilisable. Les fruits sont mangés avec plaisir par les Bœufs qui s'en engraissent rapidement ; les semences sont comestibles après avoir été grillées sous la cendre. ENTEROLOBIUM TIMBOUVA Mart. Enterolobium glaticescens Mart. Paraguay : Tuubô, Camla namby. République Argentine : Timbé. [Variétés blanco et Colorado). Pacarâ (variétés Plomo et neijro). Grand et bel arbre, d'un port majestueux, atteignant 25- 30 mètres de hauteur sur un diamètre de lm,50, et dont les brandies s'étendent au loin. k Originaire de l'Amérique du Sud, il croît naturellement au Paraguay et surtout en République Argentine, notamment dans les provinces de Formosa, Tucuman, des Missions et au Chaco austral. Son bois, blanchâtre, léger, flexible et de bonne qualité, peut être substitué au Pin dans presque toutes ses applica- tions. On l'emploie principalement pour la menuiserie et la tonnellerie; sa légèreté et sa durée sous l'eau, le font re- garder comme supérieur pour la construction des canots, des wagons, des roues hydrauliques, etc. On en fait aussi des meubles communs et divers objets d'économie domestique. Sa densité approximative est de 0,450. Toutes les parties de cet arbre contiennent du tanin et de la saponine ; l'écorce et les fruits sont utilisés pour le tan- nage des peaux et pour dégraisser les étoffes ; les feuilles et les racines servent en teinture et les fruits produisent un noir foncé avec les sels de fer. Le Paraguay et la République Argentine renferment en outre plusieurs espèces indéterminées & Enterolobium con- nues sous le nom générique de Timbô; leur bois présente les LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 321 mêmes qualités de solidité, de légèreté et de facilité de travail que celui des espèces ci-dessus et serrent aux mêmes usages. LEUCLENA GLAUGA Benth. Acacia frondosa et glauca Willd. — leucocephala Link. Mimosa glauca L. — leucocephala Lamk. Martinique : Macata bourse. Tanioul : V ellé-vellé, Velvdin, Chavonndel. Arbrisseau ou petit arbre d'une croissance rapide, à feuilles alternes, bipennées. Originaire de l'Amérique méridionale et des Antilles où il est surtout commun à la Martinique, aux environs de Saint-Pierre ; cet arbre est aujourd'hui naturalisé dans quelques parties de l'Inde. Son bois, d'une belle couleur brune striée de rouge, est lourd, dur, compact, de texture fine et de bonne qualité, mais comme il est très sujet aux attaques des insectes, on ne peut en tirer un bon parti qu'après l'avoir injecté avec une huile amère ou une solution chimique. On l'emploie surtout pour la marqueterie à cause de ses dimensions peu considérables. L'aubier est jaune clair. Les feuilles sont utilisées comme remède astringent. Les gousses contiennent des graines dures, ovales, aplaties, avec lesquelles on fabrique divers ornements, tels que colliers, bracelets, etc. Le Leucœna pidverulenta Béni h. (Acacia esculenia Mart. et Gall., A. pulverulenta Schlech.) est un petit arbre de 6-8 mètres de hauteur, originaire du sud-ouest des Etats-Unis. Son bois, d'un beau brun, est assez lourd, com- pact, dur et à grain fin. L'aubier est jaune clair. LYSILOMA LATISILIQUA Benth. Acacia latisiliqua Wilt.d. — Bahamensis Griseb. i Albizzia latisiliqua F. Mueli,. Lysiloma Bahamensis Benth. Mimosa latisiliqua L. États-Unis : WHd Tamarind (Tamarin sauvage). Arbre forestier des Etats-Unis, d'une hauteur moyenne de 5 Octobre 1894. 2! 322 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. 15 mètres sur un diamètre de 60-90 centimères, ne différant de l'espèce suivante que par quelques caractères botaniques secondaires. Son bois, d'une magnifique couleur brune teintée de rouge, est regardé comme surpassant en beauté l'acajou par ses nuances variées qui lui donnent l'aspect d'un satin moiré lorsqu'il est poli ou verni. Assez dur, compact, élastique et d'un grain fin, ce bois convient surtout aux travaux d'ébénisterie de luxe ; il est également considéré comme l'égal de l'acajou pour la cons- truction des bateaux, tant par ses qualités physiques que par sa longue conservation dans l'eau. LYSILOMA SABICU Benth. Bois de Sabicu. Acacia formosa Ram. de la Sa G. Anglais : Sabicu wood. Bahama : Horse flesh Mahogany. Cuba : Sabicu, Savacû, Savicé. Grand et bel arbre inerme, acquérant parfois des dimen- sions considérables en hauteur et en diamètre. Feuilles le plus souvent bijuguées, pennées, composées de folioles presque opposées, obovales, obtuses, légèrement membra- neuses, glabres sur les deux faces, glaucescentes en dessus, pileuses et duveteuses à la base. Originaire des Antilles, cette espèce croît surtout à Cuba ; mais on la rencontre également dans quelques-unes des îles Bahama ; elle végète indifféremment dans tous les sols, quoi- qu'elle semble préférer les terres élevées. Son bois, de couleur brun foncé, est excessivement dur et très lourd ; inattaquable à tous les insectes, il est aussi d'une longue durée ; des pièces ont été trouvées parfaitement saines après un siècle d'exposition aux intempéries. D'un usage très répandu dans son pays d'origine, cette essence est fort estimée dans les constructions civiles pour charpentes, solives, planchers, marches d'escalier, ainsi que pour la me- nuiserie, le charronnage, le tour, bobines et navettes, et divers objets de constructions navales. Le bois de Sabicu se débite généralement soit en pièces équarries de grandes dimen- sions, soit en planches ou en madriers. Son commerce donne lieu à des transactions assez importantes. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 323 OLNEYA TESOTA Asa Gray. Etats-Unis : Arlol de Hierro, Iron wood. Petit arbre d'une hauteur de 8-10 mètres, à feuilles impa- ripennées, à folioles alternes, entières. Originaire de l'Amérique septentrionale, cette espèce croit naturellement au sud-ouest des Etats-Unis , dans les régions arides et pierreuses, de l' Arizona et de la Sonora, ainsi qu'au nord du Mexique; elle se plaît surtout dans les terres légères et sablonneuses. Son bois, d'une belle couleur brun foncé strié de rouge, est lourd, très dur, d'une texture fine et compacte ; ses rayons médullaires sont minces, nombreux, et ses fibres généralement contournées, ce qui le rend assez difficile à couperet à travailler. Susceptible d'un très beau poli, ce bois peut être employé pour le tour, la tabletterie, la marqueterie et autres petits travaux de fantaisie. En Amérique, on s'en sert occasionnellement pour fabriquer des cannes, des manches de parapluie et d'ombrelles, mais il est un peu cas- sant. L'aubier est jaune clair, brillant et presque aussi dur que le bois ; sa densité est de 0,895 et celle du cœur de 1,148. Le fruit est une gousse dont les graines sont alimentaires. PARKIA AFRICANA R. Br. Inga biglobosa Willd. Inga Senegalensls DC. Mimosa biglandulosa Jacq. Parkia biglobosa Benth. Bornou : Rounuo. Casamance : Néré. Java : Goedé, Puntoi. Mandingue : Nété, Nédé, [Netty Nitta, Nutta des voyageurs anglais). Malais et Sondanais : Pët<(, Pimdeui. Ouassa : Nérétou. Sumatra : Alei. Tamoul : KaUkimarom^ Mavoumarom. YololF : Houlle. Un des plus beaux arbres de l'Afrique, remarquable par son port magnifique et son beau feuillage très découpé, attei- gnant de fortes proportions, soit 30-40 mètres de hauteur sur un diamètre proportionné. Feuilles alternes, bipennées, composées d'une cinquantaine de folioles linéaires, obtuses, d'un vert grisâtre. 324 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. Originaire de l'Afrique tropicale occidentale, cette espèce est très abondante, dans les forêts de la Sénégambie. On la rencontre en Sierra-Leone, Libéria, etc., et Clapperton l'a si- gnalée dans la Nigritie centrale. On la trouve encore dans quelques parties de l'Inde et elle est naturalisée aux Indes néerlandaises. Son bois, de couleur blancbâtre à la périphérie, un peu plus foncé vers le centre, est fort beau, d'un grain assez fin, d'une résistance moyenne et d'une grande flexibilité ; ses fibres sont longues, mais un peu grossières. Très lourd au moment de la coupe, il perd rapidement son eau de végéta- tion et devient beaucoup plus léger par la dessiccation. Assez solide et durable, pour être utilisé dans quelques construc- tions, gerçant peu en séchant, ce bois convient surtout aux ouvrages de menuiserie, à la confection des caisses d'em- ballage, en un mot, à tous les travaux où le bois blanc est suceptible d'être employé ; il peut aussi être utilisé pour le tour. Sur la côte d'Afrique, le Nété est l'arbre qui rend le plus de services aux populations indigènes ; aussi n'est-il pas rare de le trouver dans les plaints défrichées où on le laisse comme arbre fruitier (1). Dans la Casamance, il est d'usage de ne cueillir les fruits qu'à une époque déterminée par les chefs, ce qui constitue un ban pour cette récolte. (1) Le fruit du Parkia A f ricana, appelé Farobe. est une gousse bivalve, déhiscente, allongée, arquée, longue de 30 cenlimélres environ, sur une largeur de 2-3 centimètres; les graines, recouvertes d'un pe'ris- perme dur, coriace, brun et brillant, sont entourées d'une pulpe co- mestible qui, chaque année, sert pendant un mois, environ, à l'ali- mentation des indigènes. L'illustre voyageur René Caillé s'est nourri de Farobes et en a fabriqué une boisson rafraîchissante. Cette pulpe desséche'e et tamisée a l'apparence dune fécule rous- sâtre et sert à pre'parer un aliment analogue au Sagou ; on la mêle aussi au riz et aux viandes et on en fait des tablettes qui gardent pendant plusieurs mois leur saveur agre'able et sucrée. Elle a e'té étu- diée chimiquement, eu 1887, par MM. Heckel et Schlagdenhauffen, qui nous fournissent les renseignements suivants : Cette pulpe est jaune d'or, très friable ; elle communique à l'eau une couleur jaunâtre et une saveur douceâtre et acidulé. Elle a elle- même une saveur douce, agréable, un peu fade, qui devient plus agréable avec le temps et qui s'accompagne d'un le'ger parfum de violette. Elle renferme près de 60 p. °/0 de son poids de sucre (mé- lange de glucose et de sucre interverti), 0,9S p. °/0 d'acides tartrique et citrique libres, des matières albuminoïdes, des substances grasses, LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 32o Parhia spcciosa Hassk. (Malais : Pëteh. Sondanais : Pu- loi.) Arbre assez élevé, atteignant un diamètre de 0m,50, originaire des Indes néerlandaises. Bois blanchâtre, assez lourd, quelque peu grossier et peu durable ; mêmes emplois que celui du P. Africana. Un arbre adulte porte de 4 à 5,000 fruits dont les graines mûres se mangent cuites ou rôties ; elles sont d'un bon goût, mais d'une odeur peu agréable. PENTACLETHRA MAGROPHYLLA Benth. Owala du Gabon. Afrique portugaise (San Thomé) : Sucupira, Sicopira. Gabon : Owala. Séné- gambie (dialectes divers) : Fritambo, BaliUij, M a f ail, Bobo, Faï. Très bel arbre d'une hauteur moyenne de 10 mètres, mais atteignant parfois des dimensions beaucoup plus considé- rables ; tronc recouvert d'une écorce rugueuse et terminé par une cime large, touffue et très ramifiée. Feuilles bipen- nées, amples, persistantes, composées de nombreuses folioles ordinairement petites, insymétriques, plus ou moins arron- dies ou aiguës à leurs extrémités, glabres ou très légèrement duveteuses et ferrugineuses. Originaire de l'Afrique tropicale occidentale, cette espèce se rencontre à partir de Rio-Nunez jusqu'au Gabon; elle a été signalée par divers voyageurs : à Fernando-Pô, dans la colo- nie allemande de Cameroon sur les bords de la rivière de ce nom, à l'île de San Thomé, sur les bords de la rivière de Su- limah, etc. Son bois, de couleur rougeâtre, est dur. solide et d'excel- lente qualité. Peu emploj^é par les indigènes de la Sénégam- bie, si ce n'est pour faire des pirogues, cette essence est très appréciée des colons portugais, autant à cause de ses dimen- sions que de ses qualités de résistance et de durabilité, pour la construction, la charpente et même l'ébénisterie. Son em- ploi dans la marine a été l'objet d'une étude toute particu- etc. Cette proportion considérable de sucre explique l'emploi de cette pulpe comme aliment. Les gousses sont utilise'es par les indigènes du Rio-Nunez pour empoisonner le poisson. Les graines, torre'fiées ou non, servent à pre'parer une infusion théi- forme, d'où leur vient leur nom, impropre du reste, de Café du Soudan. 326 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. lière de la part de M. le capitaine de vaisseau Silva Cordeiro qui a prouvé la supériorité de ce bois pour la confection de varangues, genoux et autres pièces de construction navale. Les graines que contient le fruit sont mangées avec plai- sir par les indigènes de Manon et de Sulimah, qui les con- somment fraîches, soit après les avoir torréfiées, soit en les faisant cuire à l'état naturel dans des vases non couverts. Au Gabon, ces semences entrent souvent dans la composi- tion du Pain de Diha (1). (1) La graine d'Otvala'a été assez récemment l'objet d'une étude spé- ciale de la part de M. le professeur Edouard Heckel, dont tout le monde connaît la haute compe'tence et le désintéressement, dans toutes les questions qui touchent au développement du commerce national et à l'avenir économique de nos colonies africaines. Nous ne saurions donc mieux faire que de donner ci-après le résumé des obser- vations faites par ce savant sur l'avantage qu'il y aurait à introduire ce nouveau produit dans l'industrie française (* . Le fruit du Pentaclethra macrophylla est remarquable par l'e'paisseur de ses parois ligneuses et ses grandes dimensions. C'est une gousse bivalve, aplatie, atte'nue'e obliquement à la base, déhiscente, d'un brun marron à la surface, duveteuse avant la complète maturité', de- venant ensuite glabre, et sillonnée dans toute sa longueur par des stries et des fissures longitudinales. Cette gousse peut atteindre jus- qu'à 55 centimètres de longueur sur une largeur de 9 cent, et une e'paisseur de 3 cent. 1/2 environ. Elle renferme intérieurement 6- 1 grosses semences elliptiques, aplaties, minées sur les bords, obli- quement atténuées vers l'ombilic, recouvertes d'un épisperme brun foncé, luisant, portant à la surface de nombreuses rides peu pro- fondes. La graine, débarrassée de son enveloppe épaisse et coriace, se compose de deux cotylédons d'un blanc grisâtre et d'apparence cor- née, qui constituent la partie la plus intéressante du fruit. D'après les recherches chimiques faites par M. Schlagdenhauffen, sur la demande de M. Heckel, la graine d'Owala se compose chimi- quement de : corps gras de couleur jaune pâle, fusible à 21°, 8, 45,180; sucre et tanin 4,862; corps gras et gliadine 2,005; matières albuminoïdes 30,500; cellulose 15,043 ; sels 2,410. Cette analyse révèle la présence d'une quantité considérable de matières azotées, dont on ne retrouve l'équivalent dans aucune des Légumineuses alimeutaires usuelles à l'exception du Soja et des Fé- veroles. Contrairement à toutes ces semences où il y a de l'amidon et peu de matières grasses, la graine d'Owala ne renferme aucune trace d'amidon. Il résulte de ces données analytiques que ce produit constituerait (*) Sur la graine d'Ow&la (Pentaclethra macrophylla) par le DrEd. Heckel, professeur à la Faculié des Sciences et à l'École de Médecine et de Pharmacie de Marseille. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 327 Pentaclethra filamentosa Benth. [Trinité (Anglais) : Wild Tamarind (Espagnol) : Palo mulato. (Français) : Bois mulâ- tre. Venezuela : Mulato.} Arbre inerme à feuilles bipennées, composées de 30-50 folioles linéaires, inégales, glabres ou stipulées, petites, caduques. Originaire de l'Amérique cen- trale, cette espèce fournit un très bon bois pour la construc- tion, également propre aux travaux d'ébénisterie, mais il est encore peu employé. Pentaclethra Griffoniana H. Bn. (Gabon : N'Tchiimibou). Grand arbre forestier de l'Afrique occidentale, commun au Gabon. Son bois est bon pour la menuiserie et la cons- truction. {A suivre.) un aliment de premier ordre pour les animaux ou un engrais d'une richesse peu commune, après extraction du corps gras. Quant à ce der- nier, qui est semi-solide, jusqu'à la température de 24°, il présente un réel intérêt, à cause de la manière d'être de ses acides gras, solides, qui ne fondent qu'à 58 degrés. On sait que l'industrie des bougies re- cherche activement de nouveaux acides gras ou acides stéariques d'o- rigine végétale, dont le point de fusion serait le plus élevé possible, et les corps gras qui donnent la plus grande quantité d'acides gras. Ces deux qualités se trouvent réunies dans Yhuile d'Owala dont la valeur sera surtout évidente dans la fabrication des bougies stéariques. Eu terminant, l'auteur ajoute qu'il y aurait tout intérêt à introduire en France cette précieuse graine de nos possessions de l'Afrique tro- picale, et rien n'empêchera d'introduire aussi le végétal par ses graines dans nos colonies chaudes des Indes orientales et occiden- tales, où il pourrait devenir une source certaine de richesses dans quelques années. 323 II. CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. Académie des Sciences. M. Ed. Chatin a fait récemment à l'Académie des Sciences une communication sur les Truffes [Terfess) de Tunisie et de Tripoli. Au commencement du mois de mars dernier, dit-il, je priai M. Ha- notaux, alors Directeur des consulats et affaires commerciales, aujour- d'hui Ministre des affaires étrangères, de vouloir bien faire rechercher et envoyer par nos consuls les Truffes que je conjecturais, d'après la situation géographique des lieux, pouvoir exister dans certains pays d'Afrique et d'Orient, notamment à Tunis, Tripoli, Tanger, Salonique, Athènes, Ispahan et Téhéran. En exécution des instructions qu'avec une grande obligeance M. Hanotaux s'e'tait empresse' de donner, des envois étaient faits dès le mois d'avril par M. le Résident ge'néral de France à Tunis et par notre Consul à Tripoli. Résumant la communication de M. Rouvier, résident général, M. Hanotaux m'écrivait, à la date du 1er mai : « On ne conuait, dans la Régence, qu'une Truffe blanche appelée Terfess [Terfez ou Terfâs) par les indigènes. Le Terfess, qui pousse dans les terres argileuses et humides (?) du Sud, ne vient pas sous certains arbres, comme la Truffe de France ; d'après les indigènes, sa présence est toujours de'celée par une petite plante à laquelle ils ont donné le nom de Arong-terfess, ce qui veut dire « racines de terfess ». La lettre était accompagnée d'un paquet renfermant quelques tuber- cules et des spécimens de l'herbe dite Arong-terfess, provenant d'un même point de la truffière. Par leur poids de 60 grammes à 100 grammes et leur forme, par leur périderme lisse, peu coloré, par leur chair blanchâtre assez homo- gène et leurs sporanges presque ronds et à huit spores, enfin par les spores d'un diamètre de 33 millimètres à 23 millimètres, finement réti- culées et à réseau variable et non verruqueuses, les Terfess de Tunisie sont spécifiquement identiques au Kamé de Damas que j'ai nommé Terfezia Claveryi : l'espèce signalée par M. Patouillard, ainsi que d'autres tubéreuses, dans ses missions en Tunisie, est la même en Afrique et en Arabie. Quant à l'Arong-terfess, connu aussi des Arabes sous les noms de Reguig et de Samari, il ressort de la détermination faite par le Dr Bon- net, à qui est familière la flore de Tunisie, que c'est une Cistacée vi- vace, Y Helianthmum sessili/lorum Pers. [Cistus sessiliflorus Desf.) (1). (1) Les nombreux pieds à' Helianthemum sessiliflorum faisant partie de l'en- voi étaient couverts d'une plante parasite, le Cuscuta palmiflora. Dans l'hy- pothèse du parasitismu des Truffes, on voit que l'Arong-terfess aurait deux ennemis à nourrir, l'un tous terre, l'autre au-dessus du sol. CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. 329 Dans la terre assez le'gère et de teinte ocrace'e, retirée par lavage des tubercules et des racines de l'hélianlhème, il y avait approxima- tivement, sur 100 parlies, 5 de chaux, 2 d'oxyde ferrique, 0,10 d'azote, traces d'iode et d'acide phosphorique. Avec la Truffe de la Tunisie, M. Hanotaux me faisait tenir, ajoute M. Chalin, en même temps qu'un certain nombre de tubercules, la lettre suivante : « J'ai l'honneur de vous transmettre ci-joints quelques spe'cimens de l'unique espèce de Truffes blanches que l'on récolte, vers les pre- miers jours du mois d'avril, dans la Tripolilaine. « D'après les renseignements recueillis par le Consul général de France à Tripoli, la production de ce tubercule n'atteint guère i lus de 3,000 ldlogr., même dans les anne'es où les pluies sont abondantes au mois de fe'vrier (1). « On récolte les Truffes dans les environs de Tripoli à Gharsan, dans le Djebel tripolitain, ainsi qu'aux environs de Tliten et de Mesrata, localile's silue'es sur la côte orientale du vilayet. La qualité de Mes- rata est réputée la meilleure. « Il résulte d'informations recueillies par nos représentants à Tan- ger et à Salonique que la Truffe n'existerait ni au Maroc (2), ni à Sa- lonique, ni dans les vilayets de Janiva, Kossouo et Monastir, ni à Athènes. » Les tubercules de la Tripolilaine, de la grosseur d'un œuf et plus ou moins piritormes, ont le périderme lisse et peu coloié, la chair d'un blanc jaunâtre, les sporanges à six ou huit spores ; les spores, arrondies et du diamètre de 20 à 26 millimètres sont relevées de courts festons repondant à de multiples et fines granulations. A ces caractères, on reconnaît le Terfezia Boudieri, conclut M. Cha- tin, que j'ai de'crit pour la première fois sur des tubercules recueillis dans le sud de l'Algérie (Barika, Biskra, Tougourl, etc.) et dont une variété (Terfezia Boudieri) me fut envoye'e de Damas avec le Terfezia Claveryi. De Tripoli ou de Tunisie, les Truffes appartiennent à ce groupe du Terfds, tubercules blanchâtres à pe'riderme lisse, à odeur et saveur nulles ou faibles, qui entrent dans l'alimentation des peuplades du désert. » (1) C'est une remarque faite en tous les pays, que les pluies, en certaines saisons, correspondant à celle des premiers développements des Trulles, leur sont favorables. (2) Cependant le Tirmania Africana et le Terfezia Leonis paraissent avoir été trouvés au sud de la province d'Oran, dans la région des Chotts R'Arbi et Chergui, frontière du Maroc. On peut seulement inléier des renseignements recueillis que les Terfas n'auraient pas de marcbés importants au Maroc. 330 III. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. L'agriculture à la Jamaïque. — Le dernier rapport, publié par le gouverneur de la Jamaïque (1), contient des résultats en- courageants pour l'année 1892-93. On trouve que l'exportation des fruits repre'seute 29,-4 pour cent des exportations totales de la co- lonie. Le sucre se chiffre à 13,1 pour cent et le rhum à 11 pour cent. L'exportation des bois de construction et de teinture se monte à 21,3 pour cent, tandis que les piments et les productions de mines attei- gnent 9,5 pour cent. On reconnaît que la Jamaïque possède maintenant des ressources variées et qu'elle est devenue pratiquement indépendante d'une ou deux industries regardées jusqu'ici comme indispensables pour sa prospérité. Le Cacao a l'ait de nos jours les plus grands progrès tant comme quantité que comme qualité'. On pense re'ussir avec la Vigne, mais les résultats ne sont pas iudique's dans le rapport. L'exportation du Cacao s'est accrue de 3,010 cwl. en quantité et de 8 890 livres en valeur ; le Café', de 10, 3^8 cwt. en quantité' et de 3,726 livres en valeur; les Oranges, 3,800,526 en nombre et 11,526 livres en valeur; enfin, l'exportation des Bananes a augmenté de 676,280 bun- ches et de 76,813 livres. Les plantations de Bananiers mesuraient, en 1890-91, une e'tendue de 9,959 acres, ont été évaluées l'année suivante à 14,860 acres. Le terrain occupé dans l'île par la canne à sucre et par le Café n'a guère pris d'extension pendant ces dernières années. On l'évaluait, en 1892-93. à 32,466 acres pour la Canne à sucre et à 21,450 acres pour le Café. Nous relevons comme chiffre total de l'espace cultive' dans toute l'île 666,741 acres, dont 499,053 acres sont occupés par le Guinea gra^s, le piment et des pâturages. Ajoutons que la Jamaïque mesure 1,958,678 acres sur lesquels on prélève la taxe de propriété. G. Emploi du Robur en Autriche. — La Revue des Sciences na- turelles appliquées (2) a signalé dans l'un de ses derniers numéros une nouvelle composition, désignée sous le nom de Robur, qui sert main- tenant à l'alimentation des Chevaux, des Bœufs et des Porcs en Au- triche. Nous recevons à ce sujet les renseignements suivants : Une Socie'te' agricole possède à Horniemtsch, en Moravie, une ferme modèle et des terres mesurant 13 hectares. L'an dernier, la grêle fit de grands dégâts et anéantit presque toute la récolte. Le fourrage ve- nant à manquer, on employa dès le mois de janvier 1,000 kilog. de (1) Rapport colonial annuel, n° 103. (2) Revue, 1894, t. I, p. 476. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 331 Robur que l'on ajouta comme condiment au fourrage ordinaire; la dose moyenne était d'un kilogramme par tête. Le Robur, tout en amé- liorant la santé des animaux, économise le fourrage. En outre, les dé- bris de la fabrication sont utilisés pour nourrir les Porcs. On cite une écurie de cinquante Chevaux ; dans l'espace de onze jours, le Robur augmenta de 23 kilogs le poids des animaux. La ration de fourrage était aussi beaucoup diminue'e. L'Institut vétérinaire de Vienne a d'ailleurs ordonné son emploi pour soigner les Chevaux malades. de S. Le Castor au siècle dernier. — En l'an 1714, le prince Léopold d'Anhalt-Dessau conclut un marche' avec le landgrave de Ilesse-Cassel en s'engageant à lui céder un Castor de son duché eu retour de chaque soldat qui serait livré à son service. Ce fait his- torique prouve que l'animal était abondant, vers le commencement du siècle dernier dans l'Anhalt, où il est devenu maintenant très rare. De B. Pigeons voyageurs en Suisse. — La Section colombophile de Bâle avait organisé, le 29 juillet dernier, un lâcher de Pigeons à la station de Gôschenen dans la chaîne du Golhard. Le départ eut lieu à midi et quinze minutes par un temps très favo- rable. Le premier Pigeon arriva à Bàle à deux heures trente-cinq mi- nutes et effectua donc un parcours de 11)1 kilomètres, à travers les hautes montagnes, en deux heures vingt minutes. G. Culture des Salmonidés. — On doit renoncer à l'emploi de viande crue pour nourrir les alevins. On évite ainsi de donner aux Poissons de nombreux parasites. M. Bruno Ilofer, qui vient de faire une étude approfondie sur ce sujet, démontre que les microbes et les larves de toute sorte, renfermés dans la viande non cuite, peuvent non seulement rendre les Poissons malades, mais engendrer chez eux des épidémies. Il cite à l'appui deux faits, qui se sont produits dans les établissements de Malching sur l'Inn et de Simpach. Dans le premier, G00 Truites de rivière et Saumons d'Amérique, nourris de viande crue, périrent en peu de temps. De b* La Tuberculose végétale. — Dernièrement, en arrachant un pied de Daphne Mezereum (Bois-joli) qui était mort, j'ai remarque que ses racines, du reste, dépourvues de chevelu, étaient couvertes de no- dosités. Ces sortes de loupes, de la grosseur d'une noisette et de consis- tance ligneuse très dure, étaient répandues sur toute la longueur des racines, mais plus nombreuses près du collet. Je ne doute pas que la mort de l'arbuste ne soit due à ces excrois- 332 BEVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. sances ; mais, sont-elles cause ou effet? En d'autres termes, consti- tuent-elles la maladie ou ne sont-elles qu'un symptôme? Sont-elles déterminées par la piqûre d'un insecte, ou doivent-elles être consi- dérées comme une affection propre à la plante et s'atlaquant spé- cialement aux racines ? Peut-être y a-t-il là un fait très connu et que j'ignore. En atten- dant la de'cisiou de savants plus autorise's, j'ai voulu porter cette re- marque à la connaissance de la Société d'Acclimatation et j'ai provi- soirement intitulé cette maladie, la Tuberculose végétale. De Conkevron. L'écorce du Mançone est e'paisse, rugueuse, fendillée, grisâtre extérieurement, de couleur rougeâtre sous l'épiderme ; fibreuse, dure, très friable, elle se présente en morceaux aplatis, irréguliers, sans odeur, mais provoquant de violents e'ternuements lorsqu'on les pul- vérise. Cette e'corce est employée par les naturels de la Basse-Séné- gambie pour empoisonner leurs flèches et comme épreuve judiciaire; elle entre aussi dans la composition d'un poison des Somalis appelé Haya. Le Mançone a été' l'objet de nombreuses e'tudes chimiques et phy- siologiques notamment par le D1' Corre et ensuite par MM. Gallois et Hardy. D'après ces derniers, son principe toxique qui réside non seu- lement dans l'écorce, mais dans toutes les parties de l'arbre, en quan- tité moins -irande, il est vrai, est du à la présence d'un alcaloïde qui, suivant son origine, a reçu le nom d' Kvythrophléine. L'Erythrophléine est une substance qui, suivant le mode d'extrac- tion, se présente sous la forme soit d'une masse transparente, amorphe, de couleur ambrée claire, de consistance ferme et gommeuse, soit d'une matière cristalline d'un blanc jaunâtre, également transparente, soluble dans l'élher sulfurique, le chloroforme et la benzine. Elle forme avec le chlorure de platine un chlorure double cristallin ; avec l'iodure de potassium ioduré elle donne un précipité jaune et avec l'ammoniaque un précipité blanc opaque qui se redissout dans l'acide acétique. Les propriétés physiologiques de l'Erythrophléine ont été expérimentées par les auteurs et ensuite par Germain Sée et Boche- fontaine qui ont montré que cet alcaloïde est non seulement un poison cardiaque très énergique dont l'action se rapproche de celle de la Digitaline et de la Picrotoxine, mais encore qu'il a pour effet de déterminer de profondes altérations dans les globules et de causer la mort par asphyxie lorsqu'il est mis en contact immédiat avec le sang. L'Erythrophléine a été préconisée comme anesthésique en oculistique par Lewin, mais il a été reconnu par le Dr Panas que son action était beaucoup moins prononcée qne celle de la Cocaïne et, qu'en outre, cette substance irritait le globe de l'œil et causait de vives douleurs. On la prescrit en granules à la dose de 1 à 2 dixièmes de milligramme CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 333 comme tonique et calmant du cœur ; son emploi exige la plus extrême prudence. Ilarnack et Zabrocki ont retire' de la même écorce une matière ex- tractive qui semble être analogue à l'Erythrophléine. C'est un corps amorphe se décomposant en Acide énjthrophléinique et une base nou- velle qu'ils ont appelé Mançonine. Contrairement au composé qui leur a donne' naissance, ces deux substances ne présentent aucune action toxique. M. V.-B. Le fruit du Tamarinier est une gousse noirâtre, droite o.u le'- gèrement recouibe'e, longue de 8-12 centimètres sur un diamètre de 2 centimètres environ, comprimée ou aplatie, inégalement renflée. Elle renferme, sous un e'picarpe mince et fragile, une pulpe jaunâtre ou rougeâlre, acidulé et sucre'e, que l'on mange étant fraîche et dont on fait aussi des confitures et de bonnes conserves. Ce fruit est d'un em- ploi très répandu dans les Indes orientales et en Egypte, où l'on l'uti- lise comme condiment et pour pre'parer des boissons rafraîchissantes fort appréciées.. Au Se'négal, les nègres associent presque toujours la pulpe de ce fruit a leurs aliments, surtout au Riz. Tel qu'on le trouve dans le commerce, le Tamarin se présente sous forme d'une pâte rouge brun ou noirâtre, e'paisse, visqueuse, souvent mélangée à des débris vége'taux et quelquefois aussi à des graines. Son odeur est vineuse et sa saveur astringente, aigrelette et sucre'e. On distingue généralement deux sortes commerciales : le Tamarin rouge ou brun des Indes occidentales et le Tamarin noir des Indes orien- tales. Ce dernier est parfois conservé avec du sirop de sucre, mais le plus souvent on l'exporte à l'état naturel. Lorsque ces produits ont été bien préparés et surtout qu'ils sont de bonne qualité, ils sèchent en vieillissant tout en conservant leur saveur agréable : dans le cas contraire, ils se couvrent de moisissures et perdent toute leur valeur. Le Tamarin est reçu généralement de l'Inde, de Maurice et des Antilles; toutefois, celui de ces dernières contrées est pre'fére' en France au Ta- marin des Indes, parce que la préparation ne se fait pas dans des bas- sins de cuivre et qu'il offre, par conséquent, de plus se'rieuses garan- ties de salubrité da;is son emploi. Ce produit se falsifie ordinairement avec de la pulpe de Pruneaux et de l'acide tarlrique. Une troisième sorte commerciale, dite Tamarin d'Egyp'e, se rencontre en pains ar- rondis, plats, d'un diamètre de 10-20 centimètres sur 3-5 d'épaisseur. Ces gâteaux sont préparés en comprimant fortement la pulpe, puis sè- ches ensuite au soleil; leur surface est presque entièrement noire et toujours recouverte de sable, de poils et autres impuretés. Ce Tama- rin pe'nètre rarement en Europe et se consomme presque exclusive- ment en Egypte et eu Arabie. Le Tamarin a été' analysé autrefois par Vauquelin qui lui a trouvé la composition suivante : acides citrique, tarlrique et malique en 334 RKVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. majeure partie combinés avec la potasse 14,65; sucre 12,50; gomme 4,70; pectine ou gelée vége'tale 6,25 ; parenchyme 34,35; eau 27,55. Les acides volatils de la série grasse dont la pre'sence a été signale'e par Gorup-Besanez n'ont pas e'té rencontres parles autres chimistes. Enfin, plus récemment, Flùckiger et Hanbury se sont assurés que le Tamarin ne contient ni tanin ni acide oxalique; ils n'ont pu, en outre, y rencontrer aucun principe particulier auquel on puisse attribuer son action laxative. Le Tamarin est un médicament légèrement purgatif que l'on emploie, sous forme de tisane, dans les affections fébriles peu intenses; on s'en sert aussi mélange à d'autres substances, mais il faut éviter de l'asso- cier aux sels de potasse. Il entrait autrefois dans plusieurs prépara- tions pharmaceutiques à peu près oubliées aujourd'hui. Le produit que l'on trouve encore dans le commerce sous le nom de Tamar indien est un excellent laxatif très utile dans la médecine des enfaois. J. G. Production du Tabac aux États-Unis. — En 1893 , la moyenne de la récolte pour les différents Etats se monte à 695,3 livres par acre contre 682 en 1892. Ces deux années ont été moins produc- tives que les dix années précédentes. La récolte est généralement plus abondante dans les Etats qui cultivent le tabac fin que dans ceux qui produisent le gros tabac. PRODUCTION" ETATS. KN LIVRES PAR ACRE (= 4046 mètres carrés). Massachusett 2000 Connecticut 1429 Pennsylvanie 1000 New-York 905 Wisconsin 889 Arkansas 884 Kentucky 705 Caroline du Nord 509 De S> 33o IV. BIBLIOGRAPHIE. Les Oiseaux de basse-cour, par Remy Saint- Loup, maître de Conférences à l'Ecole pralique des Hautes -Etudes, membre du Conseil de la Socie'té Nationale d'Acclimatation. 1 vol. in- 1(3 de 369 pages, avec 107 figures. Baillière et fils, e'diteurs, 19, rue Hautefeuille, Paris. Dans ce traité, M. Remy Saint-Loup expose d'abord les notions gé- ne'rales nécessaires à ceux qui veulent s'occuper sérieusement d'avi- culture. Puis il indique les bases de la classification des Oiseaux de basse-cour. Laissant de côte' les détails anatomiques, l'auteur traite de l'organisation des Oiseaux dans ses traits essentiels et donne, sur les principes de la sélection, les notions que l'expérience a consacrées. L'incubation et ses divers procédés, l'élevage, la nourriture sont étu- diés avec soin et dans toute cette partie, c'est toujours sur des donne'es certaines, des faits acquis, que s'appuie M. Remy Saint-Loup. M. R. Saint-Loup traite ensuite de l'élevage des différents genres d'oiseaux de basse-cour. La nourriture principale des oiseaux de basse-cour est le grain, ils sont, en outre, à peu près omnivores ; si quelque re'gime plus particulier convient mieux à certaines espèces, on a pris soin de l'indiquer. Depuis que les aviculteurs admettent dans les basses-cours des oiseaux dont le prix est souvent très élevé, la médecine ve'térinaire spéciale a dû faire des progrès; autrefois, les oiseaux malades étaient abandonnés à leur sort, mais actuellement la connaissance plus exacte de quelques-unes des maladies qui peuvent les atteindre et des re- mèdes qui peuvent les guérir permet de diminuer la mortalité ; dans un chapitre spécial on a traite' de ces maladies, qu'elles soient de nature microbienne ou parasitaire. La seconde partie est consacrée à la description des espèces, des races et des varie'te's et à l'histoire de leurs origines. Les Coqs et les Poules sauvages et domestiques, Européennes ou exotiques sont passés en revue. Il eu est de même pour les principales races de Pigeons, de Dindons, de Pintades, de Canards et d'Oies. Signalons aussi comme d'une importance toute particulière les indi- cations relatives aux Oiseaux qui seraient susceptibles de domestica- tion et dont l'acclimatation serait aussi utile qu'intéressante à tenter. Enfin les gravures accompagnant le texte ont été l'objet d'une attention particulière et si un certain nombre ont été empruntées à des ouvrages déjà parus, d'autres sont la reproduction de dessins finement exécutés par l'auteur. En résume, cet ouvrage, aussi bien conçu qu'exécuté, est appelé à rendre aux aviculteurs de réels services. J. G. 336 Liste des principaux ouvrages français et étrangers traitant des Animaux de basse-cour (i). 2° OUVRAGES ALLEMANDS [suite). Diirigen {Bruno). Kalechismus der Geflùgelzucbt. Ein Merkbùchlein fur Liebhaber, Zùchter und Austeller schôuen Rassenflùgels. Mit 40 in den Text gedruckten und 7 Tafeln Abbildungon Leipzig, J. J. Weber, 1890. M. 4. Diirigen (Bruno). Catéchisme de l'élevage de la volaille. Un catalogue pour les amateurs, les élevpurs et les exposants de beile volaille de race. Avec 40 figures dans le texte et 7 planches. Leip^ic, 1. I, We- ber, 1890. 4 Marks. Diirigen [Bruno). Kalcnder-Jahrbuch fur Geflugelzûchler u. Vogel- freunde 1301. Leipzig, Expedit. der Gefliigelboise (R. Freesc), 1890. Diirigen (Bruno;. Calendrier-Annuaire pour les éleveurs de volaille et les amateurs d'oiseaux. 1891, Leipsic, Expédit. de la Bourse de volaille (H. Freese), 1890. Dmterberg i 11'.). Das Federvieh. Anlcitung um den hôchslen Gewinn ans Ilûhncrn, Trutbûbnern, Giinsen u. Enlen, dureb Anzucbt. Eier- prodnclion u. Màstung zu eizielen. 4. Auilage, Berlin, Modes Ver- lag, 1879. M 2. Duslerberg (TT. ). La volaille. Guide pour atteindre le plus grand rapport des Poules. Dindons, Oies et Canards dans l'élevage, la production des œufs et l'engraissement. 4e édition, Bcr'in, librairie Modes, 1879. M. 2. Du Pug de Podw i C). Die Brieflauben in der Kriegskunst. Berlin, Luck- bardt, 1873. M. 1,20. Du Pug de Podio [L.). Les Pigeons-voyageurs dans l'art militaire. Ber- lin, tiuckhardt, 1873. M. 1,20. Eckstein (Karl). Eiu Ei in der Leibesbôhle eines Ilausbubns im Jour- nal fur Ornithologie, 37, Jabrgang, p. 179-180. Ecksteia [Charles). Un œuf dans la cavité abdominale d'une Poule do- mestique, dans le Journal pour l'Ornithologie, 37e année, p. 179-180. (A suivre.) (1) Voyez Revue, année 1893, p. 564 ; 1894, 1" semestre, p. 383 ; 2* se- mestre, p. 142 et 240. Le Gérant : Jules Grisard 337 I. TRAVAUX ADRESSÉS A LA SOCIÉTÉ. EMPLOI DU CHAMEAU EN RUSSIE COMME ANIMAL AGRICOLE Par M. Jkan VILBOUCHEVITCH. Monsieur le Président, L'année dernière, j'ai eu l'occasion de vous parler du rôle important, que commence â jouer, dans le sud et le sud-est de la Russie d'Europe, le Chameau, entant qu'animal de trait et bête de somme agricole. Dans l'arrondissement de Novo Ouzensk et dans celui de Nikolaevsk, même gouvernement, il y a aujourd'hui des vil- lages (Mali, Ousenn, Alexandrovgaï, Piterka et autres) dans chacun desquels on compte plusieurs centaines de Chameaux. Nombre d'agriculteurs des plus avancés, tels que MM. Ou- khinn, Kobsar, Satinn, Pchenitchny, Maltsev, exécutent tous leurs travaux par Chameaux. Dans les ports du Volga, où a lieu le chargement du blé, on rencontre parfois, en automne, des agglomérations d'un millier de Chameaux et plus, venus avec des « chars alle- mands », comme on appelle dans le pays les fourgons qui y sont en usage et qui ont été introduits par les colons alle- mands. Les Chameaux sont attelés à deux ou seuls, quelque- fois â deux avec un Cheval. Ces animaux sont, pour la plupart, des hybrides de divers ordres du Chameau â une bosse avec le Chameau à deux bosses (1), désignés par une série de noms spéciaux : « Bir- tougann», « Nar », « Kossbak », « Kriout » ou « Chaoul », etc. Il parait que ces nombreux types ne sont pas toujours fa- ciles à reconnaître, à l'exception du « Kossbak » ou « Kouss- bock » qui, à première vue, paraît n'avoir qu'une seule bosse, mais, en réalité, présente une petite dépression, qui partage (1) Il existe, au Jardin zoologique d'Acclimatation, un hybride de Cliameau à deux bosses [Camelus Bacirianus) et de Dromadaire, C. D. vmjclarius. Cet animal est né à l'établissement du Bois de Boulogne en 1S(J3. 10 Octobre 1804. 22 338 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. au sommet, sa bosse en deux. Les races et hybrides du Cha- meau, circulant dans les steppes et sur les grandes routes du sud-est de la Russie d'Europe, ont été décrites en détail par- Figure / . mon camarade et ami J.-V. Choumkov, qui habite Orenbourg et s'est tellement épris du Chameau qu'il a fini par se faire agent commercial et s'occuper spécialement de l'achat de ces animaux pour le compte d'agriculteurs, qui lui envoient des commandes de tous les points de la Russie. Les deux types que l'on trouve le plus communément EMPLOI DU CHAMEAU EN RUSSIE. 339 dans la région transvolgienne, sont désignés sous les noms de « Nar-tué » (à une bosse) et « Aïr-tué » (à deux bosses). Le Chameau représenté figure 1, est le « Aïr-tué », désigné dans le pays encore comme « Chameau Kirghise, à deux bosses, du Transvolga ». Le « Nar-tué », nommé aussi dans les steppes de Samara « Chameau de Boukhara » , est plus grand et beau- coup plus fort, il coûte aussi [dus cher ; ce n'est cependant pas le vrai Chameau de Bokhara qui, lui, est le Chameau à une bosse, mais bien un produit du croisement de celui-ci M Fuj. i. Fij. 3. avec le Chameau à deux bosses. Le vrai Chameau à une bosse du Bokhara, le « Nar » n'est point connu dans la région trans- volgienne en tant que bête de somme. Il y a seulement un petit nombre d'individus de cette race chez les Kirghises éle- veurs. Le climat des steppes du Transvolga est trop dur pour le « Nar ». L' « Aïr-tué » est le type le plus répandu, comme bête de somme, dans le pays; on le demande généralement jaune sale, brun clair ou foncé ; les individus blanc sale sont mal cotés et, en conséquence, rares. Vous m'avez aussi demandé de vous procurer un dessin de l'attelage. Voici quelques figures parues dans le journal agri- cole russe Selshi Khosiaïnn (1893, n03 43 et 44), et la traduc- tion des passages essentiels du texte qui les accompagne. La 340 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. figure 1 représente le Chameau harnaché. Les figures 2 et 3 montrent les détails de l'appareil fort élémentaire du harna- chement appelé « Chorka ». Celui de la fig. 2 est mieux cons- truit ; il coûte 3 r. 50 (1) tout fait ; c'est le prix demandé à la foire de Novo Ouzensk. chef-lieu d'un arrondissement du gou- vernement de Samara, où la plupart des travaux agricoles et des transports se font par Chameau ; celui de la fig. 3 n'est en usage que chez les plus pauvres des paysans. Les fig. 4 et 5 montrent deux manières de fixer l'anneau des fig. 2 et 3 aux bras du char. Les bonnes « Chorka », telles que celle de la fig. 2, sont faites en courroies de cuir non tanné, doublé de plusieurs couches de feutre. La courroie a mesure 1 archine 10 verchoks de long (lm,15), sur 5 ver- choks de large (0m,22) ; b, 1 archine 7 verchoks (lm,02), sur 3 verchoks (0m,13). Le diamètre des anneaux est de 2 ver- choks (0m,08) et leur épaisseur de 3/4 d'un duim (0m,02). Les « Chorka » bon marché se font en tissu de chanvre ou avec une sorte de cuir inférieur qui sert au revêtement des caisses (Tsibik) de thé, transportées par bât ou chariot. Le Chameau est considéré, dans les steppes de Samara, comme indemne de la morve, du charbon et de la peste bovine. Sa mortalité est, paraît-il, en général, inférieure à celle des Chevaux et des Bœufs, même sans compter ceux de ces derniers qui succombent à des épizooties. La sobriété du Chameau, se contentant de toutes sortes d'halophites et de mauvaises herbes, dédaignées par les autres animaux, a aussi, aujourd'hui, son importance, car la population des steppes du sud-est ne dispose plus d'autant de terres qu'autrefois ; et les salants constituent une propor- tion notable du territoire. Attelé à un fourgon, le Chameau parcourt, dans les vingt- quatre heures, près de 90 kilomètres ; par étapes 40, avec un chargement de 560 à 720 kilos par tête, rarement 830 ; au besoin, un fort Chameau pourrait même supporter davan- tage. Les jeunes reçoivent 400 kilos. Il ne faut pas oublier que les routes russes sont fort mauvaises. Le Chameau com- mence à travailler à quatre ans et même quelquefois dès le commencement de la troisième année, mais ces exemples ne sont pas à suivre ; la meilleure période de travail (1) Environ 9 francs au cours du jour. EMPLOI DU CHAMEAU EN RUSSIE. 3i| est de la sixième à la dix-huitième année. On rencontre quel- quefois des animaux de 35 et 40 ans, travaillant encore, mais de pareilles bêtes, n'ayant plus leurs dents, ne valent pas grand'chose et conviennent plutôt à la boucherie ; les Tar- tares achètent volontiers pour s'en nourrir les vieux Cha- meaux, hors de service. Sur le parcours de Novo Ouzensk à Pokrovka, port du Vol- ga — distance de presque 200 kilomètres, — on estime généra- lement qu'un Chameau attelé fait gagner, au roulier-propri- étaire, trois fois plus qu'un Cheval, même s'il faut acheter toute la nourriture. Or, pendant tout l'automne, les rouliers se bornent à laisser paître les Chameaux sur les bords des routes, ce qui serait insuffisant pour des Chevaux. Il est rare qu'on donne aux Chameaux, en route, 2 à 4 kilos d'avoine par vingt-quatre heures. Le plus souvent, ils n'en reçoivents pas plus que quand ils sont au repos. Dans l'arrondissement de Novo Ouzensk, deux rouliers suffisent pour accompagner quatre Chameaux ; il faut un homme par deux, ou trois Chevaux au plus. Le Chameau est inappréciable, au printemps, pour le her- sage : la herse, à laquelle on l'attelle, a 40 dents, tandis que les herses pour Chevaux (les unes et les autres en bois) ne peuvent guère porter plus de 24-32 dents. Le travail du Chameau est donc à la fois supérieur en qualité puisque la herse est plus lourde, et en quantité, puisqu'elle est plus large. L'allure du Chameau est aussi plus égale, ce qui a encore son importance pour le hersage. Ordinairement, on range à côté l'une de l'autre cinq herses, à un Chameau cha- cune, et un seul ouvrier conduit tout le train, à califourchon sur le Chameau de tète. Dans plusieurs villages du même arrondissement, les paysans ont construit des rouleaux spé- ciaux pour Chameaux ; ils sont longs de 2m,20, d'un grand diamètre, et munis de bras et d'un siège pour l'ouvrier. Une paire de Chameaux suffit pour labourer, à 7 verchoks de profondeur, avec la charrue â deux corps d'Eckert, les champs du pays de Novo Ouzensk, travail qui nécessiterait deux â trois paires de Bœufs ou deux paires de bons Chevaux du pays. Le Chameau est cependant moins propre aux travaux de défrichement de la steppe vierge. Il faut, pour ce travail, six paires de Chameaux par Tsabann (genre d'instrument ara- 342 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. toire petit-russien), qu'on attelle trois par trois ou deux par deux; or, le Chameau préfère travailler seul, ou, du moins, avec un petit nombre de ses congénères ; leur présence l'inquiète ; il transpire abondamment et est bientôt hors de service. Ce genre de travail se l'ait donc presque exclusive- ment par des Bœufs. Les labours printaniers achevés, le Chameau a besoin d'être mis au repos pendant un mois ; ce laps de temps lui suffît pour regagner l'embonpoint perdu et faire une grande provision de force, qui lui permet de traverser toute la pé- riode de la fenaison et de la récolte des céréales, sans la moindre fatigue. On ne peut imaginer de meilleur animal pour les faucheuses, lieuses et autres machines du même genre. Une paire de Chameaux fait, avec la lieuse Mac- Cormick. jusqu'à 7 deciatines (un peu moins de 8 hectares) par jour, sans se presser, tandis que deux paires de Bœufs ou trois Chevaux arrivent à peine à faire 5 deciatines. J'emprunte ces divers chiffres à un article de M. Jacob Chreiner, qui s'appuie sur ce qu'il a observé dans le sud du gouvernement de Samara. La presse spéciale russe, déjà fort riche en documents sur le Chameau, considéré comme animal d'attelage, contient, d'ailleurs, nombre de témoignages ana- logues. Le Chameau pénètre, d'année en année, plus loin à l'ouest ; il paraît, d'ailleurs, que dans une propriété du gouvernement deKharkov, on se sert de Chameaux depuis déjà vingt ans. Dans ces dernières années, il en a été acheté, par des agri- culteurs du gouvernement de Tambov, d'Orel, même de Mensk et de Frodno, mais il est difficile d'admettre que cet animal s'accommode de climats aussi humides que celui de l'est de la Russie, auquel appartiennent les deux derniers gouvernements cités. Une grande ferme modèle, du gouvernement de Tambov, après avoir été très satisfaite, pendant quelques années, de l'emploi d'un troupeau de Chameaux, achetés à Orenbourg, vient quand même de s'en défaire, leur santé allait en s'af- faiblissant de jour en jour ; en un mot. le climat ne leur convient pas. La marge demeure, cependant, immense ; si le Chameau continue à conserver la faveur dont il jouit chez les agriculteurs avancés du midi de la Russie, son emploi changera la physionomie agricole du pays. 343 ORNITHOLOGIE INDUSTRIELLE LES OISEAUX DANS LA MODE Par M. Jules FOREST aîné. Communication faite en séance générale le 6 avril 1894. Depuis longtemps on a cherché à arrêter la destruction des nombreux oiseaux contribuant â l'alimentation ou à la pa- rure (1). La Société nationale d'Acclimatation s'intéresse particulièrement à cette question; les divers rapports offi- ciels des Congrès ornithologiques devienne en 1884, de Paris en 1889 et de Buda-Pesth en 1891, sur la protection due aux oiseaux utiles seront utilement consultés. Il en sera de même des documents réunis avec tant de soin par notre savant président de la 2e section, M. Oustalet. Dans l'étude que j'ai l'honneur de vous soumettre, j'ai cherché à apporter des renseignements complémentaires. La pensée qui m'a guidé n'a pas été seulement le désir d'éviter la mort ou la souffrance à de nombreux oiseaux inoffensifs, elle est moins idéale et, par suite, plus pratique : j'ai voulu, en ■demandant la protection pour eux, éclairer l'opinion publique sur la nécessité de cette protection dans l'intérêt même du commerce. La mode n'est pas l'unique coupable du massacre des innocents, l'ignorance et le besoin naturel de détruire, qui est au fond de tout être grossier, en sont aussi les causes. L'année qui vient de s'écouler a été particulièrement clé- mente au monde des oiseaux sacrifiés d'habitude pour leur emploi dans la parure, les Aigrettes exceptées, dont l'extinc- tion totale, prochaine, est à prévoir. Depuis quelques années, les modes en vogue ont toujours comme complément, soit (1) Les chiffres ci-dessous établissent l'importance de l'industrie française tles plumes de parure : en les augmentant de 25 %, on aura à peu près la total produit par la consommation française. En 1865, l'exportation totale s'éle- vait à 5,500,000 francs, la progression s'élève aux chiii'res suivants : en 1888 à 28,552,422 fr. ; 1890 à 33,2:32,155 fr. ; en 1891 à 33,800,670 fr. 344 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. des plumes en aigrette, de Gouras, de Hérons crosse et ai- grette, de Paradisiers : Sifilets, Lophorines, Epimaques, etc. Ce sont des accessoires légers, élégants, gracieux, dans lesquels on fait entrer parfois des imitations obtenues p^r des procédés chimiques qui permettent d'utiliser des plumes sous-alaires de Cygne, d'Oie, etc. L'Autruche fournit la plus grande partie du surplus des emplois somptuaires. Il est reconnu que c'est la plume d'Au- truche, par son bon marché surprenant, qui fournit la pa- rure la plus économique et la plus pratique. En l'an de grâce 1894, la ménagère prévoyante saura faire servir à des usages variés la plume d'Autruche, car la durée de celle-ci, lors- qu'elle n'a pas été décolorée chimiquement, est fort longue; elle peut être présentée sous des aspects neufs, au moyen d'un renouvellement de teinture, et les avaries causées par une averse intempestive seront facilement réparées grâce à une nouvelle et peu coûteuse frisure. Les emplois d'ailes d'oi- seaux quelconques teints ou modifiés par d'autres prépara- tions, complètent cette nomenclature industrielle. On constate actuellement une grand accalmie dans l'impor- tation des nombreux oiseaux d'un emploi somptuaire fournis par l'univers entier. La défaveur présente des parures en oiseaux et l'ancienne surproduction de dépouilles quelconques encombrant les comptoirs, ne modifiera pas cette situation dans un avenir prochain. Le répit accidentel, dû à des circonstances non prévues par les législateurs, permettra la reconstitution de nombreuses fa- milles d'oiseaux. L'équilibre se rétablira naturellement par la reproduction paisible des espèces utiles comme insectivores, trop longtemps persécutées et décimées. Les rapaces nocturnes qui ont eu une grande vogue pen- dant quelques années, tant pour leur tète si originale que pour leurs ailes au coloris sobre et harmonieux, pourront, grâce à leur défaveur présente, compléter les vides que leur a causés la mode. Certainement, la destruction de ces auxi- liaires utiles de l'agriculture, a dû avoir des effets regret- tables et faciliter la multiplication des petits mammifères ron- geurs, etc., mais la paisible reproduction de ces oiseaux, as- surée pendant une période d'années successives, reconstituera une réserve qui permettra, dans un avenir que nous espé- rons très éloigné, de revenir à la mode des ornements en Hi- LES OISEAUX DANS LA MODE. 345 boux, dont se pareront nos Dianes modernes, â l'imitation des nobles chasseresses des temps passés. La division du globe en cinq continents adoptée par les. géographes, ne coïncide pas exactement avec celle des habi- tats des espèces zoologiques. La Faune du midi de l'Europe se retrouve dans le midi de l'Atlas et c'est le Sahara qui li- mite la Faune véritablement africaine ; la ligne de séparation de la Faune européenne et de la Faune asiatique se rencontrera dans les déserts d'Arabie, de Perse et de l'Asie centrale et dans le massif montagneux du Thibet. La limite entre la faune Indo-malaise et la Faune australienne passe au milieu des îles de la Sonde; la séparation entre la Faune sud améri- caine et celle du nord ne s'observe pas â l'isthme de Panama, mais dans les zones désertes du nord du Mexique. Un géo- logue américain, Heilprin, a signalé cette ligne séparative de déserts, constituant, pour ainsi dire, les marches zoologi- ques, dans la plus grande partie de l'univers (1). En Europe, les principaux centres de production indus- trielle d'oiseaux pour la parure sont, au nord, la Russie, et au sud, l'Espagne. L'Europe centrale apporte une faible contri- bution à l'industrie de la parure, sa production principale est l'oiseau gibier et la plume de literie. L'Europe septentrionale et l'Europe centrale où se trouvent de grandes étendues forestières, fournit les Hulottes et les Grands-Ducs; les pays aux plaines boisées et humides sont l'habitat des Brachyotes et de quelques Moyens-Ducs. Les parties méridionales de l'Europe ont surtout été décimées par leur contribution en Effraies et Scops, oiseaux presque domestiques dans les régions où on ne les chasse pas. La Suède, la Norvège, les régions boréales de la Russie, nous envoient les Lagopèdes, lesPlectrophanes, lesHarfangs, les queues et cous de Coqs de bruyère, de Tétras; les peaux de Cormorans, Goélands, etc., et surtout le duvet de l'Eider, (1) Bibliographie : 1835. — Sclater, A treatise on the gcography and classification of animais. 1876. — A. R. Wallace, The georjraphical distribution of animais (2 vol.). 1887. — Heilprin, The geographical and geological distribution of animais. 1887. — W. Marshall, Atlas der Thierverbreitung (atlas physique de Her^haus). 1887. — Dr A. Reichenow, Die geoaraphischen Begionen vont Omithclogischen Standtpunkt (Zool. Jahrbuch, Abtheil I Systcmat. 1887) avec une carte. 1889. — Trouessart, La Géographie écologique. 346 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. ce Canard au riche plumage d'un emploi si varié (1). Les par- ties de l'Europe baignées par la mer du Nord sont visitées chaque année par d'innombrables palmipèdes qui fournissent un contingent important à l'alimentation et à la parure. Un oiseau, à la livrée bien modeste cependant-, l'Oie, entre dans une proportion énorme, dans les emplois industriels à bon marché; son duvet, sans égaler celui de l'Eider, est l'objet d'un commerce très important. L'apport du Danemark se borne uniquement dans la pro- duction du duvet de l'Eider qui est fourni en principale partie par l'Islande. Une famille des plus décimées dans l'Europe septentrionale est celle des Vanneaux, dont les ailes surtout sont utilisées dans la parure, suivant les modes du jour. Les Vanneaux ont le privilège d'être particulièrement féconds ; aussi, leurs qua- lités prolifiques suffisent-elles à assurer la perpétuation de l'espèce. Le pillage effréné de leurs nids au moment des pontes constitue une véritable industrie locale qui se pra- tique dans les dunes de sable bordant la mer du Nord, dans les Pays-Bas et l'Allemagne. On vante la délicatesse d'une omelette d'œufs de Vanneaux. Peut-être le gourmet euro- péen, qui se délecte de cette friandise, consentirait-il' à s'en passer, si, mieux instruit, il connaissait l'utilité de ces oi- seaux, ce sont eux, en effet, qui détruisent les Tarets ron- geurs des bois servant dans la construction des digues pro- tectrices de la Hollande et assurent ainsi leur conservation. Ces œufs sont aussi recherchés pour un emploi qui semble localisé en Hollande. Le blanc d'œufs de Vanneau durci et verni sert à la fabrication de bijoux pour dames, et aussi à la fabrication de pipes et de porte-cigares. Ces objets imitent l'écume de mer; ils sont plus fragiles. L'Angleterre fournit la majeure partie des dépouilles de Faisans communs et de Grouses ou Gelinottes. Les productions indigènes de l'Angleterre sont de minime (1) D'après des notes fournies par notre collègue, M. A. Feddersen de Copen- hague, le Danemark tire son édredon principalement de l'Islande et du Groen- land. En 1888, on a importé d'Islande environ 7,500 livres danoises d'édredon (2 livres = 1 kilogr.), au prix de 12 à 15 1/2 kr. la livre (1 kr. = 1 fr. 40), suivant la qualité. En 1887, l'importation avait été de 7,300 livres. Le Groen- land a envoyé, en 1888, 250 livres environ, au prix de kr. 18 la livre; en 18S7, 325 livres. Des îles Feeroë, l'importation jusqu'en 1889 a été presque nulle. LES OISEAUX DANS LA MODE. 347 importance, mais, d'autre part, Londres doit être considéré comme Yemporium des productions ornithologiques de l'uni- vers entier. En 1883, l'Angleterre recevait pour 3,881,000 fr. de dépouilles d'oiseaux et pour 50,298,000 francs de plumes d'Autruche. Dans le cours d'une année un plumassier de Londres aurait reçu 766,000 dépouilles d'oiseaux et en 1889 il en Tendit pour deux millions. L'Allemagne fournit presque exclusivement les Grives qui se vendent aux halles de Paris, et les Perdrix grises ou Starnes ; le plumage et les ailes de ces oiseaux ont un emploi courant dans la fabrication d'articles bon marché et ils sont complétés par la plumée de l'Oie dont nous avons déjà parlé. L'Allemagne* est aussi un pays producteur d'une grande quantité de plumes de Poules et de Coqs d'un emploi très courant. Héligoland, cette île qui vient d'être cédée â l'Allemagne par l'Angleterre, est un lieu très fréquenté par une Mouette particulière â l'Europe septentrionale, le Rissa tridactyle. Dans les pays septentrionaux, les dépouilles de cette superbe Mouette servent à la confection de toques, de chapeaux de dames et de manchons, etc. J'ai, le premier en France, vers 1882, importé cette dé- pouille; une indiscrétion d'un employé qui avait quitté ma maison en divulguant l'origine de cette nouveauté, a causé sa surproduction pendant quelques années. Aujourd'hui, en France du moins, l'emploi des Mouettes est presque com- plètement abandonné, ni leurs ailes, ni leur peau ne sont en faveur dans la mode. L'Autriche-Hongrie expédie à peu près les mêmes dé- pouilles d'oiseaux que celles citées précédemment; dans ce pays, les plumes caudales du Coq sont très employées dans la coiffure militaire. Les chasseurs du Tyrol et de la Styrie ornent leurs chapeaux d'une queue de Tétras, oiseau fort répandu dans les Karpathes ; en Bohême, la plume d'Aigle est le signe de ralliement du parti des jeunes Tchèques, « les Sokols ». On sait que les marais de la Hongrie, qui abritaient de nom- breuses colonies de Hérons-Aigrettes, en. sont dépeuplés. Diverses sociétés protectrices des oiseaux de l' Autriche- Hongrie cherchent aujourd'hui â réparer le mal, mais il est peut-être trop tard ; nos souhaits de réussite ne s'en adres- 348 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. sent pas moins aux promoteurs de cette œuvre réparatrice. Les productions de la Suisse consistent surtout en plumes de literie, Lorsque la mode des Mouettes et des Hirondelles de mer suscite leur recherche, on en récolte un certain nombre à leurs passages bisannuels et pendant leur séjour sur les lacs. En France, Pithiviers (1) et ses environs, le Mans, Valence d'Agen, sont les centres de production des dépouilles d'A- louettes, de Dindes, de Coqs, etc., etc. ; le Poitou et le Centre fournissent en quantité considérable des plumes d'Oie. L'es- tuaire de la Somme et la Camargue sont des grands champs de massacre où on chasse les Hirondelles de mer, de che- minée, etc., et la Mésange à moustache, un des plus char- mants oiseaux européens, qui était autrefois assez abondante en Camargue, a aujourd'hui complètement disparu. Ce sont surtout les régions à production de volailles, et les Halles de Paris qui fournissent en énorme quantité les plumes em- ployées dans la literie. C'est aux Halles qu'on se procure les ailes de Canards sauvages, Pilet, Siffleur, Sarcelles, Van- neaux, Pintades, Faisans, Mauviettes, etc., etc., en telle quantité, qu'elles occupent un groupe spécial d'ouvrières qui les apprêtent pour le commerce, sans les décharner, ni les arseniquer, en les séchant à l'air uniquement. Depuis quelques années, les productions italiennes, presque exclusivement exportées par un naturaliste de la Vénétie, consistaient en Sternes, principalement en Epouvantails ; des Hirondelles de cheminée, des Etourneaux, des Effraies, com- plétaient cette production presque éteinte faute d'acheteurs ; l'abondance des productions japonaises, à bon marché, a pour ainsi dire supprimé les productions d'oiseaux européens des- tinés à la mode. La chasse aux Hirondelles pour l'alimenta - (1) A Pithiviers, environ cinq maisons fabriquent le fameux pâté d'Alouettes, l'une de ces maisons vient de livrer à notre collègue et confrère, M. Laloue, un lot de 42 k. 400 g. de queues d'Alouettes (cela suppose l'emploi de plus de 50,000 Alouettes, les queues en mauvais état ne pouvant figurer dans le lot destiné au plumassier). D'après le rapport de M. Lamoureux, conseiller muni- cipal à Paris, en 1893, les Alouettes vendues sur le carreau des Halles attei- gnent le chitlïe de 1,400.000 francs; les Cailles 200,000 francs; la vente des Canards 815,000 francs; les Dindes 296,000 francs; les Pigeons 1,971,000 fr. et les Poulets près de 7 millions de francs. Ces chiffres prouvent que la pro- duction de volatiles domestiques pour l'alimentation pourrait encore progresser et compenser en les remplaçant les oiseaux insectivores par trop décimés. De ce qui précède, nous devons concluie que la destruction des petits insectivores n'est pas stimulée par les exigences de la mode uniquement. LES OISEAUX DANS LA MODE. 319 tion humaine se pratique en Italie de temps immémorial ; la dépouille préparée pour la mode donnait une valeur mar- chande à l'oiseau qui n'a plus aujourd'hui que celle insigni- fiante de sa chair (1). L'Espagne fournit des Tourterelles, des Ramiers, des Etour- neaux, des Hirondelles de cheminée, etc., etc., et une assez grande quantité du plumage de Perdrix rouge, de Canepe- tière, etc. Des offres d'Alouettes calandres, de plusieurs wa- gons par jour, ont été faites l'automne dernier, et d'une seule localité, Valence. Les marais près de Cadix sont le refuge d'innombrables Hirondelles de mer, d'Etourneaux et d'Hiron- delles ordinaires. On y trouve en petite quantité des Aigrettes et des Garzettes très recherchées. Les productions du Portugal ne figurent que par l'importa- tion des dépouilles d'oiseaux africains en provenance d'An- gola, de Mozambique, dont il sera parlé dans rémunération générale des productions d'Afrique. Les productions de l'Europe orientale, originaires de la Grèce sont insignifiantes; ce sont surtout les Guêpiers qui ont été envoyés en quantité par quelques naturalistes alle- mands fixés dans ce pays. La Turquie expédie principalement des Pélicans fort nom- breux aux embouchures du Danube et près de la Mer Noire. Les marais de la Dobrodja sont le refuge des rares Aigrettes que nous trouverons encore dans cette partie de l'Europe où elles étaient fort nombreuses autrefois, avant l'emploi des armes à feu perfectionnées. La Russie nous envoie des quantités importantes de dé- pouilles de rapaces diurnes et nocturnes, de Corbeaux, de (1) La production totale d'Hirondelles pour la mode doit être évaluée : Production espagnole importée à Paris, environ 200,000 oiseaux. — italienne — à — — 50,000 — - japonaise — à — - 1,000,000 — _ _ — à New -York, — 200,01)0 — Valeur approximative dans le pays d'origine : Japou 8 à 12 c.j oiseaux adultes. Espagne, Italie 20 a 30 c.j Observation. — M. Milne-Edwards a constaté cette année l'absence presque totale d'Hirondelles de cheminée à Nogent-le-Kolrou. Nos collègues de la So- ciété d'Acclimatation rendraient service à la science en adressant à la 2« section de la Société les renseignements recueillis sur divers points du lerritoire : 1° sur l'époque de l'arrivée, de séjour, de départ; 2* sur L'abondance uu la rareté des Hirondelles observées. 