4 Lt” es ., x ‘HARVARD UNIVERSITY. MUSEUM OF US Ga 2010. AS 000 REVUE SCIENCES NATURELLES MONTPELLIER & CETTE TYPOGRAPHIE ET LITHOGRAPHIE DE BOEHM & FILS IMPRIMEURS DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES ET LETTRES ÉDITEURS DU MONTPELLIER MÉDICAL. REVUE DES SCIENCES NATURELLES PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE M. E. DUBRUEIL, Membre de plusieurs Sociétés savantes, AVEC LA COLLABORATION DE MM. Andouard , — Baillon, — Barthélemy , — Baudelot , — Baudon, — Bavay , — Bleicher, — Boreau , — Boyer , — Cazalis de Fondouce (P.), — Collot, — Contejean, — Corre (A.), — Dieulafait, — Doûmet-Adanson, — Drouëêt, — Durand, — Duval-Jouve,— Estor, — Fabre (G.), — Genevier.,— Gervais (P.), — Godron, — Grenier, — Heckel, — Hesse, — Jobert, — Joly , — Jordan, — Jourdain, — Leymerie , — Lichtenstein (J.), — Loret , — Malinowski, — Marchand (Léon), — Marès (P.), — Martins (Ch.), — Matheron, — Miergues, — Paladilhe, — Peccadeau de l'Isle, — Périer, — Planchon (G.)— Planchon (J.-E.),-- Robin,— De Rouville, — Sabatier, — De Saint-Simon, — De Saporta,— De Seynes,. — Sicard (H.), — Vaillant (L.), — Vieillard , — Vézian. TOME III. — N°14. 15 JUIN 1874. MONTPELLIER G. COULET , LIBRAIRE-ÉDITEUR , GRAND RUE, 9. PARIS F. SAVY, LIBRAIRE-ÉDITEUR, RUE HAUTEFEUILLE, 24 VITEREVIT AINANEE. sac? ointts idee Lao a td OT LADE AE TON te AA 205 tie nr pen ge ris 07e dar 7 QUES THAT DEAR REVUE DES SCIENCES NATURELLES — MÉMOIRES ORIGINAUX. DESCRIPTION DE LA Série complète des Métamorphoses que subissent, durant la période embryonnaire, les ANATIFES désignés sous le nom de SCALPEL OBLIQUE ou de SCALPEL VULGAIRE, Par M. HESSE. Le Mémoire que je donne ci-après a pour objet de faire con- naître la série complète des transformations que subissent les Anatifes désignés sous le nom de Scalpels obliques ou vulgaires, pendant la période embryonnaire. Ce Mémoire fut présenté à l’Académie des Sciences le 9 mai 1859. Une Commission fut chargée de l’examiner et de lui en faire un rapport'; mais, comme ce rapport pouvait se faire atten- dre, et que mes recherches semblaient offrir quelque intérêt, elles furent immédiatement publiées dans les Annales des Scien- ces”, à l'exception toutefois des planches, qui à raison de leur nombre et de leur format ne purent être admises dans ce recueil scientifique. Cependant les planches sont devenues non-seulement un com- plément utile, mais même indispensable à toutouvrage sur l’his- 4 La Commission se composait de MM. Dumas, Milne Edwards et de Quatre- fages, rapporteur. 2 Tom. XI, pag. 160 et suiv.. 1859. III. 1 2 MÉMOIRES ORIGINAUX. toire naturelle; et, avec les descriptionsles plus exactes et les plus minutieuses, ilserait difficile, sans leur secours, de se rendre bien compte des métamorphoses étranges que traversent les larves des Crustacés en question pour arriver à l’état adulte. J'ai pensé qu'il pourrait être nécessaire, comme je l’avais fait la premiere fois, de leur adjoindre des dessins exécutés avec soin sur des individus vivants. Je me suis donc adressé à M. le Directeur de cette Revue, qui a bien voulu accueillir avec une extrême obligeance la propo- sition que je lui ai faite de les admettre, avec le texte, dans son utile publication. Je donne en conséquence une nouvelle édition de mon premier travail, que j'ai complètement modifié pour le mettre au courant desnouvelles observations que j'ai eu l'occasion de faire depuis. Je crois pouvoir ajouter que, malgré l’époque déjà assez éloignée où je l'ai fait connaître, celui-ci est probable- ment encore le plus complet qui ait été publié sur ce sujet, en y comprenant même les ouvrages les plus récents et les plus com- pétents sur celte matière‘. Par suite de ce qui précède, il ne me sera pas nécessaire d’ex- pliquer les différences qui existent entre ma première rédaction et celle que je présente aujourd’hui; j'ai seulement suivi, dans ce nouveau travail, le plan que j'avais adopté primitivement. Mes observations prennent le Scalpel oblique à son début, c’est- à-dire à sa sortie de l'œuf, et le conduisent jusqu’à l’état adulte, en décrivant toutes les métamorphoses qu’il subit pour arriver jusque-là. Dans le cours de ces transformations, il passe successivement par une série de changements de formes principales auxquelles 1 Éloigné, comme je le suis, des bibliothèques, j'ai le regret de ne pas avoir à ma disposition tous les travaux scientifiques qui se publient journellement ; il m'eût été, entre autres, très-utile de pouvoir consulter la Monographie des Cirrhi- pèdes publiée par M. Darwin; mais je vois, dans un Mémoire de M. le Dr Fischer sur les Crustacés podophthalmaires et sur les Cirrhipèdes du département de la Gironde et des côtes du sud-ouest de la France, publié en 1874, pag. 34, que, dans l'ouvrage précité de M. Darwin, le Scalpellum vulgare n’est représenté que par une seule figure (PI. V, n° 15); de sorte que, sous ce rapport du moins, mon travail est plus complet que le sien. MÉTAMORPHOSES DU SCALPEL OBLIQUE. à) j'ai donné des noms qui les caractérisent. Ainsi j'ai désigné : La première par le nom de Clypéoïde, à raison de la forme de bouclier qu’affecte sa carapace; La quatrième a reçu le nom de Conchylioide, par la raison qu'il ressemble à une coquille ; La cinquième a été appelée Galéoïde, parce qu’il a la forme d’un casque ; Enfin la septième, Trapézoïde, à raison de ce qu'il a la forme d’un trapèze, qui est à peu près celle du Scalpel oblique à l’état adulte. Outre ces quatre changements, qui sont les plus saillants de ceux qu'ils éprouvent, ces derniers traversent encore dans l’inter- valle trois autres périodes dont j'ai décrit les diverses phases, ce qui porte l’ensemble de ces transformations à sept. Enfin, craignant d’abuser de l’hospitalité qui m'a été accor- dée, j'ai réduit mes Planches à deux seulement, dans lesquelles j'ai figuré toutes les métamorphoses de ces Cirrhipèdes; et j'ai amplifié, de façon à les faire ressortir d’une manière apparente, tous les changements qui surviennent dans la forme de leurs organes. Voici du reste la série des métamorphoses. SI. DE LA PONTE, DE L’INGUBATION ET DE L'ÉCLOSION DES OEUFS DU SCALPEL OBLIQUE. Comme cela se voit chez bien d’autres Crustacés, les œufs du Scalpel oblique, à leur sortie de l’ovaire, subissent une incuba- tion dont je ne puis bien préciser la durée, mais qui a lieu entre les valves du manteau qui recouvrent la partie postérieure de son corps. À cet effet, ils sont placés de chaque côté, sous la forme de deux plaques minces et larges, de grandeur égale, contenant environ chacune de 150 à 200 œufs sur deux ou trois rangs d'épaisseur. Ces œufs sont relativement très-gros', ils sont enveloppés 1 Les œufs des autres Cirrhipèdes, du moins del'Anatife lisse, du Cineras flambé 4 MÉMOIRES ORIGINAUX. d’une peau molle et pareheminée, qui ne renferme qu’un seul vitellus ; ils sont serrés les uns contre les autres et réunis par une membrane d’une extrême ténuité, qui leur permet faei- lement, lorsque le moment est venu, de se désagréger sans efforts pour pouvoir ensuite se disséminer ‘. La ponte a lieu dans la période de l’année comprise entre les mois de février et celui d'août, suivant l'élévation ou l’abaisse- ment de la température. À la sortie de l'ovaire, les œufs sont de couleur jaunâtre, opa- ques; leur diamètre est d'environ un cinquième de millimètre. Plus tard, lorsque leur incubation est plus avancée, la masse embryonnaire se contracte par concentration, et laisse aperce- voir, tout autour de son enveloppe, un limbe transparent. Ce limbe ne tarde pas à être occupé par une substance liquide qui s’interpose, et au travers de laquelle on aperçoit de nombreux globules de grosseur inégale, d’une couleur verdâtre *, se ma- nifestant particulièrement au centre et annonçant un commen- cement d'organisation de la partie viscérale; puis survient un point rouge, diffus, indiquant l’apparition future de l’organe visuel; enfin d’autres modifications, dont je donne ci-après la description, se présentent successivement. L'époque dela ponte du Scalpel oblique concorde à peu près avec celle de la mue, car on trouve fréquemment, parmi les dépouilles qui proviennent du changement de peau, des œufs qui sont vides mélés à d’autres qui sont pleins. et surtout de l’Ofion de Cuvier, sont relativement beaucoup plus petits, mais aussi . plus nombreux. US AE TEE Le PHPINE 7ig bee Qu MÉTAMORPHOSES DU SCALPEL OBLIQUE. à II. MÉTAMORPHOSES QUE SUBISSENT LES EMBRYONS A LEUR SORTIE DE L'OEUF JUSQU'AU MOMENT OU ILS SE RENFERMENT DANS UNE COQUILLE BIVALVE RESSEMBLANT A CELLE DES ÉNTOMOSTRACÉS. lre Période. — Carapace clypéoïde. A la sortie de l’œuf', le jeune Cirrhipède est recouvert d’une carapace hyaline clypéiforme et de substance cornée qui protége tout son corps. Le bord frontal, qui décrit une légère courbe, présente des deux côtés, à ses extrémités, un appendice cylindri- que en forme d'antenne”. Cet appendice est divisé en deux par- ties : celle qui est à la base est la plus grande et la plus grosse, et celle qui la suit est beaucoup plus étroite et est acuminée à son sommet. Un peu au-dessous du bord frontal, et au milieu du corps, on aperçoit un point oculaire indiqué par une tache pigmentaire d’un rouge vif, semblable à celle que l’on voit aussi dans beau- coup d’autres Crustacés, notamment dans les Cyclopéens. Un peu plus bas, et également sur la ligne médiane du corps, on remarque au centre, à travers la carapace, une légère élé- vation ovale qui semble remplie de granulations de grosseur inégale. Enfin le corps est terminé par un prolongement abdominal conique en forme de queue acuminée, divisé en anneaux paral- lèles et rapprochés, recouvert d’aspérités, se terminant en poin- tes aiguës, en manière d’épines, dont la plus forte et la pluslongue est celle qui forme le sommetÿ: En dessous, les antennes, que nous avons décrites en dessus, prennent leur point d’attache à l'extrémité antérieure du bord frontal. On voit à leur base un petit orifice arrondi qui doit com- muniquer dans l’intérieur de l’appendice; en outre, ce prolonge- ment est pourvu d’une bordure en relief. MP Mg SreLEE 2 PI. I, fig. 10 et 11. 3 PI. I, fig. 4. PL AD 10: 6 MÉMOIRES ORIGINAUX. Une bordure semblable entoure toute la carapace. Un peu plus bas, on aperçoit par transparence, au milieu et à la partie supérieure du corps, le point oculaire dont j'ai déjà parlé ; de ses deux côtés partent des lignes obliques et arrondies, décrivant une enceinte cordiforme. Un peu plus bas encore, se trouve la bouche, formée de plu- sieurs mandibules plates et foliacées, qui peuvent, en convergeant vers le sommet, former un appareil conique, une sorte de rostre. Ce rostre se dresse perpendiculairement ou s’abaisse à volonté, pour s'appliquer contre la carapace. Ces diverses parties, en s’écar- tant ou en se rapprochant, laissent apercevoir au sommet une ouverture circulaire relativement assez grande, qui est l’orifice buccal servant à l'introduction des aliments’. De chaque côté de la bouche et un peu en dessous, sont placées six pattes ciliées très-robustes. La première paire?, qui est la plus mince et la plus petite, présente trois articulations dont celle du milieu est la plus forte ; la deuxième paire de pattes * est la plus grosse et la plus grande: elle est biramée et terminée par plusieurs arti- culations qui sont squammeuses et recouvertes d’une grande quan- tité de cils assez courts. Au bas du thorax, se trouve l’abdomen, qui est représenté par une protubérance de forme ovale, creuse au milieu, bordée à sa partie supérieure d’une lame mince, en forme de croissant, pointue à ses extrémités et entourée à son bord postérieur d’une autre lame qui complète cette enceinte. On voit aussi chez d’au- tres individus la même partie abdominale présentant une dispo- sition différente ‘: en effet, elle offre au bord supérieur, de chaque côlé, trois sortes de lames plates, arrondies au bout, qui sem- blent destinées à saisir les objets. De plus, au bas se montrent l'ouverture anale, qui esl en saillie, et un peu plus bas l’extré- AN 2) ee CA 7 DL 2 PI. I, fig. 18. 3 PI. I, fig. 21. 4 PI. I, fig. 4 et 15. MÉTAMORPHOSES DU SCALPEL OBLIQUE. ñ mité pointue et hérissée d’épines dont j'ai parlé en décrivant la face supérieure. 2° Périodet. Dans la deuxième période, la carapace s’est accrue dans ses dimensions : à sa forme primitive en écusson a succédé la forme ronde, en ce sens que sa partie supérieure s’est rétrécie, et par contre que sa partie inférieure s’est élargie. Les antennes, ou plutôt les appendices auriculiformes*?, n ont plus qu’un seul article. Elles sont creuses, ouvertes en dessous et légèrement recourbées à leur extrémité, qui est striée. On observe aussi à leur base, comme dans l’autre phase, cette petite protubérance perforée à son sommet, dont les fonctions me sont inconnues, mais qui, pour sa forme etsa position, pourraient bien être l’organe de l’ouïe. Un changement notable s’est opéré dans les premières pattes natatoires, qui, de cylindriques qu’elles étaient, sont devenues plates *. Elles sont composées de deux articles : le fémoral qui est arrondi, et le suivant qui s’est considérablement élargi en forme de spatule et est terminé par un petit appendice plat et rond, bordé de cils longs et nombreux. Les deux autres paires de pattes ressemblent à celles que pos- sède l'embryon daus la phase précédente. Il en est de même du point oculaire, qui occupe la même place. Mais l’on remarque plus bas que celui-ci, aux deux tiers postérieurs de la carapace et à son point culminant, une forte protubérance de forme ovale, en pointe à sa partie supérieure et arrondie au bas, qui présente au centre une circonférence régulièrement tracée. Enfin le corps est terminé par l’appendice abdominal, lequel a la même forme et est divisé en autant d’anneaux hérissés d'é- pines que dans l’autre phase. ———__—_—_—___—_—_—————_—_—_—————————————————— 1 PI. I, fig. 5 et 6. 2 PI. I, fig, 10. 8 PI. I, fig. 20. 8 MÉMOIRES ORIGINAUX. Le corps, vu en dessous', offre les dispositions suivantes : Les appendices antennaires sont comme nous les avons déjà décrits. Le bord frontal est légèrement arqué, et est bordé, comme tout le reste du corps, d’une marge étroite faisant saillie. Le point oculaire occupe sa place habituelle, mais il est accom- pagné, de chaque côté, de deux petites pattes formées de deux articles grêles et terminés en pointe. Au milieu et un peu plus bas, se montre la pointe rostrale constituée par la bouche, de cha- que côté de laquelle se trouvent les paires de pattes ciliées dont nous avons déjà parlé. Puis survient la partie thoracique, qui est ici représentée par un tube saillant terminé à sa partie inférieure par deux appendices pointus divisés en un grand nombre d’an- neaux hérissés de piquants, comme ceux qui couvrent la partie abdominale*. Ces deux pointes saillantes sont dirigées, en bas, vers l’extré- mité abdominale; elles forment un croissant en dessous duquel on aperçoit dans un creux l'ouverture anale, et, un peu plus bas, le prolongement abdominal, de tout point conforme à celui que nous avons déjà décrit. 3e Période à. Arrivé à cette phase de sa transformation, l'embryon a pris un plus grand développement. La carapace s’est manifestement agran- die etest devenue plusronde. Lesextrémités supérieure etinférieure sont, à peu de chose près, de la même largeur. Les appendices ont conservé leur même forme, mais au-dessous du point oculaire, qui occupe sa place habituelle, se remarque un tube de couleur jaunâtre qui va en s’élargissant à sa base. Ce tube repose sur une sorte de rosace très-large et parfaitement arrondie, formant une protubérance qui occupe la même place que celle que j'ai déjà décrite dans les autres phases. Elle présexie au milieu un dis- PI A9 6: 2RPl T7 Get? PMP LA mietier MÉTAMORPHOSES DU SCALPEL OBLIQUE. ; 9 que central, arrondi comme celui d’une fleur composée; de ce disque partent, pour se rendre à la périphérie, des rayons diver- gents, en forme de pétales, arrondis à leur extrémité antérieure, et qui sont au nombre de douze. L’appendice caudal n’a pas éprouvé de modifications. Il est toujours acuminé et relevé en dessus, et composé d’articles très- rapprochés, hérissés de pointes aiguës spiniformes". La face inférieure® n’a, dans la troisième période, subi que peu de changements: l’orifice buccal s'aperçoit au sommet de la protubérance rostrale. De chaque côté du point rouge oculaire, on remarque, comme je l’ai déjà dit, deux très-petites pattes formées de deux articies seulement, dont le basilaire est le plus groset le plus court. La première patte thoracique s’est aussi modifiée en s’élargis- sant considérablement à son extrémité, qui se termine en spatule et forme une sorte de rame merveilleusement appropriée à ses fonctions. Elle est complétée par l'addition d’un petit arücle ter- minal arrondi, bordé de cils ; de sorte que par le fait elle est biramée, com: e sont les pattes suivantes, mais cependant d'une manière différente, car celles-ci n’ont pas changé d’aspect ni de formes; elles sont toujours squammeuses, toutefois les cils dont elles sont pourvues sont un peu plus forts et plus longs. @ II. DES TRANSFORMATIONS QUI SURVIENNENT PENDANT QUE LES SCALPELS OBLIQUES SONT RENFERMÉS DANS DES COQUILLES BIVALVES SEMBLABLES A CELLES DES ENTOMOSTRACÉS. 4° Période. — Carapace conchylioide ÿ. On a pu voir, par ce qui précède, que les trois premières métamorphoses subies par les Scalpels après leur sortie de l’œuf n'ont que très-peu influé sur leur conformation initiale. Mais il D 1 PL.I, fig. 8. 12, 13 et 14. 2 PI. I, fig. 8. 3 PL IL, fig. 1,2 et 3. 10 MÉMOIRES ORIGINAUX. n'en sera pas de même pour celles dont je vais parler, car elles modifient au contraire très-profondément la forme et l’organi- sation de ces embryons. Dans cette quatrième période, la carapace clypéiforme se change brusquement en un test bivalve conchylioïde dont les deux valves, qui sont de la même dimension, peuvent, en s’adap- tant l’une contre l’autre, permettre au jeune Cirrhipède de se clore complètement et de se renfermer hermétiquement dans sa coquille ‘. Dans cette nouvelle transformation, l’œil médian et unique, qui existait dans la première période, a disparu et se trouve rem- placé de chaque côté par un œil très-gros, formé de globules de dimensions égales, qui sont agrégés entre eux, et dont les sur- faces arrondies remplissent les fonctions de facettes, comme cela a lieu chez d’autres Crustacés. Ces yeux sont placés latéralement? dans la partie moyenne anté- rieure des valves, hors desquelles ils font saillie par une ouver- ture ronde. Cette dernière laisse entre eux et la coquille une marge circulaire qui donne à ces organes la facilité de pivoter sur leur axe et d'exécuter un mouvement D se pro- duisant de gauche à droite, c’est-à-dire de en arrière. La tête est obtuse et arrondie en avant. Elle ne porte ni anten- nes ni appendices qui en tiennent lieu, comme cela se voit dans les Entomostracés. De chaque côté de celle-ci se présente une très-large et très- robuste patte musculaire* qui offre une singulière ressem- blance, pour la forme, avec les pieds de devant des Solipèdes ou des Mectopodes. Ces pattes sont fortement attachées à la partie antérieure du corps par un bras et un avant-bras terminés par une sorte de sabot creux et denticulé sur le bord inférieur, et portant en outre derrière, en forme de pouce, un petit appen- dice digitiforme garni de poils. 20 6 4 PI. II, fig. 1. 2 PI. IT, fig. 1, 2;3 et 5. 3 PI. II. fig. 4, ? et 3. MÉTAMORPHOSES DU SCALPEL OBLIQUE. : il À quelque distance en arrière de ce prolongement, on voit un poil beaucoup plus long et plus fort que ceux dont je viens de parler, et qui se recourbe en avant en forme d’ergot. Au-dessous des yeux, au bord inférieur du corps, lorsqu'il se montre de profil, entre la base des deux grosses pattes anté- rieures, on distingue le labre inférieur de la bouche, qui ne sem- ble pas avoir subi de déplacement. Celle-ci est toujours formée d’appendices lamelleux qui paraissent converger vers le centre, de manière à entourer son orifice. La tête occupe nécessairement le tiers antérieur de la coquille, afin que les yeux puissent toujours êtres braqués aux orifices pratiqués pour recevoir et faciliter les mouvements de rotation qui leur sont propres. Elle est séparée du thorax par une sorte d’étranglement ou de cou qui laisse entre eux un espace assez srand et très-distinct. Ce dernier est lié à celle-ci par des muscles très-puissants qui font saillie de chaque côté, et doivent servir à l'extension ou à la rétraction de cette partie du corps'. Le thorax est piriforme; il donne attache, à sa partie inférieure et des deux côtés, à six paires de pattes membraneuses, robustes, formées de —.. de grandeur égale, dont la der- nière est armeës n extrémité, de deux pointes très-aiguës el terminées par deux lames élroites, longues, plates, élastiques et et flabelliformes®. "# Le thorax, suivant le mouvement d’extension ou de contrac- tion, présente tantôt une surface arrondie, sans divisivns bien arrêtées; tantôt, au contraire, cet espace paraît divisé en autant d’anneaux qu'il y ade pattesauxquelles ces anneaux aboutissent”. L’abdomen, dans cette phase embryonnaire, est peu appa- rent ; il est cylindrique et extrêmement étroit, composé de trois ou quatre articles qui vont en diminuant successivement de lar- geur, et se terminent en pointe à leur extrémité, laquelle est pourvue de deux stylets divergents et assez longs. DPI 9 3: 2 Pi. II, fig. 16. 3 PI. II, fig. 3 et 2. X MÉMOIRES ORIGINAUX. o° Période, — Carapace galéoïde!. Les transformations qui surviennent dans cette nouvelle période ne sont pas moins extraordinaires que celles qui précèdent. Le test cornéo-crétacé qui enveloppait le corps du jeune Gir- rhipède de ses deux valves, est actuellement remplacé par un nouvel involucre qui revêt une forme différente s’approchant à peu près de celle d’un casque. Son extrémité antérieure s’abaisse assez brusquement et se termine en pointe, tandis que l’autre, qui descend graduellement, est arrondie au bout. Les deux grosses pattes membraneuses sont encore à leur place, mais elles se sont déjà modifiées : elles ont diminué de volume et sont atrophiées, leur extrémité s’est arrondie en forme de boule, et le doigt préhensile qui se trouvait derrière, ainsi que le poil en forme d’ergot, ont disparu. Les six pattes thoraciques, qui étaient terminées par des lames élastiques et flabelliformes servant à la propulsion, se sont chan- gées en bras tentaculaires qui ne possèdent encore que quatre. articulations très-courtes et presque aussi: s que longues, mais déjà rassemblées par paire, comme plus tard dans la- dulle. Les cirrhes sont rares et ne se montrent guère qu'aux ex- trémités, et l’on prévoit que ces bras vont se courber dans un sens inverse à celui qu'avaient les pattes propulsives qu'ils ont remplacées. Les deux gros yeux latéraux, qui n’ont plus raison d’être, sont tombés de la capsule dans laquelle ils étaient logés. Enfin, tout annonce qu’un autre changement va s’opérer. 6e Période ?. Plus nous nous rapprochons du terme des transformations, et plus nous nous éloignons des formes bizarres par lesquelles sont { PI. II, fig. 6. 2 PI. I, fig. 1. MÉTAMORPHOSES DU SCALPEL OBLIQUE. 13 passés les embryons pour atteindre les derniers termes de leurs métamorphoses. Dans celle que je vais décrire, le jeune Scalpel a déjà l'aspect de l’adulte; il ne lui reste plus, comme souvenir de la phase qu’il vient de traverser, que l’enveloppe galéoïde qu’il va quitter et qui, étant devenue trop petite pour lui, est reléguée à son extré- mité inférieure, d’où elle va être incessamment expulsée. Déjà apparaissent les rudiments des pièces calcaires qui plus tard doivent figurer, dans l’état de transformation complet, sur les valves du manteau, Elles sont en ce moment beaucoup plus nom- breuses qu'elles ne le seront plus tard ; elles se touchent, mais elles ne tarderont pas à se séparer et à prendre la place qu’elles doivent occuper. Au milieu de la partie latérale, au centre d’un cercle circon- scrit, on voit un point noir, lisse, qui n’a plus de facettes, comme les yeux qu'il a remplacés. Sa position et sa forme peuvent cependant donner à penser que c’est encore un œil, mais il est si petit que l’on voit que ses fonctions ne sont qu'éphémères : en effet, on ne le retrouvera plus dans la période suivante. Le pédicule,qui va jouer un rôle important, est déjà parfaitement formé ; il ne remplit pas encore la capacité de son enveloppe à travers laquelle on l’aperçoit, mais il se prépare à s’allonger pour saisir la tige sur laquelle l'embryon doit se fixer. En atten- dant, on apercoit les deux pattes antérieures, qui déjà, dans la phase précédente, étaient atrophiées ; elles contribueront à l’aider dans cette fonction, mais il est évident que c’est la dernière qu'elles rempliront. 7m Période. — CGarapace trapézoiïde t. Dans cette dernière métamorphose, les modifications surve- nues, quoique peu nombreuses, sont néanmoins très-appréciables. La forme générale du corps s’est considérablement rapprochée de celle de l’adulle; les pièces calcaires sont encore plus distan- cées l’une de l’autre qu'elles ne le seront plus tard, mais elles nn ‘ PI. IL, fig. 8. 14 MÉMOIRES ORIGINAUX. ont déjà presque leur forme et la place qu'elles occuperont; le pédoncule s’est élargi à sa base, et son enveloppe est encore trop large pour lui. Les bras tentaculaires sont maintenant, sous le rapport du nombre, de la forme et de la position, tout à fait semblables à ceux de l'adulte. Il ne reste donc, pour consolider et perfectionner ce qui existe, que l’action du temps. Notons que le prolongement abdominal proboscidiforme ne se montre pas. 3 (La suite au-prochain fascicule.) DE L:ÉVAPORATION DES PLANTES DE SES CAUSES ET DE SES ORGANES, (Suitei). Par M. A. BARTHÉLEMY, Docteur ès-sciences, Professeur de physique au Lycée de Toulouse: à 8. ÉvAPORATION DE L'HORTENSIA. Cette plante, si amie de l'ombre, m'a paru intéressante, à étudier. L’échantillon sur lequel j’opérais était de petite taille et était formé de deux rameaux de quatre feuilles chacun; ces feuilles étaient elles-mêmes de pelites dimensions. L'expérience a commencé le 8 juin, à 8 heures du matin. 8juin.. à5 h. depuis lemat.6h. 0',7 Temp 7 20° à 8 h: du matin......... OR Re 10 ee Hole soit. Ga Reco: DirGBedest he 15 ADO E EE C RP AE L Lo cn entee 1? UPS ae ne EL DU + VESTES 14 Here Mars" h depuis lamveilenà DANASOILA AE CRETE 12571 a ————————————— 1 Voir le numéro du 15 mars 1874. DE L'ÉVAPORATION DES PLANTES. 15 La plante paraissant souffrir, j'ai suspendu l'expérience. Le régime est du reste établi par ces essais. Il est très-élevé, eu égard aux dimensions de l'individu, et paraît plus abondant la nuit que le jour. Le régime est également moins influencé par les variations de température. Il est du reste impossible d’em- pêcher un dépôt de gouttelettes de se former sur les parois de la cloche. Il ressort, en résumé, des diverses observations que nous venons de rapporter, qu'une plante, dans des circonstances données, émet, toutes les vingt-quatre heures, une quantité de vapeur qui oscille autour d'une moyenne que nous avons appelée le régime, et que la considération de ce nouvel élément pourra être d'une grande importance dans les recherches sur l’éva- poration. & 9. RAPPORT ENTRE LA QUANTITÉ D EAU ABSORBÉE ET ÉVAPORÉE PAR LES FEUILLES. J'ai arrosé fortement pendant plusieurs jours un pied de Fusain, puis je l'ai arraché du sol, et j'ai plongé les racines dans de l’eau pure. Au bout de quelques jours, la plante ayant poussé des bourgeons et des feuilles, j'en ai conclu qu’elle était habituée au régime aquatique. La tige était composée de deux rameaux de 1®,15 de hauteur. J'ai placé les racines dans une éprouvette où j'avais marqué deux traits, l’un au niveau du liquide, l’autre au-dessous, et dont la différence correspondait à une capacité de 20%. La partie feuillée s’engageait dans une cloche longue et étroite, mastiquée avec soin sur le disque de verre qui embras- sait la tige. On avait placé à côté 20 gram. de chlorure; enfin un témoin identique devait m'indiquer l’évaporation de la même surface d’eau à l’air libre. Je mettais toujours un peu de bicar- bonate de potasse. — La plante a 65 feuilles. 12 juin. Après quarante-huit heures, les 20° ont été absorbés, et le chlorure n’a augmenté que de 48,57. L’eau du témoin n’a diminué que de 4 divisions ®. 17 juin. Une seconde expérience a duré trois fois vingt-quatre 16 MÉMOIRES ORIGINAUX. heures, le chlorure a augmenté de 5 gram., et le témoin n'avait perdu que 2%. Enfin je dois dire que, laissée à l’air libre, la plante a absorbé les 20 dans vingt-quatre heures. 20 juin. Voulant faire la part de l’évaporation par la tige, et surtout par la partie qui était en contact avec le liquide, j'ai fermé l’éprouvette avec un bouchon fendu pour pouvoir engager la tige, j'ai luté ce bouchon, et enfin j'ai recouvert la tige d’une couche de vernis. Au bout de six jours, le vase n’a diminué que de 15° et le chlorure a absorbé 108,54. Le témoin a évaporé 18%. Quel- ques feuilles de la base sont tombées, mais il s’en est produit au sommet quelques-unes nouvelles. 28 juin, Enfin, voulant éliminer complètement les causes d’er- reur dues à la tige, j'ai opéré avec un pied plus court, portant 37 feuilles, et très-vigoureux. Le vase inférieur, plein d’eau, était lui- même luté par ses bords au disque que traverse la plante, de sorte que la partie feuillée, au sortir du vase inférieur, s’épanouis- sait immédiatement dans la cloche à expériences. 1° {er juillet. Il y avait 47,57 d’eau absorbée par le chlorure, et le niveau avait diminué de 5,3. 2° 3 juillet. Depuis le 1‘, une seconde expérience me donne 5£*,6 absorbés, et 6° disparus dans l’éprouvette. 3° 6 juillet. Depuis le 3, le chlorure donne 5%°,48, et l’eau n’a diminué que de 4,5. Il est vrai qu'il est tombé quelques feuilles qui se sont desséchées et ont dû produire cette différence. Il semble résulter, de ces expériences, qu’une grande partie de l’eau absorbée s'échappe, à l’état de vapeur, de la tige et sur- tout de la partie voisine du liquide, et que lorsqu'on élimine cette cause d'erreur la partie évaporée par les feuilles est res peu in- férieure à celle qui est absorbée. Nous allons voir cependant une curieuse exception. à 10. DE L'ÉVAPORATION DANS L’ACIDE CARBONIQUE. J’ai recherché par les méthodes précédentes l'influence des divers gaz sur l’évaporation. L’azote et l’oxygène mis en excès ne m'ont pas donné de résultats appréciables. Il n’en est pas de même DE L'ÉVAPORATION DES PLANTES. 17 del’acide carbonique. L'appareil précédent étant vivementéclairé, je constate au bout de quarante-huit heures qu'il a éié absorbé 58',45 d’eau, et que le niveau a diminué de 6%,2? environ. Cela posé, je fais passer, par la partie supérieure de la cloche à robinet, de l’acide carbonique sec, ? litres environ, la capacité de la cloche étant de 5 litres ; au bout d’une nouvelle période de quarante-huit heures, le vase inférieur a diminué encore de 6%,5, mais le chlo- rure n’a augmenté que de 3°°,55. Je chasse l’acide carbonique par un courant d’air sec, et je remets en expérience. Au bout d’une nouvelle période de quarante- huit heures, je trouve de nouveau 6!",8 absorbés et 5°°,87 rejetés par la plante. Ceite expérience type a été répéiée plusieurs fois, et toujours le résultat a été aussi marqué. Enfin, comme dernière expérience fondamentale, la cloche ayant été de nouveau remplie d'acide carbonique et placée à l'obscurité, on retrouve au bout de quarante-huit heures 6,4 absorbés et 58° rejetés par la plante. Dans l'obscurité, l'acide carbonique se conduit donc comme un gaz inerte. J’ai fait encore celte expérience sous une auire forme avec l’Opuntia Brasiliensis. Nous “venons de voir que ceite plante donne au soleil une quantité de vapeur plus abondante sans doute, mais très-comparable à celle qu'elle donne à l'ombre. 20 juin. La plante au soleil, dans une cloche pleine d’air, ex- posée de 8 heures à 10 heures du matin, m’a donné 0€", 49, la température s'étant élevée à 48 degrés maximum. 21 juin. Je fais passer, dans la cloche de 10 litres, 5 litres d’acide carbonique, et je remets au soleil pendant le même temps; le thermomètre s'élève à 470, et j'obtiens sealement 0,28 d’éva- poration. 2? juin. L'expérience étant refaite avec l’air ordinaire, je trouve 0f°,42, c’est-à-dire à peu près le premier nombre. . L'Opuntia et les plantes grasses en général pourront servir de type pour des expériences de ce genre. L’Hortensia, même à l'ombre, donne aussi des résultats dans le même sens. INT, À 18 MÉMOIRES ORIGINAUX. Il résulte, de ces expériences, que La présence de l'acide car- bonique a pour effet de diminuer la quantité de: vapeur que la plante émet dans le méme temps et dans les mémes circonstances. Comment expliquer ce résultat inattendu? On peut remarquer, je crois, que la plante fixe le carbone sous forme de cellulose ou de ses dérivés, c’est-à-dire du carbone associé aux éléments de l'eau. Or, l’acide carbonique que nous introduisions sous la cloche était sec; donc l’assimilation du carbone au soleil ‘ou à une vive lumière diffuse exigeait la disparition d’une quantité équivalente de vapeur d’eau. Il n’est point nécessaire d’ailleurs de supposer l’existence de la dialyse à travers la cuticule de l'hydrate CO?,HO, l'existence théorique admise au point de vue chimique; il suffit de constater que l'acide carbonique fixe, dans les tissus du végétal, de l'eau qui sans sa présence aurait été exhalée. Je rappellerai enfin que M. Boussingault à constaté ' récemment que la faculté décomposante des feuilles pour l'acide carbonique diminue à mesure qu'elles se dessé- chent. g 11. DE L'ÉVAPORATION PAR LES DEUX FACES, ET DU RAPPORT AYEC LE NOMBRE DES STOMATES, M. Morren (Édouard) disait en 1864 ?. « Nous ne doutons pas que les stomates ne soient les organes d'absorption et d’exhala- tion des fluides aériformes, et dans cette opinion nous pensons que l'énergie de ces fonctions est proportionnelle au nombre des organes qui les exécutent. » Cette proposition est fausse pour les échanges d’acide carbo- nique et d'oxygène, ainsi que nous l’avons démontré en nous appuyant sur les expériences de M. Boussingault”. Elle ne l’est pas 1 Ann. phys. et chimie. 1868. 2 Détermination du nombre des stomales dans quelques végétaux indigènes, pag. 24. 8 Voir: De la respiration et de la cireulation des gaz dans les plantes. A. Barthélemy ; Ann. Sc. nat., janvier 1874. DE L'ÉVAPORATION DES PLANTES. 19 moins pour l’exhalation de vapeur d’eau. Il est vrai que Bonnet! avait démontré que la face inférieure exhale plus que la face supérieure. Cette différence a aussi été constatée par Unger?. Mais M. Garreau * a fait voir, dès 1850, qu'il n’y avait point de rapport entre le nombre des stomates et la quantité d’eau éva- porée par les deux faces; la différence d’évaporation des deux parties provient évidemment de la différence de constitution des deux parenchymes et aussi des deux épidermes, qui ne sont jamais semblables. Ma méthode d'observation étant la même que celle de M. Gar- reau, je n'ai fait que quelques observations sur le Croton seba- ceum, que je ne rapporterai pas, considérant comme très-exacts les résultats de mon devancier. Je ferai seulement, sur les nombres de M. Garreau, une remar- que qui a d'autant plus de valeur qu'elle semble avoir échappé à l’auteur lui-même. En comparant l’évaporation, pendant le jour et pendant la nuit, des mêmes surfaces foliaires inférieure et supérieure, on trouve des nombres différents, mais qui sont dans le même rapport ou s’écartent peu de la proportionnalité et s’en éloignent d’autant plus que la feuille se modifie davantage. Voici quelques-uns de ces résultats : 19 DR NR mn à : s ie MU0:28 Cissus quinquefolia..……. D one nl ner inf... 0,50 lREMOUTÉESE ras 915 : infos +0:90 Tropæolum majus.... 12 h. nuit RES eu RACE 0 20 ( sup.. 0,48 TOUTES orne ds inf... 0,60 Atropa belladona. .... : UN DENTS SE + UT 1 Usage des feuilles, chap. V. 3 Anat. und Physiol. der Pflanzen, à 173, pag. 334. 1855. $ Ann. sc. nat. 1850. 20 MÉMOIRES ORIGINAUX. . Les slomates étant, la nuit, dans un état d'ouverture différent de celui du jour, on voit que le rapport entre les quantités de vapeur exhalées par des surfaces égales des deux faces est indé- pendant de l’état particulier des stomates et de leur nombre. Ajoutons aussi que les feuilles jeunes transpirent beaucoup et n'ont point encore leurs stomates développés. @ 12. Du PHÉNOMÈNE DE L’EXSUDATION. Un grand nombre de plantes sécrètent la nuit des gouttelettes liquides plus ou moins abondantes, et que l’on a souvent confon- dues avec la rosée. Le phénomène se remarque surtout sur les Graminées (Zea Maïs, Triticum vulgare, Bambusa, etc., sur les Musa, Arum, Papaver, eic."). Dans certains végétaux, ces excré- tions se font par des organes particuliers, par exemple le Colo- casia antiqua, étudié sous ce rapport par MM. Duchartre el Ch. Masset. Dans ce dernier, ce serait par des stomates modifiés ou pseudo-siomates que se produirait la sortie du liquide. M. Duchartre * pense que ce liquide n’est autre chose que la conden- sation de la vapeur d’eau qui pendant le jour s’échappe par ces mêmes organes. N'ayant pu observer cette plante, je ne puis me prononcer sur le rôle et les fonctions véritables de ces stomates modifiés. J'ai suivi toutefois la sécrétion de l’eau sur le Bambusa mitis; celui-ci à un développement si rapide, qu'ayant oublié un jour une éprouvette au sommet d’une pousse de 50 centimé- tres, je l’ai retrouvée, trois jours plus tard, à 3 mèêt. au-dessus du sol. L’exsudation est tellement abondante pour celte plante, que le matin le sol est profondément humecté sur le parcours des rhizomes de la-tige et tout autour de la plante. Ce phénomène commence dès le coucher du soleil, et à une température pour laquelle il n’y a aux environs aucune trace de rosée. Il persiste aussi le matin, jusqu’à ce que la plante ait été frappée par le soleil. 1 Voir J. Sachs ; Physiologie, etc., pag. 261. ? Progrès de la physiologie, etc. DE L'ÉVAPORATION DES PLANTES. | Ce sont les feuilles très-jeunes et qui sont le siége d’un déve- loppement rapide, qui se couvrent les premières. On voit une souttelette liquide se produire au sommet de la feuille sur sa _ face supérieure. Quand elle est assez lourde, elle passe au-dessous pour être remplacée par une"autre, et ainsi de suite jusqu'à ce que la gouttelette inférieure se détache. Il est évident que les poils inclinés en dents de scie, que présentent les bords de la feuille, contribuent à l’excrétion et à son accumulation au som- met de la feuille. Ces poils communiquent avec le parenchyme supérieur, et je les ai toujours trouvés pleins de liquide le matin; le liquide sécrété est sans saveur appréciable, il contient quelquefois du chlorure de sodium, tandis que la sève est sucrée. En voyant cette exsudalion se produire au coucher du soleil, et sans abaissement de température suffisant de la plante ou du sol, on ne peut pas l’attribuer à une simple transformation de l’é- vaporation. On ne doit pas oublier que l’évaporation ordinaire est plus abondante à la face inférieure qu’à la face supérieure, tandis que c’est le contraire pour l’exsudation. On pourrait dire, il est vrai, que, la feuille rayonnant plus le soir par la face supérieure tournée vers le ciel, le refroidissement est plus rapide. On n’a, pour répondre à cette objection, qu’à incliner un jeune rameau de manière à amener en bas la face supérieure, et l’on verra que c'est encore elle qui se couvre la première de gouttelettes. Le Bambusa fixe pendant le jour, dans son rapide accroissement, une grande quantité d’eau pour former la cellulose, le sucre, etc. La nuit, la nutrition étant suspendue, les racines envoient par les vaisseaux une grande masse d’eau qui, n'étant plus fixée, s’é- chappe par endosmose à travers la cuticule ou surtout les poils. Ce phénomène se produit dans des plantes à respiration active et qui fixent surtout beaucoup d’amidon, de sucre de canne ou de glucose, où la molécule de carbone s'associe à la plus forte proportion d’eau. On s’expliquerait ainsi que des plantes à éva- poration plus active que le Bambusa ( Helianthus annuus, par exemple) ne présentent que rarement, ou même jamais, ce phéno- mène. Enfin, lorsque le développement de la plante cesse, l’exsu- dation devient aussi beaucoup moindre. DÈ MÉMOIRES ORIGINAUX. Quoi qu’il en soit, ce que nous voulons surtout retenir de ce phénomène, c’est qu'il se produit principalement sur la face su- périeure, plus directement en rapport avec les vaisseaux séveux ‘ ou laticifères, et dont le travail diurne est le plus considérable, ou bien sur les feuilles très- Jeune, et que par conséquent les stomates ne jouent point ici de role appréciable, excepté peut- être pour le Colocasia, dont l'organe pourrait aussi bien être un grand poil ou une caroncule terminale modifiée. | On sait en effet que des organes modifiés peuvent servir à des usages très-différents de ceux de l'organe normal; et je citerai, pour ne pas sortir du règne végétal, les racines du Jussiæa transformées en vessies natatoires. En résumé, le phénomène de l’exsudation est, pour nous, une conséquence de la nutrition diurne et du défaut d'équilibre qui doit se produire, au coucher du soleil, entre l'absorption par les racines que la lumière n'’influence pas et la fixation de l'acide carbonique et de l’eau qui cesse avec l’action solaire. Il y a là comme une espece de cowp de bélier. à 13. LES FEUILLES ABSORBENT-ELLES LA VAPEUR D EAU, LA ROSÉE, LA PLUIE OU L'EAU DANS LAQUELLE ON LES PLONGE ? | Les travaux de M. Duchartre * d’une part, de M. Unger * de l’autre, me paraissent avoir résolu la question dans le sens négatif, et personne, je crois, ne conteste les résultats de ces habiles observateurs. M. Sachs* demande seulement s’il n’est pas possible, dans les expériences de Duchartre, qu’un peu d’eau pénètre dans les points où la cuticule est véritablement mouillée. Plus bas, rap- 1 Si on enlève l’épiderme supérieur de beaucoup de feuilles, on voit au-dessous le parenchyme humide de latex , tandis que celui de la face inférieure es sec, (Acanthes, Solanum betaceum, Ficus elastica, et les feuilles jeunes en général). 2 Voir, pour un résumé de ces travaux, Progrès de la physiologie, eto.; et Élé- ments de botanique (Duchartre). 3 Sitzungsber der Kaïs. Acad. d. Wien. Wien, 1852. 1 Physiologie, NI, 263. DE L'ÉVAPORATION DES PLANTES. 23 portant l'expérience de de Saussure, qui a vu des feuilles plongées dans l’eau céder des sels alcalins au liquide, il ajoute : «Il est tout aussi possible que l’eau y pénètre par diffusion ». Il est certain, dans tous les cas, que cette absorption ne peut être que très-faible et accidentelle, et ne peut présenter pour la vie de la plante aucun intérêt. Il faut remarquer cependant que la vapeur d’eau, la pluie, le brouillard, ont une grande influence sur les fonctions des feuilles, non-seulement en diminuant l’éva- poration, comme le dit très-bien M. Duchartre, mais encore en enlevant à la surface de la cuticule la poussière et les dépôts de toute sorte qui s'opposent à son fonctionnement, et qui seraient sans influence sur l’action des stomates. Cela justifie la pratique qui consiste à ‘arroser les feuilles des arbres pour augmenter leur vigueur. Je n’ai point fait d'expériences suivies à ce sujet ; aussi je ne donne qu à titre de renseignement l’expérience suivante. 25 juin. J'ai introduit dans un tube portant au fond un peu d’eau une branche de Fusain, tandis que la branche opposée était à l’air libre. J'ai abandonné la plante sans arrosage pendant plusieurs jours. Les feuilles du rameau enfermé ont persisié, ce qui n'avait rien que de naturel, mais les feuilles de la branche opposée sont tombées avant celles de la base de la tige, et n’avaient point recu par conséquent de vapeur ou d’eau par la branche enfermée ‘. Quant à la fanaison des feuilles, il y a là un phénomène com- plexe où l’évaporation ne joue pas, je crois, le principal rôle. Une feuille détachée de la tige se fane dans une atmosphère presque saturée. Une feuille de Nelwmbium flottant à la surface de l’eau avec le tronçon du pétiole immergé se fane très-vite par ses bords; la fanaison est plus lente si c’est la face supérieure qui flotte dans l’eau. J'ai toujours été frappé de voir des plantes aquatiques, arrachées avec leur racine et placées immédiatement dans l’eau, se faner souvent dans quelques instants ; enfin j'ai vu, dans mes ! M. Cailletet a publié depuis (Compt. rend. 1872) des expériences semblables qui l'ont amené au même résultat. 24 MÉMOIRES ORIGINAUX. expériences sur la circulation de l’air ‘ les feuilles de Pontederia, Thallia, etc., se conserver beaucoup plus longtemps lorsque je comprimais l’air à leur intérieur. Ajoutons que la turgescence des feuilles sur l’arbre ne commence que lorsque les cavités aériennes sont formées et que l’air a pénétré dans la feuille. Ainsi la fanaison pourrait être due en partie à la diminution de pression de l'air intérieur, qui, d’après ce que nous avons vu et en vertu des lois capillaires (voir le travail de Jamin), doitètre, dans les tissus imbibés, à une tension supérieure à celle de l'atmosphère. Quant au desséchement, il serait une conséquence même de cette diminution de pression. à 14. DES ORGANES PAR LESQUELS S'EFFECTUE L'ÉVAPORATION. Nous avons vu MM. Morren, Amici, J. Sachs et la plupart des physiologisles admelire que tous les mouvements des fluides aériformes se font exclusivement par les stomates. M. Sachs est plus explicite encore pour la transpiration que pour les autres fonciions. On me permettra de le citer textuel- lement : * «La tendance de l’eau à se transformer en vapeur à sa superficie se retrouve à la surface humide des parois des cellules. Les organes aériens qui sont recouverts d’une cuticule graisseuse, d’une couche d’air adhérente, d’un périderme, d’une écorce crevassée, ne sont pas dans ce cas. Mais le parenchyme de tous les organes est criblé d'espaces remplis d’air qui commu- niquent entre eux et avec les vaisseaux, el finissent par venir déboucher aux pores des stomates. Toute cellule parenchymateuse est en contact, par une partie plus ou moins grande de sa surface, avec un de ces espaces intercellulaires, et, aussi longtemps que celui-ci n’est pas saturé de vapeur, l’eau d’imbibition de la membrane s’y évapore; grâce à la tension plus ou moins consi- dérable qui règne toujours dans les espaces intercellulaires, une portion de la vapeur sera constamment chassée par les séo- 1 Ann. Sc. nat. 1874. 2 Physiologie, $ 61, pag. 243. DE L' ÉVAPORATION DES PLANTES. 25 mates et par les fissures qui ne manquent jamais de se présenter dans les organes un peu âgés.» Huit lignes plus bas, il dit encore : « De grands espaces inter- cellulaires augmentent la transpiration, parce qu’une plus grande partie de cellules parenchymateuses sont en contact avec eux, et que de plus ils favorisent le renouvellement de l’air. Le grand nombre des stomates agit dans le même sens'.» Ainsi, cet auteur, que les Allemands proclament le chef des phytophysiologistes modernes, est ici très-catégorique : c’est par les stomates et par des fissures accidentelles que se fait cette impor- tante fonction. L'eau devrait passer ainsi, à l’état de vapeur, des cavités internes à l’extérieur ; ici encore l’invraisemblance réside dans l’activité qu'il faudrait supposer à ce mouvement gazeux de diffusion. En effet, un litre de vapeur saturée à 20 ou 30 degrés pèse de ? à 3 centigr. ; il faudrait supposer la sortie, par ces orifices et ces jissures, de plusieurs centaines de litres de gaz en une heure, en prenant les nombres de M. Sachs (pag. 252), et cela pour des plantes relativement très-petites. M. Sachs oublie que si la cuticule est graisseuse, la feuille transpire beaucoup moins; que la couche d’air condensé ne peut que favoriser la dialyse, au lieu de lui nuire; et qu’enfin les feuilles jeunes, dont les stomates sont incomplètement développés, transpirent beau- coup. Les surfaces foliaires dépourvues de stomates, telles que la face supérieure des feuilles du Tilleul, transpirent aussi forte- ment. Il est vrai qu'il reste les fissures accidentelles. Enfin, il me paraît qu'on ne tient que peu de compte des travaux de M. Garreau, qui prouvent qu’il n’y a point de rap- port appréciable entre le nombre des stomates et la quantité de vapeur rejetée. Pour nous, nous pensons que l’on doit distinguer dans l’exha- lation aqueuse trois cas différents : 1° l’exhalation insensible des 1 Je ferai remarquer que l’auteur est obligé d'admettre la dialyse des cellules parenchymateuses dans les cavités aériennes internes, 26 : MÉMOIRES ORIGINAUX. feuilles placées dans des conditions normales et donnant lieu au régime périodique ; 2° l’exhalation-brusque qui accompagne une élévation considérableet rapide de température, surtout sous une cloche; 3° enfin l’exsudation, La première doit se produire par dialyse à travers la cuticule, etest liée à l’état de cette membrane. Aussi est-elle très-faible dans les feuilles vieilles et à cuticule graisseuse. Les stomates, en vertu de leur petite surface relative et de l’oc- clusion plus ou moins complète de leurs pores, ne peuventjouer dans cette fonction qu'un rôle secondaire, surtout dans les feuilles jeunes, où ils ne fonctionnent pas encore. Il est facile , du reste, de constater que le caoutchouc se laisse traverser en lames minces par la vapeur d’eau, et cela très-abon- damment. Rappelons d’abord que Payen' a constaté que des ballons de 2%" d'épaisseur, remplis d’eau sous une pression qui double leur diamètre, perdaient par mêtre carré, en vingt-quatre heures et à la température de 16 degrés, 24 gram. de vapeur d’eau (le caoutchouc vulcanisé n’en perdait que 4). Il est évident que la perte eût été encore plusgrande avec une plus faible épaisseur. Graham n’a point fait d'expérience sur la dialyse de la vapeur d’eau à travers le caoutchouc. Je mets cette dialyse en évidence, très-simplement, par un procédé analogue à celui que j'ai décrit pour les gaz, et qui représente assez bien ce qui se passe pour les plantes. Je place sous une cloche desséchée un flacon à large goulot contenant de l’eau, et fermé par une membrane de caout- chouc de { demi-millim. d'épaisseur: en dehors et sous là cloche, se trouve, dans une capsule, un certain poids de chlorure de calcium. J’expose le tout au soleil : il se produit une grande élé- vation de température, surtout dans le flacon contenant de l’eau; le couvercle de caoutchouc se bombe beaucoup, et le chlorure de calcium, au bout de quelques heures, accuse une absorption de vapeur d’eau assez considérable: cette vapeur à passé, par dialysé, à travers le caoutchouc. 5 gram. de chlorure de calcium ont absorbé l Précis de chimie industrielle, tom. I, pag. 195. 1867. DE L'ÉVAPORATION DES PLANTES. 27 02,065 de vapeur d’eau en deux heures. La surface du caoutchouc était de 30%, Si l’on crève la coiffe avec une épingle assez grosse, l'évaporation est plus abondante; elle peut même se traduire en dépôt liquide sur la cloche. Ona ainsi là la représentation gros- sière du rôle des stomates. L'expérience inverse, qui consiste à placer le chlorure dans le flacon bouché par le caoutchouc et l’eau en dehors, réussit moins bien, c’est-à-dire donne une moindre augmentation de poids pour le chlorure ; ce qui se conçoit facilement, puisque la pres- sion à l’intérieur du flacon est plus grande qu'à l'extérieur. Les stomates ne jouent un rôle efficace que dans les brusques variations de température et de pression, qui produisent une véri- table eœhalation pulmonaire. Nous croyons l’avoir démontré suffi- samment dans le cours de nos recherches sur la Méthode de Mariotte et sur l’Influence de la pression. Enfin, dans l’exsudation, la cuticule donne lieu à un véritable phénomène d’endosmose, ne laissant passer que l’eau pure ou faiblement chargée de sel, tandis que la sève est saturée de sub- stances non cristallisables. Les poils me paraissent jouer encore ici un rôle considérable. Ainsi, l’évaporation met encore en évidence le rôle séparé de la cuticule et des stomates. Elle nous démontre, en particulier, que ces derniers organes ne jouent qu’un rôle accidentel de soupapes de sûreté, et qu'ici encore ils permettent à l’air saturé de va- peur, qui remplit les lacunes, de s'échapper au dehors, mais ne laissent point rentrer l’air saturé du dehors. Il résulte, de la cause même que nous attribuons à l’évapora- tion, que la chaleur doit avoir sur le phénomène une influence prépondérante. Il ne serait pas impossible cependant que la plante s’échauffât plus par la chaleur lumineuse que par la chaleur obscure, et qu'alors la lumière ait sur le phénomène de l’évapo- ration une action médiate. 28 MÉMOIRES ORIGINAUX. CONCLUSIONS GÉNÉRALES. Ïl me paraît ressortir de ces expériences : 1° Que les plantes émettent dans les mêmes circonstances des quantités de vapeur qui restent les mêmes dans les mêmes pé- riodes de temps, soit 24 heures. C’est cette quantité que nous avons appelé le régime moyen; 2° Que ce régime moyen peut varier avec la température, la quantité d’eau que reçoivent les racines, etc.; 3° Que ce régime est plus élevé pour les feuilles jeunes que pour les feuilles vieilles, pour les plantes qui vivent à l’ombre que pour celles qui croissent au soleil ; 4o Que l’évaporation est moindre dans l’acide carbonique et à la lumière que dans l’air et les autres gaz, toutes les autres circonstances restant les mêmes; 5° Qu'il y a lieu de distinguer l'évaporation insensible qui se fait à travers la cuticule, de l’exhalation abondante et accidentelle qui a lieu par la chaleur solaire, une élévation brusque de tempéra- ture, une diminution de pression, exhalation qui se produit principalement par les stomates; 60 Que l’exsudation, ou production de gouttelettes pendant la nuit, est due à un défaut d’équilibre entre l’action absorbante des racines et l’action des parties vertes qui pendant le jour fixent, avec le carbone, une grande quantité d’eau. 29 ————————…—…—…—…—…—…— _—_…—_—…—…— —— —————…—…—…—…—…—û…û—û—û—û—û————— ÉNUMÉRATION DES ALGUES MARINES DU LITTORAL DE BASTIA (Corse) (Suite!.) Par O0. DEBEAUX, Pharmacien-major de {re Classe. Gen. 58. Griffithsia Ac. 89. G. irregularis AG., Spec., 130 ; J. AG., Alg. Medit., 75; Kurz., Spec. alg., 660. Hab.: Les fissures des rochers à l'abri de la lumière et de l’action des vagues. Anse Saint-Joseph.— Fruct. c. en octobre et novembre. Cette espèce, dont la détermination exacte est due à M. R. Lenormand, croît dans la localité indiquée, en société des Plo- camium coccinewm, Nitophyllum occellatum et Rhodomenia Nicæ- ensis. Malgré mes recherches, je n’ai pu rencontrer les Griffithsia secundiflora J. Ag., et G, corallina, qui abondent dans plusieurs localités des côtes de France et d'Italie. Ar. géog. : Médit. et Adriat. SECT. IIL ZOOSPERMÉES AG. (Ghlorospermées Harv.) FAM. XVI. SIPHONACÉES Grev. (Gaulerpées MonrAGNE ex parte.) (Codiées KuTz. ex parte.) (Vauchériées Kurz. ex parte.) (Bryopsidées Lærozis ex parte.) Gen. 59. Caulerpa Lamour. 90. GC. prolifera Lamour., in Journ. bot., II, 143 (1809). — J. AG., Alg. Medit., 24; Phyllerpa prolifera Kurz., Sp., 494; 1 Voir les numéros de septembre et de décembre 1873. 30 MÉMOIRES ORIGINAUX. Ulva prolifera Dec., F1. Fr., pag. 5; Fucus prolifer Forsx., Flor. Ægypt.-Arab., 193. Hab. : Les grands ports de la Méditerranée, Marseille, Toulon, Gênes, Livourne; Golfe d’Ajaccio (1868 !), et probablement bientôt le nouveau port de Bastia. Ar. geog.: Médit.; Océan Atlant. ( Amérique tropicale ) : Oc. Austral. Ne Gen. 60. Halimeda Lamour. 91. H. Tuna Lamour., Exp. méth. polyp., p. 27; Kurz Sper alg., 504; Halimeda opuntia Lamour., Hist. polyp., 309; Moris et DE Nor. For. Capr., 202; Flabellaria tuna LAMARK, Ann. mus., 20,302; Fucus sertolara BERTOL., in Amæn. ital., 316. Hab. : Sur les rochers exposés au soleil, et presque au niveau | de la mer, parmi les corallines. — Anse Saint-Nicolas, Minelli, Griggione, etc. Rare dans toutes ces localités. — Juillet. Ar. geog.: Médit., Adriat. Gen. 61. ÜUdotea Lamour. 92. U. Desfontainii DECAISNE., in Nouv. Ann. sc. nat., XNIII, p. 106; Kurz., Spec., 503; Flabellaria Desfontainii Lamour., Essai thalass., 58 ; Moris et DE Not., Flor. Caprar., 202; Codium flabelliforme AG., Spec., 455 ; Conferva flabelliformis DEsFonr., FI. Atl., 430. Hab. : Sur les souches mortes du Posidonia Caulini, et les crevasses des rochers de 1 à 4 mètres de profondeur. — C. dans l’anse Saint-Nicolas, de septembre à janvier. Ar. geog.: Médit. et Adriat. Gen. 62. Codium. AG. 93. C. tomentosum AG., Spec. alg. 1,451; J. Ag., Alg. Medit., 93: Spongodium tomeniosum LAMOUR., Essai thalass., pag. 13 ; Moris et DE Nor., For. Caprar., 203; Ulva tomentosa Dec. ÿ F1. Fr. ji pag. 6. Hab.: Sur les rochers à fond de sable, dans les eaux tran- Fr quille et à plusieurs mètres de profondeur. — (. dans l’anse ALGUES MARINES DU) LITTORAL DE BASTIA. 31 Saint-Nicolas, Minelli, Griggione, etc., de septembre à janvier. Ar. geog.: Médit..et Adriat:; Oc. Atlant. (Cap de Bonne-Esp.); Oc. Pacif.; Oc. Austral (Nouvelle-Hollande ); Mer de’ Chine. (0. Desraux, 1860.) 94. C. elongatum AG., Spec. 454; Kurz.,, Sp. alg., 501; MonTAGNE, Flor. Alg. crypt., 49. Hab : Mèmes lieux que le précédent. — C. dans le nouveau port de Bastia, en décembre et janvier. Ar. geog. : Médit., Adriat.; Océan. Atlant. (Cap. de Bonne- Espérance; Golfe du Mexique). 95. C. adhærens AG., Sp. 457; J. AG., Alg. Medit., 22: Kurz., Sp. alg., 502; Spongodium adhærens DuBy, Bot. gall., I, 59; Codium difforme Kurz., Phyc, gen., 300. Hab. : Sur les souches mortes des Posidonia, dans l’anse Saïnt- Nicolas, à 2-5 mètres de profondeur. — G. d'octobre à janvier. Ar. geog. : Médit., Adriat. ; Océan Atl. (côtes de France, d'An- gleterre, du Brésil ; Golfe Arabique ; Oc. Austral (îles Aukland). 96. C. bursa AG., Sp. 457; J. AG., Alg. Medit., 72 : Kurz.,- Sp..alg., 502; Spongodium bursa Lamour., Essai thalass. ; pag. 13; Lamarkia bursa Ouivr, Zool. Adr., 258. Hab.: Mêmes lieux que le précédent. C. Rejeté fréquemment sur la plage, de novembre à février, après les violents coups de mer. J'ai trouvé plusieurs fois des individus de cette espèce mesu- rant de 10 à 15 centimètres de diamètre. Ar. geog.: Médit., Adriat. ; Océan Atlant. (côtes de France, d’Espagne -et d'Angleterre). Gen. 63. Derbesia Sozwe: 97. D. marina Sourer, in Revue botanique, pag. 152 (1846) ; Lesoris, 4lg. de Cherb., 66 ; Vaucheria marina Lynes., Bryopsis tenuissima Monris et DE Nor., Flor. Caprar., 203 ; J, Ag., Alg. Medit., 18. Hab.: Sur les petites algues, les pierres et les rochers, dans 32 MÉMOIRES ORIGINAUX. les eaux tranquilles, et au niveau de la mer. — Anse Saint- Nicolas, Minelli, etc. Rare de décembre à février. Ar. geog.: Médit., Adriat. ; Oc. Atlant. (côtes de France et des îles Féroë). Gen. 64. Bryopsis Lamour. 98. B. Balbisiana Lamour., Essai thal., pag. 66; J. AG., pag. 19. Var. A Lamourouvii, J. AG. (loc. cit.); Kurz., Sp. alg., 490; Derbesia Lamourouæii SoLtER; Bryopsis simplex MENEGHINI. Var. B disticha J. AG. (loc. cit.); KurZ., Sp. alg., 491° Hab. : Parois des rochers exposés à l’action des vagues, et au niveau de la mer; anse Saint-Nicolas, Minelli, etc. La var. À Lamourouxii est beaucoup plus abondante que la var. B dans ces localités. — Septembre à décembre. Ar. geog. : Médit. et Adriat. 99. B. muscosa Lamour., in Bullet. philom., et in Essai thal., 282; Ac. Sp. alg., NII, pag. 450, et Syst. alg., 179 ; Mois et pE Nor., For. Caprar., 203 ; J. AG., Alg. Med., 20. Hab. : Rochers à l’entrée de l’ancien port de Bastia. Jetée du Dragon. C. Ar. geog. : Médit. et Adriat. FAM. XVII. DASYCLADÉES Harvey. (Valoniées AG. ex parte.) Gen. 65. Acetabularia Lamour. 100. A. Mediterranea Lamour., Polyp. flex., pag. 252 ; Kurz., Spec. alg., 510 ; Mons et DE Nor., Flor. Caprar., 202 ; Coral- lina acetabulum CaAvaAN.:; Olivia Androsace BERTOLONI, Spec. Zooph., in Amæn. ütal., pag. 278. Hab. : Parmi les corallines et les spongiaires, dans les cre- vasses de rochers. Plage de Griggione; rare. Rade de Porto- Vecchio. — C. en août et septembre. Ar. geog. : Médit. et Adriat. ALGUES MARINES DU LITTORAL DE BASTIA. 33 FAM. XVIII. VALONIACÉES Kurz. (Anadyoménées Kurz. ex parte.) Gen. 66. Valonia GINxant OT ntricnlaris AG 2 Spec. ao. L'ASIE A9 Medit., 23 ; Kurz., Spec. alg., 507; Conferva utricularis RoTx. Hab. : Parois des rochers submergés, à l’abri de la lumière et de l’action des vagues, parmi les corallines et autres petites algues. Anses Saint-Joseph, Saint-Nicolas, Minelli, etc. Rare dans chaque localité. — Septembre et octobre. Ar. geog.: Médit., Adriat.; Oc. Atl. (côtes d'Espagne). Gen. 67. Anadiomene Lamour. 102. A. flabellata Lamour., Polyp. flex., pag. 365; Kuzz., Spec alg., 511; À. stellata Ac., Spec alg., L, 400 ; J. AG., Alg. Medit., 24; Ulva stellata Wuüzr. Hab. : Fissures des rochers, dans les eaux tranquilles et peu profondes. — Trouvé rarement sur la plage après les coups de mer.—A vril et mai. Ar. geog.: Médit., Adriat. ; Oc. Atl. (côtes du Brésil). FAM. XIX. ULVACEES AG. (Porphyrées Kurz. ex parte.) (Entéromorphées Kurz. ex parte. ) Gen. 68. Porphyra Ac. 103. P. laoiniata Ac., Syst., 190; Harvey, Phyc. Brit.; — LeJocis, Alg. de Cherb., 99; Kurz., Spec., 692 ; — Ulva laci- niata LiGHTr. Hab. : Rochers au bord de la mer. Jetée du Dragon et ancien port de Bastia. Anse Saint-Nicolas. — C, en avril et mai. Ar. geog. : Médit., Adriat. ; Oc. Atlant,. 104. P. leucosticta Taurer, Msc.: Lesouis, 4/9. de Cherbourg, 100 ; P. vulgaris Luoyp, Alg. de l'Ouest, n° 7; J. Ac., Alg. Med. n° 46, pag. 17; Erbar. critt. ital., n° 218. REre 5) 34 MÉMOIRES ORIGINAUX. Hab.: Rocbers qui bordent la mer dans l’anse Saint-Nicolas. — C. en avril et mai. Ar. geog. : Médit., Adriat. ; Oc. Atlant. D’après M. Lejolis, les Porphyra laciniata et leucosticta sont faciles à distinguer sur le vivant. Dans le P. laciniata, la fronde est d’une consistance plus ferme et d’une couleur plus livide. Les jeunes individus que l’on trouve en hiver ont ‘une forme linéaire (P. linearis Grev.), qui s’élargil à mesure que la saison s’avance. Le P. leucosticta se distingue par sa consistance plus molle, sa couleur plus vive et pourprée, sa fronde moins lobée et non linéaire, mais arrondie ou ovale dans les jeunes individus. Cette espèce croît sur les rochers, beaucoup plus près de la limite de la mer quéle P. laciniata, et elle disparaît au printemps. Les P. laciniata et leucosticta sont les seules espèces que l’on rencontre dans la Méditerranée. Tout ce qui a été re- cueilli ou distribué sous le nom de P. vulgaris doit être rapporté à l’une ou l’autre de ces deux espèces. (Lejolis, loc. cit.) Gen. 69. Bangia Lynopve. 105. B. lutea J. Aa., Alg. Medit. et Adr., pag. 14; Kurz., Spec. alg., 359. Hab. : Sur les rochers exposés au soleil et à l’action des vagues, à la limite de la mer. — Minelli, anse Saint-Nicolas, ancien port.— Assez répandu, mais rare partout. Ar. geog. : Médit. (Marseille, Gênes, Livourne, . Gen. 70. Enteromorpha Lixx 106. E. intestinalis Linx., Hor. phys. Berol., pag. 5; Kurz., Spec. alg., 418 ; Mons et DE Nor., For. Caprar., 201; Solenia intestinalis AG., Syst., pag. 185 ; Ulva intestinalis Lin., Spec. n° 1632; U. enteromorpha, var. intestir.alis LeJozis, 4lg. de Cherb., 46. Hab.: Croit en abondance dans toutes les flaques d’eau et sur tous les rochers à la limite de la mer, de juin à septembre. ALGUES MARINES DU LITTORAL DE BASTIA. 35 Ar. geog.: Médit., Adriat.; Oc. Atlant. (côtes d'Europe et d'Amérique) ; Mer de Chine (0. DeBgaux) et du Japon. OBs. — L'Enteromorpha intestinalis se trouve également dans les eaux saumâtres de l’étang de Biguglia près de Bastia, et varie beaucoup de forme à mesure que l'étang se dessèche pendant l'été. Plusieurs de ces formes ont été décrites par Kutzing dans son Species algarum, et par M. Lejolis dans ses Algues de Cherbourg. La plus répandue autour de Bastia est la suivante: Var. BG capillaris Kurz., Spec. alg., 4718; Lesois, Alg. de Cheron, AT. On trouve fréquemment la var. capillaris tantôt fixée sur les pierres et les roches de l’anse Saint-Nicolas, et presqu à la limite de la mer, tantôt parasite sur les feuilles du Posidonia Caulini. — Juillet et août. Ar. geog. : Médit., Adriat., et Oc. Atlant. 107. E. clathrata Grev., 41g. Brit., 181; J. Ac., Alg. Medit., 16; Morrs et pe Nor., Xlor. Caprar., 201; Solenia clathrata Ag., Syst., 186; Ulva clathrata AG., Syn., 46. Var. B Rothiana Lejozis, Alg. de Cherb., n° 48, ainsi carac- térisée : « Frondibus intricatis, diffuso prostratis, interdum spinescen- tibus. » Hab. : Sur les grosses pierres et la jetée du nouveau port Saint-Nicolas. — Septembre. Ar. geog. : Médit., Adriat.; Oc. Atlant. et mer Baltique. 108. E. compressa GRev., Ag. Brit., 180; Æ. compressa Aucr. GALL., ex parte; Ulva compressa Lin., Spec. plant., I, 1163; Ulva enteromorpha, var. compressa Lisors, Alg. mar. de Cherb., 44; Enteromorpha complanata Kurz., Spec., 480. Hab. : Sur les pierres, les rochers, dans les petites flaques peu profondes, et à la limite de la mer. — Plage de Bastia, Minelli, Griggione, etc. — GC. en septembre. Ar. geog. : Médit., Adrial.; Oc. Atl. (côtes de toute l'Europe et d'Amérique) ; Oc. Pacifique; mer de Chine (cap Chan-tong. O. DeBraux, 1860). 36 MÉMOIRES ORIGINAUX. Gen. 71. Phycoseris Kurz. 109. Ph. lanceolata Kurz., Phyc. gen., 245, Var. crispata Kurz., Spec., 476; Lerozrs, Alg. mar. Cherb., 43; Phycoseris crispata KuTz., loc. cit.; Enteromorpha Bertolonii Mox- TAGNE, Crypt. 4lg., n° 34; Ulva Bertolonii J. AG., Alg. Medit., 17. Hab. : Sur les pierres, les rochers, et dans les flaques d’eau tranquille, presqu'au niveau de la mer.— C.sur tout le littoral de la Corse. Mai et juin. Ar. geog. : Médit. et Adriat. 110. Ph. smaragdina Kurz., Spec. alg., 476; Ph. lanceolata var. smaragdina Lesoris, Alg. mar. Cherb., 43. Hab. : Sur les rochers, dans les petites flaques et à très-basse mer, dans l’anse Saint-Nicolas. — C. de septembre à octobre. Ar. geog.: Médit., Adriat. : Gen. 72. Ulva Lin. 111. U. lactuca Lun. ex parte; LeroLis, 4/9. mar. Cherb., 38; U. latissima Lin., ex parte. Var. A rigida AG.; Lesous, loc. cit.; Ulva lactuca Lin., Spec. plant., Il, 1163; U. rigida Ac., Spec. Alg., I, 410; J. Ac., Alg. Medit.; 17. U. latissima GRev., Alg. Brit., 171. Hab.: Les eaux tranquilles de l’anse Saint-Nicolas, sur les pierres et les rochers, à quelques décimètres à peine de profon- deur. — C. de juillet à décembre. Ar. geog.: Médit., Adriat.; Oc. Atlant. Var. B latissima LEerouis, Alg. mar. Cherb.; Ulva latissima Lin., Sp., Il, 1163; AG., Syn. alg. Scand., 41; KuTz., Sp. alg., 474; Monis et ne Nor., Flor. Capr., 200. Hab. : Mêmes lieux que la variété 4, et beaucoup plus abon- dante. Ar. geog.: Médit., Adriat.; Oc. Atlant. Var. C myriotrema Lerous, Alg. mar. de Cherb., 39; Ulva myriotrema Desmaz., Plant. crypt., n° 852; Phycoseris myrio- trema LENORMAND in KuTz., Spec., 471. ALGUES MARINES DU LITTORAL DE BASTIA. où Hab. : Cette variété myriotrema, qui est très-commune sur les côtes de la Provence, se trouve quelquefois rejetée sur la plage de Bastia, après les coups de mer. Ar. geog.: Médit., Adriat.; Oc. Atlant. Var. D australis. — Phycoseris australis KuTz., Spec. Alg., 417; Ph. australis, var. wmbilicalis Kurz. (loc. cit.) ; A., Sp., 409 ; non Ulva australis ARESCHOUG. | Hab. : Se trouve rarement sur la plage, après les violents coups de mer. — Septembre. Ar. geog.: Médit. et Adriat. O8s. — Sous le nom d'Ulva lactuca Lin., j'ai réuni, à l'exemple de M. Lejolis (41g. mar. de Cherb.), les diverses formes de ce groupe que j'ai observées à Bastia. Ces formes sont bien tranchées dans la Mé- diterranée, et ne peuvent donner lieu à aucune confusion entre elles- M. Lejolis réunit à la var. À rigida la var. D australis (Phycoseris australis Kutz.). Celle-ci me paraît cependant bien distincte par sa fronde, qui est papyracée, transparente, très-fragile, et non subcor- née, opaque, et par sa couleur devenant vert pâle après la dessiccation, tandis que la var. rigida prend une teinte d'un vert foncé presque noirâtre en se desséchant. FAM. XX. CONFERVACÉES AG. (Confervées Kurz. ex parte.) Gen. 73. Cladophora Kurz. $ L. Marin 112. C1. prolifera Kurz., Spec. alg., 390. Conferva prolifera AG., Syst., 119; TJ. Ac., Alg. Medi., 12. Hab.: Les flaques d’eau tranquille, les creux des rochers un peu au-dessous du niveau de la mer. — Anse Saint-Nicolas, Minelli, Griggione, etc. | Ar. geog. : Médit. et Adriat. 113. CI. pellucida Kurz., Phyc. Germ., 208; Lesouis, Ag. mar. Cherb., 63 ; Conferva pellucida AG., Syst., 120; J. AG., Alg. Med., 12. 38 MÉMOIRES ORIGINAUX. Hab.: Avec l'espèce précédente, mais beaucoup plus rare. — Septembre. Ar. geog.: Médit. (côtes de la Provence), Adriat. ; Oc. Atlant. 114. C1. fuscescens Kurz., Phyc. Germ., 210, et Spec. alg., 394, Hab.: Sur les rochers de la plage, à la limite de la mer. — Anse Saint-Nicolas.— R. Ar. geog. : Médit., Adriat. 115. CI. rupestris Kurz., Phyc. gen., 270, et Spec. alg., 366: Lesozis, Alg. mar. Cherb., 63; Conferva rupestris Lix., — AG., Syst., 117. Hab. : Les rochers granitiques battus par les vagues, à Grig- gione. — C. en août et septembre. Ar. geog.: Médit., Adriat. ; Oc. Atlant. et mer Baltique. 116. CI. hamosa Kurz., Phyc. gen., 267, et Spec. alg., 397: CL, refracta MENEGHINI, an Cl. hamifera ZANARD ? Hab. : Sur les rochers à la limite de la mer, et les petites flaques dans l’anse Saint-Nicolas. — C. en juillet. Ar. geog. : Médit., Adriat. 117. C1. ramellosa Kurz., Phyc. German., n° 211, et Spec. alg., 400. Hab. : Mèêmes localités que l'espèce précédente.— Juin. Ar. geog.: Médit. et Alriat. Cette espèce, dont la détermination est due à M. René Lenor- mand, n’a été signalée jusqu’à présent que dans le golfe de Mola et le détroit de Constantinople (KurTzinG). 118. CI. lætè-virens Kurz., Phyc. Germ., 214; Conferva lætè- virens, DILLWN. Hab. : Rochers battus par les vagues, à la limite de la mer, dans l’anse Saint-Joseph. — C. de septembre à décembre. Ar. geog.: Médit., Adriat.; Oc. Atlant. 119. CI. sericea Kurz., Phyc. Germ., 216, et Spec. alg., 401; Conferva sericea, AG., Syst., 113; J. AG., Alg. Medit. et Adriat., 12. ALGUES MARINES DU LITTORAL DE BASTIA. 39 Hab. : Sur les rochers et dans les flaques d’eau tranquille, au niveau de la mer. Ar. geog. : Médit. (Marseille, Gênes, etc.}, Adriat. ; Oc. Atlant. 120. CI. crystallina Kurz., Phyc. Germ., 213, et Spec. alg., pag. 401; Confervacrystallina Rotx, Cat. bot., [., 196; Lyxes., Tent. hydroph. dan., 155; Monts et pe Nor., For. Capr., 213. Hab.: Dans les petites flaques l’eau tranquille, et parasite sur plusieurs algues, les feuilles des Zostera.— Anse Saint-Nicolas. — C. en juin. Ar. geog. : Médit., Adriat.; Oc. Atlant. (mer Baltique). 121. C1. lutescens Kurz., Phyc. Germ., 214, et Spec. alg., 4 03. Hab.: Rochers exposés à l’action des vagues, à la limite de la mer. — Minelli près de Bastia. — C. en août. Ar. geog. : Médit. (Marseille, Gênes), Adriat. 122. C1. glaucescens Kurz., Spec. alg., 403 ; Lesouts, 449. mar. Cherb., 60 ; Conferva glaucescens GriFr; Cladophora pseudo-sericea CROUAN, Alg. du Finistère, 367. : Hab. : Dans les petites flaques d’eau exposée au soleil, parasite sur plusieurs algues. Anse Saint-Nicolas, Minelli. — C. juillet. Ar. geog. : Médit., Adriat.; Oc. Atlant. 190 Rudolphiana Harv., Phyc. Brit.; KuTz., Spec Alg., 404; Conferva Rudolphiana A6. ;J. AG., Alg. Medit., 12. Hab. : Parasite sur les feuilles du Posidonia Caulini, dans les flaques d’eau exposées au soleil. Anse Saint-Nicolas. — C. en juillet et août. Ar. geog. : Médit., Adriat.; Oc. Atlant. 124. C1 plumula Kurz., Phyc. gen., n° 260, et Spec. alg., 404 (Teste clar. R. Lenormand). Hab.: Sur les rochers, dans les petites flaques d’eau, à basse mer. — Été. Ar. geog.: Médit. et Adriat. 125. CI. nitida Kurz., Phyc. gen., 269, et Spec. alg., 404 ; Conferva nitida KurTz. 40 MÉMOIRES ORIGINAUX. Hab. : Sur les rochers, à la limite de la mer. — Anse Saint- Nicolas. — Rare. Ar. geog. : Médit. et Adriat. 126. Cl. (Ægagropila) membranacea Kurz., Spec. alg., 415; Conferva membranacea AG., Syst., pag. 120. Hab. : Les fissures des rochers exposés au soleil, au-dessous de la limite de la mer.— Plage Saint-Nicolas, où cette espèce est très-abondante, surtout après les coups de mer.— Août et sep- tembre. Ar. geog. : Médit. (Corse); Océan Atlant. (Ténériffe, Antilles); Oc. Pacifique (iles Marquises). O8s.— Le Cladophora membranacea, dont la détermination exacte est due à M. le D' Bornet (d'Antibes), n avait été trouvé jusqu à présent que dans les mers chaudes des Canaries, des Antilles et des îles Marquises. Cette Algue ne tardera pas à être connue des botanistes, en ayant préparé plusieurs centaines d'échantillons destinés à diverses publications d'exsiccata. Os. — Ce n'est qu'avec doute que je signale la présence, sur le littoral de Bastia, du C{. arcta. Kurz. Mes échantillons Corses, com- parés avec des spécimens de cette Algue recus de MM. Lebel et Lenormand, n'’offrent avec eux la moindre différence. L'étude des Confervacées est d’ailleurs tellement hérissée de difficultés, qu'il de- vient à peu près impossible de déterminer ces Algues d'une manière rigoureuse à l’aide de livres descriptifs. La difficulté n'est pas moindre avec des échantillons authentiques servant aux études comparatives, car on sait que les Algues confervacées varient énormément selon leur âge, leur exposition au soleil ou à l'ombre, et même encore selon quelles vivent dans des eaux tranquilles ou battues par la mer. Les Confervacées du littoral de Bastia ont été examinées avec soin par les deux phycologistes déjà cités dans cette note, puis comparées avec des exemplaires provenant de la Méditerranée, et distribués par M. Derbès (de Marseille) et les collaborateurs à l'Erbario crüttogamico italiano, publié à Gênes sous la direction de M. le professeur de Notaris. Leur détermination est donc aussi rigoureuse que possible. J'ai recueilli sur les rochers de l’anse Saint-Nicolas, au mois de septembre 1869, une autre espèce de Cladophora, rapportée par M. Le- normand au Cl. pectinata Zanardini. Dans la crainte que cette déno- mination ne soit qu un synonyme d'un Cladophora décrit antérieure- ALGUES MARINES DU LITTORAL DE BASTIA. 41 ment, je me contente de signaler la présence de cette Algue à Bastia sous le numéro provisoire 126 bis. $ II. Submarinæ, vel aquæ dulcis. 127. C1. glomerata Kurz., Phyc. gen., 212, et Spec., alg., 425; Conferva glomerata Lin. Hab.: Le ruisseau du Fango , à quelques mètres à peine de son embouchure dans l’anse Saint-Nicolas, sur les pierres et les cailloux. — Octobre et novembre. Ar. geog.: Eaux douces et saumâtres de l’Europe. Gen. 74. Rhizoclonium Kurz. 128. Rh. salinum Kurz., Phyc. Germ., 205, et Spec. alg., 384: | Lejouis, 4lg. mar. de Cherb., 58 ; RABENH., Alg. Eur. submar.., 1416 ; Zygnema littoreum KurTz., non Lynes. Hab.: Flottant au milieu de l'étang salé de Biguglia, et dans les canaux à eau saumâtre qui se déversent dans cet étang. Ar. geog. : Eaux saumâtres de l'Europe. 129. Rh. fontanum Kurz., Phyc. gen., pag. 261, et Spec. alg., 386. Hab.: Dans une petite fontaine qui se déverse dans la mer à Minelli, et sur les roches maritimes où suinte l’eau douce dans la même localité. Ar. geog.: Eaux douces de l'Europe. Corse, à Ajaccio (LEVEILLE, ex Kurz.). Gen. 75. Chætomorpha Kurz. 130. Ch. tortuosa Kurz., Spec. alg., 376; Conferva tortuosa J. AG., Alg. Medit., 12: C. tortuosa Ag., Syst. alg., 97; Moris et pe NoT., Flor. Capr., 213. Rhizoclonium capillare Kurz., Bot. Zeit. (1847). Hab.: Rochers à Minelli, à la limite de la mer. Anse Saint- Nicolas. Rade de Porto-Vecchio.— Juillet. Ar. geog.: Médit., Adriat. 131. Ch. linum Kurz., Phyc. Germ., 204, et Spec., alg., 318: 42 MÉMOIRES ORIGINAUX. Conferva linum Ac., Syst., 97; J. AG., Alg. Medit., 12; Monis et ne Nor., Flor. Capr., 213. Hab.: Les eaux tranquilles dans l’anse Saint-Nicolas. Rejeté en abondance sur la plage après les coups de mer, en janvier et février. Ar. geog.: Médit., Adriat.; Oc. Atlant. et Mer du Nord. 132. Ch. ærea Kurz., Spec. alg., 379 ; Conferva ærea DILLWN. tab. 80 ; AG., Syst., pag. 100 ; J. AG., Alg. Mediüt., 12. Hab : Sur les rochers, à la limite de la mer, et les petites flaques recouvertes par les lames. —C. à Minelli. Ar. geog.: Méd., Adriat.; Oc. Atlant. 133. Ch. crassa Kurz., Spec. alg., 379 ; Conferva crassa AG., Syst Alg., pag. 99; J. AG., Alg. Medit., 12; Conferva linum Harvey, Phyc. Brit., non AG. Hab. : Eaux tranquilles dans l’anse Saint-Nicolas. R. — $e trouve sur la plage apres les coups de mer. Ar. geog.: Médit., Adriat. ; Oc. Atlant. et mer du Nord. (La fin au prochain fascicule). MÉMOIRE TOPOGRAPHIE GÉOLOGIQUE DES ENVIRONS D'AIGUES-MORTES, Par M. Charles MARTINS, Professeur d'Histoire Naturelle à la Faculté de médecine de Montpellier, Correspondant de l'Institut. (Avec une Carte.) Avant d'aborder la description desenvirons de cette ville, nous devons jeter un coup d'œil général sur le delta du Rhône, dont le territoire d'Aigues-Mortes est une dépendance connue sous le nom de petite Camargue. | Né sur le versant occidental du Saint-Gothard, au pied du gla- cier qui porte son nom, le Rhône parcourt le Valais dans toute sa longueur; puis, tournant à angle droit vers le N.-0., il entre dans le lac Léman, où il donne naissance à un delta lacustre qui continue la vallée du Valais, de Saint-Maurice à Villeneuve. En entrant dans le lac Léman, ce fleuve, encore torrentiel, y dépose toutes les impuretés dont il était chargé. À Genève, en sortant du lac, ses eaux pures et transparentes, d’un bleu indigo, font l’admi- ration des voyageurs; mais déjà, au bout d’un kilomètre, l’Arve impétueuse, descendue des glaciers du Mont-Blanc, lance ses eaux troubles au mileu de cet azur. Pendant quelque temps, les deux courants coulent l’un à côté de l’autre sans se confondre, mais bientôt ils se mêlent, et les eaux du Rhône deviennent limoneu- ses; elles ne sepurifieront plus, car successivement l’Ain, la Saône, l'Isère, la Drôme, l'Ardèche et la Durance lui apportent le tribut de leurs eaux plus ou moins chargées de matières étrangères. La pente du Rhône n’est pas uniforme; elle varie dans les diffé- rentes sections de son parcours. La source du fleuve est à 1 760 mètres au-dessus de la mer, et jusqu'à son entrée dans le lac Léman la pente est de 7 mètres par kilomètre; de la sortie du lac à Lyon, elle se réduit à 1 mètre par kilomètre; de Lyon à 44 MÉMOIRES ORIGINAUX. Valence, à 0,51; elle augmente de Valence à Avignon et atteint 0,64; à Beaucaire elle n’est plus que de 0°,30, et à Arles de 0®,12 par kilomètre. Ainsi, le torrentimpétueux qui se précipite du Saint-Gothard au lac de Genève devient, dans les plaines de la Provence, un fleuve majestueux dont le cours se ralentit à mesure qu'il approche de son terme. Ce ralentissement nous explique la formation du delta de la Camargue. À Arles, le niveau moyen du Rhône est seulement à 17,04 au- dessus du niveau moyen des eaux de la mer. Près de cette ville, le fleuve se divise en deux branches dont l’une, occidentale, plus petite et au cours sinueux, passe à Saint-Gilles et se jette dans la l Méditerranée, près des Saintes-Maries: c’est le petit Rhône; l’au- tre, orientale, plus considérable, continuant le cours du fleuve sous le nom de grand Rhône, va directement à la mer en s’inclinant vers l'Orient. Le grand Rhône a plusieurs fois changé de lit. Dans ses for- tes crues, il se déplaçait et se promenait pour ainsi dire dans le delta qu'il avait formé. Ce delta est son œuvre. Grâce au ralentis- sement de son cours, il ne charrie plus de cailloux à partir d'Arles, mais seulement du limon; et, d’après des mesures directes in- stituées près de cette ville par M. Surell, le fleuve verse annuelle- ment à la mer un volume de 54 milliards 236 millions de mètres cubes d’eau contenant 21 millions de mètres cubes de limon, savoir : 17 millions pour le grand Rhône, et 4 millions pour le petit. Aussi le delta du Rhône a-t-il rapidement progressé. Les témoignages concordants de Polybe, Strabon, Pline l’Ancien et Ptolémée prouvent que 400 ans avant J.-C. le delta s’avançait beaucoup moins dans la mer. Ainsi, 400 ans avant J.-C., la dis- tance d'Arles à l'embouchure du Rhône, appelée Gradus Massali- torum, était de 16 milles (24 kilom.); actuellement l'embouchure du Rhône est à 50 kilom. d’Arles. En vingt-deux siècles le Delta s’est donc avancé de 26 kilomètres. La progression ne s'est pas ralentie dans les temps modernes, car la tour Saint-Louis, élevée en 1737 près de l'embouchure ouverte en 1711, en est éloignée maintenant de 6 kilometres. > Qt TOPOGRAPHIE GÉOLOGIQUE DES ENVIRONS D AIGUES-MORTES. I. L'APPAREIL LITTORAL DEPUIS AIGUES-MORTES JUSQU’A CETTE. Si le grand Rhône a créé l’île de la Camargue, le petit Rhône et la Durance ont formé la portion occidentale des atterrisse- ments connue sous le nom de petite Camargue, et l’appareil littoral qui s'étend du Grau d’Orgon, près des Saintes-Maries, jusqu'à Cette. Le petit Rhône se sépare de la branche principale à Arles même, vis-à-vis du village de Fourques, dont le nom, dérivé du latin furca, fourche, exprime parfaitement l’apparence du fleuve se bifurquant sous un angle très-aigu. Actuellement le petit Rhône coule d’abord vers l’O., puis tourne au S$., passe près de la ville de Saint-Gilles, et par un cours sinueux arrive à la mer, où il se jette non loin du village des Saintes-Maries. Son embouchure se nomme le Grau d’Orgon. Le cours de cette branche a changé, comme celui du grand Rhône. Au moyen âge, elle traversait les étangs qui entourent Saint-Gilles, passait à Aigues-Morles, communiquait avec l’étang de Mauguio au S.-E. de Montpellier, el par lui avec ceux de Maguelone et le grand lac salé appelé étang de Thau, qui sépare la ville de Cette de la terre ferme. Ce grand étang était appelé Taphrum ou Taurum par les anciens, et cette bouche du Rhône portait le nom d’Os- tium hispaniense. Deux cartes manuscrites‘ de la Bibliothèque nationale, l’une de 1583 par Gaspard Viegas, l’autre de 1584 par Bartolomé Olivès (de Majorque), nous montrent le petit Rhône se jetant en contournant l’île de Maguelone, premier emplacement de la ville de Montpellier. La carte esquissée par Jean Bompar en 1591 est encore plus précieuse (voyez le cartouche de notre Carte): elle représente les deux embouchures du grand Rhône, et le petit divisé en quatre branches. La ville d’Aigues-Mortes est située sur la rive droite de l’une de ces branches, non loin de son em- bouchure dans la mer. PQ ee nn Ve AE ne CNP. be Vs 1 Voy. Desjardins ; Aperçu historique des embouchures du Rhône, in-4e, 1866, PI. XII, fig. 1, 2 et 3. 46 MÉMOIRES ORIGINAUX. La géologie témoigne encore des apports du Rhône dans la région des marais salants qui séparent Montpellier de la mer. On trouve sur la plage des cailloux roulés formés des débris des quartzites, des porphyres, des silex, des schistes alpins et des serpentines, euphotides et variolites, roches dures d’un beau vert, caractéristiques du mont Genèvre, où la Durance prend sa source. Sous nos y.ux, elle les charrie jusqu’au Rhône, qu’elle rejoint au-dessous d'Avignon. Autrefois l'embouchure était plus bas, très-près d'Arles; ou plutôt, de même qu'il y a plusieurs Rhônes, il y avait plusieurs Durances. L’une était la Durance actuelle, l’autre coulait entre le petit groupe de collines appelé la Montagnette, au S. d'Avignon, et les Alpines. La roubine de la vidange et le canal du Viguierat, qui se continue avec celui d'Arles à Bouc, dessinent approximativement le cours de cette Durance. Elle était navigable; ce qui le prouve, c’est une in- scription tumulaire trouvée à Saint-Gabriel, village situé à l’angle occidental des Alpines. Saint-Gabriel est l’£rnaginum des Romains, et l'inscription funéraire est consacrée à la mémoire d’un certain Fronton, curateur des marins de la Durance et du corps des ulriculaires d’Ernaginum. L'inscription porte : NAUTARUM DRUEN- TICORUM ET UTRICVLAR. CORP. ERNAGINENSIUM JVLIA NICE VXOR CONJUGI CARISSIMO. M. J. Gilles' conclut de cette inscription qu'il y avait plusieurs Durances, et que Fronton faisait partie d’un corps de bateliers qui naviguaient sur les Durances, montés sur des barques ou des radeaux allégés par des outres. M. Des- jardins? conteste cette interprétation. Si, dit-il, l'inscription signifiait qu'il y avait plusieurs Durances, on lirait DRUENTIARUM et non DruENTIcOoRUM. Il n'y avait donc qu'un bras de la Du- rance qui passait à Ærnaginum (Saint-Gabriel). M. Desjardins ne donne pas non plus au mot wtriculariorum le même sens que M. Gilles. Les utriculaires étaient, dit-il, des fabricants d'outres qui servaient non à alléger des bateaux, mais à contenir l’huile 4 Les fosses Mariannes et le canal de Saint-Louis, Marseille, 1869. 2 Bulletin de la Société de géographie, août 1869; et en tirage à part, un volume in-40 intitulé Rhône et Danube. 1870. TOPOGRAPHIE GÉOLOGIQUE DES ENVIRONS D AIGUES-MORTES, 47 ou le vin. Pour moi, géologue, le point important c'est que ces deux antiquaires soient d'accord en affirmant qu'à l’époque romaine un bras de la Durance passait à Saint-Gabriel. M. Des- jardins, dans son Mémoire, montre que l'étude des routes romaines d’après la table de Peutinger, l’Itinéraire d’Antonin, l’Itinéraire hyérosolymitain et les vases apollinaires prouvent qu'Ernaginum (Saint-Gabriel) était un port fluviatile sur une branche de la Durance. Cet auteur donne même, pag. 19, une Carte qui représente la Durance se bifurquant à Cavaillon en deux branches dont l’une, représentée par son cours actuel, se jette dans le Rhône au-dessous d'Avignon; l’autre, contournant les Alpines au N., passait à Saint-Gabriel (£rnaginwm) et se jetait près d'Arles dans le grand Rhône en face du petit Rhône. Il y avait en outre, suivant M. Desjardins, une dérivation qui, partant de l’embou- chure de la branche avignonaise dans ce fleuve, contournait à l'E. la Montagnette et rejoignait la branche arlésienne à £rna- ginum. Tarascon se trouvait alors dans une ile, et les itinéraires prouvent qu'il n y avait pas de pont entre Beaucaire (Ugernum) et Tarascon (Tarasco), mais il y en avait un à Arles, où l’on était obligé de passer pour aller de Beaucaire à Saint-Gabriel. La géologie confirme les données de l’archéologie. En effet, actuellement les cailloux de variolite et de serpentine que la Durance amène jusqu’à son embouchure dans le Rhône ne sont pas transportés plus loin par ce fleuve, qui d’ailleurs, à partir de Beaucaire, ne charrie plus que du limon. Or, nous retrouvons ces variolites, roche caractéristique de la Durance, le seul affluent du Rhône où elles s’observent répandues sur toute la longueur de la côte depuis Aïgues-Mortes jusqu'à Cette. La présence de ces cailloux nous montre la part que le petit Rhône, prolongement de la Durance, a prise à la formation de l’appareil littoral qui s'étend d’une ville à l’autre. Ces variolites ont été observées d’abord sur l’ancienne digue de la Peyrade marquée d sur notre Carte, qui est contemporaine de la construction des remparts d’Aigues-Mortes par Philippe le Hardi (1272) : elles entraient dans la composition du béton, qui relie les pierres de taille. On crut y reconnaître du 48 MÉMOIRES ORIGINAUX. lest génois. En effet, dans le moyen âge les navires génois fré- quentaient le port d’Aigues-Mortes. Mais je me suis assuré, ainsi que mon ami le professeur Gastaldi, qu’à Gênes et tout le long de la Riviera les galets de la plage sont exclusivement calcaires. Cette explication doit donc être abandonnée, et les cailloux de variolite de la Peyrade proviennent de la Durance, qui les versait dans le Rhône, précisément en face du point où le petit Rhône se détache de la branche principale. En effet, ces variolites existent en abondance sur le premier cor- don littoral à 3 kilom. au N. d’Aigues-Mortes, près du pont qui traverse le canal de Beaucaire (Voy. la Carte). On y trouve, à l’état de petits cailloux aplatis, des serpentines, des variolites, des quartz, des quartzites mêlés à des tufs coquilliers et des plaques ds grès de formation récente telles qu’on les observe actuellement sur les bords de la mer à Palavas. Ces lits de cailloux sont surmontés de dunes composées de sable fin, à la base desquelles on recueille des espèces de coquilles marines admirablement conservées, qui vi- vent encore actuellement au bord de la mer. Je citerai : Cardium tuberculatum L., C.edule L., Pectunculus glycimeris Lam.,Cytheræa Chione Lam., Mactra stultorum L., Natica olla M. deSerres, Ostrea, elc. Plus loin vers l’E., sur le même cordon littoral, à la ferme du petit Saint-Jean, nous avons trouvé Cerithium vulgatum L., Solen strigulatus L., Murex brandaris L., M. erinaceus L. À l’au- tre extrémité de ce cordon littoral près de l'étang de Mauguio, aux environs de la ferme de Chaumont, les cailloux et les coquil- les sont extrêmement abondants et forment de véritables plages de galets et de grès récents au pied des dunes de sable et par- tout où celui-ci a été balayé par le vent. Ce sont également des serpentines, des variolites, des quartzites, des porphyres quart- zifères, des silex noirs et blancs. Ainsi nous voyons une longue dune rectiligne, distante à sa partie moyenne de 15 kil. de la mer actuelle, s'étendant de l’O. à l’E. depuis l'extrémité occi- dentale du golfe d’Aigues-Mortes, où elle se raccorde avec la plage actuelle, jusqu'au petit Rhône près de Sylvaréal, sur une longueur de 2? kil. Elle est formée par les cailloux du Rhône et TOPOGRAPHIE GÉOLOGIQUE DES ENVIRONS D'AIGUES-MORTES. 49 de la Durance, réduits en grande partie à l’état de sable siliceux par le mouvement des vagues, et mêlés aux coquilles qui vivaient sur le littoral; aussi est-ce à la base et au-dessous des dunes qu’il faut chercher les cailloux et les coquilles; la dune elle- même se compose uniquement de sable fin, transporté et déplacé par les vents. Pour étudier le second cordon littoral sur lequel la ville d’Aigues-Mortes est bâtie, 1l faut se diriger immédiatement vers l'O. en suivant l’ancienne route de Montpellier, connue sous le nom de Chemin de la Pataquière. Ge chemin est tracé sur une ancienne plage de galets appartenant à toutes les espèces de roches que nous avons mentionnées, et mêlés à des tufs coquil- liers et à des coquilles d'espèces encore vivantes. Ces graviers sont exploités pour les constructions en béton de la ville d’Aigues- Mortes, et ceux de la Peyrade en proviennent. Près du Vidourle _canalisé, ces galets disparaissent sous les dunes sablonneuses, mais ils reparaissent à la ferme de Chaumont, où le second cor- don littoral rejoint le premier. Je les ai suivis jusqu’au Canalet, qui forme la limite des départements du Gard et de l'Hérault. Le troisième cordon littoral qui s'étend des tombes de Croisés, marquées é sur la carte, au Rhône mort de la ville, se compose de dunes sablonneuses où l’on observe quelques coquilles ; mais on n'y trouve pas de cailloux. Lorsqu'il s’est formé, le Rhône affaibli ne charriait plus que du limon, comme il le fait aujour- d’'hui. Même dans l’inondation du 4 novembre 1840, où le petit Rhône, rompant ses digues, arriva de nouveau à Aigues-Mortes et entoura ses remparts d’une nappe d’eau de ? mètres de hauteur, il ne transporta pas un seul caillou et ne laissa que du limon comme trace de son passage. Comme la plage actuelle, ce troisième cordon a été formé par les limons du Rhône, amenés directement ou versés dans la mer par ses embouchures et entraînés par le courant littoral. La plaine unie qui sépare le troisième cordon du second, entre l’étang de la Marette et le Canalet, est uniquement formée de couches de limon superposées. IL. LR 50 MÉMOIRES ORIGINAUX. Le rivage actuel conslitue le quaWième cordon littoral; la plage est uniquement sablonneuse , mais aux environs de l’ancien Grau de Melgueil, qui mettait autrefois l’élang de Mauguio en communi- cation avec la mer, on remarque des terrasses basses placées sous les dunes. Ces terrasses sont dans le prolongement du premier et du second cordon littoral, et se composent de cailloux roulés parmi lesquels se trouvent des variolites et des serpentines parfaitement caractérisées ; les autres roches sont des porphyres rouges, verts ou rubanés. Ces roches, et en particulier les serpentines et les variolites, se retrouvent de nouveau avant d'arriver au Grau de Pérols. Entre ce point et Palavas, je n’ai pas remarqué l'existence de ces cailloux, mais je n’oserais affirmer qu'ils ne peuvent pas s’y rencontrer. Au-delà de Palavas’, les cailloux verts reparais- sent au pied des dunes mêlés à des porphyres rouges, des quart- zites blonds et des silex blancs. Plus loin, ces serpentines et ces variolites s’accompagnent toujours de quartzites blancs, et en outre de protogine, de fragments de schistes noirs traversés par des veines de spath calcaire. Après avoir dépassé Maguelone, on arrive à une longue terrasse de 1 500 mètres de longueur, com- posée uniquement de cailloux, sur laquelle était bâtie la caserne des Douanes appelée poste Philippe, qui envahie par la merà partir de 1864, a été détruite par la tempête des 24 et 25 décembre 1870. Le seul pan de mur qui soit resté est dans l’eau, et le cordon littoral aminci tend à disparaitre totalement. Cette terrasse de cailloux se compose de roches diverses, protogine confusément ceristallisée , serpentine avec diallage, quartzite verdâtre pétrosiliceux, quartzite blanc, jaune, grès-poudingues roses, silex rouges et bruns, schistes rouges siliceux, etc. Du . poste Philippe au poste des Aresquiers: serpentines, quartzites ver- dâtres, jaunes et veinés, schistes argileux, roches amygdaloïdes volcaniques, et argiles cuites. Entre le poste des Aresquiers et celui de Morin, serpentines avec diallage, quelques variolites, laves volcaniques percées par des pholades. Enfin, du posteMorin 1 Voy. la Carte hydrographique d \ Dépôt de la marine, no 1134. TOPOGRAPHIE GÉOLOGIQUE DES ENVIRONS D'AIGUES-MORTES. o1 aux enrochements du chemin de fer de Ceëile à Montpellier, tou- jours des variolites avec quartzites, serpentines, silex noirs, laves d’origine ignée, amygdaloïdes et ponces volcaniques. Ces roches sont si communes sur cette portion du cordon littoral, qu’il m'est impossible de ne pas soupçonner, avec M. Duval-Jouve, que le grand banc de roches sous-marines situé en face à une faible distance ne porte pas un bouton volcanique analogue à ceux du fort Brescou et de Montferrier. Ce qui me confirme dans cette idée, c’est que la Carte hydrographique des côtes de France, n° 1134, ne porte que sur un seul point de ce banc l'indication «roche calcaire blanche»; mais sur les autres celle de tuf blanc, jaune, vase noire, et que la même Carte ne signale pas la nature volcanique des roches de la Conque près du Cap d’Agde et du fort Brescou, qui se prolongent sous la mer, entre l’île et la terre ferme. En résumé, l'existence de cailloux roulés et de galets de variolite, de serpentine, de porphyres, de quartzite, de schistes métamorphiques depuis Aigues-Mortes jusqu’à Cette, tout le long du cordon littoral, nous prouve que ces terrains de transport sont l’œuvre commune du petit Rhône et de la Durance, qui ont charrié directement jusque-là les roches dures des Alpes françaises. La présence de la variolite, espèce caractéristique de la Durance, nous montre la part considérable de cette rivière dans la formation de l’extrémité occidentale du delta du Rhône; elle prouve l’exacti- tude des Portulans manuscrits de Bartolomé Olivès (de Mayorque) de 1584, et de Gaspar Virgas de 1534, qui tous deux nous repré- sentent une branche du Rhône débouchant dans la mer près de Maguelone ‘, et confirme le témoignage de Festus Avienus, écrivain de la fin du vr° siècle après J.-C., qui parle de la mon- tagne de Cette (Mons Setius) et de l’étang de Thau (Taphrum) comme voisins du Rhône, dont cette embouchure prenait le nom d’Ostium hispaniense. Les cours d’eau secondaires, tels que le Vidourle et le Lez, 1 Voy. Desjardins ; PI. XII fig. 1 et 2. 52 MÉMOIRES ORIGINAUX. ont contribué pour leur part à la formation du delta. Leur insi- gnifiance actuelle n’est point un argument à invoquer, car la carte d'Émilien Dumas nous montre les alluvions du Vidourle couvrant entre Lunel et le Caylar une zone de 7 kilomètres de largeur. Sur la Carte géologique des environs de Montpellier, par M. de Rouville, nous voyons les tufs post-pliocènes déposés par le Lez s'étendre entre la route de Montpellier à Ganges et le village de Castelnau, sur une largeur de près de 5 kilomètres. Uni à la Mosson, c’est le Lez qui avant d’être canalisé a formé la plaine alluviale de Lattes et de Gramenet, ainsi que l’isthme qui, aboutissant à Palavas au cordon littoral, sépare l'étang de Pérols de celui de l’Arnel ou de Maguelone. Le sable même qui compose la plage et forme les dunes ren- ferme en moyenne 60 à 70 pour cent de silice’, résultat de la trituration des roches siliceuses, tandis que la proportion de cal- caire est due à la trituration des coquilles et des bancs calcaires sous-marins qui règnent sur une partie de la côte. Ces dépôts de cailloux, alpins en général, et de la variolite du mont Genèvre en particulier, n'ont rien de commun avec le diluvium de la Crau, résultat de la fusion des glaciers, et par con- séquent antérieur à la formation de l’appareil littoral. En effet, on ne trouve pas de variolites même dans les parties les plus rapprochées de la plage, à Pérols par exemple. Si l’on étudie ce diluvium sur le plateau de Grammont, près de Montpellier, où il se continue sans interruption avec la Crau des environs de Beau- caire, on trouve que ce diluvium se compose de quartzites roux, blancs et rouges, de quartz blancs, de silex pyromaques, puis de schistes argileux métamorphiques ; mais on n’y découvre jamais ni serpentine, ni variolite, ni roches volcaniques. Le diluvium de la Crau et le terrain d’atterrissement sont deux formations distinctes non contemporaines qui se rencontrent sur certains points, mais ne se confondent jamais. 1 Voy. Regy; Mémoire sur l'amélioration du littoral dans le département de l'Hérault. (Annales des Ponts et Chaussées, 1863.) TOPOGRAPHIE GÉOLOGIQUE DES ENVIRONS D AIGUES-MORTES. b3 Il.-— FORMATION ET ASPECT DU TERRITOIRE D AIGUES-MORTES. Le voyageur qui descend à la station de Lunel, entre Nimes et Montpellier, se trouve au pied d’une rangée de collines composées de calcaire néocomien, de molasse marine, de terrain lacus- tre, et revêtues d’un manteau de diluvium de la Crau. On prenait autrefois, avant l'établissement du chemin de fer de Lunel à Aiïgues-Mortes, une route qui permettait de se faire une juste idée des alentours de cette ville. Cette route traverse d’abord une plaine unie, plantée de céréales et de vignes, nivelée par les allu- vions du Vidourle; elle longe le beau village de Marsillargues et arrive aux bords du Vidourle (voyez la Carte). Jadis torrentielle, aujourd'hui canalisée, cette rivière, au lieu de se perdre inutile- ment dans l’étang de Mauguio, a été dirigée en 1833 vers l'étang du Repausset, dont ses atterrissements ont déjà diminué la profon- deur; ils ont même formé une ile connue sous le nom d'ile de Montagu. Après avoir passé Le pont du Vidourle, la route traverse le village de Saint-Laurent-d’Aigouze. La plaine uniforme s'étend à perte de vue; mais la tour de Constance, qui s'élève à l’hori- zon, signale au voyageur le but de son excursion. Bientôt il se voit entouré de marais couverts de roseaux qui leur donnent l’as- pect d’une prairie, et après avoir franchi la petite rivière du Vistre, également canalisée, il aperçoit sur la gauche une éminence au sommet de laquelle s’élèvent les ruines de l’ancienne abbaye de Psalmodi, à laquelle saint Louis acheta en 1248 le territoire où il voulait fonder la ville d’Aigues-Mortes. Gette colline est cou- verte de cailloux semblables à ceux de la Crau, et forme un ilot de diluvium ancien au milieu du terrain d’alluvion moderne de la plaine environnante. À partir de ce point, la route est con- struite sur une chaussée élevée au-dessus des marais qui l’en- tourent des deux côtés, et l’on se trouve en face de la Tour Car- bonnière, ouvrage avancé des fortifications d’Aigues-Mortes. La roule passait autrefois sous la tour, qu’elle contourne aujourd'hui. Tout le pays étant couvert de marais impraticables, ce passage 54 MÉMOIRES ORIGINAUX. était le seul par lequel on pouvait arriver à Aigues-Mortes en venant de Nimes ou de Montpellier. La tour Carbonniere est la préface des fortifications d’Aigues-Mortes, et prépare le visiteur à admirer les vieux remparts qui entourent la ville. Avant d’en apercevoir les murs, nous reconnaissons l'empreinte géologique du mode de formation de la petite Camargue. La route coupe une longue colline, sablonneuse remplie de coquilles ma- rines et couverte de pins pignons, de chênes et de peupliers blancs, qui s'étend de l'E. à l’O. (voy. la Carte). C’est la première des anciennes dunes dont nous avons déjà parlé; elle porte le nom de Pinède et sa partie orientale celui de Sylve Godesque; elle est rectiligne, car, lorsqu'elle bordait la mer, le golfe d’Aigues-Mortes n'existait pas encore. À ce cordon littoral en succède un second sur lequel la ville a été bâtie ; la courbure de ce cordon est paral- lèle à celle de la côte. Un troisième rang de dunes, concentrique. an second, existe entre la ville et la mer ; il est remarquable par la hauteur de quelques-unes de ses dunes: un quatrième enfin suit les contours de la plage. C'est entre ces rangées de dunes que se trouvent les marais salants qui avoisinent Aïgues-Mortes, comme on peut le voir sur notre Carte. Le mode de formation de ces ma- rais, combiné avec les anciens atlerrissements du Rhône et ceux plus modernes du Vidourle et du Vistre, nous fera comprendre la configuration de ce territoire que ces trois cours d’eau ont conquis sur la mer. Les limons que les embouchures du Rhône versent dans la Médi- terranée nerestent pas immobiles au fond des eaux où le fleuve les a déposés; ils sont saisis par un courant littoral dont la force est accrue par les vents du S.-E. qui soufflent si souvent et avec tant de violence dans ces parages. L’existence de ce courant a été con- statée par les hydrographes, depuis Marseille jusqu’à Port-Vendres. Les sables et les limons entraînés de l'E. à l'O. s'accumulent du côté du couchant sur les saillies formées par les alluvions ter- restres. Ces saillies jouent le rôle de l’amorce d’une digue que les apports du courant se chargeront de continuer. À mesure que le nouveau cordon littoral s’avance de l'E. à l'O., il sépare du TOPOGRAPHIE GÉOLOGIQUE DES ENVIRONS D AIGUES-MORTES, 09 large la portion de mer qui remplit la concavité du rivage, et la convertit d'abord en une anse ouverte vers l'O. Les sables conti- nuant à s’accumuler à l'extrémité de cette jetée naturelle, l’anse se creuse et devient à la longue une surface d’eau salée commu- niquant avec la pleine mer par une ouverture étroite appelée Grau. Nous avons alors sous les yeux un marais salant, comme il y en a tant d'exemples sur tout le littoral languedocien, depuis les embouchures du Rhône jusqu'à celles de l’Aude. Enfin la dernière ouverture finit par se fermer, le cordon littoral est achevé et sépare complétement l'étang salé de la mer. Telle est l’origine des étangs saumâtres qui entourent la ville d’Aigues-Mortes; tous sont situés entre les anciennes dunes que nous avons décrites. Des milliers d’années sont nécessaires pour achever un pareil travail, à la condition qu'un fleuve amène constamment le tribut de ses apports au lieu même où le cordon littoral se forme. Le petit Rhône ne passant plus à Aigues-Mortes depuis le xve siècle, les contours du rivage sont restés tels qu'ils étaient au temps de saint Louis. Cependant les limons versés dans la mer par le petit Rhône, à raison de 4 millions de mètres cubes par an, entraînés par le courant marin dont nous avons parlé, viennent s’accumuler à la pointe de l’Espiguette, qui s’avance dans la mer à l'E. d’Ai- gues-Mortes (voyez la Carte). La langue de terre dont elle forme la partie saillante porte le nom significatif de Terre neuve. Un phare a été construit récemment sur cette pointe par M. Ch. Len- théric, ingénieur des/ponis et chaussées. Des mesures exactes lui ont permis de constater que depuis 1869, année de l’achève- ment du phare, celui-ci est déjà de 40 mètres plus éloigné du rivage qu'il ne l'était à l’époque où il fut allumé. Actuellement nous constatons, pour l'instruction des générations futures, que le 5 février 1874, avec une mer calme el un léger vent de N.-E., le centre du phare de l’Espiguette était éloigné de la partie la plus rapprochée du rivage de 159 mètres. Dans cent ans, le phare sera à { 000 mètres environ du rivage, et dans dix-huit siècles, si la mer ne détruisait pas souvent dans ses colères les travaux qu'elle à accomplis pendant le calme, ce cordon pourrait rejoindre la côte 56 MÉMOIRES ORIGINAUX. à la hauteur des villages de Pérols et de Palavas, non loin de Montpellier. Alors le golfe d’Aigues-Mortes sera un marais salant séparé de la mer comme ceux de Mauguio ou du Repausset; mais ces atterrissements, sensibles à l’ouverture du golfe, ne le sont pas dans sa concavité, qui n’a pas changé depuis le xi° siècle. Ily a plus: dans les parties de la côte sablonneuse qui sont en retrait sur les autres, la mer démolit souvent les dunes par les gros temps, et la plage recule, au lieu d'avancer. Ainsi deux redoutes, bâties sous Louis XIV à l'entrée du grau d’Orgon et du Grau-Neuf, sont maintenant dans la mer à une certaine distance du rivage. Il est une erreur géologique émise d’abord par les premiers historiens du Languedoc, Guillaume de Castel' et Pierre d'An- doque *, reproduite en 1656 par la Gallia christiana® et une foule d'auteurs, y compris les dictionnaires géographiques les plus récents, enseignée encore dans les cours de nos écoles offi- cielles, et généralement admise par tout le monde, qui se formule ainsi : Aigues-Mortes était un port de mer, puisque saint Louis s’y est embarqué; or Aigues-Mortes n’est plus sur le bord de la mer : donc la mer s’est retirée. Cette erreur repose sur deux faits positifs mal compris et mal interprétés. Le premier, c'est que saint Louis est parti en 1248 d’Aigues-Mortes pour la Terre- Sainte; en résulte-t-il nécessairement qu’Aigues-Mortes fût un port de mer? Londres, Liverpool, Rouen, Bordeaux, Nantes, Hambourg, Venise, sont des ports d'embarquement, et ne sont pas des ports de mer. Saint Louis s’est embarqué à Aïgues-Mortes, et nous dirons quel trajet il a suivi pour arriver à la mer. Le second fait, qu’on admet comme probant, c’est qu'on voit encore au pied des remparts, du côté du midi, de gros an- A neaux scellés dans la pierre et qui devaient servir, dit-on, à ! Mémoires de l’histoire de Languedoc. 1633. 2 Histoire du Languedoc, avec l’état des provinces voisines. 1648. 3 « Civitas aquarum mortuarum quæ fuit ædificata tempore regis Sti Ludovici. quia tunc erat ibi maris portus ; distat nunc pelagus ab eadem civitate miliario et amplius tractuque temporis ampliori spatio distabit », tom. VI, col. 432.— Édition de 1739. TOPOGRAPHIE GÉOLOGIQUE DES ENVIRONS D AIGUES-MORTES. 57 amarrer les navires; mais le quai qui les sépare de l'étang de la Ville est un remblai des terres enlevées pour creuser le canal d’Aigues-Mortes à Beaucaire sous le règne de Louis XVI: ces anneaux servaient à amarrer les barques qui cireulaient sur l'étang. Cependant, déjà en 1779, Pouget, dans le Journal de phy- sique, niait que la mer eût jamais baigné les murailles d’Aigues- Mortes. L'auteur d’une excellente histoire d’Aigues-Mortes, M. di Pietro, donnait de nouvelles preuves à l’appui de cette opinion dans la première édition de son ouvrage parue en 1821. M. Del- eros, le savant ingénieur géographe, l’appuyait de son témoignage”. Depuis, elle a été soutenue par Mérimée ?, par M. de Villeneuve ”, enfin par M. Élie de Beaumont, avec toute l'autorité qui s'attache à son nom. Les archives de la ville d’Aigues-Mortes renferment des documents dont M. Ch. Lenthéric a donné l’énu- mération dans un travail spécial * : ils remontent à 1284 et con- cernent les étangs situés entre la ville et la mer. Ces étangs sont dénommés dans ces actes comme ils le sont encore actueliement: donc ils existaient à cette époque. La plage de Boucanet, qui borde la mer, y porte le nom qu’elle a conservé jusqu’à nos jours. Ce qui est vrai, c’est que les différents bras du Rhône qui avaient amené les alluvions dont se compose le sol d’Aigues-Mortes se sont suc- cessivement éteints: d’où les dénominations de Rhône mort de la . ville, Rhône mort de Saint-Roman, que portent aujourd’hui leurs lits qui débouchent dans l'étang de Repos (voyez la Carte). Enfin, l’art venant au secours de la nature, le Rhône mort de la ville, qui inondait les salines de Peccais appartenant à l'État, fut détourné, en 1532, par ordre de François [° et jeté directement dans le Grau-Neuf, ensablé depuis. Un dernier témoignage qui atteste que la mer n'a jamais baïigné les remparts d’Aigues- Mortes, c’est une ancienne digue appelée la Peyrade, distante de 1 Bulletin de la Société de géographie, du 20 janvier 1831. 2 Notes d’un voyage dans le Midi de la France, pag. 351. 3 Histoire de saint Louis, tom. II, pag. 528. 4 Lecons de géologie pratique, tom. I, pag. 384. $ Le littoral d'Aigues-Mortes au treizième et au quatorzième siècle. Nimes, 1870. 58 MÉMOIRES ORIGINAUX. deux kilomètres de la ville et marquée d sur notre Carte. La longueur de la partie encore apparente de cette digue est de 300 mètres ; elle longeait l’ancienne roubine qui se rendait à la mer, et elle aboutit à la rive gauche du grand et large chenal actuel par lequel le bassin ou port d’Aigues-Mortes communique avec la mer par le Grau du Roi, appelé ainsi en l'honneur de Louis XV, sous le règne duquel les travaux commencèrent. La Peyrade est composée de pierres provenant de la carrière de Roque partide, ouverte dans les collines néocomiennes au N. de Beaucaire, qui ont également fourni celles des remparts. Les unes et les autres sont descendues par le grand Rhône de Beaucaire à Arles; par le petit Rhône d’Arles à Saint-Gilles, et par la branche occidentale, alors existante, de Saint-Gilles à Aigues-Mortes. La hauteur des assises, l’appareillage, les signes lapidaires sont les mêmes que ceux des remparts. La construction de la Peyrade doit donc être contemporaine de celle des fortifications en 1272, et remonter au règne de Philippe le Hardi. Des enrochements considérables défendaient cette digue du côté du large; elle était destinée à protéger les bateaux qui naviguaient dans l'étang du Repausset et venaient aborder par l'étang de la Ville à la porte marine des remparts d’Aigues-Mortes. Saint Louis ne s’est pas embarqué à Aigues-Mortes même, sur le vaisseau qui devait le transporter en Afrique. La ville ne com- muniquait avec la mer que par des étangs peu profonds. À Aigues-Mortes, le Roi est monté sur une embarcation d’un fable tirant d’eau, il a traversé l'étang de la Marette, suivi un canal dont on retrouve encore les traces, et longé l'étang du Repausset pour débouquer par le grau Louis aujourd’hui fermé, où sa flotte l’attendait mouillée dans la rade d’Aigues-Mortes. Ce trajet est indiqué sur notre Carte, et l’on peut voir pour plus de détails l’article inséré dans la Revue des Deuæ-Mondes du 15 février 1874. On a quelquefois comparé Aigues-Mortes à Ostie, l’ancien port de Rome. En effet, les deux villes sont situées dans un delta : Ostie sur les bords du Tibre, toujours navigable ; Aigues-Mortes sur ceux d'un bras du Rhône éteint depuis quatre siècles. L'ana- TOPOGRAPHIE GÉOLOGIQUE DES ENVIRONS D AIGUES-MORTES. 09 logie s'arrête là, car Aigues-Mortes est toujours à la même dis- tance de la côte depuis les temps historiques, tandis que celle d’Ostie à la mer a considérablement augmenté. Le Tibre aux eaux jaunâtres (flavus Tiber), prolongeant son delta, a déposé dans ses énormes crues! les couches de limon qui ont enseveli Ostie et préservé ses édifices, comme les cendres du Vésuve nous ont con- servé ceux de Pompéi. J'ai visité ces ruines l’année dernière. Gräce à la sollicitude éclairée du gouverment italien, les fouilles commencées en 1855 par Pie IX sont poursuivies activement, Les fondements d’une ville romaine ont été restitués au jour. Un tem- ple grandiose, une voie des tombeaux, une rue de 150 mêtres de long aboutissant au Tibre et bordée d’arcades sous lesquelles s’ou- vrent des magasins renfermant d'énormes amphores enierrées dans le sol, régulièrement alignées et remplies de céréales, une belle maison particulière contenant des bassins ornés de colonnes encore debout, et une chapelle consacrée au culte de Mitra: tels sont les restes de l’Ostie impériale que ces fouilles ont découverts jus- qu'ici”. Les monticules dont le terrain environnant est bosselé annoncent que le sol recèle encore des amas de ruines et de nom- breuses substructions. Ostie a changé de place. Sept siècles avant J.-C., Ancus Martius a fondé cette ville à l'embouchure même du Tibre, alors située en amont de l’Ostie impériale. Cet emplace- ment primitif du port est maintenant à 6 kilomètres 1/2 de l’em- bouchure actuelle. Pendant plusieurs siècles, la ville descendait pour ainsi dire sur la rive gauche du fleuve pour se rapprocher de son embouchure, qui s’éloignait sans cesse, à mesure que le delta s’avançait dans la mer. Déjà sous Claude, l’Ostie impériale n’était plus à l'embouchure, continuellement ensablée. Cet empereur fit alors creuser en amont un canal navigable qui de nos jours aboutit aux bains de mer de Fiumicino, et construire un port figuré sur ! D'après les observations du professeur Betocchi, la crue du Tibre a atteint 17 mètres 22 centimètres le 29 décembre 1870, à l'échelle hydrométrique de la Ripetta, à Rome. 2 Sulle scoperte archeologiche della citta e provincia di Roma nelli anni 1871- 1872, pag. 88. 60 MÉMOIRES ORIGINAUX. des monnaies, dont les traces sont encore visibles. Trajan y ajouta un bassin pentagonal communiquantavec le port de Claude. Ces ports suffisaient à l’approvisionnement de Rome, et furent fréquentés par les navigateurs jusqu’au temps de Justinien (527- 566); mais depuis cette époque, envahis par les atterrissements du Tibre, tous deux sont relégués dans l’intérieur des terres, à ? kilomètres du rivage‘. Ainsi, ce retrait de la mer, ou plutôt cet empiétement de la terre sur la mer, complétement inexact pour Aigues-Mortes, est géologiquement et historiquement vrai pour Ostie et d’autres villes situées sur des deltas dont les fleuves encore en activité élargissent et reculent sans cesse la base du triangle d’atterrissement qu'ils déposent dans la mer. 4 Voy. la carte III de M. Desjardins, et la Pianta della campagna romana. publicata nell'anno 1862, da Luigi Piale; ou la Carte de l’État-Major autrichien. 61 RECHERCHES SUR L'ORIGINE DES ÉLÉMENTS LITHOLOGIQUES des terrains tertiaires et quaternaires DES NEINMIIRIONSA DA OR ANE Par le D' BLEICHER, Médecin-Major à l'hôpital militaire d'Oran. Le Tertiaire moyen et supérieur, le Quaternaire, forment dans là région littorale de la province d'Oran la majeure partie des dépôts superficiels, et sont par conséquent les plus abordables à l'observation géologique. Ce sont aussi les premiers terrains dont les géologues se sont occupés dès les premiers temps de la con- quête, et leurs premières recherches les ont amenés à les assi- miler à leurs équivalents d'Europe ‘. Il résulte de leurs observa- tions, et principalement de celles de M. Pomel, que le Tertiaire moyen se divise, plutôt par la stratigraphie que par la paléonto- logie, en trois étages très-importants, ordinairement discordants l’un par rapport à l’autre, qui sont, de bas en haut: Le Cartennien ( Pomel), de Cartenna (Tenez), caractérisé par des grès, des poudingues, des marnes sableuses brunes, et par une faune particulière d’Échinides, de Polypiers, et surtout de Pétrospongiaires; L'Helvétien (Pomel), marno-sableux, marneux ou calcaire, contenant en certains points une faune riche en coquilles iden- tiques à celles du Tortonien * d'Italie, mais avec l’Ostrea crassis- 4 La liste des travaux consultés par nous, étant trop considérable pour être mise en note, se trouve à la fin de ce Mémoire. 2 Ces fossiles, recueillis par nous dans les environs de Mascara, et déterininés par M. le professeur Mayer (de Zürich), sont les suivants: Ceratotrochus duodecim- costatus Gold., Ostrea caudata Münst., Pecten cristatus Bronn., Arca diluvii Lam., Nucula placentina Lam., Leda pella L., Cardita rudista Lam., Lucina Agassizii Miech., L. multilamella Desh., L. transversa Bronn., L. Bronnii May, 62 MÉMOIRES ORIGINAUX. sima et avec une série remarquable d’Échinides, de Polypiers généralement nouveaux et de Foraminifères ; | Le Sahélien ( Pomel), de Sakel (littoral), marneux blanc, ou sableux jaunâtre, souvent couronné de calcaire à Millépores (Mélobésies), rappelant, par sa faune de Poissons littoraux, d’Échi- nides, de Bryozoaires, de Polypiers, de Foraminifères, et par ses Diatomées marines, le Zancléen de M. Seguenza. Cet étage passe, par sa partie supérieure, au Pliocène propre- ment dit, qui est généralement sableux ou gréso-calcaire, quel- quefois poudingiforme, mais toujours fossilifère. Les espèces : fossiles qu’on y rencontre rappellent les espèces actuelles ; ce sont surtout des Pétoncles, des Huîtres, des Cardium, de rares Univalves et des débris de Mammifères marins, Baleine, Dau- phin. Cet étage ne s'éloigne guère du littoral actuel, mais cependant atteint en certains points une altitude de 300 mètres ( Aïn Ferz). Le Quaternaire se divise, suivant sa situation topographique, en Quaternaire marin et Quaternaire continental. L'une et l’autre de ces subdivisions du Quaternaire sont susceptibles d’être divisées elles-mêmes en deux séries de dépôts tantôt détritiques, tantôt d’origine chimique : Quaternaire ancien et Quaternaire récent. Crassatella Aminæ May., Circe minima Mont., Venus multilamella Lam., V. Bro- chi, Desh., V. Zaidæ May.; Dentalium Bouei Desb., D. inæquale Bronn.; Gadus ( dental. ) coarctatus Broc.; Turritella subangulata Broc., T. Archimedis Bronn., T. Hæœrnesi May., T. vermiculans Broc., T. turris Bast.; Scalaria cla- thratula Pareto., Auricularia striata Phil., Odontostoma plicata Mont., Trochus patulus Broc., Xenophora Deshayesii Mich., Natica millepunctata Lam., N°. heli- cina Broc., Cancellaria spinifera Grat., Cerithium derlonense May., C. Bronnii Pertsch., C. crenatum Broc.; Fusus mitriformis Broc., Pyrula rusticula Bart., Murex dertonensis May, Typhis horridus Broc., Pleurotoma semimarginata Broc., P. Paretoi May., P. obeliscus Desh., P. turricula Broc., P. ramosa Bast., P. dimidiata Broc., P. intermedia Bronn., P. obtusangula Broc.; Conus cana- liculatus Broc., Chenopus Uttingeri Risso., Terebra pértusa Bast., Buccinum Dujardini Desh., B. limatum Chem., B. semistriatum Broc., Ancillaria glandi- formis Lam., Marginella avena Nalenc., Lamna (Oxyrhina ) leptodon Ag., Cristellaria cultrata Orb., Nodosaria raphanistrum L., Lingulina costata Orb., Robulina ornata Orb. LL ÉLÉMENTS LITHOLOGIQUES DES ENVIRONS D ORAN. 64 ? Si l’on étudie les éléments du Tertiaire moyen et du Quater- naire au point de vue de leur origine, on s’apercoit bientôt que «l'apport interne », pour nous servir de l’excellente expression du savant Directeur de l’École des mines, M. Daubrée', a con- tribué beaucoup à la construction de ces errains. C’est à ce point de vue que nous nous plaçons ici pour passer en revue les ma- tériaux dont se trouvent formés ces différents étages. Le Cartennien de la province d'Oran a généralement un carac- tère littoral ; ilest formé le plus souvent d'éléments détritiques, et la faune dont nous venons de parler est en faveur de l’hypo- thèse du voisinage d’un rivage. De plus, il n’est pas rare de trouver dans les marnes schis- teuses ou compactes, dans les argiles de ce terrain, des Crabes, des branches, des feuilles et même des fruits ( pointe Canastel, ravin de l’Oued Kebir Mazouch, Saint-André, Perrégaux). L'apport « d’origine interne», dans ces divers gisements, a peu contribué à la sédimentation de l’époque Cartennienne, et les masses gypseuses disséminées dans certains points au milieu des argiles paraissent devoir leur origine à des phénomènes de métamorphisme postérieur à la période tertiaire, dont nous nous occuperons plus loin. L'époque Helvétienne a certainement été plus favorable à l’éja- culation de matériaux provenant de l’intérieur. En effet, il n’est pas rare de trouver, soit dans la province d'Oran, soit dans celle d'Alger et surtout vers la base de-l'étage, de nombreuses pail- lettes hexagonales de mica noir verdâtre, des grains de glauconie, de quartz à peine roulés, des débris de roches vertes, des gru- meaux de roches feldspathiques en décomposition. Ce fait, indiqué depuis longtemps par M. Pomel, se rattache à la présence dans ce terrain de vrais tufs trachytiques très-riches en mica, en feldspath, en quartz, contenant même du calcaire, qui sont subordonnés à l’Helvétien, soit sous forme de couches d’une certaine épaisseur, comme à Aïn Kebira Cherguia, soit 1 Bull. Soc. géol., 2e série, tom. XX VE, pag. 318. 64 MÉMOIRES ORIGINAUX. en minces couches (30 à 40 centimètres), comme on peut le constater sur le flanc gauche du vallon de Tamtraya, près d’Arbal. En ce point, le tuf trachytique est intercalé au milieu des marnes helvétiennes, surmontées de calcaire à Mélobésies. Des couches plus ou moins épaisses de roches identiques se trouvent dans le Sahélien, soit à la base de cet étage (ravin de l'usine à gaz à Oran‘), soit vers sa partie supérieure (puits creusés à 4 kilomètres du S. d'Oran, sur la route de Tlemcen). Ces tufs trachytiques, plus ou moins décomposés, viennent, par leur présence au milieu des strates bien ordonnées du Tertiaire moyen, déposer en faveur d’un apport interne, surtout lorsqu'ils atteignent une épaisseur considérable et prennent l’apparence du trachyte lui-même. Ce cas se présente dans le vallon de l’Oued Kebir Mazoutch, près d’Aïn-Ferz, où l’on rencontre, sur une hau- teur d'environ 100 mètres, des couches de trachyte plus ou moins décomposé, se délitant sous forme de petites boules surmontées de tuf trachytique blanc ou jaunâtre, micacé et quartzeux. Ce puissant dépôt d’éléments d’origine éruptive appartient évidem- ment à l’époque tertiaire moyenne, et probablement au Sahélien, car on le voit en ce point couronné par le grès pliocène marin très-fossilifère ; de plus, dans le voisinage se trouvent des affleure- ments de l’étage inférieur du miocène, ici, comme partout, aré- nacé et argileux, avec des impressions végétales, très-différent par conséquent du type Helvétien ou Sahélien. Le trachyte se trouve encore dans le miocène inférieur à l’état de dyke. Près d’Aïn Kebira Cherguia, il existe en effet une dyke de cette roche de 3 mètres d’épaisseur, orientée à peu près E.-0., et que l’on peut suivre sur plus de 500 mètres. Ici, la roche trachytique contient également du calcaire, et nous pouvons ainsi rendre compte, par l’apport interne, de tous les éléments qui constituent le miocène, et spécialement le miocène supérieur de ces régions. La présence de couches entièrement siliceuses, gisement habi- ‘ Renou; Explor. scientif. de l'Algérie, pag. 97 et suiv. ÉLÉMENTS LITHOLOGIQUES DES ENVIRONS D ORAN. 65 tuel des Poissons et des Diatomées, dans l’Helvétien des Beni Chougran, près de Mascara, dans le Sahélien d'Oran et de ses envi- rons, doit également s'expliquer par l’origine interne. L’abondance de la silice dans ces terrains est due, selon toute probabilité, soit à des sources siliceuses, soit à un fait de dissociation des éléments composants du trachyte, phénomène en vertu duquel se serait opéré le départ de grandes quantités de cette substance à l’état gélatineux. Il est donc possible de suivre la roche éruptive depuis sa sortie par des cheminées jusqu'à la dispersion de ses éléments dans le bassin maritime miocène. C’est en effet sous les eaux de la mer que le trachyte parait avoir surgi, car partout il se présente sous forme de couches réglées, et de plus il semble avoir retenu de son origine sous- marine une certaine quantité de sel marin. Ces éruptions se sont-elles faites brusquement ou lentement ? Nous pensons qu'elles se sont plutôt faites lentement, car on ren- contre les éléments de la roche trachytique, soit disséminés, soit en couches dans toute la série Helvétienne et Sahélienne. Les éléments du Plioène sont surtout d’origine détritique, et ce n’est guère que pour le calcaire ou l’oxyde de fer, servant de ciment ou de matière colorante à l'état de diffusion, qu'il serait permis d’invoquer l’origine interne. ; C’est au Quaternaire ancien que nous rapportons d’autres ma- nifestations du même genre non moins énergiques; ce sont : 1° Le conglomérat gypseux ; 2° Le basalte et les tufs volcaniques ; 3° Certains travertins ; 40 L’argile rouge diluvienne. Conglomérat gypseux. — Le gypse est un des éléments les plus répandus dans les différentes formations géologiques de la pro- 1 D'après les analyses de M. Marty, pharmacien aide-major à l'hôpital d'Oran, le tuf trachytique de la base du Sahélien, du ravin de l’usine à gaz, contient 2 8r,40 0) de sel marin. UT, 5 66 MÉMOIRES ORIGINAUX. vince d'Oran. Il s’y trouve rarement à l'état de couches régu- lières ; le plus souvent il forme des amas au contact des for- mations secondaires et tertiaires, ou il est disséminé à l’état de rognons étoilés dans les marnes tertiaires et quaternaires. On le trouve encore, en grandes masses formant plaque, sur les forma- tions secondaires et tertiaires, englobant des roches éruptives de diverse nature. C'est de cette dernière sorte de gisement du gypse, que l’on peut nommer conglomérat gypseux, qu’il sera question dans cette étude. Nous le rapportons à l’époque quaternaire et à une action métamorphique déjà indiquée par M. Pomel ",: qui admet que les phénomènes ( émanations sulfureuses) qui ont donné naissance au gypse se sont continués «à l’époque où se déposaient les ter- rains limoneux des chotts et des dépressions ». Ce conglomérat gypseux, que nous avons surlout observé aux environs d'Arbal et de Perrégaux, se présente sous la forme de masses puissantes surgissant au milieu des formations secon- daires, ou plus rarement sous forme de couche régulière au-dessus du terrain tertiaire et au-dessous du quaternaire. Dans le premier cas, il atteint en certains points 25 à 30 mèé- tres d'épaisseur. Ses relations avec les couches sédimentaires sont variables. Dans les environs d’Arbal, près du marabout de Muley Abd-el- Kader, il enveloppe incomplétement un lambeau de terrain cré- tacé que nous rapportons à l’Aptien. Il forme à ce lambeau crétacé une sorte de manteau dont la continuité a été rompue par la dénudation. En ce point, la roche du conglomérat a des carac- tères plus franchement éruptifs que partout ailleurs. Ce dernier s’y présente sous forme d’une roche tufacée assez semblable à de la pouzzolane, remplie de noyaux irréguliers amygdalaires de silex gris lapissés de cristaux aciculaires de quartz, de fer oligiste mé- talloïde presque spéculaire, de dolomie, de mica vert. De plus, OS 1 Sahara, pag. 55. "7 ÉLÉMENTS LITHOLOGIQUES DES ENVIRONS D'ORAN. 67 il paraît avoir réagi sur le crétacé sous-jacent, en transformant les grès en quartzites et en calcinant légèrement les schistes dont se compose l’Aptien. Non loin de ce point, le conglomérat bute directement ( fig. ?) contre un grand escarpement du terrain Sahélien, parfaitement caractérisé par ses couches de schistes siliceux à Diatomées et à Poissons, ses Échinides et son calcaire à Algues calcifères (Mé- lobésies). L'action du conglomérat sur le Sahélien paraît avoir été surtout dynamique; au contact, les couches de ce dernier sont très-redressées. Sa composition lithologique est telle qu'il est partout facile de le reconnaître ; en effet, à côté du gypse souillé d'argile verte ou jaunâtre qui forme la masse du conglomérat, on y trouve les mi- néraux suivants : Dolomie en cristaux de petite taille parfaitement nets ; Pyrite jaune en dodécaëdres rhomboïdaux de petite taille ; Sel gemme plus ou moins pur ; Grenat noir ? Noyaux amygdalaires desilex avec géodes de cristaux de quartz, aciculaires, irisés ; Fer oligiste métalloïde, souvent en larges lames rappelant le fer spéculaire; Mica vert pailleté. Ces différentes espèces minérales sont disséminées au milieu de masses aypseuses quiemballent des blocs non roulés, souvent énormes (20 et 30 mètres cubes), de roches, parmi lesquelles nous avons reconnu à Arbal : La pegmatite avec mica blanc argentin; Le gneiss bien caractérisé, mais un peu calcaire; La diorite, tantôt porphyroïde, noire, tachée de vert ou de blanc (cristaux d’albite), tantôt verte et se rapprochant de l’o- phite. Cette roche est souvent épidotique et contient des géodes quartzeuses ; Une roche verte plus ou moins cristalline souvent tachée de jaune, passant à une sorte d’argilophyre par décomposition, ou 68 MÉMOIRES ORIGINAUX. aux roches trappéennes, lorsqu'elle n’a pas été exposée à l'air; Une roche calcaréo-siliceuse, bréchoïde, compacte, appartenant, selon toute probabilité, au terrain crétacé voisin. Certains de ces blocs du conglomérat sont creusés de fissures ou de sillons dans lesquels, à Arbal, s’est déposé le fer oligiste métalloïde. Ces caractères lithologiques se retrouvent dans les masses gypseuses exploitées au col de Bousfer et sur le flanc N. de la montagne des Lions. Dans le premier gisement même, l’ac- tion du conglomérat sur le terrain tertiaire est évidente; on peut suivre pas à pas ses effets. Ce sont d’abord la rubéfaction des argiles, leur schistosité, leur imprégnation de gypse; puis, plus : loin, la rubéfaction cesse, le gypse devient de plus en plus rare, et les argiles forment des lits épais et massifs. Le conglomérat se présente encore sous forme de couche irré- gulière. C’est ainsi que nous l’avons observé, non loin de Perré- gaux, entre ce village et l’Oued Malah (fig. 2). Un profond ravin donne en effet la coupe suivante : | 1° Grès sableux miocène à fossiles nombreux, Turritella, Nassa semistriata, Corbula, elc.; 20 Couche gypseuse régulière en certains points, en d’autres fragmentée, et affectant la forme d’un conglomérat de 1m,50 à à mètres d'épaisseur, se poursuivant de l'O. à l'E. sur une longueur d'environ 1 kilomètre ; 3° Sable et grès sableux gris rougeâtre contenant Bulimus truncatus, Helix lactea? épaisseur 25 mètres, quaternaire ; 40 Croûte de tuf calcaire plus ou moins épaisse de 1 à 3 mètres. C'est la coupe la plus convaincante que l’on puisse invoquer à l'appui de l’origine quaternaire de ce conglomérat; mais il existe d’autres preuves en faveur de cette opinion. On ne retrouve en effet nulle part, dans les formations tertiaires qui l’avoisinent, de traces des roches lui appartenant, tandis que les roches vertes! 1 Ces roches vertes elles-mêmes sont assez récentes, car elles se retrouvent à l'état de placage ou d'infiltration dans le massif de Santa-Cruz, près d'Oran, dans lequel nous venons de découvrir des Ammonites jurassiques, ÉLÉMENTS LITHOLOGIQUES DES ENVIRONS D ORAN. 69 qu'il contient à l’état de débris se trouvent dans le tertiaire, et surtout dans le quaternaire. Les phénomènes géologiques que nous venons d'étudier ne peuvent guère se comprendre que par l'intervention de puis- santes sources hydrothermales surgissant par les fractures, les fissures, les lignes de contact des terrains secondaire et tertiaire. H est possible d’expliquer ainsi : 1° La présence de grandes masses gypseuses conglomérées et de couches plus ou moins régulières de gypse; 2° La position stratigraphique toute spéciale du conglomérat par rapport à toutes les formations géologiques avec lesquelles il se trouve en contact ; 30 La présence de blocs irréguliers de roches complètement étrangères à la région ; 40 La régularité suivant laquelle les gisements de conglomérat gypseux sont alignés le long des chaïnons de la côte (montagne des Lions, massif de Mers-el-Kebir) et le long du pied Rs trional du Tessala (Arbal, Perrégaux). On peut admettre, avec M. Pomel, que le gypse doit son ori- gipe à de puissantes éjaculations sulfureuses agissant en méta- morphisant les roches soumises à leur action. Leur influence sur les couches sédimentaires au milieu desquelles elles surgissaient peut être regardée comme chimique et dynamique. C'est à des réactions chimiques que le gypse et la dolomie doivent, selon toute probabilité, leur origine ; quant au sel gemme, à la pyrite, au fer oligiste, au silex et au quartz, au mica, ils résultent évi- demment d’un apport interne et rentrent dans la catégorie des substances rejetées par les bouches volcaniques. Le phénomène dynamique est également double. Il se com- pose d’abord du transport, de l’intérieur vers l'extérieur, des blocs de différentes roches étrangères à la contrée, qui n’a pu se faire, selon nous, sans la projection de matières boueuses emballant ces blocs. À ce transport se joint le démantèlement desstrates cal- caires et marneuses au milieu desquelles la source hydrothermale venait de jaillir. Ce démantèlement a abouti à la formation du 70 MÉMOIRES ORIGINAUX. conglomérat, et aon-seulement du conglomérat proprement dit, mais encore des couches irrégulières qui le recouvrent, En effet, dans les environs d’Arbal, non loin de la fontaine de Tamtraya, immédiatement au-dessus du conglomérat gypseux et dans les dépressions irrégulières de sa surface, se sont disposés, sur une épaisseur de 40 à 50 mètres, des conglomérats formés de blocs énormes de calcaire et mélobésies du miocène, de tuf trachytique du même terrain emballés dans une argile tantôt ocreuse et gyp- seuse, tantôt plastique et grise, tantôt noire, et contenant des Bulimes, des Hélices d'espèces actuelles associés à des os brisés et à des dents de Gazelles ? La formation de ce conglomérat nous semble marquer la fin de cette période d’éruptions hydrothermales, et le moment où la dénudation a atteint son maximum d'intensité dans ces régions. En effet, ces conglomérats atteignent en certains points une puissance de plus de 30 mètres, et on les retrouve non-seulement sur les flancs du Tessala, où nous les avons observés d’abord, mais dans la plaine même qui s'étend entre Oran et Misserghin, où, dans deux puits creusés, l’un à 3, l’autre à 6 kilomètres de la ville, sur les bords de la route de Tlemcen, on a ren- contré de l’argile verte ou rouge emballant de gros blocs de calcaire miocène jusqu à une profondeur de 25 mètres. Ils appartiennent, selon toute probabilité, à l’époque quater- naire ancienne, dont nous nous réservons de caractériser la nature dans les chapitres suivants. Basalte et tufs volcaniques. — Nous avons surtout étudié à ce point de vue les environs d’Aïn Temouchent, où cette roche éruptive est accompagnée de tufs et de travertins que nous ont indiqués MM. Pomel et Roquard. Il paraît y avoir eu dans cette région une série d’éruptions correspondant à des coulées plus ou moins puissantes de basalte alternant avec des formations travertineuses fossilifères. L'âge de cette roche est indiqué par la relation qu'ont les travertins et les lufs calcaires inférieurs à la coulée de basalte sur laquelle est bâti le village d’Aïn Temou- ÉLÉMENTS LITHOLOGIQUES DES ENVIRONS D'ORAN. 71 chent avec le grès coquillier marin à Cerithes, à Cardium, appar- tenant au pliocène (/ig. 3). Ces tufs et ces travertins recouvrent en effet ce grès dans les carrières situées au N.-E. d’Aïn Temouchent. De plus, les fossiles qu’on y rencontre en abon- dance, aux portes mêmes du village, appartiennent à des espèces quaternaires et ‘actuelles. Ce sont des Bulimes tronqués, des Hélices, des Hydrobies, des Planorbes, des Lymnées, des Pisi- dies, des Succinées, des Valvées. Le basalte d’Aïn Temouchent est tantôt compacte, tantôt sco- riacé, souvent géodique, et creusé de profondes cavités remplies par du calcaire. Le tuf volcanique est généralement grisâtre, tantôt formé de lapilli à angles vifs, tantôt d’un sable grossier résultant de la décomposition du basalte. Il contient souvent des cristaux d'arm- phibole hornblende et quelques banes de cailloux roulés. Sur les bords de la route de Tlemcen, au S. d’Aïn Temou- chent, il forme des massifs de près de 30 mètres d'épaisseur, et paraît s'étendre dans cette direction à plus de 10 kilomètres de distance. Le tuf volcanique ainsi constitué forme des bancs tantôt ondulés, tantôt parfaitement horizontaux. L'examen de ces massifs éruptifs, au point de vue de leur allure générale, nous amène à penser que ces manifestations vol- caniques se sont produites sur la terre émergée, dans des condi- tions semblables à celles qui se trouvent réalisées dans les tuis et les coulées volcaniques de la campagne romaine. La pro- duction de basalte en Algérie, comme en Italie, s’est accompa- gnée d'émissions de sources incrustantes calcaires qui expliquent la présence des Hydrobies, des Planorbes, des Lymnées, des Pisi- dies. Les travertins correspondent à des périodes d'activité vol- canique diminuée, revenant après chaque paroxysme marqué par la sortie du basalte. Travertins. — Ces roches, dues à des sources incrustantes, sont excessivement développées dans la province d'Oran, mais nulle part nous ne les avons vues atteindre un aussi grand déve- he MÉMOIRES ORIGINAUX. loppement que dans les collines d’Aïn Fekerina, à 20 kilo- mètres au N. de Tlemcen. Ce gisement, que nous avons visité avec M. Pouyanne, ingénieur des mines, est riche en fossiles analogues à ceux d’Aïn Temouchent, mais moins bien conservés. Le travertin, dû à des sources qui se voient encore, forme un massif de 30 à 40 mètres de hauteur sur plusieurs kilomètres de longeur, et on peut l’attribuer à une cause analogue à celle qui a produit ceux d’Aïn Temouchent interstratifiés avec les basaltes. Ces différents dépôts quaternaires, conglomérat gypseux ou non gypseux, travertins associés ou non aux basaltes, appartien- nent, ainsi que nous l’avons dit, à la période ancienne du quater- naire. En effet, à Arbal, le conglomérat gypseux et le conglomérat proprement dit sont surmontés de couches détritiques plus ou moins régulières, généralement rougeâtres, contenant des coquil- les actuelles, parmi lesquelles domine le Welanopsis Maroccana; à Aïn Temouchent, le système des travertins et des tufs basalti- ques est surmonté d’une alluvion analogue. Aux environs d'Oran, dans le ravin de Sainte-Clotilde, il est également possible de démontrer qu'il existe deux termes du terrain quaternaire (fig. 4) séparés par une dénudation résultant probablement de l’exon- dation de la côte. Le terme inférieur (1) est marno-calcaire gris, et contient des fossiles nombreux, Bulimes, Hélices, Lymnées, Pisidies, Hydro- bies, Succinées, analogues à ceux d’Aïn Temouchent; mais, de plus, quelques débris de coquilles marines roulées, actuelles, des genres Mactre et Petoncle. Les rognons travertineux qu'il ren- ferme ont moulé des feuilles de végétaux parmi lesquels nous avons reconnu Pteris aquilina. Ge gisement est à environ 50 mètres au-dessus du niveau actuel de la Méditerranée". Le terme supérieur (2) est essentiellement détritique et con- 1 Ce gisement de coquilles marines et terrestres de Sainte-Clotilde n'est pas le seul qui se rencontre vers la ligne de niveau de 150 mètres, entre Oran et Mers-el-Kebir. On en trouve d’autres au-dessus de Saint-Jérôme, et derrière Saint-André, vers le col de Bousfer. ÉLÉMENTS LITHOLOGIQUES DES ENVIRONS D ORAN. es tient des débris nombreux des roches schisteuses ou calcaires des montagnes voisines. Ces alluvions, qui se rapprochent des conglomérats, sont assez bien stratifiées, et ont une couleur rouge qui tranche nettement sur la couleur grise des marnes du terme inférieur. On n’y rencontre que des fossiles terrestres, coquilles actuelles, et quelques Melanopsis Maroccana. Entre le dépôt de ces deux horizons quaternaires, il paraît y avoir eu de puissantes dénudations qui expliquent les ravine- ments des marnes du n° 1, et qui ont peut-être coïncidé avec l’émersion de la côte. Ces mouvements d’oscillation sont, selon nous, une preuve de plus en faveur de la volcanicité de la côte algérienne à l’époque quaternaire. Argile rouge. — Ce dépôt, qui occupe de vastes surfaces et paraît souvent remplir les dépressions des roches superficielles tertiaires ou quaternaires, peut être assimilé au Diluvium rouge de certains géologues français, etau Ferreto des [taliens. Sa posi- tion stratigraphique indique son origine récente, etsa nature nous paraît être, au moins en partie, hydrothermale. Ilse compose en effet d'argile plastique très-ferrugineuse, rutilante, et de grains très-menus et irréguliers de quartz, sans aucun débris de roches étrangères. L’oxyde de fer qu’elle contient en très-forte propor- tion nous paraît être dû à une origine interne et peut-être à des sources sidérolithiques, comme l’admet M. le professeur Vezian ‘ (de Besançon). L'émission de cette argile ferrugineuse quaternaire récente a peut-être marqué la période décroissante de l’activité des sources hydrothermales, qui ont produit certains amas et filons de fer oligiste dont on a dans ces derniers temps tenté l'exploitation aux environs d'Oran. En effet, sur les flancs mêmes de la monta- gne qui domine cette ville, des travaux de mine ont mis à nu, sous le plateau du Marabout, un filon irrégulier de ce minerai qui, ! Prodr. de Géologie, pag. 186, 2e vol. 74 MÉMOIRES ORIGINAUX. traversant les schistes rouges Tria-Jurassiques, pénètre dans le manteau de calcaire à Mélobésies du Sahélien (miocène supé- rieur), et s’y arrête brusquement. L'origine de ces masses de fer oligiste manganésifère, plus ou moins filoniennes, est bien hydrothermale, car le minerai qui s'est infiltré partout dans les interstices de la roche y a remplacé, mo- lécule à molécule, les éléments du test des Mollusques fossiles ter- tiaires moyens. Nous possédons des échantillons de ce gisement, dans lesquels des Pecten, des Cardiwm, des Polypiers astréens sont complétement transformés en oligiste. Ces masses minérales sont évidemment postérieures aux ter- rains qu'elles traversent, et par conséquent ou pliocènes ou qua- ternaires. La nature lithologique du pliocène parait s'opposer à ce qu'on les regarde comme pliocènes, et nous pensons qu'il est plus rationnel de les attribuer à la période quaternaire ancienne, qui partout présente des traces évidentes de phénomènes de ce genre. Il résulte donc de ces recherches: 1° Que l’époque tertiaire moyenne a été surtout l'époque des éruptions de nature trachytique. 2° Ces éruptions se manifestent: (a) par des cheminées ou dykes de roches trachytiques traversant la partie inférieure du terrain tertiaire moyen; (b) par des couches plus ou moins épaisses de tuf trachytique, ordinairement décomposé, recouvrant du tra- chyte scoriacé ou compacte (vallon de l’Oued Kébir Mazoutch), ou s’intercalant au milieu des formations tertiaires moyennes (Oran, environs de Mascara); (c) par des débris de roches trachytiques entrant dans la composition des sédiments de cette même période. 3° Ces éruptions paraissent avoir été sous-marines, cé qui explique la stratification régulière de ces produits volcaniques, leur intercalation au milieu des couches tertiaires moyennes fos- sihfères, leur richesse en sel marin (Oran). Elles ont surtout été abondantes dans la région littorale de la province, région de fractures. 4° À cette même époque et peut-être en vertu d’une dissocia- _— ÉLÉMENTS LITHOLOGIQUES DES ENVIRONS D ORAN. 19 tion des éléments du trachyte, il y a eu éjaculation d'énormes quantités de silice, d’où la formation de couches régulières de silex rubané, de couches siliceuses schisteuses (couches à Diato- mées, à Polycystines et à Poissons), de l’'Helvétien de Mascara, du S&hélien d'Oran, d’Arbal, de Perrégaux, etc... 5° Ces éruptions ont duré pendant une grande partie de la période tertiaire moyenne, mais ont surtout été abondantes pen- dant le dépôt du Sahélien (Pomel), partie supérieure du tertiaire moyen. 6° Les éléments du pliocène sont généralement d'origine détritique. 1° Il y a lieu de distinguer, à l'exemple de M. Pomel, le quaternaire ancien du quaternaire récent L'activité des sources hydrothermales et des phénomènes volcaniques a été portée à son maximum d'intensité pendant la durée du quaternaire ancien. 8° C'est à cette époque qu'il faut, selon toute probabilité, rap- porter la formation du conglomérat gypseux qui recouvre tous les étages secondaires et tertiaires, el n’est recouvert (Perrégaux) que par les sables quaternaires. 9° Ce conglomérat gypseux s'explique par l'apport interne de sources hydrothermales qui ont modifié chimiquement et physi- quement les couches au milieu desquelles elles ont surgi. 10° Des réactions chimiques opérées par ces sourcesthermales, et de l’apport interne, sont résultés du gypse, de l'argile verte, de la dolomie, du fer oligiste souvent spéculaire, du quartz, du silex en amygdaloïdes géodiques, du sel gemme, de la pyrite de fer, du mica vert. [io Des phénomènes physiques ou dynamiques qui ont ac- compagné la formation de ce conglomérat, sont résultés le déman- tèlement des couches tertiaires surtout, et la venue au jour de blocs volumineux de roches étrangères à la contrée, gneiss, pegmatite, diorite, amphibolite, roches vertes. 12° La dénudation qui a donné lieu à la formation du quater- naire ancien dans les environs d'Oran, el spécialement sur le revers septentrional de la chaine du Tessala, a été puissamment 76 MÉMOIRES ORIGINAUX. aidée par la formation da conglomérat, qui s’est probablement accompagnée et surtout terminée par des éjaculations de grandes masses d’eau et peut-être de boue argilo-ferrugineuse. 130 C’est encore à la période quaternaire ancienne qu’il con- vient de placer certaines éruptions basaltiques, spécialement celles que l’on peut observer dans les environs d’Aïn Temou- chent; en ce point, le basalte recouvre le tuf quaternaire et des travertins avec nombreux fossiles (coquilles actuelles). 14° Ces éruptions, qui ont donné naissance au conglomérat et au basalte, ont eu probablement lieu sur la terre émergée. 15° Certains amas et filons ferrugineux des environs d'Oran, traversant les schistes secondaires, pénétrant dans les bancs du tertiaire moyen supérieur, appartiennent probablement au qua- ternaire ancien, et expliquent la présence, dans les couches su- périeures de ces régions, d’un manteau d'argile ferrugineuse et siliceuse. 16° L'origine hydrothermale de ces amas et filons de fer oligiste compacte ou micacé, très-manganésifère, ne peut guëère être mise en doute, car la matière minérale s’est substituée, molé- cule à molécule, au test ou au parenchyme des Mollusques fos- siles et des Polypiers du tertiaire moyen supérieur. 1 Rozet: Noles sur la géologie de l'Algérie ( Bull. Soc. géolog., 1831-1832, pag. 141-362). Mémoires géologiques sur les environs d'Oran (Bull. Soc. géolog., 1833, pag. 234). Nouvelles annales du Muséum, 1833, tom. II, pag. 284. Notes sur les environ d'Alger, par M. de Verneuil, 1839 (Bull. Soc. géolog., pag. 74). Exploration scientifique de l'Algérie, 1840-1841, description géologique par M. Renou, pag. 74-126. Aperçu sur la constitution géologique de l'Algérie, Renou. Annales des mines, 4me série, tom. IV, pag. 521. Richesses minérales de l'Algérie, par M. Fournel, ingénieur des mines, Paris, 1849, tom. I. Votice géologique sur les provinces d'Oran et d'Alger, par MM. Bayle et Ville (Bull. Soc. géolog , 1854, pag. 499.) Notice minéralogique sur les provinces d'Oran et d'Alger, par M. Ville, ingénieur en chef des mines, Paris, 1858. Pomel; Mémoire sur quelques-unes des révolutions du Globe qui ont construit le sol Algérien (Compt.-rend., Acad. des sciences, 1859, pag 992). Le Sahara, observations de géologie et de géographie physique (Société de climatologie d'Alger, 1872, passim). Explication de la carte géologique de la province d'Oran, par MM. Rocart, Pouyanne et Pomel, Oran, 1865. TRAVAUX FRANCAIS. — ZOOLOGIE. Ve EE REVUE SCIENTIFIQUE. TRAVAUX FRANÇAIS. — Zoologie. Dans une communication (Compt. “rend. Acad., 2? mars 1874) sur la formation des pierres chez les Écrevisses, M. Cha fait connaître que les concrétions calcaires connues dans l’ancienne pharmacopée sous le nom d’yewx d'écrevisse se développent entre la paroi propre de l’estomac et la tunique caduque qui tapisse intérieurement cet organe, dans un lieu d’élection en rapport avec les corps glanduleux qui descen- dent de la base des antennes. Sans se prononcer, pour le moment, sur l'usage de ces glandes, il indique les modifications importantes qu’elles subissent pendant que la pierre se forme jusqu’à sa complète résorption. — M. Moreau (Compt.-rend. Acad., 16 mars 1874) à fait des expé- riences pour savoir si, au point de vue de la station et de la locomotion, les Poissons qui ont un canal aérien se comportent comme ceux qui n’en ont pas. On sait que les premiers peuvent se servir de ce canal comme d’une soupape de sûreté, quand ils sont soumis à une diminution de pres- sion, et s’épargner la gêne que- produit la dilatation de l'air de leur vessie natatoire. L'auteur établit que la vessie natatoire constitue un danger permanent pour le Poisson qui en est pourvu. En effet, a-t-il une vessie close, il lui faut un temps très-important pour sécréter ou absorber des gaz; possède-t-il au contraire un canal aérien, il pourra, en s’en servant comme d’une soupape de sûreté, s'élever, mais non pas descendre dans les profondeurs. En résumé, on ne doit plus conserver la théorie de Borelli, en tant qu’elle attribue à la vessie natatoire le rôle de favoriser l’ascension ou la descente du Poisson, en régularisant, suivant ses besoins, sa pesan- teur spécifique. Les expériences de M. Moreau démontrent que la pré- sence de la vessie natatoire fait subir au Poisson une variation de volume qui est en raison directe de la pression, même dans les moindres mou- vements d’ascension ou de descente. — M. Harting (Compt.-rend. Acad., 13 avril 1874) rapporte à ce propos le résultat de ses recherches faites, à l’aide du physomètre, sur les Poissons d’eau douce. Cet instrument permet de déterminer les 18 REVUE SCIENTIFIQUE. variations de volume de moins d'un millimètre cube, et, l'animal étant vivant. de trouver le volume de sa vessie natatoire. — Un nouveau signe de la mort tiré de la pneumatose des veines rétiniennes est indiqué par M. E. Bouchut (Compt.-rend. Acad., 2 mars 1874). Chez l'homme qui vient de mourir, la pneumatose de ces veines, facilement appréciable avec l’ophthalmoscope, est marquée par l'interruption de leur colonne sanguine. — Continuant ses intéressantes recherches sur les Lombriciens, M. Éd. Perrier présente à l’Académie (Compt.-rend. Acad., 23 mars 1874) une note sur les Lombriciens terrestres exotiques des genres Uro- chæœta et Perichæta. Le premier de ces deux genres, dont la même espèce se trouve à la fois à la Martinique, à Java et au Brésil, possède une particularité très- remarquable : les soies du corps des individus qui le composent sont bifurquées comme celles des Lombriciens aquatiques, et par conséquent réduisent à néant le caractère tiré pour la distinction des Lumbricina et des Naïadea de la terminaison simple ou bifide des soies. La distance qui sépare ces deux groupes est encore diminuée par la présence d’un épithélium vibratile, qui tapisse intérieurement le véritable intestin des Urochæta. En outre, chez ce dernier genre, les soies du vingtième anneau, voi- sines de l'appareil génital mâle, sont modifiées d’une manière spéciale. L'auteur signale, en décrivant le tube digestif, la présence de trois paires de grosses glandes compactes, d’un blanc de craie, contractiles, et dont les éléments glandulaires sont solubles avec effervescence dans l'acide acétique. Ce fait peut être constaté dans les glandes œæsophagiennes de nos Lombriciens. Chez le genre Urochæta, comme chez le genre Perichæta, on peut dire qu'il y a deux sortes de cœurs latéraux. En effet, on remarque deux anses latérales volumineuses, animées de contractions rhythmiques, tirant leur origine d'un vaisseau intestinal très-manifeste, en arrière des glandes à effervescence de l’intestin. En avant de ces cœurs se trouvent trois autres paires de cœurs, aussi latéraux, semblables à ceux signalés dans nos Lombrics. Chez les Urochæta, c'est extérieurement, en avant de la soie inférieure de la rangée supérieure, que débouchent les organes segmentaires, munis d'un pavillon vibratile; dans les quatre premiers anneaux, ils sont rempla- cés par une grosse glande s’ouvrant à la partie antérieure du troisième anneau. Dans le genre Perichæta, M. Perrier n’a pu trouver d'orifices ni à TRAVAUX FRANCAIS. — ZOOLOGIE. 79 ces organes, ni aux touffes de tubes glandulaires qui les remplacent dans la partie antérieure du corps, et qui sont les homologues des glandes des Urochæta que nous avons déjà mentionnées. M. Perrier termine sa communication en indiquant chez le genre Uro- chæta une seule paire de testicules placés en arrière du gésier, munis de canaux déférents, s’ouvrant sur la ceinture et dépourvus de toutes glan- des accessoires. De plus, ces Lombriciens possèdent trois paires de poches copulatrices, se rendant au bord antérieur des anneaux 8, 9 et 10. — M. Brocchi signale l'existence de spermatophore chez les Crustacés décapodes (Compt.-rend. À cad.,23 mars 1874). Il indique, chez le Homard mâle, ce singulier corps, dont la nature est aujourd’hui bien connue. M. Brocchi a retrouvé, dans la poche copulatrice d’une Maïa squinado femelle, des corps analogues à ceux déjà mentionnés par Milne Edwards. Ces derniers ne peuvent être considérés comme des débris de pénis, mais on doit y voir des débris de spermatophore du mâle. — M. le professeur P. Bert rend compte à l'Académie (Compt.-rend. Acad., 30 mars 1874) d'expériences faites sur l’homme, etqui confirment entièrement ses recherches sur l'influence que les changements dans la pression barométrique exercent sur les phénomènes de la vie (13° note). Pour combattre les accidents très-sérieux qui surviennent à mesure que la pression diminue, M. Bert a eu recours à la respiration d'oxygène pur, etencore mieux d’un mélange de ce dernier gaz et d'air. — Nous avons rendu compte de la première livraison des Crania eth- nica, ouvrage publié par MM. de Quatrefages et Hamy. La deuxième livraison, offerte à l’Académie par les auteurs, estconsacrée à l'histoire de la seconde race fossile, qu’ils proposent de nommer race de Cro-Magnon (Compt.-rend. Acad., 30 mars 1874). Étant pris pour type le vieillard dont les restes ont été conservés à la science par MM. Berton-Meyron, Delmarès et Louis Lartet. les caractères essentiels de ce groupe, chez l’homme, sont les suivants : Comme dans la race de Canstadt, la tête est dolichocéphale, mais, au lieu d’un front bas et fuyant, elle offre un front large, élevé, à sinus peu prononcés, et une voûte présentant les plus belles proportions. «Le frontal (Compt.-rend. Acad., 30 mars 1874, pag. 862) est remarquablement ouvert d'avant en arrière. Sa courbe fronto-occipitale se continue avec une régularité frap- pante jusqu'un peu au-dessus du lambda. Là, elle s’infléchit pour former un méplat qui se prolonge sur la portion cérébrale de l’occipital. La région cérébelleuse du même os se porte brusquement en dessous, et forme une sorte de large plan portant de nombreuses et robustes empreintes d'in- 80 REVUE SCIENTIFIQUE. sertions musculaires. Les bosses pariétales, larges, bien accusées et pla- cées en arrière, donnent au crâne, vu d’en haut, une forme subpentago- nale allongée.» Ce crâne n’est pas moins remarquable par sa capacité que par ses pro- portions. En un mot, tous les caractères crâniologiques regardés comme autant de signes d’un grand développement intellectuels”y trouvent réunis. « Dans une tête harmonique (Pruner-Bey) (Compt.-rend. Acad., 30 mars 1874, pag. 863), à un crâne dolichocéphale, c’est-à-dire allongé d'avant en arrière, correspond une face dolichopse (Quatrefages), c’est-à- dire allongée de haut en bas. Lorsqu'il y a désaccordentre ces proportions, la tête est disharmonique (Pruner-Bey). Ce dernier caractère est extré- mement marqué chez l’homme de Cro-Magnon, en particulier chez le -vieillard qui nous sert de type. Le diamètre transversal bizygomatique atteint une longueur qu’il ne présente qu'exceptionnellementchez les bra- chycéphales harmoniques, et l'indice facial descend à 63°. » Cette exagération en largeur se retrouve dans tout le haut et les par- ties moyennes de la face. Les orbites, par exemple, sontremarquablement peu élevés, et en revanche très-allongés : aussi l'indice orbitaire atteint- ilici son minimum, 61°. C’est encore le contraire de ce que nous avons vu exister dans la race de Canstadt. » Mais cette tendance à l'élargissement n’atteint ni la région médiane, ni la portion inférieure de la face. Le nez, dont les os sont hardiment pro- jetés en avant et font une saillie remarquable, est étroit. Son indice (45,09) place notre vieillard de Cro-Magnon parmi les Leptorhiniens de M. Broca. > La mâchoire supérieure est également rétrécie relativement à la face qu’elle termine. Sa largeur ne dépasse pas la moyenne; le bord alvéo- laire est projeté en avant, de manière à produire un prognatisme très- accentué. À » La mâchoire inférieure est surtout remarquable par la largeur de sa branche montante, son angle postérieur arrondi,et son menton triangulaire avancé.» Ces caractères s’atténuent chez la femme trouvée dans le même gise- ment que le vieillard. A l’époque quaternaire, le S.-0. de la France et plus particulièrement la vallée de la Vézère paraissent avoir été le principal centre d'habitation de cette race, mais tout fait croire qu’elle n’aurait jamais été bien nom- breuse. On doit attribuer à des colonies séparées du gros de la nation les restes qu’elle a laissés en Italie, dans la vallée de la Meuse et même dans le N. de la France. L'homme de Cro-Magnon se retrouve encore à diverses époques TRAVAUX FRANCAIS. — ZOOLOGIE. 8! préhistoriques. De nos jours, cette race est représentée par un certain nombre d'individus isolés. Ainsi, dans la collection de têtes basques de Zaraus, recueillie par MM. Broca et Vélasco, on rencontre quel- ques pièces qui se font remarquer par quelques-uns des traits les plus frappants du type de Cro-Magnon. Mais « c’est pourtant en Afrique qu'il faut aller chercher aujourd’hui les représentants de la race qui nous occupe ». — Des pièces anatomiques provenant d’un saltimbanque espagnol, mort à 45 ans, et déposées au Val-de-Grâce, ont permis à M. Claudot (Compt.-rend., 9 février 1874) de constater la monstruosité apparte- nant à l’ordre des monstres unitaires autosites, de I. Geoffroy Saint- Hilaire, famille des ectroméliens. — M. Belgrand (Compt.-rend. Acad., 30 mars 1874) accompagne de la note suivante la présentation à l’Académie d’un travail swr Le service hydraulique du bassin de la Seine. «Les Saumons remontentla Seine et passent, sans y entrer, devant l'Eure, l'Oise, la Marne et le Loing. Tous quittent la Seine et entrent dans l'Yonne, à Montereau; ils passent, sans y entrer, devant la Vanne, l’Armançon et le Serain. Tous quittent l'Yonne pour entrer dans la Cure: ils arrivent ainsi, par le plus court chemin, aux ruisseaux du granite, dans lesquels ils alevinent. » La Truite se trouve en abondance dans les ruisseaux du granite, des calcaires oolithiques et de la craie blanche; jamais on n’en a vu dans les ruisseaux du lias, du terrain crétacé inférieur ; elle ne se plaît pas dans le terrain tertiaire. » La Carpe est rare dans les rivières à Truite. » L'Écrevisse à pattes rouges n’existe dans aucune des rivières des terrains perméables à grandes sources ; elle y est remplacée par l'Écre- visse à pattes blanches, bien moins estimée. » — Dans un précédent numéro nous avons analysé la communication de M. Balbiani sur le Phylloxera quercüs. On sait qu’il résulte des observations de ce savant que cet Insecte présente deux modes de repro- duction : un qui à lieu sans le concours du mâle, l’autre, au contraire, avec le concours d'individus sexués, qui produisent par leur accouple- ment un œuf destiné à n’éclore que l’année suivante. M. Balbiani (Compt.-rend. Acad., 13 avril 1874) à été assez heu- reuu pour trouver de ces œufs sur un chêne du Jardin des Plantes de Paris. Un jeune Phylloxera récemment éclos se montra bientôt à l’extré- mité d’un des rameaux de ce chêne. Il différait complétement de ses III. 6 82 REVUE SCIENTIFIQUE. parents, privés d'organes digestifs internes et externes, par la présence d’un sucoir relativement long et robuste, et s’avançant par son extrémité jusqu’au milieu de l'intervalle entre les pattes de la troisième paire; ressemblant sous ce rapport aux petites larves du Phylloxera d'été, il en différait surtout par la forme moins allongée de son corps et par sa tête munie d'yeux plus volumineux. Au lieu des lamelles plus ou moins longues qui garnissent la tête des larves, celle du jeune individu en question présentait trois paires de petits appendices terminés en tête de clou. Telles sont, entre les jeunes Phylloxeras et la larve, les seules diffé- rences que M. Balbiani a pu observer. Une nouvelle inspection sur les branches de chêne permit à ce dernier de découvrir quelques amas de Phylloxeras, les uns récemment éclos, les autres ayant subi probablement une mue au moins. L'auteur conclut de ses recherches que leur petitesse et l’existence cachée qu'ils mènent au premier âge de leur vie sont les causes qui ont fait reporter par les observateurs l'apparition des premiers individus de cet Insecte à une époque de l’année bien plus reculée que celle à laquelle ils se montrent réellement. Les données acquises sur le Phylloxera quercüs vont être appliquées avec succès par le savant Professeur, nous n’en doutons pas, à l’étude du Phylloxæera vastatrix. M. Balbiani, délégué par l’Académie, a établi à Montpellier le centre de ses observations. — Les expériences faites par M. Oré (Compt.-rend. Acad.,, 13 avril 1874) ne laissent aucun doute sur le rôle des veines dans le phéno- mène de l'absorption, et viennent confirmer les remarquables expé- riences de Magendie, un moment ébranlées par l’objection de Pellerin rapportée dans la plupart des traités de Physiologie. — Laqueue des Muridés présente des dispositions analogues aux ailes des Cheiroptères, dispositions qui ont amené le professeur Jobert à la considérer, avec ces dernières, comme un organe de tact très-délicat (Compt.-rend. Acad., 12 avril 1874). d Chez les Muridés, les soies, implantées obliquement dans la queue et émergeant entre les écailles épidermiques qui revêtent cette partie du corps, sont disposées en verticille et n’ontpoint l'apparence des poils tapis- sant les autres parties du tégument. En outre, leur composition histologique est différente de celle de ces der- niers. La substance corticale en est très-épaisse, la substance médul- laire ne monte pas au-delà des deux tiers de la longueur totale de la soie; TRAVAUX FRANCAIS. — ZOOLOGIE. 83 de plus, la surface extérieure de celle-ci est complétement lisse. Des tubes nerveux fournis par le plexus eaudal vont se mettre, en des points toujours déterminés, en connexion avec les follicules pileux. Les nerfs pénètrent dans un anneau dermique placé en cette région; là, a lieu une division des tubes nerveux dont les cylindres-axes continuent seuls leur trajet et vont se terminer sous la forme d’un petit renflement. Le nombre des soies va en diminuant de la base vers la pointe de l’or- gane, suivant une progression arithmétique. En terminant sa communication, M. Jobert constate une fois de plus que dans la queue des Muridés il a retrouvé l'organe terminal du folli- cule décrit par Schobl en Allemagne; que cet organe ne possède nulle- ment la structure qui lui est assignée par cet auteur, qui le regarde comme un enchevêtrement de tubes nerveux. — Une note de M. Magitot (Compt.-rend., 27 avril 1874) a pour objet la détermination de l’âge de l'embryon humain par l'examen du système dentaire. Une échelle, qui s’étend depuis le moment où l'individu mesure 3 centimètres jusqu’à l’époque de la naissance, est jointe à la communi- cation, appelée, suivant l’auteur, à rendre de grands services au point de vue médico-légal. — Chez les Batraciens Urodèles ovipares (Siredon, Triton alpestris, palmatus, cristatus, abdominalis ou punctatus), la fécondation est intérieure, comme chez les Urodèles vivipares, et non pas extérieure, comme chez les Anoures. Ce fait important résulte d’une communica- tion du professeur Ch. Robin (Compt.-rend. Acad., A mai 1874). Au moment où ils sont pondus et déjà dans le cloaque, les œufs sont fécondés, c’est-à-dire renferment des spermatozoïdes ayant pénétré entre la membrane vitelline et le vitellus. L'intromission du sperme à lieu quelques jours avant le début de la ponte; en effet, on rencontre des zoospermes dans les femelles grosses ne pondant pas et dont les oviductes ne contiennent même pas encore des œufs venus de l’ovaire. «Le mâle des Axolotls introduit ses spermatozoïdes en écheveaux for- mant un petit amas blanc, solide, épais de 2 à 3 millimètres, que sur- monte une masse conoïde, transparente, large et longue de 1 centimètre environ, composée de petits corps hyalins, celluliformes; le tout consti- tue une sorte de spermatophore qui parfois, ne pénétrant pas dans le cloaque de la femelle, tombe et flotte dans l’eau. !» E. DUBRUEIL et PALADILHE. oo 1 L'abondance des matières nous oblige à renvoyer au prochain fascicule l'analyse des diverses Revues Zoologiques. 84 REVUE SCIENTIFIQUE. Botanique. M. Ad. Chatin a continué la série de ses communications à l'Aca- démie des sciences sur l'Organogénie comparée de l’Androcée dans ses rapports avec les affinités naturelles, dont une première partie a déjà été analysée dans la précédente Revue?. Les résultats que depuis lors ce savant botaniste à fait connaître sont relatifs aux classes sui- vantes : Crassulinées, Saxifraginées, OEnothérinées, Personées, Séla- ginoïdées et Verbéninées. Les Crassulacées sont voisines des Cactées et des Mésembryan- thémées, dont nous avons vu que la réunion dans une même classe était justifiée par l'organogénie de l'androcée ; les Crassulacées s'en séparent par des différences importantes. Ce sont des plantes diplo- stémones à verticille oppositisépale interne par rapport au verticille oppositipétale; les étamines opposées aux sépales naissent les pre- mières. Dans certains cas (Bulliarda, Crassula..), les étamines oppo- sées aux pétales se forment tardivement et dégénèrent en staminodes; elles peuvent même avorter complétement, comme on l'observe dans le Dasystemon. Cet ordre centrifuge de production des étamines se montre également dans les Cactoïdées, mais chez elles l’androcée est polystémone et présente en outre, entre l'ordre d'opposition des éta- mines et leur développement ultérieur,une inversion qu'on ne trouve pas dans les Crassulacées, où les étamines nées les premières sont aussi les premières à se développer. Le type symétrique des Crassulatées est complété par l'existence de pistils en même nombre que les parties des autres verticilles flo- raux et opposés aux pétales. A la classe des Crassulinées de M. Brongniart appartiennent les Élatinées et les Datiscées. Les premières, toutefois, s’en éloignent par la situation des étamines sépalaires qui constituent le verticille le plus extérieur, par l'évolu- tion centripète de l’androcée et par la position des carpelles qui sont opposés aux sépales. Les Datiscées, plantes d'incertæ sedis pour L. de Jussieu, ont-elles trouvé leur place définitive dans les Crassulinées ? M. Chatin ne le pense pas. Comme dans les Élatinées, le verticille staminal le plus externe est opposé aux sépales, l'évolution de l'androcée est centri- 1 Ad. Chatin ; Comptes-rendus, LXX VIII, pag. 324, 544, 621 et 699. 2 Rev. des sc. nat., tom. II, n° 4, pag. 563. TRAVAUX FRANCAIS. — BOTANIQUE. 85 pète, les éléments pistillaires sont alternes aux pétales; elles diffèrent, en outre, des Crassulacées par leurs placentas pariétaux, leur ovaire infère et leurs graines albuminées; toutes raisons pour lesquelles on doit les retirer de la classe des Crassulinées. Quant aux Élatinées, elles s’écartent des Crassulacées par le type floral qui les rapproche des Polygonées, mais elles s'éloignent de celles-ci par les caractères du fruit, de la graine et surtout de l’ovule, caractères par lesquels elles tiennent au contraire aux Crassulacées. On peut donc les laisser, comme sous-classe, dans les Crassulinées. La classe des Saxifraginées comprend les Francoacées, les Phila- delphées, les Saxifragées et les Ribésiées. Dans les Saxifragées, dont la plupart sont diplostémones, le ver- ticitle interne de l’androcée est opposé aux sépales et apparaît le pre- raier ; puis se montre le verticille externe au-devant des pétales. Il y a des Saxifragées isostémones, par suite de l'avortement congénital du verticille oppositipétale; de même nous avons vu une Crassulacée, le Dasystemon, devenir isostémone par l'avortement de ce verticille. L'androgénie des Francoacées, des Philadelphées et des Ribésiées justifie leur association aux Saxifragées dans une même classe. La classe des OEnothérinées renferme huit familles : Haloragées, OEnothérées. Combrétacées, Nyssacées, Rhizophorées, Mémécylées, Mélastomacées et Lythrariées. Le type de l’androcée dans cette classe consiste en deux verticilles staminaux se produisant dans l'ordre centrifuge, le verticille oppositisépale étant le plus interne et paraissant le premier. Les carpelles opposés aux pétales forment un verticille qui complète la symétrie florale. Le Trapa seul, dans les Haloragées, fait exception à la règle ; il appartient au type diplostémone centripète et a ses carpelles opposés aux sépales, non aux pétales. D'un autre côté, cette plante, d’après Hoffmeister, n'a qu'un cotylé- don ; cependant M. Chatin, tout en admettant cette opinion, ne pense pas qu'on doive rejeter le Trapa des Dicotylédonées, et il le regarde comme formant le noyau d'une famille ou d'une sous-classe dans les OEnothérinées. C’est là un point en discussion. En somme, dans toutes les familles des OEnothérinées, on trouve le même mode de développement de l’androcée et la position des car- pelles qui en est la conséquence. Comme la plupart des familles diplostémones, elles renferment des représentants isostémones par avortement du verticille né le der- nier. La grande classe des Personées est divisée par M. Brongniart en 86 REVUE SCIENTIFIQUE. périspermées et en apérispermées, suivant que les graines sont pour- vues ou non d’albumen. Dans les premières se rangentles Scrofula- rinées, les Orobanchées et les Gesnériacées ; dans la seconde, les Cyrtandracées, les Utriculariées, les Bignoniacées, les Pédalinées et les Acanthacées. Dans la famille, peu homogène, des Scrofularinées, M. Chatin a étudié divers types appartenant à ses principales divisions, et, à côté d'un mode d'évolution qui peut être considéré comme général, il a reconnu quelques formes de développement spéciales à certains genres. Le plus ordinairement on voit paraître à la fois cinq mame- lons staminaux dont le développement ne se fait pas ensuite d'une manière uniforme. La règle est que l’étamine postérieure avorte, et, les deux latérales prenant moins d'accroissement que les deux anté- rieures, il en résulte un androcée didyname. Ainsi, la première phase de cette évolution rattache ces plantes aux Solaninées par l'isostémonie qui s’y révèle. Certaines plantes présentent un mode particulier de développe- ment de leur androcée. Dans le Rhinanthus et le Melampyrum, un avortement congénital de l’étamine postérieure réduit à quatre celles qui apparaissent dès le début. Dans le Gratiola, les étamines se montrent en trois fois : on voit d'abord les deux étamines latérales qui seules auront des anthères ; viennent ensuite les étamines anté- rieures qui restent stériles, et en dernier lieu l'étamine postérieure qui disparaît aussitôt par atrophie. Dans le Veronica, il ne paraît jamais que deux étamines sur les côtés du dernier pétale, le pétale postérieur. Dans d'autres genres encore, on constate un développement anomal qui se rapproche plus ou moins des précédents, et ces différents modes d'évolution, qualifiés d'accessoires par M. Chatin, unissent les Scrofu- larinées aux familles qui font partie de la même classe. Les Orobanchées ne produisent que quatre mamelons staminaux dont l'apparition se fait à peu près simultanément, comme nous venons de le voir dans le Rhinanthus. Dans les Gesnériacées, l’an- drocée se développe d’après le mode général qu'on observe dans les Scrofularinées. Les Cyrtandracées se distinguent au contraire de celles-ci par leur graine apérispermée, et de plus par le mode d'évolu- tion de l’androcée, dont les parties apparaissent d'avant en arrière en trois phases successives, et dont deux seulement arrivent à maturité, les deux latérales devenant des staminades et la postérieure avortant complétement. Dans les Utriculariées, le développement de l’androcée est analogue au précédent. Les Bignoniacées ont des étamines didynames qui se développent TRAVAUX FRANCAIS. — BOTANIQUE. 87 suivant le mode général observé dans les Scrofularinées. Parmi elles, les Calosanthes ont un androcée presque régulier qui rappelle celui des Verbascum dans les Scrofularinées. Le type général se retrouve dans le développement des étamines didynames des Pédalinées. Enfin les Acanthacées présentent divers modes d'évolution de l'androcée analogues à ceux que nous avons indiqués dans les autres familles de la même classe, qu'elles relient ainsi les unes aux autres. Les Sélaginoïdées comprennent les Sélaginées, les Globulariées, les M yoporinées et les Jasminées, que M. Brongniart y réunit avec doute. Dans la fleur quinaire des Globulariées, l'étamine postérieure manque par avortement congénital. M. Chatin a observé que, contrai- rement à ce qu a avancé Payer, les quatre mamelons qui représen- tent les étamines antérieures et latérales se montrent en deux fois et non simultanément, les étamines antérieures paraissant les pre- mières. Les Sélaginées n'ont aussi que quatre étamines plus ou moins iné- gales par avortement del'étamine postérieure, mais ici ces étamines apparaissent simultanément. Dans l'Agathelpis, il n y a que deux éta- mines latérales qui se développent. Les quatre étamines didynames des Myoporinées naissent en une fois, et on ne voit jamais trace de l’étamine postérieure, dont l’exis- tence était admise par Payer; l'avortement congénital de cette étamine est donc constant dans les familles de cette classe. Par la production simultanée de leurs étamines, les Sélaginées forment en outre le trait d'union entre les Myoporinées et les Globulariées, auxquelles elles tiennent étroitement. Les Jasminées n'ont que deux étamines, cependant certains faits prouvent que chezelles il y a avortement des étamines antérieures et de l'étamine postérieure; leur androcée dérive d’un type isostémone, peut-être même diplostémone, sans quon en puisse déduire leurs véritables affinités. Les Verbéninées embrassent les quatres familles des Verbénacées, des Labiées, des Stilbinées et des Plantaginées. Les Verbénacées, à deux exceptions près, ont un androcée didy- name, quoique la fleur soit pentamère. Les quatre mamelons sta- minaux apparaissent simultanément, et il y a avortement congénital de l’étamine postérieure, qui se montre quelquefois accidentellement. Les deux genres Lippia et Tectona, qui sont isostémones, produisent aussi leur étamines en une seule fois. Dans les Labiées, les étamines didynames se développent en deux 88 REVUE SCIENTIFIQUE . fois et d'avant en arrière: les étamines latérales paraissent par consé- quent les dernières, l'étamine postérieure manque par avortement congénital. Les genres diandres ne diffèrent en rien, au premier âge, de ceux qui auront les quatre étamines fertiles. Dans les Stilbinées, l'étamine postérieure existe sous forme de staminode; la production de l'androcée se fait successivement: d'abord paraissent les deux étamines antérieures qui formeront la grande paire, puis les deux latérales, et enfin la postérieure stérile. Les Plantaginées s'écartent des familles précédentes par leur co- rolle régulière isostémone; la production des étamines paraît simul- tanée. Toutefois, dans le Plantago coronopus, les deux mamelons stami- naux antérieurs se montrent avant les deux mamelons postérieurs, or, dans les Verbénacées, nous avons vu le genre Lippia, qui est égale- ment tétramère, développer ses étamines simultanément et présenter par là un mode d'évolution qui s'éloigne davantage de ce qu'on ob- serve dans le type fourni par les Labiées. M. Chatin ne pense pas qu'on doive séparer les Plantaginées des Verbéninées pour les rap- procher des Primulinées, comme l’a proposé Lindley, et il considère leur situation actuelle à la suite des Verbéninées et immédiatement avant les Primulinées, comme répondant le mieux à leurs affinités. «Quoi qu’il en soit, dit-il en terminant, des Plantaginées ainsi que des Jasminées, familles simplement annexes aux classes où elles comptent, on remarque, en se reportant à l'androgénie des Perso- nées, des Sélaginoïdées et des Verbéninées, classes qui forment une sorte de grande alliance ayant pour caractère commun l'irrégularité de la corolle et des étamines didynames, que les Personées pro- duisent le plus souvent les cinq mamelons staminaux que réclame la symétrie florale, tandis que chez les Sélaginoïdées et les Verbé- ninées l'étamine postérieure est la plus habituellement frappée d'a- vortement congénital. » De ses longues et laborieuses recherches sur l'Androgénie com- parée, M. Ad. Chatin a déduit des résultats généraux dont l'exposé a été l'objet de plusieurs communications du savant professeur à l’Aca- démie des sciences!. — Il en avait déjà formulé quelques-uns autre- fois, relativement à l'ordre des naissances, à l'ordre des développe- ments consécutifs à la naissance et à celui des avortements des étamines. Aujourd'hui les points qu'il a envisagés sont d'abord les suivants : © 1 Ad. Chatin; Comptes-rendus, tom. LXX VIII, pag. 817, 887, 1028. TRAVAUX FRANCAIS. — BOTANIQUE. 89 « La position respective des verticilles de l’androcée et celle des parties d'un verticille staminal donné ; » Le nombre vrai des parties d’un verticille ; » L'ordre de naissance des parties d’un verticille. » Il a fait ressortir comment l'Or:210ogénie pouvait seule permettre dans bien des cas de résoudre ces questions. De même, l'Androgénie, en fixant les vrais types floraux, sert à déterminer les affinités naturelles des familles entre elles, et elle jette une vive lumière sur certaines questions de Morphologie générale. Voici les points que M. Chatin a successivement examinés à ce point de vue : « De la formation comparée dans les Monocotylédones et les Dico- tylédones de l’androcée à deux verticilles. » Dans les premiers, l'évo- lution est le plus souvent centripète, tandis que dans les seconds elle est ordinairement centrifuge ; dansles uns, le verticille oppositisépale est toujours le plus externe des deux ; dans les autres, il est généra- lement le plus interne. De plus, chez les Monocotylédones, le verti- cille opposé aux pétales naît souvent le premier, et chez les Dicotylé- dones c'est presque toujours le verticille opposé aux sépales. Enfin il faut noter la relation constante qui existe entre la disposition de l’'androcée et celle des carpelles, qui sont toujours opposés aux éta- mines du verticille externe. « Des androcées à trois (ou plus) verticilles symétriques. » On voit comment ils conduisent aux verticilles polystémones spiralés. Ceux- ci se produisent aussi suivant les deux modes centrifuge et centripète, sans toutefois que l’un de ces modes se montre plus spécialement dans les Monocotylédones ou dans les Dicotylédones, comme quand il s'agit des androcées diplostémones. «Les étamines sont-elles toujours d'autant plus jeunes qu elles sont plus élevées sur le réceptacle?» À cet égard, il y a de nombreuses ex- ceptions à la loi formulée par Payer, et d’après laquelle, d’une part les étamines paraîtraient simultanément dans chaque verticille, et d'autre part ceux-ci seraient d’autant plus jeunes qu'ils seraient théorique- ment plus élevés dans le réceptacle. Les questions de Morphologie générale dont s’est occupé M. Chatin sont celles-ci : s « Existe-t-il des Étamines composées ?» « Généralité de l'existence des représentants isostémones dans les familles à types diplostémones. » Les petites étamines de l'androcée didyname, et plus générale- 90 REVUE SCIENTIFIQUE. ment d'un androcée donné, ne sont-elles les plus courtes que parce qu'elles sont les plus jeunes ?» A la première question, 1l répond par la négative, contrairement à l'opinion de Payer, et considère ces prétendues étamines composées comme produites, soit par division d'un organe unique, soit par sou- dure d'organes primitivement distincts. Sur la seconde question, M. Chatin, appliquant à l'androcée les idées émises par M. Brongniart au sujet de la corolle qui avorte dans les apétales, de sorte que celles-ci ne sont qu'un état imparfait des dialypétales, regarde les fleurs isostémones comme des fleurs du type diplostémone, dans lesquelles un verticille d'étamines a avorté. Enfin, et pour ce qui est de la dernière question, il conclut que l'inégalité dans la longueur des étamines ne tient nullement à l’âge, comme le pensait Payer, mais à un arrêt de développement, soit con- génital (Labiées), soit consécutif à la naissance (Bignoniacées). Dans certains cas même, ce sont les étamines les plus courtes qui sont les plus âgées. — Une note de M. Ed. Prillieux a trait aux Mouvements de la Chlo- rophylle dans les Sélaginelles'. — La couleur de ces petites plantes varie beaucoup sous l'influence de la lumière; plusieurs d'entre elles pâlissent au soleil, et c'est ce phénomène de décoloration que M. Pril- lieux a étudié. Il se produit par un simple déplacement de la chloro- phylle dans l'intérieur des cellules. Dans la Selaginella Martensis, que l’auteur donne comme exemple, les feuilles très-minces sont formées de trois assises de cellules; celles de la couche inférieure renferment seulementdes grains de chlorophylle, grains très-peu nombreux dans les cellules irrégulières et séparées par des méats de l'assise moyenne; c'est l'assise supérieure qui contribue le plus à la coloration de la plante par la chlorophylle amorphe étendue en une couche uniforme sur le fond des cellules qui la composent. Sous l'influence du soleil, cette matière verte se retire le long des parois latérales, où elle pré- sente alors l'apparence d’un mince croissant, et il en résulte une décoloration de ces parties. Dans la couche inférieure, dont les cel- lules ne contiennent que des grains isolés de chlorophylle, on voit ceux-ci effectuer un mouvement analogue et dans le même sens. Quand une plante a päli par suite de son exposition à une vive lumière, elle reverdit ensuite, quoique lentement, quand elle a été 1 Comptes-rendus, tom. LXX VIII, pag. 506. TRAVAUX FRANCAIS. — BOTANIQUE. 91 soustraite à son action, et la chlorophylle reprend alors sa place au fond de la cellule. Le même observateur, poursuivant cette étude des mouvements qu'exécutent les grains de chlorophylle sous l'action de la lumière, «a cherché a distinguer nettement, sur un exemple choisi à dessein, ceux sur lesquels la lumière a de l'influence et qui se produisent sur la plante intacte, de ceux qui se manifestent dans les cellules, à la suite des lésions qui ont été faites dans les tissus, pour les mettre en état d'être soumis à l'observation microscopiquet». L'exemple choisi a été l'Elodea canadensis. Dans les feuilles de cette plante, le groupe- ment des grains de chlorophylle à l’intérieur des cellules n’est pas le même si on l'observe sur un pied tenu à l'ombre ou exposé au soleil; mais dans l’un et l'autre cas on voit sur une coupe de la feuille qu'il se produit des mouvements très-prononcés par lesquels ces grains sont finalement entraînés dans un grand courant de protoplasme qui s'établit autour de la cellule; au bout d'un temps assez long, qui dé- passe quelquefois un jour entier, les courants s'arrêtent et les grains de chlorophylle restent irrégulièrement disposés. Ces mouvements paraissent être d'un autre ordre que ceux qui se produisent sous l'action de la lumière et qui amènent des change- ments dans la façon dont les grains de chlorophylle sont groupés. Ces derniers mouvements sont lents et difficiles à saisir. Dans ce cas- ci, le transport de la chlorophylle est-il dû encore, suivant l'opinion de Roze et de Sachs, à des mouvements du plasma? M. Prillieux ne le pense pas. «La facon, dit-il, la plus naturelle d'exprimer les faits que l'observation fait connaître, serait, ce semble, d'admettre que le grou- pement des grains de chlorophylle est déterminé par des attractions qu ils exercent les uns sur les autres et que les membranes exercent sur eux.» Il annonce pour une communication ultérieure l'exposé de sa manière de voir sur ce sujet. — À M. Prillieux l'on doitencore d’intéressantes observations sur la Production de la gomme dans les arbres fruitiers?. Ce phénomène a depuis longtemps attiré l'attention des naturalistes, mais il a été di- versement interprété, et les uns l'ont considéré comme constituant un état de maladie, tandis que les autres l'ont regardé comme compatible avec la santé des arbres. Nous avons déjà fait connaître les recher- ches de M. Prillieux sur le mode de formation de la gomme dans les 1 Comptes-rendus, tom. LXX VIII, pag. 750. 2 Jbid., tom. LXX VIII, pag. 1190. 92 REVUE SCIENTIFIQUE. tissus’; de ces recherches, il conclut aujourd'hui que l'écoulement de la gomme constitue une véritable maladie qu'il nomme Gommose, et dont il étudie la marche. Au début, ilse forme un parenchyme fécu- lent, produit morbide résultant d'une transformation des éléments normaux, ayant tous les caractères d'une vraie néoplasie pathologi- que. La gomme apparaît ensuite par dégénérescence des éléments con- stitutifs des tissus; la maladie s'accompagne en effet de troubles nu- tritifs qui en sont même le caractère dominant, et par suite desquels les substances alimentaires, au lieu d'être employées au développe- ment régulier de l'arbre, sont détournées de cette destination et servent à la production de la gomme. Parmi les moyens cura!ifs, la scarification de l'écorce a donné de très-bons résultats : elle agit, selon M. Prillieux, comme puissant dérivatif. — M. D. Clos a observé, dans les plantes de la famille des Ombel- lifères, un nouveau mode de ramification? qui jette un certain Jour sur la nature de l'inflorescence de ces végétaux, regardée tour à tour comme définie et comme indéfinie. Il a remarqué, dans un grand nombre de cas, une confluence de plusieurs nœuds vitaux, d'où résul- tent de faux verticilles. « Cette coalescence des nœuds, dit-il, se géné- ralise au voisinage de l’ombelle, formant souvent, comme dans le Maceron (Smyrnium olusatrum) et la grande Ciguë, des préombelles; mais elle ne saurait expliquer les cas, assez fréquents dans cette famille, d'ombelles nues, celle-ci reconnaissant pour cause la parti- tion. » — M.J. Vesque a communiqué à l'Académie des sciences les dia- guoses d'espèces nouvelles du genre Dipterocarpus?, extraites d'un tra- vail plus général poursuivi par lui sur le groupe des Diptérocarpées, et qui comprendra, outre la description systématique des espèces, l'étude anatomique des tiges, étude qui contribuera, dit l'auteur, à jeter quelque lumière sur les affinités de ces végétaux. Nous nous empressons d'enregistrer ce nouvel exemple de l'emploi, si justement recommandé par M. Duval-Jouve, des Comparaisons histotatiques dans les études de taxonomie. 4 Voir Rev. des sc. natur., tom. II, n° 4, pag. 558. 2 Comptes-rendus, tom. LXX VIII, pag. 548. 3 Jbid., Espèce nouvelle du genre Diplerocarpus, par M. J. Vesque, tom. LXX VIII, pag. 625. TRAVAUX FRANCAIS. — BOTANIQUE. 93 — L'origine du macis de la Muscade et des arilles en général a fourni à M. H. Baiïllon le sujet d'une intéressante communication à l’'Acadé- mie des sciences. Pour les anciens botanistes, cet organe prenait naissance autour de l'ombilic et constituait un arille de ceux qu'on a depuis qualifiés de vrais ; pour d’autres, cet organe naîtrait au con- traire du pourtour du micropyle, et serait un Arille faux ou Arillode. Enfin, d’après MM. J. Hooker et Thomson, le macis procéderait à la fois du hile et du micropyle; mais pour qu'il en fût ainsi, il fau- drait supposer la soudure de ces deux organes s'avançant à la ren- contre l’un de l'autre, alors qu'ils seraient déjà assez âgés, ce qui paraît inadmissible. La difficulté ne pouvait être résolue que par l’organo. gébie. Celle-ci montre que l’arille débute par un léger épaississement du tégument externe qui se produit à droite et à gauche de la base de l'ovüle, d'où il s'étend d'abord autour du hile et remonte ensuite de chaque côté autour du micropyle. Get accroissement cellulaire ne se continue pas d'une manière uniforme sur toute la surface de l’ovule ; il ne se fait que par places, et de là vient la formation des lanières qui constituent le macis. Celles-ci ne sont autre chose que des poils comprimés, unis entre eux sous forme de languettes dont l’aplatisse- ment s explique par le peu d'espace que les cellules trouvent, pour se développer, dans l'intervalle très-mince qui sépare la graine du péri- carpe; il en résulte qu'à la maturité le macis, gorgé de sucs, passe de dedans en dehors sur le péricarpe entr'ouvert, et intervient ainsi dans la dissémination des graines. Morphologiquement, les arilles ont la même signification que les poils dont sont munies beaucoup de graines. Il y en a qui en ont toute leur surface couverte, comme le coton; d'autres n’en portent que sur des points localisés de cette surface ; chez certaines encore, au lieu de poils ce sont des ailes membraneuses, et toutes ces formations jouent un rôle plus ou moins important dans la dissémination. Dans d'autres cas, tout le tégument externe est hypertrophié et la graine est entourée d’une couche charnue qui constitue l’arille; maisle plus souvent cette hypertrophie, au lieu d’être générale, est localisée sur certains points et forme alors ce qu on a nommé les Arilles vrais, les Arillodes, les Strophioles.., suivant que l’hypertrophie s'est pro- duite dans telle ou telle région. « Les conséquences à tirer de ce qui précède, dit le savant profes- seur de la Faculté de Paris, sont que : Telles sont la signification mor- phologique et la fonction des poils que portent les graines, telles sont 1 Comptes-rendus, tom. LXXVIII, pag. 779. 94 REVUE SCIENTIFIQUE. celles des arilles: et qu'il y aura lieu de supprimer les expressions, souvent impossibles à bien définir, d'Arilles vrais ou faux (Arillodes), de Caroncules, Strophioles, etc. Il n'y aura à distinguer que des Arilles généralisés et des Arilles localisés de telle ou telle région : du funicule, du raphé, de la chalaze, du hile ou du micropyle, ou bien de plusieurs à la fois de ces régions de la graine. Dans la Muscade en particulier, comme d'ailleurs dans beaucoup d'autres végétaux, il y aura simultanément Arille du micropyle et de l'ombilic. » — Notre collaborateur M. E. Heckel poursuit, sur l’irritabilité des étamines, des recherches que nous avons déjà eu l'occasion de men- tionner et qui depuis ont été l'objet de plusieurs Notes à l’Académie des sciences!. Nous avons vu qu'à l'exemple de M. Paul Bert, cet observateur distinguait les mouvements provoqués des mouvements spontanés. Aux preuves données par cet habile physiologiste, M. Heckel en a joint de nouvelles, fournies surtout par l'étude de l'action des anesthésiques. D'abord, il a constaté que dans les étamines de Mahonia l'irritabilité résistait à des mutilations qui dans la Rue au contraire entraînaient immédiatement la cessation des mouvements, ce qui montre bien la différence qu'il faut faire entre l’irritabilité fonctionnelle et l'irrita- bilité nutritive. L'action des anesthésiques sur les Mahonia et les Berberis a donné des résultats intéressants. Le protoxyde d'azote, ainsi que l'avaient déjà reconnu MM. Joly et Blanche, n'agit pas comme anesthésique et n'a que des propriétés asphyxiantes. Le chloral est également sans action sur les mouvements des végé- taux; mais si, par l'addition d'une certaine quantité de carbonate de soude, on le transforme en chloroforme, l'action anesthésique se ma- nifeste. «Ces faits, dit M. Heckel, outre l'intérêt qu ils peuvent présen- ter au point de vue de la physiologie du mouvement provoqué, me semblent venir à l'appui de l'opinion qui veut que le chloral n’agisse comme hypnotique qu'après sa transformation en chloroforme, sous l'influence des alcalis renfermés dans les organismes animaux.» L'action des vrais anesthésiques, tels que le chloroforme et l'éther, sur les mouvements des étamines, est bien différente suivant que ces mouvements sont subordonnés à l’irritabilité nutritive ou à l'irritabilité fonctionnelle. Dans le premier cas, le mouvement disparaît par suite de la mort de la plante tuée par l’anesthésique, et par conséquent il * Comptes-rendus, tom. LXX VIII, pag. 856, 985, 1162. TRAVAUX FRANCAIS. — BOTANIQUE. 95 disparaît sans retour possible; dans le second cas, au contraire, la ces- sation du mouvement se produit sur la plante vivante, et la preuve en est dans sa réapparition, une fois l’action de l’anesthésique épuisée. Cette différenciation entre la nature des deux ordres de mouve- ment ressort aussi des expériences que M. Heckel a faites avec d'au- tres agents: ainsi, l'action de l’ammoniaque n'est pas la même suivant qu'elle porte sur des mouvements provoqués ou sur des mouvements spontanés, quoiqu'en définitive elle atteigne les uns et les autres également, en mettant fin à la vie de la plante. Le chlorhydrate de morphine, qui arrête pendant un certain temps les mouvements pro- voqués, est sans effet sur les mouvements spontanés. M. Heckel s'est demandé quelles étaient les conditions anatomiques de ces mouvements exécutés par les étamines: il avait reconnu phy- siologiquement que le siége devait en être recherché sur la portion concave du filet, quise montrait seule irritable; et partant d'une idée émise par Cohnà propos du mouvement des étamines des Centaurées, dû probablement, dit-il, «à un simple changement de forme des cel- lules, qui deviennent à la fois plus courtes et plus épaisses», il a exa- miné les cellules de cette portion de l’organe à l'état de repos et à l'état de contraction. Il a obtenu l’état de repos ou d'insensibilité par l'emploi des anesthésiques, etil a alors observé la forme de ces cellules, qu'il a trouvées plus longues que larges, ayant leur contenu disséminé dans toute leur cavité et surtout auprès des parois. Après l'irritation, ces cellules présentent un raccourcissement notable; elles sont « ra- massées sur elles-mêmes, de facon à n'occuper que les deux tiers de l'espace primitif, leur contenu, ramené des différents points de la circonférence, est condensé au centre de l’utricule, et les stries trans- versales sont accusées au plus haut degré. » On peut voir ces cellules contractées se détendre peu à peu et re- prendre leur forme première. * Une disposition semblable se rencontre dans les cellules du des de l'étamine, qui agissent comme antagonistes des cellules antérieures, et pour M. Heckel le mécanisme du mouvement est le suivant: Sous l'influence de l’irritation, les cellules antérieures se contractent, et le mouvement se produit; en même temps les cellules dorsales sont allongées et distendues; mais elles réagissent à leur tour et reviennent à leur état normal qui est la contraction, au lieu que l'état normal des cellules de la face concave est la distension; l'étamine est alors au repos. 96 REVUE SCIENTIFIQUE. — Nous avons mentionné, dans notre dernière Revue, les recher- ches de M. B. Renault sur certains végétaux silicifiés d'Autun, formant un nouveau genre de Fougères de la tribu des Marattiées, auquel il a donné le nom de Myclopteris. Le Mémoire de M. Renault, dont la communication insérée aux Comptes-rendus n'était qu'une analyse, a été, de la part de M. Brongniart, l'objet d'un rapport qui conclut à l'insertion de ce travail dans le Recueil des savants étrangers?. Le rapporteur fait ressortir l'intérêt offert par la conséquence qui découle de ces études, d'où l’on est amené à conclure que, les tiges, considérées jusqu'ici comme les seuls indices de végétaux monocoty- lédones à l'époque houillère, n'étant autre chose que des Fougères, il n'y a plus lieu d'admettre l'existence des Monocotylédones à cette époque géologique. — Une note de M. J.-L. de Lanessan relate d'intéressantes obser- vations sur la disposition des faisceaux fibro-vasculaires dans les feuilles. On sait que M. Van Tieghem a cru pouvoir fonder la délimitation qui séparerait les organes axiles des organes appendiculaires d'après les caractères tirés de la disposition des faisceaux fibro-vasculaires, caractères qu'il aregardés comme constants, de facon à pouvoir fournir un critérium sûr pour déterminer la nature axile ou appendiculaire d'un organe douteux. Cette manière de voir a été combattue par M. Trécul, dont nous avons eu déjà l'occasion de faire connaître les idées sur ce point*. Les recherches de M. de Lanessan viennent entièrement à l'appui de l'opinion soutenue par M. Trécul. « Pour moi, dit-il, les faits nombreux que j'ai observés, et dont Je n'ai pu donner ici quun résumé succinct, m amènent à conclure, après M. Trécul, quil est impossible d'établir des limites entre la tige et la feuille, entre l'axe et l'appendice, et que les branches d’une tige, les feuilles et les diverses parties de la fleur ne sont que des formes particulières de la ramification destinées à remplir des fonctions différentes. » | — MM. Deherain et Moissan ont fait part à l'Académie des sciences des résultats que leur a donnés l'étude de l'absorption d'oxygène, et de l'émission d'acide carbonique par les feuilles maintenues à l'obscurité. Nous nous bornons à enregistrer «es résultats : 1 Rev. des sc natur., tom. IL, no 4, pag. 563. 2 Comptes-rendus, tom. LXX VIII, pag. 879. 3 Jbid., tom. LXXVIII, pag. 891. # Rev. des sc. natur., tom. I, no 3, pag. 382. # Comptes-rendus, tom. LXX VIII, pag. 1112. TRAVAUX FRANCAIS. — BOTANIQUE. 97 «1e La quantité d'acide carbonique émise par les feuilles à l’obscu- rité augmente avec l'élévation de température; » 2° La quantité d'acide carbonique émise par les feuilles est com- parable à celle que fournissent les animaux à sang froid; » 3° Les feuilles maintenues à l'obscurité absorbent plus d'oxygène qu'elles n’émettent d'acide carbonique ; » 4° Les feuilles continuent d'émettre de l’acide carbonique dans une atmosphère dépouillée d'oxygène; » 59 Hypothèse sur l'utilité physiologique de la combustion interne qui se produit dans les feuilles. » Cette combustion interne, accusée par l'absorption d'oxygène et l'émission d'acide carbonique, fournirait une partie de la chaleur nécessaire à l'élaboration des principes immédiats qui servent à la croissance de la plante. — Sous le titre de Micromycetes exotici novi, M. Crié a donné la description de quatre espèces nouvelles de Champignons, dont trois du genre Septoria : S. Tiliacearum ; S. Sapindacearum ; S. Astropeæ, et la quatrième: Phyllosticta Decaisneana!. — Un Mémoire de Physiologie végétale de M. le D' Boehm est con- sacré à l'étude de la Respiration des Plantes terrestres?. L'auteur a fait avec beaucoup de soin un nombre considérable d'expériences desti- nées à éclairer le double phénomène par lequel les feuilles vertes dé- composent de l'acide carbonique et produisent de l'oxygène. Nous ne pouvons qu indiquer ici les résultats généraux de cette étude, en lais- sant de coté tous Les détails d’expérimentation Le fait fondamental constaté par M. le D' Boehm, c'est qu'en pla- cant des rameaux verts dans une atmosphère d'acide carbonique mélangé d'une quantité connue d'hydrogène, et en les soumettant à l'action du soleil, on trouve toujours, après l'expérience, une diffé- rence entre la somme de l'acide carbonique et de l'oxygène que con- tient alors le mélange gazeux et la quantité d'acide carbonique qui s'y trouvait primitivement. Cette différence est faible, mais elle se produit toujours dans le même sens et se traduit par une proportion trop grande de l'acide carbonique restant et de l'oxygène dégagé, par rapport à l'acide carbonique employé. Étant démontré que ce résultat n'est pas entaché d'erreur, il faut admettre qu'il est produit par une fonction de la vie cellulaire de la plante même, qui consisterait, quand elle est placée dans un milieu privé d'oxygène, en une combustion 1 Ann. des sc. natur., Botanique, tom. XIX, pag. 176. 2 Jbid., tom. XIX, pag. 181. III. Er 98 REVUE SCIENTIFIQUE. ù intérieure d'où provient l'excès d'acide carbonique indiqué. Si des feuilles placées dans les mêmes conditions sont mises en outre dans l'obscurité, il est évident que la quantité d'acide carbonique donnera la mesure de l'intensité de cette combustion intérieure, car dans ce cas le phénomène inverse ne se produit pas. Ainsi qu'on pouvait le prévoir, l’intensité de cette combustion augmente avec la tempéra- ture. Quant à la nature des gaz employés pour former le mieu où plongent les feuilles, M. Boehm a constaté qu'en présence de l'acide carbonique, de l’oxyde de carbone et de l'azote, les choses se passent comme dans l'hydrogène. L'acide sulfhydrique agit comme un poison mortel. Les phénomènes signalés par M.Boehm offrent beaucoup d'intérêt, mais leur étude n’est pas assez complète encore pour qu'on en puisse apprécier exactement la signification et l'importance physiologique. — M. de Saldanha de Gama a publié comme Notes sur quelques arbres employés dans l'industrie brésilienne, la description de végétaux appartenant à ce pays, et particulièrement intéressants par les pro- priétés de leur bois. Ce sont: dans les Méliacées, le Cabralea Cange- rana; dans les Erythroxylées, l'Erythroæylum utile; dans les Apocynées, l'Aspidosperma olivaceum Müll.; dans les Légumineuses, le Centrolo- bium robustum Mort.; dans les Cordiacées, le Cordia Alliodora Ch. — Le défaut d'espace nous oblige d'arrêter ici cette Revue, et de renvoyer au prochain Numérol'analyse de quelques travaux auxquels nous ne pourrions accorder aujourd'hui la place que comporte leur examen. Henri SicARD. RS —— Géologie. — D'après une lettre de M. Gorceix (Compt.-rend. Acad., 9 février 1874), les phénomènes volcaniques dont Nisyros est le siége conti- nuent à se produire, mais sans prendre une grande importance. Nisyros est le centre de plusieurs îlots de formation volcanique et constitués par des laves trachytiques. Dans l’îlot d'Hyali, on remar- que un dégagement gazeux dont les bulles agitant le sable avaient fait croire à l'existence d'une source sous-marine. L'île de Cos a été également le but des explorations de M. Gorceix. Cette île (Compt.-rend. Acad., 23 février 1874), composée de terrains secondaires métamorphiques sur lesquels s'appuient des formations TRAVAUX FRANCAIS. — GÉOLOGIE. 99 tertiaires marines, d'eau douce, et fossilifères, présente jusqu à son milieu une crête de calcaires cristallins et de schistes représen- tant son noyau primitif, autour duquel sont venues se grouper des formations tertiaires fossilifères, et où à diverses époques se sont fait jour de nombreux épanchements de roches volcaniques. Les laves sont partout sensiblement altérées; cette altération se continue encore sous l'influence des produits gazeux émis par les eaux minérales. Au milieu des schistes et des trachytes, au S.-0. du village de Rhora, le sol est imprégné d'eau et d'acide sulfurique, et offre en certains points des dégagements d'acide carbonique et d'hydrogène sulfuré. Le même phénomène se rencontre sur divers points de l’autre ver- sant de cette arête calcaire. Des sources minérales dont, à certains moments, la température atteint celle de l’eau bouillante, sourdent en deux points au bord de la mer. La partie O. de l'île est reliée à celle que nous venons de décrire par un isthme où se montrent les formations tertiaires recouvertes par une épaisse couche de tufs ponceux. Auprès du village de Képha- los, ceux-ci viennent s'appuyer sur une série de basaltes et de variétés d'obsidienne formant deux cônes éruptifs. L'un de ces cônes présente une cavité offrant tous les caractères d'un cratère. Enfin, M. Gorceix (Compt.-rend. Acad., 4 mai 1874) fait connaître l'analyse des gaz et des eaux de l'éruption recueillis pendant les deux voyages qu il a faits dans l’île de Nisyros. — M. De Cessac a retrouvé récemment les fossiles découverts par Darwin à Santiago : ces fossiles existent dans presque toutes les îles de l'archipel du cap Vert. Leur âge paraît à M. Fischer (Compt.- rend. Acad., 16 février 1874) être plus récent que celui qui leur est assigné par le savant anglais ; car, à l'exception du Cerithium œmu- lum et du Pocillopora Cessaci, toutes les espèces rapportées de ces gisements vivent encore dans les eaux de l’Archipel et sur la côte ouest d'Afrique. Quant aux fossiles du plateau calcaire de l'ile de Maio, le plus souvent à l'état de moules ou d'empreintes, ils forment une couche semblable aux Mollusques du midi de la France, et dont l’âge est peut-être plus ancien que celui du cordon littoral. M. De Cessac a recueilli aussi des fossiles terrestres, des bois et des graines silicifiées, dont l'examen a été confié à M. Brongniart. — M. Boussingault donne lecture à l’Académie (Compt.-rend. Acad., 16 et 23 février, et 2 mars 1874) d'un important Mémoire sur 100 REVUE SCIENTIFIQUE. l'origine des eaux acides qui prennent naissance dans les volcans des Cordillères. I] résulte des observations de ce savant que l’eau du Rio- Vinagre, par exemple, entraîne par jour 46,873 kilogr. d'acide sulfu- riquemonohydraté, et 42,150 kilogr. d'acide chlorhydrique. L'eau de la source de Ruiz, qui surgit à 3,600 mètres de hauteur, renferme cinq fois autant du premier. La présence de l'acide chlorhydrique dans certaines eaux avait déjà été constatée par Vauquelin dans celle puisée par Leschenaut au sommet de l'Idgeng, un des volcans de Java. M. Boussingault émet l'opinion qu'une source thermale peut être rangée parmi les phénomènes volcaniques. Cette manière de voir est confirmée d'ailleurs par l'identité des gaz dégagés de l'eau thermale et des gaz émis par les fumerolles. Partant de ce fait, en contradiction avec les idées reçues en géolo- gie, que le sel iodifère des salines des provinces d’Antioquia et du Cauca provient des sources salées sortant de roches cristallines, et non pas d'argiles salifères ou de sel gemme reposant sur le terrain crétacé, l'auteur établit combien doivent être considérables les quan- tités de chlorures et de sulfates accumulées dans les roches traversées par les eaux qui font l'objet de son Mémoire. Notons que, quelle que soit l'origine de ces sels, l'eau est leur véhi- cule, de même qu’elle intervient aussi dans les phénomènes volcani- ques. Il est démontré aujourd’hui que celle-ci provient de la surface de la terre, de gisements accumulés sur le sommet des plus hautes montagnes, glaciers, neiges éternelles, etc. M. Boussingault, en terminant, explique la présence de l'acide chlor- hydrique et de l'acide sulfurique libres dans les eaux thermales des Cordillères, par des considérations qui par leur nature échappent à notre analyse. — Trois nouveaux squelettes humains doivent être ajoutés à ceux découverts dans la grotte de Menton. Les objets en silex taillé trou- vés avec l’un de ces squelettes diminuent considérablement, et sont remplacés, dans les couches un peu plus inférieures, par des instru- ments en grès taillé plus ou moins retouchés sur les bords. M. Ri- vière (Compt.-rend. Acad.,?3 février 1874) croit devoir expliquer ce fait par «l’arrivée des premières tribus dans les grottes de Menton, qui re- coururent d'abord aux roches les plus faciles à trouver, en attendant qu’elles eussent découvert les gisements de silex, auxquels elles de- vaient un peu plus tard emprunter les matériaux qui leur étaient nécessaires». TRAVAUX FRANCAIS. — GÉOLOGIE. 101 — Notre collaborateur le D' Bleicher présente à l'Académie (Compt.- rend. Acad., 9 mars 1874) les conclusions d'un Mémoire que nous sommes heureux de reproduire en entier dans la présente livraison. — La présence de blocs et de cailloux roulés en grès rouge est signalée par M. Héna dans le district de Saint-Brieuc (Compt.-rend. Acad., 16 mars 1874). — Suivant M. Ch. Grad (Compt.-rend. Acad., 16 mars 1874), la formation des vallées, leur creusement, leur élargissement, ne peuvent en aucune manière être attribués à l'action directe et normale des glaciers. Ceux-ci, au lieu de creuser les flancs des montagnes, exercent sur les parties qu'ils recouvrent une action conservatrice, en les proté- geant contre les attaques de l'atmosphère, la gelée et les eaux couran- tes. Quand les glaciers mis en mouvement passent sur un fond acci- denté, la glace ne remplit pas exactement les parties profondes au- dessus desquelles elle glisse. Ge n'est que sur les parties élevées et en saillie du roc qu’elle exerce son action de frottement, de polissage, tandis qu'elle forme pour ainsi dire une sorte de plancher au-dessus des dépressions et des cavités. L'usure des roches moutonnées, sous les glaciers, est ordinairement peu rapide; elle est d’ailleurs subordonnée à la dureté de la pierre, ainsi qu'à la masse et à la vitesse du mouve- ment du glacier. Dans le cas d’une grande vitesse, les aspérités peu prononcées qui s'opposent à la marche de ce dernier sont bien plus promptement nivelées, surtout si sa masse est considérable et si la roche est tendre. On trouve de ces surfaces ainsi polies et nivelées en Islande, dans le Groënland, les Alpes, les Vosges, etc. Si le frottement des glaciers ne peut pas produire les creux ou les dépressions existant entre les saillies des roches polies, striées on arrondies sous son in- fluence, comment lui attribuer, ainsi que certains géologuess'obstinent à l'admettre, la formation de vallées profondes ? Les torrents issus de tous les glaciers que M. Grad a visités, s’écoulent par un lit plus ou moins encaissé, creusé par les eaux bien au-dessous du niveau des surfaces polies en contact avec la base de ces glaciers. La formation de moraines profondes, au moyen des matériaux tombés au fond des crevasses, l'apparition de ces moraines partout où la glace ne passe pas sur les surfaces rocheuses, sont manifestement opposées à la théo- rie du creusement des vallées par les glaciers. Tels sontles faits sur lesquelsl’auteur appuie sa manièrede voir, qu'il se propose de faire mieux ressortir encore par de plus amples détails. 102 REVUE SCIENTIFIQUE. — Dans une communication récente sur les phénomènes géologiques de la vallée de l'Aisne, M. E. Robert avait été conduit à penser que le relief actuel de la contrée est dû à un soulèvement de la croûte ter- restre qui a eu pour conséquence le brusque épanchement d’un ou de plusieurs grands lacs. Il donne dans une note (Compt.-rend. Acad., 6 avril 1874) de nouveaux arguments à l'appui de son opinion. l'étude des matériaux entraînés, et dont les dépôts constituent ce que l’on est convenu d'appeler terrain de transport ou diluvium, ne lui a pré- senté que des cailloux roulés appartenant incontestablement à la craie de la Champagne pouilleuse et aux divers horizons des terrains ter- tiaires. Les traces de la grande éruption des eaux se manifestent surtout par des érosions profondes remplies de cailloux roulés et de limon rougeâtre. Quelque étendue que l'on suppose à des glaciers, il n'est guère admissible que leur fonte, si rapide qu'elle ait pu être, ait produit un tel effet. Au contraire, un soulèvement de l'écorce terrestre peut seul rendre compte des faits d'une manière satisfaisante. Pendant que les terrains crétacés, qui forment une protubérance considérable au bord de la vallée de l'Oise, au N.-O. de Précy, se soulevaient, leurs couches, légèrement inclinées vers Beaumont-le- Vicomte, où elles finissent par disparaître tout à fait sous Le diluvium de la vallée, se fendillaient perpendiculairement à l'horizon, et les fentes se remplissaient de limon rougeâtre. Ces fentes coupent d’une manière plus ou moins oblique des filons de silex pyromaque. L'auteur, en se résumant, pense que ce que l'on désigne sous le nom de terrain de transport ou diluvium est dû aux masses considé- rables de roches entraînées par le soulèvement et l’'épanchement subit de grands lacs recouvrant autrefois une grande partie de l’Europe, et qui, après avoir rompu les digues qui les séparaient, ont pu amener la destruction de tout ce qui vivait dans leur voisinage, en couvrant une grande étendue de sol de cailloux roulés, de gravier ou de sables plus ou moins argileux. — M.de Quatrefages (Compt.-rend. Acad., 27 avril 1874) présente une note fort intéressante de MM. L. Lartetet Chaplain-Duparc sur une sépulture des anciens Troglodytes des Pyrénées superposée à un foyer contenant des dents sculptées de Lion et d'Ours. Au pied des escarpements d'un promontoire rocheux formé par le redressement des couches nummulitiques près du village de Sorde, du côté du gave d’Oloron, dans le voisinage du pays Basque et du Béarn, M. Raymond Portier (de Dax) avait déjà trouvé des traces du séjour de l'homme pendant la période dite dge du Renne. C’est sur ce même escarpement, TRAVAUX FRANCAIS. — GÉOLOGIE. 103 mais derrière un épais taillis qui en avait caché les abords jusqu'à ce jour, que MM. L. Lartet et Chaplain-Duparc viennent de faire, dans un abri de 9 mètres de long sur ? de profondeur, une fort intéressante dé- couverte. Sur le sol calciné et désagrégé de la grotte, ils ont trouvé un squelette humain en compagnie de silex taillés, de débris de flèches barbelées, d'instruments en os et de canines d'Ours et de Lion per- cées pour la plupart par la main de l’homme. Quelques-unes de ces dents étaient recouvertes de lignes gravées au silex, ornées de traits figurant des flèches barbelées, ou de sculptures délicates représentant des Poissons et des Phoques. Une couche de près d'un mètre recouvre ces divers objets; elle est composée de cendres, de galets de rivière, de débris d’ossements de Bœuf, de Cheval, de Cerf, de Renne, et de silex taillés; elle appartient incontestablement à l'ége du Renne. Sur celle-ci, après une couche mince d'Helix nemoralis qui indique l'abandon momentané de cet abri par l'homme, en est superposée une troisième assez épaisse, présentant les mêmes caractères que celle qui recouvre le sol, et appartenant par conséquent, comme elle, à l’âge du Renne. Immédiatement au-dessus, on a trouvé entassés, mais en assez bon état, surtout vers la base, où plusieurs même conservaient leurs relations articulaires, une trentaine de squelettes humains mêlés avec des poinçons en os,des amulettes et dessilex d'une perfection de travail très-remarquable, et appartenant bien évidemment à l'ége de la pierre polie. Comme M. Hamy, M. de Quatrefages rattache ces squelettes à la race de Cro-Magnon, et ils le démontrent l’un et l’autre d'une ma- nière qui ne doit laisser aucun doute à cet égard. D'où il résulte que les perfectionnements industriels accomplis pendant les âges préhis- toriques n impliquent pas toujours des changements de races, et que, pour bien apprécier la succession des époques, il est indispensable de recourir à l'étude des changements de faune qu'entraïînent les change- ments de milieu. — La présence d'une Cycadée dans le dépôt miocène de Koumi (Eubée) fournit à M. de Saporta la matière d'une note fortintéressante (Compi.-rend. Acad., 4 mai 1874). L'empreinte, malheureusement fracturée, représente une fronde vigoureuse, d’une longueur de 0,20 dans la partie conservée, comprenant le milieu de l'organe. L'aspect de cette fronde el tous ses caractères indiquent un Encephalartos, très- voisin des espèces de ce genre, confiné maintenant dans l'Afrique australe. M. de Saporta lui donne le nom de £. Gorceixianus, en l'hon- xeur de M. Gorceix, quia recueilli à son intention une série de plantes 104 REVUE SCIENTIFIQUE. fossiles dans la localité de Koumi, entre autres cette intéressante Gy- cadée. C’est le premier échantillon de cette famille que l’on puisse bien nettement rapporter à un des genres vivants de nos jours. Bien que les Cycadées aient joué un rôle fort important dans la Flore euro- péenne pendant l’époque secondaire. leur existence à une époque ultérieure y était considérée jusqu’à un certain point comme tout au moins douteuse. L’heureuse trouvaille de M. Gorceix vient prou- ver péremptoirement que des Cycadées existaient en Europe durant l’époque miocène; et la présence d’un Encephalartos dans une contrée que sont venus habiter plus tard le Rhinocéros à type africain, les Gi- rafes et les Antilopes, ajoute un argument de plus à l'hypothèse d’une union entre l’Europe austro-orientaleet l'Afrique miocènes. Du reste, la liaison de la flore de Koumi avec la flore austro-africaine avait déjà été remarquée par M. Unger, et les relations de la péninsule helléni- que avec l’Afrique continentale pendant la période miocène avaient été clairement démontrées par les travaux de M. A. Gaudry sur la faune de Pikermi. E. DuBRuEIL et PALADILHE. — Recherches sur les terrains tertiaires lacustres du département de l'Hérault, par M. le D' Bceicner (Ann. des sc. géol., tom. V, n° {). — Les conclusions de ce Mémoire sont les suivantes : Le groupe de Montaiguet { Matheron) est largement représenté dans le département de l'Hérault, et partout il peut être caractérisé par le Strophostoma lapicida et le Bulimus subcylindricus. Ge dernier remonte, selon toute probabilité, plus haut que le premier. Le groupe de Cuques, du même auteur, ne peut guère être séparé du précédent, comme aux environs d'Aix. Les couches à Melanopsis Cas- trensis, Planorbis Castrensis, Melanopsis Mansiana, constituent des n1- veaux très-importants et très-faciles à reconnaître ; ce dernier fossile remonte très-haut dans la série tertiaire, et se rencontre jusque dans l'oligocène (Montouliers, près Ganges). Cet étage a partout, dans sa partie supérieure, le caractère fluvio-lacustre. Il peut contenir plu- sieurs niveaux fossilifères avec ou sans lignites ; ceux-ci d’ailleurs ne caractérisent aucun niveau tertiaire et peuvent se rencontrer à dif- férentes hauteurs. À partir des marnes bleues du miocène jusqu à la partie supérieure des sables de Montpellier, on trouve, aux environs de Montpellier, uue série, variable suivant les lieux, d'horizons lacustres intercalés au milieu des formations marines. - TRAVAUX FRANCAIS.— GÉOLOGIE. 105 Il est permis de dire, d’après M. de Saporta, que l'époque éocène est caractérisée, au point de vue de la paléontologie végétale, par des formes tropicales. Les coquilles de cette période indiquent également des conditions de climat analogues à celles du Brésil (grands Bulimes de la région des Mélastomacées ). Les faunes et les flores de l'éocène supérieur et de l’oligocène présentent des formes qui rappellent celles des régions intertropicales : abondance de Mélanopsides, Gyclostomes rappelant ceux de Madagascar (Cyclostomus paludiniformis). L'époque suivante, pendant laquelle vivent des Laurinées voisines de celles du Japon, des Auricules, des Helix, des Pupa analogues aux espèces actuellement vivantes, des Clausilies gigantesques qui n'ont de rapport qu'avec celles du Japon, indique une période de transition avec une température moyenne assez élevée et une distribution des terres et des mers bien différente de l'actuelle. — Recherches sur les Insectes fossiles tertiaires de la France, par M. OusrTaLer ( Ann. sc. géol., tom. V, no {). — Les gisements des environs d'Aix ont fourni presque tous les Insectes tertiaires de France. Conservés dans des feuillets schisteux, ils sont suffisamment complets pour qu'il soit possible, à l'aide du microscope, de distinguer sur certains spécimens, non-seulement les moindres articles des palpes et des antennes, mais jusqu'aux poils du thorax et de l'abdomen et aux facettes des yeux composés. Ces Insectes ont été étudiés en 1829 par Marcel de Serres, puis en 1830 par les géologues anglais John Curtis, Sowerby, Landley; en 1838 parle célèbre paléontologiste allemand Bronn. Dans ces derniers temps, ils ont fait l’objet des tra- vaux de MM. Matheron, Coquand, Oswald Heer, de Saporta. L'auteur de cet important Mémoire a cherché à compléter l'histoire de ces fos- siles intéressants, et à relier leurs types à ceux de la faune actuelle : en un mot, il a suivi la voie si brillamment tracée par le savant pro- fesseur de Zurich, M. Heer. C'est à la limite des deux étages Ligurien et Tongrien, ou sur les confins des terrains éocène et miocène, que se place ce gisement dans lequel la proportion des classes, des familles et des genres est telle, qu'elle indique un climat subtropical. Ces ré- sultats, déjà anciens, sont confirmés par les récents et magnifiques travaux de M. de Saporta, qui a reconnu dans la flore fossile d'Aix une série de types végétaux rappelant les formes du Brésil et de la Louisiane. Les Carabiques, ou Goléoptères carnassiers, qui de nos jours abon- dent dans les parties froides et tempérées de l'Europe et de l'Améri- que du Nord, sont assez communs à Aix. On y remarque le genre 106 REVUE SCIENTIFIQUE. Nebria, qui a, encore de nos jours, ses principaux représentants dans la région méditerranéenne; le genre Calosoma, le genre Panagacus, avec une espèce voisine du P. crux major d'Europe; le genre Bembidium, avec deux espèces; enfin quelques Féronies, Harpalides, etc. Il est à remarquer que le genre Carabus ne s'y montre pas; on n'en connaît du reste aucune espèce tertiaire. Les Hydrophiles fréquentaient les bords du lac éocène supérieur d'Aix, ainsi que les Hydrobies. On y trouve aussi les Hydrophilopsis, genre nouveau créé par M. Heer pour des Insectes aquatiques car- nassiers qui ont quelque analogie avec les carnassiers terrestres. Les Staphilinides terminent la série des formes de Coléoptères d'Aix étudiés dans cette première partie du Mémoire de M. Oustalet. Les planches qui l'accompagnent sont dessinées par l'auteur lui-même, elles sont d’une précision remarquable et donnent avec le texte une idée exacte de la faune de cette époque. — Note au sujet d’un Éléphant fossile découvert à Pamiers (Ariége), par M. l'abbé Pouecx (Bull. Soc. géol., 3° sér., tom. II, n° 1). — C'est sur les flancs d'un ravin creusé dans le terrain miocène lacustre que M. l'abbé Pouech a trouvé neuf morceaux d'un squelette d'Eléphant que l'on doit rapporter à l'El. primigenius. L'enfouissement des restes de cet animal est postérieur au ravi- nement du terrain miocène et aux grandes érosions d'où est résultée la vallée de l’Ariége. Il est par conséquent de l'époque actuelle, puis- qu'aucun grand phénomène géologique n'est survenu depuis dans la contrée. Quant aux stries et aux raies que présentent les os de ce sque- lette, l’auteur n'y voit, avec raison selon nous, aucune preuve du tra- vail de l’homme, quoiqu'il admette que cet Éléphant ait pu être le contemporain des Troglodytes de la Vezère, et peut-être des Hommes des abris et des dolmens. — Note sur l'Oxfordien et le Corallien de la Haute-Marne, par M. Towsecx (Bull. Soc. géol., 3° sér., tom. IT, n° 1).— Cette note est destinée à expliquer une coupe géologique de 6 kil. de longueur sur une hauteur de 150 mètres, comprenant tous les horizons jurassiques depuis l'horizon à Ammoniütes polyplocus jusqu'à l'horizon des calcai- res à Astartés, qui, selon l'auteur, font encore partie du Corallien, comme faciès particulier. On saiten effet que M. Tombeck ne regarde pas le Corallien comme un étage homogène, et qu'il y a constaté, dans la Haute- Marne. une alternance d'horizons coralliens et non coralliens, avec 9 des fossiles identiques. Les couches 3 et 3 de cette coupe sont TRAVAUX FRANCAIS. — GÉOLOGIE. 107 franchement coralliennes, et cependant 5 contientl'Ammonites Achilles, que la plupart de géologues reconnaissent comme oxfordienne supé- rieure, Les couches 6, 7,8, ont également tous les fossiles habituels de l'oolithe corallienne, surtout 8, qui contient cependant l'A. Maran- tianus et l'A. bimammatus. La couche 9, la plus inférieure, est, selon M. Tombeck, la vraie couche de séparation de l'Oxfordien et du Goral- lien, mais on peut y constater encore l'existence de quelque fossiles coralliens. Plus bas, avec les couches 10et 11, l'Oxfordien supérieur typique commence. — Matériaux pour servir à l’histoire du terrain crétacé inférieur de l'Hérault, par M. le D' Bzeicxer (Bull. Soc. géol.,3°sér., tom. I, n° 1). — Sous ce nom, nous avons présenté le tableau d'ensemble de nos recherches sur la craie inférieure de l'Hérault. Les lecteurs dela Revue en ont eu les prémices dans les premiers numéros du Journal (1872- 1873 : Étude de géologie pratique aux environs de Montpellier,X et IF). — Comparaison de l'Éocène inférieur du bassin de Paris, de Belgi- que et d'Angleterre, par M. Hébert (Bull. Soc. géol., 3° sér., tom. IT, no {). — Cette note, n'étant que la reproduction des conclusions du travail du savant Professeur de la Sorbonne, publié dans les Annales des sciences géologiques et analysé dans le précédent numéro, nous prions les lecteurs de la Revue de se reporter au numéro de mars 1874. — Carte du globe en projection gnomonique, avec le réseau pentagonal superposé, par M. de CHaxcourTois (Bull. Soc. géol., 3° sér., tom. TT, no 1).—CGette carte, rapportée au méridien de l’Ile-de-Fer, a été exécutée suivantun procédé nouveau dans le détail duquel il nous estimpossible d'entrer, mais qui, suivant son auteur, est applicable à toutes les cartes géographiques. — Sur lAnthracotherium découvert à Saint-Menoux (Allier), par M. GauprY (Bull. Soc. géol., 3° sér., tom. II, n° 1).— Nous avons déjà rendu compte de cette découverte dans le dernier fascicule de la Revue (pag. 531). — Tourbières du litioral flamand et du département de la Somme, par M. Depray (Bull. Soc. géol., 3° sér., tom. IT, n° 1). — Les départe- ments du Nord et de la Somme contiennent des tourbières littorales etdes tourbières intérieures. Les tourbières littorales ont une épais- seur de 2",95, et la tourbe s'y rencontre en couches de 1,10 surmon- tée d'argile bleue ou grise, ou de sable avec coquilles marines. I y a donc eu submersion de la côte après l'époque où ce combustible s'est 108 REVUE SCIENTIFIQUE. formé; or, dans la couche supérieure argilo-sableuse, on a trouvé des médailles romaines qui démontrent que ces dépôts sont postérieurs à la conquête de ce pays par les Romains. Quant aux marais dans lesquels s’est formée la tourbe, ils sont probablement antérieurs à la conquête romaine, car on y trouve des silex taillés et de la poterie grossière. Cette région du littoral s'est donc constamment modifiée depuis les époques historiques, et dans de courts espaces de temps des dépôts considérables ont pu s’y former. — De l'extension des couches à Nummulites lævigata dans le nord de la France, par M. GosseLer (Bull. Soc. géol., 3° sér., tom. IL, n° 1). — Il existe, dans la partie méridionale da département du Nord, de nombreuses traces de l'existence d'une couche continue de grès sili- ceux fossilifères à Mummaulites lævigata. Jusqu'ici ces grès, ne se trou- vant qu'à l’état de fragments inclus dans une couche sableuse, avaient été regardés comme des roches remaniées. Le savant Professeur de Lille pense que ce sont les témoins de l'ancienne extension des cou- ches éocènes, qui se prolongeaient du bassin de Paris jusque vers la Flandre. Il est même possible, en suivant ces débris pas à pas, de re- tracer les limites des anciennes mers de cette époque, ainsi que l'a fait M. Gosselet sur la carte jointe à cette étude. On voit ainsi que la mer tertiaire inférieure parisienne communiquait avec celle de la partie méridionale de la Flandre par un détroit assez resserré qui s'étend de Chauny à Saint-Quentin. Au N.-E., le détroit s'élargit, et on peut. suivre le littoral de la mer éocène jusqu’à Avesnes. — Notes sur quelques roches analogues aux porphyres granitoïdes de la Loire, par M. Michel Levy (Bull Soc. géol., 3e sér., tom. IT, n° 1).— En comparant ces roches classiques avec certains porphyres des Vosges, du Fichtelberg (Bavière) et du Puy-de-Dôme, M. Levy est parvenu à classer les porphyres granitoïdes en trois séries passant l’une à l’autre; ce qui confirme l'opinion émise par M. Gruner au point de vue de leur unité géologique. —Note: 1° Sur les terrains supérieurs de la Montagne Noire; 2 Sur l'ensemble des dépôts suprà-numimulitiques du bassin de Carcassonne, par M. Levmerte (Bull. Soc. géol., 3° sér., tom. IT, n° 1). — M. le profes- seur Leymerie ayant publié dans cette Revue (numéros de mars, juin, septembre 1873) l'ensemble deses recherches sur la Montagne Noire, nous renvoyonsles lecteurs de la Revue à ces Mémoires. L'ensemble des dépôts suprà-nummulitiques du bassin de Carcas- sonne forme, suivant l’auteur, un type spécial de terrain éocène supé- TRAVAUX FRANCAIS. — GÉOLOGIE. 109 rieur, auquel il impose le nom de Carcassien. Il en sépare les forma- tions éocènes supérieures des environs de Narbonne, qui sont hien moins détritiques que celles du bassin de Carcassonne, surtout for- mées de grès avec intercalation d'assises calcaires peu épaisses. — Note sur la valeur d'une description qui a indiqué, il y a cent douze ans, des fossiles d'eau douce dans le fer oolithique du viliage de Narcy (H.-Marne), par M. CornuEL (Bull. Soc. géol., 3° sér., tom. IT, ne 5).—HEn 1761, Pierre-Clément Grignon, correspondant de l’Acadé- mie de sciences de Paris, étudiant la formation des mines de fer par dépôt, dans la province de Champagne, reconnut que les minières de fer en grains de Narcy contenaient des Moules de rivière fossiles. Selon M. Cornuel, il ue les confond pas avec les coquilles marines des couches supérieures, et va même jusqu à dire de ce minerai de fer que «ce sont, à proprement dire, des mines de marais en oolithes». Le terrain qui contient ces oolithes ferrugineuses est du néocomien supérieur, d’après les recherches modernes, qui ne font que confirmer les explications ingénieuses du savant ingénieur des mines du xvrrie siècle. — Sur la phosphorite de Belmez, par M. de Reypezcer (Bull. Soc. géol., 3° sér., tom. [, n° 5).—La phosphorite est une des espèces miné- rales les plus étudiées en ce moment, à cause des magnifiques gise- ments du Lot, du Lot-et-Garonne. En Espagne, où M. deReydellet en a étudié de beaux gîtes, elle se trouve en poches, en lentilles dans le terrain houiller. L'auteur de cette communication ne s'explique pas d'une manière définitive sur le mode de production de ce minéral, si recherché dans l’agriculture moderne; il constate seulement que ces lentilles et ces poches cessent à une faible profondeur. — Sur la classification des Ammonites, par M. E. Favre (Bull. Soc. géol., 3e sér.,tom. I, n° 5). — M. Favre fait connaître la nouvelle clas- sification des Ammonites, d'après MM. Suess et Waagen. On peut, suivant ces auteurs, les diviser en Ammonites avec glandes nida- mentaires, sans tégument solide (Apiychus), et Ammonites avec tégu- ment solide corné ou calcaire. Ces savants paléontologistes regardent les Aptychus comme des organes protecteurs des glandes nidamentai- res des femelles de ces Céphalopodes, en raison de la position qu'ils occupent toujours lorsqu'on les trouve dans les coquilles fossiles. Cette position correspond en effet à celle des glandes nidamentaires du Nautile femelle, qui appartient à un genre voisin des Ammonites, 110 REVUE SCIENTIFIQUE. — Études géologiques sur le Var et le Rhône pendant les périodes ter- hiaire et quaternaire, par M.de CHAMBRUN DE RosEmoNT (Bull.Soc.géol., 3 sér., tom. I, n° 5). — De ces études, résumées dans le Bulletin, il résulterait que la rivière du Var a pris sa pente vers la Méditerranée à l’époque miocène, qui a été très-pluvieuse et assez froide. : Ainsi s'explique la grande masse de roches détritiques dans les dépôts de cette période; cependant ce n'est guère que vers la fin du pliocène que les glaciers proprement dits ont commencé avec un cli- mat tel, qu'il tombait, dans le bassin du Rhône et du Var, cent fois plus d'eau qu'actuellement. Ces phénomènes diluviens ont été assez courts,et sont en définitive plus conformes qu'on ne pourrait se l'ima- oiner à la tradition du déluge mosaïque. — Note sur les Reptiles fossiles, par M. E. SauvaGe (Bull. Soc. géol.. 3e sér., tom. I, n° 5). — Les Tortues ne sont pas rares dans le terrain jurassique supérieur, spécialement dans le Kimméridgien du Bou- lonnais, où M. Sauvage en a recueilli deux espèces, Emys Dutertrei, E. Bcaugrandi, dont il donne la description en les comparant aux espèces de ce même niveau décrites par M. Rütimeyer. Le genre Ptérodactyle lui a également fourni dans ce niveau une espèce nouvelle, Pt. suprajurensis. La présence de ce reptile dans le jurassique supérieur de ces régions vient combler une lacune, car jus- qu'ici ces fossiles n'avaient pas été signalés dans le nord de la France, tandis qu'ils existaient dans le Wealdien de l'Angleterre. L'étude des Dinosauriens a fait, entre les mains de ce savant, de grands progrès ; il a revu les genres Megalosaurus, Poikilopleuron, Dacosaurus, Liodon. Quoiqu'il soit impossible d'arriver dans ces re- cherches à une certitude absolue, puisque toujours il manque des pièces du squelette de ces grands Sauriens, l'auteur a cependant pu établir que les Dacosaures, Liodon par les dents, ont un mode d'im- plantation différent qui rappelle celui des Mosasaures, c'est-à-dire que les dents paraissent chez eux être logées dans des alvéoles dis- tinctes, tandis qu'elles sont réellement acrodontes. . — Deux époques glaciaires en Bourgogne, par M. Jules MarTin (Bull. Soc. géol., 3° sér., tom. I, n° 5. — Les conclusions de ce Mémoire, dont le Bulletin ne reproduit que le résumé, sont les suivantes: L'action glaciaire s’est manifestée en Bourgogne à deux “RpAuse distinctes : à l'époque miocène et à l'époque quaternaire. La première époque est caractérisée : 1° Par le conglomérat à cailloux polis et striés des environs de Dijon ; TRAVAUX FRANCAIS. — GÉOLOGIE. 111 2 Par les argiles à silex avec poudingues siliceux de la plaine Chälonnaise ; 3° Par les blocs de poudingues et de grès siliceux des buttes de Grosmont, de Romont, etc., ayant leur prolongement dans le Gâtinais et le Sénonais, et leur équivalent dans les grès ladères des environs de Chartres. A la deuxième époque appartiennent : 1° Les arènes granitiques avec galets roulés et blocs anguleux d'Autun, de Toutry, etc.; 2° Les traiînées de chaïilles anguleuses échouées à toutes les alti- tudes ; 3° Enfin les cailloutis détritiques dispersés sur les plateaux ou remaniés sur les pentes. — Note sur quelques faits de la structure des massifs centraux des Alpes, par M. Lory (Bull. Soc. géol., 3° sér., tom. IT, n° 5).— Parmi les géologues qui ont étudié et résolu quelques-uns des problèmes les plus ardus de la géologie des Alpes, la science française doit placer en première ligne le savant professeur de Grenoble, qui nous livre dans cette note le résultat de ses dernières observations sur les lois dynamiques qui ont présidé à la production de ce grand massif. On sait que les Alpes présentent souvent la disposition en éventail des couches sédimentaires, et que nulle part le fait du refoulement ne s’est produit sur d'aussi grandes proportions. L'explication qu'a don- née autrefois M. Lory de ces dispositions particulières des couches n'est pas admise par le professeur Studer, qui pense que la théorie ne peut pas rendre compte des faits observés. [Il insiste sur l'opposition frappante que l'on observe généralement entre les allures excessive- ment tourmentées des couches secondaires et tertiaires des Alpes, et d'autre part l'allure uniforme de la stratitication apparente du gneiss et de la protogine. Cette opposition ne peut être expliquée, suivant le géologue suisse, que par un clivage et un feuilletage développé dans ces roches, postérieurement au terrain jurassique et même en beau- coup d'endroits au terrain éocène. M. Lory, au contraire, croit à la stratification primitive du gneiss, et regarde la protogine comme une roche stratifiée à la manière des roches trappéennes et phorphyri- ques. Quant aux intercalations et aux alternances apparentes du gneiss et des grès à anthracite du terrain houiller, il les explique par des replis de l'ensemble des couches refermées sur elles-mêmes. Les montagnes peuvent, au point de vue dynamique, se partager en deux groupes. Dans le premier, dont fait partie la chaîne des Alpes, 112 REVUE SCIENTIFIQUE. les terrains secondaires, formés principalement de calcaires argileux tendres et feuilletés, reposent en stratification discordante sur les tranches des schistes cristallins. Dans le second, dont le type est le Jura, les terrains secondaires et tertiaires sont seuls. Dans le premier groupe, les phénomènes de soulèvement et de fracture se produiront d'une autre manière que dans le second, parce qu'il y a là deux éléments différents en présence : l’un, supérieur, formé par le manteau flexible et plastique des roches secondaires et tertiaires; l'autre, inférieur, formé par la masse rigide et fracturée des terrains anciens. L'adaptation d'un terrain supérieur flexible aux nouvelles formes que peut prendre le sous-sol rigide peut expliquer d'une manière satisfaisante les coins, les intercalations des couches secondaires et tertiaires dans les roches anciennes. Dans le second groupe, rien de pareil ne se passera, et il n'y aura de possible que des plissements et des fractures. — Etudes relatives au bassin houiller du nord de la France, par M. GosseLer (Bull. Soc. géol., 3° sér., tom. TI, n° 5). — Nous ne nous occuperons dans cette analyse que de la première partie de ces études, de celle qui regarde le bassin houiller da Nord, la seconde partie, qui regarde le système des roches rouges devoniennes de Burnot, se trou- vant résumée dans le numéro précédent de la Revue. La houille du bassin du Nord appartient au coal measure, au vrai terrain houiller de Belgique, et on peut y distinguer deux zones. La supérieure est formée de schistes avec veines de houille et impressions végétales nombreuses de l’époque houillère proprement dite. L'inférieure est composée de grès blancs avec veinules, ou lits de houille, et Productus Flemingii; des failles nombreuses et souvent très- inclinées accidentent ces formations, et en certains points font croire à une superposition du grès houiller marin aux schistes. En résumé, les coupes géologiques de M. Gosselet l'amènent à conclure que le calcaire carbonifère du Boulonnais représente exactement celui de Belgique, et que la houille qui le surmonte correspond aussi à la houille belge. — Résumé géologique accompagnant la carte géologique de l'Ariëge, de la Haute-Garonne, de la partie O. de l'Aude et de la partie E. des Hautes-Pyrénées, par M. le D' Garricou (Bull. Soc. géol., 3° sér.. tom. I, n°5). — Les Pyrénées ont été, dans ces dernières années, TRAYAUX FRANCAIS. — GÉOLOGIE. | 113 l'objet des recherches d un grand nombre de géologues, parmi lesquels l'auteur de ce résumé tient une place distinguée. Ses travaux, qui ont pour but l'établissement définitif de la carte des Pyrénées centrales, portent surtout sur les terrains anciens et sur le terrain tertiaire moyen du bassin pyrénéen. Il cite, dans ces régions, du granite admirablement stratifié, passant au gneiss, au micaschiste, et contenant des couches régulières de cal- caire (massif de Crabioules, de Maupas, dans la Haute-Garonne). La composition chimique du gramte pyrénéen a également occupé M. le D' Garrigou. Il y a reconnu des feldspaths à base de potasse et de soude, et plus abondamment encore des feldspaths à base de lithine et de chaux. Le Cæsium et le Rubidium entrent, selon lui, dans la composition des granites et des micaschistes pyrénéens. Le terrain carbonifère, dont on ne soupconnait pas l'existence dans les Pyrénées il y a quelques années, y est assez développé; mais le houiller manque généralement, soit parce qu'il ne s’est pas déposé, soit parce qu'il a disparu dans les grandes failles du pied septentrio- nal de la chaîne. Le miocène lacustre du bassin sous-pyrénéen est généralement regardé comme parfaitement horizontal; mais il n'en serait pas ainsi suivant M. Garrigou, qui l’a vu en certains points plissé, brisé ou dénivelé; de plus, il assigne aux éléments détritiques qui en forment la base une origine glaciaire. L'époque miocène aurait été traversée par une ère glaciaire très- longue et très-importante, puisque partout dans ces régions on con- staterait l'existence d'immenses moraines frontales et latérales. D' BLEïIcHER. il, es 114 REVUE SCIENTIFIQUE. TRAVAUX ÉTRANGERS. M. Senoner nous écrit de Vienne (Autriche), à la date du 5 février et du 14 avril 1874. Zooogre. — M. Marno fournit des détails sur le Protopterus Œthio- picus, lequel, de même que le Prot. annectens ou anguillaris, Lepidosi- ren paradoza et Ceratodus Forsteri, appartientaux /chthyomorphes, c'est- à-dire à ces formes quidans les genres éteints établissent le passage des Poissons aux Amphibies. L'auteur à pu se procurer ces Protoptères pendant son séjour dans les régions marécageuses du Bahr-Seraf, où ils servent de nourriture aux habitants du pays; ils avaient de 1 à 3 pieds de long. Marne, qui a fait plusieurs voyages en Égypte, pu- bliera prochainement le compte-rendu de ses excursions au Nil- Blanc, etc. ( Zoolog. Gart.). — Dansle même recueil, le P. Grasler traite de l’hypnotisme des animaux, l'abbé Jæckel du leucisme des Belettes, et Prætorius donne des détails anatomiques sur les Éléphants (£. Indicus, E. Africanus, E. Sumatranus ). — La composition des œufs de la Raï quadrimaculata, étudiés dans les organes qu'ils parcourent, a fourni au professeur Schenk le sujet d’un travail présenté à l’Académie des sciences de Vienne. La coque de ces œufs est formée de trois couches, recouverte par un in- volucre fibreux. — Le D' Fitzinger donne une histoire de la famille des Cerfs, qu’il divise en vingt genres. Parmi ces derniers, il en décrit quatre nou- veaux:Strongyloceros, Elaphoceros, Doryceros et Nanelaphus. Les noms de Macrotis et de Furcifer de deux de ces divisions sont remplacés par lui par ceux de Otelaphus et Creagroceros ; les deux premiers, proposés par Wagner, étant déjà antérieurement appliqués, l’un à un Cheiro- ptère, l’autre à un genre de Reptiles. — À la Société zoologico-botanique de Vienne, le D' Lowe décrit irois nouvelles salles de Phytoptus ; il énumère les diverses espèces d’Acariens observées jusqu’à ce jour aux environs de cetle ville, et entre dans des détails sur le mode d'existence de chacune d'elles ; enfin il indique comme nouvelle une Anguillula (Ang. millefolia) qui produit des galles sur les feuilles de l’Achillea millefolia. TRAVAUX ÉTRANGERS. 115 — Un Mémoire sur le système vasculaire des Tuniciers, et plus particulièrement des Ascidies, est communiqué par le professeur Heller à l’Académie de Vienne. Le cœur, toujours renfermé dans un péricarde, se présente sous la forme d’une outre longitudinale, cylin- drique, plus ou moins recourbée, qui s'appuie au bord postérieur de l'estomac, rarement en avant. Deux grands troncs vasculaires sont la continua!ion de cet organe ; ils sont du même tissu et subissent les mêmes contractions que lui, mais à un degré plus faible. L’au- teur fournit ensuite des observations eur les autres réservoirs du sang, qui chez ces animaux est tantôt vert jaunâtre (Ascidia fumigala), tantôt brunâtre ( 4sc. mamillata), tantôt enfin incolore ( 4sc. intes- tinalis). Parmi les douze espèces d'Ascidies énumérées, Heller s'arrête plus particulièrement sur l’Asc. mentata, très-abondante dans la mer Adriauque : c’est sur cette dernière qu'a porté le plus grand nombre de ses observations. En terminant, il signale l'identité qui existe entre le système vasculaire des Tuniciers et celui de l’Amphioxus. — Le D' Graber traite de l'appareil au moyen duquel les Insectes rendent un son. Ce travail est conçu suivant la théorie de Darwin {Zeüschr. f. Wissensch. Zool., XXII). Nous reuverrons, à ce sujet, à un article de G. Haller publié dans le Zoologischer Garten, 1874. — Un important ouvrage est celui publié par le D' Jæger, sous le titre de: Deutschland’s Thierwelt, Stuttgard, 1873 (Le monde des animaux en Allemagne). Daus ce travail, nous trouvons une énumé- ration systématique des animaux suivant les lieux qu'ils habitent, accompagnée de divisions et de subdivisions. Jæger présente des considérations sur l’époque où ces derniersse sont montrés en Alle- magne : C'est, d'après son opinion, Aurant l’époque glaciaire que ces divers êtres sont arrivés dans ce pays. où ils se sont maintenus jusqu à présent, mais seulement sur les montagnes. Suivant lui, après la période glaciaire, un grand nombre d'espèces animales sont venues de l’Asie centrale et septentrionale, un plus petit nombre d'Afrique ; enfin, dans ces derniers siècles, quelques-unes d'Amérique. — Le professeur Panceri nous donne des détails anatomiques sur les glandules molaires du Dromadaire; Antinori et Salvadori pu- blient la desvription des Oiseaux rapportés des bords de la mer Rouge, du pays des Bogos, par Antinori, Beccari et Issel ; et Pelzen insère une note sur une très-riche collection d’Oiseaux de l’Équateur, donnée aa cabinet impérial d'Histoire naturelle de Vienne ( Soc. bot.-300l. di Vienna, 1874). 116 REVUE SCIENTIFIQUE. — Suivant le D' Meyer { loc. cit.), la couleur verte et rouge des Perroquets du genre Eclecius sert à distinguer les sexes: les mâles sont de couleur verte, les femelles de couleur rouge. Il établit ensuite que les sept espèces d’Eclectus aujourd’hui connues doivent être réunies en une seule ( Æ. polychloros). Il fait connaître quelques nou- velles espèces d'Oiseaux rapportées par lui de la Nouvelle-Guinée, et donne pour la première fois la description du mâle du Trichoglossus pulchellus Gr. (Academ. delle scienze di Vienna, 1874). — Fritsch communique à l’Académie de Vienne un Mémoire sur les époques normales du passage des Oiseaux ; il donne le résultat des observations faites dans 124 stations {107 dans la monarchie Aus- tro-Hongroise, et 17 hors de l’Autriche). — Un Mémoire du D° Kolbl, sur le Gobius marmoratus Pallas, est présenté à la Société botanico-zoologique de Vienne par le D' Maren- zeller. Un autre Mémoire de Bedriaga, sur le Macropodus venustus de la Chine, est inséré dans le Zoologischer Garten, 1874. Ce Poisson, qui. à cause d’une particularité de ses os pharyngiens supérieurs, peut rester vingt minutes hors de l’eau sans en souffrir, est fort intéres- sant par la manière dont il prépare son nid. — L. Fairmaire décrit quelques Coléoptères hétéromères de l’Amé- rique méridionale, et le Dr Gestro d’autres Coléoptères du Musée de Gênes, recueillis par Beccari à Bornéo (oc. cit.). — Nous mentionnerons un Mémoire du D' Staudinger (Compi.-rend. 1sis, à Dresde), dans lequel il étudie les diverses variétés: variétés accidentelles et locales (ou races), variétés périodiques, variétés pro- duites par la nourriture. Dans cette classification ne sont pas com- prises les formes hybrides, parce qu'elles se sont jusqu’à présent montrées stériles. — Rogenhofer (loc. cit.) donne une notice sur l’ouvrage de Erschoff sur les Lépidoptères du Turkestan, dans lequel cet auteur énumère 367 espèces, dont 121 nouvelles, et observe que cette faune renferme plusieurs espèces cosmopolites, quelques-unes des pays septentrio- naux, et deux seulement de l'Amérique septentrionale. — Nous citerons un travail du professeur Rondani ( Annal. Mus.) sur quelques Diptères d'Abyssinie ; une liste de Raddatz des mêmes Insectes du Mecklemhboursg, et une note du D' Hermann sur une sin- gulière forme d’Ariptropteryx hermaphrodite (Soc. bot.-z0ol.). — Un catalogue descriptif des Arachnides du canton du Tessin TRAVAUX ÉTRANGERS. 17 (Suisse ) est présenté par le professeur Pavesi (Mus. Genova). Il entre dans des détails historiques et critiques sur l’Arachnologie helvétique, qu'il divise en période linnéenne et en période actuelle. Pavesi décrit 206 espèces, puis il établit un parallèle entre la faune du can- ton du Tessin et celle des autres pays: il résulte de cette comparaison que cette faune renferme 66 espèces qui lui sont communes avec la Corse, 35 avec l'Espagne, 30 avec l’Algérie, 26 avec la Grèce, etc.; enfin il termine en indiquant les Araignées qui se trouvent dans le voisinage du Piémont et en Lombardie, et que l’on pourrait retrouver dans le canton du Tessin. — Le développement et la manière de vivre du Lepidurus productus Bosc sont décri!s par le professeur Brauer (Soc. bot.-z0ol.), et l’orga- nisation systématique des Holocyprinidés, Crustacés marins voisins des Crustacés d’eau douce, est présentée par le professeur Claus. — Le professeur Seguenza fait connaitre quelques Crustacés rao- portés par Issel de la mer Rouge ( Mus. Genova) ; la description de certains Mollusques d'Abyssinie et de Sardaigne est fournie par le professeur Issel : il énumère, parmi ces dernières, une espèce de Testacella (Test. Gestroi), et une d'Helicarion (Helic. Sardous) , inconnues jusqu'ici. Ce dernier genre est nouveau pour la faune européenne (loc. cit.). — Après une énumération des Mollusques trouvés près de Sterberg (Mecklembourg), Wiesmann (Archiv.) nous donne un aperçu sur la collection malacologique du baron Maltzan, qui pour la richesse etla variété des espèces ne le cède qu’à celle du Musée britannique de Londres. — Un intéressant ouvrage, accompagné de neuf planches, est celui du D" Eïmer, ayant pour titre : Zoologische Studien an Capri, Leipzig, 1873. Les observations de l’auteur sur le Beroë ovatus jettent un jour nouveau sur les Cténophores, BoTaxIQUE. — Le professeur Haussknecht donne des détails sur les Fumaria Sert. Sphærocapnos, et il divise celles-ci en angustisectæ et en latisectæ, suivant la différente forme des feuilles ; il indique ensuite les diverses opinions sur la valeur de l’espèce absolue et de la variété dans ce genre, et en énumère les synonymes. Dans son travail, il traite avec détail du Fumaria officinalis et de sa variété F. Wirigini Koch, etc., etc. (Flora ). — Le D'O. Brefeld parle du Mucor racemosus, et propose ia classi- fication suivante des Champignons: 118 REVUE SCIENTIFIQUE. Schizomycett. Sacharomyces. Myxomycetr. etMycoderma. Zygomyceli. Mucorini. Peptocephalideæ. Chætocladiaceæ. Peronospori. Saprolegnieæ. Age. Ustilagini. Ags. Chitridieæ. £ et Entomorphoreæ. Ascomycett. Gymnoasci. Erisiphei. Tuberacieæ. Pyrenomyceti. Discomyceu. Basidiomycetr. Ascidieæ. — Gastromyceti. — Tremellini. — Hymenomycetr. — Le D' Krempelkuber décrit quelques Lichens de la Chine et de la Valdivie rapportés par le fils de Rabenhorst ( Flora). — LeD'E. Regel, ea donnant la description de la Tulipa Greigi Regl., du Turkestan, fournit à cette occasion une énumération systé- matique et distinctive des vingt-six espèces connues et de toutes leurs variétés de ce genre ( Gartenflora). — Dans la séance de décembre 1873, Le professeur Reichardt donne des détails sur la découverte, à Leithn (Hongrie), du Geraniwm Sibe- ricum Bruck. IL présente ensuite un manuscrit de M. Arnold sur la flore lichénologique d’une partie du Tyrol, et, en annonçant que le pro- fesseur de botanique à l’École polytechnique de Carlsruhe se propose de publier une Revue botanique, il engage les savants à lui envoyer leurs travaux. — T. Heldreich, dans une excursion au Laurium, a découvert plu- sieurs plantes nouvelles pour la Flore de la Grèce : Teucrium brevifo- lium Schreb., Goniolimon Sartorii Boiss., Endoptera dichotoma Boïss. et Bal., Silene Juvenalis Delille, découvert au Port-Juvénal, près Montpellier, un nouveau Glaucium ( G. Serpieri. Heldr. ), etc., etc. Il croit que les graines de ces deux dernières espèces de plantes gisaient sous terre depuis 1500 à 2000 ans dans les anciennes mines de plomb, et que, quand on a repris les travaux de ces mines, lesdites graines sont venues à germer ( Gartenflora ). — Dans le Botanische Zeitung, nous trouvons une notice de M. Uloth, qui a rencontré sur un glacier des plantes de blé : il cite les observa- tions du professeur Kerner, qui a trouvé, au bord des glaciers, dans le Tyrol, diverses plantes, dont quelques-unes en ileur. TRAVAUX ÉTRANGERS. 119 — Le D' Peyritsch présente à l’Académie des sciences de Vienne un travail sur le développement des Laboulbéniées, Champignons pa- rasites des Coléoptères, dont il a découvert quelques nouvelles espèces sur des Staphylins, des Carabes et des Hydrophiles. Un Mémoire du D' Schneider sur le même sujet est inséré daus les Comptes-rendus de la Société des sciences naturelles de Breslau (1872, n° 50). — Parmi les récentes publications de botanique,je me contenterai d'indiquer en premier lieu la Flora Hercynica, oder Aufzachlung der im Harzgebiete wild'wachsenden Gefaesspflanzen, etc., Halle, 1874 (Flora Hercynica, ou énumération des plantes vasculaires spontanées dans les montagnes du Hartz). L'auteur, Hampe, avait déjà fait paraître, en 1836, une Flore du Hartz; mais depuis cette époque il a fait tant de décou- vertes, qu'il a cru devoir en publier une nouvelle avec un Synopsis comprenant le résultat de ses nouvelles observations et des cultures comparatives auxquelles il s’est livré. | En second lieu, le Systematische Aufzaehlung der in Erzherzogthum Œsterreich ob der Ensbisher beobachteten Kryptogamen, par Le Dr. Pôtsch et Schiedermayer. Wien, 1873. Cet ouvrage, publié par les soins de la Société zoologico-botanique de Vienne, renferme une énumération systématique de tous Les Cryp- togames observés jusqu'ici dans l'Autriche supérieure, et une Histoire des études cryptogamiques depuis 1800 jusqu'à nos jours. Il contient aussi une esquisse géologique de ce même pays, et l'indication des altitudes où vivent les diverses espèces. On y décrit 526 espèces d’Al- gues, parmi lesquelles figurent, comme les plus rares : Epithelia Hyd- mani, Schizotriæ ct Chamaæsiphon Schiedermayeri, Arthrodesmus et Phormidion Moerlianum, etc.; 1207 espèces de Champignons, entre autres le rare Sarcosphæria macrocalyx, etc.; 650 espèces de Lichens, Sarcosagium campestre, Thrombiuwm smaragdulum, Rinodinea lecanorina, Cibraria complicata, etc.; 29 espèces de Fougères, Asplenium cunealum, Bothrychium virginicum, etc.; 96 espèces de Mousses, Jungermania saæicola et confertissima, etc., etc. — J’indiquerai encore le Flora der Bluthen und hoheren sporen Pflanzen des Grossherzagthum Hessen, etc.; par Dorch et Scriba, Darmstadt, 1878 ( Flore des plantes à fleur et des Cryptogames supé- rieurs du grand-duché de Hesse, etc.). Cette Flore débute par un aperçu des genres d’après le système sexuel de Linné, et des genres et des espèces suivant le système d’Endlicher, L'ouvrage est concu suivant l’état actuel &e la science. — M.C. Kraus nous donne (Wew. Repert. pharmac., XXII) des détails 120 REVUE SCIENTIFIQUE. sur la coloration des feuilles en automne. La couleur jaune est due à un changement de coloration de la chlorophylle; la couleur brune et brun rougeâtre provient de la formation de l’ulmine, tandis que la couleur rouge dépend probablement de celle de l’acide oxyphénique: cet acide se trouve aussi dans les plantes en pleine végétation. L’au- teur fournit ensuite quelques renseignements sur les rapports chimi- ques de ce dernier avec les acides végétaux. — Le mouvement des feuilles et des pétales forme l’objet d’un Mémoire de M. A. Batalin { Flora). Dans ce travail, il parle des mou- vements rapides propres, comme dans l’Hedysarum gyrans, des mou- vements journaliers moins rapides, comme dans les Himosa, les Oxa- lidées et les Légumineuses, et enfin de ceux, aussi journaliers, produits au moyen du pétiole et de la lame de la feuille. Nous trouvons aussi relatée la méthode qu'il a appliquée à ses observations sur ce sujet. — Dans le journal Flora, 1874, on remarque la liste dressée par Arnold des parasites qui vivent sur les Lichens. Il s'attache surtout à donner le catalogue des Lichens qui végètent sur d’âutres Lichens, et qu’il désigne sous le nom de pseudo-parasites, ainsi que celui des vésétaux de la même famille croissant sur les résines du Pin, sur les Champignons, etc. — Dans une esquisse sur la flore des terrains salins du Mecklem- bourg, Arndt {4rch. d. Vercins d. freunde d. Naturg. Neubrandenbourg, XX VII, 1873) cite les Trifolium fragiferum, Atriplexæ Sackü, Triglochin maritimum, Zannichellia polycarpa ; cette dernière, suivant Arndt et Griewank, n’est qu'une variété de la Zannichellia palustris 18e — Une revue des travaux botaniques communiquée au Congrès des savants italiens tenu à Lucques en 1843, est insérée dans le Bulle- tin botanique rédigé par le savant professeur Caruel (fascicule F°", 1874). Nous ferons remarquer à ce propos que dans le dernier Congrès tenu à Rome, en octobre dernier, on a décidé d'établir une Société ila- lienne pour le progrès des sciences, dont le siége sera dans cette der- nière ville. — Le D'J. Hieronymus nous fournit des détails sur les Centrolépi- dacées, et spécialement sur le développement et la caractéristique de ces plantes ( Abhandlungen den Naturf. Ges. Halle, 1873 ). — Une énumération systématique et descriptive de la flore phanéro- gamique de l'Autriche supérieure vient d’être publiée par le Musée François-Charles, de Linz. Cet ouvrage, basé sur un manuscrit de feu le D'Duftschmidt et sur son herbier, appartenant actuellement audit TRAVAUX ÉTRANGERS. 121 établissement, contient des annotations sur les hauteurs respectives où croissent Jes espèces indiquées, sur l’époque de leur floraison, sur leur habitat (Phanerogamische Flora von ober OŒsterreich von D' Dufs- chmidt, heraugegeben von Museum Francesco-Carolinum, in Linz, 1870-73). — Le Dr Przinoda a entretenu la Société zoologico-botanique de Vienne, dans une de ses dernières séances, de l'Euphorbia Wulfenii, que l’on trouve abondamment dans l’Istrie et la Dalmatie, et qu'il croit pouvoir recommander comme une plante oléifère. — Le professeur Reichardt a montré à la même Société un Cham- pignon ( Coprinus petasiformis | trouvé dans une mine de charbon, en Hongrie. — Le D'Koll a inséré dans le Gartenflora (1874) une description, accompagnée de figures, du Savifraga florulenta Mor. Cette plante, dé- couverte par Noretii, a été retrouvée seulement dans ces derniers temps par Engler, quila mentionne dans sa mcnographie dn genre Suxt- fraga (Linnæa, 1867 ). La particularité suivante est présentée par cette espèce : à peine est-elle fleurie que la rosette meurt. Nous trouvons, sur cette Saxifrage, un excellent Mémoire du professeur baron Cesati (Atti dell’ Accad. di Sc. Napoli, 1869), dans lequel il contredit les obser- vations d'Engler. Ce dernier dit. entre autres choses, que parmi les 98 espèces du genre sus-mentionné qui vivent en Europe, il n'y en a que 3 qui croissent dans la plaine. Cesati constate au contraire qu’en Îtalie, c’est dans la région des plaines qu'on trouve les Sax. stellaris, cuneifolia, bulbifera, rotundifolia. Une description exacte de la Saxifraga florulent: nous est fournie par cet auteur: en raison de ce caractère d’avoir trois carpelles avec des styles correspondants par- faitement distincts ( véritable anomalie dans le genre Saxifraga), il ia range dans une nouvelle section qu’il appelle Tristylis, et qu'il place entre la Sax. longifolia Lap. et la Sax. media Gon. — Le D' Wilhelmi donne une liste des plantes qui, depuis la fon- daiion de la colonie Victoria jusqu’en 1869, ont été imporiées dans ce pays de manière ou d'autre, et quis’y sont tellement acclimatées qu'on peut les considérer comme faisant partie de la flore d'Australie, entre autres les Ranunculus muricatus, Sisymbrium officinale, Lepidium rude- rale, Spargula arvensis, Trifolium repens, etc., etc. (Isis ). — Dans les Schriften de la Société physique et économique de Kœ- nigsberg (1873), le professeur Caspary, le D' Bœnitz et le D' Seyler publient un Catalogue de plantes rares ou nouvelles pour la flore des 122 REVUE SCIENTIFIQUE. environs de Dantzick, Kænigsberg, Heilsberg, etc. Ils énumèrent une variété prussica de l’Œthusa cynapium, une variété rosea de l’Echium vulgare, une variété trifolia du Maianthemum bifolia, etc. — Nylander nous donne, dans le même recueil, une description de nouvelles espèces de Lichens et des observations critiques sur les Lichens de l’Amazone et des Andes. — Indiquons ici le Catalogue, par le professeur Lenz, des Desmi- diées des tourbières de Kladow, et celui, fait par le D' Koch, de Diato- mées trouvées dans la marne calcaire alluviale mise à découvert par les travaux du port de Rostock ( Archiv., XXVI, 1873 ). — Le D'Jatta publie dans le Bulletin de botanique une flore des Lichens de l’Ttalié inférieure. Il nous donne une énumération systé- matique et descriptive de 166 espèces des environs de Naples. Ce tra- vail est accompagné d'observations critiques. — Une œuvre d’un haut intérêt est celle du D° Weberbauer. sur les Champignons de l'Allemagne septentrionale. Dans les six fascicules de ce travail qui ont paru, nous trouvons représentés de grandeur na- turelle les Champignons dont il donne la description et lasynonymie, 17 espèces de Peziza, 5 d'Helvella, 3 de Morchella, et 1 de Verpa (Die Pilze Norddeuischlands mit besonderer Berücksichtigung Schlesiens, von 0. Weberbauer, Heft. 4-6. Breslau, 1873). — La végétation auprès des sources chaudes est l'objet d’une com- munication du professeur Pedicino ( Atti d. Acad. di Napoli, 1873). IL a observé qu’auprès des endroits où l’eau sort à l’état de vapeur, à Ischia et à la Solfatare, on remarque une végétation luxuriante; on ne rencontre, au contraire, qu'une petite couche de Protococcus dans les lieux où la vapeur est très-chaude. Pedicino à pu constater qu’une cellule végétale peut vivre dans une atmosphère de 55 à 62°, et pen- dant quelques instants dans une atmosphère de 67. — Le D' W. Pfeffer écrit une note, dans la Flora, sur les corps oléa- gineux (petites vessies cellulaires) des Mousses à frondes. — Le D'G. Licopoli pense que les corpuscules de la fovilla sont en- sendrés par le plasma; que dans le pollen mür ces corpuscules agis- sent comme des ferments, et que daas certaines conditions ils subis- sent des modifications différentes. L'état de Bactéries et de Leptothrix est la modification la plus fréquente ( Ait d. Acad. di Scienze Napoli, 1873 ). ré — Dans le Bulletin de M. Caruel, mentionné plus haut, le professeur Tschistiakoff nous donne l'historique de la cellule végétale, et traite TRAVAUX ÉTRANGERS. 193 particulièrement du développement des sporanges et des spores dans les Polypodiacées. — Des expériences sur la quantité de chlorophylle contenue dans le Neottia nidus-avis ont été faites par le professeur Wiesner ( Flora, 1874). Il est arrivé à ce résultat, que les feuilles de Pin, comparées aux tissus du Weoitia privés d’eau, renferment une quantité de chloro- phylle sept fois plus grande que ces derniers. — À propos des noms systématiques, selon le D' R. Müller, le droit de priorité des auteurs est seulement établi quand le nom a été publié et accompagné des éclaircissements nécessaires, tels que: diagnose, description, figure, etc. (Flora, 1874*). (TÉOLOGIE ET PALÉONTOLOGIE. — Dans les diverses séances tenues à l’Institut de géologie de Vienne, on a lu des Mémoires sur des sujets très-importants. Le professeur Szabo présente un travail sur la classification des tra- chytes suivant leur système naturel; le D' E. Drasche fait conpaître les résultats de son voyage au Spitzberg, et le professeur Alth donne un exposé de formations paléozoïques de la Podolie et une descrip- tion des fossiles qu'on y rencontre (Placodermes, Trilobites, Ostra- cides, etc. ). — On trouve sous les couches les plus profondes de l'étage silurien quartzitique ( de Barrande ), près de Beraun, en Bohême, un composé de schistes argileux sur lequel Le professeur C. Feistmantel fournit des détails. Ces schistes sont très-souvent traversés par des fissures où se montrent des quartz, des pinites et des ankérites: ces dernières se voient seulement dans le voisinage de la diabase; c’est en effet des bases dissoutes de celle-ci qu'elles tirent leur origine. — Il résulte, d'un Mémoire présenté par le professeur Niedwiedcki, que ce dernier a pu constater, par des études microscopiques, que parmi Jes roches de Dognaczka, d Ovarilza et d’Oziklova (Banat), regar- dées jusqu’à ce jour comme de la syénite, il y a des diorites quartzi- ! Rappelons à ce sujet que le Congrès international de Botanique tenu à Panis en novembre 1867 avait formulé, dans les Lois de la nomenclature botanique, les désignations suivantes : « Art. 41. La date d'un numéro est celle de sa publication effective, c'est-à- dire d'une publicité irrévocable. » Art. 42. La publication résulte de la vente ou de la distribution, dans le public, d'imprimés, de planches, d'autographies, d'étiquettes imprimées, etc. E. DuBruEIL. 124 REVUE SCIENTIFIQUE. fères, et que ces roches diffèrent beaucoup des autres baratites par la forme de l’andésite. Un puissant intérêt local s'attache à l’observa- tion que le basalte qui se trouve dans la banatite de Moldova contient, outre une masse vitrée, de l’olivine, de l’angite, de la biotite et de la magnélite, et par conséquent ne doit pas être rangé parmi les roches basaltiques. — Le professeur Helmhacker donne des détails sur les couches de formation permienne dispersées çà et là dans la Bohême méridionale. C'est, d’après lui, la paléontologie, et non la pétrographie qui doit servir à caractériser les terrains. En prenant pour guide cette der- nière, on s'exposerait à tomber dans de fausses déterminations analo- gues à l'erreur commise par les géologues pour une couche d’une cer- taine localité des environs de Budweis: la couche en question a été regardée par l’un d'eux comme une formation devonienne, par un se- cond comme appartenant au Carbonifère, tandis qu'elle a été décrite par uu lroisième comme se rapportant à l’étage permien. — Des études dans le Tyrol, la Buckowine, la Transylvanie, etc., ontété entreprises parles géolognes de l'Institutgéologique de Vienne : ils en indiquent les résultats. — Nous signalerons un Compte-rendu, par Hôrnes, d’une excursion géologique exécutée par lui dans l’île de Samothrace, en compagnie des professeurs Conze, Hauser et Niemann, dans le printemps de l’année 1873; un exposé sur les terrains à diamants de l’Afrique méridionale, fait par le géologue Grôger, d’après ses observations sur les lieux, ainsi qu'une communication sur la magnésite cristallisée de la Styrie, par A. Rump, conservateur du Musée minéralogique de Gratz. — Le professeur Toula décrit quelques fossiles du Spitzberg rap- portés en 1871 de l'expédition polaire sous la direction de Payer. Ces fossiles (Spirifer, Orthis, Terebratula, Productus, etc.) appartiennent au terrain Carbonifère (Séances de l’Académie des sciences). — Des détails sur la distribution de certains Céphalopodes néoco- miens sont donnés par le professeur Neumayr. Le même savant vient de publier dans les Mémoires de l'Institut géologique (tom. V, 5° fasci- cule) un ouvrage sur la faune des couches à Aspidoceras acanthicum, qui est la coutinuation de ses diverses études sur le Jura, publiées daus l'Annuaire de l'Institut géologique. — Communication est faite à l'Académie des sciences de Vienne de la première partie d'une monographie, par le professeur Rauss (mort le 28 novembre 1873), des Bryozoaires fossiles des terrains mio- TRAVAUX ÉTRANGERS. 125 cènes de la monarchie Austro-Hongroise. Plusieurs espèces de Sali- cornaria, de Cellaria, de Verupocellaria, de Lepralia et de Membrani- pora sont décrites dans ce travail. Un autre ouvrage de notre éminent paléontologiste, inséré dans les Mémoires de la même Académie, est consacré à l’étude des Antho- zoaires fossiles du Vicentin. — Le D' 0. Feistmantel a publié dans le Lotos, journal de la Société des sciences naturelles de Prague, un article sur les fossiles permiens de la Sphérosidérite de Zilov, en Bohême (épines d’Henacanthus Decheni, coprolites, os du crâne de l’Archegosaurus Decheni, etc. ). Il entre aussi daas quelques considérations sur la Noeggerathia, et admet comme forme typique la Noeg. foliosa Stbg., de laquelle dérivent la Noeg. intermediu Kiff., et la Noeg. speciosa Ett. — Dans le même aunuaire déjà cité, on trouve encore un Mémoire de M. de Pavay, sur la géologie des environs de Klausenburg, en Transylvanie, contenant la description des fossiles que l'on y trouve dans le bassin éocène (dents de Palæotherium, Halitherium, restes de Trionyx, Toliapicus, Ostrea cephaloïdes May., nov. sp., Ostrea orien- talis May. ). Il traite ensuite de la formation saline qui forme l'étage le plus profond de la période tertiaire, la plus récente, et donne la liste des plantes qui croissent sur ce sol salinifère (Statice tattarica, Limonium, Salicornia herbacea, Ranunculus bulbosus, Arenaria ma- rina, etc.); enfin l’auteur termine son travail par un apercu sur la for- mation quaternaire (période anthropozoïque) etsur les roches que l’on emploie comme pierres à construction ou à d’autres usages, sur les puits artésiens, etc. — Un Mémoire fort intéressant, inséré dans le journal Deutsch Warte, de Leipsig (1873, n° 1), est celui de L. Wurtemberger, sur l'étude microscopique des roches. De grands services ont été rendus par la microscopie pour reconnaitre les cristaux vu fragments de cris- taux dont quelques roches sont composées : celles-ci ne sont pas des corps homogènes, mais quelques-unes d’elles sont remplies de corps étrangers connus sous le nom de microlithes. Il mentionne ensuite les études du professeur Zirkel sur les cendres, les sables volcani- ques, qui sont formés de fragments de verre, de feldspath, de granite et de fer magnétique, etc., etc. — Le D'Hirschwald présente à l’Institut de géologie de Vienne une armature de bois ensevelie depuis trois cent cinquante ans dans une mine du Hanovre (Clausthal), et le D' Lenz cite les localités du Vo- rarlberg dans laquelle on rencontre des masses erratiques transportées 126 REVUE SCIENTIFIOUE. par les anciens glaciers des Grisons. À cette occasion, le D' Boué lit une lettre de M. Collomb faisant connaître que les glaciers n'ont pas une force suffisante pour creuser des vallées et des lacs profonds, comme le prétendent Mortilletet divers géologues italiens et anglais. — M. Gümbel (de Monaco) communique un Mémoire sur la trans- formation en coke d’un morceau de charbon. dans la mine de Mährish- Ostrau. Dans une autre notice, le même auteur décrit une nouvelle Gyroporella (G. ampleforata), trouvée dans la formation carbonifère de Ponteba. — Après une énumération de fossiles 1niocènes marins du bassin de Vienne, Th. Fuchs fait observer que ceux de ces fossiles rapportés par le professeur Suess à l'étage méditerranéen le plus récent sont identiques à ceux des faluns de Sales (Couches à Cardium Jouaneti), tandis que les fossiles des couches de Horn, étage méditerranéen plus ancien, sont identiques à ceux des faluns de Saucats et de Léognan, près de Bordeaux. Le travail de Fuchs est complété par l'indication de quelques localités de la monarchie Austro-Hongroise dans les- quelles se montrent des couches qui ont les mêmes caractères que celles de Horn, caractères que l’on retrouve à Eggenburg et à Gau- wendorf, dans le bassin de Vienne. — Quelques plantes fossiles découvertes dans les mines de houille de Fünskerchen, en Hongrie, et qui fournissent des renseignements intéressants sur le lias carbonifère et sur la formation rhétique, sont l'objet d'une communication de Stur. Parmi ces plantes, on remarque Equisetites Ungeri Ett., Zamites disians Presl., var. longifolia, Jean- paulia Münsteriana Schenk, et plusieurs autres. D'autre part, le D' Feistmantel énumère les végétaux fossiles de la formation carbo- nifère de la Silésie prussienne, Équisétacées, Fougères, Lycopodiacées, Sigillariées, Noeggérathiées, etc. ” — On a découvert récemment à Cosina, en Istrie, dans l'éocène inférieur, quelques fossiles que fait connaître M. Stache. Il indique la Melania tergentensis, le Paludomus cosinensis, le Pal. armatus Math. (ces deux dernières espèces voisines du Pal. sulcatus Reev. vivant à Ceyland), le Pisidium cosinense , l'Helix anthracophila, et parle, en finissant, de quelques Fusulines de Carinthie. — D'après Forsyth, le Rhinoceros tichorrhinus n'a jamais été tronvé en Italie ; c'est au Rhin. Merckii Jag. qu'il faut rapporter les restes attribués par erreur à la première espèce. — Le D'Brba (de Prague) communique à l’Académie des sciences TRAVAUX ÉTRANGERS. 197 de Vienne un Mémoire sur les roches du Groënland méridioual rappor- tées de l'expédition polaire par le professeur Laube : ce sont des gneiss, des granites, des gabres, des eudyalites. des orthoclases, etc. — Dans la Revue scientifique et industrielle de Florence (1874), une notice a été publiée par le professeur Ciofalo sur un lambeau fossili- fère du crétacé moyen situé, en Sicile, entre les Pédalieset Polizzi. On trouve dans ce lambeau des fossiles identiques à ceux qu'on rencontre en Afrique dans ce même crétacé (Rhothomagien de Coquand ). — L'ile de Malte, sur laquelle le professeur Issel donne une esquisse géologique, est considérée par ce savant comme une partie d’une grande terre submergée. Le terrain sur lequel repose la ville de Malte est formé de calcaires, de calcaires arénacés, de marnes et de sables: les différentes couches de ce terrain contiennent des fossiles, parmi lesquels on remarque des ossements de Dauphin et de Manotus, des dents de Carcharodon ayant jusqu’à sept pouces de long, des Nautiles, des Haliotides, des Volutes : les Échinodermes qu'on y rencontre sont caractéristiques. Issel entre dans des détails sur les brèches osseuses de la grotte Mahlek {Hippopotamus Pentlandi, Mioxus militensis, Oi- seaux, Coquilles ). La notice précédente est inséré dans la Revue maritime, sur laquelle je me fais un devoir d'appeler l'attention. Ce recueil périodique, pu- blié sous les auspices du ministère de la marine, à Rome, et rédigé par le lieutenant de vaisseau E. Pescetto, renferme non-seulement des articles relatifs à la marine, mais encore des travaux ayant trait à la géographie, à l’histoire naturelle, à l’histoire, à l'archéologie, etc. — Je dois enfin mentionner la fondation à Rome d’un nouveau journal géologique et archéologique rédigé par le professeur St.-Car. de Rossi, ayant pour titre : Bulletino del Vulcanismo Italiano. SENONER . La Botanique aux Pays-Bas en 1873. 1 — M. Suringar a publié ses observations sur quelques monstruo- sités végétales dont la description est accompagnée de planches détaillées.(W.-F.-R. Suringar, Waarnemingen van eenige Plantaar dige monstruositeiten.Versl. en Med. Kon. Akad. v. Wetensch. Afd. Natuurk. DEC P IS 018 180) 1 Voir aussi Archiv. Néerl., tom. VIII, pag. 436. rue 128 REVUE SCIENTIFIQUE. Depuis longtemps, M. Suringar a observé au Jardin botanique de Leyde une monstruosité remarquable dans le Digitalis purpurea, monstruosité qui se reproduit constamment. Au sommet de la tige se trouve une fleur dont les diverses parties sont environ deux ou trois fois plus nombreüses que dans une fleur normale. Ces fleurs terminales ont 8 à 10 sépales, une corolle campanulée à limbe divisé en 8 lobes, 8 étamines, un ovaire généralement à 4 loges, et un stig- mate quadrilobé; ou bien 11 à 13 sépales, un limbe à 13 lobes, 12 étamines, un ovaire à 6 lobes et un stigmate sesquilobé. L'auteur voit dans l'union intime de deux ou de trois fleurs la cause de ces anomalies. Ces fleurs anomales présentaient encore plusieurs parti- cularités singulières : par exemple, dans une de ces fleurs, l'ovaire paraissait, à l'extérieur, n'être composé que de trois feuilles carpel- laires. En examinant plus minutieusement cet ovaire, la quatrième feuille carpellaire se trouva dans la plus grande des trois loges ; ce carpelle rudimentaire était tout couvert d'ovules, son style filiforme ne percait la loge que par son extrémité. Dans la plupart de ces fleurs terminales, il y a une prolification qui, lorsqu'elle n'est que peu pro- noncée, fait que dans l'ovaire on en trouve un second dont le style est caché dans le style de l'ovaire extérieur. Cette prolification étant plus prononcée, on rencontre au milieu de la fleur terminale un bour- geon dans lequel se produisent, comme organes latéraux, les divers éléments d'une fleur accompagnés de formes de transition et de combinaisons remarquables. Dans un bourgeon pareil, M. Suringar trouva, entre autres, des étamines qui tout en produisant du pollen portaient des ovules. Dans la seconde partie de son Mémoire, l’auteur commence par décrire des prolifications dans le Matthiola incana et dans le Matri- caria chamomilla, et finit par la description d’une Anémone (Anemone nemorosa) à calice vert, dont la collerette au-dessous de la fleur était composée de six feuilles, et par celle d'une particularité que présen- tent les feuilles d'un Ulmus campestris du Jardin botanique de Leyde. On trouve à plusieurs feuilles de cet arbre, immédiatement au-des- sous du limbe, une ou deux folioles; sur d’autres feuilles le limbe présente, à un côté de sa base, une incision profonde. Au même arbre se produit un dédoublement de quelques feuilles par division latérale. — M. Oudemans a décrit un Citron présentant une singulière ano- malie. (C.-A.J.-A. Oudemans; Mededeeling, etc., Nederl. Kruidk., Arch. 2° série, 1° Deel. 1873, pag. 2681.) 1 Voir aussi Archiv. Néerl., tom. VIII, pag, 433. D TRAVAUX ÉTRANGERS. — BOTANIQUE. 129 Des 9 loges du fruit, qui à l'extérieur ne différait en rien d'un Citron ordinaire, cinq seulement avaient le goût et la couleur du Citron, tandis que les quatre autres avaient les propriétés de l'endocarpe d'une Orange. L'hypothèse la plus probable sur son origine est quil est dû à la fécondation de l'ovaire du Citrus medica par le pollen du C. aurantium. Il est à regretter que M. Oudemans n'ait pu réussir à faire germer les graines du fruit anomal". — M. Suringar a fait une communication à l'Académie des sciences (Proces-verbaal, 1872-1873, n° 7) sur une tige monstrueuse de la Valeriane officinale que j avais trouvée quelques semaines aupa- ravant. La tige, tordue et creuse, avait une forme conique; les insertions des feuilles se trouvaient en spirale à la partie inférieure étroite de f tige, tandis qu'à la partie supérieure, qui allait en s'élargissant, ces insertions étaient en ligne droite’. [/exemplaire était desséché, les feuilles manquaient. L'explication de pareilles monstruosités, donnée par Masters et autres, a toujours pour point de départ l'hypothèse qu à l'état nor- mal la position des feuilles opposées et verticillées est due à ce que deux ou plusieurs entre-nœuds ne se sont pas développés. M. Surin- gar est d'avis quon na pas le droit d'admettre une pareille hypo- thèse pour expliquer avec beaucoup de difficultés l'anomalie en question, mais qu'elle s'explique simplement de la manière suivante. L'anneau formé par chaque nœud se change, par l'accroissement en longueur inégale de l’axe, en un tour de spire: cela ayant lieu de la même manière pour tous les nœuds, ces tours de spire s’uniront, et toutes les feuilles se trouveront sur une ligne spirale. Une petite tor- sion en sens contraire fera que les feuilles se rangeront sur une ligne droite, cas présenté par la partie supérieure de la tige décrite. De ce point de vue se déduit aisément l'explication de l'énorme développe- ment en largeur de la tige. : — M. de Vries a publié les résultats principaux de ses recherches* sur quelques qualités physiques de tiges à l'état de croissance (M. de Vries; Over eenige mechanische eigenschappen van groeiende plantensten- 1 Voir sur ce sujet: Bot. Zeit, pag. 453. 1873; et Abhandl. v. natur. Ver. Z. Bremen, Bnd. IIT, Heft 3. 1873. 2 Voir Moquin-Tandon; Tératologie, pag. 181 et 182, t. Braun. 3 Une description détaillée en paraîtra dans les Arbeiten des Bot. Insliluis in Würzburg. II. 9 130 REVUE SCIENTIFIQUE. gels. Maandbl. voor Natuurwet, 27 déc. 1873). L'auteur commence par indiquer les principales données sur l'accroissement des organes des plantes. Selon lui, le but direct d’une théorie de la croissance est de définir comment l'intussusception dans une membrane cellulaire est déterminée par les diverses circonstances qui exercent de l'influence sur la croissance. M. de Vries procède ensuite à la description de ses propres expériences. Après avoir déterminé la vitesse de l'accroisse- ment pour les diverses parties de tiges munies de marques et placées sous l’eau à une température favorable, il expose à l'in- fluence de l'air les mêmes tiges coupées et dépourvues de rameaux et de feuilles. Par suite del'évaporation, la flétrissure s'opère bientôt. En mesurant après la flétrissure la distance des marques placées sur les tiges, il parut que le raccourcissement était le plus grand là où au- paravant l'accroissement en largeur était le plus prononcé. Il suit de ces expériences que les membranes des cellules qui croissent le plus vite éprouvent la plus grande expansion par leur contenu, cette ex- pansion joue donc un rôle considérable dans la «grande période de l'accroissement» (Sachs)'. D'autres expériences avaient pour but de déterminer, pour les diverses parties d'une tige croissante, la flexibi- lité etles propriétés de se tendre et de se tordre. Les résultats obtenus sont que ces propriétés se montrentau maximum immédiatement sous le bourgeon terminal, et de là diminuent de plus en plus, de sorte qu'elles sont d'autant moindres que la partie de la tige est plus âgée. Les mêmes résultats s’obtiennent dans le cas où la vitesse de l’accrois- sement n atteint son maximum qu à quelque distance du sommet de la tige. Il est évident, comme le dit M. de Vries, que de cette seconde série d'expériences on ne peut tirer aucune conclusion directe tou- chant ces propriétés dans les membranes cellulaires, mais seulement sur celles des cellules entières. Les membranes avaient déjà une ex- pansion différente dans les diverses cellules avant le commencement des expériences. En outre, la torsion, la tension et la flexion des ra- meaux changent la tension entre le contenu et la paroi cellulaire. Pour toutes ses expériences, M. de Vries s’est servi de tiges dont la partie croissante avait partout à peu près la même épaisseur, et dont l'épiderme ne durcit pas crop vite. — M. Coster a cru observer (D.-J. Coster ; Eene eigenaardige bla- dontwitkkeling. Maandbl. voor Natuurwet., 27 déc. 1873, n° 1 ) que toutes les feuilles du Cochlearia Armoracia, même celles qui n'ont 1 Traitéde Botanique, liv. ITT, chap. 4. TRAVAUX ÉTRANGERS. — BOTANIQUE. 131 plus tard qu’un bord crénelé, commencent par être «profunde pinna- hiseclæ, seymentis linearibus» Dans les jeunes feuilles, au bord des dé- coupures, les cellules resteraient longtemps à l'état de méristème secondaire; de sorte que, par la production de cellules nouvelles, ces découpures deviendraient de moins en moins profondes, jusqu'à ce qu à la fin le bord de la feuille adulte ne serait plus que crénelé. Cette communication donna lieu à M. de Vries d'étudier le dévelop- pement de feuilles du Cochlearia Armoracia; il trouva que ce dévelop- pement ne diffère en rien de celui d'autres feuilles étudiées sous ce rapport (Maandbl. voor Natuurwet, 27 déc. 1873, n° 2). M. Coster, n'ayant pas muni de marques les feuilles doncilcomptait suivre le développement, a probablement pris pour divers degrés de développement d'une même feuille les états plus ou moins âgés de feuilles différentes. — M. Rombouts traite, dans sa Dissertation inaugurale, de la mi- crophotographie et de son application dans les recherches botaniques (J.-E. Rombouts, De microphotographie en hare aanwendig by botanische onderzoeckinger, Deventer, 1873). L'auteur, dans ses expériences, n'a pu trouver de distance entre le foyer des rayons lumineux et celui des rayons dits chimiques; le cas échéant, l'influence nuisible d'une pareille distance sur les images peut très-bien être éliminée par la méthode de M. Vogel!. M. Rombouts a trouvé qu il vaut mieux ne pas se servir des rayons solaires, mais plutôt de la lumière diffuse, surtout si l'on veut donner à l'épreuve négative denouveaux grossissements; d'autant plus qu'en photographiant au moyen de la lumière diffuse,on peut très-bien em- ployer du collodion. L'appareil dont M. Rombouts se sert pour ob- tenir des photographies d'objets microscopiques, et dont l'idée est due à lui-même, a la forme suivante: La chambre obscure reste horizontale comme à l'ordinaire, seule- ment son objectif estremplacé par l'objectif du microscope; l'objet à photographier est serré contre une planchette verticale trouée à la hauteur de l'objectif; cette planchette peut se mouvoir indépendam- ment de la chambre obscure au moyen d'une vis à bouton. Pour éclairer l'objet, on emploie le miroir concave du microscope, placé à cet effet sur un pied à part. Il est évident que cet appareil est assez solide pour ne pas bouger à la moindre occasion, comme il arrive tou- jours quand on place la chambre obscure sur le microscope. On sait 1 Photogr. Archiv., pag. 101 ; mai 1865, t. Rombouts. 132 REVUE SCIENTIFIQUE. combien le moindre mouvement de l'appareil photographique est nuisible à la netteté des images: celui de M. Rombouts, étant exempt de cet inconvénient et en même temps d'une construction très-sim- ple, est recommandable sous tous les rapports. — J'ai trouvé (M. Treub ; Over het pappus der Compositae, etc. Nederl. Kruidk. Arch., % série, 1° Deel, pag. 2744) des capitules de l'Hieracium umbellatum dont le réceptacle avait pris des dimensions monstrueu- ses par la présence de larves d’Insectes; il s'était changé en globe placé au sommet du pédoncule. La distance mutuelle des fleurons au som- met du réceptacle globuleux était très-grande; en descendant, cette distance diminuait de plus en plus, et enfin, sous l'involucre, les fleu- rons avaient la position serrée d'un capitule normal. J'ai observé que les fleurons du sommet avaient un calice à cinq folioles, etqu'à mesure que la distance mutuelle entre les fleurons était devenue plus petite, le calice avait pris de plus en plus la forme d'une aigrette; j'ai vu dans un même capitule à réceptacle globuleux toutes les transitions d’un calice à cinq folioles à une aigrette normale. Les conclusions tirées de ces faits sont les suivantes : 1° l'aigrette remplace le calice; 2 la transition du calice à l'aigrette dans les Com- posées est due à ce que les fleurons sont très-serrés. Toutefois on peut admettre que l'anomalie dans l’aigrette, tout aussi bien que l'expansion monstrueuse du réceptacle, avait été.causée direciement par la présence des larves. Dans ce cas-ci, une cause quel- conque, qui déterminerait une disposition moins serrée des fleurons dans un capitule d'une Composée, ne ferait pas toujours que l’aigrette prit plus ou moins la forme d'un calice. À ce point de vue, les con- clusions tirées des faits que j'ai observés ne sauraient être aussi ab- solues. Avant de terminer, notons que, les éléments de l’aigrette étant des trichomes ?, ce fait ne démontre pas que l’aigrette ne saurait être le remplaçant du calice. Je ne sais aucune raison pour laquelle des trichomes ne sauraient être l'équivalent d'épiblastèmes d'un ordre plus élevé. — En 1872 et 1873, je me suis occupé d'études ayant principale- ment pour but de démontrer par des essais synthétiques la vérité de la théorie du parasitisme pour les Lichens hétéromères (M. Treub ; = 4 Voir aussi Archiv. Néerl., tom. VIIL, pag. 13. 2 E. Warming, Sur la différence entre les trichomes et les épiblastèmes d’un ordre plus élevé. (Extrait des Vidensk. Meddelelser, Copenhague, pag. 11. 1873.) TRAVAUX ÉTRANGERS. — BOTANIQUE. 133 Onderzoekingen over de natuur der Lichenen, Leiden, 1873 1). Préala- blement j ai étudié les rapports entre l'hypha et les gonidies dans le thalle adulte; je me suis assuré qu'il n'y a aucune raison d'attribuer aux filaments du thalle la propriété de produire des gonidies ?. Ensuite j'ai fait germer les spores de quelques Lichens (Xanthoria parietina, Lecanora subfusca, Ramalina calycaris), pour tâcher d'observer sur les tubes germinatifs la production de gonidies décrite. par M. Tu- lasne et par Speerschneider. Dans une partie de mes cultures, la ger- mination avait lieu en présence de cendres des Lichens d’où prove- naient les spores ; dans une autre partie, la germination, au commen- cement, se faisait à l'obscurité. La plupart de ces premières cultures ne pouvaient être prolongées au-delà de trois ou quatre semaines, à cause du développement de Mucorinées ; plus tard, en expérimentant en hiver et en employant de nouvelles précautions, j'ai réussi à observer souvent des spores (du Lecanora subfusca) dont, après une germination de trois mois, tout le contenu avait passé dans les tubes germinatifs ; néanmoins il ne s'est pas produit sur ceux-ci des gonidies. Dans mes cultures de spores en présence d’Algues, j'ai fait germer des spores de Lichens {principalement du Ramalina calycaris, du Xanthoria parietina, du Physcia pulverulenta et du Lecanora subfusca) en présence de l'Algue qui constitue les gonidies de ces Lichens (Cystococcus humicola Näg.).M. Woronin* et M. Bornet‘ sont, sijeneme trompe, les seuls qui se sont occupés de pareilles recherches. M. Wo- ronin n'a obtenu aucun résultat; M. Bornet, qui a cultivé des spores de Parmelia parietina en présence de Protococcus viridis, et des spores de Biatora muscorum avec une forme corticale de Protococcus, a vu les filaments germinatifs se fixer sur les Algues, mais «l'excès d’hu- midité et le développement d'une Mucédinée détruisirent les jeunes plantes au bout de quelques semaines». De sorte que M. Bornet n a pas réussi à observer le commencement du thalle. A l'instar de M. Keess 5, j'ai fait deux séries d'essais. Dans la pre- ! Voir aussi: Proces-Verb. Akad. v. Wet., (813-1874, no ? ; et Bot. Zeit., 1873, pag 721. 2 Mes recherches dans ce sens, n'étant que préliminaires, sont loin d'être aussi étendues que celles que M. Bornet a communiquées dans son remarquable Mémoire. (Ann. sc. nat., 5e série, Bot., tom. XVII, 1873). $ Recherches sur les gonidies, etc. (Ann. sc. nat., 5e série, Bot., tom. XVI, 1872, pag. 324.) # Loc. cit., pag. 84, 66, et Compt.-rend., tom. LXXIV, pag. 820, 1872. ? M. Reess. Web. die Entsteh. der Flechte. Collema glaucescens. (Monatsber. Preuss. Akad., pag. 525, sept. 1871.) 134 REVUE SCIENTIFIQUE. mère, j ai semé les spores et les Algues sur des morceaux d écorce 0 de pierre, supports où le Lichen que je voulais produire se trouve ordinairement; dans la seconde série, j'ai placé les spores et les Algues sur des lames de verre. Toujours mes cultures eurent lieu dans une atmosphère humide. Je n'avais pas grande chance d'obtenir ainsi un thalle complet, mais daus cette seconde série J'avais l'avan- tage de pouvoir observer toujours immédiatement les progrès de la sermination, Les méthodes que j'ai suivies dans mes cultures, pas plus que les diverses précautions que j ai prises pour éliminer autant que possible les influences nuisibles, ne peuvent être citées ici. La première série de cultures n'a eu aucun résultat. Jamais je n'ai pu éviter, pendant un temps assez considérable, la production de Mucorinées sur le support où se trouvaient les spores et les Algues. Quant à la seconde série decultures faites en 1872, en été, je ne les ai ordinairement pu suivre que pendant trois ou tout au plus quatre semaines : le même inconvénient, éprouvé par M. Bornet, se présen- tait alors, celui d'un grand développement de Mucorinées. Mes cul- tures de cette date ne m'ont fait voir, comme à M. Bornet, que les suites immédiates de la rencontre de filaments germinatifs et d'Algues. Pendant l'hiver de 1873, j'ai été plus heureux: en employant de nouvelles précautions, j'ai pu suivre mes cultures pendant trois mots. Les résultats de ces dernières se résument le mieux en citant la phrase suivante de M. Reess, dont le nom fait ici autorité: « Die Keim- schlauche, alsbald an die Algenzellen sich festheftend, umspaunen diese bis zur Bildung Kleiner Flechtenanfaenge ! ». — M. van der Horn van deu Bos (Onderzoek der vrucht van Sym- phoricarpos racemosa, Leiden, 1873) a trouvé une quantité minime de conicine dans les fruits du Symphoricarpos racemosa. | IL. Je commence la seconde partie de mon résumé par l'annonce d’un travail qui sera le bienvenu de tout botaniste, c'est-à-dire d'un Ré- pertoire annuel de littérature botanique. C'est mon compatriote M. van Bemmelen, qui a osé aborder une tâche aussi étendue. Son livre (J. À. van Bemmelen ; Repertorium annuum litteraturæ botanicæ M. Reess publie dans ce Mémoire les résultats d'essais synthétiques d'où suit, pour le Collema glaucescens, d'une manière incontestable, la vérité de la théorie de Bary-Schwendener. { Prof. Reess; Mattheil. üb. die Flechtenfrage, Sitz. ber. phys. med. Soc. in Erlangen. Sitz. von 10 Dezember 1873. TRAVAUX ÉTRANGERS. — BOTANIQUE. 135 periodicæ, tom. 1, annus 1872; Harlemi, 1873) lui vaudra la recon- naissance de tous ceux qui s'intéressent aux publications botaniques. On y trouve une liste aussi complète que possible des titres de tous les travaux botaniques publiés dans les journaux scientifiques, y compris ceux qui avaient pour but l'annonce de quelque ouvrage pu- blié séparément; les titres y sont rangés par ordre scientifique. Je n'ai aucun doute que les botanistes français ne s'intéressent hautement à l'apparition d'un ouvrage pareil #. — M. de Bruyn a communiqué à la Société botanique Néerlandaise ses observations sur quelques espèces du genré Rumex (Nederl. Kruidk. Arch., 2 série, 1° Deel, pag. 241). Le Rumex Sleinii a été reconnu comme hybride des À. palustris et obtusifolius; en outre, M. de Bruyn a trouvé une nouvelle forme hybride des R. crispus et oblusifolius. Voici ensuite la description d’une nouvelle espèce, Rumex leptanthes, de Bruyn: « Laciniis perigont fructiferi interioribus oblonge-triangu- laribus, basi subcordalis, in apicem longissimum, integerrimum produc- tis, wtrinque longe setaceo-dentatis, racemis ereclis parce foliosis, foliis imis late cordato-lanceolatis, aculis, petiolis supra plans, margina- lis. » A la fin de sa communication, M. de Bruyn a promis un nouvel examen de tout le genre Rumex. — En 1873 (Nederl. Kruidk. Arch., ?° série, Le Deel, 3° Stuk), les Phanérogames suivants ont été reconnus comme indigènes : Teucrium Botrys L., Nepeta Cataria L. B , citriodora Dumoulen, Gentiana germa- nica W., Scorzonera hispida var. glastifolia Wallr. et var. asphode- loides Warllr., Rosa rubiginosa L. var. echinocarpa Crép., Amelian- cher Canadensis, Trifoliwm minus Relhan var. « aggregatum de Bruyn, Cirsium acaule var. caulescens, Hieraciwm murorum rotun- datum Koch, Erysimum orientale R. Br., Epipactis atrorubens Hoffm., Rumex Sleinii Becker, Rumex leptanthes de Bruyn, Molinia litto- ralis Hoffm., Glyceria fluitans R. Brown var. L. tritacea Fries. — M. van der Sande Lacoste a trouvé les Mousses suivantes jus- qu'ici inconnues aux Pays-Bas { Nederl. Kruidk. Arch., ? série, le Deel, pag. 249) : Campylopus brevipilus Br. et Sch., Mnium rostra- tum Schrad., Hypnum patientiæ Lindb., Fegatella conica Cda., Lepto- 1 M. van Bemmelen a bien voulu nous adresser le premier volume de son Répertoire; nous sommes heureux de nous associer aux éloges qui lui sont donnés par M. Treub. E. DuBruElL. 136 REVUE SCIENTIFIQUE. trichum homomalhum Schpr., L. tortile Hmpe, L. vaginans Sulliv., Bryum fallax Milde, B. torquescens Br. et Sch., B. lacustre Bland., B. pallens Sw., Hypnum exannulatum Guemb., 4. hygrophilum Jur., H. elegans Hook., Plagiothecium Roesei Br. et Sch., et Eurhymchium pumilum Schpr. — Lichens indigènes nouveaux : Endopyrenium Mickelii Muss. et Solorina saccata L. — M. Oudemans a encore fait connaître une cinquantaine de Cham- pignons indigènes (Nederl. Kruidk. Arch., 2e série, 1° Deel, pag. 252). Dans cette liste on trouve la description avec figures des espèces nou- velles : Stemonitis heterospora, Hendersonia Caricis, H. Typhæ, Piggotia atronitens, Septoria Rhamni, Glæosporium Platani, Gl. Filicæ, Lecythea Phragmitidis, Isariopsis carnea. L'infatigable observateur de notre flore mycologique a réuni tous les Champignons recueillis dans les Pays-Bas, depuis 1867, en y insérant quelques-unes de ses dernières découvertes encore inédites (G.-A.-J.-A. Oudemans, Matériaux pour la Flore mycologique de la Néerlande. Archives Néerl., tom. VIII, pag. 343-416, PI. 1V-XV). De la récapitulation placée à la fin de ce Mémoire, je prends l'énumération suivante des Champignons main- tenant connus dans notre pays, renvoyant le lecteur au Mémoire lui- même, écrit d'ailleurs en français : | EYMENOMIYyCELES LME MER ERP 628 Gasteromycetes...... bel DO " is ConiomyCetes CAPE REERRE se TO 1868 EVDROMMCETESE LENS CRE LEA RE 101 EL Physomicetes. ..... PRES MEMElS sporiidif ee A SCOIIVCBLES 22e NEA re ANNEREE 443 ie Total général. 1846 TREUS. Voorschoten, près Leyde, 10 février 1874. TRAVAUX ÉTRANGERS. — GÉOLOGIE. 137 Géologie. (Travaux publiés dans le Bolletino del R. Comitato Geologico d'Italia. Année 1873.) — Études stratigraphiques sur la formation pliocène de l'Italie méri- dionale, par G. SEauenza (Boll. n° 9 et suivants). — Le chapitre IT contient la comparaison de quelques terrains pliocènes de la haute et de la moyenne Italie, avec les zones pliocènes de l'Italie méridionale. S'appuyant surtout sur des documents paléontologiques d'une valeur assez grande pour rendre le synchronisme évident, l’auteur arrive à des conclusions que confirment d'ailleurs les faits stratigraphiques connus. En comparant avec les siennes diverses coupes faites par Canterini autour de Livourne, 11 y trouve des éléments semblables à ceux du quaternaire, avec fossiles tous ou presque tous d'espèces vivantes, ainsi qu'à ceux des diverses zones du pliocène étudié dans la Sicile. Dans la vallée de Biaia, non loin de Pise, les collines sont couronnées par un sable jaune marin par-dessous lequel M. Manzoni a recueilli 234 espèces, dont 1/10 environ est inconnu à l'état vivant. Ces deux exemples suffisent pour montrer qu’on trouve dans Î'[talie centrale, et non pas daus la Sicile seule, la zone du pliocène le plus récent. L'auteur donne ensuite un long tabléau des mollusques et cir- rhipèdes de cette zone supérieure du pliocène récent, où, à côté des noms et synonymes des fossiles, il inscrit les diverses localités où on’ les rencontre, ainsi que l'indication de leur extinction ou de leur existence et de leur habitat dans la Méditerranée ou dans les mers du Nord. — Sur la série tertiaire de la province de Messine, par G. SEGUENZA (Boll. 7-10.) — Les cartes géologiques d Hoffmann et de Gollegno rapportent la plus grande partie de la province de Messine à la formation crétacée. C'est un grand dépôt en dehors du cercle des roches secondaires qui recouvre les roches cristallines, paléozoïques, secondaires, et porte de rares lambeaux de roche plus récente; elle consiste en sables, en argiles panachées écailleuses. Les plus grands reliefs du terrain dans le centre de la province en sont formés, y compris le mont Sori, qui atteint l'altitude de 1840 mètres. Les fossiles sont rares dans ces énormes dépôts, dont l’ensemble n'a pas moins de 1000 mètres. Ce n’est qu'après y avoir échoué longtemps 1 Voir Revue, tom. II, no 3. 138 REVUE SCIENTIFIQUE. que M. Seguenza a trouvé, tout à fait à la base, quelques rares et étroits affleurements de calcaire avec petites et 2rosses Nummulites, dans la vallée de Sainte-Venara au S. de Taormina, au mont Pelle- grino, dans la province de Palerme. Ce sont: Bourgheticrinus Tho- renti d'Arch.; Nummulites perforata d'Orb.; N. lævigata Lmk; N. distans Desh.; N. tauromenitana n. sp.; N. biarritzensis d Arch.; N. discorbina d'Arch.; N. Guetiardi d'Arch.; N. Tchiatchefii d'Arch.; N. Rouaulti d'Arch.; N. curvispira Mengh.; N. Spira de Roissy; Alveolina oblonga Desh.; Orbitoides papyracea Boub.; 0. ephippium c. v. Sow. Le calcaire se transforme, dans les assises supérieures, en une brèche provenant de la fragmentation de la roche, et passe à un con- glomérat calcaire; vers Taormina, c'est du sable rouge ou jaune qui se substitue graduellement au calcaire. Au-dessus de cette première zone, on trouve un conglomérat de roches cristallines et un puissant dépôt de grès avec lesquels alternent quelques strates argileuses fossilifères : Num. perforata ; N. distans, N.tauromemtana; N. pseudoscabra n. sp.; N. Defrancei d'Arch.; N. dis- corbina ; N. Beaumontii d'Arch.; N. Rouaulti; N. latispira Mengh. ; N. curvispira; N. planulata Lmk; N. spira; Orbiloides papyracea ; 0. ephippium ; 0. aspera Gümbel ; 0. stellata d'Arch. ; 0. radians d’Arch.; O0. sicula n. sp.; Heterostogina reticulata Rutm.; Alveolina oblonga. On trouve le prolongement des mêmes dépôts le long de la côte méridionale de Reggio. Au-dessus des dépôts précédents, sont des argiles panachées avec quelques-uns des fossiles appartenant aux listes précédentes. Enfin, la série nummulitique se termine avec des marnes blanches endurcies, à Fucoïdes et silex pyromaque, alternant avec un calcaire blanc à petites Nummulites et très-nombreuses Alvéolines. Cette zone supérieure est bien plus développée dans la province de Palerme que dans celle de Messine et surtout dans celle de Reggio. Les fosssiles sont : Num. striata d'Orb.; N. planulata d'Orb.; N. variolaria d'Orb.; N. vasca Jol. et Leym.; Operculina granulaia Leym. ; 0. ammonia Leym.; Alveolina oblonga Desch.; A. longa Czizek; À. ovoidea d'Orb.; A. subulosa Montf.; 4. sphæroidea Cart.; À. Carteri (A. melo H:.-J: Cart., uon Fitchel et Mohll); Orbitoides dispansa c. v. Sow.; 0. tenella Gümbel; 0. stellata d'Arch.; 0. stellata Gümb.; 0. multiplicata Gümb. Ainsi l'éocène, très-épais dans le Messinais, se retrouve dans les provinces de Reggio et de Palerme ; dans celle-là om n’a pas trouvé le calcaire inférieur à grosses Nummulites ; dans celle-ci manque le con- olomérat, et toutes les roches sont très-riches en fossiles. La grande épaissear de cet éocène donne à penser qu'il doit représenter toutes TRAVAUX ÉTRANGERS. — GÉOLOGIE. 139 les périodes de cette époque géologique dans les régions les mieux étudiées. Au-dessus des couches précédentes, vient une alternance d’argiles et d'un grès dont l'aspect est bien différent de celui de l'éocène, En dehors de la province de Messine, ce grès a fourni Cassidaria mutica Michelotti, et Cassis, très-voisin de C. Beyrichi Mich. de l'oligocène de Dego ; dans la province même on a trouvé des Coraux identiques à ceux de Castelgomberto dans le Vicentin. Le miocène occupe dans le Messinais peu de surface ; en revanche il est très-développé en épaisseur, et ses strates sont très-variées. Il n’est développé que dans le N.-E de la province, et là précisément l'oligocène manque, de sorte que la couche miocène la plus ancienne y repose directement sur les argiles panachées de l’éocène. Voici la succession observée. 1. Calcaire à Bryozoaires : Carcharodon turgidus Ag.; Carcharodon megalodon Ag.; C. productus Ag.; Oxyrhina lepiodon Ag.; Lamna crassidens Ag.: Pecten latissimus Brocchi; Cidaris variola Sismonda; C. avenionensis Desmoulins, etc. 2. Sables et argiles grises concordants avec le précédent : Terebra- tula minor Phil. ? Terebratula caput serpentis L.; Rhynconella bipartita Br. var.; Pentacrinus Gastaldi Mich.; Cidaris variola; C.rosaria Bronn; C. avenionensis. 3. Conglomérat à cailloux cristallins, qui en certains points se lie avec les strates de la série précédente : Operculina complanata d'Orb.; Orbitoides plusieurs espèces. 4. Conglomérat sans fossiles : plus de 100 mètres. 5. Sable argileux micacé fossilifère, passant à un calcaire riche en moules de bivalves : Cypræa fabagina Lamk; Cassis fasciata Borson; Lutraria oblonga Chemn.; Tellina tumida Brocchi; Pholadomya alpina Math.; Tapes Basteroti Mayer; Venus islandicoides Lamk; Cardium hians Broc., Arca Noë L.; Arca turonica Duj.; Perna Soldani Broc.; Pecten Reussi Hæœrn.; P. Besseri Andr.; P. aduncus Bich.; P. subra- diatus d'Orb.; P. cristatus Broc.; P. lamellosus Lamk; Ostrea lamel- losa Broc.; 0. digitalina Dubois; O0. cochlear L. var.; 0. Boblayei Desch.; Clypeaster Reidii Wright; Alveolina melo d'Orb.; etc. En certains lieux, les argiles intermédiaires manquent, et le calcaire contient à sa base des cailloux roulés qui établissent une transition entre le conglomérat et les couches purement calcaires. 6. Argiles et molasses assez variables selon les localités. Autour de 140 Messine, cette série débute par des couches lacustres. Dents d'Hippo- potame, de Rhinocéros, de Sus Cheroides Pomel. Dans les couches marines: Oxyrhina haistalis Ag.; Lamna crassidens Ag.; Nassa semistriata Broc.; Pleurotoma calcarata Grat.; Cerithium minutum M. de Serres; Turritella Brocchii Bronn; T. turris Bast. var.: Cardita rudista Lamk; Cardita Jouanneti Desh.; Cytherea rudis Poli.; Pecten cristatus Broc.; P. duodecimlamellatus Goldf ; Ostrea digitalina Dub.; 0. crassissima Lamk. En beaucoup de lieux le miocène se termine par de puissants amas de gypse enfouis dans Le sable, les argiles ou les marnes, stratifié lui- REVUE SCIENTIFIQUE. même, cristallin ou subcompacte. Le pliocène messinais forme des petits lambeaux détachés qui ne s'éloignent guère du littoral : il a été décrit précédemment par M. Se- guenza!. L'auteur termine par le tableau suivant: Terrains tertiaires de la province de Messine. Lieux typiques et fossiles propres. | 1rezone. Sables quartzeux, sables calcaires; Trapanr, près Messine. grès avec ciment calcaire. Pecten septemradiatus. ! 2e zone. Calcaires grossiers et marneux, ar- Sr-Paicrppe, près Messine. œ giles sableuses et sables. Terebratula Scillæ. F 3e zone. Marnes jaunâtres, marnes sableuses, © sables calcaires à polypiers et ROMETTA. & brachiopodes. Terebratula septata. 4e zone. Sables quartzeux fins, marnes blan: ches à nombreux foraminifères, Massa. \ grès, calcaires concrétionnés. Pecten flabelliformis. irezone. Argiles et sables altern., molasses, SAMPIERO. grès, gypse et lignite. Cardita Jouanneti. 2e zone. Calcaire à moules de coquilles , ar- MoxFort. giles sableuses. Alveolina melo. 3e zone. Conglomérat de cailloux cristallins, GRAVITELLI. 2 alternant souvent avec des grès. Pas de fossiles. S ( 4e zone. Argiles ou molasses en petites cou- à ches alternantes, souvent conglo- CALVARUSO. mérat à la base. Operculina complanata. 5e zone. Sables passant graduellement aux Ozrva. | argiles, renferm. des lits de grès. Cidaris variola. | 6e zone. Calcaire à bryozoaires passant à un PaTTr. | grès plus ou moins calcarifère. Carcharodon turgidus. 1 Revue, tom. II, n° 3. TRAVAUX ÉTRANGERS. — GÉOLOGIE. 141 3 lrezone. Grès grossier à grains translucides MISTRETTA. É et ciment siliceux. Sans fossiles. 8 2e zone. Argiles écailleuses grises ou brunes, ap ; 3 ; La] avec lits de grès et rognons de Bois DE CARONIA. © limonite. Pas de fossiles. lrezone. Calcaire nummulitique avec pyro- maque alternant avec marnes à CEsaRÔ. fucoïdes et schistes bitumineux. Alveolina ovoidea. ?e zone. Argiles rouges, vertes, brunes, etc., à renfermant des lits calcaires di- MoxTaGxa. É versement colorés. Orbitoides dispansa. = 3° zone. Grès gris ou brunâtre, avec couches À d'argiles souvent écailleuses. Con- Moxt Sorr. glomérats. Pas de fossiles. 4e zone. Calcaires nummulitiques compactes blancs , rougeâtres , quelquefois VALLÉE DE Sta-VExaRA. Pc CR sans fossiles. Nummulites perforata. — M. Taramelli signale (Boll. 6-7), entre Udine et Bellune (Vénétie). la composition du mont Cavallo (2250 m.), formé en très-grande partie par des roches crétacées reposant sur des dolomies. Ce sont des calcaires à Nérinées et à Caprotines, 550 mèt., — des calcaires à Radiolites, 200 mèt.,— des schistes avec empreintes de Fougères et de Monocotylédones, — des calcaires chloriteux à Caprotines, Nérinées, Actéonelles, 200 mèt., avec calcaires madréporiques à la partie supé- rieure. Enfin l’éocène et le miocène s'étendent sur le pied S.-O. du groupe de Cavallo. On rencontre aussi dans ce massif des traces de glaciers et de moraines. — Sur les mines de charbon de l'entreprise Ferrari dans la Maremme toscane, par l’ing. C. HawpT (Boll. 7.-8). — Ces mines, abandonnées en 1848 après un commencement d'exploitation, peuvent produire faci- lement 100,000 tonnes par an pendant longtemps. Jusqu ici l'insalu- brité du pays a obligé de suspendre les travaux une grande partie de l’année ; mais on espère, avec des précautions hygiéniques, pouvoir réduire considérablement la durée du chômage dans cette concession. qui ne compte pas moins de 3,350 hectares. Sous un terrain d'alluvion peu épais, dont la base, composée de sables et de glaises, est très-imprégnée d'eau, se développent les trois niveaux du terrain miocène. Le miocène supérieur et moyen est formé de sables et argiles avec deux bancs de charbon interposé, et d'un banc de poudingue; en tout 300 mèt. Dans cette partie supérieure, 142 REVUE SCIENTIFIQUE. on a rencontré quelques empreintes de Fougères et de Dicotylédones, Quercus, Platanus aceroides, Castanea, Fagus dentata, Ostrea, Sus, Tortues, Pleurotoma, Cerithium, Turritella. Le miocène inférieur (100 m.) renferme encore deux lits charbonneux séparés par un banc d'argile. Dans un calcaire qui repose sur l'avant-dernier lit charbon- neux, on rencontre des Bivalves, une multitude de Mitylus, diverses Coquilles lacustres, des Plantes acotylédones, conifères, monocotylé- dones, dicotylédones. Le miocène supérieur contient des rognons et quelquefois de petites couches d'aluminate de fer. Dans l'inférieur on signale souvent des conglomérats ophitiques, de la serpentine et du trachyte. Tout cet ensemble est supporté par le terrain éocène. Les épaisseurs du charbon sont, pour les quatre bancs : 4 à 8 mèt.— 0,90 à 2,50 — 0,80 en moyenne. — 1",40. Celui des deux bancs supérieurs est très-noir et brillant, à poussière brune; il donne un coke l'aspect métallique, mais assez léger, et laisse une cendre pulvé- rulente. Celui des bancs inférieurs se rapproche de la houille par ses propriétés ; très-noir et très-brillant, 1l donne encore une poussière noire et brillante, un coke assez compacte, et ne fournit pas avec la potasse de l'acide ulmique, comme le précédent. On calcule, pour le volume total du charbon, qu'on pourra extraire un minimum de 15,700,000 tonnes. — Le Bulletin (7-8) signale trois nouveaux gisements de Mammouth dans l'empire d'Autriche etun à Weimar, en Thuringe. Ce dernier est dans un calcaire d'eau douce ; il a fourni un grand nombre d'os appar- tenant à un même squelette, et, à en juger par leur grosseur, l'animal devait être vieux et robuste. Près de lui, dans un espace de 6 mèt. de longueur environ, 3 de largeur, 2 de profondeur, étaient mêlés des os de Rhinoceros tichorhinus, Bos primigentius, Equus fossilis, Ursus spe- læus, Cervus elaphus, Sus scrofa ferus. Par l'entassement de ces grands ossements dans un petit espace, ce gisement rappelle celui non moins exigu de Durfort (Gard), d'où MM. Cazalis de Fondouce et Ollier de Marichard ont extrait deux Ele- phas meridionalis, un grand Cerf, un Bœuf, un jeune Rhinocéros, un Hippopotame. La gangue est une marne grise en lits inclinés de 25 à 90°, avec empreintes de feuilles d’ormeau, de chêne, etc. — Les minerais cuprifères de Toscane, par d'AcxiaRpi (Extrait de la Minéralogie de la Toscane, par le même, Pise, 1872). — Les minerais de cuivre de la Toscane sont associés aux roches serpentineuses et à leur analogues. L'exemple le plus classique de filon empâtant des noyaux TRAVAUX ÉTRANGERS. —— GÉOLOGIE. 143 de minerai est celui de Montecatini. Le minerai forme des amas con- stitués en général par de la chalcopyrite au centre, de l’érubescite autour de celle-ci, de la chalcosine mêlée d'oxyde de fer au dehors, enfin quelques minces feuillets de cuivre tout à fait extérieurs. Chaque zone paraît provenir de la précédente par désulfuration. Le filon est dirigé E.-0. à travers le gabbro rosso et autres roches ser- pentineuses, avec une inclinaison de 50° au N. — À Monte-Castelli, près Pise, la veine principale est parallèle à ce filon. Un autre se pré- sente dans les mêmes conditions à Rocca Tederighi, mais orienté N.-S. avec une pente vers l'E. — Dans le territoire de Massa-Maritima, de nombreux filons de quartz contiennent du cuivre ; les uns sont pure- ment quartzeux et dirigés à peu près N.-S., les autres quartzo-spathi- ques dirigés du N.-0. au S.-E. — Comme gisement cuprifère dans des masses ferro-pyroxéniques, il faut citer ceux de Campiglia, Val- Castrucci (Massa-Maritima) et d'Elbe. — Le même numéro renferme aussi une note sur les gisements ferrifères du mont Néron (prov. de Pesaro). — Les environs de Massa Maritima, par Vox Rarx (Boll. 9-10). — La colline de Gavorrano, qui s'élève au S. de Massa jusqu’à 267 m., est de la même formation granitique que les îles toscanes d’Elbe, Monte-Cristo, Giglio. C’est, sur le continent, le seul affleurement de cette roche entre les monts de Ligurie et ceux de Calabre. Comme à Elbe, il y a un granit normal et un granit tourmanilifere. Le premier est porphyroïde, à grands cristaux de feldspath blanc enfermé dans une masse de petits grains de feldspath blanc, quartz dihexaèdre, biotite, moscovite. É Cette variété est tout à fait semblable à la même prise à Elbe; mais la variété tourmalinifere se distingue de toutes ses analogues. C'est un mélange intime de petits grains de feldspath blanc, plagio- clase!, quartz rare, mica blanc roussâtre et quantité de petits cristaux de tourmaline brune et transparente, ou noire et opaque. Quelques pyrites de fer forment des taches de rouille en se décomposant. Cette roche singulière forme dans le granit porphyroïde un filon colossal de 65 mèt. de puissance, dirigé E.-0O. et presque vertical. De nombreux petits filons de même espèce l’accompagnent parallèlement. Ce filon est très-analogue à ceux de Saint-Picere d'Elbe, mais il est dix fois plus épais et présente des différences notables dans la disposition des 1 Le plagioclase est un feldspath à base de chaux et de soude, ne contenant que 45,5 °} de silice, 144 REVUE SCIENTIFIQUE. tourmalines. Il ne renferme pas de druses où celles-ci et les autres minéraux auraient librement développé leurs cristaux ; en outre, les tourmalines sont répandues partout, tandis qu'à Saint-Pierre elles sont plus concentrées dans les salbandes. Le filon de Gavorrano est presque perpendiculaire à ceux du mont Capanna, à Elbe. À 3 1/2 milies S.-0. de Massa est encaissé dans des schistes éocènes un filon de quartz épais de 3 à 20, dirigé N.-S. avec une pente de 45°vers E. On l'exploite pour la pyrite cuivreuse qu'il contient. Le mur du filon estformé en bien des points par du Kkaolin provenant de l'alté- ration des schistes argileux; il contient aussi de l'alunité. Le kaolin remplit également des poches dans l'intérieur du filon. Ces altérations ne se sont produites que là où il y a des pyrites en décomposition, fournissant de l'acide sulfurique. L'origine de l'alunite diffère ici de celie de la Tolfa, qui provient de la réaction des émanations volcani- ques sur les trachytes. Ce filon est accompagné, à son mur, d’épidote compacte renfermant des veines et des géodes de quartz, ainsi que de l'augite rayonnée. Quelquefois la richesse en minerai s'étend à ces masses. Non loin delà, à Val Castrucci, l’épidote alterne en Bts qui ont quelquefois jusqu'à 1 mèt., avec les schistes noirs de l’éocène, quise trouvent durcis, et dontla schistosité a disparu jusqu à 20 ou 30 mèt. du contact. Dans les lits épais, l'épidote entraîne avec elle augite, quartz, pyrite cuivreuse. Des veines d'épidote qui ne dépassent pas un millim. d'épaisseur s'insinuent quelquefois parallèlement entre les feuillets du schiste, ou les traversent. Des filons de galène argentifère ont aussi été exploités dans le pays pendant le moyen âge. Vers Montieri se trouve le soffione le plus oriental, remarquable par cette particularité de fournir, outre l'acide borique, du sulfate d'ammoniaque, qui dans la concentration cristal- lise le premier. Les élévations trachytiques de Roccastrada, Sassofortino, Rocca- tederighi sont remarquables par la composition de la roche, qui ren- ferme du quartz dihexaëèdre en cristaux de 5°", et des grains de cor- diérite arrondis, bleus violets, dichroïques, ayant jusqu à 37. — Observations géologiques en Calabre, Vox RarTx (Zeüsch. der deuischen Geol., et Boll. 11-12). — Les montagnes de la Calabre sont formées de granite et de schistes cristallins. Ceux-ci renferment des filons de blende, galène, oligiste, chalcopyrite. A leur pied on ren- contre quelques rares roches crétacées, des roches miocènes et phocè- nes. Au mont Cocuzzo, au S.-0. de Cosenza, on voit une masse con- sidérable de calcaire qui, en couches peu inclinées, est superposé TRAVAUX ÉTRANGERS. — GÉOLOGIE. 145 immédiatement à la diorite schisteuse ou compacte. Gest peut-être une dépendance des terrains jurassique ou crétacé; primitivement il devait être relié aux Apennins. Non loin de là, on voit un calcaire tertiaire reposer sur les schistes cristallins à une hauteur de 1200 mèt. La partie S. de la Calabre est moins montueuse que le nord; elle est très-fertile et a la même constitution, mais le terrain pliocène y couvre une plus grande surface. — Les terrains du pays d'Urbin, par M. Mrcr (Boll.11-12).—Dans cette région émergent avec une certaine régularité tous les terrains, du miocène le plus élevé au lias inférieur. La partie la plus récente est un dépôt, en grande partie fluviatile, de graviers, grès et argiles. Des coquilles marines y sont pourtant enfermées, ce qui annonce un dépôt littoral. M. Scarabelli regarde cette formation comme corres- poudant au Tortonien. Plus bas on rencontre des marnes avec feuil- les, Lebias crassicaudus, Diatomées marines; du calcaire siliceux, du gypse, du soufre. La surface des marnes est quelquefois couverte d’efflorescences de sulfate de soude. Cette zone, toute semblable au terrain à soufre de la Sicile, représente le miocène supérieur et moyen, tandis qu'au-dessous le miocène inférieur est représenté par des molasses marines avec bancs d'huîtres, marnes à lignites, qui forment les environs immédiats d'Urbin. C'est autour de cette ville même qu on peut observer le passage du miocène à l'éocène à Chondrites intricatus et Nummuliies planulata. L'éocène forme une zone qui flanque les reliefs crétacés. Dans ceux-ci on trouve peu de fossiles, l'Ananchytes ovatu dans le haut, des Fucoïdes dans les schistes de la partie moyenne, la Terebratula euganeensis, les Ammonites grasianus, didayanus, et autres Ammonites néocomiennes dans le bas. Toute cette série est supportée par des calcaires compactes que leur faune d’Ammonites, d'Aptychus (4. punctatus), fait reconnaître pour le tithonique. Des schistes qui sont à la base du calcaire sont encore du même étage. Là il y a une lacune jusqu'à l’oolithe inférieure. Sous le calcaire à Am. fallax, qui appartient à celle-ci, vient un horizon de calcaires souvent rouge brique qui se développe dans tout l'Apennin central, et où sont fréquentes les Ammonites du lias supérieur: A. Nilssoni, heterophyllus, bifrons, Comensis, radians, crassus, etc. Par l'aspect et par ses fossiles, il est tout à fait semblable au rosso ammonitico de Lombardie. Au lias moyen appartient la pierre de construction dite corniola, et à l'inférieur le calcaire massif de Furlo, où l’unique fossile bien déterminé est la Posidonomya Janus TUE 10 146 BULLETIN. Mengh., qui se trouve à la base du lias dans qe bancs cal- caires, près de Campiglia. Le Bulletin (11-12) contient encore des notes sur les trachytes de Rocca Monfina; sur les tufs volcaniques du Tyrol méridional; sur une forêt fossile dans la marne au pied de l'Apennin ligurien, et sur quel- ques découvertes préhistoriques dans la même région. L. CoLzLor. BULLETIN. BIBLIOGRAPHIE. | Les Animaux fossiles du mont Léberon (Vaucluse), par M. Gaupry. M. Gaudry a donné un pendant à son ouvrage sur les Vertébrés fossiles de Pikermi (Attique) : c’est la publication, terminée il y a quelques mois, des Animaux fossiles de Cucuron, au pied du ZLéberon, dans laquelle la partie malacologique a été traitée par MM. Fischer et Tour- nouër. Sur le néocomien inférieur qui constitue le Léberon, avec Ammonites Astierianus, Toæaster complanatus, Terebratula prœlonga, Ostrea Couloni, Trigonia harpa, etc., reposent les couches tertiaires ci-des- sous, concordantes entre elles. 3 Molasse grise entre Cucuron et Vaugines, peu fossilifère. Molasse jaune, répondant, d’après MM. Fischer et Tournouér, à la molasse de Saint-Paul-Trois-Châteaux, au calcaire moellon du Langue- doc, aux faluns de Léognan et de l’Armagnac, dela Touraine, à la molasse de l’Anjou. Elle contient : Ostrea Boblayei Desh.; O. frondosa M. de Serres; Pecten scabriusceulus Math.; P. scabrellus Lmk; Janira pla- nosuleata Math.; J. benedicta Xmk; Cytherea Bernensis Mayer. ; Cardium hians Broc.; Tapes vetulus Bast.; Tellina lacunosa Chemn.; Panopæa Menardii Desh.; P. Rudolphii Eichw.; Balanus tintinna- bulum L. Marnes grises sableuses de Cabrières. — Ces couches contiennent de nombreux Gastéropodes et Bivalves qui ont été reconnus par MM. Fischer et Tournouër comme n’étant identiques ni avec ceux des faluns propre- ment dits, ni avec celles des couches de Tortone. «Cette constatation des nuances est certainement un des résulats les plus importants des études paléontologiques, et donne un fort appui à la doctrine de l’évolution. » C'est à l'horizon de l’helvétien le plus élevé de M. Ch. Mayer que ces BIBLIOGRAPHIE. 147 savants rapportent le gisement de Cabrières, au niveau des couches à Cardita Jouanneti. Celui de Tortone serait un peu plus récent. Marnes grises à Ostrea crassissima (3); couches palustres mar- neuses grises avec HJelix Christoli, H. Dufrenoyi, Planorbis præcor- neus, Melanopsis Bonelli, ete... Cette dernière espèce est identique à celle des couches de Tortone, auxquelles correspondent les couches palustres. Enfin, c’est au-dessus de ces dernières couches que viennent les /{mons rougeûtres à ossements (100%), tellement liés avec elles qu'il est difficile de les attribuer à une autre époque géologique. C’est une formation ter- restre qui résulte de l’usure des montagnes environnantes et du trans- port de leurs éléments détritiques. Elle est seulement recouverte par quelques sables limoneux et brèches moins colorés, qui se sont déposés dans les dépressions du terrain précédent. M. Gaudry explique l'accumulation des ossements dispersés, mais non roulés, par des inondations qui auraient resserré les animaux dans cer- tains lieux, pour les y noyer enfin. Voici la liste de ces animaux : Machærodus cultridens Helladotherium Duvernoyi Hycœna eximia Tragocerus À maltheus Ictitherium hipparionum Gazella deperdita I... Orbignyi? Palæoreas Lindermeyeri? Dinotherium giganteum Cervus Matheronis Rhinoceros Schleiermacheri Testudo de dimension gigantesque Acerotherium incisivum ? Testudo de taille moyenne. Hipparion gracile Sus major Les mammifères sont, à deux ou trois espèces près, identiques à ceux de Pikermi. Un bon nombre d’espèces sont communes avec Baltavar en Hongrie, et Concud en Espagne, où les faunes sont seulement moins riches, et permettent de synchroniser complétement avec ces quatre gise- ments. M. Gaudry a accompagné la description critique des ossements du Léberon de réflexions de paléontologie générale d’une haute portée; elles forment spécialement son chapitre IT. Je vais chercher à les résumer. Pendant que le calcaire grossier et les gypses de Paris se déposaient, les Pachydermes dominaient; c'étaient les Lophiodon, Anoplothe- rium, Chæropotamus, Hyracotherium, omnivores comme les cochons et les tapirs; les Palæotherium, Anchilophus, qui broutaient les feuillages ou les buissons, comme les Damans. Les plus herbivores étaient les Xiphodon, Dichodon, Amphimerix. D'ailleurs, les plantes herbacées 148 BULLETIN. étaient rares, d’après M. de Saporta, à l'époque des gypses d'Aix. Dans le miocène inférieur, les Gelocus rappellent les Xiphodon; mais par leurs molaires supérieures sans mamelon interne, par leurs métatarsiens prin- cipaux soudés vers l’âge adulte, ils annoncent la prochaine arrivée des ruminants ordinaires. Dans le miocène moyen, la plupart des ruminants ont leurs métatarsiens principaux fortement soudés; ils sont plus grands et plus nombreux que ceux de l’âge précédent, mais ils sont peu variés et n’ont pas atteint leurs plus grandes dimensions. Le grand développement des herbivores est le trait caractéristique de la fin des temps miocènes. Les formes des Antilopes et de leurs cornes sont plus variées que dans l’âge précédent; les bois des Cerfs, auparavant simplement fourchus, pren- nent des formes bien plus compliquées ; les Hipparion succèdent aux Anchitherium, mais les Helladotherium et les Cerfs à molaires basses témoignent que lesgraminées, avec leur chaume imprégré de silice, qui use les dents, ne jouent pas encore un rôle important. Dans le pliocène, le qua- ternaire et la faune actuelle, les Ruminants, les Équidés sont très-nom- breux, le fût des dents s’est allongé et enduit de cément ; les prairies se sont étendues de plus en plus. M. Gaudry explique le tardif développement des Herbivores par la remarque qu'au point de vue embryogénique, les solipèdes et les rumi- nants constituent des types très-perfectionnnés. La date de leur exten- sion à été aussi celle de l'apparition des troupeaux dans le milieu et la fin des temps miocènes. L'évolution des Carnivores a suivi celle des trou- peaux d’Herbivores. Dans l’éocène, ils sont de petite taille et peu nombreux. Vers la fin de l’époque miocène, ils se sont diversifiés et ont augmenté en nombre et en force; ils se partagent en deux types extrêmes: le Machæ- rodus avec ses énormes canines, qui à été le mieux adapté de tous les animaux pour se nourrir de proie vivante, et l’Hyène qui à été le mieux organisée pour dévorer les chairs des cadavres. Le paragraphe 2 de ce chapitre est destiné à montrer que es Mam- mifeères dela fin des temps miocènes confirment la croyance que les types des êtres supérieurs ont été plus mobiles que ceux des êtres inférieurs. Ainsi, la mobilité des types de Mollusques à été loin d'égaler celle des Mammifères. Les ossements de Pikermi et du limon rouge de Cucuron appartiennent tous à des animaux très-différents des Mammifè- res actuels, etcependant les couches lacustres de Pikermi, les couches mari- nes de Cabrières, qui supportent respectivement ces dépôts ossifères et sont plus anciennes qu'eux, renferment plusieurs coquilles de Mollusques tant lacustres que marins, dont les identiques existent de nos jours. Ces faits ne doivent pas étonner si l’on considère que l'organisme si compliqué des BIBLIOGRAPHIE. 149 Mammifères doit être plus exposé que la coquille si simple des Mollus- ques à subir quelque changement dans une de ses parties. L'étude des mammifères du miocène supérieur permet de partager cette formation en deux sous-étages : 1° Eppelsheim; 2° Pikermi, Cueuron, Con- cud, Baltarac. A l’époque d'Eppelsheim, nous trouvons un reste de la mer de molasse qui formaitune barrière entre le centre E. et le sud de l’Europe: aussi au nord de cette mer trouvons-nous des animaux éloignés des types africains. Quand le gisement du Léberon s’est formé, la mer avait cessé de battre le pied de la montagne, et la ressemblance de ces animaux avec ceux de Concud tend à faire admettre une libre communication avec l'Espagne. Si l’on supposait un exhaussement suffisant de le région médi- terranéenne pour permettre la communication avec l'Afrique, on com- prendrait pourquoi la faune de cette contrée a un peu conservé la physio- nomie des faunes miocènes de la Provence, de l'Espagne, de la Grèce. D'ailleurs les faunes des deux sous-étages miocènes supérieurs sont d'âges peu éloignés l’un de l’autre, et leur différence doit être attribuée en partie à des changements de configuration du sol qui auront occa- sionné des déplacements de faunes. « Le paléontologue qui ne croit pas à ces migrations et aux extinc- tions locales cherchera vainement les enchaînements des êtres anciens; il rencontrera des apparitions, des disparitions et des retours qu'il ne saurait expliquer... Il y a lieu de supposer quel’ensemble du monde orga- nique a marché d’une manière continue, et que si les géologues rencon- trent de brusques apparitions de fossiles en passant d’un étage à un autre, c’est parce qu'ils ont en général placé les limites d’étages sur les points où il y a eu des déplacements de faunes. Dans le paragraphe 5, M. Gaudry, après avoir fait remarquer que la comparaison des animaux d’une faune avec leurs analogues pris dans les faunes qui ont précédé ou suivi, révèle une certaine ressemblance entre eux, s'exprime en ces termes: (Ou bien elle force à admettre ce qu'on a appelé la loi d'imitation, c'est-à-dire à supposer qu’en créant les êtres d'une époque géologique, Dieu a pris en partie pour modèle les êtres des époques précédentes; ou bien il faut croire que les analogies repré- sentent des liens d’une parenté, soit proche, soit éloignée. Je préfère la seconde de ces hypothèses, parce que la plupart des espèces analogues ont une si forte somme de ressemblances comparativement à celle des différences, qu’il paraît plus simple de les tirer les unes des autres que de les détruire pour en refaire de presque pareilles.» Pour établir que les Mammifères fossiles ont eu une commune origine, il faut donner des preuves que leurs espèces ont été assez mobiles, assez plastiques pour passer des unes aux autres. C’est pour disposer d’un 150 BULLETIN. grand nombre d'os appartenant à la même espèce, et pris dans des loca- lités différentes, que M. Gaudry a entrepris les fouilles du Léberon après celles de Pikermi. Il a reconnu que les animaux n’appartenaient pas à des espèces constituant des entités immuables, mais qu'il y a entre les individus d’une même espèce des différences indiquant des variétés. Les Hipparions, Gazelles, Tragocères de Provence ont les membres un peu plus grêles que ceux d’Attique. Certaines espèces fossiles miocènes et pliocènes pourraient bien n'être que de simples races d’autres espèces, par exemple le Sus major de Cucuron par rapport au Sus Erymanthius de Pikermi. Tel est le cas encore de la faune actuelle comparée à la faune quater- naire. Quant à savoir ce qu'il faut entendre par races et espèces, M. Gaudry admet les espèces un peu larges, et il ajoute: «Lorsque les caractères qui séparent les animaux semblent indiquer ure différence dans leur degré d'évolution, on doit supposer que ces animaux sont devenus des espèces distinctes, c’est-à-dire qu’ils ont cessé de donner ensemble des produits féconds; car, s’il en eût été autrement, la nature aurait tourné dansle même cercle, au lieu de présenter ces divergences qui ont imprimé à chaque époque géologique une physionomie particulière.» Passons maintenant à l’étude des Mollusques des formations inférieures au limon à ossements, faite par MM. Fischer et Tournouér. Les faunes des bassins miocènes qui entouraient ou baignaient la France du côté del’AI- lemagne, de l’Altantique et de la Méditerranée, paraissent avoir été plus uniformes qu'aujourd'hui celles des bassins correspondants. Cependant on commence à trouver quelques localisations d'espèces qui ont subsisté jus- qu'à ce jour dans les mêmes lieux. La faune de Cabrières est remar- quable par l’extrême variété des types. MM. Fischeret Tournouér, dans le courant de leurs descriptions, en ont élevé 28 au rang d’espèces, en lais- sant un bon nombre d’autres comme simples variétés; pour des types connus, ils ontégalement signalé des nuances notables. D'ailleurs la varia- bilité s’est montrée soumise à la loi de progression plus rapide des types supérieurs, même appliquée à l’étude intérieure d’un embran- chement. L. CoLLor. Principes de Géologie transformiste, tel est le titre d’un ouvrage que M. Dollfus vient de publier, dans lequel il applique à la Géologie, et particulièrement à la Stratigraphie, la doctrine de l’évolution. Après avoir passé en revue, dans un apercu historique et critique, les doctrines géo- logiques anciennes et les opinions des contemporains sur les questions débattues, il étudie rapidement chaque terrain en traitant spécialement des couches controversées; enfin, il termine par une discussion sur les lois nouvelles qui ressortent, selon lui, des découvertes récentes. E, DuBRuEIL. VARIA. Lettre sur le Maroc, par M. le D' Breroner, médecin-major à l'hôpital d'Oran, altaché à la mission diplomatique envoyée à Méquinez, auprès de l'Empereur du Maroc. Monsieur le Directeur, Le 7 mars 1874, Son Excellence le Gouverneur-Général de l'Algérie me chargeaït de la mission d'accompagner, comme médecin militaire, M. le Ministre plénipotentiaire de France, qui se rendait à Meknès, auprès du nouvel empereur du Maroc, pour lui porter ses lettres de créance. Grâce à l'extrême obligeance de M. le Ministre Tissot, et à l'intérêt qu'il porte à la science, j'ai pu recueillir sur ce pays si peu connu des renseigne- ments zoologiques, botaniques et géologiques que je m'empresse de vous transmettre pour que vous en fassiez part aux lecteurs de la Revue. Le Maroc est en effet, actuellement encore, un État plus fermé à la civilisation européenne que la Chine; il est impossible d’y voyager sans escorte, au milieu de populations qui reconnaissent à peine l’autorité de l’empereur, et à travers un dédale de collines, de plaines, de plateaux et de montagnes où routes et ponts sont inconnus. Pour être clair, je divi- serai cette lettre par chapitres consacrés à l’anthropologie, à la zoologie, à la botanique, et enfin à la géologie. — J'avais emporté avec moi les instructions imprimées de la Société d'anthropologie, pour me livrer à des observations précises sur les diffé- rentes races humaines qui peuplent ce pays. Comme médecin, je pensais avoir l’occasion d'approcher et d'étudier même les farouches Berbères des montagnes; mais je comptais sans le fanatisme et la défiance incurables qui leur font toujours tenir les étrangers à distance. Nulle occasion plus favorable d'observer les divers types marocains ne s'était présentée à un naturaliste, car l’armée tout entière de l’empereur était venue à notre rencontre à environ 6 kilomètres de la ville de Meknès, et nous avons passé en revue cavaliers et fantassins, qui ve- nalent de faire campagne. L’impression qui m’en reste est que la population marocaine, composée d'Arabes et de Berbères, de Maures et de Nègres, présente sous les armes, sinon un aspect martial, du moins un aspect fort original. Les Arabes sont au Maroc ce qu’ils sont en Algérie; quant aux Ber- bères, ils me semblent bien différents de ceux que j'avais eu l’occasion de voir l’année dernière aux Traras, près de Tlemcen. Autant ces derniers avaient le caractère des races du Nord, autant les Berbères marocains ont 152 BULLETIN. les caractères des races méridionales. Ils paraissent appartenir à un rameau détaché de la race berbère, car ils sont basanés, nerveux et géné- ralement osseux. Leur masque est dur, farouche; leur nez aquilin et leurs pommettes saillantes rappellent les traits de la face des Peaux-Rouges. Leurs cheveux sont abondants, d’un noir lustré, et flottent librement en touffes épaisses des deux côtés de la tête, le milieu étant soigneuse- ment rasé. Leur maigreur est souvent idéale, ainsi que celle de leur cheval, mais ces apparences sont trompeuses: rien n'est plus dur à la fatigue que l'association de l’homme et de l’animal, car je ne puis les séparer, tellement ils paraissent former un tout harmonique. Je dois à la vérité de dire cependant que je suis revenu de ce voyage moins enthousiaste à l’écard des Berbères qu'avant mon départ; mais cela tient peut-être à la circonstance suivante, qui vous prouvera que dans ces régions il n’est pas toujours prudent de se laisser emporter par l'amour de la science. Non loin de Meknès, près d’une ancienne ville romaine répondant au nom euphonique de Volubilis, j'avais remarqué de magni- fiques escarpements de roches jurassiques. Il me fut impossible de résister à la tentation de les voir de près (j'étais le premier natura- liste qui les étudiait), et j'entraînai avec moi M. Flesch, vice-consul de Casablanca, un de nos charmants compagnons de voyage. A ces roches, malheureusement, étaient adossées des maisons berbères d’où sortirent à notre approche des nuées de naturels dépenaillés, mais très-menacants, qui nous entourèrent et firent tout leur possible pour nous empêcher d'approcher de notre but. Ils ne réussirent pas, grâce à notre contenance, et nous rentrâmes au camp, satisfaits de revenir de cette aventure sains et saufs, et fiers d’avoir vu de près que c’étaient en effet des roches juras- siques fossilifères que nous avions trouvées. Ce n’est guère que chez les Berbères enfin que l’on voit encore le cava- lier portant un fantassin en croupe, souvenir des anciens Lybiens et des anciens Numides. Il existe cependant au Maroc quelques représentants de la race berbère blonde, aux yeux gris bleuâtre, aux cheveux bouclés, à la stature athlétique, mais ils paraissent former la minorité. Le Maure des villes, au teint à peine basané, à la barbe souvent blonde et frisée, aux yeux gris verdâtre, se rapproche certainement plus de l'Européen que le Berbère marocain; et chez lui, comme chez l’Arabe, le mélange de sang nègre n'est pas rare. Je n’ai guère pu étudier les Nègres et les Juifs; j’ai cependant remar- qué que chez ces derniers la précocité des mariages devait forcément être une cause d’abâtardissement, surtout dans les villes, où leur quartier (Mellah) est loin d’être l'idéal de la propreté. VARIA. 153 — Les recherches zoologiques que j'ai pu faire, chemin faisant, ont porté surtout sur la Conchyliologie et sur l’Entomologie, et, accessoire- ment, sur les races d'animaux domestiques et sur la faune Vertébrée. Les formes génériques de Mollusques terrestres sont peu variées dans les vastes espaces, généralement privés de végétation arborescente, qui s'étendent entre Tanger et Meknès. On n’y rencontre guère que des Hé- lices du type de l'A. lactea, melanostoma, et probablement Zaffarina d'Algérie, des Bulimes et surtout le B. éruncatus à coquille plus longue et moins ventrue que dans la province d'Oran, et de rares Férussacies de petite taille. Les Cyclostomes, les Clausilies, les Pupa sont excessive- mentrares. Cette assez grande pauvreté en Mollusques terrestres de la région com prise entre Tanger et Meknès paraît dafer de loin, car dans les alluvions récentes et anciennes- des fleuves marocains (Sbou, Ouargha, Oued- Kous, etc.) on ne rencontre également que des Hélices, Bulimes, Férus- sacies. Les échantillons de ces genres que l'on y recueille sont d’ailleurs parfaitement conservés, ce qui prouve que dans la production de ces allu- vions le transport a été assez lent et par conséquent assez ménagé pour que les coquilles, quelles qu’elles soient, aient été conservées. Il est donc probable qu'on peut y trouver l’ensemble des espèces du pays. Les ruisseaux qui descendent des massifs montagneux sont riches en espèces d’eau douce, et on y rencontre, à partir de la grande arête du Djebel-Outita, la Melanopsis Maroccana avec une variété à bandes noires et vert-brunâtres de la M. costata. une Néritine d’assez grande taille, et de nombreux Ancyles. Ces coquilles sont souvent recouvertes de concrétions mamelonnées, peut-être d’origine organique, et sur lesquelles vivent des Algues miero- scopiques, et surtout des Diatomées. À mon grand regret, je n'ai pu étudier la faune des marais très-riches en végétation que j'ai apercus dans la vallée de l’Oued-Kous, entre El- Araisch et Alcassar, ni celles des rivières marécageuses de l’Oued-Redat, de l'Oued-Méchrat et Hachef, ete.; mais les environs de Tanger, grâce aux bas-fonds de Souani, peuvent donner une idée dela malacologie des régions palustres. Les espèces qui vivent dans ces bas-fonds marécageux sont des Physes de petites taille, une Lymnée?, des Planorbes également de petite taille. Plus loin, dans le cours même du ruisseau de Souani, abondent de petites Auricules et des Ancyles, tandis que les pierres du fond sont couvertes d'Éponges d’eau douce et de Plumatelles. Les embouchures des rivières dans l'Océan sont, au Maroc, les stations les plus favorables à la récolte des Mollusques. On les recueille facile- ment eten abondance, grâce aux dépôts de coquilles que laissent sur leurs 154 BULLETIN. bords les inondations du printemps et de l’hiver. Ici la faune marine est mélangée à la faune terrestre et fluviatile. On retrouve, à côté du Cardiuwm edule, des Tellines qui habitent la vase des estuaires, les Auricules, les Planorbes, les Hydrobies, les Phy- ses des eaux douces; les crues amènentde l’intérieur de nombreuses es- pèces d'Hélices, de Bulimes, de Férussacies. Cet ensemble d'espèces se rencontre également dans les dépôts d'embouchure de nos rivières algériennes, de nos jours comme à l’époque quaternaire. Si nous remon- tons plus loin dans le passé, à la fin de l’époque pliocène, une association pareille d'espèces presque toutes identiques à celles que nous avons trou- vées au Maroc caractérise les formations d’estuaire des environs d'Oran. L’avantage cependant reste au pliocène supérieur, plus riche en espè- ces que le quaternaire et que les dépôts modernes, ainsi que j'espère le démontrer dans mes prochains travaux sur la géologie de Ja province d'Oran. Vous voyez donc, d'après ce court apercu des différentes stations des Mollusques, que le Maroc n’est pas le paradis des conchyliologistes; que l’intérieur du pays est pauvre en espèces, tandis que la partie littorale, plus riche, a un caractère tout méditerranéen. Des résultats absolument analogues se dégagent de l’étude sommaire des Insectes, et spécialement des Coléoptères, que j'ai recueillis, chemin faisant, sous les pierres, sur les fleurs et sur les rares arbres de cette ré- gion. Les Coléoptères ontophages paraissent y être excessivement abon- dants en raison des vastes surfaces couvertes des maigres prairies natu- relles où paissent des milliers de têtes de bétail, et l’on y rencontre de nombreuses espèces des genres Ateuchus, Copris, Aphodius, Gym- nopleurus, Hister, etc...; par contre, les grandes espèces de Carnassiers du genre Carabus y Sont fort rares. Les stations fraîches et boisées où la végétation arborescente (oliviers, térébinthes, caroubiers, jujubiers) a été respectée sous le patronage d’un saint marabout, comme sur la montagne d'Had-Kort, dans les ruines de Lella-Gellalya et dans le bois sacré de Mohamed-ben-Ali, m'ont donné une seule espèce de ce genre. Au contraire, les petites espèces de Carnassiers sont communes; ce sont des Brachines, des Siagona, des Harpalides, qui vivent, soit sur les plan- tes, soit sous les pierres. Quelques-unes de ces espèces sont représentées par des myriades d'individus qui, contrairement aux habitudes de ces Coléoptères, sont d'une activité extrême au plein jour et pendant les heures chaudes. Les Cicindèles, si communes au printemps en France, sont ici assez rares; elles ne fréquentent guère (Cicindela mawra) que les parties VARIA. 155 sableuses et salées des régions où affleurent les terrains nummulitique et crétacé. Dans les steppes couvertes de plantes herbacées ou sous-frutescentes, abonde la gent variée et brillante des Insectes amateurs de fleurs : Crypto- céphales, Malachies, Mylabres, Chrysomèles, etc...; plus rarement j'y ai trouvé des Élatérides et de grands Buprestides que la lumière du campe- ment attirait le soir sous ma tente. Dans les terres cultivées, plus nombreuses dans ce pays qu'on ne serait tenté de le croire, il n’est pas rare de trouver des représentants des genres Hoplia, Cetonia, Melolontha, plus rarement des Cérambycins de petite taille. Mais c’est encore, comme pour les Mollusques, dans la partie litto- rale du Maroe que les Insectes sont les plus variés. C’est la région des Pi- méliens, des grands Cérambycins, des Orictes, des grandes Lucanes, des Trichies dont nous avons vu de magnifiques échantillons au cap Spartel, où M. Wenzel, gardien du phare, fait collection de ceux que la lumière fait tomber, dans la saison chaude, autour de la lanterne. Quant aux Insectes aquatiques ou qui habitent le voisinage de l’eau douce, je n’ai guère pu me procurer que quelques Donacies appartenant probablement à des espèces européennes. Les Orthoptères donnent lieu aux mêmes remarques que les Coléop- tères. Blattes et Forficules sont assez communes sous les pierres; mais une espèce de Sauteur, un Grillont, m'a paru très-remarquable, en raison d’un appendice membraneux brun qui surmonte sa tête et lui donne un cachet tout spécial. Les genres Acridium et Locuste sont trop bien représentés au Maroc comme en Algérie; ils faisaient le sujet de la conversation des hauts dignitaires de la cour, en raison de l'invasion prochaine dont ils me- naÇaient les récoltes. Je me souviens même d’avoir entendu dire à l’un d'eux, dans un dîner officiel, que ces terribles Orthoptères naïssaient, comme les abeilles naissent du cadavre d’un jeune taureau, des flancs des Cachalots que le flot rejette sur les bords de l'Océan. L'histoire natu- relle, telle quela comprenait Virgile, est donc encore en honneur à la cour de Sa Majesté Chériffienne, et le niveau scientifique des hommes d’État dé cet empire n’atteint même pas, comme vous le voyez, celui de leurs ancé- tres, les Maures de Grenade. — Au point de vue botanique, je me suis surtout préoccupé de la dis- tribution géographique des plantes et de leur cantonnement en stations. Certaines espèces semblent assez bien caractériser la zone littorale. Ce sont: en première ligne, les Cistes, dont il existe plusieurs espèces arbo- DU TE no AN er pou ovnr nes men y, nul pad ni) ae ! C'est, selon toute probabilité, le Gryllus umbrellatus. 156 BULLETIN. rescentes au Maroc. Ils ne dépassent pas, au S. de Tanger, Souk-Tleta de Risäma, à 70 kilomètres environ de la mer, et, à l'E. du port d’El- Araich, ils s'arrêtent à quelques kilomètres de la mer. Dans ces deux points, le terrain où ils pullulent doit être entièrement sableux et provient de la décomposition des grès nummulitiques, des sables et des poudingues pliocènes, roches qui s'étendent dans le S. bien au-delà de la limite des Cistes. L’aire de distribution des Éricacées, Æ. arborea, E. australis, est encore plusrestreinte; on ne les retrouve plus dès qu’on a dépassé une zone de 10 kilomètres à partir du bord de la mer. Cistes et Bruyères sont par- tout accompagnés de Chènes-Kermès, de Phyllirées, de Lauriers-tin, de nombreuses Hélianthèmes au pied desquels croît le Terfez ou Truffe blan- che. Les Labiées, à l'inverse des Cistes, paraissent fuir le climat humide des rives de l'Océan; elles deviennent nombreuses dans la région des steppes sèches et arides des environs d'Alcassar. Elles s’y plaisent au milieu des Lupins jaunes, des Ononis, des Hedysarum, des Convolvulus tricolor, des Ipomæa, des Malvacées aux couleurs éclatantes. Le tapis végétal de cette région est peu riche en Graminées, plus riche en Lilia- cées, Ornithogales, Scilles, Aulx, et l’intéressante famille des Orchidées n’y est guère représentée que par deux espèces, un Orchis aux fleurs brun pourpre, et une Ophrydée déjà en fruit à notre passage, qui avait lieu à la fin de mars. Les vastes plaines alluviales du Sbou et de l'Oued-Kous ont leur carac- téristique dans l'abondance extraordinaire du Cynara cardunceulus L., qui y couvre, en plante « conquérante et sociale », d'immenses surfaces. Les chaînes de montagnes et les sommets dont j'ai fait l’ascension (Tselfat, Had-Kort) ne sont pas assez élevés pour qu’on y ressente, dans leur flore, l'influence de l'altitude. Les parties sèches de ces hauteurs sont couvertes de Sfatice, d’'Armeria, tandis que les creux des rochers un peu humides sont la station favorite de plusieurs espèces de Sedum, d’une Saxifrage et de quelques Fougères : Ceterach, Polypodium, Pteris, Adiantum. La floraison y est cependant en retard d’une quinzaine de jours sur la plaine basse, et les flancs rocheux de ces arêtes monta- gneuses sont plus fournis en Palmiers nains, en Ombellifères de grande taille que les collines sous-jacentes. Toutes ces stations appartiennent aux parties découvertes du pays, et sont plus riches en plantes herbacées qu'en plantes ligneuses, maïs il existe quelques traces des anciennes forêts qu’habitaient les Éléphants dont parle Hannon dans son Périple, et les Lions dont tous les auteurs du moyen âge et modernes nous parlent encore. Mais combien elles sont déchues de leur ancienne splendeur ! Ce ne sont plus que des taillis mal CA VARIA. 157 aménagés où végètent des troncs malingres de Chênes-liége, plus rare- ment de Chênes à glands doux, de Jujubiers, d’Oliviers sauvages, de Phyllirées, d’Aubépines (forêts de Souk-Tleta Risâma, des environs d’Arzilla, d'El-Araich). Ces bois, si clairsemés, se sont laissé envahir par les plantes de la steppe et ne sont plus une station où l’on puisse espérer rencontrer les espèces qui aiment l'ombre et l'humidité. La main de l’homme, plus que le climat, a contribué à cette décadence de la richesse forestière du Maroc. Partout où les arbres abritent un tombeau de saint, les Oliviers, les Térébinthes sont devenus énormes, superbes de forme et de port, et abritent, sous leur feuillage à l’aspect métallique, hommes et bêtes au moment de la chaleur. Les régions litto- rales basses sont intéressantes à plus d’un point de vue, car on peut y assister à la prise de possession par la végétation de vastes espaces récemment abandonnés par la mer ou par les eaux douces. Dans les vastes fondrières (Khlijs) qui se présentent à chaque instant sous les pas du voyageur, le long de la côte et jusqu'à une certaine dis- tance dans l’intérieur, le long des cours d’eau, les plantes les plus robustes seules peuvent vivre. Peu de végétaux, en effet, résistent aux marées qui deux fois par jour viennent baigner leurs racines et qui les couvrent souvent tout entiers, comme le prouvent les Crabes que nous avons vus suspendus aux branches des Salicornes, dans le Khlijs du Sbou, près d'El-Araich. Ces plantes sont des Salicornes, S. fruticosa, des Plan- tains, P. macrorhiza, des Graminées cespiteuses, toutes plantes rusti- ques gorgées d’eau et s’accommodant à merveille de cet arrosage salin. Ces premiers colons végétaux s’implantent fortement dans la vase, en solidifient la surface; mais à peine y sont-ils fixés qu’ils ont leur parasite: une Orobanche charnue, aux fleurs jaunes, vit partout à leurs dépens dans ces régions d’estuaire. Plus tard, par suite de l’envasement progressif, résultat combiné des alluvions de la mer et des fleuves auxquelles se joignent les détritus que laissent les générations accumulées de ces plantes, le sol est préparé pour: une végétation plus riche en espèces. Au lieu de quatre ou cinq plantes dont se composait primitivement le tapis végétal, on en rencontre alors une centaine (Khlijs de la presqu'île orientale de Lixus, près d'El-Araich), parmi lesquelles on remarque des Aster, des Soucis, des Chrysanthèmes, des Cypéracées, des Jones, des Renoncules, des Médicago, des Sain- foins, ete... Dès-lors le sol est propre à la culture, et les Marocains y sèment des fèves, qui poussent admirablement dans ce sol vierge. Cette tendance à l’atterrissement avec production deterre végétale fer- tile fait contraste avec la stérilité immuable du cordon littoral lui-même, en grande partie formé de dunes dont le sable, constamment en mouve- 158 BULLETIN. ment sous l'influence du vent, ne nourrit que de rares plantes, telles que des Eryngium, Crithmum, Tamarix, des Euphorbes, des Légumineu- ses humifuses, quelques Corymbifèresaux racines pivotantes et charnues. Leseaux douces, stagnantes ou courantes, sont assez pauvres en plantes; quelques Renoncules et une espèce d'Alisma en égaient la surface, tandis que le fond de l’eau est tapissé de Characées ou de Potamogeton. Le Laurier rose estici, comme en Algérie, l'indice de l’eau, mais on ne le rencontre guère que le long des cours d’eau des régions élevées ; partout ailleurs c’est une espèce de Vitex qui le remplace. En résumé, «l’endémisme» des plantes dans le Maroc, pour me servir del’expression du savant auteur de la Végétation de la terre", ressemble à l’endémisme général dela région nord-africaine. On y constate la prédominance des familles des Synanthérées, Légu- mineuses, Crueifères, Labiées, Ombellifères, Caryophyllées, Graminées, Liliacées, Scrofularinées, Cistinées. Cependant il nous semble que les Graminées doivent atteindre iei une proportion plus forte que celle admise par Grisebach (4 °/.), tandis que les Synanthérées n’y méritent pas la notation de 20 °/,, ni les Caryophyllées celle de 4 °/,. Quant aux Cistinées, elles jouent certainement au Maroc un rôle moins important que dans le reste de la région méditerranéenne. Les genres les mieux représentés que cite cet auteur pour la région nord-africaine, Ononis, Centaurea, Silene, Erodium, Galium, Car- duncellus, Astragalus, Linum, Linaria, Thymus, Campanula, Atractylis, Pyrethrum, Scilla, conservent leur rang d'importance dans les pays que j'ai traversés avec l'ambassade, sauf peut-être S7/ene, Galium et Campanula, qui ne me paraissent pas mériter le rang qu'il leur assigne. Aux stations de plantes que je viens d'indiquer, et dans lesquelles la végétation est livrée à elle-même, il faut ajouter, pour être complet, celles qui ont été modifiées par l'homme, c’est-à-dire les cultures. On peut estimer qu'environ un tiers de la superficie du pays compris entre Tanger, El-Araich et Meknès, est utilisé par les habitants. Les environs de Tanger, d’Alcassar et de Meknès sont généralement cultivés en orge ou en blé, et le sol y est profond, riche en bumus, essentiellement favora- ble aux céréales. Les plaines alluviales du Sbou et les régions accidentées du Zerhoun, du Djebel-Outita, du Tselfat, sont plus incultes; mais si le sol y est moins Re PUS OR EUR OP PE —— 1 Grisebach; Die Vegetation der Erde. 1872. ( Quellenschrifften und Erlante- rungen, tom. I, pag. 571.) VARIA. 159 riche, le travail de l’homme y paraît être plus considérable, surtout en pays berbère. Partout des labours, plus profonds qu’en pays arabe algérien, ont dé- foncé le sol arable, et nulle part le Palhnier nain ne vient faire tache par sa sombre verdure sur le vert tendre des orges oudes blés. En résumé, la culture des céréales paraît être généralement bien com- prise dans ce pays, et le rendement doit être considérable, vu la grande quantité de pluie que l'Océan déverse sur la pointe extrême de l'Afrique occidentale. Les fèves des marais font, au Maroc, l’objet d’une culture très-impor- tante: aux environs des villes on y joint celle des pois ordinaires ou des pois chiches, des haricots, des courges et des citrouilles ; mais l’industrie maraîchère n’y paraît pas en honneur, pas plus que le jardinage. Les Marocains se passent le plus souvent de Végétaux frais, et les fruits qu'ils récoltent dans leurs jardins se ressentent de leur inaptitude à l’ar- boriculture. Les races de Pommiers, de Poiriers, de Cognassiers sont peu soignées; les Orangers et les Citronniers seuls font l’objet d’un certain commerce. Leurs fruits sont généralement savoureux, et le Maroc, où existait jadis le fameux jardin des Hespérides, a conservé d'excellentes races des Pommes d’or de la Fable. Les Oliviers, très-bien cultivés, surtout sur les flancs des montagnes, ne donnent qu’une huile médiocre, surtout en raison des procédés primi- tifs qu'on emploie pour l’extraire. Les plants que j'ai vus sont fort beaux et fort bien entretenus. — Au point de vue géologique, j'ai pu reconnaître dans les limites com- prises entre Tanger, El-Araich et Meknès, l'existence des terrains suivants : TERRAINS RÉCENTS. Alluvions récentes des bas-fonds inondés à marée basse, généralement sableuses; dunes récentes à tendance envahissante dans le voisinage même de Tanger; Alluvions marno-sableuses récentes et anciennes des plaines du Sbou, de l’Oued-Kous, disposées en terrasses escarpées de 15 à 25 mètres sur les berges, et en larges terrasses bien nivelées dans les parties étroites des vallées; Remplissage des grottes naturelles (grottes d'Hercule près du cap Spartel) par des sables contenant des poteries grossières, des pointes de flèches et des couteaux en silex, des Hélices, des Patelles, des Pourpres et des Moules. 160 BULLETIN. TERRAIN QUATERNAIRE. Dunessableuses ou gréso-calcaires! contenant à Tanger mêmedes Hélices fossiles; très-développées sur le littoral et surtout aux environs d’'El- Araich. Leur hauteur actuelle au-dessus de la mer atteint à Tanger 5 à 6 mètres, et à El-Araich environ 20 mètres. Travertins compactes et roches travertineuses blanches, légères et friables des ravins des prinei- pales rivières des régions accidentées, contenant des impressions végé- tales des espèces actuelles (Meknès). TERRAIN TERTIAIRE. Pliocène. — C’est à cet étage que l’on peut rapporter les formations suivantes, très-étendues dans les parties du Maroc que j'ai traversées : 1° Grès et Poudingues coquilliers du littoral, très-développés à 3 kilomètres au S. du cap Spartel, et exploités depuis longtemps pour la fabrication des meules (grottes d’ Hercule). Ces roches sont partout creusées de profondes cavernes qui ont été certainement habitées par l'homme; elles se retrouvent dans les environs d’'El-Araich. Les coquilles dont elles sont pétries sont toutes brisées, mais appartiennent certainement aux formes actuelles. Elles atteignent 25 et 30 mètres au-dessus du niveau de la mer, qui paraît gagner sur elles et qui en ronge les falaises. 2° Poudingues à gros éléments ferrugineux, sables grossiers de couleur rutilante ou orangée des environs d’El-Araich jusqu'au-delà de Had-Kort au S.-E. et jusque vers Aïn-Dalia au N. Ce terrain est pres- que partout stérile et forme la région des steppes et des éwmuli. Son épaisseur, que j'ai pu mesurer à la descente septentrionale du plateau de Had-el-Gharbia, est de 70 à 80 mètres. En cet endroit, comme à El-Araich, cet horizon, qui ne contient, à ma connaissance, aucun fossile, passe insensiblement à un sable jaunâtre très-riche en fossiles bivalves, parmi lesquels il est facile de reconnaître des Mactra, deux espèces d'Ostrea, peut-être O. foliosa ? plusieurs Pecten, Venus wmbo- naria ? des Panopées, des Lutraires? des Corbules et une Natice. Toutes ces coquilles me rappellent celles du Miocène supérieur ou Pliocène inférieur, Sahélien de M. Pomel, mais plutôt les faciès de la province d'Alger que celui de la province d'Oran. L’épaisseur de cette couche coquillière m'est inconnue. 1 Ces dépôts de dunes quaternaires ont été méconnus par le seul auteur qui se soit occupé de la géologie des régions du Maroc comprises entre Tanger et Fez, M. Desguin, négociant belge; Étude sur le Maroc, dans ie Bulletin de la Société de géographie belge, pag. 41. 1870. VARIA. 161 Miocène.— Ce terrain n’affleure qu’à une certaine distance de Tanger, dans le S., où il recouvre en partie les terrains plus anciens dans les chaînes de montagnes du Tselfat, du Djebel-Outita, et s'étend sous forme de bassin entre ces deux massifs. Il se compose de marne gréseuse remplie de grains de quartz à sa base; plus haut, la marne devient de plus en plus pure, jaunâtre et feuil- letée. L’épaisseur totale du système est de plus de 200 mètres, mais les fos- siles y sont rares. Dans la partie inférieure de l'étage, j'y ai cependant constaté, au défilé même de Bab-Tisra, de grands Clypéastres et de grands Pecten identiques à ceux du miocène algérien, des impressions végétales d'Aloues, peut-être d’un genre voisin des Laminaires. Sur le sommet du Tselfat, la roche marno-calcaire contient des débris d'Échi- nides, tandis qu’au pied de la montagne les marnes schisteuses du même étage ne m'ont présenté que des Foraminifères de très-petite taille. La roche elle-même est remplie de paillettes de mica noir, provenant pro- pablement de la décomposition de roches trachytiques, et ce fait nous paraît un trait de ressemblance de plus du miocène marocain avec le mivcène algérien. Éocène. — On peut rapporter à cet étage la série de marnes schis- teuses, de grès schisteux fins et compactes quiaffleurent dans les régions du Djebel-Krani, près d’Alcassar, dans les environs de Basra, de Khar- riat-el-Habassi, du Bou-Djemâna sur la rive droite du Sbou, de Lella- Gellalya, de Sidi Yemani, de Souk-Tléta-Risâma, enfin dans les colli- nes des environs d'El-Araich et spécialement dans celles de l’ancienne ville de Lixus. C’estentre ces limites que se rencontrent les gisements à Nummulites, à Operculines et à Astéries dont nous avons trouvé une espèce fort belle et probablement nouvelle. La roche qui contient ces fos- siles est gréso-calcaire, et se trouve intercalée au milieu de grès com- pactes; plus rarement on y trouve des débris d'Échinides, des Huîtres et des Peignes ( Had-Kort). Le nummulitique a plus de 400 mètres de puissance, et ce n’est guère que vers sa partie supérieure qu’il contient des fossiles. A l'exemple de M. Coquand, je pense que les grès des envi- rons de Tanger et du cap Spartel en font partie, parce que j'ai retrouvé ces grès immédiatement au-dessous des gisements à Nummulites à 500 mètres S.-E. des murs de l’ancienne ville de Lixus, près El-Araich, et au-dessus des marnes blanches à Globigérines et à Silex, que je regarde comme la limite du Crétacé supérieur. IX, 11 162 BULLETIN. TERRAIN CRÉTACÉ. Ce terrain a été reconnu aux environs de Tanger par M. Desguin!, qui indique ‘à Souani et à Méharaïn les fossiles suivants déterminés par M. Nyst : Znoceramus, Ostrea Syphax, O. Nicaisei, Globiconcha ponderosa, moules de Trigonies et Radiaires indéterminables. J'ai visité ces mêmes gisements, et la découverte de plusieurs nouveaux fossiles, parmi lesquels se trouvent Jemiaster Fourneli, Ostrea Mer- meti, Fusus, Cardita,me permet d’assimiler cet horizon à ceux d'Algérie, et spécialement à ceux de Bou-Saâda, de Batna, de Boghar. Cet horizon cénomanien supérieur est surmonté de puissantes couches de schistes mar- neux de couleur grise, alternant avec de minces banes calcaires ou gré- seux très-ferrugineux que l’on peut rapporter à la craie supérieure, car on y rencontre quelques rares Inocérames de grande taille, et la craie finit par des marnes schisteuses grises qui deviennent blanches par l’ex- position à l'air. Ces marnes, très-développées à Aïn-Dalia, moins nettes à Tanger, contiennent des Fucoïdes et des myriades de Globigérines de très-petite taille. C’est ainsi que se ferait le passage du crétacé au ter- tiaire. Ce dernier étage présente done, dès sa base, un caractère bien dif- férent du premier, car il est détritique, tandis que le crétacé indique généralement un dépôt de mer profonde. Entre les deux époques, il s’est probablement passé un phénomène d’exondation que nous indiquent, d'une part la craie à Globigérines, d’autre part le grès éocène à empreintes ferrugineuses de plantes arborescentes que l’on trouve à Maichan, aux portes de Tanger. L'épaisseur totale de la craie moyenne et supérieure est probablement de plus de 400 mètres. TERRAIN JURASSIQUE. Sous le miocène, dont je viens de parler, affleure, au Tselfat et au col de Zeggota, un puissant massif de calcaires compactes en dalles et de dolomies que leurs rares fossiles, Bélemnites, Pentacrines, débris de baguettes de Cidaris, me font prendre pour du jurassique supérieur. Cette opinion est confirmée par l’étude que j'ai pu faire du massif du Zerhoun et spécialement des environs de Kssar-Faraoun, où les roches jurassiques se trouvent à nu. Ce sont encore là des calcaires en dalles épaisses de 20 centimètres, et des dolomies, plus rarement des calcaires compactes piqués de grains irréguliers de quartz. Les fossiles n’y sont pas rares, et jy ai recueilli une espèce d’Ammonite, des Plewromyes, Trigo- 1 Études sur le Maroc, pag. 69. VARIA. 163 nies, Gervillies, Peignes, Céromies, Rhynconelles, Terebratules, Néri- nées, Pentacrines, Montlivaultia, une baguette de Cidaris et un débris d'Échinide qui m’a paru se rapprocher des Glypticus? Ici, comme sur les flancs du Tselfat, je pense que c’est l'étage corallien qui affleure, et pro- bablement sa partie supérieure. Telle est au moins la composition du corallien plus à l'E. vers Tlemcen, soit au point de vue lithologique, soit au point de vue paléontologique. Le jurassique est le terrain le plus ancien que j'aie pu constater sur les deux routes différentes que l'ambassade à prises à l’aller et au retour de Meknès. Nulle part il n'y a de traces de roches éruptives, quoique dans les poudingues pliocènes du marabout de Sidi-Aïssa-bel-Ahsen, au S. d’Alcassar, il existe des débris de roches serpentineuses. Ces différents éléments de la géologie marocaine sont groupés de la manière suivante en allant du N. au S.: Plateau ondulé fortement entamé par les cours d’eau de Tanger jusque vers Had-el-Gharbia; c’est la région des schistes marneux et des grès compactes du crétacé moyen et supérieur et du nummulitique. Les bancs de grès y sont généralement orientés E.-0. ou N.-E. Au-delà, commence un plateau assez bien nivelé de pliocène, recouvrant du nummulitique supérieur, contenant presque partout des fossiles caractéristiques. La vaste plaine alluviale de Sbou (50 kil. au moins) sépare ces deux systèmes de l’arête montagneuse du Djelbel-Outita, orienté N.-E. et presque entièrement miocène. Cette chaîne forme, avec le Tselfat orienté N. 5° O., les bords d’un bassin mio- cène entamé par l’érosion datant déjà probablement de l’époque tertiaire supérieure et certainement de l’époque quaternaire. Le Tselfat juras- sique, recouvert en partie de tertiaire, se joint à angle presque droit au Zerhoun, orienté E.-0., au pied duquel cesse le tertiaire, qui reparaît, au S. de cette grande chaîne de montagnes, pour former la base de la ter- rasse profondément ravinée sur laquelle se trouve Meknès. D' BLEICHER. Le Directeur : E. Dusrueir. MONTPELLIER ET CEITE. — TYPOGRAPHIE DE BOEHM ET FILS. gen: 420 # 4 à : | L. Fr | pl. 1 Om. | ‘is Revue des Sciences Naturelles. ( 1 Fu 7 1 sr Du er Tom.N plll. Revue des Sciences Naturelles LB WTU5 Yo. 7 a A es hanibe : LE LITTORAL MEDITERR NEEN he NORD d'après une carte de Jean Bompar % 1591 LÉGENDE (t)*4* Les Zombes #0 (8) = Galere decouverte en 1835 | (Apres Dique de la Feyrade ln: — tinéraire de St Louis SAR Jtinéraire de Charles - Quint Echelle de 0%0001 par metre - 4 0 5o 1k- 2 3 k 5 10Rïlom.. € S | + pus En a L 1 ——_—_—— —_—_—_—_—_ LEE s—= Gravé par L.Wukrer, R.Gay-Lussae 52. : 1 SUD Fes 4 des Seiences Naturelles. ; - Tom. pl. JV Fig. 1. Relations du Conglomérat Gypseux avec le terrain tertiaire moyen / Sahélien,Pome]l ) aux environs d’Arbai. A QN SS NV Tertiair e moyen li ED, 1 2 = = He D 2) A DS c> A : . DATA A ; +4 OA NS Lo 2 d MN AOL LA TA RAA A DIV A ' PRANEN fe Ù E PE EN Fig.2 Croute superficielle deluf calcaire Sable quaternaire ÉLipist++r—e Conglomerat Cypseux KS NY RSR NN SR CS ÿ NS RERK RENE RRNNIN NN SR SNNANN à x x Ÿ À ; SSSR ER CREER Et Grès sableux Miocene NN SRE NSNÉANNNNNNNENNANNNENNNIN Fig. 3. Coupe théorique NE-S 0 du massif basaltique & travertineux d'Aïh Temouchent. en 5 d 3 = ES E Ê DE E © EN LS Es d Le] = de 4 En + 2 CIRE + EE = = 1! © E ER Ca G 7 — =: a: £ o : % Te Est a : RORUNRE AE “ai < % :EA & ! 5 2] El STE Et D Et Sa a! ! £ : Eux 5 ; Ë EU (Sd LIGUE Coupe théorique du ravin de S°€ Clotilde près d'Oran T tertiaire moyen.{quaternaire ancien marneuxavec coquilles terrestres fluviatiles et marines 2 quaternaire plus récent détrilique. . Méditerranée & phatlèe LB Foebm ils, Montn! | MÉMOIRES ORIGINAUX. DE LA ZOOLOGIE ET DE SES DIVISIONS. LEÇON Faite à l’ouverture du Cours de Zoologie de la Faculté des sciences de Nancy (1873-74) Par M. E. BAUDELOT. Mon but, dans cette première lecon, est de vous tracer le cadre de la Zoologie, de vous dire ce qu’est cette science, comment on la divise, quels rapports ont entre elles ses différentes branches. Définir une science, en effet, c’est faire connaître sa natureet son objet; tracer les divisions de cette science, c’est montrer le champ qu'elle embrasse ; établir les rapports de ces divisions les unes avec les autres, c’est faire voir comment les différentes bran- ches de cetle science se trouvent subordonnées, par quels secrets liens elles s’enchaînent, et comment elles peuvent se prêter un mu- tuel appui dans l’investigation. Je n’insiste point sur ces vérités d'ordre général, dont l’évi- dence sera rendue manifeste par l’exposé qui va suivre. LaZoologie'estla partie de l’histoire naturelle qui traite des ani- maux, en les considérant sous tous les points de vue que la science peut embrasser. De cette définition, il ressort donc que nous devons rechercher en premier lieu sous quels points de vue un animal peut être considéré. Tout animal, quel qu’il soit, peut être étudié d’abord sous deux points de vue parfaitement distincts : le point de vue statique et le point de vue dynamique. 1 Zwov, animal; Joyos, discours. IL, 12 106 MÉMOIRES ORIGINAUX. Considéré à l'état statisue (Zoostatique). l'animal se présente à nous comme une sorte de machine plus ou moins compliquée, susceplib'e d'être décomposée, au moyen de divisions et de suh- divisions successives, en un cerlain nombre de parties également organisées et de plus en plussimples. Les parties qui correspondent à ces divisions et subdivisions du corps animal ont reçu des dénominalions particulières. Gelles qui résultent des divisions primaires portent le nom d'Appareil ou de Système. l'appareil et le système se décomposent en Orga- nes, les organes en Tissus les lissus en Éléments anatomiques, les éléments anatomiques en Principes immédiats". De là, autant d'objets d'étude spéciaux pour le zoologiste. L'élude des principes immédiats constitue une branche parti- culière de la science à laquelle M. Robin a donné le nom de Stæchiologqie*. L'étude des éléments anatomiques et des tissus a recu des noms différents. On l'appelle Zistologie®, Anatomie microscopique, parce qu'elle repose sur l'emploi du microscope ; Anatomie générale, parce qu'elle a pour objet la connaissance d'éléments communs à tous les organismes et aux différentes parties de l'organisme. L'étude des organes de divers degrés constilue l'Organographie. L'étude des caractéres extérieurs de l'animal, enfin, à été dé- signée sous le nom de Zoograplhie. La stæchiologie, l'histologie et l'organographie composent le domaine de l'anatomie. L'histologie, l'organographie et la zoographie réunivs, c’est- à dire la zoostatique, moins la stæchiologie, appartiennent à la Morphologie“, ou science de la forme. BAM AU fais en Lit DEP R MUR Blrfirier prier ie SEPRF EEE URRESSSENEES 4 MM. Robin et Verdeil définissent ainsi les principes immédiats: « derniers corps constituant ou ayant constitué l'organisme ; auxquels on puisse, par l’analyse anatomique, rumener la substance organisée, et qu'on ne peut subdiviser da: an- tage en plusieurs sortes de matières sans décomposition chimique». 2 De orouyetoy, principe, élément. 3 De isros, tissu; )oYos, discours. 4 Les zoologistes ont attribué à ce mot Morphologie une signification diverses ZOOLOGIE ET SES DIVISIONS. 167 L'étude de l'animal, considéré au point de vue dynamique (Zoodynamique), constitue ce qu'on appelle la Physiologie. Le cadre de cette dernière science se trouve tout tracé par l'anatomie. En effet, de même que dansune machine chaque rouage a sa fonction, et que. pour comprendre lesfonctions de l’ensemble, il faut connai- tre d’abord les fonctions de chacune des parties; de même, pour obtenir la connaissance complète des fonctions de l'individu, le physiologiste devra étudier séparément les fonctions de cha- cune des parlies qui composent l'être vivant. En d’autres lermes, il y aura pour le physiologiste autant d'objets d'étude qu'il existe de parties distinctes révélées par l’investigation anatomique. Il y aura par conséquent la physiologie ou la dynamique des princi- pes immédiats, la physiologie des éléments anatomiques et des tissus, la physiologie des organes et des appareils, enfin celle de l'individu considéré en totalité. L'être, dont l’analomie nous révèle la structure, et la physio- logie les fonctions, cet être, dis-je, n’est point immuable: il n’a pas toujours existé ; il naît, il s'accroît, il vit en se transformant sans cesse; il arrive enfin à son terme naturel, qui est la mort. De là, pour le zoologiste, une nouvelle série de considérations dont l’ensemble constitue la science de l’Évolution ; à cette der- nière appartient l’Embryogénie, ou science du développement ment étendue. Pris dans son acception étymologique, le mot Morphologie veut dire science de la forme. Son objet comprend donc tout ce qui est relatif à la forme, c'est-à-dire l'étude des formes et l'étude des lois qui régissent les formes. C'est en se plaçant à ce point de vue tout à fait général que Hæckel ( Generelle Morphologie der Organismen. Berlin, 1866) a pu comprendre dans la morpho- logie : l’anatomie, l’'embryogéme et la paléontologie. Mais il s'en faut de beaucoup que tous les zoologistes aient accepté cette manière de voir. Pour la plupart d’entre eux , le domaine de la morphologie est beaucoup plus restreint ; non-seulement la paléontologie mais l’embryogénie elle-même en est exclue, et le domaine de la morpholosie équivaut à peu près à celui de l'anatomie comparée. Hæckel, du reste, emploie lui-même le mot morphologie dans les deux sens «Morphologie im weileren Sinne», et «Morphologie im engeren Sinne». Il importerait cependant que les zoologistes tombassent d'accord pour fixer une fois le sens de cette ter - minologie dont l'indétermination conduit inévitablement à la confusion. 168 MÉMOIRES ORIGINAUX. embryonnaire, Comme, à mesure que l'animal évolue dans son ensemble, chacune de ses parties évolue ou peul évoluer de son côté, il s’ensuil que l’on peutavoir à considérer séparément l’évolu- tion des principes immédiats, l’évolution des éléments anatomi- ques et des tissus, l'évolution des organes, l’évolution des appa- reils et des systèmes, et enfin celle de l'individu tout entier. Dans chacun de ces cas, l’élude pourra être faite, soit au point de vue statique, soit au point de vue dynamique. L'organisme vivant, comme toute machine, est sujet à des dérangements, à des perturbations passagères ou permanentes de son état statique et de son état dynamique. Ces perturbations peuvent se manifester, soit dans le cours du développement embryonnaire, soit après la naissance. Les perturbations qui affectent l'embryon ont d'ordinaire pour résultat d'amener la production d'individus conformés d’une facon anormale, ou de monstrüuosités, comme on les appelle. L'étude de ces êtres anor- maux constitue l’objet d’une branche de science particulière, la Tératologie. Les perturbations accidentelles qui affectent l'indi- vidu après sa naissance appartiennent à la Pathologie. Qu'il s'agisse de phénomènes tératologiques ou pathologiques, il est clair que chacune des parties de l’organisme pourra en être le siége. Il y aura par conséquent la tératologie et la pathologie des principes immédiats, des éléments anatomiques et des tissus, des organes et des appareils, puis enfin de l'être pris en totalité. Dans le tableau suivant’, se trouve résumé l’ensemble des con- sidérations que j'ai présentées jusqu'ici: Princip. imméd. Élém.anat. Tissus. Organ. Syst. Appar. Individu. Zoostatique... Stæchiostatiq.. Histostatiq... Organostatiq...... Typostatiq. Zoodynamique. Stæchiodynam. Histodynam.. Organodynam..... Typodynam. Zoogénie..... Stæchiogénie.. Histogénie... Organogénie...... Typogénie. Zootérie...... Stæchiotérie... Histotérie... Organotérie...... Typotérie. Zoopathie..... Stæchiopathie. Histopathie.. Organopathie..... Typopathie. 1 On trouvera dans ce tableau bon nombre de mots nouveaux ou peu usités. Ainsi, j'ai remplacé le mot tératologie par celui de zootérie: le mot pathologie par celui de zoopathie; les mots évolution, embryogénie, par celui de zoogénie, etc. ZOOLOGIE ET SES DIVISIONS. 169 Toutes les divisions de la Zoologie que je viens d'établir l'ont été d’après la considération d’un seul type. Ce type fût-il unique au monde, que les divisions tracées n’en subsisteraient pas moins ; seulement, resserrée dans des limites aussi étroites, la science se trouverait condamnée à rester une science purement descriptive. Étudier le type en question jusque dans ses moin- dres détails, à tous les âges, sous toutes ses formes, dans toutes ses conditions phénoménales ; obtenir, en un mot, une analyse aussi complète que possible de l'individu : tel serait le but suprème du zoologiste ; tel est celui du médecin qui borne ses connaissances à l'étude de l’homme. Par bonheur, le champ de la vie n’est pas ainsi limité. Ce n’est pas une espèce, mais des milliers d'espèces que le naturaliste a sous la main, et dont il peut à volonté étudier les organes, analyser les fonctions, poursuivre le développement, observer les perturbations. Ce qu'il a exécuté sur un premier type, il peut l’exécuter sur un deuxième, sur un troisième, et ainsi de suite ; et quand ce travail préliminaire se trouve accompli, étant mis en possession de données plus ou moins nombreuses entre les- quelles la comparaison peut désormais s'établir, il saisit des rapports, perçoit des différences, constate des analogies. Bref, une science nouvelle, une science de relations se trouve établie : celte science s'appelle la Zoologie comparée. Le cadre en est facile à tracer. Pour cela, reportons-nous au tableau donné précédemment, indiqnant les points de vue sous lesquels un animal peut être considéré. Chaque animal pouvant être étudié conformément au même principe, il résulte du seul rapprochement de ces études Enfin, je me suis servi du radical Typo (de tuxos, forme, type) pour désigner tout ce qui est relatif à l'individu. Si j'ai fait usage de ces dénominations, c'est moins dans le but d'innover que pour offrir un schéma plus uniforme et qui permette de saisir d'un seul coup d'œil l'ensemble des divisions et leurs rapports. Du reste, les mots n'étant que le support des idées, une fois ma pensée bien comprise, je prierai le lecteur d'oublier tel ou tel motdissonnant auquel je n'attache moi-même qu'une médiocre importance. e 170 MÉMOIRES ORIGINAUX. successives que chacune des branches de la Zoologie descriptive devra fournir une branche correspondante de la Zoologie compa- rative : il y aura par conséquent la zoostatique comparée, la zoodynamique comparée, la zoogénie, la zootérie et la zoopa- thie comparées. À son tour, la zoostatique comparée se subdivisera en siæchio- statique comparée, histostatique comparée, organostatique com- parée, typostatique comparée, De la comparaison des fonctions inhérentes aux principes im- médiats, aux éléments anatomiques, aux Lissus, aux organes, aux appareils, aux individus, dérivera la physiologie compa- rée des principes immédiats (stæchiodynamique comparée), la physiologie comparée des éléments anatomiques et des tissus (histodynamique comparée), celle des organes et des appareils ( organodynamique comparée), et enfin celle des individus (typodynamique comparée). Il en serait de même des divisions de la zoogénie comparée, de la zootérie et de la zoopathie comparées. La comparaison des animaux et des parties qui les composent ayant été établie sur une vaste échelle, le zoologiste se trouve conduit à remarquer, entre les représentants des divers types, un certain nombre de caractères comnuns. Tel de ces caractères n'appartient qu'à quelques individus seulement, tel autre à un plus grand nombre, tel autre à un nombre plus élevé encore, el ainsi de suile ; de telle sorte qu’étant considérés au point de vue de leur degré d'extension, tous ces différents caractères se trou- vent, vis-à-vis les uns des autres, dans un état de subordination relative. De la considération de cet ensemble de rapports hié- rarchiques nait, pour le zoologiste, une branche nouvelle de la science, la Zootaæie, ou la classification des animaux. Remarquons aussi que, le même principe de groupement hiérarchique pou- vant être appliqué aux organes, aux tissus et aux principes im- médiats, il en résultera ou pourra résulter une classification des organes (organotaxie), une classification des tissus (histotaxie) et une classification des principes immédiats (stæchiotaxie. ZOOLOGIE ET SES DIVISIONS. 171 Groupons encore dans un tableau les différentes branches de la zoologie comparée. Princip imméd. Élém. anat. Tissus Organ. Syst. Appar. Iudividu. Zoostatique... Stæchiostatiq.. Histostatiq. . Organostatiq...... Typostatiq. comparée. com} arée. comparce. comparée. comparée. Zuodynamique. Stæchiodynam. Histodynam.. Organodynam..... Typodynam. comparée. comparée. comparce. comparée. comparée. Zoogénie...…. Stæchiogénie.. Histogénie .. Organogénie. .... Typogénie comparée. comparée. comparée. comparée. comparée. Hootérie ere Stæchiotérie... Histotérie. .. Or:anotérie....... Typotérie couparre. comparée. comparée. comparée. comparée. Zoopathie..... Stæchiopath e.. His'opithie.. Organopathie..... Typopa'hie comparée. comparée. comparée. comparée. comparée. Zootaxie...... Stæchiotaxie. . Histotaxie... Organotaxie...... Typotaxie. La zoologie comparée a pour objet l'étude des rapports de toute ualure existant entre les individus, entre les organes, entre les issus, ete. Or, l’élud: de ces rapports peut s'étendre à quelques Lvpes seulemeut, ou à un plus grand nombre, ou bien enfin à l'ensemble des animaux. Lorsque la zoologie comparée, par suite du groupement des analogies el par le fait d'abstractions de plus en plus com- prehensives, est ainsi parvenue à considérer les phénomènes d'ordre le plus élevé, les lois communes à tous les organismes et à toutes les parties de l'organisme, elle prend le nom de Zoologie générale! où philosophique. Son cadre est facile à tracer. Les faits compris dans chacune des divisions de la Zoologie com- parée pouvant devenir le point de départ de synthèses supé- rieures, il est clair qu'ii devra exister d’abord autant de sections dans la zoologie générale qu'il y en a dans la zoologie comparée. Il y aura donc : La zoostatique générale, comprenant les lois générales de la s'æchiostatique et les lois générales de la morphologie (anato- mie philosophique); La zoodynamique générale, embrassant les lois générales de la physiologie; ! Voir pour l'indication des notions relatives à la Zoologie générale, V'ouvrage d'Isid. Geoffroy Saint-Hilaire, tom. I. (7 MÉMOIRES ORIGINAUX. La zoogénie générale, comprenant les lois générales de l'évo- lution; La zootérie générale, envisageant les lois générales de la téra- tologie; | La zoopathie générale, étudiant les lois générales de la patho- logie (pathologie générale); La zootaxie générale, recherchant les lois générales relatives au groupement des animaux. La zoologie générale aura en outre à rechercher la con- cordance entre les lois générales de la zoostatique, de la zoodv- namique, de la zoogénie, de la zootérie, de la zoopathie, etc. Dans tout ce qui précède, nous nous sommes borné à consi- dérer les animaux en eux-mêmes, dans leurs organes comme dans leurs fonctions; mais l’animal peut encore être envisagé d’une autre facon, je veux dire dans ses rapports avec le monde extérieur. Le genre de vie de chaque espèce animale, son habi- tat, sa distribution géographique à la surface du globe, consti- tuent autant d'objets d’étude spéciale, autant de branches parti- culières de la zoologie. Ces branches ont été désignées sous les noms d’Éthologie et de Géonémie par Isid. Geoffroy Saint-Hilaire, d’Æcologie et de Chorologie par Hæckel. La géonémie se subdivise à son tour en deux branches: la géonémie ancienne ou paléozoïque, qui s'occupe du mode de ré- partition des animaux fossiles, et la géonémie actuelle ou céno- zoïque (géographie zoologique), qui traite de la distribution des espèces actuellement vivantes. L’éthologie et la géonémie, comme les autres branches de Ja zoologie, peuvent être étudiées successivement au point de vue descriptif, au point de vue comparatifetau point de vue général ou philosophique. Ge sont donc autant de divisions à ajouter aux divisions précédemment indiquées de la zoologie descriptive, de la zoologie comparée et de la zoologie générale”. a — ——— _—— ——— { Nous avons partagé la zoologie en trois grandes sections : la zoologie des- criptive, la zoologie comparée et la zoologie générale. Bien que parfaitement dis- ZOOLOGIE ET SES DIVISIONS. 