350 REVUE DES SCIExNCES NATURELLES APPLIQUEES. Pies, de Lagopèdes, de Tétras, de Coqs de Bruyère; des Plec- trophanes, des Jaseurs, des Gros-becs ; divers oiseaux péla- giques, Pélicans, Cormorans, Mouettes, Goélands, Grèbes, etc.. Les foires de Nijni- Novgorod sont le marché de toutes ces productions, auxquelles s'ajoutent une quantité notable de plumes d'aigrette et de crosse de qualité secondaire provenant de la Perse, du Turkestan et des régions cas- piennes et surtout la majeure partie des plumes de Coq d'un emploi régulier dans diverses industries. L'immense continent asiatique contribue par un contingent très important (1). Les productions principales sont les Lophophores, les Satyres, les Argus, les Eperonniers, les Perruches d'Alexandre, etc., et nombre de Passereaux ; les plumes sous-caudales du Marabout, les Aigrettes, les plumes de parures des Hérons de toutes sortes, etc. Cette produc- tion est aujourd'hui réglementée par les autorités anglaises aux Indes et dans la presqu'île de Malacca. Les règlements établis maintiennent et assurent l'existence de nombreuses espèces par trop décimées il y a quelques années , telles que : Coucous, Coqs Verdurins (Culyptomena viridis), Phyl- lornis, etc. La Chine compte très peu dans ce contingent, malgré ses richesses ornitliologiques, les États-Unis d'Amérique sont le principal débouché de ses productions. LTndo-Cbine fournit d'innombrables quantités de plumes de Paon : dans ce pays, le massacre des nombreuses Aigrettes organisé régulièrement, surtout de l'Aigrette garzette, qui peuplent les rivières de l'Extrême-Orient, sera fatale à l'es- pèce. Une poursuite effrénée au moment des couvées, époque de la parure parfaite, « le plumage de noces », aura ce pi- toyable résultat, l'extinction des Aigrettes. Il serait désirable que des essais intelligents et persévérants de domestication de la Garzette assurassent l'existence de ce beau volatile dans les diverses contrées de son habitat. Les oiseaux du Japon sont principalement l'objet d'une (1) La Revue des Sciences naturelles de 1889, I, 341, contient une Notesur la chasse aux oiseaux dans l'Inde, de notre collègue M. le marquis de Brisaj. Elle est excessivement intéressante, d'abord par l'exactitude des descriptions et par un mérite littéraire qui en augmente l'agrément; elle nous donne des dé- tails sur les modes de capture employés dans toute l'Inde et sur des procédés de chasse aux palmipèdes, procédés adoptés également eu Egyp'.e au lac :\-enzaleh. LES OISEAUX DANS LA MODE. 351 chasse industrielle pour l'exportation. En taisant diverses re- cherches sur la Faune ornithologique pendant l'exposition universelle de 1889, recherches exceptionnellement facilitées par l'importante collection exposée; l'extrême hon marché de cette provenance très bien préparée d'ailleurs, me fut ex- pliquée par ce l'ait que les élèves des écoles japonaises l'ont la mise en peau et que le produit de leur travail alimente le bud- get des écoles. En 1890, d'après le Japon Weehly Mail, il a été expédié quelques centaines de mille d'oiseaux au prix moyen de 22 centimes l'un. Ce prix ayant encore baissé, les expéditions des divers oiseaux constituant la faune japonaise se ralentirent. Les Faisans versicolores de Sœmmering, à Paris, valent à peine 1 franc pièce. Au Japon, l'opinion pu- blique, mieux éclairée aujourd'hui, demande que le gouverne- ment intervienne et que des mesures restrictives limitent cette surproduction : les dégâts résultant de l'accroissement des insectes nuisibles auront amené ce résultat de préserva- tion internationale. En théorie, le gouvernement japonais adoptait des mesures de protection, admettant l'efficacité des règlements sur la chasse d'un effet aussi problématique dans l'Extrême-Orient que dans nos contrées : en réalité, l'abon- dance des produits japonais n'a jamais été ralentie en suite de l'ordonnance impériale n° 81, du 5 octobre 1892, relative aux règlements sur la chasse interdisant complètement la destruction d'une vingtaine de familles d'insectivores de toutes tailles; d'autre part, la chasse d'une quinzaine de fa- milles est limitée par une période de protection qui s'étend du 15 mars au 14 octobre. L'Amérique du Nord est entrée dans cette voie, d'ailleurs, on y importe tous les insectivores susceptibles de s'y accli- mater. Ce pays, aujourd'hui, fournit peu de dépouilles au commerce extérieur, l'industrie plumassière locale consomme 11a majeure partie des productions indigènes. La plus grande partie des plumes de Dindon sauvage employées en fourrure ou boa, vient des Etats-Unis, branche d'industrie limitée, d'ailleurs, aux Indiens Peaux-Rouges, dont les femmes étaient très habiles dans l'emploi de ce plumage pour leurs vêtements d'hiver. Les Aigrettes, autrefois, fort nombreuses, dans les marais de la Floride, ont disparu. Le grand Aiik(Plolus impen- nis), Pingouin, autrefois assez commun sur les côtes améri- caines, doit être considéré comme espèce éteinte; les rare- 352 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. œufs qui sont offerts pour les collections des musées zoolo- giques atteignent des prix fantastiques. « En 1880, deux œufs, achetés autrefois pour 3*7 francs, fu- rent vendus 5,275 francs. Un autre œuf payé 450 fr. en 1851, fut revendu à Londres en 1888 pour 6,625 francs. » Le Cupido des prairies ne se trouve presque plus dans l'é- tendue des Etats-Unis; au fur et à mesure de la mise en exploitation des immenses régions de ce vaste pays, nous voyons disparaître les Dindons sauvages, les Cupidos, les Pigeons migrateurs (Eciopistes migratorius) , etc., qui y ont existé en quantité prodigieuse, jusqu'à la moitié du siècle présent. Un essai des plus intéressants d'acclimatation d'Autruches africaines a été commencé dans la Californie orientale, il y a une dizaine d'années ; on y importa, à grands frais, 32 Au- truches du Natal. L'augmentation progressive de ce troupeau n'a pas dû répondre aux espérances des promoteurs de cette industrie aux Etats-Unis; le nombre total aujourd'hui atteint environ 300 oiseaux, alors que dans l'Afrique australe, dans une période d'environ dix ans (1865-1875), M. Arthur Dou- glass vit s'élever à 900 le nombre des Autruches produites par 11 Autruches représentant son troupeau initial. Le ré- sultat américain, néanmoins, doit être considéré comme un succès, étant donné les différences climatériques qu'ont dû supporter des oiseaux de l'Afrique australe dans leur nou- velle patrie, la Californie. Les espérances présomptueuses de produire en territoire américain, les plumes d'Autruche des- tinées à l'industrie indigène, ne seront pas encore de long- temps réalisées, au grand avantage des éleveurs du Cap et des fabricants plumassiers européens. Depuis quelques années, les importations de la Californie à Paris, consistant en beaux Colibris, Pics à baguettes (Coiaples auratus) , en tètes de Colins, ailes de Canards siffieurs, etc., ont cessé. Il est probable que cette production est employée à New-York, où depuis une dizaine d'années, l'industrie plumassière, autre que celle des plumes d'Au- truche, a pris un certain développement, mais sa production comme qualité et quantité reste très inférieure aux articles importés de Paris ou même de Berlin. Depuis une dizaine d'années, une association féminine de protection des oiseaux est connue sous le nom de Ligue de LES OISEAUX DANS LA MoDE. 353 Boston. Elle impose à ses adhérentes l'obligation de renoncer à l'usage des dépouilles d'oiseaux. . . avec tète. La Ligue permet l'emploi des fourrures, des aigrettes, des ailes, etc., pourvu qu'il n'y ait pas accompagnement de tête d'oiseau. (Il est remarquable que cette Ligue n'a trouvé des adhérents que dans les pays anglo-saxons ?) Les productions du Canada, dans ses régions boréales, sont pareilles à celles des mêmes régions européennes. Les plus remarquables sont des peaux de Cygnes, d'Oies, de Péli- cans, etc. Les productions mexicaines sont devenues fort rares. Le splendide Dindon ocellé du Yucatan, aujourd'hui introuvable, pourrait être mis au nombre des espèces éteintes. L'Amérique centrale, durant ces dernières années, a pro- curé la majeure partie des plumes d'Aigrettes employées dans la mode. Il est venu à Paris, du Venezuela, des lots de plus de 100 kilogrammes de plumes de parures d'Aigrettes. Si on calcule à raison de cinq grammes au plus par oiseau, on aura une idée du massacre qui a dû être fait. La récente explosion de V Equateur, navire transatlantique, porteur d'une importante cargaison d'Aigrettes du Venezuela, avariées dans cet accident, a produit une hausse fantastique sur les aigrettes et crosses qui obtiennent les prix exorbi- tants de 30 à 40 francs l'once d'aigrette et environ 200 francs la crosse , prix sans précédents , et qui ont eu une durée éphémère. L'Amérique méridionale fournit les Tangaras, les Colibris, les Couroucous resplendissants, les Coqs de roche, les Sava- cous, les Grèbes, etc., etc. L'île de la Trinité fournit presque la majeure partie des quantités importantes de Tangaras rouges, dont il se fait une consommation courante depuis de longues années. ■ Les Guyanes livrent au commerce les beaux Cotingas cé- lestes, des Coqs de roche et surtout des dépouilles de YArdea Garzetta, La domestication de l'Ardea Garzetta me paraît particulièrement facilitée dans les Guyanes, en rai- son des conditions exceptionnellement favorables de climat et d'alimentation, qui se rencontrent dans cette immense contrée. Au Brésil, vers la fin du règne de l'empereur Boni Pedro, des lois de protection devant restreindre la destruction furent 20 Octobre 1894. 23 354 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. promulguées. Nous croyons qu'elles n'ont jamais été ap- pliquées. Un petit troupeau d'Autruches africaines a été importé à grands frais dans la République Argentine. Nous ne croyons pas à l'avenir de cette entreprise, en raison du climat parti- culier de cette partie de l'Amérique, fort humide, sur le lit- toral et près des grands fleuves comme l'on sait. Les produits exposés en 1889 indiquaient déjà une modification de l'oiseau ; en effet, les tiges des plumes très fines sur l'oiseau d'un pays sec, deviennent très grosses sur celui des pays humides. La République Argentine, le Paraguay, l'Uruguay, ainsi que le Brésil, fournissent une grande quantité de crosse et les plumes de Nandou employées dans l'industrie des plu- meaux. Les plumes duveteuses du corps du Nandou s'em- ploient dans la garniture de la toilette féminine ; les plus esti- mées proviennent du Chaco austral et de la Patagonie. L'Australie et la Nouvelle-Zélande ont été enrichies de quelques «levages d'Autruches assez prospères; les plumes sont de qualité égale à celles expédiées du Cap de Bonne-Espé- rance; ces contrées fournissent une assez grande quantité d'oiseaux de volières et de parure : des Epimaques, le Loriot Prince-Régent, le Satin Bird sont les plus belles espèces four- nies par l'Australie. C'est aussi la patrie des Perruches au riche coloris et du Casoar émeu qui habite le Sahara austra- lien et dont le plumage est employé dans la parure. Les Moluques, la Nouvelle-Guinée fournissent les merveil- leux oiseaux de Paradis, les Pigeons métalliques, les Gouras, les Brèves, etc., etc. Depuis une dizaine d'années, la grande destruction, dont ces oiseaux sont victimes, doit avoir pro- duit des vides sensibles dans cette contrée encore en majeure partie Terra incognito,. Le Casoar Papou a un emploi indigène très particulier ; les Papous se font des coiffures avec le plumage de cet oiseau stupide et les nombreux parasites vivant sur leur tête se logent dans cette perruque de Casoar, qui sert alors de garde-manger à leurs peu difficiles propriétaires. Dans la Nouvelle-Guinée allemande, depuis le 1er janvier 1892, des règlements de protection en faveur des oiseaux de Paradis sont entrés en vigueur. Une nouvelle loi formulée en cinq articles, exige une autorisation spéciale pour la chasse de ces oiseaux splendides et il faut espérer que, grâce à une LES OISEAUX DANS LA MODE- 353 protection raisonnes, on réussira à empêcher leur destruc- tion complète. L'adoption de ces mesures de conservation doit devenir générale, c'est par elles seulement qu'on évitera à nos successeurs dans l'industrie des plumes pour parures, la disparition d'un des éléments les plus importants de leur commerce. C'est aux. gouvernements anglais et hollandais qui se par- tagent la souveraineté des autres parties de la Nouvelle- Guinée, qu'incombe la tache de prendre d'accord des em- sures de prévoyance. Il y a urgence, car le mal sera bientôt sans remède si l'on en juge par les quantités innombrables de spécimens que les importateurs livrent depuis plusieurs an- nées au commerce. Une expérience personnelle de vingt an- nées m'a mis à même de constater que, s'il y a eu accroisse- ment quant à la quantité, il y a eu diminution constante quant à la qualité. L'avidité, sans limite, des traitants métis- hollandais de Ternate, l'absence de tout contrôle, sont les causes réelles de cette exploitation déraisonnable dont les résultats funestes sont trop appréciables. On ne peut plus aujourd'hui se procurer ces beaux sujets adultes, au plumage pariait qu'on se procurait encore il y a dix ans, et bientôt nos Musées ne sauront où s'adresser pour remplacer leurs exemplaires détériorés. Les oiseaux qui, actuellement, inondent le marché de Paris, sont surtout des jeunes, revêtus encore de leur pre- mière livrée sans éclat, et par suite sans grande valeur in- dustrielle. Le plumage pariait, chez l'oiseau, est le signe caractéristique de son aptitude à la reproduction, et, sui- vant l'espèce, il faut plusieurs années pour amener la crois- sance des parures caractéristiques de l'adulte ; or, si on tue les mâles avant qu'ils aient pu remplir le rôle de repro- ducteurs, on arrivera forcément â l'anéantissement de l'es- pèce, quand même on admettrait avec M. Oustalet, que le mâle étant polygame, un seul suffirait â la fécondation de plusieurs femelles. Puisse donc notre appel être entendu de tous ceux qui, â des points de vue différents, s'intéressent à la conservation de l'Oiseau de Paradis, une des merveilles de la nature. Que l'industriel et le savant, les agents consu- laires et les sociétés zoologiques s'unissent pour réclamer une législation protectrice égale dans toute la Papouasie. Dans cet ordre d'idées, j'ai fait les recommandations les 3-j6 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. plus expresses, à un grand négociant de Ternate, M. Renesse Van Duivenbode, pour l'inciter à faire l'élevage en domes- ticité des Pigeons Gouras, massacrés pour leur aigrette prin- cipalement. Ces observations reproduites en séance publique à la tribune de la Société d'Acclimatation devront, je l'espère, amener le résultat que nous soubaitons : la domestication des Gouras et l'exploitation raisonnable de leur aigrette, qui constitue la valeur essentielle de cet oiseau, d'ailleurs excel- lent comestible. La Nouvelle-Calédonie contribue très peu ou pas, dans les productions d'oiseaux industriels de l'Océanie. Notre voyage circulaire autour du monde des oiseaux nous amène enfin en Afrique, pays pour lequel nous avons une prédilection particulière. Une partie du Continent africain étant la prolongation de notre patrie « une nouvelle France», ce sentiment est tout naturel. La majeure partie des oiseaux européens échappés au massacre pendant leurs migrations bisannuelles, hivernent en Afrique ; quelques espèces restent dans l'Afrique septentrionale, d'autres vont dans l'Afrique centrale, d'autres la traversent jusqu'à son extrémité. Chaque région a des habitudes de chasse particulières. Dans les pays mahométans de race blanche, très peu d'indi- gènes poursuivent les oiseaux, à moins qu'ils n'y soient in- cités par quelque Européen. C'est ce que nous avons pu constater au Maroc, en Algérie et en Tunisie, c'est aussi le cas en Tripolitaine et ce le fût en Egypte avant la domina- tion anglaise. Les Israélites, fort nombreux dans ces divers pays, ne sont ni chasseurs, ni consommateurs de gibier. La loi mosaïque défend de tuer, sans nécessité , le petit nombre d'animaux pouvant servir de nourriture et ceux-ci ne peuvent être saignés que d'après le rituel ; aussi la chasse contribue-t-elle peu à l'alimentation. Cette explication donne la raison de la bienveillance envers les oiseaux, particulière aux Sémites, Arabes, Juifs de tous les pays de FOrient et de l'Afrique. L'Egypte , depuis une dizaine d'années, a fourni une grande quantité de Mouettes, d'Hirondelles de mer, d'Aigrettes, recueillies principalement autour du lac Menzaleh ; des Plu- viers, des Court-vite, des Glaréoles, des Guêpiers, des Gan- gas, etc. forment le contingent égyptien. La mauvaise prépa- ration et la défaveur de l'oiseau en mode, ont supprimé cette LES OISEAUX DANS LA MODE. 337 production limitée aujourd'hui aux Aigrettes devenues fort rares. Malheureusement, de nombreux Hérons garde-bœufs ont payé de leur existence la ressemblance qui les a l'ait con- fondre par la catégorie des trop nombreux chasseurs igno- rants, traqueurs impitoyables des Aigrettes. L'Egypte fournit aussi les Flamants (Phœnicoptères), ornement des jardins zoologiques, et les divers Ibis. Mais cela n'est pas tout, une lettre publiée par M. de Cher- ville dans Le Temps nous confirme de curieux détails sur l'hospitalité réservée aux migrateurs quand ils débarquent sur les rives du Nil. Le littoral entre Alexandrie, Rosette et Damiette est le théâtre des chasses aux oiseaux de passage. Le gouverne- ment du Caire possède, aux environs de la première de ces villes, environ douze kilomètres de plage, qu'au mois de juillet il loue chaque année au plus offrant. Il tire de ce chef un revenu de 12 à 1,600 francs. Les amodiataires sont géné- ralement des Arabes associés et surtout des marchands de gibier. Leur location effectuée, ces hommes dressent sur le sable des espèces de buissons factices, fabriqués avec des tiges de palmier ; au moment du passage ils en garnissent la partie supérieure avec une glu tirée du fruit d'un arbrisseau qui croit près de Rosette ; cette glu est encore plus adhérente que celle que nous tirons de l'écorce du Houx ; il arrive quelquefois que des Tourterelles y sont prises et que leur fa- culté de voler se trouve ainsi paralysée. Au moment du pas- sage, qui varie du 15 août au 15 septembre, les Arabes s'ins- tallent pour surveiller leurs gluaux ; chacun d'eux doit en servir une quarantaine. Aussitôt qu'un oisillon vient y don- ner, l'homme le ramasse et le met dans un sac qu'il porte à un point central, lorsqu'il a réuni une certaine quantité de prisonniers. Là se trouve l'exécuteur qui coupe la gorge à chacune des victimes, selon les prescriptions de l'Islam, puis il les met en un tas qui reste pendant quelques heures exposé au soleil, après quoi il est fortement brassé, de façon à désagréger l'épidémie ; quand les oiseaux ont été plumés, on les réunit par petits paquets composés de huit à dix et on les envoie au marché ou bien on les colporte dans les rues. Le prix d'une de ces brochettes est ordinai- rement de 75 centimes, mais il descend jusqu'à 20 centimes, lorsque le passage est abondant. Les particuliers louant les 358 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. terrains qui leur appartiennent, comme le gouvernement égyptien, le littoral tout entier se trouve, de la sorte, garni de gluaux; le correspondant de M. de Cherville n'estime pas â moins de 80,000 oiseaux le nombre des captures quotidiennes. Nécessairement les insectivores, Rossignols, Fauvettes, Linottes, Rouges-gorges, etc. qui sont les migrateurs par excellence, doivent figurer en majorité. Lorsque, â ce total déjà formidable, vous ajoutez les destructions de la première partie du parcours, les pièges de toutes sortes qui attendent et déciment les oiseaux aussitôt qu'ils ont quitté leurs rési- dences de l'été, les dangers qui les menacent aux passages des Alpes, la guerre que poursuivent contre eux les popu- lations du Midi, presque sans exception, vous ne serez pas plus étonnés de la disparition progressive de nos auxi- liaires, que du flux toujours montant des ennemis de la ré- colte. M. de Clierville ajoute comme conclusion : nous avons déjà signalé le sérieux intérêt qu'auraient les nations à s'entendre pour ménager la reproduction des gibiers migrateurs, la pro- tection par un commun accord des oiseaux insectivores est' une question d'un ordre infiniment supérieur. 11 s'agit, en somme, de savoir si nous aurons raison de « l'infini petit » ou si ce sera lui qui nous mangera. A l'éloquente conclusion qui précède, je me permettrai d'ajouter que des conventions internationales préservatrices du Cboléra ont fixé en Egypte des commissaires surveillants européens ; ne pourrait-on pas par extension obtenir que leurs attributions comportassent également la protection des oiseaux insectivores ? Avant l'insurrection du Soudan égyptien, le Caire était un marché important de plumes d'Autruche de la Nubie, du Darfour, du Kordofan et du Wadaï. Aujourd'hui le commerce de plumes s'est déplacé, elles viennent en partie par Souakim (mer Rouge) et la Tripolitaine. L'Autruche sauvage a presque totalement disparu des dé- serts égyptiens ; un élevage d'Autruches domestiquées, assez important, existe à Matarieh, près du Caire. Cet établissement, pour diverses raisons, entre autres la composition du trou- peau formé en grande partie d'Autruches Somalis, n'a pas eu la prospérité des établissements similaires de l'Afrique aus- trale. La production des plumes de Matarieh, en 1893, aurait LES OISEAUX DANS LA MODE. 3Ô9 atteint le poids d'environ 1,000 kilogrammes. D'après ren- seignements récents cette quantité pourrait être doublée pro- chainement, grâce à d'importants terrains, donnés par Le gouvernement égyptien pour favoriser cet élevage. La Tripolitaine, en dehors des plumes d'Autruche, ne four- nit pas de dépouilles d'oiseaux. Ces plumes, comme l'on sait, proviennent du Soudan central, du Bornou, du Wadaï, etc., leur qualité est bien supérieure à celles produites par l'Au- truche australe et orientale ; mais les habitudes commerciales surannées des négociants tripolitains, font donner la préfé- rence aux plumes produites au Cap, la conséquence inéluc- table à bref délai sera la ruine de Tripoli ! Depuis l'établissement du protectorat français en Tunisie, ce pays a fourni nombre d'oiseaux dont l'aire d'expansion s'étend en Algérie et au Maroc : des Effraies, des Scops, des Tourterelles, des Huppes, des Gangas, des Cailles, des Per- drix, des Canepetières, des Outardes, des Guêpiers, des Mar- tinets et des Hirondelles de cheminée, des Mouettes, des Hirondelles de mer, des Grèbes, des Flamants, peu ou pas de Hérons aigrettes, malgré la recherche persévérante dont ils sont l'objet. L'Algérie fournit une assez grande quantité de parures de Gangas, de Guêpiers, en dehors de ces espèces, le pays est d'une pauvreté ornithologique très appréciable, conséquence naturelle de la poursuite acharnée, sans trêve, ni merci, des chasseurs innombrables du pays. Au Maroc, les oiseaux précités sont vendus par quelques rares naturalistes européens fixés sur le littoral; dans l'inté- rieur, on ne chasse pas l'oiseau de parure ; les Perdrix, les Canepetières, les Outardes seules sont poursuivies en vue de l'alimentation. L'Afrique occidentale, depuis le Maroc jusqu'au Sénégal, ne contribue pas aux productions ornithologiques. L'Au- truche, autrefois assez commune dans le Sahara occidental, y est devenue fort rare. Les plumes d'Autruche expédiées de Mogador à Londres proviennent du Soudan occidental et de la Sénégambie. Une faune différente a son aire d'expansion depuis le fleuve Sénégal jusqu'à l'Afrique équatoriale ; quel- ques espèces équatoriales font leurs migrations de la Mer Rouge à l'Atlantique. Cette faune diffère de celle plus septentrionale et saha- 360 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. rienne par des couleurs plus vives et plus brillantes, pour cette raison elle est plus décimée. Les productions ornithologiques de l'Afrique centrale se bornent aux dépouilles d'Autruches encore assez nombreuses dans la région des steppes autour du lac Tchad ; l'exportation des plumes est pratiquée, comme dans l'antiquité, par cara- vanes allant à Tripoli et Ben-ghazi, ou à Mogador. Avant la conquête d'Alger, cette ville était l'entrepôt des plumes d'Au- truches du Soudan central et du Soudan occidental ; le Caire, de celles du Soudan oriental. L'interdiction du commerce d'esclaves en Algérie, déplaça le commerce des plumes d'Au- truche. Tunis devint l'entrepôt, Livourne fut le marché, qui à son tour émigra à Tripoli. Le déplacement de ce commerce qui, avec l'ivoire, prendra la voie du Niger et de l'Atlantique, est â prévoir dans un avenir prochain. La récente pris i de possession de Timbouctou nous fait espérer que le commerce des plumes, autrefois monopolisé â Timbouctou, se reconstituera à l'ombre de notre drapeau et que, à l'exemple de ce qui a eu lieu au Cap, l'industrie de l'élevage de F Autruche en domesticité deviendra la grande ressource du Soudan français... Sans conteste, l'Autruche pourrait devenir notre auxiliaire le plus important, pour le développement de notre influence civilisatrice et la pros- périté de nos sujets soudanais ! La zone équatoriale est la zone de splendeur pour les oi- seaux, c'est là seulement que nous trouverons le plus grand nombre de ceux dont les couleurs rappellent les pierres pré- cieuses. L'Afrique équatoriale est exploitée par les Anglais de l'A- frique australe, les Allemands des Cameroons et du Zan- guebar, les Belges du Congo, les Français du Gabon, les Portugais d'Angola. Ce sont surtout les Touracos, les Merles métalliques, les Coucous, les Sucriers, les Guêpiers, les Ai- grettes, etc. qui sont fournis par cette immense contrée. L'Afrique équatoriale livre au commerce une grande quan- tité de petits Passereaux vivants, de Perruches et de Perro- quets, ornement des volières européennes. Les oiseaux de parures très nombreux, paient un grand tribut au Moloch «la Mode « : citons comme exemple, les petits Coucous bronzés, dont une variété le « Folio tocole » surpasse en beauté les plus belles productions de l'Ancien et du Nouveau-Monde, les LES OISEAUX DANS LA MODE. 361 Merles métalliques, les Sucriers, les Martins -pêcheurs, les Rolliers, les Touracos, les Hérons, les Aigrettes, les Pélicans, etc., etc., l'Afrique équatoriale fournit aussi des plumes sous- caudales du Marabout. Schweinfurth décrit un emploi assez original des plumes flexibles du cou du Pélican gris : les sauvages Baggaras qui habitent les régions arrosées par le liant Nil blanc (Nubie) se font des perruques qui imitent parfaitement les cheveux gris et qui seraient une précieuse acquisition pour les théâtres. [Aie cœur de l'Afrique. T. I, 162.) L'Afrique orientale, malgré l'occupation italienne, exporte ' peu ou pas d'oiseaux pour la parure, c'est des pays Somalis que viennent les plumes d'Autruche dénommées Yamani et plus improprement « Sénégal » ; cette sorte, qui est de la qua- lité la plus inférieure, est produite par une variété d'Au- truche nègre de taille gigantesque. Parfaitement domesti- qués ces oiseaux vivent complètement libres avec leurs sau- vages propriétaires les Somalis et les Gallas qui les plument régulièrement d'une façon barbare. Pour en faciliter l'écoulement, les Orientaux n'ont rien trouvé de mieux, que de les désigner sous le nom de plumes du Sénégal, agissant en cela avec l'astuce et la fourberie qui caractérisent leurs opérations commerciales. — Par contre, les plumes du Soudan français et de la Sénégambie, dont les Tripolitains sont les entrepositaires, se traitent sous la déno- mination, de plumes de Barbarie, quelquefois Timbouctou. On a créé ainsi une confusion volontaire, qui nuira souvent aux plumes réellement importées du Sénégal. La région des grands lacs africains, dont la richesse orni- thologique est bien connue, contribue peu dans l'industrie, la difficulté des préparations est cause de la pénurie des dépouilles d'oiseaux du commerce. Ces régions sont la patrie du Balamiceps, fort rare dans les collections, malgré la recherche fort active dont il est l'objet pour cette raison même. La contribution de Madagascar, qui a une faune ornitholo- gique particulière si remarquable, est encore de nos jours de minime importance. Lorsque notre domination sera plus pré- pondérante dans l'immense île africaine, si dangereuse au- jourd'hui pour les Français, tant par son climat meurtrier sur les côtes, que par les Hovas dans l'intérieur, les chas- 362 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. seurs industriels trouveront là une large rémunération de- leurs peines. Au Cap de Bonne-Espérance et dans l'Afrique australe, l'Européen ne pratique pas la chasse des petits oiseaux : tout au plus, au moment des récoltes, les poursuit-on, mais sans se servir d'armes à l'eu. Les services rendus à l'agriculture par la destruction des insectes nuisibles innombrables, font tolérer de légers dégâts. Les nègres de l'Afrique australe peu difficiles, consommant les aliments les plus hétéroclites, dédaignent la chasse des petits oiseaux, à l'exception de certaines espèces recherchées pour la mode, telles que les Merles métalliques, Évêques, Coucous bronzés, Sucriers, Touracos, Aigrettes, etc., et quelques espèces d'oiseaux de volières envoyées en Europe; ils donnent ainsi un bel exemple à ces Nemrods européens habitant toutes les parties de l'Afrique et ne songeant que trop à détruire. Générale- ment tout oiseau insectivore est protégé par des lois ou res- pecté par l'usage. Dans quelques régions, des croyances su- perstitieuses protègent l'Engoulevent, les Hirondelles et les Veuves. Puisse cette leron, donnée par des Nègres, servir d'exemple à nos colons algériens, grands destructeurs de volatiles, devant l'Eternel . . . Jusque dans ces dernières années, la Grue de Paradis {Tetraptericc paradisea), un des plus beaux et des plus utiles oiseaux de l'Afrique australe, était sacrifiée dans un but somptuaire assez particulier. Les guerriers Matébélés portaient comme coiffure de guerre les longues plumes d'ailes du Tetrapterix. Pour faire cesser la destruction de cet utile oiseau, le défunt roi Lobengula, si prestement sup- primé par la Compagnie anglaise de l'Afrique Orientale, il y a une dizaine d'années, offrit en échange d'une plume d'Aptérix, une belle plume blanche d'Autruche ; le changement de modes en résultant fut désastreux pour les Autruches dont un grand nombre paya de la vie cette nouvelle loi de la fashion. Aujourd'hui beaucoup de tribus africaines reconnaissent les avantages de la domestication de l'Autruche qu'ils pratiquent, et laissent en paix les rares survivants ; également, ils ap- précient l'utilité des oiseaux des marais ; leurs qualités comme insectivores les protègent, on n'en détruit pas. Les oiseaux, recherchés pour l'alimentation, sont les Outardes LES OISEAUX DANS LA MODE. 363 et les Francolins fort nombreux dans l'Afrique australe, les Cailles et les Alouettes, particulières au pays, les Mirafres et les Macronyx, rappelant nos Tariers de France. La production des plumes d'Autruche, au Cap, très consi- dérable aujourd'hui, remplace celle des autres oiseaux au grand profit des colons et de l'agriculture. On évalue le stock d'Autruches .vivantes à ce jour au nombre fantastique d'en- viron 300,000. La production des plumes atteint environ 350,000 kilogrammes par année, au prix très approximatif d'environ 100 francs le kilog., ce qui enrichit annuellement la colonie d'au moins trente millions de francs, dont la valeur marchande est bien souvent supérieure en France. Ne serait-il pas du devoir du gouvernement français, sou- cieux des intérêts nationaux, d'aider dans la reconstitution de l'Autruche barbaresque, productrice de plumes d'une qua- lité supérieure, la plume simple ayant à l'égard des plumes du Cap les différences caractéristiques d'un diamant à l'égard du strass (1). Il suffirait que la mode adoptât la plume « d'Au- truche simple » dont nos contemporaines n'ont pas pu appré- cier l'élégance naturelle, pour justifier notre propagande et récompenser les producteurs qui, je le souhaite, devront être français. Cette production, sans rivale, fournirait les plumes destinées à la consommation restreinte des classes fortunées et élégantes ; la plume du Cap, qui ne peut être utilisée qu'avec doublures et morceaux, continuera à fournir la masse des élégantes au rabais ; je me répète, il y aura la même diffé- rence pour l'emploi des plumes que pour les diamants et le simili-diamant ou strass. Nous avons de nombreuses régions en Algérie, en Sénégambie, favorables à la réussite de cette entreprise d'intérêt national; aucune entreprise agricole n'y donnera des résultats supérieurs à l'élevage des Au- truches. (1) Dans une étude de notre collègue M. Maraud d'Aubusson, L'industrie de l'Autruche, 2» sem. 1889, p. 734, la plume barbaresque est décrite comme suit : . J'ai la satisfaction de retrouver dans les plumes d'crigine algérienne l'en- semble des qualités requises par les connaisseurs. Le magnifique bouquet de plumes exposé par le Jardin d'essai d'Alger offre la preuve évidente de la supé- riorité des produits de notre élevage. La vue de ces plumes amples, élégantes, souples, floconneuses, fait regretter plus vivement que nctre colonie occupe le dernier 'rang dans la production. Ces belles plumes ont été préparées, comme l'indique l'inscription, par M. Forest, membre de la Société d'Acclimatation, ancien éleveur, dont les connaissances pratiques ont rendu les plus réels ser- vices à la cause de l'industrie de l'Autruche en Algérie. • 36 i REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Dans le but de vulgariser et de l'aire connaître l'importance de l'industrie de l'élevage des Autruches, j'ai publié diverses notices et études dans la Revue des Sciences naturelles appliquées, Y Algérie agricole, les publications de la Société de Géographie de Paris, le Naturaliste, etc., etc. M. Milne-Edwards, membre de l'Institut, dans la séance du 22 janvier dernier, a appelé l'attention de l'Académie des Sciences sur l'utilité de reconstituer l'Autruche dans sa con- trée d'origine, justifiée par des raisons économiques et poli- tiques incontestables. M. Blanchard, membre de l'Institut, dans la même séance, a démontré l'utilité de l'Autruche comme oiseau destructeur de Sauterelles, et l'a apprécié comme auxiliaire indispensable dans la lutte contre les Acridiens. La Société nationale d'A- griculture de France et celles d'Algérie, les Sociétés d'Accli- matation, de Géographie, les Chambres de Commerce de Paris, d'Alger, de Constantine, de Philippeville, etc., etc., dans la mesure possible, m'ont accordé pour la réacclimata- tion de l'Autruche leur recommandation bienveillante auprès du Gouvernement général de l'Algérie. Malheureusement, les terrains et emplacements nécessaires se trouvent en ter- ritoire militaire et pour cette raison ne sont pas disponibles. Dans la séance du 30 mars du Congrès des Sociétés sa- vantes, section des sciences économiques et sociales (prési- dent M. Levasseur, membre de l'Institut), j'ai plaidé la cause de l'Autruche, fournissant, à l'appui de mes conclusions, des chiffres certainement plus éloquents que ma parole. Malgré tous mes déboires passés et présents, je conserve l'espoir que M. le Ministre de la Guerre et son administra- tion, reconnaissant enfin l'utilité générale de l'Autruche en Algérie, voudront aider à sa reconstitution possible. Il suf- firait que l'unique emplacement favorable dans les trois départements algériens et qui sert actuellement au campe- ment de dix-neuf spahis indigènes du 3e régiment de spahis, puisse être utilisé comme autrucherie ; dans peu d'années, une nombreuse population d'Autruches enrichirait le Sud algérien ; l'État et la colonisation profiteraient des ressources nouvelles, que seule peut créer l'Autruche. Quand aurons-nous la satisfaction patriotique de constater une industrie rivale de celle de l'étranger dans les régions favorables de l'Aluérie et du Soudan français ? LES OISEAUX DANS LA MODE. 365 Les Français, qui mettent au dessus de tout la grandeur et l'honneur de leur pays, applaudiront sans réserve à ceux de leurs compatriotes qui, à force d'énergie, d'abnégation, au prix des plus grands sacrifices, malgré toutes les difficultés qu'ils ont rencontrées, continuent avec courage la lutte pour la création d'une œuvre de progrès, de civilisation dont la réussite possible dépend uniquement du Ministère de la Guerre et de son administration. Le département de la Guerre, par un sentiment commun à toutes les administra- tions, ne veut pas abandonner une de ses prérogatives ; elle lui assure, en effet, quelques ressources affectées au 3,J régi- ment de spahis et le moyen de faire camper dix-neuf spahis indigènes avec leur smala, plus deux sous-officiers européens logés dans le Bordj. Il parait cependant impossible que l'on sacrifie plus longtemps les intérêts généraux du pays à ce que nous pourrions appeler des intérêts administratifs. L'espoir de voir adoptées les considérations d'ordre supé- rieur, justifiant la reconstitution de l'Autruche en territoire français, n'est pas une illusion et ne peut pas être une décep- tion ! La marche en avant vers l'extrême sud, la jonction de l'Algérie et du Soudan français si désirable, sera la consé- quence naturelle du déplacement de nos forces militaires qui se porteront dans des postes nouveaux d'une importance stratégique incontestable et rendront libres pour le service de la colonisation les emplacements nécessaires a l'Autruche. Les conséquences de cet événement heureux permettent d'as- signer un terme prochain à une faute économique ruineuse pour la France et son industrie. La reconstitution de l'Autruche en Algérie, grâce aux au- torités militaires, aurait la valeur d'une victoire économique sans effusion de sang, sans nouvelles charges budgétaires ! L'ensemble des considérations précédentes nous l'ait croire avec confiance que l'appui et le concours bienveillants de tous les Français éclairés sont acquis à la cause de la reconstitution de l'Autruche barbaresqiœ et de son éle- vage en Algérie. J6fi QUELQUES MOTS SUR LA PISCICULTURE EN SUISSE Par MM. DENYS, Ingénieur en chef des Ponts et Chausbées, ET HAUSSER, Sous-ingéuieur à Epinal. En Suisse, les questions de pêche et de piscicultur sont l'objet de préoccupations constantes et tous les deux ans, au moins, il s'y tient une exposition où l'on peut se rendre compte des perfectionnements apportés soit dans la confection des engins qui permettent de prendre le poisson, soit dans la disposition des appareils au moyen desquels on assure sa re- production artificielle. Cotte année, une exposition de ce genre a eu lieu à Zurich, du 3 juin au 3 juillet. M. le Ministre des Travaux publics nous avait autorisés à la visiter, mais des nécessités de service ne nous ont permis de nous absenter qu'à partir du 11 juillet, alors que l'exposition était close. Nous nous sommes rendus directement à Morat, centre de pisciculture assez important. M. Chatouey, Inspecteur gé- néral des Ponts et Chaussées, en retraite, était en villégiature dans cette localité. Grâce à son obligeance, nous avons été mis en rapport avec M. Berthoud, expert piscicole du canton de Fribourg, qui nous a donné d'intéressants renseignements sur les appareils d'incubation, de transport et autres exposés à Zurich. Parmi ces appareils figuraient notamment des bocaux en verre qui servent à peu près exclusivement aujourd'hui, en Suisse, à l'incubation des œufs de Fera. M. Berthoud en possède plusieurs. Ce sont, en quelque sorte, des bouteilles sans fond que l'on fixe par le goulot sur la tubulure d'un tuyau d'alimentation ; l'eau y arrive de bas en haut et imprime constamment aux œufs un léger mou- vement, à peu près comme dans les appareils californiens. QUELQUES MOTS SUR LA PISCII I LTL'RK EN SUISSE. Les œufs gâtés étant plus légers que les autres, surnagent et sont entraînés par l'eau que l'on l'ait déborder sous une lame de 1 à 2 millimètres d'épaisseur, par un simple jeu du robinet placé sur le tuyau d'alimentation. Ces appareils figuraient déjà à l'exposition de pisciculture de Bàle en 1892. Dans son ouvrage : Les Poissons de la Suisse et la piscicullure, le docteur Asper en donne la description et il en attribue l'idée première à l'Américain Wiimot. L'avantage de ces appareils d'incubation est surtout d'éviter l'enlèvement des œufs morts et des dépôts, opérations lon- gues et délicates, surtout lorsqu'il s'agit de traiter des œufs aussi petits que ceux, de Fera. Pour se procurer de ces appareils, il suffit de s'adresser à l'établissement de pisciculture de M. Weiss, à Zug. L'appareil de comptage d'œufs et d'alevins inventé par M. Scbillinger, directeur de l'établissement de pisciculture de Starnberg (Bavière) et assez répandu déjà en Allemagne et en Suisse, a d'un autre côté réuni des suffrages unanimes. il consiste en une éprouvette graduée par laquelle on se rend compte du déplacement d'eau occasionné par un petit nombre d'œufs ou d'alevins (20 ou 30 par exemple;. Un bocal, surmonté d'une deuxième éprouvette de gros diamètre dont la graduation correspond à celle de la petite éprouvette, est rempli d'eau jusqu'à la division zéro, puis on y verse les œufs ou les alevins à compter. Supposons que trente œufs aient fait monter l'eau de la petite éprouvette d'une division ; il est clair que si la quantité d'œufs versés dans le bocal a pro- duit une ascension de l'eau dans la grande éprouvette de 100 divisions, le nombre d'œufs contenus dans le bocal est de 30 x 100 = 3.000. Comme on le voit, cet appareil rend le comptage très ra- pide et l'exactitude du résultat ne laisse rien à désirer ; de grandes quantités d'œufs et d'alevins comptées séparément n'ont donné qu'une différence en plus ou en moins de 2 à L'appareil Scbillinger se trouve à la fabrique d'objets de précision en verre de Jean Grenier, à Munich ; il en existe trois types qui coûtent respectivement 5, 8 et 10 marks. Les appareils de transport d'alevins qui ont une si grande importance pour le pisciculteur, n'ont pas subi de perfection- nement digne d'être signalé ; il n'en existe pas encore qui 368 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. > t-5 >■ > 3 S- -^ c 5 £ c a? o « » S G) 3 -. S. ° c sa O 3 O a » a o c o se O se 00 ° G C S t- se QUELQUES MOTS SUR LA. PISCICULTURE EN SUISSE. 369 permette d'assurer le succès lorsqu'il s'agit de transporter des alevins de salmonidés à de grandes distances. M. Berthoud, qui est très compétent en tout ce qui touche le poisson, nous a fait visiter un petit établissement de pis- ciculture qu'il a créé dans sa propriété du Lido, près Morat, et qui pourrait être utilement imité par les personnes qu'in- téresse le repeuplement des cours d'eau en Truites et qui dis- posent d'une eau convenable. Cet établissement est à la fois simple et complet : il consiste en un petit bâtiment ou labo- ratoire où l'on met les œufs en incubation et en plusieurs bassins extérieurs où les alevins peuvent se développer ; d'autres bassins servent à conserver le poisson adulte. Le bâtiment dont nous donnons ci-contre le plan et plu- sieurs coupes est formé de murs en briques revêtus d'un enduit en ciment et protégés contre le refroidissement par une couche épaisse de roseaux maintenus par un revêtement en planches. La toiture est protégée de la même manière par une couche de chaume. Ce bâtiment contient une série d'auges étagées en zinc, pour l'incubation des œufs de salmonidés. Elles sont garnies de claies en treillis de fer enduites de vernis noir. Les claies à baguettes de verre ne sont plus guère employées en Suisse à cause de la dépense qu'elles re- présentent, bien qu'on reconnaisse en général leur supério- rité au point de vue de la propreté. Plusieurs bocaux servent à l'incubation des œufs de Fera. Le mobilier se compose d'une table, d'une chaise et d'une armoire. Contre le mur de gauche se trouve un aquarium faisant saillie à l'extérieur et dans lequel on place des poissons de différentes tailles. L'alimentation de ce petit établissement s'effectue au moyen du la fontaine qui sert aux usages domestiques ; elle se trouve à quelques mètres de distance et à trois mètres environ au- dessus du niveau des auges placées dans le bâtiment. M. Berthoud traite chaque hiver, dans son établissement, 10 à 15.000 œufs de Truite et autant d'œufs de Fera. Les ale- vins de Truite qu'il obtient servent au repeuplement de cours d'eau dont il a affermé la pêche ; ceux de Fera sont lâchés dans le lac de Morat. La question de nourriture des alevins de salmonidés que Ton conserve dans les bassins jusqu'à ce qu'ils aient acquis une certaine vigueur, est résolue sans aucune difficulté en Suisse, grâce à l'existence, dans toutes les eaux, de noin- 20 Octobre 1894. - i 370 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES- breuses Daphnies. M. le docteur Schoch, professeur d'ento- mologie au Polyteclmicum de Zurich, que nous sommes allés voir sur les conseils de M. Berthoud, nous a donné à cet égard des indications fort intéressantes. Les Daphnies pullulent, paraît-il, à tel point dans les lacs de la Suisse qu'ils constituent la nourriture presque exclusive des Corégones, très répandus comme l'on sait dans les lacs alpestres. Ces petits crustacés et plusieurs genres d'infusoires microscopiques se trouvent souvent réunis en si grand nom- bre qu'ils présentent l'aspect d'une véritable masse gélati- neuse. Suivant le moment de la journée et sans doute sous l'influence de la lumière d'un soleil plus ou moins intense, ces masses se déplacent. Il est facile de pêcher des Daphnies en disposant des filets de gaze fine à des profondeurs diffé- rentes. Des lacs, ces petits animaux se répandent dans les rivières, la Limmat, qui sort du lac de Zurich et qui sert à l'alimentation de la ville, en contient en si grand nombre que les personnes qui s'occupent à Zurich de pisciculture se con- tentent de donner comme nourriture à leurs alevins le pro- duit du nettoyage des filtres. Suivant M. le docteur Schoch toutes les eaux, courantes ou non, contiennent des Daphnies. Nous avons essayé d'en pêcher dans le réservoir de Bouzey au moyen de petites troubles en gaze, que nous avons placées dans la rigole qui part du réservoir pour alimenter le bief de partage du Canal de l'Est et l'établissement de pisciculture de Bouzey. Nous en avons effectivement trouvé. Elles sont de l'espèce dite Pulex ; leur taille varie de 1/3 à 1/2 milli- mètre. Mais elles sont en général peu nombreuses et ne pourraient, à notre avis, constituer à elles seules la nour- riture des nombreux alevins de Fera et de Truite que nous lâchons annuellement dans le réservoir de Bouzey. Ajoutons en terminant que la ville de Zurich possède un établissement de pisciculture convenablemont aménagé. Il est situé au bord de la Limmat. Nous l'avons visité en com- pagnie de M. le docteur Schoch, mais la saison était peu favorable pour que notre visite fût réellement intéressante. Cet établissement, comme tous ceux où l'on s'occupe essen- tiellement de la Truite et de la Fera, ne contenait plus que quelques rares sujets. Nous y avons d'ailleurs trouvé les différents appareils de transport d'œufs et d'alevins que nous possédons à Bouzey. 371 L'EST AFRICAIN L'OUGANDA — DE LA CÔTE A L'INTÉRIEUR Par M. GABOR. Les ressources offertes aux agriculteurs et plus particuliè- rement aux planteurs dans cette région de l'Afrique Orientale sont encore peu étudiées. Nous pensons donc intéresser les lecteurs de la Revue des Sciences naturelles appliquées en reproduisant, d'après le Tropical A g riculturist {\) , une partie du rapport du capitaine Williams, le compagnon de voyage du capitaine Lugard dans l'Ouganda. Ces documents, pré- sentés récemment à l'Institut royal des colonies à Londres, contiennent des renseignements pratiques. Le projet d'établir une voie ferrée reliant la côte avec le lac Victoria Nyanza, ajoute un intérêt spécial à la connais- sance de cette vaste contrée qui s'étend des districts mari- times, au-delà de plateaux élevés de 8.000 pieds et même da- vantage, jusqu'à Niuvara-Eliya et jusqu'aux plaines d'Horton. En quittant la côte qui est extrêmement fertile ( le com- merce des produits du Cocotier, du Caoutchouc indien et des Céréales augmente chaque année ), le voyageur s'engage dans un pays moins peuplé, où il rencontre des villages de cases, échelonnés de distance en distance. Les caravanes passent rarement. Les habitants ne possèdent aucun marché pour écouler leurs produits ; ils auraient besoin d'être en- couragés et d'abord mieux protégés. La vie dans l'intérieur est pénible. Pour la région qui nous occupe, les indigènes de certaines localités comme Teita, Kibwezi et une forte partie de la tribu laborieuse et pacifique des Wikambas ne sont pas privilégiés. Us ont la seule res- source de porteurs pour communiquer avec les ports les plus voisins. Us emmènent à la côte du bétail, Chèvres et Mou- tons ; ils y apportent l'ivoire et des gommes-résines qu'ils (1) Vol. XIII, n°S [février 1894). 372 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. échangent contre des toiles, du drap et autres marchandises. Pour faire ce commerce, ils doivent souvent franchir plus de deux cents milles (300 kilomètres). En continuant sa route, le voyageur arrive dans un petit pays bien arrosé, Kikuyou, vrai paradis terrestre. Son sol est très fertile. Ses belles forêts, qui descendent des montagnes jusque dans la plaine, abondent en gibier de toutes sortes. A l'altitude de 6,000 pieds, le climat reste tempéré ; ici, les légumes de nos pays croissent très bien ; ils mûrissent rapi- dement et atteignent toute leur saveur. Ainsi, les Pois sont bons à manger six semaines après qu'on les a semés. Les gens de Kikuyou n'ont pas l'idée d'étendre leurs cul- tures ; quand ils disposeront de moyens pour transporter leurs récoltes, ils deviendront peut-être plus pratiques. En abandonnant Kikuyou, notre voyageur atteint le lac Xaïvacha et les plaines des Masais ; là, dans de riches pâtu- rages, il voit paître en nombre Anes et bestiaux. Autrefois, cette peuplade élevait de plus grands troupeaux. Une épi- zootie fit des milliers de victimes. Les guerriers eux-mêmes qui se livraient au pillage pour vivre, furent décimés. Les Masais sont restés d'incorrigibles maraudeurs ; on leur re- connaît cependant certaines qualités. Il ne leur manque que l'organisation et la discipline qui régnent chez les Zoulous et les Matebelés. Si le voyageur poursuit toujours son chemin en se dirigeant vers l'Ouganda, il laisse derrière lui le lac Nakuro, puis il arrive dans une contrée non moins merveilleuse que Ki- kuyou, où l'eau, les pâturages et les gibiers abondent jusqu'à 8.000 pieds d'élévation. Ce pays montagneux, désigné clans les cartes sous le nom d' « escarpements de Mau », comprend aussi la plaine d'Angata Nyuki ; s'il est moins fertile que Kiku- you, il est tout aussi salubre, mais peu habité. Les Blancs qui l'occupent entièrement redoutent toujours d'être dépos- sédés par les Masais et les Wanandis, peuplades qui s'aven- turent jusque-là. A part quelques points, le Mau ne se prête pas à la colonisation. La nature même du pays s'y oppose, car les voies de communication sont à peu près impraticables (1). Si, descendant de ces hauts plateaux, le voyageur pénètre dans la vallée de Kavirondo, il traverse de nouveau un pays (1) On peut comparer à ces villages certaines stations de l'Himalaya. L'EST AFRICAIN. 373 riche et fertile, — assez sain bien que la population ait eu à souffrir dernièrement d'une épidémie de petite vérole. — Les Céréales indigènes réussissent ; un seul labour suffit généra- lement. La richesse des récoltes procure aux habitants les moyens nécessaires pour organiser des expéditions qui s'avancent vers le nord, jusqu'au lac Rodolphe, en recherchant l'ivoire qui abonde dans cette région. Les gens de Kâwirondo regar- dent l'Éléphant comme la malédiction de l'Afrique ; sans Éléphants, disent-ils, la traite des esclaves n'existerait pas. Le chasseur d'ivoire, tel que nous l'a dépeint Sir Samuel Ba- ker, volait du bétail pour l'échanger contre une dent d'Élé- phant, et, quand il avait besoin de porteurs, il prenait de force des indigènes qu'il revendait, au terme de son voyage, avec l'ivoire qu'il avait récolté. Mais, hàtons-nous de dire que cet usage, pratiqué encore sur quelques points de l'A- frique Centrale, tend à disparaître. Celui qui se livre à sem- blable trafic risque beaucoup d'être pris et puni sévèrement. Pour mettre en plein rapport les contrées que nous venons de parcourir, il s'agirait de trouver des cultivateurs. C'est là un point problématique. Car partout, les hommes travaillent la terre pour eux seuls, encore quand ils y sont contraints pour vivre, et ils abandonnent ordinairement les travaux des champs aux femmes qui s'en acquittent d'ailleurs très bien. Le sol de l'Ouganda, si l'on excepte certaines parties, n'est point d'une fertilité extraordinaire (1). On attribue unique- ment sa production à la juste moyenne des pluies, au soleil africain et aux bonnes méthodes de culture que suivent les indigènes. Ils comprennent l'agriculture d'une façon parti- culière. Au lieu de bêcher à l'aide de la houe, ils pratiquent des sillons profonds de douze à quatorze pouces et y déposent les semences. Leur système ne pourrait pas être appliqué à de vastes champs de Céréales. Mais la plupart des peuplades établies à proximité des lacs (Victoria Nyanza, lac Albert, lac Rodolphe) ont la ressource des plantations de Bananiers dont les fruits constituent la base de leur alimentation. La Banane ordinaire [plantain des Anglais) est pour ces gens un fruit excellent et nourrissant. Il n'est nullement doux comme on le pourrait (1) La moyenne de la température de. l'Ouganda est évaluée à 70 degrés Fah- renheit (21 degrés centigrades). 374 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. croire ; cuit à la vapeur, il ressemble à la Pomme de terre. Cette culture réclame du soin et de l'attention sans exiger un travail pénible. En outre, dans une plantation bien établie on n'a pas de mauvaise herbe. Car, après la récolte des fruits, on étend au-dessus des arbres un tapis formé de feuilles et de fibres sèches, qui, mettant le sol à l'abri de la lumière, em- pêche la mauvaise herbe de croître. Ces territoires sont situés sous le Tropique où la hauteur moyenne de la pluie annuelle est évaluée à 30-40 pouces ; il pleut surtout en avril, mai et juin. Près des eûtes, la région cultivée est plus limitée et elle tendra encore à diminuer ; la cause doit en être attribuée à la disparition des esclaves qui constituaient l'unique main-d'œuvre du pays. Le sol paraît se prêter aux diverses cultures tropicales, Céréales et plantes oléagineuses. Le Cocotier y réussit très bien ; les noix de coco, qui représentent 64 pour 100 dans la production de l'huile dans ces contrées, servent surtout à fabriquer la mar- garine. Le Cotonnier pourrait occuper une place aussi importante que le Cocotier si l'on en juge par les variétés nombreuses qui poussent partout à l'état sauvage. On recherche celles qui se prêteraient le mieux à la culture. La Giànea Griss [Panicum maximum) croit en abondance et spontanément ; elle constitue un excellent fourrage pour le bétail et les Che- vaux. La présence du Dinarf Palm ou Palmier nain (Cha- mœrops liumilis) que l'on rencontre en épais buissons près des côtes, prouve à nouveau la vitalité du sol. Les habitants em- ploient ses feuilles pour confectionner des nattes et des sacs à grain ; elles servent aussi à fabriquer en Europe une foule d'articles utiles. Enfin, les forêts de l'intérieur fournissent des gommes-résines, entr'autres un caoutchouc extrait des Lanclolplila. L'espèce la plus estimée, le Landolphia Kirhii produit le pi)îk rubber ou caoutchouc rose. Sur les plateaux plus arides et plus pauvres croissent deux sortes d'Aloès {Céladon) dont les fibres, une fois nettoyées, valent "75 fr. la tonne (1). Le capitaine Lugard rapporte que ces Aloès couvrent des centaines de lieues carrées. La fertilité de la région qui environne le lac Victoria Nyanza, lui a valu le nom de « Perle de l'Afrique ». D'autre (1) = 1016,04 kilogrammes. L'EST AFRICAIN. 375 » part, le capitaine Pringle nous parle de la vallée de Kawi- rondo comme d'un véritable pays de lait et de miel qui produit le plus beau Millet qu'on puisse rencontrer. En der- nier lieu, M. Lugard nous décrit l'Ouganda proprement dit et nous montre ses collines verdoyantes, ses vallées riches et fertiles et ses immenses plaines marécageuses où Y Eléphant- grass {Typha elepJiantum) et le Papyrus atteignent une hau- teur extraordinaire. Ici, la végétation est toute tropicale. Le coton, le café, le thé et le tabac sont des produits indigènes. Le Vanillier et le Palmier-dattier y croissent spontanément. Les bananes très abondantes comptent pour une forte part dans l'alimentation des indigènes ; les fibres du Bananier auront un jour leur rôle dans l'industrie. Des échantillons du café de l'Ouganda ont été estimés 86 à 88 fr. les 50 kilos. On pense que si le Caféier était soigné comme dans l'Inde, il atteindrait 110 à 112 fr. les 50 kilos. L'a- venir du café en Afrique est incontestable. Pour la contrée où nous sommes, il paraît dépendre surtout du chemin de fer pro- jeté jusqu'au Victoria Nyanza ; au lieu de prendre l'Ouganda et Kibwezi comme limites extrêmes de cette nouvelle ligne, il faudrait choisir plutôt Kikuyou, distant d'environ 300 milles (450 kilomètres) de la mer. 376 II. CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. Académie des Sciences. Sur les Truffes de Smyrne. — M. Chatin fait une communi- cation sur la Truffe (Domalau) de Smyrne, qui lui a été envoyée par M. Zacharian, professeur à l'école d'agriculture de Halcali San-Ste- fano, à Constantinople. La Truffe reçue par notre confrère vient au pied de YHelianthemum gutlatum, petite plante que l'on retrouve sous nos climats, dans la forêt de Rambouillet, à Fontainebleau, au Bois de Boulogne et au Vésinet. On pourrait peut-être acclimater et cultiver cette Truffe. L'berbe qui l'abrite est annuelle, elle n'a qu'une dure'e épbémère de deux ou trois mois, au moment où la Truffe atteint sa maturité, de mars en mai. La terre de la truffière offre ce caractère particulier de ne contenir que très peu de calcaire, 1/1,000 environ. En France, la Truffe pousse surtout dans les terrains calcaires. Cepen- dant, on en trouve dans des terrains sablonneux, pauvres en calcaire. Sur les relations entre les Truffes et les plantes nourricières, il est à remarquer que le plus grand accord se rencontre entre les habitants de pays très divers, sur la réalité de rapports qui existeraient entre les tubéracées et certaines plantes regardées comme leurs nourrices. En France, c'est le Chêne qui est admis comme producteur de la Truffe de Périgord. En Tunisie, le Terfàs est toujours indiqué par le petit He'lianthème vivace désigné par les indigènes sous le nom d\ir- tong-terfâas, ou racine du Terfàs ; les habitants du vilayet de Smyrne nomment Terfess-ebesi, accoucheuse du Terfess, Y Helianthemum gutta- tum, à la présence duquel est toujours lie'e celle de leur truffe. L'hypothèse du parasitisme des Truffes, hypothèse dans laquelle les Truffes s'attacheraient intimement aux racines d'espèces végétales ou phane'rogames pour en tirer directement leur nourriture, déjà contre- dite par cette observation qu'il n'y a aucune attache, à aucun moment de leur existence autonome, entre les Truffes de Périgord et les radi- celles du Chêne, est absolument inadmissible pour le Terfàs de Smyrne, qui a pour abri une Cistacée dont l'existence est liée seulement à la période de maturation du tubercule. Tout ramène donc à la nutrition des tubercules par les produits d'excre'tion et de décomposition des nourrices. Les Truffes sont, dans leur généralité, plantes calcicoles. Toutefois M. Chatin a fait connaître leur coexistence avec le Châtaignier, espèce calcifuge, sur du diluvium alpin contenant à peine 1/1,000 de chaux. Aujourd'hui il signale un fait de même ordre entre le Terfàs de Smyrne et Y Helianthemum guttatum, plante silicicole comme le Châtaignier. 377 III. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. Une commande de Rennes pour l'Autriche. — La Revue des Sciences naturelles appliquées (1) a déjà parle de l'utilisation du Renne dans nos pays. M. Kornilone, à Tobolsk (Russie), a reçu de la maison viennoise Frôhlich une commande de trois cents Rennes, que l'on compte introduire, l'hiver prochain, dans un domaine. Un tiers du troupeau se composera de mâles ; deux tiers seront des femelles et des jeunes. De B. Boeufs d'Amérique en Suisse. — Des convois de Bœufs amé- ricains arrivent depuis quelque temps à l'abattoir de Lausanne. De ces animaux de belle structure, pesant en moyenne 400 à 450 kil. quelques-uns sont noirs, d'autres, de couleur différente, appartenant à la race anglaise sans cornes, dite « d'Angus »; les rouges sont, le plus souvent, de la race de Devou ou de Durham. On apprécie beaucoup la qualité' de leur viande. Mais ce sont des bêtes peu commodes à approcher. G. Commerce des œufs d'Italie avec l'Angleterre. — L'im- portation en Angleterre des œufs de l'Italie a atteint des proportions considérables. Les principaux importateurs sont italiens, mais il y a même des maisons anglaises et françaises qui envoient des voyageurs acheter les œufs en Italie pour les expédier directement à Londres- Ces œufs sont employés par les grands fabricants de biscuits comme Huntley et Palmers, Peck Frean et des pâtissiers en gros. Parmi ces derniers, il y a trois maisons italiennes qui fournissent la pâtisserie aux hôtels, cafés, restaurants suisses, italiens et français très nom- breux à Londres. Une seule de ces trois maisons consomme 5,000 œufs par semaine qu'elle achetait, jusque dans ces derniers temps, à des importateurs italiens. Maintenant elle ne donne plus la moindre commande à ceux-ci et elle s'adresse à une maison anglaise qui four- ait des œufs conserve's, déjà débarrassés de leur coquille, dans des caisses de fer-blanc fermées hermétiquement, comme on le fait pour le beurre et pour d'autres produits. Pour les œufs, cependant, les caisses peuvent être munies d'une cannelle à clef au moyen de laquelle on extrait telle quantité' d'œufs dont on a besoin chaque fois. Le prix est beaucoup moins élevé que pour les œufs italiens, sans compter que ces œufs en caisse sont plus substantiels que ceux im- portés de France et d'Italie, de sorte que les pâtissiers en emploient proportionnellement moins pour leur fabrication. De plus, il y a éco- nomie du salaire de l'ouvrier qui était employé à les casser. (H Revue, 1893, II, p. 524. 378 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Ajoutons que tandis que les œufs avec la coquille peuvent subir de sérieux dégâts en voyage et de'péïissent rapidement, les œufs en caisse se transportent en toute sécurité et se conservent dans de très bonnes conditions pendant un temps inde'fîni. Il en re'sulte donc que cette innovation peut causer un dommage important aux œufs italiens, à moins que les exportateurs ne veuillent eux-mêmes adopter ce système qui certainement offre beaucoup d'avantages pour eux et pour les acbeteurs. Voici, à ce sujet, quelques renseignements complémentaires trans- mis à la Chambre de commerce de Cunco par le Consul d'Italie à Londres : La caisse (ou tambour comme on l'appelle en Angleterre) est em- ballée dans une autre en bois avec de la paille et elle parvient ainsi au destinataire. La capacité est de 1,000 à 1,500 œufs. Le blanc n'est pas séparé du jaune, l'œuf est verse en entier dans le récipient, à l'exception de la coquille. Le blanc et le jaune se mé- langent dans la caisse, mais cela convient parfaitement aux pâtissiers. Le tambour a trois cercles de fer qui sont, paraît-il, nécessaires pour éviter les secousses pendant le voyage, ce qui pourrait occa- sionner une rupture ou d'autres avaries. La paille dans les angles de la caisse de bois sert également à pro- téger le tambour des chocs. L'ouverture circulaire par laquelle on verse l'œuf est fermée avec un bouchon de liège, scellé à la cire, pour empêcher l'air d'entrer. La cannelle pour extraire les œufs est fournie par les pâtissiers de Londres. Il faut avoir soin de ne pas verser d'œufs mauvais dans le tambour ; un seul gâterait tout le contenu. Sur la caisse de bois se trouvent les mots Russian produce (produit de la Russie). C'est une indication exigée par les lois anglaises pour tous les produits provenant de l'extérieur, sous peine de confiscation. Les caisses venant de l'Italie devront donc porter les mots Italian pro- duce. Il y a plusieurs marques de ces œufs, selon la qualité' et la marque est aussi inscrite sur la caisse. Sans doute les œufs sont triés avant de les casser pour les verser dans le tambour. Les prix varient, mais on peut calculer sur 6 pence 1/2 (0 fr. 65 en or) la douzaine ; on paye aussi par gallon (4 litres 54,345). Les prix d'hiver sont plus élevés que l'été : 0 fr. 80 par douzaine et quelquefois jusqu'à 0 fr. 90. {Bollettino di Notizie commerciale.) La pêche dans la Haute-Silésie. — La Société de chasse et de pêche de la Haute-Silésie a loué pour plusieurs années les parties de la rivière Olsa entre Trzynietz et les frontières de Lonkauer ; pour CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 379 la rivière Morawka, les régions de Noszowitz, d'Unler-Ellgolh et île Skalitz et pour l'Ostravitza, les environs de Friedeck. Les membres ont seuls le droit de pécher. On a de nouveau lâché — comme il y a cinq ans — des Anguilles âgées d'un an dans l'Olsa, non loin de Blo- gotitz. Ces Poissons envoye's par l'établissement de pisciculture de Sofîenreulh (Bavière] supportèrent mieux que la première fois le trajet de quatre jours. On les avait emballés, à sec, dans des paniers en les entourant de copeaux et de glace. Ces jeunes Anguilles se mirent à remonter le courant dés leur arrivée. de S. De la coloration des Truites de rivières. — La Truite de rivières dont la coloration ordinaire est argentée ne fréquente pas exclusivement les eaux claires et limpides. Dans la contrée d'Um- recht-Traisen (Danube), dans la Basse-Autriche, où les Truites abon- dent, M. Umlauft a reconnu que leur couleur dépendait des condi- tions des lieux où elles sont cantonnées. Dans les eaux claires près d'Egldy, toutes sont argcnte'es tandis qu'à une heure de distance au- dessous d'une fabrique, dans des eaux troubles, elles ont toutes une livrée particulière, grise-noirâtre sombre. de B. Plantes médicinales de la Gambie. — Des renseignements fournis par J.-H. Ozanne, agent-voyageur en Gambie, sont parvenus à Kew avec une collection de plantes recueillies dans cette région (1). Il s'agit d'abord de VAuona senegalensis Pers. ou Diorgud des Gam- biens, dont les feuilles, chauffées et infusées dans l'eau, sont em- ployées contre la diarrhée et les maux d'estomac -, les habitants du Niger font usage aussi des pétales des fleurs pour assaisonner leurs mets. Puis viennent : le Cochlospermum tinctorium Rich. ou Toosca des indigènes ; la décoction des racines est surtout appréciée par les femmes occupées aux travaux des champs. L'espèce est d'ailleurs bien connue au Soudan à cause de la teinture jaune que l'on retire des racines. Une Térébinthacée appartenant au genre Sclerocarya, désignée sous le nom de Dile ; la résine qu'elle fournit, mélangée avec de la suie, sert à fabriquer une encre. Son fruit se rapproche de la Prune Reine-Claude ; on en cuit le jus qui devient épais et noirâtre. Les gens l'ajoutent à leur boisson, le « Cherree » qui n'est autre chose que le gruau d'Orge de Guinée. Le Cassia Sieberiana D. C ou Guamgua, dont les racines prises en infusion dans l'eau, aident à uriner. Un Combretum ou Topp des habitants. Sa racine passe pour un re- mède contre le mal de dents ; prise en décoction, elle calme les dou- leurs d'estomac Le Sphœranthus hirtus Willd. ou Lookidge des Gani- (1) D'après le Bulletin de Kew et le PharmaceuticalJournal de Londres (n* 14, avril 1894). 380 HEVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. biens, herbe cultive'e surtout près des habitations des malades; elle soulage les douleurs du corps et des membres, tout en prédisposant au sommeil. En dernier lieu, le grand Basilic (Ocimum basilicum L.), petite plante aussi répandue que le Sphœrantltus, mais plus usite'e encore que celui-ci, en infusion comme remède interne, pour purifier le sang. G. Culture du Ginseng. — Le Ginseng, dont le nom générique Panax (iriç, tout, ontoç, remède) signifie « remède à tous les maux », n'entre plus guère dans la thérapeutique des peuples civilisés. « La » racine, nous dit l'abbé Provancher dans sa Flore Canadienne (1), n'en >■ demeure pas moins un tonique stimulant des plus puissants surtout » pour relever les forces abattues par les excès. » Son emploi eu médecine a été crée' par les Chinois, mais l'on est à se demander si les vertus de cette Araliacée sont purement imaginaires, comme on le suppose volontiers. Dans tous les cas, la campagne engage'e par le De'partement de l'Agriculture des États-Unis pour encourager la cul- ture de cette plante et re'intégrer son produit dans la me'decine usuelle mérite d'être rappelée. Le Ginseng, que l'on trouve dans le commerce en Amérique, provient de plantes sauvages de la Pennsylvanie, de la Virginie occidentale, de la Caroline du Nord, des états d'Ohio, de Minnesota et du Michigan. Pour obtenir des renseignements pratiques, il faut s'adresser à l'Asie où le Ginseng est répandu et cultivé, notamment dans une grande partie de la Chine, dans la Mongolie et dans la Maudchourie; il serait même originaire de ces régions ? En Chine, sa racine, qui se paye au poids de l'or, entre dans presque toutes les ordonnances des médecins. En Mandchourie, le Ginseng menace de disparaître à cause de l'excès de sa consommation ; la plante mandchourienne serait meilleure que la plante chinoise. Dans le Céleste Empire, on préfère maintenant les racines provenant de Corée. Les Japonais l'ont introduite dans leur pays ; ils la cultivent pour l'exportation. Un terrain forme' de végétaux en décomposition, bien drainé, est préférable. On ne doit pas la cultire*- dans un sol ferrugineux où les racines deviennent rougeùtres et perdent de leur valeur. La couche de terre est d'abord préparée et soigneusement bêchée. Les graines sont semées séparément à des intervalles de deux ou trois pouces. La crois- sance du Ginseng est lente ; il ne produit guère qu'après trois ans et demi de culture. A la troisième année, il fleurit; si l'on tient aux graines, on se contente de presser les floraisons pour les recueillir. Au mois de juillet ou d'août de la quatrième année, on peut récolter les racines. A cette époque, elles mesurent d'ordinaire un doigt d'épaisseur; blanches, souvent divisées à leur extrémité inférieure, (1) Vol. I, p. 174. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 381 elles ressemblent à de petites Carottes. Leur poids moyen est d'en- viron 5/8 d'once. Ces racines, une fois lavées, sent bouillies ou cuites à la vapeur, puis séchées rapidement. Ensuite, elles sont emballées dans des boîtes garnies de papier de plomb, on procède comme pour les envois de tbe' ; l'on étend sur toute l'enveloppe extérieure une couche de chaux vive qui sert à achever le dessèchement des racines. Nous ne posse'dons pas malheureusement de statistique bien récente sur le commerce du Ginseng. Les données suivantes nous fournissent cependant une approximation de son importation en Chine. En 1877, on importa à Canton, Ilankow et Kuingchow, 1008 1/2 piculs (1) de Ginseng, soit 133 1/2 livres anglaises et représentant une valeur de 3,167,000 francs. Dans ce chiffre, l'Ame'rique compte pour 966 piculs, la Corée 42 piculs et le Japon un demi-picul. Aux États-Unis, le Ginseng sauvage, à l'état brut, coûte 30 cents (1 fr. 50) la livre ; les racines préparées se vendent 1 $ 10 cents (5 fr. 50) la livre. Il croît d'ailleurs facilement en Amérique ; on obtient des graines en s'adressant aux Jardins botaniques. De S. Le Santal de Juan Fernandez. — Jusqu'à ces dernières années, on connaissait peu le Santal de Juan Fernandez. On savait, toutefois, que cet arbre existait dans l'île, car on lit dans le Catalogus plantarum œscularium cMlensium, publié par F. Philippi, en 1881 : « In » insula Juan Fernandez lignum vetustum in terra invenitur coloris et » odoris Santali, et planta vero si militer adhuc exstat, sed cum a nullo » botanico visa sit, species omnino incognita est. » — M. Philippi a tracé récemment l'historique de cette espèce, qu'il a décrite sous le nom de Santalum Femandezianum; elle est voisine du S. Freycine- tiamim des Sandwich, des îles Marquises et de la Société. D'après M. Gay, le Santal serait menacé de disparaître de Juan Fernandez ; mais M. Philippi nous rassure sur son sort (2). Dès 1868, des bran- ches et des rameaux de ce beau bois odoriférant, furent découverts au milieu de combustibles acquis des habitants de l'île, pour chauffer les bâtiments de la marine chilienne. MM. Grisard et Vanden-Berghe nous parlent (3) du rôle des bois de Santal. Cette essence, en général de couleur rouge clair, légère, fi- breuse, aromatique et résistante aux attaques des Insectes, à la cor- ruption de l'eau et aux alternatives de la température, occupe un des premiers rangs dans la menuiserie — certaines sortes sont compa- rables au Teck. On retire en outre de quelques espèces uu suc rési- neux, qui trouve son emploi dans l'industrie et dans la médecine. De B. (1) Picul = environ 60 kilos. (2) Bulletin de Kew, n° 87, mars 1894. (3) Revue, 1894, I, 167-173. 382 IV. BIBLIOGRAPHIE. La Représentation artistique des animaux, application, pratique et the'orie de la photographie des animaux domestiques, particulièrement du Cheval, arrêtés et en mouvement. — Charles Mendel, éditeur, 118, rue d'Assas, Paris. Prix 5 fr. Dans ce volume , d'une conception absolument originale, sur un sujet à peu près inédit, M. Gautier, ingénieur agronome, amateur distingué d'animaux, s'est efforcé de montrer en quoi consiste l'art dans la représentation des quadrupèdes et plus particulièrement du Cheval, quelles sont les causes de la ressemblance du portrait de l'ani- mal en station et les conditions de la beauté de l'animal en mouvement. L'ouvrage tout entier est fait au point de vue de la reproduction par la photographie, puisque c'est par les procédés photographiques qu'ont été' acquises toutes les données positives, artistiques ou scientifiques que nous possédons sur les animaux et leurs mouvements. — Il forme un beau volume de 330 pages avec 4 planches hors texte. Vente et achat du bétail vivant. Lois, règlements, usages au marché de la Villette, et en province par Ernest Pion, vétérinaire, inspecteur principal de la boucherie de Paris, et Paul Godbille, vé- térinaire, inspecteur sanitaire du bétail à la Villette. — Paris, Ar- mand Colin et Cie, éditeurs, 5, rue de Mézières. Depuis vingt-cinq ans de notables changements ont e'té introduits dans les opérations commerciales ayant le bétail pour objet ; aujour- d'hui que l'expérience de la loi du 21 juillet est complète, il est pos- sible d'en fixer l'interprétation raisonnable et de faire connaître tant à l'acheteur qu'au vendeur leurs droits et leurs devoirs pour leur éviter de graves ennuis. C'est ce qu'ont entrepris les auteurs de ce traité et certes nul n'était plus compétent pour le faire. Revue biologique du nord de la France. — Sous ce titre : La Chenille du Neuronia (Heliophobus) popularis dans les environs d'Avesnes en 1894, ses dégâts, ses ennemis naturels, moyens employés pour la détruire, M. R. Moniez a publié dans la Revue biologique, n° 12, septembre 1894, un intéressant article dans lequel il donne la des- cription à ses différents âges de la Chenille du Neuronia. Nos lec- teurs y trouveront le complément du rapport de M. Marchai à la Société d'Entomologie reproduit dans la Revue des sciences naturelles du 20 juillet dernier. M. R. Moniez est l'auteur de nombreux travaux d'entomologie et ses recherches ont enrichi la science de plusieurs découvertes. 383 Liste des principaux ouvrages français et étrangers traitant des Animaux de basse-cour (i). 2° OUVRAGES ALLEMANDS {suite). Einsrt (C. S1). Die Hùhner Beschreibung der verschiedenen Rassen nebst einer Anleitung zuni Betriebe einer rationellen Hùhnerzucht. Kaiserslautern, Kayser, 1879. M. 3. Finert [C. St.). La description des Poules des différentes races avec un guide pour l'exploitation d'un élevage rationnel de Poules. Kaiserslau- tern, Kayser, 1879. M. 3. Fspanet (A.). Die Zùcbtung der Hùhner und Kùchlein, Truthùhner, Ganse und Enten. Nach der 3. Auflage ùbersetzt von E. Sabel. Kai- serslautern, Kaiser, 1883. M. 1,50. Fspanet (A.). L'élevage des Poules, Poussins, Dindons, Oies et Canards, traduit d'après la 3* édition par E. Sabel, Kaiserslautern, Kayser, 1883, M. 1,50. Fitzinger [Leop. Jos.). Die Arten und Rassen der Hùhner. Eine wissen- scbaftliche BeschreibuDg sàmmllicher Formen, Kreuzzungen und Varietât^n nebst Andeutungen ùber ihre Abkunft. Wien, W. Brau- mùller, 1878. Fitzinger [Léop. Jos.). Les espèces et les races des Poules. Une descrip- tion scieutilique de toutes les formes, croisements et variétés avec des remarques sur leurs origines. Vienne, W. Braumuller, 1878. Frànkel (/.). Werth u. Eintràchlichkeit der Federviehzucht, Vortrag. Furtb, Kiebl, 1878. 30 PL Frânkel (/.). Valeur et rapport de l'élevage de la volaille. Conférence. Furth, Kiehl, 1878. 30 Pf. Frahm {KoUenbutteî) Dethlef. Das Brutgescbâft. Leipzig. Expédition der allgemeinen deutschen Geflugelzeitung. (C. Wahl) 1890. Frahm [KoUenbutteî) Dethlef. L'incubation. Leipsic, Expédition du Jour- nal général de la volaille en Allemagne (C. Wahl), 1890. Frahm {KoUenbutteî) Dethlef. Kurze Charakteristik einiger Hùhner- rassen. Leipzig, Expédition der allgemeinen deutscben Geflugelzei- tung (C Wahl), 1890. Frahm [KoUenbutteî) Dethlef. Courte caractéristique sur quelques races de Poules. Leipsic, Expédition du Journal général de la volaille eu Allemagne (C Wahl], 1890. (1) Voyez Revue, année 1893, p. 564; 1894, \" semestre, p. 383; 2' se- mestre, p. 142,240 et 336. 384 BIBLIOGRAPHIE. Friedrich [C. G.). Naturgescbicbte der deutschen Vôgel, einschliesslich der sâmrntlicben Vogelarten Mitteleuropas. 4. Auflage, Stuttgart, Jul. Hoffmann, 1889. Friedrich [C. G.). Histoire naturelle des oiseaux en Allemagne inclusi- vement de toutes les espèces d'oiseaux de l'Europe centrale, 4" édition, Stuttgard, Jules Hoffmann, 1889. Fries [Mari.). Die Geflùgelzucht in ihrem ganzen Umfange. Mit 20 Ta- feln in Farbendruck. 3. Auflage, Stuttgart, P. Neff, 1883. M. 4,50. Fries (Afart.). L'élevage de la volaille dans toute son étendue. Avec 20 planches coloriées. 3e édition. Stuttgard, P. Neff, 1883. M. 4,50. Fries {Mari.). Der Geflùgel- und Fasanengarlen mit einem zweckmàs- sig eingerichteten Geflùgelhause. Kurze praktiscbe Anleitung zum Ausbrùten der Eier au!' kùnstlichem Wege. 2. Auflage mit 3 Tafeln in Holzschnitt, Stuttgart, Ruffer, 1886. M. 2. Fries (Mart.) . Le Jardin de la volaille et des Faisans avec une volière bien installée et pratique. Guide court et pratique pour l'incubation artificielle. 2" édition, avec 3 planches gravées sur bois. Stuttgard, Ruf- fer, 1886. 2 M. Gammerdinger [Ch. G. W.). Der amerikaniscbe Hùbnerbof oder Prakti- scbe Anleitung zur Geflùgelzucbt. Pbiladelpbia, Schiller u. Konradi, 1878. M. 1,50. Gammirdinger [Th. G. W.). La basse-cour américaine ou guide pra- tique pour l'élevage de la volaille. Philadelphie, Schafer et Konradi, 1878. M. 1,50. George [Hector). Der Geflûgelbof im alten Rom in Miltbeilungen des Ornitbologiscben Vereins. Wien, 10. Jabrgang, p. 45-46. Georcje [Hector). La basse-cour dans la Rome antique. Dans les rapports de la Société ornithologigue, Vienne, 10' année, p. 45-16. Godde (A.). Die Fasanenzucht. Rerlin, Parey, 1873. M. 2. Godde (A.). L'élevage des Faisans. Berlin, Parey, 1873. M. 2. Granlialdst (Otto). Die kùnstlicbe Geflùgelzucbt. Eine Anbittung zum Ausbrùten und zur Aufzucht aller Arten von Hausgeflùgel. Dresien, G. ScbônfekL 1881. 2. Aufl-, 1881; 3. Aufl., 1885- M. 1,50. Grunhaldt {Otto). L'élevage artificiel de la volaille. Guide pour l'incu- bation et l'élevage de toutes sortes de volailles domestiques. Dresde, G. Schônfeld, 1881. 2° édit. 1881, 3° édit. 1885. M. 1,50. Grùaack (A.). Verwendung der Brieftauben zur Sicberung der Kùsten- sebilfe im ornitbologissben Centralblatt. 7. Jabrgang, p. 59-60. Griinack (A.). Emploi des Pigeons-voyageurs pour la sécurité des bateaux qui longent les côtes. Dans le Journal central ornithologique, 7" année, p. o'J-60. [A suivre.) Le Gérant : Jules Grisard. 385 I. TRAVAUX ADRESSÉS A LA SOCIÉTÉ. NOTE SUR LES MALADIES DES YEUX DES OISEAUX Par M. Alf. MOUQUET, Vétérinaire à Paris. Les maladies des yeux des oiseaux n'ont pas fait le sujet de beaucoup d'observations, je ne trouve, en effet, dans les ou- vrages que j'ai à ma disposition, que les descriptions des trois affections suivantes : 1° Une Ophtalmie purulente caractérisée par une conjonc- tivite et une Kératite suivie ou non d'ulcération et de perfo- ration de la cornée (G. Percheron, Le Perroquet). 2° Une inflammation croupo-diphtéri tique d'origine mi- crobienne (Vétérinaires allemands). 3° Une inflammation diphtéritique produite par des Gré- garines (Coccidies ouPsorospermies (Vétérinaires allemands . Les lésions de l'intérieur du globe sont complètement pas- sées sous silence, aussi peut-on dire, d'une façon générale, que, chez les espèces domestiques destinées à l'alimentation, les maladies des yeux n'ont que peu d'intérêt pour l'éleveur et ne sont guère remarquées que lorsqu'elles sévissent à l'état épizootique. Il ne doit pas en être de même pour les oiseaux de luxe, payés très cher, et chez lesquels on doit, pour plusieurs raisons, rechercher de bons yeux. En effet, la perte ou la diminution de la faculté visuelle rendent forcément les animaux moins gracieux, moins agiles, et leur donnent un air particulier peu agréable ; elles dimi- nuent d'une façon notable leur valeur marchande et, lorsque la reproduction se fait en captivité, exposent, dans certains cas, les propriétaires à avoir de jeunes oiseaux destinés à être tarés comme leurs parents. En visitant les établissements zoologiques et les ména- 5 Novembre 1894. 25 386 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. geries, j'ai fréquemment remarqué que des Aras, des Per- roquets, des Cacatoès étaient borgnes, aveugles ou en passe de le devenir. Cherchant la cause de ce fait, j'ai examiné un certain nombre de ces oiseaux et j'ai pu constater que la perte des yeux était souvent déterminée par une Iritis, c'est- à-dire une inflammation de l'iris. On sait que l'iris situé derrière la cornée, au sein de l'hu- meur aqueuse, a souvent, chez les oiseaux, de très jolies colo- rations : gris perle, marron, or, cuivre, bleu, etc., etc., et que cette membrane, percée à son centre d'une ouverture circulaire appelée pupille, est susceptible, par ses mouve- ments de dilatation et de resserrement, d'augmenter ou de diminuer la somme des rayons lumineux entrant dans l'œil. Au grand jour, elle se contracte et la pupille devient toute petite ; dans l'obscurité, elle se dilate et son ouverture cen- trale devenue plus grande, permet l'introduction d'une plus forte quantité de rayons de lumière. Son fonctionnement régulier doit donc toujours être recherché, car son immobi- lisation plus ou moins complète indique toujours que l'œil est malade ou l'a été, et par conséquent pourra l'être de nouveau. Je ne veux pas dans ces quelques lignes donner une des- cription complète de l'Iritis, je vais simplement en signaler les symptômes les plus importants : 1° La photophobie ou crainte de la lumière. 2° Le changement de coloration de l'iris. Celui-ci perd sa teinte brillante pour prendre un aspect lavé et sale. 3° Le trouble de l'humeur aqueuse. 4° Le dépôt blanchâtre, fibrineux qui se fait à la partie inférieure de la chambre antérieure entre la cornée et l'iris. (L'exsudation produite peut être peu abondante, peu visi- ble et laisser néanmoins des traces de son passage.) Les phénomènes inflammatoires disparaissent peu à peu et l'accès se termine par la résorption des produits qui se sont accumulés dans la chambre antérieure ; malheureusement la résorption n'est pas toujours complète et l'exsudat formé à la face postérieure de l'iris peut s'organiser en certains points et accoler plus ou moins complètement cette membrane au cristallin. Il se passe alors un fait très simple : ces deux parties de l'œil, qui normalement ont un jeu indépendant, se trouvent N.OTÈ SUR LES MALADIES DES YEUX DES OISEAUX. 387 soudées en un ou plusieurs endroits, et la pupille ne peut plus s'ouvrir ou se fermer d'une façon régulière. Cette ou- verture apparaît alors modifiée et peut prendre des formes diverses, de 8, de gourde, de haricot, etc., etc. J'attire surtout sur ce point l'attention des acheteurs; sans être oculistes, ils pourront souvent se rendre compte de l'intégrité de la vue, en cherchant à constater la régularité ou l'irrégularité de la pupille. Ils constateront son bon fonc- tionnement en l'examinant successivement en pleine lumière et â l'ombre, et ils pourront compléter leur examen des yeux en essayant, par des mouvements brusques de la main, d'ef- frayer l'animal qu'ils voudront acquérir. Si l'oiseau n'aper- cevait pas ces mouvements, grande probabilité existerait pour que la vue fût mauvaise ou perdue. Il reste maintenant â chercher les causes de la maladie sus-indiquée. Je crois que, sans aucun doute, elle peut être rattachée au rhumatisme et qu'elle peut exister pendant longtemps comme seule manifestation visible de l'évolution de cet état morbide. En effet, les oiseaux de luxe reçoivent généralement une alimentation riche, variée, et prennent le plus souvent un exercice insuffisant ; ils ne sont pas, en un mot, obligés de lutter pour vivre. Les Perroquets, pour prendre un exemple, sont presque toujours enchaînés ou placés dans des cages- prisons, ils vivent, de pins, dans un climat plus froid que celui de leur patrie. Dans ces conditions, les maladies par troubles de la nutri- tion ont plus de chance de se développer que dans les condi- tions normales de grand air et de liberté. On sait d'ailleurs que les oiseaux sont sujets au rhuma- tisme, à la goutte viscérale ou articulaire et que tous les auteurs sont d'accord pour signaler cette diathèse. Il semble même que, par nature, ils y soient prédisposés puisque leurs excréments sont très riches en acide urique et que la liga- ture de leurs uretères détermine des arthrites goutteuses (Expériences d'Ebstein). Dans ces conditions, il parait ra- tionnel d'admettre que si, pour une cause ou pour une autre, l'élimination de cet acide est ralentie ou sa production exa- gérée, il se passe des phénomènes organiques donnant lieu â des manifestations inflammatoires d'ordre plus ou moins intense. 388 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Ceci étant dit, j'ajouterai que chez les Mammifères l'arthri- tisme est héréditaire ; dans l'espèce chevaline, pour prendre un exemple de ma compétence, les sujets atteints de fluxion périodique (Iritis rhumatismale) sont, avec juste raison, re- jetés de la reproduction. On doit donc être porté, en généralisant le fait, à éliminer du nombre des reproducteurs les oiseaux tarés ou ayant eu des manifestations rhumatismales quelconques. Traitement. — On peut le diviser en deux parties : le trai- tement préventif et le traitement curatif. Le premier est certainement le plus important et consiste en soins hygiéniques : on donnera une grande liberté de mou- vements, des locaux bien aérés et secs, on évitera les chan- gements brusques de température et partant les refroidisse- ments (surtout pour les espèces exotiques) et on éliminera de l'alimentation les fruits acides et le lait non absolument frais. Le second se résume en peu de mots : administrer du bicarbonate de soude et, dans certains cas aigus, du salicy- late de soude dans l'eau des boissons. Instiller dans l'œil malade quelques gouttes d'un collyre au sulfate d'atropine et éviter de laisser l'oiseau au grand jour. (Tous les collyres astringents à base de sulfate de zinc, de sulfate de cuivre, etc., etc., sont absolument inutiles et contre indiqués.) En signalant le rhumatisme et l'Iritis qui en résulte, je n'ai pas la prétention d'en faire la cause déterminante de toutes les lésions qu'on peut rencontrer dans l'œil. Il est certain que d'autres maladies plus ou moins connues peuvent déterminer la perte de la vue. J'ai eu l'occasion de voir, chez un Perroquet gris, une opa- lescence du cristallin indiquant une cataracte, et chez d'au- tres oiseaux j'ai pu constater qu'avec une pupille régulière et un œil paraissant de prime-abord absolument sain, la vision n'en était pas moins abolie d'un côté. Dans ce dernier cas, les maladies des différentes mem- branes de l'œil, peut-être même du repli nommé peigne, peu- vent être incriminées. Malheureusement, l'examen au moyen d'instruments spéciaux ne doit pas être facile à faire et je n'ai pas eu l'occasion de le mettre en pratique. D'ailleurs, si la chose avait de l'intérêt au point de vue scientifique, elle n'en aurait guère au point de vue pratiq e. 389 LA STATION AQUICOLE DU NID-DE-YERDIER ÉTABLISSEMENT DÉPARTEMENTAL DE PISCICULTURE DE LA SEINE-INFÉRIEURE Par M. RAVERET-WATTEL. Avec le bienveillant concours des Ministères de l'Agricul- ture et des Travaux Publics, le département de la Seine- Inférieure a créé, depuis peu, à Fécamp, une station aquicole dont le but principal est la production des œufs et des alevins destinés au repeuplement des eaux publiques ou privées du département. Bien que terminant à peine sa troisième année d'exercice, cet établissement a déjà obtenu des résultats ap- préciables, et les travaux qui y sont entrepris permettent de recueillir chaque jour des observations qui ne sont peut-être pas sans présenter un certain intérêt. C'est ce qui nous en- gage à en dire quelques mots dès aujourd'hui. Cette station, installée dans une propriété (autrefois moulin à tan et fabrique de filets) dite le « Nid-de-Verdier », apparte- nant à la ville de Fécamp, est située à peu de distance de la ville ; les dépendances, consistant surtout en prés et en bois, ont une étendue d'environ deux hectares. Les constructions comprennent : 1° un bâtiment d'exploitation à deux étages, présentant deux grandes salles de près de 20 mètres de long sur 10 mètres de large, plus une autre pièce et un petit bâti- ment annexe qui renfermait le moteur hydraulique de l'an- cienne usine ; 2° une maison d'habitation, comprenant le loge- ment du garde-pisciculteur attaché à l'établissement, plus un cabinet de travail et deux pièces de service pour le Di- recteur. Plusieurs sources prennent naissance dans l'étendue même de la propriété et fournissent une eau abondante, très pure, fraîche en été, d'une température â peu près constante, légè- rement calcaire, excellente, par suite, pour l'élevage de la 3;.HJ REVUK DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Truite. Une de ces sources débite, à elle seule, 65 litres à la seconde (1); elle fournit l'eau d'un petit étang, d'environ 500 mètres de surface, situé derrière le bâtiment d'exploita- tion et servant de réserve pour Talimentation du laboratoire ou atelier d'éclosion et de plusieurs bassins d'élevage. Les autres sources alimentent des bassins et des cressonnières d'alevinage dont il sera question plus loin. Laboratoire d'éclosion. — Installé dans le local qu'occu- pait autrefois la turbine de l'usine, ce laboratoire mesure 10 mètres de long sur 4m,50 de large. L'ancien canal d'amenée de l'eau, transformé en réservoir d'alimentation, est coupé par des diaphragmes en toile métallique, qui arrêtent les corps flottants, et pourraient, au besoin, recevoir des lés de flanelle, afin de constituer un filtre du système dit « améri- cain ». Mais l'eau est d'ordinaire assez limpide, pour rendre cette précaution absolument inutile. Des conduites en plomb, partant du réservoir, courent horizontalement le long des murs à l'intérieur du laboratoire, a deux mètres environ du sol, et distribuent l'eau, par de nombreux robinets, aux ap- pareils d'incubation. Ceux-ci présentent deux modèles diffé- rents. L'un de ces modèles répond aux besoins de laboratoires destinés, comme celui du Nid-de-Verdier, à la mise en incu- bation de quantités importantes d'œufs. Ce sont de longues auges en bois, garnies de zinc intérieurement et formant des ruisselets artificiels, dans lesquels les œufs sont mis à éclore sur des claies en baguettes de verre, analogues à celles des augets du système Coste, mais plus grandes et montées sur des pieds, afin de pouvoir reposer directement sur le fond des auges d'incubation. Ces auges, mobiles et supportées par des tréteaux en fer, sont à un mètre du sol, ce qui permet de surveiller et de trier très facilement les œufs en incubation. L'autre modèle d'appareils également en service convient surtout pour de petites installations particulières. Ce sont des augets en tôle émaillée, pouvant recevoir chacun de 1,200 à 1,500 œufs, et se prêtant, on ne peut mieux, à la disposition en gradins, comme ceux du système Coste. Mais ils sont éta- (1) Une partie de celte eau est, il est vrai, captée pour l'alimentation de plu- sieurs quartiers de la ville de Fécamp; mais il reste un disponible de 20 à 23 litres à la seconde, suffisant pour former un ruisseiet qui traverse la propriété. LA STATION AgUICuLE DU NID-DE- VERDIER. 31» 1 blis d'après le principe de l'appareil américain, dit : «auge ca- lifornienne », et le fonctionnement en est tout à fait satisfai- sant. Il était utile de placer ce type d'appareils sous les yeux des visiteurs de l'établissement, afin d'en faire connaître les avantages et d'en vulgariser l'emploi. Par raison d'économie, le laboratoire n'avait tout d'abord été pourvu que d'une partie des appareils pouvant y prendre place. Au mois d'octobre dernier, l'outillage a été augmenté et donne maintenant la possibilité de mettre en incubation 200,000 œufs de Truite ou de Saumon. Ce chiffre pourrait, d'ailleurs, être presque doublé, le jour où les besoins de l'éta- blissement le réclameraient, en installant de nouvelles auges dans la partie centrale de la salle, non encore occupée. En parlant de l'outillage en service, il n'est peut-être pas inutile de mentionner un petit détail de cet outillage. On sait que, dans la plupart des établissements de pisciculture, on se sert, pour le triage des œufs, de pinces en bois ou en métal, dont le maniement exige quelque soin pour ne pas blesser les œufs sains, en enlevant ceux qui sont gâtés. On remplace, au Nid-de-Yerdier, l'emploi de ces pinces, par celui d'une sorte de pipette qui est depuis longtemps en usage dans le grand établissement d'Howietoun (Ecosse), et qui m'a paru très com- mode. C'est un petit tube en verre terminé par une demi- sphère creuse, sur laquelle est tendue une mince feuille de caoutchouc. Le canal intérieur de ce tube est, à son extré- mité libre, légèrement évasé en entonnoir. Pour se servir de l'instrument, on appuie légèrement, avec le pouce, sur le caoutchouc et on applique la partie évasée du tube sur l'œuf qu'on veut saisir, puis on cesse d'appuyer sur le caoutchouc. La pression de l'air colle l'œuf au fond de l'entonnoir, et il est facile de le retirer sans déranger aucun des œufs voisins. Avec un peu d'habitude du maniement de cette pipette, on va très vite en besogne. D'après le modèle que je lui ai remis, la maison Jeunet, de Paris, est aujourd'hui en mesure de fournir ce petit instrument aussi simple que peu coûteux. Sous les appareils d'éclosion de notre laboratoire, régnent, de chaque cùté de la salle, des bacs en ciment qui, alimentés par de l'eau courante, peuvent servir, soit à parquer momen- tanément des alevins, soit â entreposer les sujets repro- ducteurs, à l'époque où s'effectuent les fécondations arti- ficielles. 392 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Une salle, contiguë au laboratoire, sert à remiser le ma- tériel d'éclosion (bacs mobiles, claies, etc.), pendant la pé- riode de chômage de ces appareils, ainsi que les instruments de pêche et les bidons de transport des alevins. Dans ce local également, se trouve installé le hache-viande servant à la préparation de la nourriture du poisson. C'est une machine américaine, du système dit « Enterprise », qu'on trouve au- jourd'hui communément dans le commerce. Cette machine se compose d'un cylindre avec trémie dans lequel se place une hélice qui est mue par un volant et qui, en tournant, chasse la viande en avant. Sur l'axe de l'hélice se place un couteau à 4 lames, qui tourne avec l'hélice contre une plaque en acier, percée de trous dont la dimension varie suivant les besoins. La plaque est maintenue contre le couteau au moyen d'une bague filetée, qui se visse à l'extrémité du cylindre. La viande mise dans la trémie en morceaux de grosseur moyenne est saisie par l'hélice et poussée en avant ; elle se trouve ainsi bientôt pressée contre la plaque et elle pénètre dans les trous de cette plaque. Les quatre lames du couteau, en passant devant la plaque, découpent la viande en très pe- tits morceaux comme le ferait une paire des ciseaux. Cette machine, d'une grande simplicité et très solide, fonctionne de la façon la plus satisfaisante. Bassins d'élevage. — A l'emploi trop général jusqu'à ce jour, pour les opérations d'empoissonnement, d'alevins extrê- mement jeunes, qui périssent pour la plupart presque aussi- tôt après leur mise en rivière et ne peuvent contribuer bien efficacement au repeuplement, il convient de substituer, au- tant que possible, l'emploi de sujets d'environ un an, qui sont, il est vrai, notablement plus coûteux à produire, mais dont un nombre relativement peu considérable suffit pour obtenir des résultats sérieux (1). Nous avons dû, par suite, nous occuper immédiatement de la création de bassins pour l'élevage du poisson. Dès 1891, (1) Des essais comparatifs, faits aux Etats-Unis, ont conduit à admettre que les sujets de 12 à 15 mois, employés dans des opérations de repeuplement, don- nent des résultats neuf à dix fois supérieurs, à ceux obtenus de l'emploi d'ale- vins ayant récemment achevé la résorption de la vésicule ombilicale et commen- çant seulement à manger. Un millier de sujets d'un an environ produirait donc un effet utile, égal à celui qu'on obtiendrait à l'aide de neuf ou dix mille ale- vins du premier âge. LA STATION AQUIGOLE DU NID-DE-VE11DIER. 393 cinq bassins d'alevinage, d'une superficie d'environ 200 mètres ont été creusés parallèlement à l'étang mentionné ci-dessus. Devant le laboratoire, s'étendent sept autres petits bassins, à fond plat, plantés de cresson, et destinés aux très jeunes alevins. Ce sont les « Cressonnières d'alevinage » sur les- quelles nous aurons à revenir dans un instant. A côté de ces Cressonnières, un bassin, où l'eau présente lm,50 de profon- deur, peut recevoir des poissons de forte taille. A gauche, et en avant du laboratoire, a été aussi creusé un petit bassin de forme circulaire, de 1 mètres de diamètre, et de 0m,80 de profondeur, où sont entretenues et soignées tout particuliè- rement, sous le rapport de la nourriture, un certain nombre de Truites de belle taille, destinées à la reproduction. Un moyen très simple, dont il sera question plus loin, nous per- met de prendre ces sujets reproducteurs, pour en utiliser les œufs ou la laitance, juste au moment où ils sont mûrs à point. Trois autres bassins, chacun de 30 mètres de long sur 5 mètres de large, ont été créés en avant du bâtiment d'exploi- tation. Enfin, sont déjà en partie creusés : 1° un vivier pro- fond et d'assez grande dimension, destiné aux sujets repro- ducteurs ; 2° un ruisselet avec fond de gravier et eau très courante, pour la multiplication du Véron, en vue de l'ali- mentation des Truites. Le terrain, présentant d'assez grandes différences de ni- veau, a permis d'installer tous les bassins, de telle sorte qu'ils peuvent être, au besoin, très rapidement vidés. Cha- cun d'eux est, en outre, complètement indépendant des autres, quant à l'alimentation en eau ; toutes conditions in- dispensables pour un élevage industriel. Par suite de la nature du sol, plusieurs de nos bassins n'ont pas immédiatement présenté une étanchéité suffisante ; certains d'entre eux réclament même encore, sur les bords, quelques travaux de consolidation, qui seront exécutés aussi rapidement que nos ressources budgétaires nous le permet- tront. Précisément par suite de son manque d 'étanchéité, un des bassins s'est trouvé envahi par les eaux d'une source ferrugineuse dont on ignorait l'existence. Il en est résulté la perte d'une grande partie des Truites qui le peuplaient. Nous avons dû entreprendre un travail de drainage et de canalisa- tion pour détourner ces eaux, et empêcher le retour des acci- dents qui se sont produits. 39'4 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Rigole-frayère. — Quiconque s'est occupé de féconda- tions artificielles, sait qu'il n'est pas toujours facile de prendre le poisson dans les bassins, juste au moment où il est disposé à livrer ses œufs ou sa laitance. Même en ayant soin d'opérer seulement sur des sujets paraissant prêts à frayer, il arrive souvent que le poisson n'a pas complètement atteint le degré de maturité voulu, et qu'on est obligé de visiter plusieurs fois un mâle ou une femelle pour en recueillir les produits. Alin d'éviter des manipulations toujours nuisibles au poisson, nous avons recours à un expédient des plus simples. Dans le bassin de forme circulaire mentionné ci-dessus, vient dé- boucher une rigole ayant une pente rapide avec fond de sable et de gravier. Au moment où les Truites du bassin don- nent des signes évidents de fraie, on ouvre une petite vanne qui ferme habituellement la rigole. Immédiatement celle-ci se transforme en un ruisselet, très propre à la ponte, qui, se déversant dans le bassin en formant cascatelle, attire sur-le-champ les Truites disposées à frayer. Les couples se forment et s'apprêtent a pondre sur le fond de gravier de la fîgole. Mais celle-ci est coupée de distance en distance, par des grillages mobiles, 4ont le jeu rapide permet de capturer instantanément les poissons en train de pondre. Rien de plus facile, dès lors, que la récolte de la laitance et des œufs toujours convenablement mûrs. Nourriture du poisson. — Dans tout élevage, la question de nourriture mérite une extrême attention ; mais c'est sur- tout quand il s'agit de pourvoir à l'alimentation de poissons carnassiers, tels que le sont la plupart des Salmonidés, que cette question prend une importance capitale. Avec une nour- riture insuffisamment abondante, on n'obtient guère que des produits sans valeur; d'autre part, une alimentation aussi copieuse qu'il est nécessaire, peut devenir très coûteuse et enlever tout bénéfice à l'éleveur. Pendant le premier âge, l'alevin n'absorbe qu'une quantité de nourriture assez faible pour que, même dans une exploitation importante, la dé- pense, de ce côté, soit peu considérable. Mais les soins, par- fois minutieux, à apporter dans la préparation et la distribu- tion de cette nourriture entraînent généralement des frais de main-d'œuvre qui en augmentent sensiblement le prix de revient. LA STATION AQUICOLE LU NIL -LE- YEIlDIER. 393 Les avis étant, encore aujourd'hui, très partagés sur le choix de la nourriture pour le très jeune alevin, — quand on ne peut lui fournir de menues proies vivantes (Daphnies, Cyclops, etc.) en quantité suffisante, — nous avons essayé comparativement les différentes sortes de nourritures arti- ficielles le plus généralement employées dans les établisse- ments de pisciculture, aussi bien, du reste, pour les poissons adultes que pour les très jeunes alevins. Le compte-rendu que j'ai déjà donné (1) de ces essais comparatifs me dispense de revenir longuement aujourd'hui sur cette question ; je rappel- lerai donc seulement les résultats obtenus avec les deux ali- ments le plus souvent adoptés par les praticiens : la cervelle et la rate de bœuf. Avec la cervelle, nous avons obtenu un développement remarquablement rapide de l'alevin ; mais, au bout de quelques semaines, il survient une assez forte morta- lité, qu'il y a lieu d'attribuer, sans doute, à de l'inflammation intestinale, causée par une alimentation trop copieuse et trop substantielle. En effet, l'alevin, qui est glouton et difficile à rationner, absorbe une quantité considérable de cette nour- riture, dont il est particulièrement friand. Nous avons, par suite, renoncé à remploi de la cervelle pour adopter à peu près exclusivement celui du la rate, d'un prix d'ailleurs moins élevé (2). Quelques pisciculteurs emploient la rate cuite et râpée. Nous préférons la donner crue, écrasée en pulpe sanguino- lente ; elle se divise ainsi dans l'eau en parcelles infiniment petites, que les plus jeunes alevins saisissent facilement et avec avidité. On a malheureusement quelque peine, au Nid- de-Verdier, à s'en procurer en quantité suffisante. Il nous a fallu, par suite, chercher une nourriture qui puisse être, sans trop d'inconvénient, substituée à la rate quand celle-ci vient à manquer, et c'est ce qui nous a conduit à l'emploi du sang cuit, conservé en boîtes, de la maison Voitellier, produit sur lequel j'ai déjà appelé l'attention de la Société (3), et qui me parait tout-à-fait recommandable. Les alevins l'acceptent (1) Voy. Emploi du sang conserve' pour la nourriture de l'alevin de Salmonidés [Bulletin, n° 22, du 20 novembre 1892). (2) Une rate de bœuf, du prix de 0 fr. 20 ou 0 fr. 25, peut suffire pour ali- menter copieusement pendant deux ou trois jours 16,000 alevins du premier âge. L •emploi de la cervelle est a peu près deux lois plus coûteux que celui de la rate. (3) Loc. cit. 396 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. immédiatement, et ne paraissent faire aucune différence entre cet aliment et la pulpe de rate. C'est donc une ressource pré- cieuse eu cas de disette. Je dois ajouter, du reste, que, depuis quelque temps, en employant dans notre hache-viande une plaque d'acier à trous extrêmement petits, nous réussissons à diviser la viande en parcelles très ténues ; elle est positivement ré- duite en pulpe et peut, en cet état, être donnée à de tout jeunes alevins. Mais, pour hacher aussi finement la viande de cheval, il faut, tout en choisissant les morceaux les plus tendres, les débarrasser préalablement avec soin des aponé- vroses qui se laisseraient, il est vrai, diviser par le couteau, mais dont la matière fibreuse ne tarderait pas à obstruer les trous de la plaque d'acier et à gêner le fonctionnement de l'appareil. Bacs et cressonnières d'alevinage. — Les alevins, conve- nablement nourris, se développent rapidement et ne tardent pas à se trouver à l'étroit dans les appareils d'éclosion. Pour leur donner plus d'espace, nous les transférons dans des bacs d'élevage, d'un modèle spécial, immergés au milieu des cres- sonnières mentionnées plus haut. Ces bacs sont de solides caisses en bois, de 0m,70 de long sur 0m,30 de large, à fond de zinc perforé, avec les deux extrémités formées d'une toile métallique à grandes mailles , qui laisse largement circuler l'eau. Les alevins s'y trouvent très sainement et dans une semi-liberté, qui leur est très favorable. En effet, lors des distributions de nourriture artificielle : rate pilée, viande hachée, etc., les parcelles de nourriture non consommées, au lieu de s'amasser au fond des caisses et d'obliger à de fréquents nettoyages, s'échappent par les trous du fond de zinc, grâce au mouvement continuel des alevins, lesquels effectuent ainsi eux-mêmes le nettoyage. Ces parcelles de nourriture tombent dans la cressonnière et attirent autour des caisses, une foule de petits animaux, particulièrement des Crevettes d'eau douce (Gammarus pulex) , qui viennent pour s'en repaître. Beaucoup de ces petits animaux pénè- trent dans les caisses, soit par les mailles de la toile métal- lique, soit par les trous du zinc perforé, et deviennent la proie des alevins, pour lesquels ils constituent un appoint de nourriture fort appréciable et d'excellente qualité. Quant LA STATION AQUICOLE DU NID-DE -VERDIER. 397 aux animaux plus gros : insectes aquatiques carnassiers, Dy- tiques, Notonectes, etc., qui seraient nuisibles aux alevins, ils ne peuvent, en raison de leur volume, pénétrer dans les caisses, où les jeunes poissons se trouvent, à la fois, préser- vés de tout danger et placés dans des conditions aussi favo- rables à leur développement, que s'ils étaient en pleine ri- vière. Aussi la mortalité, toujours assez forte pour les jeunes alevins nourris artificiellement, est-elle à peu près nulle pour ceux élevés dans nos bacs d'alevinage, où leur développe- ment est rapide. Au bout de quelques semaines, ils sont de nouveau à l'étroit et doivent être mis en liberté. On les verse alors dans les cressonnières, où ils trouvent une nour- riture abondante, constituée par des myriades de menues proies (Vers, Limnées, Pbyses, Crevettes (1), etc.) qui pul- lulent au milieu du Cresson. Cette plante fournit, en même temps, un refuge aux jeunes poissons, lesquels se plaisent beaucoup dans ce milieu éminemment favorable. Ayant, vu en Angleterre, tirer un excellent parti de semblables cres- sonnières, j'ai été conduit à adopter, au Nid-de-Verdier, ce système d'élevage. Il va sans dire que le Cresson ne doit pas former un champ touffu, comme dans de véritables cressonnières. On trace au fond du bassin ou fossé, des rigoles parallèles de 0m,50 de largeur , séparées par des ados , au sommet desquels se plante le Cresson, qui forme ainsi des lignes de verdure al- ternant avec les rigoles profondes d'environ 0m,20 et garnies d'une couche de sable et de gravier. Cette disposition a l'avantage d'offrir tout à la fois aux alevins, des endroits à peine recouverts par une mince nappe d'eau, ce qu'ils recherchent souvent, et où ils trouvent facilement abri au milieu du Cresson, et des parties plus profondes, où ils se (1) La Crevette d'eau douce (fiammarus pulex), qui n'est nulle part aussi abondante que dans les eaux où végète le Cresson, est la nourriture par excel- lence pour l'alevin de Truite et de Saumon. Les Truitelles élevées dans nos cressonnières, font une chasse continuelle à ces petits Crustacés; celles que l'on ouvre en ont le tube digestif littéralement rempli. Les Gammarus paraissent être absolument omnivores, car, si ces Crustacés recherchent avidement la viande hachée que nous distribuons à nos jeunes Truites, aussi bien, du reste, que les excréments mêmes des poissons, ils se montrent non moins friands de certaines substances végétales : pour augmenter la quantité de matière alimentaire qu'ils peuvent trouver dans les cressonnières, nous leur donnons parfois des morceaux de Courge ; ceux-ci ne séjournent pas longtemps dans l'eau sans être envahis p«r des légions de Crevettes. 398 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. plaisent, fréquemment aussi, à évoluer en bandes nombreuses. Pour la nourriture des poissons plus âgés, nous avons eu, tout d'abord , quelque difficulté à nous procurer, dans la région de Fécamp, de la viande de cheval à un prix accep- table et en quantité suffisante. Depuis quelque temps, en effet, la viande de cheval est très employée comme appât pour la pêche de la Morue, et les armateurs en achètent, sur- tout en été, des quantité importantes qu'ils salent et mettent en barils pour l'approvisionnement de leurs navires. Des propriétaires de chenils et de divers établissements d'élevage en demandent aussi, ce qui contribue â élever les prix. Ac- tuellement toutefois, un équarrisseur nous fournit â peu près autant de viande que nous en avons besoin, â raison de 0 fr. 10 le kilog. On ne peut guère espérer trouver mieux. Du reste, à ce prix, la nourriture de la Truite n'est pas très coûteuse et peut laisser un assez joli bénéfice â l'éleveur qui vise à produire du poisson pour le marché. La Truite, en efîèt, consomme de 8 â 10 livres de viande pour grossir d'une livre. En supposant le poisson vendu, seulement à 2 francs la livre, il existe encore un écart raisonnable entre le prix de revient et le prix de vente. Principalement pendant les chaleurs, la viande, qui ne pourrait être gardée longtemps fraîche, est mise en ton- neaux et salée, ce qui paraît être sans inconvénient pour l'alimentation du poisson. Chaque jour, nous faisons dessaler la quantité nécessaire pour les besoins du lendemain, en mettant la viande dans une caisse en zinc perforé, au mi- lieu d'un des ruisseaux qui traversent l'établissement. Une semblable caisse, placée également dans l'eau, â l'ombre, sert aussi â garder de la viande fraîche pendant un certain temps, et ce procédé est celui qui paraît donner les meilleurs résultats. Tant que l'eau dans laquelle elle baigne, marque seulement une dizaine de degrés, la viande se conserve très bien. En raison du nombre de poissons que nous avons â nour- rir, la préparation de la viande pour les distributions à faire, représente chaque jour un certain travail, malgré le bon fonctionnement de notre hachoir américain. Surtout quand elle a été salée, la viande de cheval n'est pas toujours abso- lument tendre ; les aponévroses résistent sous le couteau, et il faut donner une certaine force au volant de la machine, LA STATION AQOICOLE DU NID -DE-VEUD1E11, .i'.i'.i quand on veut hacher menu tout en allant vite en besogne). Il y a . du reste , intérêt à distribuer les rations toujours assez finement hachées, même aux poissons déjà d'une cer- taine grosseur ; c'est le moyen de réduire le déchet presque à zéro. Les travaux d'élevage de la station portent sur diverses espèces ou variétés de Truites : Truite ordinaire. Truite des lacs, Truite Arc-en-ciel etc. Si, pendant le tout premier âge< la mortalité se montre, chez nous, un peu plus forte peut- être, pour la Truite des lacs que pour la Truite ordinaire, jusqu'à ce jour, toutefois, nos élevages de Truites des lacs ont finalement très bien réussi et mis en relief les qualités de cette race vigoureuse à développement précoce et sou- tenu. On ne sait pas bien encore comment la Truite des lacs, conservée en bassin, ou mise en rivière, se comporte sous le rapport de la croissance, quand elle atteint un certain âge, et si elle l'emporte réellement à cet égard sur la Truite com- mune. Aussi, nous proposons-nous de faire quelques essais comparatifs ayant pour but de vérifier si, quand on peut lui assurer une nourriture suffisamment abondante, cette Truite doit être préférée à la Truite ordinaire, pour l'empoisson- nement des eaux closes de peu d'étendue. Quant à la Truite Arc-en-ciel, elle se montre chez nous, comme partout, extrêmement rustique et douée d'une éton- nante rapidité de développement, due probablement sans doute à son robuste appétit, qui se manifeste aussitôt que les alevins commencent à manger. En outre de leur livrée spé-s ciale, les allures de ces jeunes poissons les font aisément reconnaître; au lieu de se serrer les uns contre les autres. en masses compactes, comme le font presque constamment les alevins des autres espèces, ceux de Truite Arc-en-cii -1 s'éparpillent, en quelque sorte uniformément, dans l'espace dont ils disposent, et se tiennent presque à égale distance entre eux. Il est, par suite, beaucoup plus facile de leur dis- tribuer la nourriture, qui se répartit mieux et profite d'une façon plus égale. De là, peut-être, le développement plus ra- pide et plus uniforme de ces alevins. Nous possédons plusieurs variétés plus ou moins distinctes de Truites Arc-en-ciel. Celle dite à wubcm rouge, c'est-à-dire présentant, sur les flancs, une bande vivement coloriée, au lieu de la robe sombre, uniforme des autres Truites Arc-en- 400 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. ciel, est certainement la plus remarquable comme rapidité de croissance. Elle mérite donc tout spécialement d'être propa- gée, puisqu'elle joint à l'avantage d'une brillante livrée la qualité, beaucoup plus sérieuse, qu'on recherche naturelle- ment avant tout chez le poisson d'élevage : un développement précoce et soutenu. Depuis deux ans, outre l'élevage de la Truite, nous prati- quons aussi celui du Saumon, en vue du repeuplement de la Basse-Seine. La pêche du Saumon, autrefois assez abondante dans le quartier maritime de Rouen, a été réduite pour ainsi dire à néant, par les diverses causes qui ont aussi amené une diminution considérable des autres poissons migrateurs, tels que l'Alose et la Lamproie. D'après les résultats obtenus sur divers points à l'étranger, notamment en Hollande, dans la partie inférieure du Rhin et de la Meuse, il y a tout lieu de croire que, pratiqué avec les soins nécessaires, le versement d'alevins de Saumon dans de petits affluents de la Seine, non loin de l'estuaire du fleuve, sera véritablement efficace. Près de Caudebec, plusieurs petites rivières, autrefois fréquentées par le Saumon, présentent, comme qualité de l'eau et richesse en nourriture naturelle, un milieu d'autant plus favorable à des essais de repeuplement, que la pêche y est soigneusement surveillée par un garde intelligent et dévoué. La station du Nid-de-Verdier compte mettre chaque année dans ces cours d'eau une quantité importante de Saumoneaux, vers l'é- poque où ces jeunes poissons émigrent à la mer. Ils ne feront ainsi qu'un très court séjour en rivière, et ne resteront que peu de temps exposés aux dangers qui pourraient les y me- nacer. Déjà un premier versement de 5,000 Saumoneaux a été fait au mois de décembre 1893, et semble devoir réussir. Pendant quelques mois, on put suivre ces poissons, qui ne s'écartaient guère des endroits où nous les avions déposés. Mais, en juin dernier, la plupart avaient disparu, ayant cer- tainement émigré dans la Seine, distante de 2 à 3 kilomètres. On ne saurait, en effet, admettre d'autre cause de leur dispa- rition subite, et la mettre sur le compte du braconnage ou d'une mortalité générale , puisqu'un très petit nombre de Truites arc-en-ciel, que nous avions mises, en même temps, dans le même cours d'eau (la rivière de Sainte-Gertrude), pour servir de témoins, paraissent y être encore toutes, et se recon- naissent aisément, grâce à leur livrée particulière, au milieu LA STATION AQUICOLE DU NID-DE-VERDIER. 401 des Truites communes qui existent dans la rivière. En deve- nant des Smolts, c'est-à-dire en prenant la livrée que revêt le jeune Saumon pour descendre à la mer, le plus grand nombre de nos poissons auront déjà pris leur route vers les eaux salées. Jusqu'à ce jour, nos versements d'alevins, en ce qui con- cerne la Truite, ont eu lieu dans les cours d'eau ci-après du département de la Seine-Inférieure: 1° la Lézarde, entre Notre-Dame-du-Bec et Epouville ; 2° la rivière de Rouelles, entre Fontaine-la-Mallet et Rouelles ; 3* le cours inférieur de la rivière de Valmont ; 4° la rivière de Ganzeville, en aval du village de ce nom ; 5* la rivière du Commerce, à Lillebonne ; 6° enfin, la rivière de Cailly, au Houlme, près Barentin. Déjà, dans plusieurs de ces cours d'eau, les riverains distinguent parfaitement les poissons que nous y avons versés, à leur robe différente de celle des Truites du pays. Presque partout, le transport et les mises en rivière se sont effectués sans grande difficulté, malgré l'âge des poissons dont beaucoup pesaient de 150 à 200 grammes. Ces Truites ont convenablement supporté les voyages qu'on leur a fait subir, bien que, pour certains versements, nous ayons eu à effectuer, à une époque de l'année déjà chaude, des trajets de plus de 30 kilomètres en voiture. Nos appareils de transport sont de grands bidons en tôle galvanisée, de 30 et de 55 litres environ, munis de deux poi- gnées qui en rendent le maniement facile. Ces bidons, de forme ovale, sont surmontés d'une partie conique, qui doit rester vide, afin que l'eau, agitée dans l'appareil parles cahots du voyage, puisse s'aérer facilement et récupérer en partie l'oxygène que consomme le poisson. Une difficulté assez grande de l'expédition des Truitelles, quand on opère, comme nous le faisons, sur des quantités importantes, c'est la pêche rapide de ces poissons et leur mise en bidons. Si, pour capturer, en tout ou partie, la popu- lation d'un bassin , on fait baisser l'eau de ce bassin , le poisson, effrayé, s'agite, remue le fond et trouble l'eau, et rien ne serait dangereux comme de faire immédiatement voyager de jeunes Truites qui, ayant ainsi séjourné plus ou moins longtemps dans le liquide bourbeux, ont les branchies salies de vase. Nous avons dû, par suite, chercher un moyen d'éviter cet inconvénient, et voici comment nous procédons : 5 Novembre 1894. 26 402 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Au moment d'une distribution de nourriture, lorsque les alevins sont réunis en grand nombre dans les endroits où ils ont l'habitude de venir manger, à l'aide de filets de grande dimension, rappelant par la l'orme et le genre de monture, les filets dont se servent les pêcheurs de Crevettes, on capture rapidement la quantité de poissons dont on a besoin, et on les entrepose momentanément dans les caisses à fond de zinc perforé qui nous servent de bacs d'alevinage, et que j'ai mentionnées ci-dessus. Ces caisses sont alors placées dans un courant très vif, où le poisson reste au moins pendant vingt-quatre heures sans recevoir aucune nourriture. Il sy nettoie des parcelles de vase qui, au moment de la pèche, ont pu s'attacher au mucus recouvrant les écailles; il s'y vide également, et l'on n'a plus à craindre de le voir souiller l'eau des appareils de transport. Quand le moment d'expédier le poisson est arrivé, on n'a qu'à verser dans les bidons les alevins qui garnissent les caisses, et cette opération se fait avec une grande facilité et très rapidement. Grâce au système employé, pour des envois de 1,500 à 1,800 Truitelles, représentant plus de 200 kilo- grammes de poisson vivant, en moins d'une demi-heure, les bidons sont remplis, chargés sur la voiture et prêts à être expédiés au chemin de fer. 403 LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES Par Jules GRISARD et Maximilien VANDEN-BERGHE. ( SUITE * ) PIPTADENIA GEBIL Griseb. Acacia Cebil Griseb. Paraguay : Cebil, Curupay mi. République Argentine : Cebil, Cebil Colorado ou negro, Cebil caspi, Curupai ou Curupay, Espinillo bravo. Très bel arbre inerme, de grandes dimensions, acquérant souvent 20 mètres de hauteur sur un diamètre moyen de 1 mètre. Feuilles bipennées, à 12-16 paires de pétioles secon- daires, portant chacun de 24-40 paires de folioles oblongues linéaires, un peu aiguës, glabrescentes. Originaire de l'Amérique du Sud, cette espèce se rencontre à la Plata, au Paraguay, et en République Argentine où elle est surtout abondante dans la région sud des Missions, no- tamment près des rives du Rio Alto Parama, ainsi que dans les provinces de Catamarca, Salta, Forniosa, Jujuy, Tucu- man, Grand Chaco, etc. Son bois, de couleur brun foncé, quelquefois jaspé, est très lourd et très dur ; excellent pour les grandes construc- tions, il est d'un fréquent usage, dans l'Amérique du Sud, pour charpentes, poteaux, étais et autres pièces demandant un fort volume et une grande solidité ; on l'emploie égale- ment pour l'ébénisterie, la tonnellerie, la coutellerie, etc. Sa densité moyenne est de 1,075. L'écorce est très riche en tanin ; on s'en sert pour teindre en rouge, en gris ou en noir suivant les mordants employés ; on l'utilise encore avec avantage pour le tannage des cuirs, et en médecine comme tonique et diurétique. (*) Voyez Rtvne, année 189'i, 1er semestre, note p. 340, et plus haut, p. 73, 172 et 312. 404 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Piptadenia communis Benth. (Rép. Argentine : Horco- cébil, Cebil, Cebil Uanco). Grand arbre d'une hauteur de 15-20 mètres sur un diamètre de 0,75 centimètres environ, croissant à la République, dans les provinces de Catamarca, Jujuy, etc. Son bois de bonne qualité, d'une densité moyenne, est employé dans les constructions pour la char- pente ; on en fait aussi des étais, des timons de charrettes, etc. Sa densité est de 0,680. Piptadenia Af ricana Hook. (Colons portugais : Pau Muzence; indigènes : Muzungo.) Arbre de dimensions moyennes, croissant naturellement dans les forêts de Go- lungo Alto. Son bois propre à divers travaux, est sans emploi spécial. Piptadenia perigrina. (Trinité (Angl.) : Savana, Yohe ; (Espag.) : Vopo de Savano; (Franc.) : Yohe savane. Arbre de moyenne taille, très commun dans l'île de la Trinité. Son bois, résistant et durable, est très employé en charronnerie pour la confection des jantes de roues. PITHECOLOBIUM GUMMIFERUM Mart. Brésil : Angico, Angico de Minas, Angica vermeîho. Arbre inerme, glabre, à feuilles bipennées, à 2-3 paires de pétioles secondaires, portant chacun 5-7 paires de folioles elliptiques, étroites, veinées et glauques à la face inférieure, originaire du Brésil. L'aubier, de couleur jaunâtre, et le cœur, d'une belle teinte rouge vif, sont traversés l'un et l'autre par de belles veines brunâtres d'un aspect brillant et satiné. Sa coupe horizon- tale ou perpendiculaire à l'axe, présente des couches con- centriques ondulées, alternativement pâles et foncées. Dur, facile à polir et à travailler, ce bois convient surtout aux travaux d'ébénisterie de luxe, et peut supporter la compa- raison avec les plus belles essences exotiques ; c'est le plus connu des « Bois d' Angico, Angika ou Inzica » du commerce. Ce bois vient quelquefois en Europe, mais il y est fort rare. Au Brésil, on s'en sert pour la construction, la fabrication des meubles, la menuiserie fine et autres travaux exigeant de l'élégance et de la solidité. Le tronc laisse exsuder une gomme soluble employée aux mêmes usages que la gomme arabique. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 403 PITHEGOLOBIUM UNGUIS-GATI Benth. Inga for f ex Kuntz. — JJnrjuls-cati Willd. Mimosa Unguis-cati L. Pithecolobium Guadalupeasis Chapman. Antilles : Un des Tendre à caillou. États-Unis : Cat's claw. Guadeloupe : Collier à diable. Salvador : Monr/ollario. Petit arbre à tige épineuse d'une hauteur de 10 mètres au plus sur un diamètre ne dépassant guère 15 centimètres ; feuilles bipennées munies de stipules, à folioles obovales, obtuses au sommet. Originaire des Antilles et des parties chaudes de la Flo- ride, cette espèce se rencontre dans nos colonies de la Gua- deloupe et de la Martinique. Son bois, d'une belle couleur rouge allant parfois jusqu'au pourpre, est dur, très lourd, à grain fin et serré ; ses rayons médullaires sont nombreux mais peu visibles. Sujet à se fendre en séchant, il est néanmoins estimé pour le tour et la petite ébénisterie ; on l'emploie aussi en menuiserie pour moulures, cadres et montants de panneaux. L'aubier est jaune clair. Les gousses contiennent un principe colorant employé pour la teinture en jaune. Le péricarpe du fruit est astrin- gent et riche en tanin ; il est usité en médecine contre les phlegmasies catarrhales et comme antidiarrhéique. Pithecolobium Avaremotevo Mart. {Inga Avaremotevo Edl. ; Mimosa cochliocarpos Gom.; Acacia virginalis Pohl.) Brésil : « Angico-Barbatimao, Brincos de Sahoim. » Arbre de moyenne taille croissant naturellement dans les forêts du Brésil. Son bois, d'une belle couleur rouge brunâtre avec des veines longitudinales plus foncées, est lourd, très dur et d'une texture fine et compacte. Excellent pour toutes sortes de travaux, il convient surtout à l'ébénisterie de luxe ; c'est d'ailleurs une des essences connues commercialement sous le nom de « Bois d'Angico ». La tige est recouverte d'une écorce rouge brun dans toutes ses parties, mince, fibreuse, dure et pesante, offrant à la surface une grande quantité de petites larmes gommeuses jaunes, transparentes ; sa saveur est amère et astringente. Elle constitue la plus importante 406 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. des Ecorces de Barbatimâo appelées aussi « Ecorces de jeu- nesse ou de virginité » dont l'emploi, signalé autrefois par Pison, est loin d'être tombé en désuétude. Pithecolobium clulce Benth. {Inga dulcis Willd. ; Mi- mosa dulcis Roxb.) Guadeloupe et Martinique : « Bois doux. ou Pois doux ». Mexique : « Pinzan, Huanuchil ». Paraguay : « Inga pytâ ». Philippines : « Camatchili ». Tamoul : « Cona- poulli, Konavel, Korkapoulian-marom ». Bel arbre forestier croissant dans l'Amérique intertropicale ainsi que dans les Indes orientales. Son bois n'est guère employé que dans quelques constructions qui n'exigent pas une grande solidité et se trouvent a l'abri des influences atmosphériques. On le débite aussi en plancbes pour la menuiserie commune ; c'est un combustible médiocre, mais ses cendres sont riches en potasse. L'écorce est astringente et bonne pour le tannage. Les semences sont entourées d'une pulpe blanche, douce et sucrée, que les indigènes mangent avec plaisir. Pithecolobium tortura Mart. (Rép. Argentine : Tatané ou Tataré, Espinillo, Palo amarillo). Arbre de moyenne taille, atteignant généralement 10-12 mètres de hauteur sur un diamètre de 40 centimètres en moyenne ; originaire de l'Amérique du Sud, on le rencontre surtout dans la République Argentine, notamment au Chaco austral, sur le territoire des Missions, etc. Son bois jaune, compact, d'excellente qualité, facile à travailler, est recherché des ébénistes, des sculp- teurs et des facteurs de pianos ; on l'emploie également pour la menuiserie, la tonnellerie, le tour. etc. PROSOPIS DULCIS H. B. K. Caroubier argentin. Acacia lœvigata Willd. Brésil: Algarrobeia, (Guarani) : Ibope ou Ylopd. République Argentine : Algarrobo, Ahjarrobo vicstizo. Bel arbre d'une hauteur moyenne de 15-20 mètres, sur un diamètre de 1 mètre environ, à feuilles pennées, composées de folioles ovales-oblongues, plus ou moins allongées. Originaire de l'Amérique du Sud, cette espèce se rencontre dans les régions méridionales du Brésil et au Paraguay, mais elle est surtout abondante dans la République Argentine, dans les provinces de Tucuman, San-Luis, Cordoba, For- mosa, etc. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGENES ET EXOTIQUES. 407 Son bois, de couleur rougeâtre, est lourd, compact, très dur et d'un grain assez fin. Très résistant et d'une longue conservation à l'humidité, il offre cependant l'inconvénient de se fendre facilement à la dessiccation et d'être attaqué par les vers, lorsqu'il n'a pas été immergé avant d'être mis en œuvre. Dans l'Amérique du Sud, cette essence est fort es- timée pour les constructions civiles et navales, charpente, étais pour les mines, travaux hydrauliques, pavage en bois; elle est encore excellente pour le charronnage, la menui- serie, la fabrication des meubles et pour le chauffage. Sa den- sité varie entre 0,80U et 0,959. L'écorce est employée en médecine comme tonique et as- tringent ; on s'en sert aussi pour le tannage des cuirs ; elle fournit un noir intense en présence des sels de fer. La gomme-résine qu'elle laisse exsuder est utilisée en teinture et pour la fabrication de l'encre. PROSOPIS JULIFLORA DC. Mesquite. Algarobia glaudulosa Torr. et Gray. Acacia juli/!ora Wili.d. — pilijlora Swartz. Prosopis glaudulosa Torr. et Gray. Ëtals-Unis : Mesqmt, Algaroba, Honey-Locits', Honey-pod. Martinique : Petit Algarobe, Algavoville, Cashef. Mexique : Mczquite, Mtzquitl, Mezquicopulli, Chachaca. Saint-Dominuue : Baie à ondes. Arbre épineux d'une hauteur de 10-15 mètres, sur un dia- mètre variant entre 30-90 centimètres, à tronc recouvert d'une écorce mince qui se détache par lambeaux ; feuilles bipennées, composées de folioles opposées, oblongues, al- longées. Originaire de l'Amérique du Nord, cette espèce croît com- munément au nord du Mexique et dans les provinces du sud- ouest des Etats-Unis, Texas, Colorado, Arizona, Nouveau- Mexique, etc., où elle occupe souvent de vastes étendues, dans les plaines sèches et rocheuses. Son bois, généralement d'une riche couleur brune, est par- fois aussi d'un rouge sombre avec des veines plus foncées ; l'aubier est ordinairement jaune clair. Ses vaisseaux sont nombreux, ouverts, un peu gros et ses rayons médullaires multiples et distincts. Lourd, dur, compact et d'un grain 408 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. fin, ce bois est assez cassant et moins résistant que celui de l'espèce précédente. Difficile à travailler, il se tourmente aussi beaucoup, même lorsqu'il est bien sec, ce qui empêche de s'en servir dans bien des cas comme bois de travail. Employé oc- casionnellement pour le gros charronnage et quelquefois pour la charpente, son usage principal consiste à confec- tionner des pilotis, des poteaux, des palissades et autres pièces de bois exigeant une longue durée à l'humidité et sous l'eau. Son incorruptibilité aux intempéries le rend également excellent pour le pavage des rues et des chaussées. La ri- chesse de sa matière colorante le classe encore parmi les bois de teinture. Enfin, considérée comme bois de chauffage, cette essence brûle lentement avec une flamme claire et produit les brasiers les plus ardents que le bois puisse donner ; ses char- bons restent incandescents pendant vingt-quatre heures dans la plupart des cheminées. C'est d'ailleurs le meilleur et par- fois le seui combustible de quelques-unes des régions où l'arbre croît abondamment. On en fait aussi d'excellent char- bon pour les besoins domestiques, mais ne convenant guère à l'industrie à cause de son action destructive sur les chau- dières à vapeur. Par suite de la croissance rapide de l'arbre, les racines prennent un développement énorme et forment, suivant l'expression locale, une véritable forêt souterraine ; elles fournissent également un chauffage excellent et écono- mique. Les feuilles donnent un beau noir pour la teinture (1). (1) Les fruits de la plupart des Prosopis, notamment ceux du Carou- bier argentin et du Mesquite, sont des gousses arquées, comprimées, e'troites, dont la pulpe jaunâtre, douce et sucrée, est comestible. Dans la vallée du Colorado, les Indiens en font d'e'normes provisions et s'en nourrissent pendant une partie de l'anne'e. Se'chés et réduits en poudre, ils donnent une farine qui sert à la préparation d'une sorte de pain ap- pelé Patay, fort estimé des Indiens et même des campagnards de quelques provinces intérieures de la République Argentine. Par la fermentation de la pulpe, on obtient une boisson dite Chicha ou Aloja qui est assez agréable lorsqu'elle est fraîche et qui devient ensuite forte, capiteuse et enivrante.' On peut également retirer de cette pulpe, au moyen de la distillation, un alcool de bonne qualité', ce qui s'explique facilement par la pre'sence d'un sucre très fermen- tescible, identique au suc de raisin, contenu dans une proportion va- riant en 25 et 37 p. %, suivant les espèces. Les fruits entiers ren- ferment en outre : une matière grasse, de la fécule, des substances organiques et inorganiques, de la cellulose, etc. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 409 Le Prosopis alba Grjseb. (Rép. Argentine : Algarrobo Uanco. Paraguay : Algarrobo-moroti) et le Prosopis nigra Hiern. [Algarrobo negro) nous paraissent être des variétés de cette espèce, différant par la couleur plus ou moins foncée de leur bois, employé d'ailleurs aux mêmes usages. Prosopis pubescens Benth. (P. Emoryi Torr. ; Strombo- carpa odoraia Torrey ; S. pubescens Gray.). Etats-Unis : « Screw bean, Screw-pod Mesquit, Tornilla ». Cette espèce est un petit arbre d'une hauteur de 10 mètres au plus, sur un diamètre de 30-45 centimètres, parfois un arbuste buisson- neux. Originaire de l'Amérique du Nord, on la rencontre dans les mêmes localités que le P. juliflora. Son bois, de cou- leur brun clair, est lourd, excessivement dur, compact et d'une texture fine ; ses rayons médullaires sont nombreux et étroits. Comme il est cassant et peu résistant, on ne l'emploie guère que pour clôtures et comme bois de feu. Les fruits sont donnés comme fourrage aux bestiaux. Prosopis siliquasîrum [Ceratonia Chilensis Mol.). Chili : Ces fruits sont encore précieux sous un autre rapport ; comme ils sont très nourrissants, on les substitue volontiers au maïs ou à l'orge pour l'alimentation des bœufs, des chevaux et autres animaux do- mestiques, qui s'en engraissent rapidement et les mangent avec avi- dité. Toutefois, il faut e'viter avec soin de leur en donner lorsqu'ils ont été' mouillés par la pluie, car alors ils peuvent occasionner des accidents parfois mortels en produisant des effets analogues à ceux que l'on remarque dans la météorisation. Cet inconvénient est d'ail- leurs peu à redouter, car les arbres ne produisent leurs fruits qu'à une saison où il ne pleut presque jamais ; ces fruits sont en si grande quantité qu'il arrive souvent que les brancbes flécbissent et cassent sous le poids des gousses. Le Mesquite, outre sa valeur comme arbre fruitier, présente encore l'avantage de fournir une gomme abondante, qui, dans certaines loca- lités, peut être récoltée par tombereaux sans beaucoup de peine. Cette gomme ressemble à la gomme arabique par la consistance, la couleur et la saveur ; elle exsude naturellement de l'écorce du tronc et des grosses branches, sous forme d'un liquide très épais qui se concrète bientôt à l'air en morceaux de différentes grosseurs ; exposés au soleil, ces fragments durcissent, deviennent tout à fait incolores et transparents. Les plus beaux sont ceux qui sont pro- duits par les brancbes. La Gomme de Mesquite, signalée la première fois par le docteur Schu- mard qui faisait partie d'une expédition scientifique, est devenue ra- pidement un produit commercial important qui fait concurrence à la Gomme arabique sur le marché américain. La récolte se fait pendant les mois de juillet, août et septembre qui sont les plus favorables. 410 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. « Algarrobo ». Petit arbre épineux que l'on rencontre sur les collines sèches du Chili. Son bois est très dur et assez sem- blable à celui de l'Espino (Acacia Cavenia). Le fruit est une gousse très arquée, comprimée, étroite, de couleur jaunâtre; on l'emploie comme aliment pour le bétail et pour la prépa- ration de YAloja. Au Chili, la pulpe est usitée dans les ma- ladies du cœur, la dysenterie chronique, la métrite, etc. XYLIA DOLABRIFORMIS Benth. Inga xylocarpa DC. Jonqu'era fraxinifolia Tkor. Anglais : Indian Iron Weod. Annamite (vulgaire) : Cây Cam-xé. (Cambodgien): Ckhu Châti-Crâm. Birmanie : Pyinkado. Inde : Pytngaiu, Pyngodo*. Grand et très bel arbre forestier de haute futaie, dont le tronc, droit, élancé et rarement creux, atteint environ 25-30 mètres de hauteur sous branches, sur un diamètre moyen de 1 mètre à la partie médiane, mais beaucoup plus considé- rable à la base et à une certaine élévation du sol. Feuilles pennées et ailées, assez semblables à celle du Frêne, com- posées de folioles peu nombreuses, assez amples, ovales- aiguës, glabres sur les deux faces. Originaire de l'Asie méridionale, cette espèce croit natu- rellement aux Philippines, sur les limites du sud de la Chine, dans l'Inde et surtout dans les forêts de la Birmanie où elle est très commune dans les montagnes, à une altitude de 1,000 mètres environ. On la trouve également disséminée au Cam- bodge et en Cochinchine, mais elle y est assez rare, excepté, toutefois, dans la province de Tay-Ninh où il existe une assez grande quantité de beaux arbres. L'aubier, de couleur blanc jaunâtre, est épais et presque aussi dur que le bois, mais on ne l'emploie pas parce qu'il se pourrit rapidement et ne résiste pas aux attaques des insectes. Le cœur, de couleur rouge ou brun rougeàtre avec de lon- gues et belles veines noires, est lourd, à grain fin, flexible, à fibres courtes et serrées; sa dureté est telle, dit le colonel Blake, qu'un coup de fusil tiré sur l'arbre à 20 mètres n'y produit, pour ainsi dire, aucune pénétration. Considéré au point de vue de ses qualités physiques, cette essence se con- serve très bien à l'air, sous terre et dans l'eau, résiste admi- LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 4*4 rablement aux Termites, aux Târets et autres xylopliages ; sa durée est même regardée comme supérieure à celle du Teck. Sa résistance aux chocs et à la rupture, comparée à celle de plusieurs autres essences de force exceptionnelle, surpasse de beaucoup celle du Chêne et du Teck. Facile à travailler et susceptible d'un beau poli, ce bois est imprégné, étant irais, d'une viscosité huileuse et glutineuse qui permet de le débiter facilement à la scie. Excellent pour toutes les constructions civiles et navales, le Pyinkado est d'un emploi fréquent, dans la Birmanie et dans l'Inde, pour charpentes d'habitations, poteaux, travaux hydrauliques, affûts de ca- nons, charrues et autres gros ouvrages demandant une lon- gue durée et une grande solidité. Le chemin de fer d'Etat de Birmanie, construit en 18'77, a été posé sur des traverses de ce bois, et la plus grande partie de ces traverses est encore en bon état en ce moment. Cette essence serait excellente pour le pavage en bois ; d'ailleurs, tous les essais qui ont été faits dans ce sens, ont donné les meilleurs résultats. En Co- chinchine, dit M. Blanchard, les voitures annamites sont en partie construites avec ce bois ; les roues qui sont pleines et d'une seule pièce, sauf le moyeu, sont prises près le collet de l'arbre et dans le sens transversal du tronc; ces roues, qui n'ont pas moins delm,20 de diamètre, durent fort longtemps, les moyeux sont remplacés tous les deux ans quand la voi- ture fait un service continuel ; ils sont maintenus dans leur position par des coins et des taquets que l'on place en dehors et en dedans de la roue. Très beau étant verni, le Pyinkado convient très bien à l'ébénisterie et à la menuiserie de luxe, au tour, au charronnage, etc. Le Xylia dolabriformis est une des essences forestières qu'il y aurait intérêt à multiplier en Cochinchine, quoi- qu'elle ne possède pas au même degré, dans notre colonie, les qualités exceptionnelles de force et de durabilité qu'elle offre en Birmanie. Pour compléter cette famille, nous mentionnerons encore : Acrocarpus grandis Miq. (Mezoneuran grande Miq.) Malais : « Madang parrie », Sumatra : « Parrie, Madang Pa- rieq, Parie ». Arbre de taille moyenne, originaire des îles de la Sonde. Son bois, d'une belle couleur brun foncé avec des veines noires régulièrement espacées, est lourd et très dur. 412 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Résistant et durable , il conviendrait très bien à l'ébénis- terie et à la menuiserie de luxe , malheureusement, il est assez rare. Les Malais l'emploient surtout pour traverses dans les constructions, pieux et autres travaux demandant de la solidité et de la durée. Apuleia pogomana Fr. All. (Rép. Argentine : Ibira pia- puna). Arbre de grandes dimensions, surtout en diamètre, croissant abondamment dans la province des Missions. Son bois, lourd et flexible, est employé dans la République Ar- gentine pour l'ébénisterie et la menuiserie, dans la construc- tion des moulins à sucre, etc. Ses fibres longues et assez droites permettent aussi de le débiter comme bois de fente, pour la fabrication des brancards, timons, lattes, etc.; sa densité varie entre 0,829 et 0,913. L'écore est utilisée en teinture. L' Apuleia ferrea Mart. donne un « Faux bois de fer » (Paô ou Pau ferro) employé au Brésil dans les cons- tructions. Baryxylon rufum Lour. Annamite: Cây Lim, Lim rang, Tie ly mou). Grand arbre forestier croissant spontanément dans les montagnes du nord de la Cochinchine. Son bois est d'un brun grisâtre, lourd, compact et d'un grain assez serré ; ses fibres sont longues et contournées. Cette essence est excellente pour la charpente et la menuiserie, mais elle parait assez rare en Cochinchine. On la désigne quelquefois sous le nom de « Bois de fer ». Butea frondosa Roxb. (Annamite vulgaire : Cânh KiPn, (mandarin) : Tù nghi. Inde : Gular string. Java : Ploso. Malais : Plossoh, Plaso). Arbre très ornemental par son épais feuillage et ses belles fleurs d'un jaune orangé, assez semblables à celles des Erythrines, à tronc gros et tortueux, d'une hauteur de 12-15 mètres, croissant communément dans presque toutes les parties de l'Inde. Son bois est sans valeur industrielle et n'est guère utilisé que pour le chauffage. L'é- corce intérieure est très fibreuse et sert aux gens de mer pour fabriquer des cordages ; elle laisse en outre exsuder exté- rieurement un suc résineux d'un rouge rubis, connu dans le commerce sous le nom de « Kino du Bengale », que l'on subs- titue souvent dans la pratique au Kino de Malabar. Gercidium viride. (Venezuela : Brea, Cuica, Quica, Yabo ou Yavo). Petit arbre d'une hauteur de 8-10 mètres sur un diamètre de 25 centimètres environ, croissant natu- LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 413 Tellement dans les terres sèches et chaudes du Venezuela. Son bois, de couleur jaunâtre, est lourd et compact ; ses rayons médullaires sont un peu ondulés et ses pores nom- breux, apparents, de diverses grandeurs. Quoique peu em- ployé jusqu'ici, ce bois nous parait convenir à la fabrication des objets ordinairement faits avec le tour; sa densité moyenne est de 0,800. La tige est recouverte d'une écorce très résineuse ; elle fournit la résine de « Cuica ou Yabo » du Venezuela. Cynometra laxiflora Benth. (Angola : Calalanza). Arbre à tronc gros, mais peu élevé, croissant naturellement dans diverses régions de l'Afrique portugaise, notamment dans les forêts de Golungo Alto, Cazengo, etc. Son bois, de couleur rouge au centre, est de bonne qualité et assez semblable à celui des Pterocarpus et des Baphia, mais nous ignorons s'il possède les mêmes propriétés que ces bois de teinture. Une espèce indéterminée, appelée Lamoeto- dihetto k Go- rontalo, dans les Indes néerlandaises, fournit un bois léger, assez serré, employé seulement pour le chauffage. Dalea spinosa Gray. [Asagrœa spinosa H. Bn.). Petit arbre d'une hauteur de 6 mètres environ, souvent buisson- neux, croissant dans les sols secs et rocailleux de la Califor- nie et de l' Arizona. De couleur brun-noyer, à rayons médul- laires nombreux, minces, ce bois est léger, tendre, à grain plutôt grossier et sans aucune valeur industrielle ; l'aubier est presque blanc. x Diplotropis Guianensis Benth. (Guyane : Cœur deliors). Arbre forestier de la Guyane, dont le bois est très dur, solide et incorruptible ; ses fibres sont flexueuses et entrecroisées, ce qui fait qu'il se fend difficilement et n'est jamais droit. Excellent pour parquets, moyeux, corps de pompes, affûts de canons, traverses de chemins de fer, etc.. il se classe à côté du Wacapou [Andirà), mais on l'emploie beaucoup moins. Sa densité moyenne est de 1,100 et sa résistance â la rup- ture de 283 kilog. Cette essence doit son nom vulgaire à ce que l'aubier est aussi dur que le cœur. Eysenhardtia orthocarpa Watson (E. amorphoïdes Torr.). Mexique : « Palo dulce ». Petit arbre d'une hauteur de 5-6 mètres sur un diamètre de 10-15 centimètres, parfois buissonneux, croissant dans les sols secs et. graveleux du Mexique et du sud-ouest des États-Unis. Bois de couleur 414 UEVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. brun rougeâtre clair, lourd, dur, très compact, â grain fin, excellent pour le tour ; l'aubier est jaune clair. Geoffroya spinosa L. (Rép. Argentine : Chanar). D'après M. Martin de Moussy, cet arbre n'est pas très commun dans la Mésopotamie Argentine, tandis qu'il s'est extrêmement multiplié dans la plaine intérieure où il couvre d'immenses surfaces. Ce n'est généralement qu'un arbrisseau épineux à feuillage vert l'once, dont le tronc vert se dépouille de son écorce au printemps, ce qui lui donne alors un aspect très singulier. On en compte plusieurs variétés ; celles qui crois- sent dans le nord, au dire du même auteur, sont bonnes pour la charpente et la menuiserie ; les Indiens du Chaco s'en ser- vent pour l'aire leurs arcs. Le Chanar le plus commun a un bois fort dur, contourné et qui ne peut guère servir qu'à la construction des ranchos ou chaumières des habitants de la campagne. Gourliea decorticans Gill. (République Argentine et Paraguay : Chanar ou Chanar). Arbre de petites dimensions et d'un diamètre de 30 centimètres environ, croissant abon- damment en République Argentine et au Paraguay. Son bois, d'une dureté et d'une densité moyennes, est assez résis- tant pour être utilisé, au Paraguay, pour la charpente. A la République Argentine, on l'emploie surtout pour le tour, la confection de petits meubles, moulures de menuiserie, manches d'outils, etc. ; on s'en sert aussi comme combus- tible. Les feuilles possèdent des propriétés émollientes et son fruit, d'une saveur douce et agréable, est utilisé dans la confiserie et pour faire une boisson appelée Aloja; on en extrait aussi de l'alcool . Holocalyx Balansae Mich. (Paraguay : Yvyrâ-pipe, Yvyrd-moroti, Rép. Argentine : Ibira pepe). Arbre de dimen- sions assez fortes, croissant naturellement au Paraguay et en République Argentine, dans les provinces de Formosa, des Missions et du Chaco austral. L'aubier est blanc et de forte épaisseur, le cœur , d'une couleur rouge foncé, est lourd, flexible et très résistant ; sa densité est à peu près égale à celle de l'eau. Employée comme bois de charpente et d'ébé- nisterie au Paraguay, cette essence est particulièrement usi- tée pour le tour dans la République Argentine. Les filaments contenus dans.Fécorce sont utilisés pour faire des cordes d'arcs. On trouve encore au Paraguay, sous le nom de Yvyrd LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 41 o pipe Colorado, une espèce indéterminée du même genre dont le bois, d'une densité de 0,910. est également employé pour la construction et l'ébénisterie. Koompassia Malaccensis Maingay. (Malacca : Koont- pass.) D'après Maingay, cet arbre donne un bois jaunâtre par- fois marqué de veines foncées, d'un grain grossier et d'une dureté moyenne ; il se gerce facilement en séchant. On l'em- ploie surtout pour les constructions navales. Lonchocarpus formosianus DC. (Robinia violacea Beauv. ; Dalbergia Gnianensis Spreng.) Casamance : «Kott ou Koll ». Une des plus précieuses essences de la Sénégambie ; le bois, de couleur jaune clair, dur, serré, d'un poli brillant, ressemble beaucoup au Citronnier, mais il est plus beau ; il convient surtout à l'ébénisterie et au tour. Lonchocarpus sepium DC. (Gliricidia sepium Kcnth. ; Robinia sepium Jacq.) Arbre de moyenne grandeur, crois- sant naturellement à Saint-Domingue. Son bois est quel- quefois importé en Europe pour l'ébénisterie, mais il est peu employé et nous ne l'avons du reste jamais rencontré; on le désigne dans le commerce sous le nom de « Bois d'Ainon ». Lonchocarpus sericeus Kunth. (Robinia mollis Valu. ; R. sericea Pom. ; Xiphocarpus Marlinicensis Presl. '? Mil- letia speciosa Welav.) Angola: « Mutala menba ». Cuba: « Guama, Majugua de Cuba » Gabon : « Ossani ». Grand arbre que l'on rencontre dans l'Amérique et l'Afrique tropicales, à Cuba, au Gabon et surtout à Angola où il constitue un des principaux ornements des forêts et croît assez fréquemment dans les terres profondes et fraîches qui bordent les cours d'eau. Son bois, solide, tenace et durable, est assez estimé et s'emploie pour monture d'outils en fer, objets domestiques et autres ; les colons portugais en font aussi des ponts, mais les indigènes se contentent d'équarrir grossièrement les arbres et de les jeter en travers des petites rivières. Au Gabon, l'é- corce est employée comme laxatif, surtout pour les enfants ; la racine est considérée à Angola comme un antiscorbutique de valeur. Melanoxylon Brauna Schott. (Pcrittium ferrugineum Vog.) Ebène noire du Brésil, Ebène de Portugal. Brésil : « Braûna, Baraûna, Guaraûna, Graûna ». Arbre forestier du Brésil dont le tronc atteint une hauteur moyenne de 10 mè- tres sous branches, sur un diamètre de 45-90 centimètres. Son 416 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. bois, d'un brun très foncé, est nuancé de veines variant du vert sombre au rouge violacé et même entièrement noires. L'aubier est jaune, dur et serré. Lourd, dur, d'une texture très fine, incorruptible et très résistant, ce bois est regardé au Brésil comme un des meilleurs pour les constructions civiles et navales ; c'est en même temps un bois de teinture estimé. On le reçoit en Europe en bûches de dimensions moyennes pour les ouvrages de tour et d'ébénisterie. L'écorce est également riche en matière colorante. Pahudia Siamensis. (Annamite [vulgaire] : Go cà tàc, Kho bôm, [Cambodgien] : Ka-Kâ). Très bel arbre forestier d'une hauteur de 15-18 mètres sur un diamètre de 60-70 cent, croissant disséminé dans les forêts de la Cochinchine, par- ticulièrement dans celles de Bien-hoa et de Tay-nink, de pré- férence dans les sols rocailleux. Son bois, de couleur jaune brunâtre avec de belles veines noires, devient plus foncé en vieillissant ; ses fibres sont longues et droites. D'une longue conservation, d'un travail facile et inattaquable par les in- sectes, il est souvent roulé et déchiré à l'intérieur sans que la surface puisse indiquer ces défauts. C'est un très beau bois d'ébénisterie et de menuiserie fine qui imite le vieux noyer lorsqu'il est verni. D'après M. Blanchard, on pourrait également l'employer pour la sculpture d'ameublement. Cette essence est très estimée des Annamites qui s'en servent pour faire des piliers de ponts, des colonnes de cases, la charpente et la menuiserie des pagodes, des meubles, des boîtes à bétel, etc. — Sa densité moyenne est de 0,686. Parkinsonia aculeata L. (Cuba : Spinidio de Espaîia. Guadeloupe : Caca à rat. Paraguay : Sina-Sina. Rép. Argen- tine : Brea, Cina-Cina. Venezuela : Espinillo.) Petit arbre épineux d'une hauteur de 6-P2 mètres sur un diamètre de 30 cent, environ, à feuilles persistantes. Originaire de l'Amé- rique centrale et méridionale, cette espèce se rencontre au Paraguay, dans la République Argentine et aux Antilles ; elle a été introduite avec succès dans le midi de l'Europe où elle est cultivée dans les jardins pour son beau feuillage et ses jolies fleurs jaunes qui le garnissent une partie de l'été. Son bois est brun clair, l'aubier plus pâle et parfois teinté de jaune. D'une densité moyenne, dur et d'une texture très fine, il a une tendance à se gercer en séchant. L'aubier étant très épais, le cœur ne peut guère servir que pour le tour et la LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 417 confection de menus ouvrages. Sa densité est de 0,611. Les feuilles sont regardées comme fébrifuges et antiputrides. Parkinsonia microphylla Torrry. Petit arbre très bran- chu, atteignant 7 mètres de hauteur environ, sur un diamètre moyen de 25-30 centimètres, parfois buissonneux. Originaire des parties du sud-ouest des Etats-Unis. Bois d'un beau brun foncé strié de rouge, assez lourd, dur, à grain grossier quoi- que compact. Ses vaisseaux sont gros, ouverts épars, mais nombreux ; ses rayons médullaires multiples sont, minces et apparents. L'aubier est brun ou jaunâtre. Parkinsonia Torreyana Watson ( Cercidium floridum Torr.j Etats-Unis : « Green-bark Acacia, Palo verde ». Arbre de petites dimensions à tronc court, croissant dans le désert de Colorado, le sud-ouest de l'état de Californie, l' Arizona, etc. Bois brun, léger, satiné, compact, à grain fin, susceptible d'un très beau poli, mais peu résistant. Le bois de ces deux dernières espèces est sans emploi spécial. Peltophorum Vogelianum Benth. (Paraguay : Yvyrapy- id, Rép. Argentine : Ibirâ-puilâ, Ibirâ pila Cedro, Canafls- iula). Arbre de grandes dimensions croissant assez abondam- ment au Paraguay et en République Argentine. Son bois, de couleur rouge clair, est lourd, compact et de bonne conser- vation ; on l'emploie dans les grandes constructions pour charpentes, ainsi que pour roues, embarcations, wagons, traverses de chemins de fer, etc. ; il est également très estimé pour l'ébénisterie, la menuiserie et comme bois de tour. Sa densité varie entre 0,745 et 1,038. L'écorce est utilisée en teinture et pour le tannage. Platymiscium polystachium (Trinité : Roble. Venezuela : Rolile Uanco.) Cette essence, qui est très commune au Vene- zuela et à la Trinité, fournit un bois d'excellente qualité, très employé dans ces pays par les charpentiers et les ébénistes pour la confection des meubles. Pongamia glabra Vent. {Dalbergia arborea Willd. ; Robinia mitis L. ; Galedupa Indica Lamk.) Bengali : « Dal- Karanja » Hindoustani : « Karanj » Tamoul : « Pongam , Ponga, Punga-marum ». Arbre d'une hauteur de 12-15 mètres à feuilles imparipennées, composées de folioles opposées, croissant naturellement, et communément dans l'Inde. Son bois est blanc, assez dur et d'un beau grain ; on l'emploie à quelques travaux d'ébénisterie et de menuiserie. Sur le ter- 5 Novembre 1S94. 27 418 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES- ritoire français de Pondichéry, cette espèce ne dépasse guère les dimensions d'un petit arbre, tandis qu'au Bengale, sui- vant Roxburg, elle atteindrait des dimensions colossales. Les graines fournissent, par expression, Y huile de Pongam usitée dans l'Inde contre les maladies de la peau. Le Pongamia uli- ginosa DC. [Dalbergia heterophylla Wili.d., Derris uligi- nosa Benti-i.) donne un bois qui présente les mêmes qualités que celui de l'espèce ci-dessus. Pterogyne nitens Tul. (Rép. Argentine : Viraro, Ibiraro) Arbre de grandes dimensions, en élévation et en diamètre. Originaire de l'Amérique du Sud; on le rencontre particuliè- rement en République Argentine dans les provinces des Missions et du Cbaco austral, mais il est surtout abondant dans celle de Formosa. Son bois, de couleur rouge, lourd, compact et élastique, est considéré comme supérieur par les Argentins pour les constructions navales ; c'est en même temps un excellent bois d'œuvre dont il est facile de tirer des planches de forte épaisseur, employées dans la menuiserie et pour faire des meubles, des rames ou autres objets deman- dant de la flexibilité et de la résistance. La sciure est utilisée en teinture. {A suivre.) l'J SUR L'IMPORTATION DE QUELQUES FRUITS EXOTIQUES EN EUROPE Par M. DE BELLERIVE. De nos jours, il n'est pas rare de rencontrer chez les marchands, ou de voir figurer sur les tables, certains fruits exotiques que l'on goûte souvent à titre de curiosité sans connaître toujours les ressources qu'ils offrent. En France, le commerce des fruits tropicaux s'étend nota- blement et la Revue des Sciences naturelles appliquées a con- sacré déjà plusieurs notes à ce sujet. D'après le Journal of the Society of Arts (1), l'importation de ces fruits en Angle- terre a pris, depuis les expositions indiennes et coloniales de 1886, une extension considérable. Ce résultat tient principa- lement aux efforts que l'on a faits pour les expédier frais par les paquebots directs. Malheureusement, plusieurs espèces se gâtent en route, malgré tous les soins d'emballage; elles méri- teraient cependant d'être conservées dans du sirop ou bien â la mannite, procédé usité en Chine, â Singapore et aux Ba- hamas pour les envois d'Ananas. Quelques fruits qui nous pa- raissent fades gagneraient même â subir cette préparation; confits ou cuits à la vapeur, leur saveur s'accentue à tel point qu'on ne les reconnaît plus. Parmi ceux-ci mentionnons le Djambou ou Pomme rose, « rose apple », fruit de YEugenia Jambos L. L'arbuste, ori- ginaire des Indes, est cultivé dans la plupart des contrées tropicales, soit en haies, soit comme plante ornementale. Sa pulpe possède en réalité peu de saveur ; son parfum rappelle celui de la Rose. On l'emploie surtout pour fa- briquer une sorte de rhum. Ce fruit serait appelé plus logi- quement «Poire rose», car sa forme se rapproche de celle d'une petite Poire. On connaît des Djambous blancs et d'au- tres roses. Par suite même de leur abondance dans leur pajrs (il N° du 23 mars 1894. 420 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. d'origine, on ne se donne pas partout la peine de les récolter. Crus, ils sont jugés trop fades, mais conservés dans du sirop ou confits, ils deviennent succulents. Cependant, ils appa- raissent rarement sur les marchés anglais. Les fruits des Goyaviers (1) (Psidium Gnayava Radd.) se- ront un jour plus appréciés en Angleterre qu'ils ne le sont à présent. On pense qu'ils rivaliseront avec les conserves très répandues et connues sous le nom commercial de Geneva cheese (fromage genevois), composées de fruits coupés par tranches, puis mis en flacons dans du sirop. En cherchant dans la nomhreuse série des fruits tropicaux dont parlent les voyageurs, on trouvera encore de nouvelles acquisitions à faire. Nous ne citerons que la Mangue (Mangi- fera indica L.) et ses variétés : le Litchi ou Letchi (NepJie- lium litchi G. Don.) de la Chine méridionale, le Longane (2) ou Longhyen « œil de dragon » de Chine, le Ramhoutan [Ne- phclium lappaceum L.) de l'Asie méridionale et beaucoup d'autres fruits qui sont communs dans leur pays d'origine, mais rares sur nos marchés. Actuellement, le prix en est trop élevé pour qu'ils entrent dans la consommation générale. Quant à la Mangue fraîche, les avis des personnes qui l'ont goûtée sur place sont partagés. On sait pourtant que conser- vée dans du sirop, comme on le pratique quelquefois en Eu- rope, la Mangue gagne beaucoup; elle a droit de figurer dans nos desserts d'hiver. Ses confitures sont d'ailleurs excel- lentes. On lit pourtant dans les rapports de l'Intendant supé- rieur du Jardin botanique de la Jamaïque que des tonnes de Mangues sont perdues tous les ans. — Aux personnes qui ha- bitent les régions des Manguiers, nous conseillons la recette suivante : peler, puis faire cuire les fruits jusqu'à ce que les pulpes soient devenues tendres ; séparer les noyaux et passer les fruits à travers un tamis en cuivre (le tamis en fer alté- rant la couleur) ; les peser pour les faire ensuite cuire une se- conde fois avec une quantité égale de sucre blanc. On arrête la cuisson quand le mélange a pris la consistance d'une gelée, puis l'on en remplit les flacons. Il est nécessaire de remuer (1) Voy. la note de M. J. Grisard : Les Goyaviers, culture, description usages, dans la Revue, 1888, p. 738. (2) Voy. les renseignements sur ces trois fruits : Usages économiques du Manguier, et sur quelques fruits exotiques, par M. Jules Grisard, dans la Bévue, 1893^ II, p. 427. IMPORTATION DE FRUITS EXOTIQUES EN EUROPE. 421 souvent pendant la première cuisson et constamment quand on a ajouté le sucre. Une fois tamisée, la pulpe doit s'épaissir, autrement il faut la recuire avant de la sucrer. Les Mangues fraîches et bien mûres sont meilleures qu'en confitures (1). Pour les parfumer, on y met souvent du jus de Citron. L'arille ou partie charnue du Litchi, quand elle est fraîche et mûre, passe aussi, ajuste titre, pour un bon fruit. Quand on a enlevé l'écorce et les pépins, on la conserve comme la Mangue. On pourrait l'expédier, comme l'Ananas, dans des boites eu fer blanc soudées. On n'estime pas, en Angleterre, l'arille du Litchi comme elle le mériterait. Le Longane et le Ramboutan se préparent de la même fa- çon ; mais ils sont inférieurs au Litchi. Parmi les Passiflores, originaires de l'Amérique intertro- picale, plusieurs espèces donnent des fruits que Ton devrait chercher à conserver par le procédé indiqué plus haut. La Fleur de la Passion du Brésil et du Pérou {Passiflora cœ- rulea L.) est une liane introduite anciennement en Europe; ses fruits ressemblent à de petites grenades, d'où leur nom de « grenadilles ». Le Passiflora edulis Sims. originaire du Brésil; le P. qaadrangularis L. des régions tropicales du Brésil et de l'Amérique centrale, on prépare avec le fruit les « dulces y> ou confitures, enfin le P. alata Alton, du Pérou et du Brésil méridional. Ces espèces produisent de bons fruits alimentaires (2). Tl en est de même du Sapotillier ou Naseberry (A diras sapota L.) provenant de l'Amérique tropicale, mais cultivé de nos jours, dans d'autres régions des tropiques. Son fruit est excellent ; on le mange surtout blet ; il ressemble â la Nèfle. Citons YAchras mammosa L. des Indes-Orientales dont le fruit est apprécié; YAdwas australis F. von Muell., espèce intéressante que l'on pourrait améliorer par la culture. ILe Kaki du Japon ou Date plum (Diospyros Kalii L.) n'est bon que lorsqu'il est parfaitement mûr. Diverses variétés de Kakis sont cultivés en Chine et au Japon. On conserve souvent ce fruit dans du sucre, â la manière japonaise ; on le (1) t Les Mangues greffées passent avec raison pour un des fruits les plus salubres et les plus délicieux des pays chauds » (Sagot et Raoul : Cultures trujiicales) . (2) Les P. edulis et quadrangularis sont introduits en Algérie ; P. edulis fructifie dans le Jardin d'essai du Hamma. 422 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. recherche aussi à l'état frais ou simplement séché au soleil. Tous ces fruits sont généralement connus , grâce aux renseignements fournis par les voyageurs. Mais il en existe d'autres moins étudiés, bien qu'ils possèdent des qualités. Mentionnons la Pomme Kei « Kei apple » (Aberia caffra) ; l'arbrisseau pousse dans la colonie du Cap et en Cafrerie. Son fruit très charnu, atteint la grosseur d'une noix. Les indigènes et les colons l'apprécient pour sa saveur agréable, légèrement acide. On le met dans du vinaigre. Mûr, il sert à faire de bonnes confitures. Un second produit du Sud de l'Afrique, qui passe pour très lin, est l'Amatongulu [CarrUsa grandiftora D. C), dont la grosseur varie entre l'Olive et la Prune. D'abord de couleur rougeàtre, il prend, en mûrissant, une teinte violette sombre. Ce fruit crémeux, possède un goût agréable, un peu acidulé comme celui de la Pomme Kei. On en prépare aussi des confi- tures estimées. A Natal, on la connaît partout sous le nom de « Prune de Natal ». Nous avons maintenant des conserves de presque tous nos fruits indigènes, jusqu'à celles de Marrons et de Noisettes. Il reste seulement à souhaiter que l'on tire un parti encore plus grand de ceux des colonies. 423 II. CHRONIQUE DES COLONIES ET DES PAYS D'OUTRE-MER. Culture du Café dans le Honduras. Le consul des Etats-Unis, M. James J. Peterson à Teguci-Galpa, écrit sur ce sujet, en date du 10 avril, à son gouvernement : On vient de commencer seulement la culture du Caféier dans la Ré- publique de Honduras. Il y a de nombreuses plantations, mais elles sont petites et mal soignées, de sorte que la production est de beau- coup inférieure à ce qu'elle pourrait être. Le sol, le climat et le^ conditions au Honduras, sont semblables sous tous les rapports à ceux du Guatemala, du Nicaragua ou de Costa-Rica, où la culture du Caféier a déjà pris un grand essor. Le seul inconvénient au Honduras est le manque de moyens de transport à la côte et là, de navires pour l'embarquement. Voilà pourquoi on n'ex- porte pas de Cale aujourd'bui. Le produit se vend facilement dans l'intérieur. Le prix du Café, même en temps de paix, atteint 40 cents la livre ; pendant la guerre, il était de 75 cents, et cependant le pays convient admirablement à cette culture. Le Café du Honduras est de tout point pareil à celui du Mexique, du Guatemala ou de Costa-Rica. Il est généralement connu pour sa qualité supérieure. On peut obtenir des terres au moyen de concessions de la part du gouvernement ou des municipalités, ou en les acbetant aux particuliers qui en sont les propriétaires. Les concessions du gouvernement ne coûtent rien, ou peu de cbose ; les acbats des particuliers 10 à 20 francs l'acre. Une plantation nouvelle de Caféier commence à rapporter vers la fin de la quatrième année ; après la septième année on peut s'attendre à un bénéfice de 100 à 300 pour cent du capital engagé. Quand la plan- tation est arrivée à sa cinquième année, les frais de production sont en moyenne de 7 cents la livre. Quant à la préparation des terres, il suffit de les bien nettoyer et de les entretenir proprement. On se procure les jeunes plants dans les pépinières ; ils coûtent de 50 à 100 francs les 1,000, et l'on en trouve dans toutes les plantations. On plante les jeunes arbustes à la dis- tance de douze à quinze pieds les uns des autres, sur des rangées ré- gulières. Les trous doivent avoir un pied carré environ de grandeur sur 30 centimètres de profondeur. Les frais d'achat et de plantation de 1,000 arbres s'élèvent à 500 fr. ; leur entretien pendant les trois premières années, coûte de 400 à 500 îv. Ensuite, le produit couvre les frais, qui, pour 100 livres de Café, ne dépassent pas 35 francs, tandis que le prix actuel du marché est de 100 à 110 francs les 100 livres. 424 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. La valeur d'une plantation de Café en plein rapport est calculée à raison de 5 francs l'arbre, mais ce prix comprend également les outils, les ustensiles et les bâtiments. Le travail dans ces plantations est fait principalement par les femmes et les enfants qui gagnent en moyenne 30 cents par jour ; la main- d'œuvre n'est donc pas onéreuse. La saison pour planter commence en avril et finit en novembre ; les plantes provenant de terres sablonneuses doivent avoir au moins huit mois, avant de pouvoir être transplantées. Les terres les mieux approprie'es à cette culture sont celles situe'es de 1,000 à 4,000 pieds au-dessus du niveau de la mer. Si elles sont riches, 500 arbustes par acre suffisent. Les districts où l'on a introduit celte culture dans le Honduras, sont les plus salubres du pays et con- viennent aux personnes qui sont habituées à vivre dans les pays à climat tempéré. Le sol et le climat propres à la culture du Caféier conviennent aussi à la culture du Tabac, du Maïs, des Bananes, des Oranges, etc., et dans les districts ayant une altitude moins élevée, à la Canne à sucre, au Riz et à la plupart des fruits des tropiques, que l'on peut cultiver simultanément avec le Café. La culture de l'Ananas est la moins coûteuse et la plus productive, surtout quand la plantation communique facilement avec les ports de mer. Disons encore qu'au centre de chaque carré de 12 pieds, on pourrait planter un Caoutchouc qui, au bout de quelques années, augmenterait considérablement les bénéfices. Pour faire de bonnes affaires avec la culture du Café dans le Hon- duras, il faut avoir à sa disposition au moins un capital de 150,000 fr., il vaudrait même mieux avoir 250,000 francs devant soi. Comme nous le disions plus haut, on ne peut s'altendre à aucun revenu pen- dant les cinq premières années, donc il faut avoir de quoi payer pen- dant ce temps tout le personnel et l'aire face à tous les frais. Pendant ces premières années, on peut installer les machines et prendre des mesures pour le transport. De cette manière, le temps de l'attente se trouve utilisé. Les moyens de transport dans l'intérieur du pays sont très primitifs. On se sert de mules dans les sentiers roides et rocheux des défilés des montagnes. Il existe actuellement un projet tendant à améliorer la navigation fluviale de l'Ulna dans le nord de la République, s'il est exécuté, il simplifiera énormément le transport du Café, des planta- tions à la mer. La partie du Honduras qui convient le mieux à la culture du Café, comprend le département Sauta-Barbara, ainsi que la contrée autour des villes de Segualepcc et Santa-Cruz de Yojoa. Cette contrée est éloignée de trois à six jours de voyage à dos de mule, de San-Pedro- Soula, point terminus du chemin de fer de Honduras qui le relie au CHRONIQUE DES COLONIES ET DES PAïS D'OUTRE -MER. 425 port de Puerta-Cortez ; la distance sera moindre par la rivière Ulna, quand celle-ci sera navigable pour des bateaux à vapeur. Pour l'établissement d'une plantation de 250,000 arbustes, il faut : Pour l'achat du terrain 25.000 fr. Défrichement, clôture et plants 125.000 Habitation, magasins et dépendances 12.500 Machines 25.000 Administration 50 . 000 Divers 12.500 Total 250.000 fr. Cette somme couvre toutes les dépenses jusqu'à la quatrième année, époque à laquelle la plantation fait ses frais, ce qui arrive générale- ment déjà en partie la troisième année. La cinquième année, elle com- mence à donner des bénéfices et de la huitième à la quinzième année, elle est en pleine prospérité. La dixième année peut être considérée comme fournissant la moyenne. On peut donc établir que chaque arbuste produit 5 livres de Café au moins, soit pour 250,000 arbustes : 1,250,000 livres. En comptant la livre à 20 cents, nous obtenons la somme de 1,250,000 francs, tandis que les frais de production et de transport à 8 cents la livre ne s'élèvent qu'à 500,000 francs. Reste donc un béné- fice net de 750,000 francs par an, sur les 250,000 arbustes après la cinquième année. Le capital, ainsi que nous l'avons vu plus haut, n'ayant été que de 250,000 francs, les bénéfices sont donc de 300 % par an, en prenant la dixième année comme moyenne. De la quatrième à la dixième an- née, les bénéfices n'atteindront pas ce taux, mais après la dixième année ils seront supérieurs. Uu capital plus petit ne donnerait pas un résultat aussi favorable, parce que les habitations, les machines et l'administration coûte- raient à peu près autant pour une petite plantation que pour une grande. Aussi, comme nous le disions plus haut, la culture du Café en petit n'est pas avantageuse au Honduras, mais celui qui a 125,000 à 250,000 francs à sa disposition et qui peut attendre cinq ans, ne peut trouver meilleur emploi pour ces capitaux que dans la culture du Ca- féier dans la République de Honduras. On trouve, d'ailleurs, tout appui et encouragement auprès du gouvernement. Dr Meyners d'Estrey. 426 III. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. Le sulfate de quinine comme remède pour le Chien. — Le Journal cV Agriculture de la colonie du Cap reproduit une lettre de M. Tbos. Mettelton de Kuruman, dans le pays des Betchuanas. La jaunisse, ou fièvre bilieuse, fréquente chez les Chiens, dans les pays chauds, est maintenant traitée avec succès par le sulfate de quinine. 11 suffit de leur en administrer, chaque jour, deux grains, qu'on pose en poudre à la base de la langue. De S. Hibernation des Hirondelles. Fiagey, 9 octobre 1894. J'ai été vivement inte'resse' par la note de M. Magaud d'Aubusson sur l'hibernation des Hirondelles. {Revue du 5 octobre 1894.) Certainement, l'enquête qu'il demande à ce sujet, pourrait révéler des faits très curieux au point de vue de l'histoire naturelle et je serais des plus ardents à me joindre à ceux qui voudraient s'en occuper. J'ai été, je crois, des premiers à entretenir la Société d'Acclimata- tion de cette question de la migration et de la nidification des Hiron- delles. (Voir Bulletin, 1880, pages 106, 197, 495, et le Bulletin, 1881, page 721.) Malheureusement, je pense qu'on pourra très difficilement se pro- curer des spécimens d'Hirondelles engourdies et restées en France pendant nos rudes hivers. C'est en vain qu'on les demanderait à la grotte dite des Hirondelles près de Bonneval, en Savoie. J'ai successivement habité Briançon et Saint-Jean-de-Maurienne, précisément au moment où j'étais le plus préoccupé du désir d'éclaircir cette question des mœurs des Hirondelles et des modifications qu'elles ont pu subir. J'ai parcouru en tous sens ces deux arrondissements, demandant partout des renseignements. J'ai pour ami, M. l'abbé Demaison, main- tenant curé de Modane, qui est originaire de Lans-le-Villard, plus haut que Lans-le-Bourg, et précisément au pied du col qui fait com- muniquer la Tarentaise avec la Maurienne. Mieux qu'un autre, je pourrais donc être renseigné sur la grotte de l'Hirondeliière. Pour moi, c'est une légende, et rien de plus. Si, par hasard, on trouvait dans cette grotte quclqu'Hirondelle en hiver, ce ne pourrait être, comme le pense très judicieusement M. Magaud d'Aubusson, que de l'espèce rupestris qui émigré plus tardivement, va beaucoup moins loin et reste môme quelquefois, lorsque les hivers sont duux, dans la région méridionale de la France ou de l'Italie. Dans les Alpes, même en hiver, contre les rochers exposés au midi et à l'abri du vent il ne fait pas très froid et on voit presque en toutes CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 427 saisons voltiger des insectes. Mais la situation de cette fameuse grotte est particulièrement glaciale. — Quant à croire aux Hirondelles se transformant en Marmottes, c'est au dessus de mes forces. J'avoue aussi n'avoir jamais pu constater cette grande quantité d'Hirondelles qui, comme on le rapporte, se poseraient sur les ro- seaux, aux abords des fleuves ou des marais. Il e~t bien admissible, qu'au moment du de'part, quelques Hiron- delles de rivages {Hirundo riparia) passent la nuit sur les joncs, mais en général, pendant leur séjour en France, les Hirondelles passent les nuits dans leurs nids et pas ailleurs. Il ne faut pas perdre de vue non plus que ce n'est pas tant le froid qui fait fuir les Hirondelles, lorsqu'elles nous quittent, que l'impérieux besoin de trouver leur nourriture et les insectes qui leur sont néces- saires et qu'elles ne rencontrent plus cbez nous. En été, les Hirondelles volent très baut et trouvent leur vie dans les bautes régions de l'atmosphère, puis elles descendent et finissent par voler au ras du sol, là où les insectes sont eux-mêmes. Enfin, lorsqu'elles n'en trouvent plus, force leur est d'aller les chercher ailleurs. Si parfois on a constaté, comme je l'ai entendu dire, que des Hiron- delles avaient hiverné dans notre région, voici comment le fait a pu se produire : Quelques Hirondelles, généralement de cheminées [Hirundo rustica), après avoir niché dans des granges ou dans des écuries et mises, par une circonstance quelconque, daus l'impossibilité de prendre part à la migration générale, seraient restées au lieu de leur naissance et y auraient passé l'hiver, sortant et rentrant à volonté, profitant des jours ensoleillés et vivant des insectes, Araignées ou autres, qui ne man- quent jamais dans ces lieux tempérés. Voilà dans quelles conditions je comprends l'hibernation possible des Hirondelles en France. Quant à l'hibernation par engourdisse- ment, pour y croire il faudrait être au temps de Pline et, depuis lors, l'histoire naturelle se base sur des observations positives. Ceci dit, la question de la migration, de l'hibernation et de la nidi- fication des Hirondelles reste intacte et entière. L'enquête demandée par M. Magaud d'Aubusson présente donc, à mon point de vue, un grand intérêt, et s'il veut bien m'accepter comme collaborateur, je m'inscris des aujourd'hui, pour, sous sa direction, travailler à la faire aussi complète que possible. 11 me semble qu'une des premières me- sures à prendre, à ce sujet, serait de se mettre en 1 apport avec les savants et ies voyageurs qui explorent les parages dans lesquels les Hirondelles se rendent en nous quittant. Bien édifiés, sur la façon dont elles se comportent dans leurs rési- dences, pour nous, d'hiver, sur leur mode de nidification là-bas, sur l'époque à laquelle elles quittent ces lointains parages et sur les 428 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. causes qui les portent à nous revenir, nous pourrions en induire quelles pouvaient être les mœurs des Hirondelles au temps de la Gaule, et quelles modifications elles ont subies. Rapprochant ce qui se passe pendant la migration de ce que nous constatons chez nous, il nous est plus facile de connaître les besoins et les véritables instincts de ces charmants oiseaux. De Confevron. Les Huîtres de l'Adriatique. — La culture des Huîtres éta- blie près de Trieste, par une Société' particulière, est encourageante. On assure qu'à vingt mois ces Mollusques sont bons pour la consom- mation, tandis que dans nos pays ce n'est guère qu'à trois ans qu'ils atteignent les dimensions voulues. De B. Le Kino du Malabar. — On désigne sous le nom de Kino, Extrait de kino, et plus improprement sous celui de Gomme-kino, divers sucs astringents qui ont été longtemps confondus avec le Cachou et le Gambir. L'origine botanique des Kinos, longtemps controversée, est aujourd'hui établie d'une manière exacte. Ils diffèrent surtout du Cachou et du Gambir, par leur plus grande solubilité dans l'alcool et par leur principe colorant ; ils s'éloignent également des gommes par la présence d'une matière astringente à laquelle ils doivent leurs prin- cipales propriétés. Le Kino du Malabar se récolte en pratiquant des incisions dans l'é- corce de l'arbre, en ayant soin de ne pas endommager le bois, et en recueillant, dans un vase disposé à cet effet, le suc rouge clair qui s'écoule des blessures. Ce suc, d'abord semi-fluide, ne tarde pas à s'épaissir et à se solidifier en prenant une teinte plus foncée. Lorsque sa dessiccation a été complétée par une exposition de quelques jours au soleil et à l'air, on l'enferme dans des caisses de bois pour l'ex- portation. Tel qu'on le trouve dans le commerce, ce Kino est en petits frag- ments anguleux, friables, lisses et brillants à la surface. Vu en masse, il paraît d'un rouge noirâtre foncé et opaque, tandis que chaque petit morceau pris isolément, est tout à fait transparent et d'un beau rouge rubis. Presque entièrement soluble dans l'eau et dans l'alcool, il forme avec ces liquides une solution rouge foncé, très astringente présentant une réaction acide au papier de tournesol et laissant un résidu floconneux de couleur jaune pâle ; ce résidu est d'autant plus volumineux que le produit a vieilli davantage. Considéré sous le rapport de sa composition chimique, le Kino du Malabar se montre étroitement allié au Cachou, tant par ses composés que par un grand nombre de réactions. Traité par les acides minéraux dilués, il forme un précipité rouge brun clair, d'un tanin particulier appelé Acide Kino-tannique. Soumise à l'ébullition un peu prolongée, CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 429 la solution d'acide kino-tannique abandonne uu précipité de matière colorante qui est le Rouge de Kino. D'après Flûckiger, le kino du Ma- labar ne contient pas la substance cristalline nommée Kinoïne trouvée par Etti en 1878 dans d'autres sortes commerciales. Le Kino du Malabar ne s'emploie guère qu'en médecine, comme substitut du Gacbou, et, parfois aussi, pour falsifier les vins; sa rareté et son prix élevé en interdisent l'usage pratique dans l'indus- trie, malgré ses propriétés tinctoriales et tannantes. M. V.-3. Histoire de l'Orange. — Le mot « Orauge », du latin aurum, or, signifie de couleur dorée. Ce fruit fut à l'origine une petite baie amére et granuleuse, de la grosseur d'une cerise. L'Oranger, cultivé dans l'Hindoustan à une époque très reculée, fut transporté en Arabie et en Perse vers le Huitième ou le neuvième siècle. Dans ces pays, on se soucia d'abord peu de sa culture dont on ne parle pas avant le dixième siècle. La religion s'en était mêlée et l'on regardait l'Orange comme un fruit maudit envoyé par Mahomet pour détruire les démons. 11 y eut aussi un temps où la Tomate passait pour vénéneuse et, il y a cinquante ans à peine, on la cultivait dans beaucoup de jardins comme une plante d'ornement. Pour l'Oranger, au dixième et au onzième siècle, les horticulteurs d'Oman et de Syrie commencèrent à le cultiver sérieusement. Son fruit portait le nom de Bigarade. Vers la fin du dou- zième siècle, les Croisés le rapportèrent du Levant à leur retour à Jérusalem. Les plantations d'Italie, d'Espagne et de France ne se dé- veloppèrent qu'au milieu du seizième siècle. On constate qu'à cetle époque, soit quatre cents ans après l'introduction de l'arbre chez les Arabes et chez les Persans, la superstition musulmane le poursuivait encore. Son fruit obligeait, dit-on, celui qui y goûtait, à embrasser l'Is- lamisme Les Espagnols réussirent plus tard à cultiver l'Oranger dans leurs colonies des Indes-Occidentales d'où il pénétra dans la Floride, dans l'Amérique centrale, au Mexique et en Californie. Augmentant sans cesse en grosseur, en saveur et en parfum, l'O- range devint bientôt le magnifique fruit si apprécié de nos jours. G. Les plantes des sarcophages. — L'herbier du Musée du Caire renferme des échantillons de piaules, qui datent de cinq et six mille ans. C'était l'usage chez les anciens Egyptiens d'entourer les momies de feuillage et de Heurs, dont quelques-unes ont gardé leur couleur jusqu'à nos jours. Les plantes les plus fréquentes dans les tombeaux sont : le Lotus blanc ou bleu, le Pavot rouge, les feuilles et les fleurs du Grenadier, du Safran ou du Crocus, du Céleri, de l'Oi- gnon, du Poireau et les fleurs d'un Chrysanthème [Chry&anthemum coronatum). De S. IV. BIBLIOGRAPHIE. La route du Tchad. — Du Loango au Ghari, ouvrage illustre de 136 dessins inédits, par Jean Dybowski, Firmia-Didot, éditeurs, Paris. Nous sommes un peu gêné pour dire de ce livre tout le bien que nous en pensons. M. Dybowski est un de nos collègues les plus ap- préciés et nous en voudrait peut-être de compliments, si sincères qu'ils fassent, adressés à sa personne. C'est donc son œuvre que nous nous bornerons à analyser. La recherche de la route du Tchad entre le Loango et le Chari, est le re'cit d'une de ces excursions dans lesquelles les hardis pionniers de la France, étudient la route à suivre pour relier nos colonies du Séné- gal et du Congo, à nos possessions du Nord de l'Afrique. Dans ces expéditions périlleuses, le voyageur est aux prises avec des difficultés sans nombre, surgissant à chaque pas. Tantôt ce sont les moyens de transport qui font défaut, tantôt ce sont les vivres. Ici un chef de peuplade, cherche à arrêter la colonne dans sa marche, sous les prétextes les pins futiles, afin d'obtenir une sorte de rançon ; plus loin, ce sera la maladie résultant de l'insalubrité du climat qui la for- cera à s'attarder. Quant au chef, il lui faut veiller à tout : être à la fois le capitaine dirigeant l'éducation militaire do sa troupe et lui impo- sant une stricte discipline, le médecin procédant aux pansements et distribuant les remèdes, le commerçant qui dans les marchés discute le prix des vivres, le diplomate qui cimente les alliances. A la force physique, il doit joindre l'énergie morale, au courage, le sang-froid; à des connaissances étendues en géographie, en zoologie, en botanique, la finesse et l'habileté du négociateur. Tel devait être l'homme, ju- geons par l'œuvre s'il fut à la hauteur de sa tache. M. Dybowski part pour porter assistance à la mission Crampel, il doit l'aider à rejoindre le lac Tchad, à établir entre le Congo et le Soudan d'abord, plus tard entre le Soudan et l'Algérie, une ligue de communication. Ce n'est pas à la façon de certaines nations étrangères que la France fait ses tentatives de colonisation. Ce n'est pas par la force et l'inti- midation qu'elle impose sa protection et sa suprématie ; c'est en arrivant la main ouverte, avec des paroles de conciliation et de paix, en respectant la propriété des peuplades qu'ils visitent, en payant lar- gement tout ce qu'ils consomment que ses explorateurs fout aimer son nom, respecter son drapeau. Mais qu'on l'attaque ce drapeau, qui représente la Patrie, qu'à des procédés de conciliation, des bandes cupides et fanatiques répondent par l'assassinat, les explorateurs deviennent des vengeurs. Il importe, en effet, que le prestige du drapeau tricolore ne succombe pas avec ceux BIBLIOGRAPHIE. 431 qui l'ont porté si bravement en avant... et ici, il y a quelques pages magnifiques dans le livre, non tant par ce qui y est fixé par la typo- graphie, que parce qu'on y lit entre les lignes. — Faut-il aller en avant ? chercher à savoir la ve'rité sur ce drame enseveli dans le mystère des jungles ? ou, sachant la mission qui vous précède, détruite dans un guet-apens, faut-il changer sa route et marcher au but commun sans en demander davantage? S'il ne s'agissait que de sa seule existence, un homme de cœur n'hésiterait pas ; mais dans le cas de notre explo- rateur que de motifs de discussion avec lui-même. Il a une mis- sion définie, des ressources affectées à cette mission, et derrière lui des compagnons nombreux de la vie desquels il est responsable. Il pèse le pour et le contre, il cherche par tous les moyens à sauvegarder sa responsabilité, et cela fait, quand il se sent libre d'agir, revenant tout entier à ses instincts personnels et généreux, il marche en avant. Crampel a été assassiné, il punit les assassins au risque de succom- ber à son tour. C'est la seule fois qu'il fait usage de la force, et encore alors que sa troupe est dix fois inférieure en nombre à ceux qu'elle attaque. Partout on a cherché à l'arrêter en lui prédisant la mort, il n'écoute rien, le drapeau français est engagé, il a été foulé aux pieds par une horde de pillards, il faut le relever et rendre leur éclat à nos couleurs nationales, aux yeux de ces populations si impressionnables et dont un premier échec a ébranlé la confiance. Toute cette partie du récit est d'un intérêt poignant, et il est à remarquer que l'auteur raconte les faits avec une entière simplicité, laissaut à chacun de ses dévoués collaborateurs la part de mérite et de gloire qui leur revient dans son admirable odyssée. Avant de terminer l'analyse du livre au point de vue épisodique, nous ne pouvons renoncer à citer le passage où est racontée l'exhu- mation du corps de M. Laugier, l'un des infortunés compagnons de Crampel. (P. 291-292.) Nous nous sommes laissé entraîner malgré nous bien loin, dans cette analyse des faits. Mais nous venons de lire l'ouvrage en entier sans désemparer, captivé par l'intérêt que nous inspiraient et les hommes et les choses. En effet, si l'expédition de M. Dybowski a, pour l'avenir, au point de vue de l'extension de notre influence dans l'Afrique centrale, d'im- portants résultats, s'il est à regretter que ses forces épuisées par tant d'épreuves ne lui aient pas permis d'aller aussi loin qu'il l'eût désiré, il n'en a pas moins, dès à présent, fourni bien des éclaircissements sur les cours d'eau qui arrosent ces régions et dont l'existence comme la direction et la navigabilité étaient inconnues. Grâce à ses notes et à la carte qu'il a dressée, ceux qui s'aventureront à sa suite vers le Tchad, connaîtront l'Oubaugui et le Chari, les populations établies sur leurs rives, leurs mœurs et les ressources qu'ils peuvent fournir à une expédition. La science n'a pas moins trouvé son compte dans les col- 432 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. lections d'animaux et de planles qu'il a rapportées, dans les observa- tions qu'il a recueillies sur son parcours. Il a fixé la zone de ve'gétation des Palmiers à huile, comme il a partout constaté quels étaient les produits de la culture. Il a signalé dans certaines contrées la croissance spontanée du Manioc, de l'A- nanas, du Cotonnier, des Caféiers, tout en reconnaissant que ces végétaux ne pourraient être originaires de l'Afrique et avaient dû y être introduits soit par les négriers à l'Ouest, soit par les caravanes venant de l'Est. L'époque de cette première acclimatation restera sans doute toujours indécise; mais que de sources de richesses révèle dès aujourd'hui cet inventaire des productions du sol, réussissant si bien sans culture! Quel avenir pour une colonisation pacifique et intelli- gente ! Les Noix de Kola, les gommes, le Conal, le Caoutchouc, les Lichens dont on extrait la Fushine, abondent dans certaines localités, et le jour où les habitants connaîtront la valeur commerciale de tous ces produits, ils appliqueront leur aptitude agriculturale native, à la culture et à la récolte de ce qu'ils laissent perdre aujourd'hui faute d'en apprécier la valeur. C'est par le commerce, par la loyauté dans les transactions que la France tracera sa route du Loango au Tchad, et fera prédominer son influence sur celle des fanatiques de l'Islam, qui procèdent par la vio- lence et le pillage. M. Dybowski aura le mérite, je n'ose dire la gloire, d'avoir marché un des premiers dans cette voie. J. Grisard. Les Chrysanthèmes — Description, Histoire, Culture, Emploi — par Georges Bellair, jardinier en chef des parc et orangerie de Versailles, et Victor Bérat, ancien jardinier en chef de la ville de Roubaix. — Troisième édition corrigée et augmentée, avec figures dans le texte. Paris, Octave Doin, éditeur. Nous sommes à l'époque où le Chrysanthème donne aux jardins leur dernière parure, aussi sa culture a-t-elle pris une extension consi- dérable et la Société nationale d'horticulture lui consacre-t-elle une exposition spéciale qui sera ouverte du 14 au 18 novembre. C'est donc le moment d'appeler l'attention de nos lecteurs sur la troisième édition du traité de MM. Georges Bellair et Victor Bérat dans laquelle ils trouveront, en dehors des renseignements d'histoire et de botanique, l'indication des procédés nouveaux de culture et celle des espèces récemment créées et le plus en vogue. Le Gérant: Jui.es Crisard. 433 I. TRAVAUX ADRESSÉS A LA SOCIÉTÉ. LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN d'après m. hornaday, superintendant du parc zoologique de washington Par M. H. BREZOL. (suite *) LA CHASSE EN SOULIERS A NEIGE. « Pendant l'hiver, dit M. Catlin, qui est long et très rigou- » reux dans ce pays, les Chevaux ne peuvent rendre aucun » service à la chasse. Les Indiens courent alors à l'aide de » leurs souliers à neige, à la surface des champs de neige » qui les supportent, tandis que le poids des Bisons, les fai- » sant s'enfoncer jusqu'aux flancs, arrête complètement leur » marche et fournit des victimes sans défense aux lances » et aux flèches des chasseurs. Dans ces régions, la neige se » maintient souvent pendant l'hiver à une hauteur de 3 et 4 » pieds, excepté sur les versants et les sommets des collines » qui sont balayés par le vent et où les Bisons peuvent paître, y mais ces animaux poursuivis par les chasseurs s'enlisent » dans les trous et les ravins comblés par une neige friable, y> et deviennent des proies faciles pour les Indiens qui les » tuent à coups de lance en franchissant légèrement ces dé- » pressions grâce à leurs souliers à neige. Les peaux sont » vendues aux fourreurs ; quant à la chair, elle sert de pâture » aux Loups, car les Indiens consomment pendant l'hiver la » viande séchée des chasses de l'été et de l'automne et dédai- » gnent celle qu'ils se procurent ainsi. C'est la saison où les » Bisons sont surtout détruits en grand nombre pour leur (*) Voyez Revue, 1S93, 2° semestre, p. 433; 1894, 1" semestre, p. 337, el plus haut, p. 1, 97, 193 et 289. 20 Novembre 1894. 28 434 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. » robe, car ils sont alors très faciles à tuer et leur poil long » et abondant a acquis une grande valeur. » Progrès de l'extermination. — Période de la destruc- tion IRRÉGULIÈRE, DE 1730 A 1830. Le Bison était évidemment un don direct de la Provi- dence, pour les premiers pionniers qui pénétrèrent dans la prairie déserte avec l'intention d'arracher à la nature de quoi satisfaire aux nécessités de leur existence, et sa disparition de tout le pays situé à Test du Mississipi fut une des consé- quences inévitables des progrès de la civilisation. Pendant les premières années de l'installation des colons sur ce pays neuf, les quelques animaux domestiques qu'ils avaient pu amener avaient une trop grande valeur pour servir à leur alimentation et pendant longtemps ils durent demander aux hôtes de la prairie ou de la forêt le contingent de viande né- cessaire à leur nourriture ; or le Bison figurait en première ligne parmi les animaux sauvages susceptibles d'être chassés pour leur chair. C'était alors le temps où nul ne songeait au rôle important que les animaux de chasse jouent dans l'ex- tension de la civilisation, car même à l'époque actuelle, on n'a jamais réfléchi que la civilisation se serait propagée beau- coup moins rapidement, sans l'Élan, le Daim et l'Antilope. Actuellement encore, les états et les territoires de l'ouest at- tachent peu d'importance à l'odieux massacre d'Elans et de Daims auquel on se livre dans leurs forêts, mais l'époque arrivera bientôt où les premiers cultivateurs, qui viendront s'installer sur ces régions, trouveront dans le défaut de gibier un obstacle sérieux à leurs entreprises. Le Bison est la première espèce sauvage qui ait disparu devant les progrès de la civilisation, et il a rendu d'immenses services, pendant la période critique des débuts. La masse énorme de sa viande savoureuse a nourri de nombreuses fa- milles, sa robe chaude était d'un excellent emploi l'hiver, soit dans la cabane du colon, soit dans son traîneau, mais quand le bétail domestique l'eut remplacé sur la prairie, sa chasse cessant d'être une nécessité devint une simple dis- traction. Depuis le premier jour où le Bison s'est trouvé en contact LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN. 435 avec l'iiomme, sa dépouille a atteint un prix assez élevé, et comme c'était, en outre, l'animal le plus puissant, le plus gros de la région, on comprend facilement qu'il ait été détruit avant les autres. Toujours l'homme lui a l'ait la guerre, mais clans les états de l'Est, sa disparition fut provoquée par les besoins des colons qui le tuaient pour se nourrir de sa chair, bien peu de ces individus se faisant une occupation régulière de la chasse. Ce cas exceptionnel ne se rencontrait que dans le voisinage des sources salées, autour desquelles les Bisons se réunissaient en grandes troupes, facilitant le massacre. Dans la relation de ses voyages en Amérique éditée en 1808 M. Thomas Ashe a rapporté quelques faits intéressants sur ces débuts de la destruction du Bison. Il cite entre autres chasseurs, un vieillard qui, vers la seconde moitié du dix- huitième siècle, se bâtit une maison de troncs d'arbres au voisinage immédiat d'une source salée située dans l'Ouest de la Pennsylvanie, afin de tirer plus facilement les nombreux troupeaux de Bisons qui venaient s'y désaltérer. La première et la seconde année de son installation, ce vieillard, aidé de quelques compagnons, tua 600 ou 700 Bisons, uniquement pour leurs robes qui lui étaient alors payées 2 shillings ou 2 fr. 32 c. chaque. Leur œuvre de mort accomplie, les chas- seurs étaient obligés d'abandonner la place jusqu'à la saison suivante, afin de laisser aux loups, aux vautours et aux cor- beaux le temps de dévorer la chair des Bisons massacrés et de faire place nette pour d'autres victimes. Dans les deux an- nées suivantes, ces chasseurs tuèrent beaucoup de tètes aux premiers troupeaux qui arrivèrent aux sources salées, et opérèrent encore de même, laissant les cadavres dépouillés se décomposer sur place. Ils eurent bientôt â se repentir de cette façon d'agir, car les Bisons qui vinrent ensuite, s'arrê- taient pour regarder les cadavres mutilés et putréfiés de leurs frères, beuglaient lamentablement ou mugissaient avec fu- reur, et repartaient aussitôt â toute vitesse vers la prairie, sans s'arrêter à leur source favorite, ou lécher la terre im- prégnée de sel. Dès lors, tous les Bisons perdirent l'habitude de venir â cette source. « Cette simple histoire, disait M. Ashe, est celle de toutes » les sources salées de la région de l'Ouest, partout on eût » pu constater le même carnage. J'ai connu un individu qui » avait tué 2,000 Bisons dans les mêmes conditions et il 436 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. » n'était certainement pas le seul qui se trouvât dans ce cas. » Par suite de cette destruction, on ne trouverait plus à » l'heure actuelle un seul Bison à l'Est du Mississipi, excepté » quelques individus domestiqués, et d'autres qu'on promène » à travers le pays comme des objets de curiosité. » Il est cependant très probable que les massacres de l'ordre de ceux dont il est question ci-dessus constituaient autrefois des faits absolument exceptionnels, et jusqu'en ces quarante dernières années, si le Bison était sacrifié, c'était toujours pour le plus grand bien du plus grand nombre. La disparition de toute nourriture substantielle chassa le Bison des États de l'Est et ce recul se produisit d'une façon régulière, comme la marche de la civilisation elle-même, avec des conditions telles, qu'il eût été impossible de l'éviter. Dans un pays où la population s'est accrue aussi rapidement, est devenue aussi dense que celle de la région située à l'Est du Mississipi, le Mastodonte aurait eu autant de chances de survivre que le Bison. En écartant toute raison sentimentale, on n'a donc pas lieu de déplorer le sort du Bison jusqu'au commencement du massacre définitif, sa diminution première ayant été le résultat de l'extension de la civilisation. Jusqu'en 1875 même, les fermiers du Kansas avaient l'habitude de faire chaque automne une expédition dans l'Ouest de cet état, afin de se procurer des provisions de viande de Bison pour l'hi- ver. Les fermiers du Texas, du Nebraska, du Dakota, du Minnesota agirent de même aussi longtemps que l'impor- tance des troupeaux le leur permit. La disparition des Bisons de la région des États-Unis, située à l'Ouest des Montagnes Rocheuses, fut également le résultat d'une chasse légitime à laquelle on demandait plutôt des vivres et des vêtements, que des fourrures de commerce. L'espèce n'était fortement représentée dans aucune partie de cette région. Les premiers explorateurs rencontrèrent bien d'importants troupeaux sur les Montagnes Rocheuses elles- mêmes, sur la partie surtout qui traverse le Colorado, mais toujours à une distance assez faible des prairies, pour qu'ils pussent facilement aller s'y nourrir, et ils devenaient fort rares vers l'Ouest à mesure qu'on s'éloignait des montagnes, aussi leur destruction y fut-elle chose facile. D'après M. Allen, c'est entre 1838 et 1840 que le Bison dis- parut de la région située à l'Ouest des Montagnes Rocheuses. LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN. 437 PÉRIODE DU MASSACRE SYSTÉMATIQUE DE 1830 A 1888. Nous arrivons maintenant à une période qui devrait être passée «sous silence pour l'honneur de la population améri- caine, car sa relation est une honte pour ce peuple en général, ainsi que pour le gouvernement central et les autorités des états. Les générations futures attribueront certainement en raison de ces faits aux populations actuelles les dénomina- tions méritées de sauvages et de bêtes de proie ; leur cruauté et leur voracité les mettront au rang du tigre assoiffé de sang de la jungle indienne, qui massacre une douzaine de bœufs à la fois, alors qu'un seul suffirait à sa nourriture. Les blancs qui se sont livrés au massacre systématique du Bison étaient des sauvages comparables aux Indiens Piégan, qui jetaient un troupeau entier dans un précipice pour pro- curer à la population d'un de leurs villages, de quoi se nour- rir pendant huit jours. Quant aux individus qui tuaient uni- quement les Bisons pour leur langue et à ceux qui les tiraient par sport du haut des wagons des chemins de fer, c'étaient de vulgaires assassins. L'homme civilisé ne retourne jamais du reste aussi com- plètement à l'état de nature que quand il vit isolé, en contact avec les animaux sauvages. Il n'y a pas, il est vrai, pour les blancs de lutte trop basse, trop vile, trop honteuse contre le gibier. Ils tuent le Bison et l'Antilope du haut des trains en marche, font poursuivre le Daim dans l'eau par des Chiens, et l'égorgent de sang-froid, tuent des daines ayant des faons d'une semaine, massacrent des faons en masse pour leur peau tachetée, tuent le Daim, l'Elan et le Caribou dans la neige, â la façon des Loups, alors que la fuite leur est impossible, exterminent les Canards sauvages sur tout le littoral de l'At- lantique pour alimenter les marchés de la capitale, égorgent les Chèvres des Montagnes Rocheuses pour leur peau qui vaut 2 fr.50, détruisent des wagons de Truites dans les ruis- seaux avec des cartouches de dynamite, mais jamais peut- être ils n'ont entrepris dans cet ordre de massacres, une tâche aussi gigantesque qu'en exterminant les Bisons pour leurs robes sur les grands pâturages. La rapidité avec laquelle cette entreprise fut conduite et son succès si complet, éton- 438 KEVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. neront certainement ceux-là mêmes qui y ont participé. L'his- toire du massacre est fort courte en effet. La période du massacre systématique du Bison commence naturellement avec les premières tentatives de chasse pro- fessionnelle. Quoique cet animal eût été continuellement refoulé vers l'Ouest depuis un siècle, et chassé pour sa chair et sa robe, son extermination ne débuta réellement qu'en 1820. Avant cette date, certains individus s'étaient déjà fait une spécialité de tuer des Bisons pour vendre leurs peaux, mais c'était là des cas exceptionnels. En 1820 , le Bison avait complètement disparu de toute la région située à l'Est du Mississipi, excepté sur une partie du Wisconsin où il se main- tint jusqu'en 1830. C'est en 1820, que la première expédition de chasse au Bison, organisée sur une vaste échelle, partit de la Rivière Rouge, Manitoba, suivie de 540 chariots. Avant cette époque les Bisons s'approchaient assez des lieux habités, du fort Garry, près de Winnipeg, entre autres, pour que chaque chasseur- pût opérer isolément, mais les troupeaux ayant été refoulés de plus en plus, un long voyage et des efforts com- binés devinrent nécessaires. La compagnie américaine des fourrures installa alors des postes d'achat le long du Missouri ; il y en avait un à l'em- bouchure de la rivière Teton, et un à l'embouchure de la Yellowstone. En 1826, elle créa une agence vers la source de l'Arkansas, au pied du versant oriental des Montagnes Ro- cheuses. En 1832, une autre agence était établie dans une situation similaire, à la source de la branche Sud de la Platte, non loin de l'endroit où s'élève actuellement la ville de Den- ver, Colorado. Ces deux derniers postes marquaient alors la limite occidentale de la région du Bison. Dans l'intérieur même de cette région, on avait créé beaucoup d'autres postes, généralement situés à proximité des meilleurs terrains de chasse et dans les endroits les plus accessibles pour les chas- seurs blancs et rouges. Les Indiens, bien entendu, étaient encouragés à chasser les Bisons pour leurs robes seules et déjà en 1832, Catlin réprou- vait ces agissements dans les lignes suivantes, écrites en Da- kota , à l'embouchure de la rivière Teton : « Il semble absurde » et cruel, qu'un peuple civilisé disposant de tout le confort, » de tout le luxe qui existent au monde, aille encore enlever » la peau de ces utiles animaux pour la simple satisfaction LA BESTMTCTÏON DU BISON AMÉRICAIX. 