173 Après avoir montré quelles sont les principales divisions et subdivisions de la zoologie, il importe maintenant de rechercher quels rapports existent entre elles. Nous commencerons d'abord par ces trois grandes divisions de la zoologie que nous avons désignées sous les noms de zoologie descriptive, de zoologie comparative et de zoologie générale. Entre ces trois divisions existe un rapport manifeste de subor- dination logique. La zoologie descriptive ayant pour mission de collecter des faits, soit par l’observation, soit par l’expérimentation, à elle revient le premier œuvre. La zoologie comparative, recher- chant des rapports entre les faits acquis, vient ensuite. La z00- logie générale, dont le rôle est de découvrir dans une synthèse supérieure les lois fondamentales de la zoologie, constitue le dernier échelon de la connaissance. Zoologie descriptive, zoologie comparative, zoologie générale, tinctes quant à leur but, ces trois sections de la zoologie offrent néanmoins des rapports tels qu'il devient difficile de les séparer complétement, et que l’on peut jusqu'à un certain point passer de l’une à l’autre par transition. Au premier abord, il n'y.a point. semble-t-il, de transition possible entre la zoologie des- criptive et la zoologie comparée, la première constatant, décrivant des propriétés, des caractères; la seconde étudiant des rapports. Cependant, en y regardant de plus près, on voit que pourtant cette transition existe et qu'elle est fournie par la zoogénie. Il n’est guère possible en effet d'étudier, même à un point de vue pu- rement descriptif, la série des phases embryonnaires, sans que le point de vue comparatif ne surgisse de lui-même en quelque sorte, par le seul rapprochement de ces diverses phases. Quant aux rapports de la zoologie comparée avec la zoologie générale, ils sont plus étroits encore. Entre ces deux sections de la zoologie, la transition devient tout à fait insensible, la zoologie générale n'étant en réalité que le terme final ou l'expression la plus élevée de la zoologie comparative. En tenant compte de ces diverses considérations, peut-être serait-il plus simple de n'admettre dans la zoologie que deux formes ou deux degrés : la zoologie analy- tique d'une part, et la zoologie synthétique de l'autre, cette dernière comprenant à la fois la zoologie comparée et la zoologie générale. Si done nous avons pré- féré conserver les trois divisions : de Zoologie descriptive, de Zoologie compara- tive et de Zoologie générale, c'est parce que ces trois formes correspondent assez bien aux différents ordres de travaux zoologiques, ainsi qu'aux trois phases de l’évo- lution ou du développement historique de la zoologie, simplement descriptive d'abord, comparative ensuite, puis enfin philosophique. (74 MÉMOIRES ORIGINAUX. telles sont, si je puis m exprimer ainsi, les trois étapes de la con- naissance à parcourir. De la première à la dernière, la marche est ascendante, graduée, parfaitement conforme à ce précepte de la méthode qui veut que Fon procède du simple au composé, du particulier au général. Mais, de ce que l’ordre de succession logique conduit &e la zoologie descriplive vers la zoologie comparée et vers la z0olo- gie générale, il ne fau lrait point en conclure que l'influence (le ces trois divisions de la science, les unes par rapport aux autres, ne puisse avoir lieu que dans cette direction, et que de la zoolo- sie générale vers la zoologie comparée et vers la zoologie des- criplive il ne puisse s'établir aussi un courant d'influences fécon- des, qui, pour êlre moins manifestes tout d’abord, peuvent être néanmoins de la plus grande importance. La comparaison étant en elle-même une méthode d'analyse et pouvant servir dans maintes circonstances à résoudre des pro- blèmes que l'observation isolée ne saurait trancher, il résulte de ce fait que la zoologie comparative peut rendre dans une large mesure à la zoologie descriptive les services qu'eile en reçoit. Quant à la zoologie générale, sou influence sur la zoologie com- parée et sur la zoclogie descriplive n'est pas moins évidente. Renfermant les plus hautes géuéralisations dela science, eke per- met au zoologiste de faire usage, dans une certaine mesure, de la méthode déductive. Redescendant de ces régions élevées de la synthèse vers le domaine de la zoologie comparée et de la zoologie descriptive, le savant peut prévoir, peut deviner nombre de faits, et découvrir par une sorte d'analyse intellectuelle ce que l'analyse matérielle ne pourrait Jai fournir. En résumé, done, s’il existe un courant d'influences fécondes de la zovlogie descriptive vers la zoologie comparée el vers la zoologie générale, il existe un courant inverse, non moins réel, de la zoologie générale vers la zoologie comparée et vers Ja zoologie descriptive; et l'on peut dire qu'entre ces trois grands départements de la zoologie il s'établit une véritable circula- tion d’influeaces fécondes et nécessaires Lout à la fois. ZOOLOGIE ET SES DIVISIONS. bp) En zooiogie, comine ailleurs, la science ne saurail progresser réellement que par le concours heureux de l'analyse et de Ja synthèse, et par l'emploi alternatif de ces deux procédés. Nous venons d'examiner les rapports existant entre Îles trois grandes sections de la zoologie; il s’agit maintenant d'étudier les rapports qui se manifestent entre les diverses branches de cha- eune de ces sections. Ces rapports sont extrêmement complexes. [ suffit, en effet, de combiner deux à deux toutes les branches de la zoologie suivant la loi mathématique des combinaisons, pour se convaincre combien il serait difficile, sinon impossible, de faire une étude compiète de tous ces rapports. I nous faut donc renoncer à épuiser la question. Cependant, comme Île sujet est de la plus haute importance, je me propose d'en faire ici une étude aussi approfondie que le permet l'élendue de cette leçon; j'examinerai tour à tour chacun des rapports suivants : Anatomie et Physiologie; — Zoochimie et Physiologie; — Physiologie et Pathologie ; — Embryogénie et Anatomie com- parée ; — Embryogénie et Physiologie; — Embryogénie et Zoo- taxie; — Tératologie et Anatomie comparée: — Tératologie et Physiologie; — Tératologie et Embryogénie ; — Géonémie et Physiologie. ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ‘. Afin de bien apprécier les rapports de l'anatomie avec la physiologie, il nous faut rechercher dans quelle mesure l'ana- tomie, sous ses différentes formes, descriptive, comparative el philosophique, peut servir à l’étude des fonctions. L'importance de l'anatomie descriptive, comme base de toute 1 Voir, à ce sujet: Cours de physiologie fait à la Facullé de médecine de Paris, par P. Bérard, tom. I, 1848, pag. 27, 32. — Lettre de G. Cuvier à J.-C. Mertrud, dans : Leçons d'anatomie comparée de G. Cuvier, recueillies et publiées par M. Du- méril, seconde édition corrigée et augmentée, tom. I, pag. 13. Paris, 1835. — Traité de physiologie comparée des animaux domestiques, par G. Colin; seconde édition, tom. I, Introduction, pag. 30-35. 1871. 176 MÉMOIRES ORIGINAUX. étude physiologique, n’est point à discuter. Le corps de l'animal étant une machine véritable, il est clair que pour en compren- dre le jeu il est indispensable d’en connaître les divers rouages. Tout ce qui est de pur mécanisme donc peut être compris par l'examen seul des organes. Ainsi, la disposition des muscles, celle des articulations, suffisent pour expliquer les mouvements de loco- motion. La connaissance anatomique de l'appareil vasculaire, celle de l'appareil respiratoire, permettent de comprendre le rôle mécanique exécuté par ces appareils; la structure de l'œil, celle de l'oreille, nous révèlent les conditions physiques de la vision et de l'audition. Mais, là-même où il ne s’agit plus de phénomènes d'ordre mécanique, l'anatomie, en ramenant par l'analyse les problèmes à leurs éléments, fournit bien souvent au physiologiste le moyen le plus sûr de les résoudre. L’anatomie ne nous dit point, par exemple, quel est le rôle du globule sanguin, mais c'est elle qui a indiqué au physiologiste l'existence de ces globules, leur forme, leur grandeur, ete., et qui lui a permis d'en étudier les propriétés. Même remarque au sujet du liquide séminal. Si l'anatomie n'eût point fait connaître l’existence des spermatozoïdes, les physiolo- gistes en seraient encore à ignorer la nature véritable de l'élément fécondateur. Disons plus: dans l’étude des humeurs, des tis- sus, ete., la physiologie ne peut faire un pas sans l'assistance de l'anatomie, à ce point que l'on peut affirmer que la physiologie cellulaire est l’œuvre des anatomistes bien plus que celle des physiologistes. En théorie, rien de plus net que la séparation à établir entre l'anatomie et la physiologie. L’anatomie étudie la forme, la texture; la physiologie considère l'acte on la fonction. Statique d’une part, dynamique de l’autre : quoi de plus tranché ! Dans la pratique, au contraire, le partage entre les deux sciences est loin d’être toujours aussi facile à effectuer. Pour en faire bien com- prendre la raison, posons-nous d'abord cette question : Qu'est-ce que la forme ? Dans une machine de construction humaine , la forme est le ZOOLOGIE ET SES DIVISIONS. 177 résultat d’un arrangement de parties déterminé par une force extrinsèque, le travail du mécanicien. Dans une machine animale, en est-il de même ? Non pas ! La forme est encore un arran- sement de parties, mais délerminé ici par des forces intrin- sèques à la machine elle-même ; elle est l’expression, le signe matériel de forces développées au sein de l'individu, et en cette qualité elle devient susceptible de nous les faire connaître. Or, connaître des manifestations de forces, qu'est-ce, sinon de la dynamique. Comme on le voit par ces quelques réflexions, il y à un point où la morphologie et la physiologie semblent se confondre. Le mode d'investigation est le même, le but seul les sépare. Je précise ma pensée par quelques exemples. Voici un organe. A l’aide du microscope, j'y découvre des cellules. Parmi ces cellules, les unes renferment un noyau sphé- rique, d’autres présentent un noyau arrondi, mais marqué d'un étranglement léger ; d’auires possèdent un noyau dans lequel l’étranglement va jusqu'à la division presque complète en deux moitiés; d’autres enfin contiennent deux noyaux. A ce partage du noyau peut correspondre ou non un partage du corps cellulaire. Dans ces observations diverses, qu’ai-je fait, sinon observer des formes, faire de la morphologie, en un mot; et de l’examen de ces formes que vais-je conclure ?... Que la force à laquelle est soumis le noyau est d’abord simple ; que cette force tend ensuite de plus en plus à se dédoubler; qu’elle finit en dernier lieu par se trouver répartie sur deux centres d'attraction compléte- ment distincts. Or, ce résultat, de quelle nature est-il, sinon de nature physiologique ? Autre exemple. Voici les écailles d’un poisson ; j'en étudie les caractères exté- rieurs et intérieurs, et je constate les faits suivants : Considérée dans sa forme générale, chaque écaille représente une lame plus épaisse vers son centre que sur les bords; pour un point du corps déterminé et pour des poissons de même espèce, mais de taille différente, les écailles du grand poisson 178 MÉMOIRES ORIGINAUX. offrent un diametre supérieur à celles du poisson plus petit. Les crêtes concentriques qui se montrent sur la surface externe sont plus nombreuses dans une grande écaille que dans une écaille plus petite ; l'écartement de ces crêtes reste le même, quelles que soient les dimensions de l’écaille. Considérée dans sa structure intérieure, chaque écaille peut ètre décomposée en une suile de feuillets superposés et de di- mensions d'autant plus grandes qu'ils se trouvent situés plus pro- fondément. Dans les feuillets les plus internes, le tissu se montre de faible consistance, les corpuscules calcaires sont nuls ou peu abondants ; dans les feuillets situés plus en dehors, le tissu est plus résistant, les corpuscules calcaires s’accroissent en nombre et en volume. Tous ces faits (et je n’en cite qu'une partie) sont des faits purement morphologiques. Qui oserait nier cependant que les conséquences qui en découlent ne soient d'ordre physiologique ? De ces caractères empruntés à la forme n'est-il pas possible, en effet, de conclure que l’écaille s'accroît avec l’âge; que l’accrois- sement se fail par les bords et par la face interne ; que des cou- ches nouvelles viennent s'ajouter sans cesse au côté interne des couches déjà existantes ; que le dépôt de matière calcaire ne s'effectue que peu à peu, en commencant par les couches les plus anciennes ? Si de tels résultats eussent été obtenus par l’expéri- mentatiou (sur le vivant), nul assurément n’hésiterait un instant à les classer au rang des vérités physiologiques. Jusqu'ici je me suis attaché simplement à démontrer les rap- ports de la physiologie avec l'anatomie descriptive. Les rapports qui existent entre l'anatomie comparée et la physiologie ne sont pas moins importants. Bien souvent même, alors que l'anatomie purement descriptive cesse de pouvoir fournir des lumières à la physiologie, l'anatomie comparée se montre susceptible de lui rendre de réels services. Pour établir Ja vérité de cette proposition, il me faudrail exposer longuement ici quels sont, au point de vue scientifique, ZOOLOGIE ET, SES DINISIONS. 179 tous les avantages de la comparaison'. Ne voulant point m'écar- ter de mon sujet, je me bornerai à rappeler les vérités suivantes : 1° Par la comparaison anatomique de deux appareils dont les fonctions nous sont partiellement connues, il nous est possible souvent! de déterminer la fonction particulière de tel organe dont la fonction nous est encore inconnue ; 2° Par la commaraison d'un même appareil dans une série de tvpes différents, nous sommes conduits, au moyen d'’élimina- tions successives, à découvrir l'élément essentiel on les con- ditions fondamentales de chaque fonction ; 30 Par la comparaison des variations qui s'effectuent d'une façon corrélative dans certains organes et dans les fonctions qui en dépendent, nous parvenons à découvrir les conditions ou la cause de telle ou telle manifestation fonctionnelle. Je vais appuyer les propositions qui précèdent sur quelques exemples. 1° Cas. — Je suppose que l'on compare entre eux les appa- reils générateurs de deux Mollusques gastéropodes, d’un Helix et d'un Arion, dont le preunier est pourvu d'un flagellum, et dont le second est dépourvu de cette sorte d’organe. Si, d'autre part, on vient à examiner comparativement les spermatophores de ces mêmes Mollusques, on eonstale que chez l'Helix le spermato- phore se termine par un long appendice de même longueur que le flagellum; que chez l'Arion, au contraire, le spermatophore se termine par une courte pointe. De ce simple rapprochement on est amené à conclure que le flagellum est l'organe sécréteur du filament appendiculure du spermatophore des Hélices. 2° Cas. — En comparant l'appareil de l'audition dans la série des Vertébrés, et en descendant des Mammifères vers les Poissons, on constate que cet appareil se simplifie de plus en plus. On voit disparaître d'abord l'oreille externe, puis l'oreille moyenne ; une portion de l'oreille interne, le Limacon, peut elle-mêmefaire défaut; ! Voir: De la méthode comparative en zoologie, par E. Baudelot. (Bulletin de la Sociélé des scivnces naturelles de Strasbourg. 1870.) 180 MÉMOIRES ORIGINAUX. le labyrinthe membraneux (vestibule et canaux semi-cireulaires), et les filets du nerf acoustique sout les seules parties dont l’exis- tence reste constante chez les Poissons. En passant des Vertébrés aux Invertébrés (Mollusques, Annélides), l'oreille interne se sim- plifie davantage encore : elle se trouve réduite à une simple vésicule renfermant un liquide et supportant les divisions du nerf auditif. L’anatomiste sera donc conduit à cette conclusion : que ces derniers éléments sont les éléments essentiels de la fonction auditive. È 3° Cas. — L'étude comparative des Vertébrés a permis de con- stater qu'à mesure que l’on s'élève des Poissons jusqu’à l'Homme, l'intelligence va en s’accroissant d’une manière continue ; d'autre part, l’anatomie a démontré que cet accroissement de l’intelli- gence se {rouvait lié à un accroissement de volume de l’encé- phale, mais des lobes antérieurs ou hémisphères principalement. Cette corrélation a suffi pour faire admettre que les hémisphères sont le siége principal des facultés intellectuelles, et ces résultats de pure induction se sont trouvés en parfait accord avec ceux de la physiologie expérimentale. Dans l'étude comparée des animaux, l'anatomiste est frappé à chaque instant de la corrélation qui se manifeste, soil entre les divers organes, soit entre chaque organe et ses usages. La con- statation de ces rapports l’a conduit à se demander si, de même que l’organe agit sur la fonction, la fonetion, à son tour, n’est pas susceptible d'agir sur l'organe. De là, lidée-mère du transfor- misme, et l’on peut dire qu’à partir de ce jour un champ d'expé- riences presque sans limite a été ouvert à la physiologie. Je ne citerai qu’un fait : l'anatomie comparée des Oiseaux nous montre que chez les espèces granivores ou omnivores, le gésier possède d'ordinaire une couche musculeuse très-épaisse, tandis que chez les espèces carnassières, mais surtout chez les piscivores, le gésier est peu musculeux et souvent ne se distingue qu’à peine du ven- tricule pepsique. De là à conclure que la puissance du gésie peut être modifiée par le régime, et à tenter des expériences à ce sujet, il n’y a qu'un pas. C’est ce que fit Hunter. Il nourrit un ZOOLOGIE ET SES DIVISIONS. 181 Goëland pendant un an avec du grain, et constata que les muscles du gésier avaient acquis le double de leur épaisseur ordinaire. Il obtint un résultat analogue en changeant le régime d’un Faucon. La fécondité dans la recherche, telle est, en deux mots, la qualité précieuse que peut donner au physiologiste l'étude appro- fondie de l'anatomie comparée. | Les rapports de l'anatomie philosophique avec la physiologie méritent également de fixer l'attention. Au premier abord, ces rapports pourront paraître plus ou moins problématiques. On se demandera, sans doute, quels liens peuvent exister entre cette science de pure spéculation qui s'appelle anatomie philosophique, et une science positive comme la physiologie. L’anatomie philo- sophique, hâtons-nous de le dire, ne résout pointdirectement les problèmes de la physioiogie, mais elle en suggère la solution de la manière la plus rationnelle; elle pose les problèmes d’une manière conforme aux lois générales de l’économie; elle circon- scrit le champ de l’investigation dans des limites dont elle ne doit point s’écarter. — En veut-on un exemple? Une étude générale des animaux annelés a conduit les anato- mistes à considérer les représentants de cette division comme étant formés d’une série de zoonites, c’est-à-dire d'individus élé- mentaires groupés de manière à constituer une sorte de colonie linéaire. Il a été reconnu en outre que les divers zoonites qui com- posent un même individu, bien qu’étant plus ou moins différenciés et plus ou moinsintégrés, sont construits d’après un plan uniforme et représentent comme autant de centres de vie distincts. — Péné- tré de ces idées générales sur la composition des animaux annelés, le zoologiste philosophe sera conduit tout naturellement à en faire l'application aux animaux vertébrés. — De là, pour la physiolo- gie, tout un ensemble de vuesélevées et des plus fécondes. Appli- quons, en effel, la théorie zoonitique aux Vertébrés : la moelle nerveuse, comparable à la chaîne ganglionnaire des Articulés, n’est plus qu'une suite de centres d’activité nerveuse juxtaposés; l’en- céphale n’est plus qu'un segment très-développé et différencié de it. 13 182 MÉMOIRES ORIGINAUX. l'axe médullaire; les nerfs cränienset les nerfs spinaux deviennent membres d’un même groupe naturel dans lequel la pensée philo- sophique s’efforcera de découvrir des similitudes plutôt que des différences fonctionnelles, etc. Combien de vérités importantes à déduire pour le physiologiste, de ces grandes lois morphologiques connues sous les noms de: loi d'unité, loi de variété, loi de continuité, loi de perfectionne- ment ou de progrès, loi de corrélation des organes, ete., qui sont autant de conquêtes de la science anatomique ! — Par la loi d'u- nité, n'est-il pas conduit à rechercher les analogies des fonctions ! la loi de variété lui suggère l’idée de multiplier et de varier ses expériences; les lois de continuité et de progrès lui enseignent à chercher dans la sériation et dans l’enchaînement gradué des états fonctionnels, le lien des phénomènes de la vie ; la loi de corrélation des organes, enfin, lui fournit la notion de l'équilibre et des harmonies fonctionnelles. Toutes ces vérités générales, le physiologiste s’en imprègne. bien souvent à son insu, il est vrai, dans l'atmosphère de la science moderne; mais, quil le sache ou non, sansle secours de l'anatomie comparée et de l’anatomie philosophique, le physiolo- giste se trouverait condamné à cette physiologie étroite et purement descriptive, qui est aussi loin de la physiologie transcendante que l’anatomie descriptive l’est de l'anatomie philosophique. En montrant l'influence de la science anatomique sur la physiologie, je n’ai examiné que l’une des faces du rapport existant entre ces deux branches de la zoologie; il convient, à présent, de rechercher si la physiologie, à son tour, n’est point susceptible de fournir des lumières à la physiologie. L'anatomie remplissant par rapport à la physiologie le rôle d’an- técédent logique, il ne faut point s'attendre à voir cette dernière science rendre à la première, dans une proportion égale, les services qu’elle en reçoit; ces services sont possibles cependant et méritent d’être pris en considération. En effet, la physiologie pouvant, au moyen de l’expérimentation, modifier bien souvent ZOOLOGIE ET SES DIVISIONS. 185 la texture des organes, il lui est possible, dans certains cas, de fournir à l’anatomiste des résultats qui peuvent l’éclairer. A titre d'exemple, je suppose le cas d’un plexus nerveux pro- venant d'origines diverses, et dans l'intérieur duquel il s'agisse de déterminer la part de chacune des branches afférentes. La complication du plexus peut faire de cette recherche une ques- tion anatomique des plus difficiles, insoluble même. Lai physio- logie ayant établi par l’expérience qu'un nerf séparé des centres nerveux s’altère bientôt et s’atrophie, il devient possible, par la section convenablement combinée de chacune des branches nerveuses afférentes, de reconnaître dans quelle mesure telle ou telle branche participe à la formation de la trame résultant de l’enchevêtrement des faisceaux nerveux. Ce sont les physiologisles qui nous ont fait connaître les pro- priétés du suc gastrique, c'est-à-dire du liquide sécrété par les glandules de l’estomac. Or, chez certains animaux où l'estomac est formé de poches multiples, les anatomistes peuvent se trouver embarrassés, dans quelques cas, pour décider laquelle de ces poches représente l'estomac proprement dit. La présence du suc gastrique dans l’une ou l’autre de ces poches pourra servir à trancher cette question. ZOOCHIMIE ET PHYSIOLOGIE. I est à peine nécessaire de démontrer les rapports intimes de la zoochimie et dela physiologie. Ce que sait le physiologiste des éléments constitutifs du sang, de la salive, de la bile, du suc gastrique, et en général de toutes les humeurs de l'organisme, n'est-ce pas à l'analyse chimique qu'il le doit? Le jour, par exemple, où la matière glycogène fut découverte dans le sang du foie, la physiologie de cet organe se trouva en possession d’un fait de la plus haute importance. Mais si beaucoup déjà a été fait, il reste plus encore à faire. Si l'analyse chimique a pu nous faire connaître approximative- ment la composition du sang à son entrée dans le foie et à sa 184 MÉMOIRES ORIGINAUX. sortie, elle ne nous a point dit encore quelle différence existe entre le sang qui pénètre dans le cerveau et le sang qui vient de le traverser; il est certain pourtant que, l'organe cérébral em- pruntant au sang les éléments de sa substance, une analyse rigou- reuse du sang, si elle était possible, permettrait de doser l’action chimique du cerveau au moyen d’une simple comparaison des deux sangs artériel et veineux. L'histologie nous a révélé la parenté existant entre les différentes variétés du tissu conjonctif ; mais quels rapports vrais y a-t-il entre la mucine, la chondrine, la gélatine, etc., qui forment la base organique de ces tissus? La chimie n’a pu encore l’établir. La connaissance de ces rapports pourrait cependant avoir, au point de vue physiologique, les con- séquences les plus importantes, puisqu'elle nous permettrait peutêtre de comprendre la substitution des divers tissus d’un mème groupe les uns aux autres. De son côté, la physiologie n’est pas sans pouvoir rendre quel- ques services à la zoochimie. Par des expériences variées, non- seulement elle peut faciliter l’obtention de certains principes im- médiats', mais peut-être même ne lui serait-il pas impossible d'aider à la création de quelques-uns. Avant de parvenir à leur élat définitif, beaucoup de principes immédiats subissent dans l'organisme des transformations nombreuses ; il est clair que cer- taines perturbations introduites dans le jeu des organes pourraient arrêter ces principes dans leur transmutation ou évolution, et livrer ainsi au physiologiste des substances qui dans l'état normal ne se rencontrent pas dans l’économie. En dire davantage, ce serait escompter sans profit des résultats que l’on peut entrevoir, mais qui n'appartiennent encore qu'à la science de l'avenir. 1 Les expériences de M. CI. Bernard ont démontré qu'un animal peut être rendu diabétique par la lésion d'une certaine partie du bulbe rachidien. ZOOLOGIE ET $ES DIVISIONS. 185 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE, La liaison étroite de la physiologie avec la pathologie est trop évidente pour avoir besoin d’une longue démonstration. La physiologie ayant pour objet la connaissance des fonctions, et la pathoïogie celle des perturbations de ces mêmes fonctions, il est clair que toute explication rationnelle des phénomènes pathologiques appartient en dernier ressort à la physiologie. En l'absence de celle-ci, et réduite à elle-même, la pathologie se trouverait condamnée à ne jamais sortir du cercle étroit de l’em- pirisme. Néanmoins, si la physiologie est l’antécédent logique de la pathologie, il n'est pas inutile de faire remarquer que de son côté la pathologie n’est pas non plus sans posséder une influence réelle à l'égard de la physiologie. La pathologie est à la physio- logie ce que la tératolagie est à la morphologie; et, de même que cette dernière science peut recevoir des lumières de celle des anomalies, de même la physiologie peut trouver, dans certains faits de la pathologie, des indices extrêmement précieux. Qui dit perturbation, dit exagération, diminution ou suppression d’un phénomène réglé par une loi naturelle. Tout état pathologique introduisant dans les fonctions des différenciations. nouvelles, end par cela même les expressions phénoménales plus variées et'souvent beaucoup mieux saisissables. La maladie est une expérience fournie par la nature ; il s’agit seulement de savoir l'interpréter. Croyant superflu de démontrer comment la physiologie peut favoriser les progrès de la pathologie, je vais prendre la propo- sition inverse et établir, en m'appuyant sur quelques exemples, de quelle manière la pathologie peut ou a pu contribuer aux progrès de la physiologie. Je rappellerai tout d'abord que nos premières connaissances relatives à la régénération des différents tissus sont dues à des médecins. Bien avant que les physiologistes n’aient porté leurs 186 MÉMOIRES ORIGINAUX. investigations sur les fonctions des centres nerveux, les médecins, aidés de l’observation seule, avaient acquis sur ces fonctions des notions fort importantes. L'étude des affections cérébrales avait permis d'établir que le cerveau est l'organe de la pensée; on savait que dans la paralysie consécutive à des lésions de l’encé- phale, la perte des mouvements volontaires se manifeste d'ordi- naire du côté opposé à la lésion; l’étude des névroses, de l'épi- lepsie, de la catalepsie, de l’hystérie, de l’extase, des hallucina- tions, etc., avait fourni à la physivlogie générale du système nerveux des données extrêmement précieuses. Ce que je viens de dire de la fonction nerveuse, je pourrais Île répéter pour chacune des autres fonctions. Les maladies de l’ap- pareil circulatoire (rétrécissement des orifices vasculaires, ané- vrisme, etc.) ont livré à la physiologie des résultats que l’expéri- mentation seule n’eût pu obtenir. L'ictère a montré les effets de la bile sur l'organisme; l’albuminurie le rôle capital de l’albumine dans le plasma sanguin ; les pertes de sang excessives, les flux, tels que galactorrhée, sialorrhée, spermatorrhée, etc., le plus ou moins d'importance de chacune de ces humeurs, au point de vue de la nutrition générale. Que d’enseignements encore pour le physiolosiste dans l'étude des phases d’une même maladie, depuis le moment de son éclo- sion jusqu'à son déclin! dans l'observation de ces équilibres fonctionnels instables qui se succèdent dans le cours d’une fièvre, d’une inflammation ou de toute autre affection générale ! dans ces modifications profondes que subit l'organisme, sous l'influence de certains virus (vaccin, syphilis, ete.) ! Et, comme pour rendre plus étroite encore l'union des deux sciences, la pathologie elle- même ne tend-elle pas chaque jour à se faire expérimentale ! Elle emprunte peu à peu à la physiologie ses méthodes, et déjà en maintes circonstances on la voit provoquer, en les variant, des résultats que jusqu'ici elle s’était bornée à observer (étude expé- rimentale des virus). La thérapeutique, enfin, a rendu des services dont il importe de tenir compte. Sans parler des résultats dont la physiologie lui ZOOLOGIE ET SES DIVISIONS. 187 est immédiatement redevable, n'a-t-elle point mis entre les mains du physiologiste des moyens d'action dont l'emploi est devenu si utile, indispensable même pour l’analyse des fonctions ? Je n’ai parlé jusqu'ici que de la pathologie appliquée à l'homme ; combien plus instructive encore pour la physiologie serait la pathologie comparée", étendue non-seulement aux animaux, mais même aux végétaux ! Le fait de la transmission de certaines maladies à l’homme (cow-pox, rage, etc.); l'aptitude spéciale de certaines espèces à contracter une affection déterminée; la résis- tance d’autres espèces à la même affection ; l’évolution différente d'une même maladie dans des sujets d'espèces différentes : autant de résultats que peut mettre à profit la physiologie ! Et, puisque j'ai parlé des végétaux, lorsque nous voyons la piqüre d’un insecte déterminer dans une plante cesexcroissances connues sous le nom de galles, changer par conséquent d’une manière complète le mode de vitalité d’un tissu, n'est-ce point là une expérience naturelle du plus haut intérêt pour le physiologiste, et d'où il peut conclure à la possibilité de modifier jusqu’à un certain point la direction évolutive des éléments de l'organisme ? Il suffit d’entrevoir ces vastes horizons de la science pour comprendre qu’à celte heure elle n’en est encore qu’à ses premiers tâlonnements. 1 Voir: Introduclion au Cours de médecine comparée, par le Dr Rayer (Gazette des hôpitaux, pag. 226, 229. 233. 1863). «La pathologie n'est pas autre chose que la physiologie, qui se modifie sous l'influence des causes perturbatrices ; la pathologie comparée est donc l'appendice et le complément de la physiologie com- parée. Rien ne montre plus la constance et la grandeur des lois qui président au monde organique, que de voir, dans toute la série, ces lois se modifier, non s'anéantir, rester les mêmes dans leur essence, se différencier dans les accessoires et se conformer, sans se dénaturer, aux exigences des conditions spéciales de texture et de fonction » (pag. 226). « La pathologie comparée, science de même nature que la physiologie comparée, offre un degré de complication de plus, en est le complément nécessaire, et im- porte à la connaissance totale. et vraie de l'être vivant» (pag. 226) / 188 MÉMOIRES ORIGINAUX. EMBRYOGÉNIE ET ANATOMIE COMPARÉE. Les rapports de l’embryogénie avec l’&nalomie comparée sont tellement intimes, que la culture de ces denx branches de la zoologie ne saurait être séparée sans un préjudice extrême pour l’une ou pour l’autre. L’intimité de ces rapports est, du reste, facile à comprendre : elle dérive de ce fait fondamental, que les lois qui président à l’évolution de l'individu sont les mêmes que celles qui régissent l’évolution ou le perfectionnement des espèces. En allant au fond des choses, cette relation n’est, comme on le voit, qu'un corollaire de la grande loi de l'unité. Je m'explique. Soit donc un groupe zoologique déterminé. Si l’on poursuit l’évolution embryogénique de l’un des représentants les plus parfaits de ce groupe, on obtient une suite de stades évolutifs ou d'états organiques différents et de plus en plus perfectionnés; d’autre part, si l’on considère l’ensemble des espèces qui appar- tiennent au même groupe, on rencontre une suite d'individus de perfection inégale que l’on peut ranger de manière à former une série ascendante. Cela fait, si l’on place les deux séries, obtenues comme il vient d’être dit, l’une en regard de l’autre, on remar- quera qu'il y a parallélisme plus ou moins complet entre la série embryogénique et la série zoologique : d’où il résulte que si l'on compare les deux séries l’une à l’autre, on pourra y découvrir des termes qui se correspondent. Les conséquences de cette correspondance sont faciles à saisir. On pourra, en effet, se servir, soit de la série embryogénique pour mieux comprendre certains termes de la série zoologique, soit de la série zoologique pour expliquer certains termes de la série embryogénique. Les avan- tages seront réciproques de part et d'autre. À la série zoologique appartient cet avantage de comprendre des individus arrivés à un état de développement complet, beaucoup plus faciles à étudier, en général, que des embryons très-pelits ou à peine ébauchés, qu'il faut suivre à travers les phases fugitives d’un développement ZOOLOGIE ET SES DIVISIONS. 189 souvent très-rapide ; à la série embryogénique appartient cet autre avantage, de rassembler dans un même être tous les états qui peuvent nous êlre offerts par les divers représentants d'un groupe zoologique tout entier. La relation que je viens de signaler entre les états transitoires de l'embryon et les états permanents d’espèces appartenant au groupe zoologique dont fait partie cet embryon, cette relation, dis-je, est vraie aussi bien des organes et des tissus que des individus eux-mêmes. Un organe ou un tissu étant donné sous sa forme la plus élevée, si d’une part on étudie tous les états par lesquels cet organe ou ce tissu a dû passer dans le cours de son évolution, et si d'autre part on examine le même organe ou le même tissu arrivé à son complet développement dans un certain nombre d'espèces différentes, on retrouvera dans la série em- bryogénique des états correspondants aux états organologiques ou histologiques permanents observés dans les types adultes”. Essayons de fixer par quelques exemples les véritésqueje viens d’énoncer. Nous n’aurons qu'à puiser, pour ainsi dire, dans cha- cune des grandes divisions du règne animal. Soit donc le groupe des Batraciens, dont les types les plus élevés se trouvent représentés par les Batraciens anoures, comme on le sait. Si l’on étudie l’un des représentants de cet ordre, la Grenouille, je suppose, on constate que l'individu passe par une suite d'états très-différents avant d'arriver à l’état parfait. Offrant d’abord les caractères extérieurs du poisson, la larve ou têtard est pourvue, au début, de branchies externes ; aux branchies ex- ternes succèdent bientôt des branchies internes ; des membres { Ce n’est donc pas sans quelque raison que l’on a pu dire de l’emblryogénie qu'elle est une anatomie comparée transitoire. S'il y a, dans cette idée ainsi expri- mée, une part d'exagération, on y trouve indiquée une tendance réelle de la nature, dont la connaissance, appliquée à la recherche, peut devenir des plus fructueuses. Consulter à ce sujet: Zntroduction à la zoologie, ou Considérations sur les tendances de la nature dans la constitution du règne animal: par H. Milne Edwards, chap. VI, pag. 89. 1853 ; et Principes d’organogénie ; par E.-R.-A. Serres, deuxième partie, chap. VI, pag. 89. 1842. 190 MÉMOIRES ORIGINAUX. apparaissent ensuite ; les branchies internes font place à des pou- mons; la queue, d’abord allongée, s’atrophie peu à peu et dispa- rait : ainsi se trouve réalisée, par une suite de progrès continus, la forme typique la plus parfaite, celle du Batracien anoure. Maintenant, si, après avoir étudié toutes les phases du déve- loppement de la Grenouille, on étudie l’ensemble des types du groupe des Batraciens, on retrouvera dans ces types des formes spécifiques qui correspondent d’une façon plus ou moins parfaite aux formes embryonnaires de la Grenouille. L’Axolotl, le Protée, leMénobranche, conservent toute leur vie des branchies externes et une queue. Dans l’'Amphiume, le Ménopome, les branchies externes se trouvent remplacées par des branchies internes com- muniquant avec l'extérieur par un trou branchial. Dans la Sala- mandre, le Triton, enfin, il n'y a plus de branchies ni de trou branchial ; on trouve des poumons, comme dans la Grenouille, mais la queue persisle encore. Il serait facile de montrer des correspondances de même na- ture dans d’autres sections du règne animal: les Crustacés, les Insectes, les Échinodermes, etc., nous fourniraient des exem- ples qui, sous le rapport de l'évidence des fails, ne le céderaient en rien à celui des Batraciens. Voici maintenant un exemple du rapport existant entre les états transitoires d’un orgaue et ses formes prises dans un cer- lain nombre de types adultes de la même elasse, Je veux parler de l'utérus humain dans ses phases embryonnaires comparé aux formes permanentes de l'utérus dans la classe des Mam- mifères. Au début de sa formation, l’utérus humain représente deux conduits étroits non réunis l’un à l’autre; les deux extrémités vaginales de ces couduits ne tardent pasà s'accoler, mais sans se confondre. À une époque plus avancée, ces mêmes extrémités se trouvent réunies de manière à constituer un col utérin uni- que. Les progrès du développement suivant leur cours, la fusion des deux tubes utérins, commencée inférieurement, se propage vers le haut, et il en résulte un corps utérin simple à son extré- ZOOLOGIE ET SES DIVISIONS. 191 mité inférieure, double à l'extrémité opposée, par suite de la per- sistance d’un reste des deux tubes utérins primitifs. Enfin, dans une dernière phase, les vestiges des conduits utérins ont disparu par absorption dans le corps utérin, et l'unilé utérine se trouve accomplie. Comparons ces états successifs de l'utérus humain aux diverses formes de l’utérus des Mammifères. Chez les Monotrèmes, il n'y a pas d’utérus proprement dit; les oviductes se terminent par deux dilatations complétement séparées l’une de l’autre, et qui débouchent dans une sorte de cloaque. Chez les Marsupiaux, les extrémités inférieures dilatées des oviductes, au lieu de rester isolées comme chez les Mono- trèmes, se trouvent accolées sur la ligne médiane, de manière à conslituer une sorte de corps utérin divisé en deux loges par une cloison plus ou moins complète. Chez la plupart des Rongeurs, la dualité de l’utérus existe encore. Dans quelques Rongeurs, chez les Uarnassiers, les Cétacés, l'unité utérine commence à se réaliser ; elle est portée plus loin chez les Ruminants et chez les Solipèdes. Chez ces derniers, l'intégration est déjà très-avancée : il y a un corps utérin unique constituant les deux tiers environ de l’utérus ; tout le tiers postérieur reste encore double: c’est un utérus à deux fonds ou bicorne. Chez les Édentés, les Makis, le Gibbon, les cornes utérines deviennent rudimentaires. Chez les Singes supérieurs enfin, elles disparaissent complétement, toute trace de dualité a disparu, et l’unité utérine se trouve réalisée, comme chez la Femme. Ainsi donc, comme on le voit par cet exemple, l'anatomie comparée d’un organe reproduit d’une façon plus ou moins parfaite les états embryogéniques du même organe pris dans un des types les plus élevés de la même classe. Cé que je viens de démontrer au sujet de l’utérus, je pourrais le démontrer également pour d’autres organes, pour l’encéphale, le cœur, etc. Le dernier exemple qui nous reste à produire est relatif aux tissus. Je choisirai à cet effet le tissu conjonctif. — Soit donc du 192 MÉMOIRES ORIGINAUX. tissu conjonctif calcifié : si l’on étudie les phases successives du développement de ce tissu, on constate qu'avant d'arriver à l’état sous lequel il se présente, ce tissu a traversé des états fort diffé- rents, qu'il a offert d'abord les caractères du tissu conjonctif muqueux ou gélatineux, puis ceux du tissu conjonctif ordinaire ; or, on sait que chacune de ces formes diverses du tissu conjonc- tif peut devenir fixe et permanente, soit dans un même individu, soit dans des individus d'espèces différentes. Le tissu conjonctif calcifié se montre dans les écailles des Poissons ; le tissu con- jonctif ordinaire abonde dans toutes les parties du corps des animaux Vertébrés ; le tissu gélatineux persiste dans certains points de l’économie des Mammifères (humeur vitrée), il est très- développé dans le crâne des Sélaciens: il constitue à lui seul le manteau des Tuniciers, le disque des Acalèphes, etc. Après ces divers exemples, il ne pourra plus subsister aucun doute, je l’espère, sur l’intimité de rapports existant entre l’ana- tomie comparée et l’'embryogénie. Il s’agit, pour l'investigateur, de savoir mettre à profit toutes ces relations pour vaincre les obstacles qu'il rencontre sur sa route, ou pour les lourner quand il ne peut les vaincre. EMBRYOGÉNIE ET PHYSIOLOGIE. L'embryogénie et la physiologie ont des rapports sur lesquels je tiens à appeler l'attention. Nul doute d’abord que l’embryogé- nie ne puisse rendre des services à la physiologie. Ainsi que je l'ai établi déjà au sujet des rapports de l'anatomie avec la phy- siologie, les changements morphologiques de l'embryon n'élant que l'effet visible des mutations de la force qui régit l’évolution, ces changements peuvent servir à nous donner une idée de cette force et de la manière dont elle se trouve répartie dans l'organisme aux divers moments du processus embryonnaire. En d’autres termes, la différenciation des formes traduit pour nous, en signes matériels, la différenciation des forces qui solli- citent à chaque instant dans une direction nouvelle les diverses ZOOLOGIE ET SES DIVISIONS. 193 parties de l'organisme naïssant. Tout ce que nous savons des fonctions du vitellus, de celles du blastoderme, de la vésicule ombilicale, de l’allantoïde, du placenta, etc., nous le savons par l'examen seul de l'embryon. En suivant pas à pas l’évolution de ces divers organes, en les voyant successivement apparaître, croître, décroître ou subir des changements d'une façon cor- rélative avec d’autres organes, nous sommes conduits à saisir certains liens fonctionnels que l’expérimentation serait dans l'impossibilité de nous révéler. Prenons quelques exemples. En étudiant le développement du cristallin, on constate que cet organe n’est qu’une portion de l’épiderme qui s'enfonce graduel- lement dans l’intérieur de l'œil et s’isole ensuite. De ce mode d’ori- gine, il ya donclieu de soupconner, dansles manifestations physio- logiques du cristallin, des propriétés plus ou moins en rapport avec celles de l’épiderme, celle de pouvoir se reproduire, parexem- ple. Dans les jeunes Pentatomes (Pentatoma grisea) encore privés d'ailes, il existe à la face dorsale de l’abdomen deux glandes odo- rantes, s’ouvrant chacune au dehors par deux pores. Au moment où ces insectes subissent leur dernière mue et acquièrent leurs ailes, les glandes dorsales en question s’atrophient, et en même temps on voit se constituer à la face ventrale, vers la base de l'abdomen, une glande de même nature. Ce remplacement d’un organe par un organe semblable a une haute signification phy- siologique : elle nous montre comment nne sécrétion, étant sup- primée sur un point, tend à se rétablir sur un autre; comment l'équilibre physiologique tend à se maintenir au milieu des transmutations continuelles de l’organisme.— Enfin, lorsquedans les cartilages de l'embryon nous voyons l’ossification s'effectuer sur des poinis isolés, et toujours les mêmes, ce fait est-il autre chose que la manifestation d’une propriété du tissu osseux, de l’accomplissement d’une fonction, si l’on veut ? Les exemples que je viens de présenter sont tous relatifs au développement de l’embryon, mais l'accroissement n’est point terminé à l’époque de la naissance, et les changements morpho- 194 MÉMOIRES ORIGINAUX. logiques ultérieurs qui continuent à se manifester dans la suite de l’évolution ne sont pas moins importants au point de vue des résultats que peut en tirer la physiologie. Les nageoires des Poissons sont composées, comme on le sait, d’une multitude de petits articles placés bout à bout; l'examen de ces nageoi- res, chez des individus d'âge différent et dans certaines espèces, permet de constater que le nombre des articles va en s’accroissant | sans cesse avec l'âge; cette propriété de multiplication, consi- dérée en elle-même, peut être rangée dans la classe des faits physiologiques. La formation de nouvelles crêtes concentriques sur le pourtour des écailles des poissons osseux suffit de même pour nous montrer que l'accroissement de ces productions s'effectue sur les bords et non vers le centre de chacune d'elles. Là encore, le fait constaté rentre, si l'on veut, dans la catégorie des vérités phy- siologiques. Nous voyons donc à quel point la zoogénie et la physiologie peuvent se confondre dans leurs résultats. Si l'embryogénie est susceptible de rendre des services à la physiologie, celle-ci, de son côté, peut fournir d'importants se- cours à l’embryogénie. Les expériences relatives au mode de régénération des parties (organes et tissus) permettant de re- produire, dans une certaine mesure et en tout temps, divers phénomènes embryogéniques, il est possible de profiter de cette circonstance pour étudier sur l'adulte certaines questions de développement beaucoup moins accessibles chez l'embryon. L'expérience a montré, par exemple, que le cristallin des Ver- tébrés, que les membres du Triton, les pattes de l'Écrevisse, etc., peuvent se régénérer, et que la formation du nouvel organe a lieu par un procédé évolutif semblable à celui qui se passe chez l'embryon. La connaissance de ces faits peut être mise largement à profit par les embryogénistes. L'exemple suivant montre que la physiologie expérimentale peut aussi intervenir avec avantage dans les questions les plus hautes de l'embryogénie. » ZOOLOGIE ET SES DIVISIONS. 195 Lorsqu'on sépare la queue d’un jeune têtard du reste de l’a- nimal, on constate non-seulement que le tronçon ainsi obtenu ne meurt pas immédiatement, mais qu’il peut continuer à vivre pendaut un certain nombre de jours durant lesquels l’évo- lution des tissus et des organes intérieurs se poursuit avec une régularité presque parfaite. De ce fait expérimental, il est permis de conclure que dans les jeunes organismes la force d'évolution se trouve répartie d’une façon plus ou moins uni- forme dans les divers segments du corps, et que chaque partie jouit en quelque sorte d’une vie indépendante. Enfin, toutes les expériences relatives à l’incubation des œufs, expériences au moyen desquelles il est possible de modifier, pour ainsi dire à volonté, les phénomènes de l’évolution, ces expé- riences, dis-je, achèvent d'établir avec un surcroît d’évidence l’étroite union de l’embryogéuie et de la physiologie. EMBRYOGÉNIE ET ZOOTAXIE. L’embryogénie et la zootaxie ont entre elles les rapports les plus intimes. Non-seulement la première de ces sciences a rendu à la seconde les services les plus éminents, mais on peut affirmer que sans les études embryogéniques la classification naturelle des animaux se trouverait dans l'impossibilité d’attein- dre son complet développement. Combien d’affinités naturelles inattendues ont été révélées par l'étude des premiers états de tel ou tel type ! En tracer le tableau nous forcerait à passer en revue tous les groupes du règne animal; ce travail serait superflu, et je crois pouvoir me borner ici à quelques exemples. Le groupe des Crustacés est l’un de ceux où nous pourrons puiser avec le plus d'avantages. Les Anatifes, de la tribu des Girrhipèdes, avec leur coquille bivalve, offrent à peine quelques-uns des caractères des animaux articulés ; Cuvier lui-même les prit pour des Mollusques; l'étude des premiers états de ces êtres singuliers ayant montré que leurs larves ressemblent de la façon la plus complète aux larves 196 MÉMOIRES ORIGINAUX. des Copépodes et des Ostracodes, leur place dans la elassifica- tion a pu être fixée avec la plus complète certitude. D’autres Crustacés de la même tribu, mais plus singuliers encore, les Sacculines, dont les caractères ne rappellent plus en rien ceux des animaux articulés, ont pu être classés avec tout autant de certitude, d’après l’examen de leur larve, qui offre la plus com- plète ressemblance avec celle des Anatifes. Je pourrais en dire autant des Balanides, également de la tribu des Cirrhipèdes, des Lernéides de la tribu des Copépodes, des Pentastomides de la classe des Arachnides. Enfin, si les affinités réelles des Ténias et des Cysticerques, des Distomes et des Cercaires, des Lamproies et des Ammocètes, des Méduses et des Polypes, des Comatules et des Pentacrines, sont aujourd’hui connues, ces résultats sont la conséquence directe des études embryogéniques. Si, d’une part, le classement d'un animal exige la connaissance de toutes les phases qu'il traverse pendant le cours de son déve- loppement ; en d’autres termes, si la zootaxie nécessite l'embryo- génie, d'autre part la première de ces deux sciences peut rendre à son tour à la seconde les services qu’elle en recoit. N’est-il pas évident, en effet, que lorsqu'un animal a pu être classé dans un groupe déterminé d’après l’ensemble de ses caractères, il nous devient possible, en l’absence de toute observation, de deviner par quels états embryogéniques il a pu passer ? Étant donné un Batracien anoure, par exemple, on peut affirmer, avec tout le degré de certitude désirable, que cet animal a dû posséder à une époque antérieure un prolongement caudal, des branchies in- ternes, des branchies externes, etc. On peut affirmer de même d’un Cirrhipède quelconque qu’il a dû passer par la phase de Nauplius, où d’un Lépidoptère qu'il s'est montré successivement sous les états de chenille, puis de chrysalide. C’est ainsi que dans la marche ascendante de la science l'em- bryogénie et la zootaxie se prêtent un mutuel appui. ZOOLOGIE ET SES DIVISIONS, 197 TÉRATOLOGIE ET ANATOMIE COMPARÉE',. _ La tératologie et l'anatomie comparée ont aussi des rapports sur lesquels je veux appeler l'attention. Ces rapports sont du reste faciles à comprendre, les lois tératologiques et les lois mor- phologiques se confondant les unes et les autres avec celles du développement embryonnaire. Je précise ma pensée. Une des anomalies les plus fréquentes en tératologie est celle qui reconnait pour cause les arrêts de développement. D’autre part, l'inégalité du perfectionnement, l’une des sources princi- pales des différences qui se manifestent entre les représentants d’un même groupe naturel, n’est aussi dans bien des cas que la conséquence d’une inégalité dans le développement. De cette concordance, il résulte que les formes tératologiques devront reproduire plus ou moins fidélement certains états morpho- logiques existant normalement dans d’autres types”. C’est ainsi que le bec-de-lièvre, la non-soudure de l'os intermaxillaire, qui chez l'Homme constituent une anomalie, se retrouvent normale- ment chez d’autres animaux de la même classe. Le bec-de- lièvre se montre chez certains Rongeurs, et la non-soudure de l’intermaxillaire est un fait observable chez presque tous les Vertébrés. | La conséquence à tirer pratiquement de cette vérité, c’est que l'on peut faire usage, soit des faits tératologiques pour éclairer certains faits de l’anatomie comparée, soit des faits appartenant à cette dernière science pour mieux comprendre certains faits tératologiques. En voici un exemple. 4 Voir, sur ce sujet, le Traité des anomalies d'Isid. Geoff. Saint-Hilaire, tom. III. 2 On trouvera dans l'ouvrage de Moquin-Tandon, sur la Tératologie végétale, de nombreux exemples de cette vérité tératologique : que les déviations du type spé- cifique, dans un végétal, représentent l'état habituel d'un autre végétal. Voir le chapitre relatif aux Pélories. III. 14 198 MÉMOIRES ORIGINAUX. Chez divers Gastéropodes (Helix, Bulime, etc.), on observe fré- quemment une anomalie fort curieuse désignée dans le langage tératologique sous le nom d’Hétérotaxie. Cette anomalie consiste dans une transposition complète des viscères, ceux de droite passant à gauche, et vice versd, et dans une inversion de la spire qui se dirige en sens contraire de l’état normal. Chez le Bulimus japonicus (citrinus), cette sorte de monstruosité est tellement fréquente, que l’on rencontre presque en nombre égal des exemples de coquilles dextres et de coquilles sénestres. De ce dernier fait, il est permis de conclure que l’hétérotaxie est une anomalie de moindre importance qu on ne serait porté à l’admettre tout d’abord; qu’elle dépend probablement d’une per- turbation trés-légère produite sur le germe à une certaine époque de son développement. Voici maintenant l'application de ces résuitats à l'anatomie comparée et à la zootaxie Certains Gastéropodes, comme les Physes et les Lymnées, par- faitement semblables quant à la structure anatomique de leurs organes, présentent une disposition inverse dans le groupement de leurs viscères et dans le mode d’enroulement de leur coquille. Les Lymnées sont dextres, les Physes sont sénestres. On pour- rait donc, en tenant compte de ces différences d'organisation, être tenté de regarder ces deux genres comme assez éloignés ; mais, en reconnaissant que les différences qui les caractérisent sont absolument de même nature que celles qui peuvent se produire accidentellement sur des individus de la même espèce, on est amené à cette conclusion : que les deux genres Physe et Lymnée constituent en quelque sorte un seul et même type diversifié par la permanence de l’hétérotaxie. TÉRATOLOGIE ET PHYSIOLOGIE. La tératologie n’est pas non plus sans offrir des rapports d’une certaine importance avec la physiologie. Les faits tératologiques n'étant au fond que le résultat de perturbations introduites dans ZOOLOGIE ET SES DIVISIONS. 199 les lois physiologiques qui régissent le développement de l’em- bryon, il n’est pas surprenant qu'ils puissent, dans certains cas, nous fournir sur ces lois elles-mêmes des indications précieuses. Ces faits représentent pour le physiologiste des expériences toutes faites, qu’il lui serait impossible le plus souvent de réa- liser, et qui viennent, ou lui révéler des vérités nouvelles, ou confirmer des résultats déjà acquis par la physiologie expéri- mentale. Il ne me sera point difficile de fournir des preuves de cette vérilé. Il existe, en tératologie, une anomalie remarquable connue sous ie nom de microcéphalie el caractérisée par un arrèt de déve- loppement des lobes cérébraux. L'observation ayant établi que celte anomalie coïncide toujours avec un avortement plus ou moins complet des facultés intellectuelles, il est possible d’en conclure que les lobes cérébraux sont le siége de l’intelligence. Ce résultat vient donc corroborer les données fournies par la physiologie expérimentale touchant la fonction des lobes céré- braux'. Autre exemple. Il arrive quelquefois de rencontrer, chez les Insectes, une ano- malie à laquelle les entomologistes ont donné le nom de gynan- dromorphisme. Les individus qui en sont atteints présentent cette parlicularité singulière, d'être mâle d’un côté (dans la moitié droite ou dans la moitié gauche du corps), et femelle de l’autre. Du côté où existent les organes mâles, les caractères extérieurs sont exactement ceux du mâle, et vice versd. Gette anomalie, comme on le voit, élablit avec une complète évidence l'influence des organes sexuels sur les autres parties de l’organisme. Ce 1 La fonction des lobes cérébraux, comme organes de l'intelligence, se trouve établie, non-seulement par la physiologie et la tératologie, mais aussi par l'anatomie comparée et la pathologie : remarquable accord entre les diverses branches d'une même sciénce pour conduire, par des voies différentes, à la confirmation d’un même résultat ! 200 MÉMOIRES ORIGINAUX. résultat est une confirmation de ceux fournis par la physiologie expérimentale (castration). La monstruosité caractérisée par l’absence de l'axe nerveux cérébro-spinal a pu servir à démontrer l'indépendance physio- logique plus ou moins complète des différents systèmes organi- ques pendant les premières phases du développement embryon- naire. La tératologie, enfin, a permis de constater certaines corréla- tions qui, bien que restées inexplicablesjusqu’à présent, demeurent comme autant d'indications précieuses pour le physiologiste : par exemple la liaison fréquente du géantisme et de l'impuissance, de l’albinisme et de la surdité. De son côté, la physiologie expérimentale est aussi suscep- tible de rendre des services à la tératologie. En introduisant des perturbations dans les conditions normales du développement embryonnaire, les physiologistes sont parvenus à produire, pour ainsi dire à volonté, des cas de monstruosités chez certains types animaux, tels que les Oiseaux, les Poissons, etc. La possibilité de varier de toute manière ces résultats de l’expérimentation, d'obtenir des cas d’anomalie à tous les degrés, de saisir exacte- ment les causes de leur production, établissent une élroite dépendance entre la physiologie et la tératologie. TÉRATOLOGIE ET EMBRYOGÉNIE". Rien de plus intime que les rapports de la tératologie avec l’embryogénie. L'histoire de la science, d’abord, est là pour nous fournir des preuves de l'influence de la tératologie sur l’embryogénie. La science tératologique, telle qu’elle se trouve constituée, est une science toute moderne. À nous, pour qui l’étude du dévelop- pement est devenue familière ; à nous, qui savons que l'embryon 4 Consulter, à ce sujet, le Traité des anomalies d'Isid. Geoffroy Saint-Hilaire, tom. II. ZOOLOGIE ET SES DIVISIONS. 201 apparaît peu à peu dans l'œuf, que l'organisme animal ou végétal se forme par une suite de différenciations successives, il nous semble étrange que toute autre conception du développement ait pu se produire. L’épigénèse, néanmoins, c’est-à-dire la théo- rie de la formation de l'embryon par génération successive de parties nouvelles, a eu à surmonter les plus grands obstacles pour s’introduire dans la science. Une théorie singulière, éclose dés les temps les plus reculés : celle de la préexistence des germes, s’opposait à son établissement. Cette antique théorie enseignait que l'embryon existe tout préformé dans l'œuf, mais dans un état de petitesse infinie; que le développement n’est autre chose que l'expansion graduelle, l’épanouissement de cette imperceptible miniature. L'influence d’une telle conception sur les progres des études embryogéniques est facile à deviner. À quoi bon étudier un être petit, insaisissable, lorsqu'on possède le même être bien développé et sous de grandes dimensions ? C’eût élé se créer des difficultés à plaisir. L’embryogénie, c’est-à-dire l’étude des ger- mes, élait donc délaissée. Les faits tératologiques étaient de nature à éveiller des doutes sur la valeur du système de la préexistence. Comment, en effet, admettre la préformation de germes monstrueux! Déjà, dans le cours du xvirr° siècle, lorsque l’embryogénie s’efforçait de pren- dre une direction nouvelle, la tératologie avait contribué puis- samment à ébranler l'antique croyance ; au x1ix° siècle, elle ser- vit à en démontrer la fausseté par des preuves directes et incontestables. Ce résultat fut irrévocablement acquis le jour où l'expérience eut établi la possibilité de rendre anomaux à volonté des êtres primitivement réguliers. N’eût-elle conduit à d’autres résultats que de faire tomber les barrières qui s’opposaient au développement de l’embryogénie, la tératologie eût assurément contribué beaucoup à son avan- cement; mais son influence ne s’est pas bornée à ce rôle en quelque sorte négatif, et par l’autorité de ses propres faits elle a concouru aussi d'une manière active à édifier la théorie de l’épigénèse. 202 MÉMOIRES ORIGINAUX. Comme preuve de cette vérité, je me bornerai à rappeler ici la découverte du grand principe du développement centripète. Serres rapporte dans ses Lois de l’ostéogénie qu'ayant été appelé en 1817 auprès d’un enfant nouveau-né dont le cœur faisait saillie à tra= versles deux moitiés largement séparées du sternum, il comprit presque instantanément, à la vue de cette anomalie, l'insuffisance des anciennes théories, et l’idée du développement centripète apparut immédiatement à son esprit. — La tératologie, dit Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, n’est dans son ensemble qu'un immense corollaire de la loi du développement centripète, qu’elle ne com- firme pas seulement, mais dont elle offre une démonstration pres- que aussi complète, et plus facile peut-être que l'observation embryogénique. Si la tératologie a rendu de réels services à l’embryogénie, celle- ci, du reste, s’est acquittée de sa dette avec usure. Les lois qui régissent le développement des êtres normaux étant aussi celles qui président au développement des êtres anomaux, on peut dire, sans crainte d'erreur, que tout pas fait en avant dans l’em- bryogénie a été un progrès pour la tératologie. Combien de monstruosités ne sont pour ainsi dire que la fixation d’un état embryonnaire devenu permanent! Toutes ces anomalies se sont trouvées expliquées par l'examen seul de l'embryon. GÉONÉMIE, ÉTHOLOGIE ET PHYSIOLOGIE. La géographie zoologique (géonémie) et la physiologie, bien que formant deux branches de la science en apparence très-éloi- gnées, ont cependant entreelles les rapports les plus intimes. L’ac- tion des climats, celle des milieux sur les espèces animales, con- stituant de véritables expériences effectuées sur une immense échelle, agissant à tous les degrés et se continuant pendant une durée indéfinie, il en résulte que le zoologiste peut saisir, dans les effets de ces causes générales, certaines corrélations que de simples recherches de laboratoire n’eussent pu meltre en évi- dence. ZOOLOGIE ET SES DIVISIONS. 203 On sait quelle est l'influence du climat sur la couleur des tégu- ments, sur le plus ou moins d'épaisseur du pelage des animaux. Dans les régions polaires, sur les hautes montagnes, certaines espèces (Renard, Lièvre, Tétras, etc.) changent de robe l'hiver, et prennent une couleur blanche qu'elles n'avaient point pen- dant la saison d'été. On sait, d'autre part, quel luxe de couleurs, quel éclat le ciel des tropiques communique au vêtement des Oiseaux et des Insectes. Dans les contrées granitiques, où le calcaire est très-peu abon- dant, on a remarqué que les Hélices et autres Mollusques pos- sèdent en général des coquilles d’une minceur extrême. — Les coquilles arctiques ont pour la plupart un épiderme verdâtre épais. Les eaux de certaines rivières ont la propriété de communiquer à la chair et aux œufs de divers Salmones une coloration rou- geâtre qui ne se manifeste point dans d’autres eaux. Des sources d’eau chaude, d’une température tellement élevée qu’on eût pu les croire inhabitables pour des êtres vivants, ren- ferment des animaux qui y ont établi leur séjour d’une façon permanente. Certaines cavernes contiennent toute une population d’ani- maux aveugles (Poissons, Insectes, Crustacés, etc.). Des sondages récents ont extrait du fond des mers, à plus de 1,000 mètres de profondeur, des Crustacés dépourvus des organes de la vision, et d’autres ayant ces mêmes organes parfaitement développés. D’autres sondages ont révélé à des profondeurs plus grandes encore, c'est-à-dire au sein d’une obscurité absolue, sous des pres- sions gigantesques et dans des conditions que l’on croyait incom- patibles avec la vie, l'existence d’êtres vivants. Un certain nombre de Poissons émigrent alternativement de la mer dans leseaux douces, et des eaux douces dans le mer, révé- lant ainsi des aptituces physiologiques et un degré de flexibilité organique tout particulier. Combien d’Insectes vivent et se nourrissent de plantes qui seraient un poison violent pour d’autres animaux ! 204 MÉMOIRES ORIGINAUX. L'étude des mœurs des Abeilles a conduit à faire cette remar- que, que le genre de nourriture donné aux larves par les ou- vrières suffit pour amener le développement ou l’atrophie des organes reproducteurs. Citerai-je enfin les migrations des Vers, leurs métamorphoses dans des milieux différents, les dégradations si remarquables de l'organisme par le fait du parasitisme ! Tous ces exemples, que je pourrais multiplier en nombre indé- fini, suffisent amplement pour démontrer l’étroite union de la géonémie et de l’éthologie avec la physiologie. En cultivant ces sciences, en apparence étrangères à son domaine, le physiolo- giste y découvrira une multitude d’harmonies physiologiques que l'expérimentation seule eût été impuissante à démontrer, qu’elle n’eût même pas songé à rechercher. CONCLUSION. Dans l'étude que nous venons de faire de la Zoologie et de ses divisions, j'ai appelé votre attention sur les rapports que ces divisions, soit d’ordre primaire, soit d'ordre secondaire, ont entre elles. Ces relations, extrèmement complexes, n'ont pu être toutes examinées. Combien même n’ont pu être indiquées! En effet, outre les rapports directs que j'ai signalés, ilexiste des rap- portsindirects qui, pour être moins apparents, n’en sontpas moins réels, ni moins importants. Telle branche de la zoologie, par exem- ple, paraît être sans lien avectelle autre dont elle relève cependant par l'intermédiaire d’une troisième branche qui leur sert de trait d'union. Ainsi, de prime abord, la physiologie paraît être sans liai- son avec la zootaxie, et pourtant cette liaison existe. Il suffit, pour le comprendre, de se rappeler que la physiologie offre des rapports intimes avec la géographie zoologique ; or, les progrès de cette branche de la science étant étroitement liés à ceux de la zootaxie, 1l en résulte que la physiologie dépend indirectement de la zootaxie. On pourrait démontrer de même que la pathologie dépend indi- rectement de l'anatomie par l’intermédiaire de la physiologie; ZOOLOGIE ET SES DIVISIONS. 205 que la tératologie offre des rapports indirects avec la paléon- tologie par l'intermédiaire de l’embryogénie et de l’anatomie comparée. — Mais mon but n'est point et ne saurait être de vous faire connaître à fond tous les liens, toutes les affinités proches ou lointaines qui existent entre les différentes sections de la zoologie. Ce que je tenais à établir, c'est que ces affinités existent ; un dernier mot suffira pour vous faire saisir toute l'importance de cette vérité acquise. Considérée dans son ensemble, la science zoologique constitue un vaste système de connaissances dont toutes les parties, bien que distinctes entre elles, participent néanmoins à une sorte de vie commune. Sans jouir d’une dignité égale peut-être, toutes ces parlies, du moins, ont des droits égaux à une étude sérieuse, et le zoologiste vraiment digne de ce nom ne saurait rester étranger à aucune d'elles. C'est en puisant dans chacune ses moyens d’action, pour les faire converger ensuite vers un but déterminé, que l’investiga- teur obtiendra dans la recherche toule sa puissance et toute sa fécondité. x D'autre part, tout homme est forcément limité dans ses con- naissances, et s'il importe pour le zoologiste de posséder des notions sur chacune des branches de sa science, il ne saurait les cultiver toutes au même degré. Il faut donc, de toute néces- sité, s'il ne veut point éparpiller ses forces, qu'il s’enquière tout d'abord de la manière dont ces différentes branches se trouvent associées, quelles sont celles dont les rapports sont plus intimes, celles, au contraire, qui n’ont entre elles que des rela- tions lointaines. Il lui faut, en un mot, ordonner ses connaissances suivant leur degré de plus grande affinité, de manière à pouvoir en tirer le meilleur parti possible dans un cas déterminé. C’est à préparer dans vos esprits ce travail de coordination et de synthèse que j'ai voulu consacrer cette première lecon. 206 MÉMOIRES ORIGINAUX. DESCRIPTION DE LA Série complète des Métamorphoses que subissent, durant la période embryonnaire, les ANATIFES désignés sous le nom de SGALPEL OBLIQUE ou de SCALPEL VULGAIRE, (Suite 1.) Par M. HESSE. @ IV. DESCRIPTION DU SCALPEL OBLIQUE OU VULGAIRE A L'ÉTAT ADULTE”. Il résulte, de ce qui précède, que pour arriver à l’état adulte les embryons du Scalpel oblique subissent sept métamorphoses qui s’accomplissent dans des intervalles plus ou moins rappro- chés, dont je ne saurais préciser la durée, mais qui ne doivent probablement pas, lorsque les circonstances sont favorables, excé- der trois à quatre mois, temps qui est aussi à peu près celui dans lequel ces métamorphoses se sont accomplies chez les indi- vidus qu'il m’a été permis d'étudier. Cependant, comme je n’ai pu faire mes observalions que sur des sujets tenus en captivité, conséquemment placés dans les conditions les moins favorables, il me serait impossible d'affirmer rien de positif à cet égard. Relativement à l’adulte, qui très-probablement a été décrit mieux que je ne saurais le faire, je n’aurai, il est à craindre, que peu de choses nouvelles à en dire; mais, comme le but principal de mon Mémoire est surtout de faire connaître les métamorphoses qu'il subit durant l’état embryonnaire, j'y atla- che moins d'importance. Parvenu à l’état adulte, le corps du Sca/pel oblique affecte une forme frapézoïide ; il émet, pour s'attacher au corps solide sur { Voir le numéro du 15 juin 1874. 2 Planche II, fig. 9. MÉTAMORPHOSES DU SCALPEL OBLIQUE. 207 lequel il veut se fixer, un pédicule qui est généralement assez court, et qui est, sous ce rapport, bien loin d'atteindre les di- mensions qu'il a chez diverses autres espèces. Il ne présente pas à sa base, comme on le voit ordinairement chez celles-ci, un épatement calcaire ; il se termine au contraire en pointe, ce qui lui permet de saisir avec plus de facilité la tige des plantes marines sur lesquelles il se fixe habituellement. Ce pédi- cule est assez gros; il est cylindrique, tendineux, flexible et mobile, peu contractile, quoique annelé , et chaque anneau est bordé de squames cornées dont les découpures sont tournées du côté de la partie inférieure du corps. Enfin, comme tout le reste du corps, il est pubescent et parsemé de petites touffes de poils fins, courts et roux. Les annelures du pédicule varient de seize à vingt; la peau qui le recouvre est parcheminée et très-solide, et fait suite aux valves du manteau dans lequel est renfermé le corps. Ces valves sont recouvertes aussi, comme le pédicule, d’une peau parcheminée dans laquelle se trouventincrustées, de chaque côté, six paires de plaques calcaires, de grandeur inégale, dont les deux terminales sont pointues et ont probablement, à raison de leur forme acuminée, contribué à faire donner le nom de Scalpel au Cirrhipède chez lequel on les rencontre. Outre ces plaques latérales, il y en a une plus étroite et plus longue, creuse, en forme de gouttière, qui est impaire ; elle recouvre le bord dorsal el lui sert en quelque sorte de charnière. | Les valves sont contractiles, c’est-à-dire qu'elles exécutent un mouvement analogve à celui des coquilles bivalves, qui s'ouvrent ou se ferment suivant les impulsions qu’elles reçoivent. Elles acquiérent, grâce à la peau parcheminée dont elles sont recou- vertes et aux plaques calcaires qui les consolident, une certaine rigidité qui leur permet au besoin de se clore hermétiquement en appliquant l’un contre l’autre les deux bords de leurs valves. Ce mouvement de contraction s'exécute à l’aide d’un muscle très-solide qui se trouve placé à la partie inférieure de l’ouver- ture du manteau, et aussi d’une membrane qui en tapisse tout 208 MÉMOIRES ORIGINAUX. l'intérieur. L’écartement des valves a lieu à l’aide des mêmes moyens, mais agissant en sens inverse. Il est difficile de constater, tant la jonction est complète, le point où finit le pédicule et où commence la tête. Cependant, comme la bouche fait toujours partie de celle-ci, il est à présu- mer que le corps doit commencer un peu au-dessus de cet organe. Effectivement, si l’on examine, à partir de ce point, la partie renfermée entre les valves du manteau, on voit qu'elle est recou- verte d’une enveloppe particulière, ressemblant à celle des Crustacés. Outre les fonctions qu'il remplit comme pédicule, il sert en- core de lieu de dépôt aux œufs qui sont en voie de formation et qui montent successivement dans les cavités du manteau pour y être fécondés et y subir l’incubation. La bouche forme une sorte de tuberculesaillant, qui est placé au-dessous du corps, un peu eu avant des bras tentaculaires. Elle se compose d’une lèvre supérieure qui est infundibuliforme et qui sert de vestibule pour recevoir les objets qui ont été saisis par les bras tentaculaires, et qui y sont déposés pour être triturés par les mâchoires et entraînés dans l’œsophage. De chaque côté, on voit des mâchoires placées obliquement et qui se superposent ; elles sont denticulées, en forme de dents de scie, ou bordées de pointes aiguës, ou couvertes de poils". La partie du thorax à laquelle est attachée la bouche est beaucoup plus grande que celles qui la suivent; elle en est séparée par un étranglement très-prononcé, et sa forme, qui est arrondie, lui donne la facilité, comme si elle était pourvue d’une articulation, de se mouvoir dans tous les sens, de se porter en avant ou en arrière, de manière à lui fournir le moyen de sortir et de rentrer aisément dans l’intérieur des valves du manteau et de procurer aux bras tentaculaires la facilité de s'ouvrir et de se fermer pour saisir les objets et les porter à la bouche”. 1 Planche II, fig. 18 et 19, 2 Jbid., fig. 12. MÉTAMORPHOSES DU SCALPEL OBLIQUE. 209 Les autres anneaux du thorax sont beaucoup moins larges que le premier, et vont en diminuant de diamètre jusqu’à la base de l’abdomen. En examinant la surface dorsale, on voit qu’elle est divisée, comme dans les autres Crustacés, en plusieurs anneaux s’im- briquant les uns dans les autres, de maniere à favoriser le mouvement des pattes tentaculaires qui correspondent à chaque segment. On aperçoit aussi à leur base les branchies, qui dans cette espèce sont extrêmement petites et difficiles à voir. De chaque côté du thorax, se trouvent cinq paires de pattes ou de bras tentaculaires, portant autant de pédicules non arti- culés, mais qui émettent chacun deux tiges qui le sont, et qui en outre sont ciliées. Gelles qui se trouvent fixées au premier arti- cle du thorax et qui touchent l’orifice buccal sont différentes des autres en ce que la tige supér:eure, qui est cylindrique, con- lient sept articulations qui sont plus courtes et beaucoup plus couvertes de cils, tandis que la tige inférieure, large et plate, n’en présente que six. Tous les bras tentaculaires sont plus ou moins couverts de poils . ou de cils rigides, droits ou crochus, mais ils sont tous articulés * à la base, comme le sont aussi les épines des Échinodermes, de manière à ce qu'ils puissent se mouvoir en tout sens, se coucher ou se redresser, sans craindre de se froisser ou de se carrer lorsque les bras tentaculaires rentrent ou sortent d’entre les valves du manteau. Par suite d’une exception qui paraît spéciale à cette espèce, les deux paires de pattes qui avoisinent la bouche ne sont pas relevées en crochet à leur extrémité et dirigées, comme les autres pattes, dans la direction de la bouche, qui se trouve placée en dessous ; elles sont droites et sans aucune inflexion. L’abdomen * est dans des proportions très-restreintes par rap- EP IEEE IREEENEDREEENNREE 1 Planche IL, fig. 11. EU ITE 210 MÉMOIRES ORIGINAUX: port aux autres parties du corps. Il se termine carrément et donne attache, non loin de son bord inférieur et à la base de la dernière paire des bras tentaculaires, à deux petites pattes anlenniformes composées d’un premier article basilaire trés-large relativement, et d’un deuxième article plus étroit et plus long, légèrement relevé à son extrémité et garni de quelques poils. A la suite de l’abdomen, on aperçoit une expansion charnue proboscidiforme', annelée, velue, canaliculée, très-extensible et trés-contractile. Elle est large au milieu et étroite à sa base et à son extrémité. Elle est formée de deux parties, dont la premiére, qui est à la base et sert de pédicule, n’est pas, comme l’autre par- tie, divisée en nombreux anneaux, mais au contraire d’une seule pièce. Son bord inférieur est évasé et engainant, et est destiné, dans ses mouvements de contraction, à recevoir et loger la base de ce pédicule. Gelui-ci, outre les raies transversales et annu- laires qui le divisent transversalement, est traversé longitudinale- ment par d’autres raies parallèles qui vont d’un bout à l’autre de son étendue. On aperçoit aussi, par transparence, dans son axe, un canal assez étroit, terminé à son extrémité inférieure par un orifice qui est celui de l'anus. À l’état de repos, on voit facilement ses nombreux anneaux; mais, lorsqu'il est tendu et développé, ils disparaissent et ne for- ment plus que des nodosités peu apparentes. Sa longueur, dans sa plus grande extension, n’atteint pas celle des bras tentaculaires, dont il ne suit pas du reste les évolutions. Il est légèrement velu et n’est recouvert que d’une peau trés- mince, et conséquemment, lors de la mue des parties du corps qui l'avoisinent, iln’a pas, comme elles, à se dépouiller de son enve- loppe. Passant à l’examen des organes internes, j'ai constaté que l'estomac est très-développé, et qu’il est situé au-dessous de la Re as | Le 1 Planche II, fig. 13, 4 et 15. j MÉTAMORPHOSES DU SCALPEL OBLIQUE. 211 bouche, à peu de distance de son orifice. Il est oblong et mem- braneux, et n’offre rien de particulier. L’intestin est long et assez gros; il occupe la partie médiane du corps, dont il parcourt toute l’étendue. Son orifice inférieur vient aboatir à l'extrémité de l’expansion proboscidiforme dont j'ai parlé plus haut. Les organes mâles de la génération se manifestent par la pré- sence de deux testicules qui sont placés de chaque côté de l’ap- pareil digestif. Ils se composent de deux tubes très-longs, atté- nués à leur extrémité, qui se réunissent entre eux à la base du prolongement du tube abdominal. L'appareil cardiaque est représenté par un long tube qui paraît suivre parallèlement presque tout le trajet parcouru par le tube intestinal. Les branchies sont formées d’une expansion charnue, plate : elles sont, comme je l'ai dit, très-petites et difficiles à aper- cevoir. Coloration. — Le Scalpel oblique parvenu à l’état adulte est d’une couleur blanche tirant plus ou moins sur le jaune. Les jeunes sont moins colorés que les vieux. Les plaques calcaires, qui sont incrustées dans la peau du manteau, sont teintées de rouge brun clair; enfin on remarque, au milieu du pédicule, une légère teinte rosée. Les pattes tentaculaires sont blanches et rose clair. Tout le corps est couvert de villosités formées par des poils courts, fins et de couleur rousse. À la sortie de l’œuf et à la première période de transforma- tion, les embryons sont transparents et ont une couleur légère- ment bleuâtre avec quatre points jaunes, dont deux placés de chaque côté, en haut et en bas. A la deuxième période, cette coloration est exactement la même que dans l’état précédent. À la troisième, elle est encore la même; cependant on voit, 212 MÉMOIRES ORIGINAUX. autour des découpures de la rosace centrale, une couleur d’un jaune foncé qui est aussi celle d’un tube partant du milieu de la partie supérieure de celle-ci et remontant jusqu'à l’œil médian. Il ya de plus, de chaque côté et près du bord frontal, deux larges taches rondes qui sont également de couleur jaune. À la quatrième période, la carapace, conchylioïde, est d’un jaune pâle avec deux taches latérales de couleur orangée; l’em- bryon est revêtu des mêmes couleurs, et la tache orangée est placée latéralement sur le milieu du thorax; l’œil est rouge. Dans les autres phases, les embryons sont d’un jaune pâle et les plaques calcaires sont rougeûtres. Habitat, — Commun sur les tiges d’un Polypier désigné scien- tifiquement sous le nom d’Antenaria indivisa de Blainville, ou sur le Tubularia tricoides, qui végètent sur le Pecten maximus, valgairement appelé Coquille de Saint-Jacques. (La suite au prochain numéro.) 213 SUR LE Bourgeonnement du PEROPHORA LISTERI Wiegm. Par le Professeur KOWALEVSKY , Traduit du Russe par le Professeur Alfred GIARD, de la Faculté des Sciences de Lille. Le Perophora appartient, comme on sait, au groupe des Asci- dies sociales, c'est-à-dire des Ascidies réunies entre elles par des rejets, mais non enfermées dans une membrane commune. Le Perophora fut découvert par Lister‘ dans la mer du Nord, et décrit avec des détails suffisamment exacts et nombreux ; loutefois Lister n’'arrêta pas assez son attention sur le bourgeonnement de cette intéressante Ascidie, et nous nous proposons, par le présent travail, de compléter cette lacune. Nous avons récemment trouvé le Perophora à Trieste, où il existe en assez grande quantité sur les cormus des Bryozoaires, sur les coquilles de Mytilus, et même sur le manteau des autres Tuniciers. À part cette localité, je l'ai rencontré aussi une fois à Naples, mais alors je n’en vis que deux individus isolés que je recueillis avec le filet de Müller. Cette capture prouve que le Perophora se rencontre dans la Méditerranée, mais, chose inté- ressante à noter, d’une façon tout à fait accidentelle ; il se prend au contraire fréquemment à Trieste, dans une eau beaucoup plus froide que la Méditerranée. Il est remarquable aussi que la Lucer- naria, qui habite la mer du Nord, se retrouve, comme le Pero- phora, à Trieste, tandis qu’elle n’a pas encore été découverte dans les autres parties de la Méditerranée. | Le Perophora se multiplie de deux façons : par oviparité et par .. gemmiparité. Dans le premier cas, on sait qu’il sort de l’œuf une ! Philosophical Transactions, 1834; et Wiegmann's Archiv. f. Naturgeschichte, pag. 399. 1835. NT, 48 21% MÉMOIRES ORIGINAUX. larve pisciforme agile, qui ne tarde pas à se fixer sur les objets qui lui conviennent, pour s y lransformer en un êlre sédentaire. Elle lance alors autour d'elle quantité de racines ou stolons sur lesquels se développent de nouvelles personnes réunies par ces liens mêmes à leur progéniture née d'un œuf. Quant au second mode de reproduction, c'est-à-dire la reproduction par bour- geons, nous y reviendrons après avoir préalablement donné une description exacte des stolons. — L'arrangement des stolons est fort variable et dépend entièrement des corps sur lesquels est placée la colonie. Si elle repose sur la tunique d’une Ascidie, sur une coquille de Wytilus, en un mot sur une surface plane, les racines donnent naissance à un réseau régulier, sur les mailles duquel sont placées les personnes de Perophora. Si, au contraire, le cormus est placé sur une tige mince, sur un rameau de Bryo- zoaire ou de Polype hydraire, d’un Tabularia par exemple, alors la colonie entoure ces objets de ses racines traçantes, et sur les différentes parties de ces racines circulaires se trouvent les per- sonnes isolées, les plus jeunes occupant toujours l'extrémité des stolons. Les stolons du Perophora représentent des prolongements du tégument propre de l'animal et de la tunique. Ils ont la forme d'un rameau un peu aplati et partagé dans le milieu par une cloi- son très-mince (fig. 1, f), qui va de l'individu isolé presque jusqu’à l'extrémité du stolon, mais s'arrête toujours à une dis- tance plus ou moins grande de cette extrémité (fig. 1). Grâce au passage ainsi ménagé entre le cul-de-sac stolonial et la cloison intérieure, les deux moitiés latérales du tube communiquent entre elles. Pour ce qui est de la structure plus intime de ces stolons, elle ne présente rien de bien caractéristique , et ne diffère pas de celle du manteau externe : elle consiste en une masse gélatineuse dans laquelle sont disséminés des noyaux, comme chez les personnes adultes. — La paroi extérieure du corps est formée, dans toute la longueur des racines, d'une couche de cellules épithéliales très-aplaties (fig. 2); c'est seulement aux ex- BOURGHONNEMENT DU, PEROPHORA. 215 trémités des stolons, c’est-à-dire dans les points d’accroissement, que ces cellules deviennent de plus en plus allongées-cylindriques (fig. 1), et présentent un contour extérieur, chaque cylindre ayant une hauteur plus considérable. La cloison stoloniale s’é- tend de haut en bas des racines et est constituée dans toute son étendue par deux lames très-fines fortement appliquées l’une contre l’autre. Dans chaque lame on peut distinguer des noyaux assez éloignés les uns des autres et séparés par une matière par- faitement homogène. On n'y trouve pas en général des cellules régulièrement distinctes; c’est done un tissu de la nature de ceux qu'on appelle aujourd'hui des endotheliums". La cloison inté- rieure nait de celte portion du sac branchial du Perophora qui se trouve entre la partie inférieure de l’endostyle et la boucle ou l'ouverture du pharynx ; c’est simplement une saillie consi- dérablement aplatie du sac branchial ou, d’une manière plus généraie, du tube digestif. Ainsi, les stolons du Perophora ne sont que des prolongements du manteau et du canal digestif. Par con- séquent, rien que d’après leur origine, on voit qu'ils renferment en substance les éléments indispensables ou les deux feuillets germinatifs d'où pourront naître de nouveaux individus. Il reste seulement à ajouter que la cloison intérieure, à mesure qu’elle s'éloigne du sac branchial, adhère solidement, en haut et en bas, à la paroi du stolon naissant, et que les deux divisions du stolon communiquent avec les deux extrémités du cœur; par suite, si les contractions du cœur ont lieu de droite à gau- che, le courant est centripète dans la moitié droite du stolon, ! La cloison n’est pas, comme on pourrait le croire d'après la description de Kowalevsky, terminée exactement aux points où elle adhère au stolon; en d'autres termes, ce n'est pis simplement une seule lamelle, mas bien plutôt, comme je l'ai dit ailleurs, une continuation de la couche interne du stolon. Cette couche interne n'est elle-même que le prolongement de la couche interne du manteau, c’est-à-dire de la {unique interne de certains auteurs ({roisième tunique de Milne Edwards). Cela est si vrai, que cette cloison n'existe pas d'une façon constante chez tous les Perophora ; elle manque, d'après Mac Donald, chez le Perophora Hutchinson. Même chez le Perophora Listeri, la cloison est interrompue en cerlains points, notamment à la bifurcation des stolons. (Note du Traducteur.) 216 MÉMOIRES ORIGINAUX. c’est-à-dire qu'il va de celui-ci vers le cœur. — À gauche, au contraire, le courant est centrifuge, c'est-à-dire dirigé du cœur vers la périphérie. — Par suite des changements de direction dans les battements du cœur, le courant sanguin change aussi dans les stolons et se trouve renversé; en un mot, il obéit tou- jours à la direction des contractions cardiaques. Je regrette vive- ment de n'avoir pas suivi avec assez d'attention les changements de direction dans des individus situés loin les uns des autres sur une même colonie, dans le but de savoir s'il y a corrélation entre les battements des cœurs des différentes personnes; il me semble d’ailleurs me souvenir que sur une suite de personnes adultes, situées sur un même stolon, j'ai constaniment vu les cœurs battre tous dans un même sens, et les changements de direction se produire presque simultanément". L'espace compris entre la cloison et la paroi des stolons est ordinairement rempli par une quantité plus ou moins grande de globules sanguins (fig. 2), d'ordinaire jégèrement teintés de verdâtre par des granulations graisseuses. La quantité des glo- bules du sang varie beaucoup dans les différents points. Il arrive parfois que les stolons sont tellement remplis, qu'ils deviennent opaques et qu’on ne peut plus faire aucune observation sur les transformations de la cloison et la production des blastozoïtes. De forts amas de globules se remarquent surtout dans les points où un grand nombre d'individus sont situés sur une étendue peu considérable de stolon, et végèlent entassés étroitement les uns contre les autres. Après avoir rappelé que les stolons se développent dans des directions très-variées, nous allons maintenant parler de la for- mation des nouveaux rameaux. 1 Nous avons observé que cette simultanéité n'existe pas, et nous avons indiqué par quel mécanisme ja circulation du sang a lieu d’une façon régulière, malgré l'absence de coordination entre les battements du cœur des différents individus (Voir Recherches sur les Synascidies). Malheureusement la figure qui représente le cœur et son vaisseau latéral a été renversée et mal orientée par rapport au sillon ventral. Mais c'est là une erreur que la moindre attention de la part du lecteur permet de rectifier immédiatement. (Note du Traducteur.) BOURGEONNEMENT DU PEROPHORA. 217 La première chose que l’on remarque dans la formation des nouvelles branches stoloniales, c’est une petite saillie de la paroi extérieure du stolon, el en même temps un allongement peu con- sidérable des cellules épithéliales situées en ce point (fig. 1, a). Puis cette légèresaillie de la paroi extérieure devient plus marquée, plus proéminente, et il se produit une fente ou, pour parler plus exactement, les parois de la cloison commencent à s’écarter l’une de l’autre, et enfin la partie de la cloison qui se trouve du côté du renflement tégumentaire commence à s'élever en forme de colline; ce soulèvement est d’abord à peine notable, mais bientôt la saillie de la cloison devient parallèle à celle du tégument ex- terne (/ig. 1, b). Le renflement externe continuant à s’accroître, la saïllie de la cloison s’accroit aussi, se dirige vers l'extrémité périphérique arrondie du nouveau stolon, et là se prolonge en une fine cloison identique à celle que nous avons trouvée dans une racine complétement développée (fig. 1, c); seule, la partie inférieure {c’, d’) reste dédoublée et forme une ‘vaste cavité à contour triangulaire. Plus les nouvelles branches prennent de développement, plus cette cavité se rétrécit par la séparation de la cloison d'avec le vieux stolon. Nous n'avons pu suivre com- plétement ce processus, mais la cloison se divise en somme comme s’il y avait simplement bifurcation du rameau primitif". Avant de quitter définitivement la description de la formation des stolons, nous devons dire encore que les deux moitiés de ces organes ont entre elles une autre communication que celle que nous avons décrite à l'extrémité des rameaux. Aux points d’origine des principales branches secondaires, il existe fréquemment une petite fente ou ouverture par laquelle les globules sanguins d’une moitié peuvent passer dans l’autre ; mais ce passage doit être considéré comme tout à fait accessoire, et ce n’est pas le chemin que prennent le plus grand nombre des globules. Souvent encore, ! Les choses ne me paraissent pas se passer de la façon indiquée ci-dessus. Je n'ai pas observé les espaces triangulaires signalés par Kowalevsky, et la cloison me paraît se former d'une facon indépendante dans chaque nouveau rameau stolonial. (Note du Traducteur.) 218 MÉMOIRES ORIGINAUX. on peut réussir à voir des globules sanguins hors de la cavité des stolons, contre les parois du corps dans le manteau extérieur ; ces globules ont perdu en partie leurs granulations graisseuses et se sont transformés en cellules voyageuses, puis ont formé les cellules du manteau. Je n’ai pas observé le passage direct de ces cellules amcæboïdes à travers les parois des stolons, mais j'ai vu maintes fois des globules sanguins situés immédiatement sur le tégument, d’autres plus profondément enfoncés dans la paroi de la tunique, d’autres enfin qui étaient déjà parvenus dans des points beaucoup plus éloignés. En parlant de la division des stolons, nous avons fait voir que dans ce processus la partie active est le tégument ou paroi ex- terne du corps: la cloison n’entre en jeu que secondairement, ét son rôle est purement passif. Les rôles de ces deux membranes sont enticrement renversés. Dans la formation des bourgeons, la production de nouvelles personnes se fait surtout par les parois et les cellules de la cloison ; le tégument externe ne s’étend que sous la pression du bourgeon intérieur formé par ces éléments. Au début, la formation du bourgeon se manifeste par une sorte d’épaississement d’une étendue assez grande de la paroi de la cloison (fig. 1, 1; fig. 2). C’est d’abord une suite de noyaux en- tourés d’une masse considérable de protoplasma, puis on voit des cellules à contours bien limités, et enfin une saillie de plus en plus évidente et un épaississement des parois de la cloison qui présentent un double contour très-nettement défini (fig. 2). Un côté de cette cloison forme une saillie assez considérable, tandis que l’autre paroi, bien que formée également des cellules hyper- trophiées, conserve toujours son ancienne direction. Au commen- cement aussi, celle saillie encore très-légère d’une paroi de la cloison (fig. 1, Il) ne modifie pas la forme extérieure du stolon ; mais, à mesure que la saillie commence à former un vrai bour- geon, la paroi extérieure se soulève également et forme une colline peuélevée d’abord, mais qui ne tarde pas à se dessiner de mieux en mieux (fig. 1, II et IV). À mesure que le bourgeon intérieurse différencie, le tégument extérieur,repoussé, s'arrondit BOURGEONNEMENT DU PEROPHORA. 219 peu à peu, de sorte qu’au point où le jeune Pérophore se sépare du stolon il n’est plus en connexion avec ce dernier que par un pédoncule plus ou moins allongé. Presque tous les organes du Perophora se forment aux dépens du bourgeon interne : la paroi extérieure forme seulementle tégu- ment du jeune individu. À mesure que le bourgeon s'écarte de la cloison stoloniale, il devient de plus en plus oblong, et dans le premier état de différenciation il consiste en une simple vésicule renfermant les rudiments des différents organes. On remarque d’abord sur la vésicule intérieure (que nous appelons aussi vési- cule primitive), sur sa face regardée comme antérieure, c'est-à- dire äu côté opposé au point de fixation sur le stolon, on remar- que, dis-je, à la parlie supérieure de la vésicule la formation de deux sillons latéraux dirigés vers le centre de cette vésicule, et en même lemps on voit se produire une saillie très-légère sur la portion inférieure ; en observant cette vésicule latéralement (fig. 4), nous voyons d’une façon plus nette et les sillons anté- rieurs et la saillie de l'extrémité inférieure. Outre ces formations rudimentaires nous voyons, de plus, ap- pliquée immédiatement contre la vésicule, une lame cellulaire d'une forme élargie en arrière et très-aiguë en avant. Les cellules de cette lame, par leur aspect extérieur, la grandeur des noyaux qu'elles renferment et la transparence de leur contenu, présen- tent de grands rapports avec les cellules épithéliales de la vésicule et différent considérablement des globules sanguins qui entou- rent la vésicule et s'arrêtent çà et là dans leurs mouvements. Entre les cellules de cette lame et la paroi de la vésicule, on ne peut à ce stade distinguer la moindre lumière, et les deux mern- branes sont encore solidement réunies l’une à l’autre. Au stade suivant, les changements déjà indiqués dans la vé- sicule intérieure vont beaucoup plus loin dans la même direc- tion, c'est-à-dire que les sillons ou les plis partageant la vési- cule à sa partie antérieure deviennent plus profonds (fig. 5), en même temps que la saillie 4 de l'extrémité inférieure com- ménce à prendre quelque importance. À l'extrémité inférieure 220 MÉMOIRES ORIGINAUX. droite de la vésicule primitive, on remarque maintenant un corps oblong, fermé de toutes parts et présentant une fente étroite à son milieu. En étudiant ce stade latéralement, nous observons déjà des différences considérables avec le précédent : d’abord le pédon- cule par lequel la vésicule communique avee la cloison s'est un peu allongé; puis on voit apparaître encore un épaississe- ment sous forme de lame étroite (e); enfin la couche cellu- laire c présente à sa partie médiane une cavité dont le contour est formé par un rebord plus épais. En observant cette cavité sur une coupe optique avec un grossissement plus considérable, on obtient la fig. 7, dans laquelle d représente la paroi de la vésicule primitive, c la couche de cellules avec ses bords repliés en dedans. Sur la fig. 5, nous voyons ce même organe et encore dans une coupe optique ; mais ici la coupe passe par le contour des bords, et l’on voit à la partie inférieure une paroi formée également d’une couche cellulaire non interrompue. En observant sur les stades suivants ce que deviennent les for- mations que nous avons vues apparaître d’abord sous forme de deux lobes latéraux de la vésicule primitive et de prolongement tubulaire inférieur (d), nous trouvons représentés, sur les fig. 8, 9 et 10, des degrés de développement où la signification de ces parties devient parfaitement nette. Les parties latérales sépa- rées de la vésicule primitive 4 se distinguent de plus en plus de la partie moyenne et se présentent sur les fig. 11 et 15 sous forme de deux cavités latérales entourées d’une membrane propre mais communiquant encore par leur partie médianeoe (fig. 11) avec la cavité de la vésicule primitive; par suite de l'accroissement ultérieur et de l’enfoncement de plus en plus considérable du pli fe (fig. 8-10), la fente ovalaire oe se ferme complétement (fig. 12), d'où il résulte qu’en ce moment la vésicule primitive est partagée en trois vésicules, l’une intérieure, les deux autres latérales, ces dernières se réunissant à la partie antérieure en un espace commun, la cavité cloacale proprement dite. En même temps, la saillie d subit aussi de grands changements ; elle BOURGEONNEMENT DU PEROPHORA. 221 s'étend en un tube assez allongé (/ig. 12) qui se replie en son milieu et vient se terminer au point a, en s’ouvrant dans la ca- vité cloacale. Au stade fig. 12 toutes les formations dont nous avons vu le début précédemment finissent par devenir très-claires : la partie moyenne de la vésicule primitive (4 s) forme maintenant ce qu’on appelle la cavité branchiale ; les cavités des replis latéraux sépa- rés de la vésicule constituent les deux chambres cloacales (XL), si- tuées sur les côtés du sac branchial ; et, de la partie moyenne, celle qui a gardé le plus longtemps ses rapports avec le sac branchial, dérive la partie médiane de la cavité eloacale, qui au stade suivant {fig. 13) s'ouvre directement à l'extérieur. La saillie située à l’ex- trémité inférieure de la vésicule primitive a donné naissance à un tube recourbé (dr), qui n’est autre que le tube digestif situé tou- jours sur un seul côté du sac branchial, et communiquant déjà par une ouverture anale avec la partie moyenne du cloaque. Enfin, il estencore uneformation que nous avons vue naître aux stades précédents, et qui atteint maintenant son complet dévelop- pement; je veux parler de la couche de cellules que nous avons laissée (/ig. 6), alors que ses borüs commençaient à se replier en dessous (/ig. 7). Sur la fig. 9, nous voyons que non-seulement il s’est formé une paroi inférieure complète, mais qu’il s’est pro- duit sur cette paroi un épaississement ou une saillie, laquelle, vue de face (fig. 8), présente la forme d’un nouveau tube uni à la paroi de la vésicule immédiatement appliquée contre la cavité bran- chiale. Au stade suivant (fig. 10), lasionification de ce tube intérieur se manifeste clairement. Il commence à se contracter au début : ce sont seulement des vibrations, tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre; et en un mot on voit que le tube intérieur n’est autre chose qu’un véritable cœur, etl’extérieur une enveloppe du cœur, un pericardium. Pour juger exactement de la façon dont ce tube intérieur se forme aux dépens de la vésicule péricardique préexis- tante, je me suis efforcé de faire des coupes à travers cette partie du corps, mais je n’aipu y réussir parfaitement, tandis que je 222 MÉMOIRES ORIGINAUX. suis arrivé à réaliser de semblables sections du cœur des Salpa au même stade de développement. Comme tout ce qu'il est possible de voir par transparence et sans dissection se passe exactement dela même manière chez Îles Salpa et chez les Pérophores, c’est qu'il y a aussi chezles Salpa, d'abord formation d’un tube péricardique, puis développement “d’un cœur sur la paroi du péricarde appliquée contre la cavité branchiale, puis enfin commencement des contractions cardia= ques. Je pense que par l'examen d’une coupe du cœur des Salpa pendant sa formation, nous pouvons, par induction, nous rensei- gner sur le même processus chez le Perophora. Chez les Salpes, le cœur est formé par le creusement ou le dédoublement d’une saillie de la paroi inférieure du pericardium. C'est seulement sous l'excitation des globules sanguins que le cœur commence à se con- tracter et à battre alternativement dans un sens, puis dans l’autre, suivant la direction des contractions; il en résultequele mouvement du sang chez les jeunes individus ne s’interrompt jamais et pro- vient, comme dans les espaces stoloniaux, de l'impulsion donnée par le cœur des personnes adultes du voisinage. Le cœur, en tout cas, est, parmi les organes de l'embryon, celui qui fonctionne lepre- mier d’une manière indépendante; c'est même le seul qui existe jusqu’à la formation des ouvertures extérieures de la bouche et du cloaque. Avant d'aller plus loin dans la description du développement ultérieur des autres organes, nous devons indiquer que le tube digestif s'applique immédiatement contre la paroi du sac bran- chial, et qu'à moitié supérieure il se cache dans la plus grande partie de sa longueur sous les membranes de l’espace cloacal latéral et de la cavité branchiale ; en un mot, qu'ilglisse entre la paroi de la cavité cloacale et celle de la chambre respiratoire. Pendant toute cette période, la cavité du sac branchial se sépare peu à peu des membranes de la cloison du stolon et n'est plus unie avecces membranes que par un mince pédoncule (fig. 13, 14), jusqu’à ce qu'il n’existe enfin qu’une simple fente entre les denx parois de la cloison. La formation que nous avons BOURGEONNEMENT DU PEROPHORA. 293 vue déjà sur la fig. 6 (e), sous forme d’une saillie allongée de la partie postérieure de la vésicule branchiale rudimentaire, se développe peu à peu aux stades subséquents et s'approche du bord postérieur, où apparaissent deux replis situés sur les deux côtés du sac branchial. Ces deux replis, par suite du développe- ment, se dirigent l’un vers l’autre à la partie postérieure de la branchie, et y forment ce qu’on appelle l’endostyle. L’endostyl& se compose donc uniquement de deux plis latéraux, nés indé- pendamment l’un de l’autre ; le fond de cet organe est formé par la paroi du sac branchial légèrement épaissie. Quand l’espace cloacal est complétement séparé du sac bran- chial et que le canal digestif est enfin conslitué, alors seulement commence la formation des fentes branchiales, qui se montrent d'abord sous forme de quatre taches arrondies provenant de la soudure en ces quatre points de la membrane interne de l’espace claacal avec la paroi du sac branchial; puis, au centre de ces taches circulaires, on voit apparaître des ouvertures primitive- ment très-petites, mais qui ne tardent pas à s’élargir, et dont les contours sont formés de cellules cylindriques couvertes de cils vibratiles. Ces fentes sont disposées sur deux rangées : deux en haut et deux en bas ; entre les deux rangées et plus près du bord postérieur, on remarque bientôt la formation d’une rangée inter- médiaire, représentée d'abord par une tache obscure (fig. 13, a). Plus tard (/ig. 14), on reconnait nettement une nouvelle et troisième rangée, et, de plus, entre les deux fentes inférieures, on en voit apparaître une troisième intermédiaire. C’est par le même processus que le nombre des fentes branchiales s’accroiîl ultérieurement d’une facon régulière, et cet accroissement devient si considérable que les fentes n’ont bientôt plus la forme circulaire, comme sur les fig. 13 et 14, mais s’allongent en ovale à mesure qu elles se serrent fortement les unes contre les autres ; par suite, la cavité ou l’espace laissé entre la paroi du sac bran- chial et la membrane cloacale interne prend l’aspect d’un réseau dont les mailles très-rapprochées sont les fentes branchiales, Dans cette cavité réticulaire, on voit une mulititude de globules san- 224 MÉMOIRES ORIGINAUX. guins courant tantôt dans un sens, tantôt dans un autre, sous l'impulsion des battements du cœur, et indiquant par leur mou- vement le sens de la circulation. De la description donnée ci-dessus, il ressort donc clairement que la paroi de la vésicule branchiale complétement développée se compose de deux membranes, dont l’une est la membrane Propre de la vésicule branchiale primitive, et l’autre la paroi interne du sac cloacal ; ensuite, que ce que l’on nomme les vais- seaux du sac branchial, c’est-à-dire l’espace délimitant les fentes branchiales, n’est autre chose que la cavité des corps constituée par deux membranes rapprochées et unies entre elles, de facon à former un réseau d'ouvertures : la membrane de la cavité bran- chiale et celle de la cavité cloacale. Que si l’on demande à quoi correspond morphologiquement l’espace compris entre la vési- cule primitive et la paroi du tégument externe qui l'entoure, il est hors de doute que cet espace représente la cavité du corps du Pérophore adulte, puisqu'il est en continuation immédiate avec cette cavité. Comparons maintenant le bourgeon du Pérophore à l'embryon né d’un œuf chez lesautres Ascidies. Ici encore nous trouvons primitivement deux vésicules, l’une intérieure, l’autre extérieure, et entre les deux un espace libre. La vésicule intérieure forme encore la cavité branchiale. La vésicule extérieure et l’espace intermédiaire constituent la cavité du corps, et comme chez l’em- bryon d’Ascidie né d'un œuf cet espace provient de la cavité de segmentation, nous avons le droit de comparer l’espace compris entre les deux vésicules du bourgeon du Pérophore à la cavité de segmentation des Ascidies et des autres animaux, ce qui peut être la source d’une série de conséquences très-importantes pour la recherche de l’aomologue de la cavité cloacale des Tuniciers chez les autres animaux ; les meilleurs termes de comparaison que l’on puisse prendre pour celte recherche sont la Sagotia et les Échinodermes. er { À. Kowalevsky; Entwickelung der einfacher Ascidien, Taf. fig. I, 10. BOURGEONNEMENT DU PEROPHORA. 295 Chez la Sagitta ‘, après la formation de la cavité de segmenta- tion et l’invagination, la vésicule intérieure se divise, à l’aide de deux cloisons, en trois parties, dont l’une (médiane) forme le tube digestif, et les deux autres (latérales) constituent la cavité du corps, de sorte que la cavité de segmentation se trouve compri- mée el réduite à une espèce de fente entre le feuillet cutané et le feuillet musculaire; la cavité du corps de la Sagütta se forme par conséquent exactement de la même manière que la cavité cloacale du Perophora. Chezles Échinodermes, nous trouvons encore la même chose : c’est une cavité provenant d’une invagination; puis, sur les côtés de cette cavité, se détachent deux vésicules primitivement sépa- rées et formant ce que J. Müller appelle : « Wurstfürmigen Kor- pern». Ces dernières, d’après les observations de Metschnikoff*, donnent naissance à la cavité du corps du futur Échinoderme, et il ne reste de la cavilé de segmentation qu'une fente limitée à l’espace compris entre le tégument épithélial et le feuillet mus- culaire de l’embryon. Nous rencontrons donc encore ici un pro- cessus identique à celui que nous avons observé chez la Sagitta et dans la formation de la cavité cloacale de Perophora. En s'appuyant sur les faits précédents, on voit qu'il est pos- sible de comparer entre elles, et même de considérer comme parties homologues, la cavilé du corps des Échinodermes et la cavité cloacale des Ascidies. Chez les Ascidies, il y aurait donc pendant loutela vie deux sorles de cavités, dont l’une, provenant de la cavité de segmentation, répondrait à la fente qu’on remar- que chez la Sagitta, entre le feuillet supérieur et le feuillet infé- rieur ; l’autre, la cavité cloacale, serait l’homologue de la cavité du corps de la Sagitta, des Échinodermes et de certains autres ani- maux *, 1 A. Kowalevsky; Embryologische Studien über Wurmen und Arthropoden, VE ? Bulletin de l’Académie de Saint-Pétersbourg, tom. XIII, pag. 284, $ Ce mot de cavité générale est très-vague, et désigne chez les divers groupes d'animaux des formations qui ne sont nullement comparables, au point de vue 296 MÉMOIRES ORIGINAUX. Il nous reste encore à dire quelques mots de la formation du système nerveux. Déjà aux premiers stades, notamment sur la fig. 5, on remarque sur le lobe moyen de la vésicule primitive et dans la partie antérieure de ce lobe, deux épaississements parallèles de la paroi séparés l’un de l’autre par up sillon peu profond. Aux stades suivants (/ig. 9 et 11), ces épaississements se différencient considérablement et se présentent déjà sous la forme d’un tube étroit dont la partie supérieure, pour le moins, paraît déjà complétement fermée. J'ai vu ce tube avec une net- teté loute particulière sur l’objet représenté fig. 13. Toute la per- sonne était raccourcie dans le sens du plus grand axe, et le tube primitif formait déjà une vésicule parfaite (n). Aux stades ulté- rieurs (fig. L4 et 15), ce tube se montre entouré d’une fine mem- brane; du tube intérieur dérive le ganglion nerveux du Pérophore et du tube externe l’enveloppe de ce ganglion. A celte période (fig. 15), on voit encore facilement que la paroi du tube consiste en cellules cylindriques transparentes. Le système nerveux du Pérophore provient donc, sans aucun doute, de la vésicule primitive intérieure, et paraît se former par la division immédiate de deux rangées de cellules qui plus tard seulement s’enroulent en tube. Pendant la formation de ce tube, il naît à son extrémité antérieure, ou plutôt à ses extrémités anté- rieures, des deux côtés, un petit nombre de filaments composés, morphologique. Si l’on réserve le mot de cæloma pour toute cavité formée dans le feuillet moyen du blastoderme, il est évident que cette dénomination convient chez les Ascidies uniquement à la partie de la cavité sanguine qui est située entre le manteau et la tunique interne. La cavité cloacale est analogue, comme le fait très-justement remarquer Kowalevsky, à la cavité sanguine de la Sagilla et aux invaginations latérales des larves d'Échinodermes. On peut aussi la comparer au système vasculaire des Cydippe et des Médusaires, et peut-être à la cavité pleuro- péritonéale des Vertébrés. Un fait remarquable est la communication qui existe, chez les Ascidies, entre cette cavité péritonéale ou cloacale, et la cavité digestive par les fentes branchiales. Une autre particularité qui distingue encore les Ascidies des Médusaires et des Échiuodermes est que chez ces derniers la paroi interne, de la cavité péritonéale est intimement unie à la paroi du tube digestif, tandis que chez les Tuniciers le liquide sanguin circule entre ces deux membranes, et forme ainsi le réseau vasculaire branchial annexé au cæloma. (Note du Traducteur.) BOURGEONNEMENT DU PEROPHORA. 227 à ce qu il semble, de séries parallèles de cellules épaissies du sac branchial (/ig. 10), lesquelles à l'extrémité postérieure se dirigent immédiatement vers l’entrée de l’endostyle. La trace de cette union persiste encore aux stades suivants (Ag. 14). Ces rapports de l’endostyle avee le système nerveux soulèvent une ques- tion intéressante : cet énigmatique endostyle ne serait-il pas un organe des sens ? Après les organes intérieurs, apparaissent très-tard les organes musculaires, qui jouent chez le Pérophore un rôle peu considé- rable. Ils se manifestent d'abord au stade fig. 13, peut-être même un peu plus tôt, sous forme de rangées très-ténues de cel- lules fort petites situées ordinairement sur la paroi antérieure de la vésicule cloacale, ou sous forme de fibres minces renfermant des noyaux. Comment l'embryon entre-t-il en rapport avec le milieu am- biant? Ge qu'on remarque d'abord à ce point de vue (fig. 9), cest une tendance de l'extrémité antérieure de la vésicule branchiale à se rapprocher du point le plus voisin du tégument, Aux stades suivants, cette saillie devient beaucoup plus évidente (fig. 10), et l’on voit se produire un épaississement local des cellules tégumentaires à l'endroit vers lequel se dirige le pro- longement de la vésicule intérieure ; enfin, quand ce prolonge- ment est tres-près de l'enveloppe externe, on remarque une invagination (fig. 12) qui ne tarde pas à se transformer, par la disjonction des cellules du tégument, en une ouverture con- duisant immédiatement dans la cavité branchiale. En même temps, et presque exactement de la même manière, se forme aussi l'ouverture à l'extérieur de la cavité cloacale. Par suite de la formation des fibres musculaires, le jeune Pérophore com- mence alors à se contracter ; le mouvement des cils vibratiles des fentes branchiales (toujours rondes et encore peu nombreu- ses) ne produit qu’un faible courant d’eau, et le tube digesüf, bien qu'il soit aussi fort loin de son parfait développement, commence à recevoir les diverses particules introduites dans la branchie. À mesure que l’ouverture buccale achève de se consti- 228 MÉMOIRES ORIGINAUX. tuer, le tube digestif s'organise de mieux en mieux. D'abord l’une des deux portions parallèles devient prédominante, s’ac- croit considérablement en largeur (fig. 14, 16, 17, m) et se transforme immédiatement en estomac. Ensuite, au stade /ig. 13, sur la partie inférieure du tube digestif, près de l'estomac se forme une saillie qui plus tard prend un grand accroissement et s'étend, sous forme de tube assez fin, jusque vers la partie supérieure du canal digestif re- courbé ; là, ce tube se dichotomise et donne naissance à deux rameaux, dont l’un, le supérieur, ne tarde pas à se diviser encore en deux branches (fig. 16). Ces tubes deviennent de plus en plus étroits ; à mesure qu'ils se développent, ils couvrent le canal digestif d'une multitude de rameaux d’abord à peu près paral- lèles, mais qui bientôt s’entorlillent et sans doute s’anastomosent en leurs points de contact, formant ainsi autour de l'intestin un réseau touffu de vaisseaux qui chez les personnes adultes se présentent sous forme de tubes très-dilatés remplis d’un fluide blanchâtre, ou au contraire sous forme de tubes très-minces. Chez les Pérophores entièrement développés, ces tubes sont très- nombreux, et peut-être y a-t-il encore communication du canal excréteur avec la cavité du tube digestif ; ce canal déboucherait dans l'intestin immédiatement auprès de l'estomac. Dès que je connus la structure de cette glande, j’inclinai à lui attribuer le rôle d'appareil urinaire ; cette manière de voir recoit une nouvelle confirmation par cette circonstance qu'on ne trouve pas chez le Pérophore la moindre trace de concrétions urinaires semblables à celles que l’on rencontre chez les autres Ascidies, et qui occupent chez ces dernières la partie postérieure du tube digestif; mais, d’un autre côté, la confluence du canal excréteur de cette glande avec le commencement de l'intestin ferait plutôt - songer à un rôle quelconque dans les fonctions digestives. Pour terminer ce qui a trait à la formation du canal digestif, nous devons encore ajouter que chez le Pérophore adulte cet organe se place entièrement sur le côté du sac branchial, et qu'il BOURGEONNEMENT DU PEROPHORA. 229 interrompt sur presque tout son parcours la production des fentes branchiales. Voici l'explication de ce fait. Ainsi que nous le voyons déjà sur les /ig. 13 et 14, la partie supérieure de l'intestin est recouverte par la paroi latérale et inférieure de la vésicule cloacale, laquelle continue à s’accroître vers le bas, environne presque complétement le tube digestif et se prolonge (fig. 17) jusqu'à la ligne aa; puis la parot inférieure de la vésicule, après avoir enveloppé le tube digestif, s’unit de nouveau avec la vésicule branchiale, et par la soudure de ces deux membranes il se forme de nouveau des fentes branchiales à partir des points aa’. Il résulte de cette disposition qu'une partie du tube diges- tif parail située immédiatement contre la paroi de la cavité branchiale. Il en est de même chez un grand nombre d’Ascidies simples. Dès que le tube digestif commence à se remplir de matières alimentaires, la paroi de l'estomac se colore fortement en jaune. Il n’y a pas de muscles sur le canal digestif, au moins n’avons- nous jamais réussi à les découvrir. Tout le canal est tapissé de cils vibratiles. Chez le Pérophore, on ne rencontre aucune difficulté particu- lière dans l'observation de la naissance et du développement des glandes génitales. Je les ai rencontrées chez des individus au stade fig. 14; elles se présentent alors sous la forme d’un très- petit amas de cellules situé près de l'estomac. Cette sphérule cellulaire, primitivement pleine, s’unit bientôt au canal excré- teur de la glande indéterminée, se place au point où ce canal commence à se ramifier, et là se change en une vésicule creuse renfermant deux ou trois cellules libres dans son intérieur (fig. 16); de cette vésicule part, en se dirigeant parallèlement à la portion supérieure du tube digestif, une série de noyaux en- tourés de protoplasma qui se termine dans la paroi de la vési- cule eloacale un peu au-dessous de l’ouverture de l’anus. Par la suite du développemezt, la vésicule s'agrandit, et, con- servant toujours ses connexions, notamment avec le canal de la glande (fig. 17), elle commence à se remplir de cellules, et dans III, 16 | 230 MÉMOIRES ORIGINAUX. la partie supérieure ses éléments se divisent en deux lobes ; puis l’un de ces lobes ou même tous les deux se divisent à leur tour (fig. 18), et dans le même temps, sur la ligne de noyaux unissant. la vésicule lobée à la cavité cloacale et près de la base de la vé- sicule, il apparaît encore un très-faible amas de cellules (fig. 18, g°). De ce dernier aussi l’on voit bienlôt partir une série de noyaux formée exactement comme la première et rejoignant également la cavité cloacale. Cependant la vésicule génitale primitive con- tinue à s’accroitre rapidement en volume ; ses lobes se multi- plient de plus en plus et se remplissent de cellules libres : la série de noyaux reliant la vésicule à la cavité cloacale ne tarde pas à former un canal abducteur par le dédoublement des noyaux primitifs et la formation d'une lumière faisant communiquer la glande avec le cloaque. Les cellules libres situées dans les lobes de cette glande ne tardent pas à donner naissance à des sper- matozoïdes, même chez les Pérophores qui n'ont pas encore atteint leur taille normale. Ces spermatozoïdes forment des masses blanchâtres qui remplissent non-seulement la cavité glandu- laire, mais aussi tout le canal excréteur, lequel se présente alors sous forme d’une longue lame blanchâtre. Pendant ce dernier processus, l’amas de cellules que nous avons vu sur la fig. 18, g' se transforme aussi en glande creuse ; certaines cellules de cet amas se transforment déjà en jeunes ovules transparents, au- tour desquels se dessine une membrane cellulaire, comme dans les œufs des autres Ascidies. Ce second amas forme donc l’o- vaire, et la suite de noyaux qui l’unit au cloaque devient un oviducte, lequel suit dans tout son parcours le canal excréteur de la glande génitale mâle. Le produit de cette dernière est déjà parfaitement constitué quand l'élément femelle commence à se montrer d’une façon un peu nelle, et par suite je pense que chez le Perophora il n’y a pas fécondation d’un individu par lui-même, mais que la semence des plus jeunes personnes féconde" les œufs 1 Nous avons fait voir ailleurs que ce mode de fécondation réciproque et suc- cessive, cette dioïcité physiologique, chez des êtres morphologiquement hermaphro- BOURGEONNEMENT DU PEROPHORA. 231 des plus âgées ; en un mot, qu'il y a, entre les produits des glandes génitales, les mêmes rapports que ceux indiqués par Krohn chez les Salpa. Ea terminant l'étude du bourgeonnement du Pérophore, nous nous arrêterons encore quelques instants à l’examen de la re- production gemmipare des autres Tuniciers, pour chercher à éclair- cir les ressemblances qui peuvent exister au point de vue de ce processus chez les divers groupes de cette classe d'animaux. Dans les Mémoires publiés jusqu'à ce jour, presque personne ne s’est occupé du bourgeonnement des Ascidies sociales, sous le rapport du détail des processus embryologiques, et les seules observations que nous ayons sur ce sujet sont celles de Metsch- nikoff, sur le bourgonnement des Botryllus, rédigées provisoire- ment sous forme de communication préliminaire. Là aussi nous trouvons qu'il se forme d’abord deux vésicules, l’une extérieure, l’autre intérieure : l’intérieure se divise encore de même en trois parties, les parties latérales constituant la cavité cloacale pret (comme je l’ai démontré aussi chez les Botryllus) une de ces parties sert à la formation d’un nouveau bourgeon, tandis que l’autre forme la cavité cloacale. Pour ce qui est des autres Tuniciers, on observe encore quelque chose d’analogue chez le Pyrosoma, où, d’après les observations d'Huxley, ou voit entrer en jeu, dans la formation des bour- geons, non-seulement le tégument des anciennes personnes, mais aussi une saillie de l’espace branchial. Je me permettrai égale- ment de rappeler ici mon propre travail sur le développement des Salpa; chez ces dernières, les stolons sont constitués, les dites, est une particularité très-générale chez les Synascidies, on pourrait même dire chez toutes les Ascidies. Les recherches de Claparède, de Marion, etc., sur des types invertébrés divers. montrent que, chez les animaux hermaphrodites, on peut citer de nombreux exemples dela même particularité, laquelle s'observe, on le sait, d'une façon très-générale dans le règne des végétaux. (Note du Traducteur.) 1 Bulletin de l'Académie de Saint-Pélersbourg, tom. XIII, pag. 292. 1868. 232 MÉMOIRES ORIGINAUX. autres parlies mises à part par un prolongement du téoument et du tube digestif ". Une question reste encore à résoudre. — Devous-nous com- parer les bourgeons du Pérophore à ceux qui naissent chez le Pyrosome à l'extrémité inférieure de l’endostyle, ou à ceux des jeunes embryons formant une chaine de quatre individus ? Il ne peut y avoir le moindre doute à cet égard, et certainement les bourgeons de Pérophore sont comparables seulement à ceux qui apparaissent à la partie inférieure de l’endosiyle du Pyrosome, et de cette remarque nous pouvons conclure avec certitude le eyele de développement des Ascidies sociales et composées. Nous voyons ainsi que les formes d'évolution des Salpes, des Pyro- somes, des Doliolum , chez lesquels il y a des métamorphoses alternantes, n'existent pas chez les Ascidies ; en un mot, quon ne trouve pas chez ces dernières de formes semblables aux bour- seons qui se produisent sur la face neurale des Doliolum. Comme conséquence de cette étude du bourgeonnement du Pérophore, j'ai été forcément amené à porter mon attention sur la signification morphologique des stolons, et notamment sur ce fait remarquable, qu'il y a dans le début une conformité parfaite entre la formation des stolons et celle des bourgeons, la seule différence consistant en ce que, dans la naissance des stolons, le principal rôle appartient au tégument, tandis que, dans la for- mation du bourgeon, c’est la vésicule interne qui entre surtout en Jeu. Cette remarquable conformité semble permettre de paralléhiser jusqu'à un certain point les deux ordres de formations, et de comparer chaque branche stoloniale avec les jeunes bourgeons, ou par suite avec les personnes adultes : chaque rameau où stolon pouvant, dans ce cas, être considéré comme une per- sonne modifiée. ss 1 A. Kowalevsky; Beilräge zur Entwickelung der schwimmender Tunicaten. Nachrichter der Güttinger Gesellschaft November 1869. BOURGEONNEMENT DU PEROPHORA. 254 Nous pourrions dorc étendre au Pérophore la loi qui existe chez :es Bryozoaires pour la corrélation entre les stolons el Les in- dividus ; mais chez ces derniers il est évidemment plus facile de découvrir les homologies qui existent entre les diverses produc- tions (épines, vibracules, bourgeons), parce que la disposition des personnes est réglée, pour chaque forme, par une loi connue; de sorte que, si à une place donnée où devait se trouver une personne, se rencontre un avicularia ou telle autre production, l'homologie avec les personnes est indiquée d’une façon bien plus nette que chez le Perophora, où la distribution des personnes se fait irréguliérement et où la solution de la question exige des recherches du domaine de l’embryogénie". 1 Certains zoolosistes ont eu l'idée de comparer les tubes sanguins de la tunique des Ascidies simples à un réseau de capillaires. Les prétendus vaisseaux de la tunique des Ascidies simples présentent une structure tout à fait identique à celle des racines du Perophora. On peut les observer avec la plus grande facilité chez l'A. sanguinolenta Lac.-Duth., et surtout chez les jeunes individus. Là encore, il y a une cloison n'atteignant pas l'extrémité du tube sanguin, et divisant ce tube en deux parties symétriques. Cette remarquable homologie des stolons du Pero- phora et des tubes tuniciers des Ascidies simples me paraît avoir une importance très-crande au point de vue de la phylogénie. On peut en effet considérer les As- cidies simples comme dérivant des Ascidies composées ; une Ascidie simple repré- sente un cormus dont une seule personne s'est développée, les autres demeurant rudimentaires et réduites aux tubes sanguins de la tunique. Sans aucun doûte, on trouvera un jour ou l'autre une série de formes-passages, peul-être même des types présentant le polymorphisme des personnes, connu depuis longtemps chez les Bryozoaires et les Hydroïdes. Les stolons radicaux du genre Ciona sont déjà très-significatifs en tant qu'homologues fort amoindris des racines du Perophora. Il existe aussi une remarquable homologie entre les stolons du Pérophore et ce qu'on a appelé le post-abdomen des Polyceliniens. L'ovaire d'un Amaræcium, par exemple, présente une cloison qui, comme nous l'avons fait voir, joue un très- grand rôle dans la reproduct'on gemmipare de ces animaux. La ressemblance de cet organe avec les stolons du Pérophore estencore plus grande chez le Circinalium, où l'ovaire se ramifie plusieurs fois en rampant sur les corps voisins da cormus, et donne naissance à 10, 12, 15 personnes nouvelles. Ces faits ont été en partie observés également par Kowalevsky, lequel n'indique pas toutefois ces ramifica- tions si curieuses de l'ovaire du Circinalium. (Voir Gran ; Recherches sur les Synascidies, pag. 68, T5 et suivantes. — KowaLevsky ; Zeitschrift wissenschf. Zoologie, tom. XXII, pag. 285. 1872.) (Nole du Traducteur.) (ae) Co ES MÉMOIRES ORIGINAUX. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE V. Fire. 1. Stolon du Pérophore avec les divers stades du développement d'un bourgeon ; — { manteau ou tunique ; — h tégument ; — f cloison; — a premier rudiment d’une nouvelle branche ; — b nouveau rameau plus développé avec soulèvement de la paroi de la cloison ; — cet d rameaux déjà bien développés dans les- . quels se prolongent les deux parois formées par la cloison; — c' et d’ cavité de la cloison; — [ premier rudiment d'un bourgeon naissant : épaississement de la cloison ; — II saillie d'un côté de la cloison; — III vésicule primitive déjà différenciée ; — IV bourgeon notablement différencié ; — V bourgeon à un stade encore plus avancé. Fi. 2. Partie du stolon (i) précédent considérablement grossie; — f cloison; — b globules sanguins; — e couche épithéliale externe; — & manteau. Fic. 3. Bourgeon vu de côté; — c rudiment du cœur; — d vésicule d'où naîtra le tube digestif; — y paroi non modifiée de la. cloison. Fi&. 4. Bourgeon un peu plus développé; — c rudiment du cœur, coupe optiquelaissant voir la lumière et le contour; — » plaques nerveuses primitives ; — cl cavité cloacale. Fi. 5. Le même bourgeon vu de côté; — e rudimentde l'endostyle ; c rudiment da cœur avec ses bords épaissis et repliés en dedans. F16. 6. Coupe optique du cœur au'stade fig. 6 ; — d paroi de la vési- cule primitive ; — c paroi de la vésicule formant le cœur, ou du péricarde. PLANCHE VI. Fic. 8 et 9. Bourgeons déjà beaucoup plus développés ; — f fente divisant la vésicule primitive en trois cavités ; — n lobes ner- veux: — c sac renfermant le cœur; c’ cœur proprement dit; — e endostyle. Fic. 10 et 11. cl cavités latérales séparées par une fente de la vésicule primitive et devant former la cavité cloacale ; — oc ouverture non encore fermée, par laquelle la cavité cloacale communique immédiatement avec le sac branchial; — e extrémité in- BOURGEONNEMENT DU PEROPHORA. | 235 férieure de la fente à la partie médiane ; — c péricarde ; — c cœur ; — d tube digestif; — zx cellules épaissies de la vési- cule primitive allant du tube nerveux à la partie antérieure de l'endostyle ; — 0’ saillie de l'extrémité antérieure du sac bran- chial ; — o épaississement des cellules du tégument. Fi. 12. o'invagination du tégument supérieur au point où se forme l'ouverture buccale ; — « ouverture anale; — d canal digestif; — e endostyle ; — r contour de la vésicule cloacale; — zx cor- don unissant l'extrémité antérieure du système nerveux avec l'endostyle. Fré. 13. o ouverture antérieure ou buccale ; — 4 ouverture inférieure ou cloacale ; — e endostyle; — z contour de la paroi de la vésicule cloacale appliquée contre le sac branchial: — ks rangée supérieure des fentes branchiales ; — a’ soudure de la paroi intérieure de la vésicule cloacale avec la paroi du sac branchial pour la formation d'une fente branchiale; — n vésicule ner- veuse ; — s pédoncule au moyen duquel le Pérophore est relié à la cloison du stolon ; — d tube digestif soudé à sa partie supé- rieure par la cavité cloacale ; — € saillie du tube digestif. PLANCHE VIE. , Fr, 14. m estomac; — g rudiment de la glande génitale; — x membrane entourant le ganglion nerveux. Fi. 15. Le même embryon vu du côté extérieur; — n vésicule ner- veuse; — n’ capsule entourant cette vésicule; — m m fibres mus- culaires représentées seulement d’un côté. Fig. 16. Tube digestif proprement dit; — o ouverture buccale: a ou- verture anale ; — g rudiment de la glande sexuelle mâle; — l ramification de l'organe glandulaire indéterminée formé par une saillie de tube digestif ; — k série de noyaux allant de la vésicule génitale à la paroi de cloaque. Fig. 17. La ligne oo montre l'extension de la vésicule cloacale au-delà du tube digestif ; — aa place ou recommence la for- mation de nouvelles fentes branchiales. Fig. 18. Deux lobes de laglande génitale mâle déjà remplis de sperma- tozoïdes; — aa paroi du canal excréteur; — 9" ovaire avec des ovules déjàun peu développés et entourés d'une couche de cel- lules bien visible ; — bb canal excréteur de l'ovaire situé im- médiatement sur le canal déférent. 236 MÉMOIRES ORIGINAUX. SUR LA PRÉSENCE DE LA CHLOROPHYLLE DANS LE LIMODORUM ABORTIVUM. Par le Dr Joannes CHATIN, Professeur-Agrégé à l’École Supérieure de Pharmacie de Paris. Le Limodorum abortivum est une Orchidée de Ja tribu des Néottiées qu’on trouve parfois aux environs de Paris (Fontaine- bleau, Lardy, Mantes, Marines, etc.), vers le mois de Juin, crois- sant dans les bois, au milieu des feuilles sèches qui en couvrent le sol. La plante a le port d’une jeune asperge et présente une teinte générale d'un bran violacé, qui lui donne un aspect tout particulier et non sans analogie avec celui du Neottia nidus- avis et d’une Orobanche. Aussi les divers observateurs qui se sont occupés de l’histoire des Orchidées ont-ils soigneusement recher- ché s’il n’y avait pas là quelque fait de parasitisme capable d’ex- pliquer le mode de nutrition de ce singulier végétal qui paraissait complétement dépourvu de chlorophylle; mais, dans aucun cas, les observations ne purent fournir la moindre trace de l'hôte aux dépens duquel le Limodorum eût dû vivre ; nulle adhérence ne putêlre constatée, et force était donc d'admettre, pour lui comme pour le Veottia nidus-avis, une simple nutrilion aux dépens de l’humus dans lequel plongeraient ses racines". Telles étaient les données fournies sur le mode de vie de cette Orchidée. Aussi fus-je assez surpris lorsque, durant une herbori- sation dans la forêt de Fontainebleau, je constatai, au niveau de la région du réceptacle floral, une coloration verte extrèmement prononcée el ne me semblant guère pouvoir laisser de doute sur l'existence de la chlorophylle en ce point. L'examen microsco- 1 Voy. Thilo Irmisch; Beiträge zur Biologie und Morphologie der Orchider. Linné semble avoir voulu consacrer l'idée du parasitisme de cette Orchidée, si l'on se reporte à l’analogie du nom de genre qu'il lui imposa. CHLOROPHYLLE DANS LE LIMODORUM ABORTIVUM. 231 pique justifia pleinement ces prévisions, et me montra des grains chlorophyllieus existant dans les cellules du parenchyme avec tous leurs caractères ordinaires et en nombre normal. Je songeai alors que la chlorophylle pouvait bien exister éga- lëément dans d’autres parties de la plante, où elle serait simple- ment masquée par un revêtement épidermique coloré. On sait, en effet, et j'ai eu l’occasion d'insister sur ce fait dans un travail précédent, que dans les feuilles à coloration normale, feuilles si généralement recherchées aujourd’hui par la culture ornementale, les cellules de l’épiderme renferment un liquide coloré, tandis que les cellules du mésophylle sont gorgées de chlorophylle', dis- position anatomique qui rend parfaitement compte des résultats obtenus par üe Saussure”, et plus tard par Cloez®, lorsque, dosant les gazexhalés par ces feuilles colorées, ils constataient qu’elles crespi- raient» absolument comme les feuilles vertes, bien qu'au premier abord elles parussent complétement dépourvues de chlorophylle. Or, me reportant à ces résultats déjà acquis à la science, je me demandai si les feuilles et la Lige du Limodorum ne pourraient pas présenter des dispositions semblables, ce que l'examen histolo- gique a pleinement confirmé. À. Feuilles. — Les cellules épidermiques sont tantôt. mais rare- ment, vides, tandis que le pius souvent ces éléments sont remplis par un liquide d’un bleu violacé. Les cellules du mésophylle présentent d'assez nombreux grains de chlorophylle offrant leur volume normal et possédant d’ailleurs tous leurs caractères ordi- naires. Parfois ces éléments contiennent des cristaux en aiguille, et sont alors toujours dépourvus de granules chlorophylliens. B. Tige. — Si l’on fait la coupe à un niveau tel qu’elle inté- resse une gaîne foliaire, on voit celle-ci présenter tous les carac- 1 Joannes Chatin; De la feuille, pag. 45 et suiv., pl. IT et III. (Thèse de con- cours. 1874.) 2 Th. de Saussure ; Recherches chimiques, etc. 3 Cloez; Remarques sur la décomposition de l'acide carbonique par les feuilles diversement colorées. (Comptes-rendus, tom. LNVII, pag. 834.) 238 MÉMOIRES ORIGINAUX. tères anatomiques qui viennent d’être indiqués, puis on arrive à la tige proprement dite, qui se trouve constituée par les éléments suivants: 1° un épiderme composé par une assise de cellules tubulaires et généralement remplies du liquide violacé signalé dans les mêmes éléments de la feuille; 2° une couche herbacée, très-développée, comptant plusieurs assises de cellules remplies de grains chlorophylliens. _Je crois inutile de continuer l’énumération des éléments de la tige, qui n offrent plus aucun intérêt au point de vue de la colora- tion générale. C. Ovaire. — L'examen superficiel de la région ovarienne m'ayant fait scupçonner la présence de la chlorophylle, je crois devoir rapprocher sa description histolaxique de celles de la feuille et de la tige. Les épidermes de la feuille carpellaire sont constamment vides, sans présenter jamais aucune trace de liquide coloré ; les cellules du mésophylle ou parenchyme sont au con- traire remplies de chlorophylle ou plus rarement contiennent des aiguilles cristallines. Ainsi s’explique le mode de coloration de cette région : tout revêtement extérieur coloré faisant absolument défaut, les cellules mésophylliennes se montrent à l'observateur, comme c’est habituel dans les feuilles, avec la teinte verte qu'elles doivent à leur contenu chlorophyllien. Les faits précédents nous conduisent à deux résultats égale- ment intéressants : le premier est d'ordre anatomique, et je crois peu utile d’y revenir, puisqu'il se résume en un nouvel exemple de cette loi d’après laquelle certaines parties colorées doivent leur teinte propre à une assise d'éléments superficiels et à teinte spé- ciale, lesquels masquent la teinte chlorophyllienne de l’ensemble sous-jacent. Le second résultat doit être rangé au nombre des faits physiologiques, et nous montre que le Limodorwm n’a nul besoin d’une existence parasite, qu'il n’a même pas un besoin indispen- sable des matériaux de l’humus, au moins quant au carbone, ses tissus étant chargés de globules chlorophylliens. Dans un récent travail, M. Prillieux a montré qu’une plante voisine, le Veottia CHLOROPHYLLE DANS LE LIMODORUM ABORTIVUM. 239 nidus-avis, pouvait renfermer, au moins dans de certaines circon- stances, des grains de chlorophyille ; toutefois ce savant botaniste fait observer que, même en supposant que cette matière yexiste normalement, elle y serait toujours en quantité beaucoup trop faible pour concourir activement à la formation des tissus de la plante, de sorte qu’il faut admeltre que cette Orchidée vit, en grande partie au moins, à la façon des végétaux dépourvus de chlorophylle'; mais cette chlorophylle, qui n'existe quecomme un accident histologique dans les tissus du Meoitia, se développe au contraire normalement et abondamment dans les diverses parties du Limodorum, à la nutrition duquel elle doit prendre une part aussi active que dans la majorité des plantes herbacées. EXPLICATION DE LA PLANCHE VII. Fig. 1-1”. — Tice. — 1 coupe de la tige , de grosseur naturelle en a, grossie en b: & & gaîne foliaire appliquée contre la tige; — T tige proprement dite ; — f v faisceaux fibro-vasculaires ; — 1’ segment grossi de 1 ; — & gaîne foliaire ; — ep s épiderme supérieur, dont les cellules sont rarement vides, mais presque constamment remplies d'un liquide bleu violacé ; ep à épiderme inférieur, appliqué contre la tige; ses cellules sont, au contraire, le plus souvent vides, dans le cas contraire elles renferment le liquide coloré qui vient d'être signalé ; — m mésophylle, dont les cellules contiennentdes grains de chlorophylle ; — f v fais- ceau fibro-vasculaire. Fi1G. 2-2”.— FeuILe étudiée au niveau où elleest libre, écartée, de tout contact avec la tige. — 2 coupe de la feuille destinée à montrer la coloration des deux épidermes ; — f v faisceaux fibro-vascu- laires ; — 2” segment de 2, plus grossi et pris en 2s: ep ep les deux épidermes, dont les cellules sont tantôt vides , tantôt remplies d'un liquide coloré, cette disposition étant de beaucoup la plus fréquente ; — m m mésophylle dont les éléments paren- chymateux contiennent de nombreux grains de chlorophylle, 1 Ed. Prillieux ; Sur la coloration et le verdissement du Neotlia Nidus-avis. (Ann. des sc. nat., BOTANIQUE, 5° série, tom. XIX, pag. 117..Paris, 1874.) 240 MÉMOIRES ORIGINAUX. ou parfois des cristaux aiguillés, comme le montre la cellule c. FiG. 3-3”. — OvaiRE. — 3 coupe générale de l'ovaire; 3’ segment am- plifié de 3, pris en 3 s: on voit quici, contrairement à ce qui a lieu dans la tige et dans les feuilles, les cellules des deux épi- dermes sont constamment vides ; — 7” cellules parenchyma- teuses chlorophylliennes ou plus rarement remplies de cristaux en aiguille {c) ; — f v faisceau fibro-vasculaire. EEE ÉNUMÉRATION DES ALGUES MARINES DU LITTORAL DE BASTIA (Corse) (Suite et fin!.) e Par O. DEBEAUX, Pharmacien-major de {re Classe. FAM. XXI. OSCILLARIÉES AG. (Rivulariées Harv. ex parte) (Leptotrichées et Lyngbyées Kurz.) Gen. 76. Physactis Kurz. 134. Ph. bullata Kurz., Phyc. gen., 235, et Sp. alg.. 332: Rivularia bullata BERKELEY; J. AG., Alg. Medit., 9; Alcyonium bullatum Lamour. Hab. : Sur les rochers battus par les vagues, à la limite de la mer. — Minelli, Grigoione. Très-commun d’août à octobre. Ar. geog.: Médit., Adriat, ; Oc. Atlant. (côtes de France et d'Angleterre). Gen. 77. Hypheotrix Kurz. 135. H. scopulorum Kurz., Sp. alg., 269, et Phyc. gen., 229: Hab.: Sur les rochers abandonnés par la mer pendant l'été, et sur lesquels il forme une espèce de croûte mucilagineuse d’une couleur vert-foncé. — Minelli. — Juillet et août. Ar. geog.: Médit. Oss. — Kutzing, dans son Species algarum, pag. 267, n° 4, décrit un Hypheotrix Leveilleana recueilli par Léveillé sur les plages sablon- oo, ‘ Voir les numéros de septembre et décembre 1873, et juin 1874. ALGUES MARINES DU LITTORAL DE BASTIA. 24! neuses de la Corse, et que je n'ai pas retrouvé. Je signale cette espèce à l'attention des phycologistes. Voici sa diagnose : « H. Strato compacto, sordide fuscescente, subtus viridi; tricho- » matibus interruptis et interrupte articulatis viridibus ; vaginis arctis » achromaticis [/1000. » Ad oras sabulosas insulæ Corsicæ.» Gen. 78. Lyngbya Ac. F6 b-luteo-fusca J: AG. 479. Medir. 11 > Lesonis 14/9: mar. de Cherb., 28: Kurz., Sp. alg., 287 ; Calothrix luteo-fusca AG.; Leibleinia luteo-fusca Kurz., Phyc. gen., 221. Hab. : Les fissures et les creux des rochers au niveau de la mer, dans l’anse Saint-Nicolas. Jetée du Dragon à l'entrée de l’ancien port de Bastia. — C. en septembre. Ar. geog.: Médit., Adriat.; Oc. Atlant. 137. L. crispa AG., Syst. alg., T4; J. AG., Alg. Medit., 11; Oscillaria crispa AÂG.; O. littoralis Harv., Phyc. Brit. Hab.: Parasite sur plusieurs algues supérieures, mais flottant le plus souvent à la surface de la mer, dans les eaux de l’ancien el du nouveau port. Anse Saint-Nicolas. — C. en septembre et octobre. Ar. geog.: Médit., Adriat. ; Oc. Atlant. (côtes de l’Europe). 138. L. margaritacea Kurz., Phyc. gen., 226, et Sp. alg., 283; Calothrix recta Kurz. (1836). Hab. : Rejeté sur la plage après les coups de mer. Anse Saint- Nicolas. — Septembre. Ar. geog. : Médit. (golfe de Naples). Ogs. — Cette espèce n'avait été indiquée jusqu'à présent que dans le golfe de Naples. Elle est certainement indigène sur le littoral de la Corse. Sa détermination exacte est due à M. le D' Bornet. Gen. 79. Oscillaria Bory. (Oscillatoria Vaucner.) 139. 0. antliaria Jurcexs, Dec., n° 14; Kurz., Spec. alg., 241; Oscillatoria autumnalis Kurz., Alg. ag. dulc., X, 94; 0. parietina VAUCE. 242 MÉMOIRES ORIGINAUX. Hab.: Sur la terre humide imprégnée d’eau salée, et les pa- rois desséchées du ruisseau du Fango, à son embouchure dans la mer. | Cette espèce d'Oscillaire, que je mentionne ici à cause de son habitat voisin de la mer, me paraît se rapprocher très-bien de la variété Phormidioides Kurz. (loc. cit.); RABENH., Ag. ag. dulc., I, 101, d’après des échantillons reçus de R. Lenormand. Ar. geog.: La région méditerranéenne et l’Europe centrale. FAM. XXII. NOSTOCHINÉES Ac. Gen. 80. Nostoc Vaucxer. 140. N. verrucosum Vaucx. ist. des conferves, tab. 16 ; AG., Syst, pag. 27; RaBenx., Ag. aq. dulc., ?,176 ; Tremella verrucosa LiN., Flor. suec., n° 94. Hab.: Le torrent du Fango, à quelques pas de son embou- chure dans la mer, à Bastia. — Avril et mai. Ar. geog.: Toute l’Europe. FAM. XXII. DIATOMÉES Kurz. Gen. 81. Grammatophora Enrews. 141. G. marina Kurz., Baccil., pag. 128, et Spec. alg., 120; Diatoma marinum LYNGBYE. Hab.: Parasite sur plusieurs petites algues dans les ïlaques exposées au soleil, et à la limite de la mer. Rochers de l’anse Saint-Nicolas. — Septembre. Ar. geog.: Médit., Adriat.; Oc. At]. et Pacifique. 142. G. serpentina Kurz., Baccillar., n° 129, et Spec. alg., 121; Gr. mediterranea Enrems. (1844). Hab.: Flaques d’eau, dens les creux des rochers au-dessus du niveau de la mer. Parasite sur les Cladophora, Anse Saint- Nicolas. — Septembre. AT, ge09.: Médit., Adriat.; Oc. Atl, ALGUES MARINES DU LITTORAL DE BASTIA. 243 Gen. 82. Rhipidophora Kuzz. 143. Rh. dalmatica Kurz., Baccillar., pag. 121; Spec. alg., 112. Hab.: Eaux tranquilles de l’anse Saint-Nicolas. Parasite sur le Chæiomorpha linum, à la imite de la mer. —C. en juin. Ar. geog.: Médit., Adriat.; Oc. Atl. Gen. 83. Cocconeis EHREM. 144. C. nigricans Kurz., Baccillar., pag. 72, et Spec. alg., 91. Hab.: Parasite sur presque tous les Cladophora du littoral, auxquels il communique une teinte fauve foncée. Anse Saint- Nicolas, Minelli. — Septembre et octobre. Ar. geog.: Médit. et Adriat. Ogs. — Le Raphoneis mediterranea Gunn.in Wien. Verh. (1862), est indiqué par Rabenhorst dans sa Flora Eurcpæa Algar. aq. dulc. TX, 125, comme se trouvant inter Algas ad littora insulæ Corsicæ. Je ne crois pas avoir rencontré cette espèce, quil me serait presque impossible de reconnaître, tant étude des Diatomées est inabordable pour les botanistes qui n’en font point une occupa- tion babituelle. L: famille des Diatomées est celle qui renferme le plus grand nombre d'Algues microscopiques. Celles-ci vivent partout, sur les rivages de la mer, dans tous les cours d'eau, les étangs, les fossés d'eau douce ou saumâtre, et toujours en parasites sur presque toutes les plantes aquatiques. M. de Brébisson, dans la Revue des Siences naturelles, tom. E, 2e liv. (1872), a publié le catalogue des Diatomacées, qu’il a reconnues dans le vermifuge nommé #Mousse de Corse. Gette Mousse de Corse est composée, comme ou le sait déjà, d'environ 20 espèces d'Algues marines, parmi lesquelles dominent les Corallina officinalis, Jania rubens, Gelidium, Ceramium ciliatum, etc. C’est sur les rameaux de ces Algues touffues que M A. de Brébisson a rencontré près de cent cinquante espèces de Diatomées parfaitement caractérisées, sans compter le nombre des espèces portées sur des pédicelles fragiles qui n'ont pu être conservées, ainsi que les Diatomacées d'eau douce entraînées dans la Méditerranée par les torrents et rivières qui s’y déversent. 244 MÉMOIRES ORIGINAUX. Les quatre Diatomées signalées dans cette énumération des Al- gues de Bastia sont fort abondantes sur tout le littoral Corse, et faciles à reconnaître au premier abord. J avoue, avec regret, que cette famille offre de grandes lacunes dans mon travail, mais M. de Brébisson les a comblées en partie, par la remarquable notice qu'il vient de publier dans la Revue des Sciences naturelles. TagLeau faisant connaître, par Familles, les principales affinités de géo- graphie botanique des Alques observées sur le littoral de Bastia. Médit. Médit. dit. Médit. ae su t Ro ; Rs umat. [M Rouge - Atl. | Oc. Pac. | à FAMILLES. AAA ds c ER Fra ques Mer Noire| Oc. Iud. Amériqu.| Chine. d'Europe 1 ©) HUCACÉES SERRE » Diciyotées ERP AEE 2 Chordariées..... NS 1 Ectocarpées.... = Rhodomélacées Laurenciées... Corallinées "0". Sphérococcoïdées... Gélidiées Squammariées Helminthocladiées. .. Rhodyméniacées.. ... SDYTIdIÉES ee Cryptonémiacées... Uéramiées ... ....e = Siphonacées... Dasy:ladées Valoniacées Ulvacées.... +2 + Confervacées. .... .. Oscillariées.... ..... Nostochinées........ Diatomees EC EICELE MOTAUXS ee ALGUES MARINES DU LITTORAL DE BASTIA. 245 RÉCAPITULATION. 19 Algues spéciales à la Méditerranée, l'Adriatique et la Mer INOITO Se den eme none te Rare ele SUR 1 2° Algues vivant dans la Méditerranée, la Mer Rouge et HOCéAN MEN EN MERNNTNEN CEA MAAN ES OR PRRRAS D LE 7 3° Algues vivant à la fois dans la Med ee et l'océan Atlantique (côtes de l'Europe) ..... CRD TD EE de 58 4 Algues se retrouvant à la fois sur les côtes de l'Europe CRTC RAINÉ TIQUE Ve ee ne ne te 3 5° Algues vivant dans la Méditerranée, l'océan Atlantique, l'océan Pacifique, la mer de Chine, l'océan Austral, CCS MAPS ECM NRA ARE DS ie DA ANR Ré de v320 Go Algues des eaux douces et saumâtres de toute l'Europe... Hi TOTALÉGAL.-:. OMAE D'après le tableau qui précède, on voit facilement quelles sont les principalesaïfinités de géographie botanique des Algues vivant sur le littoral dela Corse. 21 Algues, soit un peu plus d’un tiers , ont été observées seulement dans le bassin Méditerranéen ou la mer Noire. Les Dictyotées, les Rhodomélacées, les Gélidéées, les Céraminées, les Siphonacées et les Confervacées, sont les familles qui ont fourni le plus grand nombre d'espèces dites sméciales. 26 Algues, soit encore un peu plus du tiers des espèces totales, se retrouvent dans l'océan Atlantique, sur les côtes d’Espagne, de France et d'Angleterre. Quelques-unes s’avancent jusque dans la mer Baltique. Les familles qui offrent le plus grand nombre d’espèces dans l'océan Atlantique européen sont les Ectocarpées, les Céramiées et les Confervacées. 20 Algues seulement, soit 1/7° du nombre total, se retrouvent dans les principales mers du globe et sous toutes les latitudes. Ces végétaux, cosmopolites pour ainsi dire, appartiennent aux familles des Dictyotées, Rhodomélacées, Laurenciées, Helmintho- cladiées, Siphonacées, Ulvacées et Confervacées. Enfin, 7 espèces d’Algues, ou 1/20*environ, ont franchi l’espace qui les sépare de la mer Rouge, et se retrouvent dans plusieurs IL, 17 246 MÉMOIRES ORIGINAUX. localités du golfe Persique et de l’océan Indien, tandis que trois espèces seulement, 1 Corallinée, 1 Spyridiée et 1 Valoniacée ont traversé l'océan Atlantique, pour se fixer sur les côtes de l'Amérique inter-tropicale. Aujourd’hui que la Méditerranée est en communication directe, par le canal de Suez, avec la mer Rouge, l'océan Indien, les mers de Chine et du Japon, il est à présumer que nous ne tarderons pas à voir apparaître sur nos côtes une 1oule d’Algues qui n’y ont pas été observées jusqu'à ce jour. Leur présence expliquera, mieux que nous, le mystère de leurs lointaines migrations. ADDENDA au no 32 (Rytiphlæa tinctoria). M. E. Lefranc, pharmacien en chef de la Garde républicaine à Paris, vient de communiquer à la Société botanique de France (Bulletin de la Société botanique, tom. XXT, séances de inars 1874, pag. 85) un travail remarquable sur les Roccella et Rytiphlæa tinctoria, par-devant la pourpre de Tyr. Il résulte des recherches de mon très-honorable collègue que le Fucus marinus tinctorius, sive Alga tinctoria des Grecs et des anciens commentateurs, doit s'appliquer au Roccella tinctoria Dec., lichen abondant sur les rochers maritimes des îles du Levant, et non au Rytiphlæa tinctoria Kutz., ainsi que je l’avais indiqué dans l'observation du n° 32. ADDENDA au n° 34 (Aisidiwm helminthocorton). M. Révelière, botaniste et entomologiste distingué à Porto- Vecchio (Corse), a rencontré, en 1873, l’Alsidium helminthocor- ton sur les roches sous-marines de la presqu'ile de la Chiapa, à 4 kilom. de Porto-Vecchio. Cette Algue , qui n'avait pas jusqu’à ce jour été signalée sur la côte orientale de la Corse, est très-abondante dans cette localité. Elle s’y trouve mélangée au Laurencia gelatinosa et au Gelidiwm crinale. Les habitants du ALGUES MARINES DU LITTORAL DE BASTIA. 247 village de Pioccaja, situé dans la presqu'île de la Chiapa, con- naissent les propriétés vermifuges de cette Algue depuis un temps immémorial, ajoute M. Révelière, et ils en feraient le commerce en grand, s'ils avaient des débouchés avec le reste de l’île et des movens de transport pour écouler ce produit indi- gène. Ce fait nouveau et des plus intéressants vient corroborer l’opi- nion déjà émise par M. Lefranc, sur les propriétés médicinales de l’Æelminthocorton des Grecs modernes (Voyez le Bullelin de la Société botanique de France, tom. XXI, pag. 48, 1874), propriétés qui s'appliquent également à la Mousse de Corse et à la Coral- line officinale, Celles-ci étaient connues des habitants des rivages de la Toscane et des États Romains, au xvit siécle , époque où Mathiole exerçait la médecine à Sienne et à Rome, et ne devaient pas être ignorées des habitants de la Corse, bien avant l’arrivée d'une colonie grecque dans celte ile, vers le milieu du xvir° siècle. 248 REVUE SCIENTIFIQUE. TRVAUX FRANÇAIS. — Zoologie. — M. Joannes Chatin a fait paraître (Ann. des Sc. natur., Zool., 5° sér., tom. XIX, art. n° 1) des Recherches pour servir à l’histoire anatomique des glandes odorantes des Mammifères (Carnassiers et Ron- geurs). Les premières pages de ce Mémoire sont consacrées à des généra- lités sur les glandes, accompagnées d’un historique de la question. L'auteur considère ensuite les glandes spéciales des Mammifères au quadruple point de vue de leur anatomie topographique, de leur ana- tomie descriptive, de leur anatomie générale et de leur anatomie comparée. En ne tenant compte que des Carnassiers et des Rongeurs, on peut distinguer des glandes inguinales (quelques Rongeurs), ou périnéales (Carnassiers et Rongeurs); cette dernière expression a paru à l’auteur la plus propre à donner une idée exacte de la situation de ces organes, dont les uns dépendent de l'appareil génital, tandis que les autres apparaissent comme des annexes de la poche anale. Ces différents appareils glandulaires ont pour caractère général d'être sous-cutanés. M. J. Chatin, après avoir étudié ces glandes dans leurs variétés de forme, de volume, et fait connaître leurs principauxrapports, passe à l'examen de leurs parties constituantes en traitant successivement de leurs enveloppes, de leur portion acineuse ou sécrétante, de leurs réservoirs et de leurs voies d'excrétion. Leurs enveloppes consistent en un tissu fibreux qui forme leur trame, et auquel est fréquemment surajoutée une couche charnue d'une épaisseur variable. L'auteur s’est appliqué à rechercher l'ori- gine de ces faisceaux musculaires, et il est arrivé à reconnaître que la nature, obéissant à la loi d'économie, les emprunte aux muscles avoisinants. Au centre de la masse parenchymateuse, dans laquelle la réparti- tion de l'élément acineux est sujette à varier, est creusé un réservoir plus ou moins développé, où s’accumule le produit de la sécrétion. Ces réservoirs ne sont pas sans analogie avec les vessies salivaires des Édentés ; comme elles, ils peuvent dans certains cas être brusque- TRAVAUX FRANCAIS. — ZOOLOGIE. 249 ment comprimés par des plans contractiles émanant des muscles de la vie animale. M. Chatin expose les résultats de ses études sur la structure histo- logique des organes de sécrétion spéciale, résultats qui peuvent se résumer comme suit : Les glandes périnéales offrent, d'une façon générale, des caractères anatomiques fort semblables à ceux que l'on rencontre dans l'immense majorité des glandes en grappe ; la parti- cularité la plus remarquable qu'on y observe consiste dans la pré- sence de tuniques charnues se prolongeant entre les acini. Ceux-ci sont entourés d'une sorte de coque constituée par des fibres lami- neuses et élastiques. La paroi propre du saccule glandulaire, dont la forme présente des variétés, est formée par une membrane limitante doublée elle-même par une couche simple ou double de cellules épi- théliales, dont chaque élément est polyédrique et pavimenteux. Les glandes odorantes sont ensuite envisagées sous Le rapport de l'anatomie comparée et de la biotaxie. M. J. Chatin rappelle l'absence, chez les Carnassiers, de glandes faciales, frontales ou latérales ; puis il fait remarquer que les glandes périnéales spéciales, qui semblent annexées à l'appareil génital des animaux de ce groupe, telles que les glandes à parfum des Viverra et des Genetta, n'en font point partie constituante au même titre que chez certains Rongeurs. Cette re- marque doit rester présente à l'esprit quand on divise les glandes odorantes des Carnassiers en glandes annexes de l'appareil génital et en glandes dépendant de la poche anale. Le mode de répartition des glandes odorantes nest pas sans intérêt pour la taxonomie. Déjà G. Cuvier s’en était servi pour séparer les Civettes des Genettes, et M. Alph. Milne Edwards a employé à diverses reprises des considérations de cet ordre pour distinguer certains groupes de l'ordre des Carnassiers. Plusieurs pages sont consacrées à l'étude du mode de fonctionne- ment et du rôle des diverses glandes odorantes, ainsi qu'à l'examen des principales propriétés de leurs produits. L'auteur recherche d'abord si ces organes sont spéciaux, ou plutôt s'ils possèdentune autonomie organique permettant d'en constituer un groupe particulier dans la classe des glandes. Il conclut en les ratta- chant, avec raison il nous semble, au type des glandes sébacées, mo- difiées en vue d'une prompte expulsion de la matière sécrétée. L'état physique des humeurs produites est très-dissembiable. Les unes sont liquides (glandes anales de la Mangouste rayée, dela Moufette, etc.), semi-liquides (glandes anales de l’Agouti), de consistance butyreuse (glandes périnéales des Viverra, Civetta et Genelta senegalensis, glandes sous-caudales du Blaireau). 250 REVUE SCIENTIFIQUE. M. J. Chatin nous indique les rapports des organes glandulaires avec le système nerveux, et fait connaître les différentes façons dont le produit est éliminé et utilisé par l'animal. L'humeur sécrétée est dans quelqus cas d'une fétidité insupportable, dans la Moufette par exemple, où elle sert de moyen défensif ; tel paraît être aussi le rôle des glandes anales. D’autres fois, comme on le voit pour les glandes périnéales, ce produit peutdevenir un sorte de parfum plus ou moins pénétrant, agissant à distance sur le mâle et sur la femelle, et les excitant au rapprochement sexuel. L'auteur entre ensuite dans la description des appareils de sécrétion odorante dans divers types de Carnassiers et de Rongeurs. Il commence par la famille des Félidés, et parle plus particulière- ment des glandes périnéales de l'Ocelot (Felis pardalis). Elles consis- tent en deux masses glandulaires situées sur la partie terminale du rectum ; leur canal excréteur, dont l'orifice se voit sur les côtés de l'ouverture anale, est en communication avec le réservoir central de la glande, dont la surface interne porte quatre ou cinq papilles om- biliquées donnant issue au produit de sécrétion. Dans la famille des Canidés, M. Flower a mentionné chez les Hyènes quatre glandes anales et un follicule supra-anal. Chez le Chien, dont M.J. Chatin décrit avec détail l'appareil sécréteur anal, on ne rencontre que deux masses glandulaires annexées à la partie terminale du rectum. La famille des Viverridés présente dans ses glandes périnéales une plus grande complication, et une partie importante du travail que nous analysons est consacrée à l’étude de l'appareil de sécrétion odo- rante dans ce groupe de Carnassiers. On y rencontre en effet des glandes à parfum sécrétant cette matière musquée désignée sous les noms de Viverreum et de Zibethum; cet appareil a une ouverture externe qui se montre sous forme d’une fente entre les organes géni- taux et l'anus. Ces animaux possèdent en outre des glandes anales appliquées sur la partie terminale du tube digestif, et versant le produit de leur sécrétion sur la marge de l’anus. La poche à parfum, située comme il vient d'être dit, reçoit le pro- duit de la sécrétion d'une masse glandulaire bilobée que traverse le canal de l’urèthre, et qui est creusée à son tour d’une cavité ou réser- voir où s'amasse d'abord la matière sécrétée par la portion acineuse. L'intérieur de ce réservoir intra-glandulaire est hérissé de poils blan- châtres, et le viverreum y arrive par de nombreux pertuis, dont chacun répond à une ou plusieurs glandes en grappe formées d'un nombre variable d'acini. TRAVAUX FRANCAIS. — ZOOLOGIE. 251 La tunique de la glande consiste en un tissu lamineux associé à des fibres élastiques, enveloppé lui-même d'un plan musculaire qui ne paraît pas une création spéciale, comme le croyait Cuvier, mais est considéré par M. J. Chatin comme emprunté à l'appareil muscu- laire du manchon préputial. Les glandes anales de la Civette se présentent sous l’apparence de deux masses sphériques plus ou moins régulières, appliquées sur la partie rectale du tube digestif. Le centre de chaque masse est occup® par un réservoir s'ouvrant à l'extérieur par un orifice pourvu d'une erosse papille ombiliquée. Leur produit est un liquide fétide, fort dif- férent du viverreum de la poche à parfum. M. J. Chatin décrit les glandes à parfum et les glandes anales chez trois autres espèces de Viverra : Viv. zibetha, Viv. indica et Viv. tele- qunda, où la constitution de l'appareil glandulaire est fort analogue à celle que nous venons d'indiquer brièvement dans le Viverra civetta. Les Mangoustes, qui méritent à juste titre d'être séparées des Givettes, ne possèdent que des glandes anales, dont la sécrétion se présente sous la forme d’un liquide d'une grande fétidité. Dans l'Herpestes exilis et griseus, on ne rencontre que deux de ces glandes, placées sur les côtés du rectum ; leur humeur est versée sur la marge de l’anus par deux petits orifices symétriquement placés. Chez l'Herpestes fasciutus, ces glandes sont en plus grand nombre : il existe plusieurs organes sécréteurs, répartis par paires, munis chacun d’un réservoir, qui versent dans une poche analespacieuse un liquide brunâtre et fétide. Enfin, chez l'Herpestes ichneumon, les glandes ana- les proprement dites sont très-réduites, mais le rectum est entouré d'une masse glandulaire semi-lunaire, fournissant une humeur vis- queuse jaunâtre, inodore, amas de glandes qui rappelle à quelque égards les glandes musquées de la Civette. L'ancien groupe peu homogène des Mustélidés a été divisé par M. Aph. Milne Edwards €: trois familles : les Lutridés, les Mustélidés vrais etles Mélidés. Dans les deux premières divisions, il n'existe en général qu'une seule paire de glandes anales, pourvues d’un large réservoir qui va déboucher sur le bord de l'orifice anal. Dans la famille des Mélidés, il convient de distinguer les Blaireaux d'une part, les Moufettes et les Ratels d'autre part. Dans les premiers, les glandes anales se montrent sous la forme habituelle ; mais en outre dans leur voisinage existe un amas de glandes en grappe, versant dans une poche sous-caudale leur produit de sécrétion, qui est bien différent de celui des glandes anales. Chez les seconds, c'est-à-dire les Moufettes et les Ratels, on ne ren- 252 REVUE SCIENTIFIQUE. contre que des glandes anales dont le caractère particulier est de posséder une enveloppe musculaire très-épaisse et un réservoir cen- tral spacieux destinés à recevoir un produit de sécrétion d'une inex- primable fétidité, lequel est porté au dehors par un orifice muni d'une papille ombiliquée. De plus, un repli cutané dirigele Tige empesté et l'écarte de la muqueuse rectale. Dans l’ordre des Rongeurs, dont traite M. J. Chatin dans la der- nière partie de son Mémoire, on constate dans plusieurs familles l'existence de glandes anales, et en outre de glandes préputiales. L'étude de ces dernières est intéressante chez le Castor en particulier, où elles fournissent la matière connue depuis longtemps sous le nom de Castoreum, médicament antispasmodique dont la thérapeutique moderne a conservé l'usage. M. J. Chatin donne une description soigneuse des organes géni- taux mâles du Castor gallicus; nous ne retiendrons que ce qui con- cerne les glandes préputiales ou à castoréum. Elles sont pyriformes, au nombre de deux, pourvues d'une enveloppe musculaire, creusées à l'intérieur d’un réservoir où s amasse le produit de sécrétion, ré- servoir se continuant sous forme d'un conduit qui va s'ouvrir sous le prépuce. Ce prépuce ou vestibule génito-urinaire débouchant au même point que le rectum, Fée a pu décrire chez le Castor un véri- table cloaque. Dans ce cloaque, deux éminences avec papilles ombili- quées, que par une méprise singulière Gottwaldts avait prises pour des mamelles, indiquent l’orifice externe des glandes anales ou sacs à huile. Sans suivre l’auteur dans la description qu'il donne des organes femelles du Castor du Canada, le seul qu'il ait pu étudier à ce point de vue, nous mentionnerons, sur les côtés d'un long vestibule uréthro- sexuel, la présence de deux énormes diverticulums s'ouvrant dans ce vestibule et recevant. un peu avant leur terminaison les canaux excréteurs de trois glandes en grappe composée. Ces diverticulums représentent les sacs à castoréum dont la portion acineuse réduite revêt la paroi; les trois glandes en grappe correspondraient aux glan- des anales. Chez le Mus decumanus, on trouve une glande préputiale aussi bien chez le mâle que chez la femelle, où cependant elle se montre avec de plus petites proportions. Ges glandes sécrètent une humeur lactescente qui joue un rôle au moment de la copulation. Le Dasyprocta aguti possède deux glandes anales qui vont se termi- ner dans une poche anale assez développée. Même disposition dans l’Aiherura africana, avec cette différence TRAVAUX FRANCAIS. — ZOOLOGIE. 253 qu'aux deux glandes anales principales se joignent plusieurs autres accessoires. Il n y a néanmoins que deux conduits excréteurs. Le Lapin (Lepus cuniculus) est pourvu de glandes anales et de glan- des préputiales. Enfin, dans la Marmotte (4rctomys marmotta), dont parle l'auteur en dernier lieu, l'anus est situé au fond d'une poche à la surface de laquelle font saillie trois tubercules blarchâtres qui portent les ori- fices excréteurs de trois glandes dont l’ensemble est entouré d’une couche commune de muscles striés. Le Mémoire de M. J. Chatin, œuvre d'un scalpel consciencieux et exercé, est accompagné de neuf belles planches lithographiées com- prenant 85 figures. — Le tom. XIX (n°3 à 6) dela 5° série des Annales des Sciences naturelles contient un Mémoire sur les Crustacés rares et nouveaux des côtes de France, qui est le 23° article que M. Hesse publie sur ce sujet. Le laborieux naturaliste de Brest a fait connaître dans un Mémoire important la transformation des Pranizes en Ancées, et il avait décrit en {858 onze espèces de ces Crustacés marins. L'auteur en a décou- vert depuis plusieurs espèces nouvelles dont il donne la description. I fait remarquer que ces animaux ne vivent pas en liberté, à l’état de Pranizes, au milieu des fucus et des rochers, mais se fixent sur les Poissons, dont ils deviennent les parasites. En explorant avec attention les téguments d'un nombre considérable de Poissons, M. Hesse a recueilli une grande quantité de Pranizes qui, dès qu'elles avaient atteint une longueur de 3 à 5 millim., se transformaient im- manquabiement en Ancées. Au moment de leur transformation, elles abandonnent le Poisson sur lequel elles se tenaient, et se réfugient dans des endroits où elles puissent accomplir en sécurité l’acte de la repraduction sexuelle. M. Hesse donne quelques détails sur la façon probable dont les Pranizes arrivent à atteindre, pour s'y fixer, le Pois- son qui leur convient. Il rappelle quelques-unes de ses observations antérieures sur l'incubation des œufs et les phénomènes de reproduc- tion en général, observations qui tendent à prouver que la méta- morphose en Ancée a surtout pour but d'assurer la propagation de l'espèce. A cette période, en effet, tous les appareils semblent se subor- donner à l'appareil sexuel, et chez la femelle en particulier on les voit frappés d’une sorte d'atrophie. À la suite de ses remarques générales, M. Hesse décrit et figure les espèces nouvelles qu'il a découvertes: 254 REVUE SCIENTIFIQUE. Ancée des Balanes, Ancœus Balani ? trouvé an Minou, tête de ligne française du câble transatlantique, au milieu de Balanes dont les tests étaient vides ou pleins ; Ancée du Chaboisseau de mer, Ancœus Cotti Bubali, femelle in- connue ; Ancée de Surmulot, Ancœus Surmuloti, femelle inconnue ; Ancée porte-crochet, Ancœus unciferus, larve inconnue, femelle de l'Ancée inconnue également ; trouvé au milieu de Melobesia coral- livides ramenés par la drague sur les côtes de Bretagne; Ancée platyrhynque, Ancœus platyrhynchus, larve et mâle incon- nus; trouvé au milieu d'Ascidies et de Fucus ramenés par la drague; Ancée du Maquereau, Ancœus Scombri, connu seulement à l'état de Pranize. — Dans la même livraison des Annales (art. n° 11), nous lisons un Essai sur le venin du Scorpion, par le D' Jousset de Bellesme. La première partie de ce travail contient un aperçu historique sur les recherches dont l'appareil venimeux du Scorpion a été l'objet. L'auteur fait remarquer l'absence de notions positives, et par suite l'opportunité de soumettre à l'expérimentation physiologique, telle qu'elle a été instituée par la science moderne, l’étude des effets du venin de cet Articulé, c'est-à-dire de rechercher sur quels éléments anatomiques le liquide vénéneux porte son action. L'auteur s'occupe de quatre espèces de Scorpions, en particulier des deux espèces françaises : le Scorpio europæus et S. occitanus, et acces- soirement de deux espèces du nord de l'Afrique, le Scorpio afer, ori- ginaire de l'Asie, mais très-répandu en Afrique, et le Scorpio funestus où Buthus imperator. Le Scorpio europæus est excessivement commun dans le midi de la France. Sa piqûre n'est pas plus redoutée que celle d’une Abeille. Il n'en est point de même du Scorpio occilanus, qui n'est pas rare dans plusieurs localités de l'Hérault, à la montagne de Cette par exemple, sur les bords de l'Hérault, de Saint-Guilhem-le-Désert à Ganges, et qu'on retrouve aux environs de Perpignan, de Nimes et de Marseille. L'auteur fournit des renseignements sur les lieux où il se plaît, sur sa retraite, sur ses mœurs, et donne des conseils sur la ma- nière de s en emparer sans danger. Un chapitre spécial traite des accidents consécutifs à la piqûre des Scorpions. Ces accidents sont légers s’il s'agit du Scorpio europæus ; tout se borne à une douleur vive avec phénomènes inflammatoires locaux qui disparaissent au bout de quarante-huit heures. La piqûre 99 du Scorpio occitanus est beaucoup plus redoutable, et s’il faut en croire les auteurs elle aurait dans quelques cas occasionné la mort; toujours est-il qu'elle s'accompagne d'une douleur des plus vives, d’un gon- flement considérable et étendu, puis de troubles nerveux et d'une réaction fébrile très-marquée. M. Jousset admet sans peine que les grandes espèces africaines puissent déterminer fréquemment des acci- dents suivis de mort. TRAVAUX FRANCAIS. — ZOOLOGIE. 2 9 L'appareil venimeux se compose de deux glandes logées dans le dernier article du post-abdomen et s'ouvrant chacune par un petit orifice que les naturalistes ont longtemps méconnu. On en trouve de bonnes figures dans l'Organisation du règne animal de M. le profes- seur Blanchard. L'auteur indique la facon dont le Scorpion saisit sa proie et inocule son venin, dont l’action mortelle, ou au moins stu- péfiante, se fait sentir immédiatement chez les Articulés de petite taille, Mouches, Araignées, etc. Ce venin est un liquide limpide, franchement acide, dans lequel le microscope montre quelques granulations. Un Scorpio occitanus de 7 centim. de lengueur peut en contenir environ 8 milligr., quan- tité qui suffit pour tuer un chien de taille moyenne. Après avoir fait connaître le moyen de se procurer le venin, l'au- teur expose dans la deuxième partie de son Mémoire les expériences physiologiques auxquelles il s'est livré. Pour que le venin produise son effet, il pose au préalable les conditions suivantes, qui se com- prennent de soi. Il faut et il suffit que le venin soit versé par les orifices de l’aiguillon, ou introduit artificiellement dans un tissu où l’absorption puisse se produire. Au cours de ses expériences, M. Jousset s’élève contre la prétendue innocuité du venin introduit dans les voies digestives. [Il n'y voit, comme pour le venin des Serpents, qu'une question d'insuffisance de dose, opinion dont il conviendrait d'établir la preuve expéri- mentale. Il paraît résulter des expériences de l’auteur que le venin agit sur les globules du sang des Vertébrés; cette action prime tellement toutes les autres, quelle ne leur laisse que le temps de se produire. Les globules altérés adhèrent les uns auxautres et aux globules sains, de manière à former de petites masses emboliques qui obstruent les capillaires fins et mettent obstacle à la circulation. Nous regrettons que M. Jousset ne se soit pas expliqué sur les expériences antérieures de M. Le professeur P. Bert, qui admet que le venin du Scorpion agit à la fois sur la moelle épinière, comme la 256 REVUE SCIENTIFIQUE. strychnine, et sur les extrémités des nerfs moteurs, comme le curare. En tout cas, dans le système de l'auteur, il reste à rendre compte de la facon dont le venin du Scorpion agit sur les Invertébrés, qui succombent si rapidement à son action funeste. Le Mémoire se termine par quelques considérations thérapeutiques qui n'ont que peu d'intérêt. Il est accompagné d'une planche repré- sentant l'habitation du Scorpio occitanus et les globules sanguins altérés par le venin. | — M. l'abbé Armand David, correspondant de l'Institut, a décrit (Ann. des Sc. nat., 5° série, n°‘ 3 à 6, art. no 9) les espèces d'Oiseaux suivantes qu'il a rencontrées dans la province du Chen-si méridio- nal : Tthaginis sinensis ; Pomatorhinus granivox ; Carpodacus lepidus. Il cite encore dans le Fo-Kien occidental : Trochalopteron Milnei; Parus (Machlolophus) rex; Ixulus superciliaris; Alcippe Hueti; Poma- torhinus Swinhoei). — Un autre missionnaire, M. l'abbé Heude, a envoyé aussi (Ann. des Sc. nat., 5° sér., tom. XX, art. n° 2) la description de deux Oiseaux, l'un trouvé près de Nan-tchang-Fou,le Bubosinensis g' (jeune), l’autre rencontré dans les bois de pins du Niong-si sud-ouest, le Caprimulgus nigrescens '. — Les Annales des Sciences naturelles, 5° sér., tom. XIX, art. n° 13, donnent un extrait d’un intéressant Mémoire de M. Peters sur le développement des Cécilies et en particulier de la Cæcilia compressicauda, inséré dans les Comptes-rendus mensuels de l’Académie des sciences de Berlin, janvier 1874. Les observations de ce naturaliste ont porté sur une femelle de Cécilie, prise à Cayenne nageant dans un canal, qui avait mis au monde un petit vivant et dont les oviductes renfermaient six au- tres embryons. Tous ces individus manquent de ces ouvertures branchiales, dont l'existence a été constatée chez les jeunes £picrium. Par contre, la région de la nuque porte cinq vésicules, lougues de 55 mill., lisses, de forme irrégulière, fixées à un pédicule étendu transversalement et livrant passage à des vaisseaux émanant des arcs aortiques qui se ramifient à la surface de ces vésicules. Ces organes jouent Le rôle de branchies externes, et ils rappellent tout à fait les organes respi- ratoires, en forme de cloche, décrits par Weinland dans la larve TRAVAUX FRANCAIS. —— Z0OLOGIE. 257 du Notodelphis ovifera du Venezuela, Batracien muni d'une poche cutanée où s'opère le développement des jeunes pendant la période embryonnaire, — M. leprofesseur P. Bert a faitparaître dans les Annales des Sciences naturelles, 5" série, tom. XX, art. n° {, un important Mémoire accom- pagné de six planches, qui a pour titre : Recherches expérimentales sur l'influence que les modifications dans la pression barométrique exercent sur les phénomènes de la vie. Nous ne reviendrons pas sur ce travail, qui n’est à proprement parler que la réunion logiquement coordonnée des diverses notes que l’auteur a présentées sur le sujet à l'Académie pendant les années 1871, 1872 et 1873, et dont, par suite, les princi- paux résultats ont été mis sous les yeux de nos lecteurs. Pour une raison analogue, nous passons sous silence un Mémoire sur le mode d'élimination de l’oxyde de carbone, par M. N. Gréhant (Ann. des Sc. nat., 5%° série, tom. XX, art. n° 4). — M. J.-V. Barboza du Bocage a donné (Journ. de Zool., tom. IIT, pag. 1) une Notice sur l'habitat et les caractères du Macroscincus Coctei (Euprepes Coctei, Dum. et Bib.). Les deux erpétologistes français, qui ont décrit ce grand Scincoïdien en 1836, ignoraient son habitat ; toutefois ils le supposaient originaire de l'Afrique, ce que soupconnait également Aug. Duméril. M. Barboza du Bocage, à la suite d’une enquête prolongée et poursuivie avec la plus louable persévérance, est arrivé à s'assurer que l'Euprepes appar- tient à la faune des îles du cap Vert; il paraît actuellement confiné dans un îlot désert connu sous le nom d Ilheo Branco. Un examen attentif de ce Saurien a convaincu l’auteur que les na- turalistes français l'avaient rangé à tort dans le genre £uprepes. Il manque en effet de dents au palais, et celles dont ses mâchoires sont armées ont une couronne très-comprimée, légèrement arrondie et à dentelures bien distinctes sur les bords. Par ces caractères, ilse dis- tingue en réalité de tous les Scincoïdiens connus et se rapproche à certains égards des Iguanes , dont il semble avoir le régime végétal. Toutefois M. Barboza du Bocage a laissé le Saurien du cap Vert parmi les Scincoïdiens, en créant pour lui une coupe générique par- ticulière dont il donne la caractéristique sous la dénomination de Macroscincus. Une seule espèce est connue, et son habitat est tellement restreint qu il est à craindre que, comme l’Alea impennis, le Strigops et l'Apteryx, il ne tarde pas à disparaître de la faune actuelle. M. P. Gervais a annexé au Mémoire de M. Barboza du Bocage une 258 REVUE SCIENTIFIQUE. planche représentant la tête, le crâne et les dents du Macroscincus Coctei, d'après des pièces conservées dans notre Muséum national. — Le Mémoire que nous venons d'analyser est suivi de trois notices dues à M. le Dr Edmond Alix. 40 Sur la signification des os du bassin des Crocodiles (Journ. de Zool., tom. III, pag. 17). Le bassin de ces Reptiles est formé de trois pièces osseuses. Deux, l'iléon et l’ischion, sontdépourvues de mobilité; la troisième, le pubis, est au contraire articulée d'une manière mobile sur l'ischion. Cette mobilité, qui a échappé à la plupart des observateurs, constitue un fait d'une réelle importance, tant au point de vue anatomique qu'au point de vue physiologique. Le pubis se trouve exclu de la cavité cotyloïde, circonstance qui peut faire douter de sa véritable nature et qui a porté Stannius à le considérer comme un os marsupial ; mais les insertions musculaires viennent montrer qu il se comporte comme le pubis des Sauriens, dont l'identité est indiscutable. La mobilité de ces os les a fait rejeter en quelque sorte de la cavité cotyloïde et leur a fourni les moyens de jouer un rôle dans les mouvements respiratoires. Par cette même raison, ils peuvent aussi se prêter à l'am- pliation de la cavité ventrale nécessitée par la dilatation considérable dont le poumon est susceptible. Peut-être, en outre, permettent-ils l'entrée de l’eau par les tubes péritonéaux. Le caractère distinctif du pubis des Crocodiliens est propre aux espèces vivantes : il paraît se retrouver, dans les types éteints, chez les Ptérodactyles. 20 Sur l'absence de véritables apophyses articulaires aux vertèbres des Poissons osseux (Journ. de Zool., tom. IIT, pag. 20). Les saillies auxquelles on donne ce nom chez les Poissons (Zygapo- physes de R. Owen) ne méritent pas en réalité cette appellation, car elles se détachent, non de la lame vertébrale, mais du corps de la ver- tèbre; de plus, elles sont situées au-dessous de l'espace qui répond au trou de conjugaison. La vertèbre du Poisson osseux se rapproche donc de celle qui chez les Mammifères a reçu le nom d'atlas, dont les apophyses articu- laires sont placées au-dessous des trous de conjugaison, ce qui, ajou- tons-le, est aussi le cas des facettes articulaires antérieures de l’axis. 3° Sur la détermination du muscle long supinateur chez les Oiseaux (Journ. de Zool., tom. III, pag. 21). Ce muscle, chez les Mammifères, se comporte de trois manières : — TRAVAUX FRANCAIS. — ZOOLOGIE. 259 À, il va s'insérer dans la partie supérieure du radius : Pachydermes et Ruminants ; — B, il s'insère à la partie inférieure de cet os : Homme, Primates, Lémuriens, Carnassiers, Rongeurs, Édentés, Didelphes ; — C,ilsinsère au carpe et au métacarpe : Tarsier. Dans le Crocodile, on rencontre à la fois les deux premiers modes d'insertion ; il existe deux faisceaux, dont l'un peut s'appeler supina- teur externe supérieur, l’autre supinateur externe inférieur, ce der- nier reproduisant à peu près le long supinateur de l'Homme. Chez les Lézards, il n y a de conservé que le supinateur externe inférieur. Chez les Oiseaux, 1l existe une double insertion humérale, mais le muscle comparable au supinateur externe inférieur des Reptiles, au lieu de s'arrêter inférieurement au radius,se prolonge jusqu’au méta- carpe. On est donc conduit à admettre chez les Oiseaux un long supina- teur se distinguant du même muscle chez les Mammifères par son extrémité proximale bifurquée. — Le Journal de Zoologie, tom. IT, pag. 105, a imprimé un rapport de M. G. Pouchet sur une mission scientifique aux viviers-laboratoires de Concarneau, rapport dont les conclusions nous ont déjà occupé et dont nous nous contenterons alors de rappeler très-brièvement les résultats essentiels. Les matières colorantes, le pigment d'un grand nombre de Pois- sons, sont renfermés dans des cellules contractiles (chromoblastes), dont les changements de dimensions, en condensant ou étendant la ma- tière colorante, amènent des variations de teintes dans les tégu- ments de ces animaux. Depuis longtemps, les pêcheurs prétendent que certains Poissons jouissent de la faculté de prendre, à l'exemple du Caméléon, la couleur du fond sur lequelils se trouvent. Comme pour le Caméléon, il y a dans cette manière d'exprimer les faits une exagé- ration manifeste. On constate en réalité des modifications de nuance, ainsi que M. G. Pouchet l'a reconnu en plaçant les Poissons sur des fonds variés, mais ces modifications sont renfermées dans la gamme du gris au noir, comme le dit ce naturaliste,’ « ils harmonisent seu- lement le ton de leur peau avec celui du fond ; ils lui donnent une valeur égale, la nuance restant différente ». Ces changements sont sous l'influence du système nerveux, im- pressionné lui-même par l'intermédiaire de la rétine. L'impression portée par l'œil au cerveau réagit sur les chromoblastes de la peau et 260 REVUE SCIENTIFIQUE. cette action est réglée par l'intermédiaire du grand sympathique. La vue abolie, le Poisson ne change plus de teinte. | — Dans une Noteintéressante (Journ. de Zool., tom. IT, pag. 125), M.Aloïs Humbert faitconnaître les premiers résultats zoologiques de l'expédition scientifique entreprise par le navire de S. M. Britannique le Challenger. Cette corvette de 2,300 tonneaux, dont les machines ont une force nominale de 400 chevaux, a commencé un voyage d'exploration autour du monde. Elle possède une excellente installa- tion matérielle pour l'observation des animaux marins, et porte à son bord des observateurs d'un mérite éprouvé, sous la direction de l'éminent naturaliste C. Wyville Thomson. L'expédition, partie de Portsmouth le 21 décembre 1872, a obtenu déjà des résultats du plus haut intérêt. Nous ne mentionnerons ici que quelques-uns des ani- maux les plus remarquables que la drague a ramenés du fond de l'Atlantique, où le Challenger doit opérer quatre voyages suivant autant de sections obliques entre l’ancien et le nouveau Monde. On a retiré d'une profondeur de 1,900 brasses (3,475 mètres), sur une section entre Ténériffe et Saint-Thomas, un Crustacé décapode analogue aux Astacides, mais qui s'en distingue par l'absence com- plète d'yeux et même des pédoncules que portent ces organes. Ce Crustacé a recu le nom de Wäillemoesia lepiodactyla, en mémoire de M. de Willemoes-Suhm, un des naturalistes de l'expédition. Une autre espèce du même genre, également privée d'yeux, a été rencon- trée à la profondeur de 450 brasses (825 mètres), dans la mer des Antilles : on l’a nommée Willemoesia crucifer. Dans les mêmes parages, on a encore pêché un autre Crustacé complétement aveugle, l'Astacus zaleucus, qui paraît à M. Alph. Milne Edwards (Ann. des Sc. nat., 5e sér., tom. XIX, art. n° 7) appartenir à la famille des Callianassides, dont un grand nombre de représentants existent dans les terrains secondaires et tertiaires. On peut rapprocher ces intéressantes trouvailles de la découverte faite par M. Wood-Mason (Journ. de la Soc. asiat. du Bengale, tom. XLIII, 2° partie, 1873) d'un Astacide aveugle, le Nephrops Stewartii, dragué aux îles Andaman, à une profondeur de 260 à 300 brasses (475 à 500 mètres). Ce Macroure ressemble beaucoup au Nephrops Norwegicus des mers d'Europe, mais sen distingue par l'état rudimentaire des yeux et l’absence de l’appendice squamiforme mobile, dont la base des antennes externes est garnie chez tous les Astaciens connus jusqu'alors. (V. la fig. de ce Crustacé dans les Ann. des Sc. nat., 5° sér., tom. XIX, pl. 20.) TRAVAUX FRANCAIS. — ZOOLOGIE. 261 Cette atrophie de l'organe de la vision, déjà signalée chez un Crus- tacé de Mammoth-Cave, dans le Kentucky, l'Astacus où Cambarus pellucidus, paraît reconnaître pour cause le défaut d'usage par suite de l'obscurité dans laquelle l'animal est plongé. Une atrophie graduelle de l'œil a été reconnue chez l’Ethusa granulata, dont l'œil est d'autant plus réduit chez les différents spécimens, qu'ils vivent à de plus grandes profondeurs. Une observation dans le même sens a été faite par M. A. Forel sur les Gammarus et les Asellus du lac Léman. La profondeur n'a pas toujours pour résultat d'amener l'’amoindris- sement de l'organe oculaire : si l'animal occupe une zone où le jour puisse encore pénétrer, on voit au contraire cel organe acquérir un développement excessif et arriver à percevoir les rayons lumineux les plus atténués. Tel est le cas d’un beau Crustacé Amphipode ra- mené de 1,090 brasses (1,990 mèt.), et que M. Willemoes-Suhm a nommé Thaumops pellucida. Ce Crustacé a des yeux qui occupent toute la face supérieure de la tête. À la vérité, il ne se tient pas toujours dans ces zones profondes, mais se rapproche de la surface de la mer. Il ne paraît pas différent du Cystosoma Neptuni de Guérin-Méneville. Rappelons, à cette occasion, que chez d'autres Crustacés des eaux profondes, le Gnathophausia gigas et Zoea appartenant aux Lopho- gastridés, il existe non-seulement des yeux pédonculés normaux, mais ericore un organe oculaire accessoire sur chacune des maxilles de la deuxième paire. Les dragages du Challenger ont ‘encore fait connaître un Bryo- zoaire nouveau et fort curieux, nommé par Wyrille Thomson Waresia cyathus, qui diffère de tous les genres de la faune actuelle et rappelle d'une manière frappante les Dicityonema du terrain cambrien. Mentionnons deux Echinodermes très-intéressants, la Salenia rari- spina Al. Agass., déjà découverte par M. Pourtalès dans le détroit de la Floride, puis le Rhizocrinus lofotensis. Plusieurs Coralliaires remarquables ont été ramenés des profon- deurs. De ce nombre est une Umbellularia qui à été retirée par 2,125 brasses ( 3,885 mèt. ); elle mesure trois pieds et demi, et brille d’une lueur phosphorescente des plus vives. Les Spongiaires du groupe des Hexactinellidés ( Aphrocallistes, Hyalonema, Euplectella) ont aussi fourni différents spécimens d’une rare élégance, Citons enfin, pour terminer cette énumération trop abrégee des riches trouvailles du Challenger, un Foraminifere du genre Coccoli= thes, ramené des plus grandes profondeurs (3,158 brasses 5,660 mèt.) et qui vivait sur un fond d'argile sans être accompagné de Bæthy- IL, 262 REVUE SCIENTIFIQUE. bius, dont le nom ne figure pas dans les notes des explorateurs anglais. — M.J. Reinhardta publié (Journ. de Zool., tom. III, pag. 139) une « Notice sur la structure anatomique des ailes dans la famille des Pétrels (Procellarides, seu Turbinares). Les Longipennes, les Limicoles et plusieurs Alcidés possèdent une grande apophyse en forme de crochet, à l'extrémité inférieure de l'humérus, un peu au-dessus du condyle radial. Plusieurs Longipen- nes sont pourvus en outre d'un petit os supplémentaire articulé d'une manière mobile sur l’'apophyse dont il vient d'être parlé. Meckel avait découvert cet osselet chez le Puffin commun; R.Owen l'avait retrouvé dans un autre Puffin des mers du Sud, et Bennett en avait signalé la présence dans le grand Albatros. D'après les recherches de Reinhardt, cet os n'existe que dans un certain nombre de genres de Longipennes de la famille des Procella- ridés. En réalité, il existe non pas un, mais deux os supplémentaires: l'un a été signalé par les anatomistes que nous venons de citer ; l'’au- tre, qui ne manque complétement que dans un petitnombre d'espèces, n'est à proprement parler qu'une ossification du ligament fixant l'osselet précédent à l'apophyse crochue de l'humérus. Dans le cas où ce dernier os possède cette apophyse, une des deuxportions du muscle extensor metacarpi radialis longus vient s'y insérer. Chez les Pétrels, où serencontrent un ou deuxos supplémentaires, c'est au plus grand de ces os que la partie externe de ce muscle vient s'attacher. Dans ce dernier, le muscle agit sur le levier huméral sous un angle plus favo- rable que chez les Mouettes, etc. En prenant pour point de départ la présence ou l'absence de ces osselets, l’auteur propose de diviser ainsi la famille des Procellaridés: A. Os supplémentaires des ailes présents 12 rectrices...... 5000006008 860 a. Puffinez. B. Point d'os supplémentaires. I. Première rémige, la plus longue. Plus de 12 rectrices............. 0 FUIMOrez. 12 rectrices. Bec sans dentelures... Pagodroma ? Bec avec dentelures... oc. Prioneæ. II. Deuxième rémige, la plus longue... ...... d. Procellariez. — Le Journal de Zoologie (tom. III, pag. 164) a inséré une note de M. le professeur P. Gervais sur des dents surnuméraires observées sur un Gorille (avec 1 planche). Cette anomalie, rencontrée chez une femelle âgée, consiste dans la TRAVAUX FRANCAIS. — ZOOLOGIE. 263 "4 présence de trois molaires en plus du nombre habituel, ce qui donne ï 5—6 pour ces dents la formule suivante EE” lieu de la formule ordi- naire as D—5 Des faits analogues ont déjà été signalés chez des Singes améri- cains et dans l'espèce humaine, les Nègres en particulier. — M. le D' Edmond Alix a publié (Journ. de Zool., tom. III, pag. 167) un Mémoire étendu sur l'ostéologie et la myologie du Nothura major, Oiseau du groupes des Tinamidés. Ces Oiseaux, rapprochés des Gallinacés par Cuvier, sont consi- dérés comme formant un groupe particulier par Lherminier, qui avait eu l’occasion d'étudier leur sternum. M. le professeur P. Gervais les a placés à côté des Rales, et plus récemment un naturaliste anglais, M. Parker, en a fait, sous le nom de Dromæognathis, le type d’une division particulière parmi les Oiseaux à sternum caréné. M. E. Alix donne dans la première partie de son travail une des- cription détaillée du squelette du Nothura, en prenant pour base de son étude le Mémoire du savant anglais. La seconde partie est consacrée à la myologie du Wothura, qu'il compare plus particulièrement aux Gallinacés, aux Rallidés et aux Struthidés. Cette étude du système osseux et du système musculaire a conduit M. E. Alix à faire des Tinamidés un groupe à part. Si des faits isolés les rapprochent des Rallidés et des Echassiers longirostres et pressi- rostres, ils présentent une grande ressemblance, soit avec les Autru- ches, soit aussi avec les Gallinacés. Il n'est guère possible cepen- dant de les associer aux premiers, puisqu'on ne retrouve plus chez eux le caractère essentiel des Autruches, c'est-à-dire l'absence de carène sternale; et d’autre part ils s’éloignent des seconds par la con- formation de la base du crâne, dont Huxley a si bien montré l'im- portance dans ces derniers temps. Au Mémoire de M. Alix sont jointes deux planches représentant les principaux muscles du Nothura major. — Dans le Journal de Zoologie (tom. III, pag. 237) a paru un Mé- moire de M.le professeur Gervais sur la dentition et le squelette de l’'Euplère de Goudot. Ce Mammifère, qui habite Madagascar, a été décrit pour la pre- mière fois en 1837 par Doyère, qui considéra le genre Euplère comme rentrant dans l'ordre des Insectivores, mais reliant ces derniers aux 264 REVUE SCIENTIFIQUE. Carnassiers, opinion à laquelle s'était rallié Isid.-Geoffroy Saint- Hilaire. Cette manière d'envisager les Euplères n'a pas été admise par tous les zoologistes : de Blainville, MM. Gervais et Gray les clas- sent parmi les Carnassiers. Que l’Euplère soit un Carnassier, M. Ger- vais le soutient encore aujourd'hui; pour ce naturaliste, le doute n’est pas possible, et il ne reste plus qu’à rechercher la place que doit occuper ce genre dans ce groupe de Mammifères. Dans ce but, l’auteur passe en revue les diverses particularités du système dentaire et du squelette de l'Euplère. Il conclut de cette étude que l'animal de Madagascar doit entrer dans la famille des Viverri- dés et y former une tribu particulière du nom d'Ewuplérins. Il paraît plus insectivore que les Genettes et les Mangoustes, et s'éloigne sensiblement des Paradoxures, qui, eux, ont une tendance à devenir omnivores. Une planche accompagne le Mémoire de M. P. Gervais. — Dans les Notes et Revues du tome IT des Archives de Zoologie expérimentale et générale, nous lisons (pag. 51) une Note sur un rameau dorsal du nerf pathétique chez les Gades, par M. le professeur Baudelot. En 1865, ce zoologiste avait signalé l'existence chez le Merlan (Gadus merlangus) d'une branche dorsale du pathétique se distribuant aux enveloppes du cerveau, branche que plus tard, en 1868, il avait considérée comme l’homologue du rameau dorsal du trijumeau, du pneumo-gastrique et des nerfs spinaux. Des recherches récentes lui ont fait retrouver cette branche ner- veuse dans le Gadus pollachius, le Gad. molva et le Gad. lota. Dans le Gadus molva, elle naît du pathétique, très-près de l’origine de ce nerf, se porte en haut et en dedans dans l'épaisseur de la pie-mère, et s’anastomose avec le rameau correspondant venu du côté opposé. — Un jeune zoologiste, qui ne travaille plus qu’à la lueur du flam- beau transformiste, M. Alfred Giard, a inséré (Archives de Zoologie expérimentale et générale, tom. IIT, Notes et Revue, pag. 3) une Wote sur une larve de Diptère du genre Cuterebra. Cette larve était renfermée dans une tumeur très-volumineuse occupant la région dorsale d'un petit Didelphe de la Guyane fran- çaise, la Marmose (Didelphys murina Lin.). M. Giard expose les raisons qui le portent à regarder cette larve comme celle du Cuterebra ephip- pium Lak. C'est la première fois qu'un OEstride est signalé chez un - Marsupial. M. Giard explique le choix que l'Insecte a fait du dos pour TRAVAUX FRANCAIS. — ZOOLOGIE. 265 déposersa progéniture, par cette circonstance que la Marmose, dépour- vue de sac marsupial, porte ses petits sur cette partie du corps, est salie par les déjections, explication qui, notons-le en passant, ne conviendrait qu'au sexe femelle. L'auteur se livre ensuite à des considérations sur la dégradation progressive des différents genres d'OEstrides. Il n'hésite pas à appli- quer aux divers représentants de ce groupe deux lois qu'il se croit dès maintenant en droit de formuler, d'après quelques études entreprises sur les Crustacés isopodes parasites. 1° La dégradation marche parallèlement à la nature du parasitisme; les parasites externes (cuticoles), exemple: Cuterebra, sont moins dégradés que les cavicoles , exemple : Cephalemya, et ceux-ci que les gastricoles, exemple : Gastrophilus. 20 Chez les vrais parasites d’un groupe déterminé, l'arbre phylogé- nique peut être, d’une facon générale, considéré comme superposable à celui des animaux infestés. À ce propos, l’auteur nous fait connaître son sentiment et ses im- pressions sur la classification générale des Mammifères, digression où il se complaît à employer le néologisme de l'École allemande. M. Giard, nous le croyons, a voulu faire une note à sensation. Sans entrer dans aucune critique de détail, que l’auteur, dont nous admi- rons l'ardeur toute juvénile et dont nous apprécions l'incontestable talent, nous permette de lui rappeler que dans la science zoologique, dont l'étude exige de longues années d'un labeur opiniâtre et incessant, il nest encore qu'un débutant; par conséquent il lui est impossible de posséder déjà cette longue expérience qui seule peut donner de l'autorité à sa parole sur le terrain de ces généralisations hardies où il s'est engagé. Qu'il médite les sages conseils de son maître M. de Lacaze-Duthiers, et « se défie de ces considérations générales où les : théories vagues et creuses remplacent les idées sérieuses et les opinions sages qui sont la conséquence d’une expérience acquise » (4rchives de Zoologie, tom. IIT, pag. 127). — Sous le titre de Contributions à l’histoire naturelle des Synascidies, le même zoologiste a publié (Archives de Zoologie, tom. III, pag. 481) quelques notes complémentaires de la Thèse que nous avons analysée dans la Revue. Elles concernent l'hivernage de ces animaux, la coloration acciden- telle de certains Botrylles et quelques espèces qui, au dire de l’au- teur, mimeraient les Ascidies. M. Giard décrit une Grégarine (Mono- cystis), parasite des Amaræcium, mentionne diverses Ascidies com- 266 REVUE SCIENTIFIQUE. posées des grandes profondeurs, dont l’une, l'Astellium perspicuum, présente, à son avis, une grande analogie avec l'Ophioséide cardiocé- phale, Crustacé copépode dégradé, décrit jadis par notre laborieux collaborateur M. Hesse. Il traite ensuite des espèces de Synascidies des deux premières zones qui se retrouvent dans les dragages, et in- dique plusieurs formes intéressantes du Botryllus calendula. Enfin, après avoir discuté assez longuement la synonymie de quelques Ascidies composées, il rappelle certaines opinions anciennes sur l'embryogénie des Ascidies. — Les Notes et Revue du tome IIT des Archives de Zoologie cou- tiennent (page 7) sous ce titre : Sur les pédicellaires et les ambulacres des Astéries et des Oursins, une réponse de M. Edmond Perrier à des critiques de M. Alexandre Agassiz, que nous nous plaisons à citer comme un modèle de controverse scientifique respectueuse et ferme tout à la fois. — Un jeune naturaliste, M. Schneider, a inséré dans les Archives de Zoologie, tom. IT, pag. 515, une Notice sur quelques points de l'his- toire du genre Gregarina. Malgré les travaux publiés dans ces dernières années, l'histoire des Grégarines présente encore de nombreux desiderata, et certains points sont encore d'une grande obscurité. M. Schneider travaille depuis plusisurs mois à coordonner les observations isoléeset à les soumettre au contrôle de l'observation, préparant ainsi de ce groupe une étude monographique que les naturalistes accueilleront avec reconnais- sance. Tout en donnant nos encouragements à l’auteur, nous ne sau- rions nous dispenser de lui recommander de marcher avec la plus grande circonspection dans la voie oùils'est engagé. Les obstacles y sont multipliés, l'erreur facile, et ce n’est qu'avec beaucoup de temps et une patience à toute épreuve qu'il pourra mener son entreprise à bonne fin. L'auteur noùs entretient d'abord de quelques faits intéressants relatifs à l'émission des spores (navicelles, pseudo-navicelles, psoro- spermies). Les différentes phases de la vie des Grégariens, ces parasites si dégradés, paraissent être les suivantes. La Grégarine produit un kyste d'où sortent les spores : celles-ci donnent naissance à un corps amæboïde, lequel à son tour, dans la Gregarina gigantea au moins, reproduit la Grégarine tvpique par un procédé dévoilé par M. van Beneden, et que nous avons exposé dans cette Revue. Ainsi qu'il fut dit alors, le corps de la Grégarine est composé de deux TRAVAUX FRANCAIS. = Z00LOGIE. 267 segments, dont l’antérieur est appelé par M. Schneider protomérite, et le postérieur deutomérite. Au protomérite est souvent annexé un seoment supplémentaire qui était demeuré jusqu'ici inaperçu, et que l'auteur propose d'appeler épimérite. Chaque individu est constitué par une paroi propre ou épicyte, par une couche protoplasmatique ou sarcocyte dont est formé le septum qui divise en deux segments le corps de la Grégarine, et enfin par un contenu ou entocyte assez gros- sièrement granuleux. Le deutomérite renferme en outre un nucléus avec un nucléole qui s'est montré unique et d’une forme définie, au moins dans les espèces étudiées par M. Schneider. Les individus vivent tantôt isolés, tantôt et plus souvent assez lâchement unis deux à deux en opposition, c'est-à-dire l’un derrière l'autre. Le premier individu recoit de l’auteur le nom de primite, le second celui de satellite. Les kystes, qui font plus spécialement l'objet du travail que nous analysons, ont été recueillis en grande quantité dans les excréments de la Forficule commune. Ils proviennent d'une espèce qui se fixe à la partie antérieure du ventricule chylifique de cet Insecte. Ces kystes présentent deux variétés principales. Les uns, que l’au- teur appelle Æystes de la petite sorte, mesurent 18 à 20 centièmes de millimètre; leur paroï, à simple contour, est entourée d'une zone inco- lore à fines stries concentriques. Les autres, dits kystes de la grosse sorte, sont presque deux fois plus gros que les précédents ; leur paroi est à double contour, et la zone transparente, très-large, est dépourvue de stries d'accroissement. Les premiers proviennent d'un enkyste- ment solitaire, les seconds semblent être un produit de la géné- ration. M. Schneider, en placant ces kystes dans de l’eau fraîche, a pu être témoin de la facon dont s'effectue l'émission des spores. Le contenu des kystes de la grosse sorte, d'abord divisé en deux masses, se fond en une seule et devient homogène , puis se rétracte, et dans cet état se revêt d’une membrane spéciale. Bientôt une zone périphérique s’y dessine, zone qui semble constituée d'abord par des petits grains pressés les uns contre les autres, mais qui de plus re- prend son homogénéité et s'enfonce de distance en distance dans la masse centrale, qui divisée alors en spores prend de la sorte un aspect étoilé. La matière centrale se soulève ensuite sous forme de cônes qui traversent la zone périphérique transparente, et elle se recouvre d'une enveloppe spéciale qui la délimite avec beaucoup de netteté. Laissant de côté différents changements qui se produisent, tels que disparition de l'enveloppe du contenu du kyste, de celle de la massé 268 REVUE SCIENTIFIQUE. centrale, observons ce que vont devenir les cônes dont il vient d'être question. De leur extrémité, on voit saillir un large et court mamelon qui se prolongera lui-même en un tube étroit. Ce tube, nommé par M. Schneider sporoducie, laisse échapper au dehors les spores de la massse centrale, qui sont de simples lépocytodes, sous la forme de fibres moniliformes d’une grande longueur et d'une remarquable régularité. La masse centrale cependant ne se résout pas entièrement en spores : une portion, qui conserve les caractères de l’entocyte, reste incluse dans le kyste, bien que celui-ci communique librement avec l'extérieur. Les kystes de la petite sorte se comportent de la même facon. Par exception toutefois, M. Schneïder a observé dans quelques cas la pro- duction de sporoductes en moindrenombre, mais d'un calibre relative- ment énorme, et l'émission par ceux-ci de spores quatre fois plus grosses que dans les cas ordinaires. Il reste à savoir si ces kystes appartenaient bien réellement à la Gregarina ovata; l'auteur le croit, et il admet des kystes à microspores et à macrospores. Les mêmes particularités ont été rencontrées chez la Gregarina cuneata et sur une espèce parasite d’un Coléoptère carnassier, le Har- palus serripes. L'auteur, cependant, n y a pas jusqu'ici observé les deux sortes de spores. Au point de vue de la classification, ces observations ont de l'intérêt en ce qu'elles ajoutent un terme important à la caractéristique du genre Grégarine, qui se distingue alors par la production de spores réduites à de simples lépocytodes, et par la conjugaison des individus en opposition. Si donc on conserve la division de l'ordre des Gréga- rines en Monocystidées et en Polycystidées, il paraît convenable de sub- diviser immédiatement ces dernières en Cytospores et en Cytodospores; celles-ci réduites au seul genre Gregarina de Stein. Ce dernier naturaliste a pensé que les kystes rentraient dans l'in- testin et y émettaient des spores. Les observations dont nous venons de rendre compte sont peu favorables à cette manière de voir, et äl semble plus probable que l'animal éprouve d'autres vicissitudes avant de faire retour à l'Insecte dont il dérive. La notice de M. Schneiïder est accompagnée d'une fort jolie plan- che lithographiée. — M. P. Hallez, préparateur au laboratoire de zoologie de la Faculté des sciences de Lille, a publié (Arch. de Zool., tom. II, pag. 559) des Observations sur le Prosiomum lineare (OErsted), syn. : Gyrator her- maphroditus (Ehrenberg), Derostomum notops (Dugès). TRAVAUX FRANCAIS.— ZOOLOGIE. 269 Ce Turbellarié a déjà été étudié par Oscar Schmidt, Max Schultze et Metschnikoff, qui ont fourni sur son organisation des détails que M. Hallez s’est appliqué à contrôler et à compléter. Le Prostomum ne mesure guère que 2? millim. de longueur. La forme générale de son corps est celle d'un cylindre légèrement obtus à ses extrémités. Vers le premier quart de sa longueur, se voient deux points oculiformes qui lui ont valu le nom générique que lui avait appliqué Dugès. Le corps est très-contractile, et par conséquent sa forme est très-sujette à varier. L'enveloppe tégumentaire se compose d'une double couche mus- culaire recouverte en entier d'un épithélium ciliaire constitué lui- même, comme l'a indiqué Max Schultze, d'une substance fondamen- tale finement granuleuse. Le même anatomiste yadmet de nombreuses vacuoles à contenu liquide et hyalin, que M. Hallez a reconnues être produites artificiellement par la compression à laquelle l'animal est soumis pour l'examen microscopique. La peau montre un grand nombre de petits pores en forme d'en- tonnoir, nettement visibles sur certains individus seulement, mais dont l'existence cependant paraît constante, et qui semblent être en relation avec de petits amas glanduliformes composés de granulations réfringentes et situés au-dessous de la couche épithéliale. Le système nerveux est réduit à deux ganglions soudés sur la ligne médiane, dont l'ensemble figure assez bien un carré dont les angles donneraient naissance à quatre branches nerveuses, deux se dirigeant en avant, et deux autres se portant en arrière. Examiné dans sa structure élémentaire, ce système s'est montré formé de lépocy- todes uni ou bi-polaires, sans mélange de ces éléments cellulaires fusiformes que M. Schultze a figurés. Les organes des sens sont représentés par deux taches oculiformes composées d'une agglomération de grains pigmentaires noirs, non réunis par une membrane d'enveloppe. La sensibilité tactile paraît surtout dévolue à la partie du corps située en avant, que l'animal meut presque continuellement dans tous les sens. Cette partie loge la trompe, organe dont la conformation et les usages ont fort embarrassé les naturalistes. La trompe consiste en un cône creux, formé d'une gaine musculaire à fibres longitudinales externes et à fibres annulaires internes, recouvert en dedans et en dehors d'une couche épithéliale. Cet organe de préhension est misen mouvement par un système de muscles que l'auteur décrit et dont il explique le jeu. L'ouverture buccale, munie d'un sphincter, se trouve à la face 270 REVUE SCIENTIFIQUE. ventrale, vers le milieu du corps. Elle communique, par un orifice également pourvu d'un sphincter, avec un court œæsophage aboutis- sant lui-même au sac intestinal. M. Hallez est porté à admettre une paroi propre à ce sac, contrairement à ce qui existe chez les Rhab- docæles. Le système sécrétoire digestif paraît être représenté par un certain nombre de cellules glandulaires à noyau entourant la base du pha- rynx , puis de cellules à contenu limpide, flottant dans l'intestin, et qui proviennent vraisemblablement d'une desquamation de l'épi- thélium de la cavité digestive; ces cellules, en se liquéfiant, fournis- sent peut-être un suc nécessaire à la digestion. Bien qu'on n'ait jamais indiqué chez les Rhabdocæles d'organe propulseur du fluide nourricier, M. Hallez a apercu chez quelqués Derostomum un tube pulsatile dirigé transversalement, à mouvements péristaltiques se propageant alternativement de gauche à droite et de droite à gauche, et qu'on peut prendre pour une première ébauche de l'appareil circulatoire des Némertiens. L'appareil excréteur (Wassergefasystem) se compose, de chaque côté, de deux troncs à contenu transparent, s'ouvrant, après s'être réunis, par une ouverture unique pour chaque paire pratiquée sur les côtés de la région antérieure du corps. Les deux troncs ne se comportent pas de la même facon : l’un se subdivise un grand nombre de fois, l'autre n'émet que peu de rameaux, et son extrémité profonde se ter- mine en cœcum vers la partie postérieure du corps. Nous ne possédons que des notions incomplètes sur l'appareil à venin. M. Hallez l'a trouvé formé d'un réservoir à parois muscu- laires, recevant le produit de la sécrétion d'une glande volumineuse, dont tous les acini aboutissent finalement à un seul conduit de décharge. Ce réservoir se rétrécit en forme de canal dont la partie terminale, devenue chitineuse, constitue le stylet. Ce stylet, composé de deux pièces, glisse dans une gaine dont l'orifice occupe exactement l'extrémité caudale. Divers muscles mettent en mouvement l'appareil stylifère, qui porte des coups promptement mortels aux Entomostracés, dont le Prostomum fait sa proie. Il nous reste à parler des organes mâles et femelles, que M. Hallez affirme se trouver réunis chez le même individu. L'appareil mâle est formé d’un testicule communiquant, à l'aide d'un tube éfférent, avec une vésicule séminale à paroi musculeuse, pourvue d'un canal déférent s'ouvrant à la base de la gaîne du stylet. Les sper- matozoïdes ne suivent donc pas le même chemin que le liquide véné- nifique. L'appareil stylifère est-il une arme offensive et défensive, ou TRXVAUX FRANCAIS. — ZOOLOGIE. 271 bien fonctionne-t-il comme organe copulateur? La question a été résolue différemment par les zoologistes. M. Hallez, tenant compte des données embryogéniques, pense qu'il ne faut pas le considérer comme un organe originairement copulateur, mais comme une for- mation indépendante avec laquelle l'organe mâle ne se met que plus tard en relation, de manière à intervenir dans la copulation. L'étude de l'organe femelle est entourée des plus sérieuses difficul- tés. M. Hallez distingue un ovaire, un vitellogène, ou plus exactement un deutoplasmigène, et une poche copulatrice. L'ovaire, dont la struc- ture est encore mal connue, s'ouvre par un canal de peu de longueur dans la cavité générale, qui contient en moyenne une vingtaine d'œufs. Ceux-ci, aussi jeunes qu'on peut les observer, paraissent composés de leurs éléments essentiels : vitellus, vésicule de Purkinje et tache de Wagner. Le deutoplasmigène consiste en un réseau de tubes com- muniquant par une embouchure unique avec la cavité générale. Il produit des cellules (Dotterzellen) à contenu l'abord hyalin, avec noyau devenant par la suite granuleux et possédant une vitalité qui se traduit par des mouvements amcæboïdes. Ces cellules englobent l'ovule et représentent ses prerniers matériaux de nutrition. La poche copulatrice, dont la structure est fort difficile à élucider, a paru com- posée d’une matière granuleuse homogène, renfermant un certain nombre de vacuoles dans lesquelles s'accumulent les spermatozoïdes par un procédé que l’auteur n'a pu saisir. L’orifice femelle est rejeté à la partie postérieure du corps, en avant de l'orifice mâle. Les œufs s'entourent d'une capsule de forme ovoïde se prolongeant en une sorte de pédicelle qui se fixe sur les Conferves. Le mode de formation de cette capsule est encore entouré d'obscurité. L'auteur n'a pu discerner ni ootype, ni utérus, et il lui a semblé que la capsule prenait naissance dans la cavité générale. I n’a point retrouvé les œufs d'été et les œufs d'hiver, tels qu'on les rencontre chez d'autres Rhabdocæles. Le Mémoire de M. Hallez est accompagné d’un appendice biblio- graphique et de trois planches. — Dans les Archives de Zoologie (tom. III, pag. 73), a paru un Mémoire sur l'origine et le mode de formation des monstres doubles, par M. Camille Dareste. Bien que les recherches de M. C. Dareste n'aient porté que sur les Oiseaux, l'unité de type qui se rencontre dans le processus embryon- 272 REVUE SCIENTIFIQUE. naire des Vertébrés rend les recherches de ce physiologiste applica- bles à cet embranchement tout entier. Le chapitre I* a pour titre: «Des conditions générales de ‘la forma- tion des monstres doubles». L'auteur commence par y retracer l'historique de cette question si obscure de la production des monstres doubles, que Bonnet tenait pour interminable. {1 nous montre la doctrine de la préexistence des mon- stres doubles de Régis, corollaire de celle de la préexistence des germes, aux prises avec l'opinion peu scientifique, soutenue par Lémery, de la production de ces monstres par la fusion des deux embryons primitivement distincts. Etienne-Geoffroy Saint-Hilaire reproduisit, en la modifiant, la théorie de Lémery. Frappé de voir deux êtres unis le plus souvent par leurs parties similaires, àl fit entrer en jeu une propriété remarquable des corps vivants, l’affinité du soi pour soi, sorte d'attraction qui entrainerait l'un vers l’autre les organes semblables de deux corps embryonnaires. Après avoir reproduit les objections graves que soulève la théorie de Geoffroy le père, il rappelle le pas considérable que fit faire à la question Isidore-Geoffroy Saint-Hilaire. Ce naturaliste, n’envisageant que l'Hommeetles Mammifères, avait nettement compris la condition primordiale de la formation d'un monstre double, en admettant, pour la première fois, qu’elle dépend de l'union de deux embryons dévelop- pés dans un même œuf et dans un même amnios. Quand il s'est agi des Oiseaux, la monstruosité double a été rattachée à l'union de deux embryons développés sur Geux jaunes distincts, inclus dans la même coquille. M. Dareste discute et combat les argu- ments apportés à l'appui de cette manière de voir, et il déclare que les monstres doubles se produisent chez les Oiseaux, non-seulement sur un même jaune, mais encore sur une même cicatricule. Il peut, à la vérité, exister deux cicatricules sur un jaune unique , mais dans ce cas les deux êtres, après avoir vécu quelque temps d’une vie commune, s'enveloppent chacun d’un amnios distinct qui s'oppose à la production de la duplicité monstrueuse. Quelle est la cause de l'apparition d'un double centre de formation embryonnaire dans une cicatricule unique ? réside-t-elle dans la cicatricule elle-même, qui peut-être posséderait alors une double vési- cule embryogène ? faut-il la chercher en dehors du produit femelle et l'attribuer à l'élément mâle? La science n’a pu encore fournir de solu- tion à cet égard. Quand, sur une cicatricule à double centre de formation embryon- naire, les embryons sont orientés de certaine façon, ils s'unissent TRAVAUX FRANCAIS. — ZOOLOGIE. 273 non-seulement par leurs annexes, mais encore par certains points de la masse même du corps. Remarquons toutefois que la soudure précède l'époque d'apparition des éléments histologiques définitifs, et s'effectue à ce moment où les tissus sont encore à l'état blasté- matique. Dans le chapitre IT, l’auteur passe en revue les conditions parti- culières de l'union dans chacun des types de la monstruosité double. Il n'existe en réalité, ainsi que l’établit M. Dareste, qu'un nombre déterminé de modes d'union possibles pour deux embryons développés sur une cicatricule unique, ce qui restreint le nombre de types obser- vables. L'union des deux embryons se fait à une époque variable pour les différents types. L'auteur rend compte du mode de formation des principaux, en commençant par ceux qui procèdent d'une union tar- dive et qui sont encore les mieux connus. Nous renvoyons, pour plus amples informations, le lecteur aux passages du Mémoire de M. G. Dareste où l’auteur étudie les pro- cédés à l’aide desquels apparaissent les types suivants : 19 Céphalopages, Métopages et monstres Polygnathiens ; 2° Monstres doubles à union antérieure et à double poitrine , mais à têtes distinctes (Xiphopages, Sternopages, Ectopages, Hémipages) ; 3° Monstres à union antérieure, à double poitrine et à têtes fondues ensemble (Janiceps, Iniopes, Synotes et Déradelphes) ; 4° Ischiopages ; 5° Monstres Sysomiens ; 6o Monstres Monosomiens. Relativement à la formation des monstres doubles parasitaires, où l'union paraît échapper à la loi d'affinité du soi pour soi, M. Dareste, en l'absence de tout document positif, est réduit à hasarder quelques conjectures. En terminant ce chapitre, l'auteur recherche si la notion de la du- plicité doit s'étendre à toutes les anomalies caractérisées par la pré- sence de parties surnuméraires, à la polydactylie par exemple. Cette interprétation ne parait pas devoir être admise, et la polydactylie doit, dans un grand nombre de cas, reconnaître une autre cause. On sait qu'elle se produit volontiers, au moment de la régénération des mem- bres, chez les Vertébrés qui restent à certains égards dans une organi- sation embryonnaire, les Batraciens urodèles par exemple. Il ne serait donc pas illogique d'admettre que chez les Vertébrés supérieurs elle peut aussi être la conséquence de la régénération d’un membre, après 274 REVUE SCIENTIFIQUE. une amputation naturelle, telle qu'on l'a observée pendant la vie embryonnaire. Le troisième et dernier chapitre est consacré à l'examen critique de quelques théories qui ont été imaginées pour rendre compte de la formation des monstres doubles, et particulièrement de la théorie du dédoublement. L'auteur ne fait que citer pour mémoire la doctrine extra-scientifique de la prééxistence des germes monstrueux ; puis il réfute rapidement l'explication de Serres, qui rendait compte de la monstruosité double par l'augmentation du nombre des artères amenant à sa suite l’aug- mentation du nombre des parties du corps. Il combat ensuite la théorie dominante qui explique la duplicité monstrueuse par le dédoublement d'un germe simple dans l'origine, dédoublement qui, suivant qu'il est primitif ou tardif, donnerait naissance, soit à deux embryons, ou aurait pour résultat de rendre doubles certaines parties d'un embryon simple. M. Dareste objecte aux partisans de cette théorie qu'ils regardent à tort comme une même chose le germe et l'embryon, êtres évidem- ment distincts, quoique associés l'un à l’autre; la cicatricule, en effet, peut se transformer en blastoderme et acquérir son développement complet, sans que l'embryon se développe. Il faudrait admettre en outre que, la cicatricule pouvant se trans- former en deux embryons ou en un monstre double, il y aurait possi- bilité d'obtenir ce dédoublement par l'action de causes extérieures. Or, ce résultat n'a jamais été rigoureusement constaté. Le savant professeur discute les faits allégués par les auteurs, et montre qu'ils sont loin d'être probants. M. C. Dareste termine son Mémoire par cette conclusion : «Les monstres doubles, chez les animaux vertébrés, résultent toujours de la soudure ou de la fusion plus ou moins complète de deux embryons produits sur une cicatricule unique. » (4 continuer.) S. JOURDAIN. Botanique. Les Annales des Sciences naturelles ont inséré un important Mémoire de M. le D' Tchistiakoff sur le Développement des Sporanges et des Spores chez les Fougères!. Les observations relatées dans ce travail ont porté sur l’Angiopteris longifolia, de la famille des Marattiacées. Dans un premier Mémoire?, l’auteur avait fait cette étude chez les Polypo- diacées, et il poursuit ses recherches anatomiques et physiologiques pour servir de Matériaux à l'histoire de la cellule végétale. M. Tchistiakoff décrit d'abord les Sporanges et en indique le déve- loppement; il s'occupe ensuite des Spores, dont il fait connaître l'a- natomie. Quand leur développement est complet, elles sont limitées par une membrane très-complexe ou plutôt par plusieurs membranes. L'une, la plus interne, formée de cellulose, est l’endosporium. Au-des- sus d'elle, on trouve une autre membrane à trois couches qui se dif- férencie de la première par sa composition et par sa structure : c’est l'exosporium ; enfin celle-ci est recouverte par une membrane super- ficielle, transparente, que M. Tchistiakoff nomme perisporium et qui disparaît dans les spores arrivées à complète maturité. Le contenu des spores müres consiste en une matière plasmatique masquée par un grand; nombre de gouttes huileuses qui remplissent l'intérieur de la spore. C’est le développement de ces spores qui constitue la partie essen- tielle du Mémoire de M. Tchistiakoff. Il divise l'histoire de ce déve- loppement en deux grardes périodes qui comprennent elles-mêmes vingt-trois phases différentes. Les périodes se limitent ainsi : « 1° À partir de la séparation des cellules-mères jusqu'à la pre- mière apparition de la membrane propre. » 2° Depuis la formation de cette membrane jusqu'à la maturité. » Pour suivre ce développement, la difficulté était grande, à cause de l'extrême sensibilité du plasma des cellules-mères, qui s’altère promptement sous l'influence d'actions diverses : changements de température, secousses mécaniques, etc... M. Tchistiakoff y a réussi. Il indique dans les termes suivants la méthode qu’il a employée dans ses recherches. « Observer une même cellule en dehors du sporange, et remarquer tous les changements qui se manifestent dans le plasma 1 Annal. des Sc. natur., Botanique, 5e série, tom. XIX, pag. 219. 2 In Nuovo Giornale bot. ital., vol. VI, n° 1. 276 REVUE SCIENTIFIQUE. lorsqu'il absorbe de l’eau et qu'il ne suit que son affinité naturelle pour cet agent, dont le rôle important dans ses modifications, est reconnu par tous les botanistes. D'après les changements dans l’as- pect du plasma, j'ai pu juger de ce qui se passe dans sa substance.» Dans la première période de développement qu'il a établie, l’auteur distingue quinze phases différentes, caractérisées par des phénomènes qu'il a décrits avec un soin minutieux. Nous ne pouvons le suivre dans le détail de ces observations, et nous nous bornerons à enregis- trer les faits principaux qui en résultent. Ces faits sont groupés par M. Tchistiakoff en deux catégories, sous la dénomination de « Phéno- mènes généraux, et Phénomènes spéciaux». Il les définit ainsi : « 1o Phénomènes généraux, c'est-à-dire ceux qui ont lieu dans chaque phase de développement et sont soumis à des lois com- munes chimiques et physiques, car ils sont le résultat de propriétés générales intimes du plasma, dont le mode d'activité est le même durant toute la période décrite. » 2o Phénomènes spéciaux, c'est-à-dire ceux qui n’ont lieu que dans telle ou telle phase de développement et sont soumis à des lois secondaires. » Parmi les premiers de ces phénomènes, on reconnaît que l'action de l’eau sur le plasma est une action chimique. C'est cette action qui modifie la densité du plasma, et de ces changements de densité résulte la division de celui-ci en deux, puis en quatre parties ; donc, « ie le phénomène chimique est en même temps le phénomène physiologique», «et je crois bien que cela a lieu partout dans les organismes», ajoute l’auteur. Cette métamorphose chimique du plasma se propage sous forme d’une sphère autour d’un centre physiologique qui en est le point de départ. Dans cette métamorphose qui conduit le plasma à la division, on distingue deux sortes de progrès : « le progrès relativement au degré de la métamorphose » ; le plasma doit en effet passer par une suite de modifications qui constituent des degrés pour arriver à la di- vision du contenu. « Le progrès relativement à l’espace , qui consiste dans la marchede chaque degré de la métamorphose au sein du plasma, c’est-à-dire à la propagation d'un certain degré de métamorphose d'une molécule à l'autre. » Un nouveau degré de métamorphose peut commencer avant que la propagation de celui qui l'a immédiatement précédé ait atteint la périphérie de la masse plasmatique. On a alors deux sphères concen- triques qui représentent deux degrés successifs de métamorphose et sont formées de plasma à un état différent de modification chimique. TRAVAUX FRANCAIS, — BOTANIQUE. 277 Ces sphères n’ont pas de limites marquées ; mais, sous l'influence de l'eau, les molécules qui sont au même degré se rapprochent, se res- serrent , et les régions qu'elles forment se limitent par un contour précis. Elles constituent alors ces corps globuleux connus sous les noms de nucleus et de nucleolus des auteurs, mais que M. Tchistiakoff appelle pronucleus et pronucleolus, pour les distinguer du nucleus vrai et du nucléole vrai qui résulteront plus tard de leur transforma- tion. L'eau agit dans ce cas comme un véritable réactif qui fait appa- raître des sphères de plasma représentant des degrés de métamor- phose successifs. En appliquant ces idées à l'étude des phénomènes spéciaux qu'il a constatés, l'auteur les interprète tous sans difficulté ; il explique ainsi très-simplement les différents états sous lesquels se présente la masse plasmatique, et de ses observations il conclut que « durant cette période, le plasma passe par cinq degrés de métamorphose centrale, dont les trois premiers ont atteint complétement la périphérie ; te quatrième se trouve tout près des limites du contenu, et le cinquième est au centre, où il a à peine commencé. Cela nous démontre parfai- tement que les nucleus, les nucléoles et le sac primordial des auteurs ne sont dans ce cas que des résultats des degrés de métamorphose chimique du plasma décelés par l’action de l'eau ». À la fin de la première période, la couche périphérique de la masse plasmatique est arrivée à un commencement de solidification qui n'existe pas encore sur tous les points. Pendant la deuxième période, cette transformation de la couche périphérique du plasma en mem- brane s'opère entièrement par suite de phénomènes chimico-physio- logiques qui se passent dans l'intérieur du plasma; ce n'est qu'en dernier lieu qu'il se produit des différenciations secondaires sous l’in- fluence des actions extérieures. En même temps la substance de la cellule-mère, qui avait les caractères de la cellulose, s'altère, et à la fin de cette seconde période elle se désagrége complétement, laissant les spores libres. Dans ces spores, au sein du plasma qu'elles contien- nent, il s’est établi un équilibre plus stable des forces chimiques; les sphères, qui jusque-là n'étaient différenciées que chimiquement par des transformations s'étendant autour des points qui faisaient primi- tivement partie du centre physiologique de la cellule-mère, se distin- guent, s’'individualisent morphologiquement, et deviennent alors de véritables nucleus ou de véritables nucléoles. Nous avons vu, dans la première période, les modifications chimi- ques qui se produisent , aller du centre à la circonférence; les chan- III, 19 278 REVUE SCIENTIFIQUE. gements morphologiques qui s'accomplissent pendant la seconde période vont au contraire de la périphérie au centre. « Le phénomène général consiste en ceci, dit M. Tchistiakoff, que le moindre équilibre des forces chimiques se trouve au centre, d'où partent toutes les réorganisations de la substance plasmatique qui doivent atteindre un équilibre relativement stable, c'est-à-dire la différenciation morphologique , comme résultat de la forme à laquelle conduisent ces forces. La forme apparaît en premier lieu à la périphérie, ensuite au centre, ce qui est en corrélation avec la direc- tion de son activité chimique. Mais les modifications ultérieures de la forme produite vont de la périphérie au centre, sous l'influence des conditions extérieures. Nous devons donc distinguer l'origine de l'apparition de la forme, et l’origine de ses transformations. Ici mes conclusions coïncident avec celles de la biologie générale, qui nous apprend que la périphérie est toujours la région la plus modifiée. » Ce Mémoire, dont nous avons essayé d'indiquer les points princi- paux, ne forme qu'un fragment de la série des recherches que M. Tchistiakoff se propose de publier sur la physiologie de la cellule végétale. Ce n’est donc qu'après avoir fait l'exposé de toutes ces recherches, que l’auteur formulera les lois générales qui en décou- lent, mais il signale d'ores et déjà la relation exacte qui existe entre tous les résultats qu'il a obtenus et qui viendront corroborer les idées théoriques émises dans ce travail. Ces idées s'écartent de celles qui avaient eu cours jusqu'ici, mais cela tient surtout à ce que dans ce genre d'études les savants n'ont observé que des cellules mortes. « En effet, dit M. Tchistiakoff, le plasma qu'ont observé les auteurs ne manifeste pas le caractère de sa vitalité, ce protéisme, cette plasticité, qui distinguent le plasma vivant; tel qu'il a été décrit, il ne correspond pas par ses modifica- tions à l’action des agents extérieurs ; il a perdu « cette harmonie avec le milieu correspondant qui constitue la vie » (Aug. Comte), tandis que mes cellules correspondent parfaitement à cette condition de la vie, car les modifications que j y observe ne sont que des résul- tats des circonstances de l'observation, et mènent en dernier lieu aux phénomènes qu'on a déjà signalés et que j'ai décrits pour les Poly- podiacées, pour montrer qu'avec des cellules mortes on arrivait forcément aux résultats connus de tout le monde, sauf peut-être pour quelques particularités spéciales à tel ou tel cas. » — L'étude monographique des Fougères de la Nouvelle-Calédonie a conduit M. Eugène Fournier à d'intéressantes considérations sur leur TRAVAUX FRANCAIS. — BOTANIQUE. 279 dispersion géographique, considérations qui font l'objet d’un Mémoire publié dans les Annales des Sciences naturelles !. Un extrait en a été inséré dans les Comptes-rendus, et il nous a déjà fourni l'occasion d'indiquer les principaux résultats de ce travail? ; nous n y reviendrons pas, nous contentant de signaler le présent article à l'attention de ceux des lecteurs de la Revue qui voudraient avoir de plus grands détails sur ce sujet. — On doit à M. Julien Vesque des Observations sur les cristaux d'Oxalate de chaux contenus dans les plantes, et sur leur reproduction artificielle $. L'auteur fait ressortir la constance des formes cristallines pour les diverses espèces, genres et familles. Dans un même végétal, ces formes varient avec la nature du tissu qui contient le sel. Ainsi, « dans les tiges des Dicotylédonées, on est frappé de la différence qu'il y a entre les cristaux du tissu fondamental et ceux du liber ». Partant ensuite de cette idée, que probablement le sel cristallise dans la cellule comme il cristalliserait dans un vase inerte, pourvu qu'il y fût dans les mêmes conditions physiques et chimiques, M. Vesque a fait diverses expériences en vue d'obtenir la cristallisation artificielle de l'oxalate de chaux. Il a réussi à reproduire de cette manière un certain nombre des formes que présente ce sel dans les végétaux; il se pro- pose de poursuivre ces expériences, d'où il espère tirer des résultats intéressants pour la physiologie végétale. — Dans une précédente Revue, nous avons exposé les idées de M. Bornet sur la nature des Lichens *. Une note du même auteur a pour but d'ajouter de nouvelles preuves à cel!es qu’il a déjà données relativement au parasitisme de l'Hypha et à l'identité des Gonidies avec certaines Algues inférieures. MM. P.-P. Dehérain et H. Moissan ont publié, dans les Annales des Sciences naturelles, des Recherches sur l'absorption d'oxygène et l'émission d'Acide carbonique par les plantes maintenues dans l'obscurité $. Ces 1 Sur la dispersion géographique des Fougères de la Nouwelle-Calédonie; par M. Eug. Fournier. In Annal. des Sc. natur., Botanique, 5° série, tom. XIX, pag. 281. 2 Rev. des Sc. natur., tom. Il, n° 4, pag. 551. 3 Annal. des Sc. natur., Botanique, 5e série, tom. XIX, pag. 300. 4 Rev. des Sc. natur., tom. II, n° 3, pag. 359. 5 Annal. des Sc. natur., Botanique, 5° série, tom. XIX, pag. 314. 6 Jbid., pag. 321. 280 REVUE SCIENTIFIQUE. expérimentateurs, dans une Note à l'Académie des Sciences, avaient déjà fait connaître les résultats auxquels ils étaient arrivés, et nous les avions alors enregistrés !; en signalant aujourd'hui leur Mémoire à l'attention de nos lecteurs, nous en reproduisons les conclusions : « lo Les quantités d'acide carbonique émises par les feuilles dans l'obscurité sont comparables à celles que produisent les animaux in- férieurs (Grenouilles, Vers à soie, Hannetons, etc.). » 2 Ainsi que l'avait observé M. Garreau, la quantité d'acide car- bonique émise par les feuilles augmente avec l'élévation de la tem- pérature à laquelle elles sont soumises. » 3° La quantité d'oxygène absorbée par les feuilles surpasse la quantité d'acide carbonique produite; la différence est surtout sen- sible aux basses températures, qui paraissent favoriser dans les plantes la formation de produits incomplétement oxydés, tels que les acides végétaux. » 4° Les feuilles plongées dans une atmosphère dépouillée d'oxy- gène continuent d y émettre de l’acide carbonique pendant plusieurs jours, aux dépens de leurs propres tissus; cette émission paraît ne cesser que lorsque toutes les cellules sont mortes. La résistance à l'asphyxie par absence d'oxygène varie singulièrement d'une espèce à l'autre. » 5° Ilest probable que la combustion lente qui prend naissance dans les feuilles produit la chaleur nécessaire à la formation des prin- cipes immédiats qui s’y élaborent. On remarque, en effet, que l'émis: sion d'acide carbonique est favorisée par la chaleur obscure, qui exerce aussi une influence décisive sur la rapidité de croissance des plantes, tellement que les horticulteurs ont reconnu utile depuis longtemps de perdre une partie de la chaleur lumineuse que déverse le soleil, en maintenant les plantes sous des abris vitrés, où se concentre au con- traire la chaleur obscure.» — Un autre Mémoire de physiologie végétale, dû à MM. P.-P. Dehé- rain et Ed. Landrin, a pour titre : Recherches sur la Germination®. Les auteurs ont expérimenté d'une part dans l'air atmosphérique, en exa- minant les modifications que subissait une atmosphère confinée par suite du séjour plus ou moins prolongé des graines. D'autre part, ils ont expérimenté dans des atmosphères artificielles, formées par des 1 Rev. des Sc. natur., tom. III, n° 1, pag. 96. 2 Annal. des Sc. natur., Botanique, 5e série, tom. XIX, pag. 358, et Comptes-Rendus, tom. LXXVIII, pag. 1488. TRAVAUX FRANCAIS. —— BOTANIQUE. 281 mélanges en proportions diverses d'oxygène et d'azote, ou par des mélanges d'oxygène et d'hydrogène, d'oxygène et d'acide carbonique, et enfin dans des atmosphères dépouillées d'oxygène. De toutes ces expériences ils ont tiré les conclusions suivantes : «1° Aussitôt que le testa des graines est ramolli par l'eau, il devient perméable aux gaz, et les graines condensent une cer- taine quantité du mélange gazeux dans lequel elles sont plongées. » 2° Cette condensation de gaz dans les graines est forcément accompagnée d'un dégagement de chaleur qui favorise l'action de l'oxygène atmosphérique et peut-être la détermine. » 3° Une fois que l'oxydation des principes immédiats est com- mencée, elle se continue même dans une atmosphère dépouillée d'oxygène, et le volume d'acide carbonique produit est supérieur au volume d'oxygène primitif; par suite, la graine perd dans ce cas non-seulement du carbone, mais encore de l'oxygène provenant de ses propres tissus. » 40 L'hydrogène n apparaît habituellement que dans une atmo- sphère dont l'oxygène a complétement disparu. » 5° Ainsi que l'avait vu Th. de Saussure, l'acide carbonique est plus nuisible à la germination que l'azote ou l'hydrogène. » — Un article de M. le professeur Pfeffer est relatif à l'Influence de la lumière sur la régénération des matières albuminoïdes aux dépens de l’'asparagine formée pendant la germination ‘. Dans un Mémoire an- térieur?, ce physiologiste avait montré que le rôle de l'asparagine dans la germination des Papilionacées était de servir au transport des matières albuminoïdes accumulées dans les cotylédons, comme matériaux de réserve. Dès que ceux-ci sont épuisés, l'asparagine dis- paraît entièrement ; mais il n'en est pas ainsi dans les plantes qu'on élève à l'obscurité, et on y trouve encore de l’asparagine quand elles meurent étiolées. [Il y a donc une relation entre la lumière et la transformation de l'asparagine en albumine. C'est ce rapport dont M. Pfeffer a cherché à déterminer la nature. La composition chi- mique des matières albuminoïdes et de l'asparagine montre que les premières ne peuvent se régénérer aux dépens de la seconde que s'il s'ajoute à celle-ci du carbone et de l'hydrogène ; or, cela devient im- possible dans la plante qui germe à l'obscurité, une fois les matériaux 1 Annal. des Sc. natur., Botanique, 5e série, tom. XIX, pag. 391. 2 Recherches sur les corps protéiques (aleurone) et le rôle de l’asparagine pen- dant la germination des graines. Jahrb. für Wiss. Bot., VIIT, pag. 520. 1872. 282 REVUE SCIENTIFIQUE. de réserve épuisés , faute de substance organique fournie par l’assi- milation. M. Pfeffer l’a prouvé « en faisant végéter une plante à la lumière, mais dans un milieu privé d'acide carbonique ; dans ce cas, en effet, il ne peut se former de matière crganique par assimilation» . Il a vu les plantes placées dans ces conditions se comporter comme celles qui étaient élevées à l'obscurité. Les unes et les autres s’étio- lent, meurent, et renferment alors une quantité d'asparagine à peu près égale. — Nous avons précédemment analysé les intéressants travaux de M. Ad. Chatin sur l’Organogénie comparée de l'Androcée dans ses rap- ports avec les affinités naturelles !. Dans une nouvelle communication à l'Académie des Sciences, ce botaniste a donné les résultats de cette étude pour les classes des Polygalinées et des Æsculinées?. Les Polyga- linées comprennent les deux familles des Trémandrées et des Poly- galées. Dans la première de ces familles, composée de deux genres, l’un, le Tremandra, a un androcée nettement diplostémone et à évolu- tion centrifuge ; l'autre, le Tetratheca, a le même nombre d'étamines que le Tremandra, mais elles sont disposées sur un seul cercle corres- pondant au verticille oppositisépale, dans lequel il s'est développé deux étamines à la place de chacune d'elles, tandis qu'il y a avorte- ment congénital du verticille oppositipétale. Les Polygalées octandres, bien qu'ayant une fleur quinaire, n’ont que huit étamines par suite de l'avortement congénital de deux d’entre elles, la pétalaire antérieure et la sépalaire postérieure ; elles naissent sur deux cercles concentriques, celles qui sont oppositipétales appar- tenant au cercle extérieur, et par conséquent l’évolution de l'androcée est centrifuge. Il y a lieu de croire que dans les Polygalées réduites à quatre ou six étamines l’androcée s’est arrêté à sa première ou à sa seconde phase de formation. Lindley réunit les Polygalinées aux Æsculinées dans ses Sapindales; dans ces deux classes, l'androcée présente en effet des modifications analogues ; le Tropæolum sert de lien entre elles, il est réduit à huit étamines comme les Polygalées ; toutefois ce sont ici deux étamines pétalaires, l'antérieure et l'une des deux postérieures, qui ont avorté. Outre les Tropæolées, les Æsculinées comprennent : les Malpi- . ghiacées, les Acérinées, les Hippocastanées les Sapindacées, et avec doute les Vochysiées et les Rhizobolées. 1 Rev. des Sc. natur., tom. IT, pag. 563, et tom. JII, pag. 84. ? Comptes-rendus, tom. LXX VIII, pag. 1282. TRAVAUX FRANCAIS. — BOTANIQUE. 283 Les Malpighiacées présentent le type diplostémone à évolution centrifuge ; ce type s’altère dans les autres familles, le plus souvent par suite de l'avortement de deux étamines pétalaires, et il ne peut être reconstitué que par l'Organogénie. — On sait que M. Trécul considère les parties de la fleur comme des formes diverses de la ramification, et par conséquent n'admet pas la composition carpellaire du pistil. IL a appuyé cette manière de voir d'observations nombreuses auxquelles il faut ajouter celles que lui a fournies l'étude de la constitution du pistil et du fruit dans des Hip- pocastanées!. — Dans une Note intitulée: Sur la transmission de l’irritation d'un point à un autre dans les feuilles des DRoSERA, et sur le rôle que les tra- chées paraissent jouer dans ces plantes®, M. Ziegler s'est proposé de rechercher la facou dont se propage l’irritation qui d’un ou de plusieurs poils que portent ces feuilles se communique à tous les autres. Cette transmission se fait au moyen de trachées qui partent de chaque glande et suivent l'axe du poil, puis se réunissent en trois faisceaux dont un, pour la région médiane de la feuille, traverse l'axe du pétiole, et les deux autres, pour les parties latérales, sont placés de chaque côté de la feuille et traversent le pétiole en longeant ses bords. Ces faisceaux pénètrent dans la tige, où ils se réunissent et se dirigent le long du conduit médullaire. Dans la feuille, les trois fais- ceaux ne sont mis en communication que par deux trachées qui du faisceau médian vont, l'une à celui de droite, l'autre à celui de gau- che. Des expériences faites par M. Ziegler en sectionnant les faisceaux il résulte: « {° Que dans les Drosera, c'est bien par les trachées ou les fibres qui les entourent quelirritation est transmise d'un poil à un autre. » 2° Que les mouvements des poils de la circonférence des feuilles ne sont pas des mouvements réflexes provoqués par une irritation partie d'un centre situé ailleurs que dans la feuille. Si ces mouve- ments étaient réflexes, c'est-à-dire réfléchis parles trachées, ce seraient les poils situés au-dessus de la section (portant sur le faisceau de trachées, soit de droite, soit de gauche) qui seraient paralysés, L'ab- sence d'anastomose conduit à penser que les trachées ou les fibres 1 Comptes-rendus, tom. LXX VIII, pag. 1337. 2 Jbid., pag. 1417. 284 REVUE SCIENTIFIQUE. qui les entourent doivent communiquer entre elles latéralement par leurs points de contact.» — Notre collaborateur M. E. Heckel a communiqué à l’Académie des Sciences la suite de ses recherches sur le mouvement dans les Etamines!'. Dans cette nouvelle Note?, cet observateur s'occupe des phénomènes que présentent ces organes dans le Sparrmannia afri- cana L. fils, dans les Cistus et les Helianthemum. Les mouvements qu on observe dans les fleurs de Sparrmannia sont complexes ; on y distingue : « {° le mouvement spontané de veille et de sommeil (calice et corolle); 2° le mouvement provoqué (étamines); 3° un mouvement particulier de turgescence qui se remarque dans le pédoncule. Celui-ci, incliné avant l'anthèse, se relève au moment de l'épanouissement de la fleur et garde cette position.» De ces divers mouvements, celui qui a pour siége les étamines est le seul qui soit influencé par les anesthésiques. M. Heckel a utilisé cette circonstance pour en étudier le mécanisme en observant ce qui se passe au moment du réveil. Contrairement à l'opinion de Morren, qui le croyait produit par les torulosités que les étamines portent sur leurs filets, il a reconnu que l'épiderme en était l'organe principal. Ses observations sur les Etamines des Cistus et des Helianthemum ont confirmé cette manière de voir. Sur le Cistus ladaniferus, il a pu enlever l'épiderme sans produire de mutilation profonde, et il a con- staté que tout mouvement était alors suspendu. — Sous ce titre: Indifférence dans la direction des racines adventives d'un Cierge, M. D. Clos a présenté à l'Académie des Sciences une inté- ressante observation de physiologie végétale®. Quelques faits avaient été déjà observés qui étaient en contradiction avec le principe que «toute racine abandonnée à elle-même et dans les conditions norma- les se dirige vers le centre de laterre». Le Cereus spinulosus forme une remarquable exception à cette règle: on y voit en effet des racines adventives se développer suivant une direction ascendante; sur de grosses branches, elles naissent aussi bien du demi-cylindre supérieur que de l’inférieur, et « elles prennent toujours une direction perpen- diculaire à la parte de l'axe d'où elles émanent, se comportant à cet égard comme le gui relativeruent à la branche qui le nourrit». Sou- 1 Noir Rev. des Sc. natur., tom. II, n° 1, pag. 94. 2 Comptes-rendus, tom. LXXIX, pag. 49. 3 Jbid., pag. 176. TRAVAUX FRANCAIS. — BOTANIQUE. 285 vent ces racines atteignent une certaine longueur (10 ou 12 centim.), et on y voit alors, au-dessous des couches épidermique et subéreuse indurées, une zone de couleur verte due à la présence de la chloro- phylle. — Nous relevons dans le Bulletin de la Société linnéenne de Paris d'intéressantes communications que nous sommes heureux de signa- ler à l'attention des lecteurs de la Revue. L'une d'elles est due à M. G. Dutailly et a pour objet la structure des axes d'inflorescence des Graminées. Cette structure n'est pas la même, suivant que les rami- fications dérivent ou non de bourgeons axillaires normaux. Semblable à celle de l'axe principal pour les premières, elle est pour les autres analogue à celle que présente la feuille; les faisceaux fibro-vasculaires qui y pénètrent ne sont alors que des subdivisions du système fibro- vasculaire de l’axe principal, et ils sont disposés suivant une symétrie bilatérale. Par conséquent, « on ne saurait, dit l’auteur, se ranger à l'opinion des botanistes qui croient pouvoir différencier, au point de vue anatomique et en toutes circonstances, les organes axiles des orga- nes appendiculaires, en attribuant à chacun d'eux une symétrie spé- ciale, puisque les Graminées nous montrent dans leurs ramifications ces différents modes de symétrie, et que même parfois, comme chez certains Agrostis à pédoncules floraux extrêmement amincis, On n'y trouve plus aucune symétrie, soit bilatérale, soit circulaire ou spi- ralée ». d Le même botaniste, M. Dutailly, a eu l'occasion d'examiner la racine d une Légumineuse provenant de Gochinchine?, et il a reconnu sur les vaisseaux et les cellules du parenchyme ligneux des ponctua- tions criblées analogues à celles des tubes cribreux du liber. Outre ces ponctuations, les cellules du parenchyme ligneux portent des stries spiralées qui sont de valeur différente et forment deux systèmes bien distincts de lignes entre-croisées, d'où il résulte que la paroi cellu- laire peut se sukdiviser « en prismes réductibles, par une sorte de cli- vage, en prismes de plus en plus petits ». Dans une Note sur l’inflorescence des Aristoloches’, M. Dutailly a encore montré comment le mode de bourgeonnement de ces plantes expliquerait leur inflorescence, ce qui l'a amené à remarquer que 1 Bull. de la Soc. Linn. de Paris, n° 1. Séance du 4 mars 1874. 2 Jbid., n° 2. Séance du 6 mai 1874. 3 Ibid. 286 REVUE SCIENTIFIQUE. celle de l'A. Clematitis n'est pas, comme on le pense, une cyme scor- pioïde. | Par l'étude de la Structure anatomique des vrilles simples chez les Cucurbitacées!, cet observateur est arrivé aux conclusions suivantes : « 1° La vrille simple n'ayant à aucun degré la structure d’une feuille, puisque ce dernier organe ne renferme que des faisceaux foliaires, tandis que la vrille ne présente que des faisceaux cauli- naires, ne saurait être assimilée à un appendice. » 2 La vrille reproduisant la structure de l'axe de l’inflorescence mâle ne saurait être considérée que comme un membre de même valeur. | » 3° La structure de la vrille est la même que celle de l'axe prin- cipal dont on aurait retranché les faisceaux foliaires. » 4° La similitude de structure qui existe entre la vrille et l'axe de l'inflorescence correspond précisément à l'absence de feuilles, dans un cas comme dans l'autre. » 9° Si l'axe principal et le rameau axillaire régulièrement feuillé résument en quelque sorte en eux l'axe et l'appendice, puisqu'ils ren- ferment des faisceaux caulinaires et foliaires, la vrille et le rachis de l'inflorescence représentent la partie axile pure de la plante, comme la feuille en est la portion purement appendiculaire. » —M. Mussat a essayé l'emploi de l'Hydrate de chloral dans les obser- vations microscopiques ?. IL a reconnu que ce réactif agissait sur le protoplasma en le coagulant, elil pense qu’il pourra servir utilement dans les recherches d'histologie. — M.J.-L. de Lanessan a fait, sur la formation des Trachées 3, des observations qui confirment celles de M. Baïllon et de M. Trécul sur ce point. Des recherches faites par le même observateur sur la disposition des faisceaux fibro-vasculaires dans les feuilles des Dicotylèdones *, il résulte que la loi posée par M. Van Tieghem et relative à la différenciation des parties axiles et appendiculaires d’après la symétrie du système vasculaire, est sans fondement et ne peut être acceptée comme vraie. Sur des fleurs de Spiræn sinensis, M. de Lanessan a observé un cas a 1 Bull. de la Soc. Linn. de Paris, n° 2. Séance du 3 juin 1874. 2 Jbid., n° 1; Séance du 4 mars 1874. d 3 Jbid. 4 Jbid. Séance du 1er avril 1874. TRAVAUX FRANCAIS. — BOTANIQUE. 287 remarquable de monstruosité ‘. Après l'avoir décrit, on en pourrait conclure, dit-il : « 1° que dans les anthères introrses, les loges, quel que soit leur nombre, se forment toutes aux dépens de la partie in- terne du parenchyme foliaire, ce qui d’ailleurs est encore facile à constater lorsqu'on suit le développement des anthères normales du Chloranthus inconspicuus, etc...; 2 qu'il n'existe, au point de vue morphologique , aucune différence notable, d'une part entre les an- thères biloculaires et les anthères quadriloculaires, d'autre part entre les anthères dont les quatre loges sont disposées côte à côte, et celles où elles sont superposées par paires, comme dans les Lauriers; on a vu en effet qu'une des folioles de notre Spiræa offrait cette dernière disposition ; 3° enfin que les cellules-mères polliniques ne sont que des cellules du parenchyme de la feuille plus ou moins modifiées. » A M. de Lanessan on doit encore des Observations sur la structure des Étamines et de la Corolle dans les Rubiacées ?. Elles lui ont permis de constater que dans certains genres appartenant à cette famille les étamines étaient privées de vaisseaux, tandis qu'elles en sont pour- vues dans d'autres genres, et elles lui paraissent « de nature à détruire l'importance que certains botanistes ont voulu attribuer à la structure anatomique des organes et à la disposition des faisceaux, soit pour arouper les végétaux, soit pour résoudre les questions douteuses de morphologie ». — M. E. Tison a eu l'occasion d'analyser une fleur fraîche de Myristica. et il a pu constater que les anthères étaient biloculaires, ; P q point demeuré douteux jusqu ici. — M. G. Rafinesque s'est assuré de l'existence d'une enveloppe dans les grains d Aleuronei, appartenant à des graines de Ricin et d’Aleurites triloba, et il a décrit des fovéoles disposées en réseau à leur surface. — M. H. Baillon, dans une communication sur le développement et la germination des graines bulbiformes des Amaryllidées, fait observer que dans certains cas (Calosiemma Cunninghami), ces graines sont, suivant une opinion totalement abandonnée, des bourgeons épaissis, et 1 Bull. de la Soc. Linn. de Paris, no 2. Séance du 6 mai 1874. 2 Ibid. Séance du 3 juin 1874. 3 Jbid., no 1. Séance du 4 mars 1874. # Jbid. 5 Ibid. 288 REVUE SCIENTIFIQUE. il montre commentse fait cette transformation de l'ovule en bourgeon. Une autre Note de M. Baïllon a trait aux Caractères spécifiques des Tozuirerat. On distingue deux espèces de Myroxylon : le M. Toluife- rum ou T. Balsamum de Linné et le M. peruiferum dont le M. pubescens de Kunth n'est qu'une forme. La seule différence qui existe entre ces deux espèces, c'est que la surface de la graine est lisse dans la pre- mière et ruminée dans la seconde. Cette surface est, dans l’une comme dans l’autre, enduite de substance balsamique, contrairement à l'opi- nion de M. Hanbury, qui croyait que dans le Toluiferum cette sub- stance se trouvait dans l'épaisseur du péricarpe, erreur dont M. Baïllon a montré la cause. M. Baïllon a aussi relaté un nouvel exemple de Monœæcie du Cœle- bogyne présenté par un échantillon que M. Thozet a rapporté d'Aus- tralie?. Enfin, le savant professeur de la Faculté de médecine de Paris, à propos de l’Embryon et dela germination des graines d'ÉRANTHIS HYEMA- Lis*, a fait remarquer que si ces graines ne renferment pas d'embryon à leur maturité, c'est uniquement par suite de l’évolution très-tardive de celui-ci, qui ne se développe que dans la graine, séparée depuis longtemps du péricarpe. Il indique aussi une autre particularité pré- sentée par cet embryon : « quelle que soit l’époque à laquelle on sème la graine, la germination n’a lieu qu'à une époque constante, celle où l'on voit la plante adulte entrer eu végétation, c'est-à-dire au mois de janvier ou de février ». — M.E. Ramey a observé un nouveau mode de bourgeonnement chez le Caladium esculentum#. On voit, à l’aisselle des feuilles et de cha- que côté d’un bourgeon médian, apparaître un grand nombre de bour- geons secondaires qui s'arrêtent dans leur développement, tandis que le bourgeon médian seul donne naissance à un véritable rameau. — M. Emile Mer a consacré un important travail à l'étude de la Glycogénèse dans le règne végétal®. Ce point de physiologie végétale a été dans ces dernières années l'objet de recherches dues sutout à M. Julius Sachs, et qui ont établi les faits suivants rappelés par M. Mer au début de son Mémoire. 4 Bull. de la Soc. Linn. de Paris, no 1. Séance du 1er avril 1874. 2 Jbid., n° 2. Séance du 6 mai 1874. 3 Jbid., n° ?, Séance du 3 juin 1874. # Ibid. : 5 Bull. de la Soc. bot. de France, tom. XX, pag. 164, 195. TRAVAUX FRANCAIS. — BOTANIQUE. 289 «1° L’amidon se forme dans les grains de chlorophylle des feuilles, sous l'influence de la lumière. De là, il émigre à l'état de glycose, par les tissus conducteurs, dans les tissus de réserve, où il reprend, soit de nouveau la forme d'amidon, soit celle de matière grasse, d'inuline, de sucre de canne, etc. Ces matériaux accumulés se convertissent de nouveau en glycose à l'aide de certaines conditions favorables, et par leur transformation en cellulose servent au développement des jeunes organes. L'équivalence de fonction des diverses matières hydrocarbonées est donc ainsi démontrée. » 2° Les grains d'amidon disparaissent plus ou moins rapidement à l'obscurité. Cette disparition entraîne celle des grains de chlorophylle. Si l’altération de ceux-ci n'a pas dépassé une certaine limite, ils peu- vent de nouveau former de l’amidon sous l'influence de la lumière. » 3° Les feuilles d'une plante germant à la lumière diffuse peuvent former de la chlorophylle , mais celle-ci ne tarde pas à disparaître, de sorte que ce degré de lumière, suffisant pour donner naissance à la matière verte, est incapable de la conserver. » D'autre part, MM. Isidore Pierre et Dehérain ont démontré que les principes organiques et minéraux ont toujours une tendance à quitter les organes âgés, pour se porter vers Les plus jeunes ». Après avoir ainsi indiqué l'état de la question, M. Mer s'est de- mandé d'abord si la chlorophylle, comme l’amidon, pouvait émigrer, etil a reconnu que son apparition ou sa disparition, sous des in- fluences quelconques, n'était jamais due au transport des grains. Elle se forme et se détruit sur place, mais non d'une manière égale pour tous les organes d'un végétal ou pour toutes les parties d’un même organe. Il a alors institué plusieurs séries d'expériences en vue de déterminer les lois suivant lesquelles elle se produit ou se décom- pose, et il est arrivé au résultat général suivant : C'est à des faits de nutrition que sont liés les phénomènes de coloration et de décolo- ration dus à la formation ou à la disparition de la chlorophylle. Dans les jeunes cellules, le protoplasma produit cette matière avec une activité plus grande que dans les cellules âgées, et cette activité est due à ce que la nutrition s’y fait avec plus d'énergie. Quand, les cellules étant développées, il y a insuffisance des matériaux néces- saires à l'alimentation, l’amidon et la glycose disparaissent d'abord, les grains de chlorophylle ensuite ; dans ce cas, l'alimentation se fait aux dépens des éléments nutritifs, qui se trouvent tout formés dans les tissus, de même qu'on voit les animaux privés de nourriture vivre uniquement aux dépens de leur propre substance, ce qui amène leur amaigrissement. Ainsi s'explique la disparition prématurée des grains 290 REVUE SCIENTIFIQUE. de chlorophylle ; mais la décoloration des feuilles précédant leur chute ou leur mort, et s’effectuant normalement à un âge déterminé et variable pour tel ou tel végétal, est due à des causes qui sont encore . inconnues. A l'obscurité, la chlorophylle disparaît dans un jeune organe avec plus de lenteur que dans un organe âgé, parce que les liquides nour- riciers y arrivent en plus grande abondance. De même, chez un végé- tal qui s'est décoloré à l'obscurité et qu'on expose de nouveau à la lumière, ce sontles organesjeunes qui sont les premiers à verdir, parce que sous l'influence d’une nutrition plus active le protoplasma contenu dans leurs cellules possède plus d'activité que celui des cellules plus âgées. Par une raison semblable, les divers points d'un organe se dé- colorent à l'obscurité plus ou moins vite, suivant que les fluides nour- riciers y sont plus ou moins abondants. Ainsi, tous ces phénomènes de coloration et de décoloration se montrent dépendants de l'acte nutritif. M. Mer indique ensuite quels sont les réactifs propres à déceler la présence de l’amidon et de la glycose dans les tissus , et il arrive au point important qu'il a cherché à constater, c'est-à-dire au mode sui- vant lequel se forme l'amidon dans la chlorophylle des feuilles, sous l'influence de la lumière. Il résulterait de ses observations que la for- mation de la glycose précède toujours l'apparition de l'amidon ; de plus, la présence de la glycose dans les feuilles est générale, tandis que l’'amidon ne s’y trouve pas constamment; d'où M. Mer conclut «qu'on doit considérer l’amidon des feuilles comme déposé par la glycose, quand cette substance s'y forme ou s’y transporte en plus grande quantité qu'elle n’est consommée, que cette consommation d’ailleurs soit due à la combustion de la matière sucrée ou à sa trans- . formation en cellulose ». Ce résultat est contraire à l'opinion de M. Sachs, qui pense que laglycose provient de l'amidon, et qui regarde celui-ci comme le produit immédiat de l'assimilation opérée par la feuille, au lieu que pour M. Mer la glycose , ainsi que l'ont supposé MM. Boussingault et Dehérain , dériverait directement des produits de la décomposition de l'acide carbonique et de l'eau, sous l'influence de la chlorophylle. L'étude de la répartition des matières hydrocarbonées dans les tissus est interprétée par M. Mer comme venant à l'appui de sa ma- nière de voir. Il fait aussi remarquer la présence presque constante de l'amidon dans les stomates des feuilles, ce qui semble indiquer que ces petits organes sérvent de réservoir à la matière amylacée, et qu’à ce titre ils jouent un rôle important dans la nutrition végétale. TRAVAUX FRANCAIS. — BOTANIQUE. 291 Enfin, dans des fragments de végétaux soumis à une dessiccation lente, il a constaté la disparition de l’amidon, puis celle de la glycose ; cela tient à ce que ces tissus continuent à vivre, et par conséquent à brûler la matière amylacée qu'ils contiennent et qui doit au préalable se transformer en glycose. M. Mer termine son Mémoire par un intéressant parallèle entre la glycogénèse végétale et la glycogénèse animale. — La Théorie de l'Anaphytose ou de la segmentation dans les végétaux a fourni à M. François Leclerc le sujet d'une communication à la Société botanique. D'après cette théorie, due à M. Schultz-Schult- zenstein et exposée dans des travaux antérieurs?, la feuille ne serait point un élément morphologique simple : comme la tige, elle serait composée de segments ou anaphytes, qui en s'articulant et se ramifiant diversement donneraient naissance aux différentes parties de la fleur; d'après elle, ce que Gœthe appelait métamorphose résulterait donc d’une segmentation particulière ou anaphytose s'effectuant suivant un mode déterminé. Le but de M. Leclerc, dans ce Mémoire, a été d'interpréter d’après ces idées la formation de la fleur que Aug. de Saint-Hilaire expliquait par la théorie de la métamorphose et de l'épuisement de la plante durant l'acte de la végétation. Il montre que cette manière de voir est en désaccord avec nombre de faits ; cependant l'idée d’af- faiblissement de Aug. de Saint-Hilaire reposait sur un phénomène réel, quoique mal interprété. En effet, il faut, pour que la segmenta- tion qui constitue la floraison s'opère, qu'il y ait ralentissement dans le cours de la sève, mais ce n’est pas là un affaiblissement, un défaut de vigueur causé par l'épuisement du végétal, comme l’entendait Aug. de Saint-Hilaire. La théorie de l'anaphytose n'admet pas de distinction essentielle-entre les axes et les appendices; elle concorde en cela avec la doctrine de M. Trécul dont nous avons eu l’occasion d'entretenir les lecteurs de la Revue, et qui considère les feuilles et les diverses parties de la fleur comme des formes particulières de la ramification destinées à remplir des fonctions différentes. — M. Julien Vesque a communiqué à la Société botanique une 4 Bull. de la Soc. bot. de France, tom. XX, pag. 210. 2 Schultz-Schultzenstein ; De la différence qui existe entre la théorie de l'ana- phylose des plantes et la théorie de la métamorphose. Actes du Congrès inter- national de Botanique tenu à Paris en août 1867, pag. 100 et suiv. — F. Leclerc; Théorie de l'anaphytose, in-8°, Besancon, 1869; Gæthe et le livre de la méta- morphose des plantes, in-80. Besançon 1870, 292 REVUE SCIENTIFIQUE. intéressante Note sur les Appareils laticifères de l'Hartighsea specta- bilist A. Juss. L'origine des laticifères est attribuée, par presque tous les observa- teurs qui se sont occupés de cette question, à la fusion de cellules placées à la file ; toutefois il est impossible, dans la plupart des cas, d'observer la résorption des cloisons transversales, comme l'a fait Schacht dans le Carica Papaya, où l'on peut la suivre pas à pas. Dans l’Hartighsea spectabilis, M. Vesque a trouvé, à la limite interne de l'écorce primaire, des cellules disposées en file dont l'ensemble représente un vaisseau laticifère dans lequel les cloisons transver- sales auraient persisté. Les cellules sont elles-mêmes divisées par d'autres cloisons très-minces dont la formation paraît postérieure à celle des parois de la cellule. Ge sont là, d'après M. Vesque, des latici- fères normalement arrêtés dans leur développement. On trouve en outre, dans le liber mou de la même plante, des fibres libériennes laticifères. | M. Vesque distingue plusieurs groupes d'appareils laticifères d'après leurs caractères anatomiques, leur origine et la place qu'ils occupent. Il exclut des laticifères proprement dits les vaisseaux ponctués ou autres analogues, qui contiennent souvent du latex, comme l’a montré M. Trécul, il en exclut également les fibres libé- riennes laticifères et les glandes résinifères des Clusiacées et des Om- bellifères. Parmi les laticifères proprement dits, il distingue « les laticifères de Carica Papaya qui se trouvent dans le bois, qui sont de formation secondaire et résultent de la fusion de cellules ; les latici- fères du liber des Morées, qui sont de formation secondaire et dont on ne connaît pas l'origine; enfin les laticifères qui se trouvent dans le parenchyme fondamental, qui sont de formation primaire et dont l'origine n’est pas très-bien établie non plus ». — Une communication de M. Clos a trait à l'orthographe de quelques dénominations de plantes?. Il y a une espèce de chêne qui a été appelée par les uns Tauzin, par les autres Tauza ou Toza, ou bien encore Tozza. L'auteur discute quelle est celle de ces dénominations qui doit être préférée, etil conclut qu'il faut adopter, avec Persoon, celle de Quercus Tauzin. I1 se demande ensuite si, pour les espèces de Viola de la section Melanium, l'on doit écrire Pensée ou Pansée, comme le voulait Amoreux, et il se prononce pour l'orthographe généralement adoptée. 1 Bull, de la Soc. bot. de France, tom. XX, pag. 232, 2? Ibid., pag. 223, TRAVAUX FRANCAIS. — BOTANIQUE. 293 Le même auteur, continuant les études de glossologie botanique que nous avons signalées dans une précédente Revue!, s’est occupé de la Glossologie du Fruit. — L'épigraphe qui est inscrite en tête de ce travail en montre tout l'intérêt. « La classification des fruits, a dit Aug. de Saint-Hilaire, est arrivée à un degré de confusion que n’a encore atteint aucune des parties de la science. » Les botanistes, en effet, sont loin d'être d'accord, non-seulement sur les diverses sortes de fruits qui doivent être admises, mais encore sur la valeur et la signification des termes qui sont usités en carpologie. M. Clos s'est proposé de rechercher quels sont ceux de ces termes qui méritent d’être conservés, et d'en donner la définition exacte. Il discute suc- cessivement la valeur des dénominations de Capsule, Coque, Méri- carpe, Diachaine, Polachaine, Utricule, Nucule, Noix, pour les fruits secs ; de Baie, Drupe, Nuculaine, Pomme, Balauste, pour les fruits char- nus. De cette discussion il conclut que, de tous les noms proposés pour désigner les diverses sortes de fruits, qui de sept dans la classi- fication de Linné avaient atteint le nombre de quarante-six dans celle de Desvaux, il n'y a lieu d'admettre que les suivants : achaine, caryopse, hémicarpelle, samare, follicule, légume ou gousse, silique et silicule, pyxide, capsule, fruit à coques, fruit à méricarpes, dia- chaine, nucule, noix, nuculaine, hespéridie, péponide, pyridion (mé- lonide), drupe, baie, cône, galbule, s ycone, syncarpe. Pour la définition de ceux de ces termes dont la signification est nettement établie, M. Clos renvoie aux ouvrages didactiques récents, et pour le sens que l'on doit attribuer aux autres il résume comme suit les résultats auxquels il est arrivé: «1° La capsule est toujours polysperme et déhiscente. » 2° Bien que les coques puissent être considérées comme des élé- ments de la capsule, mieux vaut appliquer à leur ensemble, avant leur disjonction, le nom de fruit à coques. » 3° Les prétendus méricarpes, nucules et achaines des Labiées et des Borraginées, sont des hémicarpelles. » 4° Les Ombellifères ont pour fruit un diachaine à deux méricarpes, les Malvées un polachaine à nombreux méricarpes, les Géraniacées une capsule à cinq méricarpes, les Tropéolées un fruit à méricarpes fongueux. » 5° La création des mots achaine et caryopse a fait perdre au mot utricule une partie de son extension en carpologie, en même temps Sen Re nN MN re. 0 sn 1 Revue des Sc. natur., tom. II, pag. 566. ? Bull. de la Soc. bot. de France, tom. XX, pag. 264. II 20 294 REVUE SCIENTIFIQUE. qu'il a pris quelques autres significations; il semble convenable de le rejeter, et d'employer le mot nucule (nucula) pour les petits fruits secs monospermes, indéhiscents, qu'on ne peut rapporter avec certitude ni à l’achaine, ni à la caryopse : on n’appliquera donc pas le nom de nucule, mais bien celui de noix, (nux) à la Noisette, aux fruits des Cupulifères, du Tilleul, du Noyer. » 60 Le mot drupe ne doit pas être détourné de sa signification pri- mitive : fruit charnu, supère, à un seul noyau. » 7° Sous la dénomination de nuculaine, on comprendra les fruits charnus supères, et par extension les fruits infères renfermant plu- sieurs osselets (pyrenæ). Il importe donc de bien distinguer, d'une part la nucule et la noix (fruits entiers, ordinairement secs), et de l’au- tre le noyau (pulamen), toujours unique et appartenant à la drupe ou au pyridion, et les osselets (pyrenæ); ces derniers sont souvent dé- signés sous le nom de nuculæ. Il appartient aux phytographes de décider s’il ne vaut pas mieux donner au mot nucule l'acception plus haut indiquée. » 8° Le fruit des Pomacées, qualifié parfois de drupe, de baïe, doit être appelé pyridion (pyridium, pomum) quand il renfermera des pepins, pyridion-baie(pyridium baccatum, pomum baccatum) sila chaïr devient pulpeuse, nuculaine où pyridion à osselets, pomum ?-3-4-5 pyrenum s'il renferme des osselets. » 9° Le mot balauste doit être exclu comme ayant été employé dans deux sens différents. » — M. Cosson a présenté à la Société botanique de nouvelles espèces marocaines dont il a donné en même temps les diagnoses'. En voici l’énumération : Ceratocnemum, genre nouveau de Crucifères voisin du Rapistrum, représenté par une espèce qui a recu le nom de C. Rapistroides ; Poly- gala Webbiana, P. Balansæ; Reseda tricuspis, R. elata; Viscaria Lagran- gei; Erodium atlanticum; Halophyllum Broussonnetianum ; Genista Osmarensis; Adenocarpus anagyrifolius; Hedysarum membranaceum ; Pisiorinia breviflora ; Sedum surculosum ; Sedum brevifolium DC., var. induratum ; Bupleurum dumosum; Elæoselinum? exinvolucratum ; Pierocephalus depressus; Rhaponticum caulescens; Andryala Mogado- rensis ; Linaria ventricosa ; Thymus satureioides ; Salvia taraxacifolia, S. ochroleuca; Sideritis villosa, S. Balansæ; Stachys Durandiana, 1 Species novæ maroccanæ, auctore E. Cosson, in Bull. de la Soc. bot. de France, tom. XX, pag. 239, TRAVAUX FRANCAIS. — BOTANIQUE. 295 S. saxicola; Teucrium collinum, T. decipiens, T. rupestre, T. bulla- tum ; Rumex papilio ; Euphorbia Rimarum. — M. W. Nylander a décrit, sous le nom de Nematonostoc rhizomor- phoides (g. nov.), une nouvelle Nostochinée recueillie par M. l'abbé Dupuy sur des rochers calcaires, près Saint-Béat (Haute-Garonne) t. — Dans une lettre adressée à la Société botanique ?, M. Duval-Jouve annonce qu il a récoltéle Scirpus Michelianus L. sur la rive gauche du Rhône, en amontet en aval de la Tour Saint-Louis. C'est la première fois que cette espèce a été rencontrée dans notre région méditerra- néenne, bien que Gouan l'ait indiquée auprès de Pérols, dans les en- virons de Montpellier; mais c'était là, comme le démontre M. Duval- Jouve, le résultat d'une erreur, et la plante désignée sous ce nom par Gouan n'était autre chose que le Juncus triandrus. Le même botaniste a trouvé dans la haute Crau (territoire d’Arles) le Stipa capillata L. en pleine floraison, le 26 novembre, tandis que le mois de juillet est désigné par nos Flores comme l'époque où fleurit cette plante. Cependant il ne l'a jamais vue en fleur avant les pre- miers jours de septembre, et par conséquent sa floraison à la Crau serait plus tardive qu'ailleurs. — Une communication de M. John Eliot Howard est relative à l'origine du Quinquina-Colombie mou du commerce. L'écorce connue sous ce nom est fournie par une variété du Cinchona lancifolia, que M. Howard a qualifiée de oblonga. Il en donne la diagnose sui- vante : C. arborea, foliis majusculis, oblongis vel elliptico aut obovato- oblongis, rarius lanceolatis, subabrupte acuminatis, basi attenuatis acutisque, utrinque glaberrimis, escrobiculatis, siccitate rigidis; pani- cula laxa, foliosa, vix multiflora; dentibus calycinis triangulari-lan- ceolatis, acutis, tubo brevioribus ; capsula oblongo-lanceolata cæte- rumque ut in typo. D'après les renseignements donnés par M. Robert Cross, qui avait reçu du gouvernement anglais la mission de recueillir des graines de Cinchona dans le district de Loja, cette écorce, dont le véritable lieu de provenance était inconnu, serait récoltée sur le versant est de la Cordillère orientale, au voisinage des sources des rios Pescado, 1 Bull. de la Soc. bot. de France, tom. XX, pag. 231, 263. 2 Jbid., pag. 289. ë0]bid,, pag..291. 296 REVUE SCIENTIFIQUE. Iscanseet Coqueta, entre le premier et le deuxième degré de latitude nord. — On sait que l'origine du Lilas-Varin (Syringa Rotomagensis hort.) est douteuse ; les uns le considèrent comme une espèce dis- tincte, les autres comme un hybride du Lilas commun et du Lilas de Perse. À ce propos, M. Henry Vilmorin ‘ a rappelé une note très- explicite due à M. Mordant de Launay , dans l'édition de 1804 du Bon Jardinier, note qui confirme pleinement cette dernière opinion. Elle relate en effet que des semis de graines de Lilas de Perse ta feuilles découpées, ont constamment donné à M. Varin la charmante variété qu'on lui doit et qui porte sou nom. IL serait donc très-inté- ressant de répéter cette expérience. Malgré le nom quil a recu, on ignorait quelle était la patrie du Lilas de Perse (Syringa persica), « encore complétement inconnu à l’état sauvage », disait dernièrement M. Decaisne en parlant de cette plante (Bull. de la Soc bot., tom. XX, pag. 237); mais depuis, M. Du- chartre a annoncé à la Société botanique (Bull., tom. XXI, pag. 107) que M. Karl Koch affirmait dans le second volume de sa Dendrologie, récemment paru, que cette espèce est spontanée dans le Daghestan, où le voyageur Lerche l'a récoltée. — M.]J. Decaisne, dans un travail intitulé : Études sur les Iridées?, s'est proposé, par un nouvel examen de ces plantes et surtout de celles qui avaient été négligées avant lui, de délimiter exactement les genres et de déterminer les espèces qui doivent être comprises dans chacun d'eux. Il s’est occupé d’abord des 7ris proprement dits, c'est-à-dire de ceux chez lesquels « les Étamines sont libres, opposées à des styles termi- nés par des lamelles pétaloïdes alternes avec les loges de l'ovaire, au lieu de leur être opposées, comme cela s’observe chez la plupart des genres américains ». Gette section comprend plusieurs genres. Dans cette communication, M. J. Decaisne donne la diagnose des genres Evansia et Thelysia, auxquels il rapporte les espèces suivantes : Evansia fimbriata +, Evansia dichotoma +, Evansia vespertina nov. sp.; Thelysia persica Parl., Thelysia alata Parl., Thelysia caucasica Parl. et Thelysia fumosa +. — Sous le titre de Matériaux pour une flore lichénologique du 4 Bull. de la Soc. bot. de France, tom. XX, pag. 299. 2 Jbid., pag. 300. TRAVAUX FRANCAIS. — BOTANIQUE. 297 Brésil, M. À. Fée a essayé la classification des espèces brésiliennes appartenant aux groupes des Lécanorées, des Lécidinées et des Graphi- dées. Nous nous bornons à signaler ces études de Taxonomie liché- nologique, qui perdent beaucoup de leur intérêt depuis que des tra- vaux récents ont sérieusement mis en question l'existence même de ces petites plantes, comme individualités végétales distinctes. — Une communication de M. E. Roze à la Société botanique a pour objet les Myxomycètes et leur place dans le Système?. L'auteur combat les idées d'après lesquelles ces petits êtres appartiendraient à un règne intermédiaire entre le règne animal et le règne végétal, règne des Protistes de Hæckel, que d'après lui il n’y a pas lieu d’ad- mettre. En effet, il croit à priori que les deux plasmas, animal et végétal, sont parfaitement distincts dans leur nature, et que s'ils ont paru identiques aux observateurs, c'est qu'on ne les connaît pas d’une ma- nière approfondie. Il rattache les Myxomycètes au règne végétal, dans lequel ils forme- raient une classe voisine de celle des Champignons, dont ils se rappro- chent par d'incontestables affinités. Toutefois M. Roze se garde, avec raison, d'être absolu dans ses affirmations, car il reconnaît « que la discussion sur ce sujet est loin d'être épuisée ». Cesconsidérations générales sontsuivies d'observations intéressantes sur le plasmodium du Badhamia capsulifera Berk. On savait déjà que les plasmodiums naïissants d'une même espèce pouvaient se souder pour n'en faire qu'un seul. M. Roze à constaté que cette fusion en une masse unique avait également lieu entre les plasmodiums développés, pourvu qu ils le fussent à un même degré; d'autre part, il a reconnu que des fractions de plasmodium isolées continuent à se développer et fructifient aussi bien que si le plasmodium était demeuré intact. Bien plus, il a expérimenté sur de petites portions de filaments phlébomor- phiques pris sur des plasmodiums différents ; ces fragments, placés sur le porte-objet dans une goutte d’eau, se fusionnèrent, et, main- tenus dans des conditions convenables de température et d'humidité, ils reconstituèrent le plasmodium primitif. Un abaissement de la température au-dessous de 8° environ arrête le développement des plasmodiums. 1 Bull. de la Soc. bot. de France, tom. XX, pag. 307; ettom. XXI, pag. 21. 2? Jbid., tom. XX, pag. 320. 208 REVUE SCIENTIFIQUE. — On doit à M. Balansa un Cataloque des Graminées du Lazistan, précédé de quelques considérations sur la végétation de cette con- tréet. Le Lazistan présente un intérêt spécial, à cause des différences considérables par lesquelles il se distingue des autres provinces de l'empire Ottoman. La végétation, comme le climat et la population elle-même, offre des caractères particuliers, et M. Balansa fait ressor- tir les relations qui existent entre la Flore et les conditions climaté- riques du pays. Au sujetde la famille qui fait l'objetessentiel de ce travail, l'auteur dit: « Sur cent-deux Graminées, soixante-quinze appartiennent à la Flore francaise; dans ce nombre, cinq seulement (Jmperata cylindrica, Corynephorus articulatus, Aira capillaris, Briza maxima, Loliwm struc- tum) appartiennent à son bassin méditerranéen. Sur les vingt-sept étrangères à notre Flore, quatre croissent dans l'Europe centrale ou boréale (Avena planiculmis, Poa flexuosa, Glyceria remota, Festuca drymeia); quatre sont répandues sur des points du globe très-éloignés les uns des autres (Oplismenus undulatifolius, Hemarthria fasciculata, Alectoridia Quartiniana, Eleusine indica); dix sont spéciales à la Flore orientale (Alopecurus texiilis, A. Aucheri, Calamagrostis olympica, Trisetum danaënse, Bromus confertus, Br. Danthonix, Br. anatolicus, Nephelochloa persica, Secale montanum, Brachypodium longearistatum); et neuf enfin sont spéciales au Lazistan ou au Caucase (Alopecurus ponticus, Al. laguroides, Agrostis lazica, Catabrosa Balansæ, C. pontica, Poa controversa, P. montana, Bromus variegatus, Festuca djimilensis.» — Signalons, en terminant, une Note de M. Gaston Genévier? sur un nouveau Champignon de l'ordre des Ascomycètes, Campylostylus dipyremus, trouvé sur de petits polypes rendus par un enfant de 3 ans atteint de méningite. Henri SicARD. 1 Bull. de la Soc. bot. de France, tom. XX, pag. 330. 2 Observations sur un Champignon de l'ordre des Ascomycèles ; par M. G. Genévier, in Bull. de la Soc. bot. de France, tom. XX, pag. 334. 299 Géologie. — Notesur une classe de roches éruptives intermédiaires entreles granites porphyroïides et les porphyres granitoïdes. Groupe des granulites ; par Michel Lévy (Bull. Soc. géol., 3m° série, tom. IT, n° 3). — La classi- fication et l'étude des roches granitoïdes et porphyroïdes a fait dans ces derniers temps de grands progrès, grâce aux recherches chimiques et microscopiques. Le savant auteur de cette Note pense qu'il ne faut à l'avenir donner le nom de granulile qu'à des roches exclusivement éruptives, à grain fin, essentiellement composées de lamelles abondantes de feldspath, en général orthose et oligoclase, au milieu desquels on distingue de nombreux grains de quartz et des paillettes de mica ordinairement argentin. Les granulites vraies se rencontrent en Saxe, dans les Vosges, en Bretagne et en Auvergne. Il résulte enfin des recherches de M. Lévy que les éruptions an- ciennes des roches acides, parmi lesquelles se trouventles granulites, se sont succédé pendant les époques géologiques suivant l'ordre sui- vant : lo Granites porphyroïdes comprenant des syénites ; 2° Granulites avec leur passage, d'une part aux pegmatites, d'autre part aux premiers types de porphyres quartzifères ; 3° Porphyres granitoïdes ; 4° Porphyres quartzifères à pinite ; 5° Porphyres quartzifères noirs avec auréoles métamorphiques. — Note sur les granulites et les porphyres quartziféres d'Avallon; par MM. Michel Lévy et Douvizzé (Bull. Soc. géol., 3m° série, tom. II, n° 3). — Les environs d'Avallon (Yonne) sont riches en roches érup- tives, de différentes dates, traversant le granite porphyroïde gris à grands éléments. On y trouve surtout des filons de porphyre quartzi- fère à pinite, avec pâte bien caractérisée’, et diverses granulites avec mica blanc. Ces roches peuvent être comparées, suivant les auteurs de cette Note. à différents porphyres et granulites de France et d’Alle- magne. — Note sur un nouveau gisement de molasse marine à Lyon, par M. CHanTRE (Bull. Soc. géol., 3m° série, tom. IT, n° 3). — La mer miocène supérieure paraît avoir suivi d'une manière assez exacte les contours du bassin du Rhône, de Marseille jusqu'à Lyon. Dans cette 300 REVUE SCIENTIFIQUE. ville, en effet, on trouve des gisements riches en fossiles marins de cette époque, qui ne laissent aucun doute à cet égard. — Sur la constitution physique du Soleil dans ses rapports avec la géo- logie, par M. E. Vicaire (Bull. Soc. géol., 3me série, tom. IT, n° 3). — Le but de l'auteur a été de chercher, par les données de la science actuelle, à établir un accord entre les faits astronomiques et les faits géologiques qui se sont passés à la surface de la terre. L'étude des corps simples qui constituent le soleil démontre que dans cet astre on a constaté, à l'état libre ou en voie de combustion, une grande partie des corps simples qui se trouvent fixés dans l'écorce terrestre. La chaleur engendrée dans la photosphère n'est pas aussi considé- rable qu'on sel'imagine, et M. Vicaire ne l'estime pas à plus de 3000°, tandis que celle du noyau ne dépasserait pas 1400°. C'est la volalili- sation incessante du noyau, contenant les corps simples qui ont le pouvoir calorifique le plus considérable, qui amène constamment les éléments combustibles dans la photosphère. Get apport a pu changer suivant les phases par lesquelles a passé le soleil, et diminuer à un moment donné par l'arrivée d'éléments tels que le silicium et les métaux. Cette diminution de chaleur de combustion de la photosphère correspond évidemment à une diminution de chaleur émise vers la terre, d'où refroidissement de celle-ci. Le soleil aurait ainsi passé, après sa phase de nébuleuse, par la phase d'étoile blanche, comme le sont Sirius, Véga et toutes les étoiles qui ne donnent au spectroscope que la raie de l’hydrogène. Les raies métalliques se multipliant à mesure que le soleil se consumait, il a passé à l'état d'étoile jaune que nous lui voyons actuellement. Quand les hydrocarbures n'afflueront plus qu’en faible quantité, il passera sans doute au troisième type des étoiles rouges ou orangées. C'est à la fin de la période tertiaire que le soleil serait entré dans la phase stellaire, et la période glaciaire s'expliquerait par le fait, que nous avons indiqué plus haut, de la diminution assez brusque de chaleur émise par cet astre. — Notice sur la faune marine du terrain houiller du bassin septentrio- nal de la France; par M. Ch. Barrois (Bull. Soc. géol., 3° sér., tom. IT, n° 3). — Le terrain houiller du nord de la France présente, selon les auteurs de l'explication de la Carte géologique de France, des carac- tères distincts de celui des flancs du plateau central. Le houiller de ces contrées se serait formé dans des marécages ou des lagunes qui à cette époque occupaient les dépressions dusol, tandis qu en Flandre. TRAVAUX FRANCAIS. — GÉOLOGIE. 301 il se serait déposé dans des bras de mer qui s’étendaient dans toute la région comprise entre le pays de Galles et l'Ardenne. Jusqu'ici cette opinion ne reposait que sur des faits purement stratigraphiques et lithologiques. M. Barrois, en découvrant des horizons franchement marins au milieu des schistes houillers, vient de confirmer les opi- nions des illustres géologues de la Carte de France. Les fossile squ'il a découverts dans ces horizons marins appartiennent à la faune du terrain carbonifère et sont répartis dans deux niveaux différents. — L'Étage de la gaize dans le Boulonnais; par M. Ch. Barrots (Bull. Soc. géol., 3° sér., tom. IT, n° 3). — Cet horizon géologique, d'abord reconnu dans l’Argonne, entre les sables glauconieux de Pecten asper et le gault proprement dit, est représenté dans le Bou- lonnais par une couche d’argile blanche jaunâtre qui se trouve avoir les mêmes relations stratigraphiques que la gaize. Malgré l'absence de fossiles, M. Barroïs n’hésite pas à la regarder comme l'équivalent de celle-ci, en raison de certains caractères lithologiques qui l'en rapprochent. — Volcans de la Haute-Loire; par M. RosenT (Bull. Soc. géol., 3° sér., tom. IT, n° 3). — Les volcans de cette partie du plateau central, dans les groupes du Mégal et du Mézenc, peuvent être considérés comme une série de centres d'action placés sur une même ligne et rattachés les uns aux autres. Ils ont succédé aux granites porphyroïdes, et ont débuté par des éruptions phonolitiques. Le Mézenc et le Signon, la montagne de Fay-le-Froid appartiennent à cette période géologique de phonolites à laquelle a succédé l'ère des trachytes à texture souvent porphyroïde. Les dents du Mézenc, Rofiac, la Madeleine, Queyrières, Miaune, les volcans du Pertuis et de Mezères sont de nature trachytique. — Coralliens et Oxfordiens de la Haute-Marne; par M. TomBEcx (Bull. Soc. géol., 3° sér., tom. IT, n° 3). — La Haute-Marne, par la netteté de ses coupes et la multiplicité de ses fossiles, est appelée, selon M. Tombeck, à résoudre bien des difficultés pendantes au sujet des questions en litige du passage du jurassique au crétacé et de la zone à Amm. tenuilobatus. Dans le ravin de Heu, à Vouécourt, on trouve d’une manière très- nette la coupe suivante, prise de bas en haut: 1° Oolite corallienne à Cardium corallinum ; 2° Corallien compact marneux, ou calcaire avec Amm. maran- Nanus ; 302 REVUE SCIENTIFIQUE. 3° Calcaire grumeleux à Cidaris florigemma, C. cervicalis, etc. Le Corallien à Doulaincourt est complet et présente la série de couches suivantes : 1° Oolite à Dicérates ; 2° Corallien compact inférieur ; 3° Oolite de Saucourt ; 4° Corallien compact supérieur ; 9° Oolite de Lamothe ; 6° Calcaire à Astartes. La composition du Corallien, selon M. Tombeck, varie suivant les lieux; mais s’il est un fait actuellement établi, c’est celui de la pré- sence de l'A. marantianus, et à plus forte raison de l'A. tenuilobatus, au-dessus de masses coralliennes!. D' BLEICHER. — Recherches sur les Insectes fossiles de la France; par M. Oustalet (nn. des Sc. géol., tam. V, n®% 2 et 4. — Cette partie du Mémoire important de M. Oustalet est consacrée aux Insectes qui se rapportent aux familles suivantes: Scyménides, Latridiides, Mycetophagides, Scara- béides, Eucnémides, Anthicides, Curculionides, Scolytides, Cérambicides, Chrysomélides. — Nouvelles observations sur les Mamrmiferes des gisements de phos- phate de chaux; par M. Filhol (Ann. Sc. géol., tom. V, n° 2 et 4). — Par une série d'observations, l’auteur justifie la création du genre Necrolemur, pour l'animal dont le crâne a été découvert dans les phosphorites du Quercy, et complète la communication à l’Académie dont nous avons déjà rendu compte (Revue. des Sc. natur., tom. IT, pag. 531). — M. Héna (Compt.-rend. Acad., 11 mai 1874) adresse une Note dans laquelle il signale « la présence à Erquy, dans les Côtes-du- Nord, de brèches rouges composées principalement de fragments de quartz d'inégale grosseur, reliés entre eux par une pâte argileuse rougeâtre, qui fait effervescence avec l’acide nitrique. L'auteur a de ————_—_—_—_—_—_—_—— { Nous rendrons compte, dans la prochaine livraison de la Revue, du n° ? (3e série) du Bulletin de la Société géologique de France. E. DuBRUEIL, ? Voir Revue des Sc, natur., tom. II, pag. 105. TRAVAUX FRANCAIS. — GÉOLOGIE. 303 plus observé, sur différents points des côtes du Finistère, des galets en silex de couleurs et de grosseurs différentes, dont la présence semble indiquer la proximité d’un gisement de nodules de la craie qui ont servi à les former ». — Suivant notre collaborateur, le professeur Leymerie (Comp.-rend. Acad., 8 juin 1874), une zone presque continue de calcaires marmo- réens existe sur le versant français des Pyrénées et dans sa direction. Deux parties séparées par la Garonne forment cette zone. L'une, orientale, est composée de calcaire cristallin associé à d’autres cal- caires, à des dolomies et à des schistes qui renferment des fossiles jurassiques et crétacés; tandis que l'autre, occidentale, qui com- mence à la montagne du mont Saint-Béat, pour se terminer à la Nive, vers l'extrémité ouest de la chaîne, se compose d’une série de calcaires à peu près exclusivement marmoréens, qui datent d’une époque antérieure sans être du même âge, le calcaire du pays du Labourd étant primordial, tandis que certains fossiles tendraient à faire remonter le marbre blanc des environs de Larups au terrain carbonifère. Cette communication donne lieu à une note critique de M. Garrigou et à une réponse de M. Leymerie. — Notre collaborateur le D' Bleicher communique à l’Académie (Compt.-rend. Acad., 15 juin 1874) une Note sur la région comprise entre Tanger, El-Araich et Meknès (Maroc), extraite de l’article que la Revue a reproduit dans son dernier fascicule. — D'une Note du même auteur sur la Géologie et la Paléontologie des formations d’estuaire de l'étage supérieur aux environs d'Oran {Compt. rend. Acad., 27 juillet 1874), il semble résulter : 1 1° Qu’entre l’époque miocène et l’époque quaternaire, c'est-à-dire à l'époque pliocène, les côtes dela Méditerranée, aux environs d'Oran, étaient loin d’avoir leur configuration actuelle ; 20 Que le plateau qui s'étend à l’est du Djebel-Santo, et dont l'alti- tude maximum est de 144 mètres, a été, à l’époque pliocène, recou- verte par les eaux douces et marines; les eaux douces formaient un fleuve dont on retrouve l'estuaire vers le cinquième kilomètre de la route d'Oran à Tlemcen; Les eaux marines pénétraient fort avant dans l’intérieur des terres ; 3° Que ce fleuve charriait d'énormes quantités de vase et surtout de sable, qui, repris par la mer, formait à son embouchure et sur ses bords des dunes basses, auxquelles correspondent ces couches de grès 304 REVUE SCIENTIFIQUE. plus ou moins friables, à débris menus de coquilles et à Hélices, que l’on constate dans les différentes coupes faites par le D’ Bleicher; 4 L’exhaussement du sol et son exondation définitive se sont faits à la fois par l'accumulation des sédiments et par des mouvements lents, indiqués par la couche de grès à coquilles exclusivement marines, intercalées dans les formations fluvio-marines et terrestres du puits Kraroubi, situé à environ 130 mètres d'altitude et à 5 kil. du bord de la mer, sur la gauche de la route d'Oran à Tlemcen : 5° Que la faune de l’époque pliocène se composait d'un certain nombre de coquilles terrestres prooablement éteintes, de coquilles marines vivantes en grande majorité. Le genre Cheval y est repré- senté par l'espèce actuelle. — Nous sommes heureux d’avoir été les premiers à insérer en entier le Mémoire du professeur Ch. Martins, notre collaborateur, sur la Topographie géologique d'Aigues-Mortes, dout la présente communi- cation n’est qu’une analyse (Compt.-rend. Acad., 22 juin 1874). — M. Ed. Piette (Compt.-rend. Acad., 6 juillet 1874) signale fa découverte faite par lui dans la caverne de Gourdan (Haute-Garonne), : d'une flûte néolithique. La couche dans laquelle cet instrument a été recueilli est un amas de cendres et de charbon renfermant des outils en silex, caractéristiques des temps néolivhiques, des frag- ments de poterie grossière et mal cuite, des os brisés de cerf, de bœuf domestique et de porc. — À l'appui de la théorie de l’immutabilité des espèces, M. l'abbé Castracane (Compt.-rend. Acad., 6 juillet 1874) est arrivé à réunir dans l’époque paléozoïque des preuves de l'existence des Diatomées, qui suivant lui présentent une parfaite identité avec les espèces contemporaines. — Sur la classification chronologique des formations; par M. A.-E.-B. de Chancourtois (Compt.-rend. Acad., 13 juillet 1874). — Dans cet extrait, M. de Chancourtois s'attache presque exclusivement à démon- trer et à faire ressortir d’une manière caractéristique une loi de récurrence dans les formations géologiques, loi qu'il avait déjà énoncée, depuis une dizaine d'années, dans les cours de l'École des Mines, et dont l'application lui paraît d'une grande utilité pour coor- donner entre elles, d’une manière méthodique, nos connaissances en géologie. Éliminant (comme. appendices) : 1° à la base de la série géologique TRAVAUX FRANCAIS.— GÉOLOGIE. 305 la période azoïque, qu’il propose d'appeler préliminaire; et 2° à son sommet la période communément désignée sous le nom de quater- naire, dans laquelle il comprend le Pliocène, et qu’il propose de nommer récente où mieux finale (olozoïque où anthropozoïique par opposition à la dénomination azoïque), c'est sur l’ensemble des périodes primaire, secondaire et tertiaire, que l’auteur établit sa loi de récurrence. Il démontre cette loi en faisant remarquer comment les alternances de calcaires et de schistes argileux des terrains siluriens correspondent aux alternances de calcaires et d'argiles schisteuses des terrains juras- siques : Le vieux grès rouge et les formations dévoniennes aux grès verts et aux formations néocomiennes, le calcaire carbonifère à la craie pro- prement dite, les dépôts de combustibles houillers à ceux de lignites éocènes, la grande abondance d’émanations métallifères dans le Per- mien etle Trias à la même particularité dans l'Éocène moyen et supé- rieur, le développement du gypse dans les marnes irisées du Trias au développement du gype dans un des terrains tertiaires qui contient, entre autres étages, celui des marnes vertes. L'auteur aurait pu encore ajouter l’analogie de position du calcaire pétri de coquilles de l'infra-Lias avec le calcaire moellon du Miocène. M. de Chancourtois incline à placer la ligne de démarcation entre ces deux séries régulièrement récurrentes {l'une ancienne, l'autre nouvelle), au niveau bitumineux des marnes à Posidonies, où la pré- sence habituelle des lignites indique assez uniformément un exhaus- sement maximum des fonds. Cette division est confirmée par l'opposition des caractères litholo- giques et les changements importants survenus dans le règne orga- nique vers l’époque du Lias; en outre, dans les roches éruptives communes, la cristallinilé est remplacée, à partir de cette même époque, par la vitrosité, deux modes de solidification essentiellement opposés. Certains termes des deux appendices, période préliminaire et période finale, semblent indiquer que la succession des formations est ébau- chée dans la première, et que la seconde en offre une sorte de rémi- niscence. D'après la prédominance des formes anguleuses que l’on observe dans tout cequi se rattache à la série ancienne, série qui, comme nous l'avons vu, comprend toute la période primaire et une partie de la période secondaire jusqu’au niveau des marnes à Posidonies, M. de Chancourtois propose pour cet ensemble de formations le nom de Goniobiade ou Période goniomorphique ; tandis que, en raison des formes arrondies, caractéristiques de la série nouvelle, récurrente, qui 306 REVUE SCIENTIFIQUE. du niveau des marnes à Posidonies s'étend jusqu'à la fin du Miocène, il propose pour cette dernière le nom de Cyclobiade ou Période cyclo- morphique. — M. Daubrée (Compt.-rend. Acad., 27 juillet 1874) indique l'exis- tence d'un gîte important de phosphate de chaux qui se trouve à peu de distance au sud de la ville de Mons (Belgique), tout à fait à la partie supérieure de la craie, c'est-à-dire au-dessus des niveaux aux- quels cette substance précieuse a été trouvée jusqu'à présent dans les terrains crétacés. E. DuBRuEïL et À. PALADILHE. ER ——— Sociétés des Sciences naturelles de Province!. — DE LA FLORAISON DES GRAMINÉES, par le D' A. Godron {Soc des Sc. natur. de Cherbourg,tom. XVII (1873).—On sait que l'inflorescence des plantes de cette famille peut affecter trois modifications différentes : elle peut se présenter en panicule proprement dite, en panicule spi- ciforme, enfin les épillets peuvent être disposés en épillet simple. Examinons d'abord, avec l'auteur, chez les Graminées sauvages, la floraison des diverses espèces soumises à ces diverses infloraisons. Si l’on en excepte deux ou troisfleurs qui terminent l'inflorescence, la floraison de la panicule proprement dite? s'opère du sommet à la base. C'est au tiers ou au quart supérieur que les fleurs s'ouvrent d’abord, quand les épillets sont disposés en panicule spiciforme ou en épi. «Dans le cas où les épillets sont biflores, les deux fleurs s'ouvrent le plus souvent en même temps, et les glumelles supérieures de ces deux fleurs sont accolées dos à dos. Lorsque l’épillet est multflore, les fleurs s'ouvrent ordinairement deux par deux, l'une alternant immédiatement avec l'autre. » 1 Nous croyons poursuivre un but utile en rendant compte aussi brièvement que possible des principaux travaux contenus dans les Annales des Sociétés des Sciences naturelles de province. Nous serions heureux de faire connaître ces travaux, généralement ignorés et souvent des plus remarquables. Ce premier Compte-rendu ne comprendra que l'analyse des Bulletins de l'année 1873. E. DuBRuEïIL. 2 On pourra également consulter sur cette question ce qu'en a dit M. Duval- Jouve (Arêtes de Graminées, dans les Mémoires de l'Académie de Montpellier, tom. VIII, pag. 69 et suivantes. 1871. SOCIÉTÉS DE PROVINCE. 307 Pour la floraison des Graminées, elle a lieu suivant trois modes dif- férents. « Dans le plus grandnombre des espèces, les fleurs s'ouvrent largement, de manière à rendre visibles tous les organes de la fleur : les glumelles s’écartent d’abord légèrement, de manière à montrer le sommet des anthères ; puis elles s’étalent assez brusquement, de facon à former un angle de 30 à 50°, suivant les genres. » Les trois anthères se remarquent réunies en faisceau au centre de la fleur, et masquent les stigmates dressés ; mais bientôt, supportées par un filet qui en s’allongeant s'amincit de plus en plus, elles ne tardent pas à basculer ordinairement toutes du même côté, et à pendre au-dessous de ces derniers. Deux petites fentes se produisent alors à l'extrémité supé- rieure et s'étendent peu à peu à toute la longueur de l'organe mâle. Gest par cette voie que s'écoule une certaine quantité de pollen, quantité qui paraît dépendre des circonstances extérieures. Quant aux stigmates, la fécondation une fois opérée, ils se pelotonnent, et Le plus souvent rentrent dans la fleur, qui se ferme au-dessus d'eux. « Dans d'autres Graminées, les fleurs s'ouvrent beaucoup moins, mais suffisamment toutefois pour laisser sortir avec facilité, par le sommet de la fleur, les anthères et les stigmates.» Ces derniers effec- tuent leur sortie avant les anthères. La chose, surtout pour la sortie des organes mâle et femelle, se passant d'une manière un peu dif- férente dans cette catégorie, on comprend que le mode suivant lequel s'accomplit la fécondation doit être modifié par le rapport de ces parties. Le mouvement de bascule des anthères et l'ouverture des sacs polliniques sont semblables aux mêmes phénomènes que nous avons déjà indiqués. « Enfin, il est un petit nombre de Graminées chez lesquelles la fleur ne s'ouvre pas. » Ces caractères généraux des principaux genres d'inflorescence de cette famille et ses divers modes de floraison exposés, M. Godron passe à l'examen des modifications secondaires. La fécondation, dans les Graminées, est le plus souvent croisée. « Elle a lieu lorsque le pollen d'une fleur féconde les stigmates d’une autre fleur, soit d'un même épillet, soit d’un épillet différent de la même inflorescence, soit enfin d'une inflorescence à l’autre. » Dans le premier cas, même lorsque chaque épillet possède plusieurs fleurs fertiles étalant simultanément leurs glumelles, à cause de leur position successive sur l'axe de l'épillet et alternesdistique, la fécondation croisée est accidentelle. En effet, pour que les anthères puissent lancer leur pollen de côté et en haut, il faut que, plus ou 308 REVUE SCIENTIFIQUE . moins ouvertes «et devenues le jouet du vent », elles soient soulevées et déviées de leur position dans le sens latéral. « La fécondation croisée de fleur à fleur, appartenant à des épillets différents de la même inflorescence, est de beaucoup la plus co m- mune.» Parmi les espèces qui entrent dans cette division, il en est certaines dont les stigmates plumeux ne sortent jamais par le som- met de la fleur, et s'étalent latéralement au dehors, soit un peu au- dessus de la base de la fleur, soit vers le milieu des glumelles. Dans la même catégorie, il en est beaucoup d’autres, au contraire, à stig- mates sortant par le sommet de la fleur, ce qui n'empêche pas, chez un certain nombre d’entre elles, la fécondation croisée de fleur à fleur dans deux épillets différents. De plus, toujours dans la famille des Graminées, cette dernière fonction peut être directe ou croisée. Ce fait se remarque lorsque «les anthères, au moment de la sortie du pollen, s'élèvent au-dessus des stigmates étalés, ou bien sont en rapport direct avec ces organes fe- melles, et qu il existe, en même temps au-dessous, d'autres fleurs dont les stigmates mis à nu sont exposés à être imprégnés par la chute naturelle du pollen versé par les premières. Il importe de noter que « la fécondation croisée entre deux fleurs appartenant à deux inflorescences différentes n’a lieu normalement, si l'atmosphère est parfaitement calme, que dans les Graminées à inflorescence monoïque.» Toutefois la fécondation au moyen du pollen transporté par le vent, d'une inflorescence mâle sur une inflorescence femelle, accidentelle chez ces dernières, devient une nécessité chez quelques Graminées droïques. Enfin, chez un certain nombre de plantes de la même famille, la direction de la fleur et le rapport de position des anthères, relative- ment aux stigmates d'une même fleur, rendent la fécondation directe la seule normalement possible. Quant à la fécondation dans la fleur entièrement close, elle con- stitue un cas très-rare chez les Graminées. Parmi les plantes de cette section, il en est une chez laquelle l'imprégnation a lieu dans des circonstances exceptionnelles et tout à fait inattendues : nous voulons parler de la Leersia orizoides Soland. Les panicules exsertes « qu'on rencontre assez rarement dans cette espèce ont des fleurs qui s’ou- vrent, des stigmates bien conformés, et cependant les fleurs sont in- fertiles. » Mais, ainsi que l'a démontré M. Duval-Jouve, € il existe, à tous les nœuds émergés du chaume, des panicules incluses dans la gaine de la feuille, dont les fleurs, parfaitement closes, ne s'ouvrent pas, et dont la cavité est remplie d'un liquide transparent et un peu SOCIÉTÉS DE PROVINCE. 309 visqueux. On y trouve un ovaire couronné par de courts stigmates, des anthères très-petites, s'ouvrant de très-bonne heure et laissant échapper des grains de pollen en petit nombre et mal conformés. Leur membrane est si mince qu'elle se déchire au moindre contact et laisse échapper la fovilla destinée à la fécondation. « Les fleurs de ces panicules incluses sont très-fertiles, et leurs caryops mürissent rapidement !». + Remarquons que pour légitimer le dédoublement rationnel de plusieurs genres Linnéens, aux caractères morphologiques se joi- gnent les caractères physiologiques dont nous venons de parler, qui sont constants dans les Graminées. A ces derniers, il convient d'’a- jouter le fait suivant : c'est que toutes les espèces de chacun des genres de cette famille fleurissent sensiblement à la même époque de la journée, si les conditions météorologiques qui agissent sur la florai- son leur sont également favorables. Un tableau indiquant, pour di- verses Graminées, l'heure de la floraison et le degré de température minimum, pour que chacune d'elles produise une floraison abondante, vient à l'appui de cette proposition. La floraison des plantes de cette famille est sans doute aidée par la lumière; la lumière diffuse suffit à produire cet effet. Mais la sup- pression des Graminées à l’action de cette dernière «est un fait contre- nature qui ne pourrait se prolonger au-delà de vingt-quatre heures sans modifier profondément les fonctions de ces végétaux et sans devenir la cause déterminante d'une action pathologique.» Après avoir étudié la floraison des Graminées sauvages, M. Godron porte son examen sur la floraison de nos céréales. Le Blé (Triticum sativum) attire d'abord son attention. L'ouverture complète des fleurs de cette espèce s'accompagne des phénomènes suivants: Les glumelles s’entr ouvrent d’abord légèrement au sommet, s'écartant l’une de l'autre et formant entre elles un angle d'environ 45°. «Les anthères, dressées et accolées en pyramide au centre de la fleur, s'élèvent bientôt presque verticalement, et toutes les trois en même temps, par allongement assez rapide de leurs filets pour qu’on puisse suivre à l'œil ce mouvement d'ascension ; elles ne rencontrent, en l'effectuant, aucun obstacle dans une fleur complétement ouverte, et ne sont pas animées d'un mouvement de torsion, comme on l’a affirmé à tort.» Pendant que les anthères, parfaitement entières, res- 1 On trouvera un rapport remarquable entre ce mode de fécondation et ce qui a été dit sur celle des Zostera dans notre Revue de juin 1873, pag. 66 et suivantes. E. D. IT, 21 310 REVUE SCIENTIFIQUE. tent dressées sur leurs filets encore raides, les stigmates s’étalent latéralement un peu au-dessus de la base des glumelles et un peu en dehors de leurs bords; mais bientôt l'anthère, ne pouvant plus être supportée par le filet, qui s’amincit par l'effet de son allongement, s'incline d'abord un peu en dehors et montre, de chaque côté et sur son sommet, une petite fente par laquelle s'écoule une certaine quantité de pollen. La sortie d’une nouvelle quantité de ce dernier est occa- sionnée par le mouvement de bascule de l'anthère qui ne tarde pas à se produire, et le reste de la poussière pollinique s'écoule par ondées successives, à mesure que les deux fentes que nous avons mention- nées s’élargissent et s'allongent. Les stigmates de leurs propres fleurs se trouvant placés au-dessus des anthères après qu'elles ont basculé, il en résulte que le pollen de ces anthères ne peut agir que sur les fleurs ouvertes placées au- dessous, ou bien, s'il y a agitation de l'air, sur les fleurs d'un épi plus ou moins voisin. Deux modes de fécondation croisée sont donc possi- bles; à ces modes il faut ajouter la fécondation directe, qui a égale- ment lieu chez cette Graminée. Si la température est au moins de 16e, et si les autres conditions sont favorables, c'est à 4 heures du matin que les fleurs du Blé s'ouvrent largement. Mais la floraison est plus retardée et plus com- plexe quand les circonstances lui sont moins propices. Il importe de remarquer que lorsque la température est de 12 ou 13°, les fleurs ne s'ouvrent pas, et que la fécondation à huis-clos se produit. Dans le nord de la France, le froment n'étant pas indigène et ne rencontrant pas toujours durant sa floraison les conditions dans lesquelles il vivait dans son lieu d’origine jusqu ici inconnu, ce phénomène doit souvent se manifester. La pluie, tombant à l'époque de l'anthèse de cette céréale, vient encore nuire à l'ouverture des fleurs et rendre la fécondation à huis-clos plus fréquente. L'absence habituelle de la fragilité de l'épi, qui lui permet de dissé- miner ses graines, nous estsignalée comme une modification acquise par la culture chez les Orges cultivées, originaires, tout porte à le croire, d'une contrée de l'Asie plus chaude que la nôtre. Rien d’éton- nant dès-lors à ce que les espèces de cette plante « modifient leur mode de floraison, et qu’elles s’accommodent, comme le Blé, aux cir- constances météorologiques auxquelles elles sont soumises». Toute- fois M. Godron n'a observé aucune espèce ou race de Froment offrant constamment la fécondation à huis-clos, comme il l'a constaté dans l'Hordeum seocriton L. L'auteur se demande si cette espèce ne serait pas d’une origine plus méridionale que ses congénères. SOCIÉTÉS DE PROVINCE. 311 Quant au Seigle (Secale cereale), bien que probablement originaire d'une région tempérée, il végète aux plus hautes altitudes et est cul- tivé sous les latitudes les plus élevées dans le nord de l’Europe et de PAsie. Mais la température de ces contrées lui permet-elle d'opérer normalement sa floraison ? L'analogie qu'il présente avec ce qui se passe pour le Blé et l'Orge nous fait penser que cette fonction doit se modifier. M. Godron achève par l'examen de l’Avoine, originaire, comme le Seigle, d'un pays tempéré, cette étude des céréales, dont il tire les conclusions suivantes : « lo Les céréales cultivées le moins anciennement, le Seigle et les Avoines, ne diffèrent pas des Graminées sauvages dans leur mode de floraison, et ce sont celles qui paraissent originaires d'un pays tem- péré. » 2° Le Blé et les Orges, au contraire, qui ont été cultivés de temps immémorial et qui paraissent originaires d'une latitude plus chaude, ont, suivant les espèces, modifié plus ou moins leur mode de floraison et les procédés par lesquels le pollen arrive sur les stigmates pour s'accommoder aux influences climatériques variables de nos contrées, de façon à rendre encore leur culture rémunératrice, quoique moins productive. » Enfin, le Mémoire est terminé par un important chapitre sur la floraison des Ægilops, et sur les circonstances qui favorisent leur fécondation par le pollen du Blé. — Nore sur L'ARCHIPEL Hawauen; par M. H. Jouan (Soc. des Sc. natur. de Cherbourg, tom. XVII, 1873). — Les îles Sandwich, encore mieux appelées les îles Hawaïi, du nom tiré de la plus grande d’en- tre elles, forment un archipel de douze îles, situé à la limite du tro- pique du Cancer, dont l'origine est volcanique. On n'y rencontre que des roches d'éruption peu variées, telles que Basaltes, Trachytes, Dolérites, Téphrine, Phonolithes et Gallinaces, etaucune roche véri- tablement fossilifère. En dehors de ces roches, les productions minérales sont peu nom- breuses. Le Soufre natif, qui excepté à Hawaii se montre en faible quantité, les Pyrites, le Sel commun, le Gypse cristallisé, composent sous ce rapport, avec les Carbonates de chaux, la richesse du pays. Ces derniers, souvent changés au contact de l'air en calcaires compactes, sont formés par les bancs de Madrépores récents et anciens qui bor- dent la côte-de diverses terres de l'archipel. «Tandis que la force destructive des agents atmosphériques, les 512 REVUE SCIENTIFIQUE. érosions causées par les pluies, les neiges, les vents, les assauts de la mer contre les côtes, » auxquels il faut ajouter les tremblements de terre, les ras-de-marée et les éruptions sous-marines, fréquentes à peu de distance du rivage, continuent à modifier le relief des autres îles, celle de Hawaïi est la seule où l'action plutonienne persiste encore de nos jours. Aussi cette dernière, qui, tout le fait croire, a été formée à une époque moins reculée que les autres, montre-t-elle, « sous une forme tangible, la suite des diverses opérations dont le résultat a été l’état actuel de l'archipel ». Hawaii, qui a à peu près la forme d’un triangle, est constitué par quatre montagnes principales : l’une d'elles, le Mauna-Hualalai, de 2,584 mètres de hauteur, située à l'ouest, s'ouvrit près du sommet en 1801, et vomit une immense quantité de lave qui s'avança dans la mer jusqu à 3 milles de la côte. Mais la constitution du volcan de Kilauea, au sud-est de l'île, le plus grand en activité qui soit connu, est surtout remarquable. cKi- lauea ne répond pas à l’idée qu'on se fait habituellement des volcans : on n'y arrive pas en gravissant un cône, mais au contraire en des- cendant dans une immense dépression qui peat avoir 300 metres de profondeur et 17 ou 18 kilomètres de tour. Le fond présente l'image du chaos et montre une soixantaine de bouches ignivomes, de petits cratères en activité, de véritables lacs de matière bouillante. » Parmi les produits d'éruption se rencontrent des fils, composés d' DES de plus d’un mètre de long. La position géographique de l'archipel à la limite du tropique, et la configuration des îles, «deux causes qui font qu'on y retrouve tous les climats », contribuent, malgré de nombreux rapports, à donner à la flore des îles Hawaïi des caractères plus spéciaux et plus variés qu'aux flores des îles de l’autre hémisphère situées près de l'é- quateur. Dans le Séatistics and Geograph. Range of Hawaïien Planis, M. Manu reconnaît dans ces terres «554 espèces de plantes phanérogames (non compris les Graminées, qui peuvent compter 50 espèces), et 135 de Fougères et de Lycopodes. Les Algues, les Champignons, les Lichens, ne figurent pas dans l'énumération de M. Mann, faute de certitude dans leur détermination: les Lichens sont excessivement communs et comptent peut-être 130 espèces réparties en 42 genres»; 377 espèces de Phanérogames sont particulières à l'Archipel. La végétation des îles Hawaï peut être divisée en trois zones : 1° La région maritime, très-pauvre et caractérisée, entre autres, SOCIÉTÉS DE PROVINCE. 313 par uue espèce d'Argemone au feuillage glauque armé de piquants, et aux fleurs blanches. La plupart des végétaux de cette région « ont l'air moins chez eux » que dans certaines îles Polynésiennes, où ils se retrouvent. La même communauté s'étend aussi aux plantes ma- rines, qui sont peu nombreuses; 2° La région des vallées, dans lesquelles, outre les arbres fruitiers importés, on remarque des Eugenia, des Aleurites, quelques Légumi- neuses, des Arbres à pain, d'une taille bien inférieure à celle qu'ils atteignent dans les îles citées plus haut. Des pâturages et des planta- tions de Kalo (Arum esculentum Forst.) occupent souvent le bas des versants des montagnes et le fond des vallées; 30 Entin, la région des montagnes, qui «commence à une élévation de 250 à 300 mètres au-dessus du niveau de la mer, et s'étend en hauteur jusqu'à la limite de la végétation, limite qui dépend beau- coup de l'exposition». Quant aux sommets extrêmes, ils sont, comme toujours, dépourvus de végétation. C'est dans la région des montagnes un peu au-dessus de la partie que M. Gaudichaud a appelée leur zone torride, que l’on trouve la plupart des plantes propres à l'archipel, telles que l'Aleurites triloba, plusieurs espèces de Metrosideros et d'Acacia, les Fougères arborescentes et de nombreuses Lobéliacées, une des familles caractéristiques de la flore des îles Hawaï. Près des limites supérieures de la végétation, se montrent Les re- présentants des genres Dodonæa, Sophora, Gouania, Osteomeles, Vacci- nium. Enfin, c'est à 2,430 mètres qu'on a constaté la présence du Drosera longifolia, plante de nos pays. La famille des Orchidées paraît manquer complétement dans les îles en question. À cet aperçu sur la végétation de ces dernières, M. Jouan ajoute quelques considérations sur certains végétaux par lesquels elles se rapprochent des autres archipels de la mer du Sud, et sur quelques espèces qui leur sont propres'. Ces considérations sont suivies de remarques sur la culture des plantes indigènes. Les causes qui rendent la flore de l'archipel Hawaïien plus spéciale et plus variée que celles des terres plus voisines de l'équateur { Hibiscus Youngianus Gaud.; Erythrina monosperma Gaud.; Acacia Koa Gray, Rubus (pl. esp.); Metrosideros rugosa Gray, M. macrocarpus Hook et Arn.; Eu- genia Sandwicensis Gray; Gardenia et Kadua (pl. esp.); Vaccinium reticulatum Smith, V. penduliflorum Gaud.; Myoporum Sandwicense Gray: Euphorbia mul- liformis Gaud. 314 REVUE SCIENTIFIQUE. produisent un résultat analogue sur sa faune, qui conserve pour:- tant avec celle de ces îles des caractères semblables, entre autres celui de la pauvreté. M. Jouan fournit dans son remarquable travail très-peu de détails sur les Mammifères. Les Hawaïiens appartiennent au rameau humain appelé par la plupart des ethnologues rameau WMalayo-Polynésien. Pour les Oiseaux, l'auteur reproduit une énumération de 48 espèces donnée par M. Straford B. Dole, dans les Proceedings de la Société d'histoire naturelle de Boston (1869), en faisant observer que cette énumération ne comprend qu'un peu plus de la moitié de la faune ornithologique des pays dont il s’agit. Dans les forêts des hautes régions, habite encore le Nectarin (Moho niger Gmel.), dont les plumes jaunes servent à la confection du manteau royal. Enfin, on ne trouve dans l'archipel ni Perroquets, ni Pigeons, ni Coucous, représentés dans presque toutes les îles Océaniennes par de belles espèces. « En dehors des Tortues marines (Testudo mydas L.) qu'on ren- contre quelquefois dans les canaux de l'archipel, la classe des Rep- tiles n'est représentée aux îles Hawaïi que par un petit Scinque et un Gecko, sans doute Gecko Oceanicus Less. » MM. Quoy et Gaimard {Voyage de l'URANtE, Zool.) donnent la liste de 43 espèces de Poissons qui habitent les eaux des iles Sandwich. I importe toutefois de remarquer que les animaux de cette classe.sont bien moins localisés que les animaux terrestres. « La comparaison des observations des voyageurs a fait reconnaître l'existence d’une grande province marine qui s'étend plus ou moins loin en latitude de chaque côté de l'équateur, et comprend les mers qui baignent les îles de la Polynésie, s'avance jusqu'aux côtes de Chine, enveloppe l'archipel Malais et une partie des côtes de l'Australie, et°s’étend, à travers l'océan Indien, jusqu'aux rivages de l'Afrique.» Enfin, M.Jouan complète, par quelques détails sur les Mollusques, les Annélides, les Crustacés, les Insectes et les Arachnides, son aperçu sur la faune Hawaïienne. — NOUVELLE REVUE DES LICHENS DU JARDIN PUBLIC DE BLossac, À Porriers, par le D' Weddell (Soc. des Sc. natur. de Cherbourg , tom. X VIT, 1873). — D'après le savant académicien, les nombreuses espèces de Lichens du parc de Blossac, admirablement doté sous ce rapport, sont les suivantes : Pyrenopsis pictava Nyl. Collema chalazanum Ach. Synalissa symphora Nyl. — furvum Ach. SOCIÉTÉS DE PROVINCE. 315 Collema mœælenum Ach. — plicatile Ach. — pulposum Ach. — crispum Ach. — cheileum Ach. Leptogium lacerum Ach. — firmum Nyl. Cladonia pyxidata Fr. Ramalina fastigiata Ach. Peltigera canina Hoffm. Parmelia acetabulum Dub. Physcia Borreri Tum. — parietina D.-N: — ciliaris D.-C. -- pulverulenta Fir. = aipolia Ach. — stellaris Fr. — astroidea Fr. — obscura Fr. — agglutinata Nyl. Pannaria nigra Nyl. Lecanora murorum À Ch. — callopisma Ach. — fulgens Ach. — medians Nyi. — citrina ACh. — incrustans Ach. — aurantiaca Nyl. — ferruginea Nyl. = pyracea Nyl. — cerina Ach. — phlogina Nyl. == candelaria Ach. — vitellina Ach. — rupestris NyL. — tricholyta Ach. — circinata AcCh. — variabilis Ach. — ocellulata Ach. _— calcarea Sommert. — pruinifera Nyl. — saxicola (Poll.) Nyl. — galactina Ach. — subfusca Ach. —_ albella Ach. Lecanora umbrina (Ehrb.) Nyl. —— Hageni Ach. — atra ACh. — athroocarpa Dub. — erysibe Nyl. — sophodes Ach. — cervina? (Pers.) Ach. — castanea Ram. — pruinosa (Sm.) Nyl. Urceolaria actinostoma Pers. Phlyctis agellæa Wallr. Lecidea sabuletorum FIk. — canescens Ach. — vesicularis Ach. — aromatica Ach. — parasema Ach. — episema Nyl. — ochracea Hepp. — fuscorubens Nyl. — calcivora Nyl. — Jenticularis Ach. — alboatra Scheær. — petræa Flot. — saxatalis (Schær). Nyl. Graphis scripta Ach. Opegrapha atra Nyl. — varia Pers. Arthonia astroidea Ach. — subvarians (Ach.) N yl. — lapicidicola (Tayl.) Leight,. Melaspilea arthonioides Nyl. Endocarpon rufescens Ach. — hepaticum Ach. Verrucaria Garovaglii Mont. — polysticta Borr. — nigrescens Pers. — macrostoma Duf. — rupestris Schrad. — sepulta Mass. — sgemmata Ach. — épidermidis Ach. — cinerella Flot. — epicallopisma Wedell. Mycoporum ptelæodes N yl. 316 REVUE SCIENTIFIQUE. — OBSERVATIONS SUR L'APPARITION SPONTANÉE ET LE SEMIS RÉPÉTÉ DU STEMONITIS OBLONGA FRIEs; par M. C. Roumeguère (Soc. des Sc. natur. de Cherbourg, tom. XVII, 1873).— Dans les premiers jours de décem- bre 1872, on avait oublié à Toulouse, dans un appartement en répa- ration, un vase de couleur à l'huile qui demeura avec son pinceau dans une demi-obscurité. Le 3 janvier, la croûte formée par l'huile qui avait surnagé et la partie postérieure du pinceau la plus voisine du manche étaient surchargées d’une élégante Funginée en pleine fructification. Cette Funginée n'était autre que le Stemonitis oblonga Fries, « Myxogastrée propre au nord et au centre de l'Europe, et qui n avait jamais été observée à Toulouse ». Les spores de ce Champignon, projetées sur une planche de Sapin humide et enduite d'une couche de peinture « tirée du vase généra- teur », couvrirent celle-ci, au bout de dix jours, d'une véritable pépi- nière. Cet ensemencement offrait ceci dintéressant: le stroma, excessivement fugace et que les échantillons d'herbier ne conservent pas longtemps, était complet et s'était appliqué sur la surface unie et peinte en blanc, comme le font sur le papier les Algues de nos collec- tions. « Ajoutons que les peripedium, au nombre de 9-11 sur chaque stroma, d’un centimètre de diamètre environ, naissaient isolément sur la marge de ce stroma, dont ils jalonnaient pour ainsi dire la circonférence. » Cette expérience, répétée le 19 janvier avec un succès complet, a permis à M. Roumeguère d'observer attentivement le développement du Champignon semé, ainsi que le temps nécessaire pour le passage d'une forme à l'autre. Ces degrés de développement sont au nombre de sept et remplissent un intervalle de cinquante-deux heures. La germination des spores et le développement des Sfemonitis sont indépendants de l’action de la lumière. — L'Homme rossice ‘; par M. Arrondeau (Soc. polymathique du. Morbihan, 1873).— Après quelques considérations générales, l’auteur de ce travail, qui est un tableau fidèle de l'état actuel de la question, donne l'historique des découvertes qui prouvent l'existence. de l'Homme à l'époque paléolithique de la période quaternaire; ilre- cherche les traces de notre espèce dans les terrains diluviens des plaines et des vallées, et dans les cavernes. On sait que ces dernières, 1 Consulter, sur ce sujet, la Thèse pour le doctorat ès-sciences de M. Roujou (Montpellier, 1873), analysée dans la Revue des Sciences naturelles, tom. II, pag. 582. SOCIÉTÉS DE PROVINCE, SUN soit qu’elles lui aient servi de refuge, soit que ses débris et les œuvres de son industrie y aient été apportés par les eaux, «ont fourni à l'histoire de l'Homme primitif un contingent de matériaux plus nombreux et plus variés que les stations à l'air Hbre ». L'Homme a vécu à côté de l'Ours des cavernes, du Mammouth, du Renne et des autres grands animaux qui habitaient nos régions à une époque où les conditions de climat, le relief du sol et le régime des eaux différaient notablement de l’état de choses actuel : telle est la conclusion qui résulte de la découverte des restes de l'Homme et de son industrie. De la découverte des produits de cette dernière se dégage un fait tout aussi manifeste : c'est qu'il y a eu des degrés divers dans le développement social des habitants primitifs de nos contrées. Quatre âges ou époques successives sont établis par M. Lartet dans la période paléolithique : «1° L'âge de l'Ours des cavernes, qui serait le plus ancien, et au- quel appartiendrait l’assise inférieure de la grotte d'Arcy (Yonne), fouillée pour la première fois en 1838, et la grotte supérieure de Massat ; »2 L'âge du Mammouth, comprenant les restes de ce Pachyderme auxquels sont associés ceux du Rhinocéros, du grand Cerf d Islande. Ici se placeraient les bancs diluviens d'Abbeville, de Saint-Acheul, de Grenelle, de Clichy, et le gisement de Clermont (Haute-Garonne); »3 L'âge du Renne, où le grand Ours a disparu, et auquel se rap- porteraient les cavernes de Bize, de Savigné et l'assise moyenne de la grotte d'Arcy-sur-Cure ; »4° L'âge de l’Aurochs, représenté par la grotte inférieure de Massat, où cet herbivore s’est montré le seul représentant des espèces carac- téristiques. » M. Garrigou réduit ces périodes à deux. Le même géologue a de plus observé, du moins en ce qui concerne les Pyrénées, que les grottes qui renferment la faune la plus ancienne sont aussi celles qui occupent la région la plus élevée : observation venant à l'appui de la théorie qui fait concourir le soulèvement du sol au creusement des vallées. Quoi qu’il en soit, dans le fond de ces dernières on rencontre les mêmes espèces que dans les grottes supérieures. «D'autre part, les découvertes failes à Schussenried, et celles de M. Hamy dans le nord de la France, nous ont montré, dans le loess ou diluvium superficiel, des stations reproduisant les caractères de l’âge du Renne tel qu'il se 318 REVUE SCIENTIFIQUE. montre dans les grottes moyennes des Pyrénées, dans celles du Péri- gord et de tant d’autres lieux.» M. Arrondeau se trouve suffisamment autorisé à établir dans l'histoire de l Homme quaternaire deux périodes : l’âge de l'Ours et du Mammouth, et l'âge du Renne. «AU premier âge appartiennent plusieurs des cavernes fouillées aux environs de Liége, les assises inférieures des grottes d'Arcy-sur-Cure, de Pontil, d'Aurignac, la grotte supérieure de Massat, celle de Tor- quay, de Lherm, de la Chaise; puis les bancs diluviens des bords de la Somme, de la Seine et de la Tamise, ainsi que les gisements des environs de Toulouse.» «A l’âge du Renne se rapportent la caverne de Bize, celle de Savi- gné, l’assise moyenne de la grotte d'Arcy, les abris et les grottes si nombreuses du Périgord, de l'Aveyron, des Pyrénées, et enfin la station en plein.air de Schussenried, de Blacourt et probablement d Eguisheim.» La géologie suffit à prouver que ces deux âges ont été très-distincts: Tandis que c'est dans les couches les plus profondes du terrain dilu- vien que se rencontrent, avec les débris de Mammouth, les haches les plus grossières, taillées à grand éclat, ce n’est que dans l'épaisseur du loess, qui forme la couche supérieure des alluvions anciennes, que se retrouvent les silex finement travaillés, les os de Renne et les instruments fabriqués de ses dépouilles. Ce point établi, M. Arrondeau aborde la question de l’origine des populations qui ont les premières habité nos contrées. A quelle race appartenaient-elles? Les crânes.d'Engis et de Neander fournissent les premiers renseignements à cet égard à la science anthropologique. Ce dernier, découvert en 1857, près de Düsseldorf, dans une partie de la vallée de la Düssel qui s'appelle le Neanderthal, «est le plus bestial de tous les crânes humains connus. Il se rapproche de celui du Singe non-seulement par le développement des arcades sourcihières, par le prognathisme des mâchoires, mais surtout par sa forme dépri- mée. Néanmoins, par sa capacité il occupe une moyenne entre les crânes humains, et dépasse beaucoup, sous ce rapport, le maximum observé chez le Singe. Le crâne d'Engis présente de plus belles pro- portions: il est franchement dolichocéphale, mais sa hauteur est nor- male, et les arcades sourcilières sont bien accusées, sans présenter une saillie excessive. M. le professeur Huxley estime d’ailleurs que des crânes appartenant à l'une des races actuelles les plus homogènes peuvent présenter entre eux des différences de même ordre que celles qui distinguent les deux crânes d'Engis et de Neander. Il leur trouve SOCIÉTÉS DE PROVINCE. 319 une grande analogie avec les crânes des Australiens actuels. ...On a également rapporté à une race inférieure, analogue à la race Aus- tralienne, la mâchoire de la Naulette, qui a été trouvée associée à des os de Mammouth et de Rhinocéros.» «D'autre part, les squelettes attribués à l'âge du Renne présentent en général des têtes rondes ou brachycéphales, une petite taille et une organisation analogue à celle des Esquimaux et des Lapons.» Néan- moins, d'après Pruner-Bey, le crâne du vieillard de Cro-Magnon offre un type mongoloïde dolichocéphale et à grand cerveau. Nous avons, avec le squelette de ce dernier, dont les os, en volume et en longueur, présentent un fort développement, et les squelettes de Menton, les représentants d'une race de grande taille, à tête allongée, à cerveau très-développé, avec un angle facial bien ouvert. «En ce qui concerne la dolichocéphalie, il est bon de faire remarquer que les anthropologistes actuels sont portés à diminuer l'importance qu'on avait d’abord attribuée à ce caractère en le considérant comme un signe d'infériorité. » Pendant les temps qui ont précédé l'époque moderne des géolo- gues, l'Europe occidentale a donc été habitée successivement ou simul- tanément par des races distinctes : les débris qu'elles nous ont laissés permettent à la science de les rattacher aux races actuelles. «I est seu- lement une affirmation qui nous semble dès aujourd hui permise. Alors, comme dans les temps historiques, nos contrées auraient été le point de rencontre de deux courants d'immigration: des peuplades venues du Nord se seraient établies dans les vallées de la Meuse, de la Somme, de la Seine et dela Tamise, tandis que les bords de la Médi- terranée, les Cévennes, les Pyrénées et les vallées du Périgord auraient été peuplés par des races venant du Sud-Est.» Les données paléontologiques confirment d’ailleurs ce résuliat. «La faune quaternaire, en effet, peut se déboubler en deux groupes distincts par leur origine géographique. D'un côté, le Mammouth, le Rhinocéros à narines cloisonnées, le Renne, le Bœuf musqué et un grand nombre de Mammifères qui composent notre faune actuelle, sont originaires du nord de l'Asie. D'autre part, l'Éléphant actuel, le Rhinocéros du Cap, l'Hippopotame, l'Hyènerayée, l'Antilope et quel- ques espèces qui sont aujourd'hui exclusives à l'Afrique, ont habité nos climats même avant l'époque quaternaire. Si l'immigration de ces espèces méridionales a conduit les géologues à admettre dans les temps anciens l'union du nord de l'Afrique avec la Sicile, la même voie à pu être suivie par les races négroïdes, dont plusieurs savants 320 REVUE SCIENTIFIQUE, ont cru reconnaître les caractères dans certains crânes de l'époque quaternaire. » Ces races ont encore leurs analogues parmi les populations ac- tuelles du globe. S'appuyant sur ce fait et surtout sur des données archéologiques dont la nature ne nous permet pas de présenter l'ana- lyse, M. Arrondeau fait remonter l'origine de notre espèce au-delà des limites qui lui sont ordinairement assignées. D'ailleurs, suivant beaucoup de géologues, l'Homme n'aurait pas seulement été contemporain des Mammifères quaternaires que nous venons d'indiquer, mais encore de plusieurs animaux de la même classe, caractéristique des étages supérieurs du terrain tertiaire. Un travail présenté en 1863 à l'Académie par M. Desnoyers, bibho - thécaire du Muséum, «a pour but d'attribuer à la main de l'Homme des incisions et des entailles observées sur des os fossiles de l'Elephas meridionalis , du Rhinoceros leptorhinus et de l’Hippopotamus major, espèces propres à l'époque pliocène». Ces incisions auraient pu être faites par des silex taillés à grands éclats, que dans la séance du 7 janvier 1867 M. l'abbé Bourgeois annonçait à la même Académie avoir découverts dans le même gisement de Saint-Prest, près de Chartres. De plus, une mâchoire de Rhinoceros pleuroceros, de l'é- poque miocène, offrant des entailles profondes pratiquées à l’aide d’un instrument tranchant, aurait été rencontrée en 1868, dans les environs de Billy (Allier). Eufin, fait qui semble le plus concluant, au puits de Thénay, près de Pont-Levoy (Loir-et-Cher), M. l'abbé Bourgeois a retiré un grand nombre de silex grossièrement taillés d'une couche d'argile située à 6",50 au-dessous de la couche végétale. Ge lit d’argile était surmonté par une couche compacte de calcaire de Beauce, « au-dessus de la- quelle s'étendaient les sables de l'Orléanais avec ossements de Masto- dontes et autres Mammifères tertiaires, puis les faluns de Touraine avec leurs innombrables débris de coquilles marines, et enfin une alluvion quaternaire de 0m,50 d'épaisseur, renfermant des silex taillés et des haches du type de Saint-Acheul, avec des os d'Hyena spelæa et de Rhinoceros tichorhinus. L'existence de l'Homme remonterait donc jusqu'aux âges moyens de l'époque tertiaire ». Ces conclusions de M. l'abbé Bourgeois sur la nature des silex en question, qui sont loin d'être admises par tous les géologues, sont pleinement acceptées par M. Arrondeau. «Nous aurions ainsi , ajoute-t-il en terminant, la preuve que l'Homme a vécu sur le sol de la France avant la grande époque glaciaire; qu'il y a été contemporain de l'Elephas meridionalis, du Rhinoceros leptorhinus, de l'Hippopota- SOCIÉTÉS DE PROVINCE. 321 mus major et autres Mammifères des terrains phocènes. Ce serait une nouvelle période peut-être de plusieurs centaines de siècles à ajouter aux annales de l'humanité. » Nous avons cru, dans le compte-rendu du travail de M.Arrondeau, devoir nous réduire à en donner, sans aucune appréciation, une exacte et textuelle analyse. — Sur L'Hezix RANGIANA ; par M. de Saint-Simon (Société d'Histoire naturelle de Toulouse‘, 1873). — L'auteur vient compléter les détails anatomiques contenus sur l'Helix Rangiana dans l'Histoire naturelle des Mollusques de France, par Moquin-Tandon. Nous reproduisons la description du collier médullaire de cette espèce renfermée dans cette note. « Le collier médullaire se compose de six ganglions d'un gris clair; les cérébroïdes sont gros, longs de 3/4 de millimètre, composés chacun de trois segments distincts, ovoïdes, et sont séparés par une commissure assez courte. Les autres ganglions sont au nombre de quatre ; les deux antérieurs, longs cha- cun de 1/4 de millimètre, paraissent sécuriformes et se rejoignent par le gros bout, qui est tronqué; les deux postérieurs, plus petits et plus ovoïdes, supportent les poches de otolithes; ceux-ci sont jaunâtres par réflexion, transparents, plus ou moins allongés , ovoïdes, un peu anguleux et irréguliers ; chaque poche est grande de 1/10 de milli- mètre, et contient environ un millier d'otolithes. Les commissures qui séparent les cérébroïdes des postérieurs sont doubles. » Jusqu'à ce jour, l'Heliz Rangiana était classée , notamment par Moquin-Tandon, parmi les Hélices depourvues de poche du dard. M. de Saint-Simon a constaté la présence de cette poche et de son stylet chez cette espèce. — SUR LA GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DE L'OGÉANIE ET DE LA NOUVELLE- CaLÉDONIE; par M. Balarsa (Société d'Histoire naturelle de Toulouse, 1873). — La création d'un grand nombre des îles qui émergent de l'océan Pacifique est due à des récifs madréporiques. Leur sol, formé de sables calcaires et de détritus de matières animales et végétales, présente une végétation d'emprunt luxuriante qui n'offre rien de par- ticulier. Plus spéciale et plus variée est la flore des îles volcaniques, plus anciennes que les premières. TR A son et FÉTO ATEN 1 Nous nous proposons de rendre un compte détaillé des travaux de M. Magnan, dont un Mémoire figure en tête du Bulletin de cette Société, lorsque paraitra l'édition complète de ses œuvres. E. DuBruzIx, 322 REVUE SCIENTIFIQUE. « Dans la partie occidentale de l'océan Pacifique, les archipels des îles Salomon, des Nouvelles-Hébrides, auxquels il faut joindre la Nou- velle-Calédonie et probablement aussi les îles Fidji, toutes d’une créa- tion très-ancienne, devaient avoir leur relief actuel lorsque le restant de l'océan Pacifique ne formait qu'une immense mer continue par- semée de bas-fonds. Leur végétation, très-riche, très-variée, offre parfois, dans des îles rapprochées, peu de points de contact. » La végétation endémique de presque toutes les îles de l'Océanie est privée de familles qui sur tous les autres points du globe tiennent le premier rang par le nombre et par l'importance des espèces. « Ges familles forment presque partout la base des pâturages ; aussi, en con- sidérant que les Mammifères, sauf quelques Chauves-Souris, man- quaient sur toutes ces terres lors de leur découverte, on serait tenté de ne voir là qu'un effet et sa cause. » La Nouvelle-Calédonie, une des plus grandes îles de l’oecéan Paci- fique, peut être divisée en deux parties. La première, renfermant tous les terrains éruptifs et formant la ma- jeure partie du sud de l'île, est remarquable par le manque de pâturages et de vallées colonisables; mais sa flore, des plus caractéris- tiques, en fait «la terre promise du botaniste ». Dans la deuxième partie, qui occupe le centre et le nord del'île et où se rencontrent surtout les vallées alluvionnaires, recouvertes de verts pâturages, sont compris tous les terrains sédimentaires plus ou moins métamorphisés. Deux flores très-distinctes sont offertes par ces der- niers : une flore endémique et une flore adventive. L'une est carac- térisée par d'immenses forêts d'arbres et d'arbrisseaux d'espèces variées , et par la rareté des plantes herbacées ; l'autre, « c'est-à-dire celle qui lors des premières immigrations humaines a remplacé, à la suite des incendies et des défrichements, La végétation endémique, occupe de vastes espaces ; elle comprend tous les pâturages de l'île. Sa végétation n'a rien de tropical. On croirait, en cheminant à travers ces immenses plaines, parcourir certaines contrées de la France et de l'Orient. Peu d'espèces herbacées, mais elles sont éminemment sociales. La végétation arborescente n’y est représentée que par peu d'espèces. La plus remarquable , le Niaouli, originaire probablement de l'Australie, y est d’une extrême abondance. C'est lui, dit-on, qui par ses émanations aromatiques procure à la Calédonie son incom- parable salubrité. Il y remplirait le rôle que les £ucalyptus jouent en Australie. La population indigène de la Nouvelle-Calédomie appartient à une SOCIÉTÉS DE PROVINCE. 323 seule et même race dont le point de départ est probablement la Nou- velle-Guinée. — Le même auteur présente à la même Société des échantillons d'une nouvelle Graminée recueillie en Cochinchine, pour laquelle il crée un genre nouveau dont il donne la diagnose suivante : (GERMAINIA, Balansa et Poitrasson. — Épillets 9-12, hétérogames, réunis en un ca- pitule entouré d'un involucre à plusieurs folioles. — Épillets de la circonférence 6-9, mâles, sessiles, biflores. Glumes finement membra- neuses. Glumelles inférieures avortées, les supérieures très-finement membraneuses. Étamines 2. — Épillets du centre 3, femelles, pédi- cellés, biflores. Fleur inférieure stérile , réduite à sa glumelle infé- rieure. Fleur supérieure femelle, à glumelle inférieure linéaire se prolongeant en une longue arête tordue ; glumelle supérieure avortée. Squamules 0. Ovaire surmonté de deux longs styles pubescents. Caryopse..….. «Par son port, par l’involucre polyphylle entourant les épillets, par le nombre des étamines, par l'absence des squamules, par les trois épillets femelles pédicellés et arislés occupant le centre du capitule etc., le Germainia est très-distinct de l'Anthistiria. — APERÇU SUR LA GÉOLOGIE DE RENNES-LES-Bains, par le D' Gour- don (Soc. d’Hist. nat. de Toulouse, 1873). — Le territoire de Rennes, qui occupe la partie la plus méridionale de l'Aude, constitue en même temps la partie la plus occidentale des Corbières. De la forme de celles- il, qui offrent un caractère orographique tout spécial, participent les montagnes de la région en question, comprises entre le massif de Monthoumet et la chaîne de Saint-Antoine-de-Galamus, deux groupes des deux principales chaînes des Corbières. Les montagnes de Rennes, se distinguant en particulier par leur forme irrégulièrement excavée, présentent une composition analogue à celle de ces dernières, que nous allons décrire. Les couches qui constituent les Corbières sont les suivantes : ter- rains Moderne et Quaternaire, Miocène, Éocène supérieur, Num- mulitique, Garumnien, Sénonien, Turonien, Cénomanien, Albien, Aptien, Néocomien, Oolithe, Lias, Trias, Silurien, Cambrien, Granit. L'étage inférieur du Turonien est surtout caractérisé par de nombreux Rudistes, qui ont fait de Rennes, sous ce rapport, une localité clas- sique : au lieu dit la Montagne des Cornes, ces fossiles, et spécialement les Hippurites, constituent à eux seuls la montagne tout entière. Les divers étages de la Craie inférieure ne se rattachent qu'en quelques 324 REVUE SCIENTIFIQUE. points à la région que le D' Gourdon étudie. Quant aux terrains jurassiques, ils n'apparaissent, toujours, dans la même région, que dans certains affleurements isolés. Pour le terrain de transition, il forme, dans le département de l'Aude, l'étage le plus inférieur de la série et est constitué par des calcaires et des schistes d'un gris. bleuâtre ou noirâtre d'un caractère assez uniforme. Après quelques détails sur la disposition stratigraphique des divers terrains sus-mentionnés, l'auteur nous fait connaître la constitution des montagnes de Rennes. Cette étude nous semble d'autant plus utile que la coupe faite par d'Archiac, le seul qui ait donné, il ya une vingtaine d'années, une représentation de ces régions, est loin de présenter les caractères d’exactitude qu'on était en droit d'attendre de ce savant. Une discordance de ses couches, aussi bien du nord au sud que de l’est à l'ouest, avec celles de tout le territoire environnant, se remar- que quand on examine la disposition particulière des couches du ter- ritoire de Rennes-les-Bains. Dans ces couches, se sont produits des mouvements variés et assez considérables qui en ont rompu tous les rapports. Le premier de ces mouvements, qui jusquà ce jour ont échappé aux géologues, «paraît avoir été celui qui a fait descendre au contact du terrain de transition le Crétacé supérieur et moyen». Des affaissements partiels ont été la conséquence de cet affaissement plus général. À ces premières dislocations ont succédé les «dépôts d'eau douce du Garumnien ; » toutefois les mouvements du Crétacé ont continué à se produire çà et là. Ces dislocations successives permettent de se rendre compte, non pas de l'origine, mais de la nature des voies que suivent les eaux thermales de Rennes pour parvenir du sein de la terre à la surface du sol. Ces sources n'ont pas la même température, et cette diffé- rence laisse apprécier jusquà un certain point la profondeur du bassin d'où chacune d'elles tire son origine. M. Gourdon se demande, en terminant, si l'existence de ces bassins ne se lierait pas «aux phé- nomènes qui ont amené en ce point les territoires supérieur et moyen au contact du terrain de transition, et qui ont produit, dans toute l'étendue de la chaîne de Monthoumet, l'effondrement du Carboni- fère, du Trias et de tout le Jurassique». — RECHERCHES DE VESTIGES PRÉHISTORIQUES DANS LA CHAINE DES Pvyrévées; par M. Piette (Soc. d'Hist. nat. de Toulouse, 1873.) — La première grotte explorée par M. Piette est celle d'Espalungue, sur le territoire d'Arudi. Le sol en est formé par des foyers de l’âge du SOCIÉTÉS DE PROVINCE. 329 Renne, pleins d'ossements brisés de Renne, de Bœuf, de Cheval, de Chamois et d'Oiseaux. Les débris de Cerf sont en grande abondance. MM. Garrigou et Raymond Pottier ont recueilli dans cette caverne, le premier une flèche barbelée, le second un petit bâton en bois de Renne sur lequel sont gravées des lignes entrelacées. À un mètre de profondeur, l’auteur de la note a trouvé des silex taillés présentant les formes magdaléniennes et divers instruments en bois de Renne, notamment un bâton de commandement sur lequel sont sculptées, à la facon des bas-reliefs, deux têtes de chèvre. Les objets divers ramassés dans une autre grotte, située à 3 kil. à l’ouest de la première, ont fourni à M. Piette la preuve qu'elle avait été successivement habitée par des pasteurs néolithiques et par des pasteurs gaulois. Ce dernier a aussi exploré la grotte de Malevézie, près de Luchon, dans laquelle, entre autres choses, il a trouvé une sépulture néoli- thique. Il y a de plus constaté la présence « de fragments des sque- lettes d'un adulte et d'un enfant dont les mâchoires présentaient un prognathisme considérable, et dont les humérus avaient la fosse olé- crânienne largement perforée ». Enfin nous avons déjà mentionné dans la Revue (tom. IT, pag. 304) la dernière caverne, celle de Lortet, découverte et visitée par l'auteur, et fait connaître les objets qu'il y a recueillis. — UNE visiTE AU JARDIN D'ACGLIMATATION DE COLLIOURE; par M.Rou- mesuère (Soc. agric., scientif. et littér. des Pyrénées-Orientales,1873). — Nous extrayons de cette note les passages suivants : « La vue du Delphinium nudicaule m'a singulièrement intéressé, en me rappelant la végétation encore inconnue de certaines Composées américaines. Celle de ce Delphinium n'est pas moins singulière... La plantule, à sa sortie de terre, se termine par deux cotylédons épanouis en feuilles séminales entières, persistantes, pendant que de véritables feuilles trilobées, partant successivement du collet au-dessous de la terre, accompagnent l'évolution d'une seconde tigelle destinée à se déve- lopper. Dans ce fait physiologique, on trouve une explication, ration- nelle sans doute, du rôle de la tigelle cotylédonnaire, qui paraît être purement et simplement la nourrice de l’autre. » Une Cucurbitacée exotique nous est signalée dans le jardin de M. Naudin. M. Roumeguère la compare «à une sorte de Madrépore fossile d'où sortent de nombreuses pousses à foliation brillante. Ce Madrépore n'est autre chose que le singulier tubercule, ou mieux le III, 22 326 REVUE SCIENTIFIQUE. renflement épigé de l'axe du Gerrardanthus portentosus de la Cafrerie. La plante en question est unisexuée et femelle. L'auteur rapporte encore dans sa note, sur le genre Opuntia, un fait important qui a été observé par M. Naudin. « La température des- cendit un jour d hiver, à Collioure, à—7 degrés, et les tiges succulentes de l'Opuntia figue d'Inde gelèrent ; au premier soleil, les raquettes supérieures rompirent l'articulation qui les soudait sur les raquettes inférieures , et se détachèrent nettement ; puis ce fut le tour des secondes, puis des troisièmes articulations, et la raquette primitive, celle qui avait donné naissance à la plante, resta isolée et fut la der- nière à s'affaisser sur les débris qui jonchaient le sol. » Enfin, l'article est terminé par l'énumération de nouvelles espèces de Lichens découvertes par M. Nylander dans une excursion récente à La Preste et à Costabona (Parmelia atricha, Lecanora subradiosa, L. præsistens. L. straminescens, L. homosena, L. strepsodea, Verrucaria truncatula). _— TEMPÉRATURE DE COAGULATION DU PROTOPLASMA, par M. Dérut (Soc. bot. de Lyon, 1873). — «Les observations de cet expérimenta- teur ontété faites sur des feuilles de nature et de consistance variables; les unes coriaces, comme celles de Mahonia, d'Aucuba Japonica, les autres molles, telles que les feuilles d'Orme, etc. Ces observations éta- blissent que, plongées dans de l’eau dont la température est inférieure à 70-750 C., les feuilles peuvent présenter quelques altérations pars tielles, piqüres, points colorés en noir, brunissement des nervures; : mais elles respirent encore, et à l'examen microscopique le proto- plasma de leurs cellules n’a subi aucune modification. Au-dessus de 75, les feuilles changent de couleur; leur teinte verte se fonce ou prend une couleur variable suivant la nature des feuilles sur les- quelles on opère; plongées dans de l'eau contenant de l'acide carbo- nique, elles ne dégagent plus de bulles; enfin le protoplasma est coagulé, soit en une masse centrale, soit en dépôts sur la paroi interne de la membrane cellulaire. Ges résultats sont indépendants de la nature des feuilles, etse produisent, qu'elles soient coriaces ou non.» — SUR LES PHÉNOMÈNES DE THERMO-DIFFUSION GAZEUSE OBSERVÉS DANS Le NELUMBIUN sPEcIOsUuM; par M. Merget! (Soc. bot. de Lyon, 1873). — Les feuilles du Nelumbium, qui renferment souvent une certaine 1 Voir le Mémoire de M. A. Barthélemy: Du mouvement de l'air dans le Nelumbium speciosum. (Rev. des Sc. nat., tom. IT, pag. 185.) SOCIÉTÉS DE PROVINCE. STI quantité d’eau, peuvent, on le sait, lorsqu'elles sont frappées par les rayons solaires, laisser dégager des bulles gazeuses. M. Merget con- clut de ses expériences que ce dégagement a lieu sous l'influence de la chaleur seule, et non pas de la lumière. L'auteur a constaté en outre que, non-seulement l’air atmosphé- rique, mais encore les différents gaz, acide carbonique, hydrogène, azote, oxyde de carbone, étaient filtrés par les Nelumbium. (A continuer.) E. DUBRUEIL. BULLETIN. — BIBLIOGRAPHIE. Fourmis emmagasineuses et Araignées mineuses. — Notes et obser- vations sur leurs mœurs et leurs habitations ; par J. TRAHERNE-MOGGRIDGE!. PREMIÈRE PARTIE. — Fourmis emmagasineuses. Le remarquable ouvrage de M. Moggridge, dont nous croyons devoir donner une analyse détaillée, à cause du vif intérêt qui s’y rattache, présente une exposition exacte de l’état actuel de la question au sujet des Fourmis emmagasineuses, et des Araignées mineuses des environs de Menton. Il renferme des observations faites avec le plus grand soin et consignées avec autant d'élégance que de clarté, et des faits nouveaux qui le recommandent à l'attention des naturalistes et sont de nature à provoquer de leur part de nouvelles expériences pour élucider quelques points encore douteux. Il est orné de cinq planches lithographiées et de gravures sur bois exécutées d’après les dessins de l’auteur. La prévoyante économie de la Fourmi, les soins et l’activité qu’elle apporte à emmagasiner dans ses greniers des provisions de grains pour la saison d'hiver, sont consacrés par une croyance populaire presque universellement adoptée. Les anciens auteurs qui vivaient dans les contrées méridionales de l'Europe (la Grèce, l'Italie), ont consigné à ce sujet, dans leurs écrits, des détails fort intéressants et souvent très-circonstanciés. Il en est PAS 2 ARE 9 CE À Harvesting Ants and Trap-door Spiders. (Notes and observations on their habits and dwellings ; ‘by J. Traherne-Moggridge, F.-L.-$S. — London: L. Reeve et Ce., 5, Henrietta street, Covent Garden, 1873.) 328 BULLETIN. question dans le Livre des Proverbes; Hésiode, Virgile, Horace, Plaute, y font allusion. Claudius Ælianus, contemporain de l’empereur Adrien, dans son Traité De natura animalium, décrit longuement et avec soin les tra- vaux des Fourmis à l’époque de la récolte des céréales, la manière active et bien ordonnée avec laquelle elles butinent dans l’aire les grains d'orge et de blé qu'elles transportent et amoncellent prudemment dans leurs magasins. Il admire la sage prévoyance avec laquelle ces intelli- gentes ménagères pratiquent un trou au centre de chaque grain, une fois leur récolte faite, et ceci afin d'empêcher la germination, qui leur ferait perdre le fruit de toutes leurs fatigues. «Sous ce rapport, comme sous bien d’autres, on voit, ajoute-t-il, que ces intéressants petits animaux sont loin d’être mal partagés au point de vue des dons de la nature.» Plus loin, le même auteur suit les Fourmis quand elles partent en fourrageuses pour une expédition conduite, dirigée et commandée par les plus robustes. Il décrit les procédés qu’elles emploient pour atta- quer les grains sur les récoltes encore debout dans les champs, et les soins minutieux et bien répartis dont cette opération est accompagnée, afin de rapporter au logis le grain débarrassé de toutes ses enveloppes. Aldrovande, au xvi° siècle, parle, dans son ouvrage De Insectis, lib. V (De Formicis), des provisions de grains qu'amassent les Fourmis, et de la précaution qu’elles ont de ronger « l'extrémité d’où sortirait le germe », c'est-à-dire la radicule. La fable de La Fontaine, que tout le monde sait par cœur, n’a pas peu contribué à populariser la croyance que les Fourmis font des provisions pour l'hiver. Il est plus que probable que l’illustre fabuliste ne s’est pas donné la peine dé vérifier le fait; mais Ésope, à qui il a emprunté cette fable, entre dans quelques détails qui sembleraient indiquer de sa part une observation attentive des mœurs de ces intéressants insectes. La fable grecque commence ainsi : « Un beau jour d'hiver, les Fourmis fai- saient sécher au soleil leurs provisions de grain mouillées par les der- nières pluies, etc. » Il serait facile de multiplier les citations tirées des auteurs anciens sur les habitudes d'économie et de sage prévoyance des Fourmis. Mais quand, au lieu de marcher du midi vers le nord de l’Europe, comme la chose avait lieu autrefois, le flot de la science a dû naturellement, dans les temps modernes, suivre une marche inverse, l’histoire de ces partü- cularités des mœurs des Fourmis a commencé à tomber en discrédit, au moins dans le nord de l’Europe. MM. Kirby et Spence (Æntomology., T° éd., pag. 313, 1856) s’expri- ment à ce sujet en ces termes : € Quand nous voyons les écrivains de BIBLIOGRAPHIE. 329 toutes les nations et de tous les siècles affirmer unanimement que les Fourmis, après avoir privé les grains de leur faculté germinative, en font des provisions considérables dans leurs greniers, nous sommes portés à accorder plus de confiance à leurs assertions. Ces écrivains ont regardé la chose comme un fait acquis. Mais, du moment que des naturalistes observateurs se sont mis à examiner les mœurs et l’économie de ces in- sectes, il s’est trouvé que, au moins pour les espèces européennes, au- cunes provisions de ce genre n'étaient faites par les Fourmis, attendu qu'elles n’ont pas de magasins dans leurs habitations pour y tenir ces provisions en réserve. » Tout en admettant que les choses puissent se passer d’une autre manière pour les Fourmis exotiques, MM. Kirby et Spence nient le fait, s’il s’agit des espèces européennes, et supposent que ce qui a été pris pour des grains charriés par celles-ci n’était autre chose que leurs chrysalides. Suivant eux, M. Gould, dans ses savantes observations publiées en 1774, a été un des premiers à faire justice d’une erreur devenue populaire. L'auteur de l’article Fowrimi, dans le Dictionnaire de la Bible de Smith, dit que les études faites sur les Fourmis ne confirment pas la croyance, généralement répandue, de la sage prévoyance de ces ani- maux. Bref, suivant Huber, les Fourmis, dans le nord de l’Europe, se nourrissent exclusivement de l’ex- sudation sucrée des Aphis et des matières animales qu’elle peuvent se procurer; et jusqu'à présent c’est un fait bien établi dans l’esprit des naturalistes modernes, que toutes les espèces d'Europe se trouvent dans le même cas. Quant aux Fourmis des régions tropicales, il est bien avéré aujourd’hui qu’elles font dans leurs fourmilières des provisions considérables de grains destinés bien évidemment à leur nourriture. Le lieut.-col. Sykes et le D' Jerdon ont fait dans l'Inde de nombreuses observations 330 BULLETIN. à ce sujet. Le D’ Lincecum, de son côté, a fourni des détails extrême- ment intéressants sur les mœurs d’une Fourmi du Texas «la Fourmi agri- culteur» (Myrmica (Atta) barbata) qui ne se borne pas à récolter dans les champs des jrovisions d’une graine assez semblable à celle du r1z, mais qui cultive elle-même cette plante tout autour de sa fourmilière, débarrassant avec soin ses cultures des mauvaises herbes, et en faisant et emmagasinant la récolte quand le moment en est venu. M. Bates, dans le Brésil, le D' Delacoux, dans la Nouvelle-Grenade, ont également observé de nombreux exemples de Fourmis emmagasineuses. Chose étrange, tandis que des voyageurs ont consigné les habitudes prévoyantes des Fourmis dans des climats lointains, nos naturalistes ne semblent pas même avoir soupconné que des faits analogues pussent se produire en Europe, et les ont niés bien résolûment. Nul doute que dans l’Europe méridionale des naturalistes et autres n'aient une connaissance plus ou moins exacte de cette particularité des mœurs des Fourmis in- digènes ; mais il ne paraît pas qu’il ait été publié quelque chose à ce sujet par les auteurs modernes. On trouve pourtant dans l’Enciclopedia popolare (Turin, 1845) des extraits des Remarques de M. Gené publiées à Modène en 1842. Cet auteur ne peut se rendre compte des grandes provisions de grains que font les Fourmis dans leurs fourmilières qu’en supposant qu’elles les em- ploient comme matériaux de construction dans leurs galeries, leur nour- riture se composant de matières liquides et visqueuses, et leurs mandibu- les étant trop faibles pour qu’elles puissent utiliser, pour leur alimenta- tion, des substances dures comme le sont les grains. Dans un arrangement, à l’usage des lecteurs Anglais, de l’'Ouvrage sur les Insectes de M. Émile Blanchard (Londres, 1871), on lit le passage suivant: «La singulière idée qui paraît remonter à des temps fort éloignés et est arrivée jusqu’à nous'appuyée sur des observations incomplètes et faites avec négligence, et suivant laquelle les Fonrmis recueilleraient et emmagasineraient des provisions, comme si elles étaient douées de pré- voyance, est évidemment dénuée de tout fondement.» Après avoir ci-dessus analysé avec quelques détails et traduit textuel- lement en partie l'exposé que donne M. Mogsridge de l'historique et de l’état actuel de la question à propos des Fourmis emmagasineuses, nous allons suivre l’excellent observateur dans les longues études et les recher- ches assidues et multipliées auxquelles il s’est livré dans les environs de Menton, depuis le 29 octobre 1871 jusqu’au 1° mai 1872. Le champ d'observations choisi par M. Moggridge était une vallée chaude, bien abritée et fortement en pente, située à quelques minutes de BIBLIOGRAPHIE. 391 marche de la maison qu'il habitait. Le sol était un grès assez tendre avec des amas de sable (produit de la désagrégation de la roche) dans les iné- galités du terrain. Le ciste à feuilles de sauge, lethym, la lavande noire, le genêt épineux, végétaient maigrement dans cette garrigue ombragée cà et là de quelques rares pins, et présentant sur quelques points isolés un gazon grossier et quelques chétives graminées. Plus bas, de chaque côté, se trouvaient, distribués en étages, quelques champs de citronniers au pied desquels croissaient en abondance des plantes sauvages dont plusieurs étaient alors en graines. C’est principalement sur la Fourmi noire (Atta barbara) qu'ont porté les études de M. Moggridge, bien qu'il ait reconnu, dans cette même loca- lité, quatre espèces essentiellement emmagasineuses: l'A téa barbara sous deux formes, Î’une entièrement noire, l’autre noire aussi, mais à tête rouge, l’Atta structor, d’une couleur vineuse très-foncée, et la Pheidole (ou Atta) megacephala, petite Fourmi jaune dont les grosses ouvrières ont une tête monstrueuse. Trente nids des plus actives de ces Fourmis emmagasineuses se trouvaient distribués dans la localité susdite, et leur: entrée était presque constamment ombragée en partie par de petites broussailles de ciste. Déjà, au printemps précédent, l’auteur avait remarqué l’active assi- duité avec laquelle les Fourmis de la vallée dont nous venons de parler se livraient à leurs travaux de récolte et au transport incessant de celle- ci à leurs fourmilières. Le 29 octobre, les mêmes opérations se pour— suivaient avec la même activité. Elles s’étendaient jusqu'aux terrasses cultivées du voisinage, où la moisson se trouvait plus abondante et plus variée. Quelquefois, mais rarement, elles ne dépassaient pas les grami- nées, les pois fleuris, l'A Zysswm mutabile et autres plantes de la garri- gue. Dans un cas, l’auteur a reconnu que la ligne non interrompue formée par ces infatigables travailleuses voiturant leur récolte d’une des terras- ses cultivées à leur domicile, n'avait pas moins de 24 mètres de longueur. Ceci ne donne pourtant qu'une idée bien incomplète du nombre de Four- mis occupées activement au service de la colonie, puisque, en outre, des centaines appartenant au même établissement étaient à l’œuvre au milieu des plantes de la terrasse, préparant les convois; et plusieurs, res- tées dans la fourmilière, surveillaient les arrivages, triaient et épluchaiïent les matériaux, et s’occupaient des détails de l’économie intérieure. Non-seulement les Fourmis charriaient des semences de forte taille et des grains tombés, mais aussi des capsules vertes de Capsella bursa pastoris, d'Alsine media, et des calices entiers de Calaminthus nepeta avec leurs semences. Elles rongeaient le pédoncule en tournant tout autour; puis elles descendaient le long de la tige avec leur précieux far- 252 BULLETIN. deau, remontant pour le désengager s’il venait à s’enchevêtrer dans les rameaux. Quelquefois deux Fourmis associaient leurs efforts, l’une exer- cant sur la capsule un mouvement de traction et de torsion, ‘’autre ron- geant le pédoncule au point de la tension la plus forte. D’autres fois, la Fourmi, après être parvenue à détacher une capsule, la laissait tomber et abandonnaiït à ses compagnes qui étaient à terre le soin de l'emporter. Bien que le plus grand nombre des Fourmis en marche vers la four- milière y rapportassent des graines, quelques-unes, en petit nombre, étaient chargées de matériaux différents: un insecte mort, un petit mollusque écrasé, la corolle d’une fleur, un morceau de tige, une feuille; mais l’auteur n’a jamais vu ni l’'Atta barbara ni l'Atta structor rap- porter à leurs nids des pucerons (Aphis), ou leur rendre visite. Une des pourvoyeuses avait-elle par méprise fait un mauvais choix, elle était renvoyée du nid à son arrivée, et forcée de jeter au dehors un fardeau qu’elle avait rapporté souvent avec tant de peine. L'auteur ayant laissé tomber à dessein quelques grains de porcelaine gris et blancs sur le parcours d’une ligne de Fourmis, une grosse ouvrière par- vint, après plusieurs essais infructueux, à en saisir un avec ses mandi- bules et s’achemina en toute hâte vers le nid. Forcé d'interrompre ses observations pendant une heure, M. Moggridge trouva, à son retour, le même nombre de grains qu'il avait disséminés sur le sol, et les Fourmis passant outre sans y prêter la moindre attention, l'erreur ayant été _promptement reconnue. Des graines de chanvre, d'avoine, de canari, fardeaux assez lourds pour les Fourmis, ayant été répandues par l’auteur près de l'entrée d'une fourmilière, furent rapidement emportées à l’intérieur par les Fourmis, et le lendemain on trouva les épluchures de ces graines ajoutées aux matières de rebut amoncelées dans le voisinage de la four- milière. Quelquefois, à la suite d’une ondée survenue après leur emmaga- sinement, ces mêmes graines furent portées à sécher au soleil, avec leur radicule rongée par ces industrieux animaux. Un nid d'Atta barbara était souvent indiqué par la présence de plantes poussant sur le monticule des matériaux de rebut, ou aux alen- tours à une distance de 2 ou 3 pieds. Ces plantes n’appartenaient pas à ce point précis de la localité; les Fourmis en avaient laissé tomber les graines en revenant des terrasses à citronniers. Voici les noms de ces plantes ainsi transportées : Fumaria, Avena, Urtica membranacea, quatre espèces de Véroniques, Alsine media, Chenopodium, Rumex bucephalephorus, Calendula arvensis, Antirrhinum orontium, La- naria simplezæ et Cardamine hirsuta. Les Atta structor et barbara n'employaient aucuns matériaux dans BIBLIOGRAPHIE. 333 la construction de leurs nids, qu’elles creusaient simplement dans la terre et quelquefois dans le grès tendre. Les gros monticules qui avoisinaient les entrées étaient formés de boulettes de terre, de morceaux de gra- vier charriés au dehors par les Fourmis lors du creusement des galeries, mais surtout de matériaux de rebut: balles de graminées, capsules vides, graines rongées à l’intérieur, ete. Pendant qu'une armée de pour- voyeuses allait chercher et rapportait à la fourmilière des convois de vivres, d’autres, restées au logis, assortissaient les grains ainsi obtenus, les épluchaiïent, et rejetaient au dehors les matériaux inutiles. Si ces monticules sont à l’abri du vent et de la pluie, ils acquièrent quelquefois des dimensions considérables; souvent un seul suffirait pour remplir un quart de boisseau. Ce fut la vue de ces monticules et l'étude de leur composition qui don- nèrent à l’auteur la conviction que des provisions considérables étaient emmagasinées dans les fourmilières pour la nourriture de la colonie. Si, en effet, les Fourmis employaient, comme quelques-uns l’ont cru, les grains et les semences comme matériaux de construction, elles ne jette- raient pas au rebut la balle des graminées, les épluchures, etc., qui rempliraient parfaitement cet objet, et qui sont employées, comme telles, par d’autres espèces de Fourmis. La première tentative d'exploration dans un nid d'A. barbara ne fut pas couronnée de succès: le sol était meuble jusqu’à une grande profon- deur, et l'enlèvement d’une pleine brouette de terre ne permit de décou- vrir ni chambres ni grenier. Averti par cet insuccès, M. Moggridge choisit un nid où le fond de roche était plus rapproché de la surface, et au premier coup d’une sorte de truelle un peu concave, il se vit en pos- session de masses considérables de grains distribués dans des chambres souterraines. Quelques-unes de ces chambres présentaient la forme de longues ga:eries subcylindriques, et l’on eût dit, en raison de la grande quantité de graines noires et brillantes d'Amaranthus blitum, qu’elles étaient remplies par des trainées de poudre. Aïlleurs, les graines étaient agglomérées dans des chambres horizontales à plafond concave et à plancher plat dont la texture, composée de grains fins de mica et de quartz plus ou moins cimentés ensemble, différait de celle du sol envi- ronnant. Une douzaine d’espèces de plantes étaient représentées par ces graines: Fumaria capreolata, Amaranthus blitum, Setaria, et trois autres espèces de petites graminées, Alyssum maritimum, Veronica, et quatre espèces indéterminées dont une était une sorte de pois à fleur. Tous ces greniers étaient horizontaux, situés à une profondeur de 1 1/2 à 6 pouces. Ils présentaient différentes formes et n'étaient pas tous de la même taille(en moyenne du volume d’une montre). 394 BULLETIN. Bien qu'humides, les graines n'offraient pas la moindre trace de germi- nation, tandis que les mêmes espèces, qui s'étaient semées d’elles-mêmes dans les terrasses voisines, étaient en pleine et abondante végétation. Les graines d'Odontites lutea, surtout, témoignaient par leur couleur l'humidité qui régnait dans les greniers. Cette particularité de la non-germination de ces graines humides frappa l’intelligent observateur. Il fit des expériences sur des quantités considérables de semences recueillies à différentes époques dans 21 fourmilières, dont la première fut ouverte le 29 octobre, et la dernière le 5 mai. Sur des milliers de graines ainsi obtenues, il n’en trouva.que 27 (dans 7 des nids ouverts de novembre à février) qui présentassent des traces de germination, et sur ce petit nombre 11 avaient été mutilées par les Fourmis pour arrêter son développement. Rien de semblable dans les nids ouverts en octobre, mars, avril et mai, circonstance digne de remarque. Il faut done admettre que les Fourmis possèdent un procédé mystérieux pour arrêter chez les graines la tendance à la germination, puisque desgraines extraites de leurs magasins et semées germent con- stamment et se développent à merveille. Une chose à noter, c’est qu'il n'y a d'ordinaire que les graines emmagasinées les dernières et depuis peu qui soient exposées à germer après une pluie. Peut-être, dit M. Moggridge, le procédé, quel qu'il soit, que les Four- mis emploient pour conserver intactes et à l’abri de la germination dans leurs magasins, pendant des mois entiers, les graines qu’elles y ont entassées, demande un certain temps; la construction des galeries est aussi un travail de longue haleine, et dans un cas-d'arrivée à la fourmi- lière d’abondants convois de vivres, pour un petit nombre de grains toutes les précautions nécessaires peuvent ne pas avoir été prises. Toujours est- il que le nombre de ces grains susceptibles de germer en magasin après une pluie est excessivement restreint. Dès que la germination se mani- feste chez ces derniers, les Fourmis, après en avoir rongé et coupé la radicule, les portent au soleil pour les sécher, et quand cette opération est bien terminée les reportent dans la fourmilière. Elles dévorent avec avidité, ainsi que l’auteur à eu occasion de l’observer, ces graines dans lesquelles la matière amylacée se trouve avoir été changée en sucre par l'acte dela germination. La presque totalité des graines emmagasinées par les Fourmis ne se pourrit ni ne germe. La connaissance de ce fait pourrait, comme le fait remarquer M. Mogsridge, rendre de grands ser- vices aux voyageurs qui, avec un ou deux coups de bèche dans une four- milière d'emmagasineuses, pourraient se procurer ainsi en excellent état, des graines appartenant à des plantes qu'ils n'auraient eu nile temps ni l’occasion d'observer. É 3% BIBLIOGRAPHIE. 50: Dans les galeries souterraines des nids d’Atta structor et barbara des environs de Menton, se trouvaient les graines de végétaux suivantes : trois espèces de Fumeterre, outre les Fumarta viscida et Spachii, Alys- sum maritimum, Oxalis corniculata, Silene, Linum gallicum, Lava- tera cretica? Medicago, Ervum, Calicotome spinosa, Valerianella carinata, Centaurea aspera, Odontites lutea, Calamintha nepeta, Polygonum convolvulus et aviculare, Amaranthus blitumet patulus, Parietaria, Euphorbia, Pinus, Smilax aspera, Setaria verticillata etitalica, Andropogon ischæmum, et huit autres espèces non détermi- nées. On pourrait encore prolonger cette liste si l’on y joignaiït les espèces dont l’auteur a vu les Fourmis transporter les semences vers la fourmi- lière et qui n’ont pas été retrouvées dans celle-ci, par exemple les fruits de divers Erodium, d'Alsine media, les capsules de Capsella bursa pastoris, des pepins d'orange, même des grains de haricots, des semen- ces de Veronica Andersonii, de Silen pseudoatocion, et autres plantes cultivées, de platanes, de cyprès, etc. En moyenne, les fourmilières de Menton pouvaient renfermer chacune une demi-pinte de graines. On rencontre plus fréquemment auprès des maisons et dans les jardins l’Atta structor que l'A. barbara, qui vit ordinairement, à Menton, dans les terres incultes voisines des champs cultivés. Dans les deux espèces, même disposition des nids, dont la profondeur s'étend de 1 à 20 pouces. Dans un nid d'A. barbara, enfoncé dans la terre de 16 pouces, les greniers, toujours parfaitementisolés l’un de l’autre, étaient disposés horizontalement à 1 1/2, 2,4, 6, 9 et 12 1/2 pouces de profondeur. Dans deux circonstances, M.Mogeridge a trouvé des nids d'A. barbara creusés dans le grès vif. Les Fourmis y pénétraient par des fissures natu- relles de la roche et suivaient ensuite les éraillements produits par les racines dures et fines des arbustes; mais plus loin, des galeries tubulaires verticales, aboutissant aux greniers, et ces greniers eux-mêmes, étaient bien évidemmentl’ouvrage des Fourmis. Unede ces galeries avait 10 pouces delong; elle aboutissait à une chambre remplie de Fourmis ailées et de grains de diverses sortes. Cette chambre était horizontale et n’était autre chose qu’un agrandissement d’une galerie ordinaire; elle était en forme de fuseau comprimé, aplatie de haut en bas, et avait environ 3 pouces de long sur près de 1 pouce de large et un 1/2 pouce de hauteur. Les parois en étaient assez lisses, plus foncées en couleur que celles du grès environnant, et semblaient revêtues d’une sorte de recouvrement ou de ciment. A l’en- trée de la fourmilière, un amas d’épluchures de grains avait mis l’auteur sur la voie de découvrir ce nouveau mode de construction dans la roche tendre. 336 BULLETIN. Dans un nid d'A. barbara, se trouvait un singulier dôme sphérique creux, d’un pouce de diamètre, dont les parois étaient construites en terre durcie, de deux lignes d'épaisseur, avec une grande ouverture cir= culaire au sommet et une autre très-petite à la base. Ce dôme était en- castré dans la terre qui l’environnait, mais avait pu en être facilement séparé; l’intérieur en était lissé avec soin. Cette sorte de chambre servait de grenier et était remplie, ainsi que les passages adjacents, de graines de Tragus racemosus avec leurs enveloppes ; au milieu, se trouvaient plusieurs Fourmis à l’œuvre et quelques-unes de ces petites créatures blanches, demi-transparentes, semblables à des Poduwrus, qui abondent dans les nids de ces Fourmis. Outre ces petits animaux, on rencontre anssi fréquemment dans les galeries et les greniers des Atfa structor et barbara certains Lepisma, d'un blanc jaunâtre soyeux, un petit Cloporte blanc, et quelquefois des larves d’Ælater. On ignore les rapports qui existent entre les Fourmis et ces différents animaux, et ceci réclame de nouvelles observations. Quant à l'Elater, M. Moggridge a reconnu que les Fourmis utilisent ses gale- ries dans leurs travaux, et que cette larve n’attaque jamais leurs grains. Il n’a jamais trouvé, dans les fourmilières d'A. structor et barbara, ces autres coléoptères et ces staphylins qui, comme on sait, habitent les nids de certaines Fourmis. Une quantité assez considérable de petites galles, très-bien arrangées parmi les grains, un peu plus grosses que le fruit de la Fwmaria capreo- lata, auquel elles ressemblaient beaucoup, se trouvaient dans un nid ouvert le 28 décembre. Était-ce, comme la chose est assez probable, le résultat d’une erreur contre laquelle, ainsi que nous l'avons vu, ces ani- maux ne sont pas à l’abri ? En général, M. Moggridge n'a jamais trouvé de mélange de Fourmis de différentes espèces dans les chambres d’un même nid, et il a vu ra- rement les galeries et l’entrée utilisées en commun par plus d’une espèce. Il lui est pourtant arrivé de rencontrer une ou deux Atta struc- tor dans des nids d'A tta barbara, et vice versa, et une colonie composée, par portions égales, d’Atta structor, d'Atta barbara type, et de la variété à tête rouge. En ouvrant un nid d'Atta structor, il coupa, dans une autre circonstance, une colonie de Pheidole megacephela vivant au milieu, mais parfaitement distincte. Dans d’autres cas, pourtant, il à pu observer que si une Atta structor tombe au milieu d’une compagnie de Pheidole, elle est attaquée immédiatement et se sauve en toute hâte et en grand effroi, emportant souvent avec elle deux ou trois de ses enne- mies acharnées sur elle. Mais ce n’est qu'accidentellement que des combats s'engagent entre BIBLIOGRAPHIE. 391 Fourmis d'espèces différentes. Les luttes les plus féroces et les plus pro- longées sont celles où les combattants appartiennent à deux colonies d’une même espèce. On rencontre souvent des combats de ce genre entre des Atta barbara, Formica cruentata, Formica erratica, et surtout Myrmiea cespitum. Ces dernières se réunissent souvent en masses rivales de trois ou quatre pouces d'épaisseur, et, bien que la majorité des morts soient emportés pour servir de nourriture aux vainqueurs, on en trouve encore le lendemain de grandes quantités sur le champ de bataille. Les combats les plus singuliers sont ceux que se livrent entre elles deux colonies d’Atta barbara dont une cherche à piller les magasins de l’autre. Moins prolongés chez les autres espèces, ils durent quelquefois chez l’Atta barbara des semaines entières. L'un d'eux se continua du 18 janvier au 4 mars ! Une file de Fourmis, ressemblant presque par leurs allures à des ouvrières en train de charrier normalement leur récolte, s'etendait de l’entrée d’une fourmilière vers l'entrée d’une autre située à 15 pieds de distance sur un point inférieur de la pente du terrain. Bien que le plus grand nombre des Fourmis charrieuses se dirigeassent vers le nid supérieur, quelques autres en petit nombre, chargées aussi, mar- chaient en sens contraire. Celles-ci, après quelques luttes corps à corps, avaient fini par récupérer une partie du butin sur les maraudeuses en train de piller leur fourmilière, et y rapportaient leur bien en partie recon- quis. Quelquefois la Fourmi qui avait l'avantage dans ces engagements acharnés et corps à corps entrainait avec le grain son antagoniste qui n’avait pas voulu lâcher prise. Quelques-unes même, dont l’abdomen avait été séparé du reste du corps pendant ces luttes furieuses, ne lâchaïent pas le grain convulsivement étreint par leurs mandibules. Un jour, l'avantage se prononçait du côté des envahisseuses qui arrivaient sans encombre, avec leur proie, à la fourmilière supérieure; le lendemain, c'était le con- traire qui avait lieu. Souvent, au moment où les assiégées, récupérant leurs grains, étaient près de rentrer dans la fourmilière inférieure, un corps de maraudeurs appartenant à la colonie ennemie fondait sur elles à l’improviste et leur arrachait leur butin, qui reprenait la route de la four- milière supérieure. Ces divers incidents se renouvelaient plusieurs fois. L'avantage finit par rester aux Fourmis envahisseuses. Les hostilités cessèrent le 4 mars, mais le nid saccagé ne fut pas abandonné pour cela. Dans un autre conflit de ce genre entre deux colonies, conflit qui dura trente et un jours, le nid saccagé fut entièrement abandonné, et quand M. Moggeridge en fit l'ouverture, il trouva tous les greniers vides, à l’ex- ception d’un seul, abandonné depuis longtemps; les grains ainsi négligés ne présentaient pourtant aucune trace de germination L'auteur a trouvé des mâles et des femelles ailés dans des nids d’Atta barbara, le 10 no- 338 BULLETIN. vembre, le 6 décembre, le 2 février et le 10 mars, et dans des nids d’Atta structor, le 23 et le 29 février, le 13 mars et le 6 avril. Quoique la grande affaire de la vie des Atta structor et barbara soit la récolte et l’'emmagasinement des grains, elles dévorent avidement, au moins dans des temps de disette, des matières animales, des cadavres de sauterelles, de mouches, de lézards, et attaquent même des chenilles vivantes. On les voit aussi quelquefois rapporter à la fourmilière de petits insectes morts. Pour étudier de plus près les mœurs des Fourmis emmagasineuses, M. Moggridge a conservé chez lui pendant tout un hiver, dans un grand bocal de verre, une colonie d’Atta barbara qu'il avait récoltée, le 28 décembre, avec sa reine sans ailes et une grande quantité de larves. Le bocal était rempli en grande partie de terreau de jardin, l'observateur n’ayant rien conservé du nid primitif. Bientôt la colonie captive com- menca ses opérations avec une activité incroyable. Les galeries furent creusées, et pour donner plus de facilité à leurs travaux, vu les limites de l’espace, ces industrieux animaux percèrent dix ouvertures extérieures communiquant avec les galeries en voie d'exécution, ce nombre insolite permettant à un plus grand nombre d'individus de travailler simultané- ment, sans se gêner les uns les autres. Au bout de quelques jours, il ne resta plus que trois entrées, et le 10 janvier la surface du sol se trouva élevée en moyenne de plus de 2 pouces. Cette élévation représentait exactement les vides des galeries et des chambres construites. Le dix- neuvième jour, après que les larves eurent été logées, commencèrent les travaux d’emmagasinement des grains que l'observateur avait soin de fournir à ses pensionnaires. Entre autres remarques fort intéressantes, dont le détail nous mènerait trop loin, M. Moggridge observaque ses Fourmis jetaient dans l’eau d’un petit récipient, qu’il leur avait disposé à la surface du sol, les individus malades ou dans un état de mort apparente, dans le but quelquefois de se débarrasser du cadavre, mais quelquefois aussi comme un essai de traite- ment curatif. Il les vit aussi dépouiller de leurs enveloppes et de leurs téguments, avant d’en faire leur nourriture, des grains qui se gonflaient et étaient sur le point de germer par suite des pluies artificielles ménagées dans le bocal par l'observateur. Enfin, il put les surprendre rongeant le contenu de grains qui se trouvaient dans cet état; mais lecon- tenu de grains à l’état sec, que M. Moggridge essaya à plusieurs reprises de leur présenter, fut constamment rejeté par elles aux matières de rebut. Des petits rameaux de citronnier, chargés d'Aphis et introduits dans le bocal, n’attirèrent jamais l’attention des Fourmis. BIBLIOGRAPHIE. 339 Chez les trois espèces de Fourmis emmagasineuses qu’il à observées, M. Moggridge remarqua que les choses se passaient exactement de la même manière, si ce n’est que la Pheidole megacephala ne travaille que pendant la nuit. Quant à la PA. pallidula, qui s’en rapproche beaucoup, il est probable aussi qu’elle emmagasine les grains, quoique cet auteur ne puisse pas se prononcer à cet égard. Ce n’est que pendant l’été que ces deux espèces sont en pleine activité. L'auteur n’a jamais trouvé de grains que dans les fourmilières d’Atta barbara et d'A. structor. Les espèces emmagasineuses étudiées à Men- ton font-elles toujours des provisions de grains partout où on les ren- contre, en Suisse et en Allemagne, aussi bien que sur le littoral de la Méditerranée; ou bien, ce qui paraît plus probable à M. Mogsridge, font-elles des greniers dans le Midi, et non pas dans le Nord? On peut se demander aussi pourquoi, des nombreuses espèces qui habitent les bords de la Méditerranée, un si petit nombre possède l'habi- tude d'emmagasiner des grains pour la saison d'hiver ? L'auteur appelle des études minutieuses et approfondies sur les organes digestifs et les parties constituantes de la bouche chez les espèces qui font des provisions de grains, et chez celles qui ne sont pas dans le même cas. Jusqu'ici, d’après les renseignements qu'a pu recueillir M. Mogeridge, de toutes les espèces de Fourmis connues, 19 seulement feraient des pro- visions degrains dans leurs magasins. D' PALADILHE. (A continuer.) — Une remarquable Thèse sur l'A conit et l’Aconitine a été récem- ment soutenue par M. A.-J. Guillaud devant la Faculté de médecine de Montpellier. Un fait qui ressort des expériences nombreuses de l’auteur, c’est que l’aconitine produit tout d’abord son action sur le système nerveux. Quoiqu'on ne sache pas encore, au fond, comment l’aconitine agit sur ce système, tout porte à croire qu’elle exerce son influence en modi- fiant la nutrition des organes centraux par son mélange avec le sang et le plasma nutritif qui les baigne directement. L’aconit et son alcaloïde l’aconitine agissent de la même manière. L’empoisonnement par l’aconitine se compose de trois périodes: une période de contracture et d'action générale , une période de résolution des forces, et une période de mort musculaire, 340 BULLETIN. L'’aconitine agit essentiellement sur les centres de la moelle et du bulbe en augmentant d’abord, puis en paralysant peu à peu leurs propriétés excito-motrices. Dans l’encéphale, les centres des mouvements volon- taires sont atteints et très-affaiblis. La paralysie s’étend successivement aux nerfs sensitifs, aux nerfs sécréteurs, aux nerfs moteurs, au système nerveux sympathique et aux muscles. Atteignant la respiration par l’inter- médiaire du bulbe, l’aconitine amène la mort par asphyxie. C’est aussi et uniquement par l'intermédiaire du système nerveux qu’elle agit sur le cœur. Les phénomènes qui s’observent sur l’œil et la pupille ne sontqu'un cas d’une action plus générale sur les centres nerveux. E. DUBRUEIL. Le Directeur : E. DuBRuzïL. Montpellier et Cette. — Typographie BogEm et Fizs, pe Tor. pi. VIIL. Revus des sciences Naturelles FL ana ENTER PAZ &. ME le MÉMOIRES ORIGINAUX. DESCRIPTION DE LA Série complète des Métamorphoses que subissent, durant la période embryonnaire, les ANATIFES désignés sous le nom de SGALPEL OBLIQUE ou de SCALPEL VULGAIRE, (Suite et fin!) Par M. HESSE. @ V. PHYSIOLOGIE. Après avoir décrit toutes les phases par lesquelles passent les embryons du Scalpel oblique pour arriver à l’état adulte, et avoir fait connaître les changements qu'ils subissent, tant dans leurs formes que dans celle de leurs organes, il ne me reste plus qu'à tâcher d'expliquer les motifs qui ont pu amener ces modifications, et le but en vue duquel elles ont eu lieu. Les larves des Scalpels obliques conservent, pendant les trois premières périodes qui suivent leur sortie de l'œuf, la forme clypéoïide que l’on voit aussi chezles autres espèces de Cirrhipèdes à leur début dans la vie embryonnaire ; mais elles en diffèrent essentiellement par l'absence des longs appendices qui terminent leur extrémité caudale, ainsi que par la partie inférieure de la carapace. On ne voit pas non plus chez elles les pattes natatoires garnies de longs poils flabelliformes, armées de griffes barbelées et courbées en crochet *. Chez l'embryon du Scalpel oblique, la carapace ne présente d’autres expansions que les deux appendices qui sont placés de 1 Voir les numéros des 15 juin et 15 septembre 1874. 2 Voir la Planche XII, fig. 8, 9 et 10 du Mémoire sur les Peltogastres et les Sac- culinidiens, que j'ai publié en 1866, dans les Annales des Sciences, pag. 321-360. III. 23 342 MÉMOIRES ORIGINAUX. chaque côté du front,et dont la longueur esl très-modérée. Les pattes natatoires sont relativement petites et courtes. Il en est de même des cirrhes qui les recouvrent, et qui ne forment pour ainsi dire que des villosités. On remarque à la base de ces expansions frontales, en dessous, une petite protubérance percée à son sommet d’un petit trou qui doit nécessairement avoir son utilité. Je pense qu'il peut servir d’organe de l’ouïe, ou à l’introduction ou à l’expulsion de l’air qui pourrait avoir été appelé entre les deux surfaces de la cara- pace, dans le but d’alléger le corps de l'embryon et de lui fournir un moyen plus facile de se soutenir dans l’eau, comme le font les poissons à l’aide de leur vessie natatoire. Ge qui semblerait justifier cette opinion, c'est la présence, au centre du corps, d’une large proéminence constituant une capacité relativement considérable qui semble se prêter à cette disposition, bien que cependant elle paraisse aussi renfermer les parties viscérales. Dans les deux premières phases de la transformation, cette pro- tubérance ne semble constituer qu'une seule capacité, mais dans la troisième mue elle paraît divisée en douze compartiments dont les limites sont indiquées par les lignes convergeant avec le centre. J'avais d’abord pensé que ces divisions, qui paraissaient sépa- rées par des nervures, correspondaient aux paires de pattes biramées, à la tête et au prolongement abdominal ; mais ces différentes parties du corps ne sont qu'au nombre de huit, tandis que ces divisions en forment douze. Il est donc à croire qu’elles sont destinées, comme des nervures, à consolider l’en- semble des diverses parties du corps qui s’y trouvent fixées. Dans la première période, les pattes natatoires antérieures sont cylindriques, et leur extrémité n’est armée que de stylets divergents, ce qui tendrait à prouver que l'embryon n’a pas encore besoin ou n’a pas la force d'entreprendre de longues pérégrinations ; mais dans les phases suivantes cette première patte présente un élargissement remarquable, en forme de rame, qui indique que des moyens plus efficaces lui sont nécessaires MÉTAMORPHOSES DU SCALPEL OBLIQUE. 343 pour entreprendre une excursion plus lointaine. Les deux autres paires de pattes ne subissent aucune modification dans ces trois premières phases. Dans la première phase, le prolongement caudal qui termine le corps offre une curieuse”disposition : on voit en dessous, au milieu de la protubérance qu’il forme, un creux environné de trois lames plates, arrondies à leur extrémité, qui semblent des- tinées à saisir les objets. Une disposition analogue se montre dans la deuxième et la troisième période; mais ici le bord supérieur de la cavité dont je viens de parler est environné d'un bord en relief, en forme de croissant, hérissé de pointes aiguës dont les deux extrémités sont dirigées vers le bas. Ces deux pointes forment, en se rap- prochant, une sorte de pince, et, en combinant leur action avec celle de l'extrémité abdominale, qui est également couverte de pointes aiguës, fournissent un moyen de préhension. Enfin, on voit encore un autre système du même genre, mais avec d’autres combinaisons, qui en somme est destiné à obtenir les mêmes résultats". Toutes ces combinaisons n’ont qu’un but, c’est de procurer aux larves qui en ont le besoin un moyen de fixation provisoire à l’aide duquel elles puissent se reposer après une natation pro- longée, ou se dépouiller d’une enveloppe qu’elles veulent quitter. Mais elles ne peuvent plus l’employer lorsqu'elles ont alteint la quatrième transformation, conchylioïde, parce qu’alors elles ont perdu ces moyens de fixation et aussi ceux de natation, étant privées de leurs pattes biramées. Je vais maintenant m'occuper du changement qui s’opère dans la quatrième période, dans laquelle la larve, quittant subitement son test c/ypéoide, se renferme dans une enveloppe conchylioïide. La coquille qui renferme la larve du Scalpel oblique ressemble, 1 Des moyens analogues de préhension sont, à ce qu'il parait, communs aux larves des autres Cirrhipèdes.