439 » de ce luxe, en abandonnant leur chair aux Loups. La ma- » jeure partie des 150 ou 200.000 robes de Bison qu'on obtient » chaque année, viennent d'animaux tués uniquement dans » ce but, à une saison où leur viande n'est ni salée, ni con- » servée ; et pour chacune de ces robes, l'Indien reçoit seu- » lement une pinte de wisky. » En dehors des Bisons détruits pour leurs robes, il en fallait encore un grand nombre pour nourrir les 300,000 Indiens dont la chair de cet animal constituait la principale alimen- tation. En juin 1840, quand les métis de la Rivière Rouge s'assem- blèrent à Pembina pour leur expédition annuelle contre les Bisons, ils formaient une petite armée comprenant : 620 chas- seurs, 650 femmes, 360 enfants, et emmenant 403 Chevaux de selle et de chasse, 655 Chevaux de trait, 586 Bœufs de trait, 542 Chiens, 1,210 chariots et 1,240 couteaux à dépecer. La valeur totale des animaux et du matériel s'élevait à 600,000 francs. Les Bisons qui venaient autrefois jusqu'au fort Garry, avaient été tués et repoussés, et, en 1840, l'expédition n'en rencontra pas un, avant d'être arrivée à 400 kilomètres de Pembina, ville située à l'endroit où la frontière canadienne coupe la Rivière Rouge. L'espèce était complètement éteinte à cette époque de la Rivière Rouge à la Cheyenne, et on doit imputer aux métis de la Rivière Rouge, aidés du reste par les Indiens, l'anéantissement du Bison dans le nord-est du Da- kota jusqu'à la Cheyenne, dans le nord du Minnesota, et dans tout ce qui forme le Manitoba actuel. Bien plus, les métis qui dédaignèrent l'agriculture tant qu'il resta un Bison à tuer, étendirent leurs opérations de chasse à l'ouest le long de la Qu'Appelle jusqu'à ce qu'ils arrivassent sur le territoire des Crées des plaines qui vivaient dans la région du Saskat- chewann. C'était donc un immense empiétement sur la moitié nord du domaine des troupeaux, qui couvrait primitivement toute la région des pâturages, depuis le Grand Lac de l'Esclave jusqu'au centre du Texas. C'était la première marque appa- rente des résultats du massacre systématique commencé en 1820. Il est probable que de 1820 à 1840, les métis détruisi- rent à eux seuls 652,000 Bisons au moins. Dès 1840 déjà, les chasseurs de la Rivière Rouge poursui- 440 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. vaient le Bison à travers le sud-ouest du Dakota, jusqu'au Missouri et même un peu au delà. On avait donc atteint la large bande bordant ce fleuve, dont à cette époque les res- sources animales étaient exploitées par les Indiens qui pre- naient le Missouri pour base d'opérations et expédiaient leurs robes par bateaux à vapeur. Il est certain que les expéditions annuelles des métis de la Rivière Rouge dans le Dakota se continuèrent jusqu'en 1847 et même plus tard, tant qu'il resta un nombre suffisant de Bisons entre le Missouri et la Cbeyenne. Vers la même époque, l'autre groupe des chasseurs métis, ceux qui formaient la division du Cheval Blanc, opérait son œuvre de destruction à l'ouest du fort Garry avec presque autant de célérité que la division qui chassait sur le territoire des États-Unis. En 1857, les Crées des plaines, qui habitaient le pays situé autour des sources de la rivière Qu'Appelle, à 400 kilomètres à l'ouest de Winnipeg, s'assemblèrent et décidèrent que les blancs et les métis ayant toujours violé les promesses qu'ils leur avaient faites, et que leurs cbasseurs détruisant rapide- ment les Bisons, dont les Indiens faisaient leur nourriture exclusive, ils interdiraient désormais aux blancs et aux métis de chasser dans leur pays et même d'y voyager, excepté pour le commerce de la viande sèche, du pemmican, des robes et des cuirs. En 1858, les Crées constatèrent que les Bisons devenaient rares entre les deux branches du Saskatchewann. Dans son expédition, le professeur Ilind vit un seul Bison depuis Win- nipeg jusqu'au lac de la Colline de Sable, Sand Hill Lake, qui donne naissance à la rivière Qu'Appelle, non loin de la bran- che sud du Saskatchewann, quoique l'espèce ne fût pas en- core radicalement éteinte à cette époque sur la rivière Qu'Ap- pelle, les résultats pratiques des chasses étaient absolument les mêmes que si elle l'eût été. Le territoire voisin, complètement dépeuplé alors par une chasse systématique, s'étendait sur la moitié sud du Dakota, sur le sud-ouest du Minnesota et le nord du Nebraska, jus- qu'au cours septentrional de la rivière Platte. Cette vaste région, qui formait le range favori de centaines de milliers de Bisons, avait, pendant de longues années, servi de terrain de chasse aux Indiens Sioux du Missouri, aux Pawnees, aux Omahas et aux autres tribus de la région. La civilisation, qui LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN. 444 s'emparait de l'Iowa et du Minnesota, refoula dans cette ré- gion tous les Sioux du Mississipi en accélérant l'extermina- tion de ces animaux de chasse, si abondants autrefois. Il est certain que si les Indiens n'avaient pas été poussés par les traitants blancs, n'avaient pas été excités à se procurer cha- que année pour le marché un grand nombre de robes de Bisons, cette espèce aurait survécu beaucoup plus longtemps. Mais la demande dépassait l'offre et en outre les Indiens de- vaient tuer chaque année un grand nombre de Bisons pour satisfaire à leurs propres besoins en viande, en robes et en cuirs. Si, au nombre des Bisons tués dans ces conditions et qui satisfaisaient aux nécessités de leur existence , on ajoute 50,000 Bisons environ détruits chaque année pour en vendre les robes, on ne devra plus s'étonner que les imprévoyants sauvages aient bientôt été forcés de reconnaître, mais trop tard, que l'abondance des Bisons n'était pas inépuisable. Ils attribuèrent naturellement cette disparition aux blancs qui pour eux étaient des voleurs dignes du couteau à scalper. Jamais il ne vint à l'esprit des Sioux qu'ils avaient été les propres auteurs de leur ruine. C'était toujours â leur avis les faces pâles qui détruisaient les Bisons, et toujours les Bisons tués étaient ceux des Sioux, car ils semblaient s'arroger un droit exclusif sur tous les Bisons vivant au sud de la Platte, et il fallut plus d'une bataille pour les convaincre de leur erreur. Jusqu'en 1875-1877, époque où on créa dans le Dakota une grande réserve pour les Sioux en leur attribuant 87,346 kilo- mètres carrés ou presque le quart sud-ouest de ce territoire, les Bisons étaient restés très nombreux sur toute cette région. A l'est du Missouri qui forme la limite orientale du domaine des Sioux, l'espèce était déjà effectivement éteinte en 1870 à partir de la ville de Bismark, mais â l'époque où la loi interdit aux blancs de pénétrer sur le territoire réservé aux Sioux, il y avait encore sur ce territoire un grand nombre de Bisons dont le massacre est entièrement imputable aux Indiens. L'établissement d'une ligne de chemins de fer amène tou- jours une destruction fort rapide du gibier vivant dans la région traversée, car en dehors du trouble apporté par la cir- culation des trains, les compagnies, exploitant ces nouvelles lignes aux États-Unis, cherchent autant que possible, si la région est un peu giboyeuse, à attirer les chasseurs au moyen 442 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. d'affiches, d'annonces dans les journaux, enfin des multiples procédés de la publicité. Les États-Unis ne possédaient plus, en ces derniers temps, qu'une région réellement giboyeuse, où l'on rencontrât encore des Moufflons, des Chèvres, des Caribous, des Élans, des Daims en abondance ; cette région qui s'étendait sur la partie nord-ouest du Montana et le nord de l'Idaho, \ient d'être ouverte jusqu'au cœur par le chemin de fer de Saint-Paul à Minneapolis et au Manitoba, qui suit la vallée de la rivière du Lait, Milk River, passe au fort As- sinniboine, et franchit les Montagnes Rocheuses par la passe des Deux Médecins. Les difficultés que présentait autrefois la pénétration dans cette contrée, ont seules protégé le gibier qui y vivait, contre le massacre général, mais la voie est ou- verte aux chasseurs aujourd'hui, et son extinction n'est plus qu'une question de mois. Jusqu'à l'établissement de la première ligne de chemins de fer transcontinentale, qui permit d'amener facilement les produits tirés du Bison sur les lieux de consommation, les Indiens étaient à peu près les seuls individus qui se livras- sent professionnellement à la chasse du Bison, qui fissent commerce de ses robes ; mais dès cette époque déjà on détrui- sait chaque année un nombre de tètes dépassant de beaucoup celui de l'accroissement naturel, aussi les limites de l'aire du Bison reculaient-elles progressivement , et certaines per- sonnes clair-voyantes prédisaient déjà son extinction future. Sans l'établissement des voies ferrées traversant l'ouest des États-Unis, la destruction de cette espèce eût donc été re- tardée d'une vingtaine d'années peut-être, mais elle se serait inévitablement produite. Avec une insouciance de l'avenir assez rare d'ordinaire chez les peuples sauvages, tous les Indiens s'entendaient pour tuer exclusivement les femelles dont la robe et la chair avaient une qualité supérieure aux mêmes produits fournis par les taureaux. Dans leur marche à la conquête des champs d'or califor- niens, les Argonautes de 1849 ébauchèrent le partage du grand troupeau de Bisons qui fut achevé vingt ans plus tard par l'établissement du chemin de fer transcontinental. Les chercheurs d'or qui traversaient, à cette époque, les prairies en marchant de l'Est vers l'Ouest, tuaient des Bisons pour leur nourriture et leur affluence était telle, que les Bisons LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN. 443 commencèrent à fuir ce péril en s'éloignant de la route suivie par les caravanes. C'est certainement ce motif qui empêcha les voyageurs ayant traversé le Far West en ligne droite à partir de 1849, de rencontrer de nombreux Bisons pendant le voyage. Ces animaux n'avaient du reste reculé que de quel- ques kilomètres à droite et à gauche de la route générale- ment suivie, car les voyageurs ne pouvaient s'attarder à les chasser, vu la nécessité dans laquelle ils se trouvaient d'ache- ver la traversée des prairies avant l'arrivée du mauvais temps. C'est ce fait et l'absence complète de bons chevaux, qui permettait aux Bisons de s'écarter seulement à quelques ki- lomètres de la route menant vers l'Ouest. Cette route, frayée vers 1848, et qui avait reçu des émigrants le nom de Oregon trait, voie de l'Orégon, partait d'Indépendance, état du Mis- souri, passait par le vieux Fort Laramie, franchissait les Montagnes Rocheuses à la passe du Sud, traversait la ville du Lac Salé, Sait Lake City. Un voyageur qui la parcourut en 1849, M. Allen Warnet d'Indianola, Illinois, ne vit de Bisons qu'à partir des fourches de la Platte River. De ce point au Nord du pic Laramie, pendant un mois de marche environ, on ne rencontra qu'une douzaine de petits trou- peaux, représentant un chiffre approximatif de 500 individus. Les voyageurs en tuèrent quelques-uns qu'on trouva fort maigres, et les habitants du pays leur dirent que le mauvais état de ces animaux était dû à ce qu'ils n'avaient pas passé l'hiver sur les pâturages du Sud. Beaucoup de chercheurs d'or, du reste, traversèrent les États-Unis sans voir un seul L Bison. En 1865, on commençait à Omaha la construction de l'U- nion Pacific Raihvay, dont les rails furent posés pendant le cours de cette année, sur une longueur de 05 kilomètres. On posa, l'année suivante, 426 kilomètres de rails et 395 en 1867, ce qui porta la tète de la ligne à Cheyenne. En 1868, on al- longea la voie de 563 kilomètres et elle était terminée en 1869. L'achèvement de cette ligne divisa donc à jamais les Bisons en deux grands troupeaux qui portèrent jusqu'à la fin de leur destruction, les noms de troupeau du Sud et de trou- peau du Nord. Ces deux accumulations d'animaux, se reti- rant progressivement l'une vers le Nord, l'autre vers le Sud, devant les attaques des chasseurs qui avaient pris la voie 444 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. ferrée pour base d'opérations, furent bientôt séparées par un intervalle de 80 kilomètres environ sur lequel aucun Bison n'osait plus se hasarder. Destrl'Ction du troupeau du Sud. Pendant les quelques années que dura son existence isolée, avant l'heure fatale du massacre, ce troupeau avait pour centre géographique de son aire, le point où s'élève actuel- lement la ville de Garden City, dans le Kansas. En 1872 en- core, les Bisons s'étendaient en grand nombre à l'Est, jusqu'à 17 kilomètres de Wichita, Territoire indien. Cette ville était alors le quartier général d'une infinité de chasseurs exer- çant leur profession pendant L'hiver. Vers le Nord, le trou- peau s'étendait primitivement jusqu'à 40 kilomètres environ de la ligne Union pacifie, mais il recula bientôt, refoulé au Sud par les chasseurs que les trains amenaient aux diffé- rentes stations de la ligne. Vers l'Ouest, on rencontrait quel- ques bandes qui s'aventuraient jusqu'aux environs du pic de Pike et du Parc du Sud, dans le Colorado, mais le troupeau principal s'arrêtait à l'Est de la ville de Pueblo, Colorado. Au Sud-Ouest, de nombreux Bisons descendaient jusqu'à la ri- vière Pecos, affluent de gauche du Rio Grande del Norte, et ils avaient pour limite méridionale la ligne séparant le Nou- veau-Mexique du Texas et du Mexique. La région située entre la rivière Platte et l'Arkansas, région qu'arrosent un certain nombre de rivières : la Républican, la Smoky, la Walnut, la Pawnee, etc. fournissait, les meilleurs pâturages aux Bisons du Sud. Tous les hivers, ils abandonnaient par centaines de milliers ces fertiles prairies et se dirigeaient vers le Sud, mais il en restait cependant un grand nombre, qui préféraient ne pas émigrer. Quoique l'aire du troupeau du Nord fût deux fois plus étendue que celle du troupeau du Sud, celui-ci possédait, selon toutes probabilités, au moins deux fois plus de têtes que le premier. Sa population était donc beaucoup plus dense, aussi éveilla-t-il d'abord les convoitises des chasseurs. En 1871, le troupeau du Sud comprenait 3 millions au moins de Bisons d'après les estimations les plus modérées. Pendant les années qui s'écoulèrent de 1866 à 1871, les LA DESTRUCTION DU BISON AMÉRICAIN. 445 deux lignes de chemins de fer : Atchinson Topeka et Santa Fe, et Kansas Pacific, celle-ci étant un embranchement de la grande voie transcontinentale Union Pacific, se dirigèrent du Missouri vers l'ouest, en traversant le Kansas et le centre du range méridional des Bisons. Le troupeau du Sud se voyait donc littéralement coupé en morceaux par ces voies de com- munication, qui rendaient en outre les moindres parties de son aire facilement accessibles. Dès que ces nouvelles lignes eurent établi des communications rapides entre les pays des Bisons et les marchés où l'on pouvait écouler les produits de leur chasse, une nuée de chasseurs s'abattit sur le range du Sud. La poussée vers les prairies avait acquis la même violence que l'élan vers la Californie quelques années aupa- ravant. Ouvriers travaillant à l'établissement des chemins de fer, charretiers, chasseurs de profession, trappeurs, guides, chercheurs de fortune, déclassés de toute espèce, se précipi- tèrent vers l'ouest pour y chasser le Bison. Les marchands qui s'étaient établis dans les villes naissantes desservies parles trois voies ferrées, saisissant cette occasion de faire fortune, armaient, équipaient, approvisionnaient tous ces individus et les envoyaient chasser pour leur compte sur la prairie. Les commerçants de Doclge City, de Wicbita, de Leavanworth, et d'un grand nombre d'autres petites villes, gagnèrent ainsi des sommes considérables aux dépens du Bison, et de 1871 à 1874 on ne connut qu'une industrie dans toute cette région : la chasse et le massacre de cet utile animal. Dans les parties où le gibier était surtout abondant, on avait installé une infi- nité de dépôts, de magasins, d'où les chasseurs rayonnaient dans toutes les directions. On élevait des bâtiments pour conserver la viande, les robes venaient s'empiler dans d'im- menses enclos. En 1878, le professer Thompson vit à Dodge City une pile de robes formant une masse de plus de 426 mè- tres cubes. Le gaspillage le plus insensé servit d'abord de règle de conduite. Tout le monde tirait, tuait, mais per- sonne ne voulait se soumettre à écorcher ou à dépecer les victimes. Des milliers et des milliers de ces animaux furent ainsi massacrés par des individus qui se contentaient ensuite de leur couper la langue, la robe, à leur avis, ne valant pas le temps passé à l'enlever. Des milliers de Bisons, blessés par de maladroits tireurs, s'en allaient mourir à quelque distance, sans qu'on songeât à les poursuivre. Mais le gaspillage attei- 446 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. gnit son apogée, quand les bouchers de Bisons, qui consen- taient à recueillir les robes, eurent l'idée d'employer des chevaux pour dépouiller leurs victimes, procédé qui mettait bien en relief le degré d'abjection auquel ces pseudo-chas- seurs étaient descendus. La peau de l'animal était fendue de la gorge au bas du ventre et le long des jambes jusqu'au ge- nou qu'on sectionnait. On pratiquait une incision circulaire autour du cou à la base du crâne, et on y détachait la peau sur une largeur de quelques centimètres de manière à amorcer l'écorchage. Ces préparatifs terminés, on enfonçait un fort piquet de fer à travers le crâne jusqu'à 40 ou 50 centimètres dans le sol, et on attachait une longue corde à la bande de peau soulevée autour du cou. L'autre extrémité de la corde était liée aux harnais de deux chevaux ou à l'essieu d'arrière d'un chariot, on fouettait l'attelage et la peau s'arrachait en totalité ou par morceaux, enlevant 20 ou 30 kilogs de chair adhérente. Les écorcheurs de Bisons, même les plus entrepre- nants, reconnurent bientôt, il est vrai, les inconvénients de cette méthode, et y renoncèrent. Le massacre commencé en 1871 se poursuivit énergique- ment en 1872 et atteignit son apogée en 1873. Le pays re- gorgeait alors de chasseurs organisés en bandes qui s'effor- çaient chacune de tuer plus que ses rivales. L'expérience ayant démontré la valeur d'une bonne organisation, le mas- sacre s'exécutait d'une façon beaucoup plus méthodique. Une coïncidence fatale au Bison voulut que, vers la même époque, les fusils à longue portée et les fusils se chargeant par la cu- lasse atteignirent un degré de perfection permettant de les mettre entre les mains des chasseurs. Les Sharp des calibres 40 et 45 et les Remington furent adoptés immédiatement, surtout les Sharp, et dès lors des milliers de Bisons tom- bèrent chaque jour, pendant la saison de chasse, sous les projectiles de ces armes meurtrières. (A suivre.) 447 L'HUMEUR SPÉCIFIQUE DE LA MUSARAIGNE Par M. Rkmy SAINT-LOUP. Il arrive que des questions déjà sujettes à controverse et laissées de côté après une solution qui paraissait satisfaisante, reviennent au jour en présentant un intérêt nouveau et capable de provoquer des recherches supplémentaires. La Revue des Sciences naturelles appliquées a publié, sous la signature du Dr Pierre, une note relative à la Musaraigne commune. L'auteur rappelle que ce petit mammifère avait été considéré autrefois comme venimeux, et capable d'occa- sionner par ses morsures une sorte d'empoisonnement. Le Cheval notamment pouvait, d'après ces légendes, être grave- ment malade des blessures causées par de telles morsures. Cette histoire a déjà été réfutée par de nombreux écrivains, par Bufïbn entre autres qui dit très explicitement que « la Musaraigne n'a pas l'ouverture de la gueule assez grande pour pouvoir saisir la double épaisseur de la peau d'un autre animal ». Buffon aurait dû excepter l'animal raisonnable que les naturalistes irrévérencieux placent dans leurs classifi- cations sous le nom d'Homme ; car en offrant son doigt à la gueule d'une Musaraigne, un homme peut fort bien recon- naître qu'elle s'ouvre assez pour saisir la double épaisseur de la peau. Beaucoup d'animaux moins raisonnables seraient aussi facilement mordus. Tout n'était peut-être pas fantaisie dans ce qu'on a raconté de la morsure de la Musaraigne et des inconvénients de cette morsure. Démontrer que la tumeur du Cheval, appelée musa- raigne, ne provient pas d'une blessure faite par le petit in- sectivore, est insuffisant pour élucider la question ; dire que cet insectivore ne possède pas d "appareil venimeux ne suffit pas non plus. Les anatomistes qui ont étudié l'organisation de la Musa- raigne ne lui ont pas trouvé d'organes venimeux. Sans avoir spécialement recherché si les glandes buccales de cet animal présentent une disposition spéciale, je me demande cepen- dant si ces anatomistes ont pu, au simple examen morpho- 448 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. logique, décider de la nature de ces glandes. D'autre part, il est permis de penser que la morsure d'un animal peut devenir venimeuse pour un animal d'autre espèce, sans qu'il soit né- cessaire de découvrir chez le premier un appareil spécial à venin. J'ai déjà eu l'occasion de parler (1) de Yhumeur spécifique des animaux, des qualités spéciales de leurs liquides orga- niques, qualités spéciales qui établissent entre les animaux des différences profondes physiologiques sans manifestations morphologiques corrélatives , sans apparences extérieures assez considérables pour faire deviner la dissemblance in- time. Ces réflexions ont été exposées au sujet de faits ayant rapport à la modification de l'espèce, et depuis nous avons pu nous convaincre davantage de l'utilité qu'il y aurait à faire concorder l'idée d'espèce avec l'idée d'humeur spéci- fique, pour arriver à une exacte notion de l'espèce. L'humeur spécifique d'un animal déterminé a des propriétés que la chimie même ne peut discerner et pour lesquelles les êtres vivants sont seuls de bons réactifs. Par le goût, par l'odorat nous pouvons jusqu'à un certain point saisir quel- ques caractères de l'humeur spécifique, mais les meilleurs réactifs sont les microbes, et les propriétés qu'il s'agit d'ana- lyser sont mises en lumière non seulement par la manière dont se comportent les microbes vis-à-vis d'elle, mais aussi par l'action de cette humeur sur des organismes supérieurs. Il se peut fort bien que la morsure de la Musaraigne, en raison de l'humeur spécifique de cet insectivore, soit veni- meuse pour une ou plusieurs autres espèces d'animaux et innocente pour le plus grand nombre. Les considérations précédentes trouvent un appui dans l'expérience dont voici les détails : Dernièrement, en traversant, le soir, les rues d'un village, mon attention fut attirée par de petits cris stridents qui venaient d'un coin obscur. Je distinguai en m'approchant la silhouette de trois Chats qui faisaient des bonds courts et rapides, allongeaient la griffe, la retiraient ; ils semblaient en posture de chasse et cependant effrayés en présence d'un petit animal qui fuyait sans trop de hâte. Aucun des Chats n'osait donner ni le coup de griffe ni le coup de dent définitif. (1) Le Léporide et la notion de Vesjtèce, Revue des Sciences naturelles appliquées. L'HUMEUR SPÉCIFIQUE DE LA MUSARAIGNE. 419 Écarter mes concurrents et saisir, le plus délicatement pos- sible avec un mouchoir, l'objet poursuivi fut l'affaire d'un instant. L'objet était une Musaraigne parfaitement vivante et de très mauvais caractère, car elle continuait à crier. Si je rapporte par le détail cette première partie de l'aven- ture, c'est qu'elle confirme le fait déjà observé par d'anciens auteurs, que la Musaraigne inspire aux Chats assez de res- pect pour qu'ils hésitent à la croquer. Sans doute, leur odo- rat les avertit qu'ils n'ont point affaire â une Souris et leur instinct les met en défiance. La Musaraigne fut mise dans une cage de verre en pré- sence d'une Souris apprivoisée, saine et bien portante. La Souris parut immédiatement terrorisée ; elle était cependant deux fois grosse comme l'intrus. Blottie dans un coin de la cage, immobile, comme hérissée, elle surveillait du regard la Musaraigne qui remuait furieuse, essayant de mordre le verre. Elle ouvrait une bouche haute d'un centimètre, et montrait des incisives excessivement acérées. Au bout d'une minute, la Souris était mordue à la patte postérieure gauche. Toujours blottie, elle s'était contentée à l'approche de l'en- nemi de relever les pattes comme pour ne point toucher un objet désagréable. C'est dans ce mouvement qu'elle reçut la morsure. La Musaraigne, sans s'acharner, passa plus loin, toujours agitée et menaçante ; quant â la victime, elle ne fit aucun mouvement pour fuir. Si vive et si alerte quelques instants auparavant, elle paraissait « fannée », suivant la pittoresque et juste expression d'une personne qui se trouvait présente. Je voulus délivrer la Souris du voisinage dangereux; elle était toujours en angoisse, haletante, hérissée, et comme je m'en aperçus aussitôt, paralysée du train de derrière. La malade fut placée dans un petit nid de ouate et le lendemain matin je la trouvai morte au même endroit. Dans la journée elle enfla beaucoup. Cette observation m'a paru de nature â affirmer l'exacti- tude des réflexions inscrites précédemment et aussi de nature à provoquer d'autres expériences du même genre qui seraient certainement très intéressantes. Paris, le 22 octobre 1894. 20 Novembre 1894. 29 ÀoO L'AQUICULTURE EN BELGIQUE Par M. Louis VANDER SNICET. La Iiulpe, le 12 octobre 1894. Monsieur le Président. Les Quelques mots sur la culture des Étangs, par M. de Lépinay, démontrent que je ne me suis pas suffisamment expliqué en ce qui concerne la nourriture des poissons. D'abord, en attendant de nouveaux progrès en aquiculture, je ne donne aucune nourriture artificielle. L'accrue de5Q0kilogs de chair de poisson par hectare, est une moyenne pour les étangs de Belgique. Une pièce d'eau située en pleine Campine ne donnera pas autant qu'une autre autour d'un château, dans cette même Campine ; et un étang situé au milieu de terres fertiles et de prairies pâturées des Flandres ou du Brahant, pouvant être laissé à sec à volonté, donnera plus encore. Le choix des races est important, en ce sens que, pour les poissons destinés à la consommation, il s'agit d'obtenir en une seule saison le plus de poids possible réparti sur le plus petit nombre de poissons possible. La culture doit être inten- sive et ne durer que deux années. La moitié du poisson à vendre ou à consommer après le premier été, le reste après le second. Seuls, les poissons servant à la nourriture des vo- races. doivent rester assez petits pour passer par la bouche de ceux-ci. Quelle que soit la précocité de leur race, ils resteront d'autant plus petits qu'ils seront plus nombreux et générale- ment, les alevins venus naturellement sont trop nombreux. Nous avons à faire voir comment il est possible d'obtenir le maximum de rendement par notre système de culture, sans avoir recours à aucune espèce de nourriture artificielle. Nos deux poissons de prédilection étant la Carpe et la Truite arc- en-ciel. S'il reste des points obscurs nous les discuterons séparément, dans l'intérêt de tous ; aujourd'hui nous nous contenterons d eclaircir la question de la nourriture. Lorsqu'un étang a été sous eau pendant plus d'une année L'AQUICULTURE EX BELGIQUE. 451 l'équilibre s'y sera établi. Il contiendra à l'hectare ses 500 kilogr. de poisson, qu'il soit péché dans trois, dix, quarante ou cinquante ans. En d'autres mots, un étang de dix hectares péché après dix ans, donnera ce jour-là un rendement ap- proximatif de 5.000 kilogr. de chair de poisson. Si ce même étang avait été vidé chaque année il aurait donné, chaque année, beaucoup plus de 5.000 kilogr., c'est-à-dire beaucoup plus de 50.000 kilogr. en dix années. Ceci n*est pas de la théorie pure ; les chiffres (une moyenne) sont donnés d'après les comptes inscrits sur mon agenda. Nous avons à expliquer pourquoi la première année le ren- dement est de beaucoup supérieur à nos 500 kilos par hectare restés après dix années de lutte pour l'existence. Lorsqu'un étang est mis à sec, il en sort d'abord le poisson, mais aussi ses ennemis et ses concurrents, parmi lesquels nous nous contenterons de citer les Notonectes, les Dytiques, les larves de Libellules, les Epinoches, le fretin, les herbes. L'eau est renouvelée, les poissons comptés sont remis et restent maîtres de la situation pendant la saison suivante. Ceci est à la portée de tout le monde, mais arrivons aux causes produisant ces rendements invraisemblables , mais constatés de façon indiscutable et renouvelés d'année en an- née, sauf peut-être, lorsque, comme cette année, il survient un été sans soleil. Cette dernière remarque est indispensable. La croissance du poisson est exactement proportionnée au nombre d'heures que le soleil aura lui; — non pas la croissance du poisson pris individuellement, mais par l'accrue générale sur l'étendue d'un hectare d'étang. Tout notre système est basé sur l'effet du soleil, producteur de la nourriture du poisson. Lorsqu'une flaque d'eau se vide, tous les animalcules que nous nous contenterons de désigner sous le nom de faune primitive, sentant s'approcher, pour eux, la fin du monde, s'empressent d'interrompre leur reproduction ordinaire et de faire leurs paquets. Tous les œufs sont rassemblés dans de grandes enveloppes et mis en dépôt dans la vase, en attendant la résurrection générale qui ne peut arriver qu'après congé- lation et exposition à l'air. Si la mise à sec est favorable à un développement anormal de la faune primitive, d'un autre côté, elle a eu pour effet de détruire la faune supérieure à tous les degrés, celle qui se 452 KEVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. nourrit aux dépens de la première. L'idéal serait donc de laisser tous les étangs à sec jusqu'au retour définitif du prin- temps. Ce jour, d'après nos notes, vient en Belgique entre le 8 et le 12 mai ; cette année, 1894, il s'est fait attendre jus- qu'au 17. A cette époque il se produit dans l'eau quelque chose d'inénarrable, comparable à la poussée des feuilles en Russie. L'eau se convertit en une bouillie vivante et le pois- son introduit brusquement dans ce milieu convenable, grandit plus en trois semaines, qu'en toute une saison dans les cir- constances ordinaires. Ceci étant compris, on doit admettre que, sans aucune nour- riture artificielle, nous soyons parvenu à produire, en no- vembre, des Carpes d'une demi-livre, écloses le lpl" juin de la même année ; que dans des étangs de la Campine nous ayons pu pêcher des Truites arc-en-ciel d'un seul été, de 12 au kilo- gramme ; que des Carpes miroir mères aient pu gagner en- viron 3 kilogr. en quatre mois. Ce sont des exceptions, il est vrai ; mais ce qui a été constaté peut se reproduire dans les mêmes circonstances. Nous ne nous étonnons plus au récit des voyageurs ou des missionnaires, relatant que les Chinois cultivent certains poissons pouvant atteindre un poids de vingt livres en trois ans. Une des grandes ressources pour la nourriture du poisson, est le fumier des champs cultivés et des prés pâturés. Il y a quatre ans, des alevins de Carpes et de Truites arc-en-ciel surchargeaient un étang de trois hectares nouvellement creusé en terrain argileux. Vers le milieu de l'été les Carpil- lons avaient de la misère ; on ne leur voyait plus qu'une tête et une queue. Ils avaient perforé le fond et les bords de l'étang de façon à le faire ressembler à une éponge. Survient une averse; elle entraîne dans l'étang une partie de l'eau qui venait de laveries terres. Quelques jours après nous avons été tout surpris de trouver les petites Carpes rebondies, et pendant le restant de la saison, elles n'ont plus cessé de croître, plutôt en hauteur qu'en largeur. Depuis lors, nous avons fait jeter du fumier chaque fois que nous jugions le poisson trop aggloméré et aussi dans les frayères des pois- sons destinés à nourrir les Truites. Les herbes, dit-on, nourrissent le poisson. Entendons-nous sur ce point très important. Nous l'avons déjà dit, le soleil est le grand producteur de nourriture. Une eau chauffée à 20 L'AQUICULTURE EX BELGIQUE. 154 et 25° c. de moins de 50 centimètres de hauteur sur de la vase nue, abritée du vent, et exposée au plein soleil est dans les conditions les plus favorables. Des herbes telles que les Char a interceptent les rayons du soleil, sans compensation suffisante. Quand YEloclea a envahi une eau, celle-ci peut être considérée comme perdue. Les Joncs, les Roseaux, les Sagittaires, Nénuphars et autres herbes de ce genre, devien- nent du pain pour les poissons, après avoir été fauchées et abandonnées sur la surface où elles se décomposent. De plus, elles sont couvertes d'animalcules microscopiques qui font corps avec elles, de sorte que les Carpes s'en régalent. Elles en sucent les morceaux et les avalent ainsi ; non pas que la Carpe se nourrisse d'herbes, elle mange par paquets les ani- malcules et les œufs et avale en même temps une partie de l'herbe en décomposition. Le terme peut ne pas être scien- tifique, mais les végétaux sont annualisés par la décomposi- tion, comme d'autres le seraient parla cuisson. Si jamais l'on trouve avantage à nourrir artificiellement le poisson dans la grande culture, c'est à la cuisson des herbes, des racines, des grains et des légumes qu'il faudra recourir de même que ceux qui nous ont précédés recouraient à la décomposition. Si, après avoir noyé un étang laissé à sec, le poisson n'est pas déversé immédiatement, surtout quand il s'agit d'alevins, voici à peu près ce qui doit se passer : la faune primitive se déve- loppe comme il est dit ; les individus les plus gros commencent par avaler en masses les plus petits ; les insectes arrivent de tous côtés et déposent leurs œufs, éclos au bout de peu de jours. Les jeunes larves se mettent au carnage ; étant les seuls maîtres, elles grandissent et restent en nombre. Si les alevins viennent après les insectes, au lieu d'être les mangeurs ils deviennent les mangés ; s'il en échappe, il leur survient des concurrents animaux et végétaux, et si, en outre, comme il est arrivé cet été, le soleil reste voilé, le poisson n'ayant rien à manger ne grandit pas. Si un étang reste deux ou trois ans sans être vidé, la misère est encore plus grande. Nous venons d'assister à la pèche d'un étang dans de bonnes conditions. Le propriétaire ne voulait pas entendre parler de culture productive et désirait simplement de gros poissons à pêcher à la ligne ; il avait laissé l'étang sous eau pendant trois ans. Les grosses Carpes et le gros blanc étaient diminués en nombre et en poids ; les Carpes d'une livre ajoutées au printemps 4oi REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. 1893, avaient diminué de plus d'un tiers ; il y avait quelques maigres Carpillons de l'année dernière et quelques alevins de cet été. Les Truites arc-en-ciel déversées en trop grand nombre en 1893, avaient disparu jusqu'à la dernière ; le jeune Catfish déversé cet été n'avait pas beaucoup grandi. Il y avait cinq très belles Anguilles et peut-être 200 kilogr. de toute petite blanchaille d'un et de deux étés, bonne à jeter au ruisseau, mais en attendant elle avait affamé tout l'étang. Nous ne serions nullement étonné que l'on retrouvât dans quelque vieux livre un système complet d'aquiculture. Sauf les avantages mis actuellement à notre disposition d'avoir des poissons nouvellement importés, supérieurs aux indi- gènes ; de pouvoir grâce à la facilité des communications, opérer à la fois sur un grand nombre d'hectares d'étangs situés à distance les uns des autres et d'avoir eu l'idée de mettre en pratique notre devise nationale « L'union fait la force » nous ne pensons pas être arrivé à créer du nouveau. Nous tous qui nous efforçons de révolutionner l'aquiculture, nous pouvons tout au plus prétendre au titre de rénovateurs. L'admirable système, attribué à Dubisch, et consistant, pour nous servir d'un terme de jardinage, dans le repiquage du poisson, a été communiqué une année après la construction des alevinières et du système d'étangs de La Hulpe. Actuel- lement quand nous faisons l'aménagement des étangs dépen- dant d'anciens couvents et de vieux châteaux, le plus sou- vent nous retrouvons les vestiges des anciennes installations, aux endroits même où nous taisons faire les déblais. Dans les Ardennes, nous avons retrouvé les ruines des anciennes frayères à Truites, telles que les décrit Olivier de Serres. Encore un mot concernant le rapport comparé des étangs de la Brenne et des Dombes et celui des étangs des environs de Bruxelles. L'accrue des premiers est évaluée à 60 kilogr. à l'hectare. Ici le minimum de location est déjà de 100 francs pour un étang d'un hectare ; à cette somme il faut ajouter pour le moins une somme égale pour l'empoissonnage, 25 francs de faucardage, 25 francs de frais de pèche et de transport du poisson. A ces 250 francs il faut encore ajouter le bénéfice dont doit vivre le poissonnier avec sa famille, et ils dépensent largement, ne lut- ce que pour se faire bien voir par les gardes et les riverains. Veuillez agréer, etc. 4" ** •do FRUCTIFICATION DU JUBJEA SPECTABILIS EN FRANCE Par M. Ch. NAUDIN. Les nombreux essais de naturalisation qui se font en France depuis quelques années, sous l'impulsion et avec l'aide de la Société d'Acclimatation, donnent de temps en temps des résultats intéressants, sinon toujours immédiatement appli- cables à l'agriculture et à l'industrie, du moins toujours utiles à la science théorique, avec possibilité d'applications à la pratique quand l'heure en sera venue. A ce double point de vue nous intéresserons peut-être quelques lecteurs en leur apprenant que, cette année, pour la première fois en France, on a vu fleurir et fructifier à la villa Thuret, le colossal Palmier du Pérou et du Chili, le Ju- l)œa spectabilis, un important producteur de sucre dans ces deux pa3rs. L'arbre qui a fructifié chez nous, est âgé de trente et quelques années. Sa hauteur, au-dessous de la couronne de feuilles, est de près de 5 mètres, et son énorme tige, lisse et bien dégagée de la base des feuilles, mesure plus de 4 mètres de circonférence à hauteur d'homme. La couronne de feuilles n'est pas en proportion de la grosseur de la tige, car elle ne dépasse pas celle d'un Dattier ordinaire et a moins d'ampleur que celle du Phœnix Canariensis. Notre arbre a produit deux régimes, nés de l'aisselle des feuilles de l'année dernière, longs d'un mètre environ et por- tant chacun plusieurs centaines de fleurs, les mâles ayant de 15 à 20 étamines et situés à la partie supérieure de la panicule, les femelles à la partie inférieure. L'espèce est donc monoïque, ce qui dispense d'opérer la fécondation arti- ficielle. Les fruits, presque sphériques, avec un court mamelon au sommet, sont arrivés à maturité à la fin de septembre et au commencement d'octobre. Leur grosseur est celle d'un petit 456 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. Abricot, d'un jaune un peu pâle ; ils se composent d'un brou filandreux non comestible et d'un gros noyau â coque dure, rempli par une amande un peu huileuse et dont le goût rap- pelle celui de la Noisette. Sur la coque on remarque les trois trous caractéristiques de la tribu des cocoïnées et par l'un desquels doit sortir la racine de l'embryon. A la maturité du fruit, le brou se fend et laisse sortir le noyau. Le Jubœa est un des Palmiers des plus rustiques connus et, sous ce rapport, il va presque de pair avec le Palmier nain (Chamœvops) du midi de l'Europe. Il présente un autre avantage : c'est de se plaire dans les terrains secs, pourvu qu'ils aient une certaine profondeur, et de pouvoir, à la diffé- rence du Dattier, se passer d'arrosage. On pourra donc le cul- tiver là où ce dernier ne saurait réussir sans des irrigations souvent coûteuses. L'utilité du Juba?a, comme producteur de sucre, est bien établie, et son exploitation dans les pays d'origine est une source importante de revenus ; malheureusement, il les fait attendre pendant de longues années, soit de 20 à 30 ans. Bien d'autres arbres, d'ailleurs, sont dans le même cas, et il faut savoir planter pour ses arrière-neveux. Comme compensa- tion, le Jubsea peut durer plus d'un siècle, sans qu'il y ait autre chose à faire qu'à en extraire la sève sucrée, en cou- pant les panicules avant leur floraison , ou à en récolter les amandes, si on ne tient pas à en tirer du sucre. Il doit être entendu que cette exploitation, si elle a jamais lieu, est ré- servée â l'Algérie et autres pays de mêmes latitudes et de mêmes climats. En France, le grand Palmier du Chili ne saurait guère être autre chose qu'un arbre de curiosité ou d'ornement. hOI DU JUTE DE SA CULTURE ET DE SON ACCLIMATATION DANS NOS COLONIES Par M. Jules GRISARD. Tout le monde connaît le Jute par les différents produits dans la fabrication desquels il est employé. Son extrême abondance sur les marchés, le bas prix auquel on peut se le procurer, ainsi que la facilité avec laquelle on le travaille, ont fait rapidement du Jute, un article commercial qui est devenu aujourd'hui une source de richesse pour les pays qui le produisent. Quoique cultivé aux Indes depuis un temps immémorial, ce n'est guère que depuis une cinquantaine d'années que l'in- dustrie européenne s'est emparée de ce textile dont les fibres donnent lieu à un chiffre de transactions de plus en plus élevé d'année en année. Nous voudrions insister aujourd'hui sur l'intérêt qu'il y aurait à essayer d'introduire cette culture dans celles des possessions françaises où sa réussite peut être obtenue, à raison de leur similitude avec l'Inde, comme sol et comme climat. Le Bulletin de la Société et la Revue des Sciences natu- relles appliquées ont publié différents articles sur ce sujet (1). Pour éviter à nos lecteurs désireux de se remettre en mé- moire les caractères de la plante qui fournit le Jute et les usages de celui-ci, des recherches toujours longues, nous les exposerons rapidement, en priant nos collègues, aux travaux (1) R. Sturrock, Sur la production et l'emploi du Jute [Bulletin, 1864, p. 6ÛrJ). Kaveret-Wattel, Culture du Jute au Bengale (Bulletin, 1874, p. 658). Dr Edouard Mène, Des productions végétales du Japon (Tirage à part, p. 552). Jules Grisard et Max. Vanden-Berghe, Les produits coloniaux. — Les Tex- tiles à VExjJosition universelle (Revue des Sciences nat. apphq., n° 11, 1889). Dr Meyners d'Estrey, Le Jute du Bengale [Revue des Sciences nat. apphq., n° 7, 1891J. 458 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. desquels nous renvoyons du reste, de nous excuser si nous leur empruntons certains passages. La fibre textile désignée sous les noms de « Jute, Chanvre du Bengale, Chanvre de Calcutta » (Gunny libre, des An- glais), est extraite indifféremment de deux espèces de plantes appartenant à la famille des Tiliacées, le Corchorus capsu- laris L. ,1) ou « Corète à capsule » et le Corchorus olito- rlus L. (2), vulgairement dénommé « Corète comestible ou potagère, Mauve des Juifs, Mélochie ». Dans les deux espèces , la plante , herbacée , annuelle , atteint de 1 à 2 mètres, quelquefois plus. La tige, de la gros- seur du doigt, semi-ligneuse, est simple, droite et glabre, plus ou moins ramifiée dans sa partie supérieure, les feuilles sont alternes, ovales-oblongues ou lancéolées, lisses, dentelées (jt d'un vert brillant, les deux dentelures inférieures longue- ment sétacées. Les fruits diffèrent dans les deux espèces : celui du Cor- chorus capsularis est globulaire et a surface ridée ; celui de YoUtorius est allongé, cylindrique et lisse. Le C. capsularis est généralement cultivé dans les îles de la Sonde, à Ceylan, dans la péninsule indienne au Bengale, dans la Chine méridionale, en général dans l'Asie méri- dionale. Il a été introduit dans divers pays intertropicaux d'Afrique ou même d'Amérique, mais il n'est cultivé en grand, pour la production des fils de jute, que dans l'Asie méridionale, sur- tout au Bengale (3). Au Japon, où il est également cultivé, on le nomme Kana Kibio, Tsunaso et Itsibi (Dr Mène). Le C. olllorius est plus usité comme plante alimentaire que comme plante textile. Hors d'Asie, il est employé uniquement pour les feuilles. C'est une des plantes potagères les plus communes des Egyptiens et Syriens modernes qui la nom- ment en arabe Melokych. (1) Bengali: Koshta, Nalta-pat, Tittha-pat ; Hiudoustani : Pat, Ghiiialita; Malais: Rameh tsjina, Gaadja-rameh- tjina. (2) C. decemangularis Roxb., C. çuinquelocularis Mcewik., Arabe: Mclochia; Bengali : Pat, B un-pat, Bhungee, Koskta ; Hindoustaci : Bun-pat, Singging- auascha ; Java : Djepon ; Sanscrit : Putta, Pata ; Tamoul : Péri pou /tangue Pcratti-Kirai; Telenga : Pennta-Kuea. (3) De Candolle, Origine des plantes cultivées, pp. 104—105. DU TU TE. 4.'i*J Les habitants actuels de la Crête la cultivent sous le nom de Mouchlia (1). Dans le Bengale inférieur, on cultive indifféremment les deux espèces textiles ; mais dans le centre et les districts de l'est, on donne la préférence au capsularis, tandis que c'est au contraire Yolitorius qui domine aux environs de Cal- cutta (2). Leur liber fournit, par macération, une filasse souple et très longue , susceptible de se diviser en filaments d'une grande finesse, qui se travaillent aisément et se filent à peu près comme le chanvre et le lin, sauf que le teillage et le peignage doivent être plus énergiques. Pour assouplir le Jute et donner aux fibres une adhésion suffisante, il faut commencer par l'arroser avec un mélange d'huile de baleine et d'eau chaude, ce qui donne aux tissus l'odeur assez dé- sagréable qu'on leur connaît. Le moment le plus favorable pour la récolte est l'époque de la floraison ; plus tard, la plante se lignifie, les fibres sont plus grossières et d'une coloration plus accentuée. Après un séchage de quelques jours à l'air libre, les tiges sont plon- gées dans l'eau pendant un laps de temps de quinze à vingt jours, après quoi la fibre se détache parfaitement. La plus fine, celle que l'on destine à l'exportation, subit un rouissage plus prolongé que celle qui est réservée à la consommation locale ; mais cette dernière, quoique d'apparence plus gros- sière, est d'une résistance plus grande et d'une durée plus longue. Les fibres de Jute servent, aux Indes, à la fabrication des couvertures de tentes, des tapis et des toiles communes, dé- signées sous le nom de Gicnny, employées le plus souvent comme emballage et dans la confection des sacs en usage pour l'expédition des céréales, sucre, café, coton et autres denrées coloniales. La population pauvre de la péninsule indienne se vêt de mégila, de pat ou de choti, sortes de toiles de Jute assez solides et agréables à porter, tissées par les femmes indigènes. Cette dernière industrie, purement locale, est sur- tout exercée par les Hindous du Bengale inférieur. Il nous vient des Indes néerlandaises beaucoup de sacs de café en Jute, qui s'en vont ensuite en Amérique, où on les (1) De Candolle, loco citato. [2] Raveret-Watlel, loco citato. 460 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. utilise pour l'emballage du coton. Le Jute est maintenant, pour les Indes, un article de grande importance et on peut le placer en ligne avec le coton, l'opium et le riz. Au Japon, on fait avec ce textile des cordages, des cordes, des toiles, des sacs et des étoffes. Il entre aussi dans la fabri- cation des nattes de Scirpus eriophoram ou de Juncus effu- sus, et il donne même lieu à une culture spéciale en vue de cet emploi. En Europe, le Jute est employé à la fabrication de câbles et cordages, de toiles grossières pour bâches, sacs à l'usage de toutes les industries et emballages ; ces tissus constituent la partie résistante du linoléum, des toiles cirées ou peintes sur enduit. Il est aussi recherché pour la fabrication de tapis à couleurs voyantes dont une grande partie est exportée dans l'Amérique du Sud. On en fait également des coutils, des treillis, des toiles à voiles, des étoffes d'ameublement pour sièges et rideaux, des passementeries, des stores avec rayures à carreaux et même des mèches de lampes. Mêlé aux fibres de coco, il sert à la confection des tapis d'escalier. Le travail du Jute dans les filatures et le tissage se rap- proche beaucoup de celui du lin et du chanvre, avec cet avan- tage pourtant, d'être plus propre et de produire moins de poussière. Le velours de Jute est un tissu que l'on trouve actuelle- ment dans le commerce ; la trame est en coton et le poil en Jute. Cette étoffe, qui se prépare d'ailleurs comme les velours ordinaires, porte souvent des impressions gracieuses et va- riées, brillantes comme du satin, que l'on obtient à l'aide de plaques ou de cylindres chauffés, portant superficiellement des motifs de décoration en relief. Pour empêcher le poil aplati de se redresser par l'action de l'air et surtout de l'hu- midité, après son passage sous la presse, on a soin d'enduire préalablement le tissu d'une légère solution de gomme, qui, en pénétrant dans l'étoffe, lui donne une adhérence parfaite. Les fllateurs sont parvenus à donner au Jute une certaine souplesse qui permet de le mélanger à des textiles de qualité supérieure. C'est surtout en Angleterre que cette fabrication, considérée comme une véritable fraude, se pratique dans les toiles, sur une grande échelle. Pendant longtemps, les moyens de reconnaître cette addition ont fait défaut ; mais aujour- d'hui on est parvenu heureusement à constater de façon cer- DU JUTE. 451 taine la présence du Jute dans les toiles de chanvre, de lin et de coton. Une solution pure de sulfate ou d'azotate d'aniline, colore le Jute en jaune, tandis que le chanvre et le lin sont réfractaires à cette action chimique. Un autre moyen a été également indiqué pour reconnaître le mélange du Jute avec un autre textile. Ce procédé consiste à soumettre le tissu suspect à l'action de la vapeur d'eau, sous une pression de trois ou quatre atmosphères ; au bout de quatre heures environ, l'étoffe est lavée à grande eau et, à ce moment, les filaments de Jute, désagrégés par la haute température humide qu'ils viennent de subir, sont entraînés par le lavage. Il est facile de se rendre compte de la propor- tion introduite en pesant la toile sèche avant et après l'o- pération. La couleur du Jute teille et peigné est d'un brun roux ; cependant un industriel de la Louisiane aurait, dans ces der- niers temps, dit le Britis/i trade journal, exposé dernière- ment à Atalanta des fibres d'un blanc presque parfait. Mais le journal en question ne nous dit pas de quelle variété de Corchorus était extrait le Jute dont la blancheur a attiré son attention; peut-être était-ce d'une des espèces que nous citons plus loin et qui sont moins employées, bien qu'elles donnent des fibres blanchissant au lavage. Quoi qu'il en soit, voici le mode de traitement indiqué par l'exposant d'Ata- lanta : Par un rouissage de neuf jours dans l'eau stagnante, ou de vingt jours dans l'eau courante l'écorce s'était détachée, et, après un simple lavage, avait été livrée au filateur. Le blanchiment du Jute par les agents chimiques avait jus- qu'ici l'inconvénient de le rendre moins durable que le Jute non blanchi ; c'est seulement depuis quelque temps que l'on paraît avoir trouvé, dans l'eau oxygénée, un agent de blan- chiment à la fois sûr et inoffensif. L'apprêt du Jute s'opère au moyen de calandres très lourdes et exige une pression considérable. Soumis à la teinture, le Jute la prend facilement, mais il la conserve mal, car il a toujours une tendance à brunir en vieillissant. De plus, comme nous venons de le voir plus haut, il se détériore très rapidement sous l'action de l'humidité et supporte encore moins les lessives alcalines. Les déchets de Jute, les sacs de rebut, peuvent entrer- dans 462 RKVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. la préparation de la pâte à papier, soit seuls, soit associés à d'autres matières papyrifères. « Ce papier est assez fort, quoique d'une apparence commune ; on s'en sert surtout pour des lithographies que les indigènes achètent avec em- pressement. « La fabrication se l'ait comme suit : on ajoute à 40 livres de Jute 20 livres de colle et l'on place le mélange sous l'eau pendant vingt-quatre heures, dans un hac en maçonnerie. On retire ensuite la masse pour la faire sécher pendant quatre jours à l'ombre; on y ajoute une nouvelle quantité de colle, et l'on recommence le même procédé. La masse est en- suite coupée en cubes de 20 à 30 centimètres et écrasée dans un mortier. La poudre est placée sur une natte de bambou, arrosée et écrasée une seconde fois avec les pieds. Replacée dans une cuve, cette masse est liquéfiée en y ajoutant de l'eau et en la remuant constamment. Les parties les plus fines montent à la surface et sont enlevées avec précaution. Elles servent à la fabrication du papier au moyen d'une presse spéciale (1). » Dans l'Inde, les tiges ligneuses de Corcliorus sont utilisées à la fabrication de vannerie grossière, tels que paniers et cor- beilles ; décortiquées et séchées, elles sont recherchées pour confectionner les treillages qui entourent les plantations de Bétel ; elles sont encore employées pour faire un charbon qui entre dans la composition de la poudre à tirer et comme combustible. Les indigènes attribuent au flambage par ces tiges, des bois de construction pour embarcations, la propriété de faire périr les vers et autres insectes qui s'y trouvent. Au Japon, elles servent en guise d'amadou. Les Indiens font usage des feuilles dans leur alimentation et leur donnent le nom de Kirè ; émollientes et mucilagi- neuses, d'une odeur douce et suave, elles pourraient être prises en infusion comme le thé ; elles servent aussi comme fourrage et engrais. Les jeunes pousses sont également comestibles. En Chine, la poudre des fleurs est usitée comme remède as- tringent, contre les hémorrhagies nasales et les hémorrhoïdes. Les graines sont, dit-on, oléagineuses, et on en fabrique de l'huile et des tourteaux. \\) Dr Meyners cUEstrey, loco citalo. LU JUTE- 463 Nous pourrions encore citer quelques espèces de Cor chorus moins communs, mais dont on extrait des fibres assez tenaces et devenant blanches au lavage, notamment les Corchorus trilocularis L. (1), itrticœfolxus W. A., tridens L. (2), et acutangulus Lame. (3). Mais nous en avons assez dit pour faire comprendre l'uti- lité de la culture d'un végétal qui a de si multiples emplois. Pour donner une idée plus complète de l'importance que le Jute a prise dans le commerce des textiles, nous empruntons quelques chiffres à un rapport de M. Cbarles Saint, un de nos plus grands industriels du Nord. La production annuelle et moyenne de l'Inde est de 2,650,000 balles, et le prix, par tonne anglaise de 1,015 kilos de fibres, de 13 à 15 £, ou de 325 à 375 francs. La France importe en moyenne 60,000,000 kilos de jute brut, teille ou peigné, et en exporte 2,000,000 ; elle en ex- porte en outre 4,000,000 en tissus et sacs. La fabrication des toiles, velours, bâches, sacs et cordages a été introduite en France vers 1845, dans le département de la Somme, qui est resté son centre principal, et elle va tou- jours en se développant, à mesure que sont trouvés des em- plois nouveaux de la matière première. Les maisons Saint frères, Carmichaël frères et autres, occupent dans leurs ate- liers des milliers d'ouvriers, elles ont partout des comptoirs et aux expositions, comme sur tous les marchés, luttent éner- giquement contre la concurrence étrangère. Nous nous sommes demandé si la Société d'Acclimatation ne pourrait pas s'associer aux efforts de nos industriels, en les aidant à s'affranchir, dans un avenir prochain, du tribut qu'ils paient à l'étranger pour l'achat des matières premières nécessaires à leur fabrication. La culture du Jute est-elle possible dans certaines de nos colonies et quelles sont les conditions dans lesquelles son succès est probable ? Préoccupé de cette idée, et sachant que des essais de cul- ture du Jute avaient été tentés en Cochinchine, notre Prési- dent a écrit à M. le Conservateur du musée des Colonies pour (1) C. œstuans Forsic, C. linearis Wall., C. fascicularis Lamic. Hinùous- tani : Junglee-pat. Tamoul : Pounangue-Kirai. (2) C. Burmanni DC, C. païens Lehm., C. Senegalensis Juss. (3) C. œstuans Wall., C. subscandens Wall., C. tetragonus Mill. 464 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. le prier de lui fournir des renseignements sur les résultats obtenus. La réponse qui nous a été obligeamment transmise n'est pas satisfaisante de tous points, mais elle renferme des indi- cations qui pourront être utilisées par la suite, et à ce titre nous croyons qu'il importe de les consigner ici ; nous repro- duisons donc textuellement le rapport que M. Haffner, direc- teur du jardin botanique de Saigon, adressait à la date du 22 décembre dernier, au Gouverneur de Cocliincbine : « Monsieur le Gouverneur, « J'ai fait faire, dans le courant de l'année, différents essais de culture de Jute ; les résultats obtenus au jardin bo- tanique m'engagent â vous demander de renouveler ces expé- riences sur une plus grande échelle, dans les arrondissements de Thudaumot, Baria, Soctrang et Hatien ; elles démontre- raient si cette culture est avantageuse dans notre colonie. » Voici les observations recueillies sur les essais qui ont été faits au commencement de la saison des pluies : » M. Guyon m'avait remis environ 25 kilos de graines ; je suis allé avec lui à Bienboa, dans le courant de mai, pour cbercber un terrain propice ; notre cboix s'arrêta sur une rizière d'une contenance de 65 ares environ ; il y fut fait deux labours et un bersage sans aucune fumure : le résultat a été négatif ; il faut attribuer cet insuccès aux causes sui- vantes : » 1° Les labours se sont suivis à un trop court espace de temps, ce qui a eu pour effet de laisser subsister les mauvaises lierbes qui, plus tard, ont envahi le terrain au détriment de la plante cultivée ; » 2° Le manque total de fumier. » Le Corchorus (Jute) est une plante très avide qui de- mande un sol ricbe, de l'humidité et de la chaleur; sa crois- sance étant d'une extrême rapidité, ces trois choses lui sont indispensables. » M. Guyon me disait que cette plante était cultivée dans l'Inde sans aucune fumure, cela est vrai ; mais il y a là les inondations du Gange qui produisent les mêmes effets que les débordements périodiques du Nil, et qui apportent sur des contrées entières un limon fertilisant à chaque crue ; ce n'est pas le cas des terrains de l'arrondissement de Bienboa. DU JUTE. 465 » Un deuxième essai a été fait dans la plaine des Tom- beaux, près de l'ancienne usine de la Nouvelle-Espérance ; l'emplacement choisi était encore un terrain à rizière, saturé d'alun, aucune fumure n'y avait été donnée : aussi le résultat fut-il le même que pour le premier. » Une troisième expérience fut laite au champ d'essai du jardin botanique situé sur la rive gauche de l'arroyo de l'A- valanche, en face de l'arsenal ; ce terrain était, il y a trois ans, un marécage que cultivaient des Annamites pour y faire de très mauvaises rizières ; il était inondé à chaque marée, par conséquent, saturé de sel et d'alun. Une digue y fut éta- blie il y a deux ans, ce qui permet aujourd'hui de drainer et d'irriguer à volonté, mais non pas de le laver suffisamment pour en chasser tout le sel et l'alun ; il doit donc être classé, malgré toutes les améliorations apportées jusqu'à ce jour, parmi les terres alunées. La récolte de Jute a été bonne, les tiges atteignaient de 2 mètres à 2 met. 50 cent, de hauteur ; mais aussi les champs avaient été fumés et le deuxième labour espacé de trois semaines du premier. » Ce résultat est concluant en ce qui concerne cette cul- ture dans les terrains à rizière. En effet, si l'on compare ces trois expériences, l'on est obligé de reconnaître que c'est le plus mauvais terrain qui a donné le meilleur rendement. Dans ces conditions, il est incontestable que nos deux in- succès sont dus : au manque total d'engrais et à la mauvaise préparation du sol, mauvaise préparation provenant du manque de temps, M. Guyon m'ayant dit que les semis de- vraient être terminés avant la deuxième quinzaine de mai. » Il me reste à parler du quatrième essai qui a été fait dans la nouvelle partie du jardin : la terre est meuble, mais non pas de première qualité, je dirai même très ordinaire et comme l'on peut en trouver partout, seulement elle a été labourée et hersée deux fois, était exempte de mauvaises herbes et a également reçu une fumure ; le corchorus a pu se développer normalement; quatre-vingt-cinq jours après les semis il était mûr, prêt à être récolté ; les tiges ne mesuraient pas moins* de 3 mètres et 3 mètres 50 cent. Le rendement a été de 1475 kilos de filasse à l'hectare, soit une valeur de 70 piastres environ (l'hectare de rizière ne produit que 80 ou 90 gia de paddy valant 40 ou 45 piastres) ; cette culture demande cinq à six mois pour accomplir son évolution. 20 Novembre 1894. 