— Voir, dans le Mémoire précité sur les Pellogastres et les Sacculinidiens, publié dans les Annales des Sciences, la page 341, 2 4, et la Planche XIT, fig. 15. 344 MÉMOIRES ORIGINAUX. d’une manière frappante, à celle des Æntomostracés ; elle est bivalve aussi et s'ouvre et se ferme à la volonté de celui qui l’occupe, moyens qui doivent avoir sans doute beaucoup d'ana- logie avec ceux des Oséracodes. La première chose qui frappe l'attention, c’est la présence de ces deux gros yeux latéraux qui ont remplacé le petit œil médian qui les précédait, et qui, vu son peu de volume, ne paraissait pas avoir une grande importance, tandis que dans la phase actuelle c’est tout le contraire. Ces nouveaux organes font, comme je l’ai déjà dit, saïllie en dehors des coquilles par une ouverture circulaire qui est plus large que leur diamètre et qui leur permet de pivoter sur eux- mêmes, et aux valves de s’ouvrir et de se fermer sans gêner leur mouvement. [is produisent un bien singulier effet lorsque, pour la première lois el sans s'y attendre, on aperçoit au micro- scope ce gros œil qui vous regarde fixement et qui se meut sur lui-même ; c’est probablement, parmi les Crustacés, les seuls chez lesquels on ait pu constater cette singularité. Il est non moins surprenant qu'ayant adopté les formes des Entomostracés ils ne leur aient pas aussi emprunté leur système oculaire. On ne voit plus les larves qui sont arrivées à la quatrième période conchylivide, nager comme elles le faisaient avant cette ‘ transformation. Elles se tiennent continuellement au fond du vase, marchant lentement et en se traînant, et à cet effet projetant devant elles, l’une après l’autre, les deux pattes thoraciques antérieures à l’aide desquelles elles saisissent, au moyen du pédicule digitiforme placé derrière le sabot qui les termine, comme avec un pouce, les objets qui sont à leur portée et dont elles se rapprochent en les attirant à elles. C’est ce qui explique la force —_ flan ob he un Le nt + de Lee CRE RE 1 Malgré certaines similitudes dans les formes des larves des Cirrhipèdes avec celles des Décapodes, on ne pourra jamais les confondre, attendu que dans ces derniers les embryons ont toujours des yeux pédonculés, comme ceux des Pali- nures vulgaires (Phylosomes), du Carcinus Maænas (Zoea), des Pagures et des Palemons, tandis que ceux des Anatifes sont toujours sessiles. MÉTAMORPHOSES DU SCALPEL OBLIQUE. 345 musculaire de ces deux pattes, dont les efforts d'attraction sont aussi aidés par l’action des autres paltes thoraciques qui sont munies de {lames élastiques flabelliformes, et qui, en enfonçant dans le sol leurs pointes aiguës, leurs fournissent un appui. Toutes ces dispositions, qui résultent des changements brusques . qui se sont opérés dans la quatrième période, sont évidemment les plus remarquables ; les autres ne sont que des modifications plus ou moins apparentes qui conduisent insensiblement l’em- bryon vers la forme définitive, qui est celle de l'adulte. Sous ce rapport, les modifications survenues dans la cinquième période n’ont d’intéressant que le changement dans la forme du test, qui, de conchylioïde et de bivalve qu'il était, devient galéi- forme et nonovalve, ainsi que dans les patles thoraciques, qui se métamorphosent en bras tentaculaires, et par un changement de fonctions deviennent attractives et préhensiles, de propulsives qu’elles étaient. Dans leurs évolutions, les bras tentaculaires sortent, serrés les uns contre les autres, de la cavité du manteau, et se développent comme un filet pour saisir au passage les objeis qui se trouvent à leur portée. Ils se contractent ensuite et se renversenét en arrière, afin de rentrer et de se loger complétement dans la cavité du manteau. Ces mouvements d’extension et de flexion imitent ceux des serres des Oiseaux de proie. Il me reste maintenant à parler d’une partie du corps qui a une grande importance, puisqu’elleremplit les fonctions d'organes mâles chez des individus qui sont hermaphrodites, et qui cepen- dant, par les autres caractères qu'ils présentent, appartiennent aux Crustacés chez lesquels les sexes sont séparés. Get organe fait suite à la partie abdominale, qu'il termine sous la forme d’un prolongement caudal. Il est, comme je l’ai déjà dit, extrêmement rétractile, et peut aussi s’allonger considérable- ment, et à cet effet est composé d’un grand nombre d’anneaux engainants. Les fonctions qu'il remplit dans l’acte de la fécondation ne sont pas entièrement exemples d'incertitude de la part des natu- 346 MÉMOIRES ORIGINAUX. ralistes. Les uns pensent que, comme pénis, il peut servir à la fois de conduit séminal, d’oviducte, et même à l'expulsion des matières fécales, et qu’en émettant les œufs il les féconde à leur passage, au moment de la ponte. D’autres croient que les œufs sortent du pédicule par un canal qui est pratiqué dans l'épaisseur de la deuxième membrane qui enveloppe l'animal, et qu'ils se rendent, de ce point et par cette issue, à l'extrémité du manteau, où ils sont fécondés dans cette cavité par le pénis, qui serait ce prolongement proboscidiforme. Je me rangerais plutôt à cette dernière opinion; mais ce dont je crois être certain, c’est qu'il contient le canal intestinal, qui en occupe la partie centrale, et que celui-ci se prolonge jusqu’à son extrémité, qui est terminée par l’orifice anal. Je n’ai pas pu constater de la même manière la présence, de chaque côté de ce canal, de deux conduits séminaux qui suivraient parallèlement le même trajet et viendraient aboutir au même orifice. Mais je dois faire remarquer que ce pénis n'existe que chez les adultes, ce qui tendrait à appuyer l'opinion qu'il serait l'agent de la fécondation ‘. Enfin, pour terminer ce que j'ai à dire de ce prolongement de l'abdomen, je pense que les deux petits appendices antenniformes qui sont placés de chaque côté, à sa base *, sont destinés, dans les mouvements continuels d’allée et de venue des pattes tenta- culaires, à préserver cette partie du corps des chocs qu’elle pour- rail éprouver contre les parois du manteau. On les voit effective- ment s’abaisser’ lorsqu'il sort, et au contraire s'élever lorsqu'il rentre dans l’intérieur du manteau. C’est probablement aussi la seule espèce qui ne se fixe pas à l’aide d’un épatement calcaire. Lorsqu'elle a atteint sa cinquième période, les deux pattes robustes et musculaires dont j'ai parlé dans la quatrième période se sont atrophiées et sont devenues 1 Planche II, fig. 8. Je n'ai pas apercu de prolongement proboscidiforme dans cette larve, qui paraît cependant avoir, sauf celui-là, tous ses organes au complet. 2 Planche IL, fig. 12 et 13. MÉTAMORPHOSES DU SCALPEL OBLIQUE. 347 relativement très-grêles; l’appendice digitiforme, qui se trouvait placé en arrière da sabot, a disparu et n’a plus que la forme d’un moienon; il n’y a plus également l’appendice digitiforme qui permettait de saisir les objets : ce n’est donc qu’en les rappro- chant que le Scalpel pourrait s'en servir en forme de pince. Mais on voit que l'enveloppe du pédicule, qui est beaucoup trop large pour lui, est destinée, en descendant et en se contractant, à saisir la tige sur laquelle il doit se fixer, et à former cette base conique qui doit lui servir de point d'attache. C’est du bord frontal que part le pédicule qui doit fixer défi- nitivement le Cirrhipède à la place qu'il a choisie, et l’on coit être surpris qu'une opération aussi importante soit confiée à la larve, sur l'intelligence de laquelle on doit cependant se rassurer, si l’on en juge par les résultats qu’elle obtient", En somme, en voyant les transformations bizarres que subitle Scalpel oblique pour arriver à l’état adulte, on peut s'étonner de leur nombre et de leur étrangeté ; mais si on les suit attentive- ment, on voit qu’en définitive elles s’acheminent toutes versle but, et que les carapaces clypéiformes, conchylioïdes et galéoïdes ne sont en résultat que des modifications plus o1 moins rapprochées de la forme finale dans laquelle elles se trouvent résumées, voire même les valves du manteau de l'adulte. 1 Les Cirrhipèdes ne sont pas les seuls Crustacés qui emploient ces moyens de fixation. Dans un rapport presenté à l'Académie des Sciences le 28 juin 1858, par MM. Duméril, Coste, et Milne Edwards rapporteur (voir les Comptes-rendus, tom. XLVI), M. Milne Edwards, en parlant de mes travaux, s'exprime en ces termes: «Par exemple, il a constaté que dans le jeune âge ces petits animaux, les Culigiens et les Lernéens, se fixent aux corps étrangers à l’aide d'un prolon- gement frontal filiforme, organe qui a beaucoup d'’analogie avec le pédoncule des jeunes Anatifes, et cette ressemblance vient à l'appui du rapprochement que tous les entomologistes actuels ont été conduits à admettre entre les Cirrhipèdes et les Entomostracés. » Voir aussi le Mémoire que j'ai publié à ce sujet, et auquel il fait ici allusion, et qui a pour titre: «Sur les moyens curieux à l’aide desquel certains Crustacés parasites assurent la conservalion de leur espèce. » 348 MÉMOIRES ORIGINAUX. 4 VI. BroLocre. Il a fallu que, par un hasard heureux et par suite d’une excep- tion que je ne rencontrerai probablement pas chez d’autres indi- vidus de la classe des Cirrhipèdes, j'aie porté mon attention sur les Scalpels obliques, qui supportent assez facilement la captivité pour que j'aie pu les suivre dans toutes leurs transformations durant la période embryonnaire. J'ai en effet essayé infructueu- sement de renouveler ces études sur d’autres individus apparte- nant à la même famille, et mon insuccès ne m’a guère surpris, en songeant que les Anatifes se fixent, pour la durée de leur exis- tence, sur le point qu'ils ont adopté, et que, ne pouvant aller au- devant des objets qui leur servent de nourriture, ils sont néces- sairement obligés d'attendre qu'ils viennent à eux et que le courant les leur apporte. Or, si en les tenant en captivité on leur Ôte ce moyen d’alimentation, il est évident qu’on les réduit promptement à périr d’inanition. C’est en vain, en effet, que l’on renouvelle l’eau dans laquelle on les conserve : plus elle est pure, plus elle est dépourvue d’animalcules qui pourraient con- tribuer à les faire vivre; si, au contraire, elle ne l’est pas, ellese corrompt, et l’on court alors le risque de les voir bientôt mourir. D'ailleurs, s’il se trouvait quelques objets qui pussent les ali- menter, ils ne tarderaient pas à être promptement absorbés. Heureusement que les Cirrhipèdes en question supportent très- longtemps la faim, car j'en ai conservé plus d’un an dans des vases, peu spacieux cependant, dans lesquels je ne renouvelais l’eau que de temps en temps. Du reste, les captifs ne sont pas longtemps à apprécier leur position, et dans cette situation ils demeurent dans une immo- bilité complète, renfermés entre les valves de leur manteau, attendant qu’une occasion favorable se présente pour les ouvrir. Si alors on use de supercherie, que l’on agite le vase dans lequel ils se trouvent, et que l’on provoque par ce mouvement des ondulations qui peuvent imiter celles qui se produisent lors- MÉTAMORPHOSES DU SCALPEL OBLIQUE. 349 qu'ils sont en liberté, on les voit aussitôt ouvrir leurs valves, allonger et retirer leurs bras tentaculaires pour saisir les objets qui passeraient à leur portée. Mais cette agitation factice ne les trompe pas longtemps, ils s'en apercoivent et ils rentrent leur cirrhes : alors leurs mouve- ments sont d'autant plus lents qu'ils sont plus épuisés par la faim. Au lieu de les sortir et de les rentrer fréquemment, comme ils le font lorsqu'ils sont encore vigoureux, ils se retirent lentement dans leur retraite, dans laquelle ils finissent pas succomber. La ponte a lieu, comme je l’ai dit, à peu près pendant toutes les saisons, mais cependant plus particulièrement à partir du mois de février jusqu’au mois d'août. Elle est généralement précédée de la mue ; toutefois ces deux opérations sont si rapprochées l’une de l’autre, que l’on trouve fréquemment des œufs mêlés aux dépouilles qu'ils viennent de quitter. Comme tous les Crustacés, les Scalpels obliques profitent de la tranquillité que leur procure leur captivité pour effectuer leur mue, opération qui est toujours dangereuse jusqu'à ce que la nouvelle enveloppe ait acquis la solidité de celle dont ils se sont dépouillés. Chez ceux-ci, ce changement ne comprend que la partie infé- rieure du corps, c’est-à-dire celle qui est recouverte d’un test crustacé ; la bouche participe aussi à ce dépouillement, car on retrouve parmi les téguments ceux qui appartiennent aux mà- choires. Le prolongement proboscidiforme, n’étant recouvert que d’une peau parcheminée, n’éprouve aucun changement. Chose merveilleuse, la peau, malgré son extrême ténuité, est conservée entière avec les parties les plus délicates qu’elle recouvrait. Durant la mue, le Crustacé reste dans un repos complet; les valves de son manteau sont closes, et il ne les ouvre que lors- qu'elle est entièrement finie; alors il en expulse son ancienne dépouille. Dès que l’incubation est terminée, les embryons, rompant 350 MÉMOIRES ORIGINAUX. l'enveloppe des œufs dans lesquels ils étaient enfermés, s’élan- cent lors des valves du manteau. Leur taille est alors extrêmement petite, et c’est à peine si on peut les apercevoir sans le secours de la loupe. Ils apparaissent sous la forme d'une petite bulle ou globule d’air d’une transpa- rence extrême. Ils agitent avec vivacité leurs pattes thoraciques garnies de cirrhes, etse soutiennent plutôt dans l’eau, à la même place, qu’ils n’en parcourent la distance. La position de leur corps pendant la natation est presque verticale, et leurs mouve- ments semblent plutôt destinés à les maintenir en suspension qu'à les faire progresser. Cette manière de faire semble facile à expliquer ; elle a pour but, en les soutenant dans l’eau et en les maintenant dans une position verticale, d'offrir plus de surface et de donner ainsi plus de prise au courant pour les transporter au loin et les disséminer. Du reste, ils ont besoin de cet auxiliaire, attendu que leurs pattes natatoires sont, comme je l’ai déjà dit, garnies de cils très-courts. J'ai remarqué aussi qu’ils se tiennent de préférence à la sur- face de l’eau, et qu’ils nagentdes heures entières sans se reposer. Ce n’est que lorsque la lassitude les gagnait qu’on les voyait se laisser tomber au fond du vase, et qu’alors, afin de diminuer sans doute l’action de leur pesanteur, ils étendaient leurs pattes et les tenaient immobiles, pour offrir plus de superficie et conséquem- ment plus de résistance, à l’effet de tomber plus doucement. Cette natation active n’a lieu que pendant les trois premières périodes de leur transformation ; plus le moment de la troisième phase approche, etplusles mouvements se ralentissent et les sta- tions au fond du vase se prolongent. On les aperçoit de temps en temps, à l’aide de la partie fourchue qui termine leur abdomen ", et dont j'ai déjà parlé, se fixer sur un objet qu'ils ont saisi, et dans cette position agiter avec une grande vélocité leurs pattes natatoires; puis, au bout de quelque temps, la quitter et continuer à errer encore pour chercher évidemment un endroit convenable à leurs dernières transformations. 1 Planche I, fig. 12, 13, 14 et 15. MÉTAMORPHOSES DU SCALPEL OBLIQUE. 351 C’est aussi précisément à cette époque que disparaît, par suite du changement de forme de ia carapace, celte rosace qui en occupe le milieu el que je crois destinée à contenir de l'air pour alléger le corps et aider à la natation ‘. Il est du reste remar- quable de voir avec quelle facilité ces embryons s’injectent d'air. Ainsi, ceux que je tenais sous le microscope, dans une gouttelette d’eau, afin de limiter leurs mouvements, ne tardaient pas à se météoriser, et les bulles qui pénétraient entre les deux surfaces de leur corps dérobaient bientôt à mes investigations, en leur ôtant leur transparence, le fonctionnement de leurs organes internes. Ce phénomème, que j'ai bien souvent constaté chez beaucoup d’autres Crustacés, particulièrement chez les Crustacés suceurs, provoque rapidement leur mort en les météorisant. Ce résultat provient probablement de ce que, étant insuffisamment recouverts d’eau, ils absorbent plus facilement l'air, qui en pénétrant dans l'intérieur y occasionne de graves désordres. Du reste, ces petits êtres sont, parmi ceux que j'ai étudiés au microscope, ceux qui m'ont présenté le plus de difficulté, à raison de leur extrême transparence et du rapprochement des deux surfaces du corps. Il faut, en conséquence, avoir une grande habitude de cet instrument et le manœuvrer avec beaucoup de précaution, pour ne pas attribuer à l’une de ces surfaces ce qui appartient à l’autre. Le Scalpel oblique est, parmi ses congénères, le seul qui se fixe à des objets qui restent constamment submergés. Il se place, comme je l'ai dit, sur les tiges de Polypiers croissant sur les valves supérieures du Pecten mazimus, qui habitent les endroits profonds et qui conséquemment ne découvrent jamais aux marées. Ces Polypiers étant toujours dans une position verticale, le pédicule du Scalpel l’est aussi, ce qui est le contraire de ce que l'on voit chez les autres Cirrhipèdes, les Pollicipes exceptés, qui l'ont toujours dirigé en haut *. 1 Planche I, fig. 7. 2 Tous les Crustacés qui vivent, comme les Cirrhipèdes, d'animalcules et d'objets qu'ils saisissent dans l'eau au milieu du courant, et qui pour faciliter leur besogne. 352 MÉMOIRES ORIGINAUX. Ces Anatifes vivent assez fréquemment réunis par pelits groupes ; ils sont quelquefois si rapprochés les uns des autres, qu'ils se touchent, et que l’on en voit même de jeunes qui sont fixés sur le pédicule des adultes. Ils sont très-robustes, car, privés de parties importantes de leur corps, ils vivent néanmoins plusieurs jours, malgré cet état de mutilation. EE ———"—————————————_—_—_ a ————— OBSERVATIONS CRITIQUES SOMMATRES SUR PLUSIEURS PLANTES MONTPELLIÉRAINES, Par M. H. LORET. PREMIÈRE PARTIE. La Flore de Montpellier s’imprime enfin, et nous espérons bien pouvoir la publier lorsque s’ouvrira la prochaine campagne botanique. Voici quinze ans que nous sommes à l’œuvre, mais ceux qui seraient tentés de nous taxer de lenteur n’ont peut-être jamais entrepris un travail analogue. Ils ne savent guère, sans doute, combien sont longs et minutieux les travaux d’histoire naturelle destinés à porter la lumière dans un milieu souvent obscurci par ceux-là mêmes qui auraient mission d'en bannir les ténèbres. Lorsque mon collaborateur, qui n’avait eu la pensée d’entre- prendre une Flore de Montpellier qu'à l’instigation d’autrui, me pressa de lui venir en aide, il recherchait exclusivement les plantes des environs de Montpellier ; car son premier but, nous l’avons dit déjà, était de s’enfermer dans l'arrondissement dont s’attachent aux carènes des navires, aux bouées, aux corps flottants et même aux rochers, se fixent à ces objets par leurs pattes inférieures, de manière à avoir les pattes antérieures libres et la tête en bas, pour pouvoir saisir plus facilement les objets au passage. C'est ainsi qu'opèrent les Actures et les Chevrolles, et aussi les Cirrhipèdes, à l'exception toutefois du Scalpel oblique et du Pollicipes. PLANTES CRITIQUES DE MONTPELLIER. 353 cette ville est le chef-lieu. Nous eûmes alors la pensée de nous conformer à un usage devenu presque général en France, en reculant les limites de notre Flore jusqu’à celles du département de l'Hérault, et l’étendue de notre circonscription fut ainsi plus que triplée. Il nous fallut alors, par suite, tout recommencer sur nouveaux frais. D’autres motifs, d’ailleurs, nous en fa'saient une obligation, car, il faut le répéter, des herbiers infidèles, qui ont déçu les auteurs mêmes de la Ælore de France‘, avaient fait une complète illusion au modeste botaniste que je trouvai aux prises avec des difficultés de toute nature. Comment eùt-il pu, en effet, échapper au piége secret dans lequel des maîtres de la science eux-mêmes venaient de tomber? Ces choses sont pénibles à dire, mais l'amour de la science et de la vérité nous presse de les déceler pour l'utilité de tous, et spécialement dans l'intérêt de ceux qui ont besoin de connaitre les plantes de Montpellier. Ces déplorables erreurs, qui rappellent celles où Linné fut entrainé par Sauvage *, ne doivent passe perpétuer. Tout nous presse de réagir contre une puérile et coupable vanité qui ferait mécon- naître à tout le moude les vraies espèces du pays, et finirait par fausser chez nous toutes les notions de géographie botanique. Il faut remonter bien haut pour trouver dans une Flore du pays la vérité, dont on n’eût jamais dû se départir; mais nous sommes heureux de rencontrer au xvrr° siècle, dans le plusillus- tre des botanistes Montpelliérains, un modèle d’exactitude pour les indications des localités : le Botanicon Monspeliense de Magnol ! Le Flore de France signale ainsi indûment à Montpellier plus d'une quaran- taine d'espèces qui ne nous appartiennent point, et dont la fausse attribution, imputable à plusieurs causes, l'est en grande partie à celle que nous venons de faire connaitre. 2 Les étiquettes de Sauvage désignant Montpellier pour des plantes qui ne pouvaient croître si près de la Méditerranée inquiétaient Linné, qui finit par l'en- gager à préciser davantage les localités. L'honorabilité de Sauvage, toutefois, est à l'abri du soupçon, car on croyait de son temps pouvoir indiquer à Montpellier une espèce d'Alais ou de l’Espérou, surtout en s'adressant à un Suédois qui ne connaissait ici que Montpellier, et pour qui cette ville était le centre d’une vaste région botanique. 354 MÉMOIRES ORIGINAUX. est en effet irréprochable sous ce rapport, et, sans une nomen- clature vieillie et condamnée depuis longtemps sans retour, l’usage de ce livre, pour les végétaux des environs de Montpel- lier, se fût perpélué jusqu'à nous, de préférence aux écrits de Gouan, où fourmillent de si graves erreurs. Les misères scientifiques dont nous venons de parler, bien que moins profondes ailleurs, se sont rencontrées un peu partout ; mais heureusement elles ont bientôt fait leur temps. Il est peu de pays, en effet, où l’on ne répudie la déplorable manie de gonfler les Flores locales de richesses d'emprunt, légèrement admises par des auteurs trop peu attentifs, et parfois, hélas ! intro- duites par des faussaires. C’est ainsi que M. Grenier a retranché de la Flore du Doubs plus de 50 espèces signalées indûment par les premiers observateurs, et que MM. Cosson et Germain ont purgé la Flore de Paris de près de 80 espèces qui y avaient été introduites, dit M. Thurmann, avec une incroyable légèreté. Nous ne pouvons suivre de meilleurs guides que les éminents botanistes dont nous venons de parler, et notre contrôle doit être d'autant plus sévère que nous avons plus de motifs qu'ail- leurs de nous tenir sur nos gardes. Si notre pays élait pauvre, nous devrions le laisser pauvre ; mais, quoique des départements français plus méridionaux que le nôtre soient naturellement plus favorisés, nous sommes assez riches, on le verra, pour n'être pas tentés d’ambitionner le bien d'autrui. Nous avons eu sans doute à bannir beaucoup d’intrus ; mais les nouveaux venus, qui s'étaient jusqu'ici dérobés à tous les regards, font plus que compenser nos pertes. Les vrais botanistes désirent surtout un catalogue exact des plantes de l'Hérault ; les botanophiles encore peu exercés veulent qu’on leur donne en outre le moyen d’arri- ver aussi facilement que possible au nom des espèces. Nous espé- rons atteindre ce double but dans un volume portatif qui puisse être le vade-mecum des herboriseurs. Pour ne point ralentir par de trop nombreuses dissertations la marche de la Flore propre- ment dite, je prends le parti de publier à part aujourd’hui les réflexions que m'ont suggérées plusieurs de nos plantes critiques PLANTES CRITIQUES DE MONTPELLIER. 355 recueillies et étudiées par moi, depuis vingt à trente ans, dans les provinces méditerranéennes de la France. Je n’ai point à parler ici longuement de mes idées sur l’es- pèce; je les ai exposées au début de mes Glanes d’un botaniste, en 1868 ‘, et l'expérience a eu pour effet de les confirmer chez moi de plus en plus. On doit se garder sans doute, sous peine de méconnaître la vérité, de restreindre les espèces à la facon de Linné ; toutefois l’excès opposé de l'École des subdivisions indéfinies n'offre pas de moindres inconvénients. Les deux chefs de cette École, pour lesquels j'ai toujours professé la plus haute estime, et que l’on condamne trop souvent sans les avoir lus, res- pectent entièrement, je le sais, la liberté d'appréciation d’autrui; aussi puis-je dire, sans craindre de blesser personne, qu’il m'est impossible d'admettre la distribution, à dose homæopathique, de caractères souvent insaisissables, ou qui n’ont pour moi qu’une apparente invariabilité. Thalictrum Grenieri Loret, in Bull. Soc. bot. de France, VI, 16 (1859)*. M. Jordan (Diagnoses, p. 30) rapporte le T. nutans, Gren. et 1 Voyez Bull. Soc. bot. de France, t. VI, p. 13 et suiv. 2? J’espérais être le premier à dire que le Thalictrum le plus commun dans nos montagnes est le T. Grenieri; mais je le vois figurer en tête du Catalogue des plantes de l'arrondissement de Lodève qu'on est en train de publier dans les Annales d'horticulture et des sciences naturelles de l'Hérault. Je dois faire, à cette occa- sion, quelques réflexions générales. Lorsque je pris le parti, pour recueillir les matériaux de la Flore de l'Hérault, de passer l'été dans plusieurs villages de nos montagnes, j'imtiai pendant plus de dix ans à la botanique plusieurs personnes, surtout des instituteurs, et je déterminai les plantes difficiles ou mal nommées de ceux qui avaient commencé un herbier. Le nombre des espèces soumises alors à mon appréciation a été considérable. Je ne dissimulai rien de ce que j'avais appris des plantes du Midi depuis trente ans, sans excepter les noms méconnus, selon moi, destinés à figurer un jour dans la Flore de l'Hérault. Chacun me promit natu- rellement de garder pour soi des renseignements que je n'aurais pu communiquer à d’autres conditions. Tout le monde n’a pas gardé sa parole. Mon but ici n'est pas de me plaindre, mais de faire connaître le motif pour lequel les noms de la Flore de Montpellier ne différeront point de ceux qu'on aura vus dans les Annales dont j'ai parlé. Mon seul désir est que ceux qui liront la Flore plus tard sans savoir que nous reprenons notre bien, n’imputent point à plagiat ce qui n’en aura 356 MÉMOIRES ORIGINAUX. Godr., qui est mon T. Grenieri, à son T. oreites (Op. c., p. 28). Le T. obscuratum (Ibid., p. 30 ) me paraît s’y référer éga- lement; mais ces deux noms sont de beaucoup postérieurs au T. Grenieri. M. Grenier (F1. Jurass., p. 5) nomme cette plante T. majus Jacq., ajoutant que les botanistes qui n’adopteront pas ce nom, douteux pour lui, ni les fragmentations de M. Jordan, devront nommer cette plante T. Grenieri Loret, ce qu’il n’a osé faire lui-même. La plante de nos collines et celle de Besançon sont iden- tiques, sauf Jes souches traçantes qui manquent à la dernière ; mais je crois ce caractère moins constant et par suite moins que l'apparence. Nous espérons qu'on trouvera très-naturelle, nécessaire même, une revendication qui ne laisse point d’être pénible. Une réclamation analogue, plus grave peut-être, s’impose encore à moi. Dans un travail intitulé : Petites observations sur plusieurs plantes critiques, publié dans le Bulletin de la Soc. bot. de Belgique (1868), l'auteur dit en note : « Ce sont les importants envois de pluntes de MM. Jordan, Timbal-Lagrave, Grenier et surtout de M. Loret, qui ont principalement servi de base à ces observations. » Ce natura- liste aurait pu ajouter qu'il reproduisait souvent dans son travail, et quelquefois littéralement, les observations consignées dans mes lettres et sur de grandes étiquettes où je lui parlais longuement de mes plantes, et où je transcrivais même parfois textuellement les notes qui figuraient déjà dans le manuscrit de la Flore future de Montpellier. La surprise de mou collaborateur et de mes autres amis fut extrême lorsqu'ils lurent dans le Bulletin botanique belge les choses que je leur répétais depuis plusieurs années, et parfois le texte presque lttéral de mon manuscrit. Là figure le résultat de mes études sur les Ranunculus Drouetii Schultz, Erodium arenarium Jord., Erophila brachycarpa, orlaya, pastinaca ; Galium du groupe implezum et scabridum; Hieracium nemorense Jord.; Orobanche crithmi Godr., O. albiflora Godr.; Euphorbia peploides Gouan; Quercus gra- muntia L.; Dorychnium gracile Jord., et plus de trente espèces plus ou moins critiques. Cette réclamation n'a nullement pour but de dénoncer l'indélicatesse des gens, ni de revendiquer simplement la priorité pour des observations auxquelles j’attache peu de prix : mon unique but est de me mettre à l'abri du soupçon de plagiat lorsqu'on trouvera, ici ou ailleurs, des observations identiques à celles qu'on aura lues déjà dans le Bulletin de la Société botanique de Belgique. Le moi, que je n'aime point, est venu, à mon grand regret; se placer souvent sous ma plume; mais on reconnaîtra que je ne pouvais me taire, Je n'ai fait que me conformer à ce sage conseil :«Quram habe de bono nomine », et j'espère bien n'avoir plus à réclamer contre toutes ces misères de la vanité humaine. PLANTES CRITIQUES DE MONTPELLIER. 907 spécifique qu'on ne l’a dit et que je ne l’avais pensé autrefois. Quelques espèces en sont indifféremment munies ou dépourvues. L'état physique du sol, qui en détermine souvent la présence ou l’absence, a contribué à jeter ainsi de la confusion dans la des- cription des auteurs, qui en outre confondent parfois les souches traçantes avec les souches vraiment stolonifères. Le T. calcareum Jord., dont nous avons des échantillons authentiques, diffère, selon nous, de notre espèce par la forme des feuilles et surtout des carpelles. Aquilegia viscosa Gouan? Waldst. et Kit., PL. rar. Hung., IT, p. 184, t. 169. Plusieurs auteurs pensent que la plante nommée par Gouan À. viscosa n'est autre chose que la forme visqueuse de l'A. vul- garis L. Gouan a-t-il en effet connu l’espèce si différente que nous nommons À. viscosa, espèce qu'on a trouvée chez nous à la Sérane, et que Magnol (Bot., p. 26) indique à Meyrueys, en la caractérisant par ces mots : A. hirsuta, flore viscoso? Je n’en suis pas certain aujourd'hui pour ma part, car la figure gros-. sière des Z{lustrations de Gouan n’exprime rien de clair et n’est point propre à résoudre ce doute. Cet auteur, léger et presque toujours inexact, croit devoir (F!. Monsp., p. 267) attribuer le nom d’A. viscosa à Magnol, qui n’a point appelé sa plante ainsi; et dans ses Æerborisations (p. 38 ) il indique le Capoula- doux comme son lieu natal, tandis que sun lieu d’origine est Mevyrueys, que Magnol lui assigne pour patrie et où elle se trouve encore. En tout cas, notre plante est certainement l'A. vwiscosa de Waldstein et Kitaibel, que Koch rapproche avec raison de l'A. Pyrenaica DC., et qu'il possède, dit-il, des Pyrénées : «Æ Pyrenæis habeo » (Synop., p. 23). Elle s'y trouve en effet, et nous avons dit ailleurs (Æerbier de la Lozère, p. 39) que c’est pour nous la variété B decipiens G. G. de l’A. Pyrenaica, variété indiquée à la Font-de-Comps (Pvr.-Or.) par les auteurs de la Flore de France. De Candolle (F7. Fr., Suppl., p. 640) indique 1150 24 398 MÉMOIRES ORIGINAUX. à la Font-de-Comps l’A. viscosa, mais je n'ai point vu d’échan- tillons authentiques de sa plante, et il n’est pas impossible qu'il ait voulu désigner la forme visqueuse de l’A. vulgaris, qui peut se rencontrer aussi à la Font-de-Camps. Quoi qu’il en soit, c’est le vrai À. viscosa que la Société botanique de France y a recueilli lors de sa session extraordinaire à Montlouis, et que mon ami M. Timbal-Lagrave prit à tort pour une espèce nouvelle'. Ce serait, à mon avis, se méprendre sérieusement que de lui donner un nom nouveau; car c'est là, comme je l'ai dit dans mon Herbier de la Lozère, p. 42, le vrai À. viscosa (non Gren. et Godr.), qui se distingue nettement de l'A. Pyrenaica par ses éperons courbés en hamecon, ses pétales rétus au sommet, son extrème viscosité et son port plus trapu. Si cette plante ne pouvait retenir le nom d’A. viscosa, si tour- menté et fréquemment mal appliqué, aucun nom ne lui convien- drait mieux, à mon sens, que celui d'A. Magnolü; car Magnol, qui l’a connue le premier, la caractérise parfaitement (loc. cit.) et l'indique nettementprès de Meyrueys le long du torrent où on la recueille encore aujourd'hui. Il me semble plus raisonnable néan- moins de s’en tenir au nom d'A. viscosa Gouan? W. Kit.! C’est rendre service à la science, en effet, que de faire effort pour éviter les nomsnouveaux, en présence de l'encombrement lamen- table dont tout le monde se plaint. Ranunculus trichophyllus Chaix, B Drouetii. — R. Drouetii Schultz. Le R. Drouetii Schultz, que plusieurs botanistes admettent en- core comme espèce, n'est pour moi qu'un À. trichophyllus grêle et à fleurs plus petites que celles du type. On lui attribuait autrefois des folioles se rapprochant en pinceau quand on les sort de l’eau, particularité insignifiante et due à l’état des eaux, mais dont on croyait exempte alors la forme qu'on nommait À. trichophyllus ; plusieurs botanistes se contentaient même, pour distinguer celui- 2. ! Voyez Bull, Soc. bot. de France, t. XIX, p. ICIX. PLANTES CRITIQUES DE MONTPELLIER. 359 ci, de dire que ses folioles ne formaient jamais pinceau et restaient étalées en tout sens quand on les sortait de l’eau. Martrin-Donos, ayant rencontré une forme qui avait pour lui tous les caractères du À. trichophyllus, mais dont les folioles s’avisaient de se réunir en pinceau hors de l’eau, aima mieux en faire une variété peni- cillatus (FI. du Tarn, p. 8) que de renoncer à ce caractère, ou de fondre en une seule espèce ses Batrachium Drouetii et B. tri- chophyllum. J'ai eu lieu de me couvaincre qu’il n’y a dans tout cela qu’une espèce, variable comme toutes les espèces aquati- ques. Un petit torrent qui déborde fréquemment, le Verdanson, est rempli du À. trichophyllus type. Les fruits de cette plante ayant été entraînés par les eaux du torrent dans un trou qu'on venait de creuser non loin de ses bords, j'ai eu occasion, pendant plu- sieurs années, de voir le R. trichophyllus type dans les eaux cou- rantes du torrent, et tout près de là, dans les eaux trarquilles et peu profondes du trou en question, le vrai À. Drouetii avec ses tiges grêles dressées et ses petites fleurs à étamines peu nom- breuses. V avait-il là deux espèces ? Au premier aspect, un bota- niste qui eût ignoré le fait dont je viens de parler eût pu s’y tromper; mais en voyant que tout cela était le produit des mêmes graines, le plus opinâtre multiplicateur se fût rendu à l’évi- dence. Ranunculus saxatilis Balbis, Misc., 27. ; R. Monspeliacus L. (ex parte) ; R. Monspeliacus, var. rotundifolius DC ; R. cyclophyllus Jord., ap. Bor. (F1. du Cent., 3° éd., p. 19). Le À. Monspeliacus L. embrasse pour nous deux espèces, savoir: la forme blanchâtre des terrains calcaires de la plaine, dont les feuilles inférieures ont les segments oblongs-cunéiformes ne se recouvrant pas par les bords, et la forme verte des terrains sili- ceux de nos basses montagnes, plante plus grêle et dont les feuilles inférieures sont arrondies, en cœur à la base, à lobes courts, obtus, se recouvrant par les bords. La première forme est le R. albicans Jord. (Observ., fragm. 6, p. 10), que M. Jordan a subdivisé depuis en six espèces dans ses Diagnoses. 360 MÉMOIRES ORIGINAUX. La seconde forme est le R. cyclophyllus Jord., ap. Boreau (F1. du Cent., 3e éd., p. 19); mais le nom princeps de cette espèce est pour nous celui de À. saæatilis Balbis, que De Candolle et MM. Grenier et Godron rapportent à leur variété rotundifolius du R. Monspe- liacus. M. Jordan dit (Diagnoses, p.67) «qu'ilne connaît pas le R. saæatilis Balbis de la Vallée d'Aoste, auquel on attribue des feuilles d'un vert très-foncé, ce qui ne peut convenir, ajoute=-t-il, au R. cyclopuyllus, qui les a d'un vertclair». J'ai vu dans un herbier de Montpellier des échantillons authentiques de la plante de Balbis, avec ure étiquette de sa main, et tous les botanistes y eussent reconnu, comme moi, le À. cyclophyllus de M. Jordan et la variété rotundifolius du R. Monspeliacus, variété dans laquelle De Candolle et les auteurs de la Flore de France ont vu, avec raison, le À. saxatilis de Balbis. Ficaria ranunculoides Mœnch, 8 grandiflora; F. grandiflora Robert ; F. calthoefolia, mult. auct. (non Rchb.). Le Ficaria ranunculoides offre des variations si nombreuses dans la forme des feuilles et la grandeur des fleurs, qu'il nous paraît impossible d’y reconnaitre plus d’une espèce. Notre variété grandiflora se trouve surtout dans les lieux cultivés et les ter- rains argileux ethumides. La forme à fleurs plus petites se rencon- tre principalement dans nos basses montagnes, mais on la trouve aussi dans la plaine à l'ombre des bois et des haies, et générale- ment dans les sols maigres. M. Boreau a cru devoir placer entre ces deux formes une espèce qu'il nomme F, ambigua. Il nous semble que tout est rendu ambigu ici par des nuances nom- breuses, et nous n’y pouvons voir que les anneaux non inter- rompus d’une même chaine. À Toulon et à Hyères, où le soleil agrandit et colore aussi plus que chez nous les fleurs du Fwma- ria speciosa et du Silene quinquevulnera, celles du F. grandiflora acquièrent des dimensions qu'elles sont loin d'offrir à Mont- pellier; et la plante que M. Boreau indique à Angers sous ce nom est, dans toutes ses parties, moins développée encore que la nôtre. Les lobes des feuilles sont presque indifféremment plus ou PLANTES CRITIQUES DE MONTPELLIER. 361 moins rapprochés et incombants, dans les formes diverses que nous avons comparées partout en Provence et à Montpellier. Le sol plus ou moins sec ou humide et surtout la quantité de chaleur nous paraissent seuls donner lieu à toutes ces formes. Papaver Rhœas L, & fallens Nob.; P. Roubiœi Vig., Diss., 39, LR Par ie LE L'auteur du genre Meconopsis, un des élèves les plus distin- gués de De Candolle, créa le P. Roubiæi, à l’instigation de son illustre maître”. Le botaniste Montpelliérain, mécontent plus tard de son espèce, avait fini par croire que cette plante, généralement mal connue, n'était peut-être qu'une forme accidentelle du 2, Rhœas rencontrée une fois à Frontignan par Roubieu, mais devenue aujourd’hui introuvable. On peut voir dans plusieurs herbiers, comme originaire de Frontignan, une petite forme du P. Rhœas ne différant du type que par la taille, et qui a été distribuée abondamment par Dunal, sous le nom de P. Roubiœi. Le vrai carac- tère de la plante nommée par Viguier consiste dans la brièveté du lobe terminal des feuilles, qui ne s’allonge point en lanière aiguë et dentée, comme dans le type. L'auteur était persuadé que le faux P. Roubiæi, distribué par Dunal à tous ses correspondants, avait beaucoup contribué à faire méconnaïtre cette plante. Plu- sieurs autres formes du P. Rhœas, élevées récemment au rang d'espèces, reviennent au type par la culture, dès la première génération. Alyssum serpyllifolium Desf. - M. le D' Théveneau m'’adressa, il y a une dizaine d'années, 1 Au moment où Viguier se disposait à publier son genre Meconopsis, De Candolle l'engageait, m'a-t-il dit, à fare d’actives recherches pour découvrir une espèce nouvelle. Lorsqu'on crée un genre nouveau, il est convenable, lui disait De Candolle, de publier en même tempsune nouvelle espèce. C'est pour se confor- mer à cet avis que Viguier publia, avec le genre Meconopsis, sous le nom de P. Roubiæi, le singulier Pavot trouvé par Roubieu à Frontignan, où on ne l'a plus revu depuis. 362 MÉMOIRES ORIGINAUX. une plante, trouvée par lui à Carlincas, qui me parut intermé- diaire entre les Alyssum montanum L. et 4. alpestre L. La même espèce me fut apportée vivante, plus tard, des environs de Béda- rieux, par un pharmacien de cette ville, M. Martin. Je me pro- posais de lui donner le nom du D" Théveneau si j'acquérais la certitude qu'on ne l'avait point décrite, lorsque M. le D’ Cosson, l'ayant rencontrée aux mêmes lieux, y reconnut l’4. serpyllifolium de Desfontaines, qu'il avait vu en Afrique. M. Aubouy m'ayant demandé mon avis sur un fragment d’une Siliculeuse totalement passée et sans caractères suffisants pour une bonne détermina- tion, je lui dis qu’il me semblait y voir une plante intermédiaire entre les Alysswm alpestre et À. montanum, et c’est l'espèce qu'il vient d'appeler A. montanum dans son Catalogue des plantes de Lodève. J'ai rencontré, depuis, cette plante au Caylar en quantité considérable, et j'ai pu la bien juger sur place. C’est l’espèce de Bédarieux et de Carlincas, c’est-à-dire l’Alyssum serpyllifolium de Desfontaines ; mais je ne désapprouverais pas celui qui n’en ferait qu'une variété de l'Alyssum alpestre L., dont il me paraît, après l'avoir étudié vivant, plus rapproché qu'il ne l’est de l’A. monta- num. La plante de Bédarieux et du Caylar ne me paraît différer de l'A. alpestre L. que par sa tige ordinairement dressée, son inflorescence nettement corymbiforme, ses feuilles moins spatu- lées, son style un peu moins court, ses silicules plus planes. Clypeola Gaudini Trachsel, in Flora 1831, n° 43, p. 737; C. microcarpa Choulette, in Fragm. Floræ Algeriensis exsice ! an Moris? C. gracilis Planch., in Bull. Soc. bot. de France., t. V, p. 494; C. Pyrenaica Bordere et DR., in Znd. semin. horti Burdigalensis 1866 ! Avant de parler, dans l’Æerbier de la Lozère, p. 39, du Clypeola gracilis Planch., et de le rapporter au C. microcarpa Moris, je communiquai à M. Planchon des échantillons authentiques du C. microcarpa de Sardaigne, extraits par M. Moris lui-même de son herbier, et le Professeur de Montpellier erut y voir, comme moi, son €. gracilis. Je doute aujourd’hui, pour ma part, LU PLANTES CRITIQUES DE MONTPELLIER. 303 de l'identité spécifique de ces deux plantes ; mais le €. Gaudini Trachsel du Valais, dont M. Boreau m'a donné des exemplaires authentiques, reproduit identiquement el d’une manière frappante la plante de Montpellier. Quelque idée, d’ailleurs, qu’on se forme du C. microcarpa de la Sardaigne, publié par Moris en 1841, la priorité appartient au nom de €. Gaudini, publié dix ans plus tôt. La présence ou l’absence et le nombre plus ou moins grand des poils de la silicule n’offrent rien de stable. J’ai vu, comme M. Gre- nier, toutes les variations possibles à cet égard : fruits velus ou glabres sur toute leur surface ; fruits velus à la marge, non sur le disque, et vice versa. La forme de la silicule varie aussi un peu, ce qui porterait à suspecter la légitimité des C. hispidula Jord. et C,. spathulæfolia Jord. (in Breviarium, fascic. II, 1868); mais nous n'avons pas vu d'échantillons authentiques de ces plantes. La silicule est ordinairement plus grande dans le C. juntlaspi, et, la graine étant au contraire de la même grosseur dans les deux espèces, on comprend qu'elle occupe à peine le quart de la loge dans le C. juntlaspi, et qu'elle en remplisse au moins la moitié dans le C. Gaudini. Peut-être serait-il plus exact de considérer toutes les formes dont nous venons de parler comme les variations d’une même espèce, car il se présente parfois des individus intermédiaires. M. Derbès déclare en effet, dans son Catalogue, qu’il lui est im- possible d'accepter le C. gracilis (notre C. Gaudini), M. Roux l'ayant, dit-il, cultivé et ramené au type. (voy. Cat. pl. des Bou- ches-du-Rhône, Préface, p. xxxvr). Le €. Pyrenaica de Gavarnie m'a paru identique avec le C. Gaudini du Larzac, qui est le Gavarnie de nos Cévennes. Gistus Salvifolio-Monspeliensis Nob.— Bois à Argelliers. Le C. Monspeliensi-salvifolius (C. Florentinus Lamk; C. Por- querollensis et C. Olbiensis Huet et Hanry), hybride exactement intermédiaire entre les parents, et que la position respective des deux espèces génératrices et de l’hybride signalent comme le produit du C. salvifolius fécondé par le C. Monspeliensis, est 364 MÉMOIRES ORIGINAUX. connu depuis longtemps. Il a été trouvé aux îles d'Hyères par MM. Hanry et Huet, et chez nous à Argelliers ; mais celui que je signale ici, et que je crois le produit du C. Monspeliensis fécondé par le C. salvifolius, n’a jamais, si je ne me trompe, été mentionné nulle part. Je n'en ai rencontré qu’un seul pied, for- mant un énorme buisson au milieu de nombreux C. Monspelien- sis, et à quelques mètres du C. salvifolius. Il a les pédoncules uniflores, la fleur du C. salvifolius et les feuilles du C. Monspe- liensis. Cette singulière plante pourrait bien être un hybride de seconde génération, c’est-à-dire un C. salvifolio-Monspeliensis fécondé par le €. Monspeliensis, ou un C. Monspeliensi-salvifolius fécondé par le €. salvifolius. Gela me paraît impossible à deviner, tant le rôle des parents est obscur et difficile à connaître dans la plupart des hybrides. Le meilleur critérium, en beaucoup de cas, ne peut être fourni que par la situation respective de l’hybride et des deux espèces qui ont concouru à sa production. Les nombreux hybrides artificiels formés à Antibes par M. Bornet, l'ont suffi- samment édifié sur l'impossibilité où l’on se trouve souvent de discerner le rôle des parents dans les hybrides naturels. Je par- tage son avis, et je dois dire ici que parmi les hybrides artificiels que cet obligeant botaniste m'a communiqués, j'en ai rencontré un qui m'a appris à reconnaître avec certitude le rôle rempli par les C. ladaniferus et C. Monspeliensis dans les deux magni- fiques hybrides que j'ai décrits autrefois dans le Bulletin de la Société botanique de France (L. XIIT, pag. 453). Mon C. ladanifero- Monspeliensis, en placant, selon l'usage, le nom du père le premier, devient le C. Monspeliensi-ladaniferus, et il faut opérer dans l’hybride voisin une interversion analogue. Les difficultés qui se dressent devant le botaniste en présence d’un hybride dont il connait les parents, sans pouvoir dire avec certitude quel est le porte-pollen, quel est le porte-graine, doivent-elles nous faire renoncer, pour les hybrides, à la nomen- elature si commode et si instructive de Schiede? Nous ne le pensons pas. Îl nous parait plus raisonnable de placer en tête du | PLANTES CRITIQUES DE MONTPELLIER. 36 nom composé, comme on l’a fait jusqu'ici, le nom de l'espèce que les-apparences désignent comme père : ce nom binaire a l’avantage d'indiquer sûrement les deux espèces génératrices, sinon leur véritable rôle, et offre beaucoup moins d’inconvénients, selon nous, qu’un nom d'espèce légitime donné à une production souvent éphémère et qui ne mérite point qu'on lui fasse tant d'honneur. Radiola linoides Gmel.: Zinum Radiola L. M. Alphonse De Candolle, dans sa Géographie botanique rai- sonnée, p. 218, dit, en parlant de cette plante : « À Montpellier et surtout à Bude, la ‘sécheresse paraît trop forte pour l'espèce, méme dès le printemps. Les chiffres hyétométriques y sont très- faibles. On comprend donc très-bien l'exclusion du sud-est de la France et de la Hongrie. » Gette plante devrait, en effet, naturel- lement partager le sort de plusieurs espèces hygrophiles com- munes ailleurs, et que la sécheresse du climat bannit de Mont- pellier ‘. Nous la possédons néanmoins ; mais, ne pouvant vivre au bord des fossés et des mares, que le soleil dessèche souvent dès le premier printemps, elle s’est établie dans les sables du cordon littoral, sables toujonrs humides et trop peu imprégnés de sel, sans doute, pour qu'elle ait à en souffrir. Elle a été recueillie à Maguelone et entre Palavas et Pérols par Dunal, Azéma et Rancoulet : les herbiers de Delile, Dunal et Girard en font foi. Si l’on n’a point retrouvé cette plantule récemment aux lieux indiqués, cela tient sans doute à sa petite taille, et on nous permettra d'en recommander la recherche aux botanistes de Montpellier. 1 La sécheresse, nuisible aux végétaux chez nous, n'est pas imputable à la fai- blesse des chiffres hyétométriques, qui sont plus élevés à Montpellier (568m») qu'à Paris (471®m), mais à l'intermittence souvent trop longue des jours pluvieux. La quantité d’eau qui tombe chez nous annuellement ne peut compenser en effet, pour les plantes hygrophiles, une distribution plus régulière des pluies, régularité à laquelle des pays qui nous envient la rareté de nos espèces sont redevables d'un tapis végétal plus puissant que le nôtre. (Voyez Bull. Soc.Ebot., t. XVI, p. 258.) 366 MÉMOIRES ORIGINAUX. Linum angustifolium Huds. La durée des végétaux est généralement assez mal connue des botanistes, et la culture, qui au lieu de nous éclairer sur les vraies ou fausses espèces, contribue parfois à les faire mécon- naître, est également un mauvais critérium quelquefois en ce qui concerne la durée des plantes. La nature physique du sol agit en effet puissamment à cet égard sur un grand nombre d'espèces qui, annuelles dans un sol aride ou sablonneux, de- viennent bisannuelles ou vivaces dans un terrain fertile et com- pacte, où le soleil, après la maturilé du fruit, ne parvient pas à dessécher la racine et permet au végétal qu'on croyait annuel de taller l’année suivante. Le Linum angustifolium est instructif à cet égard. Dans les pays très-chauds, il est presque toujours annuel, et c’est ce qui a lieu notamment en Sicile, d’après le témoi- gnage de Gussone. Chez nous, il est annuel, bisannuel ou même vivace, selon la nature physique du sol où il croît, et l’on peut s’en assurer en l’observant sur le littoral, et notamment à Mague- lone. On y remarquera que le long des sentiers fréquemment piétinés il a une durée plus longue que dans les sables, où le soleil dessèche promptement ses racines, et où l’aridité du sol ne lui permet de vivre qu’une seule année. Cette dernière forme n'est, à mes yeux, qu'une variation annuelle du L. angustifolium Huds., décrite par M. Jordan sous le nom de L. ambiquum. Ononis campestris Koch. et Ziz., B. confusa Nob. ; 0. anti- quorum Godr. et Gr. (non L.); Cuzin, Herb. de la F1. de France, n° 985. Cette plante, qui diffère notablement pour nous du vrai 0. antiquorum, nous semble être à peine une variété grêle de l'O. campestris, commun dans nos campagnes. L’0. antiquorum de l'herbier de Tournefort, Ononis auquel se réfère pour tous les bo- tanistes celui de Linné, a la gousse bien plus courte que le ca- lice, les graines lisses, comme le dit Koch, et non tuberculeuses comme celles de nos 0. campestris et O. repens. Les pédicelles sont deux fois plus longs que le tube du calice, les feuilles florales PLANTES CRITIQUES DE MONTPELLIER. 367 étroites, presque entières; les épines plus robustes, etc. Nous avons pu constater tout cela sur la plante même de l'herbier de Tour- nefort qui nous a été communiquée. L’O. repens, var. arvensis (0. procurrens Wall.) a, comme l'O. campestris, une forme grêle que quelques botanistes prennent aussi, à tort, pour l'O. antiquorum, et qui s’en éloigne, moins peut-être que l'O. campestris, par les organes de la fructification. Medicago truncatula Gœærtn. (comprenant le #. murex, Godr. et Gren. (non Willd.), et le W. truncatulata des mêmes auteurs). Ou admet généralement aujourd’hui que la direction des spires dans les fruits des Medicago n'offre pas un caractère spécifique, attendu que presque toutes les espèces ont été trouvées avec des gousses tantôt dextres, tantôt sénestres. J'en avais acquis la certitude dès 1859 en ce qui concerne le Medicago Braunii, Godr. et Gren., lorsque je le considérais dans mes Glanes comme une variélé (var. inversa) du M. littoralis Rhode. C'était une qualification imméritée encore sans doute, et les fruitsdes #edicago me paraissent aujourd'hui trop indifférents à la direction des spires dans la même espèce pour qu’on puisse baser même une variété sur ce caractère. Le M. truncatula Goœrtn., qui est assez commun chez nous, offre sous ce rapport la même variabilité que le #. littoralis, et comprend spécifiquement, selon nous, les #. truncatulata et M. murex de la Flore de France. Nous avons constaté en effet chez nous, en étudiant les carac- tères invoqués pour séparer spécifiquement ces deux plantes, que la direction des spires y est sans importance, et que le reste du signalement manque d’exactitude. Il faut remarquer en outre que le M. murex Godr. et Gren., qu’on décrit (op. c.) avec des épines réfléchies, appliquées et s’entre-croisant, comme celle du M. truncatulata, ne saurait être le même que le M. murex de Willdenow, puisque cet auteur dit en parlant de son espèce: « Aculeis rectis fructu longioribus». Ces expressions et d’autres ca- ractères s'opposent aussi sans doute à ce qu’on puisse assimiler à 368 MÉMOIRES ORIGINAUX. cette plante le M. sphærocarpa Bertol, comme le fait M. Ascherson (in Append. plant. nov., 1871); car l'espèce de Bertoloni a de très- courtes épines, réduites parfois à de simples tubercules. Le M. murex de Willdenow, d’après les descriptions, semblerait être un synonyme du . tribuloides de Lamark ; mais il me paraît difficile d'acquérir à cet égard une entière certitude. J'ai rencontré, près de Montpellier, un #edicago intéressant appartenant à ce groupe déjà si obscur, et, malgré mon désir d'éviter un nom nouveau, je ne puis l'identifier avec aucune espèce connue. Je me propose de l’étudier à fond et d’en parler plus tard en pleine connaissance de cause. Un Medicago de la Corse également intéressant, mais connu et nommé depuis longtemps, le M. Soleirolii Duby, s’est trouvé dans un fascicule de plantes recueillies dans l'Hérault par M. Biche. Je l’ai reconnu avec transport, car c’est une espèce que j'ai trouvée et signalée le premier sur le continent francais, il y a vingt-trois ans. L’étiquette de M. Biche portait pour habi- tat Valmagne, et pour station les vignes voisines de la vieille basilique. Malheureusement un ou äeux pieds d’une espèce un peu vagabonde, et qui paraît ici adventive, ne peuvent, contre toutes les règles reçues, lui donner droit de figurer dans la Flore de l'Hérault. Nous appelons néanmoins l’attention sur elle, et si on la trouve enfin suffisamment établie, nous serons trop heureux de l’accueillir comme nôtre et de lui accorder droit de GILÉ: Vicia Timbali Nob.; V. Sallei Timbal, in Bull. Soc. bot. Fr., tax EE, p:LCTIEIXE M. Timbal a cru devoir imposer à un Vicia, découvert par lui près de Saint-Guilhem-le-Désert, le nom de V. Salles, par la rai- son, selon lui, que cette plante est le Vicia trouvé par Salle près de Montpellier, et que M. Godron y indique (F1. de Fr., 1. E, p. 460) sous le nom, faux dit-il, de V. cuneata Guss. Quoique la description de la Flore de France convienne au Y. cuneata de Gussone, M. Godron, en décrivant sa plante, aurait PLANTES CRITIQUES DE MONTPELLIER. 369 eu en vue, selon M. Timbal, son V. Sallei de Saint-Guilhem. Or la plante trouvée par Salle à Courpouiran, près de Montpellier, en compagnie de Delile et de M. Touchy, et décrite par M. Godron sous le nom de V. cuneata, n’est nullement, selon moi, celle de M. Timbal. La question ici n’est point de savoir si la plante décrite par M. Godron sous le nom de VW. cuneata est réellement l’espèce nommée ainsi par Gussone; il suffit de prouver que cette plante trouvée par Salle n’est point l’espèce que M. Timbal a décrite sous le nom de V. Sallei, pour que ce nom ne puisse être maintenu. M. Timbal me dit en effet, dans une lettre, que je puis à bon droit changer ce nom, si j'établis que sa plante n’est point celle trouvée par Salle. Or rien n'est plus facile à démontrer. Et d’abord nous savons par nos herbiers que la plante décrite par M. Godron sous le nom de V. cuneata est originaire de Courpouiran, près de Montpellier; et d’un autre côté une lettre de Salle à M. Touchy, qui nous l’a communiquée, porte en propres termes : «La plante que nous avons trouvée ensemble à COURPOUrIRAN est le Vicia cuneata», détermination que Salle, alors pharmacien à Pont-à-Mousson, tenait probablement de M. Godron, professeur à Nancy. Établissons maintenant, sur des échantillons authentiques, que la plante de Courpouiran, c’est-à-dire la plante trouvée par Salle, est différente de celle de Saint-Guilhem, c’est-à-dire du V. Sallei de M. Timbal. Une comparaison attentive nous apprend que le Vicia de Courpouiran diffère de celui de Saint-Guilhem par ses fleurs 2-3 fois plus grandes, son calice glabre et non pas hérissé de poils argentés ; ses anthères orbiculaires et non pas ovales ; ses gousses plus larges et une fois plus longues (3-4 centim.), jau- nâtres à la maturité et non pas noirâtres; glabres et non pas couvertes de poils blancs argentés. Les folioles inférieures et les su- périeures sont très-dissemblables et non pas presque conformes, etc. On reconnaitra, j'espère, d’après ce signalement comparatif établi sur des échantillons authentiques, que l'espèce trouvée par Salle diffère notablement du V. Sallei de M. Timbal, etque ce nom, par suite, ne saurait être conservé. J’ai autant de répulsion que per- 370 MÉMOIRES ORIGINAUX. sonne pour les noms inutiles ; mais il y a loin entre la proposi- tion d’un changement conforme aux règles dela nomenclature et la passion de créer chaque jour des noms nouveaux, noms le plus souvent sans objet, petites plaies scientifiques faisant de la botanique une sorte de lépreux que personne n’ose aborder. Après s'être convaincu que le V. cuneata de la Flore de France n’est point le V. Sallei, on peut se demander si c’est bien le V. cuneata de Gussone. Nous n’avons pu malheureusement nous procurer des échantillons authentiques de la plante italienne, mais de graves raisons militent pour l’affirmative. Comment com- prendre, en effet, que M. Godron ait eusous les yeux le V. Sallei en décrivant son V. cuneata, puisque les caractères indiqués par ce savant floriste ne conviennent nullement à l’espèce de M. Tim- bal? D’un autre côté, M. Delile atteste sur une étiquette que M. Cosson a reconnu dans la plante de Courpouiran l’espèce de Gussone, opinion imposante et conforme à celle de Salle, qui nous est connue par la lettre précitée. Lathyrus macrorrhisus Wimm.; Godr. et Gren., FI. de France, t. I, p. 487. L’Orobus tuberosus L., ne pouvant recevoir le nom de Lathyrus tuberosus donné par Linné à une autre espèce, a été nommé Lathyrus montanus par Bernhard (1810), et L. macrorrhizus par Wimmer (1832). L'Orobus luteus L. (1762), nommé par Scopoli 0. montanus (1772), et par M. Godron Lathyrus montanus (F1. de Fr., t., I, p. 486), doit, conformément aux règles de la nomenclature botanique, porter le nom de L. luteus que lui a donné M. Grenier dans sa Flore du Jura. D’après ce qui précède, l'O. tuberosus L. devrait recevoir le nom de L. montanus Bernh., nom antérieur à celui de L. ma- crorrhizus; mais la clarté prime tous les droits, et nous croyons devoir adopter dans notre Flore le nom de L. macrorrhizus pour éviter l’ambiguïté attachée au nom de L. montanus appli- qué,-quoique à tort, à l'O. luieus L., par MM. Godron et Grenier PLANTES CRITIQUES DE MONTPELLIER. 371 dans une Flore aujourd’hui très-répandue. C’est, à nos yeux, un des cas, trop fréquents aujourd’hui, d'introduire dans la science une sorte de loi d’expropriation pour cause d'utilité publique. Lathyrus sphæricus Retz; 8 Neapolitanus Ten., Syll., p.354. Le 6 juin 1865, s’offrait à moi, près de Saint - Etienne-de- Mursan, un Lathyrus intermédiaire entre les L. sphæricus Retz et L. angulatus L., Sp. plant. (non L. herbier), considéré aujourd’hui comme le vrai L. angulatus. Gette singulière plante, plus rappro- chée du L. sphæricus, a, comme lui, les vrilles des feuilles supé- rieures simples et non pas rameuses ; les gousses d’un tiers plus longues que celles du L. angulatus, pourvues de fortes ner- vures longitudinales et non pas légèrement réticulées-veinées comme celles de sa congénère ; les graines lisses et non pas rugueuses - tuberculeuses ; elle se rapproche au contraire du L. angulatus par ses fleurs plus petites encore que celles du L. sphæricus, et surtout par ses graines fortement anguleuses et non pas sphériques, ayant la forme tantôt d’un cube, tantôt d’un parallélipipède. Ainsi, gousses, vrilles, port, graines lisses du L. sphæricus ; corolle, graines fortement anguleuses du Z. angu- latus vrai : tel est le signalement de cette plante qui n’avait point de congénères près d'elle, et croissait d’ailleurs en trop grande abondance au lieu indiqué pour qu’on püût y voir un hybride. Nous considérons comme le vrai L. angulatus, avec la plupart des auteurs aujourd’hui, celui du Species plant. de Linné; mais l’herbier de cet illustre botaniste renferme, dit-on, sous le nom de L. angulatus, un L. sphæricus. Si la plante qui porte dans cet herbier le nom de L. angulatus est la forme que nous avons rencontrée à Saint-Étienne-de-Mursan, on comprend sans peine la controverse qui s’est élevée à son sujet. Supposons, en effet, que Linné et les botanistes qui-ont nommé cette plante L. angulatus, tels que Chaubard et Moris, aient examiné ses graines anguleuses; leur option pour un nom qui concorde avec ce caractère n’offri- rait rien d’extraordinaire. Ceux, au contraire, qui n’auraient point vu les graines, soit qu’elles eussent disparu de l’herbier, soit pour 12 MÉMOIRES ORIGINAUX. toute autre cause, n’auraient pu prendre cette plante que pour le L. sphæricus, dont elle a le port, les vrilles et le fruit. Quoi qu’il en soit, je suis persuadé que wa plante de Saint-Étienne-de-Mursan est réellement le faux L. angulatus de l’herbier de Linné, et elle repose depuis près de dix ans dans mon herbier avec le nom de L. controversus, que je me proposais de lui donner. J’ai cru y voir plus tard, en parcourant le Sylloge de Tenore, la variété Neapo- litanus de son Lathyrus sphæricus, et il me paraît plus prudent aujourd’hui d’imiter la sage réserve de ce botaniste expérimenté qui, malgré son penchant pour les espèces peu tranchées, s’est contenté de donner en variété la plante dont il s’agit, tout en déclarant néanmoins qu’on pourrait sans témérité la considérer comme une espèce distincte. Genre Rubus. Nul botaniste n’ignore combien il est difficile de se former une idée exacte d’un grand nombre d'espèces végétales. La bota- nique n’a rien à envier sous ce rapport à l’'entomologie, et lorsque j'abandonnai autrefois les insectes pour les plantes, j'étais loin de prévoir que je trouverais là un jour les mêmes obscurités et plus d’embarras peul-être dans la délimitation des espèces. Mais les nombreux mystères que la nature dérobe partout à nos regards, que prouvent-ils, sinon l’immensité de la création et l’immense faiblesse de notre intelligence ? Y à t-il là une raison de renoncer à étudier l’espèce sous tous ses aspects, ou d'aller même jusqu'à en nier l'existence ? Ce n’est nullement notre avis. Nous croyons qu’au milieu de la variabilité superficielle des formes, qui n'm- dique nullement la variabilité ou la transformation de l’espèce, l'essence de toute plante se maintient constamment. C’est à cette conclusion que conduira toujours, selon nous, l’étude bien enten- due des diverses formes végétales. Examinons donc attentive- ment toutes les plantes qui se présentent ; étudions et apprenons à connaître tous leurs caractères, même les moins saillants, imi- tant en cela l’École analytique, qui sous ce rapport a rendu de véritables services à la science. Nous applaudissons de grand PLANTES CRITIQUES DE MONTPELLIER. 319 cœur au zèle avec lequel les botanistes dont nous parlons pour- suivent les formes végétales; et pourrait-il en être autrement, puisque nous nous livrons nous-même avec bonheur depuis plus de trente ans aux mêmes recherches et à la même étude ? Toule- fois, s’il est vrai de dire des botanistes en question « qu’ils ont trop fait de bien pour en dire du mal», u’est-on pas en droit d'ajouter, d’un autre côté : «qu’ils ont trop fait de mal pour en dire du bien»? Personne peut-être aujourd'hui ne serait en mesure de rendre, comme eux, à la nomenclature botanique le plus signalé des services; mais il faudrait pour cela renoncer enfin à voir dans toute forme une espèce, et, se plaçant résolû- ment entre les extrêmes, appliquer à la délimitation des espèces un principe vrai en toutes choses, mais qui nous parait appli- cable surtout à l’histoire naturelle : « In medio stat virtus. — Me- dio tutissimus bis. » Les réflexions qui précèdent paraitront un peu longues peut- être, mais on nous excusera, on nous plaindra même, si l’on pense que tout cela a été provoqué par l’obscurité profonde dont on a enveloppé le genre Rubus, que nous avons réservé jusqu’à présent comme l’un des morceaux les plus savoureux de notre Flore. Îl n'est point de genre, en effet, sinon peut-être les genres Rosa, Hieracium, Erophila, Thalictrum, où l’on ait plus minu- tieusement morcelé les espèces. On peut du reste s’en former une idée et en avoir un avant-goût, quand on pense que des rameaux du même buisson ont été pris plus d’une fois pour des espèces différentes par des rubologues exercés. Qu’on nous per- -mette ici une pelite anecdote. L'auteur de la Alore du Tarn, l’ex- cellent de Martrin-Donos, était, en fait de Rwbus, un Mullériste ardent. Nous avons vu, dans l’herbier départemental dont il a fait cadeau à la ville d'Albi, une ronce qu'il nomme, dans l’her- bier comme dans sa Flore, À. coarctatus Müller. « Mes échantillons, dit M. de Martrin sur l'étiquette de cette plante, ont été commu- niqués à M. Müller, qui les rapporterait plutôt au Rubus constrictus Müller.»Notez qu'il s’agit ici d'échantillons très-complets de deux espèces créées par M. Müller, et que M. de Martrin s'inscrit en III, 29 374 MÉMOIRES ORIGINAUX. faux contre les espèces de l’auteur avec lequel il les avait étu- diées. Je puis me tromper, mais il me parait probable que ces deux botanistes poursuivaient l’un et l’autre une chimère en voulant séparer ce que la nature à réuni : « Quod Deus conjunæit, homo non separetl ». Autre trait à joindre au dossier des Rubus. Nous adressämes naguère à un botaniste, parrain de plusieurs espèces de ARubus, une ronce dont les feuilles, plus larges que longues, échancrées à la base et réniformes, excilèrent son enthousiasme. Il y vit im- médiatement une nouvelle espèce qu'il nomma Rubus renifolius, en m'offrant de la signer avec lui. Qu’était-ce, en somme, que cette prétendue espèce qui m’avail fort surpris aussi au premier aspect ? C'était simplement une forme accidentelle et monstrueuse du À. discolor des auteurs. Le buisson qui m'avait offert ce sin- gulier phénomène, étant exposé presque constamment aux dents du bétail, présentait, partout où les animaux avaient pu atteindre, les singulières feuilles dont j'ai parlé, tandis qu'au sommet des rameaux dressés, où les feuilles se développaient à l’aise et sans lésion, elles étaient normales et en tout semblables à celles d’une de nos espèces les plus connues, le R. discolor. Si nous ne partageons pas les idées des botanistes qui sont prêts à donner un nom à presque toutes les formes, nous ne sommes point partisan non plus de l'opinion de ceux qui se jettent dans l’extrème opposé. Cette erreur, toutefois, nous paraît être moins funeste à la science que celle des pulvérisateurs dont nous avons parlé'; car si elle entraîne une confusion regrettable, le morcel- 4 Lorsqu'un nom censé spécifique comprend en réalité plusieurs espèces, on peut rechercher prudemment les vraies espèces de la nature cachées sous ce nom collectif ; mais lorsqu'une espèce qu'on croit à tort multiple a été fractionnée en formes insignifiantes décorées chacune d'un nom dit spécifique, quel remède à ce grave désordre, sinon l'abandon total de ces noms, sans objet réel dans la nature ? On parle de la culture comme d’un critérium presque infaillible; nous la croyons utile en certains cas, car nous y avons recours nous-même; mais n’a-t-elle pas provoqué souvent la multiplication des fausses espèces, plutôt que d'en res- treindre le nombre? Il y a généralement peut-être plus d'arbitraire et de fantaisie en ce qui concerne la délimitation des espèces, chez les botanistes cultivateurs, PLANTES CRITIQUES DE MONTPELLIER. 379 lemeni indéfini conduit fatalement à la négation de l’espèce. Il s'opère des conversions heureusement parmi les outranciers dont nous venons deparler, et nous aimons à espérer que les botanistes consciencieux de cette École finiront par renoncer à baptiser presque toutes les formes qu'ils rencontrent, lorsqu'ils viendront à perdre eux-mêmes tout fil conducteur au milieu de l’obscur labyrinthe qu'ils auront construit de leurs mains. Genre Rosa. Nous donuerons en italique, dans la Flore de Montpellier, sous leurs types respectifs, plusieurs formes de roses auxquelles on a imposé, à tort selon nous, des noms spécifiques. Les caractères minimes sur lesquels reposent ces prétendues espèces donnent de prime abord la mesure de leur valeur. M. Crépin, dans ses Primitiæ monographiæ rosarum, a devancé tous les rhodologques, en fait d'analyses subtiles ; mais en donnant un nom provisoire aux moindres formes, son intention n'était point de baptiser définitivement de véritables espèces. Les noms qu'il a créés dans ce livre ou qu’il a empruntés à l’École des subdivisions n'avaient, à ses yeux, que l'utilité passagère de jalons posés temporairement pour le guider dans ses études personnelles. Nous eussions pré- féré, de peur qu’on n’en abuse, que ce fil conducteur fût resté enseveli dans le manuscrit de l’auteur; mais, son intention étant connue , il est évident qu'on ne doit pas attacher aux formes insignifiantes qu'il distinguait ainsi provisoirement plus d'importance que l’auteur lui-même. En suivant ainsi sur leur propre terrain les rhodologues pulvérisateurs, le but de ce patient que chez ceux qui ont passé leur vie dans l'immense jardin de la nature, et qui s'y sont habitués à scruter et à discerner ce qui est éphémère ou constant en fait de caractères spécifiques. Les botanistes cultivateurs ne sont-ils pas contraints d'ailleurs à abandonner leur mode d'expérimentation quand il s’agit d'espèces rebelles à la culture? La plupart des espèces parasites sont dans ce cas; on peut citer les Euphrasia, que les botanistes dont il s’agit n'ont point renoncé à dédou- bler outre mesure, quoiqu'ils n’aient pu les distinguer spécifiquement que par le procédé d'intuition, qu’ils réprouvent. 376 MÉMOIRES ORIGINAUX. et habile monographe, je le sais, était de pouvoir dire plus tard, en connaissance de cause et avec autorité, que les principes de spécification des subdiviseurs les conduisent à « la distinction spécifique du buisson, de l'individu », et que les caractères distinc- tifs qu’ils emploient permettent même parfois « de distinguer plus d’une de leurs petites espèces SUR LE MÊME BUISSON » ! (Primitiæ monog. rosarum, 2° fascicule, p. 223-224). M. Dumortier, qui étudie les roses depuis cinquante ans, dit dans sa Monographie des roses belges, p. 39: « Nous ne saurions appartenir à cette École, pour qui toute forme est une espèce; c'est jeter la science dans le chaos ». Nous adoptons d’autant plus volontiers ces sages appréciations, que nous avons eu lieu plus d’une fois nous-même d'en recon- naître la justesse. Il nous a toujours paru impossible, en effet, d'établir sur des poils de solides espèces; les fruits mêmes se sont souvent montrés à nous, comme à M. Dumortier, variables non- seulement dans la même espèce, mais parfois sur le même indi- vidu. Rien n’est plus facile, on le sait, que de donner un nom aux prétendues espèces dont il s'agit. Ces noms-là, heureusement, sont toujours éphémères lorsqu'ils ont pour parrains certains bota- nistes sans autorité, qu'on est convenu d'appeler des /aiseurs ; imitateurs malavisés de chefs d’École dont ils outrent les défauts sans en avoir le talent; mais si l’un de ces botanistes, que Linné qualifiait de «solidi botanici», appuie ce système de l'autorité de son nom, il peut en résulter pour la science d’incal- culables dommages. Cratæqus ruscinonensis Gren. et Blanc, in Büllotia, p. T0; €. Aronia Spach ; C. Azarolus Gouan et auct. gall. ex parte (non L.). Nous n'avons dans l'Hérault, en fait de Craiægus sauvages ou Re RE Res RARE" Mel ee 1 En recevant récemment la 3e édition de la Flore de Belgique que son savant auteur a bien voulu m'adresser, j'ai eu hâte de courir aux Roses. Qu'y ai-je trouvé, comme tout le monde? Les ansiens types, et pas autre chose. M. Crépin sait par expérience que le reste mène à l'abime. PLANTES CRITIQUES DE MONTPELLIER. 311 naturalisés, que deux espèces, savoir : le €. monogyna Jacq., vulg. l’Aubépine, arbrisseau ou arbuste épineux connu de tout le monde, et une autre espèce arborescente et moins épineuse qui va faire plus particulièrement ici l’objet de nos observations. Le C. monogyna Jacq., qui est le €. oxyacantha L., selon M. Boreau, non selon les auteurs de la Flore de France, qui voient l'espèce linnéenue dans le €. oxyacanthoïdes Thuill., a, comme ce dernier, des fruits rouges très-fades, environ de la grosseur d'un pois. La forme à feuilles moins profondément découpées a été prise souvent pour la plante de Thuillier, que nous n'avons point chez nous. Notre seconde espèce de Cratægus est arborescente, moins épineuse, à fruits rouges comestibles, acidules et de la grosseur d’une balle de calibre (2? centim. de diam.). C’est cette dernière espèce, appelée à Montpellier Pommette à deux noyaux (Pou- méta dé dous clossés), que M. Grenier a nommée €. ruscino- nensis. Pour le savant botaniste de Besançon, cette plante n’est point le C. Azarolus de Linné. L'auteur du Species, en effet, donne pour synonyme à son C. Azarolus le Mespilus api folio laciniato CG. Bauh., pin. 453, et le Mespilus Aronia veterum Bauh. (Hist., p.67, cum. Zc.), synonymes qui se rapportent, au moins le dernier, à une autre espèce. Mais quelle est cette troisième espèce ainsi nommée et caractérisée par les Bauhin, et que M. Grenier, avec la plupart des botanistes aujourd’hui, prend pour le C. Azarolus de Linné? C’est l’Azerolier d'Italie, connu aussi sous le nom de Pommette à 4 ou 5 noyaux (Pou- méta de 4-5 clossés), et qu'on cultive ici dans les jardins et parfois aux bords des champs et des vignes. Ses feuilles sont velues en dessous, et ses fruits rouges, jaunes ou blancs, gros comme ceux du Sorbier domestique (2-3 centim. de diamètre transversal). C’est l'espèce que Gouan indique comme une variété cultivée de son C. Azarolus, variété à fruits gros, dit-il, comme une Pomme d’api' (Æerbor., p. 31). 1 Cette plante, cultivée en Italie, y est connue sous le nom de Azzarolo..., d’où 318 MÉMOIRES ORIGINAUX. La variété B Aronia du C. Azarolus L. (Sp. pl,, p. 683), que Linné identifie avec le Mespilus Orientalis apii foho subtus hir- suto Pock, est rapportée par M. Grenier à une espèce exotique, le C. Orientalis Pall., dont nous n’avons point à nous occuper. Linné indique, il est vrai, son C. Azarolus à Montpellier, mais il paraît s’autoriser de Lobel et Magnol, sans bien connaitre peut- être l’espèce que ces deux auteurs mentionnent à Valène sous le nom de Mespilus Aronia. En adoptant le nom de C. ruscinonensis Gren. pour une plante qui divise un peu les auteurs, nous évitons l’ambiguïté qui frapperait d'incertitude le nom de C. Azarolus appliqué à une espèce que Linné n’a peut-être pas connue. Ce nom, qui se ré- fère d’ailleurs pour la plupart des botanistes, comme je l'ai dit, à l'Azerolier d'Italie, comprend aussi pour quelques-uns les deux plantes dont nous parlons. En admettant la nomenclature de M. Grenier, nous devons faire observer que l’Azerolier d'Italie (son C. Azarolus) n’est nul- ‘lement spontané à Montpellier et à Béziers, où il l'indique. On - le trouve parfois dans les garrigues, mais toujours planté ou greffé sur le C. ruscinonensis, ou l’Aubépine. C’est ainsi que le respectable correspondant de M. Grenier l’a rencontré à Béziers et à Balaruc, mais sans penser, je le sais, à s’assurer s’il avait affaire ou non à une plante cultivée. Il n’est point inutile de faire observer, en terminant, que les noyaux de ces plantes sont sujets à de fréquents avortements, et que leur nombre n'offre point des caractères différentiels constants. C’est par avortement que le C. ruscinonensis n'a qu'un noyau; il en a généralement deux, et c'est lui qui porte à Montpellier, comme nous l'avons dit, le nom de Pommette à deux noyaux, et non l’Azerolier d’Ita- lie, comme le dit M. Grenier (op. cit.). M. E. Planchon, qui paraït n'avoir point connu la dissertation de M. Grenier, s’est beaucoup occupé plus récemment des végé- sans doute le nom vulgaire linnéen Azarolus (Ch. de Belleval, in Bull. Soc. d'agric., année 1837). PLANTES CRITIQUES DE MONTPELLIER. 379 taux dont nous venons de parler. Pour lui, l’Azerolier nommé à Montpellier Pommette à deux noyaux et qu'il appelle Cratægus 4ronia Spach (notre C. Ruscinonensis Gren.), serait un métis, c’est- à-dire un produit fécond de deux races de la même espèce : l’une sauvage, l'Aubépine (C. monogyna Jacq.); la deuxième, l’Azero- lier d'Italie (C. Azarolus L.), qui serait la forme perfectionnée par la culture de ce même C. monogyna. Nous renvoyons aux Comptes-rendus de l’Académie des Scien- ces, t. LXXIV, p. 613, ceux qui voudraient plus de détails sur l'opinion de M. Planchon, opinion que nous ne partageons point et qu’il nous paraît inutile de discuter ici. Lythrum hyssopifolia L. Nous avons les deux formes dont parle M. Jordan ( Obs., fragm., V, 45), formes qui ne sont pour nous, comme elles l’étaient en 1847 (op. cit.) pour le savant botaniste de Lyon, que les deux états extrêmes d’une même plante. La forme la plus commune à Montpellier est celle qui se rapproche du L. GroefferiTen. par ses fleurs un peu plus grandes que celles du type, ses feuilles plus larges, plus obtuses, à base plus arrondie. La forme ordinaire des autres régions, plus rare chez nous, a les pétales très-petits, les feuilles plus étroites, souvent rétrécies à la base. Les petits individus de cette forme, souvent semblables de prime abord à ceux du L. Thymifolia L., avec lesquels on les confond facilement, s’en distinguent par leurs feuilles lisses, moins égales dans leur forme, d’un vert moins pâle, surtout par le calice, à 10-12 dents au lieu de 8. Gaspard Bauhin avait remarqué à Montpellier ces deux formes du L. hyssopifolia (voy. Magnol, Bot., p. 123). Isnardia palustris L. Cette espèce est très-rare chez nous, et nous ne croyons pas qu'on l’y ait récemment rencontrée. Nous l’admettons néanmoins sur la foi de botanistes véridiques qui l’ont recueillie, il y a une trentaine d'années, près de la source du Lez et dans les fossés de Restinclières. Dunal l’a dans son herbier sous le nom de Samo- 380 MÉMOIRES ORIGINAUX. lus Valerandi, mais à feuilles minces, flasques, très-allongées et à peine reconnaissables. Il l’a trouvée, dit-il, à plus de 25 pieds sous l’eau, à Saint-Guilhem, dans le bassin du moulin de Clamouse, mis à sec sans doute pour le nettoyer. Les feuilles acei- dentellement déformées de cette singulière plante offrent, sous le rapport de leur faible consistance, un caractère analogue à celui des feuilles submergées du Nuwphar lutewum Smith, et sont deve- nues presque méconnaissables par l’action des eaux profondes. On ne peutrecourir aux caractères génériques pour la distinguer, car elle n'offre ni fleurs ni fruits, et on ne la reconnaît sûrement qu’à ses feuilles opposées, et non pas alternes comme celles du Samolus. Une erreur comme celle de Dunal peut échapper parfois aux plus forts botanistes, mais la même espèce a fourvoyé Lapeyrouse d’une façon plus grave. «Renvoyez-moi , écrit-il à Xatard, la plante que je vous ai nommée Lysimachia Linum-stella- tum ; elle manque de fleurs». Xatard la lui renvoie. Lapeyrouse l’étudie et finit par y reconnaître l’/snardia palustris. « J'étais | piqué au vif, écrit-il à son correspondant, d’avoir commis une si grande bétise, et de n'avoir pu reconnaître la plante prise pour le L. Linum-Stellatum ; je m'y suis poché les yeux...» (Lettre inéd. de Lapeyrouse à Xatard, 1809.) Scleranthus verticillatus Tausch:; Rchb., FÆ. excurs., pag. 565; S. annuus Gouan, à locis (non L.); S. Delorti Gren. in Bill. Arch. Fr. et Allem., p. 204; S. posycarpus DCG., Prodr, II, 218 ; Gren et Godr. A. de Fr. I, 614 (non L.); S. pseudo- verticillatus Lacroix, in Bull. Soc. bot. Fr., VI, 558 | Magnol, il y a deux cents ans, indiquait cette plante (Bot., p. 211) au bois de Grammont «ubi minimus evadit, dit-il, ob loci siccitatem ». Gouan, près d’un siècle plus tard, l'y a mentionnée sous le nom de S$. annuus. Elle y était encore, il ya trente à qua- rante ans, loujours naine comme au temps de Magnol, mais on ne l'y retrouve plus; nous pouvons en revanche lui assigner chez nous cinq autres localités. Le S. polycarpus du Prodrome et celui PLANTES CRITIQUES DE MONTPELLIER. 381 de la Flore de France, qui n’est point celui de Linné, sont considé- rés aujourd’hui avec raison par l’auteur même du S. Delorti comme identiques avec sa plante de Narbonne ; or Reichenbach identifie son $. verticillatus avec le S. polycarpus du Prodrome, en disant (loc. cit.) que c’est le S. verticillatus du Flora eæcursoria que l’auteur du Prodrome paraît avoir décrit sous le nom de S. poly- carpus. Tout ce que j'ai reçu de Suisse et d'Allemagne, comme S. verticillatus, se rapporte à la même espèce, selon moi, que la plante de Narbonne et celle de l’Escandorgue que M. Godron a distribuée comme étant son $. polycarpus de la Flore de France. Le S. pseudo-verticillatus Lacroix, dont j'ai des échantillons authentiques, se confond avec notre plante et celle de Narbonne, non-seulement par tous ses caractères spécifiques, mais même par l’exiguïté de sa taille. Le $S. biennis Reut., que les botanisles identifient justement aujourd'hui avec le S. annuus L., est moins complétement ressemblant peut-être avec le type de l'espèce linnéenne que nos $S. Delorti ne ressemblent au S. verticillatus d'Allemagne. Saxifraga mixta Lap., 4br. p. 228 (excl. variot.); S. cæspi- tosa Gouan (non L.); S. pubescens DC. (non Pourr.); S. Prostiana Ser.; Benth., Cat., p. 119. Le Saxifraga de la Vabre, près Mende, où je le recueillis il y a douze ans, est exactement l’espèce du pic Saint-Loup près de Montpellier. Prost le prenait pour le S. pubescens de De Candolle, et c’est lui en effet ; mais ce n’est point le S. pubescens de Pourret, créateur de ce nom, qui par suite ne peut êlre attribué à notre plante. C’est le motif sans doute pour lequel Seringe l’a nommée, en mémoire de Prost, S. Prostiana, nom que M. Bentham donne aussi dans son Catalogue au Saxifraga du pic Saint-Loup. La plante des Pyrénées que De Candolle a prise à tort, de l’aveu de tout le monde aujourd’hui, pour le S. pubescens de Pourret, estle S. mixta de Lapeyrouse, et c’est ce dernier nom qui revient de droit à la plante du pic Saint-Loup et des Pyrénées. En effet, le nom de S. Prostiana, créé par Seringe et publié par M. Bentham, 382 MÉMOIRES ORIGINAUX. étant postérieur à celui de S. mixta, ne peut être maintenu. Il en est de même du nom de S. pubescens, car la plante de Pourret, que Lapeyrouse déclare avoir reçue de l’abbé Pourret lui-même, et qui est probablement celle que j'ai vue dans l’herbier du botaniste Toulousain, concorde avec la description qu’en a donnée son auteur, mais ne ressemble nullement à notre plante du pic Saint-Loup. Le nom de S. mirta Lap., que je donnai à l’espèce de Mende, en 1862 (Herb. de la Losère, p. 21), fut légèrement contesté alors par un de mes amis, qui m'exprima ses doutes en disant qu'il trouvait la plante de Mende et de Montpellier un peu diffé- rente du S. mixta des Pyrénées, qu’il a souvent explorées. La plante de Campvieil, qu’il m’adressa. plus tard, ne fit que confr- mer mon opinion sur l'identité de l’espèce du pic Saint-Loup et de celle des Pyrénées, que je connaissais depuis longtemps. J'ai lu depuis avec plaisir, dans le Compte-rendu d'une excursion aux sources de la Garonne, où le zélé botaniste dont il s’agit parle du S. mivta recueilli par lui et les botanistes qui l’accompagnaient : «La plante du pic Saint-Loup, près Montpellier, appartient aussi au S. mixta de Lapeyrouse, et constitue une forme méridionale de cette dernière espèce. » Gette opinion est d'autant moins suspecte et m'est d'autant plus agréable qu’elle émane d’un botaniste multi- plicateur, et qui glisse, à mon grand regret, avec une rapidité vertigineuse sur la pente des subdivisions indéfinies. Galium obliquum Vill. (comprenant les G. Prostii Jord., et G. myrianthum Jord.). On sait que les Gaillets ont été traités avec un rare talent d’ob- servation par M. Jordan, dans sa Monographie, déjà ancienne, de ce genre difficile. Comment se fait-il néanmoins qu'il y ait là encore tant d’obscurités, et que les botanistes s’y heurtent tous constamment à d’insurmontables difficultés? Cela tient, selon nous, à ce que l’habile monographe dont nous parlons a morcelé outre mesure certaines espèces dont les siennes sont comme autant de lambeaux qu’on duit forcément réunir pour retrouver PLANTES CRITIQUES DE MONTPELLIER. 383 enfin les vraies espèces de la nature. Nous avions en vue le genre Galium et ceux où l’on a multiplié sans merci le nombre des espèces, lorsque nous disions dans nos Glanes, il y a plus de quinze ans, que beaucoup des espèces de noslivres sont filles des naturalistes plutôt que de la nature. Autant faut-il en dire quel- quefois des sections qu’on établit, dans certains genres, des coupes artificielles où l’on s’efforce d’emprisonner des espèces rebelles aux entraves qu'on veut leur imposer. Peu de subdivisions nous paraissent moins bonnes que celle qui consiste à former, dans le genre Galium, des groupes fondés sur Ja couleur des fleurs. On a séparé ainsi, à tort selon nous, le G. Prostii Jord., auquel on attribue des fleurs rouges, du G. myrianthum Jord., dit à fleurs jaunes. La vérité est que les prétendues espèces ainsi nommées sont indifférentes aux deux couleurs qu’on leur assigne dans nos Flores. C’est là néanmoins le caractère auquel les botanistes attachent le plus de prix lorsqu'ils rencontrent les Galium des groupes dits, l’un à fleurs rouges, l’autre à fleurs jaunes. Nous avons presque tous plus ou moins subi ce prestige d’un caractère considéré comme invariable, et autour duquel on groupe ensuite quelques différences minimes pour former un signalement qu'on croit vraiment distinctif. Ge signalement finit par devenir sus- pect lorsque, après de longues recherches dans des pays divers, on voit s'effacer peu à peu des traits qu’on croyait solides. Force est alors de renoncer à son espèce, ou de créer un nouveau nom pour chaque nuance intermédiaire ; mais l’avenir, on peut l’affir- mer, ne sera point pour ceux qui s’obstinent à prendre ce der- nier parti. Ce que nous venons de dire ne s’applique pas seule- ment aux soi-disant espèces (6. Prostii et G. myrianthum) qu’on a empruntées au G. obliquum de Villars ; mais nous parlons sur- tout de ces plantes et de la couleur de leurs fleurs, parce que c’est là le caractère qui induit encore en erreur presque tous les bolanistes. À Mende, localité classique du 6. Prostii Jord. (G. rubrum Prost., non L.), cette plante a le plus souvent les fleurs rouges. Nous l'y avons suivie dans les champs et sur les collines pendant tout un été. Quelques pieds à fleurs jaunes s’offraient à 384 | MÉMOIRES ORIGINAUX. nos yeux de temps à autre, au milieu d'individus à fleurs rouges, beaucoup plus nombreux. D'autres, à couleur douteuse ou inter- médiaire, venaient aussi parfois relier les formes précédentes. À Grenoble, au contraire, el dans l'Ain, localités authentiques des G. myrianthum Jord. et G. obliquum Nill., c’est la forme à fleurs jaunes qui domine, et celle à fleurs rouges y est rare, quoique Villars lui-même dise l’y avoir rencontrée avec sa congénère à fleurs jaunes. On trouve le même mélange sur le Larzac, où c'est tantôt la forme à fleurs rouges, tantôt celle à fleurs jaunes qui est la plus abondante. Toutes deux sont au bois de Salbous. Elles y ont éte rencontrées par un botaniste qui nous a donné la rouge sous le nom de G. Prostii Jord., la jaune sous le nom de G. my- rianthum Jord. On les trouve également côte à côte au Caylar (Hérault), et à Camprieux, près de l’Espérou. Outre la couleur des fleurs, quelles sont les différences qui existent entre ces deux plantes ? La forme à fleurs jaunes a les fruits généralement plus gros, la panicule ordinairement plus serrée, comme cela a lieu plus d’une fois entre individus de la même espèce dans le genre Galium. Le reste est pour nous insaisissable et à coup sûr nullement spécifique. Les deux formes dont nous venons de parler ont peu de loca- lités en France et sont à bon droit réputées rares. Ceux qui croient ici à deux espèces devraient être contrariés en voyant avec quelle persistance elles s’obstinent à croître ensemble. Comment deux espèces rares, très-rares, s’avisent-elles de se montrer partout côte à côte dans les mêmes bois, dans les mêmes champs incultes des Alpes et des Cévennes : à Mende, à Grenoble, à Camprieux, au Caylar et à Salbous ? Quelle réponse raisonnable peut-on faire à cette question, sinon qu’il y a là deux variations de la même espèce auxquelles on a attaché trop d'importance ? C'est en effet la conviction que nous avons acquise en parcourant pendant des mois entiers les localités où végètent ces plantes. Nous n’avons point vu vivant le G. alpicola Jord. des Alpes, du Dauphiné et spécialement du Lantaret, où nous nous proposons de le recueillir bientôt; mais, d’après les échantillons de l’auteur PLANTES CRITIQUES DE MONTPELLIER. 389 de l’espèce et de nos autres correspondants, nous croyons, avec notre ami M. Verlot, qu'il n’y a là qu’une variation glabre de l'espèce qui fait l’objet de cette Note. Montpellier, 1% décembre 1874. (A continuer.) SUR LE BLESSISSEMENT DES SORBES ET SUR LA CAUSE PRODUCTIRICE DE L'ALCOOL QU'ON Y DÉCOUVRE, Par M. À. BÉCHAMP, Professeur à la Faculté de médecine de Montpellier. Tout le monde sait que les Sorbes, fruits du Sorbier commun ou Cormier (Pyrus Sorbus Gærtn., Sorbus domestica L.), mêmes mûres, ont une saveur tellement acerbe, qu'il est néces- saire, quand on veut en manger, de les laisser blessir. Il en est de même des Nèfles (fruits du Mespilus Germanica). Après le blessissement, les Sorbes et les Nèfles prennent une saveur douce, un peu vineuse, assez agréable. Qu'est-ce que le blessissement ? Bérard, dans son Mémoire sur la maturation des fruits", est le premier qui en ait dit quel- ques mots. Il distingue les cas où des Poires deviennent bleltes de ceux où elles se gûtent. On pourrait soutenir que le blessisse- ment est un supplément de maturation. Cela paraîtra sans doute évident quand on aura pris connaissance des résultats du présent travail. Il serait peut-être nécessaire de dire d’abord quel est le motif qui m'a déterminé à entreprendre ce travail. En effet, rien ne serait plus désirable, dans l'intérêt de l’histoire de la science comme dans celui des auteurs qui contribuent à son avancement, que ceux qui s'attaquent à un problème quelconque fissent exactement connaître les considérations qui les ont engagés à en ! Annales de Chimie et de Physique, par Gay-Lussac et Arago, tom. XVI, pag. 151 (1821). 386 MÉMOIRES ORIGINAUX. entreprendre la solution. Cet exposé préliminaire aurait un autre avantage : il forcerait de signaler les recherches de ceux des savants qui ont tenté de résoudre le même problème, ainsi que l'état de la science sur ce point au moment où l’on écrit. C’est pour remplir ce vœu que je vais sommairement rapporter les résuliats principaux du Mémoire sur la maturation des fruits. Saussure, d'après Bérard, pensait que les fruits exercent sur l'acide carbonique, au soleil , la même action que les feuilles. Quant à l’action que les fruits peuvent exercer sur l’oxygène, le savant Génevois avertit qu’elle est plus incertaine qu'avec les autres parties des plantes, parce qu’ils ne conservent presque aucune force de végétation lorsqu'ils sont séparés du végétal qui les a produits. Bref, Saussure a été conduit à admettre que les fruits verts se conduisent à l’égard de l’air atmosphérique comme les feuilles. Bérard démontre, au contraire, que les fruits verts (Amandes vertes, Abricots verts, Prunes Reine-Claude, Pêches), bien loin de décomposer, comme les feuilles, l’acide carbonique, transfor- ment au contraire l'oxygène de l’atmosphère en cet acide. Le résultat est de même sens à la lumière et dans l'obscurité, dans l’air ordinaire comme dans une atmosphère arlficielle conte- nant 10 pour 100 d’acide carbonique. Des Poires encore atta- chées à l’arbre se sont comportées sensiblement comme les mêmes fruits détachés. Bérard l’affirme positivement, et il donne de ce grand fait une démonstration sans réplique : « La trans- formation de l'oxygène de l'air en acide carbonique, par l’action du fruit, est une fonction absolument indispensable pour que la maturité s'opère ; quand on la supprime par un moyen quelcon- que, le fruit se déssèche el meurt», quoique en communication avec l'arbre. Mais non-seulement les Poires, les Pommes müres absorbent l'oxygène pour produire de l’acide carbonique; elles dégagent de cel acide. On peut.établir en général, dit Bérard, «que tous les fruits mûrs qu’on expose à l’air et qui y subissent des altérations, BLESSISSEMENT DES SORBES. 387 commencent par transformer une portion de l'oxygène qui les entoure en acide carbonique, et produisent ensuite d'eux-mêmes une grande quantité d'acide carbonique ».. Lorsque les fruits sont conservés dans le vide, dans l’hydro- gène, dans l'azote ou dans l'acide carbonique, ils perdent au bout d’un certain temps, quoique bien conservés en apparence, leur parfum, leur saveur agréable et sucrée, pour prendre une saveur acide et désagréable. En même temps ils dégagent tous une petite quantité d’acide carbonique. Pour le blessissement des Poires, la présence de l’oxygène est également indispensable. — Une Poire de la Saint-Jean bien mûre, conservée dans l'acide carbonique pendant cinq mois, y perdit seulement un peu de sa fermeté ; sa chair était parfaite- ment blanche et n'avait dans aucune partie la couleur brune qui caractérise les Poires blettes. C’est cetle expérience et d’autres semblables qui ont porté Bérard à croire que la présence de l'oxygène est nécessaire pour déterminer le blessissement et la pourriture des fruits. « À la vérité, dit-il, lorsque les fruits sont privés de la présence de ce gaz, surtout pendant longtemps, ils éprouvent des altérations ; mais elles sont tout à fait différentes de celles qu'ils auraient éprouvées à l'air libre. » Enfin Bérard a constaté avec soin, sur des Poires non müres de l’espèce appelée Cuisse-Madame, susceptibles d'arriver d’elles- mêmes à la maturité, que pendant la maturation, bien qu’il se produisit de l’acide carbonique et une absorption d'oxygène, la quantité de sucre y augmentait du simple au double. La matu- ration, même sur les fruits détachés de l’arbre, a donc pour effet d'augmenter la quantité du sucre. Relativement au blessissement, voici comment s'exprime Bérard : «Si la présence de l’oxygène est nécessaire pour déter- miner le blessissement ou la pourriture des fruits, du moins est- il vrai de dire qu'il en faut bien peu pour l’opérer ; c’est un nou- veau point de réssemblance que cette altération présente avec la fermentation des sucs sucrés. J'ai plusieurs fois introduit des fruits très-mürs, tels que Cerises, Abricots, Poires, dans des 388 MÉMOIRES ORIGINAUX. vases bien bouchés et qui contenaient tout au plus un volume d’air trois fois plus grand que celui des fruits; j'ai toujours observé que ces fruits devenaient blets ou pourris, de sorte que lorsque j'ouvrais le vase il en sortait avec force une grande quantité d'acide carbonique. » Je dois rapporter une dernière observation de Bérard que j'ai confirmée ; la voici : « Quand on place, dans des milieux dépour- vus d'oxygène, des fruits délachés de l'arbre et susceptibles d'achever eux-mêmesleur maturation, ils ne mürissent pas ; mais cette faculté n’est que suspendue, et on peut la rétablir en remet- tant le fruit dans une atmosphère capable de lui enlever du car- bone. Si, cependant, le séjour dans le premier milieu est trop prolongé, alors le fruit, en conservant toujours à peu près la même apparence extérieure, a perdu tout à fait la faculté de pouvoir müûrir ; il a subi des altérations particulières.» Bérard a donc établi que le fruit, quoique séparé de l'arbre, est le siége de transformations chimiques profondes : il s’y fait une véritable combustion comparable à la combustion respiratoire et en même temps d’autres actions s y accomplissent dont la cause doit être cherchée dans le fruit lui-même; Bérard croyait que l’oxygène était encore la cause de cette seconde série d’ac- tions, admettant, avec Gay-Lussac, que là, comme dans les alté- rations des sucs végétaux, l’oxygène était le primum movens déterminant le mouvement de fermentation. Cette vieille erreur, depuis propagée par Liebig, je l’ai combattue depuis longtemps et montré qu’elle reposait sur un paralogisme; là où M. Liebig voyait une altération de matière albuminoïde, je montrais la naissance de divers organismes, et dans les cas où la matière albuminoïde était absente, j’en faisais voir la formation par ces organismes mêmes. Sauf ce détail important, on n’a rien ajouté d’essentiel aux résultats si bien constatés par Bérard. Les re- cherches de M. Cahours ont confirmé ces résultats en tant qu'il s’agit de la respiration, c’est-à-dire de l'absorption d'oxygène; ceux de M. Frémy les ont étendus surtout au point de vue de la théorie générale de la fermentation. Dans ces derniers temps, BLESSISSEMENT DES SORBES. 389 MM. Bellamy, Lechartier et Pasteur sont venus, à leur tour, con- firmer les observations du savant professeur de Montpellier. y reviendrai plus loin. Mes recherches sur la fermentation et les ferments m’avaient conduit à reconnaître qu'il y avait deux ordres de ferments : les ferments solubles, et par suite non organisés, que j'ai nommés les zymases, et les ferments organisés. Des considérations dont je dirai un mot plus loin m'avaient en outre conduit à recon- naître qu'après la mort, comme pendant la vie, les êtres organisés accomplissent des phénomènes de l’ordre des fermentations sans qu'on pût invoquer la présence de ce que les chimistes appellent des ferments. C’est ainsi que j'avais vu l’alcool et l'acide acétique engendrés dansl’œuf sans putréfaction, et l'alcool exister dans les produitsde la distillation de l'orge germée. Ces résultatssont publiés depuis 1867". J’ai généralisé ces recherches en démontrant queles Pommes, les Poires et les Pêches müries à l’air contiennent égale- ment de l’alcool. Plus tard, j'ai démontré que le lait d’ânesse et celui de vache, au sortir de la glande mammaire, contiennent éga- lement de l'alcool, lequel augmente dans le laitsorti de la glande, sans qu'on voie apparaître de ferments spéciaux *. Nous verrons quels sont, dansles œufs, dans le lait, lesorganismes producteurs de cet alcool. C’est pour montrer qu'il en est de même dans les Sorbes blettes que j'ai entrepris les recherches qui ont permis de rédiger.cette Note. Recherche de l'alcool dans les Sorbes müres non blettes. — Le sucde 500 gram. deSorbes mûres sans aucune trace de blessisse- ment est soumis à la distillation au bain de chlorure de calcium. La distillation a été poussée jusqu’à ce que le résidu devint sirupeux. Le liquide disüllé a été rectifié sur un léger excès de carbonate de soude. Par des rectifications successives, dont la dernière sur du carbonate de potasse sec, j'ai obtenu une petite 1 De la circulation du carbone dans la nature, pag. 80 et suivantes (1867). 2 Comptes-rendus de l'Académie des Sciences, tom, LVXVI, pag. 654 et 830. IT, 26 390 MÉMOIRES ORIGINAUX. quantité de liquide dans lequel la présence de l’alcool n’a pu être constatée que par l'inflammation. La quantité d’acide volatil exprimée en acide acétique était de 0£",036. Recherche de l'alcool et de l'acide acétique dans les Sorbes blessies naturellement à l'air. — Le suc de 1500 gram. de Sorbes blettes qui étaient mêlées à celles qui ont fourni le résultat précédent, a été distillé et traité comme ci-dessus. Alcool obtenu (absolu)...... 166 NCITeNACÉHQUE A RrE Er Ee 0s',48 Il résulte de ces deux expériences préliminaires que les Sorbes mûres non blettes, et celles qui le sont devenues dans les circon- stances ordinaires, contiennent de l’alcool et de l’acide acétique, mais que ces composés augmentent dans les fruits qui blessissent. L’oxydation ne porte donc pas sur l’alcool, du moins essentiel- lement. Du blessissement dans une atmosphère limitée. — 1350 gram. de Sorbes entières, non tachées, saines et bien essuyées, sont intro- duits dans un appareil fermé et muni d’un tube abducteur. Le vo- lume del’air dans l’appareil est d'environ 600%, L'expérience com- mence le 22 septembre. Quelques heures après, on constate un dégagement de gaz, mélange d’air et d’une petite quantité d'acide carbonique. Jusqu’au 27 septembre, on recueille en moyenne de 50 à 60% de gaz par jour. Le 27 septembre, le gaz dégagé con- tient plus de la moitié de son volume d'acide carbonique; le reste est de l'azote ne contenant plus qu'une trace non mesurable d'oxygène. En effet, la composition du gaz dégagé, en centièmes, était la suivante : ACideCarbomIqUE te onu TMMPENERE 54 Oxygène décelable par l'acide pyrogallique. traces. AZOLEMMNNR ner Er 0), 9 .. 46 100 Cependant le dégagement gazeux continue, mais sensiblement ralenti. Le 3 octobre, il ne se dégage plus une bulle de gaz. BLESSISSEMENT DES SORBES. 391 Notons que, comme dans les expériences de Bérard, si l’absor- ption de l'oxygène fournit de l'acide carbonique, la plus grande partie de celui qui se dégage à une autre origine que l'oxydation, et doit être attribuée à la fonction des éléments organisés du fruit s’exerçant sur la matière organique ambiante. Le #4 octobre, je fais rentrer de l’air dans l'appareil, à l’aide d'un soufflet adapté à l’un des tubes dont l'appareil était muni. Presque aussitôt le dégagement gazeux recommenca, et on constata encore une production d'acide carbonique. Mais bientôt ce phé- nomène s'arrêta, et, quoique j'eusse encore fait rentrer de l'air, il ne se reproduisit plus. Le 18 octobre je fis sortir les Sorbes de l'appareil. Une partie étaient blettes, c’est-à-dire molles, mais la plupart, au lieu d’être brunes dans toute leur masse, ne l’étaient que dans les portions voisines du péricarpe ; au centre, la pulpe molle avait la couleur du fruit mûr. Il y avait 500 gram. de ces Sorbes. J'en ai extrait le suc, et je l'ai soumis à la distillation, comme précédemment : Aleoolabsolu.- 507 2,6 à + 150 Acidlemcehique. rer 0,78 Les autres Sorbes ont été remises dans l'appareil. Il ne se dégagea plus guère de gaz, et le 30 octobre j'ai mis fin à l’expé- rience. Avant d'ouvrir l’appareil, j'en ai fait sortir du gaz en le plongeant dans de l'eau chaude. Ce gaz avait la composition sui- vante, en centièmes : Acide carbonique......... JA, DÉTENTE ERREUR DES ÉVICISS MORE DER EE SOON 0 100 Les Sorbes étaient la plupart demi-molles, un petit nombre trés- molles, plusieurs encore aussi dures qu’au début de l’expérience. Ï y en avait 830 gram. Le suc en ayant élé exprimé, il a été distillé, et j'ai trouvé : AICONaDSOME AMEN PP RU CNE) AGIT ACELIQUE ER ETES . 0,26 Je dois ajouter que l'alcool a été caractérisé par son oxydation 392 MÉMOIRES ORIGINAUX. à l’aide de l’acide chromique et sa conversion en acide acétique qui a fourni de l’acétate de soude cristallisé. Quant à l’acide acétique qui est inscrit dans les dosages précédents, il a été également transformé en acétale de soude, qui a cristallisé jusqu’à la der- nière goutte, de facon que je puis assurer qu'il ne se produit pas d'autre acide volatil que celui-là. Un fait important ressort des dosages précédents : c’est que l'alcool et l'acide acétique sont plus abondants dans les fruits blessis à l’air que dans les Sorbes müres, et plus abondants dans les fruits blessis dans une atmosphère limitée où l’acide carbonique s’accumule, que dans ceux qui blessissent dans une atmosphère indéfinie. | Remarque. — On a vu que les Sorbes qui sont devenues blettes dans l’atmosphère confinée n’ont pas bruni à l’intérieur, comme celles qui ont blessi à l’air. La même chose est arrivée aux Sorbes de la dernière période : il n’y a de pulpe brune qu’une petite épaisseur de quelques millimètres avoisinant la surface du pé- ricarpe;, toutes les portions centrales sont de la couleur blanchâtre du fruit, Mais ce qui mérite d’être noté, c’est que les Sorbes qui ne sont. pas devenues tendres et étaient restées dures, le sont restées ensuite, même après un séjour prolongé à l'air; de plus, elles avaient pris une teinte brune dans toute leur masse, quoique moins foncée que lorsqu'elles blessissent à l'air. En outre, les Sorbes, quand elles blessissent à l’air ou dans l’atmosphère confinée, ne se flétrissent pas comme les Nèfles; la peau du fruit est tendue comme si le gaz dégagé faisait effort pour s’é- chapper, ce qui témoigne avec évidence d’un travail intérieur et organique, ce qui sera plus amplement démontré par l’exa- men microscopique et l’état du parenchyme du fruit dans ceux qui sont devenus blets. Examen microscopique. — J'ai dit que les Sorbes blessies, au lieu d’avoir l’air flétries et la peau ridée comme les Nèfles blettes, sont comme gonflées par un gaz intérieur ; leur peau est lisse et dépourvue de taches, Avant de les soumettre à l'examen mi- BLESSISSEMENT DES SORBES. 393 croscopique, les Sorbes étaient soigneusement lavées extérieu- rement et bien essuyées ensuite. Le but de cette opération pré- liminaire était d’éloigner les productions parasites de la sur- face. Il s’y trouve en effet de toutes petites cellules ovales ou sphériques à noyaux : ce sont des cellules analogues aux ferments alcooliques et à la levüre de bière, mais bien plus petites". Sans cette précaution, on peut être induit en erreur touchant la cause productrice de l'alcool. Après cette opération, on examinait, couche par couche, de la surface au centre, l’intérieur du fruit avant l'introduction dans l'appareil à atmosphère confinée et après chaque phase de l'expérience. Ni dans les fruits mûrs, ni dans les fruits blets, on ne découvre aucune cellule de ferment analogue à ceux de la surface. Il n'y a non plus aucune des formes des ferments filiformes ou des torula. Il y a pourtant un changement dans les Sorbes blessies, un changement profond et remarquable : non-seulement la saveur, d’acerbe, est devenue vineuse et agréa- ble, non-seulement de l'alcool et de l’acide acétique s’y sont produits, ainsi que d’autres transformations chimiques, mais le tissu même du fruit a été modifié. L'étude de cette modification du tissu est extrêmement instructive : elle va nous révéler d’abord le lieu où s’accomplissent les transformations chimiques dans le fruit, et, j'oserai l’affirmer, la cause même de ces transformations. Lorsqu'on examine au microscope, sous un grossissement convenable et suffisant, des coupes minces des Sorbes müres et non blettes, on y distingue aisément le tissu réticulé et les cel- luies du tissu propre de la pulpe du fruit. Les parois formant réseau du premier polarisent vivement la lumière, et si on les examine entre deux nicols, après l'interposition d’une lame mince de quartz ou de gypse sur le trajet de la lumière polarisée, elles apparaissent avec les colorations caractéristiques de rouge, de vert lorsqu'on tourne le nicol analyseur. Rien de semblable 1 Il ne faut pas se laisser abuser par la présence de ces ferments de la surface: ils ne sont pour rien dans les effets constatés. Le grain de raisin ne fermente pas sans être écrasé, bien que la surface soit toujours couverte d'une production analogue à celle-là. Voir Béchamp, Comples-rendus, tom. LIX, pag. 626 (1864). 394 MÉMOIRES ORIGINAUX. ne se produit avec les cellules du tissu propre de la pulpe. Les cellules de celui-ci sont pâles et incolores, entières, sans solution de continuité et à parois nettement figurées. Leur contenu paraît homogène, et c’est avec peine qu'on y distingue des particules solides, sans doute parce que le pouvoir réfringent de ces parli- cules est le même que celui du milieu où elles se trouvent. Dans les fruits blessis, on distingue également les deux ordres de cellules. Les cellules du tissu réticulé ont conservé leur forme, leur aspect et leur action sur la lumière polarisée. Au con- traire, les cellules de la pulpe ont subi de profonds changèments: elles sont flétries, et la plupart, presque toutes, sont rompues, cre- vées, percées de trous béants, comme si la rupture avait eu lieu de dedans en dehors. Un examen plus attentif y fait encore recon- naître d’autres changements. J’ai dit que le contenu de ces cellules dans le fruit mür est homogène et incolore. Dans les fruits qui ont blessi à l’air libre, ce contenu est devenu brun et très-vi- siblement finement granuleux; la masse granuleuse s’est agglo- mérée et comme concentrée vers le centre, de sorte que l’on distingue nettement cette masse séparée de la paroi de l’utri- cule. Un examen plus attentif encore permet de constater dans ces mêmes cellules la présence de bulles de gaz, et il est assuré- ment remarquable que ces bulles se trouvent dans la masse finement granuleuse el brune dont j'ai parlé, comme si ces granulations étaient précisément le ferment cause de ce dé- gagement gazeux, et par suite des transformations chimiques accomplies. Je ne doute pas que cette interprétation ne soit la vraie. En effet, il est certain que les cellules en question crèvent : les déchirures sont tantôt nettement circulaires et tantôt à bords frangés et déchiquetés, comme si la cellule forte- ment lendue avait tout à coup éclaté; la cause de l’apparence gonflée et tendue du fruit blet que j'ai signalée est donc interne : ils sont gonflés parce que les cellules du contenu le sont d’abord, et qu'ensuite le péricarpe du fruit ne laisse sortir que peu à peu, et par suite de la forte pression intérieure, les gaz qui se sont développés dans les cellules. BLESSISSEMENT DES SORBES. 395 Tels sont les résultats de mes observations sur le blessisse- ment des Sorbes. Ils prouvent invinciblement, à mes yeux, que c'est dans les cellules du parenchyme du fruit que s’accomplit le phénomène du blessissement, et que ce sont les granulations intérieures qui sont la cause du phénomène. La rupture des cellules et la présence du gaz dans la masse granuleuse brune en sont la démonstration à posteriori. Les choses se passent exactement de la même facon dans les Sorbes qui blessissent dans l'atmosphère confinée; la seule diffé- rence physique, c’est que la pulpe ramollie est blanche dans la profondeur, mais les cellules y ont subi les mêmes transforma- tions que j'ai décrites. Il ne faudrait pas s’imaginer pourtant que les choses se passent nécessairement et exactement de la même manière dans tous les fruits qui blessissent. Parmi les plus intéressants qui méritassent d'être examinés, il y avait les Nèfles. Je me suis procuré 1500 gram. de Nèéfles devenues naturellement blettes. J'en ai exprimé le suc, je l'ai distillé, et j'ai trouvé : AICOOl ADS PEER RUDEG Acideacétiques--s0"". HO L'acide acétique a également été transformé en acétate de soude qui à cristallisé jusqu’à la dernière goutte. Mais si le phénomène chimique est de même sens et sa cause du même ordre, on ne peut pas constater matériellement que c’est dans la cellule qu'il s’accomplit : les cellules du paren- chyme ont pris sans doute la coloration brune de la masse, leur contenu est devenu granuleux et brun, elles se sont flétries, mais elles n’ont pas éclaté et l’on n’y peut pas constater la présence matérielle du gaz par les bulles, comme dans celles des Sorbes. Toutefois, cela ne prouve que la perméabilité plus grande de la paroi de ces cellules, de même que l’apparence ratatinée de la Nèfle blessie témoigne dela moindre densité et dela plus grande perméabilité de son péricarpe. Le blessissement, cela est démontré par l'analyse microscopique, a pour siège le contenu de la cellule, non la cellule elle-même, 396 MÉMOIRES ORIGINAUX. puisque cette cellule peut se rompre et ne plus exister comme ap- pareil. Mais dans la cellule, quel est l'agent producteur des trans- formations constatées, de l’alcool et de l'acide acétique produits? Saussure, d’après Bérard, pensait que « les fruits ne conservent presque aucune force de végétation lorsqu'ils sont séparés du végétal qui les a produits», et c'est pour cela qu'il jugeait plus incertaines les expériences quil avait entreprises sur l’action que les fruits exercent sur l'air. Bérard s’arrangeait de facon que ses premières expériences ne durassent que peu de temps, afin de pouvoir ad- mettre que les fruits n’avaient point entièrement perdu leur force végétative. C'est en vertu de cette force végétative que l'oxygène est absorbé et transformé en acide carbonique par les fruits qui mürissent. Quant au blessissement, Bérard croyait, rappelant en cela l'opinion de Gay-Lussac, que c'était un phénomène de fer- mentalion déterminé par une petite quantité d'oxygène, compa- rable à la fermentation des sues sucrés des fruits. À l’époque où J'ai commencé ces recherches et celles que je rappelais en commencant, M. Pasteur admettait, avec tous ses disciples, que les poussières atmosphériques étaient les seules causes des fermentalions; M. Frémy en a fait la remarque dans une communication à l'Académie des Sciences‘. MM. G. Lechartier et F. Bellamy, dans une Note récente pré- sentée par M. Pasteur à l’Académie des Sciences, sur la fermen- tation des Poinmes et des Poires, constatent que l'alcool se produit dans ces fruits sans qu'on voie apparaitre le ferment alcoolique. [ls écrivent la phrase suivante : «M. Pasteur, comme déduction logique des principes qu’il a exposés sur la théorie des fermen- tations, considère que la formation de l'alcool est due à ce que la vie physique el chimique des cellules du fruit se continue dans des conditions nouvelles, semblables à celles des cellules du fer- ment.» Ces Messieurs ne paraissent pas savoir que ce n’est pas M. Pas- teur qui est l’auteur de cette grande découverte : qu'après la ! Comples-rendus de l'Académie des Sciences, tom. LXXV, pag. 1062 (1872). BLESSISSEMENT DES SORBES. Gt mort, les cellules des êtres organisés continuent de vivre dans des conditions nouvelles. M. Estor et moi nous avons déjà répondu à cette prétention de M. Pasteur en lui disant! : «Tout être, ou plutôt un organe dans cet être, ou dans cet organe un ensem- ble de cellules, peuvent secomporter comme des ferments. Gette proposition, nous l'avons émise et expérimentalement démon- trée depuis longtemps, et nous avons de plus fait voir les parties qui dans la cellule, dans l'organe, ou dans l'être, étaient vrai- ment actives et comme impérissables.» Mais MM. G. Lechartier et F. Bellamy, qui (s’ils n’ont pas ignoré mes recherches et celles qui nous sont communes à M. Estor et à moi) ont voulu faire plaisir à M. Pasteur, sont de mauvais historiens. C’est ainsi que dans un autre travail ces auteurs n'ont pas craint d'attribuer à un élève de M. Pasteur, M. Duclaux, la découverte de l'acide acétique comme produit constant et néces- saire de toute fermentation alcoolique, fait que j'ai eu lant de peine à faire admettre par M. Pasteur lui-même, qui l'avait d'abord contesté. Je n’ai pas d’abord réclamé contre ces assertions. Toutefois, si MM. Lechartier et Bellamy ont voulu faire plaisir en un sens à M. Pasteur, voici M. U. Gayon qui lui a voulu faire plaisir en sens contraire. J'avais démontré que les œufs d’Autruche en particulier, les œufs en général, sans se putréfier, sans pénétration de ferments ou de germes de ferments exté- rieurs, entraient, dans certaines circonstances, en fermentation, produisant de l’acide acétique, de l’acide carbonique, de l'alcool, de l'hydrogène. Je faisais voir que les ferments de cette fer- mentation n'étaient autres que les éléments organisés, les micro- zymas des œufs, surtout du jaune. Or, M. U. Gayon* ne croit pas à la fonction des microzymas, et, disciple fidèle, il cherche la cause de la fermentation dans les germes actifs de l’atmos- phère qui ont pénétré dans l’œuf et y ont engendré les ferments 1 Comptes-rendus de l'Académie des Sciences, tom. LXXV, pag. 1523. 2 Jbid., tom. LXIX, pag. 467. 3 Jbid., tom. LXVII, pag. 523. 4 Jbid., tom. LXX VII, pag. 124. 398 MÉMOIRES ORIGINAUX. qui, à leur tour, ont produit l'alcool et l'acide acétique que j'y avais découverts. I n’est pas inutile de rappeler aussi qu'étendant à la végéta- tion les conséquences de mes études sur les fermentations, je disais en 1867: «Ilme paraît certain que la fécule, ou le sucre dans lequel elle a été transformée, produit pendant la germina- tion, dans les cellules de la graine, certains termes que l’on ren- contre dans les fermentations ordinaires. M. Becquerel et plus tard MM. Edwards et Collin, avaient signalé l'acide acétique comme un produit de la germination ; de mon côté, j'ai pu isoler assez d'alcool pour l’enflammer, en distillant de l’orge que j'avais fait germer après l'avoir lavée pour la débarrasser des poussières adhérentes.» Ayant étudié les microzymas dans les fermentations et montré leur activité dans la fermentation alcoolique et acétique spon- tanée des œufs, j'ai soupconné qu'ils étaient représentés dans les êtres vivants par les granulations moléculaires des histolo- gistes et des physiologistes, et qu'ils étaient l’origine des bac: téries et les facteurs des cellules. Nous avons, à partir de 1867, entrepris, M. Estor et moi, de démontrer ces points de vue nou- veaux *. Depuis, j'ai fait voir que le lait de vache et celui d’ânesse contiennent naturellement de l’alcool et de l’acide acétique ; que le foie détaché de l’animal produit dans son tissu de l'alcool et de l’acide acétique sans qu’apparaisse le ferment ou un ferment alcoolique ; que l’urine normale contient naturellement de lal- cool, moins dans le jeune âge que dans la vieillesse. J'ai donc démontré que les organismes animaux pendant la vie, l’orge pendant qu’elle germe, les organes séparés des ani- maux après la mort, produisent de l'alcool et de l’acide acétique sans la présence d’un ferment alcoolique venu du dehors. C'était 1 Circulation du carbone dans la nature, pag. 88. 2 M. Estor a fait dans ce Recueil l'histoire de cette découverte. Voy. d'ailleurs nos publications diverses sur ce sujet, notamment in Comples-rendus depuis 1868. BLESSISSEMENT DES SORBES. 399 pour étendre ces résultats et en développer les conséquences que j'avais recherché l’alcool dans les fruits müûrs ou qui mürissent. Il s’agissait de déterminer que le même phénomène s’accomplit dans le blessissement, lequel, on le comprend aisément mainte- nant, est le résultat de la fonction des microzymas des fruits, lesquels ont un double mode d’agir : avec le concours de l’oxy- gène et sans le concours de ce gaz’. Du reste, dès avant 1869, dès avant les recherches de MM. Bellamy et Lechartier, M. Le Ricque de Monchy, dans mon laboraloire, avait démontré la vitalité séparée des granulations moléculaires des Pommes, qu'il avait nommées granules oscillants. DESCRIPTION QUELQUES NOUVELLES ESPÈCES DE COQUILLES FOSSILES Des marnes pleistocènes d'estuaire des environs d'ORAN?, Par le D A. PALADILHE. 1. HELIX MENDICULA. Testa fossilis, sat late umbilicata, subdiscoidea, superne planulata, subtus convexa, rustice sat regulariter striato-costulata, sat solidula, subgrisea, parum nitens; spira plana, apicelevigato, obtuso, vix pro- minulo; anfractibus 4 1/2 convexiusculis, rapide sed regulariter ! L'absence de l'oxygène modifie la manière d'être des microzymas en modifiant le milieu. J'ai depuis longtemps montré qu’en faisant varier les conditions de milieu, on faisait aussi varier d’une certaine façon la fonction des ferments. (Voir notamment : Annales de chimie et de physique (4), tom. XIII, pag. 3, in fine, et tom. XXIII, pag. 443.) 2 Les fossiles de ces marnes soumis à nos appréciations par notre confrère et ami le Dr Bleicher, sont au nombre de 25 ; 16 d’entre eux appartiennent à des espèces qui vivent encore de nos jours : Limax nyctelius Bourg., Zonites eustil- bus Bourg., Helix sericea Drap., H. hispida Lin., H. Barbara Lin,, Bulimus decollatus Lin. (Helix), Pupa winbilicata Drap., Vertigo Maresi Bourg., Pla- norbis marginatus Mich., Leonia mamillaris Lam. (Cyclostoma), Amnicola 400 MÉMOIRES ORIGINAUX. crescentibus, sutura impressa separatis; ultimo magno, basi convexo, ad aperturam sensim conspicue descendente, margine libero recto, oblique valde retrocedente. Apertura lata, lunato-rotundata, peristo- mate subexpanso, simplice, vix incrassatulo; marginibus conniven- tibus, callo tenui junctis, columellari ad umbilicum subreflexo. Diam. maj. 5%", min. 4": alt. 3mm, Très-voisine de l’Aelix paupercula Low., espèce vivante de Madère, l’Æ. mendicula s'en distingue par son ombilic plus petit, ses lours à accroissement plus rapide, son dernier tour non étranglé près de l'ouverture, son péristome simple, et son ouverture un peu évasée. 2, ALEXIA OBOVATA. Testa fossilis, imperforata, oblongo-ovata, solidula, obsolete sat regulariter striata, subnitida; spira conico-acuminata, apice minuto, submamillato; anfractibus 10 1/2 vix convexiusculis, sensim regula- riter crescentibus, sutura marginata separatis; ultimo maximo, sub- obesulo, dimidiam testæ longitudinem postice superante, ad insertio- nem labri vix ascendente, margine libero subsinuatulo, deorsum vix retrocedente, extus subincrassato-marginato. Apertura paulu- lum obliqua, semiovalis, subauriculiformis, superne acute angulata; peristomate simplice, acuto: pariete aperturali plicis duabus instructa quarum una compressa, lamelliformi, sat exerta, ad columellam approximata, altera minore, nodiformi, in media parietis longitudine sita; margine dextro elongato-arcuatulo, intus callo incrassato, dentes duos nodiformes, superiorem magis conspicuum plicæ lamelliformi supradictæ oppositum gerente, marginato; columella aperturam versus Contaviuscula, brevi, sat lata, torta, sicut truncata, extus re- flexa; marginibus callo conspicuo, effuso, columellam extus amplec- tente junctis. Lons 10-Mer dam sm) "Avert boMlonsa similis Drap (Gyclostoma), Paludestrina Peraudieri, Bourg. (Hydrobia), P. acerosa Bourg. (Hydrobia), P. arenaria Bourg. (Hydrobia), Peringia obeliscus. Pal., Melania tuberculata Müll. (Buccinum). Les 9 autres appartiennent à des espèces complétement éteintes aujourd'hui, savoir: les 8 espèces nouvelles que nous allons décrire, et le Potamides Basteroti M. de Serr. (Cerithium). A cette liste il faut ajouter un petit Crustacé du genre Cypris, cinq ou six espèces de Foraminifères, un Trochus indéterminable et le Cardium edule. COQUILLES FOSSILES DES ENVIRONS D'ORAN. 401 3. ALEXIA TORULOSA. Testa fossilis, imperforata, ovoidea, sat solida, obsolete argutis- sime striatula, costulisque valde regularibus sat distantibus, in omni- bus fere anfractibus conspicuis, elegantissime insignita; spira conica sat brevi, apice minuto, subobtusulo ; anfractibus 8 parum convexis, fere planis, sat rapide necnon regulariter crescentibus, sutura pro- funda, strictissime marginata separatis; ultimo maximo, obesulo- rotundato, bis tertiam testæ longitudinem postice fere adæquante, margine libero vix subsinuatulo, oblique deorsum subretrocedente. Apertura obliqua, subauriculiformis, superne angulata; peristomate simplice, acuto, plicis parietalibus duabus sat minutis, ad mediam parietis longitudinem sitis, inferiore lamelliformi, superiore puncti- formi munito; margine dextro regulariter arcuato, intus limbo subcal- loso, subinermi, sat distante marginato ; columella recta, brevi, sicut truncata, extus reflexiuscula; marginibus callo tenui columellam obtegente junctis. bons 028 diamant)?" Apert 4m lonca Elle diffère dela précédente par sa forme plus renflée, le nom- bre moindre de ses tours, les costulations élégantes de son test, sa columelle droite, non tordue, la disposition des petites dents de sa paroi aperturale, et la bordure calleuse intérieure de son bord externe, présentant un épaississement nodiforme peu pro- noncé. Nora.— Ges formes d’Auriculidées pleistocènes, bien qu'ayant, somme toute, leur individualité, préparent, en l’adoucissant encore considérablement, le passage des formes pliocènes aux formes actuelles. 4. BYTHINIA EURYCHEILOS. Tesia fossilis, rimata, conico-lanceolata, passim obsolete substriata, fere levigata, vix nitidula ; spira conico-acuminata, apice minuto ; an- fractibus 7-8 vix convexiusculis, primum lente, inde a quarto rapide crescentibus, sutura sat profunda separatis ; ultimo magno, rotundato, a tergo dimidiam testæ longitudinem adæquante, ad aperturam sensim regulariter descendente, margine libero axi testæ subparallelo, fere recto, deorsum vix provecto. Apertura sat ampla , oblique rotundato- subpiriformis, superne ad iasertionem labri subangulata ; peristomate 402 MÉMOIRES ORIGINAUX. continuo, simplice, acuto, vix subpatulo, paululum effuso ; margine externo rotundato, columellari arcuato, subreflexo. Long. 10%, diam. 5"®, Apert. 4m 1/2 longa. Cette nouvelle Bythinie présente de grandes analogies avec la B. Triton Eichwald (Fauna Caspico-Caucasica), trouvée. fossile par MM. le professeur Lessona et De Filippi près de Baku (Perse). Elle s’en distingue par sa taille plus forte, sa suture plus profonde, sa fente ombilicale plus prononcée, son péristome plus évasé, etc. Elle n’est pas non plus sans rapports avec la B. Archæa Bourg. des terrains quaternaires des environs de Paris. 5. AMNICOLA ROBUSTA. Testa fossilis, rimato-perforata, oblongo-lanceolata, irregulariter passim vix substriata, plerumque levigata, polita, subnitens ; spira lanceolata, apice minuto ; anfractibus 7 subconvexis, celerrime, à quarto præcipue, crescentibus, sutura stricta, sat profunda separatis ; ultimo magno, rotundato, bis quintam testæ longitudinem non superante, ad aperturam sensim subascendente, margine libero recto, oblique deorsum retrocedente. Apertura obliqua, ovato-rotundata, ad insertionem labri vix angulifera ; peristomate recto, vix incrassatulo. Long. 77%, diam. 4%" 1/2. Apert. 3" longa. 6. AMNICOLA SUBSIMILIS. Testa fossilis, stricte rimata, ovato-acuminata, obsolete argutissime passim substriata, fere levigata, polita, subnitens ; spira conica, apice minuto, acutiusculo ; anfractibus 6-7 sat convexis. regulariter sat rapide crescentibus, sutura profunda separatis; ultimo magno, convexo, rotundato, postice bis quintam testæ longitudinem vix æquante, ad aperturam paululum ascendente, margine libero fere recto, deorsum suboblique retrocedente. Apertura ovato-subpiri- formis, ad insertionem labri subangulata ; peristomate continuo, vix subpatulo; margine dextro elongato — subarcuato ; basali subeffuso; columella arcuata, extus reflexiuscula. Long. 6% diam. 4", Apert. 2m 1/2 Ionga, 7. AMNICOLA AMOENA. esta fossilis, perforata, conico-lanceolata, sat solida, vix stratula, polita, subnitidula; spira acuminata, apice minuto; anfractibus 6 COQUILLES FOSSILES DES ENVIRONS D ORAN. 403 convexiusculis, rapidissime à tertio crescentibus, sutura impressa separatis ; ultimo magno, rotundato, obesulo, dimidiam testælongitu- dinem non adæquante, ad aperturam minime ascendente, margine libero recto, vix subarcuatulo-convexo, deorsum suboblique retroce- dente. Apertura rotundato-piriformis, ad insertionem labri rotundato- subangulata ; peristomate continuo ad columellam subreflexo. Long. 4" 3/4, diam. 3%, Apert. 2%" ]onga. Nora. — Les Bythinies et les Amnicoles /ossiles, par leurs formes coniques-élancées, se rapprochent jusqu’à un certain point des Hydrobies et des Paludestrines , tandis que les espèces vivantes s'en éloignent par leurs formes plus obèses, plus ra- massées, et que les caractères génériques différentiels du test s’accusent ainsi d’une manière bien marquée. 8. MELANOPSIS BLEICHERI. Testa fossilis, imperforata, elongato-subglandiformis, ad apicem tantum conoidea, rudenter præsertim in ultimo anfractu (ad apertu- ram) striata, subalbido-luteola, parum nitens, fasciis longitudinalibus fulvis, sat latis, sat approximatis, continuis, subflexuosis, parallelis, eleganter et regulariter decorata; spira brevissima, conica, apice minuto, obtusulo ; anfractibus 7-8 subplanulatis, sutura impressa separatis ; ultimo maximo, subcylindraceo, postice ter quartam testæ longitudinem efformante, margine libero recto, verticali. Apertura oblique ovato-lanceolata ; columella aperturam versus concavo-lunata, abrupte truncata, sinulo truncaturæ a margine exteriore valde re- troflexo, exacte rotundato ; margine externo subacuto, flexuoso, pri- mum recto, inde a medio ad sinulum basalem arcuato ; marginibus callo eburneo sat valido, internam columellæ longitudinem usque ad truncaturam obtegente, ad insertionem labri tuberculoso-dilatato junctis. Long. 197%, diam. 10%, Apert. 9"? longa. L’excessive brièveté de la spire, la concavité intérieure de la columelle, l’épaississement nodiforme de la callosité aperturale vers l'insertion du bord droit, et les fascies fauves qu’on retrouve même sur les très-jeunes échantillons, et qui très-rarement sont réduites à des taches allongées et juxtaposées bout à bout, la distinguent au premier coup d'œil de ses congénères fossiles et vivantes, 404 MÉMOIRES ORIGINAUX. Sur 25 espèces fossiles (terrestres et fluviatiles) des marnes pleistocènes d’estuaire des environs d'Oran, nous avons reconnu 16 espèces que l’on retrouve encore de nos jours vivant dans les mêmes localités, et seulement 9 espèces éteintes aujour- d’hui. Si l’on rapproche ces chiffres de ceux que nous ont fournis les marnes pliocènes de Celleneuve près Montpellier‘ (sur 49 espèces, tout cornpris, 1? espèces vivantes et 37 espèces éteintes), on verra que les espèces d'Oran appartiennent évidemment à un niveau géologique bien supérieur, vu, en outre, que la ten- dance vers les formes actuelles y est bien autrement prononcée chez les espèces éteintes?. Pour évaluer, au moyen de la paléontologie, l’âge respectif de deux horizons géologiques, il faut, s’il y a lieu, tenir compa- rativement compte de la proportion des espèces vivant encore à l’époque actuelle par rapport aux espèces éteintes, et, dans tous les cas, de la tendance plus ou moins prononcée des formes éteintes vers les formes actuelles. C'est ainsi que dans les marnes de Celleneuve, bien que la proportion des espèces éteintes soit plus considérable que dans les marnes de Hauterive (Drôme), ce qui leur assignerait un degré plus grand d’ancienneté, l'identité parfaite d’un grand nombre d'espèces caractéristiques, communes à ces deux horizons et éteintes aujourd’hui, nous a décidé, en tenant d’ailleurs compte 41 Voyez Étude sur les Coq. fossiles contenues dans les marnes pliocènes lacustres des environs de Montpellier, par le Dr A. Paladilhe, in Rev. des Sc. natur., tom. I, pag. 38 et pag. 206, fig. 2. 2 En rattachant ces fossiles d'Oran à la période Pleistocène, nous proposerions pour la période géologique qui a succédé immédiatement à celle-ci, et que la plupart des géologues désignent sous le nom de Quaternaire (ancienne et récente), l'appellation de Pantocène, attendu que toutes les espèces fossiles qu'elle ren- ferme existent encore de nos jours à l'état vivant. Il nous semble plus conforme aux faits, comme l’a fort bien démontré M. James Geikie, de rapporter à la fin de la période Miocène la terminaison na- turelle de l’époque Tertiaire, et de faire commencer par le Pliocène l’époque Qua- ternaire, époque marquée par l'apparition de l'Homme, et dont l'unité ressort des diverses manifestations de la grande ère glaciaire qui rallie la période Pliocène à la période actuelle par une série non interrompue d'événements géologiques. COQUILLES FOSSILES DES ENVIRONS D ORAN. 405 de la différence des lieux et des stations, à croire à leur synchro- nisme parfait. Au contraire, bien que nous ayons constaté, en comparant les fossiles de Hauterive avec ceux de la partie infé- rieure des diluviums de Paris', une proportion à peu près égale entre les espèces vivantes et les espèces éteintes de ces deux hori- zons, nous croyons devoir rapporter ces derniers fossiles à un étage plus récent de la période Pliocène, parce que la tendance des espèces éteintes vers les formes actuelles y est bien plus v prononcée. Total des espèces fossiles qui Espèces Espèces nous sont connues. éteintes. actuelles. mr D pe. y PANTOCÈNE.. Marnes de Ste-Clotilde Ë près d'Oran. ....... 20 (Terr. 15, Fluv. 5)... ... OTM20 = PLEISTOCÈNE. Environs d’Oran....... 2É(Terr-M2/Eluv. 412) r 6 n0BeEETEMIC Œœ Diluv. de la Seine... 76 (Terr. 30, Fluv. 46)... 41 .... 35 | Puocène. \ Marnes de Hauterive... 76 (Terr. 60, Fluv. 16)..... 45 .... 31 Marnes de Celleneuve.. 49 (Terr. 40, Fluv. 9)...... Eee A DES CARACTÈRES HISTOLOGIQUES DE LA GRASSERIE DES VERS A SOIE, Par M. J. BÉCHAMEP, Préparateur de Chimie à la Faculté de médecine. Il y a des maladies des vers à soie qui sont parasitaires, soit que le parasite n’habite que la surface de l'animal, soit qu’il pénètre dans ses tissus. Dans le cas du parasitisme de l'affection, la maladie est caractérisée par la nature du parasite, lequel, s’il est cellulaire, diffère nettement des éléments histologiques natu- rels du ver. Au début, le parasite pénètre toujours par le dehors, soit par la peau, soit par la surface intestinale avec les aliments. Mais avec le temps il peut arriver que la maladie parasitaire 1 Voy. Bourguignat ; Cat. Moll. terr. et fluv. des env. de Puris à l'époque Quaternaire. Ill, 2 7 406 MÉMOIRES ORIGINAUX. devienne héréditaire, parce que le parasite infecte tous les organes et pénètre jusque dans l’œuf : la muscardine et la pébrine sont de cette sorte. La première est caractérisée par le Botrytis Bassiana dont le mycélium pénètre dans les Lissus; la seconde par le corpuscule vibrant ou de cornalia, cellule ovoïde animée d’un mouvement d’oscillation qui lui a valu son nom. La nature parasi- taire de cette dernière maladie, qui est la cause de tant de ravages dans les éducations, a d’abord été méconnue par tous ceux qui s’en étaient occupés. J'espère qu'on me pardonnera de le dire, c’est mon père qui le premier, dès le début de ses recherches, a considéré le corpuscule comme le parasite producteur de la pébrine; il l’a ensuite démontré par des preuves qui ont entraîné les suffrages des plus récalcitrants. M. Pasteur, entre autres, qui l'avait niée avec le plus de force et qui considérait le corpuscule comme un organite engendré par une altération histologique des matériaux du ver plus ou moins analogue au tubercule pulmo- naire, et, qui le croirait ? aux granules de fécule, M. Pasteur esl revenu de son erreur et a pleinement adopté l'opinion de M. Bé- champ. Il admet enfin aujourd’hui toutes les conséquences qui découlent des travaux de mon père. À côté de ces maladies, nous en trouvons d’aatres qui er dif- fèrent essentiellement : elles ne sont point parasitaires. Il n’a fallu rien de vivant venu de l'extérieur au début pour les voir apparaï- tre ; elles se produisent de toutes pièces dans le ver: je veux parler de la flacherie et de la grasserie. Elles sont depuis long- temps connues. Les vers atteints de la première de ces maladies meurent mi- sérablement sur le bord des tables où on les élève, avec l'aspect spécial qui caractérise cette affection. M. Béchamp a aussi donné les moyens de la reconnaître, et lui seul pouvait en donner les signes, parce qu'il avait découvert le microzyma. Cette maladie est en effet caractérisée par la présence de microzymas associés à deux habituellement, par des chaïînettes quelquefois, et au terme ultime de la maladie par des bactéries dans les tissus mémes, du ver. Gelte maladie est essentiellement héréditaire. Des vers GRASSERIE DES VERS A SOIE. 407 alteints de flacherie donneront des œufs dans lesquels on recon- naîtra, très-nettement aussi, la présence des microzymas associés, et de ces œufs naîtront des vers flats. On voit, d’après cela, qu'il n'est nullement nécessaire que quelque chose d’extérieur inter- vienne pour que cette maladie prenne naissance ; le vers à soie contient en lui-même, comme tous les êtres organisés, la cause même de cette affection, le microzyma pouvant devenir morbide. La seconde de ces affections non parasitaires, la grasserie, diffère essentiellement de la flacherie. J'ai eu l’occasion de l’étu- dier pendant cette année. J'ai été envoyé par mon père dans les Basses- Alpes pour continuer ses travaux sur les maladies des vers à soie; là j'ai eu l’oceasion de visiter un très-orand nombre d’édu- cations, et j'ai vu aussi avec quelle déplorable négligence on élève les vers à soie dans la plupart des magnaneries. C’est pen- dant cette campagne que j'ai constaté que la grasserie apparaît surtout dans les chambrées mal soignées, où la pébrine et la flacherie sont absentes. Or, comme les éducations que je suivais étaient en général exemptes de pébrine el de flacherie, j'ai eu à ma disposition un très-grand nombre de vers atteints de grasserie. Cette maladie bien connue n’a guère été étudiée ; on ne men- tionne en général que les caractères extérieurs que présente le ver. La plupart des auteurs qui ont écrit sur les vers à soie, Dandolo, Boissier de Sauvages, de Quatrefages,etc., elc., ou n’en parlent pas, ou ne font que les mentionner en donnant simple- ment les signes grossièrement apparents : c'est ce qui m'a engagé à l’étudier. Disons-le tout de suite, cette maladie diffère des maladies parasitaires en ce qu'elle est également et essentiellement histologique, c’est-à-dire que l’on constate des changements dans les tissus mêmes du ver, sans qu’on puisse apercevoir rien de spécial comme organisme morbide. Elle est caractérisée, comme nous le verrons plus loin, par une véritable dégénéres- cence graisseuse. Quoique la grasserie et la flacherie soient deux maladies abso- lument différentes, elles peuvent se produire dans des conditions très-semblables. Nous savons que des vers non pébrinés, élevés 408 MÉMOIRES ORIGINAUX. dans une enceinte dépourvue de corpuscules, nourris avec des feuilles de mürier saines, ne pourront pas être atteints de galtine ; au contraire, des vers sains, élevés dans une salle exempte de tous parasites, nourris avec des feuilles de mürier irréprocha- bles, mais élevés dans de mauvaises conditions d'hygiène, pour- ront mourir flats ou gras. Dans le cas de la flacherie, ce sont les microzymas du ver lui-même qui évolueront anormalement pour la produire; dans le cas de la grasserie, ce sont les combustions respiratoires incomplètes qui lengendrent, Pendant deux mois que j'ai poursuivi ces recherches, j'ai toujours remarqué que c’étaient les vers élevés dans des conditions déplorables d'hygiène qui en étaient atteints. J’ai vu des graines saines provenant d’un même lot réussir très-bien dans une localité, échouer presque compléte- ment par la grasserie dans une autre. Dans le premier cas, tout était parfait pour l'hygiène; dans le second, au contraire, tout était réalisé pour un échec : les salles étaient beaucoup trop petites pour la quantité de vers à élever, les canisses trop rappro- chées ne permettaient pas une libre circulation de l'air, les fenêtres étaient peu nombreuses et constamment fermées, la magnanerie était imprégnée d’une odeur repoussante due à la fermentation des litières trop épaisses, qui étaient en effel moisies et pourries, les vers étaient entassés sur les tables, enfin une température beaucoup trop élevée régnait dans ce local, ete. Comme M. À. Béchamp n’a cessé de le répéter, c’est surtout le manque de soins, d'aération, le trop de chaleur, la malpropreté dans les magnaneries, qui amènent les désastres dans certaines de nos provinces. Certainement il y avait aussi autrefois des vers malades, mais ils résistaient, ils pouvaient guérir, parce qu'ils étaient vigoureux et robustes. Aujourd’hui, au contraire, nous ne possédons plus que des races faibles, très-débilitées même, parce qu’on les a surmenées, parce qu’on ne les a pas élevées dans de bonnes conditions d'hygiène. Elles ae peuvent plus résister, et ce n’est qu'en suivant les conseils, en s’aidant des moyens curatifs donnés par M. Béchamp, qu'on pourra régénérer les races et par conséquent espérer d’avoir les récoltes d'autrefois, » GRASSERIE DES VERS À SOIE. 409 et que l'on obtient réellement en suivant à la lettre ses recom- mandations. C’est donc à cause des mauvaises conditions d'hygiène que des vers très-sains donnent des gras. La grasserie apparaît dans toutes les éducations; on n’en trouve que rarement dans lesquelles on ne note pas des luzettes après la première mue, des gras après la quatrième. Nous verrons que les luzettes ne sont que les gras des vers encore jeunes. Il n’y a pas plus de différence entre eux qu'il n’y en a entre les vers restés petits et les flats. Autrefois on ne différenciait pas ces divers états des vers qui sont pourtant identiques, comme l’a démontré mon père; et la cause en est toujours due à l’évolution anormale du microzyma. La grasserie n'apparaît, comme nous l’avons déjà dit, que dans les éducations de vers sains, mais élevés d’une facon inin= telligente. J'ai vu des éducations où 1l m'était difficile de trouver non-seulement des flats, maladie si commune, mais même des vers pébrinés, maladie plus commune encore; et c'est précisé- ment dans ces éducations, mal conduites à la vérité, que les gras abondaient. J'ai vu aussi des magnaneries, dans lesquelles la pébrine et la flacherie exercaient des ravages considérables, ue donner que de rares vers atteints de grasserie ; dans cer- tains cas même, il n’en existait absolument pas. On pourrait done dire avec raison que la grasserie est comme une preuve de la pureté des graines, et que quelques cas de cette maladie dans une magnanerie sont de bon augure pour le succès de l’éduca- tion. On est réellement étonné de trouver dans certains pays séri- cicoles un proverbe qui justifie ce que nous venons de dire, pro- verbe qui n’est évidemment que le fruit de l’expérience : Là où il y a des gras, il y aura de la soie; mais il faut immédiatement ajouter : à condition de faire vivre les vers et de les nourrir aussi normalement que possible. Malheureusement on ne trouve que rarement des éducateurs intelligents pour comprendre cela. Il faut des soins continus, dès la naissance même du ver. Les vers à soie peuvent, en effet, en être atteints à tous les 410 MÉMOIRES ORIGINAUX. âges. Elle apparait souvent après la première mue, et devient très-commune après la quatrième. Elle est connue, suivant les âges, sous des noms très-différents qui semblent en faire des maladies distinctes, quoique, comme je vais tâcher de le démon- trer, la maladie soit dans tous les cas la même. J'ai eu l’occa- sion de vérifier ce fait plusieurs fois pendant cette année. Après la seconde mue, par exemple, on remarque, sur Îles litières, des vers qui sont plus volumineux que les autres et plus lents dans leurs mouvements ; leur peau est excessivement ten- due, et leur donne un aspect poli et luisant qui les fait rapide- ment distinguer. Ils sont comme gonflés et présentent l’appa- rence d’un tube de caoutchouc rempli d’eau sous forte pression. Ils sont presque transparents, et à cause de cette tension inté- rieure éclatent avec une extrême facilité. Il suffit souvent de les prendre, même avec la plus grande délicatesse, pour les voir se vider pour ainsi dire etrépandre un liquide jaune et trouble. Les mouvements de progression qu'ils font eux-mêmes suffisent sou- vent pour les faire crever. Ge sont ces vers qui sont connus par les magnaniers sous les no.ns de Luzettes, Luisettes, Clairettes, selon les localités. Le liquide qui s'échappe ainsi par la rupture des vers à soie présente exactement les mêmes caractères que celui qui est contenu dans le vaisseau dorsal du ver compléte- ment développé et devenu gras. Ces luzettes sont aussi, comme les gras proprement dits, iufiltrées de graisse. En un mot, ce que nous allons dire à propos du gras est exaciement vrai pour les luzettes, et ces deux maladies, qui semblent distinctes, n’en font pourtant qu'une seule. Après la quatrième mue trés-souvent, mais surtout peu de temps avant la montée à la bruyère, une transformation très- curieuse et très-rapide quelquefois s'opère chez les vers à soie. J'ai vu dans les Basses-Alpes un exemple frappant de la rapi- dité presque foudroyante avec laquelle se développe cette mala- die. Une éducation d'environ 8 onces marchait bien, malgré l'encombrement ; on avait jusque-là aéré la salle avec beaucoup de soin. Deux jours avant la montée, les magnaniers, croyant GRASSERIE DES VERS A SOIE. 411 l'éducation réussie, quittèrent pendant trois heures environ les salles, et pour empêcher le refroidissement des locaux fermèrent hermétiquement loutes les ouvertures, après avoir augmenté le combustible dans les fourneaux. Quand ils revinrent, les vers étaient languissants, ne mangeant plus, et dès le lendemain on put constater un très-grand nombre de gras. L'éducation échoua presque complétement par la grasserie. C’est sur des vers de cette éducation que j'ai confirmé les faits principaux de cette étude. Pendant l’évolution de cette maladie, le ver se raccourcit beaucoup, ses anneaux se tuméfient ; il prend une teinte jaune spéciale, qui est surtout prononcée autour des stigmates. Il est plus résistant que les luzettes, mais cependant se rompt assez facilement sous une faible pression entre les doigts, en perdant un liquide jaune et trouble en tout semblable, comme aspect physique, à celui que répandent les luzettes. Il perd entièrement sa vigueur et ne mange plus. En examinant avec soin la surface de son corps, on remarque des taches d’un aspect particu- lier : elles sont jaunes, polies et transparentes, ressemblant en un mot parfaitement bien à une tache d'huile sur une membrane mince. Ces taches peuvent devenir très-srandes et envahir la presque totalité du ver, et lui donnent un aspect brillant, comme s’il était recouvert d’une couche de vernis. Si l’on ouvre le ver, on est frappé immédiatement de la quantité vraiment énorme de tissu cellulo-adipeux qu'il contient, et au premier aspect on dirait que tous les organes du ver ont subi la dégénérescence graisseuse. C’est ce qui arrive, en effet, quand on dissèque un ver arrivé à la dernière période de cette curieuse maladie, au moment où il va mourir. Comme dans les cas ordinaires de dégénérescence graisseuse, la graisse se substitue à tous les élé- ments histologiques des tissus: les muscles, les glandes sétigères prennent l'aspect caractéristique de cette affection : on croirait avoir sous les yeux un cas de dégénérescence graisseuse par le phosphore. Arrivé à cet état, le ver reste immobile sur la litière, ne mange plus, et y meurt. Quelquefois il tente de monter à la 412 MÉMOIRES ORIGINAUX, bruyère, mais il y reste inerte et suspendu. C'est à ces vers malades que l’on donne le nom de gras, vaches, jaunes. Quel- ques auteurs veulent en faire des maladies distinctes, mais en réalité il n’en est rien. Les caractères que donne le microscope sont les mêmes dans tous les cas. | Il y a des états de transition avant que le ver n'arrive à cette dernière période de l’évolution de la maladie. Il faut un œil très- exercé pour pouvoir distinguer un ver qui commence à devenir gras. Si l’on en possède un, on remarque que les caractères exté- rieurs ne sont pas encore bien tranchés, que la couleur jaune spéciale n’est pas très-marquée, mais on trouve déjà que les divers tissus, le tissu musculaire en particulier, ne sont pas en pleine dégénérescence, mais commencent seulement à s'infiltrer de graisse. Mais il est un moyen beaucoup plus commode et plus simple de suivre cette transformalion, et je crois qu'il serait difficile de trouver des exemples plus nets pour étudier la dégénérescence graisseuse. [l suffit pour cela d'examiner avecsoin le liquide con- tenu dans le vaisseau dorsal, soit d’une luzette, soit d’un gras proprement dit, aux différentes périodes de l’évolution de la ma- ladie. Cet examen peutse faire successivementsur plusieurs vers plus ou moins malades, ou suivre le développement de la gras- serie sur le même animal. Dans ce dernier cas, voici comment il faut opérer : on pratique une saignée aussi minime que possible pour ne pas tuer le ver, en sectionnant l’éperon à sa pointe. En enlevant l'extrémité, on peut recueillir sur la lame porte-objet une goutte de liquide, et bientôt l’ouverture faite se ferme. J'ai pu ainsi faire deux saignées à un ver déjà tres-atteint, qui n'a pas paru en souffrir ; bien plus ! il avait été jeté par le magnanier comme ne devant pas faire son cocon, etce traitement a paru lui faire du bien, puisqu'il a fait un cocon passable. Cela étant posé, voici d’abord ce que l’on observe au micro- scope en éiudiant le liquide du canal dorsal d’un ver à soie sain. Ce liquide est limpide et jaunâtre; au microscope, on n'y découvre que de rares cellules ressemblant très bien à des leuco- GRASSERIE DES VERS A SOIE. 413 cytes et doués de mouvements amiboïdes très-prononcés. Outre ces formes organisées, on y rencontre quelques rares microzymas libres, se mouvant dans le liquide avec leur mouvement de trépi- dation très-vif. Si l’on examine de la même façon le sang d’un ver qui com- mence à devenir gras, c’est-à-dire ne présentant encore rien des caractères extérieurs que j'ai décrits plus haut, quandils sont à la période ultime de la maladie, on trouve déjà des changements considérables. Le liquide qui s’échappe par la piqüre faite au canal dorsal est un peu trouble et possède une teinte jaune plus clair. On voit immédiatement que les leucocytes sont devenus plus volumineux; on en remarque même qui ont presque doublé de volume. Tandis que les leucocytes normaux sont finement granuleux, les leucocytes des vers atteints le sont beaucoup plus et présentent dans leur intérieur des granulations brillantes et très-réfringentes, qui ont été caractérisées comme granulations graisseuses. Quelques-uns même de ces leucocyles contiennent de véritables gouttelettes de graisse. Outre les rares microzymas libres nageant dans le liquide, on remarque aussi quelques rares globules graisseux isolés. Voilà la première période de la maladie qui nous occupe. Entre cette première période, pendant laquelle on ne remarque dans les tissus du ver qu’un peu d'infiltration graisseuse, en existe une série d’autres où tous les faits mentionnés plus haut s’accentuent davantage. Les leucocytes deviennent de plus en plus granuleux; des gouttelettes de graisse de plus en plus nom- breuses nagent dans le liquide en lui communiquant une couleur de plus en plus jaune clair ; en même temps la dégénérescence des tissus devient plus apparente. En un mot, à mesure que la maladie se confirme, on peut suivre très-nettement, à l’aide du microscope, la rapidité de ses progrès. Enfin, à la dernière période, quand le ver ne peut plus se mouvoir et se meurt, le tissu cellulo-adipeux a remplacé presque entièrement le tissu musculaire, et le liquide du canal dorsal présente des caractères bien tranchés. On y trouve encore quelques 414: MÉMOIRES ORIGINAUX. rares cellules, mais ne ressemblant absolument plus aux leuco- cytes des vers sains. Ges cellules sont beaucoup plus grosses et contiennent une grande quantité de gouttelettes et de gouttes de graisse. Dans le liquide, qui est très-trouble et jaune très- clair, nage une énorme quantité de grosses gouttes huileuses et de rares microzymas ; ces gouttes proviennent des cellules rompues. En effet, ces cellules ainsi infiltrées de graisse sont d’une fragilité très-grande, et il faut assez de soin pour faire l'examen. La lame couvre-objel, par exemple, placée sur le liquide à examiner sans soin avec un peu de frottement, suffit pour les rompre et les faire éclater, et on assiste alors à la sortie des gouttes de graisse qui nagent dans le liquide ambiant. Il arrive même, et je l’ai observé plusieurs fois sur des vers mou- rant de la grasserie, que le sang ne contient plus une seule cel- lule ; on n’aperçoit plus qu'une immense quantité de globules graisseux très-réfringents. Toutes les transformations que je viens de décrire s’observent aussi chez les gras de la seconde mue, c’est-à-dire chez les luzet- tes, clairettes, etc. J'en ai observé un très-grand nombre, et j'ai toujours trouvé dans le liquide du vaisseau dorsal exactement les mêmes transformations des leucocytes. Il n'y donc aucune différence entre les luzettes et les gras, et la maladie dont sont atteints les vers à soie, à deux périodes de leur existence, est absolument la même. On voit, d’après cela, que le nom de gras donné au ver atleint de la maladie que je viens de décrire est parfaitement exact, puis- que la maladie est précisément due a un développement anormal de tissu cellulo-adipeux d’abord, à une infiltration graisseuse générale à la fin. Le ver à soie, à la premiere période, alors qu'il se meut, qu'il mange encore bien la feuille de mürier, peut être considéré comme atteint de polysarcie. Un polysarecique à la première période est plus près de l’état de santé que de la mala- die, et cette affection, dans tous les cas, ne s’observe que chez un individu indemne de toute autre affection grave; le proverbe cité plus haut était donc bien vrai: là où la pébrine ot la flacherie GRASSERIE DES VERS A SOIE. 415 existent, les gras n'apparaissent pas ou peu ; ils sont nombreux au contraire dans les chambrées saines. Ils se développent quand ils ne vivent pas dans des locaux suffisamment aérés, c’est-à-dire daps une atmosphère où les combustions respiratoires se font mal et incomplétement. Aussi ai-je vu souvent les gras ou les luzettes disparaitre rapidement dès qu’on les plaçait dans les conditions d'hygiène désirables. On ne saurait donc trop engager les éduca- teurs à élever les vers à soie dans de bonnes conditions d’hy- giène, c'est-à-dire de se rapprocher aussi près que possible des conditions physiologiques. Nous avons recu de M. le professeur Giard la lettre suivante que nous nous faisons un devoir d'insérer. Lille, le 4 novembre 1874. MoxsIEUR LE. DIRECTEUR, Entre tous les zoologistes dont les travaux sont analysés dans votre Recueil, j ai l'avantage insigne d'obtenir toujours, outre le compte-rendu ordinaire, les conseils et les critiques de M. Jourdain. On ne conseille que les gens auxquels on s'intéresse, on ne critique que les adversaires que l’on juge sérieux : je dois donc, à tous égards, témoigner ma vive reconnaissance à votre zélé collaborateur, et je m efforcerai de profiter de ses lecons, en regrettant de n'avoir pas plus souvent l'occasion de profiter de ses -exemples. Malheureusement M. Jourdain a une besogne un peu lourde, et il lui arrive quelquefois de lire trop rapidement les Mémoires dont il présente le résumé. De là, certaines erreurs d'autant plus regrettables que ces résumés, Jouis- sant d’une réputation méritée, tiennent lieu, pour beaucoup de per- sonnes, de la lecture des Mémoires originaux. J'ignore à la lueur de quel flambeau M. Jourdain a parcouru mon travail sur les Synas- cidies ; mais si c'est là l'éclairage de l’ancienne École, il faut recon- naître qu'il n’est pas brillant. Où donc l’éminent Professeur a-t-il vu que l'Astellium perspicuum (Ascidie des grandes profondeurs) présente, à mon avis, une grande analogie avec l’'Ophioseides cardiocephale, Crus- tacé copépode dégradé, etc. ? Je professe, il est vrai, une admiration enthousiaste pour les idées de Wallace, mais mon amour du mimétisme.ne va pas jusqu à con- fondre le contenant avec le contenu, l’Ascidie avec son commensal, 410 MÉMOIRES ORIGINAUX. Quant aux Lamellaria, — qui d’après moi mimeraient les Lepto- clinum, — je maintiens l'exactitude du fait, malgré le conditionnel de M. Jourdain: à une observation positive on ne peut répondre que par une autre observation, et non par un point de doute. Passant à la note sur les Æstrides, je demanderai d’abord à M. Jourdain si c'est à la quatrième page d'un journal et sous la rubri- que Notes et Revues que l’on va reléguer un article à sensation, J'ai voulu seulement indiquer, sur un exemple auquel je n’attachais pas d'autre importance, une application qui me semble intéressante de l'étude systématique des parasites à l'établissement de l'arbre phylo- génique de leurs hôtes, ou réciproquement. M. Jourdain paraît par- tager la haute estime que j'éprouve pour les beaux travaux de M. Ed. van Beneden. Or, le savant Professeur de l’Université de Liége m'ayant fait récemment l'honneur de m'envoyer son Rapport sur les résultats d'un voyage au Brésil, j'y ai trouvé (pag. 16) la phrase sui- vante: «L'arbre généalogique des Lernanthropides est superposable à celui qui exprime la généalogie des Poissons qui les hébergent». N'est-ce pas là, exposée à peu près dans les mêmes termes, la conclusion que javais énoncée comme conséquence de recherches poursuivies pen- dant deux années sur les Rhizocéphales et les Isopodes parasites des Malacostracés ? D'un autre côté, dans un excellent petit livre (Descen- dance et Darwinisme) qu'il vient de publier, et où il me reproche de me poser en adversaire du transformisme (!), Oscar Schmidt émet, sur la valeur de la division des Mammifères en Deciduaia et Indecidua, et sur les caractères tirés de la placentation, des idées identiques à celles qui m'ont valu les foudres de M. Jourdain. Sans doute, venant de naturalistes aussi éminents, ces propositions acquièrent une valeur infiniment plus grande; mais parce que je n'ai pas trente ans, ce n'est pas une raison pour rejeter à priori les résultats de patientes observations appuyés sur une conception nou- velle et plus juste des lois du monde organisé. Les critiques de mes devanciers ne m’étonuent nullement. Je les considère comme un fait logique nécessaire, et je les supporte sans amertume. Mais je ne puis cependant laisser passer sans protestation une fausse interprétation de mes travaux et de mes idées. C'est pourquoi je me suis permis, M. le Directeur, de vous écrire cette trop longue lettre, en vous priant de transmettre aux lecteurs de la Revue mes petites réclamations. Veuillez agréez, Monsieur le Directeur, l'assurance de ma considé- ration la plus distinguée. À. GiïaRp. MÉMOIRES ORIGINAUX. 417 La lettre précédente a élé communiquée par nous à notre ami le Professeur Jourdain, retenu loin de Montpellier par des circonstances des plus douloureuses. Voici sa réponse : Bayeux, le 18 novembre 1874. MoN CHER DIRECTEUR, Permettez-moi de faire suivre de quelques réflexions la lettre de M. Giard, que vous avez bien voulu me communiquer. Il n’est jamais venu dans ma pensée d'établir un rapport quelconque entre une Ascidie, l'Astellium perspicuum, et le Copépode qui l'habite. Il n’y a là qu'un lapsus calami que je suis le premier à regretter profondément. La phrase, tronquée en recopiant mon manuscrit, doit être rétablie ainsi : dl'Astellium perspicuum, Ascidie des grandes profondeurs, pos- sède un Crustacé parasite qui présente une grande analogie avec l'Ophioséide cardiocéphale, Crustacé copépode dégradé, etc.» Sil m'est permis de plaider les circonstances atténuantes, je repré- senterai à mon jeune Collègue que la tâche était d'autant plus lourde que ma dernière revue en particulier a été écrite au chevet d’une mourante, au milieu des plus tristes préoccupations. Craignant d'abaser de l'espace que vous voulez bien m’accorder dans vos colonnes, je n'ajouterai que quelques mots. Si M. Giard connaissait mieux mon enseignement laborieux et modeste, et qui ne mérite en aucune facon les épithètes qu'il lui décerne; s’il con- naissait mieux surtout mon caractère et mes tendances scientifiques, il saurait que je suis loin d’être systématiquement hostile aux doctri- nes de Darwin, pour lequel je professe la plus haute estime. Seule- ment, avant de faire table rase de tout un ordre d'idées qui compte tant de glorieux adeptes et qui a produit des résultats si considérables, j'attends, j observe, je discute, je compare. La lumière a inondé tout à coup l'esprit de M. Giard ; elle pénètre plus lentement dans le mien. La seule différence qui existe dans l'accueil que nous fai- sons aux théories transformistes provient uniquement peut-être de ce quilnest pas arrivé à la trentaine, et que moi je l'ai atteinte et même depuis longtemps dépassée. J'ai essayé, à titre d’ancien de M. Giard, de modérer, y voyant un péril , les entraînements transformistes et néologiques de ce jeune naturaliste, qui ne peut douter de mes vives sympathies. En agissant ainsi, j ai Cru servir ses véritables intérêts: l'avenir dira si mes conseils, venant après les avertissements indirects de M. de Lacaze-Duthiers, qui ne se fait pas faute de lui donner l'exemple, étaient aussi superflus et hors de saison que M. Giard semble le penser. S. JOURDAIN, 418 ———— REVUE SCIENTIFIQUE. TRAVAUX FRANÇAIS. — Zoologie. — La première partie d'un important travail de M. Dufossé est contenue dans les fascicules 3 à 6 du tom. XIX des Annales des Sciences naturelles : Recherches sur les bruits et les sons expressifs que font enten- dre les Poissons d'Europe, et sur les organes producteurs de cesphénomènes acoustiques, ainsi que sur l'appareil d'audition de plusieurs de ces ani- maux. Tel est le titre du Mémoire. Pour échapper à la confusion qui a régné jusqu à ce jour dans la science au sujet des phénomènes acoustiques dont il va être question, l’auteur croit nécessaire de les partager en deux catégories. La première comprend les bruits divers, accidentels, passagers, involontaires, produits tantôt par une partie de l'organisme, tantôt par une autre, ou liés à l'exécution d'un acte fonctionnel inexpressif. Ces bruits constituent les phénomènes acoustiques irréguliers. Les phénomènes acoustiques réguliers forment l'objet de la deuxième division, et sont le sujet du présent travail.Ces sons ou ces bruits ont pour caractères d’être volontaires, constants et toujours produits par les mêmes organes. Les émissions sonores volontaires, au point de vue de leur nature et de leurs propriétés physiqueset physiologiques, peuvent être répar- ties en deux sections. Dans la première rentrent tous les bruits expres- sifs ou les sons incommensurables expressifs. Au point de vue du mécanisme qui produit les bruits, cette sec- tion est. elle-même partagéeen deux divisions, dont la première, em- brassant tous les bruits expressifs de stridulation, ne comprend, pour les Poissons d'Europe, qu'une seule subdivision qui comporte deux modes. L'un de ces modes est constitué par les bruits de stridulation par frottement, des os pharyngiens. Composés d'émissions sonores courtes, stridentés, rudes, sans sou- plesse et sans moelleux; commençant et finissant brusquement sans traîner, ces bruits sont en:général produits par le frottement de la surface inférieure, hérissée de dents, des os pharyngiens supérieurs contre la surface supérieure, également couverte de dents des: bouts antérieurs des-os pharyngiens inférieurs. TRAVAUX FRANCAIS. — ZOOLOGIE. 419 Les expériences de M.Dufossé ont porté, sur ce point, sur le Saurel (Scomber brachyurus Lin.), qui jouit de la faculté, sans sembler en souffrir, de rester plus de dix minutes dans l'air atmosphérique, et dont les individus des deux sexes sont également bruyants. En tenant un Saurel, non pas par les appendices natatoires, mais par le corps, on l'entend produire des sons continus, intermittents, pendant quelques instants. L'air n’a aucune part à la production de ces sons, dont nous avons donné plus haut les caractères. M. Dufossé a constaté expérimentalement qu'un frémissement vibratoire sous la base du crâne, au-dessus de la queue de l'os hyoïde, se manifestait à chaque émission sonore, avec laquelle il était dans des rapports de temps, d'intensité et de vibrations tels, qu'on devait considérer ce frémissement, s'effectuant dans la profondeur du pharynx, comme cause du bruit. Des expériences nombreuses qui mettent cette explication hors de doute, découle la preuve d’un fait tout aussi manifeste : c’est que cet acte est volontaire, car ies muscles qui coopèrent au frottement des os pharyngiens sont les mêmes qui coopèrent à la déglutition, acte physiologique volontaire. Remarquons encore que le grand nombre de muscles qui agissent sur les os pharyngiens supérieurs et inférieurs, extrêmement mobiles, suffit à expliquer les modifications des sons expressifs. Les muscles des os pharyngiens prennent aussi part aux mouvements respiratoires. Enfin, ces expériences ont l'avantage de reproduire les incidents les plus communs de la vie inquiète que mènent les Poissons qui pour pour la plupart sont ichthyophages : les sons qu'ils émettent sont peut-être des cris de détresse. Le deuxième mode de subdivision de la première divison com- prend la stridulation de productions éburnées tenant lieu de dents inter- maxillaires. Le Môle ou Poisson-lune (Tetraodon Mola L.) est le seul Poisson qui fasse entendre cette sorte de bruit. Il est produit par le frottement de deux productions éburnées, une à chaque mâchoire, qui rempla- cent chez cette espèce les dents intermaxillaires. M. Dufossé réunit dans une deuxième division tous les bruits de souffle. Ceux-ci, dont la variété est infinie, sont caractérisés par leur courte durée etont pour cause générale des gaz chassés de l'intérieur du corps des Poissons, et venant faire éruption par une ou à la fois par deux de ses ouvertures naturelles. Sous ce rapport, les Loches, les Barbeaux et les Meuniers sont les plus remarquables parmi ces animaux. 420 REVUE SCIENTIFIQUE. Quelle que soit la forme de ces organes, tous ces Poissons possèdent une vessie aérifère munie d'un canal pneumatique qui vient débou- cher en avant de l'entrée de l'æsophage. Il faut encore remarquer chez quelques-unes des espèces précitées, près du point où débouche le cagal, la présence «de petites duplica- tures qui forment des valvules disposées de facon à empêcher la sortie des’gaz; la volonté de l'animal paraît indispensable pour lever cet obstacle à l'écoulement de ces derniers ». Les Loches ont une vessie, spéciale par sa situation et par sa forme. Placée en avant de l'abdomen, cette vessie a deux lobes sphériques se confondant sur la ligne médiane, et une enveloppe si mince que, lors même qu'elle serait double, comme on l’a avancé, il est certain qu'elle ne pourrait chasser au dehors les gaz avec intensité par le petit canal, très-court, sortant du milieu de la vessie et débouchant dans le pharvax. | Enñon, toujours chez les Loches, les diverses parties de l'appareil digestif présentent des caractères de forme, de structure et de dimen- sion parüculiers. Il importe de signaler la bouche, munie de longues lèvres, entourée de cinq paires de barbillons si larges à leur base que les plus grands simulent de doubles lèvres dans les endroits où leurs bases sont en contact les unes avec les autres. De plus, d'épaisses mucosités enduisent toujours cet appareil labial. Tout le monde connaït le bruit que font entendre les Gyprinoïdes, ainsi que les Anguilliformes, lorsque, pour une raison quelconque, ils viennent ouvrir leur bouche à la surface de l’eau. Ce bruit s'accom- pagne d'un petit bruit de souffle. La Carpe, la Loche, le Barbeau et le Meunier produisent plus nettement ce bruit, qui est le seul bruit régulier, le seul son incommensurable expressif que ces Poissons fas- sent entendre spontanément, et provient, très-probablement, de l'air avalé ou des gaz développés dans leur intestin. En outre, l'auteur s'est convaincu expérimentalement que par leur conformation les cavités œsophagiennes, branchiales et buccales pouvaient modifier ce son de manière à lui donner des qualités acoustiques mconnues jusqu à ce jour, et moins imparfaites que celles qu'il a ordinairement. Quoi qu'il en soit, le lobe postérieur de la vessie pneumatique est le principal agent de la propulsion des gaz; mais, en outre, à celte cause générale viennent se joindre d’autres causes particulières, telles que la contraction des muscles du canal digestif et de tous ceux qui peuvent rétrécir les cavités du corps, la présence d'un rebord à L partie intérieure de l'@sophage, les longues lèvres et leurs barbillons; TRAVAUX FRANCAIS. — ZOOLOGIE. 421 enfin, pour les éructations anales, le bourrelet muqueux musculaire qui entoure l'anus. En terminant la première partie de son travail, M. Dufossé fait remarquer les relations intimes qui existent entre les fonctions de l'instinct de l'audition et celle de l'expression des sons. La deuxième partie du Mémoire est consacrée à l'étude des sons réguliers qui ont pour cause la vibration de certains muscles. Ces sons normaux Ont pour caractères d'être plus ou moins doux et moelleux, et de ne provoquer jamais cette sensation auditive d'où résulte le grincement de dents. Ils sont toutefois d'une variabilité extraordi- naire. De plus, la plupart d'entre eux sont commensurables. c’est-à- dire peuvent être appréciées musicalement. C’est dans le phénomène physiologique connu sous le 16m de tré- pidation où de trémulation musculaire, phénomène justement assimilé par Wollaston à un mouvement de vibration, qu'il faut rechercher la cause de ces sons. Pour le démontrer, l'auteur établit que quelques muscles de certains Poissons bruyants deviennent en effet susCep- tibles d'un mouvement vibratoire. La Lyre (Trigla lyra L.; et le Malarmat (Trigla caiaphrarcia L.), de l’ordre des Acanthoptérygiens, ont été choisis pour cette démonstra- tion. On sait depuis longtemps que le premier de ces deux Poissons produit un bruit comparable à un grognement. La même faculté de production d'un son de la même nature a été pour la première fois constaté par M. Duiossé chez la seconde espèce. Les Lyres, dont la vessie pneumatique ne présente pas de cloison, ont «deux muscles intra-costaux, qui n'ont pas été décrits jusqu'à ce jour, situés en dedans de l'espèce de voussure constituée par la cour- bure des côtes le long de la colonne vertébrale. et leur face süupé- rieure adhère solidement à cette voussure». Ces muscles: confondant leurs tendons sur la colonne vertébrale, y forment un plan tendi- neux auquel adhère la face supérieure et médiane de la vessie pneumatique, tandis que les parties latérales de cet organe sont en coniact seulement avec la portion moyenne et la plus renflée de ces muscles. Ces derniers, distincts des autres muscles abdominaux par leur couleur rouge, et animés par la dernière paire d2 nerfs cervicaux, sont le siége d'un frémissement bien sensible à chaque émission sonore et facilement appréciable si l'on introduit le doigt dans l’es- tomac d'une Lyre. De là et d'expériences concluantes, on peut induire que le méca- nisme de la producüon des sons, chez les sujets, se compose de deux organes différents : l'un qui engendre les mouvements de frémisse IL, 28 422 REVUE SCIENTIFIQUE. ment, le muscle intra-costal; l’autre, la vessie pneumatique, qui recueille ces mouvements trop faibles pour ébranler l'air ambiant et leur donne assez d'intensité pour former des bruits appréciables. Car ilimporte de remarquer que, «dans son état de réplétion ordi- naire, la vessie contient un volume de fluide aériforme en rapport avec les différents nombres de vibrations sonores que peut produire le Poisson: il est certain que ce volume peut augmenter dans une assez grande proportion, tout en demeurant capable de renforcer les vibrations avec autant d'intensité». Ces sons sont propagés par les parois vésicales à travers tous les organes du corps susceptibles de leur servir de conducteurs. Les muscles intra-costaux étant volontaires par leur nature et leur origine, les sons sont aussi volontaires. Enfin, M. Dufossé termine cette partie de son travail en donnant une idée approximative des sons que font entendre les Poissons. Dans une seconde partie de son Mémoire, contenue dans les n® 3 à 5 du même recueil, et sur laquelle on nous permettra d'’insister, l'auteur partage en deux subdivisions et une section la division principale des sons qui viennent de nous occuper. Dans la première, rentrent les phénomènes acoustiques produits par les vibrations sonores des muscles indépendants de la vessie pneu- matique, vibrations sonores dont l'intensité ne suffirait pas à ébranler le milieu ambiant, si elles n'étaient transmises à la vessie qui les renforce. Dans la seconde, l'auteur range les sons engendrés par cet ensemble d'organes qu'il appelle appareil vésico-pneumatique. La Lyre, le Malarmat, dont nous avons déjà parlé, le Maigre, l'Ombrine commune etl'Hippocampe à museau court, par leur organi- sation appartiennent, entre autres espèces, à la première subdi- vision. La vessie pneumatique du Maigre est un des organes les plus inté- ressants que l'on ait trouvés dans les Poissons d'Europe. Insistant sur la description de cette longue vessie, l’auteur constate que son corps piriforme est muni, sur les bords latéraux, de nombreux appen- dices tubuleux et ramifiés qui, au sortir de la vessie, sont reçus dans un épais bourrelet de tissu conjonctif et adipeux entourant les bords de ce réservoir à gaz, mais adhérant faiblement aux appendices. Les membranes qui constituent la vessie sont au nombre de trois: une externe, fibreuse ; une seconde médiane, muqueuse, qui envoie une expansion membraneuse formant une cloison recouvrant l'ortfice de chacun des appendices; et une troisième, signalée pour la première TRAVAUX FRANCAIS. — ZOOLOGIE. 423 fois dans le présent travail, également muqueuse, mais plus mince quela seconde. La première partie de cette dernière tunique, libre dans une grande étendue de ses deux faces, constitue un dia- phragme horizontal, percé à son centre d'une large ouverture ovale, tandis que l’autre partie est adhérente par sa surface externe seule- ment. La vessie est partagée par cette cloison en deux concavités d'inégale dimension. Comme conséquence physiologique de cette disposition anatomique chez les Maigres, qui de tous les Poissons européens font entendre les sons les plus remarquables, M. Dufossé établit que ces sons sont produits par une trépidation de la plupart des muscles qui sont en contact immédiat avec les appendices vésicaux. Quant à l'action qu'aurait le diaphragme dans les modifications des vibrations, elle est tout à fait secondaire. En outre, ces sons, émis rarement par les Maigres lorsqu'ils sont isolés, sont produits fréquemment quand ces Poissons sont réunis. Ges sons sont donc volontaires. Ces derniers revêtent aussi les mêmes caractères chez l'Ombrine commune, dont l'organisation anatomique est si rapprochée de celle du Maigre. Toutefois, chez la première, les appendices tubuleux sont remplacés par trois bosselures de la partie renflée de la vessie, rap- pelant par leur rapport les saillies formées par la réunion de plusieurs des ramifications des plus grands appendices de la dernière espèce. Enfin, M. Dufossé a découvert , chez les Hippocampes à museau court, la faculté de produire de longues séries de mouvements si petits et si rapides, qu'ils échappent à la vue et ne sont appréciables qu'au toucher. Ces frémissements, qui ne se manifestent que dans certaines par- ties du corps, sont accompagnés de bruits, plus rarement de sons commensurables. Grâce à des procédés particuliers d'auscultation, il a pu constater que ces frémissements ont pour principe la vibration musculaire. De telle sorte que chez les Chevaux-Marins, la vessie pneumatique, qui est une des vésicules les plus simples que l’on puisse rencontrer, et des muscles nombreux, parmi lesquels nous citerons tous les inter- vertébraux, les pseudo-intercostaux et les inter-annulaires de laqueue, sont les agents de ce mécanisme volontaire. Mais ce qu'il importe de noter, c'est que, pour qu'ils produisent des bruits plus forts, des sons commensurables , il faut que ces frémissements s'étendent à tous les anneaux compris entre les os préoperculaires etle onzième ou douzième anneau de la queue. En effet, parmi les muscles qui concourent alors à leur formation, se trouvent ceux qui, étant en 424 REVUE SCIENTIFIQUE. contact avec les parois de la vessie pneumatique, communiquent les vibrations sonores à la vessie qui les renforce. Les frémissements au contraire plus restreints, ceux qui ne se produisent que dans la partie postérieure des os des opercules, dans les deux premiers anneaux du corps ou dans la partie qu'on a comparée à l'encolure d'un cheval, sans relation avec les mêmes muscles, sont sans action sur la vessie, et pourtant engendrent un bruit plus faible, mais appréciable au stéthoscope. «Les Hippocampes nous offrent donc un exemple jusqu'à présent unique d'un appareil producteur de sons, réduits chez un Vertébré à quelques petits muscles volontaires capables de vibrer.» Nous avons déjà dit que dans la deuxième subdivision de la divi- sion principale rentraient les sons produits par l'appareil vésico- pneumatique. M. Dufossé donne ce nom à l'appareil qui «est constitué par une vessie pneumatique du nombre de celles dont la cavité ne s'ouvre pas dans le tube intestinal, et par au moins deux muscles intrinsèques toujours composés de fibres striées transversalement et remarquables par leur mode d'innervation, ainsi que par la grande quantité de vaisseaux sanguins qui en font partie ». La Dorée, espèce à laquelle il convient de rapporter le Zeus pungio Cuv. et Valenc., le Dactyloptère voltigeant, le Perlon, le Rouget camard, le Rouget commun, le Grondin proprement dit, la Morrude, le Grondin rouge et la Cavillone: telles sont les dix espèces de Pois- sons, appartenant à trois genres (Zeus, Dactylopterus, Trigla Cuv.), qui émettent des sons de cette nature se distinguant de ceux de la division principale : « 1° par le nombre des sons commensurables, qui chez chaque individu l'emporte beaucoup sur la quantité de ceux qui ne sont pas musicaux ; 2° par le plus grand degré de pureté ; 3° par leur plus longue tenue ; 4° par les plus nombreuses variétés de leurs tons ; 5° enfin par la plus grande mutabilité de leur timbre ». Mais toutefois les différences entre les appareils vésico-pneuma- tiques de ces trois genres sont assez grandes pour que M. Dufossé croie devoir décrire cet appareil chez une espèce de chacune de ces coupes. La Dorée, dont la vessie pneumatique n’a pas encore été L'objet d’une description consciencieuse, est prise par l’auteur comme type du genre Zeus. L'expression de vessie est autorisée par la forme com- plétement analogue de l'appareil vésico-pneumatique de ce Poisson avec celle d'une vessie aériforme ordinaire. Cet organe, se rétrécissant brusquement dans son quart postérieur, TRAVAUX FRANCAIS. — ZOOLOGIE. 425 est constitué dans sa portion antérieure par deux membranes dont l’externe, fibreuse, présente, en avant et latéralement, deux grandes entailles circulaires qui sans la perforer en réduisent considérable- ment l'épaisseur, et où viennent s'enchässer les muscles intrinsèques de la vessie pneumatique, réunissant les caractères énoncés plus haut. Enfin, arrivée au point de rétrécissement de cette vessie, la même membrane perd ses couches internes de faisceaux charnus, tandis que ses feuillets externes se continuent seuls au-delà. Quant à l’autre membrane de nature muqueuse, revêtant d’abord tout l’inté- rieur de la tunique fibreuse, elle ne tarde pas à se terminer au même endroit par un rebord circulaire, libre de toute adhérence à son bout postérieur. Les parois de la partie postérieure de la vessie sont formées par les feuillets externes de la tunique fibreuse de la portion antérieure, et intérieurement par une membrane plus mince que l'arachnoïde hu- maine. Reliée fortement par des aponévroses aux parois abdominales, aux enveloppes des reins, aux muscles grands latéraux et aux côtes, la vessie pneumatique s'étend dans la cavité abdominale depuis les inser- tions postérieures des muscles rétracteurs des os pharyngiens supé- rieurs jusqu’à l’os inter-épineux de la nageoïre anale. Chez le Dactyloptère voltigeant, l'appareil vésico-pneumatique est divisé en deux lobes réunis entre eux par les parois d’un court canal de communication et dont chacun des bouts antérieurs se prolonge en un appendice reçu dans une fossette creusée dans les os du crâne. À la hauteur de la paroi postérieure de l'entrée du canal, la membrane interne muqueuse, qui avec une tunique fibreuse constitue les parois de la vessie, forme un demi-diaphragme séparant la cavité du lobe en deux parties inégales. Chaque lobe recoit un muscle intrinsèque et un muscle extrinsèque auxquels se rend la dernière paire des nerfs cérébraux. L'appareil vésico-pneumatique est attaché très-solidement aux faces inférieure et latérale du gros tube qui remplace les premières ver- tèbres. Le haut des lobes, plus en arrière, adhère à l'enveloppe aponé- vrotique des reins, et latéralement avec quelques parties des grands latéraux, ainsi qu'avec les viscères. Enfin l'appareil auditif de la Dorée, et surtout celui du Dactyloptère, présente des caractères spéciaux. Les appareils vésico-pneumatiques des Trigles, différant assez sen- siblement quant à la production des sons, offrent, sous le rapport anatomique un grand nombre de parties analogues semblables. 426 REVUE SCIENTIFIQUE. Aussi l’auteur se borne-t-il à décrire, en raison de sa complication, l'appareil du Perlon, se réservant de lui rattacher les différences spéci- fiques que les autres peuvent présenter. L'appareil vésico-pneumatique, d’une indépendance relative, qui chez le Perlon adulte occupe un grand espace dans la cavité abdomi- nale, est aussi large que long, et divisé en trois lobes. Chacun des lobes latéraux, de grandeur inégale, aboutit, en se prolongeant en arrière sous forme d'une corne de plus en plus étroite, jusqu à l'extrémité postérieure du lobe médian ou corps vésical. Notons que la tunique interne qui entre dans la composition des parois de ce dernier revêt en avant toute la surface interne de la fibreuse, recouvre en dedans l'espace elliptique que présente en arrière ce corps, recevant d'un gros tendon des bandelettes qui forment un réseau fibreux, et se trouve en rapport immédiat avec quelques fibres musculaires. On rémarque, parmi les nerfs qui se distribuent à l'appareil en question, deux gros cordons nerveux sortant de la moelle allongée et venant chacun animer un des muscles intrinsèques, sans envoyer aucun filet aux parois du corps vésical. La diminution du volume et l'absence des lobes, auxquelles il faut aussi joindre leur forme, est la différence la plus notable qu'on observe entre l'appareil vésico-pneumatique du Perlon et celui des autres Trigles. L'appareil de la Morrude clôtla série de ceux qui sont pourvus de lobes latéraux, tandis que celui de la Cavillone, qui ne présente aucun appendice, est le plus simple des appareils des espèces de ce genre susmentionnées. Enfin, il importe de remarquer que le déve- loppement du système musculaire vésical est, dans quelques-unes de ces espèces, loin d'être en rapport avec le rang qui leur est assigné plus haut. D'expériences pratiquées sur les Trigles, M. Dufossé est amené à conclure que l'appareil vésico-pneumatique est un appareil produc- teur des sons. Les muscles intrinsèques de cet appareil, en se contrac- tant, engendrent des frémissements vibratoires qui, renforcés par la vessie se tendant ou se rétractant sous leur action, deviennent des vibrations sonores facilement appréciables. Passant à l'examen des sons émis par la Dorée, le Dactyloptère et les dix espèces citées en dernier lieu, l’auteur nous indique que les phénomènes acoustiques formés par le Rouget camard, le Perlon, la Morrude, représentent le degré le plus élevé de perfectionnement au- quel peuvent atteindre les sons de la deuxième subdivision chez les Poissons d'Europe. Puis, revenant sur ces démonstrations qui expliquent sommaire- TRAVAUX FRANCAIS, —— ZOOLOGIE. 427 ment quel est, dans la production des sons, le rôle de l'appareil vésico- pneumatique, il ajoute quelques remarques importantes, remarques qu'il termine en justifiant par l'argument suivant le rôle prépondérant qu'il a fait jouer aux muscles intrinsèques et aux bandelettes du tissu fibreux dans la production des sons : «Gest dans les espèces où les muscles intrinsèques sont le plus développés, et où en même temps les bandelettes du réseau ont les plus grandes dimensions et sont le plus nettement séparées les unes des autres, que les sons atteignent le plus haut degré de perfectionnement. » Vient ensuite une comparaison anatomique et physiologique des appareils vésico-pneumatiques , avec ceux producteurs des sons de tous les autres animaux. Cette partie du travail est continuée par la nomenclature des sons qui se rangent dans la section de la division principale que nous avons déjà indiquée. Dans cette section, rentrent des sons produits par des muscles dépendant presque tous de l’appareil hyoïdien, disposés autour des cavités buccale et respiratoire. Ils ont une douceur des plus nota- bles, sont en général extrêmement courts ; toutefois les sons com- mensurables soutenus ne font pas défaut, mais ils sont moins communs que les cris. Deux espèces européennes du genre Cotus L. et Cuv. (C. Scorpius Bloch. et C. Bubalus Euphaasen) se rangent parmi les Poissons qui émettent ces sous, et ont été le sujet d'expériences nombreuses. En tenant compte du développement des pièces osseuseset cartilagineuses des appareils hyoïdien et operculaire, et de la force des faisceaux charnus qui mettent ces pièces en mouvement, ces expériences éta- blissent que les foyers multiples de vibrations des sons qu'émettent les Poissons de ce genre sont situés dans les muscles, soumis à la volonté, de la paroi inférieure de la bouche, et qu'ils ont leur siége dans les principaux muscles de l’appareil hyoïdien, branchial et pha- ryngien ; que le principe de ces sons, pouvant être renforcés par les cavités buccale et respiratoire dilatées, est encore la trémulation musculaire. Enfin, M. Dufossé termine son Mémoire par un chapitre de considérations générales et par un appendice sur un Poisson exo- tique, le Synodontis A’rabi Cuv. et Valenc. — Sous le nom d'Oomerus stigmatophorus, M. Hesse (Ann. Sc. natur., tom. XX, n° 6) décrit un Crustacé appartenant «à cette caté- gorie d'animaux articulés que la plupart de zoologistes ont considérés comme faisant partie de la classe des Arachnides, et que M. Milne 428 REVUE SCIENTIFIQUE. Edwards, a rangés, dans un petit groupe spécial formant l'ordre des Aranéiformes ou des Pycnogonides, à raison de ce qu'ils sont privés de trachée et de sac pulmonaire destinés à la respiration aérienne», et qu'ils peuvent « absorber l’oxygène dissous dans l’eau par la surface générale des téguments, comme cela a lieu chez plusieurs Crustacés inférieurs ». Toutefois le Crustacé en question, qui doit être maintenu parmi les Pycnogonidiens, présente à la partie latérale et au-dessus de la naissance des trois premières pattes thoraciques, de petites éminences avant la forme de tubes tronqués, au milieu de la surface desquels M. Hesse a aperçu une petite ouverture ayant la forme de stigmate. Il n à pu cependant constater que ce sac communiquait avec des trachées. Enfin, chez l'Oomerus stigmatophorus, le savant carcinologiste signale un caractère des plus curieux : ce caractère consiste dans la présence des œufs dans l’intérieur des pattes thoraciques. Ce Pycnogo- nidien est peut-être le seul dont les femelles n’ont pas de pattes acces- soires ovifères. — Les Dragonneaux, genre Gordius Dujardin, qui ont eu toujours le privilége d'exciter la curiosité du vulgaire et des savants, sont l’objet d'une monographie de M. Villot. (Arch. Zool. expériment., jan- vier 1874.) Cette monographie est une étude du genre Gordius, envisagé sous tous les points de vue qu’embrasse la zoologie. La première partie est consacrée à la taxonomie et à l’histoire na- turelle proprement dite du genre, dont l’auteur nous donne la carac- téristique suivante : «Corps filiforme très-long et ordinairement très-grêle, inerme ; — tête et queue non distinctes du corps ; — tégu- ments résistants et élastiques ; — ouverture ano-génitale termi- nale ; — point de pénis chez le mâle. » Divers noms étaient donnés par les auteurs du xvi°, du xvui° et du commencement du xvrrr° siècle aux Dragonneaux, mais tous ces noms étaient pour eux synonymes, et ils ne les appliquaient jamais qu'à des Vers fluviatiles, très-longs et très-grèles, c'est-à-dire à nos vérita- bles Dragonneaux. La confusion commence avec Linné. Ses successeurs, quand fut reconnu le parasitisme des Gordius, réunirent à ces vers les Filaria, dont le parasitisme a été constaté par Gmelin. Il faut se reporter à Cuvier pour trouver un véritable classement de ces animaux fondé, non pas sur la différence d'habitat, mais sur des caractères tirés de l'organisation. TRAVAUX FRANCAIS. — ZOOLOGIE. 429 Les travaux de M. Charvet et de M. de Siebold sont venus démon- trer que la structure des Dragonneaux leur était spéciale. Enfin, Dujardin établit l’homogénéité du genre dont il s’agit, en en éliminant certains Vers, pour lesquels il créa le genre Nermis. Pour les subdivisions du genre Gordius, proposées par Baird et Diesing, elles ne semblent pas devoir être acceptées, et l'on pourrait tout au plus admettre le type désigné par Creplin sous le nom de Chordodes, pour les espèces qui ont le corps large et aplati, la peau noire et couverte de tubercules disposés en cercles. Les caractères spécifiques des Gordius sont difficiles à établir. Ceux tirés de l’aspect extérieur ne fournissent que des signes différentiels d’une valeur médiocre; quant à ceux, plus importants, tirés de la con- formation de l'extrémité postérieure, ils varient avec le sexe, et par conséquent deviennent d'un emploi impossible, quand on ne possède pas le mâle et la femelle de chaque espèce. Toutefois il en est autrement des caractères de structure des tégu- ments examinés au microscope, structure sur laquelle M. Blanchard avait essayé d'appeler l'attention des naturalistes. C'est en se basant surtout sur la différence des téguments que M. Villot est conduit à admettre, dans le genre en question, trente- quatre espèces dont quatorze nouvelles pour la science, à savoir : Gordius æneus, lœvis, incertus, gracilis, Deshayesi, subareolatus, Chi- nensis, Blanchardi, abbreviatus, reticulatus, prismaticus, trilobus, Ca- ledoniensis, tuberculatus. Les Dragonneaux arrivés à leur forme parfaite vivent dans les eaux douces, spécialement dans les eaux fraîches et limpides. L'auteur donne d’intéressants détails sur les endroits où l'on est réduit à les chercher. On peut les conserver dans des bocaux où la température de l’eau est suffisamment fraîche, car ils perdent tout mouvement dans ce liquide lorsqu'il atteint 25 à 26°, et succombent lorsque la chaleur s'élève de 30 à 32°. Tout fait croire que, parvenus à l'état adulte, les Gordius ne pren- nent plus aucune nourriture ; mais l’eau, qui les baigne de toutes parts et qui imbibe tous leurs organes, peut facilement, si elle est chargée de principes nutritifs, servir à leur alimentation. Ces Helminthes se reproduisent pendant les mois de mai, juin et juillet. Rasssemblés alors par groupes de dix à vingt individus, mâles ou femelles, enroulés les uns autour des autres en pelotons inextri- cables, ils forment une sorte de nœud gordien qui justifie le nom de Gordius qui leur a été donné par Linné. Les femelles périssent gé- néralement après avoir effectué leur ponte, mais les mâles survivent 430 REVUE SCIENTIFIQUE. toujours à l'accouplement et disparaissent beaucoup plus tard. Peut- être même vivent-ils plus d'une année. Suivant Bacounin, les Dra- gonueaux se multiplient par scission, mais ce mode de génération ne semble pas admissible chez un genre de Ver à organisation aussi compliquée. Le même auteur pense aussi que les Gordius peuvent changer de peau. Enfin il est probable qu'ils ont l'habitude de s'en- foncer dans la vase, ce qui expliquerait qu'ils puissent résister à la mort lorsque les torrents et les ruisseaux qu'ils habitent viennent à se dessécher. Les 34 espèces qui se trouvent décrites dans ce travail sont répar- ties à la surface du globe de la manière suivante: Europe 9; Asie 2; Afri- que 5 ;, Amérique 12; Océanie 5 ; espèce de provenance inconnue fÎ. Une autre partie du Mémoire (Arch. Zool. expériment., avril 1874) est consacrée à l’anatomie et à la physiologie des Dragonneaux. C'est aux moyens employés par les histologistes que M. Villota eu surtout recours dans cette étude. Deux couches, différentes par leur nature aussi bien que par leurs fonctions, composent la peau des Gordius: l'épiderme, véritable cuti- cule, qui présente des modifications morphologiques remarquables, et le derme, se rapprochant, par l'ensemble des caractères anatomiques et chimiques de ses fibres, des fibres élastiques des Vertébrés. Dans les téguments des Vers de ce genre, se développent souvent des Algues parasites inconnues aux botanistes, suivant l'auteur. Le système nerveux central est représenté par un long cordon renfermant dans sa structure des cellules ganglionnaires, des fibres longitudinales et des fibres transversales, situé sous la ligne ventrale et parcourant toutes les cavités du corps; tandis qu un simple réseau des premières cellules, enfoui dans une couche granuleuse placée entre la peau et les muscles, forme le système nerveux périphérique. Les nerfs du ganglion céphalique et les nombreux rameaux sortant du sillon ventral rattachent les deux parties du même système. Les Dragonneaux ne possèdent que les organes de deux sens. Si l'on considère comme des organes de tact les innombrables papilles parsemées sur l'étendue de leurs téguments, on peut dire que chez eux le sens du tact est très-développé M. Villot leur attribue encore le sens de la vue, car, à défaut d'yeux, dont ils sont privés, il regarde comme un instrument de vision l'extrémité antérieure de leur corps qui se trouve formée par une simple calotte très-mince, n étant autre chose que la peau réduite à son épiderme. Le système musculaire constitue, sous la couche granuleuse, une couche qui enveloppe tous les viscères, se rompant sur la ligne TRAVAUX FRANCAIS. — Z00LOGIE. 431 ventrale pour laisser passer les nerfs qui relient les deux portions du système nerveux. Quant à l'appareil digestif, c’est à peine s’il en reste des traces. On ne distingue plus que l'intestin, grâce aux grosses cellules épithélia- les de sa paroi interne. Il aboutit à une sorte de cloaque dépendant des organes génitaux, au lieu de se rendre directement à l'anus. Toute la masse viscérale est constituée par les organes génitaux, d'une structure des plus simples, et qui, à l'exception des organes copulateurs, ne diffèrent pas dans les deux sexes. Deux gros tubes, aussi longs que le Ver lui-même, représentent les ovaires et les testi- cules. Ces tubes donnent naissance aux oviductes et aux canaux défé- rents allant aboutir au cloaque que nous avons déjà indiqué, et qui n’est autre chose qu'une dilatation de la poche rectale de l'intestin. Les sexes peuvent être facilement reconnus, car chez le mâle, bien que ne possédant pas de pénis, l’extrémité du corps est terminée par une sorte de pince. Enfin M. Villot considère comme de véritables organes excitateurs les grosses papilles qui se trouvent répandues à profu- sion sur toute la surface de l'extrémité postérieure du corps. Il importe de remarquer que c'est seulement des Dragonneaux adultes qu'il s’agit daus la description que uous venons d'analyser. Nous passerons sous silence la première portion de la troisième partie du Mémoire qui a pour objet l'embryogénie et la morphogénie du Gordius, pour arriver au chapitre dans lequel sont consignées ses migrations et ses métamorphoses. Un heureux hasard a prouvé à M. Villot que la première période de l’état larvaire des Dragonneaux se manifeste par un enkystement dans les larves aquatiques des Diptères. A l’aide de l'armature céphalique dont il estmuni seulement à l'état embryonnaire, l'animal cherche un gîte dans les tissus des larves des Insectes en question. Alors, résultat des humeurs qui le baignent de toutes parts, se produit autour de lui un kyste qui n’est probablement pes complé- tement formé. Après ce-premier enkystement, le parasite chemine encore dans les tissus, contrairement à ce qui a lieu dans la deuxième période larvaire, où l'enkystement se manifeste dans la muqueuse intestinale des Poissons, très-friands, on le sait, des larves d'Insectes.Enfin, six mois après ce second enkystement, les larves de Gordius percent le kyste qui les contenait, et, sortant de l'intestin du Poisson, tombent au fond de l’eau. Elles ont accompli leur dernière métamorphose, état qui se traduit par la disparition des plis nom- breux des téguments, augmentant du double la longueur du corps, 432 REVUE SCIENTIFIQUE. par la chute de l'armature céphalique déjà mentionnée et par le gon- flement du corps, qui prend un aspect laiteux et une consistance pulpeuse. M. Villot fait observer que, comme ceux de chaque espèce de Vers, les embryons de Dragonneaux présentent des anomalies d'habitat; il enregistre la plupart de ces anomalies connues jusqu'ici, et pense même que le Dragonneau peut se développer chez l'Homme et chez les autres Mammifères. La période d'évolution qui sépare l’état embryonnaire de l'état adulte est, au point de vue anatomique, une des plus intéressantes. Entre autres choses, elle a permis à l’auteur de résoudre une ques- tion importante sur la signification de cet amas cellulaire qui rem- plit le corps du jeune Dragonneau, amas dans lequel il ne voit ni un organe définitif, ni même un organe transitoire : cest tout simple- ment un amas de cellules embryonnaires mis en réserve pour un développement ultérieur, et d'où sortiront, les uns après les autres, les principaux appareils du Ver adulte. Chezle jeune Gordius, l'intestin, non encore atrophié par le grand développement des organes de relation et de reproduction, se montre avec tous ses caractères normaux ; on y voit une ouverture buccale, une cavité pharyngienne et un intestin qu’un rétrécissement com- parable à l'œsophage sépare du pharynx. Enfin, dans des considéra- tions générales, appliquant à la classification les données que nous venons de relater, M. Villot conclut qu'il est nécessaire d'établir, sous le nom de Gordiens, un ordre spécial pour le genre Gordius, etquil convient de placer ce nouvel ordre en tête de la classe des Helmin- thes. —Les livraisons de janvier et d'avril des Archives de Zoologie expé- rimentale renferment la première partie d’un important travail de M. de Lacaze-Duthiers sur les Ascidies simples des côtes de France, dont nous rendrons compte dès sa complète publication. — M. G. Vasseur (Compt.-rend. Acad., 25 mai 1874) apporte une preuve à l'appui du rapprochement des genres Hyænodon et Pierodon, rapprochement établi par le professeur P. Gervais. L'humérus découvert récemment par M. Vasseur dans une plä- trière de Romainville, et appartenant sans aucun doute à l'Hyænodon parisiensis, est pourvu dune large perforation de la fosse olécrä- nienne et d’un trou subcondylien. . Quant au pied de derrière trouvé dans le gypse de Rosny, et ne TRAVAUX FRANCAIS. — ZOOLOGIE. 433 possédant ni calcanéum, ni toutes ses phalanges, on y voit l’astra- gale, le scaphoïde, les trois cunéiformes, le cuboïde, les cinq méta- tarsiens, dont trois, les premier, quatrième et cinquième entiers; quatre phalanges, celles des premier, second, quatrième et cinquième orteils; la phalangine du second doigt et deux phalangettes ou pha- langes unguéales, celles du premier et du second doigt. » L'astragale a bien la forme de ceux d'Apt, qui ont été attribués par M. P. Gervais à l’Hyænodon. Le cubitus est exactement semblable à celui qu a figuré Cuvier, et tout porte à penser qu'il s’agit bien de l'Hyænodon parisiensis plutôt que du Plerodon dasyuroides, qui en est d'ailleurs très-peu différent ». — Les faits suivants résultent d'une communication (Cosnpt.-rend. Acad., 25 mai 1874) de MM. Arloing et Tripier sur les Conditions de la persistance de la sensibilité dans le bout périphérique des nerfs sec- tionnés : « 1° Le facial et le spinal des Solipèdes et des Rongeurs possèdent la sensibilité récurrente, aussi bien que ceux des Carnassiers; » 2° Pour trouver plus facilement la sensibilité récurrente, il fau- dra se porter à la périphérie ; » 30 Le bout périphérique des branches du trijumeau est sensible ; cette sensibilité est assez difficile à mettre en évidence, mais elle existe ; » 4° Le bout périphérique des nerfs des membres est également sensible ; toutefois la sensibilité peut disparaître lorsqu'on remonte sur les troncs nerveux ; » 5° Dans tous les cas, la sensibilité du bout périphérique est due à la présence de tubes nerveux, dont les relations avec Les centres tro- phiques et perceptifs n ont pas été interrompues par la section ; » 6o L'absence de ces tubes se lie à l'insensibilité du bout périphé- rique ; » To Ces tubes proviennent de la cinquième paire pour le facial, des nerfs voisins et à coup sûr des nerfs du côté opposé pour les nerfs sensitifs, des nerfs voisins homologues pour les nerfs mixtes; » 8 Ces tubes récurrents remontent plus ou moins haut dans le tronc du nerf auquel ils sont accolés ; leur nombre diminue en allant de la périphérie vers le centre ; » 9° Le retour de ces fibres peut se faire avant la terminaison des nerfs, mais la terminaison est le lieu où il se produit de préférence ; » 10° Pour plusieurs raisons, les auteurs pensent que la sensibilité du bout périphérique appartient à tout le nerf, et que, pour s’en tenir 434 REVUE SCIENTIFIQUE. aux Mammifères, elle doit exister chez tous les animaux de cette classe ». — M. Fumouze (Compi-rend. Acad., 1* juin 1874) annonce que l'on ne peut pas fonder d'espoir pour combattre le Phylloxera vastatrix sur un Acarien du genre Tyroglyphus, rapporté d'Amérique par le profes- seur Planchon, et indiqué par lui comme l'animal destructeur.du Phylloxera. Les Tyroglyphes, du: moins les espèces connues jusqu'ici, loin d'attaquer les animaux vivants, se nourrissent de matières animales et végétales en décomposition, et ce genre de vie peut expliquer leur présence sur les vignes. De plus, il n'est pas rare de rencontrer, sur les vignes françaises atteintes par le Phylloxera, des Tyroglyphes «qui ne les ont jamais débarrassées de leur ennemi ». — M.S. Ranvier (Compt.-rend. Acad., 1° juin 1874) fait connaître un fait nouveau, le spectre produit par les muscles'striés volontaires. Cette propriété du muscle dépend de ses stries transversales qui agissent. sur la lumière blanche absolument comme les stries fines et rapprochées que les physiciens ont tracées sur une lame de verre. Dans le sang, les caractères spectroscopiques de l'hémoglobine peuvent encore être discernés avec ce spectre: l'observation est faci- litée par un petit instrument construit par l’auteur. De plus, tandis que les muscles de la vie organique, ainsi que le muscle cardiaque, bien que-strié, ne fournissent pas de: spectres: ce spectre apparaît dans les muscles de la vie animale. Dansiceux-ci, il est formé par la striation transversale des disques épais (sarcoussele- ments) ayant une régularité assezegrande pour agir sur la lumière qui traverse le muscle, comme les espaces laissés: entre les stries d'un réseau. Enfin, le spectre est toujours produit par le muscle en repos et dans: tous les états intermédiaires entre ce dernier état et la contraction la plus énergique. Contrairement à l'opinion de Meckel, la-striation transversale existe: dans toutes: les phases-physiologiques qu'il peut offrir: — Sous la dénomination de Pontodrilus, M. Ed. Perrier. (Compt- rend. Acad., 1° juin 1874) décrit un nouveau genre de nos Lombri- ciens terrestres, vivant-sur les.débris de Posidonies et autres végétaux que. la vague rejette sur la plage du Prado, à Marseille. Le P. Marionis, qui a à peu près l’apparence de nos Vers de terre communs, est allongé et peut atteindre plus d'un décimètre de long. TRAVAUX FRANCAIS. — ZOOLOGIE. 435 «Le lobe céphalique échancre légèrement le segment buccal, qui semble séparé du premier anneau par un autre anneau dépourvu de soies .…. Chaque anneau porte huit soies, comme chez les Lombrics communs, mais disposées un peu autrement..... Elles forment sur toute l'étendue du corps huit rangées longitudinales. Il n y a pas de pores dorsaux. En outre, comme autres caractères extérieurs, chez le genre dont il s'agit, les orifices des poches copulatrices viennent déboucher aux bords antérieurs des huitième et neuvième anneaux, et la ceinture s'étend du bord postérieur du douzième anneau au bord postérieur du dix-huitième. C'est aussi sur ce dernier que se montrent les orifices génitaux mâles ; par leur position absolue et leur position relative à la ceinture, 1ls rappellent ceux des Pericheta, et font rapporter le genre Poniodrilus aux Lombriciens postclitelliens. | « En arrière des orifices génitaux mâles, sur la limite du dix-neu- vième et du vingtième anneau, et sur celle du vingtième et du vingt etunième, on voit une sorte de bourrelet saillant formant une ellipse transversale peu allongée, au centre duquel se montre une papille unique,exactement située sur la ligne médiane.»Trois bourrelets sem- blables, le dernier placé entre le vingt etunième et le vingt-deuxième anneaux, se rencontrent chez certains individus qui constituent peut- être une espèce distincte. Des caractères remarquables nous sont aussi offerts par l'organisa- tion des Pontodrilus. Dans ce genre, la trompe s’étend jusqu à la cloi- son postérieure du quatrième anneau, et arrive, dans l'état de rétrac- tion, jusqu au cinquième anneau. L'œsophage, tout en offrant dans les cinquièmeet sixième anneaux un plus grand développement musculaire de ses parois, présente une absence de gésier bien nette, disposition qui se voit.pour la première fois chez les véritables Lombriciens terrestres. Une disposition spéciale du réseau vasculaire caractérise l'intestin. Nous noterons une particularité remarquable du système circula- toire des Pontodrilus qui rappelle à beaucoup d'égards celui des Peri- cheta et des Urocheta, que nous avons déjà fait connaître. «Dans cet animal, qui par tous ses autres caractères rappelle d’une manière si frappante les Lombriciens terrestres les plus élevés, le vaisseau sous- nervien manque, comme chezles Phreoryctes et les Naïadiens.» Les poches copulatrices, ovoïdes, courtement pédonculées, munies du côté interne d’une annexe en forme de petit sphéroïde greffé à la base de leur pédoncule, sont au nombre de deux paires. Dans les deux paires de testicules d'apparence mamelonnée situées dans le onzième 436 REVUE SCIENTIFIQUE. et le douzième anneau, M. Perrier a rencontré « de belles Grégarines, très-différentes de celles qu'on trouve dans le testicule des Lombrics. » Enfin, à partir du quinzième anneau, se remarquent, de chaque côté de l'intestin, de gros corps glanduleux qui sont là certainement des organes homologues des organes segmentaires. Toutefois, carac- tère qu'on avait cru jusqu'ici propre aux Naïadiens, ces corps manquent dans les anneaux où se développent les glandes génitales. Au genre Pontodrilus il faut rapporter, comme espèce différente du Pontodrilus Marionis, l'animal trouvé à Villafranca et décrit, en 1851, par M. Grübe sous le nom de Lumbricus liüttoralis. — M. de Quatrefages communique à l'Académie (Compt.-rend. Acad., 1e juin 1874) plusieurs photographies de deux jeunes Akkas, récem- ment arrivés en Europe. La race à laquelle ils appartiennent a été découverte par M. Schweinfurth, vers le troisième degré de latitude nord. Ces deux sujets, qui sont deux enfants, ont, le plus grand 1",11 et le plus petit 1" de hauteur. Les Akkas ne sont pas les plus petites races humaines. Au-dessous on trouve les Mincopies et les Boschimen. Le développement et le ballonnement de l'abdomen, caractère signalé par M. Schweinfurth comme exceptionnel, se remarque dans les photographies en question, mais ce n’est là qu’un caractère résultant, comme chez d'autres peuples. d’une mauvaise nourriture. Sur l'image reproduisant le profit général du plus âgé des deux Akkas, la colonne vertébrale, y compris le sacrum, offre une cour- bure des plus prononcées ; mais rien n autorise à y voir la forme de C, expression mise dans la bouche de M. Schweinfurth par le Bulletin de l'Institut égyptien (1872-73). En tout cas, elle ne rappeile «à aucun degré celle d’un Singe anthropomorphe» telle qu'elle est figurée par Huxley: cu contraire, notre jeune Akka est fortement cambré, surtout si l’on tient compte de l'âge ». Chez les deux sujets en question, les lèvres sont très-apparentes, mais ne sont comparables en rien à celles des Singes, comparaison encore attribuée à M. Schweinfurth par le Bulletin cité plus haut. Le profil de la tête présente peu de prognathisme, mais on sait, d'après Pruner-Bey, que ce caractère ne se prononce chez le Nègre qu'après la puberté. « Le front est haut, bombé, large ; la boîte crä- nienne est évidemment considérable relativement à la face. » Toute- fois ce rapport, ainsi que celui du nez, moins détaché que chez les Mincopies, doit certainement subir l'influence de l’âge. « Quoi qu'il en soit, il suffit d’un coup d'œil sur ces photographies TRAVAUX FRANCAIS.— ZOOLOGIE. 437 pour s'assurer que les Akkas ne sont nullement le chaînon intermé- diaire entre l Homme etle Singe, que quelques transformistes espèrent encore découvrir. » — M. Dareste (Compt.-rend. Acad., 8 juin 1874) signale chez l’Axo- lot}, mâle et femelle, l'existence d'un fait physiologique remarquable. Ce fait, constaté par Hernandez, médecin de Philippe IL, et dénié par - Cuvier, consiste dans la présence dans le cloaque, à l'époque de la reproduction, d'une certaine matière muqueuse colorée en rouge ; l'existence de globules sanguins dans cette matière a été reconnue par l'examen microscopique : son écoulement constitue donc une véritable hémorrhagie. — La présente note de M. Méenin (Compt.-rend. Acad., 8 juin 1874), dont nous avons déjà enregistré les curieuses recherches sur les Acariens parasites, a pour objet les métamorphoses de ceux de ces animaux appartenant à la famille des Sarcoptides et à celle des Gama- sides. L'auteur établit que, contrairement à l'opinion jusqu'ici admise, par une sorte de renaissance, chez les Sarcoptides, « tous les membres, aussi bien ceux qui ont des correspondants dans l’ancienne forme que ceux qui n en ont pas, se reforment entièrement sans le concours des anciens et dans une complète indépendance ». Les individus de cette famille à chaque mue retournent à l'état d'œuf, se formant sous l’enveloppe ancienne, qui ne se détruit pas sans doute à cause de l'air, milieu dans lequel ils vivent. En effet, quand la larve hexapode ou la nymphe octopode d'un Psoropte, d'un Tyroglyphe, est en train d'ac- complir sa mue, il se forme un véritable œuf secondaire s’entourant d'une membrane blastodermique et présentant des phases identiques à celles de l'œuf primitif qui a donné naissance à la larve. M. Mégnin a pu suivre ces phénomènes sur le Tyroglyphus mycophagus Mégnin, T. rostroserratus Mégnin, T.siro Latr., Sarcopte incurvatus Mégnin, et le Psoroptes equi Gerv. Dans les Gamases, probablement en raison du volume énorme des pattes, l'œuf secondaire présente cette particularité d'avoir des diver- ticulums qui se prolongent dans l'intérieur de chacune d'elles, et c'est dans l'intérieur de ces cæœcums que se forment les nouvelles pattes. Notons encore que dans cette dernière famille la vieille enveloppe ne se conserve pas entièrement, comme chez les Sarcoptides : elle se brise par éclats irréguliers, pour donner la liberté au nouvel animal qu'elle contient. III. 29 438 REVUE SCIENTIFIQUE. Enfin, après la dernière mue, la forme acquise est immuable : aussi les membres brisés ne se renouvellent plus. — La comparaison de la zone littorale dans la Manche, dans l'Océan et dans la Méditerranée (Compt.-rend. Acad., 15 juin 1874), a démontré à M. P. Fischer que cette zone présente sur tous les points une popu- lation zoologique analogue, mais qui est d'autant plus restreinte que les marées sont plus faibles. — Depuis la découverte du professeur de Lacaze-Duthiers, que certaines espèces du genre Molgqula sortent de l'œuf sous une forme amæboïde, n'ayant aucune ressemblance avec la larve des autres Asci- dies, Hancock a montré que ce mode d'évolution, loin d'être géné- ral, est exceptionnel chez ces dernières. Cette observation a été confirmée parles recherches du professeur A. Giard, «qui a attiré l'attention des zoologistes sur ce fait intéres- sant, que les Molgules à embryon anormal sont libres à l'état adulte, tandis que les larves régulièrement conformées appartiennent, au contraire, aux espèces qui se fixent d'une facon permanente ». L étude d'une espèce de Molgule (Compt.-rend. Acad., 29 juin 1874), proba- blement celle décrite par J. Alder sous le nom de Molgula socialis, qui, au lieu de vivre isolée, comme ses congénères, tapisse de masses srégaires d'individus les plages de Wimereux et du Portel, près de Boulogne, a permis à M. Giard d’énoncer cette loi avec plus de cer- titude. En outre, elle lui a fourni un nouvel exemple d'une particula- rité de structure consistant dans un appendice caudal chez certaines larves du genre Cynthia, particularité déjà observée par lui. Notons que ce fait se produit dans un même genre à côté de larves anoures. L'appendice qu'offre la larve urodèle de la Molgula socialis atteint un développement assez marqué. Les rayons de la partie terminale de la queue sont plus fermes que le reste de la membrane, et rappellent les rayons natatoires des embryons de Poissons. Un degré de complication bien supérieur se rencontre chez les embryons de certaines Cynthia, et notamment chez les espèces du oroupe des Styela de Savigny.Sur une petite Ascidie composée et dési- gnée par M. Giard sous le nom de Polystyela Lemerri, les rayons de l’appendice caudal de l'embryon, perpendiculaires à la corde dorsale dans la première partie de la queue, vont en s’inclinant de plus en plus sur l'axe, en s’approchant de l'extrémité, qui ressemble d’une facon surprenante à celle d'un jeune Poisson. Dans la première portion, les rayons présentent une structure à peu près identique à celle que l'on TRAVAUX FRANCAIS. — ZOOLOGIE. 439 observe dans l'appendice caudal du jeune Saumon, vers le dixième jour de son développement. — Le même auteur (Compt.-rend. Acad., 6 juillet 1874) poursuit le cours de ses recherches sur les Cirrhipèdes rhizocéphales. Les nombreuses éducations de ces animaux auxquelles M. Giard s’est livré, établissent que, les Rhizocéphales étant hermaphrodites, les mâles ne pourraient être que des mâles supplémentaires, dont l'exis- tence est fort peu probable, et que la différence signalée entre les embryons d'une même espèce tient à ce que l'embryon, à peine éclos, subit une première métamorphose. Cette mélamorphose, qui s’acom- plit très-rapidement chez les Rhizocéphales, dont les larves sont encore imparfaitement connues, est très-manifeste chez les Cirrhi- pèdes proprement dits. — Parmi les nombreux parasites du Cancer maænas (Compt-rend. Acad., 27 juillet 1874), l'un des plus intéressants est sans contredit la Sacculina carcini. Cette dernière entraînant mécaniquement et histologiquement la stérilité du Crabe qui la porte, «le Cancer mænas, malgré sa prodigieuse fécondité, deviendrait bientôt rare sur les pla- ges où pullule un parasite également fécond, si des causes nombreuses ne venaient enrayer la multiplication de ce curieux Rhizocéphale ». En effet, M. Giard a observé, sous la queue des Crabes porteurs de Sacculines, de pelites touffes de Bryozaires et surtout des chapelets de jeunes Moules. Maïs si ces espèces ne constituent pas un grand danger pour la Sacculina, 1l en estautrement de la Molgula socalis. Les larves de cette Ascidie se fixent, souvent à demeure , sous la queue du Mænas soulevée par le Rhizocéphale, compriment, en se dévelop- pant le corps de la Sacculine, et finissent par la faire périr. L'auteur combat l'opinion des zoologistes qui ont cru que l’absence de certaines espèces de Molgules dans la zone du Mænas était due à la présence de ce Crustacé. Au nombre des compagnes de la Sacculine sur les côtes de Bre- tagne, où elle n'a pas à redouter la présence de la Molgule en ques- tion, se fait surtout remarquer un Crustacé isopode de la famille des Bopyriens et du genre Cryptoniscus F. Müller. Aux deux espèces de ce genre déjà connues, M. Giard en ajoute une troisième sous le nom de C. larvæformis. — Chez certains animaux dans lesquels la fécondation ne suit pas de près l’accouplement, « mais où un seul coït peut suffire à plu- sieurs fécondations, où le sperme doit être emmagasiné dans les 440 REVUE SCIENTIFIQUE. organes femelles, où il y a production de spermatophores », M. Hallez (Compt-rend. Acad., 1°' juillet 1874) a rencontré, à côté des éléments fécondateurs, d'autres corps particuliers, produits des glandes, que physiologiquement on peut regarder comme des vitellogènes mâles. Nous nous réservons de revenir sur cette découverte, selon nous fort importante, à l'occasion du Mémoire que l’auteur de la commu nication se propose de publier sur ce sujet. — M. Hallez a fait aussi (Compt.-rend. Acad., 27 juillet 1874) une étude sur le développement des spermatozoïdes des Décapodes bra- chyures. Ses recherches ont porté principalement sur le Carcinus maæenus. Nous nous bornerons à signaler le fait suivant : le liquide séminal, présentant dans les organes femelles, peu après l’accouplement, la consistance de la crême, se coagule bientôt en une masse qui se moule exactement sur le réservoir de la femelle, et ressemble alors à de l’albumine coagulée. Dans cet état, on peut la couper en tranches minces. Toutefois, le Carcinus mænas n'a pas montré à M. Hallez de véritables corps Néedbamiens. Les recherches dont il vient d’être question ont été faites au labo- ratoire de Wimereux, dirigé par le professeur Giard. —Contrairement à l'opinion des frères Weber et d’après M. Marey (Compt.-rend. Acad., 13 juillet 1874), dans la marche humaine l’oscil- lation de la jambe qui se déplace n'est pas seulement due à l’action de la pesanteur, mais encore à celle de certains muscles. Il devient dès-lors impossible de prévoir quels mouvements résultent de la combinaison de ces deux actions. L'auteur a demandé la solution de cette question à la méthode graphique. — M. G. Moquin-Tandon (Compi.-rend. Acad., 13 juillet 1874) communique quelques observations sur les premières phases du Pelo- bates fuscus. Ges premières phases «sont, dans leurs traits essentiels, identiques à celles du Crapaud commun. Les différences essentieiles qu’elles présentent portent sur les points suivants : le mode de forma- tion et la forme de la cavité de segmentation ; la formation plus pré- coce du feuillet corné ; le développement plus tardif, par rapport à la formation du sillon de Rusconi, de la cavité viscérale; le mouvement de translation vers le pôle supérieur des cellules du plancher de la cavité de segmentation, qui progressent presque aussi rapidement sur le côté veatral que sur le côte dorsal ; la séparation de la masse centrale du bouchon d’Ecker, séparation qui a lieu chez le Pélobate dès le com- TRAVAUX FRANCAIS. — ZOOLOGIE. 441 mencement du développement de la cavité viscérale, tandis que chezle Bufo on ne l'observe que vers la fin de cette période.» — M. Onimus (Compt.-rend. Acad., 20 juillet 1874) a fait des expériences sur les modifications que subissent les substances albu- minoïdes en présence de l’air privé de germes par les moyens indi- qués par M. Pasteur et autres savants. Son procédé consiste à intro- duire directement du sang ou du blanc d'œuf dans un ballon où l'air ne peut pénétrer qu'en traversant une couche épaisse de coton cardé ou d'amiante. Ces expériences portent M. Onimus à conclure que des proto- organismes peuvent naître et se développer dans des liquides albu- minoïdes mis à l'abri du contact de l'air. — De l'étude du développement des nerfs périphériques chez les larves de Batraciens et de Salamandres (Compt.-rend. Acad., 3 et 17 août 1874), M. Rougetest conduit à conclure à l’analogie que présen- tent, dans les premières phases de leur évolution, les fibres nerveuses de Vertébrés avec les fibres nerveuses permanentes des invertébrés, spécialement avec celles des Articulés. En effet, dans les larves de Batraciens, du deuxième ou troisième jour après l'éclosion, aussitôt que la résorption des granulations vitellines et des globules graisseux est assez avancée pour permettre de voir nettement les couches sous-jacentes à l'épithélium de la mem- brane natatoire, les nerfs primitifs se montrent sous forme de fila- ments fins, se divisant et s'anastomosant entre eux vers le bord libre de la membrane. Déjà, à cette époque, se remarquent, sur les nerfs les plus rapprochés du tronc, des renflements formés par le développe- ment des noyaux. Ces renflements font corps avec la fibre nerveuse, formée de fibrilles qui se développent au sein d’une couche de proto- plasma. À la surface des fibres nerveuses primitives, on distingue une membrane d'une extrême ténuité. Du douzième au quinzième jour, on constate le dédoublement de ces fibres qui précède celui des noyaux. Très-peu de temps après que se sont montrés les premiers dédoublements de ces fibres, se remarque une légère différence entre les deux moitiés d’une fibre primitive dédoublée. Cette différence est due à la couche médullaire qui com- mence à se former, et qui n'est que la conséquence d'une action toute locale, et vraisemblablement sous la dépendance des noyaux de cha- cun des segments. La gaîne de Schwann nest autre chose, pour le savant physiolo- 442 REVUE SCIENTIFIQUE. giste, que la cuticule primitive repoussée dans la transformation pré- cédente, "qui s'épaissit graduellement et entraîne avec elle les noyaux propres des fibres secondaires pâles. Lorsque l’évolution arrive à son terme, les fibres primitives simples sont remplacées par des rameaux nerveux composés de quatre à cinq fibres pâles ou à moelle, car ces dernières existent toujours à l intérieur de tous ces rameaux et sont destinées à produire les derniers tubes à moelle. Le névrilème, qui ne se montre pas en général sur les rameaux nerveux de la membrane natatoire des Batraciens, se ren- contre assez souvent chez des larves ayant dépassé la première moitié de leur évolution; il a la même origine que la tunique adven- tice conjonctive des vaisseaux. — De nouvelles recherches sur le développement des vaisseaux, faites sur des larves d'Amphibiens, ont permis au même auteur (Compt.-rend. Acad., 31 août 1874) de mettre hors de doute la contrac- tilité des cellules à prolongements ramifiés qu'il a observée l'année dernière dans les vaisseaux de la membrane hyaloïde de la Grenouille adulte. Des cellules en tout semblables constituent en effet chez les larves une tunique dite adventice sur les capillaires aftériels, sur les capil- laires veineux et sur les capillaires vrais. Cette tunique n'étant que la continuité des tuniques musculaires des artères et des veines, ilen résulte que tout le système vasculaire sanguin, du cœur aux capillaires inclusivement, est enveloppé dans une tunique contractile. Au lieu d'avoir, comme on l’admet généralement, la structure des capillaires primitifs, c’est-à-dire une seule membrane de cellules pariétales (endothéliales), M. Rouget distingue les vaisseaux de la mem- brane natatoire des larves d'Amphibiens, au point de vue de leurs fonctions et surtout de leur structure, en artères, veines et vaisseaux du réseau capillaire. — M.J.-L. Prévost(de Genève) a complété les expériences rapportées dans une note présentée à la Société de Biologie par une communi- cation (Compt.-rend. Acad., 10 août 1874) relative à l'action de la Muscarine (principe toxique de l'Agaricus muscarius) sur les sécrétions pancréatique, biliaire, urinaire. La muscarine produit une hypersécré- tion du foie et du pancréas, et diminue la sécrétion urinaire jusqu à la supprimer complétement pendant un certain temps.Ces phénomè- nes disparaissent sous l'influence de l'atropine. _—M. Marion (Compt.-rend. Acad., 10 août 1874) présente une note sur TRAVAUX FRANCAIS. — ZOOLOGIE. 443 les Annélides du golfe de Marseille. Quatre-vingt-seize espèces de ces derniers, parmi lesquelles dix sont nouvelles pour la science, ont pu être déterminées. Il fait connaître en même temps des détails intéres- sants sur le Saccocirrus de la mer Noire, retrouvé dans le même golfe. Chez cette espèce, les sexes sont séparés, mais l'appareil reproducteur présente des particularités exceptionnelles. La dégradation de ses organes pédieux est surtout remarquable ; ces organes sont constitués par des tubes pouvant faire plus ou moins saillie, ou être repliés entiè- rement dans le corps ; dans ces fourreaux protractiles se trouvent sept à huit soies très-simples. Enfin M. Marion a étudié divers Serpuliens et principalement deux espèces d'Apomatus. On peut dire que ces derniers «sont des Psymo- branchus dont l'un des filets branchiaux, dévié de ses fonctions pri- mitives, devient un axe operculaire. » — Il résulte d'une communication de M. V. Gauthier (Compt.-rend. Acad., 10 août 1874) que presque toutes les espèces d'Echinides connues dans la Méditerranée habitent le golfe de Marseille. — L'étude des écailles de la ligne latérale (Compt.-rend. Acad., 18 août 1874) estappelée, d'après M. Léon Vaillant, à fournir des carac- tères précieux pour la classification des Poissons percoïdes. Ces carac- tères, tirés de la position des orifices des glandes à mucus situés le long de cette ligne, peuvent être tout au plus d'ordre générique. — En 1826, Baer a signalé,comme parasite de l'Anodonte, le Buce- phalus polymorphus. En 1854, M. de Lacaze-Duthiers a décrit sous le nom de Bucephalus Haimeanus une espèce du même genre recueillie dans les glandes génitales de l'Ostræœaedulis et du Cardium rusticum, et retrouvée depuis par Claparède. M. Giard (Compt.-rend. Acad. , 17 août 1874) a pu le premier découvrir la destinée ultérieure de ce Bucéphale: il a constaté son enkystement qui s'effectue dans les viscères de l'Orphie (Belone vulgaris Val.). Tout porte à croire que l'animal ainsi enkysté subit une nouvelle migration, et qu’il se transforme en une espèce du genre Gasterostomum dans l'intestin de quelque grand Pois- son auquel l'Orphie sert de pâture. Les espèces de ce Trématode sont du reste plus répandues qu'on ne l'avait cru jusqu'à ce jour. — Les expériences de M. E. Heckel, notre collaborateur (Compt.- rend. Acad., 24 août 1874), établissent que les Insectes peuvent absor- ber les arsénieux et résister à leur action nocive quand on les admi- nistre à petites doses fréquemment répétée. Dans ce cas, Les tubes 444 REVUE SCIENTIFIQUE. malpighiens seuls présentent à l'examen une quantité manifeste d'arsenic. Cette note est suivie de l’étude par le même auteur (Compt.-rend. Acad., 7 septembre 1874) de quelques phénomènes de localisation des sels de plomb chez les Mollusques gastéropodes et céphalopodes. — M. Toussaint (Compt.-rend. Acad., 24 août 1874) a appliqué la méthode graphique à la détermination du mécanisme de la réjection dans la rumination. L'emploi de cette méthode lui permet d'énoncer les propositions suivantes : la raréfaction de l'air dans les poumons est la principale cause du passage des matières alimentaires du rumen et du réseau dans l'æsophage, et par suite iln y a pas, à propre- ment parler, de formation préalable du bol ; cette raréfaction est pro- duite par une contraction diaphragmatique pendant que la glotte se trouve fermée. La diminution de pression intra-pulmonaire est indis- pensable à la pénétration des aliments dans l'æsophage; car, si l’on fait une ouverture à la trachée, les côtes viennent alors au secours du diaphragme et se soulèvent brusquement et en même temps que lui, pour produire instantanément cette dépression. La déglutition est un phénomène beaucoup plus complexe qu'on ne l'avait cru, et qui exige le concours du diaphragmeet des côtes. — La même méthode (Compt-rend. Acad., ? novembre 1874) a été aussi employée par M. Arloing dans l'étude de la déglutition. — Le chlorhydrate d'apomorphine (Compt.-rend. Acad., 24 août 1874), d’après les recherches expérimentales de M. David, produit chez certains animaux, tels que le Chat, le Pigeon, le Lapin, le Rat et le Cochon d'Inde, une excitation particulière qu'il croit pouvoir attribuer à une action spécifique de l’apomorphine sur les centres ner- veux de ces animaux. — À l'occasion des communications récemment faites à l'Académie au sujet de la possibilité d'établir une mer dans Le Sahara algérien {, 1 À la suite d'opérations géodésiques, M. le capitaine Roudaire a constaté que le bord occidental du lit du Chott-Mel-Rir était situé à 27 mètres au-dessous du niveau de la mer, avec une inclinaison moyenne de 25 centimètres par kilomètre dans la direction de l'Est. L'étude des anciens auteurs qui nous ont laissé des renseignements sur la géographie de l'Afrique, jointe aux faits connus sur les Chotts et à ceux que nous venons d'indiquer, lui ont fourni la conviction qu'autrefois le bassin en question communiquait avec la Méditerranée et formait un vaste golfe. C'est vers le com- TRAVAUX FRANCAIS. — ZOOLOGIE. 445 M. Gervais (Compt.-rend. Acad., 31 août 1874) rappelle que le Poisson provenant des sondages artésiens pratiqués dans cette région et décrit par lui sous le nom de Coptodon Zilli, est d'origine flaviatile. La même observation doit aussi être reportée au Cyprinodon, aussi rejeté par les eaux artésiennes du Sahara. Partout où elle est connue, en Algérie, en Espagne, en Portugal, en Syrie, en Egypte et même en Amérique, cette dernière espèce de Poissons est exclusivement propre aux eaux fluviatileset lacustres. C'est aussi dans des terrains lacustres qu Agassiz a retrouvé les Cyprinodons fossiles. Suivant le journal l'Institut, dont nous partageons entièrement les conclusions, ces faits établissent uniquement que les eaux artésiennes de l'Algérie ne communiquent pas avec une mer qui s’étendrait sous la région saharienne, mais avec des eaux fluviatiles ; toutefois ils ne sauraient rien prouver «contre l'existence, admise par quelques-uns, contestée par quelques autres, d'une ancienne mer qui aurait occupé la dépression saharienne et qui se serait évaporée depuis que le relève- ment du sol aurait supprimé sa communication avec la Méditerranée. C'est uniquement par l'examen des débris animaux de la surface du so! ou du sous-sol saharien, que la question de cette ancienne mer peut être tranchée ». — Dans une note sur quelques points de l'anatomie de la Moule commune (Compt.-rend. Acad., 31 août 1874), M. Sabatier considère les organes godronnés comme une branchie supplémentaire. Quand, selon lui, pendant la reproduction, le manteau, devenu un organe viscéral très-actif, dans lequel l'hématose n’a pas lieu, ne peut plus jouer un rôle comme organe de la respiration, ce rôle serait rempli par les organes godronnés. — M. Balbiani, un des délégués de l'Académie (Compt.-rend. Acad., 14 septembre 1874), a reconnu une nouvelle espèce de Phylloxera, qu'il décrit sous le nom de P. Lichtensteinii, dans l'insecte ailé re- cueilli par M. Lichtenstein aux environs de Montpellier, sur les feuilles du Quercus coccifera, et confondu par ce dernier, suivant le savant professeur, avec Le Phylloxera vastatrix (Compt-rend. Acad., 7 septembre 1874). Cette communication est suivie de l'envoi par M. Lichtenstein d’une mencement de l’ère chrétienne qu'on doit reporter le desséchement de cette baie. Dans la séance du 29 juin 1874, M. le capitaine Roudaire a présenté à l'Aca- démie un Mémoire sur la création d'une mer intérieure en Algérie. 446 REVUE SCIENTIFIQUE. note critique dans laquelle il annonce persister dans son opinion, à savoir : que les Phylloxeras abandonnent les visnobles à certaine époque, pour aller pondre sur les chênes à Kermès (Compt-rend. Acad., 5 octobre 1874). — Des expériences ont été entreprises par MM.E. Mathieu et V. Urbain (Compt.-rend. Acad., 14 et 21 septembre 1874), à l'effet de déterminer la cause à laquelle il faut rapporter le changement en fibrine coagulée de la fibrine qui se trouve en dissolution dans le plasma du sang. Il résulte de ces expériences que : 1° l'acide carbo- nique est l'agent de la coagulation du sang; 2° pendant la vie, l’ob- stacle à cette coagulation réside dans les globules sanguins, ceux-ci ayant pour fonction spéciale de fixer non-seulement l'oxygène, mais encore l'acide carbonique contenu dans le sang. Comme consé- quence, l'action de cedernier gaz ne pourraits’exercer dans des con- ditions physiologiques. — M. CG. Dareste (Compt.-rend. Acad., 2? novembre 1874), en pré- sentant à l’Académie une Monographie de Poissons anguilliformes, fait observer que chez les Congres, après la suppression d'un cer- tain nombre d'espèces fictives, il a constaté l'existence de quatre formes distinctes et parfaitement irréductibles, bien qu'elles soient assez semblables pour être rattachées à un même genre : ce sont les Conger vulgaris, Balearicus, mystax et acutidens. — Tout au début de la déglutition, d'après les expériences de M. G. Carlet, avant que le larynx ait commencé son mouvement ascensionnel, et même que le bol alimentaire ait cheminé dans la cavité buccale, un abaissement de pression a lieu dans la cavité pha- ryngienne. » Cette diminution de pression n'est pas due, comme le croyait Maissiat, à l'ampliation du pharynx déterminée par le mouvement en haut et en avant du larynx : elle est produite par le soulèvement du voile du palais, qui vient se fixer contre le pharynx, et sépare ainsi l'arrière-gorge de l’arrière-cavité des fosses nasales. » Sous l'influence du vide produit dans l'arrière-bouche, le bol alimentaire est pour ainsi dire aspiré, et la langue contribue aussi, par une espèce de mouvement péristaltique, à le faire passer en arrière des piliers antérieurs du voile du palais. » La pression de l'air dans la cavité buccale, au moment où la raréfaction s y fait sentir, conserve la même valeur, jusqu'à ce que le bol arrive dans l’æsophage ; ce qui prouve que, une fois que ce TRAVAUX FRANCAIS.— Z00LOGIE. 447 bol a dépassé les piliers antérieurs, la langue obture complétement l'isthme du gosier. Sans cela, en effet, les changements de pression qui s'effectuent en arrière pendant les mouvements du pharynx se transmettraient dans la cavité buccale. » L'invariabilité de la pression buccale permet d'affirmer que si la glotte est fermée dès que commence la déglutition, et si l'on a dé- montré que pendant la déglutition les aliments ne pouvaient péné- trer ni dans les fosses nasales ni dans le larynx, on peut affirmer aussi l'impossibilité du reflux par la bouche, à raison de l’oblitération de l'isthme du gosier. » E. DuBRUEIL. a Botanique. Jusque dans ces derniers temps, on ne s'était guère servi, pour la distinction des espèces végétales, que des caractères extérieurs, et naturellement, la recherche des moindres différences que présen- taient ces caractères devait entrainer tout une École, par suite de sa croyance à l'invariabilité absolue de l’espèce, à multiplier considéra- blement le nombre des types spécifiques, d’après les plus légères variations dans la forme des végétaux. On tend aujourd'hui à réagir énergiquement contre cette manière de voir, et à M. Duval-Jouve revient l'honneur d’avoir montré, par ses travaux, de quelle utilité était l'examen de la structure anatomique pour la détermination des espèces douteuses !. C'est dans cet esprit qu'a été fait un travail présenté par M. Bertrand comme Thèse à la Faculté des Sciences de Paris, sous le titre de : Anatomie comparée des tiges et des feuilles chez les Gnétacées et les Coni- fères?. L'auteur dit, en effet, dès le début de son Introduction : « El y a plusieurs années déjà, à la suite d'études sur les Abies, je fus conduit à rechercher si l’on pouvait différencier anatomiquement les espèces de ce genre. Je reconnus alors qu’il était possible de tirer de l'examen de la structure anatomique des organes végétatifs (tiges et feuilles) de ces plantes d'excellents caractères spécifiques. » Et plus loin il définit le but qu'il a poursuivi, dans les termes suivants : «Je me suis proposé 1 Duval-Jouve ; Des comparaisons histotaxiques et de leur importance dans l'étude critique des espèces végélales, pag. 484. Paris, Baillière, 1871. 2 Annal. des Sc. natur. Botanique, 5e série, tom. XX, pag. 5. 448 REVUE SCIENTIFIQUE. d'étudier comparativement les caractères anatomiques des tiges et des feuilles des Gnétacées et des Conifères, et en même temps de déter- miner les rapports qui existent entre la distribution géographique de ces plantes et leur classification naturelle. » Pour cela faire, M. Ber- trand a recherché par quels caractères anatomiques les genres se différenciaient entre eux; puis, comparant entre elles les structures des espèces de chaque genre, il a été conduit à établir des groupes spécifiques naturels dont la classification est en complet accord avec la distribution géographique. Dans le cours de ce travail considérable, l’auteur a trouvé l’occa- sion de discuter incidemment quelques questions d'anatomie générale ou de morphologie, comme la structure du liber, le parcours des fais- ceaux et des glandes résinifères, la décortication, la nature des Cla- dodes du Phyllocladus, des aiguilles du Pinus monophylla et du Scia- dopitys verticillata. On comprend combien sont nombreux les détails que comporte une étude réalisée suivant le plan que nous venons d'indiquer. De courts résumés et des tableaux synoptiques groupent, d’une façon très-heureuse pour le lecteur, les caractères anatomiques distinctifs des genres et des espèces : ce sont comme autant de jalons qui le guident dans la comparaison de ces différents végétaux au point de vue de leur structure, comparaison de laquelle l’auteur a tiré en dé- finitive les conclusions générales suivantes : « Comparées aux Conifères, les Gnétacées se distinguent par la présence de gros tubes ponctués dans le bois secondaire des fais- ceaux de leurs tiges; par la présence de faisceaux secondaires en dehors de l’anneau des faisceaux primaires. De plus, chaque feuille reçoit plusieurs faisceaux primaires qui restent parallèles chez les Ephedra et les Welwiischia, ou qui s'anastomosent à l'infini, comme chez les Gnetum ; enfin ces feuilles ne contiennent pas de glandes résinifères. » Comparées entre elles, nous voyons que les trois Gnétacées ne diffèrent pas moins par la structure de leurs organes végé- tatifs que par celle de leurs organes floraux. Aïnsi, chez le Welvitschia et chez le Gnetum, nous trouvons des faisceaux libéro- ligneux secondaires en dehors du cercle des faisceaux primai- res; les Æphedra n'ont rien de semblable. De plus, tandis que chez le Welwitschia chacun des faisceaux secondaires de la tige ne peut s’accroître en épaisseur, chez les Gnelum l'accroissement de chacun des faisceaux secondaires est indéfini. Chez le Welwitschia, le tronc ne se couvre jamais d'une écorce crevassée;, chez les Ephedra TRAVAUX FRANCAIS. — BOTANIQUE. | 449 et chez les Gnetum, il y a du rhytidome; mais, tandis que les premiers manquent de suber herbacé, les derniers en produisent constamment. Dans les Gnetum, les faisceaux primaires de la feuille se divisent, se ramifient, sanastomosent, tandis que chez les Ephedra et le Wel- witschia les faisceaux primaires des feuilles restent parallèles; il y en a toujours deux chez les Ephedra; chez le Welwitschia, chaque feuille en recoit un très-grand nombre, il est vrai parallèles entre eux. » En comparant entre eux les différents groupes des Conifères, on voit que le Salisburia se distingue de tous les autres genres par les cellules grillagées de son Liber, par ses glandes résinifères de la moelle. Le genre Phyllocladus se reconnaît à ses cladodes. Les Taxi- nées proprement dites et les Podocarpées ont un liber formé de couches (concentriques) de cellules parenchymateuses, de cellules grillagées, de fibres libériennes et de cellules grillagées; elles offrent du tissu réticulé de chaque côté de la nervure ; mais, tandis que chez les pre- mières il n’y a jamais de tissu de transfusion, il y en a dans la plu- part des plantes du second groupe.» « Les Abiélinées et les Pinées ont un liber secondaire formé de cellules grillagées disséminées sans ordre au milieu des cellules parenchymateuses; de plus, l’oxalate de chaux forme des cristaux libres dans l’intérieur de ces cellules. Autour des faisceaux des feuilles, on trouve du tissu aréolé et une gaîne bien caractérisée. Les Pinées se différencient des Abiétinées par la disposition de leurs feuilles fasci- culées. »Le genre Sciadopitys est caractérisé par la nature spéciale de ses aiguilles. »Les Séquoiées présentent le liber des Taxinées proprement dites, et du tissu aréolé près de la nervure; les Cryptomeria etles Taxodium sont dans le même cas. Ce dernier genre est caractérisé par ses ramu- les caducs. »Les Araucariées offrent la même structure que les Abiétinées et les Pinées, à cela près que les faisceaux des feuilles sont dépourvus de gaîne. Ces faisceaux ne sont que les branches d'un faisceau primaire unique de la feuille. » Les Cupressinées sont carectérisées par la présence de glandes rési- nifères dans leur liber secondaire, dont la structure est la même que chez les Taxinées. Pres des faisceaux des feuilles, on trouve un tissu intermédiaire entre l'aréolé et le réticulé. »Dans les Gnétacées, les trois genres Ephedra, Gnetum et Welwits- chia forment des groupes absolument séparés. Mais si dans les Coni- fères on trouve quelques types bien caractérisés, comme les Abiéti- 450 : REVUE SCIENTIFIQUE. nées, les Cupressinées, les Taxinées, ces types sont reliés entre eux par des formes qui tiennent à la fois de l’un et de l’autre ; d'un genre à l'autre les différences sont beaucoup moins considérables que chez les Gnétacées, et cependant déjà entre deux genres les différences sont beaucoup plus considérables chez les Conifères que chez les autres Phanérogames. À côté de ces types des Abiétinées, des Taxinées et des Cupressinées, on trouve des genres, tels que les Salisburia, Phyllo- cladus, Sciadopitys, Fitz-Roya, qui présentent des différences considé- rables sur quelques points de la structure de leurs organes végétatifs, quand on la compare à ce qu'on pourrait appeler les types normaux des autres Conifères. »Telles sont les conclusions anatomiques de ce travail; mais on peut encore déduire de l'examen des tableaux synoptiques placés à la suite de chaque genre qu'il y a une concordance parfaite entre la dis- tribution géographique des espèces et leur classification naturelle.» — Les Comptes-rendus de l’Académie des Sciences renferment une importante Étude de M. Ad. Brongniart sur les graines fossiles trou- vées à l'état silicifié dans le terrain houiller de Saint-Étienne!. On n'avait jusqu ici que des notions très-imparfaites sur les fruits du terrain houiller connus sous les noms de Cardiocarpus, de Trigo- nocarpus et de Rhabdocarpus. Ceux qui ont servi de base aux études nouvelles de M. Brongniart proviennent du gisement de végétaux silicifiés que M. Grand’ Eury a découvert dans le bassin de Saint- Étienne et qui ont été l’objet d'intéressants travaux dont nous ayons déjà fait mention?. Ces fruits sont mélangés dans les roches siliceuses où on les trouve à de nombreux débris végétaux, et paraissent appar- tenir à une sorte de terreau qui aurait couvert le sol d'une forêt ou qui se serait déposé au fond des mares entourées par ces arbres. C'est à leur séjour dans un milieu humide que doivent être rapportées cer- taines altérations présentées par ces graines. Toutes ont une organi- sation analogue à celle des Cycadées et des Conifères, et M. Bron- gniart les regarde, suivant l'opinion de R. Brown, comme des graines nues. Bien qu’elles appartiennent à un même type, celui des Gym- nospersmes, par leurs caractères essentiels, beaucoup d'entre elles s'éloignent par certains points de celles des Genres actuellement exis- tants,et, bien qu’elles aient une organisation uniforme, ellesse distin- guent les unes des autres par des caractères tranchés, quoique d'im- 4 Comptes-rendus, tom. LXXIX, pag. 343. 2 Revue des Sc. natur., tom. II, pag. 139. TRAVAUX FRANCAIS. — BOTANIQUE. 451 portance secondaire. Ces modifications dans leur structure ont servi à l'éminent Professeur du Muséum pour les classer en dix-sept genres comprenant vingt-quatre espèces. « Nous divisons, dit-il, l'ensemble des genres de graines fossiles que nous avons étudiés en deux groupes principaux : » A. Graines à symétrie binaire, plus ou moins aplaties et bica- rénées. » Ce groupe, très-naturel, comprend les anciens genres Cardiocarpus et Rhabdocarpus, et quatre genres nouveaux que j'ai distingués sous les noms de Diplotesla, Sarcotaxus, Taxospermum et Leptocaryon. Toutes ces plantes paraissent se rapprocher des Taxinées, et l'on pourrait éta- blir une corrélation entre elles et les genres des Taxinées actuelles, des modifications analogues dans les caractères se montrant dans les unes et dans les autres. Ainsi : » Les Cardiocurpus répondraient aux Gingko ; » Les Rhabdocarpus aux Torreya : » Les Diplotesta et Sarcotaxus aux Cephalotaxus ; » Les Taxospermum et Leptocaryon aux Taxus. » B. Graines à symétrie rayonnante autour de l'axe à trois, Six, huit divisions ou à section circulaire. » Ces graines paraissent s'éloigner davantage des formes actuelle- ment existantes ; la plupart présentent la structure du sommet du nucelle que nous avons signalée comme si particulière ‘. [1 me paraît probable que ces genres représentent la fructification de ces arbres, d'une forme également très-anormale, que la structure de leurs tiges et de leurs autres organes de végétation m avait cependant fait ranger parmi les Gymnospermes, tandis queplusieurs des savants qui se sont occupés de ces questions persistent à les classer parmi les Crypto- games. Telles sont les Sigillariées et les Calamodendrées, auxquelles il faut joindre quelques genres admis à la suite des Cycadées et des Conifères. » Les graines fossiles réunies dans cette série ne sont jamais com- primées comme les précédentes ; elles ont une section polygonale ou 1 Le sommet du nucelle, au lieu de présenter ici la forme d'un mamelon conique terminé par une sorte de bouton papilleux (mamelon d'imprégnation), offre une cavité circonscrite par un tissu cellulaire lâche. Cette cavité communique, d'un côté avec le micropyle, et de l'autre s'ouvre largement dans la partie su- périeure du sac embryonnaire. On y trouve souvent des grains elliptiques qui paraissent être des grains de pollen. Il n’y a pas d'exemple de cette structure parmi les végétaux vivants. 452 REVUE SCIENTIFIQUE. circulaire, et souvent une forme générale allongée et prismatique. » On peut les classer ainsi, d’après le nombre de leurs parties con- stituantes et la forme de leur section transversale : » 1° A trois parties : Pachytesta, Trigonocarpus, Tripterospermum. » 20 À six parties : Piychotesta, Hexaptlerospermum, Polypterosper- mum, Polylophospermum. » 3° À huit parties : £riotesta, Codonospermum. » 4° À section Circulaire : Stephanospermum, Ætheotesta. L'étude de ces genres et des espèces qu'on peut leur rapporter forme l'objet de deux communications ultérieures que nous devons nous borner à mentionner. — Un extrait inséré aux Comptes-rendus fait connaître les points principaux d’un Mémoire sur le Protoplasma végétal, par M. Ganeau?. L'auteur s’est spécialement occupé des granulations qui unies à une matière plastique amorphe constituent le protoplasma ; il a reconnu que ces granulations, avant d'être emprisonnées dans la substance amorphe protoplasmique, étaient libres et douées du mouvement brownien. « Les granules libres du protoplasma sont transparents, un peu plus réfringents et plus denses que les fluides cellulaires qui les baignent et se rapprochent généralement de la forme arrondie ; leur diamètre oscille entre + à # demillim., et, à l'aide d'un grossissement et d’un éclairage convenables, on observe que chacun d'eux est en- touré d'une auréole semblable à une pellicule hyaline, dont ils consti- tuent le noyau. Sil'on vient à les précipiter, on remarque qu'aucun des noyaux ne touche au noyau voisin, parce qu’ils sont séparés les uns des autres, dans la petite masse précipitée, par l'épaisseur de l'enveloppe ou couche de matière hyaline qui les entoure. » C'est à la contractilité que M. Ganeau attribue les mouvements qu'on observe dans le protoplasma végétal. — Dans une note à l'Académie des Sciences, M. Is. Pierre signale une action toxique particulière exercée à distance par le COLCHIQUE D'Au- TOMNE, au moment de la floraison *. Il a remarqué que les doigts ap- prochés des fleurs de Colchique changent rapidement de couleur et prennent « la teinte jaune-verdâtre livide, caractéristique des cada- 4 Comptes-rendus, tom. LXXIX, pag. 427, 497. 2 Ibid., pag. 509. 8 Jbid., pag. 633. TRAVAUX FRANCAIS. — BOTANIQUE. 453 vres humains qui commencent à se décomposer ». Si on éloigne la main, cette teinte disparaît au bout de quelques instants. Ce phéno- mène ne se produit qu à l'époque de la fécondation, et M. Pierre pense qu'il est dû à une essence très-volatile, dont il se propose de faire l'étude au point de vue chimique et physiologique. Il indique le rap- port que présente le fait observé par lui avec la production de phéno- mènes spéciaux d'intoxication, chez certaines personnes, par suite de l'épluchage des fleurs de Safran. — L'étude des mouvements dans les végétaux, poursuivie par notre collaborateur M. E. Heckel, lui a fourni le sujet de deux nouvelles communications à l'Académie des Sciences ‘. Dans la première, M. Heckel relate les résultats de ses observations sur les phénomènes de mouvement provoqué qui ont pour siége les stigmates bilabiés des Bignoniacées, des Sésamées et de quelques genres de Scrofularinées. Il a étudié le mode de production de ces mouvements, et il s'est de- mandé quel en était l'organe. Ses recherches l'ontconduit à regarder les trachées comme ayant un rôle actif dans le mouvement, et non pas seulement comme servant à la transmission de l'irritabilité, ainsi que l'a montré M. Ziegler pour les Drosera ?. « Quant aux états de ten- sion, dit l'auteur, invoqués par les Allemands comme cause de ces manifestations, quel cas doit-on en faire quand, comme moi,ona vu le mouvement se produire aussi bien sous l'eau que dans l’air desséché, quand on l'a vu résister également à l'action du vide et de l'air comprimé ? » La seconde communication a pour objet le mouvement provoqué dans les Étamines des Synunthérées. Ce phénomène, contrairement à ce qui à été avancé, n est pas spécial aux groupes des Cynarées et des Chicoracées ; M. Heckel l'a observé dans les Radiées et surtout dans les genres Inula, Aster, Helianthus. Il aexpérimenté l’action des divers anesthésiques sur ces manifestations et celle des excitants connus du mouvement provoqué ; il a constaté que ces derniers, sauf la chaleur, étaient sans effet ; aussi : « la mobilité ne peut être mise en jeu que sous l'influence du déplacement ou de l'excitation calorifique. » — Au point de vue de la structure anatomique, M. Heckel a reconnu que les filets mobiles n'avaient pas tous la même forme, commeonl'adit, leur section transversale n'est pas toujours elliptique, mais dans cer- tains cas circulaire. Il nie l’existence des espaces vides intercellu- 1 Comptes-rendus, tom. LXXIX, pag. 702, 922. 2 Rev. des Sc. natur., tom. III, n° 2, pag. 283. III, 30 454 REVUE SCIENTIFIQUE. laires indiqués par Unger entre les cellules du parenchyme. Il n’a pas trouvé dans les poils que portent les filets des Chicoracées et des Carduacées, la cloison longitudinale que leur attribue ce botaniste; il n’a observé, dans leur partie centrale et de la base au sommet, qu'une traînée de matière granuleuse ; ces poils ne jouent du reste aucun rôle dans le mouvement. Des théories proposées en Allemagne pour l'explication de ces phé- nomènes, c'est celle de Cohn, d'après laquelle ils seraient dus à la contractilité de la cellule motrice, que M. Heckel considère comme d'accord avec la réalité. — Deux notes de M. de Lanessan, insérées dans le Bulletin de la Société linnéenne de Paris, relatent d'intéressantes Observations sur le développement du fruit des Ombelliferes'. L'auteur, en suivant le fruit du Conium maculatum dans son développement, a reconnu que, con- trairement à l'opinion qui regardait les côtes comme formées par les nervures et les lignes d’adhérence des sépales du calice soudé à l'ovaire, ni le calice, ni les nervures des autres organes floraux ne prenaient part à la formation de ces côtes. Il a confirmé les résultats tirés de l'étude du fruit du Conium maculatum par l'examen de ce qui se passe dans d’autres Ombellifères : Phellandrium aquaticum, Laserpitium gallicum, Thapsia villosa, etc., — et de ces recherches il conclut : « 1° Que le développement des côtes sur le fruit des Ombellifères est tout à fait indépendant des faisceaux du calice et de ceux des autres organes floraux. » 20 Que ces faisceaux restent étrangers à la structure des côtes, celles-ci n'étant dues qu à un allongement radial des cellules paren- chymateuses situées en dehors des faisceaux. » 3° Que les caractères tirés de l’absence ou de la présence des | côtes, de leurs dimensions relatives et de leur disposition, sont loin d’avoir l'importance qu'on leur donne généralement dans les classi- fications, puisque les côtes de ces fruits ne sont que des formations accessoires. _ » 4° Enfin, d'une part la réunion des faisceaux des étamines avec ceux des sépales, quand ils existent; d'autre part la formation de la commissure du fruit suivant une ligne sinueuse qui lui permet d'éviter les crganes qui se trouvent sur son passage, et la direction particu- lière et constante que prend cette ligne à travers les organes floraux, EE TT TT ET TT RER EE 1 Bull. de la Soc. linn. de Paris, n° 3. Séance du 1er juillet 1874, TRAVAUX FRANCAIS. — BOTANIQUE. 455 rendent compte de la présence constante de cinq faisceaux sur chaque méricarpe, et de l'intégrité de tous les organes floraux, malgré la division transversale du fruit.» — M. H. Baillon a montré par des expériences à la fois simples et ingénieuses que les feuilles pouvaient absorber de l’eau par leur sur- face!. Il a placé des pieds de Fève, de Pois, dans des conditions de sécheresse qui amenaient leurs feuilles à un état de flétrissure tel que la plante, couverte d'une eloche, même dans une pièce obscure, ne pouvait plus reprendre sa turgescence; si l'on mouille alors les feuilles, l'eau est absorbée de telle facon qu’elle reprend toute sa fraîcheur. Au savant professeur de la Faculté de médecine de Paris sont dues aussi des observations sur le Développement des feuilles des Carapa?. Chez certaines Méliacées à feuilles imparipinnées, les folioles, surtout la foliole terminale, présentent des modifications particulières. M. Baillon a étudié l'évolution de ces organes sur le Carapa Guineen- sis (C. Touloucouna). La feuille très-jeune est imparipinnée et sa foliole terminale est même plus volumineuse que les autres, mais l'extrémité conique et parenchymateuse du rachis devient le siège d'une sécrétion qui n est que temporaire; et quand celle-ci se tarit, le corps terminal glanduleux s’altère, puis se détache du reste de la feuille ; il reste alors en ce point une petite cicatrice, et la feuille est paripinnée. Assez souvent il se passe un phénomène analogue au sommet de certaines folioles latérales ; ce sommet devient glanduleux et sécrète un liquide sucré, mais, cette sécrétion finie, il se dessèche et se détache. Alors « l'extrémité pointue de la foliole (membraneuse, verte, étalée, veinée) ne représente pas du tout son sommet organique réel, qui a disparu, et est occupé au contraire par une petite cica- trice, comme s'il s'agissait d'une feuille articulée dont un petit lobe terminal se serait détaché ». — Une Note de M. G. Dutailly a pour objet la Nature axile des vwrilles ramifiées des Cucurbitacées*. Dans une précédente communica- tion que nous avons mentionnée”, ce botaniste avait montré que la structure de la vrille simple des Cucurbitacées était celle d’un axe dépourvu de feuilles. Des faits observés par lui, il résulte que les _1 Bull. de la Soc. linn. de Paris, n° 3. Séance du 1er juillet 1874. 2 Jbid. Séance du 5 août 1874. 3 Jbid. Séance du 5 août 1874. 4 Rev. des Sc. natur., tom. III, n° ?, pag. 286. 456 REVUE SCIENTIFIQUE. vrilles ramifiées ont une structure analogue et sont formées unique- meut par des faisceaux caulinaires fasciés. « Si la vrille simple est un axe dégénéré, dit-il, la vrille composée est constituée par un axe semblable, lequel supporte nn ou plusieurs axes secondaires par rap- port à lui, et dont nous étudierons plus tard la disposition et le mode d'apparition. » — [L'étude des modifications anatomiques de la tige dans une même plante!, l’Urvillea ferruginea, a conduit M. Dutailly aux conclusions suivantes : «19 On ne saurait placer deux plantes dans deux genres distincts, par cela seul qu'elles offrent des différences anatomiques même nota- bles, puisque dans une même plante la tige peut présenter des varia- tions aussi considérables. .... » 2° L'accroissement inégal des éléments anatomiques des vrilles, suivant leur longueur, ne saurait être invoqué comme la cause unique de l'enroulement, mais il faut à cette première en ajouter une seconde, savoir : la multiplication prépondérante de certains éléments vers l'une des faces de la vrille, ou même leur absence complète vers l’autre face; phénomène que l’on observe dans l'Urvillea, et qui, entraînant nécessairement un défaut d'équilibre entre les diverses portions de cet organe, peuvent en déterminer la courbure ». — M. O. Debeaux a donné la Description d'une espèce nouvelle de Rosa des Pyrénées-Orientales ?, qu'il a dédiée à M. Michel Gandoger, et nommée par suite Rosa Gandogeriana. — Dans une lettre adressée à la Société botanique de France, M. C. Roumeguère a discuté cette question : La couleur et la forme des spores peuvent-elles, comme on l'a prétendu, indiquer les propriétés alimentaires ou toxiques des Champignons *? L'affirma tive a été soutenue de la façon la plus formelle par un mycologue anglais, M. Smith, qui a prétendu que « tous les Champignons à semences blanches sont comestibles, et que les semences de ces Champignons sont généralement rondes ou ovales, tandis que celles des Champignons vénéneux sont d'ordinaire angulaires ». M. Roumeguère cite un grand nombre de faits qui con- tredisent la règle formulée par M. Smith, dont les assertions n'ont par conséquent rien de fondé. { Bull. de la Soc. linn. de Paris, n9 3. Séance du 1er juillet 1874. 2 Bull. de la Soc. bot. de France, tom. XXI, pag, 9. 8 Jbid., pag. 35. TRAVAUX FRANCAIS. — BOTANIQUE. 457 Le même botaniste, M. Roumeguère, a décrit des Formes anomales de l'Osuunpa REGALIS L., observées dans la Haute-Garonne‘. L'une de ces formes consiste dans un mode d’inflorescence rare que l’auteur définit ainsi : « La nervure moyenne de tous les segments de la pin- nule sert d'axe à l'insertion des sporanges, et ces segments sont ensuite presque totalement revenus à l'état foliacé ». L'autre forme observée par M. Roumeguère « représente assez la plante indiquée par M. Watelet, sous le nom d'Osmunda Brayeri (Bull. de la Soc. bot. de France, tom. V, pag. 16). La plante est beaucoup plus basse que le type (40 centim. au plus); ses pinnules sont aussi plus courtes, ses segments plus réduits ; ici, la grappe fructifère est termi- nale, comme dans le type vulgaire, mais ses glomérules sont petits et écartés ; 1ls affectent la forme triangulaire des segments stériles de cette autre forme ». — Une intéressante communication de M. Paul Petita pour titre : Observations critiques sur les genres SPIROGYRA et RHYNCHONEMA. Liste des Sprro&yrA des environs de Paris?. L'auteur ne pense pas qu'on doive admettre le genre Rhynchonema que M Kuetzing a distingué du genre Spirogyra comme ayant un mode différent de conjugation. Les deux conjugations, scaliforme et latérale, peuvent exister simultanément sur un même filament d’Algue et ne sauraient fournir par conséquent un caractère générique. De plus, les Spirogyra et les Rhynchonema présentent de telles ressemblan- ces et se rapprochent par tant de points, que M. Petit «n'hésite pas à conclure que le genre Rhynchonema ne doit pas être conservé, et que les espèces de ce genre doivent être considérées comme des variétés à conjugation latérale des Spirogyra qui leur correspondent.» — M. l'abbé Miégevilie, dans une Nouvelle Étude d'un Trisetum des Hautes-Pyrénées, a discuté avec soin la légitimité d'une espèce trou- vée, il y a une douzaine d'années, par MM. l'abbé Laffitte, Bordère et lui, dans les montagnes de Héas, appartenant à la vallée de Barèges. De cette discussion il conclut que ce Trisetum n'est pas, comme l'avait pensé J. Gay, le Trisetum agrostideum de Fries, qu'il ne peut être considéré comme une forme de quelqu'un des Trisetum du Nord, et quil constitue une espèce nouvelle à laquelle il donne le nom de T. Baregense. 1 Bull. de la Soc. bot. de France, tom. XXI, pag. 81, 2 Jbid., pag. 38. 3 Jbid., pag. 43. 458 REVUE SCIENTIFIQUE. — Dans une Note pleine d'érudition!, M. Edmond Lefranc a recherché quelles étaient les notions des anciens sur la Mousse de Corse, et quelles propriétés ils lui attribuaient. Il résulte de cette étude que l'usage de ces Algues comme vermufuge était inconnu dans l'an- tiquité, et que leur emploi à ce titre ne remonterait pas au-delà du xvi® siècle, époque à laquelle on le trouve signalé pour la pre- mière fois par Matthiole. Quant à la synonymie, elle pourrait être établie de la facon suivante, depuis Théophraste jusqu'à nos jours : ®üxos Tpuywdns, Théophr. (lib. IV, cap. vi). 1° Chez les anciens. ? Bpvov 6&l4souv, Dioscor. (lib. IV, cap. xcri). Muscus marinus incertus des Latins. ! Helminthocorton des Grecs modernes. \ Mousse de Corse des Traités de matière mé- dicale, et par synecdoque. \ Corallina officinalis des commentateurs. 20 Chez les modernes. — M. Lefranc a également communiqué à la Société botanique une étude critique intitulé : Les RocceLLA et le RHYTIPHLOEA de la Méditerranée, par-devant la Pourpre de Tyr?. T1 établit dans ce travail que le Fucus marinus tinctorius des Grecs anciens correspond au Roccella tinctoria DC., et non au Rhytiphlæa tincioria Ag., comme l'avait pensé M. Debeaux. De plus, c'est bien aux Murex brandaris et trunculus qu'il faut, suivant l'opinion de Réaumur et de Du Hamel, rapporter la véritable origine de la Pourpre de Tyr, tandis que le Fucus tinctorial des anciens fournissait une sorte de pourpre dite Pourpre d'Amorgos. — Nous avons analvsé, à propos des communications dont elles ont été l'objet à l'Académie des Sciences, les observations de M. le professeur A. Chatin sur l'Organogénie comparée de l’Androcée®. Nous ne ferons donc que mentionner l'article publié dans le Bulletin de la Société botanique de France, qui en renferme l'exposé. — La fécondation chez les Alques, ei en particulier chez l'UrLorarix SERIATA 5, a fourni à M. Max. Cornu le sujet d'une Note dans 1 Bull. de la Soc. bot. de France, tom. XXI, pag. 48. Ibid.. pag. 85. Rev. des Sc. natur., tom. II, pag. 377, 563; tom. III, pag. 84, 282. Bull. de la Soc. bot., tom. XXI, pag. 61. Ibid., pag. 72. COR CU ©) TRAVAUX FRANCAIS. — BOTANIQUE. 459 laquelle il signale des particularités intéressantes dans le mode de reproduction de ces plantes. Elles peuvent, en effet, se féconder au moyen de deux masses plasmatiques, l’une mâle, l’autre femelle, provenant du plasma d'une seule cellule, lequel s’est divisé en deux parties. L'Ulothrix observée par M. Cornu ne lui paraît appartenir à aucune de celles qui sont connues, et il propose pour elle le nom d Ulothrix seriata. — M. Paul Sagot a fait, sur la germination de Graines semées avant leur maturité!, des expériences d'où il tire les conclusions sui- vantes : | «On doit croire qu'aussitôt après la fécondation, la vie propre existe dans le même embryon, mais cette vie ne peut encore affron- ter les éléments extérieurs, et doit se développer d'abord au sein du fruit. » Le premier moment où commence cette aptitude à vivre au dehors varie d'une espèce à une autre. Pour certaines plantes cette aptitude est précoce, pour d’autres elle est tardive. » Il semble aussi que, d'une espèce à une autre, doit varier le caractère de végétation de la graine non mûre ; végétation parfois lente et même maladive, parfois à peine ralentie d’abord et bientôt normale. » Ces variations d'une espèce à une autre ont d'autant moins de droit de nous surprendre que les graines présentent véritablement beaucoup de variété. Elles sont grosses ou très-petites, pourvues ou dépourvues de périsperme, sèches ou quelquefois humides. Leur premier développement est tantôt rapide, tantôt lent; elles deman- dent une température élevée pour germer, ou se contentent d'une température basse. » À tous les points de vue, au surplus, les conditions de bonne et légitime végétation diffèrent d'une plante à une autre, et chaque espèce a son cachet physiologique, comme sa forme propre.» — M. le professeur Planchon a fait à la Société de botanique une communication sur les Vignes sauvages de l'Amérique du Nord?. Il en énumère les espèces et rectifie leur nomenclature ; elles forment, dans le Genre Vitis, deux Sections ou sous-Genres. Une seule espèce 1 Bull. de la Soc. bot. de France, tom. XXI, pag. 77. 2 Jbid., pag. 107. 460 REVUE SCIENTIFIQUE. compose la première section, que M. Planchon nomme Muscadinia ; c'estle Vitis rotundifolia de Michaux, qui est très-différent des au- tres par la constitution de son bois et par la manière dont mürissent ses fruits, ceux-ci se détachant un à un de la grappe à mesure qu'ils sont à point. Les autres espèces sont très-semblables au Vitis vinifera, et constituent la seconde section, Euvitis. Ces espèces sont au nom- bre de neuf: Vitis labrusca L., Vitis candicans Engelm, Vitis Caribæa DC. Vitis æstivalis Michx, Vitis cordifolia Michx, Vitis rupestris Scheele, Vitis monticola Buckley, Vitis arizonica Engelm., Vitis Californica Benth. — M. Martial Lamotte a fait connaître quelques plantes nouvelles ou récemment découvertes en Auvergne!. Trois espèces nouvelles sont proposées par lui : un Dianthus, D. Girardini; un Hypericum, H. Dese- tangsii; un Taraxacum, T. Salsugineum. Les espèces trouvées récemment en Auvergne sont les suivantes : Silaus virescens Boiss., Cirsum palustri-rivulare Nægeli, Gagea saxa- tulis Koch, Bromus patulus Mert. et Koch, Carex pilosa Scop. — Sous le titre : De Junco in Gallia recentius observato?, M. Cosson a donné la description d'un Jonc nouveau pour la Flore de France, recueilli par M. A. Guillon dans les Pyrénées-Orientales. Il le rapporte au Juncus balticus Deth., mais avec un léger doute, parce quE la capsule müre et Les graines n’ont pu être observées. — Dans une note sur les Moelles à employer dans les travaux de mi- crotomie*. M. Duval-Jouve a signalé les avantages que présente, sui- vant les cas, l'emploi des moelles de l’Ailantus glandulosa, du Verbas- cum thapsus et du Silybum marianum. Leur résistance, plus grande que celle du Sureau, va croissant de l’Ailantus au Silybum, de sorte que l’on doit se servir de l'une ou de l’autre, suivant le plus ou moins de dureté des objets. On sait, en effet, que pour qu’une coupe soit bonne, 1l faut que l’objet à couper soit enveloppé dans une substance d'une résistance à peu près égale à la sienne. On doit au même botaniste une Étude histotaxique des Cyperus de France. Cet important travail publié in extenso dans les Mémoires de 1 Bull. de la Soc. bot. de France, tom. XXI, pag. 120, 2 Jbid., pag. 130. S Ttid. pas 4113" 4 In-40 avec 4 planches coloriées et gravures sur bois dans le texte ; chez J.-B. Baillière. TRAVAUX FRANCAIS. — BOTANIQUE. 461 l'Académie des Sciences de Montpellier, a été résumé dans une communication de l'auteur à la Société botanique de France*. Il con- tinue la série de ceux dans lesquels M. Duval-Jouve a appliqué le principe de la comparaison histotaxique à l'étude des espèces végé- tales, principe qu'au début de ce Mémoire il rappelle dans les termes suivants : «Démontrer que par la disposition et la forme des tissus de ses parties essentielles, racine, tige et feuille, chaque espèce présente des caractères qui n'appartiennent qu à elle, persistent sous les varia- tions de la surface et peuvent faire reconnaître cette espèce, même sur de minimes fragments : tel a été l'objet de presque tous mes tra- vaux depuis 1856.» Le résultat de cette étude, relativement à la détermination des espè- ces de Cyperus, est formulé dans l’épigraphe inscrite par M. Duval- Jouve en tête de son travail : «Un centimètre d'une partie quelconque, racine, rhizome, chaume, feuille, suffit pour déterminer un Cyperus». Mais, malgré l'intérêt de ce résultat, ce n'est pas lui qui forme le point essentiel mis en lumière par M. Duval-Jouve, pour quiles con- sidérations générales qui découlent de ses recherches en consti- tuent la partie la plus importante. Il dit, en effet (pag. 401) : » Si les comparaisons qui précèdent nous conduisaient seulement à cette conclusion, indiquée au début, que, avec un fragment quel- conque on peut déterminer un Cyperus, ce résultat, malgré son uti- lité pratique, n'aurait à mes yeux qu'une médiocre importance. Mais ces comparaisons, faites sur toutes les parties de plusieurs espèces et de plusieurs genres différents, confirment et font mieux comprendre certaines vérités plus générales et d'une autre portée. » A ce point de vue, il fait ressortir les variations que subissent ces végétaux suivant les conditions dans lesquelles ils se développent et vivent; ilmontre comment ces variations, faibles d'abord, mais trans- mises en vertu de la loi d'hérédité, vont en s’accentuant et peuvent acquérir avec le temps une fixité qui donne à la transformation ainsi opérée la valeur d'un type nouveau. Il cite des exemples de formes produites de cette façon par suite de modifications imprimées à un type originel commun, formes dont quelques-unes peuvent être considérées comme étant actuellement en cours d'évolution. C'est en entier que nous voudrions pouvoir citer ce remarquable chapitre, mais il nous faut borner aux lignes suivantes, par lesquelles il se termine : ! Bull. de la Soc. bot. de France, tom. XXI, pag. 114. 462 REVUE SCIENTIFIQUE. « La modification de l'épiderme et le développement des stomates (dans les feuilles aériennes du Scirpus lacustris), répondant au besoin de la plante vivant à l'air libre, nous montrent une parfaite harmonie entre la fonction et l'organe, et de plus nous font voir avec évidence que cette harmonie se constitue sous l'influence du milieu et avec le besoin de la fonction. D’autres conditions de milieu imposent à l'in- dividu de nouvelles fonctions : il périt si ses organes ne s'y adaptent pas, il continue à vivre si ses organes sont assez flexibles pour se mo- difier et adapter les formes de leurs éléments au besoin nouveau. Loin que ce soit la forme de l'organe, qui préétablie ab initio pour une fonction amène cette fonction, c'est au contraire la fonction qui détermine et amène la forme de l'organe. Tout paraît provenir, dans l'être organisé, non de lois absolues et préétablies en dehors de lui, mais de tendances à continuer à vivre en se mettant en harmonie avec les circonstances. » Maintenant, ces formes nouvelles, déterminées par le besoin de la fonction, disparaîtront-elles tout entières avec l'individu et sans qu il en reste la moindre trace à ses descendants ? La loi de l'hérédité subira-t-elle une exception unique pour ces caractères acquis ? Cela semble bien improbable, et cependant il faudrait l'admettre, pour avoir le droit de repousser ce qu'on appelle l'hypothèse du transformisme. Il faudrait faire une contre-hypothèse qui füt la négation des lois ordinaires de l'hérédité, pour refuser à certains caractères acquis par adaptation Le droit d'être transmissibles. Nous voyons au contraire, par l'expérience, que ces modifications se transmettent dans nos cul- tures : faibles d'abord, comme la durée de l'influence, et promptes à disparaître si l'influence cesse; fortes, durables et progressives'si l'influence a été forte, durable et progressive. Et il est permis den conclure que les types nouveaux amenés par certaines conditions ont une persistance au moins égale à la durée des conditions géologiques qui en ont déterminé l'apparition. » Ainsi, d'une part la constatation de modifications dans les tissus d'un organe , de l’autre celle de la persistance et de la trans- mission des caractères acquis, nous permettent de comprendre com- ment ces modifications peuvent, avec l'énergie des circonstances, s'étendre à toutes les parties de l'organisme, et, avec la persistance des mêmes conditions, se fixer et aboutir à ce que nous tenons pour espè- ces différentes, espèces distinctes, aussi bien par leurs caractères anatomiques que par leur forme extérieure, des types dont elles se sont écartées, par développement si les conditions ont été favorables, par réduction dans le cas contraire. Mais nulle transformation ne se TRAVAUX FRANCAIS. — BOTANIQUE. 463 fait subitement, et dans le monde organique tout marche par grada- tion et par nuances. » Il en est de même dans le monde intellectuel...» Nous arrêtons ici cette Revue, renvoyant, faute d'espace, au pro- chain numéro, l'analyse de quelques travaux intéressants, parmi lesquels une Monographie du genre Fistulina, par M. de Seynes. Henri SICARD. NP ES Géologie. — Dans la séance du 10 août 1874, M. Daubrée présente une Note de M. H. Coquaxp, sur L'Age et la Position des marbres blancs statuaires des Pyrénées el des Alpes apuennes en Toscane (Compt.-rend., p. 411). — Dans cette Note, M. Coquand rappelle comment, dans un Mémoire publié en 1845 (Bull. Soc. géol. France), il avait été amené à classer les marbres statuaires Toscans de-Carrara et de Campigliese dans les terrains paléozoïques où le calcaire carbonifère, en tant que calcaire, remplit un rôle si important. Plus tard MM. Savi et Meneghini, qui avec presque tous les géologues italiens avaient repoussé l’idée de M. Coquand, ont fini par s'y rallier. Cette classification des marbres des Alpes apuennes recoit aujourd'hui une confirmation éclatante par suite des études de l’auteur : {° dans le haut de la vallée d'Ossau dans les Pyrénées, où le calcaire saccharoïde à couzéranites se trouve recouvert par des schistes bitumineux à plantes houillères; et 2° dans les marbres exploités près de Laruns. Ici, il a trouvé, transformés en véritables marbres statuaires, des fossiles tels que l’Ampleæus coral- loides, des Polypiers du genre Michelienia, et de longues tiges de Calamites, représentants les plus autorisés de la faune carbonifère. La paléontologie vient donc donner une sanction péremptoire aux conclusions déduites des données stratigraphiques. M. Coquand combat l'opinion du professeur Leymerie, qui rapporte les marbres blancs des environs de Saint-Béat aux calcaires primitifs de Charpentier, et maintient comme jurassiques ou crétacés les mar- bres à couzéranites de la bande orientale de la chaîne des Pyrénées qui de la Garonne pénètre dans l'Ariége. Il conclut en affirmant qu'il ne peut reconnaître comme primitifs les marbres statuaires et couzéranitifères de Saint-Béat, et qu'il les considère comme contemporains des calcaires carbonifères de la vallée 464 REVUE SCIENTIFIQUE. d Ossau, lesquels sont, à leur tour, statuaires, couzéranitifères et de plus fossilifères. Que les grès rouges sur lesquels reposent les mar- bres saccharoïdes de Saint-Béat soient triasiques, comme le croit M. Leymerie, ou devoniens , comme le croit M. Coquand, il devient incontestable que les marbres qu'ils supportent ne peuvent pas être reconnus comme primitifs. — Des stations celtiques au point de vue géologique. Note de M. Eugène RoBerT (Compi.-rend., 17 août 1874, p. 452). — Quand les premiers habitants des Gaules, les Celtes, s'établirent dans le pays que nous habitons aujourd'hui, ils dûrent, suivant M. Robert, rechercher de préférence les localités riches en silex. Ne connaissant pas l'usage du fer, ou du moins ne sachant pas en réduire les minerais, et ayant sans doute conservé le souvenir des instruments tranchants en lames de silex avec lesquels les Hébreux pratiquaient la circoncision, ils furent heureux de rencontrer, dans leurs dernières étapes, d'excel- lentes pierres siliceuses dont ils pouvaient tirer aisément tout ce qu'on obtient du fer avec tant de peine. En France, les silex provenant, soit de la craie, soit des terrains lacustres, sont très-abondants. Ces derniers surtout se prêtaient mer- veilleusement aux usages auxquels les destinaient ces peuplades pri- mitives ; car, tout en se laissant tailler souvent avec beaucoup d'art, ils se rompent moins facilement, peut-être à cause de la nature calcé- donieuse de leur pâte, mais peut-être aussi à cause de la disposition superposée, ou s’emboîtant les unes dans les autres, des zones ou bandes qui les constituent. Ce n'est que faute de mieux que ces premiers habitants de la France se contentaient, pour leur usage, des silex roulés qui, ayant perdu déjà depuis longtemps leur eau de carrière, sont devenus plus fragiles et se cassent au moindre choc. Saint-Acheul est, suivant M. Robert, un exemple frappant de la vérité de cette assertion ; ici la grossièreté des pierres faconnées, les nombreux déchets ou les pierres simple- ment ébauchées, l'absence complète des haches polies, témoignent des difficultés qu'on devait rencontrer à se procurer de bons imstru- ments dans les atterrissements de la Somme. Sur les hauteurs de Précy-sur-Oise, au contraire, les haches les plus grossières coudoient les haches polies, provenant, les unes et les autres, de silex non roulés. Comme qualité, l'auteur met en premièreligne les silex d’eau douce qui, loin de s'altérer à l'air, quoiqu'ils soient susceptibles d'y blanchir, semblentau contraire acquérir plus de force. Viennent ensuite les silex TRAVAUX FRANCAIS. — GÉOLOGIE. 465 pyromaques, dont la variété blonde ou blanc jaunâtre semble avoir été fort recherchée par les Celtes. M. Robert pose comme un fait que chaque fois que l’on parcourt des champs dont le sous-sol appartient au calcaire d'eau douce (recon- naissable à ses Gyrogonites, et quelquefois à ses Limnées, Palu- dines, etc.), ou à la craie (reconnaissable à ses Radiaires, notamment à ses Oursins), on est sûr de rencontrer des témoignages irrécusables du long séjour qu'un peuple primitif a fait dans nos provinces. — De la faible influence qu'ont exercée les eaux diluviennes sur la for- mation des vallées du bassin de Paris. Note de M. E. RoBerT (Compt.- rend., » octobre 1874, p. 817). — De l'examen scrupuleux des vallées de l'Oise et de l’Aiïsne, l'auteur conclut que la configuration du bas- sin de Paris n'a guère changé depuis que ce bassin a été abandonné par les eaux lacustres, qui y avaient remplacé les eaux marines. Il établit : {o une période lacustre d’une durée indéterminée ; 2° une période diluvienne fort courte ; 3° une période humaine ou historique, qui dure encore. — Présence du genre Lépisostée parmi les fossiles du bassin de Paris, par M. P. Gervais (Compt.-rend., 12 octobre 1874, p. 844). — Suivant M. Gervais, les restes (écailles) de ce genre de Poissons ganoïdes, trouvés dans le bassin de Paris , avaient été attribués par Agassiz au genre Lepidotus, qui paraît n avoir existé que pendant l'époque secon- daire, et c’est sur ces écailles qu’il avait établi son Lepidotus Maximi- liani. Après ce savant naturaliste, d’autres gisements d'écailles sem- blables à celles qu'il avait étudiées ont été signalés dans différentes localités du bassin de Paris; déjà, à propos de celles trouvées à Muirancourt, près Noyon, M. Gervais avait émis l'opinion qu'elles devaient, ainsi que celles du Lepidotus Maximiliani Agass., être rap- portées au genre des Lépisostées. L'espèce de Muirancourt est le Lepidosteus Suessonensis Gervais. Il était impossible alors d'appuyer cette détermination sur autre chose que l'examen de quelques écailles et d'un petit nombre de fragments de mâchoires n'ayant que des dents peu nombreuses ou les insertions de ces dents. Aujourd'hui M. Vasseur vient d'en trouver en abondance à Naufles, près de Gisors, dans un gisement qu'il a découvert ; il y a, avec ces écailles, des dents, des plaques céphaliques, des rayons de nageoires, des vertèbres, etc. De sorte qu’il ne reste plus aucun doute au sujet de l'assimilation des Poissons dont elles proviennent avec les Lépisostées, genre de Pois- sons ganoïdes actuellement confinés dans l'Amérique septentrionale, 466 REVUE SCIENTIFIQUE. ce qui permet à M. Gervais de conclure qu il a réellementexisté dans les eaux du bassin de Paris, pendant les premiers temps de la période tertiaire, des véritables Lépisostées. D' PALADILHE. — Sur quelques points de la Géologie du département de Tarn-et- Garonne. Le Permien, le Lias inférieur et le Séquanien; le gypse de Varen et les gisements de phosphate de chaux; par M. Alph. PÉRON! Bull. Soc. géol., 3° sér., tom. IT, n° 2. — M. Alph. Péron, un des géologues chargés par le Conseil-général de dresser la Carte géolo- gique du Tarn-et-Garonne, fait connaître dans ce Mémoire le résul- tat de quelques-unes de ses observations. Nous nous bornerons à reproduire les conclusions de ce travail : «1° La série de couches sédimentaires au sud du plateau central n’est pas continue ni concordante. » 2° L'étage permien a, dans la vallée du Gérou, la composition que lui ont attribuée MM. Reynès, Fabre, etc., dans l'Aveyron: le zechstein à faciès marin, que M. Magnan y avait introduit, doit dis- paraître de la Carte géologique et être remplacé par du lias inférieur. » 3° Le lias inférieur, loin de présenter, dans le Tarn-et-Garonne, le mélange de toute la faune liasique, est, dans ce département comme dans l'Aveyron, presque dépourvu de corps organisés, et composé en grande partie de roches magnésiennes. » 4° L'étage séquanien de la Rochelle et de Tonnerre est nettement représenté à la partie supérieure des couches oolithiques dans le département du Tarn-et-Garonne, où il n'avait pas encore été signalé. » 59 Toutes les couches gypsifères des environs de Varen, les marnes rouges et le calcaire d'eau douce qui les surmontent, doivent être transportés, des étages du trias, où ils ont figuré jusqu'ici, dans l'étage tertiaire éocène. » 6° Les phosphates de chaux du Quercy sont une dépendance absolue du terrain tertiaire lacustre, et une formation de la base de ce terrain. On ne les trouve que sur les plateaux de calcaires jurassiques qui ont été parcourus par les eaux tertiaires, et dans les espaces dé- nudés que laissent entre eux les flots de terrain éocène.» — Note sur la découverte du terrain carbonifère faite à Saint-Nicolas- 4 Ainsi que nous l'avons annoncé, nous rendons compte, dans le présent fas- cicule, des principaux Mémoires contenus dans le n° 2, tom. IT, 3e série, du Bull. de la Soc. géol. de France. TRAVAUX FRANCAIS. — GÉOLOGIE. 467 de-Rougemont; par M. l’abbé Raporsson (Bull. Soc. géol., 3e sér., tom. II, no 2). — «Jusqu à présent on ne connaissait à Rougemont que le grès rouge permien venant s'appuyer directement sur une grauwacke métamorphique classée par M. Kæclin-Schlumberger et Delbos dans le terrain de transition ancien. — Sur les Oursins des Antilles suédoises; par M. CortTeau (Bull. Soc. géol., 3° sér., tom. IT, n° 2). — Pour le moment, l’auteur se borne à signaler la ressemblance qui existe entre les Oursins miocènes des Antilles, et ceux qui ont été recueillis dans les dépôts du même âge de quelques îles de la Méditerranée, de l’île de Malte notamment. La même ressemblance n'existe pas pour le terrain éocène. — Sur les fossiles miocènes de Cabrières d'Aigues et du Mont Léberon; par M. Tourxouer (Bull. Soc. géol., 3° sér., tom. IE, n° 2). — La Revue, en analysant l'ouvrage de M. Gaudry (tom. IT, p. 150), a déjà rendu compte de ce travail. — Sur la nécessité de conserver, au moins sous le rapport géologique, les Gryphées et les Exogyres, par M. LEeYMERIE (Bull. Soc. géol., 3° sér., tom. IT, n° 2). — D'après notre savant collaborateur, au point de vue conchyliologique, car il ne peut être question ici du point de vue mala- cologique, les deux genres susmentionnés étant seulement connus à l’état fossile, 1l existe des différences notables entre les Gryphées, les Exogyres et les Huîtres. Sans parler de la plus grande régülarité et de la plus grande con- stance de la forme générale des deux premiers genres, les Gryphées présentent un crochet direct, et les Exogyres un crochet oblique spi- ral toujours constants. Le crochet gryphoïde ou exogyral de l'Huître ne peut, au contraire, exister que par exception. Cette distinction est d'autant plus importante à conserver , qu'elle constitue un puissant moyen de détermination. En effet, les Ostra- cées, normalement et constamment crochues, ne se trouvent que dans les formations secondaires ; les véritables Gryphées indiquent le terrain jurassique, tandis que les Exogyres dénotent le terrain crétacé et les assises supérieures du terrain jurassique : ces dernières assises sont surtout caractérisées par de petites espèces; les grandes espèces, au contraire, sont exclusivement propres aux divers étages crétacés. Une importante observation à cette communication est faite par M. Bayan. Ce dernier « ne croit pas, comme M. Leymerie, que les Gryphées et les Exogyres manquent dans les terrains tertiaires ; il 468 REVUE SCIENTIFIQUE. cite notamment : les Ostrea eversa Mell., 0. Brongniarti Bronn, et O. navicularis Brocchi, dont tous les échantillons, sans exception, rentrent dans une des deux catégories indiquées ». — Note sur un cräne de Morse (TricHECHUS ROSMARUS Linn.) et autres débris fossiles trouvés dans un dépôt quaternaire près de la ville de Sainte- Menehould (Marne); par G.-A. DEFRANCE (Bull. Soc. géol., 3° sér., tom. II, n° 2). — Le dépôt quaternaire local dont il s’agit, fait partie d'un ensemble de lambeaux connus sous le nom d'Alluvions an- ciennes de l’Aisneet de l’Ante, qui s'étendent sur les flancs de deux rivières dont il prennent les noms. La portion sur laquelle ont porté plus spécialement les recherches de M. G.-A. Defrance est située sur un plateau qui domine les vallées des rivières de l’Auve et de l'Aisne. Une ligne de démarcation nette- ment tranchée sépare, à une altitude de 170 mèt. au-dessus du niveau de la meret de 30 mèt. au-dessus de la vallée de l’Auve, les deux couches qui la constituent, à savoir: une zone inférieure, formée d'une couche arénacée en contact avec le sable vert du Gault, sur lequel elle repose; et une zone supérieure composée d’un limon rouge argilo-sableux. C'est dans la couche inférieure de ce dépôt, dont l'exploitation a depuis longtemps révélé parmi ses graviers la présence de débris fossiles, que M. Defrance a trouvé les suivants : un crâne de Morse parfaitement conservé; une phalange se rapportant probablement au même individu ; des molaires d’Elephas primigenius, de Rhinoceros tichorhinus? de Cheval, de Bœuf, de Mouton; des fragments de bois de Cervus elaphus; une portion de mâchoire inférieure de Canis lupus; une canine d'Ursus spelœus ; un bréchet d’un volatile du genre Canard. Enfin, parmi les Mollusques se rapportant à l'époque quaternaire, il n’a rencontré qu'une coquille de Cerüthium vulgatum et une valve d'Unio littoralis. C'est sur la découverte du crâne de Morse, découverte faite par lui en personne, que Defrance appelle plus particulièrement l'attention. Certains caractères minéralogiques, sa pesanteur, sa dureté, sa cassure, portent ce dernier à regarder la tête en question comme fossile ou tout au moins comme subfossile. «Au surplus, ce crâne est entièrement recouvert d'une patine ocreuse qui lui donne une teinte jaunâtre, faciès commun à la plupart des galets et des débris que fournissent les alluvions» dont il s'agit. Cette teinte est due à la décomposition de rognons de sulfure de fer signalés dans ces couches. TRAVAUX FRANCAIS. — GÉOLOGIE. 469 Hâtons-nous de dire que tous les débris susénumérés ne présen- tent pas, au même degré que la tête de Morse, les caractères de fos- siles. On comprend l'importance qu'aurait une pareille découverte : elle conduirait à admettre pour le diluvium une origine en partie marine. Aussi le professeur Gervais, qui avait déjà révoqué en doute l’au- thenticité d’une pièce semblable, présentée en 1858 par M. Gratiolet et trouvée dans le diluvium de Montrouge, s'élève-t-il contre l'âge attri- bué par M. Defrance au crâne par lui découvert près de Sainte-Mene- hould. Ce savant fait observer « que les ossements qui ont été jus- qu'ici recueillis dans le diluvium étaient des ossements d'espèces actuelles dont l'enfouissement est certainement dû à l'homme, quoi- quon n'en puisse préciser les circonstances. La tête de Morse pré- sentée par M. Defrance n'a certainement pas le même faciès que les autres pièces qu il a recueillies. Elle ne porte pas un grain de sable, et les stries du front sont incontestablement dues à des entailles faites sur l’animal frais en le dépecant. De même, le Canard n'est évidem- ment pas fossile. M. Gervais croit pouvoir affirmer que le Morse n'est pas contemporain de la faune que M. Defrance lui associe»... Enfin, M. Tournouer ajoute que, « pour appartenir à l'époque qua- ternaire, «le Cerithe est trop bien conservé, et que M. Gervais en a trouvé de plus décolorés dans des tombeaux préhistoriques ». — Sur la présence du genre Spirophyton dans les terrains paléozoi- ques de l'Espagne; par M. Bayax (Bull. Soc. géol., 3° sér., tom. IT, n° 2). — Parmi les échantillons recueillis en Espagne par M. Reydellet, figure un fragment de grès rouge dont il n'a pas pu indiquer les rela- tions précises. Mais il est impossible de ne pas rapporter le fossile que contient ce fragment au genre Spirophyton créé par M. Hall pour un certain nombre de restes végétaux de la famille des Algues. Les espèces rencontrées aux États-Unis appartiennent à la faune devonienne. Il est naturel de penser que le gisement du même genre, en Espagne, doit être compris dans les mêmes limites. — Age relatif des calcaires à Terebratula Moravica et du Diphya- Kalk( ou calcaire à T. janior et T. diphya ; par M. Hégserr (Bull. Soc. géol., 3 sér., tom. IT, n° 2). — A l'occasion de la publication de la troisième livraison, contenant la description de 143 espèces de Gas- téropodes, de fa faune de Stramberg, par M. Zittel, M. Hébert fait remarquer que ces Gastéropodes sont ceux des calcaires à Terebratula III, 31 470 REVUE SCIENTIFIQUE. Moravica du reste de l'Europe. La faune des Céphalopodes des mêmes localités se rencontre également en France, mais dans des couches complétement distinctes. Loin d’être contemporains, le Diphya-Kalk et le calcaire à Terebra- tula Moravica et à Diceras Lucii sont deux systèmes tout à fait distincts par leur faune; ils sont de plus séparés par une couche assez puis- sante de schistes à Aptychus. Le savant professeur ajoute qu'après les coupes dues à M. Mæsch, dans son Mémoire sur le terrain jurassique des Alpes de la Suisse orientale, «il ne saurait être permis de con- fondre ces deux faunes sous le nom de Faune tithonique.» Après avoir recherché la cause de cette confusion, M. Hébert se demande quel est l’âge absolu des calcaires à Terebratula Moravica. Leurs caractères paléontologiques se rapprochent plus de la faune corallienne que de toute autre. La présence, dans ce terrain, de la Rhynchonella triloba, « qui occupe, dans le midi de la France et dans toute l'Europe, un niveau déterminé entre les couches à Ammonites polyplocus et le calcaire à Diceras Lucii », empêche l'auteur de le rap- porter, avec MM. Zittel et Mæsch, à l'étage kimméridien. Quant aux calcaires à Ammoniles polyplocus et tenuilobatus, con- trairement à l'opinion de beaucoup de géologues Suisses et Alle- mands, non-seulement ils sont antérieurs au vrai kimméridge, mais même à tout le coral-rag du Jura méridional. E. DUBRUEIL. — Raccordement des calcaires Kimméridiens de Cirin avec ceux de Chambéry; par TH. EBray (Bull. Soc. géol., 3" série, tom. IF, n° 4. — Le savant auteur de cette note cherche à établir que dans la série des terrains intermédiaires entre le Jurassique supérieur et le Crétacé, il existe des variantes nombreuses, même en prenant des coupes voi- sines les unes des autres. Dans l’exemple qu'il cite à l'appui de cette opinion, il montre un même horizon géologique , le Valangien ou Néocomien inférieur, recouvrant, dans deux localités séparées par A kilomètres de distance, deux séries tout à fait différentes. En effet, l'une d'elles est normale et se compose, de haut en bas, du Pur- beck, du Portlandien, du Kimméridien et du Corallien, tandis que l'autre est formée de calcaires avec faune de Berrias, de Polypiers coralliens, et de couches à Ammonites iphicerus. — Sur les couches supérieures à la molasse du bassin de Théziers (Gard), par MM. de SaporTa et Marion (Bull. Soc. géol., 3% série, tom. II, n°4).— Les formations supérieures à la molasse marine du TRAYAUX FRANCAIS. — GÉOLOGIE. TA midi de la France n’ont été étudiées avec soin que dans ces dernières années. Dans le bassin de Théziers, elles se composent d'un étage de marnes bleuâtres à coquilles marines, au-dessus duquel se trouvent de puis- santes couches d’argiles sableuses contenant: Auricula Serresi, Pota- mides Basteroti, des Planorbes, des Mélanopsides, etc. C'est dans la partie supérieure de ce système que les auteurs de cette note ont trouvé une série d'impressions végétales parmi lesquelles nous remar- quons : l'Osmunda Bilinica, des Arundo, Smilax, Alnus, Viburnum, Acer, Coriaria, Celastrus. Quatre espèces, sur les douze qui forment cette florule, ont été signalées dans d’autres localités, et de ces quatre espèces trois au moins existent dans le bassin miocène supérieur de Bilin. Parmi les autres, quelques-unes se distinguent difficilement des espèces actuellement vivantes, soit en Egypte (Arundo), soiten Syrie (Ainus), soit en Algérie (Smilax), ou dans la région de l'Amour (Vibur- num). En résumé, ce sont les parties chaudes et méridionales du bassin méditerranéen, jointes à celles de l'extrême orient de l'Asie, qui fournissent les principales analogies et les liens les plus étroits au moyen desquels la florule de Vacquières se trouve rattachée à la végétation de nos jours. — Sur les terrains tertiaires supérieurs de Théziers et sur le niveau géo- logique du Potamides Basteroti dans Le bassin du Rhône, par M.TourNouErR (Bull. Soc. géol., 3% série, tom. IT, no 4). — Le bassin de Théziers, où MM. de Saporta et Marion ont découvert les plantes dont nous venons de parler, contient au-dessus de la molasse marine : lo Le groupe fluvio-marin de Théziers, ordonné en concordance avec la molasse marine sous-jacente ; 20 Le groupe fluvio-marin ou plutôt marin et fluviatile de Vac- quières-Saint-Amand, qui paraît être en discordance manifeste avec le précédent, et qui se termine par des couches saumâtres à Potamides et à Auricules renfermant les végétaux étudiés précédemment. Le groupe fluvio-marin de Théziers est assez pauvre en fossiles marins, mais il contient Ostrea cochlear Poli, vivant encore actuelle- ment dans les grands fonds de la Méditerranée. Au-dessus de cet horizon, les argiles sableuses et caillouteuses con- tiennent un certain nombre de coquilles identiques à celles des couches à Congéries (Dreyssena) de Vienne, de Crimée , et à celles que M.Mayer (de Zurich) vient de découvrir à Bollène (Vaucluse). Cet étage à Congéries, si développé à l’ouest du massif des Alpes, a donc été mé- connu jusqu ici, et les couches inférieures, à Ostrea cochlear, occupent 472 REVUE SCIENTIFIQUE. la place du Tortonien et peuvent être rapportées à cet étage géologique. Le groupe supérieur, argileux, a une faune qui rappelle celle du Tor- tonien et de l’Astien. Quelques-unes des coquilles qu'on y trouve sont même citées dans l'Helvétien par M. Mayer (de Zurich). C'est donc là une vraie faune mio-pliocène, ayant plutôt un caractère négatif et de transition qu un caractère positif qui permette de fixer avec préci- sion l'âge de ce dépôt. Les couches d'eau saumäâtre à Potamides Basteroti et à Auricula Serresi sont fort intéressantes à étudier, en raison de la rareté de ces fossiles, qui jusqu'ici ne se rencontrent qu'à Montpellier et à Visan (Vaucluse). À Montpellier, Phorizon de ces deux fossiles n'est certaine- ment pas l’Astien, comme le pensait M. de Rouville, car la faune d'eau douce astienne est bien différente de celle qui accompagne ces coquilles à Montpellier (Voir Revue, tom. Il, n° 1, juin 1873). A Visan même, le Potamides Basteroti ne paraît pas devoir être rattaché à l'Astien, d'après les travaux de M. Mayer. On a vu plus haut que MM. de Saporta et Marion rapportaient la flore de ce même horizon au Miocène supérieur de Bilin; M. Tour- nouër est du même avis et propose la classification suivante : Argiles marines de Biot, près d'Anti- hiese 1° Marnes à Potamides Basteroti (der- niers Hipparions ?) de Montpellier, du bas- sin de Théziers et de Visan. Couches marines de Montpellier à Os- trea undata, de Vacquières et de Saint- Amand à Cypricardia coralliophaga, de Vi- san et Saint-Ariès à Cerithium vulgatum ? var. 2° Couches à Congéries (Dreyssena simplex et Melan. Matheroni) de Théziers et de Saint- Ferréol. Couches marines à 0. cochlear de Théziers. Grès marins de Saint-Ferréol. Pliocène moyen. Pliocène inférieur ? (couches de transition.) ? Couches d'eau douce de Cucuron à Melan. narzolina (premiers Hipparions ?) Couches marines à Rotella mandarinus et Cardita Jouanneti de Cabrières d'Aigues et de Visan (Porte-Neuve). a — Miocène supérieur. TRAVAUX FRANCAIS. — GÉOLOGIE. 473 Molasse et calcaire moellon de Mont- pellier, du plan d'Aren, de Théziers, de Miocène moyen. © Cucuron, de Forcalquier, de Saint-Paul- Trois-Châteaux etc., à Pecten benedictus et P. scabriusculus. — Sur la succession des assises et des faunes dans le terrain jurassi- que supérieur ; par M. Bayan (Bull. Soc. géol., 3° sér., tom. IT, n° 4).— Le jeune et savant auteur de ce travail, que la science vient de perdre si malheureusement il y a quelque semaines, avant d'entrer dans ce sujet si controversé, pose les principes suivants : Toutes les fois qu’on trouve deux couches, même d'apparencè diffé- rente, comprises entre deux assises identiques de part etd'autre, il est sage d'admettre que ces deux couches sont contemporaines, plutôt que d'imaginer des lacunes inverses qui se compensent. Les faciès oolithique et corallien ne sont que des accidents ayant pour corollaires obligés des types particuliers de faune, et les dépôts normaux contemporains de ces accidents sont des calcaires plus ou moins compactes ayant nécessairement une faune différente de celle qui caractérise ces deux faciès. A ces deux principes, il convient d'ajouter qu'il paraît établi actuel- lement, par des coupes nombreuses prises en divers pays, que la zone à Ammonites bimammatus est corallienne, et que la zone à Amm.. tenuilobatus représente l'Astartien; que les récifs coralliens ne sont que des dépôts localisés qui s’accroissent plus rapidement que les dépôts avoisinants. Il faut donc admettre qu'un récif de Polypiers peut être recouvert directement par des assises notablement plus jeunes, et alors que les couches intermédiaires que l'on ne retrouve pas sur le récif se sont déposées régulièrement autour de lui. Telles sont les bases de l'étude des assises jurassiques supérieures. M. Bayan en déduit immédiatement la preuve que certains massifs dits coralliens n appartiennent pas à l'étage qui porte cenom, mais soit à l'Astartien, soit au Ptérocérien. L'étage « corallien » n’aurait donc pas la spécialité des dépôts coralliens. Partout le faciès madréporique a pu se produire, et on le voit sou- vent passer très-brusquement au faciès normal. Non-seulement il existe des horizons coralliens dans l’Astartien etle Ptérocérien, mais on en trouve encore, suivant MM. Fraas et Moesch, entre le Ptérocérien et le Néocomien. Il résulte de ce qui précède qu'il serait prudent de rayer dorénavant le mot « corallien » de la nomenclature des terrains, et de ne pas 474 REVUE SCIENTIFIQUE. admettre l'existence d'hiatus dans la série de transition du Jurassique au Crétacé. La zone à À. tenuilobatus, intermédiaire entre la zone à À. trans- versarius et les couches supérieures du Kimméridien, a une faune intermédiaire entre celles de ces deux étages. Quant à la faune des terrains « coralliens », elle n’est pas encore assez connue pour qu'on puisse établir d'une manière précise les rapports qui liententre elles les espèces des diverses assises coralli- gènes. M. Bayan résume ainsi qu il suit ses nombreux travaux sur cette question : lo Toutes les assises supérieures du Jura peuvent présenter le faciès oolithique ou madréporique. 2° Toutes les couches oolithiques, à quelque âge qu'elles appar- tiennent, présentent dans leur faune des formes analogues. 3° Toutes les couches à faciès marneux offrent les mêmes con- nexlons. 4° Malgré ces ressemblances, chaque assise montre des espèces particulières qui, soit par leur fréquence, soit même par leur pré- sence, indiquent les divers niveaux. D' BLEICHER. Réunion extraordinaire de la Société Géologique de France à Mons et à Avesnes. Le 30 août dernier, la Société géologique de France ouvrait, dans la salle des Concerts de la ville de Mons, sa session extraordinaire de 1874. Par le choix d’une ville belge, elle voulait souhaiter la bienvenue à la Société de géologie qui vient de se fonder en Belgique. Le Bureau de la session fut composé de la manière suivante : Président : M. DEWALQUE, professeur à l’Université de Liége; Vice-Présidents : MM. BriarT, ingénieur des mines de Mariemont; GossELET, professeur à la Faculté de Lille ; Secrétaires : MM. CorNeT, ingénieur des mines du Levant du Flenu ; BarRoIs, préparateur à la Faculté de Lille. Après les discours d'usage, la Société s’est aussitôt mise à l’œuvre. Les environs de Mons sont assez plats; les larges ondulations d’un sol bien cultivé n'offrent presque pas de coupes naturelles. C’est dans les GÉOLOGIE. 475 nombreuses carrières où l’on extrait du sous-sol les argiles, les sables ou les calcaires; c’est dans les quelques tranchées des chemins de fer qui sillonnent ce pays en tout sens, que le géologue doit aller chercher les éléments de ses coupes : il est vrai de dire que les allures calmes de toutes les couches supérieures du terrain houiller ne viennent presque jamais les compliquer de difficultés stratigraphiques. Je ne puis retracer ici jour par jour les travaux de la session; je me bornerai à un résumé par ordre de terrains. Les géologues belges divisent le quaternaire de leur pays en deux assises : l’assise supérieure est formée par un limon brun, sans stratifica- tion, dont la partie superficielle constitue un sol d’une grande fertilité, et dont la partie profonde sert dans le pays à la fabrication des briques. L’assise inférieure stratifiée, appelée Ærgeron, est un limon ordinai- rement jaunâtre, souvent d'une nature minéralogique dépendante des roches sous-jacentes; sur certains points, ce limon est séparé de celles-ci par une couche de sables et de graviers d'épaisseur très-variable. C’est dans ces couches inférieures qu’on a trouvé des silex taillés, avec osse- ments d'Elephas primigenius, Rhinoceros tichorhinus, ete. Traversant ces mêmes couches, la Société à pu voir des puits et des galeries de mines qui allaient chercher les bancs de silex de la craie sous-jacente. Ces faits si intéressants ayant été, du reste, l’objet des études du Con- grès d'archéologie préhistorique de Bruxelles, je ne m’y arrêterai pas. Les étages tertiaires que la Société a étudiés dans ses excursions sont le Panisélien (le Bruxellien n’a été l’objet d'aucune étude spéciale), PYprésien et le Landénien du Dumont. Sous la eonduite de M. Houzeau, professeur à l’École des mines de Mons, la Société à visité la localité où Dumont a pris son type du Panisé- lien, le mont Panisel lui-même, petite colline à l'Est de Mons. Là, des sables glauconieux qui renferment des bancs de grès lustrés avec quelques fossiles, reposent sur les sables à Nummulites planulata de l'Yprésien supérieur. Sur le sommet du mont Panisel, M. Gosselet à trouvé, épars sur le sol, des silex à Nummulites lœvigata, derniers témoins d’un dépôt sur l’ancienne extension duquel ce savant à fait, il y a peu de temps, une communication. Dumont avait désigné comme appartenant à son système Panisélien des argiles sableuses que les tranchées de Carnières, de Morlanwelz et de Beauregard ont mises à jour. Les observations de nos excellents guides, MM. Cornet et Briart, ont paru suffisamment établir, pour la plupart des membres de la Société, que ces couches doivent être rapportées à l’Ypré- sien supérieur. Ils nous ont du reste montré, au haut de la tranchée de Morlanwelz, des couches à N. planulata. 476 REVUE SCIENTIFIQUE. Le caractère plus côtier que revêtent tous les dépôts à mesure qu'on s'éloigne à l’est de Mons suffit à expliquer les différences pétrogra- phiques. M. Hébert, récemment encore, fait de l’Yprésien supérieur et du Panisélien un seul tout qu’il rapporte aux sables de Cuise, tandis que MM. Cornet et Briart font du Panisélien de l’Éocène moyen, pre- mières couches du calcaire grossier, et le séparent nettement de l’Ypré- sien supérieur qu'ils parallélisent aux sables de Cuise. La ville de Mons est bâtie sur cet Yprésien supérieur, et la Société a pu admirer, dans une rue même de Mons, un magnifique bane de N. pla- nulata qu'une fouille avait mis à découvert Les argiles bleues de l’Yprésien inférieur sont exploitées pour les tui- leries. Ces couches, de 15 à 20 mètres aux environs de Mons, atteignent 130 à 140 mètres d'épaisseur à Ostende; elles sont, dans le pays, le repré- sentant du London-Clay. D'après M. Hébert, cet horizon manque dans le bassin de Paris: il y aurait ainsi une lacune entre les sables de Cuise et les argiles à lignites. On ne trouve que des dépôts sporadiques des sables blancs du Landé- nien supérieur. Ils renferment des amas de lignites et des lentilles de grès blancs, durs, à surface mamelonnée. La Société a vu ces sables dans plu- sieurs carrières, et donné différentes explications des phénomènes de puits naturels, sorte de failles circulaires, qu’ils offrent en grand nombre sur un espace assez restreint. Les sables verts, plus fins, inférieurs à ces sables blancs, étaient rap- portés au Landénien supérieur, mais M. Cornet pense qu'il appartient au Landénien inférieur. M. Potier a soutenu cette opinion en mon- trant que la distribution géographique de ces deux assises estdifférente, etquele tuffeau à Pholadomya Konincki, dans lequel,à Angres, la Société a ramassé un certain nombre de fossiles mal conservés, est un accident calcaire dans ces sables. Le Landénien supérieur représenterait les argi- les à lignites de Soissons, et le Landénien inférieur les sables de Bracheux. M. Gosselet, dans une séance du soir, afaitun intéressant parallèle entre les différents dépôts de l’Éocène inférieur dans le nord, et montré que le système Heersien de Dumont ne peut être séparé du Landénien inférieur. . En 1865, le creusement d’un puits fit découvrir à MM. Cornet et Briart un important dépôt, de près de 100 mètres d'épaisseur, qu’ils appelèrent calcaire de Mons. Une faune nombreuse, plus de 400 espèces, y fut recueillie et étudiée par ces savants géologues : la plupart sont nouvelles, d’autres paraissent identiques à des espèces des sables de Bracheux, des sables de Cuise et du calcaire grossier. M. Hébert a signalé la présence SOCIÉTÉS DE PROVINCE. 477 de quelques espèces du calcaire de Mons dans les marnes strontianifères de Meudon. Ce calcaire n’affleure nulle part, mais de nombreux puits de mines ont permis de s'assurer qu’il occupe une grande dénudation de la craie. Sans l’obligeance de M. Fernand Coppée, qui a mis son parc à la dispo- sition de MM. Cornet et Briart pour y creuser un puits, la Société n’au- rait pu voir cet intéressant étage. Le propriétaire du puits qui à été l’occasion de la découverte du calcaire de Mons avait été assez mal com- plaisant pour refuser à ces Messieurs l’autorisation de pénétrer chez lui. Je me hâte de dire que c’est là un fait isolé qu’il ne faut point mettre à la charge des Belges, dont tous ceux qui ont assisté à la session de Mons ne peuvent que louer le large et intelligent accueil. Leurs études si remarquables sur les terrains crétacés du Hainaut ont amené MM. Cornet et Briart à modifier sur plus d’un pointles divisions de Dumont. Je vais rapidement passer en revue les six étages assez inégaux qu'ils y ont établis, en commencant par le haut. Le tuffeau de Ciply, ou sixième étage, représente, aux environs de Mons, la craie de Maëéstricht ; c’est un calcaire jaunâtre, à texture gros- sière, peu abondant en fossiles. À sa base, dans les dénudations des diverses assises de la craie sur lesquelles il repose transgressivement, se trouve un poudingue très-fossilifère, dit de la Malogne, exploité pour le phosphate de chaux que renferment les nombreux nodules bruns dont il est composé. Une assise de craie brune, à Fissurirostra Palisii, inférieure à la précédente, était réunie par Dumont au Maëéstrichtien ; MM. Briart et Cornet, se fondant sur des considérations paléontologiques, ont distrait cette assise du Maëstrichtien, pour la rapporter à leur cinquième étage. Uneligne de contact durcie entre le tuffeau et la craie brune, et surtout une faille qui affecte la craie brune et la craie blanche sans atteindre le poudingue et le tuffeau de Ciply, ont appuyé cette division aux yeux de la Société. La craie blanche, ou cinquième étage, est subdivisée en cinq assises : 1° La craie brune de Ciply, craie grise, friable, avec beaucoup de grains bruns dans la composition desquels il entre du phosphate de chaux; dans sa partie inférieure, elle devient plus blanche et renferme quelquessilex ; 2° La craie de Spiennes, craie grossière, non traçante, bien stratifiée, avec des bancs souvent continus de silex. Ce sont ces bancs qu’allaient exploiter les hommes de la pierre polie. Ces assises 1 et ? forment un groupe intermédiaire entre la craie blan- che proprement dite et la craie de Maëéstricht. 3° La craie de Nouvelles, caractérisée par le Magas pumilus, est une 478 REVUE SCIENTIFIQUE. craie douce, traçante, en bancs très-fissurés, avec peu de silex ; elle est exploitée pour les fours à chaux. Sa faune la fait rapporter, par MM.Briart et Cornet, à la craie de Meudon ; on y trouve un Micraster quise rap- proche du Brongniarti. Si, comme le pense M. Hébert, et comme les observations de M. Cotteau sur les Échinides trouvés dans les poudingues de la Malogne semblent le prouver, le calcaire pisolitique correspond à quelque partie du tuffeau de Ciply, il manquerait dans le bassin parisien le terme équi- valent à la craie brune et à la craie de Spiennes. 4° La craie d'Obourg est peu différente pétrographiquement de la pré- cédente. L’Ananchites ovata des assises supérieures se montre ici repré- senté par ses variétés gbba, conoidea, striata. Lie Belemnites mucro= natus apparaît encore à la partie supérieure de la craie d'Obourg ; on y trouve aussi B. quadratus, vers la base B. verus, et, avec ces différents Bélemnites, le Micraster cor anguinum, sur l'identité duquel la pré- sence de M. Cotteau ne pouvait laisser aucun doute. La réunion de ces différents fossiles dans un même horizon est un fait intéressant et nou- veau. 5° Un conglomérat fossilifère sépare la craie d'Obourg de celle de Saint- Waast; celle-ci, à part des Bryozoaires, est pauvre en fossiles: à la par- tie inférieure, elle donne Ostrea semiplana, avec de grands Inocé- rames. Cette cinquième assise doit-elle représenter la craie à Micraster cor testudinarium, et celle à Micraster breviporus (à Holaster planus pour M. Hébert) qui manquent dans la série du Hainaut ; ou bien la pro- fonde dénudation du quatrième étage de MM. Briart et Cornet, sur lequel la craie de Saint-Waast repose, correspond-elle à l’époque où ces couches se déposaient dans le bassin parisien ? Cette dernière opinion est celle de M. Gosselet, qui parallélise la partie supérieure du quatrième étage de MM. Briart et Cornet à la craie mar- neuse, zone de l’Znoceramus Brongniarti. Cet étage, dont la Société à fait une coupe, assez discontinue du reste, en suivant un petit ruisseau qui vient du camp de Castiaux, est formé de plusieurs assises de composition minéralogique très-variée. En haut, c’est un calcaire sableux , peu cohérent, avec glauconie et bancs d'Huîtres; les mineurs l’appellent Grès, MM. Briart et Cornet pro- posent le nom de craie de Maisières. Au-dessous, des bancs massifs de silex alternent avec une craie gros- sière : c’est l’assise des Rabots, exploitée pour les pavés. MM. Briart et Cornet proposent encore le nom d’assise des silex de Saint-Denis. Ces deux couches ont ensemble une épaisseur totale de 10 à 12 mètres. GÉOLOGIE. 479 Plus bas, une marne, souvent glauconifère avec concrétions siliceuses, porte dans le pays le nom de fortes toises où verts à tête de chat. Enfin une épaisseur variable de marnes blanches et bleues, plus ou moins glauconifères, appelées Dièves, reposent, quand la coupe est com- plète, sur une couche peu épaisse de marnes très-glauconifères, remplies de petits galets ; c’est le Tourtia de Mons à Pecten asper, sans affleu- rement dans les environs. | En lambeaux isolés, on trouve, remplissant des poches du terrain sous- jacent, un conglomérat très-fossilifère dont MM. Briart et Cornet ont fait leur troisième étage. C’est le Tourtia de Tournay et de Montignies- sur-Roc. Une partie de la Société l’a vu, dans cette dernière localité, remplissant les dépressions du grès devonien. À Houdain-les-Bavay, dans le département du Nord, cet étage est plus développé. Au-dessus d'un conglomérat semblable à celui de Montignies, on trouve une épaisseur de 15 mètres d’un calcaire jaune qui renferme parfois assez de limonite pour être exploité, sur quelques points, comme minerai de fer. La faune assez riche et très-particulière de ce Tourtia à été étudiée par d'Archiac; la plupart des espèces sont nouvelles, d'autres cénomaniennes. Grâce à un puits qu'avait fait creuser à notre intention M. de La Roche, directeur des mines de Strépy-Bracquegnies, la Société à pu admirer le deuxième étage dans toute sa beauté fossilifère. La roche qui le constitue, connue dans le pays sous le nom de Meule, est un grès glauconifère dont les éléments sont réunis par de la silice gélatineuse, soluble dans la potasse caustique ; vers Anzin et Bernissart, où cet étage se prolonge en une bande peu large, mais qui atteint jusqu’à 140 mètres de puissance, le ciment est simplement calcaire. M. de Lapparent dans le pays de Bray et dans l'Yonne, M. Barrois dans le Boulonnais, ont signalé des couches crétacées qui pourraient être rapprochées de cette meule de Bracquegnies. Plus de la moitié des espèces qui composent cette faune se trouvent dans le Greensand des Black- downs, dans le Devonshire. Le premier étage, formé de sables et d’argiles avec lignites, à soulevé plus d’une discussion. Dumont avait rapporté ces dépôts à son système Aachénien, mais il est impossible aujourd’hui de les identifier avec ceux qu'on trouve à la base du crétacé aux environs d’Aix-la-Chapelle. MM. Briart et Cornet proposent de reprendrele nom d’argiles d'Hautrages que M. d'Omalius avait autrefois donné à ces couches ; ces savants géo- logues supposent qu’elles se sont formées sur un sol émergé pendant toute la période qui sépare le terrain houiller du Gault, époque à la fin de laquelle le sol aurait été de nouveau immergé. M. Gosselet, par contre, fait de ces sables et argiles à lignites un représentant du Gault; et 480 REVUE SCIENTIFIQUE . les cônes de Conifères trouvés dans ces lignites semblent à M. de Saporta favoriser cette manière de voir. Avant de quitter Mons, la Société à fait une coupe du Devonien de la vallée d'Hogneau. On rencontre d’abord un ensemble de schistes et de grès rouges surmonté par une vingtaine de mètres de poudingue gros- sier : c’est le système du poudingue de, Burnot; puis des psammites à Encrines, des schistes à Calcéoles et une masse puissante de couches calcaires dans lesquelles il semble difficile de faire des divisions. Cepen- dant MM. Briart et Cornet y distinguent les deux assises dans lesquelles on a divisé le calcaire de Givet : le calcaire à Calcéoles ou de Couvin et le calcaire à Strigocephalus Burtini ou de Givet proprement dit. M. Gosselet émet des doutes sur la présence de la première de ces divisions dans ces calcaires; il les considère comme un ensemble de couches se rapportant au calcaire à Strigocéphale. Quelques membres cependant assurent avoir vu une coupe bien nette de Calcéole, sur une plaque polie, à l’entrée même de la carrière où ces calcaires sont exploités. Les marnes crétacées d’Autreppe à Terebratulina gracilis, quatrième étage de MM. Briart et Cornet, recouvrent les dernières couches devo- niennes de cette intéressante coupe. Dans la deuxième partie de la session, à Avesnes, la Société avait, dans un pays un peu plus accidenté et plus pittoresque que les environs de Mons, à étudier le Devonien et le Carbonifère. M. Gosselet, qui à fait de ces terrains une étude spéciale, devait lui faire visiter les localités les plus intéressantes ; il est à regretter que le temps dont il disposait n’ait pas été davantage en rapport avec l’espace qu'il fallait parcourir et les difficultés que présentent ces terrains si complexes. Dans une grande dépression du Silurien se trouve le Devonien, plissé en une série d’ondulations formant tout autant de bassins allongés. Le Carbonifère qui, plissé à son tour, remplit ces bassins, ne présente pas dans tous la méme série de couches. La Société à parcouru plusieurs coupes de ce Carbonifère et vu les différentes assises qui le composent : calcaire à Encrines dit petit granit, phtanites, dolomie à Chonetes conoides, calcaires à Productus Cora, ete. Les géologues se sont donné beaucoup de peine pour retrouver dans les assises carbonifères du massif d’Avesnes les six étages que M. Dupont a établis dans celui de Dinant. Je ne puis rapporter cette discussion; qu’il me suffise de rappeler que M. Gosselet a fait voir à la Société une vingtaine de mètres d’un calcaire gris à veines roses, découverte toute récente due à M. Dombay, simple habitant de Ferrière-la-Grande, près Maubeuge, auquel M. Gosselet a su inspirer l’amour de la géologie. Ce GÉOLOGIE. 481 calcaire est identique à celui de Vausort et d’Anserenne à Spirifer cus- pidatus, et représente l'étage 3 de M. Dupont. Les couches qui man- quent encore dans le massif d'Avesnes viendraient ainsi se placer dans la position que ce savant leur avait assignée. A Avesnelles, près d’Avesnes, entre le calcaire à Encrines appelé petit granit, et un calcaire noir dit d'Avesnelle, à Productus Flemingi, tous deux carbonifères, M. Tordeux, d’Avesnes, à indiqué des schistes à Pleu- rodyctiuim, fait assez intéressant dans le Carbonifère pour être signalé. Au-dessous du calcaire noir d’Avesnelles qui forme la base du Carboni- fère, se trouve une alternance de schistes et de calcaires développés dans la localité d’Etrœungt et caractérisés par le Spirifer distans et un mé- lange de formes devoniennes et carbonifères; certains géologues en font des couches de passage entre ces deux terrains, d’autres y voient sim- plement la partie supérieure du Devonien. La partie inférieure de ce dernier terrain sur les deux bords du grand bassin devonien qui traverse le sud de la Belgique du N.-E. au S.-0. a été aussi l’objet des études de la Société. Dumont avait divisé la bande méridionale en deux parties très-inégales: de la partie inférieure il avait fait son terrain Rhénan; la partie supé- rieure, très-réduite, continuait à former, avec la bande septentrionale, son système quartzo-schisteux inférieur. M. Gosselet a proposé de revenir à l'opinion de M. Élie de Beaumont, pour lequel toutes ces couches composaient le système du poudingue de Burnot; il a montré que le système quartzo-schisteux inférieur et le ter- rain Rhénan sont contemporains; qu’il y à là un ensemble de couches dans lequel toute division en terrain serait arbitraire ; mais le nom de Grauwacke, qu’il a proposé et employé pour le désigner, ne paraît pas obtenir l’assentiment général. Aux environs d'Avesnes, quelques dépôts de sables verts ont attiré l’at- tention de la Société; les uns appartiennent au Landénien inférieur, les autres sont du Gault pour M. Gosselet, du Néocomien pour M. de Lap- parent. Faut-il, avant de terminer cet imparfait exposé, parier de la manière dont la Société à été recue dans les deux villes où elle a séjourné ? A Mons, grâce au zèle intelligent de MM. Briart et Cornet, un train spécial à été tout le temps à sa disposition ; elle a librement circulé sur la voie ; dans les tranchées où il y avait quelque coupe à voir, elle a trouvé les talus nouvellement rafraïchis et souvent sur de grandes hauteurs. J'ai déjà parlé des puits creusés uniquement à son intention. En un mot, 48? REVUE SCIENTIFIQUE. partout et de la part de tous, elle a recu, à Mons, le plus large et le plus sympathique accueil. A Avesnes, petite ville de 4,000 âmes, grâce à l’infatigable activité de M. Gosselet et à l'intérêt pour la science qu’il sait répandre autour de lui, presque tous les membres de la Société ont trouvé chez les habitants la plus cordiale hospitalité. À notre arrivée, la municipalité vint au-devant de nous, et nous en- trâmes en cortége à travers les remparts, qu'on démolit en ce moment, comme des vainqueurs, par la brèche. Puissent les villes qui recoivent si bien les représentants de la science ne jamais voir entrer dans leurs murs d’autres vainqueurs que ceux-là ! F. LEENHARDT. TRAVAUX ÉTRANGERS. Nous donnons sous ce titre une revue des principaux recueils Italiens et Allemands. ZooLoGiEe. — Paolucci nous donne une notice surles Oiseaux voyageurs de la province d’Ancône ( Atti Soc. Ital. di Sc.nat., Milan, p. 145, 1874), avec des observations sur leur apparition pendant les différents mois de l’année. — Des détails sur cette même classe d'animaux nous sont fournis par le D' Nardo ( Atti. Istit. Ven. di Sc., n° 3, 1874), à l’occasion de ses travaux historico-eritiques sur les ouvrages publiés à propos de l’histoire naturelle des Vertébrés de la Vénétie. —Cornalia présente des observations (Atéi. Soc. tal. de Sc.nat., p.96; 1874) sur le Pelobates fuscus et sur la Rana agilis de la Lombardie, et Malfatti d’intéressantes remarques sur des Axolotls élevés par lui- même. — Le Musée de l’Université de Modène a reçu en don quelques Rep- tiles d'Égypte, qui sont l’objet de certains renseignements présentés par le professeur Carruccio (Annuar. della Soc Sc. nat., Modène, 1874). Au nombre de ces Reptiles, nous citerons: Uromastixæ spinifer Merr. Naja Haje Merr., dont Carruecio décrit l'appareil à venin; Cerastes Ægyp- tiacus, qui offre une variété manquant de cornes. On a aussi fait présent au même Musée de Poissons d'Égypte, parmi lesquels on remarque un Malapterurus electricus; le même profes- seur nous donne la description de l’appareil électrique de ce Poisson. TRAVAUX ÉTRANGERS. — ZOOLOGIE. 483 — Rondani continue à publier ( Bull. della Soc. entomol., Florence, 1874) le catalogue des Insectes phytophages et de leurs parasites. Il nous fait ensuite connaître deux nouveaux Hyménoptères (Æylocapa ramu- lorum et A. conuta), un nouveau Cryptus (C. Xylocopæ), dont la larve vit probablement sur un Xylocopa, et quelques Diptères d’Abys- sinie (Annal. mus. civ., Genes, 1874). — Putzeys décrit des espèces des genres Morio et Perigonum de Bornéo, puis les Broscidi de l'Australie, faisant partie de la collection du comte de Castelnau, actuellement la propriété du Musée civique de Gênes. Baudi (loc. cit.) étudie quelques espèces jusqu'ici indétermi-. nées de Malacodermes de la faune européenne et cireumméditerra- néenne appartenant à la même collection. — Stefanelli entre dans des détails biologiques sur les Brachus, et décrit sous le nom de Polyommatus intermedia une espèce de ce genre, qui doit être placée entre le type P. alciphron Roth. et la variété Gor- dius. Les ailes de cette nouvelle espèce sont en dessus de couleur noire ou brun foncé, et en dessous de couleur cendrée tirant à l’azur. — La relation de quelques excursions dans la vallée du Pesio nous est offerte par Sella (/oc. cit.). Dans une de ces courses, il a découvert deux espèces nouvelles, l'Anophthalmus Caranti, voisine del’ An. Ghilia- ni Sch., le Cychrus angulicollis qui a des rapports avec le Cyc. cordi- collis. — Carruccio (oc. cit.) insère un Catologue des Lépidoptères du Mode- nais, et Curo une liste des mêmes Insectes del’Italie, avec l'indication des localités où on les rencontre, des plantes qui forment la nourriture de leurs chenilles, de l’époque de leur apparition. Ce dernier partage l’Ita- lie en quatre zones : zone septentrionale, centrale, méridionale et insu- laire. D’après le tableau fourni par cet auteur, on voit que le nombre des espèces le la tribu des Ropalocères diminue régulièrement en allant de la zone septentrionale vers la zone insulaire, et la même remarque s'applique à presque toutes les tribus individuelles. Quant aux Hétéro- cères, on trouve pour les Sphinx, le Bombyx, les Noctues, la même loi de décroissance ; car si l’on compte un nombre plus considérable de ce dernier genre dans la zone insulaire, ce fait tient à ce que la Corse a été soigneusement explorée par des entomologistes français. — L'Agrostis suffusa, var. Pepoli, qui occasionne de grands dom- mages au Chanvre et au Blé dans la province de Bologne, fournit au D° Bertoloni le sujet d’une note (Mem. dell” Acad., Bologne, 1874). 484 REVUE SCIENTIFIQUE. — Fanzago lit dans une séance (mars 1874) de la Soc. des Scienc. na- turelles de Padoue une Monographie des Chilopodes italiens. Il en décrit quarante-cinq espèces, au nombre desquelles quatre nouvelles : Zithobius ligusticus, L. montellicus, L.tridentatus etL. Targionii. En outre, un mouveau genre, Dolicodon, voisin du genre Lithobius, est établi par lui ; il diffère de ce dernier par les dents labiales, qui sont d’une grande longueur, mais qui n’offrent pas toutes un égal développement. Suivant lui, dans les Chilopodes, non-seulement le nombre des ocelles varie d'espèce à espèce, mais encore la disposition en est différente. — Dans une séance tenue en mai 1874 par la Soc. des Se. nat. de Padoue, le comte Ninni fait connaître une forme particulière d’Arai- gnée, voisine de l’Epeira wmbratica, qui, du moins dans le cas observé, tient sa toile tendue à l’aide de deux petits cailloux suspendus à un fil. Le D' Cavanna pense que dans une même espèce de la classe des Arachnides il peut exister une forme grêle et une forme non grêle, et soutient que les auteurs ont eu tort de faire deux espèces de ces formes différentes. Ainsi, pour lui, le Cheiracanthium nutriæ est la forme grêle du Ch. italicum. — Passerini donne la description d'un Aphis qui vit sur les Scirpus lacustris (Ann. Mus. civ. Genova, 1874. — Lovera (Riv. maritt. Rome, 1874) continue ses remarquables observations sur les Coraux, et présente une relation du voyage de la frégate qu’il commandait de Venise à Nokohama, à Macao, dans la mer de Corail, à Sidney, à Montevideo, à Gibraltar et à Paies. Cette relation est suivie de détails sur la densité et la température de l’eau. — Une esquisse sur la distribution géographique du Cervus dama nous est donnée (Zoo!. gart., n° 8, 1874), par le professeur Jeitteles. Il fait mention de diverses localités de l'Angleterre, de la France, de l’Alle- magne, de l’Autriche, de l'Italie, de la Suisse, où on a retrouvé, avec des objets préhistoriques, les restes fossiles de cette espèce, et nous in- dique les contrées dans lesquelles ce Cerf continue à exister: l'Espagne, la France, la Sardaigne, etc. — Brubhin (Acad. Vienn.) donne une énumération des Reptiles du Mil- wankee, qui sont seulement au nombre de dix, parmi lesquels nous remar- quons : Chrysemis picta,Chelydra serpentina, Crotalus durissus, qui est près de s’éteindre à cause de la chasse furieuse que lui fait l’homme, Chlorosoma vernalis, Hylodes Pikiringi, Hyla versicolor, Amblys- toma punciatum. TRAVAUX ÉTRANGERS. — ZOOLOGIE. 485 — Haller continue ses observations sur la manière dont quelques Insectes produisent certains sons. — Pantoesek, dans un Mémoire sur les Plantes du Monténégro, cité plus bas, indique les Insectes qu'il arecueillis dans le cours de son voyage: 90 espèces de Coléoptères, 12 d'Hémiptères, 3 d'Orthoptères et 2 d'Hymé- noptères. S — Nous citerons un travail (At#i della Soc. Bot., Zool., Vienne, 1874) du D’ Low, dans lequel il décrit deux nouvelles espèces de Gallicoles; et une étude de Brunner de Waterwyll sur l’organe auditif de certains Insectes et les conséquences qu’on peut en tirer pour leur classification. — Mentionnons encore une énumération faite par Mocsary des Hymé- noptères de la Transylvanie (À. Comp. della Soc. di Sc. nat. di Hermanstadt), des détails donnés par Fuss (loc. cit.) sur le Denops albo- fasciatus, sur la Biorhiza aptera Fabr., et la liste par le même auteur des Coléoptères nouveaux pour la faune de la Transylvanie. — On trouve dans la Corr. des z00log. min. Regensburg (pag. 51, 1874) les descriptions d’une espèce jusqu'ici inconnue de Tentredonide de la Bavière, Pachyprotasis nigronotata, et d'une espèce de Guëêpe, Stelis nigrata, qui à certaine ressemblance avec l'Anthidium striga- tum. — Dans les Ati della Soc. malacol. de Francfort (1874), on re- marque une note du D° Martens sur la Clausilia Brauntii, introduite probalement à Weinheim, sur le Rhin, avec des vignes italiennes, et qui se trouve dans les mêmes lieux réunie à la CZ. parvula. C'est peut-être aussi au moyen des plantes que la C{. ornata à été apportée en Carniole, en Bohême et en Silésie. — Le D' Weinland (loc. cit.) rapporte, comme variété, à la Cionella lubrica Müll., une coquille qu’il avait d’abord décrite sous le nom de C. Pfeifferi. Cette variété, d'un etaille énorme (10 millim.), offre la par- ticularité d’avoir une ouverture de 3 millim. . Cette note est suivie de l'Énwmération des Mollusques de Wittlingen. — Wiegmann nous fait connaître les diverses espèces de Mollusques qu’il à trouvées mêlées aux baies de Genièvre du commerce (loc. cit.). Parmi celles provenant d'Italie, se rencontrent l’Æelix cantiana, H. py- ramidata, H. variabilis, Pupa cinerea, P. frumentum (var.apen- nina). — Kobelt (loc. cit.) aconstaté la présence du Lewcochloridium para- IIL, 20 486 REVUE SCIENTIFIQUE. doæum, qui vivait en parasite dans une Succinea putris, non-seulement dans le corps, mais dans les tentacules. Ceux-ci étaient animés d’un mou- vemen continuel. — Nous ferons mention d’un Mémoire de Clessin (loc. cit.) sur les Naiadées, remarquable, comme tous les travaux de ce malacologiste, par l'exactitude des appréciations. — Marenzeller présente à l’Académie des Sciences de Vienne un Mémoire sur les Annélides de la mer Adriatique. Il cite dans ce travail la MNereis diversicolor, espèce nouvelle pour la faune Adriatique, ainsi que la Marphysa Bellii, qui n’était connue jusqu’à ce jour que dans l'océan Atlantique. Les Holothuries de l’Adriatique sont l’objet d'un autre Mémoire de Marenzeller. BoTANIQUE. — Ardissone (Milan, 1874), dans une lecon d'ouverture du Cours de Botanique cryptogamique, traite de la vie de la cellule et de l’individualité dans le règne végétal ; il parle de l’accroissement des cel- lules et de leur multiplication, tant par voie organique que par reproduc- tion sexuelle; de la reproduction par l’action des anthéridies sur les oosphères dans beaucoup de Cryptogames; de l’analogie entre le prothalle des Cryptogames vasculaires hétérosporées et l’albumen de gymnospermes, et des angiospermes. — Nous devons aussi dire un mot de l’ouvrage d’Ardissone sur les Floridées italiennes, dans lequel il expose la classification de ces Al- gues suivant Agardh, en donne le caractère, en décrit le genre et les espèces, et en étudie les organes de végétation et de reproduction. Le premier volume de-ce travail a seulement été publié. — On a établi, il y a déjà quelques années, à l'Université de Pawie, un laboratoire de Botanique cryptogamique, sous la direction du pro- fesseur Garovaglio. Le premier volume des travaux entrepris dans ce laboratoire vient de paraître (224 pages); nous y trouvons des articles fort intéressants. Des Olives, envoyées des environs de Lucques, ont été sou- mises à l'examen, et on y a découvert le Fumago Oleæ Tul.; sur des feuilles et des rameaux de Mûrier, apportés de Brescia, on a trouvé des Microphytes ; des Câpriers, venant de Vérone, étaient attaqués par le Cystopus Capparidis de Bary; plusieurs échantillons de Blé étaient infestés de nouvelles espèces d’'Uredo, Puccinia, etce.; une nouvelle es- pèce de Sporothricum, Sp. Maydis, a été rencontrée sur des semences TRAVAUX ÉTRANGERS. — BOTANIQUE. 487 de Mais, et la présence du Pleospora Orizæ a été constatée sur le Riz. Nous trouvons dans le même volume la description d’une chambre pour la culture des Micromycetes, proposée par Griffini. Cet appareil de construction facile, qui peut être alimenté par un gaz déterminé, permet de recueillir l’atmosphère modifiée, d'étudier ainsi les produits gazeux excrétés par ces plantes microscopiques, et partant de connaître la chimie physiologique de leur végétation. — Des recherches faites par le professeur Tchistiakoff sur le déve- loppement des spores de l’Equisetum limosum L. et du Lycopodium alpinum L. sont insérées dans le Giorn. Botan. Ital., 1874, rédigé par le professeur Caruel. — Dans le même recueil, le professeur Arcangeli décrit quelques Cham- pignons des environs de Livourne, et présente des considérations sur cer- taines Algues du groupe des Celoblastecæ, et particulièrement sur la struc- (e) [e] ture histologique de quelques espèces de Codium et de Bryopsis (avec trois planches). — Beccari (loc. cit.) décrit une nouvelle espèce de Myrmecodia, de la famille des Rubiacées, venant de Kema, province de Minahassa, qu'il dénomme M. Selebica, et qui est intermédiaire entre ce genre et le genre Hydnophytum. — Sorokine (loc. cit.) traite du développement de l'Hormidium va- rium. — P. Asäherson, de Berlin, à publié un opuscule sur quelques hybri- des d’A chillea, et sur une singularité du Cardamine pratensis. Cesati (/oc. cit.) donne des renseignements détaillés et ajoute des observations critiques sur cet opuscule. — Cossa vient de publier un livre d’un grand intérêt sur la décompo- sition de la chlorophylle par la lumière du magnésium. Dans ce travail, qui offre certains rapports avec celui du professeur Boehm, il confirme l'opinion que les rayons les moins réfrangibles du spectre servent à décolorer la chlorophylle, ce qu’il démontre au moyen de la lumière artificielle de magnésium. — Le professeur Siragusa, dans un Mémoire sur les fonctions des raci- nes (Palerme, 1874), discute les différentes manières de voir émises par les auteurs à ce sujet ; il accepte la théorie que l’acide carbonique inspiré par les feuilles passe dans toute la plante, est émis par les racines et sert à la préparation des sels et des substances qui doivent circuler dans 488 REVUE SCIENTIFIQUE. le végétal. L’exhalation de l'oxygène, qui se fait dans l'obscurité par toutes les parties vertes, s'explique par la décomposition de l’acide car- bonique, qui avait tenu en dissolution les sels déposés dans la plante. L’exhalation de cet acide faite par la plante privée de lumière provient, suivant l’auteur, de la décarbonisation de la chlorophylle. — Comme complément aux instructions sur la Géologie données aux voyageurs par le professeur Issel, nous lisons (Riv. maritt., 1874) celles du professeur Piccone sur la Botanique: il enseigne comment on doit recueillir et conserver les graines, les bulbes et les plantes vivantes pour pouvoir les cultiver, ou bien comment on doit les préparer pour l’herbier. — Deux mots sur le Congrès tenu en mai dernier à Florence, Congrès auquel ont pris part les botanistes les plus éminents, et où ont été dis- cutés des sujets du plus haut intérêt. Caruel a décrit le développement organogénique des parties florales du Cynomorion coccineum; Koch a parlé des Bambous, de leurs caractères distinctifs tirés, non de la fleur, mais du système axile et de leurs appendices foliacés, etc.; Tehistiakoff a traité du développement du pollen ‘dans la famille des Conifères, pour laquelle il admet trois types: dans l’un, le grain pollinique n’a pas de trace de division (Sequoia); dans l’autre, il y a des traces de division (7kwya); enfin dans le troisième il existe une vraie division avec des degrés inter- médiaires(Pinus, À bies). Les anomalies des tiges des Sarmentacées, parmi lesquelles se rangent plusieurs plantes grimpantes, entre autres les Lia- nes, ont fait le sujet d’une dissertation de RadiIkofer, et la distribution des plantes sur les Alpes à fourni des considérations à Alph. de Candolle: la flore préglaciale n’a pas pu, à cause du grand développement desglaciers, exercer une grande influence sur la distribution géographique actuelle des espèces. Le même sujet a été repris par Ball, qui à ajouté qu'il fallait aussi, dans cette question, tenir compte de la nature chimique desroches, etc., etc. Entre autres publications, on a distribué aux membres du Congrès un ouvrage de Parlatore sur les collections botaniques du Musée de Klo- rence, dans lequel nous trouvons la description de l’herbier central, de l’herbier de Webb, de l’herbier de Césalpin, de l’herbier de Micheli, de plantes fossiles de la Bibliothèque et du Jardin botanique annexé, etc. Sur dix-sept planches, sont représentées les plantes les plus importantes de ce dernier, et les salles des herbiers. Deux autres Mémoires ont été également remis aux membres du Congrès. Le premier, de Caruel, décrit le Jardin Botanique de Pise ; le TRAVAUX ÉTRANGERS. == BOTANIQUE. 489 second a rapport à la Bibliographie botanique Targionienne, et comprend les écrits de Giov. Targioni, mort en 1785, d’Ottaviano Targioni, mort en 1829, d'Antonio Targioni, mort en 1856, et Adolphe Targioni, encore vivant et l’auteur de cet ouvrage. — Dans un Mémoire intitulé: À dnotationes ad floram et faunam Hercegovinæ, Cznervagoræ et Dalmatiæ (Atti della Soc. di Sc. nat. de Presbourg, 1874), Pantocsek nous donne, dans une relation d’un de ses voyages dans le Monténégro, une énumération de plantes recueillies par lui, de Trabinje à Catigna. Grisebach, Reichenbach, Hausknæht, etc., ont bien voulu concourir à la détermination de ces plantes. Parmi ces dernières, on remarque quelques nouvelles espèces, à savoir : Tulipa Grisebachiana Pant., Orchis Grisebachii Pant. (voisin de l’'Orchis papilionacea, var. rubra Jacq.), Chrysanthemum larvatum Gr. (se rapprochant du CA. ceratophylloides All), Hieracium gumnocepha- lum Gr. (voisin de l'A. tagyteum), etc. — Nous trouvons dans le Gartenflora (p. 97, 1874) la description par Heldreich d’une nouvelle Tulipe, 7. Æageri. Cette espèce offre des ressemblances avec le 7. orphanidea et le T. bœotica, mais ses feuilles sont plus courtes et au moins trois fois plus larges que celles de ces dernières ; les feuilles du périgone sont plus acuminées. Regel observe que la 7. Hageri doit se placer avant la T. orphanidea ; il ajoute qu’il regarde la 7. Schrenkii comme la forme typique de la T. Gessneriana. — Le D’ Christ publie dans une série de numéros de la Flore de Ratis- bonne (1874) un catalogue raisonné de Roses que l’on rencontre en Suisse et dans les contrées limitrophes. Le Rosa Reuteri du Jura ne présente ni cet extrème développement, ni cette forme typique que nous offre cette même espèce recueillie dans les Alpes centrales. On peut en dire autant de la R. corifolia. L'auteur énumère les espèces qui végètent sur les larves volcaniques du Kaiserstuhl, À. micrantha,R.apricorum, R. sty- losa, ete., et termine par des considérations critiques sur celles du Val Maggio (canton du Tessin), où, dans un terrain feldspathique et sous un climat méridional, se présentent de nombreuses formes du À. pomifera. — Ernst (Flora, n° 17et 18, 1874) décrit de nouvelles plantes du Caracas ; Wawra des îles Hawaï; Müller quelques espèces du genre Dissodon des Indes. — Le professeur Boehm parle dans une séance de l’Académie de Vienne de l’amidon dans les cotylédons du Raphanus sativus et dans ceux du Lepidium sativum, et donne le résultat de ses observations sur le même corps dans les plantes cultivées dans l’obscurité et à la lumière, 490 REVUE SCIENTIFIQUE. — Un Mémoire sur les rapports de la lumière avec la chlorophylle est communiqué à la même Académie (avril 1874) par le professeur Wiesner. Suivant lui, les rayons les plus brillants de la lumière possèdent la plus grande force d’assimilation; toutes les parties visibles du spectre solaire ont la propriété de former et de détruire la chlorophylle: l'oxydation de la xantophylle à la lumière est produite par les rayons dits chi- miques, etc: En même temps, dans le Flora (p. 278, 1874), il fait connaître les par- ties constituantes de la chlorophylle. — Burgevstein présente à la même Académie (juillet 1874) des recher- ches sur l'élément ligneux des tissus végétaux. On ne rencontre pas de partie ligneuse dans le tissu des Algues, des Champignons et de quelques Lichens, non plus que le collenchime et le cambium des plantes vaseu- laires; les autres tissus de ces dernières sont tous plus ou moins ligneux, et il en donne l’explication. — Le Flora (p. 185, 1874) renferme la description, par Müller, de quelques Lichens de la Suisse, entre autres: Callopisma aspicilioides (voisin du Lecanora variabilis, v. subimmersa), Lecidea atomarioides (ressemblant beaucoup au Lecidella Lahmii Korb), Verrucaria viridula, var. catapyrenoïdes (se rapprochent du V. virens Nyl.). — Dans une des dernières séances de la Société botanico-zoologique de Vienne, le professeur Reichardt a montré une Algue, Porphyra vul- garis, qui, préparée d’une facon particulière par les Japonais, peut servir à l’alimentation. — Voigt (Zoc. cit., p. 58) énumère les espèces de Mousses de la Saxe les plus rares : Gymnostonum tenue Schrad., Tetradontium Brownia- num Schawn, Dicranella Schreberi Schimp., etc. — Enfin, nous trouvons consigné dans le Flora (p. 384, 1874) la décou- verte par le D'Priem, dans le Palatinat supérieur, de la rare Bruchia vogesiaca Schw. GÉOLOGIE ET PALÉONTOLOGIE. — Dans les Mem. dell Istit. Ven. (XVIIT, 1874), le professeur Taramelli nous donne une stratigraphie de la série paléozoïque des Alpes Carniques. Au nombre des roches paléo- zoïques des Alpes en question, il énumère les micaschistes verdâtres, les calcaires saccharoïdes, les calcaires talqueux ou micacés, les schistes tégulaires, les sables micacés renfermant des débris de plantes fossiles (Sigillaria, Calamites, Pecopteris, Cyclopteris, etc.) avec TRAVAUX ÉTRANGERS. —— GÉOLOGIE. 491 des anthracites en gisements faibles et inconstants ; puis les calcaires noirs arénacés ou micacés, contenant une faune marine très-impor- tante (Avicula, Modiola, Spirorbis, Orthoceras, Eumphalus, etc.); enfin il cite le porphyre quartzeux, ete. Selon l’auteur : 1° les terrains des Alpes Carniques appartiennent en partie au terrain protozoïque, en partie au terrain paléozoïque ; 2° le permien et le carbonifère y trouvent leur continuation; 3° le parallélisme d’une portion considérable de ces terrains, riches en variétés lithologiques et en fossiles, n’a pas encore été indiqué, mais ils doivent se placer très-probablement entre le devonien et le car- bonifère. — Le même auteur publie (Atti. Istit. Ven., p.723 et 954, 1874) un apereu de la géologie de l’Istrie et de ses îles, et décrit quelques Échi- nides de ce pays. — Villa (Atti. Soc. Ital. di Se. nat., 1874) signale, sur les Apen- nins centraux, dans la province de Pesaro et d’Urbin, des indications d’une mine de fer, des solfatares, etc. — Un catalogue raisonné des Poissons fossiles du mont Bolca (Atér Istit. Ven., 1874), avec indication des Musées qui possèdent des exem- plaires des diverses espèces, est présenté par le D' Ziono. — L'abbé comte Castracane ! (Ati. dell’ Acad. pontif., ete., Rome, janv. et févr. 1874), dans deux Mémoires très-importants, fournit des considérations géologiques surles Diatomées pendant l’époque carbonifère. Pour reconnaître s'ils végétaient déjà à cette époque, l’auteur a recherché ces organismes dans un résidu obtenu par l’incinération d’un morceau de houille de Liverpool. Dans ce résidu il a trouvé diverses espèces identi- ques à celles qui vivent encore aujourd’hui, telles que Fragilaria Har- rissonti Sin., Epithenia gibba Ehr., Gomphonema capitatum Ehr., Synedra vitrea Kz., etc. Un fragment de lignite de formation marine, provenant d'Urbin, a été aussi examiné par l’abbé Castracane, qui y a reconnu une agglomération d’Algues marines exactement semblables à celles des salines de Wieliczka, et parmi les Diatomées a constaté la pré- sence du Cocconeis scutellum Ehr., Isthmia nervosa Kz., Rhabdoma minutum Kz., Grammatophora hamulifera, Gomphonema apicula- tum Ehr., Synedra ulna Ehr., Epithemia ocellata Ehr., ete. De ces faits il conclut que les Diatomées existent au moins depuis l’époque paléozoïque et indique le procédé dont il s’est servi pour l’incinération du charbon. 1 Voir Revue des Sciences naturelles, tom. III, pag. 304. 492 REVUE SCIENTIFIQUE. — Issel (Riv. maritt., 1874) à rédigé des instructions géologiques pour les voyageurs, dans lesquelles il donne des notions préliminaires sur les roches, et traite des agents atmosphériques, des eaux courantes à la surface de la terre, des glaciers, des volcans, etc. — Nous indiquerons le remarquable travail de Bianconi (de Bologne) sur l’'Œpyornis, sur la brièveté du fémur et sur les vertèbres cervicales de ce gigantesque Oiseau, dont fait mention Marco Polo dans ses voyages. Le fémur est trop court et trop gros pour pouvoir offrir une immense force et une assez grande solidité au corps et l’enlever de terre pendant les sauts: il est en outre perméable à l’air, et son intérieur est muni de cavernes aérifères. De plus, les deux condyles inférieurs du même os sont presque égaux, de sorte que, posé sur ses condyles, il reste droit et presque vertical, etc. Ces caractères font connaître suffisamment que l'Œpyornis n’appartenait pas aux Struthionides, mais aux Vulturides, comme l’a démontré Bianconi dans ses écrits précédents. Passant ensuite à la des- cription des vertèbres cervicales et dorsales, il les compare à celles du Condor, de l’Autruche, du Dromaïus, et constate leur identité avec celles des Vulturides. — Les Comptes-rendus de l’Institut géologique de Vienne, publiés dans les derniers mois de 1874, contiennent de nombreuses notices de nature à intéresser les lecteurs de la Revue. Dans un Mémoire (Mem. dell. Istit. geol., NII, 2) sur les genres (du Trias) Daonella et Halobia, le D' Mojsisovies indique la différence de caractères que l’on observe entre l'ÆZalobia salina Vum., du calcaire du Hallstadt, pour laquelle, en 1830, Brown à créé cette désignation géné- rique, et la plupart des autres espèces rapportées à ce genre. La première coquille présente seulement une oreille antérieure, tandis que les der- nières, comme les Posidonomya, en sont complétement privées. Aussi l’auteur institue pour elles le genre Daonella, du nom de la vallée Daone, dans le Tyrol. Il décrit vingt-six espèces appartenant à ce nouveau genre, : et vingt rentrant dans le genre Zalobia. — Le D’ Stache est l’auteur d’un travail (Annuar. dell. Istit. geol., tom. IT, 1874) dans lequel il étudie le terrain paléozoïque des Alpes orientales, et réunit toutes les données les plus importantes relatives à la formation des terrains alpins, de manière à pouvoir faire connaître la structure des principales chaînes de montagnes en question. — Le professeur Woldvich donne une esquisse géologique de la Dal- matie, en prenant pour base la carte géologique de la monarchie Austro- Hongroise, publiée par Hauve, directeur de l’Institut géologique. TRAVAUX ÉTRANGERS. — GÉOLOGIE. 493 — Selon le D' Haust, on trouve sur les plages de la Nouvelle-Zélande, à une petite profondeur, des colonies de Brachiopodes fixés sur des cail- loux, sur des coquilles, etc., parmi lesquels la Æraussia Lamarckiana Dav., la Waldheiïmia lenticularis Desh., la Rhynchonella nigricans Sow., etc. Il en conclut que les Brachiopodes fossiles appartiennent à la zone littorale. — Stur continue à présenter le résultat de ses études sur les plantes de la formation carbonifère de Bohême, Odontopteris bifurcata, Macros- tacyha gracilis, etce., et donne des détails sur le voyage qu’il a fait à Breilavia, pour étudier, dans le musée de l’Université, les végétaux fos- siles appartenant autrefois au savant phyto-paléontologiste Goeppert. — Fuchs, faisant connaître les résultats de son voyage en Italie, men- tionne les couches à Congéries de Toscane, les fossiles de Rossignano et de Castellino, et parle du Musée de Florence, où l’on conserve des restes nombreux de Mammifères de l’Arno : Éléphants, Mastodontes, crânes du Cervus dicraniceras et d’une Sphergis coriacea, etc. — Le même auteur a rendu compte à l’Académie impériale de Vienne de son excursion à Tarente, où il a étudié les formations tertiaires pliocè- nes, couches de sable, conglomérats, calcaires à Nullipores, Coraux et Briozoaires, reposant sur le plateau hippuritique de la Pouille, et descen- dant, auprès de Tarente, presque jusqu’au niveau de la mer. Non loin de Syracuse, il a rencontré des couches qui consistent en majeure partie en une oolithe à grains fins et en bancs de coquilles; à Malte, il a observé l'existence de deux groupes de couches tertiaires uniformes quant aux roches qui les composent, mais bien différentes sous le rapport paléon- tologique : le groupe supérieur équivaut à l’étage méditerranéen du bassin de Vienne, tandis que le groupe inférieur représente les couches de Schio près de Vicence, du monte Titano près de San-Marino, et du Bormidien de Sismonda. — Le professeur d'Ehingshausen envoie un travail sur le développe- ment de la végétation aux époques géologiques. — Hauslab à aussi présenté un important Mémoire sur les lois natu- relles des formes extérieures des inégalités de la surface de la terre. Le Soleil, d’après lui, se trouve encore dans la période de développement de gaz produit par un fluide incandescent. Les derniers restes des forces ignées souterraines se montrent dans les volcans. — Dans les Annales (Nachrichtsblatt, p.80, 1874) de la Société mala- 494 REVUE SCIENTIFIQUE. cologique de Francfort-sur-le-Mein, Clessin énumère les divers fossiles recueillis dans le tuf formé par les dépôts d’un ancien lac, près de Diessen et de Polling (Bavière); ÆHyalina nitens Mich., X. cris= tallina Müll. (identique avec la forme actuelle), Helix arbustorum 1, (sous différentes formes qui vivent encore toutes dans les environs), H. costata Müll., A. rotundata Müll., Æ. hortensis Müll., A. fruti- Cum Müll. (semblables aux formes existant de nos jours), Æ. terrena Cless. (nouvelle espèce représentée à présent parl’ A. sericea Dr.), Clau- silia, Cionella, Bulimus, ete. L'auteur pense que ce tuf a été produit depuis la période glaciaire européenne. Vienne, 20 octobre 1874. SENONER.. BULLETIN. BIBLIOGRAPHIE. Fourmis emmagasineuses et Araignées mineuses. — Notes et obser- vations sur leurs mœurs et leurs habitations ; par J. TRAHERNE MOGGRIDGE. ee DEUXIÈME PARTIE. — Araignées mineuses!. Depuis la figure donnée par Patrick Browne (Civ. and. Nat. Hist. of Jamaica, 1756) de l'habitation d’une Araignée de la Jamaïque (Céeniza nidulans), les études de l’abbé Sauvages sur le nid de l’Araignée ma- gonne (Nemesia cœmentaria) de senvirons de Montpellier (1763), et les travaux publiés par Rossi (1778, 1794) sur le nid et les mœurs d’une Araignée observée en Corse et dans les environs de Pise, l’attention des naturalistes a été attirée sur ces curieuses habitations souterraines dont l'entrée est fermée par une porte en forme de trappe ; et par suite plu- sieurs espèces d’Araignées, dont les demeures présentaient cette parti- cularité, ont été découvertes dans les climats chauds. Mais, comme le fait observer M. Moggridge, c’est surtout comme classification et des- cription d'espèces que la science a fait depuis lors des progrès. Quant à 1 L'expression anglaise Trap-door Spiders signifie Araignées à portes en forme de trappe. Nous ne l'avons remplacée par le titre, beaucoup moins précis, d'Arai- gnées mineuses, que pour éviter une périphrase qui eût été indispensable en français. De même, nous avons traduit Jarvesting Ants par Fourmis emmagasineuses, ce qui ne rend qu'imparfaitement l'expression anglaise, dont le sens littéral est: Fourmis faisant des récoltes de grains et les emmagasinant. BIBLIOGRAPHIE. 495 l’histoire intime des mœurs de ces intéressants architectes, et l'étude de leurs nids, nos connaissances sont restées à pen près stationnaires. Sur trente-six espèces d’Araignées de cette section, reconnues par le pro- fesseur allemand Ausserer (1871) comme appartenant à la région médi- terranéenne, les demeures de huit seulement ont été décrites par les auteurs. Cependant, pour s'emparer des animaux de ces trente-six es- pèces, il a fallu, de toute nécessité, détruire un grand nombre de nids, vu que, errant toute la nuit à la recherche de leur nourriture, ces inté- ressantes Araignées passent leurs journées entières cachées dans leurs terriers, et que ce n’est guère que là qu’on peut les surprendre. L'ordre des Araignées (Aranecæ) a été divisé par Thorell (1869-1870) en sept sous-ordres. Le quatrième, Territel ariæ (tisseuses souterraines), comprend toutes les espèces dont les habitations sont fermées à l’entrée par une porte en forme de trappe, et de plus quelques autres dont les demeures ne présentent pas cette particularité. Ce sous-ordre se distingue par la position des chélicères, qui ont le crochet dirigé en bas et se meu- vent verticalement, parallèlement l’une à l’autre, tandis que chez les Araignées des autres sous-ordres ces organes se meuvent korizontale- ment ou obliquement. Presque toutes les Territelariæ ont en outre quatre pustules d’une couleur plus pâle, situées à la base de l’abdomen en dessous, indiquant la position de quatre sacs à air, tandis que toutes ou presque toutes les autres Araignées n’en ont que deux. Il n'existe en Angleterre qu’un seul représentant du sous-ordre des Territelariæ : c’est l'Atypus piceus (ou Sulzeri). Une étude attentive des nids de l’espèce anglaise semblerait indiquer que c’est une espèce dis- tincte de celle, du même nom, qu’on rencontre en France dans les environs de Paris. Telleest l’opinion d’Ausserer, qui la désigne en conséquence par un autre nom (Aéypus Blackwallii). Cette espèce, pas plus que l'espèce française, ne paraïtrait pas appartenir à la section des Araignées à portes en forme de trappe, l’entrée du nid ne présentant pas cette sorte d’opercule. M. Moggridge range sous quatre types bien distincts tous les nids à porte fonctionnant comme une trappe connus jusqu'ici : A Porte épaisse, adaptée comme un bouchon dans l’ouverture. B Porte mince comme un pain à cacheter, repo- Tube simple........ sant sur l'ouverture. C Deux portes minces, l’une à l’orifice exté- rieur, l’autre à une certaine distance dans l’intérieur du tube. 496 BULLETIN. D Deux portes minces, l’une à l'orifice exté- rieur, l’autre au niveau de l’embranche- ment. Tube présentant un embranchement. . Tous ces nids consistent en un tube creusé dans la terre, à une plus ou moins grande profondeur, doublé en dedans d’un revêtement de soie qui se continue avec celui de la porte ou des portes pour en former la char- nière. On pourrait peut-être, entre À et B, intercaler un type intermédiaire représenté par le nid d’une espèce d’Araignée du Maroc, Céeniza ( Acti- nopus œdificatorius), décrit et figuré par le professeur Westwood (1841-1843) dans les Trans. de la Soc. entom. de Londres. La portede ce nid, quoique très-mince, comme dans le type B, s'adapte dans l’ou- verture du tube, biseautée pour la recevoir, comme dans le type À. On ne connaissait jusqu’à présent que les types À et B, bien moins com- pliqués dans leur construction que les types C et D, que l’auteur n’a encore rencontrés qu'à Menton et à Cannes. M. Moggridge s’empresse de reconnaître les obligations qu’il a à M®° Richard Boyle, à qui revient la priorité de ces observations, qui l’a dirigé elle-même dans ses études et l’a aidé à se rendre compte des différents types de structure de ces nids. Le type B n’a été trouvé que dans les îles des Indes-Occidentales. La porte se compose uniquement de soie, sans aucun mélange de terre. L’en- semble est d’une texture plus grossière que celle des nids des espèces euro- péennes. Le tube est recourbé ou droit; quelquefois il présente en bas une sorte d’élargissement en forme de talon, qui lui donne une ressem- blance grotesque avec un bas. M. Gosse, dans son Séjour d'un naturaliste à la Jamaïque (1851), donne une excellente description du nid de la Céeniza nidulans, nid qui appartient au type B de M. Mogeridge, et de la manière dont cette Arai- gnée le creuse avec ses mandibules dans la terre humide, charriant à mesure les déblais au dehors, et tapissant l’intérieur d’un revêtement de soie pour empêcher l’éboulement de la terre de la portion de tube qu’elle vient de creuser et qu’elle prolonge ensuite, en employant les mêmes pré- cautions, jusqu’à ce qu’il ait la longueur voulue. Ce nid, pour les individus adultes, a 4 pouces de profondeur sur 1 pouce de diamètre ; il représente un tube cylindrique; le fond est arrondi; l’orifice extérieur, à fleur de terre, est fermé par une porte circulaire mince, uniquement composée de soie, reposant sur les bords de l’orifice et fonctionnant comme une trappe. Pour le revêtement de l’intérieur du tube, la Cteniza nidulans dépose d’abord sa soie par plaques irrégulières, puis elle en file d’autres en couches concentriques bien unies et bien régulières, plus nombreuses BIBLIOGRAPHIE. 497 et plus solides vers l’orifice que vers le fond. L’épaisseur varie vers le haut entre 1/8° et 1/4 de pouce ; elle est identique à celle de la porte. Le tube est légèrement évasé vers le haut. Sur un échantillon plus compacte que les autres, M. Gosse remarqua une rangée de trous extrêmement fins autour et en dedans du bord libre de l’opercule. Ils correspondaient à une double rangée de trous sembla- bles pratiqués au bord de l'extrémité libre du tube. Il ne pense pas que ces petites ouvertures aient pour objet de donner plus de prise aux pattes de l’Araignée quand celle-ci s'efforce de tenir sa porte fermée pour résis- ter aux tentatives d'un ennemi extérieur qui cherche à la forcer, mais les considère comme des trous à air. M. Moggridge soutient l’opinion con- traire, et les regarde comme des piqûres faites par l'empreinte des pattes de l’Araignée, comme cela a lieu chez quelques espèces européennes. Lenid de la Cieniza (Actinopus) œdificatorius Westw., de Tanger, tient, ainsi qu'il a été dit plus haut, le milieu entre les types À et B. D’après la description du prof. Westwood, ce nid a 4 pouces de profon- deur sur 3/4 de pouce de diamètre. Il est légèrement recourbé; sa porte est subelliptique; elle se compose de couches de soie grossière superposées, avec des particules de terre intercalées entre les couches supérieures, de manière à donner à sa surface extérieure l'apparence du sol environnant. La charnière est dans le sens du petit axe de l’ellipsoïde. La ressem- blance du nid de l’espèce Africaine avec celui des espèces des Indes-Occi- dentales est d'autant plus remarquable que les deux espèces appartien- nent, suivant M. Westwood, au même genre et ne diffèrent guère que par la taille. Il ne faudrait pas néanmoins conclure de ce fait que des Arai- gnées appartenant à un même genre et présentantentre elles des rapports de ressemblance très-prononcés doivent construire des nids à peu près semblables, ni que des espèces très-différentes entre elles, et appartenant à des genres bien distincts, ne doivent pas construire des nids à peu près identiques, car très-souvent c’est le contraire qui à lieu. Les quatre espèces de Territelariæ étudiées par M. Moggridge dans les environs de Menton et de Cannes, sont: la Cteniza fodiens (Ct. Sauva- get Rossi), et la Nemesia cœmentaria Latr., qui appartiennent au type A, la Nemesia meridionalis Costa, qui appartient au type D, et la Nemesia Eleanora, no. sp., qui appartient au type C. de l’auteur. Nous renvoyons le lecteur à l’intéressant ouvrage de M. Mogoridge, pour les descriptions très-détaillées que M. Pickard-Cambridge à faites, tout ex- près pour ce travail, des animaux de ces quatre espèces, et aux jolies planches dont l'ouvrage est enrichi, et qui ont toutes été exécutées d’après les excellents dessins de l’auteur. 498 * BULLETIN. La Cteniza fodiens à environ 10 lignesde longueur (femelles adultes). Elle est d’un brun violacé, et paraît bien plus rare dans les environs de Menton que la Nemesia cœmentaria. M. Moggridge n'a pu, malgré toutes ses recherches aux alentours de Menton et de Cannes, en décou- vrir que quatre nids. Ceux-ci sont d'ailleurs très-difficiles à trouver. Les Territelariæ choisissent d'ordinaire, pour les établir, des localités humides et ombragées, des terrains en pente, ou même des murs verticaux grossiè- rement construits, où les interstices des pierres sont garnis de terre, et où elles trouvent un abri sous le lycopode rampant (Selaginella denticw- lata), le Ceterach, l’Asplenium et les Capillaires, avec quelques petites mousses et des plaques de lichen blanc pour tromper les yeux. Le tube de la Ct. fodiens, comme ceux des autres Territelariæ, est quelquefois droit, mais plus souvent infléchi et se dirigeant presque toujours en bas. Une autre espèce de Cteniza (Cteniza ou Mygale Tonica) Saunders, d’un brun jaunâtre uniforme, se trouve dans les îles Ioniennes (Zante). D'après la description et la figure données par Saunders, 1839, son nid appartient au type À ; seulement la surface extérieure de la porte n’af- fleurerait pas avec la surface environnante, comme la chose a lieu d’ordi- naire , mais présenterait un appendice courtet en forme d’éperon en haut et en arrière de la charnière. La Nemesia cœmentaria a de 9 à 11 lignes delongueur; elle est rous- sâtre, à bandes brunes. Elle a longtemps été le seul typede Territelariæ connu en Europe. Les droits principaux des nids du type À à notre admi- ration sont la perfection du travail de leur porte et la merveilleuse ca- chette qu'elle procure à l’animal lorsqu'elle est fermée. Cette porte joint si exactement (grâce à l'adaptation parfaite de ses bords inclinés à la lèvre biseautée du tube qui la recoit), qu’elle présente une certaine somme de résistance, même pendant l'absence de l’animal. D’après ce qui a souvent été répété sur les habitudes de la N. cœmen- taria, il semblerait, dit M. Moggridge, que toutes les fois qu’une tenta- tive est faite pour ouvrir sa porte, cette Araignée s’élance du fond de son tube pour s’y opposer. Il n’en est rien pourtant, du moins d'octobre en mai ; car, à cette époque, ce n’est que rarement que l’auteur a trouvé une de ces Araignées disposée à la résistance, quoique fréquemment les N. meridionalis et Eleanora se missent ainsi sur la défensive. Ce n’est que dans six ou huit cas que M. Moggridge à éprouvé de la part de la Nemesia cœmentaria des manœuvres de résistance. Le plus souvent cette Araignée semblait insensible à toutes ses provocations, et il la trouvait presque toujours les pattes repliées et blottie au fond de son tube. Dans un des cas où il y eut lutte de la part de l’animal, voici comment les choses se passèrent : BIBLIOGRAPHIE. e 499 A peine l'auteur eut-il touché légèrement la porte avec la pointe d’un canif, qu’il s’apercut que celle-ci s'enfoncait graduellement, de sorte que sa surface, qui dépassait un peu le niveau du sol, se trouva bientôt un peu en dessous. Avec la pointe du canif, il s’arrangea alors dé manière à sou- lever tout doucement la porte, et, malgré la résistance vigoureuse oppo- sée par l’Araignée, il finit par pouvoir plonger ses regards dans l’inté- rieur. Il vit alors l’animal tirant sur sa porte de toutes ses forces, le dos en bas etles pointes des pattes enfoncées dans la doublure soyeuse de la surface inférieure du bouchon. Sa tête était écartée de la charnière et son corps était placé en travers et remplissait exactement le tube, contre les parois duquel il are-boutait. L'auteur ne forca pas l'animal à lâcher prise; mais, coupant vivement avec un couteau le tube à une certaine distance en dessous, s’en empara de cette façon, avec la trappe et une portion du tube. Toutes les fois qu’une Araignée à ainsi soutenu un siége, ses pattes doi- vent avoir nécessairement produit des trous sur la circonférence de la porte, excepté du côté de la charnière; et c’est ce qui eut lieu dans le cas dont nous venons de parler. Ces empreintes étaient encore visibles après plusieurs semaines. Très-rarement l’auteur à pu constater cette circon- stance sur des nids dont il s'était emparé sans résistance. Mais l’action de l'humidité, qui fait tendre la soie, avait pu les effacer. Passons maintenant, avec notre auteur, des nids à une seule porte, type le plus anciennement connu, à ceux qui sont munis de deux portes, et présentent de nouveaux types de construction. Chez les types D et C, nous trouvons, à l’entrée du nid, une sorte de trappe mince, en forme de pain à cacheter, et, deux ou trois pouces plus bas, une seconde porte souterraine très-solide. Dans le type D, qui est caractérisé par un embranchement adapté au tube principal (Nemesia meridionalis), cette seconde porte est plus ou moins linguiforme. Dans le type C, dont le tube est simple, mais également muni de deux portes (Nemesia Eleanora), la porte souterraine se rapproche plus ou moins de la forme d’un fer à cheval. Dans ces deux types, la porte extérieure est identique, et quoique un peu plus mince peut être assimilée à celle du type B des Indes-Occidentales. La Nemesia meridionalis est plus commune, dans les environs de Menton, que la Nemesia Eleanora. Son nid, au lieu d’être formé d’un tube simple, comme celui de toutes les autres Territelariæ, est pourvu d'un embranchement partant du tube principal au point où est suspendue la seconde porte, et formant avec ce tube un angle de 45°. Le tube prin- 500 BULLETIN. cipal descend, et présente souvent une courbure, quelquefois deux ; le tube collatéral suit, au contraire, une direction ascendante, arrive, dans quel- ques cas rares, jusqu’à la surface du sol, mais le plus ordinairement se termine en cul-de-sac. S'il arrive jusqu’à la surface du sol, l’Araignée y fabrique une porte semblable à la porte d'entrée du tube principal. C’est probablement lorsque l’entrée normale a été obstruée par de la terre que l’Araignée prolonge, vers le haut, le tube d’'embranchement jusqu’à la sur- face du sol; il est destiné à remplacer l'entrée primitive. Mais presque toujours, comme l’a observé M. Moggridge, l’'embranchement se termine en cul-de-sac, même dans le nid des très-jeunes Nemesia meridionalis. L'ouverture extérieure est recouverte par une porte à charnière qui ne s’y adapte pas intérieurement comme un bouchon, mais repose sur elle ; l’élasticité de la charnière et le propre poids de la porte suffisent pour la tenir fermée. La porte souterraine est suspendue parune charnière placée au sommet de l’angle formé par la bifurcation du tube, et fixée lâchement aux parois de celui-ci par une sorte de double gousset de soie. Repoussée vers le haut, cette porte peut se placer diagonalement en travers et fer- mer ainsi le tube principal; ou bien, retirée en arrière, elle peut s'adapter à l'entrée de l’embranchement de manière à la boucher complétement. Cette porte a environ une ligne et demie d'épaisseur ; elle est creusée en gouttière en dessus, presque plate en dessous, de forme elliptique, avec un appendice flottant à son extrémité inférieure. Son ensemble se com- pose de terre renfermée dans une gaîne de soie. Quand elle est appliquée de manière à fermer l’embranchement, elle semble ne faire qu’un avec le tube principal dont elle forme partiellement la paroi. Voici comment M. Moggridge pense qu'on peut se rendre compte des usages de cette seconde porte. Un des ennemis naturels de cette espèce (Ichneumon, Guêpe des sables, Scolopendre, petit Lézard, etc.) vient-il à forcer l'entrée extérieure, l’Araiïgnée, en la repoussant vers le haut, lui ferme la seconde porte au nez et la soutient fortement en la poussant avec son dos. A-t-elle le dessous dans cette seconde résistance aux progrès de l'intrus, elle retire activement sa porte en arrière contre l’ouverture de l’embranchement dans lequel elle se réfugie, maintenant solidement sa porte, qu’elle tire à elle avec ses pattes; et l'ennemi qui s'est pré- cipité au fond du tube principal, l’y cherche en vain. Tel est l'usage pro- bable de l'embranchement du nid de la Nemesia meridionalis. Comment supposer, en effet, qu’il soit surtout destiné à fournir une place de sûreté aux œufs ou à la progéniture de l’Araignée, puisqu'on le trouve aussi dans les nids que construisent les très-jeunes Araignées de cette espèce La N. meridionalis a de 11 à 13 lignes de longueur (femellesadultes), BIBLIOGRAPHIE. 501 etressemble beaucoup, par ses couleurs et l'ensemble général de ses formes, - à la cæœmentaria. La porte extérieure n'étant recouverte en dessus que d’une couche rès-mince de terre, il est rare d'y voir pousser des mousses et des lichens ; mais l’Araignée y supplée par des feuilles mortes, de petites tiges, des radicules, des pailles qu’elle enchevêtre dans la soie qui tapisse à l'extérieur et sa porte et l’extrémité du tube, de manière à dérober aux regards l’entrée de son nid. Dans un cas tout à fait exceptionnel, le tube était un peu prolongé au-dessus de la surface du sol, mais durci et fortifié à l'extérieur par de la terre et du gravier fin; il n'avait pas besoin d’autre soutien. La surface du sol avait-elle été balayée autour de l’extrémité du tube par un accident quelconque, et l’Araignée avait-elle ainsi paré à ce dégât ? Souvent l’auteur a rencontré des tubes prolongés à l’extérieur de 2 ou 3 pouces au milieu de gazons, mousses, fougères, pariétaires, aux- quels ils étaient solidement entrelacés. Il nous reste à parler d’une espèce nouvelle (N. Eleanora)! type C de M. Moggridge. Ce nid n’a jamais d'embranchement et possède, comme il à été dit, deux portes : l’une extérieure, destinée à cacher l'entrée du nid; l’autre intérieure, subelliptique, destinée à la résistance en cas d’at- taque. Cette dernière, composée de terre revêtue de forte soie blanche, a 1 ou? lignes d'épaisseur et présente à l'extrémité opposée à la charnière, comme chez l'espèce précédente, un appendice flottant qui sert probable- ment à l’animal à retirer en bas la porte après que, pour résister à une attaque, elle a été fortement repoussée en haut dans le tube. La surface supérieure de cette seconde porte est concave, l’inférieure légèrement arrondie; les côtés sont un peu inclinés de bas en haut et de dehors en dedans, comme un bouchon retourné. Comme dans le cas de la N. meri- dionalis, cette seconde porte est ordinairement unie, (lâchement par le bas) sur les côtés, à la soie du tube par deux goussets de soie presque triangulaires qui ne nuisent en rien à ses mouvements. La N. Eleanora (femelle adulte), a 11 ou 12 lignes de longueur ; ellese distingue des N, meridionalis et cæœmentaria par ses couleurs plus in- tenses et plus riches, et par d’autres caractères. Le mâle est beaucoup plus petit que la femelle, 6 lignes. Cette espèce est un peu moins commune à Menton que la N. meridionalis ; mais il paraît que c’est le contraire qui a lieu à Cannes. Le nid de la N. Eleanora présente quelquefois, comme dans l’espèce précédente, un prolongement extérieur du tube au milieu de gazons, mousses, etc. Dans un exemple de ce genre, consigné par 1 Nom de baptême de Mme Boyle, à qui cette espèce a été dédiée. III. 33 502 BULLETIN. l’auteur, de la mousse avait poussé sur la surface extérieure de la porte et y vivait uniquement aux dépens de l’humidité que lui procuraït sa situa- tion, car il n'existait pas un atome de terre dans la construction de cette porte. Deux fois, en avril et mai, et fréquemment en octobre et novembre, M. Moggridge a trouvé de très-jeunes N. Eleanora dans les nids avec leurs mères. Ordinairement elles étaient très-petites, mais une fois, en octobre, il rencontra dans les mêmes conditions deux ou trois jeunes Araignées trois fois plus grosses que leurs compagnes. En avril, il: put recueillir dans un nid 24 petits groupés en dessous et à côté de la mère. En octobre et novembre, il lui est arrivé de rencontrer de semblables fa- milles de N. meridionalis (Al petits dans une circonstance), mais ces jeunes Araignées étaienttoutes très-petites et d’une taille uniforme. Jamais il n’a trouvé de petits dans des nids de Cteniza fodiens ou de Nemesia cœmentaria. M. de Walckenaer (Aranéides de France) cite le fait, avancé par M. Rossi, que la Cteniza fodiens porte ses petits sur son dos, comme certaines espèces de Lycosa (Tarentule). Il semble que de pareïlles obser- vations sont difficiles à faire quand il s’agit des Araignées dont s’est occupé M. Moggridge, vu que leurs habitudes sont nocturnes et que de jour elles ne sortent jamais de leur nid. M. Erber donne les détails suivants sur les mœurs de la Céeniza Ariana, qu'il a étudiées dans l’île de Tinos : «La nuit, ces animaux sor- tent de leurs nids, fixent la porte aux objets environnants et filent une toile de 6 pouces de long sur à peine un demi-pouce de hauteur, pour y capturer des insectes nocturnes. Le matin, cette toile est enlevée, et pro- bablement elle est employée à fortifier les couches de soie de la porte. » Ce même auteur à trouvé des œufs, au nombre d’environ 60; au fond des tubes, attachés simplement à des fils; les petits construisent detrès-bonne heure des nids. M. Olivier (Encycl. méth., Araignées mineuses (1811) assure qu'il lui est arrivé deux fois, dans les îles voisines d'Hyères et au cap Saint- Tropez, de rencontrer des nids dont les portes étaient ouvertes pendant le jour et dont le tube était vide ; ce qui semblerait indiquer que ces animaux étaient diurnes dans leurs habitudes. D'une communication faite à M. Hansard par un de ses amis, il résul- terait qu’une Araignée de l’île de Formose, qui construit des nids comme ceux de la Céemiza fodiens, passe la journée à l'extérieur près de son habitation, regardant fixement quiconque s’en approche, et puis se pré- cipitant dans son nid et en fermant:.la porte après elle. M. Moggridge tient de lady Parker qu’il existe à Paramatta, près de BIBLIOGRAPHIE. 503 Sidney, en Australie, une Araignée mineuse noire extrêmement commune, que l’on voit de jour dans les allées des jardins, auprès de son trou, où elle se précipite en cas d’alarme. Ces portes ouvertes, de la grandeur d’une pièce de six pences, attirent l’œil étant rabattues en arrière quand l'animal est dehors, mais elles ferment si exactement qu'il est difficile de les découvrir l’animal une fois rentré dans son domicile. Toutes les observations de M. Mogsridge ont été faites sur des Arai- gnées femelles. Malgré toutes ses recherches et toutes les peines qu’il s'était données dans ce but, il ne lui est arrivé qu’une seule fois decaptu- rer un mâle (de Nemesia Eleanora) qu'il trouva pelotonné dans une crevasse d’un terrain couvert de mousse. En hiver, au printemps et dans les derniers jours d'automne, il paraîtrait que la femelle vit seule, du moins pendant le jour, et que le mâle se cache dans les fentes des vieux murs et autres lieux semblables. Suivant M. de Walckenaer, «la femelle dela N. cœmentaria vit, après la ponte, dans la société du mâle. Dorthès a vu plusieurs fois, dans la même habitation, le mâle et la femelle avec une trentaine de petits.> Peut-être des recherches faites au commence- ment de l'automne pourraient-elles amener la découverte de ces heureux ménages, mais notre auteur avoue qu'il n’a jamais eu cette bonne fortune. Pour un essai d'éducation en captivité d’une Nemesia meridionalis, M. Mogeridge avait placé un de ces animaux sur un vase plein de terre et avait pratiqué un trou au milieu. L’Araignée s’empressade s’y blottir, et, le lendemain pendant la nuit, recouvrit l’entrée de ce trou d’une toile mince dans la structure de laquelle elle entrelaca des morceaux de terre, des racines, de la mousse, des feuilles, tout ce qu’elle avait pu trouver et accumuler sur cette toile attachée par quelques fils à la terre qui entourait l'ouverture. Le lendemain de la nuit suivante, cette porte avait à peu près sa forme et son épaisseur normales ; mais sans doute ennuyé de sa captivité, l’animal ne s’inquiéta ni dela délivrer des points d’attache ni decompléter son œuvre.Dans un autre cas, M. Moggridge vit une très- jeune Araïignée reconstruire sa porte qu'il avait sans doute détruite en enlevant la partie supérieure d’un nid caché par une plante de cétérach. Tandis qu’il dessinait ce nid, le soir, à la clarté d’unelampe, il vit la jeune Araignée à l’œuvre, à l'entrée de son petit tube (du diamètre d’une plume de corbeau), qui se trouvait à découvert. Après avoir enlevé un petit bloc de terre couverte de mousse, épais de deux pouces environ et d’une surface de 3 pouces carrés, renfermant l’ex- trémité du tube et la porte couverte de mousse d’un nid deN. cæœmentaria, l’auteur trouva, six jours après, en visitant les lieux d’où il l'avait déta- ché, une nouvelle porte garnie de mousse que l’Araignée y avait plantée, 504 BULLETIN. après être allée la chercher plus haut, sur un point où la terre n'avait pas été dérangée. Il a eu occasion d’observer plusieurs exemples de ce fait. Les Araignées à portes en trappe tiennent singulièrement aux habi- tations qu'elles se sont construites, et ont toutes les peines du monde à se décider à les abandonner. Si quelque accident vient à en altérer la struc- ture, elles les réparent de leur mieux, et souvent avec de grandes diffi- cultés, plutôt que de se décider à en construire d’autres. M. Moggridge est convaincu que les nidsdes Araignées qui nous occu- pent sont les résultats de plusieurs agrandissements successifs et que le premier nid construit par l'animal pendant son enfance, et qui n’est pas d'un diamètre plus grand que celui d’une plume de corbeau, n’est jamais abandonné, mais par des agrandissements successifs finit par devenir la demeure du même animal parvenu à l’état adulte. Reste à savoir s’il faut des mois et des années pour que les choses en viennent là. On connaît peu de choses sur la durée de la vie des Araignées. M. Black- wall dit que quelques-unes ne vivent qu'un an, tandis que d’autres (Tegenaria civilis et Segestria senoculata en vivent quatre, D’après le développement de la mousse et des lichens qui croissent sur les portes des Araignées mineuses, M. Moggridge est disposé à croire que les tubes qu'ils recouvrent ont été habités pendant plus d’une année. On rencon- tre assez souvent des preuves de l'agrandissement des portes, quoique les additions soient faites avec unetelle précision, que la chose n’est pas tou- jours aisée à constater. Dans des portes de N. meridionalis, on voit quelquefois l’ancienne porte, plus petite, attachée à la nouvelle qui à été construite en dessous, On en rencontre dans certains cas trois ainsi super- posées. C’est ce qui donne souvent à ces portes l’aspect feuilleté d’une écaille d'huître. Quant au type À, une porte qui a atteint sa plus grande dimension renferme dans som ensemble plusieurs portes plus petites qui autrefois remplissaient l’orifice du tube, mais qu’il a fallu nécessairement agrandir. Si l’on examine avec soin une de ces portes, on la voit, en effet, formée de plusieurs couches de soie avec plus ou moins de terre entre chacune, et l’on reconnaît que le diamètre de ces couches diminueen allant de dehors en dedans. En les humectant, l’auteur a pu détacher qua- torze de ces rondelles circulaires superposées. Une autre preuve d’agrandissements successifs est donnée par la porte ou même les deux portes, devenues inutiles, que l’on trouve parfois der- rière la porte souterraine d’un nid de Nemesia Eleanora. Quelquefois, chez la même espèce, on trouve deux étuis de soie épaisse qui peuvent être séparés l’un de l’autre et qui recouvrent le gâteau de terre placé au centre. Point de portes abandonnées derrière la porte, souterraine de la BIBLIOGRAPHIE. 505 N.meridionalis, vu qu’elles obstrueraient par leur présence l’entrée de l’embranchement. C’estune économie mieux entendue, de la part de ces animaux, d’agran- dir leurs nids que d’en construire un nouveau toutes les fois que les pro- grès de leur développement le nécessitent. M. Moggridge ne peut pas se lasser d'admirer ces nids très-petits con- struits d’une manière si parfaite par de jeunes Araignées écloses depuis peu. «Qu'une créature si jeune et si faible puisse creuser dans la terre un tube qui dépasse de plusieurs fois sa longueur, et en sache faire une mi- niature parfaite de celui de ses parents, même pour les nids de la forme la plus compliquée (type D), c’est là un fait auquel on aurait peine à trouver un pendant dans la nature.» D’après des mesures prises, le 30 avril 1872, sur l’opercule extérieur de sept nids à double porte et d’un nid dont la porte entre comme un bouchon dans l’extrémité du tube, et renouvelées le 10 octobre suivant, l’auteur est disposé à croire que les nids, en moyenne, doivent s’accroître par an d'à peu près 4 lignes en diamètre. Partant de cette supposition, il faudrait quatre ans pour que le nid d’une jeune Araignée, dont la porte extérieure a à peine une ligne de diamètre, atteignit les dimensions des plus grands nids à double porte, dont l’opercule extérieur atteint jus- qu’à 16 lignes de diamètre. Presque toutes les espèces d’Araignées, dès qu’elles quittent leur mère, c'est-à-dire fortjeunes, se construisent des habitations pour elles-mêmes. « Quelque compliqués que soient les procédés par lesquels les Araignées ourdissent ces toiles d’une symétrie si merveilleuse » , dit M. Blackwal en parlant des Araignées d'Angleterre, « les jeunes individus, agissant sous l'influence d’une impulsion instinctive, déploient, même dans leurs premiers essais, toute l’habileté consommée des individus les plus expé- rimentés. » M. Pollock a étudié à Madère, en 1865, les petits de l’£Zpeira aurelia, qui « âgés seulement de sept semaines construisent une toile de la gran- deur d’un penny, reproduisant, en miniature et avec une exactitude parfaite, l’admirable symétrie de celle des Araignées adultes. Cette der- nière est verticale, circulaire, formée d’un fil qui n’a pas moins de 290 pieds de longueur, et se compose de 35 rayons et de 38 cercles con- centriques dont le plus extérieur à environ 20 pouces de diamètre. Au bout d’un ou deux jours, le fil ayant perdu sa propriété adhésive, l'animal en fabrique une autre toile. A l’âge de six mois, l’'Æpeira femelle à changé dix fois de peau (un de ces changements a lieu dans le cocon), et à la fin du huitième mois elle pèse 2700 fois plus qu’à l'époque de sa naissance. [1 paraît qu’elle vit dix-huit mois ». Li 506 BULLETIN. Les jeunes Araignées construisent-elles leur première habitation par instinct, c’est-à-dire indépendamment de toute éducation ou expérience personnelle ; ou bien copient-elles les nids où leur éclosion a eu lieu ? M. Moggridge pose la question, mais ne la résout pas. Il semblerait pourtant pencher pour la dernière alternative. En résumant l’état actuel de nos connaissances sur les Araignés mi- neuses dont les nids sont fermés par une porte en forme de trappe, M. Moggeridge constate que sur 215 espèces énumérées par le professeur Ausserer et répandues à la surface de notre globe !, les nids de 12 espèces seulement sont connus ; 10 sont l’ouvrage d’Araignées méditerranéennes. Presque tous les nids connus appartiennent au type À, que l’on trouve à Formose, dans l'Inde, en Syrie(Zdiops syriacus), dans l'archipel Grec, en Italie et dans les îles avoisinantes, à Trieste, dans la France méridionale, en Espagne, dans le Maroc, la Nouvelle-Grenade, en Australie. Le type B n’a jusqu'ici été trouvé que dans les îles des Indes-Occidentales. Le type D à été signalé à Menton, Cannes, Pegli près de Gênes, et peut-être près de Naples et dans l’île d’Ischia. Enfin, le type C n’a encore été ren- contré qu'à Menton et à Cannes. Il est probable que des espèces de ces. trois derniers types, de chacun desquels on ne connaît encore qu'un seul représentant, pourront être reconnues ailleurs. Le type du nid restera-t-il le même, quoique les animaux qui les construisent appartiennent à des genres différents, comme la chose a lieu pour le type À ? L'auteur conclut en constatant qu’il reste beaucoup à faire pour l’his- toire des Araignées qui ferment leurs habitations souterraines par des portes en forme de trappe. « Nous ne sommes, dit-il, que sur le seuil des découvertes de ce genre, et les matériaux que j’ai réunis dans les pages qu’on vient de lire ne doivent être considérés que comme un faible échan- tillon de ce que l’on peut récolter sur l’extrême limite extérieure de ce vaste champ d’explorations. Je m’estimerai heureux si j'ai pu, dans cet opuscule, entre-bâiller assez la porte pour permettre à ceux qui aiment la nature et ses voies de jeter un coup d’œil sur les merveilles et les beautés de la terre vierge qui s'étend au-delà 2. » D' PALADILHE. 1 Les Alypus piceus, A. Blackwallii, et Nemesia cellicola, compris dans celte énumération, ne paraissent pas, suivant l'auteur que nous analysons, construire des portes en forme de trappe, mais de simples tubes de soie sans opercule à l'entrée. 2 Nous ne pouvons résister au désir de mettre sous les yeux de nos lecteurs le fait suivant relaté dans une lettre que M. John Topham vient d'adresser, le BIBLIOGRAPHIE. 