30 466 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. » La récolte de ce dernier champ a été retardée jusqu'au 12 du mois d'août (elle avait été semée le 4 mai), pour per- mettre aux notables des arrondissements limitrophes de Sai- gon de venir en constater l'aspect de visu. Tous étaient unanimes à dire que jamais ils n'avaient vu cette plante atteindre de telles proportions en Cochinchine. J'ai cherché à leur faire comprendre l'intérêt qu'ils trouveraient en la cultivant en grand ; je leur ai également expliqué les avan- tages qui en résulteraient pour notre production de riz ; effectivement, si l'Annamite veut cultiver ce textile, il sera obligé, pour obtenir un beau produit, de labourer sa terre une première l'ois au commencement d'avril, de la fumer copieusement, de donner un deuxième labour et deux her- sages. Au mois d'août, il fera sa récolte, retournera son champ immédiatement après pour y repiquer son riz ; cette rizière aura donc été soumise à deux labours, une fumure et deux hersages supplémentaires ; ce système d'assolement améliorerait sûrement nos variétés de riz qui dégénèrent d'année en année. » Ce sera le seul moyen de régénérer les riz de Cochin- chine. Je ne crois pas que les semences que l'on fait venir de Birmanie conservent longtemps leurs qualités. Ce riz est incontestablement supérieur aux nôtres ; mais s'il est cultivé dans des terrains épuisés, il ne tardera pas à dégénérer comme les autres. Ce qu'il faut, c'est rendre à la terre les agents que la plante lui a enlevés ; l'Annamite cultive sa rizière sans jamais lui donner aucun engrais ; ce ne sont pas non plus les eaux pluviales qui peuvent y apporter des ma- tières fertilisantes ; il faudrait donc que ce fût l'agriculteur lui-même qui rendit à la terre ces matières qui lui manquent : la culture du Corchorus l'obligerait à le faire. » Après ces deux dernières expériences, l'on peut espérer que cette nouvelle culture donnera de bons résultats dans les mains de l'indigène ; mais, avant d'essayer de la lui faire adopter, il faudrait faire dans plusieurs arrondissements des essais définitifs de 4 ou 5 hectares par exemple. Cette façon de procéder fera connaître quelles seront les régions les plus propices à sa culture et permettra à l'Administration de la propager avec discernement ; l'Annamite pourra ainsi se rendre compte du résultat obtenu sur sa terre et calculer les chances de bénéfice. DU JUTE. 467 » L'écoulement de ce produit est assuré, puisque chaque année, nous importons pour une valeur de 2,000,000 à 2,500,000 francs de sacs destinés à notre exportation de riz. » Les renseignements suivants, qui ont été donnés par le service des douanes, en seront une preuve : Importation. EN 1891. EN 1892. KILOS. VALEUR. KILOS. VALEUR. Francs. Francs. Tissus de Jute 50 150 » » Sacs de Jute, neufs ou vieux (guunies) 7:296,754 2,155,429 6,195,058 2,669,164 » Cet écoulement augmentera naturellement avec notre production de riz ; le cultivateur, ayant en main l'argent pro- venant de la vente de son Jute au moment des repiquages, étendra forcément ses rizières. Il n'est pas douteux, dans ces conditions, que cette augmentation se fasse sentir dès la deuxième année. » Je vous prie, Monsieur le Gouverneur, si vous approuvez ma manière de voir, de vouloir bien m'autoriser à faire ces essais et mettre à ma disposition une somme de 1,000 pias- tres, qui pourrait être prélevée sur le crédit de 15,000 pias- tres : Encouragements à l'agriculture, primes pour con- cours agricoles, art. 2, § 2 du chapitre xv, prévu au budget de l'année prochaine. » De nouveaux essais auront sans doute été tentés cette année si, comme tout porte à le croire, il a été fait droit à la demande d'ouverture de crédit par laquelle termine M. Haff- ner. Nous ne manquerons pas de nous en informer. Mais, en attendant, n'y aurait-il pas lieu de rechercher si le climat et le sol, dans quelque autre de nos colonies, ne réuniraient pas les conditions nécessaires à la croissance du Jute. L'enquête ne serait pas bien difficile, le Ministère des Colonies et les représentants du Gouvernement dans nos possessions ne nous refuseraient certainement pas leur concours et quand il s'agira de procéder aux essais la Société trouvera bien quel- 468 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. que colon zélé qui, à l'exemple de nos collègues d'Algérie, de Tunisie et du Mexique, feront pour le Jute, ce que ceux-ci ont fait pour tant de végétaux dont ils ont introduit ou facilité la culture dans des régions où ils étaient inconnus jusque-là. De notre côté, nous donnerons dès à présent les renseigne- ments que nous avons pu réunir sur les semis, le mode de culture, la récolte du Corchorus et les opérations pour l'ob- tention de la fibre livrable au commerce. Nous les complé- terons plus tard par les documents nouveaux que nous aurons recueillis. Les Corchorus qui fournissent le Jute se développent dans presque tous les terrains, pourvu qu'ils y trouvent l'hu- midité nécessaire ; mais il est incontestable qu'ils sont d'un meilleur rapport dans les terres grasses formées de marne ou d'argile et dans les sols ricbes d'alluvion que dans les terrains siliceux ou constitués par des latérites provenant de diverses roches désagrégées sous l'action de l'eau et de la chaleur. Ce- pendant, un de nos amis qui a longtemps habité le Bengale, nous assure que le Jute pousse aussi très bien dans les sols sableux et légers de ce pays, ainsi que dans les terres impré- gnées de sel et susceptibles d'être inondées par l'eau salée aux hautes marées. Un climat chaud et humide, sans grandes pluies au commencement de la saison, n'étant pas non plus exposé à des périodes de trop grandes sécheresses, est le plus favorable. Le sol doit être labouré profondément et souvent hersé, si la nature du terrain l'exige. Il est facile de comprendre, en effet, qu'une terre lourde et compacte demande à être plus la- bourée qu'une terre légère et friable. La précaution essen- tielle est de retourner plusieurs fois les mottes de terre et de les briser, de manière à exposer au soleil toutes les parties du sol. Une fumure copieuse est aussi nécessaire, car la plante est très épuisante. La végétation sera d'autant plus luxuriante que l'engrais aura été plus abondant. L'ensemencement doit être fait autant que possible par une belle journée de soleil et après qu'une averse ou une irriga- tion a rendu le terrain humide. La graine est semée à la volée, puis recouverte immédiatement d'une légère couche de terre, au moyen de la herse ou d'une planche de bois. La saison pendant laquelle on ensemence, au Bengale, dépend de la DU JUTE. 469 nature du terrain que l'on cultive, de sa situation et du temps. Elle commence quelquefois au milieu de mars, mais le plus souvent elle a lieu en mai ; elle peut même être dif- férée jusqu'au milieu de juin, lorsque la période des pluies est en retard. La quantité de graine à semer par hectare va- rie de 25 à 60 kilos, suivant que l'on veut obtenir plus ou moins de distance entre les plants, pour permettre aux. rayons solaires de pénétrer jusqu'aux racines, et à l'air hu- mide de circuler librement sur la plantation. Les plants apparaissent à la surface du sol au bout de 3 à 7 jours, lorsque la terre a été irriguée ou trempée par la pluie. Si, en certains endroits, les plantes n'ont pas poussé, on sème à nouveau, ou on garnit les vides, en y repiquant, des plantes vigoureuses prises dans les endroits où elles sont ve- nues trop serrées. Lorsque les plantes atteignent la hauteur d'un pied, les mauvaises herbes doivent être arrachées et sar- clées ; on doit en même temps procéder à l'éclaircissement des plants, car un encombrement serait nuisible. Après cette opération, la plante est assez vigoureuse pour ne pas craindre la présence des herbes parasites qui disparaissent naturelle- ment sans qu'on ait à recourir à un nouveau sarclage. Le climat du Bengale, où les pluies alternent avec le soleil, est le meilleur pour la culture du Jute. Dans celles de nos colonies où cette culture est possible, l'irrigation devra être réglée sur les progrès de la végétation. La période critique pour la croissance est celle de la première pousse ; lorsque les plants ont atteint la hauteur de 1 mètre environ, le sol doit être irrigué une fois par mois, ou même plus, si le be- soin s'en fait sentir. Plus tard et jusqu'à ce que les plants aient atteint à peu près leur développement, les irrigations peuvent être moins régulières sans qu'il en résulte des con- séquences graves, car la plante a acquis assez de force pour résister. Comme nous l'avons dit plus haut, le Jute prospère certainement mieux depuis le commencement jusqu'à la fin de sa croissance, dans un climat humide bien exposé à des alternatives de soleil et de pluie. Il s'élève à une hauteur de 3 à 12 pieds, selon la nature du sol, la chaleur et la régula- rité d'irrigation; lorsque le sol est riche, on l'a vu atteindre 15 pieds. La récolte doit être faite quand le plant est tout en fleurs, ce qui a lieu 3 ou 4 mois après l'ensemencement. Lorsqu'elle 470 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. est récoltée à cette période, la plante donne une fibre souple et brillante que l'on obtient rapidement. Les fibres provenant des plantes qui n'ont pas fleuri sont plus faibles et moins abondantes. Enfin, si l'on laisse la plante mûrir davantage, pour obtenir de la graine, elle donne une fibre augmentée en quantité et en force, mais dure, grossière et peu appréciée îles fabricants. Le moment de la récolte dépend naturellement de l'époque à laquelle on a fait lé semis. La première coupe peut donc avoir lieu dès la fin de juin, et les suivantes se prolonger jusque dans les premiers jours d'octobre. On coupe les plants près des racines et on les attacbe par paquets de 50 à 100, après en avoir retranché le sommet. Si on les laisse à l'air pendant 2 ou 3 jours avant de les plonger dans l'eau, les fibres se décolorent. La durée de l'immersion varie suivant la qualité des fibres, la nature de l'eau et les conditions atmosphériques, de 2 à 25 jours. Généralement 8 ou 10 jours suffisent. Il ne faut jamais laisser les tiges trop longtemps dans l'eau et il est bon de les examiner chaque jour, en essayant avec l'ongle de les décortiquer, de manière à se rendre compte de la marche de l'opération. Le Corchorus olitoriits surtout doit être im- mergé longtemps. Quand l'écorce est détachée et la fibre assouplie, on retire les bottes et on les délie. La partie fibreuse est mise de côté, préparée et exposée au soleil pendant quelques jours ; ensuite on la nettoie partiellement et on la met en paquets pour la vente. Cette préparation est assez défectueuse, car la ma- tière arrive en Angleterre très roide, très rude et d'une cou- leur très sombre. Il est probable qu'une meilleure culture et une préparation plus soignée pourraient beaucoup améliorer le produit. Le rendement d'une plantation de Jute atteint générale- ment 30 maunds de fibres par hectare ; mais, suivant l'état de la culture, ce qui dépend du district et de la saison, il peut s'élever à 60 ou 75 maunds, ou descendre à un minimum de 6, 12 ou 18 maunds de fibres par hectare (1). (1) Le maund équivaut à 37 kilog. 251 grammes. 471 II. CHRONIQUE DE L'ÉTRANGER. Lettre de Russie. Notre collègue et correspondant M. Vilbouchevitch, actuellement à Saint-Pétersbourg, adresse à la Société' un ensemble de renseigne- ments qu'il pense renfermer pour elle un certain inte'rêt. M. Vilbouchevitcb annonce d'abord la prochaine publication des Rapports sur l'Exposition agricole qui a eu lieu l'année dernière à Saint-Pétersbourg et des travaux du congrès qui s'est tenu à cette occasion. Cet intéressant recueil sera édité sous les auspices du Minis- tère de l'Agriculture et des Domaines qui a accordé dans ce but une généreuse subvention de 500 roubles. Pisciculture. — Une société allemande s'est créée pour effectuer le transport du poisson vivaut Des vapeurs, spécialement aménagés dans ce but, se rendent à époques fixes dans les ports russes de la Baltique et surtout dans les ports finlandais et amènent les produits de la pêche de ces ports sur les marchés allemands. On assure même que la société serait parvenue à en faire arriver jusqu'à Paris où la vente aurait été très rémunératrice. Cette dernière assertion nous paraît sujette à contrôle. La Société biologique de Sébastopol s'occupe activement d'accli- mater dans la baie, sur les rives de laquelle elle est installée, la grosse Huître du Japon septentrional, et espère voir bientôt ses efforts couronnés de succès. On sait que, par suite du braconnage effréné et aussi de maladies contre lesquelles le remède n'a pas encore été trouvé, l'Ecrevisse a disparu de beaucoup de nos cours d'eau où jadis elle était abondante. M. Vilbouchevitch nous annonce qu'elle pullule dans les Limanes du Dniester et qu'un groupe important d'exportateurs s'est formé qui, entrevoyant en France un lucratif débouché de ce délicat crustacé, sollicite de l'administration des chemins de fer du Sud-Ouest la cons- truction par cette compagnie de wagons spécialement aménagés pour le transport de l'Ecrevisse vivante qui, en traversant l'Autriche en transit, arriverait dans notre pays où elle serait employée au repeu- plement des rivières ou livrée à la consommation. L'aquiculture a fait des progrés rapides dans la Pologne russe, et certains propriétaires ont reconnu que dans les terrains qui s'y prê- tent, elle pouvait être plus rémunératrice que la culture du Blé. C'est ainsi que M. Zembrowski à Gorkis, gouvernement de Kolzi, après avoir submergé 320 morgues de terres, sur lesquelles le Blé n'a- vait fourni que de faibles récoltes, en a retiré, par l'élevage de la Carpe, un bénéfice de 6,000 roubles et se prépare actuellement à transformer en étangs un espace de 1,000 morgues. Les renseignements fournis 172 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. par notre obligeant collègue sont un peu brefs et certaines expressions employées ne sont pas pour nous compréhensibles. Nous ignorons à quelle mesure agraire correspond la morgue, comme nous ignorions tout à l'heure ce qu'étaient les Limanes du Dniester. Nous ne savons pas non plus le temps qu'il a fallu à M. Zembrowski pour obtenir les résultats qu'il annonce, les méthodes qu'il a suivies, les espèces sur lesquelles il a fixé son choix ; mais sous ce rapport nous serons, j'es- père, bientôt fixés, M. le Président ayant écrit à M. Zembrowski poul- ie prier de nous envoyer une note sur ses essais. Apiculture. — Dès cet été', la môme société fera une exposition démonstrative d'apiculture, organisée comme celle dont elle prit l'heu- reuse initiative en 1888 et dont il a e'té rendu compte dans notre bul- letin (1888, p. 310-311). Les ruches et appareils d'élevage seront dispos-s sur une grande barque de 100 archines de long sur 21 de large, et les professeurs, suivant le cours de la Moskova, parcourront plusieurs arrondissements du gouvernement de Moscou, stationnant à chaque village, pour enseigner aux habitants les profils à retirer de l'apiculture et les procédés à adopter pour les obteoir. Sériciculture. — La production de la soie est, d'autre part, une des questions qui préoccupent le gouvernement russe. 11 voudrait enrichir ses provinces méridionales de cette industrie. Des essais sont depuis longtemps tentés dans ce sens et avec un véritable succès ; car cette année, pour la première fois, un navire a embarqué à Odessa 145 poudes de soie brute à destination de Bombay. Acridiens. — Nos colonies d'Afrique n'ont pas le monopole dan- gereux des Sauterelles. Ces terribles dévastateurs pullulent aussi dans les régions méridionales de la Russie. Le Gouvernement, pour pré- venir leurs ravages, a décidé que, dés ce printemps, il serait procédé à l'assèchement des marais situés aux embouchures de la Koubann et qui sont, chaque année, le point de départ des redoutables migrations de l'insecte. Végétaux. — Paliuvus aculeatus. — Le conseil général du gouver- nement de Saratov fait des efforts pour répandre, parmi les proprié- taires agriculteurs de la région, le Paliurus aculeatus, qui forme rapi- dement des haies vives impénétrables à l'homme et aux animaux, même aux petits mammifères et aux oiseaux de basse-cour (1). Paille a chapeaux. — Un industriel de Varsovie vient de créer une ferme sur laquelle il se propose d'entreprendre en grand la cultuie de l'espèce de Blé dont la paille est employée à tresser les chapeaux d'été. Cette fabrication étant très répandue dans la Pologne russe, il espère réaliser de sérieux bénéfices. (1) Voyez page 476. 473 III. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. Les Anes d'Europe aux Etats-Unis. — Pour compléter la notice parue dans la Revue (1) sur les envois d'Anes espagnols en Amérique, nous empruntons au dernier rapport de \' American Bureau of animal industry la liste des races européennes que l'on rencontre aux Etats-Unis. Ce sont les Anes de Catalogne, d'Andalousie, de Malte, de Majorque, d'Italie et du Poitou. Parmi tous, le Catalan e>t le plus beau ; sa robe est d'un noir pro- fond. Il mesure généralement lm,50 de bauleur au garrot, rarement lm,60. L'Andalou ressemble au Catalan par sa robe ; mais sa structure est plus massive. Le Maltais, plus petit que le Catalan, dépasse rare- ment lm,40 ; il se montre à la fois doux et docile. L'Ane de Majorque est le plus répandu. Bien bâti, il reunit l'élé- gance à la fermeté de ses allures. Taille : ln\60 au garrot. L'Italien, de taille plus petite, ne dépasse guère lm,30 à lm,40. Ses qualités le font apprécier ; on l'estime surtout comme reproducteur. Le Poitevin, d'importation relativement -récente, est peu connu aux Etats-Unis où son élevage mériterait d'être encouragé. Il atteint lm,50 et au-delà. On reconnaît les Anes devenus indigènes — acclimatés depuis long- temps — à leurs allures plus lourdes, à leur conformation plus mas- sive. Us ont subi les influences du sol calcaire et du fourrage du pays. Les différentes couleurs de leurs robes proviennent de ce qu'ils des- cendent d'animaux introduits. Les éleveurs américains reviennent maintenant au pelage noir; les autres robes tendent à disparaître. G. Introduction du Mouflon à Tatra-Lomnitz (Hongrie). — Le ministère hongrois de l'Agriculture vient de décider qu'il serait lâché des Mouflons dans les forêts de cette région élevée. Leur chasse sera interdite pendant les dix premières années. La re'ussile de l'expérience, paraît-il, dépendra surtout de l'entente nécessaire entre forestiers et chasseurs. L)b B. Anneaux pour volailles. — L'emploi d'anneaux pour mar- quer les races de volailles est depuis longtemps obligatoire dans les expositions anglaises. L'Allemagne et l'Autriche-Hongrie viennent d'adopter ce système pour leurs concours. En Angleterre, on sait qu'une commission spéciale convient chaque année, au mois de Janvier, des signes et des couleurs qui serviront à reconnaître les différentes races. Le fabricant exécute, sous contrôle, les anneaux qui sont faits en métal émaillé, d'une seule pièce, puis (1) Bévue, 1893, II, 559. 474 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. solidement fixés à la patte des Poules, de façon que toute supercherie soit rendue impossible. D"ailleurs, la patte en se de'veloppant, main- tient l'anneau comme soudé pendant toute la vie de l'Oiseau. Les Pigeons peuvent être marque's dès l'âge de huit ou dix jours ; les Poules et autres Gallinacés de grande taille dès la troisième année. On connaît ainsi l'âge et l'origine exacte du sujet. Le Club deutscher und oesterreichish-ungarischer GeflugehilcMer veille au contrôle. L'éleveur doit d'abord faire graver la date de naissance de sa Poule; les signes convenus lui sont ensuite indiqués. Il peut encore inscrire son propre nom et les chiffres de sa volaille sur la face interne de l'anneau. Toute Poule qui doit figurer dans les expositions possède donc son état civil, grâce auquel on la distingue des races étrangères. Gela per- mettra de mieux étudier l'aviculture dans le pays. On espère encore empêcher, par ce moyen, les sujets anglais d'un an, nés en automne, d'être classés dans les concours d'Allemagne avec les jeunes nés de bonne heure au printemps. De S. Do l'habitat du Moineau. — En poursuivant des recherches sur la distribution de notre vulgaire Moineau {Passer domesticus L.) M. Fickel a reconnu qu'il manque totalement dans plusieurs loca- lités habitées de la Saxe (Vogtland). Le fait n'est pas encore ex- pliqué. G. Métis de Salmonidés. — Depuis quelque temps on croise en Suisse des Saumons et des Truites pour lâcher les produits dans les cours d'eau. On était encouragé dans cette voie par deux raisons. Les hybrides devaient grandir plus rapidement que les Truites ; ils n'au- raient pas l'instinct migrateur des Saumons. On en revient quelque peu. UAllgemeine Fischerei, Zeitung (1) reproduit d'après le Schioeizerische Fischerei Zeitung (2) les renseignements de M. Arens sur ces hybrida- tions. M. Arens reçut de Huningue et de Zarnikau, en Livonie, des œufs de Saumons (Salrao salar Sieb.) qu'il féconda avec la laitance de Truites de rivière [Trutta fario Sieb.). L'aspect d'hybrides se montra chez les alevins à l'e'poque où ils prirent la vésicule embryonnaire. Ensuite, le développement ne fut pas le même chez tous. Certains devenaient assez forts pour être immergés, tandis que d'autres res- taient stationnaires, conservant les trois quarts de la vésicule. On les éleva dans des conditions bien différentes, tant sous le rapport du régime que du milieu. M. Arens ne les vit pas s'accroître aussi vite qu'il présumait. Sauf quelques-uns, ses hybrides étaient en retard (1) N» 26 septembre 1894. (2) N° 19, 1894. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 475 sur les Truites de rivière du même âge qu'il cultivait. A trois ans, ils- se mirent à frayer. La laitance était abondante, les œufs en petit nombre, mais gros, si l'on tient compte de la taille des Poissons ; ils atteignaient presque les dimensions d'oeufs de Saumons. M. Arens proce'da de diverses manières en fécondant les œufs soit avec la laitance d'hybrides, soit avec celle de Truites et vice-versa. Il obtint toujours des produits peu différents. Mais sur cent alevins, quelques-uns seulement prenaient toute leur taille. Ces hybrides ne sont donc pas assez prolifiques pour qu'on songe à en repeupler les rivières. M. Arens fe'conda, à la même époque et en même nombre, des œufs de Truite par de la laitance de Truite et de Saumon. Dans les deux cas, il n'obtint guère que la moitié de sujets bien développe's. Il est parfois difficile de distinguer un hybride d'une Truite. Avec quelque habitude, on reconnaît l'hybride à la forme de sa queue plus de'coupée. Son corps paraît aussi plus allongé. Chez la Truite adulte, la queue est droite, même convexe dans un 3ge avance'. L'hybride de Saumon a toujours une sorte de « queue d'hirondelle » avec des extrémités plus pointues que chez la Truite. M. Arens croisa en outre la Truite de rivière (Truffa fario Sieb.) avec la Truite marine (Trulta Marina Duham). deux espèces plus voi- sines dans l'échelle zoologique. L'hybridation, même si l'on croise le métis obtenu avec Tune des espèces souches, reste féconde. Les alevins se développeraient plus vite que les hybrides de Saumons, leur culture paraîtrait avanta- geuse ; mais ils sont trop délicats. Sur le désir de M. Arens, on croisa à Zarnikau des Saumons avec des Truites de mer. Leur croissance fut normale. Ces hybrides sont, d'un beau blanc argenté' avec de petites taches noires et grandissent aussi rapidement que nos Truites de rivière. On ne connaît pas au juste leur degré de fe'condité. M. Arens n'en cultiva qu'un petit nombre, et l'établissement de Zarnikau ne continua pas l'expérience. De B. Le sommeil estival de la Tanche (Tinca vulgaris Cuv.). — Th. de Siebold observa le premier des Tanches engourdies eu été (1). Depuis ce naturaliste, le fait a e'té, croyons-nous, rarement constate. M. Knamhe nous le rapporte dans YAllgemeine Fischerei Zeitung (2) avec plus de détails. Le 7 août dernier, dans l'après-midi, il retira d'un étang deux Tanches qui étaient enfouies dans la vase ; la queue seule sortait. Elles se trouvaient dans une immobilité complète ; les branchies ne (1) Die Siïsswasserfische Mitteleuropas, p. 108 (1863). (2) N° du 28 septembre 1894. 476 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. remuaient pas. L'observateur prit la température de feau, 23°, GO centigrades et celle de l'air 32° centigrades. Puis, à l'aide d'un ther- momètre introduit dans le tube digestif des Tanches, il releva la cha- leur du corps, 23°, 50 centigr., température donc très voisine de Teau, comme on le constate généralement chez les Poissons pendant l'hiver. Il ne put s'assurer si le cœur battait. Ces Tanches sortirent peu après de leur singulier état de torpeur. De S. Sur le travail des Abeilles. — On connaît généralement mieux l'organisation d'une ruche que l'activité de ses habitants au dehors. Le nectar retiré des fleurs par l'Abeille se transforme dans sa bouche en cette matière sucrée qui, déposée dans les cellules des rayons, est connue sous le nom de miel. Le zèle déplové par un seul Insecte pour arriver à 1 kilo de miel dans un temps donné, pourra pa- raître surprenant. Quand le temps est beau, une « ouvrière » peut, en six ou dix voyages, visiter de 40 à 80 fleurs et récolter 1/16 de gramme de nec- tar. Si elle puise dans 200 ou 400 calices elle ramassera 1/3 de gramme. Dans de bonnes conditions, elle mettra quinze jours pour avoir 1 gramme ; il lui faudra donc plusieurs années pour fabriquer 1 kilo de miel qui remplira environ 3,000 cellules du rayon. Une ruche contient de 20,000 à 50,000 Abeilles, dont la moitié pré- pare le miel; l'autre partie vaque aux soins du logis et de la famille. Dans une belle journée, 16,000 ou 20,000 individus pourront, en six ou dix voyages, explorer de 3 à 8 millions de fleurs, soit plusieurs centaines de milliers de plantes. Encore faut-il que la localité soit favorable à la préparation du miel et que les plantes qui produisent le plus de suc fleurissent à proximité du rucher. Une ruche peut récolter jusqu'à 10 kilos de nectar en un jour. Une ruche peuplée de 30,000 Abeilles peut, dans des bonnes conditions, récolter plus de 8 kilogrammes de miel en un jour. G. Le Paliure épineux. — Nous avons réuni au sujet du Paliure quelques renseignements qui confirment ce que nous écrit M. Vilbou- chevitch (Voy. plus haut p. 472) et peuvent être d'un certain intérêt pour ceux qui voudraient essayer des plantations de cet arbuste. Le Paliurus aadeatus Lam. (1), Paliure épineux, est un arbrisseau de la famille des Rhamnées, atteignant de 3 à 5 mètres de hauteur, buis- sonneux, très épineux, à tiges parfois arborescentes : Ses rameaux très nombreux sont grêles, flexueux et étalés. Ils sont armés à chaque articulation de deux aiguillons, dont l'un est plus court que l'autre et courbé en crochet, les feuilles sont petites, alternes, ovales, aiguës, entières, finement dentées, glabres, à trois nervures. (1) Paliurus australis G.ertn., P. spina Christi Mill., Rhamnus Paliurus L. Zizyphus Paliurus Willd. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 477 On trouve le Paliure dans les lieux incultes, sur les coteaux pier- reux, dans les haies du midi de la France, rarement dans les régions plus septentrionales où il serait expose' à geler. Il est vrai que dans le cas où il est atteint par le froid, il repart le plus souvent du pied. On le reacontre encore en Espagne, en Italie, en Grèce, en Turquie, dans le Caucase, en Géorgie et jusque sur les bords de la mer Cas- pienne. Enfin, en Afrique, au pied de l'Atlas et sur les collines de TAlge'rie. Le terrain qu'il pre'fère est un terrain sec, léger et chaud comme le sont les terrajns calcaires, rocailleux et arides des contrées que nous venons de citer. Le Paliure se multiplie de rejetons, au printemps, par marcottes ou mieux par semis, aussitôt la maturité, en pots et sur couche. Il donne, de juin à août, des grappes de petites fleurs d'un jaune vif, recherchées par les Abeilles. Les fruits qui leur succèdent sont de forme singulière ; ligneux, verts d'abord et fauves à leur maturité', ils changent complètement l'aspect du Paliure et le rendent très pit- toresque. Ils sont bordés late'ralement d'une membrane circulaire, mince, qui leur donne une certaine ressemblance avec un petit cha- peau rabattu, d'où les noms vulgaires qui lui sont attribués de : Ca- pelet, Chapeau d'Evéque, Porte-chapeau ; on l'appelle aussi : Ârgalou, Arnavaou, Épine noire, Épine du Christ, en anglais : Christ' slhom, en allemand : Christdorn, en hollandais : Christdoom. Ces dernières déno- minations viennent de ce que le Paliure est l'arbuste qui dispute au Zizyphus l'honneur d'avoir servi à tresser la couronne que les Juifs placèrent par dérision sur la tête du Christ avant de le clouer à la croix. Suivant M. Vilbouchevitch, le Paliure n'aurait pas son pareil pour les haies de clôture dans les lieux arides, ses ramilles sans nombre garnies de pointes aiguës en rendant l'approche redoutable aux hommes et aux animaux. Disons cependant que Bosc lui reproche de ne pouvoir croître en socie'te', chaque pied vient isolément, le plus fort enlevant la nourriture au plus faible, en sorte que les haies présentent de nombreux vides. Il a encore d'autres emplois, ses branches servent de combustible dans le midi de l'Europe. Dans certaines localités, on fixe à leurs ai- guillons les Figues que Ton veut faire sécher. On en fabrique aussi des cannes, en choisissant les branches les plus droites, qu'on laisse se'cher avec leur e'corce et qu'on polit et vernit ensuite. Autrefois, la décoction des graines du Paliure était pre'conise'e contre la toux, contre les diarrées chroniques. — On employait les fruits broye's dans les cas de gravelle. — C'est, en effet, une plante astringente et les feuilles et racines auraient sans doute les mômes propriéte's que le fruit. J- G. 478 IV. BIBLIOGRAPHIE. Les merveilles de la Flore primitive, par A. Froment, avec 36 figures dans le teste. — Georg et Ci0, éditeurs à Genève, 16, Corraterie. — Georges Carré, Paris, 3, rue Racine. Il s'agit moins, dans l'étude de M. Froment, d'une reconstitution de la Flore des anciens âges du monde, ainsi que le titre le ferait sup- poser, que d'un examen des causes qui ont amené' la naissance et le développement, ainsi que plus tard la disparition des ve'gétations gi- gantesques dont sont formés les bassins houilliers. En signalant les dimensions énormes qu'avaient atteintes, aux âges pre'historiques, les différentes plantes dont la pre'sence a été constate'e dans les gisements carbonifères, l'auteur fait l'bistoire de l'apparition successive des espèces, présentant chacune un organisme de moins en moins élémen- taire ; aux Algues, aux Champignons, aux grands Lichens, aux Fu- coïdes, aux Calamités et aux Prêles ; il fait succéder les Fougères, les Mousses, les Lycopodes pour arriver aux Conifères, aux Palmiers, aux Cycade'es, aux Gramine'es. Où la nature a-t-elle puise' les éléments de ces formations puis- santes '? Quelles sont les influences physiques qui les ont facilitées ? Sappuyant sur certaines lois aujourd'hui établies par la science, sur des phénomènes qu'elle a pu constater et reproduire dans ses labo- ratoires, M. Froment expose les conditions climatériques et atmos- phériques qui ont dû, selon lui, nécessairement exister à l'époque secondaire. Mais un immense cataclysme a déplace' l'axe de la terre, la masse des eaux a envahi une partie du globe, la chaleur solaire a cesse' d'être répartie sur chaque point avec une égalité' constante, les conditions de la vége'tation ont brusquement subi un complet changement. — Quelle a été' la cause de ce bouleversement de notre monde ! l'auteur l'attribue à la chute d'un ae'rolithe dont la masse incalculable se sou- dant à la terre, aurait déplacé son axe, modifié complètement les climats et, par suite, les productions du sol. — Ce météorite auteur de la prodigieuse révolution dont tant de témoins subsistent, ne serait autre que le continent australien. Nous ne sommes pas assez instruit dans les différentes sciences auxquelles M. Froment emprunte ses arguments, ou sur les données desquelles il base ses hypothèses, pour en confirmer ou discuter la justesse; mais la lecture de son œuvre nous a vivement intéresse'. L'étude des grands problèmes, dont il poursuit la solution, captive l'esprit, exalte l'imagination. Faisons remarquer seulement qu'attri- buant une part si large à l'œuvre de la matière, M. Froment reste muet au sujet du créateur de la matière elle-même. G. Mézière. BIBLIOGRAPHIE. 479 Les Engrais en horticulture, par MM. H. Joulie et M. Des- bordes. — Paris, Octave Doin, éditeur. L'ouvrage de MM. Joulie et Desbordes me'rite une attention spé- ciale, car il est base' sur les derniers travaux de la science. Prenant pour point de départ la composition chimique des plantes et celle des différents terrains, M- Joulie montre quels sont les éléments nutri- tifs que, suivant les circonstances, l'agriculteur doit fournir aux végé- taux pour assurer leur complet développement. Ce sont là des connaissances de première nécessité pour toute per- sonne qui veut s'occuper de culture ; mais en général, les livres qui traitent ces matières ne peuvent être compris du lecteur qu'après des études préalables. Les auteurs ont voulu éviter cet écueil : M. Joulie, dans la première partie, développe avec clarté la théorie moderne des engrais, et, dans un style clair et précis, sait mettre à la portée de tous, sans entrer dans le détail des procédés de la chimie, ce qu'il est indispensable de savoir, pour faire un usage judicieux des engrais. M. Maxime Desbordes, de son côté, dans la seconde partie, Emploi pratique des engrais, indique les différents modes de préparation des engrais et la manière d'en faire usage. L'ensemble du travail constitue donc un petit manuel complet ap- pelé à rendre bien des services. G. de G. Manuel du Naturaliste, par Albert Granger. Traité pratique de la récolte et de la préparation de tous les objets d'Histoire naturelle en Zoologie, Botanique, Géologie, empaillage des animaux, prépa- ration des squelettes, etc. (1 vol. de 326 pages, avec 257 figures, prix: broché 4 francs, franco 4 fr. 35; cartonné 4 fr. 75, franco 5 fr. 20. Les Fils d'Emile Deyrolle, éditeurs, 46, rue du Bac, Paris.) 11 vient enfin de paraître un ouvrage, le Manuel du Naturaliste, par A. Granger, dont la publication était vivement attendue. Depuis long- temps déjà, on réclamait un traité pratique sur la préparation des objets d'Histoire naturelle, et surtout sur l'empaillage des animaux, aussi ce Manuel ne pourra-t-il manquer d'être favorablement accueilli. Le Manuel du Naturaliste est, en un mot, un traité complet sur la récolte, la recherche et la préparation de tous les échantillons géolo- giques et botaniques, et sur leur rangement en collections. Eu Zoologie, où le champ est encore plus vaste, le Manuel traite de la recherche et de la préparation des animaux inférieurs : Cœlentérés, Échinodermes, Mollusques, Crustacés, Myriapodes, etc. Dans les animaux vertébrés, se trouve une étude complète sur la recherche, la préparation et l'em- 480 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. paillage des Poissons, Batraciens, Reptiles, Oiseaux, Mammifères. Un chapitre est, de plus, consacre' à l'Oste'ologie, et un autre à des notions élémentaires de dissection. G. de G. Liste des principaux ouvrages français et étrangers traitant des Animaux de basse-cour (i). 2° OUVRAGES ALLEMANDS (suite). Herzog (Frdr.\ Prakliscbes Lehrbucb der Taubeuzucht, besondersùber Anschaffung, Hegung, Haltnng, Paarung aller Haus, Feld u. Tage- Tauben in 28 versobiedeuen Arien. Quedlinburg, Ernst, 1882. M. 1. Herzog [Fré'l.). Manuel pratique de l'élevage des Pigeons, surtout la manière rie se procurer, de soigner, de tenir, d'accoupler tous les Pigeons des champs et de jour en 28 espèces différentes. Quedlinbourg, Ernst, 1882. 1 M. Heymann (S.). Das Langshan-Hubn, seine Gescbichte, und seine Ver- dienste, ùbersetzt nebst einem Anhange von I. Volscbau. Hamburg, I. F. Ricbter, 1882. 1 M. Heymann (S.). La Poule de Langshan, son histoire et ses mérites. Tra- duit avec un appendice de J. Wôllschau. Hambourg, I. F. Richter, 1882.1 M. Heymann {S.). Internationales Zûcbler-adressbucb fur Geflùgel, Hunde, Kanincben. Deutsch und engliscb. Hamburg, Scberdius, 1887. M. 2. Heijmann (S.). Livre international d'adresses des éleveurs de volailles, de Chiens, de Lapins ; en allemand et en anglais. Hambourg, Scherdius, 1887. M. 2. Hoffmann (L.). Der prakliscbe Geflùgelzûcbter. Anleitung zum wirth- scbafllicben Betriebe eines Geflùgelhofs in leicbtfasslicber Darstel- lung der Verschiedenen Rassen und ibrer Vorzùge; der Fùtterung, Mastung, u. s. w. Reutlingen, Ensslin u. Laiblin, 1886. 75 Pfg . Hoffmann (L.). L'éleveur de volailles pratique. Guide pour l'exploitation rustique d'une basse-cour avec une. description claire des différentes races et de leurs avantages, de la nourriture, de l'engraissement, etc. Reutlingen, Ensslin et Laiblin, 1886. 75 Pf. (A suivre.) (1) Voyez Revue, année 1893, p. 564 ; 1894, 1" semestre, p. 383 ; 2" se- mestre, p. 142, 240, 336 et 383. Le Secrétaire, Jules Grisàrd. 4SI I. TRAVAUX ADRESSÉS A LA SOCIÉTÉ. L'ÉLEVAGE EN ANGLETERRE - AU SIÈCLE DERNIER - Par M. GABOR. La Zootechnie a réalisé de nos jours des progrès considé- rables. Mais en remontant assez loin dans le passé (1760) l'on reconnaîtra dans la méthode mise en pratique dans le Lei- cester, par l'un des plus fameux éleveurs anglais, Bakewell de Dishley, que cette science était déjà avancée â cette époque. Bakewell s'appliquait à obtenir un animal, Bœuf ou Mouton, qui pesât le plus possible dans ses parties recher- chées en boucherie. On saisit aisément la différence qui existe entre un Bœuf pesant 50 stones (1) dont 30 de viande à rô fil- et 20 de viande à bouillir, et un autre Bœuf représentant 20 stones de bouilli et 30 de rôti. En visant la forme la plus favorable pour donner le maximum de valeur aux pe- tites races, il obtint, après de nombreux essais, une race robuste et en même temps facile à nourrir. Son système s'applique aussi bien aux Moutons qu'aux Bœufs. Pour l'espèce bovine, on pensait, avant Bakewell, que àe grands animaux osseux produisaient plus de viande, et on les préférait aux petits. Il prouva au contraire que plus l'a- nimal a les os minces, plus ses qualités dominent, car, engrais- sant rapidement, il atteint plus vite un poids qui représente une quantité supérieure de bonne viande. Les boucliers re- cherchent la chair avant les os. Bakewell admettait toutefois qu'un Bœuf de grande taille, à membres osseux, pût devenir fort et gras et atteindre un poids respectable ; mais l'examen de cette hypothèse nous éloignerait de la question de profit que nous envisageons exclusivement ici. Tout bon éleveur (1) La stone représente 6 kil. 390, soit presque de 13 livres de viande. 5 Décembre 1894. 31 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. .31 calcule d'abord ce que lui coûtera l'engraissage, et il évalue le prix du fourrage nécessaire, prix qui devra rester propor- tionné à la valeur de l'animal. S'il possède un pâturage me- surant 2Dii$&iâs (9,000 mètres carrés) de superficie, choi- sira-t-il de grandes ou de petites races ? Celles-ci, portées à engraisser plus facilement, lui donneront de meilleurs pro- ducteurs de viande ; elles sont donc avantageuses. Ce principe est d'ailleurs contrôlé par le fait suivant : les Lincolnshire et les Moldemess se distinguent par leur forte taille ; on aura beau les engraisser, elles ne rendront jamais autant de viande, avec la même proportion de fourrage, que des bes- tiaux de petite taille à courtes cornes. La race Lancashire, très estimée en Angleterre, fut sur- tout améliorée par Bakewell ; la sélection a élargi beaucoup son dos. .Le critérium ou, en d'autres termes, la marque idéale qu'il cherchait à fixer, tant chez ses Bœufs, ses Vaches, ses Taureaux que 'chez ses Moutons, consistait en une forme analogue à celle d'un tonneau (Logshead) ; ses produits avaient les jambes très courtes, leur valeur se trouvant dans le corps et non dans les membres. Les races à dos saillant étaient, selon lui, mauvaises. Ses Bœufs mesuraient sur le dos, entre les eûtes, jusqu'à deux pieds et trois pouces de surface plane. Bakewell. possédait un Taureau d'une race qu'il appela Twopenny 'deux sous); il le louait pour saillir les Vaches à raison de 5 livres 5 shel. (132 francs). C'était la perfection même. On lui offrit en vain 200 "livres (5,000 francs) pour son Twopenny, et il refusa 30 guinées (789 francs) d'une seule de ses Vaches. Il tenait trop à les garder pour son élevage personnel. Son bétail. Vaches et Taureaux, se montrait très docile. L'usage d'une gaule: suffisait pour mener les troupeaux d'un pâturage à l'autre, pette docilité était obtenue simplement par les bons traitements que les animaux avaient reçus dans leur jeune âge. On attribuait l'embonpoint de ce bétail à l'excellence de sa race. Les terres de notre éleveur, sans être meilleures que celles des voisins, nourrissaient cependant de plus nombreux troupeaux. En résumé, le petit bétail exige moins de four- rage ; le foin peut même être de qualité inférieure à celui que l'on distribue au grand bétail. L'ÉLEVAGE EN ANGLETERRE AU SIÈCLE DERXIKR. 4S3 Les Moutons de Bakewell étaient conformés d'après les mêmes principes que ses Vaches ; dos large et arrondi ; jambes ne dépassant pas six pouces en longueur ; ils avaient l'avantage de posséder de la graisse entre les jambes et de- vant les côtes. Pour ses Moutons, Bakewell dépensait moins de nourri- ture que d'autres, et il obtenait des producteurs de viande grasse qui pesaient tout autant que les 3/10"s des Moutons de la Grande-Bretagne. Plusieurs des siens, vendus à l'âge de trois ans et demi, lurent payés 50 francs par tête. Leur laine n'était point de qualité inférieure. En outre, on constata qu'ils supportaient mieux que d'autres d'être par- qués. Quant aux Béliers, il les louait comme reproduc- teurs à raison de 5 à 30 guinées (131 à 189 francs) pour la saison. Bakewell s'appliqua aussi à l'élevage des étalons, en vue d'obtenir de bons chevaux de charroi qu'il louait ensuite, pour la saison, au prix de 25 à 150 guinées (650 à 3,900 francs). Il chercha pour l'espèce chevaline la même forme que pour l'espèce bovine, un corps plutôt épais et ramassé avec des membres courts. Ses Chevaux, comme ses Vaches, étaient d'un tempérament doux, grâce à la manière dont il soignait les Poulains. En matière d'élevage, la question d'engrais est importante. La ferme de Bakewell comprenait 440 acres (1) de terrain dont 110 en labourages et 330 en pâturages. Il y entretenait 60 Chevaux, 400 Moutons et 150 animaux divers. En outre, il cultivait généralement 15 acres de froment, 25 acres de blé printanier et jamais plus de 30 acres de navets. En tenant compte du bel état de ses animaux et, en se rappelant qu'il n'achetait ni foin ni paille, on conviendra qu'il élevait, eu égard aux dimensions de sa ferme, plus de bétail que la plu- part des fermiers anglais. Les deux races qui furent principalement améliorées par lui sont la Vache Dishley Long Horns et le Mouton New Leicester. Une race de Chevaux, connue sous le nom de Shire, fut aussi l'objet de sa sélection. Sa méthode était basée sur un choix minutieux. Bakewell eut à son époque le grand mérite de mettre en relief la consanguinité ; il parvint (1) Acre = 40 ares ou 4,0i6 mètres carrés. 484 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. à unir les produits supérieurs d'une même race sans recourir à des races étrangères. Ayant acquis de Sir Webster deux Génisses et un Taureau du Westmoreland, animaux à grandes cornes, il se restrei- gnit à l'élevage de leur descendance. En croisant les meil- leurs individus, il développa autant que possible les qualités tandis qu'il faisait disparaître les défauts. — Sa race de Twopenny est une métisse obtenue de nombreux croisements. La sélection « interbreeding » qui correspond à notre terme de consanguinité choisie, fut inaugurée par Bakevell. Cette méthode est encore suivie par la majeure partie de nos éle- veurs modernes ; elle a un seul défaut, celui de perpétuer parfois les tares. On préfère souvent croiser des animaux non apparentés ; cette manière de procéder exige encore une grande habileté pour l'accouplement de la part de l'éleveur et une sélection tout aussi rigoureuse. 485 DES CHIENS D'AFRIQUE Par M. DE SCJLECK d'après m. siber de sihlwald. (suite *) Les Chiens de Zanzibar. A Zanzibar, je fus d'abord surpris de ne pas voir de Chiens, Où pouvaient-ils donc se tenir dans ces rues étroites et très fréquentées ? Durant plusieurs séjours dans cette ville j'en observai seulement un petit nombre et je ne reconnus aucune race particulière. Les Anglais établis là possèdent quelques Fox-terriers, les Allemands des Bassets. Près du palais du Sultan, se tiennent de grands Lévriers à l'aspect de Chiens de chasse (1). Ces animaux paraissent plus massifs que les vrais Lévriers ou les nobles Sloughis ; leur tête est plus large et plus forte ; leurs oreilles, bien différentes, ne retombent pas. Leur pelage est ras , brun-roux avec des marques blanches et une nuance sombre. Ces Chiens et certains Lé- vriers noirs, plutôt de race anglaise que du type Sloughi, accompagnent ordinairement le cortège du Sultan quand il se rend auprès des Chambas de son île. On remarque encore parfois des Bouledogues, des sortes de Caniches et des métis du Pariah avec le Chien d'Europe. Mais, en dehors de la ville, dans les villages nègres et non loin des plantations arabes, nous vîmes des animaux plus remarquables, en particulier de magnifiques Pariahs comme nous en représentons un spé- cimen sur la figure 42. Ce dessin, reproduit d'après une photographie, représente le type le plus pur du Pariah. C'est une race bien différente (*) Voyez Revue, 1893, 2« semestre, p. 529, et 1894, \" semestre, p. 385, et plus haut, p. 53, 145 et 224. (1) Un voyageur français a décrit et représenté une race analogue de Syrie (Voy. fig. 24j. 486 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. des Spitz que Ton observe dans l'Archipel Malais, sur Ma- lacca et dans les îles du Sud. J'ai rencontré ce même Chien près de la mer Rouge, sur plusieurs points des côtes de l'Afrique orientale, à Zanzibar, dans l'Inde anglaise, à Ceylan, en Birmanie, Siam, sur la péninsule malaise, à Bornéo, et sur la côte de Sumatra. Par un élevage raisonné on obtien- DES CHIENS D'AFRIQUE. 487 drait sûrement une race constante. Suivant nous, à l'op- posite des Spitz, des Tschau, des Battas et des races de l'Océan Indien qui descendent du Canis palustris (Chien des tourbières) cette race représente une seconde forme ances- trale. On y reconnaît deux souches parfaitement distinctes : l'une, le Lévrier, et l'autre, le Dogue léger. M. le Professeur Studer est arrivé , par l'étude de nombreux crânes , aux mêmes résultats (1). Les Pariahs sont tantôt roux, roux- jaunâtre, ou jaunes- grisâtres, parfois rayés, ou entièrement noirs au museau ; d'autres ont l'abdomen d'un blanc-jaunâtre ; souvent les éperons font défaut. Les oreilles dressées sont très latérales ; plus mobiles que chez les Spitz, elles le sont pourtant moins que chez le Chacal ou le Loup. Les chiots les portent ordi- nairement pendantes ; cet organe prend sa position définitive entre le troisième et le sixième mois. Leur aboiement est peu agréable à entendre. Si on les traite bien, tant qu'ils sont jeunes ces animaux se montrent caressants et fidèles ; ensuite ils deviennent indépendants et ignorent complètement leur maître, sauf quand ce dernier leur donne à manger. Le Pa- riah possède certaines dispositions pour la chasse à courre ; souvent il s'y passionne. Mais on ne peut pas se fier à lui. Un jour, il chassera le mieux du monde, quand, le jour suivant, il ne sera plus bon à rien ; il laissera passer le Cerf ou le San- glier sous son nez sans détourner la tète. Aussi arrive-t-il que le chasseur au désespoir lui envoie une charge de plomb. Les races les plus voisines du Pariah habitent le midi de la France, le Roussillon, l'Espagne, le Portugal et les îles Ba- léares. Elles sont désignées dans ces régions sous les noms de Charnigues, Lévriers de Mallorca, et Podenco. Ce sont des Chiens de chasse à courre qui se rapprochent un peu des Lévriers. Précédemment, j'avais rencontré cette sorte de Chiens dans l'Archipel Malais ; j'en ai tenu et même élevé à Sumatra. Ceux de Zanzibar sont plus élancés, leurs membres plus sveltes, leur taille est inférieure ; assez voisins des Lévriers, ils sont de formes plus élégantes que les Malais, leurs cou- sins. Le manteau est chez la plupart jaune-roux, sans taches ; leur voix est désagréable, leur caractère craintif est celui du (1) Voy. Schweiz. Hundestammhuch 111, ouvrage que nous avons cité précé- demment. 4?8 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. ParialL Van der Decken et son historiographe nous ont par- faitement décrit et représenté cette race si répandue dans les villages de nie. Ils y sont plus abondants que les Chats; ces sortes de Mâtins, de couleur brun-jaunâtre, ressemblent plus à des fauves apprivoisés qu'à nos Chiens domestiques. Leur voix languissante, glapissante, décèle un caractère tout dif- férent de celui de nos races civilisées. Cependant, ils pos- sèdent deux grandes qualités : la vigilance et le courage. Malheureusement les Chambas les soignent mal et les ra- tionnent trop ; aussi les voit-on arriver à des heures régu- lières, la nuit, en certains endroits pour rechercher les cha- rognes et les détritus ; ils se rassasient de cet affreux repas, et traversent parfois la ville en menant grand tapage pour se disputer les os qu'ils ont trouvés. Malheur à ceux qui passent près des maisons gardées par un Msungu (Européen), car oehii-ei ne se fait aucun scrupule de leur envoyer un coup d© -fusil. Les colons et les voyageurs n'ont fait jusqu'ici aucune ten- tative pour tirer parti de cette race zanzibarienne, et pourtant sa valeur n'échappera à personne. Les races d'Europe que l'on introduit succombent sous l'influence du climat; en outre, ou a de la peine à les dresser, elles ne causent que du désa- grément à leurs maîtres. On sait que les Chiens des Chambas, derace pure, rendent d'importants services dans les expé- ditions les plus fatigantes. Or, les hybrides que l'on obtient d'eux avec les Chiens d'Europe se distinguent, non-seulement par leur courage et leur vigilance, mais encore par leur force et leur beauté. Les Chiens de l'Afrique orientale allemande. Chez les Souahélis, dans la région maritime, il existe par- tout des Chiens sauvages (1). Leur voix ressemble à l'aboie- ment des Pavians(2). Leurs oreilles sont dressées, leur queue est-fournie. Ils ressemblent par la couleur aux Chiens domes- tiques. Ceux-ci portent les oreilles et la queue dirigées en bas ; au ■■ contraire, la race domestique du pays des Gallas a les (1) Il doit s'agir de Chacals, car le Chien Hyène n'habite pas si près de la mer. Sa coloration est très différente. (1) Ou Singes Cynocéphales. DES CHIENS D'AFRIQUE- 489 oreilles dressées et ordinairement la queue enroulée. Toutes les deux sont à pelage ras sur tout le corps et se distingue- raient des européennes par l'absence des éperons derrière les pattes (1). On dresse ces deux races pour la chasse ; chacune poursuit un gibier différent. Chez les Gallas, ces animaux arrêtent le Buffle. (MUtJieilungen der Geogr. Gesellschafl, Hamburg, I, p. 41.) Dans l'Ousambara (d'après les Petermanns Mitlheil. 1889 p. 45) le Chien est répandu dans la plupart des villages : « il appartient à la race ordinaire à poil court ». Le Dr Baumann nous donne les mêmes renseignements clans son ouvrage [In Deutsch-Ostafriha, 1891,. p. 167) (2). Selon le Journ. R. G. S. de Londres, XXIX, les habitants mangent des Chiens au pe- lage roux ou blanc dans les cérémonies en l'honneur de leurs ancêtres, et une peau de Chien empalée sur une perche devant la hutte d'un mort, indique que l'habitation est aban- donnée. Les Chiens d'Oubena sont souvent achetés par les Arabes ; leur taille assez forte les distingue des autres Mâtins des villages de l'Est Africain ; leurs oreilles petites, retombent ; leur pelage long est brun ou blanc et noir ; leur queue bien fournie. La rage est inconnue dans toute la région. « Dans l'Ousegua, les Chiens sont rares ; de couleur fauve ou noire-blanchâtre, ils ressemblent à .ceux de Zanzibar ; au Nord, ils deviennent plus beaux. » (MiUheil. d. Geogr. Ge- sellsch. Hamburg, 1887-88 p. 157.) M. Fritz Bley (3) nous parle des Chiens de l'Afrique orien- tale allemande dans une lettre adressée à M. de Schmiedeberg et publiée par la Neue Deutsche Jagd-Zeitung, dans les termes suivants : « Le chasseur de cette région aurait besoin de bons Braques. Ceux d'Europe supportent mal ou pas le climat tropical ; ils perdent bientôt toute ardeur et deviennent ma- lades et ceux d'Afrique sont généralement indolents et inu- (1) Cet appendice peut manquer chez certains Chiens d'Europe et il ne cons- titue pas un caractère sur lequel on puisse se baser pour séparer cette race africaine. (2) Voy. le compte- rendu de cette mission à la notice intitulée : « Dans l'A- frique orientale-* , Revue, 1892, 1, p. 401-406. (3) M. F. Bley est l'auteur d'uue excellente étude de l'Est Africain qui a trait aux conditions de culture et de chasse de cette contrée. 490 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. tiles. Si l'on tient compte des richesses giboyeuses des forêts, rélevage d'une race hybride paraît urgent. Le gibier résiste longtemps sous la chaleur et ses traces disparaissent bientôt dans les broussailles épaisses. Les indigènes, tireurs peu habiles et en possession de mauvais fusils, remplacent les éléments qui manquent à leur tir par une adresse étonnante à suivre la piste du gibier; au contraire, les colons tirent souvent inutilement dans les branches au lieu d'atteindre le but. Il m'est arrivé plusieurs fois de chercher au milieu des ronces, parfois à un kilomètre de distance, de grosses pièces atteintes mortellement. Comme exemple, j'ai tué au mois de novembre 1887 une Antilope d'eau au moyen d'une sorte d'arquebuse (Mauserb1ich.se), — arme que je ne recommande pas pour la chasse en Afrique — ensuite je me suis servi d'un fusil à tir rapide (calibre anglais 577) et j'atteignis la pièce au cœur. L'Antilope tomba pour se relever bientôt et disparaître. Dans l'après-midi, nous la retrouvâmes à 1 ,500 mètres environ de l'endroit où je l'avais touchée. Dans les steppes, le sol formé de latérite, est encore plus sec que celui des forêts. On a parfois de la peine à suivre les traces du gibier, même dans l'herbe. Un bon Braque serait très utile. Le manque de Chiens d'arrêt pour les Oiseaux se fait moins sentir. Le gibier à plume le plus répandu, la Pintade, se dé- couvre facilement dans la matinée ou dans la soirée aux lieux où elle vient pour pâturer. L'indigène montre volon- tiers au colon la manière d'attirer cet Oiseau ; le chasseur se cache derrière un buisson et imite l'appel de la vieille Poule. Ce genre de sport, rempli d'agréments, offre plus de joie au chasseur que la poursuite à l'aide de Chiens. On dresse des Négrillons pour rapporter le gibier tué. D'ailleurs, il serait dangereux, vu l'abondance des Léopards et des Pythons, de lâcher un Chien dans les broussailles ; à cause des Croco- diles, il serait encore imprudent d'employer les Chiens le long des fleuves, malgré l'abondance des gibiers d'eau de toute sorte. Les colons essayèrent plusieurs fois d'introduire de meilleures races, mais ils n'y réussirent guère. La mission du Saint-Esprit et du Sacré-Cœur de Bagamoyo compte dans sa corporation un chasseur émérite, le frère Oscar. Ce digne homme éleva à maintes reprises des Pointers, mais sans succès. Par contre, il obtint de la progéniture de Dogues DES CHIENS D'AFRIQUE. i91 allemands ; ces Chiens sont excellents pour la garde. En 1886, une Chienne Pointer, élevée au Japon, fut envoyée à Zanzibar ; elle fut couverte par un Chien croisé Braque français et Pointer appartenant à M. le Consul de France à Zanzibar. Elle se reproduisit dans la région du Kilima- Ndjaro, et, en 1889, je reçus de la part de M. de Eber- stein, comme présent, l'un des jeunes. Cet animal avait toutes les qualités. Malheureusement, restant alors à Zan- zibar, j'eus rarement l'occasion de le faire chasser. On a constaté que les Chiens issus de Pointers introduits de contrées sous-tropicales, en Afrique, ont de l'ardeur et d'excellentes dispositions. Mais, comme nous Pavons fait re- marquer plus haut, le chasseur africain n'a pas grand besoin du Pointer ; ce qu'il lui faudrait, c'est le Braque. La race ba- varoise d'allures légères ou celle de berger rempliraient pro- bablement les conditions demandées. J'ai conservé longtemps un individu de ce genre que j'avais amené d'Europe. Ses sens, à l'exception de son odorat, qui resta toujours déve- loppé, s'affaiblirent sous l'action du climat. Un jour qu'il s'abreuvait dans le fleuve Kingani, cet animal, qui m'avait pris plus d'une Gazelle et retrouvé mainte Antilope, devint la proie d'un Crocodile. Dès mon arrivée, tout mon désir fut d'obtenir des habi- tants des Chiens disposés pour la chasse. Tous ceux que l'on voit à Zanzibar et sur la côte, sauf le vrai Lévrier arabe im- porté de Mascate, sont des Mâtins sans valeur, indolents, lâches, comme on en rencontre un peu partout dans l'Orient. Seuls, les courageux Mafitis de la contrée montagneuse de Mahenga possèdent des Chiens pour la chasse au Sanglier. Comme j'étais entré dans les bonnes grâces de cette tribu très portée au brigandage, je reçus, en présent, de l'un des chefs un animal qui promettait beaucoup. Il s'appelait Simba ; sa structure était massive. Il mesurait 52 centimètres au garrot. Son dos était faiblement arqué; sa croupe large, ses membres dune conformation irréprochable. Il avait un peu la tête du Loup. Sa gueule était forte ; ses oreilles très longues, sa queue en brosse. Son manteau était jaune-gri- sâtre sale, rayé de brun sombre. Son caractère hargneux, irritable et indépendant, m'intimida d'abord. Simba chassait à ravir ! Tenu en laisse, il ne chassait pas ou chassait de mau- vais gré. Une fois lâché, il poursuivait le gibier en donnant 492 HEVUE DES SCIENCES NATURELLES) APPLIQUÉES. de la voix; puis il se taisait un moment. Enfin, après avoir mangé la pièce atteinte, il revenait vers son maître ! Malgré ces déboires, je ne mis pas la faute sur le compte de mon Chien qui en réalité n'était pas responsable d'une mauvaise éducation. On parviendrait certainement à dresser les chiots de cette race. Dans tous les cas, l'on devrait tâcher d'obtenir des métis du Mahenga et du Braque de Bavière. Leur pro- duit réunirait toutes les qualités désirables. » Chez les Maurwis [Peter manns MHtheilung en 1839), Bur- ton et Speke trouvèrent des Pariahs estropiés munis de col- liers en cuir. Ces gens mangent leurs animaux. A Ounika, les indigènes ont des Chiens qui sont de la race ordinaire du Pariah {New Life in East Africa, '1811). Cependant Darwin (Variations, i, p. 31) nous donne un renseignement qui n'a pas été vérifié jusqu'ici, lorsqu'il nous dit que, dans l'Afrique Orientale, entre le 4° et le 6° de latitude Sud, et à dix jours de marche de la côte, l'on remarque un Chien semi-domestique qui, au dire des habitants, descendrait d'une race sauvage semblable. Pour achever ce chapitre, nous empruntons au tome XXIX du Journ. R. G. S. de Londres, une notice sur les Chiens de l'Afrique Orientale en général : « Le Chien est un animal autochtone chez toutes les tribus de la région. Il hurle plutôt qu'il n'aboie. Mais il existe des exceptions, car on sait que l'aboîment est une qualité acquise par la longue domestication. La race la plus commune est celle du Roi Souphi de l'Ancienne Egypte. Elle représente un Chien vigoureux, à la queue enroulée, aux oreilles dressées, de faible taille, à manteau roux-jaune et blanc ou brun sale. Il a ordinairement l'aspect très maigre. Son maximum de taille est de 55 centimètres. Dans l'Ougogo, on observe des sortes de Pariahs, à poil dur et long, comme le Griffon [Glo- bus 1891). Dans l'Ouliehe (7°-8° de latitude Sud), où les trou- peaux comptent plusieurs milliers de tètes de bétail, l'élevage de la race canine est développé. Les Chiens roux, à longues oreilles, à museau de Renard, constituent un mets très re- cherché. La peau des queues sert à entourer la pointe des lances. John Hanning Speke eut l'occasion, en 1860, de cons- tater que les Ouaheles (habitants de i'Ouhehe) sont des man- geurs de Chiens passionnés. Dans le petit pays d'Ougogo, un porteur Mhéhé, faisant partie de la caravane de cet explora- DES CHIENS B'AFKIQUE. 493 teur, se mit un jour dans la tête de se procurer un Chien bien gras pour son dîner. Notre homme se refusait à mar- cher si l'on n'accédait pas â son désir. Il voulut à tout prix tuer l'un des Chiens du campement. On dut céder. Quand il eut chargé son fardeau sur ses épaules, on put songer au départ. Les Chiens de la région des lacs. Dans les contrées d'Ounyamouêzi, Oudschidschi, Rua et Manyuema, on trouve, selon Stanley, de nombreux Chiens dans tous les villages ; ils appartiennent â la race la plus pure du Pariah. Stanley nous en a donné un portrait (flg. 43) sur une gravure qui représente en même temps les deux espèces de Bœufs que l'on rencontre dans la région. Vers le Tangangika, les Pariahs errent, sans maître, autour des habitations. Us maraudent, se nourrissant de détritus et de charognes ; ils se rap- prochent en cela des Hyè- nes. Ils aboient rarement [Jour n. R. G. Soc. London, 29). Au nord de l'Ounya- mouêzi et dans les îles, les Chiens sont plus beaux. Speeke mentionne ceux des Muanzas (Petermanns Monatshefte, 1859) comme les plus grands qu'il ait observés durant son voyage ; leur taille atteint 50 â 60 centimètres. Ceux d'Oukéréoué (île du Victoria Nyanza) seraient, parait-il, encore plus beaux et différeraient totalement des races du continent. L'anecdote suivante, rapportée par Stanley (Through ihc darh Continent, 1880), peut nous donner une idée de l'aspect des Chiens des lacs. Un nègre d'Onnyampala, non loin de Moutan Nzige, fut frappé du museau large et aplati d'un Bouledogue qui suivait Stanley (1) et il dit à celui-ci : « Stanley, pourquoi donc les nez sont-ils toujours longs chez » les blancs et courts chez leurs Chiens, et, pourquoi presque Fig. (1) Stanley réussit à emmener ce Chien pendaut plusieurs milliers de lieues de route, jusqu'à ce qu'il succombât. 494 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. « tous les noirs ont-ils des nez courts, tandis que leurs Chiens » ont des nez longs? » Le nègre avait conclu que tous les Chiens européens ressemblaient à celui de Stanley. Sur les bords du Victoria Nyanza, dans la contrée d'Ou- soukuma, Stanley nous parle de cette tribu du Haut-Nord qui élève des Chiens de forte taille ; ceux-ci sont très cou- rageux et assistent leurs maîtres dans les combats. — Nous avons reproduit dans un chapitre précédent un récit de guerre analogue concernant la peuplade des Ouagandas , d'après le Journ. R. G. S. London, 18%, p. 28. Dans le cours de son expédition aux lacs de l'Afrique cen- trale (1883-85), M. Victor Giraud parvint, après plusieurs journées de navigation sur le lac Bangveolo, chez les Lua- pulas. A son retour, il arriva à Singa, village composé d'une dizaine de misérables huttes. On y voyait partout des engins de pèche et de chasse ; les Antilopes et les Oiseaux d'eau de toute sorte abondent dans ce pays. Une trentaine de Chiens galeux se tenaient là, couchés au soleil, ou en train de se dis- puter la nourriture. M. Giraud nous montre, sur l'estampe où figure Singa, les portraits de dix de ces animaux assez semblables à des Hyènes ; leur pelage est hérissé ; leurs oreilles très droites et leur queue enroulée à son extrémité. Une autre fois, M. Giraud aborda sur une île située au milieu du fleuve. Il y trouva une cabane de pêcheurs ; les habitants avaient fui en laissant leurs Chiens. Ceux-ci aidèrent nos voyageurs à découvrir un indigène. On fut obligé de lui offrir des perles pour qu'il parlât. Les Chiens de l'Afrique orientale. M. Fritz Bley que nous avons cité plus haut, l'auteur de l'ouvrage : Deutsche Pionierarbeit in Ost-Africa (Berlin, 1891), écrivait dernièrement à M. Max Siber : selon votre désir, je vous adresse des renseignements sur les Chiens de l'Est-Africain. Les observations que j'ai relevées ne sont point scientifiques ; elles visent le côté pratique. Il serait important de rechercher par l'étude des crânes et la mensu- ration de tout le corps si, sous l'influence du climat qui est très différent dans l'intérieur du pays et sur les côtes, les divers types canins de l'Afrique orientale doivent être consi- DES CHIENS D'AFRIQUE. 495 dérés comme issus d'une même souche, et de reconnaître les modifications qu'ils ont pu subir, soit dans leur structure, soit dans leur tempérament. Comme je me trouvais à Ousungula, j'eus grande envie d'entreprendre ces recherches ; malheu- reusement le temps me manqua. Je n'exposerai donc ici que des hypothèses qui serviront peut-être aux études futures. Les Chiens dits « sauvages » répandus à Zanzibar sont, sans aucun doute, de vrais Chiens et non pas des Chacals. On les désignerait mieux sous l'épithète de : « Chiens rede- venus sauvages ». Je doute tort d'ailleurs qu'un croisement entre Chien et Chacal se soit jamais produit. J'ai poursuivi souvent des Chacals et j'ai toujours remarqué que leurs mou- vements et leurs allures les distinguent des Chiens des nègres. Leur ressemblance est cependant incontestable, sous le rap- port de la conformation des oreilles, de la queue et de la vie qu'ils mènent. De jour, ces animaux errent isolément ou par paire près des plantations ; mais à la nuit, ils se réunissent par cen- taines. Quand ils traversent la Mnasi Moja, il est prudent de se munir d'un bon fouet, fait en peau d'Hippopotame, pour s'en garder. Cette route, semblable à une digue bien pavée, traverse des terres baignées par les flots et conduit au Sud, vers la plus belle partie de l'île, où sont situés Schukuani, palais préféré du Sultan, des villas d'Européens, etc.. A marée basse, ces Chiens découvrent en ces endroits de bons morceaux ; ils purgent la digue des immondices et sont aussi utiles que les Oiseaux de proie nommés par les nègres : « Sergents de la Mnasi Moja ». Il est bien naturel qu'on tolère ces Chiens à Zanzibar. Cependant, vers 1880, ils s'étaient multipliés à tel point, qu'ils devinrent un véritable fléau pour l'ile. On prit des mesures. Said Bargasch organisa plusieurs battues où des Arabes de marque et des Européens prirent part. En temps de marée, la ville de Zanzibar possède seu- lement deux issues : l'une, au Nord, le pont ; l'autre, au Sud, la rue de Mnasi Moja. On posta des tireurs sur ces deux points ; les esclaves du Sultan traquèrent les Chiens au dehors de la ville. Néanmoins, on en tua un petit nombre. Le Chien est regardé comme impur par l'Arabe. Pourtant on voit dans l'île un grand nombre de Lévriers arabes (1;, (1) Nous avons reproduit un Chien de ce genre dans un chapitre précédent (Voy. Qg. 24, Revue, 189'i, II, p. 387). 406 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. aux allures nobles, gui lurent introduits de Mascate. Le Sultan possède toujours un Guépard; il ne s'en sert pas pour la chasse. Les Arabes de Zanzibar s'avilissent toujours plus ; de même, ces Lévriers dégénèrent par manque d'exer- cice à la chasse. Sur les côtes, les Matins communs des villages ressemblent à ceux que l'on rencontre dans les habitations des nègres à Zanzibar; leur queue et leurs oreilles retombent; mais les lobes des oreilles pendent à moitié. Leur pelage est le plus souvent uniforme, jaune-brunâtre sale ; on voit des individus qui sont bariolés de blanc. Je ne puis parler de l'utilité qu'on en retire ; ils ne font qu'errer. On ne peut guère les em- ployer pour la garde, car la Panthère ne les redoute pas et les dévore. S'ils aboient à la Hyène qui s'enfuit, quand celle-ci fait volte-face, ils se hâtent de rebrousser chemin. Autre- ment, leur occupation consiste à errer, à manger et à japper continuellement. Je n'ai pas entendu dire, sur les côtes, que le rôti de Chien fût recherché par les indigènes ; par contre, les Mafitis l'ap- précient beaucoup. Quand leurs Chiens qu'ils emmènent à la guerre ont déchiré le ventre d'ennemis tombés, cela ne di- minue nullement leur appétit. Cette peuplade emporte à la chasse, outre le grand épieu muni d'une pointe lancéolée, plusieurs javelots de main. Ceux-ci, entourés avec de la corde, ont une pointe également en forme de lance qui est fixée par la peau de queue de Chien récemment abattu. Les Ouakamis sacrifient quelquefois leurs Chiens, pensant que cet acte chasse le mauvais esprit de leur famille. Chez les Ouasambaras, ces animaux sont immolés, puis mangés ; on choisit surtout les Chiens préférés d'une caste éteinte. Cette tribu, comme la plupart des peuplades des côtes, appel- lent le jugement dernier « Peponi » qui est pour eux le « Domaine du vent », c'est-â-dire du diable (Pepo signifie : vent ou diable). Pour y arriver, l'âme du mort doit entre- prendre un long voyage, traîner un lourd fardeau et sur- monter mille fatigues. Afin que les vivres et la boisson ne lui manquent pas pendant cette promenade, on enterre avec lui certaines provisions dans sa fosse. Pour le distraire, on lui envoie un compagnon de route en sacrifiant un de ses Chiens préférés. Les Ouasaramos, qui professent la même croyance, brûlent DES CHIENS D'AFRIQUE. 497 en holocauste, à la mort d'un chef, quelques esclaves. — Nous retrouvons d'ailleurs les mêmes cultes chez les anciens Ger- mains. La queue du Chien Mahenge, dont nous avons parlé précé- demment, ne tombe pas tout à fait. Elle est plutôt enroulée et remarquablement large à la racine. M. F. Bley ajoute encore : Quand mon « Simba » appa- raissait dans un village d'Ousamoro, aussitôt tous les Mâtins des environs se précipitaient pour le mordiller, à la grande distraction de mes gens. Les Mafitis dressent ces animaux principalement pour la chasse du Sanglier. Le Chien-Hyène est abondant sur les rives du Kingani supérieur. Mon prédécesseur à Ousoungula, M. de Zelewski, tua à grenailles, en une seule journée, six de ces animaux qui avaient dévoré un Mouton ; le même nombre échappa. Je n'ai jamais vu le Chien-Hyène réuni en société ; je le ren- contrai isolément ou par paires. Quant à la nomenclature des Chiens d'Afrique, il y existe une lacune, comme en Suisse. Les Barrys et les Plutons sont généralement appelés par les nègres « Sumbas », ce qui veut dire Lions ; ils nomment les Chiennes « Bibis », c'est-à-dire lonj2r celles qui sont se'chées daus l'eau bouillaute. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 515 Les Grenouilles, dans leurs divers étals, constituent une alimen- tation qui se trouve à la portée de tous et qui a l'avantage d'être peu chère. De S. L'hibernation des Hirondelles. Réponse a la note de M. de Confévron. En répondant à la note insérée par M. de Confévron dans la Revue du 5 novembre dernier, relativement à mon article sur V Hibernation des Hirondelles, mon but est surtout de remercier notre collègue de l'obligeant concours qu'il veut bien m'offrir pour poursuivre l'enquête dont j'ai parlé. L'intérêt que porte M. de Confévron à toutes les ques- tions d'histoire naturelle, son expérience, son zèle pour la recherche de la vérité me rendent précieuse sa collaboration. Si je ne lui ai pas adressé plus tôt mes remerciements, mon excuse est que je n'ai pu prendre connaissance de sa note que tout dernièrement, à mon retour d'un voyage dans le midi de la France. Notre collègue, toutefois, ne paraît pas accorder, jusqu'à présent, grand crédit aux faits que j'ai cités, concernant l'hibernation par en- gourdissement des Hirondelles, faits ti es exceptionnels, je le répète, accidentels mais re'els. « Pour y croire, dit M. de Confévron, il faudrait être au temps de Pline, et depuis lors l'histoire naturelle se base sur des observations positives. » Que sont donc celles que j'ai rapportées ? Ne sont-elles pas très positives, et se réclamant de noms qui, comme je l'ai fait remarquer, sont une garantie de leur authenticité? Pas n'est besoin de remonter jusqu'à Pline, il suffit de s'adresser à un ornitho- logiste de la valeur de Vieillot, à un savant tel que Pallas, à un phy- siologiste comme Dulrochet. Ce qu'ils racontent, ils l'ont vu, Pline ne faisait que copier Arislote, et j'ai montré que l'erreur de ce dernier était de trop généraliser le cas. La question de l'hibernation des Hiron- delles ne reste donc pas « intacte et entière » ainsi que le pense M. de Confévron, elle est fortement entamée. Il s'agit seulement, à mon sens, de compléter les observations, de grossir un dossier, de préciser des circonstances, afin de dissiper une bonne fois tous les doutes et d'amener à nous toutes les convictions. Quant à l'observation faite par Dominique Larrey, à la fin de l'hiver de 1792, dans la vallée de Maurienne, l'illustre chirurgien se montre très affirmatif dans sa Campagne d'Italie, et le soin qu'il prend, près de cinquante ans plus tard, de réunir des informations, lorsque l'Aca- démie des Sciences s'occupe de la question, comme le témoignent les deux lettres que son fils m'a fait l'honneur de me communiquer, prouve qu'il n'avait aucun doute sur 1 exactitude du fait qu'il avait pu cons- tater. Ce n'est donc pas « une légende ». M. de Confévron a visité les mêmes. lieux, dit-il, « demandant par- tout des renseignements », mais en vain. En quoi ce résultat peut-i 516 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. venir contredire l'affirmation si nette de Dominique Larrey et les con- clusions que j'en ai tirées? Je n'ai jamais entendu soutenir que, chaque année, der Hirondelles se retiraient dans la grotte dite « l'Hirondellière » pour s'y endormir du sommeil léthargique. Ce sont là, je ne saurais trop le redire, des faits accidentels qui n'offrent aucune régularité dans leur répétition. D'autre part, ne peut-il pas y avoir eu confusion de localite's? Et puis, il ne faut pas oublier que l'observation de Larrey remonte actuellement à plus d'un siècle. II faut prendre les faits tels qu'ils se présentent au moment où ils sont observés. Je veux dire maintenant quelques mots sur deux assertions rele- ve'es dans la note qui nous occupe, dont l'une se rattache d'une façon indirecte à la question de l'hibernation et l'autre lui est complète- ment étrangère. « Il ne faut pas perdre de vue non plus, dit l'auteur de la note, que ce n'est pas tant le froid qui fait fuir les Hirondelles, lorsqu'elles nous quittent, que l'impérieux besoin de trouver leur nourriture et les in- sectes qui leur sont nécessaires et qu'elles ne rencontrent plus chez nous. •■ J'ai dit à peu près la même chose au début de mon article du 5 oc- tobre, et, en effet, il semble que ce ne soit pas tant l'excès du froid que le manque d'aliments qui force les Hirondelles à nous quitter. Elles peuvent supporter une température assez basse, pourvu toutefois qu'elle ne soit pas trop prolongée On a vu, par exemple, des Hiron- delles rustiques qui sont moins frileuses que les Hirondelles de fenê- tre, et les premières à paraître dans nos climats, surprises par des froids aigus, voler quelquefois à travers des flocons d'une neige épaisse. Ces oiseaux restent si l'intempérie n'est que passagère, mais si le mauvais temps dure, ils s'éloignent et battent en retraite vers des pays plus méridionaux. Dès que l'inclémence de l'air ne se fait plus sentir, ils reparaissent dans les lieux qu'ils avaient abandonne's. Il est arrive' que, mal servies par leurs pressentiments, les Hiron- delles ont négligé d'exécuter leur mouvement de recul vers le sud, et alors elles ont péri en grand nombre, comme le prouvent des obser- vations repétées, par exemple, pour ne citer que des faits très connus, celle de Hébert relatée par Guéneau de Montbelliard, le collaborateur de Buffon, et celle de Lottinger. « On les trouvait étendues sans vie, dit ce dernier, sur les bords des étangs et des rivières de Lorraine. * Ces oiseaux ne peuvent donc pas supporter un froid intense et pro- longé. « J'avoue, dit ailleurs M. de Confévron, n'avoir jamais pu constater cette grande quantité d'Hirondelles qui, comme on le rapporte, ^e poseraient sur les roseaux, aux abords des fleuves et des marais. » Le cas est pourtant indéuiable et reconnu par tous les ornitholo- gistes. Et cela depuis longtemps. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 517 « Dans notre climat, dit Guëneau de Montbelliard, parlant des Hi- rondelles rustiques, elles passent souvent les nuits, vers la fin de l'été perchées sur des aunes au bord des rivières, et c'est alors qu'on les prend en grand nombre et qu'on les mange en certains pays ; elles choisissent les branches les plus basses qui se trouvent au-dessus des berges et bien à l'abri du vent (1). » Plus loin, quand il s'agit des Hirondelles de fenêtre, il dit encore : « Elles se posent dans les roseaux pour y passer les nuits, sur la fin de l'été, lorsqu'à la troisième ponte elles sont devenues trop nom- breuses pour pouvoir être toutes contenues dans les nids (2). » A cette époque, en effet, on les voit souvent se rassembler en troupe, une heure environ avant le coucher du soleil, pour gagner les roseaux et les arbustes des rives où elles doivent passer la nuit. M. de Confé- vron, qui a étudié, avec un soin spécial et en bon observateur, la vie des Hirondelles, a dû remarquer qu'on en trouve beaucoup moins le soir dans l'intérieur des villes et des villages que pendant la journée J'ai parlé, d'après Spallanzani, du genre de chasse que l'on faisaL à ces oiseaux dans le Modénois, ce mode de capture existe encore en Italie. On les prenait aussi en automne, en Alsace, avec les étour- neaux, en laissant tomber, à l'entrée de la nuit, un filet tendu sur les marais remplis de roseaux. On agissait de même dans quelques parties de la Lorraine. Pendant des manœuvres qui avaient lieu aux environs de Châlons, à Vadenay, des soldats se rendirent un soir, à nuit close, sur les bords d'une petite rivière pour se livrer à la pêche. En suivant la berge ils firent partir une grande quantité d'oiseaux abrités dans les arbustes et les roseaux. Ils en abattirent quelques-uns à coups de bâton, et s'arrêtèrent lorsqu'ils s'aperçurent que c'étaient des Hirondelles. Je cite ce fait parce qu'il est récent et qu'un de mes parents en a été le témoin. Enfin, j'ai vu moi-même, plusieurs fois, de grands rassemblements d'Hirondelles, en automne, dans les roseaux des marais de Picardie. Je suis heureux que M. de Confévron veuille bien s'intéresser à cette question si curieuse de l'hibernation des Hirondelles et me ser- vir de correspondant. Au surplus, nous venons d'entrer dans la saison où ces observations tant désirées vont se produire. Magaud u'Auuusson. Note complémentaire de M. de Confévron. Comme corollaire à ma dernière note sur le même sujet, parue dans la Revue des sciences naturelles appliquées , je dois dire que les Hirondelles ont été, cette année, en beaucoup moins grande quantité (1) Bufïbn, Histoire naturelle, édit. Sonnini, t. LV,p. 2i. (2) Loc. cit., p. 66. 518 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. que dYrdinaire. Cette diminution, dont je ne suis pas le seul à m'a- percevoir et qui va en s'accentnant d'un e'té à l'autre, est due à la guerre sans merci que l'on fait a ces charmants oiseaux pour en orner, paraît-il, les chapeaux de nos Merveilleuses. Hélas ! les Hirondelles, ce* modestes oiseaux de nuances effacées et qui ne sont guère destinés qu'à faire du frelatage, ne sont pas les seuls qui y passeront. Les Colibris, les Merles métalliques, les Oiseaux de paradis, ele , elc, voient leurs bandes s'e'claircir terriblement. Eh bien ! les femmes en général, les femmes françaises au moins, devraient, par un élan de générosité digne d'elles, par un acte de tact et de bon goût, se constituer les prolectrices de ces jolis oiseaux qui leur ressemblent par la grâce. Oui, je voudrais voir les femmes se liguer et décréter la grève gé- nérale contre la mode stupide qui leur impose le port des dépouilles de ces délicieux petits êtres, mis à mort pour elles sous prétexte de les embellir. Comme si elles avaient besoin décela, comme si elles n'étaient pas irrésistibles parées de leurs propres charmes et comme si leur plus belle parure n'était pas la simplicité. Celles qui ont le sentiment du vrai beau savent bien que j'ai raison. Allons, mesdames, un bon mouvement et en avant pour l'associa- tion prolectrice des petits oiseaux. N'avez-vous pas à votre disposition mille autres choses, et les fleurs et les pierreries, qui ne souffrent pas et qui ne se plaignent pas du nouvel éclat qu'elles empruntent à voire contact. De Conpévron. Les Hannetons dans les montagnes. — Jusqu'ici, on con- sidérait l'altitude de 1,200 à 1,300 mètres comme la limite extrême du séjour des Hannetons dans la région alpine. On a constaté au mois de mai dernier, leur présence dans la forêt de Coufin au-dessus de Bex (canton de Yaud), à 1,520 mèlres, où l'on a trouvé des « Vers blancs » en assez grand nombre et même des Insectes, à l'état parfait, prêts à sortir de terre. De B. Les Abeilles et les Sapins blancs. — M. J. Theiler de Zug signala, dans la dernière assemblée de la Société Suisse des Amis des Abeilles, un fait nouveau. Les apiculteurs de la région frontière des Cantons de Zurich et de Zug constatèrent, vers la fin de juin et au commencement de septembre de cette année, que les « ouvrières » revenaient le soir, à l'entrée des ruches, trop affaiblies pour y pénétrer. La plupart tombaient à terre et périssaient. M. Theiler en attribue la cause au champignon para- site, désigné sous le nom de « Kospilz » qui se de'veloppe sur le aiguilles des Sapins blancs. Les Abeilles qui se posent sur les branches s'empoisonneraient. G. CHRONIQUE GENERALE ET FAITS DIVERS. 519 Exposition internationale d'Horticulture en 1895. — La Société d'Horticulture a décide que son exposition annuelle serait transformée pour 1895 en exposition internationale ; elle nous demande d'aider de tout notre pouvoir au succès de la solennité qu'elle pre'pare. Notre bonne volonté' lui est, bien entendu, toute acquise et nous nous faisons un plaisir de reproduire la lettre que son honorable Président et son Secrétaire géne'ral nous adressent : « Monsieur le Président et cher collègue, » La Socie'té nationale d'Horticulture organise dès maintenant une exposition internationale des produits de l'horticulture et des indus- tries qui s'y rattachent directement. » Désireuse de donner à celte solennité horticole, qui aura lieu du 22 au 28 mai prochain, une importance égale à celle des expositions analogues qui ont lieu à l'e'tranger, elle vient faire appel au concours de la Société que vous présidez. » Nous avons donc l'honneur, Monsieur le Président et cher col- lègue, de vous prier de donner à cette exposition toute la publicité dont vous pouvez disposer et d'engager les amateurs, les horticulteurs et les industriels de votre contrée à y envoyer leurs produits soit indi- viduellement, soit collectivement. » Notre Socie'té, qui s'impose de grands sacrifices pour la réussite de cette exposition, serait heureuse si, à cause de son caractère inter- national, vos collègues voulaient bien lui fournir les moyens de ré- compenser par l'attribution de médailles et de prix à de'cerner en leur nom les exposants qui seraient juge's dignes de les obtenir. » Nous avons l'espoir que vous voudrez bien nous honorer prochai- nement d'une réponse favorable, la liste des donateurs devant être publiée en janvier en môme temps que le programme définitif de l'ex- position. » En associant nos efforts nous montrerons que l'Horticulture fran- çaise est digne à tous e'gards de la haute re'putation qu'elle a acquise depuis longtemps. » Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre haute considération. Le Secrétaire général, Le Président, Chatenay (Abel). Léon Say. » La Baselle à grandes feuilles (Basella cordifolia) . — Les Ba- selles sont des plantes grimpantes à feuilles charnues, employées sou- vent comme potagères à la façon des e'pinards. La Baselle rouge et la Baselle verte se trouvent surtout dans les potagers d'amateurs, les maraîchers ne paraissent pas estimer ces plantes en raison de la né- cessité de les palisser sur un treillage. Une troisième Baselle, le Basella cordifolia, fut importée de Chine 520 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. en 1839, par le capitaine Geoffroy. « Cette plante, dit Vilmorin (1), serait certainement préférable aux autres espèces à cause de l'am- pleur de ses feuilles et de l'abondance de son produit. La culture ne paraît pas cependant s'en être répandue, probablement à cause de la difficulté qu'on éprouve à la faire grener en France. » J'ai pu obtenir cette année quelques graines de cette Baselle à larges feuilles. La plante se montre très vigoureuse et un pied peut suffire à la consommation d'une famille pendant tout l'été. Les feuilles larges, succulentes, donnent à la cuisson une pulpe moins sèche que celle des épinards. La Baselle est aussi bien supérieure à la Tétragone. La Baselle à grandes feuilles grène abondamment à Alger, elle doit être semée en avril, arrosée abondamment elle peut garnir une tonnelle ou être tenue en treille ou bien simplement ramée avec des branches. Cette Baselle paraît très résistante au siroco, in- troduite dans les jardins du sud elle pourra donner pendant tout l'été un légume frais, sa végétation se continue dans l'arrière-saison, en cela elle se montre supérieure à la Grande Arroche kabyle, qui est aussi une plante bien intéressante pour les jardins de l'intérieur. {Le Zaccar.) Dr L. Trabut. Une plante américaine utile pour les étangs à Pois- sons. — La Zizanie aquatique [Zizania aquatica) prospère dans les étangs de l'établissement de Lubbincben-Guben en Allemagne. Les Poissons, surtout les Carpes, se nourrissent des graines. Mais il faut éloigner les Canards qui dévorent les tiges. La Zizanie est pérenniale ; elle peut croître dans des eaux profondes d'un jusqu'à cinq pieds. En Allemagne, elle fleurit de juillet à août. On la propage en automne avant les gelées, en renfermant les graines dans de la terre argileuse pour qu'elles enfoncent. Il y a quelques années, la Revue des Sciences naturelles appliquées (2) signala cette plante dans un but difféient : « l'utilisation des marais par l'importation du Castor et de la Zizanie aquatique ». De S. La Luzerne du Turkestan « Youngja ». — L'anne'e der- nière, j'ai déjà entretenu la Société d'Acclimatation de cette variété particulière de Luzerne, cultivée dans la région du Ferghana. Je m'appuyais, dans mon exposé, sur un article de M. Tchernoglasov, paru dans la Gazette agricole de Saint-Pétersbourg. L'autorité de l'au- teur de cet article au point de vue botanique serait peut-être insuf- fisante et d'autre part les savants et agriculteurs russes ne se sont pas occupé» jusqu'ici de cette plante, mais j'ai appris que M. Dou- (1) Vilmorin, Plantes potagères, p. 96. (2) Bévue, 1866, p. 22. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 524 brovski, agronome de l'Etat à Poltava, avait obtenu, en 1893, par l'interme'diaire du Ministère de l'Agriculture et des Domaines, des graines de « Youngja » et avait fait des essais comparatifs de sa culture et de celle de la Luzerne ordinaire (Luzerne française) ; il ne se trouve pas encore en mesure de se prononcer sur tous les points, mais il constate de'jà que la « Youngja » se distingue, en culture, de la Luzerne française, malgré l'absence presque absolue de différence dans les formes extérieures. L'été de 1893 ayant été, à Poltava, beaucoup plus pluvieux que de coutume, M. Doubrovski a vu la « Youngja » souffrir beaucoup plus que la Luzerne française d'une sorte de rouille, particulière aux légumineuses. Comme il le fait justement remarquer, le fait n'a en lui rien d'étonnant ni de décourageant : « Les végétaux des régions sèches, transportés dans un climat plus humide, souffrent toujours facilement de la rouille, et vice versa (ainsi, en Russie, les Blés qui souffrent le moins de la rouille sont les Blés d'Angleterre). D'autre part, il est rare d'avoir à se plaindre à Poltava. d'un excès d'humidité, comme en 1893. Beaucoup plus souvent, on a lieu de déplorer l'insuf- fisance des pluies. La « Youngja » se montrera peut-être plus rustique que la Luzerne française, vis-à-vis des sécheresses estivales prolongées du midi russe. Il faut continuer à l'expérimenter. » (Ehosïaïnn, n° 11, 1894 ; notice Doubrovski.) Même à rusticité égale, M. Doubrovski trouve qu'il y a intérêt à étudier la « Youngja » de plus près, vu que Ton peut en avoir de la graine à 5 ou 6 roubles les 16 kilos rendus à Poltava (si l'on en fait venir un wagon entier) alors que la graine de «Luzerne française», de production russe, coûte à Poltava 9 à 12 roubles les 16 kilos. En 1894, la culture de la « Youngja » sera reprise à Poltava en des pro- portions assez considérables. Je me souviens que M. Henri de Vilmorin m'a demandé, en 1892, une adresse pour se procurer de la « Youngja ». On est curieux ici de connaître le résultat de son expérience. J. Vilbouchevitgh. Petersbourg, Nevski 74 app. 14. Le Ben ailé (Morhiga pterygosperma) est un arbre de médiocre grandeur, mais d'un port ornemental, à rameaux étalés, dont le tronc est recouvert d'une écorce rugueuse, de couleur brun jaunâtre; feuilles alternes, bi ou tripennées, avec impaire, composées de folioles oppo- sées, petites, ovales ou oblongues, très entières, glabres. Originaire des régions chaudes de l'Asie, le Ben ailé croît à l'état sauvage dans l'Inde péninsulaire, à Ceylan, au Malabar, à Java, aux Molusques et en Cochinchine, il est cultivé aux Antilles, où il a été probablement introduit, ainsi qu'aux îles Maurice et de la Réunion. Son bois blanchâtre, mou et spongieux, à cassure courte, n'a pas de corps et est de peu d'utilité. 522 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Sa densité de coupe fraîche est de 0,584. Toutes les parties de la plante sont douées d'une acreté prononcée; toutefois, les feuilles se mangent cuites comme l'Oseille et les Épi- nards et les semences des jeunes fruits sont comestibles après cuisson. Les feuilles, les fleurs et les fruits sont administrés contre les affections nerveuses, notamment dans le tétanos et l'hystérie; on leur accorde également une action curative contre les morsures ve- nimeuses. Le fruit est une gousse très allongée, de couleur jaunâtre, striée lon- gitudinalement, formée par la réunion de trois valves épaisses, à chair blanche et légère. Il renferme intérieurement, rangées en lignes dans les loges communiquant entre elles, 12-18 graines ailées, amères et hui- leuses, recouvertes d'une coque noirâtre, mince, fragile et spongieuse, très blanches en dedans. Dépouillées de leur enveloppe, elles donnent, par pression à froid, une huile grasse, transparente, inodore, d'une saveur très amère, usitée autrefois en médecine comme purgatif sous le nom d'Huile de Ben. L'huile de Ben du commerce est fournie en partie, par une espèce voisine, le Moringa aptcra G^ertn. C'est un petit arbre à feuilles alternes, pennées, composées de petites folioles ovales ou obovées, obtuses, glabres, croissant naturellement en Arabie, en Ethiopie, en Judée, et souvent cultivé en Egypte. Cette espèce ne diffère de celle de l'Asie que par ses semences plus grosses, arrondies ou anguleuses, dépourvues d'ailes. Comme tous les Moringa, les diverses parties de ce végétal possèdent des propriétés antiscorbutiques et rubéfiantes. Le Moringa aptera est connu en Judée sous le nom vulgaire de Morungle blanche. Quelque temps après l'extraction, l'huile se sépare en deux par- ties, dont l'une, la plus dense, est épaisse et facilement congelable ; la seconde, au contraire, reste toujours fluide et très limpide, même à de basses températures; de plus, elle possède la propriété de se con- server presque indéfiniment sans rancir, et ne se résinifie pas au con- tact de Tair. D'après Walter, l'huile de Moringa se compose chimi- quement de quatre acides non volatils : l'acide margarique, l'acide stéarique et deux nouveaux : les acides bénique et moringique. Sa densité est de 0,915. Cette huile est excellente pour adoucir le frottement des pièces mé- talliques de petite mécanique, notamment des rouages d'horlogerie, quoiqu'on lui substitue en partie aujourd'hui, pour cet usage, une qua- lité fine d'huile d'Olive que l'on rend sans action sur les métaux en lui faisant subir un commencement de saponification. L'huile de Ben est appréciée des parfumeurs pour la préparation de VHuile antique et pour fixer les parfums fugaces de la Violette, du Jasmin, de la Tubé- reuse, parce qu'elle n'altère en rien la qualité et l'odeur de ces fleurs. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 523 L'écorce de la racine est un stimulant qui se rapproche du Raifort et peut lui être substitue'e, ses propriétés rubéfiantes la font égale- ment employer comme topique pour combattre la paralysie, le cho- le'ra, etc. M. V.-B. Le Mallotus Philippensis est un petit arbre d'une hauteur de 5-10 mètres sur un diamètre de 25-30 centimètres, mais pouvant atteindre exceptionnellement jusqu'à 15 mètres d'e'lévation et plus. Ses feuilles sont alternes, assez amples, ovales, ovales-oblonguesou ovales lancéolées, acumine'es, entières, coriaces, lisses et luisantes en dessus, pubescentes en dessous. Originaire de l'Asie tropicale, cette espèce croît communément dans les forêts sèches dr,s régions montagneuses de l'Inde anglaise et à Ceylan ; on la rencontre également en Arabie, en Abyssinie, dans toute la Malaisie, l'Archipel Indieu, aux Philippines, au su î de la Chine, ainsi qu'en Australie, dans les taillis fertiles du Queensland et de la Nouvelle-Galles du Sud. Le bois, d'un grain serré, est très solide et bon pour le tour. Le fruit est une petite capsule arrondie qui, à la maturité', se couvre d'une matière pulvérulente, fine, d'un beau rouge cramoisi, inodore et insipide, connue sous le nom de poudre de Kamala. Le produit, utilisé en médecine et dans l'industrie, s'obtient sim- plement en frottant e'nergiquement les fruits les uns contre les autres dans un panier à claire-voie et en recueillant sur une toile la pous- sière qui se détache. Insoluble dans l'eau, cette substance se dissout presque entièrement dans l'alcool, l'éther et le chloroforme, elle se compose chimiquement de matières albuminoïdes, de cellulose, d'eau, et surtout de résine, laquelle renferme elle-même un principe cristal- lisable jaune, la Rottlérine d'Anderson, qui semble être identique avec la Mallotoxine de MM. Perkin. La poudre de Kamala est très riche en matière colorante ; elle sert depuis longtemps dans l'Inde, pour la teinture des soieries, auxquelles elle communique de magnifiques et brillantes couleurs jaune d'or et orange très stables, après avoir été mordancées au carbonate de soude. En médecine, elle est considérée comme un excellent anthelmin- tique, et son action marquée sur le Ténia l'a fait admettre depuis quelques années dans la pratique européenne. Les médecins indigène la prescrivent topiquement contre les éruptions herpétiques, la gale et autres affections cutanées rebelles. J. G. Les Bananiers du Quensland. — Depuis plusieurs années, les fermiers des districts maritimes situés au Nord de la colonie ayant importé des Bananiers {Musa) d'outre-mer, expédient par navires des Bananes à destination des marché* du Sud. 524 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Ce commerce fut d'abord rémunérateur. Mais, en ces derniers temps, la production des fruits ayant augmente', le nombre que l'on en impoita à Melbourne et à Sydney de'passa bientôt la quantité né- cessaire à la consommation de ces deux villes. Il s'en suivit une baisse conside'rable dans les prix de vente. Ces fruits sont délicats ; ils ne supportent pas les longs voyages. Un chargement dirigé léeemment sur Vancouver, prouva qu'il faudrait de'sormais renoncer aux envois dans cette région. Les me'tbodes mises en pratique pour conserver les Bananes n'ont donné jusqu'ici aucun résultat satisfaisant. En 1892, on planta dans la colonie 3059 acres de Bananiers soit 886 acres de moins que l'année précédente. La récolte, qui atteignit, en moyenne, le chiffre de 5 600,916 Bananes par acre, fut cependant très supérieure à celle de 1891. Les cultures, plus limitées que l'an passé, rapportèrent aux planteurs un excédent de 31, 594,138 fruits. De S. L'Iris pabularia est une plante fourragère originaire de Kashmyr, regarde'e dans ce pays comme la nourriture par excellence du bétail, elle peut être cultive'e dans les climats tempères, mais elle ne fructi- fiera que dans les régions du sud de la France et du nord de l'Afrique. Pour les soins à apporter à sa culture, très facile du reste, nous ren- voyons nos lecteurs au numéro de la Revue en date du 5 juillet 1888. Notre confrère, M. Coutagne, vient de mettre gracieusement à la disposition de la Société' une certaine quantité' de semences. M. V.-B. Ls Maiten (Mai/tenus Boaria) est un arbre du Chili qui atteint 10-12 mètres de hauteur -, e'iégant, à feuillage toujours vert, il donne un agre'able ombrage. Les bêtes à cornes sont très friandes de ses feuilles qu'elles prêtè- rent à tout autre fourrage. L'historien Rosales leur attribue les mêmes qualite's qu'au S^'né. Claude Gay les dit fébrifuges. Les graines sont très oléagineuses et on en retire une huile sicca- tive de couleur jaune à saveur acre et amère, qui brûle avec facilité. Le Maiten méritait donc l'attention de la Société et nous enga- geons ceux de nos collègues qui s'occupent de la culture et de la propagation des végétaux utiles, dans le sud de la France et au nord de l'Afrique à essayer d'acclimater cet arbre dans leur re'gion. Nous devons à la libéralité denotre confrère, M. Lataste, des graines de cet arbre intéressant. J. G. IV. BIBLIOGRAPHIE. Hygiène des animaux domestiques, par H. Boucher, chef des travaux d'hygiène et de zootechnie à l'École vétérinaire de Lyon. Introduction par Ch. Cornevin, professeur d'hygiène et de zootechnie à l'École vétérinaire de Lyon. 1 vol. in-16 de 504 pages, avec 70 figures. Cart. 5 fr. — Librairie J.-B. Baillière et fils, 19, rue Haulefeuille, Paris. On trouvera dans ce volume, sous une forme concise mais claire, des notions précises, conformes aux acquisitions les plus re'cenles de la science, sur l'hygiène vétérinaire, c'est-à-dire l'étude des moyens pro- pres à assurer la conservation de la santé' des animaux, et à les pré- server des maladies susceptibles de leur faire perdre de la valeur. Dans une première partie M. Boucher e'tudie le sol, l'eau, l'atmos- phère et les climats. A propos du sol, il passe en revue ses propriéte's physiques et chimiques, sa constitution minéralogique, ses revête- ments, puis son assainissement et son amélioration par la culture, le drainage, l'exhaussement, les irrigations. A propos de l'eau il e'tudie les conditions de potabilité des eaux, leur correction, leur conservation et leur examen physique, chimique et bactériologique. L'atmosphère est étudiée au point de vue de sa constitution, de ses propriétés physiques et de ses altérations. Les différents climats sont passe's en revue, spécialement les climats régionaux fiançais. La ques- tion de l'acclimatation et de l'acclimatement termine cette première partie. La deuxième partie est consacrée aux habitations, aux harnais, aux soins de toilette et à l'alimentation. Après un chapitre de considérations générales sur la construction des habitations, M. Boucher passe en revue les écuries, les étables, les bergeries, chèvreries, porcheries et chenils et les logements des ani- maux de basse-cour. Vient ensuite l'étude des litières et fumiers, puis celle du nettoiement et de la désinfection des écuries et étables. Les harnais sont étudiés comme vêlements, comme moyen de con- tention et comme harnachements de travail. Les soins de toilette com- prennent le pansage, le tondage, les bains, les frictions, onctions et massage. La question de l'alimentation, la plus importante de toutes, ne com- prend pas moins de 200 page-. M. Boucher passe successivement en revue les divers aliments d'origine végétale, puis d'origine animale et étudie leur composition et leur digestibilité Puis il pas-e à leur pré- paration (assaisonnement, nettoyage, division, cuisson, etc. à leusr térations et sophistication, puis à leur conservation. o26 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. L'ouvrage se termine par les principes géne'raux du rationnement et des substitutions et par fe'lude du re'gime. Ce volume de M. Bouchiîr fait partie de l'Encyclopédie vétérinaire, publiée par M. le professeur Cadéag (de Lyon). Le Monde des Plantes, par P. Constantin, agrège' des sciences naturelles, professeur au lycée de Rennes. 2 vol. gr. in-8° de 750 p., illustrés de 700 figures. Se publie en 48 séries à 50 c. ou en 8 fas- cicules à 3 fr. (Envoi franco du fascicule Ier contre un mandat postal de 3 fr.). Librairie J.-B. Bailliere et fils, 19, rue Haute- feuille, à Paris. La collection des Merveilles de la nature de Brebm ne comprenait jusqu'ici que l'histoire naturelle de la Terre, de l'Homme et des Ani- maux. Il restait à connaître les Végétaux. M. Paul Constantin, agre'gé des sciences naturelles, professeur au lyce'e de Rennes, déjà connu du grand public par son ouvrage Anatomie et physiologie animales, en collaboration avec le professeur Mathias Du val, a entrepris ce travail et s'est attaché à apporter dans l'accomplissement de sa tâche cet esprit de sérieuse vulgarisation qui a rendu si populaire l'œuvre de Brehm et des savants français qui ont fait de l'e'ditiou française l'histoire naturelle la plus au courant de la science : MM. Verneau, Kunkel d'Herculais, Sauvage, T. de Rocbebrune, du Muséum d'his- toire naturelle, Gerbe, du Collège de France, et F. Priem, de l'École Normale supérieure. Le ifonde des Plantes est une description méthodique, famille par famille, du régne vége'tal. L'auteur s'est attaché à étudier surtout les plantes qui croissent dans notre pays, et, parmi les plantes exotiques, celles qui sont susceptibles d'applications intéressantes. Le lecteur trouvera dans cet ouvrage pour chaque famille, chaque genre et chaque espèce, à côté des caractères botaniques, l'indication de la distribution géographique du groupe étudie', en même temps que l'expose' de nombreux services que peuvent rendre les végétaux à la médecine, à l'alimentation, à l'industrie, à l'agriculture, à l'horti- culture, à la décoration des appartements, etc. Les caractères bio- logiques, c'est-à-dire les phénomènes intéressants de la vie des plantes, n'ont pas été oubliés et sont traités avec le plus grand soin. Tous ceux qui aiment les plantes, et ils sont légion, peuvent donc lire avec profit ce livre. M. Constantin s'est inspiré des travaux des botanistes français et étrangers qui se sont efforce's d'arracher à la nature ses secrets. L'ou- vrage est au courant des recherches les plus récentes. Le livre est écrit très clairement; la lecture en sera facile aux per- BIBLIOGRAPHIE. 527 sonnes les moins familiarisées avec les études scientifiques. Il est d'ail- I n leurs parfaitement illustre'. De très nombreuses figures l'accompagnent : représentations de plantes, fleurs, fruits, vues pittoresques, etc. En tout, ce volume, bien supe'rieur aux ouvrages de vulgarisation du même genre déjà publiés en France, est digne de prendre place dans la collection des Merveilles de la Nature, de Brehm, si appre'ciée du grand public. Maladies des arbres fruitiers, avec 35 figures dans le texte, par E- Sirodot, préparateur-adjoint au Muséum, cbef du laboratoire de recherches de la maison Viimorin-Andrieux. — Paris, Octave Doin, e'diteur. Les maladies de la Vigne ont e'té jusqu'à ce jour l'objet de patientes recberches consigne'es dans de nombreuses publications. Elles méri- taient, en effet, toute l'attention de la science par leurs conse'quences de'sastreuses. Mais, pour être moins graves, moins souvent mortelles, les maladies des arbres fruitiers n'en ont pas moins une se'rieuse im- portance, car la récolte des fruits et leur vente est une des princi- pales sources de richesse pour certaines régions. M. Sirodot a donc fait œuvre utile en s'adonnant à l'étude des maladies qui attaquent les arbres fruitiers et arrêtent leur développement et leur production. Ce que le propriétaire attribue souvent à des influences atmosphériques, brouillard, vent, gele'e, etc., est, la plupart du temps, le re'sultat de l'invasion de parasites parfois microscopiques. En indiquant les signes qui permettent de constater leur présence, en enseignant la marche à suivre pour arrêter leur multiplication et leurs ravages, M. Sirodot rend un véritable service aux arboriculteurs. Les Oiseaux de Provence, énumération alphabétique en fran- çais et en provençal. — Classification. — Description par Raymond Régnier. — Aix, imprimerie H. Ely, 5, rue Emerie-David. Tous les amis des Oiseaux feront bon accueil à ce travail de notre collègue, travail qui a exigé autant de patience que d'e'rudilion et fa- cilitera grandement dans nos régions méridionales les efforts de la Ligue française ornithophile. La description des Oiseaux est tellement minutieuse et complète que le secouis du dessin n'est plus nécessaire pour les reconnaître et les classer et leur de'nomination dans les différents idiomes empêche toute confusion. 528 Liste des principaux ouvrages français et étrangers traitant des Animaux de basse-cour a). 2° OUVRAGES ALLEMANDS [suite). Hûhnerhof (Der. Eine vollstândige und deutliche Anweisung fur Haus- frauen, die Ilùtiner zu erziehen, etc. Mit Belebrungen ùbcr aile KraDkheiten der Hùhner, deren Verbùtung und Ileilung, sowie ûber die besten Aufbewahrungsmethoden der Eier. Nebst einem AnbaDg ùber die Hùbnerzucbt im Grossen, ûbër kùustlicbe Ausbrûtung der Eier, iïber die vortbeilbaftesten Hùbnerrassen und ùber die Zucbt der Truthùbner. 8. Aufl., Ilmenau, Scbrôter, 1880. 1 M. Bass'-Cour (La). Instruction claire et complète pour les ménagères pour élever les Poules, etc., avec des instructions sur toutes les maladies des Poules, la manière de les éviter et de les guérir, ainsi que les meil- leures méthodes de conserver les œufs. Avec un appendice sur l'éle- vage des Poules en pros; l'incubation artificielle des œuls, les races de Poules les plus avantageuses et l'élevage des Diudons. 8e édit., Ilme- nau, Schrôter, 1880. 1 Mark. Eûhaerrassen [Die). Mit 15 nalurgetrenen Abbildungen verscbiedener Stamme. Von einem Hùbnerologen. Kiel, Lipsius u. Tiscber, 1876. M. 1,60. Races de Poults (Les). Avec 15 figures d'après nature de différentes races, d'un poulologue (amateur de Poules). Kiel, Lipsius et Tischer, 18:6. M. 1,60. Eilhnerrasaen. 12 Rassen je 1 Paar auf 1 Farbendruck. Stuttgart, I. Hoffmann. M. 2,50. Races d* Poules. 12 races. 1 paire par figure coloriée. Stuttgard. I. Hoff- mann. M. 2,50. Huperz (Th.). Die Geflùgel- und Kauincbenzucbt, nacb englhcben und franzôsiscben Grundsalzen und Erfabrungen. Bonn, E. Strauss, 1881. Ruptrz {Th.). L'élevage de la volaille et des Lapins d'après des principes et des expériences anglais et français. Bonn, E. Strauss, 1881. Jeitels (L. H). Neue Beitrâge zur Gescbicbte des ïîaushubns, in Mit- theilungen des ornithol. Vereins. Wien, 1878. Jeitels (L. H). Nouveaux suppléments à l'histoire de la Poule domes- tique, dans les rapports de la Société ornithologique, Vienne, 1878. (A suivre.) (1) Voyez Revue, année 1893, p. 564; 1894, 1" semestre, p. 383; 2' se- mofcirr, p. 142, 240, 336, 383 et 480. Le Gérant: Jolks i.kisabd. 529 ALLOCUTION PRONONCÉE PAR M. A. GEOFFROY SAINT-HILAIRE PRÉSIDENT A LA 42° SÉANCE DE RENTRÉE EN SESSION Messieurs, Bien, souvent déjà j'ai attiré votre attention sur les condi- tions dans lesquelles se poursuivent aujourd'hui les tentatives de naturalisation et d'acclimatation. Quand notre Société est née, les moyens de transport, chemins de fer, steamers, qui ont en quelque sorte supprimé les distances, les moyens de conservation qui ont vaincu les difficultés de toutes sortes ré- sultant de la durée du voyage et des températures à subir en cours de route, naissaient à peine. Aujourd'hui tout est bien changé. Les essais sont faciles à tenter, mais leur succès économique reste trop souvent problématique. Le temps n'est plus où chaque région devait produire ses matières premières, où chaque pays consommait sur place, en quelque sorte, ses récoltes. Daubenton introduisit en France les Moutons mérinos pour affranchir notre pays du tribut que payait alors la France en achetant les laines d'Espagne. Cette tentative, d'un intérêt pratique si considérable, paraî- trait bien vaine aujourd'hui. Les jeunes générations ont certainement quelque peine à comprendre l'importance qu'on attribuait au résultat de tant d'efforts. Il était si simple, di- raient nos jeunes gens, d'aller les acheter de l'autre côté des Pyrénées. En 1795 on ne raisonnait pas ainsi. Alors, en effet, l'Espagne était encore bien loin de nos filatures, et les trans- ports grevaient la marchandise de frais qu'elle ne pouvait porter. Les temps et les besoins sont autres maintenant. Nous avons vu, en moins de cinquante ans, les laines fran. çaises subir les plus écrasantes concurrences. La Crimée, puis la Russie continentale, l'Australie, le Cap, l'Amérique du Sud 20 Décembre 189-5. 34 530 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. et tant d'autres pays, rapprochés de nous par des moyens de transport de plus en plus perfectionnés, sont venus, les uns après les autres, contribuer à l'avilissement des prix, si bien qu'aujourd'hui la production de la laine, autrefois une des ri- chesses de notre agriculture, ne saurait plus être effective- ment rémunératrice dans nos régions. Cet exemple. Messieurs, est propre à faire comprendre que les progrès de l'acclimatation, dans les pays d'outre-mer, des richesses naturelles, animaux et plantes d'Europe, a profon- dément perturbé les conditions économiques de notre vieux monde. Lorsqu'en 1854 la Société nationale d'Acclimatation se fondait, elle se proposait d'aider la France et le vieux monde à s'enrichir d'espèces utiles, mais les moyens de transport ayant en quelque sorte annulé la distance, les pays les plus lointains peuvent aujourd'hui nous envoyer, presque sans frais, non seulement leurs productions naturelles, mais en- core inonder nos marcbés des produits européens natura- lisés sur leur sol, produits dont nous avions jadis comme le monopole. L'acclimatation s'est faite au profit des pays nouveaux, et aussi, il faut le reconnaître, au profit des consommateurs dont le bien-être a pu s'accroître dans d'incalculables pro- portions, grâce à l'avilissement de la valeur des matières premières de toutes sortes. On peut, en effet, se demander ce que seraient devenus les prix des marchandises si le déve- loppement considérable des besoins des populations de l'Eu- rope avait eu pour se satisfaire, seulement la production d^s régions anciennement civilisées, qui seules donnaient avant la mise en valeur des pays d'outre-mer. J'aurais pu, pour développer ces réflexions, prendre d'autres exemples que les laines ; il me suffira d'ajouter que nous verrons naître bientôt pour les vins des concurrences aussi redoutables que celles dont je vous parlais tout à l'heure pour les produits de nos troupeaux, car le jour n'est pas loin ou paraîtront sur les marchés de l'Europe les vins de la Californie, de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et de tant d'autres régions. Ces marchandises viendront aggraver en- core la concurrence menaçante que les vins d'Algérie font aux produits du vignoble français. L'agriculture européenne, car ces intérêts sont de ceux qui dépassent les frontières des Etats, doit donc lutter contre ALLOCUTION DE M. A. GEOFFROY SAINT -HILAIRE. 531 les redoutables rivaux que lui donne ] 'acclimatation dans le monde. Il y a plusieurs remèdes au mal. Il faut d'abord savoir obtenir abondance et qualité. La science d'aujourd'hui nous en donne les moyens. Il faut aussi donner à l'expansion coloniale toute l'activité possible. Ouvrir à nos produits de nouveaux et importants débouchés. Mettre en valeur les terres que le vieux monde s'est appropriées dans les pays qu'il a su conquérir. Il y a là, Messieurs, pour l'activité d'une société comme la nôtre, un vaste champ à exploiter, car étudier les produits qui peuvent être utilement cultivés dans ces pays nouveaux, encourager les essais, récompenser les résultats obtenus, aider, dans la mesure de nos forces, ceux qui travaillent à augmenter la richesse des terres devenues françaises, ce sera encore servir notre pays. Cette tâche, nous n'y avons jamais failli, et notre recueil est plein d'études qui intéressent le développement des colonies. Nous devrons marcher dans cette voie avec persévérance et avec résolution. En terminant, Messieurs, je veux donner un tribut de regrets aux membres de la société que la mort a frappés depuis la clôture de la dernière session nous avons perdu : S. A. R. Mgr le Comte de Paris, MM. Jean-Baptiste- Auguste André, Henri que de Beaurepaire-Rohan, Emile Ducatel, Henri de Faletan, Le professeur Gastinel-Bey, Guy aîné, Moritz, Comte de Narbonne-Lara, Charles Nicolas (d'Algérie), Achille Normand, Vicomte de Sémallé, A. Sendral, James Smith, Marquis de Selve, qui faisait partie du Conseil d'Administration depuis les premiers jours de notre Association et dont le zèle pour la So- ciété a été constant. 532 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Et tout récemment, la nouvelle est d'hier, un de nos plus illustres collègues, Ferdinand de Lesseps. Laissez-moi ajouter ici, Messieurs, à cette liste, le nom d'Alexandre III, car Sa Majesté l'Empereur de Russie a été à sa manière un grand acclimateur, en régénérant les cultures de l'Asie centrale, en reconstituant les réservoirs qui jadis donnaient leur fécondité aux terres de l'empire des Khans, en ordonnant les cultures les plus variées sur ces terres rendues à la production. Je déclare ouverte la 42e Session des Séances de la Société nationale d'Acclimatation et j'espère que, sous l'impulsion de M. le baron de Guerne, notre nouveau secrétaire-général, cette session sera active et riche en résultats. 533 I. TRAVAUX ADRESSÉS A LA SOCIÉTÉ. LEVRIERS ET COURSES AU LIÈVRE Par M. Alfred MOUQUET, Vétérinaire. Le Lévrier est un Chien né sous une bonne étoile, car presque partout où on le rencontre, il est traité en Chien gâté. Il est, à toutes les époques, le compagnon d'intérieur ou de chasse des rois et des riches. En Egypte, en Assyrie, il fait partie des équipages royaux (Maspero). La Grèce antique le prise suffisamment pour que Xeno- phon parle de lui. Dans l'Italie de la Renaissance, il est de toutes les petites cours princières ; aussi peintres et sculpteurs le placent-ils dans une foule de tableaux ou de bas-reliefs de tous genres. L'art italien, au point de vue de la représentation de ce Chien, est un des plus intéressants et des plus riches à étu- dier, et il serait fastidieux de citer les nombreux ou- vrages où on rencontre cette figure canine. Disons seulement, pour donner quelques noms d'auteurs, qu'un beau dessin du peintre-médailieur Pisanello (xve siècle) fait partie de la col- lection du Louvre. L'artiste a représenté l'animal debout et de profil. Il est muni d'un riche collier et muselé, car, proba- blement, il avait déjà à cette époque la mauvaise habitude d'étrangler Poules et Moutons. Un autre exemple connu de tout le monde nous est fourni par les Noces de Cana, de Véronèse {Musée du Louvre). On sait que, sous prétexte de Cènes évangéliques, l'artiste peignait les festins de son épo- que, il n'a pris garde d'y oublier l'animal qui avait ses grandes et ses petites entrées partout : le Lévrier. En Espagne et en France, ce Chien est également le favori des rois et des seigneurs. — Les vieux auteurs de vénerie l'indiquent comme bon pour courre le Lîeuvre et le Loup. 534 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Du Fouilloux, parmi eux, en parle avec beaucoup d'éloges ; voici ce qu'il en dit : « Les Chiens nommés Lévriers sont vites et hardis à pren- » dre ce qu'on leur montre, quelque bête que ce soit, et por- » tent grand amour à leurs maîtres, combattant quelquefois « pour eux, et se laissant mourir pour l'absence de leurs dits » maîtres morts, ou bien étant allés en quelque voyage. Et » doit-on bien faire cas de Lévriers qui prennent un grand « Sanglier fier et orgueilleux ; ou bien un grand Loup qui est » une bête fort cruelle ; encore que les Lévriers soient beau- » coup moindres que limiers. » Chacun sait que mes Lévriers ne sont de ces grands que » l'on voit à la Cour de Bretagne ; toutefois ils prennent bien » les Loups, qui sont le plus souvent trop plus grands qu'eux; » mais la race et accoutumance y servent beaucoup. De » quelque beau grand Lévrier de Bretagne et d'une belle Le- » vrière à Lièvre on pourra tirer de beaux Lévriers pour » Loups. » Il cite plus loin un fait d'observation longtemps nié et qui a été vérifié plus tard : « Dans la chasse au Loup ai vu quelquefois que ies Lé- » vriers font difficulté de prendre une Louve chaude, et la » veulent couvrir et saillir comme une Chienne ; mais s'il y » a aux cours quelque bonne Levrière, elle la prendra par » ennui ou par jalousie. » Au Sahara, le Slougui chasse divers gibiers, entre autres la Gazelle ; seul de tous les représentants de la gent canine, il est réputé noble et couche sous la tente avec son maître. L'Arabe tient tellement à la pureté de la race, que lorsque, par hasard, une Slouguia a commis péché d'amour avec un Chien de berger, il va, dans sa fureur, jusqu'à la mettre à mort. « Comment, s'écrie-t-il, toi, une Chienne de race, tu te pros- » titues à des roturiers ! C'est infâme, que ton crime meure » avec toi. » (Général Daumas, Les Chevaux du Sahara.) Les vastes plaines de l'Afrique, les steppes de l'Asie et de l'Europe orientale se prêtent admirablement à l'utilisation du Lévrier, l'Europe occidentale, surtout à cause de la grande division de la propriété, n'est pas dans d'aussi bonnes condi- tions. En France, la loi du 3 mai 1844 défend la chasse avec ce Chien ; en Angleterre, elle se pratique encore, et il y existe, LÉVRIERS ET COURSES AU LIÈVRE. 535 depuis longtemps, des sociétés qui font courir ou chasser le Lièvre en plaine et en champ clos [The Coursing). La façon de procéder ne varie guère dans les deux cas ; pourtant les réunions en rase campagne dans lesquelles on cherche le gibier et où amateurs et parieurs précédés du juge (1), suivent à cheval les concurrents, offrent plus d'at- trait et de brillant. Cet exemple, au moins pour le champ-clos, a été suivi chez nous, et, il y a peu de temps encore, on cultivait ce sport aux environs de Paris. Nous allons en dire quelques mots : Chiens de courses. — Les Chiens de courses ou Grey- hounds, ont la taille élevée, la poitrine ample, le ventre le- vrette, l'avant-bras. la jambe longs et les muscles bien déve- loppés. Ils sont secs, vigoureux et rapides. Ceux venant d'Angleterre ou nés à l'étranger de parents anglais, sont seuls employés en France, et ils doivent, comme les Chevaux de sang, être munis de papiers d'origine. Ces animaux, de couleur variable, manquent d'odorat et doivent en manquer pour être estimés. On comprend faci- lement que s'ils ne chassaient pas à vue, ils perdraient inu- tilement du temps à chercher la piste. Leur valeur, proportionnelle à leurs moyens , peut aller de quelques centaines â 8 à 10.000 francs (2). On les divise en deux catégories : La première comprend les pupilles ou jeunes Chiens de un â deux ans ; La deuxième, les Chiens adultes. Les uns et les autres subissent avant les courses une pré- paration spéciale, d'une durée d'environ deux mois, dont la direction, â défaut du propriétaire, est confiée à un entraî- neur. Cette période préparatoire consiste en promenades au pas d'une durée croissante (1, 2, 3, 5 heures) et en essais de ga- lop et de chasse. Ces derniers exercices se pratiquent au moyen de l'appel et du gibier. (1) Le juge apprécie le faire des Chiens et en pointe le bon et le mauvais. (2) Des journaux de sport racontaient dernièrement que le colonel North, après avoir vendu, pour la somme de 7,500 francs, le Greyhound Simonian au grand-duc Nicolas de Russie, le lui avait racheté pour 18,125 francs. Une saillie de ce Chien serait fixée au prix de 500 francs. 536 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. Galop à l'appel. — Le propriétaire fait tenir le Chien par un domestique et s'éloigne d'environ 200 mètres. Il s'ar- rête alors, se retourne et appelle l'animal de la voix et du geste. Celui-ci, excité par son gardien, retenu d'abord, puis lâché brusquement, parcourt à toute vitesse la distance qui le sépare de son maître. Essai de chasse. — L'essai de chasse a pour but de con- firmer le Chien sur le gibier et de l'habituer à ses ruses. Il consiste à lâcher un Lièvre et à le faire poursuivre. Nourriture . — L'animal à l'entraînement reçoit une nour- riture de petit volume et fait en général deux repas par jour. Ces repas sont composés de viande crue ou cuite et de biscuit. Poule de courses. — Le chien est prêt ; ses muscles sont durs, il est en forme. Son maître, qui l'a engagé dans une course, tire, la veille de celle-ci, un numéro d'ordre qui indiquera le compagnon de lutte que son élève aura. Le n° 1 doit chasser avec le n° 2, le n° 3 avec le n° 4 et ainsi de suite. Le nombre des animaux engagés peut varier, mais on eaa met le plus souvent huit dans une même course. Le propriétaire de chacun des concurrents verse une somme fixée à l'avance ( 25 à 1,000 francs ou quelquefois plus). Cette somme est destinée à être répartie en propor- tions inégales et suivant des règles établies entre le gagnant et le second. Dans quelques cas, les 3e et 4e retirent leur entrée ou mise. Terrain. — Le champ de courses, dont le sol est plus- ou moins dur, est un terrain plat de dimensions variables, mais qui doit avoir au moins 200 mètres de longueur sur 150 à 200 de largeur. Il est complètement entouré de palissades quâ empêchent les regards indiscrets et la fuite des chasseurs et du chassé (1). Course. — Les Chiens sont amenés à jeun au poteau et courent deux par deux. S'il y a huit engagements, chaque gagnant d'une équipe courra de nouveau avec le gagnant d'une autre équipe, (1 et 4) (2 et 3) et les vainqueurs de cette (1) Quand les Lièvres sont rares ou que leur prix est élevé, on évite leur mort en ouvrant, après un certain temps de chasse, de petites ouvertures qui communiquent avec l'extérieur. Capturés immédiatement, ils sont gardés pour la semaine suivante. LÉVRIERS ET COURSES AU LIÈVRE. 537 deuxième épreuve, en luttant ensemble, donneront enfin le premier et le second. Le Lièvre à chasser est généralement lancé à 25 ou 30 mètres des Chiens. Ceux-ci, tenus à la même laisse, sont lâchés en même temps, au moyen d'un système particulier qui les rend libres brusquement. On dit qu'ils sont slippés. Un juge suit à cheval les animaux et compte les points des adversaires. Il y a des points de vitesse donnés à celui qui est le plus vite près du Lièvre, des points de crochet, des points d'angle et des points de mort. On comprend facilement que cette façon de faire soit la seule capable de donner une récompense à celui qui la mérite. S'il en était autrement, un Chien paresseux, attendant au pas- sage le gibier chassé par son compagnon, aurait souvent l'avantage. La durée de la course varie de 60 à 90 secondes, elle peut quelquefois se prolonger pendant 4 ou 5 minutes. La poursuite du Lièvre est un spectacle curieux dont Brehm a donné une description assez imagée : « Le Lièvre, dit-il, » moins sot qu'il ne paraît, sait jouer le Chien inexpérimenté. » Il fuit, le Lévrier le suit à fond de train en faisant des » bonds prodigieux de 2, 3, 4 mètres; en un instant il est sur » ses derrières; il va le saisir, mais il ne réussit pas encore. » Le Lièvre a fait un crochet ; emporté par son élan, le » Chien l'a dépassé de beaucoup et a presque perdu 1 equi- » libre; il se retourne furieux, regarde autour de lui, voit le » Lièvre en fuite et déjà â plus d'une centaine de pas ; il re- » prend sa course précipitée, le réjoint et semble cette fois le » tenir, mais le Lièvre fait un nouveau crochet ; le Chien le » manque encore. Une chasse durerait ainsi éternellement, » si on ne mettait deux Lévriers à. la poursuite d'un seul » Lièvre. On nomme sauveur le Lévrier qui empêche les » autres de manger le gibier et soliste celui qui peut tout seul » forcer un Lièvre » (Brehm, V Homme et les animaux) (1). Accidents de chasse. — La grande vitesse que les animaux acquièrent et l'ardeur qu'ils mettent à la poursuite ne sont pas sans amener des accidents quelquefois assez graves. (1) Lorsque le Lièvre est pris, les Chiens se le disputent. Pour leur faire lâcher, on leur souffle dans les oreilles. S3S REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Un des plus fréquents est l'arrachement ou le brisement d'un ou plusieurs ongles. Le terrain dur et inégal y prédis- pose, et les membres de devant sont souvent les plus éprou- vés. Ces blessures, sans empêcher un Chien de continuer sa course dans une première épreuve, peuvent l'arrêter ou di- minuer sa vitesse dans les suivantes et, par conséquent, lui faire perdre un prix. Elles occasionnent, en tout cas, une in- disponibilité de quelque temps. Deux autres accidents, beaucoup plus graves et malheu- reusement peu rares, sont : 1° La luxation d'une ou plusieurs articulations des doigts ; 2° La fracture d'une ou plusieurs phalanges. L'une et l'autre se produisent dans des circonstances iden- tiques, plus fréquemment aux membres de derrière qu'à ceux de devant, et presque constamment aux doigts externes (petit doigt et annulaire de l'homme). Voici leur mode de production : Lorsque le Chien est lancé et sur le point d'atteindre le Lièvre, celui-ci se dérobe souvent, en faisant un crochet très brusque. Supposons qu'il l'ait fait à gauche : le Chien essaie de le suivre et, dans la courbe qu'il décrit, les deux membres de son bipède latéral gauche, et surtout leurs doigts externes ont plus à supporter que ceux du côté opposé. Dans le même mouvement, le membre postérieur gauche, autour duquel l'animal cherche à pivoter, est moins favorisé que l'antérieur du même côté et, par conséquent, plus sujet à se léser . Dès que l'accident est arrivé, le Greyhound s'arrête ou di- minue beaucoup son train et il n'est plus capable d'affronter les épreuves qui lui restent à courir. Nous avons-vu, en peu de temps, dans une petite meute de cinq Chiens, trois d'entre eux rendus boiteux de cette façon. La claudication, surtout quand le Chien n'est plus excité, est quelquefois suffisamment forte pour empêcher l'appui du membre. Le doigt malade, très douloureux, présente, suivant le cas, de la mobilité anormale, du déplacement des surfaces articulaires ou de la crépitation osseuse ; il ne tarde pas à devenir chaud et à être le siège d'un gonflement marqué. Après la réduction de la fracture ou de la luxation, on doit appliquer et laisser pendant trente jours un grand pansement ouaté et silicate. LÉVRIERS ET COURSES ATI LIÈVRE. 539 Les animaux guérissent généralement, mais, car il y a un mais, tout Chien qui a eu un accident de ce genre, est sujet à en avoir d'autres, et il est rare qu'il fasse deux ou trois courses complètes saiis être éclopé de nouveau (1). Une chose plus grave que celles citées plus haut, car elle peut entraîner la mort immédiate, arrive dans les parcours un peu longs : c'est la chute du coureur essoufflé et la me- nace d'asphyxie. Nous n'avons pas eu l'occasion de l'obser- ver, mais elle nous a été signalée plusieurs fois. Il est probable que la mort, quand elle se produit, est dé- terminée par une congestion pulmonaire et que les animaux jeunes, insuffisamment entraînés ou présentant des lésions chroniques du cœur et des poumons sont ceux qui sont le plus souvent frappés. Fraudes. — Les paris qu'on fait sur les Chiens, comme sur les Chevaux, sont la cause des fraudes destinées à empêcher l'arrivée d"un favori. Voici les plus communes : 1° Donner à manger avant la course. Le Chien, plus lourd, s'essouffle et perd ses moyens ; s'il vomit, il fait découvrir la mauvaise foi ; 2° Tenir à jeun et purger la veille des épreuves ; 3° Donner, le matin de la course, des lavements médica- menteux ou non ; 4° Fatiguer le Chien par une longue promenade : on l'at- tache derrière une voiture et après deux heures de pas et de trot, le malheureux est en parfaite condition pour se conduire d'une façon déplorable sur le terrain ; 5° Administrer des pilules ou boulettes contenant de l'o- pium ou d'autres drogues. Pour terminer ce trop long bavardage, nous dirons que les Anglais ont institué pour les Fox-terriers des courses ana- logues. Ces petits Chiens, qu'on arrive à rendre très rapides par quelques croisements discrets et inavoués, y chassent le Lapin de garenne. (1) Les Anglais connaissent bien la gravité des lésions des doigts, car ils mettent à la réforme, à la reproduction ou assomment d'un coup de marteau les Greyhounds qui en sont atteints. 540 LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES Par Jules GRISARD kt Maximilien VANDEN-BERGHE. ( SUITE * ) Serianthes myriadena Benth. [Acacia myriadena Bert.) Nouvelle-Calédonie (Colons) : «Failfail» (Indigènes) : «Yùé». Petit arbre d'une hauteur moyenne de 8 mètres sur un dia- mètre de 40-50 cent., mais pouvant atteindre jusqu'à 20 mè- tres d'élévation dans les terres profondes et humides de la Nouvelle-Calédonie où il croît assez communément. Feuilles légères, hipennées et paripennées, composées de petites fo- lioles elliptiques, puhescentes. L'aubier, d'un blanc un peu verdàtre, épais, de mauvaise qualité, se pourrit rapidement et doit être entièrement rejeté ; le cœur, de couleur jaune ou jaunâtre, est extrêmement souple et solide. Quoiqu'il soit d'un travail facile, ses fibres droites, élastiques et allongées, sont quelquefois arrachées lorsque les outils ne sont pas suffisam- ment tranchants. D'une longue conservation à l'air et sous l'eau, ce bois peut servir aux mêmes usages que le Frêne, mais il est plus léger et ne se gondole pas. On l'emploie éga- lement pour certains travaux de charronnage tels que moyeux, jantes de roues, etc. Les Taïtiens en font aussi des pirogues d'une longue durée. Ce bois exhale, étant frais,, une odeur alliacée des plus désagréables. Sindora Sumatrana Mio. (Annamite : Kho màc. Malais : Siendoor, Sindoer. Sumatra : Samparanioe). Arbre inerme, de taille moyenne ne dépassant jamais 12-15 mètres de hauteur sur un diamètre de plus d'un mètre, à feuilles al- ternes, paripennées, à folioles petites, coriaces. Originaire des îles de la Sonde, cette espèce est encore indigène dans les forêts de la Cochinchine. Son bois, de couleur brun très (*) Voyez Revue, année 1894, 1,r semestre, note p. 540, et plus haut, p. 73. 172, 312 et 403. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 541 foncé, devient presque noir en vieillissant; lourd, com- pact, d'une densité moyenne de 1,102 et d'une longue conservation , il offre beaucoup d'analogie avec le Pahu- dia, mais ses fibres sont plus longues et plus serrées ; il est également exempt des défauts de celui-ci et n'est presque jamais creux. Son grain, très fin, permet de lui donner un magnifique poli qui en rehausse la teinte et le rend apte à la fabrication de beaux meubles. Les Annamites en font des piliers pour les cases de luxe et surtout des tables de céré- monies d'une seule pièce, prise dans la coupe transversale du tronc. A Java, cette même espèce donne un bois plus léger et d'une couleur moins foncée, inattaqué par les Termites, excellent pour la confection des planches. La tige laisse exsuder une oléo-résine dont on se sert pour calfater les navires ; le fruit, appelé « Sarapantoe », est exporté de Java comme remède. Sindoi^a velutina Baker. (Malacca : Sipfatay). Cet arbre fournit un bois de couleur citron pâle, dur, d'une texture grossière, se gerçant profondément en séchant, employé comme poutres de bâtiments. On rencontre encore aux Indes néerlandaises, sous le nom de Sasoendoer ilir, une espèce indéterminée du même genre dont le bois est très utile pour la charpente, les piles de ponts, pilotis, etc. Trachylobium verrucosum Hayne. {Hymenœa verru- cosa G.ertn.) Madagascar^ Taurouk-rouchi ou Tanroujou». Arbre de fortes dimensions, à feuilles bifoliées, composées de folioles coriaces et insy métriques. Originaire de Madagascar, cette espèce est encore cultivée à l'île Maurice sous le nom de Copalier. Son bois, dur, pesant et résineux, se conserve bien ; le cœur peut être employé dans l'ébénisterie. Le fruit est une gousse indéhiscente, souvent monosperme, plus petite que celle du Courbaril, chargée de verrucosités très sail- lantes. Cette espèce fournit au commerce une partie du Copal dur d'Afrique et de Madagascar ou Animé dur oriental (1). (1) D'après Guibourt, le Copal de Madagascar est lisse et poli à la surface, transparent, d'un jaune foncé uniforme ; il a une cassure tout à fait vitreuse, et est tellement dur que la pointe d'un couteau l'entame à peine ; il est insipide et inodore à froid ; il se ramollit au feu et y devient un peu e'iastique, mais sans pouvoir s'e'tirer en fils. 11 ne fond qu'à uue chaleur très élevée et exhale alors une odeur aro- matique analogue à celle du Bois d'aloès ou mieux du Copahu de 542 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Virgilia Capensis Lamk. (Podalyria Capensis Willd., Sopliora Capensis L.) Cap : « Keurboom ». Petit arbre orne- mental, d'une hauteur de 5-T mètres, dont la tige est recou- verte d'une écorce noire, raboteuse ; feuilles alternes, ailées avec impaire, à folioles opposées. Originaire de l'Afrique méridionale, cette espèce est répandue dans toute la colonie du Cap. Son bois, clair, tendre, joli étant poli, est sujet à la vermoulure ; on l'emploie dans le pays pour jougs , épars, etc. Pour terminer cette longue énumération des espèces li- gneuses appartenant aux Légumineuses, nous rapporterons à cette famille le « Bois d'Aloès » dont les caractères botaniques ont été trop imparfaitement décrits pour qu'on puisse lui assigner avec certitude une place dans la classification na- turelle. ALOEXYLON AGALLOGHUM Lour. Bois d'Aloès. Cynometra Agallocka Spreng. Annamite : Ey nam. Chïn htam, Cây gi/i bân, Tram huonq, Tram Gié, Toc huong. Cambodge : Krassna. Chinois : Kilam, Ho-Kilam. Grand arbre à tronc droit, élevé, recouvert d'une écorce fibreuse, glabre, peu épaisse: feuilles alternes, lancéolées, entières, glabres, subcoriaces. Originaire de la Cochinchine, cet arbre n'aurait pour unique habitat, d'après Loureiro, que les montagnes du Tsiampa séparant le fleuve du Laos de. la mer, au niveau du 13e degré de latitude nord, c'est-à-dire au niveau du Klianh-hoa et du Phu-yên. C'est à cette espèce que l'on s'accorde à attribuer la pro- duction du '< Bois d'Aloès » si recherché dans l'Extrême- Orient comme parfum et comme médicament ; le célèbre Maracaïbo. Le Copal dur entre dans la composition des vernis gras siccatifs dits « Vernis copals ou à la copale » conside'rés avec raison comme les meilleurs et les plus solides. On les obtient en fondant la résine sur un feu \if ; lorsque celle-ci est bien liquéfiée, on y ajoute, en quantité suffisante, de l'huile de lin cuite qui s'y mêle bien, et ensuite de l'esseuce de térébenthine et on laisse refroidir. Les Copals durs donnent des vernis plus colore's, mais beaucoup plus durables que ceux que l'on prépare avec les Copals tendres. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 513 botaniste Loureiro est d'ailleurs très affirmatif et assure que toutes les espèces de bois dits « d'Aloès » et plus spécialement la plus précieuse de toutes qu'on a l'habitude d'appeler « Ca- lambac » proviennent d'un seul et même arbre dont le bois est blanc et inodore. Son parfum a pour origine une maladie dans laquelle les vaisseaux ligneux s'obstruent, les particules oléo-résineuses s'arrêtent et s'épaississent en résine compacte dans l'intérieur du tronc et des rameaux, de sorte que l'odeur, la couleur et les autres qualités du bois sont chan- gées et que l'arbre finit par périr. Aucune partie de l'arbre n'est lactescente ni vénéneuse. Cette dernière propriété suffit à empêcher sa confusion avec les « Bois d'Agalloche » ; c'est d'ailleurs par erreur que l'on a désigné sous les mêmes noms d'autres bois odoriférants dont la provenance et les carac- tères sont des plus divers. Les assertions de Loureiro ont été confirmées en partie, récemment, par de très intéressantes observations faites dans le pays même par M. Navelle, Résident de France, sur l'invi- tation personnelle de M. le Dr Gilbert Tisant, administrateur des Affaires indigènes en Cochinchine, à qui nous emprun- tons une partie de nos documents à ce sujet. L'Aloexylon Agallochum est assez commun dans les loca- lités indiquées par Loureiro, mais les arbres qui produisent le vrai Bois d'Aloès sont au contraire très rares, et ce n'est souvent qu'après plusieurs mois que l'on trouve un arbre à parfum, en parcourant les forêts ; c'est alors une fête et une petite fortune, car un seul pied suffit à enrichir toute une famille. Le Kynam de première qualité est fourni par le cœur qui est presque toujours jaunâtre ou cendré, tacheté ou veiné de blanc et de noir; sa texture est grossière, son odeur forte et sa saveur acre, amère et très aromatique ; il se ramollit sous la dent en laissant une résine molle ; il brûle facilement en répandant une odeur très suave. La qualité moyenne pro- vient de l'aubier, et la plus inférieure de l'écorce. Le Kynam est regardé par les Orientaux comme tonique excitant et comme un remède souverain contre les douleurs d'entrailles ; on en fabrique aussi des colliers de grande valeur que les Mandarins chinois se passent autour du cou lorsqu'ils vont à la Cour. Les branches ont une faible odeur de Kynam et servent à fabriquer des bougies odoriférantes que l'on brûle dans les temples et les pagodes. 544 KEVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. FAMILLE DES ROSACÉES. La famille des Rosacées est fort nombreuse et se compose d'herbes, arbrisseaux ou arbres, quelquefois épineux, ou dont les rameaux se raccourcissent et s'aiguisent en piquants. Feuilles presque toujours alternes, très rarement opposées, simples ou pennées avec impaire, ordinairement stipulées. Les végétaux de cette grande famille appartiennent, pour la majeure partie, aux régions tempérées de l'hémisphère boréal, mais par la culture se sont répandues sur tous les points du globe. — Les Chrysobalanées sont spéciales aux pays chauds et les Quillaiacées, qui se contentent d'une tem- pérature moins élevée, aux régions intertropicales. La plupart renferment un principe astringent dû à la pré- sence d'une grande quantité de tanin, ce qui les fait employer en médecine, en teinturerie et pour le tannage des peaux. — Quelques-uns fournissent une gomme désignée sous le nom de Gomme du pays qui est employée dans l'industrie. — Beaucoup sont ornementaux par leurs belles fleurs, sou- vent odorantes, ou par les fruits de couleur vive qui les parent à l'arrière-saison. Citons par exemple le Sorbier et le Buisson-ardent. On rencontre fréquemment dans les plantes de cette fa- mille, notamment dans les Amygdalées, un principe vénéneux d'une très grande énergie qui réside dans les feuilles, les amandes ou même les noyaux, c'est l'acide cyanydrique. Mais c'est surtout comme arbres fruitiers que les Rosacées présentent un grand intérêt. Il nous suffira de mentionner parmi les arbres : le Pêcher, le Poirier, le Pommier, le Pru- nier, l'Amandier, l'Abricotier, le Cerisier, le Néflier, et parmi les plantes herbacées ou semi-ligneuses : le Fraisier, le Fram- boisier, etc., dont les fruits savoureux se consomment sur nos tables ou servent^ à faire des gelées, des conserves, des boissons ou des liqueurs. Dans YAmygdalus la partie comestible est l'amande ; on retire de celle-ci, suivant la qualité du fruit, ïhuile d'a- mandes douces, employée en médecine, ou Yhuile d'amandes amer es de laquelle on extrait V essence du même nom. De la Rose on retire, en Tunisie, dans l'Inde, en Perse et en Turquie, le parfum si précieux appelé Essence de roses. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. b4o A cette famille appartient aussi le fameux Kousso d'Àbys- sinie si connu par ses propriétés anthelmintiques. AMELANCHIER GANADENSIS Torr et Gray. Amélanchier du Canada. Aronia Botryapiam Pers. Mespilus Canadensis L. Pi/rus Botryapium L. Canada : June-lerry, Skad-berry, Service-berry, Shad-flo»-er, Petite Poire, Poirier sauvage. Etats-Unis : June-berry, Hhad-bush, May Cherry, Grape pear. Petit arbre d'une hauteur de 8-12 mètres environ, attei- gnant parfois une élévation de 15 mètres, quelquefois aussi, réduit à l'état de buisson ; son diamètre est ordinairement de 30-45 centimètres. Feuilles alternes, elliptiques ou oblongues, euspidées, minces, aiguës au sommet, souvent cordées à la base, prenant une belle teinte jaune à l'automne. Originaire de l'Amérique du Nord , cette espèce se ren- contre au Canada et dans la partie nord-est des Etats-Unis, où elle croît dans presque tous les terrains, préférant cepen- dant les sols sablonneux, humides et ombragés. Son bois, de couleur brun foncé, parfois teinté de rouge, est lourd, excessivement dur, fort, se tachetant quelque peu en séchant ; son grain fin le rend susceptible de recevoir un beau poli qui lui donne un éclat satiné. Ses rayons médul- laires sont peu ou point apparents ; l'aubier est beaucoup plus clair que le cœur. Ce bois semble convenir aux travaux d'é- bénisterie, de tabletterie et plus particulièrement aux ou- vrages de tour. — Sa densité moyenne est de 0.783. Le fruit (Amelanche) est une petite baie noirâtre de la grosseur d'une cerise, d'un goût acidulé et sucré assez agréa- ble; on l'emploie surtout pour faire une boisson analogue au cidre et des conserves au sucre. Une variété de la même espèce, désignée par Siebold et Zuccarini sous le nom de Aronia Asiatica, est un arbre de grandes dimensions que l'on trouve au Japon et en Chine. Son bois est rouge, assez semblable à celui du Cerisier, mais beaucoup plus dur ; il est utilisé par les tourneurs pour la fabrication des objets de couleur. La variété Japonica porte le nom de C/iidé ou Tsa suliura au Japon. 20 Décembre 1894. 35 546 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. AMYGDALUS GOMMUNIS L. Amandier commun. Am//ffdalus sativa Bauh. Prunus Amygdalus Hooker fils. Allemand : Mandelbaum. Anglais : Aïmond tree. Annamite (vulgaire) : Giang cuâc, (mandarin) : Méng tôo chou. Arabe : Louz, Louza, Chaljerat-el louzze. Canara : Bâd&mi. Chinois : Méng lâo. Dukni : B&dam. Espagnol : Almeniro. Hollandais : Amândelboom. Italien : Màndorlo. Polonais : Migdal. Portugais: Ainendoeira. Russe : Mindalnoc démo. Tainoul ; Vadam-kollai. Télenga : Badam-vittulu. Arbre d'une hauteur moyenne de 12-15 mètres, dont le tronc est recouvert d'une écorce rugueuse de couleur gris cendré, et porte des branches à rameaux grêles, lisses et grisâtres. Feuilles alternes, simples, elliptiques, lancéolées, finement dentées, glabres, pliées en long dans leur jeune âge. Probablement originaire de l'Asie, cette espèce a été si- gnalée à l'état sauvage en Mauritanie, en Perse, dans les parties montagneuses du Caucase et même dans le nord de l'Afrique. L'Amandier est aujourd'hui cultivé dans toute la région de l'Oranger. On suppose que ce n'est que vers 1548 qu'il l'ut introduit en France où il prospère et donne d'excel- lents produits dans les départements méridionaux. Cet arbre végète bien dans les terrains secs et arides sou- vent impropres à toute autre culture ; les sols calcaires pro- fonds lui sont favorables, tandis que, dans les terres froides, humides ou argileuses, il fructifie mal et peu abondamment. — L'Amandier a été proposé pour le reboisement de l'Algérie, à cause du peu de frais et de peine qu'il occasionne dans la création d'une forêt, comparativement à beaucoup d'autres essences. C'est en outre un bel arbre d'ornement, remar- quable par l'élégance de son port et la légèreté de son feuillage. L'Amandier à son complet développement, donne un bois dont la couleur varie du blanc jaunâtre au marron foncé, veiné de bandes brunes ou verdâtres. Ses rayons médullaires, minces et nombreux, produisent des mailles fines très appa- rentes. Chaque couche annuelle est formée, au début, par une zone étroite de vaisseaux assez gros, et prend ensuite une teinte plus foncée qui établit une ligne très nette de dé- marcation entre les couches successives. Solide, d'une longue conservation, lourd, dur et très compact, ce bois est sujet à se LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 547 fendre, à se gercer et à se tourmenter lorsque sa dessiccation n'est pas complète, mais quand il est bien sec, il ne travaille plus et se laisse aisément façonner. Les parties voisines de la racine sont encore plus dures, moins sèches et moins cas- santes que le bois de la tige, et présentent beaucoup d'ana- logie avec le Gaïac ; elles peuvent servir à faire des pilons, des engrenages, des poulies, des coussinets et autres pièces de mécanique exigeant une grande résistance aux chocs. L'Amandier est très estimé comme bois de travail, bien que d'un emploi assez restreint, car l'arbre est surtout cultivé pour ses fruits. C'est un assez joli bois de tour recherché pour la fabrication de chaises, fauteuils et autres meubles ana- logues. On s'en sert aussi quelquefois en menuiserie sous forme de feuilles de placage auxquelles on donne l'apparence de bois de rose en les passant à l'acide sulfurique ; cette ressemblance est surtout remarquable si on a la précaution de couper obliquement les pièces de raccord ; cette essence offre en outre l'avantage de prendre et de conserver facile- ment le poli et le vernis. Les menuisiers en font d'excellentes montures pour outils tranchants tels que ciseaux, fermoirs, becs-d'âne, en un mot pour tous ceux sur lesquels on frappe avec le marteau ; ces manches supportent très bien le choc et se rebroussent plutôt que de se fendre. Les branches four- nissent un bon bois de chauffage. Le bois d'Amandier se trouve dans le commerce en billes de 3 mètres de longueur environ, sur 20 centimètres d'équarrissage ; on le vend ordi- nairement à la pièce. Sa densité moyenne varie entre 0,965 et 1000. Outre la valeur de son bois, l'Amandier cultivé est un arbre d'une grande utilité par ses fruits, dont les usages sont aussi intéressants que variés. ARMENIACA VULGARIS Lamk. Abricotier. Prunus Armeniaca L. Allemand : Aprikosenbaicm. Anglais : Apricot tree. Arabe : Mechmech, Meche- mache. Espagnol : Albaricoquero. Hollandais: Abrikosenboom Abrikôos, Italie: Albercôcco, Albicocco. Japon : Anzou, Anzu. Mexique : Albaricoque, Chaba- cano. Polonais : Morela. Portugais : Damasqutfro, Damasqueiro. Russe : Kuriga. Tonkin : Qua-no. Petit arbre d'une hauteur de 5-8 mètres, dont la tige est 548 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. recouverte d'une écorce brune ; rameaux tortueux, étalés ou dressés , feuilles assez grandes, ovales, subcordiformes à la base, atténuées au sommet, crénelées-dentées, glabres et lui- santes sur la face supérieure. Originaire de l'Orient, et, suivant toute probabilité de l'Ar- ménie, l'Abricotier fut d'abord importé en Italie, sous le règne des empereurs romains, d'où il se répandit ensuite dans la plus grande partie de l'Europe, mais il ne paraît pas avoir été connu en France avant le seizième siècle. Tout terrain lui convient pourvu que le sol soit bien ameubli et qu'il ne soit ni trop argileux ou humide. Son bois, -de couleur jaunâtre, est parsemé de veines brunes, rouges et un peu jaunâtres, formant des dessins va- riés au milieu desquels se trouvent assez souvent de petites taches rondes, rouge-cerise. Ses rayons médullaires sont plus fins que ceux de l'Amandier et présentent des maillures moins fines. Dur, compact et d'un grain fin, le bois d'Abri- cotier se travaille bien lorsqu'il est sain ; le poli et le verni lui communiquent un éclat brillant, soyeux et chatoyant. La tabletterie en fait grand usage, mais on l'emploie peu en ébé- nisterie. Dans le commerce, le bois d'Abricotier est confondu avec celui du Prunier, avec lequel il offre, d'ailleurs, une grande analogie. Sa densité varie entre 0,112 et 0,711. Au Japon, l'Abricotier est utilisé comme bois de tour pour la confection d'objets de couleur de qualité ordinaire ; on en l'ait aussi les caisses et les manches des chamissen et des Ko- Mou, sortes d'instruments de musique en usage dans le pays. CERASUS AVIUM Mœnch. Cerisier des oiseaux. Cerisier des bois, Merisier. Prunus aviuiïi L. — sylvestris Pers. Allemand : Vogelkirschbaum, Zwicselbeer. Anglais : Gean tree. Mazzards , Mcrry, Hnlfje berry, Wild Cherry. Espagnol : Cereso de monte. Hollandais : Kriekenboom. Italien : Vièeiolo, Cdiegio. Portugais : Ccrejeira-gallega. Bel arbre d'une hauteur moyenne de 12 mètres, d'une forme naturellement pyramidale dont le tronc est revêtu d'une écorce lisse de couleur grisâtre, formée de plusieurs couches superposées. Feuilles alternes, ovales-lancéolées, LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 540 molles, d'un vert clair en dessus, légèrement pubescentes en dessous. Indigène en Europe, cet arbre se rencontre à l'état sauvage dans les bois et les forêts; il est surtout commun dans toutes les régions montagneuses de l'Est de la France. Outre l'avan- tage qu'il présente d'être utilisé par la greffe dans les grandes pépinières, le Merisier est encore un sujet d'ornement des plus intéressants pour les jardins paysagers ; il peut alors occuper le second ou le troisième rang des massifs ou être planté isolément au milieu des gazons. La variété à fleurs double créée par la culture est surtout magnifique au moment de la floraison. Le Merisier fournit un bois ordinairement rouge brunâtre, plus rarement d'un rouge un peu vif vers le cœur, d'un blanc rougeâtre à la périphérie. Lorsqu'il est plongé pendant deux ou trois jours dans l'eau de cbaux, il prend une belle couleur rouge solide qui rappelle celle de l'Acajou. Cette coloration peut être également obtenue par une simple immersion dans l'eau ; mais, dans ce cas, la durée de celle-ci doit être prolon- gée pendant plusieurs mois. Lorsque l'immersion a été d'une durée insuffisante, le bois perd son éclat en vieillissant et les légères mailles dont il est parsemé se voilent peu à peu. Ses rayons médullaires sont plus apparents que ceux du Poirier et moins visibles que ceux du Prunier domestique. Lourd, dur, solide, le Merisier se conserve assez bien lorsqu'il est abrité, mais il se pourrit facilement lorsqu'il est exposé à l'air ou à l'humidité; il est aussi sujet aux ravages des insectes. Excellent dans la construction comme bois de cbarpente pour l'intérieur, ce bois est apprécié par les tourneurs et les menuisiers parce qu'il se travaille aisément, ainsi que par les luthiers à cause de sa sonorité lorsqu'il est bien sec. Sa cou- leur naturelle et le beau poli qu'il est susceptible de recevoir, le rendent propre aux travaux d'ébénisterie ; on en fait de belles armoires, des tables brillantes, des chaises de luxe et divers petits meubles, notamment des coffrets sculptés. Les carrossiers s'en servent pour les baguettes, les bourrelets et quelquefois, aussi, le bâtis de caisse des voitures. On emploie beaucoup le Merisier pour la confection de pipes, de cure-dents et autres petits objets. Dans les campagnes, les jeunes sujets peuvent être employés avantageusement pour faire des échalas et des cercles de tonneaux. Utilisée comme 530 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. bois de chauffage, cette essence brûle bien et donne beaucoup de chaleur; son charbon est très estimé pour la forge. Les fruits ou Merises sont l'objet d'un grand nombre d'applications industrielles et économiques. CERASUS MAHALEB Mill. Bois de Sainte-Lucie. Prunus Malialcb L. — odorata Lamk. Allemand : St Lucienhoh, Stcinkirsche. Anglais : Mahaleb Cherry, Perfumed Cherry. Espagnol : Cereso de Mahoma. Hollandais : Luciehout. Italien : Ma- yaleppo. Arbre de petites dimensions, d'un port ornemental, dont la tige est revêtue d'une écorce lisse, luisante, munie d'une enveloppe subéreuse feuilletée, se détachant partiellement comme celle du Bouleau ; plus tard elle forme un rhytidôme foncé à gerçures superficielles. Feuilles alternes, ovales ou suborbiculaires, glabres, bordées de dents très serrées. Cette espèce croît naturellement dans quelques contrées de l'Europe, surtout dans les pays de montagnes. Indifférent à la nature du sol, le Bois de Sainte-Lucie prospère aussi bien dans les terres marécageuses que dans les terrains les plus arides; il vient dans la craie pure et même dans les anfrac- tuosités des rochers. Il est surtout commun dans les Vosges, et sa culture constitue pour les habitants du village de Sainte- Lucie une industrie assez productive. Son bois, de couleur gris rougeàtre ou brun clair, présente généralement de belles et longues veines brunes ou verdâtres. Dur, d'un beau grain fin et d'une densité moyenne, il se tra- vaille assez bien et prend un poli brillant. Il est remarquable par l'odeur faible mais agréable qu'il exhale, et qui lui fait donner couramment le nom de « Bois de violette ». Pour l'empêcher de se fendre et se tourmenter, ce â quoi il est sujet, on a la coutume de l'enfouir quelque temps sous terre, cette opération a aussi l'avantage de développer ses qualités : il devient alors d'une belle couleur brun foncé, plus odo- rant et plus facile à mettre en œuvre. Ce bois conviendrait admirablement aux travaux d'ébénisterie et de menui- serie fine, malheureusement, il est rare d'en trouver des pièces assez fortes pour en tirer des planches d'un dia- LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES- 551 mètre suffisant pour les meubles proprement dits. Il est sur- tout employé dans la fabrication d'un grand nombre de petits objets de tour et tabletterie, tels que boîtes à gants, coffrets, tabatières, fume-cigares, pipes, tuyaux, etc., dont la plus grande partie est destinée à l'exportation. Cette essence ne doit pas être confondue avec le Palissandre qui porte égale- ment les noms vulgaires de Bois de Sainte-Lucie et de Bois de violette. Les fruits, beaucoup plus petits que la cerise ordinaire, sont noirâtres et d'une saveur très amère ; les oiseaux et notamment les merles et les grives en sont très friands. CERASUS PADUS. Cerisier à grappes. Padus avium Mill. Prunus Padus L. — racemosa Lamk. Allemand : T raubenkïrsclibaum . Htihneraugenbaum . Anglais : Bird Cherry, Heg ou Hach-berrg. Français : Putier, Putiet, Laitrier-pufier, Faux-bois de Sainte- Lucie, Bois puant. Hollandais : Vogelkerseboom. Grand arbrisseau ou petit arbre d'un port très élégant, pouvant acquérir de fortes dimensions, surtout en diamètre, dans les régions où il croît en liberté ; son écorce reste lisse et présente de grosses lenticelles d'un brun de rouille. Feuilles alternes, ovales, lancéolées, glabres, dentées en scie. Indigène dans les bois et les forêts de l'est de l'Europe, surtout dans les pays montagneux, cette espèce est très ré- pandue, en France, dans les départements des Vosges et du Jura. Elle vient dans tous les terrains, pourvu qu'elle y rencontre un peu d'humidité, mais elle se plaît plus parti- culièrement dans les sols légers et chauds, ni trop secs ni trop arides. Son bois, de couleur rouge veiné de brun, est d'un aspect agréable ; sa coupe oblique produit principalement de très beaux effets ; l'aubier est large, d'une teinte blanc jaunâtre. Léger, tendre, à fibres longues, il se dessèche et se gonfle difficilement sous l'influence des variations atmosphériques ; très odorant étant frais, il perd son odeur en vieillissant. Le Putier s'emploie souvent en ébénisterie, concurremment avec le Mahaleb, et sert à confectionner de charmants petits meu- bles. Les tourneurs l'utilisent aussi pour quelques ouvrages 552 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. et les charrons le recherchent pour en faire des chevilles, parce qu'il se resserre à la pression ; on en confectionne aussi des sahots qui ne se gercent pas. Malgré quelques diffé- rences assez sensibles dans la texture et la densité, le Padus et le Mahaleb sont souvent confondus commercialement. Les fruits, de saveur d'abord un peu amère et acerbe, de- viennent ensuite douceâtres à la maturité ; ils sont mangés par les habitants du Kamtchatka et dans quelques localités du nord de l'Europe. CERASUS VIRGINIA Mieux. Cerisier de Virginie. Cerasus serotina Lois. Padus Virginia na Rœm. Prunus serotina Ehrh. — Yirginiana Mill. Canada : Choke cherry, Black Cherry, Cerisier à grappes, Cerisier d'automne. Etats-Unis : Wild biack Cherry, Hum Cherry. Arbre de grande taille, s'élevant à une hauteur de 20 mètres et plus, sur un diamètre variant de 90 cent, à 1 mètre 20. Cette espèce, originaire de l'Amérique septentrionale, offre beaucoup d'analogie avec le Cerisier à grappes, mais ses feuilles sont plus larges et plus lisses en dessous. Le Cerisier de Virginie est cultivé en France dans les bosquets et les jardins ; quoique assez rustique pour vivre en pleine terre, il n'atteint jamais de grandes dimensions dans nos régions. Son bois, léger, dur, fort, de couleur rougeâtre ou brun rouge, est quelquefois veiné de blanc et de noir ; la dessicca- tion lui donne une teinte plus foncée. Ses fibres sont droites, assez longues et serrées ; ses rayons médullaires étroits et nombreux. Odorant, facile à travailler et susceptible d'un beau poli, il est estimé et largement employé en Amérique pour l'ébénisterie et les travaux de menuiserie de luxe. L'écorce des branches est rougeâtre, peu épaisse et de con- sistance spongieuse ; son odeur est aromatique et sa saveur rappelle celle d'amande amère. Dans l'Amérique du Nord, cette écorce est employée comme tonique, fébrifuge et séda- tive ; elle doit ses propriétés à une huile essentielle et à une petite quantité d'acide cyanhydrique qui existe à l'état libre dans l'écorce. LES BOIS INDUSTRIELS INDIGÈNES ET EXOTIQUES. 553 CERASUS VULGARIS Lois. Cerisier commun. Cerasus acida Gaertn. Prunus Cerasus L. Allemand : Kirschbaiim, Amarellen, Blutkirsehe. Anglais : Common Cherry. Espagnol : Cereso, Guiudv. Hollandais : Kersenboom. Italien : Ciriegio. Por- tugais : Cerejeira, Ginjeira. Russe : Wischnaija. Petit arbre d'une hauteur de 8-10 mètres, dont les bran- ches et les rameaux généralement étalés, forment une tête arrondie. La tige est recouverte d'une écorce rouge brun à pellicule extérieure grise, lisse, imprégnée de gomme. Feuilles alternes, ovales, dentées, glabres, d'un vert foncé en dessus, un peu plus pâle en dessous. Originaire du Levant où il se rencontre encore à l'état spontané sur les bords de la mer Noire et auprès de la ville de Cerasonte dont il a pris le nom, le Cerisier a été introduit dans toutes les régions tempérées et même un peu froides de l'Europe; sa culture est aujourd'hui très répandue en France, en Angleterre, en Hollande, en Allemagne, en Italie, etc., où on en a obtenu de très nombreuses variétés. Son bois, rougeâtre et veiné, est tendre, facile à travailler, prend bien la couleur et le verni. Comme il est assez sujet à être piqué par les vers, on remédie en partie à ce défaut en le cirant après le polissage. Le Cerisier offre une grande res- semblance avec le Merisier avec lequel on le confond pour la vente, bien qu'il lui soit inférieur. La variété Guignier (var. Juliana) fournit un bois plus dur et plus serré que celui du Griottier (var. caproniana), remarquable surtout par sa cou- leur vert olive plus ou moins foncée. Le Cerisier commun s'emploie particulièrement clans la miroiterie pour la fabri- cation des cadres, et comme bois de tour pour chaises, fau- teuils, pieds de tables et autres objets de ce genre. On le trouve dans le commerce en tiges entières ou débité en planches de dimensions variables. {A suivre.) 5o4 II. CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. Les Renards. — Un Renard ayant clu domicile à l'extrémité de mon coleau, vient presque chaque nuit depuis plusieurs mois excur- sionner dans mon jardin et jusque dans ma cour. Bien entendu, je ne veux ni qu'on le tue ni qu'on l'éloigné. C'est un charmant animal, puis je suis pour l'expansion naturelle et je trouve là un sujet très commode d'observation. Les traces qu'il laisse de son passage m'ont prouvé que, si les Re- nards aiment les Raisins, ils consomment aussi une grande quantité de Rats, de Souris et petis rongeurs, ainsi que des insectes, coléoptères, tels que Bousiers, par exemple, et autres. De petits trous creusés de tous eûtes indiquent qu'ils recherchent également avec activité les Grillons et les vers blancs. D'après cela, les Renards ne seraient point aussi nuisibles que leur réputation pourrait le faire croire et s'ils commettent quelques mé- faits, ils les rachètent par bien des services rendus. Je ne veux pas dire qu'ils ne fout pas la guerre aux Poules, qu'ils ne se régalent pas de quelques Lièvres et de quelques Lapins. Je constate toutefois que nulle part dans la région il n'y a autant de Lièvres qu'aux environs de ma propriété. 11 est vrai que les Ecureuils, les Pies, les Geais, les Pies-Griècbes même, tous ces animaux regardés comme destructeurs par excellence, qui font leurs nids et s'ébattent en liberté sur mes gros Noyers, ne m'empêchent pas d'avoir beaucoup de petits oiseaux de toutes sortes. Presque tous les buissons abritent des nids de chanteurs, dont on re- marque la rareté ailleurs. C'est que dans mon modeste domaine on ne tire jamais uu coup de fusil. Tout le secret est là. Les oiseaux n'y sont ni détruits, ni effa- rouchés, ni dérangés et les eufants, bien plus destructeurs que les Ecureuils, ces charmants petits animaux essentiellement frugivores, n'y prennent pas un nid. Laisser la nature poursuivre son œuvre sans l'entraver, sans la con- trarier, sans la troubler, c'est ce que l'homme a de mieux à faire. Libre à lui de l'observer, de l'étudier pour tâcher de la comprendre et de pénétrer quelques-uns de ses secrets. Plus il la regardera attentive- ment, plus il l'admirera, et c'est encore dans cette admiration qu'il trouvera ses plus douces satisfactions. De Confevron. Chameaux errant en liberté dans l'Arizona. — On a dé- couvert un troupeau de 60 chameaux environ, eriant en liberté dans les solitudes de l'Arizona, sur les frontières delà Californie. Ce sont probablement les descendants de ceux qui avaient été introduits dans celte région par le gouvernement des États-Unis, en 1860. Le Gou- CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 555 vernement voulait, en effet, les employer au transport, à travers le grand désert américain, des vivres et des munitions destinés aux forts de l'extrême frontière. Il en fit alors venir trente, qui furent envoyés à San-Antonio. Lors de la guerre de Sécession, les chameaux tom- bèrent entre les mains des confédéré'?, puis retournèrent, après la con- clusion de la paix, en la possession du gouvernement, qui les cantonna au camp Verde, à 60 milles environ d'Antonio, après avoir reconnu qu'ils n'étaient pas utilisables, en raison de la nature âpre et rocail- leuse du sol. On les transporta ensuile dans l'Arizona, où ils furent laissés en liberté. Us ne semblent pas avoir beaucoup souffert dans leur exil, puisqu'ils s'y sont reproduits et que le troupeau de trente têtes, au début, compte aujourd'hui près de soixante individus. {Journal des Voyages). La Volaille et les Œufs en Russie. — Par suite de l'abon- dance du grain à bon marché, il est fait en Russie un grand élevage de volailles et, d'autre part, la création d'agences à l'étranger, qui sont de ve'ritables comploirs pour l'achat des volailles et des œufs, amène une exportation croissante qui assure aux paysans un bénéfice rému- nérateur. Les œufs exportés de Russie se vendent de 25 à 37 fr. 50 le mille au printemps et en automne, mais ils atteignent ce dernier prix en automne seulement. Depuis 1886 ce pays a fait des exportations considérables de jaunes et de blanc? d'oeufs séparés dans des boîtes de fer-blanc emballées dans des tonneaux. La volaille morte est en- voyée frigorifiée sur les marchés étrangers; la volaille vivante est expé- diée dans des paniers tressés contenant de 6 à 25 paires de volatiles par manne. En 1881, l'exportation de la volaille produisait 7,120,000 francs, tandis qu'en 1891 elle s'élevait à 47,095,000 fr. Les volailles et les œufs vont en Allemagne, en Autriche, en France et en Angleterre, mais principalement dans ce dernier pays. (Min. Agr.) Mœurs de l'Étourneau. — Suivant une communication de M. A. Walter dans le Monatsschrift (1) de Géra, des centaines d'É- tourneaux (Stumus vulgaris L.) hivernent maintenant aux environs de Cassel en Thuringe. Le même fait a été signalé près d'Iena. On les ob- serve pendant les hivers les plus froids. Ils ne restent pas la nuit dans les nids artificiels, mais ils se réfugient dans les bois. Il s'agit donc d'Oiseaux qui se reproduisent, plus au Nord, pendant l'été. De S. Le développement chez l'Anguille. — Des Pois>ons dont la détermination est restée longtemps douteuse sont les Leptocéphales. Ils se reconnaissent à leur taille plutôt petite, à leur corps transpa- rent, allongé, généralement rubanné qui porte plusieurs séries de (1) N° de juin 1894. 556 REVUE LES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. taches noires. Ils vivent dans la mer. On n'a jamais distingue' leurs organes sexuels. On les prenait pour des Poissons difformes, jetés par leur mauvais sort loin des côtes. S'ils avaient ve'cu près du rivage, ils auraient atteint leur développement complet. Ils étaient restés dans un élat larvaire. Mais quelle était leur forme parfaite? Après les recherches de V. Carus (1860), de Th. Gill (1864) et de R. Owen (1866), on trouva que le Leptocephalus Morrisii e'tait le Congre (Conger vulgaris) dans son jeune âge. Le prof. Grassi et le Dr Calan- druccio auraient résolu le problème pour le Leptocephalus brevirostris. Ces naturalistes constataient que les jeunes Leplocéphales naissaient d'oeufs flottant sur l'eau. Ils en recueillirent près de Messine. Ils les mirent avec diverses espèces de Murcenidœ (groupe des Anguilles) et ils arrivèrent à la conclusion suivante (1) : Le Leptocephalus brevirostris serait une forme larvaire de l'Anguille. Les œufs d'Anguilles nagent à la surface de la mer ; il en sort de petits Leptocéphales qui descendent aussitôt au fond de l'eau pour vivre un certain temps dans la vase, le sable ou sous les pierres. Puis ils se transforment en Helmichthys, évolution plus avancée. Leur corps a un aspect cylindrique ; ils sont plus vigoureux. Quand lTlelmich- thys a acquis toute sa force musculaire, qu'elle a pris sa dentition défi- nitive, son sang se colore. Elle émigré dans les eaux douces où elle devient l'Anguille que nous connaissons. De B. Poissons Groenlandais. — Le zoologiste attaché à la dernière mission envoyée au Groenland par la Société de Géographie de Berlin, M. Vanhui'en, raconte dans les Mittheilungen der Section fur Kûsten und Eochseefischerei (1894 cahier 6) son séjour dans le Karajakfjord, golfe très peuplé de Phoques, mais pauvre en Poissons. Les rochers qui descendent à pic dans la mer rendent la pêche difficile. Ce fiord est gelé' de décembre à juin; la glace atteintes cm. d'épaisseur. Sur environ 80 espèces de Poissons indigènes, on compte une dizaine d'espèces utiles aux habitants. Ce sont : le Cotte scorpion (Cottus scorpius L.j, le Sébaste de Norvège (Sebastes norvégiens Miill), trois sortes de Morues (Gadus morrhua L., G. ovak Rhdt., et G. agilisUbdl.) deux espèces de Flétans [Hippoglossus vulgaris FI. et H. pinguis Fabr ). la Drepànopretta platessoides Fabr., un Saumon et le Lodde capelan {Mallotus villosus Miill.) Quant au Requin (Somniosus microcephalus Schn.) on le pèche pour son foie qui produit une huile estimée — dans le nord du pays on en fabrique jusqu'à 2,000 tonnes par an. — Sa viande séche'e est distri- buée aux Chiens ; mais fraîche, elle leur est nuisible. On doit souvent ramener sur les traîneaux ceux qui en mangent. Les Chiens s'en remet- tent après quelque temps. G. (1) Ancora sullo svilluppo dei Murenoidi [Boletino mensile dell' Academia Gicenia di Se. nat. in Caiania. Fascicule 24. Séance du 26 nov. 1893.) CHRONIQUE GÉNÉRALE ET FAITS DIVERS. 557 Les Oranges de Tahiti (1). — L'Oranger fut introduit du Bré- sil dans les îles de la Société par le navigateur Cook ; plus tard, les premiers missionnaires l'y apportèrent des colonies australiennes. Les deux variétés, d'origines distinctes, différaient peu ; aujourd'hui elles ne constituent qu'une forme unique. M. Hawes, consul anglais à Tahiti, nous décrit l'Orange comme ayant une forme variable, tantôt ovale, tantôt allongée ou même apla- tie aux extrémite's. De dimension moyenne, elle est pesante, juteuse, douce et parfumée. Son écorcc, d'un jaune citron pâle, est fine. Les arbustes des régions basses produisent des fruits inférieurs à ceux des hauteurs. Mais d'un accès plus facile, ils fournissent les premiers fruits à l'exportation. L'Oranger croît maintenant à l'état sauvage sur l'île. Les principaux agents qui aident à sa propagation sont les Rongeurs. Grâce au climat doux et humide, les graines germent facilement. L'Oranger croît à Tahiti généralement parmi les buissons recouverts de mousse, au milieu de l'herbe et des plantes grimpantes où il se fraie un passage. Souvent il s'affaiblit. ; en outre, il est attaqué par les Insectes. S'il se développe dans des lieux découverts, il prospère mieux. On n'est pas certain de l'avenir des Oranges à Tahiti. Les ha- bitants qui tirent un grand profit de la récolte des fruits ne font rien pour améliorer les arbres. Il faudrait arracher les jungles qui les em- barrassent et exterminer les parasites. Les Tahitiens devraient s'assurer le marché des Oranges à la Nouvelle-Zélande et tenter d'acque'rir celui de la Californie. De S. L'écorce du « Tanner's Cassia », Cassia auriculata L., ex- ploitée dans le nord de Ceylan. — Le commerce de cette écorce, employée en tannerie, a pris l'an dernier un certain dévelop- pement dans le district de Mannar. Un marchand de Madras, qui a fait fortune dans les pêcheries de perles, en acheta le monopole. En 1893, sa récolte d'écorce se monta à 5,760 quintaux pour ce seul district. Tout fii t expédié à Colombo. Il retira un bénéfice net de fr. 71,-10 par 20 quintaux. Les habitants pauvres que l'on occupe à ce travail gagnent en moyenne de 2 à 3 fr. par 50 kilogr. (2). L'arbrisseau est très commun sur la côte de Coromandel. L'écorce, rouge, noirâtre, est recherchée pour le tannage des peaux de Buffles. Elle possède en outre des propriétés astringentes; elle sert en méde- cine à combaltie le diabète et la chlorose. Dans quelques parties de l'Inde, dit Leschcnault, on convertit le fer en acier en entourant celui- ci des 3/7 de son poids d'écorce de Cassia. De B. (1) Journal of the Society of Arts. 28 septembre 1894. iv2) Tropical Agriculturist, 1« septembre 1894. 558 III. BIBLIOGRAPHIE. Les Pêcheries et les Poissons de la Méditerranée, par Paul Gourret, docteur es sciences, sous-direcieur de la station zoolo- gique de Marseille. 1 vol. in-16 de 3(50 p., avec 109 figures, cartonné {Bibliothèque des Cou naissances utiles). 4 fr. — Librairie J.-B. Baillière et fils, 19, rue Ilautefeuille, Paris. Les naturalistes ne doivent pas se confiner dans le domaine de la science pure. Parmi les questions de zoologie appliquée, l'industrie des pêches est une des plus intéressantes. M. Gourret, sous-directeur de la station zoologique de Marseille, vient de publier, sur les pêches cô- tières de la Méditerranée, un très intéressant volume, illustré de nom- breuses figures inédiles. La lr0 partie, intitulée : Les lieux; de pèche, est consacre'e à la confi- guration des côtes, à la nature et à la diversité des fonds, à la profon- deur, aux vents et courants. Elle se termine par quelques données scientifiques sur le régime des poissons et les poissons sédentaires et voyageurs. La 2e partie est consacrée à l'examen des engins et filets de pêche et aux divers modes de pêches : Pêches avec appâts au moyen de lignes ou au moyen de casiers : Pêches au harpon, à la lumière ou au fustier. au large, à la grappe. Pêches aux filets traînants, aux filets flottants ou dérivants, aux filets fixes. L'influence sur la faune iclhyoiogique des transformations des côtes, des jets à la mer, des vases des fleuves, des animaux voraces, etc., constitue la 3° partie et complète la série des causes plus ou moins directes auxquelles il faut attribuer la crise subie par l'industrie des pêches. Les mesures protectrices capables de rendre aux eaux litto- rales leur ancienne prospérité font l'objet de la 4e partie. Enfin, la 5e partie est consacrée à la liste des poissons fréquentant le golfe de Marseille et se retrouvant dans les régions voisines, avec leur appellation scientifique et populaire, leur habitat, leur fréquence ou leur rareté et leurs modes de capture. De nombreuses figures spécialement dessinées d'après nature pour cet ouvrage en font, en même temps qu'une élude d'utilité pratique incontestable, un livre d'une lecture attrayante. Aide-mémoire de zoologie, par le professeur Henri Girard, 1 vol. in-18 de 300 pages avec 90 figures, cartonné, 3 francs. — Librairie J.-B. Baillière et fils, 19, iue Hautefeuille, à Paris. La série à.' Aide-mémoire dont l'ensemble formera le Manuel dliis* BIBLIOGRAPHIE. 559 toire naturelle a pour objet de permstlre aux candidats ayant à subir un examen dont le programme comporte l'e'tude des sciences natu- relles, de repasser, en un temps très court, les diverses questions que peuvent poser les professeurs d'une Faculté' pour l'obtention des di- plômes du baccalauréat, de la licence ou du certificat d'études phy- siques, chimiques et naturelles, ou le jury d'un concours pour l'ad- mission aune école. L'auteur de ces Aide-mémoire s'est efforce' d'embrasser, aussi brièvement que possible et sans rien omettre, les sujets des derniers programmes, aussi bien celui du baccalauréat es lellres et es sciences, du baccalauréat moderne, de la licence es sciences naturelles, de la première année d'études me'dicales, du 2° examen des Écoles de pharmacie, que celui de concours pour l'admission à l'Institut agro- nomique, aux e'coles d'agriculture, aux e'coles ve'térinaires. Il s'est pioposé de mettre en e'vidence les points les plus impor- tants, avec assez de netteté et de concision pour que le candidat puisse, d'un seul coup d'ceil, revoir l'ensemble des matières exigées à son examen. h" Aide-mémoire de zoologie, qui vient de paraître, est un résume des grands traités classiques et des cours donnés par les principaux pro- fesseurs de l'enseignement supérieur : MM. Giard, Yves Delage, J. Chatin, Pruvot, Rémy Perrier, de la Faculté des sciences; MM. Ed- mond Perricr, Lacaze-Duthiers , Filhol, Beauregard, du Muséum; Houssay, de l'École normale supérieure; Raph. Blanchard, Ileim de la Faculté de médecine; Guignard, de V École de pharmacie; Ilenneguy, du Collège de France; Paul Reguard, de l'Institut agronomique; Rail- liet, de l'École vétérinaire d'Alfort ; Sicard et Kœhlcr [do Lyon), G. Moquin-Tandon (de Toulouse), P. Girod (de Clermont-Ferrand), Joubin (de Rennes), etc. Au début des études, il permettra d'acquérir rapidement les notions nécessaires pour profiter des cours spéciaux ou lire avec fruit les traite's complets ; à la fin de l'année, il facilitera les revisions indis- pensables pour passer avec succès les examens. Les Céréales, par C.-V. Garola, professeur départemental d'agri- culture, directeur de la station agronomique de Chartres. — Firmin- Didot et Ci0, éditeurs. Paris, 56, rue Jacob. Cet ouvrage, qui fait partie de la Bibliothèque de l'enseignement agricole, publiée sous la direction de M. A. Muntz, professeur à l'Ins- titut national agronomique, est un traité à la fois scientifique et pra- tique. On s'est heureusement enfin décidé à rompre en agriculture avec la routine; les progrès de la Science ont été utilisés, des mé- 560 HE VUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES- thodes rationnelles ont été' créées et vulgarisées par l'enseignement, l'exemple de quelques agronomes a converti les plus récalcitrants. Ce sont ces méthodes, leurs principes et leur application que M. Garola présente dans son beau travail, dont l'intelligence est facilitée par 272 planches intercalées dans le texte et exécutées avec le plus grand soin. L'exposé des expériences scientifiques qui ont servi de base à la science agricole moderne, est présenté avec une clarté parfaite, les déductions qui en ont été tirées et qui ont conduit à la solution des problèmes les plus intéressants, se saisissent sans fatigue. La pratique qui découle de la théorie devient dès lors facile. Aucun des détails du reste, intéressant le producteur n'a été négligé. Il sait, suivant le climat et la nature du sol de la région où il exploite, quelles sont les céréales dont la culture offre pour lui le plus de chances de succès. Labours, engrais, semailles et récoltes sont traités avec l'autorité que donne l'expérience jointe au savoir. Liste des principaux ouvrages français et étrangers traitant des Animaux de basse-cour (i). 2° OUVRAGES ALLEMANDS [suite). Kaposi (M.). Die scmveren asiatiseben Hùbnerrassen. Cochin, Brah- ma und Langshan. Wien, Ose. Franck, 1S87. Kaposi (M.). Les races de Poules massives d'Asie (Cochin, Brahma et Langshan). Vienne, Ose. Franck, 1887. Klasen {Ludw.). Die Federvieb-Stalle im ihrer baulichen Anlage und inneren Einrichtung, sowie die vortheilhafteste Federvieh oder Ge- ilùgelzuchl. Mit 28 Holzschnitten. Leipzig, Scbolze, 1880. M. 1,80. Klasen (Louis). Les basses-cours au point de vue de la construction et de l'installation intérieure, ainsi que du meilleur élevape de la volaille. Avec 28 gravures sur bois. Leipsig, Scholtze, 1880. M. 1,80. Konchelt (E). Ueber einen Fall sogenannter « Hahnenfedrigkeit » bei der Ilausente. In Tageblalt 60 verschied. deutscher Naturforscber, n° 8, p. 252-253. Sitzungsbericht Ges. Naturforscber. Berlin, 1887, Nov. 9, p. 188-192. (1) Voyez Revue, année 1893, p. 564: 1894, 1» semestre p. 383- 2e se- mestre, p. 142, 240, 336, 383, 480 et 528. BIBLIOGRAPHIE. 561 Korsckelt [JE.). Sur un cas de la soi-disant altération du plumage chez le Canard domestique. Dans le Journal de 60 différents naturalistes alle- mands, n° 8, p. 252-253. Rapport de séance de la Soc. des Natural. Berlin, 1887, nov. 9, p. 188-192. Krankheiten (Die wicbtigsten) des Hausgcfliïgels. Nebst Anhang liber Fùtterung, vermehrtes Eierlegen, Brùten, Màsten, etc. Reutlingen, Berdtenscblager, 1887. 30 Pfg. Maladies les plus importantes, de la volaille domestique. Avec appen- dice sur la nourriture, l'augmentation de la ponte des cois, l'incuba- tion, l'engraissement, etc. Reutlingen, Berdtenschlager, 1887. 30 Pfg. Krantz [J. H.). Praktische Anleitung zur kùnstlichcn Ausbrùtung der Eier aller Arten Geflùgels, etc. Nebst einem Anbang iïber die ratio- nelle Kaniucbenzucbt. 2. AufL, Berlin, Gerscbel, 1874. M. 1. Krantz [J. H.). Guide pratique pour l'incubation artificielle des œufs de toutes espèces de volailles, etc. Avec un appendice sur l'élevage ration- nel des Lapins. 2e édit., Berlin, Gerschel, 1874. 1 M. Landois [H.). Missbildungen bei Hùhnercicrn. Mit 26 Abbildungen, in Zoolog. Garten, 1878, p. 17-24. Landois (H.). Difformités cbez les œufs de Poules. Avec 26 figures, dans le Journal du Jardin zoologique, 1878, p. 17-24. Landois {H-). Hùhnereier mit perlkômiger Schale in 15 Jahrcsbericht. Westfâl. Prov. Ver., 1886, p. 34-35. Landois [H.]. Œafs de Poules à coquille de grains perlés, dans le 15' rapport annuel de la Société de la province de Westphalie, 1886, p. 34-35. Landois (L.). Brùtapparat mit electromagnetiscber Vorricbtung zur Regulierung eines constanten Temperaturgrades in Mitlbeil. des naturwissenscbaft. Vereins von Neu Vorpommerlr. 12 Jabrgang, p. 81-89. Landais (L.). Appareil d'incubation avec une installation électro-magné- tique pour régler un degré constant de temoérature. Dans Rapports de la Société d'histoire naturelle de la Poméranie Antérieure. 12° an- née, p. 81-89. La Perre de Iioo. Uber den Einfluss der Blutsverwandtschaft auf die Zucbt in Mitlbeil. des Ornilbolog. Vereins Wien, Beiblatt, 1 Jabr- gang, n° 4, p. 25-27 ; n° 5, p. 33-36. La Perre de Roo. De l'inlluence de l'alliance du sang sur l'élevajre. Dans les Rapports de la Société orniiholog. Vienne, Supplément, lre année, n" 4, p. 25-27 ; n° 5, p. 33-36. (A suivre.) 20 Décembre 1S94. 36 562 TABLE ALPHABETIQUE DES AUTEURS MENTIONNES DANS CE VOLUME. BaGNOL (E.). Acclimatation en Tu- nisie, 285. Baronnet. Naturalisation de végé- taux en Tunisie, 44. Bellerive (de). Reproduction de l'Hippopotame amphibie en cap- tivité, 41. — Saumons du Rhin, 136. — Une nouvelle maladie de la Canne à sucre aux Antilles, 190. — Congrès international à Rome, 282. — Le Castor au siècle dernier, 331. — Une commande de Rennes pour l'Autriche, 377. — De la coloration des Truites de rivière, 379. — Le Santal de Juan Fernandez, 381. — Sur l'importation de quelques fruits exotiques en Europe, 419. — Les Huîtres de l'Adriatique, 428. — Introduction du Mouflon à Tatra- Lomnitz (Hongrie), 473. — Métis de Salmonidés, 47 4. — Les Hannetons dans les mon- tagnes, 518. — Le développement chez l'An- guille, 553. — L'écorce du Tanner' s Cassia, 557. Bollettino di Notizie commerciale Commerce des œufs d'Italie avec l'Angleterre, 377. Bouffet. Pisciculture aux labora- toires de Quillan et de Gesse, 28. Bourlier (le Dr)- Cultures d'Acacias australiens en Algérie, 118. Brézol (H.). La destruction du Bison américain, 1,97, 193, 289, 433. Chatin (Ed.). La Truffe de Tunisie, deTripoli et de Syrie, 328, 376. Confévron (de). Absence d'Orchis en 1894, 138. — La tuberculose végétale, 331. — Hibernation des Hiroudclles, 426. — Note complémentaire sur les Hi- rondelles, 517. — Les Renards, 554. Denis et Hausser. Quelques mots sur la pisciculture en Suisse, 366. Echo du Commerce (L'). L'agricul- ture au Mexique, 23 4. Fliche (le professeur). Dégâts du Lasiocampe du Pin en Cham- pagne, 188. Forest aine (J.). Contributions orni- thologiques de la Nouvelle- Guinée à l'iniustrie de la mode, 14, 109, 160. — Ornithologie industrielle- — Les Oiseaux dans la mode, 343. Gabor. Piège à Pigeons des Maoris, 41. — Le Chêne de Turquie dans le sud de l'Afrique, 46. — De la chasse des Loutres et des Rats d'eau, 92. — La pisciculture en Italie en 1893- 1894, 137. — Exportation de l'Opium de l'Inde, 138. — Le Téosinté à Ceylan, 190. — Au paj7s des Samoyèdes, 282. — L'agriculture à la Jamaïque, 330. — Pigeons voyageurs en Suisse, 331 . — L'E^t Africain. — L'Ouganda. — De la côte à l'intérieur, 371. TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEUBS. 563 Gabor. Bœufs d'Amérique eu Suisse, 377. — Plantes médicinales de la Gambie, 379. — Histoire de l'Orange, 429. — Les Anes d'Europe aux Etats- Unis, 473. — De l'habitat du Moineau, 474. — Sur le travail des Abeilles, 47C. — L'élevage en Angleterre au siècle dernier, 481- — Les Abeilles et les Sapins blancs, 518. — Poissons groenlandais, 556. Genebrias de Boisse. Le Chrysan- thème de Dalmatie {Pyrethrv.m cinerariœfolium), 506. Geoffroy Saint-Hilaire (A.). Dis- cours prononcé à l'inauguration du monument élevé à Vallerau- gue à la mémoire de M. de Quatrefages, 241. — Allocution prononcée à la 42° séance de rentrée en session. 529. Grisard (j.) et M. Vanden-Berghe (Max.). Les bois industriels in- digènes et exotiques (suite), 73, 172, 312, 403, 540. Grisard (Jules). Le fruit du Cané- ficier, 45. — Les Gommes du Sénégal, 133. ■ — Petit guide pratique de la culture des Orchidées, par L. Duval, 141. — Contribution à l'étude des f/ommes laques des Indes et de Madagas- car, par Albert Gascard, 141. — L' Algérie, par Henri Pensa, 191 . - — Linauguratiou du monument de M. de Quatrefages à Vallerau- gue, 234. — Usages économiques du Caroubier, 237. — L'art de conserver la santé des ani- maux dans les campagnes, par J.-M. Foutan, 239. — Guide pratique pour les herborisa- tions et la confection générale des herbiers, par Clotaire Duval, 288. Grisard (Jules). Les maladies de la Vigne, par Ch.Brun, 288. — Le fruit du Tamarinier, 333. — Les oiseaux de basse-cour, par Remy Saint-Loup, 335. — La représentation artistique des animaux, par M. Gautier, 382. — Vente et achat du bétail vivant, par Eruest Pion et Paul Godbille, 382. — La Chenille du Neuronia popularis dans les environs d'Avesnes en 1894, par R. Moniez, 382. — La route du Tchad, du Loango ait Chari, par J. Dybowski, 430. — Du Jute, de se culture et de son acclimatation dans nos colonies, 457. — Le Paliure épineux, 476. — Le Mallotus Phil/ppensis, 523. — Le Maiten , Maytenus Boaria , 524. Guéhard (G. de). Les ennemis de la Vigne, par E. Dussuc, 48. — L'Apiculture moderne, par A.-L. Clément, 95. — Les Papillons de France, par Gus- tave Pauis, 191. — La pratique de la viticulture, par M'ue la duchesse de Fitz James, 192- — Chronique des Sociétés savantes, 37G. — Les Chrysanthèmes , par Georges Bellair et Victor Bérat, 432. — Les engrais en horticulture, par H. Jculie et M. Desbordes, 479. — Manuel du naturaliste , par Albert Granger, 479. — Hygiène des animaux domestiques, par H. Boucher, 525. — Le Monde des plantes, par P. Cons- tantin, 526. — Maladie des arbres fruitiers, par E. Sirodot, 527. — Les Oiseaux de Provence, par R. Régnier, 527. — Les Céréales, par C.-V. Garola, 559. 564 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUEES. Guérard (G. de). Les Pêcheries et les poissons de la Méditerranée, par Paul Gourret, 558. — Aide -'.né moire de zoologie, par Henri Girard, 558. Journal des Voyages. Chameaux er- rants en liberté dans l'Arizona, 534. Lépinay (de). Quelques mots sur la culture des étangs, 253. Leroy. Culture et propagation d« vé- gétaux en Algérie, 217, 274. Magaud d'Aubusson. Note sur l'hi- bernation des Hirondelles, 302, 515- Mahchal (le Dr P.). L ' Heliophobus popularisa 88. Mathias (Georges). Rapport de la Commission de comptabilité sur l'exercice 1S93, 124. Meyners d'Estrey (le D1'). Les es- pèces de Bamhous du Japon, leur culture et leur emploi, 32. — La Cochylis de la Vigne. — Pro- duction du Chanvre. — La tri- turation des terres, 230. — L'élevage des Poules en Extrême- Orient, 283. — Culture du Café dans le Hon- duras, 423. — Cultures en Australie. Colonie de Victoria, 509. Mézière (G.). Les merveilles de la flore primitive, par A. Froment, 47S. Michotte (Félicien). L'utilisation de l'Agave, 257. Ministère de l'Agriculture. Dégâts du Lasiocampe du Pin eu Cham- pagne, 188. — La Volaille et les Œufs en Russie, 555 . MouQDET (AIL). Note 6ur les mala- dies des yeux des Oiseaux , 385. — Lévriers et courses au Lièvre 533. Naudin (Ch.). Fructification du Jubœa ïpectabilis en France, 435. Persin (Jules). Elevages et chasses au parc de Boulancourt (Haute- Marne), 49. Pruns (!e marquis de). Cultures de Conifères dans la Limagne d'Auvergne, 226. Raveret-Wattel. La station aqui- cole du Nid de Verdier, 389. Rogeron (Gabrielj. Les Vers blancs et les Freux, 207. Saint-Loup (Remy). L'humeur spé- cifique de la Musaraigne, 447. Saint-Simon. Porcs nourris de Vi- pères, 91. Sch/Eck (de). Exportations du Hon- duras, 41. — L'époque du frai chez le Saumon de fontaine, 42. — Exportation des bois en Suisse, 46. — Le» Chiens d'Afrique [suite), 53, 145, 243, 4S5. — Substitution de couvées entre Pas- sereaux d'espèce différente, 91. — Le marché des pelleteries à Leip- zig, 136. — Parasites d'aquariums, 138. — Repeuplement des eaux de West- phalie, 188. — Culture chez les Chinois et les Japonais, 190. — Productions de la Belgique, 282. — Loi sur la pêche des Poissons, des Ecrevisses et des Huîtres dans le sud de l'Afrique, 284. — - Emploi du Robur en Autriche, 330. — Culture des Salmonidés, 331. — Production du Tabac aux Etats- Unis, 334. — La pêche dans la Haute-Silésie, 37S. — Culture du Ginseng, 380. — Le sulfate de quinine comme re- mède pour le Chien, 426. — Les plantes des sarcophages, 429. — Anneaux pour volailles, 473. — Le sommeil estival de ia Tanche, 475. — Rôle des Grenouilles dans la Pis- ciculture, 513. TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS. 565 Sch^eck (de). Une plante américaine utile pour les étangs à poissons, Zizania aquatica, 520- — Les Bananiers du Queensland, 523. — Mœurs de l'Etourneau, 555. — Les Oranges de Taïti, 557. Trabut (le D1'). La Baselle à grandes feuilles {Basella cordt folio), 519. Vanden-Bergbb (Max.). Composi- tion chimique des bois de Santal rouge et de Campèche, 42. — Les Plantes industrielles, par Gus- tave Ileuzé, 47. — Propriétés tinctoriales du Sophora du Japon, 02. — Résine et fruit du Courbaril, 139. — Le baume du Copayer officinal , 236. — L'écorce du Mançone, 332. — Le Kino du Malabar, 428. — Le Ben ailé [Moringa pteyygo- sperma), 521. Vanden-Berghe(M.) L'Iris pabularia, 524. (Voyez aussi Grisabd.) Vander Snickt. Aquiculture en Bel- gique, 65, 450. Varigny (Heury de). Les Chats des réfrigérateurs de Pittsburg, 512. Vassard (G.). Production et com- merce des fruits au Cap, 37. — Plumes d'Autruche, 187. ViLBOLCHEViTGH (Jean). Emploi du Chameau en Russie comme ani- mal agricole, 337- — Lettre de Russie, 471. — La question des Salt-Bushes, VAtriplex nummularia, 498. — La Luzerne du Turkestan, Toung- ja, 520. — Wallès (A.). Une chrysalide co- mestible, 91. Weber (le D1')- Observations au sujet de l'utilisation de l'Agave, 257. Ziîiller. Chasse à l'Élan en Norvège, 187. FIN DE LA TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS. 566 INDEX ALPHABÉTIQUE DES ANIMAUX MENTIONNES DANS CE VOLUME. GÉNÉRALITÉS. Apiculture, 95-96, 472, 5 18-5 10. Aquiculture, 450-454, 471-47-2. Aviculture, 142-144, 235, 240, 335-3.16, 383-384, 473-474,480,528. Chrysalides, 91-92. Elevage en Angleterre au siècle dernier, 4S1-4S4. Elevages et Chasses, 49-52. Fourrures, 136. Maladies des yeux des Oiseaux, 385-388. Métis de Salmonidés, 474-475. Œufs, 377-378. Oiseaux employés dans la parure, 343-365. Pêche, 284-285, 378-379,558. Pisciculture, 28-31, 65-72, 137-138, 253-256, 366-370, 389-402, 513-515. Poissons groenlandais, 556. Sériciculture, 472. Volaille et Œufs eu Russie, 555. Abeilles, 476. 518. Acridiens. 472- Anes, 473. Anguille, 555-556. Autruche, 187-188. Bison. 1-13, 97-108, 193-206, 289- 301, 433-446. Bœufs, 377. 481-484. Carpe géante, 71. Carpe miroir, 72. Castor, 331- Catfish, 71-72. Cerfs-Cochons, 49-52. Chameau, 337-342, 554-555. Chats, 512-513. Chevaux, 483. Chiens, 53-6.4, 145-159, 243-252, 426, 485-497, SSS/^O. Chlamydères, 112-114. Cochylis de la vigne, 230. Corbeaux, 207-216. Drepanornis, 22-24. Ecrevisses, 284-285, 471. Elan, 187. Epimaques, 14-22. Etonrneau, 555. Falculie, 24-25. Freux, 207-216. Gouras, 114-117. Grenouilles, 513-515. INDEX ALPHABETIQUE DES ANIMAUX. b67 HanneLons, 518. Heliophobus popularis, 88-90, 382. Hippopotame, 41 . Hirondelles, 302-311, 426-428, 515- 518- Huîtres, 235-236, 284-285, 428. Huîtres du Japon, 471. Kangurous, 51-52. Lapins, 50-52. Lasiocampe du Pin, 188-190. Lévriers, 533-539. Lièvres, 50-52. 533-539. Liparis dispar, 122. Loutres, 92. Moineau, 474. Mouflon, 473. Moutons, 481-484. Musaraigne, 447-449. Neuronia, 88-90, 382. Oriolus, 25-27. Papillons, 191-192. Paradisiers, 14-27. Passereaux, 91. Perroquets, 160-164. Phylloxéra, 48. Pigeons, 41-42, 113-114, 331. Porcs, 91 . Poules, 283-284. Ptilonorynchynés, 109-111. Rats, 512-513. Rats d'eau, 92. Renards, 554. Rennes, 377. Salmonidés, 331, 474-475. Saumons, 28-31, 42, 136. Tanche, 475-476. Taureau, 482-484. Truites, 65-72, 188, 379, 474-475, Truite arc-en-ciel, 69-71, 188. Vaches, 4S1-484. Vers à soie, 91-92. Vers blancs, 207-216. Vipères, 91. FIN DE L'INDEX ALPHABETIQUE DES ANIMAUX. 568 INDEX ALPHABETIQUE DES VÉGÉTAUX MENTIONNES DANS CE VOLUME. GÉNÉRALITÉS. Agriculture au Mexique, 234-235. Agriculture à la Jamaïque, 330. Bois industriels, 42-44, 73-87, 172-186, 312-327, 403-418,540-553. Commerce des fruits au Cap, 37-40. Culture en Algérie, 217-225, 274-281. Culture en Australie, 509-511. Culture en Chine et au Japon, 190. Cultures en Tunisie, 44-45, 285-287. Exportation de fruits et produits végétaux, 41, 46. Exposition internationale d'horticultuie en 1895, 519. Fruits exotiques, 419-422. Paille à chapeaux, 472. Plantes aromatiques, 47-48. Plantes médicinales de Gamhie, 379-380. Plantes des sarcophages, 429. Salt-Bushes, 498-505. Tuberculose végétale, 331-332. Végétaux, 472. Viticulture, 192. Âberia Caffra, 219. Abricotier, 547-548. Acacia, 73-87, 118-123, 172-186. Acacia de Farnèse, 78-79. Acer insignis, 219. Acrocarpus grandis, 411-412. Adenanthera pavonina, 312-313. Agave, 219, 257-273. Agropyrum glaucum, 220. Albizzia, 313-318. Aloes, 374. Alœxyllon agalochum, 542-543. Amatongulu, 422. Amandier, 546-547. Amelanchier, 545. Amygdalus, 546-547. Andropogon Hallu, 220. Anona cherimolia, 220. Apuleia pogomana, 412. Arbre de soie, 314-315. Argania Sideroxylon, 220. Armeniaca, 547. Atriplex, 44-45, 220-221, 498-505. Bambous, 32-36, 94. Bananier, 373-375, 523-524. Bardane, 221. INDEX ALPHABÉTIQUE DES VÉGÉTAUX. S 69 Baryxylonrufum, 412. Baselle à grandes feuilles, 5 19-520. Ben ailé, 521-523. Bois d'Aloès, 542-543. Bois de Condori, 312-313. Bois de Corail, 312-313. Bois noir de la Réunion, 81-82. Bois de Sainte-Lucie, 550-551. Bois de Violette, 80. Bombax, 221. Brachychiton acerifolius, 221. Butea frondosa, 412. Cachou, 73-74. Café, 374-375, 423-425. Calliandra, 31S-319. Campêche, 42-44. Campbora of/îcinarum, 221. Camphrier, 221. Canéficier, 45-46. Canne à sucre, 190. Caoutchouc, 275. Caroubier, 237-238, 287. Caroubier argentin, 406-407. » Casimiroa edulis, 222. Cassia auriculata, 557. Cassie, 70-77. Casuarina, 217, 286. Celastrus edulis, 222. Cérastes, 548-553. Cercidium viride, 412-413. Cereus Thurberi, 222-223. Céréales, 559. Cerisiers, 548-553. Chamœrops humilis, 374. Chanvre, 230-232. Chanvre de Sisal, 260-261. Chêne, 46. Chêne-liège, 287. Chêne-vert, 287. Cheno podium nitraceum, 500. Chrysanthème, 432- Chrysanthème de Dalmatie, 506-508. Cocos, 223. Cocotier, 374. Conifères, 226-229. Copayer, 236-237. Chorocodoii Whitei, 223. Cotonnier, 37 4. Courbaril, 139-140. Cynometra laxiflora, 413. Cytisus proliféras, 286. Dalea spinosa, 413. Diospyros, 223. Diplotropis Guyanensis, 413. Djambou, 419. Dolichos, 223. Dolics, 223. Eléphant grass, 375. Enterolobium, 319-321. Eucalyptus, 44, 122-123, 286. Eucalyptus microtheca, 223-224. E-uchlœna luxurians, 190, 286. Buyenia, 419. JEysenhardtia otthocarpa, 413-414. Farobe, 324. Févier. 286. Fourcroya, 260-261. Fraxinus Mcxicaua, 224. Frèues, 286. Gat. 222. Geoffroya spinosa, 414. Ginseug, 380-381. Gommes laques, 141. Gommier, 86-87, 133-135. Gourliea decorticans, 414. Goyave, 420. Grenadilles, 421. Raloxylon annnodendro», 224. Holocalyx Balansœ, 414-415. Iris pabularia, 224-225, 524. Jufora spectabilis, 225, 455-456. Jute, 457-470. Kaki, 421-422. Kiuo, 428-429. Koclua, 225, 500. Koompassia Moluccensis, 415. Lasiagrostis Calamoyrostis, 274. Latkyrus sylvestris, 274-275. Letchi, 420-421. Leucœna, 275, 321. Liane à caoutchouc, 275. Limoniastrum, 44. Lonchocarpus formosiamus, 415. Luzerne du Turkestan, 520-521. Lysiloma, 321-322. Mallotus Philippensis, 523. Maiten, 524. Mançone, 332-333. Mangue, 420. Melanoxylon Brauaa, 415-416. 570 LE VUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Merisier, 548-550. Mesquite, 407-409. Mimosa, 76-77, 273-276. Olnerja Tesota, 323. Opium, 138. Opuntia ficus Indica, 222. Orange, 429, 557. Orchidées, 141. Orchis, 138-139. Ovvala, 325-327. Pahudia Siamensis, 416. Paliure épineux, 472, 476-477. Palmier nain, 374. Panicum, 276, 286. Paspalum, 276. Papyrus, 373. Parkia A f ricana, 323-323. Parkinsonia aculeata, 416-417. Peltophorum Vcgelianum, 417. Pentaclethra macrophylla, 323-327. Pentzia viryata, 276, 286. Phœnix dactylifera, 276-277. Pins, 277-278, 2S5-.286. Pin d'Alep, 287. Piptadenia Ctbil, 403-40 4. Pistachier, 278. Pistacia vers, 278. Pitahaya, 222-223. Pithecolobium, 404-406. Platymiscium polystachium, 417. Pomme Kei, 422. Pomme rose, 419. Pongamia (jlabra, 4 17-41 S. Prosopis, 278, 406-410. Pterofjyne nitens, 418. Pyrethrum cinerariœfolium, 506-508. Qtiillaja Saponaria, 278-279. Rheum d'Afghanistan, 279. Rhus, 279. Rosa berberifolia, 279. Saccia eleyans, 279-280. Santal, 42-44, 381. Sapotillier, 421- Sechium edule, 280. Serianthes myriadena, 540. Sindora, 540, 541. Sophora, 92-94. Sporolobus airo'ides, 280. Tabac, 334, 375. Tamarin, 333-334. Tamarinior, 333-334. Tamarix. 45, 280. Téosinté, 190. Thuya, 286. Trachylobium verrucosum, 541. Truffes, 328-329, 376. Typha elephantum, 375. Vanille, 235. Vicia villosa, 280. Vigne, 48, 288. Vigue du Japon, 280-281. Vigne de Madagascar, 280-281. Virgilia Capensis, 542. Xy/ia dolabriformis, 410-411. Youngjà, 520-521. Zizanie aquatique, 520. FIN DE L INDEX ALPHABETIQUE DES VEGETAUX. TABLE DES MATIERES GÉNÉRALITÉS. Jules Persin. — Élevages et chasses au parc de Boulancourt (Haute- Marne) 40 Georges Mathias. — Rapport de la commission de comptabilité sur l'exercice 1893 124 De Schaegk. — Le marché des pelleteries à Leipsig 136 Le même, — Parasites d'aquariums 138 Gabor. — Exportation de l'Opium de l'Inde 138 De Schaeck. — Culture chez les Chinois et les Japonais 100 Meyners d'Estrey. — Trituration de la terre 232 Jules Grisard. — L'inauguration du monument de M. de Quatrefages, à Vallerangue 234 L'Agriculture au Mexique 234 A. Geoffroy Saint-Hïlaire. — Discours lu le 20 août à l'inaugu- ration du monument élevé à la mémoire de M. de Quatrefages 241 De Schaeck. — Productions de la Belgique 282 De Bellerive. — Congrès international à Rome 282 Gabor. — Au pays des Samoyèdes 282 Le même. — L'Agriculture à la Jamaïque 3 30 De Schaeck. — Emploi du Robur en Autriche 330 Le même. — L'Est Africain, L'Ouganda. — De la côte à l'intérieur. . 371 De Schaeck. — Le sulfate de quinine comme remède pour le Chien . . 426 ViLBOUCHrcviTCH. — Lettre de Russie 471 Gabor. — L'élevage en Angleterre au siècle dernier 481 Dr Meyners d'Estrey. — Cultures en Australie, Colonie de Victoria. oOO A. Geoffroy Saint-Hilaire. — Allocution prononcée à la 42° séance de rentrée en session 529 PREMIÈRE SECTION. — MAMMIFERES. H. Brézol. — La destruction du Bison américain 1 , 07, 103, 280, 433 De Bellerive. — Reproduction de l'Hippopotame amphibie eu cap- tivité 41 Jules Perçin. — Elevages et chasses au parc de Boulancourt (Haute- Marne) 40 De Schaeck. — Das Chiens d'Afrique (suite) 53, 145, 243, 485 Saint-Simon. — Porcs nourris de Vipères 01 572 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. Gabob. — De la chasse des Loutres et des Rats d'eau 92 Zeiller. — Chasse à l'Elan en Norvège 1 87 Dk Bellkrive. — Le Castor au siècle dernier 331 Jean Vilbouchevitch. — Emploi du Chameau en Russie comme ani- mal agricole 337 De Bellerive. — Une commande de Rennes pour l'Autriche 377 Gabor. — Bœufs d'Amérique en Suisse 377 Remy Saint-Loup. — L'humeur spécifique de la Musaraigne 447 Gabor. — Les Anes d'Europe aux Etats-Unis 473 De Bellerive. — Introduction du Mouflon à Tatra-Lomnitz (Hongrie) 473 Henry de Varigny. — Les Chats des réfrigérateurs de Pittsburg .... 512 Alf. Mouquet. — Lévriers et courses au Lièvre 533 De Confévron. — Les Renards 554 Journal des Voyages. — Chameaux errant en liberté dans l'Arizona.. . 554 DEUXIÈME SECTION. — OISEAUX. J. Forest aîné. — Contributions oruithologiques de la Nouvelle — Guinée ou Papouasie à l'industrie de la mode 14, 109, 160 Gabor. — Piège à Pigeons des Maoris 41 Dk Sghaeck. — Substitution de couvées entre passereaux d'espèce différente 91 G. Vassard. — Plumes d'Autruche 187 Gabbiel Rogeron. — Les Vers blancs et les Freux 207 La Société nationale d'Aviculture. (Avis) 235 Dr Meynebs d'Estrey. — L'élevage des Poules en Extrême-Orient. 283 Magaud d'Aubusson. — Note sur l'hibernation des Hirondelles. 302, 515 Gabor. — Pigeons voyageurs en Suisse 331 J. Forest aîné. — Ornithologie industrielle ; les Oiseaux dans la mode 343 Bolletino di Notizie Commerciali. — Commerce des œufs d'Italie avec l'Angleterre 377 Alf. Mouquet. — Note sur les maladies des yeux des Oiseaux 385 De Confévron. — Hibernation des Hirondelles 426 Ds Schaeck. — Anneaux pour Volailles 473 Gabor. — De l'habitat du Moineau 474 De Confévron. — Note complémentaire sur les Hirondelles 517 Ministère de l'Agriculture. — La Voluille et les Œufs en Russie .... 555 De Schaeck. — Mœurs de l'Étourneau. 555 TROISIÈME SECTION. — POISSONS, CRUSTACÉS MOLLUSQUES, ETC. Bouffet. — Pisciculture aux laboratoires de Quillan et de Gesse.. . . 28 De Schaeck. — L'époque du frai du Saumon de fontaine 42 Vander-Snickt. — Aquiculture en Belgique 65 De Bellerive. — Saumons du Rhin 136 Gabor. — La pisciculture en Italie 137 De Schaeck. — Repeuplement des eaux de la Westphalie ISS TABLE DES MATIÈRES DU DEUXIÈME SEMESTRE. 573 Protection des Huîtres de la mer Adriatique 235 DE Lépinay. — Quelques mots sur la culture des étangs 253 De Schaeck. — Loi sur la pêche des Poissons, des Ëcrevisses et des Huîtres dans le Sud de l'Afrique 284 De Schaegk. — Culture des Salmonidés 331 Denys et Hausser. — Quelques mots sur la Pisciculture en Suisse.. 36G De Schaeck. — La pêche dans la Haute Silésie 378 Dk Bellerive. — De la coloration des Truites eu rivière 379 Raveret-Wattel. — La station auuicole du Nid-de-Verdier 3S9 De Bellerive. — Les Huîtres de l'Adriatique 428 Vander-Snickt. — L'aquiculture eu Belgique 450 De Bellerive. — ■ Métis de Salmonidés 474 De Schaeck. — Le sommeil estival de la Tanche 475 Le même. — Rôle des Grenouilles dans la pisciculture 513 De Bellerive. — Le développement chez l'Anguille 555 Gabor. — Poissons groenlandais 356 QUATRIÈME SECTION. — INSECTES. Le D1' P. Marchal. — Rapport sur VHeli/j/ioobus (Neuronia) popularis et ses ravages 88 Wallès. — Une chrysalide comestible 92 Ministère de l'Agriculture. Dégâts du Lasiocampe du Pin en Cham- pagne 1°8 Gabriel Rogeron. — Les Vers blancs et les Freux 207 Meyners d'Estrey. — La Cochylis de la Vigne 230 Gabor. — Sur le travail des Abeilles 476 De Bellerive. — Les Hannetons dans les montagnes 518 Gabor. — Les Abeilles et les Sapins blancs 518 CINQUIÈME SECTION. — VÉGÉTAUX. D1' Meyners o'Estrey. — Les espèces de Bambous du Japon, leur culture et leur emploi 32, 94 G. Vassaru. — Production et commerce des fruits au Cap 37 De Schaeck. — Exportation du Honduras 41 Max- Vanden-Berghe. — Composition chimique des bois de Santal rouge et de Campêehe 42 Bakonnet. — Naturalisation de végétaux en Tunisie 44 J. Grisard. — Le fruit du Cauélicier 45 De Schaeck. — Exportation des bois eu Suisse 46 Gabor. — Le Chêue de Turquie dans le sud de l'Afrique 46 J. Grisard ei Max. Vanden-Berghe. — Les Bois industriels indi- gènes et exotiques {suite}.. 73. 172, 312, 403, 540 Mux. Vanden-Berghe. — Propriétés tinctoriales du Sophora du Jdpon. 92 l)1' BotJRLiER. — Culture d'Acacias australiens en Algérie 118 J. Grisard — Les gommes du Sénégal L33 De Confévron. — Absence d'Orchis 138 Max. Vanden-Berghe. — Rosine et fruit du Courbanl 139 574 REVUE DES SCIENCES NATURELLES APPLIQUÉES. De Bei.lerive. — Une nouvelle maladie de la Canne à sucre aux Antilles 190 Gabor. — Le Téosinté (Euchlœua luxurians) à Ceylan 190 Leroy. — Culture et propagation de végétaux en Algérie 217, 274 Marquis de Pruns. — Culture de Conifères dans la Limagne d'Au- vergne 226 Meyners d'Estrey. — Production du Chanvre 230 L'Agriculture au Mexique ■ 234 Max. Vanden-Berghe. — Le baume du Copayer officinal 230 J. Grisaru. — Usages économiques du Caroubier 237 Félicien Michotte. — L'utilisation de l'Agave 257 D1' Weber. — Observations présentées sur dilférentes opinions émises par M. Michotte 260 Bagnol. — Acclimatation de végétaux en Tunisie 285 . De Confévron. — La tuberculose végétale 331 Max. Vanden-Berghe. — L'écorce du Mançone 332 J. Grisaru. — Le fruit du Tamarinier 333 De Scuaeck. — Production du Tabac aux Etats-Unis 334 Chatin. — Sur les Truffes de Tunisie, Tripoli et Smyrne 328, 376 Gabor. — Plantes médicinales de la Gambie 379 De Schakcic. — Culture du Ginseng 380 De Bellerive. — Le Santal de Juan Fernaudez 381 Le même. — Sur l'importation de quelques fruits exotiques en Europe. 419 Dr Meyners d'Estrey. — Culture du Café dans le Honduras 423 Max. Vanden-Berghe. — Le Kino du Malabar 428 Gabor. — Histoire de l'Orange 429 De Schaegk. ■ — Les plantes des sarcophages 429 Ch. Naudin. — Fructification du Jubita spectabilis en France 455 J. Grisard. — Du Jute, de sa culture et de son acclimatation dans nos colonies 457 Le même. — Le Paliure épineux 476 Vilbouchevitch. — La question des Salt-Bushes, VAtriplex num- mularia 498 Genebrias de Boisse. — Le Chrysanthème de Dalmatie 506 Exposition internationale d'Horticulture en 1895 519 D1' Trabut. — La Baselle à grandes feuilles 519 De Sciiaeck. — Une plante américaine utile pour les étangs à pois- sons. — La Zizanie aquatique 520 J. Vilbouchevitch. — La Luzerne du Turkestan (Youngja) 520 Max. Vanden-Berghe. — Le Ben ailé [Moringa jiterygosperma) 521 J. Grisard. ■ — Le Malictus Philippensis. . 523 De Schaeck. — Les Bananiers du Queenslaud 523 Max. Vanden-Bkrghe. — L Iris pabularia 524 J. Grisard. — Le Maiten (Mai/tenus Boaria) 524 De Sciiaeck;. — Les OraDges de Taïti 557 De Bellerive. — L'écorce du Tanner's Cassia 557 CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. Société entomologique de France 88 TABLE DES MATIÈRES DU DEUXIÈME SEMESTRE. 575 Académie des Scieaces. — La Truffe de Tunisie, de Tripoli et de Sy- rie, par Ed. Chatin 328, 376 BIBLIOGRAPHIE. Les plantes industrielles, t. III, par Gustave Heuzé 47 Les ennemis de la Vigne, par E. Dussuc 48 L'Apiculture moderne, par A.-L. Clément 95 Petit guide pratique de la culture des Orchidées, par L. Duval 141 Contribution à l'étude des gommes laques des Indes et de Madagascar, par Albert Gascard 141 Liste des principaux ouvrages français et étrangers traitant des ani- maux de basse-cour 142, 240, 336, 383, 480, 528, 559 L'Algérie, par Henri Pensa 191 Les Papillons de France, par Gustave Panis 191 La pratique de la viticulture, par Mme la duchesse de Fitz-James. . . . 192 L'art de conserver la sauté des animaux dans les campagnes, par J.-M. Fontan 239 Guide pratique pour les herborisations et la confection générale des herbiers, par Clotaire Duval 288 Les maladies de la Vigne, par Ch. Brun 288 Les Oiseaux de hasse-cour, par Remy Saint-Loup 335 La représentation artistique des animaux, par M. Gautieh 382 Vente et achat du bétail vivant, par Ernest Pion et Paul Godbille. . . 382 La Chenille du Neuronia popularis dans les environs d'Avesnes en 1894, par R. Moniez 382 La route du Tchad. — Du Loango au Chari, par J. Dybowski 430 Les Chrysanthèmes, par Georges Bellair et Victor Béuat 432 Les merveilles de la Flore primitive, par A. Froment 478 Les engrais en horticulture, par II. Joulie et M. Desbordes 479 Manuel du naturaliste, par A. Granger 479 Hygiène des animaux domestiques, par H. Boucher 525 Le monde des plantes, par P. Constantin 526 Maladie des arbres fruitiers, [par R. Sirodot 527 Les Oiseaux de Provence, par R. Régnier 527 Les Céréales, par C. V. Garola 559 Les Pêcheries et les Poissons de la Méditerranée, par Paul Gourret. 558 Aide-mémoire de Zoologie, par Henri Girard 558 FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES. 576 TABLE DES GRAVURES Le grand Epimaque 15 Chiens d'Afrique 56, G 4, 1 47, 158, 480, 493 Le Goura Victoria 115 Chameau et son harnachement en Russie 338, 339 La Pisciculture en Suisse (Plan et coupe' 308 FIN DES TABLES. Le (iérant: Jules (jkisard. VERSAILLES, IMPRIMERIE CERF ET C10, £9, RIE DIPI.ESS1S. ^^ New York Botanical Garden Libra M i II I I II I I I 3 5185 00259 9064 ary il k t^. ^k ^^ HWJb ï\ l\\ 1 V"** jJi ^ç:- ■•»_ . ^NL jW*