507 Obsrevations sur quelques épidermes végétaux, par M. Henri Srcarp?. Les travaux sur l’épiderme des plantes ne sont pas nombreux, et ce qui en existe est disséminé un peu partout, dans les journaux, dans les monographies. Les botanistes sauront donc gré à M. Henri Sicard d’avoir pensé que des «Observations sur quelques épidermes végétaux seraient un bon sujet de thèse pour le grade de docteur ès-sciences naturelles, que le jeune et savant professeur à voulu joindre à ceux qu’il avait déjà conquis. Cette Thèse est accompagnée de deux belles planches. Ce détail, joint au titre qui précède, pourrait faire croire que ce travail consiste en une suite de descriptions comparatives des épidermes les plus divers et les plus caractérisés. Ce seraït une erreur ; car, bien que ces descriptions s’y trouvent, ce ne sont point elles qui constituent le fond de ce travail remar- quable. Et, si l'appréciation d’une œuvre qui ne mérite que des éloges pouvait commencer par un reproche, je ferais à l’auteur celui d’avoir 28 octobre, au journal Anglais «Nature», et qui prouve, une fois de plus, ce que l’on doit penser du mot instinct, comme certaines personnes veulent s'obstiner à l'entendre : Une Araignée avait construit sa toile dans un coin du jardin de M. Topham, à trois pieds environ au-dessus d’une allée sablée de gravier, et l'avait fixée sur les côtés, par de longs fils, aux arbustes du voisinage. A plusieurs reprises, les vents d'équinoxe de cet automne avaient détruit cette toile. L’Araignée, fatiguée de la reconstruire, s’avisa enfin de l'expédient suivant. Elle choisit sur le sol un petit caillou de forme conique, attacha solidement deux cordelettes de soie aux deux extrémités du diamètre de la base de ce caillou. Puis elle remonta sur sa toile au moyen du fil qu'elle avait filé pour en descendre, et, tout en remontant, elle continua de fabriquer les deux cordelettes fixées au caillou qui gisait à terre. Une fois arrivée à sa toile, elle s y cramponna solidement, et commenca à attirer vers elle, au moyen des deux cordelettes, le caillou qu'elle éleva ainsi à une hau- teur de deux pieds, où elle le laissa suspendu, en assujétissant les cordelettes à l'extrémité inférieure de sa toile. Elle avait donné à celle-ci une forme triangu- laire. Ce poids mobile, ainsi disposé, put permettre à la toile de résister à des coups de vent qui n'auraient pas manqué de la détruire sans cette précaution, puisque sa position était restée la même. Il nous semble que des faits de ce genre peuvent se passer de commentaires. 1 Paris, Masson, éditeur. 3 Nous rendrons compte, dans le prochain numéro, de la Thèse de zoologie présentée, concurremment avec celle-ci, par M. Henri Sicard, pour obtenir le grade de Docteur ès-Sciences naturelles. E. DuBruEIx, 508 BULLETIN. presque dissimulé le vrai caractère de ses recherches sous un titre qui n’en indique pas suffisamment la spécialité et par suite l'importance. Dans un avant-propos, l’auteur indique l’objet de ses Observations en termes si clairs et si nets, que nous ne pouvons mieux faire que de les reproduire. « Le rapport qui existe entre les organismes et le milieu qui les envi- >ronne à été signalé par les observateurs de tous les temps... Aujour- » d’hui, au milieu des discussions ardentes soulevées par la théorie de la » mutabilité de l’espèce, il est du moins un fait hors de toute contestation > et admis par tous les naturalistes : c’est l'influence des milieux sur les ‘> formes organiques... > Les modifications que subissent les végétaux, suivant le milieu où > ils vivent, doivent atteindre surtout les parties qui sont directement en >» rapport avec ce milieu, et qui sont placées à la surface du végétal, c’est- » à-dire l’épiderme et les organes épidermiques ; et en effet, parmi les > changements que les observateurs ont mentionnés dans les formes végé- > tales, ce sont ceux qui se présentent le plus fréquemment.» Ainsi, à mon sens et d’après les expressions de l’auteur, le véritable sujet de la Thèse est «l'étude des modifications déterminées sur l’épi- > derme par les conditions extérieures» (p. 93). Hätons-nous d'ajouter que cette étude a été traitée de manière à valoir à son auteur, de la part de tous les botanistes, les compliments qu’il a reçus des maîtres éminents de la Faculté des Sciences de Paris. Un exposé historique nous met d’abord au courant des divers travaux sur l’épiderme et particulièrement sur celui des plantes aquatiques, auxquelles une autorité imposante en avait absolument refusé un. De nombreuses observations déterminent les restrictions qu’il faut apporter à ce principe, et font bien connaître les principales modifications du tissu épidermique des plantes aquatiques. La seconde partie est consacrée aux plantes terrestres, et elle est moins étendue que la première, attendu que «ces plantes ne subissent >pas dans leurs conditions d'existence des changements aussi considé- >rables que les plantes aquatiques». Elle n’en renferme pas moins de très-intéressantes observations, soit personnelles à l’auteur , soit déjà consignées dans divers travaux. La Thèse se clôt par les conclusions suivantes : «1° Le revêtement cellulaire auquel on donne le nom d’épiderme vexiste sur toutes les feuilles, qu’elles soient aquatiques ou aériennes. »2° Cette membrane organisée subit dans sa structure des modifica= ptions souvent considérables, qui se produisent sous l'influence des con- BIBLIOGRAPHIE. 509 pditions extérieures, et par le fait d'une adaptation de l'organisme au milieu qui l’environne. 53° Le contact de l’eau entraîne, d’une manière générale, la dispari- ption des stomates. »4 Chez les feuilles des plantes submergées, à vie complétement aquatique, le rôle physiologique des cellules épidermiques change et la ychlorophylle se développe dans leur intérieur (Potamées, Naïadées, »Zostéracées). »5° Dans les plantes terrestres, cette influence des conditions exté- vrieures sur l’épiderme agit également sur le développement des cellules Jépidermiques, sur l’épaisseur des couches cuticularisées, sur le nombre prelatif des stomates, et peut-être aussi sur leur grandeur, enfin et sur- stout sur l'apparition des poils et sur leur nombre. »On voit que l’épiderme, envisagé en lui-même et malgré la simplicité yde sa structure, fournit, par les modifications que produisent en lui les actions extérieures, une preuve nouvelle à l'appui de cette harmonie »nécessaire entre l'être vivant et le milieu où il est plongé, harmonie »ysans laquelle la vie ne saurait exister. J. Duvaz-JoUVE. Recherches sur le Chiasma des nerfs optiques dans les différentes classes d'animaux vertébrés; par Auguste FRIANT!. L'auteur de cet excellent travail, se placant dans le domaine exclusif de l’anatomie comparée, et n'empruntant rien aux expériences physiolo- giques, à entrepris un ensemble de recherches afin de contrôler les opi- nions divergentes qui règnent sur la matière. Y a-t-il entre-croisement des nerfs optiques au niveau du chiasma, et comment s'opère cette décus- sation? Telle est la question que M. Friant a entrepris de résoudre par de patientes et nombreuses observations. Après un historique très-complet, on trouve dans cette Thèse les résul- tats propres à l’auteur. Nous allons les analyser en suivant l’ordre qu'il a suivi lui-même. Chez les Poissons cartilagineux , vu les difficultés de s’en procurer dans de bonnes conditions pour l’étude , M. Friant n’a pu faire, dit-il, d'assez nombreuses observations pour en décrire exactement le chiasma, mais il croit cependant à l’existence de l’entre-croisement chez ces ani- maux. * Thèse de la Faculté de médecine de Nancy, juillet 1874. 510 BULLETIN. Les Poissons ossseux lui ont fourni au contraire de nombreux sujets d’études. Plusieurs espèces du genre Cyprinus, et notamment le Cypri- nus tinca, la Tanche, lui ont montré les nerfs optiques se croisant par superposition, le droit recouvrant le gauche ; les deux nerfs ne présen- tent aucune fibre de réunion, un tissu conjonctif lâche les fixe l’un à l’autre {. Chez la Perca fluvialis*, on observe la même disposition, mais ici le nerf gauche recouvre le droit, toujours sans échange de fibres nerveuses. Un nouveau mode d’entre-croisement se présente chez le Gardon (Zeu- ciscus rutilus). Le nerf issu du lobe droit se porte à gauche et présente une boutonnière à travers laquelle passe le nerf issu du lobe gauche, qui se porte à droite. L'auteur ajoute que chacun des nerfs, isolé de l’autre par du tissu conjonctif, est formé par une lame plissée sur elle-même simulant un tronc cylindrique. Chez la Vandoise (Sgwalius leuciseus), chacun des nerfs se divise en deux faisceaux , lesquels s’entre-croisant mutuellement , forment deux boutonnières réunies entre elles comme deux anneaux d’une chaîne. Il en est de même chez la Brème (A bramis brama), la Rosse (Cyprt- nus rutilus) et le Goujon (Cyprinus gobio). Mais ici les deux faisceaux en lesquels se divise chaque nerf sont inégaux dans le rapport 1/2. Cette perforation d’un nerf par un autre n’avait été citée par Cuvier, Stannius, etc., que chez le Hareng seulement. On peut donc admettre que l’entre-croisement des nerfs optiques existe chez tous les Poissons osseux, et qu'il s'opère de façons très-variables dans ce groupe. De plus, jamais dans aucun cas, l’auteur n’a pu constater l'existence de filets de communication entre les deux nerfs réunis seu- lement par un tissu conjonctif lâche. M. Friant a observé le même mode d’entre-croisement que chez la Brème chez les Reptiles suivants : Rana esculenta, Coluber natrix et viperinuws. Chez le Lézard vert (Lacerta viridis), ce n’est plus en deux faisceaux, mais en trois que se divise chaque nerf, et le mode de décus- sation peut être comparé à l’entre-croisement des doigts quand on joint les mains. 1 Il en est de même pour la Carpe (Cyprinus carpio), le Meunier (Cyprinus dobula), le Barbeau (Cyprinus barbus), la Gremille (Acerina cernua), l' Anguille (Muræna anguilla), la Vive (Trachinus viperu), la Limande (Platessa limanda), le Carrelet (Pleuronectes platessa), la Lote (Gadus lota). 2 Ainsi que chez le Brochet (Esox lucius), le Merlan (Gadus merlangus), le Turbot (Pleuronectes maximus). BIBLIOGRAPHIE. 511 La Tortue (Zestudo græca) offre un chiasma à deux boutonnières formées par deux faisceaux égaux pour chaque nerf, et l’entre-croisement s'opère comme chez la Vandoise. Ainsi, chez les Reptiles nous retrouvons l’entre-croisement, et, de même que précédemment, pas d'échange de fibres entre les deux nerfs au niveau du chiasma. Le mode de décussation observé chez le Lézard se retrouve chez les Oiseaux, avec un peu plus de complications. Ce n’est plus en trois fais- ceaux que se divisent les nerfs ; mais en quatre chez le Pigeon et l’Oie (Anas anser). La division va même plus loin, car chez le Canard (Anas boschas) et le Coq (Phasianus Gallus), on trouve chaque nerf divisé en cinq faisceaux, ce qui fait dix faisceaux qui s’entre-croisent, dans le chiasma à la manière des doigts de la main. De tout ce qui précède, il résulte que chez les Poissons osseux, les Reptiles, les Oiseaux, il y a entre-croisement des nerfs optiques, et qu'aucune communication nerveuse n’a pu être constatée entre les deux nerfs : la décussation est donc complète. Quant aux Mammifères, l’autéur, se basant sur des observations par- tielles faites sur le Lapin, le Chien, le Mouton, le Veau et l'Homme, croit à l'existence de l’entre-croisement, mais avoue que ses propres recherches ne lui apprennent rien de certain sur la structure du chiasma chez ces Vertébrés supérieurs. Alfred FAURE. NÉCROLOGIE. — Le 5 décembre dernier, est mort à Montpellier, à l’âge de 76 ans, le Comte Jaubert, Membre de l’Assemblée nationale, ancien Ministre des Travaux publics, ancien Associé libre de l’Académie des Sciences, l’un des fondateurs de la Société Botanique de France. — Nous avons présenté dans notre dernier fascicule (p.327 et suiv.), et nous donnons dans le présent numéro une analyse détaillée du beau tra- vail de M. J. Traherne Moggridge. Une nouvelle étude de ce naturaliste nous arrive au moment de mettre sous presse : c’est un supplément à son Histoire des Fourmis emmagasineuses et des Araignées mineuses. Mais le même courrier nous apporte la triste nouvelle que cet éminent observateur est mort à Menton, le 24 novembre dernier, à l’âge de 512 BULLETIN. 32 ans. C’est une grande perte pour la botanique, comme pour la zoologie. Nous publierons prochainement un Mémoire du D' Bleicher sur le terrain tertiaire supérieur des environs d'Oran, complément indis- pensable de celui du D' Paladilhe, inséré dans ce fascicule ; ainsi qu'une Revue botanique Hollandaise, due à M. Treub. Nous regrettons que ces deux articles ne nous soient pas parvenus à temps pour nous permettre de les faire figurer dans le présent numéro. E. DuBRuUEIL. Le Directeur : E. DuBRuEIL. Montpellier. — Typographie Boxxu et Fils. Tor. pl F Brune des Sciences Naturelles = Fine LEA 95 NS MOUS D 0 Go ou 4 à he er OÙ SP 4 ERA) 2h Poe 8 fils Montp® FÉNESTS ST LR om rss D ee D re oE 10e Se ps D puma 2 VE À al Ve f 5 Re eme HG rares É pe s Tor. [Il pl VI. Revue des Sciences Naturelles Ub.Boebm fil, Honor | Tom.II. pl.VII. Revue des Sciences Naturelles Zith, Boehm &fils, Monip7 Revues des Sciences naturelles . | GA 1: : dit pl VII 1 4 — Hélix mendicula. MN NnmeoIet Modus cat 5— 7 — Alexia obovata. 17-19 — subsimilis. 8—10— — torulosa. AE Ta Éidoemen 11 — 13 — Bythinia eurycheilos 23-25 Melanopsis Bleicheri. More] Lai. Boére LA. CET Ke AT MÉMOIRES ORIGINAUX. NOTE SUR Un CEHÆTOSOMA et une SAGTTITA suivie de quelques réflexions SUR LA CONVERGENCE PES TYPES PAR LA VIE PÉLAGIQUE, Par A. GIARD et J. BARROIS. Pendant un séjour que nous avons fait, en 1873, sur la côte de Bretagne, avec deux jeunes naturalistes de la Faculté des sciences de Lille, l’un de nous, M. J. Barrois, eut la bonne for- tune de rencontrer une espèce nouvelle appartenant à l’un des types les plus curieux du groupe des Nématoïdes. De mon côté, j'observai une espèce également nouvelle du genre Sagitta, et, comme divers zoologistes du plus grand mérite ont dans ces der- niers temps considéré les Chætognathes comme une subdivision de la classe des Vers ronds, il nous a paru intéressant de réunir les descriptions de nos deux espèces nouvelles et d’examiner jusqu'à quel point le rapprochement dont nous parlons peut sembler acceptable. J'ai cru aussi devoir joindre à ce travail quel- ques considérations générales qui me paraissent de nature à expliquer les variations nombreuses de position systématique que les Sagitta ont eu à subir dans les classifications. Les faits acquièrent une valeur double lorsqu'ils sont reliés à des vues d'ensemble et groupés en théories. Cela posé, je cède pour un moment la parole à mon zélé colla- borateur. IL. 34 514 MÉMOIRES ORIGINAUX. Chætosoma armatum J. Barrois. En 1863, Claparède découvrit, sur les côtes de Normandie, un Ver nouveau de l'aspect le plus étrange, pour lequel il créa le genre Chætosoma'. Cet animal offrait la tournure et le faciès général d’un Nématoïde ; c'est de ce type que le rapprochaient d’ailleurs ses caractères les plus essentiels. Mais il différait consi- dérablement des autres formes du groupe par sa tête bien dis- tincte du reste du corps, le double rang de bâtonnets occupant la partie caudale, l'abondance extrême des soies qui couvraient tout le corps, enfin l’absence des lignes latérales que Claparède avait vainement cherchées. Ces caractères furent diversement interprétés par les z6olo- gistes. Claparède fit du Chætosoma un type spécial, voisin, mais distinct, des Nématoïdes. Leuckart * le réunit à ce dernier groupe, auquel Marion montra qu'il se rattachait par les Nématoïdes libres à cuticule striée. En définitive, on considéra généralement cette espèce comme un Nématoïde, mais comme un Nématoïde très-aberrant. En 1867, à l’occasion de deux nouveaux types quil venait de découvrir dans la Méditerranée, Metschnikoff * reprit la question en y ajoutant des éléments nouveaux. Cet éminent zoologiste, réunissant les deux espèces trouvées par lui à celle observée par Claparède, tend à en faire un petit groupe intermédiaire entre les Nématoïdes et les Sagitta, et servant à établir le passage entre ces deux classes. La première espèce quil décrit est un Chætosoma portant une couronne de crochets et deux organes latéraux spéciaux qui donnent à la tête de cet animal quelque ressemblance avec celle de certaines Sagitta. Le second type, pour lequel Metschnikoff a 1 Beobachtungen über Anatomie und Entwicklungsgeschichte, u.s. w., pag. 88. 2 Archiv. f. Naturgeschichte ( Berichl über die Wissensch. Leist., u. s. w., 1863). 1864. Heft IT, pag. 58. 3 Zeilschrift für wissenschaftliche Zoologie, Bd. 17, pag. 539. CHÆTOSOMA ET SAGITTA. 519 créé le genre Rhabdogaster, établit d’une facon évidente le pas- sage entre les Chæiosoma et les Nématoïdes normaux. La tête n’est déjà plus distincte du corps, et les bâtonnets sont réduits à une minceur extrême. Pas plus que Claparède, Metschnikoff n’a pu trouver de système nerveux, ni de lignes latérales. Pendant le mois de septembre de l’année 1873, j'ai trouvé, à Roscoff, sur les côtes de Bretagne, un Ver qui doit constituer une troisième espèce de CAætosoma. L’anique exemplaire que j'ai eu en ma possession était un mâle. Je l'ai rencontré en recueil- lant des touffes de Bryozoaires (Canda reptans) au milieu des prairies de Zostères. Cette espèce, que je désignerai sous le nom de Chætosoma armatum, a une taille d'environ 1"°1/2. Elle n’a de commun avec le Ch. ophicephalum Clap. qu'une seule particularité : les soies de la têle sont plus courteset plus serrées que celles du reste du corps. Chose curieuse à noter, c’est avec une espèce méditer- ranéenne, le Ch. Claparedii Metsch., que notre Chætosoma pré- sente les affinités les plus nombreuses et les plus importantes. Comme chez le Ch. Claparedii, l’'œsophage est partagé par un étranglement en deux renflements secondaires : la tête porte une demi-couronne de crochets, el latéralement de chaque côté un organe spiral analogue à celui décrit par Metschnikoff. Mais notre espèce présente aussi des caractères spéciaux qui la distinguent d’une manière bien tranchée des deux espèces précédentes : je clierai la forme des spicules, l'existence de quelques pièces acces- soires, situées plus près de l’extrémité caudale (PI. IX, fig. 1) et enfin la forme des bâtonnets( fig. 3 ) légèrement recourbés et tri- furqués au sommet, caractère qui permettra dereconnaître notre espèce au premier coup d'œil. Les stries de la cuticule sont plus marquées aux deux extré- mités que sur le reste du corps. Le testicule est impair et situé sur la ligne médiane au-dessous de l'intestin; il est relié à ce der- nier par une espèce de tissu réticulaire dont je n’ai pu détermi- ner exactement la nature. En ce qui concerne la structure intime de cet organe, je n’ai d’ailleurs aucun détail nouveau à ajouter à 516 MÉMOIRES ORIGINAUX. : ce qui a été dit par Metschnikoff à propos du Ch. Claparedii. Je terminerai en insistant particulièrement sur la distribution des soies et sur la position anatomique à donner à l’animal, choses dont les observateurs précédents ne se sont pas suffisam- ment rendu compte. Claparède et Metschnikoff ne nous fournissent dans leur texte aucun renseignement sur la distribution des soies : les figures dessinées par ces deux anatomistes, si on les interprétail rigou- reusement, feraient croire à l'existence de deux lignes de soies situées, l’une au milieu de la face dorsale, l’autre au milieu de la face ventrale. Je n’ai, comme on le pense bien, ja:nais rien vu de semblable, et telle n’a pu être, j'en suis convaincu, la pensée des deux célèbres zoologistes. Le Chætosoma que j'ai étudié avait quatre lignes de soies, deux latérales et deux dorsales : les deux latérales étaient placées exactement sur les côtés du corps; les secondes se trouvaient sur la face dorsale et divisaient cette face en trois parties à peu près d’égale largeur; les soies formant ces dernières lignes étaient implantées sur une mince bande jaunâtre du tégument (PI. IX fig. 1). Cette courte äescription, jointe à la figure qui l'accompagne, sufira, je l'espère, pour faire comprendre la disposition générale, si mal appréciée jusqu’à ce jour, du corps du Chætosoma. Reste la question du système nerveux et des lignes latérales. Pas plus que Claparède et Metschnikoff, je n’ai réussi à découvrir de sys- tème nerveux : en ce qui concerne l'existence des lignes latérales, je ne puis non plus rien dire de positif, mais je dois, à ce propos, attirer l'attention des zoologistes sur les deux lignes jaunâtres le long desquelles sont implantées les soies dorsales. Ces bandes ne me paraissent pas produites par du pigment, et je serais plutôt tenté d’attribuer la teinte claire qui les caractérise à une interruption de la musculature ; peut-être pourrait-on admettre la présence de lignes latérales correspondant à chacune des rangées de soies : c’est là une question que nous ne voulons pas décider, et nous nous bornons à signaler aux recherches des ana- tomistes les lignes jaunâtres précédemment signalées. CHÆTOSOMA ET SAGITTA. 917 Le Chætosoma armatum est un animal très-vivace qui supporte parfaitement la captivité ; nous l'avons conservé près d’un mois, l’'observant de temps en temps au microscope, et le soumettant même fréquemment à la pression du couvre-objet. Nous aurions pu le conserver plus longtemps encore, si nous n’avions jugé nécessaire de le sacrifier pour en faire une étude anatomique plus complète et surtout plus commode". Sagitta Batziana Giard. NS Le genre Sagitta a donné lieu à des travaux anatomiques nombreux et très-soignés. Krohn, Wills, Leuckart, Kowalevsky, nous ont fait connaître les points les plus importants de l’orga- nisation de ces animaux. Kowalevsky nous a de plus renseignés sur le développement des Chætognathes, et les renseignements fournis par le savant professeur de Kiew ont été récemment contrôlés par Bütschli dans tout ce qu’ils ont d'essentiel. Je ne m'arrêterai donc pas à une description minutieuse de l'espèce que j'ai observée à Roscoff, car les nombreuses Sagitta ren- contrées dans toutes les mers présentent une remarquable uni- formité dans la disposition des principaux systèmes d'organes, et une figure permet de les reconnaitre plus facilement qu’on ne le ferait avec une description même très-détaillée. Le Sagitta Batziana a été rencontrée à Roscoff dans le chenal de l'ile de Batz. Bien que ce soit, comme ses congénères, un animal essentiellement pélagique, on le trouve parfois, à marée basse, dans les petites flaques d’eau de la plage sablonneuse du côté Sud-Est de l’île. Les espèces dont la Sagitta Batziana me paraît se rapprocher le plus sont la Sagitta cephaloptera découverte par Busch, et depuis étudiée de nouveau par Claparède à Saint-Vast-la-Hougue, et la Sagitta gallica découverte à Gette par Pagenstecher, qui nous en - a donné une bonne description ?. ! Ici se termine la note que nous a remise M. J. Barrois. ? Voy. Pagenstecher; Untersuchungen ueber niedere Seelhiere aus Uelle I. Abtheil (Zeitschrift für wissenschaftliche Zoologie, Bd. XII. 1862). 518 MÉMOIRES ORIGINAUX. Mais la Sagüta de l’île de Batz diffère des deux espèces précé- dentes par l'absence d'organes spéciaux sur les côtés de la tête. Ces organes latéraux signalés chez les Sagitta doivent attirer quelque temps notre attention, à cause des formations observées dans une situation analogue chez certaines espèces de Chætosoma. Il me semble que, même dans le genre Sagitta, ces organes . pourraient bien ne pas être tout à fait homologues dans les deux cas où on les a rencontrés. Chez la Sagitta gallica, on voit à la partie dorsale de la tête, à la base de la lèvre supérieure, en avant d’un petit bouquet de poils, du côté externe et antérieur des yeux, une invagination de la peau dont les parois sont bru- nâtres et teintées de granulations d’un pigment noir comme de l'encre. Ces invaginations paraissent déboucher au dehors sur les côtés de la tête par une ouverture à contours fortement réfringents. Pagenstecher se demande si l’on doit considérer ces invaginations comme un organe de l'olfaction, ou s'il faut y voir l’anualogue des boyaux glandulaires observés sur la partie cervicale des Nématoïdes. Busch, de son côté, indique à peu près à la même place, chez la Sagitta cephaloptera, deux tentacules rétractiles qui ont été revus et dessinés avec soin par Claparède. Il semble impossible, d’après ces observations, d’établir la moindre comparaison eutre les appareils latéraux de la Sagitta cephaloptera et de la Sagitta gallica. Quant aux hypothèses émises d’une façon tout à fait dubitative par Pagenstecher, les faits ne les justifient nullement, à mon avis. Rien ne porte à supposer que les invaginations de la Sagiütta gallica puissent avoir quelque rapport avec les sens de l’odorat, et d'autre part on ne peut accepter l’assimilation de ces organes avec les glandes cervicales des Nématoïdes. Je ne crois pas qu’on puisse plus justement comparer ces or- ganes à ceux signalés par Metschnikoff chez le Chætosoma Clapa-. redii et retrouvés par J. Barrois chez le Chætosoma armatum. Ces spirales éaigmatiques des Chætosoma sont, au contraire, tout à fait identiques à des formations observées dans uue position CHÆTOSOMA ET SAGITTA. 519 analogue par A.-F. Marion chez un Nématoïde non parasite à cuticule striée, le Necticonema Prinzi ‘. Un caractère très-saillant, qui différencie la Sagütta de Roscoff d'avec celle de Saint-Vast, est la présence de soies sur la partie thoracique du corps. Ges soies sont situées de thaque côté du corps. On en compte généralement cinq paires, dont les deux antérieures sont séparées des trois postérieures par un intervalle assez considérable. La Sagitta Batziana diffère encore de la Cephaloptera par le nombre des dents qui est moins considérable, et par la forme de la nageoire ventrale qui est triangulaire, au lieu de présenter un contour arrondi en arc de cercle. Une particularité commune aux deux espèces est l’existence de l'anneau de grosses cellules jaunes, comparé par Claparède aux organes vibratiles cervicaux des Annélides du genre Tomopteris. Cet anneau m'a paru en effet superficiel, ou du moins il n’en- toure pas le tube digestif, contrairement à ce que figure Pagenste- cher chez la Sagitta gallica, où un appareil analogue semble aussi exister. De plus, c'est un organe directement en rapport avec le ganglion céphalique, et je dois ajouter que Kowalevsky a égale- ment rencontré chez la Sagitta, dont il a étudié l’embryogénie, un organe spécial situé précisément à la partie supérieure de la tête et derrière le ganglion céphalique. Cet organe, qu'il consi- dère comme un organe des sens et qu'il rapproche lui-même du disque vibratile de la S. cephaloptera, avait la forme d’une vési- cule fermée à parois nettement cellulaires. Mais, l’observantsur des animaux conservés, Kowalevsky n’a pu se rendre un compte exact de sa structure intime ?. Le système nerveux des Sagitta, indiqué par Krohn dans ses parties les plus essentielles, a été ensuite admirablement décrit par Kowalevsky, qui a fait connaître en détail l’histologie du gan- ! Voy. Marion; Recherches sur les Nématoïdes non parasites marins, pag. 33. = Voy. Kowalevsky ; £mbryologische Studien an Würmer und Arthropoden, pas-tiiéetPlA Ie fe23 . 20 MÉMOIRES ORIGINAUX. olion céphalique et celle du ganglion ventral, si longtemps mé- connue parce qu'il est plongé dans le tégument. Il est encore une autre particularité d'organisation que je dois signaler, parce qu elle présente-une importance énorme, et que nous aurons à linvoquer quand nous discuterons les rapports de parenté des Sagitta avec les autres types du groupe des Vermes : je veux parler de l’absence de cavité du corps, au sens ordinaire du mot. Leuckart et Pagenstecher avaient démontré le fait par l’anatomie. Kowalevsky l’a expliqué d’une façon trés-claire par l'embryogénie ; la cavité de segmentation de la Gastrula des Chæ- tognathes se réduit, par la suile du développement, à une fente très-mince située sous le feuillet externe, et la cavité du corps de l’animal adulte est une formation secondaire produite par des replis latéraux de l’endoderme, et comparable, par son mode de formation, à l'appareil aquifère et à la cavité générale des Échinodermes, ou mieux encore à la cavité cloacale des Tuniciers. Aucun animal n’a été, plus souvent que la Sagitia, transporté d'une division systématique dans une autre : les uns l’ont regar- dée comme un Vertébré dégradé et l’ont rangée près de l’Am- phioœus; d’autres l’ont considérée comme un Mollusque hétéro- pode; Oscar Schmidt déclare qu'elle n'est ni un Ver véritable, ni ‘: Leuckart, Schneider et Claus la un Mollusque bien légitime rapprochent des Nématoïdes. Hæckel, dans sa Morphologie générale, place aussi les Chæto- gnathes parmi les Némathelminthes, et de plus il reprend l’idée de Meissner, touchant la parenté de la Sagitta et des Vertébrés. Si l’on fait une coupe perpendiculaire de la queue d’un Poisson, on voit nettement, dit-il, que le tronc d’un Vertébré esl formé originellement de quatre antimères et non de deux. La forme primitive des Vertébrés inférieurs est, comme celle des Nématoï- des, la forme eutetrapleure interradiale. Aussi pouvons-nous émettre, avec quelque apparence de raison, l'hypothèse que les Vertébrés sont issus des Chætognathes par une métamorphose 1 Voy. Oscar Schmidt ; Descendance et Darwinisme, pag. 30. CHÆTOSOMA ET SAGITTA. 521 progressive, tandis que les Nématoïdes en sont sortis par une métamorphose rétrograde. Depuis les admirables recherches de Kowalevsky sur l’em- bryogénie des Ascidies, Hæckel a modifié ses opinions sur ce sujet; mais on peut dire que les Sagütta étaient un groupe assez mal choisi parmi les Nématoïdes pour appuyer cette théorie, car on ne retrouve pas chez elles les quatre faisceaux musculaires dont parle Hæckel, et leur corps est plutôt formé de deux antimères. Les quatre antimères primitifs se rencontrent au contraire avec une admirable netteté dans la queue du têtard de certaines Ascidies ( Perophora Listeri); et mème chez des Ascidies adultes ils sont clairement indiqués par la symétrie quateruaire de l’ou- verture buccale. Kowalevsky a lui-même émis son opinion sur la position de la Sagitta dans l'arbre animal : il n'hésite pas à ranger les Chæ- tognathes parmi les Annelides ‘ proprement dites. Avaut d'examiner d’une façon plus approfondie ces diverses manières de voir, il nous paraît nécessaire d'entrer dans quelques considérations générales qui nous permettront de mieux apprécier les causes de leur divergence. L'un des problèmes les plus difficiles de la zoologie moderne, celui qui doit aujourd’hui préoccuper tout naturaliste penseur, est de déterminer dans chaque disposition particulière d’un orga- nisme ce qui revient à l’hérédité et ce qui doit être attribué à l'adaptation. De semblables recherches présentent des difficultés immenses et ne peuvent être tentées avec fruit que pour les groupes où l’embryogénie est suffisamment connue. Je parle, bien entendu, de l’embryogénie stratologique, qui date de ces dix der- nières années, et dont l'importance générale n’est malheureuse- ment pas comprise de tous ceux qui s'occupent d’études zoologi- ques. Toute recherche d’anatomie qui n’est pas faite dans le but d'éclairer cette embryogénie nouvelle est un travail qui peut 1 Voy. Kowalevsky; Nablioudenia nade razvetieme Brachiopoda . Moscou, pag. 34, note. 1874. 922 HÉMOIS-:S ORIGIN x. certainemen, ofrir quelque intérêt, mais un travail qui n’est plus de notre époque et qui »erd uae énorme partie de sa valeur. D'ailleurs tous les naturalistes de quelque mérite ont toujours été soutenus dans leurs efforts par une idée philosophique, et, dussé-je m'attirer encore des critiques amères, je considère les mémoires d’un Geoffroy Saint-Hilaire, d’un Wolf, d’un Kowa- levsky comme ayant bien plus contribué aux progrès de la science que l’Anatomie du Chat par Straus Durckeim, ou celle de la Tortue par Bojanus. Nous allons nous efforcer de montrer quelle influence énorme les conditions extérieures d'existence peuvent avoir sur la forme d’un animal, quelles étonnantes similitudes peuvent résulter de l'action de causes identiques sur des organismes originairement différents. Ce sera la gloire éternelle de Lamarck d’avoir le pre- mier mis en lumière cetie puissance de l’éthologie. Ce sera la gloire de Darwin d’avoir montré combien cette action des mi- lieux est accrue par la sélection naturelle, dont l’idée est au fond inséparable de celle d’adaptation, la sélection à un moment donné étant déterminée par les limites de cette adaptation. Nous verrons ensuite comment, dans le cas particulier des Chætognathes et dans un certain nombre d’autres exemples in- téressants, de pures analogies adaptatives ont été prises pour des rapports de parenté. Sans prétendre donner une solution complète de ces questions, trop complexes pour être traitées à la légère, nous nous estimerons heureux d’avoir indiqué la nature de certaines Gifficultés et contribué ainsi à déblayer la voie dans laquelle devront s’engager nos successeurs. CONVERGENCE DES TYPES PAR LA VIE PÉLAGIQUE. Dans un précédent travail", j'ai insisté sur la convergence des types par le parasitisme, et j’ai fait voir que ce mode d'existence entraînait peu à peu chez les animaux les plus divers des modi- { Revue scientifique, 11 juillet 1874, 4e année, 2e série, n° 2, pag 32 et 33. CHÆTOSOMA ET SAGITTA. 12 fications organiques assez profondes pour faire disparaître, non- seulement les caractères d'ordre et de classe, mais même ceux d'embranchements. Sans les lumières de l’embryogénie, on pourrait facilement être conduit à créer des familles et des genres renfermant des animaux appartenant à des groupes aussi distincts que les Trématodes, les Mollusques nudibranches, les Cirrhipèdes et les Crustacés isopodes et copépodes. Depuis, pendant Île Congrès scientifique de Lille, j'ai eu l'extrême satisfaction d'ap- prendre que ces idées étaient partagées par l’un des embryogé- nistes les plus distingués de notre époque, le professeur Garl Vogt. Get éminent zoologiste penseur, sans connaître le travail auquel je fais allusion, nous énonça la même proposition en l’ap- puyant identiquement sur les mêmes exemples (Sacculina, Ento- concha, Redies). Des considérations de même nature ont été émises également par le professeur Martins (de Montpellier), l’un des rares savants français qui aient su comprendre le mouvément scientifique mo- derne dans les recherches biologiques.« Je ne puis m'empêcher d'observer, dit-il', que l'apparition d’un même type morpholo- gique, et pour ainsi dire du même animal à divers degrés de l'échelle, est encore un argument en faveur de la communauté d’origine combinée avec des modifications subséquentes. Le type du Singe à mains et à queue prenante apparaît d’abord dans le Caméléon, reptile qui ne rampe pas, maisqui grimpe et enroule sa queue autour de la branche qui le porte. Ce type reparait parmi les Marsupiaux dans les Phalangers et les Sarigues, parmi les Rongeurs dans les Coëndous (Synetheres), parmi les Carnivores plantigrades dans le Xinkajou (Cercoleptes), pour se multiplier, se diversifier et se terminer dans les Singes à queue prenante de l'Amérique méridionale, tels que les Sapajous, les Alouates et les Atèles. Le Dragon volant, dans les Reptiles, est la première appa- rition d’un animal qui se soutient en l’air à l’aide d’une mem- Voy. Ch. Martins; La création du monde organisé d'après les naturalistes de la nouvelle École, pag. 15. 524 MÉMOIRES ORIGINAUX. brane étendue sur les parties latérales du tronc. Le Phalanger volant ou Pétauriste dans les Marsupiaux, l’Écureuil volant ou Polatouche dans les Rongeurs, enfin le Galéopithèque ou Lémur volant, sont la répétition du même type morphologique, depuisles Reptiles jusqu'aux Primates..... Dans l’évolution successive des êtres vivants, malgré de profondes différences d'organisation, les mêmes milieux et les mêmes besoins ont amené le développe- ment des mêmes formes que l’hérédité a fixées et maintenues par la reproduction de l'espèce. » Comme on le voit, le savant Professeur prend surtout pour exemple des dispositions organiques relatives à des particularités vitales d'ordre secondaire. Aussi peut-on dire que des animaux, comme le Caméléon, le Sarigue, etc., présentent le même type éthologique plutôt que le même type morphologique, au sens véri- table du mot. Il en est de même pour d’autres animaux qui présentent des ressemblances encore plus superficielles dues au mimétisme direct, et non plus au parallélisme des conditions vitales", L'action des milieux s’exerce naturellement de l’exté- rieur vers l’intérieur et n’arrive à modifier le type morpholo- gique chez des êtres déjà fortement différenciés qu'après un temps très-long et seulement avec le concours de nécessités phy- siologiques tout à fait impérieuses. Il va sans dire d’ailleurs que ces nécessités physiologiques sont impuissantes par elles-mêmes à déterminer la convergence des types, et que, tout en rendant justice à notre immortel Lamarck, nous ne devons pas perdre de vue le rôle que joue la sélection naturelle dans la conservation des formes mieux adaptées à un ensemble défini de conditions extérieures. L'un des facteurs les plus énergiques de cette convergence est certainement, comme nous l'avons dit, le parasitisme, surtout 1 Voir, pour plus de détails sur ces ressemblances dues au mimétisme, mes Recherches sur les Synascidies, pag. 58 et suivantes. Les intéressantes recherches de Wallace et de quelques autres zoologistes sont loin d’avoir épuisé ce sujet, qui mériterait à bien des égards d'être étudié de nouveau. CHÆTOSOMA ET SAGITTA. À 525 le parasitisme dans sa forme la plus absolue, c’est-à-dire celui qui est combiné avec la fixité permanente etla dépendance com- plète du parasite par rapport à l'organisme affecté. Le parasi- tisme ainsi entendu produit des résultats tels que jamais le zoolo- giste, armé des seules ressources de l’anatomie et de la morpho- logie pure, n'aurait pu attribuer à certains animaux leur véri- table place dans les classifications. Mais il est d’autres ensembles de conditions éthologiques qui, sans agir d’une facon aussi remarquable, amènent cependant des convergences typiques fort intéressantes, surtout lorsqu'elles s'adressent à des organismes simples ou encore faiblement diffé- renciés. Nous nous occuperons seulement aujourd’hui de la vie pélagique, et nous chercherons à déterminer avec précision quelles sont les modifications que ce genre d'existence peut amener dans les animaux de classes diverses qui y sont soumis. Cela nous permettra d'apprécier la valeur des raisons qui ont porté les zoologistes à placer la Sagütia dans tel ou tel groupe du règne animal, On appelle animaux pélagiques ceux qui vivent en haute mer, généralement dans le voisinage de la surface des eaux, et qui ne s'approchent que rarement du rivage, où ils sont parfois jetés par les veñts. On trouve des êtres menant cette existence dans toute l'étendue de la série zoologique, depuis les Proto- zoaires jusqu aux Vertébrés. Si l’on fait abstraction des courants superficiels et des zones climatériques, ces animaux vivent dans des conditions très-uniformes et en même temps très-spéciales, dont l’action doit imprimer à l'organisme certains traits particu- liers qui peuvent arriver à masquer le type morphologique, sur- tout chez les Invertébrés. Les caractères d’adaptation propres à la vie pélagique sont : 1° Une extrême transparence de tous les tissus, qui rend l’animal complétement invisible et lui permet d'échapper facile- ment à ses ennemis. Cette transparence existe chez des animaux appartenant aux groupes les plus divers. On l’observe chez les Noctiluques, les Siphonophores, les Médusaires, les Cténophores, 1 526 MÉMOIRES ORIGINAUX. les Mollusques héteropodes et ptéropodes ; chez les Salpes et les Pyrosomes, les Sagitta, les Tomoptéris et les Alciope (Annélides); enfin chez les Leptocéphales parmi les Poissons ; 2° Le développement considérable de certains organes des sens qui constituent souvent les seuls points visibles de l'animal. En gé- néral, ce sont les yeux qui présentent une différenciation énorme par rapport au reste de l’organisation, comme cela s’observe dans un grand nombre des exemples que nous venons de citer ; parfois aussi l’appareil de l'audition, comme chez les Méduses, les Appendiculaires, les Mysis, où cet appareil est placé sur les lames caudales ; ÿ 3° Une réduction du tube digestif, qui, sans être aussi pre- noncée que chez les animaux parasites, atteint cependant un degré considérable. Sans parler des exemples nombreux de cette réduction que l’on peut trouver chez les Méduses et les Cténo- phores, nous rencontrons dans d’autres groupes une atrophie des organes digestifs pouvant aller jusqu'à la complète disparition, absolument comme chez les Rhizostomes. C’est ce qui a lieu, par exemple, dans le curieux genre Monstrilla, parmi les Crus- tacés copépodes pélagiques ; le nucleus des Salpa et des Appendi- cularia représente aussi un état tout à fait rudimentaire du tube digestif des Tumiciers, si on le compare à la masse intestinale des . animaux de ce groupe qui mènent une vie sédentaire (Ascidies). On peut en dire autant du tube digestif de la Carinaria, du Firoloides, de l’Atlanta, elc., comparé à celui des Gastéropodes ordinaires. Enfin les Sagitta présentent également un tube digestif excessivement réduit et n’occupant qu'une faible étendue de la: longueur du corps; Cette réduction du système digestif chez les animaux péla- giques esl évidemment en rapport avec l'existence précaire de ces créatures toujours poursuivies par de nombreux ennemis. Un estomac volumineux ralentirait leur marche, en général très- rapide, et diminuerait la transparence qui les protége ; 49 Un développement considérable des organes de la généra- tion et une grande fécondité. Ici encore il suffit, pour observer CHÆTOSOMA ET SAGITTA. 527 ce fait, de comparer dans un même groupe lés animaux de haute mer à ceux qui vivent fixés. Chez les Appendicularia, par exemple, la masse génilale est bien plus volumineuse que chez les Ascidia, si l’on rapporte cette masse au volume total du corps de l’animal. Cette multiplication excessive des animaux pélagiques doit encore être attribuée, comme chez les parasites où le même fait se présente également, aux nombreuses chances de destruction que doivent courir des êtres aussi mal protégés ; 5° Un grand nombre d'animaux pélagiques présentent le phé- nomène de la phosphorescence ; tels sont:les Noctiluques, nombre de Méduses, les Pyrosomes, le Phyllirhoe bucephala. Gette phos- phorescencé, qui se manifesle surtout lorsque ces animaux sont excités et effrayés, joue sans doute un role de protection et arrête les poursuites de certains ennemis'. Je n’ai pas remarqué que les Sagitta fussent douées d’un semblable moyen de défense, qui du reste est loin d’être spécial aux animaux de haute mer: 6° Comme caractère éthologique fréquemment observable chez les animaux pélagiques, il faut citer la vie sociale : on sait quelles bandes nombreuses forment presque toujours les Noc‘iluques, les Méduses, les Cténophores, les Sagitta, les Crustacés copé- podes, les Mysis, les Mollusques ptéropodes, etc., etc. Ge sont évidemment les ressemblances d'adaptation que la Sagitta présente, soit avec l’Amphioæus, soit avec les Hétéropodes, soit avec les Tomopteris et autres Annelides, qui ont déterminé les zoologistes à placer les Chætognathes tantôl parmi les Verté- brés, tantôt parmi les Vers, à une époque où l’on ne connaissait encore, d'une manière suffisante, ni leur anatomie ni leur embryo- génie. La disposition du système nerveux écarte évidemment toute possibilité d’un voisinage immédiat entre les Sagitta et les Ver- tébrés. Leydig et Kowalevsky ont fait remarquer avec raison que ce sysième nerveux rappelait celui des Mollusques. On peut 1 Panceri et de Quatrefages ont fait la remarque très-intéressan‘e que la phos-< pPhotescence est sos la dépend: ce du sys ne nerveux, 528 MÉMOIRES ORIGINAUX. également le comparer à celui des Annélides, et cela n’a rien d'étonnant, d’après ce que nous savons aujourd’hui sur l’étroite parenté (démontrée par l’embryogénie) entre le groupe des Annélides et celui des Mollusques (Brachiopodes, Oscabrions, Dentales, etc.) D'un autre côté, ce même système nerveux éloigne les Sagitta des Nématoïdes proprement dits, et le rapprochement tenté avec le Chætosomaæne parait pas complétement justifié par ce que nous savons de l’organisation de ce dernier. La présence des soies chitineuses est encore un caractère com- mun avec les Annélides, et en somme, au point de vue anato- mique, le seul argument sérieux que l’on puisse opposer à ceux qui veulent réunir les Sagitla aux Vers annelés est l’absence, chez les premières, de toute formation métamérique, même chez l'embryon. Ce caractère rapproche au contraire les Chætogna- thes du phylum des Mollusques, ou, d’une façon plus générale, des animaux anciens d’où sont dérivés, d’une part les Mollusques et d’autre part les Annélides. La présence du disque vibratile et des invaginations latérales rappelle également des dispositions observables dans des groupes voisins de ces types inférieurs dont nous parlons, par exemple chez les Rotifères, ou chez les em- bryons de certaines Anaélides. L’embryogénie si spéciale des Sagitta (formation d’une cavité générale secondaire) ne permet pas non plus de les placer direc- tement parmi les Mollusques ou parmi les Annélides. (est, en effet, une embryogénie dilatée (sans formation, ni primitive ni se- condaire, d’un vitellus nutritif), ce qui est l'indice de haute anti- quité du type. Il peut se faire toutefois que le développement insuffisamment connu des Annélides représente la forme con- densée (avec vitellus nutritif) de l’évolution des Chætognathes. En résumé, il nous paraît convenable de laisser les Sagütta dans un groupe spécial qui, sous le nom de Chælognathes, doit prendre place à la base du phylum des Annélides, dont ce groupe représente un rameau divergent adapté à la vie pélagique. D'autres exemples feront mieux comprendre l'importance pra- CHÆTOSOMA ET SAGITTA. 529 tique que peuvent avoir des considérations spéculatives telles que celles que nous avons exposées sur la convergence des types par la vie pélagique. L'illustre Baer s’est efforcé de démontrer, dans un Mémoire qui date de l’année dernière, que les Ascidies et les Salpes sont des Mollusques présentant la même structure typique que les Hétéropodes ; la moindre connaissance du développement de ces animaux suffit pour démontrer , comme nous l'avons en- trepris ailleurs , que la ressemblance entre un Biphore et un Firoloides est un résultat d’adaptatior, et que les analogies des Tuniciers avec les Gastéropodes ne sont pas plus réelles que celles qu'on a voulu établir entre les mêmes animaux et les Lamellibranches ‘. Forbes avait cru trouver de grandes affinités entre les tétards d’Ascidies et les Hydroïdes. D'un autre côté, Carl Vogt a placé autrefois les Cténophores parmi les Molluscoïdes. Un naturaliste anglais, Mac-Donald, reprenant, 1l y a quelques années, ces idées anciennes ou abandonnées par leurs auteurs, a donné la classi- fication suivante des Molluscoïdes : MOLLUSCOÏDA. Courbure primitivement hœmale, RS x Ascidiozoa. Intestin séparé finalement neurale. de la cavité du corps. : L Courbure simplement neurale. Brachiopoda et Polyzoa. Intestin droit et communiquant avec la cavité du corps.... Ctenophora. Mac-Donald considère les Cténophores comme un type central d’où sont dérivés : d’une part, par perfectionnement, les Mollus- coida; d'autre part, par dégradation, les Æydrozoa. Gette classifi- cation bizarre a évidemment encore pour point de départ de fausses homologies dues à l’adaptation, et qui ont paru plus im- portantes à l’auteur que les différences si fondamentales que pré- sente l’embryogénie de ces animaux. La comparaison des types 1 Voy. Giard; Embryogénie des Ascidies el l'origine des Vertèbres. (Revue scientifique, 4me année n° 2, 11 juillet 1874.) ot 35 530 MÉMOIRES ORIGINAUX. pélagiques (Tuniciers nageurs, Cténophores et Hydroïdes) est évidemment le point de départ de ces élucubrations qui semblent dater d’un siècle et qui pourtant ont été publiées en 1864. Dans d’autres circonstances, l’adaptation à la vie pélagique fait ressembler certains animaux adultes aux formes embryonnai- res d’autres animaux appartenant à des types plus élevés, ou crée des analogies apparentes entre des formes larvaires appartenant à des groupes différents. Dans son beau livre sur les Métamor- phoses de l'Homme et des Animaux (1862), M. de Quatrefages dit, en parlant de l’Amphioæus : « Il est permis de se demander si cet animal, qui est relégué au dernier rang des Vertébrés et qui, à bien des égards, se rapproche des Annélides errantes, est bien réellement un animal parfait. Par quelques points de son organisation, il rappelle les Ammocætes de nos ruisseaux. Ne serait-il pas la larve du Petromyzon marinus ou de quelque autre | espèce ?» En 1867, dans un-travail sur ce singulier Vertébré, M. Bert insiste sur les faits qui montrent que c’est bien un être adulte. La même année, du reste, Kowalevsky en donne une embryogénie complète ‘. Et cependanten 1871, à l'Académie de Boston, en présence de L. Agassiz, on discute encore la question de savoir sil’Amphioæus n’est pas une larve de Poisson myxinoïde. Nous avons observé plusieurs fois aux environs de Boulogne des troupes de jeunes Clupées d’une transparence étonnante et d’un aspect général qui rappelle celui des Leptocéphales. Or, on sait que les zoologistes n’ont pas encore complétement résolu la question de savoir si ces Leptocéphales sont ou ne sont pas des formes adultes. Gill et plusieurs autres ichthyologistes prétendent que ce sont des formes embryonnaires; Peters ‘ affirme, au con- traire, qu'on ne peut les considérer comme les embryons des Cepola ou d’autres Poissons. D’après Gill, le Leptocephalus Morrisi estle jeune du Conger vulgaris, l’Hyoproprus Messinensis appartient { De semblables difficultés se sont rencontrées naguère à l’occasion des Phyl- losomes, des Cuima, etc. 2? Voy. Peters; Monatsber. Acad. Wiss. Berl., pag. 399. 1864. CHÆTOSOMA ET SAGITTA. | 531 au Mettastoma melanura et le Stomasunculus est une larve de Clu- péoide ‘. Si de pareilles questions sont difficiles à résoudre pour des animaux aussi élevés que les Poissons, on comprend combien plus grandes encore sont les difficultés que rencontre le zoolo- giste quand il veut établir les véritables homologies qui peuvent exister entre les larves des animaux inférieurs. Il me semble qu'une des recherches les plus importantes et les plus nécessaires au progrès de l’'embryogénie serait de dé- mêler ce qui revient à l'hérédité et ce qui est le fruit de l’adapta- tion à la vie pélagique, dans des formes embryonnaires telles que les larves des Échinodermes, le Pilidium des Némertes, les Actinotrocha, la Mitraria, le Cyphonautes, certaines larves de Planaires, d’Annélides, etc. Sur des organismes encore si peu différenciés, les conditions extérieures agissent d’une façon très- énergique, et leur action se multiplie par l’hérédité chez les êtres à embryogénie libre et dilatée. IL faut donc se tenir en garde contre les homologies apparentes qui masquent souvent des différences d'organisalion réelles, mais encore peu marquées : «Quand il s’agit du point de départ d’un angle, nulle modifica- tion dans l’écartement des lignes n’est indifférente ». Parmi ceux qui liront les pages précédentes, il en est qui trou- veront hasardées de semblables recherches, ou qui les regarde- ront comme des théories inutiles, de faciles dissertations. Tant est grand encore aujourd'hui l'engouement de certains naturalistes pour les exagérations de l’École de Cuvier, et pour la morpho- logie idéale et artistique de quelques-uns de ses successeurs ! Nous n'avons rien à opposer à ceux qui s’obstinent, au mépris des données embryogéniques, à chercher dans les formes adultes de prétendues homologies de connexion et un plan voulu, déterminé à l'avance. On ne discute pas avec un parti pris. À ceux qui prétendent qu'il est facile de raisonner sur des faits connus et qui préfèrent chercher et collectionner dans leurs 1 Voy. Gill; Proc. Acad, nat. sc, Philad. 1864. 532 MÉMOIRES ORIGINAUX. mémoires des détails histologiques et des observations d'anatomie descriptive, nous dirons avec le professeur Hæckel : Quiconque a de bons yeux et un microscope, de l'assiduité et de la patience, peut acquérir aujourd hui une certaine notoriété par des découvertes microscopiques, sans pour cela mériter le nom de naturaliste. Il faut réserver ce titre à l’homme qui s'efforce non-seulement de voir les faits particuliers, mais encore d'en saisir le lien étiolo- gique. EXPLICATION DE LA PLANCHE IX. Fra. 1. Chætosoma armaium J. Barrois ; oe organes latéraux, d armature buccale, t testicules, sp spicules. Fi. 2. Spicule fortement grossie. Fig. 3. Bâtonnet trifurqué à son extrémité. Fic. 4. Sagitia Batziana Giard ; m mâchoires, e yeux, k ganglion su- périeur, c organe vibratile, o œufs, ov ovaire, t testicule, vs vésicule séminale. F1G. 5. Coupe de la partie antérieure d’une Sagitta , pour montrer la disposition de la cavité du corps secondaire, d'après Kowa- levsky ; d tube digestif, c cavité du corps, k cavité du corps primitive (cavité de segmentation), n ganglion ventral. Fig. 6. Coupe idéale de la queue du tétard de Perophora Listeri, n sys- tème nerveux supposé prolongé, m masses musculaires, t lames técumentaires manifestant à l'intérieur la disposition antimérique. DES DÉTERMINATIONS EN ANATOMIE COMPARÉE LEÇON faite à l'ouverture du Cours de Zoologie de la Faculté des Sciences de Nancy 1874-75, Par E. BAUDELOT. Déterminer un objeter histoire naturelle, comme en toute autre science, c’est dire ce qu'ilest et ce qu'il n’est pas, c’est dire à quel genre il appartient et par quels caractères il se distingue des autres espèces comprises dans ce genre : en d’autres termes, déterminer, c’est classer. Essayons de fixer les idées par quelques exemples. Voici un Mollusque gastéropode, d’une espèce indéterminée : après avoir examiné ses caractères avec soin, je reconnais qu'il appartient au genre Lymnée, et qu'il se distingue des autres espèces de Lymnéens par tel ou tel caractère spécifique. Ce travail accompli, je dis que le Mollusque en question se trouve déterminé. Voici en second lieu un organe, la mâchoire d’un Insecte, instrument d'un caractère et d’un usage tout particulier : lors- que j'ai élabli, sur un ensemble de preuves suffisantes, que cet organe appartient à la classe des membres, qu'il est de même nature que les pattes, que la lèvre inférieure, que les man- dibules, etc,, et qu'il se distingue de tous ces appendices par des caractères qui n’appartiennent qu’à lui, je dis encore que cet organe se trouve déterminé. Soit maintenant un tissu, le corps vitré (une des parties pro- fondes de l'œil): lorsque j'ai démontré que cette substance. appartient au groupe des tissus conjonctifs et qu’elle représente la variété dite tssu conjonctif muqueux, je l'ai déterminée. Prenons enfin un principe immédiat, la matière glycogène : lorsque j'ai reconnu que cette matière fait partie du groupe des 534 MÉMOIRES ORIGINAUX. sucres, et qu'elle diffère des sucres connus par l'existence de telle ou telle propriété, je l’ai également déterminée. Comme on le voit par ce qui précède, une détermination se compose de deux éléments distincis: d’une détermination géné- rique et d'une déterminalion spécifique, de l'indication d’une ressemblance et de l'indication d’une différence, d’une synthèse et d’une analyse. Ces deux éléments de la délermination, remarquons-le, peu- vent être obtenus séparément. Je puis, d’après certains caraclères, reconnaître qu’une es- pèce appartient à tel ou tel genre, sans savoir pour cela quels sont les caractères qui distinguent cette espèce des autres espèces du même genre. — Je n’hésiterai point, par exemple, à ranger un Canard dans le groupe des Palmipèdes, ou la Cigogne, dans le groupe des Échassiers, bien que je puisse ignorer les caractères qui distinguent chacun de ces Oiseaux des autres espèces de leurs groupes respectifs. D'autre part, je puis distinguer une espèce d’une autre espèce, sans posséder une notion exacte des caractères du genre. Un en- fant distingue le Chevalde l’Ane, et cependant il ignore quels sont les caractères du genre qui comprend ces deux espèces. De cette possibilité d'obtenir séparément les deux éléments de la détermination, résultent, dans les sciences zovlogiques, deux ordres de travaux aussi différents par leur nature que par leurs résultats. Les uns, analytiques, ont pour but de diviser le genre en espèces ; les autres, synthétiques, ont pour but inverse de rap- porter l'espèce au genre. IMPORTANCE DES DÉTERMINATIONS. L'importance des déterminations, quand il s’agit des espèces animales, est un fait sur lequel il me paraît inutile d'insister. Chacun sait, en effet, que c’est au moyen de la détermination des genres et des espèces que se trouve construit l'édifice des clas- sifications. Or, sans classifications, point de zoologie possible; ce serait la confusion dans l'infini, ce serait le chaos. DÉTERMINATIONS EN ANATOMIE COMPARÉE. 3e L'importance des déterminations, en anatomie comparée, n’est pas moins grande qu’en zootaxie; cependant, comme cette im- portance est moins généralement comprise, je me propose d’en faire l’objet de quelques considérations. Il est clair d’abord qu’il est nécessaire de distinguer les or- ganes les uns des autres spécifiquement. Cette distinction (déter- mination spécifique) peut fournir au zoologiste des connaissances précises sur le degré de modification dont chacun des organes est susceptible. La détermination générique des organes a des avantages d’une autre nature. Rapporter une espèce à un genre, c’est constater dans cette espèce des qualités communes à d’autres espèces connues ; c'est les rapporter à une unité commune et supérieure, comprenant toutes ces espèces ; c’est faire un genre, c’est géné- raliser ; c’est reconnaître une loi commune à tout un groupe d'organes. En substituant l'unité à la diversité, la détermination générique devient donc le fondement de l’anatomie philoso- phique. C'est sur elle, disons-le, que repose tout entière la science difficile des homologies ; c’est par elle, et par elle seule, que le zoologiste peut s'élever jusqu'à la conception unitaire des lois de l’organisation. Un second résultat, conséquence immédiate du premier, c'est de rendre possible l'introduction d'u langage philosophique en anatomie. Tant qu'un objet (animal, organe, tissu, etc.) n’a pu être déterminé génériquement ; tant qu'il n’existe que comme objet particulier, sans lien reconnu avec aucun autre, il peut être étudié, il peut être décrit, il peut recevoir un nom; mais ce nom ne saurait faire partie d'aucune nomenclature philosophique. Que ce même objet, au contraire, ayant été d’abord nettement déterminé comme espèce, se trouve rattaché à un genre déjà connu, il est clair qu'il pourra désormais recevoir un nom, con- formément au principe de la méthode linnéenne, c’est-à-dire qu'il pourra être désigné par le nom du genre dont il fait partie, joint à un qualificatif de l’espèce. ee 936 MÉMOIRES ORIGINAUX. Le sujet est d'importance, et je ne veux point passer outre sans bien faire saisir ma pensée par un exemple précis. Soit donc le système vertébral considéré dans son ensemble, c’est-à-dire les vertèbres et le crâne. Dans une vertèbre (celle d’un Poisson, je suppose) on distingue, comme on le sait, un corps vertébral, un arc supérieur et un arc inférieur. L’arc supérieur, comme l'arc inférieur, peut se décom- poser à son tour en trois pièces: deux latérales (les branches de l'arc) et une pièce terminale impaire (l’apophyse épineuse). De son côté, le crâne se compose d’un nombre considérable de pièces dont chacune se trouve désignée par un nom particulier, emprunté à sa forme ou à sa position. Ges pièces sont : pour la zone occipitale, l’occipital basilaire, les occipitaux latéraux, les occipitaux externes, l’occipital supérieur ; pour la zoneæariétale, le sphénoïde basilaire, les ailes temporales, les os pétreux, les mastoïdiens, les pariétaux ; pour la zone frontale, le sphénoïde antérieur, les ailes orbitaires, les frontaux postérieurs, les fron- taux principaux. — La mémoire s’effraie de tant de noms accu- mulés et pour la plupart sans liens entre eux. Tant que la nature du crâne resta inconnue, il ne fut point possible d’en exprimer la composition dans un langage plus simple et plus rationnel ; mais une fois qu’il fut démontré que le crâne est un groupe de vertèbres, une fois que les éléments de chacune de ces vertèbres eurent été déterminés (en partie du moins), il devint facile d'imaginer une nomenclature qui exprimât logiquement les rapports de parenté du crâne avec les vertèbres. Essayons nous-même une de ces nomenclatures. Appelons basial le corps de la vertèbre ; neural chacune des branches de l’axe supérieur ; sphénal' l’apophyse épineuse. Chacun de ces noms, employé comme radical, pourra servir dans toute la série des vertèbres à indiquer le genre dont cha- que pièce fait partie. Il suffira d’y joindre, pour désigner l’es- pèce, un qualificatif exprimant à quelle vertèbre elle appartient; 1 De Xpnv, nvos, coin. DÉTERMINATIONS EN ANATOMIE COMPARÉE. 537 par exemple : vertébral pour toute vertèbre ordinaire; occipital pour la vertébre occipitale ; pariétal pour la vertèbre pariétale ; frontal pour la vertebre frontale. — Cela posé, nous pourrons désigner comme il suit les pièces homologues du crâne et de la vertèbre'. Basi-vertébral (corps de la vertèbre). Vertèbre ordinaire. { Neuro-vertébral(branchesde l'arc supérieur). Sphéno-vertébral (apophyse épineuse). Basi-occipital (occipital basilaire). Vertèbre occipitale. { Neuro-occipital (occipitaux latéraux). Sphéno-occipital (occipital supérieur). Basi-pariétal (sphénoïde postérieur). Vertèbre pariétale. 4 Neuro-pariétal (ailes temporales). . Sphéno-pariétal (pariétaux). Basi-frontal (sphénoïde antérieur). Vertèbre frontale. Neuro-frontal (ailes orbitaires). Sphéno-frontal (frontaux principaux). Inutile, je pense, d’insister sur les avantages d'une telle no- menclature au point de vue de la simplification et du progrès des sciences anatomiques. RÈGLES POUR LA DÉTERMINATION. Étant reconnue l'importance des déterminations, il nous faut maintenant rechercher quelle est la marche à suivre, quelles sont les règles à observer pour déterminer un objet, soit géné- riquement, soit spécifiquement. Afin de simplifier notre tâche, je laisserai de côté ce qui concerne la détermination spécifique, et je me bornerai aujourd’hui à appeler votre attention sur les prin- cipes de la détermination générique. Le problème qu'il s’agit de résoudre est celui-ci : Étant donné ! Ge tableau ne contient qu'une partie des pièces crâniennes, mais ce n'est qu'un exemple, et j'ai cru pouvoir m'en tenir aux pièces dont la détermination offre 16 plus de certitude. 538 MÉMOIRES ORIGINAUX. un animal, un organe, un tissu, etc., trouver le genre ou la classe dont il fait partie. Pour arriver à la solution de ce problème, l'investigateur est obligé d’avoir recours à l'observation et à l'hypothèse. L’obser- vation constate les faits et les rapporte à des causes, à des lois. L'hypothèse conçoit provisoirement ces causes et ces lois et nous conduit à instituer des expériences qui les confirment ou les infirment Ce qu'il lui faut donc faire tout d'abord, c’est de prendre de l’objet à déterminer une connaissance aussi exacte que possible, d’en faire l’analyse et de noter avec soin chacun de ses attributs. Cela fait, il doit rechercher si ces attributs ap- partiennent à quelque genre connu ; mais un genre n’est point une entité, un genre est une collection d'espèces et ne peut être connu que par les espèces qui le composent. En admettant done qu'une première comparaison nous ait conduil à saisir quelques traits de ressemblance entre les caractères d’un certain genre et ceux de l’espèce à déterminer, cette ressemblance ne pourra être sérieusement établie que par la comparaison minutieuse de l’es- pèce en question avec un nombre plus ou moins considérable des espèces du genre supposé. Comme on le voit par ces quelques mots, le travail de compa- raison que nécessite une détermination comportera d'ordinaire un nombre plus ou moins élevé de comparaisons particulières, com- paraisons d’espèce à espèce, puis d’attributs à attributs, chaque espèce ne pouvant nous être connue que par l’examen successif de ses divers attributs. Or, parmi les attributs qui peuvent deve- nir l’objet de la comparaison, tous ne possèdent pas le même degré d'importance; il nous faut donc, avant toute autre chose, rechercher quelle est la valeur relative des divers attributs que peut offrir un animal, un organe, un lissu, quel est le degré de constance ou de variation de chacun d’eux et ce qu'il est permis d’en attendre au point de vue de la détermination. Si l’on tient compte des points de vue différents sous lesquels un animal, un organe, un tissu, etc , peuvent être considérés, les attributs principaux dont nous aurons à peser la valeur seront : DÉTERMINATIONS EN ANATOMIE COMPARÉE. 539 10 La forme, la structure, les connexions (attributs statiques); 2° La fonction (attributs dynamiques) ; 3° Le développement embryonnaire (attributs évolutifs) ; 4° Les anomalies (attributs tératologiques) . FORME. La forme peut, dans de certaines limites, servir à la détermi- nation. Combien d'animaux ont été déterminés d’après l’examen seul de leurs caractères extérieurs |! Beaucoup d'organes ont pu l'être de la même façon. Ainsi, les pinces de l'Écrevisse, malgré leur volume, très-supérieur à celui des pattes ambulatoires, ont pu être classées sans la moindre difficulté dans la catégorie des membres, tant leur ressemblance avec ces organes est considé- rable. Il en est de même de ces autres appendices connus sous le nom de pattes-mâchoires, bien que déjà ici les différences soient plus marquées. Malgré ces exemples affirmatifs, on peut dire cependant que la forme est en général un guide très-peu sûr et qu'elle ne saurait conduire bien loin dans les déterminations. S'agit-il des espèces animales d'abord, le zoologiste serait exposé à bien des erreurs s’il s’en tenait à l’examen seul des formes. Les Cétacés, par exemple, qui appartiennent au groupe des Mammifères, ont été considérés primitivement comme des Poissons, d’après l'inspection de leur forme extérieure. Un grand nombre d'animaux parasites, par suite du genre de vie qui leur est propre, perdent plus ou moins complétement les formes qui distinguent la classe dont ils font partie. Aïnsi, les Sacculines, les Lernées, espèces parasites de la classe des Crustacés; les Pentastomes, espèce parasite de la classe des Arachnides, n’offrent plus rien, dans leurs formes extérieures, qui rappelle l’aspect des animaux de leurs groupes respectifs. La forme n'est pas moins sujette à varier, et par conséquent devient un critérium tout aussi peu sùûr lorsqu'il s’agit de la détermination des organes. 540 MÉMOIRES ORIGINAUX. J'ai parlé tout à l'heure des appendices thoraciques de l’Écre- visse; si, au lieu de nous en tenir aux appendices de cette région, nous examinons dans leur succession chacun des. appendices de même ordre appartenant aux divers zoonites, il sera faeile de nous convaincre combien la forme d’un même organe est in- stable et devient tout à fait insuffisante, en l'absence d’autres caractères, pour conduire à une diagnose. Déjà les fausses pattes abdominales s’éloignent considérablement par leur aspect des pattes thoraciques ; les appendices latéraux de la rame caudale en diffèrent davantage, les mâchoires et les mandibules plus encore ; enfin les antennes s’en éloignent à tel point, que sans d’autres preuves de leur parenté, on les prendrait inévitablement pour des organes d’une nature complétement différente. — Les différences de forme qui se manifestent entre les appendices buccaux des Insectes des différents ordres sont non moins considé- rables que celles que je viens de signaler entre les appendices zoonitiques de l’Écrevisse. Il a fallu toute la sagacité, toute la péné- tration d’un de Savigny pour reconnaître que les parties qui com- posent la trompe du Papillon, le suçoir de la Mouche et de la Punaise, la bouche broyeuse du Carabe, sont des organes de même nature, simplement modifiés dans leur forme. Qui se douterait, en s’en tenant aux seules apparences exté- rieures, que le disque céphalique du Rémora n’est qu'une nageoire modifiée, comparable en tous points à la nageoire dor- sale des autres poissons ! Si des organes extérieurs nous passons aux organes intérieurs, nous voyous la forme de ces derniers subir des modifications tout aussi remarquables, sans cependant changer de nature. L'étude de chacun des grands systèmes de l'organisme, pour- suivie comparativement, nous fournirait des preuves sans nombre de cette vérité. Commençons par le système osseux. Il suffit d’un simple coup d'œil jeté sur l’ensemble des verte- bres d’un Mammifeère, de l'Homme, par exemple, pour découvrir entre ces pièces osseuses des différences de jorme plus ou DÉTERMINATIONS EN ANATOMIE COMPARÉE. 541 moins considérables : les vertèbres coccygiennes différent nota- blement des vertèbres dorsales ou lombaires ; l’atlas et l’axis en différent davantage encore ; les vertèbres crâniennes s’en éloi- gnent tellement que la détermination des éléments: de chacune d'elles est restée jusqu’à ce jour l’un des problèmes les plus ardus de l’anatomie comparée. Ce que je viens de dire des vertèbres, je pourrais le répéter au sujet des autres parties du système osseux. Que l’on compare entre eux ies os qui composent la charpente des membres des différents types d'animaux verté- brés, et l’on arrivera à cette conviction : que, dans la détermina- tion des pièces du système squelettique, la forme considérée iso- lément fournirait en général un critérium de bien faible valeur. Dans le système musculaire, la forme paraît être de valeur moindre encore que dans le système osseux. Dans le système nerveux, la forme des parties est tout aussi va- riable que dans le système osseux et dans le système musculaire. Il suffit, pour se convaincre de la vérité de cette assertion, d'établir la comparaison entre l’encéphale des Vertébrés des différentes classes. Entre l’encéphale d’un Mammifère et celui d’un Oiseau, d’un Reptile, d’un Batracien, d’un Poisson, les différences de forme sont, comme on le sait, aussi grandes que possible, et il serait facile de rappeler ici à quelles erreurs ont été conduits ceux qui dans leurs comparaisons ont voulu prendre ces formes comme base de déterminations. Je pourrais de même établir sur une multitude d'exemples que les variations de forme ne sont ni moins fréquentes ni moins considérables dans les organes des sens et dans les appa- reils de la vie organique (appareils de la digestion, de la respi- ration, de la circulation, de la reproduction, etc.,) que dans les systèmes que nous venons d'examiner. La conclusion que nous pourrons tirer de tous ces faits sera la suivante : dans la comparaison des organes, la forme est un critérium tout à fait secondaire, et les secours que l’on peut en attendre pour la détermination sont en général d’une valeur assez faible. 542 MÉMOIRES ORIGINAUX. STRUCTURE. Lorsque la forme extérieure devient insuffisante pour la dé- termination, l’investigateur peut avoir recours à l’étude de la structure intérieure. Ù S'agit-il d’abord de la détermination d’un animal : on sait parfaitement que dans bien des cas l'anatomie devient tout à fait nécessaire pour reconnaître les affinités de tel ou tel type. C’est ainsi que les Anatifes, rangés d’abord parmi les Mollus- ques, ont été reconnus comme étant des Crustacés lorsqu'on a fait l'étude de leur structure. S'agit-il de la détermination d'un organe : la connaissance de la structure n'est pas moins importante. Bien souvent un organe ne ressemble plus à un autre en apparènce , ses dimen- sions, ses formes sont complétement différentes ; mais, en dissé- quant ce même organe et l’un de ses homologues, l’anatomiste découvre dans l’un et dans l’autre un nombre égal de parties, dont quelques-unes peuvent même présenter des caractères de similitude que l'examen de l’ensemble ne pouvait laisser sup- poser. En voici un exemple : Y a-t-il rien qui ressemble moins à une nageoire de Poisson que ce disque aplati, garni de lames transversales mobiles, qui recouvre la tête du Rémora? L’examen anatomique de cet appa- reil ayant permis d'y retrouver tous les éléments qui composent le squelette des nageoires impaires, sa nature s’est trouvée, par ce fait, complétement déterminée. C'est également l’étude de la structure qui a permis de démon- trer que le disque ventral des Cycloptères, les appendices maxil- laires de l’Ophidium barbatum , ne sont autre chose que des nageoires ventrales modifiées. Dans beaucoup de cas néanmoins, la structure intérieure, pas plus que la forme extérieure, ne suffit pour conduire à une déter- mination. DÉTERMINATIONS EN ANATOMIE COMPARÉE. 543 Il peut arriver d’abord, lorsqu'il s’agit d’organes complexes, que deux organes, tout en restant de même nature, cessent de posséder le même nombre de pièces, cette différence pouvant provenir de l’avortement, du dédoublement ou de la multiplica- tion de quelques-unes des pièces composantes. Ainsi, chez quel- ques Arachnides et Myriapodes, le nombre des articles des tarses de certaines pattes est beaucoup plus élevé que celui des autres pattes, ce qui n'empêche pas tous ces appendices d’être de même nature. Il peut arriver, en second lieu, que la structure à étudier soit tellement complexe, tellement difficile à démêler, qu'il devienne à peu près impossible d’en faire usage comme élément de déter- mination. — La structure des centres nerveux est dans ce cas. Je pourrais, s’il était nécessaire, invoquer comme une preuve à l'appui de mon assertion les résultats peu satisfaisants auxquels est arrivé M. N. Guillot en prenant la structure comme guide dans ses recherches homologiques sur les centres nerveux des animaux vertébrés. Il peut se faire encore que des organes de nature différente présentent une structure analogue. — Les plaques ossifiées de la tête de certains Poissons offrant tous les caractères des os ordinaires, il devient difficile de décider, pour quelques-unes des pièces crâniennes, si elles appartiennent au squelette intérieur ou bien au squelette extérieur. — Des nerfs d’une nature diffé- rente (nerfs moteurs et nerfs sensitifs) présentent aussi, comme on le sait, une structure identique. Chez les Échinodermes, il existe des filaments que l’on a con- sidérés comme des cordons nerveux; la structure de ces filaments n’a pu fournir jusqu à présent des caractères suffisants pour éta- blir leur véritable nature et pour décider s'ils appartiennent au tissu nerveux ou au tissu conjonctif. Les mêmes difficultés d’in- terprétation se présentent lorsqu'il s’agit de distinguer les élé- ments nerveux des éléments conjoncetifs dans les centres nerveux des animaux supérieurs. 544 MÉMOIRES ORIGINAUX. Il peut se faire enfin que des organes de même nature pré- sentent une structure très-différente. On sait quelles différences de structure il y a entre les lobes antérieurs d’un Poisson et les hémisphères d’un Mammifère : — d’un côté, nous avons des organes pleins et dépourvus de circon- volutions ; de l'autre, une masse nerveuse plissée, creuse au dedans et d’une structure intérieure très-complexe ; cependant ces deux ordres de parties sont parfaitement homologues. Mêmes différences entre les lobes optiques et les tubercules quadriju- meaux, qui sont également des organes homologues. Rappellerai-je aussi la différence qui existe sous le rapport de la structure entre la vessie natatoire d’un Poisson et le poumon d’un Oiseau ou d’un Mammifère ? Chez les Silures, l'os scapulaire présente une longue apophyse qui se porte en dedans pour aller se fixer à la colonne vertébrale; cette apophyse osseuse n'existe plus dans d’autres types de Poissons, mais on trouve à sa place un ligament fibreux qui, bien qu'étant d'une structure histologique différente, en est cependant l’homologue. FONCTION (attributs dynamiques). Les zoologistes n'ayant pas tardé à reconnaître dans leurs essais de comparaison combien l'emploi des caractères anatomi- ques est insuffisant pour conduire à des déterminations certaines, l’idée leur vint d’avoir recours à la fonction elle-même comme critère des parties à déterminer. En suivant cette voie, ils par- vinrent à déterminer quelques organes : c’est ainsi que le vais- seau dorsal des Insectes fut reconnu comme un organe cardiaque; le nerf facial comme le représentant de la branche antérieure des nerfs spinaux ; les nageoires paires des Poissons comme des membres transformés, etc. Les expériences relatives à la grelïfe animale et à l'hybridation, l’étude des mœurs et des instincts, leur fournirent également des lumières sur le degré d’affinité de Lel ou tel type. Mais une courte expérience leur apprit que DÉTERMINATIONS EN ANATOMIE COMPARÉE. 45 le moyen en question n’est lui-même que d’un usage extrèmement limité. Il est facile, du reste, d’en fournir la preuve. Il est évident que pour appliquer la fonction à la détermination, il faut que cette fonction nous soit connue d’abord : or, comme pour beaucoup d'organes nous restons à cet égard, ou bien dans une ignorance absolue, ou du moins dans une incertitude très- grande, le procédé n’est pas applicable. Mais, même en supposant la fonction connue, je dis que cette connaissance elle-même se trouverait insuffisante bien souvent pour devenir une base assurée de détermination. A quoi peut servir, par exemple, la connaissance de la fonc- tion d'une vertébre pour la détermination des éléments des vertèbres crâniennes? — On sait aussi que des organes de même nature peuvent avoir des fonctions fort différentes. Chacun des grands appareils physiologiques peut nous servir à vérifier l'exactitude de cette assertion. Chez les animaux articulés, ces divers appendices, désignés sous les noms d'antennes, de mandibules, de mâchoires, de pattes-mâchoires, de pattes ambulatrices, etc., sont des organes de même nature ; néanmoins leurs fonctions sont très-différentes. Les lobes antérieurs du cerveau des Poissons et les hémisphères des Mammifères représentent dans l’encéphale des parties homo- logues ; cependant ces parties se comportent bien différemment au point de vue physiologique : chez les Mammifères, la destruc- ion des hémisphères amène à sa suite uu état de stupeur pro- fonde ; chez les Poissons, l’ablation des lobes antérieurs n’est accompagnée d'aucun trouble appréciable. Les organes du venin des Serpents et les glandes salivaires des autres Reptiles sécrètent des liquides dont les propriétés sont extrêmement différentes; pourtant ces organes sont regardés comme étant homologues. La vessie natatoire des Poissons possède des fonctions qui ne ressemblent en rien à celles du poumon des autres Vertébrés. Les anatomistes cependant sont parvenus à démontrer que le premier de ces organes est l'équivalent morphologique du second. III. 36 546 MÉMOIRES ORIGINAUX. Rappellerai-je enfin que des organes de nature différente peuvent avoir une même fonction? La queue des Cétacés et la queue des Poissons ne sont pas des organes homologues ; leur mode d’action physiologique est cependant identique. Les ailes des Oiseaux et les ailes des In- sectes jouissent des mêmes propriélés physiologiques, bien qu'étant d’une nature complétement différente au point de vue anatomique. Ces exemples, que je pourrais multiplier à volonté, suffisent amplement pour démontrer que l'emploi de la fonction, comme moyen de détermination, est une ressource qu'il ne faut point dédaigner, mais sur laquelle le zoologiste ne saurait en général fonder de bien grandes espérances. DÉVELOPPEMENT EMBRYONNAIRE (attributs évolutifs). De tous les procédés que peut employer le zoologiste, au point de vue des déterminations, aucun n’a plus d’imporlance que l’embryogénie. L'étude du développement embryonnaire montre, en effet, que les organes, comme les individus, traversent, durant les diverses phases de leur évolution première, une série d'états trés-différents; que des animaux, des organes, des lissus de même nature et primitivement similaires, peuvent acquérir des carac- tères extrêèmement dissemblables à mesure qu'ils approchent davantage de leur état définitif. De là, cette conséquence logique : que des affinités qui se trouvent masquées dans des individus, des organes ou des tissus arrivés à l’état parfait, peuvent nous être révélées par une connaissance complète de leurs états em- bryonnaires. Toutes ces difficultés qu’entraînent à leur suite, pour la détermination, les changements de forme, les soudures, les inégalités de développement, les atrophies, les déplacements, etc., toutes ces difficultés, dis-je, peuvent être éliminées en grande partie par uneétude sérieuse du développement, Ainsi se trou- vent mis en évidence les rapports étroits de l’embryogénie el de l’anatomie philosophique. 47 O1 DÉTERMINATIONS EN ANATOMIE COMPARÉE. Quelques faits achéveront de mettre en lumière les proposi- tions que je viens dénoncer. Il existe un certain nombre d'animaux, surtout parmi les es- pèces parasites, dont la détermination offre les plus grandes difficultés lorsqu'on les considère à l’état adulte; tels sont les Pentastomes, les Sacculines, les Lernées, etc. Ces êtres singu- _liers diffèrent tellement des autres animaux de leurs groupes respectifs, que les zoologistes ont pu hésiter longtemps sur la classe à laquelle ils doivent appartenir ; l’étude de l'embryon de ces animaux a permis de les rattacher sans peine à leur véritable type, en montrant que les Pentastomes sont des Arachnides et non des Vers, les Lernées et les Sacculines des Crustacés. Si l’on compare les Aranéides avec les Scorpionides, on con- state entre ces animaux des différences d'organisation considé- rables : l'abdomen des Scorpionides est segmenté, et celui des Aranéides ne l’est pas ; les Scorpionides ont un post-abdomen, et les Aranéides n’en ont pas. On serait donc tenté d’éloigner ces deux ordres l’un de l’autre. Or, en étudiant le développement des Aranéides, on reconnaît quà une certaine époque de son existence leur embryon possède un post-abdomen très-court et un abdomen composé de segments distincts, portant même des rudiments de pattes; ces caractères, on le sait, disparaissent complétement à une époque plus avancée. Voilà donc encore une affinité générique révélée par l'étude du développement. L’embryogénie n’est pas moins importante au point de vue de la détermination des organes. L'histoire de chacun des grands systèmes de l'organisme nous en offre des preuves multipliées. Prenons le système nerveux d’abord. La détermination des différentes parties de l’encéphale chez les divers types de Vertébrés a été, comme on le sait, l’objet de très- nombreuses controverses. Tant que l’on s’est borné à l’étude de ces organes chez l'adulte, il a été presque impossible d'établir avec cerlitude quelles sont les parties qui se correspondent dans le cerveau d'un Mammifère, d’un Oiseau, d’un Reptile et d’un Poisson. L'étude du développement a seule permis de résoudre 548 MÉMOIRES ORIGINAUX. cette difficulté en montrant la similitude primitive de l’encéphale dans les différentes classes d'animaux vertébrés, et la correspon- dance de chacune de ces grandes divisions, connues sous les noms d'hémisphères, de lobes optiques, de cervelet, de moelle allongée, etc. L’embryogénie a été d’un secours immense dans les détermi nations relatives au système osseux. Grâce à la connaissance qu’elle a apportée du fractionnement primitif des os chez l'em- bryon, elle a permis de résoudre nombre de problèmes concer- nant les homologies des pièces vertébrales, des pièces crâniennes et autres. Les mêmes avantages, dépendant des mêmes causes, ont été obtenus par l'étude embryogénique du squelette extérieur _des animaux articulés. L’embryogénie a été non moins utile dans l'étude des homo- logies du système vasculaire. On sait quels changements consi- dérables se manifestent durant la période embryonnaire dans le mode de groupement des trones vasculaires. Ces modifications si nombreuses, résultant de phénomènes d’atrophie, de dilatation, de rapprochement, de soudure, d’écartement, etc., créent sou- vent chez l’adulte des difficultés sérieuses de détermination pour l’anatomiste. L’embryogénie, enrétablissant sous nos yeux l’ordre primitif des parties, permet d'attribuer à chacune sa signification véritable. Un des meilleurs exemples à produire iei nous est fourni parle système aorlique des Verlébrés ‘Mammifères, Oi- seaux, Reptiles, Batraciens et Poissons). Pour se rendre compte de la disposition des vaisseaux qui composent ce système et déter- miner exactement la nature de chacun d'eux, la connaissance du développement embryonnaire est lout à fait indispensable. Dans ces cas compliqués, enfin, où les organes peuvent perdre à la fois presque tous leurs caractères, l’embryogénie est souve- raine pour conduire à une diagnose. Quelles différences entre la vessie natatoire l’un Poisson et le poumon d’un Mammifère ! La forme, la structure, les connexions, tout est modifié. L'étude de l'embryon des Poissons, en nous montrant que primitive- ment la vessie natatoire est toujours une expansion, un diver- DÉTERMINATIONS EN ANATOMIE COMPARÉE. 949 ticulum de la portion supérieure du tube digestif, a permis de déterminer la nature de cet organe. Je pourrais multiplier à volonté ces exemples de détermination d'organes par l’embryogénie; je pourrais montrer comment l'étude embryogénique a pu servir à déterminer les divers appen- dices des animaux articulés (antennes, pièces buccales, etc.), certaines expansions du corps des Mollusques (entonnoir des Céphalopodes, lobes latéraux des Ptéropodes, etc.), mais je crois pouvoir m'en tenir aux faits que j'ai cités; je veux à présent montrer que l’'embryogénie peut aider à la détermination des tissus, aussi bien qu’à celle des organes et des individus. Prenons ces deux tissus de l'œil, le tissu cristailinien et le corps vitré. — Ce tissu, d'une transparence si parfaite, qui consti- tue le cristallin, ne ressemble en rien à l’épiderme qui recouvre la surface du corps ; il appartient à l’embryogénie d’avoir démontré que ces deux tissus sont de même nalure, et que primilivement le cristallin n’est qu'une portion de l’épiderme qui s'enfonce peu à peu dans l’intérieur de l’œil et finit par se séparer de la couche épidermique superficielle. C’est aussi l’embryogénie qui a permis d'établir que le corps vitré n'est autre chose que du tissu conjonctif muqueux plus ou moins modifié par les progrès du développement. Je n’apporte point d'exemples de détermination de principes immédiats par l’embryogénie, cette voie de recherches étant restée pour ainsi dire inexplorée jusqu'à présent; je ne doute point cependant que le jour où les anatomistes sauront utiliser concur- remment les ressources de la chimie et de l’embryogénie, la nature encore ignorée de bien des principes immédiats s’éclairera pour eux de lumières inattendues. Dans les pages qui précèdent, j'ai fait ressortir les avantages immenses que peut offrir l'embryogénie au point de vue de la détermination, soit des organismes complets, soit des parties qui les composent. {'e serait aller trop loin cependant de croire que l’embryogénie peut lriompher de toutes les difficultés qui peuvent embarrasser le zoologiste. Dans bien des cas, l’embryogénie, pas 990 MÉMOIRES ORIGINAUX. plus que les procédés étudiés précédemment, ne peut fournir au zoologiste des éléments certains de détermination. Ainsi, jusqu’à présent, l’'embryogénie n’a fourni aucun résultat pour l'établissement des homologies du système nerveux périphérique ou des homologies du système musculaire. Dire qu'elle ne peut en fournir, je ne prétends point l’affirmer, je me borne simple- ment à constater un fait. Où l’'embryogénie triomphe, c'est dans les cas surtout où les difficultés proviennent de simples changements survenus dans la forme, de soudures ou d’inégalités de développement, comme cela a lieu dans le système osseux, par exemple. Eh bien ! dans ces cas eux-mêmes, l’embryogénie reste souvent impuissante, comme le prouve assez le peu de succès des efforts tentés jusqu'à présent pour déterminer avec certitude chacune des pièces qui entrent dans la composition des vertèbres crâniennes. Si nous ajoutons enfin que l’embryogénie a contre elle ses difficultés matérielles immenses, qui souvent en rendent l’application extré- mement difficile ou même impossible, nous dirons, en terminant, que l’embryogénie est pour le zoologiste philosophe un moyen de détermination d’une portée supérieure entre tous, mais non infaillible cependant. ANOMALIES (attributs tératologiques). Les anomalies peuvent aussi, dans certains cas, être employées par le zoologiste comme moyen de détermination. Considérées d’une manière générale, les anomalies sont, comme on le sait, des perturbations des phénomènes évolutifs. Or, parmi ces perturbations on peut distinguer deux formes principales . Tantôt, en effet, l’évolution, aa lieu de suivre son cours régulier, se trouve enrayée plus ou moins complètement : il y a ce quon appelle arrét de développement ; tantôt, au contraire, l’évolution se poursuit au-delà de son terme normal: il y a alors excès de développement. Or, dans ces deux cas, il est facile de montrer comment les faits tératologiques peuvent devenir un moyen de détermination. DÉTERMINATIONS EN ANATOMIE COMPARÉE. 551 Lorsqu'il y a arrêt de développement, il y a persistance, fixation d’un état embryonnaire habituellement transitoire. Si donc la connaissance des états embryonnaires (et nous l’avons démontré au sujet de l’embryogénie) est de la plus haute importance au point de vue des déterminalions, la tératologie, qui peut nous livrer quelques-uns de ces états sous une forme aisément saisis- sable, est susceptible de rendre des services au même titre que l'embryogénie, et quelquefois même avec plus de certitude. Lorsqu'il y a excès de développement, lorsqu'un organe, un tissu, etc., se trouve porté au-delà de son terme normal d’acerois- sement, il arrive souvent que cet organe ou ce tissu arrive à revêtir les caractères d’un autre organe congénère dont il différail notablement, et avec lequel son affinité se trouve ainsi révélée. Si ce genre de ressources est limité, il faut du moins savoir en profiter quand la nature nous refuse des lumières plus directes. Passons à quelques exemples . L’anomalie connue sous le nom de bec-de-lièvre (arrêt de déve- loppement) eût permis, avec plus de facilité que l’embryogénie elle-même, de reconnaitre l’existence d’un os intermaxillaire chez l'Homme. Chez l'Écrevisse, on a vu un pédoncule oculaire se développer au point de former une longue tige ayant l'apparence d’une antenne (anomalie par excès). Ge fait a conduit à supposer que le pédoncule en question appartient à la catégorie des membres. Les anomalies des vaisseaux, des nerfs, des muscles, peuvent aussi nous éclairer sur leurs homologies, attendu que ces ano- malies reproduisent d’ordinaire des états existant normalement dans d’autres types". ! C'est en botanique surtout que l'on peut reconnaître toute l'importance des anomalies au point de vue de la détermination. La métamorphose des sépales et des étamines en pétales, la transformation des carpelles en feuilles, des vrilles en grappes, l’élongation de certains axes floraux, etc., etc., ont permis aux bota- nistes d'établir avec sûreté la véritable nature de chacune de ces parties. 552 MÉMOIRES ORIGINAUX. CONNEXIONS,. Les caractères anatomiques que nous avons étudiés jusqu'ici étant insuffisants pour conduire toujours à des déterminations certaines, les zoologistes ont eu recours à un principe de déter- mination fondé non plus sur les caractères propres de l’objet à déterminer, mais sur les connexions, c’est-à-dire sur les rapports invariables de cet objet avec d’autres. Soit, pour mieux préciser les idées, une suite a, b, c, d, e, etc., d'éléments anatomiques, disposés de telle sorte que b se trouve entre a etc; c entre b et#; dentre cet e: chacune de ces pièces, dit l’auteur du principe des connexions, pourra être modifiée, transformée, anéantie même, mais jamais l'ordre qu’elles pré- sentaient ne se trouvera interverti. Cet ordre, par conséquent, pourra devenir lui-même un principe de détermination. Que l’on compare, par exemple, les membres supérieurs ou inférieurs d’un Mammifère, d’un Oiseau et d’un Reptüle: on trouvera dans ces divers types la même succession de pièces osseuses ; chacune de ces pièces y conservera loujours la même place relative, et, quelle que soit la variété de ses formes, sa position suffira pour la faire reconnaître ‘. Sans vouloir méconnaître ici l'importance du principe des connexions, je dois dire que, formulé comme il vient de l'être, il we paraît beaucoup trop absolu. Dans l'emploi qu'ils ont fait du principe des connexions, les anatomistes l’ont appliqué à des cas très-différen(s, et c’est pour n'avoir pas tenu suffisamment compte de ces différences que le vague le plus complet semble aujour- d'hui planer sur cette question. Il importe d’en sortir, et, pour arriver à quelque certitude, il me paraît indispensable d'introduire dans l'examen du sujet quelques divisions. (A continuer ). mm 4 La loi des connexions se manifeste avec tout autant et plus d'évidence peut- être en botanique qu'en zoologie. La disposition des feuilles sur la tige, les rapports invariables des différentes parties de la fleur, en sont des exemples aussi simples que frappants. SUR UN MODE PARTICULIER D'EXCRÉTION DE LA GOMME ARABIQUE PRODUITE PAR L'ACACIA VEREK DU SÉNÉGAL. Par M. Charles MARTINS, Professeur d'Histoire naturelle à la Faculté de médecine de Montpellier, Correspondant de l’Institut. (Avec une Planche.) Adanson', Lamarck”, Guillemin, Perottet et Ach. Richard* ont successivement décrit et figuré l'arbuste, appelé Vere£ par les indigènes, qui fournit la gomme arabique. du Sénégal. Tous les voyageurs sont d'accord pour attribuer l’exsudation de la gomme à l'action des vents secs du désert, qui, soufflant en automne et en hiver, déterminent le fendillement des écorcés ramollies par les pluies d’août et de septembre. Je vois en effet, par les Cartes qui accompagnent les Recherches sur le climat du Sénégal, dressées par le D' Borius, que les vents de nord, d'est et de nord-est sont dominants en automne et en hiver dans les escales du fleuve Sénégal, depuis Saint-Louis jusqu'à Bakel ; mais il est une autre circonstance qui favorise l’ex- crétion de la gomme, c'est le développement sur l’ Acacia Verek d'une plante parasite du genre Loranthus analogue à notre Gui. Mon ami M. Bérenger-Féraud, médecin en Chef de la Marine, a déjà signalé ce fait dans le Moniteur du Sénégal du 15 juillet 1875. Sur ma demande, il eut la bonté de m'envoyer un certain nombre de branches d’Acacia Verek présentant des exsudations gommeuses. Ces branches avaient été recueillies par M. Boëhas, médecin de la marine chargé en 1872 du service de santé au poste 1 Grande Encyclopédie, Supplément, tom. I, pag. 84. ? Encyclopédie méthodique, tom. I. pag. 18 ; et Supplément, tom. [, pag. 76. 3 Flora Senegambiæ, tom. I, pag. 245, e° PI, 56. 100 0 7 554 MÉMOIRES ORIGINAUX. de Dagana, situé à 102 kilom. de l'embouchure du Sénégal. Les échantillons proviennent tous d’une forêt de Gommiers qui s'étend sur la rive droite du Sénégal entre le fleuve et le lac Cayar. M. Bohéas n'a pas pu les couper lui-même. Les Maures Trarza, persuadés que la gomme sert à la nourriture des esclaves du roi de France, parce que le fonctionnaire chargé dans le siècle dernier de conclure des traités avec eux portait letitre : Commissaire du Roi, ne permettent à aucun Européen de pénétrer dans les districts où ils récoltent le produit dont ils veulent conserver le monopole. Les Maures eux-mêmes ont apporté ces branches à Dagana, et n'ont. naturellement pas choisi celles qui présentaient les plus grosses boules de gomme ; néanmoins il y en a quelques-unes du volume d'une noix. C’est la gomme blanche fendillée, vermiculée ou en boules, que Guibourt a décrite sous le nom de Gomme du Sénégal du bas du fleuve’. Sur seize morceaux de bois que j'ai reçus, il y en a huit où l’exsudation s’est faite sur les branches, tantôt sur des parties non ramifiées, dans d’autres cas au niveau d’une bifurcation. La gomme exsudée le long d’une branche ou d'un tronc non ramifiés offre l’aspect vermiculaire ; celle qui est au-dessus, au niveau ou au-dessous d’une bifurcation, se présente. sous forme de boules ovalaires à surface mamelonnée. Sur huit autres branches, on est frappé de voir que la gomme a exsudé près d'un empâtement qui est la base d’une plante parasite greffée sur l'Acacia Verek (Voy. PI. XT ). Cette plante se distingue de celui-ci en ce que ses ramifications sont lisgneuses, mais sans épines, de couleur brune rougeâtre à l'extérieur et à l'intérieur, et présentent les cicatrices de feuilles opposées ; tandis que les branches de l’Acacia sont épineuses, jaunâtres extérieure- ment et intérieurement, avec des cicatrices de feuilles alternes. Quelques feuilles, quelques fleurs et quelques fruits détachés, m'ont permis de reconnaitre dans ce parasite un Loranthus dont voici le signalement: 1 Histoire naturelle des droques simples, 6e édition, tom.ILT, pag. 440: GOMME ARABIQUE DE L'ACACIA VEREK. 559 L’empätément du parasite (PI. XI, #g. 1 e, e, e) est saillant, inégal, rugueux, de couleur grise, à cassure rougeâtre, rappelant la couleur de la racine de Ratanhia. De cet empälement partent des branches où l’on distingue des rameaux implantés souvent per- pendiculairement sur la branche et se divisant en ramuscules nom- breux portant les cicatrices des feuilies opposées : celles-ci sont (/ig. 2) courtement pétiolées, longues de 50 millimètres environ, ovales, entières, coriaces, chagrinées à leur surface et à nervures saillantes. Les fleurs (#g. 5) forment une ombelle presque sessile composée de 4-6 fleurs. Le calice est court, à peine denté, entouré à sa base d'un calicule. La corolle, de 15 à 20 millimètres de long, tubuleuse, pentagone au sommet quand elle est en bouton, fendue comme celle des Lobelia quand elle est ouverte (fig. 4), se divise au sommet en 5 lobes ovales-aigus. Les étamines, au nombre de 5, égalent la longueur du tube de la corolle ; — anthères terminales infléchies vers la partie fendue de la corolle ; — stigmate en forme de languette aplatie ; fruit (fig. 5) globuleux, recouvert à la base par le calicule. Cette espèce se rapproche d'une autre espèce sénégalienne, le Loranthus pentagoma DC.'; mais elle en diffère par le nombre des fleurs de l’ombelle, qui n’est le plus souvent que de 4, au lieu de 6; la longueur trois fois moindre de la fleur, dont le tube n’est pas renflé, et le stigmate en forme de languette, au lieu d’être globuleux*. Notre espèce diffère également du Loranthus Acaciæ Zucc., rapporté par Schubert de Palestine, et dont M. E. Fournier a bien voulu m'envoyer la description telle qu'elle se trouve dans le quatrième fascicule de plantes nouvelles (Abhandlungen der mathematisch-physikalischen Classe der K. B. Academie der 1 Prodomus, tom. IV, pag. 303 ; et Mémoire sur les Loranthacées, PI. VIII. 2 M. Müller. conservateur de l’herbier de M. De Candolle, a pris la peine de comparer mon échantillon aux échantillons types du Prodromus, et s’est assuré qu'il ne répondait à aucun d'eux. M. Alphonse De Candolle m'ayant envoyé en outre tous les Loranthus africains reçus par lui, depuis la publication du Pro- drome, je n’en ai pas trouvé qui eût la moindre ressemblance avec mon espèce. 556 MÉMOIRES ORIGINAUX. Wissenschaften (t. WT, pag. 249, tab. IN, fig. 5, 1857-1845). Cette dernière espèce appartient au groupe Symphyanthus DC., tandis que la nôtre rentre dans la section Scurrula DC. Dans l'espèce de Palestine, le tube de la corolle présente 10: gibbosités et la corolle n’est pas fendue. Je propose pour l’espèce qui fait le sujet de cette note, le nom de Loranthus senegalensis, emprunté à celui du fleuve au bord duquel elle a été observée croissant en parasite sur les branches de l’Acacia Verek. Yai retrouvé la même plante dans l’herbier de Cambassèdes, qui fait partie des collections de la Faculté des Sciences de Montpellier, avec l'étiquette suivante : Loranthus..….…. sur le Bauhinia rufescens. Bords du fleuve à Dagana: Leprieur. L’échantillon provient donc de la même localité que les miens: il prouve que ce Loranthus, comme notre Gui, peut vivre en parasite sur des arbres de genres fort différents. C'est à la base de l’empâtement, entre lui et le bois de l’Acacia, que se fait l’exsudation de la gomme arabique, et dans mes échan- tillons elle est plus abondante que celle qu'on remarque sur les branches exemptes de parasite (PI. XI, fig. 1 g, g, g). En présence de ces faits, on se demande si le parasite favorise seulement ou s'il détermine la sécrétion de la gomme. Son action est peut-être purement mécanique : en effet, entre l'empâtement souvent fort épais qui forme la base du Loranthus et la branche d’Acacia, on remarque un intervalle en forme de sillon à travers lequel la gomme s’est fait jour au dehors; c'est donc une voie préparée par la nature, jouant le rôle d’une incision artificielle qui produirait probablement le même effet. D’un autre côté, je constate comme M. Bérenger-Féraud que le parasite formant un sous-arbrisseau ligneux, très-ramifié, avec des rameaux ayant quelquefois 0,40 cent. de longueur, semble affaiblir la vitalité de la branche sur laquelle il est implanté; celle-ci est souvent d’un diamètre moindre au-dessus qu’au-dessous de l’'empâtement du parasite. Sur la branche que j'ai fait figurer, on constate même que la végétation au-dessus de l’empâtement se réduit à deux minces brindilles, et c'est le parasite lui-même qui continue et termine la GOMME ARABIQUE DE L'ACACIA VEREK. DO branche du sujet. Dans ces cas, l'exsudation de la gomme du Sénégal aurait pour cause un état de souffrance du végétal analo- oue à celui de nos Cerisiers, de nos Pruniers et de nos Abricotiers, qui ne sécrètent notre gomme indigène (Gummi nostras) que lors- qu'ils sont vieux ou souffreteux. Les observalions récentes faites sur la sécrétion de la gomme dans nos espèces indigènes par MM. Wigand, Franck, Sorauer! et Prilleux* me semblent très-favorables à cette opinion. Le Loranthus parasite fatigue et épuise l’Acacia aux dépens duquel il se nourrit, et, au lieu de fibres ligneuses normales, ce sont des cellules remplies de fécule qui se développent, les cellules se détruisent, la fécule se convertit en gomme, se réunit dans une lacune, et finit par se frayer un chemin au dehors. L'accroissement du végétal ne se fait donc plus d’une manière normale ; des fonctions pathologiques remplacent les fonctions physiologiques. N’est-il pas naturel de chercher les causes de cette perturbation dans la présence du parasite dont l'influence néfaste se traduit aussi par l’atrophie et même l'avortement de.la branche sur laquelle il est implanté ! Des observations directes faites par un botaniste dans les bois de Gommiers pourraient seules résoudre définitivement la ques- lion. Le gouverneur du Sénégal rendrait un véritable service à la science et au commerce S'il accordait une escorte suffisante à un de nos médecins de la Marine pour qu'il puisse explorer les laillis qui sont sur la rive droile du Sénégal, en face des postes de Dagana , Podor, Salde, Matam, Bakel et Médine. Un Maure intelligent pourrait servir de guide, car ces indigènes con- naissent le parasite et désignent sous le nom de Tabble fruit qui, déposé sur les branches d’Acacia, donne naissance au Loranthus senegalensis. 1 Analyse de M. Duchartre dans le Bull. de la Soc. bot. de France, tom. XX. Bulletin bibliographique, pag. 66. 2 La production de la gomme dans les arbres fruitiers, considérée comme phé- nomène pathologique (Compt.-rend. de l'Acad. des Sciences, 1874, tom. 78, pag. 1190). 08 MÉMOIRES ORIGINAUX. EXPLICATION DE LA PLANCHE XI. Fic. 1. Branche d'Acacir Vereck, portant deux Loranthus Senegalensis Nob. parasites. Les branches du Loranthus se distinguent de celles de l'Acacia par leur couleur plus foncée et l'absence d'épines. | eee empätement des parasites. g g g boules de gomme arabique. . Feuille du Loranthus. . Fleurs en boutons. . Fleur épanouie. . Fruits. Fi. FiG. Fic. Fi. OR C2 20 OBSERVATIONS CRITIQUES SOMMAIRES SUR PLUSIEURS PLANTES MONTPELLIÉRAINES, (Suitet.) Par M. H. LORET. Bellis perennis L., G cawlescens de Rochebrune, Cat. pl. de la Charente, pag. 107. M. Georges Bentham publia, en 1861. dans The natural history Review, pag. 133, un intéressant travail où sont étu- diées les différentes variations de plusieurs espèces. Ce savant botaniste y fait mention notamment des intermédiaires quil a observés entre les Bellis perennis L. et B. sylvestris Gyr., ce qui nous a rappelé les intéressantes formes du B. perennis L. qui se sont présentées à nous plus d’une fois à Montpellier et ailleurs. Gette espèce varie en effet singulièrement sous l'influence de la sécheresse et de l'humidité. Dans l’état ordinaire, elle a des tiges souterraines très-courtes, d’où s'élèvent des pédoncules qui paraissent radicaux; mais dans les lieux humides et ombra- gés, ses tiges, devenant parfois aériennes, se couvrent de feuilles qui portent des pédoncules à leur aisselle, de manière à simuler 1 Voir le numéro de décembre 1874. x > PLANTES CRITIQUES DE MONTPELLIER. 999 exactement un Bellis annua devenu vivace. Si l’on recueillait à part la forme extrême dont nous parlons, comme faisait pour le Brunella grandiflora un correspondant de Billot, à qui ce bota- niste disait de choisir pour ses centuries, dans les prairies des Pyrénées, les seuls individus munis de feuilles hastées, à oreil- lettes bien développées, beaucoup de botanistes s’y tromperaient peut-être et verraient dans notre Bellis une espèce particulière. —Je crois même que la forme du Brunella grandiflora choisie par Billot, et dont Philippe, dans sa More des Pyrénées, a fait le B. pyrenaica, paraïîtrail moins tranchée à côté du type que la forme allongée et caulescente du Bellis perennis dont je viens de parler, à côté du type acaule qui émaille partout le bord des sentiers. Gelte forme, qui se présenta à moi pour la première fois, il y atrenteans, dans les pâturages élevés des Eaux-Bonnes, n’est pas très-rare ici dans les années humides. On trouve parfois au même lieu tous les intermédiaires entre le type qui croit dans les pelouses, aux bords de certains fossés desséchés et la forme caulescente dont il s’agit, et qui, du fond de ces mêmes fossés, s'allonge pour avoir plus d'air el de lumière. Cette plante a éveillé l'attention de plusieurs botanistes ; mais presque tous n’y ont vu qu'une simple variété. De Candolle (op. c.) la désigne comme variété d à feuilles dentées, et var. « à feuilles entières du Bellis perennis. C'est la forme qualifiée par de Martrin (Pl. crit. du Tarn, pag. 25) comme variété subczulescens de la même espèce. MM. Willkomm et Lange, dans le Prodrome de la Flore d'Espagne, en font leur variété caulescens du B. perennis, variété publiée avant eux sous le même nom, par M. de Roche- brune, dans son Catalogue des plantes de la Charente. M. l'abbé Gareizo, dans sa Petite flore du Gard, l'appelle Bellis hybrida, sans paraître savoir que Tenore lui avait déjà donné ce nom {Syl!,, pag. 436). C’est à tort, en effet, selon nous, que Steudel rapporte le B. hybrida de Tenore au B. sylvestris Gyr., et il ne faisait sans doute en cela que copier le Prodromus, où De Gandolle donne la plante du botaniste italien sous le nom de B. sylvestris B hybrida Ten.: «Omnino média, ajoute-t-il, inter B. sylvestrem et B. pe- 960 MÉMOIRES ORIGINAUX. rennem, et fortè vera hybrida». Quelle plante De Candolle a-t-il en vue ici? Peut-être quelques individus attardés de l’automnal Bellis sylvestris, dont la floraison, arrêtée quelquefois par les premiers froids de l'hiver, ne se fait qu’au printemps suivant. Peut-être aussi arrive-t-1l que les individus tardifs dont nous parlons, et que nous rencontrons parfois pêle-mêle avec le B. perennis dès le mois de mars, produisent quelque forme hybride qui serait la plante du Prodrome. Quoi qu'il en soit, cette plante du Prodrome n’est nullement celle de Tenore, el nous parlons airsi d’après l’étude que nous avons pu faire d'échantillons provenant du floriste italien et signés de lui, échantillons qui ressemblent compléte- ment à la variété du B. perennis qui fait l’objet de cette nole. Notre preuve serait récusable, si l’on pouvait dire, avec un vénérable et illustre botaniste bordelais, que «rien n’est moins authentique qu'une espèce de Tenore signée par Tenore lui- même»; mais cette critique sévère ne nous parait pas devoir être prise à la lettre. En tout cas, le signalement du Bellis hybrida donné par Tenore ne peut laisser aucun doute. Il nous semble voir en effet, non-seulement la plante sèche signée et étiquetée par Tenore, mais notre propre plante, lorsque nous lisons la des- cription donnée par l’auteur du Sylloge, pag. 436 : « Caulibus ascendentibus basi ramosis, foliosis ; pedunculis floriferis axillari- bus longissimis ; foliis radicalibus elliptico-oblongis, remotè profun- dèque dentatis, dentibus acutis, caulinis ovalibus vel spatulatis dentatis. » Les seuls mots profundè dentatis ne sont pas applicables à toutes les feuilles inférieures, mais nous les avons vues varier sous ce rapport etse montrer assez souvent profondément deatées. Une plante ainsi caractérisée a peu de rapports, on le voit, avec le Bellis sylvestris Gyr., et se rapprocherait plutôt du Bellis annua par son caractère principal, c’est-à-dire par sa tige feuillée. Elle est, en effet, intermédiaire entre le B, annua et le B. perennis type; et, bien qu'il soit impossible d’y voir autre chose qu'une variété ou même une simple variation de cette dernière espèce, on peut prédire qu'un hybride des B. perennis et B. annua, S'il PLANTES CRITIQUES DE MONTPELLIER. 961 venait à se produire, offrirait très-probablement tous les carac- tères de la forme dont nous venons de parler. Chrysanthemum Monspeliense L. Sp. 1252 ; Gouan ; Leu- canthemum cebennense DC.; L. palmatum Lam. Quoique le Chrysanthemum Monspeliense de Linné n'ait pas été rencontré à moins de 60 à 80 kilom. de Montpellier, nous croyons que ce nom doit être conservé. Ce n’est pas la seule plante, en effet, qui porte le nom de Montpellier, sans croître dans les environs immédiats de cette ville. Le Dianthus Monspessulanus en est plus éloigné encore, et le nom spécifique en question, imputable surtout aux botanistes de la Renaissance et aux corres- pondants montpelliérains de Linné, nous semble devoir être sanc- tionné aujourd'hui. Cette sanction, selon nous, offre moins d’in- convénient, après une prescription séculaire, que les changements qu'on introduit souvent dans la nomenclature, sans une absolue nécessité. [l serait plus exact peut-être d'adopter, avec Lamarck lenom Leucanthemun palmatum, ou avec De Candolle celui de L. cebennense; mais ces auteurs ont fait de leur plante un Leu- canthemum, genre que nous n'avons point admis, et l'usage regrettable de placer son nom à la suite d’une espèce qu'on a changée de genre nous eût obligé, contrairement à nos goûts, à faire nôtre le Chrysanthemum palmatum. Cette répugnance pour la substitution de notre nom au nom d'autrui a eu sa part d'influence sur notre détermination, bien plutôt que le vain désir de donner à une plante de plus le nom de Montpellier. Nous n'avons point, à cel égard, la faiblesse des floristes, qui ne sem- blaient préoccupés naguère que du désir de mettre en relief, même aux dépens de la vérité, le pays dont ils faisaient la Flore. Nous croyons au contraire que Linné, dans son Species, a employé trop fréquemment comme nom spécifique le nom de Montpellier. 16 espèces, en effet, portent dans ce livre immortel le nom de Montpellier; 50 y sont indiquées à Montpellier seulement, et le nom de Montpellier figure encore au nombre des habitats de 200 autres espèces. C’est surtout aux grands botanistes du 96? MÉMOIRES ORIGINAUX. xvr° siècle que Montpellier doit cet honneur; car en venant du Nord, pour la plupart, étudier ici la médecine, qui attachait alors aux plantes une extrême importance, ils furent émerveillés tout d'abord par les rares espèces méridionales qu'ils n’avaient jamais vues. Leurs livres de botanique, où Montpellier figure presque à chaque page, disposérent naturellement Linné en faveur de notre pays, et ses correspondants montpelliérains, Sauvage et Gouan, n'eurent pas de peine à transformer cette première sympathie en un véritable enthousiasme. Si Linné eût connu l’auteur du Fora gallo-provincialis avant la rédaction du Species plantarwm, et avant dese lier inlimement avec Sauvage, nul doute que, pour plusieurs espèces rares chez nous et dont la patrie naturelle est la Provence, cette terre privilégiée, il n’eût indiqué de préférence ce dernier pays. Au lieu des noms de #Monspeliacus, Monspes- sulanus, Monspeliensis, qu’il emprunte souvent aux pères de la botanique renaissante, les mots de provincialis, gallo-provincialès seraient venus sans doute plus d’une fois se placer sous sa plume et faire à Montpellier une légitime concurrence. Toutefois ce n’est pas la Provence qui nous eût disputé le Chrysanthemum. Mons- peliense, dont il s’agit ici, car nos Cévennes sont la patrie légi- time de cette espèce. Quoi qu'il en soit, jouissons en paix de l'honneur dont notre pays est redevable à sa célébre École, aux grands botanistes qui s’y sont donné rendez-vous et, aux rela- tions intimes de Sauvage avec le grand Linné. Ne répudions point par conséquent le Chrysanthemum Monspeliense, qui est presque spécial aux montagnes d’un pays dont Montpellier est la métropole scientifique, et ne soyons pas plus difficiles que G.-H. Schultz, qui a conservé à cette espèce le nom de Montpellier, en l'appelant Phalacrodiscus Monspeliensis. Le nom spécifique linnéen de cette plante, nous le répétons, ne pourrait être changé à plus juste titre que le nom de Dianthus Monspessulanus, que personne n’a songé à remplacer, sous prétexte que cet œillet croît aussi à 80 kilom. environ de la ville dont 1l porte le nom. Qu'on me permette, à cette occasion, de dire un mot d’une espèce qui porte aussi le nom de Montpellier, et_qui a intrigué PLANTES CRITIQUES DE MONTPELLIER. 263 tous les botanistes depuis Linné: je veux parler du Porentilla Monspeliensis L.(Sp. plant.,ed. ?, p. 714), espèce que Janné in- dique à Montpellier en lui donnant pour synonyme le Pentaphyl- loïdes fragariæ folio du Botanicum, où Magnol a donné de cette espèce une longue description que Linné résume en deux lignes. Le nom de Wonspeliensis, donné à cette espèce, a élé depuis un siècle une sorte de casse-tête pour un grand nombre de botanis- tes, et spécialement pour ceux de Montpellier, qui ont vainement cherché cette curieuse Potentille, que l’auteur du Species planta- rum indique à Montpellier seulement. Qu'y a-t-il done là-dessous? Une erreur du grand Linné, Magnol, à la fin du Botanicum, qui n’est qu’un catalogue des plan- tes de Montpellier, décrit comme nouvelles pour la science cinq espèces, dont l’une, celle qui nous occupe, est le Pentaphylloïdes fragariæ folio dont Linné a fait son Potentilla Monspeliensis. Magnol indique-t-il cette plante à Montpellier ? Nullement; il dit au contraire, à la fin de sa description, qu’elle lui est née de grai- nes qu'il avait reçues d'Angleterre: «Nata mihi est planta semine ex Anglid accepto ». Malheureusement pour Linné, ouil n’a pas lu cette courte observation, ou il n’en a pas tenu compte. Tout est là ; etsi bien souvent un trait de plume inconsidéré de la part de Gouan a suffi pour jeter le désarroi parmi les botanistes, on com- prend quelles graves conséquences a dû avoir une pareille inad- vertance de la part du législateur de la Botanique. Concluons qu'il ne faut plus chercher à Montpellier le Potentilla Monspeliensis, ni considérer le «Magister dirit»y comme un infaillible critérium, surtout dans les sciences d'observation. Carduus tenuiflorus Sm., et Carduus pycnocephalus (DC.). Si Buffon se plaint qu’on ait en trop mince estime et qu'on calomnie même le sobre animal pour qui les Chardons sont un mets de prédilection, les botanistes ne pourraient-ils pas se plain- dre aussi de l'indifférence ou de la répulsion même qu’on affecte souvent pour ces sortes de plantes? Si l’on prend le Chardon 564 MÉMOIRES ORIGINAUX. dans son sens linnéen ; si, comme beaucoup de personnes, on va même jusqu'à donner ce nom à toutes les flosculeuses qui ont les feuilles et les involucres épineux, certaines de ces plantes sont loin de manquer d'élégance. Les deux espèces dont novs avons à parler ici n’en sont pas complétement dépourvues, et peut-être les verrait-on d’un œil moins indifférent si on ne les rencontrait que très-rarement. En tout cas, nous ne devons en parler iei qu’au point de vue botanique. Le Carduus tenuiflorus et le C. pycnocephalus se res- semblent beaucoup, et en les voyant péle-mêle aux bords de presque tous nos chemins, nul autre qu'un botaniste peut-être n’a distingué là deux espèces. Nous n'imiterons point certains bolanistes qui, désireux de donner un nom à une plante qui ressemble intimement à sa voisine, ne manquent jamais de la si- gnaler comme extrémement différente, comme parfaitement distincte, craignant sans doule de ne pas convaincre leurs con- frères, s'ils se contentaient de dire sans exagération la vérité. Nos deux plantes sont certainement deux espèces ; mais, même lorsqu'elles croissent ensemble, on ne les distingue pas toujours facilement au premier aspect. Malgré cette grande ressemblance, leurs mœurs sont assez différentes au point de vue climatérique. Le C. pycnocephalus, qui paraît aussi abondant au moins que le C. tenuiflorus dans la région des Oliviers, ne dépasse guère cette région dans le département de l'Hérault. Nous avons observé ces deux espèces plus d’une fois en nous élevant dans les monta- gnes. Elles s’accompagnent souvent jusqu'à une altitude de 300 à 400 mètres; mais là s'arrête ordinairement le €, pycno- cephalus, plus frileux que son congénère, qui monte seul dans nos Cévennes. À la limite de séparation des deux espèces, où elles sont ordinairement réunies en petite quantité, leurs caracteres différentiels nous ont paru toujours nettement tranchés ; à Mont- pellier, au contraire, où elles se trouvent souvent ensemble et. en grande quantité , il faut parfois y regarder de près pour les distinguer avec certitude. Toutefois, lorsqu'un botaniste exercé a peine, au milieu du pêle-méle dont nous parlons, à bien re- | PLANTES CRITIQUES DE MONTPELLIER. 565 connaître l’espèce à laquelle appartiennent quelques individus à caractère douteux, nous sommes persuadé que cela tient à l'hybridité, car les hybrides, on le sait, se forment avec la plus grande facilité entre les chardons qui croissent aux mêmes lieux. Nous signalons ici aux boianistes ce fait probable, mais difficile à éclaircir, et à la recherche duquel nous avons échoué. Quoi qu'il en soit, les caractères différentiels consignés dans Îa Flore de Montpellier nous paraissent très-suffisants pour discer- ner les deux espèces dont nous avons parlé. Quant aux hybri- des présumés, leur recherche, dût-on s'arrêter aux limites de la probabilité, fera passer aux botanistes d’utiles et agréables moments dans le cours de leurs herborisations. La meilleure ma- nière d’herboriser, d’ailleurs, ne consiste-t-elle pas à énier pa- tiemment les secrets de la nature? Cette méthode, nous pouvons l’affirmer, sera beaucoup plus fructueuse que les courses rapides et lointaines, qui n’ont presque jamais d’utiles résultats. CG. aspera L. B subinermis DG., à épines des capitules très- courtes, apprimées et parallèles. (C. prætermissa de Martrin, Fl. du Tarn, p. 388.) J'ai parlé déjà de cette variété (Bull. soc. bot. de Fr., X, 378); mais je crois devoir en dire deux mots encore, car il y a des botanistes qui paraissent toujours la méconnaitre. Le Centaurea prætermissa de Martrin n’a jamais été pour moi une véritable espèce, et j'en ai parlé en ce sens, dès le principe, à un botaniste de mes amis que de Martrin consultait fréquem- ment el qui a eu sa part d'influence sur la création de queiques espèces de la Flore du Tarn. On défendit beaucoup d’abord la légitimité de cette prétendue espèce ; mais j'ai appris depuis avec plaisir, de la bouche même du botaniste, qui en faisait le plus grand cas, qu'après l'avoir semée il l'avait vue revenir au type. Le C. aspera, comme la plupart des Carduacées, varie par la di- mension de ses capitules, qui sont loin souvent de se ressembler, sous ce rapport, à la même époque et dans les mêmes lieux. Il n’est pas inutile, par suite, pour bien juger le C. prætermissa, de 566 MÉMOIRES ORIGINAUX. savoir que l’auteur de la Flore du Tarn a figuré (loc. cit) comme C. aspera la forme à gros capitules, et commé €. prætermissa la forme à petits capitules. Ces figures pourraient, en effet, in fluencer le jugement des personnes qui n’ont pas vu, commenous, pêle-mêle le C. aspera type et sa variété C. prætermissa, l'un et l’autre à capitules d’un tiers plus gros ou plus petits. Martrin- Donos a oublié aussi, en rappelant nos réflexions sur sa plante, de dire que nous avions trouvé SUR LE MÊME PIED un capitule de son C. prætermissa avec de nombreux capitules du type. Nous ne croyons pas qué le C. prætermissa soit considéré aujourd’hui par beaucoup de botanistes comme une véritable espèce ; mais on vient de l'identifier, dans la cinquième édition d’une Flore estimée, avec l’hybride que MM. Grenier et Godron ont appelé C. aspero:Calcitrapa. Cette opinion nous semble moins soutenable encore que celle de Martrin-Donos. Il suffit, en effet, de savoir que la variété subinermis (C. prætermissa) du C. aspera est aussi commune que le type dans la plupart de nos haies, et qu’elle croît souvent en abondance et avec dés graïnes bien conformées là où manque le C. Calcitrapa, plante que l’au- teur de la Flore en question suppose être l’un des parents de ce prétendu hybride. Le vrai €. aspero-Calcitrapa que nous avons ici a autant de rapports avec le C. Calcitrapa par lesfortes épinës de ses folioles calicinales que la plante de Martrin-Donos en a peu. Tout ce qu’on peut dire de vraisemblable, c’est que la va- riété C. prætermissa peut concourir, comme son type, avec le C. Calcitrapa, à la formation du C. aspero-Calcitrapa. On en a même là certitude parfois, lorsque cet hybride n’a pour voisins queles C. Calcitrapa et prætermissa ; mais lorsqu'on a toutes ces plantes: fréquemment sous les yeux, comme cela arrive aux bota- nistes montpelliérains, il ne pourrait jamais venir à la pensée de personne de confondre le C. prælermissa avec le C. aspero-Calci- trapa. Gentaurea montana L., Gouan, a hs ns (C. seu- sana Benth., Cat., 68 (non VilL. ÿ PLANTES CRITIQUES DE MONTPELLIER. 567 Le €. montana L., plante montagnarde d’un vert blanchâtre, à feuilles entières plu$ ou moins décurrentes, à un ou deux capi- tules plus ou moins gros, à fleurs extérieures presque toujours d’un beau bleu, parait être fortement influencé par la nature du sol, l'exposition, le climat, l'altitude, ete. Le groupe dont il est le chef de file dans nos F'ores doit toujours être étudié avec soin, car 1l est probable qu'il y a là plus d’espèces d’auteur que d'espèces vraies avouées par la nature. Les formes qui nous intri- guent le plus sont, outre les €. Lugdunensis Jord. et C. semidecur- rens Jord., que Villars n'avait osé distinguer spécifiquement du C. montana L., les C. intermedia Cariot, €. axillaris Willd. et C. seusana Chaix. La forme des basses montagnes du Midi, qui croît chez nous sur les flancs du pie Saint-Loup, à la Séranne, à Saint-Pons, à l’Escandorgue et dans les bois montueux de Béda- rieux, veut qu'on lui assigne ici sa place et qu'on décide si elle a un nom déjà, ou s’il faut lui en faire un. Les botanistes qui ont observé de près les Centaurea savent que les caractères qu’on assigne à ceux de ce groupe sont loin d’être constants, et ressem- blent, sous ce rapport, à ceux du groupe Jacea. Ainsi en est-il de la longueur de l'aigrette, de la longueur et de la largeur des feuilles, de leur décurrence plus ou moins marquée, de la couleur des cils et de la bordure des écailles. Cette coloration, à laquelle quelques botanistes paraissent attacher de l'importance, tend au noir, dans les terrains siliceux surtout, et à une altitude un peu élevée. Le type du €. montana a de l’analogie sous ce rapport avecle Chrysanthemum atraitum L., dont le C. pallens Gay, malgré la pâleur ordinaire de son involucre, n’est probablement qu’une simple variété. Sans entrer dans des détails qui nous entraîne- raient trop loin, nous nous bornerons ici à donner brièvement le résultat de nos études sur les Centaurea qui nous occupent. Si l'on tient à considérer comme une espèce: à part le C: montana type, à feuilles larges et largement décurrentes, à capitulès gros; munis d’écailles, à cils noirs ou bruns égalant à peu prés la lar- geur de là bordure noire, il nous paraît y avoir dans les autres formes des réunions à faire. Nous croyons, avec un botaniste judi- 568 MÉMOIRES ORIGINAUX. cieux qui a étudié toutes ces plantes sur pied, M. l'abbé Ravaud, qu'il serait sage de réunir sous un seul nom les C. Lugdunensis Jord., C. semidecurrens Jord., et C. intermedia Gariot, qui ne se distinguent les uns des autres par aucun caractère spécifique d’une valeur réelle, et qui ne nous paraissent être que les formes plus ou moins fugaces de la même plante. Le nom de C. contro- versa conviendrait assez bien à une espèce dont les modifications provoquées par diverses influences ont donné lieu à des noms divers incertains et souvent contestés. M. Cariot fait observer que son C. intermedia est wintermédiaire entre les C. montana et Lugdu- nensis». Nous pourrions dire de la plante de l'Hérault qui a donné jieu à cette note qu'elle est intermédiaire, à son tour, entre le C. Lugdunensis et le €. intermedia lui-même, car on ne rencontre dans ces plantes que des intermédiaires trop voisins et découra- geants, lorsqu'on veut les considérer comme des espèces, et les caractériser nettement. Notre plante est voisine surtout du C. axillaris Willd., avec lequel nous avons failli l'identifier. Elle ne paraît guère en différer effectivement que par ses feuilles à peine décurrentes, et nous serions très-porté à y voir une forme du C. axillaris amoindrie par le climat et le terrain sec où on la rencontre. Ce nom lui conviendrait mieux, en tout cas, que celui de C. Seusana, qu’elle porte ici dans quelques herbiers, car elle n’a point, comme la plante du mont Seuze, toutes les feuilles linéaires, ni des cils d’un blanc éclatant. Nous avouerons que si, outre les trois formes dont nous avons parlé plus haut, on réu- nissait sous le nom de C. controversa le C. axillaris et notre plante du Midi, nous serions loin de nous en plaindre. Toutefois, pous nous bornons, jusqu’à ce que des études plus complètes nous aient donné l'entière certitude qui nous manque encore, à laisser notre plante sous la dépendance du €. montana, qui a paru variable à plusieurs botanistes, notamment aux auteurs de la Flore de France, puisqu'ils donnent comme variété pyrenaica du C. mon- tana la forme des Pyrénées dont les feuilles , aux Eaux-Bonnes du moins, sont aussi peu décurrentes et plus étroites souvent que celles de la plante de nos Basses-Cévennes et du pic Saint-Loup. PLANTES CRITIQUES DE MONTPELLIER. 69 Notre appréciation de toules ces plantes concorde en partie avec celle de M. Willkomm, qui dans le Prodrome de la Flore d’Es- pagne dit des C. Lugdunensis et C. semidecurrens : « Species hæ duæ neque satis inter se differre neque à C. montana satis dis- tinclæ esse mihi videntur.» Scorzonera purpurea L. Cette espèce a une sorte de podogyne (support creux et renflé de l’akène) qui indiquerait sa place dans le genre Podospermum de De Candolle; mieux vaut néanmoins la laisser dans le genre linnéen Scorzonera, ear son podogyne est parfois peu prononcé, tandis que dans les vrais Podospermes il égale presque la lon- gueur de l'akène. On peut dire toutefois que cette plante tend à infirmer la légilimité du genre Podospermum dont les espèces n'étaient pour Linné, et avec raison peut-être, que des Scorzo- ‘ nera. Geux qui font trop de genres finissent par rencontrer dans la nature, qui s accommode mal de nos coupes artificielles, d’em- barrassants démentis. L'espèce dont nous parlons en offre un exemple; mais on pourrait en ciler plusieurs autres. Les genres créés par Linné lui-même ne sont pas exempts de cet inconvé- nient, et, parmi les espèces de la Flore de Montpellier, il s’en trouve dont les caractères génériques offrent des nuances dou- teuses qui ne permettent pas de les attribuer d’une manière incontestable à un genre plutôt qu'à un autre. C’est ainsi que le Trigonella hybrida de Pourret et de presque tous les auteurs a peine à se maintenir dans le genre Trigonella, qu'on distingue surtout par sa gousse droite ou presque droite. Cette espèce a, en effet, la gousse falciforme et à peu près aussi courbée que celle du Hedicago falcata, en sorte qu'on pourrait la placer in- différemment peut-être dans l’un ou l’autre de ces deux genres linnéens. Certes, ce n’est pas une raison pour répudier d’an- ciens genres qui se transformeraient alors en objets de litige; et, pour que la science ne devienne point une tour de Babel, il im- porte surtout que nos Flores offrent dans la nomenclature le moins de divergence possible. Il nous paraît y avoir là du moins un III, 38 570 MÉMOIRES ORIGINAUX. motif suffisant pour suspendre l’œuvre de destruction des bota- nistes qui établissent trop souvent des genres nouveaux sur des caractères tout artficiels, et si peu importants parfois, qu'ils sont à peine dignes de figurer parmi les caractères spécifiques. Gaudin et d’autres savants botanistes s'en sont plaints vivement, et ce reproche est d'autant mieux mérité, qu’il s'adresse souvent à ceux qui ne peuvent supporter la multiplication indiscrète des noms spécifiques. Si ce dernier tort, qui par une sorte de men- songe inculque de fausses idées sur l'espèce, est très nuisible, il est évident, d’un autre côté, que les noms génériques, destinés à soulager la mémoire, la fatiguent au contraire sans profit, lorsqu'on les multiplie outre mesure. Sanchus tenerrimus L. Cette espèce ne nous abandonne point et se ressème sans inter- ruption, depuis trois siècles, entre les pierres de nos vieilles mu- railles. Les Bauhin l'y ont vue ; Magnol déclare qu’elle eroissait abondamment de son temps sur les murs de la ville, et Gouan la signalait aux mêmes lieux cent ans plus tard. Elle était plus abon- dante il y a deux cents ans, qu'aujourd'hui, puisque Magnol dit qu'elle foisonnait sur les murs de Montpellier : « /n ipsius wrbis inæniis copiosissimè toto fere anno floret.» (Bot. Monsp., p. 245.) Il est vrai qu'on était moins zélé alors à débarrasser les édifices publics de ce que les jardiniers appellent de mauvaises herbes. Quelque guerre qu’on fasse néanmoins à celle dont nous parlons, nous espérons bien qu’elle ne disparaîtra point, grâce à une racine ordinairement vivace et qui trouve un abri presque invio- lable entre les pierres des murs en terrasse qui entourent ou avoisinent nos promenades publiques. De Candolle, devenu multiplicateur en 1815, comme le Supplé- menti de la Xlore française en offre la preuve, a cru voir une espèce distincte dans la plante de Collioure, qu'il nomma Sonchus pectinatus; mais les caractères par lesquels il sépare cette forme du S.tenerrimus ont été trouvés en défaut même par des botanistes de l’École moderne. Gussone, qui a mulüplié les espèces de PLANTES CRITIQUES DE MONTPELLIER. 971 Sicile presque autant qu’on a divisé celles des environs de Lyon, ne voil dans le $S. fenerrimus et le S. pectinatus qu'une seule espèce polymorphe. En tout cas, Linné indique à Montpellier le S. tenerrimus qu'il avait reçu de ses correspondants montpellié- rains, et notre plante ne doil pas recevoir une autre dénomination. De Candolle, qui dans sa polémique avec Lapeyrouse eut presque toujours raison, a donné prise ici à son adversaire. Lapeyrouse écrivait à Xatard en 1812 :« M. De Candolle indique sur les rochers maritimes, près Collioure, une nouvelle espèce qu’il nomme Son- chus pectinatus : n'a-t-il pas connu le $S. tenerrimus, qui y est commun; ou bien est-ce une autre espèce ?» Dans une autre lettre, il dit, parlant de la même plante: «Je crois qu’il y a eu double emploi, et que M. De Candolle propose comme nouvelle une espèce très-connue ». On lit enfin dans une troisième lettre à son correspondant de Prats-de-Mollo : « Je n'ai plus de doute sur le Sonchus pectinatus : ce n'est pas même une variété, mais un état de débilité de la plante à la deuxième pousse, après que la première a été broutée. Voilà comme on fait de la botanique! Nous avons celte plante sur les murs de Toulouse. » La plante de Collioure, même dans son état normal, ne nous paraît point autre que la nôtre. Les différences qu’on y a remar- quées n'offrent aucune constance et dépendent peut-être ordinai- rement de sa station rupestre et plus maritime. Le Sonchus tenerrimus, ici, est presque toujours vivace et a sa station ordinaire sur les murailles, tandis que son congénèêre le plus vulgaire, le Sonchus oleraceus L., croît partout, comme on sait, dans les champs cultivés, et ne vit qu’une année. Cette der- nière espèce, aussi variable au moins que la première, offre par- fois des individus un peu embarrassants et qui se rapprochent du S. tenerrimus, surlout lorsque ces deux espèces, ce qui arrive très-rarement, sortent de leur station naturelle. Nous croyons néanmoins qu'on les dislinguera toujours par les caractères que nous leur attribuons dans la Flore de Montpellier. Pterotheca Sancta..…. /ieracium sanctum L., Sp. 1127 ; Die MÉMOIRES ORIGINAUX. Pterotheca nemausensis Cass.; Crepis nemausensis Gouan, {llust., Dale Voilà une singulière espèce dont l’histoire pourrait donner lieu à d’intéressantes dissertations. Linné, dans ses Amænitates etla 2e édition du Species, l'indique seulement en Palestine sousle nom d’Aieracium sanctum. Gouan, en 1763, la recueillit près de la Tour-Magne, à Nimes, en herborisant avec son ami Séguier, et il la déerivit dix ans après (1773) dans ses IUustra- tions, p. 60, sous le nom de Crepis nemausensis. Cette plante, qui infeste aujourd’hui tout le Midi et qu'on peut considérer chez nous comme une espèce triviale, a-t-elle fait pour la première fois son apparition en Europe au temps de Gouan? Et lorsque Linné, quelques années auparavant, l’indiquait dans la Palestine seulement, était-ce là son unique habitat, et n'avait-elle pas encore pénétré dans notre pays ? Cela nous paraît plus que dou- eux, quoiqu'on puisse citer des espèces américaines qui dans moins d’un siècle ont envahi toute l’Europe. Gouan, qui, en compagnie de Séguier, l'avait recueillie à Nimes et s'était décidé à la publier ensuite comme une espèce nouvelle, déclara, vingt- trois ans plus tard, dans ses Herborisations, qu'elle était trés- abondante partout, au point, dit-il, que Magnol et Sauvages n'ont pu éviter de la connaitre. Nous sommes tout à fait de cet avis, et d’autres botanistes de la Renaissance l’ont probablement connue et nommée quelque part, sans qu'il soit facile de la découvrir avec certitude dans leurs ouvrages, où le genre Aieraciwm, conçu largement et à leur façon, offre de grandes obscurités. Mais Gouan lui-même, qui dans ses erborisations dit cette espèce si abondante partout, ne l’avait-il pas méconnue auparavant ? N'est-ce point peut-être l’illustre auteur des Plantæ Veronenses, son ami Séguier, qui lui ouvrit les yeux à Nimes sur une espèce que le botaniste montpelliérain avait vue souvent sans la discerner ? Quoi qu'il en soit, Gouan, qui consultait souvent Linné sur ses plantes, ne lui avait point encore adressé celle-ci, soit qu'il l’eût confondue jusque-là avec une autre espèce, soit qu’elle manquât en réalité à Montpellier. Il finit par la lui communiquer, et Linné y reconnut PLANTES CRITIQUES DE MONTPELLIER. 073 l’Hieracium sanctum, qu'il avait nomméainsi sur des échantillons originaires de la Palestine. Plusieurs auteurs donnent aussi l'ÆHie- racium sanctum comme identique avec le Crepis nemausensis, mais quelques-uns y joignent le signe du doute. Gesigne doit dis- paraître , car Linné connaissait son espèce mieux que personne, el nous avons pour garant de sa détermination l'auteur même des Illustrations, qui, en donnant l’AHieracium sanctum comme syno- nyme de son Crepis nemausensis, ajoule : « eæ ipso Linnxo in litteris. » (?) D'après le code botanique actuel, on sait qu’une plante, même en changeant de genre, doit toujours conserver son premier nom spécifique. Nous nousconformons donc à cette sage loi, générale- ment acceptée aujourd'hui, en donnant au Pterotheca nemausensis de Cassini (Æieraciuwm sanctum L.) le nom de Pterotheca sancta. Les singuliers fruits de cette espèce autorisaient Cassini à n’v voir niun Hieracium, ni un Crepis ; mais, en créant pour elle le genre Pterotheca , il devait lui conserver le nom spécifique linnéen primitif. On nous a interrogé quelquefois sur l’origine du nom spécifi- que dont nous parlons. La seule raison qu’on puisse en donner, selon nous, c’est que Linné a nommé sa plante Hieracium sanc- tum (Épervière sainte) parce qu'il la croyait spéciale à la Terre- Sainte, et cest en effet le seul habitat indiqué par lui dans le Species plantarum, p. 1127 : « Habitat in Palestina ». Il nomme également Orchis sancta (op. cit., p. 133), et par le même motif sans doute, un Orchis qu'il indique exclusivement aussi dans la Palestine. Nous pouvons étayer enfin notre appréciation du nom Guayacuim sanctum L. (Sp. p. 347), donné par ce religieux botaniste à uue espèce de Gayac qui croît à Saint-Jean-de-Porto- Rico. Hieracium umbellatum L. Cette espèce, rare dans l'Hérault, est très-variable. J'ai rencon- tré le Lype à feuilles étroites sur l’Espinouse, à Fraïsse. La variété à feuilles un peu plus larges (A. winbellatum Gouan), qui 974 MÉMOIRES ORIGINAUX. se trouve à Grammont, n’est autre chose, à mes yeux, qu’une forme de l’Æ. wmbellatum de Linné, et non l’H. Sabaudum L., comme on l’a cru lors de la session extraordinaire de Ja So- ciété botanique de France à Montpellier, en 1857. On le dis- tingue en effet très-bien de l’Æ. Sabaudum vrai et de l'A. boreale Fries, qui est l'A. Sabaudumn de plusieurs auteurs, par ses styles jaunes, et non pas bruns; ses folioles involucrales extérieures recourbées au sommet, et non pas apprimées ; par son port et quelques caractères moins importants. En appelantici l’espèce de Grammont 77. Sabaudum, on se conformait à une tradition montpelliéraine qui ne remonte pas néanmoins jusqu à Gouan, puisque ce botaniste, ordinairement si peu exact, y a reconnu avec raison l’Æ. umbellatum de Linné. L’A. præaltum Vill., qui croît aussi à Grammont, fut confondu également par la Société, avec des espèces qui ne descendent point dans la plaine, LA. cymosum L. et l’Æ. sabinum Seb. et M. Nous avons trouvé à Ganges une autre forme de l'A. wmbel- latum L. plus curieuse que celle de Grammont par ses feuilles rhomboïdales, et c’est la forme nommée par M. Jordan A. ilice- torum, in Bill. Exsicc. n° 3879. Delile avait apporté cette plante du Vigan pour la transplanter dans le Jardin botanique, où elle se maintint invariable avant d’être cultivée de graines. M. Fries, qui la prend pour l’Æ. halimifolium Frœl., dans son £picrisis Hie- raciorum, p. 137, déclare en effet, sur la foi de Delile, qu’elle n’a point varié au Jardin de Montpellier ; mais plus tard, le bo- taniste montpelliérain la cultiva de graines et la ramena au type de l’A. wmbellatum. J'ai informé M. Fries de cette dernière expérience de Delile ; et le professeur d’Upsal, dans ses Aieraciæ Europæa exsiccata, dont il a bien voulu me donner un exemplaire, dit sur l'étiquette de l’Æ. brevifolium Tausch, en parlant de son H. halimifolium du Vigan : « Hoc, docente Cl. Loret, potius analoga forma H. umbellati, ut in Epicrisi jàm suspicatus sum ». H. bifidum Kit.; 4. Planchonianum Timbal et Loret, in Bull. soc. bot, Fr., V, 506. PLANTES CRITIQUES DE MONTPELLIER. 919 Nous adressâmes, il y quelques années, une partie de nos Hieracium à M. Fries, à qui la science est redevable d’une sa- vante monographie de ce genre difficile. L’éminent botaniste, qui à occupé si longtemps avec honneur la chaire de Linné, nous écrivit que, selon lui, notre /. Planchonianum se rappor- tait à l'A. bifidum de Kitaibel, non encore mentionné en France. Comme nous avions recu d'un floriste célèbre, sous le nom d’Æ. bifidum Kit., une plante un peu différente de celle de Mont- pellier, rous ne pûmes nous rendre à l'avis de M. Fries sans un examen plus approfondi. Nous ne tardâmes point à nous pro- eurer d'Allemagne des échantillons sûrs du vrai /7. bifidum ; et la plante de Montpellier, conformément à la détermination de M. Fries, est en effet l'espèce de Kitaibel à laquelle se rapporte exactement notre type des rochers dolomitiques de Saint-Guilhem- le-Désert. Il est bon aussi de savoir que cette espèce, commune dans l'Hérault et dans tout le Midi, varie assez notablement sous l'influence du sol et de l'humidité. Nous l'avons rencontrée à Mende, sur une colline rocailleuse arrosée en partie par une source élevée, mais très-aride dans le reste de son étendue. Dans la partie sèche de la colline, notre plante offrait le type grêle, unicaule et à 2 ou 3 capitules, qu’on rencontre chez nous à Saint-Guilhem ; mais les graines qui se répandaient sur le ter- rain contigu toujours arrosé produisaient des formes multicaules, robustes, presque méconnaissables. À cette espèce se rapporte lHevernum Sauzé el Maiïllar®, Bill., £xsicc.,1n° 2301, et l'A. jaubertianum, Bil., Exsicce., n° 3643 (non Timbal et Loret), qui n’est qu'une forme de l’Æ. bifidum *. ! Je crois devoir dire un mot ici de quelques ÂHieracium qui n'appartiennent point à la flore de Montpellier, mais qui réclament depuis longtemps d'importantes rectifications. J'ai publié autrefois, avec mon ami M. Timbal, un Hieracium des Pyrénées décrit sous le nom d'Aieracium aurigeranum dans le Bulletin de la Société Bota- nique de France, tom. V, pag. 615. 1858. Or, c’est là exactement l'espèce nommée depuis par M. Fries A. Seridis, et distribuée sous le n° 143 de ses Hieracia exsic- cala. (H. lactucaceum Fries Epicr, pag. 125, non Froël.) M. Fries a reconnu lui-même (in litt.) l'identité de notre espèce avec son faux A. lactucaceum , et par 576 MÉMOIRES ORIGINAUX. Anagallis cærulea Lam. À quelle plante se rapporte l’Anagallis verticillata. Al. (F4. Ledemn, p01P Ma 65/40) Cette question a été faite et discutée plusieurs fois sans qu’on soit arrivé à une solution cerlaine. Les uns ont pris l'espèce d’Allioni pour l'A. Monelli L., les autres pour l’A cærulea Lam. Allioni attribue la découverte de son espèce à Balbis, qui l'avait rencontrée à Nice, où nous avons vu plus d’une fois l'A. cærulea à feuilles ternées, tel qu'on le trouve ici parfois et ailleurs dans le Midi. C'est là pour nous aujourd’hui l’A. verticillata d’Allioni; car nous venons de rencontrer dans un herbier cet Anagallis originaire de Nice, avec une éliquette de Balbis lui-même, por- tant À. verticillata AIl. Balbis, dont l’écriture nous est connue, a accompagné ce nom de l'observation suivante, qui nous a paru conséquent avec son A. Seridis, identité indéniable lorsqu'on a comparé notre plante avec celle des 7. Europoæa exsicc. La conclusion naturelle, c'est que lenom d'A. aurigeranum doit être conservé, puisque ce nom, publié par nous il y a près de vingt ans, est de beaucoup antérieur à celui de l'A. Seridis des Exsiccata de M. Fries. Nous avions envoyé à nos amis en 1857, mais sans l'avoir décrit, un Hieracium, d'Ax (Ariége) que nous nommions provisoirement sur nos étiquettes : A. aurige- ranum ; mais cette plante, reconnue peu après par M. Fries pour son A. pallidum, ne doit pas être confondue avec le vrai H. Aurigeranum, nom resté libre et que nous avons repris, l'année suivante, pour une autre espèce ariégeoise recueillie à Quérigut, espèce qui est le vrai H. Aurigeranum décrit en 1858 (loc. cit.) et longtemps avant l'A. Seridis. Nous priong donc ceux à qui nous avons donné notre premier A. Aurigeranum d'Ax, de Mérens et de l'Hospitalet, de remplacer ce nom par celui d'A. pallidum Fries, et de ne considérer comme 4. Aurigeranum que la plante décrite (op. cit.) et qui n’a point de rapport avec celle que nous avions nommée ainsi sans la décrire. Nous tenons à dire encore ici que notre ami M. Bordère a distribué par erreur à un grand nombre de botanistes l'Hieracium Sazxatile Vill., qui couvre les rochers des Hautes-Pyrénées sous le nom d'A. Saxatili-cerinthoides (Loret ; in Bull. Soc. bot. de France, NI, 342). Notre plante, dans laquelle M. Grenier a cru reconnaître comme nous un hybride, est exactement celle qu'a publiée depuis M. Fries sous le nom d'A. eriocerinthe. Ce célèbre botaniste, qui avait d'abord l'intention de donner notre nom à cette plante, a fini par nommer /1. Loreli une espèce à laquelle nous attachons peu d'importance et qui ne sera guère acceptée que par l’École multiplicatrice. TERRAIN TERTIAIRE SUPÉRIEUR DES ENVIRONS D ORAN. D trés-exacte : «Credo varietatem Anag. cæruleæ». La fleur de l'A. verticillata est représentée beaucoup trop grande dans le Flora pedemontana ; mais on sait que les figures de cet Ouvrage offrent presque toules, sous ce rapport, plus ou moins d’exagération. (La suite au prochain numéro.) REÉESAERONES MESURE TERRAIN TERTIAIRE SUPÉRIEUR DES ENVIRONS D'ORAN, Par le D' BLEICHER, Médecin Major à l'hôpital militaire de Tlemcen, Docteur ès-sciences. Le pliocène des environs d'Oran est indiqué dans les travaux géologiques’ de Renou, les premiers qui aient été faits sur ces régions, sous le nom de tertiaire supérieur ou subapennin. Get auteur le caractérise de la manière suivante : « Le second étage du terrain supérieur (tertiaire) se présente aussi aux environs d'Oran : on le trouve recouvrant le terrain subapennin, depuis Karguentah jusqu’à une très-grande distance au Sud et à l'Est. Il forme une corniche au haut des escarpements qui bordent la mer; il se compose de couches ordinairement peu éloignées de l'horizon, de calcaires sableux très-riches en fossiles, très-soli- des, dont on fait des meules de moulin, passant quelquefois à un grès homogène gris jaunâtre, sans fossiles, qui donne de belles pierres de construction qu’on est loin de prendre au pre- mier abord pour une roche si peu ancienne.» Selon M. Pome}”, le pliocène, franchement discordant par rapport au miocène supé- rieur (sahélien) sous-jacent, aiteint rarement une puissance de 90 mètres et ne contient guère que des fossiles à l’état de moule. Ce sont : Ostrea hippopus, Pecten maximus, Pectunculus pilosus, Echinolampas et Schizaster. À cet horizon marin du pliocène, il 1 Exploration scientifique de l'Algérie, p. géologique, 1848, pag. 97 et suiv, ? Sahara ; Bulletin Soc. climatologie d'Alger, 1871, pag. 54 et suiv. 78 MÉMOIRES ORIGINAUX. faut ajouter le grès à Helir, formé de sables agglutinés plus ou moins meubles, paraissant provenir de dunes nivelées. Ge grès à Helix contient de nombreux débris de coquilles marines et des Hélices difficiles à distinguer des Helix lactea et pyramidata. Selon ce savant géologue, enfin le pliocène ainsi constitué a été exondé par un mouvement lent, et il ne serait pas étonnant de rencontrer dans l’intérieur des terres des équivalents terres- tres et lacustres de cet étage géologique. Dans les environs d'Oran, le pliocène n’occupe pas de vastes surfaces. En dehors de ses affleurements le long de la côte, il ne se rencontre que sous le terrain quaternaire et à une profondeur variable (plateau de Karguentah, plaine de la Sénia), ou plus rarement à l’état d’ilots isolés (four à chaux de l'usine à gaz, ravins de la Kas- bah d'Oran, montagne au-dessus de Mers-el-Kebir). | La discordance du pliocène sur le miocène s'accompagne d’un ravinement profond de ce dernier, que l’on peut constater, soit sur la falaise de Sainte-Thérèse, à Karguentah (faubourg d'Oran), soit dans les ravins situés derrière la Kasbah. Dans ces deux localités, le grès coquillier pliocène est disposé en gradins étagés sur les flancs du miocène supérieur (sahélien), dont les roches marneuses son taraudées par les Mollusques lithophages. De plus, ces couches de contact sont loin d’appartenir aux plus éle- vées de la série sahélienne, car plus loin (Ravin blanc) on les voit recouvertes d’assises puissantes de calcaires marneux, de marnes et de schistes à Poissons. Dans toutes les coupes dont nous venons de parler, on voit enfin au sahélien à faciès de mer profonde {Diatomées, Spongiaires, Schizaster, Ostrea cochlear..…) succéder le pliocène à faciès éminemment littoral (grès, pou- dingues, Cythérées, Panopées, Vénus, Turritelles, etc.). Il s’est donc passé, dans la période intermédiaire entre le dépôt de ces deux terrains, des phénomènes géologiques d’une grande importance. Ces phénomènes sont-ils le soulévement des Alpes occidentales qui, selon M. Ponel', a mis fin au dépôt du sahélien ? 1 Comptes-rendus Acad. des Sciences, 1858, pag. 992. TERRAIN TERTIAIRE SUPÉRIEUR DES ENVIRONS D ORAN. 979 Dans lalimite des environs d’'Oran!, il est difficile de trouver des traces de ce système, et partout les couches sahéliennes* parais- sent avoir conservé leur position première, quelque inclinées qu'elles soient sur les flancs du Djebel Santo. Un mouvement lent d’émersion, accompagné de dénudations puissantes, rend, à notre avis, mieux compte des faits précédents qu'un mouvement brusque de soulèvement. Quant à la limite supérieure du pliocène, elle est plus difficile à tracer que la limite inférieure, en raison de l’analogie qu'ont certains dépôts quaternaires avec les dépôts pliocènes. Jusqu'ici en effet aucun géologue n’a essayé de tracer cette limite, la stratigraphie et surtout la paléontologie de la province d'Oran n'étant pas assez avancées pour permettre une distinction com- plète de ces deux terrains. Dans ce qui va suivre, nous cher- cherons à les séparer en mettant dans le pliocène toutes les formations marines, fluvio-marines et littorales supérieures au miocène, qui contiennent une faune composée d'espèces éteintes et d'espèces actuellement vivantes. Quant au grès à Helix, qui jus- qu'ici n'a donné que très-peu d'espèces de coquilles, toutes vivantes, il reste pliocène parce qu’en beaucoup d’endroits il a été dénudé, raviné, et (Ravin blanc) que, dans ces ravins, se sont déposées des couches marno-sableuses et détritiques contenant, avec des débris du grès à Helix, une faune terrestre et lacustre absolument identique à la faune actuelle. Ces dépôts sont évi- demment quaternaires et ne se sont formés que bien longtemps après le grès à Helix, et dans des conditions différentes, qui sont bien celles qui caractérisent l’époque diluvienne. 1 Il n'en est pas de même le long de la chaîne du Djebel Tessala, où le sahé- lien est évidemment redressé et a obéi à un mouvement énergique de soulève- ment. 2 On voit en effet, partout, sur les flancs de cette montagne, aux premières couches très-inclinées de ce terrain succéder d’autres de moins en moins incli- nées, ce qui semble indiquer un dépôt calme d'abord, formé sur des pentes raides, puis sur des pentes de moins en moins inclinées à mesure que le comblement du bassin de sédimentation s’opérait. #$ 580 MÉMOIRES ORIGINAUX. Ces limites admises, nous éludierons successivement les dépôts fluvio-marins, marins et littoraux que l’on connaît dans les envi- rons d'Oran. Dépôts fluvio-marins. — On ne connaît jusqu'ici qu’un seul gisement de cette nature; il a été mis au jour dans un forage fait dans la propriété de M. Kharoubi, à environ 4 kilom. au sud d'Oran, à gauche de la route de Tlemcen et à une altitude d’une centaine (le mètres au-dessus du niveau de la mer. On y rencontre, de bas en naut, les couches suivantes : l° Calcaire marneux blanc du miocène supérieur (sahélien), à Ostrea cochlear, à 5? mètres de profondeur ? 20 (a) Argiles el sables sans fossiles ; (b) Argiles brunes à Hélices peu déterminables ; (ce) Argiles bleuâtres avec coquilles d’eau douce terrestres et marines, os de Mammifères, traversées par un bauc ou une len- ille de grès calcaréo-siliceux à coquilles marines ; (d) Couche d'argile feuilletée noire, avec traces de combus- tible et coquilles d’eau douce, à environ 32 mètres ? 3° Argile brune ou verdätre emballant des blocs considérables de calcaires miocènes, sable rouge ferrugineux et quartzeux. Croûte travertineuse superficielle. Les espèces de coquilles que l’on rencontre dans les couches b,c, d, ont été déterminées par notre excellent ami, le docteur Paladilhe, qui a bien voulu compléter nos études stratigraphi- ques par une étude paléontologique de cette intéressante faunule. Les fossiles les plus communs de la couche c sont: Cerithium (Potamides) Basteroti M. de S., du miocène supérieur, pliocène ? de Montpellier, de Visan, de Théziers (Gard) ‘; Melania tuber- 1 Tournouër ; Bull. Soc. géol., 1874, pag. 287. Sur le niveau du Potamides Basteroti. Pendant la rédaction de ce travail, nous avons retrouvé cette coquille avec quelques-unes de celles de la cêuche c, dans deux localités différentes: 1° à Terni, entre Tlemcen et Sebdou, au-dessus des couches à Ostrea crassissima : ?° à Lamoricière, entre Tlemcen et Sidi-bel-Abbès, au-dessus de sables sans fossiles et au-dessous du quaternaire fluviatile de la rivière de l'Isser. TERRAIN TERTIAIRE SUPÉRIEUR DES ENVIRONS D ORAN. 581 culata Müll., Paludestrina Peraudieri Bourg., P. acerosa, Boure., Amnicola similis Drap., Cardium edule, V. rusticum Chemn., Zonites eustilbus Bourg., Helixr acuta Müll., et quelques espèces nouvelles dont on trouvera la description dans le travail de notre collaborateur. Cette même couche c contient également des dents de Cheval, des débris (canon) d’une grande Antilope, des coprolithes ? des débris d'Emvydes, des vértébres de Poissons. La couche 4 contient surtout des Mélanopsides d’une espèce que M. Paladilhe pense être nouvelle, Planorbis marmoratus Mich., Pupa umbilicata Drap., Vertigo Maresi Bourg , Bulimus decollatus avec ses œufs, plus quelques espèces nouvelles. Nous y avons égalementrecueilli une mâchoire âu Rat commun qui a été déterminée par les soins de M. Pomel. La matière charbonneuse qui la colore est due à un Sabal, probablement au Sabal major Ung., d’après la déter- mination de M. de Saporta. Les débris de feuilles et de racines de cette plante sont nombreux dans cette couche, mais géné- ralement mal conservés. Quant aux coquilles marines du banc de orès calcaréo-siliceux intercalé dans la couche argileuse c, ee sont les suivantes : Buccinum Cuvieri Payr., B. angulatum B'oc., B. semistriatum Broc., Conus mediterraneus Lam., Cerithium mamillatum Risso, C. vulgatum Brug., C. perversum Lin., Oliva clavula Risso, Mitra plicatula Broc., Ringicula auriculata Ménard, Watica helicina Broc., Phasianella pulla Lin., Rissoa Bruguieri Payr., Rissoa (Turbo) Lachesi Bast., Calyptrea sinensis Gm., Trochus Buchüi Dub., Trochus labarum Var?, T.turgidulus Broc., Serpula glome- rata Lin., Tellina fragilis Lin., Lucina scopulorum ? Brong., L. neglecta, v. Basteroti?, Lucina gibbosa Costa, Mactra, Cardita, Venus, elc., Leonia (Cyclostoma) mamillare Lam. Dépôts marins et littoraux. — Sur les bords du ravin de Raz- el-Aïn, à environ ? kilom. de la mer et à une altituae d’environ 113 mètres, on constate la série suivante notée comme la précé- dente : 1° Miocène supérieur (sahélien) dénudé. 282 MÉMOIRES ORIGINAUX. 2° Grès plus ou moins fin, calcaréo-siliceux, souvent très- friable, contenant des coquilles marines, Mytilus, Patella, passant à un sable rougeûtre plus ou moins agglutiné sous forme de grès et contenant des débris roulés et très-menus de coquilles mari- nes avec des moules d’Aelix hieroglyphicula ? et de Cyclostoma mamillare L..... épaisseur 3-6 mètres. 3° Sabie rouge siliceux et ferrugineux et croûte travertineuse, calcaire zoné avec rares Helix lactea Müll..... 1-2 mètres. Dans le faubourg de Karguentah, à environ 500 mètres de la mer, à une altitude de 60 mètres, de nombreuses carrières met- tent partout à nu les couches suivantes : lo Miocène supérieur (sahélien) dénudé. 9° Grès fin ou grès poudingifcrme à ciment calcaire avec moules nombreux de bivalves, d’univalves, débris de Baleine, de Dauphins, passant à un grès sableux fin contenant des débris roulés très-nombreux de coquilles marines. 30 Sable rouge ou marne tuffacée calcaire et croûte traverti- neuse zonée. Les falaises qui régnent à 40-80 mètres d'altitude au-dessus du niveau de la mer, de la pointe du Ravin blanc à la batterie espagnole, donnent enfin la coupe suivaute : | 1° Miocène supérieur (sahélien) dénudé. 2° Grès coquillier calcaréo-siliceux à moules nombreux de bivalves et d'univalves en bancs inclinés d'environ 5° et plon- MEANDNErS D RIRE ENTREE ETC REC EE CREEO NAS ON Grès sableux à fragments de coquilles marines et à Helix lactea Müll., A. hieroglyphicula Mich ? Bulimus decollatus L., Cyclostoma mamillare Lam.......... 10 mèt. Grès sableux rougeâtre et calcaire travertineux irrégu- lièrement stratifié, avec coquilles terrestres......,... 77,50. 3° Sable rouge siliceux et ferrugineux, croûte tra- vertineuseisuperteielle, 4.4 Lee Re CP nee A l'entrée de la vallée qui s'ouvre derrière Saint-André (6 kilom. ouest d'Oran), il existe des coupes semblables aux trois précédentes. Le pliocène, reposant directement sur l'étage marno- TERRAIN TERTIAIRE SUPÉRIEUR DES ENVIRONS D ORAN. 83 sableux miocène helvélien ou cartennien? dénudé, y est repré- senté par des couches irrégulières de grès et de sables quartzeux contenant des Huîtres et des débris d’Échinides. Ces couches pas: sent insensiblement au grès à Helix. Plus à l’ouest encore, à environ 40 kilom. d'Oran, dans les collines qui descendent d’Aïn- Ferz vers la mer, on retrouve une série analogue. Le pliocène ne présente qu'un seul des termes de la série pré- cédente, «grès ou sable coquillier marin, grès à Helix», au-dessus de Saint-André, en face du cimetière de ce village, à une altitude d'environ 200 mètres, au sommet même du plateau. Le terme supérieur, grès à Helix, y existe seul, immédiatement super- posé aux dolomies et aux schistes jurassiques. Par contre, les grès sableux et coquilliers marins composent à eux seuls le plio- cène dans les environs d’Arzew, de Saint-Leu et jusqu'aux salines dites d’Arzew, qui sont à environ 20 kilom. de la mer. Il suit de ce qui précède que le tertiaire supérieur oranais, tout en contenant toujours des grès à coquilles terrestres ou mari- nes, peut présenter, suivant les lieux, des séries de couches très- variables, et qu'il faut tenir compte, en l'étudiant, des fonds de mer très-accidentés sur lesquels se sont formés les dépôts inter- médiaires entre le sahélien et le quaternaire. Il paraît en effet évident, d’après ce qui précède, qu’à cette époque il s’est formé dans les environs d'Oran, soit successive:nent, soil simultané- ment, des couches marines fluviatiles, littorales, ou des dunes. De plus, la côte se soulevant peu à peu, les conditions dans lesquelles se formaient ces couches se modifiaient constamment. En effet, on a vu plus haut que tous les dépôts pliocènes con- nus jusqu'ici dans les environs d'Oran sont fluvio-marins ou litto- raux, et par conséquent ont été formés à des profondeurs peu considérables dans le voisinage du rivage. Or, ils sont échelon- nés le long de la côte entre la limite supérieure de 300 mètres (Aïn-Ferz) et la limite inférieure de 40 mètres au-dessus du ni- veau de la Méditerranée (falaises du Ravin blanc). Il est donc probable que, dans ces deux localités, les grès coquilliers pliocènes ne sont pas synchroniques, et qu'ils ne sont pas non plus contem- 84 MÉMOIRES ORIGINAUX. porains de la période pendant laquelle se sont formées les couches d’estuaire du puits Kharoubi, à 98 mêtres au-dessus du niveau de la mer actuelle. Si l’on s’en tenait au seul élément d’apprécia- tion fourni par l'altitude, on pourrait admetire que ce sont les corniches de grès coquillier d’Aïn-Ferz qui sont les plus ancien- nes; mais, pour que cette opinion soit admissible, il faudrait, selon nous, que la faune de ce gisement, eten général des gisements les plus élevés du pliocène, soit connue. Il serait en effet utile dela comparer à celles des corniches élevées de 40 mètres au- dessus de la Méditerranée, pour s’assurer que dans ces derniers la proportion des espèces perdues est plus faible que dans les premiers. En l'absence de ce renseignement, que l’on obtiendra difficilement à cause du mauvais état de conservation de ces fos- siles, il nous semble difficile de se prononcer sur ce sujet. Le fait du soulèvement lent n’en subsiste pas moins, mais on ne peut affirmer qu’il a commencé par exonder les corniches supé- rieures. Le seul gisement du puits Kharoubi paraît réunir jusqu'ici toutes les conditions nécessaires à l'étude complète des gisements pliocènes. Les Vertébrés, les Invertébrés y sont représentés par de nombreuses espèces marines fluviatiles et terrestres, dont les unes sont mio -pliocènes' comme le Cerithium Basteroti ; les au- tres pliocènes ? ou passant du pliocène et même du miocène à l’époque actuelle : Cerithium vulgatum Brug., Buccinum semi- striatum Brog., Conus mediterraneus Lam., Natica helicina Broc. Ce niveau, en raison de caractères de la faune qu’il contient, doit donc être placé à la base du pliocène algérien, mais à un niveau plus élevé que les couches à Potamides Basteroti et Auricula Serresi de Montpellier, que nous regardons, avec notre excellent ami le D' Paladi'he et avec M. Tournouër?, comme intermédiaires entre le miocène et le pliocène, et par conséquent inférieures à l’astien ou pliocène vrai. On pourrait peut-être les paralléliser 1 Tournouër; Bull. Soc. géol., 1874, pag. 258. 2 Ibid. pag. 295. TERRAIN TERTIAIRE SUPÉRIEUR DES ENVIRONS D ORAN. 585 avec les couches d’eau saumâtre de la colline de Sienne, dans lesquelles M. de Mortillet a trouvé : Potamides etruscus May., By- thinia procera Mpy., B. stagnalis Bast., Neritina Bronni d’Anc., Melanopsis praerosa L., M. curvicosta Desh., Dreissena saneusis May., Cardium edule, V. rustica, La présence du Cheval, d’une Antilope, du Rat commun dans notre gisement, ne . déposer en faveur de cette opinion. Quaut au grès coquillier marin des falaises des environs d'Oran, de Karguentah, du four à chaux de l’usine à gaz, il se relie évi- demment aux couches flavio-marines du puits Kharoubi. Il est probable qu’il s’est déposé dans le même bassin maritime, mais en dehors de l’estuaire dans lequel se sont accumulés les sables et les marnes du forage Kharoubi. Il n’en est peut-être pas de même des corniches littorales de grès coquillier que l’on rencontre le long des falaises de la côte dans les environs d'Oran (Ravin blanc, ravin derrière la Kasbah). Leur disposition en gradins semble indiquer qu'elles se sont formées successivement à des niveaux de moins en moins élevés, en suivant le retrait de la mer pliocène. Le grès à Helix lui-même ne peut pas, selon nous, être con- sidéré comme appartenant partout à la même époque. En effet, il semble difficile d'admettre que les gisements de ce grès, que l’on retrouve à 200 mètres au-dessus de la Méditerranée actuelle, près de Saint-André, soient synchroniques de ceux que l’on re- trouve le long des falaises de la côte, entre la pointe du Ravin blanc et la Batterie espagnole, à des altitudes de 40 à 80 mètres. Ne doit-on pas plutôt admettre que pendant l’époque pliocène, partout où se trouvait un rivage favorable, il s’est produit des accumulations de sabie, des dunes? Déès-lors, si l’on admet le soulèvement lent, l'emplacement de ces dunes a changé, et elles sont descendues peu à peu du niveau de 200 mètres au niveau de 80 à 40 mètres. Ïl résulte de ce qui précède : 1o Que la composition du terrain pliocène, ou plutôt de la IT, a9 586 - MÉMOIRES ORIGINAUX. | série de couches intermédiaires entre le miocène supérieur el le quaternaire, est bien plus complexe qu'on ne l’a cru jusqu'ici, et que l'Algérie, comme le midi de la France et l’Ilalie, a subi pendant cette époque des mouvements lents qui ont fait alterner des couches marines avec des couches lacustres. 2° Que ces couches lacustres et marines contiennent une faune de transition à la fois tertiaire et actuelle, qui a des liens nom- breux avec les faunes des gisements analogues d'Europe. 3° Que dans l'étude de cette série, il faut tenir le plus grand compte de l’orographie actuelle du pays, qui n’a pas changé dans ses grands traits depuis celte époque. 40 Que le fait du soulèvement lent de la côte, pendant cette période, parait évident, mais qu'il est impossible de savoir s’il a été continu, intermittent, ou sujet à des retours brusques du mouvement inverse. 9° Qu'il est impossible, avec les données actuelles, de résumer l’histoire de cetle époque, et de subdiviser la série pliocène en étages. La série de lerrains intermédiaires entre le miocène supé- rieur (sahélien) et le quaternaire doit donc être considérée comme un cadre que des recherches ultérieures rempliront peu à peu. TRAVAUX FRANCAIS. — ZOOLOGIE. 087 REVUE SCIENTIFIQUE. TRAVAUX FRANÇAIS. — Zoologie. M. Alph. De Candolle (Compt. rend. Acad., 9 novembre 1874), en présentant un Rapport quil a publié comme Président de la Société de Physique et d'Histoire naturelle de Genève en 1873-74, fait re- marquer, entre autres choses, que, dans les eaux profondes du lac Léman, M. Forel a trouvé de trente-cinq à quarante espèces animales appartenant à toutes les classes inférieures, telles que : Arachnides, Crustacés, Ostracides, Mollusques, Vers, etc. Sous le nor: de Campo- gnatha Foreli, M. Lebert, de Breslau,a décrit une espèce d'Hydrachnide qui n a pas été rencontrée ailleurs. « De tous ces animaux, qui vivent dans l'obscurité la plus profonde, les uns n'ont pas d'yeux, les autres en sont pourvus, circonstance singulière observée déjà dans l'Océan. M. De Candolle remarque, à ce sujet, que si l'on veut supposer, pour des animaux qui ont des yeux pour ne point voir, non un désordre inexplicable. mais le fait d'une hérédité persistant après un changement de conditions, l'étude des lacs de Suisse présente plus d'intérêt que celle de l'Océan, attendu que ces lacs sont d'une date géologiquement plus récente, qu’on peut se flatter de préciser de plus en plus. » M. P. Gervais ajoute que l'on a déconvert aussi dans diverses cavernes des animaux privés d'yeux, appartenant à des espèces qui en sont pourvues dans les stations exposées à la lumière. — Nous analyserons avec détail l'importante communication de M. Ed. Perrier sur le système circulatoire des Oursins (Compt. rend. Acad., 16 novembre 1874), en rendant compte d'un Mémoire plus étendu sur le même sujet, que l'auteur de la Note se propose de faire bientôt paraître dans les Archives de zoologie expérimentale. —« On est autorisé à penser que c'est de l'oxygène pur qui se pro- duit lorsque la vessie natatoire a été en partie vidée, parce que la proportion de ce gaz va en augmentant à mesure que la vessie se remplit et s’exagère encore si l'on vide plusieurs fois l'organe. » Tel est le principe posé en 1863 (Compt. rend. Acad., 28 décembre) par M. Moreau. 588 REVUE SCIENTIFIQUE. Il résulte aujourd’hui des expériences du même auteur {Compt.rend. Acad., 16 novembre 1874), faites sur différentes espèces de Poissons, qu on peut constater «que le Poisson qui s'enfonce dans l’eau augmente la quantité d'air qu'il possède, et accroit d’une manière notable la quantité d'oxygène qu il possédait ». | Le Poisson peut, du reste, s'adapter à toutes les hauteurs (Compt. rend. Acad., 7 décembre 1874). Il subit une variation de volume avec chaque variation de pression, c'est-à-dire chaque déplacement ver- tical. «Gest en modifiant la quantité de gaz qu il possède, qu'il arrive à conserver un volume constant à des pressions quelconques. Mais comme cette modification dans la quantité ne se fait que dans un temps très-long, comparé à la durée des trajets verticalement mesurés que le Poisson exécute dans ses ébats, dans sa course, pour fuir un danger, pour saisir sa proie, cette faculté d'adaptation ne peut être considérée comme capable de corriger les variations de volume qui résultent des transports brusques hors du plan horizontalement, ni d'en conjurer les effets. » — Le marsupium ou peigne de l’œil des Oiseaux (Compt. rend. Acad., 23 novembre 1874) est « une membrane vasculaire située dans l'hu- meur vitrée et qui, fixée sur le nerf optique, s'étend depuis le point où ce nerf pénètre dans l'œil jusqu à une distance variable ». — Elle est formée, d'après MM. J. André et Beauregard, d’un lacis de petits vaisseaux qui proviennent de la trame vasculaire appar- tenant à la substance du nerf optique, et d'un gros vaisseau pro- venant directement d’une ou deux branches fournies par les artères ciliaires. — Les Actinies des côtes océaniques de France sont au nombre de trente et une espèces, dont les cinq sixièmes habitent les côtes de la Grande-Bretagne ; trois de ces dernières seulement se retrouvent dans la Méditerranée. Tous les zoologistes, nous dit M. Fischer (Compt. rend. Acad., 23 novembre 1874), qui se sont attachés à la distinction spécifique des Actinies, ont cherché à établir le nombre de cycles et le nombre de tentacules dans chaque cycle. Il importe de remarquer que le nombre de cycles n’est pas absolu. Quant au nombre de tentacules, il mérite un examen sérieux : il peut, en effet, fournir des archétypes pour la plupart des espèces. Quelques espèces d’Actinies semblent se reproduire avec la plus grande facilité au moyen de petits fragments abandonnés par le pied. TRAVAUX FRANCAIS,.— Z0O0OLOGIE. 289 La scissiparité spontanée, quiest le mode de propagation le plus com- mun chez le Sagartia ignea et chez l'Anemonia sulcata, ne se produit jamais chez le Sagartia effæta et chez plusieurs autres espèces. M. Fischer trouve dans ces deux modes un signe ayant presque la valeur d'un caractère spécifique. — Dans une Note présentée précédemment à l’Académie et dont la Revue a rendu compte, M. Chantran a établi que les concrétions cal- caires connues sous le nom d'yeux d’'écrevisse exigeaient une durée de soixante et dix à quatre-vingts heures pour se résoudre, à partir du moment où elles tombent dans l'estomac. De nouvelles expériences (Compt. rend. Acad., 30 décembre 1874) lui ont permis de constater que le frottement réciproque des pierres tombées dans l'estomac pré- cède cette dissolution. — La proportion du fer dans l’organisme varie avec les conditions physiologiques, mais cette variation est toujours soumise à la faculté respiratoire (Compt. rend. Acad., 30 novembre 1874). M. Picard, dans une Communication sur le fer dans l'organisme, considère la rate comme un lieu de réserve de ce corps dont elle renferme une quantité que le dosage démontre être très-supérieure à celle du sang : la pro- portion négale pas ou du moins ne surpasse jamais celle de ce dernier dans le foie, qui, après la rate, contient le plus de fer. Les expériences du même auteur, faites en collaboration avec M. L. Malassez (Compt. rend. Acad., 21 décembre 1874), démontrent en outre que, dans l'état physiologique, le sang qui revient de la rate possède une proportion de globules et une capacité respiratoire supé- rieures à celle du sang afférent. L'augmentation est constante, mais elle est susceptible de varier dans des limites très-étendues, varia- tions qui concordent avec des changements d'aspect et de fonctions de l'organe. — M. Servel indique dans une communication sur la naissance el l’évolution des Bactéries dans les tissus organiqu’s mis à l'abri du con- tact de l'air (Compt.rend. Acad., 30 novembre 1874), les résultats d'une expérience faite avec le foie et la rate de chiens fraîchement tués. Gette expérience consiste à plonger les organes dans une solu- tion d'acide chromique au centième : après cinq jours d'immersion, avec une température ambiante de 15°, on trouve le centre du foie ou du rein altéré et rempli de bactéries ; la surface, au contraire, est dans un état de durcissement etd'intégrité complets. 590 REVUE SCIENTIFIQUE. D'après les conclusions de l'auteur, cette expérience confirmerait les résultats antérieurs fournis par celles de MM. Béchamp et Estor en 1868, de M. Onimus en 1874, et de M. Tliegel à la même époque. — M. A. Barthelemy (Compt. rend. Acad., 7 décembre 1874) a appelé l'attention de l’Académie sur la constatation de la parthénogénèse chez les Vers à soie. IL a déjà signalé, en 1859, des faits établissant la production d'œufs fertiles par des femelles vierges de Bombyx mort et de quelques autres Lépidoptères. De nouveaux faits viennent d'être signalés par M. de Sieboldt. — Les recherches, pendant l'année 1874 (Compt.rend. Acad., L4 dé- cembre 1874), de M. le professeur Balbiani sur le Phylloxera vastatriæ, sont résumées dans un très-remarquable Rapport auquel nous ren- verrons le lecteur. Nous en ferons autant pour une Note de M. C.-V. Riley, sur les espèces américaines du genre Phylloxera (Compt. rend. Acad., 14 décembre 1874), dans laquelle il conclut que toutes les espèces aujourd'hui signalées en Europe sont venues d'Amérique. — M. de Lacaze-Duthiers communique à l'Académie (Compt. rend. Acad., 21 décembre 1844) des renseignements sur l’organisation du Laboratoire de zoologie expérimentale de Roscoff. — Une preuve concluante à l’appui de la viviparité du Requin est fournie par M. de Lesseps (Comp. rend. Acad., 24 décembre 1874). On a péché dans le canal de l'isthme de Suez une femelle de ce Poisson portant dans son ventre douze petits tout vivants : le plus grand mesurait 20 centimètres, le plus petit 12 centimètres. — La conclusion des recherches sur le suc gastrique faites par M. Rabuteau (Compt. rend. Acad., 4 janvier 1875), c'est que le suc gastrique normal doit son acidité à l'acide chlorhydrique, non à l'acide lactique. — M. de Quatrefages ‘Compt. rend. Acad., 11 janvier 1875) présente à l'Académie, en son nom et en celui de M. Hamy, la troisième livraison de leur Ouvrage sur les crânes des races humaines (Crania Eihnica). Cette livraison, comprenant d'abord quelques pages relatives à la race de Cro-Magnon, nécessitées par de nouvelles découvertes, est essentiellement consacrée à l'étude des races chez lesquelles le dia- mètre antéro-postérieur du cerveau se raccourcit sensiblement, rela- tivement au diamètre transversal. Cette réduction n’a d’ailleurs rien TRAVAUX FRANCAIS. — ZOOLOGIE. 91 de brusque, et l'on passe successivement de la mésaticéphalie à la sous-brachycéphalie et à la brachycéphalie vraie. Les auteurs sont conduits à admettre quatre types humains, au crâne plus ou moins arrondi, qui, pendant la période quaternaire, sont venus ce super- poser ou se juxtaposer, en Europe, aux deux types à crâne allongé étudiés précédemment. Ces types, basés sur des différences de carac- tères, sont les suivants : le type mésaticéphale de Furfooz, auquel il convient de rattacher la célèbre mâchoire de Moulin-Quignon ; le sous-brachycéphale de la même localité ; le brachycéphale de Gre- nelle, dont la trace paraît la plus profonde ; enfin, le brachycéphale de la Truchère, représenté par une seule tête, désharmonique, trouvée dans les marnes grises à Mammouth. MM. de Quatrefages et Hamy recherchent ensuite, comme pour les dolichocéphales, quelle trace ces quatre types ont pu laisser dans les populations de la période actuelle : malgré la confusion nécessaire- ment produite par la proximité de ces types, par les mélanges opérés pendant une longue série de siècles, par l'intervention d'autres races vendant les temps néolithiques, et plus tard ils ont retrouvé, même armi les populations modernes, certains traits dont l'origine remonte widemment aux races sus-mentionnées. Avec la description des quatre types dont il vient d'être question, s termine ce qui concerne les races humaines fossiles. — Des renseignements sur un Serpent aquatique de la Cochin- cline, l'Herpeton tentaculatum (Compt. rend. Acad., 11 janvier 1875) nus sont donnés par M. A. Morice. Ce Serpent est vivipare, et son almentation est mixte. [Il mange les Poissons de petite taille, et se nurrit aussi d'une plante aquatique, qui est le Jussiæa repens des btanistes modernes. L'existence des appendices qui terminent le mxillaire supérieur de cet Ophidien, qui n'a qu'une vue fort res- teinte, peut s'expliquer par l'usage qu'il en fait pour trouver dans l'au ou dans la vase une proie végétale qui ne fuit jamais. — Des globules blancs dans le sang des vaisseaux de la rate : tel est letitre d’une Communication (Compt. rend. Acad., 11 janvier 1875) déMM. Tarchanoff et À. Swaen. Je leurs expériences sur des chiens immobilisés par le chloroforme ot par la morphine et le chloroforme réunis, ils déduisent les faits sivants : {° les rapports les plus différents se remarquent dans le sag du corps, entre le nombre des globules blancs du sang veineux eldu sang artériel; 2° il existe beaucoup plus de globules blancs 592 REVUE SCIENTIFIQUE. dans le sang artériel des ventricules ; 3° le sang veineux de la rate de chien ne contient pas des globules blancs en nombre beaucoup plus considérable que les artères spléniques ; 4° avec le gonflement produit dans la rate par la section des nerfs spléniques coïncide invariablement une diminution considérable des globules blancs des veines spléniques; 5° la! différence entre le nombre des globules blancs du sang des artères et des veines, très-marquée d’abord, diminue progressivement à mesure que l'on s'éloigne du moment de la section des nerfs, et tend à disparaître au bout de trois ou cinq heures ; 6° trois hypothèses peuvent expliquer cette diminution des globules blancs dans le système sanguin en général : la destruction de ces globules dans la rate, ou leur transformation dans cet organe en globules rouges, qui deviennent en effet plus abondants dans le sang veineux splénique, ou enfin une accumulation mécanique des globules blancs dans les tissus de la rate. Des expériences de contrôle ont montré aux auteurs que l’appau- vrissement du sang en globules blancs ne peut être attribué aux plaies que l'on est forcé de faire, aux petites hémorrhagies que l'on peu occasionner, et à l'émigration des globules blancs dans les tissu! déchirés et irrités. .— Le vitellus des Ptéropodes (Compt. rend. Acad., 18 janvier 187) avant la fécondation est, d'après M. H. Fol, une cellule simple ave dépôt de matières nutritives dans son intérieur. Ce vitellus féconé est dépourvu de membranes et de nucleus. | Une partie formative ou protoplasmique et une partie nutritre entrent dans sa composition. Au centre d’une étoile, située elle-mêre au centre de la partie protoplasmique et formée par les granules lu protoplasma, apparaît un nucleus; l'étoile s'efface à mesure qe s'opère le grossissement de ce dernier, qui disparaît avant chere segmentation, pour être remplacé par deux étoiles moléculaires pe- nant naissance dans son intérieur, et qui, après la segmentation TOR rait au milieu de chaque étoile. Une moitié nutritive, composée de trois grosses sphères, et ue moitié formative des sphérules transparentes, sont le résultat déla segmentation. « Ces cellules nutritives se divisent ensuite, produisnt une couche superficielle de petites cellules qui achèvent d'enveloper les trois grosses sphères nutritives et constituent l'ectoderme. La quatrième des grosses sphères centrales, uniquement composéede protoplasma, se divise et donne naissance à un épaississement d(la couche ectodermique. Cette région correspond à l'extrémité infériere TRAVAUX FRANÇAIS, — ZOOLOGIE. 293 de la larve. La ligne de rencontre des sphérules nutritives coïncide avec l'axe oral-aboral de la larve. L'ectoderme se referme en dernier lieu au point de rencontre des trois sphérules, point qui doit coïncider, soit avec le pôle aboral, soit avec le pôle oral de la larve. » C'est pour cette dernière alternative que M. Fol se prononce. La transition entre le développement embryonnaire des Thécoso- mes, que l'auteur vient de résumer, et celui des Hétéropodes, entre la formation des feuillets embryonnaires par enveloppement et la for- mation par invagination, est établie par le développement embryon- naire de Gymnosomes. Des détails nous sont ensuite fournis sur la formation du tube digestif des Ptéropodes, dont le développement correspond point par point à ce que l’on sait du développement des Rotifères , sur celle du pied, de la cavité palléale, du rein, du cœur, des artères et des otocystes. Pour le système nerveux, la masse nerveuse céphalique qui entre dans sa composition se forme par une double invagination de l’ecto- derme de la région céphalique dans le champ circonscrit par le voile. Quant au mode de formation de la masse sous-æsophagienne, qui constitue également le système nerveux, il n'a pas encore été observé chez les Ptéropodes. Ê La formation d'une invagination de l'ectoderme, un peu en avant du pôle aboral, précède l'apparition de la coquille. Cette invagination coquillière ou préconchylienne se retrouve dans la plupart des cas, et le premier rudiment de la coquille se montre sur la saillie ainsi for- mée. L'existence de cette invagination, qui ne peut s'expliquer phy- siologiquement d'une manière satisfaisante, paraît avoir des causes héréditaires, et peut morphologiquement se comparer à l'invagina- tion coquillière des Mollusques à coquille interne. En terminant cette importante communication, M. Fol nous fait savoir que les produits sexuels naissent aux dépens de l’endoderme, et que la sexualité ne peut être attribuée qu'à un feuillet embryon- naire. | — L'appareil explorateur de M. Marey (Compt. rend. Acad., 18 jan- vier 1875) dénote, dans les pulsations du cœur, un mouvement très- complexe. Le retour régulier de cette forme ne permet pas de douter qu'elle ne réponde à des mouvements parfaitement coordonnés. Dans la présente Note, M. Marey étudie, chez la Tortue terrestre, les pul- sations du cœur, plus lentes et moins compliquées que chez les Mammifères. 594 REVUE SCIENTIFIQUE. — Poursuivant ses expériences sur les phénomènes de localisation de substances minérales et organiques chez les animaux (Compt. rend. Acad., 18 janvier 1875), notre collaborateur M. Heckel adopte l'opinion des naturalistes qui admettent que, dans les Insectes , les tubes de Malpighi sont des organes mixtes chargés à la fois de l'excré- tion urinaire et de la sécrétion biliaire. La glande précordiale de Mollusques nourris avec de l’arsenic n'a offert à M. Heckel aucune trace de ce corps, dont la localisation s'opère surtout dans le foie. L'auteur ajoute cette preuve à celles qui font aujourd'hui considérer cette glande comme un rein. — Le Nemerte communis Van Bened. (Compt. rend. Acad., 25 janvier 1875) est sans contredit l'une des espèces de Némertiens les plus re- marquables de celles qu'a observées l’été passé M. J. Barrois, au labo- ratoire de Wimereux, créé par le professeur A. Giard. x M. Barrois, qui a pu suivre cette espèce dans tous les stades de son évolution, fait observer que, bien que reproduisant dans son déve- loppement toutes les particularités essentielles de la forme Pilidium, forme qui constitue l'un des exemples les plus typiques de généa- génèse, elle offre cependant des analogies incontestables avec la larve de Desor : on sait que cette dernière, petite masse ovale, ciliée, peu différente de l'œuf où elle a pris naissance, se transforme en un Né- merte complet sans aucun autre phénomène appréciable que la dif- férenciation des tissus. C'est sur le passage de la forme Pilidium à la larve de Desor que M. Barrois appelle l'attention. Comme dans les Némertes à Pilidium, si bien étudiés par MM. Kowalesky et Metschnikoff, les premiers stades du développement sont caractérisés par la production d'une vési- cule close, à paroi formée d’un seul rang de cellules (Blastosphæra), qui s'invagine pour donner naissance à un sac à double paroi (Gastrula). De même que dans les espèces à Pilidium, la formation du Né- merte s'accomplit, dans ses grands traits, au moyen de l'enveloppe- ment de l'intestin par de grandes plaques discoïdes, qui confluent entre elles et se soudent par leurs bords pour constituer la peau du : Némerte. Enfin, par la destruction de l’exoderme primitif, l'animal contenu dans son intérieur est mis en liberté. Mais là s'arrête l’analogie. On peut d'abord constater chez le Ne- merte communis l'absence de vie pélagique et de l'interruption du développement qui en résulte : l'animal qui sort de l'œuf, à l'intérieur duquel s'opère tout le développement, a déjà acquis la for me caracté- ristique du Némerte. r TRAVAUX FRANCAIS. — ZOOLOGIE. 595 En outre, il s’est effectué une évidente simplification de l'embryogé- nie etune marche graduelle vers l'extrême condensation que l’on re- marque dans la larve de Desor. De plus, le stade qui répond au Pili- dium a déjà perdu les divers appendices caractéristiques résultant de l’état libre, et se trouve réduit à une simple Gastrula. Enfin, la disparition de l'amnios, la composition en lames pleines, et non pas en sacs creux, des disques qui vont entourer l'intestin (de sorte qu'une seule membrane, la peau du Némerte, résulte de leur réunion), établissent une remarquable tendance à la suppression de l'exagéra- tion de l'état larvaire qui constitue le Pilidium et au retour à un mode de développement direct. En résumé, le Pilidium est la forme primi- tive, et la larve de Desor représente une forme condensée, dérivée de la première par abréviation de l'embryogénie. — Continuant (Compt. rend. Acad., 25 janvier 1875) ses recherches sur les organes tactiles chez les Vertébrés et chez les Invertébrés, notre collaborateur M. Jobert étudie, sous ce rapport, la face hu- maine. Aux paupières, les nerfs très-nombreux et très-abondants présen- tent avec le follicule des cils des connexions très-remarquables, con- nexions absolument inconnues jusqu'ici. Au bord des paupières, peu de nerfs se terminent à la surface cutanée; la majorité est destinée aux follicules des cils. L'auteur étudie le trajet de ces tubes nerveux, et conclut de cet exa- men que leur disposition ne diffère en rien de celle rencontrée par lui dans les poils du tact sans sinus sanguins de la face des Mammi- fères et de la queue des Rongeurs. Les cils sont de véritables poils du tact. La peau des pommettes, celle des ailes du nez, celle des lèvres, la région du menton, présentent aussi des poils à appareil nerveux moins riche que celui des paupières, et qui, comme chez les Mam- mifères, ne sont pas tous tactiles. On peut donc considérer les cils, en tant qu'organe protecteur de notre appareil visuel, à un point de vue tout nouveau. E. DuBRruEIz. 596 REVUE SCIENTIFIQUE. M. A.-F. Marion a publié (Ann. des Sc. nat., Zool., 6° série, art. n°1) un deuxième Mémoire relatif à ses Recherches sur les animaux infé- rieurs du golfe de Marseille (V. Rev. des Sc. nat., tom. IT, p. 83). Dans la première partie de ce nouveau travail, ce naturaliste donne la des- cription des Crustacés Amphipodes parasites des Salpa que, dès le mois de janvier, les vents d'ouest amènent dans le golfe de Marseille. L'un de ces Crustacés, celui qu'on rencontre le plus fréquemment, se rapporte aux Vibilidés de forme encore gammaroïde. Le genre Vibilia, dont toutes les espèces ne sont pas encore déterminées avec une entière rigueur, renferme les suivantes : Vibilia Peronii M. Edw., des mers d'Asie; Vibilia affinis Sp. Bate, de Java; Vibilia depilis Temp., de Maurice; Vibilia pelagica Say, du Gulf-Stream ; Vibilia Borealis Bate et Westw. du nord de l'Europe ; Vibilia Edwarsü, Bate, des parages de l'île Powel. Il faudrait y ajouter trois espèces parasites. des Salpes rencontrées dans la Méditerranée : Vib. Jeangerardii Lucas, Vib. mediterranea Claus, Vib. speciosa Costa. Mais M. Marion pense que ces trois espèces doivent être réunies en une seule, qu’il décrit et figure sous le nom de Vib. Jeangerardi. On rencontre, vivant en parasites sur les Salpes du golfe de Mar- seille, d'autres Hypérines, plus petites et d'une structure bien diffé- rente, rappelant celle des Amphipodes de la famille des Thyropidés et en particulier le genre Lycæa de Dana. Ce groupe ne contient encore qu'une seule espèce, le Lycæa ochracea, trouvée dans les Salpes de l'océan Atlantique. L'espèce décrite par M. Marion lui paraît diffé- rente, et ce naturaliste la mentionne comme nouvelle sous le nom de Lycæa puleæ. Il donne la description du mâle et de la femelle, et la figure d'un individu mâle seulement. Un autre article du Mémoire de M. Marion est consacré à des remarques supplémentaires sur la Borlasia Kefersteinii, espèce her- maphrodite de Némertien dont nous avons déjà entretenu nos lecteurs (V. Rev. des Sc. nat., tom. IT, pag. 83 et suiv.). Le jeune professeur avait déjà signalé sur les côtes marseillaises l'existence d'un Némertien très-analogue, vivant dans la cavité res- piratoire du Phallusia mamillata, et dont un des élèves de M. Marion, M. Zeller, a étudié spécialement l'appareil stylifère (V. Rev. des Sc. nat., tom, II, pag. 119). M. Marion, se fondant en particulier sur quelques différences présentées par cet appareil et aussi sur la présence d'une seule sorte d'éléments sexuels en décembre et en janvier, avait TRAVAUX FRANCAIS. — ZO0O0LOGIE. 997 été porté à faire du parasite de la Phallusia une espèce distincte de la Borlasia Kefersteinii. De nouvelles observations lui ont montré que les différences constatées, notamment la simplification de l'appareil visuel, tenaient, d'une part à une différence d'âge, et d'autre part au parasitisme des individus considérés comme représentant la nouvelle espèce. Aux derniers jours de décembre et durant tout le mois de janvier, les Borlasies retirées de la Phallusia mamillata ne portaient que des vésicules mâles, sans trace aucune des organes femelles. Un peu plus tard, aux vésicules mâles se joignaient quelques ovules; puis, par les progrès de l'âge, l’hermaphrodisme tendait à devenir la règle générale. Dans la Borlasie hermaphrodite, les organes des deux sexes se déve- loppent donc successivement : les éléments sexuels mâles apparaissent en premier lieu, les ovules ne se développent que postérieurement. àjoutons que cette non-simultanéité d'évolution a été reconnue dans tous les animaux inférieurs hermaphrodites. Les éléments mâles et femelles, ovules et vésicules spermatiques, paraissent renfermés dans un ovisac pyriforme, rattaché par un court pédicule à l'anse vasculaire latérale. Passé le mois d'avril, les Borlasies mâles deviennent de plus en plus rares, et l'on ne tarde pas à découvrir des œufs contenus dans des gaînes hyalines fixées sur le tissu branchial des Phallusies. M. Marion n'a pu observer les phénomènes de la fécondation ni les premières phases du développement, si bien étudiées d'ailleurs par Van Beneden sur le Némertien, des appendices abdominaux du Carcinus mænas. Les embryons examinés par M. Marion sont renferiués dans une enveloppe à double contour qui paraît correspondre au chorion de l'œuf. Cette enveloppe se déchire aisément, et il en sort un embryon portant des taches oculaires violettes qui font reconnaitre la région céphalique. Ces embryons sont dépourvus du flabellum explorateur des jeunes Polia involuta, que Van Beneden considère comme se rapportant à une première forme scolécoïde. Après avoir fourni quelques détails descriptifs sur l'embryon, l'auteur s'occupe de l'étude de la nouvelle génération dont les repré- sentants se trouvent à peu près seuls sur la Phallusia mamillata, à partir du mois de juin. Si l'interprétation que nous avons donnée plus haut est exacte, cette nouvelle génération ne doit d'abord offrir que des individus mâles; cest en effet ce que l’on constate dans le courant du mois d'octobre, à ce moment où les organes reproducteurs sont absents, où ils sont 598 REVUE SCIENTIFIQUE. représentés par des vésicules à spermatozoïdes. Plus tard seulement, on commence à reconnaître des ovules. | Une génération de Borlasia Kefersieinii parcourt donc en général les phases suivantes : les embryons naissent vers le mois de mai; en juiu et en juillet, les Vers sont bien organisés, mais agames ; en oc- tobre apparaissent les vésicules à spermatozoïdes, qui acquièrent leur complet développement en décembre ; en février enfin se montrent les ovules, qui deviennent de plus en plus nombreux. L'auteur ne peut encore donner une explication plausible de la disparition des adultes. Il fait remarquer en outre qu'on ne peut attribuer à un accouplement la présence des éléments spermatiques : il s’agit bien de vésicules mâles développés sur place et non de poches copulatrices. En terminant, M. Marion se demande si la viviparité de certaines espèces dépend d'une reproduction agame. Il est plus porté à ratta- cher cette particularité à un mode spécial d’hermaphrodisme. Cepen- dant la reproduction parthénogénétique des Némertiens vient de trouver un défenseur convaincu dans un naturaliste russe, M. Ou- lianin ; mais les pseudora signalés par cet investigateur peuvent bien être accompagnés d'organes spermatiques dont la nature aurait été méconnue. Il convient dès-lors de reprendre cette étude, en tenant compte de la probabilité d’une réunion des deux produits sexuels. — Un habile conchyliologiste, collaborateur zélé de cette Revue, M. le D' Paladilhe, a publié (Ann. des Sc. nat., Zool., 6° série, tom. I, art. n° 2) une Monographie du nouveau genre Peringia, suivie de des- criptions d'espèces nouvelles de Paludinidées françaises. Le genre Peringia a été créé pour des Paludinidées qui avaient été d’abord rattachées au genre Assiminea, et pour le Turbo ulvæ de Pen- nant. Les représentants de cette nouvelle coupe générique habitent les eaux salées : ce sont des coquilles littorales. L'animal respire par des branchies. Son mufle est bilohé en avant; ses tentacules, au nombre de deux, sont très-mobiles et ornés en dehors et près de leur extrémité d'une tache plus ou moins étendue transversalement. Les yeux sont situés sur une éminence, à la base et au côté externe des tentacules. Les caractères du test sont les suivants : {« coquille subimperforée, conoïde, cornée, assez solide. Spire conoïde allongée, à sommet aigu; tours presque plats, dernier tour très-grand, présentant vers son milieu un sentiment fugitif de carène toujours appréciable. Ouverture TRAVAUX FRANCAIS. — ZOOLOGIE. 599 ovale subpyriforme, à angle supérieur et externe bien marqué, plus ou moins anguleuse et auriculée vers le bas de son bord columellaire ; bords réunis vers le haut par une callosité adhérente, plus ou moins épaisse, mais ne formant jamais un périsiome entier, saillant et bien neltement circonscrit. » L'opercule cornéo-vitré est marqué de stries d’accroissement sub- spirescentes, irradiant d'un nucleus très-voisin du bord interne. M. Paladilhe donne la description de neuf espèces du genre Peringia : Per. Pictonum, Per. Girardoti, Per. ulvæ, Per. Gallica, Per. Sequaniqua, Per, Massoti, Per. Penchinati, fort voisin du précédent, Per. Margaritæ et Per. subumbilicuta. A cette étude monographique du genre Peringia, M. Paladilhe a joint la description de plusieurs Paludinidées nouvelles appartenant à la faune française. Ce sont: Paludinella utriculus, Paludinella curta, Paludinella Baudoni, Paludinella elliptica, Paludinella opaca, Hydrobia procera, Paludestrina subulata et Paludestrina subobesa. Le Mémoire de notre collaborateur est accompagné d'une Planche due au crayon exercé de M. le D' Baudon, bien connu de nos lecteurs. — M. le professeur P. Gervais a inséré dans le Journal de Zoologie (tom. IT, pag. 300) une Note sur la forme typique des membres chez les Équidés. Pour arriver à déterminer cette forme, l'auteur s’est placé exclusi- vement au point de vue de la comparaison des espèces récentes d'Équidés avec celles qui ont vécu pendant la période tertiaire, telles que l'Orohippus, V'Anchiterium et l'Hipparion. M. Gervais reproduit la description des pièces osseuses des membres qu'il a donnée à l’article Cheval du Dictionnaire encyclopédique des Sciences médicales. Nous ne rappellerons ici que le trait caractéris- tique de la structure de ces parties chez les Chevaux, qui consiste dans la présence d'un métacarpien et d’un métatarsien très-dévelop- pés, accompagnés de deux os styliformes correspondant à des méta- carpiens et à des métatarsiens rudimentaires et ne portant pas de phalanges, comme en porte le canon. On ne sait encore, et Le fait a lieu d’étonner, si ce membre singu- lièrement conformé a pour point de départ, dans la vie or une rame à cinq rayons digitaux. Quelques auteurs ont prétendu que le doigt unique des Chevaux résultait de la soudure de deux rayons répondant aux deux doigts principaux des espèces pentadactyles, c'est-à-dire au troisième et au quatrième. 600 REVUE SCIENTIFIQUE. En ajoutant à ceux-ci ceux qui sont représentés par les stylets laté- raux, on obtiendrait un total de quatre doigts. Quelques auteurs vont même plus loin, et admettent que la châtaigne est l'indice d'un ein- quième doigt. Mais cette interprétation est inadmissible, car la chä- taigne antérieure, au moins, appartient à l'avant-bras et n'a rien de commun avec le pouce des animaux pentadactyles. En raisonnant ainsi, on arrive à attribuer au Cheval, non pas cinq, mais six doigts, car il est évident que le canon correspond à un seul doigt, et incon- testablement il représente le doigt médian des Damans, qui possèdent cinq doigts antérieurs. Quelques Chevaux ont offert par anomalie trois doigts complets, par suite d'un développement de phalanges à l'extrémité des stylets méta- carpiens. Ils reproduiraient dans ce cas une forme éteinte : celle des Hipparions. Ge genre fossile était très-voisin des Equus par la confor- mation du système dentaire. Il s’en distinguait en particulier par la présence de deux petits sabots latéraux, et aussi par l'existence d'un cubitus et d'un péroné distincts et complets. Dans un autre genre également éteint, les Anchitherium, les deux sabots latéraux avaient acquis plus d'importance ; en outre, les dents manquaient de cément et se montraient plus simples, comparées à celles des deux genres précédents. Enfin M. Cope a découvert récemment une autre forme d'Équidé, l’Orohippus, dont le plus grand représentant ne dépassait pas la taille du Renard et qui, comme les Tapirs, possédait quatre doigts complets aux pieds de devant. Déjà dans l'Hipparion on trouve un trapèze qui semble annoncer un pouce, et en dehors du métatarsien du doigt ex- terne un autre métatarsien court et pyriforme, qui est le premier indice du cinquième doigt. Il nest donc pas besoin, pour ramener l’Hipparion à la condition pentadactyle du Daman, de dédoubler le canon et de faire entrer la châtaigne en ligne de compte. — Nous trouvons dans le Journal de Zoologie (tom. II, pag. 396) un important Mémoire de M. Edouard Van Beneden sur la Distinction originelle du testicule et de l'ovaire. Les études embryogéniques poursuivies dans ces dernières années ont appris que tous les animaux dont l'œuf subit un fractionnement se présentent, à une certaine période de leur évolution, sous la forme d'un sac à double paroi, dont l'externe a reçu le nom d’ectoderme, et l'interne celui d'endoderme. L'embryon est alors réduit à une cavité digestive communiquant au dehors par un orifice unique servant tout à la fois de bouche et d’anus. C'est pour cette for.ne primordiale TRAVAUX FRANCAIS, — ZOOLOGIE. 60I qu Hæckel a proposé la dénomination de Gastrulu. Gette structure, commune à tous les animaux métazoaires, conduit à l’idée d'une forme primitive, autrement dit dune souche commune, quia dû, variée de mille manières, exister à une époque géologique reculée. Il y aurait donc, dans cette hypothèse, convergence des grands types d'organisation, et non parallélisme de ces types, comme le pensaient Cuvier et Von Baër. De cette similitude originelle découle l'homologie de l’ectoderme et de l'endoderme chez tous les Métazoaires, et cette homologie, à sou tour, nous amène à cette conclusion que, dans les différents types d'organisation, les mêmes systèmes organiques dérivent des mêmes feuillets primitifs. Cette induction a déjà été confirmée par la décou- verte de ce fait, que, chez tous les animaux, le système nerveux se développe aux dépens de l’ectoderme. De cette communauté originelle des systèmes organiques découle cette conséquence majeure que le choix du type est indifférent, quand il s'agit de remonter à l’origine d'un appareil. Pour résoudre la question du point de départ des organes sexuels, M.E. Van Beneden s’est adressé à la forme dont l'observation offre le plus de facilités, c'est-à-dire aux Polypes, chez lesquels l'ectoderme et l'endoderme persistent pendant toute la vie avec leurs caractères ori- ginels. L'auteur, passant en revue les différents travaux publiés sur l’origine des organes reproducteurs, nous fait voir que, s'il y a divergence d'opinion relativement à la couche dont procèdent ces organes, les uns les faisant naître de l'ectoderme, les autres de l'endoderme, tous les naturalistes sont d'accord pour admettre que Les produits mâles et les produits femelles se constituent aux dépens de la même couche. Les recherches patientes et approfondies du savant naturaliste belge lui ont démontré, avec la dernière évidence, qu'il y a dans cette manière de voir une erreur fondamentale : il s'est assuré que l'élé- ment reproducteur femelle naît de l’endoderme, tandis que l'élément mâle dérive invariablement de l'ectoderme. L'auteur expose le résultat de ses recherches sur l'Hydractinia echi- naia, Polype commun à Ostende, sur les coquilles vides de Buecin et de Natice. Les colonies de cette espèce se composent de trois sortes d'indi- vidus : 1° Les Polypides où Hybranthes, Zooïdes mangeurs, à double rangée de tentacules ; 2 Les Zooïdes reproducteurs, gonosomes d’Allman, portant les I, 40 602 REVUE SCIENTIFIQUE. sporosacs ou gonophores plus grêles et plus courts que les précédents, et en outre dépourvus de tentacules,; 3 Les Zooïdes sans tentacules, astomes, stériles, à système mus- culaire très-développé, occupant les bords de la colonie et se courbant en spirale quand on les touche. Les Hydractinies sont dioïques : chaque colonie contient exclusi- vement, soit des mâles à organes reproducteurs d'un blanc laiteux, soit des femelles à œufs d'un beau rouge. Dans les Zooïdes reproducteurs, les véritables tentacules manquent: on trouve à leur place des tubercules globulaires, chargés de néma- tocystes exclusivement formés par l’ectoderme et qui ne sont que des prolongements tentaculaires dégénérés, généalogiquement par- lant. Dans le corps, qui est cylindrique, l’auteur distingue quatre ré- gions : 1° une région basilaire ou gastrique ; 2° une région moyenne où se développent les sporosacs, région germinative ; 3° une portion supérieure où la cavité digestive devient très-étroite, région cambiale; 4° un renflement terminal où la cavité digestive se dilate et porte les pseudo-tentacules et l'orifice buccal très-étroit, qui avait échappé à M. de Quatrefages, orifice qui paraît fonctionner plutôt comme un anus que comme une bouche. Le corps est constitué par un endoderme et un ectoderme réduits l’un et l’autre à une seule couche de cellules, et séparés par l’inter- position d'une couche anhiste, striée longitudinalement sur sa face externe. Gette couche, Siützlamelle de Leydig et Reichart, est recou- verte par des fibres musculaires dont les éléments sont en continuité avec les cellules de l'ectoderme. Ges cellules musculaires sont com- posées d'une substance musculaire entourée d’une mince couche de protoplasma, laquelle, se prolongeant sous forme de cordon, relie les fibres aux éléments de l’ectoderme. D'après l'auteur, les cellules ectodermiques correspondent physio- logiquement aux cellules nerveuses. Les prolongements protoplasma- tiques qui les rattachent aux fibres-cellules musculaires joueraient le rôle de véritables nerfs moteurs. M. Van Beneden entre ensuite dans la description spéciale de la région germinative des gonosomes, en ayant soin de faire connaître les méthodes de préparation qu’il a mises en usage au cours de ses recherches. En premier lieu, il parle de l'ectoderme, dont les caractères ne sont pas autres dans la région germinative que dans les autres par- ties du corps. Get ectoderme est formé de cellules à noyaux dont les TRAVAUX FRANCAIS. — Z00LOGIE. 603 contours apparaissent avec une netteté parfaite sous l’action de l'acide osmique. On n'y trouve qu'un petit nombre de corps urticants, logés dans des cellules d'une forme particulière, situées un peu plus pro- fondément que les cellules qui les entourent, ou bien occupant la superficie de la couche ectodermique, et alors munies d'un petit pro- longement filiforme qu Allman assimile à un poil tactile et appelle palpocil, interprétation que M. Van Beneden regarde comme peu plausible. Au-dessous de l'ectoderme, on rencontre une couche composée de fibres musculaires à éléments non contigus et distincte de la lamelle basilaire anhiste, qui se retrouve apparemment chez tous les Hy- droïdes. L'endoderme qui limite immédiatement la cavité digestive est formé de cellules à cils vibratiles, dont les caractères varient beaucoup d’une région à une autre. Sans insister sur ces caractères différentiels, nous rappellerons que le noyau, qui se retrouve constamment dans les cel- lules, devient dans la région germinative très-gros, homogène et . pourvu d'un seul nucléole très-réfringent, renfermant souvent lui- même une vacuole remplie d’une substance moins réfringente. Ajou- tons cependant que ces cellules à gros noyaux sont séparées par des cellules prismatiques, comme on en voit dans d’autres parties du corps, mais renfermant 1ci deux ou plusieurs noyaux. Les sporosacs prennent naissance dans l'endoderme. [ls apparais- sent comme un refoulement de cette couche et de l’ectoderme, ayant l'apparence d'un tubercule conoïde. Dans ce refoulement, une partie des cellules à gros noyaux devient des ovules. A cet effet, le noyau grandit et présente une tache claire ; les cellules prismatiques qui l'entourent arrivent à se rejoindre au-dessus de la cellule œuf et à la refouler vers les membranes sans structure. Ainsi apparaissent bien- tôt trois sporosacs inégalement développés. Par les progrès de l'évo- lution, l'ouverture du sporosac invaginé se rétrécit et se réduit à une simple fente, tandis que le tubercule qui lui correspond s'étrangle à sa base. Le sommet du sporosac contient unc formation qui doit nous occu- per. Sur la portion de l'ectoderme qui touche le sommet du sporosac, se produit une prolifération de cellules donnant naissance à un tubercule qui se moule sur la pointe de l’ovule et Le recouvre peu à peu comme une cupule. Le corps ainsi formé, c'est l'organe testiculaire. Entre l'organe testiculaire et l'ectoderme, l’endoderme s'insinue de manière à représenter sur la coupe optique deux croissants que M. Van Bene- den appelle lames médusoïdes. 604 REVUE SCIENTIFIQUE. De la sorte, dans le sporosac entièrement développé, on rencontre, en allant de dehors en dedans : 1° l’ectoderme ; 2° la couche de fibres musculaires ; 3° la lamelle sans structure ; 4° la lame médusoïde ; 5° la lame testiculaire ; 6° enfin l'endoderme. Les lames médusoïdes s'accroissant de plus en plus, on finit par couper le pédicule du prolongement en forme de cupule qui coitfe l'ovule, et l’on a alors une lame testiculaire distincte et séparée de l’ectoderme. L'organe testiculaire offre une particularité que nous ne devons pas passer sous silence. Il s'y creuse un espace intérieur en forme de fente parallèle à la face concave et à la face convexe de l'organe, qui détermine la formation de deux couches dans cet organe. Toutefois cette scissure intérieure peut provenir, dans certains cas, d'une in- vagination. On retrouve donc ici les deux modes de constitution de la cavité digestive de la Gustrula, qui se forme, on le sait, tantôt par invagination, tantôt par creusement d'une cavité au sein même de la masse d'abord pleine de l’ovule. D’après les observations de M. Van Beneden, la lame médusoïde . peut manquer, auquel cas la lame testiculaire se trouve en contact immédiat avec la lamelle hyaline. Nous ne retracerons pas les changements d'importance secondaire qui se produisent dans le sporosac. Rappelons seulement que les œufs semblent progressivement expulsés de l'endoderme, ou plutôt cette membrane se reconstitue autour de la cavité du sporosac, de facon à recouvrir les œufs d’un côté, formant alors ce qu Allman a nommé le spadix du sporosac, spadix dont les cellules portent chacune un cil comme celles de la région gastrique. Dans les gonosomes adultes, le nombre des sporosacs augmente, et on peut en rencontrer jusqu'à une douzaine développés au-dessous de la ligne sur laquelle les premiers ont apparu. Ces nouveaux sporosacs se forment dans des points où l'endoderme offre tous les traits de l'épithélium caractéristique de la région gastrique. Celle-ci est d'au- tant plus étendue en longueur qu'elle a donné naissance à un plus grand nombre de sporosacs ; elle gagne progressivement du terrain aux dépens de la région germinative, laquelle à son tour envahit gra- duellement l’espace occupé par la région cambiale. Cette dernière cependant conserve la même hauteur, à la condition de se déplacer peu à peu de bas en haut. L'endoderme cambial se régénère donc de lui-même, absolument comme les cellules du cambium des Dicotylé- dones qui engendrent de nouvelles couches ligneuses et corticales, tout en gardant leur épaisseur et leur force génératrice. EC TRAVAUX FRANCAIS. — ZOOLOGIE. 605 Les colonies mâles, dont l'auteur s'occupe ensuite, montrent le même polymorphisme que les colonies femelles ; en outre, de part et d'autre, les gonosomes offrent une similitude très-grande de struc- ture. Dans la région germinative on trouve bien encore, au milicu des cellules prismatiques, quelques cellules à noyaux plus grands, mais qui ne peuvent êtres confondues avec celles qui, dans le gono- some femelle, donnent naissance aux ovules. Cette tendance de cer- taines cellules à se différencier de manière à rappeler les cellules ovu- laires est intéressante à noter. Elle conduit à admettre l'existence d'un rudiment d'ovaire chez le mâle de l'Hydractinie, d'autant plus que, dans le cours du développement des sporosacs mâles, l'endoderme germinatif se comporte absolument comme dans les jeunes sporosacs femelles, et revêt des formes exactement comparables. Un bourgcon ectodermique déprime aussi l'endoderme : ce bourgeon correspond au testicule et est enveloppé par l'endoderme, constituant encore des lames médusoïdes. Il prend, comme nous l'avons dit, là forme d'une cupule; sa base, progressivement étranglée par les lames médusoïdes, finit par être isolée, et une masse testiculaire distincte se trouve con- stituée. L'acide osmique est impuissant à mettre en évidence les cir- conscriptions cellulaires, qui ne sont peut-être différenciées que par leurs noyaux. On retrouve un spadix, formé comme nous l'avons appris. Enfin, les cellules qui le constituent se creusent de vacuoles et se chargent de globules réfringents et de granules pigmentaires de - couleur rose. On aperçoit aussi une fente qui apparaît dans la masse du bour- geon ectodermique par creusement ou invagination; seulement, dans le mâle, cette fissure se trouve très-près de la surface et n’en est sépa- rée que par une simple couche de cellules, qui subit une sorte de dégénérescence graisseuse et ne produit jamais de spermatozoïdes. De cette étude approfondie du développemeut des organes sexuels dans les Hydractinies, l’auteur conclut : 1° Que les œufs se développent exclusivement aux dépens des cel- lules épithéliales de l'endoderme, 2° Que le testicule et les spermatozoïdes prennent naissance dans l’'ectoderme; 3° Queles sporosacs femelles contiennent un rudiment d'organe testiculaire , les sporosacs mâles un rudiment d’ovaire ; qu'alors ces sporosacs sont morphologiquement hermaphrodites. L’ectoderme appelé feuillet animal doit être considéré en même temps comme le feuillet müle ; l'endoderme ou feuillet végétatif mérite en même temps . le nom de feuillet femelle. 606 REVUE SCIENTIFIQUE, La fécondation a pour but de réunir les éléments chimiques de polarité opposée, qui, associés transitoirement dans l'œuf, ont éprouvé une séparation ultérieure. D’après les études récentes sur l'embryogénie des Vertébrés, l’épi- thélium superficiel de l'ovaire, aux dépens duquel se forment les tubes ovariens, les vésicules de de Graaf et les canaux de Müller, dérive d'une portion du feuillet moyen de Von Baër et de Remak, feuillet qui n’est, avec le feuillet interne de Remak, qu’une portion différen- ciée d'une même couche cellulaire de l'endoderme. D'autre part, le testicule se constitue aux dépens du canal de Wolff, que plusieurs embryologistes font dériver du feuillet externe, ectoderme, par l'in- termédiaire du cordon axial. En conséquence, dans les Vertébrés, le testicule et l'ovaire auraient en définitive le même point de départ que dans les Hydractinies, et il est à supposer que la même spécialité d'origine se retrouvera pour les organes mâles et femelles dans l’ensembie du règne animal. — M. Henri Gervais a inséré (Journal de Zoologie, tom. III, pag. 380) une Note sur un cas de Métopagie compliquée de Proencéphalie, observé chez le Canard domestique (avec une Planche). La Métopagie est un genre de monstruosité double eusomphalienne consistant dans la réunion par la région frontale des deux sujets asso- ciés. Déjà Tiedemann avait fait connaître (1829) un cas de Métopagie chez un Oiseau. Le nouvel exemple mentionné dans la note de M. H. Gervais a été observé sur un Canard parvenu au vingt-huitième jour de l'incubation, et par conséquent arrivé au terme de son développement embryounaire. Dans le monstre décrit par Tiedemanu, il y avait sou- dure des hémisphères; les frontaux, les pariétaux et les 6ccipitaux étaient aussi confondus par les bords supérieurs et internes, tandis que dans le Métopage de M. H. Gervais les encéphales étaient indé- pendants et les frontaux soudés seulement par leurs bords internes. En outre, il y avait jonction des os du nez. — Le D' Gray admet qu'il existe dans les parages de la Nouvelle- Zélande trois espèces de Baleines : une petite ne mesurant pas plus de 5 mètres de longueur, le Neobalæna marginala, et deux grandes, le Caperea antipodum et le Maclayius australensis. Dans une note criti- que intitulée Les Baleines de la Nouvelle-Zélande (Journal de Zoologie, tom. III, pag. 386), M. P.-J. Van Beneden réduit ces trois espèces à à une seule, qu'ilnomme Balæna antipodium. — Le Journal de Zoologie, tom, IIT, pag. 290, a publié un extrait TRAVAUX FRANCAIS.— Z00LOGIE. 607 d'un Mémoire sur un Dauphin nouveau de la baie de Rio-de-Janciro, par M. Édouard Van Beneden. Si la faune mammalogique du Brésil est la mieux connue de toutes les faunes tropicales, il est un groupe cependant, celui des Cétacés, qui a peu attiré l'attention des explorateurs de cette riche contrée. Les seuls Cétacés jusqu ici signalés sont des espèces fluviales provenant principalement de l’Amazone et de ses affluents, ou bien encore de l'embouchure de la Plata. Nous citerons : {° le Steno Tucuxi, du Haut-Amazone, qui n'est: peut-être pas distinct du Delphinus pallidus de M. P. Gervais et aussi d'une espèce décrite par M. Agassiz dans la relation de son voyage au Brésil ; 2° un autre Cétacé du Haut-Amazone nommé par M. P. Gervais Delphinus fluviatilis (le Delphinus de Spix et Martius se rapporte probablement à cette espèce où à la précédente) ; 3° un véritable Dauphin, Delphinus microps de Gray ; 4° l'Inia de Geoffroy. Aucun des naturalistes qui ont décrit les Mammifères Brésiliens n'a signalé une espèce de Dauphin que M. Ed. Van Beneden a ren- contrée dans la baie de Rio, où elle vit constamment en bandes de cinq, six ou huit individus. L'auteur fait connaître les habitudes de ce Cétacé et raconte les difficultés qu'il éprouva pour s'en procurer un exemplaire, à cause des croyances superstitieuses qui empêchent les Brésiliens de leur faire la chasse. Il rattache l'espèce de la baie de Rio au genre Sotalia de Gray. sous le nom de spécifique de Brasiliensis. M. Van Beneden, après avoir fourni des renseignements détaillés sur les dimensions et les caractères extérieurs du Dauphin de Rio, donne la diagnose différentielle des deux espèces qui composent le genre Sotalia. — M. Chr. Lutken a inséré (Journal de Zoologie, tom. III, pag. 318) le résumé d’un Mémoire sur les différences dans la dentition que pré- sentent, selon le sexe, les Raïes (Raja) qui habitent les côtes du Danemark. Les traités de Zoologie attribuent aux Raies des dents broyeuses , obtuses, aplaties et rhombhoïdales, rangées en quinconce et formant comme un pavé, avec cette réserve que les mâles adultes possèdent des dents généralement munies chacune d'une pointe et disposées en séries longitudinales assez régulières. D'après les traités particuliers sur les Raies de la faune boréale, cette caractéristique ne conviendrait en réalité qu'à la Raie bouclée (Raja clavaia), tandis que dans la Raie ronce (R. radiata) et la Raie ‘blanche (R. batis), les mâchoires seraient armées de dents pointues, 608 REVUE SCIENTIFIQUE. disposées en séries longitudinales régulières et semblables dans les deux sexes. L'examen des dents de la À. batis et de la R. radiata a montré qu'il existe, chez les individus adultes et aptes à la reproduction, une différence très-grande entre les deux sexes, différence qui toutefois s'efface avec les progrès de l’âge. Dans la R. radiata mâle, la pointe dont la dent est pourvue est plus allongée et plus arrondie que dans la femelle, et forme plutôt un pro- longement immédiat de l'angle postérieur de la dent. Chez la femelle, cette pointe se montre plus comprimée et constitue une sorte d'épine dressée sur la couronne de la dent. — Dans la R. batis, on retrouve des différences de même ordre, plus marquées seulement en raison de la taille gigantesque des individus ayant atteint l'âge adulte. En terminant, l'auteur déclare que le développement périodique de groupes d'épines en cardes sur les nageoires pectorales lui paraît peu vraisemblable. Enfin , il admet que la À. Gaimardi d'Islande (Valen- ciennes) n’est, selon toute apparence, qu'un jeune mâle de R. batis. — Dans une Notice sur les Anomalies des vertèbres sacrées chez les Crocodiliens, par M. J. Reinhardt, dont un extrait est inséré dans le Journal de Zoologie, tom. ILE, pag. 308, nous lisons que cet anatomiste a observé, sur trois squelettes de Crocodiliens, une anomalie consis- tant dans la présence de trois vertèbres pelviennes au lieu de deux, qui est le chiffre normal. M. Reinhardt décrit avec soin la forme et les rapports de ces pièces vertébrales surnuméraires, et il en conclut que, dans l’un des cas c'est la dernière vertèbre lombaire, et dans les autres la première caudale, qui a subi la transformation en vertèbre sacrée. — Unextrait de l'Histoire des Poissons du bassin de Léman, par M. Godefroy Lunel, qui a paru dans le Journal de Zoologie, tom. UT, pag. 372, sous le titre de Propagation et mœurs de la Tanche, fournit quelques détails intéressants sur ce Cyprinoïde. à La Tanche fraie habituellement de la fin de mai à la fin de juillet. Lesæufs sont fixés, au moyeu du mucus quiles enduit, sur les plantes aquatiques, dans les endroits marécageux rapprochés du rivage. Si la température est favorable (20° à 25°), ils éclosent en une se- maine. La croissance des alevins est assez rapide, et au bout de cinq ou six ans une Tanche peut arriver à peser 3 kilog. La reproduction accomplie, ces Poissons se tiennent tranquilles, cachés dans les herbes ou blottis dans la vase. Dès que le froid se fait 1 pe Li TRAVAUX FRANCAIS. — ZOOLOGIE. 609 jours. La vase leur est indispensable : dans l'eau vive et pure d’un aquarium bien nettoyé, ils maigrissent et perden£ leurs couleurs. La résistance vitale de la Tanche est très-grande : elle vit longtemps hors de l’eau; il paraîtrait même, d'après certaines observations de M. Lunel, qu'elle peut subsister dans la vase restée humide à une cer- taine profondeur par suite d'infiltrations, mais desséchée à la surface. Elle se nourrit de végétaux, d'Insectes aquatiques, de Vers, de Mollusques. Elle avale aussi la vase, sans doute pour en extraire les matières albiles qui s'y trouvent. Les intestins recèlent fréquemment des Entozoaires, tels que : Ligula simplicissima Rud., Caryophyllæa Piscium Goetze, Tænia laticeps, etc. — Dans le Journal de Zoologie, tom. IT, pag. 313, nous trouvons la description et la figure, empruntées à M. Targioni-Tozzatti, d'une Nou- velle espèce et d’un nouveau genre de Cirrhipèdes Lépadidés se tenant sur les plumes abdominales du Priofinus cinereus, Oiseau appartenant au groupe des Puffins. Ce Cirrhipède, qui a été rencontré par les pro- fesseurs F.de Filippi et E. Giglioni dans l'océan Atlantique austral, est nommé par l'auteur Ornitholepas australis. — À lasuite de cette Note (Journal de Zoologie, tom. ILE, p. 315.), M. le professeur P. Gervais mentionne quelques Cirrhipèdes trouvés à Cette. Il donne des détails descriptifs sur le représentant d'un groupe qu'il considère comme nouveau, et qu'il nomme Dilepas cærulescens. Il cite ensuite de cette localité les espèces suivantes : Anatifa dentata Lamk., Anat. striolata Risso, Anat. tricolor Quoy et Gaim., Cineras vittata Lamk. (Cineras bicolor Risso) et Otion Rissoanus. Sur une Planche relative à cette Note, M. Gervais a fait représenter le Dilepas cærulescens, l'Otion Rissoanus, et, comme objet de comparai- son, l'Alepas minuta, d'après Philippi ; puis un Cirrhipède que Darwin rapporte à la même espèce, mais que M. Gervais propose de nommer Dilepas Darwini. — M. H. Krabbe a publié une Notice (Journal de Zoologie, tom. LEE, p. 392) sur le Diplocotyle Olriki, Cestoide non articulé du groupe des Bothriocéphales. Cet entoparasite a été rencontré en 1860, au nombre de six exemplaires, au Grôenland, dans le canal intestinal du Salmo carpio. Ces Vers, qui mesurent 70 à 130 millim. de longueur sur 2? à 5 de largeur, ont leur extrémitéantérieure pourvue de deux suçoirs conti- gus etsaillants. Le corps est dénué d’articulations, et, sur la face ven- _ trale, les ouvertures sexuelles sont distribuées en série, comme chez les - 610 REVUE SCIENTIFIQUE. Bothriocéphales. Get Entozoaire est voisin du Dibothrium de Diesing, mais il sen distingue par le manque d'articulations. Si ce dernier trait, à son tour, le rapproche des Ligula, la présence des sucçoirs suffit pour l'en séparer. L'auteur a donc créé pour ce Cestoïdele genre Diplo- cotyle, etil lui a imposé le nom spécifique d'Olrikii, en souvenir de celui qui l’a découvert. — M. Chr. Lutken a donné, dans le Journal de Zoologie, tom. XI, p. 321, la description du Cladangia exusta, espèce moderne d’un genre de Coraux connu jusqu'ici seulement comme fossile miocène. L'espace nous manque pour analyser la Thèse de notre collabora- teur M. le D' Sicard. Nous rendrons compte des importants Mémoires de M. le professeur de Lacaze-Duthiers sur les Ascidies simples, et de M. E. Perrier sur les Lombriciens, quand la publication en aura été achevée par les Archives de Zoologie expérimentale et générale. S. JOURDAIN. Dans un précédent Mémoire sur le développement des capillaires sanguins etlymphatiques (Arch. de Physiologie, nov. 1873), M. Rouget avait signalé la diapédèse des globules blancs du sang comme source probable des globules pigmentaires qui se fixent sur la paroi des vaisseaux des Batraciens et quel on trouve souvent dans les Iympha- tiques. De nouvelles recherches faites sur des têtards de Grenouille et des larves de Triton (Arch. de Physiologie, nov.-déc. 1874) ont permis au même auteur d'assister à la transformation des leucocytes en cel- lules pigmentaires, ainsi qu à leurs migrations et à leur établissement dans certains tissus comme éléments fixes. Lorsque les globules du sang sortent des vaisseaux par diapédèse, le rôle des globules rouges est entièrement passif. Ces globules ne quittent les vaisseaux qu'autant que la pression intra-vasculaire est augmentée par suite de la stase sanguine ; arrivés au dernier terme de l’évolution cellulaire, ils cessent de se nourrir et de vivre quand ils sont hors du plasma sanguin. Les globules blancs, au contraire, éléments jeunes et doués de toute l’activité cellulaire, traversent la membrane des vaisseaux à l'aide de leurs prolongements amiboïdes et continuent à se nourrir après leur sortie La diapédèse des leucocytes, qui se fait normalement, sans aucun trouble de la circulation, est surtout favorisée par l'absorption d’eau éthérée ou d'une solution de curare amenant l'immobilité de l'animal. Les leucocytes et les globules rouges se trouvant en présence, en dehors des vaisseaux, soit par suite de diapédèse, soit par suite d'hé- TRAVAUX FRANCAIS. — Z0O0LOGIE. 611 morrhagie traumatique, on voit les leucocytes, à l'aide de leurs pro- longements amiboïdes, englober un ou plusieurs globules rouges, les digérer et s’en nourrir, comme font les Infusoires alimentés artificiel- lement avec des matières colorantes, fragments d'épithélium choroï- dien, etc. Les globules rouges se dissolvent dans le protoplasma des leucocytes, et bientôt apparaissent dans ces derniers des granulations hématiques, d'abord jaunes, puis rouges et enfin noires. Le leuco- cyte se transforme en mélanocyte : on trouve tous les états intermé- diaires. « Les mélanocytes doués, comme les leucocytes, de mouvements amiboïdes, émigrent vers différentes destinations. Les uns pénètrent dans les voies lymphatiques et se dirigent vers le système vasculaire sanguin, où leur destinée ultérieure n'est pas encore connue ; d'au- tres vont se fixer sur les vaisseaux, les nerfs, ets’ y ramifient, sour constituer les tuniques adventices ; d’autres, également ramifiés, for- ment des couches pigmentaires noires et jaunes chromatogènes à la surface du derme ; d’autres enfin pénètrent jusqu au-dessous des cou- ches épidermiques, ou même dans l'épaisseur de la couche profonde, et deviennent les cellules étoilées du pigment sous-épidermique. » Les observations de M. Rouget jettent aussi un nouveau jour sur certaines cellules décrites pour la première fois par Külliker et Ecker, dans la rate des Amphibiens, des Poissons, des Mammifères et de l'Homme. On trouve eneffet constamment, dans la pulpe splénique, des cellules à noyaux contenant des globules sanguins, et d’autres cel- lules ne renfermant plus que des granulations pigmentaires diverse- ment colorées. Külliker pense que la destruction des globules du sang dans la rate et leur transformation en granulations pigmentaires est un phénomène pathologique. Mais, de même que la diapédèse des leucocytes et leur métamorphose en éléments fixes des tissus est un fait normal, comme l’a définitivement établi M. Rouget, de même la destruction des globules rouges dans la rate doit être considérée comme un phénomène physiologique. «Il faut regarder aussi comme un accident d'organisation devenu normal, cette catégorie d'hémor- rhagies accidentelles qui, existant chez de nombreuses espèces ani- males à l’état naturel, réalisent les conditions de développement des cellules pigmentaires devenues éléments normaux de l'organisme, parce qu'elles remplissent un rôle utile aux conditions d'existence de l'individu et de l'espèce.» Cependant, dans certaines conditions, les métamorphoses des 2lo- bules blancs peuvent être déviées dans la direction pathologique. Dans l’intoxication paludéenne, la rate est congestionnée : partant, 61? REVUE SCIENTIFIQUE. stase sanguine, diapédèse, hémorrhagies capillaires et formation exagérée des globules pigmentaires. Ceux-ci, entraînés par la cireu- lation, arrivent dans les petits vaisseaux, déterminent des obstruc- tions vasculaires suivies d'apoplexies capillaires dans lencéphale, le foie, etc. Ainsi peuvent s’expliq'ier les accidents de la mélanémie. Enfin, chez des têtards dont la membrane natatoire avait été meur- trie et déchirée sur les bords, M. Rougeta vu se former, au niveau de ces lésions, des franges saillantes et de véritables végétations formées de leucocytes et de quelques cellules pigmentaires provenant de la résorption du sang épanché au moment de l'hémorrhagie. Ces cel- lules n'étaient pas ramifiées et n'étaient pas douées de mouvements amiboïdes; elles étaient sédentaires et constituaient de véritables néoplasies pathologiques. Dans certains endroits où il n'y avait eu- qu'une simple déchirure de la membrane natatoire, les leucocytes «hématophages», transformés eu cellules pigmentaires, étaient accu- mulés au niveau des cicatrices. « Il est permis de penser d'après cela que le tissu des cellules embryonnaires des bourgeons charnus, que l’on supposait provenir d'une prolifération inflammatoire du tissu conjonctif, pourrait bien être formé de la même facon que ces végé- tations par des accumulations de globules blancs. » Le Mémoire de M. Rouget tend donc à prouver que les globules blancs ont une évolution semblable à celle des organismes les plus simples, Infusoires et Radiaires. « Provenant de tissus fixes, stroma des glandes lymphatiques ou des cellules du tissu conjonctif, les leu- cocytes entrent dans le torrent circulatoire et vivent quelque temps dans le milieu sanguin. Ils en ressortent en traversant les parois vas- culaires et se fixent finalement dans telle région ou tel organe.» F. HENNEGUY. ==— ER EE RE Re te Botanique. M. J. de Seynes, professe1r agrégé à la Faculté de médecine de Paris, a commencé, sous le titre de Recherches pour servir à l'histoire natu- relle des végétaux inférieurs, une publication dont le premier fascicule est consacré à la monographie des Fistulines!. Indépendamment de la connaissance exacte de ces végétaux observés en eux-mêmes, l’auteur fait ressortir l'importance de leur étude au point de vue de la solution des problèmes que présente l'organisation des végétaux supérieurs. En eftet, 1 In-40, avec sept planches en couleur. Paris. F, Sivy et G. Masson, éditeurs. TRAVAUX FRANCAIS, — BOTANIQUE. 613 les organismes inférieurs, réduits à un petit nombre ou même parfois à un seul des éléments cellulaires qui entrent dans la composition des êtres organisés, offrent par cela même de grandes facilités pour l’observation des phénomènes dont ils sont le siége et dont la connaissance permettra de comprendre les actes biologiques plus compliqués qui s’accomplissent au sein des organismes supérieurs. Aussi, dit M. de Seynes, « je m’effor- cerai de montrer les points de contact que présentent l'anatomie et la physiologie des végétaux inférieurs avec l'anatomie et la physiologie des autres végétaux ». Mais, malgré les nombreux et remarquables travaux dont ils ont été l’objet dans ces dernières années, les Cryptogames sont loin d’être encore suffisamment connus pour qu'on ait tiré de leur étude tous les avantages qu’elle promet. C'est dans la pensée de coopérer par ses recherches aux progrès de cette branche de la botanique que M. de Seynes à entrepris de publier ses observations, qui prendront place à côté de celles des Tulasne, des de Bary, ete... La monographie du genre Fistulina, qui inaugure cette publication, est accompagnée de sept belles planches, précieuses pour l'intelligence des descriptions et des détails que donne l’auteur. Chose remarquable ! les Fistulines, séparées des Polypores par Bulliard, ont frappé l'attention des botanistes par leur structure particulière, sans avoir été jamais l’objet d’une étude spéciale ; le seul qui se soit occupé de leur organisation, Schmalz, n’a fourni sur elles que des données inexactes. Le travail de M. de Seynes offre donc l’intérêtde la nouveauté; il renferme un grand nombre de faits et d'observations qui ont été résumés par l’au- teur dans une communication à la Société botanique de France‘, que nous ne croyons pouvoir mieux faire que de reproduire. «1° L'analyse des cellules du tissu du réceptacle m'a conduit à y reconnaître deux types principaux : l’un large, l’autre étroit, que l’on retrouve dans la plupart des réceptacles des Champignons dits charnus ; la forme large n'étant en définitive que l’état plus développé de la forme étroite, on voit passer successivement ces deux formes de l’une dans l’autre, sans présenter de différence aussi sensible que dans les Russules, dont les cellules du type large ont une forme sphérique, tandis que celles du type étroit gardent la forme cylindrique ou filamenteuse. Cette étude m'a permis de reconnaitre la connexion des cellules étroites, qui portent des conidies, avec les cellules larges du parenchyme médian, et d’opposer ainsi un premier argument aux objections qui m'avaient été faites par M. de Bary; elle m'a amené à reconnaitre aussi, dans le parenchyme, des cellules de même structure que celles qui se rencontrent dans la volve ! Bulletin de la Soc. bot. de France, tom. XXI, pag. 191. 614 REVUE SCIENTIFIQUE . des Phalloïdés ou dans les Exidies ou les Tremelles, et que pour cette raison j'ai appelées « cellules du tissu trémelloïde ». Ces cellules ne for- ment point un système distinct; elles naissent des cellules des deux autres types, large et étroit. »2° Les réservoirs à suc propre naissent des cellules du réceptacle. Le bourgeonnement qui donne naissance à ces réservoirs se cloisonne au point ou près du point où il émerge de la cellule-mère, dès que le suc propre, en général coloré, apparaît dans son intérieur; l'accroissement de ce réservoir semble pouvoir se faire indéfiniment, sans qu’il se eloisonne; quelquefois il donne naissance à des cellules contenant le protoplasma ordinaire incolore, et la ramification que forme cette nouvelle cellule ne se cloisonne pas au point où elle prend naissance sur le réservoir à sue - propre. »3° Les anastomoses fréquentes que préserrtent les réservoirs à suc propre ne sont pas dues à la rencontre de deux cellules s’accolant bout à bout et dont les parois en contact se résorbent. En suivant les procédés de bifurcation et de changement de direction des bifurcations, on reconnaît que les anastomoses sont dans tous les cas explicables par le seul fait du développement cellulaire des réservoirs à suc propre dans des sens diffé- :- rents. > 4° Les réservoirs à suc propre sont quelquefois rectilignes, quand ils suivent la direction générale des cellules adjacentes ; d’autres fois, ils sont tortueux et variqueux, mais surtout dans les ramifications qui croisent la direction des cellules du parenchyme. »5° L’assimilation de ces réservoirs avec les vaisseaux, cellules ou lacunes laticifères des Phanérogames, est tout à fait légitime. Si le suc propre n’a pas ici l'aspect laiteux de celui des Lactaires, il se rapproche de celui des autres Hyménomycètes, tels que Ag. olearius DC., denta- tus L., ceraceus Sow., Clavaria aurantia Pers., dont le suc propre se distingue par l'accumulation de matières colorantes ou d’autres substances qui sont en très-faible proportion dans le protoplasma des autres cellules et par les caractères histologiques et les rapports de situation des réser- voirs qui contiennent ce suc. > La surface externe du Fistulina hepatica Fr, présente des houppes pileuses; les poils sont unicellulés, non ramifiés, fusiformes ou clavi- formes ; ils prennent naissance des cellules de tous les types, tout en ayant eux-mêmes un calibre sensiblement uniforme. Tantôt ils sont la terminaison d’un réservoir à suc propre, tantôt ils naissent d’une cellule à contenu incolore, et peuvent malgré cela présenter un suc propre coloré. Ces poils laissent exsuder une substance céracée qui se concrète rapidement à l’air, jaunâtre lorsqu'elle provient de poils dont le contenu TRAVAUX FRANCAIS. — BOTANIQUE. 615 n’est pas coloré, rouge si elle provient de poils à suc propre rouge. Ce produit de sécrétion les agglutine souvent les uns aux autres. »7° A la surface inférieure du chapeau, les tubes hyménophores sont constitués par des cellules étroites, à direction parallèle, naissant de cel- lules larges, de même que les cellules sous-hyméniales des lamelles des Agarics naissent d’un système central de cellules larges. Ce que l’on à appelé cystides chez la Fistuline n’est que l'extrémité libre de ces cellules formant une collerette autour de l'ouverture du tube; ces cellules peu- vent, comme les poils, laisser exsuder un peu de matière colorante qui se concrète à l'extérieur ; la substance colorante n’est pas appréciable à l’in- térieur des cellules qui forment les tubes, parmi lesquels ne se rencontrent jamais de réservoirs à suc propre. » 8° L’hyménium apparaît à l’intérieur du tube hyménophore, avant que celui-ei soit ouvert; quand il ne forme qu’un petit mamelon, les cellules les plus internes se recourbent pour prendre une direction perpendicu- laire à celle qu’elles suivaient primitivement; elles se terminent par un renflement claviforme dans l’intérieur duquel se distingue une grosse gouttelette huileuse : c’est le premier état du baside, qui ressemble alors tout à fait à la cellule-mère des conidies au même âge: Quelquefois même la cellule sous-hyméniale, donnant naissance à plusieurs basides, forme comme un bouquet comparable à ceux qui s’observent chez les cellules- mères des conidies. »9° C’est vers la partie supérieure du réceptacle que se trouve le lieu d'élection des conidies chez les individus normalement développés, mais on rencontre souvent des individus qui ne portent pas de tubes et qui sont exclusivement conidipares ; ils produisent des conidies dans toute la périphérie de leur parenchyme. Cette production atteint même quelque - fois la profondeur du pédicule, ce qui n’arrive jamais chez les individus munis de tubes hyménophores. L'existence de ces individus exclusive- ment conidipares est un nouvel argument contre l'hypothèse de M. de Bary, d’un prétendu parasitisme. >» L'examen d'échantillons anciens et remontant jusqu’à l’année 1825, ou d'échantillons récents recueillis en France, en Allemagne et jusque dans l'Himalaya, m'a toujours montré des conidies, et dans les mêmes rapports avec les différentes parties du réceptacle, à la partie supérieure du réceptacle correspondant au sommet du pédicule quelquefois un peu déjeté en arrière; elles s’étendent bien au-delà, mais elles ne se déve- loppent jamais au niveau des tubes hyménophores. » 10° Enfin la nature reproductrice des petits corps auxquels je con- serve le nom de conidies m'a été confirmée par leur germination, que j'ai obtenue à la fin du printemps de 1870 ; j'ai décrit et figuré cette obser- 616 REVUE SCIENTIFIQUE. vation, qui démontre l'existence d'une double enveloppe chez les conidies. »11° Les réactions chimiques présentées par la matière colorante contenue dans les réservoirs à suc propre sont les mêmes pour ces réser- voirs et pour la membrane légèrement colorée de la spore et de la coni- die. Le protoplasma contient, comme chez les Agarics et les Bolets, dont le parenchyme se colore au contact de l’air, une substance ozonisante qui produit instantanément la coloration rouge dans les portions de tissu restées blanches, dès qu’on les expose à l’air. On peut vérifier l'existence de cette substance au moyen de la teinture de gaïac, qui bleuit le tissu de la Fistuline. , » 12° Le protoplasma, surtout dans les réservoirs à suc propre, contient ure forte proportion de tannin que trahit la coloration noire obtenue avec un sel de fer. 139 On peut reconnaître à l’intérieur des poils de Fistuline que les granulations protoplasmiques sont douées d'un mouvement analogue à celui que l’on observe dans les cellules des Penicillium glaucum Lx. et des Mycodermes ; ce mouvement se termine par la fixation des granu- lations mobiles contre la paroi cellulaire, et à la rencontre d’un liquide analogue à celui dont elles sont composées. » 14° Un fluide gazeux parcourt les veines blanchâtres du tissu de la Fistuline ; un grand nombre de ces veines, dont la teinte est due à la présence de ce fluide dans les méats intercellulaires, aboutissent à la face inférieure du réceptacle ; arrivé là, le fluide gazeux ne trouve d’issue au dehors que dans les espaces qui séparent les tubes entre eux et ne pé- nètre pas à l’intérieur des tubes. » 15° Dans le très-jeune âge, le réceptacle du F. hepatica se pré- sente sous forme d’une petite sphérule blanche, devenant rosée lors- qu’elle est entamée à l'air, formée de filaments cellulaires minces homogènes, ayant à l’origine une certaine analogie avec des filaments mycéliaux. Dès ce moment commencent à se développer des conidies, qui précèdent, comme on le voit, de longtemps la formation de l’hyménium; les bouquets de conidies apparaissent à la surface entremélés aux poils incolores et cependant déjà sécréteurs. Plus tard, lorsque la Fistuline apparait entre le bois et l’écorce sous forme d’un petit mamelon sphéri- que coloré en rouge, la formation des conidies continue; mais elles n'arrivent pas à la surface, elles se développent au-dessous de la superficie pileuse. L’accroissement des conidies est quelquefois si abondant qu'il s’en forme jusqu'à la base du pédicule, et qu’alors le chapeau ne se dé- veloppe pas; d’autres fois, il y a une tendance à la formation du chapeau, le réceptacle s'accroît d’arrière en avant, quelquefois d’une manière con- sidérable, mais les tubes hyménophores n'apparaissent pas, et les conidies TRAVAUX FRANCAIS. — BOTANIQUE. 617 se développent uniformément à la périphérie du réceptacle. De là, deux formes d'individus conidipares : ceux qui conservent la forme d'individus Jeunes, et ceux qui présentent un développement avorté du réceptacle. » 16 Chez les individus jeunes qui doivent donner naissance à un vé- ritable chapeau fertile, les conidies se développent au sommet de la petite sphère qui termine l'individu jeune, mais un certain nombre n'aboutissent pas à un développement complet et normal ; le renflement cellulaire destiné à former une conidie pousse un bourgeon qui s'accroît en longueur et prend part à la structure du parenchyme du réceptacle. Les cellules ainsi formées sont encore reconnaissables, chez l'individu adulte, par leur calibre étroit, leur protoplasma riche et le renflement qui est resté le témoin du point où se développait la conidie. La démon- stration de ce fait est achevée par la persistance fréquente dans ce ren- flement du nucléole graisseux qui se rencontre toujours au début de la formation conidienne, et qui persiste dans la conidie une fois formée. » 17° Des préparations faites avec soin sur le chapeau développé mon- trent souvent un véritable antagonisme entre la zone conidienne et la portion du réceptacle qui porte les tubes hyménoptores. La connaissance des individus exclusivement conidipares de Fistulines me semble devoir aider à reconnaître la véritable nature des Prlacre et des Ptychogaster, dont M. Tulasne a déjà soupçonné le caractère incomplet. > 18° On connaît aujourd'hui quatre espèces de Fistulina, dont trois, exclusivement américaines, ont une texture plus tenace, tandis que la quatrième, dont j'ai formé une deuxième section, est charnue: c’est le F. hepatica Fr., ou buglossoides Bull., que son organisation rapproche des Trémelles. Sa véritable place est dans les Polyporés, et non, comme l’a voulu Fries, parmi les Hydnés. — M. Duchartre a relaté dans une Note à l’Académie des sciences les Résultats généraux d'observations sur la germination et les premiers développements de divers Lis ‘. L’éminent Professeur de la Faculté de Paris a constaté que les graines de certaines espèces de Lis germent ra- pidement, et que les plantes qui en naissent se développent et arrivent à floraison dans un temps beaucoup plus court que celles appartenant à d’autres espèces dont les graines sont plus lentes à germer que les pre- mières. Il y à donc des Lis à germination et à croissance plus rapides que d'autres. La radicule qui se présente sous forme d’un petit pivot dans l'embryon des divers Lis à une existence limitée à la première période végétative 1 Comptes-rendus, tom. LXXIX, pag.-965. ALL, 41 618 REVUE SCIENTIFIQUE. dans la plupart des espèces, tandis que dans d’autres, souvent très-voisi- nes, elle persiste et croît jusqu’à la seconde année. Dans le Liliwm giganteum, la tigelle subit, après la germination, un certain allongement ; elle reste très-courte dans les autres espèces. Cette différence en entraîne une autre dans le développement des racines ad- ventives; la formation de ces organes à la base de l’oignon est précédée, dans le Z. giganteum, d’une première génération de racines, au nombre d’une ou deux seulement, naissant au bas de la tigelle et disparaissant avec elle. La gaine cotylédonaire constitue par son accroissement en épaisseur l'oignon naissant, dont l'apparition est naturellement plus précoce chez les espèces à développement rapide que chez les autres. Pendant toute la première période végétative et même au-delà, dans les grandes espèces à croissance lente, cette gaîne s'accroît en tous sens et détermine ainsi l'augmentation de volume qu’on observe dans le jeune oignon. Les parties internes qui naissent de la gemmule ne concourent d’abord que pour une très-faible part au grossissement du jeune oignon, mais elles en forment plus tard les parties constitutives essentielles, après que la gaîne cotylédonaire s’est flétrie et a disparu et que la gemmule s’est développée en un vigoureux bourgeon terminal. L’oignon acquiert alors un volume de plus en plus grand, jusqu’à ce qu’il produise une tige flori- fère. « Cette tige est tantôt terminale et tantôt latérale ; dans le premier cas, l'oignon meurt après l’avoir produite, mais en laissant généralement après lui un ou plusieurs autres oignons qui le remplacent ; dans le se- cond cas, il dure longtemps et fleurit plusieurs années de suite : on peut donc le qualifier de monocarpique dans le premier cas, et de polycarpique dans le second. » — Nous avons signalé, au fur et à mesure de leur publication, la série de recherches entreprises par M. Trécul, pour combattre la théorie de la constitution carpellaire du pistil'. A ses précédentes Observations, il en a ajouté d’autres qui ont pour objet les Liliacées et les Mélanthacées?, L'étude du pistil et des fruits de ces végétaux a fourni au savant acadé- micien de nouvelles preuves à l’appui de l’opinion que les Carpelles, dont la structure est toute autre que celle des feuilles, ne sauraient être regar- dés comme étant de nature foliaire. L'examen fait au même point de vue 1 Revue des sciences naturelles, tom. I, pag. 618; tom. II, pag. 127, 373; tom. III, pag. 383. 2? Comptes-rendus, tom. LXXIX, pag. 1108, 1221, 1288, 1447. TRAYAUX FRANCAIS. — BOTANIQUE. 619 des Viola, principalement du Viola tricolor hortensis, conduit à des conclusions semblables, — Dans un voyage qu'il a fait en Tunisie, notre collaborateur M. Doû- met-Adanson à étudié certaines questions relatives à l'Histoire naturelle de cette contrée, et il a fait connaître dans une première Note à l’Académie des sciences? le résultat de ses recherches au sujet de l’Acacia gommi- fère, signalé vaguement dans la région de Gafsa. Là, il à trouvé en effet ce sommier que les Arabes désignent sous le nom de 7”hala. « L'arbre cecupe dans la plaine dite elle-même dw T’hala , un espace d'environ 30 kilomètres de longueur sur 12 de largeur ; cette station, la seule connue en l'uxisie, est située à peu près sous 339,30” lat. N., environ à mi-chemin de la côte orientale à Gafsa, au pied même de la chaîne des montagnes de Bou-Hedma, qui lui sert d’abri au nord ; à l'est quelques collines, et au sud un Chott ou Sebk’ha (indiqué seulement sur la carte de Pellissier sous le nom de Sebk’ha Naïi) lui servent de limites ; ce chott recoit les eaux saumâtres du torrent ou Oued Bou-Hedma ; à l’ouest, son domaine se perd insensiblement dans une vallée assez large, formée par la chaîne du Djebel Sened au nord, et celle des montagnes des Aï-Eïchas au sud. » M. Doûmet indique la nature géologique du terrain et les conditions climatériques de la station où croît le Gommier; il y en a, au T’hala, de 20,000 à 30,000 pieds. « Les Gommiers ne dépassent pas une hauteur de 7 à 8 mètres. Leur tronc, recouvert d’une écorce rugueuse, se divise en plusieurs grosses branches à la hauteur d'environ 1 à 2 mètres ; d’après les mesures que j'ai pu prendre, il atteint des proportions qui vont jusqu'à 3", 70 de circonfé- rence. Leur tête, élargie et extrêmement rameuse, offre généralement une forme arrondie, plus large que haute, et presque tabulaire à la partie supérieure. » ; M. Doûmet pense que cet Acacia est spontané dans la plaine du T’hala, « bien qu'une sorte de légende, perpétuée chez les indigènes, en attribue l'introduction à une héroïne qui aurait gouverné les tribus du pays, il y a plusieurs siècles, et l'aurait importé de Radamès ». Il doit être rapporté à l'A cacia tortilis Hayne, quise trouve en Arabie, en Égypte, en Nubie et au Sénégal. «La présence de cet Acacia en Tunisie est une nouvelle preuve des affinités de la flore de la Tunisie méridionale avec celle de l'Égypte, affinité déjà constatée par MM. E. Cosson et L. Kralik. » 1 Comptes-rendus, tom. LXXX, pag. 221. 3 Jbid., tom. LXXIX, pag. 1175. 620 REVUE SCIENTIFIQUE. — Dans une Communication sur la Théorie algolichéènique, M. A. Weddel a soutenu l'opinion émise par Schwendener, et confirmée depuis par les remarquables travaux de M. Bornet sur la nature des Lichens. Nous avons déjà eu l’occasion d'entretenir les lecteurs de la Revue desre- cherches de cet observateur ?, et il nous semblait que la question débattue avait été par lui définitivement résolue. Tous les esprits ne se sont pas ralliés cependant à sa manière de voir; aussi n'est-il pas inutile de com- pléter autant que possible cette démonstration. Pour les adversaires de la théorie de Schwendener, l'existence de Gonidies libres, isolées, ne prouve pas que ce soient de véritables Algues, et ils voient en elles des Lichens incomplets, tels, par exemple, les Stigonema, les Scytonema, etc., etc. Démontrer que ces végétaux sont bien réellement des Algues, c'est donc détruire un des principaux arguments invoqués contre la théorie algoli- chénique. «Or, dit M. Weddel, les faits recemment constatés ne peuvent plus, ce me semble, laisser planer de doutes bien sérieux sur le point en litige.» Aux preuves déjà données par M. Bornet à cet égard et emprun- tées au mode de reproduction de ces végétaux, viennent s'ajouter celles qui résultent d'observations nouvelles dues au professeur Gibelli, de Mo- dène, observations qui fournissent « la confirmation la plus complète des résultats annoncés par l’habile expérimentateur d'Antibes ». — L'organogénie du Lophospermuim erubens à fourni à M. Frémineau le sujet d'une Note à l’Académie”. Dans eette Scrophularinée, le déve- loppement de la corolle et de l’androcée présente quelques particula- rités. Des cinq pièces qui, par leur soudure, forment la corolle, ce sont les deux latérales qui se développent les premières, pris la pièce anté- rieure, et enfin les deux postérieures. Les lobes staminaux ont tout d’abord le même volume, maïs la cinquième étamine, qui sera infertile, croît plus vite que les autres, par suite du développement prématuré de son filet, l'anthère restant rudimentaire; les deux étamines antérieures, qui prennent plus d’accroissement que les deux latérales, ont, dès le commen- cement, leurs loges plus marquées que celles-ci. — À M. le D' Vinson est dû un Mémoire sur les Essais d'acclimata- tion des arbres à quinquina à l'île de la Réunion *. Les premiers sujets cultivés dans l’île sont provenus de graines envoyées par MM. Decaisne et Morin, et ils se sont parfaitement développés. Encouragé par les résul- 1 Comptes-rendus, tom. LXXIX, pag. 1172. 2 Revue des Sciences nat., tom. IT, pag. 359, et tom. III, pag. 279. 3 Comptes-rendus, tom. LXXIX, pag. 1212. 4 Jbid., tom. LXXIX, pag. 1303. TRAVAUX FRANCAIS. — BOTANIQUE. 621 tats obtenus, M. Vinson a entrepris lui-même une culture en grand, qui comprend aujourd’hui plus de 300 arbres Les écorces, quoique prises sur des sujets trop jeunes encore, contiennent une proportion satisfai- sante de quinine. Ces tentatives, dues à l'initiative privée, «seraient bien dignes des encouragements du Gouvernement, et les auteurs en soumet- tent l'appréciation au jugement de l’Académie». — M. Sirodot a communiqué à l’Académie d’intéressantes Observa- tions sur les phénomènes essentiels de la Fécondation chez les Alques d'eau douce du genre BATRACHOSPERMUM#. Les organes de la fécondation des Kloridées, l’anthéridie et le tricho- gyne ont été exactement décrits ; mais, dit M. Sirodot : «l'observation, après avoir constaté le transport de l’anthérozoide immobile sur le tri- chogyne, et même leur soudure au point de contact, n’a pas fourni de preuves décisives pour justifier l'opinion, généralement admise, de la résorption des membranes cellulaires en contact et du passage direct du contenu de l’anthérozoïde immobile dans le trichogyne. De plus, la constitution définitive, à l’état d’utricule clos, de la cellule primordiale du cystocarpe ne me paraît pas avoir suffisamment fixé l'attention des organogénistes ». L'auteur repousse d’abord comme impropre cette déno- mination d'Anthérozoïde immobile, appliquée à l’utricule fécondant issu de l’anthéridie; cet utricule, en effet, ne présente aucun rapport avec l’anthérozoïde des Fucus ou des Vaucheria, tandis qu’il offre de l’analogie avec le pollen des Phanérogames; aussi propose-t-il de l’ap- peler Pollinide. En suivant les phénomènes de la fécondation sur une espèce de Batra- chospermum, le B. boryanum Sirodot, on peut observer très-nettement la résorption des membranes cellulaires du pollinide et du trichogyne, et le passage direct du contenu du pollinide dans le trichogyne. C'est après le mélange des deux protoplasma que se constitue la cellule primi- tive du cystocarpe. Elle est formée par la portion basilaire de la cellule unique qui représente l'organe femelle et qui est divisée en deux parties, dont l’une terminale est le trichogyne, et l’autre inférieure très-petite est destinée à la formation de la première cellule cystocarpienne. Après la fécondation, le compartiment cystocarpien se développe rapidement et se constitue à l’état de vésicule close par l’occlusion du canal qui le mettait en communication avec le trichogyne. De cette première cellule nait par bourgeonnement la ramification fasciculée du cystocarpe. «Il résulte de ces observations, dit en terminant M. Sirodot, que, dans ! Comptes-rendus, tom. LXXIX, pag. 1366. 622 REVUE SCIENTIFIQUE. le genre Batrachospermum, les phénomènes essentiels de la féconda- tion se présentent avec tous les caractères d’une conjugaison dans laquelle _une partie seulement du mélange du protoplasma se trouve utilisée. » — Les explorations qui ont été faites dans ces dernières années en vue d'étudier la végétation de la Nouvelle-Calédonie, principalement par M. Balansa, voyageur du Muséum d'Histoire naturelle, ont fourni des résultats suffisants pour qu’on puisse se faire aujourd’hui une idée assez exacte de la Flore de cette contrée. M. Brongniart a porté ces nouveaux documents à la connaissance de l’Académie ‘. « Maintenant je crois, dit- il, que les deux tiers environ des plantes de ce pays nous sont connues, et que les résultats qu’on peut déduire de cette sorte de statistique de la vévétation de la Nouvelle-Calédonie ne seront pas notablement modifiés par les nouvelles découvertes qui, nous l’espérons, viendront encore enri- chir cette flore. » Il établit dans quelles proportions sont représentées les grandes divi- sions du règne végétal, quel est le rapport des Monocotylédones aux Dicotylédones, quelles sont les familles les plus importantes et quel est le nombre des espèces de chaque famille qui se trouvent dans l'Herbier du Muséum d'Histoire naturelle. Dans une communication ultérieure, l’éminent Académicien se propose de montrer «les conséquences qu’on peut tirer de la comparaison de cette énumération avec les flores des régions voisines ». Une communication de M. B. Renault à l’Académie a pour objet l'étude du genre fossile Botryopteris?. C’est la suite des Recherches sur les vé- gétauxsilicifiés d' Autun et de Saint-Étienne en treprises par l’auteur, dont nous nous sommes occupé déjà’. Ce nouveau Genre a été établi d’a- près des débris de plantes qui se composent de fructifications, de plusieurs pétioles et d’un fragment de tige provenant des gisements de Saint- Étienne. M. Renault lui donne le nom de Botryopteris forensis, etil en rapproche sous la dénomination de Botryopteris dubius des fructifica- tions trouvées à Autun et offrant avec les premières une certaine ana- logie. Ce genre appartient à la classe des Fougères ; mais ses caractères ne permettent de le faire rentrer dans aucune des familles existantes, et il formaitsans doute un groupe à part intermédiaire entre les Fougères pro- prement dites et les Ophioglossées. i Comptes-rendus, tom. LXXIX, pag. 1442. 2 Jbid., tom. LXXX, pag, 202. 3 Revue des Sciences nat.. tom. II, pag. 141, 371 et 563. TRAVAUX FRANCAIS. — BOTANIQUE. 623 — Le n°4 du Bulletin de la Société linnéenne de Paris relate des Observations organogéniques sur le Maïs, dues à M. G. Dutailly{. L'auteur indique la question qu'il s’est proposé de résoudre dans les ter- mes suivants: (L’épi femelle du Maïs offre ordinairement cinq rangées de fleurs disposées par paires le long du rachis. A la maturité, les fruits pla- cés côte à côte ont exactement le même volume, et les épillets quiles ren- ferment la même insertion rachidienne. D'autre part, l’épi mâle montre des fleurs pareillement accouplées, mais qui, au moment de l’épanouis- sement, apparaissent supportées par un pied commun, subdivisé en deux branches inégales, dont chacune se termine par un épillet. Il s'agissait de savoir si les fleurs d’une mème paire sont, ou non, de même valeur; si, comme le fait conjecturer l’épi femelle, elles résultent de la dichoto- misation d’un axe d’abord simple ; ou bien si, comme semble le démontrer l'inflorescence mâle, l’épillet brièvement pédonculé est d'ordre secon- daire par rapport à l’autre.» C’est la première de ces interprétations qui s’est trouvée justifiée par l'étude organcgénique. — M. de Lanessan a fait sur le développement des faisceaux fibro- vasculaires dans les organes floraux des PrIMuLA?, des observations qui contredisent l'opinion émise par M. Van Tieshem, et d’après laquelle, dans les Primulacées, les étamines seraient simplement des appendices des pétales et le placenta serait formé de lames réunies dépendant des feuilles carpellaires. La disposition des faisceaux fibro-vasculaires dans la plante adulte, disposition qui sert de base à cette manière de voir, ne peut conduire, d’après M. de Lanessan, à aucun résultat pour la déter- mination de la nature morphologique des organes. En effet, dans tous les organes floraux des Primula, on voit, dit-il, «les vaisseaux ne se former que lorsque l'organe a atteint sa forme définitive et qu'il a contracté avec les organes voisins les relations qu'il doit offrir à l’âge adulte. Ils s’y forment toujours de haut en bas, de sorte que la facon dont le fais- ceau de chaque organe s’unit au faisceau de l’organe voisin, n’est qu'une conséquence des relations déjà contractées par ces derniers». Le même observateur, dans une Note swr la structure des sépales du CALLUNA VULGARIS *, signale l’absence complète de faisceaux fibro- vasculaires dans ces organes, qui sont cependant bien développés et de nature évidemment foliacée. Il en conclut que la proposition formulée par M. Van Tieghem, qu’un organe «ne peut être considéré comme une 1 Séance du 4 novembre 1874. 2 Bull. de la Soc. linn. de Paris, n° 4. Séance du 4 novembre 1874. 3 Jbid., séance du 2? décembre 1874. 624 REVUE SCIENTIFIQUE. feuille indépendante que s’il recoit de l’axe un faisceau vasculaire », ne saurait être admise comme vraie. — L'on doit à M. Baïllon une étude organogénique des fleurs de Cyrus, « plantes qui semblent devoir, malgré leur parasitisme, se. ranger dans le même groupe naturel que les Aristoloches ». Dans une Communication sur la position des GEIssoLEMA ?, le savant Professeur indique les affinités de ces plantes avec les Buis, qui sont, à ses yeux, des Célastracées à fleurs apétales et unisexuées ; de plus, le Geissolema présente l’organisation d’une Célastracée apétale et diplos- témonée (comme le Glossopetalum, par exemple). On doit donc le consi- dérer «comme une Célastracée inférieure comme organisation au Glos- sopetalum, puisque ses fleurs sont apétales; mais comme lui diplosté- monée et hermaphrodite, et supérieure aux Buxées, puisque celles-ci, avec la même disposition fondamentale du gynécée, des ovules, du fruit et de la graine, et quoique dépourvues de corolle, se distinguent de plus par des fleurs unisexuées ». — M. E. Ramey à observé sur un pied d'Amorphophallus Rivieri DR.5, un phénomène singulier d'exhalation aqueuse qui se produisait quand on arrosait abondamment la plante, après l’avoir laissée quelque peu manquer d’eau. On voyait alors, au bout d’un certain temps, une goutte limpide perler près du sommet de chacun des lobes terminaux du limbe de la feuille. Cette goutte d’eau ne tardait pas à disparaître ensuite, comme résorbée par le végétal lui-même. — M. Mussat a remarqué dans le Jardin botanique de l'École d’agri- culture de Grignon que les spores du Podisoma Juniperi transportées par le vent avaient donné lieu à l'apparition d’un nombre considérable de plaques de Rœstellia concellata. Il n’a pu réussir à voir se dévelop- per les corps reproducteurs du Rœæstellia, ni à constater par conséquent à quelle forme du parasite ils donnent naissance. — M. Cosson a fait à la Société botanique de France une Communica tion swr les Euphorbes cactoides du Maroc®.— Ila donné la description des trois espèces de ce groupe connues des Arabes sous les noms de Darkmous et de Tikiout. Ces espèces appartiennent à la section Dia- 1 Bull. de la Soc. linn. de Paris, n0 4. Séance du 4 novembre 1874. 2 Jbid., séance du 2 décembre 1874. 3 Jbid,, séance du 4 novembre 1874. 4 Jbid., séance du 4 novembre 1874. $ Bull. de la Soc. bot. de France, tom. XXI, pag. 162 TRAVAUX FRANCAIS. — BOTANIQUE. 625 canthium: ce sont les suivantes : Æ. resinifera Berg., E. Beaumierana Hook et Coss., Æ. echinus spec. nov. Hook et Coss. — Une Note de M. Roumeguère est relative à un spécimen monstrueux de l'Agaricus mundulus Lasch', récolté par lui dans les prairies du Touch, près de Toulouse. Ce champignon anormal présente un deuxième réceptacle sessile sur la face supérieure du premier et de même dimension que lui. C'est là un cas de prolification proprement dite, car l'examen du sujet exclut toute hypothèse de soudure ou de parasitisine. — Quel est le physiologiste qui le premier, au milieu du xvin° sié- cle, a fait connaître le mode de nutrition des Lichens?? C'est un point de l’histoire des végétaux que M. Roumeguère a pu éclairer à l’aide de documents inédits qui prouvent que le mérite de cette constatation appartient à un botaniste provençal bien connu, Louis Gérard, auteur du Flora Gallo-provincialis. — Nous remarquons dans le Bulletin de la Société botanique une lettre de M. Duval-Jouve à M. de Schœnefeld sur deux herborisations a Aigues-Mortes 5. — L'intérêt spécial que présente cette lettre pour les botanistes de notre région nous engage à la reproduire intégralement, et ceux qui n'avaient pas encore eu l’occasion de la lire nous sauront gré de leur avoir procuré ce plaisir. « Pendant la première moitié de notre siècle, les botanistes français, à l'exception de Pouzolzs, paraissent avoir un peu négligé les environs de cette ville ; et, en vérité, il ne faut pas trop leur en vouloir. Les moyens de transport étaient rares, incommodes, coûteux; le séjour était peu agréable dans une auberge malpropre; et un pèlerinage à la ville de Louis IX pouvait passer pour un acte de courage. Aujourd’hui il n’en est plus de même. Pour se rendre à Aigues-Mortes, on n’a que la peine de s'asseoir dans un wagon et de descendre aux portes de la ville; pour y séjourner, on trouve d'excellents hôtels, soit dans la ville même, soit au Grau du Roi, où se rendent les baigneurs ; pour parcourir le territoire, on a des voitures ou des barques qui vous conduisent en tous sens dans la plaine ou sur les canaux. On ne peut donc assez engager les bota- nistes à visiter cette contrée si originale, si riche en plantes variées et dont plusieurs lui sont propres. » Dans notre excursion du 31 mai dernier, nous commençâmes par ex- * Bull. de la Soc. bot. de France, tom. XXI, pag. 181. 2 Jbid,, pag. 195. 3 Jbid., pag. 182. 626 REVUE SCIENTIFIQUE. plorer le plus ancien des cordons littoraux. Je puis bien vous dire qu'il consiste en dunes de sable fin ; que de la route de Nîmes au Petit-Rhône, il mesure environ 10 kilom. en longueur sur 2 ou 3 en largeur ; que, à part les cultures importantes du Mas de l'Abbé, du grand Saint-Jean, du petit Saint-Jean et de Montcalm, où des vignes superbes croissent dans le sable, qui les préserve, dit-on, du Phylloæera, il est couvert de Peupliers blancs et de Pins-Pignon (d’où son nom de Pinède); mais je suis tout à fait impuissant à vous donner une idée de la beauté etde la va- riét : des sites qu’il présente à chaque pas. Il faut le visiter et l’admirer : il faudrait le peindre, comme on fait des paysages d'Italie; mais le dé- crire, jamais. | »Cet ancien cordon littoral, aujourd’hui à 15 kilom. de la mer, est tout rempli des mêmes coquilles marines-que le rivage actuel et nourrit presque toutes les mêmes plantes et à un état luxuriant. Il est impossible, même à ceux qui ne sont pas fanatiques de Graminées, de ne point admirer l'effet que produisent sur les monticules de sable les touffes de Psamma arenaria, d'Imperata cylindrica, d'Erianthus Ravenneæ et de gigantesques Lagurus ovatus; les pentes sont empourprées par le Malcolinia littorea; les endroits les plus bas sont couverts, littéralement couverts, d’'Zris spuria, formant des massifs ou plutôt des prairies d’une couleur ravissante. Je ne vous ferai point le détail des autres plantes; ce sont presque toutes celles que notre confrère, M. H. Loret, a mention- nées comme constituant la végétation littorale de l'Hérault'; cependant on n’y voit point les Medicago marina, Echinophora spinosa, Eryn- gium maritimum, Convolvulus Soldanella, Crucianella maritima, Triticum junceum, qui ont, paraît-il, besoin de recevoir plus directe- ment les influences de la mer. »Après avoir dépassé la ferme de Montcalm, jusqu’au Petit-Rhône, à Sylveréal, on marche dans une de ces plaines annonçant la basse Camar- gue, où le sel effleurit et dont la blanche nudité se voile cà et là de pla- ques basses et brûlées d’Atripleæ et de Salicornia. Les 3 kilom. de cette traversée me coûtèrent plus à faire que tout le reste; la gaieté et la force qu’elle donne me manquent si la végétation manque. À Sylve- réal, je bondis de joie en voyant contre la haie d’un jardin des pieds de Silybum Marianum hauts de 2 mètres et gros comme le bras; j'avais déjà fait marché pour qu'on me les conservât jusqu'à l'automne, lors- que M. Martins voulut voir un échantillon de leur belle moelle et m'en fit couper un. Hélas! il était creux, et les autres comme lui; absolument 1 Régions botaniques de l'Hérault, p. 512 ; dans la Revue des Sc. nal., livraison du 15 mars 1873. TRAVAUX FRANCAIS. — BOTANIQUE. 627 creux ! Il parait que la moelle avait été déchirée par un accroissement trop rapide au printemps, après la sécheresse de l’hiver. » Nous suivimes la rive gauche du canal de Sylveréal jusqu’au fort ruiné de Peccais; mais là je fus amplement dédommagé du nouvel ennui que m'avait causé une course de 6 kilom. sur une terre nue, blanchie de sel. À une cinquantaine de mètres du poste des douaniers, unepetite mare était toute pleine du très-rare et très-précieux Ruppia brachypus J. Gay, en parfait état de maturité, avec tous les caractères que lui à assignés notre regretté confrère J. Gay. Près de là, dans le canal et dans les fossés, croissait le Rwppia maritima, beaucoup plus grand, mais moins avancé et à peine fleuri, quoique muni déjà de ses longs pédoncules spiralés. Cette rencontre me rendit d'autant plus heureux qu’elle confirmait toutes les affirmations de J. Gay sur une espèce dont lä nationalité et la légitimité ont été et sont encore mises en doute par plusieurs botanistes qui ne la possèdent pas. Inutile d'ajouter que j'en fis ample provision à l'intention de nos confrères. »En rentrant à Aigues-Mortes par le second des anciens cordons, nous explorâmes les étages de Calvière, de Kaïtives, de Quarante-Sous, dont la superficie, énorme sur la carte, est très-grande en réalité, mais dont la profondeur uniforme est si faible, qu'on peut à cette époque les tra- verser sans avoir de l’eau à la cheville. Ce sont des salines naturelles qui seront à sec dans un mois; ils ne nous ont offert que le Ruppia ma- ritima etun Zannichellia très-grêle, à fruits crénelés, que je crois être le Z. palustris. À un kilomètre et demi de la ville, dans le lit desséché de l’ancien Bourgidou, au point où aboutit le chemin d’Esparron, nous trouvâmes en très-grande abondance le Cochlearia glastifolia L. Pou- zolzs avait indiqué cette plante rare dans le territoire d’Aigues-Mortes, mais sans préciser aucune localité. » La journée du lendemain fut consacrée à la visite du troisième cor- don, entre la Peyrade, les salines de la Vigilante et Listel; là, sur des dunes gigantesques prenant même l'allure de monticules, nous trou- vâmes une végétation luxuriante, où se distinguaient Onosma arenaria, Corispermum hyssopifolium, Carex nitida, Corynephorus articu- latus, Scleropoa Hemipoa, Vulpia Michelii, et bien d’autres. > Pendant ces deux jours, nous avions remarqué, dans tous les endroits herbeux des dunes, de nombreux pieds d'Asparagus en pleine floraison, et nous avions été frappés de voir sur les uns des fleurs plus colorées et du double plus longues que sur les autres. Une première comparaison me permit de constater que sur les périgones les plus grands et d’un jaune bistré les divisions étaient soudées sur la moitié de leur longueur, tandis que sur les plus petits, d’un jaune pâle, elles étaient entièrement libres : 628 REVUE SCIENTIFIQUE. je crus alors à deux espèces. Mais sur les deux formes, les feuilles-écailles de la base des grands rameaux se prolongeaient vers le bas en cet épe- ron dur et piquant qui caractérise l’Asp. amarus DC.; mais les ra- muscules foliiformes (cladodes) étaient identiques, et les tiges semblable- ment striées ; mais les coupes de racire*, de rhizomes, de tiges et de cladodes donnaient les mêmes détails histotaxiques. J'étais done dans un grand embarras, lorsque je m’avisai de finir par où j'aurais dû commen- cer. J'ouvris les fleurs, pour comparer les organes de reproduction. Les plus grandes, à segments soudés et campanulés, avaient de belles étami- nes, à grandes anthères gonflées d’un pollen rouge, maïs un ovaire petit, mal formé, sans styles et sans stigmates; les plus petites, à divisions libres, avaient des étamines réduites, à anthères pâles, flasques et sans pollen, mais un ovaire bien constitué, avec ovules bien formés et styles surmon- tés de stigmates recourbés. Je reconnus donc que ces deux formes si dif- férentes étaient : l’une la forme mâle, et l’autre la forme femelle d’une plante à laquelle nos Flores attribuent des «fleurs dioïques par avorte- ment». Or, comme ces mêmes Flores ne mentionnent, ni sur le genre, ni sur l’'Asp. amarus, les différences de grandeuret de forme que présentent les périgones, je me crus l’anteur d’une découverte digne d'être notifiée aux botanistes. Déjà même je cherchais de belles expressions pour faire admirer une disposition qui, en renfermant le pollen dans une fleur tubu- leuse, le préservait d’une inutile dispersion, et, en plaçant l’ovaire dans un périgone à divisions libres, l’affranchissait de tout obstacle et même de toute résistance à son développement ultérieur. Mais, hélas! une seconde déception était réservée à ma vanité! En ouvrant le Dictionnaire des Jardiniers de Miller, je trouvai, aux caractères génériques, ce qui suit : «Les fleurs mâles sont tubuleuses, composées de six pétales étroits qui ne s'étendent et ne s'ouvrent point, et de six étamines, mais sans style ni stigmate ; celles-ci sont stériles. Les fleurs hermaphrodites ont six pé- tales qui s’étendent et s'ouvrent, six étamines qui entourent le germe et un court style surmonté d’un stigmate obtus qui déborde » (Op. cit., tom. I, pag. 363). Miller ne parle point de l’Asp. amarus ; mais Kunth dit tout particulièrement de cette espèce : « Flores masceuli… Pistilluin rudimentarium subturbinatum. Flores feminei dimidio breviores. Stamina effeta. Antherœæ sagittatæ effetæ.Columna stylina erecta,..» (Enumeratio plant, NV, pag. 63). Mes observations étaient donc sans valeur de nouveauté; toutefois, leur reproduction pourrait bien épargner à d’autres botanistes la perte de temps que m'a occasionnée le silence de nos floristes sur la différence des fleurs stériles et des fleurs fertiles. » TRAVAUX FRANCAIS. — BOTANIQUE. 629 —A. M. Duval-Jouve‘ appartient encore une intéressante communica- tion sur la présence d'un rachéole dans l'utricule du CAREX ŒDIPOSTILA J. Duv.-J. Passant en revue ce que l’on sait de l’existence de cet appen- dice, à divers degrés de développement, dans un certain nombre de Carex, il arrive à conclure : 1° Comme fait, qu’un rachéole peut se rencontrer dans toutes les sec- tions du genre Carex ; 2° Comme conséquence, que le genre Uncinia, trop artificiel pour être conservé, ne peut pas même être considéré comme constituantune section propre dans le genre Carex, puisque, pour réunir les éléments d’une telle section, il faudrait démembrer divers groupes fondés sur l’ensemble des caractères les plus naturels et les plusconstants, tandis qu’elle-même reposerait sur la présence d’un rudiment d’organe, constant sur quelques espèces, purement accidentel sur beaucoup d’autres ; 3° Comme hypothèse, que l'existence d’un rachéole ou d’un organe secondaire analogue indique: soit comment se produisent des formes nouvelles par l'apparition d'abord exceptionnelle et intermittente d’un organe qui peut ensuite, en se fixant, acquérir une valeur générique ; soit plutôt comment persistent sur certaines espèces, et réapparaissent par atavisme sur certains individus, des formes antérieures où cet organe aurait existé à l’état normal. » — M. Charles Richon a trouvé, à Saint-Amand (Marne), sur un tronc d'arbre pourri et tombé de vétusté, un Champignon de la famille des Dendryphiacées de Corda, et formant une espèce nouvelle à laquelle il à donné le nom de Dendryphium pulchrum, en raison de l’élégance de son port?. — M. Eugène Fournier a présenté à la Société botanique Sur les AN- DROPOGON du Mexique les résulats de ses observations relativement à ces plantes, résultats détachés du travail qu’il prépare sur les Graminées du Mexique. Les espèces mexicaines d'Andropogon sont actuellement au nombre de trente-cinq, en donnant à ce genre les limites les plus res- treintes, c’est-à-dire en n’y comprenant pas les Diectomis HBK., Hete- ropogon Pers.,et Trachipogon Nees-emend., qui doivent en être séparés. Les Andropogon se divisent en cinq sections, d’après les caractères de l'inflorescence. Il s’y trouve des espèces nouvelles dignes d'attention, et 1 Bull. de la Soc. bot. de France, tom. XXI, pag. 205. 2 Jbid., pag. 202. 8 Jbid., pag. 213. 630 REVUE SCIENTIFIQUE. que M. Fournier fait connaître en indiquant les particularités remar- quables que présente chacune d'elles. — Dans une Note qui a pour objet la nature des Lenticelles !, M. Ger- main de Saint-Pierre défend l'interprétation morphologique, donnée par lui, de ces organes, dont le développement, à ses yeux, n’est pas lié nécessairement à l’existence des stomates, ainsi que le prétendent les observateurs qui se sont plus récemment occupés de cette étude, et en particulier M. Christian-Ernst Stahl. (Dissert. inaug. à l'Université allemande de Strasbourg, 1874.) — Nous signalerons, en terminant cette Revue, le Rapport de M. Jules Poisson? sur l’herborisation faite en Sologne, les 31 mai, 1° et 2 juin 1874, sous la direction de M. Bureau, qui occupe comme professeur de Botanique rurale au Muséum d'Histoire naturelle la chaire qu'avaient illustrée les de Jussieu et qu'avait supprimée, en 1853, un décret mal- heureux. La chaire du Muséum a été rétablie; maïs celle de la Sorbonne, qui fut également supprimée à la mort d’Ad. de Jussieu, et qui était con- sacrée à l’enseignement de l'anatomie et de la physiologie végétales, est- elle définitivement condamnée ? H. SICARD. RE — Géologie. — Dans la séance du 9 novembre 1874, M. Ch. Sainte-Clare Deville présente à l'Académie des Sciences un Mémoire de M. Alexis Perrey, sur les volcans de l'ile de Java et leurs rapports avec le réseau pentagonal (Compt. rend. Acad., p. 1058). — Pour ce travail, qui fait suite à celui, du même auteur, présenté par M. Élie de Beaumont dans la séance du 17 août 1874, M. Perrey a pris pour guide l'historien le plus auto- risé des volcans de Java, le Hollandais Junghuhn, et donne une des- cription succincte de chaque volcan, dont il signale les éruptions con- nues et les ascensions qu'on y à faites. Une carte, indispensable pour tracer les cercles du réseau pentagonal, est annexée à ce Mémoire : c'est celle de M. A. Petermann, que M. Perrey a utilisée pour ajouter aux 45 volcans admis par Junghuhn d'autres montagnes assez nom- breuses désignées par les Javanais sous le nom générique de Goen- 1 Bull. de la Soc. bot. de France, pag. ?24. 2 Jbid.,p. 216. TRAVAUX FRANCAIS. — GÉOLOGIE. 631 veng où volcan. Outre ces dernières, Java compte 45 volcans, dont : 16 actuellement en activité, 4 de chacun desquels on ne connaît qu’une éruption qui date du siècle dernier, 2 qui n'ont eu non plus qu'une éruption, le premier en 1680, le second au xvr° siècle, depuis 1586 jusqu'en 1597. Restent 23 autres volcans dont les éruptions sont incon- nues, mais dont plusieurs sont encore à l’état de solfatare. L'auteur termine son long travail par la description de treize cercles du réseau pentagonal qui traversent l’île de Java, et dont les relations de position avec les volcans permettent d'arriver à des résultats fort intéressants. — Sur l'âge du grès rouge Pyrénéen et sur ses relations avec le mar- bre siatuaire de Saint-Béat, par M. A. Leymerie (Compt. rend. Acad., 16 novembre 1874, p. 1115). — Cette note de M. Leymerie est une réponse à celle de M. Coquand, présentée par M. Daubrée le 10 août 1874, et dont une des conclusions est que les marbres saccharoïdes de Saint-Béat ne peuvent pas être considérés comme primitifs, et que les grès rouges sur lesquels ils reposent, bien loin d'être triasiques, doivent être rapportés à la période devonienne. M. Leymerie, tout en reconnaissant que cette note de M. Coquand renferme des arguments sérieux contre l'opinion qu'il a émise dans la séance du 8 juin 1874, croit devoir persister dans cette opinion et ne se tenir pour battu que si l’on parvient à lui démontrer que le calcaire marmoréen, qui dans les Basses-Pyrénées forme une assise presque continue entre les vil- lages d'Itsassou et d'Hellette, n’est pas une dépendance de la montagne de granite-gneiss du pays de Labourd. En admettant que les marbres de la vallée d'Ossau puissent appartenir au calcaire carbonifère, il ne s'ensuit pas que les autres marbres des Pyrénées, notamment ceux de Saint-Béat et de la Barousse, leur soient contemporains. En effet, suivant M. Leymerie, ces derniers marbres ont les mêmes caractères que ceux de Labourd, et sont comme eux en relation intime avec le granite-gneiss, contre lequel ils s'appliquent au Sud. On n'y a jamais signalé le moindre débris organique. Le marbre de Saint-Béat, ainsi que son prolongement dans les Hautes-Pyrénées, est placé à l'extrémité d'une série régulière qui, dans le val d’Aran, présente la superposition normale des trois éta- ges de transition et se termine par le grès rouge. L'assise marmo- réenne se trouve comme enclavée entre ce grès au Sud et le granite- gneiss soulevé au Nord. Pour ne pas se trouver entraîné à considérer cette assise comme jurassique en la rattachant à la série normale qui la précède, M. Coquand a dù rejeter l'opinion généralement admise que le grès rouge Pyrénéen est triasique ou permien, et a cru lever 632 REVUE SCIENTIFIQUE. la difficulté en assimilant ce grès au vieux grès rouge des Anglais. M. Leymerie soutient que cette détermination, contraire aux faits et à des considérations importantes, est inadmissible. Suivant lui, le grès rouge des Pyrénées est toujours superposé au terrain houiller partout où celui-ci existe dans ces montagnes, et on ne La jamais trouvé au-dessous. Au bord du plateau central de la France, on ren- contre, vers le Midi, un grès rouge minéralogiquement identique à celui des Pyrénées, à tel point quil paraît évident que ces deux zones se rattachent à une seule et même formation, qui passe ina- percue sous des dépôts intermédiaires plus récents ; et, partout où cette zone du plateau central offre réunis le grès rouge et le terrain houiller, ce dernier, qui repose toujours sur les schistes paléozoïques, est sous-jacent relativement à l’autre. Bien plus, on rencontre sur quelques points de la bordure du plateau central une assise très-pro- bablement permienne ; mais elle ne présente aucun rapport de faciès avec le grès rouge, auquel elle est constamment sous-jacente partout où ces deux éléments se présentent réunis. Le même fait a été reconnu par M. Coquand lui-même dans la Géologie de l'Aveyron, et avait été constaté antérieurement à Lodève. M. Magnan, en donnant une courte description du grès rouge du département de Tarn-et-Garonne, le considérait comme permien, en lui associant des couches calcaires dont il avait voulu faire un repré- sentant du zechstein. M. Féron a démontré que ce prétendu zechstein n’était autre chose qu'un membre du lias inférieur. Dans les vallées d'Oueil et de Larboust, canton de Luchon, où le terrain devonien s'élale au complet, on ne trouve aucune trace de grès rouge. C'est en s'appuyant sur ces diverses considérations que M. le pro- fesseur Leymerie conclut à l'âge triasique ou permien du grès rouge des Pyrénées. L'absence de débris organiques dans ces grès le fait hésiter à se prononcer d'une manière plus tranchée. Il avoue cepen- dant qu'il penche du côté triasique, et fait observer que M. Fabre, de la Lozère, a découvert dans les schistes de la formation du grès rouge Pyrénéen une impression reconnue par M. de Saporta comme se rapportant au Voltzia heterophylla, une des espèces les plus caractéris- tiques des grès bigarrés du trias. D'un autre côté, il est vrai, M. Fabre a signalé une discordance entre le grès rouge de la Lozère et les marnes irisées ; mais M. Leymerie fait observer que c'est là le seul fait qu’on puisse invoquer en faveur de l'âge permien de ce grès, et ne pense pas qu'il puisse contre-balancer l’ensemble des considéra- tions qui l'engagent à pencher en faveur du trias. Quant aux relations du grès rouge avec les marbres statuaires des TRAVAUX FRANCAIS. — GÉOLOGIE. 633 Pyrénées, M. Leymerie les considère comme purement accidentelles. Sur un grand nombre de points, ce grès existe sans être en contact avec le marbre, et réciproquement. D'où le savant professeur conclut que le marbre de Saint-Béat ne dépend pas du grès rouge, mais de la formation de granite-gneiss qui s'élève immédiatement après lui et avec lequel il semble se lier par des couches de calcaire cristallin in- tercalées dans le gneiss. — Le terrain de calcaire carbonifère des Pyrénées, par M. Henry Magnan (extrait d'un Mémoire posthume de l'auteur, écrit en 1870); présenté par M. Daubrée à la séance du 16 novembre 1874 _ (Compt. rend. Acad., p. 1163). — L'auteur de ce Mémoire avait, depuis longtemps, remarqué dans les Pyrénées «un ensemble de couches cal - caires marmoréennes, dolomitiques, bréchiformes, ophitiques, schis- teuses et carburées, généralement comprises entre le terrain devo- nien vers le Sud et les terrains secondaires proprement dits et grani- tiques contre lesquelles elles buttent par faille, vers le Nord». Ces cou- ches, il les avait rangées, sans pouvoir en préciser l'âge, dans le terrain de transition, tandis que M. Leymerie et M. de Mussy les classaient dans le lias métamorphiqueet les resardaient comme un type exceplion- nel des Pyrénées. Convaincu que le terrain jurassique se présente toujours à l’état normal sur tout le parcours des Pyrénées, M. Magnan n'avait pas pu adopter cette dernière théorie. Une excursion faite, en mars 1870, dans la haute vallée du Ger (Haute-Garonne), fixa nette- ment dans son esprit l'âge précis des couches en question, et, dans une communication faite à la Société à Histoire naturelle de Tou- louse (8 avril 1870), en donnant une coupe de la vallée du Ger, il n'hésita pas à ranger ces couches marmoréennes dans le terrain car- bonifère. Ses idées furent confirmées par l'Apercu géologique de la vallée d'Ossau (Basses-Pyrénées) de M. Coquand, où ce savant géolo- gue démontre par la paléontologie que les calcaires blancs de Jetons appartiennent bien évidemment au calcaire carbonifère. D'après les nombreux matériaux que l'on possède sur les Pyrénées, M. Magnan se croit en droit de conclure que les calcaires marmo- réens à Couzéranites des vallées d'Ossau, de la Garonne et de l’Ariége, réputés primitifs par de Lapeyrouse et de Charpentier, appartiennent bien certainement à l'époque carbonifère, et que, contrairement à l'opinion émise par M. Leymerie, cette époque joue un rôle de pre- mier ordre tout le long de la chaîne, quine présente nulle part des types exceptionnels ni mélamorphiques. IH. 49 634 REVUE SCIENTIFIQUE. — Dans une note paléo-ethnologique (présentée à l’Académie dans la séance du 30 novembre 1874) sur la Flüte composée, à l'äge du Renne (Comp. rend. Acad., p. 1277), M. Ed. Piette rappelle la flûte néolithi- que à deux trous de la caverne de Gourdan (Haute-Garonne), qu’il avait fait connaître à l'Académie quelques mois auparavant. Cet in- strument, de l’époque de la pierre polie, est, suivant lui, le plus ancien vestige de musique chez les hommes primitifs. Depuis, dans la col- lection que lui ont fournie les cavernes des Pyrénées, dans celle de l’abbé Landesque parmi des objets provenant de Laugerie-Basse, et dans celle que M. Fermond a tirée de Rochebertier ( Charente ), M. Piette a trouvé des tubes en os d’'Oiseau dont l'étude l’a conduit à admettre que, à cette époque lointaine (époque magdalénienne), on faisait usage d'une flüte formée d'os d'Oiseau assemblés comme les tuyaux d’une flûte de Pan, mais tous de même taille et produisant, par conséquent, un ensemble rectangulaire. Ces tubes lissés, coupés perpendiculairement à l'axe et polis à leurs extrémités, avaient environ un calibre de 5 millim. sur une longueur de 9 centim. La partie inférieure devait être bouchée par un morceau de bois ou de cuir enfoncé plus ou moins dans le tube, suivant que celui-ci était destiné à rendre un son plus ou moins aigu , ce qui seul peut expli- quer un assemblage de tuyaux du même calibre et de la même lon- gueur, qui uaturellement auraient donné un son à peu près identique. Il est donc certain, suivant M. Piette, qu'à l'époque magdalénienne l'homme possédait déjà un instrument dont il pouvait tirer une plus grande quantité de sons que de son aînée, la flûte néolithique à deux trous, et que ces diverses données permettent d'écrire le premier chapitre de l'histoire de la musique. D'. PALADILHE. — Description des fossiles d’eau douce du fer oolithique ou néocomien supérieur de la Haute-Marne, etc., par M. J. Cornuel (Bulletin Soc. géol., 5° sér., t. IT, n° 5). — Le terrain néocomien supérieur de la Haute-Marne contient, dans le minerai de fer oolithique, un certain nombre de coquilles d'eau douce, des genres Cyclas, Unio, Paludina, Paludestrina, associées à des Fougères, des Pins, des Sequoia, des Algues. Cette faunule et cette florule ont une grande importance, car elles démontrent que la période néocomienne dans ces régions n'a pas été exempte d'oscillations lentes qui ont fait alterner les forma- tions marines avec les formations d’eau douce. Les coquilles &’eau douce du fer oolithique ne se rencontrent pas dans tous les gisements de ce minerai en couches ; les Unio sont extrêmement rares, mais les TRAVAUX FRANCAIS. — GÉOLOGIE. 635 conditions de leur gisement, leur état de conservation, prouvent que ces Mollusques ont vécu dans les endroits mêmes où on les trouve actuellement. La présence de cet horizon lacustre au milieu de la série néoco- mienne marine nécessite, suivant M. Cornuel, des remaniements dans le classement des sous-étages qui la composent. » En effet, cette assise marque un temps d'arrêt dans la sédimenta- tion marine, pendant lequel la mer s'est retirée de cette partie de la France. Avant cet événement, important dans l'histoire de la période néocomienne, les faits suivants se sont passés: envahissement pro- gressif de la mer néocomienne inférieure, atteignant son maximum avec le dépôt des marnes d'Hauterive; à partir de là, retrait suc- cessif des eaux marines, établissement d’un régime fluvio-lacustre. La même succession de faits s'observe dans les assises supérieures à l'horizon à Unio ; le faciès fluvio-lacustre cède la place à un faciès d’abord pélagique, puis Littoral (argiles à Plicatules et à 0. aquila; mais le faciès littoral n'est plus suivi d'un dépôt fluvio-lacustre, comme précédemment, et les couches supérieures auxargiles à Plica- tules présentent une nouvelle succession d'une faune pélagique et d'une faune littorale. L'intervention de la faune d’eau douce décrite par M. Cornuel est le plus important des faits relatifs à l'histoire de la série néocomienne, parce qu'elle permet de comprendre le nombre et le sens des oscilla- tions que le sol a subies et les causes des vicissitudes de la faune ma- rine. Ces oscillations, démontrées par la succession des différentes faunes et des différents dépôts sédimentaires ainsi superposés. doi- vent, selon l'auteur, prendre placé dans la classification du terrain néocomien. La classification proposée par M. Cornuel diffère de celle qui a été donnée par M. le professeur Hébert, parce quil sépare les couches à Toxaster complanatus (Echinosp. cordiformis) des couches à Ostrea Leymeri, et range la couche rouge de Wassy dans l’aptien de d'Orbi- gny, tandis que le savant professeur de la Sorbonue la regarde comme appartenant à l'urgonien du même auteur. Il est impossible d'entrer dans le détail de la discussion critique à laquelle se livre ici l’auteur, en cherchant ses arguments dans les divers travaux qui ont été publiés dans ces derniers temps sur le néo- comien du midi de la France, par MM. Coquand, Toucas, Magnan, Renevier, Renaux. — Comparaison de la craie des côtes d'Angleterre avec celle de France, 636 REVUE SCIENTIFIQUE. par M. Hébert (Bull. Soc. géol., 3° sér., tom. IL. n° 8). — Au moment où le monde scientifique et industriel s'occupe de la question du per- cement d'un tunnel sous-marin à travers la Manche, l'étude com- parée des formations géologiques qui affleurent dans les falaises qui bordent les deux côtes du détroit a une importance qui n'échappera à personhe. Nul mieux que le savant professeur de la Sorbonne ne pouvait entreprendre de comparer terme à terme la craie an- “glaise à la craie française. Les résultats auxquels il est arrivé sont favorables à l’idée de la continuité des couches de craie de Dou- vres à Calais. Pour arriver à l'identification des termes de la série crétacée française aux termes de la série crétacée anglaise, M. le pro- fesseur Hébert s'est servi concurremment de la méthode lithologique et de la méthode paléontologique, qui a donné entre ses mains de si beaux résultats dans le bassin parisien. Toutes les divisions qu'il a éta- blies dans ce bassin se retrouvent en Angleterre. A partir du gault, qui affleure à Folkstone, on reconnaît dans les falaises de la côte les équi- valents de la craie glauconieuse du Havre et de Rouen. Au-dessus de cet étage (grey chalk des Anglais) se développent, dans les falaises de Douvres et de Shakespeare, des couches de craie avec ou sans silex, contenant l'Inoceramus labiatus, fossile qui se rencontre tou- jours au même niveau géologique de la série crétacée, en France, en Angleterre, en Allemagne. ê De nouvelles couches de craie, avec beaucoup de fossiles et de silex, surmontent la craie à /. labiatus ; elles contiennent, comme en France, Holaster planus. La concordance des horizons géologiques des deux côtés du détroit se continue dans les divisions supérieures de la craie, qui, en France comme en Angleterre, sont caractérisées, de bas en haut, par deux Échinides. Micraster cor testudinarium et Micrasier cor anguinum. — Note sur la craie de l'ile de Wight, par M. Ch. Barroïis (Bull. Soc. géol., 3*sér.,tom. IT, n° 5).— La craie moyenne et supérieure affleure dans l’île de Wight, sous forme de deux massifs séparés par un bombe ment des couches wealdiennes. Le massif septentrional est le plus important, et présente une série analogue à c ile qui a été indiquée par M. le professeur Hébert à Douvres et à Folkstone. L'auteur de cette note y a de plus trouvé les couches inférieures à la craie glauconieuse, grès vert supérieur à /noceramus concentricus, Ammonîles inflatus, etc., marnes chloritiques à Ammonites laticlavius. Ce dernier horizon touche au grey chalk, que nous avons vu plus haut ‘correspondre à la craie glauconieuse de France. Dans l'île de Wight TRAVAUX FRANCAIS. —— GÉOLOGIE. 637 enfin, au-dessus de la craie à Wicraster cor anguinum, affleure sur 80 mètres d'épaisseur la craie à Belemnites mucronata et quadrata, Magas pumilus, etc..,qui manque dans les coupes de la côte anglaise en face Calais. — Note sur les Échinides irréguliers du terrain jurassique de France , par M. Cotteau (Bull. Soc. géol., 3° sér., tom. IT, n° 5). — Le terrain jurassique de France contient 122 espèces d'Echinides irréguliers, appartenant à 18 genres. Ces espèces se trouvent réparties de la ma- nière suivante dans les divers étages : Trois espèces se rencontrent dans le lias, tandis que le bajocien en contient 29, sur lesquelles 15 sont propres à cet étage. Huit genres apparaissent alors, mais aucun n'est spécial au bajocien. Le bathonien est l'étage le plus riche en Échinides irréguliers ; il en contient 44 espèces. Sur ce nombre, 26 peuvent être regardées comme caractéristiques. Quatorze espèces sont communes au bajocien et au bathonien, tandis que 5 espèces seulement montent dans l'é- tage callovien. Les 44 espèces du bathonien appartiennent à 12 genres : 8 de ces genres s'étaient déjà montrés dans les étages précédents, 4 paraissent pour la première fois. Un seul de ces genres est spécial au bathonien ; les autres s'arrêtent, soit au jurassique supérieur, soit au crétacé, soit au tertiaire. Treize espèces se sont rencontrées dans l'étage callovien ; 6 seule- ment sont caractéristiques et aucun genre nouveau ne paraît. L'oxfordien est divisé par M. Cotteau en trois zones, caractérisées par des espèces particulières. La zone inférieure contient 6 espèces, appartenant à des genres déjà existants ; trois sont caractéristiques. La zone moyenne, sur onze espèces, en a 9 caractéristiques. Les genres auxquelles elles se rapportent sont, sauf un, des genres déjà existants. La zone supérieure renferme 7 espèces qui ne se trouvent associées les unes aux autres que dans certaines localités; partout ailleurs elles occupent des niveaux distincts plus élevés dans la série jurassique. L'étage corallien, si remarquable par le nombre et la variété de ses Échinides réguliers, n est pas moins intéressant à étudier au point de vue des Échinides irréguliers. Pris dans son ensemble, il est consli- tué, selon M. Cotteau, par : {° les calcaires à chaïlles, ou couches à Hemicidaris crenularis ; 2° les couches à Diceras et à Nérinées : 3 le coral rag supérieur de Tonnerre, ou séquanien. Chacune de ces zones contient un certain nombre d'Échinides caractéristiques, et on compte 638 REVUE SCIENTIFIQUE. dans le corallien complet 29 espèces d'Echinides irréguliers appar tenant à {4 genres ; sur ce nombre, quatre genres se montrent pour la première fois. L'étage kimméridgien a offert à M. Cotteau 9 espèces, dont 6 sont caractéristiques. Deux espèces s'étaient déjà montrées dans l'oxfor- dien et le corallien. Un seul genre fait alors son apparition. Six espèces proviennent de l'étage portlandien ; 3 seulement lui sont particulières, mais aucun genre nouveau n'apparait à cette période géologique. — Sur l'existence constatée du figuier aux environs de Paris à l’époque quaternaire,par M. de Saporta.— Notessur les coquilles quaternaires des tufs de la Celle, par M.Tournoüer(Bull. Soc. géol., 3° sér.,tom.Il, n° 5).— Le tuf quaternaire du village de la Celle, près Moret (Seine-et-Marne), contient des impressions de feuilles de l’Arbre de Judée, de Laurier tin, de Figuier, plantes qu'on ne trouve de nos jours à l'état spontäné que dans les parties les plus méridionales de la France. Ces plantes y sont associées avec la Fougère scolopendre, le Noise- tier, le Peuplier grisaille, le Saule fragile et cendré, le Frêne, le Lierre, le Buis, l'Érable sycomore et les deux espèces de Fusains de France. Il y a donc eu, à l’époque quaternaire, une végétation méri- dionale aux environs de Paris, et depuis lors certaines essences ont éprouvé un mouvement de retrait vers le Midi. Il est à remarquer que ce fait coïncide avec la présence dans le midi de la France, à la même époque, du Frêne à manne et de l'Érable obier, qui depuis ont émigré vers les parties les plus chaudes de la région méditerranéenne. La plupart des espèces végétales de la Celle se retrouvent à Cann- stadt (Wurtemberg) dans un gisement qui contient Ælephas primige- nius et Rhinoceros tichorhinus. Les restes de Vertébrés trouvés à la Celle ont été étudiés par M. le professeur Gaudry, qui y a constaté le Blaireau, le Castor, le Sanglier et le Cerf. Les coquilles soumises à l'observation de M. Tournoüer appartien- nent à des espèces vivant sur les végétaux, près des eaux des sources. Elles sont presque toutes terrestres et ont probablement vécu sur place ou dans le voisinage. Ce sont des Cyclostomes, Limaces, Zo- nites, Hélices, Maillots, Férussacies, etc. On y reconnaît : 1° Un fonds constitué par des espèces encore ac- tuellement vivantes dans le pays; 2° Un groupe d'espèces encore françaises, mais étrangères au pays ; TRAVAUX FRANCAIS. -— GÉOLOGIE. 639 3° Quelques espèces encore vivantes aujourd'hui en Europe, mais étrangères à la France ; 4 Un groupe d'espèces ou variétés éteintes el disparues. Ce gisement appartient, selon toute probabilité, à l'époque où s est déposé le diluvium gris, qui, dans le département de la Somme, con- tient des Cyrènes, des Hydrobies méridionales. Il est donc plus an- _cien que le Loess, qui. dans les régions où il est le plus développé, ne renferme guère que des espèces alpines. L'étude des coquilles de la Celle est en résumé favorable à l'opinion émise plus haut par M. de Saporta, en vertu de laquelle ce tuf doit être regardé comme contem- porain du tuf de Cannstadt à Ælephas primigenius. — Note sur la géologie des environs de Toulon, par M. Toucas (Bull. Soc. géol., 3° sér., tom. IT, n° 5). — Le bassin crétacé du Beausset, à l’étude duquel s’est consacré depuis de longues années l’auteur de cette Note, est entouré d'une ceinture de collines dans lesquelles on reconnaît la présence du trias et du jurassique inférieur. Ses grès bigarrés, sans fossiles, y sont surmontés du muschelkalk, qui, dans certains gisements marneux, Contient un grand nombre des espèces de l’est de la France et de l'Allemagne. L'infra-lias, très-développé, est caractérisé par l'Avicula contorta, et au-dessus se développe la série liasique : lias moyen et lias supérieur, parfaitement caractérisés par leur faune. Le bassin crétacé du Beausset présente une série remarquable de couches, toutes fossilifères, commencant au calcaire urgonien à Requienies et finissant au calcaire à Radioliles cornw pastoris du turonien supérieur. En certains points, le calcaire à Requienies est recouvert, comn'e à Saint-Paulet (Gard), d’une formation d'eau saumäâtre avec Cyclas , Cyrena, Potamides, que l'on n'avait jusqu'ici reconnue nulle part dans ce bassin. — Documents relatifs au terrain crétacé du midi de la France, par M. Hébert (Bull. Soc. géol., 3 sér., tom. IE, no 6). — Grâce à des coupes nombreuses prises dans le midi de la France avec M. Toucas, le savant professeur de la Sorbonne est parvenu à classer dans un tableau général les étages crétacés du bassin d'Uchaux, parallèlement aux étages du bassin parisien. La craie du bassin d'Uchaux peut être prise pour type de la craie du midi de la France, car la Série crétacée moyenne et supérieure y affleure présque tout entière. On y retrouve en effet l'étage de la craie glauconieuse, que M. Hébert divise en deux assises. dont l'in- 640 REVUE SCIENTIFIQUE. férieure, marnes et grès à Turrilites Bergeri, Pecten asper, contient une srande partie des espèces de la faune de Rouen, du Havre, et quelques espèces des grès du Maine. Les grès et les marnes à lignites de Saint- Paulet forment un horizon subordonné à l’assise supérieure de la craie glauconieuse, assise à Ostrea columba var minor, qui se retrouve ‘abondamment à ce niveau, au nord comme au midi de la France. Les grès d'Uchaux, sur la position stratigraphique desquels les séologues sont loin d'être d'accord, présentent trois assises dont l’in- férieure contient l'Inoceramus labiatus, qui jcue un si grand rôle dans la craie du bassin de Paris et des falaises de l'Angleterre. Prises dans leur ensemble, les trois assises des grès d Uchaux ontégalement leurs équivalents dans la craie de Touraine, et correspondent même, terme à terme, avec ses divisions. Les grès d Uchaux représentent enfin les couches à Hemiaster Verneuilli et les marnes crayeuses à Ostrea columba et à Ammonites du. bassin aquitanien. [ls sont donc infé- rieurs el non supérieurs aux calcaires à Radiolites cornu pastoris. C'est au sous-étage inférieur du turonien, tel qu'il a été établi par d'Orbigny, que ces grès se rapportent; et aucun dépôt crétacé dans le Nord ni en Touraine ne vient se placer sur le niveau des calcaires à Radiolites cornu pastoris, des grès à Micraster Matheroni, des calcaires à Hippuritles cornu vaccinum, qui forment à cux seuls le sous-étage taronien supérieur, spécial au midi et au sud-ouest de la France. — Note sur le glacier quaternaire de la Garonne et sur l'äge du Renne dans les grottes de Gourdan et de Loret, par M. Ed. Piette (Bull. Soc. géol., 3° sér., tom. IT, n° 6). — La région centrale des Pyrénées, que ccuronnent encore aujourd'hui des neiges éternelles et des gla- ciers d'une certaine étendue, était à l'époque quaternaire, et peut-être à l'époque tertiaire supérieure, couverte d'immenses glaciers qui ont laissé des traces manifestes de leur existence dans les vallées de cette partie de la chaîne. Ces glaciers formaient, au nord de Bagnères-de- Luchon, un immense réseau dont les mailles se rejoignaient et au milieu duquel émergeaient seules les portions du sol les plus élevées. Partout, dans ces régions, on trouve des roches polies et striées, des galets rayés par le frottement des sables et des blocs qu ils charriaient. En certains points on constate même l'existence de moraines super- posées, d'âge différent. Près de Saint-Bertrand-de-Comminges, une moraine frontale très-évidente, traversée par le chemin de fer de Montréjeau à Luchon, recouvre une moraine profonde plus an- cienne, dans laquelle, à quatorze mètres au-dessous du sol, l'auteur TRAVAUX FRANCAIS. — GÉOLOGIE. 641 de cette Note a trouvé des débris de bois et des fragments de ramure de Renne. Ces moraines sont le résultat de périodes alternatives de progres- sion et de retrait des glaciers pyrénéens. Leur disposition dans les vallées, l'accumulation d'éléments d'origine glaciaire, ne peuvent s'expliquer que par des phases successives de fusion, auxquelles cor respondaient de grandes inondations. C'est à des phénomènes de cette nature que M. Piette attribue la formation des trois terrasses dilu- viennes échelonnées le long du cours de la Garonne, entre le pied des montagnes et les environs de Toulouse. Chacune de ces terrasses aurait été formée pendant une période de fusion de retrait des glaciers. Cette Note sur les glaciers quaternaires pyrénéens est complétée par des recherches sur l’âge du Renne. Suivant M. Pieite, les caver- nes habitées par les races préhistoriques contemporaines de cet ani- mal, émigré aujourd'hui dans le Nord, sont exactement comprises, le long de la chaîne, dans une zone limitée par 470,90 et 470,55 de lati- tude, et ne se rencontrent qu'à des altitudes de 450 à 650 mètres. La caverne de Gourdan, à l'entrée de la vallée de la Garonne, a été particulièrement étudiée par l'auteur. Elle contient des foyers préhis- toriques disposés dans l’ordre suivant: Assises à ornements géométriques. Assises à ornements d'argile. I Assises sans ornements d'argile. Foyers supérieurs ou assises à ossements de Renne. Assises à harpons barbelés du type de Foyers inférieurs ou assises la Madelaine. à ossements d'Aurochs. Assises à harpons barbelés et flèches | du type de la Vache. Les pays supérieurs abondent en flèches bifides, en harpons bar- belés, en-silex finement travaillés ; les dessins qu'on y rencontre sont généralement mal conservés. Dans les foyers inférieurs, le Renne est rare, mais on y a trouvé des ossements de Mammouth. Les dessins -y sont bien conservés (Rhinocéros unicorne), etles grains de col- lier, les silex taillés, y sont assez communs. Sur les cendres des foyers ou ossements de Renne, reposaient en£n des foyers remplis de pote- rie, d'ossements d'animaux domestiques et des silex de forme néoli- thique, que l’auteur attribue à la période de la pierre polie. Dans la grotte de Lortet, à l'entrée de la vallée de la Pique, sous une couche stalagmitique peu épaisse, on trouve une couche de cendres analogue aux foyers inférieurs de Gourdan. Les armes et les outils en bois de 642 REVUE SCIENTIFIQUE. Renne y accompagnent les silex taillés. Ces armes et ces outils sont du type de la Madelaine et de la Vache (Garrigou). Ces différentes découvertes amènent M. Piette à discuter la valeur de la dénomina- tion «âge du Renne» donnée par Lorlet à une des périodes de l’épo- que quaternaire. Cette dénomination n'est vraie que si on la fait déri- ver d'un mode d'industrie provoqué par la présence de cet animal dans les Pyrénées pendant une partie de l'époque quaternaire. — Note sur la zone à Ammonites tenuilobatus de Crussol (Ardèche), par M. Huguenin (Bull. Soc. géol.; 3° sér., tom. II, n° 6). — Deux coupes prises dans la montagne de Crussol, l’une à partir des marnes et des calcaires marneux de l'oxfordien inférieur, l'autre à partir du trias, démontrent, suivant l’auteur de cette Note, que lazone à À. tenui- lobatus est supérieure à la zone à À. platynotus, qui tantôt repose directement sur les calcaires oxfordiens, tantôt en est séparé par la zone à À. bimammatus. La zone à À. tenuilobatus, de la montagne de Crussol, peut être parfaitement étudiée, grâce àune carrière exploitée dans son épaisseur. M. Huguenin y a recueilli de nombreux fossiles déterminables : Ammo- nites, Bélemnites, Aptychus, Térébratules, Rynchonelles, Échinrides réguliers, irréguliers. Certaines espèces sont communes à la zone tout entière, qui paraît pouvoir être divisée en deux assises, au niveau du banc n° 6. Dans l'assise supérieure, les formes du jurassique supé- rieur deviennent de plus en plus abondantes. En résumé, cette zone semble à l'auteur de cette Note devoir être rangée dans l'étage corallien; les espèces oxfordiennes y sont en effet peu communes, tandis que les espèces coralliennes y dominent. Au- dessus de cette zone, dans la montagne de Crussol, se développent des masses puissantes de calcaire, attribuées par les géologues au juras- sique le plus supérieur. D' BLEICHER. SOCIÉTÉS DE PROVINCE. 643 Sociétés d'Histoire naturelle dé Province. — OBSERVATIONS SUR LE MODE VÉGÉTATIF DE OROBANCHES; par M. Préaubert (Soc. d'Étud. scient. d'Angers, 1873). — Les observa- tions de l’auteur ont porté sur l’Orobanche minor, recontré dans un champ de Trifolium pratense. Les racines du Trèfle continuent à nourrir l’Orobanche comme si elles en faisaient partie. Par une propriété singu- lière, le tissu charnu de l’Orobanche se soude aux racines environnantes, quelquefois même de plusieurs individus distincts. Quand le Trèfle est. mort, la racine envahie cesse de croître, car, & priori, il est peu pro- bable que, séparée du collet du végétal, elle puisse prendre un développe- ment subséquent sous l'influence du #2yceliuwm envahisseur. — NOTE SUR QUELQUES PLANTES RARES OU NOUVELLES POUR LA FRANCE; par M. P. Reverchon (Soc. d'Étud. scient. d'Angers, 1873). — Ces plantes, recueillies dans les Alpes, sont les suivantes : Pæonia officinalis Rettz, Viola pinnata L., Primula longifiora Jacq., P. intricata G. G., Androsace bryoides DC., A. Chaixi G.G., Kæleria canisia Reut., Echinospermum deflexum Lehm., Cypripedium calceolus L., Neottia repens Sw:, Allium Moly L., Gagea stenopetala Fries, Lactuca Chaixi Vill, Serratula nudicaulis DC., S. hœæterophylla Desf., Eryngium alpinum 1., E. spina-alba Vill., Genista radiata Scop., Sabina Villarsii Jord. | — DES CARACTÈRES DU PÉRICARPE ET DE SA DÉHISCENCE POUR LA CLAS- SIFICATION NATURELLE; par M.D. Clos (Acad. de Toulouse, 1873).— Tout fruit monosperme est indéhiscent, tandis que tout fruit polyspermé doit s’ouvrir. Mais on peut citer à ces principes de nombreux exemples excep- tionnels, tirés, entre autres, du mode de végétation, de l'influence du cli- mat, ainsi que de la grande consistance du péricarpe. A l'exception de la silique, de la gousse et de la coque, qui ne se présentent que chez les Dicotylés, les modes de déhiscence qu'offre cet embranchement se rétrou- vent chez les Monocotylés. Il faut encore ajouter à ces exceptions, commé manquant aussi chez ces derniers, la déhiscence pyxidaire (qui n'existe dans cette division que dans le petit groupe des Thismiées), la déhiscence denticide (Caryophyllées) et la déhiscence poriticide (Antirrhinum). Les mêmes Monocotylés n’ont rien qui rappelle les hémicarpelles des Labiées et des Borraginées, les diachaines inférés dés Ombelliferes, bipartibles à maturité, et les coqués à béc spiraloïide des Géraniacées. Enfin, suivant la remarque de Correa de Serra, un autre caractère distinctif existe entre 644 REVUE SCIENTIFIQUE. les fruits des deux grands embranchements du règne végétal : «le nom- bre trois domine dans les fruits composés des Monocotylés, tandis que les nombres deux et cinq sont plus communs au pistil des Dicotylédons». Nous croyons devoir ajouter que M. Clos n’envisage dans le fruit que le péricarpe. Avant d'aborder, au point de vue qu’il traite, la subdivision des espèces, le professeur détermine pour chaeune d’elles le nombre et la nature des fruits et le mode de déhiscence. Il donne ensuite, d’après ces caractères, : un classement des familles et termine son travail en indiquant certains résultats de cette classification pour la distinction des genres, des sous- - genres, des espèces et des variétés!. — ÉTUDE SUR QUELQUES CAMPANULES DES PYRÉNÉES; par M. Ed. Tim- bal-Lagrave (Acad. de Toulouse, 1873). — Après un travail critique, l’auteur décrit les espèces suivantes: C. precatoria. C. ficarioides. C. ruscinonensis. — RÉSUMÉ D'UNE EXPLICATION GÉOLOGIQUE DU DÉPARTEMENT DE LA HAUTE-GARONNE; par M. Leymerie (Acad. de Toulouse, 1873).— « Le département de la Haute-Garonne est le plus centralet le plus important des six départements frontières qui se partagent la chaîne des Pyrénées; mais la partie de ces montagnes qui lui échoit ne consiste qu'en une tran- che qui n’occupe, à la crête, que 1/25 de la longueur totale, tout au plus, du territoire départemental. Celui-ci est constitué, pour les 5/6, par une plaine allongée, qui porte à quarante lieues au Nordsalimite… Cette plaine est constituée par un dépôt lacustre miocène, dont les couches horizon- tales viennent buter contre les strates relevées des terrains pyrénéens, qui ont tous une origine marine, témoignant ainsi, d’une manière toute classique, en faveur d’une grande cavastrophe qui aurait donné aux Pyrénées leur relief actuel à une époque antérieure à celle où s’est déposé le terrain miocène.» Ces considérations générales précèdent une Note qui accompagne la présentation à l’Académie de Toulouse de la minute de la Carte géologi- que de la Haute-Garonne, exécutée par M. le professeur Leymerie. Nous sommes heureux de pouvoir reproduire ici la légende des terrains pyré- néens de ce département : ces terrains, en effet, si bien étudiés par notre savant collaborateur, offrent le spécimen le plus complet de ceux de la chaîne des Pyrénées. ! La Revue à déjà enregistré le Mémoire de M. N. Joly, sur le développement de l'Axoloti (tom. I, pag: 1), et rendu compte de celui de M. Lavocat, sur le pied d'Homme à huit doigts (tom. IT. pag. 514), contenus dans le même volume des Mémoires de l'Académie de Toulouse. SOCIÉTÉS DE PROVINCE. 645 | Conglomérat de Palassou.. . s ce Eocène. Formation nummulitique.. PETITES PYRÉNÉES, Garumnien ....... SERRE SÉDOMEE EE eee .... ? Crétacé supérieur. PRATOMENTÉRE pote te GRéSayent ner . Crétacé infér. déter. Gresbvert run Lampe — indét. Jurassiques 2er SH UrLrasetootithe. Calcaire marmoréen...... PYRÉNÉES nes . j Grès rouge triasique ..... proprement dites. : Devonien. rene Re se SILUEIGN SIREN REC . Terrain de transition. CATHDFIENT ASIE RMS Granite normal... Laos protéique. ....... }? Granitique. | Gneiss et micaschiste..... “ei Cramte ere Me ROCHES D'ÉRUPTION Eurite, porphyre, quartz …. hors série. : J Ophite — Lherzolite ..... MATÉRIAUX ( Gypse — Sel gemme..... ADVENTIFS. Dismitosersserenant. — SUR LE PUCCINIA MALVACEARUM; par MM. Debat, Magnin et Théry (Soc. Botanig. de Lyon, 1873). — La présence de cette Puccinie, qui n'avait été jusqu'ici indiquée qu’au Chili, sur l’Althœæa officinalis, a été signalée aux environs de Bordeaux, sur des feuilles de Malva sylvestris. Depuis, ce Cryptogame à été retrouvé sur divers points de la France. Un fait intéressant et qui est en parfaite concordance avec ce que M. Durieu a noté de son côté, c’est qu’au Jardin botanique de Lyon les espèces appartenant aux Malvées proprement dites ont seules été atteintes, tandis que les Æibiscus, Sida, Anoda, Gossypium, etc., sont restés indemnes. — SUR UNE NOUVELLE LOCALITÉ DU CAREX BREVICOLLIS DC., décou- verte par M. Chenevière dans les environs de Tenay (Ain); par M. Ant. Magnin (Soc. Botanig. de Lyon, 1874). — La Flore de Bugey vient de s'enrichir de cette espèce, qui diffère du Carex Micheli rar les carac- tères suivants : «souche cespiteuse, bec de l’utricule court, atténué; écaille femelle égalant l’utricule ; écaille mâle cuspidée ; plante robuste 646 REVUE SCIENTIFIQUE. de 4 décimètres, à feuilles longues; tiges portant 2-3 épillets femelles (M. Cusin). Ce Carex, connu seulement dans quelques localités du Banat hongrois, de la Transylvanie et de la Servie, à été aussi recueilli par le docteur Saint-Léger à la montagne de Parves, près de Belley. Ces différentes stations présentent des conditions géologiques identiques. — SUR L'ORGANISATION DU FRUIT DU GRENADIER; par M. Cusin (Soc. Botanig. de Lyon. 1874). — Dans ce fruit, à ovaire infère, le tha- lame développe d’abord à son centre trois carpelles à placentas qui devraient être pariétaux, mais qui paraissent axiles à cause de la com- pression qui n’a pas permis à ce verticille central de se développer exté- rieurement ; la colonne centrale que l’on remarque dans la Grenade est la prolongation de ces trois carpelles qui se produit au sommet du fruit et que surmontent les styles au centre de la couronne. De plus, un second verticille de carpelles, bien plus nombreux que les premiers et d’une organisation analogue, est produit, dans sa partie supérieure, par la coupe thalamaire. Ces deux verticilles sont en réalité concentriques et à placentation pariétale. Le même auteur communique à la même Société une Note sur l’orga- nisation de la Châtaigne. — OBSERVATIONS SUR LE RÈGNE VÉGÉTAL AU Maroc; par P.-K.-A. Schousboe, édition francaise-latine ; par M. le D' E. J. Bertherand (Soc. de Climatol. Algérienne, 1874). — « Daprès la notice historique placée en tête de la Flore de l'Algérie (1867), par MM. Cosson et Durieux de Maisonneuve, les investigations phytographiques dans la région Maro- caine sont aussi récentes que peu nombreuses. En 1773, Spottwood, chi- rurgien anglais, donnait le premier un catalogue de six cents et quelques espèces observées à Tanger. Trenteans après, Schousboe, consul-général de Danemark, publiait, dans les Actes de la Sociète royale des Sciences de Copenhague, le résultat de ses principales herborisations dans l’em- pire du Maroc. » Les recherches postérieures de quelques observateurs n’ont rien enlevé de son importance à l’ouvrage de Schousboe, dont les éditions danoise et allemande-latine sont épuisées. M. Bertherand vient de nous donner une traduction française-latine de ce travail. — De nouveaux matériaux pour la Flore Atlantique sont publiés par M. A. Pomel, dans le Bulletin de la Societé de Climatologie Algé- rienne (1874). — NOTE SUR QUELQUES ANIMAUX ET QUELQUES VÉGÉTAUX RENCONTRÉS SOCIÉTÉS DE PROVINCE. 647 DANS LES MERS AUSTRALES ET DANS LES ILES DU (RAND-OCÉAN; par M. H. Jouan (Soc. des Sc. nat. de Cherbourg, 1874). — M. Jouan nous donne, entre autres choses, d'importants renseignements sur la dis- tribution géographique des Cétacés et des Phoques qui habitent les ré- gions sus-indiquées. On peut y distinguer sept espèces de Baleines franches, réparties de la manière suivante : Balæna mysticètus Lin.: glaces du pôle arctique, côte de Baflin, Spitzherg, côte nord de la Sibérie, Kamtchatka, mer d'Ochotsk; — B. Biscayensis Tschr.: océan Atlantique nord; — B. Aleoutensis Van Beneden : de la côte N.-0. d'Amérique jusqu'à la côte d'Asie ; — B. australis Desmoulins : océan Atlantique méridional, du cap de Bonne-Espérance en Patagonie, Tristan d’Acunha; — B. an- tipodum Gray : de la Nouvelle-Zélande à la côte du Chili ; — B. emar- ginata Gray: entre le cap de Bonne-Espérance et le sud du continent australien; — Balæna....?(Bowhead austral), espèce très-douteuse des mers polaires australes. | Un autre Cétacé, le Rhacianectes glaucus Cope, appelé par les ba- leiniers Scran Whales, se rencontre, principalement de novembre en mai, sur la côte de Californie. Cette espèce, d’après M. Scammon !, ne se trouve que dans l'hémisphère septentrional, plus nord que 20° de latitude. Deux grands Cétacés du même genre, signalés par Chamisso et Pallas, existeraient dans le nord du Pacifique: B. Cullamach Chamisso et B. aga- machshfik Pallas ; mais ces espèces sont très-douteuses , elles n’ont été établies que sur des images sculptées par les naturels des îles Aléoutien- nes et de dessins japonais. Chamisso a également indiqué, dans les pa- rages du Kamtchatka et des îles Aléoutiennes, d’autres espèces dont on ne connaît que les modèles en bois. La présence du genre Rorqualus L. (Humpbacks), signalée par Benett dans le voisinage des îles de l'Océanie et sur la côte occidentale d’Amé- rique, a été constatée par M. Jouan à Sainte-Hélène, à l'île de la Réunion, à Madagascar, aux îles Comores, dans la mer d'Oman, près de Ceylan, sur la côte de Californie? ; mais tout porte à croire que les Rorquals qui fréquentent ces parages éloignés les uns des autres n’appartiennent pas tous à la même espèce. Il existe des représentants du genre Balænoptera Lacép. (Finbacks) dans toutes les mers; toutefois ces Baleïnoptères, dont les espèces sont —————— 1 Proceedings of the Acad. of Nat. Sc. of Philadelphia, no 1, 1869. 2 Narratice of a Whaling voyage round the Globe, 1837-1838. 648 REVUE SCIENTIFIQUE. nombreuses, paraissent affectionner les régions froides. Les squelettes conservés dans les musées de quelques villes des deux continents peu- vent servir à se faire une idée de la répartition des divers types de Fin- backs. De tous les Cétacés, ce sont ceux qui échouent Le plus souvent sur les côtes d'Europe. Le genre Sibbaldius (Sulphur Bottoms) compte plusieurs espèces dans le Grand-Océan, plus ou moins semblables à l'espèce type S. borealis Fischer, de l'Atlantique et des mers polaires. «On rencontre des Cachalots (PAyseter L.; Catodon Lacép.) pour ainsi dire dans toutes les mers, dans des circonstances climatériques bien différentes, dans la zone torride et dans des régions où il fait froid toute l’année. Cependant il semble exister un rapport entre leur station et la température de la mer ; leur présence paraît indiquer des courants d’eau à une température plus élevée.» A différentes époques il en est venu échouer sur divers points de l’Europe, mais c’est dans la partie tropicale du Grand-Océan qu’ils sont, de nos jours, le plus chassés. Contrairement à l’opinion des anciens auteurs, Cuvier n’a admis pour le genre qui nous occupe qu'une seule espèce commune à toutes les mers, et jusqu'à présent les naturalistes ont accepté cette manière de voir ; cependant Quoy et Gaimard ont établi, pour un Cachalot des Moluques, une espèce particulière qu'ils appellent P. polycyphus. On a aussi distrait du genre Physeter, pour le rapporter au genre Kogia Gray, les Cachalots nains qui semblent particuliers à quelques points des mers australes. M. Jouan fait remarquer que le souffle des Cachalots est bien distinct de celui des Baleines. « Il ressemble à une bouffée de vapeur blanche, épaisse, à demi condensée. Il se projette obliquement en avant, s'élève habituellement à deux mètres de hauteur et s’évanouit assez vite. » Comme le genre Physeter, le genre Globiocephalus Less. (Blackfish), de la tribu des Delphiniens, est réparti dans toutes les mers ; des espèces sans doute distinctes habitent ces diverses stations, mais ce qu'il y a de certain, c’est qu'elles diffèrent bien peu entre elles. Le type en est le G. Svineval Gray (Delphinus globiceps Cuv.), qui se trouve dans les mers du nord de l’Europe, le détroit de Davis, descend dans la Manche et n'existe pas très-probablement dans l'hémisphère austral. On remarque dans lescavités de l’évent et les intestins des Globiocéphales des paquets de Versressemblant au Lombricus teres. Il y à encore de l’hésitation pour la classification des espèces du genre Orca Escbr. des mers voisines de nous ; à plus forte raison est-on assez peu instruit sur le compte des espèces des mers lointaines, car les Crca sont universellement répandus. Le Delphinus Orca Bonn., espèce type, SOCIÉTÉS DE PROVINCE. 649 qui pénètre quelquefois dans la Méditerranée, habite les mers du nord de l'Europe, l'Atlantique boréal, et poursuit sa proie jusque dans la baie de Bafin. Enfin, en terminant cet apercu sur la distribution géographique des Cétacés rencontrés dans les mers australes et dans les îles du Grand- Océan, M. Jouan ajoute qu'outre les espèces qui précèdent, les naviga- teurs rencontrent dans les mêmes parages d’autres Cétacés du genre Dauphin et Delphinoptère, dont les principales espèces ont été signalées par les naturalistes attachés aux expéditions de découvertes qui ont sillonné ces régions, surtout de 1815 à 1840. Ainsi que nous l’avons dit en commencant, des détails noussont fournis sur la répartition des Phoques qui habitent les mêmes parages que les Cétacés indiqués plus haut. Les espèces en sont nombreuses, mais il s’en faut certainement que toutes soient rigoureusement établies. L'examen anatomique, d'après Bürmeister, ne présente pas même dans tous les cas une garantie suflisante:; certains crânes de Phoqües sont si différents à droite et à gauche, « que si l’on trouvait les particularités de chaque moitié sur des individus isolés, on ne pourrait s'empêcher de penser à des différences spécifiques ». Malgré les difficultés inhérentes à un pareil tra- vail, l’auteur, essayant d'accorder les espèces des pêcheurs avec les espèces établies parles naturalistes, indique pour ces dernières les stations suivantes : 1° Phoca proboscidea Péron (Macrorhinus proboscideus K. Cuv.): semble confiné entre le 35° et le 55° degré de latitude Sud; — 2° Phoca resima Péron : îles Saint-Paul et Amsterdam ; — 3° Stenorynchus lep- toniæ K. Cuv.: terres australes au S.-E. du Cap Horn; — 4° Zobodon carcinophaga Gray : terre du Sandwich, îles Powels ; — 5° Ofaria mo- lossina R. P Less.: îles Malouines, terre des États, détroit de Le Maire, détroit de Magellan, Patagonie; — 6° Ofaria Uranic Quoy et Gaimard : îles Malouines; — 7° Otaria jubata Forst.: terres Australes ; — 8° Ofa- ria Wedelli KR. P. Less.: Nouveau-Shetland, Nouvelle-Zélande, îles Malouines; — 9° Ofaria australis Quoy et Gaimard : port du Roi- Georges (N.-Hollande) ; — 10° PAoca ursina Forst.: cap Horn, cap de Bonne-Espérance, îles Saint-Paul et Amsterdam ; — 11° Phoca Urigne Molina : île Chiloë; — 12° Ofaria cinerea Péron : port Western, île Macquarie ; — 13° Ofaria Falklandica Shaw.: îles Malouines, côte de Patagonie. L'auteur se demande s’il faut considérer les formes qui suivent comme des espèces particulières, ou s’il convient de les rapporter à quelques- unes des précédentes : Otaria de De La Lande G. Cuv.: cap de Bonne- Espérance ; — O Hanvillii G. Cuv.: détroit de Magellan; — O. albi- II. 43 650 REVUE SCIENTIFIQUE. colis Péron : Nouvelle-Hollande ; — O. Milberti G. Cuv.: mers aus- trales. Quant aux renseignements sur les Phoques du Pacifique nord, M. Jouan se borne à donner l’extrait d’un article de M. J. Ccoper!, publié récemment dans le 4e volume, l"° partie, des Proceedings de l’Académie des Sciences de Californie (1866). Nous dirons, en finissant l'analyse de la partie de ce remarquable Mé- moire qui se rapporte à la zoologie, que nous avons cru devoir donner ici l’énumération des Phoques des mers australes, car ce qui touche à la classification de ces animaux laisse encore bien à désirer. — NOUVEAUX MÉLANGES DE TÉRATOLOGIE VÉGÉTALE ; par M. A. Godron (Soc. des Sc. nat. de Cherbourg, 1874). — Dans ce Mémoire, faisant suite aux Mélanges sur le même sujet, M. le D' Godron nous fait con- naître l’histoire des monstruosités végétales qu'il a observées durant une assez longue série d'années. Ces anomalies se rattachent à douze genres. On nous permettra de rapporter ici un exemple très-remarquable de soudure des feuilles constaté par le savant Botaniste sur une bouture de Pelargonium grandifiorum Willd., faite l'année précédente et en pleine floraison. «Un de ses rameaux toutefois ne se disposait pas à fleu- rir et présentait des feuilles alternes d'autant plus rapprochées qu’elles étaient plus inférieures ; mais à son sommet apparent se montrait üne feuille pétiolée à limbe infundibuliforme parfaitement régulier.» L’exis- tence de cette feuille, qui au premier abord semble renverser toutes les idées reçues sur la distinction entre le système axile et le système appen- diculaire des végétaux, s'explique, suivant notre Collaborateur, par la soudure de deux feuilles dont les pétioles sont soudées parleur face, cana- liculée chez cette espèce, et par l'union des deux limbes formant ainsi l’entonnoir foliacé. Aucune trace de bourgeon n'existait à la base des deux pétioles; on peut donc considérer comme une conséquence de leur soudure l’avorte- ment des deux bourgeons axillaires. Enfin, il est plus difficile de se rendre compte de la régularité du limbe; nous constaterons toutefois, avec l’auteur, que les deux feuilles se trou- vent exactement dans la même condition qu'un calice gamosépale d’une fleûr terminale. On sait que, dans ce cas, la régularité du calice, et même de tous les organes de la fleur, est un fait général. Dans des observations relatives à la partition des axes végétaux, M. Godron confirme la théorie émise par: lui sur la nature des vrilles de 1 Some recent additions to the Fauna of California. SOCIÉTÉS DE PROVINCE. 651 la Vigne. Ces vrilles constituent un axe primaire dévié de sa direction originelle et frappé d'arrêt de développement. — OBSERVATIONS SUR QUELQUES ALGUES POSSÉDANT DES ZOOSPORES DI- MORPHES; par MM. Ed. Janczewski et J. Rostafinski ( Soc. des Sc. nat. de Cherbourg, 1874).— MM. Ed. Janczewski et J. Rostafinski ont pu Joindre de nouveaux documents à ceux qu'ils avaient déjà apportés | (Rev. Sc. nat., tom. IT, pag. 366) sur la question si importante de la re- production des Algues. Ils concluent de leurs recherches: «1° que les zoospores des Phéosporées germent immédiatement et sans copulation préalable. Il faut par conséquent considérer les zoospores comme des organes de reproduction asexuée ; 2° que les anthéridies du Cutleria et du Zilopteris, découvertes par M. Thuret, doivent être considérées comme étant les organes mâles de ces Algues. Les anthérozoïdes qui s’en échappent, complétement semblables à ceux des Fucacées, doivent exer- cer, comme ceux-ci, l’action fécondante sur des organes femelles encore inconnus jusqu'à ce jour; 3° dans l’'Ulva enteromorpha, les macro- zoospores sont des organes de reproduction asexuée. Les microzoos- pores ne germent Jamais dans les conditions normales; leur rôle dans la reproduction de la plante est complétement obscur; 4° la copulation des zoospores de Briopsis n’a pas été trouvée. Les organes signalés par M. Pringsheïm comme étant les anthéridies de ces Algues sont proba- blement des parasites; néanmoins, une étude spéciale est indispensable pour qu'on puisse se prononcer sur leur nature.» Ainsi que nous l'avons dit en analysant les Études de M. E. Janczewski swr les Porphyra, ces conclusions appellent de nouvelles recherches confirmatives. — OBSERVATIONS SUR LA FÉCONDATION DU GEONOMA MarTit (WEND- LAND), ET DU CARDULOVICA ROTUNDIFOLIA; par M. E. Faivre (Mém. de l’Acad.de Lyon, 1873-1874). — M. Faivre a pu observer, à Lyon, la fécondation du Geonoma Marti, Palmier de la tribu des Borassinées, et celle du Cardulovica rotundifolia, de la famille des Cyclanthées. Le savant professeur a constaté la singulière propriété de la première espèce, originaire d'Amérique, de porter successivement des fleurs mâles et des fleurs femelles sur des spadices pédonculés, et se développant, les premières de bas en haut, les secondes de haut en bas, dans les mêmes fossettes. Il signale dans les fleurs femelles, qui se développent peu après que les fleurs mâles sont tombées, en dedans de l'involucre, la présence d'une cupule urcéolée, gamophylle, à six dents à sa partie supérieure, recouverte par un opercule qui semble servir de pièce protectrice. Un autre exemple de floraison analogue nous est fourni par le Cardu- 652 REVUE SCIENTIFIQUE. - lovica rotundifolia, plante non encore décrite, et trouvée par M. Wend- land, en 1857, à Costa-Rica, sur les bords de la rivière Serapique. C'est une question de savoir si, dans ce genre, il existe plusieurs spadices mo- noïques. Chez l'échantillon déerit par lui, M. Faïvre n’en a trouvé qu'un seul sur lequel la disposition des fleurs était la suivante : « les fleurs mâles consistent, comme on le sait, en un groupe de quatre phalanges staminales accompagnant les femelles; ces phalanges sont opposées aux lobes du périanthe multifide à lobes très-courts ; les. fleurs femelles ont un périanthe à quatre écailles, chacun muni d’un long filament, sorte de staminode». La floraison mâle s'est montrée la première, lors de la floraison du Cardulovica rotundifolia dans les serres de Lyon, en 1874 ; «elle a duré vingt-quatre heures. Au moment où les étamines étaient détruites et tombaient, il a été reconnu par un examen attentif que les fleurs femelles étaient inaptes à la fécondation; elles n'avaient pas atteint leur développement; on ne voyait pas leurs stigmates linéaires recouverts de ce liquide visqueux qui indique d'ordinaire, chez les Car- dulovica, l'aptitude à recevoir l’action du pollen». — La continuation de leur important Traité sur les Coléoptères de France est insérée par MM. E. Mulsant et CI. Rey, dans le même vo- lume des Mémoires de la même Académie. Dans ce volume, ils décrivent les Aléochariens, quinzième famille de la tribu des Brévipennes, qu’ils divisent en Dinardaires, Gymnusaires, Diglossaires, Hygronomaires, Oligotaires, Aléocharaires, Myrmédoniaires et Bolitocharaires. La suite de la publication de ce remarquable ouvrage était vivement attendue par les entomologistes. — NoTE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE DES COLLINES DE LOYASSE, DE FOURVIÈRES ET DE SAINT-IRÉNÉE ; par M. Falsan (Mésn. de l'Acad. de Lyon, tom. XX, 1873-74). — La composition géologique de la mon-, tagne de Fourvières et de Saint-Irénée, à Lyon,peut. d’après M. Falsan, se formuler comme dans le tableau suivant : T. MoDERNES......... Terre végétale et remblai. Herre à, pisé; lehm/,terraim perméable ! épaisseur variable de 3 à 5 m. Terrain erratique. Blocs, cailloux striés , D'Or aseneuele boue glaciaire, épaisseur variable de 2 à 5 m., terrain imperméable. Sable et gravier perméables, poudingues , roches des Alpes et quelques lits d'argile, | de 15 à 22, Te SOCIÉTÉS DE PROVINCE. 653 able ferrugineux et argileux à dents de \S PLIOCÈNE. \ ARE ) Mastodon dissimilis. | Argiles et marnes à Æipparion? imper- méables, épaisseur variable. Sables agoelomérés, mollasse marine avec des lits et des rognons de marne et d’ar- T. TERTIAIRES gile. Dents de Déinotherium de Lamna MHOCENE.. | dubia, débris de Balare, épaisseur va- riable, terrain perméable. Conglomérat, sable et blocs de roches loca- les, gneiss, granite, amphibolite, schistes métamorphiques, calcaire à Gryphées, | épaisseur variable. RocHES ANCIENNES.... (neiss avec filons de granite et d'amphi- bolite. — CATALOGUE DES HÉMIPTÈRES DU DÉPARTEMENT DE L'YONNE; par le D' P. Populus (Soc. des Sc. histor. et nat. du dép. de l'Yonne, 1874). — Nous n’avons pas besoin d’insister sur l'utilité de ces faunes locales, qui seules pourront permettre une géographie zoologique sérieuse. L'étude des Hémiptères, si négligée jusqu'ici, a été entreprise par le D' Populus, qui, pour un seul département, en décrit 332 espèces, appar- tenant à seize familles. Nous signalerons aussi un À ddenda à la Flore del Yonne(49 espèces), dû à M. Ravin, l’auteur de cette Flore, et nous rappellerons qu'une Carte botanique du même département à été publiée en 1873, par M. Mo- reau, dans le Bulletin de la même Société. — RECHERCHES GÉOLOGIQUES ET CHIMIQUES SUR LES EAUX SALÉES DU TERRAIN HOUILLER DU NORD DE LA FRANCE ET DE LA BELGIQUE; par Roger Laloy (Soc. des Se. de l'Agricult. et des Arts de Lille, 1874).— Pour l’auteur de cette remarquable étude, « l’eau salée du terrain houiiler n’est autre chose que l’eau de: mers de cette époque, emprisonnée dans Ja houille en voie de formation, et qui, soumise à différentes causes ayant eu pour objet d’altérer plus ou moins sa composition primitive, s’est con- servée jusqu'à nos jours ». Il résulte des analyses qui servent de base à ce travail, que les eaux du terrain houiller présentent de nouvelles ana- logies avec l’eau des mers actuelles. On pourrait conclure de l’ensemble de ces faits que «la composition de la mer n'a pas varié, du moins essentiellement, depuis la période 654 REVUE SCIENTIFIQUE. houillère ; en d’autres termes, que les causes de la minéralisation de la mer sont antérieures à cette période et ne paraissent pas avoir agi pos- térieurement d’une manière sensible dans la suite des autres formations géologiques ». — ENTRETIEN SUR LE MODE D'ABSORPTION DU GAZ ACIDE CARBONIQUE PAR LES PLANTES; par M. Ch. Bachy (Soc. des Sc. de l'Agricult. et des Arts de Lille, 1874). — M. Ch. Bachy relate une expérience qui lui est personnelle et qui tendrait à confirmer l’ancienne opinion sur le mode de l'absorption de ce gaz par les plantes. Il a fait pénétrer dans un globe de verre, avant l'apparition de ses feuilles, une branche de Poirier; le globe a été ensuite hermétiquement fermé. Des feuilles n’ont pas tardé à se produire sur cette branche; leur développement a même été plus avancé que sur les branches voisines, à raison de la chaleur occasionnée par cette sorte de serre. « Ces feuilles ont pris un tel développement qu'elles ont fini par s’ap- pliquer sur la paroi du globe. Or, comme celle-ci était toujours humide par l'effet de l'eau de végétation exhalée de l’arbre, lesdites feuilles se sont bientôt altérées.» «Comme l'air atmosphérique ne contient que 6/10,000, même 4/10,000 d’après de nouvelles études, d’acide carbonique, et que le globe, par sa capacité, renfermait à peine un litre de cet air, l'acide carbonique con- séquewment ne s’y trouvait qu'en une quantité des plus insignifiantes et ne pouvait servir à constituer la moindre feuille. >» Tout son carbone a donc été puisé ailleurs par la branche en question; les racines seules de l’arbre ont dû le lui fournir. Craignant qu'une cause d'erreur ne lui soit échappée, M. Bachy se propose de répéter cette expérience dans des conditions qui ne laissent aucun doute sur son résultat. Toutefois, «il est incontestable, dit-il, pour les deux opinions, que les végétaux pendant le jour exhalent de l'oxygène et pendant la nuit de l'acide carbonique. Ce phénomène se comprend fort bien en admettant l'absorption de l’acide carbonique par les racines ; mais il devient inex- plieable quand on prétend que cet acte s’opère parles feuilles seulement, Comment, en effet, donner une explication admissible à ce fait, que l'acide carbonique entré dans la plante par les feuilles en sort la nuit dans son étatd’entière intégralité ? Il n’y entrerait donc que pour en être immédiatement expulsé ? Il n’exécuterait là qu'un simple jeu. Si l’on-dit, comme en effet on l'avance, que ce gaz ainsi exhalé provient de la com- binaison du carbone, fixé dans les plantes, avec l’oxygène qu'absorbent SOCIÉTÉS DE PROVINCE. 655 les racines, il y aurait alors en ceci un travail qui détruirait le résultat de celui du jour. Ce serait pour les plantes la toile de Pénélope .» Tel est l’état de la question ; nous attendons une solution rigoureuse sur ce point d'expériences nouvelles de M. Corenwinder , qui depuis vingt ans poursuit ce genre d’études. (A continuer.) E. DuBRUEIL. VARIA. Les Plantes carnivores !. Depuis longtemps déjà, on avait pensé que la faculté que possèdent les feuilles de certaines plantes de s'emparer des Insectes était en rapport avec la nutrition de ces Végétaux. Mais on était trop habitué à considé- rer les plantes comme destinées à élaborer, à l’aide de principes inorga- niques, les substances nécessaires à l'alimentation des animaux, pour admettre facilement que des végétaux puissent se nourrir d’Insectes. Cependant, de nos jours où la science cherche à découvrir les liens qui unissent tous les êtres, l'attention s’est trouvée reportée sur ces phéno- mènes de digestion que d'anciens observateurs avaient signalés. D'’ail- leurs, de nombreux faits tirés de l'anatomie et de la physiologie générales ont montré que l’on ne saurait établir morphologiquement ou physiolo- giquement une distinction profonde entre le règne animal et le règne végétal : les observations que nous allons esquisser, d'après les recher- ches anciennes ou récentes de plusieurs naturalistes, semblent venir accroître le nombre des actes physiologiques communs à l’animal et au végétal. La Dionée (Dionœæa muscipula) est la plante la plus anciennement connue pour s'emparer des Insectes. Ellis et Solander l’observèrent vers 1768. Ellis, étudiant de près le phénomène de la capture d’une Mouche, admit que la plante prenait les Insectes, pour s’en nourrir, après les avoir tués, disait-il, à l’aide de piquants fixés sur la feuille. Linné, dont l'opinion était souveraine à cette époque, n’accepta pas les idées d’'Ellis et propagea une erreur en disant que, quand l’Insecte mort ou vif ne { Gardener's Chronicle, ? mai 1874. Revue horticole. 1874.— Ch. Naudin: Les plantes carnivores. — The carnivo- rous habitsof plants. — Adress in use départment of zoology and botany British association: Belfast, 1874. 656 VARIA. hougeait plus, la feuille s’ouvrait librement. Ce fait s’observe bien, mais quand c’est un brin de paille ou un corps inorganique qui à été saisi. On chercha alors dans quel but la feuille s’emparait des Mouches qui venaient l'irriter; on crut à une action défensive de la plante, et, encore de nos jours, on a dit que la plante s’entourait ainsi des cadavres d’Insectes qui servaient, pour ainsi dire, à fumer la terre. En 1834, le D' Curtis!, qui habitait Wilmington, dans la Caroline du Nord, localité où la plante est indigène, observa que l'appareil sensible dont l'excitation provoquait le mouvement de la feuille n’était autre que des sortes de poils garnissant le limbe. Il vit même que les Insectes rete- nus prisonniers étaient bientôt entourés d’un liquide visqueux, dans lequel ils semblaient se dissoudre. On en resta là jusqu'en 1868, époque à laquelle M. Canby? reprit sur place l'examen des phénomènes décrits par le D' Curtis. Il observa qu'il y avait bien en effet une sorte de dissolution de l’Insecte par le suc de la feuille, et il crut tout d’abord que le liquide ainsi produit, coulant le long du pétiole jusqu’à terre, pénétrait dans la plante par les racines. Mais des expériences faites avec de la viande de Bœuf démontrèrent que les substances dissoutes étaient absorbées par la feuille elle-même. M. Canby vit : que le liquide n’était sécrété qu’au moment où une proie était saisie et seulement quand cette proie convenait à la plante; que si un Coléoptère était pris, on le voyait avant sa mort entouré d’un liquide visqueux, lequel ne pouvait donc pas évidemment provenir de la décom- position de l’Insecte; qu'après un premier repas, quelques feuilles étaient incapables de se contracter, mais que d’autres pouvaient faire jusqu'à deux ou trois repas, après quoi elles se flétrissaient plus ou moins rapi- dement. Il était done établi par ces expériences qu'une véritable digestion s’opérait dans les feuilles de la Dionée, soit qu’on lui donnât de la viande ou des Insectes. Il fut même constaté que le fromage ne convenait pas à la plante et entraïînait la mort des feuilles. En Angleterre, Darwin avait obtenu des résultats semblables et con- staté en outre que le suc produit par la sécrétion des feuilles avait une réaction acide. L’illustre naturaliste parvint même à paralyser une moitié de la feuille en la piquant d’une certaine manière avec un scalpel. Enfin, la même plante à donné lieu à des observations du plus haut intérêt faites, sur l'invitation de Darwin, par le D' Burton-Sanderson ?. Ce dernier a ! Journal de la Société d'histoire naturelle de Bosion, 1e volume, 1834. Gardener's Monthly, X° volume (Philadelphie). On the electrical phenomene which accompagny the contraction of the leaf 12 Ve] PLANTES CARNIVORES. 657 montré queles feuilles de la Dionée sont parcourues par des courants électriques qui présentent des variations au moment du mouvement de la feuille, comme on l’observe dans la contraction musculaire. Dans la même famille que la Dionæa, diverses espèces du genre Dro- sera ont présenté des phénomènes de digestion semblables à ceux que nous venons de décrire. Des observations furent faites vers 1780 en Angleterre, par Wallse- ley, et Roth en Allemagne, sur le Drosera rotundifolia et le Drosera longifolia. { Ils virent la feuille se recourber sur elle-même au contact d’un Insecte, et les poils sécrétant un liquide gluant s’incliner autour de l'animal. Ces faits furent méconnus pendant longtemps et même déclarés inexacts par Trécul, en 1855; cependant plusieurs observateurs ont repris ce sujet de nos jours : Nilschke en 1860, M"° Treat en 1871,et Darwin lui-même, ont montré l'exactitude des faits observés antérieurement par Roth. Mr° Treat et Darwin ont démontré par de nombreuses expériences que les feuilles, très-sensibles au contact d’un morceau de viande ou d’un Insecte, ne l’étaient nullement à l’excitation produite par un corps inorga- nique. Cependant Darwin observa une certaine sensibilité dela feuille sous l’action du carbonate d’ammoniaque. Au congrès de Bradford, en 1873, M. Alfred W. Bennett! a exposé les résultats de ses expériences, que nous allons résumer. I] faut d’abord noter que les glandes de Drosera ne sont nullement des poils, c'est-à-dire des expansions épidermiques: Groeland et Trécul ? ont fait voir que c’étaient des parties intégrantes de la feuille traversées par un faisceau fibro-vasculaire contenant des trachées, et terminées par une portion glandulaire globuleuse, siége de la sécrétion. Un Insecte dé- posé sur la feuille provoque lentement une plus abondante sécrétion et se trouve englué dans une liqueur visqueuse; au bout de trois heures, il cesse de remuer, et alors on observe un changement remarquable dans la feuille : peu à peu toutes les glandes, même les plus éloignées, se dirigent du côté de l’animal et finissent par l’entourer complétement. Ce qui est intéressant à noter, c’est que ces mouvements des glandes pedicellées ne s’observent que lorsque l’Insecte ne remue plus. Lorsque des gouttes de pluie tombent sur la feuille, on ne voit aucun mouvement se produire. Un of Dionea ruscipula (British association. Bradford, 1873).— Journal of botany, novembre 1873. — Botanische Zeitung, no 1. 1874. f On the movements of the glandsof Drosera. by Alfred W.Bennett (British association. Bradford, 1873). 2 Annales des Sciences naturelles. le série. Botanique. 1855. 658 VARIA. morceau de viande donna, dans les expériences précitées, les mêmes résultats que la Mouche, tandis que des fragments de bois et de laine ne provoquèrent aucune modification dans la feuille. Il semblerait donc que la plante discerne la nature des substances en contact avecses feuilles. En outre, M. Bennett s'apercut que le morceau de viande pâlissait au contact du liquide sécrété par les glandes, et paraissait subir une diges- tion semblable à celle dont nous avons parlé pour la Dionæa muscipula. M. Ziegler! a ôbservé les mêmes faits et à vu en outre que, non-seule- ment les substances albuminoïdes agissaient sur la feuille, ainsi que les Insectes, mais encore que les corps ayant été en contact avec ces substan- ces avaient le pouvoir d’exciter les mouvementsde la feuille des Drosera. Récemment, cherchant à expliquer le mécanisme de la transmission de l'excitation des poils centraux irrités aux poils de la circonférence, M. Ziegler a été amené, par des expériences, à faire jouer aux trachées le rôle de conducteurs de l'excitation. La famille des Droséracées n’est pas la seule à posséder des plantes carnivores: les groupes des Nepenthes et des Sarracenia ont fourni aussi plusieurs exemples de plantes présentant les mêmes phénomènes. Les Sarracenia possèdent, comme on le sait, des feuilles en forme d'urnes munies quelquefois d’une sorte d’opercule qui en ferme l’ouver- ture dans certaines espèces. Depuis longtemps, on avait remarqué que ces feuilles se remplissaient d’Insectes et d’eau de pluie dans les plantes à urnes non fermées; mais on ne voyait là qu’un refuge pour ces animaux et une provision d'eau destinée aux Oiseaux. W. Bartram,en 1791, mon- tra que, dans le Sarracenia variolaris, dont l’urne est fermée, un liquide est sécrété dans l’intérieur; il attribua même à ce suc des propriétés digestives. Plusrécemment le D' Mac Bride, et plus tard le D' Mellichamp, observèrent que les Insectes étaient attirés par un liquide sucré sécrété sur les bords de l’urne. D’après le D' Hooker?, un certain nombre d'espèces de Sarracenia pré- senteraient, dans la conformation des feuilles, quatre surfaces distinetes : 1° une surface attirante, mielleuse, très-colorée; 2° une surface glis- sante, inclinée vers le fond de l'urne; 3° une surface glandulaire, lisse ; 4° une surface rétentive, garnie de poils dirigés de haut en bas. Toutes les urnes de Sarracenia, malgré leur diversité de structure dans les différentes espèces, renferment généralement des Insectes, mais on se sauraitdire s’il y à vraiment une digestion de ces animaux, qui dans certains cas y sont tellement abondants qu'ils se décomposent. ! Comptes-rendus, ? mai 1872, 2 Loc. cit. PLANTES CARNIVORES. 659 Le Darlingtonia, présentant aussi des feuilles en ascidies, s'empare des Insectes, et le D' Hooker a trouvé une sécrétion acide dans les urnes. Mais c'est surtout sur les espèces du genre Mepenthes que le savant botaniste de Kew à fait de nombreuses observations. L'urne des Nepenthes n’est que le développément considérable d'une glande placée à l'extrémité de la feuille!, comme on voit dans certaines plantes, par exemple sur les Caladium et le Limnocharis plumert ; dans cette dernière espèce, la glande de la jeune plante est creuse et rap- pelle ainsi l’urne des Nepenthes. Les bords de l’urne sécrètent une substance sucrée, et dans l’intérieur on peut distinguer des surfaces d’'attrait, conductrice et de sécrétion; le liquide qui remplit le fond de l’ascidie joue le rôle de surface ré- tentive. La face inférieure de l'opereule de certaines espèces est très-colorée et produit un suc sucré ; elle forme donc une deuxième surface d'attrait, Ici encore le liquide produit par la sécrétion de l’urne a été reconnu acide. Dans un certain nombre d'expériences, le D' Hooker a constaté que le blanc d'œuf se transforme en gélatine au contact du liquide des urnes, et que des morceaux de viande se dissolvent et disparaissent au bout de deux ou trois jours. Le cartilage est aussi transformé en gélatine, mais en par- tie seulement absorbé. L'élévation de température active la transforma- tion de toutes ces substances, ainsi que leur absorption. Ces résultats ont été observés, soit dans des tubes remplis du suc sécrété, soit dans les urnes elles-mêmes ; mais ils ont toujours paru plus rapidement obtenus dans le dernier cas. Les glandes des Nepenthes sécrètent donc un liquide digestif acide complété par la présence d’une substance jouant le rôle de la pepsine du suc gastrique. D’après tout ce qui précède, une véritable digestion se produit dans les feuilles de Dionæa, de Nepenthes, de Drosera, ete... Voilà donc des plantes qui se nourrissent d'aliments organiques tout formés. Est-ce là un mode de nutrition exceptionnel dans le règne végétal ? On sait que les plantes humicoles, les plantes parasites, vivent de substances organiques; tous les végétaux, pendant la germination, se développent aux dépens de matériaux organiques accumulés, soit dans l’endosperme, soit dans les cotylédons. Le fait de la sécrétion d’un liquide n’est pas rare parmi les plantes ; il 1 Hooker; Annales des Sciences naturelles, 4° série, XIL, et Transactions of Linnean Society of London, vol. XXII. 4° partie. 660 VARIA. a été observé chez un certain nombre, la Colocasse des anciens, par exemple !. D’après Delpino, l’A/ocasia produirait un sue acide; et Sachs a montré que la surface des racines est imbibée d'acide à l’aide duquel elles digè- rent les substances nutritives insolubles du milieu extérieur ?. Certains sucs végétaux peuvent aussi agir sur les substances azotées ; le sue du Carica papaya est employé depuis longtemps dans l’Inde pour ramollir les viandes destinées à l'alimentation. Mais dernièrement le D' Roy * à exposé le résultat d'expériences faites en vue d’étudier l’ac- tion du suc de Papaya sur les substances protéiques, et il semblerait, d’après lui, que ce liquide agit à la facon du suc gastrique, mais avec une intensité plus grande. On doit conclure, de tout ce que nous venons de dire, que l’on ne sau- rait établir une opposition complète entre les procédés de nutrition dans le règne animal et le règne végétal. On sait qu’au point de vue de la res- piration, les recherches modernes ont montré l’analogie la plus grande dans les deux règnes ; la respiration végétale proprement dite ne doit pas être confondue avec la propriété que possède la chlorophylle de réduire l’acide carbonique sous l'influence de la lumière. Il existe d ailleurs de nombreux végétaux sans chlorophylle, respirant comme des animaux; et MM. Gréhant et Balbiani ont découvert chez cer- tains animaux inférieurs (l'Euglène verte et l’'Hydre verte) une sub- stance analogue à la chlorophylle et dont la présence dans les tissus de l’animal entraîne la faculté réductrice sous l'influence des rayons solaires, comme chez les plantes. Aucun fait physiologique ne saurait done servir de base à une distinc- tion réelle entre l’animal et le végétal; et l’étude des plantes carnivores doit être considérée comme une nouvelle pierre destinée à l’édifice gran- diose de la physiologie générale. Alfred FAURE, Aide-Botaniste à la Faculté de Médecine. 1 Duchartre; Annales des Sciences naturelles, 4e série, XIT. 2 Sachs ; Traité de Botanique, pag. 819, 820. 3 Société médico-chirurgicale de Glascow, séance de septembre 1873. 661 NÉCROLOGIE. Après quelques jours de maladie, la mort vient d'arrêter, au milieu de sa carrière, le professeur Baudelot, auquel une intelligence d'élite et une vie d'étude semblaient réserver un brillant avenir, et dont la mémoire vi- yra dans la science et dans le corps enseignant auquel il a appartenu. Par son savoir et sa bonté, il avait conquis la sympathie et l'estime de tous. | Ses travaux, tous consacrés à la recherche du vrai, révèlent un obser- vateur patient, Sagace et consciencieux. De nombreux élèves se pressaient à ses cours, et, parmi ses auditeurs, nul n’oubliera cette exposition méthodique et claire, où, des notions spé- ciales, le professeur s'élevait parfois à d'importantes généralisations. C'est dans la vie privée, c’est dans ces entretiens familiers qui unis- sent le maître à l'élève pendant le travail au laboratoire, que Baudelot se livrait tout entier. Cœur excellent, son bonheur était de transmettre la science qu’il avait acquise, et, dans ses attachantes causeries, il la prodi- guait aux jeunes gens qu'il attirait auprès de lui. Baudelot (Jules-J oseph-Émile) naquit à Vandresse (Ardennes), le 14 mars 1834. Il fit ses études an collée de Malgrange, près de Nancy, et alla ensuite étudier la médecine à Paris, où il soutint, en 1858, sa thèse inaugurale de docteur sur « Les tumeurs sanguines de l’excavation pelvienne chez la Femme ». C’est en étudiant la médecine que se déclara son goût, je devrais dire sa passion, pour l'Histoire Naturelle, et, ses études médicales étant termi- nées, il fut nommé aide-naturaliste au Muséum et entra dans le labora- toire de M. Blanchard. Poussé par son esprit de recherches, il se livra avec ardeur à l’étude des sciences naturelles et soutint, en 1862, devant la Faculté de Paris, sa thèse de docteur ès-sciences naturelles, dont le sujet était : « Recherches sur l’appareil générateur des Mollusques Gastéropodes ». Dans le courant de la même année, il adressa à l’Académie des Sciences un travail intitulé: « Recherches expérimentales sur les fonctions de l’en- céphale des Poissons ». En 1864, l’Institut reçut de lui deux nouvelles communications : « De l'influence du système nerveux sur la respiration des Insectes, et Recher- ches sur la structure intime du système nerveux de la Clepsine ». En 1865, l’Académie des Sciences, récompensant son travail où se dé- 662 BULLETIN. celait son esprit de recherches, couronnait son Mémoire intitulé : « Étude sur l’Anatomie comparée des Poissons ». En 1865, à la mort du professeur Lereboullet, il fut chargé du cours de Zoologie à la Faculté de Strasbourg, et, deux ans plus tard, nommé titu- laire de la chaire. Dans les années 1867 et 1868, il faisait parvenir à l’Institut de nou- veaux travaux : « Recherches et considérations sur la structure intime du disque céphalique du Remora»; — «De la détermination homologi- que des muscles grêles supérieurs et inférieurs des Poissons osseux »; — « Note sur un phénomène comparable à la mue qui s’observe chez les Poissons » ; — «Détermination des pièces osseuses qui se trouvent en rapport avec les premières vertèbres chez les Cyprins, les Loches et les Silures ». Appelé dans les rangs de la Société des Sciences naturelles de Stras- bourg, il en devint un des membres les plus zélés, et, de 1868 à 1870, les Mémoires de la Société s'enrichirent de ses nombreux travaux, qui sont : «Note sur le disque ventral du Cyclopterus lampas >; — «Observation sur les origines de la branche operculaire du nerf latéral du pneumogas- trique chez le Merlan > ; — « Détermination homologique d’une branche. du nerf pathétique chez le Merlan »; — « Observation relative à la pièce scapulaire des Silures >» ; — «Considération sur le tronc latéral du nerf pneumogastrique chez les Poissons » ; — «Observation relative à une branche anastomotique des nerfs trijumeau et pneumogastrique chez le Merlan » ; — «Observation sur le Rocher des Poissons »; — «Observa- tion sur une branche des nerfs spinaux observée dans quelques types de Poissons >»; — «Observation sur l'enveloppe tégumentaire de quelques Myriapodes » ; — « Observation sur les œufs de l'Éponge d’eau douce » ; — «Observation recueillie sur une Hydre d’eau douce » ; — «Observation sur un petit centre nerveux qui se trouve en rapport avec le faisceau postérieur de la commissure de Haller chez l'Épinoche » ; — « Observa- tion sur la structure intime du cervelet des Poissons osseux »; — «Re- cherches sur la structure intime du système nerveux des Mollusques acé- phales, suivies d'observations relatives à la structure des centres nerveux des Poissons »; — « Considération sur la structure des nageoires impaires des Poissons osseux » ; — « Observation sur l’os coracoïdien et la pre- mière côte du Cottus fluviatilisy ; — «Observation relative à la structure du squelette des Raies >»; — «Considérations physiologiques sur la fonc- tion génératrice des Mollusques Gastéropodes» ; — «Du mécanisme sui- vant lequel s'effectue, chez les Coléoptères, le retrait des ailes inférieures sous les élytres au moment du passage à l’état de repos » ; — «De la ré- génération de l'extrémité céphalique chez le Lombric terrestre ». NÉCROLOGIE. 663 Les événements de 1870 le surprirent dans ses travaux, et, après la dé- route de Fræschwiller, quoique d’une santé délicate, n’écoutant que son cœur, il se souvint qu'il était médecin, et, s’offrant comme volontaire, il fut attaché pendant plusieurs mois, comme médecin-major, aux ambu- lances de Haguenau. En 1871, la chaire unique d'Histoire Naturelle de la Faculté de Nancy ayant été dédoublée, Baudelot, victime de l'annexion, y fut appelé comme professeur de Zoologie. A cette époque, se fondait à Montpellier la « Revue des Sciences natu- relles », et Baudelot, qui s'était empressé de prêter sa collaboration à ce nouveau Recueil, lui envoyait deux mémoires intitulés, le premier : «Contributions à la Physiologie du système nerveux des Insectes » (1872); l’autre, de la «Zoologie et de ses divisions » (1874). Enfin, le même journal scientifique commence aujourd'hui la publication d’un travail du même savant sur la «Détermination des espèces en anatomie comparée». Baudelot était parvenu, jeune, à inscrire son nom dans la science, mais ceux qui l’ont connu savent combien il a travaillé. Malgré une santé fléchissante, cette vie de travail ne se ralentit pas un instant, et la veille de sa mort encore, il feuilletait avec moi, qu'il honorait de son amitié, les nombreux documents amassés par lui, depuis bien des années, sur le système nerveux des Poissons. Que n’a-t-il pu, pour terminer une si belle carrière, publier ce grand travail, et laisser une de ces œuvres qui se transmettent aux géné- rations ! L'Académie des Sciences, consacrant une existence aussi bien remplie, se proposait d'inscrire Baudelot au nombre de ses membres correspon- dants, dans une séance à peine close au moment où nous écrivons ces lignes. La maladie dont il était atteint prit rapidement un caractère alarmant, et il sentit qu'il n’avait plus qu’? mourir. Calme et résigné, il attendit ce moment suprême avec la fermeté du sage. Le 23 février, il rendait le dernier soupir. Le travail, la modestie et la bonté, voilà en quoi se résume la vie de ce cher et bien-aimé Maître qui vient de s’éteindre. La science perd en lui un serviteur dévoué, qui jusqu'à sa dernière heure a travaillé pour elle. D’ FRIANT, Préparateur de Zoologie à la Faculté des Sciences de Nancy. 664 BULLETIN. — La Géologie vient de perdre deux de ses plus éminents représen- tants : d'Omalius d'Halloy et Charles Lyell. D'Omalius a été l’un des fondateurs de la Géologie stratigraphique eta laissé sur cette partie de la science des livres re rarquables qui jouissent à juste titre du plus grand crédit. Le même savant nous a transmis des écrits non moins appréciés en Ethnologie, et a su trouver un système de classification qui figure parmi les plus heureuses tentatives de groupe- ment dans ce domaine. Nous n'avons pas besoin de rappeler qu'il a été longtemps, avant Darwin, l’apôtre et le propagateur de la doctrine du transformisme. — Charles Lyell, plus universellement connu que d'Omalius d'Halloy, a consacré ses heureuses aptitudes etson esprit éminemment philosophique à l'établissement de la théorie des causes lentes et actuelles, théorie déjà professée à la Sorbonne par Constant Prévost. Son grand livre des «Prin- cipes de Géologie » ccntient un nombre merveilleux de faits, la plupart observés par lui dans ses voyages à travers le monde entier, et qui lui ont servi à faire ressortir, par une heureuse interprétation, les phéno- mènes s’accomplissant journellement sur le Globe. Dans cet hommage bien insuffisant rendu à sa mémoire, nous ne saurions oublier la part que Lryell a prise dans les progrès de nos connaissances sur les derniers temps de la période tertiaire, sur l’ancien- neté de l'Homme, enfin sur le mode de formation de cônes volcaniques par simple accumulation de matériaux éjectés. E. DUBRUEIL. Le Directeur : E&. DuBrRuEnr.. Montpellier. — Typographie Boxau et FiLs. Revue des S ciences Naturelles A M) ssl À Giard et T Barrois ed. G3hPoehm&fils, Monip! Sagitta Batziana. A CG. Chætosoma armatum.U.B. Revue des Sciences Naturelles. Tom. IL pl. XI. | | | lithBoehm & Fils Montp? BRANCHE D'ACACIA VEREK, Guill portant un Loranthus sénefalensis, Nob. parasite. LR MAS “ VER à. REVUE DES SCIENCES NATURELLES TABLE DES MATIÈRES Contenues dans ce volume (Tome IIL). MÉMOIRES ORIGINAUX ZOOLOGIE Description de la série complète de métamorphoses que subissent durant la période embryonnaire les Anatifes désignés sous le nom de Scalpel oblique ou de Scalpel vulgaire; par ME HSE PIE De TUE CR à 1, 206, 341 De la Zoologie et de ses divisions (Lecon faite à l'ouverture du cours de Zoologie de la Faculté des Sciences de un 1975124); panM EE DA UDELOT A eee : 165 Sur le bourgeonnement du Perophora Listeri Wiegm., par ke professeur KowaLevsky ; traduit du russe par le oiesaur APCE (PI EN ONE ENTREE DE HO TA 213 Des caractères histologiques de la Grasserie des Vers à Soie; par NIÉTTESBE CHAMP eee duree sioede SL OOo 405 Lettre de M. le professeur À. Grarp. Réponse de M. professeur JO DRDAINE te ee del eee PRE ce CAO ANT Note sur un Chætosoma et une Sagitta, suivie de quelques réfle- xions sur la convergence des types par la vie pélagique; par MMA SC TARDE MI BARROIS PIMENX) EE LR PCR SPP 513 Des déterminations en anatomie comparée (Lecon faite à l'ou- verture du cours de Zoologie de la Faculté des Sciences de Nancy, 1874-75); par M: E. BAUDELOT................ 583 BOTANIQUE. De l'évaporation des Plantes, de ses causes et de ses organes; par M. À. BArRTHÉLEUY (suile et fin)........ SAN La 14 Énumération des Algues marines du littoral de Bastia; par M2 O: Drrraux (Sue) ee: lisse re ges 20, 240 00e 44 666 TABLE DES MATIÈRES. Sur la présence de la chlorophylle dans le Limodorum abortivum: DarsM-Joanmes GEARuN EIPANTEND) PRES SRE CESR PEER 236 Observations critiques sommaires sur plusieurs Plantes montpel- liéraines : par M. H. Lorer {let 2° parties). ....... 352, 558 Sur le blessissement des Sorbes et sur la cause productrice de l'alcool qu'on y découvre; par M. A. BécHamP............ 385 Sur un mode particulier d'excrétion de la gomme arabique pro- duite par l’Acacia Verek du Sénégal; par M. Ch. MarTINS CPR) 02 Rr PER ee PRES CA PRE EE M C1 0 20005 GÉOLOGIE. Mémoire sur la Topographie géologique des environs d'Aigues- Mortes par MP Che MARTINS (PIN) EPA ERERERE se ec 43 Recherches sur l'origine des éléments lithologiques des terrains tertiaires et quaternaires des environs d Oran, par M. Bze:- ONE On PC el E MR PR MERS SRE OO als Li didiig oo o » © 61 Description de quelques nouvelles espèces de Coquilles fossrles provenant des marnes pleistocènes d’estuaire des environs d'Oran par MU PP ATADIHE PIN EXO M EEE A 399 Recherches sur le terrain tertiaire supérieur des environs Oran par Me BLEICHER AL RACINE AAA des ST REVUE SCIENTIFIQUE. TRAVAUX FRANCAIS. Zoologie ; par MM. JourpaiN, E. DUBRUEIL, PALADILHE et PUÉLENNEGU VE Cf ae de AO EIERTE .. 77, 248, 418, 587 Botanique: par Me" SIcRRD EE PER AER Ceet ee 84, 275, 447, 612 Géologie; par MM. BzeicHer, PALADILHE et E. Dusruerz. 98, 299, 463, 630 — Réunion extraordinaire de la Société géologique de France à Mons et Avesnes ; par M. F. LEENHARDT................ 474 Sociétés d'Histoire naturelle de Province; par M.E. Dusruerc. 306, 643 TRAVAUX ÉTRANGERS. Recueils Italiens et Allemauds ; par M. SENONER. ....... 114, 482 La Botanique aux Pays-Bas en 1873; par M. TREUB........... TN Travaux publiés dans le Bolletino del R. Comitato geologico d'Italie, annee 1873; par :M.UCOLEOT 0e PORTES 137 © (en 1 TABLE DES MATIÈRES. BIBLIOGRAPHIE. (Voir la dernière Table.) NÉCROLOGIE. Notice nécrologique sur MM. le comte JAUBERT, TRAHERNE- MoG&GRipGe, D'Omazius D'Hazczoy et Cx. Lyezz: par E. Du- BAUER MEUETNE AN EE PA CET ES Sec en TO eIDOE — Sur le professeur E. BauneLor; par M. le D' FrranrT......... 661 VARIA. Lettres sur le Maroc ; par M. le D' BLEICHER..... ........... Lo Les Plantes carnivores; par M. A. Faure....... DER ten Sue 000 TABLE PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE Des Mémoires originaux par noms d’Auteurs. Barthélemy (A.). De l'évaporation des plantes, de ses causes et de ses organes. 14 Baudelot (E.). De la zoologie et de ses divisions. 165.— Des délermina- tious en anatomie comparée. 83 Béchamp (A.). Sur le blessissement des Sorbes, etc. 389 Béchamp (J.). Des caractères histolo- siques de la Grasserie des Vers à soie. 405 Bleicher. Recherches sur l'origine lithologique des terrains tertiaires et quaternaires des environs d'Oran. 61. — Recherches sur le terrain tertiaire supérieur «des environs d'Oran. 577 Chatin (Johannes). Sur la présence de la chlorophylle dans le Limodorum aborlivum. 236 Debeaux (0.) Énumération des Algues marines du littoral de Bastia. 20, 240 Giard (A.). Sur le bourgeonnement du Perophora Listeri Wiegm. (traduit de Kowalevsky). 213. — Lettre à M. le professeur Jourdain. 415. Giard et Barrois (J.). Note sur un CUhætosoma et une Sagitla, etc. 513 Hesse. Description de la série complète des métamorphoses que subissent durant la période embryonnaire les . Anatifes désignés sous le nom de Scalpel oblique ou de Scalpel vulgaire. 1, 20071 Jourdain (S.). Réponse à M. le pro- fesseur Giard. 417 Lorct (H.). Observations critiques sommaires sur plusieurs plantes montpelliéraines. 302, 558 Martins (Ch.). Sur un mode particu- lier d’excrétion de la gomme arabique produite par l’Acacia Verek du Sé- négal. 553. — Mémoire sur la 1opo- graphie géologique des environs d’Ai- gues-Mortes. 43 Paladilhe (A.). Description de quel- ques nouvelles espèces de coquilles fossiles provenant des marnes pleisto- cènes d’estuaire des environs d'Oran. 399. TABLE PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE DES NOMS D'AUTEURS des Communications et des Publications Analysées lans la Revue scientifique et bibliographique. _— Alix. Signification des os du bassin des Crocodiles. 258. — Absence de véritables apophyses articulaires aux os des Poissons osseux. 258.— Dé- termination des muscles longs supi- nateurs chez les Oiseaux. 258. — Ostéologie et myologie du Nothura major. 263 André (J.) et Beauregard. Warsu- pium des Oiseaux. 288 Arloing et Tripier. Persistance de la sensibilité dans le bout périphé- rique des nerfs sectionnés. 433. — De la déglutition. 444 Arrondeau. L'Homme fossile. 316 Bachy (Ch.). Absorption du gaz acide carbonique par les plantes. 654 Baillon (H.) Macis de la muscade etarilles en général. 93. — Dévelop- pement et germination des graines bulbiformes d'Amarylidées. 287. — Caractères des Toluifera. 288. — Monoecie du Cælebogyne. 288. — Graines de l'Eranthis hyemalis. 288, — Absorption de l’eau par les feuil- les. 455.— Développement des feuil- les de Carapa. 455, — Fleurs de Cytinus. 624. — Position des Geis- solema. 624 Balansa. Graminées du Lazistan, 298. — Géographie botanique de l'Océanie et de la Nouvelle-Culédonie. 321. — Genre Germainia. 323 Balbiani. Phylloxera quercüs. 81. — Rapport sur le Phylloxera vastatrir. 990 Barboza du Boccage.— Macrosin- cus Coctei. 257 Barrois (Ch.). — Faune marine du terrain houiller du bassin septen- trional de la France. 301. —- Gaize dans le Boulonnais. 301. — Craie de l'île de Wight. 636 Barrois(J.). Embryogénie des Némer- tiens. 594 Barthélemy. Parthénogénèse chez les Vers à soie. 290 Baudelot. Rameau dorsal du nerf pathétique chez les Gade:. 264 Bayan. Genre Spirophylon dans le terrain paléozoique de l'Espagne. 469. — Succession des assises et des faunes dans le terrain jurassique supérieur. 473 Beauregard. Voy. André. Belgrand. Service hydraulique du département de la Seine. 81 Bert (P.). Ilufluence des changements de pression barométrique sur la vie. HOMO Bertherand. Règne végétal au Maroc, par Schousboe. 646 Bertrand. Tissus et tiges chez les. Gnétacées et les Conifères. 447 Bleicher. Terrains tertiaires lacustres de l'Hérault. 104. — Terrain cré- tacé inférieur de l'Hérault. 107. — Formations d'estuaire de l'étage su- périeur des environs d'Oran. 303 Boehm. Respiration des plantes ter- restres. 97 Bornet. Parasitisme de l'/ypha. 279 Bouchut. Nouveau signe de la mort. TU Boussingault. Eaux acides des vol- cans des Cordillères. 99 Brocchi.Spermatophore chezles Crus- tacés décapodes. 19 Brongniart (Ad.).Graines fossiles du terrain houiller de Saint-Etienne. 450 Candolle | Alph. de). Faune du lac Léman. o81 Carlet (G.). Mécanisme de la dégluti- tion. 446 Castracane. Diatomées à l'époque paléozoique. 304 Chancourtois (de). Carte du globe en projection gnomonique. 107. — Classification chronologique des for- mations. 304 Chantran. Pierres chez le Ecrevisses. HS 89 Chantre. Gisement de molasse ma- rine à Lyon. 299 Chapelain-Duparc. Voyez Lartet. Chatin (Ad). Organogénie de l’au- drosée dans ses rapports avec les affinités naturelles. 84, 282 670 Chatin (J.). Glandes odorantes des Mammifères. 248 Claudot. Monstruosité de l'ordre des Unitaires autosites. 81 Clos (D.). Indifférence dans la direc- tion des racines adventives d'un Cierge. 284. :— Orthographe de quelques dénominations de plantes. 292. — Caractère du péricarpe et de sa déhiscence pour la classification naturelle. 643. — Ramification des Ombellifères. on) Cornu (Max). Fécondation chez les Algues. 458 Cornuel (J.). Description qui a indi- qué, il y a 112 ans, des fossiles d'eau douce dans le fer oolithique du vil- lage de Narcy (Haute-Marne). 109. — Fossiles d’eau douce du fer ooli- thique ou néocomien de la Haute- Marne. 634 Coquand (H.). Marbres blancs sta- tuaires des Pyrénées et des Alpes apuennes. 463 Cosson. Species novæ marocanæ. 294. — De Junco in Gallia recentius ob- servalo. 460.— Euphorbes cactoïdes du Maroc. 624 Cotteau. Echinides irréguliers du ter- rain jurassique de France. 637 Crié. Micromyceles exoltici novi. 97 Cussin. Fruit du Grenadier et du Chà- taignier. 646 David (l'abbé). Oiseaux du Chan-si méridional. 256 David. Action du chlorhydrate d'apo- morphine. L44 Dareste (C.). Monstres doubles. 271 — Poissons anguilliformes. 446 Debat, Magnin et Théry. Puccinia malvacearum. 645 Debeaux (O.). Nouvelle Rose des Pyrénées-Orientales. 456 Debray. Tourbières du littoral fla- mand et du département de la Somme. 107 Decaisne (J.). Sur les Iridées. 296 Defrance (G.-0.). Crâne de Morse et autres débris fossiles trouvés dans un dépôt quaternaire près de Sainte- Menehould (Marne). 168 Déhérain et Moisson. Absorption d'oxygène et émission d'acide carbo- nique par les feuilles maintenues à l'obscurité, 96, 279. — Et Landrin. Germination. 280 Dérut. Température de coagulation du protoplasma. 326 Dollfus. Géologie transformiste (Anal. par E, Dubrueil). 150 TABLE PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE Doûmet-Adanson. Acacia gommi- fère de la région de Gafsa. 619 Duchartre. Germination et premiers développements de divers Lis. 617 Dufossé. Bruits et sons expressifs des Poissons d'Europe. 418 Dutailly (G.). Axe d'inflorescence des Gramimées. 285. — Inflorescence des Aristoloches. 285. — Vrilles simples des Cucurbitacées. 286. — Vrilles ramifiées des Cucurbitacées. 455. — Modifications de la tige de l'Urvillæa ferruginea. 456.— Observations or- ganogéniques sur le Maïs. 623 Duval-Jouve. Moelles à employer dans les travaux de microscopie. 460. — Cyperus de France. 460. — Drux herborisations à Aigues-Mortes. 625. — Rachéole dans l'utricule du Carex œædipostila. 629 Ebray (Th.). Raccordement des cal- caires kimméridiens de Cirin avec ceux de Chambéry. 470 Faivre (E.). Fécondation du Geonoma Martii et du Cardulovica rotundifo- lia. 651 Favre (E.). Classification des Ammo- nites. 109 Fée (A.). Matériaux pour une flore lichénologique du Brésil. 296 Filhol. Mammifères des gisements de phosphate de chaux. 30? Fischer. Fossiles de Santiago. 98. — Zone littorale de la Manche, de l'Océan et de la Méditerranée. 431.— Actinies des côtes de France. 288 Fol (H.). Embryogénie des Ptéropodes. 592 Fournier (Eug.). Dispersion géogra- phique des Fougères de la Nouvelle- Calédonie. 278. — Andropogon du Mexique. 629 Frémineau. Organogénie du Lophos- permum erubens. 620 Friant (Aug.). Chiasma des nerfs opti- ques dans les Vertébrés (Ana!. par A. Faure). 509 Fumouze. Tyroglyphus de la Vigne. 433 Garreau. Protoplasma végétal. 452 Garrigou. Résumé accompagnant la carte géologique de l'Ariége, de la Haute-Garonne, etc. 112 Gaudry. Anthracotherium de Saint- Menoux (Allier). 107. — Animaux fossiles du mont Léberon (Anal. par Collot). 146 Gauthier (V). Echinides du golfe de DES NOMS D AUTEURS. Marseille. 443 Génevier (G.). Champignon nouveau de l'ordre des Ascomyceles. 298 Germain de Saint-Pierre. Nature des lenticelles. 630 Gervais (H.). Métopagie chez le Ca- nard domestique. 606 Gervais (P.) Dents surnuméraires chez un Gorille. 262. — Dentition et squelette de l'Euplère de Goudot. 262. — Remarque à propos des Pois- sons du Sahara algérien. 444. — Genre Lépisostée parmi les fossiles du bassin de Paris. 465. — Forme typi- que des membres chez les Equidés. 299. — Cirrhipèdes trouvés à Cette. 609 Giard (A.). Molgula socialis 438. — Embryogénie des Cirrhipèdes Rizocé- phales. 439. — Etologie de la Saccu- lina carcini 439.— Bucephalus po- lymorphus. 443 Godron (A.). Floraison des Graminées. 306. — Nouveaux mélanges de téra- tologie végétale. 650 Gorceix. Iles de Nisyroset de Cos. 98 Gosselet. Couches à NMummuliles læ- vigata dans le nord de la France. 108. — Bassin houiller du nord de la France. 112 Gourdon. Géologie de Rennes-les- Bains. 323: Grad (Ch.). Formation des vallées. 101 Guillaud (A.). Aconit et aconitine (Anal. par E. Dubrueil). 339 Hallez (P.). Prostomum lineare. 268. — Glandes accessoires chez quelques animaux et leur produit. 439.—Sper- matophore des Décapodes brachyures. 439 Hamy. Voy. de Quatrefages. Harting. Recherches sur la vessie natatoire des Poissons à l'aide du physomètre. 77 Hébert. Eocène inférieur du bassin de Paris, de Belgique et d'Angle- terre. 107. — Age relatif du calcaire à Terebratula moravica et du Dy- phia-Kalk. 469. — Comparaison de la craie des côtes d'Angleterre avec celle de France. 635 Heckel (E.). Irritabilité des étamines. 94, 284, 453 — Localisation de substances minérales et organiques chez les animaux. 443, 444, 594 Héna. Blocs et cailloux roulés en grès rouge du district de Saint-Brieuc. 101. — Brèches rouges à Erquy (Côtes-du-Nord). 302 Hesse. Crustacés rares ou nouveaux 671 des Côtes de France. PE A7] Heude. Bubo sinensis et Caprimul- gus nigrescens. 256 Howard (John Eliot.) Origine du Quinquina Colombie mou du com- merce. 295 Huguenin. Zone à Ammoniles te- nuilobatus de Crussol (Ardèche). 642 Humbert (Aloïs). Expédition du Challenger. 260 Janczewski (Ed.). et Rostafinski (J.). Algues possédant des zooospores dimorphes. 651 Jobert. Organes tactiles des Vertébrés et des Invertébrés. 82/1005 Jouan (H.). Archipel Hawaïen. 311 — Quelques animaux et végétaux rencontrés dans les mers australes et dans les îles du Grand-Océan. 647 Jousset de Belleymes. Venin du Scorpion. 254 Krabbe (H.). Diplocotyle Olrikii. 609 Lacaze-Duthiers (de). Laboratoire de zoologie expérimentale de Roscoff. 290 Laloy (Roger). Eaux salées du terrain houiller du nord de la France et de la Belgique. 653 Lamotte (Martial). Plantes nouvelles de l'Auvergne. 460 Lanessan (de). Faisceaux fibro-vas- culaires dans les feuilles. 96. — For- mation des trachées. 286. — Fleur de Spiræa sinensis. 286. — Étami- nes et corolle dans les fleurs de Ru- biacées. 287. — Développement du fruit des Ombellifères. 456. — Fais- ceaux fibro-vasculaires dans les or- ganes floraux des Primula. 623. — Structure des sépales du Calluna vulgaris. 623 Lartet(A\.).et Chapelain-Duparc. Sépulture des anciens Troglodytes des Pyrénées. 102 Leclerc (Fr.). Anaphytose dans les végétaux. 2@ il Lefranc (Ed.). Notions des anciens sur la Mousse de Corse. 458 Lesseps (de). Viviparité du Requin. 590 Levy (Mich.). Roche analogue aux porphyres granitoïdes dela Loire. 108. — Roche éruptive intermédiaire en- tre les granites porphyroïdes et les porphyres granitoïdes. 299. — Et Douvilié. Granulites et porphyres quartzifères d'Avallon. 299 Leymerie. Terrains supérieurs de la 672 Montagne Noire. 108. — Dépôt su- prà-nummulitique du bassin de Car- cassonne. 108. — Zone de calcaires marmoréens sur le versant français des Pyrénées. 303. — Nécessité de conserver les Gryphées et le Exogy- res. 467. — Age du grès rouge py- rénéen et ses relations avecle marbre de Saint-Béat. 631 Lory. Structure des massifs centraux des Alpes. 111 Lunel (God).). Propagation et mœurs de la Tanche. 608 Lutken (Chr.). Différence de dentition, selon les sexes, des Raïies des côtes de Danemark. 607. — Description du Cladangia exusta. 610 Magitot. Détermination de l'âge de l'embryon humain d'après le sys- tème dentaire. 83 Magnan (H.). Terrain carbonifère des Pyrénées. 633 Magnin. Nouvelle localité du Carex brevicollis DC. 645. —- Voyez Debat. Malassan. Voy. Picard. Marey. Marche humaine. 440. — Appareil explorateur; pulsations du cœur chez la Tortue terrestre. 593 Marget. Thermo-diffusion gazeuse chez le Nelumbium speciosum. 326 Marion (A.-F.). Annélides du golfe de Marseille. 442, 596. — Voy. de Saporta. Martin (J.) Deux époques glaciaires en Bourgogne. 110 Mathieu (E.) et Urbain (V.). Chan- gement en fibrine coagulée de la fibrine du plasma du sang. 446 Mégnin. Métamorphoses des Sarcop- tides et des Gamasides. 437 Mer (Em.). Glycogénèse dans le règne végétal. 288 Miégeville. Nouvelle étude d'un Tri- selum des Hautes-Pyrénées. 457 Moissan. Voy. Déhérain. Moquin-Tandon (G.). Premières phases du Pelobates fuscus. 440 Morice |(A.). Herpeton tentaculatum 991 Moreau. Vessie natatoire. — 77 Mulsant (E.) et Rey (Cl.). Coléop- tères de France. 652 Mussat. Hydrate de chloral dans les observations microscopiques. 286. — Ræstellia cancellata. 624 Nylander (W.). Nemalonostoc rhizo- morphoîïdes. 295 Onimus. Proto-organismes dans des TABLE PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE liquides albuminoïdes à l'abri du con- tact de l’air. 44 Oré. Rôle des veines dans l’absorp- tion. 82? Oustalet. Insectes fossiles de France. 105, 302 Paladilhe (A.). Genre Peringia. 598 _Péron (A.). Quelques points de la géologie du Tarn-et-Garonne. 466 Perrey (Alexis). Volcans de Java, ete. 630 Perrier (Ed.). Genre Urochæta et Pe- richæta. 18. — Pédicellaires et am- bulacres des Astèries et des Oursins. 266. — Pontodrilus Marionis. 434 Peters. Développement des Cécilies. 256 Petit (Paul). Genres Spiprogyra et Rynchonema. 457 Pfeffer. Influence de la lumière sur la régénération des matières albumi- noïdes formées pendant la germina- tion. 281 Picard. Fer dans l'organisme. 689 Picard et Malassez. Fer dans l'or- ganisme. 589 Pierre (Isid.). Action toxique exercée par le Colchique d'automne. 452 Piette (Ed.). Flûte néolithique. 304. — Flûte composée à l'âge du Renne. 634. — Glacier quaternaire de la Garonne et âge du Renne dans les grottes de Gourdon et de Lortet. 640 Planchon. Vignes sauvages de l'Amé- rique du Nord. 459 Poisson (J.). Herborisation en Solo- gne. 630 Pomel (A.). Nouveaux matériaux pour la flore atlantique. 646 Populus (P.). Hémiptères de l'Yonne. 653 Pouchet (G.). Mission aux viviers-la- boratoires de Concarneau. 259 Pouech. Eléphant fossile de Pamiers. 106 Préaubert. Mode végétatif des Oro- banches. 643 Prévost. Action de la muscarine sur les secrétions pancréatique, biliaire et urinaire. 44? Prilleux (Ed.). Mouvements de la chlorophylle dansles Sélaginellées. 90. — Production de la gomme dans les arbres fruitiers. 91 Quatrefages (de) et Hamy. Crania ethnica. 79, 590. — Photographie de deux jeunes Akkas. 436 Raboisson. (Calcaire carbonifère à DES NOMS D AUTEURS. Saint-Nicolas de Rougemont. 466 Rabuteau. Suc gastrique. 590 Raffinesque (G.). Enveloppe dans les graines de Ricin et d'Aleurites trilo- ba. 287 Ramey (C.). Bourgeonnement chez le Caladium esculentum. 288. — Phénomènes observés sur un pied d'Amorphophallus Rivieri. 624 Ranvier (S.). Spectre produit par les muscles striés volontaires. 434 Ravin. Addenda à la flore del’ Yonne. 653 Reinhart. Ailes dans la famille des Pétrels. 262 Renault (B.). Végétaux silicifiés d'Au- tun. 96 Reverchon.Plantes rares ou nouvelles pour la France. 643 Rey (Ci.) Voy. Mulsant. Reydellet (de). Phosphorites de Bel- mez. 109 Richon(C.). Dendyphrium pulchrum. 629 Riley (G.-V,). Espèces américaines du genre Phylloxera. 590 Rivière. Nouveaux squelettes hu- mains de la grotte de Menton. 100 Robert (E.). Phénomènes géologiques de la vallée de l'Aisne. 102. — Volcans de la Haute-Loire 301— Fai- ble influence des eaux diluviennes sur la formation des vallées du bassin de Paris. 465 Robin (Ch.). Fécondation chez les Batraciens urodèles ovipares. 83 Rosemont |Chambrun de). Le Var et le Rhône pendant la période tertiaire et quaternaire. Rostañfinski. Voy. Janzcewski. 110 Rouget (Ch.). Développement du nerf périphérique chezles Batraciens. 441. — Développement de latunique cen- trale des vaisseaux. 442. — Migra- tion et métamorphose des globules blancs. - 611 Roumeguère. Apparition spontanée et semis de Stemonitis oblonga Fries 316. — Visite au jardin d'acclimata- tion de Collioure, 325. — La couleur et la forme peuvent-elles indiquer les propriétés alimentaires ou toxi- ques des Champignons ? 456. — Forme anomale de l'Osmundaregalis. 457. — Species montrueux d'Agari- cus mundulus Lasch. 625. — Quel est le physiologiste qui le premier a fait connaitre le mode de nutrition des Lichens ? 626 Roze (E.). Des Myxomyceles. 297 073 Sabatier (A.). Quelques points de l'anatomie de la Moule commune. 445 Sagot (P.). Germination des graines semées avant leur maturité. 459 Saint-Simon (de). Helix rangiana. 321 Saldanha (de). Quelques arbres em- ployés dans l'industrie brésilienne. 98 Saporta (de). Cycadée dans le dépôt miocène de Koumi (Eubée). 103. — Existence du Figuier dans la région de Paris à l’époque quaternaire. 638. — Et Marion. Couches supérieures de la molasse du bassin de Théziers (Gard). 470 Sauvage (E.). Reptiles fossiles du Boulonnais. 110 Schneider. Quelques points de l’his- toire du genre Gregarina. 266 Servel. Naissance et évolution des Bactéries dans les tissus organiques mis à l'abri du contact de l'air. 589 Seynes (de) Végétaux inférieurs. 612 Sicard (H.). Quelques épidermes vé- gétaux (Anal. par Duval-Jouve). 507 Sirodot. Fécondation des Batracho- spermum. 621 Swaen (A.). Voy. Tarchanoff. Tarchanoff et Swaen (A.). Globules blancs dans le sang des vaisseaux de la rate. 591 Targioni-Tozzatti. Nouvelle espèce et nouveau genre de Cirrhipèdes Lé- padidés. 609 Tchistiakoff. Développement des spo- ranges et de spores chez les Fougè- res. 275 Théry. Voy. Debat. Timbal-Lagrave (Ed. Quelques Campanules des Pyrénées. 644 Tison (E.). Analyse d’une fleur fraiche de Myristica. 287 Tombeck. Oxfordien et corallien de la Haute-Marne. 106, 301 Toucas. Géologie des environs de Toulon. 639 Tournouer. Fossiles miocènes de Ca- brières d’Aigues et du mont Léberon. 467. — Terrain tertiaire supérieur et niveau du Poltamides Basteroti dans le bassin du Rhône. 471. — Coquilles quaternaires de la Celle. Toussaint. Mécanisme de la rejection dans la rumination. ; A4 Traherne-Moggridge.Fourmis em- magasineuses et Araignées mineuses (Anal. par Paladilhe). 327. 494 Trécul. Théorie carpellaire d’après les Hippocastanées, les Liliacées et les 074 Mélanthacées. 283, 618 Tripier. Voy. Arloing. Urbain. Voy. Mathieu. Vaillant (L.). Écailles de la ligne latérale des Poissons percoides. 443 Van Beneden (Ed.). Distinction ori- | ginelle de l'ovaire et du testicule. 600. — Dauphin nouveau de la baie de Rio-Janeiro. 606 : Van Beneden (P.-J.). Baleines dela | Nouvelle-Zélande. 606 Vasseur. Hyænodon et Plerodon. 432 Vesque (J.). Espèces nouvelles du genre Dipterocarpa. 92. — Cristaux d'oxalate de chaux contenus dans les TABLE PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE DES NOMS D'AUTEURS. plantes. 279. — Apppareils lactici fères de l'Hartighsea spectabilis. 291 Vicaire (E.). Constitution physique du Soleil dans ses rapports avec la géologie, ù 300 Villot.Monographie des Dragonneaux. 428 Vilmorin (H.). Origine du Lilas-Varin et du Lilas de Perse. 296 Vinson. Acclimatation des arbres à Quinquina à l’île de la Réunion. 620 Wedell. Lichens du jardin public de Blossac, à Poitiers. 314 Ziegler. Transmission de l'irritation d'un point à un autre dans les feuilles des Drosera, 283 FA Re RE Re LR RCA RENMeS EPA Re LE nee Er svt Û re : ; RAI NE UE 7 AU QUELS na < Ave EE CARE LS an) ; se Ë 2” à SUPER ÿ ART | | DUT 3 2044 106 277 973 En ANS ESS, OS Le RES v ù sd "Y à | VE J 7 L” : A Re LA " 4 %. : { Fa c f